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1742, 09-10
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MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT.
SEPTEMBRE.
1742 .
QURICOLLICIT
SPARGIT
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty,
à la descente du Pont - Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XLII.
Avec Aprobation & Privilege du
THE NEW OPR
PUBLICLIRRAR
$ 35235
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
AVIS.
LADRESS
ADRESSE generale est à
Monfieur MOREAU ,
Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris . Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets 64-
chetés aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très - inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais .
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
l'heure à la Pofte, ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT
SEPTEMBRE .
1742 .
********************
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LES
DOUCEURS
D
DE LA
CAMPAGNE ,
A M. l'Abbé Dival &c.
,
Ans ces Lieux embellis par Vertumne
& par Flore ,
Je promene , à mon gré , les Graces ,
les Plaifis ;
Je vois les amoureux Zéphirs
Suivre la vigilante Aurore ,
A ij De
"
1914 MERCURE DE FRANC .
De qui l'éclat , les riches pleurs
Font naître chaque jour mille nouvelies fleurs .
Sous un feüillage épais , affis fur la verdure
Je goûte la volupté pure.
Là , par leurs naïves ardeurs
Les Bergeres des Bois , que guide la Nature ,
Préfentent à mes yeux des apas enchanteurs,
Les airs touchans de Philoméle
M'offrent des charmes féduifans ,
Et la plaintive Tourterelle
Ravit mon coeur par fes langoureux chants .
Libre de toute inquiétude ,
Je préfere les agrémens
De cette douce folitude
Au faftueux féjour des Grands .
Heureux , ce Mortel vraiment prude ;
Qui vit éloigné des hauts rangs ,
Et qui content de la ſageſſe ,
Au fein de l'oifive molleffe
Paffe fes plus joyeux inftans.
Mais revenons à ce féjour champêtre ;
Içi , couché deffous un Hêtre ,
Je m'endors au bruit des Ruiffeaux
Là , j'aperçois fortir du fein des Eaux
L'éclatant Dieu de la lumiere ,
Qui pendant toute la carriere ,
Dore par fes rayons ces fertiles Côteaux .
J'entens
SEPTEMBRE. 1742. 1915
J'entens répeter aux Echos
Les doux accens de Célimene.
Pour ouir ces Concerts nouveaux
Cérès abandonne la Plaine ,
La Nereide , la Fontaine ,
>
Et les jeunes Bergers fortent de leurs Hameaux.
Enfin , dans cet azile aimable ,
Où tout répond à mes défirs ,
Je chante quelquefois dans mes rians loifirs
Bacchus , dont le Jus délectable
Réünit par un fort durable
Les Ris , les Jeux , & les Plaifirs .
Par M. J..... du Bar.
Fuillet 1742,
REFLEXIONS fur les Remarques de
M. Danville , inférées dans le Mercure
d'Août 1742. Lettre de M. Lebenf.
, que loüer beau-
E ne puis ,
coup la réfolution que prend M.Danville
à la fin de fa Lettre , de ne plus écrire fur
Chora ; cette matiere , en effet , n'eft ui affés
intereffante ni affés abondante pour continuer
de la traiter , & ce feroit fatiguer le
Public par des redites. Je n'en doute aucu-
A iij nement,
1916 MERCURE DE FRANCE
cunement , puifque ce qui vient de paroître
là deffus n'ajoûte prefque rien à ce qui eft
dans fon Livre , & que ce n'eft qu'une repétition
de fes mêmes preuves.
Si les Ecrivains qu'il combat font fujets à
faire des fupofitions , comment prétend il
être exempt de ce défaut , fi commun dans
l'art de la Critique , lui dont les raiſonnemens
fupofent que les divifions des Peuples,
qui avoient lieu chés les Gaulois , furent les
mêmes chés les Romains , quand ils furent
devenus les Maîtres des Gaules ? Car s'il ne
fupofe pas cela comme incontestable, à quoi
lui fert d'alleguer fi fouvent les Fines ufitées
chés les Romains , habitans des Gaules
pour prouver que Genalum des Commentai-
Ics de Céfar whe
toit pas aux environs au Lieu
où eft fitué la Ville de Gien ? Pour que les
raifonnemens de M. Danville ne fupofaffent
pas cela , il faudroit que les Ecrivains , ou les
autres Monumens du tems, lui fourniffent la
preuve que les differentes divifions de Territoire
avoient été primitivement reglées chés
les anciens Gaulois , fuivant un plan & un
partage que les Romains n'ont fait
vre & adopter à la lettre .
que
fui-
Si je me reflouviens bien encore de quelques
regles de Logique , fa majeure doit être
ainfi conçûë : Le Territoire des differens Peuples
Gaulois ne devoit pas être plus étendu que
Pe
SEPTEMBRE. 1742 1917
1
1

l'a été depuis celui des Cités Romaines , établies
dans les Gaules. Et fa mineure : Or felon les
Monumens Romains & le partage des anciens
Diocèfes , telle Cité Romaine avoit fes limites
en tel Lieu , & telle autre en tel autre Lien ,
defquelles deux propofitions il conclut affirmativement
fur l'étendue du Territoire de
chacun des anciens Peuples Gaulois , par l'effer
d'un raifonnement qu'il croit bon , mais
qui ne vaut rien , parce que la majeure eſt
fauffe. Ainfi j'ai eu raifon de dire qu'il lui
reftoit à prouver que l'étendue des Peuples
Gaulois étoit bornée à l'endroit où il en fixe
les limites.
Au refte , pour que le zéle de M. Danville
fût bien placé , & qu'il fût bien fondé
felon les regles, à faire comprendre , comme
il le prétend , que j'ai eû tort de m'éloigner
du fentiment de M. Lancelot fur la pofition
de Genabum , il faudroit qu'il fût conſtant
par quelque endroit que ce n'eft que depuis
M. Lancelot que j'ai compofé mon Ecrit . Or
la vérité eft que j'avois rédigé ce petit Ouvrage
avant que M. Lancelot eût pensé à
compoferle fien;c'eft même de quoij'ai averti
le Public par une Note qui eft à la premiere
page. Que M. Danville ceffe donc de fupofer
le contraire , & de dire que je combats M.
Lancelot , puifque je ne pouvois pas combattre
une Differtation qui n'exiftoit pas , &
A iiij que
1918 MERCURE DE FRANCE
que la mienne eft antérieure à celle de M.
Lancelot ; ce qui eſt ſi véritable que dans la
fienne il fait mention des fentimens qu'il
avoit trouvés dans celle de ma compofition ,
que je lui avois prêtée. Si je n'ai publié cet
Opufcule qu'en 1738. c'eft que ce ne fut que
dans ce tems - là que je me rendis aux confeils
que me donnerent quelques amis de ne
point l'enfevelir dans l'oubli , difant que
quoique tout ne fût pas également fort , il y
avoit néanmoins des endroits qui pouvoient
donner lieu à quelque Découverte . M.Danville
, fans regarder la date de cet Ecrit , a
faifi l'occafion de fa publication pour fonner
l'allarme ; & pendant que les Sçavans d'Or .
leans font fort tranquiles , parce qu'ils connoiffent
ma bonne foi , & qu'ils font attention
à l'époque des deux Ecrits , il s'eft empreffé
de remettre fous les yeux du Public
les raifonnemens de celui dont l'Ouvrage eft
le dernier en date , je veux dire de M. Lancelot.
A l'égard de l'autorité de M. de Valois ,
qu'il fait beaucoup valoir , après M. Lancelot
, je dis que quoiqu'elle foit d'un grand
poids , je m'aperçois de plus en plus , qu'il
ne faut pas toujours jurer fur ce qu'il a foûtenu
; & je fuis perfuadé que M. Danville eft
affés éclairé pour penfer de- même.
M. Danville donne en abregé dans fa Lettre
SEPTEMBRE. 1742. 1919
tre , tout ce qu'il a dit dans fon Livre fur le
Lieu nommé Chora. Pour moi , je me difpenferai
de repeter ce que j'ai dit , & je le
laifferai écrire tant qu'il voudra , que c'est
agir en homme exact , que de ſe fier fur une
Carte auffi pleine de fautes que l'eft celle de
M. de Lifle , en ce qui regarde le voifinage
d'Auxerre.
Ce que j'ai apris de plus, depuis que mon
Ecrit eft imprimé dans le Mercure, conſiſte en
ce que M. Henry, Curé d'Arfy , qui étoit dernierement
à Paris , m'a affûré ; fçavoir , que
les plus anciens de fa Paroiffe n'ont aucune
idée qu'il y ait eû à Arfy ou dans les environs
, ni dans le Territoire de fes voisins
aucun Lieu nommé Querre , & qu'il n'a pû
en trouver lui même , quoiqu'il en ait fait la
recherche expreflément. Les cinq Seigneuries
de fa Paroiffe, font Arfy , qui eft le nom géneral
, Digogne Seigneurie où eft ſitué le
Clocher , Chaftenay , où font les fameuſes
Grottes , Beugnon , fitué à droite de la Riviere
, le Bois d'Arcy , où il y a un Prieuré ,
& enfin quatre Maiſons dans un Lieu dit la
Sauvain ou Lac Sauvain. M. Danville peutil
dire qu'aucun de ces noms conferve radicalement
celui de Cora : Quoique j'eufle vû
autrefois par moi -même tous ces Lieux , j'ai
été bien aife de me les faire remettre dans la
mémoire par des perfonnes qui les ont exa-
Av miné
1
1920 MERCURE DE FRANCE
minés encore avec plus de foin que moi . Il
en eft de -même du Querry , fur lequel il fe
rejette , & qu'il dit être fitué proche Vermenton.
Cette petite Ville renferme plufieurs Seigneuries
qui ne me font pas inconnuës , nonplus
que celles de fon voifinage , que j'ai auffi
autrefois vifité; mais aucune n'a de nom qui
reffemble à Querry. Et quand même on y
en auroit trouvé un , ce nom ne pourroit venir
de Cora , puifque la terminaiſon ſupoſe
un mot Latin finiffant par iacus ou iacum.
Dans tout le Diocèfe d'Auxerre nous n'avons
de noms aprochans de celui de Cora ,
après Crévan , que Curly , Hameau proche
Auxerre , fur la route de Troyes, & Cocurs ,
Hameau proche la Ville de Varzy : or ni l'un
ni l'autre de ces Lieux ne peuvent convenir
au Systême de M. Danville.
à
L'exemple qu'il donne pour prouver que
deux Villages , fitués fur la Riviere de Cure,
quatre lieuës l'un de l'autre , ont pû être
également apellés Cure tout fimplement , me
paroît peu concluant. A la vérité, il y a deux
Merry dans le Diocèfe d'Auxerre , éloignés
feulement de trois ou quatre lieuës , mais
auffi on ne les apelle pas fimplement Merry ,
ils font diftingués par des furnoms , & ces
furnoms font ceux-là même que M. Danville
allegue . Il faut qu'il avoue qu'il s'eft
trompé là- deffus. Puifqu'il
SEPTEMBRE. 1742 . 1921
1
>
felon M. Puifqu'il eft vraisemblable
Danville , que Crevan eft un nom Celtique,
il s'enfuit que c'eft un Lieu ancien . S'il eft
fi ancien , pourquoi ne feroit- il pas nommé
dans la Defcription du Diocèfe d'Auxerre
faite par l'Evêque S. Aunaire , au vi . fiécle ?
Et pourquoi tranfporter le nom de Cora
Vicus à un Lieu de tout tems inconnu , & qui
n'eft que l'effet de la faute d'un Graveur ,
pendant que ce même nom eft fi vifiblement
apliquable à un Lieu où la décharge de
la Riviere de Cure dans celle d'Yonne , facilite
la pêche , & a fait conftruire des vannes
à cet ufage & à celui des Moulins ? Car
il est bon que je dife auffi en paffant , que
les Moulins de cette petite Ville , ne font
point fitués fur l'Yonne , & n'y ont jamais.
été fitués , mais fur la Cure . Donc comme
la pêche & les Moulins ont toujours été regardés
relativement l'un à l'autre , & que
dans la baffe Latinité Venna & Pifcatoria
étoient affés fynonimes ; il n'eſt pas étonnant
que pendant que les gens d'Eglife apelloient
ce Lieu à leur façon Core vicus , les
Négocians ayent commencé à l'apeller conformément
à leur commerce , Cora venna ou
Cora benna , d'où par contraction la fuite du
tems aura fait Crevenna , que les Actuaires
auront enfin mis au neutre , Crevennum
,
conformément au ſtyle le plus ordinaire des
A vj noms
1922 MERCURE DE FRANCE
noms de Lieu ; apellation qui aura enfin prévalu
, & que les Eccléfiaftiques ont adoptée ,
laiffant là l'ancien nom Cora vicus.
Peut être M.Danville , qui fçair multiplier
les objections dans des chofes fimples , demandera
t'il qu'on lui fixe par quelques monumens
l'année , ou le tems de ces changemens
de nom. Mais cette demande fupoferoit
que dans l'antiquité on écrivoit tout , &
que de ces volumes immenfes d'Hiftoires ,
ou de Chartes , aucun n'a péri dans les guerres
des Sarrafins & des Normands ; ou que
les quatre ou cinq incendies arrivés à la Ĉathédrale
d'Auxerre , ont épargné les monumens
dans lesquels on auroit pû trouver ces
fortes de circonftances. Au refte quelle néceffité
y a - t- il de produire des titres des fix
ou fept premiers fiécles de J. C. pour prouver
que la pêche étoit fingulierement pratiquée
dans un Lieu où les Hiftoriens font
mention qu'on l'exerçoit au dixiéme fiécle ≥
Ne fuffit- il pas pour infinuer un fait de cette
nature , d'être sûr que la même Riviere , qui
favorifoit confidérablement la pêche ,y a toujours
paffé , & s'y est toujours jettée dans
une autre ?
Que M. Danville convienne ou ne convienne
pas , que Crevan eft un de ces Lieuxdont
le nom a été differemment modifié , il
n'en fera pas moins vrai de le dire.No us en
avons
SEPTEMBRE. 1742. 1923

avons encore un exemple tout récent , puifque
le grand nombre paroît aujourd'hui prononcer
Cravan que quelques uns même
écrivent Cravant. Le changement d'une
voyelle dans le mot ,& l'addition d'une confonne
à la fin,ne manquera pas de faire naître
de nouvelles conjectures dans l'efprit des
Etymologiftes des fiécles à venir , fur- tout
lorfque quelques uns l'auront latinifé en
Cravantus ou Cravantium. S'en défendra
alors qui pourra. J'ai dit tout ce qui me paroiffoit
le plus probable fur l'étymologie de
ce Lieu.
Après la fupofition d'un prétendu Querre
aux environs d'Arfy fur Care , M. Danville
me paroît finir fa Lettre par une autre fupofition.
C'est que toutes les fois que le mot de
voye ou de chemin fe trouvera joint à un nom
de Lieu, il s'enfuivra que ce Lieu eft fitué fur
un paffage où l'on doit fupofer une voye
Romaine . Je doute que les Sçavans regardent
cette propofition comme vraye & exacte.
Selon le Géographe des principes duquel elle
réfulte , je dois obferver » que la dénomina-
» tion de Sous voye , donnée à Nangy (proche
>> Auxerre ) à caufe du paffage de la voye
» Romaine fur la droite de l'Yonne , ne per-
» met pas de tranfporter certe même voye à
» la gauche de l'Yonne fur le Ruiffeau de
» Vallan. » Ce font fes paroles ; s'il veut
fa
1924 MERCURE DE FRANCE
fe donner la peine d'aller jufqu'à Auxerre , il
verra que la veritable voye Romaine qui
vient d'Avallon à cette Ville , & qui y aboutit
au - deffus du Fauxbourg méridional , n'eſt
pas de mon invention , mais qu'elle eft réellement
& de fait à la gauche de l'Yonne . Il ne
faut que des yeux pour s'en convaincre . Elle
eft encore en aflés bon état durant l'efpace
d'une lieuë ou environ , à la réſerve de quelques
diminutions , que des Vignerons y font
de tems en tems , enlevant le gazon pour
faire dans leurs vignes ce qu'ils apellent des
têtes , & quelques Laboureurs , en abaiffant
le même gazon , pour engraifler & agrandir
leurs champs . Au contraire de l'autre côté de
l'Yonne , il n'y a nul veftige de voye Romaine,
ni fur la route de Saint Bry, ni fur celle
de Noyers, proche laquelle eft le petit Hameau
de Nangy. Ce font des chemins ordinaires
des Caroffes publics , mais non des voyes
Romaines.
Ainfi , M. je puis fort bien finir à mon
tour du même ton dont M. Danville a débuté
, & dire , que c'eft fur des fupofitions.
qu'il dérange avec affurance une partie confidérable
de la Topographie du voisinage
d'Auxerre, qu'il transporte à fa volonté la voye
Romaine d'un côté de la riviere à l'autre ,
& qu'il confond par là la marche des anciens
Romains aux aproches de la même Ville .
Je fuis &e, LE
SEPTEMBRE. 1742 1925

LE PEINTRE ESCLAVE ,
CONTE.
UN Peintre voyageur fut pris par un Corfaire,
Et conduit au Roy de Salé.
Cà , dit-il fierement au Captif défolé ,
Bâtard du Titien , voyons ce que peut faire
Le Pinceau dont tu t'es vanté ;
Si tu réüſſis à me plaire ,
Je te promets la liberté.
Peins pour orner ma Galerie ,
Toutes les Nations , & que ton induſtrie
Fafle enforte que l'oeil dès le premier moment
En diftingue chacune à l'air , au vêtement .
Le Peintre dans l'efpoir de fortir d'esclavage ,
Dreffe fon chevalet , & pinceau d'imiter
Si bien , qu'à n'en pouvoir douter ,
On les reconnoifſoit à l'habit , au viſage.
Mais chaque Peuple étant vêtu
Suivant fa diverſe maniere ,
Dans fon image finguliere
Le feul François étoit tout na
Portans
1926 MERCURE DE FRANCE
Portant uniquement fur fon bras , qu'il replie ,
Une pièce d'étoffe . Où font donc tes eſprits ,
Dit le Monarque au Peintre , & par quelle folie
Peins- tu le François fans habit ?
Seigneur , lui répond- il , n'en foyez point furpris,
Il change fi fouvent de mode ,
Que mon Art ne fçachant où fe déterminer ,
Lui donne de l'étoffe , afin qu'il s'accommode ,
Comme il voudra l'imaginer.
**
Par M. Desforges Maillard.
康康
> REPONSE à la Lettre de M. Clérot
Avocat au Parlement de Rouen , inferée
dans le Mercure de Juillet 1742.
M
R Clérot a imprimé à diverfes reprifes
dans le Mercure de France , une
longue Differtation fur le Talon , & je ne l'ai
point aprouvé. Lui à fon tour n'aprouve point
ma Defeription de la haute Normandie ; & il ne
tient pas à lui a que ceux qui ne l'ont pas encore
lûë , ne la regardent comme un affés
mauvais ouvrage : cela va de fuite . Il falloir
bien s'y attendre. Mais comme je ne fuis pas
le Juge de M. Clérot , il n'eft pas le mien
non plus le Public decidera , s'il n'a pas
déja décidé. J'avois attaqué fa Differtation ;
il
SEPTEMBRE . 1742 1927
il a attaqué ma Deſcription. Je crois avoir
paré fes coups ; maintenant il fe met en de
voir de parer les miens. De quoi s'agit - il
entre nous ? Je lui ai foutenu que de la maniere
dont il nous a expofé dans fa Differtation
l'Hiftoire du Commerce des Phéniciens
, il couroit rifque d'être feul de fon
avis , & je fuis en droit de le foûtenir en
core. Car enfin il n'eft pas queftion de prou:
ver comme il s'efforce de le faire dans le
Mercure de Juillet dernier , que les Phéniciens
ont étendu leurs navigations & leur
commerce jufqu'aux extrémités de la terre
habitée ; c'eſt là prendre le change , c'eſt
vouloir nous inftruire de ce que nous fçavions
déja fuffiſamment , c'eft enfin prouver
très-inutilement ce qui n'eft point en contef
tation .

Le fujet de la difpute roule fur un point
unique & fort fimple. M. Clérot a - til prouvé
bien diftinctement & fans replique que
les Phéniciens foient les veritables fondateurs
de la Ville d'Arques ? Eft ce enfin des
Phéniciens , ou de leur Langue , que none
feulement cette Ville , mais encore le Village
d'Archelles , les Villages du Talou qui portent
le nom de S. Aubin , & le Talou même
, ont emprunté ces noms ? Il y a ici
quelque chofe de fingulier. On ne veut pas
que le nom de Ste Foi tire fon origine du
mot
1928 MERCURE DE FRANCE
mot grec Piftis ; on fe mocque de cette étymologie
, que je n'ai donnée que par conjecture
, & cependant on nous débite férieufement
comme un trait folide d'érudition
, que ce font les Phéniciens qui ont
donné à quelques Villages du Talou , non pas
le nom d'Aubin fimplement , mais le nom
de S. Aubin , nom qu'ils ont puifé dans leur
propre Langue . Attendons que M. Clérot
ait répondu , comme il le promet , aux objections
qu'on peut lui faire . Peut - être répondra-
t'il à celle - ci .
A Mad. de B. pendant fon fejour à B.
l'Automne dernier.
TEmoins de mes vives douleurs
Divinités de ces Bois fombres ,
A qui j'ai confié le fujet de mes pleurs ,
Epaiffiffez fur moi vos ombres ,
Dérobez à mes yeux la clarté qui nous luit ,
Couvrez - les , s'il fe peut , d'une profonde nuit ;
Que le Soleil ici ne trouve aucune iſſuë ;
*
Sa lumiere n'offre à ma vûë
Que des objets qui me font foupirer ,
Et de nouveaux motifs de me defefperer.
La feuille fechée
Tombe
SEPTEMBRE. 1742 1929
Tombe au gré du vent ;
La tigé panchée ,
Le Chêne fe fend ;
Diane cachée ,
Laiffe en paix les Daims ;
Pan & les Silvains ,
Les Amadriades ,
Faune & les Driades ,
Ont fui de ces Bois ;
1
Et , comme autrefois ,
Deffus ces fougeres ,
Les Nimphes legeres ,
Au fon des Hautbois
Ne viennent plus mêler leurs danfes ni leurs voix.
Tout me rapelle ici l'abſence d'Uranie ;
On n'y refpire plus , depuis qu'elle eft partie ;
La douce haleine des Zéphirs ;
Et l'Echo ne répete ici que mes foupirs .
Ce Ruiffeau, dont le cours a groffi par mes larmes ,
Ne fait plus qu'un bruit effrayant ,
Et ne forme point , en coulant ,
Ce doux murmure , dont les charmes
Me captivoient auparavant.
Hélas ! ai-je beſoin , pour nourrir ma triſteſſe ,
Et pour entretenir mes mortelles douleurs ,
Que la Nature elle- même s'empreffe
A mc
1930 MERCURE DE FRANCE
A me retracer mes malheurs ;
Et, pour ne pas ceffer de répandre des pleurs ;
Ne me fuffit- il pas de rapeller fans ceffe
Quelle étoit Uranie ? Hebé , par fa jeuneffe ,
Elle avoit de Junon toute la majeſté ,
De Pallas , toute la fageſſe
De Vénus , toute la beauté,
Et quand j'aurois perdu tout- à- fait la mémoire
De ces divines qualités ,
Mon coeur peut- il avoir oublié fes bontés ,
Dignes d'éternifer mes regrets & fa gloire ?
P ... ... de Bayonne , le 23. Juin 1742
LETTRE écrite de Befançon fur un terme
de la baffe Latinité , & fur une Danfe Eccléfiaftique
qui s'y faifoit le jour de Pâques.
Centendre le mot Bergeretta qu'on lit
E n'eft pas d'une Boiffon , M. qu'il faut
dans le Manufcrit que j'ai eu l'honneur de
vous communiquer , c'eft d'une Danfe Eceléfiaftique
qui fe faifoit dans nos Eglifes
Canoniales l'après. dînée du S.jour de Pâques,'
laquelle n'a entiérement ceffé à Bélançon
qu'en l'année 1738. (a ) Cette Danse avoit
(a) On m'a affûré depuis peu qu'il en fubfiftoir
encore des veftiges dans l'Eglife Collégiale de faint
Anatoile de Salins.
fuccedé
SEPTEMBRE. 1742 : 1931
fuccedé à certaines réjoüiffances pieuſes qui
vraisemblablement avoient tiré leur origine
de la pieté des premiers fiécles du Chriftianif
me , & qui s'étoient confervées dans l'Eglife
de Rome. C'étoit de cette premiere Egli
fe que nous avions emprunté ces pieufes
réjouiffances , puifqu'on trouve dans nos anciens
Ordinaires prefque toutes les mêmes
pratiques que celles qui font détaillées dans
les anciens Rituels Romains. Vous n'ignorez
pas la relation où les Eglifes des Gaules
ont toujours été avec celle de Rome
que nous fommes autant redevables aux
Souverains Pontifes de la plus grande partie
de nos Rits , que des précieufes lumieres de
la Foi qu'ils nous ont communiquées.

&
La joye qu'infpiroit aux premiers Chrétiens
la plus grande de leurs Solemnités
qui eft la Fête de Pâques , dont le principal
objet eft d'honorer la Refurrection de J. C.
& les Invitations réiterées que l'Eglife leur
fait dans fes divins Offices , de s'abandoner
en ce faint Jour à cette joye pure & innocente
, qui felon l'Apôtre (6) eft un des
fruits du S. Efprit , engageoient les plus
grands Héros du Chriftianifme , les Saints
les plus mortifiés , les Pénitens les plus auſtéres
, de marquer dans cette augufte Solemnité
quelque réjoüiffance fenfible. L'Hiftoire
(a) Epift. ad Gal. 5. 22,
de
1
932 MERCURE DE FRANCE
de l'Eglife en fournit un grand nombre d'exemples.
Un faint Pacome , fuivant l'ordre
de S. Palemon , fon Maître , préparoit le jour
de Pâques des herbes avec de l'huile , au
lieu du pain fec qu'ils avoient coûtume de
manger les autres jours . S. Grégoire le Grand
raconte dans fes Dialogues (a ) qu'un faint
Prêtre aportoit à S. Benoît le jour de Pâques
de quoi faire un meilleur repas. S. Antoine
portoit en ce jour la Tunique de feuilles de
Palmiers, qu'il avoit heritée de S. Paul, premier
Hermite. S. Athanafe fe paroit du manteau
que S. Antoine lui avoit laiffé . En un
mot c'étoit la coûtume des Chrétiens de
prendre en ce jour des habits plus précieux,
& même de faire meilleure chére .
C'eſt delà , fans doute , qu'il faut tirer l'o
rigine des réjouiffances pieufes & modeftes a
que nos Ancêtres faifoient le jour de la Réfurrection
du Sauveur du Monde . C'étoit
dans cet efprit que les Souverains Pontifes
de l'Antiquité , qui étoient des Modéles
acomplis de Pieté , de Réligion , & de toutes
les Vertus chrétiennes, paffoient ce faint
Jour dans une fainte joie . Le Cérémonial
(b) que Benoît , Chanoine de S. Pierre de
(a ) S. Gregor. 2. Dialog. C. 1 .
(b) Ordo Rom XI . Autor.Bened. pag. 141. Vide
fis Ord. Rom . XII . Autor. Cencio , pag. 186. g
187. in Mufao Italico .
Rome
SEPTEMBRE . 1742. 1933
Rome , dédia à Guy du Château , de Caftello,
élu Pape l'an 1143. & nommé Celeftin II ,
porte qu'au jour de Pâque le Souverain Pontife
donnoit à dîner à fon Clergé ; qu'il fervoir
lui même tous ceux qui étoient à table
avec lui , des morceaux d'un Agneau rôti ,
& qui avoit été béni ; qu'au milieu du Feftin
le Pontife faifoit chanter en contrepoint (a )
une Profe convenable à la Fête de Pâque ;
que cette Profe tant finie , les Chantres alloient
lui baifer les pieds , & qu'il leur préfentoit
lui même une coupe de breuvage .
Finita Miffa , ducunt illum ( Pontificem )
illo die in Bafilicam Leonianam in cameram
ubifunt præparata undecim ſcamna & unum
fubfellium circa menfam D. Pontificis..
furgit indè & venit ad locum qui dicitur cubitorum
, ubi Agnus benedicitur quem benedi-
...
(a) J'ai crû que ces mots Modulatis Organis , du
Texte , devoient être interpretés du Contrepoint
tel qu'il étoit au tems que le Chanoine Benoît
écrivit fon Cérémonial , lequel ne conſiſtoit guere
alors que dans quelques accords à la Tierce , ou
même à la Quinte , tems qu'il faut regarder comme
l'âge puerile de la fcience des accords de la Mufique.
Je fuis en cela l'Explication qu'a donnée du
mot Organum M. l'Abbé Lebeuf , qui le premier ,
que je fçache , a dévelopé la véritable fignification
de ce terme , lorfqu'il eft employé en matiere de
Chant. Voyez le beau Traité fur le Chant Eccléfiatique
de ce fçavant Auteur , publié l'année dermiere.
eit
1934 MERCURE DE FRANCE
cit..... Tunc D. Pontifex tollit parùm de
Agno , & priùs porrigit Bafilicario ..... Reliquum
Agni dat undecim difcumbentibus , &
aliis quibus placet . Ad dimidium verò convivium
ex præcepto Archidiaconi furgit quidam
Diaconus & legit Lectionem. Cantores autem
ex præcepto D. Pontificis cantant Sequentiam
qua fit conveniens Pafcha modulatis organis ;
eaque finita , cunt & ofculantur pedes Pontificis
qui dat eis coppam plenam potione.
Ce même Cérémonial ajoûte que le même
jour , à la fin des Vêpres , le Pape prenoit
encore des rafraîchiffemens avec fes Cardinaux
, pendant que les Chantres chantoient
la Profe Grecque , Pafcha ieron imin , fimeron
, &c. qu'à la fin il leur donnoit à chacun
une coupe à boire , après quoi tous fe retiroient
remplis de joie.
Finitis tribus Vefperis in Bafilica Salvatoris
, & ad Fontes & ad S. Crucem , redit D.
Pontifex in preparatam Porticum. Pofito ibi
faldifterio , fedet ipfe & alii Ordines circa eum.
Architriclinus autem cum aliis juvenibus ordinatè
praparat ante D. Pontificem potionem&
vinum bibit ipfe , & omnes alii bibunt. Interim
Cantores furgunt , cantant hanc Sequentiam
Gracam Pafcha ieron imin fimeron ; quâ
Sequentia finita eunt ofculantur pedes
Pontificis , dat eis bibere & coppam potionis.
Sic omnes lati recedunt. ·
Nos
SEPTEMBRE . 1742 1935
Nos anciens Archevêques de Befançon
ayant quitté le Rit Gallican , & ayant introduit
dans nos Eglifes l'Office Romain , adoprerent
auffi plufieurs autres Coûtumes , qui
s'obfervoient à Rome. Notre Rituel attribué
à S. Prothade , & que je crois avoir été rédigé
au tems d'Hugue I , comme je l'ai déja
dit dans une de mes lettres , marque qu'au
jour de Pâques l'Archevêque invitoit fon
Clergé à dîner ( a ) ; ( c'étoient non - feulement
les Chanoines de la Cathédrale , mais
auffi ceux des Collégiales qui devoient aſſiſter
en ces jours à la Meffe Epifcopale ; ) que
tous s'étant mis à table , avant toute chofe >
(a) Il fubfifte encore à Besançon un refte de cet
ufage , qui eft , à ce que je penfe , un veftige de la
vie commune, autrefois obfervée fi religieufement
dans nos Chapitres . A toutes les Fêtes Pontificales ,
quand M. l'Archevêque officie , il invite à dîner les
Chanoines de fon Eglife qui ont rempli quelques
fonctions particulieres à la Meffe folemnelle ,
comme fes Affiftans , les Diacre & Soudiacre , les
Choriftes , & c . A quatre de ces Fêtes , qui font
Noël , Pâques , la Pentecôte , la Fête de S. Jean
l'Evangelifte , il doit donner à dîner au Maître de
Mufique & aux huit Enfans de Choeur. En ces mêmes
jours les Dignités & Chanoines doivent pareillement
donner à dîner aux Chapelains , qu'on apelle
ici Familiers , & aux Muficiens . Ces repas dûs aux
Chapelains , Muficiens & Enfans de Choeur , font
apellés les Hôtes , & fe payent en argent depuis
plufieurs années .
B on
1936 MERCURE DE FRANCE
on bénifloit la chair d'un agneau ; (a ) qu'enfuite
le Chancelier impofoit le v. Epulemur
in azymis & c. que tous pourfuivoient avec
beaucoup de modeftie ; qu'après cela on fervoit
& on mangeoit en écoutant la lecture
; que le dîner fini on alloit à l'Eglife dire
les Graces , & l'on chantoit Nones ; que
Nones étant finies on alloit dans le Cloître ;
on s'y lavoit les mains , & on préfentoit à
boire à chacun.
D'autres Eglifes avoient à peu près les
mêmes pratiques. On lit dans la vie de S.
Ulric , Evêque d'Auſbourg , au dixiéme fiécle,
qu'au jour de Pâques il invitoit fes Chanoines
à dîner , qu'il leur fervoit de la chair
d'un Agneau & des morceaux de lard qui
avoient été bénits à l'Autel au tems de la
Meffe ; qu'il paffoit le tems de ce repas dans
une fainte joye ; qu'à l'heure marquée , une
grande troupe deSymphonistes venoient dans
la fale où ils exécutoient differens Airs de
Mufique ;, qu'après ces réjoüiffances redoublées
, les Chanoines recevoient une donne
par l'ordre du faint Evêque , pendant qu'ils
(a) On a continué long- tems à Befançon l'ufage
de benir à l'Autel un Agneau rôti , qu'on partageoit
enfaite pour être diftribué au Clergé . Mais à préfent
au lieu d'Agneau , avant la Poftcommunion , le Célebrant
benit des petits Pâtés de chair d'Agneau
e quels on diftribue au Clergé à la fin de la Meffe.
chanSEPTEMBRE.
1742 1937
chantoient un Répons de la Réfurrection
de Notre-Seigneur.
Sanctificato itaque cibo , carnes agni & par
ticulas lardi inter Miſſarumfolemnia benedicti
omnibus difpenfavit ,& tunc demum citum cum
eis cum omni gaudiofumpfit . Tempore autem ftatuto
fymphoniaci venerunt quorum tam copiofa
multitudo fuit , ut pænè inter capedinem aula
fecundum ordinem ftando impleviffent , & ires
modos fymphonizando perfecerunt . His ita gandiis
multiplicatis , Canonici , præcipiente Epif
copo , caritatem accipientes , & rogantes unum
Refponforium de Refurrectione Domini interim
decantaverunt.
Telles étoient les réjoüiffances modeftes
& innocentes que le Clergé faifoit le faint
Jour de Pâques . Mais dans la fuite des tems,
les hommes n'envifageant les chofes qu'avec
les yeux de la chair , voulurent des divertiffemens
d'un autre genre. On introduifit
dans le Lieu faint des danfes que l'Auteur
du Sermon 215. attribué à S. Auguftin , qualifioit
de fon tems de réjoüiffances payennes
, mais qu'on n'avoit jamais pratiquées
qu'au dehors des Eglifes , & non pas dans
Fintérieur. Erat Gentilium ritus inter Chriftianos
retentus , ut dicbus Feftis ballationes , id eft
cantilenas & faltationes exercerent. . . .Quia
fta ballandi confuetudo de Paganorum obfervatione
remanfit. On donna , dis - je , entrée
Bij
dans
1938 MERCURE DE FRANCE
dans les Eglifes à des danfes que les Payens
mêmes avoient hautement condamnées , que
l'Eglife primitive avoit cu fi fort en horreur,
que les faints Conciles avoient bannies
de la focieté des Chrétiens , que les Evêques
, au témoignage de S. Auguftin , ( a )
s'étoient toujours fait un devoir de réprimer ,
comme indignes de la modeftie Chrétienne .
quoiqu'on les voilât d'abord d'une fauffe
aparence d'honorer les Fêtes des Saints. Je
veux bien croire , pour le dire en paffant ,
que ceux qui les premiers mirent en pratique
ces danfes dans les Eglifes , fe crurent
autorifés par l'exemple des Hebreux , qui
après le paffage de la Mer Rouge accompagnerent
de la danfe le Cantique qu'ils chanterent
en actions de graces de la défaite de
l'armée de Pharaon , & de leur délivrance de
la perfécution des Egyptiens ; & encore par
l'exemple du S.Roy David, qui danfa autrefois
devant l'Arche d'Alliance. Mais ils
fe ,trompoient , en ce que la danfe des Hebreux
, & fur tout celle du Roy Prophete ,
n'étoient point des danfes , proprement dites
; c'étoient feulement (b) des geftes , des
attitudes , des proftrations , par lefquels les
premiers prétendoient marquer plus expref-
(a) Lib . 3. contra Parmenian . C. ult.
-
> (b) Reflex. Critiq. fur la Poëfie , & c . III. Partie,
Page 213. quatrième Edition .
fément
SEPTEMBRE . 1742 1939
fément leur reconnoiffance pour le bienfait
fignalé qu'ils avoient reçû, & David vouloit
témoigner le profond refpect qu'il avoit pour
le gage de l'Alliance du Seigneur , & la joye
qu'il reffentoit de la voir venir dans le
Temple de Jerufalem.
Oui , M M. les Chanoines & les Chapelains
de nos Eglifes Canoniales , danfoient
enfemble en rond dans les Cloîtres & dans
les Eglifes mêmes , lorfque le mauvais tenis
ne permettoit pas de danfer fur le parterre
ou gazon du Cloître , ce qui ne pouvoit pas
manquer de donner aux Afliftans un fpectacle
des plus plaifans & des plus rifibles.
Ces danfes font clairement marquées dans
nos anciens Rituels particulièrement dans
ceux de l'Eglife Collégiale de Ste Marie
Magdeleine. Dans celui de 1582. au Chapitre
du jour de Pâques , on lit ce qui fuit :
Finito Prandio , poft Sermonem , finita
Nona , fiunt Chorea in Clauftro , vel in medio
Navis Ecclefiæ , fi tempus fuerit pluviofum
, cantando aliqua carmina ut in Proceffionariis
continetur. Finita Chorea ...fit collatio
in Capitulo cum vino rubeo & claro & pomis
vulgò nominatis des Carpendus.
Dans un autre Ordinaire écrit feulement
depuis environ quatre- vingt ans , il eſt dit :
Sumpto Prandio , &finito Sermone , Domini
Canonici & Capellani, manibus fe tenen-
B iij
tes
1940 MERCURE DE FRANCE
tes , Choream agunt in Clauftro , vel in medio
Navis Ecclefia , fi tempusfit pluviofum. Poftea
itur in Capitulo , & ibi fit Collatio. Bibitur
trina vice's etiam diftribuuntur poma Carpandorum.
C'eft de cette Danfe , M. qu'il faut entendre
les mots Bergeretta & Bergerette de nos
Manufcrits , & non pas de la liqueur ou
boiffon , qu'on fervoit à la collation qui fe
donnoit à la fin de la Danſe . La raifon de
cette Explication eft que dans un Rituel
écrit vers l'an 1400. cette Boiffon eft apellée
Pigmentum , & non pas Bergeretta. Cum
cantatum fuerit , dit le Rituel , itur in Capitulo
ad collationem que fit de Pigmento & vino.
Or Pigmentum étoit employé dans les bas
fiecles , pour fignifier une efpece d'Hypocras
, qui étoit une liqueur compofée de
vin , de fucre & de differentes Epices , dont
nos Ancêtres faifoient un ufage fréquent
dans leurs Feftins , & dont on regaloit aufli
le Clergé en certaines Fêtes de l'année . ( a )
Au lieu que le mot Bergeretta étoit , felon
(a ) Le jour de Noël on diſtribuoit à Ste Magdeleine
de Besançon une certaine quantité d'Hypocras
aux Chanoines qui avoient affifté à la Meffe
de l'Aurore , fuivant un Article des anciens Comptes
de cette Eglife , qui eft en ces termes : Item ,
pour l'Hypocras de Noël , distribué aux Srs Chanoi
nes qui ont affifté à la Mofe du point du jour , 36 .
fols Etevenans.
toute
SEPTEMBRE . 1742. 1941
toute aparence , le nom propre de la Danfe.
Ce nom lui avoit été donné , à ce que je
penfe , ou à caufe des Airs fur lefquels on
chantoit certaines Hymnes compofées fur le
Myftére de la Réfurrection
de N. Seig. ou
plutôt certaines Profes rimées & cadancées ,
tandis que le Clergé danfoit. Ces Airs
étoient , peut- être , ceux de quelques Chanfons
vulgaires & champêtres de ce tems- là
apellées Bergerettes , dont on adapta la note
du Chant fur le Texte des Hymnes dont je
viens de parler. Peut - être aufi ce nom venoit
il de celui qui avoit introduit cette
Danfe , ou qui avoit compofé les Airs . On
fçait que les Danfes antiques avoient des
noms qu'elles avoient empruntés ou de leur
Auteur , ou du Chant qui regloit la Danfe ,
ou du Sujet qu'on prétendoit repréſenter en
danfant. Jean Meurfius a rangé felon l'ordre
alphabétique
dans fon Orchestra , les noms
de ces Danfes anciennes , ce qui forme un
Dictionaire
entier. Ce qui eft à obferver fur la
Danfe dont il s'agit ici , eft que les Hymnes
qu'on y chantoit étoient apellées Chanfons
qu'on
dans l'Ordinaire de 1400. déja cité. Poft
Nonam vadit Chorus in Prato Clauftri , &
ibi cantantur Cancelina de Refurrectione
Do.
mini &c. Il y avoit pour cette Danfe quatre
differentes Chanfons ou Airs , chacune de
plufieurs couplets , avec des reprifes ména-
Bij gees
1942 MERCURE DE FRANCE
.
gées d'une maniere convenable à la Danfe.
Les Chansons étoient précédées d'une Antienne
du feptiéme Mode , laquelle tenoit
lieu de Prologue , d'un Chant des plus
hétéroclites , & auffi barbare pour les paroles
que les Hymnes qui la fuivoient
l'une defquelles étoit auffi du feptiéme
Mode.
Voici le premier couplet de l'une de ces
Chanfons Latines , avec les Notes de l'Air .
Je l'ai tiré d'un Manufcrit qui fervoit pour
cette Danfe , telle qu'on la faifoit dans notre
Eglife Métropolitaine . Ce Livre fut don
né au commencement du xv. fiécle par un
Chanoine,nommé Hugues de Vilete , qui étoit
iffu d'une très- bonne Famille de Besançon.
J'ai arrangé les Notes de l'Air fur les paroles
, afin que vous puiffiez juger de la qualité
de cette Piéce . Vous reconnoîtrez que ,
quoi qu'elle foit notée dans le Manufcrit ,
avec les Notes ordinaires du Plain-chant,
la difpofition des fyllabes longues & bréves ,
& la conftruction du Chant , indiquent un
mouvement continu de la Méfure à deux
tems inégaux , dont le premier tems eft
en levant , lequel mouvement convient à
un Branle.
SEPTEMBRE . 1742. 1943
fi fi la fol la ut ut ut ut fi la fi ,
Fidelium fonet vox fobri--- a ,
fi fi la fol la ut ut ut ut fi la fi ,
* Convertere Si on in gaudi -- a ,
fi fi la fol la ut ut ut ut fi la fi
Sit omnium una la titiut
re re fol la ut ut
----- a
fi la fol fa fol,
Quos uni ca redemit gra- ti - - - a.
La Repriſe étoit * Convertere Sion , &c.
Après ce que je viens de dire , je ne crois
pas qu'il foit douteux , que le mot Bergeretta
fut le nom de la Danfe dont il s'agit
ici ; que fi dans la fuire on donna ce non
à la Boiffon ou Hypocras , que l'on bûvoit
après avoir danfe , ç'a été parce que la Danfe
étant la partie principale de la Cérémonie
elle aura communiqué fon nom à l'acceffoire..
9
Les Mémoires qui furent dreffés vers l'an
1653. pour la compofition du Cérémonial
qui eft encore aujourd'hui en ufage dans
l'Eglife Métropolitaine , par M. Jean Millet ,
qui,d'enfant de Choeur , étoit devenu par fon
mérite , Chanoine & Sous Chantre de cette
Eglife , & qui joignoit à une grande habileté
dans le Chant Ecclefiaftique , & même dans
la Mulique de ce tems là , une parfaite connoiffance
des Rits de l' glife de Befançons
ces.Mémoires, dis - je , que je viens de lire par
B v bazard
1944 MERCURE DE FRANCE
hazard à l'endroit où il eft parlé de la Fête
de Pâques , confirment l'explication que je
donne , car ils portent que la Proceffion ,
c'eſt à dire les trois tours qu'on faifoit dans
le Cloître , auxquels la Danfe avoit été réduite
, comme on le verra ci - après , étoient
apellés Bergerette.
Au refte ne vous perfuadez pas ,
M. que
la coûtume de danfer le jour de Pâques ait
éré propre au feul Clergé de Befançon . Durand
, qui écrivoit fon Rational des divins
Offices au XIII . fiécle en parle comme d'un
ufage commun à plufieurs Eglifes . ( a ) In
quil ufdam locis hac die ( Pafcha ) in aliis in
Natali , Pralati cum fuis Clericis ludunt vel in
Clauftris , vel in domibus Epifcopalibus , ita ut
etiam defcendant ad ludum pila , vel etiam ad
Choreas & Cantus .
Dom Martenne (b) raporte auffi une Danfe
qui fe faifoit à Châlons fur Saone ; mais
c'étoit le jour de la Pentecôte . Poft Completorium
fit Chorus in prato . Decanus Cantionem
primam , Veni fancte Spiritus ; cæteri fuas
dicant qui voluint , Latinè tamen. Il paroît
par ce texte de l'Ordinaire de Châlons que
cette Danfe devoit être de longue durée ,
puifque tous ceux du Clergé de cette Eglife
pouvoienty chanter leurs Chanfons ; après
(2 ) Rational. divin Off. lib. 6. cap . 83 .
(b) De Antiqua Ecclef. Diſcipl. pag. 543 .
cela
SEPTEMBRE. 1742. 1945
cela ils pouvoient bien prendre des rafraî
chiffemens.
,
Bonnet dans fon Hiftoire de la Danfe
dit qu'à Limoges le jour de la Fête de S.
Martial , Apôtre du Limoufin , le peuple
danfoit en rond dans le Choeur de l'Eglife de
ce Saint , & qu'à la fin de chaque Pfeaume ,
au lieu de Gloria Patri , il chantoit en langage
du Païs : Saint Marceau pregas per nous,
& nous epingaren per vous ; c'est -à- dire , S.
Martial priez pour nous , & nous danferons
pour vous.J'ai lû dans le même Auteur qu'en
Provence aux Proceffions folemnelles , il y
a encore des Danfes. !
,
Je dois cependant remarquer ici que ces
fades réjouiffances ne furent introduites dans
nos Eglifes de Befançon qu'affés tard . Ce qui
eſt bien certain , c'eft qu'on ne les y pratiquoit
pas à l'onzième fiécle , non plus que la Fête
des Foux qui cependant avoit déja la
vogue dans plufieurs Eglifes de France
comme dans celle de Sens , de Paris , & c.
En effet le Cardinal Pierre de Damien , alors
Légat en France & en Allemagne , en auroit .
eu connoiffance , lorfqu'il vint à Besançon
& il n'eut pas manqué de les défendre
comme il fit ailleurs , lui qui reprit fi féverement
un autre abus d'une bien moindre
conféquence , qui étoit que les Chanoines
deBesançon étoient affis durant la Pfalmodie
B vj. &
1946 MERCURE DE FRANCE
& pendant la Meffe , au lieu de refter de
bour ; lui , dis - je ' , qui étant de retour en
Italie , écrivit fur cela une ample lettre ( a ) à
l'Archevêque Hugues I. par laquelle il l'exhorte
par les motifs les plus preffans à extirper
cette coûtume qu'il jugeoit indigne de la
fainteté du Service divin. D'ailleurs le portrait
honorable que Pierre deDamien fait desChanoines
de Befançon dans fa lettre , ne permet
pas de penfer feulement qu'ils fe livraffent
alors à des Danfes dans les Cloîtres de leurs
Eglifes , & à de femblables extravagances.
Il est très- probable qu'elles n'y ont commencé
qu'après que nos Chapitres carent
ceffé la vie commune. Je puis même affurer
que toutes les groflieretés que l'on pratiquoit
dans les plus illuftres Eglifes du Royaume ,
comme la Fête de l'Afne à Rheims & c . ont
toujours été bannies de nos Eglifes , & je
ferois en état de prouver par de bonnes piéces
la vigilance continuelle de notre illuftre
Chapitre Métropolitain à entretenir toute
la bienséance & la modeftie qui font duës au
Lieu faint , mème dans les fiécles les plus
barbares , où l'on obfervoit tant de coûtumes
grotesques , que la fimplicité & l'ignorance
y avoient laiflé introduire.
Mais pour revenir à la Bergerette , le Con-
( a ) Opufcul. 39, cap. 2.
cile
SEPTEMBRE. 1742 1947
cile Géneral de Vienne ( a ) , auquel affifta
Clement V. & celui de Bâle ( b ) , ayant condamné
ces réjouiffances burlefques & indi
gnes de la fainteté de nos Eglifes , on ceffa
d'y danfer le jour de Pâques. Cependant l'attachement
aveugle qu'on avoit pour cette
coûtume, laquelle on ne pouvoit le réfoudre
de quitter entierement , fit qu'on fe reftraignit
à faire feulement quelques tours dans
les Cloîtres & que l'on fubftitua aux airs de
branle l'Hymne de Lactance , Salve Fefta
dies &c. Voici ce qu'en dit un Rituel de
notre Eglife de S. Etienne , écrit en François
vers le commencement du XVI . fiècle.
» Nones dites , on s'affemble au Cloître ;
& les Chantres pour chanter la Mufique ,
lefquels commencent Salve Fefta dies , &
» Meffieurs répondent , Quâ Deus , en allant
» par le Cloître , & puis les Chantres recom-
» mencent de chanter , & puis Meffieurs ré-
3
pondent l'autre vers Salve Fefta dies . Ainft
» ces deux vers le chantent alternatim par
» Meffieurs en tournant trois fois à l'entour
» du Cloître. Ayant parachevé les trois tours
» tous Meffieurs avec les Chantres vont à la
» Chapelle de S. Martin , & là font la colla
» tion en búvant de la Bergerette par trois
3.
( a ) Voyez la Clémentine Gravi nimirum ,
tit. XIIII. c. 1. de celebrat. Miffar.
( b ) Concil. Bafil. ann . 1431. Seff. 21 .
lib.
fois
1948 MERCURE DE FRANCE
» fois & du vin par deux fois , à fçavoir la
» premiere & la derniere . Et premier que de
" boire , l'un des Choriaux pourte une taſſe
d'argent pleine de vin au plus vieux Cha-
» noine en réception ou dignité , difant , Be-
» nedicite à haute voix , les Familliers répon-
» dent de même à haute voix : Dien gard la
» Cité & puis led. Sr Chanoine dit : Po-
» tum fervorum fuorum benedicat Rex Angelo
» rum. Lefdits Familliers répondent Amen.
,
D'autres Ordinaires de la même Eglife ,
écrits en Latin, portent la même chofe . Celui
qui fut dreffé en François l'an 1647. par M.
Nicolas Billeret , qui de Chanoine de l'Eglife
Collégiale de Sainte Magdeleine fut élû
Chanoine & Sous-Chantre de S. Etienne , à
caufe de fa belle voix & de fa grande capacité
dans le chant Eccléfiaftique , femble
donner à entendre qu'en ce tems - là on avoit
rétabli cette Danfe ; car dans le Chapitre de
la Fête de Pâques , il y a un Article intitulé
de cette forte , Pour les Danfes du jour de
Pâques , & dans le corps de l'Article il eft
marqué On dit Nones , après quoi tous
>> vont au Cloître , & fe tiennent l'un l'autre,
» le petit Chorial marchant le premier , &
» tient la Cappe (a ) du plus ancien Chanoi-
(a) Les Chanoines de l'Eglife Métropolitaine de
Besançon ont le privilege de porter au Choeur le
Rochet & la Chape violette , à la maniere de
, ne ,
SEPTEMBRE. 1742 1949
" ne , & ainfi confécutivement tournent
» trois tours à l'entour du Cloître , &c .
Ce qui m'étonne, c'eft que , quoique cette
Danfe & toutes les autres groflieretés de
cette efpece , ayent été défendues fous de
griéves peines par un Décret Synodal du
Diocèfe de Befançon , de l'an 1601. & précédemment
par un autre Décret de l'an
1585. on l'ait encore pratiquée long tems
après à Sainte Marie Magdeleine qui est une
Eglife d'ailleurs très- recommandable , ( a )
celle des Evêques . Ils l'apellent Cappe , du mot
Cappa. En hyver elle eft doublée d'Hermines , &
en été elle eft doublée de Tafetas cramofi . C'eft le
Pape Paul V. qui la leur accorda l'an 1609. par une
Bulle , datée du premier Juillet.
(a ) L'Eglife de Ste Marie- Magdeleine de Befançon
eft la plus célebre Coll giale du Diocèfe . Elle
eft recommandable par beaucoup d'endroits , &
en particulier par fon ancienneté & par un grand
nombre d'anciens ufages qu'elle a confervés ; mais
qui périſſent infenfiblement , furtout depuis trois ou
quatre ans. On voit dans fon ancien Nécrologe
l'Empereur Charlemagne au nombre de fes Bienfaiteurs
, ce qu'il faut entendre du tems qui a précedé
l'Erection de cette Eglife en Collégiale , faite
en 1028. par Hugues I. l'un de nos Archevêques ,
felon un vieux Manufcrit. Les meilleures Familles
du Pays s'empreffoient d'y poffeder des Bénefices.
Etienne de Bourgogne , fils de l'un de nos Comtes,
y étoit Chanoine au XIII . fiécle , il y fonda fon
Anniverfaire, pour lequel il affigna un Cens de 100 .
fols fur les Sauneries de Salins . Hugues - Michel ,
ainfi
1950 MERCURE DE FRANCE
ainsi qu'il paroît par l'Ordinaire de cette
Eglife , écrit depuis environ 80. ans , duquel
j'ai déja fait mention. Ce qui eft encore plus
furprenant eft que le Defructu , & d'autres
reftes de la Fête des Foux , comme l'élection
d'un Roy des Chapelains , apellé Rex Capellanorum
dans les vieux Ordinaires , lequel
officioit le jour de la Circoncifion , revêtu
de l'habit des Chanoines , placé fous un dais.
magnifique dans la place du Doyen de cette
nommé dans nos Manufcrits D. Hugo de Bifuntio
& quelquefois D. Epifcopus Parifienfis , y avoit été
auffi Chanoine ; il y a fondé des Chapelles & fon
Anniverſaire . La devotion qu'il avoit pour fainte
Magdeleine , laPatrone de fon Eglife , l'engagea à en
fonder la Fête du Rit folemnel dans les Eglifes Mé.
tropolitaines de S. Jean & de S. Etienne , où elle nefe
faifoit auparavant que du Rit femi - double. Cette
Fondation eft de l'an 1320. Les anciens Chanoines
de cette Eglife cultivoient beaucoup le Chant Eccléfiaftique
; ils fe piquoient , fur tout , d'en donner
les Bénefices , dont ils font Collateurs , à des Eccléfaftiques
qui avoient de belles voix , afin que le
Service Divin fe fît avec dignité. L'ufage où ils
étoient en ce point, porta cinq Chanoines en 1592 .
à s'opofer vigoureufement à l'inftitution que le
Chapitre avoit donnée d'une des Chapelles d'honneur
, chargées de la direction du Choeur , à un
Ecclefiaftique qui n'avoit pas toute la capacité néceffaire
pour cela ; & fur leurs remontrances , M.
l'Archevêque de Befançon caffa l'inftitution , & défendit
, à peine de nullité , d'en donner de femblables
dans la fuite.
Eglife
SEPTEMBRE. 1742 1951
Eglife ( a) , qui remplit la premiere Dignité du
Chapitre , & jouiffant pour la célébration
de l'Office divin des prérogatives du Chántre
qui remplit la feconde Dignité , & l'élection
d'un Roy des Chanoines qu'on apelloit
Rex Canonicorum , lequel officioit pareillement
le jour de l'Epiphanie ; ce qui eft de
plus furprenant , c'eft , dis - je , que ces folies
ayent été continuées dans cette Eglife juſqu'à
l'an 1710.Car ce ne fut qu'en cette année, que
fur les remontrances de la plupart des Chanoines
, de quelques autres perfonnes zélées
& fur le réquifitoire du Promoteur, queM.l'Ar
chevêque François - Jofeph de Grammont les
fuprima pour toujours par un Décret qu'il
rendit fur cela au tems de la vifite génerale
de fon Diocèfe , lorfqu'il vifita l'Eglife de
Ste Magdeleine. Et je ne vois pas comment
on peut excufer ceux desSupôts de cette même
Eglife qui avoient continué & foûtenu
(a) Le GrandTréforier de l'Eglife Métropolitai
ne de Besançon, eft Doyen né de l'Eglife de fainte
Marie-Magdeleine , depuis l'établiffement du Chapitre
de cette Collégiale . Anciennement il étoit
l'un des fept Prêtres Cardinaux qui affiſtoient à
l'Autel M. l'Archevêque aux jours folemnels ; il
étoit auffi l'un des fept Curés de la Ville . L'Eglife
de Ste Magdeleine étoit fon Titre , fuvant ure
Bulle du Pape Calixte II . Voilà pourquoi au tems
de l'érection du Chapitre , il en devint le Doyen ,
& y conferva tous les droits & tous les honneurs
dont il avoit joui avant l'érection .
CCS
1952 MERCURE DE FRANCE
les
ces abus profcrits depuis long- tems par
Canons des Conciles & par les Réglemens
Synodaux , fi ce n'eft en ce que l'attachement
aveugle qu'ils avoient pour la confervation
des anciennes coûtumes les empêchoit de
voir tout le ridicule de celles - ci , fe croyant
autorifés à les conferver à caufe du ferment
qu'on faifoit prêter à chaque Supôt à fa
premiere entrée , de faire à fon tour la Fête
de la Circoncifion , & celle des Rois . J'ai
même oui dire que des perfonnes pieufes
ayant autrefois reprefenté les défordres auxquels
toutes ces farces donnoient occafion ;
au tems même du Service divin , on leur répondoit
: C'est l'ancien ufage , il ne faut rien
changer ; comme fi la bonté d'une pratique
devoit être mefurée par le plus ou le moins
d'ancienneté. C'étoit par ces mêmes raifons
que le Chapitre de l'Eglife Cathédrale d'Au
xerre prétendoit vers l'an 1531. que l'on devoit
continuer le jeu de la Pelote & la Danfe
qui fe faifoient dans cette Cathédrale la feconde
Fête de Pâques , qu'un Chanoine
nouveau venu entreprit avec fuccès de faire
abolir , fans fe mettre en peine d'encourir la
haine & l'indignation des Zélateurs aveugles
de la prétendue antiquité. Mais ce ne furent
pas les bonnes raifons de ce Chanoine qui firent
ceffer ces défordres ; il fallut pour cela
l'autorité des Juges Laïcs du Baillige d'Auxerre
SEPTEMBRE . 1742. 1953
xerre & même celle du Parlement de Paris ,
lefquels en cette affaire montrent autant de
zéle pour la décence de la Maiſon de Dieu ,
que les Miniftres facrés firent voir d'opiniâtreté
à maintenir ces fottes réjouiffances.
J'ai dit ci- devant que ce fut après le Concile
de Bâle qu'on ceffa de danfer dans les
Cloîtres de nos Eglifes le jour de Pâques ;
mais que,pour ne pas abolir tout- à- fait cette
pratique pour laquelle on étoit paffionné ,
on fe retrancha à faire quelques tours dans
les Cloîtres , le Clergé marchant de file , l'un
après l'autre , ce qui fut ainfi continué , comme
je l'ai déja dit , jufqu'à l'an 1738. Voici
de quelle maniere cette Cérémonie fe fit encore
en 1737. pour la derniere fois.
A une heure après midi on annonça la
Cérémonie par le grand Carillon , & par un
coup de la groffe Cloche qu'on fonna en
volée. On lút au Choeur une Leçon qui
étoit le refte de l'Homélie des Matines . On
chanta Nones , après lefquelles on commença
la Bergerette en cet ordre. Le Marguillier
comme Maître des Cérémonies , revêtu
de fon habit de Choeur conduifit la bande.
Le plus ancien Dignitaire marcha feul le
premier fuivi d'un Enfant de Choeur qui
portoit la queuë de fa Chape ; tous les autres
Chanoines vinrent enfuite , l'un après l'autre
, chacun d'eux fuivi d'un petit valet porta
ng
1954 MERCURE DE FRANCE
tant la queuë de la Chape. Après le Sous-
Chantre , vinrenr deux Chapelains qui marchoient
enfemble . Tous entrerent dans le Cloître
, où ils firent trois tours fur le Parterre ou
Gazon; ils faifoient ces tours fous lesArcades,
quand il pleuvoit. Cependant les Muficiens
placés dans l'un des coins du Cloître chanterent
enMufique une efpéce de Cantique Latin
qui commençoit ainfi In hac die Dei , dicant
nunc Galilei , quomodo Judai Regem perdiderunt
, &c. Les deux Chapelains répéterent les
mêmes couplers en Plain- chant . Les trois
tours étant finis , on chanta le Regina Coeli
latare , & on récita les Pfeaumes Miferere
& De profundis pour un Chanoine de S.
Etienne , nommé Hugues Garnier , qui avoit
fondé la colation .
En réfléchiffant fur cette colation , il m'eſt
venu en penfée que ce Chanoine étoit peutêtre
un Zélateur de l'antiquité gothique , &
qu'il avoit fait cette Fondation dans le deffein
d'engager les membres du Clergé à ſe rendre
affidus à cette Danfe , pour qu'elle fe fit plus
folemnellement.
J'avois deffein d'ajouter à ce que je viens
de dire de notre Bergerette quelques réfléxions
, que j'ai faites fur une autre Cérémonie
, que je crois avoir été une autre Danſe
Eccléfiaftique , qui fut pratiquée ici le 10 .
du mois de Juillet de l'an 1453. Mais commc
SEPTEMBRE. 1742. 1955
me ma lettre n'eſt déja que trop longue , &
que d'ailleurs je n'ai pas tous les éclairciffemens
néceffaires pour écrire convenablement
fur cette Cérémonie je me contente pour
le préfent de copier ici ce que j'en ai lû dans
un Manufcrit.
>
Sexcallus folvat D. Joanni Caleti Matriculario
S. Joannis quainor fimafias vini per dictum
Matricularium exhibitas illis qui Choream
Machabæorum fecerunt 10. Julii nuper
lapsâ horâ Miffa in Ecclefia S. Joannis Evangelifta
propter Capitulum Provinciale Fratrum
Minorum. Je fuis , Monfieur , &c.
A Besançon ,
le 4. Juillet 1742 .

EXHORTATION PATHETIQUE,
EN
CONTE.
N Bas Poitou , Pays Juſticier ,
N'a pas long-temps qu'un Docteur menoit pendre
Un vieux Larron ; & tout par le fentier
L'admoneftoit , comme on pouvoit l'entendre ,
Avec ce ton perfuafif & tendre .
C¸à , mon- Ami , dites votre in manus
Vous connoiflez le Monde & fes abus ;
Tournez vers Dieu déformais vos pensées
Eq
1956 MERCURE DE FRANCE
Et renonçant à vos erreurs paffées ,
Promettez- lui de n'y retourner plus.
Par M. Desforges Maillard.
***********滋*****
QUESTION DE PHYSIQUE,
adreffée à M. l'Abbé Baillard Dupinet
fçavoir , fi le froid & le chaud élémentaires,
allongent & racourciffent les Métaux ?
Ourrois- je mieux m'adreffer qu'à vous ,
P Monfieur , pour avoir la folution des
doutes où m'a mis votre lettre , inférée dans
le Mercure de Février dernier , page 254 ?
Je fçavois bien , & l'expérience journaliere
le fait aflés fentir, que le feu gonfle & allonge
les Métaux ; qu'un fer , par exemple , qui
rougit dans la forge , devient fenfiblement
plus gros , & qu'il revient peu à peu dans
fon premier état , à mesure qu'on l'expofe
à l'air ; mais que le froid & le chaud
des faifons puiffent allonger & racourcir ces
mêmes Métaux , c'eft un langage fi nouveau
pour moi , & , je crois , pour bien d'autres ,
que depuis fix femaines que j'ai lû ce que
Vous en avez écrit , je ne fuis point encore
revenu de ma furpriſe.
Je fus d'abord tenté de prendre la liberté
que
SEPTEMBRE. 1742. 1957
>
que je prends aujourd'hui de vous écrire ;
mais outre que j'étois furchargé d'ouvrages
je ne doutai point que quelqu'un, plus en état
que moi de parler fur cette matiére , ne fe
chargeât volontiers de la commiffion , & je
me flatois par là de pouvoir être éclairci, fans
expofer mon ignorance au grand jour. Il eft
arrivé tout le contraire de ce que j'attendois ,
puifque je trouve dans le Mercure d'Avril ,
dernier P. 692. une Lettre anonime , laquelle
vous contredit fur certains articles , & femble
vouloir rencherir fur celui de l'allongement
des Métaux . Permettez donc , M. que
je vous expofe mes petites reflexions , & que
je vous demande au nom du Public . des
éclairciffemens fur une découverte auffi finguliere
que celle- là
,
,
Vous parlez d'abord d'un moyen imaginé
par M. Julien le Roy , Horloger de Paris ,
pour corriger l'irrégularité que produit cet
allongement prétendu fur la verge du Pendule
, & vous parlez enfuite de lui fubftituern
autre moyen plus fimple, & qui renferme
les mêmes avantages. Tout cela paroît fort
ingénieux. Mais n'eft il pas à craindre que ce
ne foient des remedes fort recherchés , pour
guerir un mal imaginaire , qui n'exiſte nulle
part ? Il est vrai que d'habiles Artiftesen atteftent
la vérité , mais dans tous les tems les
Phyficiens ont crû entrevoir certaines chofes
dans
1958 MERCURE DE FRANCE
dans la Nature , dont ils ont été pleinement
détrompés par la fuite. Combien de chofes
n'attribuoit - on pas à l'horreur du vuide , lefquelles
on reconnoît aujourd'hui n'être l'effet
que de la péfanteur de l'air & des loix de
l'équilibre ? Et pour ne pas nous écarter de
l'Horlogerie , à combien de fauffes cauſes ne
devoit- on pas attribuer l'irrégularité des Pendules
avant qu'on eût reconnu l'irrégularité
aparente des mouvemens du Soleil ?
N'auroit il pas été plus à propos , M. d'indiquer
au Public dans votre lettre , les principales
expériences qui fervent à prouver cette
variation des Métaux , afin de mettre les
Curieux en état de fe convaincre par euxmêmes
d'une vérité qui paroît fi difficile à
croire ? Alors les moyens dont vous parlez
auroient parû d'autant plus eftimables que
befoin auroit été plus réel.
le
Vous me direz peut - être qu'il a parû des
Ecrits fur cette matiére , & que les Sçavans
Horlogers en font affés inftruits . Mais
quand cela feroit, M. ce que je ne crois pas,
le peuple des Horlogers , ( paffez - moi l'expreffion
) eft- il fi méprifable, qu'il ne mérite
pas un éclairciffement fur une matiére qui
l'intereffe fi fort ? J'ai travaillé long-tems
chés d'habiles Maîtres à Paris , à Genêve ,
à Rouën; ignoroient- ils cette vérité , ou doisje
penfer qu'ils ayent voulu m'en faire un
myftere ? En
SEPTEMBRE. 1742. 1959
En attendant, M. que vous , ou quelque
perfonne charitable veuille fe donner la
peine d'inftruire le Public de la maniere
dont on doit s'y prendre, pour s'affûrer de ce
que vous avancez, voici ce que j'ai fait moimême
depuis la lecture de votre Lettre.
J'ai mis un fil de laiton , d'une ligne de
diametre & de quatre pieds de long dans
un four, affés chaud pour cuire du pain ; j'ai
apuyé une extrémité de ce fil contre un point
immobile , & j'ai tiré une ligne très-fine à
l'autre extrémité fur la pierre,proche la porte
du four ; je l'ai fermée pendant un démi
quart d'heure , & après l'avoir ouverte je n'ai
pas pû reconnoître le moindre allongement
du monde, quoique le fil de laiton fût chaud,
à ne pouvoir pas être fouffert dans la main.
Commeje ne méfie beaucoup de mes lumieres
, j'ai crû que cette fituation horizontale
pourroit bien n'être pas auffi propre à l'allongement
que celle d'une verge de Pendule
qui eft verticale & chargée d'un petit poids.
C'est pourquoi j'ai fait une feconde expérience
avec un fil ou corde de Clavecin du
Numero 12. que j'ai attaché au haut d'une
planche , & l'ai chargé par le bas d'une once
de plomb. Mais ce fecond fil expofé au
même endroit dans cette nouvelle fituation
n'a pas mieux obéi aux impreffions de 1
ch . Leur que le premier dort je viens de rar
C ler
1960 MERCURE DE FRANCE
lrr. La Nature feroit - elle d'accord avec les
habiles Maîtres que j'ai connus , pour me faire
un myftere d'une chofe qu'elle femble avoir
pris plaifir de manifefter à tant d'autres ?
Si ces expériences ne font pas afflés fortes ;
M. pour balancer votre opinion , elles font du
moins fuffifantes pour me faire fufpendre
mon jugement , jufquà- ce qu'on les détruife
par d'autres meilleures . Mais quand
même je ne les aurois pas faites , je trouverois
allés d'autres raifons ailleurs , pour me faire
douter de la variation des Métaux .
2 En effet, M. dans quel Océan d'incertitudes
allons - nous tomber , fi les impreffions de
l'air peuvent produire fur les Métaux les
changemens que vous leur attribuez ? Car ,
ou ils font fenfibles , ces changemens , ou
ils font infenfibles. Dans le fecond cas nous
ne devons pas nous y arrêter , & dans le
premier nous ne fommes plus fürs de rien .
Les Inftrumens des Aftronomes , ces
quarts de Cercle de plufieurs pieds de rayon,
deviennent inutiles , ou pour mieux dire.
n'ont jamais fervi qu'à nous tromper , car
les Aftronomes n'ayant point eû égard à la
température de l'air , lorſqu'ils ont fait leurs
Obfervations Aftronomiques, les angles vifuels
auront été plus grands ou plus peties
que ce que l'on penfoit , & tout le calcul
aura poité fur un faux principe.
Que
SETEMBRE. 1742 1961
}
Que fi nous enviſageons ces mêmes Obfervations
par raport aux Pendules dont on
s'eft fervi pour les faire , elles feront encore
beaucoup plus défectueufes , puifqu'il ne
peut point y avoir cû d'Horloge jufte avant
la découverte en queftion . Il ne doit même
point y en avoir aujourd'hui puifque les
Horlogers font fi peu d'accord fur les moyens
d'éviter ce défaut.
Les poids & les mesures n'auront plus rien
de certain. Un pied de Roy , par exemple ,
fera plus ou moins gras , fuivant la température
de l'air , au moment qu'on l'aura pris
fur la toife matrice. La verge d'une Romaine
fera plus longue en été qu'en hyver , & fi
l'on y pefe une Marchandiſe précieufe , il y
aura de la perte pour le vendeur ou pour
l'acheteur.
Convenez avec moi , M. que fi le Métal
s'allonge par la chaleur , plus la pièce fera
longue & plus l'allongement fera fenfible.
Or , puifqu'une verge de Pendule de deux
ou trois pieds , s'allonge affés pour la déranger
fenfiblement , une verge de renvoi pour
les aiguilles des groffes Horloges , qui aura
douze ou quinze pieds de long , s'allongera,
de façon que les étoiles n'engraineront plus ;
c'eft cependant ce qu'on n'a pas encore vû.
Si le Métal peut s'allonger , il doit aui
s'élargir par la même raifon , & il paroît
Cij même
1962 MERCURE DE FRANCE
merge
même quefi l'air exerce quelque action fur la
du Pendule , il doit plutôt la groffir que
Vallonger , ce que je prouverai plus bas. Mais
fi le Métal peut s'élargir, que deviendra toute
l'Horlogerie L'élargiffement des roues
caufera un engrainage plus fort , & lorfque
je croirai corriger mon Horloge par la verge
du Pendule , elle fe dérangera par le changement
d'engrainage .
Je viens de dire que fi , fuivant votre opinion
, l'air exerce quelque action fur la verge
du Pendule , elle doit plutôt la groffir que
Fallonger. Voyons ſi je pourrai le prouver.
La raifon la plus plaufible fur laquelle
vous puiffiez fonder la dilatation extérieure
des Métaux , doit être , fans doute , M. la
dilatation intérieure des petites Particules
d'air renfermées dans les parties de ces Mé,
taux , lefquels fe mettant en mouvement par
l'action de la chaleur, occupent plus de plice
& obligent les parties voifines à prendre en
dehors ce qu'elles occupent de plus en dedans,
Pour rendre ce raifonnement plus familier,
nous n'avons qu'à groffir en idée ces particules
ou bulles d'air , en les fupofant , par
exemple , d'environ une ligne de diametre
an peu moins. Cette fupofition ne changera
rien à la nature des choles .
·Supofons donc une verge de Pendule d'ue
longueur arbitraire, d'une ligne d'épaiffeur
&
SEPTEMBRE. 1742. 1963
& de deux lignes de largeur.Supofons auffi lesbulles
d'air d'environ une ligne de diamètre,
rangées deux à deux dans toute la longueur
de la verge du Pendule , & travaillant tou
tes également pendant la chaleur à pouffer
en dehors les parties du Métal qui les empêchent
de s'étendre à leur aife ; choififions
à volonté trois paires contigues de ces bulles
d'air que nous avons fupofées deux à deux.
N'eft- il pas vrai , M. que la paire du milieu
trouvera beaucoup moins de difficulté
à écarter les parties du Métal en dehors où
rien ne leur réfifte , qu'à pouffer en haut &
en bas , où elles trouvent des bulles égales
en forces , qui leur difputent le terrain. Il eft
donc vrai que chaque bulle en particulier
trouvera plus de facilité à pouffer en large
qu'en long, & par conféquent la verge du
Pendule doit plutôt s'enfler que s'allonger;
&, fi vous me permettez de joindre à ce raifonnement
une Expérience qui femble y
avoir beaucoup de raport , j'aurai l'honneur
de vous dire , & tous les Forgerons le fçavent
bien , qu'une barre de fer qu'on met au
feu , groffit beaucoup plus à proportion ,
qu'elle ne s'allonge. L'aplication du principe
ne paroîtra pas difficile.
Il eft tems que je finiffe cette lettre , qui
n'eft déja que trop longue , je me flate donc , M.
qu'en attendant que je fois convaincu par les
C iij Ex1964
MERCURE DE FRANCE
Expériences que vous aurez la bonté d'in
diquer au Public , vous me permettrez
de croire que les parties des Métaux font
trop dures & trop compactes pour céder
aux impreffions de l'air , tandis que ce n'eft
qu'avec beaucoup de peine que le feu luimême
peut les féparer , pour s'y faire un paffage
. Si les Horloges ont des irrégularités
dont on ne connoît pas encore bien la cauſe,
il faut chercher & ne pas fe laffer ; mais
rien ne rend le travail plus ingrat , que de
marcher dans un chemin qui nous éloigne
du vrai , bien loin de nous y conduire.
J'ai l'honneur d'être avec un très- profond
refpect , Monfieur , & e.
TASSEL , Horloger.
A Avignon , le 18. Mai 1742 .
ODE
A ORIANE, pour le jour de fa Fête.
DEfcends de la voûte azurée ,
Fille du plus puiffant des Dieux ;
Que par toi ma Lyre infpirée
Donne des fons harmonieux ;
Tu dois favorifer mon zéle
En
SEPTEMBRE . 1742:
1965
En faveur de cette mortelle ,
Sur qui tu répands tes bienfaits ;
MINERVE , il y va de ta gloire ;
Je veux transmettre à la mémoire
Et les vertus & les attraits .
*
Ah ! tu réponds à ma priere ;
Habitans du ſacré Vallon ,
J'entre avec vous dans la carriere ,
Qu'en ce jour vous ouvre Apollón.
Cédez à l'ardeur qui m'anime ;
Je vais , dans un effor fublime ,
Enfanter les Vers les plus beaux ;
ORIANE , quel feu m'éclaire !
Heureux jour , fi je puis te plaire
Et triompher de mes Rivaux !
*
Dans tes traits , aimable mortelle ,
Quelles graces ! quelles beautés !
De tout ce que je vois en elle ,
Grands Dieux ! mes yeux font enchantés.
Quand votre pouvoir la fit naître ,
Dès que vous la vites paroître ,
Vous fentîtes tous en ce jour ,
Que dans vos coeurs , Maîtres du Monde ,
Comme Venus fortant de l'Onde ,
Elle faifoit naître l'Amour.
C iiij
Pourrions
1966 MERCURE DE FRANCE
Pourrions nous des plus vives flâmes
Ne pas reffentir les ardeurs ?
Ses vertus enchantent ros ames ;
Ses beaux yeux embrafent nos coeurs,
A célebrer cette fageffe ,
Qui l'éclaire & guide fans ceffe ,
Mufe , confacre tes travaux ;
Voi dans ces qualités divines ,
Que Minerve a fes Héroines ,
Ainfi que Mars a fes Héros.
>
*
Qu'un autre au gré de fon attente ,
Chante la gloire des combats ;
Non , cette chimere éclatante
A pour moi de foibles apas.
Répondez , yous , qui fur la terre
Admirez ces foudres de guerre ,
Qui mérite mieux des Autels ,
Ou d'un vainqueur à qui tout cede
Ou d'une Beauté qui poffede
Les coeurs des Dieux & des Mortels ?
*
Goûtons un deftin favorable ;
I D'Amour fuivons les Etendarts ,
Et fur l'objet le plus aimable
Allons épuifer nos regards .
Contem
SEPTEMBRE. 1742 1967
Contemplons ce beau caractére ,
Cet efprit , cette ame fincére ,
Cette bonté , cette candeur.
Dans les yeux l'Amour prend les armes,
Rien ne peut égaler fes charmes ,
Que les fentimens de fon coeur.
*
Une nouvelle ardeur m'inſpire ;
Quel Spectacle s'offre à mes yeux !
Sur l'aîle du tendre Zéphire
Flore vient embellir ces Lieux .
Ses pas ont devancé l'Aurore ,
Et mille fleurs viennent d'éclore
Dans le fein des Ris , des Amours ;
Hâte-toi , charmante Déeffe ;
Que ta brillante Cour s'empreffe ;
Ce jour eft le plus beau des jours.
*
Toi , par qui l'Amour nous engage ;
Objet de nos tendres défirs ,
ORIANE , reçois l'hommage
De nos voeux & de nos foupirs ;.
Ah ! quand dans une douce yvrefle ,
Pour toi , fur les bords du Permeffe ,
Je cueille les plus belles fleurs ,
Ma Lyre , en ce transport fincére ,
Ст Peut
1968 MERCURE DE FRANCE
Peut-elle efperer de te plaire ,
Comme tu plais à tous les coeurs ?
܀
Tel qu'un Aigle qui fend la nuë
J'aime à m'élever dans les airs ,
Et d'une route peu connuë
J'affronte les périls divers.
Belles , dont la troupe adorable
Du deftin le plus agréable
Sçait enchaîner la volupté ,
Pour prix de ces plaifirs tranquiles ,
Que je goûte dans vos aziles ,
Recevez l'immortalité.
Par M. B ** d'Aix..
*******************
LETTRE écrite à M. D. L. R. par
M...... le 30. Juin 1742. au fujet
D'ISOTTA de Rimini,
A
Mateur des Lettres & de la Vertu ;
M. vous avez parû craindre dans
votre lettre publiée dans le Mercure du
mois de Septembre de l'année derniere
qu'Ifotta , fi célebre par l'efprit , n'eût deshonoré
fes talens éminens par des vices du
coeur , qui ne nous permettroient pas de la
regarder
SEPTEMBRE . 1742. 1969
regarder comme un modéle de Vertu , lorfque
nous fommes forcés de l'admirer comme
un prodige de Science .
Je crois avoir de quoi vous raffûrer , en
établiffant qu'il y a eû deux Ifotta , & en
écartant l'idée du vice de l'Ifotta qui pourroit
en être foupçonnée . Toutes deux avoient
une origine illuftre , beaucoup d'efprit & de
goût pour les Sciences & pour les Arts ;
par- là, elles fe reffemblent parfaitement, mais
le lieu de la naiffance , la difference d'état
& l'ufage de leurs talens les diftinguent affés
, pour qu'on ne foit point expofé à les
confondre.
L'une , née à Veronne , peut être proposée
comme le modèle de la Vertu la plus fcrupuleufe
, & l'autre , née à Rimini , comme
celui d'une Vertu plus commune , qui n'eft
cependant guére moins eftimable . C'eft le
hazard qui a fait naître les legeres obfervations
que j'ai l'honneur de vous envoyer ;
n'attendez donc pas de moi tous les éclairciffemens
qu'on peut donner fut ce Fait Hiftorique
; mes occupations ne me laiffent pas
ce loifir. Si quelqu'un , plus inftruit que
moi veut à cette occafion l'aprofondir
davantage , j'aurai rempli ce que je me ſuis
propofé.
Un ami m'a donné le Poëme , ou le Livre
Lotteus , que M. Huguetan dit , dans fon
C vj Voyage
1970 MERCURE DE FRANCE
Voyage d'Italie , être fort rare : ma curiofité
a été piquées je l'ai lû attentivement , &
par l'analyfe que j'en ai faite , & que je vais
encore abréger ici , on fera en état de juger
de l'Ouvrage , & fi la diftinction des deux
Ifotta eft bien fondée.
Ce Livre a été imprimé à Paris en 15397
pour la premiere fois . Chriftophe Preudhomme
le jugea digne de l'Impreffion , &
d'être offert à François- Antoine Marquis de
Pont , Fils aîné du Duc de Loraine . Je croirois
cependant volontiers que ce Poëme auroit
pû être oublié. Il ne contient , ce me
femble , rien d'intéreffant ; l'ordonnance en
eft mal digerée , les vers peu exacts, la Latinité
médiocre , & quelquefois vicieuſe . Des
lettres d'Ifotta à * Sigifmond , des réponſes
de Sigifmond à Ifotta , quelque vivement
que leur amour y foit exprimé , peuventelles
jamais compoſer un Poëme C'eſt
néanmoins ce qu'a voulu écrire Porcelius ,
& ce qu'il a prétendu nous faire entendre
en le divifant en quatre Livres.
Ce Poëte avoit le goût Epiftolaire ; le
Poëme qui précede , intitulé , De amore
Jovis in fottam s'en reffent. Ce font des
lettres de tout le Ciel Payen fur l'amour
malheureux de Jupiter pour Ifotta . Ce Dieu
Sigifmond Pandulfe Malatesta , Prince de
*
Rimini.
cft
SEPTEMBRE . 1742 1971
eft furieux de la réſiſtance d'Ifotta , qui lui
préfere hardiment Sigifmond ; il cherche à
intéreffer les autres Dieux , ou à le rendre
heureux , ou à contribuer à le venger , mis
ils paroiffent plus touchés de la vertu d'Ifotta
que de la paffion de Jupiter ; ils tiernent
confeil ; Venus & Pallas fe chargent de
calmer fa fureur & de le rapeller à la raifon.
On aperçoit déja qu'Ifotta de Rimini doit
être diftinguée d'Ifotta de Veronne . Celle - ci
étoit Fille d'une Vertu auftere ; confacrée à
la pureté la plus exacte , elle fe propoſoit
d'imiter les modéles les plus parfairs ; Sara ,
Efther , & Elizabeth , font les exemples
que doivent fuivre les femmes mariées , lui
écrit Paul Maffei , dans une lettre imprimée
par D. Martene , Ampl. Collect . T. III.
Coll. 899. Judith & Anne doivent être imitées
par les veuves mais l'excellence de
votre état exige encore plus de perfection ;
que Marie foit votre modéle ; que votre vie,
comme un miroir , rende toutes les actions do
la fienne , fi vous voulez remplir vos devoirs .
,
La Vertu d'Ifotta de Rimini eſt moins
ſublime ; c'eſt une chafteté conjugale , que
rien ne peut ébanler ; fa beauté finguliere lui
attire des adorateurs ; la féduction employe
tout ce qu'il y a de plus flateur & de plus
brillant. Jupiter même , ou pour parler plus
naturellement , ce qu'il y a de plus grand ,
cllaye
1972 MERCURE DE FRANCE
effaye en vain de l'attaquer ; elle conferve
jufqu'à la mort la fidelité qu'elle devoit à fon
Epoux. Avec quelle vivacité ne rejette telle
pas les voeux que lui préfente Jupiter ?
Quelle tendreffe de fentiment pour Sigifmond
?
Ille meo , qui me primus fibi junxit , amore ,
Gaudeat , & cordis fit Deus ille mei.
Illum ego perque nives , perque arma horrentia malo ;
Malo fequi quam te , fis licet ipfe Deus .
Hoc vivam contenta viro , dum vita manebit :
Hunc faciam pulchra prole modefta patrem.
Hujus in amplexu , cum me mea fata refolvent ,
Et Faufta & Felix dicar Ifotta mori.
Ces fentimens , fi flateurs pour Sigifmond ,
étoient prefque nés avec elle : dès fa plus
tendre enfance elle l'avoit aimé , & cet
amour s'étoit fortifié avec l'âge .
Parvula cum parvum poteram, qua mente, colebam,
Inque meo folus pectore femper erat .
Paulatim ingenio , mox & crefcentibus annis ,
Cum noftro femper tempore crevit amor.
Quelque vifs que paroiffent ces fentimens,
le devoir de la raifon les reglerent toujours
.
Ifotta ne craint pas de les découvrir à fon Pere ; elle le preffe de les aprouver
, & de
rendre légitime une flâme qui ne devoit
jamais s'éteindre . A1
SEPTEMBRE. 1742 1973
At mea fic quamvis plufquam violenta cupido ,
Chare parens , quamvis impatienter amem.
Non erit in noflro tamen ullum crimen amore ,
Quo capiti timeas illà pericla tuo..
Quod fi forte meo , pater , afpirabis amori ,
Et patiere meum me coluiſſe Deum ,
Vivet in Aufoniis me nulla beatior oris ,
Latior Hadriacis nulla puella vadis . . . .
Quod fi crudelis tanto pugnabis amori.....
Non prius ex animo charum delebis amantem
Quam folvas vita vincula dura mea.
?
Si ce n'eft point une fiction du Poëte ,
cette foumiffion filiale caractériſe un tendre
engagement , mais ne fçauroit jamais faire
foupçonner un honteux commerce , tel que
quelques Auteurs l'ont fauffement imaginé ,
entre Ifotta & Sigifmond . Ce Prince n'aimoit
pas avec moins de vivacité & de délicateffe.
Il fentoit fortement tout ce qu'exigeoit
de lui la préférence qu'Ifotta lui avoit
accordée fur tant d'autres , qui recherchoient
fon alliance : il l'avoit aimée dès qu'il l'avoit
vûë ; il lui devoit le goût qui lui faifoit diftinguer
ce que les Mufes & les beaux Arts
ont de plus délicat. Que de motifs à un
coeur bien né , pour s'attacher à un objet
infiniment aimable !
Non
1974 MERCURE DE FRANCE
Non latet hoc fuperos , teneris me ſemper ab annis ,
Semper Arimineam deperiiffe Deam.
Nimfacie & forma Cypris , Diana decore
Vincitur , ac digitis artèque Cecropia. . ..
Una quidem multis follicitata procis :
Me tamen è multis delegit amantibus unum
In cujus fe fe traderet illa fidem . ...
>
Debeo plura fibi , nam quod Natura negabat,
Perficere in nobis eft fuus aufus amor.
Namque meum ingenuxs animum traduxit ad artes,
Et mea Caftaliis ora rigavit aquis .
Carminis hinc primum , Cithara hinc mihi cognitus
ufus ;
Hinc mihi criftati nobile Martis opus.
Le crime n'affecte point de fe découvrir ;
la honte qui l'accompagne toujours , le force
de fe cacher. Parle - t- on des fruits d'un conmerce
illégitime , comme Sigifmond fait
des Enfans que lui avoit donnés Ifotta . ?
Hinc fufcep:a mihi foboles , hinc aucta meorum
Progenies ,fanctos que nova reddit avos .
Les paffions vives portent quelquefois à
des excès , mais jamais à élever un Monument
éternel de fon infamie . La reflexion
vient & diffipe bien - tôt des projets infenfes,
que le premier feu avoit enfantés . Sigifmond
bâtit à Ifotta de fon vivant un fuperbe
SEPTEMBRE. 1742 1975
be tombeau dans la célebre Eglife qu'il fit
conftruire à Rimini à l'honneur de S. François.
Eft - il vrai -femblable que ce fût pour
une Maîtrefle ? Voici comme en parle lotta
elle -même.
Inde fuper gemino felix Elephante fepulchrum,
Quod mihi conftituit Jupiter ille meus .
Elle y fut enfin placée après la mort, comme
nous l'aprend le Poëte , en rendant compte
à Sigifmond des derniers fentimens d'Ifotta
, que mal-à-propos quelques Auteurs lui
ont fait furvivre.
Sigifmunde velim nofcas ubi mortua tandem
Tantajacet tumulo gloria deinde novo.
Illa quidem templo Geniorum excelſa quieſcit ,
Altaque jam niveis flat Dea marmoribus
Quam gemini infignes Elephanti adfidera tollunt ,
Eternifque nitet marmor imaginibus.
?
L'Elephant étoit , fans doute , le fymbole
qu'avoit adopté Sigifmond . Cet animal fait
un des principaux ornemens de ce tombeau ,
& on le voit encore fur le Revers d'une
Médaille de ce Prince que M. Muratori ,
Antiq. Ital. med. avi. T. II Coll. 708. a fait
graver. On chercheroit peut - être en vain la
raiſon de ce choix ; vous en avez indiqué
plufieurs dans votre lettre , qui peuvent l'avoir
déterminé, Je
1978 MERCURE DE FRANCE
celle de Rimini , s'il s'étoit imaginé qu'on pût
apliquer à la premiere ce qu'il difoit de la
feconde ? Je n'ai rien à ajoûter à des autorités
fi refpectables . J'ai l'honneur d'être, & c.
C
EPITRE à mon Eſprit.
ເນ
' Eft à toi , mon Efprit , que ce Difcours s'adreffe
;
Affés & trop long tems , de ta folle jeuneſſe
J'ai caché les défauts , toleré les abus ;
Ah ! puifque je les vois croître de plus en plus ,
Je prétens aujourd'hui , las de ton arrogance ,
Confondre tou orgueil , punir ton infolence ;
Dans tes égaremens tu prétends tout fçavoir ,
Et je te vois fans ceffe oublier ton devoir ;
Oui ,je vois que fur toi, quoiqu'on puiffe te dire ;
La fotte vanité ne prend que trop d'empire' ,
Que trop plein, trop épris de ton peu de fçavoir ,
Tu penfes que Minerve eft toute en ton pouvoir ;
Par de pompeux difcours tu contrefais le fage ;
Pour paroître fçavant , tu mets tout en ufage ,
Et n'olant afpirer jufqu'à l'être en effet
L'aparence du moins , le nom te fatisfait ;
Je vois , avec regret , jufqu'où va ta folie ;
Tu ne fçais que le nom de ta Philofophie ,
Et cependant tu veux t'ériger en Docteur ;

