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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
MAY 1741 .
DE
CODACITIES
PAKO
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLI.
Aves Aprobation & Privilege du Roy:
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
LA
AVIS.
ADRESSE generale à
MODRESSES
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur comm
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui veudent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voys
pour les faire tenir,
On prie très-inftamment , quand on adrefe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
fain d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages ,
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
mais
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France dela premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
l'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS
1
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
MAY.
1741.
PIECES FUGITIVES;
en Vers et en Prose.
L'INTEREST BANNI DU PARNASSE
L
Amufement Poetique.
'Interêt,desMortels ce terrible ennemi
Par l'Enfer en corroux dans ce monde
vomi ,
Déja depuis long- tems intrus fur le
Parnaffe ,
En dépit d'Apollon regnoit avec audace
Er corrompois toujours fes meilleurs nourriffons
A ij
Par
SIHIL
844
MERCURE
DE
FRANCE
Par le venin fubtil de fes noires leçons.
De-là , dans l'Univers tant de mauvais Poëmes ,
Méprifant Apollon & tous fes anathêmes ,
Alloient de toutes parts chercher pour leursAuteurs ,
Moins l'aplaudiffement , que l'argent des Lecteurs,
હ Cent fois ce Dieu voyant ſa gloire mépriſée ,
Et fa Cour des Mortels devenir la riſée ,
Jura qu'il chafferoit ce rival odieux ,
Et qu'il feroit ceffer un regne audacieux;
Mais de fon ennemi la fiere réſiſtance
Demandoit à la fin les coups de fa
vengeance.
Un jour que le Soleil , fortant du fein des Mers
Commençoit à lancer ſes rayons dans les airs ,
A la hâte , à l'infçû de fes fujets rebeles ,
11 affémble à ſa Cour ceux qui lui font fideles ;
Et leur parle en ces mots : Coeurs toujours généreux
Qui de fuivre mes Loix vous estimez heureux ,
Et qui , ne portant point une ame mercenaire ,
Travaillez pour l'honneur , non pour un vil falaire,
Souffrirez - vous toûjours qu'un indigne étranger
Au reſpect qu'on me doit vienne ici déroger ?
Avez-vous donc deux Rois ? & fi je fuis le vôtre ,
Pourquoi fur l'Hélicon en fouffrez-vous un autre
Tant qu'ici l'interêt pourra donner la Loi ,
Quelle eftime aura - t'on & de vous & de moi ?
Ah!s'il nous refte encor quelqu'amour pour la gloire
Allons fur ce rival tenter une victoire.
Phébu
MAY. 843
1741:
Phébus dit. Auffi-tôt pour aller au combat ,
I voit en chacun d'eux un courageux foldat.
Apollon fe fait chef. On s'anime , l'on s'arme ,
Et des cris redoublés jettent partout l'allarme,
L'interêt ſur ſon trône eſt ſaifi de frayeur;
Son viſage eft couvert d'une morne pâleur ;
En vain s'efforce t'il de chaffer toute crainte ;
Son air marque toujours une bravoure feinte.
Il fait auprès de lui raflembler fes ſujets ,
Il trouve fur le champ des foldats bien - tôt faite.
Et toujours affectant fa bonne contenance ,
Vers fes fiers ennemis à grands pas il s'avance.
On s'aproche bien-tôt . Déja de tous côtés
Entre les deux partis mille coups font portés.
De divers inftrumens les piéces font lancées ;
Des branches de Lauriers avec force pouffées
S'élevent dans les airs , fondent fur les foldats ,
Et vont avec roideur rompre jambes & bras.
La victoire à la fin & les Dieux fe déclarent.
Déja des ennemis les troupes fe féparent.
On voit prendre la fuite à ces fades rimeurs ,
Qui vont par leur encens mandier des faveurs :
Aux Poëtes laffés de leurs maigres ménages ,
Quiviennent à midi vous lire leurs ouvrages :
Aux Verfificateurs dévoués à Cypris ,
Marchands des tendres Vers qu'on envoye auxCloris:
A ces chétifs Auteurs , du moindre gain avides ,
A iij Qui
846 MERCURE DE FRANCE
Qui font vendre au Public leurs chansons infipides.
Tous enfin perdent coeur ; & dans très -peu de tems,
Le Prince du Parnaffe eft maître des deux camps.
Dès- lors, pour éviter des furprifes fâcheufes ,
Il mit dans fes Etats des brigades nombreuſes ,
Dont l'unique devoir eft d'empêcher d'entrer
Ceux qu'il ne juge pas pouvoir y demeurer.
Ainfi du double Mont fut pour toujours bannie
Du rival de Phébus l'indigne colonie.
Ainfi des hábitans de ces heureux déſerts
La paix vint - elle enfin ranimer les concerts.
Par le Solitaire Ambroife.
******** X * XX:XXXX
LA REVOLTE des Noms propres latinifés.
N mande de la République des Lettres
que la Province d'Onomatologic
eft en trouble ; & que les Noms propres
latinifés , qui font les Seigneurs dominans
du Pays , le font révoltés. Ils difent pour
leur défenſe , qu'étant nés libres & indéclinables
, il leur eft honteux de porter le joug
des Latins , & d'être affujétis à leurs déclinaifons
; que cela étoit bon du tems que les
Romains par la force de leurs armes ,
obligeoient les Nations vaincuës de prendre
avec
MAY. 1741.
$47
avec les fers , leurs moeurs & leur langue
mais que c'est une tyrannie fans frein & fans
bornes de vouloir encore à préfent les faire
ployer fous les loix de la Langue Latine , qui
eft morte avec les Céfars . Ils ne fe contentent
pas de femer ces difcours dans les af
femblées particulieres , ils les débitent auffi
enpublic par un Manifefte dont voici la copies
'MANIFESTE des Noms propres latinifés.
Quoique notre Entrepriſe paroiffe extraordinaire
& hardie , nous efperons qu'elle ne
fe trouvera pas noircie dans l'efprit du Public
, s'il confidere , comme nous l'en conjurons
, que c'eft pour le pur & feul interêt
de la République des Lettres que nous méditons
de fecouer le joug des Latins , & de
nous affranchir de leurs ufages , que le tems
& les divers goûts des Nations doivent naturellement
abroger.
Ce n'eft pas pour nous faire valoir , mais
pour expofer la vérité toute nuë , que nous
ofons dire que les Noms propres font des
préfens que le Ciel a fait aux Hommes
pour marquer leurs differens caractéres , &
les diftinguer les uns d'avec les autres par
des titres autentiques. Car il n'y a point de
Nom fi bizare , qui n'ait fon fens & fa fignification.
Que fi on ne s'en aperçoit pas
A iiij
tou
448 MERCURE DE FRANCE
toujours , c'eft , ou parce qu'on n'y refléchit
pas affés , ou parce qu'on en ignore l'origine
& que les Langues matrices font mortes ou
corrompuës.
Les Noms des Egyptiens & des Hébreux
fignifioient de grandes chofes. Il y en avoit
même de mystérieux & de prophétiques
d'autres qui marquoient le génie & les
moeurs de ceux qui les portoient. Les Grecs
n'impofoient point de Noms à leurs enfans
qu'ils n'euffent tiré , ou de la bouche des
Oracles , ou de l'antiquité & de la nobleſſe
des Maifons. Les Romains , qui ont été
les finges des Grecs , ne fe font point écartés
de cette loüable pratique . La plupart de
leurs Noms font des abregés de leur Hiftoire.
Ils en donnoient plufieurs à la fois
dont les uns regardoient la perfonne , les
autres la famille ,& d'autres enfin les moeurs,
les dignités , la bravoure & les victoires des
Héros témoin ces Noms fameux de Scipio,
Æmilianus , Numantinus ; de Caïus , Metellus
, Macedonicus ; & de Drufus , Germa
nicus , Varus , Quintilius , Getulicus , Severus,
Parthicus , Arabicus, &c.
Ainfi on ne sçauroit alterer les Noms
propres , qu'on ne flétriffe l'honneur des
familles. Ceux qui fçavent un peu de Latin ,
& qui ont étudié les Loix , entendent bien
se que veut dire dans le Droit Romain
Bo
MAY. 1741. 845
Bonum & idoneum nomen. Ils n'ignorent pas
que les Noms entrent en toute forte de
Contrats & d'Obligations ; que le Nom
dans le langage de Juftinien eft une espece
de caution ; & que d'attaquer un homme en
fon nom , c'est l'attaquer en ce qu'il a de
plus cher , d'où nous eft venue cette regle
de morale fi connue & fi peu pratiquée ,
Parcite Nominibus.
Les Romains ont été fi délicats à cet
égard , que les grands Seigneurs chés eux
avoient des Officiers , que Ciceron apelle
Monitores , qui avoient foin de les informer
des Noms de tous ceux qui les faluoient ,
pour témoigner par cette cérémonie le cas
qu'ils faifoient de leur perfonne.
Il fe trouve des Auteurs très - confidéra
bles , & qu'on apelle Peres , à caufe de la
gravité & du poids de leurs Ecrits , qui n'ont
jamais voulu rien changer aux Noms des
Hébreux qui font tombés fous leur plume.
L'Hiftoire ancienne a toujours été curieufe
de raporter fidelement les Noms propres
de chacun ; & les Médailles qui en font
la meilleure partie , font apellés Nomifmata,
parce qu'elles répondent à la pofterité des
Noms des grands Hommes que la mort lui
a ravis.
Tant que l'on a gardé avec exactitude
Portographe de l'Onomatologie , l'ordre & la
A v lu
Sso MERCURE DE FRANCE
A
lumiere ont brillé dans la République des
Lettres mais depuis que ce dépôt a été
abandonné à des mains facrileges , ce n'a
plus été que renversement , qu'obfcurité &
qu'ignorance. Les Auteurs font aujourd'hui
confondus. On ne fçait le plus fouvent à qui
on parle , ni de qui on parle. On prend
des Noms de Provinces pour des Noms
d'Hommes. A chaque Livre que l'on ouvre ,
il faut être fur le Qui vive. Le pere ne reconnoît
point fon fils , ni le fils fon pere . On ne
fe reconnoît pas foi - même ; & on a vû plus
d'une fois des gens chercher leur propre
Nom parmi cet embarras & ce défordre.
Combien de Noms d'Auteurs fe font perdus
fous prétexte de leur donner droit de
Bourgeoifie Romaine ? Combien d'erreurs
par les détours & les inflexions des Nominaux
modernes , fe font gliffées dans les Généalogies
? Combien d'équivoques & de femences
de querelle ont pullulé dans l'Hiftoire
par cette corruption ? à peine les François
, les Efpagnols & les Italiens peuventils
reconnoître les Braves de leur Nation
dans les Hiſtoriographes Latins. Les Sçavans
mêmes , tout éclairés qu'ils font , ne voyent
goute dans la Nomenclature de leurs Cone
freres du Parnaffe. Qu'on aille , fi l'on veut ,
chercher Ricci , dans Grinitus ; Vander-Doez,
dans Doulas Perez , dans Petreins ; Vouté ,
dans
MAY. 1741. 858
dans Wulteius ; & Schuler, dans Sabinus , OR
trouveroit auffi-tôt la pierre philofophale
dans un oeuf, & le blanc dans le noir.
On ne s'eft pas contenté de donner des
inflexions & des terminaifons Latines aux
Noms propres , on les a même traduits en
Latin. Ainfi le Docteur de la Porte , s'apelle
impunément Janua , ou Januenfis ; la Foreft,
Sylvius , & du Bois , Nehemius ; & pour tout
perdre , fans craindre la torture & le mauvais
fort des Académiciens de Rome , fous
un Maître défiant & de méchante humeur
on traveſtit les Noms propres à la Grecque .
>
Le Médecin nommé Sans - malice fous
François Premier , n'a pas eu de honte de
changer ce beau Nom , digne certainement
de l'âge d'or , en celui d'Acakia , qu'un de
fes Defcendans a déja fait paffer en Acathias,
& qui dégenerera peut- être à la fin , comme
l'a promis un grand Prophete , en Agathias.
Gerardus de Gerardis par une fotte complaifance
pour lui-même , n'a pas rougi de s'apeller
Eraſmus ; non plus que le Roffi , de
fe nommer emphatiquement Janus , Nicius
Erythraus , fans parler d'une infinité d'autres
qui ont corrompu , alteré & déguife leurs
Noms en cent manieres , ou qui ſe ſont jettés
à mauvais deffein dans les troupes des
Aonymes.
Voilà quel est le fujet de nos juftes plain-
A vj tes.
152 MERCURE DE FRANCE
tes. Voilà ce qui nous pique & nous irrite ;
& ce qui doit irriter & piquer tous ceux qui
aiment fincerement la République des Lettres
, & qui embraffent fes interêts avec la
génerofité & la liberté des Catons. Voilà en
un mot ce qui nous allarme , & ce qui obligc
les Auteurs d'élite à nous prêter mainforte
contre les entrepriſes des Nominaux
Latins , qui nous font une fi injufte & hi
cruelle guerre.
Depuis que ce Manifeſte a parû , les Mécontens
fecrets ont levé le mafque , & fait
éclater leur reffentiment. La Renommée qui
eft chargée de la part de la République des
Lettres , de faire connoître à toute la Terre
fes Hommes illuftres , ouvre toutes fes bouches
pour le plaindre. Elle dit que depuis
qu'on s'eft avifé de latinifer les Noms propres
, elle prend fouvent l'un pour l'autre ,
Pafquier , pour Pafchafe : Benoist , pour Benedicti
, & le Faur , pour Fabri , ou pour
le Fevre toutes ces diverfes fignifications
étant envelopées dans ces trois mots Pafchafius
, Benedictus , & Faber. Elle proteſte
que fi on ne la tire de peine , elle obligera
tous ceux qui tomberont entre fes mains de
décliner leurs noms , & qu'elle n'en gravera
déformais aucun dans le Temple de
Mémoire , qui ne foit déchifré en préſence
e témoins.
Lea
MAY. 17418 855
Les Bibliothécaires , qui font les Sécreaires
de la République , difent tout haut
qu'ils ne peuvent plus exercer leur charge
avec honneur , & que c'eften vain qu'ils ont
prêté ferment de fidelité , fi chacun peut à
La fantaifie latinifer les Noms propres. Ils
montrent que leurs Livres , qui font des
chofes facrées , fe trouvent gâtés par mille
ratures , & que toute l'orthographe de la
Province d'Onomatologie , qui eft fon fonds
le plus liquide & le plus affûré , eft en danger
de fe perdre par cette entreprife. Quoi ,
cifent- ils , on a long- tems difputé fi l'on diroit
Vergelius , ou Virgilius ; Vergenius , o
Virginius, & nous fouffrirons fans nous plaindre
qu'on renverfe des Noms tous entiers !
il n'en fera rien , nous en dût- il coûter la
barbe auffi - bien qu'au Philofophe Timothée
qui paria la fienne contre cent écus fur la
force d'une fyllabe Grecque.
Ce qui choque davantage ces Meffieurs ,
c'eft qu'étant plufieurs dans l'exercice de
leur charge , ils font fi peu d'accord enfemble
, que fi l'un , pour marquer l'Hiſtorien
du Chêne , écrit Quercetanus , l'autre paffant
la plume par- deffus , met hardiment Dushefnius
; & un troifiéme effaçant tout ce
que ceux-là ont fait , place Chefnius au-deffus
des autres. Il en eft de même de Fronto
Fronteus , Frontellus de Caftelio, Caftalio.
нему
854 MERCURE DE FRANCE
neus , Caftalio , Caftilonaus ; & de Thierfus
Therfus , Terfius , Tertias , Thirfus.
Les Traducteurs ne font pas moins de
bruit que les Bibliothécaires. Leur qualité
d'Interpretes les rend recommandables , &
les fait écouter du peuple. Ils étalent dans
de longues Préfaces ce qu'ils endurent dans
la traduction des Noms propres latinifés ; &
racontent avec des larmes comment après
s'être donné la gêne , il faut qu'ils effuyent
encore la mauvaife humeur des Critiques ,
animaux plus cruels aux Auteurs que les
Tigres & les Loups Cerviers. On a d'autant
plus de pitié de leur mifere , qu'on eft encore
tout émû de l'amande honorable que
deux célebres Ecrivains firent dernierement
au Public , pour avoir pris innocemment
de la Faye , pour du Fay, & du Prat , pour
des Prez, en traduifant Fayus & Pratus.
Le bruit court auffi que la Princeffe Ana.
gramme qui regne dans un coin de la Province
d'Onomatologie , & qui ne fubfifte que
des corvées des Noms propres , ſe remuë
étrangement. Ses Miniftres qui s'entendent
fecretement avec les Nominaux Latins , ont
beau lui dire que c'est étendre les confins
de fon Royaume que d'en latinifer les peuples
: elle répond en fage Politique , qu'il
vaut mieux être abfolu dans un petit Etat
que de regner avec des rivaux dans un grand;
&
MAY. 1741 .
& que ce ne feroit pas s'étendre , que de
partager le fceptre avec les fauffes Anagrammes.
peu D'autres Nouvelles , mais qui font
vrai-ſemblables , difent que la mort n'eft.
pas contente de ces altérations , & que fon
humeur noire & mélancolique lui fait tout
apréhender de Meffieurs les Auteurs qui , ne
tendant déja que trop à l'Immortalité , pourroient
bien par cette rufe lui donner un
Qui pro quo , & s'échaper de fes mains.
Mais ce qui eft fort certain , c'est que.
les Articles le, la , de , de la , du , des , qui
font inféparables des Noms de qualité , menacent
de faire foulever toute la Nobleffe.
Ce font d'étranges compagnons qui ont fait
en leur tems de bons coups dans le Bel
Grammat fous le Pontife Leon , & qui fe .
font infinués dans les plus riches familles
fous promeffe de les annoblir. Ils prennent ,
hardiment le pas fur les Subftantifs, qui font ,
es Bourguemeftres de Grammaire. Car pour
ce qui eft des Adjectifs , ils les mépriſent
& ne les traitent que de Valets de pied. Chacun
leur fait la cour , & dès que l'on a fait
quelque fortune dans le Négoce ou dans la
Maltote , on ne manque pas de rechercher,
avec foin & avec empreffement l'honneur
de leur alliance.
L'interêt qu'ils ont dans l'affaire préfente
cft
856 MERCURE DE FRANCE
eft très - grand , et confifte en ce que les
Noms propres étant une fois latinifés, adieu
tous les Articles et toute la Nobleffe : de
Coligny , fera fimplement converti en Colide
la Tour , en Turrius : le Pont de la
Cafe , en Pontius- Cafa ; de Civille , en Civilis
; du Tot , en Totius ; & des Marais , en
Marefius.
nius ;
Les Nominaux qui redoutent ces Articles
, leur ont fait propofer quelque accommodement
avec des paffe- droits pour un
certain nombre de Noms choifis. Ils confentent
par exemple , qu'on dife pour de
Bourbon , à Borbonio ; et pour d'Ailly , de
Alliaco ; mais parce que cela tient encore
du Latin , les Critiques , de qui ils pren- trop
nent confeil , les ont pouffés à rejetter ces
propofitions.
que
Ce moyen n'ayant pas réuffi , on leur a
offert de joindre l'Article au Nom : de forte
l'on diroit dorénavant Lafinius , pour
La Fin ; Dacherius , pour d'Achery ; & Ducangius
, pour Du Cange ; on a prêté d'abord
l'oreille à cet expédient : mais par
malheur le Jéfuite Abraham s'êtant échapé
d'apeller fon Confrere de la Cerda , la Cerdam
, ce fier Efpagnol plus irrité de fe voir
enlever un Article de fon Nom , que fi on
lui avoit arraché la mouftache , s'eft emporté
avec tant de fureur contre ce pauvre Flamand
}
1
4
MAY. 1741: 857
mand , que perfonne depuis n'a ofé s'y
froter.
On croit pourtant que le tems et l'ufage
auroient pû adoucir là chofe , fi les Lettres
Majufcules , qui le portent fort haut , comme
tout le monde fçait , euffent voulu un
peu sabaiffer ; mais demeurant fermes fur
leurs pieds , et levant la tête par- deffus les
autres , elles ont montré que depuis l'invention
des Lettres Courantes , on ne pouvoit
pas légitimement les faire entrer deux enfemble
dans un même nom , comme l'on y
feroit contraint fi l'on difoit en un feul mot
DuCangius , DAcherius , & LaFinius ; &
fur ce qu'on leur a objecté qu'on difoit bien
San Gelafius , San- Sulpicius , & San- Morus ,
où il entre deux Lettres Majufcules , elles fe
font excufées fur la tyrannie des exceptions
dont on ne fçauroit entierement fe défendre
.
Tout ceci fait voir que l'orage eft grand ;
& que s'il arrive , , comme on en eft menacé
, que les Noms des Dignités , des Provinces
& des Villes fe joignent aux Noms
propres latinifés , et que les Noms des Mers
et des Fleuves viennent à fe déborder , ce
fera pour tout perdre , et pour fubmerger
fans reffource toute la République des
Lettres.
Les Nominaux qui prévoyent ces défordres
,
858 MERCURE DE FRANCE
dres , fe tiennent fur leurs gardes , et fe défendent
affés bien de la langue . Ils foûtiennent
avec Platon , que ce n'eft ni le Ciel , ni
la Nature qui donnent les Noms , mais que
ce font les Légiflateurs qui les impofent ;
& que par conféquent les Romains étant
les maîtres du monde , ils ont pû donner
aux Noms propres étrangers telle inflexion.
qu'il leur a plû. Ils ajoûtent que quand cela
ne feroit pas vrai , ils pourroient encore
foûtenir qu'en bonne Jurifprudence une poffeffion
auffi ancienne que la leur, eft un titre
fuffifant pour leur donner gain de caufe ;
que de plus la force eft de leur côté , et qu'ils
peuvent lever quand il leur plaira des régimens
entiers d'autorités pour attaquer et
pour fe défendre.
Tout ce qui leur peut nuire , c'eft la diverfité
d'opinions , qui les divifant les uns
d'avec les autres , les ruinera tôt ou tard. Le
Colonel Jofeph Scaliger , fils du grand Jules
, a mis déja plus d'une fois le défordre
parmi les terminaiſons en US. Il a forcé les
armes à la main Rotanus de s'apeller Rota ;
& Viétus de fe nommer Viéta ; & fi on l'avoit
laiffé faire , de Thou ne s'apelleroit plus
Thuanus , mais de Tolla , comme il a montré
à du Puy , qu'il devroit fe nommer Podius ,
et non pas Puteanus , parce qu'il ne s'apelle
pas du Puiss et à Briffon , qu'il devroit s'apeller
MAY. 1741. 859
peller Briffo , & non Briffonius , comme s'il
avoit nom Briffoine.
11 a auffi établi pour loi que le de fe tourneroit
en is , ou anus , & a déclaré que Vaf
fanus eft bon pour de Vaffan , & Pithous ,
ou Pithulus , pour
, pour Pithon . Mais bien plus il
a apris à fon propre Pere que fon petit frere
Odet , doit s'apeller Eudo en Latin , & non
pas Audectus. Que ceux qui voudront apren-.
dre les hauts faits de ce Héros fur un fi digne
fujet , lifent fon Poëme qui commence
par ces riches paroles , Cur Afinus faceret, & c .'
Le Chancelier Fronteau , homme vaillant
& tout hériffé d'Hébreu & de Grec , a pareillement
poufflé par une Differtation vigoureufe
les terminaifons en Us , qui empiétoient
fur les terminaifons en O. C'eft, un'
ennemi terrible qui , ne voulant point de reconciliation
, a refufé avec fierté le nom de
Frontellus , que les Preux de Chartres à la
peau d'hermine , lui donnoient gratuitement
auffi-bien que celui de Frontans qui regne
dans Quatremaires , pour prendre malgré
eux celui de Fronto , à l'exemple de Cicero ,
de Cato , & de Scipio . Le fecours qu'il prétend
tirer de l'analogie d'un nombre infini
de femblables Noms , lui enfle le courage ,
& le rend intrépide.
Le Sénat qui fçait par expérience qu'il n'y
a point de guerres ni plus obftinées , ni plus
pré$
60 MERCURE DE FRANCE
préjudiciables aux Etats , que celles qui font
purement de Nomine , témoin celles des
Guelphes , & des Gibelins , des Jobelins &
des Uraniens , a commandé aux deux Partis
de mettre les armes bas , & de venir au premier
jour lui rendre compte de leurs actions,
& fe foûmettre à ſon jugement.
que
Les uns & les autres ont comparu par
leurs Députés. Les Nominaux après avoir
fort relevé l'excellence de la Langue Latine ,
& établi fa prééminence fur toutes les Landu
monde , ont dit
gues
bien loin que
les Noms propres dûffent s'irriter contr'eux
de les avoir latinifés , ils leur en devoient
rendre des actions de grace immortelles .
comme les ayant retirés par cet adouciffement
de la dureté & de la barbarie fous laquelle
ils gémiffoient ; & qu'au refte , fi on
prétendoit les priver de la poffeffion où ils
font depuis plufieurs fiécles de donner des
inflexions Latines aux Noms étrangers , ils demandoient
avec inftance la reftitution pleine
& entiere de tous les Noms propres Latins,
que les Nations ont converti à leur uſage
, & dont à peine on rencontre quelques
veftiges dans les plus vieux Supôts des Univerfités
, lefquels par un refte de l'ancienne
liberté , ne craignent point d'employer les
Noms tout purs de Tiberius , Trajanus , An-
Dominus , & les autres femblables.
Les
MAY 1742
367
Les Députés des Noms propres ont ré
pondu que la Langue Latine eft morte , &
que par cette mort , felon la regle du droit
elle a perdu fes prérogatives ; qu'il eft inutile
aux Nominaux d'alléguer le titre d'ancienne
poffeffion , vû qu'on ne preferit point
contre les Langues vivantes dont l'uſage
change tous les jours ; que les Noms propres
étrangers n'ont pas plus d'obligation
aux Romains de leurs terminaifons Latines ,
que des peuples libres ont de leurs menottes
& de leurs fers aux tyrans qui les dominent ;
qu'il ne faut point parler de douceur , où il
n'y a que de la violence & de la contrainte ;
qu'il n'eft rien de plus doux ni de plus
agréable que de s'entendre apeller par fon
propre Nom , quelque rude & difgracié
qu'il foit ; qu'à la vérité Anne Comnene par
une délicateffe de femme a demandé pardon
au Lecteur d'avoir employé dans fon Alexiade
des Noms propres un peu durs ; mais
qu'après tout cette Princeffe ne s'eft point
difpenfée de les écrire tels qu'ils font , fçachant
bien que cela eft dû à la fidelité de
' Hiftoire & au refpect des perfonnes , qui
ent toujours droit de s'offenfer,lorfqu'on altere
leur nom; & qu'enfin il n'y a pas juf
qu'au Savetier Simon dans Lucien , qui , s'é
tant fait apeller Simonides depuis l'aggrandif
fement de fa fortune , ne s'irrite contre ceux
qui
862 MERCURE DE FRANCE
qui ofoient retrancher les dernieres fyllabes
de ce nouveau Nom, & ne les menace
s'ils ne fe retractent , de remettre la main au
tranchoir aux dépens de leurs oreilles.
Enfin pour ne pas ennuyer le Sénat , ils
ont conclû à ce qu'il lui plût de caffer la
Sentence de Quintilien , dont les Nominaux
abufent depuis plufieurs fiécles ; de faire
apliquer à la queftion le Préfident de Thon
& fes Complices , pour tirer de leur bouche
le fecret de leur entrepriſe fur la Province
d'Onomatologie ; de députer des Commiffaires
fideles & éclairés pour travailler inceffamment
à la reftitution des Noms propres
en leur entier , & de défendre aux Nominaux
de récidiver fous les peines portées
par la Loi Julia repetundarum.
Là- deffus Quintilien s'eft récrié , & a remontré
au Sénat que fa Sentence avoit été
rendue dans un tems où la Langue Latine
étoit la Langue dominante ; qu'elle étoit
conçûë en des termes auxquels les plus fâcheux
Critiques ne pouvoient trouver rien
à redire , & qu'au refte il n'étoit nullement
coupable de l'abus que des témeraires
avoient pû faire de ce qu'il avoit prononcé
avec autant de juftice que de raifon.
Le Président de Thou beaucoup plus ou
tragé que Quintilien , & d'un tempéramment
plus ardent & plus vif, a demandé avec
chaleur
t
MAY. 1741: 863
chaleur réparation de l'injure qu'on lui faifoit
, & a protefté qu'il n'avoit rien écrit
fans autorité ; que cent Hiftoriens illuftres
étoient fes garands, & que, quand il en feroit
tems , il feroit bien fentir à la République
qu'il étoit apuyé de Cefar. A ce mot de
Cefar , le Sénat a frémi .
Enfuite Palaeonhydorus & Hortobonus
c'est-à-dire en langage intelligible , Oude-
Water & Cafaubon ont voulu défendre les
Noms propres d'une compofition fantaftique,'
& tirés de je ne fçais où : mais le Sénat leur
a impofé filence comme à des Allobroges
qu'on n'entend point , & a traité de même
les Protecteurs des Noms anagrammatiques
& fymboliques , qui paffent dans le Public
pour des gens fans foi & fans aveu.
1
Le Sénat depuis cette journée s'eft affem
blé plufieurs fois , fans pouvoir rien déterminer
à caufe des brigues & de la qualité
des Parties, Néanmoins les Nouvelles fe
crettes affûrent qu'après bien des débats
il a été arrêté dans la Chambre du Confeil
en attendant l'occafion favorable d'en faire
un Edit public , premierement , que la Sentence
de Quintilien ainfi énoncée : mihi autem
placet latinam rationem fequi , quo ufque
patitur decor , quoique raifonnable & juſte
en fon tems , ne fortira pas davantage fon
effet à caufe des abus , & que cependant ,
pour
866 MERCURE DE FRANCE
Allons cueillir fes nouveaux dons ;
Sous ces ombrages frais immolons au Dieu Faune
Les premices de nos Moutons.
La Mort enfevelit fous les mêmes ruines
Les Cabanes & les Palais ;
Amis , ufons des jours que les Dieux nous deftinent;
Sans nous confumer en projets.
Ces jours font tous comptés ; l'inexorable Parque
En va bien-tôt trancher le cours ;
A peine de Caron a- t'on paffé la Barque ,
Adieu Bacchus & les Amours.
D. L. M. G.
LETTRE de M. Tanevot , à M. Neri
cault Deftouches, de l'Académie Françoife.
J
'Ay lû , Monfieur , avec un très- grand
plaifir les lettres que vous avez adreffées
à M. l'Abbé D. fur l'Irréligion & le faux bel
Efprit. Votre derniere , fur tout , inferée dans
le Mercure de Février , eft écrite avec beaucoup
de feu , & on s'aperçoit que votre zele
redouble à mesure que vous trouvez plus de
réfiftance. On ne peut découvrir avec plus
d'art le venin répandu dans le trop célèbre
Auteur
.MA Y. 867
1741.
Auteur que vous attaquez , mais permettezmoi
de vous le dire, ce n'eft point affés pour
de certaines gens de leur montrer le danger,
il faut leur prêter des armes contre lui. Il
m'a paru ( je puis me tromper ) que votre
Cenfure étoit trop générale. Bayle effaye de
mettre fes Lecteurs dans le labyrinte , & fe
garde bien , comme vous dites , de les munir
du fil qui pourroit les en faire fortir. Or
ce fil , je vous le demande , à vous , Monfieur
, qui êtes fi capable de nous le donner .
Bayle ne s'eft point réfuté , mais il peut l'être
par vous. Que ma propofition ne vous effraye
pourtant point. Ce n'eft pas un Traité ni une
réfutation en forme que j'exigerois de vous ;
le tour que vous avez pris ne vous permet
pas de vous étendre jufques - là , mais quelques-
uns des Sophifmes de Bayle bien déve
lopés , fuffiroient peut-être pour ouvrir les
yeux à fes Partifans. Des erreurs qu'on feroit
apercevoir dans deux ou trois de fes raifonnemens
, on pourroit conclure pour le refte ;
ce n'eft point du tout l'empêcher d'être dangereux
, que de montrer feulement combien
il l'eft. Plus on exagerera le péril , plus il pa
roîtra inévitable. Les prétendus Efprits forts
attribueront à la fupériorité des lumieres de
leur Docteur , cet empire & certe efpece de
tyrannie qu'il exerce fur la raifon , quoique
dans le vrai ce ne foit que fur la raifon fédui-
Bij ស
868 MERCURE DE FRANCE
te & rebelle. Il faut donc le convaincre de.
faux, l'attaquer dans fes principes , & la cho
Le ne me paroît pas extrêmement difficile.
Ne pouvez - vous pas , M. remarquer:
fur l'affectation de cet Auteur , de mettre.
toujours la raiſon aux prifes avec les objets
de la foi , qui ne font pas de fon reffort ?.
Quelle conféquence peut -on tirer contre la
Religion de l'incompréhenſibilité de fes Myfteres
, à moins qu'on ne fupofe que Dieu ne
nous peut rien reveler qui furpaffe notre Rai
fon ? Mais quoi de plus révoltant pour la
Raifon elle-même que cette fupofition ? La
plupart des opérations de la Nature ne font
elles pas des Enigmes pour nous ? La Reli
gion , qui eft une manifeftation de la Divinité
plus étendue , & plus fublime que ce qui
en eft empreint dans la Nature , ne doit- elle
pas s'élever d'avantage au- deffus de la Raifon?
Plus Dieu fe découvre , plus fa lumiere doit
nous éblouir , & la Raifon eft d'accord en
cela avec la Religion . J'ofe le dire , une Religion
dont tous les Dogmes feroient au ni
veau de notre Raifon , ne feroit digne ni de
Dieu ni de l'homme ; de Dieu, parce qu'elle
le refferreroit dans l'étroite Sphere de nos
idées ; de l'homme , parce qu'elle le priveroit
de ce qu'il a le plus d'interêt de connoître ,
Grandeur , la Puiffance , l'infinie Bonté de
Dieu. Loin donc que la raifon fe refuſe à la
Foi
MAY. 17413 865
4
Foi , elle y acquiefce pleinement , & puife
fa docilité dans fes propres principes. Bayle
lui- même l'a reconnû ; il dit nettement que
la Raifon doit fe foumettre à la Foi, en vertu
de trois ou quatre de fes Maximes les plus
inconteftables.
Auffi en examinant de près ce Philofophe ,
le trouve - t'on plus favorable que contraire à
la Religion? Il n'eft que fpécieux dans les raifonnemens
qu'il femble opofer aux vérités
de l'Evangile , mais fa Logique eft franche
& fes preuves lumineufes , lorfqu'il défend
l'Ortodoxie ; c'eſt le fentiment du célebre
M. Jacquelot, un des Antagoniſtes de notre
Auteur dans fa Réponse aux Entretiens de
M. Bayle.
a
›
» Les Libertins qui liront , dit- il , les Ouvrages
de ce Philofophe , avec affés d'ef-
» prit, pour comprendre ce qu'ils lifent,pour-
» ront aisément reconnoître qu'il a avancé
» des raifons fur l'Exiftence de Dieu & fur la
» nature fpirituelle de l'Ame , incomparable-
» ment plus fortes que celles qu'il a prêtées aux
» Payens & à d'autres , pour combattre ces
» importantes vérités. Il répete la même choſe
dans la Préface. » M. Bayle , dit- il , raiſonne
» avec beaucoup plus de force & d'éviden-
» ce , lorſqu'il s'agit d'établir l'Exiſtence de
» Dieu , que quand il propofe les difficultés
qu'il a prêtées à Simonide contre cette vé-
B iij 22 rité.
870 MERCURE DE FRANCE
» rité ……… . On doit faire le même jugement
»fur la fpiritualité de l'Amè , fi on lit
avec aplication ce qu'il en dit pour & con
99
tre , & recevoir par conféquent l'Exiftence
»de Dieu & la fpiritualité de l'Ame , les deux
"fources de la Religion , comme des principes
très -conformes à la raifon.
"
C'eſt auffi ce qui a fait dire à M. l'Abbé
Houtteville que Bayle a quelquefois prêté
» les mains à nos victoires. Et l'on voit nonobftant
ce que nous avons obfervé ci - deffus,'
qu'entraîné par la force de la vérité , il s'eft
en quelque façon réfuté lui - même.
Je fouhaite ardemment , Monfieur , que
votre amour pour la vérité vous engage à
porter le jour dans les ténebres dont cet Au
teur s'eft envelopé , & qu'il étend fur un
grand nombre de perfonnes , dont la plûpart
font prévenues d'infidélité par un malheureux
intérêt qu'ils ont de ne pas croire. Vous
le fçavez , M. les véritables ennemis de la
Foi , ce font les paffions. Le coeur la combat
plus que l'efprit , & celui- ci ne s'arme qué
des illufions de l'autre . Qu'il eft confolant
pour ceux qui aiment la Religion , de la voir
défendre par les hommes les plus diftingués
dans la Litterature , & qui en même tems
ont le meilleur goût ! Vous avez porté lè
coup mortel au faux bel Efprit , & par cet
endroit vous êtes encore , M. infiniment eftimable.
MAY. 17413 8711
timable. Vous nous ramenez aux beautés
fimples de la Nature ; eh ! qui n'en feroit pas
frapé , après le fuccès qu'elles ont , cû dans
vos Ouvrages ? Continuez de faire la guerre
à nos beaux Efprits ; ne pofez point les armes
que vous ne les ayez vaincus ; ils vous
rendront graces de leur défaite , & ce qui
pourroit leur arriver de plus malheureux, feroit
de vous réſiſter. On rit bien quand on
entend dire que l'Auteur du Glorieux n'a
point d'efprit ; confolez -vous , il y a encore
quelques Ecrivains qui , fages & retenus ,
pleins de goût & de jugement , font marqués
à votre coin , & qui vous accompagneront
dans la Pofterité la plus reculée .
Je fuis , & c.
****************
L
STANCES
Sur l'Inftabilité des chofes humaines ; `
à Mlle **.
Es Dieux , les juftes Dieux m'ont enfin exaucé,
Dédaigneufe Cloris ; l'importùne vieilleſſe
Eteint fur votre front le feu de la jeuneffe
Et venge vos Amans de votre orgueil paffé .
>
Ou font tous ces Amours qui voloient for vos traces?
B iiij
Od
172 MERCURE DE FRANCE
Où font tous ces Amans de vos charmes épris ?
Vos rides ont fait fuir les Amours & les Graces ,
Et vos Amans pour vous n'ont plus que du mépris .
En vain d'un faux miroir confultant le menfonge,
De vos jeunes apas cherchez- vous les débris ;
Cloris , votre beauté n'eſt à préfent qu'un fonge
Qu'ont oublié tous ceux que vous aviez furpris.
Il m'en fouvient encor; à la fleur de votre âge
Vous ofiez dédaigner l'hommage de nos coeurs ;
Cet heureux tems n'eft plus ; aujourd'hui moins
fauvage ,
En vain voudriez-vous prodiguer vos faveurs;
Votre teint dépourvû des couleurs naturelles ,
Vos yeux prefque fans feu , votre corps décharné ;
Vos cheveux moitié blancs , vos dents artificielles,
Refroidiroient l'Amant le plus paffionné.
C'eſt Climene aujourd'hui qui regne en Souveraine
Sur cent Amans ' , qu'envain vous voulez retenir ;
Vous en pleurez , Cloris, & fa gloire vous gêne ;
Attendez quelque tems , vous la verrez finir.
Tout paffe dans ce monde , & la jeune Climene
Près de qui vous voyez tant de. Rivaux jaloux ,
Ce chef d'oeuvre des Cieux, cette charmante Reine
Dans deux luftres au plus , paffera comme vous.
Par M. Picquet.
MAY.
873 1741
EXAMEN de deux Lettres des Observations
fur les Ecrits modernes , au fujet de la
Description Géographique & Hiftorique de
la Haute Normandie.
I
L s'agit des Lettres 347. & 348. du XXIV.
Tome des Obfervations. L'Ouvrage dont
on y entretient le Public , y eft fi défiguré ,
qu'il en eft méconnoiffable. Je ne ferai presque
qu'apostiller le Texte de l'Obfervateur.
A l'égard d'Yvetot , die il , l'Auteur rapor
te les opinions & les raisonnemens des Abbés
de Vertot & des Thuilleries fur l'origine du
Titre de Royaume donné à cette Terre , & il
les adopte. Il falloit dire , ne les adopte pas.
En effet l'Auteur les combat très ferieufement
, & on peut dire qu'il les combat fans
réplique , Tome 1. page 188 .
Selon l'Auteur , ajoûte l'Obfervateur , la
Terre d'Yvetot a des Hauts- Jours , c'est à dire
une Haute Justice en dernier reffort . Il auroit
dû expliquer en quoi elle confifte. Expliquer au
Public en quoi confifte une Haute Juftice
en dernier reffort ! Mais ce n'eft pas - là précifément
de quoi il s'agit . L'Auteur , loin
d'affûrer que la Terre d'Yvetot a des Hauts-
Jours , affûre formellement & diftinctement
le contraire , Tome 1. pages 185. 186 .
B v O
874 MERCURE DE FRANCE
On demande , continue l'Obfer ateur ;
commment un ſimple Gentilhomme a pû obrenir,
foit d'un Roy de France ,foit d'un Ray & Angleterre
, le privilege fingulier de porter le nom
de Roy. Les Abbés de Verio: & des Thuill ries
n'ont point répondu à cette cbj tim , ni notre
Auteur non plus. Cela eft plaifant ! PABbé
des Thuilleries foûtient que ce privilege
eft une ufurpation réelle de la part des Seigneurs
d'Yvetor. L'Auteur de la Defcription
prétend ( ce qui cft moins odieux ) qu'ils ne
l'ont tenu que de l'ufage , Tome 1. pag. 188.
189. Par conféquent ni l'un ni l'autre ne
difent comme l'Abbé de Vertot, que ce doit
être une conceffion des Rois . Malgré cela on
leur demande comment il fe peut faire que
c'en foit une , & on veut qu'ils répondent.
Les Seigneurs d'Yvetot , dit l'Obfervateur ,
reçûrent avec plaifir le titreflateur de Prince
& de Roy , que leurs Amis ou leurs Vaſſaux.
leur donnerent, à caufe de leur affranchiffement
parfait & de leur indépendance réelle. Ce titre.
s'accrédita dans lafuite. Enfin ils oferent dans.
des tems de troubles , fe le donner eux- mêmes
dans des Actes. C'eft- là l'ancienne opinion , &
je foutiens qu'elle eft la mieux fondée. Tout
cela ne fignifie que ce que l'Auteur a dit luimême
en trois mots , que les Seigneurs d'r
vetot n'ont pû tenir ce privilege que de l'usage.
Il falloit donc dire fimplement & modelte-
>
ment ,
MAY. 879
1741.
ment , je crois avec notre Auteur, que c'est l'o
pinion la mieux fondée. Toute autre manier
de s'exprimer , donne à entendre que l'Au
teur eſt d'un avis contraire , & c'eft fair
prendre le change à fes Lecteurs. Mais eft
il bien vrai que cette opinion là foit ancien
ne? Elle pourroit bien l'être fans doute , tant
elle eft fimple & naturelle. Cependant ce
n'eft ni l'opinion de l'Abbé des Thuilleries ,
ni celle de l'Abbé de Vertot , ni celle de
l'Auteur d'une Differtation inferée dans le
Mercure de Janvier 1716. & citée par l'Obfervateur
, ni celle de M. de la Roque dans
fon Traité de la Nobleffe , tous gens qui ont
étudié la matiere , & dont nous avons les
Ecrits. Enfin je ne l'ai luë que dans notre
Auteur , & celui - ci ne la donne pas pour
ancienne. N'auroit- il pas la gloire de la dé
couverte ? Si cela eft , l'Obſervateur devoir ,
ce femble , en galant homme , lui en faire
honneur.
A l'égard d'une opinion nouvelle , die encore
l'Obfervateur , qui attribue à Jean de
Bailleal , Gentilhomme Normand , & Roy
d'Ecoffe , le titre de Royaume donné à la Terre
d'Yvetot , c'est une conje &ture qui ne mérite pas
d'être difcutée. Quel eft donc l'Auteur de
cette conjecture ? Car enfin je ne l'ai encore
lue que dans la Defcription Géographique &
Hiftorique de la Haute Normandie ; enforte
B vj
que
876 MERCURE DE FRANCE
que la Defcription, la conjecture nouvelle , &
l'opinion ancienne , dont nous parlions tout à
l'heure , pourroient bien être toutes les trois
du même Auteur. Après tout , fi la conjecture
nouvelle ne mérite pas d'être difcutée , ce
n'eft que parce qu'abfolument parlant , elle
n'eft là que par furcroît , & qu'elle ne fait
rien au fond de la queftion , fur laquelle , indépendamment
du Roy d'Ecoffe , l'Auteur
s'étoit déja déterminé pour l'opinion quo
l'Obfervateur croit la mieux fondée. Il ne
feroit pourtant pas vrai de dire que la conjecture
ne tend à rien. Elle fert du moins à
rendre le Lecteur attentif fur la véritable
Epoque du prétendu Royaume d'Yvetot ,
puifqu'en effet ce n'eft que peu de tems après
la mort de Jean de Bailleul, que les Seigneurs
d'Yvetot ont commencé à porter le nom de
Roy.
Article de Rouen , avec ceux de Pontoife,
'du Pont- audemer & des Andelis , est tout ce
que comprend le premier âge. L'Obfervateur
veut dire que de toutes les Habitations du
Vexin , ce font là les feules dont l'Auteur de
la Defcription faffe remonter l'origine jufqu'au
tems des Gaulois , & cela n'eft pas
exactement vrai. Il dir lui -même en termes
exprès , il y en a fans doute un grand nombre
d'autres , & il met de ce nombre Artie , Barantin
, Léfu , la Bouille , Ivri , Claire ,
&
plufieur s
M A Y. 877 17412
Plufieurs autres , dont le dénombrement occupe
les pages 211. 212. 213. 214. 215 .
216. 217. & 218. de fon fecond Tome.
Après cela que devient la reflexion fuivante
de l'Obfervateur ? My a cependant plufieurs
autres Lieux que l'Auteur auroit pû renfermer
dans cette premiere claſſe.
•
Le Pont de l'Arche , continue l'Obfervateur
, a été ainfi apellé , parce que Charlesle-
Chauve fit bâtir en ce Lieu une Fortereffe
avec un Pont , Arcem cum Ponte. De- là
Pons- Arcis. L'Auteur croit neanmoins que
le
Pont-de- l'Arche a été ainfi apellé , parce qu'il
y avoit autrefois près de la Fortereffe un Pont ,
qui n'étoit formé que d'une feule Arche . L'Auteur
ne croit point cela , quoiqu'il puiffe le
croire en fûreté de confcience . Il raporte l'étymologie
tirée du Latin Pons Arcis , & ne
la condamne pas ; il raporte également celle
qu'Adrien de Valois tire de ces deux autres
mots Latins Pons Arcus, & il ne l'adopte pas
formellement. Peut être , dit- il , le Pont ne
comprenoit- il d'abord qu'une feule Arche
laquelle s'étendoit depuis la Fostereffe jufqu'à
une petite le voifine . Mais pourquoi , die
Obfervateur , ce Pont ne fubfifteroit - il pas
encore , & quelles preuves a - t'on qu'il ait éte
ruiné ? Belle demande ! Avons nous donc les
Gazettes de ce tems - là ? L'Auteur demande
à fon tour , mais avec plus de juftice , pour
ди
878 MERCURE DE FRANCE
quoi ce Pont étoit - il apellé anciennement le Pont
de la Arche Curoife ? Cette expre lion fupo
fe néceffairement une A che unique. Et dans
cette fupofition n'a t'il pas eû raiton de pencher
plutôt pour Pons Arcu , que pour Pons
Arcis ?
L'Auteur s'eft trompé , dit encore l'Obſervateur
au même endroit , en pla ant Oiffel
fur la rive droite de la Seine ; il eft à la gau
che. Chicane d'Ecolier. Un homme fait fe
feroit contenté de dire qu'il y a là une faute
d'impreffion , & il auroit . parlé jufte . L'Auteur
s'étoit déja plaint lui même dans le
Mercure de Mars de cette année , page 486.
de la négligence des Imprimeurs , qui prennent
quelquefois leur main gauche pour leur
main droite. Ici , dans sa Carte Géographique
, il a placé Oiffel fur la rive gauche de la
Seine , comme il le devoit ; c'en eft affés
pour le juftifier.
On est un peu étonné , continuë l'Obfervateur
, que l'Auteur ait été fi laconique au sujet
de Harfleur , Ville fur laquelle il y avoit bien
plus de chofes à dire . Il ne s'eft pas mis en peine
, dit il encore , d'orner fon Livre de l'His
toire des Siéges que la Ville de Ronen a foûtenus
, ni des grands évenemens qui yfont arrivés.
On peut lui reprocher , continuë t'il , de
n'avoir point parlé du Séminaire du Bourg-
Achard , de l'ife-Belle , qui touche Meulant ;
de
MAY. 1741; 879
de l'échange qui a été faite ( faute d'impreffion ,
Car échange doit être mafculin ) du Comté de
Gifors. Enfin il garde un profond filence fur
le Talou.
Ce dernier reproche ett tiré de la Lettre
348. page 70. Là l'Obfervateur nous aprend
qu'il fe fouvient d'avoir lû dans le Mercure
de Septembre 1736. une Differtation de M.
Clerot fur ce petit Canton , dont il eft médiocrement
content , & il ne fçait fi l'Auteur
de la Defcription Géographique l'a lûë. Je
me fouviens , moi , d'avoir lû dans les Mémoires
de Trévoux , Avril 1740. page 619.
ce que l'Auteur penfe de la Differtation de
M. Clerot. L'Observateur peut y avoir recours
, s'il le juge à propos. Mais une grande
preuve que cet Auteur a gardé un profond
filence fur le Talon , c'eſt qu'il n'en parle que
depuis la page 46. jusqu'à la page 53. de fon
premier Volume. Il n'a pas omis non plus
l'échange du Comté de Gifors ; il en parle trèsexactement
aux pages 346.347 . & 568.de fon
fecond Tome. S'il n'a rien dit de l'Ile - Belle,
j'en devine la raiſon; c'eft que l'Ifle- Belle n'étoit
poit de fon reffort. Les autres omiffions,
& rien , c'eft la même chofe. Il n'eft pas ici
queftion d'une Hiftoire où il ne faut rien
omettre. L'Auteur ne nous avoit promis
qu'une Defcription Géographique , nourrie de
quelques Faits Hiftoriques ; il n'étoit tenu
મે
180 MERCURE DE FRANCE
à rien de plus , & il s'eft acquitté exactement
de fa parole . Revenons à la Lettre 347 .
On reproche encore à l'Auteur, dit l'Obser
vateur , de s'être trompé par raport à des Fiefs
& à des Patronages. Voilà un reproche bien
vague , & peu s'en faut qu'il n'y manque
de la bonne for. Ces fortes de méprises
peuvent être de conféquence: Pourquoi n'en
pas citer un exemple ou deux ? J'entrevois
du mécontentement de la part de quelques
intereffés. Mais comment l'Auteur a - t'il pû
fe tromper Il copie mot à mot les aveux &
dénombremens des deux Chambres des
Comptes de Paris & de Rouen . Si ces aveux
font fautifs , ce n'eft pas lui qui fe trompe ,
puisqu'il ne décide jamais rien . La faute doit
donc être rejettée fur ceux qui les ont produits
, & tant pis pour eux ; pourquoi n'ac
cusent ils pas jufte ?
Voici un autre reproche d'une nature affés
finguliere : L'Hifloire de l'Eglise de Meaux,
dit-on , & l'Hiftoire de la Haute Normandie,
il falloir dire la Description de la Haute
Normandie , car encore un coup le titre de
l'Ouvrage n'annonce point une Hiſtoire , )
font fouvent en contradiction. On fupole ainfi
que les deux Ouvrages font de la même
main , & il s'ensuit de là que ce qui doit faire
le plus d'honneur à l'Auteur est précisément
le reproche qu'on lui fait. En effet les
contra
MAY. 886
1741.
contradictions prétendues ne confiftent qu'en
ce que l'Auteur s'eft corrigé lui - même , lorsqu'il
s'eft crû en faute.
Sur une des portes du Château d'Arques ,
on lit encore affés diftinctement trois chiffres
arabes , 7. 4.
, 7. 4. & un troifiéme qui paroît
être outrun 5.ou un 7.ou un 9.De - là il fuit avec
affés de probabilité , dit l'Auteur de la Description
, que ce fera l'un des Fils de Charles
Martel , Carloman , ou plûtôt Pepin le Bref,
qui l'aura bâti vers l'an 745 ou 749 ; mais ,
dit l'Observateur , ce raisonnement n'est pas
concluant l'Auteur a - t'il pû ignorer combien
font nouveaux les chiffres Arabes en fait d'Ins
cription ? Et qui lui a dit que l'Auteur l'ignore
? A- t'il avancé que l'Inscription eft du
huitiéme fiécle ? Il observe au contraire que
plus de deux cens ans après , Guillaume , fils
de Richard II. Duc de Normandie , a réparé
ou embelli par de nouveaux travaux, le Château
d'Arques. L'ancienne Inscription , s'il
y en avoit une a dû disparoître alors , pour
faire place à une nouvelle. Dans la fuite ,
de
nouveaux travaux auront encore obligé de
renouveller l'Inscription , & on aura enfin
placé celle qui fubfifte aujourd'hui. Dans
quel tems a- t'elle été placée ? L'Auteur n'a
point voulu risquer une déciſion , & c'eſt de
fort mauvaise grace qu'on en met une ici fur
fon compte.
Ce
882 MERCURE DE FRANCE
Ce n'eft pas tout , l'Auteur , dit- on , a fait
une faute bien plus confidérable fur le même
Lieu d'Arques. Selon un Hiftoriographe de
Normandie , ( Hiftoriographe dont le Public
n'a point encore vû & ne verra peut - être ja
mais l'Hiftoire , ) l'Auteur a confondu deux
Lieux fort differens , Arques & Arches , &
cela faute , d'avoir lû Guillaume de Fumiege ;
ou pour l'avoir lû fans refléxion. Que cela me
paroît petit ! j'aimerois autant que l'on nous
dît que M. Bergier dans fes Grands chemins
de l'Empire a confondu la Ville de Rheims
avec la Ville de Reims. L'Observateur voudroit-
il bien nous aprendre en quel Lieu du
Monde eft fitué Arches , dont parle Guillau
me de Jumiege , s'il eft different d'Arques?
N'est -ce pas vouloir fe perdre dans de vaines
conjectures , que de chercher l'étymologie
des noms de Rivieres ? Va - t'on chercher pourquoi
la Seine s'apelle Sequana , & le Rhône
Rhodanus ? C'eft , ce me femble , abuser de la
profonde Science du Ras Breton , que t'en faire
un tel usage? Cette refléxion eſt toute entiere
de l'Observateur. Et il eft trifte en effet
que des Gens d'étude aillent fe persuader
que la Langue Celtique fe foit conservée
dans les noms de plufieurs Rivieres & de
plufieurs Lieux habités pendant plus de 2000 .
ans par les Celtes. A quoi bon en effet s'amuser
à de pareilles vétilles ? Que l'Auteur de
la
MAY. 883 17411
la Description de la Haute-Normandie y ait
employé fon temps , paffe pour lui ; on peut
lui faire grace , parce que ce n'eft pas grand
dommage ; mais que Cambden , que Samuel
Bochart , que le célebre M. Huet , Evêque
d'Avranches , que tant d'autres habiles gens
ayent couru avant lui la même carriere , n'eftce
pas ce qui doit flétrir leur mémoire dans
toute la Pofterité ? Raillerie à part , l'Observateur,
à qui ces étymologies ne plaisent pas,'
en a pourtant voulu faire usage lui - même ,
& en cela il n'eft que trop vrai , malheureu
sement pour lui , qu'il a abusé de la profonde
fcience du Bas- Breton . Bec , dit- il , en
Celtique ,fignifioit Riviere , Eau . Il fe trompe;
Bec eff Celtique , fignifioit la pointe de quelque
chofe que ce foit : & c'eft encore en ce fens
que nous difons le Bec d'un Oifeau ; il l'a lû
plus d'une fois dans Suetone , mais il ne s'en
pas fouvenu au besoin. eft
Bo
que
Paffons -lui ce qu'il ajoûte , que , felon lui,
il ne doit pas y avoir d'h dans Rotomagus ,
d'écrire Rothomagus , c'est une mau
vaise Ortographe. Cette décifion eft pourtant
placée la de maniere qu'on foupçonneroit
l'Auteur de la Defcription de lui avoir
donné lieu de prononcer la Sentence contre
lui , quoique cet Auteur n'écrive jamais autrement
, à moins qu'il n'y foit forcé par la
néceffité de copier quelque ancien Titre ,
donc
884 MERCURE DE FRANCE
dont l'ortographe , quelque vicieuse qu'elle
foit , doit être représentée fidellement.
Mais lui paffera-t'on de même l'air triom
phant avec lequel il insulte à l'étymologie de
l'ancien Piftis du Pays de Caux , telle que ce
même Auteur l'a donnée par conjecture ? Le
Gloffaire de Du Cange lui aprendra , dit - il ,
que Piftæ fignifie des Chaumieres de Paysans ,
des Cabanes, des Cases de Bucheron . Du Cange
! l'Observateur y pense- t'il ? Ce mot n'eft
point du tout dans Du Cange. Il a voulu dire
, fans doute , les Continuateurs ou les
Augmentateurs du Gloffaire de Du Cange.
Mais fi cela eft , à qui renvoye- t'il ceux qu'il
veut inftruire de la fignification des mots ?
A ceux qui l'ont inftruit lui - même. Arrêtonslà
. Le noeud de la queftion étoit ici de trouver
la pofition précise de l'ancien Piftis.
L'Obfervateur eſt - il bien en état , le Du Cange
des Benedictins à la main , de nous enfeigner
ce qu'il fçait là - deffus ?
Jusqu'ici nous n'avons rien trouvé que de
repréhensible dans les deux Lettres des Observations.
Quelquefois cependant l'Observateur
rend juſtice à l'Auteur de la Descrip
tion, & c'en eft affés pour apliquer à ces feüilles
volantes ce qu'il dit de la Deſcription
même, que c'est un Ouvrage qui, comme presque
tous les Livres, eft loüable & repréhensible.
ODE
MAY. 1741
885
LE
***************
ODE ,
Caprice, Par M. l'Abbé Godard,
E Démon des Vers me poffede ,
Il s'empare de mon efprit.
Je n'y fçache point de remede ;
Rimons par art, ou par dépit.
C'eſt à toi , Monftre qui m'inſpire ;
Que j'offre les fons de ma Lyre ;
C'est toi qui me rends furieux ;
J'entre dans ta folle carriere ;
Mais quelle foule de matiere
Viens-tu préfenter à mes yeux !
*
Eh bien , puiſqu'il faut que je chante
Voyons , fera-ce toi , Bacchus ?
Ta liqueur n'a rien qui m'enchante ;
Amour , tu n'enchante pas plus ;
Souvent le vin nous change en bête ,
Et quand on a l'amour en tête ,
L'Amour en fait autant de nous .
Infâme Dieu de la tendreffe ;
Infipide Dieu de l'yvreſſe ,
Mes chants ne feront pas pour vous.
Qu'a
886 MERCURE DE FRANCE
Qu'aperçois-j ? Mars & Bellone !
Je recule faili d'horreur ;
Dans mes veines mon fang friffonne
Je plains le fort de ce vainqueur ;
Pour que la victoire ait des charmes
Elle fait couler trop de larmes ;
Non , ces Tyrans de l'Univers ,
Qui ne marchent qu'avec la foudre ,
Qui mettent nos remparts en poudre .
N'auront point de place en mes Vers .
Je Lens
Quoi ! déja Phebus m'abandonne !
que je n'ai plus de voix ;
Je deviens une autre perſonne ;
Mufe , adieu donc pour cette fois ;
Cette Montagne de la Fable
Eu moi fe trouve véritable ;
J'ai d'abord imité fes cris ;
Mais du feu que j'ai fait paroître ,
De mes transports , que voit- on naître è
Une ridicule Souris
LETTRE
MAY. 17413 887
tatatut
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M.
le Marquis de B. fur quelques fujets de
Vun
Litterature.
Ous avez ,Monfieur , plus que perfonne ,
un droit acquis de me demander compte
de mes Entreprifes Litteraires. Vous fou
haitez aujourd'hui fçavoir où j'en fuis de
celle qui regarde la publication des Lettres
de notre fçavant Aveugle de Marfeille , & de
celles qui lui ont été écrites pendant le cours
d'une affés longue vie par des perfonnes de
confideration , ou par des Sçavans diftingués
de l'Europe. Je vais avoir l'honneur de vous
fatisfaire.
Vous fçavez , M. que mon engagement
envers le Public eft déja d'affés vieille date ;
on le trouve dans le Mercure de Janvier
1729. p . 21. Cet engagement a été depuis
renouvellé dans deux Lettres que j'ai écrites
fur ce fujet à M. l'Abbé L. F. de l'Abbaye
5. Victor de Marfeille & de l'Académie de la
même Ville ; dans ces Lettres , inferées dans
les Mercures de Juin & de Septembre 1739
je fais un détail de tous les foins que je m'é
tois donné jufqu'alors pour recueillir tou
tes celles qui concernent l'illuftre Malaval
, comptant que la Perfonne à qui je
mc
388 MERCURE DE FRANCE
me donnois l'honneur d'écrire , voudroit
bien concourir à l'exécution de mon projet ,
étant fur les Lieux , aimant d'ailleurs la Litterature
& à faire plaifir : mais je ne fçais ,'
M. par quelle fatalité je n'ai reçû encore aucune
réponſe fur ce fujet.
Cependant je fus agréablement furpris¸
forfqu'au mois de Juillet 1736. je reçus une
dépêche de la part d'un R. P. Feuillant , demeurant
dans un Monaftere peu éloigné de
Paris. Il y avoit d'abord une Lettre écrite à
Padreffe ordinaire de M. Moreau , Commis
au Mercure , dont voici la teneur. » J'ai lû ,
» M. dans votre dernier Mercure une Lettre
» de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Fournier
au fujet d'une Edition des Lettres de
François Malaval. Comme j'ai quelque
» chofe d'important à faire fçavoir à l'Au-
» teur de cette Edition , que je ne puis de-
» viner par ces Lettres D. L. R. je vous prie
» de vouloir bien lui faire tenir l'inclufe
> vous obligerez , M. votre très - humble, &c.
Signé , F. Guillaume le Tonnelier , Feuillant.
A Chatillon fur Seine le 25. Juillet
1736.
.59
>>
L'autre Lettre qui me regardoit directement
, portoit ce qui fuit. » M. j'ai apris par
» le dernier Mercure , que vous alliez don-
» ner au Public , une Edition des Lettres de
» M. Malaval , & de celles qui lui avoient
«été
MAY. 1741. 889
"
été écrites par des Perfonnes de confide-
» ration : J'en ai une en original de l'Evê-
» que d'Ape , très- intereffante , outre quel-
» ques Anecdotes de la Vie de cet Illuftre
» défunt , dont j'ai feul connoiffance , avant
» été fon Confident , & même fon Confef-
» feur dans les dernieres années de fa vie ;
» fi vous fouhaitez en être informé , vous
» aurez la bonté de me donner votre adreffe .
» J'ai l'honneur d'être &c. Signé comme
en la précedente , F. Guill. le Tonnelier ;
Feuillant. A Châtillon fur Seine en Bourgogne
,
le 25. Juillet 1739.
Vous jugez bien , M. que je ne fis pas
long- tems attendre ce R. P. je lui répondis
30. du même mois , en lui donnant toutes
les facilités poffibles pour m'écrire en affûrance
, & pour m'envoyer directement tout
ce qu'il trouveroit à propos fur le fujet en
queſtion : mais je ne fçaurois vous exprimer
dans quelle furprife je fuis , depuis ce tems-là ,
de n'avoir reçû , après cet heureux préliminaire
, aucune réponse de ce bon Religieux.
J'ai fait cependant quelques recherches qui
m'ont apris qu'il n'eft ni mort , ni malade
mais qu'il fe trouve actuellement dans cer-,
taines circonstances qui ne lui permettent
pas de faire tout ce qu'il fouhaiteroit , &c.
le
En attendant du tems & de la patience ;
Favancement & l'exécution entiere de mon
C pro890
MERCURE DE FRANCE
projet , je crois , Monfieur , que vous ne ferezpas
fâché de trouver ici comme une espece
d'échantillon , des Lettres de notre fçavant
Marfeillois , pour vous faire connoître fon
génie , fon efprit de Religion , & fa capacité
qui s'étendoit fur tous les Genres de
Litterature. J'ai choifi celle qu'il écrivit à
M. Surian , habile Médecin Botaniſte , envoyé
de Marfeille aux lles de l'Amerique
par ordre du Roy :
MONSIEUR ,
Le tems favorable qui vous obligea de
vous embarquer plutôt que vous n'aviez crû,
ne me permit pas de vous embraffer encore
une fois avant votre départ , comme je me
l'étois promis : mais fi je n'ai pû redoubler
mes embraffemens , j'ai redoublé mes voeux ,
& je prie le Seigneur que votre voyage foir
accompagné de toute forte de bénedictions
fous les aufpices de notre grand & incomparable
Monarque : je ne doute pas que vous
ne répondiez.dignement aux intentions de
S. M. & que vous ne travailliez fur les Plantes
des Ifles de l'Amerique avec le même
fuccès que vous avez eu en travaillant fur
celles de notre France. Il faut fur cette matiere
de la vigilance , un certain jugement
& du fçavoir. Vous poffedez déja avantageufement
toutes ces bonnes qualités ; vous
n'aMAY.
1741. 8912
n'avez, M. qu'à y joindre la priere envers celui
qui a fait les Plantes , car fans fon ſecours
notre vigilance nous abandonne, le jugement
nous manque , & tout notre fçavoir ne fert
fouvent qu'à nous faire égarer avec plus
d'éclat.
Corrigez de grace ces Voyageurs , ou crédules
, ou négligens , qui ont donné des
noms chimériques à des Plantes connues, &
des noms connus à des Plantes chimériques .
Réïterez fouvent vos expériences pour les
rendre plus folides , & fi vous découvrez
quelques belles opérations, foit dans les Plantes
, foit dans les autres productions de la
Nature , que l'on voit en ces Régions , piquezvous
plutôt de nous en donner l'Hiftoire que
de nous en aporter des raisons , car en vérité,
M. dans un fiecle auffi éclairé que le nôtre
on ne vit jamais tant de fauffes fubtilités , ou
fur des chofes très claires , ou für des effets
impenetrables . On fait dire à la Philofophie &
à la Médecine tout ce qu'on veut , & fouvent
-ce qu'on n'entend pas , tantôt par des argumens
de Dialectique , tantôt par des jeux &
des mouvemens d'Atômes ou de corpuscu
les,inventés à plaifir,& il n'y a point de doute
que la trop grande fubtilité ne faffe - beaucoup
de tort à ce qu'il y a de plus folide &
de plus raisonnable en chaque fyftême . Ainfi
gardez quelque tempéramment dans vos ju-
C ij gemens
892 MERCURE DE FRANCE
gemens & dans vos expériences , entre la
crédulité des Anciens & la trop grande déficateffe
des Modernes , & quoiqu'il en soit ,
de les accorder ou de les contredire ; souvenez-
vous de ce que nous avons dit quelquefois
dans nos converfations , que la Nature
la Philo eft plus belle & plus certaine que
sophie.
Exposez - la donc à nos yeux telle que vous
la trouverez , & contentez -vous fouvent de
fçavoir ce que Dieu a fait , fans rechercher
trop curieusement comment il l'a fait . C'eſt
un Oracle du Sage . Cuncta res difficiles , non
poteft eas homo explicare fermone. Oui , M.
toutes les choses , toutes les oeuvres de la
Nature font difficiles à expliquer , les plus
petites auffi bien que les plus grandes , &
celui qui a fait les Anges , qui ne fe comprennent
pas bien eux mêmes , a fait les Vermisseaux,
dont l'esprit de l'homme ne peut comprendre
toutes les proprietés, ni toutes les parties.
La Nature ſe montre bien à nous , mais
elle ne dévoile pas à notre curiofité toutes
fés vertus & tous fes fecrets , parce que nous
en verrons toujours affés , pour nous obliger
à louer & à exalter celui qui l'a créée , & que
fans la voir,pour ainfi - dire, face à face, nous
découvrirons des miracles à travers les ombres
& les voiles dont fon Auteur l'a voulu
couvrir, Suivez-la pas à pas ; n'affûrez jamais
de
MAY. 1741 89
de fes proprietés , que ce que vous connoîtrez
avec une évidence raisonnable , & vous
vous tromperez rarement.
Sur tout , M. attachez- vous religieusement
aux Inftructions fi fages & fi bien méditées,
que M. l'Intendant * vous a données , foit
de vive voix , foit par écrit ' ; it a une profonde
connoiffance de ces Ifles , où , en qualité
d'Intendant, ila laiffé tant de marques de fa
prudence , de fa bonne conduite & de fat
grande probité ; il n'a point d'autre objet
dans votre million , que la gloire & le contentement
de S. M qui fait fes délices du
Bien public , quand elle ordonne de décou
vrir les raretés & les choses les plus utiles de
ces Pays éloignés. Permettez -moi aulli de
vous exhorter, avec la franchise que me don '
ne l'amitié , à ne communiquer vos expériences
& vos recherches qu'à ceux de qui
vous dépendez. Il y a dans le monde beaucoup
de Plagiaires , beaucoup d'Envieux ,
peu de candeur & peur de fecret. Ne criez
pas avec cet Ancien , que la joye transporta,
parce qu'il avoit deviné la folution d'un Pro
blême , j'ai trouvé , j'ai trouvé ; car quel
qu'un pourroit s'aproprier votre découverte ,'
&c. mais fi vous trouvez quelqu'un qui puis-
* M. Begon , alors Intendant des Galeres à Marfeille
, d'où il paſſa en 1688. à l'Intendance de l'a
Marine de Rochefort , où il est mort en 1710.
7
Cij St
94 MERCURE DE FRANCE
3e perfectionner
& rendre plus certaines vos
xperiences
& vos recherches , préferez gé
nereusement
l'utilité publique à un peu
d'honneur ; ménagez néanmoins
ce qui fera
Purement de votre invention , ou du moins
ce que vous en aurez découvert dans quelque
Ouvrage. Ceux qui vous ont choifi , font
affés persuadés que vous avez toutes les qualités
néceffaires pour réüffir dans l'emploi qui
vous a été confié .
Au refte M ne vous figurez pas que ce
foient les hommes qui doivent faire votre
fortune , c'eft uniquement à Dieu que vous
vous devez fier ; il tient entre fes mains les
coeurs de ceux qui peuvent nous rendre fervice,
& il eft le fouveran Arbitre de leur
bonheur & du nôtre ; ce que nous devons le
plus fouhaiter , c'eft qu'il accorde, pour ainfi
dire , notre fortune avec notre falut , & qu'il
nous faffe gagner le Ciel avec les biens qu'il
lui plaît de nous donner fur la Terre ; hors
de - là , mon très cher , les richeffes ne font
que des piéges pour fe perdre avec plus d'éclat
. Aufli je fais plus d'état de votre qualité
d'homme de bien , que de celle de grand Botanifte
, qu'on peut vous donner avec juftice.
Les Plantes que vous trouverez vous éleveront
à Dieu , & vous vous ferez un trésor
pour l'Eternité de ce que l'on foule aux pieds
tous les jours fur la Terre.
Les
MAY.
1741 . 895
1
Les Plantes font, une Ecole perpétuelle de
la Providence ; un même fuc de la Terre les
nourrit toutes , & ce fuc unifortne en fa fubstance
, fe convertit en autant d'especes qu'il
ya de fimples . Les plus grands Chimistes
avec de la Terre , ne fçauroient faire que de
la Terre , & Dieu en fait des milliers de
Plantes qui ornent la Terre & qui raviſſent
les hommes d'admiration , cependanr ces
Plantes ont leur fubftance , leur quantité ,
leurs qualités & leur figure , toutes differentes
; vous en trouverez dans ces Iles que
vous n'avez jamais vûës dans nos Contrées .
Il y en a de belles, d'agréables au goût , de falutaires
, de venimeuses ; cependant il n'y a
que la main de Dieu qui les feme , qui les
cultive , & qui les faffe croître jusqu'à leur
entiere perfection , ainfi vous direz fouvent
en les confidérant , Racines , Herbes , Arbres,
Fleurs & Fruits de ce nouveau Monde ,
béniffez Dieu . Oui , M. les Plantes font autant
de Langues de la Nature, qui loüent ce-
Jui qui les a faites , & les hommes ingrats s'en
nourriffent, s'en guériffent ; ils les admirent ,
ils s'en entretiennent avec plaifir , ils fe glorifient
de les connoître , fans jamais lever les
yeux vers celui qui les a créées ; plus infenfibles
que les Plantes même qui pouffent, qui
Croissent, qui fleuriffent , qui fructifient & qui
fuivent le mouvement de la Nature , c'est-à-
C iiij
dire
96 MERCURE DE FRANCE
dire du Créateur, avec une efpece de fidelité;
les hommes s'étudient à connoître ces Plantes
, ils méconnoiffent- Dieu , & fe font des
Idoles de ces objets d'amour & d'admiration.
Je fuis affûré que vous n'en userez pas ainfi,
vous deviendrez au contraire plus Chrétien
en des Lieux, où le vrai Dieu eft fi peu connû
, & vous le loüerez pour tant de Sauvages
qui ne le connoiffent pas , & pour tant de
Chrétiens qui ne le veulent pas connoître.
Souvenez- vous auffi de donner libéralement
vos Remedes aux Pauvres , enforte qu'ils
fentent par vos bienfaits , que vous êtes au fervice
d'un Roy très- Chrétien , qui eft devenu le
Bienfaicteur univerfel du Genre humain, dans
tous les Pays & dans toutes les Conditions.Je
vous fouhaite les plus heureux fuccès dans vos
entrepriſes , votre vertu les mérite . Je vous
promets de rendre fervice à votre Famille en
tour ce qu je pourrai , & quoique je ne fois
pas trop du monde , je me ferai du monde
pour l'amour de vous . Donnez - moi de vos
nouvelles , & croyez , M. que je fuis , & c.
Je ne doute pas , Monfieur , que vous ne
foyez content & fatisfait de la lecture de
cette Lettre, auquel cas je me propose de vous
en communiquer d'autres fur des Sujets differens.
J'ai l'honneur d'être bien respectueu
sement , Monfieur , & c .
A Paris ce premier Mai 1741.
MAY. 897
1741.
****************
T
SONNE T.
Sur les Calamités publiques.
Out s'arme contre nous , le Ciel, les Elémens j
La Terre ſe refuſe à notre nourriture ;
Les Fleuves irrités dans leurs débordemens ,
A mille malheureux fervent de fépulture.
Quelle inondation ! les plus beaux Bâtimens
Sont ébranlés , malgré leur folide ftructure ,
Et détruits par les flots , jufques aux fondemens ,-
De leurs triftes débris font gémir la Nature.
Dieu puiffant , voudrois-tu de nos crimes divers
Tirer encore vengeance en perdant l'Univers ,
Et punir notre orgueil par un fecond Déluge
Non , ta Juſtice céde aux loix de ta bonté ;
Si dans tes bras ouverts je cherche mon réfuge ,
Dans l'abîme des Eaux je fuis en fûreté.
LB. P. D. R. D L. E. à Senlis
QUES
898 MERCURE DE FRANCE
tett tettet tibet
QUESTION IMPORTANTE..
Dans la Coutume d'Anjou fuffit -il d'avoirvingt
ans accomplis pour difpofer defes
Propres par Teftament ?·
Ette Queftion vient d'être jugée à la
Grand -Chambre , fur l'espece qui fuit..
FAIT..
Le 26: Janvier 1728. le Sr Duchâtel de 12-
Martiniere , Lieutenant de l'Election de Saumur
, épousa Marie-Anne du Verger. Le 28 .
Mars 1730. la Dame Duchâtel , attaquée
d'une maladie mortelle , fit fon Teftament
par lequel elle donna au Se Duchâtel , fon
Mari , tous fes Piens - meubles , Acquêts &
Conquêts immeubles , & le tiers de fes Propres
en proprieté. Elle mourut le 25. Juin
fuivant , dans fa vingt - deuxième année , laisfant
une fille unique , âgée de 4. mois ou
environ..
Le 12. Août de la même année le Sr Du-
Châtel forma fa demande devant le Prévôt
de Saumur , contre le fubrogé Tuteur de fa
fille , & le premier Septembre il intervint
Sentence contradictoire qui entherina la Do-
Nation
Quelque
3
3
MA Y. 1741 . 899
Quelque tems après,la Dlle Duchâtel étant
décedée , Philipe Dannelot de la Vau , fon
héritier , fut affigné pour voir déclarer commune
avec lui la Sentence du premier Septembre.
Au lieu de paroître à cette affigna-
<tion , il fe pourvût en la Sénéchauffée de
Saumur , & demanda que la Sentence de la
Prévôté fût infirmée au chef qui avoit entheriné
la Donation du tiers des Propres.
Le 14. Fevrier 1733. Sentence contradictoire
qui confirma celle du premier Juge, fur
l'apel interjetté au Parlement par le Sr Dannelot
, l'affaire a été apointée au Conseil , &
diftribuée à M. de Salabery , Conseiller.
Les Moyens du Sr Dannelot , héritiery
étoient divisés en deux propofitions. 1 ° . La
Coûtume d'Anjou ne determinant point l'âge
pour Tefter , on doit fuivre la Coûtumé
de Paris. 2 °. L'exiftence de la Dlle Duchâtel
au tems duTeftament & du décès de fa Mere
, doit annuller le don de la pròricté des
acquêts , conquêts , & du tiers des Propres.
Par raport à la premiere propofition , une
Jurisprudence conftante la foûtient, plufieurs
Arrêts célebres ont jugé que dans les Coûtumes
Muettes fur l'âge de tefter , c'eft à celle
de Paris qu'il fut recourir.
Le Journal des Audiences Tome 2. Liv .
Fi. Ch . 4. nous fournit un Arrêt du s . Avril
1672. qui fur ce principe retrancha du Tes-
Cvj tament
$58207
900 MERCURE DE FRANCE
tament d'une fille de 22. ans , foûmise à la
Coûtume de Valois , la dispofition du quart
des Propres , & ne lailla fubfifter celle
que
des meubles & des acquêts.
Le même Recueil Tom. 5. Liv. 2. Chap. 6..
raporte un autre Arrêt décifif : Une fille âgée
de 19 ans & 3 mois , domiciliée dans la Coutûme
de Senlis , qui ne paile point de l'âge
de tefter, avoit fait un teftament au profit de
fon oncle . L'acte fut attaqué par les héritiers.
Feu M. Portail lors Avocat Général , & depuis
Premier Préfident , porta la parole dans
cette caufe ; il obferva que par les Arrêts antérieurs
, & entre autres par celui de 1672 .
la Jurifprudence étoit devenue certaine ,
>
que les bons Auteurs avoient tous étendu
la difpofition de la Coûtume de Paris en ce
point; il ajouta qu'il y avoit occafion de faire
un Reglement qui fixâr pour jamais l'age an
quel on peut tefter dans la Coûtume de Senlis ,
& autres qui n'avoient point de difpofitions expreffes
fur cet oljet. Par l'Arrêt du 31. Janvier
1702. conforme à fes conclufions , le
teftament fut déclaré nul ; & il fut ordonné
que l'Arrêt feroit lû , publié & entregistré au
Bailliage de Senlis , & partout où befoin fe
roit.
Les Auteurs ont embraffé cette Jurifprudence.
Ricard dans fon Traité des Donations,
dit qu'il ne faut plus fuivre le Droit Romain
pour
MAY. 1741:
901
pour établir dans les Coûtumes muettes le
tens de difpofer par teftament , parce qu'à
l'âge de puberté , le teftateur n'a pas affés de
maturité & d'expérience pour donner à des
étrangers au préjudice de fes héritiers légiti
mes.
Boucheul fur la Coûtume de Poirou art.
276. remarque que les raifons de Ricard ont
fait abandonner l'ancienne Jurifprudence , &
ont ramené les fentimens à la Coûtume de:
Paris.
Soefve,Tom . 2. Centurie 4. Ch . 72. raporte
l'Arrêt de 1672. comme une décifion faine
& équitable.
Les nouvelles obfervations fur M. Lourt Let,
T. Somm. 8. & les nouveaux Commentateurs
de la Coût . de Paris prouvent la certitude
de la Jurifprudence par l'Arrêt de 1672 .
& par celui de 1702.
Coquille dans fes queſtions Ch. 228. dir que
dans la Coûtume de Paris il faut 20 ans pour
tefter defes meubles & acquêts , & 25 pour tefter
de fes propress qu'avec grande raifon il a
ré ordonné age de maturi é pour éviter les fuggeftions
, blandices & inductions auxquelles le
jeune âge eft plus fujet ; & que la Coûtume.
de Nivernois n'en difant rien , il eft à propos
de s'aider de celle de Paris.
Ꮼ
Ainfi il ne peut plus y avoir de doute. Le
fieur Dannelot réunit l'avis unanime des Au
teurg
902 MERCURE DE FRANCE
teurs , & la Jurifprudence des Arrêts : quelle
preuve plus folide de fa premiere propofi
tion ?
:
Or , en examinant la Coûtume de Paris ;
nous trouvons dans l'art . 293. qu'il faut avoir
25 ans parfaits pour tefter valablement de ſes
propres la Dame Duchâtel étoit au- deffous
de cet âge , par confequent la difpofition
qu'elle a faite de fes Propres eft nulle.
A l'égard de la feconde propofition , il faut
remarquer que l'art. 21. de la Coûtume
d'Anjou ne permet , Liberis extantibus ,
le don de la troifiéme partie du patrimoine
& des acquêts & conquêts par ufufruit : il
eft donc certain , aux termes de cet article ,
que la difpofition de cetté troifiéme partie
ne peut être faité pour la proprieté .
>
que
Le teftament de la Dame Duchâtel renfer
me non ſeulement la donation de tout le mo
bilier , mais encore des acquêts & conquêts
pour la totalité , & du tiers des Propres
pour en jouir par le Donataire en proprieté
& à perpetuité. -
La Demoiselle Duchâtel fille unique de la
téltatrice , étoit vivente non feulement lors.
du teftament , mais encore au tems de l'ouverture
de la fucceffion . Ces deux circonf
tances raprochées du texte de la Coûtume ,
font fentir que la difpofition eft exceffive , &
qu'elle doit être anéantie.
Voici
M. A Y.
903 1741
Voici les moyens & réponſes du légataire
univerfel.
font habiles à la
& vant & tient
Les fujets de la Coûtume d'Anjou parvenus
à l'âge de 20 ans accomplis , font capables
de tous les actes de la vie civile . C'eft
un point de Droit qui fe juftifie par l'art.
444.... Enfans Coûtumiers , foient fils on
filles , font âgés à 14 ans ,
pourfuite de leurs droits .
Contrat fait avec iceux Coûtumiers agés de 14
ans , en tant que touche leurs meubles feulement
; & pour tant que touche les Contrat‹ por--
tant alienation des chofes héritaux , ils ne font
valables , fans l'autorité de juftice , que jusqu'à
ce qu'ils ayent vingt ans accomplis.
La derniere partie de cet article fe partage
en deux dispofitions, 1 °. Le majeur de 14
ans domicilié en Anjoû , fe trouve habilité .
pour tous les Contrats qui affectent uniquement
les meubles . 2 °. Le majeur de 20 ans
eft rendu capable de toutes fortés de Contrats
, même de ceux qui emportent alienation
de fes immeubles & de fes Propres.
Ainfi deux majorités déterminées par 12
Coûtume , & diftinguées par l'âge & le pouvoir
du majeur . L'une limitée aux feuls actes
mobiliers, acquife à 14 ans; l'autre abſoluë &
parfaite , qui s'étend à toutes fortes de Con--
trats , & qui donne la liberté d'aliéner les
immeubles & les Propres : c'eft celle qui s'ac
quiert à 20 ans accomplis
Sj
904 MERCURE DE FRANCE
Si donc il eft permis au majeur de 20 ans
d'aliéner fes biens de quelque efpece qu'ils
foient , quelle pourroit être la raifon de réduire
cette faculté aux actes paffés entre vifs ,
& de ne pas l'apliquer aux teftamens ? Tous
les cas d'aliénation étant renfermés dans la
difpofition générale de la Loi , c'eft aller contre
fon efprit que d'en excepter les teftamens
qui , par raport aux libéralités qu'ils contiennent
,font de véritables ali'nations. Qui peut
aliéner par Contrat , le peut à plus forte raifon
par teftament: On ne trouvera pas une
Coûtume qui ait inte dit la liberté dễ teſter,
à ceux qu'elle a rendus capables de contracter.
Les Auteurs fotiennent que la majorité
acquife à 20 ans en Anjou , neft point limitée
dans fon pouvoir. Chopin de Legibus
Andium art 444. s'exprime ainfi ? Majori autem
viginti annis lavan ur habena diftrahendorum
contractu fun dorum.
M d'Argentré fur la rubrique du tit . 21 .
dé lá Coût. de Bretagne , ſoutient que les
termes de l'art 444. de là Cotume d'Anjou
annoncent une majorité parfaité ; & que
ceux qui l'ont acquife font capables de tou
tes fortes d'actes .
M. Louet Let. C. Sommaire 42. établit auf
certe majorité ind fnie. Mingon place les
teftamens dans la difpofition générale de '
Part
MAY. 1741 .
905
Part. 444. Voici fes termes : Dic quod tex us
comprehendit omnem fpeciem alienationis , ita
quod dici poffet de emptione , venditione , habet
locum in donatione , legato & datione in folufum.
Dupineau eft du même avis . Sa note premiere
Sur l'art. 276. eft expreffe. Notre Coutume
dit- il , n'a rien dit de l'âge des teftateurs : le
Sommaire de notre ufage eft , que les majeurs de
14 ans peuvent tefter de leurs meubles , & les
majeurs de 29 ans de leurs immeubles , à l'exemple
des contractans , article 444. Poquet
de Livoniere dans fes obfervations fur le mê-.
me art. 444 aplaudit au fentiment de ` upineau
: & la Jurifprudence confirme ces opinion's.
Carondas en fes réponſes Liv. 7. Chap
12. cite un Arrêt du is . Mai ng84 . qui
confirma dans la Coûtume d'Anjou une do
nation faite par une femme à fon mari , de
tous fes meubles & acquêts , & du tiers de
fes propres , quoique la donatrice fùt décédée
avant 25 ans.
Par un Arrêt du 20. Février 1603. le teftament
qu'un nommé Philipe le Mercier avoit
fait à l'âge de 19 ans & trois mois . fut déclaré
nul. Le motif de cette decifion , ainfi
que nous l'apprenons du fecond plaidoyer de
M. Servin , fut que le reftateur foumis à la
Coûtume d'Anjou , n'avoit pû tefter de fes-
›
immeubles
906 MER CURE DE FRANCE
immeubles & de fes propres avant 20 ans accomplis
Par un autre Arrêt du 1o. Mars 1682. if
a été jugé dans la Coûtume du Maine , que
les Demoiselles de Beauregard mineures de
20 ans , avoient pû difpofer par teftament de
leurs effets mobiliers , mais non de leurs immeubles.
Cet Arrêt a fuivi l'Art . 455. de la
Coûtumé du Maine , qui femblable à l'Artícle
444. de celle d'Anjou , permet l'alienation
des meubles après 14 ans , & défend celle
des immeubles avant 20 añs . La Cour a décidé
d'après cet Article , que les Demoiſelles
de Beauregard ayant paffé l'âge de 14 ans ,
avoient valablement tefté de leurs meubles ,
mais qu'étant au- deffous de 20 ans , ' elles
n'avoient pû entamer leurs propres.
*
Après cela il eft aife de répondre aux
moyens du ficur Dannelot. La Coûtume
d'Anjou'ne peut être mife au rang des Coutumes
muettes fur l'âge de tefter. Elle déclare'
valables tous les Contrats paffés par les majeurs
de 20 ans , même ceux qui emportent
aliénation des immeubles & chofes héritaux Le
teftament en lui même eft un véritable Contrat
: ainfi lorfque la Loi s'eft expliquée fur
les Contrats , on ne doit pas dire qu'elle foit
muette par raport aux teftamens .
C'eft inutilement que le fieur Dannelor réelame
la Jurifprudence fixée par les Arrêts
de
MAY. 1747. 907
'de 1672. & de 1702. La regle introduite par
ces Arrêts, & foutenue par les Auteurs cités ,
eft fans aplication ; nous n'avons pas befoin
de recourir à la Coûtume de Paris , puifque:
tout eft décidé par l'Art. 444. de celle d'Anjou.
Le pouvoir de la Dame Duchâtel ne peut
donc plus être douteux ; elle avoit 20 ans
accomplis lorfqu'elle a fait fon teftament , par
conféquent elle étoit en droit de difpofer de
fes propres.
Refte à examiner fi elle a porté fa libéralité
trop loin , comme le foûtient le Sr Dannelot
dans fa feconde propofition.
Heft vrai que l'Article 321. de la Coûrumed'Anjou
ne perimet entre Conjoints , liberis
exiftentibus , que le don de la troificme partie
du patrimoine, & des acquêts & conquêts
par ufufruit. La Dame Duchâtel a donné à
fon mari la totalité de fes acquêts & conquêts
, & le tiers de fes propres en proprieté :-
elle avoit une fille lors de fon teftament , &
cette fille lui a furvécu.
Il faut obferver à cet égard que la Dame
Duchâtel n'avoit prefqu'aucun bien dans la
Province d'Anjou; la plus confidérable partie
des immeubles qu'elle a laiffés , font fituês en
Poitou. Or il s'agit de fçavoir fi elle a pû léguer
la totalité de fes acquêts & conquers, &
le tiers de fes propres en proprieté, quoiqu'elle
cût
908 MERCURE DE FRANCE
"
éût une fille vivante . Nous avons fait voir
que fuivant la Coûtume d'Anjou , elle avoit
acquis l'âge de tefter ; c'est à certe Loi , qui
eft celle de fon domicile , à déterminer fa
capacité. Mais pour fçavoir quelle liberté elle
avoit par raport aux biens fitués en Poitou ,
c'eft certainement fur la Coûtume de cette
Province , & non fur celle d'Anjou , qu'il
faut fe régler.
dir
que
Or l'Art. 209. de la Coûtume de Poitou
le mari peut donner à fa femme , & la
femme au mari , tant par donation mutuelle que
fimple , par teftament ou autrement , tous fes
meubles , acquêts & conquêts immeubles , & la
tierce partie de fes propres en proprieté , foit
qu'il y ait enfans ou non. La Dame Duchâtel
par cette difpofition étoit autoriſée à laiffer en
prop. ieté à fon mari tous les acquèts & conquêts
immeubles , & le tiers de fes propres
quo qu'elle eût une fille de fon mariage , elle
a ufe littéralement de cette permiffion : on
ne peut donc dire par raport aux biens de
Poirou , qu'elle ait porté fa liberalité au - delà
des bornes preferites par la Coûtume.
Ainfi tout l'effet du moyen qu'on tire de
Article 321. de la Coûtume d'Anjou , c'eſt
de réduire la donation à l'ufufruit du tiers des
immeubles fitués en Anjou : Cette réduction
ne peut jamais s'étendre fur les biens de Poi
tou; mais comme les premiers font peu confi
dérables
MAY.
و م و
1741
dérables , & que d'ailleurs le fieur Duchâtel
doit en jouir par ufufiuit , en qualité d'hés
ritier de fa fille , la réduction qui fe fera ne
produira aucun bénefice au fieur Danne
lor .
Sur ces differers moyens expofés d'une maniere
plus étendue dans les Mémoires imprimés
, diftribués de part & d'autre , eft intervenu
Arrêt le 23. Janvier 1741. qui confirme
les Sentences de la Prevôté & de la Sénéchauffée
de Saumur , avec amande & dépens;
& cependant , du confentement du fieur Duchâtel
, réduit la donation à l'ufufruit du tiers
des immeubles fitués en Anjou , fauf à lui à
la faire valoir en entier fur les immeubles fitués
en Poitou , & fans préjudice des droits
qui lui font acquis fur ceux d'Anjou , en qualité
d'héritier immobilier ufufruitier de fa
fille.
M. de Vaujours , Avocat , écrivoit pour le
fieur Dannelot , & M. Caffiot pour le fieux
Duchâtel.
BRE
10 MERCURE DE FRANCE
***
BREDERAC ,
Petite Maifon de Campagne de M. Desforges
Maillard , à Marcus Curius Dentatus
Conful de Rome.
C'Eft à toi, Curia Eft à toi , Curius,auffi grand qu'honnête homme
Grand par l'ame & les fentimens ,
Plus que par la dépenſe & les ameublemens ;
C'eſt à toi , Défenseur de Rome,
Que pour ta modération
Pénetré d'admiration ,
Je dédie aujourd'hui de ma cafe ruftique
La naïve deſcription.
De ton coeur génereux l'abftinence ftoïque ,
Ta fobre magnanimité ,
Dont l'exemple parfait dans d'étroites limites
Refferre la cupidité ,
Firent mépris de l'or que t'avoient aporté
Les Ambaffadeurs des Samnites ,
Qui demeurerent ébahis ,
En voyant Dieu de la le Dieu de la guerre
Retiré fous le toît d'un champêtre taudis ,
Et mangeant dans un plat de terre
Des raves & des falíefis.
11 eft bien plus aiſé d'admirer que de fuivre
Un Heros vertueux qui triomphe de foi ,
Et
MAY.
914 1741.
Et comme il faut toujours quelque peu d'or pour
vivre ,
J'aurois en pareil cas de la peine , je croi ,
Pour être tout - à- fair auſſi ſobre que toi .
Dès
que le doux Printems ranime la Nature ;
Je quitte , gai comme un pinçon
Le Croific , où le tems me dure ,
Pour habiter aux champs une antique mailon ;
Dont la rufticité traça l'Architecture .
Ce petit Caftel dont le nom
Fourniroit à P ** le ſujet d'une Hiftoire ,
S'apelle Bredérac , & fa terminaiſon
Gaillardement en Ac , quelquefois m'a fait croire
Qu'établi par hazard dans le Pays Breton ,
Un Cadet de Gascogne eût été fon Patron.
On voit en arrivant dans ce Manoir fertile ,
Sur le dongeon braqués deux canons , dont le bruit
Ne réveilla jamais la Bergere tranquille ,
Qui jufqu'au chant du Cocq profite de la nuit.
Ces Inftrumens guerriers,dont la bouche à perfonne
Ne dit jamais un petit mot ,
Ne font pas les enfans de l'airain qui bouillonne ,
Mais la famille fage & bonne
De la Coignée & du rabot.
Je voudrois cependant que le bois de Dodone
Leur eût donné naiffance , afin 2.
Qu'ils
912 MERCURE DE FRANCE
Qu'ils fçuffent dire le chemin
Au Paffant , dont la vue à leur afpect s'étonne.
Toutefois on peut voir leur ufage placé.
Muets Simboles du Tonnerre ,
Ces canóns de Forêts pourront en cas de guerre ,
Intimider l'Anglois fur nos Côtes pouffé ,
S'il parvenoit à prendre terre
A travers les écueils & le fable entaffé,
Mufe , allons plus avant , l'ocre vermeil rehauffe
Et montre de loin mon portail ,
Non pour faire entrer mon caroffe ,
Mais la charue & le bétail.
Tel étoit , fi Maron ,me l'a bien fait entendre
Dans fesVers toujours pleins &de moeurs & de fens,
Le portail du Palais d'Evandre ,
Que fon ame égaloit aux Rois les plus puiffans,
L'escalier eft de pierre , & la main maladroite
Du Maffon , dont jadis le goût défectueux
Fit de cet efcalier la rampe trop étroite ,
Sans prévoir de nos jours le goût voluptueux ,
Oblige les Dames de Ville ,
De délier en bas l'attirail inutile
De leurs paniers larges & faftueux ,
Mais belle fans fuivre la mode ,
Toinette , Alix ou Madelon ,
Le
MAY.
1741. 913
Le monte agilement avec fon cotillon ,
Dont le contour modefte au degré s'acommode.
Cet escalier conduit , du portail rubicon ,
Dans une claire Galerie.
La fayance , l'étain , l'échalotte & l'oignon
Sufpendus par paquets , font en toute faiſon ,
Ses Buftes , fes Tableaux & fa Tapifferie.
La cuifine , une chambre , au- deffus un grenier,
Où, dabord qu'il eft nuit , mainte Marte * badine
Danfe le rigedon , capriole & lutine ;
Au-deffous d'un côté le pressoir , le cellier ,
De l'autre l'étable.confine
Aux pénates du Métayer ,
Où , comme dans une coquille ,
A l'étroit , je ne ſçais comment ,
Habite toute la famille ,
A la Perfanne aparemment.
Deux lits , mon pupître , fix chaiſes ,
Une armoire , un bahu de gothique façon ,
Telle eft la chambre où le Garçon ,
Avec le peu qu'il a , de fon mieux prend les aifes,
Mais fans hypothéquer la prochaine moisson.
De deux autres bons lits la cuiſine eft garnie ,
* Efpece de Fouine , commune in Bafe Bretagne.
D Dont
914 MERCURE DE FRANCE
Dont les rideaux fur le Satin
N'étalent pas la broderie ;
Ils font tout uniment d'un cadis gris de lin ,
Dont la foible couleur par le tems s'eft ternis ,
Ou de Bergame raſe , ornement précieux ,
Qui tapissa chés nos Ayeux
La Sale de Cérémonie.
C'eſt dans ces lits délicieux
Que je puis recevoir d'un coeur franc & joyeus
Un fuplément de compagnie ;
Et ma Servante alors , complaifante & polie,
Déloge & va coucher , traverſant le chemin ,
Avec la fille du voiſin.
Au mois d'Août en dinant , je me diftrais la vi
Par ma fenêtre , défenduë
Des rayons
du Soleil , au moyen des reſeaux
Qu'entrelassent les verts rameaux
D'un antique Pommier que le Zéphir remuë ,
Je vois huit Moissonneurs reculer , s'aprocher ,
Leurs fleaux en l'air levés , retomber pêle mêle
En cadence & fans fe toucher ;
Le Bled fe dépouillant de fa tunique frêle ,
Jaillir hors de la paille & bondir comme grêle.
Je lis quelques momens Tite - Live ou Rollin ,
Platon , Séneque , ou la Bruyere ,
MAY
915
• 1741.
Et change tour-a-tour , fur le choix incertain,
Horace avec Rousseau , Virgile avec Voltaire.
De- là, quinze ou vingt pas me menent au Jardin,
Qù les parfums de la Manthe & du Thin
Sont ma cassolette ordinaire.
Comme l'aimable liberté
Et la pure fimplicité
Font ma Philofophie & mon plus cher partage ;
Je n'ai jamais fouffert que des arbres fruitiers
On gênat le libre branchage
Dans les liens des efpaliers ;
Mais bravant, comme moi, le joug & l'esclavage ,
Ils fuivent naturellement
Le caprice divers de leur tempérament.
Cinquante gros Ormeaux couronnant une haye
Sont mes bois de haute futaye ,
Là mes Chardonnerêts ſi beaux ,
Mes Roffignols & mes Linotes ,
Et mille autres jolis Oiseaux
Se donnent des défis fur les tons & les notes.
De-même à l'Opéra par des accords nouveaux
Deux Actrices luxurieufes ,
Je parle de leurs voix , c'eft Boileau qui l'a dit , *
Ce Boileau dont les moeurs étoient fi fcrupuleuſes )
* Sat. X. Vers 34 .
Dij Font
16 MERCURE DE FRANCE
Font entre elles un doux conflit
De cadences mélodieuſes .
Mais de tous mes amuſemens ,
Celui de voir la Mer qui fe calme & s'irrite ,
Me plaît par préférence, & ce fut en tout tems
Ma promenade favorite.
Ma plume fur ces bords aprentive & fans art
Autrefois perfonifiée
Sous le nom de Malcrais , qui fut mufifiée
Traça des fentimens & des Vers au hazard.
Cette tendre Malcrais , dont on prôna la veine
N'eft qu'une Vigne du Domaine
Du très humble Seigneur de ce fimple féjour.
Ce nom féminifé plut à fa fantaifie ,
Sans penfer au Public , ni que fa Poëfie
Dût s'attirer par-là des Partiſans un jour.
Mais qu'ici la Nature à mes yeux femble belle !
Que j'aime ce Ruisseau , dont le cours argenté
Suit fans ambition la pente naturelle
De fon rivage velouté !
Ces Prés & ces Valons differens de verdure
Font voir un mêlange enchanteur
Que ne peut égaler de toute la peinture
Le coloris imitateur .
>
•
Aufi
MAY. 937 17413
Auffi l'un eft du Créateur ,
Et l'autre eft de la Créature.
Après avoir d'abord cotoyé quelques champs
Je passe , en m'occupant d'images agréables ,
A pas tantôt prompts , tentôt lents ,
Du Vignoble à la lande , & des herbes aux fables.
Mon oeil dans le lointain confondant l'onde & l'air ,
Prend la Mer pour le Ciel, & le Ciel pour la Mer ,
Les Rochers où le Soleil donne ,
Pour des nuages lumineux ,
Les nuages obfcurs , pour des Rochers affreux .
Puis , riant de l'erreur qui me charme & m'étonne,
Je diftingue bien- tôt l'un & l'autre Element ,
Qu'avoit à mes regards uni l'éloignement.
Source occulte des Eaux , labyrinthe qui flottes ,
Théatre où regne l'Aquilon ,
O Mer ! ô cercueil d'Ariftote !
De ton flux & reflux l'examen fi profond
Que doit- il mériter à l'attracteur Newton ,
A Defcartes, rangeant maint & maint tourbillon,
Que défenfeur du plein fon cerveau creux fagotte à
Demandez- le à Pluche ? Il répond >
* Ce que nous pouvons avancer hardiment , felon
l'exacte vérité , & conformément au but principal de
cette Hiftoire , c'est que malgré Ariftote, à la honte des
promeffes de Descartes' , felon tous les Modernes les plus
Diij Des
18 MERCURE DE FRANCE
Des Brévets d'Officiers au premier Bataillon
Du Régiment de la Calotte.
Le tranquille plaifir de fçavoir admirer
Eft plus doux que celui de vouloir pénetrer ;
La bonne foi vaut mieux que l'efprit qui radote.
Mais déja le Soleil fe perd
Dans fon grand lit de velours vert ,
Et fe partage en mille Etoiles
A travers les rameaux de ce Pin qui reluit ;
Ah ! quel dommage que la nuit
Envelope fi- tôt les objets fous fes voiles !
Que ce foir l'horifon paroît vermeil & beau
Les Jeux divers de fon Pinceau
Répréfentent dans l'air des Géans , des Armées ,
Des Villages affis fur la croupe des Monts ,
Des Rochers écroulés , des Torrens vagabonds ,
Des Châteaux démolis , des Villes enflammées.
Tandis que parcourant ce fpectacle divin ,
Mon ame bénit & refpecte
L'ouvrier dont le doigt en trace le dessein ;
Je fens que mon chapeau s'humecte ,
fenfés , de l'aveu de Newton même , nous ne cona
noiffons point du tout le fond de la Nature , & que la
Atructure de chaque partie , comme de l'Univers entier,
nous demeure abfolument cachée , &c . Hift . du Ciel,
par M. Pluche , Tom. 2. page 322.
f
1
MAY. 1741 919
Ét que de l'Element Matin
L'impure exhalaifon , dans les airs divifée
Abreuve l'Atmoſphere , & retombe en rofée :
De peur de humer le ferain ,
Je regagne auffi - tôt mon Manoir à la hâte .
Le louper qui s'aprête , en montant me ſaiſit
L'odorat , précurseur d'un avide apétit .
Je trouve ma Servante Agathe ,
Qui tourne un chapon gras à la broche , & toujours
Sçait , Géometre naturelle ,
Pour le cuire en fon jus , mefurer tous les tours.
O toi, de mon pourpris Miniftre universelle ,
Lui dis-je , affis vis- à-vis d'elle ,
Connois-tu le raport de l'oeuvre que tu fais ?
Moi ! je tourne un chapon pour en manger après,
S'il en refte , une cuisse ou quelque moitié d'aîle.
Mais aurois-tu penfé que cette bagatelle
Fût des plus merveilleux objets
Le crayon , le tableau , le fymbole fidele ?
Je ne vous entends pas . Cà donc , écoute un peu;
Ne trouverois-tu pas furprenant & riſible ,
Qu'autour de ce chapon l'on fît tourner le feu ?
Et n'eft-il pas mille fois plus plaufible ,
Qui béfoin a du feu , comme on dit , le cherchant ,
Que ce foit le chapon qui tourne ? assûrément ,
Ce que vous me contez , me paroît fort ſenſible.
Dij Sçavante
20 MERCURE DE FRANCE
Sçavante Agathe , eh bien le cas eft tout pareil ,
Le chapon c'eft la Terre , & le feu le Soleil .
Tu ne doutes donc pas qu'il ne fût malhonnête
Que comme un grand nigaud, le Soleil chaque jour
Tournant & retournant , s'en vint faire ſa cour
A notre chétive Planette ?
Vous me poussez trop loin , & je fuis à quia
N'importe , te voilà bonne Carthéfienne .
Cartouchienne, moi ? que dites- vous ? Non da ;
Je fuis ma foi bonne Chrétienne .
Vous me devez deux ans , je fuis prête à fortir
De votre Brederac , plutôt que confentir
De me rendre Cartouchienne .
Mais j'entends dans la cour aboyer Laridon.
Célimène & Corinne entrent avec Damon .
Soyez les biens venus , vous ,
dont le caractere
Ignore les détours , le fard , la trahison ;
Qu'on joigne à la volaille un gigot de mouton .
Allons cueillir enſemble aux bords de l'onde claire,
Qui ferpente dans ce Valon
Une Salade de Cresson.
Que l'on m'aporte mon Siphon ,
Pour foûtirer au fin la liqueur falutaire ,
Qui depuis trois Printems repoſe en ce flacon ;
Et des chagrins fur tout chassons la troupe amere,
C'eft ainfi qu'écartés dans ce Lieu folitaire
Où le plaifir toujours confulte la raifon ,
>
Délivré
MAY. 1741 .
921
Délivrés des fâcheux, des Grands , du plat Vulgaire,
Qui décide fans goût & par prévention ,
Nous fuivons la Nature , & fans ambition ,
Vivant à peu de frais , nous faiſons bonne chère.
MEMOIRE adreffe aux Auteurs du
Mercurefur un Acte de l'an 1211 auquel
S. Dominique foufcrivit comme témoin.
D
Epuis l'incendie arrivé à Paris à la
Chambre des Comptes , tous les morceaux
qui paroiffent avoir raport au Dépôt de
cette Chambre font plus dignes d'attention .
Il m'en est tombé un entre les mains , qui a
quelque liaifon avec la vie de Ș. Dominique :
je penfai dès le tems qu'elle parût en 1739 .
de l'Edition du R. P. Touron , en envoyer
une copie au R. P. Texte , que le Public
connoît par votre Journal. Mais comine cè
Pere ne laiffe rien échaper de ce que vous
imprimez , & qu'il paroit très attentif à tout
ce qui regarde fon Ordre , foir directement ,
foit indirectement , j'ai crû qu'il fuffiroit dè
lui communiquer cette Piéce par votre canal.
Ceux qui aiment les preuves juftificatives
dans les Hiftoires particulieres, ne feront
pas fâchés de trouver ce petit morceau ,
ils verront l'ufage d'écrire l'Alphabet entre
Dv
oùs
less
922 MERCURE DE FRANCE
les deux copies d'un Acte , qui fe donnoient
aux Parties afin d'en juftifier l'authenticité en
cas de befoin , par le raprochement des deux
Actes à l'endroit où les lettres de l'Alphabet
étoient coupées par le milieu.
,
Le P. Texte y verra que S. Dominique ,
quoique prenant alors la qualité de Chanoine
d'Olma , felon le Pere Touron page
143. figna le dernier après un Moine de
Grandfelve , & un Moine. d'Obazine.
ENREGISTREMENT de l'Acte d'homma
du Comté de Cahors par Guillaume de
Cardaillac Evêque & Comte de Cahors ,
à Simon de Montfort , tiré de la Chambre
des Comptes de Paris .
ge
In nomine Domini noftri JESU CHRISTI.
Amen. Anno ejufdem M. CC. XI. XII Calend.
Julii Epifcopus Cadurcenfis fidelitatem
præftitit Simoni Montis fortis , manus fua imponens
inter manus ipfius , pro eo quod in feudum
Comitatum Cadurcenfem recepit ab illo
ficut ab Raymundo quondam Comite Tolofa &
prædecefforibus fuis tam ipfe quam prædeceffores
fui melius tenuerunt eundem. Ipfe verò Comes
de ipfo Comitatu Epifcopum inveſtivit ,fibi,
fuifque fuccefforibus catholicè fubftitis promittens
fe defenfurum & manutenturum pro poffe
fuo pacem quietam & jura Caturcenfis Comitatus
bonafide. Ut autem hoc bonum robur ha- ·
beat
MAY. 1741. 923
beat & notitiam proprietatis pofteritati futura ,
duo instrumenta per Alphabetum divifa ejufdem
tenoris memorati Epifcopus & Comes inde fieri
præceperunt , quorum utrique uterque fuum figillum
fecit apponi. Altum in obfidione Tolofa
in prafentiâ testium infrà fcriptorum , videlicet
venerabilium Patrum Uticenfis Epifcopi , &
Cistercienfis Abbatis apostolica fedis Legatorum
, Domini Fulconis Epifcopi Tholof. Abbatisfancti
Antonii Appamia , Magistri Thedifii
Canonici Januenfis , Bochardi de Merly ,
Ferrici de Tffeio , Theobaldi de Novavilla
Rétrudi de Monteforti , Philippi de Rupeforti
militum, Raimundi de Caturco , Fratris Aimerici
Monachi Grandis Silva , Nicolai Mo
nachi Obangna , Fratris Dominici Pradicato
ris.
COMPLIMENT fait à M. le Mare
chal de Brancas par les Ecoliers du College
de Nantes , à fon arrivée en cette Ville
dont il eft Gouverneur , au retour des Etats
de Bretagne.
Sur le bruit de votre arrivée , Ur
MONSEIGNEUR , j'ai voulu confulter le Devoir ;
J'étois bien aife de fçavoir
Comment,dans fon ardeur trop long- tems captivée
D - vj
14
924 MERCURE DE FRANCE
Il prétendoit vous recevoir .
BRANCAS revient , lui dis - je , on lui doit un hom
mage :
Cet hommage fans doute eft votre unique objet ;
Comment de fes vertus tracerez- vous l'image ?
Dites-moi fi du Coeur vous prenez le langage
Si l'Esprit avec lui traitera le fujet ,
Et furtout file Goût préfide à votre Ouvrage ?
Oui , répond le Devoir , oui tel eft mon projet ;.
L'Eſprit avec le Coeur fera d'intelligence :
Le Goût fur cela conſulté
Devant eux tiendra la balance ;
Et je pélerai tout au poids de l'Equité .
Ah ! quel triomphe , quand j'y penſe ,
De revoir un Héros à qui la Vérité .
( Douce , mais rare récompenſe )
Peut rendre le tribut d'un encens mérité !
Je prétens de l'ouvrage avoir la gloire entiere,
Oui , faifons par nos foins preffans ,
Que l'Efprit & le Coeur en foient les artifans ,
Les Vertus en font la matiere.
Venez , Efprit brillez , vos traits ingénieux 3
Peindront ce Héros à nos yeux :.
Ménagez la délicateffe ,
Et quand votre pinceau touchera fa Noblee
AVRIL.
925 1741.
Sa Prudence , fa Dignité ,
Jettez fur tant d'éclat , fi vous voulez lui plaire ,
Le voile de fa pieté . 1
La louange trop vaine armeroit la colere ,
Et fon modefte front veut être refpecté .
Par ces mots , que fa voix anime
Le Devoir demandoit uneéloge fublime.
Trop flaté d'un emploi fi beau ,
L'Esprit prépare ſon pinceau :
>
Il commencé . Le Goût furpris de tant d'audace ,
Dans un jufte dépit arrache le tableau :
De quoi vous mêlez - vous , lui dit- il ? eh ! de grace,
L'Efprit peut il donc , quoi qu'il faffe
Nous peindre ce Héros dans le fublime rang
Où l'a mis la grandeur du Merite & du - Sang !
Le peindra-t'il fuivi de la brillante gloire ,
Dont l'ont couronné les Etats ?
C'eſt là qu'il affûroit les droits des Potentats ,
Et regloit les destins d'ün Peuple de la Loire.
Le peindra t'il , comblé de ces honneurs (a) non
veaux ,
Que le Monarque de la France ,
Pour l'approcher du trône & de fa confidence ,
Vient d'accorder encor aux plus nobles travaux de
*Les Etats de Bretagne tenus à Rennes.
(a) LeBâton de Maréchal de France.~
Mi
916 MERCURE DE FRANCE
Miniftre de la Paix , Miniſtre de la Guerre ,
Il fignale & le Coeur , & l'Efprit & le Goût ; ་
Cher aux Peuples , plus cher aux Maîtres de la terre,
Son mérite fuffit à tout.
Nous n'avons pas befoin d'orner cette peinture ,
Ni de nous mettre à la torture ,
Pour tirer quelques nouveaux traits .
Nous l'avons déja peint (5) plein de gloire & d'az
traits.
Mais enfin le Devoir nous demande un ouvrage ;
A BRANCAS s'il faut rendre hommage ,
Le Coeur feul , c'eft mon fentiment ,
Doit fe charger du Compliment .
L'Esprit à cette vive & preffante harangue ,
Au filence contraint la langue :
Pour l'Esprit alors quel tourment !
Mais le Coeur , enchanté d'un triomphe charmant ;
Le Goût me fait honneur , dit - il , d'un air fincere
Et moi feul je fuis néceffaire ;
. Peut -on s'y tromper aisément ?
Car ,foit dit entre nous , Esprit,on vous foupçonne
De prendre le ton d'un flateur ;
Vous avez un art enchanteur
Qui nous met , felon la perfonne ,
(b) Les Mufes da College avoient déja chantéfur co
Bajet &c.
Plus
MAY. 927 1741.
Plus ou moins d'un fard impofteur.
A vos enchantemens on préfere mon zéle
Et pour rendre un fi beau sujet ,
Le Coeur eft le peintre fidele.
Devoir , vous m'entendez : changez votre projet ,
Contentez -vous du Coeur , vous ne fçauriez mieux
faire :
Croiez-moi , je fuis votre affaire
De votre Compliment je prendrai tout le foin
L'efprit fouvent manque au befoin ;
Le langage du Coeur fçait toujours fatisfaire.
Un éloge d'ailleurs , pompeux , hors de faifon ,
Vaut-il un tribut legitime
De refpect , d'amour & d'eftime ?
Le Devoir profitant de l'utile leçon ,
Condamna l'Esprit à fe taire :
Le Coeur fut l'Orateur , le Goût fit l'oraifon ;
J'étois de leurs fecrets l'heureux dépofitaire.
Maintenant , Monfeigneur , vous fçavez le mifters-
Le Goût n'avoit-il pas raifon ?
LETTRE
928 MERCURE DE FRANCE
****************
LETTRE de M. D. écrite à M.l'Abbé Le
Beuf Chanoine de la Cathédrale d'Auxer
re & de l'Académie des Infcriptions & Belles
Lettres.
Ermettez , Monfieur , que je m'acquitte
P quoique un peu tard , de la réponſe que
je vous dois au fujet de l'obfervation que
vous avez faite fur l'origine que j'ai donnée
du nom de l'Empire de Galilée , ou Commu
nauté des Clercs de Procureurs de la Chambre
des Comptes de Paris.
Dans le Memoire Hiftorique qui a été inferé
dins le Mercure de France du mois de
Décembre 1739. Tom. I. j'ai dit p . 2749.
qu'anciennement il y avoit beaucoup de Juifs
qui s'étoient établis dans cette Ville , & qu'ils
s'étoient raffemblés dans certaines ruës . οὐ
ils faifoient commerce de diverſes marchandifes
:• que c'eft de- là que la rue des Juifs
celle de la Vieille- Juifverie , & plufieurs autres
ont pris leur nom : que l'enclos du Palais
étoit un Lieu d'azile où les Juifs vinrent
s'établir avec la permi fion du Concierge du
Palais ; qu'ils occupoint le Lieu où eft la petite
ruë apellée de Galilée , qui côtoye le Bâtiment
de la Chambre des Comptes , & conduit
MAY. 174F 929
duit à l'Hôtel du Bailliage ; que cette ruë fut
ainfi apellée par allufion à la Province de
Galilée , qui faifoit partie de la Palcftine , parce
que cette ruë étoit habitée par des Juifs ;
& peut- être même particulierement par des
Galiléens. J'ai raporté plufieurs anecdotes quí
prouvent que ce quartier étoit habité par des
Juifs , & de - là j'ai conclu que l'Empire des
Clercs de Procureurs de la Chambre des
Comptes a été furnommé de Galilée , parce
qu'ils s'affemblent dans une Chambre qui eſt
du côté de la ruë de Galilée.
Dans l'obſervation que vous avez faite fur
ce fujet , qui eft inferée dans le Mercure du
mois de Mars 1740. p. 476 , vous convenez
que les Juifs ont habité divers cantons de
Paris , mais il eft moins probable , felon vous,'
que le nom de la rue de Galilée ait fait naître
celui de l'Empire , qu'il ne l'eft que ce foit la
chofe , appellée Galilée , qui ayant donné le
nom à la Communauté des Clercs , l'a enfuite
communiqué à la ruë dont il s'agit. Vous
fondez cette opinion fur ce que M. Du Cange
en fon Gloffaire au mot Galilea , remarque
que dans les bas fiécles tout Bâtiment ob-
Long s'apelloit Galilea , que fouvent au
lieu de dire dans la Galerie , on difot , dans
la Galilée ; & qu'il eft naturel de croire que
l'Empire de Galilée a pris fon nom de ce que
La réfidence étoit dans quelque Galerie ou
Sallo
30 MERCURE DE FRANCE
Salle oblongue du Bâtiment de la Chambre
des Comptes , comme il en fubfifte encore
une , dites- vous , dans ce même quartier :
d'où vous concluez que ce n'eft pas l'Empire
qui a tiré fon nom de la rue de Galilée , mais
la rue qui a tiré fon nom de l'Empire.
Je ne crois pas , Monfieur , que par la Galerie
longue & étroite dont vous parlez , vous
ayez entendu un petit Bâtiment , fourenu fur
une arcade qui traverſe la rue de Galilée ; car
ce Bâtiment n'eft pas affés confidérable pour
mériter le nom de Galerie : vous avez plûtôt
eu en vûe le paſſage qui va de l'Hôtel du
Bailliage à la Sainte Chapelle.Mais outre que
ce Bâtiment ne dépend pas de la Chambre
des Comptes , & qu'il n'eft pas contigu à la
petite rue dont il s'agit , c'eft un ouvrage moderne
qui n'a pas plus de 25 ou 30 ans,n'ayant
été fait que du tems de M. de Mefines Premier
Préfident .
Il n'y avoit point de Galerie dans l'ancien
Bâtiment de la Chambre des Comptes fur
tout du côté de la rue de Galilée. Les Officiers
de l'Empire s'affemblent dans la Chambre
apellée le Grand Bureau , qui est encore
actuellement dans la même difpofition qu'el
le étoit avant la réconftruction du Bâtiment,
& cetre Chambre eft plûtôt un quarre parfait
qu'une Galerie.
Au fu plus , on trouve bien dans M. Du
Cang
MAY. 1741..
937
Cange que Galilea fignifioit Galerie , mais
on ne trouve aucun exemple que dans le vieux
Langage François , on ait jamais dit Galilée
pour Galerie ; il eft donc certain que le nom
foit de la ruë , foit de l'Empire de Galilée, ne
vient point de Galerie
Il est au contraire certain que jufqu'au
tems de Philipe le Hardi , il y avoit beaucoup
de Juifs qui demeuroient en divers endroits
de la Cité , tels que la rue de la Juifverie
, l'Ifle aux Juifs , qui étoit dans le Lieu
où eft la Statue d'Henry IV. où ils avoient un
Moulin apellé le Moulin des Juifs, comme le
remarque Sauval en fes Antiq . de Paris , T.
2. Liv.10. p. 529. tit. des Juifveries de Paris.
L'enclos du Palais étoit un lieu d'azile , où
Fes Juifs fe retiroient avec la permiffion du
Concierge du Palais ; une partie demeuroit
dans la petite ruë de Galilée , & c'eſt de - là
qu'elle a pris fon nom ; ce qui acheve de
le prouver , eft que cette même ruë eſt aûſſi
nommée rue de Nazareth. On fçait que Nazareth
eft une Ville de Galil e , dans la Fribu
de Zabulon , & qu'elle eft encore aujourd'hui
la Métropole de Galilée : ainfi fupofé que le
nom de Galilée fût équivoque , le double nom
de Nazareth donné à cette ruë , ne permet
pas de douter qu'elle ait été habitée par des
Juifs , & que c'eft de là qu'elle ait pris fon
nom : elle eſt ainfi marquée , ruë de Naza-
,
reth
32 MERCURE DE FRANCE
reth ; dans le nouveau Plan de Paris , fait par
les ordres de la Ville , commencé en 1734 .
& achevé de graver en 1739. Or,l'origine
du nom de Nazareth donné à cette ruë ne
peut certainement venir que de ce qu'elle
étoit habitée par des Juifs. Une autre preuve
de ce fait fe tire du nom de la petite ruë voifine,
qui conduit de l'Hôtel du Bailliage à la
Poterne ou fauffe porte du Palais , qui donne
fur le Quai des Orfévres. Cette petite ruë a
toujours été apellée ruë de Jerufalem , & porte
encore le même nom , qui tire évidemment
fon origine de la demeure que faifoient les
Juifs dans ce quartier.
Or , ces noms de Jerufalem & de Narareth'
'donnés aux deux petites rues dont il s'agit ,
éclairciffent fuffifamment le fait en queftior ,
& ne permettent pas de douter que le furnom
d'Empire de Galilée ,donné à la Communauté
des Clercs de Procureurs de la Chambre
des Comptes , n'ait été emprunté , du double
nom de Galilée , donné à la petite ruë nommée
auffi Nazareth , qui eft proche le Lieu
où ils tiennent leurs affemblées ; ou peut-être
n'ont ils pris ce titre d'Empire de Galilée ,
que pour faire allufion au nom de la rue de
Nazareth & parce que la Chambre où
ils s'affemblent au premier étage , & qui a
des víës de ce côté là , commande pour
ainsi dire, fur cette ruë , de même que la Vil
,
>,
la
MAY.
1741. 935
Le de Nazareth dépendoit de la Province de
Galilée &c. J'ai l'honneur d'être , & c.
A Paris ce 16. Avril 1741 .
ນ
ODE
htt
Sur les tempêtes & les inondations de 1710.
1741. tirée du Pfeaume 92. Dominus
regnavit &c.
O U fuis-je de quelle puiffance
Dois -je reconnoître les Loix ?
Eft- il un bras dont la vengeance
L'emporte fur le fer des Rois ?
Ah ! je vois. Et mon oeil timide ....
Abaiffe fa paupiere humide
Devant une autre Majesté .
Quelle fplendeur ! quel diadême ! ;
Quel fouverain ! C'eft Dieu lui-même ,
Qui fait fentir fa royauté.
H
Sa force eft la baſe du monde ,
Il fonda (a ) la Terre & les Mers.
C'est à fa fageffe profonde
Qu'eft dû l'ordre de l'Univers ..
Contre les droits de ton Empire
(a) Etenim firmavit orbem terra &e.
Envain
934 MERCURE DE FRANCE
Envain l'homme orgueilleux confpire
Ton Conſeil eſt avant le jour.
Les fiécles ont un premier âge;
Avant eux , avant ton image ,
Dieu , tu regnes dans ton féjour.
*
Tout naît foumis à ta Couronne ,
Tout doit tribut à ta grandeur ;
Et le Mortel au pied du trône ,
Ofe t'oublier , ô Seigneur !
Tu peux faire parler ta foudre ,
Fraper les Rois , réduire en poudre
Ces Dieux qu'endort un faux encens,
Mais , non , réſerve ton tonnerre :
Les Eaux , pour inftruire la terre
Tepeuvent prêter leurs accens.
*
J'entens (a) les fleuves qui mugiffent ;
Leur voix s'éleve dans les airs ;
Leurs flots à toute heure groffiffent ;
Nos plaines font de vaftes mers.
Potentats , Guerriers , Politiques ,.
A ces ennemis domestiques
Opofez vos forces , votre art
·
(a )Elevaverunt flumina , Domine, elevaverunt flu
mina vocem fuam,
Contre
D
MAY.
935
1741
Contre des goutes raffemblées
Quoi , vous n'avez , ames troublées ,
Ni bras , ni confeil , ni rempart ?
*
Terre , referme tes ( a) entrailles ,
Ocean , (b) prête-nous ton fein ..
Périflent , dit -il , vos murailles ,
J'obéis à mon Souverain ;
Dieu m'agite ....Quelle tempête !
Leve pour un moment la tête ,
Peuple effrayé , vois tes vaisseaux :
De ces forteresses flotantes
Entends les troupes mugissantes
Reclamer le Maître des Eaux.
O Dieu , jufte dans ta vengeance ;
Cesse d'affliger les Humains :
Laisse agir pour eux ta clémence :
Sauve l'ouvrage de tes mains.
Les Eaux t'ont rendu témoignage ;
Nous te promettons un hommage.
Auffi durable que le jour .
ja) Des fources extraordinaires fe font ouvertes en
plufieurs endroits .
(b)La mer prodigieufement agitée a paru s'opofer au
dégorgement des Rivieres . Mirabiles elationes maris :
Mirabilis in altis Dominus.
L'Univer
36 MERCURE DE FRANCE
L'Univers eft ton ſanctuaire ;
Que nos coeurs , pour te fatisfaire ,
N'y brûlent que de ton amour.
ELOGE de M. Jean- Baptifte Bazin , Confeiller
au Parlement de Dijon. Par M. L.
A. J.
Ean Baptiſte Bazin , fils de Hugues- Jean-
Baptifte Bazin , nâquit à Dijon le 24. Février
1702. & fit fes études au College des
Jefuites de cette Ville. Né avec des talens
extraordinaires, & une forte inclination pour
les Sciences , les Belles Lettres firent toutes
fes délices. Une Bibliothèque domestique lui
fournit heureuſement les moyens de fe fatisfaire.
Son efprit tout de feu , ne lui permit
point de s'affujettir à l'ordre commun des
claffes ; & ce fut envain que fes Maîtres effayerent
de l'y réduire . Après quelques tentatives
qui ne réuffirent pas , ils laifferent de
tems en tems à leur jeune Eleve la liberté de
fuivre fon génie, naturellement ennemi de la
contrainte.
Durant le cours de fa Rhétorique , il fit de
grands progrés dans la Langue Grecque. IL
ne fe borna pas à cette Langue ; il voulut
fçavoir l'Hébreu , & le fçut bien : en quoi il
furpaffa
MAY. 1741. 937
paffa le grand Saumaife qu'il avoit pris pour
modele , qui n'étudia l'Hébreu que fort.
tard .
A peine eut-il quitté le College , qu'il em-.
braffa avidement toutes les Sciences , & fit ,
de la Critique,le principal objet de fes études,
Son ardeur pour la Litterature ne l'empêcha
pas de fe procurer un établiſſement dans le
monde. Il fut pourvû d'une Charge de Confeiller
au Parlement de Dijon le 20. Juin
1724. La Litterature n'eut pas toujours fujet
de fe plaindre de la Jurifprudence . Le jeune
Magiftrat accoûtumé depuis long - tems au
travail du cabinet , donna à fes études de
goût , fans négliger cependant celles de fa
profeffion , les momens que d'autres croyent
pouvoir perdre. Par ce tempérament il fe perfectionna
dans la connoiffance du Grec & de
l'Hébreu , & . aprit les Langues Italienne ,
Efpagnole & Angloife . Le Public s'attendoit
à recueillir le fruit de fes travaux , lorfque la
mort l'enleva le 18. Juin 1733. dans la 32
année de fon âge , fans avoir été marié.
On voit par les Manufcrits qu'il a laiffés, qu'il
avoit conçû plufieurs deffeins affés vaftes . Il
fe propofoit de donner uneEdition d'Apollodore
, avec des recherches fur toute l'Histoire
Fabuleufe: une Edition de toutes les anciennes
Epigrammes Grecques , une Edition de
Plaute , des Livres ou Fragmens de Caton
&c.
E 11.
938 MERCURE DE FRANCE
Il n'a rien fait imprimer pendant fa viej
mais le Public a vû dans le Mercure de
Décembre 1740. 1. , vol. une de fes traductions
, intitulée , Conciliation de deux paſſages
, l'un de Ciceron , l'autre d'Hirtius , aufu
jet du tems que Céfarpartitpour laguerre d' A
frique , avec un état de la réformation faile
par Céfar de l'ancienne Année Romaine.
La Differtation où l'Auteur réfute les folles
idées de Toland , fur le fujer qui y eft
traité , a encore été traduite de l'Anglois par
M Bazin. En voici le titre.
DISCOURS fur la Colomne de feu & de nuée,
qui conduifit les Ifraëlites dans le Défert.
Je fuis fâché que ce court éloge de M,
Bazin n'ait pû être publié plutôt,
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
d'Avril , font le Verre à boire, le Vigan, Ville
'de Languedoc , & Crane On trouve dans le
premier Logogryphe , Jean , Jule , An , Le
vi , Aigle , Vin , Gain , Vie , Ail , Gale ,
Lia , & Ange. Dans le fecond , Carne,Ran
ce , Ancre , Nacre & Ecran,
ENIGME.
MAY.
939 1741 .
J
ENIGM E.
E ne fuis point Efprit , je ne fuis point matiere,
Que fuis-je donc , Lecteur ? un défaut de lumiere
Que là clarté fait naître , une efpece de nuit
Que la nuit fait mourir , & que le jour produit .
Je peins tous les objets , mais telle cft ma peinture,
Qu'elle fait d'une belle une laide figure .
Sous mon obfcur pinceau tout objet devient no
A midi je fuis jufte , & j'allonge le foir.
Prefque toujours Lecteur , avec toi tu me ménes ,
Soir que tu refte en place , ou que tu te promenes.
Enfin je fuis toujours près de la vérité ,
Quoique tout l'opofé de la réalité.
***
L'AbbéPagés
***********茶茶
LOGOGRYPHE.
Pour fixer tes regards , Oedipe curieux ,
J'abandonne aujourd'hui la maritime rive ;
Prête à mes attributs une oreille attentive ;
Comme un autreProtée,en changeant fous tes yeux,
- J'exercerai ton imaginative.
E ij Femelle
940 MERCURE DE FRANCE
Femelle , fans être animal ,
Huit lettres forment mon total.
Je porte dans mon fein fur la plaine liquide
La volage fille des Mers ;
J'ai dans moi ce Chantre intrépide
Qui reffufcite l'Univers ;
Ces fours qui font de la droiture
Un modele cité fouvent ,
Et qu'on voit aux Tircis , fur la molle verdure ;
Fournir d'un jeu chéri le ſpectacle innocent.
Mon fein va te fournir encore ,
Par l'art de la combinaiſon ,
La trifte Nymphe qui déplore
Dans les rochers,ou dans quelque maiſon ;
La perte de fa raifon .
Le Palais où l'on fert à la
troupe
choifie
Et le Nectar & l'Ambroisie.
Le figne de captivité
Qu'accepta l'animal ( a ) avide
Qu'on vit par un fecours cherement acheté ,
Chaffer d'un pré commun fon rival
Ce que le Silene altéré
trop
timide
Craint tant de rencontrer dans fon tréfor fluide.
Certain coin d'Arabie , ou d'Egypte à ton gré.
L'endroit où l'Athlete fuperbe
(a) Cervus Equum pugnâ melior &c.Horat. Epif
X. Lib. I.
Avec
MA Y. 744
17417
Avec éclat jadis ſignaloit ſa valeur.
Ce qu'on parcourt avec ardeur.-
Un Pronom françois , un Adverbe.
Cette criminelle action
Dont une infâme mort eſt la punition .
De peur que ton efprit , Lecteur , ne m'abandonne,
Adieu , bonjour , auffi pour moi la cloche fonne.
Par M. A. Perrin , Ecolier de Rhétorique ,
Penfionnaire an College de Villefranche , en
Peanjolois .
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
PROSPE
ROSPECTUS d'un Ouvrage Historique fur
la Ville & le Comté de Joigny , par M. le
Beuf Capitaine de Milice Bourgeoife à Joigny.
Les Grecs & les Latins ont fouvent débité
des fables fur l'étimologie des plus fameufes
Villes; la plupart ont tiré de trop loin l'origine
des Peuples dont ils ont écrit l'Hiftoire."
M. Delon , Auteur de l'Arbre Généalogiqu :
des Seigneurs de Joigny , s'eft trompé comme
eux ; l'étimologie qu'il donne à Joigny & à
la Riviere d'Yone , ne paroît pas recevable .
E jij
942 MERCURE DE FRANCE
Ce Sçavant la tire des Ioniens qu'il prétend
avoir pénétré , depuis la fource de cette Riviere
jufqu'à Montereau , au tems que les
Phocéens s'arrêterent fur les côtes de Pro
vence. Pour moi je crois devoir me ren.
dre au fentiment de ceux qui ont fourni des
Mémoires fur cet article à la nouvelleEdition
du Dictionaire de la Martiniere ; ils ne laif
fent pas la liberté au Public de douter. Les
Joniens , qui font venus dans les Gaules.
n'ont jamais été apellés Ioniens , mais Pho
céens, qui étoient un Peuple de l'Afie mineu
re ; en un mot c'eft , à l'exemple de Menage
, dériver Alphana d'Equus , que de dériver
le nom de Joigny , ou celui de la Riviere
d'Yone , des Ioniens qui font venus dans les
Gaules : Cette étimologie ne peut d'ailleurss'accorder
avec l'Infcription trouvée à Auxerre
en 1721. qui nomme la riviere d'Yonme
, Icauna.
L'arrivée des Romains dans les Gaules n'a
pû non plus occafionner le changement du
mot Grec ives. en celui d'Icaunes , qui
eſt conſtamment le nom des Peuples des environs
du Pays , pour l'accommoder à leur
Langue l'étimologie du mot Tonne , vient
du Latin , ou plutôt du Celtique Icauna ou
Egona , qui eft l'ancien nom que portoit cette
Riviere , avant qu'on l'eût,pour ainſi dire,
francifé.
Le
MAY. 1741 . 943
Le Fort que M. Delon dit avoir été bâtì à
Joigny d'un tems immémorial , & qu'il apelle
Arx olimfortiffima Heduorum , ne trouve
non plus aucun fondement dans les Antiquités
des Gaules .
On ne peut guére faire remonter plus
haut la fondation de Joigny , qu'au tems de
Jovinus Préfet dans les Gaules , fous les fils'
de l'Empereur Conftantin , quoique cette
Ville me paroiffe avoir été le Bandritum des
Tables Géographiques de Peutinger : fion ne
trouve point une certitude avérée fur Bandritum
, on doit confidérer qu'il y a deux fortes
de Faits dins Hiſtoire ; les Faits certains
& ceux qui font révoqués en douté : Celuici
peut être mis au nombre des derniers . On
doit auffi faire attention que j'ai travaillé fur
un Pays , au fujet duquel il ne fe trouve que
quelques traits répandus en divers Auteurs
fujer, fur lequel l'Hiftoire générale eft muette
, ou dont elle dit peu de chofes , le Comté
de Joigny étant ce qu'il y a de plus confidérable.