Que
SEPTEMBRE. 1742. 1979.
Que ne puis- je aujourd'hui diffiper ton erreur ?
Aprends qu'au nom de fage en vain on veut prétendre
;
La vertu feule a droit de nous le faire prendre ,
Et combien a-t'on vû d'Auteurs audacieux ,
Accablés fous le poids de ce nom glorieux !
Tour devenir fçavant , il faut de la ſageſſe ;
Mais, toi qui n'en as point , qui t'égares fans ceffe,
Qui , prenant tes errears pour des réalités ,
Fenfes d'un Philofophe avoir les qualités ,
Olet-tu . , foible efprit , vanter ta fuffifance ,
Toi , qui n'as de toi- même aucune connoiflance
Tâche de parvenir à ce point important ,
Et je te permettrai de te dire fçavant ;
Mais de vertu trop vuide & trop plein de toi - même
Tu ne fçaurois cacher ton ignorance extrême ,
Et n'ayant d'autre objet qu'un chimérique honneur,
Tu veux faire le docte, & paffer pour Auteur.
Ah ! je ne vois que trop ton état déplorable ;
Ton eil , pour la raiſon toujours inexorable ,
Au filence à jamais femble la condamner;
Tu n'entends que le nom que tu veux te donner ;
Oui, c'eſt ta vaine gloire & ton fatal délire
Qui t'ont fait prendre en main la plume pour
écrire ;
L
Bien des fçavans ont fait nauffrage à cet écueil ;
' Crains que ta vanité n'y trouve fon cercueil.
Ne Foulle pas plus loin la fureur qui t'anime ,
Et
1980 MERCURE DE FRANCE
Et ceffe d'affervir ta raiſon à la rime ;
Penfes- tu que fans être infpiré d'Apollon ,
On foit jamais entré dans le facré Vallon ?
Dans les fougueux tranſports de ta verve indiſcrette,
Tu prétends mériter le titre de Poëte ;
Tu te crois au niveau du brillant de cet Art ,
Et tu veux furpaffer Clopinel & Ronfart ,
Et pouffant jufqu'au bout l'excès de ton audace ,
Tu vois tout en pitié du ſommet du Parnaffe ;
Ah ! crains de trop monter , femblable à Phaeton
Crains de cheoir comme lui , tremble pour ton
renom .
L'orgueil aviliffant tout le cours de ta vie ,
Ton fort va plus caufer de pitié que d'envie ;
Mais on regrettera le funefte moment
Qui frapa ton cerveau d'un tel aveuglement.
Si tu veux t'élever au-deffus du vulgaire ,
Aprends fur tout qu'il faut être fage & ſe taire ;
Que l'orgueil feulement nous rend audacieux ,
Que c'eft à la vertu de nous conduire aux Cieux ;
Je ne te défends de cultiver ta verve , pas
Mais profite avec ſoin des leçons de Minerve ;
Regarde tes défauts comme tes ennemis ;
Fais leur toujours la guerre , & qu'ils te foient
foûmis ;
A la feule vertu rends un culte fidéle ;
La gloire d'un Héros ne confifte qu'en elle.
11
SEPTEMBRE . 1742 1981
Ine compte pour rien , fçavoir, Gloire, Valeur ;
Mériter d'être heureux, eft le parfait bonheur ;
De Platon , de Socrate , au Temple de Mémoire ,
La vertu fait graver les noms brillants de gloire.
N, Ch. Coutan.
MEMOIRE de M. D. Polluche , fur la
Découverte d'un Prince & d'une Princeffe
de la Maifon de France , dont les Généalogiftes
ne font poin: de mention.
Ufqu'ici tant de Sçavans ont travaillé
qux Tables Généalogiques de la Maifon
de France , que dans l'état où elles
font aujourd'hui , elles femblent nous répondre
que cette partie intéreffante de notre
Hiftoire a été éclaircie d'une maniere à
ne devoir rien laiffer à défirer. Mais l'expérience
nous aprend tous les jours , qu'il y
manque encore bien des chofes , & qu'on
peut regarder en quelque forte la connoiffance
des Familles , comme un champ
fertile , fur lequel la récolte , pour être trop
abondante , ne fçauroit jamais être entiere .
Je vais en donner un exemple dans un
Prince & une Princeffe du Sang de France ,
qui tous les deux ont échapé à la diligence
d.s
1982 MERCURE DE FRANCE
>
des Généalogiftes . Outre un avantage commun
attaché à de femblables découvertes
celle-ci en a un particulier pour nous , en
ce qu'elle intéreffe la Province , & qu'elle
eft une fuite des recherches qu'on fait actuellement
pour l'Hiftoire de l'Orleanois .
Pierre de France , Fils de Louis le Gros ,
(a) , qui prit le nom de Courtenay ,en époufant
Elifabeth, heritiere de cette Maiſon, eut
de fon mariage onze enfans , cinq garçons
& fix filles. Ces dernieres , car c'eft d'ellesfeules
dont il s'agit ici , furent : Alix mariée
à Guillaume Comte de Joigny , & depuis à
Aymon Comte d'Angoulefme ; Euftache qui
poufa Guillaume Comte de Sancerre ; Clémence
, qui époufa le Seigneur de Thiers ,
& Conftance , qui ayant d'abord été mariée
au Seigneur de Chateaufort , époufa en fecondes
nôces Guillaume , Seigneur de la
Ferté-Arnaud & de Villepreux. Enfin deux
autres Princelles , qui ne font pas nommées
, dont l'une , au raport d'Alberic , Religieux
de Trois-fontaines , fut mere d'Eud's
Comte de la Marche en Hongrie , &
l'autre ( I ) femme du Seigneur de Charroft
en Berry.
Ce font là toutes les filles qu'on donne à
Pierre de Courtenay , & le nombre en eft
allés grand , pour ne pas chercher à l'auga)
Hift. Chronol, de France , Tom. I. 47+
menter
SEPTEMBRE. 1742. 1983
menter par une Princeffe , dont la décou
verte n'a en foi aucun de ces Evenemens
remarquables , qui pourroient la rendre intéreffante
pour l'Hiftoire. Mais rien n'eſt à
négliger, quand il s'agit des Maiſons Roya
les ,
&
ce
qui
paroîtroit
inutile
dans
d'au
tres
occafions
, ceffe
de
l'être
dans
celle
- ci .;
La Princeffe dont je veux parler , étoit
Religieufe de Fontevraud , au Prieuré de la
Magdeleine près d'Orleans , & c'eft aux Titres
feuls de cette Maiſon , que nous devons
la connoiffance que nous en avons. Le premier
de ces Titres eft une Charte de Pierre
de Courtenay fon Pere , qui entre autres
dons qu'il fait aux Religieufes de l'Hofpice
d'Orleans ; ( c'est l'ancien nom du Prieuré
de la Magdeleine ) , leur affigne dix livres
parifis de rente annuelle , à prendre fur fes
revenus de Fay , ( II. ) pour fournir la Com,
munauté de chauffures , fur laquelle fomme
de dix livres il entend que fa fille ait tous
es ans celle de foixante fols pour fes habits,
b ) De quibus x. lib. filia noftra habebit lx.
folidos pro vefte fua.
"
La Charte eft fans date , & le nom de la
Princeffe n'y eft point exprimé , ce qui pour-
1oit faire quelque difficulté , fi l'un & l'autre
de ces défauts n'étoient pleinement fu
pléés par une Charte du Roy Philipe Au-
(b) Tréfor du Prieuré de la Magdeleine.
D
gufte
1
1984 MERCURE DE FRANCE
gufte , confirmative de la premiere , & por
tant amortiffement des biens qui y font
énoncés ; ce qui la fupofe donnée en la
même année, ou peu après. Voici la Charte ;
"
و
Philipes , par la grace de Dieu , Roy de
» France : Sçavoir faifons , que Pierre.de
» Courtenay , notre Oncle ayant donné
» aux Religieufes de l'Hofpice d'Orleans
» du confentement d'Elifabeth fon Epoufe ,
» & de leurs Enfans , dix livres parifis de
» rente annuelle à prendre fur fes revenus
» de Fay , defquelles Agnes fa fille auroit
pendant fa vie foixante fols chaque année
»pour fes habits : De quibus Agnes filia fua
» annuatim habebit , quandiù vixerit lx. foli-
» dos pro vefte fua. ... Nous aprouvons &
» confirmons ladite donation . Fait (c) à Orleans
l'an de l'Incarnation 1183. & de no
tre Regne le fixiéme.
On ne peut douter après un témoignage
auffi précis , qu'Agnés ne foit une Princefle
qu'on doit ajoûter à celles que l'Hiftoire
avoit reconnuës jufqu'ici pour les feules Filles
de Pierre de France & d'Elizabeth de Courte
nay , fon Epouſe. Mais comment les Continuateurs
du Pere Anfelme l'ont- ils oubliée ,
cux qui ont pû voir aifément la Charte que
je viens de raporter , imprimée en partic
dans le Clypeus Font- Ebraldenfis &c. du P.
(c) La même,
de
SEPTEMBRE . 1742 1985
de la Mainferme, T.III. p. 268 ? L'auroient
ils donc confondue avec une des deux Princeffes
fes Soeurs , dont on ignore le nom ?
Et fupofé qu'étant fortie de fon Convent
où peut -être elle n'étoit encore que Novice
lors de la donation de fon Pere , elle eût
depuis été mariée , ce font des conjectures ,'
& les feules qu'on puiffe alléguer. Mais en
pareil cas il s'agiffoit de montrer l'identité
par de bonnes preuves. Comme ils ne l'onr
pas fait , on peut attribuer leur filence à un
oubli ou à un manque d'attention , dont les
Généalogiftes les plus exacts ne font pas
toujours exemts.
Une autre réfléxion qui fe préfente aflés
naturellement , & qui regarde uniquement
l'état d'Agnés , c'eft de dire que cette Prin
ceffe n'eft peut- être que fille naturelle de
Pierre de Courtenay. Les termes filius & filia
n'étant point tellement attachés aux Entans
legitimes , qu'on ne les ait employés en par
lant des autres . J'en conviens. Mais fi l'on
veut faire quelque attention , qu'Eliſabeth
femme de Pierre de Courtenay parle conjointement
avec fon mary dans la Charte
par le confentement qu'elle donne aux dif
pofitions qu'elle renferme , Concedente &
volente Elifabeth uxore mea , on doit avoüer
que le filia noftra qui fuit , ne peut convenir
qu'à une fille née de leur mariage. Ce que
Dij confirme
1986 MERCURE DE FRANCE
confirme le filiis noflris , expreffion toute
femblable employée pour Pierre & Robert
de Courtenay , dont l'état de la naiſſance n'a
jamais été foupçonné. Et P. & R. filiis noftris
concedentibus . Je paffe au fecond exemple
que j'ai promis.
·
Tous les Hiftoriens s'accordent à ne donner
au Roy Louis XI . que trois ( d) Enfans mâles
, ( car il n'eft pas queftion ici des filles ) ;
le premier fût Joachim de France , né , felon
quelques uns à Geneppe le 18. Octobre
1458. & felon d'autres à Namur le 27. Juil
let de l'année fuivante , dans le tems que
Louis fon pere , qui n'étoit encore que Dauphin
, s'étoit retiré en Flandres auprès du
Duc de Bourgogne . Ce Prince mourut en
bas âge , & fut inhumé chés les Cordeliers
d'Amboife . Le fecond Fils fut Charles de
France , qui fucceda au Royaume fous le
nom de Charles VIII . & le troifiéme , François
de France , Duc de Berry , né au mois
de Septembre 1472 , mort l'année ſuivante
au mois de Juillet , & enterré à Amboiſe
auprès de fon frere Joachim.
Il eft cependant certain , & on en conviendra
dans le moment , que Louis XI
eut encore un autre Fils , nommé Louis
comme lui , & qui fut inhumé dans l'Eglife
de Notre - Dame de Clery près Orleans . Il
(d) Hift. Chronol. d: Eram : e , T. I. pag. 122 .
Y.
a bie
SEPTEMBRE . 1742 1987
"
و د
à bien de l'aparence que ce Prince naquit
avant que fon Pere par vint à la Couronne ,
& qu'une des deux dates de la naiſſance du
Prince Joachim fon Frere lui apartient ; les
Hiftoriens ne les auront réunies fur une
même tête , que parce qu'ils n'ont point
connu le Prince dont je parle , & avec lequel
ils pouvoient les partager . Le nom de
Louis femble même infinuer que celui - ci
étoit l'aîné de tous . Mais , quoiqu'il en foit ,
fon existence eft réeHe , & elle eſt contaſtée
par des Lettres du Roy Charles VIII. fon
frere , portant don aux Chanoines de Clery
du Patronage de plufieurs Eglifes en Normandie
, pour les indemnifer en quelque
forte , de deux mille livres qu'il leur retranchoit
fur les quatre mille que le Roy fon
Pere leur avoit affignées fur les revenus de
cette Province.
>> Charles la
, par grace de Dieu , Roy de
» France : A tous ceux & c. .... avons reçu
» l'humble fuplication de nos chers & bien
» amés les Doyen & Chanoines de l'Eglife.
Collégiale de Notre- Dame de Clery ,
» contenant que feu notre très-cher Seigneur
» & Pere , que Dieu abfolve , pour la fin-
» guliere dévotion qu'il a toujours euë à la
» Benoîte & très glorieufe Vierge Maric ,
» Mere de Dieu , notre Créateur , & à ladite
Eglife de Clery , fondée en l'honneur de
D iij
» ladite
1988 MERCURE DE FRANCE

» ladite Dame , il a élu fa Sépulture en la-
» dite Eglife , en laquelle il & feuë notre
» chere Dame & Mere font inhumés & en-
» terrés , & icelle Eglife a fait accroître
& de nouvel accroître en
beau & fomptueux Edifice. Et pour fon
Obit & Sepulture , & le Salut & remede
» des ames de lui & de notredite feue Dame
» & Mere , & de feu notre Frere Loys ,
» qui femblablement y eft inhumé & enfé-
>> augmenter ,
pulturé....: Sçavoir faifons , que Nous ,
» les chofes deffus confiderées , & même-
» ment que nofdits Pere & Mere & Frere
» font inhumés & enfepulturés en ladite
Eglife , comme dit eft , défirant pour ce
» ledit Service Divin , ainfi fondé en icelle ...
» être fait & continué... Donné à Paris le 19.
» jour du mois d'Août , l'an de grace 1484.
Trefor de N. D. de Clery.
La même chofe eft repetée dans des Lettres
des Rois Louis XII . & François I. des
25. Août 1498. & mois de Mars 1515. & fi
je donne ici un Extrait de celles du dernier ,
ce n'eft pas qu'elle ait befoin de nouveaux
témoignages pour être cruë , mais uniquement
parce qu'elles contiennent quelques
autres particularités qu'on pourra lire avec
plaifir.
» FRANÇOIS , par la grace de Dieu .... nos
chers & bien amés les Doyen & Chanoi-
22 nes
SEPTEMBRE. 1742 1989
» nes de N. D. de Clery , nous ont hum-
» blement fait dire & remontrer que ....
» tant feus notre très cher Seigneur & Coufin,
» ( III. ) le Roy Charles fon Fils ( du Roy
» Louis XI. ) que ledit Roy Loys , la Roine
» Charlotte fon Epoufe , Loys de France
» leur Fils , font enterrés & inhumés......
» pourquoi nous , ces chofes confiderées ...
» auffi confideré que Nous & les nôtres de
» tout tems fommes Patrons de ladite Egli-
» fe , & qu'en icelle font inhumés & enfe-

pulturés ledit Roy Loys onzième , la Roine
» Charlotte , ung de leurs enfans , ung des
>> enfans de notredit feu Seigneur & Coulin
» le Roy Charles , & le Cuer dudit Roy
Charles... à Paris le 26. jour de Mars, l'an
grace 154. ( IV. ) & de notre Regne
» le premier. Dans le même Tréfor.
» de
Ce Fils de Charles VIII . inhumé à Clery,
ne peut être que François de France , fon
troifiéme Fils , dont les Hiftoriens ne marquent
pas le lieu de la fépulture , au lieu
qu'ils ont eu foin de nous dire ( e ) que les
corps de Charles Orland & de Louis Charles
, fes Freres aînés , font dans l'Eglife de
S. Martin de Tours , où ils repofent fous le
même Tombeau .
Quant à ce qui regarde le coeur de Charles
VIII. je crois devoir faire obferver qu'il
(e) Hift. Chronol. de France, T. I. p. 125..
D iiij n'y
1990 MERCURE DE FRANCE
n'y avoit que quelques Mémoriaux de la
Chambre des Comptes , qui fiffent mention
qu'il eût été porté à Clery , & qu'à Clery
même on a long - tems ignoré l'endroit où
il avoit été dépofé . Les Religionaires (f)
qui en profanerent l'Eglife , & ruinerent le
Tombeau de Louis XI . en 1562. y chercherent
vainement ce coeur qu'ils croyoient enfermé
dans une boëte d'argent , dont leur
avarice vouloit profiter , & ce ne fut que le
fixiéme Mars 1634. qu'il fut trouvé par hazard
, lors qu'on relevoit le pavé de l'Eglife .
Il étoit enterré dans la Nef , vis-à- vis & à
la diſtance d'environ deux toifes du tombeau
de Louis XI . & enfermé dans une petite
urne de plomb , fur laquelle étoit écrit
(g) Ceci enferme le Cuer de Charles VIII.
On a même negligé de défigner par quelques
marques particulieres cet endroit où il
fut trouvé, & où on le remit auffi -tôt après le
Procès Verbal qui fut fait de fa découverte .
D. POLLUCHE.
A Orleans , le 20 .
le 20. Juin 1742 .
( f) Mémoires manufcrits.
(g) La même, & Hift . d'Orleans de Guyon , T. II.
pag. 307.
NOTE S.
I. L'autre , femme du Seigneur de Charroft. La
Thaumaffiere , dans fon Hiſtoire de Berry , L. 9.
pag
SEPTEMBRE. 1742. 1991
de
pag. 729. donne à cette Princeffe le nom d'Ifabelle
, & pour mari Gautier III. Seigneur de Charoft
. Il cite en preuve un Titre de ce Seigneur ,
l'an 1194. qui décide pour le nom d'Ifabelle . La
convenance du nom porte à croire que cette Dame
eft celle dont parle le Moine Alberic.
II. De Fay. Fay Ologes , dans la Forêt d'Orleans.
III. Le Roy Charles . Ön voit dans l'Eglife Métropolitaine
de Narbonne , un ancien Tombeau , avee
une Infeription , qui marque que c'est la fépulture
du Roy Philipe le Hardi , quoique ce Monument
ne renferme que le Coeur de ce Prince C'eft dans
le même fens qu'il eft dit ici que Charles VIII. eft
enterré à Clery.
IV . 1514. Suivant l'ancienne maniere de compter
les années en France , & 15 15. fuivant la nouvelle.
FXXXXXXXXXXXXXXXXXXX:X
SUR un Portrait de Mad. la Princeſs
de Roban.
FABLE.
L'Imagination étalant cent Portraits ,
S'écrioit : c'eſt à moi d'illuſtrer la Peinture 1
Je prête des beautés aux plus rians objets ;
Pour plaire, il faut toujours embellir la Na.ure .
Ceffez , dit une Muſe ; ah ! c'eft trop nous vanter
De votre Art menfonger les merveilleux prestiges,
Vous inventez toujours , je ne fçais qu'imiter ,
Et je vais cependant effacer vos prodiges .
Dv Ella
1992 MERCURE DE FRANCE
Elle trace à l'inſtant avec légereté
Tout ce qui du Printems annonce la Déeſſe
Déja fa main enchantereffe
Dans les traits a repréſenté
Ce charme de l'efprit , ame de la beauté ,
Non , l'imitation n'avoit jamais encore
Si bien rendu la vérité .
La toile refpiroit , l'oeil étoit enchanté ,
Enfin c'étoit ROHAN , à dire : Je l'adore.
La Muſe expoſe alors le Portrait au grand jour
Eh bien la fiction ici triomphe-t'elle a
Prenons pour nous juger Apollon & l'Amour ;
Voulez- vous que je les apelle ?
Non , non , eh que pourrois-je ici vous difputer
Ce Portrait eft charmant , parce qu'il eft fidéle ;
Rendez grace à votre Modéle ,
L'imagination n'y peut rien ajoûter,
XXXXXXXX***************
N
Ous avons donné dans le Mercure du
mois de Novembre dernier la Gravûre
d'une Pierre antique , fous le titre de Sacri
fice à Bachus Vendangeur ; nous y joignîmes
unt Differtation, qui nous avoit parû juftifier
ce Titre. Cependant on nous en a donné
une nouvelle fur le fujet de cette même
Pierre , où l'on prétend que l'Auteur de la
premiere s'eft trompé ; que ce n'eft point
Bachus
SEPTEMBRE. 1742 . 1993
Bachus Vendangeur , mais le Triomphe
de l'Amour , par le fecours de Bachus. Les
égards que nous devons à ceux qui nous font
l'honneur de nous adreffer leurs idées , nous
ohligent de donner ici la Lettre que l'Auteur
de cette Critique nous a écrite. Ceux
qui ont du goût pour ce qui nous reſte de la
belle Antiquité , & qui voudront examiner
celle des deux Differtations qui leur paroîtra
la plus raisonnable , n'auront qu'à lire le
Mercure de Novembre 1741 , où ils trouve
ront la premiere.
J
&
LETTRE écrite à M. D. L. R. au fujer
d'une Pierre gravée , de fon Cabinet ,
publiée dans le mois de Novembre 1741 .
" Ai vû , Monfieur , avec plaifir , dans le
Mercure de Novembre 1741. l'Eftampe
que vous y avez fait inférer de la gravûre
fur une Agate du Cabinet de M. le Chevalier
de la Roque . Ce Morceau m'a frapé ;
plus je l'examine , plus il me paroît d'une
grande beauté ; Il mérite , felon moi , l'at
tention des Curieux , & le Public vous doit
avoir bien de l'obligation de lui en avoir
donné la connoiffance .
Vous ne vous bornez pas à une fimple Ex
pofition de cette belle Pierre ; occupé fans
ceffe à inftruire , vous donnés l'Explication
da Sujet , & vous penfez que c'eft un Sacri-
D vj fice
1994 MERCURE DE FRANCE
fice à Bachus Vendangeur . Je ne fuis pas
affés téméraire pour combattre votre fentiment
, je penſe au contraire comme vous
M. que tel eft le fens que préfentent d'abord
les differens objets raffemblés en un fi petit
eſpace .
Cependant je me perfuade qu'il y a quel
que chofe de plus mystérieux , caché dans cet
Ouvrage , & que l'intention du Graveur a
été de donner un Sujet allégorique : permettez-
moi de vous faire part de mes idées.
On s'oublie quelquefois , & on ne fe
défie point affés de la fubtilité du vin : fi
ces écarts font funeftes pour un homme ;
combien , à plus forte raiſon , ces triſtes momens
font-ils honteux pour une femme !
Quelle eft fa fituation au fortir d'une table >
où l'excès du vin l'a flatée ? Incapable de
réflexion , expofée à mille dangers , il lui
eft difficile de s'en garentir , fur tout quand
elle n'a pour témoins que ceux , qui comme
elle fe font laiffé emporter par le plaifir
, & qui fans y penfer , ont goûté à longs
traits d'une liqueur d'autant plus féduifante ,
qu'elle étoit verfée par l'Amour.
Telle eft en peu de mots l'idée que je me
forme de l'Agate dont il s'agit , & je trouve
que toutes les figures y ont un raport & une
liaiſon parfaite.
Un Tonneau à côté de l'Autel , & des
Seps
SEPTEMBRE. 1742 1999
Seps de Vigne diftribués çà & là , annon
cent que d'abord on a célebré une Fête
facrée à Bachus.
con-
Une Divinité paroît , fes Aîles & fon Carquois
me la font reconnoître , c'eſt l'Amour;
derriere lui s'éleve une branche de Vigne ;
il est à genoux fur le tonneau & femble
devoir la naiffance aux fumées du vin.
T
,
Une Colomne eft terminée par la tête
d'une belle Femme ; cett . tête feule , & fe
parée du refte du Corps , fait voir la perte
que cette Femme a faite de fa tête , c'eſt- àdire
de fon Jugement & de fa Raifon. L'Amour
, qui s'en eft rendu maître par le fecours
de Bachus , l'a placée fur une Colonne
qui fert de Trophée à fa nouvelle
Victoire auffi a t'il l'attention d'une main
de la faire envifager , & de l'autre de montrer
l'Autel fatal.
>
ni
Les lumiéres de la Raifon étant éteintes ,
ce n'eſt plus cet aimable objet , jaloux de
fes droits ; métamorphofé , & tel que les
plus vils animaux il ne peut connoître
fa foibleffe , rapeller fes forces ,
difcerner le mal d'avec le bien ; c'eſt ainfi
qu'on le voit étendu fur l'Autel , fans effroy
pour le coup funefte qu'on eft prêt à lui
porter.
Une autre Perfonne , du même ſexe , eft
debout , & regarde avec curiofité ce qui fe
paffe
1997 MERCURE DE FRANCE
paffe fur l'Autel ; elle eſt indiférente & tran
quille fur le péril qui menace la victime ; totalement
dégradée de fon premier état , elle
n'eft plus reconnoiffable , & n'excite pour
elle aucun fentiment de pitié.
Dans un Lieu plus éloigné eft un Vieillard
, dont les jours ont été partagés entre
Bachus & l'Amour ; il fe foûtient à peine ;
il porte une Couronne , figne de victoire ; il
femble infulter à la tête de la Beauté furprife
, il l'éclaire avec le flambeau de l'Amour
, & de l'autre main , il tient une torthe
, peut-être jadis allumée par un Dieu
refpectable , mais dont la forme actuelle
annonce l'éloignement de la Vertu .
Je jette en gémiffant un nouveau coup
d'oeil aux environs de l'Autel , j'y vois un
jeune Sacrificateur , il leve le couteau fatal
& frape la Victime qu'on immole à deux
Divinités , d'autant plus terribles qu'elles
font unies enſemble .
Après ces Explications , je me crois , Monfieur
, en état de conclure que le Sujet gravé
fur cette Agate eft le Triomphe de l'Amour
par le fecours de Bachus. Vous ferez de mes
Réflexions tel cas que vous jugerez à propos
; pour moi je conferverai avec foin PEG
tampe que vous en avez fait tirer.
J'ai l'honneur d'être & c.
A Rouen , le 7. Janvier 1742 .
L'ENSEPTEMBRE.
1742. 1997
844

D
L'EN NU I ,
O DE.
Ieux ! quel eft l'épais nuage
Dont je fuis envelopé ?
Que vois- je ! de quelle image
Mon efprit eft - il frapé
Quelle trifteffe foudaine
Se gliffant de veine en veine
De moi s'empare aujourd'hui ?
Quelle langueur me dévore?
C'est le Monftre que j'abhorre ,
Ah ! je reconnois l'ennui .
Le front ridé , Pair farouche ,
Il marche nonchalamment.
Son regard eft fombre & louche ,
11 bâille à chaque moment.
L'affreuse mélancolie
Eft fa Compagne chérie ,
Fleau des Jeux & des Ris ,
Les remords , l'incertitude
Les foucis , l'inquiétude ,
Sont fes plus chers favoris.
Du
1998 MERCURE DE FRANCE
Du Cyprès noir & funefte
Il est toujours couronné ;
Plus dangereux que la pefte ,
Son fouffle tft empoiſonné.
Dérobez -vous à fa vûë ,
Affreux Bafilic , il tuë
Ce qui s'offre à fes regards .
Craignez d'augmenter le nombre
De ceux qui giffent à l'ombre
De fes pâles Etendarts.
Déja l'Amour , vil Efclave ,
Eft près de lui confterné ;
Ce Dieu , que l'infolent brave ,
Rampe à fes pieds enchaîné.
En proye aux vives allarmes ,
Les Ris , les Jeux , de leurs larmes
Baignent fon Carquois brifé .
Près d'eux les Graces naïves
Pleurent , triftes & plaintives ,
Son Empire méprisé.
*
D'où fors - tu , Monftre bizare >
Qui peut t'avoir mis au jour ?
Sont-ce les bords du Tenare ?
Eft - ce le coeur d'un Vautour ?
Sur quel barbare rivage
S'eft
SEPTEMBRE . 1742 1999
S'eft donc formé l'affemblage
De tes attributs pervers ?
Réponds - moi , quelle Furie
A pû , te donnant la vie ,
Infecter tout l'Univers ?
*
A quoi fert l'horrible guerre
Que tu viens faire aux Mortels ?
Penfes-tu que fur la terre
Ils te doivent des Autels ?
Crois - tu que fur des chimeres ,
Sur des biens imaginaires
Ils prodiguent leur encens ?
Depuis quand fous quels aufpices
Offre-t'on des Sacrifices
Aux Profanes , aux Tyrans ?
*
C'eft toi , qui parmi les Graces
Secoüant le noir flambeau ,
Accours , femant fur leurs traces
La trifte horreur du tombeau .
A ton afpect infipide ,
La beauté devient livide ;
L'aimable enjoûment languit.
Les Ris , les Jeux s'affoupiffent ;
Les agrémens fe Aétriffent ;
Le doux plaifir s'affadit.
Fatal
338235
4860 MERCURE DE FRANCE
Fatal présent de Pandore ,
Fuis , trop dangereux poiſon ,
Laiffe refpirer encore
Ma chancelante raifon ;
Laiffe-la dans l'équilibre ,
Tantôt aux fers , tantôt libre ;
Errer au gré du Deſtin .
Va , loin de cet hémisphere ;
Sur quelque terre étrangere
Verfer ton mortel venin.
*
Mais que vois -je douce extafe !
Les Cieux pour moi font ouverts.
Je lens mon coeur qui s'embraſe ;
Je vois un autre Univers.
Quelle eft donc cette Déeffe ,
Dont la brillante jeuneſſe
Et m'enchante & m'éblouit f
Par fa préfence attendrie ,
Mon ame long-tems flétrie ,
De nouveau s'épanouit.
*
C'eſt toi , Liberté charmante
Qui volant à mon fecours >
Viens ici , douce & riante ,
Sur les aîles des Amours.
Tu ramenes fur tes traces
Les
SEPTEMBRE. 1742. 2001
Les Ris , les Jeux & les Graces ;
Quel bonheur pour mes défirs !
Viens d'une main fecourable
Chaffer l'ennui qui m'accable ,
Et me rendre aux vrais plaifirs .
Par M. G. de B.
*
LETTRE de M. D. F. à M. D. L. R.
aufujet de la Confecration que M. l'Evêque
de Marfeille a fait de fon College à l'Im
maculée Conception de la fainte Vierge.
R
Ien de fi frapant , Monfieur , que le
Spectacle édifiant que M. l'Evêque de
Marſeille vient de donner dans fon College.
Vous n'ignorez pas que fon zéle pour la Religion
le lui a fait fonder. Il voit depuis
quinze ans que le Ciel répand tous les jours
de nouvelles bénedictions fur fon Ouvrage ,
& c'est pour en attirer encore de plus abondantes
qu'il l'a voulû confacrer à l'Immaculée
Conception de Marie. Pour rendre
cette Confécration éternelle , il a fait élever
dans la cour du College une Statnë de la
Vierge immaculée, de Marbre blanc, enchaffée
dans une niche incruftée des Marbres
les plus précieux , d'un deffein & d'un goût
xquis , fous laquelle on lit cete Infcription .
D. O. M
2002 MERCURE DE FRANCE
D. O. M.
GYMNASIUM HOC
SUI ERGA CIVES MASSILIENSES AMORIS
PERENNE MONUMENTUM EREXIT.
ERECTUM
VIRGINI SINE LABE CONCEPTA
DICAVIT ET CONSECRAVIT
HENRICUS XAVERIUS DE BELSUNCE D
CASTELMORON
,
EPISCOPUS MASSILIENSIS ;
COLLEGII FUNDATOR .
ANNO SALUTIS M. DC C. XLII.
Il deftina le 29.du mois de Juillet dernier à
cette augufte & pieufeCeremonie .La cour des
Claffes fut tendue de belles Tapifferies. Elevé
furune eftrade & fous le Dais en habits Pontificaux,
affifté de tous les Peres du College ,
le Prélat fit , au bruit des Trompettes, Timballes
& Tambours , la Bénediction de la
Statuë ; enfuite prenant la parole & l'adreſſant
tantôt aux Ecoliers , tantôt à leurs Peres &
Meres , tantôt aux Jéfuites , enfin à tout le
Peuple qui étoit accourû en foule à cette
Fête , il parla des vertus de la Ste Vierge , &
fur tout du Privilege fingulier de fon Immaculée
Conception , avec cette éloquence
qui lui eft fi naturelle , & qui lui attire les
coeurs
SEPTEMBRE . 1742 2003
tours & l'attention de tous ceux qui fe
trouvent à fes fréquentes & pathétiques Exhortations.
Les larmes couloient des yeux de
tous les affiftans ; & qui n'en auroit pas verfé
, fur tout lorfque la torche en main , ce
grand & pieux Prelat profterné aux pieds de
MARIE , lui confacra une Jeuneffe qui lui eft
fi chere ? Que ne dit-il pas de touchant ? II
faudroit être un autre lui - même pour le raconter.
Que le Diocèfe de Marſeille eft heureux
d'avoir un tel Paſteur ! Que l'amour des
Diocèfains pour le Pafteur eft fincere ! Il
prend la fource dans la tendreffe que ce gé
nereux Prélat a pour leurs Enfans, & dans les
exemples de Vertu qu'il ne ceffe de leur
donner. Mais fi tous les Spectateurs verferent
des larmes en entendant la voix du Paſteur
que le Paſteur fut touché de voir le grand
nombre d'Ecoliers qui fréquentent le College,
fuivre fon exemple & fe profterner à leur
tour devant l'Immaculée Marie , pour s'y confacrer
! L'air retentit des Cantiques de loüanges
à l'honneur de la Mere de Dieu. Les
Profeffeurs du College fignalerent leur zéle
& leur pieté en cette occafion , en infpirant à
leurs Eleves les fentimens pour Marie , que
la Compagnie , dont ils font Membres , a
gravés profondément dans leurs coeurs. J'aurois
bien voulu vous envoyer les Piéces de
Poëfic qu'ils leur firent reciter, L'efprit , la
picté
2006 MERCURE DE FRANCE
il punit les coupables , & récompenfe les
Gens de bien.
En déracinant le crime il détourne les
jugemens féveres de Dieu , & les foudres
de fa colere de deffus un peuple fouvent
impie , fur lequel ils étoient prêts de
tomber.
Il en eft de même de ceux qui font dépofitaires
du pouvoir que le Prince met en
leurs mains l'adminiſtration de la Juf- pour
tice , ce qui eft fort bien expliqué par ce
beau Quatrain :
Quand les Juges pieux, à leur devoir fidelles ,
Accablent fous leurs coups les têtes criminelles ,
Les Dieux font fatisfaits, & défarment leurs mains,
Du Tonnerre tout prêt à fraper les Humains .
dès
que
Dès qu'un peuple perd le refpect qu'il
doit à la Juftice , dès qu'il fe défacoutume
à la confidérer comme faine & invio
lable , dès qu'il tâche de décréditer ou d'ef
frayer ceux à qui l'on en a confié la difpenfation
; dès les Juges fe livrent à des
impreffions
étrangeres aux Loix , & que
l'équité n'eft plus chés eux le poids du Sanctuaire
où fe pefent leurs jugemens , on peut
conclure que ç'en eft fait d'une telle Nation
, & qu'elle travaille à hâter fa propre
quine .
Rien n'eft plus utile que la Loi qui fou
tient
SEPTEMBRE . 1742 2007
tient dans leur dignité & dans leur pouvoir
les Miniftres de la Juſtice , tant qu'ils fe
conduiſent bien , & qui les rend indépendans
des perturbateurs du repos public
quoique d'un rang quelquefois fuperieur
cux.
Ce bon ordre a été principalement établi
par celui qui eft aujourd'hui le Chef de la
Juftice en ce Royaume ; de tels Perfonages
doivent être confiderés comme des Anges
tutelaires envoyés du Ciel pour le bien & le
falut des Nations entieres , & ils méritent
que pendant leur vie on leur rende les mêmes
honneurs , qu'on ne refufe jamais à leur
mémoire , après leur mort.
>
Le veritable Juge , de quelque état qu'il
foit , eft celui qui en fuivant les Loix de fa
Patrie , réfifte avec fermeté à la crainte , à la
haine , aux follicitations , à la pitié même
dans leur exécution ; toute paffion ( même ,
la plus pardonnable ) qui entre dans les déci
fions , y laiffe toujours quelque teinture"
d'injustice , au lieu que la droiture & l'impartialité
le rendent inacceffible à toute cons
fidération , & à tout reſpect humain.
Cette droiture infléxible écarte l'efprit de
parti , l'amitié la mieux cimentée , & les
liens les plus refpectables du fang . Auffi dépeint
-on laJuſtice, aveuglée en quelque maniere
par un bandeau qu'on lui met fur les
E yeux
2006 MERCURE DE FRANCE
il punit les coupables , & récompenfe les
Gens de bien.
En déracinant le crime il détourne les
jugemens féveres de Dieu , & les foudres
de fa colere de deffus un peuple fouvent
impie , fur lequel ils étoient prêts de
tomber.
Il en eft de même de ceux qui font dépofitaires
du pouvoir que le Prince met en
leurs mains pour l'adminiftration de la Juftice
, ce qui eft fort bien expliqué par ce
beau Quatrain ;
Quand les Juges pieux , à leur devoir fidelles ,
Accablent fous leurs coups les têtes criminelles,
Les Dieux font fatisfaits, & défarment leurs mains,
Du Tonnerre tout prêt à fraper les Humains.
Dès qu'un peuple perd le refpect qu'il
doit à la Juftice , dès qu'il fe défacoutu
me à la confidérer comme faine & invio
lable , dès qu'il tâche de décréditer ou d'ef
frayer ceux à qui l'on en a confié la difpenfation
; dès que les Juges fe livrent à des
impreffions étrangeres aux Loix , & que
l'équité n'eſt plus chés eux le poids du Sanctuaire
où fe pefent leurs jugemens , on peut
conclure que ç'en eft fait d'une telle Nation
, & qu'elle travaille à hâter fa propre
țuine .
Rien n'eft plus utile que la Loi qui fou
tient
SEPTEMBRE . 1742. 2007
,
tient dans leur dignité & dans leur pouvoir
les Miniftres de la Juſtice tant qu'ils fe
conduiſent bien , & qui les rend indépendans
des perturbateurs du repos public ,
quoique d'un rang quelquefois fuperieur à
cux .
Ce bon ordre a été principalement établi
par celui qui eft aujourd'hui le Chef de la
Juftice en ce Royaume ; de tels Perfonages
doivent être confiderés comme des Anges .
tutelaires envoyés du Ciel pour le bien & le
falut des Nations entieres , & ils méritent
que pendant leur vie on leur rende les mê
mes honneurs , qu'on ne refufe jamais à leur
mémoire , après leur mort.
,
Le veritable Juge , de quelque état qu'il
foit , eft celui qui en fuivant les Loix de fa
Patrie , réfifte avec fermeté à la crainte , à la
haine , aux follicitations , à la pitié même
dans leur exécution ; toute paffion ( même
la plus pardonnable) qui entre dans fes déci
fions , y laiffe toujours quelque teinture'
d'injustice , au lieu que la droiture & l'impartialité
le rendent inacceffible à toute confidération
, & à tout reſpect humain.
Cette droiture infléxible écarte l'efprit de
parti , l'amitié la mieux cimentée , & les
liens les plus refpectables du fang. Auffi dépeint-
on la Juftice, aveuglée en quelque maniere
par un bandeau qu'on lui met fur les
E yeux
2008 MERCURE DE FRANCE
yeux , pour nous faire comprendre que fon
attention doit être entierement fixée fur ces
deux objets , aquum & bonum , fans permettre
que des objets étrangers donnent ouverture
au moindre préjugé , ni à la moindre
diſtraction.
Le Magiftrat fe doit au Public tout entier.
Efclave honorable de fa Dignité , il en
respecte les fonctions , il en médite les devoirs
, il fe prête à tout ce qu'elle exige de
lui ; fon tems eft une espece de Tréfor toujours
ouvert au befoin de fes Concitoyens ;
fes occupations ne dépendent pas de fon
goût, ni de fon caprice ; elles font engagées
à la Juftice & à l'Etat; la Science , qui éclaire
fon efprit , ne le féduit point ; il propoſe fes
avis fans oftentation ; il écoute ceux d'au
trui fans jaloufie ; il eft auffi content d'aper
cevoir la verité par des lumiéres étrangeres
que par les fiennes ; il ne cherche qu'à la
découvrir, fans fe faire honneur de la découverte
il ne fe confidere point lui-même
dans ce qu'il fait ; le bien public eft le feul
objet de les démarches & de fes foins , &
pourvû que cet objet foit rempli au gré de
fes fouhaits, tout fon interêt perfonnel lui eft
étranger dans fes fonctions : inutilement
étalons- nous des dehors reglés , lorfque
l'intérieur ne l'eft pas ; c'eft par le coeur qu'il
faut commencer les attaques, pour rempor
er une victoire folide .
t
Une
SEPTEMBRE. 1742 : 2009
Une conduite hypocrite , une probité apa ?
rente, eſt toujours fujette à fe démentir , mais
lors qu'on eft parvenu à fe mettre au - deffus
de tous les interêts particuliers , rien n'empêche
plus qu'on ne fe livre à l'amour de la
Juſtice , & par conféquent du bien public ,
qui en eft la fin principale ; c'eft la perfection
& l'héroifine de tous ceux qui font en
place pour rendre la juftice à
qui elle apartient
, en refiftant avec vigueur aux obftacles
qui peuvent arrêter ou fufpendre l'effet de l'amour
qu'on a pour cette Reine des vertus.
Ce qui nous eft raporté à ce fujet par un
Hiſtorien Perfan , mérite l'attention des Gens
de bon goût , & ne peut que faire plaifir au
Lecteur.
Un Sultan de cette Nation étant campé
avec fon armée dans une Plaine peu habi
tée , un Officier de diftinction entra par force
dans la maiſon d'un Payfan , & trouvant fa
femme jolie , il chaffa le mari , pour lui
faire avec plus de liberté l'affront le plus
cruel & le plus fenfible.
Le lendemain, le pauvre homme en porta
fa plainte au Sultan , lequel juſtement irrité
de cette violence , fans en connoître l'Auteur
, lui dit qu'aparamment il rendroit bien
une feconde vifite à fon épouse , & qu'en ce
cas il n'avoit qu'à l'en venir informer fur le
champ ; c'eft ce qui arriva trois jours après.
E ij L'Officier .
2010 MERCURE DE FRANCE
L'Officier rentra dans la cabane du Laboureur
, qui en fut chaffé comme la premiere
fois , & qui alla d'abord à la tente du Prince
pour l'en informer , furquoi le Sultan prit
la noble réfolution d'aller en perfonne examiner
le fait , & il arriva chés le Paysan fur
le minuit comme ceux qui l'accompagnoient
portoient des flambeaux allumés , il
leur ordonna de les éteindre , d'entrer dans
la maiſon fans faire de bruit , de ſe faifir du
coupable & de le faire mourir fur le champ,
ce qui fut exécuté fort exactement : le cadavre
fut porté hors de la hutte & placé aux
pieds du Sultan, qui le voulût ainfi .
>
,
Alors ayant commandé qu'on rallumât les
flambeaux , & qu'on fe plaçât en cercle au
tour du mort , il fe mit à le confiderer attentivement
, aprés quoi montrant une cer
taine fatisfaction que l'on vit peinte fur fon
vifage , il fe profterna contre terre , & reſta
long- tems dans l'attitude d'un homme qui
prie avec ferveur puis s'étant relevé , il or
donna au Payfan de lui aporter à manger de
ce qu'il avoit chés lui . Il fut obéi & mangea
de grand apétit les mets groffiers que le
bon homme avoit mis devant lui fur l'herbe.
Le Payfan voyant le Monarque de bonne
humeur , eut la hardieffe de lui demander la
raifon de toute cette conduite , & le Sultan
youlant bien fatisfaire fa curiofité , lui répondit
SEPTEMBRE . 1742 : 2011
pondit ce qui fuit : Dès que tu m'eus inftruit
de l'affront qu'on t'avoit fait , je trouvai tant
d'énormité dans ce crime , & une fi grande
hardieffe à le commettre ( pour ainfi dire à
ma vûë ) que je m'imaginai que felon les
aparences , le coupable ne pouvoit être qu'un
de mes fils , & qu'aucun autre n'auroit ofé
porter l'infolence jufqu'à ce point , ce qui
me détermina à faire éteindre les flambeaux ,
de peur que voyant à leur lueur des traits
chéris , cette vuë ne me portât à facrifier la
juftice à l'amour paternel ; lors qu'à la lumiére
des flambeaux rallumés j'ai découvert
que c'étoit un autre coupable , j'en ai ſenti
une joye inexprimable , & je me fuis mis à
genoux pour en rendre graces à Dieu , & fi
je mange avec tant d'avidité des mets dont
tu me regales, ne t'en étonne point ; fçaches
que l'inquiétude qui a déchiré mon ame depuis
que tu m'as informé du fait , m'a empêché
de prendre la moindre nourriture juſ
qu'à cet inftant que je vois mon grand trouble
calmé par une joye & une fatisfaction
que je n'ofois prefque efperer de goûter.
Bel exemple de l'amour de la Juftice dans
le coeur d'un Mahométan ; mais il y a par
tout des Héros en tout genre , & la Juſtice
& la Verité font de tous les Pays.
E iij
A M.
2012 MERCURE DE FRANCE
・出
A M. JOLY , Chanoine de la Chapelleau-
Riche de Dijon , fur fon Livre intitulé :
Eloges de quelques Auteurs François
in- 8°. A Dijon , chés P. Marteret , 1742.
Q
Ue ces ELOGES curieux ,
Où , malgré la Parque ennemie ,
Plus d'un Auteur reçoit une nouvelle vie ,
Me paroiffent judicieux !
Dans ce genre d'écrire ils m'offrent un modéle.
Puis-je mieux les aprécier ,
Qu'en te déclarant que mon zéle
Vient dans mon Cabinet de les affocier
Aux ELOGES de Fontenelle ?
A
Par M. C **:
Au même , par le même.
Uteur trop timide & modefte , (1)
Je fçais, bien mieux que toi, ce que ton Livre vaut
Je n'y trouve qu'un feul défaut ,
C'eſt
Défaut , fans doute , manifefte ;
que ton nom connu dans le facré Vallon ;
Ne s'y découvre en nulle page .
Ton nom eût pourtant fait l'éloge de l'Ouvrage ,
Comme l'Ouvrage encore eût illuftré ton nom ..
( 1 ) L'Auteur n'a point mis fon nom à la téte de
fon Livre , ni ailleurs .
SEPTEMBRE . 1742. 2013
On a dû expliquer l'Enigme & les Logo=
gryphes du Mercure d'Août par Navire ,
Langue & Bréviaire . On trouve dans le premier
Logogryphe, An , Lange, Nuë , Ange,
Eau , Glane , Gluë , Lune , Un , Gale , Gula,
Van , Age , Ave , Alun , Angle , Agen
Val, Aleu , Venal, Vega, Auge , Nage, Lave,
Vena , Vag ; & dans le fecond , Eve, Verre ,
Brie , Braire , Rire , Vie , Rêve , Bievre , Biere,
Raïe , Eau , & Air.
,
ENIGM E.
Nous fommes grand nombre de foeurs
Qu'un même noeud étroitement aſſemble ;
Efclaves , fans fentir le poids de nos malheurs ,
Nous ne fervons jamais enſemble.
Propres à la Société ,
A l'ufage de tous les hommes ,
De la plus fombre obſcurité
Nous faifons naître la clarté.
Lecteur , tu fçais à préfent qui nous fommes ,
Et tu nous as fouvent donné la liberté.
Laffichard.
E iiij
LO:
2014 MERCURE DE FRANCE
************************** .
LOGOGRYPHE.
L'' Amant , par mon fecours , fair part de fes
tranſports
A la Belle qui fait le bonheur de fa vie ;
Le Politique me confie
Ses impénétrables refforts ,
Et le Poëte , plein du beau feu qui Pinſpire ,
M'abandonne le foin de publier fes Vers.
Malgré cela , Lecteur , oferai -je le dire ?
On me noircit , on me déchire ,
Et je reçois mille outrages divers ;
Mais fi tu veux que je t'aprennes ,
En t'épargnant de grandes peines ,
Les mots renfermés dans mon nom ;
En voici clairement l'énumération .
Une pomme , à laquelle
Un tendre Amant
Compare ordinairement
La couleur vive & naturelle
Du vilage de celle
Qui l'a rendu fenfible à fes charmes vainqueurs
Une babillarde éternelle ,
Image de ces fots parleurs ,
Qui fatiguent leurs Auditeurs
Par d'inutiles verbiages ;
Quelque chofe d'affés léger ;
Cependant pour s'en décharger ,
Un
SEPTEMBRE. 1742. 2015
Un Roy de l'Orient prend du monde à fes gages.
En faveur des humains
Ce qu'une fertile Déeffe
Tous les Etés répand à pleines mains ,
Et qui nous remplit d'allegreffe .
Adieu , Lecteur , j'en ai déja trop dit ,
Je dois , en me taifant , ménager ton efprit .
De Haulleterre , de Dreux.
****************
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
Rfe & d'Eloquence , préfentées à l'Aca-
ECUEIL de plufieurs Piéces de Poëdémie
des Jeux Floraux l'anné M. DCC . LXII .
avec les Difcours prononcés dans les Affemblées
publiques de l'Académie , 1. vol . in - 8 ° !
de 230. pages , A Toulouse , chés Claude-
Gilles le Camus , feul Imprimeur du Roy &
de l'Académie des Jeux Floraux .
A la tête de ce Recueil eft l'Ode qui a
remporté le Prix par le jugement de l'Académie
, en la préfente année 1742. Elle eft de
M. le Chevalier DE LAURE'S , fils de M. le
Doyen de la Cour des Aides de Montpellier.
On fera , fans doute , bien aiſe de la
trouver ici.
E v LES
2016 MERCURE DE FRANCE
LES AVANTAGES DE LA VIEILLESSE,
O D E.
T El qu'un Cigne aux bords du Méandre ,
Quand la mort va fermer fes yeux ,
Des derniers Chants qu'il fait entendre
Charme les Hommes & les Dieux ;
Tel prêt à quitter la lumiére ,
Dieu du Pinde , dans ta carriére ,
Je vais étonner mes Rivaux :
A tes fons j'accorde ma Lyre ,
Et nouveau (a ) Sophocle , j'afpire
A tes triomphes les plus beaux .
*
O Mortel , dont le coeur avide
Vole après un bien qui te fuit ,
Ma voix de l'erreur qui te guide
Vient diffiper l'épaiffe nuit.
Abandonne un eſpoir frivole ,
Et contre le tems qui s'envole ,
Ingrat , rougis de murmurer :
Libre du joug de la Jeuneffe ,
C'est dans les bras de la VIEILLESS
Que tu vas bien- tôt refpirer .
*
(a ) Sophocle remporta le Prix de la Tragédie dans
un âge très- avancé.
Ти
SEPTEMBRE . 1742 . 2017
Tu difparois , obſcur nuage ,
Fantôme , qui m'as trop féduit :
Le calme fuccede à l'orage ;
Le jour le plus ferein me luit.
Ma vie à cet inftant commence ;
La raison & l'expérience
Eclairent , raffurent mes pas :
Je cueille , même après l'Automne ,
Des Fruits mûrs , que la Vertu donne ,
que le tems ne détruit pas . Et
Lance tes traits , Amour perfide ,
Fais briller tes charmes trompeurs :
LA VIEILLESSE me fert d'Egide ;
Je ris de tes vaines fureurs ;
Jadis aux Bacchantes fidéle ,
Sur leurs traces , fils (6) de Séméle ,
J'honorois ta Divinité :
Mon culte eft enfin raisonnable ,
Et ton Nectar coule à ma table
Des mains de la fobrieté.
*
Le Regne paffager de Flore
N'offre que de vaines couleurs :
Telle eft , ô Beautés , votre Aurorë ;
Ceffez d'idolatrer fes fleurs :
Si les rides font fuir les Graces ,
(b) Bachus.
E vj
Le
2013 MERCURE DE FRANCE
Le Tems amène fur les traces
Des biens plus vrais & plus conftans :
ISAURE (c) à fon dixiéme luftre
Brilloit déja d'un plus beau luftre
Qu'aux premiers jours de fon Printems.
*
Arrête , témeraire Icare ;
Sui ton Pere au milieu des Airs :
Mais que vois-je ? hélas il s'égare ;
Dédale feul franchit les Mers.
Ainfi périra la Jeuneſſe ,
Qui fur la voix de la VIEILLESSE
Ne reglera point fon effor .
Jamais le jeune Télemaque
'auroit rev les Murs d'Itaque ,
S'il n'eût eu pour guide Mentor.
*
Dieux ! fous mes pas la Terre s'ouvre ;
Quels objets ! quel abîme affreux !
Mon oeil effrayé vous découvre ,
Noir Tartare , terribles feux :
Que de Paris , que de Narciffes ,
En proye aux plus cruels fuplices ,
Gémiffent fur ces triftes bords !
Mais dans les Champs de l'Eliſée ,
(c) Il confte par l'Epitaphe de Clémence Ifaure ,
que Papyre- Mallon envoya aux Capitouls de Touloufe
, qu'elle a vécu cinquante ans.
Si
SEPTEMBRE . 17427 2019
Si je vois un fils de Théfée ,
Que j'y puis compter de Neftors !
*
Le fang , la flâme , le ravage ,
Annoncent les jeunes Héros ;
Infatiables de carnage ,
Ils laffent la main d'Atropos .
Octave , au Printems de fa vie ,
Eft un Tigre , dont la furie
Immole Rome à ſes projets ;
Mais mûri par l'âge , il eft Homme ;
Octave enfin , l'amour de Rome ,
Eft le Pere de fes Sujets.
*
Que les limites d'un Empire
Changent au gré du Conquérant :
Le Vieillard que Minerve inſpire ,
Par les Loix qu'il dicte eft plus grand.
Accourez des demeures fombres ,
Venez l'attefter , fieres Ombres ,
Et de Licurgue & de Minos.
Où vais- je chercher des exemples ?
France , dans FLEURY tu contemples
Un Sage qui fait les Héros .
*
O Tems ', que ta fuite eft utile t
Mon ame en fent l'heureux effet :
Hâte-toi , foûmets cette Argile ,
Qu'anima
2020 MERCURE DE FRANCE
Qu'anima le (d) fils de Japet.
En affoibliffant nos entraves ,
Tes coups foulagent des Eſclaves ,
Courbés vers les terreftres Lieux .
Plus ta main frape la matiére ,
Plus mon efprit rompt la barriére
Qui fépare l'Homme des Dieux..
Infirmitas corporis fobrietas mentis eft.
Ambr. in Hexam . Lib . 1 .
L'Hiftoire , la Vanité des Biens du Monde
les Avantages du Travail , les Plaisirs de la
Vie Ruftique , le Bonheur , LES BOURBONS
les Fleurs , font le fujet de fept autres Odes
qui fuivent dans le Recueil , celle qui a
remporté le Prix ; lefquelles ont concouru
& ont auffi leur mérite.
On trouve à la page 45. le Poëme , qui a
remporté le Prix de ce genre , par le même
Jugement. Il est encore de M. DE LAURE'S,
Auteur de l'Ode Couronnée . Le fujet en eft
grand & noblement exécuté , comme on va
le voir.
L'E'TABLISSEMENT DES CHEVALIERS
RHODES A MALTE . DE
POEME.
J'entreprens de chanter l'Ile Sainte & Guerriere ;

(d) Promethée ,
Qui
SEPTEMBRE. 1742: 2021
Qui fert à l'Occident de puiffante Barriére ,
Le Rempart des Chrétiens , l'effroi des Ottomans
Verité , tu vas feule animer mes accens.
Rhode ( a ) , où fes Chevaliers depuis quarante
luftres ,
Faifoient briller la Croix par mille exploits illuftres
Rhode , que fecondé de deux cent mille bras ,
Mahomet affiégea , mais ne renverfa pas ,
Livrée à Soliman par les complots d'un ( 6)Traître,
Malgré la réſiſtance alloit changer de Maître ,
Quand Villiers , digne Chef de tes vaillans Guerriers
,
S'adreffe au Dieu qui donne ou flétrit les Lauriers :
Toi , qui peux d'un feul mot anéantir la Terre ,
Arme ton bras , Grand Dieu. , fais gronder ton
Tonnere ;
Que nos fiers ennemis foudroy's par tes coups ,
Portent ces mêmes fers qu'ils ont forgés pour
nous.
Frape : : que le dernier d'une Race infidéle
Connoiffe , en expirant, que tu combats contre elle .
Le Ciel , fans l'exaucer , écouta ce Héros ;
Une voix annonça fes Decrets par ces mots :
Cede , fage Villiers : la fuprême Puiffance
(a) Il y avoit environ deux cent ans que les Che
valiers de S. Jean de Jerufalem étoient poffeffeurs de
Rhodes.
(b) Damaral , Chancelier de l'Ordre.
Pour
2022 MERCURE DE FRANCE
Pour ton Perfécuteur fait pancher fa balance :
Cede ; Dieu dans ce jour fécondant fes Exploits ;
Permet que le Croiffant l'emporte fur la Croix :
Abandonne ces lieux ; pars : fa main ſécourable
Te conduira bien- tôt dans un Port favorable.
C'eft- là que tes Guerriers , par des faits éclatans ;
Triompheront toujours & du fort & des tems .
Le Prince , pénetré de cette voix Divine ,
Leve les yeux au Ciel ; il ſoupire , il s'incline ,
Et fidéle à fon Dieu , mais Grand dans fon malheur
,
Paroît ceder au Ciel & non pas au Vainqueur.
Quel fpectacle touchant ! Je vois vos deſtinées ,
O glorieux vaincus , aux flots abandonnées :
Ce n'étoit pas affés que Solime à vos yeux
Eût féchi fous le joug d'un Tyran odieux ;
Ce n'étoit pas affés que le bras de l'Impie
Vous eût chaffés des Lieux teints du Sang da
Meffie ;
Il faut encore , il faut qu'après tant de travaux ,
Sanglans , percés de coups , vous erriez fur les
flots .
Sur vos fronts confternés , dans ce morne filence ,
Ah ! que votre douleur parle avec éloquence !
Vos font attachés fur les triftes débris
yeux
De ces Tours , de ces Murs brûlés ou démolis .
Des favorables vents cependant les haleines
Font voler les Vaiffeaux fur les liquides Plaines .
Rhode fuit : ô regrets ! .. Mais le Ciel s'obscurcit;
L'Air
SEPTEMBRE. 1742
2023 .
L'Air file , l'Eclair brille & la Vague mugit.
Les (4) Autans déchaînés , les Flots & le Tonnerre
Livrent à ces Héros une nouvelle Guerre :
Leurs Vaiffeaux font brifés , & mille objets d'horreur
Leur préfentent fans ceffe une mort fans honneur.
Daigne les fecourir , Grand Dieu , tiens ta promeffe
:
Tu m'entens ; l'Air fe calme & la Tempête ceſſe :
La Créte dans les Ports recueille tes Soldats ,
Et touché de leurs maux , ( 6 ) Clément leur tend
les bras
Lui, qui porta jadis la Croix qu'il favorife ,
Et que tu fis pour eux le Chef de ton Egliſe,
Ce Tronc mourant , Viterbe , eft reçû dans ton
fein ;
A l'abri de la foudre il y renaît enfin :
Mais c'étoit peu d'avoir conſervé les Racines ,
S'il n'eût pû déformais Aleurir ſur fes Ruines.
C'eft à Clément encor que cet honneur eft dû :
A ſes voeux , à fes cris ( c) Charles enfin rendu ,
Accorde à ces Guerriers un Port sûr & commode j
Malte devient pour eux une nouvelle Rhode.
Sur les bords de l'Afrique on voit du ſein des
Mers,
( a ) Vents contraires.
(b) Le Pape Clement VII . qui avoit été Chevaà
lier de Rhodes &c.
(c) Charles -Quint leur accorde l'Ile de Malte.
Us
2024 MERCURE DE FRANCE
Un Roc audacieux s'élever dans les Airs :
Les Peuples de Tunis , de Rome & de Numance
Soumirent autrefois cette Ifle à leur Puiffance :
Un Air pur & ferein fertilifant fes Champs ,
De Fruits délicieux nourrit ſes Habitans .
C'eſt- là que de Villiers la Milice eft portée ,
Et c'eft - là que la Croix pour toujours eft plantée.
Les Enfans d'Archimede apellés fur ces Bords ,
Pour les fortifier épuifent leurs efforts ;
Sous leurs fçavantes m ains s'élevent des Ouvrages,
Où la Nature à l'Art prête fes avantages.
Héros , je touche enfin à ces jours lumineux ,
Qui de tout l'Univers éblouirent les yeux.
Du creux de vos Rochers s'élevent des Tempêtes
Dont l'éclat fait trembler les plus fuperbes Têtes :
Tout cede à vos Exploits , & l'Empire Chrétien
. Trouve dans votre bras fa Gloire & fon Soutien .
Mais un audacieux a juré votre perte ;
De fes nombreux vaiffeaux je vois la Mer cou
verte .
Malte , fur tes d.'bris l'orgueilleux Soliman
Veut s'ouvrir un chemin juques au Vatican :
De fes fanglans Arrêts les coupables Miniftres
Volent
pour t'immoler à fes projets finiftres ;
Mais il n'eft plus de Traître
bats ,
Après mille com-
La terreur fur les Mers précipite leurs pas.
Que des Chants les plus doux tes Temples retentiffent
, Malte ,
SEPTEMBRE. 1742: 2025
Malte , du Ciel fur toi les Décrets s'accompliffent :
Tes Murs font affermis : les heureux Voyageurs
Trouvent dans tes Guerriers de zélés Défenſeurs ,
Et l'Ottoman , frapé de ce dernier outrage ,
N'ofe plus aborder ton dangereux Rivage.
Tanta molis erat Romanam condere gentem.
Ce Poëme eft fuivi de ceux de la Mort
de Socrate , de Tirtée , de la Loy de Dieu , on
le Décalogue , de l'Opera , & d'Olinde '( a)
Sophonie tiré du vii. Chant de la Jérufalem
du Taffe. Aucun de ces Poëmes qui ont
concouru , ne nous a parû mériter davantage
l'attention des Lecteurs que celui qui
porte pour titre l'Opera , ce qui engage de
le donner ici dans fon entier.
L'OPERA
POEME.
D'un fpectacle brillant , monftrueux , agreable ,
Je chante le défordre & la pompe admirable.
Mufes , à le tracer aprêtez vos pinceaux :
Pour un nouveau fujet il faut des Chants nouveaux.
Fatigués des plaifirs que l'Olimpe préſente ,
Les Dieux avoient quitté leur demeure éclatante ;
Le féjour de la terre attira leur déſir :
Les mortelles Beautés y flatoient leur loifir ,
(a) Auffi du P. Lombard.
Lorfque
2626 MERCURE DE FRANCE
Lorfque de cet excès lá Sageffe effrayée ,
Peint à Momus la peine où ſon ame eſt noyée ;
De fon Art enchanteur implore le ſecours ,
Et rend le Dieu des Ris docile à fes diſcours.
Oui , dit- il , par l'accord de bizarres merveilles
Frapons des Immortels les yeux & les oreilles.
La Sageffe foûrit : dans l'efpoir du fuccès ,
Elle affemble les Dieux au céleste Palais .
Tout-à-coup la Splendeur d'une Pompe nouvelle
Eblouit les regards de la Troupe Immortelle :
Par un même miracle , & dans le même tems
L'Olimpe retentit de Concerts raviſſans .
Sous des noms empruntés les Dieux & les Déeffes
Entendent exprimer leurs fureurs , leurs tendreffes,
Momus vient fur la Scéne, & les Jeux qu'il inſtruit,
Célébrent avec lui la Fête qu'il conduit.
Les Graces , que dévore un vain défir de plaire ,
Trop sûres de charmer , prêtent leur miniftére.
Le Dieu du Badinage expoſe une action ,
Dont l'amufante intrigue eft une paffion.
Sa naiffance , fa fuite & fa fin furprenante
Des divins Spectateurs trompe & flate l'attente t
Ses divers mouvemens , avec grace dépeints ,
Rallument dans leurs cours des plaifirs prefqu'éteints.
L'Amour parle , fe taît , cherche , fuit la retraite ;
Une Alcefte revit pour charmer un Adméte.
Un Amant qui fe trouve auprès de fon Iffé
.Sc
SEPTEMBRE , 1742 2027
Se paye , en la voyant , des pleurs qu'il a verfé.
Aux doux attraits d'un Chant noble , rapide &
tendre ,
:
Les Dieux émûs, ravis , fe laiffent tous furprendre,
La Trompette , le Luth , la Lyre , le Hautbois ,
Des Acteurs réžinis accompagnent la voix.
Souvent un même fon fait un feul Perfonnage ;
En cinq tems , fans ceffer , l'action fe partage.
L'aimable Terpficore, aux yeux des Dieux furpris ,
Joüit de l'intervalle , & danfe avec les Ris ;
Sa joye , ou vive , ou fombre , ou folâtre , ou dif
crette ,
Des incidens paffés eft l'exacte interpréte ;
Peint la Haine, l'Amour , la Rage , la Douleur ;
Ses pas font le tableau des mouvemens du coeur.
O furprife ! Quels feux ! quels éclats... Le Tong
nerre ,
Les Monftres que vomit & que reprend la Terre ,
L'Onde , l'Air , tour - à - tour , ou tous au même
inftant ,
Produisent dans l'Olimpe un défordre éclatant,
Les Dieux , dont l'oeil fubtil pénétre le preftige ,
Admirent l'artifice & goûtent le prodige.
Momus fçait dans les Cieux renfermer l'Univers
Par fon Art l'Empirée eft le lieu des Enfers.
Il étale tantôt fur les Plaines liquides
Les Tritons en cadence avec les Néréides ;
Tantôt la Foudre écrase Ajax & fes Vaifleaux :
Neptune
2028 MERCURE DE FRANCE
Neptune fur fon Char vient gourmander les Flots.
Le Soleil , entouré du Tems , des Jours , des
Heures >
Embrafe l'Horifon , en parcourt les demeures ,
Et fon Fils , qui conduit fes Courfiers enflàmés ,
Raffûre , en périffant les Mortels allarmés .
Sur la clarté du Jour la Nuit étend les voiles :
Le Jour reparoiffant diffipe les Etoiles.
L'Air fife : l'Aquilon échapé de fes fers ,
Au fon des Inftrumens ravage l'Univers .
Sur des Jardins fleuris l'onde court fe répandre s
Une Cité renaît , un Palais eft en cendre ;
Un Temple immenfe croule : à l'horreur du fracas
D'un filence profond fuccede l'embarras ,
L'agréable fommeil , porté fur les Menfonges ,
Autour du tendre Atis fait voltiger les Songes.
Des rochers escarpés le fommet s'aplanit :
A tant d'objets frapans tout l'Olimpe aplaudit .
Des Déeffes , les Dieux , que le plaifir entraîne ,
Avec tous leurs défauts le montrent fur la Scéne
Eux-mêmes confondus parmi les Ris badins ,
Viennent dans nos Cités enchanter les Humains ,
Et d'un Jeu féduifant font paffer la Science
Des bords de (a) l'Aufonie aux Rives de la France,
Dans l'Art des Vers heureux & des Chants natu
rels
Melpomene , Apollon , inftruifent les Mortels .
(3) L'Operafit apellé de Venise en France.
Quinaut !
SEPTEMBRE . 1742 . 2029
Quinaut divin Lully , Pere de l'Harmonie !
Vous faites infpirés par le même Génie.
Les Nimphes , les Héros , les Peuples & les Rois ;
Mêlent dans l'action leur filence & leur voix.
La Sageffe gémit : elle craint un fpectacle ,
A fes aufteres Loix trop dangereux obſtacle.
Que peuvent fes Leçons contre un fi doux attrait
Elle parle fans fruit & fe plaint en fecret .
Spectacula vincent .
Le R, Pere Lombard de la Compagnie
de Jefus , Affocié de l'Académie Royale
des Belles Lettres de la Rochelle , Ancien
Profeffeur de Rhétorique , & actuellement
chargé de continuer le Grand Dictionaire
François & Latin du feu Pere Vaniere
remporté à très-jufte titre , le Prix de l'Eglogue
, par celle qu'on va lire , inférée à
la page 81. du Recueil.
EGLOGUE
A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN,
Au nouveau Marcellus je confaere mes Sons ;
Venez , Prince ; nos Champs vous offrent des
Leçons.
Jadis des Dieux Bergers fouloient les Fleurs
champêtres :
Un Trône de Gazon vous attend fous des Hêtres,
Yous porterez un jour le doux nom de Pafteur ;
Ce
2030 MERCURE DE FRANCE
Ce nom eft pour un Roy le nom le plus flateur ;
Des devoirs qu'il impofe aimez à vous inftruire ;
Le Ciel dans fes Décrets vous reſerve à conduire
Un Troupeau , qui , docile aux Loix de fes Bergers
,
Ne s'égare jamais fur des Bords étrangers.
Il eft dans nos Hameaux des Socrates champêtres :
Les Rois , vous diront-ils , font plus Peres que
Maîtres.
Le premier Trône étoit un Gazon façonné
Et le premier Monarque un Pafteur couronné .
La douceur du Berger , les foins , fa vigilance ,
Sont les devoirs des Rois au fein de leur Puiffance,
Trop heureux , s'ils goûtoient la paix que nous
godtons !
Venez , Prince
Leçons .
nos Champs vous offrent des
De fertiles Guérets , de rians Payſages ;
Les Moutons bondiffant fur de gras Pâturages ;
Des Mufes de nos Bois les paifibles Combats
Traceront à vos yeux l'Image des Etats ,
De ces Etats heureux qui bravent l'Indigence ,
Qu les Arts , les Pla : firs naiffent de l'Abondance
La richelle du Peuple eft le Tréfor des Rois ;
Qu'elle foit , & le but , & le prix de vos Loix.
La Seine coulera fur les rives de l'Ebre ,
Lorfque nous oublirons ce (4) Monarque célebre ,
(a) Henri IV.
Qui
SEPTEMBRE. 1742.
2032
Qui jufqu'à nos Hameaux abaiffa fa bonté.
HENRI voulut bannir la dure pauvreté
Des Champêtres repas que Theftilis aprête ,
Et de fes tendres foins marquer nos jours de Fête.
HENRI vit dans nos coeurs , il vit dans nos Chanfons
;
Venez , Prince , nos Champs vous offrent des
Leçons.
Le Cristal de nos Eaux eft un Miroir fidéle ;
Il forme des objets l'Image naturelle :
Aux Rois , comme aux Bergers , il ofe reprocher
Les défauts qu'un flateur fçait parer ou cacher.
Vous le confulterez aux Bords d'une onde pure ;
Vous y verrez du Vrai la naïve peinture :
On dit que ce Spectacle eft des Rois peu connu :
Rien ne s'offre à leurs yeux fous un air ingénu.
Telle qu'eft à la Cour une jeune Bergere ,
Qui ſe cache , rougit , près du Trône étrangere
L'aimable Verité tremble devant les Rois :
Timide , embarraffée , elle fuit dans nos Bois ,
Et revient parmi nous diffiper fes allarmes ;
Parmi nous on aprend à refpecter fes charmes :
Elle pare nos Moeurs , préfide à nos Chanfons :
Venez ,
Prince , nos Champs vous offrent des
Leçons .
Le Pafteur qui prétend au Titre heureux de Sage ,
Eloigne des périls un Troupeau qu'il ménage :
F Son
2032 MERCURE DE FRANCE
Son pailible Bercail , inacceffible aux Loups ,
N'en redoute jamais l'homicide courroux .
Les Bergeres de fleurs couronnent fa Houlette ,
Et pour lui les Bergers reveillent leur Muſette.
Satisfait de fes Champs , il borne fes deffeins
A maintenir la Paix dans les Hameaux voisins .
Mais pourquoi vous tracer cette Image ruftique
Le Trône vous préſente un Héros pacifique ,
Qui des Bergers du Nord affûre le repos ,
Et regle le Deſtin de leurs divers Troupeaux :
On le nomme partout le Dieu des Bergeries.
Peur orner fes Autels , fur nos rives chéries
Nous cueillerons des fleurs dans toutes les Saiſons
Venez , Prinçc ; nos Champs vous offrent des
Leçons .
Vous y verrez un Lys , dont la Tige naiffante
Attire des Zéphirs l'haleine careffante :
De les tendres Boutons les tréfors précieux
S'entr'ouvrent chaque jour , pour embellir ce
Lieux ,
Et déja par
fes fleurs il paye avec ufure
Les doux foins qu'il reçoit d'une heureuſe culture
Tel vous êtes , dit on , fous nos ruftiques Toîts ,
Rejetton fortuné du plus beau Sang des Rois.
Croiffez parmi nos voeux mêlés à notre hommage
Souffrez encor nos Airs. Les Vertus de votre âge
Ses Graces , fa Candeur , Biens nés dans les Hameaux
,
Sont
SEPTEMBRE. 1742 : 2033
"
Sont refervés aux Sons des fimples Chalumeaux ..
Ils viendront ces beaux jours , où fur des tons
fublimes
La Lyre chantera vos Vertus magnanimes.
Par la Gloire conduit fur les pas des BOURBONS
Vos exemples aux Rois ferviront de Leçons.
Mufes , portez vos voix au- deffus des Fougeres.
- Suivent deux Sonnets à l'honneur de la
Sainte Vierge , qui ont feulement été jugés
dignes de l'Impreffion , le Prix du Sonnet
ayant été refervé pour l'année prochaine .

encore
On trouve à la page 97. l'excellent Difcours
du même R. P. Lombard , Jefuite, fur
Amour de la Patrie , lequel a
remporté le Prix dans ce genre. Nous fommes
fâchés de ne pouvoir entrer dans aucun
détail fur ce Difcours , qu'on a lû avec une
entiére fatisfaction . Tous les bons Sujets ,
& furtout les grands Sujets font propres au
P. Lombard , qui réuffit également en Eloquence
& en Poëfie.
La Piéce la plus importante de ce Re
cueil , & qui le termine , eft l'Eloge de
PIlluftre CLEMENCE ISAURE , prononcé
le 3. Mai 1742. jour de la diftribution
des Prix , par M. DE PONSAN , Tréſorier de
France de la Géneralité de Toulouſe , l'un
des quarante de l'Académie des Jeux Floraux.
Le commencement de cet Eloge eft
Fij en
2034 MERCURE DE FRANCE
en fort beau Latin , à caufe de l'Epitaphe
Latine qu'on y fait entrer comme une Piece
néceffaire , curieufe & Historique , qui avoit
befoin d'apologie , à l'occafion de laquelle ,
l'Orateur ne pouvant , dit-il , jetter de nouvelles
fleurs fur le Tombeau D'ISAURE
s'attache à faire voir qu'elle a merité celles
qu'on y répand depuis plus de trois fiécles.
Toute la fuite du Difcours eft François , &
ce Difcours mérite tous les aplaudiffemens
qu'il a reçûs.
,
Il ne faut pas oublier que cette derniere Affemblée
fut remarquable par fon Evénement
Litteraire qui fait honneur au beau Sexe ,
Madame de SEGLA Epoufe de M. de
Montégut , Tréforier de France , ayant demandé
des Lettres de Maîtriſe des Jeux
Floraux , dès qu'elle eût remporté les trois
Prix néceffaires pour pouvoir les obtenir, af
fifta cette année pour la premiere fois à l'Affemblée
de la diftribution des Prix , en qualité
de Maîtreffe des Jeux Floraux , & prit
féance fur les fiéges deftinés pour Mrs les
Académiciens.
On donnera dans le prochain Mercure le
Remerciment adreffé à l'Académie par cette
Illuftre Maitreffe , & nous ne faifons point
d'excufe fur la prolixité de notre Extrait ,
perfuadés qu'on nous fçaura bon gré d'avoir
excédé les bornes ordinaires , entraînés par
L'impor
SEPTEMBRE. 1742 : 2035
l'importance , & par la beauté de la matiére .
L'Académie a donné pour Sujet du Difcours
de l'année 1743 .
LA VERITABLE LIBERTE' CONSISTE DANS
L'ASSUJETISSEMENT A LA RAISON .
THEATRE CRITIQUE ESPAGNOL , OU Diſcours
differens fur toutes fortes de Matières , pour
détruire les Erreurs communes , &c. IV. V. &
VI. Brochures in - 12 . A Paris , chés Pierre
Clement , Libraire , Quai de Gêvres , 1742 .
Ces trois dernieres Brochures contiennent ,
la premiere , une Differtation ou un Difcours
dont le Titre eft Politique la plus rafinée ,
divifé en x1 1. Paragrafes ; la feconde , un autre
Difcours en x1 . Paragrafes , dont le fujet
eft la Médecine : & la troifiéme un Difcours
de x. Paragrafes , intitulé Regime pour conferver
la fanté. Dans ces Difcours , l'Auteur
Efpagnol continue de donner des preuves de
fon Erudition , & de la folidité de fon Efprit
le Traducteur en donne de fon exactitude
& de fa fagacité dans la continuation
de fon Entrepriſe . En joignant les trois premieres
Brochures , dont nous avons rendu
compte dans le Mercure du mois d'Août
dernier , aux trois dont nous venons de parler
, on a un premier Volume entier de la
Traduction du Théatre Critique Efpagnol, lequel
fe vend chés le même Libraire que nous
F iij

venons
2036 MERCURE DE FRANCE
venons d'indiquer . Nous rendrons compte
de la fuite, & c.
LES AMOURS D'ENE'E ET DE Didon ,'
Poëme , traduit de Virgile , avec divers
fes autres Imitations d'anciens Poëtes Grecs
& Latins , par M. le Préfident Bouhier , de
l'Académie Françoife. A Paris , de l'Imprimerie
de J. B. Coignard , 1742. in- 12.
L'illuftre Auteur fait fentir dans fa Préface
la difficulté qu il y a de donner une bonne
Traduction en Vers ; il eft même tenté de
croire qu'il faut peut- être plus d'art pour exprimer
dans ce genre d'écrire toutes les beautés
d'un bon original, & pour les rendre dans
le goût François, que pour compofer de fon
chef. Quelque difficile que foit un travail de
cette efpece, l'Auteur fait cependant voir par
fon excellent Ouvrage , qu'il n'eft pas im
poffible de parvenir à un certain degré de
perfection . Le Livre que nous annonçons
n'eft ni une Traduction Littérale ni une Paraphraſe
; c'eft plûtôt une fidéle Imitation en
Vers François du quatrième Livre de l'Encïde
& de quelques Morceaux choifis d'Horace ,
d'Ovide , d'Anacreon , & de Martial . On
trouve ici Virgile en original , fes penſées ,
fes fentimens , la douceur & le fond de fa
Poëfie, & on admire fur tout un ftyle concis,
fans être obfcur , de quoi on ne croit pas
ordinai.
SEPTEMBRE . 1742 2037
ordinairement que notre Langue foit capable.
Nous avions déja plufieurs Traductions en
Vers du quatriéme Livre de l'Eneïde , Il n'y
en a que deux qui foient fuportables , l'une
de Segrais , qui a traduit toute l'Eneïde , &
l'autre de Gilles Boileau , qui n'a traduit que
ce Morceau. Mais outre plufieurs défauts qui
s'y rencontrent, on ne peut fouffrir la liberté
qu'ils fe donnent d'augmenter leur original
, l'un de plus d'un tiers , & l'autre de
prefque la moitié. Notre fçavant Acadé
micien a fi bien évité cet écueil qu'il
n'excede pas Virgile de foixante & dix Vers
au plus.
و
Ce premier Ouvrage eft fuivi d'une Traduc
tion , auffi en Vers , de > quarante trois Vers
du premier Livre des Géorgiques du même
Poëte Latin & d'un Morceau du huitième
Livre de l'Eneïde , vers 370. & fuivans
qui contient un Dialogue de Venus &
de Vulcain. C'eſt le même ſtyle & la même
liberté dans la Traduction. Tout s'ac
corde fi bien à nos idées & à nos moeurs ,
que l'on peut
dire que fi Virgile revenoit
parmi nous , il ne fe traduiroit pas autrement
lui-même.
Nous ne dirons rien des petites Piéces qui
fuivent ; nous nous contenterons d'en indiquer
quelques- unes au Lecteur, pour le met-
Fij tre
2038 MERCURE DE FRANCE
tre en état de juger par lui - même du mérite
de toutes les autres .
Page 56. Plus d'une fois j'ai mis en train
ma Mufe.
P. 61. Colombe aimable Couriere .
P. 86. Quand je t'ai lû quelques Morceaux.
P. 94 Que Lubin ait mauvais renom.
LES AMUSEMENS DU COUR ET DE
L'ESPRIT, Ouvrage Périodique , Tome XII.
fe vend à Paris , chés la Veuve Piſſot , Quai
de Conty, & chés Ant. Urb . Coûtelier , Quai
des Auguftins , près la rue Gît- le- coeur, 1741 .
in- 12 . de $ 28 . pages d'impreffion. Le prix
eft de 2. livres 10. fols en blanc , & de 3. liż
vres relié.
Il y a dans ce nouveau Tome beaucoup
plus de bonnes Piéces que dans aucun
des précédens. Parmi celles qui font écrites
en profe , on remarque un Examen de la
Tragédie d'Antoine & Cléopatre , qui paroît
fort bien raifonné & folide.La vie de Brutus,
premier Conful de Rome : les Mémoires du
Marquis d'Orville , & les Nouvelles Littté
raires , ainfi que deux Lettres de M. Des-
Forges Maillard , ont auffi leur mérite. Nous
allons choifir au hazard quelques Morceaux,
pour donner une idée du total.
CHAN
SEPTEMBRE. 1742. 2039
CHANSON PASTORALE
Dans ces beaux Lieux , avant l'Aurore ;
Mon. Berger venoit chaque jour.
" Tout me parloit de fon amour
Jufqu'aux feurs qui venoient d'éclore .
Hélas ! je l'attends à mon tour :
L'ingrat ne paroît point encore .
Tout me dit qu'il eft inconftant ,
Le beau Berger que j'aime tant.
*
Aux bords de ces Rives fleuries
Son Troupeau s'unifſoit au mien ;
Même houlette , même chien
Conduifoient nos brebis chéries.
Je cherche & ne découvre rien
Qui n'aigriffe mes rêveries.
Tou me dit qu'il eft inconftant
Le beau Berger que j'aime tant.
Il ne vient point ! quel foin l'arrête î
Que lui peut-il être arrivé ?
Le Soleil eft déja levé ,
L'air eft calme , un beau jour s'aprête.
Hélas ! n'eft - il point captivé
Par quelque nouvelle conquête ?
FY Tout
2040 MERCURE DE FRANCE
Tout me dit qu'il eft inconftant
Le beau Berger que j'aime tant.
*
Damon , d'une courfe légere ;
Suit aux champs la jeune Cloris ;
Lycas offre à la belle Iris
Une guirlande de fougere ;
Et l'indifference eft le prix
Que reçoit mon amour fincére .
Tout me dit qu'il eft inconftant
Le beau Berger que j'aime tant .
*
Vien , cruel , reprens ta malette ;
Que je reçûs avec tes voeux ;
Rends-moi la treffe de cheveux
Dont ma main orna ta houlette .
Change après , puiſque tu le veux ;
Ne crains point que je te regrette.
Sois parjure , ingrat , inconftant ,
Volage Amant , que j'aimai tant.
*
Mais de fa touchante Mufette
J'entends , je reconnois les fons ...
Diffipez-vous , jaloux foupçons !
Tireis n'adore que Lifette .
Il le redit dans fes Chanfons ;
J'en
SETEMBRE : 1742 2041
Jen crois l'Echo , qui le repete.
Il eft amoureux & conftant
Le beau Berger que j'aime tant.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Bohème
au mois de Novembre dernier.
» Dans les troupes que les Saxons nous ont
» amenées , il y a une efpece de cavalerie que
» nous apellons le contrepoifon des Huffards
» avec le nom de Houllans. Ce font des Gen-
» tils hommes Polonois , qui ont chacun un
» valet d'armes . Ils font montés fur de pe-
>> tits chevaux , qui ont encore moins d'apa-
» rence que ceux de nos Huffards. Le har-
" nois eft compofé d'une fellette de bois ,
» fans poitrail ni croupiere : la bride eft une
» corde qui paffe dans la bouche de leurs
» chevaux. Pour leur habit, je défefpere de le
peindre. Une tête rafée,un habit blanc dans
» le goût de celui de Pierrot : une culotte
" qui leur prend au deffous des aiffelles ,
plus large qu'une mâle à lit ; des brode-
ود
>>
»
quins jaunes , une jupe de feinme , bleuë
» attachée fur le nombril . Chaque Gentil-
» homme a pour armes une lance , attachée
» le long du corps de fón cheval : auprès du
» fer il pend une demie aune de tafetas bleu
» & blanc. Leurs valets portent leurs cara-
» bines , & nombre de piftolets . Cette ef-
F vj » pece
2042 MERCURE DE FRANCE
»pece d'hommes eft regardée comme invin
» cible. Ils nous ont donné des preuves de
» leur valeur . Ils étoient en détachement, il
» y a quelques jours, fous les ordres de M. le
» Comte de Saxe. Ayant reconnú cent Huf-
» fards ennemis, ils demanderent à marcher
>> au nombre de quarante avec leurs valets .
» Cela parut extraordinaire , mais n'ayant
" pas voulu aller en plus grand nombre ,
> on le leur accorda . Eux & leurs va-
» lets ſe mirent en bataille à deux cent pas
» des Huffards : marchant à eux les valets
» lâchent leurs coups de carabines pardeffus
» le dos de leurs Maîtres . A la faveur de ce
» feu les Maîtres fondent fur les Huffards :
» remuant leur lances , le tafetas fait faire un
» mouvement forcé au cheval Huffard , &
» dans l'inftant l'Huffard fe trouve embro-
» ché comme une alloüette. Enfin du déta-
>> chement Huffard ils en ont tué plus de
» trente : ils ont fait cinquante prifonniers ,
» le reſte a eu bien de la peine à fe fauver :
>> On affure que ces gens - là attaquent fouvent
des Efcadrons de Cuiraffiers, & qu'il
» n'y a pas d'exemple qu'ils ayent jamais lâ¬
" ché le pied.
On trouve ( page 49. ) une très belle Ode
fur l'exiſtence de Dieu . Elle eft de M. l'Abbé
Affelin . Celle de feu M. de Racan aù Cardimal
de Richelieu , ne fe trouve point dans le
Recueil
SEPTEMBRE. 1742 2043
Recueil de fes Poëfies , pas même dans la
derniere Edition de Coûtelier. Elle eft inférée
ici ( page 233 ) avec d'autres Morceaux
auffi rares ; entr'autres un Sonnet de Malherbe
, qu'on avoit totalement oublié dans
l'Edition de fes Poëfies.
M. Des-Forges Maillard ayant obtenu un
Emploi à la follicitation de Madame de Villemer
, il lui a fait fes remercimens par l'Epitre
fuivante, page 265.
Ce qu'on m'écrit , Villemer , eft - il vrai
Que c'eft fur tout à vous que je devrai
Le bénefice , où la fin de l'Automne
Va m'apeller ? Mon ame qui s'étonne ,
Ne penſe plus au befoin que j'en ai ,
Pour ne penfer qu'à la main qui le donne .
Certes , fouvent à Minerve , à Vénus ,
Par maint Rimeur Dame fut comparée ;
C'eft le refrein de l'Apollon Phébus
Et cetre image , avec fes attributs ,
Sous fon cifeau fut cent fois réparée.
Pour moi , qui parle avec naïveté ,
Faveur du Ciel , à mon goût affortie
Je dis qu'en vous logent efprit , beauté ,
Tous deux unis d'étroite fimpatie ;
Mais je dirai ce que n'avoient point dit
Jufqu'à préfent nos Rimeurs en crédit ,
Má Sapho même en fur- elle jaloufe !
Je
2044 MERCURE DE FRANCE
Je dirai donc hautement que je doi
Vous apeller ma Mécêne , & pourquoi .
De mon Mécêne étant la chere Epouſe ,
N'avez-vous pas même nom ? Si la loi
A juſtement de Marquis fait Marquiſe ,
Et pareils mots qu'uſage féminiſe :
Dans ma Mécêne il n'eft rien que de doux,
Et ce beau nom doit fleurir parmi nous.
Fortune , & toi , dont les fermens perfides
Livroient mon ame au chagrin le plus noir ,
Qui n'as payé que de promeffes vuides
Jufqu'à préfent mes voeux & mon eſpoir ,
Ah! fi toujours prête à me décevoir ,
Renouvellant ta haine atrabilaire ,
Il te venoit , comme à ton ordinaire ,
Defir aucun d'exiler un Profès
Cruellement du Temple où tu l'admets ;
J'ofe efperer que ton humeur légere
Reípectera la main qui m'y conduit ,
En amitié transformant ta colere ,
Et diffipant le malheur qui me fuit , &c .
Les deux Morceaux fuivans font de M. de
Bainville .
EPITAPHE d'un jeune homme enlevé à
la fleur de fon âge.
Le plaifir fut ma feule étude
Je fus conftant à le chérir ;
II
SEPTEMBRE. 1742 2045
Il m'a payé d'ingratitude ;
Car c'est lui qui m'a fait mourir.
MADRIGAL
Praxitele fit un Amour ,
Et de cette Statuë il étrenna fa Belle ,
Qui , pour le payer de retour ,
A fes defirs ceffa d'être rebelle .
Je puis , pour la même faveur
Faire encor plus pour toi que ne fit ce Sculpteus
Il donna de l'Amour feulement la copie ;
Moi , je te donnerai , Silvie ;
L'original , car il eft dans mon coeur .
Le Mémoire Littéraire ( page 247. ) qui
concerne la vie de M. Rollin , ne paroît avoir
qu'un défaut , qui eft la trop grande briéveté .
Vingt pages ne peuvent guere fuffire à racons
ter tout ce qui feroit connoître un auffi grandhomme
que l'Ecrivain de l'Hiftoire ancienne.
Voici l'Hiftoire de fa naiffance & c.
Charles Rollin , fecond fils de Pierre
Rollin , Maître Coûtelier à Paris , naquit en
cette Ville le 30. Janvier 1661. Il s'explique
· ainfi lui - même ſur fon origine dans une Epigramme
, adreffée à un de fes amis , en lui
envoyant un couteau. Ce préfent vous femblera
plus digne de Vulcain que des Mufes ,
mais n'enfoyez point furpris , c'eft de l'Antre
des
2017 MERCURE DE FRANCE
des Cyclopes que j'ai pris mon chemin vers le
Parnaffe.
Il ne tint point à fes Parens qu'il ne méconnût
tout- à-fait un Pays , où l'attendoit
un rang auffi illuftre , que celui qu'il y a
tenu. Son Pere fort attaché à ſa Profeffion ;
deftinoit fes deux enfans à la fuivre . Cet
homme mourut , Charles étant encore dans
fa premiere jeuneffe .... Il alloit exactement
entendre & fervir la Meffe aux Blancs Manteaux
; le Célerier de ce Monaftere cut occafion
de s'apercevoir que l'efprit de cet enfant
étoit propre à de plus nobles ocupations
que celles d'une boutique . C'est ici que
commence proprement l'Hiftoire de M. Rollin
, que l'Auteur a rendu curieuſe par des
détails fort intéreflans, & qu'il faut voir dans
le Livre même.
Homere a été le fujet d'une longue querelle
entre Madame Dacier & M. de la Mote.
On nous donne ici , page 57. une Piéce
de ce Procès Littéraire,fous le titre d'Homere
en arbitrage , en deux Lettres .
Les Curieux de connoiffances Géographiques
, trouveront à fatisfaire leur goût dans
une Lettre d'un Officier de la Marine touchant
la Louifianne , autrement le Miſſiſſipi.
Voici une réfléxion morale fur les femmes -
& le mariage , qui nous a paru exprimée
avec efprit , page 193. Dans la recherche
» qu'on
SEPTEMBRE. 1742 2047
»
qu'on fait d'une femme aimable , on n'en-
» vifage ordinairement que l'avantage de la
» poffeder. A voir notre précipitation à for-
"mer ces noeuds qu'on ne peut plus rome
pre , il femble que nous n'ayons rien à dé-
» firer de plus que fa main. Il eft rare que
» nous penfions à nous affurer fi , avec fa
dot & fa perfonne , une femme nous
» aporte encore fon coeur. Nous le prenons,
» fans l'examiner , & fouvent il arrive qu'il
» eft rempli. Il eft prefqu'impoffible qu'une
» femme , dans l'âge des plus vives paffions ,
» n'ait pas fait un choix auffi tôt que
» tems d'aimer eft venu pour elle . Nous
>> croyons en être bien diftingués , lorſque
» nous obtenons fans peine fon confente-
" ment , pour unir notre fort au fien : mais
nous ne devons la plûpart cette préference,
x
le
qui flate notre vanité , qu'aux obftacles qu'el-
» le trouve pour fe procurer un fort plus heu-
>> reux à fon goût du côté qui lui plairoit
» davantage ; au peu de tems qu'elle a pour
» mériter un Epoux , & à l'impatience où
» elle eft de jouir des charmans privileges
qu'aporte l'état de femme.....Le coeur eft
» rarement un préfent de la reconnoiffance .
» On ne reçoit de loix en amour que du
» feul penchant. Le veritable amour est involontaire.
Celui qui naît de la reconnoifnfance,
eft un amour que l'on s'impofe ; par
» conféquent
"
2048 MERCURE DE FRANCE
» conféquent il ne peut être entiérement
» fincere , ou du moins il eft extrêmement
» foible , & tient plus , à le bien examiner,
» de l'amitié que de tout autre fentiment.Une
» femme qui fent la néceffité de payer de
» quelque retour un mari qui la rend heu-
» reuſe , fe prefcrit un attachement & des
» égards, qu'il puiffe prendre pour un vérita-
» ble penchant , & au bout du compte cette
» illufion vaut quelquefois la réalité.
L'Editeur des Amuſemens du Coeur & de
l'Eſprit nous prie d'avertir le Public qu'on
imprime actuellement le XIII . Tome de ce
Recueil , & que , faute de s'adreffer à un des
deux Libraires ci- deffus indiqués , il arrive
fouvent que les perfonnes qui demeurent
dans les Provinces , ne peuvent acquérir le
Recueil entier , ou les Volumes , qu'on vend
féparés , comme on le fouhaite. Ainfi les
Correfpondans de Paris n'ont point de prétexte
à fournir,puifqu'en s'adreffant directement
chés la veuve Piffot ou chés le fieur Coûtelier,
on levera toutes les difficultés qui pourroient
naître dans ces occafions.
4 .
On écrit de Marſeille que le du mois
d'Août dernier,il y eût un Exercice Littéraire
dans la Sale du College de BELSUNCE , de
la Compagnie de JESUS , lequel eût beau-
Coup de fuccès. On jugera du mérite de
cet
SEPTEMBRE . 1742: 2849
cet Exercice par l'Expofition du Sujet , contenu
dans un Programme , dont voici le
précis.
L'Explication des Auteurs , & deux petits
Traités partageront cet Exercice. Nous nous
fommes mis en état d'expliquer le II . & le
VI. Livre de l'Enéïde , les deux premieres
Harangues de Ciceron contre Catilina ; une
partie du Livre de la Vieilleffe . Quelques Vies
des grands Capitaines de la Grece , de Cor
nelius Nepos ; fix Odes d'Anacreon. Pour
rendre l'interprétation de ces Auteurs moins
féche & moins infipide , nous l'accompagnerons
de quelques Notes choifies , & nous
ferons remarquer la maniére dont nos meilleurs
Poëtes François en ont traduit ou imi
té les plus beaux Endroits. Le premier
Traité fera fur la Mythologie . On fçait com
bien cette connoiffance eft néceffaire pour
l'intelligence des Auteurs. Nous parlerons
dans le fecond Traité de la Vie & des Ouvrages
des Anciens Poëtes Latins.
REPONDRONT
Mrs Garavaque , Auda , Rille , Silvy ,
BeZaudin , de Marseille , & Ruffin de Salo
nique , Ecoliers de Troifiéme .
15
2050 MERCURE DE FRANCE
ASSEMBLEE PUBLIQUE
de l'Académie Royale des Belles- Lettres
de Marseille.
'Académie des Belles - Lettres de Marfeille tint
L'avant la consume , fon Affemblée publique le
25. Août , Fête de S. Louis .
M. Dulard , faifant la fonction de Directeur , en
l'abſence de M. le Commandeur de la Fare , ouvrit
la Séance par un Difcours , dans lequel il expofa
les raifons qui ont déterminé l'Académie à
le Prix de cette année.
renvoyer
M. de Gueidan , Préſident à Mortier du Parle
ment de Provence . Affocié de l'Académie , lût le
Tribut envoyé cette année à l'Académie Françoife.
M. Dulard fit enfuite la lectare d'une Piéc
Poësie , qui a pour titre : Epitre à Damon , pou
détourner de la Satyre.
M. de Sinety termina le Séance par la lecture de
l'Eloge Hiftorique de feu M. l'Abbé de Soiffan ,
Académicien Veteran , compofé par M. de la Vifelede
, Sécretaire perpétuel .
L'Académie auta deux Prix à donner le 25. Août
de l'année prochaine 1743.
Elle adjugera le premier à un Difcours d'un quart
d'heure , ou tout au plus d'une demie- heure de
lecture , dont le Sujet fera : La présomption eft un
des grands obflacles aux progrès dans les Lettres.
Le fecond Prix fera adjugé à une Piéce de Poë
fie , foit Ode , foit Poëme , dont le Sujet fera :
L'Héroïsme de S. Louis dans les fers . Le Poëme ne
doit pas exceder 100. Vers , & doit être à rimes platou
en Vers Alexandrins .
tes .
Ce Prix eft une Médaille d'or , de la valeur de
oo. livres , ayant d'un côté le Bufte de feu M. le
Maréchal
SEPTEMBRE 2 . 1742. 2015
Maréchal Duc de Villars , & fur le milieu du Revers
cette Infcription : PREMIUM ACADEMIA
MASSILIENSIS.
On adreffera les Ouvrages , comme de coûtume,
à M. de Chalamont de la Vifclede , Sécretaire per
pétuel de l'Académie , rue de l'Evêché . On afranchira
les paquets à la Pofte , fans quoi ils ne feront
point retirés. Ils ne feront reçûs que jufqu'au prenier
Mai , inclufivement. Les Auteurs n'y mettront
point leurs noms , mais une Sentence tirée de l'Ecriture
, ou des Auteurs profanes . Ils marqueront à
M. le Sécretaire une adrefle à laquelle il enverra
Lon Récepillé.
S'ils fouhaitent que leurs noms foient imprimés
à la tête de leurs Ouvrages , ils doivent l'envoyer
avec leurs Titres , à une perfonne domiciliée à
Marfeille , qui les remettra à M. le Sécretaire le
ar. Luiller , non plûtôt ni plus tard.
prie les Auteurs de prendre les mesures né
ceflaires pour n'être point connus ayant la déciſion
de l'Académie , de ne point figner les lettres qu'ils
pourront écrire à M. le Sécretaire , de ne point lui
préfenter eux-mêmes leurs Quvrages , en feignant
de n'en être pas les Auteurs , ni de fe faire connoîre
à lui ou quelqu'autre Académicien . On les
vertit que s'ils font connus par leur faute , leurs
Ouvrages feront exclus du concours , auffi bien
que tous ceux en faveur defquels on aura follicité ,
encore ceux qui contiendront quelque chofe de
bre .
Les Auteurs qui auront remporté le Prix , vien-
Aront , s'ils font à Marſeille , le recevoir dans la Sale
de l'Académie le 25. Aoûr , jour de l'Affemblée publique
, deftinée à l'adjuger , & s'ils font abfens , ils
coverront à une perfonne domiciliée à Marſeille
le Récepiflé de M. le Sécretaire , moyennant lequel
le Prix fera remis à cette Perfonne.
2052 MERCURE DE FRANCE
PREMIERE Affemblée publique de la
Societé Littéraire de Montauban.
L
E 25 , du mois d'Août dernier jour de la Fête
de S. Louis, la Société Littéraire de Montauban
tint fa premiere Séance publique dans le Palais
Epifcopal de cette Ville. M. de Vertamont, Evêque
de Montauban , perfuadé que l'étude des Lettres
forme des Citoyens à l'Etat , & des Miniftres à la
Religion , a crû devoir favorifer un Etabliſſement
dont fon Diocèfe recueillira les premiers fruits.
Dans cette vue , digne de fon zéle & de fa pieté ,
il n'a rien épargné pour donner à une Cérémonie
fi intereflante tout l'éclat qu'elle pouvoit avoir .
Les Affociés s'affemblerent à dix heures & demie
du matin chés M. de la Motte , Directeur de
quartier de- là ils fe rendirent en Corps à l'Eglife
Paroiffiale, ou iis fe placerent dans un rang de chaifes
, qui leur étoit deftiné vis- à vis la Chaire du
Prédicateur. M. l'Evêque célebra une Meſſe baffe ,
pendant laquelle on chanta un Motet , exécuté par
Ja Mufique du Chapitre de la Cathédrale .
Après la Meffe , M. l'Abbé de la Tour , Curé de
la Ville , & l'un des Affociés , prononça le Panégyrique
de S. Louis , que la Societé Littéraire a
choifi pour fon Patron.
Le même jour , à trois heures après midi , les Affociés
fe rendirent à l'Evêché . La grande Sale étoit
préparée pour les recevoir , & ils s'affirent au tour
d'une grande table , couverte d'un Tapis de velours
cramoifi.L'Affemblée qui devoit les entendre , étoit
des plus brillantes ; prelque toutes les Perfonnes de
quelque confidération dans l'un & l'autre fexe, s'y
trouverent comme elles s'étoient trouvées à la Cé̟-
rémonie du matin .
La Séance commença vers les quatre heures .
M. le
SEPTEMBRE. 1742 2053
de mots
M. le Directeur en fit l'ouverture en peu
il exhorta les Affociés à mériter par leurs travaux la
protection que le Roy a daigné leur accorder , en
leur permettant de s'affembler , & celle que Sa Majefté
leur a fait efperer pour l'avenir , s'il réfulte
de leurs Affemblées des Ouvrages utiles au Public.
Quelques Affociés lûrent enfuite differentes Piéces
en Profe & en Vers.
M. du Breil lût un Difcours fur l'utilité des Aca
démies .
M. de Bernoy , Sécretaire perpétuel , lût des
Stances fur la premiere Affemblée publique de la
Societé Littéraire ,
M l'Abbé le Franc lût un Effai critique fur l'état
préfent de la République des Lettres , M. Maffip ,
une Epitre à fa Mufe.
M. le Franc , lút une Ode Sacrée, tirée des Pleaus
mes 13. & 52. & une autre Ode fur l'ouverture
des Séances de la Societé Littéraire ,
M.P'Abbé Belet lût un Problême, où l'on examiną
s'il eft plus difficile de réüffir en Profe qu'en Vers ,
M. de la Motte , Directeur , termina la Séance
par une Epitre en Vers à M. le Comte de Saint Flo
reatin , qui doit être mise à la tête du Recueil que la
Societé Littéraire donnera inceffamment au Public ,
Ce Recueil fera compofé des Ouvrages qui ont
été lûs dans l'Affemblée publique , & de quelques
autres qui n'ont pas été lûs . M. le Comte de Saint
Florentin a confenti que ce Recueil lui foit dédié.
C'eft un tribut de reconnoiffance que la Societé
Littéraire de Montauban doit à l'accès favorable
qu'elle a trouvé auprès de ce Miniftre. Elle fe flate
qu'à toutes les marques de bienveillance qu'elle a
reçûës de lui , il voudra bien ajoûter celle d'être fon -
Protecteur , elle fe rend digne un jour que le Roy
Périge en Académie par des Lettres Patentes . En
attendant
2054 MERCURE DE FRANCE
attendant cette grace , qui fait l'objet de fes voeux,
elle ne croit pouvoir rien faire de plus hono.able
& de plus avantageux pour le Recueil qu'elle def
tine à l'impreffion , que de le publier fous les aufpices
d'un Miniftre , qui joint à toutes les qualités
que fa Place exige , une zéle éclairé pour le progrès
des Sciences & des Beaux - Arts .
Le lendemain de la Fête de S. Louis , M. l'Evêque
de Montauban douna un magnifique dîner à la
Societé Littéraire. On fervit à ce repas deux plats ,
fur lefquels étoient repréfentés les attributs fymboliques
des Sciences & des Belles - Lettres . M l'E
vêque a accompagné tous les honneurs qu'il a
rendus à la Societé Littéraire , des témoignages les
plus flateurs d'amitié pour chacun des Aflociés , &
ce Prélat , déja fi refpecté dans fon Diocèle par la
fainteté de fa vie , par fa vigilance paftorale , par
fa charité fans bornes , s'eft attiré dans cette occafion
un nouveau dégré de vénération & de recons
noiffance.
CATALOGUE abregé des Ouvrages de
Mrs les Peintres , Sculpteurs & Graveurs
de l'Académie Royale , aujourd'hui vivans,
exposés dans le Salon du Louvre , le 25.
Août dernier , Fête de S. Louis , jufques &
compris le 21 Septembrefuivant.
O
N ne prétend donner ici ni rang , ni préfé
cence entre les Auteurs dans l'arrangement
des articles des Tableaux dont on va parler , &
comme on a diftribué un petit Livre imprimé , contenant
la defcription & les dimenfions de chaque
Tableau , auquel on peut avoir recours
pouvoir le difpenfer de les mettre tous.
on a cra
PEINSEPTEMBRE.
1742 2055
PEINTRES.
DE M. COYPEL , ancien Profeffeur , Ecuyer ;
Premier Peintre de M. le Duc d'Orleans. 1. Un
Tableau en largeur de 4. pieds , fur s . de large, qui
repréfente S. Jean - Baptifte prêchant dans le Defert.
2. Tableaux en Pastel , repréſentant , fçavoir ,
le premier , deux Portraits du Frere & de la
Belle -foeur de l'Auteur , c'eft- à- dire , M. Coypel
de S. Philipe & Madame fon Epoufe , qui font
d'une reflemblance frapante , & peints avec un art
admirable. 3. On voit dans l'autre trois Enfans de
ces jeunes Epoux , auffi délicatement péints , que
leurs regards & leurs actions enfantines font bien
exprimés. Ces nouveaux talens pour le Paſtel , que
tout le Public ne connoifloit point en M. Coypel
lui font beaucoup d'honneur , & ont attiré une
grande foule de Spectateurs.
"
DE M. DE TOURNIERE , ancien Profeffeur. 1.
Un grand Tableau , repréfentant la Déelle Hebé. 2 .
Autre de même grandeur , repréfentant Mad. de
Vicman, revenant de la Chaffe . 3.Portrait de M. le
Riche,Contrôleur Géneral des Monnoyes de Francu
, & Tréforier Géneral des Invalides . 4. Celui
d'un Seigneur Anglois, en habit de Chinois . s . Celui
de M. de Montluçon , Fermier General , 6. Portrait
de M. de Colande . 7. Petit Tableau qui repréfente
une Vue de la Ville de Geneve & du Lac. Ce
Peintre foûtient toujours la jufte réputation qu'il
s'eft acquife depuis long tems.
DE M. DE TROY , Ecuyer , Chevalier de l'Or
dre de S. Michel , Confeiller- Sécretaire du Roy ,
Directeur de l'Académie de France à Rome. 1. Un
grand Tableau en largeur de 15 , pieds, fur 11. repréfentant
la fuite de l'Hiftoire d'Efther , dans le
moment qu'Aman monte les dégrés du Palais d'A
G fuerus
2056 MERCURE DE FRANCE
fueras ; tout le monde féchit le genou devant lui
à l'exception de Mardochée. 2. Autre de même hau
teur , fur 17. pieds de large , qui repréſente Aman
qui fe jette fur le lit de la Reine , la ſupliant d'ob
tenir fa grace , mais Affuerus , qui s'étoit retiré
dans le Bois voifin , étant revenu , & l'ayant furpris
, entra dans une furieufe colere , & ordonna
fur le champ qu'il fubît le même fuplice qu'il avoit
préparé à Mardochée . On reconnoît à ces deux
beaux Morceaux le génie heureux & fécond , & la
main facile & fçavante d'un grand Peintre.
DE M. DUMONT , le Romain , 'Profeffeur de
l'Académie. 1. Tableau de 3. pieds & demi de
haut , fur quatre & demi de large , qui repréſente
3. Philipe , baptifant l'Eunuque de la Reine Candace.
2. Autre , repréfentant les Pelerins d'Emaus ,
imitation du Rimbrand , de deux pieds de large, fur
environ deux de haut . 3. Autre , qui repréfente un
Chrift. Ces Tableaux ont attiré de grandes louanges
à M. Dumont , & felon la voix publique , il y
en a peu dans le Salon qui en méritent autant.
DE M. CARLE VAN - LOO , Profeffeur. 1. Grand
Tableau en hauteur , de dix pieds , fur fix de large,
repréfentant S. Pierre qui guérit le Boiteux à la
porte du Temple. 2. Autre plus petit , chantourné ,
qui repréfente la Raison , défignée fous la figure
d'une Femme , armée d'un Cafque & d'une Epée ,
qui tient un Lion en leffe. Ces deux Tableaux font
out-à - fait dignes des talens fupérieurs & de la
grande réputation de l'Auteur.
>
DE M. BOUCHER , Profeffeur. 1. Tableau en
largeur de deux pieds & demi , fur deux de haut
repréfentant un Repos de Diane ; on voit la Déefle
fortant du Bain , avec une de fes Compagnes. 2 .
Autre de même grandeur, Payfage d'après Nature ,
des Environs de Beauvais. 3. Un Efquiffe de PaylaSEPTEMBRE
1742 2057
ge , en largeur de trois pieds , fur deux , repréfen
tant le Hameau de laPaftorale Héroïque d'Iſſé, qu'on
doit executer en grand pour le Théatre de l'Opera.
4. Huit Efquifles de differens Sujets Chinois , pour
être exécutés en Tapifleries à la Manufacture de
Beauvais . 5. Autre Efquiffe , repréfentant une Léda,
6. Un Payfage de la Fable de Frere Luce . Les Ouvrages
de M. Boucher ont toujours été & ſont encore
plus agréables au Public que jamais.
DE M. NATOIRE , Profefleur. 1. Un grand Tableau
de dix pieds de haut , fur neufde large , qui
repréſente un Sujet de D.Quichotte , dans le tems
que les Demoiselles de la Ducheffe le deshabillent.
2. Autre de forme chantournée , repréſentant Vénus
à fa Toilette. 3. Autre , de forme differente ,
auffi chantourné , qui repréfente Daphnis & Cloé
4. Autre, de forme ceintrée , repréfentant Zéphire &
Flore.. Autre, failant Pendant , Bachus & Ariane.
6. Tableau en hauteur , de quatre pieds , fur trois a
qui repréfente Diane au Bain , furpriſe par Acteon.
Les Graces , qui n'abandonnent jamais ce Peintre ,
& la délicateffe de fon Pinceau , le rendent toujours
plus agréable aux yeux du Public.
DE M. OUDRY , Adjoint à Profeffeur. 1. Un
grand Tableau ceintré , de fept pieds de haut , lur
quatre & demi de large , repréſentant un Chien
barbet , qui fe jette fur des Canards , qu'il furprend
dans des Rofeaux auprès d'une Fontaine . 2. Autre
qui fait Pendant , repréſentant un coin d'Architecture,
fur lequel font pofés une Guitarre & des Livres
de Mufique ; dans le bas deux Chiens de Chaffe, un
Oifeau Royal & un Faifan peintelé. 3. Autre de 4 .
pieds de large , fur trois de haut , qui repréſente un
Payfage , point de vûë , pris dans la vieille Forêt de
·S. Germain ; des Vaches & des Moutons fur le devant.
4. Autre plus petit , qui repréſente un Lievre
Gij
2058 MERCURE DE FRANCE
"
& un Gigot de Mouton . 5. Autre plus petit , repré
fentant des Animaux & un vieux tronc d'arbre . 6.
Tableau qui repréfente une tête finguliere d'un Cerf
pris par le Roy dans la Forêt de Fontainebleau au
mois d'Avril dernier. Ce Tableau apartient à S. M.
7. Autre de trois pieds , fur deux & demi de haut ,
qui repréfente un Guide Lion de la Ménagerie ,
peint pour le Roy . 8. Tableau ceintré de 4. pieds
& demi de haut , qui repréfente un Lievre & un
Canard accrochés contre le mur ; on voit plus bas
des Bouteilles , du Pain & du Fromage. 9. Autre petit
Fableau , repréfentant un Lapin , éclairé du Soleil
, & une jatte derriere . 10. Un Devant de Cheminée
, repréſentant un Chien d'après Nature ; un
Tabouret de Canne , fur lequel font pofés une
Mufette , des Eftampes & des Livres. Les heureufes
Productions de M. Qudry font toujours fûres de
•plaire..
DE M. DESPORTES , Confeiller de l'Académie,
1. Grand Tableau en largeur d'environ dix pieds
fur huit & demi de haut , qui repréſente un Cerf
aux abois , affailli par une quinzaine de Chiens , les
uns le tenant par la gorge , d'autres par les oreilles,
quelques - uns s'élançant deffus. Le Cerf qui en
déja bieffé plufieurs , s'efforce encore à ſe défendre ;
de tout dans un Payfage , à l'iffuë d'un Bois , & fur
Hle bord d'une Riviere . 2. Autre Tableau d'environ
4. pieds & demi , fur trois & demi , repréfentant un
-Chien qui combat contre une Chatte renverfée fur
fes petits , qui ont fous eux & à l'entour quelques
débris d'une table , dont la Chatte a entraîné la nape
, & une partie de ce qui étoit deffus ; un jambon
dans un plat eft refté fur la table. 3. Un petit Tableau
de deux pieds , dans lequel on voit des Perdrix
rouges & des Fruits. 4.Autre , faifant Pendant,
où il y a des Perdrix grifes & des Fruits . f . U peSEPTEMBRE.
1742 2059
tit Barbet , ayant une patte levée fur une Perdrix .
L'idée avantageufe qu'on a de ce célebre Peintre ,
eft au- deffus de toutes les expreffions & des plus
glandes louanges qu'on pourroit lui donner.
, M. LANCRET Confeiller de l'Académie . 1 .
Tableau de 4. pieds , fur trois & demi , qui repré-.
fente le fieur Grandval , Comédien de la Troupe
du Roy , dans un Jardin orné de fleurs ; de Vaſes &
des Statues de Melpomene & de Thalie . 2. Autre de.
la même grandeur , où l'on voit une Dame dans un
Jardin , qui prend du Caffé avec des Enfans. 3 .
Deux Sujets des quatre Saifons ; le premier de 15 .
pouces de haut , fur 18. de large , repréfente le
Printems ; & le fecond , qui fait Pendaat , l'Eté. Cet :
ingénieux & gracieux Artifte eft toûjourt fûr de réünir
en fa faveur , dans les Tableaux de ſa compofition
, le plus grand nombre des fuffrages ,
DE M. NATTIER , Académicien . I. Tableau
qui eft le Portrait de feie Mademoiſelle de
Clermont , Princeffe du Sang , repréfentée en Sul- .
tane fortant du Bain , fervie par des Efclaves . 2n
Autre plus grand , qui eft le Portrait de Ma- ,
dame Bonier de la Moffon , revenant de la Chaffe.
Ces deux Morceaux ont attiré un très- grand nombre
de Spectateurs , qui ont admiré , à l'envi , les
graces & la délicateſſe du Pinceau de M. Nattier .
DE M. LE CHEVALIER SERVANDONI , Académicien.
1. Grand Tableau de neuf pieds en quarré ,
repréfentant des Vûës d'anciens Edifices , une Piramide
, & dans le fond un Temple , & quelques figures
fur le devant . 2. Un autre de même gran- ,
deur , où l'on voit des ruines & un refte d'Architecture
, un Vafe antique , des Figures & des Animaux
fur le devant. 3. Autre de 8. pieds de haut ,
fur . & demi de large , qui repréfente des reftes
d'anciens Edifices , & des Fgures fur le devant. 4 ...
G iij Un
2060 MERCURE DE FRANCE
Un autre de pareille forme & grandeur , où l'on
voit le même Sujet . M. le Chevalier Servandoni ,
qui paroiffoit dans ces dernieres années avoir , en
quelque façon , négligé le Salon , vient d'y paroître
cette année avec beaucoup de fuccès , le Public
ayant fort aprouvé & goûté fes Ouvrages.
DE M. TOCQUE' , Académicien . 1. Un grand
Portrait jufqu'aux genoux , de M. Bouret ,
affis
dans fon Cabinet, tenant une Lettre . 2.Autre , de M.
l'Abbé Desfontaines , tenant une feuille des Obfervations
fur les Ecrits modernes . 3. Autre Portrait ,
de Madame Denis à fa Toilette . 4. De Madame
Dibon , prenant du Caffé . s . De Madame de Fumeron
, en Mufe , avec les attributs de la Mufique.
Tous ces Portraits font très bien peints & parfaitement
bien caractérisés .
DE M. AVED , Académicien . 1. Le Portrait en
pied de Saïd Pacha,Beglier bey de Romelie , Ambaf-
Tadeur Extraordinaire du Grand Seigneur , avec les
divers attributs qui défignent particulierement fes
connoiffancs , comme Sphere , Carte Géographi--
que , Traité de Paix , & un Athlas , premier Livre
imprimé par fes foins à Conftantinople. On
voit fur le devant du Tableau les Lettres de Créance
& le Sceau de l'Empire Ottoman , renfermé fous
une plaque de vermeil. Le fond repréſente une
Vue de Paris & le commencement de fon Entrée
publique dans cette Capitale . 2. Le Portrait de M.
le Président de Maigniere . M. Aved , mérite toujours
de plus en plus la réputation que fes talens
& fon aplication lui ont acquife.
DE M. DE LA TOUR. I. Le Portrait de Mada
me la Préfidente de Rieux , en habit de Bal , tenant
un Mafque. 2. Celui de Mlle Sallé , habillée comme
elle eft chés elle . 3. Celui de M. l'Abbé ***
affis fur le bras d'un fauteuil , lifant à la clarté de
deux
SEPTEMBRE . 1742. 2062
deux bougies dans un in-folio. 4. Celui de M. Dumont
, le Romain , Profeffeur de l'Académie Royale
de Peinture & de Sculpture , jouant de la Guitare.
5. Un petit Bufte de l'Auteur , ayant le bord
de fon chapeau rabatu . Les Tableaux dont on vient
de parler , ont fait un tel effet dans le Salon , qu'ils
ont attiré un concours prodigieux de Spectateurs
de to ut fexe , de tout âge , & même à plufieurs
repriſes , car on ne pouvoit pas les quitter en
les voyant , & après les avoir quittés , on y revenoit
encore. Enforte que nous ne fommes pas peu em .
barraffés de donner ici à nos Lecteurs une idée juſte
de la perfection de ces Ouvrages , dont la parfaite
& naïve imitation de la Nature tient du pref
tige. Le Portrait inimitable de l'Auteur, dans le goût
du Rimbrand , ont donné lieu à ces quatre Vers.
Au Salon , cher la Tour, parmi tous les Portraits,
Du tien l'on fait un éloge fuprême ;
Peut-on n'en pas admirer tous les trairs
D'abord qu'il eft peint par toi-même ?
Laffichard.
SCULPTEURS.
>
DE M. ADAM , l'aîné , Adjoint à Profeffeur.
Projet & Modele en plâtre d'un petit Groupe , repréfentant
Vénus dans le Bain , environnée de Rochers,
fur lefquels elle eft affife, apuyée fur fa Conque
en forme de Char ; elle fe mire dans l'eau , tirant
d'un Vaſe rempli de Parfums une éponge
pour s'en fervir fortant du Bain , les Cignes, qu'on
a détellés du Char , fe proment fur les eaux. La
Déeffe eft accompagnée de l'Amour pudique , de
l'Amour profane & de l'Hymen ; celu - ci eft monté
9
G iiij
fur
2062 MERCURE DE FRANCE
fur le Char , foûtenant d'une main le vétement de
1a Déeffe, & de l'autre le flambeau de , l'Amour. Ces
trois jeunes Divinirés gardent chacune une ave
nuë de ce Bain. Cet Ouvrage , qui eft parfaitement
au goût des plus grands Connoiffeurs, doit s'exécuter
de proportion naturelle , pour être placé au
point-de-vue d'un Bofquet ou fe terminent trois
Allées du Jardin du Château de Choifi .
DE M. ADAM , le cadet. 1. Modele en plâtre ,
Sujet allégorique , repréfentant la Sainte Vierge ,
figurée fous les traits & les attributs de notre premiere
Mere . Elle foule aux pieds le Serpent fur le
Globe du Monde . L'Enfant Jéfus met un de fes
pieds fur celui de fa fainte Mere , & perce par le
bout de fa Croix , terminée en lance , la tête du
Serpent , & donne à la Vierge la Pomme fatale au
Genre humain ; la fainte Vierge la reçoit d'une
main , & fait entendre de l'autre que la vie ne peut
rentrer dans le Monde que par la Croix de fon Fils .
2. Modele en plâtre d'un Crucifix , repréfentant le
Chrift baillant la tête & expirant . Ces deux célebres
Artiftes foûtiennent avec éclat la grande répu
tation qu'ils ont juftement acquife dans l'illuftre
carriere où ils font entrés fort jeunes , & toujours
avec un fuccès conſtant .
DE M. LE MOINE , le fils , Adjoint à Profeffeur.
Trois Têtes de differens âges , en Terre cuite de
ronde -boffe ; fçavoir , l'Enfance , l'Adolefcence &
la Vieilleffe . Un Médaillon en profil , de la Tête du
Roy , très - reflemblant .
Ce jeune & illuftre Artifte eft célebre par de plus
grands Ouvrages que ceux qu'il expoſe ici aux yeux
du Public. Il eſt Auteur d'un Monument capable
de porter fa mémoire à la derniere pofterité . C'eſt
la Statue Equeftre du Roy , en Bronze , qu'on peut
encore voir dans fon Attelier au Fauxbourg S. Honoré
,
SEPTEMBRE. 1742. 2063
noré , deftinée pour la Ville de Bordeaux , qui en a
fait la dépenfe , & dont on a déja parlé plufieurs
fois dans le Mercure , ce qui attire tous les jours
un très- grand concours d'Admirateurs.
DE M. DE LA DATTE . 1. Modele d'Autel ,
compofé de deux Groupes de Figures & d'un Basrelief
au mileu , le tout couronné d'une Gloire . Le
premier Groupe repréſente la Religion , tenant une
Croix , à côté eft un Cherubin , qui lance la foudre
contre l'Hérefie , que la Religion foule aux
pieds . Le fecond , eft un Ange qui repréſente l'A- ,
mour divin , il tient d'une main un Calice , & un
coeur enflâmé de l'autre ; cet Ange porte fur fa
poitrine le S. Nom de Jéfus , il eft accompagné
d'un Chérubin , qui a vaincu l'amour du Monde ,
& le tient fous fes pieds . Le Bas- Relief repréſente
le Roy Clovis & la Reine Clotilde ; Clovis reconnoiffant
du fecours miraculeux qu'il venoit d'éprouver
à la Bataille de Tolbiac , execute la promeffe
qu'il avoit faite à la Reine , fon Epoufe , de
fe faire Chrétien , & il prie S. Remy , Archevêque
de Rheims , de l'inftruire de la Religion de Clotilde ,
qui demande à ce faint Prélat la même grace pour.
le Prince , fon Epoux . Au milieu de la Gloire ,
une Colombe qui aporte la fainte Ampoule , pour
rapeller le Miracle qui fe fit au Baptême de ce Prin
ce. 2. Modele en terre cuite d'une Fontaine , où l'on
voit une Figure qui repréfente la Terre , & qui demande
du fecours à une autre Figure , qui repréfente
l'Eau . 3. Autre Modele en terre cuite , qui
fait voir une Femme expofée dans un Navire dématé
& fans voiles , qui touche au moment de périr avec
toutes fes richeffes . 4. Autre Modele , repréfentant
l'abondance , qui a auprès d'elle un Amour, lequel
diftribue les riche fes- M. de là Datte fait tous les
jours de nouveaux progrès , & fes Ouvrages font
Gy : de
eft
064 MERCURE DE FRANCE
de plus en plus agréables au Public & aux Perſona
nes de meilleur goût.
GRAVEURS.
DE M. TARDIEU. Deux Sujets de l'Hiftoire de
1'Empereur Conftantin , qui doivent être fuivis des
trois autres , qui font partie d'une Suite de 12. Sujets
de l'Hiftoire de ce Prince , peinte par Rubens ,
dont les Tableaux font dans le Cabinet du Duc
d'Orleans. Le premier Sujet repréfente la Croix qui
aparoît dans le Ciel à l'Empereur , lorfqu'il fe préparoit
à livrer bataille au Tyran Maxence ; & le fecond
Sujet, le Baptême de Conftantin.On a déja rémarqué
plus d'une fois que le célebre P. P. Rubens,
le plus fameux Peintre des Pays-Bas , avoit été
heureux à trouver d'excellens Graveurs, pour tranf
mettre , par le Burin , fes heureux talens à la Pofterité.
DE M. LE BAS. Cinq Sujets gravés , fçavoir
1. Le Negligé, ou Toilette du matin , d'après M.
Chardin. 2. Halte de Cavalerie, d'après Vauver –
mans. 3. Départ de Chaffe , d'après Wanfalens . 4.
Le Midi de Berghem. 5. L'Aprèsdîné. d'après le
même. Quoique M. le Bas foit encore jeune . ily
a déja bien du tems qu'il eft en poffeffion de
plaire au Public , qui recherche toujours fes ouvrages
avec le même empreffèment .
DE M. SCHMIDT. Portrait en Eftampe de
l'Archevêque de Cambray , d'après M. Rigaud ,
& celui du Comte d'Evreux , d'après le même .
Les heureux talens de M. Schmidt , font connus
des Curieux les plus difficiles & du meilleur goût.
DE M. COCHIN , le Fils . 1. Deffein , repréfentant
la Pompe funebre érigée dans l'Eglife Cathé
drale de Notre -Dame de Paris , le 22. Septembre
1741. à l'occafion de la mort de la Reine de Sardaigne,
SEPTEMBRE. 1742. 2065
"
daigne. Cette Pompe qui avoit été ordonnée par
de Duc de Rochechouart Premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy , avoit été composée &
conduite par M. de Bonneval , Intendant & Contrôleur
General de l'Argenterie , menus Plaiſirs &
Affaires de la Chambre de S. M. 2. Deffein allégorique
, qui repréfente la Lumiére du Meie qui
pénetre les Mages de l'ancienne Loi , & fe fait
connoître aux Prophetes & aux Patriarches . 3. Autre
Deffein , où l'on voit Mars qui reçoit de la
Géometrie des Leçons , pour le conduire dans les
travaux de la Guerre .
Six petits Deffeins pour le Lutrin de Boileau. 1 .
La Difcorde , fous la figure d'un vieux Chantre ,
éveille le Prélat , & lui reproche fon indolence. 2 .
La Nuit annonce à la Molleffe étendue dans les
bras du Sommeil , la divifion & le trouble qui va
s'élever dans l'Eglife. 3. Le Sacriftain , le Porte-
Croix , & le Perruquier étant venus de nuit pour
rétablir le Lutrin , font effrayés , & fuyent à la
vûë d'un Hibou la Difcorde fous la Figure de
Sidrac , leur reproche leur lâcheté , & les rallie ,
4. Le Grand- Chantre , & les Chanoines fe jettent
fur le Lutrin , & le mettent en piéces . § . Rencontre
du Prélat & du Grand- Chantre ; Bataille des
Livres fur le Perron de la Sainte- Chapelle : le
Prélat met en fuite le Chantre & les Chanoines ,
en leur donnant ſa bénédiction . 6. La Pieté accompagnée
de la Foi , l'Efperance & la Charité ,
vient fe plaindre à la Juftice du défordre que la
Difcorde caufe dans l'Eglife. 7. Petit Deffein où
eft écrit au bas , le Medecin obfervateur. On y voit
un jeune Medecin qui tâte le pouls à une Dame
malade.
Neuf petits Sujets tirés de Virgile ; fçavoir , 1 .
Le Laboureur à table avec toute fa Famille , re-
G vj préfente
·
2066 MERCURE DE FRANCE
préfente la douceur de la vie champêtre. 2. Enée
fort de la nuée qui l'environnoit , & fe fait connoître
à Didon . 3. Laocoon, Prêtre de Neptune &
fes Fils, font tués par deux Serpens d'une grandeur
extraordinaire . 4. Enée ordonne à fa Troupe de
prendre les armes pour chaffer les Harpies qui venoient
troubler leur repas. f . Mort de Didon . 6.
Afcagne & quelques Troyens , ayant bleffé à la
chaffe un Cerf apartenant à la Soeur du gardien
des troupeaux du Roy Latinus , la Difcorde excite
les Payfans à prendre les armes pour venger fa
mort. 7. Nifus & Euryale , deux Amis intimes ,
après avoir traversé le camp des Latins & y avoir
fait un grand carnage , furent découverts par un
parti de Cavalerie , qui les obligea à prendre la
fuite vers un Bois : Euryale fut atteint en fuyant ,
& fait prifonnier : Nifus apercevant fon Ami entre
les mains des ennemis , fe cacha dans le Bois
& lança quelques dards , dont il tua plufieurs Soldats
: le Chef de la Troupe , furieux de la mort
de fes Gens , fe jette fur Euryale pour le tuer ;
alors Nifus fe montre , & veut en vain détourner
fur lui- même le coup qui menace fon ami . 8. Enée
ayant bleffé le Roy Mezence , eft prêt à le tuer ;
Laufus , Fils de Mezence ,
fon couvre pere avec
fon bouclier , & s'opofe à la colere d'Enée . 9. Pallas
, Fils d'Evandre , ayant été tué dans un combat ;
Enée renvoye fon corps à fon pere , lequel
vient au devant faifi d'une mortelle douleur. Les
Eloges que le Public éclairé ne ceffe de donner
aux Ouvrages de ce jeune & excellent Artifte, font
fans bornes , & ne font point outrés.
Nous ne croyons pas devoir nous difpenfer de
nous charger des reproches que le Public à fait hautement
à M. Chardin , piqué d'avoir cherché en
vain dans le Salon quelques unes de fes productions
SEPTEMBRE. 1742. 2067
tions. Il n'en a point expofé cette année . Nous ne
doutons pas qu'il ne foit extrêmement fenfible à
ce reproche flateur , & qu'il n'en témoigne fa reconnoiffance
dans le Salon prochain , fi fa ſanté le
lui permet. Nous avons apris qu'il a été incommodé
long- tems.
ESTAMPES NOUVELLE S.
Il paroît depuis peu deux très-belles Eftampes en
hauteur ; la premiere gravée par Mad. Magdeleine
Cochin , d'après le grand Tableau original de M.
Bertin , dont le Sujet eft l'Eunuque de la Reine
Candace , baptifé par S. Philipe ; & la feconde gravée
par C. N. Cochin , d'après le Tableau original
M. Cazes , dont le Sujet eft le Boiteux guéri à la
porte du Temple . Ces deux Tableaux font placés
dans la Nef de l'Abbaye Royale de Saint Germain
des Prés ; ces Eftampes fe vendent chés Cochin ,
Graveur du Roy , rue S. Jacques , à S. Charles.
Le Sieur Petit , Graveur , rue S. Jacques , à la
Couronne d'Epines , près les Mathurins , qui continuë
de graver la Suite des Portraits des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du Roy,
vient de mettre au jour ceux de
PHILIPE DE FRANCE , V. du nom , Roy d'Efpagne
& des Indes , né à Versailles le 19. Decembre
1683. peint par Vanloo , le fils , à Madrid ea
1742. & gravé par Petit . On lit ces Vers au bas .
Peuples , que le Deſtin fait vivre
Deffous les Loix de ce Héros ,
Connoiffez le bonheur que l'on trouve à les fuivre ,
Par l'abondance & le repos.
DON
2068 MERCURE DE FRANCE
DON CARLOS , Roy de Naples & de Sicile , né
le 20. Janvier 1716. On lit ces Vers au bas.
Prince , iffu d'une Race en Héros fi féconde ,
Puiffiez- vous égaler leur gloire & leurs Exploits,
Et devenir comme eux les délices du Monde ,
Et l'exemple de tous les Rois !
CHARLES EMANUEL III . de Savoye , Roy de
Sardaigne , né le 27. Avril 1701. On lit ces Vers
au bas.
Que dans le Temple de Mémoire
Son nom foit pour jamais gravé ;
C'eſt à lui qu'il eſt réſervé
D'unir la fageffe & la gloire.
MICHEL NOSTRADAMUS , Médecin & Aftrolo
gue , mort à Selon le 2. Juillet 1566. âgé de plus
de 62. ans.
La fuite des Portraits des Rois de France , des
Grands Hommes , & des Perfonnes Illuftres dans
les Arts & dans les Sciences , continuë de paroître
avec fuccès , chés Odieuvre , Marchand d'Eftampes ,
ruë d'Anjou ; il vient de mettre en vente , toujours
de la même grandeur , ceux de
PHILIPE IV . DIT LE BEL , LXV. Roy de
France , mort à Fontainebleau , le 29. Novembre
1314. après 29. ans de Regne , deffiné par A.
Boizot , & gravé par Pinffio .
BARTHELEMI FERNANDEZ , DIT DES MARTYRS ,
de l'Ordre de S. Dominique , Archevêque de Brague
, né à Lisbonne en 1514. mort à Vienne le 16.
Juillet
Septembre 1742 .
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YORK
PUBLIC
LIBRARY
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SEPTEMBRE. 1742 2069
Juillet 1590. deffiné par Champagne & gravé par
P. L.
GABRIELLE D'ESTRE'ES , DUCHESSE DE
BEAUFORT , morte à Paris en 1599. deffinée par
Dumoutier , & gravée par Fiquet.
CHANSON.
Vous me quittez, harmante Ifmene s
Vous m'ôtez ma félicité ;
Vous brifez la plus belle chaîne ;
Votre coeur vole à l'infidélité :
De votre fouvenir pour pouvoir me défendre ;
Dans ce moment où vous m'abandonnez ,
Ah ! permettez-moi de vous rendre
Tous les plaifirs que vous m'avez donnés.
Laffichard,
LA BERGERE INDIFFERENTE:
UNN jour fur un riant Côteau ,
La Bergere Nanette ,
En faisant paître fon Troupeau ,

Dit cette Chanſonnette.

Amour , tes fleches fur mon coeur
Refteront toujours vaines ;
J'eftime
2070 MERCURE DE FRANCE
J'eftime trop peu ta douceur ,
Et je crains trop tes peines.
*
Je cherche un plaifir innocent
Au fein de la Nature :
J'aime à voir un Pré renaiffant ,
Un tapis de verdure.
Je chéris la fimplicité ,
J'abhorre l'impofture ;
Je n'eus jamais la vanité
D'être belle en peinture.
D'un Arbriffeau les verds rameaux
Compofent ma coëlfure ,
Et les écorces des Ormeaux
Me fervent de chauffure,
Je m'en tiens à la propreté ,
C'est ma feule parure ;
J'ai pour effence de beauté
Une fource d'eau pure .
*
Par l'Eau les Prés font reverdis.
Et les fleurs font éclofes ;
J'y
SEPTEMBRE . 1742. 2071
J'y purfe la blancheur des Lys ,
Et l'incarnat des Rofes.
*
Mon Miroir eft le fond des Eaux ,
Un Rocher ma Toilette ;
Là , fouvent de Bouquets nouveaux
J'orne ma Collerette.
*
Quand le Troupeau dans mon réduit
Revient de la pâture ,
Des fruits qu'un Jardinet produit ,
Je fais ma nourriture .
*
Les rayons brillans du Soleil
Eclairent ma chaumiere ;
Je me livre au tendre fommeil ,
Quand je perds fa lumiere .
*
Ainfi je coule d'heureux jours ,
Infenfible Bergere ;
Je ris de vos folies amours ,
Efclaves de Cythere.
SPEC
2072 MERCURE DE FRANCE
SPECTACLES.
E 11. Septembre, l'Académie Royale de
Mufique remit au Theatre la Tragédie
d'Hipolite & Aricie.
Cette Tragédie fut mife au Theatre pour
la premiere fois le premier Octobre 1733 .
& on en donna un Extrait dans le Mercure
du même mois , pag. 2235. auquel nous
renvoyons ; mais comme les Auteurs y onr
fait des changemens confiderables , nous ne
croyons pas pouvoir nous difpenfer d'en
faire part au Public.
On a refondu la feconde Scene du premier
Acte ; elle a été généralement aplaudie.
La voici telle qu'on la jouë préfentement,
SCENE II.
Hipolite , Aricie.
Hipolite.
Princeffe, quels aprêts me frapent dans ce Temple !
Aricie.
Diane préfide en ces lieux :
Lui confacrer mes jours, c'eft fuivre votre exemple,
Hipolite.
Non ; vous les immolez ces jours & précieux.
Aricie
SEPTEMBRE. 1742: 2073
Aricie.
J'exécute du Roy la volonté fuprême ;
A Thefée , à fon Fils , ces jours font odieux.
Hipolite.
Moi , vous haïr ! O ciel ! quelle injuſtice extrême ↓
Aricie.
Je ne fuis point l'objet de votre inimitié !
Hipolite.
Je fens pour vous une pitié
Auffi tendre que l'amour même
Aricie.
Quoi le fier Hipolite ....
Hipolite.
Helas!
Je n'en ai que trop dit ; je ne m'en repens pas. --
Si vous avez daigné m'entendre ,
Mon trouble . mes foupirs ... vos malheurs. . ;
...
vos apas ...
Tout vous annonce un coeur trop ſenſible & trop
tendre .
Aricie.
Ah ! que venez-vous de m'aprendre ?
C'en eft fait ; pour jamais mon repos eft perdu .
Peut-être votre indifference
Tôt ou tard me l'auroit rendu ;
Mais votre amour m'en ôtes l'eſperance .
W'en eft fait , pour jamais mon repos eft perdu.
Hipolite.
2074 MERCURE DE FRANCE
Hipolite.
Qu'entends-je ? quel tranſport de mon ame s'empare
!
Aricie.
Oubliez - vous qu'on nous fépare ?
Dans ce Temple fatal quel fort fera le mien ?
Hipolite amoureux m'occupera fans ceffe ,
Et j'y regretterois mon bonheur & le fien ;
Hipolite amoureux m'occupera fans ceffe ;
Et des Autels de la Déeffe ,
Je fentirai mon coeur revoler vers fon bien .
Hipolite.
Je vous affranchiral d'une loi fi cruelle .
Aricie.
Phédre fur mon deftin a des droits abfolus.
Que ferr de nous aimer ? nous ne nous verrons
plus.
Hipolite.
O Diane , protege une flame fi belle.
Ensemble.
Tu regnes fur nos coeurs , comme dans nos forêts ;
Pour combattre l'Amour, tu nous prêtes des armes ;
Mais quand la vertu même en vient lancer les
traits ,
Qui peut résister à ſes charmes ?
Le refte de ce premier Acte fubfifte tel
qu'il étoit , on en a feulement retranché
deux
SEPTEMBRE . 1742 2075
deux petites Scénes d'expofition , qu'on
avoit d'abord jugées néceffaires , mais dont
on a crû pouvoir fe paffer , à la faveur de fix
Vers qu'on a placés au commencement du
troifiéme Acte. Les voici.
ACTE III. SCENE I.
Phedre , Anone,
Phedre.
Mes Deftins font changés ; Arcas m'a fait enten
dre
Que fur les fombres bords le Roy yieat de defcen
dre.
Je fuis Maîtreffe de mon fort
A Pingrat Hipolite offrons le diadême ;
Mais fi l'éclat du rang fuprême
Ne
peut rien fur fon coeur , je n'attends que la
mort.
Tout le refte de cet Acte fubfifte ,
& ACTE IV. SCENE II .
Hipolite , Aricie.
Aricie.
C'en eft donc fait , cruel ; rien n'arrête vos pas
Vous défefperez votre Amante ,
Hipolite,
Ah ! laiffez -moi partir, Princeffe trop charmante ;
Je fens mieux mon malheur en voyant tant d'apas,
Aricie
2076 MERCURE DE FRANCE
Aricie.
Quoi ? l'inimitié de la Reine
Vous fait- elle quitter l'objet de votre amour
Hipolite.
Non ; je ne fuirois pas de ce fatal féjour ,
Si je n'y craignois que fa haine.
Que dites-vous ?
Aricie.
Hipolite.
Gardez d'ofer porter les yeux
Sur le plus horrible myftere s
Le reſpect me force à me taire ;
J'offenferois le Roy , Diane , & tous les Dieux.
Aricie.
Ah! c'eft m'en dire affés. O crime !
Mon coeur en eft glacé d'épouvante & d'horreur,
Cependant vous partez ; & de Phedre en fureur
Je vais devenir la victime.
Dieux , pourquoi féparer deux coeurs
Que l'Amour a faits l'un pour l'autre▸
Eh ! quelle autre main que la vôtre ,
şi vous m'abandonnez , peut effuyer mes pleurs ?
Dieux , pourquoi féparer deux cours]
Que l'Amour a faits l'un pour l'autre ,
Hipolite.
Et bien ? daignez me fuivre.
Aricie
SEPTEMBRE : 1742: 2077
Aricie.
6 ciel t que dites-vous ?
Moi , vous fuivre !
ceffez de croire
Hipolite,
Que je puiffe oublier le foin de votre gloire ;
En fuivant votre Amant vous ſuivrez votre Epoux,
Venez .... quel filence funefte ?
Aricie,
Ah ! Prince , croyez- en l'Amour que j'en attefte
Je ferois mon fuprême bien .
D'unir votre fort & le mien ;
Mais Diane eft inexorable
Pour l'Amour & pour les Amans,
Hipolite.
A d'innocens defirs Diane eft favorable
Quelle préfide à nos fermens.
Enfemble.
Nous allons nous jurer une immortelle foi ;
Viens , Reine des Forêts , viens former notre
chaîne ;
Que l'encens de nos voeux s'éleve juſqu'à toi ;
Sois toujours de nos coeurs l'unique Souveraine ,
On a critiqué le cinquiéme Acte ; on auroit
voulu y revoir Thefee ; mais ce n'a pas
été la faute de l'Auteur du Poëme ; ce défaut
2078 MERCURE DE FRANCE
?

+
par
faut qu'on a jugé néceſſaire pour le racour
eir , ne fe trouve pas dans les premieres
Editions ; Theſée inftruit Phedre mourante
, de l'innocence de fon Fils , veut le
précipiter dans la Mer ; Neptune , fon pere,
s'opofe à fon défefpoir & le calme en lui
aprenant que Diane a fauvé fon cher Hipo
lite. Au réfte , cet Opera eft fort bien reçû
du Public & a un très- grand fuccès Le
Sieur Chaffé & la Demoiſelle le Maure s'y
font également admirer,
#
Le 20 , les Comédiens François remirent
au Théatre la Tragédie d'ino & Melicerte ,
de M. de la Grange , que le Public a revûë
avec plaifir. Cette Piéce fut donnée dans fa
nouveauté en 1713. avec un très- grand fuccès
; on en a parlé fort au long à la reprise
qui en fut faite au mois de Decembre 1729 ,
comme on peut le voir dans le Mercure de
Janvier 1730 , auquel nous renvoyons les
Lecteurs.
Le fieur Deschamps , nouvel Acteur , débuta
au commencement de ce mois fur le
Théatre François , & joüa dans les Comé
dies du Joueur & des Trois Freres Rivaux
les Rôles de Valet au gré du Public.
Le 6. Septembre , les Comédiens Italiens
emirent au Théatre l'Italien marié à Paris ,
Piéce
SEPTEMBRE. 1742
2079
Piéce Italienne , compofée à Paris par le
fieur Riccoboni le pere , qui jouoit le Rôle
du Jaloux d'une manière inimitable. La même
Piéce fut miſe en vers libres en 1737 ;'
par M. de la Grange ; le feu fieur Romagnefy
jouoit alors le premier Rôle ? il eſt
rempli aujourd'hui par le fieur Riccoboni
& la Dlle Silvia joue celui de l'Epouſe de
l'Italien marié à Paris , ils ont été fort aplau
dis tous les deux. La Piéce eft terminée
par
un Divertiſſement , danfé par les Acteurs ,
dont l'exécution ne laiffe rien à défirer.
Le 22 Septembre , les mêmes Comédiens
remirent au Théatre la petite Piéce de l'Ecole
du Tems , en Vers & en un Acte , de la
compofition de M. Peflelier , que le Public
a revû avec beaucoup de plaifir Cette Comédie
eft terminée par un Divertiffement ,
compofé de Chants , de Danfes , & d'un
Vaudeville , parfaitement bien exécuté ; on
a parlé amplement de cette ingénieuſe Comédie
, dans l'Extrait qui en a été donné
dans le Journal de Septembre 1738. page
2450.
Le 20 Septembre , l'Opera Comique don
na une Piéce nouvelle d'un Acte , intitulée
la Foire de Cythere , préc dée des Alteurs
Juges , & de l'Amant Maître de Musique ,
dont on a déja parlé ; ces trois Piéces font
H ornées
2080 MERCURE DE FRANCE
ornées de Chants & de Danfes , dont l'éxé
cution fait toujours beaucoup de plaifir .
Le 24 , ils donnerent encore une Piece ,
nouvelle en un Acte , fuivie d'un Divertillement
, intitulée la Meuniere de Qualité. Le
fieur Campioni & la Dlle fon Epouſe , qui
avoient danfé le 18 Août dernier deux diffe
rentes Entrées fur le Theatre Italien , parųrent
pour la premiere fois fur celui de l'Opera
Comique de la Foire S. Laurent , & y
danferent deux differentes Entrées avec un
aplaudiffement général.
NOUVELLES ETRANGERES.
O
TURQUIE .
Na apris de Conftantinople du 12. du mois
de Juillet dernier, qu'il y eft arrivé de Bagdad
un courier , par lequel le Seraskier de cette Place a
mandé au Grand Seigneur , que Thamas Kouli Kan
offroit , fi Sa Hautefle vouloit conclure la paix avec
lui , de renoncer à fes prétentions par raport à la
Mecque , que ce Prince , afin d'éviter qu'il ne furvint
à l'avenir quelques nouvelles difficultés au fujet
des Limites des Etats des deux Puiffances , confentoit
qu'on tirât depuis Ardebis jufqu'au Chufi
tan , une Ligne qui feroit la féparation de l'Empi
je Ottoman & du Royaume de Perfe.
Selon les mêmes dépêches , Thamas Kouli - Kan
demande qu'on tienne inceffamment un nouveau
Congrès,
SEPTEMBRE. 1742. 2081
Congrès , pour convenir des autres conditions de
l'accommodement , & il promet de s'engager par le
Traité qui fera conclu , à ne contracter aucune Alliance
contraire aux intérêts de la Porte.
On a fçû depuis par un autre courier les
, que
nouveaux troubles , qui agitent la Perfe , avoient
beaucoup contribué à faire prendre cette réfolution
à ce Prince ; que les Lefghis s'étoient révoltés une
feconde fois contre lui & qu'ils avoient attiré dans
leur parti plufieurs des principaux Seigneurs Perfans
; que les Rebelles avoient pratiqué des intelligences
avec le Grand Mogol , & que celui- ci, pour
fe venger de Thamas Kouli - Kan , leur fournioit
tous les fecours dont ils pouvoient avoir beſoin.
Le Chiaoux Pacha a été chargé de porter à la
Mecque les préfens du Grand Seigneur , le Kiaïa
du Grand Vilir a été nommé Pacha à trois Queuës.
Le Grand Seigneur ne s'eft point encore déterminé
à accepter les propofitions de paix , qui lui ont
été faites par Thamas Kouli. Kan , & quelques-uns
des Miniftres de Sa Hautefie font d'avis qu'elle
continue la guerre , & qu'elle fournifle de puiflants
fecours aux Lefghis qui depuis long . tems font alliés
de la Porte.
On mande de Conftantinople du 25. Juillet dernier
, que les Lefghis ont conclu leur paix avec
Thamas Kouli Kan , & qu'ils fe font engagés euxmêmes
à lui fournir un Corps de 12000. hommes
dans toutes les guerres qu'il auroit à foûtenir , à
l'exception de celles qui pourroient furvenir entre
la Turquie & la Perſe.
Il s'étoit élevé dans le Serail une puiffante cabale,
à la tête de laquelle étoit le Chef des Eunuques
noirs , & qui faifoit tous les efforts pour engager
le Grand Seigneur à priver le Grand Vifir de fa
dignité, pour en revêtir le Pacha Jeghen , qui eft
Hij fort
2082 MERCURE DE FRANCE.
fort hai du Peuple & des troupes , mais le Grand
Vifir a fait échouer les deffeins de fes ennemis . Le
Chef des Eunuques noirs a été exilé , ainfi que le
Grand Tréforier de l'Empire , & le Boftangi Bachi.
La place de Grand Tréforier a été rendue à celui
qui poffedoit auparavant cette Charge , & le Grand
Seigneur a difpofé de celle de Boftangi Bachi en fa
eur du Haflaski Aga.
Le Grand Vifir a fait conduire à Durazzo yn Elephant
d'une très - grande beauté ; que Sa Hauteffe
envoye
à S. M. Sicilienne.
*
RUSSIE.
Na apris de Moſcow du ro . du mois dernier,
qu'on a publié dans toutes les Villes de Ruffie
une Déclaration qui porte qu'il eft abfolument faux
que la Czarine ne veuille plus employer aucun
Etranger à fon fervice , qu'au contraire elle eft
dans le deffein , non- feulement de conferver tous
fre de recevoif ceux
ceux qui y font déja , mais
qui fe préfenteront avec des témoignages avantageux
, pour y entrer ; que ces derniers pourront
s'adreffer au Duc de Hoftein Gottorp , &
que fur
le raport
de ce Prince
,elle leur accordera
les places
qui pourront
leur convenir
.
SUEDE,
N mande de Stockolm du 28. du mois der
nier , que le Gouvernement eft fort occupé à
prendre les mefures néceffaires pour s'opofer aux
entreprifes des troupes Ruffiennes , qui depuis que
celles du Roy de Suede ont abandonné le Camp de
Borgoc , pour le retirer fous Helfingfors , le font
Bvancées à une petite diſtance de cette derniere Place
O SEPTEMBRE. 1742. 2083
ee , vers laquelle le Feldt Maréchal Lefci envoye
fouvent des détachemens , pour inquieter les poftes,
avancés Suedois .
La nuit du 17. au 18. quelques Chaloupes Suedoifes
s'emparerent d'une des Galeres de la Czari
ne , qui font à Sibbe & à Fogero , & l'on a trouvé
à bord de cette prife une grande qua ntité de munitions
de guerre & de bouche.
1
ALLEMAGN 1 .