Il avoit autrefois une plus grande
étenduë ; mais il a beaucoup diminué par le
grand nombre de fondations picufes , qui
ont opéré divers démembremens . La Ville
du même nom étoit le chef des Bourgs &
Villages qui la compofoient. Caput Urbium
in boc Comitatu ejufdem nominis ad fluvium
Itaune,
>
E iiij Jo
944 MERCURE DE FRANCE
3
-
,
Je démontre encore que cette Vifle a changé
de place , & que fa premiere fituation
étoit au-deffus de la colline , où elle eft affife
en remontant la Riviere d'Yonne : Cette
opinion m'a paru plus vraisemblable , que
de fupofer qu'il y ait eû autrefois un Fauxbourg
au Levant de Joigny,fuivant l'opinion
vulgaire en l'adoptant , il refteroit à répondre
fur l'analogie du Côteau, apellé Joignyla
- Ville , qui eft toure entiere. Joigny - la-
Ville & Joigny- le - Château a pû être le même
, ainfi que Mailly - la - Ville , Mailly - le-
Château fitué fur la Riviere d'Yonne. Ces
exemples ne font pas rares.
•
Ce que j'ai dit de la filiation , de l'illuftration
& de la fplendeur où ont été les Comtes
de Joigny , eft tout ce qu'il y a d'affûré
de leur vie ; leur Hiftoire qui fait partie de
celle de Joigny eft fondée fur des Chartres ,
fur des Arrêts du Parlement de Paris , ou fur
des titres poftérieurs au tems où ils ont vêcu
, fur leur Chronique , fur differentes autorités,
& fur les témoignages de plufieurs Sçavans
, traits d'Hiftoires imprimées & manufcrites
, & autres preuves dignes de foi. Il en
eft peu dont l'ancienneté & la grandeur des
alliances ayent été égales à celles des Comtes
de Joigny,
Telles font celles de la Princeffe Amicie
de Montfort de Joigny , avec Gaucher Sénéchal
MAY. 1741. 945
néchal de Nivernois ; de la Princeffe Perenelle
avec Pierre de Courtenay , Seigneur
de Conches : l'alliance de Guillaume III.
Comte de Joigay avec Ifabeau de Mello ,
Dame de S. Pris, Maifon confiderable en Picardie
, qui tire fon origine de Dreux XI . du
nom , Signeur de Mello . L'Alliance de
Jean I. avec la Maifon de Mercoeur après la
mort de Beraud X. fon coufin : celle de
Jean II . Comte de Joigny avec la Maiſon
de Brienne, par Agnès de Brienne fille de Hugues
Comte de Brienne , & Duc d'Athènes :
Cette Maifon illuftre a produit unRoy de Sicile,
un Empereur de Conftantinople , Roy de
Jerufalem , trois Connétables de France , &
des grands Officiers de la Couronne; elle tire
fon origine d'Engilbert I.- du nom , Comte
de Brienne qui vivoit en 990. fous le Regne
de Hugues Caper : Il fut fecond mari
de Mantfride veuve de Fromond III. du
•
,
Comte de Sens & de Joigny: d Jeanne
de Noyers ,Comtelle de Joigny avec Charles
de Vallois : l'Alliance de Miles de Noyers ,
Comte de Joigny, & Seigneur d'Antigny avec
Marguerite de Ventadour : Joigny a cu
pourComtes pendant plufieurs fiècles des Seigneurs
de la Maifon de la Tremoille , entre
autres , Gui , Chevalier Seigneur d'Uchon
de la Maifon du même nom , illuftre par fon
antiquité & par fes alliances , laquelle tire
Ev fon
946 MERCURE DE FRANCE
fon origine de Pierre qui vivoit fous Hemy
I. de celle de Châlon Seigneur de Viteaux ,
Marquis de Nefle , fils de Jean de Châlon
IV. du nom , Seigneur d'Arlay , qui fuccéda
en 1393. en la Principauté d'Orange à son
Beau pere : cette Maifon au tems qu'elle poffédoit
le Comté de Joigny , fut alliée aux
Seigneurs de Montgaugier & de Nefle , à la
Maifon d'Alegre , par François d'Alegre ,
Seigneur de Preci , Vicomte de Beaumontle-
Roger & d'Arques , Grand - Maître des
Eaux & Forêts de France , qui eut beaucoup
de part à la bienveillance du Roy Louis
XII. & qui épousa Charlotte de Châlon ,
Comteffe de Joigny , Dame de Viteaux.
›
Le Comté & Ville de Joigny ont auffi
apartenu à la Maifon de Sainte - Maure , une
des plus anciennes Maifons du Royaume : à
la Maifon de Laval , à commencer par Jeande
Laval Comte de Maillé , Vicomte de Broffe
, Baron de Breffuire & de la Mothe - Sainre-
Heraye , Seigneur de Loué : à la Maiſon
de Chandio Seigneurs de Buffy en Bourgo
gue , Chevaliers des Ordres du Roy : à l'il-
Juftre Maifon de Gondi , à commencer à
Pierre de Gondi Evêque , Duc de Langres ,
Cardinal du Titre de S. Silveftre , Comman
deur de l'Ordre du S. Efprit.
Si on ne trouve point leurs articles auffi
étendus que je l'aurois fouhaité , ou que je
me
MAY. 1941. 947
peu
me fois trompé fur quelques Fairs , on peut
m'excufer fur ces premiers tems trop incertains
pour une Hiftoire particuliere : je diftribue
en trois parties le de matieres que
m'a fourni un fonds auffi ftérile ; elles m'ont
manqué en plus d'un endroit , comme dans
la Chronique des Comtes de Joigny.Ce n'eft
pas faute de recherches dans les Archives de
la Ville , dans les Bibliothèques , & dins
les Cabinets des gens de Lettres de la Province
: j'ai confulté des Sçavans refpectables ;
le R.P. Dom Bernard de Montfaucon a bien
voulu m'indiquer 8 ou 10 Manufcrits de fa
Bibliotheca Bibliothecarum nova où l'on trouve
le Catalogue des Manufcrits de toutes les
Bibliothèques de l'Europe. Je dois mettre aut
rang de ces Sçavans M. l'Evêque de la Ravailliere
, Auteur de l'Hiftoire des Comtes
de Champagne cct Hiftorien trouvera dans
le corps de mon Ouvrage une réponse aux
objections qu'il lui a plu de me faire fur la
prééminence des anciens Comtes de Joigny
, qui étoient , comme ceux d'aujour
d'hui , les Doyens des Pairs & Comtes de
Champagne , même dans le tems que cette
Province avoit des Comtes particuliers pendant
environ quatre fiécles , à commencer
aux Enfans d'Hebert de Vermandois , jufqu'à
ceux de Philipe le Bel , qui furent en-
Core Comtes Souverains particuliers de la
Champagne .
Evj
Je
948 MERCURE DE FRANCE
.
Je n'ai pas fuivi laChronologie
des Comtes
de Joigny, par David Blondel , Hiftoire des
Généalogies
de France , Tom. 2. Table 945
elle ne m'a paru , ni affés claire , ni affés circonftanciée
; en effet qu'aprend - elle ? tout
au plus les noms des Comtes de Joigny , le
tems où ils ont vêcu , l'époque de leur décès
, dont la plupart font autant d'Anachronifmes.
Il vaut mieux fuivre l'Hiftoire Généalogique
des Maifons de Courtenay
, de
Colligny. Les Mémoires de M. Delon font
peu exacts ; & parmi ceux que j'ai employés
pour Piéces juftificatives
, il fe trouve un affés
grand nombre de fautes , furtout dans les
dates. Ce qui m'a été le plus à charge dans
cet Ouvrage , c'eft la difette des matiéres
dont l'abondance
fait ordinairement
l'embarras
d'un Hiftorien : je n'ai rien oublié
pour le rendre fuportable
, & cette difette
ne m'a point tenté d'y admettre des minuties
, par refpect pour le Public , telles que font les Cenfives
& autres Droits Seigneuriaux.
La feconde Partie eft celle à laquelle
j'ai employé plus de tems , quoiqu'elle
ait
éte tracée par plus d'un Sçavant. Le Manufcrit
de M. Delon , à qui on eft redevable
de la Chronique
Latine des Comtes de Joigny
, m'a fouvent préfenté des difficultés
dans le choix que j'avois à faire ; c'eſt une
fuite non interrompuë
de Seigneurs
d'une
>
même
MAY. 949 1741:
même Terre , à qui elle a apartenu durant
près de huit fiécles.
La vérité qu'exige l'Hiftoire , m'a auffi engigé
à faire plufieurs remarques fur les Ecrits
de ceux qui ont fait des recherches fur les
Antiquités du même Pays.
J'aurois fouhaité rendre la collection
des Memoires Hiftoriques de ma troifiéme
Partie plus ample , cependant je n'ai pas
crû devoir y joindre ceux qui fe font trouvés
au- deffous d'un certain mérite. J'ai eu
foin auffi d'apuyer de Piéces juftificatives
les endroits de mon Livre qui m'ont parû
en avoir befoin , lefquelles preuves j'ai citées
par des chiffres en marge , pour y renvoyer ,
afin d'être moins à charge au Lecteur.
ME'THODE pour aprendre à lire le François
& le Latin, par un Syſtême ſi aifé & fi naturel,
qu'on y fait plus de progrès en trois mois
qu'en trois ans , par la Méthode ancienne &
ordinaire; contenant auffi un Abregé des Sons
exacts de la Langue Françoife , les differentes
dénominations&variations des Lettres & leurs
ufages ; un Traité des Accens & de la Ponctuation
, Ouvrage utile principalement aux
Etrangers qui veulent parler & écrire cette
Langue correctement , avec des Reflexions
fur la Méthode du Bureau Typographique ,
& un Plan nouveau d'une Ortographe facile,
abregéc
o MERCURE DE FRANCE
abregée & réguliere . A Paris , chés Charles
Moette , ruë de la vieille Bouclerie , à S. Alexis
, Gandouin , l'aîné , Quai des Auguſtins ,
à la Bible d'or , la veuve Piffot , Quai de
Conty , & Nicolas le Clerc , Grand'- Salle du
Palais , à la Prudence , 1741 .
Cet Ouvrage eft divifé en quatre Parties .
La premiere contient une Préface , où l'on
déinontre les défauts de l'ancienne Méthode
pour aprendre à lire ; les qualités de la nouvelle,
& où l'on donne en abregé la maniere
d'enfeigner les Enfans.
La feconde renferme les principes de cette
Méthode , pour la pratique des Enfans , fa
maniere d'épeller, avec une explication courte
de ces mêmes principes.
Dans la troifiéme , on donne un Difcours
fur toutes les Lettres , chacune en particulier,
fur les Syllabes , les Mono - fyllabes , les Disfyllabes,
les Triffyllabes, les Poly -fyllabes , les
Diphtongues , les Triphtongues , & les Tétraphtongues.
On trouve dans la quatrième un Traité des
Accens & de la Ponctuation ; une obfervation
fur la lecture du Latin ; un abregé de la
Quantité ; la définition des neuf parties d'O
raifon qui compofont le Difcours , avec un
Exemple des Déclinaifons & des Conjugaifons.
A la fuite de cette quatrième Partie
FAuteur a ajoûté un Recueil de plufieurs
mots
MAY. 1741.
951
mots équivoques dans la prononciation &
dans la fignification , dont la plupart fe
diftinguent par l'écriture. Ce Recueil nous a
parû très -utile à tous ceux qui veulent écrire
correctement. L'Auteur y range fous un même
point- de - vûë grand nombre de mots
équivoques, & vis - à- vis chaque möt, y place
une phraſe pour exemple, ces phrafes font même
fouvent hiftoriques, deforte que le Disciple
enretire plufieurs avantages tout à la fois.
L'Auteur a joint à la fin de ce même Traité
des Reflexions fut la théorie & fur la pratique
de la Méthode du Bureau Typographique
; & un Plan nouveau d'une Ortographe
facile , abregée & réguliere , par raport aux
vrais fons des Lettres , & aux fons renfermés
dans les mots , qui ôte les difficultés de l'ancienne
Ortographe , & qui en écartant toutes
les lettres inutiles , réduit à écrire ,
comme on parle.
Tous les Principes contenus dans cet Ouvrage
, fi on en excepte le Plan nouveau
d'Ortographe , nous ont parû parû fondés fur les
Principes reçûs des plus habiles , expliqués
d'une maniere très - claire & très- abregée , &
enfin ils ne peuvent être que très-utiles.
L'Auteur nous aprend que ce Livre n'eft
qu'une refonte de l'Ouvrage de feu fon Pere,
qui avoit déja été imprimé dès l'année 1719.
On voit auffi dans l'Avertiffement qui eft
2.
952 MERCURE DE FRANCE
à la tête de ce Livre , le fuffrage de M. l'Ab
bé Goujet dans fa Bibliothéque Françoile, &
celui de nombre de Sçavans du premier ordre,
touchant l'Ouvrage du Pere de l'Auteur,
ce qui nous confirme beaucoup dans l'opinion,
que nous avons que ce Livre fera trèsutile
au Public.
Ce Livre n'a
pour titre que ,
Méthode pour
aprendre à lire, & c.cependant il peut tenir lieu
d'une excellente Grammaire Françoiſe raiſonnée
; & des Parens qui n'ont pas étudié , peuvent
, avec le fecours de ce petit Livre, enfeigner
eux-mêmes non - feulement à lire à leurs
Enfans en troi ou quatre mois , mais encore
leur donner les premiers Elemens desLettres.
Le Plan nouveau d'Ortographe nous paroît
fondéfur la vérité & fur la raifon ,mais comme
il heurte de front toutes les Méthodes , nous
avons de la peine à croire qu'il puiffe s'établir
fi -tôt;auffi l'Auteur convient il lui -même qu'il
n'a point prétendu établir uneLci ; cette derniere
Partie de fon Ouvrage en paroît détachée,
& n'eft là que pour fatisfaire les Curieux.
Il feroit cependant à propos que ce Syſtême;
d'Ortographe fût goûté & qu'il pût s'établir,
il eft conftant qu'il épargneroit beaucoup de
difficultés ; mais nous croyons que l'ufage
qui eft le tyran des Langues & de l'Ortographe
, s'y opofera long- tems.
Toutes les Perfonnes de goût à qui ce nou-
1
vel
MAY. 953 1741.
i
vel Ouvrage a été communiqué, en ont parâ
extrêmement fatisfaites ; le Plan en eft certainement
utile , en ce qu'il tend à perfectionner
, & fur tout à abreger , circonſtance
très-effentielle en matiere d'éducation . A l'égard
de la maniere dont ce Plan eft exécuté,
les Lecteurs en jugeront par eux- mêmes,& fi
ils n'ont point de préventions antérieures, ou
qu'ils foient capables de s'en délivrer, ils fen---
tiront bien- tôt qu'elle eft d'une main auffi
habile , qu'attentive.
*
Outre les fautes qui font dans l'Errata du
Livre que nous annonçons , l'Imprimeur
en a encore laiffé paffer plufieurs dont on
on ne taxera pas certainement l'Auteur ; les
voici.
Page 49. ligne 24. les une , lifez , les unes,
Page 112. ligne 14. s'en s'embaraffer , lifez ,
fans s'embaraffer. Page 154. ligne 11. fans la
dictée , lifez , fous la dictée .
REFLEXIONS
A la
SUR L'OPERA
Brochure in- 12 . contenant 104. pages.
Haye, 1741. chés Jean Neaulme , & fe vend
à Paris , chés la veuve Piffot , Quai des Au
guftins.
La Mufique , dit l'Auteur , n'a bonne grace
qu'à peindre des mouvemens , ainſi l'Art du
Poëte eft de mettre tout en mouvement , s'il
eft poffible , jufqu'à l'expofition niême du
Sujet ;
$54 MERCURE DE FRANCE
Sujet ; après quoi l'Auteur fait une espece de
parallele de la Tragédie proprement dite
avec la Tragédie mife en Mufique , qu'on
apelle OPERA ; & par un détail qu'il feroit
ici trop long de raporter , il trouve la derniere
confiderablement plus difficile à faire ;
de-là il paffe à la Mufique & à la Danfe, c'eſt,
dit l'Auteur , la parfaite intelligence de ces'
deux Parties ,qui eft le plus capable de former
& d'embellir un Opera au point où il le doit
etre ; encore une chofe qui lui paroît la plus
importante pour le fuccès d'un Opera , c'eft
le choix du Sujet ; pour qu'il foit beau à la
maniere qu'il le defire , il veut qu'il foit tendre,
paffionné, gracieux , parce que les fonds
gracieux ont , felon lui , un plus grand raport
de convenance avec nous , & que d'ailleurs
la Mufique s'y exerce avec plus d'avantage.
Comme la Mufique eft pour ainfi dire l'ame
de l'Opera, l'Auteur entreprend de fixer l'espece
de Mufique qui lui fied , & il eft aifé de
deviner que c'est celle de Lulli qu'il donne
pour modele,
On trouve là un Eloge magnifique de la
mélodie , où fans condamner l'harmonie, on
repréfente que n'étant faite que pour accom
pagner & foûtenir la mélodie , il eft fort mak
qu'elle travaille continuellement comme elle
fait aujourdhui à l'étouffer. Après ces remontrances
, l'Auteur traite des autres Parties "
qui',
ΜΑΥ. 1741 955
qui , de concert avec la Poëfie & la Mufique,
doivent concourir à former le total de l'Opera.
Ici l'Auteur fe plaint du peu d'intelligence
qui eft ordinairement entre elles , & c.
blâme le trop d'extenfion qu'on donne aujourd'hui
à la Danfe , demande aux Acteurs
une action plus vive & plus naturelle . Enfin
il parcourt tous les défauts de l'Opera , défauts
, qui bien corrigés , feroient, felon lui,
de ce Spectacle , finon le plus touchant , du
moins le plus magnifique & le plus propre
amufer & à plaire .
On doit fçavoir gré à l'Auteur d'avoir esfayé
de donner une idée juste & nette d'un
Spectacle fi fuivi , fi peu connu , & qui fait
tant de tort aux autres ; l'Auteur cherche les
raifons de la préference qu'on lui donne.
Comme nous ne donnons ici qu'une idée de
L'Ouvrage , nous confeillons au Lecteur d'y
aller contenter fa curiofité. Il fuffit de dire
que c'eft le fruit des amuſemens d'une plume
refpectable , depuis long- tems connuë
du Public pour les excellens Morceaux qui
en font fortis ; nous efperons que celui - ci ne
fera
pas le dernier , quoiqu'en dife une petite
Préface de cette Brochure qui met l'Auteur
au nombre des Morts , nous croyons qu'iln'eſt
pas encore tems de le regretter.
PROJET de l'Etabliffement d'une Imprimeric
956 MERCURE DE FRANCE
merie Royale à Berlin , dreffé & imprimé à
Paris , par C. F. Simon , fils , Imprimeur- Libraire
, rue de la Parcheminerie , avec une
Epitre Dédicatoire au Roy de Pruffe. On y a
ajoûré le Tarif de ce qui eft néceffaire pour
Pétabliffement de cette Imprimerie Royale à
Berlin , jufques & non compris l'embarquement
au Havre de Grace , 1741. in -folio ,
forme d'Atlas.
TRANSACTIONS PHILOSOPHIQUES de la
Societé Royale de Londres , années 1731. &
1732. traduites par M. de Bremond , de l'Académie
Royale des Sciences. Ce nouveau
Volume , qui eft le quatriéme depuis que la
Traduction eft commencée , eft chargé de
feize Planches , fans compter les Vignettes ,
les Lettres grifes & les autres ornemens. 11
contient plus de 700. pages , eft enrichi de
beaucoup de Notes, & eft extrêmement bien.
imprimé , à Paris , chés Piget , Libraire ,
Quai des Auguftins .
HISTOIRE de Caraufius , Empereur de la
Grande- Bretagne , Collegue de Dioclétien
& de Maximien ; prouvée par les Médailles,
où par occafion il eft parlé de la Guerre des
Bagaudes fous la conduite d'Amandus , leur
Empereur. A Paris , de l'Imprimerie de Jacques
Guerin , Quai des Auguftins , 1740.
inMAY.
174.1. 957
in-4.Onytrouve auffi desRecherches fur l'origine
des Bagaudes ; une Differtation fur la
Patrie, l'origine, la Famille & les defcendans
de Caraufius , Empereur Romain , qui a regné
dans la Grande - Bretagne au tems de
Dioclétien & de Maximien Hercules , fes
Compétiteurs dans l'Empire Britannique.Cet
Ouvrage , qui eft dédié à Milord Carteret ,
Viceroi d'Irlande , eft enrichi de . Médailles ,
de Vignettes & de Lettres grifes. On trouve
au commencement le Portrait de Caraufius .
Le Sr Montalant, Libraire à Paris , Quai des
Auguſtins , donne avis au Public qu'il a reçû
de Hollande , & qu'on trouve chés lui les
XIII. & XIV. Volumes des Mémoires de
Lamberti , avec la nouvelle Edition de Rabelais
, en 3. Volumes in - 4° . à laquelle on a
ajoûté de nouvelles Notes de M. le Ducha ,
& celles de la Traduction Angloise de M. le
Moreux , avec des figures magnifiques de
Picart.
DISSERTATIONS fur l'Hiftoire Eccléfiaftique
& Civile de Paris , fuivies de plufieurs Eclairciffemens
fur l'Hiftoire deFrance ParM.l'Abbé
Lebeuf, de l'Académie Royale des Infcriptions
Belles- Lettres. Tome fecond. A Paris ,
ruë S. Jacques , chés Lambert & Durand.
Quoiqu'il n'y ait dans ce Volume que trois
Diflerta958
MERCURE DE FRANCE
Differtations qui , proprement ne regardent
que la Ville de Paris , à en juger par leurs titres
, on trouve cependant répandus dans le
même Ouvrage diférens points Hiftoriques ,
qui concernent la même Ville , parce que
le milieu du Livre & la partie qui en eft la
plus confidérable , contient l'état des Sciences
telles qu'on les cultivoit à Paris aux XII.
& XIII. fiécles , & qu'il y a en divers endroits
de ce Recueil des Morceaux, qui peuvent
fe raporter à l'Hiftoire de la même Capitale.
-
Il paroît que M. l'Abbé Lebeuf n'a regar
dé comme une matiére importante la Question
qu'il traite au fujet de l'Eglife de Saint
Germain l'Auxerrois , que parce qu'il s'eft
trouvé compofer fon Ouvrage dans l'année
même que cette Eglife eft devenue l'objet de
l'attention de tout le Royaume. Il n'a pas
entrepris d'écrire fur ce qui regarde la Ques- ·
tion de l'union de cette Eglife . Cette matié ..
re fait le fujet de plufieurs Mémoires qui font
répandus dans le Public , mais il s'eft borné
à
prouver dans l'Ecrit qui eft à la tête de ce
fecond Tome , que c'eſt S. Germain , Evêque
d'Auxerre , qui dans l'ancien tems a été
confideré comme le feul ancien & véritable.
Patron de cette Eglife , & non pas S. Vincent
, Martyr d'Espagne. Sauval avoit déja
touché quelque chofe de ce fentiment, mais
M.
MAY. 1741 . 9.5.9
M. Leb. en aporte quantité de nouvelles
preuves ; il en ajoûte même jufque dans le
Suplement qui eft à la fin de ce Volume. Il
fait faire attention à la maniere dont les Parifiens
reçûrent ce S. Evêque , paffant dans
leur Ville , à diferentes circonftances qui regardent
Sainte Genevieve , & fur tout aux
Eulogies ou Préfens de dévotion , qu'il charfon
Archidiacre de lui envoyer , & qui gea
furent depuis regardées comme de vraies
Reliques , & confervées dans le Tréfor de
l'Eglife de Paris.
que
Autant M. l'Abbé Leb . paroît apuyer
le fentiment avancé par Sauval en faveur de
L'antiquité du Titre de S. Germain à l'exclufion
de celui de S. Vincent , par raport à l'Eglife
de S. Germain l'Auxerrois , autant il
s'aplique à détruire ce que le même Sauval a
écrit contre l'exiſtence de S. Landry , Evê
que de Paris. M. Leb. demeure d'accord
que cet Evêque n'a été honoré d'un culte fo
lemnel , que plufieurs fiécles après la mort,
mais ce culte , quoi que récent , en compaaifon
de ceux de S. Denis , de S. Marcel
de S. Germain , autres Evêques de Paris ,
n'en eft pas moins réel , & fupofe qu'il y
avoit un Landry , réputé Evêque de Paris
inhumé dans l'Eglife de S. Germain l'Auxerrois.
Il est vrai que l'Hiftoire de fa vie a été fujette
:
960 MERCURE DE FRANCE
M:
jette à plufieurs variations , c'eft ce que
L. dévelope d'une maniere très- claire ; mais
il n'en eft pas moins certain qu'il a vêcu au
VII . fiècle , quoiqu'on ne puiffe pas affirmer
que tout ce qui porte le nom d'un Landry
Évêque François , apartienne à l'Evêque de
Paris. L'Auteur fait connotre par les Bollandiftes
& par d'autres Autorités un S. Landry
qui , vraisemblablement , fut fur la fin
du VII . fiécle Evêque Régionaire , ou Core
vêque dans le voisinage de Lagny fur
les limites des Diocèles de Paris & de
Meaux , & auquel il faut attribuer la Dédicace
des Formules ramaffées par le Moine
Marculfe . Voilà pour ce qui regarde l'Hiftoire
Eccléfiaftique de Paris , un abrégé de ce qui
fe lit dans le nouveauTome de notre Auteur.
Cette feconde Differtation eft fuivie de Piéces
qui regatdent faint Landry , & d'une autre
qui concerne le Territoire de S, Germain &
de plufieurs autres anciennes Bafiliques de
Paris.
و
La troifiéme Differtation contenue dans ce
même Voluine nous aprend l'ancien nom
de la Montagne voifine de Paris , qui porte
aujourd'hui le nom de Bellville. L'Auteur
y prouve que nos Rois y ont eu autrefois un
Château , dont ils ont diftribué le territoire
à diverfes Eglifes . Cette Montagne s'apelloit
SAVIES , & c'eft probablement là qu'ont été
battuës
MAY. .1741 .
961
battues certaines Monnoyes fur lefquelles
on lit SAVE. Le nom de Poitronville & de
Belleville ont enfin fait éclipſer celui de Save
ou Savie,lequel n'eft plus donné qu'à un Hồ-
rel ou Ferme confidérable dépendante du
Prieuré de S.Martin des Champs, à l'entrée du
Village de Belleville , du côté de la Courtille.
Dans la quatrième Piéce M..Leb. fait connoître
la fituation du Palais apellé Juviniacum
, dans une ancienne vie de S. Arnoul , &
le place proche Soiffans furla Voye Romaine
qui menoit à Condrain ; c'eft Juvigny ,
dont la Diplomatique n'a fait aucune mention.
Il y joint la Notice du Palais qui devoit
être à la Morlaie entre Luzarches &
Chantilly , Palais également inconnu dans
la Diplomatique. L'Auteur finit en attri
buant au Palais de Maflay , proche Sens ,
plufieurs circonstances hiftoriques, que d'autres
ont crû pouvoir apliquer à un Palais
proche Toul.
Ces quatre morceaux font fuivis d'une Remarque
qui éclaircit un Point Géographique
du Diocèfe de Laon , à l'occafion d'une
ancienne Chanfon Latine faite.du tems du
Roy Robert ; puis on trouve des Chroniques
de France en Vers François , depuis
l'an 1214. jufqu'à l'an 1296. , accompagnées
de Remarques ; ce qui nous méne à la page
156. F こ
962 MERCURE DE FRANCE
156. au - delà de laquelle nous ne pouvons
pas nous étendre dans cet Extrait , la Dif
fertation fur l'état des Sciences en France ,
depuis le Roy Robert jufqu'à Philipe le Bel ,
faifant avec fon Suplément les deux tiers du
Volume .
On trouve chés les mêmes Libraires
REFLEXIONS fur la Religion Chrétienne
in 12.
THEODORET , Evêque de Cyr de la Providence
, in 8°. chés les mêmes , & la veuve
Alix.
L'ORTHOPEDIE , ou l'Art de prévenir & de
corriger dans les enfans les difformités du
corps , par M. Andry , in 12. deux Volu
mes , avec Figures.
DE LA GENERATION des Vers dans le
corps de l'Homme , par le même , deux
Volumes in 12. avec figures.
LETTRES fur les Maladies qui ont regné en
Italie pendant la derniere Guerre , par M.
Dezon , Médecin , 1. Volume in 12.
'NOUVEAU CALENDRIER perpétuel , fuivant
les Hypotheses Julienne &Grégorienne,'
contenant des Inftructions Chronologiques,.
Aftronomiques , Aftrologiques &c. avec l'art
de fortifier , d'arpenter & de réduire toutes .
les efpéces de bois d'oeuvre , & un Catalogue
MAY. 1741.
963
gue des plus célébres Hiftoriens qui ont traité
de l'Antiquité , avec un petit Sommaire
de leurs Ouvrages , fuivi d'un Traité affectif
à l'Hiftoire , au Commerce & à la Banque
de differens Etats de l'Europe , le tout
conclu par de fages maximes pour la pratique
& l'usage , enrichi de figures & cartes
en Taille-douce &c. Brochure in 12. de 267
pag. fe vend à Paris chés Mefnier Libraire-
Imprimeur rue S. Severin au Soleil d'Or , ou
en fa Boutique, Grand' - Salle du Palais, 1741 .
>
HISTOIRE ROMAINE DE TITE - LIVE , traduite
en François , avec les Suplémens de
Freinshemius , dédiée à Monfeigneur le
Dauphin , par M. l'Abbé Brunet , Tome I.
à Paris , chés Prault pere , Quai de Gêvres ,
la veuve Brocas , rue Saint Jacques , & G.
F. Quillan , rue Galande, Vol. in 12. d'environ
600 pages , 1741. Ce premier Tome
commence par une Epitre Dédicato re , qui
donne une idée très - avantageule du ftile élégant
de l'Auteur , & contient la traduction
des trois premiers Livres de Tite Live . On
pourra juger par ce commencement , combien
il eft avantageux pour le Public que l'Auteur
conduife l'Ouvrage à la perfection.
NOUVEAUX AMUSEMEMS DU COUR ET
DE L'ESPRIT. Ouvrage Périodique , Tome
Fij VIII.
964 MERCURE DE FRANCE
VIII. eft en vente à Paris chés la veuve Pif
fot , Quai de Conty , à la defcente du Pont-
Neuf, & chés Urbain Conftelier , Quai des
Auguftins près la rue Gît- le-Coeur , in 12 .
d'environ soo pages, imprimé fur du papi
fn. Le prix eft de trois livres.
•
Le morceau le plus intéreffant &
plus ferieux de ce nouveau Tome , eft Un
Dialogue fur le Coloris , Ouvrage manu
fcrit de feu M. Noël Coypel , Directer'r
des Académies de Peinture & de Sculpti
re de Rome & de Paris , qui peut autan
fervir aux Elèves de Peinture , qu'à la répustation
de fon Auteur. Ce Dialogue , dure
cinquantaine de pages , perdroit trop à être
abrégé . La conversation roulé entre Damon
& Pamphile. Je vois bien , dit Pamphile,
page 309. que vous n'avez jamais fait réfle
xion fur ce que c'eft que la Peinture, & que
vous ne fçavez pas qu'on la définit , un Arr,
gui , par le moyen de la forme extérieure &
des Couleurs , imite fur une fuperficie plate
yous les objets qui tombent fous le fens de 1.
vûë...... Si vous y prenez garde YOU
verrez que le Coloris eft non - feulement une
partie effentielle de la Peinture , mais encore
qu'il eft fa difference , & par conféquent 1
Partie qui fait le Peintre ; de même que 11
raifon , qui eft la difference de l'homme , ef
ce qui fait l'homme .
›
?
E
MA Y. 1747: 965
Et que deviendra le Deffein , reprit Damon
? Le Deffein , repliqua Pamphile , tient
fort bien fa place , puifque c'eft une partie
effentielle de la Peinture , & fans laquelle la
Peinture ne sçauroit fubfifter non plus que le
Coloris ....
Je conviens , dit Damon page 311. quele
Deffein fe communique à plufieurs fortes
d'Arts ; mais ne pourroit- on pas dire que la
Couleur fe communique aufli de la même
maniere, & que les Tapiffiers & les Teinturiers
s'en fervent auffi bien que les Peintres?
Pour l'ouvrage des Tapiffiers , répliqua
Pamphile , je ne trouve pas qu'il soit different
de celui dès Peintres. Les Tapilliers représentent
, comme les Peintres , les couleurs
& les formes qui font dans la Nature .
Leurs couleurs font attachées aux laines , &
celles des Peintres aux terres ou aux minéraux
qu'ils employent ; & cette difference de
matiére , comme vous fçavez , n'eft jamais
effentielle . Pour l'objection des Teinturiers
vous pouviez bien vous paffer de me la faire
, & de mettre en compromis les Peintres
avec les Teinturiers : Néanmoins il faut vous
fatisfaire.Il eft vrai que les Teinturiers entendent
quelque chofe aux couleurs , mais non
pas au Coloris dont il eft ici queftion . On
apelle fouvent du nom de Couleur la partie
de Peinture , qui s'apelle Coloris. L'usage en
Fiij eft
966 MERCURE DE FRANCE
eft assés ordinaire ; & cette équivoque vous
a fait faire l'objection des Teinturiers . Cependant
il y a grande difference entre Couleur &
Coloris : & je vous ai fait voir que le Coloris
n'étoit point ni le blanc , ni le noir , ni le
jaune , ni le bleu , ni aucune autre couleur
femblable , mais que c'étoit l'intelligence de
ces mêmes couleurs , dont le Peintre fe fert
pour imiter les objets naturels , ce que n'ont
pas les Teinturiers .
›
Cependant , reprit Damon , vous m'avouerez
que le Deffein eft le fondement du Coloris
, qu'il le foûtient ; que le Coloris en
dépend , & qu'il ne dépend pas du Coloris
, puisque le Deffein peut fubfifter fans le
Coloris , & que le Coloris ne peut fubfifter
fans le Deffein & c.
On a réimprimé dans ce Volume les Paradoxes
Littéraires fur la Tragédie d'Inès de
Caftro , fuivis des Anti - paredoxes . Ce font
deux critiques vives d'un Poëme qui , malgré
fes défauts prouvés & reconnus , fait
toujours une impreffion fenfible , toutes les
fois qu'on le remet au Théâtre.
Parmi les Odes , il y en a une de M. de
Bainville au Roy de Suéde Charles XII . dans
le tems qu'il étoit prêt à partir de Bender. En
voici la derniere ftrophe.-
Par fa fagefle & fa conftance
Louis
MAY . 967 17412
Louis a fçu dompter le Sort .
N'aurois-tu pas même efpérance ,
Toi , qui fais un ſemblable effort ?
Puisse Minerve , qui te guide ,
Te couvrir toujours de l'Egide ,
Soit en Paix , foit aux Champs de Mars ;
Et , de ta vengeance occupée ,
Payer un malheur de Pompée
Par tout le bonheur des Céfars !
LE MODELE , Conte allégorique à Madame
de Torpane , fur ce qu'elle ne mettoit point
de Rouge , eft une petite Piéce de Madame
Vatry.
Diane & Minerve un beau jour ,
Toutes deux Déesses très -fages ,
Quitterent la céleste Cour ,
Et firent maints petits voyages.
Chars portés fur brillans nuages
Chevaux ailés & bien nourris ,
Toujours par des routes fleuries
Les conduisirent à Paris
A la porte des Thuilleries.
C'étoit l'heure que , vers le foir ,
Tout en fortant de leurs Toilettes ,
Certaines Belles fe font voir
Avec des Beautés fraîches faites.
Ak dit la Déesse des Bois ,
Fiiij Voyant
965 MERCURE DE FRANCE
"
Voyant tant de faces rougies ,
Que de Bacchantes j'aperçois !
Elles ont chomé les Orgies
Que Bacchus anime fouvent .
Non , dit Minerve en ſoupirant ,
Ce ne font point là des Bacchantes
C'est le goût du Sexe à préfent-
Que ces modes extravagantes.
Cet air fimple , modeſte & doux
Qui dans le Sexe a droit de plaire , -
N'eft connu que de la Bergere.
Je fens animer mon courroux ,
Dit Diane : & fur cette affaire
Nous devons agir vivement :
Formons à plaifir un Modéle ;
Qu'il naisse en ce jour une Belle ,
Modefte & pleine d'agrément!
Que la belle & fimple Nature
En faffe toute la parure !
Qu'elle inspire des fentimens
Qui rendent amis fes Amans !
On vous forma , belle Julie ,
D'esprit & de graces- remplie.
Voilà ce Modéle charmant ,
Modéle qui plaira vraiment
Orné de vertus , de fagefle ,
Cefont de folides appas ,
"
MAY.
1941: 969
Le Tems ne les efface pas ;
Ils embellissent la Vieilleйfe .
M. de Bainville a compofé tous les petits
Contes de ce VIII . Tome. Le fuivant eft imité
de l'Anthologie , la Souris & le Parafite.
Certain Gafcon , qui chés autrui
Vivoit éternel Parafite ,
Rencontre une Souris chez lui :
Hola , dit il , race maudite ,
Que cherches- tu ? de ma vifite
N'ayez ni foupçon , ni courroux
Répond la Souris chatemite ,
Je mange en ville comme vous
Et ne cherche ici que le gîte.
›
Nous finirons par un envoi de Ciſeaux
Mlle.de J
***
Les dons reçûs d'une main chere ,
Ne font point des dons dangereux :
Reçois de ton Amant fincere
Ces Cifeaux tout mistérieux.
Ils font faits pour un autre usage
Que pour couper les plus doux noeuds.
Loin de nous cet affreux présage ,
Et plutôt mourir à tes yeux !
Mais Si la Difcorde fatale ,
Des plaifirs cruelle Rivale ,
ofoit
970 MERCURE DE FRANCE
Ofoit jamais troubler nos heureuses amours
Prens en main ces Ciſeaux fidéles ,
Et de nos injuftes querelles
Soudain ils trancheront le cours.
Le neuviéme Tome de ces Amuſemens
eft en vente chés les Libraires ci - deffus nommés
, qui vendent le Recueil complet tout
relié fur le pié d'un écu le Volume . Ils en
font des envoys dans les Provinces & dans
Jes Pays Etrangers il y a une diminution
honnête pour les Libraires .
LE SIECLE , ou les Memoires du Comte
de Solinville , par Madame L *** deux petites
brochures , dont l'une contient la pre
miere & la feconde Partie de cet Ouvrage de
99. pages , & l'autre en contient la 3. & 4.
Partie de 135. pages . A la Haye , chés Henry
Van Bulderin Libraire , 1741 .
On aprend de Rome que M. l'Abbé Michel
Jofeph Morei , Membre de l'Arcadie
de cette Ville , connu dans la République
des Lettres par fes talens pour la Poëfie
Latine , a donné depuis peu un Recueil de
diverfes Piéces , intitulé : Michaëlis Jofephi
Morei Carmina, Roma , Typis Jo . Zempel ,
prope Montem Jordanum , 1740. Cet Ouvrage
dont les Piéces ont été lûës & fort aplaudies
MAY. 1741. 97.1
dies dans les plus nombreuſes Aſſemblées
de l'Arcadie , contient des Eloges des quatre
derniers Papes , de plufieurs Cardinaux
de Prélats , de Princes & de quelques Sçayans.
Il eft dédié au Prince Electoral de Saxe
, qui a affifté plufieurs fois aux Aſſemblées
de l'Arcadie , & y a pris un nom de
Berger parmi les Membres de cette Compagnie.
L'Auteur a ajoûté deux Tables , dont
P'une contient les noms & l'Hiftoire abrégée
de quelques Arcadiens , defquels l'Eloge fe
trouve dans le Recueil ; & l'autre eft pour
les principales matiéres. L'Ouvrage eft enrichi
de plufieurs Portraits , & d'autres Tailles
- douces gravées par Jerôme Odam.
DELLE ANTICHITA ESTENSI continua
Zione , fiaparte feconda compofta e dedicata
all' Alteza Ser. di Francefco III. Duca di
Modena da Lud. Anton. Muratori Nella
ftamparia Ducate 1740. in f° . M. Muratori
avoit conduit l'Hiftoire de la Maifon d'Efte
jufqu'en 1222. dans la premiere Partie imprimée
dès 1717. Il va dans celle- ci jufqu'à
notre tems , où il termine fon Ouvrage .
LA VITA di Aleffandro Taffoni fcritta dal
Signor Propofto Lud. Ant. Mura ori , per
Bartolomeo Soliani ftampator Ducale , in 8 °.
Cet Ouvrage eft dédié au Prince Héréditaire
de Modene , dont le Portrait eft au com-
F vj. mence972
MERCURE DE FRANCE
mencement. Il n'avoit point encore paru de
Vie d'Alexandre Taffoni , & il y a lieu de s'étonner
que perfonne avant M. Muratori´n'ait
donné l'Hiftoire d'un Critique fi connu &
fi célébre dans le XVI. fiécle . .
Ces deux Ouvrages fe trouvent à Modene.
LA TEORICA della Pittura , overo trattato
delle materie piu neceffarie per apprendere con
fondamento quest'arte , compofta da Antonio
Franchi , Luchefe &c . per Salvatore Gian
Domenico Marefcandoli , 1739. in 8 °. L'Auteur
de cet Ouvrage a été fort célébre dans
le fiécle paffé.Son Traité de Peinture eft tombé
manufcrit entre les mains de Jofeph Ri
gacci de Fiorence , qui l'a donné au Public
pour l'utilité des jeunes gens qui étudient
Art de la Peinture. Cet Ouvrage fe trouve
à Lucques
NOUVELLE EDITION des Differtations de
M. Herm. Conring , touchant les Antiquités
Académiques , avec des Suplémens. On y a
ajoûté une Bibliothéque Hiftorique- Académique
, dans laquelle font indiqués tous les
Auteurs qui ont écrit l'Hiftoire générale , ou
les Hiftoires particulieres des Univerſités &
des Académies ; & ce qui rend cette Addi
tion plus importante , c'eft que l'Auteur
donne ordinairement fon jugement fur ces
Ouvrages.
MAY. 1741;
973
Ouvrages. L'Ouvrage eft en Latin , &fe trouve
à Goettingen en Allemagne , 1739. in 4° .'
- DESCRIPTION de l'état préfent du Corps
Germanique , apellé communément le St.
Empire Romain , in 8 °. par M. Necker Profeffeur
en Droit Public. Cet Ouvrage s'imprime
à Geneve.
LIVRES ETRANGER'S nouvellement
arrivés chés Briaffon , Libraire , rue Saint
Jacques , à la Science.
L'accord de la Grace & de la Liberté , Poëme
avec des Remarques Critiques & Hiftoriques , par
le P.Vaillant de la Baflardries, in- 4° . Tournay 1749 %
Georg. Bull. Harmonia Apoftolica , in- 8 ° . Bafiles
, 1740.
Caj . Cenni Canones Eccl . Hifpaniæ & Differtationes
de Antiquitate Ecclefiæ Occidentalis , in - 4°.
Roma , 173.9.
Ant. De Moyvre Miſcellanea Analytica de Seriebus
& Quadraturis , in-4°. Lond. 1730.
Differtatio Clytographica ,feu Gemmæ duo vetuftiffimæ,
explicata; in- 4°. Rome ; 1737.
Th. Ag. Echard , de Imitatione Chrifti , cum novis
Concordantiis , & Th. Mezleri , Paraphrafte in
cundem , in-8 °. 3. vol. Aug. 1724 .
La Religion ou la Théologie des Turcs , par
Echialle Mufti , in- 12. Bruxelles:
Ejufdem. Poly crates Gerfenenfis , in-8° . Aug.
1729.
Pet . Firmiani Gyges Gallus , five ingeniofa in
fue gentis mores animadverfio cum notis in- 8° . -
Ratisbona , 1736.
SS...
974 MERCURE DE FRANCE
SS . Francifci Affiatis & Antonii Paduani Opera
omnia , in-folio. Aug. 1739.
Francifci Breviarium pro foro foli & fori ', in - 4° .
2. vol. Aug. 1733.
Pet. Gifch Rhetorica major & minot . , in-8°.
Aug. 1740.
Pedepontii , 1738.
Domin. Jacobatius ,de Concilio, in -fol.Venet . 1729 .
Jac. Ilfung Verba vitæ æternæ , in- 8 °. 2. vol.
Rom Kifter Recollectio fpiritualis , in- 8 ° . Aug.
Joan. Lamii , de Eruditione Apoftolorum cum
variis differtationibus , in- 8 °. Florent . 1738.
Ejufdem: Delicia Eruditorum , in- 8 °. 8. vol.
Florentia , 1736. & fuiv.
Ludi Epigrammatici in ufum ftudiofæ Juventutis,
in- 12. Aug. 1738 .
Amed. Mar. Markel Tuba magna , in 4 ° . 2 .
vol . Aug. 1739.
Bened. Mezler Manuductio ad Perfectionem
Religiofi , in- 8°. Aug. 1736.
ufdem Paraphrafte in Imitationem Chrifti ,
in 8°. Aug. 1724.
Moni a ad Continendos Sacerdotum mores , in
12. 1738.
Pet. Moreti Diffeptatio & Differtatio de variis
Ri tibus , in 4°. 2. vol, Roma , 1711. & 1732.
If Newtonis Optice ex edit . Sam. Clarck , in-4° .
cum fig. Laufane , 1740.
Did. Niffeni Opera omnia , in-fol . 4. vol Pede
pontii , 1738.
Nummus Aureus veterum Chriftianorum expli
catus , in. 4° Roma , 1737.
.
Bened. Picteti Differtationes de Religione Chriſ
tia na , in - 8 ° . Geneva , 1719 .
Eliz., Zargar Conferentiæ Theologo- Morales ,
ex materia Sacramentali & aliis materiis , in 8 ° . 2 .
vol. Aug. 1732. Jac.
MAY 975 1741
Jac. Stirling Methodus defferentialis de Seriebus
infinitis , in 4 ° . Lond. 1730.
-Ejufdem Lineæ tertii ordinis Newtonianæ , in-
8°. Oxoni , 1717.
Broock Taylor , Methodus incrementorum diverfa
& inverfa , in-4° . fig. Londini , 1715 .
S. Zenonis Opera & Sermones ' cum Notis &
Differtationibus , in-4° . Patavii , 1739.
Rifpofta del Signor Gorri alMarchefe Maffei ,in 12 .
Efame della Controverfia Litteraria de' Signori
Maffei & Gorri , in - 12 . 1740.
Miſcellanea Berolinentia , in -4°. vol . Berolini
Sherlock , Ufage & fins de la Prophetie , in- 8 ° .
Amfterd.
1
Nouvelle Bibliothèque desLivres nouveaux, in - 12 .
La Haye. commencée en Octobre 17:38.
Legs d'un Médecin à fa Patrie , in- 12 . La Haye.
Offervazioni fopra i figilli antichi , -4 ° . 2. vol.
-Litterarie del Marchefe Maffei , in- 12. 4. vol.
Verona. Les Tomes 5. 6. arriveront dans peu .
If. Newtonianifmo per le Dame , in 8 ° . Neapoli.
1740.
Iftoria delle cofe operate nella China da Gio . Ant .
Mezzabarba , dal P. Viani , in - 8 °. 1740.
Dictionaire Efpagnol & Anglois , & Anglois-
Efpagnol , in folio. Londres , 1740.
The Geographical Dictionary , by Laurence
Echard , in- 12 : London , 1715 .
Logique ou Reflexions fur les forces de l'entendement
humain , par Wolf. in- 8 °. Berlin , 1736 .
Mémoires du Duc de Wirtemberg , in - 12 . 1740%
Hiftoire de Thamas Kouli-Kan , in - 12 . 1740 .
De la Vie & des Campagnes de Charles XII Roy:
de Suede , par Alderfeldt , in. 12. 3. vol . fig . 1740.
Profperi Lambertini, antehac Cardinalis, nunc Papæ
; de Beatificatione Servorum Dei & Canonizatione
976 MERCURE DE FRANCE
ne Sanctorum , in-fol . 4.vol . Bononia, 1734. & 1738.
Frid. Hoffmani Opera omnia Medica , in -folio
4. vol. Geneva , 1740.
Ejufdem . Medicina Rationalis fyftematica , in-
8. vol . fig. 1740.
Opere di Gio- Bat. Moliere, tradotté dá Nic. Cantelli
, in- 12. 4. vol. Lipfia , 1740.
Joa, Alb. Fabricii Opufcula Hiftor- crit . Littera- .
ria , in-4° . Hamburgi , 1738.
Eric. Bentzelii Diarium Wazfenfe cum Notis ,
in-4°. Upfalia , 1721 .
Jo . Gott. Heinecii , Antiquitates Romanæ , fecundum
Inftit. Juftiniani , in. 8° . 2. vol. fig . Argenterati
, 1734:
Jof. Ig. Roffs La Libreria Mediceo Laurentiana ;
in-fol. Firenze , 1739..
God. Guil. Leibniti Principia Philofophia , in-
4°. fig. 1728.
Martini Schurigii Syllepfilogia , five de Conceptu
muliebri , in-4°. Drefda , 1731.
-Ejufdem. Chylologia five de Chylo Humano
in-4°. Drefda , 1725 .
Ejufdem. Embryologia , five de.Infante 'Huma-
Bo , in-4° . Dreſda", 1732.
Ejufdem . Cynecologia , five de Congreffu , in-
4. Drefda , 1730.
Ejufdem,Muliebria , five Partes Genitales Mulie
ris , in-4°. 1729.
--
Ejufdem. Parthenologia, five de Virginitate, in-
4°. Drefda , 1729.
Ejufdem. Spermathologia five de Semine ,
Drefda.
--
in-
-4°
Acta Phyfico-Medica, in - 4°.Tom. V.Norib.Y740.
Idem. Opus integrum , in-4°. 5. volumes .
Jo . Burch. & Frid . Ott. Menckenii Bibliotheca
Virorum Militia & Scriptis clarorum, in - 89 . Lipfia,
3724.
Chrift.
MAY. 1741: 977
Chrift. Mich. Adolphi Differtationes Medica Pathologica
& Therapeuticæ , in-4° . Lipfia , 1737 .
Acta Eruditorum annorum , 1738. & 1739. in-
4°. Lipfia.
.i
Examen defintereffé des Ouvrages qui ont parn.
fur la méfure de la Terre ; in 12. Öldenbourg, 1738 .
Cours de la Science Militaire, par Bardet de Villeneuve
, in 8. 4. vol . fig . La Haye , 1740 .
Joan . An. Campani Opera felectiora , in 8 °.
Lipfia , 1734
Steph. Blancarti Lexicon Medicum , in -8°.
Lipfia , 1739 .
Jo. Ant . De Januario , Refpublica Jurifconfultorum
, in- 8°. Lipfix , 1733.´
Differtation fur l'incertitude de l'Hiſtoire Romai
ne , in- 8°. La Haye , 1738 .
Elemens d'Aftronomie & de Géographie à l'uſa
ge des Négocians , in- 12. 2. vol . Lille , 1740.
Les OEuvres de Mariotte , in-4°. 2. vol . fig. La
Haye , 1740.
Leonh. Euler Mechanica five de Motu , in-4°.
2. vol fig. Petropoli , 1736.
Ejufdem . De Mufica tam antiqua quàm hodierna
, in-4°. fig. Petropoli , 1738.
Commentarii Academiæ Petropolitanæ, in-4°. 6.
vol. fig. Petropoli . Les 5. & 6.fe vendent féparément .
Sigef. Bayeri Hiftoria Bactriana , in - 4 . figur.
Petropoli , 1738 .
Ejufdem Hiftoria Ofroena & Edeffena , in-4°.
figur . Petropoli , 1737 .
Ejufdem Mufeum finicum , in-8°. 2. vol. Petropoli
, 17.35 .
Jo . Georg. Siegesbeck Botanofophia , in-4 ° . Petropoli
, 1737.
Bibliotheca Botanica , Jo . Ft . Seguieri, & Jo . Ant.
Bulmaldi, vel Ovid. Montalbani, in- 4° .Hagaf 1740 .
Alph
978 MERCURE DI FRANCE
Alph. Turretini Cogitationes & Differtationes ,
in-4 . 3. vol. Geneva , 1738 .
Baron . de Craffier Defcriptio Gemmarum mufei
fui , in-4°. Leodii , 1740 .
Screiberi Confideratio Corporis Humani , &c.
in-4°. Petropoli.
Lexica Ruthenica , in - 4 ° . Petropoli , 1731 .
D. Joh. Ammani Icones Stirpium Rariorum ,
in-4 . fig. Petropoli , 1738 .
Mémoires pour fervir à la Géographie , l'Aftronomie
& la Phyfique , par Delifle , in- 4°. figur.
Pétersbourg , 1738.
Differentes Cartes Gravées à Pétersbourg.
Effai fur l'Hiftoire des Sciences & des Beaux-
, par Juvenel , in - 12 . Lyon , 1740. Arts ,
Les Amuſemens du Coeur & de l'Esprit , in- 12 .
6. vol . Amft. 1739. & 1740.
On trouve chés le même Libraire toutes fories de Liwres
de France des Pays Etrangers .
Le troifiéme & le quatrième Volume du Nouveau
Cours de M. l'Abbé Deidier , Profeffeur Royal des
Mathématiques aux Ecoles d'Artillerie de la Fere ,
en quatre Volumes in - 4°. dont les deux premiers
ont parû l'année dernie: e,fous le titre d'Arithmétique
des Géometres, ou Nouveaux Elemens de Ma bé-¸
matiques , &c. & de la Science du Géomere , ou la
Théorie la Pratique de la Géometrie , font achevés
d'imprimer , & fe vendent à Paris , chés Charles-
Antoine Jombert , Libraire de l'Artillerie & du Gégie
, rue Jacques , à l'Image Notre - Dame , chés
qui l'on trouve un Affortiment complet des meilleurs
Livres fur les Mathématiques , l'Architecture
& l'Art Militaire. L'Auteur s'étant aperçû que les
commençans avoient toûjours beaucoup de peine
lorfqu'on les faifoit paffer trop vite de la Synthèfe à
l'Analyfe
.
MAY. 17417 979
FAnalyfe , s'eft attaché dans le troifiéme Volume à
leur donner des Méthodes de généralisation , qui
tiennent le milieu entre ces deux autres ; il n'y employe
que la plus fimple Algébre , afin que l'habi- .
tude que l'on fe fera d'apliquer ce Calcul à la Géométrie
, puiffe faciliter l'ufage du Calcul Intégral &'
Differentiel , qu'il traite dans le quatrième . On peut
s'aflûrer que ces deux Volumes comprennent tout ce
qu'il y a de plus beau dans la nouvelle Géométrie ,
& que l'ordre & la clarté que l'Auteur a coûtume
de mettre dans tous les Ouvrages , feront d'une
grande utilité pour toutes les perfonnes , à qui ces
nouvelles Méthodes ne font pas affés familieres.
Le troifiéme Volume eft intitulé , la Mefure des
Surfaces & des Solides par l'Arithmétique des Inis
& les centres de gravité ; où l'on trouve un
grand nombre de proprietés très - curieufes des figu
res Géométriques . Il eft de même forme & grandeur
que les précedens & enrichi de quantité de
Planches très - bien gravées. Il fe vend 12. livres.
Le quatriéme Volume a pour titre , le Calcul Dif
ferentiel & le Calcul Intégral, expliqués & apliqués
à la Géométrie , avec un Traité préliminaire contenant
la maniere de réfoudre les Equations de quel
que degré qu'elles foient ; les proprietés des Séries
& des Equations qui expriment la nature des Courbes
, les Lieux Géométriques , la conftruction Géométrique
des Equations , & la folution des Proble
mes déterminés & indéterminés. Il eft accompagné
de 26. Planches , & enrichi de Vignettes . Il fe vend
livres . Is .
Le même Libraire a commencé d'imprimer la
Méchanique Génerale pour fervir d'introduction'
aux Sciences Phyfico - Mathématiques , par le même
Auteur. Cet Ouvrage fera un gros Volume in -4°.
enrichi d'un grand nombre de Planches gravées
avec
9 MERCURE DE FRANCE
avec foin . Il paroîtra vers le mois dé May de cette
année 1741.
La nouvelle Théorie fur le Méchanifme de l'Artillerie
, par M, Dulacq , Capitaine d'Artillerie, au
fervice du Roy de Sardaigne , vient auffi d'être achevé
d'imprimer , & le débite au même endroit que
les précedens ; il fe vend 15. livres . Cet Ouvrage
contient beaucoup de chofes nouvelles fur la théorie
de la Poudre à canon , fur l'ufage qu'on en doit
faire,fur l'art de jetter les Bombes ,& fur la meilleure
maniere de conftruire les Magafins à Poudre , pour
les mettre à l'épreuve des Bombes. Il fera d'autâne
plus utile , qu l'Auteur s'eft attaché par tout à apliquer
la théorie à la pratique , ce qu'on ne trouve
pomt dans aucun des Livres qui ont été écrits jufqu'à
préfent fur cette matiére. Ce Volume eft in - 4° .
enrichi de 36. belles Planches , & eft exécuté de
maniere à fatisfaire les Connoiffeurs , le Libraire
s'étant attaché à joindre la beauté du papier & des
caractéres à l'ornement des Planches & des Vignet
tes , pour mériter de plus en plus l'aprobation du
Public .
LIVRES NOUVEAUX qui fe
trouvent dans la même Boutique.
Aftronomie Phyfique , ou Principes géneraux de
la Nature , apliqués au Méchanifme Aftronomique
& comparés aux Principes de la Philofophie de M.
Newton , par M. de Gamaches , de l'Académie des
Sciences, in . 4°. avec quantité de figures ; Ouvra
ge magnifique , enrichi de quantité de belles Vignettes.
Paris , 1740. il'fe vend 13. livres 10 fols .
Elemens de la Philofophie de Newton , mis à la
portée de tout le monde, par M. de Voltaire, in- 8°.
avec figures .
te
av
"
C
Ifaaci
MAY. 1741 :
).. Ifaaci Newton Arithmetica univerfalis , five de
refolutione & compofitione numerorum , in-4°
avec figures. Leyde.
Ufage de l'Analyfe de Defcartes , pour découvrir
fans le fecours du Calcul Diférentiel, les proprietés,
ou affections principales des Lignes Géometriques
de tous les Ordres ; par M. l'Abbé de Gua , in- 12.
avec figures.Paris . 1740. 3. livres 10. fols.
Traité Analytique des Sections Coniques , des
Fluxions & Fluentes , apliqué à differens fujets de
Mathématique , par M. Muller , nouvelle Edition"
traduite de l'Anglois & augmentée confidérablement
par l'Auteur même, in-4°. avec fig. fous preffe.
Aplication de la Géométrie ordinaire & des Calculs
Differentiel & Intégral , à la réfolution de plufieurs
Problêmes très- intereffans fur les Mathématiques
en géneral.Par M.Robillard , fils du Profeffeur
de Mathématiques de l'Ecole d'Artillerie de Metz ,
in-4° avec 3,6, Planches très-bien gravées fous preffe.
Effai d'Analyfe fur les Jeux de hazard, par M. de
Montmor , nouvelle Edition , beaucoup plus ample
que les précedentes , in 4° . avec figures.
Chrift . Wolfi Mathefeos elementa , Editio nova,
in quinque tomos diftributa , in -4 °. avec quantité
de Planches. Geneva , 1740..
On vend le Tome cinquiéme féparément ,
Euvres de Mathématique & de Physique de M.
Mariotte , de l'Académie des Sciences , nouvelle Edition,
contenant tous les Traités de cet Auteur , tant
ceux qui avoient déja parû féparément ,que ceux qui
n'avoient pas encore été publiés , en deux volumes
in-4° . avec beaucoup de figures , 1740 .
Effai de Phyfique , par M. Muffchenbroek ,
Profeffeur de Philofophie à Utrecht , avec une
Defcription de nouvelles Machines Pneumatiques ,
& un Recueil d'Expériences en deux volumes in- 4.
avec figures , 1759.
982 MERCURE DE FRANCE
Muffchembroek tentamina experimentarum Naturalium
factorum in Academia del cimento . Leyde,
in-4°.
Chrift . Hugenii Opera reliqua & Opera pofthuma
, en deux volumes in- 4 °. avec figures.
S'Gravefande Inftitutiones Philofophiæ Newtonianæ
, in ufus Academicos , en deux volumes in - 8 .
avec quantité de Planches. Lugduni Batav.
S'Gravefande Introductio ad Philofophiam , Metaphyficam
& Logicam continens , in - 8 °. Leyde .
S'Gravefande Mathefeos univerfæ Elementa , in-
8. figures. Leyde.
Joan . Keil Introductiones ad veram Phyficam &
veram Aftronomiam, gros in - 4° . rempli de figures.
Leyde , 1740.
Dan . Bernoully Hydrodynamica , five de viribus
& motibus fluidorum , in - 4°. avec figures.
Cahiers de Mathématiques à l'ufage des Officiers,
par M. Herftenftein , Profeffeur de Mathématiques
à l'Ecole de Strasbourg , en deux volumes in 4º .
avec figures.
Voyage du Monde de Defcartes , par le P. Daniel
, avec les nouvelles difficultés propofées à l'Auteur
, & la réfutation de deux défenſes du Syſtême
de Defcartes , en deux volumes in - 12 . nouvelle
Edition .
De l'Attaque & de la Défenſe des Places , par M.
de Vauban , grand in- 4. avec quantité de belles
Planches , 1737.
Mémoires pour fervir d'inftruction dans la conduite
des Siéges , & dans la défenſe des Places , par
M. le Maréchal de Vauban , grand in-4° . avec figu
res , 1740.
Le Bombardier François , ou nouvelle Méthode
pour jetter les Bombes avec précifion , avec un
Traité des Feux d'Artifices ; par M, Belidor , Profeffeur
M'A Y. 983 1741 :
feffeur de Mathématiques de l'Ecole de la Fere, in
4° . avec figures .
Nouvelle maniere de fortifier les Places , ou Traité
de la Fortification réguliere & irréguliere , par
M. le Baron de Coehorn , nouvelle Edition , in- 8.
avec beaucoup de figures , 1740 La Haye.
Cours de la Science Militaire , contenant les
fonctions des Officiers d'Infanterie & de Cavalerie;
la Tactique , la Géométrie & l'Architecture , par
'M. Bardet de Villeneuve , en quatre voluines in -8°.
enrichis de figures , 1740. La Haye.
L'Ingénieur François , cantenant la Géométrie
pratique fur le papier & fur le terrain , la Fortification
réguliere & irréguliere , avec la Méthode de
M. de Vauban , in - 8 ° . avec figures. Amfterdam .
Recueil d'Ordonnances Militaires , in- 12
Nouveau Taité de la perfection fur le fait des
Armes , par M. Girard , ancien Officier de Marine
, in-4°. orné de cent - vingt Planches . Paris .
Nouveaux Élemens de Fortification , à l'ufage
des jeunes Officiers , par M. le Blond , Profeffeur
de Mathématiques des Pages du Roy , in 12. avec
figures , 1740.
Sentimens d'un Homme de Guerre fur le Syſtême
du Chevalier Follard , par raport à la colomne &
au mêlange des differentes Armes , in-4°. 1740.
Les Forces de l'Europe , ou Defcription des principales
Villes de l'Europe , avec leurs Fortifications,
deffinées & levées par M. de Vauban , en huit Tomes
in folio. Paris.
Dictionaire de Marine , contenant les termes de
la Navigation & de l'Architecture Navale , Ouvrage
enrichi de figures en Taille - douce , gros in-4°.
Amfterdam , 1736.
Théatre univerfel des Machines , ou Recueil
d'Eclufes , de Ponts , des Moulins à eau , Pompes ,
&
284 MERCURE DE FRANCE
& des autres Quvrages qui fe conftruiſent dans
l'eau , par Jean Rodolphe Foefch , en deux volumes
in-folio , avec de très-grandes figures . Amft. 1737.
Van-Zil Theatrun Machinarum univerfale , ou
grand Livre de Moulins nouveaux , in -folio . avec
beaucoup de Planches. Amfterd. 173.4.
Vander Horft Theatrum Machinarum , contenant
divers beaux Efcaliers de charpente , in -folio ,
avec figures. Amfterd . 1739.
Phil . Cluveri Introductio in Geographiam univerfam
, tam veterem quam novam , Editio nova ,
locupletiffima , in-4. avec beaucoup de figur. Amft.
Abregé de la vieille & de la nouvelle Geographie,
par M. Hubner , en 2. volumes in 8. avec figures .
Traité des Ponts , où il eft parlé de ceux des Romains
& de ceux des Modernes , tant de maçonne- .
rie que de charpente,& de leur conftruction , par M.
Gautier , in - 8 . avec figures.
1
Traité de la conftruction des chemins , où il eft
parlé de ceux des anciens & de ceux des modernes,
tels qu'ils fe conftruifent à préfent , nouvelle Edi
tion , par M. Gautier , in - 8 °. avec figures .
La Méchanique du feu , ou l'Art de conftruire de
nouvelles cheminées , & de les empêcher de fumer,
in-8 °. avec figures .
Examen défintereffé des differens Ouvrages qui
ont été faits pour déterminer la figure de la Terre;
& des troisDiffertations que le Docteur Defaguliers
a publiés à cette occafion , in - 12 . deux Parties .
Legs d'un Médecin à ſa Patrie , in- 12 .
Eloge de la Folie , compofé en forme de déclamation
, par Eraſme , traduit par Gueu deville avec
les belles figures de Holbein , nouvelle Edition .
Amsterdam , 1731.
Le Spectateur Anglois, ou le Socrate moderne , où
l'on voit un portrait naif des moeurs de ce fiécle •
nouvelle
MAY, 1741 985
ouvelle Edition , en 6. volumes in- 12 . Amfterdam .
Le Mentor moderne , ou Difcours fur les moeurs
de ce fiécle , traduit de l'Anglois de l'Auteur du
Spectateur , en 2. volumes in - 12. Amfterdam.
Nouvelle Méthode pour aprendre à deffiner fans
Maître , enrichie de plukeurs belles figures Académiques
, deffinées & gravées d'après Nature , in-4°.
avec 120. Planches . Paris , 1749 .
Phyfique facrée , ou Hiftoire naturelle de la Bible
, traduite du Latin de M. Jean - Jacques Scheuchzer
, en huit volumes in -folio , enrichis de 600.
Planches magnifiques . Amfterdam , 1737 .
Hiftoire naturelle du Cours du Danube enrichie
de quantité d'Obfervations Phyfiques , Géographi
ques , & d'Hiftoire naturelle , par M. le Comte de
Marfigly , en fix volumes , grand i folio , enrichis
de quantité de figures . La Haye.
Le Temple des Mufes , orné de foixante Tableaux
deffinés & gravés par B. Picart , in -folie.
Amfterdam.
Figures de l'Ancien & du Nouveau Teftament ,
deffinées & gravées par le célebre Jean Luiken , infolio
, avec plus de foixante grandes Planches.
Architecture de Palladio , où l'on traite des Edi
fices publics & particuliers des Anciens, traduite par
J. Leon , avec de belles figures , gravées par B. Picart
, en deux volumes in-folio . La Haye.
Le grand Théatre d'Italie , de Savoye & de Piémont
enrichi d'une grande quantité de belles figures
de Plans , de Vûes & de Villes , en fix volumes
in folio , grand papier. Amfterdam.
On trouve chés le même Libraire toutes fortes
de Livres d'Hollande nouveaux , quantité d'Atlas
de poche & portatifs de differente grandeur , auffibien
que plufieurs beaux Livres de Plantes , enluminés
, Livres à deffiner de differens Maîtres , di-
G verfes
986 MERCURE DE FRANCE
verfes Eftampes de Payfages & d'Animaux , & tou
ies fortes de Piéces de Mufique pour les inftrumens,
QUESTION propofée aux Sçavans dans
l'Hiftoire Litteraire. Nous eft - il refté , ou
non, des Elégies de Mécénas, Favori d' Augufte
?
Le P. Rapin en parle d'une maniere à faire croire
qu'elles exiftent & qu'il les a lûës , puifqu'il en porre
un Jugement pofitif. Voici les termes , tirés de
fes Reflexions fur la Poëtique.
» Il nous eft resté quelques Elegies de Catulle.
de Mécénas , &c. qui font d'une grande pureté &
d'une grande délicateffe ; mais le Vers de Catulle
» & de Mécénas eft d'une trop grande molieffe &
» d'une négligence trop affectée.
D'un autre côté , ayant confulté fur ce ſujet un
illuftre Sçavant , il a répondu qu'il ne croyoit pas
qu'il nous reftât aucune Elegie de Mécénas, & qu'il
y avoit aparence que le P. Rapin s'étois trompé
quand il avoit avancé le contraire.
Le 3. de ce mois , le Pere de Baudory , l'un des
Profeffeurs de Rhéthorique du College de LOUIS LE
GRAND , & qui a fuccedé au feu Pere Porée , y prononça
un Difcours Latin très - éloquent , en préfence
du Cardinal de Polignac , du Nonce , de plufieurs
Prélats & d'un grand nombre de Perfonnes
de diftinction . Le Sujet de ce Difcours étoit , Com
bien il eft difficile de remplacer des hommes qui ont
excellé dans leur Art.
EXTRAIT
MAY. 1741. 987
EXTRAIT du Mémoire de M. Duhamel
du Monceau , lû à l'Affemblée publique
de l'Académie Royale des Sciences, le 12.
Avril , & qui a pour titre : Recherche Phyfique
fur la réunion des fractures des Os.
Es Recherches que. M. Duhamel a faites pour
Feconnoltre conquent le faifoit la crue des ou
bres , & comment ils fe reprenoient quand ils
avoient été rompus , lui avoient fait entrevoir une
grande analogie entre la vegetation des Arbres &
la crue des Os , & beaucoup de reffemblance entre
la réunion des Arbres rompus & celle des Os tracturés.
Ces idées d'analogie ont toujours quelque chofe
de flateur qui les rend quelquefois dangereufes parce
qu'on eft fouvent porté à les adopter, avant qu'elles
foient apuyées de toutes les preuves dont elles
pourroient avoir befoin.
M. Duhamel connoiffoit cet écueil , & c'eft pour
l'éviter qu'il a long tems confervé cette idée fans
en faire part à l'Académie, & qu'il s'eft engagé dans
une fuite confidérable d'Expériences . Il en a coûté la
vie à bien des Animaux , mais on ne la regrettera
pas, quand on fera attention que ces petits meurtres
P'ont conduit à une découverte également impor
tante pour la Phyfique , pour l'Anatomie & pour
Chirurgie. ,
la
M. Duhamel avertit que fes Recherches lui ont
apris comment fe faifoient la crue & le developement
des os , mais il a réſervé pour un autre Mémoire
cette partie de fon travail , quoiqu'effectivement ce
foit la principale , & il n'a traité dans le Mémoire
dont nous donnons l'Extrait , que la formation du
Cat offeux , qui réünit les os rompus.
Gij Il
988 MERCURE DE FRANCE
Il ne nous eft pas poffible de fuivre M. Duhame
dans la route qu'il a choifie pour pénetrer dans les
fecrets de la Nature , car ici tout s'opere fous des
mufcles , des tendons & des membranes qui empê
chent l'Obfervateur de voir ce qui fe paffe dans le
lieu de la fracture . Ainfi , pour nous renfermer dans
les bornes d'un Extrait , nous nous contenterons
de raporter ici les conféquences qui fe ſuivent immédiatement
de fes Expériences.
1º. Les os font recouverts d'une membrane médiocrement
épaiffe , qui fe peut divifer en plufieurs
lammes , & qui eft fort adhérente à l'os ; on l'apelle
le Periofte , & M. Duhamel dit que cette
membrane eft à l'égard des os , ce que l'écorce eft
par raport aux arbres.
2º. Quand un os a été rompu , ou quand on lui a
fait une playe , le Périofte fe tumefie en cet endroit,
& alors il n'a que la confiftance des membranes.
3. Les lammes intérieures de ce Perioſte tumefié
prennent de la folidité & deviennent cartilagineufes
, pendant que les exterieures reftent membra
neuſes.
4. Les lammes intérieures prennent enſuite de
la dureré & elles s'offifient .
5. Enfin par Paddition d'un nombre de couches
qui s'offifient & qui s'apliquent les unes fur les auties
, il fe forme une fpece de virole offeufe qui
forme le cal & qui affujetit les os rompus , deforte
qu'il y a des lammes du Periofte qui s'offifient & qui
s'attachent fur les os rompus , comme il y a des
lammes de l'écorce des arbres qui deviennent bois
& qui s'attachent au bois formé.
Ces idées font bien differentes de celles qu'on
trouve dans les meilleurs Livres d'Anatomie , &
c'eft pour cela qu'on aura befoin pour les adopter
d'être bien inftrait de toutes les Expériences qui
font
MAY. 1741. 989
font dans le Mémoire de M. Duhamel . Il ne nous
eft pas poffible de les raporter dans ce Journal , &
elles font tellement liées les unes aux autres, qu'el
les ne peuvent être léparées .
PRIX proposé par l'Académie de Chirurgie .
pour l'année 1742 .
L
'Académie de Chirurgie propofa pour le Prix
de l'année 1740 le Sujet fuivant.
Déterminer les differentes effeces de Répercuffifs , leur
maniere d'agir , & l'usage qu'on en doit faire dans
Les differentes Maladies Chirurgicales .
Quoique cette matiere ait été traitée amplement
& avec intelligence dans plufieurs Mémoires , l'Académie
n'a pas crû devoir adjuger le Prix , parce
que les regles que l'on établit dans ces Mémoires
pour la pratique , font fondées fur une théorie trop
conjecturale.
L'Académie qui connoît combien il feroit utile
au Public que la matiere des Répercuffifs fût traitée
folidement , & que l'on fit fur ces Remedes , tant
famples , que compofés , toutes les recherches nécesfaires
, pour fatisfaire aux conditions portées par le
Programme , a crû ne pouvoir fe difpenfer de propofer
le même Sujet pour l'année 1742, ne doutant
point que les Auteurs qui ont déja travaillé avec
quelque fuccès , ne faffent de nouveaux efforts pour
répondre à fes vûës.
Le Prix fera double , c'est - à- dire , que celui , qui
au jugement de l'Académie , aura fait le meilleur
Ouvrage fur le Sujet propofé , aura deux Médailles,
d'or , chacune de la valeur de deux cent livres , ou
une Médaille & la valeur de l'autre , au choix de
P'Auteur.
Ceux qui ont compofé en 1740. pourront faire
Giij 主
990 MERCURE DE FRANCE
à leurs Mémoires tels changemens , ou les mettre
fous telle forme nouvelle qu'ils voudront , & les
renvoyeront écrits de nouveau.
Ils font priés d'écrire en Latin ou en François , &
d'avoir attention que leurs Ecrits foient fort lifibles.
Ils mettront à leurs Mémoires .une marque distinctive
, comme Sentence , Devife , Paraphe , ou
Signature ; & cette marque fera couverte d'un papier
collé ou cacheté , qui ne fera levé , qu'en cas
que la Piéce ait remporté le Prix.
Ils auront foin d'adreffer leurs Ouvrages , francsde
port , à M. Quesnay , Sécretaire de l'Académie
de Chirurgie , ou les lui feront remettre entre les
mains.
Toutes Perfonnes de quelque qualité & Pays
qu'elles foient , pourront afpirer au Prix ; on n'excepte
que les Membres de l'Académie .
Le Prix fera délivré à l'Auteur même , qui se fera
connoître , ou au Porteur d'une Procuration de
fa part , l'un ou l'autre repréfèntant la marque distinctive
, & une copie nette du Mémoire. Les Ouvrages
feront reçus jufqu'au dernier Décembre
1741. inclufivement , & l'Académie , à fon Affemblée
publique de 1742. qui ſe tiendra le Mardi d'après
la Fête de la Trinité, proclamera la Piéce qui
aura remporté le Prix.
Une Perfonne qui s'intereffe aux Ouvrages do
M. Rameau , nous prie avec inftance de vouloir
de bien engager Mrs de l'Académie de Lyon publier
le Difcours que nous avons annoncé dans le
Mercure de Juin 1740. p . 155.5 . où l'un des Membres
de cette Académie prétend que M. R. n'a rien
déterminé dans fon Tempéramment pour l'accord
des Inftrumens de Mufique.
Il y auroit beaucoup de négligence , & même
quelque
ttle
les
&
les,
is-
оп
Dacas
CS
nie
les
ys
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
REX
D.XV
LUD
ARISTIANIES
CHR
M.
VIRTUTIS
Ce
Sare
failo
555
USTITIA
GERMAN ET RUSS PAX
CUM OTTOMAN CONCILIATA
MDCCXXXIX.
FAMA
MAY. 1741. 991
quelque injuftice de laiffer plus long- tems le Public
prévenu contre cet Ouvrage , car , s'il étoit vrai
quon fe fût trompé , chacun fouffriroit également
de l'erreur.
Ce Difcours eft entre les mains de la même Perfonne
qui nous follicite , & qui eft réfoluë de le
faire imprimer elle- même , fi la demarche que nous
faifons aujourd'hui n'a pas fon effet.
SUITE DES ME'DAILLES DU ROY
A Médaille dont on voit ici la gravûre a éte
frapée fur un Evenement qui intereffe la gloire
du Roy & de la Nation . D'un côté eft le Portrait de
S. M. en Bufte , avec l'Infcription ordinaire. LUD.
XV, REX CHRISTIANISS. Et fur le Revers , la
France, fous la figure d'une Femme , avec les Symboles
qui lui conviennent, affife à l'entrée du Temple
de la Paix , préfente des Rameaux d'Olivier auf
Allemands , aux Ruffiens & aux Turcs . Ces Nations
font aufli figurées par des Femmes , ayant leurs differens
Symboles . Pour Légende , autour , VIRTUTIS
IT JUSTITIE FAMA. Et dans l'Exergue , GERMAN
. ET RUSS . PAX CUM OTTOMAN . CONCILIATA
M. DCC . XXXIX . Les Coins de cette Médaille
ont été gravés par M. Marteau,
>
ESTAMPES NOUVELLE S.
Quatre Eftampes , grandeur d'm - 4° . en large, re
préfentant Enfance , l'Adolefcence , l'Age viril &
la Vieilleffe. Ces quatre Morceaux font très - ingénieufement
compofés par M. Cochin , le fils . Le
premier eft gravé par lui; le fecond, par M.Schmidt,
le troifiéme , par la Dlle Jeanne Renard Dubos , &
de quatrième , par M. Beauvais.
G iiij Ces
992 MERCURE DE FRANCE
Ces Eftampes fe vendent à Paris , ruë de la Vannerie
, chés Dupuis , Graveur du Roy , à l'Ange
S. Michel. On lit ces Vers au bas .
L'ENFANCE.
Enfans, qui dans vos Jeux voulez tout imiter
De ce Chat en maillot craignez la perfidie ;
De vous égratigner il n'aura pas l'envie ,
Tandis qu'il trouvera chés vous à profiter ;
Mais dès qu'il aura vû finir votre Bouillie
Sa griffe pourra bien terininer vos ébats .
Hélas ! pendant le cours de toute votre vie
Que vous rencontrerez de femblables ingrats !
L'ADOLESCENCE.
Jeune Beauté , que le plaifir décide ,
Vous pourriez bien ne trouver qu'un perfide
Dans cet Amant qui paroît fi flate ur.
Sans la fageffe il n'eft rien de folide ;
L'Epoux fouvent fait place au Séducteur.
Fuyez de l'Art la frivole impofture ,
Aimable Iris ; que la fipple Nature
Prenne le foin d'embellir vos apas ;
A dix-huit ans l'adreffe la plus fûre
Eft , felon moi , de n'en connoître pas.
L'AGE VIRIL.
Dans l'âge où la raiſon domine fur les fens ,
L'homme eft peu fatisfait des plaiſirs inutiles ,
MAY. 1741.
993
Et propre à des Sujets bien plus intereffans ,
Il préfere des Arts les recherches fubtiles .
Avide de fçavoir , curieux du nouveau ,
Il travaille , il invente , il calcule , il mefure ;
Et du vafte Univers l'admirable ſtructure
Se grave par l'étude au fond de fon cerveau.
LA
VIEILLESSE .
Que l'homme eft variable & rempli de foibleffe !
Le Vieillard accumule & cache avec grand foin
Des biens qu'il prodiguoit dans fa folle jeuneffe,
Et dont en un moment il n'aura plus beſoin.
La vieille , qu'à la fin le Monde congédie ,
De fes voeux importuns laffe les Immortels ,
Afin d'en obtenir des tréfors éternels
Qu'elle avoit négligés au Printems de ſa vie.
Le Public , qui a toujours reçû avec aplaudiffement
les Ouvrages du Sr Philipe le Bas , Graveur
du Roy , nous fçaura , fans doute , bon gré de lui
annoncer une nouvelle Eftampe qu'il vient de graver
d'après un petit Tableau en large du Sr Chantereau,
un peu moins grand que l'Eftampe . Elle eft
rendue avec toute l'intelligence & la précision pos.
fibles, & ce n'eft point être trop prévenu de regarder
tout ce qui fortira à l'avenir du Bu in de ce
Graveur , comme en poffeffion de plaire a toutes
les perfonnes de goût.
Le Morceau que nous annonçons ici repréſente
une petite Ville d'Allemagne , à l'entrée de laquel
le fe fait , par ordre , une diftribution de Grains &
GY de
994 MERCURE DE FRANCE
de Fourage au fec pour les Troupes de la Maiſon
du Roy. Le lointain y eft obfervé d'une façon
agréable , les fabriques en fout fingulieres , & annoncent
un Pays bien different du nôtre ; les Armoiries
du Souverain paroiffent fur la grande porte
de la Ville , avec l'Epée & la Croffe en fautoir, qui
paffent par derriere ( comme il n'en manque pas
d'exemples dans l'Empire. ) Enfin tout le sujet eft
difpofé d'une maniere nouvelle & extrêmement variée
, avec un grand nombre de figures qui paroisfent
toutes concourir à l'action principale. Il y a
grande aparence que cette Eftampe & fon Pendant,
auquel on travaille , augmenteront encore la réputation
du Graveur .
Cette Eftampe eft dédiée à M. le Duc de Villeroy
, Capitaine de la plus ancienne Compagnie
Françoife des Gardes du Corps du Roy. On la trou
vera chés le Srle Bas , de même que fes autres Ouvrages
, rue de la Harpe , vis - à - vis la rue Percée ,
chés un Fayencier.
La fuite des Portraits des Rois de France , des
Princes , des Grands Hommes , & des Perfonnes
Illuftres dans les Arts & dans les Sciences , continuë
de paroître avec fuccès chés Odieuvre , Marchand
d'Eftampes , Quai de l'Ecole ; il vient de
mettre en vente ceux de ,
EUDES , XXIX . Roy de France , mort à la Fere
le 3. Janvier 898. après 10. ans de Kegne , deffiné
par A. Boizot , & gravé par Et. Feffard.
JACQUES DAVI , CARDINAL DU PERRON , Archevêque
de Sens , Grand Aumônier de France, né
le 25 Novembre 1556. mort à Paris le 5 .
bre 1618. gravé par C. P. R.
Septem-
HENRI DE HARCOURT , Duc & Pair , Maréchal
de France , né le 2. Avril 1654. mort le 10. Octobre
1
MAY. 995 1741.
bre 1718. peint pár Hyacinte Rigaud , gravé pap
Chereau , le jeune.
LOUIS , DAUPHIN DE FRANCE , peint par Tocqué,
& gravé par Balechou.
Il paroît depuis peu une Carte intitulée ,
Carte d'une partie de l'Amérique
comprenant
au Nord au Sud toutes les Illes Côtes , avec une
partie de l'intérieur des Terres depuis la Baye d'Hud
fonjufqu'à l'Ile de Cayenne , & de l'Eft à l'Ouest depuis
Cayennejufqu'à 2. degrés & demi à l'Occident
de Mexico , réduite en trois feuilles de la Carte Angloife
, publiée par M. Henry Popple en 1733. à Londres
, en 20. feuilles , avec quelques corrections o
augmentations , par Philipe Buache..
On diftribue actuellement la premiere Partie de
cette Carte , qui contient les Pays compris depuis
Cayenne jufques au fond du Golfe de la Louifiane ,
& jufques à la Floride , c'eft à- dire ceux qui font
les plus intéreffans pour la fituation actuelle des affaires.
La feconde fuivra inceffamment . Cette. premiere
Partie, ' compofée d'une feuille & demie , étant
jointe à la feconde , elles formeront un quarré de
2. pieds 9 pouces environ de largeur , fur 2. pieds
II. pouces de hauteur , où l'on verra tout ce qui fe
trouve fur la Carte de M. Popple , dont les 20 feuil
les forment un quarré d'environ 7. pieds en tout
fens.
L'Auteur de cette réduction a repréſenté féparé
ment fur plufieurs feuilles in 4° . les Plans des Ports,
Rades & petites Illes qui font dans la bordure de la
Carte Angloife. Il y a ajouté les Cartes particulieres
de la Jamaique & d'Antigoa , & compte joindre
à la feconde Partie plufieurs autres femblables
petites Cartes particulieres , foit des Colonies Angloifes
, foit des autres Endroits , dont le détail ne
pourroit G vj
996 MERCURE DE FRANCE
pourroit être marqué fur la Carte , & qui eft cepent
dant de quelque importance.
Le même Auteur a publié en 1739. une Carte
du Voyage aux Terres Auftrales , entrepris par les
ordres de la Compagnie des Indes , une des Lieux
où l'on a fait des Obfervations , qui déterminent
la longueur du Pendule , & une autre du Lac de
Genêve & des Pays poffedés par la République de
Genêve .
Ces Cartes & Plans fe trouvent à Paris , Quai de
la Mégiferie près le Pont-Neuf.
Le fieur Robert , Geographe ordinaire du Roy ,
Eleve & Legataire du feu fieur Sanfon , vient de
donner au Public une Carte d'une grande feuille
de l'ancienne Gaule Latine & Françoife , accompagnée
d'uneTable qui en indique toutes les differentes
divifions.
Il vient de publier auffi une Carte pour la premiere
Race de nos Rois , avec une Table qui fait
connoître les Etats de. Clovis à fa mort , & le partage
qu'en fit ce Prince à fes quatre Fils , felon les
Sentimens du P. le Cointe & de M. l'Abbé Lebeuf.
Le même Auteur vient auffi de mettre au jour les
quatre Parties du Monde pour la Géographie mo
derne. Ces Cartes font très - belles & très - inftructives
; elles font accompagnées de Tables qui donnent
une belle connoiffance de la Géographie Af
tronomique , Naturelle , Hiftorique , Politique ou
Civile , par le moyen defquelles on connoît les divifions
de ces Parties du Monde , les differentes
Religions qui y font en ufage , & les differentes
Langues qui s'y parlent.
Toutes ces Cartes font tirées du fonds des Sieurs
Sanfon , des Relations & Memoires les plus récens,
& conformes aux Obfervations Aftronomiques.
L'Auteus
MAY. 17413 997
L'Auteur demeure fur le Quai de l'Horloge du
Palais , proche la rue de Harlai . On trouve chés
lui toutes les Cartes & Tables Méthodiques , & gé.
néralement toutes les Oeuvres des Sieurs Sanfon
dont le fonds eft de plus de 600 Planches , & pluheurs
Traités de Géographie.
Le fieur le Maire Maître de Mufique à Paris ,
vient de donner au Public les nouvelles Cantatillesfuivantes.
Pfyché , pour un Deffus avec Symphonie.
L'indifference , pour un Deffus fans Symphonie.
Sapho , pour un Deffus avec Symphonie.
Europe , pour un Deffus fans Symphonie.
La Fête de Nanette pour un Deſſus avec Symphonie.
Le Triomphe de Bacchus , pour une Baffe - Taille,
idem .
Le prix de chaque Cantatille eft de 24. fols , partition
in 4°. gravée.
On trouve aux adreffes fuivantes 3 3.autres Cantatilles
avec accompagnement de Mufettes , Flûtes
Violons & Hauts -bois , ce qui forme en tout 39.
Cantatilles au même prix.
Six Livres de Motets à voix feule avec accompagnement
& fans accompagnement , à 30. fols
piéce , & deux Recueils d'Airs , prix 5. liv. 8. fols.
On trouve tous ces Ouvrages chès l'Auteur au bas
du Pont S. Michel chés M. Chauvin Chirurgien ,
Au Mont Parnaffe rue Saint - Jean de Beauvais, chés
Ballard le Fils à Sainte Cecile au bas de la rue St
Jean de Beauvais , où l'on trouve toute forte de
Mufique Françoife & Italienne ; A la Regle d'Or
rue S, Honoré , & à la Croix d'Or ruë du Roulle ”,
& à Lyon chés le fieur de Bretonne ruë Merciere.
ya eu à Paris cette année dans le commences
ment.
998 MERCURE DE FRANCE
ment du Printems beaucoup d'Apoplexies . Les
Medecins y ont employé avec fuccès les Gouttes
du Général la Motte. Ce Reméde qui eft
un Elixir d'Or , furpaffe par fa force , dans ces maladies
, le Lilium & les autres Remedes ordinaires.
Ces Gouttes font cordiales , ftomachiques & diuré
tiques ; c'eft pourquoi elles réuffiffent dans toutes
les maladies caufées par des obftructions & par
l'épaiffiffement du fang & des humeurs Elles produifent
furtout des effets merveilleux , lorfque les
maladies viennent d'un fang ou fcorbutique , ou
gangrené , ou infecté de virus .
M. de la Motte , Géneral d'Artillerie du Prince
Ragotzi , avoit du goût pour la Chimie : il aprit
pendant fon féjour en Allemagne la compofition de
ces Gouttes , d'un Chimifte Allemand . Depuis ,
étant mort en France , il a laiffé ce fecret à Madame
de la Motte fa veuve , qui continue à faire préparer
ces Gouttes , à Paris , à l'Hôtel de Longueville,
rue S. Thomas du Louvre.
On avertit le Public que le fieur Granier du Pont
au Change , qui feul poffede le véritable fecret de
teindre les Diamans tant en fin qu'en faux ; de colorer
les Feuilles d'Argent qui fervent à mettre fous
ces mêmes Diamans orfqu'ils font teints , de faire
la Poudre d'Or & la Feuille blanche , va fe retirer
à Befiers , en Languedoc. Ceux qui auront befoin
des chofes dépendantes de fon talent , pourront s'adreffer
en droiture audit fieur Granier en la Ville
de Befiers , ou bien a Paris à la Place Dauphine a
l'Enseigne du Coq , chés le fieur Bellanger Marchand
Orfévre , & fur le Quai des Morfondus , chés
le fieur Mocquin , Marchand Privilégié à l'Enseigne
du Roy de Siam. Les Feuilles teintes , en s'adreffant
directement au fieur Grapier , ne feront vendues
qu'à
MAY 1741. 99
qu ' raifon de trente fols la Feuille ; & aux deux
autres Adreffes à Paris , elles feront vendues quarante
fols.
On nous prie d'avertir le Public qu'il y a une
nouvelle Fabrique de Biere faite fans Grain , & autorifée
par un Brevet & Privilege exclufif du Roy.
Les difficultés qu'on a d'abord faites contre cette
nouvelle Manufacture , & les attentions extrêmes
qu'on a eues pour s'affûrer que cette boiffon étoit
faine , & nullement nuifible à la fanté , doivent raffûrer
le Public contre tous les bruits que l'on a p
faire courir à fon défavantage ; elle a été aprouvée
des Medecins & Apoticaires nommés pour cet exa- .
men par la Cour : Le débit confidérable qui s'en
fait,eft une preuve que cette liqueur eft auffi agréable
qu'utile ; elle fe vend à la Brafferie Royale, Faubourg
S. Antoine près le Trône ; le prix eft de 32.
livres le muid. Les perfonnes de Province qui en
fouhaiteront , pourront s'adrefler au feur Richard
fils , Marchand Epicier rue S. Antoine à Paris , quileur
en fera les envoys à ce prix , & fans autres
frais que celui de la voiture .
•
CHANSON
Mon coeur avoit formé le deffein téméraire
De ne jamais fe laiffer enflammer :
Mais , Lucinde , ce coeur à l'Amour fi contraire ,
Avoüant que les Dieux vous ont faite pour plaire ,
Sent bien en même-tems qu'ils l'ont fait
meri
pour ai
Menuos
TO MERCURE DE FRANCE
Menuet Bacchique.
A Voir du bien ,
L'Efprit , le corps fain ,
C'eft dans la vie
Des points dont il faut jouir ,
Pour la paffer avec plaifir :
Loin de la Cour , vivre fans envie ;
Chés foi toujours bonne Compagnie ;-
Je préfere , ma foy ,
Ce deftin à celui d'un grand Roy.
*
Cinq ou fix Platg
Fins & délicats , "
Rien davantage ,
Trop de mêrs ne doivent pas
Faire la bonté d'un repas :
Que les bons mots y foient en ufage ;
Qu'on foit badin , mais que l'on foit ſage ;
Que d'un vin excellent
On boive à petit coup , mais fouvent
*
Que l'on n'y foir .
Jamais à l'étroit ,
C'est une gêne ;
Qu'on n'y faffe point d'excès ,
Qu'on
7
4#11
t
9.
THE NEW YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR, LENOX AND
དང་ ཚོགས་ པ INDATION8 .
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONF
MAY. 17413 100 %
Qu'on n'yfouffre point de Valets :
N'être jamais que demi -douzaine ;
Se voir ainfi fept fois la ſemaine
Qui défire la mort ,
Jouiffant d'un tel fort ,
A grand tort.
Les paroles & la Mufique font de M. Fa
vier, Maître de Ballet en Saxe.
****************
SPECTACLE S.
EXTRAIT de la Tragédie de Nitétis,
Piéce nouvelle , repréſentée par l'Académie
Royale de Mufique le 11. Avril dernier
annoncée dans le Mercure du même Mois.
E fujet de Nitétis avoit été traité & mis
au Théâtre François par M. Danchet ,'
de l'Académie Françoife , avec beaucoup de
fuccès on peut voir l'Extrait que nous en
avons donné dans le Mercure de Mars en
1723. page 566. On y trouvera le même fujet
, mais traité differemment;dans la Tragé
die en queftion , Cambifes , fils de Cyrus ,
avoit déja remporté fur Amafis , Ufurpateur
du Trône d'Apriés , cette célébre victoire
qui
1001 MERCURE DE FRANCE
qui unit l'Empire des Egyptiens à celui des
Perfes ; au lieu que dans celle qu'on a miſe
en Mufique, Cambiſes eft caché dans Memphis
fous le nom d'Agenor;& n'épouſe Nitétis,
fille d'Apriés, qu'après avoir vaincu Amafis
. Voici l'Extrait de cette Tragédie Lyrique..
Au Prologue , le Théâtre repréſente le Palais
de la Tyrannie. On voit un antre dans
le fond. La Tyrannie , fur un trône de fer
environnée des Miniftres de fa fureur , com
mence le Prologue par ces Vers
Nous avons renversé les Loix
Des climats que le Nil arrofe de fon Onde';
Nous en avons chaffé les légitimes Roisy
Celui dont nous avons fait choix
Regne dans une paix profonde ;-
Volons à de nouveaux exploits.
On voit par cette expofition, que le Prologue
tient à la Piéce . Les Choeurs répétent le
dernier Vers, & s'animent à ravager tous les
Climats qu'ils vont parcourir , pour en chaffer
la Juftice. Thémis paroît dans un Char
& adreffe ces paroles à la Tyrannie .
Connois Thémis ; tremble à fa voix
Il eft tems de punir tes crimes ,
Et de tes barbares maximes
Faire enfin triompher mes Loix.
Connois Thémis , tremble à fa voix.
La
MAY. 17413 1003
La Tyrannie & fa fuite veulent envain réa
fifter à Théis ; Jupiter qui protége la Juftice
lanc : le tonnerre , & les fait abîmer
dans les Enfers. Le Théâtre change & repréfente
une Campagne riante ; à la voix de
Thémis, les heureux habitans de ces Lieux,où
gegne l'innocence , forment la Fête de ce
Prologue ; leur Divinité tutelaire les invite
à continuer leurs Jeux, par ces Vers , qui annoncent
la Tragédie de Nitétis.
Ne croyez pas que la Sageffe
Soit contraire aux Amours ;
Il en eft d'innocens , pour qui je m'intéreffe ;
Je vole en cet inftant , je vole à leur fecours.
Au premier Acte , le Théâtre . repréfente
les bords du Nil , & dans l'éloignement la
Ville de. Memphis. Cambifes fils du Grand
Cyrus , fous le nom d'Agenor , ouvre la fcé
ne avec Phanès, Seigneur Egyptien, autrefois
Favori du feu Roy Apriès , fur qui Amafis
a ufurpé le trône d'Egypte. Phanès repréſente
à Cambifes qu'un plus long séjour à Mem
phis peut l'exposer à être reconnu pour
le
Roy des Perfans , & qu'il doit tout redouter
de la part du Tyran , quoiqu'il l'ait fait triom
pher des Ethiopiens. Cambyfes lui répond
que c'eft l'amour qui le retient dans Memphis
, où il n'étoit venu que par le defir
d'y
1604
MERCURE DE FRANCE
d'y voir Nitétis, fille d'Apriès , dont la beauḍ
té & les vertus, chantées par la Renommée ,
l'avoient attiré auprès d'elle ; il fait connoître
qu'il l'aima du moment qu'il la vit ; if
ajoute qu'il ne partira de Memphis qu'après
avoir brifé fes fers : il le confirme par ce ferment
adreffé au Soleil , Dieu tutelaire de la
Perfe :
5
Dieu tout-puiffant , que la Perfe révére ,
Ecoute-moi , fuspends ta brillante carriére ,
Pour renverser du Trône un Tyran odieux ,
Mets dans mes mains tes traits victorieux.
Le Monftre qui vouloit obfcurcir ta lumiere ,
Fut par ces mêmes traits percé du haut des Cioux }
Que ton Flambeau divin éclaire
Mon triomphe en ces Lieux .
Cambiles, après avoir annoncé la Fête qué
les Egyptiens vont célébrer à la gloire du
Dieu du Nil , fe joint à Amifis & à Nitétis ,
fuivis d'Araftis , Grande Prêtreffe d'Ifis , de
Peuples , de Bergers , de Moiffonneurs &
de Matelots.
Après la Fête, qu'on a trouvée très-brillan
te , les Eaux du Nil s'enflent ; on entend un
bruit fourd & terrible , qui a fait beaucoup
d'honneur à l'Auteur de la Mufique. L'Acts
finit par ces Vers que la Grande Prêtreffe
shante :
L'Egypte
MAY. 1741 1009
L'Egypte eft menacée , & le Nil en courrou
Rejette notre encens ; il condamne nos Fêtes ;
Puiffante Ifis , écarte ces tempêtes ,
Nous t'implorons , protege- nous.
Au fecond Acte , le Théâtre repréfente Ig
Temple d'Ifis ; le Sanctuaire en eft fermé.
Nitétis commence ce fecond Acte ; elle
fe plaint de fon fort; elle plaint les Egyptiens
qui lui font encore chers , quoiqu'ils ayent
trahi Apriès,fon pere ; elle fait connoître la
fituation de fon coeur par ces Vers :
Sans ceffe abandonnée aux plus vives allarmes ,
Mes yeux , n'êtes- vous faits que pour verser des
larmes ?
Quand je livre mon ame aux premieres douceurs
D'un amour qu'un Héros m'inspire ,
On me menace encor du plus grand des malheurs"
Un Barbare , un Tyran à mon Hymen aspire
Dieux , Protecteurs de cet Empire ,
Soyez touchés de mes malheurs.
· ...
Cambifes vient fe plaindre avec Nitétis
d'un malheur que leur amour leur rend commun.
Nitétis raffûre fon Amant par tout
ce que l'Amour peut lui infpirer de plus
tenures; ils fimillent cette Scéne par ce Duo
Rien ne peut
1
éteindre ma flamme & c.
Уоце
1
1006 MERCURE DE FRANCE
Vous régnez dans mon ame ;
Vous y regnerez à jamais.
Amafis fuivi de fa Cour , des Mages &
des Peuples , vient disposer Nitétis à accepter
le don de fon Trône , & l'hommage de
fon coeur ; Nitétis lui dit que le Temple
s'ouvre , & que les Dieux vont répondre
Pour elle.
Araftis vient implorer Ifis ; les Peuples fecondent
fon zéle. Après un enthouſiaſme trèsbien
compofé , Araftis prononce cet Oracle
Egypte , le Ciel te dédaigne ;
Il ferme P'oreille à tes voeux ;
Ton deftin fera malheureux
Si le Sang d'Apriès ne régne.
Cet Oracle qui fait le noeud de la Piéce ;
donne de nouvelles efpérances à Amafis : il
presse Nitétis d'obéir aux Dieux ; elle lui
répond que ce n'eft pas à lui d'interpréter
leur réponſe ; elle lui reproche le meurtre de
fon pere , & le quitte.
Amafis balance quelque tems entre l'amour
& la vengeance ; l'amour l'emporte ;
il va tout préparer pour fon Hymen.
Au troifiéme Acte , le Théâtre repréſente
une Galerie digne de la magnificence des
Rois d'Egypte.
Nitétis aprend de Phanès qu'Amafis veut
que
MAY. 1741. 1007
de l'Hymen d'Agenor avec fa foeur Palmire
it célébré fur le même Autel , que le fien
vec ce Tyran ; elle en conçoit quelque jas
Dufie , que Phanès détruit par ces Vers :
nitez d'Agenor l'amour & la conftance ;
Rien ne peut l'ébranler :
Si vous prétendez l'égaler ,
Imitez encor fa prudence.
Amafis fuivi de fa Cour & des Peuples ;
fent offrit fa main & fa Couronne à Nitétis ,
pour exécuter la volonté des Dieux ; les Peuples
forment cette Fête qui eft des plus brilantes
. Après la Fête , Amafis envoye les
Peuples dans le Temple pour y être témoins
de fon Hymen avec Nitétis : Cette Princeffe
dans cette Scéne fait éclater contre lui toute
Phorreur que cet Hymen prétendu lui inspire.
Amafis transporté de colere , la fait conduire
en Prifon. Il finit cet Acte par ces
Vers :
Plus de clémence ;
Que la vengeance
Lance des traits .
Brifons la chaîne
De l'inhumaine
Et que mabaine
Dure à jamais.
La
1008 MERCURE DE FRANCE
Le Théâtre repréfente au quatrième Acto
une Priſon.
Niteris , emprisonnée par ordre d'Amafis ,
fe confole de fa captivité par le fouvenir de
fon amour ; elle voit entrer un Efclave dans
fa prifon ; elle croit qu'il vient lui donner la
mort ; elle s'avance au - devant de fes coups ;
mais le prétendu Miniftre d'Amafis eft fon
cher Agenor , qui vient l'assûrer qu'il périra
pour elle , & que Phanès dispose tout pour
la fauver. Cette Scéne a beaucoup intéreffé .
Araftis vient dire à Agenor que fa préſence
嫩
eft néceffaire dans Memphis pour calmer le
" Peuple qui ne veut plus combattre contre
des ennemis qui s'avancent contre Amafis
, à moins qu'il ne commence par brifer
les indignes fers dont il a chargé la fille d'Apriès
. Agenor fe retire , après avoir assûré Nitétis
qu'il remplira le devoir que fa gloire &
l'Amour lui impofent.
Nitétis prie Araftis de lui révéler quel fera
fon fort & celui de fon fidéle Agenor. Araftis
apelle les Génies Elementaires; ils obéiffent
à fes ordres ; La Prêtreffe , éclairée par
leurs enchantemens,finit ce quatriéme Acte
par cette prédiction :
Je vois un Guerrier furieux
Tomber fous les efforts d'un bras victorieux j
Qu'entens-je ? quels cris d'allegreffſe !
Un
MAY. 1741 1009
Un inconuu triomphe , & tout céde à fes coups ;
Nitétis tombe à fes genoux.
Au dernier Acte , le Théâtre repréfente le
Palais d'Amafis.
Nitétis reconduite par l'ordre d'Amafis -
dans le Palais , ne fçait pour qui former des
voeux dans la Bataille qui fe donne entre les
Perfans & les Egyptiens. Elle trouve Amaſis
indigne de la protection des Dieux , mais
elle perd Agenor, fi Cambiſes eft victorieux .
Araftis vient lui apprendre ce qui s'eft paffé ;
elle lui dit qu'Agenor fuivi du feul Phanès
s'eft ouvert un paffage à travers les rangs en
nemis , & qu'il a disparu aux yeux des Egyptiens.
Nitétis ne doute point qu'Agenor
n'ait péri.
Les Egyptiens & les Perfans entrent fur la
Scéne , & font entendre par leurs Chants ,
qu'Amafis eft mort, & que Cambifes triomphe
; elle veut fe percer d'un poignard dont
elle s'eft armée ; Agenor lui retient le bras ,
& fe fait connoître pour Cambifes . Les Perfans
& les Egyptiens les reconnoiffent tous
deux pour leur Roi & pour leur Reine ; &
Araftis leur fait entendre que ce n'eft que
par leur Hymen que l'Oracle doit être accompli
; les deux Peuples réunis témoignent
leur allegreffe par leurs Chants & par leurs
Danfes qui terminent la Piéce.
H Le
1010 MERCURE DE FRANCE
Le 28. Avril la même Académie donna la
dixiéme & derniére Repréſentation de cette
Tragédie ; & le 30. on remit au Théâtre
.celle d'Amadis de Gaule , dans laquelle la
Demoiſelle Le Maure a joué fon Rolle d'Oriane
avec de nouveaux aplaudiffemens .
La même Actrice a donné lieu aux Vers
qu'on va lire.
Tiran des Arts , Public infatiable ;
Que tu fçais mal ménager ton plaifir ?
Tu voudrois voir Le Maure , infatigable ,
Sans ceffe enchanter ton Loifir.
Qu'injuftement tu lui cherches querelle !
Deux mois au plus on entend Philomele.
Entoufiafmefur la même.
Quels fons brillans s'élancent vers les Cieux à
Je me fens enlever de ce féjour terreftre ;
Je les fuis dans les Airs jufques au fein des Dieux
Ofes-tu bien , profane Orqueftre ,
Par tes inutiles accords
De fa pompeufe voix offufquer l'harmonie
Voi l'Amour en fes yeux , qui , par de doux refforts
Accompagne fes fons , échauffe ſon génie.
Quels fons ! Grands Dieux ! qu'ils font beaux &
touchans !
De l'Olympe furpris ils étonnent la Voute ;
Des Enfers attendris ils charment les tourmens ?
U
MA Y. 1741 ΙΟΙΣ
Un éclat de fa voix me porte fur la route
De l'immortelle Volupté.
Dans ces heureux momens , en dépit de la Parque ,
Je brave la fatale Barque ;
J'afpire à l'immortalité.
Le 5. May , les Comédiens François remirent
au Théâtre la Comédie des Ménechmes,
& celle de l'Oracle , dans lefquelles la Demoiſelle
Darimath , nouvelle Actrice , joia
pour la premiere fois le Rolle d'Araminte
dans la premiere Piéce , & celui de la Fée
dans la feconde , avec aplaudiffement . Elle a
encore joué depuis le Rolle de Belife dans la
Comédie des Femmes Sçavantes , celui de
Mad. Julienne dans le Mari retrouvé, & celui
de la Comteffe dans le Joueur, au gré du Public.
Le 12. les mêmes Comédiens donnerent
une Piéce nouvelle en Vers & en cinq Actes
, intitulée Mélanide , de M. de la Chauf,
fée , de l'Académie Françoife , laquelle a été
généralement aplaudie par les grands Connoiffeurs.
On en donnera l'Analyſe dans le
prochain Journal.
Le 19. ils donnerent la Comédie du Tartuffe
, & le Galand Jardinier. La Demoiſelle
Bercavile , autre Actrice nouvelle , joüia pour
la premiere fois le Rolle de Dorine dans la
premiere Piéce , & celui de la Bohémienne
joüant des Gobelets , & chantant quelques
Hij Chanfo12
MERCURE DE FRANCE
Chanfons dans la feconde ; elle a la voix fort
jolie , & a été aplaudie,
Le 18. les Comédiens Italiens donnerent
une Comédie nouvelle Italienne en 3. Actes,
intitulée le Divorce d' Arlequin & d'Argenti
, dans laquelle la Dlle Silvia , dont tout le
monde connoît les heureux talens , joüa un
Rolle de Suivante avec toutes les graces, la vivacité
& l'intelligence convenables. Cette
Picce eft dans le vrai goût Italien,par'un continuel
jeu de Théâtre très - bien exécuté par le
nouvel Arlequin,dont les talens font toujours
goûtés,, & par tous les autres Acteurs. Il y
cut après la Comédje un Divertiffement Pantomime,
intitulé Les Fleurs, dans lequel l'Arlequin
danfa un Pas de deux avec la Demoifelle
Thomaffin , qui a été généralement
aplaudi ; en ignoroit que ce nouvel Acteur
poffédoit encore le talent de la Danfe.
Le 20. les mêmes Comédiens donnerent
une autre Piéce nouvelle Italienne en cinq
Actes , qui a pour titre , Arlequin & Scapin
voleurs, Ces deux Acteurs ne s'occupent
pendant toute la Piéce qu'à inventer de nouvelles
fourberies pour voler , & ils y réuffiffent
parfaitement par divers tours d'adreffe
qui donnent lieu à beaucoup de laxis & de
jeux de Théâtre de la part de ces Acteurs ,
qu'ils exécutent parfaitement. La Comé
die
MAY. 1741 .
1013
die eft terminée par un très-joli divertiffement
nouveau , exécuté par les Acteurs de la
Troupe. Les Pas de la Danfe sont de la compofition
du Sr Riccoboni , & la Mufique du
Sr Blaife.
**************************
NOUVELLES ETRANGERES.
Odernier ,
RUSSIE.
N mande de Petersbourg du premier Avril
, que la Princeffe Régente , fur l'avis
des mouvemens que les troupes du Roy de Suede
font en Finlande , a envoyé ordre au Feldt - Maréchal
Lefcy , qui étoit en Livonie, de fe rendre à Wybourg
, afin de prendre le Commandement des troupes
qui s'affemblent dans les environs de cetteplace.
Le 20 Mars dernier , le Prince Antoine Ulrich
de Brunswik Bevern , pere du Czar , prit féance au
Confeil du Cabinet , & il fut nommé le même
jour Colonel Commandant du Régiment des Gardes
Préobrazinsky. Ce Prince , depuis la détention
du Comte Erneft Biron , s'eft apliqué à acquerir
une parfaite connoiffance des affaires de cette Monarchie
, & il a eu pour cet effet de fréquentes conférences
avec le Comte d'Oitermian .
Le Comte Erneft Biron déclara il y a quelque
tems à fes Commiffaires , que n'ayant plus aucun
intérêt de garder le filence fur piufieurs Faits dont
il étoit inftruit , il avoit réfolu de les découvrir à la
Princeffe Régente , & depuis il a compoſé un Mémoire
fort étendu , par lequel il affûre qu'il n'eft
pas le feul qu'on ait pû accufer d'avoir formé des
deffeins trop ambitieux, & que plufieurs autres per-
Hiij. fonnes
To14 MERCURE DE FRANCE
fonnes avoient des vûës très - préjudiciables aux interêts
du Czar. Il ajoûte que ces perſonnes ne ſe
font réjouies de fon malheur , que parce qu'elles
efpéroient de ne plus trouver d'obſtacle à l'exécu
tion de leurs projets. Aprés un détail circonftancié
de tout ce qui s'eft passé pendant la maladie de la
Czarine , tant par raport au Reglement de la Succeffion
, que par raport à l'adminiſtration des affaires
, il parle de plufieurs Assemblées tenues fecrettement,
& dans lefquelles , fous prétexte d'agir pour
la Princesse Régente , on projettoit de l'éloigner
du Gouvernement . Il prétend que quelques-uns de
ceux qui ont marqué le plus de haine contre lui
depuis la mort de la Czarine , ont été les premiers
à lui confeiller de fe faire déclarer Régent de Mofcovie.
Un grand nombre d'intrigues , qui jufqu'à
preſent avoient été cachées , font dévoilées dans ce
Mémoire , & toutes les perfonnes qui y ont eu
part , y font nommées .
On a reçû avis que les Comtes Charles & Guſtave
Biron étoient arrivés à Tobolska.
L
ALLEMAGNE.
Es avis de Vienne portent qu'un Aga a aporté
avec la ratification du Reglement des Limites
entre les Etats du Grand Seigneur & ceux de la
Reine , fignée par Sa Hautesse , une lettre le
que
Grand Seigneur a écrite à la Reine , la féliciter
ſur ſon avénement au Trône . L'Ambassadeur
de Sa Hautesse doit remettre l'une & l'autre à S.M.
auffitôt qu'elle fera relevée de fes couches.
pour
Par la Convention concluë entre le Grand Sei
gneur & la Reine pour le Reglement des Limites ,
Ja Reine cede à Sa Hautesse le Vieux Orfova &
quelques Villages de Croatie ; & le Grand Seigneur
de
MA Y. 1741.
1015
de fon côté cede à S. M. deux Inles du Danube.
M. Lanczinski , Miniftre du Czar auprès de la
Reine , s'eft rendu chés le Comte de Sinzendorf,
pour l'assurer que S. M. Cz . étoit difpofée à fournir
un Corps de troupes auxiliaires à la Reine .
Le bruit court que le Feldt-Maréchal Comte de
Munich , pendant le tems qu'il a eû part aux affaires
, a paru être beaucoup plus porté pour les interêts
du Roy de Prusse , que pour ceux de la Reine;
& que ce n'eft que depuis qu'il a donné fa démiffion
de fes Emplois , que le Confeil du Czar s'eft
déterminé à fournir des fecours à S. M.
Quelques lettres de Vienne marquent que les
conditions propofées par le Roy de la Grande Bretagne,
pour procurer un accommodement entre la
Reine de Hongrie & le Roy de Prusse ,
font que
toute la Haute Siléfie demeure à la Reine, & qu'elle
abandonne la Basse Siléfie au Roy de Prusse , qui
lui payera une fomme confiderable pour indemnité;
que S. M. Pr. s'engage folemnellement à la défenſe
des Etats de la Maiſon d'Autriche, s'ils étoient atta,
qués, & qu'il tienne pour cet effet un Corps de trou
pes prêt à marcher , dès que les interêts de la Reine
de Hongrie l'exigeront. Le Roy de la Grande
Bretagne propofe auffi de ftipuler dans le Traité ,
que les Proteftans de la Haute Siléfie jouiront de
plufieurs Privileges qui leur avoient été accordés
par le Traité d'Alt-Ranftadt.
Le Feldt - Maréchal Comte de Neuperg a mandé
à la Reine le 14. du mois dernier , que l'Armée
qu'il commande étant arrivée le premier du même
mois à Hermanftadt près de Zuckmantel , il y avoit
apris par des Deferteurs Pruffiens , que le Roy de
Prusse , fur l'avis de la marche des troupes de la
- Reine , avoit retiré des Frontieres de la Siléfie les
troupes qu'il y avoit fait avancer & qu'il avoit •
Hiiij diftri116
MERCURE DE FRANCE
diftribuées dans differens poftes ; que le 3. l'armée
de Sa Majesté avoit été obligée de passer par un
défilé fort étroit , & qu'elle n'avoit på fe rendre
que le 4 après midi à Kunzerdorff, que les efpions
ayant raporté que 1800 Pruffiens , qui étoient à
Ziegenhals , en étoient fortis pour aller joindre le
Roy de Prusse , 300. Hussards avoient été détachés
pour les inquiéter dans leur marche , mais qu'il n'avoient
pû les joindre ; que le même jour les Villes
de Troppau , de Jagerndorff & de Ratibor avoient
été abandonnées par les Pruffiens , qui avoient ravagé
les environs des deux premieres de ces Places,
& qui en avoient emmené tous les Beftiaux ; que le
6 , fur la nouvelle qu'on reçût que les ennemis
avoient jetté un Pont fur la Neiff , & qu'ils fe difpofoient
à paffer cette Riviere , il avoit été réfolu
dans un Confeil de Guerre auquel tous les Géneraux
avoient affifté , de leur difputer le paffage; que
les Pruffiens n'avoient plus voulu le tenter , dès
qu'ils eurent vû la plus grande partie de la Cavalerie
de l'Armée de la Reine s'avancer fur le bord de
la Riviere , mais qu'étant décampés la nuit , ils
avoient paflé le lendemain la Neiff , avant qu'on
pût les joindre; que l'Armée de la Reine l'avoit paffé
auffi le même jour , & que le Général Berlinchen
s'étoit emparé le 8.de la Ville de Grotkau, où il avoit
trouvé 900. hommes, qui avoient été faits prifonniers
de guerre ; que le 9 , toute l'armée étoit arrivée à
Grotkau, & qu'elle devoit le lendemain continuer la
marche pour attaquer l'Armée du Roy de Prufſe.
Le 15. la Reine aprit qu'il y avoit eu une action
très- vive entre les troupes de S M. & celles du Roy
de Pruffe. On n'étoit pas encore inſt uit du détail
de cette Bataille , on fçavoit feulement qu'il y a eu
beaucoup de monde de tué de part & d'autre , & que
les troupes de S. M , après avoir combattu avec une
extrême
MA Y. 1741. 1017
le
extrême valeur , fe font retirées entre Neiff & Brieg'
Le Comte de Neuperg a été blessé légerement'
& le Prince de Birkenfeldt a été tué , ainfi que
Géneral Grune , & le Major Géneral Lentulus.
On a apris depuis les principales circonstances de
cette action.
L'Armée de S. M. ayant marché le ro. vers
Ohlau , pour tâcher de s'en emparer , on découvrit
les ennemis qui s'avançoient en ordre de bataille ,
& pendant que le Comte de Neuperg fit les difpotions
nécessaires pour le combat,l'artillerie de l'aîle
droite de l'armée Pruffienne incommoda beaucoup
les troupes que ce Général faifoit défiler du côté
de Mollvitz , pour former fon aîle gauche.
Le Géneral Romer , qui commandoit ces troupes;
voulant rallentir la vivacité du feu dé fès ennemis ,
fe mit à la tête de la Cavalerie , & attaqua celle de
l'aîle droite de l'armée ennemie , qu'il renverfa . It
tenta enſuite à plufieurs reprifes d'enfoncer l'Infanterie
Pruſſienne ; mais elle foûtint tous fes efforts
avec tant de valeur , qu'il ne pût remporter fur elle
d'autre avantage , que de lui entever cinq piéces de :
Canon.
Le Géneral Romer ayant été tué , & la Cavale--
lerię s'étant trop avancée pour pouvoir être foûtenuë
par le Comte de Neuperg , elle fut obligée de
fe retirer. L'Infanterie , qui étoit au centre , étoir
attaquée vivement pendant ce tems par la plus
grande partie de l'Infanterie , & par plufieurs Efcadrons
des ennemis , & n'étant foutenue par aucune
Cavalerie , elle avoit beaucoup de peine à réfuter àª
la fuperiorité du nombre.
Le Comte de Neuperg , pour la fecourir fir passer
de l'âîle droite à la gauche quelques Régimens de
Cavalerie , qui chargerent celle des ennemis , &
qui la mirent une feconde fois en défordre. Ce ſe--
Hr. cond!
1018 MERCURE DE FRANCE
cond avantage remporté par la Cavalerie de la Reine
fur celle du Roy de Prusse , auroit eû peut-être
des fuites plus heureufes , fi plufieur Régimens de
l'Infanterie Autrichienne ne s'étoient trouvés dans
une fituation défavantageufe, qui ne leur permit pas
d'agir comme leComte de Neuperg l'auroit fouhaité..
La nuit ayant fait cesser de part & d'autre le
combat , l'armée de la Reine fe retira en bon ordre
à Grotkau , & le 11. elle fe replia fous la Ville de
Neiff , dans les environs de laquelle elle s'eft cantonnée.
Elle a été contrainte , faute de chevaux
d'abandonner quelques Pontons & un assés grand
nombre de chariots , de munitions , avec fix de ſes
canons , & quatre de ceux qui avoient été pris aux
Pruffiens.
à
?
La perte
des troupes
de la Reine monte
environ
3500. hommes
, en comptant
les blessés
, & le
Baron de Goldl , Lieutenant
Feldt-Maréchal
a été
tué , ainfi que le Comte
de Lanoy
, Colonel
. Il y a
eû beaucoup
d'Officiers
Géneraux
de bleffés
, & de
ce nombre
font le Prince
de Birckenfeldt
, & les
Majors
Géneraux
Brown
, Grune , Kail , Lentulus
& Franckemberg
.
Le Comte de Neuperg a mandé à la Reine , qu'il
faifoit travailler avec toute la diligence poffible à
réparer & à augmenter les fortifications de Neiff ,
afin que cette Place foit en état de faire une longue
réfiftance , fi le Roy de Pruffe vouloit en entreprendre
le hége .
RATISBON NE.
Es Lettres de cette Ville du 17.du mois dernier
que le miniftre qui y de part
PElecteur de Cologne , a communiqué à la Diette
un Reicrit que ce Prince a envoyé à fon Miniftre à
Vienne , & par lequel it bui ordonne de déclarer aux
autres
MAY. 1741 1019
autres Miniftres Etrangers qui s'y trouvent , que
quoiqu'il fe foit déterminé à reconnoître la Reine
de Hongrie en qualité de Souveraine des Etats de
la Maifon d'Autriche , il ne l'a fait qu'avec la réferve
ftipulée par le feu Empereur lui- même dans la
Pragmatique Sanction , fçavoir que la garantie de
cette Pragmatique ne fera préjudiciable à perfonne;
que fon intention n'a point été d'accorder par cette
démarche aucun avantage à la Reine de Hongrie
pour ce qui concerne le fuffrage de Bohéme , ni de
donner la moindre atteinte aux droits que la Maifon
Electorale de Baviere prétend avoir fur une
partie de la fucceffion de l'Empereur , & que fi la
Reine de Hongrie avoit la guerre avec l'Electeur
de Baviere , elle ne devoit point s'attendre que deux
Princes , qui font freres , priffent des partis differens.
Il paroît à Ratisbonne deux nouveaux Manifeftes
du Roy de Pruffe , dont le premier intitulé , Dedution
Ulterieure , dans laquelle on prouve par le Droit
naturel par les Conftitutions de l'Empire , que les
Duchés de Jagerndorff, de Lignit , de Brieg & de
Voblau , & autres Seigneuries , apartiennent à la
Maison Royale de Pruffe , & Electorale de Brandebourg
, raffemble fous un feul point de vue toutes
les raifons que S. M. Pr. a expofées dans la plupart
de fes Mémoires précedens.
Le fecond de ces deux Ecrits , qui tend à faire
voir que le Roy de Pruffe n'a point été dans l'obli ,
gation de prévenir la Reine de Hongrie fur la réfolution
qu'il avoit prife d'entrer en Silefie avec
fon armée , porte que c'est vouloir en impofer , que
de publier , ainfi que le fait la Cour de Vienne, que
Je Roy de Prufle a agi contre le Droit des Gens ,
en s'emparant de cette Province , fans avertir la
Reine de Hongrie de fon deffein ; que dans cette
Hvj démar
1020 MERCURE DE FRANCE
démarche S. M. Pr. n'a fait qu'imiter la Maifo
d'Autriche , laquelle , après que celle des Ducs de
Eignitz fût éteinte , fe mit en poffeffion de leurs
Etats , fans obſerver aucune formalité , & qui fans
autre titre que la force , a joui de ces Etats pendant
près d'un fiècle , amufant toujours les Electeurs de
Brandebourg par des promesses vagues , & n'ayant
aucun égard à leurs repréfentations , que les Loir
féodales décident que fi le Seigneur Direct retient
injuftement le bien de fon Vassal , celui- ci eft en
droit d'employer la force pour fe faire rendre juftice
, & que Grotius prétend , que, même , felon les
Loix naturelles , celui qui revendique fon Patrimoi
ne, n'eft pas obligé d'avertir des moyens auxquels
il aura recours pour tâcher d'en recouvrer la poffeffion;
que d'ailleurs un pareil avertissement auroit
été inutile , puifque la Maifon d'Autriche , malgré
les fortes remontrances qui lui ont été faites , n'a
jamais voulu entendre parler de reftitution ; & qu'il
étoit aifé de prévoir qu'elle fe feroit toujours pré
value des Traités , dont on lui a fait connoître tant
de fois la nullité .
Le Roy de Prusse ajoûte que quand même il aurojt
crû devoir rendre fes desseins publics , avant que
de les exécuter , il n'auroit fçû à qui adrefler
avertiffement , puifqu'il y a tant de prétendans &
la fucceffion du feu Empereur ; qu'il ignoroit à qui
il falloit redemander ce qui lui apartenoit , que cemme
S. M. Pr avoit à craindre d'être prévenuë par
quelqu'un des Prétendans , qui paroiffoient méditer
de fe rendre maîtres de la Siléfie , perfonne ne
peut la blâmer de s'être mise en poffeffion de cette
Province que la conduite qu'elle a tenue eft d'au
tant plus conforme aux Loix de l'équité , qu'il dépend
uniquement de la Reine de Hongrie de voir
Kairla guerre , par la reftitution des quatre Duchés
3
ConMAY.
TOTE
1741.
conteftés , & des revenus que la Maifon d'Autri
che en a tirés depuis tant d'années , & en accordant
à la Maifon Royale de Pruffe & Electorale de
Brandebourg une fatisfaction convenable fur les
autres prétentions.
PRUSSE.
nouvelle d'un avantage confiderable remporté
le ro . à Lotta près de Neill par les troupes de S. M.
Pr . fur celles de la Reine de Hongrie.
Cette action commença à deux heures après midi,
& elle dura jufqu'à la nuit , le combat ayant été foû
tenu de part & d'autre avec autant de vivacité de
que
valeur.Il y a eu beaucoup de monde de tué le Royc
refté maître du Champ de Bataille ; on a fait 1000 .
prifonniers , & le Comte de Neuperg a été obligé
d'abandonner deux pièces de Canon , & de fe retirer
entre Neiff & Brieg, On assure que la Reine de
Hongrie a perdu pluffeurs de fes Officiers Géneraux
dans ce combat , dans lequel il y en a eû beaucoup
des troupes du Roy de tués ou de blessés . Le
Prince Frederick , Fils du Margrave Albert , & le
Comte de Schulembourg , Lieutenant Feldt- Maré- *
chal , ont été tués . Le Feldt- Maréchal de Schwe - `
rin , le Géneral Marwitz , les deux Freres du Prince
Frederick, & le Conte de Finckeftein ont été bleffés
, & ce dernier l'a été mortellement . Un Page
du Roy , & M. Joyard ont été tués auprès de S. M.
Le Régiment des Gardes , dont les Officiers ont
été prefque tous tués ou blessés , s'est extrêmément
diftingué dans cette action.
La Reine a reçu depuis une Relation de cette Baille
, qui contient les particularités (uivantes .
L'armée commandée par le Comte de Neuperg
s'étant
1022 MERCURE DE FRANCE
s'étant avancée le 9. à Grotkau , le Roy , pour at
tirer les ennemis dans un endroit où il pût les combattre
, fans avoir à craindre d'être pris en flanc
par leur Cavalerie qui étoit fuperieure à la fienne ,
feignit de fe retirer , & de vouloir éviter la Bataille.
Le Comte de Neuperg, trompé par la marche de S.
M. fuivit l'armée Pruffienne jufqu'à trois milles
d'Ohlau , & le 10. au matin , les deux armées fe
trouverent en préſence. Un mouvement que firent
les ennemis , & qui donna lieu de croire qu'ils vouloient
fe replier fur Brieg, détermina le Roy à marcher,
pour les en empêcher. Alors ils firent alte , &
fe mirent en Bataille dans la Plaine de Hermsdorff
près du Village de Molwitz. Le Roy profitant de
l'avantage que lui donnoit la fituation du Lieu, difpofa
fon armée de telle forte , que fes deux aîles
fuffent apuyées , & S. M. fe mit à la tête de l'aîle
droite qui commença l'attaque .
A peine le Combat fut-il engagé , que le Régiment
de Cavalerie du Margrave de Bareith , & celai
de Gefler, qui étoient à Ohlau , vinrent joindre
l'armée. Par ce renfort le Roy fe trouva environ
20000. hommes ; mais les ennemis conferverent
toujours l'avantage du nombre , leur armée étant
compofée de plus de 26000. hommes. Il y eut un
feu très- vif de part & d'autre , d'artillerie & de
moufqueterie , & le combat dura depuis deux heures
après midi jufqu'à la nuit , les Officiers & les
Soldats des deux armées ayant donné des preuves
de la plus grande valeur .
Les ennemis , après avoir foûtenu pendant fix heures
confécutives tous les efforts des Pruffiens , fuzrent
enfin obligés de leur céder le Champ de ba
taille , & d'abandonner dix piéces de canon & quelques
bagages . On prétend qu'ils ont perdu 3000
kommes , & que dans l'armée du Roy il n'y en a eû
que
MAY. 1741. 1023
que 1480. à 1500. de tués. Le nombre des prifonniers
qu'on a fait fur les ennemis, monte environ
1000. ou 1100. & on leur a enlevé trois Etendarts ,
quatre Drapeaux & une paire de Tymbales.
Ils ont fait de leur côté 500. prifonniers , parmi
lefquels eft M. de Maupertuis , Académicien de
I'Académie Royale des Sciences de Paris , lequel
ayant éte invité par le Roy à venir à Berlin , pour
y établir une Académie , a fuivi S. M. à l'armée , &
s'eft trouvé à la Bataille ,
Outre les Officiers de confideration qu'on sçavoit
déja être bleflés , il y en a plufieurs autres & M.
de Kalcftein , Lieutenant Feldt- Maréchal , le Major
General de Kleift , & les Colonels Wartenfleben
& de Rochau font de ce nombre.
VENISE.
de
Conftantinople
Na apris par l'Equipage
d'un Vaiffeau
, arrivé
, que l'Ambaffadeur
de
Thamas
Kouli - Kan y avoit fait fon entrée publique
le 8. Mars dernier, & que le bruit couroit
qu'il
étoit chargé de demander
la reftitution
de quelquesunes
des Provinces
conquifes
par les Turcs fur les
Perfans
, & le confentement
du Grand
Seigneur
pour que Thamas
Kouli - Kan puiffe établir
à la
Mecque
un Emir pour les Perfans
, comme
il y en
a un pour les Turcs.
Les derniers avis reçûs de cette Ville du 17. du
mois dernier portent , que quoique le Grand Seigneur
ait fait affûrer le Doge & le Sénat , que les
mouvemens des troupes Turques , qui marchent
vers la Dalmatie Vénitienne , ne devoient caufer
aucune inquietude à cette République , le Pacha.
qui commande dans la Dalmatie Turque, ay ant prétendu
non--ftulement que les Habitans de la Daln.
atle
FO24 MERCURE DE FRANCE
matie Vénitienne n'avoient pas obſervé les loix du
bon voisinage avec les Sujets de Sa Hauteffe , mais
encore qu'ils leur avoient caufé plufieurs dommages
confidérables il a demandé de la part du Grand
Seigneur , que la République payât la fomme de
800000. Sequins pour indemnité , & qu'il a menacé
de faire entrer dans la Dalmatie Vénitienne un
Corps de 25000 hommes des troupes Ottomanes
fi l'on ne fatisfaifoit Sa Hauteffe. Une demande &
-exhorbitante a donné lieu de croire que le Grand
Seigneur cherchoit un prétexte pour déclarer la
guerre à la République , mais Sa Hautefle a modederé
fes prétentions , & elle s'eft contentée de
160900. Sequins.
S
ESPAGNE.
Elon les derniers avis reçus du Port de Figueyra
dans le Royaume de Portugal , l'Armateur Espagnol
François Barrera y entra le 12. du mois de
Mars dernier avec le Vaiffeau Anglois l'Industrie ,
dont il s'étoit emparé la veille à la hauteur de Viana.
La charge de ce Bâtiment, qui venoit d'Angleterre
, confifte principalement en Fer de Suede &
en Cuirs
Le 13. du mois dernier , les Religieux de l'Obfervance
de S. François , tinrent en leur Convent de
Madrid un Chapitre , dans lequel ils élurent pour
Commiffaire Géneral le Pere de Burgos , ci- devant
Confeffeur de la feuë Reine Premiere Douairiere
Efpagne , & pour Vice-Commiffaire Géneral le
Pere Jean de la Torre , Ex-Provincial du Royaume
' Arragon.
.
Don Juan de Zabaleta , Commandant la Frégate
la Notre-Dame de Aranzazu , armée en courſe , prit
le 18, du mois dernier , entre le 49. & le so . degré
de
"
MAY. 1741. 1029
de Latitude Septentrionale , les Vaiffeaux Anglois
le Conftantinople & le Wilmington, qui revenofent de
Smirne. Cet Armateur les ayant attaqués en même
tems , & ayant eû un de fes Mats emporté par leur
canon, il prit le parti de les aborder ; il entra le premier
dans le plus fort des Vaiffeaux ennemis , & en
ayant arraché le Pavillon , il anima tellement for
Equipage , qu'après une heure de combat il fe
rendit maître des deux Bâtimens. Le Constantinople
, qui cft de 20. canons & du port
de 320. tonneaux
, avoit 52. hommès d'équipage , & il y en
avoit 23. fur le Wilmington.
Le lendemain du combat, Don Juan de Zabaleta
ayant été rencontré par un Vaiffeau de guerre Anglois
de 70. canons , il ordonna à ceux qui conduifoient
les deux Bâtimens qu'il avoit pris , de continuer
leur route , & il foûtint pendant long- tems
tout le feu de l'artillerie du Vaiffeau de guerre qui
ne put l'aborder.
Le même Armateur s'eft emparé de deux autres
Bâtimens Anglois fur les Côtes d'Angleterre .
Un Vaiffeau de la même Nation, chargé d'Armes
& de munitions de guerre , a été conduit à la Cofogne
par Don Juan Gerrari .
Le Brigantin la Ste Famille entra le 30. du mois
de Mars dernier dans le Port de Vigo , avec le
Vaiffeau l'Helene de Londres , de feize canons, équi
pé moitié en guerre & moitié en Marchandiſe ,
qu'il a enlevé à la hauteur de Bayonne .
Don François Larrea fit le 24. le 25. & le 27. du
même mois trois prifes eftimées , l'une 12000. Piastres
& les deux autres 8000.
La Frégate le Levrier Marin a mené à S Sébaſtien -
deux Brigantins Anglois , qu'elle a pris vers le 49%
degré de Latitude , & dont la charge confifte prinipalement
en Sel & en Etain.