N aprend de Vienne du 25. du mois dernier ,
qu'un courier arrivé de Boheme a raporté que
la nuir du 16 au 17. le Prince Charles de Loraine
avoit fait ouvrir la tranchée devant Prague , & que
les troupes de la Reine de Hongrie continuoient de
travailler à perfectionner la premiere Parallele , qui
s'étendoit depuis le Jardin de Schelborn , jufqu'au
Fort Su dois fitué fur la Montagne de S. Laurent.
Il a ajoûté que les Batteries dreffées du côté de la
principale attaque avoient commencé à tirer contre
la Ville , & que le Prince Charles de Loraine avoit
ordonné d'établir une nouvelle Batterie de 24. canons
& de 16. mortiers ; que les François avoient
fait fauter le Château de Mansfeldt , où un déta➡
chement d'Huffards Autrichiens avoit pris pofte , &
que le Maréchal de Broglie faifoit de fréquentes
forties , pour troubler les travaux des affiégeans .
Le 22. le 23. & le 24 on fit partit des convois de
munitions de guerre & de bouche pour l'armée
commandée par le Prince Charles de Loraine .
La Reine a apris que les troupes Françoifes qui
étoient campées à Nieder Altaig , avoient paffé le
Danube , pour aller fe pofter à Deckendorf , & que
les troupes Impériales avoient quitté les environs
de Pilftengen & de Ganacker, pour fe raprocher du
Camp des François,
H iij Nu,
2084 MERCURE DE FRANCE
NUREMBERG.
Naprisdu onze edu Roy de France ,com-
Na apris du onze de ce mois , que la pemiere .
mandée par le Maréchal de Maillebeis , atriva près
de cette Ville le 8.de ce mois , & qu'elle y fut jointe
le 10. par la feconde divifion . Ces troupes ont du
partir le 12 pour prendre enſemble la route d'Amberg
, où le Marquis de Balincourt étoit déja arrivé
avec un Corps de troupes de 3500 hommes ,
avec lequel il a dû s'avancer le 12. à Naaburg .
Le Comte de Saxe , qui étoit décampé de Deckendorf
la nuit du 5. au 6. de ce mois , & qui avoit
paffé le Danube à la pointe du jour , fans que le
Comte de Kevenhuller ait pu attaquer fon arriere
garde , fut joint le 7. à Eylerhaufen par le Comte
de Seckendorf. Les deux armées camperent le
8. à Schenac , le 9. à Tonauftauff , & d'où elles
marcherent le 10. pour aller camper à Stattumhoff.
Le Comte de Kevenhuller s'eft contenté de faire
fuivre ces deux armées par quelques détachemens
de Huffards , & il s'eft avancé à Methen , ou il a
fait jetter un Pont.

SAXE.
N mande de Dresde du 2. de ce mois, qu'on
y a reçû vers la fin du mois dernier la premiere
nouvelle de la fortie faite le 22. du même
mois par les troupes
du Roy de France , qui font
dans Prague , & qu'on en a eu depuis le détail
fuivant.
Cette fortie s'eft faite à cinq heures du foir en
trois colonnes ; celle de la droite , compoflée des
Brigades d'Orleans & de la Reine , faifant dix
Bataillons , & de 300. Carabiniers à pied , étoit
commandéc
SEPTEMBRE. 1742 208 F
commandée par M. de Villemur , Maréchal de
Camp. Les Brigades d'Auvergne & du Roy , qui
font de dix Bataillons , & 400. Dragons à pied ,
formoient la colonne de la gauche , fous les ordres
du Comte Danois & du Duc de Biron , Maréchaux
de Camp , & la colonne du centre , formée
par la Brigade de Navarre , étoit commandée par
M. de Berchiny , Maréchal de Camp . Ces trois
Corps de troupes déboucherent vers les cinq heures
du foir , & ils attaquerent fi vigoureuſement
les tranchées des Autrichiens , défenduës par
Booc . hommes , qu'ils s'en rendirent entierement
maîtres & s'y maintinrent pendant près d'une
heure , y enclouerent dix mortiers , & mirent
le feu aux batteries , dans lesquelles le canon n'étoit
pas encore placé. L'armée de la Reine de
Hongrie s'étant avancée en bataille , pour aller an
fecours des troupes, qui étoient dans les tranchées,
les François fe retirerent en bon ordre dans la
Place , dont l'artillerie tira avec beaucoup de fuccès
fur les Autrichiens . Leur perte en cette occafion
doit avoir été confidérable , les François
n'ayant fait aucun quartier dans les tranchées ; ils
ont cependant amené à Prague quelques prifonniers
, du nombre defquels eft le General Monty ,
Chef des Ingénieurs.
Les François ont perdu le Marquis de Teffé ,
Brigadier , Colonel du Régiment de la Reine ; le
Marquis de Clermont , Colonel du Régiment
d'Auvergne , & le Marquis de Molac , Colonel de
celui de Berry. Le Duc de Biron , Maréchal de
Camp & Colonel du Régiment du Roy , a été
bleffé . On n'eft point encore informé des Officiers
ni du nombre des Soldats qui ont été tués ou
´bleffés dans cette fortie , depuis laquelle les Autrichiens
ont rallenti la vivacité de leurs attaques .
Hiiij FRANC
2086 MERCURE DE FRANCE
a
}
FRANCFORT.
Na apris de Francfort du 23. du mois dercommandée
par le Maréchal de Mailiebois arriva
le 22. à trois lieues de cette Ville .
L'Empereur a fait remettre à la Diette de l'Empire
un Décret de Commiffion au fujet de la
marche de cette armée , & ce Décret porte que
S. M. I. defirant de rétablir la tranquillité en Allemagne
, a fait toutes les démarches convenables
pour parvenir à ce but , mais que fes propofitions ,
& celles qui ont été faites par le Roy de France
dans la même vûë ayant été rejettées contre tou
te attente par la Reine de Hongrie , S. M. T. C.
s'e déterminée à envoyer une nouvelle armée en
Boheme , que l'Empereur efperant avec l'aide du
Tout Puiffant , dans lequel il met fa confiance
d'obtenir ce qui lui apartient , & d'être par là plus
en état de montrer , en procurant à l'Empire une
1. 17
paix folide & durable , combien le combien le repos du Corps
Germanique Jui eft cher , S. M. I. juge à propos
de faire connoître à la Diette , que les dernieres
réponſes de la Reine de Hongrie ont donné lieu à
la marche de l'armée Françoife qui étoit fur le Bas
Rhin , & dont l'Empereur auroit fouhaité qu'on
eut pu fe paffer , afin d'ôter aux Etats de l'Empire
tout fujet de crainte & d'inquiétude , que S. M. I.
affûre la Diette , que cette armée ne caufera aucun
dommage aux Pays qu'elle traverfera , que les trou
pes dont elle eft compofée , camperont, & qu'elles
n'entreront pas dans les Villes , qu'elles obferveront
une exacte difcipline , qu'elles payeront en
argent comptant les fourages , le bois , les voitures
& les chevaux qu'on leur fournira , & que le
Comte de Furftemberg , Landgrave de Stablingen ,
Lieutenant
SEPTEMBRE . 1742 . 2087
Lieutenant Feldt- Maréchal des armées de l'Empe
reur , & un de fes Confeillers Intimes , a été nommé
Commillaire par S. M. I pour avoir foin de
l'exécu ion des conventions faites à ce sujet ; que
les difpofitions de la Reine de Hongrie n'ont point
diminué l'amour de l'Empereur pour la paix , &
qu'il a réfolu de fe prêter à tous les moyens rai
fonnables de conciliation , fi l'Empire peut trouver
quelque expédient , pour faire obtenir à S. M. I.
fans qu'elle foi obligée de continuer d'avoir recours
aux armes , la fatisfaction qu'elle a droit
d'attendre fur les légitimes prétentions ; que l'Empereur
demande les avis des Etats de l'Empire fus
les mefures qu'il convient de prendre , & fur la
médiation qu'on pourroit employer pour terminer
par la négociation fes differends avec S M. H.
2
Le Maréchal de Broglie a mandé à l'Empereur
qu'ayant paffé le Moldaw , près du village de Bobenetích
à la tête de 4000 hommes de Cavalerie
& de 2500 . d Infanterie , pour aller reconnoître le
Corps de le Géneral Feftetitz a amené
de o troupes que
de Moravie au Prince Charles de l'ordine , il avoit
été attaqué au fortir d'un défilé par un détachemeut
des troupes de la Reine de Hongrie , fort
fupérieur en nombre à celles dont il étoit accompagné
; que le combat avoit été loutenu de part &
d'autre avec une extrême vivacité ; que le dérachement
des troupes trançoifes malgré les renforts
qui avoient été envoyés au Géneral Feftetitz par
le Prince Charles de Lora.ne , n'avoir pú être entamé
, & qu'ayant rempli objet pour lequel il s'étoit
mis en marche , il étoit rentié en bon ordre
dans le camp.

HV ESPA
2088 MERCURE DE FRANCE
ESPAGNE,
O de
N mande de Madrid du I 4. du mois dernier,
qu'on y a apris par des lettres du 23. Avril
paffé que le r . du même mois , Don Jofeph
Iturriaga , qui commande trois Fr gates de la
Compagnie établie à Gurpufcoa pour les Caraques,
& qui a fait voile pour conduire à Porto Rico un
détachement coinpofé du buit Compagnies du Régiment
d'Infanterie d Portugal , & de cing Com
panies du Régiment de Dragons d'Almanza
avoit découvert à huit lieues de Pifle d'Anegada ,
en tirant vers l'Oueft , deux Frégates Angloifes ,
Pune de so canons & l'autre de 30
Balandre de la même Nation ; que fur le champ il
avoit pris la réfolution d'attaquer ces Bâtimens , &
que les ayant joints à neuf heures du matin , il
avoit commencé à les canonner , que les enne mis
de leur côté , avoient fait un feu très - vif , mais
qu'après un combat de trois heures ils s'étoient
retirés que Don jofeph d'Iturriaga les avoit pourfuivis
, qu'il les avoit attaqués & mis en fuite
ane feconde fois , & que ce dernier combat avoit
duré depuis trois heures après-midi jufqu'à huit
d"
u foir.
avec une
Don ' oachim d'Aranda , Maréchal de Camp , à
que le Roy avoit accordé le Gouvernement de
Cartagene , a eû en cette occafion un bras emporté
d'un boulet de canon , & il eft mort de fa bleffure
. Les Espagnols n'ont perdu qu'un Soldat &
un Matelot , & ils n'ont eû que huit hommes de
bleflés on juge que la perte des ennemis a été
beaucoup lus grande . F
Un Armteur Espagnol s'eft emparé du Vaiffeau
be S. Laurent commandé par le Capitaine Shagueffi
, & l'a conduit à FIle de S. Domingue.
Le
SEPTEMBRE. 2089 1742
Le 14. du mois dernier , jour de l'Anniverſaire
de la naiffance de Madame Louife Elizabeth de
France , époufe de l'Infant Don Philipe , laquelle
eft entrée dans la feizième année de fon âge , leurs
Majeftés reçûrent , ainfi que cette Princeffe , les
complimens des Miniftres d'Etat des Grands .
On a apris par des lettres de l'armée commandée
par le Duc de Montemar , que le 28. Juillet dernier,
ce Géneral , qui étoit encore campé pour lors
fous Rimini , ayant fait avancer Don Fernand de
la Torre , Maréchal de Camp , à la tête de 600 .
hommes , pour aller reconnoître la pofition des
troupes Autrichiennes & Piémontoifes , le détachement
des Espagnols avoit été attaqué par un Corps
de Cavalerie des ennemis , lequel avoit été entierement
mis en déroute .
Les Vaiffeaux le Vernon & l'Elizabeth Gally ,
dont le premier alloit à Porto , & le fecond revenoit
de Vénife , ont été pris par des Armateurs
Efpagnols , qui ont conduit l'un à Guarda & l'autre
à Malaga.
On aprend de Madrid du 4. de ce mois que le
Roy a résolu de rapeller le Duc de Montemar , &
de donner au Comte de Gage , Lieutenant Géneral
de fes armées, le commandement des troupes Efpagnoles
qui font en Italie .
S. M. vient d'établir à Bilbao .une Ecole de
Marine , & le 20. du mois dernier , Don Michel
Archero , qui a la Direction de cette Ecole , en fit
l'ouverture par un très - beau difcours fur l'utilité
des Sciences qui peuvent fervir à la perfection de
la navigation ,
Le Capitaine Géneral de Murcie a mandé au
Roy , que les Vaiffeaux de guerre Anglois , qui
avoient croifé pendant quelque tems fur les Côtes
de la Catalogne , s'étoient réunis en une Eſcadre ,
H vj 28
2090 MERCURE DE FRANCE
& qu'ils avoient paffé vers la fin du mois dernier
à la hauteur du Port de Cartagene .
S, M. a apris par un courier dépêché de Naples ,
que le Roy des deux Siciles s'étoit déterminé à
faire rentrer les troupes Napolitaines dans fes
Etats , & à demeurer neutre entre les Eſpagnols &
les Autrichiens.
On mande de Lisbonne que le Roy de Portugal,
depuis l'ufage des bains , jouiffoit d'une meilleure
fanté.
O
ITALIE .
Na apris de Rome du 25. du mois dernier ,
que le Pape fit le 19. dans la Chapelle da
Palais du Quirinal la cérémonie de baptifer deux
jeunes Juifs de Livourne , dont l'un eft âgé de 18.0 **
ans & l'autre de 16. Le premier fur tenu fur les
Fonts par le Cardinal Ruffo , qui lui donna lesb
noms de Benoift Marie , & le fecond par le Cardinal
Annibal Albani , qui le nomma Profper- Marie-
Jofeph. Sa Sainteté leur adminiftra enfuite le Sacrement
de Confirmation , & ils communierent à la
Meffe qu'elle célébra.
Le 25. Fête de S. Louis , Roy de France , les
Cardinaux tinrent Chapelle , felon la coûtume:
dans l'Eglife de la Nation Françoife , & le Cardi
mal Aquaviva y fit les honneurs .
On mande de Perouſe , que l'armée du Roy
d'Espagne étoit toujours campée dans les environs
de cette Place , & que les troupes du Roy des
deux Siciles s'en étoient féparées à Spolete , pour
fe retirer dans le Royaume de Naples
Suivant les avis reçûs du Bolonois , le Roy de
Sardaigne , qui s'étoit rendu à Faenza , dût ärriver
le 20. a Bologne avec la plus grande partic
de la Cavalerie , & l'on y attendoit toute l'artille-
*ie de ce Prince,
UA
SEPTEMBRE. 1742 2091as
Un troifiéme: Corps de troupes Piémontoiles ar
riva à Bologne le 12 du mois dernier , & le 14.
il continua fa marche pour aller dans le Duché
de Parme , ou il doit prendre des quartiers.
Le 28 le Roy de Sardaigne partit pour retourner
à Modene & de là à Turin , où il a dû arriver
le 8. de ce mois.
On a apris que le Comte de Traun étoit dé
campé de Cezena , & qu'il étoit retourné dans le
Bolonois avec les troupes qui font fous fes ordres, h
O
NAPLES .
TI
Isiah siomibabam A ob eins & M
N mande de Naples du 21. Août dernier
que depuis que les troupes Napolitaines qui
avoient joint celles du Roy d'Espagne , font tentrées
dans ce Royaume , le Roy a déclaré qu'ilens
avoit pris le parti de garder la neutralité entre 03
S. M. C. & la Reine de Hongrie ; qu'en confé- Jak
quence de cette réfolution , S. M a envoyé un
contre-ordres aux troupes qui étoient en marche
pour aller former deux camps , l'un fous Gaëtte ,
& l'autre fous Capouë , & à celles qui devoient
venir de Sicile.
£
D

Le 18 du mois dernier , une Eſcadre Angloiſe ,
compofée de fix Vaiffeaux de guerre , de 60. canons
de fix Frégates & de deux Brulors , étangban
venuë jetter l'ancre à la portée du canon du Château
meuf, on fit en rer dans cette Ville les troupes
qui étoient dans les environs , & l'on fit conduire
dans les quatre Châteaux , ainfi que dans les Forts >
circonvoifins , beaucoup d'artillerie & de muni- k
tions de guerre. Le Roy envoya en même tems
un Officier avec le Conful de la Nation ngloife,
pour fçavoir du Commandant de l'Efcadre le motif
de fon arrivée , & cet Officier étantrevenu avec
40
3
2092 MERCURE DE FRANCE
un des principaux Officiers de cette Eſcadre , ce
dernier fe rendit chés le Duc de Montealegre ,
Sécretaire d'Etat , avec lequel il eut une conférence.
Il fe tint enfuite un Confeil d'Etat , & le léndemain
l'Officier Anglois , après avoir eû une feconde
conférence avec le Duc de Montealegre
retourna à bord du Vaiffeau Amiral de cette Efcadre
, laquelle ayant remis à la voile , s'eft retirée
de ces Mers .
O
SAVOY E.
N mande de Chamberry du 11. de ce mois ,
que les troupes Eſpagnoles , qui étoient en
Provence , n'ont point tenté de pénétrer dans le
Marquifat de Saluces , & qu'ayant traversé le
Briançonnois & le Grefivaudan , elles arriverent
le 28. du mois dernier fur la Frontiere de la Savoye.
Quelques jours après , elles s'avancerent
vers le Col du Calbier , & le 4. de ce mois la
Cavalerie commença à défiler du côté de cette
Ville , & l'Infanterie prit fa route par le Val de S.
Jean de Maurienne .
Auffi tôt que le Commandant de Chamberry &
l'Intendant de Savoye ont été avertis de l'aproche
des Efpagno's , ils font partis pour le rendre à Turin,
& la plupart des habitans de ce Duché ont fait
paffer leurs principaux effets en Piémont.
Le 8. de ce mois le Comte de Glimes , Géneral
des troupes Efpagnoles fe rendit à Chamberry ,
& il fit publier une déclaration dans laquelle le
Roy d'Elpagne expofe les motifs qui l'ont déterminé
à faire entrer les troupes dans la Savoye ,
L'Infant Don Philipe arriva le 10. à Chamberry
& il doit aller inceffamment vifiter les principaux
quartiers des troupes , qui ont été diftribuées de
maniére qu'elles peuvent aifément fe raffembler ·
&
SEPTEMBRE: 1742 2093
& dont l'avantgarde a pris poſte à S. André , petite
Ville fituée à quelques lieues du Fort de la Brunette
.
On a depuis reçû avis , que le Roy de Sardaigne
étoit arrivé de Bologne à Turin le 8. de ce mois
GENES ET ISLE DE CORSE.
Na apris de Genes du 5. de ce mois , que
plufieurs Vaifteaux de guerre Anglois croifent
le long de cette Côte , & qu'ils ne fe foumettent
point à la Quarantaine dans les Lieux où ils abordent.
Les équipages de quelques uns de ces Vaiffeaux
étant defcendus à terre dans les environs de
San - Remo , ils ont brûlé dans un Village 250.
quintaux de paille , fous prétexte que c'étoient des
provifions deftinées pour la Cavalerie Espagnole
ils entrerent enfuite dans un moulin , ils
prirent toute
la Farine qu'ils y trouverent , & ils la jetterent dans
la riviert . Sur cette nouvelle , un Commiffaire Efpagnol
qui en avoit acheté dans cette Ville une
grande quantité dont il avoit fait un magafin dans
le Fauxbourg de S.Pierre d'Arena . l'a vendue dans
Ja crainte qu'ils ne vouluffent auffi s'en emparer .
Depuis un mois , il a paflé par Genes plus de
400. deferteurs François qui retournent en
France,pour profiter de l'amniftie que S. M. T. C.
a bien voulu leur accorder.
O
GRANDE BRETAGNE.
N mande de Londres du 13. de ce mois , que
le Vaiffeau de guerre le Loo , rentra le 27. du
mois dernier dans le Port de Plymouth , avec une
prife qu'il a faite fur les Espagnols .
HOLT
2094 MERCURE DE FRANCE
O
HOLLANDE ET PAYS-BAS.
Na apris de la Haye du 24 du mois dernier,
que l'équipage d'un Vaiffeau , arrivé depuis
peu de la Prelqu'Ifle , en deça du Gange , a confirmé
la nouvelle qu'on avoit reçûë des avantages
remportés par les Portugais fur les troupes des
deux Rois Indiens , qui après avoir mis à contribution
tout le Pays des environs de Goa , le difpofoient
à former le Siége de cette Place , les lettres
aportées par ce Vaiffeau contiennent les parti
cularités fuivantes.
Le Marquis de Louriçal , nouveau Viceroy des
Etabliemens que les Portugais poffedent dans les
Indes , étant arrivé à Goa le 13. Mai de l'année
derniere , il ordonna quelques jours après à toutes
les troupes qui font fous fes ordres , de fe tenir prêtes
à marcher & le 13.du mois fuivant , il dé
tacha le Géneral Emanuel Suarez de Velzo , avec
une partie de les troupes , pourbattaquer,
un Fort
que les ennemis avoient construit à une très perite
distance de Goa. Une Batterie que Don Emanuel
Suarez de Velzo fit élever , eut bien- tôt fait breche ,
& les Portugais étant montés à l'affaut , ils s'emparerent
de ce Fort , dont ils pafferent la garniſon
au fil de l'épée .
"
Sur l'avis de ce premier fuccès des armes des
Portugais 140. Inlius , qui étoient dans un
Fort voifin , l'abandonnerent précipitamment , &
ils allerent rejoindre leur armée . Le Marquis de
Louriçal , pour profiter de la terreur qui s'étoit répandue
parmi les ennemis, s'avança avec toutes les
troup's Portugaifes , renforcées d'un Gorps de Lafcaris
, que le Roy de Portugal a pris à fon fervice ,
& il affiégea le Fort de Caloale où il y avoit sɔo.
Indiens,qui après une foible réfiſtance, fe rendirent
prilonniers
¥
SEPTEMBRE . 1742 2099

prifonniers de guerre . Ayant obligé enfuite les ennemis
d'en venir à une bataille , il tailla en piéces la plus grande partie de leur armée , & il mit le refte
en fuite . Leur déroute produifit l'effet qu'en atten- doit le Marquis de Louriçal , non- feulement les Por
tugais les chafferent des environs de Goa , mais ils
reprirent poffeffion des Ifles de Corjuem & de Parmalem
; & Ghama Sunto , un des deux Rois Indiens ,
qui faifoient la guerre aux Portugais , demanda la
paix , laquelle fut conclue le 3 1. Août , & ratifiée
le 15 du mois fuivant.
Les principales conditions du Traité font , que
Ghama Sunto payera tous les ans un tribut au Roy
de Portugal ; qu'il reftituëra la valeur des contributions
qu'il a exigées , qu'il payera une certaine
fomme pour la réparation des Eglifes qui ont été
ruinées par fes troupes, & qu'il cedera à S. M. Port
tout le Pays de Vargias.
tf
L'autre Roy Indien continue les actes d'hoſtilité
contre les Portugais .
Le 8. du mois dernier , le Comte de Stairs , Am
balladeur Extraordinaire & Plénipotentiaire du Roy
réfide de la Grande- Bretagne , & M. Trevor , qui r
à la Haye de la part du même Prince , en qualité
de fon Envoyé Extraordinaire , préfentérent aux
Etats Géneraux deux Mémoires , dont le premier
regarde les Vaifleaux Anglois qui ont été pris par
des Armateurs , ayant commiffion du Roy d'Elpagne
, & qui ont été amenés dans les Ports de la
République de Hollande . Dans le fecond Mémoire,
les mêmes Miniftres renouvellent leurs inftances ,
pour que les Etats Generaux prennent l'affaire de
Dunkerque en confidération , ainfi que les autres
articles fur lefquels leurs Hautes Puiffances n'ont
point encore fait de réponſe , & ils ajoutent qu'ils
ont à craindre que le Roy de la Grande Bretagne
n'impure
896 MERCURE DE FRANCE
n'impute à la negligence de fes Miniftres le filence
des Etats Généraux.
Le Marquis de Fenelon , Ambaffadeur du Roy də
France , remit le 15. aux Etats Généraux un Mémoire
pour répondre à ceux du Comte de Stairs &
& de M. Trevor.
Ce Mémoire contient en fubftance , que c'eft a
tort qu'on accuſe la France de manquer aux enga
gemens qu'elle a contractés également avec la Hollande
& avec l'Angleterre ; qu'on n'a rien fait à
Dunkerque , & qu'on n'y fait rien encore aujour
d'hui , qui n'ait pour caufe la néceffité dans laquelle
fe trouve S. M. T. C. de prendre les mefures convenables,
pour s'opofer aux entreprifes qu'on pourroit
former contre cette Ville ; que le Marquis de
Fenelon a informé exactement les Etats Generaux
de tous les Ouvrages qui ont été conftruits à Dunkerque
, & des motifs qui ont donné lieu à leur
conftruction ; qu'il a affûré leurs Hautes Puiffances
de la part du Roy ,fon Maître , & qu'il les affûre
encore qu'on fera démolir ces Ouvrages , dès que
ces motifs cefferont .
Le même jour , le Marquis de S. Gilles , Ambaffadeur
du Roy d'Eſpagne , remit auffi aux Etats Géneraux
un Mémoire , dans lequel ce Miniftre a repréfenté
que les Armateurs , qui font traités de Pirates
dans les Mémoires des deux Miniftres d'Angleterre
, font munis de Commiffions de S. M. C.
qu'il eft vrai que quelques uns d'eux ne font pas
Efpagnols de naiffance , mais que le Roy d'Espagne
eft en droit , comme tous les autres Souverains >
d'employer des Etrangers à fon fervice ; qu'il n'eft
forti de France aucun Vaiffeau , pour aller en courfe
contre les Anglois; que tous ceux qui ont été armés
pour le fervice de S. M. C. ont fait voile de fes Ports;
que pendant les trois premières années de la guerre
entre
SEPTEMBRE. 1742 : 2097
entre l'Espagne & l'Angleterre , il n'étoit entré aucun
Armateur Espagnol dans les Ports de la Répu
blique de Hollande , quoique cela leur foit permis
par l'article XXI . du Traité d'Utrecht ; que les Etats
Generaux viennent d'ordonner par leur réfolution
du 2. de ce mois , que cet article foit exactement
obfervé ; qu'il arrive tous les jours dans les Ports
de Portugal des prifes faites par les Espagnols fur
les Anglois , ou par ceux-ci fur les Espagnols ;
que la même chofe fe pratique dans les Ports
d'Italie , & que cependant la Cour de Londres
ne fait aucune plainte aux Puiffances auxquelles ces
Ports apartiennent , qu'au refte le Roy d'Espagne ,
nonobftant la liberté que les Etats Generaux laiffent
aux Armateurs Espagnols d'entrer dans les Ports des
Provinces Unies , a donné ordre , afin de ne caufer
aucun préjudice au commerce des Hollandois , que
ces Armateurs ne conduififfent point leurs prifes en
Hollande , fans une néceffité indifpenfable.
Le 20. du mois dernier , le Comte de Harrach ,
Gouverneur des Pays -Bas par interim , fit expedier
des Lettres Circulaires aux Gouverneurs & aux
Commandans des Places , pour les avertir que la
Reine de Hongrie avoit réfolu de ne plus exécuter
le Cartel par lequel le feu Empereur & le Roy de
France étoient convenus de fe rendre réciproquement
les déferteurs .
Le Duc d'Aremberg , Ambaffadeur Extraordinai
re & Plénipotentiaire de la Reine de Hongrie , & le
Baron de Reischach, qui réfide à la Haye en qualité
d'Envoyé de cette Princeffe , ayant préfenté le 21.
Août dernier aux Etats Géneraux un Mémoire concernant
la marche de l'armée Françoife , commandée
par le Maréchal de Maillebois , le Marquis de Fenelon
, Ambaffadeur de S. M. T. C. remit le 29. à la
même Affemblée un Mémoire , pour combattre les
raifons
2098 MERCURE DE FRANCE
raifons par lesquelles la Reine de Hongrie prétend
être autorifée à exiger que la République de Hola
lande le déclare contre la France .
Le
cinquiéme convoi des troupes de S. Br . com- pofée de 29. Bâtimens de tranfport & de trois Yachts," arriva le 27 du mois dernier à la vûë d'Oftende
fous l'escorte de deux Vaiffeaux
de guerre Les vents
contraires ayant empêché ce Convoi de gagner la Rade , il a été ob igé de jetter l'ancre fur la Côte au deffas de Blanckenbourg
, mais le 19 le vent ayant tourné au Nord , 21. Vaiffeaux du Convoi
entrerent dans le Port d'Oſterde , & les autres Bâ—‹
timens y arriverent le jour fuivant.
FRANCE ,
***
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , &C
E 31. du mois dernier , pendant la
du Roy ,
lequel a été Sacré à Lyon par le Cardinal de
Tencin , prêta Serment de fidélité , entre les
mains de Sa Majesté.
Le 1. de ce mois on célébra, avec les Cé
rémonies accoutumées,dans l'Eglife del Abbaye
Royale de S. Denis, le Service folemnel
qui s'y fait tous les ans pour le repos de
l'Ame du feu Roy Louis XIV. & l'Evêque
de Vannes y officia pontificalement. Le
Prince de Dombes , le Comte d'Eu , le Duc
de Penthievre , & plufieurs Perfonnes de
diftinction y affifterent,
La
SEPTEMBRE. 1742 2099
"
Le 2. le fils du Prince d'Ardore , Ambaf-
Tadeur Extraordinaire du Roy des deux
Siciles , fut tenu fur les Fonts de Baptême
par le Roy & la Reine , qui le nommerent
Louis Marie. Cette Cérémonie fut faite
dans la Chapelle du Château de Verfailles
par l'Evêque de Soiffons , Premier Aumônier
de S. M. en préfence du Curé de la Paroiffe
du Château & de celui de la Paroiffe de
S. Roch .
Le 8. Fête de la Nativité de la Ste Vierge ,
le Roy & la Reine entendirent dans la mê--
me Chapelle la Meffe chantée par la Mufique
, & l'après- midy leurs Majeftés affifte
rent aux Vêpres.
Le même jour , la Reine communia par
les mains de l'Abbé de Goyon de Matignon,
fon Aumônier en quartier.
Le 1 , pendant la Meffe du Roy , l'Evêque
de Troyes , lequel avoit été facré le 2 ;
par l'Archevêque de Sens , prêta ferment de
fidelité entre les mains de S. M.
Le même jour , Don Louis d'Acunha ;
Ambaffadeur du Roy de Portugal , eut en
long manteau de deüil une Audience particuliere
du Roy , & il donna part à S. M. de
la mort de l'Infant Don François , Frere du
Roy de Portugal. Il fut conduit à cette Audience
, ainsi qu'à celle de la Reine , par le
Chevalier de Saintot , Introducteur des Ambaffadeurs.
?
La
100 MERCURE DE FRANCE
Le Roy , qui avoit pris le deuil le 17 ;
pour la mort de l'Infant Don François
Frere du Roy de Portugal , le quitta le 25 .
L'agrément du Régiment d'Infanterie ,dont
Etienne , Guinot , Marquis de Monconfeil
Brigadier & Infpecteur d'Infanterie , étoit
Colonel depuis le 1. Février 1723. a été
donné à Claude - Conftance Eſprit Juvenal
de Harville des Urfins , Marquis de Trainel,
né le 12. Mars 1723. Capitaine de Cavalerie
dans le Regiment Dauphin, fils de feu Efpric
Juvenal de Harville des Urfins , Marquis de
Trainel , Seigneur de Doue , Mettre de
Camp , Lieutenant du Regiment de Dragons
d'Orleans , mort le 11. Juillet 1726 ,
dans la 29. année de fon âge , & de Louife-
Magdeleine le Blanc, fa veuve , fille de feu
Claude le Blanc , Miniftre & Secrétaire
d'Etat.
II.
Amable- Gabrielle de Noailles Ducheffe
de Villars , Dame du Palais de la Reine de
puis le mois de Decembre 1727. fut nommée
fa Dame d'Atours au lieu & place de
feue Françoiſe de Mailly , Ducheffe de Ma
zarin,
Le 12. Juillet dernier il y eut un Acte
célebre dans le College des R R. Peres Jé
fuites. M. Antoine Jofeph Diaz , de Seville
en Espagne , y foutint avec beaucoup de
fuccès , en prefence d'une Illuftre & nombreufe
SEPTEMBRE. 1742 2107
breuſe Afflemblée , une Thefe fur toutes les
Parties de la Philofophie : Cette Theſe étoit
dediée au Roy d'Espagne , dont on voyoit le
Portrait , d'après un excellent Original , qui
occupoit la moitié de la grande Feüille au baş
de laquelle étoient gravées dans un Cartouche
toutes les Pofitions de la Thefe . LePortrait
de S. M. Catholique , & le Cartouche étoient
ernés de tous les Symboles & les Attributs
convenables à un fi grand fujet, le tout inventé
& exécuté avec beaucoup de goût , & de
précifion . M. Diaz , Penfionnaire dans le
College depuis l'âge de fept ans , eft fils de
M. le Marquis de Torrenueva , qui a été Sur-
Intendant des Finances , & Secrétaire d'Etat.
Il eft actuellement du Confeil des Indes,
Place très - diftinguée. Le Fils , qui fait le
Sujet de cet Article , a une Penfion du Roy
d'Eſpagne de dix mille livres. Il eſt Officier
des Gardes du Corps , & Chevalier de l'Ordre
de S. Jacques , dans lequel il a été reçu
à l'âge de dix ans.
>
Au mois du Juillet dernier , le Roy a accordé
à M. Bouret , Tréforier General de la
Maifon de S. M. la Place de Fermier General
, qu'avoit ci- devant M. Tiroux de Lailly
il fut reçu en cette qualité le 24. du même
mois. Il eft frere de M. l'Abbé Bouret , diftingué
par fa pieté , & par fa grande charité
envers les Pauvres , & de M. Bouret , Offi
eier dans l'Armée de Baviere.
2102 MERCURE DE FRANCE
Le 23. les Députés
des Etats
d'Artois
eurent
aud
dience
du Roy
, étant
préſentés
par le Prince
Charles
de
Loraine
, Gouverneur
de la Province
, en
furvivance
du
Duc
d'Elbeuf
, & par le Marquis
de
Breteuil
, Miniftre
& Sécretaire
d'Etat
; ils y turent
conduits
, en la maniere
accoûtumée
, par
le Marquis
de Dreux
, Grand
-Maître
des
Cérémonies
. La
Députation
étoit
compofée
, pour
le Clergé
, de
l'Abbé
de France
de Noyelles
, Chanoine
de l'Eglife
Cathédrale
d'Arras
, lequel
porta
la parole
;
du Baron
d'Efquelbecq
, pour
la Nobleffe
, & de M.
de la Place
, Echevin
de la Ville
d'Arraş
, pour
le Tiers
- Etat
.
On a reçû avis de Boheme , que la nuit du 128
au 13. du même mois , les Autrichiens avoient levé
le Siége de la Ville de Prague ; qu'ils avoient romle
Pont qu'ils avoient fur la baffe Moldaw , &
le 14 leurs troupes s'étoient retirées de la vû
de la Place.
pu
que
Le 17. le 19. Août , & le s . Septembre, il y eut
Concert chés la Reine. M. de Blamont, Sur- Intendant
de la Mufique de la Chambre , fit chanter le
Balet des Amours des Dieux , dont les principaux
tôles furent très - bien exécutés par les Diles Mathieu
, Defchamps , Romainville & de la Lande , &
par les fieurs Dubourg , de la Garde , Poirier & Jeliot.
La Dile Lalande chanta à la fin du fecond
Concert une Ariette de M. de Blamont, O vous, qui
d'une aile légere , qui tut très-bien exécuté & fit
beaucoup de plaifir .
Le 22. le 24. & le 26. on cencerta l'Opera d'Iphigenie
en Tauride. Les mêmes Acteurs qu'on
vient de nommer remplirent les principaux rôles ,
avec le fieur d'Angerville.
Le
SEPTEMBRE . 1742. 21 .
Le 8. Septembre , Fête de la Nativité de la Vierge
, il y eut Concert Spirituel au Château des Tuilleries
; on y exécuta le Motet Lauda Jerufalem dɛ
fieur de Mondonville , qui fut fuivi d'an Concerto ,
exécuté par le fieur Blavet ; on chanta enfuite un
petit Motet à deux voix , du fieur le Maire , lequel
fut luivi d'un autre Concerto , exécuté par l'Auteur
du premier Motet. Le Concert fur terminé par un
Motet nouveau Cantate Domino, de la compofition
du même Auteur.
LETTRE de M. Ufilli , Juif d'origine
écrite à M. l'Abbé Fraffoni , Supérieur de
plufieurs Communautés Religienfes, & Principal
du College de S. Charles de Modéne
au fujet de fa Converfion & de fon Bap
¿tême, oh 26
A
741046
MONSIEUR ,
27
C'est une maxime conſtante , & que la
Langue Italienne exprime avec énergie ,
qu'on trouve toujours Dieu quand on le cherche
, quoi qu'on ne trouve pas toujours de
même tout ce qu'on cherche hors de lui.
Elle m'a fait fouvent penfer que nous ne
devions chercher que Dieu feul , & Dieu
m'a enfin accordé par une grace & une miféricorde
toute particuliere de le trouver ,
& de m'apeller à lui par la connoiffance de
JESUS CHRIST , & d'être inftruit de la Doctrine
de fon Eglife . Vous êtes , Vous êtes , Monfieur ,
I un
2104 MERCURE DE FRANCE
un des premiers Miniftres dont Dieu s'eft
fervi pour me mettre fur les voies de la verité
; il eft jufte que je vous rende compte
des progrès qu'elle a fait dans mon coeur ,
& des motifs qui ont enfin diffipé , par une
pleine conviction , les préjugés opofés , où
je me trouvois engagé par ma naiffance &
par mon éducation ; vous commençâtes , M.
en 1738. à me faire naître quelques peines
& quelques inquiétudes fur la venue du
Meffie, qui a fait dans tous les tems l'attente
de notre Nation ;je ne pouvois pas nier qu'il
ne fût annoncé dans toutes les Ecritures , &
j'y voïois d'une maniere très- claire , qu'il devoit
trouver notre Race , à laquelle il étoit
promis , fubfiftante en Corps d'Etat & de
République , & feule attachée au vrai culte,
qu'il devoit répandre de Jerufalem & du
milieu de nous , toutes les Bénédictions de
netre Dieu fur tous les autres Peuples de la
Terre .
,
En me confirmant dans cette penfée , vous
me fites d'abord l'aplication de ces deux
Caractéres au tems où JESUS- CHRIST , Fils
de Marie , a paru dans le Monde ; je fus
frapé d'abord des preuves & des raisons que
vous emploïez , pour en verifier l'acomplif
fement dans fa Miffion ; & fi cette premiere
femence n'a pas porté d'abord fon fruit , elle
commença au moins dès- lors à prendre racine
.
10
SEPTEMBRE . 1742. 2105
Cine. Je conçus le defir de m'inftruire davantage
& d'examiner de plus près les difficultés
de notre Religion . Je me fouviens
avec plaifir que vous commençâtes à bien
efperer de moi , & que je me fentois réci
proquement une certaine confiance qui m'attiroit
vers vous. Je penfai même , comme
vous fçavez , à me mettre au nombre des Cathécumenes
, dont vous aviez la Direction
dans notre ville de Modéne . Mais une démarche
de cet éclat , dans la foibleffe d'une
converfion commençante , parût trop forte
à plufieurs perfonnes Tages , auxquelles je
m'ouvris avec fincerité de mon deffein : Elles
en jugerent prefque toutes autrement : &
foit pour épargner à un Pere , que j'avois
toutes fortes de raiſons d'aimer , un chagrin
auffi fenfible que celui qu'il avoit pris de la
converfion de mon fiere , ( lequel le trouve
préfentement avec moi , ) foit pour me mettre
moi-même à couvert des obftacles &
des tentations , qui pouvoient traverser cette
bonne oeuvre dans le Païs , elles me confeillerent
plutôt de fortir de ma Patrie , & de
paffer dans un Païs Etranger.
C'est ce que je fis très -peu de tems après
& ce qui a eu tout le fuccès poffible : enfin
au bout d'environ deux ans , que j'ai emploïes
en divers voïages , je fuis venu dans
cette ville de Paris , fur la fin de l'année
1740. I ij
#
2106 MERCURE DE FRANCE
1740. toujours dans la difpofition de m'éclaircir
fur mes doutes , & d'aprofondir les
difficultés, que nos Livres & les interprétations
de nos Maîtres me laiffoient fur divers
points de notre Religion. La Providence
m'y fit d'abord rencontrer plufieurs Chrétiens
de notre Ville de Modéne , auxquels je
dois ce témoignage de mia reconnoiffance ,
que leur joye a été égale à la mienne , &
qu'ils m'ont introduit par tout,
Je trouvai d'ailleurs à Paris plus d'occafions
que par tout ailleurs , de me mettre au
fait , foit dans les Maifons d'Inftructions
dont cette Ville eft remplie , & fingulierement
celle de l'Abbaye de S. Germain des
Prez , où j'ai eu le bonheur de m'entretenir
fouvent avec un fçavant Religieux
du-

,
zele & des lumiéres duquel j'ai tout lieu
de me louer, & qui m'a procuré la connoiffance
d'un vertueux Magiftrat , de la Religion
& de la générofité duquel j'ai reffenti
les effets ; foit auprès des Docteurs les plus
habiles & les plus verfés dans l'intelligence
des Liyres faints , qu'on fait être, en plus
grand nombre ici , que dans aucune autre
Ville , auprès defquels j'ai eu toutes les facihtés
que je pouvois de firer ; foit enfin dans
d'autres Maifons particulières , où on ne refpire
que la pieté , & où j'ai été reçu avec
bonté & avec joye , comme apartenant déja
au Chriftianifme par mon defir.
Un
SEPTEMBRE . 1742. 2107
"Un de ces célébres Théologiens , qui par
une grande érudition , foûtenue d'une pieté
tendre & folide , s'eft acquis l'eftime & le
refpect de tout le monde , s'eft bien voulu
charger de mon inftruction d'une manière
plus particuliére ; c'eft à lui fingulierement
que j'ai propofé toutes les difficultés de controverfe
qu'on a coutume de faire dans nos
Synagogues , qui ne vous font point inconnuës
, & dont par cette raiſon je ne vous fais
pas ici le détail ; c'eft affés de vous dire , que
l'aplication que je vous avois entendu faire à
JESUS CHRIST des deux principaux Carac-.
tétes que nos Prophetes donnent tous au
tems du Melfie , m'étoit toujours restée dans
l'efprit , c'étoit autfi cette aplication dont la
difcuffion me tenoit le plus au coeur , & qui
fut l'objet de mes premieres Conférences
avec ces Meffieurs . Mais je fûs bien - tôr obligé
de reconnoître que les argumens , dans
lefquels je metrois ma plus grande confiance
pour la combattre , fe tournoient d'abord
contre moi.
Cependant , M. plus la difpute , m'étoit
défavantageufe par cet endroit , plus elle me
devenoit utile de l'autre , parce qu'en me découvrant
la foibleffe.de nos object.ons , elle
augmentoit infenfiblement mes lumiéres , &
me fourniffoit toujours quelques ouvertures
nouvelles pour trouver la verité. Je fus enfin
1 iij forcé
1
2108 MERCURE DE FRANCE
forcé de reconnoître que ces Caractéres
fe trouvoient fort heureufement réunis au
tems de JESUS - CHRIST ; mais plus ils fixoient
mon attention fur lui , plus j'aperçus
d'une maniere fenfible , qu'il étoit impoffi
ble de les apliquer à un autre Sujet , furtout
depuis que notre Nation difperfée par toute
la Terre , a ceffé de faire un Corps d'Etat &
de République , & que cependant le Dieu
d'Abraham , d'Ifaac & de Jacob a été prêché
, & enfuite reconnu & adoré par tous
les peuples de l'Univers.
C'eft un fait notoire & attefté par nos
Docteurs , comme par les Chrétiens , que
JESUS - CHRIST a paru au milieu de la Judée,
& a prêché dans Jérufalem & dans le Temple
, lorfque notre Nation y fubfiftoit encore
avec quelque éclat , & que ce n'est qu'à la
fuite de fa Prédication , quelques années
après fa mort , lorfque fes Difciples le prêchoient
déja aux Nations , qu'eft arrivée
cette derniere & épouventable défolation de
notre Race , fous laquelle elle gemit encore,
& qui ne peut être comparée à aucune des
précedentes ; car ce n'eft point une tranfmigration
, comme celle de Babilone , ni une
fimple fufpenfion du Gouvernement & de
l'Etat politique du Peuple de Dieu , ni du
Service folemnel de la Religion : ce n'eft
point non plus , comme toutes les autres difgraces
,
SEPTEMBRE. 1742. 2109
graces , dont nos Hiftoires confervent la mémoire
, la punition d'un faux culte , ou de
quelques tranfgreffions des pratiques & des
obfervances extérieures de la Loi. Jamais le
Peuple n'avoit marqué ni plus d'éloignement
pour l'idolâtrie , ni plus de fcrupule & d'exactitude
dans l'obfervation des cérémonies,
ni generalement plus de ferveur & de zéle
pour tout ce qu'on apelle la justice de la Loi,
puifque c'eft précisément à ce point là que
les promeffes de notre profperité temporelle
étoient attachéess bien - loin de déchoir en ce
tems, c'étoit celui où elle devoit briller davantage
, fi cette Loi, & l'Alliance qui en étoit le
fceau , devoit encore fubfifter.Le changement
& la ruine de l'Etat dans cette circonstance ,
prouvent au contraire que le tems étoit venu
où la Loi devoit auffi néceffairement être
changée ; mais pourquoi ce changement fe
fait-il d'une maniere fi terrible & fi funefte à
la Nation , fi ce n'eft parce que celui qui en
étoit la fin , aïant paru fans être écouté , &
fuivi , comme il devoit l'être par le Peuple ,
auquel Dieu l'avoit envoïé , pour lui faire
counoître fes volontés , ce mépris & cette
déſobéiſſance à ſa voix , plus injufte & plus
odieufe , felon le langage commun des Prophetes
, que l'idolatrie même , a auffi attiré
fur lui un châtiment plus durable & plus
rigoureux que celui de toutes fes ' apoftafies
paffées ? I iiij
Mais
2110 MERCURE DE FRANCE
Mais la confidération des Nations infidé
les , apellées dans ce tems - là même , & depuis
fans interruption de proche en proche ,
de Jerufalem & de la Judéc,à la connoiffance
du Dieu de nos peres , & qui jufqu'alors
n'étoit connu que de notre Race , a mis le
comble à la lumière que cette ceffation de
notre Etat commençoit à répandre dans mon
efprit ; cette Bénédiction , felon nos oracles,
ne devoit paffer jufqu'à elles que par le Meffie
, Race d'Abraham , qui en avoit reçu le
premier la promeffe , & Jacob en le défignant
à Juda fon fils , dont il devoit naître ,
comme l'attente & le Libérateur des Gentils
, lui affûroit en même tems la prérogative
du Sceptre & du Legiflateur , jufqu'à
lui ; le concours de ces deux chofes , le
Sceptre ôté de cette Tribu par le renverfe
ment de fon Etat , & les Nations aggrégées
en même tems aux reftes précieux de ce
Peuple , que Dieu en avoit feparés avant fa
ruine , par la Prédication de JESUS- CHRIST
& de les Difciples ; cela , dis je , a achevé de
tiompher de tous mes doutes , & m'a paru
fournir une démonftration fans replique
qu'il devoit êt e le Ministre & l'Auteur de.
cette Euvre fi grande , anoncée dans les
Ecritures , & par conféquent que nul autre.
que lui ne pouvoit être le vrai Meffie
prédit par tout , comme celui qui devoit
>
annoncer
SEPTEMBRE. 1742. ZIII
anoncer la Lumiére au Peuple & aux Gentils.
.
De cette premiére verité j'en fuis bien- tôt
venu , avec l'aide des fages Conductcurs qui
m'ont guidé , à en déduire , & à en conclure
une feconde , qui en réfulte , en effet ,
très naturellement. C'eft que JESUS - CHRIST
étant venu au monde avec tant & de fi brillantes
marques de l'autorité & de la miffion
de Dieu , on ne peut plus nier qu'il ne doive
être cru infailliblement fur tout ce qu'il nous
a enſeigné de lui - même , & par conféquent
qu'il faut reconnoître qu'il eft égal , comme
il l'a dit , à Dieu fon Pere : Dieu comme lui
en unité de nature avec lui , & qu'il s'eft fait
homme , & s'eft livré volontairement à la
mort pour notre falut.
Il faut cependant avoüer que rien ne m'a
fait plus de peine d'abord , ni n'a plus rebuté
m'a raiſon , que cette idée d'un Dieu fouffrant
& affujeti à une mort honteuse , frapée
de malédiction dans la Loi , & qui a
toujours fait l'horreur & le fcandale principal
de notre Nation. Mais la rémiffion des .
pechés , marquée comme fa fin & fa caufe
ayant attiré mon attention d'une maniere
particuliére , m'a conduit infentiblement à
la découverte d'une troifiéme verité qui a
fait cefler tout mon embarras ; on eft heureufement
parvenu
à me faire entendre que
l'homme I v
2112 MERCURE DE FRANCE
l'homme étant redevable à la juftice de Dieu
pour fon peché , & ne rouvant réparer par
des actes d'un prix infini l'injure infinie qu'il
lui avoit faite , le Meffie chargé , felon Ifaie ,
des iniquités de tout le Peuple , qui donne
fa vie pour le peché , & qui le guérit par
fes
plaïes , devoit réunir en même tems dans fa
Perfonne , avec la nature & la condition de
l'homme , qui devoit cette fatisfaction à la
Majefté Divine , la Nature & la Dignité d'un
Dieu , qui feul pouvoit par la valeur infinie
de fes mérites , la mettre en jufte proportion
avec l'offenfe qu'il effaçoit ; & quant à cet
anéantillement volontaire , par lequel il s'eft
affujetti à une mort ignominieufe , chargée
d'anathême & de malédiction dans la Loi
j'ai compris qu'il demandoit d'autant plus de
reconnoillance & d'actions de grace de notre
part, qu'il l'a emploïée non - feulement comme
un moyen propre à nous affranchir des
malédictions que la Loi prononce contre fes
tranfgreffeurs , mais encore à répandre dans
toutes les Nations la Bénédiction promiſe à
Abraham , fur tous les Imitateurs de fa foi.
Delà j'en fuis venu à cette quatrième verité
, que la rédemption & la grace du Sacrifice
de JESUS - CHRIST , étoient non -feelement
fuffifantes, mais encore furabondantes ,
& qu'en conféquence , comme nous ne pouvions
être reconciliés avec Dieu , & juſtifiés
fans
SEPTEMBRE . 1742 2113
fans lui , nous le fommes auffi par lui pleinement
, & géneralement de toutes les chofes
, dont nous ne pourrions être juftifiés par
la Loi de Moyfe , dont les Rits & les Cérémonies
fe trouvent par là fuperflus , inutiles
, & doivent être abolis , puifqu'ils
ne peuvent être regardés maintenant comme
néceffaires à la Juftice , fans anéantir la
grace & la vertu de l'Incarnation , & de la.
mort du Meffie , qu'elles ne faifoient
gurer.
que fi .
C'eft donc lui feul , que j'ai cru enfin devoir
écouter , comme mon Maître en m'attachant
à fa Doctrine , comme à la Loi Souveraine,
fans laquelle celle de Moyfe , & l'Alliance
, qui avoit été faite par fon miniftére
avec nos Peres , ne pouvoit avoir fa perfection.
Auffi ai - je reconnu que les Prophetes
en avoient prédit une autre , qui devant
être fubftituée à cette premiére , marque.
faffifamment qu'elle n'étoit pas établie pour
toujours , & que fon autorité & fa force cefferoient
, lorfque le Sauveur , felon la parole.
d'lfare , feroit venu à Sion : au lieu que celle
qui devoit prendre fa place , mife par l'efprit
de Dieu dans le coeur & dans la bouche
des Fidéles , devoit paffer de main en main,
& de genération en genération à tous les fiécles
, & ne devoit jamais être effacée .
Ceft ce qui m'a fait enfin reconnoître
I vj
l'auto114
MERCURE DE FRANCE
l'autorité de la parole de Dieu , autant dans
les Evangiles & les autres Ecrits des Apôtres
& des Difciples de Jfus- Chrift , où cette
Loi nouvelle eft confignée , que dans les
Livres de Moyfe & des Prophetes , qui ont
reglé fous l'ancienne Alliance la foi de nos
Peres & notre Religion , avec cette difference
, qu'ils n'ont jamais fait dépendre du
détail des obfervances & des pratiques de la
Loi cérémonielle , la condition du falur & de
la vie éternelle , auxquelles ils reconnoiffent
par là qu'elles ne fçauroient être effentielles ;
au lieu que la Loi qui embraffe par amour &
par reconnoiffance le mérite de JESUSCHRIST
, qui nous tient lieu de tour ,
fçauroit être fupléée dans la nouvelle , &
qu'on ne peut être fauvé qu'autant qu'on mézite
à ce titre de porter le nom de Chrétien
& qu'on demeure uni au Corps qui raſſemble
& qui réunit ceux qui le portent.
ne
En éclairciffant ces articles principaux , je
n'ai pas négligé de m'inftruire fur les autres ,
qui ti nnent par principe , ou par conféquence
à ceux ci. Il n'a falu un an d'étude & de.
médiration pou difcurer à loifir les uns &
les autres , à mesure qu'ils fe prefentoient à
mon efprit, ou que mes lectures me les four-) :
niffoient ; mais fentant tout le befoin que
j'avois de la grace , qui touche le coeur pour
introduire la vérité dans l'efprit , je la follicitois
SEPTEMBRE. 1742 2115
tois chaque jour par les voeux les plus ardens
d'éclairer mes tenebres & de me préſerver
de l'endurciffement d'un coeur corrompu
par l'infidélité ; & comme felon nos Prophetes
, & Moyfe même , il n'y a que trop
d'oreilles qui écoutent fans entendre , & trop
d'yeux qui s'ouvrent pour regarder fans rien
voir , je fens tout ce que je dois à cette grace.
pour m'avoir mis en état de comprendre &
d'apercevoir les vérités , qui m'ont été montrées
, & de m'avoir fait entrer ainfi dans la
voie de me convertir & de me guerir de
mon erreur.
L'oeuvre s'eft achevée dans la Maifon des
PP. de l'Oratoire de S. Magloire , où la Providence
m'a conduit en dernier lieu , fous les
aufpices d'un Prince , dont les vertus univerfellement
reconnues & refpectées font plus
d'honneur à la Religion qu'il n'en reçoit de
fa naillance & du rang qui l'aproche fi près ,
du Trône dans le Monde . Le zéle avec lequel
il faifit toute occafion qui s'offre à lui
de prendre part à quelque bonne oeuvre ,
le fit entrer dans celle dont j'étois l'objet ;
auffitôt qu'elle fût venue à fa connoiffance
par les perfonnes qui m'avoient inftruit , ce
Prince vint lui même , après en avoir conféré
avec M. l'Archevêque , me recommander aux
Supérieurs de cette Maison, & il le fit encore
plus particulierement dans la fuite au très R.
P.
111 MERCURE DE FRANCE
ques ,
P. de la Valette Supérieur Général de la Con
grégation , qui m'a fait la grace de fe charger
de ma confcience & du foin de me former à
la piété , dont on fçait que tous les Difcours
refpirent & répandent l'onction avec une bénédiction
particuliére dans les coeurs . Tout
ce que je voïois dans la maifon de S. Magloire
alloit au même but;la charité des Peres
qui la gouvernent , les inftructions qu'ils faifoient
aux Eccléfiaftiques qu'ils conduifent ,
le fruit qu'elles produifoient parmi les Laï-
& les bons exemples dont j'etois frapé
tous les jours, m'infpiroient une loüable émulation
; au refte j'y ai paffé neuf mois entiers,
faifant mon occupation principale de la lecture
des Evangiles & des autres Livres du
Nouveau Teftament , que je n'avois vû jufques
là que fuperficiellement ; on me faifoit
conférer avec les paffages des Prophetes qui y
font fouvent cités & rapellés , tous les endroits
qui y font apliqués ou raportés par les
Apôtres. On m'excitoit à propofer avec liberté
les difficultés qui pouvoient, felon l'occafion,
fe préfenter à mon efprit , auxquelles
je trouvois toujours des folutions claires &
fatisfaifantes , dans les lumiéres & dans la
bonté de ceux qui me faifoient la grace de
m'écouter.
La lecture de l'Hiftoire univerfelle de M.
Boffuet & furtout la partie qui contient les
reflexions
W
SEPTEMBRE . 1747. 2117
! ་
réflexions de ce grand Prélat fur l'établiſfement
de la Religion , & enfin les Principes
de la Foi de M.l'Abbé Duguet m'ont auffi infiniment
fervi , & augmentoient chaque jour
le défir & Temprellement que j'avois de
recevoir au plutôt la grace du Baptême ;
F'éloignement dans lequel on m'en avoit fait
d'abord entrevoir le terme , ne faifoit qu'ac
croître l'efpece d'impatience que j'avois d'y
arriver ; il me fembloit que je ne l'atteindrois
jamais aflés - tôt , ce terme , pour contenter
l'extreme envie que j'avois de me voir au
nombre des Enfans de l'Eglife & de me donner
entierement à JESUS - CHRIST. Mais on
me faifoit entendre que les Loix ne permettoient
pas de donner témérairement fes Sacremens
, & qu'il étoit bon en général d'y
aporter quelque retardement ; qu'une des
pratiques des plus conftantes dans la Diſcipline
des premiers fiécles étoit de faire
connoître le poids du Baptéme à ceux qui
le demandoient , avant que de les admettre
à ce Sacrement tout divin , & qu'il étoit
toujours plus fûr , quand rien ne , preffoit
d'ailleurs , de le différer de quelque tems
pour en remporter plus de fruit , que d'en
rifquer tout le profit en fe preffant trop de
le recevoir ; qu'il falloit du tems pour fe
défaire des habitudes vicieufes , prifes de
longue main dans le commerce du monde ,
ου
2118 MERCURE DE FRANCE
ou qui s'étoient fortifiées dans l'ignorance de
Ja vraye Religion ; & fe confirmer enfuite
dans les bonnes , fans lefquelles on ne pouvoit
recevoir dignement le don de Dieu ;
qu'au refte on ne blâmoit pas l'empreffement
que je marquois pour courir aux Eaux falutaires
du Baptême , parce que cet empreffe
ment faifoit connoitre la fincérité & la ftabilité
du deffein que j'avois ptis d'embraffer
le Chriftianifine ; mais qu'il falloit néanmoins
plutôt travailler à m'en rendre digne ,
qu'à marquer de l'inquiétude du tems qu'on
jugeoit encore néceffaire pour m'éprouver.
Je reconnus bien tôt l'utilité de ces avis
& je m'abandonnai entierement à la conduite
de ceux en qui je voïois avec un fi
grand défir de mon bien actuel , tant de zéle
& de follicitude pour le rendre durable , &
pour m'en conferver plus long - tens le fruit,
Enfin le jour fur fixé & arrêté au mirdi
14. Août par M. le Duc d'Orléans , qui
choifit l'Eglife de S. Euftache , fa Paroiffe ;
pour la Cérémonie , & déclara en même .
tems qu'il vouloir l'honorer , en me faifant
préfenter à l'Eglife en fon nom , comme Parain
, & au nom de Madame d'Orléans fa
four , ancienne Abelfe de Chelles , com ne
Maraine Je ne faurois bien exprimer ici
les premieres réflexions que je fi na urelle.
ment fur na foibleffe , en confid.rant les
Cautions
*
SEPTEMBRE. 1742. 2119
Cautions illuftres qui fe chargoient de répon
dre à la face des Autels de mon attachement
perpétuel à la Doctrine & à la Loi de JESUSCHRIST
, parce que je comprenois ce qu'elles
ajoûtoient aux charges de la profeffion qui
m'alloit lier au Chriftianifme , & combien je
deviendrois coupable, fi je me trouvois dans
la fuite affés malheureux pour les avoir engagés
dans un menfonge & dans un faux témoignage
en les trompant , foit foit par l'abandon
de la Foi , foit par un retour indigne aux
pompes & aux oeuvres du monde , auxquelles
elles alloient garantir que je renond
çois abfolument.
Mais d'un autre côté , quels motifs &
quels fecours ne m'offroient - ils pas l'un &
l'autre, quand je voyois l'un montrer au milieu
de la plus grande gloire du monde qu'avec
une ame ferme & généreufe , on peut
vivre dans le fićcle , & en ufer comme n'en
ufant pas , fans . que ni l'élévation , ni les
honneurs & les richeffes , inféparablement
attachés au plus haut rang , mettent un obf
tacle réel à l'acquifition de la vertu & à
l'accompliffement entier des préceptes de
P'Evangile , & que l'autre mettoit fous nos
yeux depuis tant d'années , avec un égal mépris
des grandeurs humaines & une feparation
plus entiere du monde , le Sacrifice
Loïque de toutes les graces & de tous les
avantages
2120 MERCURE DE FRANCE
ávantages qu'elle avoit reçus de la Nature ;
pour s'élever jufqu'à la perfection même des
confeils , & des pratiques les plus fublimes
de la Religion.
Je n'afpirois donc plus qu'à voir inceffament
confommer l'ouvre que la Divine
Paiffance avoit opérée fi heureufement en
moi , avec la confiance qu'elle me donnoit.
de fuivie par fa grace les grands exemples .
que je me propofois de ne jamais perdre de
vûë. Mais il me falloit encore une épreuve .
Je tombai malade fubitement la nuit du Di-.
manche au Lundi le 13. Aoûr , veille de la
Cérémonie , & j'eus un accès de fiévre da
quarante heures , qui fit craindre à plufieurs
perfonnes que je ne fuffe pas le lendemain en
état de la foûtenir. J'en fentis pour moi tout
le danger & toute l'inquiétude , par la peine:
que cet accident donnoit aux autres . J'eus
recours au Seigneur & il m'accorda , avec la
guérifon que je lui demandai , toutes les
graces & toutes les forces néceffaires pour
ne pás fruftrer l'attente de tous ceux qui
prenoient part avec tant de bonté & de charité
à cette action.
ས་
Je me rendis donc le 14. à S. Euſtache
fur les neuf heures du matin. Le digne Paffeur
de cette Eglife , à qui je dois une reconnoiffance
infinie pour tout ce qu'il a fait
pour moi en cette occafion , avoit annoncé
comme
SEPTEMBRE. 1742 2122
comme une Fête, cet Evenement à fon Peuple,
le Dimanche précédent ; toute l'Eglife
étoit pleine dès le matin ; jamais le nombre
des habitans de cette Paroiffe ne parut plus
grand, fans parler d'une multitude infinie de
perfonnes du premier Ordre & de toutes les
conditions , qu'une pieuſe curiofité avoit attirés
des diverfes parties de la Ville ,.pour
voir le Baptême d'un Adulte , Cérémonie
affés rare maintenant dans le Chriftianifine,
-Un Laïque fidélement attaché à la Reli
gion, auffi verfé dans la fcience des Loix Divines
que
des Loix humaines , dans lefquelles
il s'eſt attiré la confiance du Public, & qui dès
mon arivée à Paris m'a montré une amitié de
Pere, engagea M. l'Evêque de Caftres à m'adminiftrer
le Sacrement de Confirmation , &
M. le Curé pria ce Prélat de préfider à toutes
les Cérémonies , ce qu'il a bien voulu accepter.
Le R. P. de S. Hilaire , Prêtre de la Doctrine
Chrétienne avoit été invité de faire
l'exhortation .
Il l'ouvrit par un très - bel Exorde fur la
difference des deux Alliances, & fur le Myftére
de la vocation des Gentils , fubſtitués
aux Juifs à caufe de leur incrédulité, qui
n'empêche point que Dieu n'ait toujours
quelques Elus parmi eux , qu'il apelle quand
il lui plaît à la connoiffance du Sauveur , qui
doit à la fin, fuivant les Ecritures , fe tourner
encore
2122 MERCURE DE FRANCE
encore vers eux, effacer leurs péchés . & leur
rendre Pintelligence des Prophéties , qu'ils
ont perdue depuis tant de fiècles. Après m'avoir
fait l'application d'une partie des Oracles
, il partagea le refte de fon Difcours en
deux points , fur les avantages, & les obligations
du Baptême , &c .
Quand il eut fini , on me conduifit hors
de l'Eglife , pour faire les t xorcifmes & les
autres . Prieres attachées anciennement au
Scrutin des Cathécumenes , qui n'acquéroient
que par le Baptême le droit d'entrer
dans le Templè du Seigneur. J'y fus introduit
, pour faire la profeffion de toi , & les
renoncemens accoûtumés , qui furent ſuivis
de l'action même du Baptême Enfin après
avoir reçû la Robe blanche de l'Innocence
& un Cierge allumé , Simbole de la Foi ,
opérant par la Charité , je fus conduit à l'Autel,
où je reçus des mains de M. l'Evêque de
Caftres , pendant que l'on chantoit le Veni
Creator & quelques autres prieres , le Sacrement
de Confirmation ; ce Prélat célebra enfuire
la Meffe, au milieu de laquelle je fis mon
offrande & à la fin j'cus le bonheur de recevoir
la divine Euchariftie.
Tout fut terminé par le Cantique ordinaire
Te Deum , &c. que l'Eglife employe en
toutes les actions de graces & Dieu m'ant
préfervé dans le cours de cette Cérémonie .
des
SEPTEMBRE. 1742. 2123
des foibleffes & des accidens , que ma maladie
du jour précedent donnoit lieu d'apréhender
, j'eus cette nouvelle occaſion de
reconnoître la vérité de cette parole , que
celui qui nous remet nos iniquités , en refermant
les playes de nos ames nous guérit
aulli , quand il lui plaît , de tous les maux
du corps , & nous environne de toutes partsdes
effets de fa miféricorde.

Voilà , M. le détail entier , & les fuites
d'une converfion , dont je vous dois les prémices
& les commencemens , en vous priant
d'en regarder le récit comme un effet de ma
reconnoiffance . Je voudrois pouvoir me flater
qu'il devint utile entre vos mains , pin
cipalement au falut de ceux qui font mes fre
res felon la chair , que je ne fçaurois oublier
dans la Foi que j'ai embraffée , & qui me
refle même d'un défir plus ardent que jamais
pour leur felicité . Qu'ai je , en effet ,
a demander au Ciel , & quelle plus grande
fatisfaction puis je fouhaiter fur la terre ,après
a grace que j'ai reçûë , que de les voir dif
ofes à la partager avec moi ; et en particu
ier celui dont j'ai reçu le jour , que je voudrois
, au prix de mon fang , pouvoir enfanter
à la grace , ainfi que mes freres & foeurs,'
avec lefquels l'ardent amour que j'ai pour
eux , me fera toujours défirer de ne faire à
jamais qu'une feuic famille !
Plut
2124 MERCURE DE FRANCE
Plût à Dieu que je puiffe donner l'envie à
tousceux qui m'ont connu, de me reffembler;
& qu'ouvrant les yeux , comme j'ai fait ,
fur la vengeance , qui éclate depuis tant de
fiécles , fi terriblement fur notre Nation ;
& fur les Prophéties de Daniel & d'Olée
qui l'ont annoncée , ils entrent dans la difpofition
miféricordieufe de fa Providence
envers les Gentils , qui bien loin d'infulter
à leur malheur, & de les regarder comme perdus
fans reffource , fe reconnoiffent entés
fur eux , & ne pouvoir pleinement fe feliciter
des fruits de leur propre fidelité
fidelité , que
par l'efperance qu'ils ont qu'elle les rendra
un jour fidéles à leur tour , comme leur incrédulité
les a rendus croïans ! Dans cet efprit
ils feront toujours de ce côté là le principal
objet de mes prieres , & je ne fçaurois
affés vous fuplier , M.en vous fouvenant de
moi , de les prendre auffi en confidération
dans les vôtres , & de me croire avec tout
le refpect poffible , M, &c.
TABLE
!
P
TABL E.
IECES FUGITIVES, Les Douceurs de la
Campagne 1913
Refléxions fur des Remarques de M.Danville, 1915 .
Le Peintre Elclave , Conte ,
Réponse à une lettre de M. Clérot ,
1925
1926
yers à Mad . de B. à B. l'Automne dernier , 1928
Lettre fur un terme de baffe Latinité , & fur une
Danfe Eccléfiaftique , & c .
Exhortation Pathétique , Conte ,
1920
1955
Queft.de Phyfiq fur le froid & fur les Métaux, 1956
Ode à Oriane , pour le jour de fa Fête
Lettre écrite au fujet d'Ifotta de Rimini ,
Epitre à mon Efprit , ..
1964
1968
1978
Mémoire au fujet d'un Prince & d'une Princeffe de
la Maifon de France , 1981
Sur un Portrait de la Princeffe de Rohan, Fable, 1991
Lettre au fujet d'une Pierre gravée ,
L'Ennui , Ode ,
1992
1997
Lettre au fujet d'une Confécration d'un College à
Marſeille ,
Imitation d'une Ode d'Horace ,
Difcours fur la Juſtice ,
Vers à M. Joly , de Dijon ,
2001
2004
2005
2012
2013 Enigme , Logogryphes ,
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS , & c.
Recueil de Pieces des Jeux Floraux ,
Prix remporté par le P. Lombard ,
2015
2029
Théatre Critique Espagnol; 4. 5. & 6. Broch.2035
Les Amours d'Enée & Didon ,
es Amuſemens du Coeur & de l'Eſprit ,
2036
2038
Exercice Lit. au Coll . de Belfunce à Marseille 2048
femb.de l'Acad. des B. Let. de la même Ville, 20so
femb . pub, de la Societé Litt de Montauban , 2052
atal.desTableaux expofés au Salon du Louvre , 2054
(
Estampes
Bftampes nouvelles , 2067
2069
Chanion notée ,
Spectacles , Hypolite & Aricie remis au Th. 2072
Ino & Melicerte , Trag. remife au Théatre , 2078
Théatre Italien ; l'Italien marié à Paris , ibid.
Nouvelles Etrangeres , Turquie , Ruffie , & c. 2080
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c. 2098
Lettre de M. Ugili , Juif, écrite à M. l'Abbé Fraf
foni , au fujet de fa Converfion & de fon Baptême
,
· Errata d'Août .
2103
PAge 1712. ligne 11. Bazarne , liſex , Bazerne.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1918. ligne avant derniere , affés éclairé ,
&c. life , trop éclairé pour penſer autrement.
P. 1996. 1. 6. dans un lieu plus éloigné, . plus loin .
P. 2001. I. 4. du bas , enchaffée , L. placée. P. 2003.
1. 13. la fource , l . fa fource. P 2041. 1 , 22. de femme
, ôtez ces mors . P. 2049. 1. 3. du bas , Garava
que , L. Qaravaque.
La Chanfon notée doit regarder la page 2064
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT.
OCTOBRE. 1742 .
{COLLIGIT
SPARGIT
Chés
Papillons
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la descente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XLII.
Avec Aprobation Privilege du Roy
*
L
AVIS.
'ADRESSE generale eft à !
Monfieur. MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comédie Fran-
Coife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft .
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.

Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
L'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROY.
OCTOBRE . 1742 .
*************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
REPONSE A LA QUESTION
propofees fçavoir , s'il eft plus avantageux,
à un homme d'être utile qu'agréable , en
Supofant que l'une de ces qualités donne·
l'exclufion a l'autre ?
ON demande lequel des deux
Nous eft le plus avantageux
D'être utile ou d'être agréable .
L'un & l'autre eft très défirable ,
Et dans l'exacte vérité ,
A ij Ce
2128 MERCURE DE FRANCE
Ce font les feuls liens de la focieté.
Heureux celui qui les raſſemble !
Mais quand on ne peut pas les poffeder enſemble;
Je conviens qu'on doit être embaraſſé du choix,
A l'un des deux pourtant il faut donner ſa voix.
L'homme utile paroît mériter l'avantage ,
Et l'intérêt d'abord lui donne fon fuffrage ;
Mais l'agréable a des droits fur les coeurs
Plus géneraux & plus flateurs .
Le premier ne peut jamais plairę
Qu'à ceux qu'il fert quand il le peut ;
Mais l'autre en géneral , plaît autant qu'il le veut.
L'un ne reçoit fouvent qu'un tribut mercenaire
De celui qu'il vient d'obliger ;
L'autre en obtient toujours un plus fincere ,
Que les feuls agrémens d'un heureux caractere ,
Sans effort de fa part , fçavent lui ménager.
Enfin l'un n'eft aimé que pour ce qu'il peut faire,
Et l'autre l'eft fans intérêt :
Qu'il parle ou qu'il ſe taiſe, en lui tout flate & plaît
Et par un goût fouvent involontaire ?
Chacun le trouve ce qu'il eft .
L'utile veut qu'on le connoiffe ,
Pour lui rendre ce qu'on lui doit.
Pour l'agréable , il fuffit qu'il paroiffe ;
Le coeur eft décidé , dès que l'oeil l'aperçoit.
Ainfi , malgré tout ce qu'on pourroit dire
A Pa
OCTOBRE. 1742 . 2129
A l'avantage du premier ,
Mon goût, foit raifon , foit délire ,
S'explique en faveur du dernier.
J. D. F.
**************** 茶
REPONSE aux Eclairciffemens du R. P.
Matthieu Texte , Dominicain , inférés dans
le Mercure d'Octobre 1741. au sujet de la
prétendue Profeffion Religieufe de M. Jean
HENNUYER , EVE'QUE ET COMTE DE
LISIEUX .
J >
'Ai cru devoir vous détromper , M. R. P.
& vous prouver que Jean DE LAUNOY
le P. ECHARD votre Confrere , Laurent-
Joffe LE CLERC , dans fa Bibliothèque du
Richelet au mot Maillard , & l'Auteur du
Supplément de Moreri au mot HENNUYER,
ont eu raifon de ne point reconnoître cet
Evêque pour Religieux de votre Ordre .
Je partagerai cette Differtation en trois
Articles . Dans le premier , je fuivrai Jean
Hennuyer, jufqu'à fon élection au Doyenné
de S. Germain l'Auxerrois à Paris . Dans le
fecond , nous le mettrons en poffeffion de
ce Doyenné , puis de l'Evêché de Lizieux
& nous rapporterons les Actes de l'une &
A iij l'autre
,
2130
MERCURE DE FRANCE
^
l'autre prife de Poffeffion ; & dans le trois
fiéme , je vous montrerai que le P. Mallet ,
d'après lequel ce que vous apellez une nuće
de témoins l'ont fait Dominicain , ne l'a pas
fait Dominicain lui - même.
PREMIER ARTICLE.
Jean Hennuyer naquit dans le Diocèfe de
( a ) Laon en 1497. Son Epitaphe que vous
verrez ci - après,le fait âgé de 80 ans . Il mourut
en 1578. la nuit du Mercredi avant minuit
le í 2. Mars , & non le 12. Août
comme le difent tous ceux qui en ont écrit.
Ainfi la date de l'année de fa naiffance eft
jufte par celle de fon décès. Il fit fes études
à Paris , au College de Navarre où il fut
Bourfier ; il y prit des Degrés pour être affocié
à cette Maifon. Il fut nommé Sousprincipal
des Artiens de ce College en 1530. & en
fit la fonction pendant fept ans avec beaucoup
de fuccès , quo genere Officii præclarè defunc
tus eft , nous dit Jean de Launoy . ( b )
(a) Dom Beaunier , Bénédictin , dans fon Recueil
des Abbayes de France, Tome II . pag. 774. Edit . de
1725, ne le fait pas Dominicain , mais il le fait ,
mal à propos , Anglois de Nation .
(b) Lib. 3. Partis 4. Cap . 36. Hiftoria Regii Navarræ
Gymnafii , pag. 739. Edit . 1732. M. Baillet
nous apprend,page 96. du 11. Tome des Jugemens
des Sçavans , que cette Hift. de Navarre étoit celui
de fes Ouvrages que de Launoy aimoit le plus.
N'allons
OCTOBRE. 1742. 2131
N'allons pas plus loin fans obferver , M.
R. P. que cette Place ne pouvoit être occupée
par un Religieux dans un College de
l'Univerfité , les Religieux Mandians étant
exclus de toutes les Societés Séculieres , qui
font partie de la Faculté de Théologie de
Paris , & par conféquent de la Maifon ou
Societé de Navarre ; il s'enfuit de - là que
l'Abbé Archon n'a pas dû dire dans fon
Hiftoire Eccléfiaftique de la Chapelle des
Rois de France qu'il est vraisemblable
qu'Hennuyer fortit fort jeune de l'Ordre des
Jacobins: ( a ) Vous n'adoptez pas le fentiment
d'Archon fur le tems de la prétenduë
Profeffion Religieufe de Jean Hennuyer ;
car vous dites pag.9. de vos Eclairciffemens,
qu'il étoit Docteur avant que d'entrer en Religion
; mais moi , je le rejette , par la raifon
que quand il eft queftion de faits on ne
fe paye pas de vraisemblances.
>
,
Jean Hennuyer entra en Licence en 1538 .
Stile nouveau. Voici les noms de ceux que
cite Jean de Launoy , Defignati in Theologia
Magiftri, Joannes Hennuyer, Adam Sequart,
c. Puis fur la même ligne font les Religieux
fuivans Crifpinus Brichanteau , Ordinis
Sancti Benedicti , F. Nicolaus de Saint
Quin , F, Arturus Damervil , F. Reginaldus
du Puis , &c. Les Religieux Mandians font
(a) Tome II . page 565, & 566.
A iiij défignés
2132 MERCURE DE FRANCE
défignés par ce mot Frater , qu'ils gardent
encore aujourd'hui.
>
Voici une autre Lifte du même tems , extraite
des Regiftres de la Faculté confervés
dans la Bibliothéque de S. Sulpice à Paris;
Licentiati Facultatis Parifienfis anno 1538.
Adam Sequart , Navarricus . Claudius Corfors.
Joannes Hennuyer , ( a ) Navarricus.
Joannes Tiercelet Sorbonicus. Petrus de
Malvenda Sorbonicus. Marcus Romez.
Joannes Blavyer , Sorbone Prior. Guillelmus
des Groux. Jacobus Labbé. Fr. Nicolaus
Guerin , Ciftercienfis. Fr. Thomas Hazard
Minor. Fr. Yvo Angelicus , Carmelita. Fr.
Joannes Confali , Minor. Joannes le Befgue .
F. Jacobus Chreftien Auguftinianus. F.
Joannes Potier, Carmelita. Ce détail ennuye,
mais il est néceffaire de fuivre pas à
notre prétendu Dominicain .
,
pas
Dans la même année 1538. le Chancelier
de France (6 ) pria la Faculté de Théologie
de recevoir Bachelier furnumeraire un de
vos Religieux nommé Auguftin de Rieux.
Le 20. Août de la même année , la Faculté
députa à M. le Chancelier pour lui
représenter les inconvéniens d'une pareille
innovation : & pour obvier à ces fortes de
(a) On le voit dans l'une & l'autre Lifte parmi
les Séculiers .
(6) Antoine du Bourg.
demandes ;
OCTOBRE. 1742. 2133
demandes, elle fupplia le Roy François I. de
donner une nouvelle Ordonnance confirmative
des précédentes ; ce que fit Sa Majesté
par fes Lettres données à Nogent fur Seine
le 26. Mars 1539. Stile nouveau . Jean
de Launoy qui raporte ce fait , ( a ) dir que
le Roy chargea Jean Hennuyer , qui étoit
alors à la Cour auprès du Dauphin , de remettre
ces Lettres à la Faculté. Rex præftitit
quod Facultas expetiit , & litteras Joanni
Hennuyerio , Sodali Navarrico, qui Delphino
tum erat ab Scholis & Pralectionibus , Facultati
perferendas dedit . Prenez-garde qu'on ne
peut dire plus nettement que par ce mot
Sodali , qu'il étoit de la Maiſon & Societé
de Navarre. Vous convenez dans vos Eclairiffemens
,, ppaagg.. 22.. qquuee le Roy le chargea de
cette commillion , & vous citez du Boulay ;
convenez donc auffi qu'on ne l'auroit pas
donnée à un Religieux contre des Reli
gieux de fon Ordre ; il s'en feroit défendu ,
& on l'en auroit loué.
Ce fut encore dans ce tems - là qu'il foûtint
la Sorbonique , & qu'il fut reçû Docteur.
Nous en avons deux garants , de Launoy &
le P. Echard , votre Confrere. Il étoit pour
lors Séculier , vous n'en diſconvenez pas .
Que direz-vous donc de du Boulay , dont
vous faites tant valoir le témoignage , &
(a) Voyez fon Hift . de Navarre à cette année .
A v qui
2134 MERCURE DE FRANCE
qui ne le fait Docteur qu'après qu'il eut prís
votre Habit ? Idem , dit - il , ad Dominicanos
fe contulit , Doctorque Theologicus factus
c. Meffieurs de Sainte Marthe , l'Abbé
Archon , & un Manufcrit de Lizieux que
je copierai ci - aprés , III. Article , le font
Dominicain dès fon adolefcence ; & da
Boulay le fait Religieux après qu'il a été
Profeffeur de Philofophie aux Colleges de
Navarre & du Mans , & qu'il a préfidé à
l'éducation de trois Princes ; ( a ) ajustez ces
variations , fi vous le pouvez ; eft- ce ainfi
que l'on conftate des faits ? car c'eſt là le
Point qui nous divife , & avez - vous pu
donner à un Homme fage & plein de fens
le confeil que je lis actuellement dans un
Mémoire écrit de votre main pour l'amener
à votre façon de penfer ? Dans cette
difference de fentimens , dites - vous , du tems
auquel il fe fit Dominicain , il fuffira de dire
qu'il l'a été fans dire l'année . Et où la prendre
cette année, quand rien ne la fixe ? Croyezvous
fatisfaire vos Lecteurs quand vous dites
(b) que ce fut après avoir porté la Lettre du
Roy à la Faculté en 1539. étant encore Séculier
, & qu'on le déterra de la folitude du
Cloître vers 1547 ? & vous voulez qu'un
Docteur de la réputation de Jean Hennuyer
(a) Du Boulay , Tom . VI . page 952 .
(b ) Page 11. des Eclairciffemens.
&
OCTOBRE . 1742. 2135
& Précepteur du Dauphin , foit entré chés
vous au Noviciat , & y ait fait des voeux folemnels
, âgé au moins de 42 ans. , fans
qu'aucune de vos Maifons en ait gardé la
date , ou en ait fait la plus petite mention ?
- Cela tire un peu fur le paradoxe , fi je ne
me trompe.
Soyons de bonne foi , M. R. P. & fuivons
nos guides qui font fidéles. Voici ce
que devint Jean Hennuyer après avoir reçû
le Bonnet. Exindè Ludimagifter datus eft
Carole Borbonio , & Carolo Lotharingo ,
c'eft Jean de Launoy qui le dit , & le P.
Echard nous dit d'après lui , Exindè Principum
Caroli Borbonii , & Caroli Lotharingi
Preceptor allectus. Le voilà donc chargé des
études de deux Princes deftinés à l'Eglife ,
& qui en furent l'un & l'autre le foutien
contre les Prétendus Réformés.
Mais n'oublions pas qu'il fut fait en même
tems Profeffeur en Théologie au Colle-
'ge de Navarre, & qu'il entra dans cette carriere,
quoique nouveau Docteur ca 1540. ( a )
Antoine Coignet & Jean Hennuyer furent
élûs & nommés Profeffeurs en Théologie , dit
Jean de Launoy ; place de Profeffeur qu'il
n'auroit pû occuper dans ce College , s'il
avoit été Religieux , tout Régulier , fuivant
(al Antonius Cognetus & Joannes Hennuierius ,
in Theologia Profeffores eliguntur. Tom . 4. p . 415 ..
A vj
les
2136 MERCURE DE FRANCE
les Statuts & l'ufage , ne pouvant être Profeffeur
dans les Ecoles publiques & feculieres
, mais feulement dans les Ecoles de
fon Ordre. Si vous aviez lû de Launoy avec
attention , vous y auriez vû la deftination
d'Hennuyer , & vous ne l'auriez pas faic
Dominicain , & toujours fans la moindre
preuve , depuis 1539. jufqu'en 1547.
Oui , M. R. P. il remplit une des deux
Chaires de Théologie au College de Navarre
, & vous verrez dans un moment qu'il
exerçoit encore cette fonction en 1556.
Dans les premiéres années , il partageoit fon
tems entre les leçons qu'il devoit au Public ,
& celles qu'il donnoit aux deux Princes
dont je viens de parler , & furtout au Prince
Charles de Lorraine fon Eleve , qui n'avoit
pas 20 ans quand il fut nommé Archevêque
de Reims. Ce Prince fit connoître notre Profeffeur
à la Cour, où, felon le P. Echard votre
Confrere , il brilla par fes grands talens
præclaris dotibus in Aulâ emicuit. Il fit plus ,
il lui gagna la confiance de Diane de Poitiers,
fi connue dans l'Hiftoire de ces tems- là
qui le fervit fi bien que d'abord après la
mort de François I. en 1547. elle engagea
Catherine de Medicis , devenue Reine , à
le prendre pour fon Confeffeur , & à quitter
Louis le Bouteiller qui l'étoit auparavant ,'
& qu'elle fit enfuite fon Aumônier.
,
?
Et
OCTOBRE. 1742 2137
,
Et afin que vous ne croyez pas que je
vous donne des vraisemblances comme
l'Abbé Archon , lifez une Lettre que nous
trouvons dans Bayle à l'article Marot
note O.Cette Lettre eft d'un Gentilhomme ,
nommé Villemadon datée du 26. Août
1559. environ cinq femaines après la mort
de Henri II. & adreffée à la Reine Catherine
de Medicis . Vous la trouverez en entier
dans le Livre défigné à la marge de Bayle ;
& à la page 620. du 1. tome de la nouvelle
Edition des Mémoires de Condé,qui vient de
paroître.
Voici donc ce qu'on lit dans cette Lettre
qui eft à la vérité d'une main Calviniſte
mais on prend les faits où on les trouve
fauf à vous à les arguer de faux. » Par ainfi
» cette povre vieille péchereffe (Diane de Poi-
» tiers ) perfuada tout fon dire au feu Roy ,
» & vous y contraignoient , Madame , juſ
n
qu'à vous ôter votre Confeffeur Bouteiller,
» ( a ) qui pour lors vous prêchoit & admi-
>> niftroit purement la vérité évangelique , &
» au lieu dudit Bouteiller , vous bailla par
» force fon Docteur Hennuyer Sorboniſte
» pour fuborner votre confcience , & depuis
» le bailla au feu Roy pour gouverner la
» fienne.
(a) Louis le Bouteiller, Docteur en Théologie de
l'Univerfité de Caën . Archon , Tom. 2. pag. 593 .
Ces
2138 MERCURE DE FRANCE
Ces trois mots , fon Docteur Sorbonifte ;
fignifient trois chofes , 1 ° . qu'il étoit Confeffeur
de Diane , qu'on apelloit la Grande
Sénéchale. 2 ° . Qu'il le fut de la Reine Catherine
de Medicis ; auffi eft-il couché fur
l'Etat en cette qualité , & vous le dites.
vous-même. 3 ° . Qu'il étoit Docteur Sécu
lier , & c'eft où j'en voulois venir.
Or, Villemadon en ce tems - là ne pouvoit
lui dire d'injure plus à la mode parmi les
Calviniftes que de l'apeller Sorboniste, c'étoit
alors un terme de mépris & comme un fobriquet.
Luther , qui avoit marqué d'abord
tant de déférence pour la Faculté de Théologie
de Paris , & qui avoit voulu la prendre
pour arbitre , ne la traita plus que de Sor
bonne ( a ) quand elle l'eut condamné en
1521. Les Calviniftes l'imiterent , & Erafme
même, piqué de la Cenfure de quelques- uns
de fes fentimens en 1526. difoit que la Fa
culté étoit trop éclairée pour l'avoir faite ,
& que ce n'étoit que quelques Docteurs
Sorbonistes , comme Noël Beda & c . Confef
fus Sorbonicus. Nous lifons à la page 444 .
» de l'Hiftoire des chofes mémorables ave-
>> nuës en France depuis 1547. jufqu'au
» commencement de 1597. Un nommé du
(a ) Hiftoire abregée de l'Eglife , de la Ville & de
l'Univerfité de Paris , Tome 1. page 366. Tome 2.
page 287. Edit. de 1728 .
Rofier ;
OCTOBRE. 1742 . 2139
(a ) Rofier ... fervit avec plufieurs Sorbonistes
à heurler contre la profeffion de Foi du Roy
de Navarre. ( b ) Jugez donc fi Hennuyer
avoit été Religieux Mandiant de quels
traits Villemadon ce rigide Proteftant ,
l'auroit percé , & de ce qu'il auroit dit en
pareil cas.
,
"
Charles de Lorraine , Archevê-
;
En 1547.
que de Reims , fut créé Cardinal Claude
de Lorraine , l'un de fes freres , fut fait Duc
d'Aumale , & époufa en même tems Louife
de Brezé , feconde fille de Diane de Poitiers:
de cette forte , Jean Hennuyer , nouveau
Confeffeur de la Reine , fut protegé de toutes
parts , & regardé comme le Théologien
de la Cour.
Jean Hennuyer eft nommé premier Aumônier
du Roy.
Le premier Juillet 1552. Bernard de Ruthie
, Abbé de Pontlevoy , fut pourvû de la
Charge de Grand Aumônier de France ; il
étoit revêtu de celle de Premier Aumônier ,
qui fut donnée à Meffire Jean le Hennuyer.
C'est ainsi que le qualifie Guillaume du Peyrat
dans fon Hiftoire Eccléfiaftique de la
Cour, page 435. & il ne donne pas affurément
le Titre de Meffire aux Religieux ,
(a ) Hugue Sureau du Rofier .
(6) En 1572.
mais
2140 MERCURE DE FRANCE
mais celui de Frere. Et puifqu'il eft réel que
Jean Hennuyer a été premier Aumônier du
Roy Henry II. & même fous les trois Regnes
fuivans , permettez- moi , mon R. P.
de vous donner à mon tour quelques Eclairciffemens.
Ils font néceffaires fur le fait que
nous difcutons.
Le Roy François I. voulant donner plus de
dignité à fa Chapelle , créa en 1523. en Titre
d'office, & avec des apointemens reglés ,
la Charge de premier Aumônier , qui a toujours
fubfifté depuis fans interruption ; j'en
mettrai ici la fuite tirée de Du Peyrat , &
d'Archon.
Le premier qui fut pourvû de cette Charge
fous François I. fut Jacques Amelain , Chanoine
de la Ste Chapelle , puis Evêque de
Tulles le 9. Mai 1536.
Le II. Premier Aumônier fous le même
Roy en 1540. fut Jean de Gaigny , depuis
Chancelier de l'Univerfité.
Le III . Premier Aumônier fous François I.
& Henry II. fut Bernard de Ruthie , dont il
vient d'être parlé , lequel fut enfuite Grand
Aumônier de France.

Le IV. Premier Aumônier fous Henry II.
en 1552. au mois de Juillet , fut Jean Hennuyer
, qui fait ici notre objet , lequel continua
de l'être fous François II. Charles IX.
& Henry III. jufqu'en 1575 .
Le
OCTOBRE. 1742. 2141
Le V. Premier Aumônier en titre fous le
Roy Henry III . fut Pierre ou Profper de la
Baume Evêque de S. Flour en 1576.
Le VI. Premier Aumônier en 1584. fous
Henry III. & Henry IV. fut Nicolas Fumée
Evêque & Comte de Beauvais.
Le VII . Premier Aumônier par la mort
de Nicolas Fumée en 1592.fous Henry IV.fut
Jacques Davy du Perron , Evêque d'Evreux ,
puis Archevêque de Sens & Cardinal.

Le VIII. Premier Aumônier fous Henry
IV. [ le Cardinal du Perron étant devenu
Grand Aumônier de France en 1606. ] fut
Bertrand d'Echaux , Evêque de Bayonne en
1595. Archevêque de Tours en 1618. & en
1619. Commandeur de l'Ordre du S. Efprit.
Il affifta en fa Qualité de Premier Aumônier,
au Sacre de Louis XIII . le 17. Oct. 1610.
Le IX. Premier Aumônier fous Louis XIII .
& jufqu'à la mort de ce Prince , fut Dominique
Seguier , frere du Chancelier de ce nom,
Evêque d'Auxerre , puis de Meaux.
J'ai fuivi cette Lifte jufqu'à l'avenement
de Louis XIV. à la Couronne , pour vous
faire entendre , mon R. P. que la Chapelle
du Roy étant un Corps Eccléfiaftique purement
féculier , ce qui fait ici une preuve complette
, & le Premier Aumônier de Sa Majefté
marchant immédiatement après le Grand
Aumônier de France , cette Place ne peut
être
2142 MERCURE DE FRANCE
être donnée qu'à un Homme du Clergé féculier
, quand il n'eft pas Evêque , & que
Du Peyrat a eu raifon de traiter Jean Hennuyer
de Meffire , & la Chambre des Comptes
de Maître , comme c'étoit l'ufage de ce
tems- là , parce qu'il étoit Prêtre féculier ; au
lieu qu'en citant les Confeffeurs du Roy qui
ont été pris très- fouvent parmi les Reguliers,
& furtout dans votre Ordre , Du Peyrat , la
Chambre des Comptes , & les Hiftoriens ne
leur donnent que le Titre de Frere quand ils
font Religieux.
Frere Jean Guyencourt , Religieux de votre
Ordre , & Confeffeur du Roy Henry II .
mourut le 24. Juin 1553. Jean Hennuyer
déja Premier Aumônier de ce Prince , fut
auffi nommé fon Confeffeur , & il le fut
jufqu'à la mort. (a)
En cette qualité de Confeffeur du Roy, qui
lui donnoit infpection fur le College de Navarre
, le Chapitre de l'Eglife de Paris lui
donna communication le 10. Avril 1554
du Privilege à elle accordé par le Roy
Louis XI. en Janvier 1474. de nommer
un de fes Enfans de Choeur à une des Bourfes
de ce College . Voici ce que porte le Regiftre
de l'Eglife de Paris : Communicetur Domino
Hennuerio, magnoEleemofynario Domini
(a ) Archon , Tom . 2. page 576. dir qu'il le confefla
dans ce dernier moment.
noftr?
OCTOBRE. 1742 2143
noftri Regis, Privilegium Burfa in Collegio Na
varra pro Pueris Chori , voyez De Launoy à
cet article , Tom Iv. pag. 429. & obfervez
toujours qu'il n'eft pas ici queftion d'un Religieux.
Le 25. Septembre 1551. le Roy Henri
II. ordonna de nouveaux Reglemens pour
le College de Navarre , & il chargea FRERE
Jean Guyencourt , fon Confeffeur , d'y tenir
la main . Mais quand , en 1556. le 7. Janvier
, le même Roy ordonna la reformation
de certains abus qui s'étoient gliffés dans
l'Univerfité , après avoir nommé des Préſidens
& Confeillers au Parlement pour y travailler
, il nomme pour être apellés & oüis
dans ce travail M M. Hennuyer, fon Confeffeur
ordinaire , Pierre Danés , Confeffeur de
fon très-cher & très -amé Fils le Dauphin ,
l'Abbé Duval , le Grand- Maître du College
de Navarre , M. Jean Quintin (a) Chapelain
, & Fléxelles , Docteur en Medecine.
Il faute aux yeux que fi Jean Hennuyer avoit
été Dominicain , le Roy l'auroit apellé Frere,
comme il avoit apellé Guyencourt en 1551.
Voyez Du Boulay , Tom. vI . pag. 489 .
-Voilà , ce me femble , tous les jours de
Jean Hennuyer bien remplis , & coufus les
(a) Ce Quintin harangua aux Etats du 13.Decembre
1560. pour le Clergé. Varillas , à Charles IX .
Liv. I. page 27 .
uns
2144 MERCURE DE FRANCÈ
uns aux autres jufqu'en 1556 : Les feules an
nées où vous voudriez le revendiquer font depuis
1540. jufqu'en 1547. & vous dites : (a)
Comme il étoit Docteur avant que d'entrer en Religion,
il n'avoit pas étudié dans ce College [ des
Dominicains de la rue S. Jacques , à Paris , ]
moins encore profeffé , n'y ayant pas apris les
Principes de notre Ecole , & il pouvoit avoir
reçu l'habit pour tout autre Convent , felon nos
Conftitutions , qui exigent que le Poftulant ait
une Maiſon d'affiliation. Avec ce terme il
pouvoit , & ce Couvent de votre Ordre que
vous cherchez inutilement depuis 40. ans ,'
que voulez - vous qu'on dife ? Mais moi je
vous prouve avec de Launoy , qu'en 1540.
jufqu'en 1547. ( vous verrez dans un inf
tant que ce fût plus long tems ) il étoit Profeffeur
en Théologie à Navarre : avec le Pere
Echard votre Confrere , qu'il inftruifoit les
deux Princes dont j'ai parlé ci-deffus : & avec
Villemadon qu'il dirigeoit la confcience de
Diane de Poitiers . Cela s'apelle - t'il faire un
Noviciat à l'infçu du Genre humain , &
dans un coin de ce bas monde que vous ne
fçauriez déterrer ? venons au fecond Article.
II. ARTICLE.
Le Doyenné de S. Germain l'Auxerrois à
Paris vaqua le 17. Septembre 1556. par
(4) Page 9. des Eclairciffemens ,
le
OCTOBRE.- 1742. 2145
le décès de François le Picart , dọnt Hilarion
de Cofte a écrit la vie. Le Roy écrivit au
Chapitre dès le lendemain en faveur de Jean
Hennuyer , fon Confeffeur & fon Premier
Aumônier , & le Connétable Anne Duc de
Montmorenci , qui étoit alors dans la plus
haute fayeur , écrivit de fon côté pour le recommander.
Le Chapitre , après avoir lû
ces deux Lettres le lendemain 18. Septembre
, chargea M, André Gévres , Chanoine
& Chantre de cette Eglife de les
garder.
Le Chapitre pour l'Election fe tint après
les Préliminaires accoûtumés, le Samedi 24,
Octobre 1556. Jean Hennuyer fut élû
Doyen par acclamation . Il y eut feulement ,
fuivant les Regiftres de cette Eglife , trois
Chanoines qui refuferent d'abord de lui don,
ner leur voix , Bocheron , de Brabant , &
Caulier ; l'un , parce qu'il ne le connoiffoit
pas , & Bocheron (a) parce qu'il apréhendoit
qu'il ne fe mît pas plus en peine des affaires
du Chapitre, qu'avoit fait fon prédéceffeurien
fin les efprits fe concilierent , & tout fut unanime
; mais dans tous les Actes faits au fujet
de l'Election , il eſt apellé venerable &fcien
tifique Perfonne Monfieur Maître Jean Hen-
(a ) Ipfum Dominum Hennuyer nollet eligere , fi
fcret eum res & negotia dicta Ecclefia, velut antèfatus
Dominus Picart , parùm curare.
nuyer
2146 MERCURE DE FRANCE
nuyer , Docteur en Theologie , & Confefleur
du Roy.
Dans l'Acte du lendemain , lorfque les
Députés du Chapitre (a ) allerent lui faire
part de fon Election , on lit : Coràm venerabili
& fcientifico Viro Domino & Magiftro
Joanne Hennuyer, Sacra Theologia Profeffore ;
pefez ces dernieres expreffions qui marquent
qu'il profeffoit encore actuellement , & Regis
Confeffore. Nicolas de Thou , Confeiller
au Parlement , & Vicaire General de l'Evêque
de Paris , qui pour lors étoit abfent
donna , felon l'ufage , les Lettres de confirmation
de l'Election , qui font du 30. Octobre
1556. & le jour même le nouveau Doyen
prit poffeffion .
Je vous demande donc , mon R. P. s'il fe
fût agi d'un Religieux , ce qui ne s'étoit jamais
vû , & ce qui ne s'eft jamais vû depuis,
fi tous les Chanoines auroient concouru
à un tel choix ; s'il n'auroit pas fallu une
difpenfe bien expreffe ; s'il n'auroit pas fallu
qu'elle eût été fulminée ? Rien de tout cela,
& il n'y en a nul veftige ni dans les Regif-
(a ) Par les Regiftres du Chapitre , il paroît que
M. Hennuyer demeuroit alors derriere les grands
Auguftins , à Paris , dans une maifon apartenante
à l'Abbaye de S. Denis , & qui eft dans le lot de la
Manfe Abbatiale , unie à la Maifon Royale de faint
Cyr. C'étoit autrefois le College de cette Abbaye .
tres
+
OCTOBRE.
1742 2147
tres du Chapitre , ni dans ceux de l'Officialité
de Paris.
Vous fentez bien que je vous parle vrai ,
puifque vous êtes forcé de dire ( page 14. )
qu'en qualité de Premier Aumônier depuis
1552. il devoit être regardé comme aggrégé
au Clergé Séculier ; mais ce comme ne fignifie
que votre embarras.
En 1545. le Roy François I. nomma Jean
Jolivet , qui avoit été de l'Ordre de S. François
, ( a ) à un Canonicat de Notre - Dame
de Paris , vacant en Régales le Chapitre fit
fes repréſentations , fur ce qu'il étoit contraire
aux droits de l'Eglife de Paris qu'un Moine
fût de leur Corps , & ce Grand Prince n'infifta
point.

Denys Perronet , ci - devant Religieux
Carme , fe préfenta pour être reçû au Čanonicat
Théologal & Penitencerie de l'Eglife
d'Auxerre le 6 Septembre 1577. Le Chapitre
ne voulut point l'admettre , qu'il n'eût
exhibé un Certificat d'Arnaud de Pontac
Evêque de Bazas , portant qu'il avoit eu
difpenfe du PapePieV. pour fortir de l'Ordre
des Carmes , au moyen de laquelle il avoit
été fait Théologal de Perigueux .A plus forte
raifon auroit- il fallu une difpenfè à Jean
Hennuyer pour le Doyenné de S. Germain
(a) Hift . abregée de l'Eglife , de la Ville & de
l'Univerfité de Paris , Tome 2. page 437.
P'Auxerrois,
2148 MERCURE DE FRANCE
l'Auxerrois , dont l'Eglife , dans quarante
fept Doyens qui l'avoient précédé , fans
compter ceux qui ont pû échaper , n'en reconnoiffoit
aucun qui n'eût été Séculier
mais nous allons voir encore plus clairement
qu'il n'avoit jamais eu beſoin de difpenſe.
Jean Hennuyer eft nommé Evêque de Lodève ,
puis de Lifieux.
Il ne fut pas long- tems Doyen . Domini,
que du Gabre , Evêque de Lodéve , mourut
à Saint Germain des Prez à Paris le 1. Février
1557. Jean Hennuyer fut nommé fon
fucceffeur dans le même mois , ce qui fe
prouve par une Requête des Docteurs &
Bourfiers du College de Navarre , datée du
dernier Février de la même année 1557.
qu'il figna comme Evêque de Lodéve. (a) 11
ne prit point poffeffion de cet Evêché , qui
fut donné à Bernard d'Elbene. Mais après
la mort du Cardinal d'Annebaut, Evêque de
Lizieux arrivée à Rouen au mois de Juin
1558. le Roy François II . le nomma l'année
fuivante à cet Evêché.
,
Comme je n'ai marché jufqu'ici qu'après
des Autorités inconteftables , ce que je vais
vous dire fur Lizieux , eft tiré des Archives
mêmes du Chapitre de cette Ville , & c'eft
(a) De Launoy , Tome IV. page 440.
à un
OCTOBRE. 1742. 2149
à un Chanoine de cette Eglife , guidé par
l'amour feul de la vérité , que j'en ai l'obligation.
Il dit donc que Jean le Hennuyer ,
ayant reçû fes Bulles , paffa procuration
à Orleans le 25. de Novembre 1559. pour
prendre d'abord par Procureur poffeffion de
fon Evêché , & que l'Acte porte ces mots ,
Perfonaliter conftitutus Reverendus ( a ) in
Chrifto Pater , & D. D. Johannes LF HENNUYER
Domini noftri Francorum Regis primus
Eleemofynarius , Epifcopus Lexovienfis
c. Dans l'Acte d'Inftallation du Samedi
11. de Janvier 1560 on lit , Se perfonaliter
prafentavit .... Philippus de Nocy Canonicus
Lexovienfis Vicarius Generalis in fpiritua-
·libus Reverendi in Chrifto Patris & DD.
Johannis le Hennuyer miferatione divinâ Lexovienfis
Epifcopi & Comitis .... qui quidem
Procurator exhibuit Litteras Apoftolicas
ac Regias inferius defcriptas , &c .
Suivent les Bulles auxquelles il convient
de faire attention. Pius Epifcopus ...
Dilecto Filio Johanni le Hennuyer Electo Le
xovienfi .... ad Te PRESBYTERUM LAUDU,
NENSIS DIOCESIS , Magiftrum in Theologiâ;
ad gradum Magifterii in eâdem Theologia ...
promotum necnon chariffimi Filii noftri
in Chrifto FRANCISCI Francorum Regis Chri-
...
....
...

(a) Ces termes Reverendus , &c . fe mettoient
alors pour tous les Evêques.
B ftianiffimi
2150 MERCURE
DE FRANCE
ftianiffimi
.... Eleemofynarium
primum nun-
M. R. P. toutes
cupatum & c. Parcourez
,
les Bulles pour les Evêques
tirés de votre
Ordre , & vous trouverez
dans toutes ex- preffément
qu'ils ont été Dominicains
; s'il
n'y a donc rien de pareil ici , c'eft qu'il ne
F'étoit
pas. Ce Chanoine
obferve que dans les Lettres
de la Chambre
des Comptes
, qui font
tranfcrites
fur le même Regiftre
, on le qualifie fimplement
de Maître ( a ) Jean le
Hennuyer
,PremierAumônier
duRoy & Evêque
» ce qu'on
de Lizieux. Voilà , ajoûte- t- il
» peut fournir de Lifieux de plus pofitif fur
» l'Etat de M. le Hennuyer
, & il femble
» que cela doit fuffire pour détromper
ceux
qui pourroient
penfer que ce Prélat a été
» Jacobin.
par où
Et comme tous les états diftinctifs
les hommes ont paffé entrent ordinairement
dans leur Epitaphe , il a bien voulu m'envoyer
celle qu'on avoit faite felon le ftile &
les rimes du tems pour ce Saint Evêque .
Elle étoit dans le Choeur en bronze , avec
celle en marbre de l'Evêque Guillaume
d'Eftouteville , Fondateur du College de Lizieux
à Paris ; mais depuis 3 ou 40 ans on
2 fondu les tombes de cuivre ou de bronze
(a )Au lieu que pour les Religieux , le titre de
Frere précede toujours .
qui
1
OCTOBRE. 1742 2151
qui étoient dans le Choeur pour en faire un
grand Chandelier à fept branches ; ainfi cette
Epitaphe n'est plus que dans les Manuf
crits .
Cy devant gît le Corps inhumé de celui
Que Lifieux doft plorer à bon droit aujourd'hui
C'eft cil du bon 'Seigneur Jehan le Hennuyer
Qu'à vos bonnes priers je vous prie n'oublier .
Evêque de ce Lieu , Pafteur très vénérable ,
Envers Dieu & chacun bontif & amiable .
Lequel des Lettres fut tellement amateur ,
Qu'en fon tems ne fut vû un plus fçavant Docteuri
Par fon fçavoir exquis & très-humbles moyens
Aumônier fut en France à quatre Rois Chrétiens
Et Confeiller ; auffi de Henri Confeffeur
Pour fa prudente vie , en cela je fuis feur.
Aux mondaines affaires il ne s'eft empêché ,
Toujours a réfidé deffus fon Evêché ;
Et comme un vrai Pafteur il n'a laiffé entrer
Le Loup en fon Troupeau , faute de ſe montrer
Prioit Dieu pour la France & fes loyaux Supôts ,
Pour le bien du Pays & du public repos.
Gardant entre le Peuple fon humble dignité ,
Ufant de la douceur & non de gravité ,
Toute ambition il avoit dépouillé ;
" Il étoit de vertus non de foye habillé.
Evêque dix-fept ans fut de cette Contrée ;
Bij En
2152 MERCURE DE FRANCE
En eft parti au teins qu'il y fit fon entrée ,
Car le (a ) douzième jour de Mars il déceda ,
Et jamais nullement la mort n'apréhenda .
Au jour du Mécredi du foir avant minuit
En l'an mil & cinq cent foixante & dix-huit ,
Ayant fon vieillard front couvert de poil chenų ,
Aux années quatre -vingt de fon âge venu.
Pourtant nous prirons Dieu que ce bon Trépaflé
Avecque les Sauvés quiefcat in pace ;
Et nous faffe la grace par fa fainte merci ,
Comme lui pouvoir vivre & mourir tout ainfi. Amen
Dites-moi , je vous fuplie , M. R. P. fi ce
faifeur d'Epitaphes ne fe feroit pas donné
carriere, fuppofé que cet Evêque eût été Dominicain,
y ayant fur tout à Lifieux une Maifon
de cet Ordre , pour dire dans fa Poëfie
comme vous l'avez fait dire à Moreri , pag .
11. des Eclairciffemens , qu'on le déterra de la
folitude du Cloître , & tout ce qu'un fi vàſte
champ lui préfentoit pour fe livrer à l'enthoufiafme.
(b)
Enfin pour donner encore une preuve
(a) Ce Vers prouve qu'il n'eft pas mort le 12 .
Août , comme on l'a dit juſqu'ici .
(6) Du Peyrat , Liv. I. page 327. dans l'Epitaphe
de Maurice de Coulange la Vineuse , mort Evêque
de Nevers , n'oublie pas fa qualité de Frere Prê-·
cheur , quondam Ordinis Fratrum Pradicatorum .
I put fourmille de ccs exemples.
plus
OCTOBRE . 1742. 2153
و د
par
plus complete que ce Prélat n'étoit d'aucun
Ordre Religieux , le Chanoine qui a fourni
les preuves ci deffus , a voulu voir auffi dans
le Regiftre Capitulaire la Formule des Bulles
d'Anne d'Efcars,appellé depuis le Cardinal de
Givry,mais auparavant Religieux Profès de S.
Benigne de Dijon. » J'ai été curieux , dit- il ,
de voir la prise de Poffeffion de M.de Givry
Regulier, nommé à l'Evêché de Liſieux
» le Koy Henri III . en 1584. Il prit poffeffion
» par Procureur, le 28.Janvier 1585. & perfon
" nellement le 31. Mars de la même année .
» je ne trouve de difference que dans la Bulle ,
» mais auffi cette difference eft bien remar-
" quable. GREGORIUS Epifcopus &c . Dilecto
Filio ANNE Electo Lexovienfi.... Demùm
ad Te Abbatem Monafterii Sancti Petri Pultheriarum
( Potiere ) Ordinis Sancti Benedicti
Lingonenfis Dioecefis , ORDINEM IPSUM EXPRESSE
PROFESSUM , Decretorum Doctorem , ac
de illuftri genereprocreatum & c.Elle eft en effet
fenfible cette difference pour un même Diocè .
fe;auffi le Docteur Democharés au Catalogue
des Evêques de Lifieux, Jean Chenu Edit . de
1621. & Claude Robert en 1626. lefquels
ont travaillé fur le Clergé de France avant
Mrs de Sainte Marthe , ont- ils eû foin de
diftinguer les Evêques qui avoient été de
quelqu'Ordre Religieux d'avec ceux qui
étoient du Clergé Séculier. Ces trois Ecri-
Bij vains
2154 MERCURE DE FRANCE
vains font mention de Jean Hennuyer }
Démocharés , dans fon Traité du Sacrifice de
la Meffe , où il dit en 1562. ( a ) que Jean
Hennuyer Confeffeur du Roy Henri ,
Docteur en Théologie , fiége depuis 1559.
Chenu , à la pag. 93. & Robert dans fon Gallia
Chriftiana pag. 359. & fûrement ils ne
le font point Dominicain .
&
Democharés mourut quatre ans avant
Hennuyer, il eft cenfè l'avoir bien connu , &
c'eft peut- être la plus forte preuve qu'on
puiffe alleguer contre vous . Car ce Docteur
qui avoit été Recteur de l'Univerfitè de
Paris en 1539 & qu'on nommoit l'Inqui
fiteur de la Foy contre les Sectaires en France ,
( étoit lié fans doute avec Jean Hennuyer
qui n'avoit pas moins de zele , mais pour le
dire en paffant , qui avoit plus de prudence &
de lumieres que celui ci ; or il eft vifible que
mettant Jean Hennuyer fon Contemporain
dans la Liſte des Evêques qui vivoient alors ,
il n'auroit pas oublié fon premier état , &
les grands talens qui l'en auroient tiré.Voyez
du Pin aux Auteurs du 16. Siècle , fur Ant .
de Mouchy , 4. part. pag. 397. & Moreri.
(a) qui eft le tems de l'Edition de fon Ouvrage ,
(6) Le vrai nom de Democharés étoit Antoine
de Mouchy , & on appelloit Mouchards ceux qu'il
employoit pour aller à la découverte des Novateurs
. Voyez Mezeray, & le Dictionaire de Trévoux
au mot Mouchard, Jean
OCTOBRE . 1742. 2155
Jean de Launoy ( Tom. 4. pag . sor . ) fait mention de trois hommes de mérite du
College de Navarre , qui fe firent Jéfuites , &
d'un autre qui entra dans l'Oratoire ; fi Hennuyer
avoit pris votre habit pourquoi l'auroit
il diffimulé ? a-t'il affecté d'ignorer que le
fçavant Evêque d'Evreux , Claude de Sainctes,
qui eut le malheur de fe livrer aveuglément
à la Ligue , avoit été Chanoine Régulier de
S. Cheron ?
III. ARTICLE .
Mais ce qu'il y a d'étonnant
, M. R. P.
& c'est par où je finis , c'eft que votre Confrere
même le P. Antoine Mallet , votre
Bouffole , ne dit pas un feul mot qui tende
à
prouver
que Jean Hennuyer
ait jamais été
de votre Ordre. Après avoir parlé de Jean Guyencourt
Dominicain
Confeffeur
d'Henri
II. il dit tout de fuite pag.247
. ( a) Jean Hen- nier ( il ne fçait pas même comment
s'écrit fon nom ) Jean Hennier
de la même contrée
( de Picardie
) auffi Docteur
en Théologie
de La Faculté
de Paris , le fuivit en la même di- gnité de Confeffeur
de Henri II. & l'an 1559. fut fait Evêque
de Lifieux. Puis il raconte
ce qu'il fit en 1572. pour fauver fon
eft de
(a) Tome 2. Edit. de 1645. chés la veuve Bran→
chu , à la Bible d'or. Le 1. Tome joint au 2 .
chés Jean Branchu. 1634.
B iiij
Trou2156
MERCURE DE FRANCE
Troupeau des fuites de la Saint Barthelemy .
Mais il ne le dit point Dominicain , il ne
l'honore point du nom de Frere , lui qui
donne ce nom à tous les autres de fon Ordre
qui figurent dans fon Ouvrage. Il n'énonce
ni l'année où il a poftulé , ni celle où il a
été admis au Noviciat , ni le Couvent , ni
la Profeffion de ce prétendu Religieux ,
mais implement fa qualité de Compatriote
de Frere Guyencourt ( de la même contrée
dit- il, ) Hennuyer eft là incidemment comme
un hors d'oeuvre , comme un épiſode étranger
& intercalé fans raport ; comme Prêtre
Séculier avec deux Confeffeurs Réguliers ;
parmi les Jacobins , non comme Confrere
des Jacobins ; me tenant fon coin entre
Frere Jean Guyencourt & Frere Jacques
Fourré que par fon titre de Confeffeur du
Roy qu'ils partagent avec lui , placé au milieu
d'eux fans être d'avec eux , & Mallet n'en
dit pas d'avantage.
C'eft néanmoins de cette infertion fortuite,
de cette mention faite par votre Confrere
Mallet en 1645. qu'on a pris occafion d'incorporer
Jean Hennuyer parmi vous & de
l'adopter pour un des vôtres . Car on peut
vous défier fans témérité , & je le fais avec
confiance , de citer un feul Auteur qui avant
Mallet l'ait gliflé dans vos Catalogues .
Mrs de Sainte Marthe qui donnerent leur
fecond
OCTOBRE . 1742. 2157
.fecond Tome du Gallia Chriftiana en 1656 .
font les premiers qui , trompés par la pofition
de Jean Hennuyer au milieu de tant de Jacobins
, & le croyant du même Inftitut ,
l'ont annoncé Dominicain fans en apporter
aucune preuve , ils font les premiers qui
ayent pris fur eux d'enchérir , & d'aller plus
loin que votre Confrere Mallet ; qui ayent
réalifé cette chimere , & qui l'ayent greffé
fur votre Ordre pag. 65 2. quoique Democharés
, Chenu , & Robert leurs Prédéceffeurs
l'euffent fait du Clergé Séculier ; & qui
ayent traduit en Latin le Dialogue François
du Gouverneur de Lifieux avec l'Evêque ,
tel qu'il eft dans le P. Mallet. ( a) Il n'y a point
(a) On trouve ce Latin de Mrs de Sainte- Marthe
fidelement traduit dans l'Hiftoire du Calvinisme ,
Liv.VI. page 43 1.Edit . 1686. par Louis Maimbourg,
[ il avoit été obligé de fortir de la Societé en 1682. ]
lequel dit qu'aucun de nos Hiftoriens ne s'étoit avifé
de parler de cette excellemment belle action , [ par laquelle
Jean Hennuyer avoit fauvé les Huguenots de
Lifieux du Maffacre en 1572. ] & qui pour dépaifer,
cite à la marge le Gallia Chrifliana de Robert , qui
en effet ne dit pas un mot de cette action héroïque,
& comme je l'ai dit ci- deffus , ne le fait pas Dominicain
. Le Continuateur de l'Hift. Ecclef. de M.
Fleury a mieux fait , il a traduit à fon tour Mrs de
Sainte Marthe , & il les cite , & pour les réformer
fur ce qu'ils ont fait Jean Hennuyer de l'Ordre de
S. Dominique , il renvoye au P. Echard , Tom . 35 .
page 158.
B v d'autre
2158 MERCURE DE FRANCE
d'autre fource , je prétends qu'on ne peut
remont er plus haut , & voila mon défi.
Une foule d'Auteurs venus après ces Meffieurs
, & que vous cités à pure perte ,
comme Vincent Marie Fontana de votre
Ordre , & autres , les ont copié , ainſi qu'il
arrive prefque toujours , quand on ne veut
pas fe donner la peine d'approfondir . Il y a
mille exemples de ces fortes de mépriſes ; &
c'eſt là une de ces fautes dont vouloit parler ,
quoique vous en difiez , pag. 5. de vos
Eclairciffemens , feu Dom Denis de Sainte
Marthe en 1715. dans la Dédicace du Tome
I. du Nouveau Gallia Chriftiana à feu M. le
Régent , où il ne diffimule point qu'il y a
beaucoup à refaire , & à corriger dans l'ancien
Ouvrage de fes Proches. (a )
Outre ces Auteurs modernes qui fe font
fuivis à la file , vos Peres de Lifieux n'ont
eu garde de, s'oublier. Il étoit trop glorieux
pour eux d'avoir pour Confrere un Evêque
de cette Ville ; à force de le dire , c'étoit le
bruit commun que ce grand Evêque avoit
été Jacobin. Le feu fieur le Prevost homme de
Lettres , Chanoine de Lifieux & Promoteur
du Diocèfe , le croyoit bonnement & il
avoüoit avec un rire Sardonien , que chargé
(a ) In erudito Fratrum Sammarthanorum Gentilium
meorum Opere , cui Galliæ Chriftianæ Titulus
prafigitur , non pauca addenda effe , ac emendanda.
dang
dans fa jeuneſſe par le feu Abbé Chatelain ,
Auteur du Martyrologe Univerfel , de lui
donner les Saints particuliers du Diocèſe de
Lifieux , il lui en avoit fourni deux pour
mettre dans la Claffe des Vénérables , ſçavoir
Hannuyé ( Hannoarius ) Ordre de S.
Dominique , Evêque de Lifieux , omis au 12 .
d'Août & Goulafre ( Gulafer ) Curé de Bernay
au Diocefe de Lifieux, mort en 1707. omis
au 24. Juin. ( a) Vous voyez que le jeune Eléve
ne fçavoit pas même encore , ainfi que
P. Mallet , comment s'écrivoit Hennuyer , &
cependant c'eft ainfi que font couchés ces
deux Vénérables dans la Table Hagiologioù
font les noms des Saints, pag. 1127 .
que,
& 1125. Edition de 1709. chés Frederic
Leonard à Paris.
le
Quelle perte pour la mémoire de M.
l'Abbé Chatelain ? ( paffez- moi cette digreffron
) que n'en auriez vous pas dit dans vos
Eclairciffemens , fi vous aviez fçû que ce célebre
Chanoine de l'Eglife de Paris , qui excelloit
dans la fcience des Liturgies , des
Rits & des Cérémonies de l'Eglife , avoit
(a) Dans l'Errata dudit Martyrologe, page 1198 .
au bas de la premiere colonne , on dit qu'il faut
corriger ainfi l'article Goulafre. A Bernay , Diocèfe
de Lifieux , le vénerable André Goulafre , Curé de
Sainte Croix , au Tombeau duquel fe fait un concours
continuel. On ajoûte qu'il eft mort en 1703. & non
en 1797 .
B vj reconn
L100
reconnu Jean Hennuyer pour être de votre
Ordre ? quel chemin cette découverte n'auroit-
elle pas frayé aux vrai-femblances ?
Malheureuſement pour vous , M. R. P.
j'écrivis l'hiver dernier au feu fieur le Prevoft,
& à l'occafion de vos Eclairciffemens je
le priai d'enfoncer jufqu'au tuf pour déterrer
la profeffion Religieufe de Jean Hennuyer.
Il vit les Regiftres du Chapitre , & ce que
vous venez d'en lire ; il confulta les Manuf
crits , il vit qu'ils ne parloient que d'après
Mrs de Sainte Marthe ou le P. Mallet , ut
fcribit Mallet , refrain ordinaire , quoique
Mallet n'ait rien dit de ce qu'ils lui font dire ,
& il étoit tout prêt à chanter une Palinodie
généreufe , & à vous l'adreffer , quand la
mort l'enleva le dix- fept Avril dernier ; & je
vous dirai franchement qu'il étoit peiné de
l'ufage que vous aviez fait fans fon agrément
d'un chiffon de Lettre par lui écrite le
25. Novembre 1741. ( a ) au P. Monginot ,
Prieur de votre Convent de Lisieux , avant
qu'ils fe fût mis au fait.
, Un de fes amis , Chanoine , comme lui ,
de la même Eglife , & qui fe propofe de
donner aux PP. Bénédictins des recherches
fur les Evêques de Lizieux , pour le Gallia
Chriftiana , a eu communication de fes pa-
( a ) L'Extrait de cette Lettre eft à la fin des
Eclairciffemens , page 16.
piers ?
OCTOBRE. 1742. 216
piers , [ c'est le même dont je vous ai parlé
dans mon II . Article , ] & pour vérifier ce
que je vous dis que ces Manufcrits ne repetent
que le P. Mallet , ou plutôt lui font
dire ce à quoi il n'a jamais penſé ; il m'a envoyé
l'Extrait qui fuit d'un Catalogue des
Evêques de Lizieux , B. Johannes le Hennuyer
Belga , ( a ) Ordinis Pradicatorum ,
Jacobo ( d'Annebaut ) fucceffit , Vir aquè venerabilis
ac magnâ fanctitate præditus . Sanita
Dominicanorum Religionis habitum induerat
ADOLESCENS Parifus ; & in aliis hujus Familia
Collegiis Theologia & Philofophia operam
navavit : acceptâ Facultatis Parifienfis laurea
Doctorali , Theologiam apud Dominicanos , ut
SCRIBIT MALLET , Sereniffimi Ducis Aurelianenfis
Confeffor , magno cum fructu &
applaufu legit &c. Tout eft faux dans ce
narré depuis la priſe d'habit jufqu'à la qualité
de Confeffeur du Duc d'Orleans inclufivement
, & fi cela étoit vrai , votre ſyſtême
feroit renversé , vous qui êtes forcé d'avouer
qu'il n'a pû fe faire Religieux qu'après avoir
reçû le bonnet de Docteur.
Autre Manufcrit de Lizieux fur la trifte
époque de 1572. où d'abord on imite Meffieurs
de Sainte Marthe , enfuite on les copie
mot à mot. Lexovienfis Gubernator [ LIVA-
(a ) C'eft aparemment parce qu'il étoit de la Gaule
Belgique Eccléfiaftique , qu'on le dit Belga.
ROT
2162 MERCURE DE FRANCE
ROT ( a ) felon un de ces Manufcrits , ] aecepto
Mandato Regio Joanni Epifcopo communicavit
.... bonus ille Paftor , quem Haretici
percufferant colaphis , vindicta non avidus ,
ipforum necem impedivit , refpondens. ( Ce
qui fuit eft à la lettre de Meffieurs de Sainte
Marthe. ) nonfum paffurus oves meas , quamquam
evagata ( b ) Chrifti canlâ , necdum
adhuc defperatas gladio trucidaris contra que
referente Prorege &c.
J'avoue que je fuis furpris qu'un Trait fi
épiſcopal & fi digne des premiers fiècles ,
ait échapé aux Ecrivains du tems , & aux
Modernes de quelque réputation qui ont
circonftancié avec tant d'attention ce qui fe
(a) On doit à ce Manufcrit le nom du Gouverneur
de Lifieux , ou Lieutenant de Roy , que je
n'avois pû trouver nulle part . Ce Livarot, fils d'Antoine
d'Arces , dit le Chevalier blanc , Lieutenant
Géneral du Royaume d'Ecoffe , & de Françoiſe de
Ferrieres , Baron par fa Mere , de Livarot & de
Ferrieres , au Diocèſe de Lisieux , & premier Baron
de Normandie , fut l'un des Mignons du Roy Henri
III . & l'un des fix du fameux Duel du 27. Avril
1578. au Marché aux Chevaux à Paris . Il fut tué
dans un autre Duel le 4. Mai 1581. à Blois , par
le Marquis de Piennes -Maignelais . D'Arces eft une
ancienne Nobleffe de Dauphiné , dont le nom primitif
étoit Morard.
(b) Le Copifte a fuivi jufqu'à la faute de l'Imprimeur
de Mrs de Sainte -Marthe , qui a mis evagata
pour evagatas.
paffa
OCTOBRE. 1742 2163
paffa en 1572. & à Paris & dans les Provin
ces. Je ne l'ai vû ni dans de Thou , ni dans
les Mémoires de l'Etat de la France fous
Charles IX . ni dans la Popeliniere , ni dans
Mezeray , ni dans le P. Daniel , ni dans le
Gendre , ni dans Varillas même qui embraf
fe tout. Cependant c'eſt une tradition fi généralement
reçûe à Lizieux , qu'on ne sçauroit
trop la refpecter ; & d'ailleurs le zéle
Apoftolique , dont étoit animé le Saint Evêque,
avoit déja paru en 1561. à l'occaſion de
( a ) l'Edit du 17 Janvier de la même année
, par lequel il étoit défendu d'inquieter
perfonne pour fait de Religion. L'Evêque de
Lizieux s'oppofa à la publication de cet Edit,
& fit fignifier fon oppofition dans les termes
qui fuivent , copiés à Lizieux fur l'original.
Je tiens cet Acte de la main officieuſe du
Chanoine dont je viens de parler. JEAN LE
HENNUYER , Evêque de Lizieux après
'avoir vu lû certain Edit touchant la Religion
, fait à Saint Germain en Laye le 10 Jan
vier dernier ( il eft du 17. ) a déclaré & dé
clare qu'il s'opofe à la publication d'icelui, entant
qu'il eft contrevenant au devoir de la
charge donnée de Dien audit Evêque & Pafteur
pour le bien & falut de fon peuple , &
duquel fant qu'il réponde devant icelui , voire
(a) Cet Edit fe trouve à la page 8. du III . Volume
des Nouveaux Mémoires de Condé.
ame
2164 MERCURE DE FRANCE
ame pour ame , & offre déduire les raifons de
fon opofi ion devant le Roy en fon Privé Confeil
toutes fois & quantes qu'il y fera apellé ,
& de ce demande Lettres &c. & donne pouvoir
&c.
Je me bornerois à ces réflexions fur vos
Eclairciffemens , M. R. P. fi je ne fentois
qu'il eft de mon devoir de vous faire mes
complaintes au nom de votre Ordre même
& de tout ce qu'il y a de perfonnes qui s'intéreffent
à la mémoire du P. Echard , du
peu d'égard que vous marquez dans ces
Eclairciffemens pour un Religieux dont la
critique étoit fi fage & fi éclairée , qui vous
a fait tant d'honneur , & à qui vous devez
tous , quelque partie du Monde que vous
habitiez , une reconnoiffance éternelle du
magnifique Ouvrage dans lequel il a configné
à la postérité les écrits de vos Peres . Si
Mallet eft le premier qui le dit Dominicain ,
[ ce qu'il ne dit pas ] il faut auffi convenir
dites- vous page 4. que le Pere Echard fon
Confrere eft le premier qui , par une idée affés
finguliere , l'a mis ( Jean Hennuyer ) avec
un grand éloge parmi les Ecrivains de notre
Ordre pour dire qu'il n'en eft pas , & qu'il
n'a rien écrit. (a) Lequel de ces deux fentimens-
(a) Il l'a mis dans le rang de ceux qu'on dit fauffement
de votre Ordre , & il n'a pas dit qu'il n'a
rien écrit...
doit
OCTOBRE . 1942. 2165
>
doit être préféré ou celui d'Echard .... on
celui de Mallet &c. Avez - vous pû mettre
en parallele le P. Echard cet homme fi
refpectable , & qui fe fait lire avec tant de
plaifir , avec le pitoyable Livre du P.Mallet ?
Un Livre qui par les fables dont il eft farci ,
feroit encore dans la pouffiere , où le Public
le laitoit depuis près d'un fiécle , fi le fait
dont il s'agit ici , ne l'en avoit tiré.
Quelle a donc été , au bout du compte ,
l'idée, felon vous , fi finguliere du P. Echard ?
Il a pris pour deviſe la vérité , ( a ) il lui
confacre fes veilles & fes travaux . Il dit à
fon Géneral , à qui il dédie fes deux Volumes
, qu'il y a travaillé vingt ans de fuite fans
relâche , ( b ) & qu'il a feuilleté une infinité
de Bibliotheques. Après avoir fait hommage
au P. Quetif , ce laborieux Ecrivain fon
Confrere , qui avoit ébauché l'Ouvrage , &
avoit été d'un grand fecours pour les materiaux
, il dit qu'il l'a fuivi ; que Meffieurs
Berthe en Sorbonne , & Chenu au College
de Navarre lui ont communiqué tout ce
qu'il a voulu voir de Manufcrits , & qu'il a
examiné ce qu'il y en avoit dans leur Maiſon
(a ) Elle eft au Frontifpice de fa Préface .
( b ) Opus arduum in quo à viginti annis totus
fum ... difcuffis innumerarum Bibliothecarum arcanis,
de
2166 MERCURE DE FRANCE
1
Il
de la ruë ( a ) Saint Jacques . Forcé de dire
fon avis fur votre Confrere Antoine Mallet,
qui vient en fon rang , Tome II. pag. 606.
I loue l'Auteur fur fon affection pour fon
Ordre , mais il ajoûte qu'ayant fous la main
les Archives de la Maifon de S. Jacques , ou
de la Faculté , on étoit en droit d'exiger de
lui plus d'exactitude , & que bien loin de
le fuivre , il faut fouvent le laiffer là . ( b )
Quiconque aura la patience de le lire , car
il en faut , trouvera que fon Confrere l'a
grandement ménagé.
Mais voyons ce que dit le P. Echard de
Jean Hennuyer , Tom . II. pag. 341. il commence
par l'infcrire dans le Catalogue des
Ecrivains qu'on a fauſſement mis au nombre.
des Dominicains , & il en trouve XII . dans
le feul XVI . fiécle , Scriptores faculi XV1,
noftrisfalsò afcripti . Obfervez bien qu'il ne
le met dans cette Claffe des Religieux d'idée
(a) Il falloit que cette Gent farouche , ces Séculiers
, qui dans les fuites tragiques de la Ligue, dominoient
dans les Maifons Religieufes , comme vous le
dites page 9. des Eclairciffemens , y cuffent remis
les Mémoires qu'ils avoient emportés , puiſque le P.
Echard les a confultés.
(b) Opus Auctoris erga Ordinem ftudium exhibens ,
at quod accuratius expectatum ab eo fuiffet , cui Archiva
feu fancti Jacobi , feu Facultatis patebant.
Hinc eum deferere non rarò cogimur.
&
OCTOBRE. 1742 2167
& de fiction , qu'après avoir épluché les
Religieux douteux du même Ordre . Il entre
enfuite dans plufieurs détails dont j'ai fait
ufage ci- deffus, & il finit ainfi : » Frere Antoine
Mallet le joint auffi à nos illuſtres
» ( a ) de la Maifon de S, Jacques , & cela
» fans les preuves qu'il auroit dû fans doute
» tirer des Archives de ce Convent ; pour
moi ce que j'avance & que j'affure ici , je
» l'ai puifé non-feulement dans de Launoy
» mais auffi dans les Actes de la Faculté que
" j'ai vûs & que j'ai examinés avec toute
» l'attention poffible. (b) C'eft comme fi
le P. Echard vous avoit dit de bonne amitié
én 1721.(car c'eft dans ce tems là que parut
fon II. volume , ) je fçais tous les mouve
mens que vous vous donnez pour mettre à
profit te qu'ont avancé Meffieurs de Sainte
Marthe pour n'avoir pas affés lû notre Confrere
Mallet. Nos interêts font communs ,
(a) Hift. des Hommes Illuftres du Convent de
faint Jacques .
(b) Fr. Antonius Mallet hunc Illuftribus etiam *
accenfet San- Jacobais , fed nullis allatis documentis ,
qua fanè ex ejus Domûs Archivo promere debuiffet ;
qua autem hic affero , non folum ex Launoio , fed ex
Actis Facultatis à me vifis , & diligentiùs exploratis
a me excerptafunt.
* L'etiam , dont vous voulez tirer parti , page 4
& s. des Ecclairciff. eft relatif aux faux Dominicains
qui précedent , & ne dit rien de plus.
2168 MERCURE DE FRANCE
& je ne fuis pas moins paffionné que vous
pour la gloire de notre Ordre , je voudrois
comme vous revêtir de notre faint Habit
l'Evêque de Lizieux , & il nous fiéroit bien
de l'avoir , mais les fondemens nous manquent
& mes recherches multipliées pour
vous faire plaifir , n'ont fervi qu'à m'en con
vaincre .
Vint une nouvelle Edition de Moreri en
1725. Laurent - Joffe le Clerc (a) Prêtre du
Séminaire de Saint Sulpice , avoit envoyé fes
remarques à l'Editeur , & il y en avoit pour
le mot Hennuyer , voici ce qu'en dit ce M. le
Clerc Directeur alors du Séminaire de Lyon ,
dans fa Bibliotheque du Richelet , au mot
Maillard , pag. 75. & voyez fi ce ne feroit
point de vous , M. R. P.
M. R. P. qu'il voudroit
ler ; » j'obferverai en paffant que on a eu
partort
dans le dernier Moreri ( en 1725. )
» de continuer l'Erreur des précédentes Edi-
» tions à l'article Hennuyer , & de le ſuppo-
» fer Jacobin ; le P. Echard avoit reconnu
» de bonne foi que ce Confeffeur d'Henri
» II. n'appartenoit point à fon Ordre . Un
» Jacobin un peu trop viffur ce qu'i ! croit
(a) On s'eft trompé en lui donnant Tufte pour deuxiéme
nom de Baptême , à l'article Hennuyer, dans
le Supplément de Moreri. Voyez la Bibliothéque du
Richelet, au mot Clerc [ Sébaſtien le. ] L'Article eft
intereffant.
» pouvoir
OCTOBRE . 1742 2169
» pouvoir faire quelqu'honneur à ſon Ordre ,
» a empêché qu'on ne corrigeât cet endroit
» dans le Moreri de la derniere édition & c.

,
Ceci ne prouve que trop que l'article
Hennuyer du Moreri de 1725. eft de votre
façon , ou de la façon de quelqu'un qui vous
reflemble en ce qui concerne cet Evêque ,
& que vous êtes à l'affut pour perpétuer
votre idée pour le coup finguliere dans tout
Ouvrage qui peut avoir trait à votre Habit :
vous l'avez fait encore depuis & je vous
en ai donné un petit indice dans mon premier
Article, pag. 2134 & quoique le Supplément
de Moreri donné en 1735. eût dû
vous ramener au vrai au mot Hennuyer
vous n'en avez pas moins été votre train .
Vos Eclairciffemens devenus publics le difent
affés . Auriez- vous dû les rifquer , vos
Peres de Lifieux vous ayant mandé qu'il
ne leur étoit pas poffible d'étayer du
plus leger fecours vos bonnes intentions ?
& vous feul , fans vos Confreres , prenant .
fait & caufe pour maintenir envers & contre
tous , & malgré des preuves contraires plus
claires que le jour, une Profeffion Religieufe
qui n'a ni lieu , ni date , ni témoins ni
Autel , ni fignature , ni Diocèfe , & dont
les Faftes de votre Ordre auroient fait trophée
, fi jamais elle avoit exifté ?
>
Auffi commence - t'on à revenir de ce préjugé
,
2170 MERCURE DE FRANCE
-
jugé , & je vois un Auteur qui a eu le cou
rage de vous dédire dans le vIII . Tome de
Abregé Chronologique de Mezeray , Edit.
de 1740. où il dit pag. 431. dans une note ,
Jean Hennuyer , dont quelques - uns font malà
propos un Dominicain &c. M. Piganiel de
la Force , Tom. V. de la Defcription de
Paris , ne le fait point non plus Dominicain ,
mais par reconnoiffance de ce que vous lui
avez donné les Dominicains Confeffeurs de
nos Rois , il a la complaifance pour vous de
dire qu'on le voit peint en Religieux dans votre
Convent de la ruë S. Jacques , pag. 166 .
& 167. Edition de 1742. Vous nous diriez
bien , fi vous le vouliez , qui l'a fait peindre.
M. Le Clerc vous avoit dit (a) que le Portrait
d'Hennuyer eft dans le Refectoire de la Maifon
de Navarre , en habit de Docteur , & nullement
de Religieux , & vous pag. 15. de vos
Eclairciffemens , vous répondez , il est en buſte
dans notre vafte Sale on Claffe de faint Thomas
d'Aquin à Paris , uniquement habillé en
(a) Page 76. de la Bibliothéque du Richelet.
Hennuyer eft à Navarre en habit d'Evêque & non
de Docteur. Etienne Tonnelier , Curé de S. Euftache ,
fit préfent de ce Portrait à ce Collége en. 1632 .
Hennuyer eft auprès du Cardinal Alfonfe- Louis du
Pleffis - Richelieu , Archevêque de Lyon , peint avec
fon habit de Chartreux , qu'il avoit gardé ; & Hennier
, comme l'apelle Mallet , & non Hennuyer , eſt
dans la Sale ou Claffe des Jacobins.
Dominicain
OCTOBRE. 1742 2171
Dominicain. Admirable paroli ! pour le coup
ici l'habit fait le Moine , & l'argument eft
peremptoire .
Ambroife d'Altamura , votre Confrere ;
s'avifa d'approprier à votre Ordre Hatton ou
Hayton , qui étoit Religieux Prémontré ;
Qudin , Prémontré , l'accufa de larcin & de
peché mortel, (a ) En effet les Ordres Religieux
, dit le fçavant Pere Dom Mabillon
Le font plus de tort en prétendant s'illuftrer
par des Faits douteux , ou des Attributions
de Saints qui n'ont point été de leur Ordre
qu'en fe contentant de la fimple verité qui
eft l'ame de l'Hiftoire. Quand on s'égare ,
& qu'on ne veut pas même s'en apercevoir
plus on ya & moins on trouve d'iffue heu
reuſe,
Pour moi, fi je n'y étois forcé par l'éviden
ce même , je me garderois bien de rayer de
vos papiers Jean Hennuyer ; & une marque
que ce n'eft point mauvaiſe humeur de voir
un Religieux fur la Chaire Epifcopale de
Lizieux , c'est que je fuis prêt à en fubftituer
un autre veritable & non intrus , dont
le Nom a été omis jufqu'ci dans la Liſte des
Evêques de Lizieux. Les Bollandiftes , (b)
·
(a) Illum furti , injuria , quin & mortalis peccati
reum agit, &c. Moines travestis, T. 2. p . 1 .
Ed. 1698 .
(b) Tom. V. Menfis Augufti , pag. 572. Col. 1. &
$73, Col. 2. in Vitá S. Ludovici, Albert le Grand,
qui
2172 MERCURE DE FRANCE
qui font mention de ce filence , l'apellent
Frere Jean de Samois , & difent qu'il fut député
à Rome pour accélerer la Canonifation
du Roy S. Louis , qui fe fit le 11. d'Août
1297. qu'il fut nommé Evêque de Rennes
en 1298. & transferé à l'Evêché de Lifieux
en 1299. étoit- il Dominicain ? Je vais vous
affliger , il étoit Cordelier.
Vous êtes fi riches en grands Sujets ! En
faut - il prendre ailleurs ? Vous comptez vos
jours par les Saints & les Saintes de votre
Ordre. Votre Pere Etienne Thomas Soüéges
nous a donné une Année Dominicaine , où
felon vos fouhaits il a placé Jean Hennuyer
au XII . d'Août. (a)
Avec tant de Papes , de Cardinaux , de
Patriarches , d'Archevêques , d'Evêques , de
Docteurs de toutes Facultés & d'Hommes
Illuftres , vous faut il donc un Evêque de
plus? Moreri nous apprend que vous en avez
environ huit cens , ne devez-vous pas être
contens ?
Je ferois prefque tenté de dire de votre
Ordre , toute proportion gardée , ce que
didit
de Morlaix, Jacobin , parle d'un Frere Jean de Semois
, Bénedictin , Evêque de Rennes fous Boniface
VIII . Seroit-ce le même que notre Jean de Samois,
travefti en Cordelier ?
(a) Premier Tome du mois d'Août , à Amiens ,
page 977:
foit
OCTOBRE. 1742: 2173
que
foit faint Bernard de la Sainte Vierge aux
Chanoines de Lyon a ) Virgo regia falfo non
eget honore , veris cumulata honorum titulis,
Je fuis bien sûr que vos Supérieurs penfent
comme ce faint Abbé , & qu ils ne vous ont
pas donné miffion pour envahir le bien d'au
trui. C'est ici une ufurpation bien prouvée.
Il s'agit de reftitution , je vous dirois bien
Vous la devez au refpect que le nom feul
du Pere Echard vous doit infpirer , que vous
la devez au Corps Eccléfiaftique féculier , à
la Faculté de Théologie de Paris , à la Maifon
& Societé de Navarre , au Chapitre de
S. Germain l'Auxerrois , aux Premiers Aumôniers
de Sa Majefté , à la Dignité de fa
Chapelle , & au Siége Epifcopal de Lisieux ;
mais j'aime mieux vous prendre par votre
propre coeur , & vous dire que vous la de
vez à la Verité qui la reclame .
Je fuis avec bien de l'eftime & de la vé̟-
nération , M. R. P. votre &c. ***
Le d'Août 1742.
1
4 .
(a) Let. 174. N. 2 .
с EPITRE
2174 MERCURE
DE FRANCE
***
EPITRE
Sur les Plaifirs de la Campagne.
A. M. A. C.
Toi, qui toujours t'exprimes avec grace ;
Toi , dont les entretiens offrent tant de douceur
Charmant ami , qui dans mon coeur
Occupes la premiere place ,
Viens avec moi partager les plaifirs
Que je goûte loin des allarmes ;
Tu manques feul à mes defirs ;
Tu donneras de nouveaux charmes
A ces lieux où les ris ont fixé leur séjour :
Viens t'affeoir avec moi fur la molle verdure ;
Entre le Dieu du Vin & le Dieu de l'Amour :
Venus dans mes vergers habite avec ſa Cour .
Ici , tout me préfente une volupté pure :
Viens voir de mes tranquilles bois
Sortir des Bergers , des Bergeres ,
Et former , aux doux fons du Fifre & du Hautbois
,
Des danfes fimples & légeres .
Quel plaifir raviffant d'entendre ces côteaux
Retentir du bruit des Mulettes ,
Et d'ouir redire aux Echos
Les plus naïves Chanſonnettes !
ยม
OCTOBRE . 2175 1742
Un fpectacle riant s'offre de toutes parts :
C'eft ici que fe plaît l'adorable Nature :
Flore par fes couleurs enchante mes regards ;
Elle embellit mes champs d'une vive peinture.
Pars , Ami , vole promptement
Sur ces aimables bords , où, regne l'innocence :
L'amour & l'amitié t'en preffent vivement ;
Ne te refufe point à leur flateuſe inſtance .
Tantôt , affis entre deux clairs ruifleaux ;
Qu folâtre le doux Zéphire ,
Nous entendrons mille tendres Oiſeaux ,
S'entretenir de leur heureux martire ;
Tandis que de leurs chants ils perceront les airs ;
Preffés par le defir de voir finir nos peines
Nous tâcherons par des propos divers
D'égayer la raiſon de nos fieres Climenes,
Tantôt les immortels écrits
Des nourriffons du brillant Dieu des rimes
Viendront charmer nos volages efprits ;
En offrant à nos yeux les plus douces maximes,
Les Voltaires & les Rouffeaux ,
Dont la Mufe féconde , avec tant de nobleſſe
Forme des fons toujours nouveaux ,
Nous plongeront dans une douce ivreffe,
Tantôt adorateurs des Greffets , des Chaulieux ;
Touchés de leur délicateffe ,
Nous puiferons dans leurs vers gracieux
Cij Le
2176 MERCURE DE FRANCE L
Le fentiment & l'allegreffe .
1
Tantôt , las de jouir d'un paifible repos ,
Partifans de Diane , au fond des bois errante ;
Nous irons déclarer , fous fes bruyans drapeaux ,
Aux Hôtes des Forêts une guerre fanglante :
Mais lorsque du Soleil la fatiguante ardeur
A rapeller les chiens forcera la Déeſſe ?
Nous fçaurons dans le fein de l'aimable parefle ;
De Los corps abatus réparer la vigueur.
Enfin , dans ce charmant azile ,
Occupés feulement à couler d'heureux jours ;
Nous vivrons à l'ombre tranquille ,
Et des Plaifirs & des Amours .
Fleuri Bordeaux , Tréforier de France.
****************
EXTRAIT d'une Lettre de M. le Comte
de Crequy-Frobans , à M. Dubocage , au
fujet d'une nouvelle Méthode pour divifer
Le Cercle , écrite de la Citadelle d'Arras
le Juillet 1742: 30.
Oit un Cilindre dont le Diamétre eft
S égal à celui du Cercle qu'on veut divifer
, & qui ait , par exemple un pied de
Rayon. Tracez fur la circonférence de ce
Cilindre 59 Cercles equidiftans les uns des
autres
OCTOBRE . 1742 . 2177
,
autres , par exemple , à 6. lignes d'intervale ,
lefquels avec les deux carnes du Cilindre
vaudront 61 Cercles , & contiendront 60 .
efpaces pour la divifion des minutes . Divifez
en degrés les plans des deux Cercles , qui
bornent le Cilindre ; chaque degré aura environ
quatre cinquièmes de ligne d'étenduë.
Tirez enfuite fur la circonférence du Cilindre
des obliques , prefque parallelęs à l'axe
, qui conjoignent le premier degré du
Cercle d'une des extrémités du Cilindre ,
avec le fecond degré du cercle de l'autre
extrémité .
Ces obliques diviferont les 61 cercles inégalement
, c'est- à- dire de minute en minute ,
parce que chaque oblique embraffant en fa
longueur un degré d'étenduë , embrailera
une minute en chaque foixantiéme partie de
fa longueur.
Il ne reste plus qu'à conftruire l'Alidade ,
laquelle doit être compofée de deux Rayons,
tirés fur le plan des cercles des deux extrémités
du Cilindre , & d'une parallele à l'axe
du Cilindre , conjointe par les deux extrémités
aux deux Rayons , pour rafer en fa longueur
la fuperficie du Cilindre , le tout formé
d'une feule & même piéce de cuivre ,
ayant deux angles droits , pour embraffer la
furface du Cilindre , & deux yeux pour embrailer
fon axe.
C iij
Le
2178 MERCURE DE FRANCE
quera
Le bord tranchant de cette Alidade marles
minures fur la fuperficie convexe
du Cilindre , par la croifée des obliques ou
tranfverfales , & des cercles , dont la fection
fera très remarquable , parce que ces tranfverfales
étant, à peu de chofe près, paralleles
à l'axe , trancheront, à angles prefque droits,
tous les 61. cercles du Cilindre ; & comme
on peut faire ce Cilindre long à difcrétion,
fi on lui donne feulement pour longueur autant
que fon diamétre , il aura deux pieds ,
lefquels , divifés en 60 intervales égaux pour
la diftance des cercles entr'eux , les intervales
auront 4 lignes 4 cinquièmes pour la divifion
des minutes ; & fi on divife chacun
de ces intervales en douze autres intervales
égaux , on aura la divifion des fecondes de s
& par eftime on aura les angles à deux
fecondes près de la certitude.
en 5 ,
On connoîtra par cette méthode qu'un
grand inftrument pourroit très bien diviſer
les tierces & faire quelque eftime des
quartes.
>
Cet inftrument ne feroit pas de la nature
de ceux qui ne font vrais que dans la fpéculation
; car fa figure eft la plus naturelle de
l'art du tour ; rien de fi facile que de faire
un Cilindre , dont la fuperficie foit géométriquement
parallele à fon axe & comme
l'axe eft lui- même dans la pratique , un
petie
OCTOBRE. 17427 2179
petit Cilindre concentrique à un grand ,
mais plus allongé que lui , pour fervir de fuport
à l'Alidade , on peut également fur le
Tour rendre la fuperficie du petit Cilindre
parallele à celle du grand dans toute l'exactitude
geométrique ; par conféquent la révolution
de l'Alidade à l'entour du Cilindre
fera géométrique , & le bord tranchant qui
doit fervir à la divifion des minutes , rafera
de toutes parts , avec la même liberté , la
circonférence du Cilindre.
Le Sieur Lordelle très- expert pour la
conſtruction des inftrumens de Mathémati
fait actuellement l'inftrument dont il
que ,
eft parlé ci - deffus , felon l'intention de l'Auteur.
患患患患
REPONSE de M.Leubo, de Villefranche,
aux Vers inférés dans le Mercure de Juillet
1741. P. 1572.
E
Nfant gâté des doctes Soeurs ,
Né fur le Pinde , & formé dans Cithére ,
Boyer , dont les Vers enchanteurs ,
Pour m'affurer le droit de plaire
Me parent des plus belles fleurs ;
Au portrait que tu viens de faire ,
C iiij Con2180
MERCURE DE FRANCE
Conviens qu'amitié tendre a fourni les couleurs ;
Et complaifance aux ris flateurs ,
A mis entre tes mains fon pinceau falutaire .
Quelquefois , il eft vrai , fur les bords du Lignon
On m'a vû d'un ruban orner en Celadon ,
La houlette de ma Bergere ;
Sous l'encens d'une fleur éclofe par mes foins ,
A fes genoux , & fans témoins ,
Lui préfenter un coeur fincere
Tantôt d'un ami vertueux
Prolonger par de tendres voeux
La trame qui doit m'être chere.
Mais pour ces fruits legers , enfans de mon repos ,
De tes vers , bien moins vrais
Ai-je dû mériter le précieux falaire ?
que
Trop ennemi des longs travaux ,
Toujours ma Déïté fut celle qu'on revere
Au féjour oifif de * Lemnos ,
beaux ,
Et tu fçais que mon goût préfere
Aux pénibles Lauriers les paifibles pavots.
Tu veux que du Dieu de Delos
J'étale Pimmortel parterre :
Ah ! plûtôt à mes yeux , Maître de fon tréſor ;
Pars , ami , vole , brille , éclaire ;
Dans ton Aurore prend l'effor .
L'Ile de Lemnos étoit consacrée à la Pareffe.
Hom. dans l'Iliade .
L'Aigle
OCTOBRE . 1742. 2181
L'Aigle naiffant doit tendre aux nuës :
Tu peux dans tes effais heureux ,
Semant les fleurs , les ris , les jeux ,
Promener à ton gré les graces ingénuës ;
Aifément tes couleurs enrichiront leurs traits ,
Mais pour moi , je ne les connais ,
Que depuis qu'en tes vers elles me font venues .
LETTRE écrite de Paris à M ***
M ***
V
", par
, au fujet d'un Ecrit nouvellement
publié fur le Pays des Diablintes.
,
Ous vous intéreffez tellement , Monfieur
, à ce qui regarde la Topographie
des Gaules, que j'ai crû vous devoir communiquer
mes Remarques fur la feuille de M.
l'Abbé de la Foffe , nouvellement affichée
dans cette Ville , dans laquelle vous avez
apercûmon nom au- deffus de l'annonce qu'il
fait d'un Ouvrage fur la Ville de Mayenne.
Je vous ai dit que cet Abbé avoit eu la politeffe
de m'envoyer fes Obfervations manufcrites
dès l'an paffé . Je me ferois contenté de
l'entretien que nous eûmes alors fur cette matiére
, & je ne vous donnerois point par écrit
les Remarques fuivantes , fi l'Auteur n'avoit
rendu public le Cahier , où il prétend détruire
les raifons que j'ai cûes d'adjuger à
C v Jublent
2182 MERCURE DE FRANCE
Jublent la primauté fur les Lieux du Pays des
Diablintes, & de ne me pas conformer aveuglément
à Cluvier , dans lequel Cahier ik
affûre que fes Remarques font fuffifantes pour
découvrir la vérité obfcurcie fous le nuage de
conjectures hafardées.
Il veut , 1 °. que je me fois attribué ſur
les Diablintes une découverte qui eft de
Cluvier. Je n'ignorois pas que Clavier a crû
que la Capitale des Aulerques Diablintes eft
repréſentée aujourd'hui par Mayenne . Mais
il est très-vrai que ce Geographe n'a donné
aucune raifon de ce qu'il avance , & qu'il
n'entre dans aucun détail des preuves de la
fituation des Diablintes dans le Bas Maine.
Pourquoi M. de la Foffe ne veut- il pas que
je puiffe dire que je fuis le premier qui ait
raffemblé & réuni ces preuves , qui fe trouvoient
répandues dans les Collections du P.
Mabillon , de M. Baluze , des Bollandiftes
defquelles Cluvier n'a en aucune connoiffance,
& dans lefquelles il n'eft aucune mention
de Mayenne, foit la Ville, foit la Riviere ?
Eft- ce parce que je n'ai pas placé la Capitale,
de ces Peuples à Mayenne , fa Patrie , à laquelle
il dit que je n'ai pas rendu juſtice , non
plus qu'à l'Eglife où il a eu l'honneur d'être
baptife ? Mais pouvois- je m'y déterminer
tandis que je voyois affes clairement que
cette Capitale devoit être plus proche de la
Riviere
J
OCTOBRE . 1742 . 2183
Riviere d'Aron que de celle de Mayenne ?
Le paffage du Teftament de S. Bertran ,
Evêque du Mans , que j'ai produit page 171 .
le dit formellement . In loco qui dicitur Calviaco
vel undique in Oppidum Diablentis juxta
ripam Aroena fluvioli. Ce Texte & d'autres
font fi décififs en faveur de la poſition de
la Capitale des Diablintes aux environs du
Jublent , que M. Danville , célebre Geographe
, quoiqu'opofe à mes fentiments en
d'autres points , s'eft trouvé être du même
avis que moi , ainfi qu'il le dit dans fon
nouveau Livre. ( page 237. )
Secondement , M. de la Foffe paroît
avoir encore quelque, confidération pour
l'Etymologie de Jublent , que ceux du Pays
tirent de Jules - bains , comme fi elle venoit
de Julii balnea. Il eft vrai que ceux qui écrivent
Jublains , n'ont qu'à dire fimplement.
que c'eſt par une tranfpofition de deux
lettres que Julbains fe trouve un peu défiguré:
mais dans les fiécles les plus reculés , depuis
que l'on a des Titres & des Monumens
où le Langage François entre pour quelque
chofe , on écrivoit Jublent & non Jublains.
Outre la preuve que j'en ai aporté pag. 179 .
tirée de la vie d'Hildebert, Evêque du Mans,
j'ai celle du Cachet ou Sceau , qui fervoit il
y a fix ou fept cent ans à l'Eglise de ce Lieu ,
fur lequel il fe lit en Lettres capitales S. ECCL.
G vj DE
4
2184 MERCURE DE FRANCE :
DE IVBLETI, qui fignifient Sigillum Ecclefia
de Jublenti. Le voila figuré tel qu'a eû la
bonté de me le communiquer un des premiers
Magiftrats de Paris , qui en avoit reçu
l'empreinte du Bas - Maine.
DE
ДЕТЯ
Ces deux clefs, tenues par une feule main,
me paroiffent défigner l'Eglife du Mans &
celle de Jublent , qui en étoit une émanation.
Mais , quand cela ne feroit pas , au
moins ce Sceau détermine l'ancienne maniére
d'écrire Jublent , & fans être grand
Etymologifte , on peut fûrement décider
que Julbains et une de ces étymologies
qu'il faut méprifer, comme faite après coup .
A ces témoignages , qui font voir que Jublent
n'est que l'abrégé de Diablent , je
pourrois joindre ce que je remarquai dans
le Journal de Verdun il y a un an ou environ
, mais j'aime mieux me contenter d'y
renvoyer & d'apuyer ici davantage fur le
Sceau de l'Eglife de Jublent.Ce Sceau , outre
qu'il montre l'anciene ortographe du nom
a encore cela de particulier , qu'il fait voir
que cette Eglife n'étoit pas dans le rang
des