1026 MERCURE DE FRANCE
On a apris de la Corogne du 19. du mois dernier,
que le premier , le Vaiffeau François le Bourbon de
74. canons , commandé par le Marquis de Boulainvilliers
, s'étoit féparé par une brume très épaiffe de
l'Efcadre commandée par le Marquis d'Antin, à 75 .
lieuës environ à l'Oüeft de l'Oueffant , & qu'il n'avoit
pû la rejoindre , parce que cette brume avoit
été fuivie d'un gros vent & d'une groffe mer ; que
le 12. au matin ce Vaiffeau s'étoit trouvé à trois
lieues du Cap Finiftere , mais que les voyes d'eau
étant tellement augmentées que toutes les pompes
& un travail continuel ne pouvoient l'épuifer , & le
Vaiffeau ne gouvernant prefque plus , le Marquis
de Boulainvilliers avoit fait mettre la Chaloupe &
le Canot à la Mer , pour aller à terre chercher du
fecours qu'on n'avoit pas eû le tems de lui amener,
le Vaiffeau ayant difparu une heure après . On n'a
fauvé dans la Chaloupe & dans le Canot , que Mrs
de Cani , de Kerlorec , de Morogue , Lieutenans; de
Keranifan, de la Prévalaye, de la Mothe, Enfeignes;
de Breteuil , de Courferac de l'Orgerie , de Mennemeur
, de Molien & de Boulainvilliers , fils , Gardes
de la Marine, & 22.Officiers, Mariniers & Matelots .
O
ITALIE.
Na apris de Rome du 8. du mois dernier, que
les Abbés de la Villa , de Sales & de Chasteauneuf
, que le Roy de Sardaigne a nommés à des
Evêchés,fe font rendus en cette Ville pour s'y faire
facrer , & qu'ils ont été attaqués près de Milan par
des voleurs , dont un a été tué par l'Abbé de Sales,
On affûre que l'Abbé Doria , Nonce Extraordinaire
à Francfort pendant la Diette d'Election , fera
nommé pour préfenter à la Reine de Hongrie
les Langes bénits que le Pape doit envoyer à l'Arshiduc
. GENES
E
MAY. 1027 17417
GENES ET ISLE DE CORSE,
N mande de cette Ville , que la déſertion eft
confidérable parmi les troupes de la République
, & que la plupart des déferreurs vendent leurs
Armes aux Corfes , ce qui multiplie le nombre des
affaffins , dont deux ont maffacré un Notaire dans
les environs de Calvi.
Cinq Soldats des troupes Genoifes , qui font à
5. Boniface dans l'Ile de Corfe , ayant déferté , &
une Felouque que le Major de la Place avoit envoyée
pour tâcher de fe faifir d'eux , & qui joignit
leur bateau fous le canon de la Tour de Longofardo,
en Sardaigne, les ayant enlevés à la vûë de cette
Tour , malgré les coups de canon qu'on tira pour
faire retirer la Felouque , le Viceroy de l'Ile de
Sardaigne a demandé que la République fit au Roy
fon Maître une fatisfaction à ce fujet.
O
SUEDE.
N aprend de Stockholm du 7. du mois paffé ,
que depuis quelque tems , M. Beftuchef , Miniftre
du Czar , ne paroît plus à la Cour , & qu'il
n'a point communiqué aux Miniftres du Roy les
dépêches qu'il a reçues par deux Couriers qu'il a
reçûs de Petersbourg.
GRANDE BRETAGNE.
ONmande de Londresdu zo. du moisdernier,
que le 12. le Roy fe rendit à la Chambre des
Pairs avec les céremonies accoûtumées , & que
S. M. ayant mandé la Chambre des Communes
exhortá les deux Chambres à Jui donner de
prompts fecours , pour la mettre en état de foûtenir
028 MERCURE DE FRANCE
nir la dignité de fa Couronne & de défendre les
interêts de fon Peuple .
Les Lettres du Chevalier Chalonner Ogle , marquent
que la nuit du 18. au 19. Janvier dernier , fix
Vailleaux de fon Efcadre avoient attaqué quatre
Vaiffeaux François , qu'ils avoient crû être Efpagnols
; que le combat avoit duré toute la nuit , &
qu'à la pointe du jour , les Anglois ayant reconnul
feur erreur , avoient envoyé un Officier au Commandant
des Vaiffeaux François , pour l'affûret
qu'ils étoient très fâchés de la méprile qui avoit
occafionné ce combat. En voici le détail.
EXTRAIT d'une Lettre écrite le 21. Avril
1741. par un des Officiers de l'Escadre
rentrée dans le Port de Breft le 18 .
Ous faifions route du petit Gouve à la Caye
No. Louis,al nombre de quatre Vaiffeaux ; faifons du peti
>
Ardent , de 64 canons, commandé par M. le Che
valier d'Epinay , le Mercure , de 56. commandé par
M. de Leftendüere ; le Diamant , de so. commandé
par M. le Chevalier de Piofin , & la Parfaite , de
44. commandé par M. le Chevalier d'Eftourmel.
Le 18. Janvier à la pointe du jour , nous découvrîmés
une Flotte Angloife d'environ 8o. voiles , dans
laquelle on crut reconnoître 15. à 16. Vaiſſeaux de
guerre , dont l'un portoit pavillon quarré , au mats
d'Artimon. Cette Flotte étoit à 4. ou 5. lieuës de
nous & paroiffoit faire route pour la Jamaïque. Sur
les 7. heures & demie du matin , nous aperçûmes
6. Navires qui fe détacherent du gros de la Flotte ,
& qui forçoient de voiles pour venir nous reconnoître
; ils avoient un vent affés frais du large , tandis
que nos Vaiffeaux , qui étoient plus à terre , n'en
avoient que fort peu , enforte qu'ils nous aprocherent
MAY. 1741 1029
ent confidérablement ; fur les 11. heures ils mirent
Jeur Pavillon , & tirerent deux coups de canon ,
comme un fignal de nous mettre en panne pour
les attendre , mais nous continuâmes toujours notre
route fans forcer de voiles,
Sur les 3. heures après midi , nous arborâmes nos
Pavillons , que nous gardâmes jufqu'à la nuit , ce
qui n'ayant pas empêché les 6. Vaiffeaux Anglois
de continuer à venir fur nous , nous jugeâmes alors
qu'ils vouloient nous parler de près & nous nous
Préparâmes au combat."
M. d'Epinay avoit difpofé l'Eſcadre de façon qu'elle
formoit un quarré pour empêcher , attendu la fupériorité
du nombre , qu'elle ne fût miſe entre deux
feux ; il fit mettre le Mercure à bas bord de l'Ardent
, qu'il commandoit ; le Diamant ſur ſon avant,
& la Parfaite , fur l'avant du Mercure. C'eft dans
cet ordre
que nous attendîmes les 6. Vaiffeaux , qui
ayant eu moins de vent qu'auparavant , ne purent
nous joindre qu'à 9. heures du foir .
pas en-
Les Anglois venoient fur deux colonnes de trois
Navires chacune ,dont l'une paffa à bas bord de no
tre Efcadre & l'autre àftribord. M. de l'Eftandüere,
qui commandoit le Mercure , voulut parler au premier
qui paffa près de lui , mais il n'en fut
tendu , il demanda au fecond , qui le ferroit de plus
près , d'où étoit le Navire , à quoi il lui fut répondu
Navire de guerre d'Angleterre & fur la demande
qu'on lui fit d'où il étoit , il répondit , Navire de
guerre de France , & demanda fi on étoit en guerre ,
on fit réponſe du Navire Anglois , qu'il n'y avoit
point de guerre entre la France & l'Angleterre , mais
qu'ils nous croyoient Efpagnols , & que nous misfions
notre Canot en Mer fi nous étions François ;
M.de l'Eftanduëre répondit que nous n'étions point
Espagnols , mais que nous ne mettrions point notre
Canot
rozo MERCURE DE FRANCE
Canot en Mer , & que s'ils vouloient envoyer le
leur , ils le pouvoient .
Pendant cette converfation , un autre Navire An-`
glois qui étoit en pourparler avec M. d'Epinay , ne
s'étant pas contenté des mêmes réponſes , tira deux
coups de canon , qui furent le fignal du combat , &
c'eft ainfi que cette affaire s'engagea.
Nos quatre Vaiffeaux effuyerent le premier feu
des fix Anglois à portée du ' Piftolet & fans tirer ,
mais ils le leur rendirent avec tant de vivacité & de
violence , & notre canon & notre moufqueterie
furent fi parfaitement fervis , qu'après deux heures
d'un combat opiniâtre , les Anglois trouverent à
propos de s'éloigner.
>
au
Dans ce premier choc M. d'Epinay avoit affaire
au Commandant ; M. de Leftanduëre ,
Vaiffeau auquel il avoit parlé , qu'il démâta de fon
grand Mât de hune ; M. d'Eftourmel fe battoit contre
un troifiéme , & M. de Piofin fe défendoit contre
trois autres , dont un , à la verité , ne tiroit que
de loin ; pous crûmes d'abord que les Anglois ne
vouloient plus y revenir, mais nous nous trompions ,
ce ne fut qu'une tréve d'une heure & demie , dont
nous profitâmes pour nous mettre en état de recommencer.
La difficulté de manoeuvrer , le calme , le courant
& l'extrême obfcurité de la nuit , n'avoient pas
permis de conferver entre nos Vaiffeaux le même
ordre que dans le premier combat , & M. le Chevalier
de Piofin fe trouvant un peu éloigné , un des
Vailleaux Anglois , fuivi de deux autres , fe hâta de
le joindre , & lui fit effuyer toute fa bordée , à laquelle
M. le Chevalier de Piofin répondit par toute
la fienne , chargée à double boulet & à mitraille ,
qu'il fit fuivre prefque fans intervalle d'une feconde
de la même force , ce qui engagea ce premier
Vaiffeau
MAY. 1741.
хозт
Vaiffeau Anglois à s'éloigner du Diamant . M. le
Chevalier d'Epinay , qui faifoit tous les efforts pour
venir au fecours de M. le Chevalier de Piofin , fe
battit en paffant avec ce même Vaiffeau Anglois ,
qu'il laiffa aux prifes avec M. de Leftanduëre , qui
le fuivoit.Pendant ce tems- là , le Diamant fe battoir
avec les deux autres , dont l'un entraverſé par fon
arriere , l'enfiloit de poupe à proue , & l'autre par
fa hanche à ſtribord , le chauffoit vivement ; il étoit
dans cette fituation depuis près de deux heures , &
n'auroit peut- être pas refté long tems fur l'eau, fi M.
d'Epinay , après des peines infinies , n'étoit parvenu
à fe mettre à portée d'engager le Vaiffeau qui étoit
à l'arriere du Diamant , à fe défendre contre lui . M.
Deftourmel , de fon côté avoit joint un troifiéme
Navire Anglois qui fe trouvoit à l'avant du Diamant
, & le combattoit avec beaucoup de vivacité ,
enforte que le Diamant n'ayant affaire qu'à celui
qu'il avoit à ftribord par fa hanche , & à portée du
fufil , en fut bien - tôt débarraffé dès-lors le
combat devint peu à peu moins vif & finit fur les
4. heures & demie du matin , les Anglois s'étant
tout à fait éloignés de nos Navires.
;
Lorfque le jour parut , nous vîmes l'Efcadre Angloife
à une petite lieuë au vent de la nôtre avec un
Navire démâté & un autre à la bande , & leurs Canots
aller d'un Navire à l'autre. Sur les huit heures
du matin un de ces Canots fe détacha , ayant Pa
villon blanc fur l'avant , il vint à bord de M. d'Epinay
, à qui l'Officier qu'il portoit , dit que les Anglois
nous avoient pris pour des Eſpagnols , qu'il
n'y avoit aucune interruption de bonne intelligence
entre les Couronnes de France & d'Angleterre
& que leur Commandant étoit bien fâché de cette
méprife , à quoi M. d'Epinay répondit que cette
méprife n'étoit point fon affaire, mais celle de leurs
Maîtres.
·
Le
1032 MERCURE DE FRANCE
Le Canot Anglois étant retourné à fon bord
chacun fit fa route , les Anglois à l'Oüeft & nous à
Eft .
Les François ont perdu en tout 35. hommes & ont
eû 70. bleſsés . On ne peut affés donner d'éloges à
la valeur & à la prudence de nos Officiers , & à la
fermeté que nos Equipages ont fait paroître dans
un combat fi inégal par la fupériorité du nombre &
par la force des Vaiffeaux Anglois , dont les deux
premiers , commandés par Lord Augufte & Lord
Beauclair , étoient de 70. canons & les 4. auttes
' de 60 .
t
Les Seigneurs préfenterent le r. du mois dernier
une Adreffe au Roy, dans laquelle ils affûrent S.M.
qu'ils ne peuvent exprimer toute la reconnoiffance
que leur infpirent les foins qu'elle prend pour
maintenir la liberté de l'Europe & l'équilibre entre
les Puiflances , & qu'en cas qu'il foit néceffaire
faire de plus grandes dépenfes pour contribuer à
T'exécution de la Pragmatique Sanction , le Roy
peut fe repofer fur leur zele ; qu'ils ne négligero.C
rien pour mettre S. M. en état de foûtenir les interêts
de la Reine de Hongrie , & qu'ils feconderont
de tous leurs efforts l'intention dans laquelle eft le
Roy d'empêcher l'abaiffement de la Maifon d'A
triche , l'ancienne & naturelle Alliée de la Couro
ne de la Grande - Bretagne.
Le Roy répondit , MYLORDS , je vous remerc
d'une Adreffe fi convenable dans la fituation préfen
des affaires. L'interêt que vous prenez à secouri
la Reine de Hongrie & à foutenir la Maifon d'Autri
che , m'est très- agréable. Vous pouvez compter que
n'uferai des effets de votre confiance , que pour mai..
tenir la Pragmatique Sanction, & pour conferver
Balance dans l'Europe.
L'Adrefle de la Chambre des Communes conti
MAY.
1741.
1033
les mêmes
afférances que celle des
Seigneurs.
Les
Espagnols fe font emparés des
Vaiffeaux le
Carbonner &
l'Elizabeth ,
commandés par les Capitaines
Pike & Davis , & d'un autre Vaiffeau Marchand
,
richement chargé , qui venoit de Gallipoli.
Un
Armateur
Anglois a
conduit à la
Jamaïque
un Vaiffeau Eſpagnol & trois Vaiffeaux
Hollandois
fur lesquels il y avoit des
Marchandifes
d'efpagne,
& ces quatre
Bâtimens ont été jugés de bonn
priſe.
****************
MORTS DES PAYS
ETRANGERS.
J
Ean -Baptifte Rouleau , Parifien , qui a mérité
par fes Ouvrages d'être regardé commé un des
premiers Poëtes François de ce fiécie , mourut
Bruxelles le 17. Mars dernier , âgê de 72. ans,
ODE fur la Mort de M.
Rouffeau , par
M.
Harduin , de la Societé
Litteraire
dArras.
Uel fleau du
Parnasse a détruit tous les char
mos !
Les Plaifirs font bannis de ces Lieux
fortunés :
O Mafes, de vos yeux je vois couler des larmes ;
De funeftes Cyprès vos fronts font
couronnés.
"
*
Apollon pénétré d'une douleur
touchante ,
De cris
impétueux fait retentir les Airs ;
Déja fes Favoris , que glace
Pépouvante
Accourent à fa voix des bouts de
PUnivers .
I Ils
1034 MERCURE DE FRANCE
Ils arrivent , le Dieu les regarde , foûpire ,
Et leur dévoile ainfi fes regrets fuperflus :
O vous , mes chers Sujets, foutiens de mon Empire,
Ecoutez & pleurez, le grand Rouffeau n'eft plus.
*
Pourquoi , Deftin cruel , fur le fombre Rivage
Le Pindare François eft- il précipité ?
Qui fçait des Immortels emprunter le langage ,
Ne doit- il pas jouir de l'Immortalité ?
Non , telle eft des Humains la carriere fatale ;
Ils doivent tous defcendre au féjour de Pluton
La Mort a renversé d'une fureur égale
Et Turenne & Therfite , & Virgile & Pradon.
Toutefois un Génie , un Guerrier magnanime ,
Bravent , en périssant , le Titre de Mortels ;
Si des coups du trépas leur corps eft la victime ,
Și leurs jours font fixés , leurs noms font éternels.
Mais que dis -je ,Guerriers ! non , non, votre mémoire
Chaque jour est en butte à des périls nouveaux
>
Et l'on a vu cent fois une infidele Hiftoire
Affoiblir vos vertus , accroître vos défauts.
Un Chantre ingénieux ne craint pas ces orages ;
C'eft en vain que l'Envie oferoit l'outrager ; -
I
Rien
MAY. 1741.
1035
Rien ne peut alterer fes fuperbes Ouvrages ;
Une Action s'efface , un Vers ne peut changer.
*
Ils ne mourront jamais , ces Cantiques fublimes ;
Que Rouſſeau fit éclore en un tranſport divin ;
Elles vivront toujours , ces élégantes Rimes ,
Dont il chanta les Dieux de l'Amour & du Vin.
Que de feu , que de fel en fes Jeux Marotiques !
Oui , je verrai Marot s'aplaudir à jamais ,
Que Rousseau , ranimant mille termes antiques
Ait daigné de fon ftile imiter les attraits.
*
La Nature autrefois de ſes bienfaits avare ,
Vouloit qu'un feul talent diſtinguât les eſprits ;
Mais Rouffeau de fes mains reçut un don plus rane
De cent talens divers il remporta le prix.
*
Adorable Ecrivain , fi la pâle tristesse.
Ofe un jour penetrer dans le Palais des Dieux ;
Je chanterai tes Vers , & foudain l'allegresse
De fes regards charmans embellira les Cieux,
Jadis de cent Mortiers les bouches embraſées ,
Dans Bruxelle ont vomi la mort & la terreur ;
Les Citoyens tremblans fous leurs voûtes brifées
Du François irrité maudissoient la fureur.
* En 1695. Tij No
1036 MERCURE DE FRANCE
Ne crains plus deformais les redoutables armes
Bruxelle , ne crains plus que la Foudre à la main
Il t'ole préparer de nouvelles allarmes ,
1.
Sois tranquille , Rousseau repofe dans ton fein.
Le 22. Avril Jacques Comte de Waldegrave , Vir
comte de Chewien , dans le Comté de Sommerfet,
Pair de la Grande- Bretagne , Chevalier de l'Ordre
de la Jartetiere , Gentilhomme de la Chambre du
Roy d'Angleterre regnant , & fon Ambaffadeur Extraordinaire
& Plénipotentiaire à la Cour de France
, mourut à la Terre de Newftok, dans la Province
d'Effex , âgé d'environ 57. ans. Il étoit né dans
la Religion Catholique , mais ayant embraflé la Religion
Anglicane , il fut admis & prit féance daus
la Chambre des Pairs de la Grande - Bretagne le 23 .
Fevrier 1722. & le Roy d'Angleterre le nomma
Gentilhomme de fa Chambre au mois de Juin 1723.
Il l'envoya au mois de Septembre 1725. en France
pour complimenter le Roy de fa part fur fon Mariage.
Ayant été nommé au mois de Juin 1727.Ambaffadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire auprès
de la Cour Impériale , il fut chargé , en paffant par
la France , d'aller complimenter le Roy fur la gros.
fffe de la Reine. Les Titres & Dignités de Vicomte
& de Comte du Royaume de la Grande - Bretagne
lui furent accordés & à les héritiers mâles légitimes,
au mois de Septembre 1729. & ayant été nommé le
8. Août 1730. Ambaffadeur Extraordinaire & Plénipotentiaire
à la Cour de France , il eut en cette
qualité fa premiere audience particuliere du Roy ,
de la Reine & de Monfeigeur le Dauphin à Verfailles
le 19. Se ptemb: e fuivant. Il étoit fils de Henry
Waldegrave Lord , Baron de Chewton , Contrôleur
de la Maifon du Roy, Jacques 11. qu'il fuivit en
France
MAY.
1741. 1037
France , où il mourut à Saint Germain en Laye
en 1689. & de Henriette Fitz - James , morte
le 14 Avril 1736. laquelle étoit fille naturelle,du
même Roy Jacques II . & d'Arabelle Churchill ,
facur de feu Jean Churchill , Duc de Marlborough.
Le Comte de Waldegrave avoit épousé Marie
Webb fille de Jean Webb , Baronnet de Hat
herop. Il en a eu Jacques Waldegrave , Vicomte de
Chewton , né le 15 Mars 1715 qui fuccede aux
Titres & aux biens de fon Pere ; Henriette Walde
grave, née le 2. Janvier 1717. & Jean Waldegrave,
né le 28. Avril 1718.
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , & C
E 20. du mois dernier , le Roy & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Ver
failles , la Meffe de Requiem , pendant laquelle le
De profundis fut chanté par laMufique ,pour l'Anniverfaire
de Madame la Dauphine , Ayeule de S. M.
Le 24. la Reine communia par les mains de l'Abbé
de Saint Hermine, fon Aumônier en quartier.
Le 25. M. Crefcenzi , Archevêque de Naziance,
& Nonce Ordinaire du Pape eut une audience particuliere
du Roy , & il y fut conduit par M. de Verneuil
, Introducteur des Ambaffadeurs.
Le 27. les nouveaux Drapeaux du Régiment des
Gardes Françoifes & de celui des Gardes Suiffes ;
furent portés à l'Eglife Métropolitaine , où ils fu-
I rea
1038 MERCURE DE FRANCE
rent benits avec le céremonies accoûtumées pa⭑
l'Archevêque de Paris .
Le r . de ce mois le Roy prit le deuil pour la
mort du Prince de Carignan, dont le Prince de Ca
rignan fon fils a donné part à S. M.
Le 8. le Roy fit dans la Plaine des Sablons la Revue
du Régiment des Gardes Françoifes & de celui
des Gardes Suiffes , lefquels firent l'exercice & défilerent
en préfence de S. M. Monfeigneur le Dauphin
accompagna le Roy à cette Revûë , à laquelle
la Reine & Mefdames de France fe trouverent.
Le Roy a donné l'Abbaye de la Capelle , Ordre
de Prémontré , Diocèfe de Toulouze , à l'Abbé de
Saint He mine , Aumônier de la Reine ; celle de
S. Guilhem du Defert , O. de S. Benoît , Diocèfe
de Lodeve , à l'Abbé de la Prunarede ; celle de S
Marin des Aires , O. de S. Aug. D. de Troyes , à
l'Abbé de Savollian , celle de la Val - Roy , O. de
Citeaux , D. de Rheims , à l'Abbé de Chamillard ,
Grand-Vicaire de l'Evêque d'Evreux ; celle de S.
Sever , O. de S. Benoît , D. de Coutances , à l'Abbé
de S. Exupery , Chantre & Chanoine de l'Eglife
Métropolitaine ; l'Abbaye Réguliere de Marcilly ,
O. de Citeaux , D. d'Autun , à Dom Mafcufon ;
celle de Vaucelles , O. de Citeaux , D. de Cambray,
à Dom Platelle , & l'Abbaye Réguliere de la
Virginité , O. de Cîteaux , D . du Mans , à la Dame
de Guerin de Bruflart.
Le Roy a fait une Promotion d'Officiers Géneraux
dans la Marine .
Le Comte de la Luzerne , Lieutenant Géneral des
Armées Navales de S. M. & Chevalier de fes Ordres,
MAY. 1741.· 1039
ares , a été nommé Vice - Amiral , à la place du fea
Marquis d'Antin.
Le Marquis de Rochallar , a eû la place de Lieutenant
Géneral , qu'avoit le Comte de la Luzerne.
Le Comte de Roquefeüille a été nommé Lieutenant
Géneral furnumeraire.
"
Le Marquis de Beauharnois , Gouverneur de la
Nouvelle France , & Mrs de Rochambeau , de Bart
de la Vallette-Thomas , & de Barailh , ont été faits
Chefs d'Efcadre.
S. M. a accordé au Comte de Chavagnac , Chef
d'Efcadre , la permiffion de fe retirer avec la Commiffion
de Lieutenant Géneral.
Le Roy a fait depuis un remplacement d'Offi
ciers de Marine , par lequel S. M. a nommé vingtfx
Capitaines de Vaiffeaux , 80. Lieutenans d'Artillerie
, or. Enſeignes de Vaiffeaux , deux Sous-
Lieutenans , & neuf Aides d'Artillerie .
Capitaines de Vaiffeaux.
,
Mrs de Marfillac Chambon , de Chateaurenard ;
de Glandeves , de Franfure , Perier de Salvert , de
Cany , de Reals , Davaleau , de Selve l'aîné , de
Beaumont le Normant Conrart de Surmont ,
Champmartin , du Tillet , de Fraignes , du Mefné ,
Pepin de Maifonneuve , Longueval d'Haraucourt
Euzenou de Kerfalaun , de Biragues , le Chevalier
d'Ervaux , Montlouet Major à Breft , de Roffel ,
Penandref de Kerfaufon , Martonne , de Flavacourt,
& de Lizardais.
Lieutenans de Vaiffeaux.
Mts de Serquigny Daché, de S. André du Verger ,
Lortie Petitfief , du Puis , de Rochechouare , de
Calmeilh, la Balme, la Clochetterie , du Clefmeur,
iiij le
•
1040 MERCURE DE FRANCÉ
le Chevalier de Pontevés , de Viray , de Guidy , de
la Filiere , du Caftelet Perez, Montalez , Deffonvil
le , Marcouville , de la Villeon , le Chevalier de
Cogollin , de Rochemore la Devefe , de Dracourts
Ripert , Defgouttes la Salle , de Drée la Serée , le
Chevalier de Pannat , le Chevalier de Requifton ?
de Mezieres , Colbert Turgis , le Chevalier de Parcevaux,
d'Erville , Kerfa - Boifgelin , Kerjean Kerjean,
de Cabanoux , de Guerros , de Moëlien de Saint
Laurent de Sartes , Darcy de Montfriol , le Chevá→
lier de Gouyon , le Chevalier de Caftillon , de Saint
André Montmejan , de Saint Allouarn , de Fondsrivaux
, de Kermabon , Darquemont , de Tourres ,
Saguy , de Saillies , du Mefnil Norey , Kerlerec de
Kervafegan , de Merville , Aide - Major à Rochefort
, le Chevalier de Vence , le Chevalier de Villevielle
, Thierfant, de Terneyre, Beauffier de Quiez,
de Chezac , Jubert de Bouville , de Chancy , de
Kerfaint , de Tredern du Drenec , Caftillon l'aîné ,
Neveu de Roulon , Odon des Gouttes , Bart , de
Chapifeaux , d'Urtubie Fagoffe , de Keroulas , le
Marquis des Gouttes, le Chevalier d'Amfreville , de
Roquefeuil , le Chevalier de Merey; du Tremic , de
Galean de Gadagne , le Chevalier de Caumont , de
Laiguville Froger , Defnos Champmeflin , le Mar
quis de la Ferté Saint Aignan, de Beauharnois Beau
mont , le Vaffor de la Touche , de Saurins , & de
Coufage de la Rochefoucault , Aide- Major à Breft.
Lieutenans d'Artillerie.
Mrs Mathezou de Kerpech , & la Broffe.
Enfeignes de Vaiffeaux.
Mrs de la Touche Treville , Lieutenant de la
Compagnie des Cadets à Rochefort , de la Jaille ,
Foucault, de Marniere, Clairfontaine , de Caftelane
Saint
MAY. 1041 1741.
Saint Jeurs , de Sivrac , Giraud de Creffol , de Fulconis
, de Plas , de Penandref Kerſauſon , de Boux
Saint Mars , le Chevalier de Breteuil Taillefer , le
Chevalier d'Herly , de l'Ile Calian , de Caftelanela-
Valette , Blanc Saint Remy , de Saint Victoret ,
Boifron d'Orignac , de la Benerais Bedoyere , de
Rofmadec de Saint Allouarn , Mablan Daiminy, du
Pleffis Botherel , Rouffel du Preron , Vilfevieille
de Vaux , le Chevalier de Carné , Blotfier , de Bra
quemont , Tayac de Calnimont , Joffelin de Mari
gny , de Gadeville , Meyronet Saint Marc , de Me
rés , de Montcalm Saint Veran , de Carcaradec , la
Villeblanche , le Chevalier de Blois , le Chevalie
de Kerfaufon , de Goy , du Quenhouet le Mintier
le Chevalier de la Baftide Chateaumorand , de l
Martonie , Dalbert-Sillans , de Saint Pol , Dandanne
de Lincourt , de Fabregues , Donnadey Saint Lau
rent , d'Aymar Puymichel , Breugnon , Coatudaver
Moelien de Gouandour , le Chevalier de Bois de l
Mothe , le Chevalier de la Chaux , de Villeneuve
Mons , de la Monneraye , Laccary , da Comté P
gache , du Marhalla , le Chevalier Boifron d'Ori
gnac , de Bois de la Mothe , du Bourdet , Achars
de la Brangelie , Deshayes de Cry , le Veyer , le
Chevalier de Breugnon , de Courferac , de Ruis
Lorgeril, du Mefnifdot de Rideauville , du Lefcoe ,
t,
du Vergier Kerghorlay , Turmelin de Lefquilly
Michaelis de Menc , Guiny de Kerhos , le Cheva
lier de Beaucouffe , Roland de Kerloury , le Mouton
du Manoir , le Chevalier d'Albert , Cofte d
Champeron , de Sade Vauderonne , le Chevalie
Defnos , de Saint Pierre , Borry , du Drefnay der
Roches , Thomas de Chateauneuf , de Saint Saëns
le Chevalier de Martan , le Chevalier de la Tour ,
le Chevalier de Crefnay, le Chevalier de Nolivos) ;
Doffemont , de Boulainvilliers , le Chevalier de
1 # Laugies
1042 MERCURE DE FRANCE
Laugier de Beaucouffe , de Gabaret , de Lizardais ,
le Chevalier de Montboiffier, le Chevalier de Tourville
, le Chevalier de Forbin d'Oppede , le Cheva-
Jier Dagouft , le Marquis de Veyne , & le Commandeur
de Fleury.
Sous-Lieutenans & Artillerie:
Mrs Herpin & de Gaucourt.
Aides d'Artillerie.
Mrs Faucher , de Levemont , de Kerdaniel , le
Chevalier de Moy , la Combe Benneville , Taillevis
de Perigny , le Chevalier de Noé , de la Thulaye, &
de Beauchefne ..
Le Chevalier de la Chaife , Lieutenant d'une
Compagnie de Grénadiers du Regiment des Gardes
Françoifes , a éte nommé fecond Cornette de la
premiere Compagnie des Moufquetaires de la Garde
du Roy.
Le Roy a accordé au Marquis de Gondrin , fils
du Duc d'Antin , la Lieutenance Génerale au Gou
vernement de la Haute & Baffe Alface , qu'avoit le
feu Marquis d'Antin .
Le Marquis Monti a été nommé Colonel
Lieutenant du Régiment Royal Italien , qu'avoit le
feu Prince de Carignan.
Le zo. de ce mois , Leurs Majeftés revinrent à
Verſailles du Château de Marly.
Le même jour , veille de la Fête de la Pentecôte,
la Reine affifta dans la Chapelle du Château aux premieres
Vêpres qui furent chantées par la Mufique.
Le 11. jour de la Fête, les Chevaliers , Comman
deurs & Officiers de l'Ordre du S. Efprit , s'étant
affemblés vers les onze heures dans le Cabinet du
Roy ,
MA Y. 174120 1043
Koy , S. M. fe rendit à la Chapelle du Château ,
étant précedé du Duc d'Orleans , du Duc de Chartres
, du Comte de Clermont , du Prince de Conty,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu & des Chevaliers
, Commandeurs & Officiers de l'Ordre . Le
Roy entendit la grande Meffe , qui fut célebrée par
l'Abbé Brosseau , Chapelain de la Chapelle de Mufique
, & après laquelle S. M. fut reconduite dans
fon apartement en la maniere accoûtumée .
La Reine , Monfeigneur le Dauphin & Mefdames
de France , entendirent la même Messe dans
la Tribune.
L'après midi , Leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Madame , entendirent
la Prédication de l'Abbé le Fevre , Théologal
de l'Eglife Cathédrale de Verdun , & enfuite les
Vêpres chantées par la Mufique.
Le Roy a quitté le deuil qué S.M. avoit pris le se
pour la mort du Prince de Carignan.
Monfeigneur le Dauphin vient d'avoir une fluxion
, accompagnée d'un mal de gorge & d'un peu
de fiévre . Depuis les deux faignées qu'on lur a faites
le 23. de ce mois , la fievre & les douleurs ont cesfé
, & ce Prince eft actuellement auffi bien qu'on'
puiffe le defirer. y
Le 23. le Duc de Caftro Pignano , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roy de deux Siciles eut une audience
particuliere du Roy , dans laquelle il prit
congé de S. M. Il eut enfuite audience de la Reine
de Monfeigneur le Dauphin & de Mcfdames det
France , & il fut conduit à toutes ces au diences par
M. de Verneuil , Introducteur des Ambaffadeurs.
Le Roy a nommé Colonel du Régiment des Garde
Lvj Françoile
1044 MERCURE DE FRANCE
Françoifes le Duc de Gramont . S. M. lui a accor
dé en même tems le Gouvernement du Royaume
de Navarre & de la Province de Bearn , & le Gouvernement
particulier des Ville , Châteaux , Cita
delle de Bayonne , & Pays adjacents.
Le Gouvernement de la Citadelle de S. Jean
Pied -de-Port a été donné par le Roy à M. de Terlaye,
Lieutenant Géneral des armées de S. M. Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis,
& Lieutenant- Colonel du Régiment des Gardes
Françoifes.
Le Roy a accordé la place de Confeiller d'Etat ,
vacante par la mort de M. de Bouville, à M. le Pelletier
de la Houffaye , Intendant des Finances.
S. M. a permis à la Marquife de Rupelmonde ,
Dame du Palais de la Reine , de fe démettre de
cette place en faveur de la Comteffe de Rupelmonde
, fa Belle- fille.
Le Pere Du Reau , Religieux Cordelier , Docteur
de Sorbonne , & Prédicateur du Roy, ayant prêché
le Carême dernier dans l'Eglife de l'Abbaye de
Fontevrault, Mefdames de France, qui font élevées
dans cette Abbaye , lui firent Phonneur de l'entendre
le jour de Pâques' ; elles ont été très - fatisfaites
de l'Orateur ; il leur fit un petit Compliment rem
pli de pieté & d'une éloquence chrétienne . Il eft le
premier Prédicateur que ces Dames ayent entendu,
depuis qu'elles demeurent dans cette Abbaye.
Le 10.. du mois dernier, il y eut Concert chés Fa
Reine, qui continua le 12, & le 15. On y concerta
l'Opera d'Iphigenie , dont les principaux Rôles furent
remplis par les Dlles Mathieu , Huguenot &•
Romainville , & par les fieurs du Bourg , Poirier ,
d'Angerville & le Cler.
Le
MAY.
17411 1041
Le 17. le 19. & le 22. S. M. entendit l'Opera de
Telemaque , de la compofition de M. Deftouches ,
Sur- Intendant de la Musique du Roy. Les Dlles
d'Aigremont , Defchamps & Lenner , chanterent
les principaux Rôles , avec les fieurs le Begue ,
noît & le Cler.
Be
Le 29. Avril , le z. & le 6. Mai , on executa à
Marly , l'Opera d'Hefione de M. Campra , dont les
premiers Rôles Prologue & de la Piéce furent
remplis par les mêmes Sujets qu'on vient de nommer,
& par les fieurs Godeneche & Jelior..
T
Le 1s & le 24 on concerta à Verfailles l'Opera de
Callirhoé, de M. Deftouches, dont les premiers Ro
les furent chantés par les mêmes Sujets de la Muft
du Roy , dont la Reine très-fatisfaite.
parut
Le 24. on concerta l'Opera de Rolland . Les mêmes
Acteurs remplirent les principaux Rôles du
Prologue & de la Tragédie.
que
Le ri. Mai , Fête de l'Afcenfion , il y eur Con
eert Spirituel au Château des Tuilleries , qui com
mença par le Moter Lauda Jerufalem , de la compofition
de M.le Vaffeur, lequel fut fuivi d'une Piés
ce de Symphonie , exécutée fur le Baffon par M
Ruault , & du Motet Quemadmodum de M. de la
Lande ; les Diles Fel & Chevalier ont chanté differens
Récits avec beaucoup de préciſion Le Cons
cert fút terininé par l'Exaudiat Dominus , Moter de
M. de Boismortier.
Le 21. Fête de la Pentecôte , le même Concert
recommença par le Motet Lauda Jeruſalem , de M.
Cheron , qui fut fuivi d'un petit Motet à voix feule,
chanté par la Dile Chevalier ; le Concert finit par
le Magnus Dominus , Mótet à grand Choeur de M.
de la Lande , précedé de plufieurs excellentes Pié
ees de Symphonie.
Le
1046 MERCURE DE FRANCE
Le 11. & le 21. de ce mois, le Chevalier Servandoni
, qui avoit donné pendant les trois ſemaines
de Pâques fur le Théatre du Château des Tuilleries
un nouveau Spectacle , repréfentant les Travaux
d'Uliffe , donna le même Spectacle le jour de l'Afenfion
& les trois Fêtes de la Pentecôte , avec des
changemens & des augmentations confidérables ,
dont le Public a parû fatisfait.
On a reçû avis que Brieg s'étoit rendu le 4. du
mois dernier. La Garnifon & le Géneral Piocolomini
, qui commandoit dans cette Place , fe font
engagés à ne fervir de deux ans contre le Roy de
Pruffe la Garnifon a dû être conduite , avec deux
piéces de canon , à Oppelen & à Ratibor,
:
Le 16. le Prevôt des Marchands , accompagné des
Echevins , s'étant rendu à la Grand' - Chambre du
Parlement , repréſenta à la Cour , les Gens du Roy
préfens , que la trop longue féchereffe faifant craindre
pour le fuccès de la prochaine Recolte , ils font
obligés de recourir à Dieu par la puiffante proteetion
de Sainte Geneviève , & à la Cour , pour la
fupplier d'ordonner que la Châffe fût découverte ,
ee qui fût accordé , & en conféquence la Cour
rendit un Arrêt , qui fut porté lemême jour par le
Greffier en Chef à l'Abbé de Ste Geneviève , lequel
fit découvrir auffi tôt la Châffe, au fon de toutes
les cloches de l'Abbaye.
Le même jour , l'Archevêque de Paris fit publier
le Mandement qui fuit.
CHARLES-GASPARD- GUILLAUME DE VINTIMIL
LB DES COMTES DE MARSEILE DU LUC , par la Miféricorde
Divine , & par la grace du Saint Siége
Apoftolique , Archevêque de Paris , &c .
Une longue féchereffe, qui a fuccedé à des pluyes
M A
Y.´´1741. 1047
Trop abondantes , renouvelle les allarmes que le dérangement
des faifons nous a caufées dans le cours
de la précédente année . Le Ciel , en ſe couvrant
de tems en tems de nuages , femble nous prépares
& nous promettre le fecours néceffaire à nos befoins
; mais il diffipe , ou rallentit bien- tôt nos efpérances,
& nous rejette dans la crainte de voir dépérir
chaque jour les aparences d'une riche &
abondante récolte. Pouvons-nous ne pas comprendre
par- là , qu'un obftacle de notre part, éloigne le
bienfait que fa Bonté eft prête à nous accorder ?:
Prenez garde , difoit autrefois Moyle aux Enfans
d'Ifraël, que vous n'abandonniez le Seigneur pour ado
rer des Dieux étrangers , & qu'irrité contre vous , il
neferme le Ciel ; que par fon ordre , les pluyes ne cef-
・fent d'arroser la Terre , & de lui faire pouffer for
fruit.
+
Nous n'avons pas , il eft vrai abandonné le Sei→
gneur , pour rendre un culte iinpie à des fauffes Divinités
, mais nous l'avons outragé en une infinité
d'autres manieres ; & dans un fleau femblable à celui
dont il menaçoit autrefois cette Nation perverfe
, il nous eft impoffible de méconnoître la main
d'un Dieu puiffant & courroucé , qui venge fur des
ingrats & des rebelles , l'abus de fes Dons , & le
mépris de fes Loix. ༔ ;
Dans cette trifte conjoncture , notre unique reffource
eft d'apaifer notre Juge. Si nous recourons à
Ini dans les gémissemens & la pénitence ; fi , vivement
pénétrés de notre indignité & du regret de
nos fautes , nous le conjurons de pardonner à un
Peuple tremblant & confterné à la vûë de ſa jufte.
colere , il rapellera en notre faveur fes anciennes
mifericordes , & il fe repentira , fuivant l'expreffion
d'un Prophéte , du mal qu'il avoit réfolu de nous
faire.
1048 MERCURE DE FRANCE
A CES CAUSES , ayant égard aux repréſentations
des premiers Magiftrats , qui nous ont fait connoi .
tre les voeux du Public , après en avoir conferé avec
nos Venerables Freres , les Doyen , Chanoines &
Chapitre de notre Eglife Métropolitaine , Nous ordonnons
, que conformément à l'ufage pratiqué en
pareille occafion , Mercredi prochain , & pendant
neufjours confécutifs , on dira à l'issuë de la principale
Messe dans notredite Eglife , & dans toutes
celles de la Ville & de la Banlieuë , le Pfeaume
Miferere , le Trait , Domine non fecundùm peccara
noftra , c. fuivi du Verfer , Oftende nobis , & c. et
de la Collecte que Nous avons ci - devant ordonné
de réciter à la Messe ; Qu'après les Vêpres on fera
la Proceffion autour , ou aui-
dedans defdites Egli
fes , en chantant les Litanies des Saints , qui feront
terminées par l'Oraifon de faint Marcel , de fainte
Geneviève et de leurs faints Fatrons ; et qu'au retour
on chantera l'Antienne , Sub tuum prafidium
c. le Verfet, Ora pro nobis , & c. & l'Oraifon , Con
cede nosfamulos tuos , &c. Que pendant ladite Neu
vaine le Clergé des Eglifes Collégiales et Paroiffiales
, et celui des Communautés Séculiéres et Régu
lieres , vifiteront proceffionnellemenr l'Eglife de
Notre-Dame et celle de Sainte Geneviève , où les
Châsses de ce Saint et de cette Sainte feront décou⚫
vertes. Nous exhortons les Fideles de fe joindre au
Clergé , ou de vifiter en particulier lefdites Eglifes,
et de demander à Dieu avec ardeur , par l'intercel
fion de nos faints Patrons et Protecteurs , d'accor
der à leurs larmes et à leur repentir la cessation ·
d'une calamité, que leurs crimes et leur impénitence
leur ont attirée Nous ordonnons aux Curés des
Paroisses de la Campagne , de faire pendant neuf
jour dans leurs Eghles , auffi - tôt après la réception
de notre préfent Mandement , les Prieres marquées
MAY
1049 17417
ci-dessus , et Nous leur permettons d'y ajoûter
quelque pratique de piété , qu'ils jugeront propre à
exciter le zéle & la ferveur de leurs Peuples.
Il y eût auffi ce même jour un Mandement publié
par le R. P. Abbé de l'Abbaye de fainte Geneviève,
dont voici la teneur.
FRANÇOIS PATOT , Abbé de l'Abbaye Royale de
Sainte Geneviève au Mont de Paris , dépendante
immédiatement du Saint Siége , & Superieur Gé
neral des Chanoines Réguliers de la Congrégation
de France : Aux Chanoines Réguliers de notredite
Abbaye , & à toutes autres perfonnes dépendantes
de notre Jurifdiction Abbatiale : SALUT. Nos prié
res font depuis long- tems fans effet , & nos voeux
ne fe font point élevés jufqu'au trône des miſéricordes
de notre Dieu. Sa main s'apéfantit de jour
en jour fur fon Peuple , & fa patience laffée , nous
fait éprouver les rigueurs de fa Juftice. Les calami
rés les plus affreufes fe fuccedent les unes aux aus
tres. Le Ciel refuſe à nos Campagnes fes douces
influences. Ces Pluyes dont il arrofoit Phéritage
d'une Nation chérie, font fufpenduës , & une féche
reffe prefque générale augmente nos craintes &
nos alarmes paflées. Nos efpérances abattuës ne
peuvent être relevées que par la main de celui qui
nous châtie dans les jours de fa colere. Cefferons
nous de réclamer fes mifericordes ? Qui (çait , s'il
ne fe laiffera pas fléchir , & fi malgré l'excès de
nos iniquités , il ne jettera pas fur nous des regards
favorables ? S'il nous afflige , il peut nous confo
ler ; s'il nous frape , il peut nous guérir . Revenons
à lui de tout notre coeur . Elevons nos voix du fond
de l'abîme dans lequel nos crimes nous ont préci
pités. Perfuadés de notre propre indignité , récla…
mons la protection de notre Sainte Patrone , qui ,
fenfible à nos malheurs,fléchira le Ciel , & comme
Foso MERCURE DE FRANCE
le Prophété , engagera le Seigneur à ranimer par
des Pluyes falutaires nos Moiffons defféchées.
A CES CAUSES , pour nous conformer à l'Arrêt de
ée jour , rendu par la Cour du Parlement à la réquifition
de Meffieurs les Prevôt des Marchands &
Echevins de cette Ville , Nous ordonnons que la
Châffe de Sainte Geneviève , Patrone de Paris &
du Royaume , fera entiérement découverte cejours
d'hui , dont la Ville fera avertie par le fon de toutes
les Cloches de notre Abbaye ; Que le même
jour on commencera les Prieres Publiques par un
Salut , qui fe fera après Complies ; & demain Mereredi
, par une Meffe folemnelle , qu'on célébrera
à neuf heures du matin : Que pendant le tems que
la Châffe demeurera découverte , on dira au Grand
Autel des Meffes , depuis cinq heures du matin jufqu'à
midi ; & que tous les foirs après Complies
fera fait un Salut , qui commencera par une Proceffion
dans l'Eglife , à laquelle on chantera , 1°.
4? Les Litanies , Aufer à nobis ; c. 2°. L'Antienne de
Sainte Genevieve , O Felix Ancilla , & c. 3º. Le
Répons , Si claufero. L'Antienne de la Sainte Vierge
, Sub tuum prafidium , & Domine , falvum fae
Regem , & l'Antienne Da Pacem ; le . Operi , Domine
, coelum nubibus . B. Et para terrapluviam . Les
Oraifons. La premiere , Ad petendam pluviam . Deus
in quo vivimus. Ea deuxième , de la Sainte Vierge ,
Concede nos. La troifiéme de Sainte Geneviève ,
Prafta quafumus . La quatrième , pour le Roy , Quafumus
, omnipotens Deus. La cinquième , pour la
Raix Deus , & quo fancta defideria.
Nous ordonnons de plus , que pendant que la
Châffe demeurera, expoſée à la dévotion des Fideles
, tous les Prêtres qui célébreront la Meffe dans
notre Eglife , continueront de dire les Oraifon
Secrette , & Poftcommunion , intitulées dans le
"
MAY. 1741 1051
Missel Adpetendam pluviam ; Et enjoignons à tous
les Chanoines Réguliers de cette Abbaye , de faire
en leur particulier des Prieres pour obtenir de Dieu
qu'il exauce fon Peuple , & accorde des Pluyes falutaires
aux Biens de la Terre.
La Châsse de S. Germain fut pareillement décou
verte le même jour 16. Mai , & il y eut des Prieres
ordonnées dans le même efprit , dans l'Eglife
de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez.
Le 26. la clôture de la Neuvaine , au fujet des
Prieres faites en l'Eglife de Sainte Geneviève , à
l'occafion de l'extrême fécheresse , fût faite avec
les cérémonies accoûtumées . Le Prevôt des Marchands
, accompagné des Echevins & du Corps de
Ville , s'y étoit rendu le matin. A fon arrivée , le
R. P. Abbé fit un Difcours éloquent fur la reconnoissance
qui étoit dûë à la Patrone de Paris , fur
fa cessation de cette grande fécheresse auquel le
Prevôt des Marchands répondit avec dignité. On
célébra enfuite la Messe, après laquelle le Te Deum
fut folemnellement chanté en Actions de graces,
MORTS.
E 30. Mars,Jacques- Auguſté Bethauld, apellé le
ComtedeChenault,Seigneur de Varennes, ancien
Lieutenant d'une Compagnie de 100. Gentilshommes
Cadets en Normandie, auparavant Capitaine
d'Infanterie dans le Régimentde Baffigny, mourut
à Paris âgé de so. aus . On a raporté la mort de fon
frere aîné dans le Mercure d'Avril 1737. p . 817. &
celle de la Dame fa mere dans le Mercure de Désembre
dernier , premier Vol, p. 2755. Celui qui
1052 MERCURE DE FRANCE
vient de mourir étoit marié , & laiffe des enfans.
I
Le même jour Dane Julie de Pompadour de
Laurieres , veuve depuis le mois de Mai 1731. de
Jean de Talleyrand de Perigord , Prince de Chalais
, Marquis d'Exidouil , Baron de Mareuil Rouf
fiac , Yver &c. mort à l'âge de 89. ans , avec lequel
elle avoit été mariée au mois de Février 1676 .
mourut dans fon Château de Chalais , en Saintonge
, âgée d'environ 91 ans . Elle étoit fille de Philibert
de Pompadour , Marquis de Laurieres & de
Ris , Sénéchal & Gouverneur de Perigord , & de
Catherine de Sainte Maure - de-Montauzier .. Elle
laffe un fils , qui eft Jean Charles de Talleyrand
de Perigord , Prince de Chalais , Grand d'Eſpagne
de la premiere Claffe , Brigadier des Armées de
S. M. Cath. Grand- Bail y & Gouverneur pour le
Roy , de la Province & Duché de Berri , Gouver
neur particulier des Vi les de Bourges & d'Iffoudun
, qui a époufé le 10. Décembre 1722. Dame
Marie Françoife de Rochechouart - Mortemart
Dame du Palais de la Reine , & veuve de Michel
Chamillart , Marquis de Cany , Grand Maréchal
des Logis de la Maifon du Roy & Colonel du Ré
giment de la Marine , mort le 23. Juillet 1716.
-
Le 31. Antoine Valentin Pin , Prêtre Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , de la Maifon
Royale de Navarre , du 31. Mai 1706 Tréforier
de l'Eglife Collégiale de l'Hôpital de S. Jacques ,.
rue S. Denis à Paris , ci- devant Vicaire de la Paroiffe
de S. Euftache , mourut dans fa Maiſon
Clauftrale .
Le 3. Avril D. Marie Claire Arnoul , époufe de
Jean- Robert Sanfon , Receveur General des Confignations
du Parlement de Paris , & autres Jurif
dictions , avec lequel elle avoit été mariée le 20
Décembre 1718. mourut à Paris dans la 37.anMAY.
17412 1053
née de fon âge , étant née le 23. Juin 1704. Elle
laifle deux fils . Elle étoit fille d'Hubert Gabriel Ar
nout , ci devant auffi Receveur des Confignations,
& de défunte D. Claire Guillemette de Barcos.
Le 4 Victor Amedée de Savoye , Prince de Cavignan
, en Piémont , Duc d'Yvoy , dit Carignan ,
dans le Luxembourg François , Comte de Soiffons ,
en France , premier Prince du Sang de Savoye ,
Chevalier de POrdre de l'Annonciade , du 29. Ďécembre
1696. Lieutenant- General des Armées du ~
Roy , du I. Novembre 172 ;. & Colonel - Lieutenant
du Régiment Royal Italien , Infanterie , du
12. Mars 1738. ci - devant Colonel Géneral des
Gardes de Savoye , & Gouverneur Géneral des
Places apartenantes au Roy de Sardaigne , Duc de
Savoye dans le Milanés , mourut à Paris en fon
Hôtel de Soiffons , âgé de 1. ans 1. mois & 4.
jours , étant né à Turin le 29. Fevrier 1690. Il fut
employé dans la derniere Guerre dans l'Armée du
Roy en Allemagne , pendant les Campagnes de
1734 & 1735. & il fervit en 1734. au Siége de
Philisbourg. Il étoit fils d'Emanuel Philibert Amedée
de Savoye , Prince de Carignan , mort le 13 .
Avril 1709. à l'âge de 81. ans , & de Marie Angelique-
Catherine d'Est , fille de Borfe d'Eft de Modene
, Marquis de Scandian , morte le 18. Juillet
1722, à l'âge de 66. ans , le Prince de Carignan
avoit été marié le 7. Novembre 1714. avec Vietoire-
Françoife Légitimée de Savoye , née le 9 .
Février 1690. & fille naturelle de Victor Amedée
II. du nom , Duc de Savoye , Roy de Sardaigne ,
mort le 31. Octobre 1732. Il laiffe d'elle Anne-
Térefe de Savoye de Carignan , née à Turin , le
1. Novembre 1717. & Louis . Victor Amedée Jofeph
de Savoye, Prince de Carignan , né à Paris
·le 25. Septembre 1721. & marié à Turin le 4.
•
1054 MERCURE DE FRANCE
ན ་ ་ ་
Mai 1740. avec Chriftine Henriette de Hefle
Rheinfels , née le 24. Novembre 1717. 4. & der
niére fille de Erneft Leopold Landgrave de Heffe-
Rheinfels , mort le 25. Septembre 1731. & d'Eléo
nore Marie- Anne , née Comteffe de Loewenftein-
Wertheim.
Le 12. Avril D. Marie Genevieve Morlet du Mu
Jeau de Garennes , Marquise d'Acheres , & de Garennes
, D de Rebais , de Fremainville , &c . ve■-
ve depuis le 3. Avril 1729. de Jean de Maffol , feul
Avocat Géneral en la Chambre des Compres de
Paris , & Prem. Préfident du Bureau des Finances ,
Chambre du Domaine,& Tréfor de la Géneralité de
Paris , avec lequel elle avoit été mariée le 21. Décembre
1692. mourut à Paris , âgée d'environ 71 .
ans. Elle étoit fille unique de feu Charles Morlet
du Mufeau , Marquis d'Acheres & de Garennes
Seigneur de Rebais , & de feüe D. Marie Genevieve
le Febvre de Caumartin de S. Port . Elle laiſſe
un fils unique qui eft Antoine- Bernard de Maffol ,
né le 11. Avril 1768. & reçû Avocat Géneral en la
Chambre des Comptes , au lieu de feu fon pere
le 17. Septembre 1729 .
On donnera deux Volumes le mois prochain
à cause de l'abondance de matieres , & pour
inferer plufieurs Piéces qui n'ont pû trouver.
placejusqu'à présent .
TABL E.
P
IECES FUGITIVES. L'Interêt banni da
Parnaffe , Amuſement Poëtique , 843
La Révolte des Noms propres latinifés 846
[mita865
866
Imitation de la IV. Ode d'Horace ;
Lettre de M. Tanevot à M. Deftouches ;
Stances fur l'Inftabilité des choſes humaines , 871
Examen de deux Lettres des Obſervations , & c. 873
Ode par l'Abbé Godard ,
885
Lettre de M. D. L. R. à M... fur quelques fujets
de Litterature ,
887
897
898
921
Sonnet fur les Calamités publiqués ,
Queftion importante , jugée au Parlement ,
Maifon de Campagne de M. Desforges Maillard, 910
Acte de l'année 1211. auquel S.Dominique a ſouscrit
comme témoin ,
Compliment fait au Maréchal de Brancas , & c. 923
Lettre de M ... écrite à M. l'Abbé Lebeuf , 928
Ode fur les Inondations de 1740 & 1741. 933
Eloge de M. Bazin, Confeil. au Parlem.de Dijon ,9 ; 6
Enigme , Logogryphes , & c.
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ;
&c. Profpectus d'un Ouvrage Hiſtorique fur la
Ville de Joigny ,
Réfléxions fur l'Opera,
Etabliffement d'une imprimerie à Berlin ,
Tranfactions Philofophiques ,
939
941
953
955
956.
Hift. de Caraufius , Emp . de la G. Bretagne , ibid.
Mem.de Lamberti, & la nouv . Edit de Rabèlais, 957
Differt, fur l'Hift. Ecclef. & Civile de Paris , ibid.
Nouveau Calendrier perpétuel ,
Hiſtoire Romaine de Tite - Live ,–
962
963
Nouveaux Amuſemens du Coeur & de l'Efprit , ibid.
Le Siècle ou les Mém. du Comte de Sofinville , 970
Delle Antichita Eftens ,
La Vita di Aleſſandro Taffoni ,
La Teorica della Pittura ‚ …‚
971
ibid.
972
Differt. touchant les Antiquités Académiques , ibid.
Defcript.de l'état préfent duCorps Germanique , 973
Livres Etrangers qu'on trouve chés Briaffon , ibid.
Troifiéme & quatriéme Volume du nouveau Cours
de
de l'Abbé Deidier , Mathématique , &c. 978
Nouvelle Théorie , par Dulacq, Artillerie, & c. 9&0
Autres Livres nouveaux
Question propófée aux Sçavans ,
• ibid.
986
Difcours Latin prononcé par le P. Baudory , ibid.
Extrait du Mem. de M. Duhamel. Acad.des Sc. 987
Prixde l'Acad de Chirurgie pour l'année 1742. 989
Mémoire de M.Rameau,Ouvrages de Mulique, 990
Médaille du Roy ,
Estampes nouvelles , & differentes Cartes ,
Ouvrages de Mufique de M. le Maure ,
Gouttes du Géneral de la Motte ,
Teinture de Diamans ,
Nouvelle Fabrique de Bierre ,
Chanfon notée ,
991
ibid.
997
998
ibid.
999
ibid.
Spectacles , Extrait de la Tragédie de Nitétis, 1001
Nouvelles Etrangeres, Ruffie, Allemagne , & c . 1013
Ratisbonne , Pruffe & Venife , 1018
Efpagne , Italie , Suede & Grande- Bretagne , 1024
Relation d'un Combat Naval , & C. 1028
Morts des Pays Etrangers , 1033
Ode fur la Mort de Rouffeau , ibid.
Promotion d'Officiers de Marine ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 1037
Mandemens pour la découverte de la Châffe de
1038
Sainte Geneviève,
Morts ,
1046
1011
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 931. ligne 3. du bas , ait été , lifez , n'ait
été.
P. 971. 1. 20. Ducate , 1. Ducale.
La Médaille gravée doit regarder la page
La Chanson notée , lapago
991
999
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
JUIN. 1741 .
PREMIER
VOLUME.
Chés
A
PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER;
ruë S. Jacques .
La Veuve PISSOT Quai de Conty,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLI.
Avec Aprobation & Privilege du Roy:
L
>
AVIS.
,
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
L'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
Lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1741.
PIECES FUGITIVES;
en Vers et en Prose.
PARAPHRASE
DU CANTIQUE DE MOYSE.
Prononcé lejour de fa Mort. DEUT. XXXII
Y. I.
MC
Ieux , entendez ma voix : Terre,
écoute en filence ;
Je chante du Seigneur l'amour
& la vengeance.
Que fon Nom glorieux , célebré dans mes Vers ,
Jufqu'au dernier des jours foit craint dans l'Univers!
A ij 1. Vol. Telle
Tos8 MERCURE DE FRANCE
2. Telle
que la vapeur , qui du fein d'un nuage
Se répand goutte à goutte, & par un doux partage
Humecte la Prairie , arrofe les Moissons ,
Telles foient pour Jacob mes dernieres leçons.
Pour Juge entre ce Peuple & le Dieu qui m'éclaire,
J'en laisse le dépôt au fein du Sanctuaire.
3. Mortels , rendez hommage au Dieu qui vous a
faits ;
De çet être fuprême adorez tous les traits .
4. Parfait dans fon Essence,il l'eft dans fes Ouvrages.
S'il frape fes enfans , s'il punit leurs outrages ,
En eft il moins fidele à ſes engagemens ?.
Non , l'équité préfide à tous fes Jugemens ;
Et pour confondre ici des cours pleins de malice
Je vais de fa conduite expofer la juftice .
5. Il aimoit Ifraël ; mais malgré tous fes foins ;
Dont la Terre & les Cieux ont été les témoins ,
Ces témoins qu'ont- ils vû ? Des ingrats, desre belles,
Et d'un culte honteux les oeuvres criminelles,
6. Enfans dénaturés , étoit- ce à ce retour
Que Dieu devoit s'attendre en vous donnant le jour?
Et d'un fouffle vivant n'anima- t'il votre Etre
Que pour vous égarer & pour le méconnoître ?
O raifon fugitive , arrête , & fouviens-toi
Qu'il eft ton Créateur, ce nom ſeul te fait loi .
Mais
JUIN.
1059 1741 .
Mais c'eût été trop peu qu'un mot de fa Puiffance
Au Peuple qui m'écoute eût donné l'existence .
Dieu foûtient fon ouvrage après l'avoir formé ;
Il l'aime , & fa raifon eft de l'avoir aimé.
7. Qu'Ifraël dans les tems remontant d'âge en âge;
Demande à fes Ayeux quel eft fon héritage.
8. Il plût , lui diront - ils , au Dieu de l'Univers
De divifer un Peuple en cent Peuples divers .
Tu n'étois pas encor. Sa Sagesse infinie
Te deftina le fond de cette Colonie ,
Que tu vas fuplanter au - delà du Jourdain ,
9. Et lui-même il voulut être ton Souverain.
Du refte des Mortels, des Mortels font les Princes;
Mais Dieu s'eft réservé pour Trône tes Provinces.
10. Un Défert où regnoient le filence & l'horreur ,
De l'heureux Ifraël vit naître la ſplendeur .
Déja pour l'affranchir j'avois par dix Miracles
Du Dieu qui l'apelloit confirmé les Oracles ;
Pharaon n'ofoit plus le tenir dans les fers .
Il changea. Sous ma main on vit s'ouvrir les Mers,
Mais je paroissois feul , Dieu fe cachoit encore .
Dans le Defert, enfin ce Roy , que l'Ange adore ,
Deſcend avec éclat , fait entendre la voix ,
Traite avec fes Sujets & leur donne fes Loix.
Porté fur un nuage & lumineux & fombre ,
La nuit par fa lumiere , & le jour par fon ombre ,
A iij
Do
1060 MERCURE DE FRANCE
Du Peuple qui le fuit il dirige les pas.
Senfible à fes befoins , préfent à fes combats ,
Il fait pleuvoir la Manne , il donne la victoire ;
A conferver Jacob il met toute fa gloire.
11. Tel , pressant fes petits de faire un noble effort ,
L'Aigle vole fur eux & hâte leur essor.
Si leur aîle molit , il prête à leur foiblesse
Contre les coups du vent fa vigueur , fon adresse.
L'air en murmure en vain , l'oiſeau plein de fierté
Passe , arrive , & remet l'Aiglon qu'il a porté.
12. Du Dieu qui t'a conduit, Peuple, voilà l'image
S'il mérite ton coeur, donne- le fans partage ;
Dieu n'a pas d'un fecond emprunté le fecours.
13.C'eft lui feul qui , veillant au bonheur de tes jours,
T'établit Maître enfin d'une Terre féconde ,
Que fa hauteur défend des ravages de l'Onde ;
Où POlivier profpere , où coule du Rocher
Un miel , que vainement l'Abeille y veut cacher.
14. Qu d'herbes & de fleurs un riant assemblage ,
Que Bazan offre aux yeux fous un Ciel fans orage
De deux laits differens te promet des Ruisseaux ,
Des agneaux à ton choix , des moutons , des chevreaux.
Dans les heureux fillons d'une pleine campagne ,
Que borne d'un côté le pied de la Montagne 2
De
JUIN. 1741. 1061
De l'autre l'horifon , fous l'haleine des vents ,
Tu verras ondoyer & meurir les fromens.
D'un fertile côteau la vigne fortunée ,
Par fes riches préfens couronnera l'année.
Du bien aimé Jacob tout comble les fouhaits ;
Sçaura-t'il de fon Dieu posseder les bienfaits
15.Infenfible à l'amour qui fait fon abondance ;
Son coeur s'apefantit , tombe dans l'indolence.
Trop rempli de fes biens , enflé de fon bonheur ,
Il s'éleve bien - tôt contre fon Bienfaiteur.
Dieu l'a fait ce qu'il eft , l'a tiré d'esclavage ;
Le quitter, ce Sauveur, c'eft un trop foible outrage.
16. Sur les Autels des Dieux qu'invente l'Etranger,
Autels que les Démons ont pris foin d'ériger ,
Ifraël va répandre un fang abominable .
Sans foi , fans Sacrifice , il feroit moins coupable .
17. Mais quitter l'Eternel , croire en de nouveaux
Dieux ,
Que n'a point encenfés la main de vos ayeux ;
Pour ces Dieux inconnus abandonner un Maître ,
Que mille traits d'amour ont fait fi bien connoître;
oublier vo-
18. Pour des Dieux que fait l'homme ,
tre Auteur ,
C'eft , perfides Enfans , par une double horreur ,
19. Du Pere le plus doux forcer la patience.
Jufqu'ici fa Bonté retenoit fa vengeance....
A iiij
200
1062 MERCURE DE FRANCE
( Dien parle. )
20. C'eft trop long- tems , dit- il , les voir & les
fouffrir ;
Mon plaifir déformais eft de les voir périr.
Je vais me dérober aux yeux de ces Rebelles ;
Et ne les connois plus que pour des Infideles.
21. Un Dieu, qui ne l'eſt point, qui n'eſt que vanité,
Reçoit tous les honneurs de la Divinité .
La foi , le feu , l'encens, tout eft pour cette Idole ;
Mon nom même eft le nom d'un Etre fans parole….
Ah ! fi d'un nom fi ſaint je dois être jaloux ,
Puis-je contre Ifraël modérer mon courroux ?
De ce Peuple à mon tour je veux piquer l'envie.
Il a changé , je change. Il a fa perfidie ,
Et moi j'ai mon amour libre dans fes faveurs ;
Ma Grace eft fouveraine & choifit d'autres coeurs
C'est une Nation étrangere , inſenſée ,
Que j'aime , pour regler fon coeur & fa penſée .
Elle afpire au bonheur , ne fait que s'égarer ;
C'est aujourdhui mon Peuple , & je vais l'éclairer,
22. Que le premier s'attende au feu de ma colere ;
Je veux facrifier cette race adultere .
Je ne fuis plus fon Dieu ,ce n'eft plus mon troupeau
La Mort eft fon Pasteur , & l'Enfer fon tombeau ...
Tout m'entend ; à ma voix la Nature eft docile ;
La Montagne eſt brulée & la Plaine ſtérile.
Ifraël
JUIN. 1741. 1063
Ifraël feme encore , & toujours feme en vain ;
Une Terre de fer aura des Cieux d'airain.
23. Je l'avois fait heureux & le voulois fenfible ;
Mais pour un Ifraël il faut un Dieu terrible ...
Que tous les maux fur lui viennent ſe rassembler
Du dernier de mes traits je le veux accabler,
24. Que la faim le confume , & que pour fépulture
Aux Vautours dévorans il ferve de pâture .
Que l'Ours & le Lion , difputant de fureur ,
Le partagent entre eux, & pour furcroît d'horreur,
Que le Serpent s'élance , aille du Fils au Pere ,
De l'Epoufe à l'Epoux , de la Fille à la Mere .
25. Que l'ennemi furvienne, attaque fes remparts
Et faffe devant lui floter des Etendarts
Déja tout teints de fang , du fang de fa Patrie.
Ifraël prétend- il me diſputer ſa vie ?
Qu'il forte , au fer vengeur il eft abandonné.
L'effroi le retient'il ? Le fignal eft donné ;
Que l'ennemi confonde & la tendre jeunesse ,
Et la Vierge timide , & la blanche vieillesse ,
L'enfant même , l'enfant que la mere en fon fein
Alaite & croit fauver du Soldat inhumain
Glaive , n'épargne rien , frape , immole , ravage...
En refte- t'il encor ? .. acheve ton carnage .
....
...
26. Ou font-ils ? .. Que leur nom ſoit pour jamais
détruit ;
Qu'Ifraël fait perdu dans l'éternelle nuit.
A 27
1064 MERCURE DE FRANCE
27.Ainfi pourrois - je éteindre en un jour fa mémoire.
Mais le fier ennemi diroit dans fa victoire :
" C'eſt à mon bras armé qu'en eft dû tout l'honneur;;
Rien ici n'eft de Dieu , fans lui je fuis vainqueur.
(Moyfe. )
28.Tel eft le faux confeil d'un Peuple fans prudence.
29. Que n'a-t'il moins d'orgueil & plus d'intelligence
?
Sagement étonné d'un tel évenement ,
L'avenir , diroit- il , réſerve un dénouement ;
Et je veux ménager cet Agent invifible ,
Qui rendit autrefois Ifraël fi terrible.
30. Comment un Soldat feul pourfuit- il mille Hé
breux ?
Deux en chassent dix mille ? Un Peuple fi nombreux
Comment a-t'il donc pû céder fans ſe défendre ?
Cet étrange revers ne fait- il pas entendre
Que fi , malgré le nombre , Ifraël s'eft renda ,
Ha quitté fa force , & fon. Dieu l'a vendu .
Oui , c'eft se Dieu vivant qui regle la tempête ;
11
I pourra dire un jour : Vent, tai -toi , Mer, arrête.
31. L'Etranger a fes Dieux ; on peut les méprifer
Er du même cifeau qui les fit , les briſer.
Mais le nôtre eft un Dieu capable de vengeance .
Amalech & Egypte ont fenti fa puissance .
Moyfe adreffe la parole à Dieu.
93
2.Quand la connoîtront- ils, ces barbares vainqueurs,
Qui
JUI N. 1741.
1065
Qui vont fur Ifraël épuiſer leurs rigueurs ?
Vigne du plant maudit de Sodôme & Gomorrhe ,
Qui ne portes qu'un vin que la Nature abhorre...
Emules des Afpics .. Ces coeurs envenimés ,
33. Qui du fang des Dragons femblent être formés,
Ne verferont jamais que le fiel en breuvage.
Dieu, faut- il qu'Ifraël dans un long eſclavage ,
Enyvré d'amertume & d'un vin de fureur ,
N'attende que la mort pour terme à fa douleur ?
Dieu répond.
34.N'ai-je donc que pour lui des trésors de colere?
Arbitre de fon fort , puis - je de fa miſere
Comme une vaine Idole ignorer le progrès ?
Je vois , je vois les maux qui caufent fes regrets ,
Et je garde au Tyran les traits les plus funeftes .
De mon Peuple en ſes mains , fi j'ai livré les reftes
Eft-ce pour les détruire , ou pour les ramener
Doit-il perdre Ifraël , fi je veux l'épargner
35. Seul, je puis former l'homme , & c'est moi qui
l'anime ;
*
Seul auffi j'ai le droit d'en faire une victime.
Le plus impérieux de tous les Souverains
Me doit compte du fang du dernier des Humains ;
Et le fien doit hommage au bras de ma Juſtice.
Que le coupable avance : il court au précipice.
Ma vengeance l'attend , pour la faire éclater ,
Les jours pressent les jours... je les vois fe hâter.
A vj Moyse.
1066 MERCURE DE FRANCE
Moyfe.
36. Dieu Saint , je vous entends ...
Jacob , je te l'annonce :
Il est un Jugement que la pitié prononce.
Dieu voit res murs détruits , le Eieu Saint prophane
Tes richesses en proye au Soldat effréné :
Le Fleuve a pris fon cours , la Digue eft renversée į
La Maiſon d'Ifraël éteinte ou difperfée ;
Et ces reftes épars , qu'un joug deshonorant
Doit bien moins affliger qu'un remords dévorant,
Ces reftes , que font- ils que prolonger l'Hiſtoire
D'un Peuple à qui fon crime a fair perdre fa gloire
Mais c'eft un grain femé. De la Terre d'oubli ,
Ou le nom d'Ifraël paroît enfeveli ,
De ce vil compofé de pleurs & de pouffiere ,
Qui d'un nouveau Soleil invoque la lumiere ,
Sous le pied qui le foule Ifraël germera ;
Les beaux jours reviendront , le Ciel fe calmera.
Oui , Peuple humilié, ton Dieu qui t'aime encore
Fera luire fur toi la plus brillante Aurore.
Gémis avec efpoir ; fouffre fans murmurer ;
S'il ordonne les maux , il fçait les mefurer.
Soupire , implore , attend que le Ciel te confole...
37.Il s'ouvre, Dieu defcend , écoute la parole..
Dieu
Où fe tiennent- ils donc ces Dieux,ces puissans Dieux,
Qu'Ifraël
JUIN. 17413
1084
Qu'Ifraël honoroit d'un nom fi glorieux ?
Honteuſement conduit par fa folle eſpérance ;
Suivant en vrai Captif le vice & l'ignorance ,
Il alloit immoler à ces faux Immortels.
Je l'ai vu prodiguer mes dons fur leurs Autels ;
Manger de leur Victime & boire à leur Calice .
Qu'il recueille aujourd'hui les fruits du Sacrifice:
Le voilà malheureux : où ſont ſes Défenſeurs ?
Qu'ils viennent donc l'aider contre fes opresseurs™
Mais dûres-vous compter fur de tels Tutelaires ?
Eh ! que peuvent pour vous des Dieux imaginaires
39. Connoissez le feul Dieu digne de votre foi ;.
Ifraël , il n'eft point un autre Dieu que moi.
C'eft moi qui réunis ce que la mort fépare ; *
Je frape & je guéris ; je détruis & répare ;
Rien ne peut ravir l'homme au pouvoir de ma maină
- Viens donc à moi,Jacob , viens vivre dans mon ſein.
Celui qui peut donner la mort à la mort même ,
Aſes vrais Serviteurs promet le bien fuprême .
40. Mais ces fiers aggresseurs de ma Divinité . . ¿
Par le Ciel où je vis , par mon Eternité ,
J'en jure , c'eft aux traits d'une implacable haine
Qu'ils connoîtront d'unDieu la grandeur fouveraine
* Preuve bien expreffe de la Réſurrection des
Morts. Voyez Tertu lien , Origene , S. Hilaire de
Poitiers , le Rabin Aben Ezra , l'Auteur de la Vie
de Moyfe , & autres.
41
1069 MERCURE DE FRANCE
4r. La foudre
part, éclaire & frape enun moment
Tels partiront
mes coups , fi j'entre en Jugement
.
Quand j'ai puni Jacob, je le frapois en Pere ,
Et malgré la longueur d'un châtiment févere ,
De mes engagemens je me fuis fouvenu ;
Ma mémoire & mon coeur m'ont toûjours fetenu:
42. Mais ma colere eft libre , & rien ne la balance;
J'éteindrai dans le fang la foif de ma vengeance.
Oui, je veux que le fang , en ruisseaux, en torrent,
Coule
pour assouvir mon glaive dévorant.
Je veux qu'environné de Victimes fumantes ,
Seul de reſte au milieu de fes troupes mourantes,,
Le fanguinaire Chef qui fit tant de Captifs ,
Aprenne en périssant aux Mortels attentifs ,
Que celui qui le frape eft Maître da Tonnerre ,
Et Juge fouverain des Tyrans de la Terre ...
Le moment eft venu , le délai n'a plus lieu . . .
Enyvrez- vous, meş traits. Je l'ai dit : je fuis Dieu .
Moyfe.
43 O Dieu terrible & doux ! ô Confeil adorable
La perte d'Ifraël parut irréparable ;
Et peut-être , Gentils , le voyant malheureux ,
Vos yeux n'eurent pour lui qu'un mépris rigoureux
Mais aujourd'hui témoins du revers falutaire ,
Qui le ravit au joug d'un cruel adverſaire
Célebrez d'Ifraël la gloire & le bonheur ;
De concert avec lui , chantez le Rédempteur.
9*
D'un
JUIN. 1741.
1069
D'un Peuple criminel , redevenu fidele ,
Il a reçû les pleurs , embrassé la querelle ;
Le fang venge le fang ; l'Opresseur eſt aux fers ; ,
Il languit , il expire , il defcend aux Enfers ,
Et Jacob eft tranquille au fein de fa Patrie :
Tombez, reftes honteux de fon Idolatrie ;
Il ne reconnoît plus de Dieu que fon Auteur
Le Dieu de fon falut eft le Dieu de fon coeur.
********
LETTRE de M..... à M. D. L. R. aw
fujet de la défenfe de la Lettre R. qu'on vous
Loit profcrire , °C.
V
Ous me demandez , Monfieur des
éclairciffemens fur une Piéce intitu
lée Défenfe de la Lettre R contre M. l'Abbé
Mervefin , par M. Remerville de Saint - Quin
tin. Puifqu'il s'agit de vous obliger , je com
mence par vous envoyer la Piéce en quef
tion , telle que je la reçûs MS. en 1712.
tems auquel elle fit du bruit. Les principaux
perfonnages qui y paroiffent , font Meffieurs
Mervefin , Remerville de S. Quintin , Lombard
de Gourdon , le Marquis & la Marquife
de Buous , le P. Bailly & l'Abbé du Bois ;;
je ne fçais rien fur ce dernier , mais voici
quelque détail sur les autres..
Jofeph
1670 MERCURE DE FRANCE
Jofeph Mervefin nâquit dans la Ville d'Ape
en Provence ; il entra dans la Congrégation
des Benedictins de Cluny , & fût fait Prieur
de Barret. Il fit imprimer à Paris en 1706.
une Hiftoire de la Poëfie Françoife , 1. vol .
in 12. M. Remerville de S. Quintin fit des
Remarques fur cet Ouvrage , dont on trouve
l'Extrait dans le Journal de Trévoux du
mois de Juin 1707. M. Mervefin répondit
par une Lettre imprinrée chés Giffard , &
la même année M. de S. Quintin répliqua
par une autre Lettre adreffée à M. ***
L'Extrait eft dans un des mêmes Journaux
de l'an 1708.: les Journalistes prennent le
parti de l'Abbé Mervefin , & conviennent
que cette derniere Lettre de M. de S. Q. eft
moins aigre que fes Remarques. Ils ajoutent
que dans une Lettre qu'il leur a écrite , il
avoue qu'il auroit dû avoir un peu plus d'égard
pour le caractere & la profeffion de M.
Mervefin , auffi affûre - t'il qu'il auroit été plus
modéré , s'il avoit fçû que fes Remarques
dûffent devenir publiques , mais qu'on les
avoit imprimées à fon infçû & il prie les
Journalistes d'en inftruire le Public. Il compofa
auffi fur ce fujet une Fable en Vers , intitulée
: La Grenouille Provençale , qui fut
très- bien reçûë , où il renferma les principales
circonstances de la vie de l'Abbé Mervefin.
Ce premier démêlé fut fuivi de plufreurs
JUIN. 1741: 1071
fieurs autres; j'ignore fi M.Mervefin y donna'
lieu , ou non ; ce qui eft certain , c'eſt que
M. de S. Q. compofa plufieurs Piéces de
Poëfies contre lui . En 1710. cet Abbé ayant
propofé de faire un Difcours fans employer
la Lettre R , M. de S. Q. fe récria là- deffus ,
& l'Abbé fit trois Lettres fans R : M. de S.
Q. éprouva enfuite que la chofe étoit poffible.
M. Mervelin avoit projetté plufieurs Ouvrages
, tant en Profe qu'en Vers , entre autres
, l'Hiftoire de la Rhétorique Françoife :
il a publié plufieurs Odes , en a laiffé plufieurs
autres MSS . & beaucoup d'Epigrammes
fur differens fujets . Mais ce qui releve
le plus fon mérite , c'eft qu'en 1721. fa Patrie
étant affligée de la Pefte , il fe livra trèsgénereufement
au fervice des peftiferés , &
mourut quelque tems après.
François Remerville de S. Q. nâquit auffi
à Apt , d'une Famille noble , originaire de
Lorraine Guillaume Remerville un de fes
Ancêtres , fuivit en Provence le Roy René
d'Anjou ; ce Prince le fit Tréforier de fes
Finances en 1472. Maître Rational en la
Cour Royale d'Aix en 1479. Il fe maria à
Apt en 1484. & y fixa fa Famille . François
Remerville de S. Q. fut un de fes Defcendans
. Son pere s'apelloit François Remerville
, & fa mere Yfabeau de Mazargues ."
Quelque
1072 MERCURE DE FRANCE
Quelque difpofition que S.Q eût aportée en
naiffant pour les Lettres , il ne s'apliqua que
bien tard à la Littérature. Peut- être que l'acquifition
qu'il fit des principaux MSS. de
Marc- Antoine Groffi , un de fes fçavans Compatriotes
, en fut l'occafion. Il s'adonna dès
ce tems -là à la recherche des Titres & des
Chartes dont il acquit une grande connoiffance
, foit pour l'Hiftoire de la Province
foit pour l'Hiftoire des Maifons & Familles
particulieres.
Il trouva dans le Château de Sault le MS;
original des Lettres de François de Montau.
ban d'Agout , Lieutenant de Roy dans le
Lyonnois pendant les Guerres de la Religion
, écrites au Roy dans les années 1560.
1561.1562 . 1563. il les communiqua au P.
Menetrier Jefuite , & le P. de Colonia en a
fait ufage dans fon Hiftoire de Lyon. Il avoit
auffi trouvé le Cartulaire original de l'Eglife
d'Apt , auquel il a ajouté des Notes très - judicieufes
; il en a fait un don à l'Eglife d'Apt,
s'en réfervant feulement une copie.
L'explication des Arcs de Triomphe érigés
à Aix , donnée par M. Galaup de Chaf
feuil , à l'arrivée des Ducs de Bourgogne &
de Berry , fût le fujet d'une difpute. MM. de
Ruffi & de Haitze publierent une Critique
contre ces explications fous les noms d'Ewxenus
Marfeillois , & de Sextius le Salien. M.
de
JUIN. 1741. 1073
de S. Q. prit la défenſe de Chaffeuil, & compofa
fur ce fujet plufieurs Lettres , & quelques
Balades qui furent imprimées en 1. Vol.
in 12 .
Enfuite une matiere plus intéreffante l'occupa
plus long- tems ; il travailla avec un trèsgrand
foin à la vie de S. Elzear de Sabran ;
mais lorfqu'elle étoit fur le point de paroître
, le feu prit à l'Imprimerie , & réduific
cet Ouvrage en cendres : il n'en échapa que
Ja Préface adreffée à la Nobleffe de Provence.
M. de Caftellane d'Auzet Gentilhomme
de mérite , ayant compofé la Génealogie de
Illuftre Maifon de Caftellane , M. de S. Q
examina fon Ouvrage , & lui écrivit plufieurs
Lettres , prétendant lui démontrer que cette
Maifon ne tire pas fon origine , comme le
dit M. d'Auzet , des Rois de Caftille , mais
qu'elle a la même origine que les Maifons
d'Agout , de Pontevez , & de Simiane. Les
deux MSS. font entre les mains de M. le
Préſident de Mazaugues.
En l'année 1720. ce Préfident eut une
conteftation avec M. de S. Q. fur les ancienmes
Chartes de Provence , cirées par M. de
Ruff dans fes Differtations fur les Comtes
de Provence , de Forcalquier , de Venaiffin ,
& fur les Vicomtes de Marfeille . M. de S.
Q. n'ajoutoit point de foi à ces Piéces , &
M.de Mazaugues en foûtenoit l'authenticité .
H
1674 MERCURE DE FRANCE
Il avoit donné au Public en 1704. les Ca
nons d'un Concile tenu dans la Ville d'Apt
l'an 1365. fous le Pontificat d'Urbain V. auquel
avoit préfidé le Cardinal Philipe de Cabaffole
, & où fe trouverent les Archevêques
& Evêques des trois Provinces Eccléfiaftiques
d'Aix , d'Arles & d'Avignon . Ce Concile
n'avoit point encore été publié. Il prouva
enfuite que S. Caftor , Evêque d'Apt au
commencement du V. Siécle , avoit fondé
un Monaftere dans fon Diocèfe : files Auteurs
de Gallia Chriftiana avoient lû cette Piéce
ils n'auroient pas dit que ce Monaftere étoit
dans le Diocèfe de Nîmes , ils l'auroient placé
dans celui d'Apt , en un Lieu apellé
Menancha. Il donna encore dans le même
tems une Differtation fur le mot Albici ou
Albeci , ancien Peuple de Riez , contre le
P. Hardouin . Ces trois Piéces furent imprimées
dans les Effais de Litterature. Il a laiffé
manufcrite l'Histoire d'Apt fa Patrie , dont il
m'a communiqué quelques endroits : il avoit
auffi travaillé à celle des Comtes de Forcalquier
, & fait une Differtation fur les Reliques
de fainte Anne , qu'on prétend avoir
à Apt ; s'il n'étoit pas venu à bout d'en démontrer
l'authenticité , il avoit au moins
rempli fa Piéce d'excellentes recherches , &
On peut dire que cet Ouvrage lui auroit fait
honneur , s'il eût été publié.
on
JUIN 1741. 1075
Il n'avoit pas moins de goût pour la Poëfie
que pour l'Hiftoire , & pour les autres
genres de Litterature. Il a compofé plufieurs
Piéces en Vers François & Provençaux , entre
autres, une fort belle Ode à la louange de
la Provence. Les Vers que vous trouverez de
lui dans cette Défenſe , vous donneront une
idée de fon talent . Les Auteurs de Gallia
Chriftiana , qui ont profité de fes lumieres ,
ont fait fon Eloge en plufieurs endroits . Sur
la fin de fes jours il fut reçû dans l'Académie
de Marſeille en qualité d'Académicien
Externe. Il mourut à Apt au mois de Juillet
1730. âgé de 80. ans .
Jean- Henri Lombard de Gourdon , à qui
M. de S. Q. adreffe la plainte de la Lettre
R , nâquit dans la Ville de Graffe d'une Fa→
mille diftinguée par fa Nobleffe. Il eut pour
pere François Lombard de Gourdon , qui
aprés avoir fervi long- tems avec honneur
devint Lieutenant Géneral au Siége de la
Sénechauffée de cette Ville , & pour mere
Marie- Anne Grimaldi de Courbons . Il vint
au monde avec d'heureufes difpofitions pour
les Lettres , qui furent cultivées par Jean-
Henri de Grimaldi , Marquis de Courbons ;
fon grand- pere , perfonnage d'un grand mérite.
Quand il fût un peu avancé en âge , on
l'envoya chès les PP . de l'Oratoire de Marfeille
, où il étudia en Rhétorique fous le P.
Bahier
1076 MERCURE DE FRANCE
Bahier , excellent Poëte Latin & François ; il
perfectionna le goût du jeune de Gourdon
pour la Poëfie & pour l'Eloquence , Ses
premieres Etudes finies , il vint à Paris ,
fe fit connoître à l'Abbé Furetiere , à M. de
la Fontaine , & au célebre Defpreaux : il
laiffa même échaper quelques Vers qui lui
firent honneur. A tous les agrémens de la
jeuneffe il joignoit une grande douceur , &
une aimable politeffe. De retour en Provence
, il fût chargé de plaider une Cauſe ſinguliere.
Une femme ayant été pendue à Aix , on
lui trouva encore un fouffle de vie lorfqu'on
voulut l'enterrer ; on la cacha , & on en eut
tant de foin , qu'elle revintà la vie. Le jeune
de Gourdon chargé de cette Cauſe , fe fit admirer
, & obtintla grace. Peu de tems après
il fût reçû à l'Académie Royale d'Arles ,
&
fe mit en poffeffion de la Charge de Lieutenant
Géneral du Siége de Graffe , que fes Ancêtres
avoient remplie avant lui ; il l'exerça
long-tems à la fatisfaction de tout le monde.
En 1708, il fût fait Second Préfident au Sénat
de Nice,honoré dans la fuite d'une Com
miffion confidérable auprès du Roy de Sardaigne
. Il aimoit paffionnément l'Etude, auffi
le trouvoit- on toujours occupé à lire & à
compofer. Il difoit quelquefois en badinant,
que fi on l'enfermoit , pourvû qu'on lui donnât
de l'Encre , du Papier & des Livres , il
ne
JUIN.
1077 1741.
ne penferoit jamais à demander fa liberté. Il
fçavoit beaucoup , auffi a - t'il compoſé un
nombre infini d'Ouvrages, tant en Profe qu'en
Vers , mais ils font prefque tous reftés manufcrits.
J'en ai lû feulement deux , fçavoir,
Ja Vie du Philofophe Boëce , & une Critique
de tous les Difcours prononcés dans l'Académie
Françoife , dans laquelle il a mêlé
plufieurs détails intéreffans fur les Vies des
Académiciens. Je ne fçais de lui d'imprimé
que quelques Piéces de Vers , & l'Eloge de
M. de Gaufridi , Confeiller au Parlement
d'Aix , Hiftorien de Provence , imprimé à
la tête de fon Hiftoire . Il étoit très - aimable ,
il fçavoit fe faire écouter des heures entieres,
toujours avec un nouveau plaifir ; il narroit
avec facilité , avec grace & avec efprit . Je
fuis , au refte charmé d'avoir cette occafion
de vous faire connoître une perfonne ,
qui , non- feulement m'a honoré de ſon amitié
, mais encore m'a comblé de fes bontés .
Il mourut en 1720. ou 1721. avec les regrets
de tout le monde. Son fils, qui rempliť
Ja Charge de Lieutenant Géneral au même
Siége , marche fur fes traces ; il préfida il y a
environ deux ans aux Etats de la Province .
>
M. N. de Pontevez , Marquis de Buous
un des' quatre Lieutenans de Roy en Provence
, & Mad. la Marquife de Buous fon
Epoufe étoient les intimes amis de M. de S.
Quin1078
MERCURE DE FRANCE
Quintin , auffi parle -t'il d'eux en plufieurs
endroits avec éloge. Ils avoient un grand difcernement
& un grand goût pour juger des
Ouvrages d'efprit. La Dame étoit de la Maifon
de Montbrun , en Dauphiné.
Le P. Bailly , Gardien des FF. Mineurs
Conventuels , étoit né dans la Ville d'Apt
comme M. de S. Quintin : il avoit beaucoup
de mérite , & a prêché avec diſtinction dans
les principales Chaires de Provence. J'ai
l'honneur d'être , Monfieur , &c.
DEFENSE de la Lettre R contre M.
l'Abbé Mervefin , par M. Remerville de
S. Quintin.
Avant que d'entamer
cette Piéce , une peti
te inftruction
me paroît
néceffaire
.
La Compagnie étoit grande au Château
de Buous Diocèfe d'Apt. Le Marquis & la
Marquife de ce nom , Gens d'un mérite diftingué
, en étoient l'ame. La conversation ;
& la converfation litteraire furtout , étoit un
des plus agréables amuſemens , & chacun
avoit la liberté de dire ce qu'il penfoit , lorf-
P'Abbé Mervefin s'avisa de proposer
qu'on pourroit faire un Difcours coulant &
facile , fans employer la Lettre R. Cette propofition
furprit d'abord tout le monde . M.
de S. Quintin , dans la chaleur du premier
mouvement , répondit qu'on ne feroit pas
que
même
JUIN. 1741. 1079
même une Lettre raisonnable. L'Abbé M. en
composa trois fans R , & M. de S. Q. lui
en écrivit une auffi fans R, convenant par- là
que la chofe eft poffible . Cette Lettre fut
fuivie d'une autre , dans laquelle il lui fait
quelques reproches , ce qui obligea cet Abbé
à lui faire des excuses , & à suprimer fon
Ouvrage ; mais quelque tems après il le fit
reparoître . Alors M. de S. Q. prit le parti du
bonfens & de la raifon , qu'il crût offenfes .
Il écrivit au P. Bailly Gardien des FF. Mineurs
Conventuels , une Lettre en Vers fans
R, & adressa la Plainte de cette Lettre à M.
Lombard de Gourdon , Préfident au Sénat de
Nice , & c'eft la meilleure Piéce du Recueil.
La Réponse à celle- ci , & deux Epigrammes
terminent cette Défenfe.
&
LETTRE écritefans R à M. l'Abbé Merž
vefin à Apt le 9. Juillet 1710.
A l'Abbé , chés qui le fouci
N'établit jamais domicile ;
C'eſt le plus connu de la Ville
Et fon petit Hôtel auffi
Voulez-vous bien , Abbé mon ami , que
sans dissimulation , je vous dise ma pensée
touchant ce que vous avez donné au Public ?
Vous aviez foûtenu à Buous qu'un homme
1. Vol. B doug
1080 MERCURE DE FRANCE
doüé de quelque génie , & capable de quel
que attention , disoit sans beaucoup de peine
tout ce qu'il vouloit , & d'un ftile coulant,
excluant cependant la Confonne qu'on
a placée dans l'Alphabet , immédiatement
avant l'S. Vous avez voulu que nous fuffions
convaincus que cela n'eft pas impoffible , &
on ne le dispute plus : c'étoit-là le point &
un amusement louable , mais que ne vous y
teniez -vous ? Je vous l'avoue ,je vous blâme
beaucoup de ce que vous vous échauffez fans
fujet , & de ce que vous ne ménagez pas assés
un de vos bons amis. Quoi ! des qu'on
n'épouſe pas vos opinións, on eft plein d'entêtement
, on a le défaut du Pays , & on étend
fon jugement au- delà de fes connoiſſances ?
Cela n'eft pas foûtenable . Vous fçavez qu'u
ne Dame d'une qualité diftinguée , dont le
jugement & les connoissances sont de la plus
vafte étendue , comme vous l'avez dit fouvent
vous-même , que cette Dame , dis-je¸
fût du côté de ceux qui combattoient ce que
yous aviez avancé touchant la Conſonne en
queſtion. Vous voyez bien où cela va penfez-
vous que cette Dame , toute indulgente
qu'elle eft , ne fe fente pas un peu offenfée de
ce que vous dites ? Quant à l'Abbé Dubois .
vous l'avez choqué , je n'en doute point ; il
eft fâcheux que ce qui dans le commencement
n'étoit qu'un jeu , devienne une choſe
JUIN. 1741. 1081
de confequence. Ce que vous avez composé
n'eût pas été moins joli ni moins bon , fans les
invectives : ne foyez pas fâché de ce que je
vous dis ici , c'eft un effet de mon amitié.
J'avoue que je ne pensois pas qu'on se passât
fi facilement de cette Confonne , je conviens
maintenant qu'elle eft inutile , ou peu
s'en faut ; un moment m'a fuffi : cependant
je ne fuis pas de l'opinion que vous foûte--
nez , que la Confonne que j'évite ici avec
foin , eft moins utile au ftile élevé qu'au ftile
commun. Il n'y a pas long- tems que nous
avons vû qu'on se passe auffi de la Consonne
S, fi nous continuons , adieu l'Alphabeth
Je vous fouhaite fanté & bon apétit.
AUTRE Lettre au même.
Je croyois , Monfieur , que les Habitans
'du Parnaffe étoient gens de bonne foi , nullement
à deux vifages , & vous regardant
en dépit de bien des gens , & quelquefois
même en dépit de vos productions , comme
un Favori des Muses , je me tenois fort assûréfur
votre parole , mais ce queje viens d'aprendre
me désabuse entiérement. Voyez fi
je suis bien inftruit ; vous passâtes à Buous.
à votre retour d'Aix , & là vous dites à une
Dame , qui assûrément n'ira pas commencer
à mentir pour l'amour de vous , vous lui
dîtes que vous aviez fait un Ouvrage contre
Bij moi
1082 MERCURE DE FRANCE
que
moi au fujet de la dispute que nous avions
euë , & que vous veniez pour me terrasser
effectivement ; vous vîntes ici , mais changeant
de langage , vous cûtes d'abord grand
foin de me dire que votre nouvel Ouvrage
ne me regardoit point , & que M. l'Abbé
Dubois étoit le feul que vous aviez en vûë.
La précaution que vous avez prife de parler
au fingulier , rendoit la chose affés facile à
croire des deux côtés ; pour moi , je crûs ,
sans l'examiner , tout ce que vous voulûtes,
ainfi vous vous aplaudifiez en fecret d'avoir
dupé deux de vos amis , ne doutant point
M. l'Abbé Dubois ne fût bien informé
à Buous , où il étoit alors , de ce que vous y
aviez dit ; il vous revenoit de -là un petit
avantage qui ne vous eft pas indifferent, quoique
vous feigniez de le mépriser ; c'est que
Vous vous mettiez à l'abri de la Critique ,
car il n'y avoit pas d'aparence que M. l'Abbé
Dubois attaquât votre Ouvrage , après
que vous aviez déclaré à Buous , que vous
ne fongiez pas à lui , & il étoit bien sûr que
je n'y prendrois pas garde , après la protefta
tion que vous m'aviez faite ici. Quel plaifir
pour vous de voir une fois dans votre vie ,
une de vos productions joüir en paix des Eloges
que vous leur donnez ! Les chofes en feroient
demeurées là ; je me ferois contenté
de vous repréſenter charitablement , comme
jai
JUIN. 1741. 1683
J'ai fait , le tort que vous aviez d'invectiver
contre M. l'Abbé Dubois , & de vous apren
dre en même -tems par une Lettre que vous
me pressâtes de fuprimer par des raifons qui
pazoiffent maintenant , de vous aprendre ,
dis-je , comment fans R on peut écrire d'un
ftile coulant , & dire quelque chofe de raifonnable
, mais votre manege eft découvert.
En raffemblant ce que vous avez dit à Buous,
& ce que vous avez dit ici , il eſt aisé de
comprendre que votre deffein étoit de tourner
en ridicules deux perfonnes. Vous jugez
bien que nous ne fommes pas gens à repliquer
par des injures : lisez , en attendant
quelque autre chose , les Remarques qu'on
a faites fur vos Lettres ; du refte , ne prétendez
pas vous prévaloir de celle que je vous
ai écrite fans R, où , pour vous faire plaifir ,
j'ai déguisé le Fait de la dispute. Je déclare ,
& des perfonnes dont , par malheur pour
vous , le témoignage n'a rien de fuspect ,
feront foi que c'eft d'un Sermon sans R , &
non pas d'une Lettre qu'il s'agit. Adieu , M.
armez -vous de bonnes raisons , fi vous le
pouvez , ou faites provifion de patience.
A Apt le 12. Juillet 1711 .
B iij LETTRE
1084 MERCURE DE FRANCE
LETTRE fans R au R. P. Bailly , par
M. de Saint Quintin.
ΑνU Chef d'une Maison qu'un humble Saint bâtit,
Et qui de tels Dévots n'eſt plus le domicile;
Elle n'eft pas loin de la Ville ,
C'eft-là que le Pont aboutit.
Enfant d'un Saint benin & doux ,"
Dont le vafte génie inventa la Beface ,
On m'a dit depuis peu qu'un Abbé vous menace ;
S'il vous faut un fecond,ma Plume eſt toute à vous?
Disposez en fans nulle peine ;
Vous fçavez que je fuis ennemi des façons ;
J'ai déja plus d'une douzaine
Tant de Sonnets , que de Chanfons.
Jamais , depuis le tems que le Dieu des Saifons
De fes feux échauffe ma veine ,
Je ne me vis mieux en haleine ;
Dépêchez , vite , commençons ;
Dans la Lice qu'on vous affigne
Donnons & de taille & d'eftoc ;
Quoique l'on penſe de ce choc ,
Si vous employez une ligne ,
Je gage qu'auffi - tôt le fuccès vous eft hoc,
Je conviens que fans la Confonne
Qui feule excite ici nos débats commencés ,
11 fe peut bien que l'on chiffonne
Des
JUIN 1741. τους
Des mots fans fuite & mal placés ;
Mais que l'on foûtienne fans elle
Dans un ftile fuivi , le plus petit fujet ,
C'eft juftement ce qu'on apelle
Un vain & fantaſtique objet .
Supofons la chofe facile ;
Eft- il deffein plus inutile
Celui qui l'inventa jadis ,
De fon débile chef conſuma la ſubſtance ;
C'étoit un Moine oifif , à qui longue abftinence
Avoit gâté le fiége où le Sens eft affis .
Faut-il , plus fou que lui , qu'en tels Salmigondis
Je laffe auffi ma patience ?
Bailly , qu'un goût folide , exquis ;
Egale en tous points d'Eloquence
Aux Sçavans les plus aplaudis ,
Ajoûtons de nouveaux défis
A ceux qu'a déja faits Damé de conféquence ;
Ainfi
Dame , qui feule en vaut bien dix ,
Soit qu'elle agiffe , ou qu'elle penſe ,
Et cent fois plus que je ne dis ,
Sans qu'on la flatte , ou qu'on l'encenſe ;
que fon Epoux , dont les talens acquis
Quand il les met en évidence ,
Donnent un vif éclat à ſon intelligence ;
Et fi quelque Abbé dans fes dits
Sauf ce qu'on doit à fa haute Science )
>
2
B iiij Avec
1086 MERCURE DE FRANCE
Avec une humble patience
N'accepte pas les démentis
Que lui donne telle Sentence ;
Difons- lui mille fois tant pis ;
Ou , s'il juge le cas faiſable ,
Qu'il nous donne de fa façon.
Quelque chofe au moins de paffable ,
S'il n'eft enfin tout- à- fait bon.
Un Galimathias fémblable.
'A celui qu'on a vû fous un poſtiche nom ,
N'impofe qu'à des gens d'un goût bien pitoyable ,
Et ne fait pas que l'on change de ton .
De mon aimable Solitude ,
Où de tout foin exempt , dans un petit Taudis į
Je donne mon tems à l'Etude ,
Le vingtiéme Juillet de l'an mil fept cens dix.
PLAINTE DE
EPIGRAMME.
L'R .
Poëtes , Orateurs , fouffrirez - vous qu'on ofe
Me profcrire à vos yeux des Vers & de la Proſe è
Le téméraire Auteur de cette trahison
Youdroit que les Ecrits , comme ceux qu'il compofe
;
N'euffent ni rime ni raiſon.
AUTRE
1
JUIN. 1741:
1087
AUTRE PLAINTE DE L'R ;
A M. de Gourdon , Préfident au Sénat de
Nice.
Rigide Protecteur de la faine Eloquence ,
Gourdon , c'eſt à ton Tribunal
Que je viens porter une inftance ,
Pour éviter le coup fatal
Que cauferoit ma décadence ,
Si quelqu'un n'a pas l'indulgence
De prévenir un plus grand mal.
Je fuis cette malheureuſe R ,
A qui l'on déclare la guerre
Et qu'un certain Sçavant , fans raiſon , fans fujer,
Veut profcrire de l'Alphabeth ,
Seulement par pure malice ,
Et malgré tout le préjudice
Que feroit au Difcours un femblable projet.
Combien de mots remplis & de force & d'emphafe
Ne faudroit- il pas retrancher ?
L'Eloquence à tout coup fur le point de broncher.
Ne s'apuyeroit plus que fur la Périphraſe ;
Les Verbes fans Infinitifs ,
Par une nouvelle méthode ,
Pour remplacer ce dernier Mode ,
N'auroient plus que les Subjonctifs 5
Encor feroit- il néceffaire
Br D'ex
1088 MERCURE DE FRANCE
D'excepter de ce cas tout Verbe auxiliaire;
Quoi ! parce qu'un ** *
A qui j'aurai fait quelque peine ,
M'aura témoigné de la haine ,
Faut-il que contre moi chacun foit prévenu ?
N'eft- ce donc pas affés , lorfque je fuis finale ,
Que l'E fe faifant foûtenir ,
A l'exemple de l'I juſque - là me ravale ,
Qu'à peine l'on m'entend venir ?
A fubir cette Loi durement condamnée ,
Il me faut alors filer doux ;
L'Ufage , de fes droits jaloux ,
Comme il lui plaît , regle ma deftinée.
Mais fi l'on m'a réduite à faire peu de bruit ,
Quand je me trouve la derniere ,
Je fçais m'en revancher de la belle maniere ,
Lorfque quelque Lettre me fuit.
Dans le moindre détail lorfqu'on voudra deſcendre,
Plus d'un autre avantage , où j'ai droit de prétendre
,
Pourra me fervir de garant ;
Tout me promet enfin un fuccés favorable ;
Ou l'on fera contraint , fi l'on ne me défend ,
De préferer au vrai le menfonge & la Fable ;
LOUIS ſera Pieux , Magnanime , Equitable .
Mais il ne fera jamais Grand ;
Plus de Lettres , fi l'on m'oprime ;
Les
1
JUIN. 1741 : 1089
Les Poëtes perdront la raifon & la rime ;
Avec tout l'attirail qu'ils traînent après eux.
Parnaffe , Hypocréne , Permeffe ,
Et plufieurs autres que je laiffe ,
Seroient fans moi défectueux ;
Le Cabos reprendroit la place de la Terre ,
Et , s'il n'étoit plus de Tonnerre ,
Plus de crimes , plus de forfaits ,
De Magiftrats intéreſſés ,
Plus de Partifans , plus de guerre ,
On n'auroit plus auffi de plaifir ni d'amour ;
Le Soleil , en perdant fa brillante carriere ,
N'auroit que des feux fans lumiere ;
Er ne produiroit plus la chaleur & le jour.
Mais quel tort à chaque Science
Feroit l'exil fatal qu'on tente vainement !
Celle , à qui ce grand nom eft dû par excellence
Seroit contrainte abſolument
D'ôter les attributs à la Divine Effence
>
Aux Elûs le bonheur , à la Foi l'efpérance ,
Et donner au Deftin en tout évenement
Ce qu'on doit à la Providence .
Le Philofophe avec étonnement
?
Verroit que fans Majeure on a la conféquence ,
Qu'on exile l'Erge , qu'on bannit l'Argument ,
Qu'en fuprimant tout Etre , il reste une ſubſtance ;
Que l'Ame ,fans penſer , conſerve un fentiment 9
Bvj Qu'un
1090 MERCURE DE FRANCE
Qu'unGlobe eft fans rondeur & fans circonference
Que fans aridité le fec a pris naiffance ,
Et vous demanderoit comment ,
L'humide fans vapeur exhale une influence ,,
Et par quel fubtil jugement ,
Sans Atomes crochus , on a l'intelligence
Des propriétés de l'Aimant.
La Logique y perdroit tout fon raifonnement
La Phyfique l'Experience ,
L'Aftrologue la Prévoyance ,
Les Aftres & le Firmament ;
La Morale auroit l'impudence-
De laiffer éternellement
Tout bienfait fans remerciment ,
Et tout foin fans reconnoiffance,
Tout deviendroit confus, fans art , fans ornement,
Gourdon , dans ce renversement-
Tu pourrois fauver l'Eloquence ,
Mais fans figure & fans arrangement.
Ton nom même , connu fi généralement
Dans les Pays voifins & dans toute la France
Tronqué par - là vilainement ,
Deviendroit hors de connoiffance ,
Et paroîtroit le nom d'un Allemandi
Juge donc de quelle importance
Te doit être mon exiſtence ;
Ne fouffre pas qu'impunément
*
*
JU-IN. 174T 1091
On ofe en pareille occurrence
Propofer mon banniffement.
REPONSE a laplainte de PR,
Demeurez en repos , calmez vos déplaiſirs ,
Tout va répondre à vos defirs .
Quiconque travaille à vous nuire ,
Cherche lui -même à fe détruire ;
Si vous fuccombiez fous fes coups ..
Il y perdroit autant que vous ;
Honneur , Sçavoir , Eſprit , Mémoire ,
Plaifir , Repos , Fortune , Gloire ,
A tous les plus grands biens . il faudroit renoncer à
Si l'on venoit à vous chaſſer ,
Il ne nous refteroit que honte , qu'infamie ;;
Avec vous la Vertu feroit auffi bannie
Et , par un déplorable Sort
Le Vice oferoit tout , & n'auroit jamais tort
Mais , dites- moi par quelle audace:
Veut-on vous ôter votre place ,
Et de quoi vous accuſe - t'on ?
Vous , par qui LOUIS regne en France
Et qui marchez avec prudence
A la tête de la Raifon a
JUGEMENT.
Vu la préfente Remontrance ,
Défen
1092 MERCURE DE FRANCE
Défendons à tous beaux Efprits
De vous bannir de leurs Ecrits ;
Ordonnons, fi quelqu'un contre notre Arrêt gronde,
Qu'il foit mocqué de tout le monde ,
Que les Ouvrages foient profcrits ,
Les déclarons de contrebande ;
Condamnons l'Auteur à l'amande .
Jugeons qu'en Profe comme en Vers ;
Il ne fait rien que de travers ;
Qu'on ne peut fe paffer de l'R ,
A moins qu'à la Raiſon on ne faffe la guerre ;
Déclarons erronné tout autre fentiment ;
Youlons que déformais ce foit chofe affûrée
Que quiconque penfe autrement
N'a pas la tête bien timbrée ,
Et tel eft notre Jugement.
LRA L'ABBE MER VESIN
EPIGRAMME.
Tu croyois me bannir , & te faire un renom ;
Je regne malgré toi , cherche ailleurs la victoire i
Dans la Profe & les Vers je parois avec gloire ;
Je rougis feulement de me voir dans ton nom .
AUTRE an R. P. Bailly.
Confentez , cher Bailly , que l'R foit profcrité ,
Ce Projet me paroît divin ,
Sans
JUI N.
1741 1093
Sans cette Lettre maudite
Nous n'aurions point de Mervefin .
LETTRE de M*** à M. Bel , Confeiller
au Parlement de Bordeaux ; en lui envoyant
une Differtation Latine de M. Gravina
fur la Poëtique.
Es Recherches ont été inutiles , M
Milil ne m'a point été poffible de trouver
le Traité Italien de M. Gravina fur la
Poëtique. Prenez-vous- en au peu de goût.
de nos Libraires pour les Livres Italiens ;
ils n'en veulent que de François , peu s'en
faut qu'ils ne regardent déja les Livres Latins
comme gothiques & barbares . Voici
une Differtation Latine du même Auteur
qui vous dédommagera d'un Ouvrage
dont le titre piqua d'abord votre curiofité.
C'eft une Piéce d'un goût exquis & d'une
érudition ornée de graces ; c'eft un fyftême
de Poëtique ancienne , où tout eft folide &
ingénieux. Quelle fineffe d'expreffions ,
quelle élegance , quelle feu , quelle énergie ,
quelles images ! tout y fent l'homme de
goût , l'efprit délicat , & le critique judicieux.
Rien ne paroît d'abord plus fimple que
le
1094 MERCURE DE FRANCE
le deffein de l'Auteur . Il fe propofe de mon
trer pourquoi les Grecs ont éte paffionnés
pour la Poëfie jufqu'à regarder les Poëtes
comme des Dieux , tandis que les Romains
leur ont marqué bien tard la plus légere
confideration ; c'eft dans le fonds du caractere
de ces deux Nations , que M. G. de
couvre la fource d'un goût fi different . Sed
lon lui , les Grecs naturellenient cruels &
fauvages , avoient befoin des charmes des
fens & de l'harmonie , pour être nourris
dans le goût de la vertu ; auffi leur premiere
Philofophie étoit inféparable de la Poëſie &
de la Mufique . Mais les Romains portés à
l'humanité & à la politeffe , trouvoient dans
les Difcours des gens fages , des motifs aſſés
puiffans pour ne pas fe démentir dans la pratique
de ces vertus. Je paffe , M. les autres
traits , vous obferverez aifément que le caractére
des deux Nations eft aprofondi ;
peut- être qu'une trop fublime opinion de
f'urbanité & de la politeſſe Romaïne a quelquefois
féduit l'imagination de l'Auteur.
Pardonnons-lui fans peine une fuperiorité
fortement exagerée. Quand on regarde ces
illuftres Romains comme fes Ancêtres , on
fuccombe aifément à la tentation de leur
prodiguer les loüanges ; leur gloire devient
un patrimoine qu'on a interêt de porter à la
plus haute valeur.
Quoiqu'il
JUIN. 1741 .
1095
1
Quoiqu'il en foit , cette double peinture
fert à fixer le mérite du caractère des Héros
introduits par Homere & Virgile . M. Gravina
qui a étudié les hommes des tems fi
éloignés , avoue ingénûment que les exemples
de vertu , de génerofité, &c. font très - rares
dans Homere , & que chaque Vers offre
, pour ainsi dire , quelque trait d'avarice ,
de débauche & de cruauté. Mais prend - il
de-là occafion de faire le procès à ce Poëte ?
point du tout ; voici comme il le juſtifie ;
en donnant aux Ennemis de ce Poëte le nom
qu'ils méritent. Que hominum , regionum
temporumque vitia in divini Poeta dedecus ;
detorquent homines imperiti , potiffimum antiquitatis
: quaft Heroibus fuis , quibus nomen
hoc vires & virtus militaris meruerant , adfcriberefalva
imitationis lege debuiffet Homerus
virtutes ignotas , &c. Pour mettre dans un
jour encore plus avantageux la cauſe d'Homere
, il raffemble enfuite avec beaucoup de
force & d'énergie , tous les traits du carac
tére des Grecs qu'il repréfente fourbes ,
cruels , traîtres à leur Patrie , inconſtans &
légers , foibles & plaintifs . Voilà les hómmes
qu'a connus le Poëte Grec : devoit - if
les peindre d'une trempe differente ?
Virgile , obligé de parler à un Peuple de
Héros , a introduit des Perfonnages plus
vertueux ; quoique fortis du fein de l'Alie
1096 MERCURE DE FRANCE
fi décriée par fon luxe & par fa moleffe , ifs
femblent dans fon Poëme être nés & élevés
parmi les Camilles. Le fiécle de Virgile avoit
l'idée d'une vertu pure & fublime , il vouloit
la retrouver dans l'Enéïde.
>
Mais voici un principe qui peut mettre en
état les efprits non prévenus , à juger ſainement
de ce point de critique : Inter Poëtas
, dit M. Gravina non de perfonarum
quas inducunt dignitate , fed de imitationis
veritate contenditur, nec minus confert expreffio
deteriorum ad præcavendum , quàm meliorum
adimitandum. Le préjugé n'enfante point
de pareilles idées , elles font le fruit d'un
goût épuré & d'une raifon éclairée .
Ce qui mérite principalement votre attention
, M. eft la maniere ingénieufe dont
M. G. dévelope l'origine de la cadence &
du nombre Poëtique , & les caufes de la
difference qui fe trouve entre les anciennes
Poëfies , dont le ſtile fimple fait le mérite capital
, & celles dont les expreffions font figurées
& métaphoriques. Le détail me meneroit
trop loin , & je ne vous dirois pas en
fi beau François , ce que l'ingénieux Italien
vous dira en un Latin digne du fiécle d'Auguſte.
Si M. Gravina s'eft formé une idée trop
fublime des anciens Romains , il faut avoüer
en même tems qu'il a ufé d'une hardieffe ine
génuë
JUIN. 1741 1097
genue dans fes jugemens fur quelques Poëtes
de fa Nation , bien different de certains
Ecrivains François , qui par une fade politique,
font en poffeffion de tout louer. N'en
déplaife aux efprits trop délicats & trop fenfibles
, une Critique hardie & judicieuſe eft
un rempart contre le mauvais goût. Ceux
qui fe mêlent de juger , doivent cependant
éviter les tons fuperbes & avantageux ; la
force doit être dans la raiſon , & non dans
une cenfure hautaine & contentieufe . Je ne
prétens pas pour cela qu'en certaines occafions
on ne puiffe orner la raifon des graces
feveres & piquantes ; quand le mauvais goût
s'efforce de prendre le deffus , il eft permis
de tonner , de foudroyer. C'eſt l'exemple
que nous donne M. Gravina ; vous en jugerez
par ces traits. Quelle véhemence dans la
cenfure qu'il fait des Ecrivains de fa Nation
qui gâtent la belle Latinité par des pointes
glacées & par des ornemens fuperflus , Refluxit
jamdiu infolentiùs atque intemperantius
apud nos in Latinam Linguam. Je fuis tenté
d'ajoûter : Et Gallicam turgefcentium fcriptorum
colluvies cum argutiarum glacie , luxuque
ornamentorum. Avec quelle rigueur traite-
t'il les mauvais Ecrivains Italiens & recherchés
! Il les accufe de fabriquer des expreffions
monftrueufes , des métaphores infenfées,
& d'introduire une efpece de barbarie
1098 MERCURE DE FRANCE
rie : Nova verborum portenta, infanaſque tranfa
lationes : nova monftrafufcitarunt, ac dumnovas
locutiones moliuntur , novum barbaria
genus
advexerunt. Quel coup affommant contre
certains faifeurs d'oeuvres diverfes ! Imbecilioribus
infidia tenduntur errorefque objiciuntur
à præfentibus poëticarum fordium collec
toribus , à quibus eâdem incogitantiâ quâ car
mina propria effutiuntur , de carminibus judicatur
alienis. Où en ferions - nous fi nous
peignions avec des traits fi forts & fi marqués
quelques- uns de nos Ecrivains ? Qu'on
leur dife avec une liberté polie , ce que le
Public penfe de leur ftile & de leurs ouvrages
, ils font retentir partout leurs plaintes
& leurs murmures.
Voilà , M. une idée fuperficielle de la Dif
fertation de M. Gravina qui a été imprimée
en Italie à la fuite des Poëfies du Guidi. Seroit-
ce fortir de mon fujet , que d'observer
qu'un goût für & délicat , joint à une exacte
connoiffance des regles , a dirigé la difcuffion
que fait l'Auteur , d'un grand nombre
d'ouvrages , & que c'eft- là l'unique voye.
pour réullir en pareils examens ? je ne crains
pas que vous me defavoüiez . Je fçais , M.
que dans votre Differtation contre M. l'Abbé
Dubos , vous avez pris hautement le parti
de la difcuffion : mais vous n'avez jamais
prétendu rejetter la néceffité du goût , per
fuadé
JUIN. 1741. 1099
fuadé que fans lui , on prend toujours une
route fauffe & incertaine. J'en apelle à l'experience
, plufieurs fe font mêlés de difcuter
le mérite de quelques ouvrages. Quelquesuns
de ces Ecrivains ont faftueufement étalé
une prétendue fuperiorité de raifon ; cependant
avec des armes fi puiffantes , ils ont
échoué , & le Public a méprifé leurs décifions
. Vous en devinez aifément la caufe ;
ces Ecrivains , nés fans goût , fe font égarés ,
faute d'avoir aperçû les feuls principes convenables
à la difcuffion où ils s'étoient engagés.
Difpenfez-moi d'un plus long détail.
Pour moi , je fuis perfuadé que le goût , qui
n'eft peut- être qu'un fentiment délicat , peut
feul nous montrer l'étendue & l'aplication
des bons principes. Ainfi , M. ne féparons
point le goût de la difcuffion.
Alterius fic ,
Altera pofcit opem res & conjurat amicè .
Horat. de Arte Poët.
Le point de la difficulté eft de déterminer
la nature du goût. Quoiqu'on ait beaucoup
écrit fur cette matiere , j'ofe vous affurer, M.
qu'elle eft encore neuve. En effet , rapellezvous
tout ce qu'on a dit là - deffus, il ne vous
reftera que des notions vagues & confufes.
Pour éclaircir ce point avec fuccès , il faut
être initié dans la bonne Philofophie , mais
aufli
1100 MERCURE DE FRANCE
auffi n'en faut- il prendre qu'une certaine
fleur , parce que cette matiere demande autre
chofe que des raiſonnemens Philofophiques.
Je gliffe là - deffus , dans la crainte de.
ne pouvoir déveloper avec quelque préci
fion , les idées qui fe préfentent. C'eſt de
vous,M.que le Public attend fur cette matiere
les éclairciffemens néceffaires . Hâtez - vous
donc de répondre aux belles efpérances que
nous a laiffées votre premiere Differtation.
Me fera- t'il permis , M. de vous propoſer
quelques difficultés ? M. Rollin à avancé
qu'on pouvoit donner des Regles fur le goût.
Quintilien eft d'un fentiment contraire.
Croyez- vous que cet ancien Rheteur fe foit
trompé ? N'eft il pas vrai- femblable qu'il en
eft du goût comme de l'efprit ? on n'en don
ne pas à ceux qui n'en aportent pas en naisfant.
Peut - on dire que le goût eft quelque
chofe d'abfolu , ou que c'eft une dénomination
purement relative ? Le germe de ce goût eft-il
dans tous les hommes ? Eft-ce l'éducation &
les études qui le rendent bon ou mauvais ?
Obfervez , je vous prie , M. que dans tous
ces points je diftingue exactement le goût de
cet Acte de l'efprit , par lequel il juge du
mérite des Ouvrages. C'eſt à un fentiment
délicat que je réduis toute l'analyſe de mes
idées. Je finis par une difficulté d'un genre
different. Eft-il vrai que lorfque nous jugeons,
JUIN. 1741. 1101
geons , c'eft toûjours par comparaifon ? Par
exemple , ne trouvons - nous une Tragédie
bonne ou mauvaife , qu'autant qu'elle nous
paroît aprocher ou s'éloigner des Piéces que
nous regardons comme d'excellens modeles?
Voilà , M. des objets dignes de vos talens &
de la curiofité du Public ; ne nous faites pas
fouhaiter long- tems les lumieres que vous
pouvez nous donner ; accoûtumé à vous
jouer des matieres les plus épineufes , vous
ne feriez pas excufable de nourrir une plus
longue impatience .
J'ai l'honneur d'être , & c.
LE
LE PRINTEMS ,
OD E.
A M. J ** : Avocat >
E Dieu charmant qui nous éclaire
Et dont le flambeau radieux
Embellit la Terre & les Cieux ,
Parcourt le Signe * ſalutaire
Qui nous rapelle le Myſtere
Des amours du plus grand des Dieux.
.
* Le Taureau , Signe du Zodiaque , que le Soleil
parcourt dans le mois de Mai . Jupiter ayant enlevé
urope , plaça le Taureau dans le Ciel.
Eola
1102 MERCURE DE FRANCE
Eole & fa Cour importune
Par leurs horribles fifflemens
Ne troublent plus les Elemens.
Les Zéphirs agitent Neptune
Et déja l'aveugle Fortune
Sur les flots guide ſes Amans .
>
L'Hyver fuit , la ſaiſon arrive
Qu regnent les tendres Amours .
Tout nous annonce les beaux jours.
La Nayade n'eft plus captive ;
Son Onde claire & fugitive
Dans nos Prés fait mille détours .
*
De la plus charmante parure
Nos Boccages fe font couverts.
Quel éclat brille dans les airs !
Les fleurs , l'ombrage , la verdure ,
Décorent toute la Nature ;
Je vois renaître PUnivers.
*
O doux Printems ! c'eft ton Empire
Que chantent les tendres Oifeaux ;
Flore brille au bord des Ruiffeaux ;
Epris d'un amoureux martyre ,
JUIN.
1103 1741 .
Le jeune & l'inconſtant Zéphire ,
Caresse fes apas nouveaux.
*
Déja de l'Amour qui l'apelle
Le Berger célebre les Loix
Sur la Mulette & le Hautbois ;
La Bergere , Amante fidelle ,
Aux fons plaintifs de Philomele ,
Unit les accens' de fa voix.
*
De Mirthe couronnons nos têtes ;
L'Amour , dans la faifon des fleurs ,
Aime à foumettre tous les coeurs ;
Qu'il foit feul l'objet de nos Fêtes !
Célebrons fes tendres Conquêtes ,
Et livrons- nous à fes douceurs.
*
Ami , d'une faiſon fi belle
Profite au gré de mon défir ;
Le tems fuit , il faut en jouir.
Viens cueillir la Rofe nouvelle ;
Crains-tu fon épine cruelle
La peine éguife le plaifir.
*
Tandis qu'abandonnant la Plaine ,
Loin de nous fouffle l'Aquilon ;
I. Voli C Quirre
1104 MERCURE DE FRANCE
Quitte un travail pénible & long ;
Toi , qui fçus devenir fans peine
Rival de l'Orateur d'Athène
Et du Béfenfeur de Milon .
*
Je fçais qu'il n'eft qu'un efprit lâche
Qui de l'oifiveté jaloux ,
Se livre à fon poiſon trop doux ;
Mais , quelque Emploi qui nous attache ;
Nous devons donner du relâche
Aux foins qu'il exige de nous.
*
Par M. B d'Aix
****************
DISCOURS fur la Profeffion d'Avocat ¦
Brochure in-4° . de 17. pages.
E Difcours Oratoire , eft l'ouvrage d'un
CleDieoues efl'ouvrage
L'Auteur y montre l'importance & les beautés
de fa Profeffion , fes avantages , la gloire ,
les plaifirs même qu'elle procure à ceux qui
la cultivent avec fuccès ,
Le premier principe que l'Orateur pofe
dans fon Difcours , & qui en eft comme la
bafe , c'eſt qu'il eft impoffible de reüffir dans
aucune Profeffion , fans fentir pour elle un
goût
JU IN .
17416 1105
goût vif, fans l'aimer fincerement , fans défirer
avec ardeur de mériter les récompenfes
qui y font attachées ; c'eſt ainſi qu'il établit
la néceffité de l'émulation , il en prouve enfuite
les avantages .
" Vive & féconde fource du mérite , ditil
, l'émulation le fait fortir, elle le perfec-
" tionne , elle le crée même , pour ainfi dire;
par ellel, par le courage qu'elle infpire
par les efforts qu'elle fait faire , des efprits,
nés médiocres , ont atteint , ont furpaflé
quelquefois des génies fort fupérieurs for-
» més des mains de la Nature.
"
La néceffité , les fruits de l'émulation , font
prouvés par des raifonnemens & des exemples
; POrateur qui adreffe fon Difcours aux
jeunes Avocats , les divife en trois Claffes
fçavoir , ceux qui viennent au Bareau avec
un nom que leurs Ancêtres ont rendu fameux
; ceux dont les Peres brillent encore
au Bareau ; ceux enfin qui y entrent fans un
nom connu & fans les fecours que des Peres
peuvent donner à leurs Enfans l'Orateur
préfente à chacun de ces jeunes Avocats les
motifs particuliers qui peuvent exciter leur
émulation.
Comme le motif le plus preffant de ceux
qui font dans la troifiéme Claffe , eft la protection
, l'amitié , les fecours qu'ils trouvent
dans les Andiens , auxquels ils s'attachent
Cij
T'Orateur
1106 MERCURE
DE FRANCE
l'Orateur les exhorte à fe faire des Patrons
& il fait l'Eloge de quelques Anciens qui
fervent de Peres à de jeunes Avocats ; il y a
quatre Portraits de ces Anciens , qui font
fort obligeans pour eux , & qui font hon
neur au coeur & à l'efprit de l'Orateur.
Il réunit enfuite les trois Claffes qu'il a'
d'abord féparées, & après leur avoir fait le Ta--
bleau des motifs particuliers pour les exciter
à l'émulation , il entre dans le détail des ob
jets géneraux qui peuvent engager à aimer la
Profeffion d'Avocat , à fe livrer aux dif
ferentes études qu'elle demande , & enfin à
en remplir les devoirs.
"
Il y a deux fortes d'études , auxquelles fe
doit livrer l'Avocat; l'étude des Loix & celle
de l'Eloquence. » En vain , dit- il , fans la
» Science des Loix , le génie le plus heureux
prétendroit - il plaire & briller au Ba-
» reau ; eile eft à l'art de bien parler , ce que
»les fondemens font à l'Edifice ; ou il faut
» renoncer à cet Art flateur,ou il faut en fçat
» yoir le fond ; la chute eft certaine à qui né
» glige ce fond,pour s'attacher à la fuperficie .
Il dévelope ce principe , il le prouve par
des raifonnemens & des comparaifons ; il parle
enfuite de l'Eloquence , il peint la fauffe
qui regnoit au Bareau avant que LOUIS LE,
GRAND eût animé l'émulation dans tous les
Arts. Il fait voir les progrès de l'Eloquence
la
JUI N. [ 17417 1107
la perfection où de nos jours elle est enfin
parvenue au Bareau. Il fait le Portrait de tous
les Orateurs qui ont parû fous ce Regne ; les
le Maiftre , Patru , Erard , Gillet , Terraffon,
dont on a des Monumens , font peints avec
les traits qui leur font propres.
» Aux Maîtres dont j'ai ébauché les Por-
» traits , pourſuit l'Orateur , ont fuccedé les
» nôtres , mettez Erard affés proche de ces
» Hommes Illuftres, ils ont obfcurci le refta,
" comme des jours clairs & lumineux ont
» obfcurci de premieres clartés qui commen-
» çoient à réjouir la Nature .
Après ce Morceau , vient le Portrait des
Orateurs d'aujourd'hui , & au moyen de ce
Portrait fort ferré , il donne des préceptes de
' Eloquence, qui eft propre , l'une aux petites
Caufes , l'autre aux grandes ..
» Orateurs fameux , ajoûte -t'il , pardonnez
» fi ma main hardie , a ofe crayonner vos
Portaits ... Le Bareau fçaura vous rendre
» ce que la foibleffe de mon Pinceau aura pû
» vous faire perdre ; mais de quel bruit retentit
ce Bareau ? O Eloquence , tu gémis!
" quelles pertes , les unes aux autres enchaînées
, ont fait couler tes larmes....
L'Orateur parle içi de la retraite de deux
Orateurs qui vont donner à l'Eloquence bien
d'autres fujets de former des regrets.
» Vous , dit-il à l'un des deux, vous ,
Cij
dont
»le
108 MERCURE DE FRANCE
و د
"3
» le tempérament eft fi heureux , vous que
l'Eloquence voudroit retenir, pouvez - vous
"ne pas entendre fa voix ? Elle fait votre
gloire , par elle , votre nom vivra dans la
» Pofterité , faites , faites la regner encore ...
» mais une nouvelle gloire l'apelle , & le rang
qu'il a tenu parmi les Orateurs , il va le te
"nir parmi les Confultans.
35
Il paffe enfuite aux devoirs attachés à la
Profeffion d'Avocat , à la gloire , aux plaifirs
qui accompagnent l'exercice de fes devoirs .
Ou l'Avocat plaide , ou il écrit , ou il confulte
; l'Orateur qui a parlé avec étendue de
l'Eloquence propre à la plaidoirie , parle ici
du genre d'Eloquence qui eſt propre aux Mémoires
; il veut qu'on en banniffe le ſtyle
trop recherché , tout ce qui fent l'envie d'amufer
l'imagination ; ce Morceau mérite d'être
lû , c'eft un des mieux traités . C'eft aufli
un bon Commentaire fur la Maxime d'Horace
: Ambitiofa refcindet ornamenta.
"
11 peint la gloire & les plaifirs attachés à
chaque Exercice de la Profeffion. » Quelle
», gloire, dit- il, parlant de l'Avocat plaidant,
lorfque , fur le bruit qu'il doit parler dans
une Caufe célebre, le monde vient de tou-
" tes parts , que toutes les places font remplies,
& le plus grand nombre par des per-
» fonnes d'un mérite diftingué, connus pour
» aimer le talent de la parole .....
» Ici
JUIN. 1741 . 1109
29
Ici mon coeur me force de dire ce qu'il
a conçû plus d'une fois , je me livre à fes
» mouvemens,für que vous ne défaprouverez
point un Portrait dans lequel vous aurez
le plaifir de vous retrouver vous- même ...
L'Orateur peint ici ce que l'on éprouve lorf
qu'on entend ces Orateurs fameux par le
précieux talent de la parole ; la gloire , les
plaifirs que leur procurent les aplaudiffemens
publics , &c .
Parlant enfuite de l'Avocat qui écrit ,
après avoir dit quel doit être fon genre d'Eloquence
, il ajoute : Par cette voye il eft
» für de fe faire un nom illuftre , fa gloire s'é-
» tendra au loin , fes Ouvrages durables
» iront lui chercher des aplaudiffemens dans
les lieux les plus reculés.
Enfin , par raport aux Confultans , il s'explique
ainfi . » Qu'on ne croye point , qu'accoûtumé
aux plaifirs vifs & flateurs que
procurent les aplaudiffemens publics & le
» miniftere de la parole , l'Avocat ne foit
» que foiblement touché des plaifirs qu'il
goûte dans fon efpece de retraite , fi on en
" croit nos Anciens , la Profeffion d'Avocat
eft celle dans laquelle on vieillit avec plus
» de plaifir , plus on la goûte , difent- ils , &
" plus elle devient chere.
">
L'Orateur , qui a toujours parlé aux jeunes
Avocats , finit fon Difcours en leur difant :
Cij » Pleins
1110 MERCURE DE FRANCE
"
» Pleins de refpect pour nos Maîtres, ofons
" les regarder dans leur commencement ; la
» Renommée n'a pas toujours femé leurs
» noms avec le même éclat qu'elle le fait de
" nos jours ; ce que nous fommes , ils l'ont
» été ; nos Maîtres aujourd'hui , ils en ont re-
" connû autrefois ; ce n'eft qu'après avoir
" imité long tems , qu'ils font devenus mo-
" deles ; qu'ils foient les nôtres , & formés
"par leur imitation , faifons voir que de
»femblables hommes ne peuvent faire que
» de dignes & de grands Eleves.
Ce Difcours fe diftribuë chés Chaubert, ches
la veuve Piffot, & au Palais , chés Morel . Voici
des Vers fur ce fujet , qu'une Dame illuftre a
envoyés à l'Auteur , & qu'on vient de nous
remettre.
Jeune Orateur de la Déesse fage ,
Que ton Difcours fur ta Profeffion
De tes Rivaux élevant le courage ,
Avec de nobles traits peint l'émulation !
-Dieux ! que tu rends ta carriere brillante !
Sous ton pinceau qu'elle paroît charmante ,
Quand on te voit tracer aux Eleves furpris
Les chemins les plus fürs pour remporter le Prix !
Par Mad. Vatry.
FABLE
JUIN. IIII
17411
FABLE.
}
Л
LE CINIQUE ET LE MATIN
UN effronté Cinique , à nés court , retrouffé ,
Moyen Basset , fous Bonnet herissé
Contre un chacun portoit une dent meurtriere ,
Aux lâches en devant , aux plus forts en arriere.
N'importe quel qu'on fût , chacun avoit fon lot.
L'un étoit un faquin , l'autre n'étoit qu'un fot ;
A critiquer & mordre il mettoit fon étude.
Que fait cet homme ici ? L'autre que fait-il là ?
Quoi ! toujours en ces Lieux celui- ci paroîtra !
Telle étoit fon inquiétude ,
Deforte qu'à fon goût tout étoit mefuré :
Aplaudi , c'étoit lui , tout autre déchiré ;
Celui- ci babillard , cet autre un hypocrite
Car dans l'art de blesser excelloit fon mérite.
Parfois des jeux de mots
Hafardés par monts & par vaux ,
Tant fit enfin par noire calomnie ,
"
Qu'un chacun avec foin fuyoir fa compagnie:
Chagrin de n'avoir Courtisans ,
s'en fit quelques- uns , comme luig médiſänsga
A l'écouter prêtant l'oreille . Bottoki, »
Quel Oracle quelle merveille !
CY » Difoit
112 MERCURE DE FRANCE
Difoit Parafite affamé ;
" Quel Ange infernal mieux armé
» Contre toute l'engeance humaine
De mordre & déchirer fans peine
Lui feul possede le talent.
Vils flateurs ! un jour en passant
Dans je ne fçais quel voifinage ;
( Le nom eft fort indifferent )
Il rencontre un Mâtin , auant que lui mordant
Le Cinique ,du Chien redoutant la morfure ,
»Retire-toi , Mâtin , refpecte ma figure ,
» Lui dit-il , d'un ton furieux.
"Matin , reprit l'autre en colere ,
» Je fuis Chien, il eft vrai, n'es -tu pas mon confrerer
Voyons lequel des deux fe dévorera mieux..
ם כ
Je conviens qu'aux Mortels je dois obéiffance ,.
» Mais aprens que ta médifance
Te transformant en Chien , tu n'as plus riem
d'humain ,
Quand tu déchires ton prochain .
» Face humaine n'eft pas ce que je confidere ;
ور
Quiconque a langue de Vipere ,
1.
Se dégrade & devient pire encor que les Loups :
Reconnois tes défauts , rens- toi plus fuportable ;
Aux Animaux cruels cesse d'être femblable ;
Pour notre Maître alors nous te connoîtrons tous.
SUITE
JUIN. 1113 1741)
SUITE & fin du Mémoire Hiftorique fur
une Médaille d'Hérodes Antipas , adreſſe
à M.le Préfident Bouhier , de l'Académie
Françoife , par M. D. L. R.
Nlebre Médaille d'Herodes Antipas dans
Ous avons laiffé, Monfieur , notre cé-
Je Cabinet de M. Begon , lorfque j'ai eû l'honneur
de vous en parler dans le Mercure de
Juin dernier , page 1299. & je n'aurois prefque
plus rien à vous dire de ce rare Monu
ment de l'Antiquité , fans un incident que
je fuis obligé de rapeller ici , & qui a un raport
effentiel au Morceau d'Hiftoire Litte
raire , que j'ai entrepris d'écrire.