OCTOBRE. 1742 2185
des Eglifes de la Campagne , car où montrera
- t'on des Sceaux d'Eglife de Village ? Sontils
bien communs ? Cependant ils devroient
l'être , fi toutes les Eglifes deCampagne , dont
il y a tant de milliers en France , avoient eû
chacune le leur . Le privilége du Sceau pour
l'Eglife de Jublent venoit de la même cauſe
que l'épithete de Sancta , qui lui ayoit été
donnée dans le Teftament de S.Bertran ,Evêque
du Mans au VII . fiécle . Car il ne faut
pas s'imaginer ici , comme l'avance M. de la
Foffe , que cette qualification fe prodiguât
autrefois . Le nom de Sancta Ecclefia , dit - il ,
étoit ordinaire chés les Anciens , quand ils parloient
de quelqu'une. Je diftingue quand ils
parloient de quelque Eglife Epifcopale Métropolitaine
ou Suffragante , ou de quelque
autre infigne Eglife , qui aprochât de l'Epif
copale , & pour laquelle les Evêques avoient
une confidération particuliere. Je trouve
bien dans la Province de Tours , par exemple
, Raino fancta Andegavenfium fedis Epif
copus , au X. fiécle . Je trouve aufli Actard ,
qualifié Evêque de la fainte Eglife de Nantes
au IX. fiècle . Radulphe , au XII . nommé
Archevêque , fanita Turonorum matris Ecclefia
, Annal . Bened . T. V. p . 695. L'Eglife
du Mans eft auffi communément ainfi apellée
dans l'Hiftoire de fes Evêques , & ce
privilége n'eft étendu qu'à la foule fanita
Diablen2186
MERCURE DE FRANCE
,
Diablentica Ecclefia , dans toute cette longue
Hiftoire , quoiqu'il y ait un grand nombre
de Monaftéres nommés & plufieurs
centaines de Paroiffes du Diocèſe du Mans.
Je prie encore une fois M. de la Foffe de
vouloir y faire attention , & de ne pas regarder
comme l'effet d'une abfence d'efprit ,
qu'il me foit échapé d'avoir dit que les Evêques
du Mans regardoient l'Eglife de Jublent
, comme une efpece de fecond Siége
Epifcopal fous la premiere Race de nos Rois,
-& principalement au VII . Siecle .
Ce n'eft pas répondre à la force de ma
preuve tirée du mot Sanita , que de dire
que Conflans d'auprès de Paris n'eft pas regardé
comme le fecond Siége Epifcopal ;
c'eft feulement vouloir un peu badiner. Si je
voulois m'égayer à mon tour à l'occafion de
l'épithete de Sancta que M. de la Foffe prétend
avoir été donnée indifferemment à toutes
les Paroiffes , je lui demandetois fi l'on
a jamais dit la Sainte Eglife de Chaillot , la
Sainte Eglife d'Anieres. Mais revenons à ces
feconds Siéges Epifcopaux qui lui font abfolument
inconnus. Ne fçait- on pas que quelques
Evêques de Poitiers ont fiégé autrefois
du côté de Retz , ce qui les fit apeller Epifcopi
Ratiaftenfes ? Ceux de Coutances au
Bourg de Briovera, dit aujourd'hui Saint Lo,
d'où l'on en trouve quelqu'un qualifié Epifcopus
OCTOBRE. 1742 2187
sopus Brioverenfis : Ceux de Saintes au Bourg
de Palais,d'où leur vint le furnom d'Epifcopus
de Palatio ? Quelquefois nos Rois fondoient
des Monaftéres pour être le fecond Siége
des Evêques . Tel fut au vII . fiécle celui de
Notre - Dame de Lone à l'égard des Evêques
de Challon fur Saone . Voyez les Annales Bénédictines
, Tom . 1. p.229.L'Hiſtoire de l'Eglife
de Reims nous aprend pareillement
que dans des fiécles moins éloignés , Moufon
étoit le fecond Siége des Archevêques de
Reims.
Ce peu d'éxemples fuffit pour apuyer la
penfée que l'expreffion de Santa Diablentica
Ecclefia m'a fait naître. Il y avoit au vir. fiée
cle à Jublent une Eglife fpécialement diftinguée
de toutes les autres du Diocèfe du
Mans que ce fut celle du Monastère ou
celles des Peuples , il ne m'importe quoiqu'il
en foit , j'inclinerois toujours plûtôt pour
celle qui a confervé le nom des SS. Gervais
& Protais , Patrons de la Cathédrale . Si cette
Cathédrale a changé fon ancien Titre de
S. Pierre au vi. fiécle , pour prendre celui de
ces SS. Martyrs , il fe fera fait ailleurs à cet
exemple de femblables changemens. On
fçait qu'il fuffifoit alors d'avoir des linges qui
eulfent touché au tombeau des Saints. Il n'apartenoit
pas à tous les Evêques d'en obtenir
des Saints de Milan, comme en eut au IV.
fiécle
2788 MERCURE DE FRANCE
fiécle S. Victrice Evêque de Rouen . ( a ) M.
de la Foffe ne m'aprend rien de nouveau
dans la digreffion qu'il fait fur la découverte
des SS . Gervais & Protais à Milan .
Ainfi , de ce qu'un Lieu n'eft plus aujourd'hui
qu'un miferable Village , il n'en faut
pas conclure , qu'il n'ait jamais été Ville ou
au moins Caftrum ; ni de ce qu'une Eglife
n'a plus qu'un air de Campagne & trèschétif,
que jamais les Evêques n'ayent réfidé
ni officié dans une de celles qui y fubfiftoient
autrefois .
Quant au refte desRemarques de la feuille
de M. de la Foffe qui pourroient exiger que
je m'étendiffe , je me bornerai à celle où il
préfere la leçon de Courvaifier de l'article du
Teftament de S. Hadoind , Evêque du Mans
à la leçon de Dom Mabillon dont je me fuis
fervi. L'article , tel que l'a donné ce fçavant
Bénédictin & tel que je l'ai produit , lui paroît
tronqué. Vous n'aurez pas de peine à
décider de quel côté il convient mieux de
faire pancher la balance , de Courvaifier, qui
écrivoit en 1648. ou de Dom Mabillon . En
effet fi la queſtion devenoit ferieufe , elle ſeroit
de plus grande importance qu'on ne
penfe . Puifque M. de la Folle préfere Courvaifier
à Dom Mabillon , il s'agit d'éclaircir
maintenant dans le texte du Teftament quel-
( a ) Voyez mon Recueil de 1738 .
le
OCTOBRE . 1742 2189

le eft la chofe que S. Hadoind donne & à
qui il fait le don.
Selon la conftruction de Courvaifier , S.
Hadoind donne à Sainte Marie d'Evron le
Bourg que l'Abbé de Diablent , apellé Agobert
, a bâti. Dono Bafilica Domna & Sanita
Maria Aurionno , Vicum quem Agobertus
Abbas Diablentis fimul adificavit . Selon l'Edition
deDom Mabillon S.Hadoind parle ainfi
Dono Bafilica Domne & Sancte Marie Aureonno
vico quem Agobertus Abbas Diriagenfis
fimul adificavit , & Jona Villa quæ fuit Stgulfo
Presbytero. Ainfi dans cette derniére
hypothéfe beaucoup plus sûre , ce n'eft point
un Bourg bâti par l'Abbé Agobert qui eft.
donné à Sainte Marie d'Evron par l'Evêque
Hadoind , mais un Village nommé Jona ou
Etiona ci- devant apartenant au Prêtre Sigulfe,
qui eft légué par le même Hadoind à la Bafi
lique Sainte Marie du Bourg d'Evron bâti
par l'Abbé Agobert. La difference effentielle
confifte dans la féparation que fait Courvaifier
de ces deux mots liés enfemble Aurionno
vico , mettant vicum à l'accufatif. Quiconque
confultera l'original fur lequel Dom Mabillon
a publié dans fes Analectes l'Hiftoire
des Evêques du Mans , verra que ce font
deux noms qui doivent être toujours au
même cas , & que neuf lignes plus bas Saint
Hadoind met encore Aureonenfi vico , & fix
lignes
2190 MERCURE DE FRAN CE
lignes après Aurionenfe vico. J'avoue donc
avec M. de la Foffe , que la difference eft
grande entre les deux leçons du Teftament
de S. Hadoind , mais je me fuis cru fondé
fur un meilleur garant que lui , en m'apuyant
fur le P. Mabillon , plutôt que fur Courvaifier.
Par la même raifon je ne me fuis pas fervi
de Prifco Siccinum pour augmenter le nombre
des Monaftéres du Païs des Diablintes ,
parceque dans les deuxEditions desGeftes des
Evêques du Mans j'ai trouvé une virgule placée
enrre les mots Prifco Siccino & Monafterio
Diablintis. Je vais citer l'Edition in-folio ,
conforme en cela à celle du Pere Mabillon.
Voici les noms des Lieux que Beraire Evêque
du Mans donne au Monaftére de Cha- ·
lun ou Chalon fitué dans le Pays Diablinte ,
Hac funt : Bufogilo Monafterio cum appenditiis
, Prifce Siccino , Monafterio Diablentis ,
illo Monafteriofancti Martini , & Cellafancti
Victuri. Que l'on me prouve que mal- àpropos
Dom Mabillon a placé une virgule
après le mot Prifco Siccino , alors je reconnoîtrai
ce Monaftére comme fitué à Jublent,
ou dans le voisinage ; car comme il n'y a
pas Monafterio oppidi Diablentici , il fuffit à
la rigueur de le dire fitué dans la contrée.
que vous fçavez qu'on apelloit indifferemment
OCTOBRE . 1742 2191
ment dans les moyens fiécles Condita, Vica
ria , Parochia , & non pas Flaga.
Quand j'ai dit que les habitations conftruites
par les Romains dans le Pays des Dia
blintes , étoient dans le voisinage du Noiodunum
des Gaulois , ce n'eft pas que je prétende
qu'on puiffe éloigner confidérablement
de ce Lieu la pofition de ces mêmes
habitations. J'ai voulu dire qu'elles y étoient
contigues , ou aux environs. Ce feroit affurer
aux Villes une immobilité trop phyſique,
que de nier qu'elles ayent pû changer de
place , lors qu'on les a rebâties après qu'elles
ont changé de Maître , & de vouloir que
les nouvelles Villes , géneralement parlant ,
foient toujours dans les mêmes places géométriquement
prifes, ipfiffimo loco, où étoient
les anciennes . Il ne faut quelquefois qu'un
quart ou un demi -quart de lieuë de tranfmigration
, pour placer des habitations beaucoup
plus commodément. Quoique geomé
triquement parlant , & à la rigueur , ce ne
foit plus alors la même fituation , cependant
relativement à une Province entiere & à
plus forte raiſon relativement à tout un
Royaume , c'eſt une difference fi petite , que
fur les Cartes on peut marquer les Villes au
même Lieu : cette difference ne devient importante
que dans les occafions , où une
Ville changeroit , par exemple , de côté par
raport
>
2192 MERCURE DE FRANCÉ
raport à la riviere dont elle feroir arrofée .
,
Du refte je m'en raporterai volontiers à M.
de la Foffe , pour fixer la pofition du Noiodunum
des Diablintes , pourvu qu'il ne le
place pas trop loin de Jublent , qui doit toujours
en être regardé comme l'indication:
Il eft à portée de connoître l'élévation voifine
à laquelle ce nom celtique peut convenir.
Il n'eft pas neceffaire qu'il fe trouve une
riviere au bas. Le principe qu'il avance que
les anciens Peuples ne bâtiffoient des Villes que
fur les bords des rivieres , n'eft pas exactement
vrai. La Ville de Langres qui repréfente
l'ancien Andematunum , eft un exemple
contraire qui fe préfentera à tous ceux
qui en connoiffent la fituation . Il n'y a point
de riviere à Langres ; les canaux tenoient
donc lieu de riviere à Jublent.
Dès là que M. de la Foffe avoiie que Ju- ,
blent a été un Lieu confidérable pendant
que les Romains furent Maîtres des Gaules ,
c'eft une grande avance qu'il fait
venir que cette diftinction put fubfifter en .
core quelques fiécles , & aparemment jufqu'aux
guerres du neuvième.
pour con
Et quand l'Eglife du Lieu feroit aujourd'hui
la plus fimple de tout le Royaume , on
ne pourroit pas en conclure que ç'ait été de
même dans le tems de la premiere Race.
Jamais je n'ai oui dire que la grandeur préfente
OCTOBRE . 1742. 2793
?
>
fente de l'Eglife d'un Lieu fût une preuve
qu'il y a mille ans il en dût être de même..
La Defcription abrégée qu'il fait de la
Ville de Mayenne , en finiffant fon Ecrit
promet quelque chofe de curieux . Il nous
annonce pour en prouver l'Antiquité
qu'on y a trouvé des fondemens de Fortifications
, dont la matiére fait voir qu'ils n'ont pas
été batis par les Romains , & que par conféquent
ils étoient plus anciens. Son antecedent
peut être vrai , fans que la conféquence s'en
fuive, Ou s'il veut qu'on foit de fon fentiment
fur l'Antiquité de cette ftructure , je
dirai comme lui qu'ilfaut de la foi pour croire
cela. On eft furpris , au refte , en continuant
cette petite Defcription , de ne pas y trouver
pour Mere - Eglife celle de S. Martin , qu'il a
prétendu plus haut être celle que l'Hiftoire
des Evêques du Mans dit fituée in Diablin
tico , mais celle de Notre- Dame. Je ne fçais
s'il a fait attention que c'est ce qui peut ren
verfer fon fyftême, n'étant pas naturel qu'une
Eglife qui exiftoit dès le v111 . & 1x fiécle ,
ait cedé fa Primauté à une autre dont on ne
fçait rien avant le douzième . Je fuis , & c ,
çe 28. Février 1742,
EPITRE,
2194 MERCURE DE FRANCE
888
39
EPITRE
A M. Cotelle. Par l'Abbé de B.
E Nfin Nfin dans les Monts de Scithie
L'impétueux Borée , exilé pour un tems ,
Nous permet de jouir des rayons bienfaifans
Du vólage Amant de Clitie :
Enfin les Zéphirs amoureux
Font naître fous nos pas & les Ris & les Jeux.
Ovous , honneur de notre Temple,
Vous , qui d'un air d'aménité ,
Par vos Vers & par votre exemple
Prêchez fi bien la vérité ,
Venez , ami tendre & fidéle ,
Jouir fur ces Côteaux de nos jeux innocens ;
Rien n'y trouble le coeur ; tout y charme les feus;
Les plaifirs y font purs ; la joye eft naturelle .
Quels charmes , quels apas cette faifon nouvelle
N'offre-t'elle pas en ces Lieux ?
Que l'Aftre, qui nous luit, rend la Nature belle !
Que ces tapis de fleurs font aimables aux yeux !
Que ces naiffans gazons , que ces lits de verdure
Forment des Spectacles charinans !
Que ces petits Ruiffeaux & que leur doux murg
mure
Nous
OCTOBRE. 2195 1742 .
Nous font paffer d'heureux momens !
Délivrés du trifte embarras ,
Dont on voit nos Villes remplies ,
Au fein de nos vertes Prairies
Nous goûtons les tendres apas
D'accorder les Arts de Pallas
Aux differentes fantaiſies
De nos pareffeux délicats ;
De parler fans céremonie
De Michel-Ange & d'Uranie ;
De contempler près d'un Ruiffeau
La vive & riante peinture
D'un Pré , d'un Bofquet , d'un Côteau
Que vient d'embellir la Nature ;
De voir au fon d'un chalumeau ,
A l'ombre de quelque vieux Hêtre
Alexis avec Ifabeau
Fouler dans leurs danfes champêtres
Un tapis de gazon nouveaų.
Une franchife naturelle ,
Une innocente liberté ?
Une aimable fimplicité ;
Une vertu toujours fidéle ,
Font ici notre volupté.
Les airs guindés du pédantifme ,
Et les froideurs du fillogifme ,
Ne regnent point dans nos difcours i
La
2196 MERCURE DE FRANCE
La morale du Zénonifie
N'empoisonne point nos beaux jours,
Les fimples Loix de la Nature
Telle que jadis Epicure ,
Ce Philofophe fi vanté ,
D'un air rempli d'aménité ,
Les récitoit fous le Portique
Aux fages Citoyens d'Attique ;
Ces Loix , dont le fage Greffet
Nous donne un Code fi complet ,
Sont les feules qu'on y pratique.
On aime encor les doux accens
D'une Mufe , ou de quelque Grace ;
Souvent Anacréon , Horace ,
Nous font paffer d'heureux inftans ;
La divine & tendre harmonie
De ces chants mélodieux
Nous fait goûter cette ambroifie
Qu'on fert à la Table des Dieux ;
Mille autres jeux viendront fans ceffe
Partager votre heureux loiſir
Aux amuſemens du Permeffe
Succede la Loi du plaifir.
Tantôt à l'ombre d'un feüillage ,
-Couchés fur de tendres gazons ,
Aglé , Cloris , d'une main fage ,
Nous verferont quelques flacons
Des
OCTOBRE.
2197 1742.
Des vins exquis de l'Hermitage ,
D'Aï , d'Arbois , & de Pomar ;
Ou dès que fur fon brillant Char
Phébus fortant du fein de l'Onde ,
Semble faire éclore le Monde ;
Montés fur de fougueux Courfiers ,
Secondés de Lances rapides ,
Nos mains , de leurs fers homicides ,
Perceront les cruels Sangliers.
Quelquefois dans une Riviere ,
Avec un perfide hameçon ,
Notre main fûre & meurtriere ,
Surprendra l'avide Poiffon.
Tantôt au bord d'une Fontaine ,
Nous entendrons l'Echo voisin
Répeter l'amoureuſe peine
D'Alcidalife & de Silvain .
Ainfi Rouffeau , Chaulieu , la Fare ,
Craignant de perdre leurs beaux jours ,
Suivoient la route de Pindare ,
Et s'envoloient vers le Ténare ,
Au fein des Ris & des Amours.
L'innocence avec la droiture ,
Reglent tous ces plaiſirs exquis ;
Jamais dans nos Bofquets chéris
On ne vit la noire impofture
Mêler dans nos Jeux , dans nos Ris ;
D Le
2198 MERCURE DE FRANCE
Les venins de fa langue impure ;
Sous un éclat vain & trompeur ,
Les charmes féduifans du Monde
N'y captivent point notre coeur ,
Sur un plus folide bonheur
Notre félicité s'y fonde.
Tous ces honneurs , tous ces grands riens
Ne tentent point notre foibleffe ;
Nous avons choisi la fageffe ,
Qui fçait démafquer ces faux biens,
Venez donc , aimable Corelle ;
Dans ce féjour tout vous apelle ;
Les Déeffes de ces cantons
Ne cherchent que nous fur nos rives ;
Volez , nos Graces fugitives
Vous défirent dans nos Vallons.
LETTRE de M. le Chevalier de la Soriniere
, à M. D. L. R. touchant l'Ordre de
la Boiffon : avec une Traduction Latine
d'une Chanfon Françoife , compofée par un
Sage de l'Ordre.
J
'Ar été fi vivement frapé , Monfieur , des
belles chofes que vous nous avez données
dans le Mercure de Janvier , touchant
l'Ordre de la Boiffon , que je n'ai pû réfifter,
( moi
OCTOBRE. 1742 2199
(moi indigne ) à la démangeaifon de traduire
l'excellente Chanfon , qui fit jadis l'admiration
du Grand Evêque de Niſmes.
Je me fuis attaché à ajufter les paroles latines
de maniere qu'on les pût chanter comme
les Françoifes : j'y ai obſervé la Profodie
de mon mieux , & j'ai joint ici l'Original à
la Traduction , afin que l'on jugeât mieux
du mérite de mon petit travail , en les comparant.
Quel dommage , M. qu'un Ordre fi refpectable
foit éteint prefque en naiffant ! 11
faut convenir que dans les Etats les mieux
policés il arrive de cruelles révolutions.
Ne fe trouvera t'il point quelque heureux
génie qui travaille à le rétablir ? Je donnerois
les trois quarts de ce que je poffede au
Monde , pour avoir l'honneur de contribuer
à une fi glorieuſe entrepriſe : mais quel fiécle
reproduira des Pofquieres , des Mourgiers
, & des Nobilé ?
Je vous avoüerai , M. que peu touché des
préjugés philofophiques, ( fur tout de ceux de
M. mon très cher Frere aîné ) , je ne bois pas
plus d'eau que je ne lis fon Locke & fon
Newton : il médite ; moi, je bois. Les noms
feuls que les Sçavans ont donnés aux hautes
fpéculations , aux riches , & peut être aux
creufes découvertes , m'étourdiffent d'abord :
que feroit - ce donc , fi je m'avitois de vou-
Toir pénétrer ? je bois. Dij Non,
2200 MERCURE DE FRANCE
Non , M. je ne connois d'autres Philofophes
que Chapelle & Chaulieu , & de vrais
Sages que l'illuftre Pofquieres , & fes aimables
Affociés .
Mais pourquoi rapeller le fouvenir de ces
Hommes divins ? Le renversement des belles
chofes qu'ils avoient inftituées , conduit à
de trop fâcheufes réfléxions , & me fait ,
pour ainfi dire , tomber le verre de la main:
je finis donc , en vous affurant , M. combien
j'ai l'honneur d'être &c .
CHANSO N.
Uand Iris prend plaifir à boire ,-
Bachus croit que c'eft pour fa gloire ,
Mais l'Amour en a tout l'honneur ;
Car en bûvant , le vin la rend fi belle ,
Que le plus alteré bûveur
S'enyvre moins de fa liqueur ,
Que de l'amour qu'il a pour elle .
TRADUCTION.
Cum potus Iridem delectat ,
Bacchus fibi litari putat ;
Sed honor eft Cupidinis ,
Bibendo nam mero tam fit venuſta ,
?
157
OCTOBRE 1942 2201
Ut quem major urit fitis ,
Minus inardefcat Scyphis ,
Quam Iride fibi dilectâ .
ttttttttttttt
REJOUISSANCES faites à Carpentras
, au fujet du Rétabliſſement de M. le
Marquis Definards dans fa Charge . Extrait
d'une Lettre écrite de cette Ville par M. le
Chevalier du Puy la-Salle , le 11. Août
1742 .
E Marquis Definards étant Conful de
La Ville de Carpentras , fit détruire
pour de bonnes raifons , une des Fontaines
publiques ; le Procureur de Sa Sainteté prétendit
qu'en cela il avoit agi contre les Droits
de la Légation d'Avignon , & en écrivit
dans cet efprit à la Cour de Rome , ce qui
opéra la deftitution de M. Definards , par
une Lettre de la Sécretairerie d'Etat , mais
ce ne fut pas pour long- tems , car ayant démontré
à Rome la juftice de fa caufe , le
Pape le rétablit par un Bref fort honorable.
C'est à cette occafion que les Habitans de
cette Ville voulurent marquer la joye que
leur caufoit le rétabliffement d'un Conful ,
qui a fçû gagner tous les coeurs par fes libéralités
pour les pauvres & par fon zèle
le bien public.
pour
D
iij
Comme
2202 MERCURE DE FRANCE
Comme il fe trouvoit alors dans fon Château
, éloigné d'une demie - lieuë de Carpentras
, le Major de la Ville , à la tête de neuf
cent hommes fous les armes , fut député
pour l'aller prier de fe rendre fur les quatre
heures du foir à l'Hôtel de Ville , où l'on devoit
lire le Bref du Pape . Etant arrivé devant
le Château , le Major fit faire trois décharges
, & M. Definards fut accompagné , au
fon des Trompettes , des Timbales & des
Hautbois , jufqu'à la Place de l'Hôtel de
Ville , où il fut reçû aux acclamations du
Peuple. Le Bref ayant été lû en préſence de
tout ce qu'il y a ici de perfonnes de diſtinction
, on entendit un bruit d'artilleric , qui
dura juſqu'à neuf heures. Ce fut alors qu'on
vit paroître un Char triomphal , que deux
jeunes Seigneurs de cette Ville avoient cû foin
de faire orner de la maniére fuivante . Sur un
apui qui regnoit autour de cette Machine
s'élevoient huit pilaftres de Mirthe & de
Laurier, accompagnés d'un Attique . Des impoftes
des pilaftres , partoient huit confoles
qui fe réuniffant , foûtenoient une Thiare
pour marquer que c'étoit au Pape , notre
Souverain , que M. Definards devoit fon
triomphe. Sur le devant du Char , on voyoit
les Armes du Conful, qui font d'or au fautoir
de gueules , accompagné de quatre molettes
d'éperon d'azur, & au deffus on lifoit l'ancienne
OCTOBRE. 1742 : 2205
ne Devife Efpagnole de cette illuftre Maiſon ,
Laftivan apretadas ( ferrées elles piquent. )
Dans les intervalles des pilaftres , on avoit
placé fix Emblêmes , avec leurs Deviſes &
des Vers qui en donnoient l'explication . Le
premier Emblême repréfentoit la Terre , qui
du côté du Couchant , paroiffoit couverte
d'épaiffes tenebres , ce qui étoit une image
naturelle de la trifteffe du Peuple pendant le
tems de la deftitution de M. Definards. Du
côté du Levant , quelques rayons échapés
annonçoient le retour du Soleil , & fembloient
répandre la joye dans toute la Nature.
Par là étoit marquée la joye du Peuple
au jour du rétabliffement de notre illuftre
Conful. Autour on lifoit ces mots :
REDEUNT ET GAUDIA MECU M.
Et au- deffous les Vers fuivans :
Le Peuple confterné languit en mon abſence
Mon retour eft l'objet de fes ardens défirs ;
Je reparois . Les biens qu'aporte ma préſence
Font renaître avec moi la joye & les plaifirs.
;
Dans le fecond étoit peint le Soleil en
fon Midi , qui caractérifoit parfaitement le
défintereffement de M. Definards & fon attention
à prévenir les befoins du Peuple.
Ces mots accompagnoient l'Emblême.
FULGET UT PROSI T.
Et plus bas on lifoit ces Vers.
D iiij L'éclat
2204 MERCURE DE FRANCE
L'éclat, qui m'environne , a pour moi peu d'attraits,
Et fi la gloire eft mon partage ,
Je n'en tire d'autre avantage ,
Que de répandre mes bienfaits .
Dans le troifiéme , on voyoit un Archer
qui venoit de tirer une fle che contre le Ciel ;
la fleche retomboit fur lui-même , ce qui
défignoit que la vertu de M. Definards eft
au- deffus des atteintes de fes ennemis , &
que leurs traits retombent fur eux- mêmes.
On lifoit les mots fuivans .
LEDITUR IPSE .
Et au deffous .
En vain, pour m'infulter, un Mortel en courroux,
Montre dans fes deffeins une malice extrême ;
Inutiles efforts ; je ne crains point fes
Ses traits empoisonnés retombent fur lui - même.
coups ,
Dans le quatrième , des Corbeaux paroiffoient
avoir attaqué un Aigle planant dans
les nuës , mais ce Roy des Oiseaux les mettoit
en fuite , & ils fembloient croaffer en
s'éloignant . Pour Devife .

FUGIUNT CROCITAN DO.
Ces Vers en donnoient l'explication .
De ces vils ennemis je brave la fureur ;
Bien- tôt je vais punir leur audace indifcrete ,
Mais
OCTOBRE. 1742 2205 .
Mais ils prennent la fuite , & faifis de frayeur ,
Par des cris impuiffans ils marquent leur defaite.
Le cinquième repréfentoit un Pélican
avec la Pitié. On avoit marqué par - là
l'exceffive générofité du Marquis Definard's
qui a prodigué fes biens & fa fanté pour le
foulagement des pauvres. Voici la Devife.
IPSUM QUE CRUORE M.
Au- deffous étoient ces Vers.
Pour ceux , à qui le Ciel a deſtiné mes foins ,
Les prodiguer toujours , fut ma plus douce envie ;
Mais s'il le faut encor , dans leurs preffans befoins
Je donnerai pour eux & mon fang & ma vie.
Dans le fixiéme , on avoit peint une
Aigle , préfentant aux rayons du Soleil fest
deux Aiglons , qui en foûtenoient l'éclag
avec affûrance . Tout le monde a reconnû
que cette Devife défignoit le dernier voyage
que M. Definards fit à Rome , où il eut
l'honneur de préfenter fes deux Fils au
Pape , & on s'eft rapellé avec plaifir , que
parmi les Eloges & les politeffes , done
Sa Sainteté le combla , elle lui dit obligeamment
qu'il avoit deux Fils dignes de lur
Autour de l'Emblême on lifoit ces mots
CONSIMILES AGNO S, C IT.
Et plus bas ces Vers , que l'Aigle fembloit
adreffer au Soleil.
D V Parveduss
2206 MERCURE DE FRANCE
Parvenus jufqu'à toi dans ce brûlant ( 4 ) climât ,
Ils ofent regarder , mais avec affûrance
De ta gloire fuprême ils foûtiennent l'éclat ;
Ils font dignes de leur naiffance .
Dans le fond du Char paroiffoit la place
vuide du Triomphateur , fur laquelle étoit
fufpendue une Couronne de Lauriers. Auprès
des Emblêmes on avoit placé des Luftres
avec un tel art , que le Char fe montroit
comme en plein jour. Il étoit attelé de qua →
tre chevaux de front , à la maniere des Romains
; trente hommes portant des Alambeaux
, marchoient à côté du Char ; plufieurs
Muficiens & Joueurs d'Inftrumens
alloient devant. Dans toutes les Places on
chantoit les Vers fuivans , dont la Mufique
eft de la compofition du Sr Arnaud.
Peuple , chantez le Prince jufte
Qui vous rend aujourd'hui la paix.
Chantez , chantez les bienfaits ;
Que fon nom augufte
Parmi vous vive à jamais.
Peuple , chantez le Prince jufte
Qui vous rend aujourd'hui la paix .
En vain la malice
Joint à l'injustice
Le noir artifice
Pour le tromper.
(a) Allufion à l'Italie,
Soyez
OCTOBRE. 1742 , 2207
Soyez tranquille ;
Pour votre Ville
Sa tendreffe vient d'éclater.
Peuple chantez , & c.
9
Dès que le Char parût, on vit partir des
gerbes de fufées du Clocher de la Cathédrale
& des Maifons de divers Particuliers ;.
toutes les ruës furent illuminées. On voyoit
en plufieurs. endroits les noms, & les Armes.
du Pape , & de M. le Marquis Definards
tracés en caractéres de feu . Ce n'étoit
partout
que Danfes , Feux de joye & Concerts .
de differens Inftrumens . Mais ce qui rendit:
cette Fête plus brillante , ce fut le concours .
étonnant du Peuple qui fuivoit le Char , &.
qui mêloit fes acclamations à la voix des
Muficiens. Ce ne fut qu'à trois heures après.
minuit , que les Habitans de cette Ville:
cefferent de témoigner par des réjoüiffances.
extraordinaires la joye que leur caufoit le:
rétabfiffement de leur digne Conful ; la reconnoiffance
& la fincere efiime qu'ils conferveront
toujours pour lui , fera cependant:
la plus vraye récompenfe de fon.zéle pour la
bien public..
D vj REA
4208 MERCURE DE FRANCE
1
REMERCIMENT adreffé à l'Académie
de Toulouſe , par/Madame de Segla ,
Epouse de M. de Montégut , Tréforier de
France au Bureau des Finances , après
qu'elle eût obtenu les Lettre de Maîtriſe
des Jeux Floraux.
LE Front paré des Fleurs bril'antes
Que ta main , fa e Ilaure , offie aux Auteurs fameux
,
Orgueilleufe d'avoir dans tes célebres Jeux
Cueilli trois Palms éclatantes
J'ai fait valoir les Droits qu'a par te doux préfens
Un Séxe dont tu fais un des beaux Ornemens .
Dans ta Cour je vais prendre place ;
J'ofai la demander à tes eh rs Favoris ;
A mes heureux Travaux ils accordent ce Prix :
Quels ceux pour une telle Grace !
Change pour moi cet Art trop facile à mentir ;
Que je puiffe parler comme je fçais fentir."
Prête- moi la noble Harmonie
Qui jadis de Corinne ornoit les Chants vainqueurs;
Ou ces vifs mouvemens & ces fons enchanteurs ,
Dont Sapho marquoit fon Génie :
Plus
OCTOBRE : 1742: 2209
Plus d'une fois l'Elide admira leurs Accords ,
Et Pindare ceda lui - même à leurs Efforts .
Mais quoi je vais hors de Toulouſe
Chercher des noms fameux dans l'Empire des Vers !
D'Encauffe, Malenfant, Druillet, vos Chants divers
Font taire la Gréce jaloufe :
Il est encor un nom plus cher , plus glorieux ;
Fille illuftre , fur vous fe fixent tous les yeux ..
Pour moi quel Triomphe s'aprête. ,
Arbitre des beaux Vers ? Affife parmi vous ,
Compagne de vos Jeux , loin des ſoucis jaloux
´Déformais ma gloire eft complette :
Dans vos faftes facrés toujours en sûreté”,
Elle brave du Tems le pouvoir redouté..
Témoins des fçavantes Merveilles
Dont vous enrichiffez le Temple des beaux Arts ,
Je ferai la premiére à porter mes regards
Sur ces Fruits de vos longues veilles :
Mon efprit puifera dans ces profonds Tréfors
Le Goût sûr du vrai Beau , fource des doux Tranf
ports.
Tantôt , dans ce nouveau Licée-
L'Eloquence des Grecs enchantera mes fens ;
Tantôt la Poëfie & fes divins Accens
M'offriront un nouvel Alcée :
Dry
2210 MERCURE DE FRANCE
Du Chantre de Didon j'entendrai les Concerts ::
Quel affemblage heureux de mille objets divers !
Leur vif éclat faifit mon ame ;
Ciel ! fuis - je tranfportée au pied du Mont facré
D'une fubite ardeur mon Génie enyvré ,
Succombe au défir qui l'enflâme :
Favoris d'Apollon , loin de me rebuter ,
Des yeux & de la voix vous daignez m'inviter..
Oui , je vais marcher fur vos Traces :
Vous avez fçû détruire un Préjugé honteux ,
Qui plaçant loin de nous tous les Talens heureux .
Ne nous permettoit que les Graces :
Que dis-je ? un fol eſpoir ne m'éblouit- il pas »? ›
Oferai- je effayer de voler fur vos pas ?.
L'imagination s'égare
A l'aspect d'un Honneur , & brillant & certain ;
Sans Lumiere & fans Art , le coeur conduit la main :
Trop épris d'un bonheur fi rare ,
J'ai peint ingénûment mes divers Sentimens
Ces Ecarts tiendront-ils lieu de Remercimens ?
DISOCTOBRE
. 17420 221
****************
DISSERTATION fur la Queſtion ;
propofée à M. C... par M. B... le jeune ,
fçavoir , Si c'est le jour ou la nuit , qu'ilfaut
écrire , & dans quel tems l'efprit fe trouve
plus difpofé à travailler ?
Rois jours d'abfence m'ont empêché ;
TM. de répondre plutôt à votre Lettre
du fecond du courant , dans laquelle vous.
me propoſez la Queftion fuivante :
و د
Eft-ce le jour ou la nuit , qu'il faut écrire
pour réuffer ? Plaiſant Problême , me dites-
"vous , mon cher ami ; mais plaifant tant
» que vous voudrez ; il faut pourtant que
» vous le réfolviez . La Queſtion après tout
» eft- elle de fi peu de conféquence ? Il s'agit
» de fçavoir , en quel tems l'esprit fe trouve
» plus difpofé à travailler ; eft ce le jour ,
après qu'il s'eft repofé de fes fatigues , &que
» les efprits animaux paroiffent plus propres
» faire leurs opérations ? Ou doit- il profiter de
» la nuit & du repos de toute la nature , pour.
» mieux réfléchir & méditer plus profondé
39
» ment ? Oc....
Cette Queſtion , plus finguliere que plait
fante , n'eft point d'autant de conféquence ,
que vous le penfez. Elle le feroit à la verité
s'il
1272 MERCURE DE FRANCE
s'il pouvoit y avoir des heures fixes & connuës
, du jour ou de la nuit, pendant lefquelles
l'efprit fe trouvât plus difpofé à travailler...
Dans ce cas , qui ne peut être fupofé ,
le premier foin qu'on donneroit à l'étude
devroit être celui de fixer ces heureux momens
, foit qu'ils fe rencontraffent dans la
nuit ou dans le jour ; & ce tems une fois
fixé , l'efprit n'auroit plus befoin que de fe
mettre à Pouvrage pour travailler & pour
réuffir Comme l'efprit , ainfi que le corps ,
demande du repos après le travail, le tems &
la durée de celui- ci devroient encore être déterminés
à certaines heures ; & ces heures une
fois paffées fans emploi , l'efprit fe verroit réduit
à ne pouvoir profiter des fuivantes , &
à refter dans un état indolent & léthargique
, contraire à fa propre nature .
La fauffeté de cette propofition & les
conféquences ridicules qui en naiffent , peuvent
fervir , non pas à réfoudre , mais à réduire
votre Queftion à l'expérience , ou à
l'ufage ordinaire des Ecrivains.
En quel tems l'efprit fe trouve- t- il plus
difpofé à travailler Eft - ce le jour , eſt - ce la
nuit ? L'affirmative pour l'un ou l'autre de ces
deux points, me paroît un paradoxe . Ce n'est
pas que je ne puiffe vous raporter bien des
raifons pour & contre ; mais quelques fpécieufes
qu'elles me paroiffent , ( quoique s'il
falloit
1
OCTOBRE. 1742 2213
pour
falloit abfolument me déterminer pour le
jour ou pour la nuit, j'optaffe pour ce dernier
tems ) je ne puis me cacher à moi - même
que l'efprit n'a point de tems fixe & connû
pour travailler , encore moins réuffir ;
& par conféquent , qu'il doit faifir dans le
jour ou dans la nuit , les momens heureux
que le feul hazard , fans aucune difpofition
particuliere ou accidentelle , peut fournir à
Les productions.
Dans cette idée , M. je vais plaider la
caufe de l'un & de l'autre ; vous verrez dans
ce détail , fi je me pique d'exactitude &
d'impartialité . Je raporterai enfuite mes raifons
d'indétermination; et fondé fur l'expérien
ce commune, je concluerois que le jour & la
nuit n'influent pas plus l'un que l'autre , aux
travaux de l'efprit.
En fuivant l'ordre de la nature & l'ufage
généralement établi , l'homme doit travailler
le jour , repofer la nuit. Les ombres de cette
derniere font auffi propres à l'affoupir & à le
tranquillifer , que la lumiere de l'autre fert à
l'éveiller & à l'exciter.
Ce principe reconnu , il faut écarter ici
une vaine diftinction , qu'on pourroit faire
pour l'éluder. Elle confifte à mettre une difference
entre les travaux du corps & ceux
de l'efprit . Le corps eft une frêle machine
qui ne peut être long - tems en exercice , fans
joüir
2214 MERCURE DE FRANCE
joüir par intervalles d'un repos , qui lui eft
abfolument néceffaire . On ne peut difconvenir
, que le jour ne foit aufli effentiellement
deftiné à fes fonctions , toutes materielles ,
que la nuit eſt deſtinée à fon repos & à fes
délaffemens .
Mais en est-il de même de l'efprit ? Une
fubftance qui penfe & dont le travail eft
purement fpirituel , a t'elle befoin de repos ,
& peut- elle être aftrainte à fuivre cet ordre
naturel , cet ufage établi , qui a diſtingué le
jour par le travail, la nuit par le repos ? Si les
travaux du corps s'exercent ordinairement
au milieu du commerce du monde , ceux de
l'efprit au contraire , ne doivent ils pas s'en
écarter , pour qu'on puiffe s'y apliquer plus
efficacement ? Et quel tems plus propre ,
que celui de la nuit , pour réfléchir & méditer
avec plus de facilité ?
Réfuter cette diftinction , que les Phyficiens
les plus profonds n'ont point propofée ,
par raport aux fonctions du corps & aux
opérations de l'efprit , c'eft donner au travail
du jour , la préférence qu'il prétend fur
celui de la nuit.
L'homme eft un compofé d'efprit & de
matiére. Celle- ci eft fujette à la corruption
& à l'aneantiffement. Ce n'eft point allés
que des alimens la foutiennent ; elle cefferoit
bien tôt d'être , fi un tems de délaffement
nc
OCTOBRE. 1742 2215
ne fuccedoir à un tems de fatigue ; & ces
tems font fixés par le cours des globes céleftes
, que l'Auteur de la nature leur deſtina
en les formant.
L'efprit , par raport au travail , ne doit
point être diſtingué du corps . ( Je n'entends
pourtant pas confondre la noblefle des opérations
de l'un , avec le méchanifme des
fonctions de l'autre. ) Mais nous apre
nons par l'expérience , que l'efprit a befoin
de culture , d'éducation , d'aplicamion pour
travailler ; qu'il s'affoiblit & s'ufe comme le
corps ; qu'il réfifte,moins que celui - ci , à un
travail affidu & continuel ; qu'il ne peut s'apliquer
quelques heures ,fans rechercher des
délaffemens, & qu'il fçait s'en procurer de
fréquens pour fe diftraire.
De - là , commence à s'évanouir cette dif
ference entre les travaux du corps & ceux
de l'efprit ; fi j'acheve de la détruire , il faudra
en revenir à l'ufage géneral , & convenir
que l'efprit comme le corps , doit fe délaffer
pendant la nuit , pour reprendre fes exerci
ces pendant le jour.
,
Vouloir réduire l'efprit à travailler pendant
la nuit ce n'est pas feulement intervertir
l'ordre de la nature c'eft le détruire ;
c'eft renverser la focieté ; c'eft en un mot lui
donner des hommes , qui feuls & éloignés.
de tout commerce , métamorphofent pour
eux
2218 MERCURE DE FRANCE
leurs organes , celle de la fanté, font néceffaires
à fes opérations : de longues veilles , un
repos plus difficile à trouver , plus fouvent
interrompu pendant le jour , ne peuvent que
les altérer ; & le corps , une fois affoibli par
langueur ou par maladie , réduit l'efprit dans
un état léthargique , qui ne lui laiffe plus la
liberté de travailler , ni pendant le jour , ni
pendant la nuit.
Enfin , le jour n'eft - il pas plus propre que
la nuit , pour la méchanique de certains travaux
de l'efprit ? lectures , obfervations ,
remarques , figures , emblêmes , toutes ces
Occupations fe rempliffent avec plus de facilité
dans la journée. La lumiére du foleil
femble leur donner plus d'attraits . Si on a
même befoin du fecours des livres d'une
Bibliothèque étrangere ou des lumiéres
d'autrui , comment pouvoir y recourir pendant
la nuit , fans s'expofer à paffer pour un
infenfé , ou pour un perturbateur de la tranquillité
public ?
De ces réflexions & des conféquences qui
en naiffent , ne doit -on pas conclure , que
l'efprit doit fuivre dans fes travaux , l'ordre
établi pour ceux du corps , & que ce même
ufage,introduit depuis la création du monde
& qui a confacré le repos à la nuit , le travail
au jour , ne pourroit être interverti par les
hommes , fans les faire foupçonner d'une
folle
OCTOBRE.
1742: 2219
folle témérité & fans donner atteinte à la fageffe
du Créateur.
Vous
voyez , M. que malgré
le penchant
que j'aurois
pour le travail
de la nuit , dans
la néceffité
où je ferois de faire un choix
j'ai tâché de ne rien omettre
de tout ce qui
peut favorifer
le travail du jour. Je vais parler
à préfent
pour celui de la nuit. Je fouhaite
, en vous raportant
ainfi les raifons
contraires
que vous puiffiez
vous déterminer
avec connoiffance
de cauſe . A mon
égard , quoique
j'écrive
ou que je dife , je ne
crois point fortir de l'indétermination
où je
fuis.
,
On ne peut difconvenir de l'ufage géneral ;
& fans s'arrêter aux altérations qu'il fouffre
non-feulement par raport aux travaux de
l'efprit , mais même, par raport à ceux du
corps , dans les tems de chaleur ou dans les
Pays chauds , ne peut-on pas foûtenir avec
plus de vraisemblance & de folidité , que la
nuit eft le tems le plus propre & le plus
convenable aux opérations de l'efprit , foit
par raport à la difference qu'il y a à mettre.
entre elles & les fonctions du corps , foit par
raport au recueillement & à l'aplication ,
foit par raport au défaut d'objets qui nous
diffipent , foit enfin par raport aux velléités
qui nous afficgent , & qui ne pouvant être
fatisfaites pendant ce tems , laiffent l'efprit
dans
2220 MERCURE DE FRANCE
dans cet état de liberté , qui lui eft abfolument
néceffaire pour travailler ?
Je ne défavouerai point que l'efprit ;
entraîné par le corps & par l'union & le
raport qu'ils ont entre eux , eft contraint de
fuivre & de fe conformer au tems deftiné
pour fon travail : que ce tems doit être celui
de la journée , parce que les objets fur
lefquels ils s'exercent , ne peuvent être aprochés
ou fe communiquer pendant la nuit ,
& que dans ce cas , le corps ne travaillant
jamais feul , mais en fecond , c'est - à - dire
après les opérations qu'il a exigées de l'efprit
comme la caufe premiére de fes fonctions ,
celui -ci eft alors obligé de fuivre l'ordre de
la nature, l'ufage géneral ; & fatigué comme
le corps , par les fonctions auxquelles il a
été obligé de veiller , il l'eft encore comme
lui , d'embraffer le repos de la nuit , pour
fe délaffer & reprendre le même exercice
dans le jour fuivant.
que
Mais comme ce n'eft là qu'une méchanidu
dire auffi
corps , on peut
que ce n'eft
que la méchanique de l'efprit . Ce n'eft point
de cette espece de travail , dont il s'agit dans
notre Queſtion. On ne doit y confidérer
Pefprit que comme tel , c'eft- à- dire , comme
une fubftance qui penfe , qui juge , qui
difcourt , & qui fe fuffifant à elle - même
pour de telles opérations , n'a befoin ni
d'aucun
OCTOBRE.
1742. 2221
d'aucun commerce, ni d'aucune communication
pou les produi e.
Si Pefprit , contraire en cela , & indépendant
du corps , peut donc travailler feul, &
fans le fecours des objets extérieurs qui ne
fervent qu'à le diffiper, il n'y a qu'à choifir e
tems , qui doit paroître le plus propre à ſon
aplication.
On a dir que la nuit étoit la mere des
penfées ; qu'elle donnoit confeil ; que quand
nous fommes feuls , & dégagés du brun &
de l'embarras des affaires de la journee , la
nature elle- même , livrée à un repos & à un
recueillement qu'elie femble nous communiquer
, l'efprit s'occupe de lui mêne , &
fournit avec plus de facilité aux opérations ,
qui font l'objet de fon aplication . Les idees
femblent alors fe préfenter d'elles mêm ;
& s'il étoit , comme je l'ai dir , un tems déterminé
pour le travail , on croiroit alors
l'avoir attrapé , l'efprit faifant peu d'efforts
pour s'y occuper & pour le remplir.
Quel efprit ne fent pas la dife ence qu'il y
a , entre la contention force e qu'il donne au
travail du jour , & l'aplication libre qu'il
fait à celut de la nuit ? C'eft dans le cours de
celle- ci , que moins diftrai , moins di fipé ,
plus attentif , il s'occupe du feul objet qu'il
médice ; que non content d'avoir conçú , &
refléchi urfon lujet , il le diſpoſe & Texé-
E
cute ;
2222 MERCURE DE FRANCE
T'ef
cute ; qu'enfin il eft moins diverti par les
fens , qui , plus dociles alors , & moins occupés
à lui donner des occafions continuelles
de diffipation , femblent eux - mêmes fe
prêter à augmenter & fortifier fon aplication ,
En eft-il ainfi du travail de la journée ?
Non , fans donte. Semblable à un arc ,
prit a befoin alors d'être toujours tendu.
Comme tout concourt à l'apliquer pendant
la nuit , tout fert aufli à le diffiper pendant
le jour. Sans parler des affaires domestiques ,
des devoirs d'amitié & de bienféance , les objets
qui frapent nos fens ,fuffifent pour diftraire
l'efprit. C'eft tantôt du bruit qu'on entend
, une querelle dans la rue , un équipage
qui fe brife , c'eft tantôt une curiofité naturelle
, un coup d'oeil jetté au hazard , une
envie de paroître , une paffion que nous voulons
fatisfaire ; c'eft enfin le chant d'un oifeau
, le vol d'une mouche , le fon des cloches
, l'harmonie de quelque inftrument. La
moindre chofe peut , en un mot , diftraire
pendant la journée ; actuellement même, une
jeune Demoiſelle qui chante au deffus de
ma chambre , m'oblige de quitter la plume
pour l'entendre.
Tous ces inconveniens difparoiffent pendant
la nuit. L'efprit , livré , pour ainfi dire ,
à lui - même , ne s'occupe que de fon fujet.
Les matieres les plus abftraites , les queftions
les
OCTOBRE. 1742 2223
les plus épineufes, lui coûtent moins à réfoudre.
Une aplication libre , qui n'eft pas dérangée
par les obftacles journaliers qui la diffipent
, en trouve le dénouement facile. Tel
un Voyageur qui marche dans une route
pleine & facile , avance plus , & fe fatigue
moins qu'un autre , qui en a une à faire de
diſtance égale , mais pierreuſe & difficile . Tel
l'efprit , travaillant la nuit , eft moins expofé
dans fa courſe à fe fatiguer , & à rencontrer
les obftacles , qui s'opofent à fes exercices
journaliers .
Ajoûtons encore , qu'indépendament que
nos fenfations font moins excitées pendant
la nuit , les affauts que nous livrent dans ce
tems nos paffions , font auffi moins violens ,
& que l'impreffion qu'elles font fur l'efprit ,
doit être moindre par l'impoffibilité où nous
nous trouvons de les fervir . C'eſt en vain , que
des idées de vengeance, d'avarice , d'envie, viennent
fe prefenter à l'efprit : comme ce n'eſt
pas le tems de les fatisfaire , il ne l'eſt point
auffi de s'y arrêter. Envain , l'amour par un
de fes preftiges ordinaires , veut il alors me
faire trouver l'heureux moment , qui doit
couronner mes feux ; ce n'eft qu'une douce
illufion , que la feule idée du travail diffipe ;
c'est un phantôme qui s'évanouit , & qui
laiffant mon efprit dans la même affiette
lui conferve la liberté de fes opérations.
Eij Enfin
>
2224 MERCURE DE FRANCE
Enfin , la nuit ne peut- elle pas avec plus
de fondement que le jour , reclamer l'expérience
pour elle ? Poëtes , Orateurs , Hiftoriens
, tous les Sçavans , en un mot , ne parlent
que
des veilles , employées à la compofition
de leurs Ouvrages. Pytheas reprochoit
à Demofthéne , que fes penfees fentoient
l'huile. Le nombre d'Auteurs que je pourrois
citer , feroit infini ; nos Panégyriftes modernes
ne ceffent de nous vanter les nuits
que leurs Héros ont données au travail.
Tel eft , M. le fiftéme qu'on pourroit fuivre
, en optant pour le travail de la nuit. Je
vais encore répondre pour elle à quelques
objections , defquelles on pourroit induire ,
que celui du jour eft plus propre & plus
falutaire à l'efprit.
» 1°. L'efprit comme le corps a befoin de
» délaffement : il doit donc fe conformer
» à l'uſage général . »
Cette Objection ne prouve rien pour le
travail du jour. Nous l'avons dit. Quand
l'efprit préfide & fuit le travail du corps , la
fatigue de celui -ci peut l'affervir à fon ufage :
mais lorsque l'efprit travaille feul , qu'il ſfe
fuffit à lui même pour fes opérations , & que
c'eft au corps à le fuivre & à obéir , il eſt
indifferent qu'il fe conforme à cet ufage ; &
l'un & l'autre ne doivent avoir recours au repos,
qu'après que la fatigue du travail l'exige.
2
,
OCTOBRE. 1742. 2225
2 ° . L'efprit ne peut travailler long- tems ;
» il faut le diftraire ; & peut- il l'être pendant
>> la nuit ?
L'efprit trouve ici de l'excès par tout ; s'il
n'étoit point affés diftrait pendant la nuit , il
le feroir trop pendant le jour ; & je crois
qu'il vaut mieux pour lui , de l'être moins.
Dans la nuit , une lecture amufante , une
idée agréable , un moment donné à tifonner
fon feu en hyver, ou à prendre le frais en été,
lui procurent des délaffemens , qui le diffipent
fans doute moins , que l'impreffion des
objets extérieurs, ou les fenfations, qui le fra
pent pendant le jour.
"
» 3 °. Réduire l'efprit à travailler la nuit ,
c'eft en priver la Societé civile ; il eft mille
» occafions dans la journée où il doit nécef-
»fairement fe produire .
Je ne veux point faire un Mifantrope d'un
homme d'efprit qui travaille la nuit. L'arracher
à fes femblables , en optant pour celleci
, autant vaudroit - il le détruire : Il y a du
tems pour tout , & l'efprit peut le divifer de
façon , qu'il en employe autant pour l'utilité
publique que pour la fienne . S'il eft des occafions
dans lesquelles il eft obligé de paroître
, il doit s'y prêter avec zéle ; mais ce
n'eft pas à dire qu'il n'ait pû préparer pendant
la nuit les matériaux fur lefquels il doit s'exercer
pendant le jour.
E iij
?) 4
2226 MERCURE DE FRANCE
4. L'efprit peut fe donner pendant le
" jour la folitude & la tranquillité de la nuit,
Cette fupofition eft difficile , pour ne pas
dire impoflible dans la pratique. De quelque
précaution dont on fe ferve pendant le jour
pour écarter le bruit , ou l'abord d'un Cabi
net ; il n'eft pas poffible de remédier à l'un ,
ou de prévenir l'autre. L'amitié ou la néceffité
ont des droits qu'on ne peut enfraindre ;
& pourroit - on , fans manquer aux bienfeances
,fe refufer aux empreffèmens de l'une , &
aux befoins de l'autre ? Ce n'eft donc que
pendant la nuit qu'on peut trouver ce filence
& cette tranquillité que les Sciences demandent
pour leur aplication.
5 .. L'efprit & le corps s'affoibliffent pat
» le travail de la nuit.
On ne peut difputer qu'ils ne s'affoibliffent
auffi par le travail du jour . Quand l'un &
l'autre font fatigués , que ce foit de jour ou
de nuit , ils peuvent ceffer de travailler , &
fe procurer le délaffement ou le repos , à
proportion de leur fatigue.
6. » Il eft des travaux d'efprit auxquels il
» ne peut vacquer que le jour.
Si l'efprit a befoin de lumieres ou de fecours
étrangers, s'il eft des Lectures, des obfervations
qu'il ne peut faire que pendant le
jour , ce font des cas de néceffité auxquels il
doit condefcendre. Cela fait , rien ne l'empêche
OCTOBRE. 1942. 2227
pêche de reprendre fes exercices nocturnes ,
& de profiter du tems calme de la nuit pour
naviger & arriver au Port , que les orages
du jour pourroient lui rendre inacceffibles .
Je ferois renté , M. dans la crainte d'être
taxé de partialité pour la nuit , de répli
quer pour le jour ; mais cela me meneroit
trop loin. Je me borne donc à vous dire en
fa faveur , que l'union du corps & de l'efprit
eft trop intime pour pouvoir fouffrir de
diftinction par rapport au travail ; & que
le Créateur ayant une fois établi un ordre , &
cet ordre étant confirmé par un ufage géneral,
nous devons nous y conformer & nous y
foumettre .
Voilà , je penfe , M. toutes les raifons
qu'on peut donner, pour foutenir l'alternative
du travail du jour ou de la nuit. Je ne
fçais pour lequel vous vous déterminerez .
Pour moi, quoique vous me prefcriviez dans
votre Lettre de faire un choix , je ne puis
abſolument m'y réfoudre , & je vais entrer
dans mes motifs d'indétermination , qui ,
s'ils ne fervent à me juftifier auprès de vous,
me ferviront au moins à éluder votre problême,
On doit convenir que l'efprit n'a point de
tems fixe & déterminé pour travailler. On
fait par expérience qu'il eft des heures où
il ne peut rien faire ; d'autres où il fait tout
Eij
C&
2228 MERCURE DE FRANCE
ce qu'il veut. Souvent il remplit les opérations
les plus difficiles , dans le tems où il
s'y aplique le moins ; d'autres fois , le moment
où il fe croit le plus en état de produire,
eft le moment qui en eft le plus éloigné.
Comment dans une telle incertitude , après
de telles variations , pouvoir choisir un tems
plutôt qu'un autre , préferer le jour à la nuit,
fi on ne peut être plus affuré de réuffir dans
l'un que dans l'autre ?
Quel Ecrivain n'en a pas fait l'épreuve
L'efprit , aidé de l'imagination & du jugement
, a préparé & arrangé fes idées , fes
raifons , fes preuves : il lui tarde , il fe hâte
de les produire : c'eſt la montagne en travail
d'enfant. Mais on ne l'éprouve que
trop ; & l'inſtant heureux qu'il faifit pour les
mettre par écrit , eft fuivi d'un inftant malheureux
qui les lui enleve .
On penfe , on écrit auffi bien & auffi folidement
dans le jour que pendant la nuit. Quel
eft l'homme, qui fans prévention , peut affirmer
d'avoir de meilleures idées dans un tems
que dans l'autre ? Les productions de l'efprit
pour la beauté & la bonté , font intrinfequement
des effets de l'imagination , qui tantôt
bizarre & capricieuſe , tantôt fage & modérée
, agit ou n'agit pas , conçoit bien ou mal ,
& ne fe détermine pas plus , eu égard au
tems de fes opérations , pour l'heure de minuit
, que pour celle de midi. L'ef-
.
OCTOBRE . 1742 2229
P
L'efprit a des momens heureux à la vérité ; '
mais fe préfentent- ils pendant le jour ou
pendant la nuit , & plûtôt dans l'un que
dans l'autre ? Quel eft l'Ecrivain qui les prévoit
? Y a - t'il des regles , des fignes , des
difpofitions qui les indiquent ou les préviennent
? Le paffé ne les a point connus ; &
quelques découvertes , quelques progrès
qu'on ait fait dans la Phyfique pendant ces
derniers fiécles , a -t'on penfé , a-t'il été poffible
de les découvrir ou de les fixer.
Qu'on ne dife pas que l'efprit peut fe
trouver dans de plus heureufes difpofitions
dans certains tems. D'abord , en ne dif
convenant pas que ces difpofitions fe rencontrent
, ce feroit comme fi elles n'exiftoient
pas , puifqu'elles ne pourroient être
connues & déterminées à un certain tems
par l'efprit , de façon qu'il pût penfer qu'il
eft alors en état de travailler.
D'ailleurs , ces difpofitions feroient ou
particulières , ou accidentelles , & les unes
& les autres peuvent fe faire fentir dans le
jour comme dans la nuit. J'entens par ces
difpofitions particuliéres au travail de l'efprit,
le filence , la folitude , le choix du fujet , le
ramas des materiaux , leur ordre intellectuel,
enfin tout ce qui peut concourir à le placer
dans les heureux momens d'opérer & de
produire. La joye ou la triſteſſe , la ſobrieté
Ev
2230 MERCURE DE FRANCE
1.
ou l'intempérance , la fanté ou la maladie ,
la haine ou l'amour , toutes les paffions en
un mot , peuvent auffi fournir à l'efprit des
difpofitions accidentelles , qui le faflent s'exercer
avec fuccès fur les fujets qu'il traite .
ces difpo- Mais peut - on foutenir
quent
particufitions
diverfes de l'efprit ,
lieres , foient accidentelles fe manifeftent
plutôt le jour que la nuit , la nuit que
le jour Peut - on déterminer plus précifément
dans quel tems , dans quelle heure
dans quel moment elles pourront influer à
ces opérations ? Les productions de l'efprit
femblent dépendre du caprice ou du hazard :
feul & préparé , joyeux ou trifte , dans quelque
difpofition qu'on le fupofe , il fera dans
un tems ce qu'il ne peut pas dans un autre ;
aujourd'hui il excellera pendant le jour , de-.
main pendant la nuit ; il fera prodigue à dix
heures du matin , avare à dix heures du foir.
L'inconftance des tems eft à fon égard un
foible parallele ; c'eft un Prothée qui change
de forme. Quel fond faire fur de fi éton
nantes variations ? Comment fe fixer fur
une aplication au travail auffi incertaine ?
Comment fe déterminer plutôt pour celui
du jour , que pour celui de la nuit ?.
Je ne pense pas que le travail du jour ou
de la nuit contribue à la perfection des ouvrages
d'efprit. Il en eft des bons faits pendant
OCTOBRE . 1742. 2235
dant le jour , il en eft des bons faits pendant
la nuit. Leur beauté , leur folidité pourroientelles
dépendre du cours du Soleil ou de la
Lune ? Îl eft ridicule de le penſer .
le
Demofthene dit avoir confumé plus d'hui
que de vin , pour acquerir fon éloquence..
Horace , Juvenal , les Anciens & les Modernes
parlent de leurs veilles eft - ce à dire
qu'ils n'ayent travaillé que la nuit ? La confequence
feroit abfurde ; leur genre de vie
la démentiroit. Une allufion à la longueur
de leur travail , une métaphore apliquée à la
durée & à la force de leurs études , le grand
nombre de leurs productions , la folitude &
le filence qu'elles exigent , telles font les
caufes qui ont donné lieu aux Auteurs ou à
leurs Panégyriftes de confondre les travaux
de nuit & de jour , & de les louer d'une
plus longue & plus pénible aplication. Il eft
même certain que fi les Auteurs n'avoient
cravaillé que pendant la nuit , il n'auroit
été poffible qu'ils euffent tant écrit , & nous
aurions beaucoup moins d'ouvrages.
pas
Toutes ces raiſons me confirment , M..
dans l'idée où je fuis , que l'efprit peut &
doit travailler en tout tems , le jour comme
la nuit , puifqu'il n'eft pas affûré d'opérer
plus efficacement dans l'un que dans l'autre,
& qu'il eft d'un bon efprit de mettre à profit
les momens heureux , mais incertains , dans
Evi Lef
2232 MERCURE DE FRANCE
lefquels , indépendamment des difpofitions
où il peut être , il fe trouve en état de travailler.
Je fuis , M. & c .
A Aix le 11. Juillet 1742.
***
REPONSE de M. Néricault Deftouches ,'
à M. Frigot , qui lui a adreffé des Vers
dans le Mercure du mois d Août dernier.
L
Orfque j'ai combattu l'Athée ,
Le Dé ſte , le Libertin ,
Et les Sophifmes d'un ( a ) Prothée ,
Doat l'objet n'eft que trop certain
Et dont les Difciples mauffades ,
Efprits auffi faux que malades
Par un effor impie & vain ,
Font la guerre à l'Etre divin :
Et lorfque fans craindre la fronde ,
Et ſans aucun ménagement ,
J'ai fait la
guerre ouvertement
Au mauvais goût qui nous inonde ,
Mon objet n'a jamais été
D'attirer à ma vanité ,
Ces grands éloges que défire
Un Ambitieux en délire ,
(a ) Bayle.
OCTOBRE. 1742 2233
Et dont il fe fent fi faté :
Je fais ma principale gloire
De forcer la raison à croire ,
Et détefte l'Impieté ,
Qui fous cent figures diverſes ,
Pour calmer les ames perveríes ,
Ofe attaquer la Verité.
Je tance un goût faux , infpide ,
Qui n'ayant que l'efprit pour guide ,
Sans confulter le Jugement ,
Galope fans mords & fans bride
Loin de ce vrai fimple & charmant ;
Sur qui la Nature préfide ..
De l'efprit tels font les écarts
Contre lefquels je me fouleve ,
Sans leur donner ni paix , ni tréve
Et fans redouter les brocards.
De tant d'Espritsforts qui m'abhorrent
Et des fous qui nous deshonorent ,
En étalant en Profe , en Vers ,
Les faux brillans d'un goût pervers
Toutefois , je te le repette ,
Une ambition indiſcrette ,
Un vain défir d'être fameux ,
Ne m'a point excité contre eux ;
Et le pur zéle qui m'anime
Se reprocheroit comme un crime ,
De former en fecret des voeux