Cet incident eft furvenu lorfque le R. P.
Panel , Jéfuite , publia dans le Journal de
Trévoux , Août 1735. page 1449. fa DISSERTATION
en forme de Lettre , adreffée à
M. *** ,fur le Triumvirat de Galba , d'Othon
& deVitellius,& fur celui de Pefcennius, d' Albin
& de Severe. Vous fçavez, M. le bruit que
fit dans le Monde Antiquaire cette Dilfertation
, que je prévis dès la premiere lecture
ne devoir pas demeurer long tems fans réponfe.
Les Auteurs du Journal en avoient
dès-lors une toute prête entre leurs mains
qu'ils annoncerent fans façon , & en ces termes,
C vj
1114 MERCURE DE FRANCE
mes, au bas de la même page , où finiffoit la
Piéce du P. Panel . On publiera bien- tôt une
Réponse folide à cette Differtation .
La Réponse en effet ne fe fit pas attendre ;
elle parut dans le même mois d'Août de ce
Journal , II. Partie , page 1585. On regarda ,
fans doute , ce qui en étoit l'objet , comme
une espece de mal contagieux , qui pourroit
avoir des fuites dans la République des Lettres
, & qui avoit befoin d'un prompt remede.
Cette Réponfe cft intitulée REPONSE du
P. Tournemine , de la Compagnie de Jefus , à
la Differtation fur le Triumvirat de Galba, d'O
thon & de Vitellius, & fur celui de Pefcennius,
d'Albin & de Severe,inferée dans les Mémoires
deTrévoux du mois d'Août, Article LXXIIL
Vous fçavez , Monfieur , quel avantage
c'eft pour une bonne Caufe , d'être défenduepar
un habile homme , la vérité y gagne
doublement , & tout le monde peut profiter
dans cette Défenfe , l'Adverfaire même
contre les fentimens ou les préjugés duquel
on eft obligé de s'élever . C'eft ce qui eft particulierement
arrivé dans la Réponſe du P.
Tournemine , laquelle porte un certain ca
ractere de force & de vérité , & qui eft d'ailleurs
chargée d'une érudition peu commune,
fur le Sujet dont il étoit question.
Pour moi, je fus charmé de cette Piéce ; &
étant depuis long- tems en liaiſon avec le
fçavant
JUIN. 1741
fçavant Auteur , je ne pus m'empêcher
de lui en faire mon compliment ; mais je me
taillois par-là de la befogne , fans le fçavoir.
Le P. Tournemine répondit à ce que je lui
marquois là- deffus , par l'Article qui fuit
dans une de fes premieres Lettres.
» Votre fuffrage en faveur de ma Réponse
» au P. Panel m'a fait un extrême plaifir; des
Amis habiles , auxquels je l'ai fait lire , fou
» haitent que vous inferiez dans votre Mer-
» cure , un raport court de toute la difpute ,
»votre fentiment , & vos judicieufes Remar
" ques fur la Médaille falfifiée que je vous
» renvoye . On fouhaite que vous épargniez
» un peu le P. Panel ; cependant on aprouve-
"ra que vous en difiez affés pour le corriger.
Cette Lettre eft datée de Paris le 16. Septembre
1735. J'en garde l'original.
Elle donna lieu à celle que j'écrivis peu de
tems après , car le moyen de ne pas répondre
à la demande du P. Tourhemine ? ) Jë
la fis imprimer dans le Mercure de Decembre
fuivant , I. Vol. påge 2616. datée du
29. Novembre même année . Comme je ne
voulois attaquer, encore moins offenfer perfonne
en particulier , j'intitulai ma Lettre :
LETTRE de M. D. L. R. für l'erreur de quelques
Antiquaires , qui préferent l'autorité de
certaines Médailles à celle des Monumens
Hiftoriques.
Vous
116 MERCURE DE FRANCE
Vous fçavez , Monfieur, tout ce que con
tient cette Lettre , puifque la fuite de nos
Mercures fe trouve dans votre Cabinet , &
il est inutile de vous dire qu'après être entré
en matiere de la maniere la plus convenable
au Sujet , je me renferme dans le
miniftere d'un Raporteur exact & impartial,
en faisant l'Analyfe des deux Piéces , fans
cependant rien omettre en faveur de la vérité
, de ce qui pouvoit fe trouver dons mon
perit fond.
Il eft vrai que faute d'avoir été inftruit dans
le tems d'un Fait qui n'a rien de commun avec
la difpute en queſtion , je me fuis trompé
lorfque j'ai cru que le P. Panel fe trompoit
lui- même , en affûrant que la Medaille d'He .
rodes le Tetrarque qu'il cite , & dont il reclame
l'autorité contre l'Hiftorien Jofeph
qui donne à ce Prince deux années de moins
de Regne que la Medaille ; il eft vrai , dis-·
je , que je me fuis trompé fur ce point de
Fait pour avoir long-tems ignoré ce que devint
cette Medaille après la mort de M. Be -
gon , fon fecond Proprietaire.
Le Fait que j'ignorois , Monfieur , & qui
eft effentiel à la verité de cette Hiftoire , le
voici . M. Begon mourant ordonna expreffement
à fes heritiers de rendre à M. Rigord
la Medaille d'Herodes Antipas qu'il lui avoit
comme un Monument important donnée
qu'il
JUIN. 1741. III
qu'il étoit bien aife de remettre à fon Ami
lequel en avoit fait un facrifice en fa faveur
M. Begon mourut à Rochefort le 14. Mars
1710. & M. Rigord étoit alors à Marfeille &
c'est- à- dire dans un éloignement de plus de
cent lieuës. Peut- être , Monfieur , ne feroitil
pas indifferent de fçavoir par qui &.com
ment les intentions de M. Begon à cet égard
furent exécutées. Quoiqu'il en foit , il eft
certain que les heritiers de l'illuftre défunt
les remplirent fidelement de leur part.
Or, quand j'écrivis la Lettre imprimée dans
le Mercure de Décembre 1736. c'eft dans la
meilleure foi du monde que j'obfervai dans
une Note au bas de la page 2624. que la
Médaille d'Hérodes n'étoit jamais entrée
dans le Cabinet de M. Lebrer ; auffi, ajoutai,
je , ne la trouve - t'on point parmi les Médailles
rares de ce Cabinet , qui ont été gra
vées , ni dans le Cabinet même de ce Magiftrat
, dont on fait actuellement l'inven
Daire à Paris.
En effet , M. , Meffieurs Laîné & Genebrier,
chargés de cet Inventaire , ne la trouverent
point. Je voyois tous les jours ce der
nier , & je le priois de donner une attention
particuliere là - deffus , non - feulement pour
fçavoir qui du P. Panel,ou de moi,fe trompoit
, mais encore pour avoir fon fentiment
fur le mérite de cette Médaille , fupofé qu'el
le:
1118 MERCURE DE FRANCE
fe fût dans le Cabinet dont il faifoit la révi
fion : l'Inventaire fut enfin fait & clos , fans
qu'on pût m'en donner aucune nouvelle .
Tout concouroit ainfi à me tromper , comme
vous voyez .
La refpectable vérité ne fut pas long- tems
à fe manifefter ; j'en dois la premiere décou
verte à M. le Préſident de Mazaugues , qui
me fit l'honneur de m'écrire en ces termes
für ce fujet le 22. Février 1736. de la Ville
d'Aix. J'ai lu avec plaifir les Extraits que
» vous avez donnés dans le Mercure , des
» Differtations des PP. Panel & Tournemi-
»ne , dont la derniere eft beaucoup plus fo-
» lide que l'autre. Permettez - moi une ob
»fervation fur la Note concernant la Médaille
d'Hérodes Antipas; elle n'eft pas tout
à - fait exacte. Il eft vrai que M. Rigord
» avoit fait préfent à M. Begon de cette Mé-
» daille ; mais j'ai fçû par lui -même qu'a-
» près la mort de cet Intendant , fes Héritiers
lui en firent une reftitution ; & par
» la vente du Cabinet de M. Rigord , elle
» a paffé conftamment dans les mains de feu
» M. Lebret , où je l'ai vûë & touchée plufieurs
fois. Comme c'eft un petit chiffon
» de Médaille , fi on peut parler ainfi , affes
» fruftre , elle aura échapé à la réviſion de
ceux qui ont parcourur cet immenfe Cabi
net ; mais avec un peu d'attention , on da
trous
JUIN. 1741. 1119
trouvera dans les fuites des Rois Etran-
" gers . Il ne faut pas être furpris que vous
» ne l'ayez pas vûë gravée parmi les Médail
» les fingulieres de ce Cabinet : M. Lebret
» n'y vouloit admettre que celles qui n'avoient
pas encore parû , ou qui avoient des
» differences reniarquables : or, celle-là étoit
» déja fort connue par les Differtations de
» M. Rigord & du P. Noris. Je voudrois
»fort , au refte , que les grands & habiles
» Connoiffeurs de Paris , pûffent l'examiner
» de nouveau , car je vous avoue que je n'en
» avois pas été trop content , & qu'elle ne
» me paroiffoit pas entierement exempte de
foupçon de fauffeté : il y auroit dequoi
» fortifier les doutes qu'avoit formés M.Lé-
" bret lui - même dans fa grande jeuneſſe fur
» la légitimité de ce Monument , & qu'il
" avoit publiés dans une Differtation Lati
" ne & c.
35
M. le Préfident avoit raifon en tout ; la
Médaille s'eft enfin retrouvée , & qui plus
eft , étant depuis venu à Paris dans le tems
que
fe faifoit l'aliénation du Cabinet de M.
Lebret , la même Médaille lui eft tombée
en partage avec plufieurs autres du même
Cabinet. Depuis , le hazard nous ayant fait
rencontrer chés un Sçavant de l'Abbaye S.
Germain des Prez , & l'Illuftre Préfident
ayant heureuſement fur lui la Médaille en
quef
120 MERCURE DE FRANCE
queftion , c'eft-là que je la vis pour la pre
miere fois , & par un effet de cette bienveillance
dont il m'honore , il voulut bien me
la confier pour quelques jours , afin que je
pûffe l'examiner à loiſir.
C'eftici , M. que je dois avouer avec franchife,
que je me demandai à moi - même : Eftce
là cette Médaille qui a fait tant de bruit ?
dont la légitimité a été décidée par tant d'habiles
Antiquaires , & qu'il n'étoit prefque
pas permis de foupçonner ? J'avoue en même-
tems que je revins bien- tôt de mes préjugés
, & que je n'ai jamais pû croire la Médaille
vraye & légitime.
J'apris quelque tems après que quelquesuns
de nos Maîtres s'étoient affemblés fur ce
fujet , & qu'aprés un ferieux Examen , ils
avoient prononcé ( pour ainfi dire ) juridiquement
fa condamnation. Ce jugement eft
depuis devenu public par l'impreffion : on le
trouve à la page 444. du fecond Tome de la
nouvelle Edit . de la Science des Médailles ,
Ouvrage , que M. le Baron de Bimar de la
Baſtie a enrichi & illuftré de la maniere que
tout le monde fçait.
Ce n'eft pas , au refte , fans raifon , que
j'ai eû l'honneur de vous dire ci- deffus , qu'il
ne feroit peut- être pas indifferent de fçavoir
quand , comment , & par qui les intentions
de M. Begon furent remplies , au fujet de
La
JUI N. 1741.
la Médaille qu'il falloit porter de Rocheforg
à Marseille , pour la remettre entre les mains
de M. Rigord , &c. Que fçait - on s'il ne s'eft
rien paffé d'irrégulier dans un fi grand intervale
, & fi les héritiers de M. Begon , avec
toute leur bonne volonté , & une droiture
à toute épreuve , n'ont pas été trompés
les premiers & c Je ne m'étendrai pas d'avantage
là-deffus , mais je crois que vous me
pafferez ce foupçon : je ne fuis pas le premier
qui l'ai formé.
*
Vous demanderez peut- être , M. ce que
c'étoit que cette Médaille falfifiée dont il eft
parlé dans la Lettre du P. Tournemine , raportée
ci -deffus , laquelle il me renvoyoit
Je répeterai ici , pour vous épargner la peine
d'une recherche ce que j'ai déja dit, ailleurs
fur ce fujet . J'avois reçû depuis peu de
Syrie un petit fac rempli de Médailles
Grecques & Romaines , véritablement antiques.
Rien ne me frapa tant d'abord que
deux Othons de grand bronze , affés bien
confervés , à l'exception de la tête , fort maltraitée
fur tout par le vifage : on lifoit diftin-
&tement Cæs. AUG. IMP. M. OTHо . Et fur
le Revers dans une Couronne de Laurier , S.
C. Je ne fus pas log - tems dans l'erreur ; car
avec un peu de réflexion , je reconnus , par
l'inſpection de la Tête , & par l'examen des
* Mercure de Décembre 1735. p. 2633.
Lettres
1122 MERCURE DE FRANCE
Lettres , que ces deux Médailles , quoiqu'in
conteſtablement antiques, ont été ainfi changées
en Othon par un habile fourbe , lequel
a commencé par défigurer le vifage , dont
l'air auroit décelé la fraude ; & qui , après
avoir fait disparoître la véritable Légende ,
a fabriqué à la place , du mieux qu'il a pû ,
celle des Médailles d'Othon , pour faire une
Piéce rare & qui manque communément
dans les fuites de Bronze. Tous les Connoif
feurs font convenus de la falfification. Le P.
Jobert n'a pas oublié cette adroite maniére
de procéder pour tromper les Antiquaires,
C'eft la feptième des neuf qu'il a raportées
dans fa Science des Médailles.
,
Il me refte , Monfieur , à vous dire qu'il
s'eft gliffé une faute d'impreffion au bas de
la du Mercure de Juin dernier : page 1319 .
'dans la Differtation Latinè de M. Lebret . It
faut lire Cur Tetrarchamfe nominat is , qui
regnum fperabat ? & non pas nominatis , qui
ne fait aucun fens.
J'ai l'honneur d'être & c.
A Paris le 16. Mars 1741
SONNET
JUJN.
1123 1741
SONNET en Vers fur les rimes proposées
dans le Mercure de Janvier.
Imprécation contre la difficulté des Rimes;
Foin du Sonnet , pefte de la
Un Songe creux en a fait le
Eh que veut - il qu'on chante à fon
C'eft mettre exprès le bon fens en
Couliffe
Devis ;
Parvis ?
Ecliffe
Dulot lui- même en eut pris la Jauniffe ,
Et n'eût jamais franchi ce Pont-levis
Moi , je m'yperds . . . . je me crois
vis-à- vis
Puis crac , j'enfonce en du Jus de Regliffe .
Ah , pauvre Adam , au lieu de Capendu ;
Ce Bout- rimé qui t'auroit Morfondu
T'eût préfervé contre l'infernalis Dogue,
- eb
Rime maudite , implacable
Vautour
Synagogue,
Laifle enterrer en paix la
Mais quoi ! c'eft fait , vivat , battez Tambour.
D'un grand nombre de Sonnets qui nous
ont été envoyés fur ces rimes fingulieres , il
n'y en a encore eu que deux qui ayent pû
parvenir jufque chés l'Imprimeur ; ce n'eſt
pas.
r24 MERCURE DE FRANCE
pas qu'il ne s'en foit trouvé plufieurs de fort
ingenieux & de très- bien faits parmi ceux
que nous avons reçûs , mais quelques- uns
font remplis fur des fujets un peu trop libres
, & d'autresfur des matieres trop refpectables
& par - là nous avons eu le déplaifir
de n'en pouvoir faire aucun uſage ;
car la circonspection eft une Loi qu'on exige
de nous , & que nous nous impofons encore."
plus volontiers.
Ce que nous nous croyons obligés d'expliquer
ici de nouveau , quoique nous l'ayons
répété déja bien des fois , pour nous difculper
auprès de ceux qui voudroient nous foupçonner
, ou de négliger leurs productions
ou de les rejetter avec quelque partialité.
********* *******米*米
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le
Marquis de B. fur quelques fujets de Littes
rature.
V
A. 1911
Ous avez honoré , Monfieur , d'un ac
cueil favorable la premiere Lettre que
je me fuis fait un plaifir de vous communiquer
, de notre fçavant Aveugle, ce qui m'engage
de vous faire part de quelques autres
Lettres de differens genres , pour achever de
donner une jufte idée de fon génie &
yous
de
JUIN 1741) ☛ 1125
2
de fa capacité , qui n'avoit prefque point de
bornes ; vous jugerez auffi par - là , M. file
projet que j'ai fait de donner au Public une
Edition de fes Lettres , & de celles des Sçavans
avec lefquels il a été en commerce , mérite
d'être loué & favorifé.
Comme dans la République des Lettres
Il n'y a pas de plus grande liberté que celle
des fentimens , le Sçavant dont il s'agit
ici étoit extrêmément prévenu du mérite des
Anciens , qu'il préferoit aux Modernes , fans
refufer à ces derniers une partie de fon eftime,
C'eft fur ce fujet que roule toute la Let
tre que je joins ici . Elle eft écrite de Marfeille
le 26. Mai 1700. à M. Rigord , alors
Commiffaire de la Marine , fon intime ami ,
dans le tems que celui- ci partoit pour exécuter
une Commiffion importante au Service
du Roi dans les Pyrenées. Voici les ter
mes de cette Lettre..
Je ne diffimule point , Monfieur , le mé
rite des Sçavans de notre fiecle , je louë leurs
nouvelles découvertes , & j'en profite dans
l'occafion ; mais je foûtiens que les Anciens
font leurs Maîtres , & que dans les chofes
mêmes où les Modernes deviennent Maîtres,
ils font toujours les Difciples des premiers.
Certainement fi vous n'étiez pas fur le point
de monter à cheval , & fi je ne craignois que,
ma Lettre n'arrivât trop tard , je vous prou
verois
126 MERCURE DE FRANCE
verois clairement quatre chofes fur cette matiere
; la premiere , que les Modernes n'ont
point encore rétabli les plus belles inventions
des Anciens , qui fe font perdues : 2 ° . Que
dans les nouvelles découvertes il y a ſouvent
plus de vaine fpéculation & d'oftentation
que de réalité, de neceffité ou de commodité.
3°. Que leurs plus belles recherches ont neceffairement
dépendu de quelques préceptes,
de quelques raifons , de quelques artifices
que les Anciens leur avoient apris : enfin je
vous démontrerois , fans beaucoup de peine ,'
par un détail fur les Sciences , combien les
Modernes font éloignés de remplir les vui
des , & de rétablir les défauts qu'on y trouve
encore jufque là que les Modernes , pour
ne vouloir pas déferer aux Anciens en certaines
chofes , font tombés dans le ridicule,
Votre prompt départ ne me donne pas le
tems de faire ces Remarques , & quand je
vous perds , je perds le plaifir que j'ai de vous
écrire ,pour ainfi dire,tête à tête : car fi je vous
écis aux Pyrenées où vous allez , je ne veux
écrire que pour vous réjouir , & non pas pour
vous faire philofopher au milieu des neiges
& des frimats .
Mais faifons ici quelques obfervations en
peu de mots fans y chercher d'ordre , &
pelotons en attendant Partie .Vous vous van
tez, Mellieurs les Modernes , d'avoir inventé
JUIN. 17413 1127
le Teleſcope , & qu'avez vous fait en cela ?
Les Anciens vous avoient fourni des Lunettes
courtes , & vous n'avez fait que les allonger ,
& leur donner une autre figure ; ils avoient
déja inventé le Verre , fans lequel vous n'en
pouviez venir à bout , & vous n'avez fait
qu'étendre la Dioptrique qu'ils vous avoient
enfeignée ; c'est-à- dire , Meffieurs , que les
Anciens ont découvert le Ciel & les Aftres
par leur feule penetration , & il vous a fallu
chercher de nouvelles Lunettes pour voir le
refte.
Nous n'ouvrons plus , dites -vous , les Livres
de l'ancienne Aftronomie; je fçais , Meffieurs
, que vous ne vous fiez là- deffus qu'aux
Modernes ; car l'an 1655. vous nous menaçâtes
d'une Eclipfe , laquelle devant arriver
le douzième d'Août entre neuf & dix heures
du matin , le jour viendroit à manquer toutà
- fait,cependant vous vous trompâtes prefque
tous dans la grandeur de l'Eclipfe , & dans
fa durée , parce que tous vous n'aviez fait
que copier Argollius, ou quelque femblable
Auteur qui avoit mal fuputé cette Eclipfe
cinquante ans au-delà , au lieu que les anciens
Chaldéens ont fait des Tables de 1000.
is, auffi juftos que s'ils n'avoient vû l'affiette
du Ciel qu'une année auparavant,
Ne vous en déplaife , vous ne connoiffez
pas encore bien le corps de la Lune : quel-
1. Val, D ques1128
MERCURE DE FRANCE
ques -uns de vous ont écrit qu'il y avoit dans
la Lune des Hommes , des Animaux , des
Montagnes & des Forêts , de quoi d'autres
fe font mocqués. Il faut donc , ou que les
inftrumens vous trompent fouvent , ou que
yous ourriez les inftrumens.
Vous dites que Viette , dans l'Algébre ;
eft allé plus loin que Diophonte , quand on
a fait une fois brêche à une muraille , un Soldat
bien réfolu pénétreroit jufqu'à l'extrê
mité d'une grande Ville . Viette eft louable
il a laiffé Diophonte derriere lui , parce qu'il
a mieux aimé trouver de nouveaux Théoremes
, que de rifquer d'expliquer les précé
'dens.
Vous faites gloire d'être les inventeurs de
l'Artillerie , ce n'est qu'un peu de pouffiére
que vous avez trouvé , dont vous rempliffez
des Canons , & depuis peu, des Bombes pour
détruire le genre humain. Que veut dire ce-
Ja ? C'est qu'autrefois les hommes fe battoient
& aujourd'hui ce ne font que les
Armes : la force étoit dans les Soldats , & el-
Je n'eft prefque plus que dans les Canons.
Céfar étoit Céfar , Alexandre étoit Alexandre
; & la plupart des Géneraux de notre
tems , ne font prefque que des Grands Maitres
d'Artillerie .
>
Pourquoi dire , après cela , que vous releguez
dans les Cabinets des Curieux , come
me
JUI N.
1741. 1129
me des Antiques , les Arcs , les Fleches , les
Catapultes , & c . c'eſt pourtant avec ces viles
Machines qus Héros ont conquis l'Univers
, & qu'on a établi quatre grands Empires
; & avec ces gros Canons on fubjugue en
30. ans une Province , & Mars n'eft plus
Mars que contre des pierres.
Vous avez inventé les Pendules , je vous
en louë , mais Euclide ne vous a pas été inutile
pour la Ligne &
Ariftote pour le
Mouvement. Car , pour votre Descartes ,
quoiqu'il faffe danfer toute la Nature en
rond , en quarré , en toutes les affiettes &
en toutes les figures , c'eft , felon moi , un
pitoyable Philofophe ; quand il explique la
nature du Mouvement , il eft un tourbillon
lui-même , en cette matiere , plus obfcur en-
Core que le tourbillon qu'il a inventé depuis
le Firmament jufqu'à la Terre. C'eft ici , M.
que j'ai peur de me mettre tout de bon en
colere , & d'échauffer la Glande Pineale du
Cerveau , organe des Paffions du grand Defcartes.
Avoüons - le fincerement , M. nous lifons
A la vérité plus que les Anciens , mais les
Anciens étudioient plus que nous . Ils méditoient
, ils aprofondiffoient les fecrets de la
nature & de l'Art , ils faifoient valoir leur
Raifon plus que leur Mémoire , & ils devenoient
en toutes chofes les originaux de la
Poftérité, Dij Leurs
1130 MERCURE DE FRANCE
Leurs Philofophes ont fçû tout ce qu'on
pouvoit fçavoir , par une continuelle fpéculation
; & laiffant à part la Religion qui a
confondu en eux l'idée du premier Principe
& du premier Agent de toutes chofes , leur
Raifon eft allée auffi loin & auffi avant que
la Nature , priſe en elle - même ; ils l'ont fuivie
pas à pas jufqu'aux bornes , où l'Auteur
de la Nature la leur a cachée à eux & à
nous.
Nous n'avons pas toutes leurs inventions,
nous n'avons pas toutes leurs expériences
, nous n'avons pas tous leurs Livres , il
s'en faut beaucoup, Mais ce qu'ils nous ont
laiffé en Livres , ou en fragmens de leurs Livres
, pour la Nature & pour les Arts , eft
un fonds inépuisable. Qui eft le Prince , qui
eft l'Ingénieur qui a rempli les deffeins de
Vitruve, & qui a mis en exécution toute fon
Architecture ? Nommez- moi le fucceffeur
d'Archimede parmi nos Modernes . Qui a
démêlé tout l'Algébre de Diophante , jufqu'à
aujourd'hui ? Achevez vous- même de faire
le dénombrement de tous ces Maîtres , &
vous trouverez que nous ne fommes que
leurs Diſciples. Ils ont femé un grand champ,
& nous faifons la moiffon ; ils nous ont ouvert
les Mines , & nous démêlons la Terre
d'avec l'Or ; nous trouvons des chofes admirables
, mais c'est dans leurs fonds ; nous
avons
JUIN. 1741:
1131
1
avons perdu beaucoup de leurs fecrets , tant
pour l'Art que pour la Nature , & ils auroient
trouvé les nouvelles inventions dont
,
nous nous vantons s'ils ne fe füffent plus
apliqués à bâtir , qu'à embellir , à jetter de
grands fondemens , qu'à élever des Tours &
des Phares , qui ont beaucoup de vuide , &
qui ne fervent qu'à découvrir de loin , com
me la fameufe Roche de Tenerif , & c. .
Ils n'ont pas inventé la Poudre , & qu'aq
vions- nous à faire de cette invention ? nous
avons trouvé un moyen plus facile de tuer
les hommes , & de renverfer les Villes. Ils
n'auroient pas fçû faire nos Ragoûts & nos
Confitures ; quelle néceffité ? Nous en
mourons plûtôt . Le luxe , avec fes inventions
éclatantes , nefait qu'amufer nos yeux , vuider
nos bourses , & entretenir l'orgueil &
l'oifiveté : c'est- à-dire , M. que depuis les
Anciens , nous avons inventé beaucoup de
chofes , ou inutiles , ou pernicieuſes , ou fpécieuſes.
Je vous fouhaite un heureux voyage , &
fuis , &c.
Il me paroît , Monfieur , que vous avez
pris quelque goût pour la Botanique : peutêtre
la précédente Lettre de l'Illuftre Aveugle
Malaval , qui rouloit toute fur ce fujet , at'elle
excité, ou fortifié votre curiofité : quoiqu'il
enfoit , vous m'avez agréablement ra-
Diij pellé
1132 MERCURE DE FRANCE
pellé celle que j'ai pris la liberté d'adreffer a
Auteur du Spectacle de la Nature , imprimée
dans le Mercure de Février dernier .
Je vois que deux chofes vous ont particulierement
frapé dans cette Lettre : la premiere
, ce que je raporte dans la plus exacte
vérité des merveilleux talens du V. Dom E.
de fes heureux fuccès dans la culture des
Plantes en général , & en particulier dans les
Entes , par le moyen defquelles il allie fi
bien les differentes efpeces d'Arbres , d'Arbuftes
, de Fleurs &c. celles mêmes qui paroiffent
avoir enſemble le moins d'analogie .
;
Cependant je ne vous diffimulerai point ,
M. que depuis la publication de ma Lettte ,
j'ai trouvé là - deffus non feulement de foibles
admirateurs
,
mais encore des incrédules
on a voulu même me foûtenir que l'Ente
de la Treille fur un Pomier , fpécifiée dans
ma Lettre , ne réuffiroit jamais ; qu'à la verité
elle fubfifteroit un peu de tems , mais que
quand on viendroit à couper ou à féparer la
Greffe de la Mere- Treille , de qui elle prenoit
fa nourriture à travers du Pomier où on l'avoit
introduite , cette Greffe fécheroit peu
à peu ,
& toute la merveille difparoîtroit .
Pour moi , M. j'aurai l'honneur de vous dire
que , lorfque j'ai vû l'Automne dernier ce
Pomier avec la Treille fortant de fon tronc ,
& fe portant bien , je n'ai point aperçû dụ
tour
JUIN. 1741. 1133
tout de Mere Treille , à laquelle la Greffe en
queſtion fût attachée : peut- être avant que de
fermer ma Lettre pourrai - je vous en parler
plus affirmativement. En attendant voici une
feconde traduction qu'on m'a envoyée depuis
des deux Vers Latins de Dom E. fur ce
fujet , lefquels je répeterai ici.
D. STEPHANO PACIFICATORI
Neuftria Burgundis focietur , jurgia ceffent.
Fodera cum Malo vitis amica ferit.
Seconde Traduction de Dom JL
Cessez , Bourgogne & Normandie
De difputer fur vos liqueurs ;.
La Vigne au Pomier s'associe ,
Pour mettre d'accord vos bûveurs.
Et à propos de Vers , trouvez bon , Mi
que je corrige ici une faute énorme faite dans
ma Lettre du Mercure de Février dernier. J'y
cite page 241. deux Vers du fameux P. Ra
pin , lequel un peu trop prévenu fur les prétendues
influences de la Lune , s'exprime
ainfi dans fon Poëme des Jardins :
Quando Luna vetat , Lunaparete vetanti .
Quando Lunajubet, Lunaparete jubenti.
Les Imprimeurs au lieu de fuivre ma co
D iiij pie ;
1134 MERCURE DE FRANCE
1
pie , qui étoit exacte , ont mis à la fin du
fecond Vers , Lunajubete vetanti , faute groffiere
dont je ne me fuis aperçû qu'après coup.
La feconde chofe qui a mérité votre attention
dans la même Lettre , c'eft M. cette
Piéce finguliere & unique , dont il est fait
mention pag. 244. nommée le Turban du
Mufti née en 1738. dans le Jardin de D. E.
& par lui élevée ; j'ai raifon de l'apeller unique
, parce que le fruit original n'a plus reparu
nulle part , après en avoir femé les graines
en differens Jardins avec l'attention ordinaire
j'ai ajouté que ce fruit attira tous
les regards , ceux particulierement d'un Peintre
Anglois , qui l'a peinte à plaifir dans fa
grandeur naturelle , ce qui fait un fort joli
Tableau .
Vous ne ferez fâché de fçavoir qu'il
pas
s'apelle M. Blakcy , demeurant actuellement
à Paris , & s'y diftinguant par fes heureuſes
compofitions par , par fon talent décidé pour la
Peinture , & par fes autres bonnes qualités.
J'ai dit ailleurs que M. de Lobel , Peintre
du Roy , & l'un des plus dignes Membres
de l'Académie Royale de Peinture a eu la
bonté de peindre pour moi en deux Tableaux
, ce que mes Graines ont produit de
plus curieux dans le genre en question , les
années 1738. & 1739. & que ces Fruits y
font artiftement repréfentés de grandeur naturelle
!
JUIN. 1741. 1135
túrelle , & dans une imitation parfaite des
Originaux Je dois ajouter qu'il a bien voulu
prendre la même peine pour ce que ma
petite recolte de l'année derniere 1740. qui
n'a pas été fi heureuſe m'a donné de plus
fingulier , ce qui fait M. un quatriéme Tableau
exécuté avec le même fuccès , & le
tout enſemble orne mon Cabinet d'une agréa
ble décoration.
,
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
A Paris le 4. May 1741 .
P. S. A peine , Monfieur , ai je achevé ma
Lettre , qu'une Perfonne intelligente & fincere
, que j'avois envoyé exprès à la Chartreufe
pour me raporter le véritable état de
l'Ente en queftion , en arrive , & voici les
termes de fon raport : Il est très vrai que
l'Ente de la Treille fur le Pomier a parfaitement
réuffi dans le Jardin de Dom E. Je
fors de chés lui , & j'ai eu le plaifir de voir
cette alliance faite dès l'année derniere . La
Treille greffée eft entierement feurée depuis
près d'un an , & ne tient plus en aucune façon
à la Mere-Treille , &c.
La même Perfonne ajoute que je me fuis
prefque fait des affaires avec ces bons Solitaires
, que j'ai nommés , fans y trop
réflechir
, dans ma précedente Lettre , principalement
avec Dom E. qui véritablement n'a
aucune part à tout ce que j'ai dit ſur ſon fu-
Dv jet,
136 MERCURE DE FRANCE
jet , par raport à fes occupations , ou plûtôt
à fes récréations de Botanique , étant au
contraire bien fâché de voir fon nom & fes
fuccès publiés , quelque bonne intention
que j'aye euë en le faifant ; me priant enfin
de vouloir bien ne plus troubler l'efprrit
de retraite qui fait fes délices , & de le
laiffer joüir en filence de la grace de fon
Etat.
LE COQ D'INDE ET LE MARCASSIN,
FABLE.
C Hés un Seigneur , retiré dans fa Terre ;
Un Braconnier , foi difant fon coufin '
Fit amener en pompe un Marcaſſin
Qu'il avoit pris à la petite guerre .
L'Animal fut tranſporté
Près d'un réduit écarté ,
Où dans la fange & l'ordure
Il cherchoit fa nourriture.
Non loin de lui , perchoit fous un auvant
Un vieux Dindon , volatille pefante ,
Qui fe panade , & qui le bec au vent,
Croit étaler une beauté charmante.
Or , celui-ci dit un jour
JUIN.
1137 17412
Au Marcaffin , hola frere ,
Le Maître de ce féjour
Ma foi ne raiſonne
guere ;
Hier je le vis , qui d'un air campagnard
T'éxaminoit , te faifoit bonne mine ,
Regloit pour toi des reftes de cuifine ;
Je n'obtins pas feulement un regard.
Cependant j'ai l'avantage
D'être privé , propre & doux ;
Pour toi , ta race eft fauvage
Elle vit parmi les Loups ;
Toi- même enfin ( la chofe eft toute claire
Dans peu de tems tu vas leur ressembler :
Des grands Seigneurs le goût me fait trembler ;
Je ne fçais plus ce qu'il faut pour leur plaire .
Ami , dit le Marcaffin ;
Que chacun juge à fa guiſe ,
Quant à moi , je ne méprife
Qu'un Cenfeur jaloux & vain
Qui croit cacher fa fotife ,
Et montre tout fon venin.
>
J'ai des défauts fans nombre , je l'avoie ,
Mais c'eft le fort qui me les a donnés
Auffi , vois- tu , jamais je ne me louie ,
J'admire ceux qui font plus fortunés ,
Et fans l'éclat dont m'a frapé ta roüe ,
Jignorerois ce qui te pend au nés :
D vj D'ail
1138 MERCURE DE FRANCE
D'ailleurs , penfif dans ma cellule ,
Mon naturel pourra changer ;
Le vice peut fe corriger ,
Prefque jamais le ridicule,
J. CLEREAU , de Saumur.
REPONSE de M. Néricault Deftouches
à M. Tanevot.
L
A Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , Monfieur , m'a parû mériter
toute mon attention , & je l'ai crûë trèsdigne
d'une Réponse ; c'eft vous faire comprendre
en peu de mots, jufqu'où va l'eftime
que j'ai conçue pour vous en lifant vos fages
& judicieufes Réflexions fur ma derniere
Lettre à M. l'Abbé D ....
Il eft vrai que mon zele devient d'autant
plus vehement , que plus je m'efforce à combattre
les Ennemis de la vérité , plus ils s'acharnent
contre fes Partifans & fes Défen
feurs. Parce que je me fuis déclaré pour elle,
ils ne fe bornent pas à me hair , ils affectent
de me méprifer. Leur haine me fait honneur;
& leur mépris , s'il eft bien fincere , ne peut
égaler celui que j'ai pour eux. Plaiſe au Ciel
que je puiffe l'infpirer à tous ceux que leur
pernicieux
JUI N. 1741 . 1193
Pernicieux exemple , & les Sophifmes de
Bayle ont éblouis !
Mais ce n'eft pas aflés pour cceerrttaaiinneess gens,
me dites - vous,de leur montrer le danger auquel
ils s'expofent en lifant les Ouvrages de
Bayle , il faut leur prêter des armes contre
lui. Il vous paroît que ma Critique eft trop
générale !
Je fens comme vous , Monfieur , qu'il feroit
à propos pour rapeller à la vérité les efprits
chancellans , & pour les fixer dans la
bonne voye , que je priffe moi -même le foin.
de les munir du fil qui ne leur eft devenu
que trop néceffaire pour ſfee tirer du fatal labyrinte
où Bayle les a jettés infenfiblement.
Mais cette loüable & noble entrepriſe
m'entraîneroit dans des difcuffions fans fin ,
& qui ne font nullement de mon reffort. Je
ne crois pas cependant qu'il me fût impoffible
d'entrer dans cette pénible carriere , &
d'en fortir heureuſement , car j'ofe me vanter
d'avoir furpris ce Philofophe en beaucoup de
raiſonnemens , auffi faux que captieux. Il y a
très -long - tems que je fuis tenté de le réfuter
en forme , & que je réfifte à cette ardeur ;
toute légitime qu'elle eft , bien moins par la
crainte de ne pas réüffir dans mon entreprife,
que par la peur de me donner un ridicule;
car c'eft s'y expofer étrangement après avoir
fait fon capital de la Poëfie , fur tout de la
Poëfie
1140 MERCURE DE FRANCE
Poëlle Dramatique , que de vouloir fe donner
pour Philofophe , & qui plus eft , pour
Métaphyficien.
Il faut avoir un génie bien vafte & des lu
mieres bien étendues & bien avoüées du Public,
pour ofer entreprendre de traiter tous les
blic, pour
genres , & d'allier les Sciences les plus profondes
& les plus abftraites , avec les talens
qui font briller un bel efprit.
Il est vrai que notre fiécle nous a fait voir
& nous conferve encore un pareil prodige ; *
mais c'eſt le plus rare de tous les Phenome
nes ; & un exemple affés récent vient de
nous convaincre qu'il eft très dangereux d'afpirer
à produire un femblable fujet d'admi
ration , & qu'avec l'efprit le plus vif, le plus
brillant & le plus fécond , on peut fe rendre
fouverainement ridicule , en fe piquant d'être
un homme univerfel , & d'avoir aprofon
di des matieres fublimes , que l'on n'a tout
au plus qu'effleurées.
Comme je ne fuis ni fçavant ni bel efprit ,
j'avoue que cet exemple me fait trembler , &
pourroit effrayer mille gens beaucoup moins
timides que moi.
D'ailleurs ma timidité n'eft pas le feul obf.
tacle au noble efflor que vous me propoſez .
Je fuis trop amoureux du repos dont je joüis,
facrifier mes veilles à de longues & pépour
* M. de Fontenelle.
nibles
JUIN. 1141 1741 .
nibles recherches , qui pourroient enfanter
un volume immenfe & qui me fatigueroient
encore plus que mes Lecteurs.
Mon intention n'a jamais été , Monfieur ,
que de convaincre un homme qui me croyoit
au rang des incrédules , que , graces à Dieu ,
j'étois bien éloigné de ce funefte égarement,
& que fon Philofophe pour lequel il avoit
tant de véneration , n'étoit rien moins qu'infaillible.
J'en ai averti les libertins , en tâchant
de détromper mon ami ; c'eft tout ce que j'ai
prétendu faire. Je laiffe aux Philofophes
Chrétiens & aux Métaphyficiens Orthodoxes
le foin d'apuyer & de foûtenir ma Thèſe.
Cependant , Monfieur , comme vous ne
deffrez de ma part que quelques exemples
fenfibles des Sophifmes de Bayle fur les matieres
Métaphyfiques , je veux bien par complaifance
pour vous , & dans la feule vûë de
vous convaincre parfaitement que votre métite
& la droiture de vos intentions ont fur
moi le pouvoir qu'une ancienne amitié pourroit
exiger , je veux bien , dis - je , entrepren
dre aujourd'hui de vous fatisfaire, & de prou
ver au Public par cette légere ébauche que
notre Philofophe , tout fubtil qu'il eft , peut
être facilement réfuté.
Quel eft fon véritable objet ? Vous l'avez,
fort bien aperçû. C'eft de mettre toujours la
Raifon aux prifes avec la Religion , & de po
Le
1142 MERCURE DE FRANCE
fer en fait que la Religion ne peut fe foûte
nir contre la Raifon,fans le fecours de la Rés
velation .
Au fonds l'entrepriſe n'eft pas criminelle &
ne pourroit , ce me femble , avoir d'autre effet
, que de rendre l'autorité des Livres Saints
encore plus refpectable, fi l'affectation de recommencer
le combat à chaque occafion, &
aflés fouvent très-mal à propos, ne faifoit pas
apercevoir un deffein, d'autant plus pernicieux,'
qu'il eft caché fous les aparences les plus fimples
& les plus innocentes.
que
On ne peut donc rien entreprendre
de plus
loüable & de plus falutaire , 'd'embraffer
le parti de la Raifon contre un Philofophe
qui la fait toujours céder aux argumens des
impies & des incrédules , & qui veut nous
perfuader qu'elle eft incapable de leur réfiffi
elle ne fe fauve dans les retranche-
>
mens de la Révelation.
Je crois cependant pouvoir vous prouver
que fans recourir à cette reffource infaillible,
la Raifon a par elle- même affés de force &
de lumieres , pour repouffer vigoureuſement
les attaques des Libertins.
Ils n'ont point d'argumens plus fubtils , à
mon avis , que ceux que Bayle leur fuggere
dans fon Article des Manichéens, fous le nom
de Zoroastre , qu'il fait difputer contre Mé
Liffus, Mais fi Méliffus n'y triomphe pas de
Zoroaftre
C
JUI N. 1741. 1143
Zoroastre, c'eft affûrément parce que Bayle ne
l'a pas voulu ; car ce Philophe raifonnoit avec
trop de fagacité , & avoit trop fouvent aprofondi
& remanié ce Sujet , pour n'avoir pas
pû fournir à Méliffus les réponfes que le
moins fubtil Métaphyficien pouvoit aisément
lui fuggerer.
Je viens donc au fecours de Méliffus . Ima
ginez-vous que c'eft Bayle & moi qui difputons
; car vous ne devez point douter que
Zoroastre ne foit Bayle lui -même. Vous êtes
donc bien hardi , m'allez - vous dire , de difputer
contre un fi grand homme !
L'entrepriſe eft témeraire , je l'avoue , &
ma hardieffe me fait trembler ; mais ce n'eft
pas moi qui combats , c'eft la Raifon qui veut
rentrer dans fes droits . Me voilà raffûré.
Voyons donc maintenant comment elle
peut foûtenir la Religion contre les objec
tions captieufes des Manichéens , que Bayle
nous étale & fait valoir avec tant de force .
Car il eft bon de vous faire fentir d'abord
que n'ofant attaquer ouvertement les Dogmes
les plus faints & les plus refpectables, il
cherche des voyes indirectes pour les détruire
, en infinuant que les Syftêmes les plus
abfurdes font plus conformes à la Raiſon
que le Chriftianifme . Voilà fon Texte perpétuel
, & c'eft pour le commenter qu'il ofe
foutenir , en parlant de l'abominable Doctrine
1144 MERCURE DE FRANCE
و ر
trine de Manés , " que fon foible ne confif
" toit pas , comme on le croit d'abord , dans
»le Dogme des deux Principes , l'un bon & .
» l'autre méchant . Il faut avoüer , ajoûte- t'il ,
que ce faux Dogme, beaucoup plus ancien
» que Manés , infoûtenable dès qu'on admet
P'Ecriture , remarquez bien cette parenthese ,
» feroit affés difficile à réfuter , foûtenu par
» des Philofophes Payens , aguerris à la difpute
, c'est -à- dire par Bayle & par fes Dif
» ciples.
>>
Bayle fentoit bien , je n'en doute pas , que
la multiplicité des Principes éternels embarraffe
& choque la Raifon , qui conçoit plus
diftinctement un Etre fimple , tout- puiffant,
& caufe premiere de tout ce qui exifte ; aufli
fait - il avouer à fon Zoroastre , que fur ce
point les idées de Méliſſus font plus fublimes
que les fiennes. Mais le triomphe de celuici
n'eft pas de longue durée. Zoroastre qui
a paru lui céder la victoire , fe releve & veut
la rapeller de fon côté , en prenant le parti ›
d'examiner les Caufes par les effets , & c'eft
par les raifons à pofteriori que Bayle le fait
triompher.
» S'il n'y avoit , dit Zoroastre , que des
" méchans et des malheureux , il ne faudroit
»pas recourir à l'hypothefe des deux Prin-
» cipes .
Que devoit répondre Méliffus ? Rien de
plus
JUIN. 1741. 1145
plus fimple ; à quoi bon , devoit- il dire ,
faire une fupofition qui n'a pas le moindre
degré de poffibilité , foit qu'on n'admette
qu'un premier Principe , foit qu'on en admette
plufieurs. N'eft- il pas vrai que toutes
les perfections doivent exifter , ou dans le
premier Principe , s'il n'y en a qu'un , ou
dans toute la collection des premiers Principes,
s'il y en a pluficurs ? Or, s'il n'y avoit que
des méchans & des malheureux , il feroit évident
que la Bonté ne fe trouveroit pas
dans
ces premiers Principes , qui n'auroient produit
que des Créatures vicieufes & malheureufes
, & cependant la Bonté eft une des
principales perfections du premier Principe ,
ou pour parler Théologiquement , c'eft une
perfection fimplement fimple, fimpliciter fimplex,
qui doit fe trouver formellement en lui.
Mais Bayle ne juge pas à propos d'infpirer
à Méliffus cette réponſe qui embarrafferoit
trop Zoroastre , & qui termineroit trop tôt
la difpute.
L'introduction du bien & du mal moral ,
fupofé qu'on ne puiffe pas l'attribuer au libre
arbitre , eft l'Argument le plus fpécieux
qu'employe Zoroastre , pour prouver la néceffité
de deux premiers Principes , l'un bon
& l'autre méchant; auffi le verrez vous mettre
en oeuvre toutes les fubtilités que Bayle lui
peut infpirer,pour faper les plus folides fondemens
1146 MERCURE DE FRANCE
demens de la liberté. Vous verrez enfuite
Méliffus embarraffé par fon Adverſaire , &
tellement accablé par fes Argumens , qu'il
conviendra bonnement que la Raifon n'a
rien à répliquer aux Manichéens , & que les
Orthodoxes ne peuvent leur opofer que l'autorité
de l'Ecriture , dont il faudra démontrer
la vérité & la divinité ; c'eft ce que Méliffus
& Bayle n'entreprendront pas.
Zoroastre dira donc : * Nous n'avons aucune
idée diftincte qui puiſſe nous faire compren
dre qu'unEtre qui n'existe pointpar lui- même,
agiffe pourtantpar lui- même.
Voici ce que peut répondre Méliffus : Je
comprends néanmoins fort diftinctement que
dans l'idée d'une Puiffance fans bornes , telle
qu'on doit la concevoir dans le premier Etre,
eft auffi bien renfermée la puiffance de créer
des Etres libres , que des Etres déterminés à
agir néceffairement ; car fi mon idée reſtraint
la Toute - Puiffance à créer feulement des
Etres fans liberté , il y a contradiction dans
'mon idée , qui confidere en même -tems la
Toute - Puiffance comme fans bornes & comme
bornée . Vous raifonnez donc très- mal ,'
Zoroastre , & je vous prouve par cette feule
refléxion , qu'il eft facile de comprendre
qu'un Etre qui n'existe point par lui - même,
mais qui eft créé Libre par la Toute-Puiffan-
* Dict. de Bayle , Art. des Manichéens.
CCA
JUIN, 1741. 1147
ze , e pourra ufer du don de fon Créateur pour
agir par lui- même , autant qu'il eft néceffaire
pour l'exercice de fa liberté. Zoroastre , loin
de fe rendre à cette démonftration répliquera
La liberté donnée à l'homme n'eft
» point capable de fe donner une déter-
≫mination actuelle , puifqu'elle exifte in-
» ceffamment & totalement par l'action de
» Dien.
Je demeure d'accord , doit répondre Mé-
Liffus , que le libre arbitre n'eft point capable
de fe donner les principes de fes déterminątions
, mais il eft capable d'ufer des principes
de fes déterminations , qui font mis en
Jui & qui font créés avec lui , pour fe déterminer
actuellement ; autrement il ne feroit
pas libre arbitre. Il eft certain qu'il exiſte
inceffamment par l'action de Dieu , comme
Créateur & comme Confervateur ; mais non
par l'action de Dieu , comme le déterminant
Tans cefle , puifque Dieu a créé en lui & avec
lui les principes de fes déterminations, comme
je vous l'ai déja dit.
Je confidere ici le libre arbitre en lui-même
& dans fon principe . Je fais abſtraction
de ce qui doit l'aider , le fortifier , ou coopérer
avec lui .
Je n'examine point fi l'homme , foit dans
Pétat d'innocence, ſoit après ſa chute funefte,
a befoin de graces actuelles , prévenantes ou
coopérantes,
1148 MERCURE DE FRANCE
coopérantes , efficaces par elles - mêmes , ou
fimplement congruës ; enfin d'une prémotion
phyfique & d'un concours médiat ou
immédiat; je me borne à regarder la Liberté,
telle que Dieu l'a créée dans l'homme , & je
fais abstraction de tous les differens Systêmes
des Théologiens , & de tout ce qui doit perfectionner
cette Liberté. Je ne puis néanmoins
me diſpenſer de dire en paffant , que
je ne conçois point de véritable Liberté, dans
quelque hypothèſe qu'on la confidere , que
celle qui confiste dans une faculté activement
indifferente pour agir ou pour ne pas agir
en préfupofant en elletout ce qui est nécessaire
pour agir.
Voyons maintenant comment Zoroastre fe
tirera d'affaire. Bayle ne le laiffera pas fuccom.
ber ; il va lui fournir tous les Argumens qu'il
peut tirer de la Prefcience de Dicu , pour
embaraffer la Raifon des Orthodoxes ; &
voici de quelle maniere il s'y prend.
Après avoir mis en question fi Dieu connoît
les actions futures dépendantes de la liberté
de l'homme , & frapé , fans doute , de
l'idée d'une connoiffance infinie , qui doit
s'étendre à tout dans toutes les circonstan
ces , il femble abandonner fon Argument
pour faire preffer Méliffus par des raifons
plus captieufes , & telles, felon lui , que l'entendement
humain ne peut les réfuter qu'en
recourant
JUIN.
17413 1149
recourant à l'autorité des Ecritures. Ainfi
voilà la Raifon terraffée . Ecoutez Zoroastre :
ou Bayle , fi vous voulez .
» Je veux bien accorder que Dieu a prévû
» le peché de fa Créature , & j'en conclus
qu'il l'eût empêché de pecher.
Il me femble que Méliffus devoit lui dire
Vous concluez mal, fi vous fupofez l'homme
créé libre ; car fi Dieu la créé libre , il lui a
donné une liberté capable de mériter ou de
démériter. Donc il n'a pas dû empêcher le
inal qu'il prévoyoit , ni déterminer l'homme
néceffairement au bien , puifque , dans cette
fupofition, Dien cût dépouillé l'homme a moment
de l'action du précieux don de la liberré,
dont il avoit daigné le gratifier en le créant.
Si vous fupofez l'homme créé fans liberté ,
il faut que vous difiez que Dieu n'a pas voulu
le créer libre , ou que vous foûteniez qu'il
ne l'a pas pû.
Si vous prétendez que Dieu n'a pas voulų
créer l'homme libre , faites - moi donc comprendre
comment fa Raifon est devenue la
confidente des volontés du premier Etre . Ce
que Dieu veut ou ce qu'il ne veut pas , n'est
pas du reffort de notre Raifon.
Dites-vous que Dieu ne l'a pas pû ? En ce
cas vous m'opoſez une impoffibilité que vous
ne me prouverez jamais , puifque la Raifon
ne peut pas la concevoir,
La
1150 MERCURE DE FRANCE
La Raifon conçoit au contraire , que la
Toute- Puiffance est effentiellement un des
attributs du premier Principe , & qu'elle
confiste en ce que le premier Principe peut
faire tout ce qu'il peut vouloir. Une Raifon
droite & faine ne s'étonnera donc pas de voir
que Dieu n'ait pas empêché le peché de
l'homme , quoiqu'il l'ait prévû , lorſqu'elle
confiderera que Dieu a créé l'homme libre ,
pour qu'il fût en état de mériter fes récom
penfes ou fes châtimens.
Zoroaftre ne fe rendroit point à cette réponſe
, car voici de quelle maniere il infiste
par la plume de Bayle. » Les idées de l'ordre
ne fouffrent pas qu'une Caufe infini-
» ment bonne & fainte , qui peut empêcher
» l'introduction du mal moral, ne l'empêche
» pas , lors fur tout qu'en le permettant, elle
»fe verra obligée d'accabler de peines fon
»propre Ouvrage.
Je répond pour Méliſſus : Vous raiſonnez
ici , Zoroastre , fuivant les idées que vous
prétendez avoir de l'Ordre ; mais une Raifon
juste , une Raifon non préoccupée , en aperçoit
d'autres.
Une Cauſe infiniment bonne & fainte ,
peut fe difpenfer d'empêcher l'introduction
du mal moral ; elle le peut fans même blesfer
la liberté de l'homme , & quoiqu'elle fe
trouve obligée en conféquence d'accabler de
peines
JUIN.
1741. IISI
peines fon propre Ouvrage , fi cette Cauſe
infiniment bonne & fainte , est en même
tems infiniment juste & fage.
Car fi Dieu , comme infiniment bon , est
effentiellément déterminé à exercer la bonté
fur les innocens , comme infiniment juste , il
est effentiellement déterminé à exercer fa
justice fur les coupables ; & comme infiniment
fage il est effentiellement déterminé à
prendre les moyens les plus propres pour
qu'il puiffe trouver dans fes Ouvrages des
fujets fur lefquels il puiffe exercer fes differens
attributs , fans donner la moindre atteinte
à fa sainteté . C'est à fa propre gloire
que tout ce qu'il fait hors de lui - même doit
Le raporter.
Ainfi cette Cauſe infiniment bonne & fainte
, a créé des Etres libres , capables de mériter
ou de démériter , pour pouvoir exercer
fa bonté fur ceux qui mériteroient fes récompenfes,&
fa justice fur ceux qui feroient dignes
de fes châtimens. Tels font les moyens qu'il
a trouvés dans fa fageffe infinie pour exercer
fa bonté & fa justice , fans être obligé de punir
des innocens & de récompenfer des coupables.
Si Dieu avoit empêché l'introducton du
mal moral , il auroit bien pû exercer fa bonté
, mais il n'auroit pas pû exercer fa justice
dans toute fon étendue. Il n'auroit pas trou-
I. Vol. E vé
4
1152 MERCURE DE FRANCE
que
vé la gloire qui devoit lui revenir de l'Incarnation
& de la Mort de fon Fils ; il n'auroit
pas tiré du mal même une infinité de biens
la raifon humaine ne fçauroit comprendre
, parce qu'elle est trop foible & trop bornée.
S'il fe trouve obligé d'accabler de peines
fon propre Ouvrage , c'est parce que cet Ouvrage
ééttaanntt lliibbrree ,, & par conféquent capable
d'ingratitude , il est réellement ingrat ,
donne par fa faute occafion à Dieu d'exercer
fa Justice. Tous ces raifonnemens fe trouvent
renfermés dans l'idée de l'Ordre . Mais
fuivons Zoroastre , & voyons ce qu'il nous
dit encore : » Si Dieu n'a point prévû la chu-
» te de l'homme , il a du moins jugé qu'elle
» étoit poffible.
&
Propofition inutile de la part de Zoroastre
,
car Méliffus auroit non - feulement accordé
que Dieu a dû juger la chute de l'homme
poffible , mais même que Dieu l'a prévûë.
Bayle n'avoit garde de fournir cette réponſe;
ce n'est pas- là fon compte , il aime le doute
& veut le répandre fur tout.
En conséquece de ce Syftême , Zoroaftre
ajoûte : » Puis donc au cas qu'elle arrivât (la
» chute de l'homme ) Dieu fe voyoit obligé
de renoncer à fa bonté paternelle , pour
rendre fes Enfans très - misérables , en exerçant
fur eux la qualité d'un Juge' sévere, il
» auroit déterminé l'homme au bien moral,
» comme
JUIN. 1741 .
1153
و ر
comme il l'a déterminé au bien phyfique.
» Il n'auroit laiffé dans l'ame de l'homme au-
» cune force pour fe porter au peché , nonplus
qu'il ne lui en a laissé aucune pour fe
» porter au malheur , en tant que malheur.
Voici de quelle maniere j'aurois fait répondre
Méliffus , les idées de l'ordre nous font.
connoître que Dieu doit renoncer à fa bonté
paternelle , quand des Créatures libres
ayant
abusé de leur liberté jufqu'à certain point ,
ont par- là,renoncé à la qualité de fes Enfans.
Ces mêmes idées nous convainquent qu'il
doit juger felon toute la rigueur de fa Justice
des Créatures ingrates qui fe font renduës
coupables par leur faute .
Mais de ce qu'il prévoyoit le mauvais ufage
que l'homme feroit de fa liberté , il ne
s'enfuit pas que fa Bonté eût dû déterminer
l'homme au bien moral , comme il l'a déterminé
au bien phyfique. Car en déterminant
'homme au bien phyfique , Dieu l'a privé de
la liberté de fe porter au malheur , en tant
que malheur , parce que cette efpece de liberté
ne pouvoit pas le faire mériter ou démériter ;
c'est au contraire par la liberté d'obéïr ou
de défobéïr , qu'il peut mériter les récompenfes
ou les châtimens , & par conséquent
glorifier ia Bonté ou la Justice de fon Créateur.
De plus , ajoûtera Méliſſus à Zoroastre , je
E ij Vous
1154 MERCURE DE FRANCE
vous furprends dans le Sophifme le plus
groffier : Dieu n'auroit , dites-vous , laissé"
» dans l'ame de l'homme aucune force pour
» fe porter au peché , non - plus qu'il ne lui
en a laissé aucune pour fe porter au mal-
» heur, en tant que malheur.
ور
ود
Pour que votre parité, Zoroastre , eût quel
que jufteffe, vous deviez dire que Dieu n'auroit
laissé dans l'ame de l'homme aucune
force de fe porter au peché , en tant que peché
, non plus qu'il ne lui a laissé aucune
force pour fe porter au malheur , en tant que
malheur Mais votre parité eût été moins
ébloüiffante , car il n'y a perfonne au monde
qui ne fente que l'homme ne trouve en luimême
aucun motif pour fe porter au peché ,
en tant que peché, comme il n'y trouve aucun
motif pour fe porter au malheur , en tant que
malheur. Il fe détermine au peché , non pas
par le propre motif du peché ,mais par le motif
du plaifir ou des avantages qui peuvent
lui en revenir ; de - même qu'il fe determine
au malheur , non pas par le motif propre du
milheur , mais par le motif d'un ' bien vrai
ou aux qu'il envifage.
Mais quand même l'ame auroit toute la
fo ce poffible pour ſe porter au peché, en tant
que peché, & qu'elle n'en auroit aucune pour
fe porter au malheur , en tant que malheur , il
feroit toujours vrai de dire que la liberté de
pouvoir
JUIN. 1741. 11551
Pouvoir pecher ou ne pas pecher , étoit
néceffaire pour mériter ou démériter, & que
l'autre espece de liberté feroit inutile. Ainfi
la Providence Créatrice fera juftifiée par la
Raifon , & l'on n'aura pas befoin des deux
Principes de Zoroastre pour expliquer le bien
& le mal moral.
Il s'enfuit de cette analyfe que Méliffus
pouvoit répondre ſolidement aux objections
de Zoroastre , fans avoir recours aux Livres
Saints , fans le fecours desquels Bayle fait en
tendre malicieufement que Méliffus n'auroit
pas pû réfuter fon Adverfaire. Mais le but de
Bayle eft de faire fentir que la Religion n'a
nul fondement du côté de la Raifon , afin
de rendre incrédules ceux qui fe piquent d'ê
tre raisonnables.
Jugeons des intentions de ce Philofophe
par fa maniere de differter . Il convient que
les raifons qu'il apelle à priori , font toutes
en faveur des Orthodoxes contre les Manichéens
; il ne peut pas nier que les raifons à
pofteriori des mêmes Orthodoxes , ne foient
au moins auffi folides que celles des Manichêens.
L'idée de la Liberté n'eft pas une chimere
, elle eft renfermée dans l'idée de l'Or
dre. Les hommes font naturellement capables
de la voir & de la fentir : on peut au
moins auffi bien expliquer le Bien & le Mal
moral par le du libre arbitre , que par
E iij
moyen
la
1156 MERCURE DE FRANCE
la fupofition de deux Principes , l'un bon &
l'autre mauvais ; ainfi quand les raiſons à posteriori
des Manichéens pourroient contrebalancer
les raifons à pofteriori des Orthodoxes ,
celles de ces derniers , fortifiées de leurs raifons
à priori , devroient former une démonstration
capable de fermer la bouche à ces
Héretiques , & cela indépendamment des
Ecritures.
D'où vient donc que Bayle avance hardiment
que le foible du Syftême des Manichéens
, ne confiftoit pas , comme il ſemble
d'abord , dans le Dogme des deux Principes,
l'un bon & l'autre méchant ? D'où vient qu'après
être convenu que les raifons à priori ,
tirées de la néceffité de l'existence d'un Etre
fimple , font convainquantes , il ajoûte , en
fe retranchant dans les raifons à pofteriori, que
ce faux Dogme , infoûtenable dès qu'on admet
l'Ecriture Sainte , feroit assés difficile à
réfuter , foûtenu par des Philofophes Payens
aguerris à la difpute ? D'où vient que faifant
difputer fon Zoroastre Manichćen , contre
fon Méliffus Orthodoxe , il fournit au pre
mier les Sophifmes les plus fpécieux , &
qu'il ne fournit au dernier que de foibles
raifons pour fe défendre , raifons qui ne dévoilent
point les Sophifmes de Zoroastre , &
qui n'en font pas voir la fauffeté & le venin ?
D'où vient enfin qu'il fait femblant de paroî-
,
sre
JUIN. 1741. 1157
Tre lui-même ébloui des fauffes fupofitions &
des raifonnemens absurdes qu'il fait faire à
fon Manichéen , & qu'il conclut malignement
qu'il n'y a que la Révélation qui puiffe
nous convaincre de la vérité de la Religion
Chrétienne ?
Tout homme raifonnable doit le fentir. Il
veut faire fa cour aux prétendus Efprits forts,
fournir des doutes aux Efprits foibles , dégoûter
le Genre humain d'une Religion qu'il
tâche de montrer opofée à la Raifon , & fai ,
re triompher le Pyrrhonifme.
Nous
convenons que la Révélation eſt lä
bafe de notre Foi , qu'elle nous propoſe bien
des vérités auxquelles la Raifon humaine ne
fçauroit atteindre ; mais il faut convenir auffi
que fi la Raifon ne peut pas comprendre ce
que nous apellons Myfteres, elle nous conduit
à connoître la vérité de leur exiftence , & la
néceffité de les croire .
Oui , Monfieur , j'ofe le foûtenir contre
les Incrédules les plus aguerris & les plus
opiniâtres , la Raifon , cette Raifon dont ils
font un fi mauvais ufage , nous conduit directement
& néceffairement à la Foi , & la
Foi,bien loin de l'affoiblir, ne fait qu'augmen¬
ter fes forces. Tel eft le falutaire effet de cette
Raifon humaine , fi fouvent & fi injuftement
maltraitée par Bayle, & c'eft ce que j'entreprendrois
de vous prouver dès ce moment,
E iiij
fi
1158 MER CURE DE FRANCE
fi je ne craignois pas de paffer les bornes d'u
ne Lettre. Je me propofe donc de vous en
écrire une feconde , dans laquelle j'efpere
démontrer clairement ce que je viens d'avancer
en faveur de la Raifon. Il me paroît eflentiel
de lui rendre la juftice qui lui eft dûë ,
après tant d'outrages qu'elle a reçûs de Bayle
& de tous les Pyrrhoniens passés & préfens.
En attendant ma nouvelle Differtation ;
foyez sûr que la Raifon fait triompher la Foi,
que la Foi donne de la force & de l'éclat
à la Raifon. Je fuis , Monfieur , & c .
&
A M. LE CARDINAL
DE FLEURY.
EN vérité , c'eft
tyrannie ,
Le coeur devroir du moins garder la liberté ;
Je croyois que l'Autorité
N'étendoit pas fes droits jufqu'à cette partie .
Les Grands font Maîtres de nos jours ,
Majestueux Soleils , ils en reglent le cours ;
Ils gouvernent notre langage ;
Ils compofent notre vifage.
N'en est- ce
pas affés contens de ces honneurs ,
Ils devroient nous laiffer nos coeurs ;
1°
JUIN
115S 1741 .
Le Ceur , toujours jaloux de fon indépendance ,
Plus libre fe roidit contre la violence ;
Le Coeur eft un mutin qui brave toute Loi ;
Tout le refte obéit , le Coeur feul eft à foi.
Mais fi , comme chés vous , l'éclat de la Puiffance
Empruntant le fecours d'une aimable douceur
Loin de nous écarter par la fiere arrogance
Qui n'infpire que la terreur ,
Nous peint la parfaite harmonie
Et d'un Coeur magnanime , & d'un vaſte génie
Si l'on croit que de la Grandeur
Le plus beau , le plus noble ufage ,
C'eſt de faire notre bonheur ,
Tout céde , tout fe rend , tout vôle à l'esclavage
On eft maître des coeurs auffi bien que des jours
On regle la penſée ainfi que les difcours ;
Le murmure fe taît , & la plainte eſt bannie ,
En vérité c'eft tyrannie.
Tu m'entens , Grand Miniftre , & ton Coeur géné
reux ,
Au défaut de ma voix , t'explique assés mes voeux
Ne puis-je dans le Port me délasser de l'onde ,
Et goûter le repos que LOUIS donne au Monde. >
TRADUCTION.
Hendecafyllabi
Qua nos , Superi , premit tyrannis ↓
Ev
1160 MERCURE DE FRANCE
At non ferre animos jugum putabam ;
Non hos juris babetfui poteftas ;
Noftros illa dies , rapitque vultus ,
"
Sermones quoque , temperatque motus ;
Ut Sol athered corufcus arce ,
Imo prafidet , imperatque Mundo
Sed parere animus ferox recufat ;
Ille , ille indocilis jugo teneri ,
Circum cuncta videt fubacta liber
Quodfi conveniunt , euntque nexw
Majeftas & Amor benigniore ,
Si tu , Liligeri Miniſter Orbis ,
Regi follicitus , bonusque Civi ,
Jubes te metui , jubes amari ,
Tumfenfus pariter , Regisque vultus ,
Nutu cordadomas potentiore ;
Abfiftunt gemitus , tacent querela;
Qua nos , ô Superi ; premit tyrannis !
Hos ta , dum Patria impiger laboras
Oti, fi quid habes , legas Phaleucos
Quid te noftra velit Camoena fentis ,
Non te vota diu latent precantum.
Mefeffum Pelagofubire Portus ,
Et qua te LODOIX Regente Mundum ;
Dulci Pace beat , frui licebit,
On a dû expliquer l'Enigme & le Logo
gryphe
JUI N. 1741 . 1161
gryphe du Mercure de Mai , par l'Ombre &
La Coquille. On trouve dans le Logogryphe ,
Coq , Quille , Echo , Ciel , Licou , Lie , Cô
Ville d'Arabie & d'Égypte , Lice , Ville , lui,
Où , & Vol. 3
Jijiji
ENIGM E..
U Ne triple prifon me retient enfermé ,
Dès le premier moment que je reçois la vie ,
Il faut pour en fortir que ma Mere asservie ,
Passe fous le tranchant d'un homme bien armé.
Petit pendant ma vie , ainſi qu'en ma naissance ;
La Nature me donne une telle puissance
Que je puis produire un Géant.
Il l'eft à mon égard , quand il a reçû l'être ;
Et quoiqu'il foit mon fils , par un retour changeant,
Chaque an dedans fes bras on croit me reconnoître
Je blanchis dès mes premiers jours ,
Et noircis quand j'avance en âge .
Il faut que je le fois pour me mettre en ufage ;
En vain auparavant on cherche mon fecours ,
M'arrachant des bras de mon pere ,
Etant encor caché dans le fein de ma mere.
*
E vi
LOGO1162
MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE.
L'Arbre qui me donna le jour ;
Dune cruelle mort vit payer fon amour
Meuble de Cour & de Village
Chacun de moi fait grand uſage.
Je foûmets à mes Loix
Les Peuples & les Rois :
Chés un Grand on me fert avec magificence
Le Pauvre für mon fein fait régner l'indigence ,
J'ai pour l'un & pour l'autre un naturel ingrat ;
Infenfible aux faveurs , je n'en fais point état ;
Si du mépris fouvent je deviens la victime` ,
La nudité fait tout mon crime :
Dès que je fuis garnie , on vante mes attraits ,
Et les plus grands plaifirs fans moi ' ſont impar=
faits.
Cinq Lettres de mon nom forment l'Architecture,
En voici , cher Lecteur , une exacte peinture :
D'un feul coup de Pinceau je préfente à tes yeux
Le harnois d'un Baudet , un Grain très - précieux
Le déplorable Enfant d'un Pere ,
Né fans le fecours d'une Mere.
Analyſe ces mots , Lecteur , tu trouveras
De quoi te tirer d'embarras ;
Pour un Glouton je fuis aimable ;
JUIN. 1741 1164
Je le vois nuit & jour m'adresser fon Encens ,
Si tu veux de mon nom déveloper le fens ,
Le parti le plus court eft de te mettre à table .
Gaudet.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
ISTOIRE GENEALOGIQUE de la Maifon
H duChâtelet ,Branche puînée de la Maifon
de LORAINE , juftifiée par les titres les
plus authentiques , la plupart tirés du Tréfor
des Chartres de Loraine , Tombeaux , Sceaux,
Monnoyes , & autres anciens Monumens publics
, Par le R. P. Dom Auguftin Calmet ,
Abbé de Senone. I. Vol. A Nancy , de l'Imprimerie
de la veuve de Jean- Baptifte Cuffon ,
Imprimeur Libraire,fur la Place , au Nom de
Jefus. M. DCC . XLI.
Le Livre que nous annonçons au Public ,
eft une fuite des engagemens du fçavant &
laborieux Hiftorien de Loraine , & comme
un Suplément à l'Hiftoire de cette Province ,'
qu'il publia en 1728. Dans cet Ouvrage fi
connu & fi eftimé , on fçait que l'Auteur
s'eft attaché particulierement à nous donner
une connoiffancplus exacte & plus détail
léc
1164 MERCURE DE FRANCE
lée qu'on n'avoit eû juſqu'alors, de la Maiſon
Regnante de Loraine ; qu'il a travaillé avec
fuccès à débrouiller fon origine , à la purger
des fables dont elle étoit obfcurcie , & à l'établir
fur des Monumens clairs & hors de
foupçons des Critiques habiles avoient ouvert
cette route , mais aucun d'eux n'avoit
entrepris de nous donner un fiftême
complet de la Maiſon ; & les Auteurs qui
avoient tenté de le faire , s'étoient rendus
méprifables par les fauffetés & les bévûës
qu'on a découvertes dans leurs Ouvrages.
Que de vuides à remplir d'une part ! que
de nuages à diffiper de l'autre ! Le zéle de
D.Calmet n'en a point été effrayé;toûjours fidéle
au Sang de fes Souverains, il s'eft fait un
devoir de l'accompagner dans tous les Ages
avec la même exactitude ; il a fuivi , fans fe
rebuter , les divers ruiffeaux qu'il a formés
dans tous les tems en grand nombre , &
n'a rien oublié pour en caractériser l'origine,
les progrès & la fin , par le fecours des monumens
hiftoriques les plus certains. Dans
le cours de fes recherches , le R. P. Abbé
de Senone s'aperçût aifément que toutes les
autres Branches forties de la Tige de Loraine
avant Ferry 1. Comte de Vaudemont
étoient éteintes depuis long - tems . La feule
Maifon du Châtelet prétendoit avoir confervé
le Sang de ces Princes , & fa préten
tion
JUIN. 1741. 1165
tion fe trouvoit favorifée par l'ancienne Tra
dition du Pays , atteftée par les Ecrivains les
plus judicieux & qui avoient eu occafion
d'en parler. Quelque pût être le mérite de
cette tradition , D. Calmet fe vit obligé de
l'examiner , parce que fon deflein ne lui permettoit
pas de la paffer fous filence ; il l'examina
en effet , mais en Hiftorien circonfpect
, & en Critique févere , accoûtumé à
combattre les préjugés que l'ignorance a enfantés
: il remonta jufqu'à fa fource , & em
difcuta les fondemens avec impartialité ; ik
les trouva folides , & fes recherches fcrupuleufes
ne fervirent qu'à lui en fournir de nou
velles preuves plus circonftanciées.
Dès lors,il jugea que cette portion du Sang.
de Loraine méritoit fon attention & fes
foins mais comme la nature de l'Ouvrage
qu'il avoit en main ne lui permettoit pas de
s'étendre autant qu'il eût été befoin fur cet
Article , il fe contenta d'annoncer fon fentiment
au Public dans fon Hiftoire de la
Maifon de Loraine , Tome premier, p. 134-
réfolu de l'établir plus au long , lorfqu'il au
roit raffemblé tous les matériaux néceffaires à
fon projet , qu'il a enfin executé dans l'Histoire
Généalogique qu'il donne aujourd'hui
de la Maifon du Châtelet.
Le Public accoûtumé à rendre juftice aux
Ouvrages de D. Calmer , recevra fans doute
avce
1166 MERCURE DE FRANCE
avec plaifir le nouveau préfent qu'il lui fait à
& il fera d'autant plus porté à lui en tenir
compte , qu'il eft aparemment le feul de qui
on pût l'attendre , après tant de révolutions
qui ont enlevé aux Seigneurs du Châtelet la
plupart des Titres , & l'apanage de leurs Ancêtres
; cette difette eft à peine fenfible dans
POuvrage de D. Calmet. Employé fous les
yeux , & par les ordres de fon Prince , tous
les Dépôts publics , les Archives des Eglifes,
les Cabinets & les Recueils lui ont été ouverts.
Quel autre pouvoit efpérer de raffem
bler auffi aifément une moiffon fi abondan +
te & fi néceffaire pour un Ouvrage de cette
efpéce ?
L'Auteur l'a divifé en cinq Livres , précédés
d'un Difcours dans lequel il rend compte
des motifs qui l'ont engagé à y travailler
des fecours qu'il a trouvés, des preuves qu'il
employe , & de l'ordre qu'il a fuivi : il y a
mêlé diverfes obfervations préliminaires fur
le nom , les Armoiries , le Cry & les Titres
des Seigneurs du Châtelet , qui lui ont paru
néceffaires pour l'inftruction des Lecteurs ,
qui ne font pas exercés dans ces matiéres .
Le premier Livre commence l'Histoire de
La Maifon du Châtelet par Ferry de Bitche ,
Duc de Loraine en 1205. Pere de Thierry,
d'Enfer , premier Seigneur du Châtelet , le
chef du Nom & de la Maifon, qui l'a con-
- fervé
JUIN. 1741 . 1167
fervé jufqu'à préfent fans changement ni interruption.
La pofterité de Thierry y eft ra
portée jufqu'à Errard VIII . mort avant 1545-
fans Enfans.
On la trouve continuée dans le fecond
Livre par la Branche de Deüilly , & éteinte
en 592. & par celles de Thons , & de Trichâteau
, qui fubfiftent encore aujourd'hui ,
& ont formé divers rameaux en France & en
Loraine .
Le troifiéme Livre eft deftiné aux Branches
de Pierrefitte , Saint-Amand , & Cirey ,
toutes éteintes , & dont la fucceffion eft rentrée
par alliance dans la Branche de Lomont
Trichâteau .
>
La Branche de Bulegneville , finie depuis
long- tems , eft le ſujet du IV . Livre.
Le cinquiéme nous donne l'Hiftoire des
Branches de Sorcy & de Vauvillars , étein
tes vers la fin du feizième ſiècle .
Chaque Livre eft accompagné de Tables
Génealogiques , dreffées avec beaucoup de
foin pour la commodité des Lecteurs ; la
Table génerale eft à la tête de tout l'Ou
vrage.
Dans les preuves imprimées à la fuite du
corps de l'Hiftoire , on trouve un grand
nombre de Piéces pour apuyer les Faits qu'el
le contient ; elles plairont encore aux Curieux
par les lumieres qu'elles peuvent leur
fournir
T168 MERCURE DE FRANCE
fournir fur l'Hiftoire & les Ufages du moyen
Age.
Tout le Volume eft terminé par deux Tables
Alphabétiques; la premiere, des Maiſons
qui font alliées aux Seigneurs du Châtelet
la feconde , de tous les noms de Familles !
de Terres ou de Seigneuries dont il eſt fait
mention dans l'Ouvrage.
Au refte , la magnificence exterieure de l'Edition
répond parfaitement au mérite de l'Auteur
& du fujet ; le Papier , les Caractéres ,
les Gravûres qui font en grand nombre , les
Vignettes & les Culs - de -lampes font d'une
élegance & d'un goût qui ne laiffent rien à
defirer.
HISTOIRE Eccléfiaftique & Civile de la
Ville & du Diocèse de Carcaffonne , avec les
Piéces juftificatives , & une Notice ancienne
moderne de ce Diocèfe , par le R. P. Bouges
, Religieux des Grands Augufins de la
Province de Toulouse , 1 Vol. in 4° . Paris ,
Quai des Auguftins chés Pierre Gandouin ,
Pierre Emery, Pierre Piget. 1741 .
Ily a long tems qu'un fçavant Homme a dit
que toute Hiftoire eft bonne , mais elle mérite
d'être recherchée des Curieux , lorſqu'elle
nous aprend des Faits auffi importans , &
cependant auffi peu connus que ceux qui
font raffemblés dans cette Hiftoire de la VilJUIN.
1741.
1169
le de Carcaffonne. Deux Auteurs avoient
avant le Pere Bouges , travaillé chacun fur
une partie de l'Hiftoire de cette Ville . M.
Guillaume Beffe , Avocat , avoit publié en
1645. l'Hiftoire des Comtes de Carcaffonne,
& M. de Vic , Chanoine de l'Eglife Cathédrale
de cette Ville , avoit donné en 1667.
fur les Mémoires de M. Eftellat , fon Confrere
, la Chronique des Evêques de cette Ville.
Mais le P. Bouges , en écrivant l'Hiſtoire
Eccléfiaftique & Civile de fa Patrie , renfer.
me les deux Parties , traitées féparément par
MM. Beffe & de Vic. Les travaux de ces
deux Ecrivains n'ont pû fervir de guide au
nouvel Auteur , parce qu'ils ont adopté avec
trop de confiance des Faits ou fabuleux , ou
du moins très-incertains. Le P. Bouges s'eft
donc vû contraint de faire un Ouvrage neuf,
& pour ne rien dire que de certain , il a vi
fité toutes les Archives de la Ville & du Dio
cèfe. Il n'a pas négligé les Hiſtoriens anciens
de la Province , ni même ceux des deux Nations
, Eſpagnole & Françoiſe , qui ont fucceffivement
poffédé cette Ville.
Tels font les fondemens fur lefquels eft
apuyée la nouvelle Hiftoire de Carcaffonne ,
Ville qui n'a pas été moins diftinguée autrepar
la part qu'elle prit aux grandes affaires
, qu'elle l'eft aujourd'hui par fon Com
merce & par fes Manufactures. Elle mérita
fois
même
1176 MERCURE DE FRANCE
même l'attention des plus grands Conque
rans ; les Romains , les Goths , les Sarrazins
& les François en ont été fucceffivement les
Maîtres. Comme elle avoit pris parti dans la
grande affaire des Albigeois , eile crût auffi
pouvoir en prendre dans les troubles de la
Ligue. Elle foûtint d'abord les interêts du
Roy Henry III. contre les Mécontens , mais
fi elle époufa pendant quelque tems les fentimens
de la Ligue , elle fçût bien tôt les
abandonner , & fut la premiere Ville du
Languedoc, qui reconnût l'Autorité du Roy
Henri IV. Elle a depuis confervé cette fage
fidélité , & refufa en 163 2. d'entrer dans les
interêts du Duc d'Orleans & du Maréchal
de Montmorency. Elle fortit néanmoins de
fa moderation en 1655. en outrant les chofes
contre les Fermiers des Gabelles , mais ,"
l'Arrêt foudroyant qui fut rendu contre cette
Ville ne fut pas executé , par la fageffe de
Fun des Chefs .
a
Le P. Bouges, non content de tous ces Faits
Hiftoriques , entre encore dans le détail du
caractere de tous les Evêques de cette Ville ;
& le Catalogue raiſonné qu'il en a donné ,
paru fi exact aux Sçavans Benedictins qui travaillent
à Gallia Chriftiana , qu'ils s'en font
utilement fervis dans leur Ouvrage , de quoi
ils ont marqué à notre Auteur des fentimens
de reconnoiffance.
L'O
JUIN. 1741 1171
›
L'Ouvrage du P. Bouges eft donc un de ces
Ouvrages mûrement pefés , & travaillés avec
beaucoup de foin : & pour donner lieu de
verifier ce qu'il a dit d'important dans fon
Hiftoire il a joint 74. Piéces effentielles
, Titres ou Diplomes depuis l'an 788. jufqu'en
1671. On fçait que ce font ces fortes
de preuves qui augmentent le mérite des Hiftoires
particulieres , parce qu'on trouve fou
vent dans ces Piéces la preuve de plufieurs
Faits intéreffans de notre Hiftoire Génerale
.
COÛTUMES GENERALES D'ARTOIS , aveo
des Notes , par M. Adrien Maillart , ancien
Bâtonnier de l'Ordre des Avocats , feconde
Edition , revue & augmentée par l'Auteur , à
Paris ches Jean Rouy Libraire , Grand Salle
du Palais , vis-à - vis la GrandChambre
<
Ange Gardien 1739. 1. Vol infol. pages
1031. fans compter ce qui eft à la tête à
la fin de l Ouvrage , dont voioi l'analyse.
1. Carte du reffort du Confeil Provincial
d'Artois , & des environs, 1741. par M. Jajllot
, Géographe du Roy , où eft figuré le
Golfe ou Sinus Itins , avec fes trois Ports &
dégorgemens dans la Mer , à Calais , Graye
line & Dunkerque.
,
2. Ordre de la feconde Edition des Notes
lur les Coûtumes Génerales d'Artois , où
le
i
1172 MERCURE DE FRANCE
fe trouvent plufieurs Points Hiftoriques fur
le Manufcrit des anciennes Coûtumes &
Ufages d'Artois.
3. Dix- neuf Liftes Alphabétiques , tant de
21. Jurifdictions qui font d'Artois , que de
neuf autres Juſtices , lefquelles , en chefs ,
ou en quelques membres , font fur la Carte
d'Artois , à titre de voisinage.
4. Voici les Juriſdictions qui font d'Artois
, & qui occupent 42. pages . I. Confeil
Provincial d'Artois . II . Bailliage d'Aire . III .
Gouvernance d'Arras . IV . Salle Epifcopale
d'Arras . V. Chapitre d'Arras. VI . Aubignyle
-Comte. VII . Aubigny- la - Marche . VIII .
Avene -le - Comte. IX. Bapaume . X. Betune .
XI. Epinoy. XII . Hedin . XIII . Lens . XIV .
Lillers. XV. Oify . XVI . Bailliage de Saint-
Omer. XVII . Echevinage de Saint - Omer.
XVIII. S. Pol. XIX. S. Vât d'Arras immédiat.
XX. S.Vât médiat . XXI. La Régale de
Térouane.
5. Voici les Jurifdictions voisines d'Artois,
fur 32. pag. I. Bailliage d'Amiens , à Amiens.
II à Montreuil. III . Ardres . IV . Boulenois.
V. Calais. VI. Eu , Comté- Pairie . VII. Perrone.
VIII.Ponthieu . IX. Roye.
>
6. Anciennes Coûtumes & Ufages d'Ar
tois , depuis la page 1. juſqu'à la page 69 .
7. Les Textes des anciennes & nouvelles
Coûtumes Génerales d'Artois , depuis la p.
71. juſqu'à la p. 152. 8.-
JUIN. 1741 : 1173
8. Chronologie Hiftorique des Souverains
de la Province d'Artois , des Proprietaires
du Pays d'Artois , & des Gouverneurs Géneraux
des Pays Bas , depuis que ces Provinces
ont été poffedées par la Maifon d'Autriche
: depuis la pag. 153. jufqu'à la pag. 163 .
9. Notes fur le Placard de l'Empereur
Charles- Quint , qui homologue les Coûtumes
génerales d'Artois ,
du 3. Mars 1544.
depuis la p. 165. jufqu'à la p. 179 .
10. Sur quelques Articles d'Artois fe trouvent
des Notes de M. Charles du Molin.
décedé à Paris le 27. Décembre 1566.
11. Il y a fur plufieurs Articles d'Artois
des Notes de François Baudüin , né à Arras
le 1. Janvier 1520. & décedé à Paris au College
d'Arras le 24. Octobre 1573. inhumé
au Cloître des Mathurins. Baudüin étoit Eléve
de du Molin .
12. Sur les premiers 26. Articles d'Artois
fe trouve le Commentaire Latin de Nicolas
Goffon , décedé à Arras le 26. Octobre 1578.
& fa Traduction Françoiſe par M. Maillart.
13. Les Notes de M. Maillart , accompa
gnées d'Anecdotes Hiftoriques , rapellent
non -feulement beaucoup de Jugemens concernant
l'Artois , mais encore d'autres Pays
confidérables.
14. A la page 1031. eft imprimé le Dif
cours prononcé à la Chambre de S. Louis au
Palais
1174 MERCURE DE FRANCE
Palais le 9. Mai 1738. par M. Maillart , ex
qualité de Bâtonnier fortant.
RECUEIL des principales Décifions fur les
Dixmes , les Portions congrues , les Droits
& les Charges des Curés Primitifs , par M.
Drapier , Avocat. Nouvelle Edition , augmentée
d'un Traité du Champart par M.
Brunet , Avocat. A Paris , chés Nicolas-
Pierre Armand , Libraire , rue S. Jacques ,
à S. Benoît , 1741.
TRAITE' DE LA SPHERE par M. Rivard ,
Profeffeur de Philofophie en l'Univerſité de
Paris. A Paris , chés Jean Defaint , & Charles
Saillant , Libraires , ruë S. Jean de Beauvais
, vis - à- vis le College , 1741 .
4
PRINCIPES fur le Mouvement & l'Equili
bre , pour fervir d'Introduction aux Méchaniques
& à la Phyfique , chés les mêmes
Libraires,
9
ADDITIONS au nouveau Commentaire de
la Coûtume de Bourbonnois , par M. Mathieu
Auroux des Pommiers , Prêtre Docteur
en Théologie , Confeiller Clerc en la Sénéchauffée
de Bourbonnois , & Siége Préſidial
de Moulins , Auteur.du nouveau Commentaire
de la Coûtume de Bourbonnois , imprimé
JUIN. 1741.
1175
primé en 1732. A Paris , chés Paulus du
Mefnil , Imprimcur- Libraire , Grand ' - Salle
du Palais , au Pillier des Confultations , au
Lyon d'or , 1741. infol.
Il paroît à Oxford une Harangue prononcée
par M. Hunt , Profeffeur en Arabe , fur
l'Antiquité , l'Elégance & l'utilité de la Langue
Arabe ; cette Harangue contient beaucoup
de recherches curieuſes : en voici le titre
: De Antiquitate , Elegantia & utilitate
Lingua Arabica Oratio habita in Schola Linguarum
à Thoma Hunt , & c .' 1740. in-4 °-
MONUMENTA Typographica , que Artis
hujus præftantiffima originem , laudem & abufum
pofteris produnt , inftaurata ftudio & la
bore Joannis Chriftiani Wolfii , in Gymnafio
Hamburgenfi Profefforis publici . Pars 1. 1749.
in 8 °. Cet Ouvrage fe trouve à Hambourg.
DESCRIPTION du Cap de Bonne Eſperance,
qui contient une Relation exacte de tout ce
qui concerne l'Hiftoire Naturelle du Pays ,
la Religion , les moeurs & les ufages des Hottentots
, & l'Etabliffement que les Hollandois
y ont formé , avec un grand nombre
d'Obfervations curieufes fur tout ce que la
Nature y a produit de fingulier ; tirée des
Mémoires de M. Kolbe , qui a paffé dix an-
F nées I. Vol.
·
1176 MERCURE DE FRANCE
nées dans ce Pays ', où il avoit été envoyé
pour faire des Obfervations Aftronomiques
& Phyfiques , enrichie de Cartes & de Figures
en Taille - douce , à Amfterdam , 1741 .
Trois Volumes in-8°.
LES LETTRES fur les vrais principes de la
Religion , où l'on examine un Livre intitulé ,
Lettres fur la Religion effentielle à l'homme :
On y a joint une Défenfe des Pensées de M.
Pafcal contre la Critique de M. de Voltaire ,
& trois Lettres relatives à la Philofophie de
ce Poëte. A Amfterdam , 1741. Deux Volumes
in- 12.
DISSERTATION HISTORIQUE fur les Duels
& les Ordres de Chevalerie , par M. Pafnage..
Nouvelle Edition , avec un Difcours préliminaire
, où l'on entreprend de montrer que
le Duel fondé fur les Maximes du point
d'honneur , eft une vengeance barbare , injufte
& Aetriffante , par M. Pierre Roques ,
chés Jean Chrift , Imprimeur Libraire
Bafle , 1740. in 8 °. L'Auteur du Difcours
préliminaire a mis à la fin de ce Traité les
Reglemens de Philipe le Bel fur les Duels
tirés du Gloffaire de M. Ducange , Tome II,
col. 196. premiere Edition , Verbo Duellum,
& Tome II, col. 1680. feconde Edition.
,
Unc
JUI. N 1741. 1177
Une Perfonne de Lettres de nos Amis fe
propofe de donner l'Hiftoire des Anciens
Poëtes Provençaux , connus fous le nom de
Troubadours , qui ont fleuri . depuis le milieu
du XII. fiecle jufque vers la fin du XIV.
Il prie les Curieux qui poffedent, ou qui connoiffent
des Poëfies Manufcrites de ces Troubadours
, ou des Manufcrits d'Cuvrages, foit
en Profe , foit en Vers écrits dans les anciennes
Langues Povençale , Languedocienne
Gafconne , Limoufine , Catalane , & c . de nous
en donner avis pour lui en faire part : cette
Perfonne & nous leur en ferons très obligés.
Les Ses Cavelier, Librairé, rue S. Jacques,
au Lys d'or , & Huart, Libraire - Imprimeur
de Monseigneur le Dauphin , auffi ruë faint
Jacques , à la Juftice , viennent de donner
au Public une nouvelle Edition de l'Abregé
de toute la Médecine - Pratique , où l'on trou
ve les fentimens des plus habiles Médecins
fur les Maladies , fur leurs causes & fur leurs
Remedes , en 7. Volumes in - 12 . Paris , 1741.
Les Editions qui en ont parû ci - devant , &
qui ont eû tout le fuccès que l'on en pouvoit
défirer , prouvent affés la bonté de ce Livre.
On s'eft attaché dans cette Edition à corriger
les fautes qui s'étoient gliffées dans les précédentes
, & on y a inseré plufieurs augmen
tations confidérables, entre autres le Remede
Fij
de
1178 MERCURE DE FRANCE
de Mlle Stephens , qui a fait depuis peu
tant de bruit en Angleterre & à Paris . On y a
mis les nouvelles Formules des Hôpitaux de
Paris , & plufieurs autres. Enfin on n'a rien
négligé pour lui donner toute la perfection
poffible.
Le Sr de la Chapelle , Auteur de la Description
des Cérémonies de Rome, avertit le
Public qu'il a transporté la vente de ce Livre
au Sr Edouard , Marchand Libraire au Parvis
de Notre - Dame à Paris. Les Libraires qui
fouhaiteront en faire des envois, s'adrefferont
à l'Auteur , qui demeure rue des Canettes .
Fauxbourg S. Germain , attenant la ruë Guifarde
, à côté d'un Epicier , au fecond apatement
, lequel en fera bonne compofition.
CHANGEMENS arrivés à l'Académie
Royale des Sciences depuis le premier
Janvier . 1741.
LE
E célebre M. de Fontenelle , qui a rempli avec
un aplaudiffement géneral , la place de Sécretaire
perpétuel de l'Académie pendant quarante &
un an , ayant demandé la véterance , elle lui a été
accordée.
La véterance a auffi été accordée à M. de Life ,
Affocié Aftronome , à M. de Lifle de la Crofyere
fon frere , Adjoint Aftronome , à M. l'Abbé Ter- ·
raffon , Aflocié Géometre , & à M. de Senac , Aljoint
JUI N.
1179
1741 .
、
joint Anatomiſte , qui a été fait Affocié Anatomiſ
re vétéran.
Toutes ces Places , après les Elections des Sujets
propres à les remplir & le choix que le Roy fait de
ces Sujets , ont été données ; fçavoir :
Celle de Sécretaire perpétuel à M. de Mayran ,
qui étoit Penfionnaire Géometre .
Celle de M. de Mayran , à M. Camus , qui étoit
Affocié Méchanicien .
Celle de M. Camus , à M. Caffini de Thuri , qui
étoit Adjoint Aftronome . Et celle de M. de Thuri
à M. l'Abbé de la Caille .
" La Place de M. de Liſlë , Afſocié Aſtronome , a
été donnée à M. Grandjean de Fouchi , qui étoit
Adjoint Aftronome.
Celle de M.de Fouchi , à Male Rond d'Alembert.
.M. Celle de M. l'Abbé Terraffon , Affocié Géometre
, à M. le Monier , qui étoit Adjoint Géometre .
Celle de M. le Monier , à M. l'Abbé de Gua. Et
enfin la place de M. de Senac , Adjoint Anatomiſte,
á été donnée à M. Ferrin.
PRIX proposé par l'Académie Royale des
Sciences pour l'année 1743 .
Eu M. Rouillé de Meflay , ancien Confeiller au
FParlement de Paris , ayant conçu le noble deffein
de contribuer au progrès des Sciences & à l'utilité
que le Public en pouvoit retirer, a-legué à l'Académie
Royale des Sciences un fonds pour deux Prix ,
qui feront diftribués à ceux qui , au jugement de cette Compagnie , auront le mieux réuffi ſur deux
differentes fortes de Sujets , qu'il a indiqués dans
fon Teftament , & dont il a donné des exemples .
Les Sujets du premier Prix regardent le Systême
géneral du Monde , & l'Aftronomie Phyfique.
Fiij
1180 MERCURE DE FRANCE
Ce Prix devroit être de 1000. livres , aux termes
du Teftament , & fe diftribuer tous les ans ; mais la
diminution des Rentes a obligé de ne le donner que
tous les deux ans , afin de le rendre plus confidérable
, & il feia de 2500. livres.
Les Sujets du fecond Prix regardent la Navigation
& le Commerce .
Il ne fe donnera que tous les deux ans
de 2000. livres .
,?
•
& fera
L'Académie ayant fouhaité de procurer à la Marine
un Cabeftan qui fût exempt des inconvéniens
auxquels eft fujet celui dont on fe fert actuellement,
elle propofa pour le Prix de 1739. de trouver un
Cabeltan qui eût les avantages de l'ancien , fans en
avoir les défauts. Quoique parmi les Mémoires
qu'elle reçut , il y en eût plufieurs qui étoient pleins
d'idées ingénieufes & utiles à certains égards , elle
n'en trouva cependant aucun qui remplit fuffifamment
les conditions qu'elle avoit exigées . Elle prit
donc le parti de differer fon Jugement , & de propofer
le même Sujet pour l'année 1741. avec un
Prix de double valeur. Les Sçavans ont profité de
ce délai , foit pour compoſer de nouveaux Mémoi
foit pour faire des additions & des corrections
aux anciens. Mais l'Académie ne croit pas devoir
diffimuler , que parmi les Cabeftans qui lui ont été
préfentés pour fauver les inconvéniens de celui qui
eft en ufage , elle n'en a trouvé aucun qui n'eût
lui- même des inconvéniens , & tels qu'ils pourroient
bien balancer les avantages , ce que , la pratique
, feule peut aprendre. L'Académie a pourtant
jugé , que la maniere dont le Sujet a été traité dans
quatre de ces Mémoires , méritoit d'être récom
penfée ; car outre qu'on y a propofé des Cabestans
nouveaux , ingénieufement imaginés & utiles , au
moins dans certains cas , on y a donné des théories
res ,
qui
JUI N. 1741.
1181
qui peuvent conduire à perfectionner les mancu
vres de l'ancien Cabeſtan , & elle a crû devoir par
tager également le Prix à ces quatre Piéces , & les
faire imprimer dans l'ordre des Numero de leur ré
ception ; fçavoir :
No. 13. qui a pour devife ,
Tentanda via eft , quâ me quoque poffim
Tollere humo , victorque virum volitare per ora . Virg.
dont l'Auteur eft M. Jean Bernoulli le Fils .
N°. 14. qui répond au Nº . 7. de 1739. qui a pour
deviſe ,
Preffa momordit humum fuperas nunc gaudet ad aura's
Ancorajudicio tendere noftra tuo
& dont l'Auteur nous eft inconnu .
Nº. as. qui a pour
devife >
9
Arte cita, veloque rates , remoque reguntur . Ovid.
& dont l'Auteur eft M. le Marquis Poleni , Profef
feur de Mathématique à Padoue.
Et Nº. 32. ou 20. de 1739. qui a pour devife ,
Un cordage roulé autour d'un double aiſſieu ,
Peut être devidéfans fin au même lieu ,
dont l'Auteur nous eft inconnu .
L'Académie a auffi jugé à propos de faire impri
mer dans l'ordre de leur réception , trois autres
Piéces , fous le titre d'Acceffit ; fçavoir :
Nº. 16. qui a pour devile , Deus non projicitfimplicem.
No. 27. qui a pour devile , Quando non poteft fieri
id quod vis , id velis quod fieri poffit.
EN°. 29. qui a pour devife , Plus il me réfifte ,
mieux je le faifis.
L'Académie propofe pour le Sujet du Prix de
l'année 1743. la maniere de conftruire des Boußoles
d'inclinaison , pourfaire avec le plus de précision qu'il
eft poffible , les obſervations de l'Inclinaison de l'Aiguille
aimantée , tant fur Mer que fur Terre ; ce qui
Fiiij Supra
1182 MERCURE DE FRANCE
fupofe des Bouffoles qui , étant mifes dans un même
lieu , donneront fenfiblement la même Inclina :fon
gers
Les Sçavans de toutes les Nations font invites
travailler fur ce Sujet , & même les Affociés Etrande
l'Académie . Elle s'eft fait la Loi d'exclure
les Académiciens régnicoles de prétendre aux Prix.
Ceux qui compoferont font invités a écrire en
François ou en Latin, mais fans aucune obligation.
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils voudront,
& l'Académie fera traduire leurs Ouvrages.
On les prie que leurs Ecrits foient fort lifibles ,
fur- tout quand il y aura des Calculs d'Algebre.
C
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages,
mais feulement une Sentence ou Devife. Ils pourront
, s'ils veulent , attacher à leur Ecrit un Billet
féparé & cacheté par eux , où feront avec cette
même Sentence , leur nom , leurs qualités & leur
adreffe, & ce Billet ne fera ouvert par l'Académie ,
qu'en cas que la Piéce ait remporté le Prix .
Ceux qui travailleront pour le Prix adrefferont
leurs Ouvrages à Paris , au Secretaire perpétuel de
l'Académie , ou les lui feront remettre entre les
mains. Dans ce fecond cas le Secrétaire en donnera
en même tems à celui qui les lui aura remis, fon Récepiffé
, où fera marquée la Sentence de l'Ouvrage &
fon numero , felon l'ordre ou le tems dans lequel
il aura été reçû .
Les Ouvrages ne feront reçûs que jufqu'au premier
Septembre 1742. exclufivement.
L'Académie à fon Affemblée publique d'après Pâques
1743. proclamera la Piéce qui aura ce Prix.
S'il y a un Récepiflé du Sécretaire pour la Piéce
qui aura remporté le Prix , le Tréforier de l'Acadé
mie délivrera la fomme du Prix à celui qui lui raportera
ce Récepiffé. Il n'y aura à cela nulle autre
formalité.
S'il
JUIN. 118.3 1741 .
S'il n'y a pas de Récepiffé du Sécretaire , le Tré;
forier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même, qu`
fe fera connoître , ou au Porteur d'une Procuration
de fa part.
ASSEMBLEE PUBLIQUE
de l'Académie des Beaux- Arts de Lyon ,
tenuë le 19. Avril 1741. M. de Ruolz en
fit l'ouverture par le Difcours fuivant .
ESSIEURS , l'abſence de M. Dugas , notre
Préfident , m'engage à rendre compte en fa
place des Difcours qui ont été lûs dans l'Académie
depuis la derniere Affemblée publique.Je me bornerai
, fuivant nos ufages , a de fimples Analyfes ,
dont tout le mérite doit confifter dans une exacte
brieveté.
Le premier Extrait eft celui d'un Mémoire fur les
illufions de la vue , qui nous préfente à la plus.
grande hauteur le Soleil de l'étenduë d'un pied de
diametre feulement , tandis qu'il occupe un demi
deg é de l'Equateur ; donc 360. de ces diametres ,
ou 360. pieds , détermineroient fur notre horifon
l'étendue du Ciel , de l'Orient à l'Occident , elpece
de Paradoxe , dont plufieurs exemples , cités par
l'Auteur du Mémoire , démontrent cependant la
vérité, c'est elle qui donne lieu aux Regles de l'Optique
, qu'employent les Artiftes pour les lointains,
dans la Peinture & la Sculpture.
L'erreur de nos fens doit paffer pour une démonſtration
, qui , en convainquant les Efprits , eft
propre à humilier les cours ; notre vûë ne sçaurois
nous faire juger de la vérité d'aucun objet , de l'étendue
d'aucun corps , de la grandeur véritable
d'aucun mouvement qu'aprenons - nous donc à
connoître par nos yeux , finon le fimple raport qui
Fy eff
11841 MERCURE DE FRANCE
eft entre eux & les objets , raport même fi pen
exact , fi peu fidele ?
Obfervations faites à l'Obfervatoire de cette Ville
pendant l'année 1740. auxquelles font jointes quelques
Refléxions fur la difference trouvée entre le
Barometre fimple & celui qu'on nomme Anglois ,
pour les hauteurs du Mercure , avec les raifons de
cette difference .
Le Difcours fait l'année derniere fur le tempéramment
des Inftrumens par raport à l'accord , a donné
lieu à un nouveau Difcours fur le tempéramment
de la Voix , lorfqu'elle doit s'ajuſter à d'autres
voix ou à des Inftrumens ; Sujet de quatre Propofitions
dépendantes les unes des autres , & auxquelles
l'Auteur s'eft fait un plan de répondre dans
fa Differtation , comment la voix forme- t'elle fes
fons? Premiere Propofition.
Forme- t'elle fes intervales juftes & proportionnels
entre eux ? Seconde Propofition.
Dans quel tems tempere - t'elle fes intervales ?
Troifiéme Propofition .
Et de quelle maniere enfin les modifie -t'elle ?
Quatriéme Propofition .
Je ne pourrois donner ici la plus légere idée de
chaque Réponse , fans m'écarter du point de vûë
dans lequel feul je dois envifager nos Difcours ;
c'eft ici une perfpective d'objets , dont l'un ne peut
être groffi dans la Propofition plus que l'autre, fans
fortir de cette même Perſpective , & fans déranger
par conféquent l'economie du tout . Je dois feulement
obferver ici en paffant que la fenfibilité de
l'oreille & la flexibilité de la glotte , font les deux
caufes des modifications de la voix , modifications
dont le nombre peut aller à plus de 6020. differences.
Au refte , l'on préfume affés que ce Difcours a
dû être accompagné d'une Defcription Anatomique
des
JUI N. 1185
1741.
des organes de l'ouie & de la voix , dont le méchanifme
eft ici effentiel à connoître.
Mémoire fur les differentes parties de la Menuiferie.
Ce Mémoire entre dans le plan particulier que
s'eft fait l'Académie , d'avoir une Explication dé~
taillée de la Méchanique des Arts , jointe aux moyens
de perfectionner ceux qui ne le font point encore ,
au gré des recherches & des nouveaux ufages.
Il eft vrai de dire que ce travail , quand même il
me feroit bon qu'à conferver à la Pofterité l'état
préfent de la Méchanique dans chaque Art , joint
à des Deffeins qui repréfentent tous les Inftrumens'
en particulier, ce travail , dis-je , mérite par-là même
d'être continué , & on peut juger de fon avantage
par le plaifir que nous feroit une Deſcription'
des Inftrumens dont fe fervoient les Anciens pour
les differens Ouvrages d'Arts , qui leur étoient auffit
néceffaires qu'à nous , & dont on n'en connoît ce-’
pendant aujourd'hui que très- peu .
Suite des Lettres fur la Colorifation des fleurs ;
l'Académicien qui a choifi ce Sujet , examine fi les
couleurs des fleurs peuvent fervir à colorer & à
peindre , & il affûre que les pouffieres des Petales
lui ont fervi à enluminer des Deffeins en maniere de'
Camayeux , enforte que les couleurs que l'on extrait
des Acurs peuvent être bonnes pour la Peinture.
Jamais Recherches ne farent plus dans le goût,
qui regne aujourd'hui , que celles qui ont les couleurs
pour objet.
Mémoire fur la conftruction des Verres propres à
la vûë , & fur les regles d'Optique , qui feules peuvent
aider fuivant les differentes portées de l'oeil .
Le P. Dechatelard , notre Correfpondant à Toulon
, nous a envoyé , à fon ordinaire , fes Obfervations
Méteorologiques , faites en l'année 1740. &
des Remarques für le Tremblement de Terre qui fe
F vj fit
1186 MERCURE DE FRANCE
fit fentir à Toulon la nuit du 28. au 29. du mois
d'Août dernier.
Mémoire contenant la Defcription d'une nouvelle
Manoeuvre de Marine , pour amarer la Tournevire
fur le cable , pendant que l'on tire l'Ancre .
La Manoeuvre employée pour tirer l'Ancre de la
Mer , dépend de deux cordages , dont l'un sapelle
Tournevire , ou groffe corde , qui a des tourons ou
noeuds , & l'autre eſt le Cable .
Suivant la grandeur du Vaiffeau , on employe
jufqu'à douze Matelots pour lier enſemble ces deux
cordages.
L'Auteur de la nouvelle Manoeuvre s'eft attaché
à réduire le nombre à deux , lefquels doivent faire
commodément le travail de douze.
Premier avantage. Dans cette réduction , qui donne
lieu à employer ces mêmes hommes autre part
dans des tems où ils y font fouvent fort néceffaires.
Second avantage dans une autre réduction de
Matelots fur les barres du Cabeftan , parce qu'en
retranchant , comme on a fait , les noeuds ou tou-
Tons de la Tournevire , l'effort eft par conféquent
diminué , puifque la réfiftance qu'ils caufoient , eft
ôtée .
Troifiéme avantage . La nouvelle Manoeuvre
n'occupant qu'un moindre efpace pour l'amarrage,
laiffera libre tout le furplus du Lieu deftiné à cette
Manouvre , dégagement bien important fur un
Vaiffeau , où l'on peut dire que chaque eſpace eft
très- précieux .
Voici en abregé l'idée de la Defcription dont ils'agit
: Par le nouvel amarrage deux Matelots fur les
grands comme fur les petits Vaiffeaux , feront ſeuls
commodément la manoeuvre , l'un étant affis vers
l'Ecubier , y fera l'amarrage , qui fera continué depuis-
là , jufqu'à l'Ecoutille de la toffe aux Cables
ઉમે
JUIN. 1741. 1187
où le tiendra l'autre Matelot , pour y démarrer le
Cable d'avec la Tournevire.
Tout eft fimple dans cette Manoeuvre . Le Cable
doit être fuporté par deux rouleaux , pour éviter les
frottemens , l'un à l'Ecubier & l'autre à l'Ecoutille .
La Tournevire , à fon retour du Cabeftan , fera dirigée
fur le Cable par une poulie , arrêtée près de
' Ecubier , fur laquelle elle paffera. Le Matelot qui
eft affis dans cet endroit , fera l'amarrage de ces
deux cordages , ainfi couplés avec des garcettes par
entortillemens en fpirale , de douze jufqu'à trente
tours , fur l'étendue proportionnelle de l'amarrage
à la grandeur du Navire , de maniere qu'il continuëra
de faire ces entortillemens jufqu'à ce que
l'Ancre foit amenée .
L'autre Matelot, affis vers l'Ecoutille , y dévelopera
les deux cordages de l'entortillement des garcettes.
De celles - ci , il en fera des pelotons , par envelopemens
, fur des planchettes , qu'il enverra au
Matelot qui amarre , par le moyen d'un panier , ou
étrier , accroché fur le retour de la Tournevire.
Les planchettes lui feront renvoyées pour faire de
nouveaux pelotons , en accrochant le panier fur
l'amarrage.
Trois garcettes de 15. braffes , larges d'un pouce
& demi, fuffiront pour faire les petits amarrages, &
huit pour les plus grands ; ces garcettes auront à
leur extremité une boutonniere & un bouton ou
olive , fervant à les affembler , en faisant pafler
l'olive de l'ane dans la boutonniere de l'autre .
On obfervera que les nocuds de la Tournevire ne
font point néceffaires au nouvel amarrage , & qu'ils
en feront utilement fuprimés à caufe de leur réfiftance
en paffant fur le Cabeftan ; cette nouvelle Manoeuvre
n'occupera qu'un courfier ou petit canal
depuis l'Ecubier jufqu'à l'Ecoutille , pour loger les
cordages
1188 MERCURE DE FRANCE
•
cordages amarrés, & laiffera libre tout le furplus de
l'efpace .
Au refte , la folidité de cette Manoeuvre eft établie
par des Expériences & par des Calculs de l'Auteur.
Obfervations faites fur la charge des canons & la
quantité de poudre que l'on y employe , avec un
moyen pour la diminuer & procurer même un plus
grand effet , en fe fervant d'un cilindre ou bouchon
de bois , que l'on mettra après la poudre dans le
canon , au lieu du bouchon ordinaire de paille .
Defcription & ufage de deux Inftrumens imaginés
pour la Géométrie- pratique , l'un & l'autre
fervant à méfurer les diftances inacceffibles d'un
quart de lieuë , & à prendre les hauteurs de 300 .
toifes , au moyen d'une feule ftation , avec les démonftrations
néceflaires fur ce fujet .
Mémoire fur la conftruction & les ufages d'un
nouveau Quart de Cercle Aftronomique , avec lequel
l'Auteur s'eft propofé de remédier aux inconveniens
qui font attachés à tous les Quarts de Cercles
, même ceux dont on fe fert à l'Oofervatoire
de Paris . Ces inconvéniens font , en premier lieu
la difficulté de divifer exactement le Limbe par des
tranfverfales , pour avoir les minutes de degrés &
les fecondes par eftime.
En fecond lieu , le mouvement rude & inégal fur
fon axe , qui en rend les Obfervations difficiles &
fatiguantes.
En troifiéme lieu , fa variation ou fon changement
de niveau fur la broche du pied , lorſqu'i¡ taut
fuivre un Aftre dans fes differens azimuts , parce
que fon plan ceffant d'être perpendiculaire à l'horifon
, exige de l'Obfervateur une attention contimuelle
, pour l'y faire venir à chaque inftant par le
moyen des vis du pied .
En quatriéme lieu , la difficulté & l'incommodité
dans
>
JUIN. 1741. 118
dans la vérification de cet Inftrument , toute néceffaire
qu'elle eft , puifqu'on ne fçauroir la répeter
auffi fouvent que le demandent des Obfervations
qui doivent déterminer la vraye pofition de tous les
points du Ciel à notre égard.
que ne
que
Tous ces inconvéniens ne fe rencontrent point.
dans le nouveau Quart de Cercle , dont la précision
donne d'ailleurs les degrés, minutes & fecondes directement
, enforte que l'eftituë ne tombe que fur
les tierces , qui y font même plus fenfibles
le sont les fecondes dans la divifion ordinaire.
Mémoire fur l'expreffion dans la Peinture ,
l'Auteur confidere comme une production de l'efprit
, telle qu'on reconnoît dans l'Eloquence , la
Poefie & la Mufique ; l'aplication de cette expreffion
a été faite fur une Eftampe , gravée par Gerard
Audran , d'après le Pouffin , & qui repréſente la
Femme adultere ; l'analyse de chacune des Figures
a été comme une leçon de cette expreffion merveilleufe
.
L'Auteur a parlé auffi du clair obfcur , dont il a
fait l'aplication fur une Eftampe , gravée par Bolsver
, d'après Rubens , & qui repréfente un Ecce
Homo.
Des Exemples de choix , mis ainfi fous les yeux ,
donnent une grande autorité à un Difcours , qui ,
comme celui - ci , annonce fi fort fon interêt.
Réfolution de ce Problême de Géométrie ; le centre
d'une Sphere étant pofé dans la circonférence
d'un Cilindre , dont le diametre eft égal au rayon
de la Sphere , trouver la folidité de la partie de cette
Sphere qui entre dons le Cilindre.
Ce Problême eft un de ceux qui fervent à prouver
l'utilité & même la néceffité de la Géometrie
de l'infini .
En finiffant , Mrs , je dois vous faire part de ce
qui
1190 MERCURE DE FRANCE
qui s'eft paffé à l'Académie des Sciences de Paris ,
au fujet du Prix qui a été donné dans la derniere
Affemblée publique ; ce Prix devoit être donné en
l'année 1739. mais les differens Mémoires envoyés
n'ayant pas fatisfait à l'objet propofé , qui étoit la
conftruction d'un Cabeftan qui ne fût point fujer
aux inconvéniens du Cabeftan ordinaire .
Le même Sujet fut proposé pour cette année 1741 .
& le Prix a été d'une double valeur , pour exciter
encore plus tous les Sçavans de l'Europe à concousir
à un objet qui intereffe fi fort la Marine .
Nous venons d'aprendre que de tous les Mémoires,
fept feulement ont fixé les fuffrages, dont quatre
ont partagé le Prix également , & les trois autres
ont eû l'Acceffit. Delhorme , Membre de notre
Académie , eft l'Auteur d'un des trois ; fon Dis .
cours a été corté dans les Regiftres de l'Académie
des Sciences , au Nº. 29. il a pour devife : Plus il
me refifte , mieux je le faifis .
M. Gavinet lût enfuite un Difcours fur la purifica
tion la plus parfaite du Mercure , foit pour la Médecine,
foit pour les Barometres, & fur l'inutilité de
l'Eau de Mercure pour la guérifon des maladies
que caufent les vers .
* pour Cet Académicien établir l'inutilité de l'Eau
Mercurielle, fit le Procedé & l'Expérience fuivante;
il fit bouillir dans une Cucurbite de verre , couverte
de fon chapiteau , au bec duquel étoit un récipient
, pendant cinq heures , une livre de Mercu
re , pefée exactement , avec trois pintes d'eau , en
cohobant de tems en tems l'eau qui diftilloit dans le
récipient , les vaiffeaux étant refroidis , il décanfa
l'eau par inclination ; après avoir feché fon Mercure
, il trouva le même poids , fans qu'il s'en fût diffipé
un feul grain ; il mit enfuite des Vers dans cette
Eau , où il les laiffa pendant cinq heures , fans
qu'aucun
JUIN. 1741 1191
qu'aucun perdît la vie ; d'où il conclut que l'eau
ne fe chargeant point des parties de Mercure , ne
fçauroit faire mourir les Vers .
M. Soufflot , Architecte , Eleve de l'Académie de
France à Rome , lût un Difcours , contenant le Parallele
des Eglifes Gothiques & des Eglifes bâties
fuivant les regles de l'Architecture antique.
Il est étonnant,felon lui, que, de tant d'Auteurs qui
ont écrit fur l'Architecture , il n'y en ait pas un qui
fe foit étendu fur les Eglifes Gothiques , dont la
conftruction furprend fi fort.
Dans ce Parallele il fit voir que la difpofition du
Plan , & en partie de l'Elevation des Eglifes nouvelles
, eft totalement prife de celle des Eglifes Gothiques
, dont il loue beaucoup la délicateffe .
Il donna les mesures exactes de plufieurs Eglifes
de l'une & l'autre Architecture , & par la comparaifon
de leurs proportions, il paroît que les Eglifes
bâties fuivant les proportions de l'Architecture Gothique
, ont fur les modernes l'avantage de paroître
plus grandes & plus furprenantes au premier coup
d'oeil ; que dans les unes l'examen détruit le plaifir,
& que dans les autres il le fait naître .
M. Soufflot donna plufieurs raifons de ces effets ;
& il croit que les Corniches des Ordres d'Architecture
que nous employons , brifent les rayons vifuels ,
interrompent beaucoup le contour général des Nefs
& en dérobent bien des parties à la vûe , ce qui n'arrive
pas dans les Eglifes Gothiques , ou il n'y en a
point.
Il lui femb'e qu'on pourroit en ce point fe conformer
au Gothique , en fuprimant Jes Corniches ,
ou du moins les tenant fort legeres , & en cela même
on ne s'écarteroit pas des Anciens , qui les retranchoient
en plufieurs occafions ; Vitruve en a
donné l'exemple, en n'en mettant point dans la Balilique
de Fano
L'Aca1192
MERCURE DE FRANCE
L'Académicien dit enfin que malgré l'attachement
que les Architectes doivent avoir pour les Regles
de l'Architecture antique , fi ce font des barrieres
qui les arrêtent au milieu du chemin de la perfection
, ils peuvent quelquefois les franchir , pourvû
que ce foit avec une précaution & une prudence
qui puiflent rendre à jamais leur témerité recommandable,
On joint ici la folution du Problême dont il a
été parlé dans un des Difcours annoncés.
On donne pour la valeur du folide de la ferie
1 6
913
16
57
+
,
T 6 16
3 79 59 I 1
+ 1 6
7 I 1 13
& c. en prenant la fomme de ces
fractions , on trouve que ce folide eft au cube du
Diametre du Cilindre , à peu près comme 6. eft a y .
Si on joint par des lignes droites & paralleles, qui
traverfent le Cilindre , les points d'interfection de
la Sphere du Cilindre , elles formeront un folide qui
fe peut cuber , quoiqu'il foit terminé de tous côtés
par des furfaces , dont l'une eft cilindrique & l'autre
a un courbure parabolique .
Ce Solide eft au cube du diametre du Cilindre
1 6
de que eft à 1.
ESTAMPES NOUVELLES.
Voici une des plus belles & des plus grandes .
Eftampes qu'on puiffe voir , & dont la compofition
magnifique , le Deffein & la Gravûre font le plus
recherchés. C'est la Perspective de la Décoration
élevée fur la Terraffe du Château de Versailles
pour l'Illumination & le Feu d'Artifice qui a été
tiré à l'occafion du Mariage de Madame Louife-
Elizabeth de France , avec Don Philipe . fecond
Infant d'Espagne , le 26. Août 1739. Cette Fête a
été
JUIN. 1741. 1193
été ordonnée par M.le Duc de Gêvres, en exercice
de Premier Gentilhomme de la Chambre du Roy ,
& a été conduite par M. de Bonneval , Intendant
& Controlleur General de l'Argenterie , Menus
Plaifirs , & affaires de la Chambre de S. M. peinte
en grand par M.Perót, réduite & gravée par C.N,
Cochin le fils.
Nouveau Livre de Payfages inventés & gravés
par Ant. Benoît , à Paris , chés l'Auteur , ruë &
Porte S. Jacques , à la Couronne , & chés la Veuve
Chereau , rue S. Jacques , aux deux piliers d'or.
Ce font de très - jolis Payfages en large , dans le
goût du fameux Seb.Leclerc, fort bien compofés &
parfaitement bien gravés ; ils font au nombre de
34, y compris trois titres .
Le même Graveur vient de mettre au jour un
Portrait du Roy , en Bufte ovale , très - reffemblant ,
d'après un Bufte de ronde boffe de M.Lemoine, le
fils , Sculpteur de l'Académie Royale , & d'après
une Eftampe coloriée , par M. Blanckcy.
L'Abreuvoir des Chaffeurs , Eftampe en large ,
dédiée au Prince d'Ifenghien , Maréchal de France
, gravé d'après le Tableau original de Philipe
Wouvermens , de la même grandeur qu'on le voit
dans le Cabinet de ce Seigneur. On la vend à Pa
ris , chés Moyreau , roë S. Jacques à la vieille Pofte ,
vis - à-vis la ruë du Plâtre ; il en a gravé la Planche
avec beaucoup d'intelligence .
Il vient de paroître , chés le Sr le Rouge , Ingénieur
, Géographe du Roy , rue des grands Auguftins
, vis-à- vis le Panier fleuri , le Théatre de la
Guerre en Silésie , nouvelle Carte de cette Province ,
avec les Plans des principales Villes , les Marches
& Campemens des deux Armées .
L'Au
1194 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur donne avis qu'il enfeigne l'Allemand
& l'Anglois , les Mathématiques , le Deffein , les
Fortifications & l'Art de la Guerre , par de nouvelles
Figures & Bas - reliefs.
LIVRES nouveaux de Musique , qui fe
vendent chés la Veuve Boivin , ruë S. Honoré,
à la Regle d'or.
Méthode théorique & pratique , pour aprendre en
peu de tems le Violoncelle dans fa perfection .
Les principes de Mufique , avec des Leçons à 1 .
& 2. Violoncelles .
La divifion de la corde pour placer , fi l'on veut,
dans les commencemens, des lignes traverfalles fus
le manche du Violoncelle ce qui donnera beaucoup
de facilité aux Ecoliers. On trouve dans le
même Livre une petite méthode particuliere pour
ceux qui jouent de la Viole & qui veulent jouer du
Violoncelle , & generalement toutes les pofitions
du Violoncelle. Compofé par M. Corette . Prix , 4 1 .
Au-bas de l'Eftampe qui repréfente une Figure qui
joue du Violon de Chelle , qui eft au commencement
du Livre , on lit les Vers fuivans .
Noble foûtien de l'harmonie ,
Qu'avec majefté tu nous fers !
Par ta divine mélodie
Tu donnes l'ame à nos Concerts .
Un Livre de Sonates à Violon feul avec la Baffe ,
par Carlo Teffarini . Opera V. Prix , 7. liv.
Un Livre de Sonates pour le Clavecin , de Donimico
Zipoty, Organifte de Rome . Opera L.
Frix , 6. liv.
LET:
JUI N. 1741 1195
LETTRE de M. le Comte de Biévre à M.
D.... fur l'invention des Horloges.
EN
N fortant de Paris , je vous avois promis , M,
de vous communiquer les recherches que je
pourrois faire fur l'origine & le premier Inventeur
des Horloges à rouës . Il eft tems de vous tenir parole
. M. l'Abbé Sallier dans les recherches fur le
même fujer,Tom. IV, des Memoires de l'Académie
R. des Inferiptions , p. 148. & d'après ce fçavant
Academicien le R. P. Dom Jacques Alexandre Benedictin
, dans fon Traité des Horloges , imprimé
en 1734. p . 4. de la Préface , fixent l'invention des
Horloges à ronës fur la fin du X. fiecle , fans déterminer
an jufte qui en fut le premier Inventeur.
Néanmoins Dom Alexandre ne connoiffant point
d'Auteur plus ancien que Gerbert , croit que l'on
peut légitimement lui attribuer cette belle invention.
En effet Gerbert fit à Magdebourg (4) environ
l'an 996. une Horloge fi admirable & fi furprenante
par le moyen des roues , que Guillaume M irlot
( b ) en parlant de cet ouvrage le regarde comme
infpiré par le Diable. L'ignorance & la fuperftition
étoient fi répandues dans ces tems- là , que les con
temporains de Gerbert lui firent Phonneur , auffibien
qu'à l'Abbé Trithême , de le regarder comme
un Magicien. Cela n'empêcha point que le mérite
de Gerbert ne l'élevât au Souverain Pontificat , fous
le nom de Silveftre II . Mais ce fçavant Pape eft - il
(a) Ditmarus in Magdeburgenfi . Lib. 6 Chron.
399. Edit. Leibnitü 1707 .
(b) Admirabile Horologium fabricavit per inf
» trumentům diabolica arte inventum. Marlot , in
Metropoli Kemenfi , Tom II. p. 48. Edit , Remis.
1679. in fol.
bien
1196 MERCURE DE FRANCE
bien le premier Inventeur des Horloges à roues &
pour moi , je pense que leur origine eft anterieure
au X. fiecle , & voici ma raiſon.
Gaguin , Géneral des Mathurins , qui écrivoit
fous Louis XII. dit en fes Annales , qu'environ l'an
de J. C. 809. les Ambaffadeurs de Aaron Roy de
Perfe , qui eft le Calife Aaron Réchid , firent préfent
à Charlemagne, Roy de France, d'une Horloge
qui avoit douze fenêtres & qui marquoit les heures
par douze boules , dont une à chaque heure tomboit
fur un tymbre qui faifoit fonner un coup ,
après qu'une fenêtre s'étoit ouverte , d'où fortoit
un petit Cavalier qui venoit par reffort la refermer
à chaque heure , & que le corps de cette Horloge
étoit de léton . (c)
Gaguin a tiré cela de la Vie de Charlemagne ,
écrite par un Moine de S. Cybar d'Angoulême .
Dom Alexandre raporte à peu près le même fait ;
(d) mais pour mieux faire tomber le Lecteur dans
fon fentiment , il altere le paffage , & au lieu de
terme d'Horloge , il met celui de Clepsydre faite de
bronze , & il ajoûte enfuite que cette Machine ne
paroît guere differente de celle de Ctefebins dont
parle Vitruve.
}
Croiriez -vous bien la même chofe , & ne concluriez
vous pas au contraire de cette feule defcription
, que ce ne pouvoit être qu'une Horloge véritable
, c'eft- à-dire une Machine qui avoit quelque
poids pour principe de fon mouvement ?
En effet , on ne conçoit pas comment plufieurs
fenêtres pouvoient s'ouvrir & fe refermer, douze
boules tomber l'une après l'autre & à teins fixé ſuc
(c) Gaguin , L. 3. fur lafin de l'Hiftoire de Charlemagne.
Jean Neanclov Chron. fol. 126.
(d) Traitégéneral des Horloges , p. 12.
Un
JUIN. 1741. 1197
?
un tymbre , des Cavaliers paroître , difparoître &
revenir, à moins qu'on ne fupofe dans le corps de la
Machine des roues qui fe communiquoient leur
mouvement , par conféquent des roues dentelées ,
enfin des poids pour mettre le tout en action . Direz-
Vous comme le P. Alexandre , qu'une manivelle
produifoit tout cet effet une manivelle peut bien
faire jouer une Machine pour un tems ; mais celle
dont le Roy de Perfe fit prefent à Charlemagne , devoit
avoir un mouvement continu , un mouvement
reglé , un mouvement tout autre que celui qu'une
manivelle peut produire . Puiſque j'admets un poids ,
il faut donc que j'admette auffi un Regulateur . Soit,
car un mouvement, pour être auffi reglé qu'il le pa -`
roît ici , doit être temperé par quelque libration que
ce foit. Mais fi l'on avoit trouvé un Regulateur
objecte le P. Alexandre , ( e ) on s'en feroit ſervi
pour marquer les heures ; parce qu'on ne l'a pas
mis à cet ufage , doit - on conclure qu'il étoit inconnu
? combien les Anciens n'avoient ils pas de
connoiffances qu'ils n'ont point apliquées , où il pa
roît à preſent tout naturel de les apliquer ! Entre
cent exemples , l'Antiquité n'ignoroit pas l'attraction
de l'Aimant. Rien ce ſemble de plus facile que
de fulpendre cette pierre librement ; on auroit bientôt
découvert fa direction vers les poles . Cette proprieté
tut cependant cachée jufqu'au commencement
du XII. fiecle. Une fois remarquée , il étoit
tout fimple & fort important de s'en fervir pour regler
la route des Vaiſſeaux . On n'y parvint encore
que dans la fuite ; & d'experience en experience ,
de perfection en perfection , on attrapa fort tard
ce qu'on apelle aujourd'hui Bouffole . Voilà la gradation
de tous les Arts , & il arrive toujours que ,
(e) Ibid.
par1198
MERCURE DE FRANCE
parvenus à quelque chofe , nous fommes furpris
d'avoir tâtonné fi long- tems pour y parvenir .
Pour revenir à l'Horloge prefentée à Charlemagne
, je reconnois avec plaifir que les Journaliſtes
de Trévoux font de mon fentiment ; c'eſt au fujet
du compte qu'ils rendent du Verona Illuftrata de
M. le Marquis Maffei. Ce fçavant Italien parlant
des Auteurs Veronois , raporte en fon entier l'Epitaphe
de l'Archidiacre Pacifique . Cette Epitaphe
aprend entr'autres chofes qu'il inventa l'Horloge
de nuit, inconnue jufqu'alors . On conclut qu'il faut
que ce foit l'Horloge à roues ; » il eft vrai pourtant
, remarque le Journaliſte , qu'avant Pacifi-
» que, qui vécut dans le VIII . & le IX . fiecle, le Pape
» Étienne II . demanda au Roy Pepin une Horloge
» de nuit , & qu'on en avoit envoyé une de Perfe
» à Charlemagne . Il eft difficile d'accorder tout
» cela , fi ce n'eft par la difference des Machines,
» Il eft moins aifé encore d'expliquer ce que veut
dire l'Epitaphe qui attribuë au même Pacifique
un Inftrument uni à l'Horloge pour les Spheres
célestes. (f) Si nous en voulions croire M. Der
ham dans fon Traité des Horloge , (g) il faudroir
en faire remonter l'origine jufqu'aux tems d'Archimede
& de Poffidonius . » On croit , dit l'Auteur
Anglois , que les Horloges ont eû leur com-
» mencement en Allemagne, il y a environ 2co ans
» ou plûtôt. L'Horlogerie qui avoit été comme
>> enfevelie dans l'oubli , a commencé à refleurir en
» Allemagne , mais je nie abfolument que l'inven-
» tion de l'Horlogerie foit d'un tems fi proche de
ɔɔ nous , car j'en ai deux exemples d'une date plus
( f ) Mem . de Trévoux , Mai 1737. p . 782 .
(g) Traduit en Franç. & imprimé à Paris 1731 .
in-12 . Sect. S. C. 8.
а-
JUIN. 1741
1199
ancienne. » Ces deux exemples font les Spheres
d'Archimede & de Poffidonius dont Ciceron fait
Péloge . ( b) M. Derham veut bien douter que ces
fortes de Machines fuflent très communes , mais il
ne fçauroit fe perfuader que l'on ait négligé la pratique
d'une invention fi utile pour marquer les heures,
furtout au tems d'Archimede & de Ciceron, ou
les Arts Liberaux & particulierement la Méchanique
fleurifoient d'une maniere que nous avons peine
à comprendre. » La Barbarie , continue l'Auteur
» Anglois , fucceda au tems que nous venons de
» marquer , & les Arts & les Sciences furent négligés
jufqu'au XV . fiecle , tems auquel ils femblerent
fe renouveller , & alors l'Horlogerie fut
» comme inventée de nouveau en Allemagne ;
> mais pour ce qui eft du tems & du nom de l'Inɔɔ
venteur , nous ne pouvons rien marquer de précis
: il y en a qui croyent que Severe Boëce l'in-
» venta dès l'an 510. mais fi on ne peut pas lui ac-
» corder une antiquité fi reculée , peut - être la
ɔɔ donnera- t'on à Regio Montanus , avant Cardan ,
>> car il en parle comme d'une chofe commune de
» fon tems. ››
De tout ceci, je conclus auffi qu'on ne peut fixer
l'époque de cette admirable invention. Si nous
avions tous les Ouvrages des Anciens & une exacte
defcription de leurs Machines , on devroit peutêtre
décider en leur faveur. A l'égard de ceux qui
les ont fuivis , nous remarquons feulement que piufieurs
y ont eu part & qu'ils n'ont fait que perfectionner.
Nous perfectionnons aufli tous les jours ,
& nos Horloges d'à prefent font plus au deffus de
celles du X , fiecle que celles - ci n'étoient au deflus
des Machines horaires de l'Antiquité.
h) Tufcul. L. s . & de Nat. Deorum . L. 2 .
I. Vol. G Je
1200 MERCURE DE FRANCE
Je ne crois pas que la Pofterité puiffe en dire de
même de notre tems ; car fi les Arts ont un but audelà
duquel ils ne peuvent s'étendre , nous pouvons
nous flater de l'avoir atteint.
Ce qui me furprend , c'eft que nous n'ayons
point encore de Traité complet fur l'Horlogerie ;
je crois cependant que le Public à cet égard ne tardera
pas d'être fatisfait. Je connois un très - habile
Horloger qui poffede tout ce que la théorie & la
pratique de fon Art ont de plus myfterieux & de
plus fçavant. Il doit au premier jour communiquer
toutes les connoiffances par un Traité complet fur
l'Horlogerie . J'en ai vû déja les figures qui font
gravées avec tout le détail & l'exactitude qu'on
peut fouhaiter. Je m'imagine qu'avec cet Ouvrage
feul & des Inftrumens , il fera facile de devenir
bon Horloger.
Je fuis , &c.
De Romorantin le 25. May 1741 .
****************
CHANSON.
Depuis que l'eau vient dans ma cave ,
De boire je fuis enchanté :
Et l'inondation je brave ,
Quand mon Vin eſt en fûreté .
J'aime ma Philis davantage ,
Lorfqu'elle me dit tendrement ,
1
D
*2
D
9 *2
D
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY .
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
Su
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THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATION8 .
JUI N. 17413
120
Buvons ce jus , ami , courage ,
Sauvons-le du débordement.
*
Elle prend foin d'emplir mon verre ,
Et moi fa taffe , avec ardeur :
Ainfi nous cherchons , pour nous plaire ,
Le chemin qui va droit au coeur .
Quand le fommeil vient me furprendre ,
Elle m'attaque en vrai lutin :
Hélas ! qui pourroit s'en défendre ?
Elle prend un flacon de Vin .
*
Quoique la riviere s'abaiffe ,
De crainte du retour de l'eau ,
Philis m'encourage
& s'emprefle
De lever le cul du tonneau.
De M. de******
Gij
SPE C
1202 MERCURE DE FRANCE
*******************
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Comédie Nouvelle de
Mélanide , en Vers & en cinq Altes , par
M. de la Chauffée , repréſentée au Théatre
François , le 12. May 1741 .
ACTEURS.
Dorisée , Veuve
la Dlle la Motte:
Theodon , Beau - frere de Dorisée , le Sr de
Montmeny.
Rosalie , fille de Dorisée , la Dlle Grandval.
Le Marquis d'Orvigny , Amant de Rosalie ,
le Sr Sarrazin,
Mélanide , Amie de Dorisée , la Dlle Gauffin.
Darviane , Amant de Rosalie, le Sr Grandval,
Ette Piéce , qui , dans la premiere Re-
Présentation a été generalement aplaudie
, s'eft parfaitement soûtenuë dans les suivantes.
La Critique a beau condamner ce nouveau
genre que M. de la Chauffée à fi heureusement
introduit sur notre Théatre ; l'interêt
qui regne dans Mélanide , juftifie l'Auteur
& force ses plus obftinés adversaires à
convenir qu'il a trouvé une nouvelle route
pour aller au coeur , & que , pourvû qu'on
plaise
JUI N. 1741. 1203'
plaise , il n'importe comment. En attendant
l'impreffion , nous nous contenterons d'en
donner un argument
.
Dorisée , Veuve , ouvre la Scéne du premier
Acte avec Mélanide , son Amie , &
l'Héroïne de la Piece . Dorisée veut marier
sa Fille Rosalie avec le Marquis d'Orvigny ;
Rosalie ne paroît point portée à cet Hymen
, attendu que son coeur s'est déclaré
en faveur d'un plus jeune Amant. Cet Amant
s'apelle Darviane ; il paffe pour neveu de
Melanide : il s'agit de le souftraire aux yeux
de Rosalie , comme le plus grand obftacle
qui puiffe traverser le deffein de Dorisée . Mélanide
promet à Dorisée de se servir de tout
le pouvoir que le sang lui donne sur son neveu
, pour l'éloigner d'un lieu , où sa présence
peut nuire à son Rival.
Darviane, mandé par Mélanide , vient sçavoir
ce qu'elle veut lui dire. Mélanide lui
reproche le peu d'attachement qu'il a à son
devoir , elle lui fait entendre qu'il feroit
bien mieux d'aller joindre son Régiment
& que l'Amour ne convient pas à un jeune
coeur qui doit se donner tout entier à la
gloire. Darviane s'excuse sur l'exemple de
tant d'autres jeunes Officiers qui ne croyent
pas se deshonorer en donnant au plaifir des
momens que la gloire n'exige pas actuellement;
Mélanide eft inflexible , & lui or-
G iij donne
1204 MERCURE DE FRANCE
donne de partir dès le même jour.
Darviane murmure contre la rigueur d'une
Tante qui ne laiffe pas de lui être très chere ;
il s'en plaint à Rosalie , qui arrive quelques
momens après cet ordre rigoureux qui doit
les séparer ; mais , loin que son Amante le
console , elle lui dit qu'il faut absolument
qu'il obéiffe à Mélanide. Darviane se plaint
vivement du conseil de Dorisée ; il l'accuse
d'indifference & de cruauté. Rosalie lui fait
entendre qu'elle ne fait qu'executer ce que
Dorisée sa Mere vient de lui ordonner trèsexpreffément
; elle lui dit en le quittant ,
qu'elle partagera avec lui la rigueur de l'absence
qu'on lui impose .
Darviane eft charmé des dernieres paroles
de Rosalie , qui ne lui avoit jamais témoigné
ant de bonté ; un moment après , il se défie
de son bonheur ; il va même jusqu'à
soupçonner sa Maîtreffe d'artifice ; il croit
que c'eft un piége adroit qu'elle lui tend ,
pour le disposer à partir , & à laiffer le champ'
libre à son Rival. Il prend le parti de differer
son départ , pour prévenir & renverser
tout ce qu'on peut tramer contre son amour.`
Le Marquis d'Orvigny, Amoureux de Rosalie
, commence le second Acte avec Theo-*
don , Beau - frere de Dorisée ; il se plaint à
son Ami de l'amour où il l'a engagé ; il se
reproche de ne pouvoir éteindre des feux
qui
JUI N. 1741 1205
qui conviennent fi peu à son âge mûr , &
qui ne laiffent pas de subfifter , quoiqu'ils
soyent sans espérance , attendu qu'il a un
Rival aimé. Theodon lui rend l'espérance ,
en lui aprenant que ce dangereux Rival eft
prêt à partir pour aller rejoindre son Régiment.
Le Marquis eft charmé de cette nouvelle
; il lui dit qu'il n'a jamais tant aimé sa
défunte Epouse , qu'il aime Rosalie .
Le Marquis d'Orvigny s'étant retiré plus
amoureux que jamais , Theodon se Яate
d'un plein succès pour le mariage qu'il a
entrepris en faveur de son Ami.
Mélanide vient demander des conseils à
lui
Theodon par raport à sa fituation , dont il a
été inftruit. Dans des conversations qu'ils ont
eues ensemble , Theodon trouve tant de con
formité entre elle & le Marquis d'Orvigny ,
qu'il lui demande le nom de l'Epoux qui
a été arraché par la rigueur de leurs parens
communs . Mélanide lui répond qu'il s'apelloit
le Comte d'Ormance ; à ce nom , Theodon
voit bien que ses conjectures sont fausses.
Mélanide le quitte , après l'avoir prié de
vouloir bien lui continuer ses soins officieux .
A peine Mélanide eft- elle sortie , qu'elle
revient toute éperduë de joye , & dit à Theodon
qu'elle vient de voir son cher Epoux
dans la personne du prétendu d'Orvigny
mais cette joye eft bien tôt changée en dou-
Gilij leur
1206 MER CURE DE FRANCE
leur par Parrivée de Dorisée qui reproche
sa Fille d'avoir empêché le départ de Darviane
, son jeune Amant ; elle la menace du
Couvent , fi elle differe d'épouser le Marquis
d'Orvigny , à qui elle deftine fa main.
Mélanide ne peut foûtenir un arrêt fi terrible;
elle fe trouve mal , on la conduit dans
fon apartement
Rofalie refte feule fur la Scéne ; elle fait
connoître par un court Monologue , que
fon coeur ne fçauroit s'arracher à Darviane ,
pour fe donner à un autre .
Rofalie ouvre la Scéne du troifiéme Acte ;
elle perfévere dans la réfolution qu'elle vient
de prendre , mais voyant venir Darviane ,
elle prend le parti de lui cacher les vrais fentimens
de fon coeur.
Darviane éclate en reproches contre Rofalie
; il l'accufe de perfidie & de tromperie
; il lui dit qu'elle ne l'a flatté d'une fauffe
efpérance , que pour l'obliger à partir , &
pour laiffer par ce départ précipité un champ
libre à fon Rival , qui va l'époufer. Mélanide,
continuant à diffimuler , lui répond qu'il a
pris pour un fentiment de tendreffe ce qui
n'étoit qu'un compliment de politeffe. Darviane
n'en peut entendre davantage , & la
quitte , en lui jurant une haine éternelle .
Darviane étant forti , Rofalie fe plaint de
fon injuftice ; cette plainte eft bien - tôt inter
JUIN. 1741 1207
tefrompue par Theodon qui lui ramene fon
Amant , avec qui il veut la réconcilier ;
ils n'y veulent confentir ni l'un ni l'autre ;
mais Theodon à qui ce que Mélanide lui a
apris dans l'Acte précedent , a fait abandonner
la réfolution qu'il avoit prife de marier
le Marquis d'Orvigny avec Rofalie , les rend
plus attentifs l'un & l'autre , & plus portés
à fe raccommoder , en leur difant qu'il eft
bien fâché de les voir fi broüillés , attendu
une idée qui lui eft venuë , & qu'il n'eft plus
tems de leur communiquer. Darviane lui dit
qu'il ne doit pas laiffer de leur en faire part ,
quelqu'inutile qu'elle puiffe être ; Theodon ,
après quelque peu de réfistance affectée , leur
dit qu'il avoit projetté de les marter enfemble
& de leur affûrer tout fon bien , pour
porter Dorifée à cet Hymen ; Darviane tranfporté,
fe jette aux pieds de Rofalie qui après
quelques petits reproches lui pardonne tous
fes emportemens : ces deux Amans fe retirent
également fatisfaits .
Le Marquis d'Orvigny vient remercier
Theodon des foins qu'il s'eft donnés pour
avancer fon mariage avec Rofalie ; Theodon
lui répond qu'il n'y faut plus penfer ; il lui
aprend que fa femme n'eft pas morte , &
qu'elle viendra bien tôt réclamer fes droits
le Marquis eft frapé de cette nouvelle , qui
dans un autre tems l'auroit mis au comble
Gy
3
de
1208 MERCURE DE FRANCE
de la joye ; il ne peut fe réfoudre à renoncer
à la poffeffion de Rofalie;il va même jufqu'à
dire que , quoique Mélanide foit encore en
vie ,elle ne fçauroit fe prévaloir d'un mariage
qui a été déclaré nul par un arrêt autentique.
Theodon lui reproche l'injuſtice qu'il a
de vouloir fe prévaloir lui-même d'un arrêt
qu'il a condamné autrefois. Le Marquis , à
moitié confondu , lui promet de faire des efforts
pour vaincre fon amour pour Rofalie ,
mais qu'il croit cette victoire impoffible.
Darviane vient aprendre à Theodon , que
malgré les bontés qu'il a pour lui , il eſt
toûjours malheureux , & que Mélanide s'opofe
à fon bonheur ; Theodon lui promet
de lui parler , & fe flatte d'obtenir fon confentement.
Ce quatrième Acte a parû fans contredit
le plus beau & le plus intéreffant de la Piece .
En voici les principales Scénes. Mélanide
rend compte à Theodon de la raifon qui l'a
portée à refufer fon confentement au mariage
de Darviane & de Rofalie ; cette raifon
eft devenuë très- plaufible, depuis qu'elle
a apris que fon Epoux eft encore en vie ;
de
celle- là , il en résulte encore une autre , c'eft
que le Marquis d'Orvigny , ou pour parler
plus jufte , le Comte d'Örmancé , ſemble ne
vouloir pas reconnoître Darviane pour fon
Fils , puifqu'il veut paffer à un fecond Hymen
;
JUI N. 1741. 1209
men; Theodon pourroit lui donner quelque
confolation , en lui faifant connoître que fon
Epoux lui a promis de faire tous fes efforts
pour triompher d'un amour qui ne fe feroit
pas emparé de fon coeur , s'il ne s'étoit pas
crû remis en liberté de donner fa main à une
autre , par la croyance où il étoit que fa
mort avoit rompu fes premiers liens ; mais
il faut croire que M. de la Chauffée a eu fes
raifons pour en agir ainfi , & qu'il a craint de
diminuer l'interêt qui regne dans cet Acte ,
fi Theodon avoit laiffé quelque rayon d'efpérance.
De pareilles fautes , fi c'en est une
font un effet de l'Art. Voilà donc Mélanide
auffi malheureuſe qu'elle doit l'être , pour
faire verfer ces larmes dont aucun des Spectateurs
n'a pû fe défendre. Theodon va encore
plus loin pour rendre Mélanide plus
digne de notre pitié ; il lui aprend que fes
Parens l'ont desheritée ; Mélanide accablée
de ce dernier coup , prie Theodon de voir
fon parjure Epoux , & de tâcher du moins
de l'attendrir en faveur du trifte fruit de leur
Hymen, qui n'eft autre que Darviane , fi digne
d'un meilleur fort ; Theodon lui promet
tous les foins qui dépendront de lui ; mais
il lui dit que fa plus füre reffource feroit de
préfenter le Fils au Pere. Une Lettre qu'on
aporte à Mélanide lui aprend que Darviane
vient de s'emporter contre le Marquis d'Or-
G vj vigny ,'
1210 MERCURE DE FRANCE
vigny , avec des circonftances qui obligent
l'offenfé à fe battre avec l'offenfeur . Theodon
fort pour en prévenir les fuices. Darviane
arrive ; Mélanide lui fait les reproches les
plus aigres ; elle lui ordonne de demander
pardon au Marquis d'Orvigny ; elle lui fait
entendre qu'il lui doit le plus profond refpect
. Darviane trouve la colere de fa Tante
la plus injufte du monde , il lui reproche la
cruauté qu'elle a cûë de l'empêcher d'être
heureux . La raifon que Mélanide lui en donne
le jette dans le plus affreux defeſpoir ;
elle lui dit qu'elle n'a pas dû , fans violer
toutes les loix de l'amitié , donner à la Fille
de Dorifée un Mari , fans état & méconnu
par fon Pere. Darviane eft confterné par ce
coup affreux du fort ; ne pouvant obtenir
de Mélanide qu'elle lui faffe connoître fon
Pere , il la fuplie de lui dire au moins qu'elle
eft la Mere qui lui a donné le jour : il demande
cette derniere grace avec tant de tendreffe
que Mélanide ne peut s'empêcher de
l'embraffer . Cette reconnoiffance à été gene .
ralement aplaudie. Mélanide fe retire pour
cacher fes pleurs à un Fils fi digne de fa tendreffe.
Darviane finit cet Acte par un Monologue
ou il réflechit fur le reſpect que fa Mere a
exigé de lui pour fon Rival; il ne doute point
que ce Rival ne foit ce Pere qui le mécon-
1
noit ;
JUIN. 17413 12FX
noît ; il fe propofe de s'en éclaircir avec lui .
Pour nous tenir dans les bornes que nous
nous fommes prefcrites dans nos Extraits ,
nous abregerons ce qui nous refte à dire dans
ce dernier Acte . D'Orvigny paroît agité de remords
fur un amour qui lui fait commettre
tant d'injuſtices ; voyant aprocher Darviane,
il prend le parti de fe contraindre à fes yeux.
Darviane lui témoigne le regret qu'il a de
l'avoir offenfe ; il lui expofe fa trifte fituation
; il lui parle comme à un homme qui
peut beaucoup fur le coeur d'un Pere qui a
la cruauté de ne vouloir pas le reconnoître
pour fon Fils , il le conjure de lui rendre ce
cher Pere ; enfin ne pouvant émouvoir en
lui les entrailles paternelles , il lui demande
la mort , pour prix de l'offenfe qu'il lui a
faite d'Orvigny eft enfin attendri , & lui dic
en l'embraffant : Malheureux , qu'ofes - tu demander
à ton Pere ? Dans cette tendre fituation
, tous les Acteurs viennent , raffemblés
par les foins de Theodon ; tous les coeurs fe
réconcilient. Mélanide regagne le coeur & la
foi de fon Epoux ; & le Comte d'Ormance
obtient de Dorifée la main de Rofalie , fa
Fille , pour fon fils Darviane.
Le 8. Juin , les mêmes Comédiens reprefenterent
la Comédie de Democrite
& celle du Florentin , dans lesquelles la
Dile
1212 MERCURE DE FRANCE
Dlle Durand nouvelle Actrice , joüa les
Rôles de Suivante au gré du Public ; elle a
joué auffi depuis dans Amphitrion & dans
les Folies Amoureuſes , les mêmes Rôles de
Suivante.
Le 25. Mai , l'Académie Royale de Mufique
remit au Théatre le Ballet Héroïque
de l'Empire de l'Amour , repréſenté dans fa
nouveauté au mois d'Avril 1733. M. de
Moncrif, de l'Académie Françoiſe , eſt l'Auteur
de ce Poëme , & il paroît que le Public
l'a revû avec plaifir. L'Auteur y a ajoûté une
nouvelle Entrée , dont on donnera l'Extrait
dans le fecond Vol. de ce mois.
Le 13. Juin , la Dlle Barbarina , dont on
a eu occafion de parler plufieurs fois avec
éloge , danfa dans le divertiffement du fecond
Acte du même Ballet , avec l'aprobation
génerale du Public .
Le 10. Juin , les Comédiens Italiens donnerent
une Comédie Italienne en trois Actes
, qui a pour titre : Arlequin Maître &
Valet. Cette Piéce , qui eft dans le vrai goût
Italien , eft très bien jouée par le nouvel Arlequin,
par un continuel jeu de Théatre convenable
au fujet de la Piécé , laquelle avoit
déja parû fur le même Théatre le 28. Mai
1716. fous le titre d'Arlequin Gentilhomme
fu
JUIN. 1741
1213
Jupofe & Duelifte malgré lui , ou Dom Juan
Alvarado. Scarron a traité le même fujet ,
qu'il a tiré de l'Eſpagnol , dans fa Comédie
de Jodelet Maître & Valet.
Le
14 les mêmes Comédiens remirent au
Théatre la petite Comédie de l'Echo du Pèblic
, jouée au mois de Mars dernier . Les
Srs Romagnefy & Riccoboni , qui en font
les Auteurs , y ont ajoûté deux Scenes nouvelles
, dans lesquelles il y a quelques traits
de Critique au fujet de la Comédie de Mélanide
, jouée au Théatre François , lefquels
ont été aplaudis du Public : on en parlera
plus au long.
į į į į ↓ ↓ : Į į į į į ! ! ! ! ! ! ! のの雨
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE .
Odernier, que le Géneral Romanzof,
Na apris de Conftantinople du premier Avril
Ambaffadeur
Extraordinaire du Czar fit le 22. du mois
précedent fon Entrée publique en cette Ville , dans
l'ordre fuivant.
Ure Compagnie de Janiflaires & une de Spahiss
quatre Fouriers de l'Ambaffadeur , précedés d'un
Timbalier & de deux Trompettes ; trente Soldats
du Détachement que le Czar a donné au General
Romanzof pour fa garde ; deux Couriers en habits
verts galonnés d'or , avec leurs chaînes & leurs
Médailles ; quatre Palefreniers de l'Ambaſſadeur
214 MERCURE DE FRANCE
cheval , un de fes Ecuyers. Six Chevaux de felle
avec des caparaçons de velours cramoifi , brodés
d'or ; quatre Gentilshommes , M. de Ridzazkoy ,
portant un Etendart ; quatre autres Gentilshommes
de l'Ambaffadeur ; douze Chiaoux , & la plupart
des Officiers qui étoient allés prendre le Géneral
Romanzof par ordre du Grand Seigneur à l'endroit
d'où la marche a commencé ; 24. Chevaux des
Ecuries de Sa Hauteffe , conduits chacun par deux
Palefreniers ; 12. Chatirs du Grand Seigneur ; le
Kiaïa du Grand Vifir entre le premier Interprete
de la Porte & le Maître des Ceremonies ; la Livrée
de l'Ambaffadeur , fix Pages avec des habits de
velours jaune , brodés d'argent ; le Maître d'Hôtel
& plufieurs autres Domeftiques de l'Ambaffadeur ;
fix Chevaux de felte; un Ecuyer de l'Ambaffadeur
le Sécretaire & l'Interprete de l'Ambaffade ; M.
Michellowitz portant un Etendart de drap d'argent
avec des franges d'or ; plufieurs Mofcovites de diftinction
, qui ont accompagné à Conftantinople le
General Romanzof. Douze Chiaoux qui accompagnoient
le Chiaoux Bachi , marchoient immédiateament
devant l'Ambaſſadeur , lequel étoit fuivi de
quelques Gentilshommes , & la marche étoit fermée
par le refte du Détachement de la Garde de ce
Miniftre , & par une Compagnie de Janiffaires.
L'Ambaffadeur de Perfe qui eft en cette Ville
depuis quelque tems , eut le 19. fa premiere Audience
du Grand Vifir , & il lui déclara qu'il étoit
chargé par Thamas Kouli Kan , de prier le Grand
Seigneur de confentir que les Perfins euffent un
Emir à la Mecque.
On a mis des Sentinelles à toutes les portes ďa
Palais qu'il occupe ; mais il y a aparence que c'eſt
moins pour lui faire honneur , que pour examiner
les perfonnes qui entrent chés lui , & s'il n'a point
;
de
JUIN. 1741. 1215
He relation avec l'Ambaffadeur de Moſcovie.
Le Comte de Caftelane , Ambaffadeur du Roy
de France , eft arrivé à Conſtantinople.
Peu de jours après que l'Ambaffadeur de Thamas
Kouli - Kan eut eû fa premiere Audience du Grand
Vifir , il en eut une de Sa Hauteffe , & ce Miniftre
déclara au Grand Seigneur que fon Maître lui avoit
ordonné de demander non - feulement que les Perfans
jouiffent à la Mecque des mêmes prérogatives
que les Turcs , mais encore que ces derniers reftituaffent
tous les Pays conquis fur la Perfe.
Le Grand Seigneur a fait affembler plufieurs fois
le Divan , & il y a été décidé qu'on affemblerot
une Armée en Afie , pour s'opofer aux entrepriſes
que les Perfans pourroient former. Sa Hauteffe a
donné ordre d'équiper douze Sultanes , un pareil
nombre de Galeres & 24. Galiottes , mais on ignore
la deftination de cette Efcadre .
RUSSIE.
N mande de Pétersbourg du premier du mois
Odernier,que les Commiffaires qui ont été chas
ron ,
gés d'inftruire le Procès du Comte Jean Erneft Bici
devant Duc de Curlande , retournerent il
y a quelque tems à la Fortereffe de Schlieffelbourg,
& qu'ils firent fubir à ce Prifonnier un nouvel Interrogatoire
qui dura plus de trois heures.
Ce Comte fera bien têt conduit en Siberie avec
fa femme & fes enfans , & on croit qu'il lui fera
permis d'y mener avec lui un Chapelain , deux Valets
de chambre & feize autres Domestiques. On a
déja fait partir fa Bibliothéque & tous les meubles
qu'il a demandés.
Le Manifefte dans lequel font exposés les crimes
du Comte Jean- Erneft Biron , vient enfin d'être
rendu
216 MERCURE DE FRANCE
mence ,
rendu public , & il porte que S. M. Cz. auroit på
faire punir ce Comte en même tems qu'elle lui a
ôté la Régence ; mais que par un effet de fa cléelle
a voulu lui accorder le tems & les
moyens de travailler à fa juftification ; qu'en conféquence
elle a donné des Commiffaires au Comte
Erneft Biron , pour l'interroger & pour entendre
fes défenfes , & que non-feulement ce Comte a été
convaincu de tous les crimes dont il avoit été acsufé
, mais qu'il a avoué librement , que pendant
la derniere maladie de la feuë Czarine il n'avoit été
occupé que du foin de fe faire déclarer Régent de
Mofcovie, à l'exclufion du Prince & de la Princeffe,
pere & mere du Czar ; que , s'étant aperçû que la
feue Czarine avoit de la répugnance à lui confier
la Régence , il avoit employé pour parvenir à fes
fins , plufieurs intrigues criminelles , lefquelles font
expliquées par les Piéces du Procès ; qu'il avoit détourné
du Tréfor de la Couronne des fommes confidérables
& des meubles précieux ; qu'il en avoit
fair paffer la plus grande partie dans les Pays Etrangers
pour les interêts particuliers , lefquels il avoit
coûjours préferés à ceux de l'Etat , & que par- là il
avoit caufé à la Mofcovie un préjudice irréparable ;
que contre l'ordre de la feuë Czarine , qui lui avoit
recommandé expreffément de conferver pour le
Prince & la Princeffe pere & mere du Czar , le refpect
qui leur eft dû , il avoit marqué dans toutes
les occafions , de même que fa famille , un mépris
outrageant pour ce Prince & cette Princeffe ; que
non- feulement il avoit tâché de les rendre odieux
à la Nation , en faiſant répandre contr'eux diverfes
calomnies , mais encore que voyant avec dépit
qu'on défiroit géneralement que la Régence fût remife
entre les mains de la Princeffe , mere du Czar
il avoit eu la témerité de tenir contr'elle des dif-
•
cours
JUIN 1741. IZ17
Cours indécens , de la menacer , & même de dire
qu'il la traiteroit comme les autres Sujets ; qu'il
s'étoit oublié jufqu'au point d'apeller en Duel ie
Prince de Brunſwick Bevern ; que par toutes fortes
de moyens indignes il avoit obligé ce Prince de fe
démettre de fes Charges & de fes Emplois ; qu'il
avoit placé des Efpions auprès de lui & de la Princesse
, pour être informé de tous leurs difcours &
de toutes leurs actions ; qu'il avoit fait enlever plufieurs
de leurs Officiers & de leurs Domestiques les
plus affidés ; que quelques-uns avoient été apliqués à
la queftion par fes ordres,& qu'il fe propofoit par ces
violences , de découvrir certains fecrets qui auroient
fervi de prétexte pour perdre un Prince & une Prin
cesse qu'il craignoit , qu'il avoit violé plufieurs des
Conftitutions & des Loix fondamentales de l'Etat ;
qu'il avoit ofé les abroger et les changer , lorfque
fes vdes ambitieufes l'avoient exigé ; qu'il avoit
fait arrêter plufieurs perfonnes de diftinction , fans
qu'elles enflent commis aucune faute , et feulement
parce qu'il les foupçonnoit de défaprouver fes excès
; que pour exécuter plus fûrement fes desseins
il avoit réfolu d'exclure des Régimens des Gardes
Preobrazin ky et Simonowsky toute la Noblesse
et de ne plus diftribuer d'Emplois dans ces Régimens
qu'à des perfonnes de basse extraction ; enfin
que pour ce qui regarde les autres projets criminels
que le Comte Biron a avoués , ils font de telle nature
, que fi Dieu par ſa bonté n'en eût empêché
l'exécution , non - feulement la tranquillité de l'Etat
en eût été troublée , mais même la perfonne du
Czar auroit été expofée à un très - grand danger.
Le Czar ajoûte que , quoiqu'il "foit évident par
tout ce qui a été raporté , que le Comte Jean- Er
neft Biron s'eft rendu coupable de haute trahison
et quoiqu'il mérite d'autant plus la mort felon les
•
Loix
118 MERCURE DE FRANCE
Loix Divines et Humaines , que par la reconnoiffance
qu'il devoit à la feuë Czarine , qui l'a tiré du
néant , pour l'élever aux plus hautes Dignités , il
étoit plus obligé de fervir l'Etat avec fidelité , et
d'avoir pour le Prince et la Princesse de Brunſwick
Bevern un profond reſpect , S. M. Cz. veut bien
néanmoins , tant pour montrer qu'elle eft plus portée
à la douceur qu'à la féverité , qu'en confidération
de ce que le Comte Birou a confessé de luimême
tous les crimes , lui faire grace de la vie , à
condition qu'il passera le refte de fes jours dans une
prifon , ainfi que fa femme , fes enfans et fes freres,
qui ont été les complices en plufieurs occafions.
Le Comte de Munich ayant repréſenté qu'il étoit
nécessaire d'ajoûter plufieurs Ouvrages aux Fortifications
dePétersbourg & à celles de Schliesselbourg,
Wybourg & de Kexholm , le Czar a chargé divers
Ingénieurs de faire travailler à ces Ouvrages.
Le Gouvernement ayant été informé des défordres
que les Perfans qui accompagnent les Ambaffadeurs
de Thamas Kouli - Kan ont commis dans
plufieurs des Provinces par lefquelles ils ont passé
depuis leur entrée dans les Etats du Czar , on a
envoyé ordre aux Commandans des Provinces qui
font entre Moſcow & Pétersbourg, de faire marcher
toujours avec ces Ambassadeurs quelques Détachemens
de Troupes reglées , afin de contenir leur
fuite qu'on dit être compofée de plus de 2000.
perfonnes,
Le Comte Jean- Erneft Biron a dû partir vers la
fin du meis dernier avec fon époufe , fes deux fils
et fa fille , pour être conduits en Sibérie , d'où l'on
a apris que le Comte Charles Biron , fon frere , étoit
très dangereufement malade.
Les Commissaires chargés d'inftruire le Procès
de M. de Beftuchef, ci-devant Miniftre du Cabi-
дег
JUIN. 1741. 1219
net , vont fouvent à Schliesselbourg , pour l'inter
roger.
S. M. Cz. ayant apris que le Roy de Suede fe
difpofoit à mettre en Merquinze Vaisseaux de guerre
& vingt- quatre Galeres , elle fait équiper tous
les Vaisseaux qui font en état de fervir .
Il a été réfolu d'envoyer à Mofcow , dans le nou
veau Palais que la feuë Czarine y a fait conftiuire ,
une partie des meubles de la Couronne , avec ceux
du Comte Jean- Erneſt Biron , & ſa vaisselle , laquelle
eft eftimée 200000. Roubles.
L'Officier qui a conduit fur les Frontieres le Se
råskier de Bender & le Bacha d'Oczakow , a raporté
que le premier a été fort trifte pendant toute
la route , & qu'il paroissoit craindre que le Grand
Seigneur ne lui imputât le mauvais fuccès de la Bataille
de Choczin.
O
SUEDE.
N mande de Stocko!m que le Docteur Se
renius , Prévôt de Nikoping , a compoſé un
Dictionnaire Suedois & Anglois qu'il a dédié aux
Etats du Royaume , & dans lequel il fait voir l'Analogie
que les deux Langues ont enfemble.
O
ALLEMAGNE .
Na apris de Vienne du 29. Avril dernier ;
que l'Ambaffadeur du Grand Seigneur eut le
27. une audience publique de la Reine , & qu'il y
fut conduit par le Comte de Wurmbrand , Doyen
des Confeillers du Confeil Aulique de guerre , qui
alla prendre ce Miniftre en fon Hôtel ,
marche fe fit dans l'ordre fuivant.
Un Détachement de Grenadiers de la Garnifon
da
1220 MERCURE DE FRANCE
de Vienne ; so. Janiffaires de la Garde de l'Ambas
fadeur ; la Livrée du Comte de Wurmbrand ; les
Chatirs ou Valets de pied de l'Ambaſſadeur ; fes
Pages , fes Agas & fon Ecuyer ; à cheval ; douze
chevaux de main , couverts de caparaçons très- richement
brodés, & conduits chacun par un Palefrefix
Chiaoux ; le Secrétaire d'Ambaſſade , qui
portoit la Lettre du Grand Seigneur , envelopée
dans un morceau d'étoffe d'or.
nier ;
-
Le caroffe de la Reine , dans lequel l'Ambaffadeur
étoit avec le Comte de Wurmbrand & le Secretaire
Interprete de S. M. pour les Langues
Orientales , étoit fuivi de plufieurs Turcs de distinction
, qui ont accompagné à Vienne ce Ministre
, & la marche étoit fermée par une Compagnie
de Cuiraffiers .
Lorfque l'Ambaffadeur fut arrivé au Palais , il fut
reçû au bas de l'eſcalier par le Comte Martinitz, &
à la porte de la Sale des Gardes , par le Comte Jofeph
de Konigfeg. Ayant été introduit dans la Sale
d'audience, il préfenta la Lettre du Grand Seigneur
à la Reine , qui étoit fur fon Trône , ayant à fes
côtés les Miniftres d'Etat & les principales Dames
de la Cour.
S. M. a reçû la réponſe du Roy de la Grande Bretagne
à la Lettre qu 'elle lui avoit écrite au fujet de
L'affaire de Silefie , & cette réponſe porte que le
Roy de la Grande-Bretage ayant concerté avec les
Etats Géneraux des Provinces- Unies les mesures
les plus propres à remplir l'engagement qu'ils
ont pris d'affûrer à la Mailon d'Autriche la poffesfion
de les Etats , S. M. Br . a réfolu de faire les efforts
pour léterminer le Roy de Pruffe à ceffer tous
Actes d'hoftilité , & qu'elle ne doute point que la
Reine ne donne volontiers les mains aux expédiens,
par le moyen defquels on peut efperer de rétablir
Tes
JUI N. 1741 : 122
les affaires dans une fituation qui ne donne aucune
atteinte à la Pragmatique Sanction .
Le Roy de la Grande-Bretagne ajoute dans fa
Lettie , que fi S. M. Pr. fans avoir égard à fes avis
& à ceux des Etats Géneraux , perfiſte dans la réſolution
de continuer la guerre , il ne manquera pas
de fournir à la Reine tous les fecours qu'elle a droit
d'attendre de lui , en conféquence des Traités qui
fubfiftent entre les deux Puiflances .
Les Etats Géneraux ont écrit auffi à la Reine une
Lettre , dans laquelle ils lui donnent les mêmes assûrances.
Les Pays Héreditaires étant dans l'uſage de faire
un préfent aux aînés de leurs Souverains à leur
naiffance , le Royaume de Boheme a envoyé une
Bourfe de 10000. Ducats à l'Archiduc, la Baffe Autriche
lui en a donné une de sooo . la Haute Autriche
une de 3000. la Stirie une de 4000. & les
autres Provinces à proportion .
La Reine a reçû la nouvelle de la priſe de Brieg ,
& une copie de la Capitulation qui a été fignée par
le Marquis Picolomini , Gouverneur de cette Place.
M. Lanczinski , Envoyé Extraordinaire du Czar à
la Cour de Vienne, a affûré le Comte de Zinzendorf,
que S. M. Cz. étoit dans la refolution d'agir de
concert avec le Roy de la Grande Bretagne & les
Etats Géneraux des Provinces- Unies , pour engager
le Roy de Pruffe à retirer les troupes de Silefie.
La Reine de Hongrie a nommé Chambellans de
la Clef d'Or tous les Confeillers du Confeil de
Régence de Toſcane.
RATISBON NE.
Ldernier , portent que le Minitec du kom de
Pruffe a déclaré à la Diette , que la bénediction
qu'
Es Lettres reçûës de cette Ville du 8. du mois
1222 MERCURE DE FRANCE
qu'il a plû à Dieu de répandre fur les armes de
S. M. Pr. par le gain de la bataille de Mollwitz ,
n'a rien changé à fes fentimens pour la Maiſon
d'Autriche , que le Roy de Pruffe ne prétend pas
tirer avantage de ce fuccès , pour proposer à la
Reine de Hongrie des conditions qu'elle pourroit
trouver trop dures ; que S. M. Pr. s'en tient à celles
qu'elle a déja propofées, & que fi la Reine de Hongrie
veut le prêter à un accommodement , elle trouvera
toujours le Roy de Pruffe dans la difpofition
le faciliter , autant qu'il dépendra de lui .
Il paroît par une Relation qu'on a reçûë en cette
Ville de la bataille de Mollwitz , & qui eft venu
de Vienne , que les Autrichiens n'y ont eû que 54
Officiers de tués , parmi lesquels font , outre les
Barons de Romer & de Goldi , Lieutenans Feldt-
Maréchaux , deux Colonels & un Lieutenant Colo
nel. Cette Relation confirme qu'ils en ont eût 44
de bleffés , & que le Prince de Birckenfeldt eft de
ce nombre , ainfi que le Baron de Growne , Litutenant
Feldt- Maréchal , quatre Majors Géneraux ,
cinq Colonels , quatre Lieutenans Colonels & un
Major ; elle ajoûte qu'ils ont perdu environ 1709.
chevaux.
PRUSSE.
A Reine aprit le 8. du mois dernier la nouvelle
de la prife de Brieg , dont voici les principales
circonftances .
Les Ouvrages de la tranchée qui avoit été ouverte
le 28 Avril dernier , ayant été avancés les
deux jours fuivans, deux batteries de canon & deux
autres de mortiers , lefqueiles furent le premier
Mai en état de tirer , firent un feu fi vif que la
plus grande partie des pièces de canon de la Place ,
à l'exception d'un petit nombre , fut démontée en
peu
JUIN. 1741. 1 1223
peu de tems. Une bombe étant tombée fur le Manege
qui étoit voifin du Château , & qui étoit rempli
de foin & de paille , le vent porta la flamme
fur le Château , qui fut abfolument confumé en
24. heures , quoique le Roy , fâché de cet accident,
eût fait rallentir le feu , pour donner à la Garniſon
le tems de fauver ce Château .
On établit le 2. une nouvelle batterie de 18. piéces
, pendant que les autres continuerent de tirer
avec tant de fuccès , que la plupart des embraſures
du côté attaqué furent ruinées , & que le Rempart
commença à s'écrouler.
Le lendemain à neuf heures du foir , on travailla
à la feconde Parallele & à fes communications , &
l'ouvrage ayant été pouffé avec une extrême diligence
, cette Parallele fut perfectionnée avant le
jour. La Garniſon , qui ne pouvoit plus défendre
le Rempart , ayant battu la chamade & arboré le
Drapeau blanc le 4. à trois heures après midi , le
feu cefla auffitôt , & le Gouverneur ayant donné pour
ôtage le Major Covani , en échange duquel le Roy
envoya le Major Saldern, le Colonel Borck fe rendit
dans la Place par ordre de S. M. pour regler les
articles de la Capitulation , par laquelle on eft convenu
que la Garniſon foi tiroit avec tous les honneurs
Militaires , armes & bagages , & qu'elle prendroit
le chemin le plus court , pour ſe retirer à
Neiff ; qu'elle ne pourroit fervir.contre le Roy pendant
deux ans en quelque Pays que ce fût , & dans
aucun tems en Siléfie , qu'on lui fourniroit du pain
pour quatre jours , & des chevaux avec des bateaux
pour le tranfport des malades & des bleffés , ainft
que pour les bagages , & qu'auffi tôt après la figna .
ture de la Capitulation la porte du côté de Breflau
feroit livrée à un détachement des troupes du Roy.
A neuf heures du foir , une Compagnie de Grena-
I. Vol. H diers
1
1224 MERCURE DE FRANCE
diers du Régiment des Gardes prit poffeffion de
cette porte , & le 5. après que le Gouverneur eut
fait configner aux Officiers de S. M. l'Arfenal , les
munitions & les vivres , le premier Bataillon du Régiment
de Borck entra dans la Ville , & releva la
Garnifon qui fortit à deux heures après midi , &
qui étoit compofée de quatre Bataillons , de trois
Compagnies de Grenadiers & d'une Compagnie
Franche de 300. hommes. On a trouvé dans la
Place 61. piéces de canon , huit mortiers , & une
grande quantité de munitions de guerre. La perte
qu'on a faite à ce Siége eft très - peu confidérable
& les troupes de S. M. y ont toujours été pourvûës
abondamment de tout ce qui pouvoit leur être
néceffaire , moyennant la précaution qu'elle avoit
priſe d'établir une chaîne d'Infanterie & de Cavalerie
depuis Breflau jufqu'à Ohlau , pour empêcher
que les Ennemis ne coupaffent la communication
avec la premiere de ces deux Villes , où font les
principaux magafins.
M. de Maupertuis , Académicien de l'Académie ,
Royale des Sciences de Paris , qui avoit été fait prifonnier
par les Autrichiens à la Bataille de Mollwitz,
eſt retourné à Berlin de Vienne , avec la permiffion
du Comte de Neuperg , il y a reçû beaucoup
de marques de bonté de la Reine de Hongrie & d
Grand Duc de Toſcane.
SILESIE,
Na apris que le Roy de Pruffe ayant fait
invertir de nouveau la Ville deBricy, le 20.
Avril dernier , on avoit travaillé les deux jours fui- .
vans à établir les Batteries, que le 23. on avoit commencé
à battre la Place , & qu'on avoit fait le 28 .
à dix heures du foir l'ouverture de la tranchée, fans.
Y
JUIN. 1741. 1225
y avoir trouvé aucun obftacle de la part des Ennemis
, qui n'ont commencé qu'à cinq heures du matin
à tirer fur les travailleurs.
Le Roy étoit campé, avec le refte de fes troupes,
près d'Ohlau, pour obferver les mouvemens de l'armée
de la Reine de Hongrie , & pour couvrir le
Siége de Brieg , que l'on comptoit ne pouvoir faire
une longue réfiftance, parce que la Ville étoit remplie
d'un grand nombre de Soldats Autrichiens qui
ont été bleffés dans le dernier combat , & qu'il n'y
avoit abondamment de vivres.
pas
ITALIE.
N mande de Rome du 6. du mois dernier , que
Nomar de du mois precedent dans la qu
lique de S. Pierre du Vatican , la Cérémonie de la
Béatification d'Alexandre Sasli , de la Congrégation
des Barnabites , lequel a été le feptiéme Géneral de
cette Congrégation , & enfuite Evêque d'Aleria &
de Pavie.
Il y a eû dans la Marche d'Ancone & dans le
Duché d'Urbin , un violent Tremblement de Terre,
qui a caufé beaucoup de dommage en plufieurs endroits
, particulierement à Fabriano , où fept Eglifes
& un grand nombre de maiſons ont été renversées.
O
ESPAGNE.
N aprend de Madrid du 2. du mois dernier
que l'Armateur Jean- Baptifte Salie entra le 15.
Avril précedent dans le Port de Vigo . avec le Brigantin
Anglois l'Avanture , dont il s'eft enparé le
11. fur les Côtes de Portugal , & que le même
jour la Frégate la Notre- Dame d'Aranzazu , conduifit
à Muros une Balandre de la même Nation .
Hij
Les
1226 MERCURE DE FRANCE
Les Armateurs de Cadix fe font emparés des
Vaiffeaux Anglois les Deux Freres , le Poftillon de
Londres , & le Naffau , commandés par les Capitaines
Michel Rill, Jean Rouffels ,& Samuel Ifpelman.
Le premier de ces Bâtimens , qui alloit à Gibraltar,
a été pris à 20. lieues du Cap Saint Vincent , & les
deux autres l'ont été entre le 35. & le 36. degré de
Latitude Septentrionale .
On a reçû avis de Ceuta,que le Vaiffeau le Defir,de
la même Nation , étant entré dans une Anfe voifine
de la Ville , en croyant entrer dans le Détroit
de Gibraltar , fix petits Bâtimens Eſpagnols , armés
en guerre , l'avoient abordé , & que le Capitaine &
' Equipage de ce Vaiffeau , s'étoient rendus , fans
faire prefque aucune réfittance .
Les difficultés qui fubfiftent entre la Cour d'Eſpagne
& celle de Vienne , au fujet des Titres que prennent
la Reine de Hongrie & le Grand Duc de Tofcane,
ont empêché le Roy d'accorder à M. Adriani,
Réfident de ce Prince , l'audience qu'il avoit demandée
, pour remettre au Roy une Lettre par laquelle
le Grand Duc donne part à 5. M. de la Naisfance
de l'Archiduc.
L'Armateur Don Juan de Oyatzabal , commandant
la Balandre la Notre- Dame du Roſaire , a conduit
à Santona deux Prifes Angloifes qu'il a faites
vers le so. degré de Latitude Septentrionale,
Un autre Armateur Espagnol a pris dans les environs
de la Barbade deux Vaiffeaux Anglois , l'un
de Salem & l'autre de Rhodes - Ifland .
Des Vaiffeaux de guerre , en revenant des Ifles
Canaries , ont pris un Brigantin Anglois & deux
Fregates de la même Nation, l'une de feize canons,
& l'autre de dix - huit .
PORTUGAL
JUIN. 1741. 1227
PORTUGA L.
Na apris de Lisbonne , que le 29. Avril derun
Chapitre general
, dans lequel ils élurent pour Vifiteur General
de leur Ordre en Portugal , le Pere Manuel , Doeteur
de l'Univerfité de Coimbre , & Qualificateur
du Saint Office , & que les Dominicains élûrent le
22. le Fere de Lima , Profeffeur en Théologie , &
Député de l'Inquifition , pour leur Provincial.
L
GENES ET ISLE DE CORSE.
Es dernieres Lettres reçues de la Baftie, portent
que les Bâtimens fur lefquels s'embarqueront
les quatre Bataillons des troupes de S. M. T. C. qui
doivent repaffer en France , étoient arrivés à San
Fiorenzo; que le Maréchal de Maillebois & le Marquis
de Contades partiroient en même-tems que
ces quatre Bataillons fur la Frégate le Zephire , &
qu'après le départ du Maréchal de Maillebois , le
Marquis de Villemur auroit le commandement géneral
des troupes Françoifes qui refteroient dans
Pifle de Corfe.
GRANDE BRETAGNE.
ONmande de Londresdu 11. du moisdernier,
;
que le 6. le Roy fe rendit à la Chambre des
Pairs avec les cérémonies accoûtumées , & que
S. M. ayant mandé la Chambre des Communes, fit
le Difcours fuivant .
MYLORDS ET MESSIEURS. Le zele la
promptitude avec lesquels vous avez terminé les affaires
pour lesquelles vous étiez affemblés , font des preuves
inconteftables de votre attachement aux interêts de
Häj votre
228 MERCURE DE FRANCE
votre Patrie , & par conséquent les témoignages les
plus agréables que vous puſſiez me donner de votrefidelité
de votre affection pour ma Perfonne. Le puisfant
fecours que vous m'avez accordé pour foûtenir la
guerre jufte & néceffaire dans laquelle jefuis engagé,
eft le moyen le plus efficace pour mettre nos Ennemis a
La raison , & l'empressement avec lequel vous vous,
êtes déclarés fi àpropos pour la defenfe de la Maiſon
d'Autriche pour le maintien de la Balance & de la
liberté de l'Europe , ne peuvent manquer d'encoura
ger très- vivement nos Alliés . Ce font les vrais moyens
d'affûrer à cette Nation le poids & l'influence aubors,
quefa force &fa fituation naturelle lui donnent
droit de prétendre.
-de-
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES.
C'est avec une fatisfaction très -particuliere que je re
connois votre vigilance & votre attention à lever les
fubfides pour le fervice de cette année , ce que vous
avez fait avec une prévoyance fi fage pour les befoins
de la Nation , que vous avez fait voir que vous êtes
les Repréfentans de mes fideles Communes.
MYLORDS ET MESSIEURS . Je ne puis congédier ce
Parlement fans vous remercier publiquement des preuves
éclatantes que vous avezdonnées de votre fidélité
de votre affection pour ma Perfonne & pour mon
Gouvernement ; de lafermeté avec laquelle vous perfiftez
dans la réfolution de maintenir la fucceffion Pro .
teftante dans ma Maiſon , & de l'attachement inébranlable
que vous faites voir pour les véritables interêts
de votre Patrie. Vous avez marqué la plus vive ardeur
le zele le plus convenable, pour défendre l'honneur
de ma Couronne les droits indubitables de la
Navigation & du Commerce, qui apartient à mes Sujets
, en me mettant en état de venger les infultes qui
teur ont étéfaites contre la Loi des Traités. Dans une
conjoncture fi critique , vous avez fontenu le crédit de
Lia
JUI N. 1741. 1229
la Nation , vous avezfortifié les rénes de mon Gouwernement
à un point qui furpaffe l'attente de nos Alliés
, & en rompant manifeftement les mesures de ceux
qui portent envie à notre profperité ; vous avez prouvé
en même-tems à tout l'Univers , que la Grande-Bretagne
eft en état non-feulement de fe défendre , mais
encore de fournir des fecours convenables à fes Alliés
defoutenir la caufe commune de l'Europe . Comme
une pareille conduite fait l'éloge de ce Parlement , elle
fera auffi unfujet d'émulation pour les Parlemens qui
lui fuccederont. Je donnerai inceffamment les ordres
néceffaires pour faire éire un nouveau Parlement . Il
n'y a rie qui me tienne plus à coeur que l'amour de
mon Peuple , dans lequel j'ai une fi parfaite confiance,
que c'est avec la plus grande fatisfaction que je vois
outes les Villes de mon Royaume à portée de me donner
de nouvelles preuves de leur affection par le choix
qu'elles feront de leurs Représentans . La durée de l'excellente
Conftitution de notre Gouvernement dans l'Eglife
dans l'Etat , dépend de l'établiſſement préfent,
la sûreté de l'établiſſement préfent dépend de cette
Conftitution . On ne peut bleffer l'une , fans afoiblir
l'autre , la confervation de l'une de l'autre ,
auffi bien que la défense des droits de mes Sujets pour
ce qui regarde la Religion & leurs interêts civils , one
été feront continuellement l'objet de mès foins.Ceux
qui fe diftingueront , en perfiftant dans ces principes ,
obtiendront toujours mon apui ma faveur , & en
fuivant invariablement des mesures fi fages isfi justes
, nous pourrons concevoir les efperances les mieux
fondées , quefous la protection de la Divine Providence
, la Grande- Bretagne jouira non-feulement pour le
préfent , mais même à l'avenir d'une conftante profperité.
Les Commiffaires de l'Amirauté ayant reçû avis
qu'un Armateur Efpagnol de S. Sébastien , croifoit
Hj dans
1230 MERCURE DE FRANCE
dans la Manche avec une longue Barque , montée
de quatre Canons & de fix Pierriers , ils ont fait
fortir des Dunes , pour lui donner la chaffe , deux
Alleges qui , ayant rencontré cet Armateur à la
hauteur du Havre , ont abordé ce Bâtiment & s'en
font emparées. Le Capitaine & une partie de l'équipage
fe font jettés à la Mer, pour gagner la Terre
à la nage , & l'on n'a pu faire que 17. prifonniers.
Le 17. du mois dernier , le Roy tint au Palais d
S. James un Confeil d'Etat , dans lequel S. M. noma
l'Archevêque de Cantorbery , le Lord Changelier
, les Ducs de Grafton , de Richmond , de Bulton
, de Devonshire , de Montagu & de Newcaſtle ,
le Comte de Wilmington , les Lords Harvey , Pembroke
& Inlay , les Chevaliers Robert Walpoo ! &
Charles Wager, & Mrs Guillaume Younge & Henry
Pelham , Régens du Royaume pendant fon abfence
, & l'après midi S. M. fe rendit par eau à
Greenwich , où elle s'embarqua à bord du Vaiffeau
de Guerre la Royale Caroline , pour paffer en
Hollande .
Le Vaiffeau de Guerre le Dursley Galley s'eft emparé
d'un Bâtiment Efpagnol , qui faifoit voile pour
Oran , & le Vaiffeau de guerre le Kenfale a conduit
à Lisbonne un Armateur de la même Nation .
Le Duc de Newcaſtle , Sécretaire d'Etat , reçût
le 28. Mai dernier par le Capitaine Laws , Commandant
le Vaiffeau le Spence Sloop , des Lettres que
l'Amiral Vernon a écrites au Roy , pour donner
part à S. M. de la prife de plufieurs Forts qui avoient
été conftruits par les Elpagnols dans les environs de
Cartagene , 8 ces Lettres contiennent le détail
fuivant.
L'Amiral▾
à la grande
n étant arrivé le 15. Mars au foir
avec la Flotte Angloife , compofée
JUI. N 1741. 1231
Tée de 124. Vaiffeaux , les Chevalier Chaloner
Ogle fut detaché le 20 avec les Vaiſſeaux de ſa
Divifion , pour attaquer les Forts & les Batteries de
Terra Bomba , & il fut fuivi peu de tems après par
l'Amiral Vernon , qui ordonna au Chef d'Eſcadre
Leftock de demeurer à l'Ancre avec les Vaiffeaux
qu'il avoit fous fes ordres .
Les deux jours fuivans , on fit débarquer les fix
Régimens de Marine & ceux de Wentworth & de
Harriſon avec toute l'Artillerie & les munitions de
guerre. Comme une Batterie que les Espagnols
avoient établie à Barradera , incommodoit beaucoup
le Régiment de Wentworth , l'Amiral Vernon
envoya fur des bateaux quelques troupes qui
obligerent les Espagnols d'abandonner cette Batterie
.
Depuis le 29. du mois de Mars jufqu'au premier
Avril , on en établit une de vingt canons , qui commença
le 2. à tirer contre le Fort de Bocachica
dans lequel on avoit pendant les jours précedens
jetté un grand nombre de bombes , & le 3. le Chef
d'Efcadre Leftock s'avança avec les Vaifleaux de
guerre le Boyne , le Prince Frederic , le Hamptoncourt
, le Suffolck & le Tylbury, pour battre ce Fort
& les Vaiffeaux de guerre Espagnols . Le Boyne étant
tombé fous le vent & étant trop expofé au feu des
Ennemis , fe retira , mais les autres Vaiffeaux continuerent
de tirer jufqu'au lendemain, que le Prince
Frederic & le Hamptoncourt , qui furent fort maltraités
par l'Artillerie des Vaiffeaux Efpagnols , furent
contraints d'aller rejoindre la Flotte .
Ce jour -là vers midi , l'Amiral Vernon envoya
tous les Bateaux , pour attaquer une nouvelle Batserie
de fix canons , & le détachement qu'il avois
chargé de cette expedition , la détruifit .
Une breche confidérable ayant été faite au Fort
Hv de
1232 MERCURE DE FRANCE
de Bocachica , il fut réfolu te 5. de donner l'aſſaut
mais dans le tems qu'on s'y diſpoſoit , on s'aperçût
que les Espagnols avoient abandonné le Fort. Auffi
tôt l'Amiral Vernon ordonna de prendre d'affaut le
Fort Saint Jofeph , & l'on s'empara du Vaiſſeau de
guerre la Galice , dans lequel on ne trouva que
trois Officiers & foixante Soldats ou Matelots , qui
y étoient reftés , & qui avoient reçû ordre de l'Amiral
Don Blaife Lezzo , de le couler à fond , dès
qu'ils pourroient trouver le moyen de fe retirer.
Le lendemain , l'Amiral Vernon s'avança pour
entrer dans le Havre , mais il y trouva beaucoup
de difficulté , & il fut quelque tems à pouvoir
trouver un paffage » parce que les Efpagnols.
avoient coulé à fond le San Carlos & l'Afrique
deux de leurs Vaiffeaux de guerre , & qu'ils en
avoient fait fauter un autre nommé le S. Philipe.
Les Vaiffeaux le Burford & l'Oxford , commandés
par le Capitaine Griffin & par le Lord Augufte Fitzroy
, fe pofterent le 7. au travers du Havre , pour
couper la communication du Fort de Caftillo Grande
avec la Ville de Cartagene , & le 8. le Weymouth
& la Frégate le Cruizer , détruifirent deux Batteries
qui étoient à Paffo Cavallos.
Le Capitaine Knowles , que l'Amiral Vernonavoit
envoyé pour reconnoître les difpofitions des
Efpagnols , lui ayant raporté le 10. qu'ils avoient
encore coulé à fond deux de leurs Vaiffeaux , nom .
més le Conquerant & le Dragon , chacun de 60. canons
, & qu'ils emportoient tout ce qu'ils pouvoient
hors de Caftillo Grande , cet Amiral fit marcher un
détachement qui fe rendit maître de ce Fort.
Le 12. l'Amiral Vernon alla jetter l'Ancre près
de Caftillo Grande , & quand le Capitaine Laws
partit pour porter au Roy ces nouvelles , cet Aminal
étoit occupé à faire débarrafler le Canal , pour
Y
JUI N. 1741. 1233
faire entrer tous les Vaiffeaux de la Flotte ,
faciliter la defcente de fes pour
troupes.
&
Les Anglois ont perdu dans ces differentes attaques
plufieurs Officiers de confidération , du nombre
defquels font le Lord Aubery Beauclerc , les
Colonels Watſon & Douglas , M. Sandford , Lieutenant
Colonel , M. Moor , Ingénieur en Chef, &
M. Irwing.
RONDEAU
De M. P.S. P. A. A. P. à Mad. E. L. R. D
Q
Ui le croira , cher objet de mes voeux
Qu'auprès de vous conftant & malheureux
Mon coeur brûlé d'un defir qui le tuë ,
N'a jamais vû récompenfer fes feux !
N'eft-il pas tems qu'enfin votre ame émuë
Rende mon fort égal au fort des Dieux ?
Que craignez - vous Eft- ce d'être déçûë ?
Foible raiſon ! en voyant vos beaux yeux ,
Qui le croira ?
”
Eft- ce la peur d'un difcours envieux
Qui vous retient ? Crainte mal entenduë !
Depuis long- tems , belle Iris , en tous lieux
Votre rigueur , hélas ! eft trop connuë;
Nous pourrions bien être d'accord - tous deux ,
Qui le croira ?
Hvj
FRANCE .
1234 MERCURE DE FRANCE
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARTS , &C.
E 27. Avril dernier , le Roy partie de
Verailles ,pouraller coucher au Château
de Rambouillet , d'où S. M. revint
le 30 .
Le 28. la Reine entendit la Meffe dans l'a
Chapelle du Château , & S. M. communia
par
les mains de l'Abbé de Sainte- Hermine ,
fon Aumônier en quartier.
Le 31. après midi , le Régiment des Gardes
Françoiſes s'affembla dans la Place d'Armes
, & le Roy s'y étant rendu à cheval , le
Duc de Gramont fut reçû dans la Charge de
Colonel de ce Régiment.
Le premier Juin , Fête du S. Sacrement , le
Roy accompagné du Comte de Clermont ,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu & de
fes principaux Officiers , fe rendit à l'Eglife
de la Paroiffe du Château , & S. M. y entendit
la Grande Meffe , après avoir affifté à la
Proceffion , laquelle , fuivant l'ufage , alla à
la Chapelle du Château. La Reine s'y rendic
JUIN. 1741 . 1235
dit lorfque la Proceffion arriva. Mesdames,
ont vû paffer la Proceffion de l'Apartement
du Comte de Clermont .
Le Roy a donné au Duc de Fleury la
Charge de Premier Gentilhomme de la
Chambre de S. M. vacante par la mort du
Duc de la Tremoille.
M. de Terlaye , Lieutenant- Colonel du
Régiment des Gardes Françoiſes , ayant demandé
au Roy la permiffion de fe retirer ,
M. de Varennes , Maréchal de Camp , Com
mandeur de l'Ordre Royal & Militaire de
S. Louis , & le plus ancien Capitaine de ce
Régiment , en a été nommé Lieutenant-
Colonel.
Le Lord Thomond , Maréchal de Camp
& Colonel du Régiment Irlandois de Clare,
a été nommé Inſpecteur d'Infanterie .
Le premier de ce mois , Fête du S. Sacrement
, le Roy & la Reine entendirent les
Vêpres dans la Chapelle du Château , &
Leurs Majeftés y affifterent au Salut qui fut
chanté par la Mufique .
Le 2. le Roy partit de Verfailles pour Rambouillet
, d'où S. M. revint le foir.
Le 8. jour de l'Octave de la Fête du S. Sacrement
, le Roy accompagné du Prince de
Dombes , du Comte d'Eu & de fes principaux
1236 MERCURE DE FRANCE
paux Officiers , fe rendit à l'Eglife de la Paroiffe
du Château , & S. M. après avoir affifté
à la Proceffion , y entendit la Grande
Meffe.
Pendant l'Octave , Leurs Majeftés ont af
fifté tous les jours au Salut dans differentes
Eglifes.
Le 6. après midi , le Roy fit dans la Cour
du Château la revue des deux Compagnies
des Moufquetaires de la Garde de S. M. Le
Roy paffa dans les rangs , & après que les
Moufquetaires eurent fait l'exercice , S. M.
les vit défiler à pied & à cheval. La Reine
Monſeigneur le Dauphin & Madame , virent
Cette revûë.
Le Duc de Fleury que le Roy a nommé
Premier Gentilhomme de la Chambre , prê--
ta le 8. au matin Serment de fidelité entre
les mains de S. M.
Le Roy a donné le Régiment de Chame
pagne au Marquis de Belfont ; le Régiment
de la Marche , dont il étoit Colonel , au
Marquis de S. Pern , Capitaine de Grenadiers
dans le Régiment du Roy , Infanterie ,
& le Régiment de Cavalerie dont le Chevalier
de Rozen étoit Meftre de Camp , au
Prince de Gave , Lieutenant dans le Régiment
du Roy , Infanterie..
>
Le
JUTN. 174T.
237
Le 4. de ce mois , M. Crefcenzy , Archevêque
de Naziance , & Nonce Ordinaire:
du Pape auprès du Roy , fit fon Entrée pu-
Blique en cette Ville . Le Prince de Lambefc
, & M. de Verneuil , Introducteur des
Ambaffadeurs , allerent le prendre dans les
Caroffes du Roy & de la Reine au Convent
de Picpus , d'où la Marche fe fit dans l'ordre
fuivant.
و د
Le Caroffe de l'Introducteur , celui du
Prince de Lambefc ; un Suiffe du Nonce , à
cheval , fa Livrée , à pied ; fes Gentilshommes
; fon Ecuyer & fes Pages , à cheval ; le
Caroffe du Roy , aux portieres duquel marchoient
la Livrée du Prince de Lambefc &
celle de M. de Verneüil ; le Caroffe de la
Reine ; celui de Madame la Ducheffe d'Orleans
Douairiere ; ceux du Duc d'Orleans
du Duc de Chartres , de la Ducheffe de Bourbon
, Premiere Douairiere , de la Ducheffet
de Bourbon, Seconde Douairiere , du Comte
de Charolois , du Comte de Clermont , du
Prince de Conty , de la Ducheffe du Maine ,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu , de
la Comteffe de Toulouze , du Duc de Penthievre
, & celui de M. Amelot , Miniftre
&. Sécretaire d'Etat , ayant le Département
des Affaires Etrangeres. Les quatre. Carolles
du Nonce marchoient enfuite à une diſtance
de quarante pas.
Lorl
1238 MERCURE DE FRANCE
Lorfqu'il fut arrivé à fon Hôtel , il fut
complimenté de la part du Roy par le Duc
de Rochechouart, Premier Gentilhomme de
la Chambre de S. M. de la part de la Reine ,
par le Comte de Teffe , fon Premier Ecuyer ,
& de la part de Madame la Ducheffe d'Or
leans , par le Marquis de Crevecoeur , Pred
mier Ecuyer de S. A. R.
;
Le 6 , le Prince de Lambefc & M. de
Verneuil , Introducteur des Ambaſſadeurs
allerent prendre le Nonce du Pape en fon
Hôtel , & ils le conduifirent dans les Caroffes
de Leurs Majeftés à Verſailles , où il eut
fa premiere Audience publique du Roy. Il
trouva à fon paffage dans l'avant - cour du
Château les Compagnies des Gardes Françoifes
& Suiffes fous les armes , les Tambours
apellans ; dans la Cour , les Gardes de
la Porte & ceux de la Prevôté de l'Hôtel
fous les armes à leurs poftes ordinaires , &
fur l'efcalier , les Cent - Suiffes en habits de
cérémonie , la Hallebarde à la main. Il fut
reçû endedans de la Sale des Gardes par le
Duc de Béthune , Capitaine des Gardes du
Corps , qui étoient en haye & fous les armes..
Après l'Audience du Roy , le Nonce fut
conduit à l'Audience de la Reine & à celle
de Monfeigneur le Dauphin par le Prince de
Lambefc & par M. de Verneuil . Il fut enfuite
conduit à celle de Mefdames de France , &
après
JUIN. 1741. 1239
Après avoir été traité par les Officiers du Roy,
il fut reconduit à Paris en fon Hôtel par M.
de Verneuil dans les Caroffes de Leurs Majeſtés
, avec les cérémonies accoûtumées.
Le Comte des Alleurs , que le Roy a
nommé ſon Miniftre auprès du Roy de Pologne
Electeur de Saxe , a pris congé de S. M.
& il doit partir inceffamment , pour ſe rendre
à Drefde .
Le premier Juin , jour de la Fête - Dieu ;
l'Académie Royale de Mufique fit chanter
au Concert Spirituel du Château des Thuilleries
le Motet à grand Choeur Magnus Dominus
de M. Thomas , qui fut fuivi d'un
Concerto fur le Hautbois , exécuté par M.
Celle , Ordinaire de la Mufique du Roy , &
par le Motet à grand Choeur O Jefu de M.
Deftouches, Surintendant de la Muſique du
Roy , dont l'exécution fit beaucoup de plaifir.
Les Dlles Fel & Chevalier chanterent les
principaux récits au gré du Public , & le
Concert fut terminé par un Motet à grand
Choeur de M. Cheron.
Le même jour , & le 8. dernier jour de
l'Octave , le Chevalier Servandoni qui avoit
donné le jour de l'Afcenfion & les trois Fêtes
de la Pentecôte , les Travaux d'Uliffe fur
le
1240 MERCURE DE FRANCE
le Théatre du Château des Thuilleries , en
donna encore deux repréſentations avec des
changemens & des augmentations confidérables
, dont le Public a parû fatisfait.
Le 11. & le 18. on donna encore deux
repréſentations du même Spectacle.
Le 27. & le 29. Mai , il y cut un Concert
chés la Reine ; M. Rébel, Surintendant
de la Mufique du Roy , en furvivance de M.
Deftouches , & en fon abfence , fit chanter
les quatre derniers Actes de l'Opera de
Roland , par les mêmes Acteurs dont on a
parlé dans le dernier Journal .
Le 10. & le 12. Juin , la Reine entendit
P'ingénieux Ballet des Fêtes Venitiennes de M.
Campra , Maître de Mufique de la Chapelle
du Roy; les principaux Rôles furent trèsbien
exécutés par les Dlles d'Aigremont , la
Lande , ci-devant la Dlle Huguenot , Romainville
& Deschamps , & par les Srs Godoneche
, du Bourg , Poirier , Benoît , le
Begue & Richer.
Le 14. le 17. & le 29. on concerta l'Opera
de Pyrame & Thisbé de Mrs Rebel & Francoeur
, dont les Rôles furent chantés avec
beaucoup de précision par les mêmes Sujets ,
par la Dlle Mathieu , & par les Srs Jelyot
& Dangerville.
Le 21. le 26. & le 28. la Reine entendit
1'0-
JUIN. 1741. 124%
l'Opera de Scanderberg , de la compofition
des mêmes Auteurs ; les mêmes Sujets qu'on
vient de nommer , & la Dlle Abec , chantexent
les principaux Rôles de la Piece.
La Loterie Royale établie par Arrêt du
Confeil du 22. Janvier 1741. en faveur des
Pauvres , fut tirée pour la feconde fois en
la grande Sale de l'Hôtel de Ville en préfence
du Prevôt des Marchands & Echevins
, le Mecredi 31. Mai. La Lifte Génerale
des Billets gagnans fut publiée le
lendemain. Le Gros Lot qui eft de 80000 1.
eft échû au N°. 262. fous la Deviſe de , An
né coeffé. Le fecond Lot qui eft de 40000 l.
eft échû au N° . 198. fous la Devife A la
grace de Dieu.
MORTS , NAISSANCES
& Mariage.
LE
E premier Avril , D. Elizabet de Salaazar ,
mourut à Bidache , Souveraineté de M. le Duc
de Gramont , âgée de 110. ans , ayant confervé
jufques au moment de fa mort le bon fens & la vivacité
d'efprit , dont elle a été toujours douée ; elle
n'a été alitée , pour la maladie dont elle est décedée
, que
deux fois 24. heures .
Le 5. mourut Charles - Arnoul Nolin , Sieur de la
Tournelle , Chevalier de l'Ordre de S. Michel ♪
Confeiller
1742 MERCURE DE FRANCE
Confeiller Secretaire du Roy , Maiſon , Couronne
de France & de fes Finances , & Secretaire ordinaire
à la conduite des Ambaffadeurs . Il avoit épousé
la fille de feu Antoine Pecquet , auffi Confeiller
Secretaire du Roy , Maiſon , Couronne de France
& de fes Finances , & Secretaire du Confeil des affaires
étrangeres , & de feue Genevieve Cadar. Ik
en laiffe un fils , qui a obtenu la Charge de Sécretaire
à la conduite des Ambaffadeurs , & une fille
mariée en 1735 avec le Comte de Pagnat , Gentilhomme
Limofin .
Le 8. Alexandre Gafton du Chastellet , Seigneur
de Fresnieres la Taulette , &c. apellé le
Comte du Chaftellet , ci - devant Ecuyer du Roy
mourut à Paris dans la so . année de fon âge , étant
né le 26. Mai 1691. Il étoit fils aîné de Jean du
Chaftellet , Seigneur de Fresnieres , Confeiller au
Grand Confeil , dont la mort eft raportée dans le
Mercure de Décembre 1733. 1. vol . p . 1746. &
de défunte D. Suſanne Genevieve Talon . Il avoit
époufé le 16. Août 1712. défunte D...." Le Noir,
fille de Louis Simon Le Noir , Confeiller au Grand
Confeil , mort le, 17. Mars 1710. & d'Anne- Elizabeth
Simonnet. Il en laiffe 2. filles , dont l'aînée
Elizabeth -Victoire du Chaftellet , a été mariée le 7 .
Octobre 1734. avec Euſtache - François le Counturier
, Seigneur de Mauregard , & du Mefnil . Madame-
Rance , Préfident en la 5. Chambre des Enquêtes
du Parlement de Paris , ci- devant Préfident
au Grand-Confeil ; & la cadette a été mariée le 21.
Août 1737. avec ....... Petit , Seigneur du Fief des
Portes , à Limoil en Brie.
Alexis - Jean du Chaftellet , apellé le Marquis
du Chaftellet , frere puiné de celui qui vient de
mourir , a époufé le 1o. Mars dernier , Dlle Jeanne
Regnault , fille de défunt Alexandre Regnault ,
Seigneux
JUIN. 1741. 1243
Seigneur de Bazerne & de Totté , Confeiller au
Parlement de Paris , & de Marie - Anne Raudot,
On trouve dans le Mercure Galant du mois de
Juin 1695. une Généalogie en abregé de cette
Maifon du Chaftellet .
Le 11. Jacques- Armand , Marquis de Vaffé , Vi,
dame du Mans , Baron de la Rochemabile , Seigneur
de Balon, &c. Gouverneur du Château Royal
du Pleffis -lès - Tours , Meftre de Camp Lieutenant
du Régiment Dauphin , de Dragons , par Commiffion
du 20. Février 1727. & Brigadier des Armées
du Roy , de la promotion du 18. Octobre
1734. mourut à Paris , âgé de 34 ans 11. mois &
1. jour , étant né le 10. Mai 1706. Il n'a point été
marié. Il laiffe 2. freres , qui font Charles - Emanuel
de Vaffé , apellé le Vidame , auffi né le ro.
Mai 1706. Meftre de Camp d'un Régiment de Cavalerie
, par Commiffion du 4. Mars 1730. & Brigadier
des Armées du Roy , du 15. Mars 1740
non marié , & Armand-Maturin de Vaffé , né le
14. Août 1.708 . Chevalier de l'Ordre de S. Jean de
Jérufalem , Commandeur de Piéton en Flandres ,
& Colonel du Régiment de Picardie, depuis le mois
de Novembre 1734. Ils font tous 3. fils d'Emanuel
Armand , Marquis de Vaffé , Vidame du Mans ,
Baron de la Rochemabile , Gouverneur du Château-
Royal du Plefiis lès - Tours , Meftre de Camp
d'un Régiment de Dragons , & Brigadier des Armées
du Roy , mort à l'âge de 27. ans , le 30. Avril
1710. & de D. Anne . Benigne - Fare - Therefe de
Beringhen , fa veuve.
Le 14. Pierre de Bragelongne , ancien Colonel
d'un Régiment d'Infanterie , & auparavant Capitaine
& Major d'un Régiment de Dragons , mou
rut à Paris , dans un âge très ayançé. Il étoit le
13e & dernier fils de Thomas de Bragelongne , Sei.
-
gneur
1244 MERCURE DE FRANCE
gneur d'Enjenville , Iffy , Pourpry , le Petit Tignonville
& la Madelaine , près Chaftres , premier
Préfident du Parlement de Metz , & Préfident Honoraire
aux Enquêtes du Parlement de Paris , mort
le 6. Mars 1681. & de Marie- Hector de Marle ,
morte le 25. Octobre 1705. & il avoit été
marié le 22. Décembre 1700. avec Genevieve Boucher
, fille de feu Jean Batiſte Boucher , Préfident
à Mortier du Parlement de Metz , & de Magdeleine
Héliffant. Il en laiffe un fils , Capitaine de Dragons
dans le Régiment de Nicolaï , & fait nouvellement
Chevalier de l'Ordre Militaire de S, Louis,
non marié ; un autre fils , fervant dans les Gardes
du Roy de Pologne , Duc de Loraine & de Bar
& marié avec ure Demoiſelle de Loraine ; & une
fille mariée au Sieur de Rumigny , Gentilhomme
de Picardie.
Le 15. Jules- Augufte Potier de Gefures , Chevalier
de l'Ordre de S. Jean de Jérufalem , Lieutenant
de Roy au Pays de Caux , & au Baillage de
Rouen , & Gouverneur du Pont - Audemer , mourut
à Paris , dans la 79. année de fon âge , étant
né le 6. Novembre 1662. Il avoit été reçû Chevalier
de Malthe , de minorité , au Grand Prieuré de
France , le 23. May 1665. Il fervit dès ſa jeuneſſe
dans la Marine ; il fut fait Lieutenant de Vaisseau
le 1. Janvier 1684. Il fe trouva au bombardement
d'Alger & de Gênes. Il fut fait Capitaine des
Vaisseaux du Roy , le 10. Janvier 1687. Le 24.
Avril 1689. le Roy lui donna le Régiment de Balfigny
, Infanterie , à la tête duquel il fervit jufqu'en
1696. qu'il s'en démit. Le 23. Mai de la même
année , S. M. lui donna à la mort de fon frere , le
Marquis de Gandelu , tué à Oberkirk , le Gouvernement
du Pont- Audemer , & la Lieutenance de
Koy au Pays de Caux & au Baillage de Rouen . Il
étoit
JUIN. 1741 1245 .
étoit frere du feu Duc de Trefmes , et de feüe la
Dlle de Gefvres , dont les morts ont été annoncées
dans les Mercures de Mars 1739. p . 822. er
d'Octobre 1740. P. 2328.
Le 16. Eustache- Louis - Henri le Veneur , fecond
Cornette de la Compagnie des Chevau - Legers
Dauphins , depuis le 15. Mars 1740. et auparavant
Capitaine de Cavalerie , fils unique de Henri - Charles
le Veneur , Seigneur de Cesseville , de Creftor ,
de Bailly en Riviere, de S. Ouen et de S. Aignan, près
de Dieppe , et de D. Marie de Pardieu de Maucomble
, mourut à Paris , dans la 25. année de fon âge ,
étant né au Château de Bailly dans le Pays de Caux
le 13. Juin 1716. Il ne laiffe que des foeurs . Il étoit
neveu du Chevalier le Veneur , Commandeur de
Haute- Avéne , dont on a raporté la mort dans le
Mercure de Novembre 1740. p . 2550.
Le même jour , François - Armand le Cornier , Baron
d'Angerville - la - Martez , Seigneur de Sainte
Helene , Labbeville , S. Joüin, Tudtot, Ecretteville ,
Beaumenil , Confeiller en la Grand'- Chambre du
Parlement de Normandie , où il avoit été reçû le
27. Juillet 1693. mourut en fa Terre d'Angervillela
Martez , au Pays de Caux , dans un âge avancé .
Il étoit fils de François le Cornier, Seigneur de Saint
Jouin, de Sainte Helene, &c. qui avoit été fucceffivement
Confeiller au Parlement de Rouen en 1654.
& au Grand Confeil en 1663. & Maître des Requêtes
de l'Hôtel du Roy depuis 1667. jufqu'en 1675 .
Celui - ci étoit fils de Jacques le Cornier , Seigneur
de Sainte Helene , qui fut reçû Conſeiller au même
Parlement de Normandie en 1628. & quifut en 1662.
Commiffaire de la Chambre de Juſtice contre les
Financiers , & ensuite Confeiller d'Etat Ordinaire .
Son petit -fils qui vient de mourir , étant veuf de
D. Marie- Catherine Huë de la Trourie , fa premiere
1246 MERCURE DE FRANCE
miere femme , s'étoit remarié le 30. Septembre
1739 avec une Dlle de la famille de Bailleul, Il
faille de la premiere , Catherine - Françoife -Sufanne
le Cornier de Ste Helene , mariée le 15. Octobre
1740. avec, Louis- François - Jacques - Claude Boutren
, Seigneur de Franqueville , fon coufin germain
, Moufquetaire du Roy de la feconde Compagnie
depuis le premier Avril 1730. & Marie-
Françoife le Cornier d'Angerville , mariée en 1735 .
avec Pierre René Thomas , Confeiller- Sécretaire
du Roy , Maiſon , Couronne de France & de fes
Finances ; & de la derniere une fille , née le 18 .
Avril 1741.
Le 17. D. Petronille Vanderlinde , veuve depuis
le 13. Mai 1732. de Michel Racine , Confeiller-
Sécretaire du Roy Honoraire , Maiſon , Couronne
de France & de fes Finances , ancien Receveur Géneral
des Finances de la Géneralité d'Alençon ,
mourut à Paris , dans un âge avancé , laiffant pour
enfans , entr'autres Louis Philipe Racine d'Ormoy,
Commandeur de l'Ordre de S. Lazare , ancien Colonel
d'Infanterie ; Jean- Baptifte Racine du Jonquoy
, Receveur General des Finances de la Géneralité
d'Alençon ; Elizabeth Henriette Racine ,
époufe de Jerôme Mérault , Baron de S. Denis &
des Coudrayes , Procureur General du Grand Coafeil
; & Marie Albertine Racine , épouse de Jofeph
de Mefmes , Lieutenant Géneral des Armées du
Roy , Grand-Croix de l'Ordre de S. Louis , & Govverneur
de Guife.
Le même jour , Pierre de Badier de Verfeil ,
Gentilhomme du Diocèfe de Clermont en Auvergne
, Chevalier de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
ancien Colonel d'Infanterie , & Gouverneur du
Fort de S. André fur Salins dans le Comté de Bour
gogne , mourut à Paris dans la 80. année de for
âge.
JUIN. 1741.
1247
Le 20. D. Judith - Charlotte de Gontaut de
Biron , époufe de Claude- Alexandre , Comte de
Bonneval , ci - devant Feldt- Maréchal de Camp Géneral
des Armées de l'Empereur , avec lequel elle
. avoit été mariée le 7. Mai 1717. mourut à Paris ,
fans enfans. Elle étoit fille d'Armand - Charles de
Gontaut , Duc de Biron , Pair & Maréchal de France
, Chevalier des Ordres du Roy , Gouverneur
de Landau , & de D. Marie- Antonine Bautru de
Nogent.
Le même jour , D. Marie - Marguerite Bouzitat
de Courcelles , veuve depuis le 10. Octobre 1733.
de Benigne du Trouffet , Seigneur d'Héricourt , du
Boulay & d'Obfonville , Confeiller du Roy en fes
Confeils , Maître ordinaire en la Chambre des
Comptes de Paris , & auparavant Tréforier de France
à Metz , Intendant des Maiſon & Affaires , &
Sécretaire des Commandemens du feu Comte de
Toulouſe , auffi Sécretaire Géneral de la Marine ,
avec lequel elle avoit été mariée au mois de Janvier
1690. iourut à Paris , dans la Communauté des
Miramiones , où elle s'étoit retirée , âgée d'environ
73. ans. Elle étoit fille de feu Pierre Bouzitat , Seigneur
de Courcelles , Controlleur ordinaire de la
Maifon du Roy , & de Marie Picard , morte le 19.
Mai 1695. Elle laiffe pour enfans Benigne- Jerôme
du Trouffet d'Héricourt , Chevalier de l'Ordre de
S., Lazare du 31. Mars 1721. Intendant des Galeres
à Marfeille depuis 1729. & auparavant Commiffaire
Géneral de la Marine ; François- Benigne du
Trouffet d'Héricourt , Abbé Commandataire des
Abbayes de S. Michel de Tonnerre , & de S Martin
de Molôme , O. S..B . Dioc . de Langres , Grand
Prevôt de Chablis , Prieur de N. D de Franchevaux
, Diocèfe de Sens , & Confeiller Clerc au Parlement
de Paris , à la 4º des Enquêtes , où il a été
I. Vol. I reçû
1
248 MERCURE DE FRANCE
reçû le 19. Juillet 1730 Charles du Trouffet d'Obfonville
. Enfeigne en premier au Régiment des
Gardes Françoiles, où il fert depuis 1728. Deux filles,
Religieufes aux Filles de Ste Marie à S. Denis ,& Marie
- Elizabeth du Trouffet d'Héricourt, mariée le 15.
Juillet 1733. avec Hilarion de Roux , Seigneur de
Bonneval & de la Farre , ci - devant Capitaine dans
le Régiment du Roy , Infanterie. Feu Louis -Benigne
du Trouffet d'Héricourt , Chevalier de l'Ordre
Militaire de S. Louis , Enfeigne de Vaiffeaux du
Roy , & Lieutenant pour S. M. au Cap François ,
Côte de S. Domingue , mort à Paris le Avril
1738. âgé de 45. ans , étoit fecond fils de la D.
qui vient de mourir. Il avoit époulé Adrienne - Perrine
Elizabeth de Breda , dont le pere étoit Lieutenant
de Roy , Commandant du Port de Paix dans
l'Amérique. Il en a laiffé des enfans .
3.
Le 22. D. Marie - Anne - Catherine d'Eftrées ,
veuve depuis le 12. Mai 1721. de Michel- François
le Tellier , Marquis de Courtanvaux , de Villequier
& de Creuzy , Comte de Tonnerre & de la Ferté-
Gaucher , Baron de Montmirel , d'Ancy - le - Franc ,
&c. Capitaine Colonel de la Compagnie des 100 .
Suiffes de la Garde ordinaire du Corps du Roy ,
avec lequel elle avoit été mariée le 28. Novembre
1691. mourut à Paris , âgée de 78. ans . Elle étoit
fille de Jean d'Eftrées , Comte de Nanteuil & de
Tourpes , Maréchal & Vice - Amiral de France
Chevalier des Ordres du Roy , Viceroi de l'Amérique
, Gouverneur de Nantes & du Pays & Comté
Nantois , mort le 19. Mars 1707. & de Marie-
Marguerite Morin , morte le 15. Mai 1714. Elle
avoit eu pour enfans Louis le Tellier , Chevalier de
Courtanvaux , mort le 7. Octobre 1709. dans la
11. année de fon âge ; Louis Cefar le Tellier , aujourd'hui
Comte d'Eftrées , connu ci - devant fous
•
le
JUIN.
1741 1243
ICO.
le titre de Marquis de Courtanvaux , Maréchal de
Camp des Armées du Roy du 24. Fevrier 1738. &
marié le 26. Mai 1739. avec la Dlle de Champagne
de Villaines ; Anne - Sabine- Félicité le Tellier
de Courtanvaux , Religieufe à N. Dame de Soiffons
, & François Macé le Tellier , Marquis de Louvois
, qui étoit l'aîné , & Colonel du Régiment .
d'Anjou , Infanterie , & Capitaine - Colonel de la
Compagnie des ico. Suiffes de la Garde du Roy ,
mort dans la 26. année de fon âge , le 24. Septembre
1719. Celui- ci avoit été marié le 1o. Mars
1716. avec Anne- Loüife de Noailles , aujourd'hui
femme en fecondes nôces de Jacques Hipolite
Marquis Mancini, & mere de François- Michel - Cefar
le Tellier , Marquis de Courtanvaux , de Villequier
& de Creuzy , Comte de Tonnerre & de la
Ferté- Gaucher , Baron de Montmirel & d'Ancy- le-
Franc , Capitaine - Colonel de la Compagnie des
100. Suiffes de la Garde du Roy , & Colonel- Lieutenant
du Régiment Royal Infanterie , du 15.
Mars 1740. veuf de Loüife Antonine de Gontault-
Biron , dont la mort eft raportée dans le Mercure
de Juin 1737. vol . 2. p. 1459.
Le 23. D. Helene . Genevieve Baftonneau , veu
ve depuis le 11. Fevrier 1730. de Gabriel de la
Porte , Confeiller & Doyen du Parlement de Paris
, avec lequel elle avoit été mariée au mois de
Novembre 1673. mourut à Paris , âgée d'environ
84. ans , ayant eu pour enfans Gabriel- Nicolas de
la Porte , Confeiller au Parlement de Paris , mort
Lans alliance , âgé de 33. ans , le 25. Janvier
1709. & Marguerite -Françoife de la Porte , premiere
femme de Nicolas de Pleurre , Seigneur de
Romilly , Confeiller Honoraire de la Grand Chambre
du Parlement de Paris , morte âgée de 32. ans,
le 15. Avril 1713. laillant pofterité.
Tij Le
1256 MERCURE DE FRANCE
Le même jour , D. Marie- Angelique Pecquot ;'
veuve depuis le mois de Septembre 1737. d'Antoine
Huet , Seigneur d'Ambrun , Chevalier de
l'Ordre Militaire de S. Louis , Meftre de Camp de
Cavalerie , avec lequel elle avoit été mariée le 10,
Septembre 1725. mourut à Paris , dans la 38. année
de fon âge , étant née le 7. Fevrier 1703. Elle
laiffe 4. ou 5. enfans. Elle étoit fille de feu Pierre
Pecquot , Seigneur de S. Maurice , mort Confeiller
Honoraire en la Grand' -Chambre du Parlement
de Paris , le 26. Avril 1735. & de D. Marie- Claude
Dappougny , fa veuve.
Le même jour , Etienne- Jofeph de la Fare , Evêque
& Duc de Laon , Pair de France , Comte d'Anily
, Abbé Commandataire de l'Abbaye de S. Nicolas
des Prés , fous Ribemont , O. S. B. en fon
Diocèfe , mourut au Château de Lechelles près de
Guiſe , dans la so. année de fon âge. Il avoit été
d'abord Vicaire Géneral du Diocèfe de Soiffons.
Il fut nommé le 5. Fevrier 1723. à l'Evêché de Viviers
, Suffragant de Vienne , qui fut préconisé pour
lui à Rome le 12. Mai fuivant. Il donna en même
tems fa démiffion des Abbayes de S. Barthelemi de
Noyon , O. S. A. & de Mortemer , O. Cit . Dioc.
de Rouen , qu'il avoit obtenuës les 23. Octobre
1717. & 8. Janvier 1721. n'ayant pas encore fes
Bulles pour l'Evêché de Viviers. Il fut tranferé au'
mois de Novembre de la même année 1723. à celui
de Laon , qui fut préconifé & propofé pour lui
à Rome les 12. Janvier & 12. Juin 1724. Il fut facré
le 25. Juillet dans la Chapelle du Séminaire de
S. Sulpice par l'Evêque de Soiffons , affifté des Evêques
d'Avranches & d'Aleth , & le 5. Août il prêta
ferment de fidelité entre les mains du Roy . Il prit
féance au Parlement de Paris en qualité de Pair de .
France , après avoir fait le ferment accoûtumé le
2200
JUIN. 1741. 125
22. Janvier 1725. & il affifta en qualité de Député
de la Province de Rheims à l'Aflemblée Générale
du Clergé de France , tenue à Paris extraordinairement
en 1726. L'Abbaye de S. Nicolas fous Ribemont
lui fut donnée en 1728. Il étoit fecond fils de
Charles- Augufte de la Fare , Comte de Laugere ,
Baron de Balazuc , Seigneur de Mirandol , d'Arlande
, de Valgorge , de Grace , &c. Capitaine des
Gardes du Corps de Philipes fils & petit - fils de
France , Ducs d'Orléans , mort le 29. Mai 1712 .
& de Louife-Jeanne de Lux de Ventelet , morte le
28. Decembre 1691 .
Le 24. Antoine -François de Pardaillan de Gondrin
, Marquis d'Antin , Vice - Amiral de France du
Ponant , & Lieutenant Géneral pour le Roy au
Gouvernement de la Haute & Baffe Alface , mourut
à Breft , en Baffe- Bretagne , dans la 32. année de
fon âge , étant né le 10 Novembre 1769. Il avoit
commencé à fervir fur Mer en qualité de Garde-
Marine dans l'Efcadre commandée par le feu Marquis
d'O , Lieutenant Géneral en 1727. & il fut
fait Lieutenant de Vaiffeau au mois d'Avril 1729 .
à fon retour de Conftantinople , dont il avoit fait
le voyage
fur le Vaiffeau qui y avoit conduit l'Ambaffadeur
de France. Il fut pourvû le 21. Avril 17 31.
de la Charge de Vice- Amiral du Ponant , pour laquelle
il prêta ferment entre les mains du Roy le
29. du même mois , ce fut à la charge de fervir fucceflivement
en qualité de Capitaine de Vaiffeau , de
Chef d'Efcadre & de Lieutenant, Géneral. Il eut en
1737. & 1738. le commandement d'une Efcadre de
Vaiffeaux fur les Côtes de Barbarie . Il commanda
en 1739. celle qui fut envoyée dans la Mer du
Nord , & en 1740. il eut le commandement des
Efcadres qui furent envoyées en Amérique. Il venoit
de rentrer avec cette Efcadre dans le Port de
I iij Breft
1152 MERCURE DE FRANCE
Breft. Il étoit fecond fils de Louis de Pardaillan
Marquis de Gondrin , Colonel d'un Régiment d'Infanterie
, & Brigadier des Armées du Roy , mort le
5. Fevrier 1712 dans la 24. année de fon âge , &
de Marie- Victoire- Sophie de Noailles , aujourd'hui
veuve en fecondes nôces de Louis - Alexandre de
Bourbon , légitimé de France , Comte de Toulouſe.
Le Marquis d'Antin avoit époufé au mois d'Avril
1737. Dlle ...... de Carbonnel de Canify
née en 1725. fille unique & feule héritiere de René
Anne de Carbonnel , Comte de Canify , Marquis
de la Paluelle , Lieutenant de Roy en Bafle- Normandie
, Gouverneur des Ville & Château d'Avranches
, Brigadier des Armées de S M. Sɔû-
Lieutenant de la Compagnie des Chevau - Legers
de la Reine , mort en 1716. & de There fe- Eleonore
Gueftre de Piéval morte le 6. Decembre
1727. Il la laiffe veuve fans enfans.
Le premier Mai D Magdeleine Sabine de la Tour
de Gouvernet , Veuve depuis le 26. Septembre 1705 .
de Charles de Grolée , Comte de Viriville , Goч-
verneur de la Ville & Citadelle de Montelimard, en
Dauphiné , ci- devant Capitaine - Lieutenant de la
Compagnie des Gendarmes de Berri , mourut à Paris
, âgée d'environ 75 ans , laiffant deux fiiles ,
qui font Jeanne- Anne - Magdeleine de Gro ée ,
veuve de François Olivier , Seigneur de Senozan
& du Marquifat de Rofny , Chevalier de l'Ordre
du Roy , Intendant Géneral des Affaires temporelles
du Clergé de France , dont elle a des enfans
& Françoife - Sabine de Grolée , mariée le 19 Avril
1718. avec Etienne Louis de Laubefpine , Marquis
de Verderonne & de Beaurouit , ci devant Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Anglois , qui n'ont point d'enfans . Elle avoit eu
an fils , qui étoit Claude - François de Grolée ,
Comte
JUIN. 1741. 1253
Comte de Viriville , Gouverneur de Montelimard
après fon pere , & mort le 12. Août 1714 à l'âge
de 22. ans , fans avoir été marié La Comteſſe de
Viriville , qui vient de mourir , étoit fille de Charles
de la Tour , Marquis de Gouvernet , & d'Eſther
Hervart , fa veuve , morte en Angleterre le is .
Juillet 1722. âgée de 86. ans .
Le deux , mourut à Paris , âgé de 76. ans ,
Michel de Rothe , Lieutenant Géneral des Armées
du Roy , & Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis Il étoit né le 29. Septembre
166. à Kilkenny , en Irlande , de la famille des Rothe
de Kilcreene , une des plus anciennes & des
plus confidérables de la Comté de Kilkenny. Dès
que le Roy Jacques II . eut permis aux Catholiques
d'Irlande de fervir , il entra au mois d'Avrib
1687. en qualité d'enfeigne dans le Régiment des
Gardes de ce Prince , dont le Comte d'Offery & le
Duc d'Ormond furent en ces tems-là fucceffivement
Colonels. En moins de cinq ans , vi de Rothe
, après avoir paffé rapidement par les grades de
Lieutenant , de Capitaine , de Major , fe trouva
Lieutenant- Colonel de ce Régiment , & pafla avec
lui en France en cette qualité , après la Capitulation
de Limerick. Il s'étoit trouvé aux deux Siéges
de cette Place , aux Batailles d'Aghrim & de la
Boyne , & à toutes les actions confidérables de la
Guerre d'Irlande , où il avoit fait , pendant quelque
tems , les fonctions d'Ajudant & de Major Géneral
de l'Infanterie , & y avoit acquis à l'âge de
27. ans la réputation d'un excellent Officier . Il ne
la perdit pas en France . Il fe diftingua avec tant
d'éclat à la tête des Gardes Irlandoifes à la Bataille
de Nervinde , que le Prince de Conty & le Maréchal
de Luxembourg vinrent lui en marquer
fatisfaction à la tête de ce Régiment . Le Prince de
Iiiij Conty
leur
$254 MERCURE DE FRANCE
Conty l'honofa toujours depuis d'une eftime & d'ane
protection dont il lui donna les marques les
plus fingulieres & les plus flateufes . Le Roy ayant
pris à fon fervice les Troupes Irlandoifes après la
Paix de Ryfwick , M. de Rothe eut un Brevet de
Colonel en 1702. & fut fait Brigadier en 1706 .
Lorfque notre Armée marcha vers Malplaquet au
mois de Septembre 1709. il avoit été forcé de ſe
retirer à Valenciennes , ou une fiévre violente le retenoit
, i foupçonna qu'on en viendroit aux mains,
& malgré tout ce qu'on pût faire pour l'empêcher
de fortir , il fe rendit à l'Armée & y arriva dans le
tems où l'action venoit de commencer ; il chargea
trois fois les Ennemis à la tête de la Brigade d'Infanterie
Irlandoife qu'il commandoit renverfa tout
ce qui le préfenta devant lui , pourſuivit les Ennemis
bien avant dans le Bois de Sars , prit des Drapeaux
, fit des Prifonniers , &c. Il fut chargé enfuite
par le Maréchal de Puyfegur , alors Lieute Canarsi
de baire avec få Brigade feule la retraite
de la gauche où elle fe trouvoit . I refta jufque
bien avant dans la nuit en Bataille fur la Treuille
, & n'arriva que le lendemain matin proche Va
lenciennes ,où là gauche s'étoit retirée dès la veille.
Sans qu'on l'eût mis fur la Lifte , le Roy le nomma
Maréchal de Camp à la Promotion du mois de Mars
fuivant , préferablement à trente fep Brigadiers qui
étoient les anciens . On P'envoya la même année à
Béthune , lorfqu'on prévit que les Ennemis en feroient
le Siége. M. Dupuy- Vauban Lieutenant
Géneral & Gouverneur de Béthune étoit alors malade
, & fa maladie dura pendant le tems du Siége .
Tout le foin de la défenſe roula fur M de Rothe ,
avec une Garnifon foible & des Fo tifications en
mauvais état . Les Ennemis qui croyoient emporter
Béthune en moins de quinze jours , ne l'eurent
namt
qu'en
JUIN. 1741 1255
qu'en 39. jours de tranchée ouverte , & furent obligés
d'augmenter à deux reprifes les troupes qui formoient
le fiége : au fortir de- là il eut 3000. livres
de penfion , & un Brevet pour la premiere place
vacante de Commandeur de l'Ordre de S. Louis. Il
fut fait Lieutenant Géneral au mois de Mars 1720,
il commanda en Languedoc les trois années fuivantes
, & cette Province dût fon falut aux foins qu'il
prit pour la garantir & la délivrer de la contagion
qui fit alors tant de ravages. Les Lettres des Maréchaux
de Villars & de Berwick qu'on a trouvées
parmi les Papiers , fourniffent des preuves de la
confiance & de l'eftime finguliere qu'avoient pour
lui ces deux grands Hommes. Il avoit épousé en
1710. Catherine Midleton , fille du Comte de Midleton
, Miniftre & Secretaire d'Etat de Jacques II.
Roy d'Angleterre . Il laiffe d'elle un fils unique ,
Colonel d'un Régiment d'infanterie Irlandoife au
fervice du Roy.
Le 5. Jacques de Bannes , Marquis d'Avejan
, fecond Enfeigne de la premiere Compagnie
des Moufquetaires de la Garde du Roy , mourut au
Château de Mermouffe près de Dreux , âgé de 12 .
aus , & fans avoir été marié , laiffant une four fon
aînée , fon unique héritiere . Il étoit entré dans la
premiere Compagnie des Moufquetaires en qualité
de fecond Cornette au mois d'Octobre 1734. il
monta à la premiere Cornette au mois de janvier
1737. & devint fecond Enfeigne le premier Juillet
1738. Il étoit fils de feu Louis de Banues , Comte
d'Avejan , Baron de Feirerolles , Seigneur de la
Nuege , de Langerolles , de Montjardin , de Nogent-
lez - Vierges , &c. Baron des Etats de Languedoc
, Lieutenant Géneral des Armées du Roy , &
Capitaine- Lieutenant de la premiere Compagnie
des Moufquetaires de S. M. dont la mort eft ra-
Iv portée A
256 MERCURE DE FRANCE
-portée dans le Mercure du mois de Juin 1738. F
Vol. p. 1222. & de Dame Marie- Angelique du
Four de Nogent , fa veuve.
Le même jour D. Françoile de Roquelaure , veuve
depuis le 10. Août 1738. de Louis Bretagne de
Rohan Chabot , Duc de Rohan , Pair de France
Prince de Leon , Comte de Porrhoët & de Moret,
Marquis de Blain , de Montlieu & de S. Aulaye
avec lequel elle avoit éte mariée le 29. Mai 1708 .
mourut à Toulouſe , âgée d'environ 58. ans . Elle
étoit fille aînée du feu Maréchal Duc de Roquelaure
, dont la mort eſt raportée dans le Mercure
de Mai 1733. p. 1028. & de D. Marie- Louife de
Laval- Montmorency , dont la mort eft inferée
dans le Mercure de Mars 173. p. 6.14 . On a fait
mention des enfans de cette Dame dans le Mercure
d'Août 1738. en raportant la mort du feu Prin-
.ce de Leon fon mari , p. 1876. Elle avoit marié
depuis les deux dernieres filles ; l'une , au Cointe
de Lautrec , comme on peut le voir dans le Mercure
de Mars 1739. p . 619. & l'autre nommée Charlotte-
Felicité - Antoinette de Rohan - Chabot , le 28
Septembre de la même année 1729. avec D... de
Los Rios , Comte de Fernan Nunez , Grand d'Efpagne
& General des Galeres de cette Monarchie.
Le 9. Jean-François le Pileur- d'Apligny , Ecuyer,
mourut dans la 89. année de fon âge ayant été
baptifé le 3. Octobre 1652. Il étoit fecond fils de
-Jean le Pileur fieur de Grand - beaune , Confeiller
du Roy Correcteur en fa Chambre des Comptes
à Paris , & Maître des Requêtes de la feuë Reine
Mere Anne d'Autriche , mort le 27. Avril 1657. &
-de Catherine Heudcbert du Buiffon , foeur de Nicolas
Heudebert , Seigneur du Buiffon , Maître
des Requês ordinaire de l'Hôtel du Roy , puis
Intendant des Finances , décedé au mois d'Octobra
JUIN. 1741.
1257
bre 1715. Il avoit époufé le'4 . Avril 1723. D. Magdeleine-
Therefe Mufnier de Mauroy , fa Coufine.
iffuë de Germain , fille de Pierre Mufnier , Sieur
de Mauroy & de Saint- Auguftin , Confeiller du
Roy , Correcteur en fa Chambre des Comptes à
Paris , & d'Anne le Pileur , ( Coufine germaine da
même fieur d'Apligny ) & fille de Thomas le Pileur
, Confeiller du Roy , Auditeur en fa Chambre
des Comptes à Paris , ( frere puîné de Jean le Pileur
, Sieur de Grand- beaune ) & d'Anne l'Empereur
, niéce de Françoife Marchant , premiere femme
de Louis Boucherat , Chevalier , Maître des
Requêtes , puis Chancelier de France , mort le 2.
Septembre 1699. Il la laiffe veuve , & mere d'Henri-
Auguftin le Pileur , né le 15. Fév. 1728. & de Jeanne
Magdeleine le Pileur , née le 4. Septembre 1716.
M. d'Apligny étoit frere entre autres de Henri-
Auguftin le Pileur , Abbé de Bonnevaux , Ordre de
Citeaux au Diocèfe de Vienne en Dauphiné , & de
l'Abbaye d'Efpérnay en Champagne , Ordre de S.
Auguftin , Diocèfe de Rheims , nommé le 5. Avrik
1711. à l'Evêché de Saintes , & dont il donna au
Roy fa démiffion au mois de Janvier 1716. mortle
25. Avril 1726. de D. Catherine le Pileur , morte,
le 1. Mars 1728. âgée d'environ 77. ans , Veuve
de Charles Paviot , Seigneur de Muffegros , de Bezu-
la-Foreft , du Mefnil fous Verqueville & c . Confeiller
du Roy , fon Procureur General en fa Cour
des Comptes , Aides & Finances de Normandie
& de D. Marie le Pileur , Prieure du Prieuré de S.
Jacques d'Andeli , nommée au mois de Janvier
1713. Abbeffe du Monaftere de Notre- Dame de
Meaux , Ordre de S. Auguftin. Il avoit aufli pour
neveu Auguftin le Pileur , Seigneur de Brevannes
actuellement Confeiller au Parlement de Paris ,
la Seconde Chambre des Enquêtes , où il fut re-
"
&
B. vi
1258 MERCURE DE FRANCE
çû le 15. Juillet 1718. & pour niece feuë D. Marie-
Anne- Catherine le Pileur , mariée 1 ° . le 3,
Février 1717. avec Charles- Hiacinthe Paviot , Seigneur
du Bouillon , & c. Confeiller du Roy & fon
Procureur Géneral au Parlement de Rouen ; 220. en
1727. avec Louis - Guillaume Faure , Seigneur de
S. Gengoult , morte fans enfans le 20. Novembre
1738. âgée d'environ 40 ans .
Outre les alliances ci - deſſus énoncées , MM . le
Pileur en ont encore de directes avec MM . Aimerer
-de- Gazeau , Maling: e , Poncet , Portail , & c .
Le 15. D. Marie- Gabrielle d'Audibert de Luſſan,
Ducheffe de Melfort , mourut au Château de Saint
Germain en Laye , âgée d'environ 66. ans . Elle
étoit fille unique de Jean d'Audibert , Comte de
Lussan , Baron de Valrofe Chevalier des Ordres
du Roy , de la promotion du 31. Décembre 1688 .
& Premier Gentilhomme de la Chambre du Prince
de Condé , mort au mois de Février 1712. & de
Marie -Françoife Raymond , D. de Brignon , de
Senillac & de Rozieres , morte le 8. Octobre 1716 .
Elle avoit été mariée 1 °. le 20. Juillet 1700. avec
Henri- Fitz-James , Duc d'Albemarle , Pair de la Grande
Bretagne , Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere,
Lieutenant Generalides Armées Navales de France,
mort à l'âge de 30. ans le 27. Décembre 1702. lequel
étoit fils naturel de Jacques II . Roy de la
Grande Bretagne ; & en dernier lieu Jean Drummond
, Duc de Melfort , auffi Pair de la Grande
Bretagne ; elle avoit eu du Duc d'Albemarle une
fille qui a été Religieufe .
Le 16. Louis- Antoine Armand, Duc de Gramont
Pair de France, Souverain de Bidache , Sire de Lefparre,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral
de fes Armées , Colonel du Régiment de fes
Gardes Françoiſes , Gouverneur & Lieutenant Géneral
JUIN. 1741 1259
1
neral pour Sa Majefté en fes Royaume de Navarre
, & Province de Bearn , Gouverneur particulier
de la Ville , Citadelle & Châteaux de Bayonne , &
Pays adjacens , & de la Citadelle de S. Jean Pié de
Port , mourut à Paris dans la 54. année de fon âge
étant né le zo . Mars 1688. Le Duc de Gramont
commenç fort jeune à fervir , s'étant trouvé le
19. Juin 1703 au Combat d'Eckeren en Flandres,
où il fuivit fon pere , alors Duc de Guiche , dans
le plus grand péril de cette action . Il fut fait Colonel
d'un Régiment d'Infanterie portant fon nom au
mois d'Aout 1705. il eut au inois de Décembre
1710. celui de Piémont ; ayant atteint l'âge de 25 .
ans,il prêta ferment, & prit féance au Parlement de
Paris en qualité de Pair de France le 6. Avril 1713.
fon pere s'étant démis en fa faveur de fon Duché dès
le mois de Mars 1710. Il fut reçû Colonel du Régi ,
ment des Gardes en furvivance le 17. Janvier 1717.
& fait Brigadier d'Infanterie le 1. Octobre 1718 .
il obtint encore le 25. Octobre 1720. la furvivance
des Gouvernemens dont le Duc fon pere étoit
revêtu , & auxquels il fuccéda par fa mort le 16.
Septembre 1725. Il fut nommé à P'Ordre du Saint
Efprit le 2. Février 1728. & il en reçût la Croix &
le Cordon le 16. Mai fuivant. Il avoit été fait Maréchal
de Camp le 27. Avril 1727. il fut fait Lieutenant
Géneral à la promotion du I. Août 1734.
qui ne fût déclarée que le 20. Octobre fuivant , &
il fut employé en cette qualité dans l'Armée d'Allemagne
pendant la Campagne de 1735. Il étoit fils
aîné de feu Antoine Duc de Gramont , Pair & Maréchal
de France , Colonel du Régiment des Gardes
Françoiſes , Gouverneur & Lieutenant General
de Navarre & Bearn Gouverneur particulier des
Ville , Citadelle , & Châteaux de Bayonne & Pays ,
adjacens , & de S. Jean Pié de Port , mort auffi dans
,
la
1260 MERCURE DE FRANCE
>
Ja 54. année de fon âge , le 16. Septembre 1725.
& de D. Marie- Chriftine de Noailles , aujourd'hui
fa veuve , dont la mere Marie- Françoiſe de Bournonville
Maréchale & Duchesse Douairiere de
Noailles eft actuellement vivante . Le Duc de Gramont
qui vient de mourir avoit été marié le 3 .
Mars 1710 avec Louife Françoife d'Aumont de
Crevant d'Humieres , fille unique & feule préfomptive
heritiere de Louis-François d'Aumont , Duc
d'Humieres , Marquis de Chappes , Gouverneur
du Pays Boulonnois , de Boulogne , Tour d'Ordre,
Eftaples , & Fort de Monthulin , auffi Gouverneur
de Compiegne , & Lieutenant Géneral des Armées
du Roy , & de D. Anne Louife . Julie de Crevant
d'Humieres : il en a eu 2 fils qui font morts en bas
âge , & deux filles , dont l'aînée Marie- Louife- Vitoire
de Gramont , née le 26. Juillet 1723. a été
mariée le 2. Mars 1739 avec ... de Gramont
, Duc de Lefparre né en 1722. fon couſin
germain , alors Capitaine au Régiment des Gardes
Françoifes , depuis fait Colonel du Régiment de
Bourbonnois le 15. Mars 1740. & la cadette, Louife
-Charlotte de Gramont née le 11. Juillet 1725.
a été mariée le 3. Février 1740 avec . .... de
Lorraine Comte de Brionne , né au mois de Septembre
1725. Gentilhomme à Drapeau dans le Régiment
des Gardes Françoifes , & Gouverneur de
la Province d'Anjou , & de la Ville d'Angers . Le-
Duc de Gramont étant décedé fans enfans mâles ,
le Titre de Duc & Pair paffe à Louis Comte de
Gramont fon Frere , né le 29 Mai 1689. Chevalier
des Ordres du Roy , & Lieutenant Géneral de
fe s Armées .
Le nommé Arnauld Sabathier , Tifferand , eft
mort dans la Paroiffe de Vidaillan en Aftarac , Gé
aéralité d'Auch , âgé de 104. ans.
JUIN. 1741: 1281
Le 21. Avril il est née une fille à Louis- François
Jofeph de Pardieu Comte d'Aveménil, de fon mariage
avec D. Gabrielle - Elizabeth de Beauvau , laquelle
a eu pour Parain & Maraine Jacques Tanneguy
le Veneur , Marquis de Tillieres , Capitaine
des Gendarmes Dauphins , & Brigadier des Armées
du Roy , & D. Elizabeth - Charlotte- Candide de
Brancas - Villars , Epoufe de Louis de Brancas des
Comtes de Forcalquier , Marquis de Cerefte , Max
réchal de France , Grand d'Eſpagne , Chevalier des
Ordres du Roy , & Commandant en Chef pour
M. dans la Province & Duché de Bretagne .
S..
Le 22. D. Marie- Anne d'Efcars , Eponſe de Jacques
François de Sales d'Hautefort , Marquis de S.
Chamant , Baron d'Enval , la Chaffaigne ,Cornil , S.
Bonnet, S.Pardoux , Farges, Monceaux , accoucha ea
fon Château de S. Chamant dans le bas Limofin ,
Diocèle de Tulles , d'une fille fon premier enfant ,
après 12. ans de mariage , ayant été mariée le 27 .
Février 1729. comme on l'a remarqué dans le Mer.
cure de Mai 1735 en raportant la mort de la Marquife
d'Elcars la mere , p . 1018.
Le 11. Mai D. Elizabeth-Loüife Duché , mariée
le 29. Mars 1740. avec Jacques Bertrand de Scepeaux
, Marquis de Beaupreau , Lieutenant Géneral
pour le Roy au Gouvernement de la Province
d'Anjou Ville de Saumur , & Pays Saumurois , Co-
Jonel du Régiment Lionnois , Infanterie , accoucha
à Paris d'un fille fon premier enfant.
Le s . Juin Charles Henri- Jules Comte de Cler
mont-Tonnerre , Meftre de Camp d'un Régiment
de Cavalerie , fils de Gafpard de Clermont - Tonnerre
, Marquis de Clermont & de Vauvillers ,
Comte d'Epinac , Thury & autres Lieux , Chevalier
des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral de ſes.
Armées
1262 MERCURE DE FRANCE
Armées , Mestre de Camp Géneral de la Cavalerie
de France , & Gouverneur des Ville & Château de
Béfort , & d'Antoinette Pottier de Novion , épou
fa Marie Anne Julie le Tonnellier Breteüil , fille
de François- Victor le Tonnellier- Breteul , Marquis
de fontenay - Trefigny , Sire de Villebert , Bafon
de Boitron , Seigneur des Chapelles- Breteuil ,
Dumefnil-Chaffemartin , Palaiſeau,& autres Lieux ,
Commandeur des Ordres du Roy , Chancelier de
la Reine , Miniftre & Secretaire d'Etat , ayant le
Département de la Guerre.
Ce Mariage fut célebré à l'Hôtel de ce Miniftre
par M. l'Archevêque de Sens , en préſence du
Curé de S. Euftache .
La Maiſon de Tonnerre eft fi Illuftre & fi connuë
, & on a eu tant d'occaſions de parler de celle
de Breteuil , qu'il a paru inutile d'en raporter ici
les Génealogies .
į į ƒ ş į į į į į į ! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! !
ARRESTS NOTABLES.
SEN
ENTENCE du 7. Octobre 1738. renduë
par Mrs les Prévôt des Marchands & Echevins
de la Ville de Paris , en faveur des Officiers Juvés-
Crieurs , qui fait défenſes à Pierre - François Moullé,
Marchand Fripier , & tous autres Fripiers , de s'immifcer
dans l'arrangement des Céremonies Funebres
, ni faire aucunes fournitures de Manteaux , &
autres , fervant aux dites Céremonies , conformé .
ment aux Ordonnances & Tarif à ce sujet , & qui
le condamne en dix livres d'amende & aux dépens.
ARREST de la Cour du Parlement , du 28.
Avril
JUIN. 1741.
1265
Avril 1741. confirmatif de la Sentence ci- deffus ,
avec amendes & dépens , tant contre ledit Moullé
que contre les Syndic & Jurés en Charge de la
Communauté des Maîtres & Marchands Fripiers ,
qui avoient auffi interjetté Apel de ladite Sentence ,
& pris le fait & caufe dudit Moullé , lequel Arrêt
permet de le faire imprimer , & porte qu'il fera
tranſcrit dans les Registres des deux Communautés.
Par le même Arrêt il eft dit ce qui fuit,
Notredite Cour faifant droit für le tout, fans s'ara
rêter aux demandes de Pierre François Moullé , ni
aux interventions & demandes des Jurés & Communauté
des Fripiers de Paris , portées par Requê→
tes des 26. Novembre , premier Decembre 1738.
9. Fevrier & 26. Avril 1740. dont ils font déboutés,
ayant aucunement égard à la demande des Syndic
& Communauté des Jurés Crieurs , portée par Requête
du 24. Novembre 1738. a mis & met les
Apellations au néant ; ordonne que ce dont a été
apellé fortira fon plein & entier effet ; condamne
edit Moullé & les Jurés & Communauté des Fripiers
és amendes de 12. livres , & chacun à leur
égard en tous les dépens des Caufes d'apel , intervention
& demandes envers les Syndic & Communauté
des Jarés Crieurs ; & fera le preſent Arrêt im
primé & tranfcrit fur les Regiftres des deux Communautés
. Mandons mettre le préfent Arrêt à execution,
felon la forme & teneur : De ce faire te donnons
tout pouvoir. Donné en notre Cour de Par
lement le 28. Avril 1741. & de notre Regne le 26.
Collationné. Signé , le Seigneur . Par la Chambre ,
Dufranc.
DECLARATION DU ROY , du 31. Janvier ,
qui renouvelle les défenfes faites aux nouveaux
Convertis de vendre leurs biens pendant le tems
1264 MERCURE DE FRANCE
de trois ans. Registrée en Parlement le 17. Fes
vrier 1741 .
ARREST du 22. Fevrier , qui ordonne la fupresfon
d'un Livre , &c . par lequel le Roy étant en fon
Confeil , de l'avis de M. le Chancelier a ordonné
& ordonne que le Lrofe i titulé : Mſſel Romain ſelon
le Reglement du Concile de Trente ,
traduit en
François , nouvel: Elition , à Sainte -Menehould ,
chés de Liege , 1737. fera & demeurera fuprimé ;
ordonne Sa Majesté que les Exemplaires du Livre ,
fa fis , tant chés de Liege à Verdun , que chés Savoye
à Paris , feront confifqués & mis au pilon ;
fçavor , ceux qui ont été fafis à Veriun , en préfence
des Imprimeurs & Libraires de la Ville , qui
feront à cet effet convoqués extraordinairement par
le Lieutenant de Géneral de Police ; & ceux qui
ont été faifis chés Savoye, en la Chambre Syndicale
de la Ville de Paris , à la diligence des Officiers de
la Chambre : Révoque & annuile Sa Majefté , la per
miffion qu'elle avoit accordée à de Liege , d'exercer
l'Art de l'imprimerie dans la Ville de Verdun.
& lui fait défenfes de s'en fervir à l'avenir . Enjoint
au fieur de Creil , Intendant & Commiffaire départi
dans la Generalité de Metz , de tenir la main
à l'execution de l'Arrêt , &c .
DECLARATION du Roy, qui proroge jufqu'an
dernier Decembre 1741. la repréfentation des Titres
à la Chambre des Comptes . Donnée à Verſailles
le 14. Mars. Regiftrée en la Chambre des
Comptes le 23.
ORDONNANCE du 27. de S. E. M. le Cardinal
de Fleury , Miniftre d'Etat , Grand Aumônier de la
Reine, Grand -Maître & Sur -Intendant Géneral des
Couriers ,
JUI N. 1741 . 1265
Couriers , Poftes & Relais de France , par laquelle
il est dit ce qui fuit.
Ayant confideré combien il eft important au fervice
du Roy & au bien du Public , de procurer la
diligence & la fûreté des Malles portant les dépêches
du Roy & celles du Public , de Paris à Strasbourg
, & de Strasbourg à Paris , par la route de
Rheims , Chaalons , Verdun , Metz & Vic , Nous
croyons ne pouvoir rien faire de plus avantageux ,
que d'etablir fix grands Couriers pour ce ſervice ,
ainfi & de la même maniere que Nous les avions
établis dans l'année 1734. par notre Ordonnance
du 11. Mars de la même année ; à l'effet de quoi
Nous avons ordonné & ordonnons , qu'à commencer
du 15. Avril prochain le fervice des Malles de
Strasbourg par la route de Chaalons , Verdun , Metz
& Vic , fera fait par les Maîtres de Pofte trois fois
la femaine en allant , & trois fois la femaine en revenant.
Pourquoi Nous enjoignons aux Maîtres de
Pofte de fournir chacun trois chevaux chaque ordinaire
d'aller , & autant chaque ordinaire de retour
aux Couriers de Paris à Strasbourg, & de Strasbourg
à Paris , & c.
P
AUTRE du Roy du 18. Avril , qui renouvelle les
défenfes des Jeux prohibés , dont la teneur fuit.
S. M étant informée que l'inéxécution de fes
Ordonnances concernant les Jeux de hazard ,
donné lieu à un fi grand nombre d'abus , que depuis
quelques années il s'eſt établi de ces fortes de
jeux dans tous les quartiers , & même dans prefque
toutes les rues de Paris : le mal a été porté fi
loin , que des Aprentifs , des Garçons de Boutique
& des Domeftiques , après avoir perdu l'argent qui
leur avoit été confié , ou qu'ils avoient volé à leurs
Maîtres , fe font livrés au défeſpoir , leurs Maîtres
oni
266 MERCURE DE FRANCE
ont fait banqueroute , des Enfans de famille ont été
obligés de contracter des dettes ufuraires , & des
Officiers des Troupes de Sa Majeſté ſe ſont ruinés .
Dans le nombre de ces jeux , il y en avoit , & il y
en a peut-être encore , où les dépôts de toutes for- /
tes d'effets étoient reçûs , pour procurer aux Joueurs
la facilité de fatisfaire leur penchant , & fouvent ces
effets avoient été volés . Dans quelques-uns , on y
reçoit des gens de tous états & de tout fexe , & lẹ
jeu n'eft qu'un prétexte pour couvrir la corruption
des moeurs la plus repréhenfible. Comme tous ces
défordres, fi contraires aux intentions de S , M. demandent
le reméde le plus promt & le plus efficace,
Elle croit devoir renouveller les défenfes portées
par les Ordonnances ; A CES CAUSES , S. M. a fait
de nouveau très - expreffes inhibitions & défenſes à
toutes perfonnes , de quelque rang , dignité , qualité
& condition qu'elles foient , de donner à jouer
ni jouer aux jeux déja prohibés par les Ordonnances
de S. M. et notamment à ceux apellés les Troisdez,
le Tope et Tingue, et le Faffe-dix , les Deux - dez, le
Quinquenove et le Mormonique , le Hoca , la Bafette,
le Pharaon , la Dupe , le Biriby , la Roulette, le Pairou-
non , le Quinze , les Petits -paquets , et autres
femblables , fous quelques noms et formes qu'ils
puiffent être déguifés , que S. M. défend très - expreffément
: Voulant qu'il ne ppuuiiffffee yy être joué
dans aucuns Hôtels ou Maifons que ce puiffe être ,
même dans les Maiſons Royales , à peine de défobéiffance
et de prifon . Enjoint S. M. au fieur Feydeau
de Mirville , Confeiller en fes Confeils Maître
des Requêtes ordinaire de fon Hôtel , Lieutenant
General de Police de la Ville de Paris , de tenir
la main à l'exécution de la préfente Ordonnance
, et de l'informer des contraventions , afin qu'il
foit par Elle pourvû avec toute la féverité con-
Y
venable
JUIN. 1741
1267
1
venable ; fans préjudice des condamnations qui
pourront être prononcées contre les contrevenans ,
en exécution des Arrêts du Parlement et des Reglemens
de Police , que S. M. veut être exécutés
felon leur forme et teneur . &c.
AUTRE du 15. Mai , pour mettre à quarante
hommes,chacune des Compagnies de Fufiliers de fes
Régimens d'Infanterie Françoife & Irlandoiſe , ainſi
que celles du Régiment des Gardes de Loraine , &
celles de Grenadiers , à 45. hommes chacune.
AUTRE du même jour , portant augmentation
d'hommes en chacune desCompagnies des huit Ré
gimens Suifles , & dans celles de celui de Travers ,
Grifon , qui font à fon fervice.
“AUTRE du même jour , portant augmentation
dans les Régimens d'Infanterie Allemande .
AUTRE du 16. portant un nouveau délai aux
Officiers de les Troupes , abfens par ſemeſtre , congé
ou prorogation de congé.
ses
Le fecond Volume eft actuellement fous pres
& paroîtra inceffamment,
APROAPROBATION.
J
'Ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le premier Volume du Mercure de France du mois
de Juin , & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre l'im,
pression. A Paris , le premier Juillet 1741 .
HARDION.
TABL E.
IECES FUGITIVES. Paraphrafe du Cantique
de Moyfe , 1058
Lettre de M. ・・au ſujet de la défenſe de la Lettre
R.
1069
Défenſe fur le même ſujet ,
Lettre écrite à l'Abbé Mervefin ,
1078
1079
Plaintes de l'R .
Lettre fans R. au R. P. Bailly ,
Réponse à ces plaintes & Jugement ,
Epigramme fur le même fujet ,
1084
1086
1087
1092
Lettre fur une Differtation Latine de M. Gravina ,
Ode , le Printems ,
Difcours fur la Profeffion d'Avocat ,
Fable , le Cinique & le Mâtin .
1093
IIOI
1104
IIII
Suite du Mémoire Hiftorique fur une Médaille
d'Herode Antipas , &c. 1113
1123
Sonnet fur les rimes propofées en Janvier ,
Lettre écrite par M. D. L. R. au Marquis de B ..
Fable , le Coq d'Inde & le Marcaffin ,
Réponse de M. Deftouches à M. Tanevot ,
Vers à M. le Cardinal de Fleury ,
...
1124
1136
1138
1158
Enigme ,
Enigme, Logogryphes , & c . IIGO
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ,
&c. Hiftoire Généalogique de la Maiſon du
Châtelet ,
Hiftoire de la Ville de Carcaffonne ,
Coûtumes Génerales d'Artois ,
1163
1168
1171
Recueil fur les Dixmes , Portions congruës , &c.
Traité de la Sphere ,
1174
ibid.
Principes fur le Mouvement & l'Equilibre , ibid.
Additions au Commentaire de la Coûtume de Bourbonnois
,
Monumenta Typographica , &c .
Description du Cap de Boune Efperance ,
Lettres fur les principes de la Religion ,
ibid.
1175
ibid.
1176
Differtation Hiftorique fur les Duels , Ordre de
Chevalerie , &c. ibid.
Avis fur ' Hiftoire des anciens Poëtes Provenvençaux
,
Abregé de toute la Médecine- Pratique ,
1177
ibid.
Avis fur la Defcription des Céremonies de Rome ,
1178
Changemens arrivés à l'Académie des Sciences
Prix proposé par la même Académie ,
ibid.
1179
Aflemblée publique de l'Académie de Lyon ,
1183
Estampes nouvelles ,
1192
Nouveaux Livres de Mufique , 1194
Lettre du Comte de Bievre , fur les Horloges ,
1195
Chanfon notée ,
1200
Spectacles , Extrait de Mélanide ,
L'Empire de l'Amour remis au Théatre ,
Théatre Italien ; Arlequin Maître & Valet ,
L'Echo du Public , remis au Théatre ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie ,
1202
1212
ibid.
1213
ibid.
Ruffie,
Ruffie
7219
Suede & Allemagne ,
Ratisbonne & Pruffe ,
Silefie , Italie & Elpagne ,
1219
1221
1224
1227
1233
Portugal , Genes , Ile de Corfe & Grande - Bretagne
,
Rondeau de M. P. S. P. A. A. P. & c ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c . 1234
Entrée du Nonce du Pape ,
1237
Concerts des Tuilleries & chés la Reine , 1239
Loterie Royale , tirée , & c. 1241
Morts , Nailfances & Mariage , ibid,
Arrêts notables , 1262
Fautes à corriger dans ce Livre.
P Age 1072. ligne 25. Chafteuil. & 26. Chaffeüil , liſezì
P. 1178. 1. 3. du bas , Crofyere , 1. Croyere.
P. 1194. 1. 21. Violon de Chelle , 1. Violoncelle
La Chanson notée doit regarder la page 1206
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY.
JUIN. 1741 .
SECOND VOLUME.
COLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
Chés La Veuve PISSOT , Quai de Conty
à la descente du Pont - Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M.. DCC . XLI.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
LA
A VIS.
>
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
L'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
T
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
AV
JUIN. 1741 .
*************
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LES LIVRES SAINTS ,
ODE.
Lue dans l'Académie Royale des Sciences &
Beaux- Arts de Villefranche en Beaujolais ,
le 12. Mai 1741 .
Aines Déités du Permesse ,
Frivoles Enfans de l'Erreur ,
Dont la menfongere faveur
Berça ma folâtre jeunesse ,
Mon coeur ne connoît plus yos Loix .
11. Vol.
A ij
Su
1272 ML
Sur les purs accens de ma voix
La Vérité répand fes beautés immortelles ;
J'en adore l'impreffion , ་
Et bien-tôt enlevé fur le feu de fes aîles ,
Je vole au faint Mont de Sion.
Qu'y vois-je? ô mon Dieu ! c'eft vous- même
La foudre brille dans les Airs ;
Le feu conftant de mille Eclairs
Annonce la Grandeur ſuprême ,
Sur votre Trône étincelant ,
Parlez au Monde , Dieu puissant ;
Fout tremble à la lueur de ces divins Spectacles ;
Devons- nous périr dans ce jour ?
Qu'ai je dit je me tais : vous rendez vos Oracles
Par la bouche de votre amour,
*
Ta voix nous en flâme , Loi pure
Que nous imprime l'Eternel ;
L'Univers fera ton Autel ;
Regne fur toute la Nature ,
Déja pénetrés faintement
Nos coeurs confacrent le moment
Où de fon fein un Dieu vient de te faire éclore
Détruis la fiere iniquité ,
Jaloufe de tes droits , du Couchant à l'Aurore
Seme ta célefte clarté.
Je
JUIN. 1273 1741.
Je la vois briller ; elle vole ,
Portée fur le trait vainqueur
D'un Dieu , devenu le Docteur
Du Monde affis fur fa Parole.
Sur l'ufage de fes leçons ,
Potentats , Trônes , Nations ,
Vous verrez de vos jours la gloire mefurée ;
C'eft à votre fidélité
Que le Ciel doit des biens dont l'éclat , la durée
Egaleront l'Eternité .
*
En vain , Philofophe rebelle ,
Sous les fleurs m'offrant le poiſon ,
Tu veux abreuver ma raifon
Dans la Coupe de l'Infidelle .
Sourd à tes vains enſeignemens ,
Je pleure tes égaremens.
De cent doutes cruels tu te fais un Dédale ;
Et la Foi rend fereins mes jours
Par le même flambeau dont la lueur fatale
Te montre l'abîme où tu cours .
*
Non , du Monftre que je détefte
A l'oeil perfide , au doux maintien
Jamais mon coeur , humble & chrétien
N'écoutera la voix funefte.
A iij Seul
1274
MERCURE DE FRANCE
Seul , guidez ma route , Seigneur ;
L'inexplicable profondeur
De ces fublimes Loix , par vous -même dictées ,
Enchaîne à jamais mon efprit
Au joug des vérités qui furent cimentées
Du Sang même de Jefus- Chrift .
Par M. Boule , un des Principaux du Col
lege de Villefranche , en Beaujolois.
EXPOSITION du Livre des Inftitutions
de Phyfique , dans laquelle on examine
I
les idées de M. de Leibnits.
La parû au commencement de cette année
un Ouvrage qui feroit honneur à
notre fiécle , s'il étoit d'un des principaux
Membres des Académies de l'Europe . Cet
Ouvrage eft cependant d'une Dame , & , ce
qui augmente encore le prodige , c'eft que
cette Dame ayant été élevée dans les dillipations
, attachées à la haute naiffance , n'a
eû de Maître que fon génie & fon aplication
à s'inftruire..
Ce Livre eft le fruit des leçons qu'elle a
données elle -même à fon fils ; elle a eû la
patience de lui enfeigner elle feule ce qu'elle
avoit eû le courage d'aprendre. Ces deux
mérites:
JUIN. 1741: 1279
mérites font également rares ; elle y en a
ajoûté un troiliéme , qui releve le prix des
deux autres , c'eft la modeftie de cacher fon
nom .
L'Ouvrage eft intitulé , Inftitutions de Phyfique
, & fe vend à Paris , chés Prault ,
fils
Quai de Conty. On n'en a encore que le
premier Tome , qui contient vingt & un
Chapitres. L'illuftre Auteur commence par
un Avant- propos , capable de donner du
goût pour les Sciences à ceux à qui leur génie
en refusé. Tout y eft naturel & en même-
tems fublime . Une des Perfonnes des
plus respectables quí foient en France , s'eſt
exprimée ainfi en parlant de cet Avant propos
dans une de fes Lettres : " Ce n'eft pas
»vouloir avoir de l'esprit , c'eft en avoir na-
*turellement , plus qu'on n'en connoît à
perfonne. Ce n'eft pas vouloir écrire mieux
» qu'un autre , c'eft ne pouvoir écrire que
mille fois mieux ; elle eft la feule dont on
" voye la gloire fans envie.
On gâteroit un tel Eloge fi on vouloit
y ajoûter ; on fe bornera donc ici à rendre
compte de cet Ouvrage , moins encore pour
le plaifir d'en parler , que pour celui d'en
faire une étude nouvelle .
Les Idées Métaphyfiques de Leibnits , font
l'objet des premiers Chapitres. C'eſt une
Philofophie qui , jusqu'ici n'a guere eû cours
A iiij qu'en
1276 MERCURE DE FRANCE
qu'en Allemagne , & qui a été commentée
plutôt qu'éclaircie ; Leibnits avoit répandu
dans fa Teodicée & dans les Actes de Leipfik;
quelques idées de fes Syftêmes . Le célebre
ProfeffeurWolf a déja fait dix Volumes in- 4° .
fur ces matieres , & les Inſtitutions de Phyfique
paroiffent expliquer tout ce que Leibnits
avoit refferré , & contenir tout ce que
M. Wolf a étendu .
De la Raifon fuffifante.
Le premier principe qu'on éclaircit avec
Méthode & fans longueur , dans le Livre des
Inftitutions Phyſiques , eft celui de la Raifon
fuffifante.
Depuis que les hommes raifonnent , ils
ont toujours avoüé qu'il n'y a rien fans cause
; Leibnits a inventé, dit on , un autre principe
de nos connoiffances , bien plus étendu ,
c'eft qu'il n'y a rien fans Raifon fuffifante. Si
par raifon fuffisante d'une chose , on entend
ce qui fait que cette chose eft ainfi , plutôt
qu'autrement , j'avoue que je ne vois pas ce
que Leibnits a découvert. Si Leibnits a entendu
que nous devons toujours rendre une
Raison fuffifante de tout , il me femble qu'il
a exigé un peu trop de la Nature humaine.
J'imagine qu'il eût été embarraſſé lui - même
, fi on lui avoit demandé pourquoi les
Planettes tournent d'Occident en Orient ,
plutôt
JUIN. 1741.
1277
plutôt qu'en fens contraire , pourquoi teile
Etoile eft à une telle place dans le Ciel, & c.
Ainfi il me paroît que le principe de la
Raison fuffifante n'eft autre chofe que celui
des premiers hommes ; il n'y a rien fans caufe.
Refte à fçavoir fi Leibnits a connu des
causes fuffisantes qu'on avoit ignorées avant
lui.
Des Indifcernables.
Le fecond principe de Leibnits , eft qu'il
n'y a & ne peut y avoir dans la Nature deux
chofes entierement femblables. Sa preuve de
fait étoit que , fe promenant un jour dans le
Jardin de l'Electeur de Hanovre , on ne put
jamais trouver deux feuilles d'arbres indifcernables
; fa preuve de droit étoit que s'il y
avoit deux chofes femblables dans la Nature
il n'y auroit pas de raiſon ſuffiſante pourquoi
l'une feroit à la place de l'autre . Il vouloit
donc que le plus petit de tous les corps imaginables
fût infiniment different de tour autre
corps. Cette idée eft grande : il paroît
qu'il n'y a qu'un Etre tout-puiffant qui ait pûfaire
des chofes infinies infiniment differentes.
Mais auffi il paroît qu'il n'y a qu'un Etre
tout - puiffant qui puiffe faire des chofes infiniment
femblables , & peut - être les premiers
élemens des chofes doivent- ils être ainfi , car
comment les efpeces pourroient - elles être
A v repro
1278 MERCURE DE FRANCE
,
reproduites éternellement les mêmes , fi les
élemens qui les compofent étoient abfolument
differens ? comment , par exemple
s'il y avoit une difference abfolue entre cha- ly
que élement de l'Or & du Mercure , l'Or &
le Mercure auroient ils un certain poids qui:
ne varie jamais ? la propofition de Leibnits.
eft ingénieufe & grande ; la propofition contraire
eft auffi vraisemblable pour le moins
que la fienne. Tel a toujours été le fort de
la Métaphyfique. On commence par deviner,.
on pafle beaucoup de tems à difputer , & on
finit par douter.
De la Loi de continuité.
La Loi de continuité eft un principe de:
Leibnits , fur lequel l'illuftre Auteur a plus.
infifté que fur les autres , parce qu'en effet
il y a des cas où ce principe cft d'une verité
inconteftable.
La Géometrie & la Phyfique, qui eft apuyée
für elle , font voir que dans les directions
des mouvemens il faut toûjours paffer par
une infinité de dégrés , & c'eft même le fon
dement du calcul des fluxions , inventé
Newton & publié par Leibnits.
par
Newton a montré le premier que l'incrément
naiffant d'une quantité mathématiqueeft
moindre que la plus petite affignable , &
que ces quantités peuvent augmenter par des.
deJUIN.
17418 1279
dégrés infinis jufqu'à une telle quantité qui
foit plus grande qu'aucune affignable : voilà
ce qu'on apelle les fluxions.
Je demanderai feulement , fi avant que l'incrément
naiffant commence à exifter , il y a
là une continuité ? n'y a-t'il pas une diſtance
infinie entre exifter & n'exifter pas ?
Je ne vois guére des cas où la Loi de continuité
ait lieu , que dans le mouvement ; il
me femble que c'eft là feulement que cette
Loi eft obfervée à la rigueur. Car peut être
ne pouvons- nous dire que très - improprement
qu'un morceau de matiere eft continu ;
il n'y a peut- être pas deux points dans un
lingot d'Or entre lefquels il n'y ait de la
diſtance.
C'eft de cette Loi que Leibnits tire cet
axiome il ne fe fait rien par faut dans la
Nature . Si cet axiome n'eft vrai que dans le
mouvement , cela ne veut dire autre chofe ,
finon que ce qui eft en mouvement n'eſt pas
en repos , car un mouvement eft continué
fans interruption jufqu'à ce qu'il pérille , &
quand il dure ; il ne peut admettre du repos.
Il en faut donc toujours revenir au grand
principe de la contradiction , premiere fource
de toutes nos connoiffances , c'est - à - dire
qu'une chofe ne peut exifter & n'exifter pas
en même tems. Et c'eft auffi le premier principe
admis par Pilluftre Auteur , & qui tiene
A vj licu
1280 MERCURE DE FRANCE
Lieu de tous ceux
que
Leibnits y veut ajoûter.
Si on prétendoit
que la Loi de continuité
:
eût lieu dans toute l'économie
de la Nature,
on fe jetteroit
dans d'affés
grandes
difficultés;
il feroit,ce me femble, mal aifé de prouver
qu'il y a une continuité
d'idées
dans le cerveau
d'un homme
endormi
profondément
,
& qui eft tout d'un coup frapé de la lumiere
en s'éveillant
. Si tout étoit continu
dans la
Nature
, il faudroit
qu'il n'y eût point de
vuide , ce qu'il n'eſt pas aifé de prouver , &
s'il y a du vuide , on ne voit pas trop comment
la matiere
fera continuë
, auffi l'illuſtre
Auteur
dont je parle ne cite d'autres
effets
de cette Loi de continuité
que le mouvement
, & les lignes
courbes
à rebrouſſement
produites
par le mouvement
..
De Dieu.
L'Auteur des Inſtitutions Phyſiques prou
ve un Dieu par le moyen de la Raifon fuffifante.
Ce chapitre eft à la fois fubtil & clair.
L'Auteur paroît pénetré de l'existence d'un
Etre Créateur. Elle croit avec Leibnits que
Dieu a créé le meilleur des Mondes poffi-
Bles , & fans y penfer , elle eft elle - même
une preuve que Dieu a créé des chofes exaellentes..
Des
JUI N. 1741 . 128 1
Des Effences , &c.
Tout ce que l'on dit ici des Effences , &c.
eft d'une Métaphyfique encore plus fine que
Le chapitre de l'Exiftence de Dieu ; peut être
quelques Lecteurs en lifant ce chapitre feroient
tentés de croire que les effences des
chofes fubfiftent en elles mêmes , je ne crois
pas que ce foit là la penfée de l'illuftre Auteur.