POR
2234 MERCURE DE FRANCE
Pour l'encens le plus légitime ,
Quiconque le cherche eft un fat :
Mais le tien eft fi délicat ,
Il part d'une main fi flateule ,
Si fubtile à le préparer ,
Qu'on eft forcé de favourer
Une odeur fi délicieuſe .
à Fortoifeau , le 26. Septembre 17425
Les mots de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure de Septembre , font la Botte
d'Allumettes , & le Papier. On trouve dans
le Logogryphe , Api , Pie , Pipe , Epi.
Ꭳ うぬぬ
ENIG ME.
Quoique d'une valeur très - mince
Je puis fervir au plus Grand Prince.
Je brille, quand je ſuis dans une belle main,
Et c'eft- là ce qui fait mon plus heureux deftin
Fille de l'art , je dois mon être à la nature..
Sans que je fois un ornement ,
Le beau Sexe fans moi n'auroit point de parure ,
Et j'ai piqué plus d'um Anant .
Laffichard.
LO
OCTOBRE. 1742. 2239
************
LOGOGRYPHE.
Mon Chef eft un endroit , où le plaifir abonde ;
Le reste est un éclat qui brille aux yeux du monde;
Lecteur , dans mon entier un Soldat Fantaffin
Trouve à ſe repofer , lorsqu'il eft en chemin1 ;
Ofte le premier pied , le 3 & quatrième ,
Je brille au Firmament d'une clarté ſupréme ;.
J'ai dans mon étendue un petit arbriffeau :
Dans la Champagne un clair Ruiffeau ;
Ce qu'on met au baudet pour aller à la Charge.
Veux- tu manger du Lievre ? Ah ! l'excellent mor
ceau !
Ce qu'entraîne la Mer fur le bord du rivages
Dans la Lorraine un beau Duché ,
En Provence un Archevêché ;
Que te dirai - je encore ?
Une Ville en Bigorre ;
De Riviere un petit poiſſon ;
Ce qu'on voit rarement chés un Gaſcon ;
Chés le Suiffe un Canton . 3 notes de Muſique ,
Mon tout eft dans l'Eglife aux frais de la Fabrique
AUTRE.
J'infpire les Amans dans leurs tendres allarmes ;
J'infpirai même un de mes partifans
Dans
2236 MERURCE DE FRANCE
Dans l'éloge qu'il fit de mes charmes puiffans.
Tout le monde me rend les armes.
On pafferoit fans moi de fort triftes inftans.
Mais , fi tu veux , pour me connoître ,
En divers fens me voir paroître ,
Tu trouveras , mon cher Lecteur ,
Certaine bouteille de verre >
Fort utile à l'Apoticaire.
Un mot de mépris & d'horreur.
Ce qu'une Princeffe très - belle
Employa pour fauver un Amant infidele ,
Qui mépriſa ſa flâme & fes attraits.
Ce que le Pigeon n'eût jamais.
Un mot Latin qui fignifie
Un Animal dont on craint la fureur.
Un arbre dont le Suc eft contraire à la vie ,
Et qui , par la mauvaiſe odeur ,
De l'Abeille , dit-on , ralentit la vigueur.
Ce qui dans un viſage
Enchante davantage ,
Et qui trahit fouvent les fentimens du coeur.
Ce qui fauva jadis Rome & le Capitole ,
Quand les Habitans de la Gaule
Firent irruption dans le Pays Latin.
Certain endroit du corps Humain ,
Où réfide , fuivant un fentiment plauſible ,
La faculté qui rend fenfible.
Ce
OCTOBRE . 1742 2237
Ce dont on fait le tour & par terre & par eau .
Ce qui de la liqueur eft au fond du tonnean .
Lecteur , fi tu parviens à deviner mon être ,
Et qu'à ces traits tu puiffes me connoître ,
Je te ferai , ma foi , préſent
D'un pofte dans mon Régiment.
de Haulleterre , de Dreux:
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX - ARTS , &c.
ISTOIRE NOUVELLE de la Ville &
HPrincipauté d'Orange , divifée en plufieurs
Differtations Hiftoriques, Chronologiques
& Critiques , fur leur Etat ancien &
moderne, Politique & Eccléfiaftique, contenant
plufieurs chofes qui peuvent fervir à
I'Hiftoire de France & de Provence . Receuillie
par les foins du R.P. BONAVENTURE
DE SISTERON , Prédicateur Capucin . 1 Vol .
in-4°. d'environ 450 Pages . A Avignon ,
chés Marc Chave. M. DCC. XLI . & fe trouve
à Paris , chez le Mercier & Boudet , ruë S.
Jacques .
Cette Hiftoire n'eut pas été plûtôt publiée
qu'il en parut un Sommaire contenant le
précis
2238 MERCURE DE FRANCE
précis des cinq Differtations dont elle eft
compofee ; & ayant depuis parcouru l'Ouvrage
entier , qui nous a paru curieux &
intereffant
nous croyons ne pouvoir en
donner une connoiffance plus exacte , qu'en
raportant ici le même Sommaire des differentes
Differtations .
*
DISSERTATION PRELIMINAIRE . Idée de
la Ville & Principauté d'Orange . Sa dépendance
. Son union à la Province du Dauphi
né . Sa Fondation par les Phocéens. Ce qu'ils
firent pour fe maintenir paifibles poffeffeurs
de Marfeille , dont ils avoient été les Fondateurs
; leur recours aux Romains Valeur de
Caïus Marius . Ses victoires fur les Cimbres,
fur les Teutons & les Ambrons. Lieux où il
les remporta. Triomphe érigé à fa gloire.
Conquête de la Provence par le même. Vains
éforts de ce Peuple à fe fouftraire à la domination
des Romains. Clovis les chaffe de
toutes fes Provinces conquiſes. La Provence
devient le Théatre de la Guerre. Elle eft
fucceffivement conquife par divers Peuples.
La Ville d'Orange emportée d'affaut par les
Sarrazins. Guillaume au Cornet , envoyé par
Charlemagne , chaffe les Infideles des Provinces
conquifes . Reprend la Ville dOrange;
l'Empereur l'érige en Principauté , & la donne
à Guillaume. Exacte Chronologie de
ceux qui l'ont poffedée,
SOCTOBRE.
1742 2239
SECONDE DISSERTATION . Differens fentimens
des Auteurs fur la Fondation de la
Ville d'Orange . Réfutation de M. de la Pile
fur fon Hiftoire. Diverfes opinions fur le nom
qu'on donnoit à cette Ville . Autres fentimens
fur l'arrivée des Phocéens à Marfeille. Leurs
Colonies en divers Pays . C'eft aux Romains
à qui on doit attribuer les plus fomptueux
Monumens de quelques Villes des Gaules.
L'Infcription Sépulchrale découverte dans la
Ville d'Orange , en eft une preuve fuffifante .
Traité de l'Arc de Triomphe ; divers fentia
mens des Auteurs fur le tems de fa conftru
ction . Analyſe de ſes Infcriptions , & de tous
les Antiques Monumens qui font dans la Ville.
Critique contre la Differtation de M.
Guibs au fujet de l'Arc de Triomphe . Quel
fut le Pavs des Cimbres , des Teutons &
des Ambrons. Les Romains leur opoferent
Caïus Marius pour les combattre . Eloge de
ce grand Capitaine.
TROISIEME DISSERTATION. Etat Mo
derne & Politique de la Ville & Principauté
d'Orange . Origine de fa Souveraineté . Etat
des Gaules depuis la divifion qu'en firent les
Empereurs. Genéalogie de Guillaume au
Cornet. L'Hiftoire de fa Vie & de celle de
fes enfans . Le Pere Mabillon continue l'Hittoire
; il y renferme les Actes de fa Béatification
& de fa Canonifation . Le même Auteur
donne
240 MERCURE DE FRANCE
C
donne au long la Genéalogie de ce grand
ferviteur de Dieu.
QUATRIEME DISSERTATION Genealogie
des quatre Races qui ont poffedé cette Prin
cipauté . Droits inconteftables des Rois de
France fur cette même Principauté . Bofon ,
Roi d'Arles l'ufurpe & s'en déclare le Prince.
Louis & Carloman lui déclarent la Guerre &
le forcent de s'en demettre . Il s'y rétablit &
en fit hommage au Roy de France . Raoul
Roy de Bourgogne devint le fecond ufurpateur
de cette Principauté ; elle paffe fucef
Avement à fes enfans . Les Comtes de Pro
vence & Forcalquier en deviennent les légiti
mes poffeffeurs. Charles IV. Roy de Sicile
réunit cette Principauté à la Couronne de
France. Elle paffe aux Empereurs Romains
& fucceffivement à Raymond , Comte de
Toulouſe & à fes héritiers. Frederic II . Empereur
d'Allemagne , donne l'inveftiture de la
Principauté d'Orange à Guillaume des Baux.
Raymond , de la même Famille , en revétit
Charles d'Anjou frere de Saint Louis . Erreurs
de Bodin & de Meffieurs de Sainte Marthe
fur le tranfport de cette Souveraineté . Détail
Hiftorique & Chronologique des Droits des
Rois de France fur cette Principauté , mouvante
en Fief Hommage Lige du Comté de
Provence. Analyfe des Droits des Maifons de
Châlon , de Longueville , de Conty , de Ncmours
OCTOBRE, 1742. 2245
mours , de Mailly , d'Alegre & de Matignon .
Vaine prétention des Comtes de Naffau.
CINQUIEME DISSERTATION.
Souveraineté de la Principauté d'Orange .
Les pays qui en dépendent ; fon Gouvernement
Juridique & Politique. Defcription
de cette Ville & de fa fituation ancienne.
Des Fauxbourgs , & de fon vafte &
fertile Terroir. Détail Hiftorique des Princes
qui l'ont poffédée . Démolition de fes Fortifications
par Louis XIV. Inftitution de fon
Parlement par Guillaume VIII . de Châlon.
Noms de fes premiers Officiers. Paffage de
l'Armée d'Annibal fur le Rhône . Divers fentimens
des Auteurs fur ce Paffage . L'Auteur
fuit les plus refpectables Ecrivains de l'Antiquité,
pour démontrer l'endroit où ce grand
Capitaine paffa avec toute fon armée .
LOGIQUE , en forme d'Entretiens , ou l'Art
de trouver la vérité , par le P. Regnault , Jéfuite,
1. vol . in- 12 . A Paris , chés Clouzier,
& David, fils , &c . ruë S. Jacques. , 1742.
LE PRATICIEN des Juges & Confuls ;
ou Traité du Comerce de Terre , & de
Mer , à l'ufage des Marchands , Négocians ,
Banquiers , Agens de change , & Gens d'Affaires,
&c. Nouvelle Edition , augmentée de
plus de moitié. 1. vol . in 4° . A Paris , chés
Sangrain , pere , ruë de Savoye , 1742 .
M
2242 MERCURE DE FRANCE
MEMORIAL Alphabétique des chofer
concernant la Juftice , la Police , & les Fiuances
de France , fur le fait des Tailles.
Cinquiéme Edition , 1. vol . in-4° . A Paris ,
chés Denis Mouchet.
NOUVEAU TRAITE DE LA VENERIE .
composé par un Gentilhomme de la Vénérie
du Roy , 1742. in 8°. Ce Traité contient la
Chaffe du Cerf, celles du Chevreuil , du Sanglier
, du Loup , du liévre & du Renard
avec la connoiffance des chevaux propres
la Chaffe , & ddeess rreemmééddeess pour les guérir
lorfqu'ils fe bleffent ; des inftructions & des
remédes pour garantir & pour guérir les
chiens de la rage ; la maniére de dreffer les
chiens couchans à l'arrêt , de les mettre à
commandement , & de leur aprendre à raporter
; un Traité de la Pipée , de la Fauconnerie
& les termes de cette efpece de
Chaffe. On y ajoint un Dictionaire de la
Chaffe du Cerf & du Chevreuil , le tour
orné de Figures. A Paris chés Mefnier
Libraire , ruë S. Severin , au Soleil d'Or .
>
ESSAI des Effets de l'Air fur le Corps humain
, par M. Jean Arbuthnot , Docteur en
Médecine , Membre des Colleges Royaux
des Médecins de Londres , & d'Edinbourg
& de la Société Royale , traduit de l'Anglois,
>
avec
OCTOBRE . . 1742. 2243
avec des Notes , par M. Boyer de Pebrandie ,
Docteur en Médecine , de la Faculté de
Montpellier , A Paris, chés Jacques Barois ,
Fils , Libraire , Quai des Auguitins , à la
Ville de Nevers , 1742. Vol . in 12. de 287,
pages , fans la Préface , la Table des Cha
pitres & celle des Matières .
LES AMUSEMENS DE LA CAMPAGNE
ou Récréations Hiftoriques , avec quelques
Anecdotes fecrettes & galantes . Six volumes
in- 12 , ſe trouvent A Paris , chés Ganeau
fils , Libraire , ruë S. Jacques,
NOUVEAU VOYAGE aux Iles de l'Ame
rique , contenant l'Hiftoire naturelle de ces
Pays , l'Origine , les Moeurs , la Religion ,
le Gouvernement des Habitans anciens &
modernes , les Guerres & les Evenemens
finguliers qui y font arrivés pendant le féjour
que l'Auteur y a fait. Par le R. P. LABAT ,
de l'Ordre des Freres Prêcheurs. Nouvelle
Edition augmentée confidérablement , &
enrichie de Figures en Taille douce . Huit
Volumes in- 12 . A Paris , ruë S Jacques
chés Guillaume Cavelier , pere , au Lys d'or
M. DCC. XLII ,
On voit le Portrait de l'Auteur à la tête
du I. Volume , fort bien gravé , dans un
Cartouche , avec cette Infcription autour
LS
2244 MERCURE DE FRANCE
Le R. P. J. B LABAT , Jacobin , mort à Paris
le 6. Janvier 1738. âgé de 75. ans. Au bas
de la Gravûre , qui eft ornée de plufieurs
Symboles convenables au Sujet , on lit ces
quatre Vers :
Ecrivain curieux des Pays & des Moeurs ,
Il orne fes Ecrits des graces de fon ftyle ,
Corrige , en amufant , l'homme de fes erreurs ,
Et fçait mêler partout l'agréable à l'utile.
Pour faire utilement la lecture de tout cet
Ouvrage , il faut lire les Préfaces , tant celle
de la premiere Edition , qui eft ici réimprimée
,, que celle que l'Auteur a mife à la
tête de cette nouvelle Edition , ne conte
nant enſemble qu'environ 36. pages.
Suivent les Aprobations des Docteurs &
Profeffeurs en Théologie du même Ordre
qui l'ont lû par ordre du R. P. Général &
du P Provincial.
>
Et l'Approbation particuliere de M, H.
Befnier , Docteur Regent en Medecine , &
Ancien Profeffeur de Botanique aux Ecoles
de la Faculté de Paris : » lequel après une
» attention finguliere qu'il affure avoir don-
» née à la lecture des Mémoires du R. P.
» Labat , déclare que rien n'eſt , à ſon avis ,
fi utile aux Voyageurs , aux Habitans de
» ce Pays , aux Commerçans , & à ceux qui
» s'apli
OCTOBRE. 1742 2245
B
s'apliquent à l'Etude de l'Hiftoire Naturelle
. Les Remarques judicieufes de l'Au-
» teur fur ce qui concerne cette Partie du
» nouveau Monde ; le ftile fimple & concis
» de ces Mémoires , ajoûte M. Befnier , atti-
>> reront , fans doute , l'aprobation de ceux
» qui ont connoiffance du Pays , & donne-
» ront à d'autres l'envie d'en connoître la
» verité , en faiſant le même voyage & c.
Cette Aprobation eft fuivie de celle de M.
l'Abbé Raguet,
Avant que d'entrer en matiere on trouve
à la tête du I. Chapitre de la I. Partie une
Carte de l'Ifle de la Martinique , & une autre
Carte particuliére du Golphe du Méxique
, & des Antilles , lefquelles paroiffent
exactes , & bien gravées .
Comme l'Auteur n'oublie rien fur tout ce
qui regarde l'Hiftoire naturelle des Pays
qu'il a vûs , il n'a rien auffi épargné pour orner
cette Hiſtoire , & pour la rendre en même
tems plus intelligible & plus intéreffante ;
c'eft dans cet efprit qu'il a fait graver quantité
de figures en Taille- douce qui embel-
Liffent beaucoup les huit Volumes de ces
Mémoires.
On trouve dans le V. p. 272. un très long
Chapitre au fujet du Tabac , car à l'occaſion
de celui qui croît à la Martinique , & c. &
dont on fait un grand commerce , l'Auteu¤
F nous
2246 MERCURE DE FRANCE
nous donne un Traité hiftorique de cette
Plante , repétant ce qui en a été dit avant
lui , & ajoûtant de fon fonds des particularités
qui ne paroiffent pas toujours exactes ;
témoin ce qu'il dit de la défenfe du Tabac
par le Sultan Amurath IV,dans tout fon Empire
, fous peine de la vie . Ce Prince ne fut
jamais rien moins qu'un zelé Mufulman ,
perfuadé que cette Plante devoit être abhorrée
autant que le vin , puifqu'elle produifoit le meme
effet , qui eft de troubler la raison. L'Hif
toire aprend qu'Amurath n'avoit prefque
point de Religion , qu'il mourut d'un excès
de vin , & que fa défenfe rigoureuſe fur le
Tabac , n'avoit pour objet que les fréquens
incendies de Conftantinople , fouvent occafionnés
par les Fumeurs de Tabac.
En parlant du Tabac en poudre , il fignale
fon zèle contre l'irréverence de ceux qui en
prennent jufques dans les Eglifes , fans que
»la préfence de Dieu qu'on y adore , & le
»Sacrifice redoutable qu'on lui offre , puif-
» fent infpirer le refpect , le recueillement
» & l'attention , que des Chrétiens , con-
» vaincus de la verité de leur Religion , doi--
» vent avoir naturellement.
*
Pour remédier à cet abus , qui eſt déja,
ancien , le Pape Urbain VIII. donna une
Bulle , par laquelle il excommunioit , ipfa
faito
, tous ceux qui prendroient du Tabac
dans
OCTOBRE. 1742 2247
dans les Eglifes. Notre Auteur fe plaint de
ce qu'on n'a pas tenu la main à cette difcipline
, ajoûtant qu'il n'y a eu que Clement
XI. qui défendit ces années paffées par une
Bulle , de prendre du Tabac dans l'Eglife de
S. Pierre , fous peine d'excommunication
&c. Le Chapitre fuivant dans le même volume
, traite du Caffé avec la même prolizité
; l'Auteur y parle toujours de fon chef,
fans s'affujettir à aucune citation , ni preſque
à aucun ordre , quoiqu'il foit vifible qu'il a
pris des Traités de Du Four , de Blegny , &
du Traité Hiftorique de l'origine & du progrès
du Caffé , imprimé à la fin du Voyage
de l'Arabie Heureuſe , publié à Paris en l'année
1716 , la meilleure partie de ce qu'il dit
fur ce fujet. Il ne doit cependant s'agir ici
que d'aprendre aux Lecteurs comment le
Caffé a été aporté & femé pour la premiere
fois à la Martinique , ce qui eft affés récent,
de fuccès de cette Plantation , fes progrès ,
& fon état préfent : on ne fçauroit, au refte,
paffer fous filence une efpece de paradoxe
qu'on trouve dans cette Hiftoire du Caffé ,
page 342. » Tout le Caffé , dit il , venoit à
» Paris par la voye de Provence , & dans ces
» commencemens il étoit extrémement cher.
» On l'a vendu à Paris jufqu'à quarante écus
la livre ; fur quoi on nous conte une
Hiftoriette , qui n'eft nullement propre à
Fij conftater
2248 MERCURE DE FRANCE
conftater ce prétendu prix de 40. écus ;
elle prouve feulement la mauvaiſe foi d'un
Marchand , & la fimplicité d'une Dame , en
fupofant le fait véritable.
Ce prix exorbitant , dit tout de fuite notre
Auteur , n'a pas duré &c. On croira cela
fans peine , puifque dans le tems dont il
parle , auquel il ne venoit du Caffé à Paris
que par la Provence , on ne le vendoir à
Marfeille que feize fols la livre.
Finiffons ce petit Extrait
que les Mémoires du R. P. Labat méritoient
une feconde Edition , & qu'on y
trouve de quoi s'inftruire , & de quoi s'amufer
agréablement .
en convenant
EXTRAIT d'une Lettre de M.... écrite
à M.....le premier Septembre 1742. an
fujet d'un nouvel Ouvrage fur la Geographie.
Omme je fçais , M. que vous êtes un
C grand Amateur de la Géographie , je me
fais un plaifir de vous aprendre que le fieur
Robert, fils de M. Robert, Géographe ordimaire
du Roy, vient de donner au Public une
feconde Edition des TABLES Méthodiques
du Royaume de France , des fieurs Sanfon ,
dont le nom eft en fi grande réputation dans
ce genre de Littérature , auxquelles il a fait
les changemens convenables par raport au
tems
OCTOBRE. 3.249 1742
tems préfent ; il les a auffi renduës hiſtorie
ques & chronologiques ; elles font voir en
même tems le raport de la Géographie ancienne
avec la moderne. C'eft le premier
Ouvrage de ce jeune Géographe , qui pro-.
met par cet Echantillon d'illuftrer un jour
cette Science. Il feroit , fans doute , à défirer
, M. que le Public eût une Géographic
complette fur un pareil Plan ; ce feroit le
meilleur Ouvrage qu'on ait encore vû fur
cette matiere. Ces Tables font au nombre
de quinze , & fort nettement exécutées.
L'Auteur les a dédiées , & a eu l'honneur de
les préfenter à M. le Comte de Maurepas ,
comme les prémices de fes Etudes Géogra
phiques. J'ai , M. l'honneur d'être , &c.
ELOGES de quelques Auteurs François .
Volume de 487. pages , fans la Préface , &
la Table Necrologique des Auteurs. A Dijon,
chés P. Marteret , Imprimeur- Libraire, Place
du Palais , & à Paris , chés la veuve Ganeau,
ruë S. Jacques , aux Armes de Dombes ,
1742.
9
L'HISTOIRE NATURELLE . éclaircie dans
deux de fes Parties principales , la LITHOLOGIE
, & la CONCHILIOLOGIE , dont l'une
traite des Pierres , & l'autre des Coquillages
Ouvrage dans lequel on trouve une nouvelle
Fiij Méthode
2250 MERCURE DE FRANCE
Méthode , & une Notice critique des prin?
cipaux Auteurs qui ont écrit fur ces Matières,
enrichi de figures deffinées d'après nature.
Par M. *** de la Societé des Sciences de
Montpellier. 1. vol. 4° . d'environ 5oo pages.
A Paris , chés de Bure l'aîné , Quai des Auguftins
, du côté du Pont S. Michel , à S.
Paul . M. DCC. XLII:
On
peut
dire que
la Phyſique
n'a jamais
êté plus
en regne
qu'à
préfent
; il ſemble
que
les nouvelles
découvertes
que
l'on
y
fait tous les jours
engagent
de plus en plus
à perfectionner
cette
Science
. L'Auteur
, qui
s'y est beaucoup
apliqué
depuis
quelques
années
, avoit
eu deffein
de donner
un Effai
fur toute
l'Hiftoire
naturelie
. Mais
un' Effai
n'eft
pas toujours
du goût
de tout
le monde
;
il est même
prefque
impoffible
de ne point
s'étendre
au delà
des bornes
étroites
qu'il
preferit
: On a fenti
combien
cette
entrepriſe
étoit
difficile
à exécuter
. Faire
un choix
heureux
parler
de tout
en fe reflerrant
, être
précis
fans rien
omettre
d'effentiel
, n'eft
pas
une
choſe
bien
aifée . Ce point
de vûë
eſt
fouvent
plus
difficile
que
de fe mettre
au
large
l'Hiftoire
naturelle
eft d'ailleurs
fi
étenduë
qu'il
feroit
difficile
( pour
ne pas
dire impoffible
) de renfermer
en un feul
volume
toutes
les parties
qui la compofent
.
Si l'on
confidére
que
tout
ce qui eft fur la
Terre,
OCTOBRE. 1742: 2258
Terre , Animaux , Végétaux , Mineraux ,
s'y peut raporter , quel fujet immenſe , &
quelle vafte carriere pour un Auteur !
Notre Auteur à cru judicieufement qu'il
convenoit mieux de traiter avec plus d'étenduë
de quelques parties féparées de l'Hiſtoire
naturelle , pour en donner une connoiſſance
plus exacte & plus entiére . Il nous promet ,
file fuccès répond à ſon attente , de donner
dans la fuite quelque nonvelle partie de
cette Hiftoire , autant que fes occupations
ferieufes & indifpenfables , le lui
permettre,
pourront
Cet ouvrage eft divifé en deux parties ; la
premiére traite des Pierres fous le nom de
Lithologie , matiére fi peu éclaircie jufqu'à
ce jour , que plufieurs Sçavans ont fouhaité
qu'elle pût exciter quelque bon Naturaliſte à
travailler. On y détaille depuis la Pierre
fine , jufqu'à la moindre Pierre , jufqu'au
plus petit Caillou ; les remarques en font
nouvelles , & les recherches puifées dans la
feule nature.
y
La feconde partie offre un Traité general
des Coquillages de Mer , de Riviere & de
Terre ,fous le nom de Conchyliologie . On y
trouvera une nouvelle Méthode accompagnée
de Tables latines & françoiſes , pour
diftribuer les Coquillages , fuivant leur caractére
génerique dans les claffes qui
Fiiij leur
2252 MERCURE DE FRANCE
leur conviennent , avec des Obfervations fur
chacune de leurs familles , enfin des Figures
en Taille- douce des plus belles Coquilles ,
deffinées d'après nature , avec leurs explications.
Ces deux parties font accompagnées de
Remarques critiques fur tous les Auteurs
méthodiques qui ont paru jufqu'à préfent.
On ne pouvoit établir une nouvelle méthode
que fur leur ruine ; le Lecteur judicieux en
fera l'arbitre elles font précédées de noti
ces & de détails fuccincts des meilleurs
ouvrages qui ont paru juſqu'à préſent , tant
fur la Lithologie que fur la Conchyliologie.
:
L'Académicien avoit eu l'idée de donner,
en faveur des Etrangers , une Méthode latine
& françoiſe & de citer les differentes dénominations
que les Auteurs ont employées &
qui répondent à chaque genre , à chaque
efpece & à chaque varieté de Coquillages .
Il s'eft borné dans cette Edition à mettre
la diftribution des Tables en latin & en françois
, afin de conferver à chaque Coquille le
nom primordial dont fe font fervis les Naturaliſtes
Cette Méthode , qui paroît des plus nouvelles
, fe peut encore dire génerale , puifqu'elle
s'étend fur les Coquillages fluviatiles
& fur les terreftres , parmi lefquels on démontre
que les Coquillages foffiles font relatifs
KE. 1742. 2253
latifs à ceux de Mer , ce qui eft extrêmément
nouveau .
de
On ne peut rien voir de mieux gravé que
les Planches qui ornent cet ouvrage , toutes
deffinées d'après nature ; elles repréfentent
prefque de leur grandeur naturelle les plus
belles & les plus rares Coquilles de chaque
genre , au nombre de 500. Tous les Coquil
lages foffiles s'y trouvent , auffi- bien que
plufieurs morceaux de Pétrifications
Congellations , & de Plantes marines trèsrares
, & qui n'ont point encore paru. Ces
Planches qui ont été gravées au miroir , ont
un mérite particulier , qui eft de repréfenter
les objets dans le même fens qu'ils font
vûs naturellement ; c'eft par ce moyen qu'on
a évité le défaut qui fe rencontre dans les
Planches de Rumphius , de Bonanni,, & de
prefque tous les Auteurs qui ont traité de
cette matiére , où les objets font repréfentés
à contre-fens de ce qu'ils font vûs naturellement.
Outre le mérite de la nouveauté de cette
méthode , l'ouvrage entier qui paroît le premier
en notre Langue , arrangé dans quelque
forte d'ordre , & exempt des erreurs que L'om
trouve dans les Ecrits de la plupart des Natu
raliſtes , en a encore un particulier. L'Auteur
demande quelque indulgence à fes
Lecteurs , pour les noms François qu'il a été
Ev obligé
2254 MERCURE DE FRANCE
obligé de donner à chaque Coquille. Il a
fuivi , autant qu'il a pû , le fens des mots
Grecs & Latins , & n'a employé que ceux
qui font le plus en uſage parmi les Curieux ;
c'étoit le feul moyen de tirer cette matiére
des Langues Grecque & Latine , dans lef
quelles elle a été enfevelie jufqu'à préfent.
Čette difficulté de bien rendre ces mots en
François , a fans doute privé jufqu'ici le Pu
blic de cette partie de l'Hiftoire Naturelle ,
qui manquoit à notre Langue , dans laquelle
nous avons des Traités fur toutes les autres
Sciences. Le Chapitre qui traite des plus
beaux Cabinets de l'Europe à l'égard de l'Hiftoire
Naturelle , paroît ici pour la premiere
fois.Quelles recherches & quels foins cet Ouvrage
n'a- t'il pas couté à l'Auteur? Il n'auroit
jamais ofé l'entreprendre, fi differens voyages
dans les principales Villes de l'Europe ne l'avoient
mis en état d'en parler exactement.
On doit lui tenir quelque compte d'avoir
donné un Elenchus ou explication de près de
2000. mots difficiles, tant Latins que dérivés
du Grec , qui fe rencontrent fréquemment
dans les Ouvrages des Naturaliftes, & qui manquent
la plupart dans les Dictionaires. Ce
fecours en facilitera la lecture aux perfonnes
qui voudront s'inftruire fur ces Mariéres.Outre
cette Table , qui précede celle des Matiéres
, on a placé entre les deux Parties de
ce.
.OCTOBRE. 1742. 2255
te Traité , une explication des termes les
plus difficiles dont on s'eft fervi , & qui pour
ne point interrompre la diction , n'y font
point expliqués.
A l'égard du ftyle , il paroît aife , naturel
& convenable au fujet , fuivant le précepte
'connu ,
Ornari res ipfa negat contenta doceri.
gens ,
En voici un échantillon tiré du commencement
de la feconde Partie. » Les Coquil-
» lages traités de bagatelles par bien des
font regardés bien differemment par
» le Philofophe. Ce qui fembloit d'abord ne
» devoir fervir qu'à fon amuſement & à fon
>> plaifir , devient pour lui le fujet d'une vé-
» ritable occupation & la fource de mille
» réflexions utiles . Les plus petites chofes
» dans la Nature , on le fçait , annoncent de
» quelle habile main elles partent , & quel
» eft Fexcellent Ouvrier de l'Univers .
L'Auteur de ce Livre, qui eft parfaitement
bien imprimé & en grand papier , eft auffi
Auteur de la Théorie & de la Pratique du
Jardinage , dont on a fait plufieurr Editions
à Paris , en Hollande & en Angleterre , où
cet Ouvrage a été trduit en Anglois.
NOUVELLE EDITION des Fables de Phédrei
auxquelles on a joint celles d'Avienus & les
Sentences de Publius Syrus. Ce qui rend cette
F vj
Edi2256
MERCURE DE FRANCE
Edition encore plus curieufe, c'eft qu'on y a'
fait entrer un petit Recueil de Sentences de
ce dernier Auteur , qu'on a tirées de la Bibliothèque
de l'Eglife Cathédrale de Cambrai
, qui n'avoient point encore parû . A
Paris , chés Coutelier , Quai des Auguſtins ,
1742. in- 12.
OBSERVATIONS DE CHIRURGIE fur la
nature & le traitement des playes , par M.
Chirac , premier Médecin du Koy , &fur la
fupuration des parties molles , par M. Files ,
Profeffeur en Médécine de l'Univerfité de
Montpellier , traduites du Latin en François
par M ... Médécin. A Paris chés Heriffant ,
rue S. Jacques , à S. Paul & à S. Hilaire ,
1742. in-12.
,
Quillau , Imprimeur- Libraire , vient de
publier la Traduction d'un Ouvrage Anglois
, compofé par M. Clifton , Docteur
en Médecine , fous ce Titre : Etat de l'a
Médecine ancienne & moderne avec un
plan pour perfectionner celle- ci, par M. L. D. F.
On ajoint à cette Traduction les Experiences
fur le Remede de Mlle Stephens, faites par
Galles , Auteur de la Statique des Vegetaux
traduites par M. Cantwel , de la Societé
Royale , Docteur des Facultés de Paris &
de Montpellier
, 1742 , in-8°.
M.
Le
OCTOBRE. 1742. 2257
Le fecond Tome des Manufcrits de la Bibliothéque
du Roy paroît. Le premier contient
les Manufcrits Orientaux, Indiens , les Livres
Chinois avec la Table des noms des Auteurs.
Celui- ci comprend les Manufcrits Grecs . On y
a joint un Appendix pour les Manufcrits
qu'on a aportés depuis quelques années de Conftantinople
, & qu'on a mis dans la Bibliothéque
du Roy, avec trois Tables , la premiere pour
les noms des Auteurs & pour les Titres de
leurs Ouvrages ; la feconde pour les Anony
mes , la troifiéme pour les Vies des Saints.
La feconde & la troifiéme Partie du Catalo
gue des Livres imprimés , paroiffent auffi depuis
peu de tems. La premiere comprend l'Ecriture
Sainte les Interprétes & les Commentateurs
les Liturgies , les Conciles &
les Peres. La feconde eft pour les Théologiens
Orthodoxes, & la troifiéme pour les Théolo
giens Héterodoxes. On a mis à la fin de cette
troifiéme. Partie , une Table des noms des Auteurs
& des Titres de leurs Ouvrages , felon
l'ordre alphabétique , & cette Table eſt
ces deux dernieres Parties , in-folio.
,
>
pour:
LEÇONS DE PHYSIQUE EXPERIMENTALE
fur l'Equilibre des Liqueurs & fur la nature
& les proprietés de l'Air , traduites de l'Anglois
de M. R. Côtes , Profeffeur de Phyfique
Experimentale à Cambridge. Vol. in- 8 ° . de
458
2258 MERCURE DE FANCE
*
453. pages , 6. Planches détachées. A Paris,
chés David , fils , Libraire ruë S. Jacques ,
à la Plume d'Or , 1742.
Ces Leçons de Phyfique ont été fort heureufement
traduites en notre Langue par M.
le Monnier , le fils , frere de l'Academicien ,
en quoi il a rendu un bon fervice au Public,
M. Côtes , Auteur de ces Ouvrages , a été
un Profeffeur célebre , & verſé dans la plus
haute Geométric.
HISTOIRE GENERALE des Cérémonies ,
Moeurs & Coûtumes Religieufes de tous les
Peuples du Monde , repréfentées en 243 .
Figures deflinées de la main de Bernard Picard
, avec des explications Hiftoriques &
Critiques , par M. l'Abbé Bannier , de l'Académie
Royale des Infcriptions & belles
Lettres , & par M. l'Abbé le Mafcrier. Tome
V. Premiere Partie , contenant les Cérémonies
Religieufes des Mahométans , in-
Folio de 430. pages. AA PPaarriiss ,, chez Rollin ,
fils , Quai des Auguftins , 1742.
>
A la tête de ce V. Tome eft une introduction
à l'Histoire du Mahométifme , tirée
du Difcours qui précede la traduction de
l'Alcoran , publiée à Londres par M. Salé ,
en 1734. & des deux dernieres vies de Mahomet
, pår M. Le Profeffeur Gagnier , &
par le Comte de Bouliainvilliers.
Dans
OCTOBRE: 1742 2259
Dans l'Abrégé qu'on donne ici de la vie
de ce faux Prophete , les Auteurs de l'Ouvrage
en queftion prétendent qu'ils doivent
moins être regardés comme de fimples Copiftes
, que comme des Copiftes éclairés ;
gardant un jufte milieu entre les excès , où
un zéle indifcret contre Mahomet , où une
admiration outrée , & peut être même inté
reffée pour cet impofteur , a fait tomber ceux
qui en ont parlé , en effayant de démeler le
vrai du faux , à travers les exagérations des
uns & des autres , fans trop fe flater cependant
d'y avoir réuffi ; enfin on trouve
ici l'Hiftoire & même l'Extrait de l'Al,
coran , & c.
HISTOIRE des Empires & des Républi
ques , depuis le Déluge jufqu'à J.C. où l'on
voit dans celle d'Egypte , & d'Afie , la liaifon
de l'Hiftoire Sainte avec la Profane , &
dans celle de la Grece , le raport de la Fable
avec l'Hiftoire , par M. l'Abbé Guyon . Tome
XII. Athénes , Seconde Partie, in 12. de 535.
Pages , A Paris chés H. L. Guérin , Jean
Villete , J. B. de Lefpine , 1741 .
L'Auteur finit fon Hiftoire des Empires &
des Républiques par celle de la République
d'Athénes , dont il avoit déja donné la premiere
Partie dans le III . Tome de cet Oŭvrage.
Cette Hiftoire commence à la fameufe
Guerre
2260 MERCURE DE FRANCE
Guerre du Péloponefe , dont le véritable prin
cipe fut la jaloufie qui regnoit depuis longtemps
entre les Républiques de Lacédemonne
, & d'Athénes , & dont les fuites remplirent
la Grece de calamités.
Chaubert , Libraire , Quai des Auguftins, a
fait venir d'Italie & débite plufieurs Ouvrages
confidérables , imprimés à Lucques , chés
Léonard Venturini.
1º. Une Nouvelle Edition du Traité du
Pere Thomaffin, intitulé : Vetus & Nova Ecclefia
Difciplina circa Beneficia & Beneficiarias
, in tres partes five Tomos diftributa &c.
Auctore eodemque Interprete Ludovico Thomaffino
, Oratorii Gallicani Presbytero. Editio
prima Italica variis animaduerfionibus locupletata.
Trois Volumes infolio.
2º. Une Nouvelle Edition des Differtations
du même Auteur fur les Conciles ,
avec ce titre : Differtationum in Concilia generalia
& particularia Tomus fingularis , fumptibus
Leonardi Venturini , in folio. Le Pere
Dominique Manfi , auquel on doit l'Edition
des Annales Eccléfiaftiques du Cardinal Baronius
, dont on imprime actuellement à
Lucques le douzième Volume, eft l'Editeur de
ces deux Ouvrages , il les a encore enrichis
T'un & l'autre de beaucoup de remarques.
3°. Une Nouvelle Edition d'un Traité fur
les
OCTOBRE . 1742% 2268
,
les Etats & les Devoirs des hommes , relative
ment aux fept dernieres queftions de la feconde
Seconde de S. Thomas, compofé par le P.
Pafferino , Dominicain , Profeffeur en Théologie
au College de la Sapience connu
des Sçavans par le grand nombre d'Ouvrages
qu'il a donnés au Public. En voici le
Titre abrégé : De hominum Statibus & Officiis
inspectiones morales ... Tomus primus , in que
de perfectionis Stata ; de Statu Epifcopali perfectiffimos
de Ecclefia adminiftratione ....de
Statu Religiofo; Tomus II. in quo de iis qua
Religiofis funt vel conceffa vel prohibita , &c .
Tomus tertius , in quo de Religionum varietate
& ingreffu in Religionem, &c . in folio . On affûre
que le nouvel Editeur a corrigé dans
cette Edition un grand nombre de fautes
qui s'étoient gliffées dans celle de Rome.
De Marfeille. M. Floquet , Architecte
Hydraulique , vient de publier un Traité, ou
Analyfe d'un Canal projetté pour dériver une
partie des Eaux de la Durance , pour Aix';
Marfeille & Tarafcon. Ce Traité contient la
preuve de la poffibilité de l'Entreprife ; l'eftimation
de fa dépense & de fon produit , les
avantages que ce Canal procurera au Roy , à
la Province , & aux perfonnes qui le feront
conftruire. Chés Piere Boy , Imprimeur Li
braire du Roy , près la Loge , 1742. in - 8°..
LET
2162 MERCURE DE FRANCE
du
LETTRE de M. Noyel de Belle Roche
30. Août 1742 contenant ce qui s'eft
paffé dans l'Académie de Villefranche le
jour de S. Louis dernier.
J
E continue , Monfieur , à vous informer toutes
les années de ce qui fe paffe dans nos Affemblées
publiques. Le 25. Août dernier , M. Durouffy,
l'un des Académiciens , prononça le Panegyrique
de S. Louis , au milieu de la Meffe folemnellement
célebrée dans l'Eglife Collégiale , & le même jour
après midi , l'Aacadémie tint fon Affemblée publique
; M. d'Effertines , Directeur , en fit l'ouverture ;
il rapelia d'une maniere précife les differens objets
d'occupations que l'on s'étoit propofé pendant le
cours de cette année , fur les Belles - Lettres , l'Hiftoire
, la Phyfique , l'Aftronomie & les Mathémati
ques ; il parla des agrémens & de l'utilité de ces
Sciences , dans le deffein d'exciter l'émulation , &
d'engager ceux qui l'écoutoient , à répondre aux
intentions de l'Augufte Protecteur de l'Académie
il témoigna même combien la Compagnie auroit
été flutée de voir refter dans la Province la récompenſe
offerte par les libéralités de M. le Dac d'Orleans
; le Prix que S. A. S. a bien voulu donner
cette année , eft une Médaille d'or , dont voici la
Gravûre elle a été frapée fur des coins gravés exprès, représentant d'un côté le Bufte du Prince , & fur le
Revers la Deviſe de l'Académie ; fçavoir , une Ro- fe de Diamans , avec ces mots : MUTUO CLARESCIMUS
IGNE.
La Séance fut remplie par la lecture de deux Difcours
, auxquels le Directeur répondit . Le premier
de M. Boule , Principal du College , fur ce que
l'homme ne doit travailler à s'inftruire que pour en
devenir
LUDOVICUS
EMARTBAU
AURELIANE
MUTUO
CLARESCIMUS
ACADEM.DE VILLEFRANCHE
EN BEAUJOLOIS
M DCC XLII
IGNE

OCTOBRE . 1742 2263
devenir meilleur ; & le fecond de M. Mignot , Lieutenant
Géneral au Baillage de cette Province , fur
Porigine des Académies. On lût enfuite l'Eloge de
feu M. Trolieur , Doyen du Chapitre de cette Ville ;
quelques Remarques de M. Pefant , fur la naiffance,
les progrès & l'utilité des Mathématiques , & le
Difcours de M. l'Abbé Latil , Bachelier de Sorbonne
, demeurant à Arles , auquel l'Académie adjugea
la Médaille propofée fur le Sujet qui fat annoncé
l'année derniere. Et pour le nouveau Prix ,
qui doit être donné l'année prochaine , on diſtribua
le Programme , que vous trouverez à la fin de
ma Lettre. Enfin M Boule termina la Séance par
la lecture de l'Ode ci jointe , fur le vrai bonheur.
34
M. Boule , dans fon Difcours , fur ce que l'on ne
doit travailler à s'inftruire que pour en devenir
meilleur fit obferver que de tous les avantages
dont on peut jouir fur les autres hommes , il n'en
eft point de plus flateurs & même de plus effentiellement
utiles , que la fupériorité de l'efprit
perfectionnée par l'étude & le travail , les autres
prérogatives nous font extérieures & fouvent dûës
au bazard ; elles nous détournent quelquefois de la
connoiffance de nos obligations , & de l'exactitude
à les remplir ; mais les folides fruits du recueillement
& de l'aplication , feront de nous aprendre à
faire regner la vérité dans nos jugemens & l'équité
fur nos démarches ; c'eft ce que l'Auteur fe propoſe
d'établir dans les deux parties de fon Difcours.
Dans la premiére , il fit voir que l'ignorance eft
le principe de l'erreur & que les caufes ordinaires
de nos égaremens font la négligence ou la précipitation
à s'inftruire fur l'étendue de nos devoirs ;
on peut , dit-il , les rapporter en général , à ce que
nous devons à notre Auteur , aux autres hommes
& à nous-mêmes ; n'efperons point d'être fuffifamment
2264 MERCURE DE FRANCE
ment inftruits par l'exemple de ceux qui vivent
avec nous ; il en eft peu qui fe conduifent de maniere
à devoir être entierement imités , nous avons
en nous- mêmes , un guide plus affuré ; en effet fi
l'on confulte avec quelque attention , cette Lumiere
intérieure qui nous eft donnée pour éclairer
nos penfees , & régler nos mouvemens ;
les premiéres
réflexions fur l'arrangement , l'harmonie
& la beauté de tout ce qui nous environne , & fur
l'economie admirable de notre construction même ,
nous font apercevoir la puiffance , & la fageffe infinie
d'un premier Etre , & diffipent bientôt par ra
port à la Religion le doute & la fuperftition .
>
L'homme étant intimement perfuadé , de l'exiftence
d'un Etre fouverain , reconnoît aifément ce
qu'il doit à fes femblables ; il découvre & reſpecte
dans tous les autres hommes , l'Ouvrage & le caractére
de la Divinité , & il ne peut douter , que
puifque l'Auteur de la Nature l'a fait naître pour
vivre en Société , il ne doit rien faire de tout ce
qui peut en troubler le bon ordre.
Enfin nous ne devons pas être moins attentifs à
rechercher notre véritable bonheur , qu'à contribuer
à celui des autres , & comme il eft des paſ→
fions , qui peuvent n'intéreffer que nous- mêmes ,
par les troubles intérieurs , & les agitations fecrettes
qu'elles caufent une étude refléchie nous
aprend la néceffité , & nous enfeigne la maniere
de réprimer ces défirs immodérés , pour nous affu
rer une paix , qui fait la folide félicité.
Dans la feconde partie , il fit voir qu'après s'être
formé une jufte idée fur toutes fes obligations , il
femble que l'on ne devroit plus héfiter de les
remplir, parce que l'efprit étant convaincu , la volonté
paroît devoir fe porter au bien que l'entende
ment lui préfente ; cependant la dépravation de
OCTOBRE. 1742 2265
*
cette puiffance de l'ame , qui détermine les réfalutions
, l'éloignant quelquefois , des regles que
nous apercevons confufement devoir fuivre ; l'étu
de & l'aplication deviennent encore néceffaires ,
parce qu'elles fervent à gagner le coeur ,
non feulement
par les préceptes , mais auffi par les exemples
que donnent principalement l'Hiftoire , la Philofophie
, & la Poefië .
L'Hiftoire en retraçant le Portrait des grands
hommes , nous infpire leurs fentimens , & nous
engage à les imiter . La Philofophie par fes maximes
pures , l'éloge du bien , la cenfure du vice
nous portent à l'exemple des Sages, au mépris de
tout ce qui peut corrompre les fentimens , & troubler
la tranquillité de lefprit.

Enfin la Poefië donnéquelquefois des leçons , que
l'on écoute d'autant plus volontiers qu'elles font affaifonnées
de tout ce qui peut les rendre aimables ;
des images vives, des peintures juftes & variées , des
comparaifons frapantes , des délicateffes de penfées,
des expreffions nobles , l'harmonie , la cadance , tour
fert à un Poëte , ami de la fageffe , pour relever les
charmes de la vertu ; le penchant décidé de l'Auteur
pour la Poëfie , l'engagea à lui confacrer cet
éloge qu'il confirma enfuite par les preuves que lui
fournit le nouveau Poëme de la Religion .
M. Mignot dans fa Differtation fur l'origine des
Académies , après avoir donné l'étimologie de leur
nom, parla de leur premiere inftitution dans Athé
nes , des divers objets d'occupation que l'on s'y
propofoit , & des foins que les Romains prirent
enfuite pour former de pareils établiffemens , dans
les plus confidérables Villes de leur Empire, & patticulierement
à Lion ; l'Auteur paffa infenfiblement
aux progès des Sciences dans les Gaules ; il raporta
ce que lesHiftoriens difent de la Fondation attribuée
à Charle
2268 MERCURE DE FRANCE
Tu cours encenfer des Idoles ,
Dont les fauffes faveurs éternifent tes maux ,
S'armant d'une audace effrénée ;
Le coeur faux & les yeux hagards ,
L'avarice aux foins condamnée ,
Te fait avec fureur affronter les hazards .
Par le prompt fecours d'heureux crimes ,
Déja fes dons illégitimes*
Ont couronné l'orgueil de tes vaftes fouhaits,
Te fera-t'il , ce Monftre avide ,
Retrouver un Bonheur folide
Dans l'apas qu'offriront fes coupables bienfaits ?
*
Lié d'une chaîne dorée
Tu changes en nuits tes beaux jours :
Ton ame de fiel abreuvée ,
Du fein de tes tréfors voit fortir les Vautours .
Aveugle Auteur de tes miferes ,
Confulte tes modeftes Peres ;
Le Sage fut toujours heureux à peu de frais ;
Aux Palais d'Attale & d'Armide
Voltige la Troupe homicide
Des ennuis dévorans & des pâles regrets,
*
Qu'entens-je Déja la Trompette
T'unit
OCTOBRE. 1742 2269
T'unit aux fuperbes Guerriers ,
Et bien-tôt par mainte conquête
Je vois ceindre ton front des plus nobles Lauriers.
Tout cede au pouvoir de tes armes ;
Ne vas - tu pas goûter les charmes
D'un fort toujours fuivi de gloire & de bonheur
Ah ! fi fous ta foudre brûlante
Tombe une Nation tremblante ,
Tu portes ton bourreau dans le fond de ton coeur.
*
En vain du Frere de Bellone
La main fumante encor de fang ,
Te départant une Couronne ,
Veut que de fes Héros tu groffiffes le rang.
Annobli d'amas funebres , par
Eft- ce par des crimes célebres
Qu'on parvient aux loiſirs dont joüiffent les Dieux t
Parmi fes Palmes les plus belles ,
Le furieux vainqueur d'Arbelles
Eft forcé de fe dire & pauvre & malheureux.
*
Qu'au fentier de la belle Gloire
Tu craignes peu tes Concurrens ;
Qué dans le Temple de Memoire
Tu recherches un nom qui triomphe du Tems ,
Des fleurs qu'arrofe l'Aréthufe
G Vaine2270
MERCURE DE FRANCE
Vainement voudroit une Muſe
Te faire une Guirlande à l'abri des revers ;
Oui , fi ta vertu ne releve
Ce même talent qui t'éleve ,
Ton bonheur & ton nom fe perdent dans les airs.
*
Non , ſciences, honneurs , richeffes ,
Vous ne faites point un doux fort ;
Au bruit flateur de vos promeffes ,
Infenfé le Mortel qui follement s'endort.
D'Encens une vapeur légere ,
Des biens plus frêles que le verre
Comblent- ils nos defirs ? Valent-ils nos efforts
Courant après un vain phantôme ,
Non , je n'irai point chercher l'homme
Dans ce qui tout au plus n'en fait
*
que les dehors.
Vertu fainte , que je reclame ;
Objet de ma plus vive ardeur ;
Seule tu peux verfér dans l'ame
D'une conftante Paix l'ineffable douceur.
C'est dans ton fein qu'un * Prince augufte
Recueille par un Titre jufte
De l'Univers furpris & l'hommage & les voeux ;
Oubliant l'éclat que Iui donne
* M. le Duc d'Orleans.
L'honneur
OCTOBRE. 1742 . 2271
L'honneur d'être né près du Trône ,
Pour le nom immortel de Héros vertueux ,
Par M. Boule , l'un des Académiciens.
PROGRAMME de l'Académie des
Sciences de Dijon , pour le Prix de Morale
de M. DCC. XLIII .
'Académie des Sciences de Dijon , en conféquence
de L'elengagement qu'elle contracta l'annéequence
ré avec le Public , de donner tous les ans une Médaille
d'or de la valeur de trente piftoles à celui qui réfoudroit
de la maniere la plus plaufible les Problêmes
qui rouleront alternativement fur la Phyfique ,
fur la Morale & fur la Médecine , annonce à tous
les Sçavans que le Prix pour l'année 1743. fera adjugé
à celui qui aura le mieux traité la Queſtiou
fuivante : Si la Loi naturelle peut porter la Societé d
fa perfection , fans le fecours des Loix politiques .
Il fera libre à ceux qui voudront concourir,
d'écrire en François ou en Latin , ob ervant que les
Ouvrages foient lifibles , & que la lecture de chaque
Diflertation n'excede point une petite demie heure ;
les Differtations , franches de port ( fans quoi elles
ne feront pas retirées ) feront adreffées à M. PETIT ,
Sécretaire de l'Académie , ruë du vieux Marché, qui
n'en recevra aucune paffé le premier Avril .
Tous ceux qui , ayant travaillé fur le Sujet donné
, fe feront fait connoître avant la diftribution
du Prix , feront exclus du concours ; pour remédier
à cet inconvénient , chaque Auteur fera tenu de
mettre au bas de la Diflertation une Sentence ou
une Devile , & d'y joindre une feuille de papier
cachetée , fur le dos de laquelle fera la même Sentence
ou Devife , & fous le Cachet fon nom fes
Gij qualités
2272 MERCURE DE FRANCE
qualités & fa demeure , pour y avoir recours
lors de la diftribution du Prix. Ces feuilles , ainfi
cachetées , ne feront point ouvertes avant ce temslà
, mais le Sécretaire en tiendra un Registre exact.
Ceux qui exigeront de lui un Récepiffé de leurs
Ouvrages , le ferant expédier fous un autre nom
que le leur , & dans le cas où celui qui auroit ufé
de cette précaution , auroit mérité le Prix , il fera
obligé , en chargeant une perfonne domiciliée à
Dijon de fa Procuration fimple pour le recevoir
d'y joindre auffi le Récepiffé.
La diftribution du Prix fe fera dans une Affemblée
publique de l'Académie le jour de la Fête defaint
Louis , 25. du mois d'Août 1743 .
ESTAMPES NOUVELLES.
? Trois Morceaux de l'Hiftoire de Conftantin
très -excellemment gravés par M. Tardieu , d'après
les Tableaux Originaux de P. P. Rubens , du Cabinet
du Duc d'Orleans . Le premier , qui eft en largeur
, représente le double mariage des deux Céfars
Conftance Chlore , & Maximien Galere. I e deuxiéme
& le troifiéme , qui font en hauteur , repréſentent
l'Invention de la Croix par fainte Helene, Mere
de l'Empereur Conftantin , Conftantin fe faisant
aporter l'Etendart fur lequel on yeit le Signe de la
Croix , qui lui étoit aparú.
Ces trois Eftampes , qui font de la même hauteur
, font la fuite des deux premiéres de la même
Hiftoire , qu'on a déja annoncées & qui ont paru
au commencement de cette année , fçavoir , l'Apparition
de la Croix à Conftantin & fon Baptême
qui ont été reçûs très - favorablement du Public. Ces
Eftampes fe vendent chés M. Tardieu , Graveur du
Roy , rue S. Jacques , près la rue des Noyers , 1742.
MOISSON
OCTOBRE . 1742. .2273
Moisson , ou troifiéme Vie de Flandres , Eftampe
en large , gravée par le fieur le Bas , d'après le
Tableau Original de David Tenieres , du Cabinet
du Chevalier de la Roque,
Autre Eftampe en large , gravée par le même
d'après le même Maître , fous le Titre de Jeu de
Boule, ou quatriéme Vûë de Flandres , faifant pendant
à la précedente . Ces deux Eftampes , qui fout
heureuſement gravées ; le débitent chés J. P. le Bas,
Graveur du Roy , rue de la Harpe , vis - à - vis la ruë
Percée , 1742
GARDE DE CAVALERIE , Eftampe en large , gravée
par J. Moyreau , après le Tableau Original de
F. Vauvremens , de 19. pouces & demi de large ,
fur 15 pouces & demi de hauteur , qui eft dans le
Cabinet de M. Dinet. Cette Eftampe , qui eft la
quarante- cinquiéme que ce Graveur met au jour
d'après le même Maître , fe vend chés le fieur Moyreau
, Graveur du Roy , rue S. Jacques , à la vicille
Pofte , vis à - vis la rue du Plâtre..
La fuite des Portraits des Rois de France , des
Grands Hommes , & des Perfonnes Illuftres dans
les Arts & dans les Sciences , continuë de paroîtie
avec fuccès , chés Odieuvre , Marchand d'Eftampes ,
ruë d'Anjou ; il vient de mettre en vente , toujours
de la même grandeur , ceux de
LOUIS X. DIT HUTIN , XLVI . Roy de
France , mort à Vincennes le 5. Juin 1316. après
19. mois de Regne , deffiné par A. Boizot , & gravé
par Pinffio.
BERNARD DE NOGARET , DUC D'EPERNON ;
Gouverneur de Guyenne , né en 1562. mort à Pa¬
is le 25. Juillet 1661.
Gij GUIL2274
MERCURE DE FRANCE
GUILLAUME GODE EROY LEIBNITZ , né à Leipfic
le 4. Juillet 1646. mort à Hanover le 14 Novembre
1716. peint par L. P. & gravé par le Fevre.
CORNEILLE BERGHEM , Peintre , né à Amfterdam
en 180. mort en 1637. tiré du Cabinet de M.
le Comte de Teffin , deffiné par Gaëtan Sarri , & gravé
par Fiquet.
Le Sieur Petit , Graveur , rue S. Jacques , à la
Couronne d'Epines près les Mathurins , qui conti .
nuë de graver la Suite des Portraits des Hommes
Illuftres du feu fieur Defrochers , Graveur du Roy,
vient de mettre en vente les deux fuïvans.
MARIE THERESE VALPURGE AMELIE - CHRISTINE
, Archiducheffe d'Autriche , Reine de Hongrie
, & c. née le 13. Mai 1717. mariée à François-
Etienne de Loraine , Grand Duc de Tofcane. Oa
lit ces Vers au bas de l'Eftampe.
De cette illuftre Reine on n'offre qu'un Efquiffe ,
Que Pinceau ni Burin ne terminera pas.
Quel eft l'Artifte heureux de qui l'adreffe unifle
Les beautés de Venus à l'ame de Pallas ?
JEAN LITOUST , Recteur de la Paroiffe de faint
Saturnia de Nantes , mort le 22. Août 1729. âgé
de 79. ans . On lit ces. Vers au bas.
D'une fimplicité vraiment Evangelique
Jean Litouft fit toujours profeffion publique ;
Sévere envers lui feul , à tout autre indulgent ,
Il fe refufoit tout pour aider l'indigent ;"
D'un bon & faint Pafteur , & non d'un mercenaire
11 fut à fon Troupeau le modèle & le Pere.
Le
OCTOBRE . 1742 . 2275
Le fieur le Rouge , Ingénieur-Géographe du Roy,
rue des Augustins , vis - à - vis le Panier fleuri , vient
de publier le vrai Plan de la Ville de Prague & des
environs. Le Camp de Dekendorff & de Nider
Alteich , occupé par M. le Comte de Saxe , & depuis
par le Géneral Kevenhuller.
On trouve auffi chés lui une Suite curieufe des
differens habillemens des Tolpatschs , des Calmukes ,
des Pandoures , & c .
L'Auteur vient de donner en une feuille la réduction
de la belle Carte de Pople , publiée à Londres
en vingt grandes feuilles . Enfin , c'eft rendre
juftice au fieur le Rouge , de dire que toutes fes
Cartes & fes Plans font de mieux en mieux gravés ,
& qu'il n'épargne rien pour l'inftruction & pour la
fatisfaction du Public.
MODELES des Caractéres d'Imprimerie , &
des autres chofes néceffaires à cet Art , nouvellement
gravés par Simon - Pierre Fournier , le jeune , Graveur
& Fondeur de Caractéres , demeurant ruë des
Sept Voyes , à Paris , 1742.
L'Auteur,après avoir donné une idée des perfonnes
qui fe font diftinguées dans l'Art de graver les
Caractéres d'Imprimerie , paffe aux Obfervations qui
lui font propres ; & comme il a réuni l'Art de graver
les Caractéres à celui de les fondre , il lui a
été plus facile qu'à tout autre , de donner aux Ca
1actéres d'imprimerie la jufteffe , la préciſion & le
goût que l'on peut remarquer à ceux qui font dans
fon Livre. Les Caractéres Italiques , qui ont été plus
fufceptibles de changemens , felon qu'il le dit luimême
dans fa Préface , font en effet d'une nouveauté
de goût qui ne peut faire que plaifir . Il pr..
roît que l'Auteur n'a rien négligé de ce qui peut
augmenter la beauté des Impreffions . On trouve
G iiij dan's
2276 MERCURE DE FRANCE
dans fon Livre une nouvelle Collection de Lettres
Romaines & Italiques apellées Lettres de deux
points , dont l'ufage eft pour les Affiches , Frontifpices
, Titres & premieres lignes ; elles font toutes
gravées dans le même goût , on y trouve auffi des
Vignettes de fonte , dont les deffeins font tout nouveaux
, & dont la compofition pourra amufer ceux
qui aiment ces fortes d'Ouvrages . On voit dans l'Avis
qui eft à la tête du Livre , que les Caractéres
n'ont eû jufqu'à préfent ni ordre ni précision fixe
pour l'épaiffeur de Corps , ( a ) & que bien loia
d'avoir aucune correfpondance entre eux , ceux
d'une même efpece font diverfifiés prefque autant
qu'il y a d'Imprimeries differentes , ce qui caufe
, dit l'Auteur , beaucoup d'inconvéniens , de défordre
& de confufion .
Il est étonnant que l'Imprimerie . qui enfeigne
à tous les autres Arts les regles & les principes dont
ils ont befoin , manque elle - même de ces fecours
dans la diftribution de fes Caractéres . Ainfi il étoit
néceffaire de chercher les proportions qui leur
manquoient ; c'est ce que notre Auteur a fait avec
beaucoup d'étendue , en marquant pour chaque Caractére
un degré de force, fixe & déterminé, ce qui
(a) Pour entendre ce que fignifie le mot de Corps ,
il faut fçavoir que les Caractéres étant mobiles , chaque
Lettre , de telle groffeur qu'elle foit , eft figurée fur
un morceau de métal de dix lignes & demi géométri
ques de hauteur , mais dont l'épaiffeur que l'on apelle
Corps , eft relative à chaque Caractére ; c'eft cette
multitude de petites Piéces , toujours d'égale hauteur ,
qui , arrangées à côté les unes des autres , forment les
difcours, mais fi- tôt que l'épaiffeur change , c'eft un autre
Corps & par conséquent un autre nom de Caractére.
leur
OCTOBRE. 2277 1742
le ur donnera une gradation fuivie & une correfpondance
génerale , & aprendra au jufte le degré de diftance
qu'il y a de l'un à l'autre . La Table des proportions
, que l'on trouve dans ce même Livre , où font
marqués les noms des Caractéres , la force de corps
qu'ils doivent avoir , la proportion & la correfpondance
qu'ils ont enfemble , l'affemblage & la.combinaifon
des petits Corps, pour faire précisément la
même épaiffeur des grands , eft une piéce qui mérite
l'attention des miteurs de l'Art. Il eft certain
files Maîtres Imprimeurs entrent dans les vûës
de l'Auteur , & que s'ils fe prêtent aux efforts qu'il
fait pour le bien de l'Imprimerie
que
" on pourra
augmenter l'honneur qui eft déja dû à la France fuc
ce bel Art.Tous les Caractéres ordinaires d'Imprimerie
font dans ce Livre expofés par ordre, en commençant
par les plus gros & finillant par les plus petits
leurs noms font marqués à chaque efpece ce qui
pourra faire plaifir à ceux d'entre les curieux qui
voudront fçavoir le nom & la qualité d'es differens
Caractéres avec lefquels les Livres font imprimés..
Le fieur Segard , Maître Miroitier à Paris , Quai
de l'Horloge du Palais , à la Couronne d'or , vient
de conftruire un Verre ardent de 36. pouces de diamerre
& de quatre pouces & demi d'épaiffeur ; if
enflame fubitement & avec une grande violence ,
toutes fortes de Métaux , à fix pieds & demi de diftance
, qui eft fon foyer.
Il fond , calcine & vitrifie toutes fortes de Miné -
raux avec plus de précipitation qu'aucun Fourneau
de reverbere ; il fond toutes fortes de Marcaffites
& fes effets font fi extraordinaires , qu'on affûre:
n'avoir encore rien vû de femblable.
Les Curieux qui voudront fe fatisfaire la deffus ,,
le verront chés l'Auteur , avec fatisfaction . Ceux
Quil
2278 MERCURE DE FRANCE

qui voudront l'acheter , s'adrefferont à l'Auteur ,
qui leur en fera une bonne compofition , il leur fera
voir auffi les effets qu'il a produits . On trouve chés
lui toutes fortes de Lunettes Marines , ou autres , &
tous les Inftrumens qui regardent l'Optique.
Le fieur Renault , Marchand Cartier à Paris , qui
á inventé les petites Lanternes faites en Fallot, donne
avis au Public qu'il en a compofé & qu'il en vend
de quatre fortes differentes . La premiere efpece eft en
papier tout blanc, la feconde peinte, repréfente l'Ambaffadeur
du Grand Seigneur , la troifiéme, repréfen .
te des Dauphins entrelaffés & eft ornée de feuillages;
& la quatrième, qui eft la plus enjolivée , repréfènte
une Jardiniere , accompagnée de fes enfans , cueillant
du fruit dans fon Jardin , on y voit un de ces
er fans monté fur un Pommier , choifir les pommes
les plus mures & les plus belles , pour les jetter dans
le tablier de fa mere , qui eft au pied de l'arbre pour
les recevoir ; les autres enfans ramaffent à terre celles
qui font tombées & les mertent dans des paniers
, Le tout eft orné de verdure & entrelaſſé de
Guirlandes & de fleurs . On a peint au deffus de la
Lanterne les Armes de France & celles de Monfeigneur
le Dauphin , enluminées de toutes fortes de
couleurs ; qui font un très - bel effet , quand la Lanterne
eft éclairée par une petite bougie , placée
dans le centre. Il en envoye dans les Provinces , &
on peut s'adreffer au fieur Renault pour en avoir à
jufte prix.
Il avertit aufli le Public qu'il fait toutes fortes de
Papier enluminé , en Mofaïque de toutes les façons
& qu'il fe change de le coller très - proprement dans
les Cabinets , fur les cheminées , partout ailleurs ,
&c. comme étant d'une Profeffion très - expérimentée
dans l'ufage de la colle. Il colle auffi les Cartes
de
THE
NEW
YORK
PUBLIC
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ABTOR,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATION&
pa
THE
NEW
YORK
) PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND LORN
FOUNDATIONS
,
OCTOBRE. 1742 2279
de Géographie , Plans , Eftampes fur toile , fur
bois , carton , & c . Sa demeure est toujours à Paris ,
rue des de Marmouzets , proche le Cloître de Notre-
Dame .
Le fieur de la Chaume , qui demeure à Paris , ruë
des deux Ponts , Ifle S. Louis , chés M. Gourier
Marchand Fayancier , guérit par des Remedes particuliers
, toutes fortes de fracture d'os , difocations
, luxations des Mufcles, entorfes , enchylofes ,
& aurrres especes de maux les plus invéterés , &
fur lesquels les Remedes ordinaires n'ont fait aucun
effet . Il eſt muni d'un grand nombre de Certificats
de Perfonnes qu'il a guéries , &c .
On nous prie de propofer cette Question fçavoir,
lequel des deux Amans doit être le plus flité , de
celui qui fait la fortune de fa Maîtreffe en l'épou
fant , ou de celui qui tient d'elle fa fortune.
*************************
D
CHANSON.
'Un tendre Amant , l'objet qui regne dans fom
ame
Reflemble toujours à Vénus ;
S'il ne le met pas au--de fus ,
Un feu bien tranquille l'enflâme :
L'Amant , pour la Belle à fon tour
D'Adonis eft la vive image ;
Ses
yeux , fes traits , tout eft l'ouvrage
Et des Graces & de l'Amour.
Laffichard.
G VI HYMNE
2280 MERCURE DE FRANCE
HYMNE A BACHUS.
Q Ue ta Liqueur enchantereſſe ,
Divin Bachus , plaît à mon coeur !
Par toi la volupté fans ceffe
M'offre un amufement flateur.
*
Du tems qui s'échape & s'envole
Viens fixer les trop courts inftans ;
A table un entretien frivole
Calme les maux les plus cuifans.
*
Qu'à fon gré la Fortune accable-
Mon Rival d'un brillant fardeau ;
N'importe , quand on eft à table
Tu mets tout au même niveau.
*
De ton goût l'aimable licence
M'infpire cent nouveaux défirs ;
Dans la vie un peu d'inconftance
Sçait affaifonner les plaifirs .
*
Si quelquefois l'intempérance
Entraîne tes Sujets charmans ,
Tu fais grace à leur imprudence
En faveur de leurs agrémens,
Gasparini
SPECOCTOBRE.
1742 2281
akak kakak akijik iki akik k
L
SPECTACLES..
E s. Octobre , les Comédiens Italiens

donnerent une Comédie nouvelle Italienne
, en trois Actes , intitulée le Cabinet ;
laquelle a été fort aplaudie. L'Arlequin ,
Scapin & les autres Acteurs de la Troupe
y font paroître leurs talens par un continuel
jeu de Théatre qui occafionne des Scenes
tout-à-fait comiques , lefquelles ont fait
beaucoup de plaifir. Cette. Piéce qui eft
dans le vrai goût Italien , eft terminée , par
un joli divertiffement très - bien exécuté.
Le 1 , ils donnerent une Parodie nouvelle
en un Acte , de l'Opera d'Hippolite &
Aricie , qu'on joue actuellement fur le
Théatre de l'Académie Royale de Mufique.
Cette Piéce compofée en Vaudevilles choifis
, avec trois differens divertiffemens de
chants & de danſes , a été reçûë , favorable:
ment du Public .
On parlera plus au long de cette nouveaus
té qui attire tous les jours un grand cons
cours à l'Hôtel de Bourgogne.
Le même jour , la Dlle Abeille, nouvelle
Actrice , joua pour la premiere fois fur le
Théatre
2282 MERCURE DE FRANCE
Théatre François , les rôles de Suivante dans
les Comédies de Démocrite , & du Colin
Maillard , avec beaucoup d'aplaudiffemens.
Elle a joué depuis dans d'autres Piéces differeus
rôles , dans lesquelles elle a été également
goûtée.
Le 24 , le fieur Rofeli , jeune homme de
2 2. ans , nouvel Acteur , qui n'a jamais paru
fur aucun Théatre public , joüa pour la premiere
fois fur le même Théatre le premier
rôle dans la Tragédie d'Andronic , de M.
de Capiftron , dans lequel il fut fort
aplaudi.
On a ceffé au Théatre François les repréfentations
de la Tragédie d'Ine & Melicerte,
dont le Public a parû très fatisfait , par le
fonds , les incidens & l'exécution de la Piéce
. Les Rôles en étoient parfaitement bien
remplis fçavoir , ceux d'Athamas, de Palamede
de Melicerte , & de Clarigene , par
les fieurs Sarrazin , de la Noue , Grandval
& le Grand , & ceux de Themiftée , d'Ino ,
& d'Euridice par les Diles Dumefnil , Gauffin
, & Grandval .

Les Comédiens François ont fait une dépenfe
confidérable, pour donner aux Repréfentations
de cette Piéce , les agrémens qui
lui conviennent , & qu'elle merite . Cette
nouvelle Décoration represente le Veftibale
d'un Palais, d'Ordre Compolite avec Colomnes
OCTOBRE. 1742 2283
,
nes , Pilaftres , Piedeftaux , Bazes , Chapiteaux
, Architraves , Frizes & Corniches .
Le fieur Robert Clerici , natif de Parme ,
Eleve des célebres Ferdinand & François
Bibiena , Architectes renommés de Bologne,
Auteur de cet Ouvrage , a exactement obfervé
toutes les proportions de l'Ordre
Compofite , ainfi que les gradations des
teintes pour le relief & l'éloignement . Les
Colomnes des premiers chaffis du devant
du Théatre ont 17. pouces & demi de diamétre
fur 23. pieds & demi de hauteur :
par ce diamètre des Colomnes , on peut juger
des autres proportions des divers membres
employés dans cet Ordre.
A l'aplomb des quatre premieres Colomnes
de chaque côté , on voit des Confoles.
au-deffus de la Corniche , qui foutiennent le
plafond du Veſtibule . Le milieu de ce pltfond
eft occupé par les Attributs de la Tragédie
& de la Comédie , en Figures de coloris
; fur les côtés on voit des Bas - reliefs
feints en marbre blanc.
avec
Dans quatre des Chaffis de la Décoration,
on voit des Figures de grandeur naturelle
repréfentant Melpomene , Thalie
leurs attributs & c . Vers la cinquième Couliffe
des côtés du Théatre , commence un
Plan octogone , dont on ne voit qu'une partie
, le fonds du Veſtibule couvrant le refte.
Un
2284 MERCURE DE FRANCE
Un Chaffis de chaque côté & deux autres
ifolés , vers le milieu des côtés du Théatre ,
forment trois Perfpectives ouvertes. Celle da
milieu eft un grand Arc en voulure , fur
l'Archivolte duquel on voit deux Figures
qui faut ennent un cartouche. Plus haut
on découvre un Plafond à demi ovale avec
les Attributs de la Poëfie , de la Tragédie ,
& c. en figures de coloris ; & aux côtés font.
des Statues feintes en marbre blanc .
".
و
A la feptiéme Couliffe vers le fond du
Théatre , commence une nouvelle fimetrie ,
mais toujours dans le goût du même Ordre.
d'Architecture , qui forme cinq Points de
vûë extrêmement variés dans l'éloignement ,
qu'on voit au travers de cinq Arcades : le
tout defliné & peint avec beaucoup d'art .
Les Colomnes font canelées & peintes de
couleurs de lapis avec leurs Frizes ? les.
Bazes & les Chapiteaux font dorés ; les Picdeftaux
, Architraves & Corniches font.
couleur d'or.
Au refte , cette Décoration mérite bien
les aplaudiffemens qu'elle a reçûs du Public,
& l'habile Artifte mérite auffi beaucoup.
d'éloges d'avoir réuffi dans un ouvrage fur
lequel il a été extrêmement gêné , l'ouverture
du Théatre n'ayant que 22. pieds de
largeur fur 22. de profondeur & 32. de .
hauteur. Il a cependant ménagé un efpace.
allés
OCTOBRE. 2285
1742.
affés confidérable vers le milieu du fond
pour l'entrée & la fortie des Acteurs.
Le 9. Octobre , on fit la clôture de la
Foire S. Laurent , avec les cérémonies accoûtumées.
Le même jour l'Opera Comique
fit auffi la clôture de fon Theatre , après y
avoir repréſenté la Meuniere de Qualité, & la
Chercheufe d'Esprit , Piéces Comiques , dont
on a déja parlé. Elles furent terminées par
deux differens Divertiffemens ; le premier
exécuté par deux jeunes Danfeurs arrivés
depuis peu d'Angleterre & le fecond ,
par le fieur Campioni & la Dlle fon épouſe
dont on a déja parlé avec éloge .
,
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE .
Na apris de Conftantinople , qu'on y publioit
que les Lefghis avoient recommencé à faire
la guerre à Thamas Kouli Kan , depuis qu'ils
avoient aptis que ce Prince les avoit trompés , en
leur perfuadant qu'il avoit remporté une victoire
fur les Turcs : On compte que Thamas Kouli Kan
ne fe déterminera pas à une rupture avec la Porte ,
jufqu'à ce qu'il n'ait plus rien à craindre du côté des
Leighis.
Les Milices d'Armenie fe font révoltées , & elles
ont
2286 MERCURE DE FRANCE
ont eû d'abord quelques avantages fur les troupes
avec lesquelles le Pacha d'Erzerum avoit marché
pour les obliger de rentrer dans leur devoir ; mais
ce Pacha , ayant reçû des renforts , a entiérement
défait les Rebelles , dont 6000. font allés joindre
Thamas Kouli Kan , qui les avoit pris à ſon ſervice.
ON
RUSSIE.
"
Na apris de Mofcow , que M. de Nolken
avoit envoyé au Knées Czerkasky , Grand
Chancelier de Ruffie une copie des nouveaux
pouvoirs qui lui avoient été donnés par le Roy de
Suede , pour conclure un accommodement entre la
Czarine & S. M. Suedoife .
Les mêmes avis portent que le Vice- Amiral Milchowkow,
qui com.nandoit l'Efcadre que la Czari
ne a envoyée fur les Côtes de la Finlande , avoit été
arrêté par ordre de S. M. Cz. laquelle prétendant
qu'il a commis plufieurs fautes inexcufables , a
nommé des Commiffaires pour lui faire fon procès.
Le Prince Lubomirsky a obtenu le rétabliffement
de la Penfion de 15000. Roubles , qui lui
avoit été ôtée fous la Régence de la Princeffe de
Brunswick Bevern . Les Comtes Charles & Guftave
Biron ont été conduits à Jaroslaw , pour y demeu
fer avec le Comte leur frere , & la Czarine leur
a affigné à chacun quatre Roubles par jour pour
leur entretien.
L'Académie des Sciences établie à Pétersbourg ,
a reçû une lettre , par laquelle S. M. Cz . ordonne
à cette Compagnie de charger quelques Académi
ciens de continuer les obfervations commencées ,
pour découvrir fi l'on pourra trouver par la Mer
du Nord un chemin qui conduife au Japon & à la
Chine.
La
OCTOBRE. 1742 2287
La Czarine fit le premier du mois dernier la
cérémonie de donner les marques de l'Ordre de S.
André au Marquis de la Checardie , & le même
jour le Duc de Holftein - Gottorp donna celles de
l'Ordre de Sainte Anne à ce Miniftre , qui n'a accepté
ces deux Ordres qu'après en avoir obtenu la
permiffion du Roy de France .
>
On mande de Pétersbourg, du onzé du mois dernier
, qu'on a apris de Finlande, que les Miniftres
Plénipotentiaires , nommés par la Czarine & par le
Roy de Suede , pour tâcher de parvenir à un accommodement
entre les deux Puiffances , avoient
figné une Convention , par laquelle il avoit été
reglé que l'armée de S. M. Suedoife fe rembarqueroit
, pour retourner en Suede ; qu'elle emporteroit
tous les hagages , & que les Ruffiens ne mettroient
aucun obftacle à fa retraite ; que nonfeulement
les Officiers & les Soldats qui ont fervi
dans cette armée , mais même les autres perfonnes
qui l'ont fuivie , auroient la liberté de fortir de la
Finlande fi elles aimoient mieux s'établir dans
un autre Pays ; qu'il feroit permis de même aux
Soldats Finlandois , qui voudroient quitter le fervi❤
ce du Roy de Suede de demeurer dans leur Patrie
; que les Commiffaires Ruffiens en prendroient
une lifte , & que les autres Soldats de la même
Nation , qui defireroient de s'embarquer avec les
troupes Suedoifes , feroient obligés de prendre des
Paffeports ; que toute l'artillerie & les munitions
de guerre apartiendroient à la Czarine , & qu'on
remettroit aux Commiffaires , qui feroient nommés
par le Feldt-Maréchal Lefcy , tous les Magafins
qui avoient été établis à Helsingfors , mais que les
Ruffiens ne pourroient exiger qu'on leur laiffât les
vivres dont pouvoient être chargés les Vaiffeaux
qui fe trouvoient dans le Port de la même Ville.
Le
1188 MERCURE DE FRANCE
Le 18. du mois dernier , la Czarine ordonnd
de conftruire à Jaroflow pour le Comte Erneft
Biron une maifon dans laquelle il pût être logé
commodément avec toute fa Famille.
SUE DE.
N aprend de Stokolm du 20. du mois der
nier , qu'en conféquence de la Convention
qui vient d'être conclue entre la Suede & la Ruffie ,
une partie des troupes qui étoient en Finlande , eft
déja revenue dans ce Royaume , & que le reste de
l'armée y eft attendu inceffamment.
O
ALLEMAGNE.
N mande de Vienne du 8. du mois dernier ,
qu'il eft arrivé de l'armée , commandée par
le Prince Charles de Loraine un courier qui a été
dépêché à la Reine par le Comte de Konigseg ,
pour informer S. M. de la réponse qu'il a reçûë du
Maréchal de Belle ifle dans une conférence qu'il a
euë avec ée Géneral le z, du même mois.
Ce courier a raporté , que le 28 du mois dernier,
les troupes de la Reine , avoient achevé de perfectionner
leurs trois nouvelles batteries , & qu'on y
avoit placé 38. canons , & 14 mortiers ; que le
Prince Charles de Loraine avoit fait jetter le lendemain
près de 300. bombes , & que Partillerie
des affiégeans avoit démonté plufieurs canons de
la Place ; que la nuit du 31. un détachement des
troupes Françoifes avoit fait une fortie , dans laquelle
il avoit détruit quelques ouvrages , & que
les affiégés continuoient de répondre par un feu
très- vif à celui des afliégeans.
On a apris depuis du 15. du mois dernier , que
le
OCTOBRE . 1742 : 2289
les . au foir 1200. hommes des troupes commandées
par le Maréchal de Broglie , avoient fait une
nouvelle fortie , & qu'ils avoient repouflé jusqu'à
la premiere Parallele un Corps de Dragons qui s'étoit
avancé à une portée de fufil de la Place ; que
les affiégés , ayant fait une autre fortie la nuit fuivante
, avoient attaqué un pofte occupé par le
Régiment de Mercy , qui auroit été obligé de pren .
dre la fuite , s'il n'avoit été fecouru par quelques
Régimens de Cuiraffiers ; que la nuit du 6. au 7. il
y avoit eû une action très vive entre un détachement
des troupes Françoifes , & le Corps de troupes
Autrichiennes étoit pofté du côté de la
Montagne de S. Laurent , & que le 9. un peu avant
la pointe du jour , le Maréchal de Broglie avoit fait
fortir par la porte de l'Empire 800. hommes , qui
avoient détruit quelques - uns des travaux des affiégeans.
> qui
Les difficultés que l'armée de la Reine a trouvées
à s'emparer de Prague , & la nouvelle de l'aproche
de l'armée Françoife , qui eft fous les ordres dut
Marechal de Maillebois , ont déterminé Ș . M. à envoyer
ordre au Prince Charles de Loraine de lever
le Siége , & de le rendre à Pilfen , d'où il devoit
après qu'il y auroit été joint par Parmée que commande
le Comite de Kevenhuller , marcher , pour
tâcher de difputer l'entrée de la Boheme au Maréchal
de Maillebois .
M. de Bulau , que le Roy de Pologne , Electeur
de Saxe avoit envoyé à Vienne , pour conclure
l'accommodement de S. M. avec la Reine de Hongrie
, étant convenu des conditions de cet accommodement,
avec les Miniftres de cette Princeffe
la paix entre les deux Puiflances fut publiée le
17. dans les principales Villes de l'Electorat de
Saxe,

2290 MERCURE DE FRANCE
On mande de Chamb du 10. du mois dernier ,
que le 7. le Baron de Trenck arriva devant cette
Place avec un Corps de 1000 Pandoures , Talpatches
& Croates, & que le Comte de Kinigi , qui y com
mandoit pour l'Empereur , ayant refufé de rendre
la Ville , le Baron de Trenck avoit fait donner
affaut. La garniſon & les habitans les repoufferent
plufieurs fois ; mais les affiégeans ayant trouvé le
moyen de mettre le feu dans la Ville , & les flâmes
ayant fait en peu
de tems de très- grands progrès ,
le Comte de Kinigi perdit l'efpérance de pouvoir fe
défendre plus long-tems & il confentit qu'on ou
vrît les portes de la Place aux affiégeans . Ceux - ci
en y entrant , pafferent au fil de l'épée tout ce
qu'ils rencontrerent , & le Baron de Trenck abandonna
cette Ville au pillage , qui a duré deux
jours entiers. Le butin que les ennemis ont fait ,
eft très- confidérable , & l'on prétend que le Baron
de Trenck a lui feul pour fa parr plus de 3cooo..
Florins. Les Soldats de la garnifon , qui ont pû
échaper au maffacre , font au nombre de 340 , &
ils ont été fait prifonniers de guerre. Cette garnifon
étoit compofée d'un Bataillon du Régiment du
Prince Impérial.
La Reine de Hongrie aprit le 16. du mois der.
nier , que le Prince Charles de Loraine , conformément
à l'ordre qu'il avoit reçû d'elle de lever le
Siége de Prague , avoit fait conduire le 11. à Konigshalle
toute l'artillerie qui avoit fervi à l'attaque
de cette Place , & qu'il avoit pris les mesures néceffaires
pour la faite tranfporter à Budeweiff ; que
le lendemain , les troupes Autrichiennes avoient
mis le feu à leur camp , & que le 13 , elles s'étoient
miles en marche , pour s'avancer à Horzeltz
.
On a apris depuis que l'armée étoit allée camper
le
OCTOBRE. 1742 2291
le 14. à Beraun ; que le 16. elle s'étoit rendue à
Gerowitz , où elle avoit été jointe le jour fuivant
par le Corps de réſerve que commande le Com e
Bathyani , Géneral de Cavalerie qu'elle avoit
marché le 18. à Rockinzan , & qu'elle y avoit
trouvé les Régimens de Diemar ' , de Charles Palfy,
de S. Ignon , de Birckenfeldt & de Lanthiery , que
le Prince Charles de Loraine avoit envoyés fous les
ordres du Géneral Preyfing , pour y prendre pofte ;
que le 19. elle avoit continué fa route vers Pillen ,
& qu'elle en étoit décampée le lendemain , pour
aller occuper le camp de Haïd.
Le Comte de Kevenhuiler a mandé à la Reine ;
qu'il étoit actuellement en marche ? pour aller
joindre l'armée commandée par le Prince Charles
de Loraine , & le 20. on reçût avis qu'il avoit paffé
le 13. à Chamb avec les troupes qui font fous
fes ordres ; qu'il comptoit d'arriver le 20. à Waldtmunchen
, fur la Frontiere de la Boheme , & qu'il
y avoit aparence que la jonction des deux armées
de la Reine fe feroit le 22.
Un courier , arrivé de Baviere , a raporté que les
troupes qui étoient allées à Triefte pour paffer en
Italie , & à qui la Reine a envoyé ordre de fe rendre
en Baviere au camp du Major Géneral Berenklaw
, étoient arrivées dans ce camp , & qu'elles
Y feroient bien-tôt fuivies par le Corps de Milices
qu'on avoit levé dans l'Iftrie & dans la Carniole.
Il paffe prefque tous les jours à Vienne quelques
Compagnies de Clementins , d'Albanois & d'autres
Milices Hongroifes , deftinées pour aller renforcer
les troupes qui font reftées en Baviere.
On mande de Hambourg du 3. de ce mois , que
fuivant les derniers avis reçûs de Boheme' le
Comte de Kevenhuller étant entré dans la Boheme
par la Gorge de Waldtinunchen avec la plus gran
de
2292 MERCURE DE FRANCE
de partie des troupes Autrichiennes , qui étoient
en Baviere fous fes ordres , il a joint le 22. du
mois dernier à Haïd l'armée commandée par le
Prince Charles de Loraine ; que cette armée étoit
décampée des environs de Haïd , & qu'elle étoit
allée fe pofter entre un marais & une riviere , de.
puis que l'armée Françoife , que commande le Maréchal
de Maillebois , s'eft emparée du défilé de
Meringue.
Les avis reçûs de cette derniere armée , marquent
que le 28. du mois dernier , le Comte de Saxe
étant allé à la tête de 100. hommes , pour recor
noître la polition des troupes de la Reine de Hongrie
, il avoit été attaqué par 3000. hommes de
ces troupes, & qu'après un combat très- vif il s'étoit
retiré en bon ordre .
On a apris de Prague que depuis la levée du
Siége , le Maréchal de Broglie étoit forti de fon
camp avec 8000. hommes , & qu'il avoit furpris
un des quartiers du Corps des troupes que le
Prince Charles de Loraine avoit laiffé à quelque
diftance de la Place.
Le Géneral Feſtetiz , qui commande ce Corps de
troupes Autrichiennes , a reçû ordre de la Reine de
Hongrie , d'aller avec 1ocoo . hommes de ce
Corps renforcer l'armée du Prince Charles de Lo
raine , & il ne devoit refter dans les environs de
Prague que 3. ou 4000. Autrichiens .
On a apris de Munich le 7. de ce mois , que le
Feldt Maréchal de Seckendorf , qui commande les
troupes de l'Empereur , avoit paffé le Danube , &
qu'il étoit allé camper entre Abenfperg & Newſtadt,
Il s'eft avancé enfuite vers Landfzhut , & s'étant
emparé de cette Place dont il a fait la garnifon
pitonniere de guerre , il a fait les difpofitions
néceffaires pour s'aprocher de Munich,
14
ĥ 2293
OCTOBRE . 1742:
Le Baron de Berenklaw , Géneral des troupes
Autrichiennes , qui étoient reftées dans l'Electorat de
Baviere , n'efperant pas de pouvoir défendre Munich
avec le petit nombre de troupes qui font fous
fes ordres , il a pris le parti de la faire évacuer par
la garnifon Autrichienne qu'il y avoit mife , & d'abandonner
fon camp , pour le retirer du côté de
Wefferburg , & le Feldt- Maréchal de Seckendorf
qui dès qu'il a reçû avis de la retraite des Autrichiens
s'eft rendu à Munich avec l'armée Impériale
, a repris poffeffion de cette Ville au nom de
l'Empereur.
Le 30. du mois dernier , le Comte de Straubingen
ayant été informé qu'un Parti de Huffards
ennemis étoit dans les environs du Waldt , de l'autre
côté du Danube , il détacha le Comte de
Tauff-Kirchen avec 40. Dragons du Régiment de
Hohenzolérn & quelques Huffards , pour attaquer
ce Parti , qui fut taillé en piéces. Le Comte de
Tauff-Kirchen , en revenant de cette expédition
rencontra près de Seyherfoff plufieurs chariots
chargés de bagages des troupes Autrichiennes , &
efcortés par une Compagnie de Cuiraffiers
ayant mis en fuite cette efcorte qu'il a pourſuivie
jufqu'à Haffelbach , il a conduit à Straubingen
ces chariots avec vingt prifonniers.
?
&
Un autre détachement des troupes Impériales a
chaffé de Deckendorf un Corps de Pandoures , qui
s'étoit emparé de ce pofte depuis qu'il avoit été
abandonné par le Comte de Saxe . Les ennemis
ont perdu en cette occafion cent hommes , & on
leur a fait 150. prifonniers.
Louis-François Comte de Clermont Gallerande ,
aîné de la Maifon de Clermont en Anjou , qui eft
mort de la bleffure qu'il avoit reçûë à la fortie de
Prague du 22 Août , après avoir eu la jambe cou-
H pée ,
2294 MERCURE DE FRANCE
ti
pée , étoit âgé d'environ 35 ans . Il avoit été pen
dant plufieurs années Capitaine dans le Régiment
d'Auvergne , dont Georges-Jacques Comte de
Clermont S. Aignan , fon coufin , qui mourut le
6. Juin 1734 d'un coup de moufquet reçû à
Colorno dans le Parmefan , étoit Colonel . Il fut
fait Colonel du Régiment de Vermandois le 15 .
Avril 1738. puis de celui d'Auvergne au mois de
Mars 1740. Il étoit fils aîné de feu Louis de Clermont
, Marquis de Gallerande au Mans , & de
Dame Marie-Françoife de Montpellé fa veuve. Il
ne laiffe qu'une foeur , qui eft la D. de Clermont
Gallerande Dame d'Honneur de la Reine d'Efpagne
Douairiere derniere morte.