Loke regarde l'effence des chofes uniquement
comme une idée abftraite que nous
attachons aux Etres , foit qu'ils exiſtent ou
non. Par exemple , une figure fermée de trois
côtés eft apellée du nom de triangle ; nous
apellons ainfi tout ce que nous concevons
de cette efpece . C'eſt là fon effence ab effendo,
c'eft ce qui eft , foit dans notre imagination ,
foit en effet. Ainfi, quand nous nous fommes.
faits l'idée d'un Evêque de Mer , l'effence de
cet Etre imaginaire eft un Poiffon qui a une
efpece de Mitre ſur la tête.
Mais ,fi nous voulons connoître l'effence de
la matiere en general , c'eft- à -dire ce que c'eſt
que matiere , nous y fommes un peu plus embaraffés
qu'à un triangle. Car nous avons biem
pû voir tout ce qui conftitue un triangle quelconque
, mais nous ne pouvons jamais connoître
ce qui conftitue une matiere quelconque.
Et voilà en quoi il paroît que l'inventeur
1282 MERCURE DE FRANCE
feur Leibnits & le Commentateur Wolfus
fe font engagés dans un labirinthe de fubtilités,
dont Loke s'eft tiré avec une très grande
circonfpection. Je ne fçais fi on peut admettre
cette regle du célebre Profeffeur Wolf,
que les déterminations primordiales d'un
Étre font fon effence; que, par exemple,deux
côtés & un angle qui font les déterminationsprimordiales
, font l'effence d'un triangle ;
car deux côtés & un angle font auffi les premieres
déterminations d'un quarré d'un trapeze.
Il faudroit à mon avis pour que cette
regle fût vraye , que deux côtés & un angle
étant donnés, il ne pût en réfutter qu'un triangle.
L'effence eft , felon moi , non pas
feulement
ce qui fert à déterminer une chofe ,
mais ce qui la détermine differemment de
route autre choſe.
Ce que les Philofophes difent encore desattributs
, & furtout des attributs de la matiere
, ne paroît pas entraîner une pleine conviction
; ils difent qu'il ne peut y avoir de
proprietés dans un fujet que celles qui dérivent
de fon effence . Mais on ne voit pas
comment la proprieté d'être bleu ou rouge ,.
eft contenue dans l'effence d'un triangle ou
d'un quarré.
Il faut qu'un attribut ne répugne pas à
l'effence d'une chofe. Mais il ne femble pas
néceſſaire qu'il en-dérive.. Par exemple , pour
qu'un:
JUTN. 1741. 1283
que
le
qu'un Animal puiffe avoir du fentiment , il
fuffir le fentiment ne répugne pas à la
matiere organifée ; mais il ne faut pas que
fentiment foit un attribut néceffaire de la:
matiere organifée . Car alors un Arbre , une
Montre , auroient du fentiment.
Des Hypothefes.
L'illuftre Auteur favorife affés Leibnits
pour faire l'apologie des Hypothefes. Si on
apelle Hypothefes des recherches de la verité
, il en faut fans doute. Je veux fçavoir
combien de fois 15. eft contenu dans 200 .
je fais l'hypothefe de 14. & c'eft trop , je
fais celle de 13. & c'eſt trop peu , j'ajoûte
un reste à 13. & je trouve mon compte :
voilà deux recherches , & je ne me fuis expofé
fur aucune,avant que j'aye découvert la
verité. Mais fupofer l'harmonie préétablie des
monades , un enchaînement des chofes avec
lequel on veut rendre raifon de tout , n'eſtce
pas bâtir des hypothefes,pires que les tourbillons
de Defcartes & fes trois élemens ? il
faut faire en Phyfique comme en Géometrie ,
chercher la folution des Problêmes , & ne
croire qu'aux démonſtrations.
De l'Espace.
>>
La queftion . de l'Elpace n'a peut- être ja ~
mais été traitée avec plus de profondeur . On
Veugr
1284 MERCURE DE FRANCE
veut ici avec Leibnits qu'il n'y ait point d'efpace
pur , que par conféquent toute étenduë
foit matiere , qu'ainfi la matiere rempliffe
rout , &c. Leibnits avoit commencé autrefois
par admettre l'efpace ; mais depuis qu'il
fut le fecond inventeur des fluxions , il nia
la réalité de l'efpace que Newton reconnoiffoit.
"
»
» L'idée de l'Efpace , dit - on , dans ce
chapitre , vient de ce qu'on fait unique-
» ment attention à la maniere des Etres,d'exiſter
, l'un hors de l'autre ; & qu'on fe repréfente
que cette coexistence de plufieurs
» Etres produit un certain ordre ou reffemblance
dans leur maniere d'exifter , enforte
qu'un de ces Etres étant pris pour le pre-
» mier , un autre devient le fecond , un autre
» le troifiéme. » C'eft ainfi que le célebre
Profeffeur Wolfius éclaircit les idées ſimples.
»
Loke s'étoit contenté de dire ; j'avouë que
j'ai acquis l'idée de l'efpace par la vûë & par
le toucher. Les Loke , les Newton , les
Clarke , les Jurin , les Sgravefende , les Mufhembroeck
, ont tous penfé qu'il fuffiroit d'avoir
vû deux murailles , pour avoir l'idée de
Pefpace , comme il fuffit d'avoir marché , pour
avoir l'idée de la folidité.
La question eft de fcavoir s'il y a un ef
pace pur ou non. Defcartes avança que la
matiere eft infinie & que le vuide eit impof
fible ;
JUIN. 1741.
1285
fible ; fi cela étoit , Dieu ne peut donc anihiler
un pouce de matiere , car alors il y auroit
un pouce de vuide. Or il eft affés extraordinaire
de dire que celui qui a créé une
matiere infinie, ne peut en anéantir un pouce.
Les Sectateurs de Defcartees n'ayant jamais
répondu à cet argument , Leibnits fortifia
d'un autre côté cette opinion qui crouloit
de ce côté - là .
Il dit que fi le Monde a été créé dans l'es- .
pace pur , il n'y a pas de raison suffisante
pourquoi ce Monde eft dans telle partie de
l'espace , plutôt que dans un autre ; mais il
paroît que Leibnits n'a pas songé que dans
le plein il n'y a pas plus de raison suffisante,
pourquoi la moitié du Monde qui eft à notre
gauche n'eft pas à notre droite ; Leibnits vouloit-
il donner une raison suffisante de tout
ce que Dieu a fait ? c'eft beaucoup pour un
homme.
La principale raison qui engagea Wen ;
Wallis , Barron , Newton , Clarke , Loke ,
& presque tous les grands Philosophes , à
admettre l'espace pur , eft l'impoffibilité
géometrique & phyfique qu'il y ait du mouvement
dans le plein absolu. Leibnits qui
avoit , comme on a dit , changé d'avis sur
le vuide , a été obligé de dire que dans le
plein le mouvement circulaire peut avoir
lieu à cause d'une matiere très- fine qui peut
y circuler. Si .
1286 MERCURE DE FRANCE
Si on vouloit bien faire attention qu'une
matiere très - fine infiniment preffée devient
une maffe infiniment dure , on trouveroit
ce mouvement circulaire un peu difficile .
Newton d'ailleurs a démontré que les
mouvemens céleftes ne peuvent s'opérer dans
un fluide quelconque , & personne n'a jamais
pu éluder cette démonftration , quel
ques efforts qu'on ait faits . Cette difficulté
* rend l'idée d'un plein absolu , plus difficile
qu'on n'auroit crû d'abord.
Du Tems.
La queftion du tems eft auffi épineuse que
celle de l'Espace , & eft traitée avec la même
profondeur , on y explique le sentiment que
Leibnits a embraffe . Il pensoit que comme
l'espace n'existe point selon lui sans corps
le tems ne subfifte point sans succeffion d'idées.
Il faut remarquer que dans ce chapitre le
tems eft pris pour la durée même , & cela
ne peut y causer de confufion , parce qu'en
effet le tems eft une partie de la durée.
>
Il s'agit donc de sçavoir fi la durée exifte
indépendamment des Etres créés , & fi elle
exifte ; l'illuftre Auteur remarque très bien
qu'on eft obligé de dire que la durée eſt un
attribut néceffaire de Dieu. Auffi Newton
croyoit que l'espace & la durée apartiennen.
JUIN. 1741. 7287
nent néceffairement à Dieu qui eft présent
partout & toûjours .
L'illuftre Auteur reproche à Clarke, Disciple
de Newton, d'avoir demandé à Leibnits
pourquoi Dieu n'avoit pas créé le Monde fix
mille ans plutôt , & elle ajoûte que Leibnits
n'eut pas de peine à renverser cette objection
du Docteur Anglois.
C'est au 15. article de sa quatrième réplique
à Leibnits , que le Docteur Clarke
dit formellement , il n'étoit pas impoffible
que Dieu créât le Monde plûtôt ou plûtard ,
& Leibnits fut fi embaraffé à répondre , que
dans son cinquième écrit il avoue en un endroit
que la chofe eft poffible , & donne
même pour le prouver une figure géometrique
qui me paroît fort étrangere à cette difpute
; & dans un autre endroit il nie que la
chose soit poffible , sur quoi le Docteur
Clarke remarque dans son cinquième écrit
que le sçavant Leibnits se contredit un peu
trop souvent .
Quoiqu'il en soit , il paroît qu'il eft difficile
aux Leibnitiens de faire concevoir que
Dieu ne puiffe pas détruire le Monde dans
neuf mille ans . Il peut donc le détruire plûtôt
ou plûtard , il y a donc une durée & un
tems indépendans des choses succeffives ; la
raison suffisante qu'on opose à tous ces raisonnemens
eft- elle bien suffisante ? Si tous
les
1188 MERCURE DE FRANCE
les inftans sont égaux , dit - on , il n'y a pas
de raison pourquoi Dieu auroit créé ou détruiroit
en un inftant plûtôt que dans un autre
; on veut toûjours juger Dieu , mais ce
n'eſt à nous , ni d'inftruire sa cause , ni de la
juger. Toutes les parties de la durée se ressemblent
, je le veux ; donc Dieu , dit Leibnits
, ne peut choisir un instant préférablement
à un autre . Je le nie , Dieu ne peut- il
pas avoir en lui - même mille raisons pour
agir , & ne peut il pas y avoir une infinité
de raports entre chacun de ses instans & les
idées de Dieu , sans que nous les connoisfions
? -
Si , selon Leibnits et ses Sectateurs , Dieu
n'a pû choiſir un instant de la durée plutôt
qu'un autre , pour créer ce Monde , il est
donc de toute éternité : c'est à eux à voir'
s'ils
peuvent aisément comprendre cette
éternité de la durée du Monde , à qui Dieu
a pourtant donné l'Etre Avoüons que dans
ces discuffions nous sommes tous des aveugles
qui disputons sur les couleurs , mais on
ne peut guère être aveugle , c'est- à- dire "
homme , avec plus d'esprit que Leibnits ,
et surtout que l'Auteur qui l'a embelli . Le
génie de cette Personne illustre est assés solide
, pour douter de beaucoup de choses
dont Leibnits s'est efforcé de ne pas douter
Des
Des Etresfimples,
Leibnits cherchant un fystême, trouva que
personne n'avoit dit encore que les corps ne.
sont pas composés de matiere , et il le dit :
il lui parut qu'il devoit rendre raison de tout ;
et ne pouvant dire pourquoi la matiere est
étenduë , il avança qu'il falloit qu'elle fût
composée d'Etres qui ne le sont point . En
vain il est démontré que la plus petite portion
de matiere est diviſible à l'infini ; il voulut
que les élemens de la matiere füffent des
Etres indivifibles , fimples , et ne tenant nulle
place. Il étoit mal aisé de comprendre
qu'un composé n'eût rien de son composant,'
cette difficulté ne l'arrêta pas ; il se servit de
la comparaison d'une Montre : ce qui compose
une horloge n'est pas horloge , donc
ce qui compose la matiere n'est pas matiere .
Peut-être quelqu'un lui dit alors : Votre comparaison
de l'horloge n'est guére concluante
, car vous sçavez bien dequoi une horloge
est composée , puisque vous l'ayez vû
faire. Mais vous n'avez point vû faire la matiere
, et c'est un point sur lequel il ne vous
est pas trop permis de deviner.
霓
Leibnits ayant donc créé fes Etres fimples
, fes monades , il les diftribua en quatre
claffes ; il donna aux unes la perception
par un feul p. & aux autres l'apperception
par
par deux
p. Il dit que
chaque
monade
eft
un miroir
concentrique
de l'Univers
: il veut
que
chaque
monade
ait un raport
avec
tout
le refte
du Monde
; ainfi
on a propofé
ce
problênre
à réfoudre
: Un Element
étant
donné
, en déterminer
l'état
préſent
, paſſé
& futur
de l'Univers
. Ce Problême
eft réſolu
par
Dieu
feul
: on pourroit
encore
ajouter
que
Dieu
feul fçait
la folution
de la plupart
de
nos queſtions
, lui feul
fçait
quand
& pourquoi
il créa
le Monde
, pourquoi
il fit tourner
les Aftres
d'un
certain
côté
, pourquoi
il
fit un nombre
déterminé
d'Efpeces
, pourquoi
les Anges
ont peché
, ce que
c'eſt
que
la matiere
& l'efprit
, ce que c'eft
que l'ame
des animaux
, comment
le mouvement
& la
force
motrice
fe communiquent
, ce que c'eſt
originairement
que cette
force
, ce que c'eft
que la vie , comment
on digere
, comment
on dort
, & c.
L'aimable & refpectable Auteur des Inftitutions
phyfiques a bien fenti l'inconvénient
du fyftême des monades , & elle dit page
143. qu'il a befoin d'être éclairci & d'être fauvé
du ridicule. Il n'y a eû encore ni aucun
François , ni aucun Anglois, ni , je crois , aucun
Italien , qui ait adopté ces idées étranges:
plufieurs Allemands les ont foûtenuës , mais
.il eft à croire que c'eft pour exercer leur efprit
, & par jeu plûtot que par conviction .
J'ajouterai
J'ajouterai ici que pour rendre le Roman
complet , Leibnits imagina que notre corps
étant compofé d'une infinité de monades
d'une efpece , la monade de notre ame eft
d'une autre espece ; que notre ame n'agit aucunement
fur notre corps , ni le corps fur elle,
que ce font deux automates qui vont chacun
à part , à peu près comme dans certains
Sermons burlesques , où l'homme prêche ,
tandis que l'autre fait les geftes ; qu'ainfi ,
par exemple , la main de Newton écrivit méchaniquement
le calcul des fluxions , tandis
que fa monade étoit montée féparément pour
penfer à ce calcul. Cela s'apelle l'harmonie
préétablie , & l'Auteur des Inftitutions phyfiques
n'a pas voulu encore expofer ce fentiment
, elle a voulu y préparer les efprits.
De la nature des Corps.
Si on doit être content de cet art & de cette
élegance avec lefquels l'illuftre Auteur a
renducompte de tous ces fentimens extraordinaires
, on ne doit pas moins admirer les
ménagemens & les précautions ingénieufes
dont elle colore les idées de Leibnits fur la
nature des corps .
Ces corps étendus étant compofès de monades
non étenduës , c'eſt toujours à ces
monades qu'il en faut revenir. Il n'y a point
de corps qui n'ait à la fois étendue , force
>
active
active & force paffive ; voilà , diſent les
Leibnitions , la nature des corps , mais c'eſt
aux monades à qui apartient de droit la force
active & paffive.
Il eft encore ici affés étrange que les monades
étant les feules fubftances , les corps
ayent l'étendue pour eux, & que les monades
ayent la force. Ces monades font toujours en
mouvement , quoique ne tenant point de
place , & c'eſt des mouvemens d'une infinité
de monades qu'un boulet de canon reçoit
le fien. Voilà donc le mouvement effentiel
, non pas tout- à - fait à la matiere , mais
aux Etres intangibles & inétendus qui compofent
la matiere. Ces monades ont un principe
actif , qui eft la raifon fuffifante pourquoi
un corps en pouffe un autre ; & un
principe paflif qui rend auffi une raifon trèsfuffifante
pourquoi les corps réfiftent ; il faut
ce me femble ,avoir tout l'efprit de la perſonne
qui a fait les inftitutions phyfiques , pour
répandre quelque clarté fur des chofes qui
roiflent fi obfcures
De la Divifibilité , Figure , Priorité , Mou
vement , Pefanteur.
Chacun de ces fujets fait un article à part,
& on reconnoît partout la même méthode &
la même élegance . Les découvertes de Galilée
fur la péfanteur & fur la chûte des corps,
sont
JUIN. 1741. 1293
font furtout niifes dans un jour très - lumineux.
L'Auteur paroît là plus à fon aife qu'ailleurs
, puiſqu'il n'y a que des vérités à déve,
loper.
Des découvertes de Newton fur la Pefanteur.
L'Auteur s'éleve ici fort au- deffus de ce
qu'elle apelle modeftement inftitutions on
voit dans ce Chapitre , comment Newton
découvrit cette vérité fi admirable & fi inconnuë
jufqu'à lui , que la même force qui
opere la péfanteur fur la Terre , fait tourner
les Globes Céleftes dans leursforbites . Kepler
avoit préparé la voye à cette recherche ; &
quelques experiences faites par des Aftronomes
François déterminerent Newton à la
faire. Ce n'eft point un fyftême imaginaire &
métaphyfique qu'il ait tâché de rendre probable
par des raifons fpécieuſes , c'eft une démonftration
tirée de la plus fublime Géométrie
, c'eſt l'effort de l'efprit humain : c'eſt
une Loi de la Nature que Newton a dévelopée
; il n'y a ici ni monade , ni harmonie
préétablie , ni principe des indifcernables ;
ni aucune de ces hypothefes philofophiques
qui femblent faites pour détourner les hommes
du chemin du vrai , & qui ont égaré
l'Antiquité , Defcartes & Leibnits.
11. Vol. B D
1294 L EVE ГАЛ
De l'attraction Newtoniene,
Newton ayant découvert & démontré
qu'une pierre retombe fur la Terre par la
même loi qui fait tourner Saturne autour du
Soleil &c. il apella ce phenomene attraction ,
gravitation ; enfuite il démontra qu'aucun
fluide & aucune loi du mouvement ne peut
être caufe de cette gravitation.
Il démontra encore que cette gravitation
eft dans toutes les parties de la matiere , à
peu prés de même que les parties d'un corps,
en mouvement,font toutes en mouvement.
Newton dans fes recherches fur l'Optique,
déploya ce même efprit d'invention qui s'apuye
fur des vérités inconteftables : entierement
opofé à cet autre efprit d'invention qui
fe joue dans des hypothéfes : il trouva entre
les corps & la lumiere une attraction nouvelle
, dont jamais on ne s'étoit aperçu avant
lui. Il trouva encore par l'expérience d'autres
attractions , comme , par exemple , entre
deux petites boules de criftal qui , preffées
l'une contre l'autre , acquierent une force
de huit onces & c .
Mille gens ont voulu rendre raifon de toutes
ces découvertes , ceux furtout qui n'en
ont jamais fait , ont tous fait des fyſtêmes ;
Newton feul s'en eft tenu aux vérités, peutêtre
inexplicables, qu'il a trouvées. La mêmé
fuperioJUIN.
1741.
1295
fuperiorité de génie , qui lui a fait connoître
ces nouveaux fecrets de la création , la empêché
d'en affigner la caufe. Il lui a paru
très vraisemblable que cette attraction eft elle-
même une caufe premiere , dépendante
de celui qui a tout fait : c'eft fur quoi ceux
qui en Allemagne ont pris le parti de Leibnits
, fe font élevés ; & notre Illustre Auteur
a la complaifance pour eux , de prêter
de la force à leurs objections. Un corps ne
peut le mouvoir , dit- elle , vers un autre ,
fans qu'il arrive à ce corps un changement ;
ce changement ne peut venir que de l'un
des deux corps , ou que du milieu qui les
fépare , or il n'y a aucune raifon pour qu'un.
corps agiffe fur un autre fans le toucher ; il
n'y a aucune raifon de fon attraction dans le
milieu qui les fépare , puifque les Newtoniens
difent que ce milieu est vuide , donc
l'attraction étant fans raifon fuffifante , il n'y
a point d'attraction.
Les Newtoniens répondront que l'attraction
,la gravitation ( telle qu'elle foit ) étant
réelle & démontrée,aucune difficulté ne peut
L'ébranler, & qu'étant tout de même démontré
qu'aucun fluide ne peut caufer cette attraction
qui fubfiste entre les corps célestes,
la raifon fuffifante e t bien loin de fuffire à
prouver que les corps célestes ne peuvent
s'attirer fans milieu : un Newtonien fera en-
Bij core
1296 MERCURE DE FRANCE
core affés fort , s'il prie feulement un Leiba
nitien de faire un moment d'attention à ce
que nous fommes & à ce qui nous environne
; nous penfons , nous éprouvons des
fenfations , nous mettons des corps en mouvement
, les corps agiffent fur nos ames &c.
Quelle raiſon fuffifante , je vous prie , trouvérez
- vous de ce que la matiere influë fur
ma penfée , & ma pensée sur elle ? Quel milieu
y a-t'il entre mon ame et une corde de
Clavecin qui résonne ? quelle cause a -t'on
jamais pû alleguer , de ce que l'air frapé don
ne à mon ame l'idée et le sentiment du son ?
n'êtes -vous pas forcé d'avouer que Dieu l'a
voulu ainfi ? Que ne vous foûmettez -vous
de même , quand Newton vous démontre
que
Dieu a donné à la matiere la proprieté
de la gravitation ?
Lorsqu'on aura trouvé quelque bonne raison
méchanique de cette proprieté , on rendra
service aux hommes en la publiant : mais
depuis soixante -dix ans que les plus grands
Philosophes cherchent cette cause , ils n'ont
rien trouvé . Tenons- nous- en donc à l'at
traction , jusquà ce que Dieu en révele la
raison suffisante à quelque Leibnitien.
Des Plans inclinés , des Pendules , des Proje
Ailes.
Les découvertes de Galilée & d'Hugens
font
JUIN. 1741 . 1297
font expliquées ici avec une clarté qui fait
bien voir que ce ne font point là des hypothéfes
,lefquelles laiffent toujours l'efprit égaré
& incertain , mais des vérités mathématiques
, qui entraînent la conviction.
De la force du Corps.
و
Je me hâte de venir à ce dernier Chapitre.
On y prête de nouvelles armes au fentiment
de Leibnits : c'eft Camille qui vient
au fecours de Turnus ou Minerve au fecours
d'Ulyffe . Cette difpute fur les forces
actives , qui partage aujourd'hui l'Europe ,
n'a jamais exercé de plus illuftres mains
qu'aujourd'hui : la Dame refpectable dont je
parle , & Madame la Princeffe de Columbrano
ont toutes deux fuivi l'étendart de
Leibnits , non pas comme les femmes prennent
d'ordinaire parti pour des Théologiens,
par foibleffe , par goût & avec une opiniâ
treté fondée fur leur ignorance , & fouvent
fur celle de leurs Maîtres : elles ont écrit l'une
& l'autre en Mathématiciennes , & toutes
deux avec des vûës nouvelles . Il n'eſt ici
queftion que du chapitre de notre Illuſtre
Françoife ; c'eft un des plus forts & des plus
féduifans de cet Ouvrage profond.
Pour mettre les Lecteurs au fait , il eſt
bon de dire ici que nous apellons force d'un
corps en mouvement , l'action de ce corps ;
Biij c'est
1298 MERCURE DE FRANCE
c'eft fa maffe qui agit , c'eft avec de la vîteffe
qu'agit cette maffe ; c'eft dans un tems
plus ou moins long qu'agit cette vîteffe; ainfi
on a toujours fupputé la force motrice des
corps par leur maffe multipliée par leur viteffe
apliquée au tems. Une puissance qui
preffe & donne une vîteffe à un corps , lui
donne une force motrice,deux puiflances qui
le preffent en même tems , & qui lui donnent
deux de vîteffe , lui donnent deux de
force , & dans deux tems elfes lui donneront
quatre de forces cela parut clair &
démontré à tous les Mathématiciens.
Newton fut fur ce point de l'avis de Def
cartes , & l'expérience dans toutes les parties
des Méchaniques fut d'accord avec leurs
démonftrations
M. Leibnits ayant befoin que cette théorie
ne fût pas vraye , afin qu'il y eût toujours
égale quantité des forces dans la Nature
prétendit qu'on s'étoit trompé jufque-là , &
qu'on auroit dû eftimer la force motrice des
corps en mouvement par le quarré de leur
vîtelle , multiplié par leurs maffes : & avec
cette maniere de compter , Leibnits trouvoit
qu'en effet il fe perdoit du mouvement dans
la nature , mais qu'il pouvoit bien ne fe
dre point de force .
per-
Le Docteur Clarke , illuftre Eleve de Newton,
traita ce fentiment de Leibnits avec beaucoup
JUI N. 1299
1741 .
coup de hauteur, & lui reprocha fans détour
que fes fophifmes étoient indignes d'un Philofophe.
Il difcuta cette queftion dans fa cinquiéme
replique à Leibnits , qui rouloit d'ailleurs
fur d'autres fujets importans.
Il fit voir qu'il eft impoffible d'omettre le
tems ; que quand un corps tombe par la
force de la gravité , il reçoit en tems égaux
des degrés de vîteffe égaux ; il obvia à toutes
les objections , qui fe réduifent toutes à
celle- ci : Qu'un mobile tombe de hauteur
trois , il fait effet comme 3. qu'il tombe de
hauteur 6. il agit comme 6. c'eft à- dire il agit
en raison de ces hauteurs , mais ces hauteurs
font comme le quarré de fes vîteffes : donc ,'
difent les Partifans de Leibnits , qui l'ont
éclairci depuis , un mobile agit comme le
quarré de fès viteſſes ; donc fa force eſt comme
le quarré.
Samuel Clarke renverfa , dis je , toutes ces
objections , en faifant voir dequoi eft compofé
ce quarré un corps parcourt un efpace
, cet efpace eft le produit de fa vîteffe par
le tems ; or le tens & la viteffe font égaux ,
donc il est évident que, ce quarré de la vî¬
teffe n'eft autre chofe que le tems lui - même ,
multiplié, ou par lui- même , ou par cette vîteffe
, ce qui rend parfaitement raiſon de ce
quarré qui étonnoit M. de Fontenelle en
B iiij 1721 .
1300 MERCURE DE FRANCE
1721. d'où viendroit , dit-il , ce quarré ? on
voit ici clairement d'où il vient.
Mais on ne voit guére d'abord comment
après une parcille explication il y avoit encore
licu aux difputes. L'émulation qui regnoit
alors entre les Anglois & les amis de
Leibnits , engagea un des plus grands Mathématiciens
de l'Europe , le célebre Jean
Bernoulli , à fecourir Leibnits ; tout ce qui
porte le nom de Bernoulli , eft Philofophe ,
tous combattirent pour Leibnits , hors un
d'eux qui tient fermement pour l'ancienne
A B
G
E
opinion : c'étoit une guerre , & on fe fervit
d'artifices ; il en eft auffi en Mathématiques.
Une de ces rufes qui firent le plus d'impreffion
, fût celle- ci : Que le corps A foit pouffé
par deux puiffances à la fois en AB &
en A E , on fçait qu'il décrit la diagonale A
D ; or la puiffance en A B n'augmente ni ne
diminuë
JUIN.
1741. 1301
diminue la puiffance en A E , & pareillement
AE ne diminuë ni augmente A B; donc
le mobile a une force compofée de A B &
de A E. Mais le quarré d'A B & de A E , pris
enſemble , font jufte le quarré de cette diagonale
; & ce quarré exprime la vîteſſe du
mobile : donc la force de ce mobile eft fa
maffe par le quarré de fa vîteffe .
Mais on fit voir bientôt la fupercherie de
ce raiſonnement très- captieux.
Il est bien vrai qu'A B & AE ne fe nuifent
point, tant qu'ils vont chacun dans leur
direction , mais dès que le corps A eft porté
dans la diagonale ils fe nuifent ; car décompofez
fon mouvement une feconde fois,'
réfolvez la force A E en A F & F. E ; de forte
que A E devienne à fon tour diagonale
d'un nouveau rectangle . Réfolvez de même
BD en BG & en B D , il eft clair que les
forces FE BG fe détruifent que restet'il
donc de force au corps ? il lui refte A F
d'un côté , & A G de l'autre ; donc il n'a
pas la force d'A B & d'A E réunies , comme
on le prétendoit .
De plus , le mobile n'arrive en D qu'avec
du tems ; c'est ce tems multiplié par fa vîteffe
qui produit un quarré ; & l'omiffion de
ce tems eft le vice fondamental de toute la
théorie de Leibnits.
Il y avoit beaucoup de fineffe dans la diffi-
B v culté
1
1302 MERCURE DE FRANCE
culté , & il y en a encore plus dans la répon
fe ; elle eft de M. Jurin , l'un des grands
Hommes d'Angleterre.
M. Jurin,pour épargner tout calcul , toute
décompofition , & pour faire voir encore
plus clairement , s'il eft poffible , comment
deux vîteffes en même tems ne donnent qu'u
ne force , imagina cette experience .
Qu'on faffe mouvoir avec l'aide d'un ref
fort une balle avec un degré de vîtelle quelconque
, qu'enfuite ce degré étant bien conftaté
, le reffort bien rétabli , la balle en repos
, on donne à la table un mouvement
égal à celui que le reffort communique à la
boule , c'eft à dire qu'on faffe en même tems:
mouvoir la boule avec la vîteffe un , & la ta--
ble avec la vîteffe un , il eft clair qu'alors la
boule acquerera deux vîteffes , & fimplement
deux forces ; donc, quand il n'y a pas
plufieurs tems differens à confiderer , il faut
ne reconnoître dans les corps mobiles d'autres
forces que celle de leur maffe
pour leur
viteffe.
L'Illuftre Auteur engagée aux Leibnitiens .
a voulu contredire cette experience .
Voici , dit- elle , en quoi confifte le vice du:
raifonnement de M. Jurin. Supofons pour
plus de facilité , au lieu du plan mobile de
M..Jurin , un bateau A. B , qui avance fur la
iviere avec la vîtelſe. un & le mobile P
3.
tranf
JUI N. 1741. 1303
tranfporté avec le bateau, ce mobile acquier
la même vîteffe que le bateau : fupofons un
reffort capable de donner cette viteſſe un
hors du bateau , il ne la lui donnera plus ,
car l'apui du reffort dans le bateau n'eft pas
inébranlable, & c.
Il eft vrai que cette experience peut être
fujette à cette difficulté , & qu'il y aura une
petite diminution de force dans l'action du
reffort , parce que le bateau cedera un peu à.
Feffort du reffort , cela fera peut- être un dix
milliéme de difference , ainfi le mobile aura
deux de force , moins un dix milliéme ; mais
certainement cette diminution de force ne
fera pas qu'il aura le quarré de deux , c'eftà
dire quatre : & il n'y a pas d'aparence que
pour avoir perdu quelque chofe , il ait gagné
plus du double .
>
D'ailleurs il eft très - aifé de faire cette experience
, en attachant le reffort à une muraille
, & en le détendant contre le mobile:
qui fera fur la table . A cela il n'y a rien à répondre
, & il faut abfolument fe rendre à
cette démonftration experimentale de M.
Jurin.
Il paroît que les experiences qui fe font
en tems égaux , favorifent auffi pleinement
Fancienne doctrine : que deux corps qui
font en raison réciproque de leur maffe & de
leur vîteffe viennent fe choquer , s'il falloir
B
effimer
1304 MERCURE DE FRANCE
eftimer la force motrice par le quarré de la
vîteffe , il fe trouveroit qu'un mobile avec
cent de maffe & un de vîteffe , rencontrant
celui qui auroit cent de vîteſſe & un de maffe
, en feroit prodigieufement repouffé , ce
qui n'arrive jamais ( car fi les deux mobiles
font fans reffort , ils fe joignent & s'arrêtent;
s'ils font flexibles, ils rejailliffent également.
Les Leibnitiens ont tâché de ramener ce
phénomene à leur fyftême , en difant que les
cent de vîteffe fe confument dans les enfoncemens
qu'ils produifent dans le corps qui a
sent de maffe.
Mais on répond aifément à cette évaſion
que le corps qui fouffre ces enfoncemens , fe
rétablit,s'il eft à reffort , & rend toute cette
force qu'il a reçûë ; & s'il n'est pas à reffort ,
il doit être entraîné par le corps qui l'enfonce
: car le corps cent , fupofé non élastique ,
n'ayant qu'un de vîteffe , réfiste bien par fes
cent de maffe au cent de vîteffe du corps
un mais il ne peut réfister aux cent fois
cent qu'on fupofe au corps choquant ; il faudroit
alors qu'il cédât , & c'est ce qui n'arrive
jamais.
Enfin M. Jurin ayant fait voir démonstrativement
qu'il faut toujours faire mention du
tems , & ayant imaginé une experience hors
de toute exception , dans laquelle deux vîtelles
en un tems ne donnent qu'une force
double ,
JUIN. 1741
1305
double , a défié publiquement tous les adverfaires
d'imaginer un feul cas où une vîteffe
double pût en un tems doner quatre de
force ; & il a promis de fe rendre le difciciple
de quiconque réfoudroit ce Problême .
On a entrepris de le réfoudre d'une maniere
extrêmement ingénieuſe.
On fupofe qu'une boule qui ait un de maffe
& deux de vitesse , & qui rencontre deux
boules , dont chacune a deux de masse , de façon
que la masse un communique tout fon
mouvement par le choc à fes masses doubles
: or ,
: or , dit- il , fi cette masse un qui a deux
de vitesse communique à chacune des maffes
doubles 1. de vitesse , chacune de ces masses
doubles aura donc deux de force , ce qui
fait quatre ; la boule un qui n'avoit que deux
de force , aura donc donné plus qu'elle n'avoit
: voilà donc , peut-on dire , une abfurdité
dans l'ancien fystême ; mais dans le
nouveau , le compte fe trouve juste , car la
boule un avec deux de vitesse , aura eu quatre
de force , & n'a donné précisément que
ce qu'elle possedoit.
Il faut voir maintenant fi M. Jurin fe rendra
à cet argument , & s'il fe fera le difciple
de celui qui en est l'Auteur. Je crois qu'il
ne lui fera pas difficile de répondre , & de
découvrir comment le tems est essentiellelement
à compter dans cette occafion &
dans
1306 MERCURE DE FRANCE
J
dans toutes celles qui lui ressemblent. Soient
dans ce cercle les trois boules , la boule un
choque les boules 2. fous un angle de foixante
degrés ; la boule un avec deux de vî
tesse eût parcouru en un feul tems deux fois
le rayon du cercle : les boules 2. avec chacune
un de vitesse parcourent en un même
tems le rayon 1. D & le rayon 1. C , donc
les deux boules ne font en un même tems
que ce qu'eût fait la boule un , & ce n'est
qu'en deux tems que chacun parcourra deux
fois ce rayon.
Je me fervirai aifément de cette folution
pour le cas qu'on raporte de M. Herman ;
que la boule un , dit- on , qui a 2. de vîtesse
rencontre la masse trois , elle lui donnera
un de vitesse & gardera un , voilà donc
2
2
4.
JUIN 1741. 1307
4. de force qui femble naître de 2. & cette
boule un a donné , dit on , ce qu'elle n'avoit
pas ; non , elle a donné feulement un de vîtesse
; & fi la boule trois avec cette unité
de vitesse reçûë , agit enfuite comme trois
& la boule un avec l'unité de vitesse qui lui
reste agit comme un , il faut bien soigneusement
remarquer que la boule 3. agira alors
dans trois tems , & la boule un en un
tems.
Corollaire géneral fur l'augmentation des for
ce des Corps,
Dans les deux derniers exemples qu'on
vient de raporter , on voit clairement que
fi un corps , en communiquant de fa viteffe,.
femble communiquer une force plus grandes
qu'il n'avoit , ce n'eft jamais qu'à condition
que le corps qui reçoit cette plus grande for--
ce agira dans un tems plus long.
Mais on pourra toujours demander pourquoi
même en ce tems plus long il fe trou--
vera qu'un mobile aura donné plus de force
qu'il n'en avoit. Il y a autant d'exemples de
ce cas, qu'il y a des nombres , car prenons au
hazard ce mobile un avec cent un de vîteffe,,
qu'il choque un corps en repos qui ait cent
de maffe , il lui communique deux cent de
force , & rejaillit avec 99. voilà donc deux
cent quatre- vingt- dix- neuf de force qui
naifleng
1308 MERCURE DE FRANCE
naiffent de cent un , & l'effet paroît incom
parablement plus grand que fa caufe.
Cela ne fait- il pas voir évidemment que
les corps ne peuvent donner en effet de la
force ?
Car qu'est- ce en effet que cette force ?
quelque parti qu'on prenne , c'eft quelque
chofe qui réfulte de la maffe & de la vîtesse;
or ce corps A , par exemple , qui avoit cent
un de vitesse , & qui a choqué ce mobile
B , qui a cent de masse , ne lui a pas aparem
ment donné cette masse cent ; il a donné
feulement la vitesse deux , & c'est avec cette
vîtesse deux que ce mobile B. acquiert
fa masse deux cent de force ; la force eſt
donc cette proprieté qui réfulte de l'inertie
de la matiere animée par le mouvement : or
Je mouvement ne pouvant exifter que dans
le tems , n'est- il pas démontré que la force
ne peut agir que dans le tems ?
par ;
Second Corollaire. Que les Monades feroient
fans force.
que Si la force des corps n'est autre chofe
le réſultat de l'inertie & de la vitesse , n'estil
>
pas démontré par -là que quand même la
matiere feroit compofée d'Etres fimples ,
comme l'imaginòit Leibnits après Morus , ces
Etres fimples ne pourroient avoir la force en
partage , car ils ne pourroient avoir l'inertie ,
étant
JUIN.
1741. 1309
étant fupofés fans maffe , & n'ayant pas en
eux la viteffe , ils ne pourroient en aucune
maniere avoir de force motrice?
Troifiéme Corollaire. Qu'il fe perd de la force.
Il paroît évidemment que fi la force est
proportionnelle au mouvement , il fe perd
de la force , puifqu'il fe perd du mouvement.
L'exemple aporté par le grand Newton
à la fin de fon Optique , demeure incontestable.
Donc , s'il fe perd à tout moment de la
force dans la Nature , il faut un principe qui
la renouvelle. Ce principe n'est-il pas l'attraction
, quelque puisse être la caufe de
l'attraction ?
Réfomption.
J'ai fait non feulement l'analyfe, la plus
exacte que j'ai pû , de l'Ouvrage le plus méthodique
, le plus ingénieux , & le mieux
écrit qui ait paru en faveur de Leibnits ; j'ai
pris la liberté d'y joindre mes doutes , que
les Lecteurs pourront éclaircir. Je n'ai point
touché aux objections que fait l'Illustre Auteur
à M. de Mairan dans le Chapitre de
la force des Corps. C'est à ce Philofophe à
répondre , & on attend avec impatience les
folutions qu'il doit donner des difficultés
qu'on lui fait : je croirois lui faire tort en répondang
1310 MERCURE DE FRANCE
pondant pour lui , il est feul digne d'une tel
le Adverfaire . La vérité gagnera fans douteà
ces contradictions qui ne doivent fervir qu
l'éclaircir , & ce fera un modele de la Difpute
Litteraire la plus profonde & la plus
polie .
****************
ODE
A Mad. la Marquise de St. G....
Vous , qui dans un tems d'orage ,
Contre l'effort des vents , des foudres & de l'eau
Daignâtes raffermir mon timide courage ,
Et fauver non frêle vaisseau,
*
Souffrez que ma Muſe reclame
Cette main qui jadis prévenoit mes fouhaits.
Si les voeux de mon coeur touchent encor votre ame›
Couronnez vos premiers bienfaits.
*
Dans ces voeux tout eft légitime :
Je m'y fais une Loi d'oublier mes befoins.
J'ai tant reçû de vous , que je ne puis fans crine
yous demander de nouveaux ſoins.
Tandis
JUIN.
1741. 1351
1
Tandis que mes triftes journées
Dans un cercle d'ennuis rouloient tous leurs inftans
Vous me vites cent fois pour d'autres deftinées
Faire les voeux les plus ardens.
Ce tems n'eft plus . Les Dieux propices
Ont fait à la douleur fuccéder les plaifirs.
Enfin je fuis content : mon fort fait mes délices ;
Mon fort fixe tous mes defirs .
*
Mais le devoir & la tendresse
Pour un Frere chéri follicitent mon coeur.
Pour lui feul , aujourd'hui le zéle qui me presse
Vous demande votre faveur.
Il ne compte que quatre Luftres ,
Et s'il n'a pas encor fur les pas des Cefars ,
Par de rares exploits , par des travaux illuftres ,
Mérité les faveurs de Mars,
***
On voit du moins fur fon vifage
Ces traits dont la fierté diftingue les Guerriers ;
Et fon Fer quelque jour , fi j'en crois le préfage ,
Pourra moissonner des Lauriers.
Jadis
1312 MERCURE DE FRANCE
Jadis Citoyen du Parnasse ,
Mais fuivant à regret les Drapeaux d'Apollon ,
Bien-tôt il abjura pour le Dieu de la Thrace
Tous les Dieux du facré Vallon.
*
Depuis que cette ardeur nouvelle
A de nouvelles Loix vint foûmettre les jours ;
Phébus a vú trois fois de fa route annuelle
Commencer & finir le cours.
*
Cependant , humble Militaire ,
Sans Titre , fans éclat , fervant le Souverain ;
Rien ne brille dans lui que le choix volontaire
Qui tient le glaive dans fa main.
*
Pour s'avancer dans la carriere ;
La naissance lui prête un débile foûtien ;
Le nom de fes Ayeux, caché dans la pouffrere,
Eft ignoré comme le fien .
*
Vous feule , du fein des ténébres
Pouvez tirer encor ce nom enfeveli ;
Parlez en fa faveur . Par des Titres célebres
Il fera bien tôt ennobli.
Enfé
17413 1313
Enflé de projets témeraires ,
Je ne viens point briguer les Emplois faftueux,
A le voir ſéparé d'un tas d'ames vulgaires ,
Je borne mes timides voeux.
*
Je fçais bien fur qui je les fonde.
Votre Sang , vos Vertus vous donnent toutpouvoir
Auprès de ces Mortels qui reglent dans le Monde
Le Rang que chacun doit avoir.
>
*
? Par vous aux pieds du Trône même ;
Mes foupirs , s'il le faut , iront avec fuccès :
Et par vous , s'il le faut , près de ce Rang fuprême
J'aurai moi-même un libre accès.
*
Mais que fais-je hélas ! où m'égare
Ce projet infenfé d'un vol ambitienx ?
Téméraire Mortel , fur les aîles d'Icare
Veux-je m'élever juſqu'aux Cieux ?
*
Non , non cette chute funefte ,
Qui dans le fein des Flots lui creufa fon cercueil ;
Pénétre mon efprit d'une crainte modeſte ,
Et met un frein à mon orgueil.
*
Sang
Sans quitter le fein de vos Lares ,
Où je vins autrefois ainſi que dans un Port ,
Où j'éprouvai depuis vos bontés les plus rares ,
Vous pouvez décider mon fort.
*
Près de l'Epoux de votre Fille ,
Donnez-moi feulement votre voix pour apui ;
La grace que j'attends pour moi , pour ma Famille,
Dépend & de vous , & de lui.
L ....
&
MEMOIRE adreffé aux Auteurs du
Mercure , au fujet d'un Livre manufcrit de
Voyages faits dans les quatre Parties du
Monde.
I
Left néceffaire de voyager pour acque
rir des connoiffances , qui fervent à perfectionner
l'efprit , & à lui donner des idées
plus parfaites des Mours & des Coûtumes
des differentes Nations . C'eft ce que M.
Baudelot de Dairval a fait voir dans fon Livre
De l'utilité des Voyages . Pline femble
nous dire auffi la même chofe : Il eſt, dit-il,
de la nature de l'homme d'aimer la nouveauté
; & c'est cette inclination fans doute qui le
porte
norte à voyager. Le Sage , dit l'Eccléfiaftiue
, paflera dans les Terres étrangeres , pour
orouver parmi les hommes le bien & le
al.
Ces feules autorités fuffiſent pour démontrer
qu'il eft néceffaire & utile de voyager
ans les Pays Etrangers. C'eft , MM. pour
cette raifon , qu'animé du defir de voyager,
i depuis quelque tems fait les recherches
e tous les Livres de Voyages que j'ai pû
nouver , pour me donner une idée plus par-
Gaite de cette utilité. Après en avoir feuilleté
lufieurs , ou du moins après en avoir pris
ndication , je fuis tombé par hazard fur
les Voyages manufcrits de Jean Mocquet ,
lefquels m'ont paru renfermer beaucoup
d'articles curieux fur la Géographie , la Boanique
, & fur les moeurs des differentes
Nations. L'Auteur de ce Manufcrit ( a) qui
t dans la Bibliothèque de Sainte Genevićdit
qu'il l'a exactement tiré de l'Original
écrit de la main de l'Auteur , lequel ori
ginal eft confervé dans la Bibliotheque de
Abbaye de S. Jean de Sens . Ce Manufcrit
eft d'autant plus important , que Mocquet
avoit voyagé dans les quatre Parties du
(a) Ce Manufcrit m'a d'autant plus fait de plaifir
que dès la premiere page j'y ai trouvé nommés des Pays
ar lefquelsje venois de paffer , fçavoir le lieu de la
aiffance & del'éducation de notre Voyageur.
Monde
"
ور
Monde. ( Ce qui n'eft pas fort commun. )
» Sans parler de l'Europe où il étoit né
" fes Voyages ont été faits dans les Indes
Occidentales , dans la Barbarie , en Ethiopie
, en Afie , aux Indes Orientales , en
» Syrie , en Judée : & à la fin du Volume ,
» il y a auffi de lui une déclaration brieve
» de la divifion , forme & fingularités des
» Parties du Monde , en ce qui peut être
aujourd'hui découvert aux yeux des Humains
, felon les Cofmographes. « Ce font
les propres termes de l'Auteur de ces Voya-
33
ges.
"
cr
Vous ferez fans doute bien aife de faire
part au Public de ce que l'Auteur de la Copie
du Manufcrit a mis à la tête , au fujet
de l'Auteur Original. » Jean Mocquet , dit:
" il , étoit natif de Cuify près Juilly l'Abbaye
, dans l'Ile de France ; c'eft lui- mê-
» me qui nous l'aprend dans des Stances
qu'il a faites fur fa prifon à Moſambique ,
» dont je parlerai auffi- bien que d'un autre
» Poëme qui fe trouve dans fon Recueil
» Voici la Stance où il en parle ; c'eſt la réponfe
qu'il fit au Juge qui l'interrogeoit
Jean Mocquet , c'eſt mon nom , ( 4) Paris eft ma
Patrie ,
رو
"9
(a )Il eft extraordinaire que Mocquet fe foit dit en
même-tems Parifien , & né à Cuify. La rime l'a con-
Natif
JUIN.
1317
1741
Natif de Cuify , près Juilly- l'Abbaye ,
Où le Roy va fouvent pour prendre fes plaifirs ,
Lieu de la nourriture , contenter fes defirs.
» Son Pere étoit un Laboureur qui avoit
quelques biens , qui furent la proye des
» Soldats & des Sérgens .
و ر
"3
39
" Son fils eût dès fon enfance de l'inclina
"tion pour les Voyages; étant allé un Diman-
» che matin par le commandement de fon
Pere, garder un champ de Pois , la démangeaifon
lui prit de voir Paris ; il laiffe -là les
» Pois , & fe met en chemin. Lorsqu'il fût
» près de Juilly , il fit réflexion qu'il n'avoit
» pas le fol , & qu'ainfi , lorfqu'il ſeroit à
Paris, il lui faudroir mandier. Cette penſée
» le fit retourner dîner chés fon Pere , réfolu
d'attendre qu'il fût devenu un peu plus
" grand. Il ne dit rien de fon deffein , bien
» déterminé à l'exécuter quand la commodi-
» té fe rencontreroit.
و ر
» La Moiffon étant finie , on envoya Moci
duit fans doute à s'exprimer ainfi. Les Lieux qui font
ici nommésfont tous du Diocèse de Meaux à 6 lieuës
ou environ de Paris vers l'Orient . Chambrefontaine
eft une Abbaye de Prémontrés à un quart de lieuë du
Village de Cuify , fur le territoire duquel elle estfituée.
Juilly eft plus près de Paris d'une lieuë . C'étoit alors
une Abbaye de Chanoines Réguliers , aujourd'hui poffédée
par les PP. de l'Oratoire.
II. Vol. G quet
1318 MERCURE DE FRANCE
"
» quet à l'école à Chambre fontaine , où le
» foüet ne lui étoit point épargné. Un jeune,
Moine qui de fon côté n'en étoit pas
» exemt , l'engagea à s'enfuir avec lui.
و ر
» Le Moine jette donc le froc aux orties ;
$9 fe coupe les cheveux , & fe met en cam-
» pagne avec le jeune Mocquet . Ils cheminerent
enfemble , non fans crainte ; le
» Moine croyoit toujours entendre fes Con-
» freres courir après lui pour le ramener au
» Couvent : fon Compagnon n'étoit pas plus
raffuré , bien perfuadé que s'il étoit pris
» en fuyant , il feroit fouetté d'importance.
» Enfin on ne courut pas après eux ; leur
crainte fe diffipa , & ils arriverent au Bour-
» get. Lorfqu'ils furent à Paris , cette grande
Cité que Jean Mocquet défiroit tant
» voir , on leur confeilla de chercher un
» Maître. Le Moine qui fçavoit fon pain
» manger , trouva bien- tôt fon gîte . Il n'en
fût de même du pauvre Mocquet ; il
pas
alloit de ruë en rue , demandant à fervir :
» mais perfonne ne l'écoutoit , on le trou-
» voit trop jeune & trop petit. Enfin pour-
» tant il trouva une condition telle quelle ;
»pour y entrer on lui demanda un répon-
» dant : lui qui n'avoit ni ami hi connoif-
» fance dans Paris , n'en pût donner. Il prit
- donc le parti de s'en retourner chés fon
" Pere ; affés embarraffé comment il fe ti-
وو
و د
1. reroit
JUIN. 1741.
1319
·
reroit d'affaire , car il n'avoit aucune bon-
» ne raifon d'avoir quitté l'école . Il en fut
» pourtant quitte à bon marché.
99
""
99
39
"
L'Eté fuivant , au commencement des
» Guerres de la Ligue , allant un jour chargé
de foin qu'il portoit au Château du
Pleffy pour les chevaux de fon Pere , qu'on
"y avoit retiré par la crainte des Soldats , il
» rencontra un Régiment qui alloit à Meaux;
» un Goujat paffant près de lui , lui prit fon
chapeau , il laiffe -là fa botte de foin , &
» fe met à courir après le voleur . Il l'eut
bien- tôt attrapé , mais non pas fon cha-
» peau , qu'il eût eu de la peine à ravoir
» fans un Soldat qui déchargea un coup fur
» les épaules du Goujat , en lui difant : Larron
, pourquoi prens -tu le chapeau de cet
enfant & auffi - tôt le voleur rendit le
» chapeau. Mocquet en s'en retournant, ren-
» contra un autre Régiment , dont les Sol-
» dats le prirent lui - même , voulant , difoient
ils , le mener à la Guerre , où il
» n'avoit nulle envie d'aller ; ils l'obligerent
» à marcher avec eux , & de porter les Pcu-
» les qu'ils tuoient en chemin. Ce fût là le
» commencement de fa fortune : car
peu
» peu il paffa du ſervice de l'Enfeigne de la
Compagnie , à celui du Capitaine. Depuis
» il entra chés un Maréchal de France , &
33 enfin il paffa au ſervice du Roy Henry IV.
ور
39
,
à
Cij &
1320 MERCURE DE FRANCE
ور
après fa mort , à celui de Louis XIII . fon
» fils & fon fucceffeur , en qualité de Chi
» rurgien.
ود
" Outre les Voyages & les difcours de
Cofmographie qui compofent ce Recueil.
» l'Auteur a encore fait deux Piéces de
» Vers , dont l'une eft compofée d'un affés
grand nombre de Stances fur fa prifon &
» fur les cruautés des Portugais dans les In-
» des. L'autre eft un Poëme d'environ dou-
» ze cent Vers , dans lequel il raconte quelqu'unes
des avantures de fa vie , qu'il fait,
» revenir au but principal de fon Ouvrage ,
qui eft de prouver qu'il faut mettre en
" Dieu toute la confiance , & pratiquer la
25
ן כ
» Vertu .
» C'eſt de ce Poëme que j'ai tiré les cir-
» conftances cy- deffus, Tels font les pre-
» miers Vers du Poëme,
De Cuify , le Village là où j'ai pris naiſſance ,
Affis en beau féjour en cette Ile de France ,
Adolefcent , petit , allant garder Troupeaux ,
Chevaux, Poulains, & Vaches avecque les Agneaux,
Voilà ce que j'ai tiré de la Préface qui eft
au commencement de la Copie dont je me
fuis fervi. Mais je fuis furpris que l'Auteur
de cette copie ait omis plufieurs circonftances
qui ne laillent pas d'être intéreffantes.
Jean
JUIN. 1741 : 1321
Jean Mocquet nous apprend lui- même qu'il
étoit très -familier avec le Roy Henry IV.
qu'il l'entretenoit fouvent de ce qu'il avoit
Tû dans les Pays Etrangers , lorfqu'il étoit à
Fontainebleau , & même qu'il lui avoit aporté
plufieurs curiofités au retour de fon Voyage
des Indes Orientales en 1601 .
On voit au refte , par les Poëfies de Mocquet
, qu'il n'étoit pas né Poëte , mais que
c'étoit plûtôt de la Profe rimée que toute autre
choſe .
Je defirerois fort de fçavoir fi ces Voya
ges fe trouveroient imprimés quelque part ,
& s'il n'y en a point quelque Edition dans
les Cabinets des Curieux.
Vous pouvez , MM. mieux que perfonne
, me procurer cet éclairciffement de la
part de ceux qui liront dans votre Journal le
Mémoire que j'ai l'honneur de vous adreffer.
Je fuis & c.
L. A.
EPITRE
A M. Leübo , P. D. R. à Villefranche.
Toi ,dont la raifon fuit les traces
Des Anacréons , des Horaces ,
C iij
Leübo ,
1322 MERCURE DE FRANCE
Leubo , dont l'efprit du Vrai ſeul enchanté ,
Perce à travers l'épais nuage ,
Qui fur de foibles yeux répand l'obſcurité ;
Pardonne à ma témerité ,
Si , pour te peindre mon
GA
J'emprunte le divin langage
image ,
Des chaftes Soeurs , dont la beauté
N'offre à ton ame que l'image
De la plus pure volupté :
Epris d'un riant badinage ,
Rens- nous fouvent témoins de leur fécondité.
Mais où me vois je tranſporté ?
Eu vain conduit par la Pareffe ,
Je tournois ma route au Permeffe ;
Elle m'égare à chaque pas ,
Et cette oifive Enchantereffe
N'a pour moi que de vains apas .
Pour toi , fans lime & fans compas ,
Trace à nos yeux avec délicateffe
Les tendres Airs que plus d'une Déeffe
Vient t'infpirer dans de joyeux ébats .
Prens le Pipeau leger , la Lyre , ou la Trompette ;
Fais à ton gré retentir l'Hélicon ;
A t'aplaudir le docte Choeur s'aprête.
De Phébus heureux Nourriffon
Pare le front de Melpomene
•
Des Fleurs que fait germer l'onde de l'Hypocrene.
Ов
JUI N. 1741. 1323
On te vit foûpirer dans le facré Vallon , ( a)
Quand d'Atropos l'humeur chagrine
Alloit livrer à l'avare Caron ,
Et la rivale de Cyprine ,
Et l'Arnte d'Anacreon.
Mais que vois- je en Cenfeur auftere
G. ** verfe fon fiel fur tes plaintifs accens ?
Vains efforts ta Mufe légère , (b)
Et prodigue d'un jufte encens ,
Vient dérider fon front févere .
De Myrthe couronné dès fes plus jeunes ans
11 fçût chanter les faveurs de Glycere.
Il carefla l'Amour , mais fes folâtres jeux
Sont trop- tôt le jouet des deftins rigoureux.
Il fe montre fenfible à ta douleur amere ,
>
Quand de fon coeur tu peins les premiers feux
Le Cenfeur difparoît , & l'ami généreux
Se flate que fon nom décoré
? par tes rimes ,
Va de la nuit des tems braver les noirs abîmes .
(c) De ta Clotho les agrémens divers
Ont pénétré jufqu'aux demeures fombres ;
Pour égayer les triftes ombres ,
Marot leur lit fouvent tes Vers ;
(a ) Elegie qui n'a pas paru.
(b) Epitre à M. de G. inferée dans le Mercure .
(c) Lettre Marotique à M. S. dans le Mercure .
C iiij
Mais
1324 MERCURE DE FRANCE
Mais ( leur dit- il ) de fa fertile veine ,
Si nous voyons éclore tant de Fleurs ,
Quand il nous peint une inhumaine ,
De quel prix feroient fes couleurs ,
Si fon pinceau traçoit le portrait de Climene ?
Pourfuis , Mortel ingénieux ,
Cultive tes talens , affûre- leur un Temple :
Sur l'aile de Mercure on t'admire en cent lieux ;
Mais c'eft
peu qu'au Printems l'Univers te contemnple
,
Si ton Eté ne donne une Moiffon plus ample.
La Nature t'orna des dons les plus chéris ;
Et pour en relever le prix ,
Minerve fur ton front fait briller la fageffe.
Tous les Dieux ont pour toi fignalé leur tendreffe,
Venus même te prend pour l'aimable Adonis ;
Pour plaire à tes joyeux amis ,
Bacchus t'infpire l'allegreffe.
De l'avide Plutus tu hais trop la foupleffe ,
Pour être au rang de fes vils favoris.
Mais , fi de l'Univers la volage Maîtreſſe
T'honoroit d'un tendre fouris >
Quel triomphe pour ta pareffe !
Les Jeux , l'Amour , les Graces & les Ris
Autour de toi folâtreroient fans cesse.
Par M. Boyer de la Valleite.
JUIN. 1741. 1325
海
LHEUREUSE VIEILLESSE.
Lettre écrite par M. le Comte de Marcien ,
Gouverneur de la Ville & Château de Valence
, le 6. Mai 1741.
V
"
Oici , M. une Piéce à inférer dans vo
tre Journal , que les Curieux trouveront
, je crois , assés rare pour s'en amuſer
pour défirer même de pouvoir en faire le fecond
Tome. Vous en corrigerez la diction ;
car nous nous contentons dans le Militaire
, d'expofer tout fimplement le vrai . Je
fuis &c. figné le Comte de Marcieu .
MEMOIRE au fujet de M. de Genas
Lieutenant pour le Roy au Gouvernement des
Ville , Citadelle , & Bourg de Valence.
Ce Gentilhomme, iffu d'une très bonne &
ancienne Maiſon de Dauphiné , eft actuelle.
ment âgé de quatrevingt - dix- neuf ans , étant
né le 5. Janvier 1642. & baptifé le lendemain
au Prêche de Soyons près de Valence.
Il fut desherité par fon Pere , mort Calvinif
te , pour avoir embraffé la Religion Catho
lique de fa Mere , dans laquelle il a toujours
vécû.
Il commença à fervir le Roy en qualité de
Garde du Corps dans la Compagnie de Rochefort..
Су Le
13.26 MERCURE DE FRANCE .
Le 25. Octobre 1673. il fut fait Lieutenant
de la Compagnie des Chevau- Legers de
Beaujeu , dans le Régiment du Roy.
En 1675. il fut pourvû de la Lieutenance
de Roy de Montelimart , puis le 7. Novem
bre 1677. par échange avec M. Deurve ,
fut fait Lieutenant de Roy de Valence .
il
Enfin le 3. de ce mois de Mai 1741. il fut
reçû à Valence Chevalier de S. Loüis par M.
le Comte de Marcieu .
Il jouit d'une très - bonne fanté , & de l'ufage
de tous fes sens , à l'oüye près . Il a encore
fes trente-deux dents , & préfere toujours
la croute du pain à la mie ; il vit trèsfobrement
, mangeant cependant de tout ,
rien ne l'incommodant , fans connoître
pour ainfi dire , s'il a un eftomach.
,
Il est très-vif, fort & vigoureux , droit ,
marchant légerement , danfant même encore
à l'ancienne mode . Il va quelquefois à la
Chaffe , & tire bien.
>
Il eft , au refte , très- propre & fort poli ;
galant même dans les occafions. Il a la veuë
excellente , & lit les plus menus caracteres
d'un peu loin , loin , fans s'être jamais fervi de lunettes.
Comme il a une Mémoire prodigieufe , &
P'efprit fort orné , il s'occupe à la lecture
des bons Livres . Il fait même des Remarques
& des Notes , principalement fur les
MéJUIN.
1741.
1327
Médailles , & autres Monumens de l'Antiquité
, dont il eft grand Partiſan, Outre la
Langue Latine ; il poffede encore fort bien
les principales Langues vivantes de l'Europe
Enfin ce vieux Officier , prodige de nos
jours , ne reffent , pour ainfi dire , aucune
des infirmités de la vieilleffe , fi ce n'eft la
furdité , à laquelle il fuplée par fa vivacité ,
& par une grande facilité à s'énoncer clairement
, avec grace , & avec une éloquence
naturelle . Il dort peu , travaille & s'occupe
continuellement.
EPITRE
A M. des Forges Maillard , pour fervir de
réponse à celle qu'il m'a adreffée dans le
Mercure d' Avril 1741. pag. 674. par M.
G. d'Aucour.
V Otre coeur ainfi
"
Adore donc une Julie
que
le mien ,
Dieux , qu'elles fe reffemblent bien !
La mienne eft petite et jolie ;
Jamais l'aimable Dieu d'Amour
N'en vit de femblable en fa Cour,
Elle eft blonde , et fa chevelure
Bouclée , imite la Nature.
C vj N'est - ce
1328 MERCURE DE FRANCE
N'eft- ce pas là le vrai portrait
De la Belle qui vous captive ?
Du moins , votre Mufe naïve
Me l'a peinte ainfi trait pour trait
Si j'y fçais quelque difference ,
La voici la vôtre en courroux :
>
A même des charmes pour vous ;
Jamais la mienne , en ma préfence ,
N'a montré de l'emportement :
Je n'ai vû que fon enjoüement ;.
Peut-être êtes-vous téméraire ;
L'Amour nous rend audacieux.
Moi , de crainte de lui déplaire ;
Je confulte d'abord les yeux ;
Quand ces interprétes de l'ame
M'aprennent l'état de fon coeur ;
Queje connois par leur douceur
Les progrès de ma tendre flamme
Ma bouche vole fur fa main,
Je n'ofe risquer davantage ,
Et je le tenterois en vain..
>
Plus on eft fol , plus elle eft fage ,
Il faut fe borner à la voir.
Vos Vers charmans me font fçavoir
Que vous aimez votre Julie
Autant que votre propre
vie.
Dire que l'on aime au-delà ,
C'eſt , dites-vous, une hyperbole Mais
JUI N. 1741. 7329
Mais Cupidon dans fon Ecole
Rejette cette théfe- là.
Laiffez-moi vous vaincre en amour ;
Je ne le pourrois au Parnaſſe ;
Affis au côté droit d'Horace ,
Vous faites l'honneur de fa Cour ,
Et je languis dans la pouffiére ;
Mais je fuis Seigneur à Cythere ;
Il ne faut qu'un Coeur amoureux
Le mien , je crois , en vaut bien deux.
J'aurai recours à ma Julie ,
Si vous me combattez en Vers
A votre belle Poëfie
J'opoferai fes doux Concerts :
999
"
C'est elle qui monte ma Lyre ,
C'est fon tendre Coeur qui m'infpire.
Lors que je fais une Chanfon ,
Je l'invoque , & non Apollon.
Le Dieu qu'on encenfe au Permeffe ;
Qu'à Paris on voit prefque nû ,
Sans la Bergere qui me bleffe ,
Me feroit encor inconnu.
A Paris , ce 8. Mai 1741 .
SE
1330 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXX:XXX :XXXX
SECONDE Lettre de M. Nericault-
Deftouches à M. Tanevot.
Oici la feconde Partie de ma Réponfe
, Monfieur : elle fera peut- être trop
longue pour une Lettre , & sûrement elle
fera trop courte , par raport à l'abondance
& à l'importance des matiéres que j'entreprens
de traiter avec vous .
Il faut cependant que je tiennne ma parole
; je vous l'ai donnée de vous à moi , & je
vous l'ai confirmée publiquement. C'eſt un
double engagement , dont rien ne peut me
difpenfer ; & je ne me repentirai pas de m'être
impofé ce devoir , fi vous êtes auffi content
de la maniere dont j'exécuterai ma promesse
, que de mon exactitude à l'accomplir.
Il s'agit de prouver aujourd'hui que la
Raifon nous méne directement à la Foi , &
que la Foi fortifie la Raiſon.
Si je viens à bout de mon entreprife , comme
je crois pouvoir m'en flater , je vais mettre
Bayle & fes Diſciples en mauvaiſe poſture
, & je ne fçais quelle ressource ces derniers
trouveront , pour fe convaincre que la
Raifon eft fi contraire à la Religion , que
celleJUIN.
1331 1741 .
celle- ci ne peut fe foûtenir contre les argumens
des Philofophes.
Lifez donc , Meffieurs les Raifonneurs , &
voyez s'il eft vrai , comme Bayle vous l'enfeigne
,, que la Raifon , quand on l'écoute ,
éloigne de la foi ; & qu'un entendement qui
fe laisse captiver par la Foi , n'a plus que des
idées confufes & dépourvûës de toute vraisemblance
; idées qu'il auroit apellées fausses
& chimériques, s'il avoit osé lever le masque
comme vous , & joindre l'impertinence à
l'égarement.
Heureusement il avoit des ennemis redou
tables , contre lesquels il se tenoit en garde
; & c'eft avec toute la circonspection possible
qu'il a jetté son venin dans les Articles
des Manichéens , des Panliciens , des
Marcionites , des Pyrrhoniens & c. Mais quelquelques
précautions qu'il y ait prifes , un
bon efprit aperçoit d'abord fes pernicieuſes.
intentions : au lieu qu'un fat , un étourdi ,
un demi Sçavant tout au plus , un homme
du bel air , un petit Maître ( & combien en
voyons- nous de ces ridicules efpéces ) croit
y trouver des argumens invincibles contre la
Religion. Infatué de cette chimere , il s'imagine
d'abord qu'il eft un grand Philofophe ,
un tel efprit , un efprit fort , un génie d'une
trempe nouvelle & infiniment au- deffus
du vulgaire . Armé de ces idées flateufes &
intré1332
MERCURE DE FRANCE
intrépides , il raille , il plaifante , il regarde
en pitié les hommes dociles & prudens , qui
faifant un ufage légitime de leur raifon,trouvent
qu'elle eft infiniment plus forte & plus
éclairée , lorfqu'elle fe foûmet humblement
à la révelation, que lorfqu'elle ofe entrepren
dre d'en faper les fondemens inébranlables.
En effet , fi. de pareils perfonnages ( j'entens
nos prétendus efprits forts ) examinoient
d'un fang froid & fans prévention tout ce que
la Raifon leur dit & leur prêche à tous momens
en dépit d'eux-mêmes , quoiqu'elle
femble les avoir abſolument abandonnés , ils
fentiroient bientôt que Bayle les abuſe , &
que fes argumens auxquels ils fe rendent fi
facilement , ne font que ddee purs fophifmes.
Mais des lumieres fuperficielles qui ne doi
vent leur origine qu'à la présomption , qu'à
l'orgueil , & qu'à la corruption des moeurs ,
éblouiffent les libertins fans les éclairer , &
leur donnent la hardieffe de s'ériger en Docteurs
, quoiqu'ils ignorent même les premiers
principes,
Tâchons donc de leur ouvrir les yeux , &
de leur faire voir qu'une Raifon droite conduis
à la Foi; & qu'une Foi pure perfectionne la
Raifon.
J'avoue qu'il faudroit un volume confidezable
, pour bien déveloper les deux vérités
que j'avance ; auffi dois-je vous avertir d'abord
JUI N. 1741. 1333
bord que je n'entreprens pas de traiter cette
matiere à fond. Je me borne à mettre la Raifon
dans la voye qu'elle doit fuivre pour arriver
au but qu'elle doit fe propofer , qui eft
de connoître la vérité .
Je dis donc qu'une Raifon droite , dégagée
des préjugés occafionnés par l'orgueil
et par le libertinage , conduit à la Foi. En
effet , une Raifon droite et non prévenuë
connoît fa propre foibleffe , mais elle fent
en même tems qu'elle eft capable de difcuter
hiftoriquement les Fairs , que les Théologiens
apellent motifs de crédibilité : elle fçait
en tirer des confèquences juſtes , et par ce
moyen elle ſe met en état de s'affûrer de la
vérité et de la Divinité de la Révélation.
Une Raifon droite et non prévenuë connoît
fa propre foibleffe ; car elle voit que tout
l'arrête , que tout l'embarraffe .
1
Sa propre nature , fes differentes manieres
d'être et d'agir , les caufes des chofes qui
font le plus à fa portée , la compofition des
Corps , leur Réfolution , leur méchaniſme
les phénomenes les plus naturels , les fenfations
, et une infinité d'autres chofes , font
pour elle des énigmes impénétrables.
Ce fentiment de fa propre foibleffe la force
de convenir qu'il y a bien des vérités
qu'elle ne peut pas comprendre . Que s'enfuit-
il de-là qu'elle fent la néceffité de l'exiſtence
1334 MERCURE DE FRANCE
xistence d'un premier Principe . Mais veut
elle examiner la Nature de ce premier Prin
cipe ? elle le trouve incompréhenfible : ſa
puiffance l'étonne , fon immenfité l'accable
fa fageffe la déconcerte : elle en conclut que
pour connoître les vérités fublimes que ce
premier Etre renferme , il faudroit que ce
premier Etre lui-même daignât l'en inſtruire.
Elle voit que ce premier Etre, étant effentiellement
bon et effentiellement vrai , il ne
peut ni fe tromper
, ni la tromper
; que s'il P'élevoit
jufqu'à
ces grandes
vérités
, elle
pourroit
les comprendre
, et que s'il lui en propofoit
quelques
- unes fans les déveloper
,
elle feroit indifpenfablement
obligée
d'y ac- quiefcer
, quoiqu'elle
ne les comprît
pas.
Car la Raifon la plus orgueilleufe ne peut
pas fe difpenfer de fentir que fes lumieres
toujours bornées doivent céder à celles d'une
Intelligence infinie , à celles de la Raiſon
fouveraine .
La voilà donc difpofée à croire les vérités
que la Raifon fouveraine lui révelera , fupofé
qu'elle veuille bien lui en réveler quelques
-unes. Ainfi la vûë de fa foibleffe la
conduit à recevoir la Foi , par voye de préparation.
La Raifon ainfi préparée peut examiner , Gi
Dieu lui a véritablement révelé quelquesunes
de ces vérités qui font au- deffus de fa
portée.
JUI N. 1335 .
17412
portée . Que trouve-t'elle après cette recherche
?
Elle voit qu'il y a dans le monde une Societé
qu'on apelle Eglife Chrétienne , Societé
refpectable par fon antiquité , par fon étenduë
, par une infinité de grands Hommes
qu'elle a toujours portés dans fon ſein , par
une Morale parfaitement conforme aux idées
de l'Ordre.
Elle voit que cette Societé fe vante d'avoir
des Livres écrits par des hommes inspirés ;
que ces Ecrits contiennent des vérités que
Dieu a voulu réveler aux hommes , fans les
leur faire comprendre, & des préceptes dont
il exige l'accompliffement , tant pour le bien
géneral de la Societé , que pour le bien particulier
de ceux qui les fuivent.
Si la Raifon peut parvenir à comprendre
que ces Livres font vraiment émanés de la
Sageffe éternelle , elle ne peut pas fe difpenfer
de fe foûmettre à ce qu'ils contiennent.
Or, la Raifon peut parvenir à comprendre
que ces Livres font véritablement & nécesfairement
émanés de la Sageffe éternelle , &
voici par quelle voye la Raifon pourra s'en
convaincre .
Il n'y a qu'une intelligence infinie , & par
conféquent il n'y a que Dieu qui puiffe connoître
l'avenir comme le préfent , & prédire
sûrement les évenemens futurs
Ainf
1336 MERCURE DE FRANCE
Ainfi , s'il eft vrai que dans Livres que l'Eglife
apelle Canoniques , il y ait des chofes
prédites qu'une intelligence créée n'ait pas
pû prévoir, & s'il eft vrai que les évenemens
ayent parfaitement juftifié les prédictions ,
plufieurs fiécles après qu'elles ont été faites ,
on ne peut pas douter que ces Livres ne
foient émanés de la Sageffe éternelle.
Or ,dans ces Livres on voit une infinité de
chofes prédites , qu'aucune intelligence créée
n'a pû prévoir , & les évenemens ont juſtifié
les prédictions , plufieurs fiécles après qu'elles
ont été faites. On ne peut donc plus douter
que ces Livres ne foient émanés de la Sageffe
éternelle.
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
la Captivité des Juifs à Babylone , & en déterminer
précisément la durée .
Cependant Jéremie a prédit cette Captivité
, long- tems avant qu'elle arrivât , & il en
a déterminé précisément la durée. Servient
Regi Babylonis feptuaginta annis. ( Jerem.
25. 11. )
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
qu'un Roy , nommé Cyrus , étoit deſtiné à
détruire l'Empire des Babyloniens , à fonder
l'Empire des Perfes,& à devenir l'inſtrument
des deffeins de Dieu fur fon Peuple. Ifaïe
l'a pourtant prédit plus de deux cent ans
avant que Cyrus vint au monde , & toutes
fes
JUIN. 1741. 1337
fes prédictions ont été accomplies de point
en point , comme il paroît, tant par les Histoires
profanes , que par les Hiftoires facrées.'
Voulez - vous lire les propres paroles d'Ifaïe ?
Les voici . ( If. 45. 1.v. ) Hac dicit Dominus
Chrifto meo Cyro , cujus apprehendi dexteram
ut fubjiciam ante faciem ejus gentes , & dorfa
Regum vertam ; & aperiam coram eo januas ,
& porta non claudentur. Ego ante te ibo ; &
gloriofos humiliabo ; Portas areas conteram , &
vellesferreos confringam : & dabo tibi thefanros
abfconditos, & arcana ſecretorum , ut fcias
quia ego Dominus qui poco nomen tuum , Deus
Ifrael.
Dieu veut punir le Roy de Babylone d'une
maniere terrible ; il ordonne aux Perfes
& aux Medes de fe joindre enſemble pour
l'affiéger : Afcende Alam, obfide Mede. ( If.
21 , 2. )
Cette Ville fera attaquée d'une maniere à
laquelle elle ne s'étoit pas attendue. Venier
Juper te malum, & nefcies ortum ejus . ( If,
57. 11. ) On détournera le cours de l'Euphrate
; on mettra le Canal de ce Fleuve à
Tec , & on entrera par- là dans la Ville. Defertum
faciam mare ejus , & ficcabo venam ejus...
( If. 51. 36. ) Vada praoccupata funt , & paindes
incenfa igni. ( 11. 51. 32. )
Enfin elle fera prife comme dans un filet
fans s'être aperçu des piéges qu'on lui tendoit.
Illa
1338 MERCURE DE FRANCE
•Illaqueavi te , & capta es Babylon , & nefciebas.
( Jerem. 5o . 24. ) On peut voir bien
d'autres particularités de ce fameux Siége
dans Ifaie & dans Jeremie , & les circonstances
les plus détaillées de la deſtruction
totale de cette malheureuſe Ville . Vous croiriez
que tout s'eſt paffé fous les yeux de ces
Prophetes.
gran-
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
que le quatrième Roy de Perfe furpafferoit
les autres en richeffes ; qu'enflé de ſa
deur montée à fon comble , il raffembleroit
tous les Peuples de fes Etats immenfes , pour
tenter la conquête de la Grece , & cependant
Daniel l'a prédit ( Daniel , 11. 12. ) Ecce adbuc
tres Reges ftabunt in Perfide , & quartus
ditabitur opibus nimiis fuper omnes , & cum
invaluerit divitiis , concitabit omnes gentes adverfum
Regnum Gracia . Ne voit- on pas dans
ces paroles de Daniel le grand & fameux armement
de Xerxès contre les Grecs ? Remarquez
que le Prophete ne dit pas que ce Prince
réuffira dans fon entreprife . Auffi voyonsnous
par l'Hiftoire , que toute cette armée
formidable périt dans cette vaine tentative.
. Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
que la Grece devoit produire un Roy d'une
valeur presque furnaturelle, qui fçauroit étendre
fort loin fa domination , l'affermir par
une grande puiffance, & faire toutes les conquêtes
JUIN 1741 .
1339
quêtes qu'il voudroit ; que dans le tems que
ce Roy fi puiffant auroit établi fa domination
, la mort l'enleveroit à toute fa gloire ;
que fon Empire feroit divifé vers les quatre
vents du Ciel ; qu'il ne pafferoit point à fes
defcendans , & qu'aucun de ceux qui lui fuccederoient
, ne lui feroit comparable en puisfance.
Daniel a cependant prédit tous ces
grands évenemens , & l'Hiftoire d'Alexandre
& de fes fucceffeurs , nous prouve l'accompliffement
de fes Prédictions. ( Dan . 11. 34. (
Surget verò Rex fortis , & dominabitur potestate
multa, & faciet quod placuerit ei , & cum
feterit , conteretur regnum ejus , & dividetur
in quatuor ventos Cali , fed non in pofteros
ejus , nequè fecundùm potentiam illius , quâ
dominatus eft.
Daniel fait encore plus. Il peint de la manierë
la plus vive , les combats des Perses &
des Medes , fous la figure d'un Bélier qui
voit deux cornes inégales , & qui donnoit
de fes deux cornes contre l'Occident , l'Aquilon
& le Midi , fans que rien pût lui rég
fifter, ni fe fouftraire à fa puiffance.
Il marque enfuite la Monarchie des Grecs ,
qui s'éleve fur les débris de celle des Perses
& des Medes , fous le fymbole d'un Bouc
extraordinaire , qui n'a qu'une grande corne
entre les deux yeux , qui part du côté de
Occident ( c'est-à- dire qui part de la Macedoine
)
1340 MERCURE DE FRANCE
cédoine ) qui marche avec tant de vîteffe ,
qu'il femble ne pas toucher la terre , qui
vient attaquer le Belier pofté devant la porte,
c'eft- à- dire dans fon Pays. Il l'attaque avec
furie , dit le Prophete , il le perce de coups,
il lui rompt les deux cornes , fans que le Be
Kier puiffe lui réfifter. Le Prophete exprime
enfuite la décadence de la Monarchie Grecque
, par le même Symbole. Le Bouc , ditil
, étant devenu extraordinairement grand ,
fa corne fe rompit, & il fe forma quatre cornes
confidérables au - deffous , vers les quatre
vents du Ciel. On peut voir cette Prophetie
dans le huitiénie Chapitre de Daniel, depuis
le premier Verfet jufqu'au neuviéme , &
l'Hiftoire nous en démontre l'accompliffement.
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
les révolutions étonnantes qui devoient arriver
dans le Monde par l'établiſſement de
quatre grands Empires , qui devoient s'élever
fur les débris les uns des autres , & qui devoient
tous ceder à l'Empire éternel du Messie
; & cependant Daniel a prévû ces révolutions
, qu'il exprime clairement dans fon
dernier Chapitre , en expliquant le Songe de
Nabuchodonofor , & il les détaille d'une maniere
non moins préciſe dans fon Chapitre
feptiéme , fous la figure de quatre grandes
bêtes qui fortent de la Mer.
Que
1741.
Que ne pourrois- je pas dire fur les Prophéties
qui regardent Jefus Chrift ? Les Li
vres Saints en font tout remplis .
Toutes les circonftances de fa Naillance !
de fa Vie , de fa Mort & de l'établiffement
de fon Eglise , font fi clairement exprimées
dans l'ancien Teftament , que les Payens, &
en particulier Porphyre , reprochoient aux
Chrétiens de les avoir faites après coup.
- Mais les Chrétiens fe juftifioient aisément
de cette injufte accufation. Et par quel té-
'moignage ? Par un témoignage fans réplique;
par celui de leurs plus grands ennemis , des
Juifs en un mot , témoins authentiques &.
non suspects de la vérité . Par ce moyen infaillible
, ménagé & préparé par la Providen
ce , les Chrétiens fermoient la bouche aux
Payens , & triomphoient de toutes leurs ob
jections. Les Payens confondus s'étonnoient
eux - mêmes que les Juifs ne devinffent pas
Chrétiens.
J'irois infiniment au-delà des bornes que
je dois me prescrire , fi j'entreprenois de ra
porter & de détailler toutes ces Prophéties.
Je me contenterai donc de tranſcrire ici celle
que nous trouvons dans le neuviéme Cha
pitre de Daniel , Verfet 24. & fuivans.
Septuaginta hebdomades abbreviata funt fuper
Populum tuum , & fuper urbem fanctam
tuam , ut confummetur pravaricatio , & finem
11. Vol. D accipias
MERCURE
DE FRANCE
fiat peccatum , & deleatur iniquitas ,
Aducatur Juftitia fempiterna , & implea ur
vifio & Prophetia , & ungatur fanctus fanctorum
. Scito ergo & animadvertes ab exitu fermonis
ut iterum adificetur Jerufalem , ufque ad
Chriftum ducem , hebdomades feptem , & hebdomades
fexaginta dua erunt ; & rurfum adificabitur
platea, & muri in anguftia temporum .
Et poft hebdomades fexaginta duas occidetur
Chriftus ; & non erit ejus Populus qui eum negaturus
eft. Et civitatem & Sanctuarium dis-
Sipabit Populus cum Duce venturo ; & finis
ejus vaflitas , & poft finem belli ftatuta defola
tio. Confirmabit autem pactum multis hebdomada
una , & in dimidio hebdomadis deficiet hostia
& facrificium , & erit in Templo abominatio
defolationis ; & ufque ad confummationem
finem , perfeverabit defolatio.
Que de merveilles ne peut- on pas apercevoir
dans ce peu de lignes !
& cela
L'Epoque précife de la Prédication & de
la Mort du Meffie y eft fixée. C'eſt au milieu
de la foixante & dixiéme femaine d'années
( fuivant la maniere de compter des Hebreux)
que le Chrift doit être mis à mort ,
à compter depuis l'Edit , en vertu duquel la
Place & les Murailles de Jérufalem feroient
rebâties , c'est- à - dire depuis l'Edit donné en
faveur des Juifs , par Artaxerxès , furnommé
Longue main puifque c'eft en conféquencé
:
de
JUIN. 1741.
1348
de cet Edit que l'on rebâtit les Murailles &
la Place de Jérusalem , malgré les opofitions
& les efforts des Samaritains , qui mettoient
les Juifs dans la néceffité de tenir la truelle
d'une main & l'épée de l'autre , comme dit
Efdras.
On y voit la réprobation des Juifs , la def
truction du Temple de Jérusalem par Veſpan
fien & Titus fon fils .
La prophanation du Temple.
Et la défolation de cette Ville ; défolation
qui doit durer jufqu'à la confommation des
fiécles.
Voilà bien des Faits éclatans qu'une Intelligence
créée n'a pas pû prévoir , & que
Dien feul a pú réveler à fes Prophetes , Deforte
que quand même on ne confidereroit , ni
les Hiftoires miraculeuf s raportées dans les
Livres Saints,ni la fageffe des Loix qui y font
répandues , Lox plus conformes à la Raifon
& plus utiles à la Societé , que celles des
Lycurgues , des Solons , & des plus fameux
Légiflateurs.
"
Quand on ne confidereroit ni la beauté
de la Morale , dont ces Livres ficrés font
remplis , Morale plus fublime , plus hinte &
plus conforme aux idées de l'Oidie que celle
des Platons , des Sencques & des plus fages
Philofophes ; on feroit forcé de reconnoître
la divinité de ces Livres , par la feule
Dij raison
344 MERCURE DE FRANCE
raifon qu'ils contiennent une infinité de prédictions
, de la nature de celles que je viens
de raporter , & dont on a vû l'accompliffe
ment dans les tems défignés. Dieu feul peut
connoître l'avenir comme le préfent. Dieu
feul a pû infpirer ces Prophéties ; il eft donc
évident que les Livres qui les contiennent
viennent de Dieu feul , & les ſophiſmes les
plus fubtils , l'incrédulité la plus opiniâtre ,
le génie le plus profond , la fcience la plus
vafte , l'orgueil le plus intrépide , ne peuvent
éluder cette conféquence.
Après cette difcuffion , un peu longue à
la vérité , mais encore trop abregée , fi l'on
confidere l'importance du fujet , n'eft - il pas
bien facile à la Raifon de concevoir d'abord
que les obfcurités qui fe trouvent répandues
dans les Livres Saints , ne font pas un prétexte
recevable pour fe difpenfer de s'y foûmettre
? furtout fi elle fe repréfente que
Dieu ayant incontestablement un fouverain.
domaine fur toutes fes Créatures , il a droit
d'exiger la foûmiffion de l'efprit & du coeur
de ces Créatures libres , pour leur donner
occafion de mériter ou de démériter , par
le bon ou le mauvais uſage de ces deux facultés
.
D'ailleurs , l'idée d'une Religion eft renfermée
dans l'idée d'un Dieu Créateur ; &
la néceflité de la Révélation eft renfermée
dans
JUIN. 1741. 1345
dans l'idée de la néceffité d'une Religion
Car un Dieu Créateur doit exiger des
hommages de fes Créatures . Puifqu'il eft le
Principe de toutes chofes , il doit être la fin
de toutes chofes , & c'eft à lui que toutes
chofes doivent fe raporter , de la maniere
dont elles font capables de lui être raportées.
Des Créatures capables de connoître & de
vouloir librement , doivent donc lui faire
hommage de leur entendement & de leur
volonté.
Comment peuvent- elles lui faire cet hommage
de leur entendement ? en voici le plus
für moyen , c'eft en acquicfçant à des vérités
qu'elles ne comprennent pas .
Comment foumettront- elles leur volonté
au Divin Créateur ? La maniere de lui en
faire hommage , c'eft de s'affervir humblement
& fidellement à des préceptes qui font
pénibles à la Nature .
Pour croire des vérités qu'elles ne comprennent
pas , il leur faut un garant capable
de leur perfuader que les vérités qu'elles
croyent , font réellement exiftantes.
Pour obferver des préceptes pénibles à la
Nature , il leur faut une autorité capable de
les y foumettre , ou par la terreur des châtimens
, ou par l'efpoir des récompenfes.
Mais fi Dieu n'a rien révelé , il n'exige
D iij
au .
1346 MERCURE DE FRANCE
aucun hommage de fes Créatures intelligentes.
Il n'exige aucun hommage de l'Entendement
, puifqu'il ne lui propofe aucune vérité
qui foit au-deffus de fa portée.
Il n'exige aucun hommage de la volonté ,
puifqu'il n'a point impofé de Loix . Il a produit
des Créatures libres , uniquement pour
être le fpectateur de l'ufage qu'elles feroient
de leur liberté. Il n'y a dans le Monde qu'un
ordre arbitraire qui pourra changer ſuivant
la fantaifie des hommes ; & Dieu ne tirera
d'autre gloire de fes Créatures , que
celle de
les avoir créées . Un homme fenfé peut- il
imaginer cela ? Toutes réflexions faites ,
fentira t'il pas au contraire qu'il lui eft impoffible
de réfifter aux raifons invincibles
qui prouvent la néceffité de la Révélation &
Findifpenfable obligation de s'y foûmettre ?
Néceffité prouvée métaphyfiquement &
conforme à la droite raifon .
Révélation dont la Divinité fe manifefte
clairement par la difcuffion hiftorique des
Faits qui concourent unanimement à convaincre
les plus incrédules , que Dieu feul
peut être l'Auteur des Livres Canoniques ,
& qui forment une Démonftration fi parfaite
, que les fophifmes les plus fubtils des
Libertins ne pourront jamais l'ébranler.
Il ne me feroit pas moins facile de démontrer
que
JUIN. 1741. 1347
que
la Raifon feule ne fuffiroit pas pour procurer
à Dieu des hommages dignes de lui.
Mais les bornes que je dois me preferire
ne peuvent me permettre de fi longues dif
cuflions. Il me fuffira de faire fentir cette vérité
, en examinant comment la Foi perfec
tionne la Raifon.
1º. La Raifon humaine abandonnée à ellemême
, eft capable de tomber dans les abfurdités
les plus groffieres . Rien ne peut s'opofer
à fes écarts , fi la Foi ne vient pas à fon
fecours , & ne l'empêche pas de s'égarer.
2º. La Raifon toute feule n'a qu'une idée
confuſe du Bien & du Mal , confideré dans
l'ordre moral. La Foi lui fait connoître dif
tinctement l'un & l'autre.
3°. La Raifon dépourvûë de la Foi , cherche
vainement le point véritable de la félicité
de l'homme : la Foi découvre à l'ame
le feul objet capable de la fixer & de la remplir.
Il fuffit de déveloper ces trois vérités
pour démontrer que la Foi perfectionne la
Raifon , bien loin de rendre fes idées confufes
& peu vraisemblables , comme Bayle
voudroit le perfuader.
Je dis d'abord , que la Raifon humaine
abandonnée à elle - même , eft capable de
tomber dans les abfurdités les plus groffieres.
En effet , la Raifon , toujours plus curieufe
qu'intelligente , a bien de la peine à fe bor-
Diiij ner.
348 MERCURE DE FRANCE
ner. Elle regarde toutes les vérités comme
étant de fon reffort : la fublimité des objets ,'
leur obſcurité , leur impénétrabilité même
ne font que piquer et exciter fes recherches :
elle ne fe contente pas de voir des probabilités
, elle veut pénétrer dans le fond des
chofes ; elle veut conclure.
,
Mais à quels égaremens ne s'expofe-t'elle
pas,lorfqu'elle s'éleve au- deffus de fa fphere !
elle croit voir clair au milieu des ténebres les
plus épaifles : elle affûre ce qui n'eft tout au
plus que vrai -femblable : le premier faux pas
qu'elle fait , a pour elle les plus pernicieuſes
conféquences : une fauffe lueur qui la féduit ,
l'attire toujours vers le précipice : elle va de
labyrinthe en labyrinte , d'abyme en abyme ;
plus elle avance , plus elle s'égare.
C'eſt ainfi que les Philofophes Payens,ayant
connu par les lumieres de la Raifon la néceffité
d'un Principe qui donne l'exiſtence
aux Etres créés , et voulant aprofondir la
nature et les proprietés de ce Principe, avoient
entaffé chimeres fur chimeres , jufqu'à mettre
les hommes hors d'état de connoître leur
Créateur. Difpenfez - moi d'entrer dans le détail
des folies que leur Raifon avoit imaginées.
Tout le monde en eft inftruit , et tout
le monde fent les abfurdités du Polythéïlme .
,
C'eft ainfi que les Gnoftiques ou les Va-
Jentiniens , voulant aprofondir par la force
de
JUIN. 1349 17412
de leur Raifon , non- feulement la Nature
Divine , mais encore les motifs de la Création
du Monde , et la maniere dont il a été
créé , avoient fait la merveilleuſe découverte
de leurs trente Eones mâles , fans compter
les femelles , qui compofoient le Pleroma ,
ou la Plénitude.
C'est ainsi qu'ils avoient trouvé la production
de la Terre , dans la trifteffe d'A
chamot celle des Eaux , dans les larmes
qu'elle répandit ; et celle de la Lumiere
dans fon ris , & c.
C'eft ainfi que les Manichéens , voulant
chercher l'origine du Bien et du Mal moral ,
avoient imaginé les deux Principes , l'un bon,
et l'autre méchant , dont je vous ai fai voir
l'abfurdité dans ma Lettre précedente.
C'eft ainfi que tous les Hérétiques abuſant
de leur Raifon , fons tombés dans d'autres
abfurdités , les unes injurieufes à Dieu , les
autres défefperantes pour les hommes , et
toutes fondées fur de faux raifonnemens
dont ils fe font éblouis eux- mêmes.
Enfin , c'eft ainfi que Bayle abufant de la
fubtilité de fon efprit , renverſe , brouille ,
et confond les idées les plus fimples et les
plus claires. QuoiqueDieu n'ait donné la Raifon
à l'homme , que pour trouver la vérité ,
ce Sophiſte ne s'en fert que pour l'obscurcir.
Mais lorfque la Foi vient au fecours de la
D v Rai
→
350 MERCURE DE FRANCE
Raifon , tous les nuages qui l'offufquoient
Le diffipent comme d'eux- mêmes.
La Raifon voit la néceffité d'un Etre fimple
, immuable , exiftant par lui-même , et
qui doit être le premier Principe de toutes
chofes. Elle contemple fa puiffance , fon infinité
, fa fageffe , fon immenfité , fa gloire .
Mais elle ne cherche point à pénétrer
-comment il peut fubfifter en trois Perfonnes
diftinctes , qui ne font pourtant qu'un feul
Etre. Elle fent les bornes qui lui font prefcrites
; elle s'y contient , et elle ne s'égare
pas.
Quoiqu'elle fe fente incapable d'entrer
dans les abymes inacceffibles de la Divinité ,
elle fe trouve affés de lumieres pour voir
clairement que les Divinités du Paganifme
font chimériques et fouverainement ridicules
, et que la Doctrine des Valentiniens eft
digne de gens échapés des Petites Maifons.
Elle fe trouve affés de lumieres pour connoître
l'impoffibilité des deux Principes des
Manichéens , pour découvrir les fophifmes
des Hérétiques , et pour comprendre les
mauvaifes intentions de Bayle.
La Raifon que la Foi conduit , veut bien
difcuter les chofes qu font de fa compétence ,
mais elle ne veut pas fortir de fa fphere , et
fe préferver de l'orgueil des Philofophes ,
quoiqu'infiniment plus fage qu'eux : elle eſt
moins
JUIN. 1741 .
1351
moins curieufe qu'ils ne le font , mais elle
raifonne plus jufte qu'ils ne raifonnent.
Je dirai bien plus : on peut regarder la
Révélation comme une grande découverte ,
qui a mis géneralement tous les hommes
dans la meilleure voye du Raifonnement.
Ceux qui font profeffion d'incrédulité en
profitent comme les autres , pour traiter certaines
grandes vérités qu'ils n'auroient jamais
aperçues , fi elles n'avoient jamais été révelees
; et s'ils tombent dans la confuſion ;
c'eft parce qu'ils rejettent la Révélation dans
tout ce qui ne s'accorde pas avec leurs fo
phifmes.
Platon , après fon voyage d'Egypte , où il
cut occafion de voir les Livres de Moife ,
penfe d'une maniere bien plus fublime , bien
plus exacte , et qui aproche bien plus de la
vérité , que tout ce qu'il avoit penfé juſqu'a
lors.
C'est une perfection dans la Raifon , que
de connoître la portée de fes lumieres , et
de ne pas vouloir aller au- delà : c'eft une perfection
en elle , que de pénetrer le plus
loin qu'elle peut en fuivant des routes füres :
et c'est une perfection en elle , que de voir
les précipices où fa curiofité l'entraîne , &
de s'arrêter lorfqu'elle fe trouve au bord :
alors n'étant détournée
pas
des objets
auxquels elle fent bien qu'elle ne peut at-
D vj teinpar
352 MERCURE DE FRANCE
teindre , elle donne toute fon aplication
ceux qu'elle eft capable d'aprofondir ; elle les
examine , elle les dévelope & elle les comprend
; c'eft la Foi qui procure ces avantages
à la Raifon , & c'eft par - là qu'elle la perfectionne.
J'ai dit en fecond lieu que la Raifon toute
feule n'a que des idées confufes du Bien &
du Mal , confiderés dans l'ordre moral , &
la Foi lui fait connoître diſtinctement
l'un & l'autre.
que
La Raifon dépourvûë de la Foi , peut bien
comprendre certains principes géneraux, qui
font gravés dans le coeur de l'homme .
Elle peut voir qu'il n'eft pas permis de
tromper les autres , de les trahir, de condam
ner des innocens , de prendre le bien d'au
trui; mais elle borne fa Morale à ce qui constituë
l'honnête homme , fuivant les idées du
monde.
Elle ne regarde pas l'attachement aux richeffes,
comme quelque chofe de pernicieux;
ni la vengeance, lorfqu'elle paroît jufte , comme
une action illégitime. L'amour de la gloire
, de quelque genre qu'elle puiffe être; l'ambition
, l'orgueil même , lui paroiffent des
vertus qu'elle apelle grandeur d'ame ; elle
envifage la pauvreté , l'humilité , le défintéreffement
, comme des baffeffes ; elle prend
continuellement le change fur la bont é ou la
défec
JUIN. 1741. 135%
défectuofité des motifs qui font agir les hommes
; enfin elle regarde la plupart du tems le
mal comme un bien , & le bien comme un
mal , & attire par- là fur les hommes cette
malédiction que Dien a lancée contre eux par
la bouche d'Ifaïe : Va qui dicitis malum bonum
& bonum malum. ( If. §. 20. ) 、
(
r
Lorfque la Foi l'éclaire , elle voit non - feu
lement les principes géneraux de la Morale ,
mais encore les particuliers , & toutes les
conféquences qui en dépendent .
Elle voit non- feulement ce qui doit constituer
un honnête homme , fuivant les idées
du monde , mais encore ce qui doit le rendre
jufte aux yeux de Dieu . Elle comprend
que l'attachement aux richeffes détourne les
hommes de leur fouverain bonheur & les expofe
à la fouveraine miferes elle fçait que
fi
la vengeance étoit permife aux particuliers ,
le monde entier tomberoit bien - tôt dans la
confufion , parce que tous les hommes naturellement
méchans , trouveroient toujours
des prétextes pour fe nuire les uns aux autres
; elle conçoit que les hommes ne doi
vent pas chercher la gloire du monde , parce
qu'ils n'ont que peu de tems à en jouir ,
& qu'ils doivent tourner toutes leurs vûës
vers la gloire de l'Eternité qui leur eft promife
; qu'ils font peu raifonnables de fe contenter
d'une petite lueur qui ne fait que pas
fer
1354 MERCURE DE FRANCE
fer , & d'oublier ce qu'il y a de plus folide
& de plus durable. Elle voit que l'ambition
& l'orgueil font la fource de mille crimes ,
& que les meilleures actions font condamnables
, quand les motifs en font mauvais.
La Raifon éclairée par la Foi , pefe tout au
poids du Sanctuaire; elle a des principes fûrs,
elle ne fe laiffe pas éblouir par
de fauffes ара-
rences , & elle connoît diftinctement le Bien
& le Mal.
J'ai dit enfin
que la Raifon dépourvuë
de
la Foi , cherche très -vainement quel eft le
véritable point de la félicité de l'homme , &
que la Foi découvre à l'ame le feul objet ca
pable de la fixer & de la remplir.
Les hommes , qui fentent en eux -mêmes
un defir invincible d'être heureux, ont épuifé
toutes les reffources de leur Raifon & de leur
imagination , pour trouver le vrai centre de
la félicité , mais ils ont toujours donné dans
le travers , jufqu'à ce que la Foi les ait éclai
rés fur ce point.
Les Epicuriens le faifoient confifter dans la
volupté; les Stoïciens dans la force de la Raifon
; les Poëtes avoient imaginé les Champs
Elifées ; pas un de tous ces grands Efprits n'avoit
conçû que Celui qui eft le principe de
toutes chofes , doit être la fin de toutes chofes.
Cependant ce principe eft fi fimple , fi
clair & fi frapant , que la Raifon humaine
doit
JUIN. 1741. 1355
doit être bien honteufe de n'avoir pas pû le
découvrir. Mais il n'apartient qu'à la Foi de
perfectionner encore la Raifon fur un point
de cette importance.
Ce principe une fois connu par les lumie
rés que donne la Révélation , entraîne la Raifon
qui ne peut s'empêcher de l'adopter ; elle
comprend d'abord que la poffeffion de Diew
eft la feule chofe qui puiffe rendre les hommes
heureux , & que puifque Dieu eft la
fource & la plénitude de tout bien, ceux qui
feront reçûs dans ſon ſein , feront infiniment
heureux.
Tout cela bien & mûrement confideré, n'eftil
pas très- facile d'expliquer pourquoi le coeur
de l'homme paroît infatiable de biens & de
bonheur ?
L'Auteur de fon Etre a mis en lui des defirs
proportionnés à la fin à laquelle il l'a deſtiné ;
& puifque Dien , c'eft - à- dire la plénitude de
tout bien , eft la fin derniere de l'homme
le Créateur de l'homme a dû mettre en lui
une tendance au moins génerale à la plénitude
de tout bien.
Il s'enfuivra de- là que fr l'homme ufe bien
de fa Raiſon , fortifiée & perfectionnée par
la Foi , il voudra tout quitter, tout abandonner
pour arriver à cette heureufe fin ; qu'il
méprifera tout ce qui ne l'y conduit pas , &
qu'il évitera tout ce qui l'en éloigne. Sa Rai-
80
fon
358 MERCURE DE FRANCE
fon ne fera plus un guide trompeur ; elle ne
s'embarraffera plus dune infinité de vaines
fpéculations qui ne font que l'aveugler & la
rendre préfomptueufe ; elle conduira les
hommes dans les routes lumineufes de la
Vérité & de la Justice ; elle leur fera voir l'impoffibilité
de comprendre des Myfteres que
Dien ne leur a pas voulu dévoiler ; elle les
convaincra de la néceffité de les croire , fur la
parole de celui qui ne peut fe tromper ni
tromper les hommes ; elle leur montrera l'obligation
étroite où ils font d'étudier fes Préceptes
& de les fuivre , & elle leur facilitera
tous les moyens néceffaires pour mériter fes
récompenfes ; d'où je conclus qu'étant dans
ces heureufes difpofitions , elle aura infiniment
plus de force & de fagacité , que lorſqu'elle
s'égare dans les vains raifonnemens
des Philofophes , fource éternelle d'incertitude
& d'erreur.
Je ne vous en dirai pas davantage fur cette
matiere , qui pourroit exercer long- tems
ma plume ; foyez content de cette Differtation
que j'ai abregée autant que je l'ai pû , &
fçachez moi quelque gré, je vous prie , Monfieur
, de ce que par pure complaifance pour
vous,j'ai cû la hardieffe d'entrer dans une carriere
où il ne m'apartient nullement de cou
rir. C'eſt une témerité dont je rougis , &
dont cependant j'aurai lieu de m'aplaudir , fi
les
JUI N. 1741 . 1337
les effets en font auffi heureux que je le dé
fire. Je fuis , & c.
1
****************
EPITRE
LA M. Roy ,fur les Rimes des V'ers qu'il récita
à M. le Duc de Gêvres , quand il en reçût
le Cordon & la Croix de l'Ordre de Saint
Michel.
Digne objet des faveurs, que le plus grand desRois
Epanche fur notre Art pour la premiere Fois,
D'une Mufe au berceau daigne accepter l'Hommage,
Puifque Louis,fa Cour, t'ont donné leur Suffrage ;
Tu donnes à tes Vers & leur prix & leur
Méprife ces jaloux , nés pour l' Obfcurité ,
Leur nom meurt , le tien vole à la Pofterité.
Tu n'avois pas befoin de cette marque
Illuftre ,
Luftre;
>
Bonheur.
Carriere ,
Apollon te promet une victoire Entiere.
Eux feuls t'ont fçû frayer cette route d'Honneur
Où ton efprit t'éleve , autant que ton
Pourfuis avec éclat cette noble
Le Roy, Fleury, le Peuple, admirant tes Travaux ,
Nouveaux.
Puiffe le Dieu charmant qui t'infpire & t ' Eclaire ,
Attendent de ton Art des prodiges
Te conferver le don de toucher & de
La France retentis de tes divins
Plaire !
Concerts ;
Гад
1358 MERCURE DE FRANCE
Par un nouveau chef-d'oeuvre étonne
Pour le Fils de ton Roy l'Amour & l'
Préparent , de concert , une auguſte
Il leur faudra des Jeux ; tu peux mêler ta
Et difputer le Prix dans les Têtes des
L'Univers;
Hymenée
Journée ;
Voix
,
Par M. G. d'Aucour.
Reis.
DISSERTATION du R. P. M. Texte
, Dominicain , fur le jour du décès & le
lieu de la fepulture du coeur de la Princeſſe
Jeanne de Châtillon , épouse de Pierre de
France , pourfervir de Mémoire à l'Hif.
toire,
E tous les Auteurs qui ont écrit au fu-
Djet de S. Louis , Roy de France , & de
fa Famille Royale , il n'en eſt point , que je
fçache , lequel en parlant de fon cinquième
fils Pierre Comte d'Alençon , nous air déclaré
le lieu de la fepulture du coeur de Jeanne
de Châtillon fon époufe ; & il y en a même
qui n'ont pas marqué au jufte le jour de
fon décès.
Ce grand filence fur le premier Fait , & le
peu d'exactitude au fujet du dernier, dont je
m'aperçus il y a quelque tems , me firent former
le deffein d'en faire une féricufe recherche
,
JUIN. 1741.
$359
che. J'ai eu , ce me ſemble, la fatisfaction d'y
réulfir, ayant trouvé ces Faits dans un ancien
Manufcrit de l'Abbaye de Prémontré, raporté
par Dom Martenne , Benedictin , T. VI . p.
1222. Coll. vet. Script . on y lit ce qui fuit.
Cy commence l'Ordonnance de M. la
Conteffe d'Alençon et de Blois , que elle fir
à fon trépaffement.
€
En l'an de l'Incarnation M. CC . quatre
vingt et onze , le judy devant la converfion
de S. Paul, prift la maladie à T. N. D. Maď.
Jehanne Conteffe d'Alençon & de Blois
dont elle trépaffa le mardi après enfuivant.
Ce Judy à fon éveillier li prift douleur une
à fon cofté fi grande , qu'elle ne ceffoit de
crier , & en ce point elle fuft tout le judi et
le vendredy aprez , et toujours le mal alloit
en enforçant & c . et le mal qu'elle avoit au
cucur la fit moult famehochier , c'est à - dire,
bâiller. Les Phyficiens dès lors s'aperçûrent
qu'elle étoit en fiévre , et elle fe confeffa en
grand dévotion , fe fift veftir et appareiller
fon lit pour plus révérament recevoir fon
Sauveur ; et li Dimanche aprez li Evefques
d'Orliens y feuft , M. de Chatillon , li Conneftables
, li Chantres de Bayeux. Le Plurier
pour le fingulier étoit alors une élégance ;
et tantoft Mailtre Guillaume (c'étoit fon Phyficien
on Medecin ) diſt Mad , où vous plaira-
'il que votre corps repofe : elle répondit que
aux
1368 MERCURE DE FRANCE
que
et
aux Freres MENEURS , et aprez lui demanda
où il lui plaifoit qu'on mift fon cueur ,
elle répondit aux Freres Prêcheurs : et on lui
ramentut l'Abbaye des Seurs Meneurs de la
Guiche , que fon Pere et fa Mere fonderent ;
& de RECHIEF elle dift elle vouloit que
fon cueur feuft aux Freres PRECHEURS ; &
pource qu'elle pût bien avoir le fecours des
deux Ordres , & pour l'amour de fon Seigneur
le Conte d'Alençon : après tantoft elle
envoya querre l'Evefque d'Orliens & les
autres Exécuteurs , & prift la Croix d'Outremer
( de la Croisade ) à l'exemple de fa
mere qui en avoit fait le voyage , plorrant &
la croix aoürant ( terme encore commun en Limoufin
, pour dire baifer , orijungere ) elle
difoit : Haa , doulce Vierge Marie , par ta
grant humilité tu voulfife que nom Royal
fut en toy oublié ) Haa , Madame , et je
qui fuis fi miferable par dehors étryé ( charoigne
puante ) de fi riches aournemens et
atours envelopée : Haa , Dame , priez votre
doulx fils , que cils orgueils et tous les autres
péchiés me foient pardonnez. Haa , Da ;
me , vous fuftes fobre , et je gloute. Haa ,
Dame , &c. afpiration dévote vers la fainte
Vierge , fi ordinaire aux Parifiens , lefquels
n'en fçachant pas lafignification , difent mieux
qu'ils ne penfent. Après , fe dit- elle , faitesmoi
avoir une croix de fuft , en quoy je
puiffe
JUIN. 1741 1361
puiffe mieux voir , et avoir la reffemblance
de cette vraye croix en quoi mon Sauveur
mourut , la croix d'or m'esbloüit : ſi lui aporta
une croix de fuft après l'ennoliement, l'Extrême
- Onction,adonc elle s'écria ; Sire Dieux ,
or vous pluft- il que je , chetive péchereffe
qui tant ay aimé le grant orgueil, et d'aboun
dant fuffe traifnée par toutes les rues de Paris
, là où je me fuis montrée orgueilleuſement
et bonbancierement ; et que tous ceux
et celles qui m'ont veuë mener mes grands
cotifes , me jettaflent des boës et des favettes
. Et puis la bonne Conteffe aucune fois
difoit - elle tout baffet : Pater in manus tuas
commende fpiritummeum, ci comme elle pouvoit
, et en ces paroles et tel entendement ,
euft jufques à la fin que fes efperis fe départi
de fon corps. Ci finit l'Ordonnance de Mad,
la Conteffe d'Alençon .
Il confte par cette Relation , que Jeanne
de Chatillon difpofa la veille de fa mort de la
fépulture de fon corps , et bien plus abfolument
de celle de fon coeur ; et c'est pour
avoir ignoré cette rélation , que les Hiftoriens
ont confondu l'un avec l'autre dans le
même tombeau : je laiſſe aux RR . PP. Cor
deliers à découvrir par quelle occafion le
corps de cette Princeffe , qui devoit être enterrée
dans leur Eglife , le fut dans celle des
Dames R. de Ste Claire de la Guiche , où
l'on
1362 MERCURE DE FRANCE
l'on voit fon Tombeau avec fon effigie , et
point d'Epitaphe. Le corps , dit Duchefne ,
fans parler du coeur , fut porté à la Guiche.
Mais comme perſonne ne reclame ce coeur
qui fut féparé du corps lorfqu'on l'enbauma
pour le conduire à so . lieues de Paris , les
termes de la Relation qui nous le donne ,
étant fi clairs et fi pofitifs , jufqu'à ce qu'on
nous prouve le contraire , il paroît nature
de dire poffeffio valet avec d'autant plus de
fondement , que cette Princeffe fut inflexible
pour que fon coeur ne fût pas porté
à la Guiche , on lui ramentut l'Abbaye des
Seurs Meneurs de la Guiche , & de rechief
elle dift que elle vouloit que fon cueur feuft
aux Freres Précheurs , pour l'amour de fon
Seigneur le Conte d'Alençon. On fçait que
le coeur de ce Prince y eft enterré . Il faut
auffi reconnoître , après une déclaration fi
abfoluë de la derniere volonté de fon époufe
, par raport à fon coeur , qu'il y repofe ; et
que fi son corps eft auprès de ceux de ses
Parens son coeur eft avec ceux de plufieurs
Rois , Reines , Princes et Princeffes de la
Maison Royale de Pierre de France , son
Epoux.
Ce Prince , cinquiéme Fils de S. Louis, et
non pas le troifiéme ni le quatrième , on eft
revenu de ces erreurs , nâquit en 1254. au
• Hift . Généalogique, T. 1. pag. 85 .
*
retour
JUIN .
1353 17411
•
retour de son Pere du premier voyage d'Outremer,
où en 1250. Triſtan , son frere aîné ,
et en 1252. Blanche sa- Soeur étoient venus
au monde ; il fut accordé en mariage à Jeanne
de Chatillon en 1263. avant qu'elle eût
l'âge de 9. ans , dit Duchesne , et mariée en
1273. selon de Nangis , Auteur contemporain
; en 1281. il passa en Italie pour secourir
son Oncle Charles de France , Roy de
Naples , et mourut à Salerne , Ville de ce
Royaume , le 6. Avril 1283. ftile nouveau ,
ou 1282. ftile ancien , 12. jours avant la fin
de l'année , Pâques étant le 18 , Avril ,
l'année de sa mort. » Son coeur fut por
té à Paris , ce sont les propres termes de
M. du Tillet , Recueil des Rois p. 355.
Edit. de 1618. et mis dans l'Eglise des
" Jacobins , & fon corps dans celle des
» Cordeliers de Paris , selon la dispofition
» de son Teſtament , daté du mois de Juin
" 1282. par lequel il fait plufieurs legs pi-
» toyables , fait ses Exécuteurs le Roy Philipe
tiers son Frere , & c.
On peut juger de la profonde humilité de
ce digne Fils de S. Louis par les expreffions
dont il a voulu se servir. » Jefls la sépulture
» de notre orde charoigne aux Cordeliers ,
» et celle de mon cueur aux FF. Précheurs
» de Paris , veus que ma tombe qui sera sur
» mon
364 MERCURE DE FRANCE
»mon corps ne soit de plus grande dépense
de 50. liv. et celle qui sera sur mon
Cueur de 30. livres .
» que
Comme ce Prince eft le premier des Capetiens
, III. Race de nos Rois , lequel a
choifi la sépulture de son coeur dans notre
Eglise de Paris , on peut dire que son exem
ple n'a pas peu contribué à rendre cette Eglise
la dépofitaire de ceux des Rois de France,
Philipe III. et de sa seconde femme Marie
de Brabant ; de Philipe V. Charles IV. et
des entrailles de Philipe VI. du coeur de
Charles de France , Roy de Naples , frere
de S. Louis , de ceux de Philipe III . Roy de
Navarre , & de fon époufe Jeanne de France
,
du corps de Catherine de Courtenay ,
Impératrice de Conftantinople , de Clémence
d'Hongrie , époufe de Louis X.
de celui de Beatrix de Bourbon , époule
de Jean Roy de Boheme ; & , ce qui eft
digne de remarque , de ceux de trois Fils
de France , tiges de trois Branches Royales
; de Robert Comte de Clermont ;
fixiéme fils de S. Louis , Chef des Bourbons
, de Charles de Valois , chef des Rois
de ce nom , & de Louis d'Evreux , qui l'a
été des Rois de Navarre de fa Maiſon , fans
parler de plufieurs de leurs Defcendans &
Alliés.
La
1/41 130)
La recherche exacte que j'ai faite du jour
du décès & du lieu de la fépulture du
coeur de Jeanne de Châtillon , étoit d'autant
plus à propos , qu'on lit dans un Ouvrage
depuis peu imprimé ce qui fuit :
»Jeanne de Châtillon , fit fon Teſtament
» le jour de la Fête de S. Julien le 9. Janvier
» 1291.& mourut le 19. fuivant, âgée de 38 .
ans : mais fi ,felon la narration ci- devant raportée,
cette Princeffe tomba malade le jeudi
avant la Fête de la Converfion de S. Paul ;
ce jour- là étant en 1291. un Vendredi le 25.
Janvier , il faut dire qu'étant décedée le mar
di d'après, elle mourut le 29. & non pas le
Perfuadé que c'eft ici une faute d'impreffion ,
je n'ai garde de l'attribuer aux Auteurs de
l'Ouvrage , fi refpectables par leur érudition :
ce que je dis n'eft que pour faire éviter cette
date qui n'eft pas dans l'Errata.
19 .
Il y a dans la même page 86. T. I. » Son
" corps fut porté à l'Abbaye de la Guiche ;
près de Blois , où l'on voit , continuent
» ces Auteurs, une Peinture à Frefque dans le
» Dortoir de ce Monaftere , près de la Cellule
» C. faite du tems & pour cette Princeffe , où
» elle eft repréſentée à genoux devant la fain-
" te Vierge , à qui S. Jean , fans dire lequel ,
» la préfente : « derriere elle font XIV. Chartreux
à genoux, & le haut eft chargé de plufieurs
Ecuffons de fes Armes,& de celles de
fon mari
E L'équivo
366 MERCURE DE FRANCE
L'équivoque eft vifible ; ce n'eft- là qu'une
defcription fidele en tout de l'ancienne Peinture
qui eft dans le grand Cloître des RR.
PP. Chartreux de Paris , dont le P. du Breuil
a parlé il y a 10. ans, p. 468. des Antiquités
de Paris , & que le Public a vûë de nos
jours , & voit encore renouvellée depuis
1712. où pofitivement il y a au- deffus de la
porte de la Cellule qui fuit, un C.en gros caractere,
ainfi que je l'ai vérifié ſur le Lieu. Le
haut de la peinture a dix- fept Ecuffons d'Alençon,
femé de France, à la bordure degueules,
& de Châtillon , de gueules à trois pals de
vair au chefd'or, la Princeffe fuivie de XIV.
Charteux, y eft préſentée par S.Jean - Baptiſte ,
à la Sainte Vierge , tenant fon Fils entre fes
bras , à laquelle elle adreffe ces paroles :
Vierge Mere & pucelle, à ton chier Fieus préfente
XIIII. Freres qui prient pour moy.
Et l'Enfant Jefus lui répond :
Ma fille je prens le don que tu me fais
Et te rens tous tes meffets.
Ce divin Enfant reçoit agreablement un
don auffi précieux que l'eft celui d'une Fondation
pour XIV . faints Solitaires , faite par
une augufte & pieufe Princeffe , fille unique
de Jean de Châtillon & d'Alix de Bretagne
& héritiere des grands biens de cette Branche
de la Maifon de Châtillon - fur-Marne, une des
plus
JUIN.
1741. 1367
plus anciennes du Royaume , alliée pluſieurs
fois à celle de France , & c.
Au reste , afin de mieux m'affûrer de la
vérité du fait touchant le Lieu de cette Peinture
dont je viens de parler , je pris la liberté
d'en écrire à Mad . l'Abbeffe de la Guiche ,
laquelle me fit l'honneur de me répondre ce
qui fuit.
و د
"
» Mon R. P. la Peinture dont vous me
» faites l'honneur de me parler , ne fe trouve
» point dans aucun endroit de notre Maiſon,
» il fe peut qu'elle y ait été , notre Dortoir
» étant depuis cent ans très - different de ce
qu'il étoit du tems de la Fondation ; mais
nous ne voyons pas par tradition que ces
figures dont parle l'Auteur cité , ayent été
chés nous ; je ne puis , mon R.P. vous don-
» ner d'autres éclairciffemens , &c. Signé ,
» Soeur Leonce , Abbeffe du Monaftere de
Sainte Claire de la Guiche , ce 6. Décem
» bre 1739.
39
Jeanne d'Evreux , troifiéme Epoufe du
Roy de France , Charles IV. dit le Bel , fit à
l'exemple de Jeanne de Châtillon , de grands
biens aux Chartreux de Paris ; & le Pape Clément
IV.avoit une idée fi avantageuse de cette
fainte Communauté , qu'il écrivit à S. Louis
un Brefen 1266. cité par le P. Félibien , Hiftoire
de la Ville de Paris , Tome III. page
23. pour la lui recommander , comme lui
E ij étant .
1368 MERCURE DE FRANCE
étant très-chere : Ordinis cujus finceritas ut
lux fplendens crefcit , oblivifci non poffumus .
quod tenerrime amamus , fpecialibus amicis
commendamus.
Si après ce que je viens de dire du coeur de
la Princeffe Jeanne de Châtillon , quelque
Sçavant veut nous le contefter, il me permettra,
jufqu'à ce qu'il ait prouvé diſtinctement
qu'il eft avec fon corps , de m'en tenir toujours
à une Relation auffi autentique & auffi
folide que celle que je raporte , préférable à
une foible conjecture qu'on pourroit opofer.
THERESE ,
CANTATILLE ;
Mife en Musique par M. Bouvard.
FLore ,
abandonnez vos retraites
Accourez dans ce beau féjour ;
Livrez-vous aux flâmes parfaites
Qui font la gloire de l'Amour.
A Thérefe , jeune & charmante ,
Préfentez les plus belles fleurs ;
Des Graces Eleve brillante ,
Elle mérite vos faveurs.
Flore ;
JUIN. 1369 1741
Flore , abandonnez vos retraites ,
Accourez dans ce beau féjour ;
Livrez - vous aux flâmes parfaites
Qui font la gloire de l'Amour .
Dans ces Lieux l'heureufe innocence
Fait regner les plus doux plaifirs ;
Elle foûmet à fa puiffance
Tout coeur qui craint les amoureux défirs .
Thérefe , triomphez , & fervez - vous des armes
Dont vous ont fait préfent les Dieux ;
De Vénus vous avez les charmes ,
Vous enchaînez les coeurs, vous enchantez les yeux.
Quel dommage
Qu'à votre âge
Le tendre amour ne brille en vous.
Que par votre charmant langage
Qui le fait reffentir à tous !
De Thérefe chantons la gloire ,
Célebrons fes naiſſans attraits ;
Que dans le Temple de Mémoire
Le Dieu des coeurs vole graver fes traits !
Que fes talens & fa jeuneffe
Soient les objets de nos Chanfons ;
Dans les yeux brille la ſageſſe ,
Cette vertu la comble de ſes dons .
iij Da
1370 MERCURE DE FRANCE
De Théreſe chantons la gloire',
Célebrous fes naiffans attraits ;
Que dans le Temple de Mémoire
Le Dieu des coeurs vole graver fes traits !
L'Affichard.
EXPLICATION de l'Enigme du
Mercure de Mai 1741 .
OH ! je devinerai 1 Enigme du Mercure ,
Me difoit Georges ce matin ;
Qu'on m'accorde un quart d'heure , & je fuis bien
certain
D'en dévoiler , dit-il , le fens , fans tablature.
Il lit , relit cent fois , fans en venir à bout.
Il eft chagrin , il a l'air fombre ,
11 fe démene , il jure , il bout ;
Il croit tenir le corps, mais il n'en tient que
l'Ombre.
Par le même.
ENIGM E.
CE
E n'est pour moi qu'un badinage
De me trouver dans les combats ,
Sans apréhender le carnage ;
Je
JUI N. 1741. 1371
Je crains peu les dangers, tous les jours je me bats;
Je n'en fuis pas plus formidable ;
Le fang par moi n'eſt point verſé ;
Ma foeur eft bien plus redoutable ,
Car par elle un Héros peut être renversé.
Je ne coûte rien à mon Maître ,
Puifqu'en Eté comme en Hyver ,
Je n'ai point honte de paroître
Prefque toujours nud comme un ver .
*********************
J
LOGOGRYPHE.
E fuis fille de la Terre ,
Et tiens à deux Elemens ;
Lecteur , tu fçais déja quel des deux j'ai pour mere.
J'offre partout mille agrémens ;
Partout on cherche à me voir naître ,
Dans les plus beaux Palais , comme en tout lieu
champêtre ;
Or , argent & tout beau métail ,
Que le plus bel Art encourage ,
S'empreffe de me rendre hommage ,
Mais fouvent fous un vert émail ,
De la Nature fimple ouvrage ,
Je fuis plus belle & j'offre un plus utile uſage ;
Curieux, aifément tu peux me débrouiller ;
E iiij Mon
1372 MERCURE DE FRANCE
Mon nom eft de huit pieds , cherche à me deviner ;
Prens ma tête & joins - y le fix & le feptième ,
Le feul Etre immortel ne fubit point ma loi ,
Je n'en exempte pas l'éclat du Diadême ;
Tout commence, mais rien ne peut ceffer fans moi.
Un, cinq & quatre , j'ai l'amour propre en partage,
C'eft-là mon feul talent , je déplais au vrai ſage.
Quatre, deux, fept & huit , je reçois dans mon fein
Le jus qui bourgeonne le tein ;
Le Dieu de l'Inde m'adopta ,
Et de la Grece un Sage m'habita.
Prens fept, cinq, fix & trois, je tiens fort du Pigmée,
Car mon corps n'a de haut qu'une feule coudée.
Un, deux, fept , quatre, huit , de differens métaux
On me forme , & je viens ennemi de Nature ,
Puis au Salpêtre uni , je cauſe mille maux ,
Quand des mains de Vulcain j'ai reçû ma figure .
Un, deux, fix , fept, c'eft moi qui fers de nouriture
A ce noble animal que Neptune créa ,
Qui de Mars aux combats porte l'affreufe armure ;
Et qu'un grand Conquerant aima.
Quatre , cinq , trois & huit , je punis la folette
Qui s'expofe en Leucothoé ,
Mais elle trouve à fa Toilette
De quoi me déguifer fous un trait de beauté.
Six , deux , je fus jadis la Rivale d'Europe ,
Celle de Danaë ; Junon me jaloufa ,
J'effaçai les apas de la belle Rhodope ,
BE
Ε
JUI N. 1741. 1373
Et fous le nom d'Ifis l'Egypte m'adora.
Avec fept , deux & huit , de trois fils je fuis pere ,
Þar eux je fus auffi celui de l'Univers
Quand feul dans mon Bateau je reftai ſur la Terre,
Dont le crime ne fit qu'un abîme de Mers .
Cinq , trois & huit , je fuis cet animal docile ,
Qu'on conduit du foir au matin ,
Du Moulin à la Ville ,
Et de la Ville au Moulin .
Ne fis -je pas mainte proüeffe ,
Quand Jofeph me menoit en leffe ?
Cinq , fept , huit , quatre , deux & trois ;
Je prens naiffance dans les Bois ,
Et fuis cet Infecte incommode ,
Que le Printems donne au Jardin ;
Sans ceffe je vôle , je rôde ;
En naiffant je touche à ma fin ;
Lecteur , fi par degrés mes pieds font réünis ,
Tu trouveras mon nom , tu fçauras qui je ſuis .
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
PROJET d'une Mechanique Génerale ;
pour fervir d'introduction aux Sciences
Phifico-Mathématiques . Par M. l'Abbé Dei-
E v dier !
1374 MER CURE DE FRANCE
dier , Profeffeur Royal des Mathématiques
aux Ecoles d'Artillerie de la Fere . A Paris ,
chés Charles - Antoine Jombert , Libraire du
Roy pour l'Artillerie & le Génie , ruë S. Jacques
à l'Image Notre- Dame. Će Livre eſt
fous preffe , & fera en vente à la Pentecôte
prochaine.
La plupart des Auteurs qui ont traité des
Méchaniques, ne fe font attachés qu'à ce qui
concerne l'équilibre des corps , & de- là , bien
des Gens fe font imaginés que cette Science
rouloit uniquement fur les Machines dont
nous faifons ufage pour les differens befoins
de la vie, & pour fes agrémens. Il faut cependant
fe détromper ; la Méchanique eft la
Science du mouvement, & le mouvement en
géneral renferme toute forte de mouvemens,
de quelque caufe qu'ils puiffent provenir.
Dans ce fens la Méchanique eft la Science
univerfelle de tous les effets que la Nature &
l'Art produiſent dans les Corps. Les anciens
Philofophes , peu inftruits des fecrets de la
Phyfique , n'en expliquoient les caufes que
par des qualités occultes , des horreurs du
Vuide , des Sympathies, ou Antipathies , des
Antiperiftafes, des Attractions, &par une infinité
d'autres termes dont l'impénetrable obfcurité
fait affés voir qu'ils cherchoient moins
à découvrir la vérité, qu'à cacher leur profon
de ignorance aux yeux du crédule Public. Le
vulgaire
JUIN. 1741 .
1373
par
pas
ulgaire ne manquoit cependant pas d'être
ébloui leurs difcours ; ce que les efprits
ordinaires entendent le moins eft preſque
toujours ce qu'ils admirent le plus . D'ailleurs
les Philofophes des anciens tems paffoient
pour de grands hommes. Ils quittoient tout
pour s'attacher à leur prétendue Philofophic;
leur air auftere , leurs tons décififs , leur façon
de vivre , leurs habillemens & fouvent
même leur mal- propreté , tout fembloit parler
en leur faveur.Quel courage n'auroit-il
fallu pour apeller de leur Jugement au Tribunal
de la Raifon ? Ces préjuges paffoient
de l'efprit des Peres dans celui des Enfans, &
fe fortifioient de plus en plus . Quelque talent
que l'on eût , de quelque génie que l'on
fût doué , on ne s'imaginoit point qu'il fût
permis d'ailer plus loin que ces grands hommes
qu'on regardoit comme venus du Ciel.
Leurs Livres étoient autant d'Oracles que
l'on confultoit avec foin , & l'on ne croyoit
avoir acquis quelque Science , que lorsqu'on
fe jugeoit en état de donner une prétenduë
clarté à leur obfcur galimathias : de- là cette
foule innombrable de grands in -folio auffi ennuyeux
qu'affommans , dont les Bibliothéques,
même les mieux choifies, fe trouvoient
inondées. Le mal s'étoit étendu juſqu'aux
Mathématiques. Il n'y avoit ni ordre ni méthode
dans les Ecrits d'Euclide ; n'importe ,
E vj on
1376 MERCURE DE FRANCE
on eût crû faire un crime d'en déranger la
moindre propofition ; il falloit s'y attacher
fcrupuleufement , fuivre fes démonftrations
à la lettre, ou s'excufer par de longues Differtations
, fi l'on ofoit y faire le moindre changement
, quelque clarté qu'il pût aporter au
fujet. On a vû plus d'une fois de grands
Géometres fe faire une guerre puerile,pour fe
difputer la gloire de mieux entendre un mot
Grec du Texte d'Euclide , de Diophante ou
de quelqu'autre Ecrivain de la vénérable Antiquité
Tel a été l'aveuglement des hommes pendant
une longue fuite de fiécles , & tel feroit
peut -être encore le nôtre , fi M. Deſcartes
n'avoit entrepris de nous ouvrir les yeux . Ce
grand Philofophe , qui fera toujours au- desfus
de tout éloge , s'étant aperçû que l'ignorance
ne fe perpétuoit que par la force des
préjugés , ne s'apliqua d'abord qu'à nous en
faire voir le ridicule , mais bien - tôt il nous
montra par fon exemple qu'il n'y avoit qu'à
fecoüer leur joug, pour élever l'efprit humain
bien au delà des bornes étroites où fa trop
erédule docilité l'avoit réduit.Ce ne furent ni
des déclamations diffuſes & inintelligibles ,
ni des termes obfcurs & empoulés , ni des
tons hauts & décififs dont il crut devoir fe
fervir pour nous convaincre de la vérité ; il
n'en avoit pas befoin ; un difcours affés court,
fimple
JUIN. 1741: 1377
Timple , uni & dont les principes étoient à la
portée de tous les efprits , furent les uniques
armes qui le firent triompher de l'erreur ,
malgré la poffeffion immémoriale dont il ne
paroiffoit pas qu'on pût la dépoüiller. Ne
s'en tenir qu'à l'évidence en fait de Science
purement humaine , n'affirmer , ou ne nier
que ce que l'on voit clairement devoir être
affirmé ou nie , en un mot , faire ufage de
fa raifon , c'eft ce qu'il femble naturellement
que les hommes de tous les fiécles auroient
dû fe dire à eux- mêmes , & c'eft cependant
ce que le feul M. Defcartes a pû leur perfuader
, tant il eft vrai que les préjugés une fois
établis , font des tyrans dont on ne fe délivre
qu'avec une extrême difficulté .
Le Difcours fur la Méthode eut tout le fuc
cès que fon Auteur en attendoit ; la mode
des Traductions , des Commentaires & des
Scholies , s'abolit tout-à - coup ; on aima
mieux travailler fur fon propre fonds , que de
cultiver inutilement celui d'autrui ; & au lieu
de ces redites éternelles, qui ne manquoient
pas de reparoître fur la Scéne fous differentes
formes, on ne vit bien - tôt plus que des Ouvrages
nouveaux ,pleins d'admirables découvertes
qui firent l'honneur du fiécle & celui
de leurs Auteurs.
Les qualités occultes furent les premieres
qui rentrerent dans le Pays chimérique, d'où
l'ignorance
378 MERCURE DE FRANCE
Pignorance & l'orgueil les avoit fait fortir.
Ce futdans la Nature même & non - plus dans
des Etres Logicaux, que l'on chercha la caufe
des effets naturels , & voici comme l'on crut
devoir raifonner ; tous les changemens qui
arrivent aux Corps font, ou des changemens
de lieu, ou des changemens de figure & d'arrangement
, ou des changemens de configu
ration dans leurs parties ; on ne fçauroit en
concevoir d'autres , & tout ce qu'on voudroit
y ajoûter , pour expliquer ce qui arrive
aux Corps , feroit non-feulement inintelligi.
ble , mais encore inutile . Or tous ces changemens
ne fe font que par le mouvement ;
donc le mouvement eft la caufe génerale de
tous les effets la Nature ou l'Art peuvent
produire dans les Corps . Voilà déja bien
du fatras retranché de la Phyſique ; plus de
Sympathie , plus d'horreur du vuide , plus
d'attraction , le mouvement fait tout . Quoi
de plus fimple ? Il faut cependant avouer que
nous n'en ferions pas plus fçavans ſi l'on s'en
étoit tenu là . Le mot de mouvement eſt , à
la vérité , plus clair que celui de qualité occulte.
Le fon du premier réveille une idée ,
le fon de l'autre n'en réveille point. Mais en
eft - ce affés pour des Philofophes , & croirions
-nous furpaffer les anciens , fi nous nous
contentions de dire que la chaleur du feu
provient du mouvement ? Voyons donc ce
,
que
que
JUI N. 1741. 1377
que la nouvelle Philofophie ajoûte à la premiere
démarche que fes recherches lui ont
fait faire.
Le mouvement a des Loix conſtantes &
inviolables qu'il n'abandonne jamais. L'expérience
& la raiſon nous en ont fait connoître
un affés grand nombre , & à la faveur
de la Géométrie , jointe au Calcul , on en
découvre tous les jours beaucoup d'autres
qui peuvent mener bien loin dans la connoiffance
du Méchanifme des Corps fenfibles
. La chofe eft un peu plus difficile à l'égard
des Corps infenfibles , c'eſt à - dire , des
parties infiniment petites qui compofent les
Corps fenfibles , & dont les differentes configurations
forment la difference des Corps.
Les Loix du mouvement font , à la vérité ,
toujours les mêmes , mais il s'agit de trouver
le raport des maffes , des viteffes , des
espaces parcourus & des tems , & c'est ce
qui nous échape à caufe de l'infinie petiteffe
de ces Corps. C'est ici où les Expériences doivent
fupléer aux fecours qui nous manquent;
il faut les faire avec attention , les réïterer fouvent
, & fur- tout prendre garde de ne fe laiffer
prévenir par aucun préjugé. Si l'on ne
s'obferve de près là - deffus , les Expériences
ne manqueront pas de dire ce qu'on voudra ;
on pourroit en citer bien des exemples , &
des exemples très- propres à réveiller l'attention,
On
380 MERCURE DE FRANCE
On peut donc diftinguer dans laNature deux
fortes de Méchanifme , l'un qui concerne les
Corps fenfibles , & l'autre qui concerne les
parties infenfibles de ces Corps.M.l'Abbé Deidier
, dont nous annonçons ici le Projet,donne
au premier le nom de Méchanique génerale
, à peu près comme on nommoit Phyfique
génerale la partie de la Phyfique qui traitoit
des Corps en general , & par la même
raiſon il nomme Méchanique particuliere ce
qui regarde le Méchaniſme des parties inſenfibles
des Corps. Comme toutes les Loix du
mouvement de l'un & l'autre Méchanifme
font compriſes dans la Méchanique génerale ,
M. l'Abbé Deidier ne s'attache aufli qu'à les
bien détailler , laiffant à ceux qui les auront
compriſes , le foin d'en faire l'aplication à la
Méchanique particuliere , en y employant les
recherches & les Expériences réïterées que
demandent l'étenduë & la difficulté d'un fi
vafte fujet. Son Ouvrage comprend quatre
Parties. Dans la premiere , il traite du mouvement
des Corps folides ; dans la feconde, il
confidere les folides dans les Fluides , & les
Fluides entre eux ; dans la troifiéme , il examine
le mouvement de l'Air , & dans la quatriéme
, le mouvement des Fluides. Entrons
dans un plus grand détail pour la fatisfaction
des Lecteurs.
Le mouvement direct ou réflechi , peut fe
faire
JUIN. 17413 138
Faire, ou en ligne droite, ou en ligne courbe,
& l'un ou l'autre de ces mouvemens peuvent
être , ou uniformes , ou accelerés. Dans le
mouvement uniforme & en ligne droite , le
Corps fuit toujours la même direction &
parcourt des efpaces égaux dans des tems
égaux; comme c'eft ici le mouvement le plus
fimple qu'on puiffe imaginer , M. l'Abbé
Deidier commence par l'examiner dans le fecond
Chapitre de fa premiere Partie , après
avoir donné dans le premier les définitions
& les principes néceffaires pour l'intelligence
de fon fujet. Les Corps peuvent avoir differens
raports de Maffes , de Viteffes , de Forces
, d'Eſpaces & de tems , c'eft en fupofant
la connoiffance de quelques- uns de ces raports
qu'il parvient à découvrir les autres, &
à connoître les Loix que la Nature a établies .
Pour abreger le difcours, il fe fert de calcul,
mais en même-tems il fait voir aux perfonnes
qui commencent , qu'on peut déduire
les mêmes Loix par le fimple raifonnement .
Il y a dans tous les Corps une force ou
impreffion qui les preffe toujours vers un
côté, plutôt que vers un autre , & cette force
fe nomme pefanteur. Quelle qu'en puiffe
être la caufe , il eft fûr qu'elle exiſte . Qu'on
tienne un Corps dans fa main , on fent qu'il
pefe vers le centre de la Terre , & fi on ne
le foûtient plus , on éprouve toujours qu'il
Lo
82 MERCURE DE FRANCE
fe porte de ce côté. Or la pefanteur n'abandonnant
jamais les Corps , doit agir fur eux
avec plus de force que les Agents exterieurs ,
qui , après leur avoir communiqué une premiere
impreſſion , ne peuvent plus rien faire
fur eux. Un Corps pouffé par une force externe
, dont il fe fépare l'inftant d'après , ne
reçoit plus fes coups , au contraire un Corps
pouffé par fa pefanteur , reçoit à chaque inftant
une nouvelle impreffion , & de- là il fuit
néceffairement que fon mouvement doit être
acceleré . Galilée eft le premier qui a trouvé
que les Corps qui defcendent librement , reçoivent
dans des tems égaux des accroiffemens
égaux de vîteffe , & c'eft ce qu'on
nomme mouvement uniformement acceleré.
On comprend fous ce nom le mouvement
retardé , c'est- à- dire , le mouvement d'un
Corps qui eft pouffé avec une direction contraire
à celle de fa pefanteur , laquelle ne ceffant
d'agir fur lui , doit auffi diminuer fon
mouvement à chaque pas, Ce que Galilée
nous enfeigne là - deffus , ne regarde que les
Corps fublunaires , les experiences l'ont conduit
à cette découverte , & les experiences
ne peuvent fe faire à une distance trop grande
de la furface de la Terre . Mais à l'égard
des autres Corps , on peut établir d'autres hypothefes
, ainfi qu'ont fait les Aftronomes
pour expliquer les Phénomenes celeftes . On
trouvera
JUIN. 1741. 1383
trouvera dans le troifiéme Chapitre l'explica
tion de ces differentes hypothefes & les Loix
d'acceleration qu'elles impofent au Corps , à
commencer par celle de Galilée , à laquelle
on doit s'en tenir , lorfqu'il s'agit du mouvement
des Corps qui ne font point à une dis◄
tance trop grande de la furface de la Terre.
On nomme centre de pefanteur ou de gravité
le point autour duquel toutes les par
ties d'un Corps font en équilibre , de façon
que fi ce centre ne fe meut point , toutes les
parties font dans un parfait repos ; de même
fi plufieurs Corps unis par un même lien fe
contrebalancent autour d'un même point ,
ce point ſe nomme centre d'équilibre . L'Auteur
s'aplique à la recherche de l'un & l'autre
de ces centres dans le quatrième Chapitre
mais comme il a traité cette matiere
amplement dans la Mefure des Surfaces &
des Solides , il n'en donne ici que les principes
, & les regles , renvoyant pour le détail
à l'ouvrage cité.
On trouvera dans le même Chapitre une
remarque en forme de differtation touchant
la prétendue diftinction que quelques Auteurs
modernes ont crû devoir mettre entre
les forces vives & les forces mortes. Cette
matiere n'eft point étrangere au fujet qui eft
traité dans ce Chapitre , ainfi qu'on va voir.
La force morte eft l'effort
que fait une puiffance
1384 MERCURE DE FRANCE
fance fur un Corps fans pouvoir furmonter
l'obftacle qui empêche le Corps de fe mouvoir
; tel eft l'effort que fait la pefanteur fur
un Corps qui fe trouve arrêté par un obftacle
perpendiculaire à la direction de fon centre
de gravité ; car alors ce centre de gravité ne
pouvant defcendre plus bas , toutes les parties
du Corps font autour de lui dans un
parfait repos , la force vive au contraire eft
la force qui meut actuellement le Corps."
M. de Leibnits fut le premier qui s'imagina
que ces deux fortes de forces étoient de differente
nature. Selon lui , les forces mortes
font entr'elles comme les maffes multipliées
par les vîteffes , & au contraires les forces
vives font comme les maffes multipliées par
les quarrés des vîteffes. Des experiences mal
interprêtées le firent tomber dans cette er
reur. En Angleterre on rejetta fon fentiment
avec mépris , en France on le réfuta férieufement
,& felon toutes les aparences la mort
de M. de Leibnits auroit mis fin à la diſpute
fi M. Jean Bernoulli , environ vingt-huit ans
après , ne fe fut avifé de la faire revivre . Ce
fçavant Géometre envoya à l'Académie Royale
des Sciences un Difcours fur les loix de
la communication du mouvement , qui fut
imprimé en 1727. chés Jombert Libraire ,
rue Saint Jacques à Paris . Ce Difcours renfermoit
beaucoup de belles chofes dont l'Acadé
JUIN. 1741. 1385
par
cadémie parla avec éloge , mais loin d'adopter
ce qui regardoit la diftinction des forces
mortes & des forces vives , elle fit imprimer
en 1728. une Differtation de M. de Mairan
où cet illuftre Académicien traita la matiere
avec toute la profondeur de fon génie , & fit
voir clairement l'inutilité de cette frivole
diſtinction . M. l'Abbé Deidier n'avoit point
encore vû la Differtation de M. de Mairan .
lorfqu'il compofa la fienne ; le Difcours de
M. Bernoulli lui étant tombé hazard entre
les mains, il crut que les preuves, fur lefquelles
un Géometre de ce nom tâchoit d'apuyer
fon fentiment, méritoient d'être difcu
tées de façon à empêcher le progrès de l'erreur.
Quelque tems après M. de Mairan
ayant eu la bonté de lui communiquer fa
differtation , il eut le plaifir de voir que ,
n'avoit pas pris la même route, il fe trouvoit
du moins parfaitement d'accord avec ce fçayant
Géometre dans toutes les conclufions."
C'eſt ce qui l'a obligé de ne point fuprimer
ce qu'il avoit écrit là deffus , dans la vûë que
bien des perfonnes qui n'ont pas la commodité
d'avoir les Mémoires de l'Académie
trouveront dans cet Ouvrage des principes
fuffifans por fe garantir d'un préjugé dans
lequel quelques Sçavans font encore aujourd'hui.
s'il
La doctrine du fixiéme Chapitre eft toute
fondée
1386 MERCURE DE FRANCE
fondée fur la connoiffance des centres de
gravité ; l'Auteur y enfeigne comment on
peut connoître fi un Corps qui eft apuyé fur
l'un de fes côtés doit refter ferme , ou s'il
doit tomber.Quelquefois un Corps paroît devoir
fe tenir dans fa fituation , & il tombe ;
quelquefois il paroît devoir tomber , & il
refte debout ; le Clocher de Pife & quelques
autres Edifices bâtis fur le même goût ont
toujours femblé menacer ruine , & cependant
ils n'ont jamais bougé ; c'eſt que la direction
de leur centre de gravité paffe par
leur bafe . Que fi quelques Corps tombent
contre toute efpérance , c'eſt que la direction
de leur centre tombe hors de leur bafe ;
& que par conféquent ce centre n'eſt pas
empêché de fuivre l'impreffion de la pefanteur.
Par la même confidération du centre
de gravité , l'Auteur détermine quelle partie
d'un poids eft fuportée par deux hommies
qui le portent , ou par deux foutiens fur lefquels
il eft apuyé.
Lorfque deux , ou plufieurs forces qui ont
differentes directions agiffent en même tems
fur un même Corps , la direction que ce
Corps prend eft moyenne entre les directions
des forces qui agiffent fur lui , d'où il
fuit qu'une feule force qui avec la direction
moyenne feroit parcourir dans le même tems
Mn efpace égal à celui que les autres forces
font
JUIN 1741.
1387
font parcourir à ce Corps , feroit équivalente
à ces forces. La force de la direction moyenne
fe nomme force compofée , les forces des
autres directions fe nomment forces compofantes
, & le mouvement qui en eft produit
ſe nomme mouvement compofé . Les principes
de ce mouvement font extrémement
fertiles pour les Méchaniques , ainfi qu'on
peut voir dans la Méchanique de M. Varignon
qui n'en a point employé d'autres . On
peut diftinguer plufieurs fortes de mouve
ment compofé , felon la nature & les directions
des forces qui le compofent. 1º. Si les
forces compofantes font uniformes & fuivent
toujours leurs premieres directions , le
mouvement eft uniforme & en ligne droite,
2º. Si les forces étant uniformes changent à
chaque inftant de direction , le mouvement
eft en ligne courbe , & il peut être ou uniforme
, ou acceleré , ou retardé , fuivant une
loi quelconque d'accéleration , felon que les
changemens de direction des forces compofantes
confervent , augmentent ou diminuent
leurs efforts. 3 ° . Si les forces compofantes
fuivent une même direction & une
même loi d'accéleration , le mouvement eft
en ligne droite & accéléré . 4°. Si les forces
changent à tout moment de direction en
fuivant la même loi d'accéleration , le mouvement
eft en ligne courbe , & il peut être ,
ou
1300 MEA NE DE FRANCE
ou acceleré, ou retardé . 5 ° .Si les forces font,
l'une uniforme , l'autre retardée , & qu'elles
fuivent toujours la même direction , le mou
vement eft en ligne courbe & mêlé de l'uniforme
& du retardé. 6°, Enfin , fi l'une
des forces étant uniforme , l'autre eft accelerée
, & que les directions de l'une & de
l'autre changent toujours , le mouvement eft
en ligne courbe , & il peut être ou mêlé
d'uniforme & d'acceleré , ou mêlé de retardé
& d'acceleré , ou tout acceleré ou
tout retardé , felon que les differentes directions
des forces cauferont de changement
à ces forces. Le cinquiéme Chapitre
contient ce qui concerne le mouvement
compofé dont les forces compofantes font
uniformes , foit que leurs directions changent
, ou qu'elles ne changent pas , & ce
mouvement entre pour quelque chofe dans
le fixiéme Chapitre dont nous avons déja
parlé. Dans les Chapitres feptiéme & huitiéme
, l'Auteur traite du mouvement compofé
dont les forces compofantes font accelerées
, ce qui renferme la defcente des
Corps le long des plans inclinés & le long
des lignes courbes . Dans le neuvième , il
traite à part du mouvement des Pendules &
de la maniere de trouver leur centre d'ofcillation
& dans le dixième , il examine le
mouvement compofé de deux forces , dont
l'une
JUIN. 1741. 1389
l'une eft uniforme & l'autre accelerée , c'eſtà
-dire le mouvement des Corps projettés ,
c'eft dans celui- ci qu'eft renfermée toute la
théorie & la pratique du jet des Bombes
avec des découvertes tout- à- fait nouvelles
touchant la maniere de tirer fur un but qui
eft au deſſus ou au - deffous du niveau de la
batterie.
Lorfque les Corps en mouvement viennent
à fe rencontrer avec les mêmes directions
, ou avec des directions contraires , ou
avec des directions obliques , il fe fait du
changement dans les forces ou dans les directions
felon les raports des maffes & des
vîteffes des Corps , & auffi felon que ces
Corps font claftiques, ou ne le font pas. Tout
ceci eft examiné avec un extrême foin dans
le onzième Chapitre , mais comme l'Auteur
n'y traite principalement que du choc des
Corps felon une même direction , ou ſelon
des directions contraires , & qu'à l'égard du
choc felon des directions obliques,dont il ne
dit qu'un mot , il fupofe que les Corps fe
choquent dans leurs centres de gravité , il a
crû devoir mettre à la fin de ce premier Livre
une addition où il traite à part du choc
des Corps projettés , foit que leur direction
dans l'inftant du choc foit perpendiculaire
ou oblique aux Corps choqués , foit qu'elle
paffe par les centres de gravité,ou qu'elle n'y
II. Vol. F
palk
1390 MERCURE DE FRANCE
paffe pas. Il y dit auffi des chofes très- curieufes
touchant les chocs obliques des Corps
qui fe meuvent uniformément.
#
>
Si tandis qu'un Corps fe meut au tour
d'une courbe , il fe trouve une force qui à
chaque inſtant tende à l'éloigner d'un point
confideré comme centre cette force fe
nomme force centrifuge , & fi au contraire
cette force tend à le raprocher de ce point ,
elle fe nomme force centripete . Les Aftronomes
font grand ufage de ces fortes de forces,
on les trouvera traitées dans le douzième
Chapitre.
Jufqu'ici l'Auteur a fait abftraction de la
réfiftance que l'air opofe au mouvement des
Corps . Cependant l'air réfifte , l'experience
& la raifon nous en affûrent également : donc
cette réſiſtance doit caufer quelque alteration
dans les loix qui ont été établies dans les
Chapitres précedens . Wallis eft le premier
qui ait entrepris de foûmettre cette matiere
au calcul. Ce fçavant Anglois dans le Chapitre
101. de fon Algebre établit deux hypothefes
. Selon l'une , les réfiftances de l'air
à chaque inftant font comme les vîteffes reftantes
au commencement de ces inftans , &
felon l'autre , ces réfiftances font comme les
quarrés des viteffes reftantes. La premiere
confidere l'air comme un Corps à reffort ,
lequel réfifte toujours dans la raifon de fa
-comJUIN.
1741 : 1391
par
compreffion ; la feconde le confidere comme
un Corps fluide dont la maffe eft toujours
proportionnelle à la vîteffe , & qui réfifte
conféquent dans le raport de la maffe multipliée
par la vîteffe , c'eft-à - dire dans le ra
port des quarrés des vîteffes. Les Géometres
fe font partagés entre ces deux hypotheſes ,
mais enfin la feconde l'a emporté comme
étant la plus naturelle. Supofons que
deux
Corps de même poids & de même volume
viennent à choquer l'air , l'un avec une vîteffe
fimple , & l'autre avec une vîteffe double
; le nombre des Molécules d'air que le
fecond rencontrera dans un inſtant, fera double
du nombre des Molécules d'air que le
premier rencontrera dans le même inftant ;
c'eft la loi des Fluides ; donc le nombre des
refforts choqués fera auffi double ; or ces
refforts feront comprimés doublement à
cauſe de la vîreffe double , dont le fecond
Corps les choque ; donc la réfiftance de ces
refforts fera quadruple de la réfiftance des
refforts choqués par le premier Corps , &
par conféquent les réfiftances font dans la
raifon des quarrés des vîteffes. Quoique ce
que nous venons de dire en faveur de la feconde
hypothefe paroiffe démontré , M.
l'Abbé Deidier n'a pas laiffé que d'examiner
T'une & l'autre hypothefe dans le trciziéme
Chapitre , en les apliquant au mouvement
Fij uni1392
MERCURE DE FRANCE
uniforme & au mouvement acceleré : il au
roit bien fouhaité pouvoir en tirer quelque
chofe pour le mouvement des ' Corps projettés
; l'art de jetter les Bombes en deviendroit
peut-être plus parfait , & peut - être
auffi n'en ferions - nous pas plus fçavans ; le
mouvement des Bombes eft extrêmement
rapide , fa durée eft très- courte , la réſiſtance
de l'air au premier inftant ne peut - être que
fort petite , de- là bien des perfonnes concluent
que la réfiftance totale ne peut caufer
qu'une légere difference ; d'autres au contraire,
fondés fur des experiences, foûtiennent
que cette difference n'eft point à négliger :
mais les experiences qu'ils nous raportent
ayant été faites dans le plein , dépendent
d'une infinité de circonftances dont la moindre
eft peut être la réſiſtance de l'air telle
que nous la fupofons , c'eſt -à-dire uniforme
& conftante ; l'air n'eft point homogene partout
, ni dans toutes fes parties , il fe trouve
tantôt plus dilaté , tantôt plus condenfé ; les
vapeurs & les exhalaifons n'y font pas également
mêlées en tous licux, ni en tout tems,
les vents y foufflent inégalement ; d'un inf
tant à l'autre tout change. D'ailleurs la Poudre
ne fçauroit être de même nature dans
toutes les parties , deux charges égales d'une
même Poudre font rarement le même effet :
il y a ici tant de differentes combinaiſons
qu'il
JUIN. 1741: 1393
qu'il n'eft pas poffible d'y rien démêler ;
auffi les experiences, quelque réïterées qu'elles
foient , ne font- elles jamais parfaitement
d'accord entr'elles ; pourquoi voudrions .
nous fixer ce que la Nature elle- même ne
fixe
pas ? Nous ignorons encore quel eft l'efpace
qu'une certaine force de Poudre pourroit
faire parcourir à un Boulet dans le vuide ,
dans un tems déterminé , & quelle eft la
quantité dont fa pefanteur le feroit deſcendre
dans le même tems ; cela demanderoit
des experiences qui n'ont pas été faites ;
mais fupofons pour un inftant que nous fçachions
à quoi nous en tenir , dirons nous
qu'en faifant une épreuve dans le plein avec
la même force de Poudre , la difference des
efpaces parcourus dans le plein & dans le
vuide nous donnera la véritable mefure de
la réfiftance ? Il faudroit pour cela que l'air
& la Poudre ne fuffent point fufceptibles de
tous les changemens dont nous avons parlé ,
& que par conféquent les épreuves ne variaffent
point elles - mêmes , faute de quoi
tout ce que nous pourrons en conclure ne
fera jamais que pour des cas particuliers &
hypothétiques , qui feroient inutiles pour le
géneral : au refte on ne blâme point ici les
perfonnes qui s'apliquent à furmonter les
difficultés d'une matiere fi épineuſe. Leur
travail ne peut être que loüable , quand mê-
Fij
ine
1394 MERCURE DE FRANCE
me il n'aboutiroit qu'à des aproximations.
>
La plupart des loix du mouvement dont
il eft parlé dans les Chapitres précedens
ont occafionné l'invention des Machines ;
on les diftingue en fimples & compofées ;
les Machines fimples font au nombre de
cinq ; le levier , la poulie , la rouë dans fon
effieu , la vis & le coin ; les Machines compofées
n'étant que des combinaiſons des
Machines fimples , peuvent être en nombre
infini , auffi en invente - t'on tous les jours.
On trouvera dans le quatorziéme Chapitre
le calcul des forces des cinq Machines fimples
, de la balance , des rouës dentées , des
poulies multipliées , & de la vis jointe à la
rouë dans fon effieu ; ce que l'Auteur en dit
peut s'apliquer au calcul des autres Machines,
dont il ne parle point, de peur d'allonger
fon Ouvrage d'ailleurs on en trouve un fi
beau détail dans les deux Volumes de l'Architecture
de M. Belidor , qu'il feroit inutile
d'y rien ajoûter.
:
Les Machines ont du frotement , les unes
plus , les autres moins , & ce frotement
oblige d'y apliquer une puiffance un peu plus
grande qu'on ne la trouve par le calcul : la
queftion eft donc de déterminer la quantité
précife dont cette puiffance doit être augmentée
pour furmonter le frotement , ce
fujet a déja été traité par plufieurs Auteurs
en
JUI N. 1741 1395
en differentes façons : mais la maniere dont
M. l'Abbé Deidier s'y prend dans le quatorziéme
& dernier Chapitre de fon premier
Livre , a non-feulement le mérite de la nouveauté
, mais encore celui d'une extrême
fimplicité ; une feule experience faite fur une
Machine d'une certaine matiere , lui fuffic
pour déterminer par le plus fimple calcul
arithmetique le frotement de toutes les Machines
de même efpece & de même matiere,
quelle qu'en foit la grandeur, ou la petiteffe,
& de quelque poids qu'elles puiffent être
chargées . On efpere que le Public verra ce
morceau avec plaifir , auffi -bien que grand
nombre de queſtions curieufes dont ce premier
Livre eft rempli , & dont nous n'avons
point fait le détail,de peur d'être trop longs.
Le fecond Livre traite de l'Hydroftatique ou
de la maniere dont les Corps pefent dans les
Fluides , & dont les Fluides pefent entr'eux .
On confidere dans les Corps la maſſe , lẹ
volume & la denfité . La maffe eft la quantité
de matiere dont le Corps eft compofé ;
le volume eft l'efpace que ce Corps occupe ,
& le plus ou le moins de denfité confifte
dans la façon , dont les parties d'un Corps
font plus ou moins raprochées entr'elles .
De la maffe naît la pefanteur abfoluë , car .
cette pefanteur est toujours proportionnelle
à la maffe ; de la denfité confiderée fous un
Fiiij
même
1396 MERCURE DE FRANCE
même volume , naiffent les pefanteurs fpécifiques
des Corps , le raport des maffes , des
volumes & des denfités pouvant varier à l'infini
, on peut parvenir à la connoiffance de
ces raports par la connoiffance de quelquesuns
d'entr'eux , & c'eſt ce qui fait le fujet
du premier Chapitre.
de
Dans le fecond , l'Auteur traite de l'équilibre
des Liqueurs , c'eſt par le moyen
deux Tubes verticaux qui fe communiquent
par un Tube horizontal, que cet équilibre fe
trouve fi l'on verfe d'une même Liqueur
dans l'un des Tubes verticaux , cette Liqueur
paffera du Tube horizontal dans l'autre
vertical , & l'on éprouvera toujours que
la Liqueur fe mettra de niveau dans l'un &
l'autre Tube : mais fi les Liqueurs font de
differente nature , celle qui pefera davantage
ne montera pas tant que celle qui pefera
moins de- là on fixe la maniere de connoître
les differentes pefanteurs fpécifiques des
Fluides & leurs differentes denfités . On démontre
encore dans le même Chapitre que
des Liqueurs renfermées dans un vafe , pefent
fur toutes les parties du fonds & des côtés,à
proportion des grandeurs de ces parties &
des hauteurs des Liqueurs , d'où l'on prend
occafion de faire voir comment on pourroit
élever par le moyen de l'eau un poids d'une
extrême grandeur?
Dans
JUIN. 1741. 1397
Dans les deux derniers Chapitres , on
examine de quelle façon les Corps peſent
dans des Fluides qui ont plus ou moins de
pefanteur spécifique qu'eux ; on y fait voir
comment on connoît les pefanteurs fpécifiques
des Corps en les plongeant dans les
Liquides , comment on peut faire que des
Corps qui furnagent, aillent au fonds ou reftent
entre deux eaux ; que d'autres qui vont
au fonds , reftent entre deux eaux ou furnagent
, & grand nombre d'autres chofes curieufes
dont le détail nous meneroit trop
loin.
Le troifiéme Livre comprend tout ce qui
concerne la meſure de l'air : l'air pefe , il a
du reffort , il fe comprime , il fe dilate , il
fe condenſe , il fe raréfie , il eft fufceptible
de mouvement , c'eft ce qu'on examine dans
les cinq premiers Chapitres en y employant
le raifonnement joint aux experiences ; dans
le fixième , on traite des Inftrumens qui fervent
à connoître les variations qui arrivent à
l'air par raport à fa pefanteur , à fa denfité
à fon agitation , à fa raréfaction , ou fa condenfation
, à fa fechereffe & à fon humidité.
Le quatrième Livre traite du mouvement
des Fluides , l'Auteur y examine le mouvement
caufé par la pefanteur , les differentes
quantités d'eau qui doivent fortir par diffe
rens orifices dans des tems égaux felon les
Fv diffe1398
MERCURE DE FRANCE
differens raports des orifices & des hauteurs
de la furface fuperieure du liquide , le mouvement
qu'on peut donner aux Fluides
le moyen de l'air , ce qui fe fait en employant
des Machines hydrauliques ; le cours des
rivieres , & enfin le choc des Fluides.
par
Tel eft à peu près le plan de cet Ouvrage ,
& l'on peut voir par l'abregé que nous venons
d'en faire , que ce n'eft pas fans raiſon
que
l'Auteur lui a donné le nom de Méchanique
génerale ; tout le Méchanifme des
Corps folides & fluides s'y trouve compris ,
les loix génerales y font détaillées dans la
derniere exactitude , M. l'Abbé Deidier Y
a entremêlé beaucoup de queftions ,
de
problêmes & de remarques , où l'on trouve
tout ce que la Phyfique peut attendre de la
Géométrie ; la préciſion , l'ordre & la méthode
y font obfervés avec le même foin
que dans toutes les productions que cet
Auteur a mis au jour ; nous nous flatons
d'avance que le Public fera le même accueil
à cet Ouvrage qu'il a bien voulu faire aux
précedens.
Ce Volume fera un gros in- quarto imprimé
en beaux Caracteres ordinaires & algébriques
, les Planches & les Vignettes feront
de la main des meilleurs Graveurs , & l'impreffion
en fera achevée inceffamment
Le
JUIN. 1741 1399
Le quatriéme Volume du Cours de Mathématique
de M. l'Abbé Deidier paroîtra
fur la fin du mois de Decembre , il aura
pour titre : Le calcul differentiel & le calcul
integral expliqués & apliqués à la Géometrie
avec un Traité préliminaire , où l'on explique
la réfolution des Equations de tous
les dégrés , la nature des fuites algébriques ;
celle des Equations qui expriment la nature
des Courbes , les lieux géometriques , la
conftruction des Equations déterminées , &
la réfolution des Problêmes déterminés &
indéterminés. Cet Ouvrage fera in- quarto ;
l'impreffion & les Caracteres algébriques en
feront fort beaux ; l'Auteur y a mis tout le
foin poffible pour éviter les fautes dans un
Ouvrage de cette importance , & le Libraire
tâchera d'en rendre l'exécution encore plus
belle que celle des Ouvrages qui ont parû
jufqu'ici : ce Volume fera orné de fort belles
Vignettes & d'environ trente Planches.
OUVRAGES de M. l'Abbé Deidier ,
Profeffeur Royal des Mathématiques aux
Ecoles d' Artillerie de la Fére : Qui fe vendent
chés Charles - Antoine Jombert, Libraire
du Roy pour l'Artillerie & le Génie , ruë
Saint Jacques , à l'Image Notre- Dame
à Paris.
2
Nouveau Cours de Mathématique , très-
F vj utila
1400 MERCURE DE FRANCE
utile pour élever les Commençans fans beaucoup
de peine à la connoiffance de tout ce
qu'il y a de plus profond dans la Géometrie
& dans les autres parties des Mathématiques,
en quatre Volumes in- quarto , enrichis de
près de cent Planches , contenant les Traités
fuivans.
I. Volume. L'Arithmétique des Géometres
, où nouveaux Elémens de Mathématique
, contenant la théorie & la pratique de
l'Arithmétique ; une introduction à l'Algebre
& à l'Analyſe : la réfolution des Equations
du fecond & troifiéme dégré : les raifons
, proportions & progreffions arithmé .
tiques & géometriques ; les Combinaiſons ,
l'Arithmétique des Infinis , les Logarithmes,
les Fractions décimales , &c . avec Figures ,
12 livres.
II. Volume. La Science du Geometre , ou
la théorie & la pratique de la Géometrie ,
qui contient les Elémens d'Euclides , la Trigonométrie
, la Longimétrie , l'Altimetrie
de Nivellement , la Planimétrie , la Géodéfie
, la Méthode des Indivifibles , les Sections
coniques , la Sterometrie , le Jaugeage
; la mefure des Onglets , des Corps annulaires
& cylindriques : & géneralement
tout ce qui concerne la mefure des Corps
& de leurs Surfaces , avec près de cinquante.
Planches , 15. liv.
III.
JUIN. 1741: 1401
III. Volume. La mefure des Surfaces &
des Solides par les Centres de gravité & par
l'Arithmétique des Infinis , où l'on trouve
un grand nombre de proprietés des Figures
géométriques très curieufes & très -recherchés
, avec quantité de Figures , 12. l. 1740 .
IV. Volume. Le Calcul differentiel & le
Calcul integral expliqués & apliqués à la
Géometrie , avec un Traité préliminaire ,
contenant la réfolution des Équations de
tous les dégrés , la nature des fuites algébriques
, celles des Equations qui expriment
les proprietés des Courbes ; les lieux & les
conftructions géometriques , & la réſolution
des Problêmes déterminés & indéterminés ,
enrichi d'environ trente Planches. 15. liv.
1741.
Le parfait Ingénieur François , contenant
la Fortification réguliere & irréguliere fuivant
les trois fiftêmes de M. de Vauban , &
ceux de Coëhorn , Pagan , de Ville , &c .
avec l'attaque & défenſe des Places, in quarto ,
avec plus de 40. Planches . 12. liv .
Lettres d'un Mathématicien à un Abbé ;
où l'on prouve par des Démonftrations géometriques
, que la matiere n'eft pas divifible
à l'infini , in- douze avec Figures . 2. liv.
LETTRES fur les principales Maladies qui
ont regné dans les Hôpitaux de l'Armée du
Roy
402 MERCURE DE FRANCE
Roy en Italie , pendant les années 1734
1735. & 1736. Par M. Dezon , Docteur en
Medecine , & Medecin ordinaire des Hôpitaux
& des Armées du Roy en Italie ; à
M *** Docteur en Medecine , à Paris
chés Lambert & Durand , Cloufier , David,
fils , rue S. Jacques , & Damoneville , Quai
des Auguftins , in- 12 . de 400. pages. Prix ,
2. liv. 5. f.
Cet Ouvrage eft divifé en 13. Lettres ;
lefquelles font précedées d'une Préface , dans
laquelle l'Auteur fait voir que la Medecine
eft une Science qui a été de tout tems cultivée
; & que les hommes qui fe font apliqués
à cette Science , ont redoublé leurs
foins à mesure que les occafions s'en font
préfentées , & ont donné des écrits pour
faire voir au Public combien ils avoient fon
falut à coeur.
L'Auteur après avoir avoüé dans le milieu
de fa Préface les obligations qu'il a aux Ecrits
de Mrs Boherawe & Riviere , célebres Pro--
feffeurs en Medecine , la finit en priant les
Lecteurs d'être perfuadés que fon deffein a
été de raporter des obfervations fideles &
utiles , & non pas de briller par une théorie
nouvelle & trop recherchée qui ne ſert fouvent
qu'à éblouir l'efprit , & à l'écarter de la
faine pratique .
L'Auteur traite dans la premiere Lettre
des
JUIN. 1741 1401
des fièvres malignes accompagnées d'affection
létargique , il en explique les caufes ; &
après en avoir dévelopé les fymptômes , &
expofé le diagnoſtic & le prognoftic , il paſſe
à la cure génerale de ces fiévres , & raporte
les obfervations qu'il a faites fur ces Maladies
dans les Hôpitaux de l'Armée du Roy.
La feconde Lettre traite des fièvres malignes
ardentes , accompagnées de délire frénétique
, d'inflammation au foye , de diffenterie
& de cours de ventre : l'Auteur fuit à
peu près le même plan que dans la premiere .
La troifiéme Lettre traite des fièvres continuës.
L'Auteur garde dans cette Lettre & dans
la quatrième qui traite des fiévres intermittentes
, fçavoir des fiévres double-tierces , tierces
& quartes , le même ordre que dans les
deux premieres.
Dans la cinquième , l'Auteur parle des
Maladies qui attaquent la poitrine , fçavoir
des pleuréfies , des péripneumonies & des
pleuro- péripneumonies ; il en expofe les
caufes éloignées & prochaines ; & après avoir
donné l'explication des differens fymptômes
qui accompagnoient ces differentes Maladies
, il donne la maniere de les guérir , &
raporte les curieufes obfervations qu'il a faites
là- deffus , & finit en priant le Medecin à
qui il les a adreffées , d'avoir pour lui la même
indulgence pour cette Lettre que pour
les
404 MERCURE DE FRANCE
les autres , & de vouloir bien excufer les
fautes qu'il pourroit y remarquer.
La fixiéme traite des hémoptyfies &c,
Dans cette Lettre , l'Auteur a obfervé
le même ordre que dans les précedentes.
Après les Maladies qui attaquent la poitrine
, l'Auteur juge à propos de parler dans
la feptiéme Lettre des Maladies qui attaquent
le bas ventre , fçavoir de l'inflammation
du foye , & des efpeces differentes de
coliques , qu'il divife en bilieufes & flatueufes
, il en établit les caufes éloignées & immédiates
, & expofe les differens fymptômes
auffi bien que ceux qui accompagnoient l'inflammation
du foye , foit qu'elle occupe la
partie convexe ou concave de ce vifcere.
La huitiéme Lettre roule fur les diffenteries
& fur les cours de ventre , qui felon le raport
de l'Auteur ont regné depuis le commencement
de la Guerre jufqu'à la fin ,
qui ont été très funeftes à nos Troupes.
&
La neuviéme regarde les éréfipeles & les
ophfthalmies. Dans cette Lettre on a obſervé
le même ordre que dans les précedentes , &
on les a enrichies de quantité d'obfervations
qu ne peuvent qu'être très utiles au Public ;
furtout aux jeunes Praticiens .
L'Aureur avant que de finir les Maladies
aigues , declare qu'il n'auroit pas manqué
de
JUIN. 1741. 1405
de parler des petites Véroles qui ont regné
dans les Hôpitaux de l'Armée du Roy en Italie,
fi ces maladies avoient été accompagnées
de fymptômes auffi fâcheux & auffi terribles
qu'à Paris & en plufieurs autres endroits de
la France , mais que comme elles n'ont jamais
été accompagnées que de fymptômes
très doux , il croit n'en devoir pas faire mention
, & ne veut pas abufer de l'attention du
Public en raportant des obfervations frivoles
& de nulle conféquence.
Après les Maladies aiguës , dont l'Auteur
a parlé dans les neuf premieres Lettres , il
paffe à la dixième , dans laquelle il parle des
Rhumatiſmes , des Obſtructions du foye &
de la ratte.
La dixiéme Lettre l'a engagé à en faire
une onzième , dans laquelle il traite des
Hidropifies , tant univerfelles que particulieres
; fçavoir , des anafarques ou leucophlegmaties
, & des Hydropifies afcites & de poitrine
, qui font ordinairement la fuite des
obftructions du foye & de la ratte & des autres
vifceres du bas- ventre & de la poitrine ;
& il déclare que quoiqu'il n'ait eû aucun
fuccès dans les traitemens des Hydropifies
afcites & de poitrine , il a réüffi très fouvent
dans les Hydropifies univerfelles ; fçavoir ,
les anafarques , & raporte les Obfervations
qu'il a faites là- deffus, qui font très- curieufes
& utiles, Les
1466 MERCURE DE FRANCE
Les deux dernieres Lettres , fçavoir , la 12
& la 13. roulent fur les Phthifies ou Pulmonies
& fur le Scorbut. Dans ces deux
Lettres l'Auteur ne s'eft point écarté de l'ordre
qu'il a établi dans les précedentes , & les
a enrichies d'Obfervations pour le moins auffi
utiles & curieufes que les précedentes. Pour fe
convaincre du fait , on n'a qu'à les lire avec
attention & jetter les yeux fur l'Aprobation
du Cenfeur Royal, nommé M. Cafa Major,
Perfonne refpectable par fon fçavoir, & trèsconnu
dans la République des Lettres .
THEORIE NOUVELLE fur le Mécanisme ,
de l'Artillerie, &c. Par M. Dulacq , &c. A
Paris , chés Ch . Ant. Jombert , &c. Il eſt en
vente & fe vend 15. livres relié.
PLAN DE L'OUVRAGE.
La premiere Partie eft divifée en quatre
Sections ; dans la premiere Section on déter-
*mine les vîteffe des inflammations pour tirer
des conféquences fur les effets de la Poudre ,
On y examine la force de la Poudre en ellemême
, en fupofant un globe enflaminé au
milieu de l'air . On fait voir qu'une masfe
fphérique de Poudre feroit toujours enflammée
en même tems qu'une autre maffe
fphérique de Poudre qui feroit plus grande
ou moindre, parce que la vîteffe de l'inflammation
JUIN.
1407 1741 .
mation eſt toujours proportionnelle au diamétre
du globe que la flamme doit parcourir,
On examine dans la feconde Section la
force de la Poudre , à mefure qu'elle eſt enflammée
dans un plus grand ou dans un
moindre efpace ; on y donne les raports que
les forces ont entre elles : 1°. De la force
de la Poudre , à mesure qu'elle eſt enflanimée
dans des efpaces proportionnels aux
quantités de Poudre : 2°. De la force des
quantités égales de Poudre qui feroient enfammées
dans des efpaces differens : 3 ° . De
la force des differentes quantités de Poudre
qui feroient enflammés dans un même efpace
: 4°. De la force des differentes quantités
de Poudre qui feroient renfermées dans de
differens efpaces.
On confidere dans la troifiéme Section , la
force de la Poudre , à mesure que les furfaces
qui l'environnent s'opoſent differemment à
l'extenfion de la flamme , par la configuration
des chambres , ou par la maniere dont
le feu lui eft communiqué ; & à cet égard on
établit plufieurs formules pour exprimer la
force de la Poudre de trois manieres differentes
: 1°. Lorsque la Poudre eſt toute allumée
dans la chambre , & qu'on fait abftraction
de l'accompagnement de la flamme qui
agit contre le mobile le long de la volée :
20. Lorfque toute la charge eft allumée dans
la
1408 MERCURE DE FRANCE
la chambre , & que la force de l'inflammation
agit fucceffivement contre le mobile
qu'elle accompagne le long de la volée : 3º.
Lorfqu'une partie de la charge s'allume dans
la chambre , & que l'autre s'allume dehors
de la chambre le long de la voleć.
,
On conclud que la chambre la plus parfaite
de toutes , eft fphérique pour les mortiers,
lorfqu'elle est toujours remplie de Poudre
fans terre & fans fourrage ; & que pour les
canons , carabines & autres armes à feu , la
chambre la plus parfaite , a bien des égards,
feroit la cilindrique arrondie dans fon fond
& qui n'auroit qu'un de fes calibres pour fa
hauteur ; de forte que la perfection confiſteroit
à trouver une Poudre la plus violente
qu'il foit poffible , pour qu'en chargeant au
quart ou au tiers tout au plus du poids du
boulet, elle pût faire affés d'effort, ou le même
effet que celle dont nous nous fervons
en fait ordinairement en chargeant à la moitié
, ou aux deux tiers du poids du boulet ;
ce qui feroit d'un grand avantage pour la
promptitude de l'execution des pièces , pour
l'épargne de la Poudre & de fon charois , pour
celle du métal, pour la facilité qu'il y auroit à
transporter & manier les piéces qui feroient
beaucoup plus courtes qu'elles font à préſent.
Dans la quatriéme Section on examine la
figure des entonnoirs des fourneaux des mines
,
JUI N. 1741: 1409
nes,& en fupofant que la réfiftance des terres
que le fourneau doit enlever foit homogene ,
on démontre que l'excavation de ces terres
formeroit la figure d'un paraboloïde. On démontre
auffi que les rayons des entonnoirs
doivent exceder de beaucoup leurs lignes de
moindre réſiſtance , lorfqu'on force de Poudre
la charge d'un fourneau ; ce qui eft contraire
à l'opinion des anciens Mineurs.
La feconde Partie eft divifée en deux Sec
tions ; chaque Section contient fept Chapitres.
Dans la premiere Section on y traite`
le mouvement uniforme d'impulfion , & le
mouvement uniformément acceleré de la
chûte; on fait voir que la courbe que les mobiles
décriroient dans un vuide , feroit une
véritable parabole , par quelque direction
que fuffent pouffés les mobiles; on détermine
les portées de nos piéces fous differentes
élevations avec une charge homogéne dans
la raifon du produit du Sinus de complément
par celui de l'élevation ; on y examine differemment
qu'on ne l'a fait juſqu'à préfent le
mouvement dans nos projections ; à fçavoir,
en confidérant l'efpace parcouru à chaque
inftant fur l'horisontale, à mesure qu'on change
la direction de la pièce , & en confiderant
encore le nombre de ces inftans , à meſure
qu'on change la direction de la piéce , & la
fituation
T410 MERCURE
DE FRANCE
· fituation du but par raport au niveau de la
batterie ; on y trouve la maniere de calculer
des Tables auffi utiles que curieufes , où l'on
trouveroit l'angle d'élevation qu'il faut donner
à la pièce , pour tirer fur un but dans
quelque fituation déterminée qu'il foit par
raport au niveau de la batterie ; c'eſt-à- dire ,
foit que le but fe trouve au -deffus , ou audeffous
de la batterie , par toutes fortes de
directions poffibles , c'est- à - dire , en pointant
la volée de bas en haut horisontalement,
ou du haut en bas , fi le cas eft poffible.
On donne enfuite une autre nouvelle
Méthode de réfoudre tous ces cas , fans fe
fervir des formules algébriques dont l'Auteur
fe fert pour le calcul des Tables ; on y réfout
les problêmes qui feroient difficiles à réfoudre
par les voyes qu'on a fuivies jufqu'à préfent
, comme par exemple feroit le problême
fuivant.
On fupofe qu'on n'ait pû faire le coup d'épreuvefur
le niveau de la batterie , comme on
Le fait ordinairement , pour déterminer l'angle
d'élevation qu'il faudroit donner à la pièce ;
pour atteindre un but fitué au niveau de la batterie
dans une diftance déterminée , & qu'on n'a
pu faire ce coup d'épreuve que fur un niveau
fitué an - deffus ou au deffous de celui de la bate
terie.
On demande cependant la folution de tous les
sag
JUIN 1741 1411
tas qu'on peutformer fur les projections par la
connoiffance qu'on a de ce coup d'épreuve
comme s'il avoit été fait au niveau de la bat
terie.
La folution feroit affès difficile par toute
autre Méthode que par celle-ci , qui eft des
plus faciles
par les princpes de M. Dulacq.
-
On découvre dans cette Section pluſieurs
belles proprietés du mouvement uniforme ;
on fait voir que les projections en géneral
qu'on peut faire fur un même niveau , quel
qu'il foit , ou plus haut , ou plus bas que celui
de la batterie pour toutes les directions
poffibles d'un demi- cercle , font renfermées
dans un demi - cercle , comme on avoit déja
obfervé que cela étoit ainfi pour le niveau de
la batterie ; & de plus , on démontre que
tous ces cercles font concentriques , d'où
l'on tire de très belles découvertes ; par
exemple , de déterminer l'angle d'élevation
qui donne la plus grande portée d'une
piéce , lorfque la batterie eſt élevée au - deſſus
d'une plaine ; bien des perfonnes du métier
auroient pû croire que ce devoit être l'angle
de 45. degrés d'élevation , fous lequel la portée
devroit être la plus grande ; ce qui ne
peut jamais être ainfi dans l'hipoteſe même
du mouvement fait dans le vuide , felon Galilée,
dès-lors qu'on tire du deffus d'une émimence
; car on verra que cet angle eſt indéterminé
J
1412 MERCURE DE FRANCE
terminé , & que dans ce cas il n'eft jamais
de 45. degrés.
L'Auteur propofe enfin un Inſtrument nouveau,
très fimple & commode, par le moyen
duquel on voit la trace de la courbe que ce
mobile décriroit dans le vuide par toutes forres
de directions , s'il y étoit mû avec une
même vîteffe quelconque déterminée; par
toutes les directions infinies qu'on peut prendre
dans la circonférence d'un demi- cercle ;
il en donne la démonstration & l'ufage .
Il traite dans la feconde Section du mouvement
retardé par la réfiſtance du milieu ,
en confidérant que le mouvement fe fait dans
le plein réfiftant: on montre d'abord la néceffité
qu'il y a d'avoir égard à cette réſiſtançe, en
faifant voir d'une maniere fenfible que cette
réſiſtance de l'air eft plus conſidérable qu'on
ne la fupofe dans le Syftême de Galilée ; enfuite
on paffe à la réſiſtance de l'air , au mouvement
uniforme d'impulfion , & au mouvement
acceleré de la chute : Il donne la conftruction
de la courbe qui renfermeroit les
projections retardées , foit que le but fût au
niveau de la batterie , foit qu'il fût au- desfous
de ce niveau ; cette conſtruction eft facile
par le moyen d'un coup d'épreuve ; car
au lieu qu'on ne fait ordinairement qu'un
coup d'épreuve, il en fait faire deux fous deux
angles d'élevation differens , mais également
éloignés
JUI N. 1741 . 1473
éloignés de 45. degrés ; il eft certain que file
milieu n'eût point réfifté , les portées fous ces
deux élevations également éloignées de 45 .
degrés, feroient préciſement égales; ce qu'on
démontrera; & que fi elles font inégales, par
conféquent cette difference ne proviendra que
de la refiftance de l'air, en fupofant toutes cho .
fes néanmoins dans l'exactitude de la théorie.
On donne enfin dans ce dernier Chapitre de
cette feconde Section plufieurs principes, pour
conduire à la perfection du Systême de l'Auteur
fur la réfiftance, laquelle confifteroit à déterminer
les courbes qui renferment les projections
retardées, fans qu'il fût néceffaire de
faire pour cela un coup d'épreuve ; ce qui feroit
très- commode , car nous n'aurions befoin
de trois courbes differentes , pour le
que
plomb,pour le fer & pour la pierre, qui font les
trois matieres dont nous nous fervons ordinairement
pour nos projections militaires; car
M. Dulacq fait voir dans ce dernier Chapitre
qu'une même courbe & pour un même
niveau , doit renfermer toutes les projections ·
qu'on peut faire avec differens mobiles de
differente péfanteur abfoluë , & qui feroient
mûs avec differentes vîteffes d'impulfion ,
pourvûque la péfanteur fpécifique , & le niveau
fur lequel fe feroient les projections ,
füflent toujours les mêmes.
- La troifiéme Partie eft divifée en trois Sec-
11. Vol. G tions
1414 MERCURE DE FRANCE
tions , dont la premiere & la derniere contiennent
deux Chapitres chacune , & la ſeconde
huit.
M. Dulacq examine dans la premiere Section
l'équilibre des voutes dans l'idée qu'en
a donnée M. Belidor dans fa Science des Ingénieurs
comme il ne confidere cet équilibre
que pour déterminer la voute qui convient
le mieux aux magasins à poudre , pour
les mettre à l'abri des violentes percuffions
des bombes , il n'examine que les léviers des
voutes en plein ceintre , en tiers point , furbaiffées
, éliptiques & paraboliques , afin de
voir celles qui ont de moindres léviers , &
qui peuvent par conféquent fouffrir de moin
dres chocs fur leur foible , qui ordinairement
eft fur la clef & fur les reins de la voute.
Il confidere dans la feconde Section la
force abfolue du choc d'une bombe , en la
prenant pour un feul point : de forte que
toute fa pefanteur, foit cenfée être réunie
dans fon centre de gravité ; il confidere cette
force à chaque inftant du mouvement pendant
la projection ; il en détermine le choc ,
non feulement lorfque le corps frapé eft fitué
au niveau de la batterie , mais encore
lorfqu'il eft fitué dans tous les autres points
de la courbe de projection , au deffus , ou
au-deffous du niveau de la batterie , & pour!
toutes fortes de directions qu'on puiffe prent
dre
JUIN. 1741. 1415-
dre dans la circonference d'un demi cercle .
Il paffe dans le fecond Chapitre à la force
relative du choc , à mesure que les angles
d'incidence de la tangente de la courbe qui
décrit la bombe fur le plan frapé , font plus
ou moins aigus ; il détermine la force abfolue
du choc d'une bombe qui feroit tirée
avec une même force par les differentes directions
qu'on peut prendre dans un quart,
de cercle , fur toutes les tangentes infinies
des points du demi - cercle d'une voure en
plein ceintre , en fupofant que ce demicercle
eft dans le plan de la projection , que
la voute n'eft pas couverte d'un maffif de
maçonnerie , & qu'elle eft fituée au niveau
de la batterie.
Dans le troifiéme Chapitre , il examine
les changemens que le mallif de maçonnerie
dont on couvre l'eftrados des voutes , doit
aporter dans les percuffions des bombes ,
en faifant remarquer la difference des angles
d'incidence que ce maffif aporte : il détermine
ces angles d'incidence pour tous les
cas.
On confidere dans le quatrieme Chapitre ".
la force abfolue du choc d'une bombe qui
feroit jettée avec differentes charges de poudre
fur un même but , fitué au niveau de la
batterie : par toutes les differentes directions
qu'on peut prendre dans un quart de cercle
Gij
&
1416 MERCURE DE FRANCE
& d'un même point de batteries on y
trouve la Table de la force abfolue du choc
d'une bombe qui tireroit avec differentes
charges de poudre fur un même but , fitué
au niveau de la batterie , pour toutes les
differentes directions qu'on peut prendre
dans un quart de cercle.
- Il donne enfuite les Tables des angles
Pincidence d'une bombe , qui feroit jettée
par toutes les directions du quart de cercle
fur tous les points d'un demi cercle d'une
voute en plein ceintre.
Cette Table fert auffi pour exprimer la
force relative du choc fur tous les points
d'un demi cercle de la voute , qu'on fupoferoit
être frapé par une bombe qui feroit
Jet- `
tée avec une même charge par toutes les élevations
, ou directions du quart de cercle.
Il donne encore des Tables dans lefquelles
on peut voir quelle eft l'élevation qu'il
faut donner à la piece , pour qu'une bombe
frape par un plus grand choc une tangente
quelconque d'un point du demi- cercle d'une
voute en plein ceintre , ou un plan incliné ,'
dont l'inclinaifon feroit égale à celle de cette
tangente , lorfque la bombe feroit jettée avec
differentes charges de poudre & fous de differentes
élevations , en tirant d'une même
diftance fur ce demi - cercle de la voute , lequel
on fupofe dans le plan de la projection
JUIN. 17412
· 1417
tion , & au niveau de la batterie.
On verra qu'il s'en faut de beaucoup que
l'angle d'incidence fur une même tangente ,
ou fur un même plan incliné , doive toujours
être de 90 degrés , pour que le choc
de la bombe foit le plus grand.
Le cinquiéme Chapitre examine la réfif .
tance des plans contre le choc des bombes ,
en confiderant les differens points des furfaces
des bombes , par lefquels elles frapent
une voute fphérique : on détermine les deux
points par lefquels elles fe touchent l'une &
l'autre .
Comme l'Auteur a fait voir que la voute
fphérique eft la plus folide pour les magasins à
poudre , il a donné une Table où l'on trouve
l'angle d'incidence fur chaque point d'un de
ces cercles horifontaux , en fupofant qu'il
fût frapé par une bombe qui tomberoit deffus,
fous toutes les élevations poffibles .
On confidere differemment dans le fixieme
Chapitre le choc des bombes fur des
plans , en examinant la difference que le
point de percuffion pris fur la furface de la
bombe , doit aporter dans la force du choc ,
lorfqu'on fupofe que les bombes frapent les
plans par leur centre de gravité : fur ces confiderations
, on donne des formules pour
exprimer la force du choc , lefquelles font
differentes des précedentes : il a auli donné
G iij
une
1418 MERCURE DE FRANCE
une méthode differente , pour compofer la
force du choc d'une bombe qui eft mûë par
les deux mouvemens d'impulfion & de gravité
jointes enfemble .
Le feptiéme Chapitre traite de la Méchanique
de la démolition d'une voute par les
chocs des bombes : on y confidere pour cela
les differens leviers par lefquels la bombe
agit contre une voute, felon l'élevation de la
bombe & le point de percuffion de la voute,
comme auffi les differens leviers par lefquels
la voute réfifte aux chocs des bombes : on y
fait plufieurs reflexions qui tendent à une
bonne pratique
.
Le huitiéme Chapitre n'eft qu'une fuite
ou une conclufion des Chapitres précedens
fur le choix de la courbe , de la figure la plus
convenable aux magafins à poudre , contre
le choc des bombes.
La troifiéme Section traite de la Méchani
que du pointement.
Dans le premier Chapitre , il parle du but
en blanc , il fait faire plufieurs reflexions fur
la portée du but en blanc ; il donne comme
une espece de memoire d'Artillerie fur l'afage
des pieces, tant du côté des affiegés, que
du côté des affiégeans : on y fait plufieurs remarques
utiles à la pratique de l'Artillerie :
on entre enfin dans un détail géometrique de
tous les accidens qui peuvent varier dans nos
opeJUIN.
1741 . 1419
operations , & détourner nos pieces de
leurs directions : on y trouve le moyen d'y
remedier , autant qu'il eft poffible , par celui
de quelques petits changemens que l'on
peut pratiquer dans les affuts , ou dans les
platteformes.
Comme on conclud de toute cette théorie
que la perfection confifteroit à fe fervir
d'une poudre la plus forte qu'il eſt poſſible ;
on s'aperçoit d'abord que cela doit aporter
un grand changement à la conftruction de
nos pieces, ce qui engage l'Auteur à propofer
une ébauche du deffein fur lequel il faudroit
peu près qu'elles fuffent conftruites conféquemment
à cette poudre , il dit à peu près ;
car il faut connoître ( avant que de le déterminer
) les degrés de force l'on
que peut
donner à la poudre , par raport à la force de
notre poudre ordinaire.
à
Comme elle n'eſt pas encore dans toute
fa perfection , on pourroit encore la rafiner
de beaucoup ; car on dit que les Chinois fe
fervent d'une poudre bien differente de la
nôtre , & dont les effets font bien plus furprenans
, puifque leur poudre n'eft qu'une
pouffiere fort humide & pâteufe , & qui a
cependant une force au - deffus de la nôtre
foit qu'elle provienne de la qualité du ſąlpêtre
, ou de quelqu'autre caufe : on ne fçauroit
affés s'apliquer à cette découverte qui
G iiij
›
nous
1420 MERCURE DE FRANCE
nous feroit de la derniere conféquence pour
la Guerre , & furtout pour la Marine .
La difficulté & la complication qu'on
trouve dans tous les fujets phyfico - mathémariques
, les rendant toujours fufceptibles
de contradiction , l'Auteur a crû qu'il devoit
communiquer fes recherches au Public ,
afin que ceux qui par le même zele pour le
progrès de l'Artillerie , s'apliqueront à perfectionner
fes idées , veuillent bien lui en
faire part auffi , proteftant qu'il a plus
d'envie de s'inftruire que d'étaler fes recherches
; il n'auroit pas même ofé les mettre
au jour fans les avoir préfentées à ce grand
Tribunal , que la République des Sciences
reconnoît pour le plus éclairé & le plus équitable
: ces Meffieurs ont eu pour l'Auteur leur
complaifance & leur politefle ordinaire envers
tous les Etrangers qui leur viennent préſenter
leurs Ouvrages ; c'eſt à quoi , dit- il , je fuis
redevable du jugement ava : tageux qu'ils
en ont porté fur le raport de nos deux Commilaires
, dont l'un eft M. Clairaut , cet
Aureur célebre des lignes à double courbure
( Ouvrage qui lui a mérité à l'âge de
dix huit ans l'honneur d'être reçû dans cette
illuftre Compagnie. )
* L'Académie Royale des Sciences de Paris ; l'Aprobation
des Commiffa res nommés pour examiner cet
Ouvrage , eft au commencement du Livre , après
P'Epitre Dédicatoire. L'Auteur
JUIN. 1741 . 1421
L'Auteur prie cependant ceux qui refuſeront
leurs fuffrages à fon Livre , de joindre
leur bonne volonté à la fienne , afin que
d'un parfait accord ils puiffent contribuer
utilement à la perfection de cet Art ; perfuadé
qu'ils éviteront une peine inutile à le
critiquer , pour s'apliquer à mieux faire : ce
qui fera fa plus grande fatisfaction.
NOUVEAU PLAN de Cartagene , avec les dernieres
attaques des Forts par l'Amiral Vernon , qu'on trou
ve chés le St le Rouge , Ingénieur , Géographe du
Roy , rue des Grands Auguftins , vis à vis le Panier
Fleuri , 1741.
ESTAMPES NOUVELLES.
Il paroît depuis peu une très belle Eftampe en
large du Jugement de Pâris Elle eſt dédiée à M. de
Schonberg , Seigneur de Roth- Schonberg , & autres
lieux , d'après le Tableau original du fameux
Henri Goltzius , célebre Peintre & Graveur Allemand
, de fix pouces de hauteur , fur huit de large
, qu'on peut voir dans le Cabinet de M. le Chevalier
de Julienne. Cette Eftampe , très - heureufement
gravée par Pierre - Louis Surrugue le fils , dans
le goût de Goltzius , fe vend à Paris , chés L. Surrugue
, Graveur du Roy , rue des Noyers , vis- à - vis
S. Yves , 1741 .
Jean - Pierre Guignon , fort connu en France & en
Italie par fes grands talens pour le Violon , a été
nommé Premier Violon de la Mufique du Roy ; le
Brévet qui lui en a été expedié lui donne la qualité
GY de Roy
1422 MERCURE DE FRANCE
koy de Violon, & Maître de tous les Joueurs d'Instrumens
, tant hauts que bas , dans toute l'étenduë
du Royaume , avec attribution de tous les honneurs,
autorités , prérogatives , prééminences , franchiſes ,
libertés , droits , profits , revenus & émolumens accoûtumés
& y apartenans .
Cette Charge , qui n'avoit pas été remplie depuis
l'année 168 ,. quoiqu'elle foit d'inftitution très ancienne
, met le Sieur Guignon à la tête de toutes
Jes Communautés de Danſe & de Mafique , établies
& à établir en France , & fpécialement de celle de
S. Julien des Méneftriers , érigée à Paris dès le XIII..
Siécle . Elle lui donne le droit d'inſpection & de choix
fur tous ceux qui fe préfenteront pour être admis à
la Maîtrife , dans l'un & l'autre genre , & de nommer
des Lieutenans en titre d'office pour le repréfenter
dans toutes les Villes du Royaume , où il y
a Maîtriſe en ces deux Arts . Le tout fuivant les Statuts
de cette Communauté , fucceffivement confirmés
par les Rois de France , qui ont honoré ces.
deux Talens d'une finguliere eftime, & les ont jugé
dignes de leur attention , pour les porter au degré,
de perfection , capable de contribuer à l'illuftration
& à la fplendeur de la Nation.
C'est dans cet efprit de goût pour lès Talens ,
d'attention & de bonté pour tout ce qui peut distinguer
fes Sujets en tout genre , que le Roy s'en
'explique dans les Provifions de cette Charge.
" L'expérience qu'il s'eft acquife dans la Profesfion
, y eft il dir , les recherches qu'il y a faites ,
» & la fatisfaction que nous reffentons de les fervices
, jointes aux voeux unanimes des Maîtres
qui compofent la Communauté nous perfua-
» dent qu'il en remplira les fonctions avec le zele
» & la capacité convenables. Nous , pour ces
caufes, & autres bonnes confidérations à ce
7 a nou
JUIN 1741. 1423
nous mouvant , avons audit Guignon , donné &
octroyé , donnons & octroyons par ces Pré-
» fentes , fignées de notre main , l'Etat & Office
» de Roy & Maître des Méneftriers & de tous les
Joueurs d'Inftrumens , & c.
VERS fur le même sujet.
CEE
n'eft poit le Titre de Roi
Qu'un Grand Roy lui- même te donne ,
Qui de Maître en ton Art t'affûre la Couronne
Cher Guignon , tout flateur en ſoi
Que puiffe être un fi noble octroi ,
Quelque chofe encor l'affaiſonne
C'eft l'éloge qu'il fait de toi.
Il est bien jufte que la France
Te donne , par reconnoiffance ,
Un Lot digne de tes défirs ;
Et que déjá regnant au Temple de Mémoire ,
Ici nous te rendions en gloire
Ce que ton goût divin nous prodigue en plaifirs
AVIS.
Du Vignan
Un Seigeur de grande naiffance & de grandes fa
cultés , dans la Pruffe Royale , faifant fon occupation
unique des Belles Lettres, dont il a une Bibliothéque
des mieux choifies & des plus copieules ,
dans fon Château , fouhaiteroit avoir auprès de lui
quelqu'homme de Lettres , qui voulût fe fixer &
s'attacher à fa perfonne , conftamment & pour tou-
G vj jours,
1424 MERCURE DE FRANCE
•
jours ,fur le pied de Sécretaire de confiance , & qui
fût en état , non - feulement d'écrire toutes fortes
de Lettres en Latin , François & Allemand , mais
encore capable de faire de bonnes & élégantes Traductions
de François en Latin Ciceronien Le tout
aux conditions fuivantes :
Il aura fa Table avec ce Seigneur , frugale , mais
très- honnête.
Un Logement commode à côté de la Bibliothé →
que , dont o lui laiffera une clef. Et pour apointemens
cent Ducats d'or par an , payés mois par
mois.
i taut qu'il ait quelque teinture des Belles-
Lettres
Qu'il ne foit point homme d'Eglife , parce qu'on
le deftine à être un jour Gouverneur d'un fils de
ce Seigneur , qui eft encore en enfance .
Et enfin , qu'il foit ou vieux Garçon, fans envie de
Le marier , ou veuf, pour éviter l'embarras d un ménage
, & qu'il ne foit point chargé de famille , tout
au plus d'un feul enfant.
Come ce Seigneur prétend choifir fur le nombre
des Poftulans celui qui fe trouvera être le pus
capable pour les Traductions de François en Latin, '
( ce qui eft le point ffentiel , ) & que s'il fe nommoit
, on l'engageroit , à force de recomandations
, de choisir celui qui ne lui conviendroit pas
ainfi que cela eft déja arrivé à l'égard d'un homme
qu'il a été obligé de prendre par taveur . & e renvoyer
à caufe de fon infuffifance dans le ftyle Latin:
Ce seigneur a pris le parti , pour ne pas fe
Compromettre avec perfonne , de ne vouloir fe
nommer qu'à celui qu'il aura choifi par préference.
Cependant les Poftulans de cet Emploi pourront lui
écrire , fous le nom de Mecene , en adreffant leurs
lettres cachetées , à Mrs les Heritiers Cramer &
Freres
JUIN. 1428 1741.
Freres Philibert, Libraires de Geneve, qui les feront
parvenir à leur deſtination .
Il faut que chaque Poftulant donne dans la lettre
un effai de fa capacité du côté du ſtyle dans les Langues
Latine , Françoife & Allemande , mais du
moins dans la Latine.
Il faut auffi qu'il y donne des indices fuffifans fur
fe Nom , Religion , Pays , fejour , âge , état &
qua'ité , fur l'âge de fon enfant , l'état de les Fere
& Mere , s'il en a encore.
Celui fur qui tombera le choix , recevra une lettre
d'avis fur la préference qu'on lui donnera , &
fera détra é de fon voyage.
S'il fe trouvoit n'avoir d'autre enfant qu'un feul
garçon , il faudroit qu'il le plaçât dans fon Pays : fi
c'étoit une fille , elle feroit pl.cée auprès de deux
Niéces que ce Seigneur éleve chés lui , mais il faudroit
que cette fille fçût le François , & toutes fortes
d'ouvrages de femmes ; qu'elle fût bien élevée ,
& de l'âge à peu près de ces deux Demoiſelles , qui
font de dix & douze ans pour être leur compagne,
& en fe jouant leur aprendre la Langue Françoife .
Elle auroit pour fes apointemens 40. Ducats d'or
par an & la Table avec les Demoifelles fufdites.
Si au contraire , il fe trouvoit que cet homme
qu'on cherche , fe trouvât fans aucun enfant , mais
qu'il eût une foeur , qui eût les qualités énoncées ,
& qui voulût le fuivre , on la recevroit aux mêmes
conditions.
Si avec la teinture des Belles - Lettres & l'uſage
du beau ſtyle Latin , cet homme ſe trouvoit encore
avoir la capacité néceflaire pour gouverner une
maifon , on augmenteroit les gages à proportion
de fa capacité
On attendia jufqu'au premier jour d'Août , avant
que de fe fixer fur le choix, ainfi ceux qui poftulene
Cette
1426 MERCURE DE FRANCE
cette place , ne doivent pas tarder à écrire , fans fai
re les paquets trop gros , & fans oublier de donner
l'eflai de leur ftyle Latin & François dans leurs
lettres , joint au détail exact & circonftancié fur les
demandes ci-diflus énoncées.
Geneve , ce 21..Juin 1741.
POMPES pour les Incendies , arrofer les
Arbres , les Jardins , &c.
Lpagnie , en conféquence du Privilege exclufifque
E Public eft averti que M. de Genffanne & Com-
Sa Majefté leur a accordé dans toute l'étenduë du
Royaume , pour la conftruction d'une Pompe portative
, que chaque Particulier peut avoir chés foi
pour y avoir recours en cas d'Incendie,& arrofer les
Parterres , Arbres , &c. Ils ont établi leur Manufac
ture dans la Maifon qu'ils ont acquife , rue S. Jofeph
, au coin de la rue du Gros Chenet.
Cette Pompe eft d'un petit volume ; une feule
perfonne la peut facilement tranfporter & élever
par fon moyen , en moins d'une minute de tems >
40. à 45.pintes d'eau à 40. pieds de hauteur &
remédier par-là fur le champ au feu , qui ne fauroit
faire aucun progrè ,, ayant un pareil meuble
chés foi.
Ceux qui voudront fouferire pendant le tems de
trois mois , ne la payeront que cent iiv.es , en donnant
deux Louis lors de la Soufcription , entre les
mains de M. de Briane , Affocie & Caffier de la
Manufacture , & le reftant , en livrant la Pompe ;
ceux , au contraire , qui n'auront pas fou crit pendant
le tems, la payeront 120 livres , & on délivrera
toutes les femaines les Pompes aux Soufcrivans
par rang de date des Soufcriptions.
On
JUIN.
1741. 1427
On garantir, non- feulement la bonté de ces Pompes
, mais encorc ( pour le bien public ) elles
viennent à être caffées ou dérangées par des accidens
étrangers à leur conftruction & qu'on ne peut
garantir , on n'aura qu'à les raporter à la Manufacture
, on leur én délivrera de neuves en échange
, en payant feulement neuf livres pour ceux qui
auront foufcrit , & douze livres pour ceux qui ne
l'auront pas fait , & afin que le Public ne toit pas
trompé par la contrefaction de ces Pompes , celles
qui feront délivrées à la Manufacture , font numérotées
& marquées de façon à être reconnues en
tout tems.
M. de Genffanne & Compagnie , annoncent en
même tems au Public qu'ils font auffi conftruire
dans leur Manufacture des Pompes de toutes fortes
de grandeurs, tant pour les Incendies , que pour l'é.
puifement des eaux qu'ils entreprennent géne
ralement toutes for es d'Ouvrages de Méchani
que , comme Moulins de toutes efpeees , à eau
cheval & à bras ; tous épuifemens de Marais
de Mines, de Foffés, &c. tous Equipages de Manufactures.
Ils garantiffent non- feulement le fuccès de tout
ce qu'ils entreprendront , mais ils en avanceront
même les principales dépenfes , en leur donnant les
fûretés convenables , tant pour le payement de leurs
Ouvrages , que pour le rembourlement de leurs
avances.
Ceux qui , pour l'ornement de leurs Cabinets ou
pour des befoins particuliers , voudront avoir des
Modeles en petit de toutes fortes de Machines ,
n'auront qu'à s'adreffer à la Manufacture Royale
de Méchanique , ruë S. Joſeph , au coin de la ruë
du Gros Chenet , où on leur en délivrera de trèsproprés
, avec l'explication par écrit de leur ufage
428 MERCURE DE FRANCE
ge & de leur Méchanique ; le tout à un prix raifonnable.
Le Sr Jean-Baptfte Oulier , de la Ville d'Aix en
Provence , a crû devoir informer le Public qu'il eft
le feul qui poffede le véritable Secret de la Poudre
Univerfelle , dite Santinelly , ainfi qu'il eft pleinement
juftifié par le Privilege qui lui a été accordé
le 18. Décembre 1740. pour la Compofition , vente
& diftribution de cette Poudre par tout le Royaume
, & ce après l'examen fait de celle qu'il compo→
fa par ordre de S. A. S. M. la Princeffe de Conty ,
en la préſence , en celle de M. Chycoineau , Premier
Médecin du Roy , & de M. de la Peyronie ,
Premier Chirurgien de Sa Majefté. Cette Poudre
peut être regardée comme un des plus puiffans Remedes
qui ait encore parû pour la purification du
fang & le plus doux purgatif , lequel n'affujettit à
aucun régime de vivre , ne dérange aucunement
des affaires domeftiques & n'interrompt pas même
la continuation des plus longs voyages.
32.
La Prife , qui eft de deux dragmes , eft fixée à
vingt fols. On a fait , pour la commodité du Public
, des Paquets de trois Prifes , qui eft la purgation
ordinaire , de 6. de 12. de 18. de 24. & de
Les Paquets feront accompagnés d'un Imprimé ,
contenant les vertus de cette Poudre & la maniere
de la prendre ; ils feront cachetés & il y aura une
Empreinte.
On la vend à l'Hôtel de Conty , rue S. Dominique,
chés Mrs Moitet , Richard Moriffet ; partout ailleurs
elle cft contrefaite & dangereufe .
On nous affûre que M. Chycoineau , Confeiller
d'Etat , Premier Médecin du Roy ayant vû la guérifon
d'un grand Prélat , qui avoit des Boutons ,
Rougeurs
JUIN. 1741.
1429
Rougeurs & Dartres au vifage depuis plus de huir
ans , & ayant apris d'ailleurs la guérifon de plufieurs
autres Perfonnes confidérables , par les Remedes
compofés & débités par Mad. de Leftrade ,
ci devant Mlle de Rezé , depuis plus de 40 ans , a
bien voulu pour l'utilité & le foulagement du Public
, donner fon Aprobation pour les débiter.
Ces Remedes font une Eau pour la guériſon des
Dartres vives & farineufes , Boutons , Rongeurs
Taches de rouffeur , & autres Maladies de la Peau ,
& un Baume blanc , en confiftance de Pomade ,
qui ôte les cavités & les rougeurs après la petite
vérole , les taches jaune , & le hâle , unit & blanchit
le teint .
Ces Remedes fe gardent tant que l'on veut , &
peuvent le tranfporter partout. Les Bouteilles de
cette Eau font de 2. 3. 4 6 livres & au - deffus ,
felon la grandeur . Les Pots de Baume blanc , font
de 3 livres 10. föls , & les demi Pots d'une livre
Is fo's .
Mad. de Leftrade , demeure à Paris , rue de la
Comédie Françoiſe , chés un Grainetier , au premier
Etage Il y a une Affiche au-- deffus de la porte.
Le Prélat dont on vient de parler , a gratifié la
D. de Leftrade d'une Penfion fa vie durant.
SPEC1
4430 MERCURE DE FRANCE
::
SPECTACLES.
EXTRAIT de la nouvelle Entrée ajoutée
au Ballet Héroïque de l'Empire de l'Amour,
intitulée Les Demi- Dieux , remis au Théatre
le 25. Mai dernier , annoncé dans le
premier Vol. de ce mois.
A
Vant
que de commencer cet Extrait ,
nous avons crû devoir avertir qu'on
en trouvera un de M. de Moncrif, de l'Académie
Françoife , Auteur du Ballet , dans le
Mercure du mois d'Avril 1733. page 793 .
où l'Auteur parle de fon Ouvrage avec une
modestie qu'on ne fçauroit trop admirer ,
& dont on trouve peu d'exemples parmi les
Auteurs ; le fujet de ce Ballet étoit annoncé
dans fa nouveauté par ces Vers que chantoit
Autonoé , parlant de l'Amour.
Nous allons dans nos Jeux peindre fa tyrannie ;
Vous le verrez ternir la gloire d'un Héros ,
Tromper l'Art enchanteur du plus puiffant Génie ;
Et lui-même , troublé de crainte , de foupirs ,
Ne pouvoir féparer les maux de fes plaiſirs .
L'Entrée de Thefeed Ariane , ayant été
fupriJUIN.
1741. 1431
fuprimée , pour faire place à la nouvelle dont
il s'agit , l'Auteur a changé fa maniere d'annoncer
le fujet en détail : il ſe contente de
faire dire à Autonoé , parlant de l'Amour à
Bacchus :
Avant que vous quittiez Naxos ,
Aprenez quel trouble il inſpire ;
Nous allons par des Jeux vous peindre fon Empire.
Pour ce qui regarde les autres changemens
, nous renvoyons nos Lecteurs au
Journal dont nous venons de parler.
Voici l'Entrée qui a été ajoutée , & dont
il s'agit préfentement.
LES DEMI-DIEUX , troifiéme Entrée.
Le Théatre repréfente les Jardins d'Amenophis
, Roy d'Egypte ; on voit dans l'enfoncement
une Grotte qui fervoit d'azile
aux Dieux , lorfqu'ils furent pourfuivis par
les Géants , & dans l'un des côtés , une façade
du Palais d'Amenophis.
Linus , Fils d'Apolion , expofe le fujet de
cette derniere Entrée par ces Vers :
Peut-on être heureux , quand on aime ,
Si l'on n'eft aimé pour foi-même ?
Non , Linus , tu ne dois confulter que l'Amour ;
A l'Egypte cachons encore
Qu'Apolloa
1432 MERCURE DE FRANCE
Qu'Apollon m'a donné le jour .
Le Roy fçait mon fecret , & c.
Des Jeux font ordonnés ;
Memphis va célebrer ces jours fi fortunés ,
Où les Dieux habitoient ce féjour folitaire ; -
Dans ces Jeux , tout Mortel peut , au gré de fes
voeux ,
Se choisir un Dieu Tutelaire.
La Princeffe Ifenide , fille d'Amenophis
y préfide , & c.
Linus voyant aprocher Ifenide , fe retire ,
pour aller preffer la Fête , où il doit découvrir
à la Princeffe fon amour & fa naifance .
Mifis , Confidente d'Ifenide , paroît étonnée
des foupirs qui lui échapent dans un
jour de Fête. Ifenide fait connoître les fentimens
fecrets de fon coeur par ces Vers ;
Linus... non , non , je ne veux plus l'entendre ;
Hélas ! ils étoient inconnus ,
Les dons que fur Linus le Ciel daigna répandre..
Mifis , furpriſe d'entendre prononcer le
nom de Linus à la Princeffe , foupçonne fon
amour , & la raffûre par le pouvoir de fes
charmes .
Ifenide avoüe fon amour ; elle en rougit par
raport à la baffeffe d'extraction dont Linus
paroît être à fes yeux, mais elle excufe fa foibleffe
JUIN. 1741 1431
bleffe par l'éloge qu'elle fait de fes talens ;
voici comment elle s'exprime :
Un langage enchanteur qu'accompagne ſa Lyre ,
Eft dans Linus un art de tout charmer ;
Chante-t'il le plaifir d'aimer
Ce qu'il exprime , il vous l'infpire .
Quels coeurs feroient indifferens ?
Contre nous en fecret notre raiſon conſpire ;
L'Amour fçut acquerir le don de tout (éduire ,
Quand il inventa les talens .
Des Vers fi coulans & fi tendres n'ont
pas eu befoin d'une voix auffi belle que celle
de la célebre le Maure , pour fe faire aplaudir
géneralement. En voici d'autres qui ne
cedent point en beauté & en douceur à ceux
qui les précedent ; c'est la même Actrice
qui les chante :
Ce Mortel , fait pour charmer ,
Eft né dans un rang vulgaire ,
Et je ne dois point l'aimer .
Hélas ! quelle loi févere
Combat ma tendre ardeur !
Tout l'éclat de la Grandeur
Vaut-il le don de plaire ?
Linus vient annoncer la Fête à Ifenide
il lui dit galamment.
Qu'un
1434 MERCURE DE FRANG
Qu'un Temple , où vous préfidez
Doit inſpirer de zéle !
La ferveur fera fidelle ,
Les fermens toujours gardés ;
Mais on pourra douter fans ceffe
Si l'encens préfenté
S'adreffe à la Divinité ,
Ou s'offre à la Prêtreffe .
Les Habitans de Memphis viennent cé
Iebrer la Fête. Linus demande à Ifenide s'il
lui eft permis de faire éclater le zéle dont il
eft enflammé pour la Divinité qu'il adore.'
Ifenide lui répond :
Linus , de ce grand jour , je reſpecte l'uſage.
Tout Mortel à mes voeux peut joindre ſon hommage
;
Implorez les Dieux avec nous ;
Qui peut mieux les chanter que vous ?
Ils vous ont apris leur langage.
Ifenide adreffe aux Peuples ce qui fuit.
Déclarez par vos chants vos voeux les plus fecrets ;
Les Dieux daigneront les entendre .
Qu'ils verfent leurs plus doux bienfaits
Sur les lieux où jadis on les a vû defcendre.
Le Choeur répete ces quatre derniers Vers .
Ifenide
JUIN. 1741 .
1435
Ifenide & Linus s'aprochent de l'Autel. '
L'un & l'autre par des à parte s'adreffent à
l'Amour , mais dans une intention bien differente
; Ifenide n'implore ce Dieu que pour
le prier de ne plus regner fur fon coeur , au
lieu que Linus le fuplie d'y regner toujours
& de le rendre heureux. Ifenide s'exprime
ainfi :
(
Que tu me fais fouffrir ,
Puiffance dangereuſe !
Hélas ! pourquoi m'offrir
Ce qui pourroit me rendre heureufe
Mon fort eft de le fuir.
Lis
Quoiqu'Ifenide n'ait parlé qu'à parte ,
nus lui répond d'une maniere à lui perfuader
qu'il l'a entenduë ; voici le galant reproche
qu'il lui fait :
Combien votre plainte outrage
Un Dieu , votre ferme apui ;
C'eft fon plus parfait ouvrage
Qui s'éleve contre lui , &c.
Ifenide paroît étonnée que Linus fçache
ce qui fe paffe dans fon coeur. Linus lui
aprend que c'est l'Amour qui le lui révele ,
& que c'est ce même Dieu qui lui arrrache
l'aveu qu'il lui fait . Elle paroît irritée de fon
audace ; il la juftifie par ces Vers :
C'eft
1436 MERCURE DE FRANCE
C'eft le fort des Mortels d'adorer vos beaux yeux ;
Mais le charme de vous le dire
N'eſt réſervé qu'au fang des Dieux.
Linus aprend à Ifenide qu'il eft Fils d'Apollon
, & que le Roy feul eft inſtruit du
fecret de fa naiffance. Ifenide , voyant que
fon Amant eft digne d'eile , ne balance plus
à reconnoître le Dieu d'Amour pour la Divinité
tutelaire , & dit à Linus , en portant
fa main fur l'Autel :
Implorer votre Dieu , c'eſt vous ouvrir mon ame.
Cette belle Scéne eft terminée par un Duo,
où l'Acteur & l'Actrice étalent avec avantage
toutes les graces du Chant , que l'Auteur
de la Mufique y a répandues. Une Troupe
d'Egypans & de Bacchantes viennent fe
joindre aux Habitans de Memphis pour cé-
Jebrer cette grande Fête. L'Entrée finit par
la repriſe du premier Choeur.
La même Académie de Muſique doit remettre
au Théatre le 4. Juillet , le Ballet
Héroïque des Fêtes Grecques & Romaines.
Le 24. Juin , les Comédiens Italiens , remirent
au Théatre la Comédie qui a pour
titre , Arlequin Enfant , Statue & Perroquet,
dont le principal Rôle eft parfaitement
bien
JUIN. 1741. 1437
bien joué par le nouvel Arlequin, qui donne
tous les jours de nouvelles preuves de fes
talens ; c'eft lui qui a tout le jeu de la Piece ,
par tous les déguiſemens qu'il prend pour
rendre une Lettre à la Maîtreffe de fon Maître.
Cette Piece avoit été donnée dans fa
nouveauté le 20. Août 1716.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE & PERSE.
1
N mande de Conftantinople , que le 12 Avril
ONmin, le de Orftellque ,emballa •
deur de S. M. T. C. auprès du Grand Seigneur
avoit eu fa premiere Audience du Grand Vifit.
On a apris de Perſe , que Thamas Kouli - Kan
avoit formé deux Camps confiderables , l'un près
de Kars , en Arménie , & l'autre dans les environs
de Baflora , à quelques lieues du Golfe erfique.
Quatre Seigneurs Perfans fe font révoltés contre
ce Prince , & ils ont mis en déroute un Corps de
Troupes qu'il avoit fait marcher , pour les obliger
de rentrer dans l'obéiffance.
RUSSIE.
Es dernieres Lettres de Pétersbourg portent que
le Feldt Maréchal Lefcy y étoit arrivé de
Riga le 17. du mois dernier , ayant été mandé par
la Princeffe Régente de Mofcovie , laquelle a défiré
de le confulter fur les mesures qu'il convenoit
II. Vol. H de
# 438 MERCURE DE FRANCE
>
en atde
prendre dans les conjonctures préfentes.
Le Czar a nommé le Géneral Lubras , pour commander
les Troupes qui font en Finlande
tendant que le Feldt- Maréchal Lefcy puiffe fe rendre
dans cette Province , & S. M. Cz lui a ordonné
de faire travailler avec toute la diligence poffible
aux nouveaux ouvrages qu'elle vouloit ajoûter
aux Fortifications de Wybourg , & de faire conftruire
plufieurs Redoutes dans les endroits par lef
quels les Suédois , en cas de rupture avec la Molcovie,
pourroient pénetrer dans les Provinces cedées
au feu Czar Pierre I. par la Suede. On a armé
une Efcadre à Cromstadt , compoſée de 18 .
Blcadre
盆
Vaif
feaux de Guerre & de quelques Frégates , & elle
eft prête à mettre à la voile. On équipe dans le
meneeport doute autres Vaiffeaux de guerre.
S. M. Cz. fait faire une Epée d'or , garnie de
Diamans , d'un prix confidérable , qu'elle fe propofe
de donner au Feldt - Maréchal Lefcy , lorsqu'il
partira pour aller prendre le Commandement de
fes Troupes. Ce Géneral affifte régulierement à
tous les Confeils qui fe tiennent , & le Gouvernement
a aprouvé plufieurs Projets qu'il a préfentés
pour la fûreté des Frontieres . Le Prince de Heffe-
Hombourg & Mrs de Spegel & de Henning ferviront
fous fes ordres en qualité de Lieutenans
Feldt-Maréchaux.
Le Géneral Keit eft arrivé depuis quelque tems
à Pétersbourg , & il a été reçû avec beaucoup de
marques de distinction par la Princeffe Régente
qui a donné de grands éloges au zéle qu'il a témoigné
pour le ſervice du Czar , en refuſant de ſe
foumettre à la Difpofition Teſtamentaire , par laquelle
la feue Czarine avoit déclaré le Comte Erneft
Biron Régent de Mofcovie.
Le zo. Mai dernier , le Comte de Munich donna
une
JUIN. 1741. 1439
ure Fête magnifique aux Miniftres Etrangers , aux
Miniftres d'Etat & à plufieurs perfonnes de diftinction.
Le Comte Erneft Biron a obtenu de n'être pas
conduit à Jenifeskoy , & l'on bâtit à Ifchambkoy ,
près de Tobolska , Capitale de la Siberie , un logement
où il fera plus commodément que dans la
prifon qui lui avoit été deſtinée. On le fera embarquer
fur le Canal de Ladoga , pour le tranfporter
par le Wolga jufqu'à Calan , d'où il fe rendra
par terre à Tobolska.
Le Géneral Lubras n'ayant pas jugé que les ouvrages
qu'on ajoûte aux Fort fications de Wybourg
, fuffent fuffifans pour mettre cette Place en
état de foûtenir un long Siége , il a propofé d'y
conftruire un ouvrage à Couronne & quelques demi
-Lunes à contregardes , & S. M. Cz. a aprouvé
cette propofition .
Le Czar a accordé une penſion de 3000 Roubles
an Géneral Keit , dans les avis duquel il paroît que
la Princeffe Régente prend une grande confiance.
Le frere du Prince Antoine Ulrich de Brunfwick
Bevern , eft arrivé à Pétersbourg , & on affûre qu'il
époufera la Princeffe Elizabeth Petrowna , & que
le Czar contribuëra de tout fon pouvoir à le faire
élire Duc de Curlande.
MITTAU.
Na apris du 3. de ce mois , que les Etats du
Duché de Curlande devoient s'affembler avant
la fin du mois , & que la plupart des Députés qui
font nommés pour y affifter , paroiffent difpofés à
donner leur voix au Prince Louis Erneft , frere du
Prince Antoine Ulrich de Brunſwick Bevern .
Le nom du dernier Duc fera rayé de la Liſte des
I ij Sou
1440 MERCURE DE FRANCE
Souverains de Curlande , & les Etats exigeront de
fon Succeffeur , qu'il révoque plufieurs ordres donnés
fous le précedent Gouvernement .
*
Plus de 50. Familles Nobles , qui avoient été.
obligées par les vexations du Comte Erneft Biron
de fe retirer en Pologne & en Lithuanie , font revenues
à Mittau , pour demander d'être rétablies
dans la poffeffion de leurs biens , dont il les avoit
privées par un Decret , qui déclaroit déchûs de leurs
Fiefs tous les Gentilshommes dont les Titres étoient
pofterieurs au Duc Gothard Ketler.
G
ALLEMAGNE ,
Ianihi Ali Pacha , Ambaſſadeur Extraordinaire
du Grand Seigneur auprès de S. M. partit de
Vienne le 25. du mois dernier pour Conftantinople
, & il traverfa à cheval le Fauxbourg de S. Léopold
, pour aller s'embarquer fur le Danube à bord
des Bâtimens deftinés à le conduire à Belgrade. Il
a été eſcorté par un Détachement de 80. hommes
du Régiment des Gardes jufqu'à cette Place , où il
a été échangé avec le Comte d'Uhlefeldt .
On a apris de Siléfie , que l'Armée Pruffienne
étoit en marche pour s'aprocher de la Riviere de
Neiff ; & fur ce : avis , la Reine a envoyé ordre
au Comte de Neuperg , de faire tous les efforts
pour empêcher les Ennemis de paffer cette
Riviere .
Le Duc d'Uzeda mourut le 18. Mai dernier
dans la Citadelle de Gratz , où il avoit été enfermé
pour le reste de les jours .
Le départ de la Reine de Hongrie pour Pref
bourg , eft fixé au 16. du mois prochain , & on
a déja embarqué fur le Danube vingt pieces de
Canon , pour fervir aux réjouiflances qui le feront
à l'occafion de fon Couronnement. S. M.
JUI N. 1741. 1441
3. M. a écrit au General Hoheneims , d'aller
joindre en Siléfie le Comte de Neuperg , pour fer.
vir fous les ordres en qualité de General de Cavalerie
.
Le bruit court que la Reine a enfin accepté la
médiation que S. M. Br. & les Etats Generaux des
Provinces Unies lui ont offerte , pour procurer un
accommodement entre la Cour de Vienne & celle
de Berlin , & elle a promis de fe prêter à tous les
moyens de conciliation qui feroient proposés par
ces deux Puiffances , pourvû qu'ils ne fuffent point
contraires à la Pragmatique Sanction .
Les Députés que les Etats du Royaume de Hongrie
ont envoyés à Vienne , ont demandé à la Reine de la
part des Etats, que S. M. les rétablît dans les droits &
les privileges qui leur ont été ôtés par les deux derniers
Empereurs, & que la confirmation de ces droits
fût ftipulée dans la Capitulation qui lui fera préfentée
; que dans la Servie , dans le Bannat de Temeiwar
& dans l'Esclavonie , le Gouvernement Ĉivil
ne fû: plus fubordonné au Gouvernement Mili,
taire ; que les Hongrois puffent être admis dans
les Confeils de la Reine , ainfi que les autres Sujets
de S. M. & que la Reine s'engageât à ne conclure
aucun Traité avec les Turcs , fans prendre l'avis
des Etats , que tout ce qui concerneroit la marche,
la fubfiftance & le payement des Troupes , ne fût
reglé que par des Commiffaires Nationaux ; que
les Charges de la Chancellerie , établie à Vienne
pour la Hongrie , ne fuffent données qu'à des Hongrois
, & que ceux qui en feroient pourvûs euffent
les mêmes prérogatives que les Officiers des autres
Chancelleries ; que la Reine n'accordât les Charges
& les Dignités du Royaume , le Commandement
des Places , la Régie des Péages & l'Adminiſtration
des revenus des Gabelles , qu'à des perfonnes de la
Hiij
Na1442
MERCURE DE FRANCE
Nation , & que la Chambre des Finances de Presbourg
fûr indépendante de tout autre Tribunal ,
que toutes les marchandiſes & les denrées de Hongrie
puffent être tranfportées librement en Autriche
& en Stirie , fans payer aucun droit extraordinaire
; que les nouvelles impofitions établies fur´
les marchandifes qui viennent des Pays Etrangers
fuflent fuprimées , & que les Vénitiens euffent la
liberté d'aller acheter des Boeufs en Hongrie ; qu'on
établit pour les rétributions que payent les differens
Comtés , un nouveau Tarif dans lequel ces rétri
butions fuffent plus proportionnées à ce que chaque
Comté peut payer ; que la Dignité de Palatin du
Royaume de Hongrie fût rétablie dans toutes les
prérogatives que le Roy Mathias y a attachées par
fon Decret de 1485. que les Bénefices ne puffent
être conferés à des Etrangers , & que les Proteftans
euffent la liberté d'exercer leur Religion dans toute
l'étendue du Royaume .
La formule du Serment que la Reine prêtera ,
lorfqu'elle fera couronnée à Presbourg , fera conçûë
en ces termes : Nous jurons par le Dieu vivant,
que nous accorderons une protection ſpériale à toutes
les Eglifes ; que nous maintiendrons les Seigneurs ,
Prélats , Barons , Gentilshommes , les Villes libres ,
tous les Habitans de ce Royaume , dans la jouiffance
de leurs franchifes , exemptions , droits & libertés
; que nous ne changerons rien aux coûtumes
anciennes ; que nous rendrons la Juftice à tous , fuivant
les Loix les Ufares du Royaume , & que nous
obferverons inviolablement tout ce qui eft contenu
dans le Decret du Roy André.
Le Comte de Schaffgotsch , Grand Burgrave de
Prague , s'eft rendu à Vienne , pour préſenter à la
Reine le Don gratuit que les Etats du Royaume
de Boheme ont accordé à S. M. à l'occafion de la
maiffance del'Archiduc. 11
JUIN. 1741. ´.1443
Il y eut à Vienne les un violent Ouragan , ac→
compagné de pluye & de tonnerre , le vent a ren
verfé plufieurs maifons & déraciné un grand nom
bre d'arbres & le Danube qui s'eft débordé ,
caufé beaucoup de dommage , particulierement an
Monaftere des Religieufes de Ste Elizabeth , dont
cinq ont été noyées , les autres ayant eu beaucoup
de peine à fe fauver.
La Reine reçut vers le milieu de ce mois un
Courier par lequel le Comte de Neuperg lai a
mandé que le Roy de Pruffe avoit fait faire depuis
peu plufieurs mouvemens à fon Armée , & qu'il
paroiffoit être dans le deffein d'entreprendre le
Siége de Neiff , ou d'attaquer l'Armée de la Reine.
Il lui mandoit en même tems que le Major Géneral
Feftatis , à la tête d'un Corps de Huffards ,
ayant fait fommer un Détachement de 300. hommes
des Troupes du Roy de Prufle , qui étoit dans
le Château d'Olmendorf , de fe rendre , & les Ennemis
n'ayant répondu à cette fommation que par
un feu de Moufqueterie très- vif , il les avoit obligés
en mettant le feu au Château , d'abandonner
ce pofte , & que prefque tous les Officiers & les
Soldats qui compofoient le Détachement , avoient
été taillés en pieces , en fe retirant.
Le Confeil Aulique de Guerre a cité le Géneral
Schmettau , à comparoître dans le terme d'un mois ,
pour rendre compte des raifons qui l'ont déterminé
à fe rendre dans le Camp du Roy de Pruffe , fans
en avoir demandé la permiſſion à la Reine , & on
a envoyé ordre au Comte de Neuperg , d'en faire
donner avis à ce Géneral par un Trompette.
G iiij PRUSSE
1444 MER CURE DE FRANCE
PRUSSE.
Na apris de Siléfie , que l'Armée du Roy
étoit toujours campée près de Grotkaw , &
que celle de la Reine de Hongrie continuoit d'occuper
fon Camp dans les environs de la Ville de
Neiff. S. M. Pr. a détaché un Corps de 3000. hommes
d'Infanrerie & de 1500. de Cavalerie , pour
aller renforcer les Troupes qui font de l'autre côté
de l'Oder , & le Géneral d'Olonne, qui étoit à Oppelen
avec un Régiment de Cuitaffiers des troupes
de la Reine de Hongrie , a abandonné ce pofte fur
la nouvelle de la marche de ce Corps de troupes
Pruffiennes.
L'Armée commandée par le Roy , étant décampée
de Grotkaw le 9. de ce mois , elle arriva le
même jour dans les environs de Friedewalde , &
quatre Bataillons qui avoient été détachés par S.M.
pour attaquer ce pofte où il y avoit 4 000.
de troupes de la Reine de Hongrie , les en chaſſetent.
+
hommes
Les Pruffiens s'avancerent le 11. vers le Village
de Mogwitz , à la vûe de l'armée ennemie , qui fe
retira à leur aproche , & le Roy voyant que le
Comte de Neuperg évitoit le combat , malgré les
renforts qu'il avoit reçu , Sa Majesté décampa le 13 .
pour s'aprocher de Streelen , après avoir fait ravager
tous les environs de Mogwitz , pour ôter aux
ennemis les moyens de fubfifter en - deçà de la Neiff .
Pendant cette marche de l'armée du Roy , fes Huf
fards ennemis attaquerent les bagages , mais ils ne
purent , enlever que fept Chariots , & ils perdirene
près de so. homines.
R
BRESLAW
JUIN. 1741. 1445
BRESLA W.
E Roy de Pruffe ayant pris la réſolution de
Lfaire avancerfonarmée vers la Riviere de Neill,
S. M. Pr. détacha le 24. du mois dernier un Corps
de Cavalerie , pour aller marquer un Camp dans la
Plaine de Grotkaw ; le même jour elle fit défiler les
bagages & une partie de fon Artillerie , & elle donna
ordre que toutes les troupes fe tinffent prétes à
marcher ; elle décampa de Mollvitz le lendemain
& toute l'armée arriva avant midi dans les environs
de Grotkaw , qui n'eft qu'à une lieuë de la
Ville de Neiff , un détachement de Dragons , que
le Roy de Pruffe avoit envoyé le foir à la découver.
e , pour reconnoître la fituation des troupes de
la Reine de Hongrie , s'aprocha de la Riviere de
Neiff , à la portée du canon , fans rencontrer d'en-,
nemis, tous ceux qui étoient en- deçà de la Riviere,
l'ayant repaffée , fur la nouvelle de la marche de
l'armée Pruffienne. Le Comte de Neuperg eft campé
près de cette Place. Les prifonniers qu'on a faits
depuis quelque tems aux ennemis , affûrent que ce
Géneral l'a pourvûë abondamment de vivres & de
munitions , & qu'il y a fait ajoûter plufieurs ouvrages
qui la mettent en état de faire une longue rétance
, fi le Roy de Pruffe en forme le Siége.
Un détachement de troupes Pruffiennes ayant at
taqué le Corps de Dragons & de Huffards , commandé
par le Géneral Baroniay , l'a mis en dérou
te ; les ennemis on perdu environ 80. hommes &
on leur a fait 150. prifonniers.
Quoique les deux armées continuent d'être fort
peu é oignées l'une de l'autre , il n'y a point d'aparence
qu'elles en viennent à une action génerale.
Deux Bataillons & fix Efcadro ns ayant été dé-
HY La chés
#446 MERCURE DE FRANCE
tachés au commencement de ce mois par S. M. Pr.
pour tâcher d'enveloper un Corps de Cavalerie Autrichienne
, qui étoit forti du vieux Grotkaw , ils
feignirent de prendre la fuite , pour attirer les Autrichiens
dans un endroit où les deux Bataillons s'étoient
mis en embuscade , mais les Autrichiens
ayant été avertis par un Payfan de ne pas trop s'avancer,
ils fe retirerent, fans avoir fait aucune perte.
ESPAGNE.
Es Vaiffeaux de guerre que S. M. C. a fait
Léquiper au Ferol , forrent de tems en tems du
Port , pour aller croifer dans les Mers voisines , &
ils ont pris depuis peu à la hauteur de l'Ile de Berlingue
, fur la Côte de l'Eftramadoure Portugaife la
Fregate Angloife la Nonpareille , de 220. tonneaux,
& le Paquebot la Sufanne.
Dom Barthelemi de Mendivil , Commandant la
Barque la Notre- Dame de l'Assomption , s'eft emparé
d'une Balandre de la même Nation vers le 5. degré
de Latitude Septentrionale.
L'Evêque de Rennes Ambaffadeur de S.M.T.C.
arriva à Madrid le 20. du mois dernier.
Le 13. du même mois , l'Armateur Jean Baptifte
·Salié entra dans le Port de Vigo avec le Brigantin
Anglois le Bon Succès , dont il s'eft emparé entre .
Camina & la Guardia.
Un Negre , âgé de 14. ans , fut baptifé le premier
de ce mois dans l'Eglife de la Paroiffe du Palais , &
il eut pour Parain le Docteur Don Juan de Lacy,
Grand Chapelain de l'Eglife Royale de S. Antoine
des Allemands , lequel la inftruit des vérités du
Chriftianifme , & qui pendant fept ans qu'il a été
Aumônier du Régiment Suiffe de Wirtz , a converti
à la Religion 248. Héretiques de differentes Sectes.
Un
JUIN. 1741. 1447
Un grand nombre d'Armateurs Efpagnols , qui
croifent dans les environs de la Caroline , ont enlevé
plufieurs Vaiffeaux Anglois,
On a apris que Madame de France , Epoufe
de l'Infant Don Philipe , eft entrée au commencement
de ce mois dans le quatrième mois de fa groffelle
, & qu'elle continue de fe porter auffi- bien
qu'on puifle le defirer.
M. Van- der- meer , Ambaffadeur de la Républi
que de Hollande, s'eft rendu à Aranjuez , pour de
mander la reftitution de quelques Vaiffeaux Hollandois
qui ont été pris par les Armateurs Efpagnols ,
& le Marquis de Villarias , Sécretaire d'Etat & del
Despacho Universal , l'a affûré que le Roy feroit
rendre ceux dont les Proprietaire juftifieroient
qu'ils n'ont point contrevenu aux Reglemens établis
par raport ay Commerce &la Navigation.
L'Armateur Espagnol Don Jofeph de Torres , a
fait trois prifes confidérables fur les Anglois dans les
Mers de Portugal.
Don Manuel de los Santos , Commandant la Barque
la Notre-Dame de la Conception , a pris deux
Brigantins Anglois , qu'il a menés à Vigo.
Le 27. Mai dernier , le Vaiffeau la Notre-Dame
de Aranzazu entra dans le Port avec une prife , eftimée
25000. Piaftres.
La Frégate la Conque Marine , a enlevé vers le
51. degré de Latitude Septentrionale , le Brigantin
l'Amerique , qui alloit de la Caroline en Angleterre
, & qui étoit chargé de Ris & de Bois de Campefche
, & le Paquetbot le S. Jean , qui portoit de
Lisbonne à Dublin une grande quantité de vin de
Portugal,
H vj PORTUGAL
1448 MERCURE DE FRANCE
PORTUGAL.
ON mande de Lisbonne , du 11. du mois der- nier, que le premier, les Bernardins tinrent un
un Chapitre géneral dans leur Convent de cette
Ville , & qu'ils élurent pour General de leur Ordre
dans le Royaume de Portugal , Dignité à laquelle
eft attachée celle de Grand -Aumônier du Roy , le
Pere Antoine Brandam , Définiteur & Procureur Géneral
de l'Ordre , & Abbé de l'Abbaye Réguliere
de S. Chriftophe de Lafoëns .
S. M. Port .pour fitisfaire aux defirs d'uu grand
nombre de perfonnes de diftinction , qui demandent
d'être admifes dans l'Ordre de Chriſt , a réfolu
de créer cent nouveaux Chevaliers de cet Ordre,,
Tefquels feront obligés de payer chacun sooo. Cru
zades , pour contribuer à la conftruction d'une
nouvelle Eglife Patriarchale.
ITALIE..
'Abbé Doria , Nonce Extraordinaire du Pape à
Lla Diette qui doit le tenir à Francfort pour l'Election
d'un Empereur ayant écrit à S.S. pour lui rendre
compte de l'état préfent des affaires d'Allemagne,.
le Pape lui a recommandé d'affûrer les Electeurs.
que S. S. étoit dans la réfolution de garder une
exacte neutralité entre les Prétendans à la Dignité
Impériale , & qu'elle defiroir uniquement de voir
cette Dignité remplie par un Prince qui fût un zelé
Défenfeur de la vraye Religion.
On mande de Venife , que M. Louis Foscarini ,
Chanoine de l'Eglife Cathédrale de Padoue , a été
élu Patriarche de Venife , & que la Charge de Provediteur
Géneral de la Mer a été donnée à M.Louis
Contarini Terzo.
Les
JUIN. 1741. 1449
Les mêmes lettres ajoûtent que les Turcs recommençoient
à faire des mouvemens fur la Frontiere de
la Dalmatie Vénitienne , & qu'on craignoit qu'ils
n'euffent deffein de former quelque entrepriſe fur
cette Province.
Le premier de ce mois , jour de la Fête du S. Sa
crement , Sa Sainteté fe rendit en grand cortege à
l'Eglife de S. Pierre du Vatican , où elle celebra la
Meffe ; elle porta enfuite le S.Sacrement à la Proceffion,
& après avoir donné la bénediction , elle reretourna
au Palais du Quirinal.
Les articles de l'accommodement entre le S. Sié
ge & la Cour de Naples , ont été fignés au commencement
de ce mois par le Cardinal Valenti
Gonzaga , au nom du Pape , & par le Cardinal
Aquaviva , au nom de S. M. Sic. & il a été ftipulé
dans les trois premiers de ces articles , que le Pape
conſentiroit à la réunion de plufieurs Evêchés dans
le Royaume de Naples ; que Sa Sainteté joindroit
fon autorité à celle du Roy des deux Siciles ,
pour établir la reforme dans le Clergé Régulier des
Etats de S. M Sic . & qu'elle accorderoit les privileges
que le Roy des deux Siciles a demandés pour
les Chevaliers de l'Ordre de S. Janvier . Le Roy des
deux Siciles a ratifré ces articles .
Le Grand Duc de Tofcane , à la follicitation du
Pape , a confenti de reftituer le Fief de Carpegne:
au Prince de ce nom , & le Fief de Scavolino au
Marquis avalieri.
Il eft furvenu quelques difficultés entre le S. Siége
& l'Ordre de Mathe, au fujet de l'ordre.
que le Pa
pe a donné à la Chambre Apoftolique de fe charger
de l'adminiftration des revenus du Grand Prieuré de
Rome , en attendant que Sa Sainteté difposât de ce
Grand Prieuré.
Le 20. du mois paffé , les Religieux de l'Obfer.
vance
1450 MERCURE DE FRANCE
vance S.François , tinrent dans leur Convent des Saints
Apôtres, un Chapitre géneral, dans lequel ils élurent
pour General de leur Ordre le Pere Jean - Baptiſte Minucci
, Examinateur des Evêques & Confulteur de
la Congrégation des Indulgences .
On a apris de Venife , que la République avoit
réfolu d'augmenter fes troupes de 6000. hommes;
que les Turcs continuoient de faire beaucoup de
mouvemens fur les Frontieres de la Dalmatie Vénitienne
, & qu'ils affembloient un Corps de troupes
dans l'Albanie.
O
NAPLE S.
N écrit de Naples du 16. du mois derniers,
que les couriers qui vont en Espagne , ont
reçû ordre de ne point paffer dans les Etats qui apar
tiennent à la Reine de Hongrie ou au Grand Duc
de Toscane .
L'Elu du Peuple , fuivant l'ufage , porta le premier
du même mois au Roy , de la part de la Ville
un préfent , qui confiftoit en un Groupe de Statues
d'argent mafif, repréfentant l'Italie qui tenoit entre
les bras l'Infante qu'elle préfentoit à la Religion.
Aux pieds de ces Statues étoient plufieurs Sirenes
avec differens attributs propres à caractérifer les
Royaumes de Naples & de Sicile.
&
Le Gouvernement eft occupé à chercher les
moyens de favorifer les progrès du Commerce ,
on a accordé plufieurs privileges aux Entrepreneurs
de nouvelles Manufactures , particulierement
de celles qui font établies pour laFabrique des Draps.
Les avantages que le Roy a promis aux Juifs qui
fixeroient leur demeure dans fes Etats , y en attirent
un grand nombre , & quelques - uns on déja formé
une Compagnie pour le Commerce du Leyant.
S
JUIN. 145 1741. #
S. M. a dépêché un Courier au Chevalier Finochietti
, fon Miniftre auprès du Grand Seigneur ,
pour lui ordonner de leur procurer , tant à Smirne
que dans les autres Echelles du Levant , toute l'affiftance
dont ils auront befoin , & elle a mandé à
ce Miniftre de folliciter auprès de Sa Hauteffe la
permiffion de bâtir à Conftantinople un Convent
pour les Religieux Francifcains de la Nation Sici
lierne.
Le 4. de ce mois , le Roy reçut de Rome par un
Courier extraordinaire , la Ratification de l'accommodement
conclu entre le S. Siége & la Cour de
Naples , fignée par le Pape , qui a envoyé en mê
me- tems deux Bulles , l'une pour la réunion de
quelques Evêchés , & l'autre pour accorder à l'Ordre
de S. Janvier les privileges demandés par S. M.
Le Chevalier Finochietti a mandé au Roy , que
les deux Vaiffeaux de guerre , par lefquels S. M. a
envoyé les préfens deftinés pour le Grand Seigneur,
étant arrivés à Conftantinople le 8. Mai dernier , il
y avoit fait le 11. fon Entrée publique , & qu'it
avoit remis au Grand Seigneur les préfens du Roy
dans l'audience qu'il avoit euë de Sa Hauteffe.
Es
ISLE DE CORSE.
Bataillons que
quatre
le Roy de France a
Ljugé à propos de vetirer de l'ifle de Corfe
font embarqués à San Fiorenzo , & les Bâtimens
deftinés à les conduire à Toulon ont mis à la voile
fous l'eſcorte de la Barque la Sybille .
Le Maréchal de Maillebois & le Marquis de Contades
fe font embarqués à bord de la Fregate le Zéphire
, pour revenir en France , & ce Géneral a laiffé
le commandement des troupes de France au Marquis
de Villemeur , qui a fixé fà réſidence à la Baſtie.
GRANDE
1452 MERCURE DE FRANCE
GRANDE BRETAGNE.
Ltiment
E Vaiffeau le Burlington s'eft emparé d'un Bâ
timent Efpagnol à la hauteur d'Oporto , en revenant
de la Caroline.
On a apris de la nouvelle York , que le Capitaize
Drummond , Commandant le Vaiffeau le Georges
, avoit fait une prife confiderable.
Un Armateur Espagnol a enlevé le Vaiffeau l'Hirondelle,
qui avoit fait voile de Briſtol pour l'Afrique .
On a reçû avis par l'Equipage du Vaiffeau le
Sommerfet , arrivant de Port Mahon , que le Vaiffeau
de guerre l'Arlboroug , y avoit conduit un Bâtiment
Efpagnol dont il s'étoit emparé fur les Côtes
de la Catalogne.
Le 14. de ce mois le Vaiffeau de guerre le Dragon
entra dans la Tamile avec une prife qu'il a faite
près d'Alfagues.
Le Galloper a pris deux Armateurs Eſpagnols
dans les environs de Dungeneff.
L'Equipage du Vaiffeau la Bonite a raporté que
les neuf Vaiffeaux de guerre Efpagnols , qui étoient
à Cadix , s'étoient rendus au Ferol , & qu'en route
ils s'étoient emparés de fept Bâtimens Anglois , du
nombre defquels eft le Vernon qui a fait un grand
nombre de priſes fur les ennemis.
MORT'S DES PAYS ETRANGERS.
LCardinaDliacredire deSte Marieinpor
E 16 Mai , Jacques Lanfredini . F'orentin ,
tico Campitelli , Evêque d'Ofimo , & Cingoli , Préfet
de la Congrégation de l'Immunité Ecclefiaftique
&
JUIN.
1453 17412 :
que , &c. mourut à Rome , âgé de 70. ans , 6. mois,
19. jours , étant né le 26. Octobre 1670. Il avoit
été fait Auditeur Civil du Cardinal Camerligue le
7.Mars 1722. Il fut enfuite déclaré Prélat Domeſtique
& Membre de la Congrégation Confiftoriale au
mois de Novem . 1723.& auffi Réferendaire de l'une
& l'autre Signature . Il reçut POrdre de Prêtrife des
mains du Pape Benoît XIII . le 16. Mars 1727.Après
la mort de ce Pontife , ce fut lui qui prononça le 5 .
Mars 1739. l'Oraifon Latine de Eligendo Pontifice ,
immédiatement avant l'entrée des Cardinaux au
Conclave . Il fut fait fous le Pontificat de Clement.
XII. fon compatriote , Chanoine de la Bafilique de
S. Pierre du Vatican au mois d'Octobre 1730. Dé
claré Sécretaire de la Congrégation du Concile le
7. Mai 1731. Votant de la Signature de Grace au
mois d'Oftobre fuivant & enfin au mois d'Octo-
1733. Dataire de la Pénitencerie, dont il étoit alors
Canonifte. Il fut créé & déclaré Cardinal le 24 .
Mars 1734. Il quitta alors lors le nom d'Amadori ,
fous lequel il avoit été connû juſque - là , & il reprit
celui de Lanfredini , ancien nom de fa Famille . Le
27. du même mois de Mors , le Pape propofa pour
lui en Confiftoire les Evêchés uns d'Ofimo &
Cingoli , dans la Marche , & il fut facré le 4 Avril
dans l'Eglife de Ste Marie in Portico Campitelli, par
le Cardinal Guadagni , affifté du Patriarche de Jérufalem
& de l'Archevêque de Damas . Le 12. du
même mois d'Avril 1734. le Pape , après avoir fait
la céremonie de lui fermer & ouvrir la bouche , lui
affigna la Diaconie de Ste Marie in Portico Campi
relli , & le plaça dans les Congrégations du Conci
le de l'Immunité , du Confiftoire & de la Fabrique.
Il fut déclaré au mois de Mai 1739. Préfet de la
Congrégation de l'Immunité Ecclefiaftique .
Le 21. Barthelemi Rufpoli , Romain , Cardinal-
Diacre
454 MERCURE DE FRANCE
Diacre , du Titre de S. Côme & S. Damien , Grand
Prieur d : Rome , de l'Ordre de S Jean de Jérufalem
, &c mourut à Rome, âgé de 43. ans , 8. mois
& 26. jours , étant né le 25. Août 1697. Il avoit
pris le parti de la Prélature, quoiqu'aîné de la Maifon
. Le Pape Innocent XIII. fon grand- oncle maters
nel , le nomma Sécretaire des Mémoriaux le 9. Mais
1721. & le fit auffi Protonotaire Apoftolique Partici
pant.Après la mort de ce Pontife, il perdit fa Charge
de Sécretaire des Mémoriaux , dont le Pape Benoît
XIII. difpofa à fon avenement en faveur de Nicolas
Cofcia , fa Créature ; mais il fut déclaré par ce
nouveau Pape Sécretaire de la Congrégation de Pros
paganda fide le 21. Novembre 1724. Il n'étoit en
care alors que fimple Clerc . Il reçut les Ordres
Mineurs par les mains du Cardinal Nicolas Spinola
le 26. Juillet 1725. & D. Etienne Conti , fon
coufin , s'étant démis en fa faveur de la Charge de
Primicier de l'Archi Confrerie des Pélerins &
Convalefcens , il en prit poffeffion , le 27. Janvier
1726. Le Pape Clément XII . de la Maifon Cor
fini , fon parent , le créa & déclara Cardinal le 2 .
Octobre 1730. & fit le s. fuivant la cér monie de
lui donner publiquement le Chapeau, & le 22. Novembre
, celle de lui fermer & ouvrir la bouche
après quoi il lui donna un Titre , & lui affigna les
Congrégations du Concile, de la Propagation de la
Foi , de la Fabrique & Bon Gouvernement. Le mê
me Pape lui donna le 3. Juillet 1731. le Grand
Prieuré de Rome , vacant par la démiffion du Cardinal
Camille Cibo. Il en prit poffeffion le 18. du
même mois dans l'Eglife de Ste Marie fur le Mont
Aventin , & le 9. Septembre fuivant il reçût en cérémonie
la Croix de l'Ordre de Malthe des mains du
Cardinal François Barberin . Après la mort de fon
Pere il céda fes droits d'aînelle à D. Alexandre
Rufpoli ,
1
D
JUIN. 1741. 1455
Rufpoli, fon frere puîné, moyennant une penfion de
12000. écus , avec la réferve du Fief de Vignanello.
Il fut déclaré Protecteur du Collége Germanique
Hongrois à Rome le 17. Janvier 1737. & du College
des Maronites au mois de Novembre fuivant.
Il étoit fils aîné de Fançois - Marie Rafpoli , Prince
le Ceveteri , Comte de Vignanello , Marquis de
iano , & c. créé Prince du Soglio par le Pape Cléent
XI . en 1709. & mort le 11. Juillet 1731.
gé de 63. ans , & de D. . . . . Cefi ..fille de Jofeph
Cefi , Duc d'Aqua Sparta , & d'Hiacinte Conti ,
foeur du Pape Innocent XII .
....
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR, DE PARIS , &C.
E Roy partit de Verfailles le 14, de ce
LmRoyparrit dresu
de Rambouillet. S. M. en revint le 17. & y
retourna le 20.
Le 17. S. M. prit le deüil pour la mort de
la Ducheffe de Bourbon , feconde Doüairiere
.
Le Roy qui étoit revenu à Verfailles du
Château de Ramboüillet le 23. de ce mois ,
y retourna le 26. & S. M. en revint le 28 .
>
S. M. quitta le 29. le deüil qu'Elle avoit
pris le 17. pour la mort de la Ducheffe de
Bourbon , feconde Doüairiere .
Le
1456 MERCURE DE FRANCE
Le 1o. de ce mois , M. Crefcenzi , Ar
chevêque de Naziance & Nonce Ordinaire
du Pape , eut une audience de S. A. R.
Madame la Ducheffe d'Orléans , & il y fut
conduit par M. de Verneuil , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le 11. l'Evêque de Tulles fut facré dans
la Chapelle du Séminaire de S. Sulpice , par
l'Archevêque de Tours , aflifté des Evêques
d'Agen & de Quimpercorentin.
Le Prince d'Ardore , Ambaffadeur Extraordinaire
du Roy des deux Siciles auprès
du Roy , & qui arriva à Paris le 27. de ce
mois , fe rendit à Versailles le 29. au matin ,
& il eut fa premiere audience de S. M. II
eut enfuite audience de la Reine , de Monfeigneur
le Dauphin , & de Mefdames de
France. Il fut conduit à toutes ces audien-
M. de Verneuil , Introductcur des
ces par
Ambaffadeurs
.
Le Roy a permis au Marquis d'Ecquevilly,
Capitaine Géneral des Toiles de Chaffes
Tentes & Pavillons du Roy , pour l'équipage
du Sanglier , de fe démettre de cette Charge
en faveur du Marquis d'Ecquevilly , fon fils ,
lequel prêta Serment le 29. au matin , entre
les mains de S. M.
BE
JUIN. 1741.
1457
L
BENEFICES DONNE'S.
E Roy a nommé à l'Evêché de Laon ,
l'Abbé de Rochechouart , Vicaire Géneral
de l'Archevêché de Roüen. S. M. a
accordé l'Abbaye de Combelongue , O. de
· P. D. de Couzerans , à l'Abbé de Jouques ;
celle de Boifgroland,, O. de C. D. de Luçon ,
à l'Abbé de Fondevieille ; celle de Gondom ,
même O. D. d'Agen , à l'Abbé du . Vigier ;
celle de la Capelle , O. de P. D. de Toulouze
, à l'Abbé de la Tour ; le Prieuré de
S. Sernin , O. de S. Aug. D d'Autun , à
l'Abbé de Saint- Hermine ; l'Abbaye Réguliere
de Moreuil , O. de S. Ben. D. d'Amiens
, à Dom Berthier ; 1 Abbaye Réguliere
de S. Louis de Vernon , O. des Hofpitalieres
de S. Aug. D. d'Evreux , à la Dame de
Sailly , & l'Abbaye Elective du Vivier , D.
d'Arras , à la Dame de Widebien d'Ignocourt,
Le 27. Juin , le Lieutenant Géneral de
Police fit l'ouverture de la Foire S. Laurent
avec les cérémonies accoûtumées . Ce Magiftrat
avoit rendu fon Ordonnance le 17 .
du même mois , concernant ce qui doit être
obfervé par les Marchands qui y font établis
, & qui renouvelle la défenſe des Jeux ,
& c.
Le
1458 . MERCURE DE FRANCE
Le lendemain , l'Opera Comique fit l'ouverture
de fon Théatre par une Piéce nouvelle
en Vaudevilles avec un Divertiſſement
de Chants & de Danfes qui a pour titre ,
le Regiftre inutile , laquelle fut fuivie de la
Chercheufe d'Esprit , Piéce nouvelle , joüée
avec fuccès fur la fin de la derniere Foire
S. Germain , que le Public a revû avec plaifir
; elle est terminée par un Divertiſſement
très-bien exécuté.
O DE
A M. le Duc d'Orléans , Premier Prince du
Sang , à l'occafion des Prix de Sageffe qu'il
apromis pour l'année 1742. dans le College
Royal de Nanterre.
H Eureux , qui de l'éclat d'une auguſte naiſſance
N'autorife point fon orgueil !
Sa Pourpre réverée , unie à l'Innocence ,
La releve à nos yeux , & n'en eft point l'écueil ,
Son humble grandeur fuit le fafte ;
L'Indigent , accablé du poids de ſes travaux ,
Ne voit point à regret un odieux contraste ,
Funefte furcroît de fes maux .
*
Lorfque
JUIN. 1741.
1459
Lorfque d'un Dieu vengeur l'invifible colere
Fait difparoître nos moiffons,
Pour nourrrir les Enfans , s'il leur deſtine un Pere
Afes foins empreffés nous le reconnoiffons ;
Ses largefles intariffables
Ne ceffent de couler au gré des Malheureux ;
Vainement l'Aquilon rend nos Champs infolvables,
Il payra le tribut pour eux .
*
Ainfi dans les Climats que l'Orion humide
Prive de fes dons fortunés ,
Le Nil fe débordant fur la Campagne aride ,
Y remplace du Ciel les refus obftinés ;
Plus précieux que le Pactole ,
Le limon fous fes pas fait germer les Epis :
Combien de fois vit on l'orgueilleux Capitole
Devoir fon falut à Memphis ?
*
Quelle main aujourd'hui balance de notre âge
Les défordres & les malheurs !
Quand les dons de nos biens réparent le naufrage ,
Son exemple s'opofe à la perte des moeurs :
Sa vertu tourne en facrifices
Les preftiges flateurs de la cupidité ;
Il ofe , dans le fein du luxe & des délices ,
Introduire l'austérité.
11
460 MERCURE DE FRANCE
Ii paroît , & foudain un hominage fincere
Fait voler nos coeurs après lui :
Le voilà , difons- nous , cet Aftre fautaire ;
Voilà de l'Orphelin l'eſpérance & l'apui.
L'humanité guidant ſes traces ,
:
Va chercher l'Indigent par la faim abattų
Tendre , compatiffant , le chemin de fes graces
Eft le fentier de la Vertu.
*
On grave les fureurs d'un Héros fanguinaire
Sur le fer , le marbre & l'airain ;
De fes lâches Aateurs l'adreffe mercenaire
A l'immortalifer anime le Burin':
Mais c'eft dans notre ame attendrie ,
Qu'avec des traits de feu , victorieux des ans ,
Un vit & tendre amour peint l'image chérie
Des Héros doux & bienfaifans.
*
Triftes jouets du fort , Familles défolées
Qu'il foû ient dans ľadverfité ;
Feibles Vertus , fans lui déja prefqu'immolées
Aux tyranniques loix de la néceffité ;
De vos peines fecret Arbitre ,
Sa bonté va toujours plus loin que vos fouhaits.
Pour la folliciter , quel eft donc votre titre ?
L'habitude de les bienfaits.
Parle1741.
1401
Parlez , Mont facré , Retraite fi chérie ,
Pieux afyle , où fans témoins
Et dans fon coeur portant fon Prince & fa Patrie ,
Il court à l'Eternel confacrer tous les foins !
Que vos murs foient autant d'organes ...
ais , que dis je ?? Ah ! plûtôt , contens de l'admirer;
Dérobez des fecrets que des regards profanes -
Sont indignes de pénétrer.
*
O trop humble Vertu ! la prompte Renommée
A déja fçû la déceler ;
Mais contre elle toujours fa modeftie armée ,
Dédaignant un vain bruit l'empêche de parler :
Cependant Meffagere utile ,
De ce Prince elle annonce encor quelque bienfait.
Par refpect pour fon nom fixant fon vol agile,
Le Zéphir l'écoute & fe tait .
*
Quand c'eft lui qu'elle prône , intereffante &
tendre ,
Elle fuit les bruyans éclats ;
Terrible , quand la voix d'Achille ou d'Alexandre
Aux Peuples effrayés racontoit les combats ;
Ou quand fur le fommet du Pinde
Suivant des yeux PHILIPE * en ſes Exploits divers ,
T
* Philipe Duc d'Orleans , Régent du Royaume ,
fut bleffé à Steinkerque , & penfa êtrefait Prifonnier
à Nervinde.
II. Vol. I Du
1462 MERCURE DE FRANCE
Du péril qu'il courut à Steinkerque , à Nervinde ,
Elle fit trembler l'Univers,
*
Docte & pieuſe Ecole, (a) aprenez, nous dit- elle,
Votre gloire & votre bonheur ;
Cet Hélicon reprend une face nouvelle ,
D'un BOURBON il partage aujourd'hui la faveur.
(b) ANNE y raffembla les Sciences ;
Bienfaiteur plus folide , un moderne Titus
A la Jeuneffe offrant (c) l'attrait des récompenfes
Veut y raffembler les Vertus,
*
Loin d'ici tous ces Jeux où la frivole Grece ,
Prodigue fans difcernement ,
Accordeit à la Courfe , à la Lute , à l'adreffe
Des Honneurs , qu'aux Vertus on devoit feulement.
De ce prix la flateuſe amorce
N'exerçoit que les corps , fans exercer les coeurs ;
Et formoit des Héros décidés pour la force ,
Mais équivoques pour les moeurs,
*
(a ) Le College de Nanterre.
$ (b) Anne d'Autriche , Mere de Louis XIV. P
rigea en College Royal , par Lettres Patentes du mois
Avril 1641 .
(c) Prix que M. le Duc d'ORLEANS a promis
pour l'annéeprochaine.
Que
JUIN
1741: 1463
Que tout va profpérer fous ce nouveau Mécêne
Livrez- vous aux plus vifs tranfports ,
Nourriffons favoris , qui de Rome & d'Achêne
Venez en ce féjour épuffer les tréſors :
Briguez le privilége infigne
D'obtenir les Lauriers par fa bonté promis ;
A quel prix , direz- vous , peut on s'en rendre dignes
Soyez l'image de fon Fils.
*
1.
7124
Né d'une autre Rachel , & formé par les Graces;
Il est l'objet de notre amour .
PRINCE, qu'il foit fidele à marcher fur tes traces ;
Qu'inftruit par ton exemple, il inftruiſe à fon tour.
Non , non , de mortelles allarmes
Sur les jours précieux ne nous troubleront plus :
Tems funefte, où pour lui toute la France en larmes
Craignit le fort de Marcellus !
*
* Il va donc parcourir ces lieux où la Victoire
A fi fouvent fubi nos Loix ;
C'eft-là qu'à chaque pas , bien mieux que dans
l'Hiftoire ,
Des Héros de fa Race il lira les Exploits :
Ceft - là que fume encor la foudre ,
Qui vengeant les affronts à Namur efluyés ,
* Voyage de M. le Duc DE CHARTR
Flandres.
1. 15
(i) Dans
1464 MERCURE DE FRANCE
Dans les Champs de Caffel ( a) a fait mordre la
poudre
Aux Bataves humiliés.
H
Vrai Jofeph de nos jours , que la faux meurtriere
De tes ans refpecte le fil!
Sauveur
Sauveur
des Indigens
, ta mortelle
carriere
,
A tes yeux feulement doit paroître un exil .
Vis pour garantir l'innocence ;
Vis pour les Malheureux , & pour faire rougir
L'orgueilleufe grandeur & l'avare opulence ;
Vis pour étonner l'avenir.
*
(a) MONSIEUR , Frere unique du ROY , & Bifayeul
de M. le Duc de Chartres , remporta en 1677.
une Victoire complette à Caſſel.
"
J. B. Bernard, Chanoine Régulier , Profeffeur
d'Eloquence dans le College Royal de
Nanterre.
TRA
'T
tatt
MORTS & MARIAGES.
E Mai , Eléonor- Felix de Rofen , Chevalier
Lde l'ordre de S. Jean de Jérufalem , dans lequel
il avoit été reçû de minorité le 15 , Septembre
1715. Meftre de Camp d'un Regiment de Cavale-
Fica ci - devant Lordat , qui lui fut donné le 24.
Fevrier
JU IN. 17418 1465
Fevrier 1738. mourut à Strasbourg , dans la 28.
année de fon âge , étant né le 2. Septembre 1713.
Il étoit fils puîné de Reynhold-Charles de Rofen
Comte de Bolweiller & d'Ettweiller , Lieutenant
Géneral des Armées du Roy , & Commandeur de
POrdre Militaire de S. Louis, & de Marie- Béatrix
Octavie de Grandmont , fon époufe , des Contes
de Grandmont dans le Comté de Bourgogne.
Le 2 , Louis- Henry de Selles , Auditeur Ordinaire
en la Chambre des Comptes de Paris , &
Doyen de fa Compagnie , ayant été reçû en cerce
Charge le 16. Janvier 1684. mourut âgé de 90 ans.
Le 8. D. Marie - Anne le Beuf, veuve de Georges
Robillard , Confeiller- Sécretaire du Roy , Maifon ,
Couronne de France & de les Finances , & ancien
Notaire au Châtelet de Paris , mourut à Paris , dans
un âge avancé , ayant eu les quatre enfans qui fuivent.
1. Georges Robillard, reçû Confeiller au Par-
Jement de Bordeaux , le 24. Fevrier 1712. actuellement
Honoraire , qui a été marié le 12. Juin
1714. avec D. Marie Robillard , fa coufine iffue de
germain , fille de Jean - Pierre Robillard , Avocat
Géneral en la Cour des Aydes de Guyenne , & de
Marguerite de la Roche ; z. Nicolas Robillard ,
reçû Auditeur en la Chambre des Comptes de Paris
le 12 Juillet 1714 & mort le 25. Août 1733.
Jequel avoit été marié le 17. Avril 1730 , avec
Louife - Magdeleine de Common , fille unique de
Charles François de Common , Correcteur en la
même Chambre des Comptes , & de Marie-Jeanne-
Elizabeth Cappe , duquel mariage font venus Char-
Jes-Nicolas Robillard , mort au berceau , Marie-
Loüife Robillard , morte en bas âge , & Jean-
Denis Robillard , né le 11. Août 1733. & actuellement
vivant. 3, Genevieve , Michelle Robillard,mariée
le Septembre 1711. avec Jofeph Geofroi de
I iij Malvin ,
1466 MERCURE DE FRANCE
Malvin , Seigneur de Saint - Simphorien , mort en
1738. étant Confeiller de la Grand'. Chambre du
Parlement de Bourdeaux , & 4. Marie -Anne Robillard
, mariée le 23. Mars 1716. avec Louis-
Pierre d'Hozier , Chevalier de l'Ordre de S. Michel
, Confeiller du Roy en fes Confeils , Maître
Ordinaire en fa Chambre des Comptes de Paris
Juge d'Armes de France , Génealogifte de la Chambre
& des Ecuries du Roy & de la Reine. On a raporté
la mort de cette derniere dans le Mercure
de Fevrier, 1739. P. 393 . M
245500
Le 13. D. Charlotte- Angélique Rallu , veuve de
Louis Rouffeau , Seigneur de Chamoy , Vaucemain
, Sommeval , & la Broffotte Gentilhomme
ordinaire de la Maifon du Roy , Envoyé Extraordinaire
en diverfes Cours d'Allemagne , & en der
nier lieu Plénipotentiaire de S. M. à la Diette génerale
de l'Empire à ' Ratisbonne fous le Regne de
Louis XIV . mourut à Paris , âgée d'environ 70 ans,
laiffant entr'autres un fils ci- devant Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du Roy , & une fille reſtée
veuve en 1738 de Denis de Palluan, Seigneur du Fay.
Le 15. fut enterré à S. Euſtache, Charles Deléan,
Portier de l'Hôtel de Soissons, mort âgé de 106. ans.
"
Le 10. Louis-Guillaume Jubert de Bouville , Baron
de Danga , Marquis de Ctere- Panilleufe , Seigneur
de S. Martin aux Buneaux & de Vinemer.
ville , Confeiller du Roy en tous les Confeils d'E
tat & Privé , mourut à Paris , âgé de 63 ans . Il
´avoit été ſucceſſivement Confeiller en la Cour des
Aides de Paris le 13. Decembre 1899. Maître des
Requêtes ordinaires de l'Hôtel du Roy le rr . Fevrier
1703. Intendant à Alençon au mois de Juin
1708. & enfuite à Orléans au mois de Fevrier
1713. jufqu'au mois d'Août 1731. qu'il fut fait
Confeiller d'Etat & apellé au Confeil . Il étoit fils
de
JUIN.
1467 1741
de Michel-André Jubert de Bouville , Confeiller
d'Etat ordinaire , ancien Intendant d'Orléans , &
auparavant de Limoges , de Moulins , & d'Alençon
, mort au mois de Décembre 1720. & de Nicole
- Françoife Delmaretz . Il avoit été marié au
mois d'Avril 1697. avec Gabrielle- Martin , fille
aînée de Jean - Louis Martin , Seigneur d'Auzielle ,
ancien Capitoul de Touloufe , & Fermier Géneral
des Fermes du Roy , mort le 13. Mars 1710. & de
Marie-Magdeleine Demas. Il en laiffe fix enfans ,
dont l'aîné eft Maître des Requêtes de l'Hôtel du
Roy depuis 1723. & marié ; un autre apellé le
Comte de Bouville , eft premier Cornette des Chevau
- Légers Dauphins , Meftre de Camp de Cavalerie
, & Chevalier de l'Ordre de S. Louis ; un au◄
tre nommé Bernard - Marie- Gabriel Jubert de Bouville
, eft Chanoine de l'Eglife de Chartres , un
quatriéme apellé le Chevalier de Bouville , vient
d'être fait Lieutenant de Vaiffeaux à la derniere
Promotion , & c.
·
Le même jour , Jean Baptifte des Champs de
Morel , Marquis de Crecy en Beauvoifis , Brigadier
des Armées du Roy , Premier Ecuyer , & Major
dôme de la Reine Douairiere d'Espagne , mourut
âgé de 67. ans . Il avoit été autrefois Major des Carabiniers
. Il fut enfuite fucceffivement Guidon de
la Compagnie des Gendarmes Ecoffois en 1704.
Enfeigne des Gendarmes Dauphins en 1705. Sous-
Lieutenant des Gendarmes d'Anjou ea 1709.
& enfin Capitaine des Gendarmes de Berri , Maître
de la Garderobe du feu Duc d'Orléans , Régent
en France , en 1717. & élevé au Grade de
Brigadier le premier Février 1719. Depuis s'étant
démis de fa Compagnie de Gendarmerie , il obțint
un Brevet de Mestre de Camp de Cavalerie à la
fuite du Régiment d'Orléans. Il étoit fils de Louis
1 iiij des
1468 MERCURE DE FRANCE
des Champs , dit Morel , Seigneur de Crecy, premier
Ecuyer du feu Duc du Maine , & auparavant
Capitaine des Gardes du Maréchal Duc de Boufflers
, & d'Antoinette de Veny , & veuf fans enfans
de ..... de la Fontaine , morte âgée d'environ
30. ans le zo. Janvier 1728. laquelle étoit fille de
Gabriel de la Fontaine , ancien Maréchal des Logis
da Régiment des Gardes Françoiſes , & d'Anne-
Claire Prudhomme.
Le 21. Louis - Gafton de Crevecoeur , apellé le
Marquis de Crevecoeur , d'une très - ancienne Nobleffe
de Normandie , au Diocèse d'Evreux , mourut
à Paris , âgé d'environ 77. ans . Il étoit fils aîné
de Charles- Martin de Crevecoeur , Seigneur de
Vienne , Diocèfe de Sens , de Prunoy , de Pailly ,
& de la Cour de Prenoy , Chevalier de l'Ordre du
Roy , Maréchal de Camp de fes Armées , Bailly ,
& Gouverneur de la Ville & Château de Montargis
, ancien Meftre de Camp , Lieutenant du Régiment
de Cavalerie de Jean- Baptifte Gaſton Fils de
France , Duc d'Orléans , & mort le 14. Juillet
1683. & de Françoife Texier d'Hautefeuille , fa
feconde femme Le Marquis de Crevecoeur , qui
vient de mourir avoit été marié , 1 ° . le 17. Juin
1705 , avec Henriette de Lancy , fille de Gafton
Jean Baptifte de Lancy , Seigneur , Marquis de.
Raray & de Nery , & de Marie - Luce Aubery ; &
29. en 1731. avec Marie- Françoiſe de Lyonne
fille aînée de Jean de Lyonne , Comte de Servon ,
en Brie , & de feuë Marie - Anne de la Selle de
Puifeulx. Il ne laiffe point d'enfans de l'une ni de
l'autre.
Le
23. Charles-René Armand , Sire de la Tre- moille , Duc de Thouars , Pair de France , Prince de
Tarente , Comte de Laval & de Montfort
, Baron
de Vitré & de la Ferté fur Peron , Marquis d'Attichy,
NAJUI N. 1741 1469
.
-chy , Vicomte de Berneuil , Seigneur de Bitry ,
Souvigné , le grand Parc , &c. Préfident né des
Etats de Bretagne , premier Gentilhomme de la
- Chambre du Roy , Brigadier de fes Armées , Gou-
-verneur & Lieutenant Géneral de l'Ile de France ,
Colonel du Régiment de Champagne , & l'un des
-40. de l'Académie. Françoiſe , mourut à Paris ,
âgé de 33. ans , 4. mois & 9. jours , étant né le 14.