Le Marquis de Teſſé qui a été tué dans la même
fortie , fe nommoit René- Marie de Froulay , & il
étoit dans la 35. année de fon âge , étant né au
mois de Décembre 1707. Il avoit été en premier
lieu Colonel du Régiment d'Infanterie , ci - devant
la Tremoille , par Commiffion du 25. Septembre
171. & enfuite de celui de la Reine le premier
Août 1734. Il fut fait Premier Ecuyer de la Reine
le 15. Octobre 1735, au lieu & par la démiffion de
René-Marie de Froulay , Comte de Teffé fon pere,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral
de fes armées &c. qui diſpoſa auffi en ſa faveur au
mois de Juillet 1737. avec l'agrément du Roy Catholique
, de fa dignité de Grand d'Espagne . Le
Marquis de Teffé fut fait Brigadier à la Promotion
du 15. Mars 1740. Il avoit été marié le 26. O & obre
1735. avec Marie - Charlotte de Bethune , fille
de Paul- François de Bethune , Duc de Charoft ,
apellé le Duc de Bethune , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roy , Capitaine des Gardes du
Corps de S. M. Lieutenant Géneral de fes armées,
Gouverneur des Ville & Citadelle de Dourlens &
сд
OCTOBRE. 1742. 2295
en furvivance de Calais , Fort de Nieulay , & Pays
reconquis, Lieutenant Géneral au Gouvernement de
Picardie & Pays Boulonnois , Marquis d'Ancenis
ancien Baron , Pair & Préfident né de la Nobleffe
aux Etats de Bretagne , Comte Engagifte de Crecy
en Brie , & de feuë Julie - Chriftine - Reine- Gorges
d'Entregues , morte le 24, Août 1737. Il laifle de
ce mariage deux fils dont l'aîné n'eft âgé que de
6. ans. Le Marquis de Teffé avoit eu pour mere
Marie Elizabeth Claude-Petronille Bouchu , morte
9. Décembre 1733. à l'âge de 48. ans . le
René- Alexis le Seneschal Marquis de Molac ,
tué dans la même fortie , étoit Colonel du Régiment
de Berri , Infanterie , depuis le mois de Mai
1735. & auparavant Capitaine de Cavalerie dans
le Régiment de la Reine. Il étoit auffi Gouverneur
des Ville & Château de Quimper depuis le mois
d'Août 1722. & fils aîné de René - Alexis le Senef
chal , apellé le Comte de Carcado , Marquis de
Rofmadec & de Molac , Comte des Chapelles , de
Beaublé , Quintin . Vannes , Leftang , Quergournadec
, Lieutenant Géneral des armées du Roy du
18. Juin 1708. Commandant , & ci- devant Gouverneur
des Ville & Château de Quimper , & de
feuë Jeanne Magon de la Lande , fa premiere femmorte
le 17. Juillet 1724. dans la 37. année
me ,
de fon âge.
Le 25. Septembre , Paul- François - Xavier de la
Croix de Chevrieres de S. Vallier , Chevalier de
l'Ordre Militaire de S. Louis , & des Ordres de
Notre- Dame du Mont-Carmel & de S. Lazare de
Jérufalem , Maréchal de Camp des armées du Roy,
fut tué en Boheme d'un coup de carabine , à côté
du Comte de Marfan , dans le tems qu'il alloit vifiter
un pofte . Il étoit accompagné du Chevalier de
S. Vallier , fon Aide de Camp , & de M, de Pru-
Hij micr
2296 MERCURE DE FRANCE
&
nier de Lemps , Major du Régiment de Bretagne
fes neveux. Il étoit dans la 54. année de fon âge ,
étant né le 13. Avril 1689. Il fut d'abord Colone!
d'un Régiment d'Infanterie portant fon nom ,
qui fut reformé après la paix d'Utrecht en 1714. Il
eut le Régiment de Bretagne au mois de Juillet
1720. & fut fait Brigadier le 20. Février 1734. &
Maréchal de Camp le 24. Février 1738. Il étoit fils
puîné de Pierre- Felix de la Croix de Chevriéres ,
Comte de S. Vallier , en Dauphiné , ci-devant Capitaine
des Gardes de la Porte du Rey , & aupara
vant Colonel d'un Régiment d'Infanterie ´petit
vieux Corps, mort à Grenoble le 26. Juin 1699. &
de Jeanne de Rouvroy.
7
FRANCFORT,
Na apris que l'Empereur avoit fait remettre
Oala Diette de l'Empire un Decretde Commitfion
, pour fe plaindre de ce que la Reine de Hongrie
, fans avoir égard à la neutralité du Cercle de
Franconie , avoit fait entrer fur les Terres de ce
Cercle un détachement de fes troupes , qui y avoit
commis plufieurs hoftilités .
Le 26. du mois dernier , S. M. I. reçût la nouvelle
de la levée du Siége de Prague par des lettres
que le Comte de Groflier , fon Aide de Camp
Géneral , lui a aportées de la part du Maréchal de
Belle-Ifle , & le Prince Frederic des deux Ponts ,
Colonel du Régiment d'Alface dans les troupes du
Roy de France , arriva le 28. de la même Ville ,
d'où il avoit été dépêché par le Maréchal de Broglie ,
pour informer l'Empereur du détail de ce qui s'eft
paflé pendant le Siége , & pour lui préfenter les
Drapeaux & les Etendarts qui ont été enlevés aux
spnemis.
L'Ems
OCTOBRE . 1742 2297
L'Empereur fit remettre le 24-à la Diette de l'Empire
un nouveau Decret de Commiſſion , par lequel
S. M. I. donne part à la Diette des dernieres propofitions
d'accommodement , qu'elle a faites à la
Reine de Hongrie.
ITALIEJ
ON mande de Rome du premier du mois der
nier , que le 26. du précédent , le Pape alla
en grand cortège au College des Nations Allemande
& Hongroife , & que Sa Sainteré pofa la premiere
pierre de l'Eglife qu'on y conftruit. Dix fept
Cardinaux affifterent à cette cérémonie , ainfi qu'à
la Meffe que le Pape célébra enfuite dans la Chapelle
de ce College . On a mis dans les Fondemens
de la nouvelle Eglife une caffette revêtue de lames
d'argent , fur laquelle font gravées les armes de
Sa Sainteté avec cette Infcription : D. O. M. Benedictus
XIV. Pontifex Maximus , Collegium Germanicum
& Hungaricum omni munificentiâ complexus
, ad adem hanc , Sancto Apollinari Sacram
magnificentius extruendam , area parte attributâ ,
aucto ad tempus Collegii cenfu , & Ara Principis
molitione in fe liberaliſſimè receptâ , primum lapidem
pofuit. Die 26. menfis Augufti, anno M. DCC . XLII.
Pontific. III.
Le Cardinal Aquaviva a donné part à Sa Sainteté
de la réfolution que le Roy des deux Siciles a prife
de demeurer neutre entre le Roy d'Espagne & la
Reine de Hongrie.
On aprend de Rome du 29. du mois dernier
que la Congrégation des Rites ayant donné un Décret
pour la Béatification du Pere Ignace d'Azevedo
& de 39. autres Jéfuites , qui étant allés avec
lui au Japon pour travailler à la converfion des Infi-
Hujdéles ,
2298 MERCURE DE FRANCE
déles , y ont fouffert le Martyre , le Pape fe rendit
le 21. en grand cortège à l'Eglife de la Maiſon
Profeffe des Jéfuites , & que Sa Sainteté , après y
avoir célébré pontificalement la Meffe , figna le
Décret de la Congrégation.
Les troupes Efpagnoles ayant quitté l'Umbrie ,
fe font avancées dans la Marche d'Ancône , & elles
ont pris des quartiers à Fano , à Jefi & à Fabriano.
ESPAGNE.
N mande de Madrid du onze du mois der
nier,que
>
de
tien a fait fçavoir au Roy , que Don Sebaſtien Dafioft
, commandant la Balandre la Saint Michel ,
armée en courſe , avoit pris le
24. & le 25. du mois
d'Août dernier trois Vaiffeaux Anglois , chacun de
120. tonneaux .
On a apris de Malaga par des lettres du 29. du
même mois , que ce jour-là , l'Armateur Sebaſtien
de Morales y étoit arrivé avec le Brigantin Anglois
Anne & Debora , chargé de 1300. Cuirs d'Irlande
& de 220. milliers de Plomb , dont il s'étoit empa.
ré le 18. du même mois dans les environs de l'iſe
de Peregil , fur la Cô.e de Ceuta .
Les lettres de Mayorque portent qu'un petit Bâtiment
, à bord duquel il y a voit cinq Maures &
quelques marchandifes , avoit été enlevé le 31. du
mois de Juillet dans le Parage de la Cuebas , à la
Côte de Barbarie , & conduit dans le Port d'Ivica
l'Armateur Barthelemi Noguera.
par
On a apris de Lisbonne , qu'il y eut le 22. Août
dernier un violent Ouragan , accompagné de pluye
& de grêle , & que le tonnerre y tomba en plufieurs
endroits ; qu'il tomba auffi fur la principale
Eglife de la Ville de Caftello de Vide - Cahio , &
qu'il
OCTOBRE . 2299 1742
les
qu'il y a , caufé un dommage confidérable.
Le Roy aprit le 16. du mois dernier que le 2 .
troupes Efpagnoles , commandées par l'Infant Don
Philipe , étoient entrées dans le Duché de Savoye.
Le Procureur General des Religieux Dominicains
a reçû des lettres , par lefquelles les Miffionnaires
de fon Ordre , qui font dans les Ifles Philippines ,
lui mandent qu'ils ont converti à la Religion Chrétienne
les Habitans de 80. Villages de ces Illes , &
qu'il leur ont perfuadé de fe foûmettre à la domination
du Roy.
NAPLES.
Na apris que le Roy des deux Siciles a promis
une récompenfe confidérable à celui qui
découvriroit le lieu de la retraite d'un Poëte accufé
d'avoir composé une Satyre répandue depuis peu
dans le Public .
Quelques lettres interceptées ayant fait connoître
que les nommés Angelo Caraffale & Barthelemi Oliva
, avoient formé le complot d'exciter à Naples
un foulevement , & de piller le Tréfor Royal & les
Banques publiques , on a arrêté ces traîtres , & l'on
s'eft affûré en même tems de quelques perfonnes
avec lesquelles on a découvert qu'ils entretenoient
des intelligences .
11-
GENES ET ISLE DE CORSE.
Na apris de Lombardie , que les troupes Au
fiaftique .
On a reçû avis de l'Ile de Corfe du 3. de ce
mois , que les habitans de Corte & de Roftino &
ceux de plufieurs autres Piéves , ont renouvellé depuis
peu leurs iaftances pour obtenir qu'on publiât
Η 111, le
2300 MERCURE DE 果
FRANCE
e nouveau Reglement , & que l'exécution en fût
garantie par S. M. T. C.
On mande de Lombardie , que depuis le retour
des troupes Espagnoles dans la Marche d'Ancôné ,
le Comte de Gage , qui les commande , a envoyé
des Commiffaires à Bologne , pour y faire préparer
des Etapes. Le Comte de Traun , Géneral des troupes
de la Reine de Hongrie , en ayant été averti, il a
envoyé dans le Bolonois un Corps deHuffards , pour
tâcher d'enlever les magafins que les Espagnols
y veulent établir , & il fe difpofe à leur difputer le
paffage du Panaro , s'ils veulent le tenter pour faire
quelque entrepriſe fur le Modenois.
Dans le tems qu'on croyoit que le Roy de Sardaigne
étoit dans la réfolution de retirer toutes les
troupes du Duché de Modéne & de ceux de Parme
& de Plaifance , ce Prince a ordonné à fix Bataillons
& à quatre Régimens de Cavalerie de fes troupes
, d'aller renforcer celles qui font fous les ordres
du Comte de Traun . Ce Géneral a demandé aux
Etats du Milanez un fubfide de 70000. florins par
mois , pour le payement des troupes Autrichiennes .
GRANDE BRETAGNE.
Na apris de Portugai, que les Armateurs Furcell
& Farrul avoient fait une defcente en Ef
pagne fur la Côte voifine de Vigo ; qu'ils y avoien
brûlé plufieurs maifons , & qu'is avoient tiré des
contributions de quelques Villages . Ces mêmes Armateurs
ont conduit à Porto deux prifes qu'ils ont
faites fur les Efpagnols .
Un Armateur Espagnol prit le 8. du mois dernier
entre Alderney & Guernfey , les Vaiffeaux le Wilmington
, les deux Maries & la Jeanne, commandés
par les Capitaines Pry , Gordon & Pitton.

OCTOBRE. 1742 2301
Il entra le 13. dans le Port de Douvres un Vaiffeau
chargé d'une grande quantité de laines d'Ef
pagne.
On a accordé au Commandant du Vaiffeau Efpagnol
la Galice qui a été pris à Cartagene , dans
le tems du Sége de cette Place , la permiffion d'aller
joindre les prifonniers Eſpagnols , qui font à
Northampton .
Le Capitaine Bragingron , commandant le Vaiffeau
le Vernon , qui revenoit de la Jamaïque , &
qui entra le onze du mois dernier dans le Port de
Bristol , a raporté qu'il avoit rencontré dans fa route
une Chaloupe , venant de la Barbade , dont le
Capitaine l'avoit affûré que les Efpagnols s'étoient
rendus maîtres de toute la nouvelle Géorgie , &
que les habitans de la Caroline Meridionale étoient
dans une fi grande confternation qu'ils fongeoient
déja à fe fauver avec leurs principaux effets , dans
la crainte d'être attaqués.
Ce Capitaine a ajoûté qu'on man loit de Charles-
Town , que le Vaiffeau de guer.ee la Rofe , de vingt
canons , y avoit conduit le 29, Juin dernier quatre
prifes , du nombre defquelles étoit le Vaiffeau armé
en courfe par Don Juan de Lan Handines :
Coman .
On a apris de Gibraltar , que le Lord Forefter ,,
commandant le Vaiffeau de guerre le Leopard , a
enlevé entre Cadix & le Cap de fainte Marie , deux
Vaiffeaux Efpagnols , dont l'un chargé d'Indigo ,
de Cochenille & de Cacao , revenoit des Ifles Canaries
, & l'autre alloit à Naples ; il y avoit à bord
de ce dernier un Evêque & quelques Officiers, El
pagnols.
Deux autres Bâtimens de la même Nation , fu
lefquels il y avoit une grande quantité de marchan
difes , ont été pris dans la Méditerranée par
Yaffeau de guerre le Ruffel..
Hy L
2302 MERCURE DE FRANCE
Le Vaiffeau de guerre le Kenfale , commandé par
le Capitaine Hammond , eft rentré dans le Port.de
Portsmouth , avec un Armateur Eſpagnol , lequel
avoit 60. hommes d'équipage , avec quatre canons
& plufieurs pierriers.
Le Capitaine Morke , Danois de Nation , a propofé
au Roy un moyen d'obliger une Flotte , foit
en pleine Mer , foit même dans un Port , de ſe endre
, & les Commiffaites de l'Amirauté font occupés
actuellement à examiner le Mémoire préſenté
à ce fujet par cet Officier.
O
HOLLANDE ET PAYS - BAS.
Na apris d'Oftende , que le fixiéme Convoi
des troupes Angloiſes étoit entré le 15. du
mois dernier dans ce Port , & que les Bâtimens de
ce Convoi , à bord defquels il n'y avoit que trois
Eſcadrons , avoient aporté un fecond train d'artii-
Jerie & une grande quantité de munitions de guerre.
Le Comte de Stairs ayant donné part aux Miniftres
des Etats Géneraux de la réfolution que le
Roy de la Grande Bretagne a prife de fe rendre
dans les Pays - Bas , on fait préparer à Utrecht &
dans les autres Villes où ce Prince doit paffer ,
un grand nombre de voitures pour le ſervice de
S. M. Br.
MORTS
OCTOBRE. 1742 2303
! !の: Įs į į į ƒ ƒ ƒ ƒ ƒ
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
>
>
E 24. Août D. Alexandre Lanti de la Rouere ,
Romain Duc de Santo- Gemini (crée en
1724. ) Grand d'Efpagne de la premiere Claffe ,
Premier Gentilhomme de la Chambre du Roy Catholique
, Maréchal de fes Camps & Armées , &
Capitaine des Gardes du Corps de Don Philipe
Infant d'Espagne , mourut à Graffe , en Provence,
âgé de 4 ans Il étoit fecond fils de D Antoine
Lanti de la Rouere , Baron Romain , Duc de
Bomarle Prince de la Roche Sinibalde & de
Belmont, Chevalier des Ordres du Roy Très-Chrétien
, mort à Rome le f. Mai 1716 & de D.
Louife Angelique de la Tremoille de Noirmoutier,,
morte à Paris dans le Convent des Bénedictiness
du Cherche- midi le 16. Novembre 1698. âgée de
43 ans Le Duc de Santo - Gemini avoit été marié
le 28. Novembre 1714. avec la fille unique &
préfomptive héritiere de D. ... ... de Cordoue:
Comte de Priego , Grand d'Efpagne de la premiere
claffe , Gentilhomme de la Chambre du Roy
Catholique , mort le 8. Mars 1724. Il a eu de ce
mariage Dona Marie de Bethléem Fernandez de:
Cordoue & Lanti , Comteffe de Priego , heritiere
de fon ayeul maternel , laquelle a été mariée au
mois de Janvier dernier avec Juft Ferdinand -Joſeph
de Croy , Prince d'Havré fon coufin , auquel elle
aapor é la Grande le d'Efpayne de la premiere
claffe avec le Comté de Priego , dont il a pris le
titre . Ce Seigneur depuis fon mariage s'eft démiss
du Régiment de Berri , dont il étoit Colonel , &
eft . allé s'établir en Espagne..
H - vj
Le
2304 MERCURE DE FRANCE
de Le 18. Septembre , Vincent - Louis Gotti ,
l'Ordre des Freres Prêcheurs , Cardinal Prêtre
du titre de S. Sixte , Protecteur de l'Eglife & de la
Nation Bolonoife , mourut à Rome , âgé de 78. ans
& 11. jours , étant né à Bologne le 7. Septembre
1664. & de Cardinalat 14 ans 4. mois & 19. jours..
Il avoit rempli les charges de Prieur , de Provincial
& de Profeffeur dans l'Univerfité de Bologne ,
& d'Inquifiteur à Milan . Il étoit Patriarche élû de
Jerufalem , lorfque Benoist XIII . Pape du même
Ordre que lui , le créa & déclara Cardinal le 30.
Avril 1728 & la Barette lui ayant été envoyée à
Bologne où il étoit alors , il la reçut le 9. Mai
dans l'Eglife des Dominicains de la même Ville des.
mains du Cardinal Légat . Le 16. du même mois de
Mai , il fut facré dans la même Eglife par le Cardinal
Archevêque de Bologne , affifté des Evêques de
Forli & de Faenza . S'étant enfuite rendu à Rome
le 4. Juin , il y reçût le Chapeau le 10. fuivant dans ,
un Confiftoire public , & le Pape , après avoir fait
la Cérémonie de lui fermer & ouvrir la bouche le
14. du même mois , lui affigna le titre Presbiteral
de S. Pancrace, qu'il quitta depuis pour opter celui
de S. Sixte. Ce Cardinal qui avoit fait paroltre fa
profonde érudition dans les differens Ouvrages.
qu'il a donnés au Public , édifioit l'Eglife par fon
éminente pieré , & par fon humilité , n'ayant jamais
perdu de vûë fon état de Religieux . L'eftime
& la vénération génerale qu'il s'étoit acquife par
Les vertus le faifoient regarder comme un fujer
digne d'être élevé fur la Chaire de S. Pierre , & dans
le dernier Conclave il eut un grand nombre de
fuffrages. Ses obfeques furent célebrées le 20. dans
PEglife de Sainte Marie fur la Minerve , auxquelles
le Pape qui l'avoit vifité pendant fa maladie , affifta
avec le facré College. Le foir fon corps fut
7
tranf
OCTOBRE. 17427 1300
tranfporté dans l'Eglife de S. Sixte des Dominicains
, fon titre, pour y être inhumé , ainfi qu'il
l'avoit ordonné par fon teftament , par lequel il
avoit fait un legs de 20000. écus pour marier tous.
fes ans un certain nombre de filles .
pauvres
FRANCE ,
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , &c
L
Ambaſſa Ez. de ce mois, M. de Lezze ,Ambaffadeur
Ordinaire de la République deVenife
, eut fon audience publique de Congé du
Roy , étant accompagné par le Prince de
Lambefc , & conduit par le Chevalier de
Saintor , Introducteur des Ambaffadeurs, qui
étoient allés le prendre en fon Hôtel à Paris
dans les caroffes de leurs Majeftés. Il trouva
à fon arrivée dans l'avant -cour du Château
les Compagnies des Gardes Françoifes & Suif
fes , fous les armes , les Tambours apellant ;
dans la cour , les Gardes de la Porte & ceux
de la Prévôté de l'Hôtel, auſſi ſous les armes,
leurs poftes ordinaires , & fur l'escalier fes
Cent Suifles , en habits de Cérémonie , la
hallebarde à la main . Le Duc de Villeroy ,
Capitaine des Gardes du Corps , le reçût à la
porte en dedans de la Sale, où les Gardes du
Corps étoient en haye & fous les armes. A
la
2306 MERCURE DE FRANCE
la Fin de l'audience , le Roy fit Chevalier M.
de Lezze , felon l'ufage pratiqué à l'égard
des Ambaffadeurs de la République de Vcnife
. L'Ambaffadeur fut conduit enfuite à
l'audience de la Reine , à celle de Monfeigneur
le Dauphin & à celle de Meſdames de
France , & après avoir été traité par les Officiers
du Roy , il fut reconduit à Paris dans
les caroffes de leurs Majeftés par le Chevalier
de Saintor, avec les cérémonies accoûtumées..
Le Roy a nommé Intendant de la Géné
ralité de Paris M. Feydeau de Brou , Confeil
ler d'Etat Ordinaire , & Intendant d'Alface .
Sa Majesté a donné la Charge de Premier
Ecuyer de la Reine , vacante par la mort du
Marquis de Teffé , au Marquis de Teffé
fon Fils , & jufqu'à ce qu'il puiffe exercer les
fonctions de cette Charge , le Roy les a
données au Comte de Teffé fon Ayeul.
Le Roy a accordé à la Marquiſe de Flava
court la place de Dame du Palais de la
Reine , qu'avoit la Comteffe de Mailly , &
à la Marquife de la Tournelle , celle de la
Ducheffe de Villars , qui vient d'être nommée
Dame d'Atours..
Le Comte de la Mothe Houdancourt
Grand
OCTOBRE. 1742 2307
Grand d'Espagne & Lieutenant Général des
armées du Roy , a été nommé par S. M,
Chevalier d'Honneur de la Reine.
Le Roy a donné le Gouvernement de
PHôtel Royal des Invalides , à M. de la
Courneuve , qui en étoit Lieutenant de Roy.
BENEFICES DONNE'S.
S. M. a donné l'Abbaye de S. Benoît fur
Loire , Ordre de S. Benoît , Diocèse d'Orleans
, à l'Evêque de Valence .
Celle de S. Clement de Metz , même
Ordre , à l'Abbé de la Richardie , Vicaire
Général de l'Evêché de Metz.
Celle de la Grace Dieu Ordre de
Cifteaux , Diocèfe de la Rochelle , à l'Abbé
de Grimaldi , Aumônier de S. M.
Celle de S. Savin , Ordre de S. Benoît
Diocèse de Poitiers , à l'Abbé Duché .
Celle de S. Romain de Blaye , Ordre de
S. Auguftin , Diocèſe de Bordeaux , à l'Abbé
de Vercel, Vicaire Général de l'Evêché
d'Angers..
Celle de S. Cheron , Ordre de S. Auguftin
, Diocèse de Chartres , à l'Abbé de
Galiffet.
>
Célle de S. Policarpe , Ordre de S. Benoît,
Diocèſe dé Narbonne , à l'Abbé de Saint
Bonnet.
Celle
2308 MERCURE DE FRANCE
Celle de S. Wlmer , Ordre de S. Auguftin,
Diocèle de Boulogne , à l'Abbé le Maire
chargé des affaires du Roy à Coppenhague.
Le Prieuré de N. D. du Rocher , à Mortain
, Diocèle d'Avranches , à l'Abbé de
Fumel.
L'Abbaye Réguliere de Salinques , à Touloufe
, Ordre de Cifteaux , à la Dame de
Montillet..
Le 13. Septembre , le Chapitre General
des Chanoines Réguliers de la Congrégation
de France , compofé de 28. Capitulans , s'affembla
dans l'Eglife de Ste. Genevieve avec
toute la Communauté de cette Abbaye. ,
pour y célébrer une Meffe folemnelle du S.
Efprit,après laquelle les Capitulans entrerent
au Chapitre.
Le R. P. Patot fut continué Superieur Géneral
de fa Congrégation , & Abbé de Sainte
Geneviève , au grand contentement de
tout le Cor's. L'Election étant finie , toute.
la Communauté entra dans la Sale de l'Affemblée
, & alla embraffer à genoux le Géneral
, qui érvir affis dans un fauteuil On
chanta le Te Deum , & on. alla à l'Eglife.
L'Abbé monta dans le Sanctuaire , & le Sécretaire
du Chapitre y lur à haute voix , en
préfence de tout le Peuple , le Procès verbal
de l Election. L'Abbé alla enfuite fe mettre
genoux.
à
OCTOBRE . 1742 2309
à genoux dans fa place du Choeur , où fon
premier Affiftant lut quelques Prieres en for
me de Bénedictions .
Le R. P. Futaine , ancien Abbé & Géne
ral , a été continué premier Affiſtant ; le
R. P. Chantoifeau, fecond Affiftant, & Prieur
de Sainte Geneviève . Le R. P. Pigouft , cidevant
Prieur de S. Lo de Rouen, & Vifiteur
de la Province de Bretagne , a été élû troifiéme
Affiftant , à la place du R. P. Simon
décedé quelques mois avant le Chapitre.
Les quatre Vifiteurs font , pour la Provin
ce de France , le R. P. Scoffier , Prieur de
S. Vincent de Senlis . Pour celle de Champagne
, le R. P. Chambray , Abbé de N.
Dame de Liege. Pour la Province de Bretagne
, le R. P Touttée , Prieur de Vaux , en
Combraille ; & pour la Province d'Aquitai
ne , le R. P. Cottin , Prieur de Sainte Gened
viéve , de Riom en Auvergne.
> Le premier Octobre il y cut un Concert
chés la Reine. M. de Blâmont , Sur-
Intendant de la Mufique du Roy , fit éxé
cuter le cinquiéme Acte de l'Opera d'Iphi
gente en Tauride , dont les Actes precédens
avoient été concertés le mois dernier ; les
principaux Rôles furent remplis par les
Diles Lalande & Deschamps , & par le
Lieur Dangerville,
,
Le
1310 MERCURE DE FRANCE
Le 6. le 22. & le 26. on concerta devant
la Reine l'Opera de Roland ; les Rôles furent
remplis par les mêmes Sujets & par la Dlle
Abec , & par les fieurs Poirier & du Bourg.

Le Duc de Briffac , que le Maréchal de
Broglie a dépêché de Prague , pour aporter
au Roy le détail de ce qui s'y eft paflé pendant
le Siége , arriva à Verfailles le premier
de ce mois. Les principaux Officiers qui ont
été tués pendant ce Siége , font M. d'Appelgrehn,
Brigadier & Colonel du Régiment de
fon nom , le Marquis de Teffé , Brigadier ,
Colonel Lieutenant du Régiment de la
Reine & fon premier Ecuyer ; le Marquis
de Clermont , Colonel du Régiment d'Auvergne
; le Marquis de Molac , Colonel du
Régiment de Berry ; M. de Perdriguier ,
Ener des génieurs : M. du Val, Lieutenant
Colonel du Régiment de la Reine : M. de
Ploffol , Lieutenant Colonel du Régiment
de Tournaifis , M. de Vefne , Major du Régiment
du Roy, & M M. de Chapuifot & de
Vaudreuil , Capitaines de Grenadiers dans le
même Régiment . M. de Rarsky, Maréchal de
Camp , eft mort d'une apoplexie , étant de
jour. On a fçû par le détail que le Duc de
Brillac a aporté , que le nombre des Officiers
tués pendant ce Siége monte à 60. & celui
des Cavaliers , Dragons & Soldats , à 748 .
La
OCTOBRE. 1742: 2317

Le Maréchal de Maillebois , étant parti
d'Amberg le 16. du mois dernier avec les
deux premieres divifions de l'armée qu'il
commande , arriva le 19. à Weidhauſen , &
après avoir reconnu les retranchemens &
abbatis faits par les ennemis dans la Gorge
de Rofchaup , laquelle étoit gardée par
10000. hommes , il envoya ordre au Comte.
de Saxe , lequel s'étoit feparé de l'armée le
matin à Fchenftrauff , de marcher fur la gau
che par Floff & par Tiffchenrefdt , pour tâ
cher de s'emparer du défilé de Meringue . Le
Comte de Saxe fe rendit maître de ce défilé
le 21. fans trouver aucune opofition , &
le même jour il fit avancer à Plan le Duc
-d'Harcourt avec un Corps de troupes, lequel
ayant été joint par un détachement de la
garnifon d'Egra , commandé par le Marquis
d'Armantieres, força 400. hommes tant d'In
fanterie que de Cavalerie , qui s'étoient re
tirés dans la Ville de Plan , de capituler &
de fe rendre prisonniers de guerre. M. d'Herouville
, Colonel du Régiment de Bourgogne
, a été bleffé en cette occafion. Dès
que le Maréchal de Maillebois eut apris que
le Comte de Saxe étoit maître de la Ville de
Plan , il marcha du même côté , & il arriva
le 23. à Meringue , où il a raffemblé toutes.
les troupes qui font fous fes ordres , pour
déboucher dans la Plaine ,
Lo
2312 MERCURE DE FRANCE
Les lettres de Prague du 18. du mois der
nier , portent que le Maréchal de Broglic
avoit forcé les troupes commandées par le
Général Feftetiz , & qui étoient restées aux
environs de Prague , de s'en éloigner , & que
les provifions de toute efpece arrivoient en
abondance dans la Ville-
Les mêmes lettres ajoutent que le 22. Ic
Maréchal de Broglie avoit marché à Roſtock
avec cinq Brigades d'Infanterie & un détachement
de Cavalerie de 800. hommes ,
dans le deffein d'attaquer le Pont que les
Autrichiens avoient en cet endroit fur la
Baffe Moldaw ; que les ennemis l'avoient
abandonné , & que dans leur retraite ils
avoient été poursuivis une lieuë audela fur
le chemin de Beraun ; que le Chevalier Courten
s'étoit rendu maître du Pont que les
ennemis avoient établi a Konigfall fur la
Haute Moldaw ; que les Régimens de Navarre
, de Piémont , d'Anjou , d'Orleans &
de Rochechouart , étoient campés fous les
ordres du Marquis de la Farre à une lieuë de
Prague , près du Village de Liben ; que les
Grenadiers & la Cavalerie étoient cantonnés
en avant dans le Village de Vifchochzan ;
que M. de la Vallette , Lieutenant Colonel
du Régiment Royal des Carabiniers s'étoient
emparé de Melnick , fur l'Elbe ; qu'il y avoit
fait 25. prifonniers , & qu'il avoit enfuite
marché
OCTOBRE. 1742 : 2313
marché à Leifmeritz , pour y prendre pofte .
Dans les differens endroits dont les François
fe font rendus maîtres , on a trouvé plufieurs
magafins , que les ennemis ont été
forcés d'abandonner , & entre -autres un de
25000. Boulets & de 3000. Bombes.
Le Maréchal de Maillebois ayant marché
vers l'Eger , il paffa cette riviere le 10. de ce
mois , & il alla camper le même jour à
Culm. Il y aprit le lendemain matin que le
Comte de Saxe , qui commande l'avantgarde
de l'armée , avoit pris la Ville d'Ellenbogen
, dans laquelle il y avoit cinq piéces
de canon , 4630. hommes , Croates ou Pandoures
& 160. Huffards , fous les ordres
d'un Général Major . Le Maréchal de Maillebois
comptoit camper le onze à Falckenaw ,
d'où il a chaffé un détachement de 1200 .
Huffards,
pe-
Julien Deflandes , Marchand Cirier , à
Verfailles , rue Dauphine , vis à vis la belle
Image , a trouvé le fecret de faire de la
tite bougie pour la nuit , des trente - deux à
la Livre ; chaque bougie dure dix heures &
demie ; il en fait auffi des cinquante à la livre
pour l'Eté , & d'une nouvelle forte , en
Citron.
Il a inventé une bobêche qui eft plus commode
que les bougeoirs dont on s'eſt ſervi
jufqu'a préfent,
MORTS
2314 MERCURE DE FRANCE
****************
'MORTS ET MARIAGE,
E 17. & le 21. Août , René , & Alexis - Victor
Herant, tous deux Fils de feu M.René Herault ,
Confeiller d'Etat , & Intendant de la Géneralité de
-Paris , moururent à Paris , & furent inhumés en
l'Eglife des Religieux Auguftins de la Place de
Victoire , lieu de lafépulture de cette Famille .
Dans le Mercure d'Août 1740. pag. 1907. en
annonçant la mort de M. Herault , on ne cita , en
parlant de fon Extraction , que l'Arrêt du Confeil
rendu en 1704. par lequel Louis Herault , Seigneur
d'Epone , fon Pere , & Gabriel Herault , Seigneur
de Baffecourt , frere de celui - ci , furent maintenus
dans la qualité d'anciens Nobles fur une filiation
non interrompuë , qu'ils produifirent depuis Geoffroy
Herault , qui vivoit en 1390. telle qu'elle eft .
raportée dans cet Arrêt , ainfi que dans le fecond
Regiftre de l'Armorial Géneral de France . On voit
de plus dans l'Hiftoire de Normandie , tom . 4.
que François Herault fut un des 119. Chevaliers
qui défendirent glorieufement le Mont S. Michel
en 1423. & dont les Armes font encore dans cette
Abbaye dans la Chapelle dite des Chevaliers, le tout
conformément aux Chartres de la même Abbaye.
Lemeri Herault étoit Chevalier de l'Hermine en
1445. fuivant l'Hiftoire de Bretagne , tom . 11 .
Cette Famille qui eft de Baffe - Normandie fur la
Frontiere de Bretagne , fe trouve également dans
l'Armorial des deux Provinces , & produit plufieurs
titres originaux d'une ancienneté peu commune
.
Le
OCTOBRE. 1742. 2315
Le 24 , Gabriel de Berny , Maître ordinaire en
la Chambre des Comptes de Paris , Charge à la→
quelle il avoit été reçû le 19. Avril 1695. mourut
âgé de 72. ans. Il avoit époufé Catherine - Françoife
Rolland , fille de feu Louis Rolland , Confeiller-
Sécretaire du Roy , Maifon , Couronne de France ,
& de fes Finances , & de feuë Elizabeth le Clerc. II
en avoit eu Gabriel - Barthelemi de Berny , reçû
Confeiller au Parlement de Paris à la Troifiéme
des Enquêtes le 5. Février 1728. qui eft mort peu
de jours après fon pere. Celui - ci avoit été marié
au mois de Septembre 1733. avec la feconde fille
de feu Jules- Adrien Gaultier du Bois , Seigneur de
Befigny & de Ladon , & d'Anne - Marie Doë , la
veuve .
Le 27 , D. Marie- Anne Chevalier , veuve en
dernieres nôces depuis le 22. Juin 1731. de Guillaume
Davy de la Fautriére , Seigneur de la Gilquiniére
, & de Blaine , Maître ordinaire en la
Chambre des Comptes de Paris , avec lequel elle
avoit été mariée au mois de Janvier 1698. mourut
dans la 74. année de fon âge , étant née le 10.
Mai 1669. Elle avoit été mariée en premieres nôces
le 15.Février 1684. avec René- François le Tellier ,
Seigneur de Doyla , Confeiller en la Cour des
Aides de Paris , mort le 14. Décembre 1686. &
elle étoit fille de Jacques Chevalier , Seigneur ,
Vicomte de Courtavant & de la Montagne , Baron
d'Amfernel , Confeiller - Sécretaire du Roy , Maifon
, Couronne de France & de fes Finances , &
Receveur General des Finances de la Géneralité de
Metz , mort le 19. Septembre 1679. & d'Anne
Ollier de Beffac , morte le 27. Juillet 1722. Elle
laiffe de fon fecond mariage Louis Davy de la
Fautriére , né le 11.. Janvier 1700. & reçu Confeiller
au Parlement de Paris à la Troifiéme Chambre
des Enquêtes le 27. Février 1726 .
2316 MERCURE DE FRANCE

Le 7. Septembre , D. Catherine- Magdeleine
Cointre , veuve depuis le 22. Février 1724.
Jerôme Hubert , Ecuyer , Seigneur de Corcy & d
Fleury en Valois , ancien Commiffaire ordinair
des Guerres , avec lequel elle avoit été mariée
4. Mai 1714. mourut à Paris dans la so . annég
de fon âge , étant née le 7. Novembre 1692. Ell
laiffe un fils , & une fille qui a été mariée le premier
Mai 1737. avec . ... de Vaffan , Sous
Lieutenant au Régiment des Gardes Françoiſes.
....
Le 9 , D. Louife - Françoile d'Aumont de Crevan
d'Humieres , veuve depuis le 16. Juin 1741. de
Louis-Antoine Armand , Duc de Grammont , Pau
de France , Souverain de Bidache , Sire de Lefparre ,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral
de fes armées , Colonel du Régiment de fes Gardes
Françoiſes , Gouverneur & Lieutenant General
pour S. M. en fes Royaume de Navarre & Province
de Bearn , Gouverneur particulier de la Ville ,
Citadelle & Châteaux de Bayonne & Pays adjacens
& de la Citadelle de S. Jean Pié-de- Port ,
mourut à Paris , dans la 51. année de fon âge.
On a marqué de qui elle étoit fille dans le Mercure
de Juin 1741. vol. 1. p . 1260. en raportant
la mort du feu Duc de Grammont , fon mari ; &
P'on a parlé dans le même article de fes deux filles
la Ducheffe de Lefparre & la Com effe de
Brionne. La mort de cette derniere a été annoncée
dans le Mercure du mois de Février dernier , p.
402 .
Le même jour , D. Marie Marguerite le Gendre ,
veuve depuis le 7. Juin 1738. d'Antoine Crozat ,
Seigneur Marquis de Moui &c. ci -devant Commandeur
& Grand Tréforier des Ordres du Roy , ancien
Sécretaire de S. M. Maifon , Couronne de
France , & de fes Finances &c . avec lequel elle
aro
OCTOBRE. 1742. 2317
avoit été mariée au mois de Juin 1690. mourut à
Paris , âgée d'environ 72. ans . On a parlé de fesenfans
dans le Mercure de Juin 1738. vol . 1. p .
1229. en publiant la mort de leur pere.
Le 11 , D. Françoise de Mailly , Dame d'atours
de la Reine depuis le 19. Août 1731. & veuve en
dernieres noces depuis le 7 Septembre de la même
année 1731. de Paul- Jules de la Porte Mazarin de
Ruzé , Duc de Rethelois. Mazarin , de la Meilleraye
& de Mayenne , Pair de France , Prince de
Château Porcien , Marquis de Chilly , Lonjumeau ,
Comte de Marle , La Fere , Rozoy , Betfo : t , Ferrette
, Thanne , Baron de Maffy , Ham , Parthenay
, S. Maixant , Altkirch , Seigneur d'iffenheim ,
de Dolle , &c. Gouverneur pour le Roy , des Villes
& Citadelles du Port Louis , Hennebon & Quim
perlay , en Bretagne , avec lequel elle avoit été
mariée le 14. Juin de la même année 173 1. mourut
à Versailles , âgée de 54. ans 12. jours , étant
née le 30. Août 1688. Elle avoit été mariée en
premieres nôces le premier Septembre 1700. avec
Louis Phelypeaux , Marquis de la Vrilliere , Comte
de Château - neuf & de Saint Florentin , Miniftre &
Sécretaire d'État , Commandeur & ci devant Sé
cretaire des Ordres du Roy , mort à Fontainebleau
le 6. Septembre 1725. Elle avoit eu de lui , Louis
Thelypeaux , Comte de S. Florentin , Sécretaire
d'Etat , Commandeur & Sécretaire des Ordres du
Roy , marié le 16. Mai 1725. avec Amelie - Erneftine
de Platen , fille d'Erneft- Augufte de Platen ,
Comte du S. Empire , Souverain de Hallermande ,
Confeiller Intime , Grand- Chambellan , Miniftre
d'Etat & Grand - Maître des Poftes des Etats de
Brunfwik- Lunebourg- Hannover , & de Sophie-
Caroline d'Offelen , de laquelle il n'a point d'enfans
; Marie-Jeanne Phelypeaux , mariée le 29.
1
I Mars
2318 MERCURE DE FRANCE
P
Mars 1718. avec Jean Frederic Phelypeaux ,
Comte de Maurepas , Miniftre & Sécretaire d'Etat,
Commandeur , & Grand Tréforier des Ordres dy
Roy , qui n'en a point d'enfans & feue Louife
Françoile Phelýpeaux , Comteffe de Plélo , dont la
mort et raportée dans le Mercure de Mars 1737.
P. 619. Il refte d'elle une fille unique , nommée
Louife- Felicité de Brehan de Plélo , née le 30.
Novembre 1726. qui a été mariée en 1740. au Duc
d'Agenois , Colonel du Régiment de Brie.
Le 14 , André Jubert de Bouville , Marquis de
Bizy & de Clere- Pannilleufe , Baron de Dangu ,
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy ,
depuis 1723. & auparavant Confeiller en la Cour
des Aides de Paris , où il avoit été reçu lè 4. Janvier
1720 , mourut en trois à quatre heures de tems
d'une violente colique , en fon Château de Dangu ,
dans la 45. année de fon âge , étant né le § . fuillet
1698. On a raporté la mort de fon pere dans le
Mercure de Juin 1741. vol. 2. p . 1466 & celle de
la D. fa mere dans celui du mois de Juillet dernier,
P. 1687. Il avoit été marié en 1724. avec Marie.
Therefe-Julie Guyot , fille de feu François Guyot
de Chepizot, Seigneur de Villers, la Haye , Courton
, &c. Confeiller - Sécretaire du Roy , Maiſon ,
Couronne de France & de fes Finances , Receveur
Géneral des Finances de la Generalité de Rouen ,
& Sécretaire du Confeil , & de Jeanne- Julie Ber,
Il en laiffe un fils & une fille.
ger.
Le 16 , Louis Barbaut , Confeiller Sécretaire du
Roy , Chevalier de l'Ordre de S. Michel du s . Mars
1733. Gouverneur & Sénechal de la Sénechauffée ,
Ville & Comté de S. Pol, en Artois, ci-devant Dé.
puté des Etats de Flandres , mourut à Paris , âgé de
66. ans , laiffant entr'autres enfans Anne- Felicité
Barbaut , mariée au mois d'Octobre 1738. avec
Pierre-Antoine Couet d'Eaubonne,
OCTOBRE. 1742 2319
Le 19 , Jean-Baptifte de la Garde , Seigneur de
Courcelles , la Bréteche , &c. Confeiller du Roy en
fes Confeils , Préfident au Parlement de Paris , en
la Cinquiéme Chambre des Enquêtes , reçû à cette
Charge le 14. Août 1704 & auparavant Confeiller
en la même Chambre du 9. Mai 1696. mourut à
Paris dans la 70. année de fon âge , étant né le 19 .
Décembre 1672. Il étoit fils de Jacques de la Garde
Confeiller au même Parlement , mort le 3 .
Septembre 1684. âgé de so. ans , & de Barbe
Daouft , morte le 29. Décembre 1705. âgée de
58. ans ; & il avoit été , marié le 11. Avril 1715.
avec Catherine Bonne Ravat , fille de Louis Ravat,
Seigneur de Mazes & de Montbellet Prévôt des
Marchands de la Ville de Lyon , & de Bonne Pupil.
Elle mourut le 16. Septembre 1727. Il laiffe d'elle
une fille unique , riche héritière.
Le21,Jean-Guillaume de S. Legier,Seigneur de la
Saufaye, Chef d'une Maiſon d'une ancienne Nobleffe
dans le Pays d'Aunis & en Saintonge , ancien Capitaine
de Vaiffeaux du Roy, de la Promotion de 1712.
mourut en fon Château de la Saufaye , près de la
Rochelle , âgé de 77. ans . Il avoit épousé en 1705.
Suſanne Françoiſe Mellier , de laquelle il ne laifle
qu'une fille mariée en 1723. avec Louis- François
de Cacqueray de Valmenier Gentilhomme de
Normandie , né à la Martinique , où il a des biens
confiderables. M. de la Saulaye étoit frere de
..... de S. Legier de la Saufaye , auffi Capitaine
de Vaiffeaux du Roy , de la Promotion du 25.
Mars 1738. Celui - ci s'eft marié deux fois à la
Martinique la premiere en 1715. avec Magdeleine
du Poyet , de laquelle il lui reste une fille ; &
la feconde en 1727. avec Marie Renaudin , de
laquelle il a plufieurs enfans.
Le 24, D. Marguerite- Magdeleine Magdelin
I ij époufe
1320 MERCURE DE FRANCE
époufe de Pietre Saintard , Confeiller- Sécretaire
du Roy , Maiſon , Couronne de France & de fes
Finances , & l'un des Directeurs de la Compagnie
des Indes , mourut à Paris âgée de 53 , ans ,
Le même jour , D. Louife Moriau , époufe de
François Marie Dionis , Confeiller - Sécretaire du
Roy , Maiſon , Couronne de France & de fes Finances
, Receveur géneral & Payeur des Rentes de
l'Hôtel de Ville de Paris , avec lequel elle avoit été
mariée le 8 Juillet 1727. mourut dans la 36. année
de fon âge , étant née le 16. Fevrier 1707. Elle
étoit troifiéme fille de Nicolas- Guillaume Moriau ,
Confeiller du Roy , fon Procureur & Avocat , de
la Ville de Paris , mort le 14. Mai 1725. & de
Marie- Catherine Brillon , morte le 30. Decembre
3721.
Le même jour , Anne- Marie - Louiſe de Belfunc
de Caftelmoron , Abbeffe de l'Abbaye Royale du
Ronceray d'Angers , de l'Ordre de S. Benoift
mourut dans ce Monaftere , étant dans la 34. année
de fon Gouvernement. Elle avoit été d'abor
Religieufe Profeffe de l'Abbaye de Saintes , don
elle étoit Grande- Prieure , loifqu'elle fut nommé
Coadjutrice du Ronceray , le io . Fevrier 170!
Elle en devint Titulaire le 19. Mars 1709. par
démiffion de Françoise de Caumont de Lauzur
fa tante , & elle fut bénite le 14 Septembre 1710 .
dans l'Eglife Collegiale de la Trinité d'Angers pas
Henri-Xavier de Belfunce , Evêque de Marfeill .
fon frere , ayant été affiftée dans cette cérémosle
par l'Abbeffe de Saintes , & par l'ancienne Abbetle
du Ronceray , fes tantes maternelles, Elle étoit Elę
d'Armand de Belfunce , Marquis de Caftelmore.
& de Born , Baron de Gavaudun , Seigneur
Vieilleville , grand Sénechal & Gouverneur
Pays d'Agenois & Condomois , mort le 23. Juin
1728.
OCTOBRE. 1742 2321
1728. âgé de 90. ans , & de D. Anne de Caumon
de Lauzun , morte le 6. O&obre 1722. à l'âge de
81. ans. Elle étoit auffi foeur du Marquis de Caftelmoron
, Lieutenant Géneral des Armées du Royj
mort le 4. Avril 1739.
Le 28. Jean- Baptifte Maffillon , Evêque de Cler
mont , en Auvergne , Abbé Commandataire de l'Abbaye
de Savigny, Ordre de Cîteaux , Diocèſe d'A →
vranches , & l'un des Quarante de l'Académie
Françoife, mourut dans fon Diocèle , âgé de 79. ansa
Il étoit natif des Inles d'Hiéres , en Provence. Il fut
Prêtre de la Congrégation de l'Oratoire , & un des
plus célebres Prédicateurs de fon tems , ayant prê
ché , tant à la Cour qu'à Paris , dans les principales
Chaires , avec un grand aplaudiffement . Ayant été
nommé le 6. Novembre 1717. à l'Evêché de Clermont
, il fut facré le 21. Decembre 1718. dans la
Chapelle du Palais des Thuilleries , par M. l'ancien
Evêque de Frejus , aujourd'hui Cardinal de Fleury ,
affifté des Evêques de Nantes & de Vannes , en préfence
du Roy entre les mains duquel il prêta ferment
de fidélité en préfence du Duc d'Orleans
Régent , le 3. Janvier 1719. Il fut reçû à l'Acadé
mie Françoife le 23. Février fuivant . L'Abbaye de
Savigny lui fut donnée le 8. Janvier 1721. Il prononça
à S.Denis , en France , l'Oraiſon Funebre d'E
lizabeth- Charlotte de Baviere , Ducheffe Douairiere
d'Orleans , le 5. Février 1723.

Le premier Octobre , Dame Françoife - Anne le
Monnier de Fleville , Dame Châtelaine & Vicomteffe
de Hotor, Dame des Authieux Papion, d'Hyeville
, du Heribel & du Londel , en Normandie ,
époufe de Gilles - Charles- Felix de Maupeou ,
Comte d'Ableiges , Confeiller au Grand Confeil ,
avec lequel elle avoit été mariée le 2. Avril 1740 .
mourut en couches d'une fille , fon fecond enfant,
I iij âgés
2322 MERCURE DE FRANCE
âgée de 20. ans . Elle laiffe , outre cette fille , utz
fils nommé Gilles - François de Maupeou , né le
12. Novembre 1741. Elle étoit fille unique & feule
heritiere de feu Romphaire le Monnier de Fleville
, Ecuyer , Seigneur d'Hyeville , & de défunte
Dame Marie - Anne Doublet , & petite fille de
Michel le Monnier , Confeiller , Sécretaire du
Roy du Grand College , & de Dame Françoife le
Normand.
Le 3 , D. Eleonore- Gabrielle-Louife- Françoife de
Crux de Vieillevigne , Marquife de Montaigu , heritiere
de fa Maifon , époufe de Jean Baptifte-Victor
de Rochechouart , apellé le Comte de Mortemart,
Marquis de Blainville , Colonel du Régiment de
Dauphiné, avec lequel elle avoit été mariée le 10.
Février 1733. mourut à Paris âgée d'environ 30 .
ans , laiſſant un fils unique âgé de 15. à 16. mois.
On a raporté la mort des pere & mere de cette
Dame dans les Mercures de Mars 1739. p. 611. &
d'Avril 1740. p . 814.
Le même jour , Alfonfe de Lanfac , Prêtre , Abo
bé Commandataire de l'Abbaye de Bonnefont ,
Ordre de Cîteaux , Diocèfe de Comminges , à laquelle
il avoit été nommé le 5. Avril 1709. étant
alors Vicaire Géneral du Diocèfe de Bayonne ,
mourut dans cette Abbaye , âgé de 92. ans.
Le . Louis Rouffeau , Seigneur de Chamois ,
Vaucemain , Sommeval , & la Broffette , en Champagne,
Gentilhomme Ordinaire, Veteran de la Maifon
du Roy , mourut à Paris , affafliné par des voleurs
fur les 9. heures & demi du foir , ruë des
Quatre Fils , dans la 51. année de fon âge , étant
né le 29 Novembre 1691. On peut voir de qui il
étoit fils dans le Mercure de Juin 1741. où l'on
a raporté la mort de la Dame fa mere , Vol. 2 .
P. 1466. Il avoit époulé depuis 4. à 5. mois la feconde
OCTOBRE. 19427 2323
donde fille de M. Petit , Receveur General des Domaines
& Bois de la Géneralité de Châlons , en
Champagne. I laiffe un frere Capitaine , fervant
actuellement en Boheme ,
d'an-
Le 6. M. Miroy , ancien Garde du Corps du
Roy , mourut au Village de Plain , proche Rethel ,
en Champagne , âgé de 109. ans & fix mois ,
n'ayant jamais été faigné ni purgé . Il y a peu
nées qu'il alloit encore à la Chaffe , il eft parvent
à un grand age , fans avoir été incommodé
agillant , marchant , & tenant table auff longtems
qu'un jeune homme de trente ans .
Le 7. Dame Eleonore Radegonde d'Orleans Rothelin
, veuve depuis le 21. Juin 1762. de Marc◄
Augufte , Marquis de Briquemault , Comte de Ca
ftelnau , en Cerner , Baronde S. Loup - aux - Bois ,
Seigneur de Touvenel , de Crevecoeur , de Danne
Marie fur Loing , Ecully , les Barres , la Mothe
Pouplain , &c. avec lequel elle avoit été mariée le
8. Juillet 1694. mourut à Paris dans la 63. année
de fon âge , étant née le ro . Novembre 1679. Elle
étoit fille d'Henri d'Orleans , Marquis de Rothelin,
Comte de Mouffy Seigneur de Mouffy- le - Neuf,
Vigneuil , Machelainville , Beauverges , Herbault ,
Criquetot , Ferrolles , Premier Enfeigne de la Com
pagnie des Gendarmes de la Garde du Roy , tué
au combat de Leuze , en Flandres, le 19. Septembre
1691. & de Dime Gabrielle - Eleonore de Montaur
de Benac , fille du Maréchal de Navailles , morte
le 30. Août 1698. âgée de 41. ans .
La Marquife de Briquemault avoit eu pour enfans
, Marie Henriette de Briquemault , née le 13.
Novembre 1696. mariée le 17 Juin 1720. avec
Joachim d'Efcafaux , Seigneur du Gué au- Voyer ,
la Sénéchaliere , & c . dont elle eft reftée veuve fans
enfans au mois de Novembre 1732. Leon- Philipe,
Liiij Ma
$324 MERCURE DE FRANCE
Marquis de Briquemault , né le 27. Octobre 1698.
qui a été Exempt des Gardes du Corps de feuë la
Ducheffe de Berii ; & Françoife de Briquemault ,
Dile d'Orlay , née le 6. Janvier 1701 .
Le ... Louis Auguftin de Canouville de Raffetot,
Seigneur du Pleffis - Chivré , Vignacourt , Goeurs ,
Villy , &c . apellé le Marquis de Canouville - Raffetot
, mourut dans fon Château du Pleffis Chivré ,
en Anjou , âgé d'environ 45. ans . Il étoit fils de
Charles de Canouville , Comte de Raffetot , Seigneur
du Pleffis- Chivré , Goeurs , Vignacourt ,
Chevalier des Ordres de N. D. du Mont-Carmel
& de S. Lazare de Jerufalem , ancien Capitaine de
Cavalerie , mort au Pleffis au mois d'Avril 1739 .
âgé d'environ 64. ans , & de D. Helene Nau , &
il étoit veuf de D. Conftance de Pardieu d'Avrémefail
, de laquelle il laiffe un fils unique.
Le 8. Louis - Armand de Brichanteau , Marquis
de Nangis du Châtel , Seigneur de Brichanteau ,
&c. Maréchal de France , Chevalier des Ordres du
Roy, Gouverneur de Salces , en Rouffillon , & Chevalier
d'Honneur de la Reine , mourut à Verſailles
âgé de 60. ans , 11. jours , étant né le 27. Septembre
1682. On a raporté fes Charges & Emplois, &
fes fervices dans le Mercure de Février 1741. P.
797. à l'occafion de la Promotion à la Dignité de
Maréchal de France ; ainfi l'on s'abftiendra de les
répeter ici . Il étoit fils aîné de Louis - Faufte de
Brichanteau , Marquis de Nangis , Baron de Méillan
, de Charenton , de Mareuil , de la Croisette ,
de Frolois , Seigneur de Brichanteau , Colonel du
Régiment Royal la Marine , & Brigadier des armées
du Roy , mort à Strasbourg le 22. Août
1690. d'un coup de moufquet qu'il avoit reçu à la
tête le 8. précédent , à l'attaque d'un Village retranché
dans les Plaines d'Offembourg , au - delà du
Rhin
OCTOBRE . 1742 2325.
.
Rhin , à l'âge de 33. ans , & de Marie- Henriette
d'Aloigny de Rochefort, Dame du Comté de Gien
de la Vicomté de Meaux , de la Baronnie de Villemort
, de S. Liébaud , & c . morte âgée de 72. ans,
le 18. Septembre 1736. veuve en fecondes nôcess
de Charles de Roye de la Rochefoucaud , Comte
de Blanzac , Lieutenant Géneral des armées du
Roy , & Gouverneur de Bapaume , duquel elle a
laiffé le Duc d'Eftiflac , la Comteffe de Clermont-
Tonnerre , & la Comteffe de Donges , heritiers du
côté maternel du Maréchal de Nangis , leur frere:
utérin , qui avoit été marié le 8. Janvier 1705. ,
avec Marie - Marguerite Fortin de la Hoguette
fille & unique heritiere de feu Charles Fortin ,
Marquis de la Hoguette , Lieutenant Géneral des
armées du Roy , Capitaine Sous Lieutenant de la
premiere Compagnie des Moufquetaires de la Garde
ordinaire de S. M Gouverneur de Nyort & de
Meziéres , & de feuë Marie Bonneau de Rubelles ..
II la laiffe fans enfans.
Le 9. Antoine- Raphaël de Lorme , Confeiller du
Roy , Subftitut du Procureur Géneral au Parlement
de Paris, reçû à cet Office le 16. Avril 1720. Chevalier
, Commandeur & Tréforier de l'Ordre de
N. D. du Mont- Carmel & de S. Lazare de Jerufa
lem , dont il avoit reçû la Croix le 22. Novembre
1723. & Sécretaire ordinaire du Duc d'Orleans
mourut à Paris âgé d'env.ron 5o. ans , fans avoir
été marié .
Le 10. D. Marie -Louife Boucher , époufe d'An--
toine -Charles Lorimier , Confeiller , Secretaire din
Roy, Maiſon , Couronne de France & de fes Finances
, Maître de la Chambre aux Deniers de S.M..
& ancien Notaire au Châtelet de Paris , mourug
agée d'environ 48. ans , laiffant 2. fils & filles ,
dont l'aînée eft mariée au Comte de Braque ,, Sei-
27. DD
gueur
2326 MERCURE DE FRANCE
de la
gneur de Luat. On a raporté la mort du pere
Dame Lorimier dans le Mercure de Septembre 1736.
P. 2152.
Le 12. Auguftin de Grille , Gentilhomme de la
Ville d'Arles, en Provence , Capitaine d'une Compagnie
au Régiment des Gardes Françoifes , mourut
à Douay en Flandres , dans la 64. année de
fon âge.
Le 18. Jofeph de Marnays de S. André , Gentilhomme
de Dauphiné , Gouverneur de l'Hôtel
Royal des Invalides , & de la Ville de Dye , Maréchal
des Camps & Armées du Roy,& Commandeur
de l'ordre Royal & Militaire de S. Louis , mourut
en cet Hôtel âgé d'environ 70. ans . Il avoit été
autrefois Lieutenant Colonel du Régiment Dauphin
, Cavalerie. Il fut fait au mois d'Août 1705 .
Maréchal des Logis de la Cavalerie de l'armée de
France en Italie , Meftre de Camp de Cavalerie
par Brevet du mois de Février 1706. Brigadier le
premier Février 1719. Inſpecteur Géneral de Cavalerie
le 9. Septembre 17 : 9 . Lieutenant de Roy
de l'Hôtel Royal des Invalides le premier Juin
1730 Maréchal de Camp le 20.Février 1734.Commandeur
de l'Ordre de S. Louis avec 4000. liv, de
penfion le 2 Février 1737. & enfin Gouverneur
du même Hôtel au mois de Janvier 1738. Il n'avoit
point été marié .
Le 22. François Hocquart de Felcourt , Ecuyer ,
Doven des Confeillers en la Cour des Aides de
Paris , où il avoit été reçû le 13. Juillet 1686.
mourut âgé de plus de 80 ans fans avoir été ma-
Ce Magiftrat s'étoit rendu refpectable par fon
affi uité à remplir fes devoirs , & par fon attachement
à fa Compagrie . Il étoit d'ailleurs fort charitable
envers les Pauvres. Il étoit fils de feu François
Hocquart , Seigneur de Felcourt , Confeiller,
SécreOCTOBRE.
17423 2327
Secretaire du Roy , Maiſon , Couronne de France
& de fes Finances , Payeur des Rentes de l'Hôtel de
Ville de Paris, & de Magdeleine Henriet , moit le
22. Decembre 1702. Il laiffe, pour heritiers entre
autres , un neveu , fils de feu Louis- François de
Belanger, Seigneur de Thourotte, Meftre de Camp
d'un Régiment de Cavalerie , & Brigadier des ar
mées du Roy , & de Louife Hocquart , fa four ,
morte en couches le 3. Décembre 1710.
Le 24. Louis- Charles Bertin de Blagny Seigneur
des Coudrais-les Eftiole , Confeiller du Roy en
fes Confeils , Maître des Requêtes honoraire de
fon Hôtel , Tréforier Génera ; des Revenus Cafuels
& Deniers extraordinaires de S. M. mourut en fa
Maifon des Coudrays , âgé d'environ 47. ans ,
étant né en 1695. Il avoit été d'abord Maître d'Hôtel
de feue la Ducheffe de Berri , puis il fut reçû
Confeiller au Grand Confeil en 1717. & Maître des
Requêtes en 1718. Il fut un des Commiffaires de la
Chambre, établie à Nantes en Bretagne en 1720. &
il obtint au mois de Decembre 1729. la Charge
de Tréforier des Revenus Cafuels , vacante par la
mort de Pierre- Nicolas Bertin , ſon fiere aîné. Il
étoit troifiéme fils de Pierre Vincent Bertin , auffi
Tréforier Géneral des Parties Cafuelles , mort à
l'âge de 8. ans le premier Décembre 1711. & de
Jeanne- Françoife- Elizabeth de Sauvion, morte âgée
de 37. ans , le 20 Juillet 1712 Il avoit épousé au
mois d'Août 172. Anne - Marie de Montigny,fille
aînée de Heuri de Montigny , Marquis de Congis,
& d'Anne- Catherine Brayer. If en laiffe Auguite-
Louis Bertin , né en 1725. Charles Bertin , né en
1726 , deſtiné à l'Eglite , Nicolas Bertin de Moran--
cey , né en 1718. Litutenant au Régiment de Plcardie
, & Anne- Genevieve Bertin de Blagny , née
en. 1731 .
Ee
1
2328 MERCURE DE FRANCE
Le 26 Louis
- Marie
le Boullanger
, Confeiller
au Parlement
de Paris
en la Premiere
Chambre
des Enquêtes
, où il avoit
été reçû
le 16. Mars
1725
mourut
à Paris
, âgé d'environ
35. ans. It
étoit
fi s unique
d'Antoine
- Charles
le Boullanger
,
Confeiller
Honoraire
en la Grand'Chambre
du
même
Parlement
, & de feuë D. Louiſe
- Elizabeth-
Guillaume
de Chavaudon
, morte
le 3. Decembre
1707.
& il avoit
été marié
le 4. Août
1739.
avec la
fill: unique
de Jacques
Pichon
de Madiére
, Maître
ordinaire
en la Chambre
des Comptes
de Paris
;
& de Marie
Louife
de Bonval
. It en laiffe
un fils
unique
âgé de 15. mois .
Le 10 Septembre , Louis- Alexandre de Savary ,
Seigneur de S. Juft & autres Lieux , Confeiler du
Roy en fes Confeils , GrandMaître des Eaux & Forêts
de France au Département de Rouen , fils de Pierre
Philemon de Savary , auffi Seigneur de S. Juft , &
Grand Maître des Eaux & Forêts de France au
même Département , & de défunte Dame Marie-
Angelique le Cordier du Troncy , époula Demoifelle
Anne-Marie Jeanne du Puis de Champtemerle ,
fille de Pierre du Puis , Chevalier Confeiller du
Roy en tous fes Confeils , Maître des Requêtes.
Honoraire de l'Hôtel du Roy , Piéfident Hono
raire au Grand Confeil , & Confeiller Honoraire
au Parlement de Paris , & de Dame Marie - Anne-
Charlotte Avau du Tronchot.
Ce Mari ge a été célébré au ´hâteau du Pleffſis ,
par M. de Savary , ci devant Chevalier de Mal
the , aujourd'hui Abbé de Beaulieu , Diocèfe de
Langres , Grand- Vicaire d'Evreux , & frere aîné
du marié .
La mariée eft foeur de Madame la Comteffe de
Baujeu dont nous avons anfoncé le mariage fait
environ trois femaines auparavant , dans le
dernier Mercure . EPITRE

OCTOBRE . 1742 23.29
**************************
EPIT RE
A Mad. C ... pour le jour de fa Fête.
Ous , qui reüniffez l'éclat de la beauté
Aux charmes d'un doux caractere ;
Vous , qui faites regner les graces fans fierté ,
Et qui , fans le fecours d'un art trop concerté,
Faifant des captifs à Cythere ,
Sçavez fi bien charmer & plaire ;
Vous , à qui tous les coeurs élevent des autels
Soyez la Mufe qui m'inſpire ,
Et daignez agréer les tranfports d'une Lyre
Dont les chants feroient immortels
Si , dans cet agreable hommage ,.
Ne donnant que des fons parfaits ,
Elle avoit le doux avantage
De plaire autant que vos attraits.
Le Dieu , qui déclare la guerre-
A tous les habitans de ce vafte Univers
Le Dieu , qui foumet à fes fers.
Le Maître même du tonnerre ,
Et le Monarque des Enfers ,
Déformais , pour vaincre la terre ,
Marche fans Arc & fans Carquois :
Dequoi
2330 MERCURE DE FRANCE
Dequoi lui fervi oient ces armes
Il n'a befoin que de vos charmes
Pour foumettre tout à fes loix .
C'eft du maritime Rivage
Que l'himen dans ces lieux vint conduire vos pas.
Nos citoyens ravis , par un tendre efclavage
Achetent le plaifir d'adorer vos apas
Tout change en ces heureux climats ;
L'Amant le plus fidéle eft bien- tôt un volage ;
Son coeur pour vous feule s'engage ,
Et brûle d'une ardeur que le tems n'éteint pas,
Telle , du fein de l'onde amere
Sortit la divine Cypris.
Quand avec les Jeux & les Ris ,
Pour la premiere fois elle aborda Cythere.
Les Amours ›
des cris
par "
annoncerent lent
Mere 38
Et les Dieux furpris , enchantés ,
Firene du bonheur de lui plaire
Leurs plus douces felicités.
Mais que viens - je d'aprendre ? â ciel ! quella
allegreffe !
Quel transport agite mon coeur !
Je cede à ma bouillante ardeur ;
O Dieu du Pinde & du Permeſſe
Viens répandre fur moi tes plus cheres faveurs.
Apelle
OCTOBRE. : 1742. 2338
Apelle tes charmantes Soeurs ;
Hâte-toi de monter ma Lyre
Célebrons D *** , elle- même m'infpire.
Qui t'arrête . .. è en ce jour , le plus heureux des
jours ,
Nâquirent les attraits , nâquirent les Amours,
De lauriers immortels viens couronner ma tête.
célebrer cette Fête
Mais
C'est pour
Que j'ai besoin de ton ecours.
que vois je ! à l'aſpect de cette jeune Bello
Déja tu fens l'ardeur d'une flâme nouvelle :
Le trait part de fes yeux , & ton coeur étonné
Soupire , brûle , & va pour elle
Oublier à jamais Coronis & Daphné.
Et toi , volage amant de Flore
Zephire , devance l'aurore ;
Vole dans ces jardins charmans ,
Où ton coeur , à tous les momens
Careffe des beautés nouvelles
Par la douceur de tes foupirs ;
Fais naître les fleurs les plus belles,
Et favorife mes defirs .
Déja pour fervir ma demande ,
Plus prompt que le feu des éclairs ,
Tu voles , tu parcours les airs ,
Tu tiens en main une guirlande
*
De ces fleurs que tu viens , par un larcin fecret ,
De
2332 MERCURE DE FRANCE
De derober à ton Amante.
C'eft affés ... mon ame contente
Pourroit-elle oublier un fi charmant bienfait
C'est à Vous D✶✶✶ aimable ,
A qui je vais offrir ces fleurs ;
Daignez fur leurs vives couleurs.
Jetter un regard favorable ;
Le tems , tiran inexorable ,
Avant la fin du jour , doit avec cruauté
Effacer toute leur beauté.
Fuiffe ce vieillard redoutable
N'outrager jamais vos attraits !
Dans le fein de la douce paix ,
Par les Ris & les Jeux fuivie ,
Puiffe la plus heureufe vie ,
N'être pour vous qu'un long printems
Que l'himen , à chaques momens ,
Vous offre une douceur nouvelle !
Et puise la Parque cruelle
Respecter votre Epoux , objet de vos amours
Et remettre aux Plaiſirs le fufeau de vos jours !
Par M. B. ** d'Ai...
ARRESTS
OCTOBRE 1742 2333
.
米米:::
ARRETS
D
NOTABLES..
ECLARATION DU ROY , qui regle
la forme que Sa Majeſté veut être dorénavant
obfervée dans le Concours aux Chaires de Profef
feurs & aux Places d'Aggregés de la Faculté de
Droit de l'Univerfité de Toulouſe. Donnée à
Verfailles le 10. Juin 1742. Regiftrée au Parlement
de Toulouſe le 20. du même mois , par la❤
quelle S. M. ordonne l'execution des 40. Articles
contenus en ladite Déclaration.
ARREST do 31. Juillet , qui ordonne qu'en
payant par l'Ordre de Malte , la forme de quatre
vingt - dix mille livres, tous les biens apartenans audit
Ordre , demeureront déchargés de l'exécution
de la Déclaration du 19. Août 1741. concernant la
levée du Dixième .
l'im- tant que
commencer
du
AUTRE du même jour , qui ordonne qu'en
payant par les Clergés du Diocèfe de Perpignan ,
la fomme de 6oco liv . par année ,
pofition du Dixiéme aura lieu ,
premier Octobre 1741. leurs biens Eccléfiaftiques
feront difpenfés de l'exécution de la Déclaration
da 29. Août dernier.
AUTRE du même jour , qui ordonne qu'en
payant par le Clergé du Diocèfe de Verdun , la
fomme de 28750. liv . les biens Eccléfiaftiques dudit
Diocèfe feront difpenfés de l'exécution de la
Déclaration du 29. Août 1741
AUTRE
1134 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , qui ordonne qu'en
payant par le Clergé du Diocèfe de Metz , la foinme
de sooo. liv . les biens Fcclefiaftiques dudit
Diocèle feront difpenfés de l'exécution de la Déclaration
du 29. Août 1741.
AUTRE du même jour , qui ordonne qu'en
payant par le Clergé de Toul , la fomme de 12000 .
liv . les biens Eccléfiaftiques dudir Diocèle feront
difpenfés de l'exécution de la Déclaration du 29.
Août 1741.
ORDONNANCE du Roy, du 6. Août, portant
augmentation de dix Maîtres en chacune des Com →
pagnies des Régimens de fa Cavalerie Françoiſe &
Etrangere , & dans celles du Royal de Carabiniers.
DECLARATION DU ROY , touchant le
Concours aux Cures de Bretagne. Donnée à Verfailles
le 11. Août 1742. Regiſtrée au Parlement
de Bretagne le 23. du même mois , par laquelle
S. M. ordanne l'execution des 21. Articles contenus
en ladite Déclaration.
ARREST de la Chambre des Comptes , du 29.
Août , concernant la délivrance des attaches de la
Chambre aux Vaffaux du Roy qui auront rendu
au Roy leurs foi & hommage entre les mains de
M. le Chancelier , & aux Mineurs qui auront obtenu
Lettres de fouffrance ,
"ORDONNANCE du Roy , du premier Septem-
Bre , pour augmenter de cinq Gardes chacune des
Vingt quatre Brigades des Gardes du Corps de Sa
Majefté , par laq elle le Roy ordonne qu'à commencer
du seize du mois de Septembre , 1s
folde
OCTOBRE. 1742. 2335
folde fera payée aux cinq Gardes d'augmentation
par Brigade , qui fe trouveront préfens aux revûës
qui feront faites defdites quatre Compagnies , dans.
les garnifons ou quartiers où elles font actuelle.
ment , jufqu'au nombre de foixante pour chacune.
AUTRE du même jour , portant Amniſtie en fa❤
yeur des Déserteurs des Troupes de la Marine,
ARREST du 4 portant que les Marchandifes
qui font dans le cas de profiter de la franchife accordée
aux Foires de Troyes , feront visitées au
Bureau établi dans ladite Ville.
AUTRE du 12. dont la teneur fuit.
Le Roy s'étant fait représenter l'Arrêt rendu en
fon Parlement de Paris le 8. du mois d'Août , par
lequel il auroit été ordonné qu'un Imprimé ayant
pour titre , Cas de confcience , commençant par ces
mots , Terence Terencienne , &c . feroit brûlé par
l'Exécuteur de la haute Juftice , comme tendant a
autorifer le fchifme , en déclarant qu'un Miniftre ne,
peut ,fans être prévaricateur & coupable du Corps
du Sang de Jefus- Chrift , confentir que les Fidé
les participent à la Table Sacrée , à moins qu'ils ne
donnent un témoignage clair & précis de leur foumiffion
pure fimple à la Conftitution Unigenitus :
S. M auroit reconnû , que fi cet Ecrit devoit être
fuprimé comme capable d'émouvoir les esprits ,
de renouveller des disputes dangereules , par la décifion
d'un Cas de Confcience imaginaire , expolé
témérairement aux yeux du Public , des juges Séculiers
auroient dû au moins s'abftenir de donner à
l'Ouvrage condamné une qualification où ils femblent
vouloir réfoudre eux - mêmes ce Cas de Conf
sience , & fe rendre Juges des difpofitions néceffai-
ICS
1337 MERCURE DE FRANCE
rés pour aprocher dignement des Sacremens , &
du degré de la foûmiffion qui eft dûë aux Déci .
frons prononcées par l'Eglife dans les matiéres qui
ne concernent que la doctrine de la Religion . Et
comme S. M. a déja déclaré plus d'une tois , dans
des occafions femblables , qu'elle étoit bien éloignée
de regarder ces fortes de matiéres purement
fpirituelles , comme foûmiſes à fon autorité , elle
ne doit pas fouffrir que ceux à qui elle en confie
une partie pour l'administration de la Juft ce , excedent
les bornes qu'elle fe prefcrit à elle- même ;
à quoi étant néceffaire de pourvoir , S. M. étant en
fon Confeil , fans avoir égard à l'Arrêt du Parle
ment de Paris , rendu le 8. du mois d'Août , en ce
qui concerne feulement la qualification donnée à l'Ecrit
condamné par ledit Arrêt, a ordonné & ordonne
que ladite qualification fera & demeurera comme
non avenuë , mulle & de nui effet. Veut & entend
S. M. que l'Article XXX. de l'Edit du mois d'Avtil
1695. concernant la Jurifdiction Eccléfiaftique,
foit exécuté felon fa forme & teneur ; & en conféquence
, que la connoiffance de la Doctrine con
cernant la Religion, apartienne aux Archevêques &
Evêques. Enjoint à fes Cours de Parlement & à
tous les autres Juges de la leur renvoyer, le tout conformément
aux difpofitions dudit Article . Fait en
outre Sa Majesté très - exprefles inhibitions & défenfes
à tous les Lieutenans Géneraux de Police,
établis dans les differentes Villes de fon Royaume de
permettre d'imprimer aucuns Ecrits faits au fujet
de la Conftitution Unigenitus , & des affaires préfentes
de l'Eglife de France , quand même lefdits
Ecrits n'excéderoient pas le nombre de feuilles dont
lefdits Officiers peuvent permettre l'impreffion : Et
fera la préfente difpofition exécutée , à peine de
mullité des Permiflions, fi aucunes étoient données,
de
OCTOBRE. 1742 2337
de fupreffion & de confifcation des Ouvrages imprimés
en conféquence , & de soo livres d'amende
contre les Libraires & Imprimeurs , même d'interdiction
, s'il y échet , contre lefdits Officiers de
Police ; le tout fans préjudice à ceux qui voudront
donner au Public des Ouvrages fur ces matiéres ,
de fe pourvoir en la grande Chancellerie , pour y
obtenir , en la maniere accoutumée , un Privilége
ou une Permiffion pour- imprimer lefdits Ouvra
ges . Enjoint S. M. tant au Sr Feydeau de Marville ,
Maitre des Requêtes , & Lieutenant Géneral de
Police à Paris , qu'aux fieurs Intendans & Commiffaires
départis dans les Provinces pour l'exécution
des ordres du Roy , de tenir la main à celle du préfent
Arrêt , & c.
AUTRE du 18. qui permet pendant une année
l'entrée dans le Royaume,des Beurres venant d'Angleterre
, d'Ecoffe & d'Irlande.
J
'Ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier,
le Mercure de France du mois d'O&obre , & j'ai
crû qu'on pouvoit en permettre l'impression. A
Paris , le premier Novembre 1742 .
HARDION.
TABLE
TABL E.
IECES FUGITIVES. Queſtion ſur l'utile
P &
l'agréable ,
Réponse au fujet d'un Evêque de Lifieux ,
Epitre fur les Plafirs de la Campagne ,
Nouvelle Méthode pour divifer le Cercle,
2127
2119
2174
2176
Réponse de M. Leubo à des Vers inférés dans le
2179
2181
2194
2198
Mercure de Juillet 1741.
Lettre fur le Païs des Diablintes ,
Epitre à M. Cotelle , par M. l'Abbé de B.
Lettre touchant l'Ordre de la Boillon ,
Chanfon & Traduction , 2200
Réjouiffances faites à Carpentras , au fujet du Mar-
རྡ quis Definards ,
2201
2208
Remerciment de Mad . de Segla à l'Académie de
Toulouſe
Differtation fur une Queſtion propolée , 2215
Réponse de M. Néricault Deftouches , à M. Frigot
,
Enigme , Logogryphes ,
2232
2234
NOUVELLES LITTERAIRES , DES Beaux- Arts , &c,
Hiftoire nouvelle de la Ville & Principauté d'O
range , 2237
Logique en forme d'Entretiens , pour trouver la
vérité ,
Le Praticien des Juges Confuls ,
1241
ibid.
Mémoire Alphabétique des chofes concernant la
Juftice , la Police & les Finances , &c. 2242
Nouveau Traité de la Venerie , ibid.
Effai des Effets de l'Air , ibid.
Les Amuſemens de la Campagne , 2243
Nouveau Voyage aux Iles de l'Amérique ,
ibid.
Extrait de Lettre fur un Ouvrage de Géographie ,
Eloges
2248
Eloges de quelques Auteurs François ,
222149
L'Hiftoire Naturelle éclaircie dans deux differen
tes Parties , ibid.
Nouvelle Edition des Fables de Phédre , 2255
Obfervations de Chirurgie 2256
Etat de la Médecine ancienne & moderne , ibid.
Leçons de Phyfique Expérimentale , 2257
ples du Monde ,
Hiftoire Générale des Cérémonies de tous les Peu-
Hiftoire des Empires & des Républiques ,
Ouvrages confidérables , imprimés en Italie ,
Idem à Marſeille , chés Boy , & c.
2260
2261
Académie de Villefranche , Affemblée publique ,
2258
2259
2262
Ode fur le vrai Bonheur , 2267
Programme de l'Académie de Dijon , 2271
Eftampes nouvelles , Portraits , Cartes nouvelles ,
& c. 2272
Modéles de Caractéres d'Imprimerie , 2275
Verre ardent fingulier , chés Ségard , 2277
Nouvelles Lanternes faites en Fallots , 2278
Remede particulier pour la fracture des os , 2279
Question propofée ,
ibid.
Chanlon notée
ibid.
Spectacles , Théatre Italien , Parodie nouvelle ,
Théatre François , Acteurs nouveaux & nouvelle
Décoration ,
2281
2282
Nouvelles Etrangeres , Turquie , Ruffic , 2285
Suede & Allemagne ,
2288
Francfort & Italie , 2296
Efpagne , Naples , Genes & Ile de Corſe , 2298
Grande-Bretagne , Hollande & Pays - Bas , 2300
Morts des Pays Etrangers , 2303
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 2306
Bénéfices donnés 2307
Chapitre
Concerts chés la Reine
Chapitre Géneral , tenu à l'Abbaye de fainte Géne
viéve , 2301
2
Nouvelles de Prague , & c.
2309
2310
Bougie & Bobêche pour la nuit , 2313
Morts & Mariage , 2314
Epitre à Mad. C ... 2329
Arrêts Notables
2333
Errata de Septembre.
Page 1939. ligue 16. du monde , ôtez ces mots .
P2049 . 1 3. du bas, Garavaque, 1. Caravaque,
P. 2061. 1. 14. M. Caze , lifez , de M. Caze .
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 2183. ligne 6. du baş , aporté , liſeK aportée.
P. 2185. 1. 2. d'Eglife , 1. d'Eglifes.
P. 2235.
1.
peu.
P. 2227. 1. 4. inacceffibles , l. inacceffible,
1. 6. du bas , rarement ,
P. 2273.113 . après , l. d'après,
Ibid. 1. 14. E. 1. P.
La Médaille gravée doit regarder la page
La Chanfon notée , la page
2261
2274
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le