Janvier 1708. Il avoit fuccedé le 9 Octobre 1719.
au feu Duc fon pere dans la Charge de premier
Gentilhomme de la Chambre , dont la furvivance
lui avoit été accordée dès le mois de Février 1717.
& pour laquelle il avoit prêté ferment le 8. Mai
fuivant. Il fut fait Colonel d'un Régiment d'Infanterie
portant fon nom le 7. Octobre 1728. puis de
-celui de Champagne le 25. Septembre 1731. l
fervit à la tête de ce Régiment pendant la derniere
Guerre en Italie , où il fe trouva aux Siéges de la
Gherra d'Adda , du Château de Milan , & de la
Ville de Tortone , à la repriſe du Château de Co-
Jorno , & aux Batilles de Parme & de Guaftalla . Íl
fut fait Brigadier le 18. Octobre 1734. Il prit féance
au Parlement de Paris en qualité de Pair de
France le 18. Juin 1736. fut reçû à l'Académie
Françoife le 6. Mars 1738. & fut pourvû au mois
de Mars dernier du Gouvernement de l'Ile de
France , fur la démiffion faite en fa faveur par le
Comte d'Evreux . Il étoit fils unique de Charles-
Louis Bretagne , Sire de la Tremoille , Duc de
Thouars , Pair de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy , & Maréchal de Camp de
fes Armées , mort le 9. Octobre 1719. à l'âge de
37. ans , & de Marie- Magdeleine de la Fayette ,
morte e 6. Juillet 1717. & il avoit été marié le
29. Janvier 1715. avec Marie Hortenfe-Victoire
de la Tour de Bouillon , fa coufine germaine , née
le
1470 MERCURE DE FRANCE
le 27. Septembre 1704. & fille de feu Emmanuel→
Théodofe de la Tour , Duc Souverain de Bouillon
Vicomte de Turenne , Duc d'Albret & de Château
thierri , Pair & grand Chambellan de France , Gou
verneur d'Auvergne , & de Marie Victoire - Armande
de la Tremoille , fa premiere femme . Il la
laiffe veuve & mere de Jean- Bretagne- Charles-
Godefroy de la Tremoille , Prince de Tarente ,
préfent Duc de Thouars , Pair de France , né le s .
Février 1737. & d'une fille , née au mois de Mars
1740.
à
Le 28. François Chevalier , Seigneur de Vautedar,
Barette , la Garde , & en partie d'Iffy , mourut à
Paris , dans la 88. année de fon âge , étant né le
18, Décembre 1653. Il étoit fils de Jacques Chevalier
, Seigneur de la Laade , Gentilhomme ordinaire
Servant de la Reine Anne d'Autriche , & auparavant
Auditeur en la Chambre des Comptes de
Paris , & de Magdeleine de la Haye .
Le 29. Jean-Jacques de Barillon de Morangis
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy
& l'un des quatre Doyens de quartier , mouru
Paris dans la 63. année de fon âge , étant n
22. Octobre 1678. Il avoit été d'abord Avoca di
Roy au Châtelet le 13. Août 1695. enfuite Confeiller
au Parlement de Paris le 8. Avril 1699. & en
dernier lieu Maître des Requêtes le 17. Juin 1705 .
Il n'a point été marié . Il étoit fils d'Antoine de
Barillon de Morangis , Seigneur de Louans & de
Montigny , Maître des Requêtes ordinaire de l'H
tel du Roy , fucceffivement Intendant à Metz čl
Pays Meffin , & dans les Géneralités d'Alenç
de Caen & d'Orléans , mort le 18. Mai 1686 .
de Catherine-Marie Boucherat , fille du Chanceler
de France de ce nom , morte le 15. Mars 1733
Il laiffe pour héritieres Anne- Françoiſe de Barillon
de
JUIN. 1741. 1471
de Morangis , fa four , veuve d'Antoine Cleriadus
de Choifeul , Marquis de Beaupré , Seigneur de
Daillecourt , Lieutenant General des Armées du
Roy , & au Gouvernement de Champagne , Bailly
de Chaumont & de Vitry , & Louife - Marie - Gabrielle
de Gourgues , fa niéce , époufe de Louis-
François de S. Simon , Marquis de Sandricourt ,
Lieutenant Géneral des Armées du Roy , & fille de
feu Jean- François - Jofeph de Gourgues , Marquis
d'Aulnay , de Vayres , Bouret , &c . Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roy, & de Gabrielle-
Elizabeth de Morangis , fa premiere femme , mor
te le 15. Avril 1700. âgée d'environ 21. ans .
Le 5. Juin , Louis- Nicolas Couftellier , Comte de
Lifiers , Brigadier des Armées du Roy , du premier
Fevrier 1719. Ingénieur ordinaire de S. M. Chevalier
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis ,
& des Ordres de N. D. du Mont-Carmel , & de
S. Lazare de Jéruſalem , mourut à Paris , âgé d'environ
80. ans .
Le 12. mourut à Verſailles , âgé d'environ 57 .
ans , Jacques Mafon , Seigneur de Guerigny , en
Nivernois , premier Commis de M. le Contrôleur
Géneral pour les affaires de la Loraine , & chargé par
Arrêt du Confeil de la Direction des Mines & Minieres
du Royaume. Il étoit natif de Genêve ; & de
Sécretaire du Prince de Craon , il étoit devenu
Contrôleur General des Finances de Léopold , Duc
de Loraine , pendant les dernieres années du Regne
de ce Prince. Le Duc François , Fils & Succeffeur
de Léopold , annoblit le Sieur Maffon , en confidé - `
ration de fes fervices. Il laiffe des enfans de deux
lits ; du premier, une fille mariée au Sieur Babaud ,
Fourniffeur géneral des Bois de la Marine ; du fe
cond , un fils , âgé de deux mois. Sa feconde fem .
me étoit veuve du frere aîné du Sieur Babaud . Il
I vj laiffe
1472 MERCURE DE FRANCE
laiffe un Cabinet de Livres choifis , parmi lefquels
il y a une Collection curieufe d'Hiftorique fur la
Provinces de Loraine & Barrois , en manufcrits rares
& curieux . Il avoit beaucoup contribué à la publication
de l'Hiftoire de Loraine de Dom Calmet ,
imprimée à Nancy , en 1738. en trois Volumes
in-folio.
Caroline de Heffe Rheinfels , veuve de Louis-
Henri Duc de Bourbon , Prince du Sang , Chef de
la Branche de Bourbon Condé, Grand - Maître de la
Maifon du Roy , Gouverneur du Duché de Bourgogne
, Chevalier des Ordres du Roy & de celui
de la Toifon d'Or , mort le 27. Janvier 1740 , avec
lequel elle avoit été mariée le 23. Juillet 1728.
mourut du poulmon à l'Hôtel de Condé le 14 .
Juin , âgée de 26. ans , 9. mois & 26 jours , étant
fée le 18. Août 1714. Cette Princeffe étoit fille
d'Erneft Leopold , Landgrave de Heffe Rheinfels,
mort le 25. Septembre 1731. & d'Eleonore - Marie-
Anne , fiile de Maximilien - Charles , Prince de
Loewenfein Wertheim .
POMPE FUNEBRE , Funérailles &
Inhumation du Corps de cette Princeffe.
Toute la façade de l'Hôtel de Condé étoit tenduë
de 17. lés , avec deux lés de velours , chargés
d'Ecuffons aux Armes de Bourbon Condé , & entre
ces deux lés étoient placés les grands Ecuffons aux
mêmes Armoiries.
7 La grande Cour étoit auffi tenduë entierement à
13. lés avec deux lés de velours , placés à la façade
des Apartemens , chargés de grandes & petites.
Armoiries.
Le Veſtibule & neuf grandes Piéces qui y aboutiffent
, étoient entierement tendues , dont l'une
étoi
JUI N. ¥ 47岁1741 .
pour étoit deſtinée recevoir les Princeffes, & l'autre
pour y placer le Corps .
•
Le 19. le Corps de la Ducheffe de Bourbon , qui
avoit été vû à vifage découvert le jour de la mort
ayant été embaumé & mis dans un cercueil, fut expofé
& élevé fur une Eftrade de quatre gradins
garnis de chandeliers & de bougies ; on avoit placé
à l'entrée de ce Salon deux Autels pour y célebrer
la Meffe , ils étoient garnis chacun de douze
cierges avec des Ecuflons. Les Héraults d'Armes ,
en habit de céremonie , étoient placés au côté du
Bénitier qui étoit au pied du cercueil.
L'après midi du même jour , la Comteffe de Sade
, Dame d'honneur , & Mesdames de Canillac
du Guefclin & d'Opterre , Dames de Compagnie
fe rendirent auprès du Corps de S. A. S.
Le même jour , on fit le tranfport des Entrailles
de la Princeffe , à la Paroiffe de S. Sulpice , dans
un caroffe fans draperie , dans lequel il y avoit un
Aumônier & deux Gentilshommes ; des Valets de
pied portoient des flambeaux autour du caroffe. Le
Curé de S. Sulpice , accompagné de fon Clergé au
nombre de douze Prêtres , reçut les Entrailles , on
les porta enfuite dans la Chapelle de la Maifon de
Condé , dans laquelle on chanta le De profundis ,.
on jetta de l'Eau benite , & après l'Oraifon , elles
furent mifes dans le Caveau.
Le 20. au matin , la Comteffe de Rouffillon
Dame d'honneur , fut relevée par Mad . de Sade, &
par Mesdames de Pont , Mere & Fille , Dames de
Compagnie. Et l'après midi , Mad . de Rouffillon fut
relevée par Mefdames du Pieffis , Châtillon , du
Vigean , de Bienac & de Segur .
46
Le même jour après midi , Mademoiſelle de Clermont
, nommée par la Reine pour aller au nom de
S. M. jetter de l'Eau benite fur le Corps de la Ducheffe
2474 MERCURE DE FRANCE
& par
cheffe de Bourbon , ſe rendit à l'Hôtel de Condé
dans le caroffe de la Reine. Cette Princefle étoit
accompagnée de la Ducheffe de Fleury & de la
Comteffe de Rupelmonde , Dames du Palais de la
Reine. Un détachement des Gardes du Corps & un.
des Cent Suiffes du Roy avec leurs Officiers , marchoient
devant & autour du caroffe. Lorfque Mademoiſelle
de Clermont fut arrivée à l'Hôtel de
Condé , elle fut reçûë à la defcente du caroffe avec
les mêmes honneurs qui auroient été rendus à la
Reine , par le Comte de Charolois , par le Comte
de Clermont , par Mademoiſelle , Mademoifelle
de Sens , lefquelles étoient accompagnées de
la Princeffe de Pont , de la Princeffe de Guimenée ,
de la Maréchale de Duras , de plufieurs autres Dames
de leurs parentes , des Dames de la Princeffe
défunte ; & des principaux Officiers du Prince de
Condé , du Comte de Charolois & du Comte de
Clermont. Mademoiſelle de Clermont , précedée
des perfonnes qui l'avoient reçue à fon arrivée , &
du Marquis de Dreux , Grand-Maître des Céremonies
, de M. Defgranges , Maître des Céremonies
, de l'Alde des Ceremonies , & des Héraults
d'Armes , entra dans la Chambre de parade , la
queue de fa Mante étant portée par la Comteffe
de Rupelmonde ; & après les faluts accoûtumés ,
elle fe mit fur un Prie- Dieu , qui lui avoit été préparé.
Les Prieres ordinaires ayant été chantées ,
l'Abbé de Saint Aulaire , Aumônier ordinaire de la
Reine , préfenta le goupillon à Mademoiſelle de
Clermont , qui s'étant aprochée du cercueil , jetta
de l'Eau benite. Après l'Oraifon , cette Princeffe
fut reconduite au caroffe de la Reine , avec les céremonies
obfervées à ſon arrivée.
Après que Made noifelle de Clermont fut de retour
au Louvre , d'où elle étoit partie pour venir à
PHôtel
:
+
JUIN. 1741. 1475
9 PHôtel de Condé , cette Princeffe , Mademoiſelle
& Mademoifle de Sens , Y revinrent une ſeconde
fois pour jetter , en leurs noms , de l'Eau benite
fle Corps de la Princeffe .
Le même jour , le R. P. Géneral des Bénedictins
de l'Abbaye S. Germain des Prés , accompagné des
Religieux , vint rendre les mêmes devoirs à la Princeffe
, de - même que les PP. Cordeliers du Grand
Convent. Et M. de Marville , Lieutenant General
de Police.
Le 21. la Comteffe de Rouffillon , Dame d'hon
neur, & la Marquife de Pruley , Dame de Compagnie
, fe rendirent auprès du Corps de la Princeffe.
Le même jour , l'Archevêque de Paris , à la tête
de fon Chapitre , fe rendit à l'Hôtel de Condé
pour le même fujet , ainfi que les Députés des Religieux
Théatins.
L'après midi du même jour , la Comteffe de
Rouffillon fut relevée par la Comteffe de Sade &
par Mesdames de Vexin , de Trêmes , de Graville ,
de Sailly & de Souvré .
Le même jour , le Duc d'Orleans , le Comte de
Charolois , le Comte de Clermont , le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu & le Duc de Penthievre ,
vinrent jetter de l'Eau benite fur le Corps de la
Pinceffe , de- même que l'Archevêque de Paris , àઢે
la tête du Clergé de France ; les Députés de l'Abbaye
Ste Geneviève ; le R. P. Prieur & Affiftans de
S. Martin des Champs ; les P P. Récolets ; les Religieux
Auguftins Déchauffés de la Place des Victoires
; les PP . Carmes de la Place Maubert ; les Reli
gieux Dominicains des trois Convents; les Capucins
de la rue S. Honoré , les PP . Feuillans de la même
rue ; les Grands Auguftins ; les Peres Cordeliers de
l'Ave Maria , & le Clergé de S. Sulpice.
22. Le les Comteffes de Rouffillon & de Sade , &
Mesdames
1476 MERCURE DE FRANCE
Mesdames de Chatelus , de Tourouvre & de Jaucourt,
fe ren lirent auprès du Corps de la Princeffe.
Le même jour , le Prince de Conty vint jetter de
l'Eau benite fur le Corps de la Princeffe , comme
auffi l'Univerfité ; les Religieux Picquepus , & les
Députés des PP. de l'Oratoire.
Le 23. le Parlement , la Chambre des Comptes ,
la Cour des Aides , la Cour des Monnoyes , les
Tréforiers de France , le Corps de Ville , & le
Lieutenant Civil , fe rendirent à l'Hôtel de Condé
pour la même cérémonie .
Le 24.vers les neuf heures du foir , le Corps de cette
Princeffe fut porté de l'Hôtel de Condé à l'Eglife du
Monaftere des Carmélites du Fauxbourg S. Jacques
, avec un grand cortege & une pompe trèsmagnifique.
Le Char funebre dans lequel étoit le
Corps, étoit précedé des Héraults d'Armes , & fuivi
d'un nombre confiderable de caroffes de deuil .
Mademoiselle de Seus , qui faifoit les honneurs ,
éton accompagnée de la Princeffe de Pont , de pluhieurs
autres Dimes ; des Dames de la feue Ducheffe
de Bourbon , & des principaux Officiers du
Prince de Condé,
T
Lorfque le Convoi fut arrivé au Monaftere des
Carmélites , l'Evêque d'Autun , après les prieres or
dinaires , préfenta le Corps . qui fut inhumé fous
le Cloître des Religieufes , auprès de celui de la Ducheffe
de Bourbon, morte le 21. Mars 1720. Voici
l'ordre de la marche du Convoi.
Deux Suiffes à cheval , avec des houffes noires
portant chacun un flambeau ; M. de Moret , Gourverneur
des Pages , en manteau ,
à cheval capara
çonné ; fix Pages , en manteaux , à cheval , avec des
houffes noires , portant chacun un flambeau ; un
détachement de la Confrerie de Jérufalem , au nom .
bre de 30. à cheval , en manteaux , avec des Palmes
>
JUI N. 1741 . 1477
vaux ,
;
mes , leur Syndic & leur Drapeau ; 70. Valets de
pied ou gens de livrée , vétus de noir , avec des
crêpes à leurs chapeaux , portant des flambeaux ,
& marchant fur deux files ; un Piqueur au milieu ,
pour obſerver la marche des gens de livrée ; 16.
Valets de Chambre , en manteaux , à cheval , avec
des houffes noires , fur deux files en dedans ; le caroffe
des Femmes de Chambre , attelé de fix chevaux,
avec des harnois drapés , le caroffe particulier
des Gentilshommes Ecuyers, de S.A.S. Mademoiſel
le de Sens , attelé de fix chevaux , avec des harnois
drapés le caroffe des Gentilshommes de la même
Princeffe , attelé de fix chevaux , avec des harnois
de - même , le carofle des Gentilshommes deftinés à
porter les quatre coins du Poële , attelé de fix cheavec
des harnois , &c . le caroffe des Ecuyers
de S. A. S. Madame la Ducheffe , attelé de fix chevaux
, caparaçonnés , le caroffe de M. le Marquis
de Danlezy , Premier Gentilhomme de la Chambre,
onnant la main à S. A. S. Mademoiſelle de Sens ,
r de M. le Chevalier de la Marck , Premier Ecuyer,
portant la Couronne , attelé de fix chevaux , capaaçonnés
, le caroffe de S. A. S. Mademoiſelle de
Sens , accompagnée de Mad . la Princefle de Pont
de Mad la Marquife de Gamache , de Mad . la Marquife
de Pruley , fa Dame d'honneur , de Mad. la
Comteffe de Rouffillon , Dame d'honneur de S.A.S.
Madame la Duchefle , & de Mad . la Comteffe de
Sade, Dame de Compagnie , attelé de huit chevaux ,
caparaçonnés avec des Croix de Moire d'argent ; le
caroffe de M. l'Evêque d'Autun , officiant , portant
Coeur , accompagné de M. le Curé de S. Sulpice
& de l'Aumônier de l'Evêque , attelé de fix che
caparaçonnés avec des Croix de Moire d'atgent
; un Contrôleur en Chef , en manteau à che
val , avec houffe noire ; deux autres Contrôleurs , à
12
yaux ,
cheval ,
1478 MERCURE DE FRANCE
›
cheval , avec des houffes ; 12. hommes de livrée ,
vétus de noir , avec des crêpes , portant des flambeaux
devant les Héraults ; cinq Heraults d'Armes à
cheval , y compris le Roy , fur des chevaux caparaçonnés
, l'Aide des Céremonies , à cheval , auffi
caparaçonné; 20 Valets de pied , à la têre du Char,
portant des flambeaux ; le Char où étoit le Corps ,
attelé de huit cheyaux , caparaçonnés avec des Croix
de Moire d'argent , quatre Aumôniers en Rochets
& Bonnets quarrés , portant les quatre coins du
Poële , leurs chevaux caparaçonnés ; huit Pages en
manteaux , à cheval , avec des houffes , portant
des flambeaux de chaque côté du Char , entre les
Aumôniers , 18. Suifles , vétus de noir avec des
pleureules , neuf de chaque côté , ma chant la
hallebarde renversée , & à diftance égale depuis la
tête du premier cheval jufqu'à la roue
de derriere
du Char ; 80, Valets de pied , portant des flambeaux
, 40. de chaque côté ; 20. Valets de pied
derriere les roues du Char , portant des fambeaux;
le carolfe de S. A. S. Mademoiſelle de Sens , à vuide
, attelé de fix chevaux , avec des harnois drapés;
un caroffe fans deüil de Mad. la Princeffe de Pont ,
attelé de deux chevaux ; le caroſſe des Aumôniers ,
dans lequel étoit M. Frontier , Contrôleur des Bureaux
, attelé de fix chevaux , avec des harnois dra
pés ; fix Suiffes , vétus de noir , avec des pleureufes
, portant un flambeau chacun , un Sergent &
deux Caporaux à la tête , pour fermer la marche ;
enfuite le carolle de M. l'Evêque d'Autua , plu
fieurs autres. Tous les caroles dont on vient de
parler étoient éclairés par un très - grand nombre
de flambeaux .
Le 17. François- Barthelemi de Salignac de la
Mathe- Fenelon, Evêque de Pamiers , & Abbé Commandataire
de l'Abbaye de S. Martin de Pontoife
Ordre
JUI N. 1741. 1479
Ordre de S Benoît, Diocèſe de Rouen , mourut à Pa➡
ris , âgé d'environ 5o. ans . Il avoit été d'abord
Chanoine & Archidiacre de l'Egliſe de Cambray ,
& Prieur de S. Front , Diocèle de Sarlat. Il fut Député
de la Province de Bourdeaux à l'Aſſemblée Génerale
du Clergé de France en 1725. L'Abbaye de
Bolbonne, Ordre de Cîteaux , Diocèse de Mirepoix,
lui fut donnée au mois de Novembre 1729. mais il
en remit le Brévet lorfqu'il obtint au mois de Juin
1730 celle de S Martin de Pontoife. Il fut nommé
le 8. Octobre 1735 à l'Evêché de Pamiers , Suffra
gant de Touloufe , qui fut préconifé & proposé pour
lui à Rome les 2. & 19. Décembre de la même année
, & après avoir reçû fes Bulles , il fut Sacré le
22 Janvier 1736. dans la Chapelle du Séminaire de
S. Sulpice à Paris , par l'Archevêque de Sens , affifté
des Evêques de Tarbes & de Noyon , & le r . Février
fuivant il prêta ferment de fidelité entre les
mains du Roy. Il étoit frere de Gabriel de Salignac,
Marquis de Fenelon, Chev, des Ordres du Roy, Ma
réchal de fes Camps & Armées, fon Ambaffadeur Or
diraire en Holande depuis 1724. Confeiller d'Etat
ordinaire d'Epée , & Gouverneur du Quesnoy , &
fils de François de Salignac , Marquis de la Mothe-
Fenelon , & d'Elizabeth de Beaupoil de S. Aulaire.
Le même jour, François-Jofeph Pouffart du Vignan,
'Prêtre du . Diocèfe de Poitiers , Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , du 22. Juillet 1728.
'Abbé Commandataire de l'Abbaye des Châtelliers ,
Ordre de Citeaux , Diocèle de Poitiers , du mois de
Janvier 1729. & Maître de l'Oratoire du Roy , depuis
1739. mourut à Verfailles , âgé de 46. ans .
Le 15. Mai , Jean- François- Nicodeme le Roux de
Gilbertprey , Gouverneur de Valogne , fils d'Antoine
le Roux de Gilbertprey, autrefois Porte-Etendart
Je
1480 MERCURE DE FRANCE
de la premiere Compagnie des Moufquetaires du
Roy , & de D. Adelaide de Valigny , fut marié par
l'Evêque de Bayonne , dans l'Eglife Conventuelle
de l'Abbaye de Montivilliers en Caux , avec Dlle
Magdeleine-Laurence - Chriftine Bayard , fille de
feu Georges Bayard , Seigneur des Catelais , Capitaine
de Vaiffeaux , & Chevalier de l'Ordre Mili
taire de S. Louis , & de D. Laurence Cadot de Sebville.
La nouvelle Mariée n'a qu'un frère, âgé d'en
viron 20 ans, qui eft au fervice du Roy , & qui eft
le feul Chef & unique héritier de fa Famille , ori
ginaire de Picardie .
Le 30. Etienne - Claude d'Aligre , Comte de Ma
ans , Seigneur de la Riviere , Vieux- Château , Vil
lenefle , Boiflandry , &c . Préfident du Parlement
de Paris , veuf de D. Marie- Louife- Adelaide Du
rey , morte le 30. Avril 1740. époufa en fecondes
pôces Dlle Henriette - Géneviève Parent , fille unique
d'Armand Louis Parent , Conſeiller au même
Parlement de Paris , à la feconde Chambre des Enquêtes
, & de D. Barbe Génevieve Bourdon .
Le 12. Juin , Jofeph de Segur , Major du Régiment
d'Orléans, Cavalerie , fils de Jofeph de Segur,
Vicomte de Cabanac , Lieutenant de Maire de la
Ville de Bourdeaux , & de feuë D. Catherine d'Arrerac
d'Arfac , époufa à Paris Olle Jeanne - Henriette
le Maître , fille de Pierre- Henri le Maître,,
Seigneur du Marais , près de Dourdan , & de D,
Marie Rachel de Meuves . Marie Louife le Maître ,
four aînée de la Mariée , a épousé le 19. Mai 1733.
Jean de Segur Seigneur de Grand- Puch, Pays d'entre
deux Mers en Guyenne , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , & Capitaine dans le même Ré
giment d'Orleans , Cavalerie , coufin germain du
Pere du nouveau Marié
Le même jour, Jofeph - Maurice Annibal de MontmoJUIN.
1741. 1481
morency-Luxembourg , apellé le Comte de Montmovency
, né le 15. Novembre 1717. Colonel du Régiment
de Flandres , Infanterie , du mois de Mai
1739 fecond fils de Chriftian- Louis de Montmorency-
Luxembourg Prince de Tingry . Comte
Souverain de Luxe , Comte de Beaumont , en Gâª
tinois , Seigneur de Dollot , Maréchal de France ,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral
au Gouvernement de la Flandres Françoife, Gouverpeur
de Valenciennes & des Ville & Château de
Mantes , Lieutenant de Roy du Pays Mantois , &
de D. Louife - Magdeleine de Harlay- Beaumont ,
fut Marié avec Dile .... le Peletier de Rofambo ,
fille de Leuis le Peletier , Seigneur de Rofambo en
Baffe-Bretagne , Premier Préfident du Parlement de
Paris , & de D. Therefe Hennequin d'Ecquevilly.
****************
ARRESTS NOTABLES.
Sau
ENTENCE DE POLICE , du 14. Avril,
qui condamne plufieurs Boulangers en cinq
cent livres d'amende , pour avoir vendu leur Pain
au- deffus du prix courant du Marché.
ARREST du 21. Mai , qui permet aux Arma
teurs pour les Illes & Colonies Françoiſes , de charger
des Sels en Bretagne , ou dans les autres Ports
où il eft d'ufage d'en tirer , pour être employés au
Cap -Verd , à la falaiſon des Beſtiaux & chairs deftinés
pours ces Ifles , fans payer aucuns droits , &
ce , pendant le tems que la permiffion accordée par
' P'Arrêt du 27. Decembre 1740. d'aller charger des
Chairs falées au Cap- Verd , pour les tranfporter aux
IДes ,
482 MERCURE DE FRANCE
Illes , aura lieu , en obfervant les formalités pref
crites par le préſent Arrêt.
AUTRE du 6. Juin , qui ordonne qu'à compter
du jour de la publication d'icelui , & conformé
ment à celui du 6. Septembre 1701. il fera perçu
trente fols fur chaque barril de Charbon de terre
du poids de deux cent cinquante livres poids de
marc , venant d'Angleterre , d'Ecofle & d'Irlande ,
& entrant par Saint - Vallery , Dunkerque Boulogne
, Calais , & autres entrées de la Picardie & de
la Flandre , & des Directions des Fermes d'Amiens
& de Lille,
SENTENCE DE POLICE du 9. qui
condamne le nommé Fleury , Maître Boulanger
en cinq cent livres d'amende , pour avoir expole
en vente dans la Boutique des Pains d'un poids
léger.
ORDONNANCE de S. E. M. le Cardinal de
Fleury , du 12. portant qu'à commencer au premier
Juillet prochain , le fervice des Malles de
Lyon à Marseille & retour , & de la Pallu à Montpellier
& retour , fera fait par les Maîtres des Poftes
de ces routes , qui fourniront à cet effet les
chevaux néceffaires aux Couriers qui conduiront
ces Malles.
AUTRE du Roy , du 19. portant qu'à com
mencer du premier Juillet prochain , il fera payé
par toutes fortes de perfonnes , excepté les Couriers
du Cabinet , trente fols par pofte pour chaque
cheval , foit malliers , bricolliers ou bidets ; & ce
jufques & compris le dernier Juin de l'année 17421
APRO
APROBATION.
J
'Ai lâ par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le fecond Volume du Mercure de France du mois
de Juin , & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre l'im
pression. A Paris , le dix Juillet 1741 .
HARDION.
TABLE,
IECES FUGITIVES. Les Livres Saints ,
PIECES
Ode ,
1272
Expofition du Livre des Inſtitutions de Phyſique ,
Ode à la Marquife de S. G.
1274
1320
Mémoire au fujer des Voyages faits aux quatre
Parties du Monde , 1314
Epitre à M. Leubo , P. D. R. à Villefranche, 138
L'heureufe Vieilleffe , Lettre écrite par le Comte
de Marcieu ,
Epitre à M. des Forges Maillard ,
1325
1337
Seconde Lettre de M.Deftouches à M.Tanevot, 1330
Epitre à M. Roy ,
1357
Differtation fur le jour du décès de Jeanne de Châ
tillon ,
Cantatille ,
Enigme , Logogryphes , &c .
1358
1368
1370
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ,
&c. Projet d'une Méchanique Génerale pour fervir
d'introduction aux Sciences Phyfico- Mathématiques
, 1373
Ouvrages de l'Abbé Deidier, Cours de Mathematiques
,
The orie nouvelle fur le Méchaniſme ,
1399
1406
Estampes
Estampes nouvelles , 7421
Brevet au Sieur Guignon , Premier Violon de la
Avis au Public ,
Mufique du Roy ,
Pompes pour les Incendies ,
ibid.
1423
1426
1428
Poudre univerfelle , dite Santinelly ,
Spectacles , Extrait de la nouvelle Entrée ajoûtée au
Ballet de l'Empire de l'Amour ,
Théatre Italien , Piéce remife
1430
1436
Nouvelles Etrangeres, Turquie, Perſe & Ruffie, 1437
Mittau ,
1439
Allemagne ,
1440
Pruffe ,
1444
Breſlaw ,
1445
Elpagne ,
1446
Portugal & Italie , 1448
Naples ,
1450
Inle de Corfe , 1451
Grande- Bretagne ,
1452
ibid. Morts des Pays Etrangers ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 1455
Bénefices donnés , 1457
Ouverture de la Foire S. Laurent & de l'Opera Comique
ibid..
Ode au Duc d'Orleans , 1458
Morts , & Mariages , 1464
Pompe Funebre de Madame la Ducheſſe , 1472
Arrêts notables , 1481
Errata du 1. Volume de Juin.
P Age 1093. ligne 4. du bas , quelle feu , liſex , quel feu.
P. 1113. l. 9. auant , 1. autant.
P. 1134. 1. 19. Blakci , L. Blakey .
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
MAY 1741 .
DE
CODACITIES
PAKO
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLI.
Aves Aprobation & Privilege du Roy:
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
LA
AVIS.
ADRESSE generale à
MODRESSES
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur comm
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui veudent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voys
pour les faire tenir,
On prie très-inftamment , quand on adrefe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
fain d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages ,
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
mais
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France dela premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
l'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS
1
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
MAY.
1741.
PIECES FUGITIVES;
en Vers et en Prose.
L'INTEREST BANNI DU PARNASSE
L
Amufement Poetique.
'Interêt,desMortels ce terrible ennemi
Par l'Enfer en corroux dans ce monde
vomi ,
Déja depuis long- tems intrus fur le
Parnaffe ,
En dépit d'Apollon regnoit avec audace
Er corrompois toujours fes meilleurs nourriffons
A ij
Par
SIHIL
844
MERCURE
DE
FRANCE
Par le venin fubtil de fes noires leçons.
De-là , dans l'Univers tant de mauvais Poëmes ,
Méprifant Apollon & tous fes anathêmes ,
Alloient de toutes parts chercher pour leursAuteurs ,
Moins l'aplaudiffement , que l'argent des Lecteurs,
હ Cent fois ce Dieu voyant ſa gloire mépriſée ,
Et fa Cour des Mortels devenir la riſée ,
Jura qu'il chafferoit ce rival odieux ,
Et qu'il feroit ceffer un regne audacieux;
Mais de fon ennemi la fiere réſiſtance
Demandoit à la fin les coups de fa
vengeance.
Un jour que le Soleil , fortant du fein des Mers
Commençoit à lancer ſes rayons dans les airs ,
A la hâte , à l'infçû de fes fujets rebeles ,
11 affémble à ſa Cour ceux qui lui font fideles ;
Et leur parle en ces mots : Coeurs toujours généreux
Qui de fuivre mes Loix vous estimez heureux ,
Et qui , ne portant point une ame mercenaire ,
Travaillez pour l'honneur , non pour un vil falaire,
Souffrirez - vous toûjours qu'un indigne étranger
Au reſpect qu'on me doit vienne ici déroger ?
Avez-vous donc deux Rois ? & fi je fuis le vôtre ,
Pourquoi fur l'Hélicon en fouffrez-vous un autre
Tant qu'ici l'interêt pourra donner la Loi ,
Quelle eftime aura - t'on & de vous & de moi ?
Ah!s'il nous refte encor quelqu'amour pour la gloire
Allons fur ce rival tenter une victoire.
Phébu
MAY. 843
1741:
Phébus dit. Auffi-tôt pour aller au combat ,
I voit en chacun d'eux un courageux foldat.
Apollon fe fait chef. On s'anime , l'on s'arme ,
Et des cris redoublés jettent partout l'allarme,
L'interêt ſur ſon trône eſt ſaifi de frayeur;
Son viſage eft couvert d'une morne pâleur ;
En vain s'efforce t'il de chaffer toute crainte ;
Son air marque toujours une bravoure feinte.
Il fait auprès de lui raflembler fes ſujets ,
Il trouve fur le champ des foldats bien - tôt faite.
Et toujours affectant fa bonne contenance ,
Vers fes fiers ennemis à grands pas il s'avance.
On s'aproche bien-tôt . Déja de tous côtés
Entre les deux partis mille coups font portés.
De divers inftrumens les piéces font lancées ;
Des branches de Lauriers avec force pouffées
S'élevent dans les airs , fondent fur les foldats ,
Et vont avec roideur rompre jambes & bras.
La victoire à la fin & les Dieux fe déclarent.
Déja des ennemis les troupes fe féparent.
On voit prendre la fuite à ces fades rimeurs ,
Qui vont par leur encens mandier des faveurs :
Aux Poëtes laffés de leurs maigres ménages ,
Quiviennent à midi vous lire leurs ouvrages :
Aux Verfificateurs dévoués à Cypris ,
Marchands des tendres Vers qu'on envoye auxCloris:
A ces chétifs Auteurs , du moindre gain avides ,
A iij Qui
846 MERCURE DE FRANCE
Qui font vendre au Public leurs chansons infipides.
Tous enfin perdent coeur ; & dans très -peu de tems,
Le Prince du Parnaffe eft maître des deux camps.
Dès- lors, pour éviter des furprifes fâcheufes ,
Il mit dans fes Etats des brigades nombreuſes ,
Dont l'unique devoir eft d'empêcher d'entrer
Ceux qu'il ne juge pas pouvoir y demeurer.
Ainfi du double Mont fut pour toujours bannie
Du rival de Phébus l'indigne colonie.
Ainfi des hábitans de ces heureux déſerts
La paix vint - elle enfin ranimer les concerts.
Par le Solitaire Ambroife.
******** X * XX:XXXX
LA REVOLTE des Noms propres latinifés.
N mande de la République des Lettres
que la Province d'Onomatologic
eft en trouble ; & que les Noms propres
latinifés , qui font les Seigneurs dominans
du Pays , le font révoltés. Ils difent pour
leur défenſe , qu'étant nés libres & indéclinables
, il leur eft honteux de porter le joug
des Latins , & d'être affujétis à leurs déclinaifons
; que cela étoit bon du tems que les
Romains par la force de leurs armes ,
obligeoient les Nations vaincuës de prendre
avec
MAY. 1741.
$47
avec les fers , leurs moeurs & leur langue
mais que c'est une tyrannie fans frein & fans
bornes de vouloir encore à préfent les faire
ployer fous les loix de la Langue Latine , qui
eft morte avec les Céfars . Ils ne fe contentent
pas de femer ces difcours dans les af
femblées particulieres , ils les débitent auffi
enpublic par un Manifefte dont voici la copies
'MANIFESTE des Noms propres latinifés.
Quoique notre Entrepriſe paroiffe extraordinaire
& hardie , nous efperons qu'elle ne
fe trouvera pas noircie dans l'efprit du Public
, s'il confidere , comme nous l'en conjurons
, que c'eft pour le pur & feul interêt
de la République des Lettres que nous méditons
de fecouer le joug des Latins , & de
nous affranchir de leurs ufages , que le tems
& les divers goûts des Nations doivent naturellement
abroger.
Ce n'eft pas pour nous faire valoir , mais
pour expofer la vérité toute nuë , que nous
ofons dire que les Noms propres font des
préfens que le Ciel a fait aux Hommes
pour marquer leurs differens caractéres , &
les diftinguer les uns d'avec les autres par
des titres autentiques. Car il n'y a point de
Nom fi bizare , qui n'ait fon fens & fa fignification.
Que fi on ne s'en aperçoit pas
A iiij
tou
448 MERCURE DE FRANCE
toujours , c'eft , ou parce qu'on n'y refléchit
pas affés , ou parce qu'on en ignore l'origine
& que les Langues matrices font mortes ou
corrompuës.
Les Noms des Egyptiens & des Hébreux
fignifioient de grandes chofes. Il y en avoit
même de mystérieux & de prophétiques
d'autres qui marquoient le génie & les
moeurs de ceux qui les portoient. Les Grecs
n'impofoient point de Noms à leurs enfans
qu'ils n'euffent tiré , ou de la bouche des
Oracles , ou de l'antiquité & de la nobleſſe
des Maifons. Les Romains , qui ont été
les finges des Grecs , ne fe font point écartés
de cette loüable pratique . La plupart de
leurs Noms font des abregés de leur Hiftoire.
Ils en donnoient plufieurs à la fois
dont les uns regardoient la perfonne , les
autres la famille ,& d'autres enfin les moeurs,
les dignités , la bravoure & les victoires des
Héros témoin ces Noms fameux de Scipio,
Æmilianus , Numantinus ; de Caïus , Metellus
, Macedonicus ; & de Drufus , Germa
nicus , Varus , Quintilius , Getulicus , Severus,
Parthicus , Arabicus, &c.
Ainfi on ne sçauroit alterer les Noms
propres , qu'on ne flétriffe l'honneur des
familles. Ceux qui fçavent un peu de Latin ,
& qui ont étudié les Loix , entendent bien
se que veut dire dans le Droit Romain
Bo
MAY. 1741. 845
Bonum & idoneum nomen. Ils n'ignorent pas
que les Noms entrent en toute forte de
Contrats & d'Obligations ; que le Nom
dans le langage de Juftinien eft une espece
de caution ; & que d'attaquer un homme en
fon nom , c'est l'attaquer en ce qu'il a de
plus cher , d'où nous eft venue cette regle
de morale fi connue & fi peu pratiquée ,
Parcite Nominibus.
Les Romains ont été fi délicats à cet
égard , que les grands Seigneurs chés eux
avoient des Officiers , que Ciceron apelle
Monitores , qui avoient foin de les informer
des Noms de tous ceux qui les faluoient ,
pour témoigner par cette cérémonie le cas
qu'ils faifoient de leur perfonne.
Il fe trouve des Auteurs très - confidéra
bles , & qu'on apelle Peres , à caufe de la
gravité & du poids de leurs Ecrits , qui n'ont
jamais voulu rien changer aux Noms des
Hébreux qui font tombés fous leur plume.
L'Hiftoire ancienne a toujours été curieufe
de raporter fidelement les Noms propres
de chacun ; & les Médailles qui en font
la meilleure partie , font apellés Nomifmata,
parce qu'elles répondent à la pofterité des
Noms des grands Hommes que la mort lui
a ravis.
Tant que l'on a gardé avec exactitude
Portographe de l'Onomatologie , l'ordre & la
A v lu
Sso MERCURE DE FRANCE
A
lumiere ont brillé dans la République des
Lettres mais depuis que ce dépôt a été
abandonné à des mains facrileges , ce n'a
plus été que renversement , qu'obfcurité &
qu'ignorance. Les Auteurs font aujourd'hui
confondus. On ne fçait le plus fouvent à qui
on parle , ni de qui on parle. On prend
des Noms de Provinces pour des Noms
d'Hommes. A chaque Livre que l'on ouvre ,
il faut être fur le Qui vive. Le pere ne reconnoît
point fon fils , ni le fils fon pere . On ne
fe reconnoît pas foi - même ; & on a vû plus
d'une fois des gens chercher leur propre
Nom parmi cet embarras & ce défordre.
Combien de Noms d'Auteurs fe font perdus
fous prétexte de leur donner droit de
Bourgeoifie Romaine ? Combien d'erreurs
par les détours & les inflexions des Nominaux
modernes , fe font gliffées dans les Généalogies
? Combien d'équivoques & de femences
de querelle ont pullulé dans l'Hiftoire
par cette corruption ? à peine les François
, les Efpagnols & les Italiens peuventils
reconnoître les Braves de leur Nation
dans les Hiſtoriographes Latins. Les Sçavans
mêmes , tout éclairés qu'ils font , ne voyent
goute dans la Nomenclature de leurs Cone
freres du Parnaffe. Qu'on aille , fi l'on veut ,
chercher Ricci , dans Grinitus ; Vander-Doez,
dans Doulas Perez , dans Petreins ; Vouté ,
dans
MAY. 1741. 858
dans Wulteius ; & Schuler, dans Sabinus , OR
trouveroit auffi-tôt la pierre philofophale
dans un oeuf, & le blanc dans le noir.
On ne s'eft pas contenté de donner des
inflexions & des terminaifons Latines aux
Noms propres , on les a même traduits en
Latin. Ainfi le Docteur de la Porte , s'apelle
impunément Janua , ou Januenfis ; la Foreft,
Sylvius , & du Bois , Nehemius ; & pour tout
perdre , fans craindre la torture & le mauvais
fort des Académiciens de Rome , fous
un Maître défiant & de méchante humeur
on traveſtit les Noms propres à la Grecque .
>
Le Médecin nommé Sans - malice fous
François Premier , n'a pas eu de honte de
changer ce beau Nom , digne certainement
de l'âge d'or , en celui d'Acakia , qu'un de
fes Defcendans a déja fait paffer en Acathias,
& qui dégenerera peut- être à la fin , comme
l'a promis un grand Prophete , en Agathias.
Gerardus de Gerardis par une fotte complaifance
pour lui-même , n'a pas rougi de s'apeller
Eraſmus ; non plus que le Roffi , de
fe nommer emphatiquement Janus , Nicius
Erythraus , fans parler d'une infinité d'autres
qui ont corrompu , alteré & déguife leurs
Noms en cent manieres , ou qui ſe ſont jettés
à mauvais deffein dans les troupes des
Aonymes.
Voilà quel est le fujet de nos juftes plain-
A vj tes.
152 MERCURE DE FRANCE
tes. Voilà ce qui nous pique & nous irrite ;
& ce qui doit irriter & piquer tous ceux qui
aiment fincerement la République des Lettres
, & qui embraffent fes interêts avec la
génerofité & la liberté des Catons. Voilà en
un mot ce qui nous allarme , & ce qui obligc
les Auteurs d'élite à nous prêter mainforte
contre les entrepriſes des Nominaux
Latins , qui nous font une fi injufte & hi
cruelle guerre.
Depuis que ce Manifeſte a parû , les Mécontens
fecrets ont levé le mafque , & fait
éclater leur reffentiment. La Renommée qui
eft chargée de la part de la République des
Lettres , de faire connoître à toute la Terre
fes Hommes illuftres , ouvre toutes fes bouches
pour le plaindre. Elle dit que depuis
qu'on s'eft avifé de latinifer les Noms propres
, elle prend fouvent l'un pour l'autre ,
Pafquier , pour Pafchafe : Benoist , pour Benedicti
, & le Faur , pour Fabri , ou pour
le Fevre toutes ces diverfes fignifications
étant envelopées dans ces trois mots Pafchafius
, Benedictus , & Faber. Elle proteſte
que fi on ne la tire de peine , elle obligera
tous ceux qui tomberont entre fes mains de
décliner leurs noms , & qu'elle n'en gravera
déformais aucun dans le Temple de
Mémoire , qui ne foit déchifré en préſence
e témoins.
Lea
MAY. 17418 855
Les Bibliothécaires , qui font les Sécreaires
de la République , difent tout haut
qu'ils ne peuvent plus exercer leur charge
avec honneur , & que c'eften vain qu'ils ont
prêté ferment de fidelité , fi chacun peut à
La fantaifie latinifer les Noms propres. Ils
montrent que leurs Livres , qui font des
chofes facrées , fe trouvent gâtés par mille
ratures , & que toute l'orthographe de la
Province d'Onomatologie , qui eft fon fonds
le plus liquide & le plus affûré , eft en danger
de fe perdre par cette entreprife. Quoi ,
cifent- ils , on a long- tems difputé fi l'on diroit
Vergelius , ou Virgilius ; Vergenius , o
Virginius, & nous fouffrirons fans nous plaindre
qu'on renverfe des Noms tous entiers !
il n'en fera rien , nous en dût- il coûter la
barbe auffi - bien qu'au Philofophe Timothée
qui paria la fienne contre cent écus fur la
force d'une fyllabe Grecque.
Ce qui choque davantage ces Meffieurs ,
c'eft qu'étant plufieurs dans l'exercice de
leur charge , ils font fi peu d'accord enfemble
, que fi l'un , pour marquer l'Hiſtorien
du Chêne , écrit Quercetanus , l'autre paffant
la plume par- deffus , met hardiment Dushefnius
; & un troifiéme effaçant tout ce
que ceux-là ont fait , place Chefnius au-deffus
des autres. Il en eft de même de Fronto
Fronteus , Frontellus de Caftelio, Caftalio.
нему
854 MERCURE DE FRANCE
neus , Caftalio , Caftilonaus ; & de Thierfus
Therfus , Terfius , Tertias , Thirfus.
Les Traducteurs ne font pas moins de
bruit que les Bibliothécaires. Leur qualité
d'Interpretes les rend recommandables , &
les fait écouter du peuple. Ils étalent dans
de longues Préfaces ce qu'ils endurent dans
la traduction des Noms propres latinifés ; &
racontent avec des larmes comment après
s'être donné la gêne , il faut qu'ils effuyent
encore la mauvaife humeur des Critiques ,
animaux plus cruels aux Auteurs que les
Tigres & les Loups Cerviers. On a d'autant
plus de pitié de leur mifere , qu'on eft encore
tout émû de l'amande honorable que
deux célebres Ecrivains firent dernierement
au Public , pour avoir pris innocemment
de la Faye , pour du Fay, & du Prat , pour
des Prez, en traduifant Fayus & Pratus.
Le bruit court auffi que la Princeffe Ana.
gramme qui regne dans un coin de la Province
d'Onomatologie , & qui ne fubfifte que
des corvées des Noms propres , ſe remuë
étrangement. Ses Miniftres qui s'entendent
fecretement avec les Nominaux Latins , ont
beau lui dire que c'est étendre les confins
de fon Royaume que d'en latinifer les peuples
: elle répond en fage Politique , qu'il
vaut mieux être abfolu dans un petit Etat
que de regner avec des rivaux dans un grand;
&
MAY. 1741 .
& que ce ne feroit pas s'étendre , que de
partager le fceptre avec les fauffes Anagrammes.
peu D'autres Nouvelles , mais qui font
vrai-ſemblables , difent que la mort n'eft.
pas contente de ces altérations , & que fon
humeur noire & mélancolique lui fait tout
apréhender de Meffieurs les Auteurs qui , ne
tendant déja que trop à l'Immortalité , pourroient
bien par cette rufe lui donner un
Qui pro quo , & s'échaper de fes mains.
Mais ce qui eft fort certain , c'est que.
les Articles le, la , de , de la , du , des , qui
font inféparables des Noms de qualité , menacent
de faire foulever toute la Nobleffe.
Ce font d'étranges compagnons qui ont fait
en leur tems de bons coups dans le Bel
Grammat fous le Pontife Leon , & qui fe .
font infinués dans les plus riches familles
fous promeffe de les annoblir. Ils prennent ,
hardiment le pas fur les Subftantifs, qui font ,
es Bourguemeftres de Grammaire. Car pour
ce qui eft des Adjectifs , ils les mépriſent
& ne les traitent que de Valets de pied. Chacun
leur fait la cour , & dès que l'on a fait
quelque fortune dans le Négoce ou dans la
Maltote , on ne manque pas de rechercher,
avec foin & avec empreffement l'honneur
de leur alliance.
L'interêt qu'ils ont dans l'affaire préfente
cft
856 MERCURE DE FRANCE
eft très - grand , et confifte en ce que les
Noms propres étant une fois latinifés, adieu
tous les Articles et toute la Nobleffe : de
Coligny , fera fimplement converti en Colide
la Tour , en Turrius : le Pont de la
Cafe , en Pontius- Cafa ; de Civille , en Civilis
; du Tot , en Totius ; & des Marais , en
Marefius.
nius ;
Les Nominaux qui redoutent ces Articles
, leur ont fait propofer quelque accommodement
avec des paffe- droits pour un
certain nombre de Noms choifis. Ils confentent
par exemple , qu'on dife pour de
Bourbon , à Borbonio ; et pour d'Ailly , de
Alliaco ; mais parce que cela tient encore
du Latin , les Critiques , de qui ils pren- trop
nent confeil , les ont pouffés à rejetter ces
propofitions.
que
Ce moyen n'ayant pas réuffi , on leur a
offert de joindre l'Article au Nom : de forte
l'on diroit dorénavant Lafinius , pour
La Fin ; Dacherius , pour d'Achery ; & Ducangius
, pour Du Cange ; on a prêté d'abord
l'oreille à cet expédient : mais par
malheur le Jéfuite Abraham s'êtant échapé
d'apeller fon Confrere de la Cerda , la Cerdam
, ce fier Efpagnol plus irrité de fe voir
enlever un Article de fon Nom , que fi on
lui avoit arraché la mouftache , s'eft emporté
avec tant de fureur contre ce pauvre Flamand
}
1
4
MAY. 1741: 857
mand , que perfonne depuis n'a ofé s'y
froter.
On croit pourtant que le tems et l'ufage
auroient pû adoucir là chofe , fi les Lettres
Majufcules , qui le portent fort haut , comme
tout le monde fçait , euffent voulu un
peu sabaiffer ; mais demeurant fermes fur
leurs pieds , et levant la tête par- deffus les
autres , elles ont montré que depuis l'invention
des Lettres Courantes , on ne pouvoit
pas légitimement les faire entrer deux enfemble
dans un même nom , comme l'on y
feroit contraint fi l'on difoit en un feul mot
DuCangius , DAcherius , & LaFinius ; &
fur ce qu'on leur a objecté qu'on difoit bien
San Gelafius , San- Sulpicius , & San- Morus ,
où il entre deux Lettres Majufcules , elles fe
font excufées fur la tyrannie des exceptions
dont on ne fçauroit entierement fe défendre
.
Tout ceci fait voir que l'orage eft grand ;
& que s'il arrive , , comme on en eft menacé
, que les Noms des Dignités , des Provinces
& des Villes fe joignent aux Noms
propres latinifés , et que les Noms des Mers
et des Fleuves viennent à fe déborder , ce
fera pour tout perdre , et pour fubmerger
fans reffource toute la République des
Lettres.
Les Nominaux qui prévoyent ces défordres
,
858 MERCURE DE FRANCE
dres , fe tiennent fur leurs gardes , et fe défendent
affés bien de la langue . Ils foûtiennent
avec Platon , que ce n'eft ni le Ciel , ni
la Nature qui donnent les Noms , mais que
ce font les Légiflateurs qui les impofent ;
& que par conféquent les Romains étant
les maîtres du monde , ils ont pû donner
aux Noms propres étrangers telle inflexion.
qu'il leur a plû. Ils ajoûtent que quand cela
ne feroit pas vrai , ils pourroient encore
foûtenir qu'en bonne Jurifprudence une poffeffion
auffi ancienne que la leur, eft un titre
fuffifant pour leur donner gain de caufe ;
que de plus la force eft de leur côté , et qu'ils
peuvent lever quand il leur plaira des régimens
entiers d'autorités pour attaquer et
pour fe défendre.
Tout ce qui leur peut nuire , c'eft la diverfité
d'opinions , qui les divifant les uns
d'avec les autres , les ruinera tôt ou tard. Le
Colonel Jofeph Scaliger , fils du grand Jules
, a mis déja plus d'une fois le défordre
parmi les terminaiſons en US. Il a forcé les
armes à la main Rotanus de s'apeller Rota ;
& Viétus de fe nommer Viéta ; & fi on l'avoit
laiffé faire , de Thou ne s'apelleroit plus
Thuanus , mais de Tolla , comme il a montré
à du Puy , qu'il devroit fe nommer Podius ,
et non pas Puteanus , parce qu'il ne s'apelle
pas du Puiss et à Briffon , qu'il devroit s'apeller
MAY. 1741. 859
peller Briffo , & non Briffonius , comme s'il
avoit nom Briffoine.
11 a auffi établi pour loi que le de fe tourneroit
en is , ou anus , & a déclaré que Vaf
fanus eft bon pour de Vaffan , & Pithous ,
ou Pithulus , pour
, pour Pithon . Mais bien plus il
a apris à fon propre Pere que fon petit frere
Odet , doit s'apeller Eudo en Latin , & non
pas Audectus. Que ceux qui voudront apren-.
dre les hauts faits de ce Héros fur un fi digne
fujet , lifent fon Poëme qui commence
par ces riches paroles , Cur Afinus faceret, & c .'
Le Chancelier Fronteau , homme vaillant
& tout hériffé d'Hébreu & de Grec , a pareillement
poufflé par une Differtation vigoureufe
les terminaifons en Us , qui empiétoient
fur les terminaifons en O. C'eft, un'
ennemi terrible qui , ne voulant point de reconciliation
, a refufé avec fierté le nom de
Frontellus , que les Preux de Chartres à la
peau d'hermine , lui donnoient gratuitement
auffi-bien que celui de Frontans qui regne
dans Quatremaires , pour prendre malgré
eux celui de Fronto , à l'exemple de Cicero ,
de Cato , & de Scipio . Le fecours qu'il prétend
tirer de l'analogie d'un nombre infini
de femblables Noms , lui enfle le courage ,
& le rend intrépide.
Le Sénat qui fçait par expérience qu'il n'y
a point de guerres ni plus obftinées , ni plus
pré$
60 MERCURE DE FRANCE
préjudiciables aux Etats , que celles qui font
purement de Nomine , témoin celles des
Guelphes , & des Gibelins , des Jobelins &
des Uraniens , a commandé aux deux Partis
de mettre les armes bas , & de venir au premier
jour lui rendre compte de leurs actions,
& fe foûmettre à ſon jugement.
que
Les uns & les autres ont comparu par
leurs Députés. Les Nominaux après avoir
fort relevé l'excellence de la Langue Latine ,
& établi fa prééminence fur toutes les Landu
monde , ont dit
gues
bien loin que
les Noms propres dûffent s'irriter contr'eux
de les avoir latinifés , ils leur en devoient
rendre des actions de grace immortelles .
comme les ayant retirés par cet adouciffement
de la dureté & de la barbarie fous laquelle
ils gémiffoient ; & qu'au refte , fi on
prétendoit les priver de la poffeffion où ils
font depuis plufieurs fiécles de donner des
inflexions Latines aux Noms étrangers , ils demandoient
avec inftance la reftitution pleine
& entiere de tous les Noms propres Latins,
que les Nations ont converti à leur uſage
, & dont à peine on rencontre quelques
veftiges dans les plus vieux Supôts des Univerfités
, lefquels par un refte de l'ancienne
liberté , ne craignent point d'employer les
Noms tout purs de Tiberius , Trajanus , An-
Dominus , & les autres femblables.
Les
MAY 1742
367
Les Députés des Noms propres ont ré
pondu que la Langue Latine eft morte , &
que par cette mort , felon la regle du droit
elle a perdu fes prérogatives ; qu'il eft inutile
aux Nominaux d'alléguer le titre d'ancienne
poffeffion , vû qu'on ne preferit point
contre les Langues vivantes dont l'uſage
change tous les jours ; que les Noms propres
étrangers n'ont pas plus d'obligation
aux Romains de leurs terminaifons Latines ,
que des peuples libres ont de leurs menottes
& de leurs fers aux tyrans qui les dominent ;
qu'il ne faut point parler de douceur , où il
n'y a que de la violence & de la contrainte ;
qu'il n'eft rien de plus doux ni de plus
agréable que de s'entendre apeller par fon
propre Nom , quelque rude & difgracié
qu'il foit ; qu'à la vérité Anne Comnene par
une délicateffe de femme a demandé pardon
au Lecteur d'avoir employé dans fon Alexiade
des Noms propres un peu durs ; mais
qu'après tout cette Princeffe ne s'eft point
difpenfée de les écrire tels qu'ils font , fçachant
bien que cela eft dû à la fidelité de
' Hiftoire & au refpect des perfonnes , qui
ent toujours droit de s'offenfer,lorfqu'on altere
leur nom; & qu'enfin il n'y a pas juf
qu'au Savetier Simon dans Lucien , qui , s'é
tant fait apeller Simonides depuis l'aggrandif
fement de fa fortune , ne s'irrite contre ceux
qui
862 MERCURE DE FRANCE
qui ofoient retrancher les dernieres fyllabes
de ce nouveau Nom, & ne les menace
s'ils ne fe retractent , de remettre la main au
tranchoir aux dépens de leurs oreilles.
Enfin pour ne pas ennuyer le Sénat , ils
ont conclû à ce qu'il lui plût de caffer la
Sentence de Quintilien , dont les Nominaux
abufent depuis plufieurs fiécles ; de faire
apliquer à la queftion le Préfident de Thon
& fes Complices , pour tirer de leur bouche
le fecret de leur entrepriſe fur la Province
d'Onomatologie ; de députer des Commiffaires
fideles & éclairés pour travailler inceffamment
à la reftitution des Noms propres
en leur entier , & de défendre aux Nominaux
de récidiver fous les peines portées
par la Loi Julia repetundarum.
Là- deffus Quintilien s'eft récrié , & a remontré
au Sénat que fa Sentence avoit été
rendue dans un tems où la Langue Latine
étoit la Langue dominante ; qu'elle étoit
conçûë en des termes auxquels les plus fâcheux
Critiques ne pouvoient trouver rien
à redire , & qu'au refte il n'étoit nullement
coupable de l'abus que des témeraires
avoient pû faire de ce qu'il avoit prononcé
avec autant de juftice que de raifon.
Le Président de Thou beaucoup plus ou
tragé que Quintilien , & d'un tempéramment
plus ardent & plus vif, a demandé avec
chaleur
t
MAY. 1741: 863
chaleur réparation de l'injure qu'on lui faifoit
, & a protefté qu'il n'avoit rien écrit
fans autorité ; que cent Hiftoriens illuftres
étoient fes garands, & que, quand il en feroit
tems , il feroit bien fentir à la République
qu'il étoit apuyé de Cefar. A ce mot de
Cefar , le Sénat a frémi .
Enfuite Palaeonhydorus & Hortobonus
c'est-à-dire en langage intelligible , Oude-
Water & Cafaubon ont voulu défendre les
Noms propres d'une compofition fantaftique,'
& tirés de je ne fçais où : mais le Sénat leur
a impofé filence comme à des Allobroges
qu'on n'entend point , & a traité de même
les Protecteurs des Noms anagrammatiques
& fymboliques , qui paffent dans le Public
pour des gens fans foi & fans aveu.
1
Le Sénat depuis cette journée s'eft affem
blé plufieurs fois , fans pouvoir rien déterminer
à caufe des brigues & de la qualité
des Parties, Néanmoins les Nouvelles fe
crettes affûrent qu'après bien des débats
il a été arrêté dans la Chambre du Confeil
en attendant l'occafion favorable d'en faire
un Edit public , premierement , que la Sentence
de Quintilien ainfi énoncée : mihi autem
placet latinam rationem fequi , quo ufque
patitur decor , quoique raifonnable & juſte
en fon tems , ne fortira pas davantage fon
effet à caufe des abus , & que cependant ,
pour
866 MERCURE DE FRANCE
Allons cueillir fes nouveaux dons ;
Sous ces ombrages frais immolons au Dieu Faune
Les premices de nos Moutons.
La Mort enfevelit fous les mêmes ruines
Les Cabanes & les Palais ;
Amis , ufons des jours que les Dieux nous deftinent;
Sans nous confumer en projets.
Ces jours font tous comptés ; l'inexorable Parque
En va bien-tôt trancher le cours ;
A peine de Caron a- t'on paffé la Barque ,
Adieu Bacchus & les Amours.
D. L. M. G.
LETTRE de M. Tanevot , à M. Neri
cault Deftouches, de l'Académie Françoife.
J
'Ay lû , Monfieur , avec un très- grand
plaifir les lettres que vous avez adreffées
à M. l'Abbé D. fur l'Irréligion & le faux bel
Efprit. Votre derniere , fur tout , inferée dans
le Mercure de Février , eft écrite avec beaucoup
de feu , & on s'aperçoit que votre zele
redouble à mesure que vous trouvez plus de
réfiftance. On ne peut découvrir avec plus
d'art le venin répandu dans le trop célèbre
Auteur
.MA Y. 867
1741.
Auteur que vous attaquez , mais permettezmoi
de vous le dire, ce n'eft point affés pour
de certaines gens de leur montrer le danger,
il faut leur prêter des armes contre lui. Il
m'a paru ( je puis me tromper ) que votre
Cenfure étoit trop générale. Bayle effaye de
mettre fes Lecteurs dans le labyrinte , & fe
garde bien , comme vous dites , de les munir
du fil qui pourroit les en faire fortir. Or
ce fil , je vous le demande , à vous , Monfieur
, qui êtes fi capable de nous le donner .
Bayle ne s'eft point réfuté , mais il peut l'être
par vous. Que ma propofition ne vous effraye
pourtant point. Ce n'eft pas un Traité ni une
réfutation en forme que j'exigerois de vous ;
le tour que vous avez pris ne vous permet
pas de vous étendre jufques - là , mais quelques-
uns des Sophifmes de Bayle bien déve
lopés , fuffiroient peut-être pour ouvrir les
yeux à fes Partifans. Des erreurs qu'on feroit
apercevoir dans deux ou trois de fes raifonnemens
, on pourroit conclure pour le refte ;
ce n'eft point du tout l'empêcher d'être dangereux
, que de montrer feulement combien
il l'eft. Plus on exagerera le péril , plus il pa
roîtra inévitable. Les prétendus Efprits forts
attribueront à la fupériorité des lumieres de
leur Docteur , cet empire & certe efpece de
tyrannie qu'il exerce fur la raifon , quoique
dans le vrai ce ne foit que fur la raifon fédui-
Bij ស
868 MERCURE DE FRANCE
te & rebelle. Il faut donc le convaincre de.
faux, l'attaquer dans fes principes , & la cho
Le ne me paroît pas extrêmement difficile.
Ne pouvez - vous pas , M. remarquer:
fur l'affectation de cet Auteur , de mettre.
toujours la raiſon aux prifes avec les objets
de la foi , qui ne font pas de fon reffort ?.
Quelle conféquence peut -on tirer contre la
Religion de l'incompréhenſibilité de fes Myfteres
, à moins qu'on ne fupofe que Dieu ne
nous peut rien reveler qui furpaffe notre Rai
fon ? Mais quoi de plus révoltant pour la
Raifon elle-même que cette fupofition ? La
plupart des opérations de la Nature ne font
elles pas des Enigmes pour nous ? La Reli
gion , qui eft une manifeftation de la Divinité
plus étendue , & plus fublime que ce qui
en eft empreint dans la Nature , ne doit- elle
pas s'élever d'avantage au- deffus de la Raifon?
Plus Dieu fe découvre , plus fa lumiere doit
nous éblouir , & la Raifon eft d'accord en
cela avec la Religion . J'ofe le dire , une Religion
dont tous les Dogmes feroient au ni
veau de notre Raifon , ne feroit digne ni de
Dieu ni de l'homme ; de Dieu, parce qu'elle
le refferreroit dans l'étroite Sphere de nos
idées ; de l'homme , parce qu'elle le priveroit
de ce qu'il a le plus d'interêt de connoître ,
Grandeur , la Puiffance , l'infinie Bonté de
Dieu. Loin donc que la raifon fe refuſe à la
Foi
MAY. 17413 865
4
Foi , elle y acquiefce pleinement , & puife
fa docilité dans fes propres principes. Bayle
lui- même l'a reconnû ; il dit nettement que
la Raifon doit fe foumettre à la Foi, en vertu
de trois ou quatre de fes Maximes les plus
inconteftables.
Auffi en examinant de près ce Philofophe ,
le trouve - t'on plus favorable que contraire à
la Religion? Il n'eft que fpécieux dans les raifonnemens
qu'il femble opofer aux vérités
de l'Evangile , mais fa Logique eft franche
& fes preuves lumineufes , lorfqu'il défend
l'Ortodoxie ; c'eſt le fentiment du célebre
M. Jacquelot, un des Antagoniſtes de notre
Auteur dans fa Réponse aux Entretiens de
M. Bayle.
a
›
» Les Libertins qui liront , dit- il , les Ouvrages
de ce Philofophe , avec affés d'ef-
» prit, pour comprendre ce qu'ils lifent,pour-
» ront aisément reconnoître qu'il a avancé
» des raifons fur l'Exiftence de Dieu & fur la
» nature fpirituelle de l'Ame , incomparable-
» ment plus fortes que celles qu'il a prêtées aux
» Payens & à d'autres , pour combattre ces
» importantes vérités. Il répete la même choſe
dans la Préface. » M. Bayle , dit- il , raiſonne
» avec beaucoup plus de force & d'éviden-
» ce , lorſqu'il s'agit d'établir l'Exiſtence de
» Dieu , que quand il propofe les difficultés
qu'il a prêtées à Simonide contre cette vé-
B iij 22 rité.
870 MERCURE DE FRANCE
» rité ……… . On doit faire le même jugement
»fur la fpiritualité de l'Amè , fi on lit
avec aplication ce qu'il en dit pour & con
99
tre , & recevoir par conféquent l'Exiftence
»de Dieu & la fpiritualité de l'Ame , les deux
"fources de la Religion , comme des principes
très -conformes à la raifon.
"
C'eſt auffi ce qui a fait dire à M. l'Abbé
Houtteville que Bayle a quelquefois prêté
» les mains à nos victoires. Et l'on voit nonobftant
ce que nous avons obfervé ci - deffus,'
qu'entraîné par la force de la vérité , il s'eft
en quelque façon réfuté lui - même.
Je fouhaite ardemment , Monfieur , que
votre amour pour la vérité vous engage à
porter le jour dans les ténebres dont cet Au
teur s'eft envelopé , & qu'il étend fur un
grand nombre de perfonnes , dont la plûpart
font prévenues d'infidélité par un malheureux
intérêt qu'ils ont de ne pas croire. Vous
le fçavez , M. les véritables ennemis de la
Foi , ce font les paffions. Le coeur la combat
plus que l'efprit , & celui- ci ne s'arme qué
des illufions de l'autre . Qu'il eft confolant
pour ceux qui aiment la Religion , de la voir
défendre par les hommes les plus diftingués
dans la Litterature , & qui en même tems
ont le meilleur goût ! Vous avez porté lè
coup mortel au faux bel Efprit , & par cet
endroit vous êtes encore , M. infiniment eftimable.
MAY. 17413 8711
timable. Vous nous ramenez aux beautés
fimples de la Nature ; eh ! qui n'en feroit pas
frapé , après le fuccès qu'elles ont , cû dans
vos Ouvrages ? Continuez de faire la guerre
à nos beaux Efprits ; ne pofez point les armes
que vous ne les ayez vaincus ; ils vous
rendront graces de leur défaite , & ce qui
pourroit leur arriver de plus malheureux, feroit
de vous réſiſter. On rit bien quand on
entend dire que l'Auteur du Glorieux n'a
point d'efprit ; confolez -vous , il y a encore
quelques Ecrivains qui , fages & retenus ,
pleins de goût & de jugement , font marqués
à votre coin , & qui vous accompagneront
dans la Pofterité la plus reculée .
Je fuis , & c.
****************
L
STANCES
Sur l'Inftabilité des chofes humaines ; `
à Mlle **.
Es Dieux , les juftes Dieux m'ont enfin exaucé,
Dédaigneufe Cloris ; l'importùne vieilleſſe
Eteint fur votre front le feu de la jeuneffe
Et venge vos Amans de votre orgueil paffé .
>
Ou font tous ces Amours qui voloient for vos traces?
B iiij
Od
172 MERCURE DE FRANCE
Où font tous ces Amans de vos charmes épris ?
Vos rides ont fait fuir les Amours & les Graces ,
Et vos Amans pour vous n'ont plus que du mépris .
En vain d'un faux miroir confultant le menfonge,
De vos jeunes apas cherchez- vous les débris ;
Cloris , votre beauté n'eſt à préfent qu'un fonge
Qu'ont oublié tous ceux que vous aviez furpris.
Il m'en fouvient encor; à la fleur de votre âge
Vous ofiez dédaigner l'hommage de nos coeurs ;
Cet heureux tems n'eft plus ; aujourd'hui moins
fauvage ,
En vain voudriez-vous prodiguer vos faveurs;
Votre teint dépourvû des couleurs naturelles ,
Vos yeux prefque fans feu , votre corps décharné ;
Vos cheveux moitié blancs , vos dents artificielles,
Refroidiroient l'Amant le plus paffionné.
C'eſt Climene aujourd'hui qui regne en Souveraine
Sur cent Amans ' , qu'envain vous voulez retenir ;
Vous en pleurez , Cloris, & fa gloire vous gêne ;
Attendez quelque tems , vous la verrez finir.
Tout paffe dans ce monde , & la jeune Climene
Près de qui vous voyez tant de. Rivaux jaloux ,
Ce chef d'oeuvre des Cieux, cette charmante Reine
Dans deux luftres au plus , paffera comme vous.
Par M. Picquet.
MAY.
873 1741
EXAMEN de deux Lettres des Observations
fur les Ecrits modernes , au fujet de la
Description Géographique & Hiftorique de
la Haute Normandie.
I
L s'agit des Lettres 347. & 348. du XXIV.
Tome des Obfervations. L'Ouvrage dont
on y entretient le Public , y eft fi défiguré ,
qu'il en eft méconnoiffable. Je ne ferai presque
qu'apostiller le Texte de l'Obfervateur.
A l'égard d'Yvetot , die il , l'Auteur rapor
te les opinions & les raisonnemens des Abbés
de Vertot & des Thuilleries fur l'origine du
Titre de Royaume donné à cette Terre , & il
les adopte. Il falloit dire , ne les adopte pas.
En effet l'Auteur les combat très ferieufement
, & on peut dire qu'il les combat fans
réplique , Tome 1. page 188 .
Selon l'Auteur , ajoûte l'Obfervateur , la
Terre d'Yvetot a des Hauts- Jours , c'est à dire
une Haute Justice en dernier reffort . Il auroit
dû expliquer en quoi elle confifte. Expliquer au
Public en quoi confifte une Haute Juftice
en dernier reffort ! Mais ce n'eft pas - là précifément
de quoi il s'agit . L'Auteur , loin
d'affûrer que la Terre d'Yvetot a des Hauts-
Jours , affûre formellement & diftinctement
le contraire , Tome 1. pages 185. 186 .
B v O
874 MERCURE DE FRANCE
On demande , continue l'Obfer ateur ;
commment un ſimple Gentilhomme a pû obrenir,
foit d'un Roy de France ,foit d'un Ray & Angleterre
, le privilege fingulier de porter le nom
de Roy. Les Abbés de Verio: & des Thuill ries
n'ont point répondu à cette cbj tim , ni notre
Auteur non plus. Cela eft plaifant ! PABbé
des Thuilleries foûtient que ce privilege
eft une ufurpation réelle de la part des Seigneurs
d'Yvetor. L'Auteur de la Defcription
prétend ( ce qui cft moins odieux ) qu'ils ne
l'ont tenu que de l'ufage , Tome 1. pag. 188.
189. Par conféquent ni l'un ni l'autre ne
difent comme l'Abbé de Vertot, que ce doit
être une conceffion des Rois . Malgré cela on
leur demande comment il fe peut faire que
c'en foit une , & on veut qu'ils répondent.
Les Seigneurs d'Yvetot , dit l'Obfervateur ,
reçûrent avec plaifir le titreflateur de Prince
& de Roy , que leurs Amis ou leurs Vaſſaux.
leur donnerent, à caufe de leur affranchiffement
parfait & de leur indépendance réelle. Ce titre.
s'accrédita dans lafuite. Enfin ils oferent dans.
des tems de troubles , fe le donner eux- mêmes
dans des Actes. C'eft- là l'ancienne opinion , &
je foutiens qu'elle eft la mieux fondée. Tout
cela ne fignifie que ce que l'Auteur a dit luimême
en trois mots , que les Seigneurs d'r
vetot n'ont pû tenir ce privilege que de l'usage.
Il falloit donc dire fimplement & modelte-
>
ment ,
MAY. 879
1741.
ment , je crois avec notre Auteur, que c'est l'o
pinion la mieux fondée. Toute autre manier
de s'exprimer , donne à entendre que l'Au
teur eſt d'un avis contraire , & c'eft fair
prendre le change à fes Lecteurs. Mais eft
il bien vrai que cette opinion là foit ancien
ne? Elle pourroit bien l'être fans doute , tant
elle eft fimple & naturelle. Cependant ce
n'eft ni l'opinion de l'Abbé des Thuilleries ,
ni celle de l'Abbé de Vertot , ni celle de
l'Auteur d'une Differtation inferée dans le
Mercure de Janvier 1716. & citée par l'Obfervateur
, ni celle de M. de la Roque dans
fon Traité de la Nobleffe , tous gens qui ont
étudié la matiere , & dont nous avons les
Ecrits. Enfin je ne l'ai luë que dans notre
Auteur , & celui - ci ne la donne pas pour
ancienne. N'auroit- il pas la gloire de la dé
couverte ? Si cela eft , l'Obſervateur devoir ,
ce femble , en galant homme , lui en faire
honneur.
A l'égard d'une opinion nouvelle , die encore
l'Obfervateur , qui attribue à Jean de
Bailleal , Gentilhomme Normand , & Roy
d'Ecoffe , le titre de Royaume donné à la Terre
d'Yvetot , c'est une conje &ture qui ne mérite pas
d'être difcutée. Quel eft donc l'Auteur de
cette conjecture ? Car enfin je ne l'ai encore
lue que dans la Defcription Géographique &
Hiftorique de la Haute Normandie ; enforte
B vj
que
876 MERCURE DE FRANCE
que la Defcription, la conjecture nouvelle , &
l'opinion ancienne , dont nous parlions tout à
l'heure , pourroient bien être toutes les trois
du même Auteur. Après tout , fi la conjecture
nouvelle ne mérite pas d'être difcutée , ce
n'eft que parce qu'abfolument parlant , elle
n'eft là que par furcroît , & qu'elle ne fait
rien au fond de la queftion , fur laquelle , indépendamment
du Roy d'Ecoffe , l'Auteur
s'étoit déja déterminé pour l'opinion quo
l'Obfervateur croit la mieux fondée. Il ne
feroit pourtant pas vrai de dire que la conjecture
ne tend à rien. Elle fert du moins à
rendre le Lecteur attentif fur la véritable
Epoque du prétendu Royaume d'Yvetot ,
puifqu'en effet ce n'eft que peu de tems après
la mort de Jean de Bailleul, que les Seigneurs
d'Yvetot ont commencé à porter le nom de
Roy.
Article de Rouen , avec ceux de Pontoife,
'du Pont- audemer & des Andelis , est tout ce
que comprend le premier âge. L'Obfervateur
veut dire que de toutes les Habitations du
Vexin , ce font là les feules dont l'Auteur de
la Defcription faffe remonter l'origine jufqu'au
tems des Gaulois , & cela n'eft pas
exactement vrai. Il dir lui -même en termes
exprès , il y en a fans doute un grand nombre
d'autres , & il met de ce nombre Artie , Barantin
, Léfu , la Bouille , Ivri , Claire ,
&
plufieur s
M A Y. 877 17412
Plufieurs autres , dont le dénombrement occupe
les pages 211. 212. 213. 214. 215 .
216. 217. & 218. de fon fecond Tome.
Après cela que devient la reflexion fuivante
de l'Obfervateur ? My a cependant plufieurs
autres Lieux que l'Auteur auroit pû renfermer
dans cette premiere claſſe.
•
Le Pont de l'Arche , continue l'Obfervateur
, a été ainfi apellé , parce que Charlesle-
Chauve fit bâtir en ce Lieu une Fortereffe
avec un Pont , Arcem cum Ponte. De- là
Pons- Arcis. L'Auteur croit neanmoins que
le
Pont-de- l'Arche a été ainfi apellé , parce qu'il
y avoit autrefois près de la Fortereffe un Pont ,
qui n'étoit formé que d'une feule Arche . L'Auteur
ne croit point cela , quoiqu'il puiffe le
croire en fûreté de confcience . Il raporte l'étymologie
tirée du Latin Pons Arcis , & ne
la condamne pas ; il raporte également celle
qu'Adrien de Valois tire de ces deux autres
mots Latins Pons Arcus, & il ne l'adopte pas
formellement. Peut être , dit- il , le Pont ne
comprenoit- il d'abord qu'une feule Arche
laquelle s'étendoit depuis la Fostereffe jufqu'à
une petite le voifine . Mais pourquoi , die
Obfervateur , ce Pont ne fubfifteroit - il pas
encore , & quelles preuves a - t'on qu'il ait éte
ruiné ? Belle demande ! Avons nous donc les
Gazettes de ce tems - là ? L'Auteur demande
à fon tour , mais avec plus de juftice , pour
ди
878 MERCURE DE FRANCE
quoi ce Pont étoit - il apellé anciennement le Pont
de la Arche Curoife ? Cette expre lion fupo
fe néceffairement une A che unique. Et dans
cette fupofition n'a t'il pas eû raiton de pencher
plutôt pour Pons Arcu , que pour Pons
Arcis ?
L'Auteur s'eft trompé , dit encore l'Obſervateur
au même endroit , en pla ant Oiffel
fur la rive droite de la Seine ; il eft à la gau
che. Chicane d'Ecolier. Un homme fait fe
feroit contenté de dire qu'il y a là une faute
d'impreffion , & il auroit . parlé jufte . L'Auteur
s'étoit déja plaint lui même dans le
Mercure de Mars de cette année , page 486.
de la négligence des Imprimeurs , qui prennent
quelquefois leur main gauche pour leur
main droite. Ici , dans sa Carte Géographique
, il a placé Oiffel fur la rive gauche de la
Seine , comme il le devoit ; c'en eft affés
pour le juftifier.
On est un peu étonné , continuë l'Obfervateur
, que l'Auteur ait été fi laconique au sujet
de Harfleur , Ville fur laquelle il y avoit bien
plus de chofes à dire . Il ne s'eft pas mis en peine
, dit il encore , d'orner fon Livre de l'His
toire des Siéges que la Ville de Ronen a foûtenus
, ni des grands évenemens qui yfont arrivés.
On peut lui reprocher , continuë t'il , de
n'avoir point parlé du Séminaire du Bourg-
Achard , de l'ife-Belle , qui touche Meulant ;
de
MAY. 1741; 879
de l'échange qui a été faite ( faute d'impreffion ,
Car échange doit être mafculin ) du Comté de
Gifors. Enfin il garde un profond filence fur
le Talou.
Ce dernier reproche ett tiré de la Lettre
348. page 70. Là l'Obfervateur nous aprend
qu'il fe fouvient d'avoir lû dans le Mercure
de Septembre 1736. une Differtation de M.
Clerot fur ce petit Canton , dont il eft médiocrement
content , & il ne fçait fi l'Auteur
de la Defcription Géographique l'a lûë. Je
me fouviens , moi , d'avoir lû dans les Mémoires
de Trévoux , Avril 1740. page 619.
ce que l'Auteur penfe de la Differtation de
M. Clerot. L'Observateur peut y avoir recours
, s'il le juge à propos. Mais une grande
preuve que cet Auteur a gardé un profond
filence fur le Talon , c'eſt qu'il n'en parle que
depuis la page 46. jusqu'à la page 53. de fon
premier Volume. Il n'a pas omis non plus
l'échange du Comté de Gifors ; il en parle trèsexactement
aux pages 346.347 . & 568.de fon
fecond Tome. S'il n'a rien dit de l'Ile - Belle,
j'en devine la raiſon; c'eft que l'Ifle- Belle n'étoit
poit de fon reffort. Les autres omiffions,
& rien , c'eft la même chofe. Il n'eft pas ici
queftion d'une Hiftoire où il ne faut rien
omettre. L'Auteur ne nous avoit promis
qu'une Defcription Géographique , nourrie de
quelques Faits Hiftoriques ; il n'étoit tenu
મે
180 MERCURE DE FRANCE
à rien de plus , & il s'eft acquitté exactement
de fa parole . Revenons à la Lettre 347 .
On reproche encore à l'Auteur, dit l'Obser
vateur , de s'être trompé par raport à des Fiefs
& à des Patronages. Voilà un reproche bien
vague , & peu s'en faut qu'il n'y manque
de la bonne for. Ces fortes de méprises
peuvent être de conféquence: Pourquoi n'en
pas citer un exemple ou deux ? J'entrevois
du mécontentement de la part de quelques
intereffés. Mais comment l'Auteur a - t'il pû
fe tromper Il copie mot à mot les aveux &
dénombremens des deux Chambres des
Comptes de Paris & de Rouen . Si ces aveux
font fautifs , ce n'eft pas lui qui fe trompe ,
puisqu'il ne décide jamais rien . La faute doit
donc être rejettée fur ceux qui les ont produits
, & tant pis pour eux ; pourquoi n'ac
cusent ils pas jufte ?
Voici un autre reproche d'une nature affés
finguliere : L'Hifloire de l'Eglise de Meaux,
dit-on , & l'Hiftoire de la Haute Normandie,
il falloir dire la Description de la Haute
Normandie , car encore un coup le titre de
l'Ouvrage n'annonce point une Hiſtoire , )
font fouvent en contradiction. On fupole ainfi
que les deux Ouvrages font de la même
main , & il s'ensuit de là que ce qui doit faire
le plus d'honneur à l'Auteur est précisément
le reproche qu'on lui fait. En effet les
contra
MAY. 886
1741.
contradictions prétendues ne confiftent qu'en
ce que l'Auteur s'eft corrigé lui - même , lorsqu'il
s'eft crû en faute.
Sur une des portes du Château d'Arques ,
on lit encore affés diftinctement trois chiffres
arabes , 7. 4.
, 7. 4. & un troifiéme qui paroît
être outrun 5.ou un 7.ou un 9.De - là il fuit avec
affés de probabilité , dit l'Auteur de la Description
, que ce fera l'un des Fils de Charles
Martel , Carloman , ou plûtôt Pepin le Bref,
qui l'aura bâti vers l'an 745 ou 749 ; mais ,
dit l'Observateur , ce raisonnement n'est pas
concluant l'Auteur a - t'il pû ignorer combien
font nouveaux les chiffres Arabes en fait d'Ins
cription ? Et qui lui a dit que l'Auteur l'ignore
? A- t'il avancé que l'Inscription eft du
huitiéme fiécle ? Il observe au contraire que
plus de deux cens ans après , Guillaume , fils
de Richard II. Duc de Normandie , a réparé
ou embelli par de nouveaux travaux, le Château
d'Arques. L'ancienne Inscription , s'il
y en avoit une a dû disparoître alors , pour
faire place à une nouvelle. Dans la fuite ,
de
nouveaux travaux auront encore obligé de
renouveller l'Inscription , & on aura enfin
placé celle qui fubfifte aujourd'hui. Dans
quel tems a- t'elle été placée ? L'Auteur n'a
point voulu risquer une déciſion , & c'eſt de
fort mauvaise grace qu'on en met une ici fur
fon compte.
Ce
882 MERCURE DE FRANCE
Ce n'eft pas tout , l'Auteur , dit- on , a fait
une faute bien plus confidérable fur le même
Lieu d'Arques. Selon un Hiftoriographe de
Normandie , ( Hiftoriographe dont le Public
n'a point encore vû & ne verra peut - être ja
mais l'Hiftoire , ) l'Auteur a confondu deux
Lieux fort differens , Arques & Arches , &
cela faute , d'avoir lû Guillaume de Fumiege ;
ou pour l'avoir lû fans refléxion. Que cela me
paroît petit ! j'aimerois autant que l'on nous
dît que M. Bergier dans fes Grands chemins
de l'Empire a confondu la Ville de Rheims
avec la Ville de Reims. L'Observateur voudroit-
il bien nous aprendre en quel Lieu du
Monde eft fitué Arches , dont parle Guillau
me de Jumiege , s'il eft different d'Arques?
N'est -ce pas vouloir fe perdre dans de vaines
conjectures , que de chercher l'étymologie
des noms de Rivieres ? Va - t'on chercher pourquoi
la Seine s'apelle Sequana , & le Rhône
Rhodanus ? C'eft , ce me femble , abuser de la
profonde Science du Ras Breton , que t'en faire
un tel usage? Cette refléxion eſt toute entiere
de l'Observateur. Et il eft trifte en effet
que des Gens d'étude aillent fe persuader
que la Langue Celtique fe foit conservée
dans les noms de plufieurs Rivieres & de
plufieurs Lieux habités pendant plus de 2000 .
ans par les Celtes. A quoi bon en effet s'amuser
à de pareilles vétilles ? Que l'Auteur de
la
MAY. 883 17411
la Description de la Haute-Normandie y ait
employé fon temps , paffe pour lui ; on peut
lui faire grace , parce que ce n'eft pas grand
dommage ; mais que Cambden , que Samuel
Bochart , que le célebre M. Huet , Evêque
d'Avranches , que tant d'autres habiles gens
ayent couru avant lui la même carriere , n'eftce
pas ce qui doit flétrir leur mémoire dans
toute la Pofterité ? Raillerie à part , l'Observateur,
à qui ces étymologies ne plaisent pas,'
en a pourtant voulu faire usage lui - même ,
& en cela il n'eft que trop vrai , malheureu
sement pour lui , qu'il a abusé de la profonde
fcience du Bas- Breton . Bec , dit- il , en
Celtique ,fignifioit Riviere , Eau . Il fe trompe;
Bec eff Celtique , fignifioit la pointe de quelque
chofe que ce foit : & c'eft encore en ce fens
que nous difons le Bec d'un Oifeau ; il l'a lû
plus d'une fois dans Suetone , mais il ne s'en
pas fouvenu au besoin. eft
Bo
que
Paffons -lui ce qu'il ajoûte , que , felon lui,
il ne doit pas y avoir d'h dans Rotomagus ,
d'écrire Rothomagus , c'est une mau
vaise Ortographe. Cette décifion eft pourtant
placée la de maniere qu'on foupçonneroit
l'Auteur de la Defcription de lui avoir
donné lieu de prononcer la Sentence contre
lui , quoique cet Auteur n'écrive jamais autrement
, à moins qu'il n'y foit forcé par la
néceffité de copier quelque ancien Titre ,
donc
884 MERCURE DE FRANCE
dont l'ortographe , quelque vicieuse qu'elle
foit , doit être représentée fidellement.
Mais lui paffera-t'on de même l'air triom
phant avec lequel il insulte à l'étymologie de
l'ancien Piftis du Pays de Caux , telle que ce
même Auteur l'a donnée par conjecture ? Le
Gloffaire de Du Cange lui aprendra , dit - il ,
que Piftæ fignifie des Chaumieres de Paysans ,
des Cabanes, des Cases de Bucheron . Du Cange
! l'Observateur y pense- t'il ? Ce mot n'eft
point du tout dans Du Cange. Il a voulu dire
, fans doute , les Continuateurs ou les
Augmentateurs du Gloffaire de Du Cange.
Mais fi cela eft , à qui renvoye- t'il ceux qu'il
veut inftruire de la fignification des mots ?
A ceux qui l'ont inftruit lui - même. Arrêtonslà
. Le noeud de la queftion étoit ici de trouver
la pofition précise de l'ancien Piftis.
L'Obfervateur eſt - il bien en état , le Du Cange
des Benedictins à la main , de nous enfeigner
ce qu'il fçait là - deffus ?
Jusqu'ici nous n'avons rien trouvé que de
repréhensible dans les deux Lettres des Observations.
Quelquefois cependant l'Observateur
rend juſtice à l'Auteur de la Descrip
tion, & c'en eft affés pour apliquer à ces feüilles
volantes ce qu'il dit de la Deſcription
même, que c'est un Ouvrage qui, comme presque
tous les Livres, eft loüable & repréhensible.
ODE
MAY. 1741
885
LE
***************
ODE ,
Caprice, Par M. l'Abbé Godard,
E Démon des Vers me poffede ,
Il s'empare de mon efprit.
Je n'y fçache point de remede ;
Rimons par art, ou par dépit.
C'eſt à toi , Monftre qui m'inſpire ;
Que j'offre les fons de ma Lyre ;
C'est toi qui me rends furieux ;
J'entre dans ta folle carriere ;
Mais quelle foule de matiere
Viens-tu préfenter à mes yeux !
*
Eh bien , puiſqu'il faut que je chante
Voyons , fera-ce toi , Bacchus ?
Ta liqueur n'a rien qui m'enchante ;
Amour , tu n'enchante pas plus ;
Souvent le vin nous change en bête ,
Et quand on a l'amour en tête ,
L'Amour en fait autant de nous .
Infâme Dieu de la tendreffe ;
Infipide Dieu de l'yvreſſe ,
Mes chants ne feront pas pour vous.
Qu'a
886 MERCURE DE FRANCE
Qu'aperçois-j ? Mars & Bellone !
Je recule faili d'horreur ;
Dans mes veines mon fang friffonne
Je plains le fort de ce vainqueur ;
Pour que la victoire ait des charmes
Elle fait couler trop de larmes ;
Non , ces Tyrans de l'Univers ,
Qui ne marchent qu'avec la foudre ,
Qui mettent nos remparts en poudre .
N'auront point de place en mes Vers .
Je Lens
Quoi ! déja Phebus m'abandonne !
que je n'ai plus de voix ;
Je deviens une autre perſonne ;
Mufe , adieu donc pour cette fois ;
Cette Montagne de la Fable
Eu moi fe trouve véritable ;
J'ai d'abord imité fes cris ;
Mais du feu que j'ai fait paroître ,
De mes transports , que voit- on naître è
Une ridicule Souris
LETTRE
MAY. 17413 887
tatatut
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M.
le Marquis de B. fur quelques fujets de
Vun
Litterature.
Ous avez ,Monfieur , plus que perfonne ,
un droit acquis de me demander compte
de mes Entreprifes Litteraires. Vous fou
haitez aujourd'hui fçavoir où j'en fuis de
celle qui regarde la publication des Lettres
de notre fçavant Aveugle de Marfeille , & de
celles qui lui ont été écrites pendant le cours
d'une affés longue vie par des perfonnes de
confideration , ou par des Sçavans diftingués
de l'Europe. Je vais avoir l'honneur de vous
fatisfaire.
Vous fçavez , M. que mon engagement
envers le Public eft déja d'affés vieille date ;
on le trouve dans le Mercure de Janvier
1729. p . 21. Cet engagement a été depuis
renouvellé dans deux Lettres que j'ai écrites
fur ce fujet à M. l'Abbé L. F. de l'Abbaye
5. Victor de Marfeille & de l'Académie de la
même Ville ; dans ces Lettres , inferées dans
les Mercures de Juin & de Septembre 1739
je fais un détail de tous les foins que je m'é
tois donné jufqu'alors pour recueillir tou
tes celles qui concernent l'illuftre Malaval
, comptant que la Perfonne à qui je
mc
388 MERCURE DE FRANCE
me donnois l'honneur d'écrire , voudroit
bien concourir à l'exécution de mon projet ,
étant fur les Lieux , aimant d'ailleurs la Litterature
& à faire plaifir : mais je ne fçais ,'
M. par quelle fatalité je n'ai reçû encore aucune
réponſe fur ce fujet.
Cependant je fus agréablement furpris¸
forfqu'au mois de Juillet 1736. je reçus une
dépêche de la part d'un R. P. Feuillant , demeurant
dans un Monaftere peu éloigné de
Paris. Il y avoit d'abord une Lettre écrite à
Padreffe ordinaire de M. Moreau , Commis
au Mercure , dont voici la teneur. » J'ai lû ,
» M. dans votre dernier Mercure une Lettre
» de M. D. L. R. écrite à M. l'Abbé Fournier
au fujet d'une Edition des Lettres de
François Malaval. Comme j'ai quelque
» chofe d'important à faire fçavoir à l'Au-
» teur de cette Edition , que je ne puis de-
» viner par ces Lettres D. L. R. je vous prie
» de vouloir bien lui faire tenir l'inclufe
> vous obligerez , M. votre très - humble, &c.
Signé , F. Guillaume le Tonnelier , Feuillant.
A Chatillon fur Seine le 25. Juillet
1736.
.59
>>
L'autre Lettre qui me regardoit directement
, portoit ce qui fuit. » M. j'ai apris par
» le dernier Mercure , que vous alliez don-
» ner au Public , une Edition des Lettres de
» M. Malaval , & de celles qui lui avoient
«été
MAY. 1741. 889
"
été écrites par des Perfonnes de confide-
» ration : J'en ai une en original de l'Evê-
» que d'Ape , très- intereffante , outre quel-
» ques Anecdotes de la Vie de cet Illuftre
» défunt , dont j'ai feul connoiffance , avant
» été fon Confident , & même fon Confef-
» feur dans les dernieres années de fa vie ;
» fi vous fouhaitez en être informé , vous
» aurez la bonté de me donner votre adreffe .
» J'ai l'honneur d'être &c. Signé comme
en la précedente , F. Guill. le Tonnelier ;
Feuillant. A Châtillon fur Seine en Bourgogne
,
le 25. Juillet 1739.
Vous jugez bien , M. que je ne fis pas
long- tems attendre ce R. P. je lui répondis
30. du même mois , en lui donnant toutes
les facilités poffibles pour m'écrire en affûrance
, & pour m'envoyer directement tout
ce qu'il trouveroit à propos fur le fujet en
queſtion : mais je ne fçaurois vous exprimer
dans quelle furprife je fuis , depuis ce tems-là ,
de n'avoir reçû , après cet heureux préliminaire
, aucune réponse de ce bon Religieux.
J'ai fait cependant quelques recherches qui
m'ont apris qu'il n'eft ni mort , ni malade
mais qu'il fe trouve actuellement dans cer-,
taines circonstances qui ne lui permettent
pas de faire tout ce qu'il fouhaiteroit , &c.
le
En attendant du tems & de la patience ;
Favancement & l'exécution entiere de mon
C pro890
MERCURE DE FRANCE
projet , je crois , Monfieur , que vous ne ferezpas
fâché de trouver ici comme une espece
d'échantillon , des Lettres de notre fçavant
Marfeillois , pour vous faire connoître fon
génie , fon efprit de Religion , & fa capacité
qui s'étendoit fur tous les Genres de
Litterature. J'ai choifi celle qu'il écrivit à
M. Surian , habile Médecin Botaniſte , envoyé
de Marfeille aux lles de l'Amerique
par ordre du Roy :
MONSIEUR ,
Le tems favorable qui vous obligea de
vous embarquer plutôt que vous n'aviez crû,
ne me permit pas de vous embraffer encore
une fois avant votre départ , comme je me
l'étois promis : mais fi je n'ai pû redoubler
mes embraffemens , j'ai redoublé mes voeux ,
& je prie le Seigneur que votre voyage foir
accompagné de toute forte de bénedictions
fous les aufpices de notre grand & incomparable
Monarque : je ne doute pas que vous
ne répondiez.dignement aux intentions de
S. M. & que vous ne travailliez fur les Plantes
des Ifles de l'Amerique avec le même
fuccès que vous avez eu en travaillant fur
celles de notre France. Il faut fur cette matiere
de la vigilance , un certain jugement
& du fçavoir. Vous poffedez déja avantageufement
toutes ces bonnes qualités ; vous
n'aMAY.
1741. 8912
n'avez, M. qu'à y joindre la priere envers celui
qui a fait les Plantes , car fans fon ſecours
notre vigilance nous abandonne, le jugement
nous manque , & tout notre fçavoir ne fert
fouvent qu'à nous faire égarer avec plus
d'éclat.
Corrigez de grace ces Voyageurs , ou crédules
, ou négligens , qui ont donné des
noms chimériques à des Plantes connues, &
des noms connus à des Plantes chimériques .
Réïterez fouvent vos expériences pour les
rendre plus folides , & fi vous découvrez
quelques belles opérations, foit dans les Plantes
, foit dans les autres productions de la
Nature , que l'on voit en ces Régions , piquezvous
plutôt de nous en donner l'Hiftoire que
de nous en aporter des raisons , car en vérité,
M. dans un fiecle auffi éclairé que le nôtre
on ne vit jamais tant de fauffes fubtilités , ou
fur des chofes très claires , ou für des effets
impenetrables . On fait dire à la Philofophie &
à la Médecine tout ce qu'on veut , & fouvent
-ce qu'on n'entend pas , tantôt par des argumens
de Dialectique , tantôt par des jeux &
des mouvemens d'Atômes ou de corpuscu
les,inventés à plaifir,& il n'y a point de doute
que la trop grande fubtilité ne faffe - beaucoup
de tort à ce qu'il y a de plus folide &
de plus raisonnable en chaque fyftême . Ainfi
gardez quelque tempéramment dans vos ju-
C ij gemens
892 MERCURE DE FRANCE
gemens & dans vos expériences , entre la
crédulité des Anciens & la trop grande déficateffe
des Modernes , & quoiqu'il en soit ,
de les accorder ou de les contredire ; souvenez-
vous de ce que nous avons dit quelquefois
dans nos converfations , que la Nature
la Philo eft plus belle & plus certaine que
sophie.
Exposez - la donc à nos yeux telle que vous
la trouverez , & contentez -vous fouvent de
fçavoir ce que Dieu a fait , fans rechercher
trop curieusement comment il l'a fait . C'eſt
un Oracle du Sage . Cuncta res difficiles , non
poteft eas homo explicare fermone. Oui , M.
toutes les choses , toutes les oeuvres de la
Nature font difficiles à expliquer , les plus
petites auffi bien que les plus grandes , &
celui qui a fait les Anges , qui ne fe comprennent
pas bien eux mêmes , a fait les Vermisseaux,
dont l'esprit de l'homme ne peut comprendre
toutes les proprietés, ni toutes les parties.
La Nature ſe montre bien à nous , mais
elle ne dévoile pas à notre curiofité toutes
fés vertus & tous fes fecrets , parce que nous
en verrons toujours affés , pour nous obliger
à louer & à exalter celui qui l'a créée , & que
fans la voir,pour ainfi - dire, face à face, nous
découvrirons des miracles à travers les ombres
& les voiles dont fon Auteur l'a voulu
couvrir, Suivez-la pas à pas ; n'affûrez jamais
de
MAY. 1741 89
de fes proprietés , que ce que vous connoîtrez
avec une évidence raisonnable , & vous
vous tromperez rarement.
Sur tout , M. attachez- vous religieusement
aux Inftructions fi fages & fi bien méditées,
que M. l'Intendant * vous a données , foit
de vive voix , foit par écrit ' ; it a une profonde
connoiffance de ces Ifles , où , en qualité
d'Intendant, ila laiffé tant de marques de fa
prudence , de fa bonne conduite & de fat
grande probité ; il n'a point d'autre objet
dans votre million , que la gloire & le contentement
de S. M qui fait fes délices du
Bien public , quand elle ordonne de décou
vrir les raretés & les choses les plus utiles de
ces Pays éloignés. Permettez -moi aulli de
vous exhorter, avec la franchise que me don '
ne l'amitié , à ne communiquer vos expériences
& vos recherches qu'à ceux de qui
vous dépendez. Il y a dans le monde beaucoup
de Plagiaires , beaucoup d'Envieux ,
peu de candeur & peur de fecret. Ne criez
pas avec cet Ancien , que la joye transporta,
parce qu'il avoit deviné la folution d'un Pro
blême , j'ai trouvé , j'ai trouvé ; car quel
qu'un pourroit s'aproprier votre découverte ,'
&c. mais fi vous trouvez quelqu'un qui puis-
* M. Begon , alors Intendant des Galeres à Marfeille
, d'où il paſſa en 1688. à l'Intendance de l'a
Marine de Rochefort , où il est mort en 1710.
7
Cij St
94 MERCURE DE FRANCE
3e perfectionner
& rendre plus certaines vos
xperiences
& vos recherches , préferez gé
nereusement
l'utilité publique à un peu
d'honneur ; ménagez néanmoins
ce qui fera
Purement de votre invention , ou du moins
ce que vous en aurez découvert dans quelque
Ouvrage. Ceux qui vous ont choifi , font
affés persuadés que vous avez toutes les qualités
néceffaires pour réüffir dans l'emploi qui
vous a été confié .
Au refte M ne vous figurez pas que ce
foient les hommes qui doivent faire votre
fortune , c'eft uniquement à Dieu que vous
vous devez fier ; il tient entre fes mains les
coeurs de ceux qui peuvent nous rendre fervice,
& il eft le fouveran Arbitre de leur
bonheur & du nôtre ; ce que nous devons le
plus fouhaiter , c'eft qu'il accorde, pour ainfi
dire , notre fortune avec notre falut , & qu'il
nous faffe gagner le Ciel avec les biens qu'il
lui plaît de nous donner fur la Terre ; hors
de - là , mon très cher , les richeffes ne font
que des piéges pour fe perdre avec plus d'éclat
. Aufli je fais plus d'état de votre qualité
d'homme de bien , que de celle de grand Botanifte
, qu'on peut vous donner avec juftice.
Les Plantes que vous trouverez vous éleveront
à Dieu , & vous vous ferez un trésor
pour l'Eternité de ce que l'on foule aux pieds
tous les jours fur la Terre.
Les
MAY.
1741 . 895
1
Les Plantes font, une Ecole perpétuelle de
la Providence ; un même fuc de la Terre les
nourrit toutes , & ce fuc unifortne en fa fubstance
, fe convertit en autant d'especes qu'il
ya de fimples . Les plus grands Chimistes
avec de la Terre , ne fçauroient faire que de
la Terre , & Dieu en fait des milliers de
Plantes qui ornent la Terre & qui raviſſent
les hommes d'admiration , cependanr ces
Plantes ont leur fubftance , leur quantité ,
leurs qualités & leur figure , toutes differentes
; vous en trouverez dans ces Iles que
vous n'avez jamais vûës dans nos Contrées .
Il y en a de belles, d'agréables au goût , de falutaires
, de venimeuses ; cependant il n'y a
que la main de Dieu qui les feme , qui les
cultive , & qui les faffe croître jusqu'à leur
entiere perfection , ainfi vous direz fouvent
en les confidérant , Racines , Herbes , Arbres,
Fleurs & Fruits de ce nouveau Monde ,
béniffez Dieu . Oui , M. les Plantes font autant
de Langues de la Nature, qui loüent ce-
Jui qui les a faites , & les hommes ingrats s'en
nourriffent, s'en guériffent ; ils les admirent ,
ils s'en entretiennent avec plaifir , ils fe glorifient
de les connoître , fans jamais lever les
yeux vers celui qui les a créées ; plus infenfibles
que les Plantes même qui pouffent, qui
Croissent, qui fleuriffent , qui fructifient & qui
fuivent le mouvement de la Nature , c'est-à-
C iiij
dire
96 MERCURE DE FRANCE
dire du Créateur, avec une efpece de fidelité;
les hommes s'étudient à connoître ces Plantes
, ils méconnoiffent- Dieu , & fe font des
Idoles de ces objets d'amour & d'admiration.
Je fuis affûré que vous n'en userez pas ainfi,
vous deviendrez au contraire plus Chrétien
en des Lieux, où le vrai Dieu eft fi peu connû
, & vous le loüerez pour tant de Sauvages
qui ne le connoiffent pas , & pour tant de
Chrétiens qui ne le veulent pas connoître.
Souvenez- vous auffi de donner libéralement
vos Remedes aux Pauvres , enforte qu'ils
fentent par vos bienfaits , que vous êtes au fervice
d'un Roy très- Chrétien , qui eft devenu le
Bienfaicteur univerfel du Genre humain, dans
tous les Pays & dans toutes les Conditions.Je
vous fouhaite les plus heureux fuccès dans vos
entrepriſes , votre vertu les mérite . Je vous
promets de rendre fervice à votre Famille en
tour ce qu je pourrai , & quoique je ne fois
pas trop du monde , je me ferai du monde
pour l'amour de vous . Donnez - moi de vos
nouvelles , & croyez , M. que je fuis , & c.
Je ne doute pas , Monfieur , que vous ne
foyez content & fatisfait de la lecture de
cette Lettre, auquel cas je me propose de vous
en communiquer d'autres fur des Sujets differens.
J'ai l'honneur d'être bien respectueu
sement , Monfieur , & c .
A Paris ce premier Mai 1741.
MAY. 897
1741.
****************
T
SONNE T.
Sur les Calamités publiques.
Out s'arme contre nous , le Ciel, les Elémens j
La Terre ſe refuſe à notre nourriture ;
Les Fleuves irrités dans leurs débordemens ,
A mille malheureux fervent de fépulture.
Quelle inondation ! les plus beaux Bâtimens
Sont ébranlés , malgré leur folide ftructure ,
Et détruits par les flots , jufques aux fondemens ,-
De leurs triftes débris font gémir la Nature.
Dieu puiffant , voudrois-tu de nos crimes divers
Tirer encore vengeance en perdant l'Univers ,
Et punir notre orgueil par un fecond Déluge
Non , ta Juſtice céde aux loix de ta bonté ;
Si dans tes bras ouverts je cherche mon réfuge ,
Dans l'abîme des Eaux je fuis en fûreté.
LB. P. D. R. D L. E. à Senlis
QUES
898 MERCURE DE FRANCE
tett tettet tibet
QUESTION IMPORTANTE..
Dans la Coutume d'Anjou fuffit -il d'avoirvingt
ans accomplis pour difpofer defes
Propres par Teftament ?·
Ette Queftion vient d'être jugée à la
Grand -Chambre , fur l'espece qui fuit..
FAIT..
Le 26: Janvier 1728. le Sr Duchâtel de 12-
Martiniere , Lieutenant de l'Election de Saumur
, épousa Marie-Anne du Verger. Le 28 .
Mars 1730. la Dame Duchâtel , attaquée
d'une maladie mortelle , fit fon Teftament
par lequel elle donna au Se Duchâtel , fon
Mari , tous fes Piens - meubles , Acquêts &
Conquêts immeubles , & le tiers de fes Propres
en proprieté. Elle mourut le 25. Juin
fuivant , dans fa vingt - deuxième année , laisfant
une fille unique , âgée de 4. mois ou
environ..
Le 12. Août de la même année le Sr Du-
Châtel forma fa demande devant le Prévôt
de Saumur , contre le fubrogé Tuteur de fa
fille , & le premier Septembre il intervint
Sentence contradictoire qui entherina la Do-
Nation
Quelque
3
3
MA Y. 1741 . 899
Quelque tems après,la Dlle Duchâtel étant
décedée , Philipe Dannelot de la Vau , fon
héritier , fut affigné pour voir déclarer commune
avec lui la Sentence du premier Septembre.
Au lieu de paroître à cette affigna-
<tion , il fe pourvût en la Sénéchauffée de
Saumur , & demanda que la Sentence de la
Prévôté fût infirmée au chef qui avoit entheriné
la Donation du tiers des Propres.
Le 14. Fevrier 1733. Sentence contradictoire
qui confirma celle du premier Juge, fur
l'apel interjetté au Parlement par le Sr Dannelot
, l'affaire a été apointée au Conseil , &
diftribuée à M. de Salabery , Conseiller.
Les Moyens du Sr Dannelot , héritiery
étoient divisés en deux propofitions. 1 ° . La
Coûtume d'Anjou ne determinant point l'âge
pour Tefter , on doit fuivre la Coûtumé
de Paris. 2 °. L'exiftence de la Dlle Duchâtel
au tems duTeftament & du décès de fa Mere
, doit annuller le don de la pròricté des
acquêts , conquêts , & du tiers des Propres.
Par raport à la premiere propofition , une
Jurisprudence conftante la foûtient, plufieurs
Arrêts célebres ont jugé que dans les Coûtumes
Muettes fur l'âge de tefter , c'eft à celle
de Paris qu'il fut recourir.
Le Journal des Audiences Tome 2. Liv .
Fi. Ch . 4. nous fournit un Arrêt du s . Avril
1672. qui fur ce principe retrancha du Tes-
Cvj tament
$58207
900 MERCURE DE FRANCE
tament d'une fille de 22. ans , foûmise à la
Coûtume de Valois , la dispofition du quart
des Propres , & ne lailla fubfifter celle
que
des meubles & des acquêts.
Le même Recueil Tom. 5. Liv. 2. Chap. 6..
raporte un autre Arrêt décifif : Une fille âgée
de 19 ans & 3 mois , domiciliée dans la Coutûme
de Senlis , qui ne paile point de l'âge
de tefter, avoit fait un teftament au profit de
fon oncle . L'acte fut attaqué par les héritiers.
Feu M. Portail lors Avocat Général , & depuis
Premier Préfident , porta la parole dans
cette caufe ; il obferva que par les Arrêts antérieurs
, & entre autres par celui de 1672 .
la Jurifprudence étoit devenue certaine ,
>
que les bons Auteurs avoient tous étendu
la difpofition de la Coûtume de Paris en ce
point; il ajouta qu'il y avoit occafion de faire
un Reglement qui fixâr pour jamais l'age an
quel on peut tefter dans la Coûtume de Senlis ,
& autres qui n'avoient point de difpofitions expreffes
fur cet oljet. Par l'Arrêt du 31. Janvier
1702. conforme à fes conclufions , le
teftament fut déclaré nul ; & il fut ordonné
que l'Arrêt feroit lû , publié & entregistré au
Bailliage de Senlis , & partout où befoin fe
roit.
Les Auteurs ont embraffé cette Jurifprudence.
Ricard dans fon Traité des Donations,
dit qu'il ne faut plus fuivre le Droit Romain
pour
MAY. 1741:
901
pour établir dans les Coûtumes muettes le
tens de difpofer par teftament , parce qu'à
l'âge de puberté , le teftateur n'a pas affés de
maturité & d'expérience pour donner à des
étrangers au préjudice de fes héritiers légiti
mes.
Boucheul fur la Coûtume de Poirou art.
276. remarque que les raifons de Ricard ont
fait abandonner l'ancienne Jurifprudence , &
ont ramené les fentimens à la Coûtume de:
Paris.
Soefve,Tom . 2. Centurie 4. Ch . 72. raporte
l'Arrêt de 1672. comme une décifion faine
& équitable.
Les nouvelles obfervations fur M. Lourt Let,
T. Somm. 8. & les nouveaux Commentateurs
de la Coût . de Paris prouvent la certitude
de la Jurifprudence par l'Arrêt de 1672 .
& par celui de 1702.
Coquille dans fes queſtions Ch. 228. dir que
dans la Coûtume de Paris il faut 20 ans pour
tefter defes meubles & acquêts , & 25 pour tefter
de fes propress qu'avec grande raifon il a
ré ordonné age de maturi é pour éviter les fuggeftions
, blandices & inductions auxquelles le
jeune âge eft plus fujet ; & que la Coûtume.
de Nivernois n'en difant rien , il eft à propos
de s'aider de celle de Paris.
Ꮼ
Ainfi il ne peut plus y avoir de doute. Le
fieur Dannelot réunit l'avis unanime des Au
teurg
902 MERCURE DE FRANCE
teurs , & la Jurifprudence des Arrêts : quelle
preuve plus folide de fa premiere propofi
tion ?
:
Or , en examinant la Coûtume de Paris ;
nous trouvons dans l'art . 293. qu'il faut avoir
25 ans parfaits pour tefter valablement de ſes
propres la Dame Duchâtel étoit au- deffous
de cet âge , par confequent la difpofition
qu'elle a faite de fes Propres eft nulle.
A l'égard de la feconde propofition , il faut
remarquer que l'art. 21. de la Coûtume
d'Anjou ne permet , Liberis extantibus ,
le don de la troifiéme partie du patrimoine
& des acquêts & conquêts par ufufruit : il
eft donc certain , aux termes de cet article ,
que la difpofition de cetté troifiéme partie
ne peut être faité pour la proprieté .
>
que
Le teftament de la Dame Duchâtel renfer
me non ſeulement la donation de tout le mo
bilier , mais encore des acquêts & conquêts
pour la totalité , & du tiers des Propres
pour en jouir par le Donataire en proprieté
& à perpetuité. -
La Demoiselle Duchâtel fille unique de la
téltatrice , étoit vivente non feulement lors.
du teftament , mais encore au tems de l'ouverture
de la fucceffion . Ces deux circonf
tances raprochées du texte de la Coûtume ,
font fentir que la difpofition eft exceffive , &
qu'elle doit être anéantie.
Voici
M. A Y.
903 1741
Voici les moyens & réponſes du légataire
univerfel.
font habiles à la
& vant & tient
Les fujets de la Coûtume d'Anjou parvenus
à l'âge de 20 ans accomplis , font capables
de tous les actes de la vie civile . C'eft
un point de Droit qui fe juftifie par l'art.
444.... Enfans Coûtumiers , foient fils on
filles , font âgés à 14 ans ,
pourfuite de leurs droits .
Contrat fait avec iceux Coûtumiers agés de 14
ans , en tant que touche leurs meubles feulement
; & pour tant que touche les Contrat‹ por--
tant alienation des chofes héritaux , ils ne font
valables , fans l'autorité de juftice , que jusqu'à
ce qu'ils ayent vingt ans accomplis.
La derniere partie de cet article fe partage
en deux dispofitions, 1 °. Le majeur de 14
ans domicilié en Anjoû , fe trouve habilité .
pour tous les Contrats qui affectent uniquement
les meubles . 2 °. Le majeur de 20 ans
eft rendu capable de toutes fortés de Contrats
, même de ceux qui emportent alienation
de fes immeubles & de fes Propres.
Ainfi deux majorités déterminées par 12
Coûtume , & diftinguées par l'âge & le pouvoir
du majeur . L'une limitée aux feuls actes
mobiliers, acquife à 14 ans; l'autre abſoluë &
parfaite , qui s'étend à toutes fortes de Con--
trats , & qui donne la liberté d'aliéner les
immeubles & les Propres : c'eft celle qui s'ac
quiert à 20 ans accomplis
Sj
904 MERCURE DE FRANCE
Si donc il eft permis au majeur de 20 ans
d'aliéner fes biens de quelque efpece qu'ils
foient , quelle pourroit être la raifon de réduire
cette faculté aux actes paffés entre vifs ,
& de ne pas l'apliquer aux teftamens ? Tous
les cas d'aliénation étant renfermés dans la
difpofition générale de la Loi , c'eft aller contre
fon efprit que d'en excepter les teftamens
qui , par raport aux libéralités qu'ils contiennent
,font de véritables ali'nations. Qui peut
aliéner par Contrat , le peut à plus forte raifon
par teftament: On ne trouvera pas une
Coûtume qui ait inte dit la liberté dễ teſter,
à ceux qu'elle a rendus capables de contracter.
Les Auteurs fotiennent que la majorité
acquife à 20 ans en Anjou , neft point limitée
dans fon pouvoir. Chopin de Legibus
Andium art 444. s'exprime ainfi ? Majori autem
viginti annis lavan ur habena diftrahendorum
contractu fun dorum.
M d'Argentré fur la rubrique du tit . 21 .
dé lá Coût. de Bretagne , ſoutient que les
termes de l'art 444. de là Cotume d'Anjou
annoncent une majorité parfaité ; & que
ceux qui l'ont acquife font capables de tou
tes fortes d'actes .
M. Louet Let. C. Sommaire 42. établit auf
certe majorité ind fnie. Mingon place les
teftamens dans la difpofition générale de '
Part
MAY. 1741 .
905
Part. 444. Voici fes termes : Dic quod tex us
comprehendit omnem fpeciem alienationis , ita
quod dici poffet de emptione , venditione , habet
locum in donatione , legato & datione in folufum.
Dupineau eft du même avis . Sa note premiere
Sur l'art. 276. eft expreffe. Notre Coutume
dit- il , n'a rien dit de l'âge des teftateurs : le
Sommaire de notre ufage eft , que les majeurs de
14 ans peuvent tefter de leurs meubles , & les
majeurs de 29 ans de leurs immeubles , à l'exemple
des contractans , article 444. Poquet
de Livoniere dans fes obfervations fur le mê-.
me art. 444 aplaudit au fentiment de ` upineau
: & la Jurifprudence confirme ces opinion's.
Carondas en fes réponſes Liv. 7. Chap
12. cite un Arrêt du is . Mai ng84 . qui
confirma dans la Coûtume d'Anjou une do
nation faite par une femme à fon mari , de
tous fes meubles & acquêts , & du tiers de
fes propres , quoique la donatrice fùt décédée
avant 25 ans.
Par un Arrêt du 20. Février 1603. le teftament
qu'un nommé Philipe le Mercier avoit
fait à l'âge de 19 ans & trois mois . fut déclaré
nul. Le motif de cette decifion , ainfi
que nous l'apprenons du fecond plaidoyer de
M. Servin , fut que le reftateur foumis à la
Coûtume d'Anjou , n'avoit pû tefter de fes-
›
immeubles
906 MER CURE DE FRANCE
immeubles & de fes propres avant 20 ans accomplis
Par un autre Arrêt du 1o. Mars 1682. if
a été jugé dans la Coûtume du Maine , que
les Demoiselles de Beauregard mineures de
20 ans , avoient pû difpofer par teftament de
leurs effets mobiliers , mais non de leurs immeubles.
Cet Arrêt a fuivi l'Art . 455. de la
Coûtumé du Maine , qui femblable à l'Artícle
444. de celle d'Anjou , permet l'alienation
des meubles après 14 ans , & défend celle
des immeubles avant 20 añs . La Cour a décidé
d'après cet Article , que les Demoiſelles
de Beauregard ayant paffé l'âge de 14 ans ,
avoient valablement tefté de leurs meubles ,
mais qu'étant au- deffous de 20 ans , ' elles
n'avoient pû entamer leurs propres.
*
Après cela il eft aife de répondre aux
moyens du ficur Dannelot. La Coûtume
d'Anjou'ne peut être mife au rang des Coutumes
muettes fur l'âge de tefter. Elle déclare'
valables tous les Contrats paffés par les majeurs
de 20 ans , même ceux qui emportent
aliénation des immeubles & chofes héritaux Le
teftament en lui même eft un véritable Contrat
: ainfi lorfque la Loi s'eft expliquée fur
les Contrats , on ne doit pas dire qu'elle foit
muette par raport aux teftamens .
C'eft inutilement que le fieur Dannelor réelame
la Jurifprudence fixée par les Arrêts
de
MAY. 1747. 907
'de 1672. & de 1702. La regle introduite par
ces Arrêts, & foutenue par les Auteurs cités ,
eft fans aplication ; nous n'avons pas befoin
de recourir à la Coûtume de Paris , puifque:
tout eft décidé par l'Art. 444. de celle d'Anjou.
Le pouvoir de la Dame Duchâtel ne peut
donc plus être douteux ; elle avoit 20 ans
accomplis lorfqu'elle a fait fon teftament , par
conféquent elle étoit en droit de difpofer de
fes propres.
Refte à examiner fi elle a porté fa libéralité
trop loin , comme le foûtient le Sr Dannelot
dans fa feconde propofition.
Heft vrai que l'Article 321. de la Coûrumed'Anjou
ne perimet entre Conjoints , liberis
exiftentibus , que le don de la troificme partie
du patrimoine, & des acquêts & conquêts
par ufufruit. La Dame Duchâtel a donné à
fon mari la totalité de fes acquêts & conquêts
, & le tiers de fes propres en proprieté :-
elle avoit une fille lors de fon teftament , &
cette fille lui a furvécu.
Il faut obferver à cet égard que la Dame
Duchâtel n'avoit prefqu'aucun bien dans la
Province d'Anjou; la plus confidérable partie
des immeubles qu'elle a laiffés , font fituês en
Poitou. Or il s'agit de fçavoir fi elle a pû léguer
la totalité de fes acquêts & conquers, &
le tiers de fes propres en proprieté, quoiqu'elle
cût
908 MERCURE DE FRANCE
"
éût une fille vivante . Nous avons fait voir
que fuivant la Coûtume d'Anjou , elle avoit
acquis l'âge de tefter ; c'est à certe Loi , qui
eft celle de fon domicile , à déterminer fa
capacité. Mais pour fçavoir quelle liberté elle
avoit par raport aux biens fitués en Poitou ,
c'eft certainement fur la Coûtume de cette
Province , & non fur celle d'Anjou , qu'il
faut fe régler.
dir
que
Or l'Art. 209. de la Coûtume de Poitou
le mari peut donner à fa femme , & la
femme au mari , tant par donation mutuelle que
fimple , par teftament ou autrement , tous fes
meubles , acquêts & conquêts immeubles , & la
tierce partie de fes propres en proprieté , foit
qu'il y ait enfans ou non. La Dame Duchâtel
par cette difpofition étoit autoriſée à laiffer en
prop. ieté à fon mari tous les acquèts & conquêts
immeubles , & le tiers de fes propres
quo qu'elle eût une fille de fon mariage , elle
a ufe littéralement de cette permiffion : on
ne peut donc dire par raport aux biens de
Poirou , qu'elle ait porté fa liberalité au - delà
des bornes preferites par la Coûtume.
Ainfi tout l'effet du moyen qu'on tire de
Article 321. de la Coûtume d'Anjou , c'eſt
de réduire la donation à l'ufufruit du tiers des
immeubles fitués en Anjou : Cette réduction
ne peut jamais s'étendre fur les biens de Poi
tou; mais comme les premiers font peu confi
dérables
MAY.
و م و
1741
dérables , & que d'ailleurs le fieur Duchâtel
doit en jouir par ufufiuit , en qualité d'hés
ritier de fa fille , la réduction qui fe fera ne
produira aucun bénefice au fieur Danne
lor .
Sur ces differers moyens expofés d'une maniere
plus étendue dans les Mémoires imprimés
, diftribués de part & d'autre , eft intervenu
Arrêt le 23. Janvier 1741. qui confirme
les Sentences de la Prevôté & de la Sénéchauffée
de Saumur , avec amande & dépens;
& cependant , du confentement du fieur Duchâtel
, réduit la donation à l'ufufruit du tiers
des immeubles fitués en Anjou , fauf à lui à
la faire valoir en entier fur les immeubles fitués
en Poitou , & fans préjudice des droits
qui lui font acquis fur ceux d'Anjou , en qualité
d'héritier immobilier ufufruitier de fa
fille.
M. de Vaujours , Avocat , écrivoit pour le
fieur Dannelot , & M. Caffiot pour le fieux
Duchâtel.
BRE
10 MERCURE DE FRANCE
***
BREDERAC ,
Petite Maifon de Campagne de M. Desforges
Maillard , à Marcus Curius Dentatus
Conful de Rome.
C'Eft à toi, Curia Eft à toi , Curius,auffi grand qu'honnête homme
Grand par l'ame & les fentimens ,
Plus que par la dépenſe & les ameublemens ;
C'eſt à toi , Défenseur de Rome,
Que pour ta modération
Pénetré d'admiration ,
Je dédie aujourd'hui de ma cafe ruftique
La naïve deſcription.
De ton coeur génereux l'abftinence ftoïque ,
Ta fobre magnanimité ,
Dont l'exemple parfait dans d'étroites limites
Refferre la cupidité ,
Firent mépris de l'or que t'avoient aporté
Les Ambaffadeurs des Samnites ,
Qui demeurerent ébahis ,
En voyant Dieu de la le Dieu de la guerre
Retiré fous le toît d'un champêtre taudis ,
Et mangeant dans un plat de terre
Des raves & des falíefis.
11 eft bien plus aiſé d'admirer que de fuivre
Un Heros vertueux qui triomphe de foi ,
Et
MAY.
914 1741.
Et comme il faut toujours quelque peu d'or pour
vivre ,
J'aurois en pareil cas de la peine , je croi ,
Pour être tout - à- fair auſſi ſobre que toi .
Dès
que le doux Printems ranime la Nature ;
Je quitte , gai comme un pinçon
Le Croific , où le tems me dure ,
Pour habiter aux champs une antique mailon ;
Dont la rufticité traça l'Architecture .
Ce petit Caftel dont le nom
Fourniroit à P ** le ſujet d'une Hiftoire ,
S'apelle Bredérac , & fa terminaiſon
Gaillardement en Ac , quelquefois m'a fait croire
Qu'établi par hazard dans le Pays Breton ,
Un Cadet de Gascogne eût été fon Patron.
On voit en arrivant dans ce Manoir fertile ,
Sur le dongeon braqués deux canons , dont le bruit
Ne réveilla jamais la Bergere tranquille ,
Qui jufqu'au chant du Cocq profite de la nuit.
Ces Inftrumens guerriers,dont la bouche à perfonne
Ne dit jamais un petit mot ,
Ne font pas les enfans de l'airain qui bouillonne ,
Mais la famille fage & bonne
De la Coignée & du rabot.
Je voudrois cependant que le bois de Dodone
Leur eût donné naiffance , afin 2.
Qu'ils
912 MERCURE DE FRANCE
Qu'ils fçuffent dire le chemin
Au Paffant , dont la vue à leur afpect s'étonne.
Toutefois on peut voir leur ufage placé.
Muets Simboles du Tonnerre ,
Ces canóns de Forêts pourront en cas de guerre ,
Intimider l'Anglois fur nos Côtes pouffé ,
S'il parvenoit à prendre terre
A travers les écueils & le fable entaffé,
Mufe , allons plus avant , l'ocre vermeil rehauffe
Et montre de loin mon portail ,
Non pour faire entrer mon caroffe ,
Mais la charue & le bétail.
Tel étoit , fi Maron ,me l'a bien fait entendre
Dans fesVers toujours pleins &de moeurs & de fens,
Le portail du Palais d'Evandre ,
Que fon ame égaloit aux Rois les plus puiffans,
L'escalier eft de pierre , & la main maladroite
Du Maffon , dont jadis le goût défectueux
Fit de cet efcalier la rampe trop étroite ,
Sans prévoir de nos jours le goût voluptueux ,
Oblige les Dames de Ville ,
De délier en bas l'attirail inutile
De leurs paniers larges & faftueux ,
Mais belle fans fuivre la mode ,
Toinette , Alix ou Madelon ,
Le
MAY.
1741. 913
Le monte agilement avec fon cotillon ,
Dont le contour modefte au degré s'acommode.
Cet escalier conduit , du portail rubicon ,
Dans une claire Galerie.
La fayance , l'étain , l'échalotte & l'oignon
Sufpendus par paquets , font en toute faiſon ,
Ses Buftes , fes Tableaux & fa Tapifferie.
La cuifine , une chambre , au- deffus un grenier,
Où, dabord qu'il eft nuit , mainte Marte * badine
Danfe le rigedon , capriole & lutine ;
Au-deffous d'un côté le pressoir , le cellier ,
De l'autre l'étable.confine
Aux pénates du Métayer ,
Où , comme dans une coquille ,
A l'étroit , je ne ſçais comment ,
Habite toute la famille ,
A la Perfanne aparemment.
Deux lits , mon pupître , fix chaiſes ,
Une armoire , un bahu de gothique façon ,
Telle eft la chambre où le Garçon ,
Avec le peu qu'il a , de fon mieux prend les aifes,
Mais fans hypothéquer la prochaine moisson.
De deux autres bons lits la cuiſine eft garnie ,
* Efpece de Fouine , commune in Bafe Bretagne.
D Dont
914 MERCURE DE FRANCE
Dont les rideaux fur le Satin
N'étalent pas la broderie ;
Ils font tout uniment d'un cadis gris de lin ,
Dont la foible couleur par le tems s'eft ternis ,
Ou de Bergame raſe , ornement précieux ,
Qui tapissa chés nos Ayeux
La Sale de Cérémonie.
C'eſt dans ces lits délicieux
Que je puis recevoir d'un coeur franc & joyeus
Un fuplément de compagnie ;
Et ma Servante alors , complaifante & polie,
Déloge & va coucher , traverſant le chemin ,
Avec la fille du voiſin.
Au mois d'Août en dinant , je me diftrais la vi
Par ma fenêtre , défenduë
Des rayons
du Soleil , au moyen des reſeaux
Qu'entrelassent les verts rameaux
D'un antique Pommier que le Zéphir remuë ,
Je vois huit Moissonneurs reculer , s'aprocher ,
Leurs fleaux en l'air levés , retomber pêle mêle
En cadence & fans fe toucher ;
Le Bled fe dépouillant de fa tunique frêle ,
Jaillir hors de la paille & bondir comme grêle.
Je lis quelques momens Tite - Live ou Rollin ,
Platon , Séneque , ou la Bruyere ,
MAY
915
• 1741.
Et change tour-a-tour , fur le choix incertain,
Horace avec Rousseau , Virgile avec Voltaire.
De- là, quinze ou vingt pas me menent au Jardin,
Qù les parfums de la Manthe & du Thin
Sont ma cassolette ordinaire.
Comme l'aimable liberté
Et la pure fimplicité
Font ma Philofophie & mon plus cher partage ;
Je n'ai jamais fouffert que des arbres fruitiers
On gênat le libre branchage
Dans les liens des efpaliers ;
Mais bravant, comme moi, le joug & l'esclavage ,
Ils fuivent naturellement
Le caprice divers de leur tempérament.
Cinquante gros Ormeaux couronnant une haye
Sont mes bois de haute futaye ,
Là mes Chardonnerêts ſi beaux ,
Mes Roffignols & mes Linotes ,
Et mille autres jolis Oiseaux
Se donnent des défis fur les tons & les notes.
De-même à l'Opéra par des accords nouveaux
Deux Actrices luxurieufes ,
Je parle de leurs voix , c'eft Boileau qui l'a dit , *
Ce Boileau dont les moeurs étoient fi fcrupuleuſes )
* Sat. X. Vers 34 .
Dij Font
16 MERCURE DE FRANCE
Font entre elles un doux conflit
De cadences mélodieuſes .
Mais de tous mes amuſemens ,
Celui de voir la Mer qui fe calme & s'irrite ,
Me plaît par préférence, & ce fut en tout tems
Ma promenade favorite.
Ma plume fur ces bords aprentive & fans art
Autrefois perfonifiée
Sous le nom de Malcrais , qui fut mufifiée
Traça des fentimens & des Vers au hazard.
Cette tendre Malcrais , dont on prôna la veine
N'eft qu'une Vigne du Domaine
Du très humble Seigneur de ce fimple féjour.
Ce nom féminifé plut à fa fantaifie ,
Sans penfer au Public , ni que fa Poëfie
Dût s'attirer par-là des Partiſans un jour.
Mais qu'ici la Nature à mes yeux femble belle !
Que j'aime ce Ruisseau , dont le cours argenté
Suit fans ambition la pente naturelle
De fon rivage velouté !
Ces Prés & ces Valons differens de verdure
Font voir un mêlange enchanteur
Que ne peut égaler de toute la peinture
Le coloris imitateur .
>
•
Aufi
MAY. 937 17413
Auffi l'un eft du Créateur ,
Et l'autre eft de la Créature.
Après avoir d'abord cotoyé quelques champs
Je passe , en m'occupant d'images agréables ,
A pas tantôt prompts , tentôt lents ,
Du Vignoble à la lande , & des herbes aux fables.
Mon oeil dans le lointain confondant l'onde & l'air ,
Prend la Mer pour le Ciel, & le Ciel pour la Mer ,
Les Rochers où le Soleil donne ,
Pour des nuages lumineux ,
Les nuages obfcurs , pour des Rochers affreux .
Puis , riant de l'erreur qui me charme & m'étonne,
Je diftingue bien- tôt l'un & l'autre Element ,
Qu'avoit à mes regards uni l'éloignement.
Source occulte des Eaux , labyrinthe qui flottes ,
Théatre où regne l'Aquilon ,
O Mer ! ô cercueil d'Ariftote !
De ton flux & reflux l'examen fi profond
Que doit- il mériter à l'attracteur Newton ,
A Defcartes, rangeant maint & maint tourbillon,
Que défenfeur du plein fon cerveau creux fagotte à
Demandez- le à Pluche ? Il répond >
* Ce que nous pouvons avancer hardiment , felon
l'exacte vérité , & conformément au but principal de
cette Hiftoire , c'est que malgré Ariftote, à la honte des
promeffes de Descartes' , felon tous les Modernes les plus
Diij Des
18 MERCURE DE FRANCE
Des Brévets d'Officiers au premier Bataillon
Du Régiment de la Calotte.
Le tranquille plaifir de fçavoir admirer
Eft plus doux que celui de vouloir pénetrer ;
La bonne foi vaut mieux que l'efprit qui radote.
Mais déja le Soleil fe perd
Dans fon grand lit de velours vert ,
Et fe partage en mille Etoiles
A travers les rameaux de ce Pin qui reluit ;
Ah ! quel dommage que la nuit
Envelope fi- tôt les objets fous fes voiles !
Que ce foir l'horifon paroît vermeil & beau
Les Jeux divers de fon Pinceau
Répréfentent dans l'air des Géans , des Armées ,
Des Villages affis fur la croupe des Monts ,
Des Rochers écroulés , des Torrens vagabonds ,
Des Châteaux démolis , des Villes enflammées.
Tandis que parcourant ce fpectacle divin ,
Mon ame bénit & refpecte
L'ouvrier dont le doigt en trace le dessein ;
Je fens que mon chapeau s'humecte ,
fenfés , de l'aveu de Newton même , nous ne cona
noiffons point du tout le fond de la Nature , & que la
Atructure de chaque partie , comme de l'Univers entier,
nous demeure abfolument cachée , &c . Hift . du Ciel,
par M. Pluche , Tom. 2. page 322.
f
1
MAY. 1741 919
Ét que de l'Element Matin
L'impure exhalaifon , dans les airs divifée
Abreuve l'Atmoſphere , & retombe en rofée :
De peur de humer le ferain ,
Je regagne auffi - tôt mon Manoir à la hâte .
Le louper qui s'aprête , en montant me ſaiſit
L'odorat , précurseur d'un avide apétit .
Je trouve ma Servante Agathe ,
Qui tourne un chapon gras à la broche , & toujours
Sçait , Géometre naturelle ,
Pour le cuire en fon jus , mefurer tous les tours.
O toi, de mon pourpris Miniftre universelle ,
Lui dis-je , affis vis- à-vis d'elle ,
Connois-tu le raport de l'oeuvre que tu fais ?
Moi ! je tourne un chapon pour en manger après,
S'il en refte , une cuisse ou quelque moitié d'aîle.
Mais aurois-tu penfé que cette bagatelle
Fût des plus merveilleux objets
Le crayon , le tableau , le fymbole fidele ?
Je ne vous entends pas . Cà donc , écoute un peu;
Ne trouverois-tu pas furprenant & riſible ,
Qu'autour de ce chapon l'on fît tourner le feu ?
Et n'eft-il pas mille fois plus plaufible ,
Qui béfoin a du feu , comme on dit , le cherchant ,
Que ce foit le chapon qui tourne ? assûrément ,
Ce que vous me contez , me paroît fort ſenſible.
Dij Sçavante
20 MERCURE DE FRANCE
Sçavante Agathe , eh bien le cas eft tout pareil ,
Le chapon c'eft la Terre , & le feu le Soleil .
Tu ne doutes donc pas qu'il ne fût malhonnête
Que comme un grand nigaud, le Soleil chaque jour
Tournant & retournant , s'en vint faire ſa cour
A notre chétive Planette ?
Vous me poussez trop loin , & je fuis à quia
N'importe , te voilà bonne Carthéfienne .
Cartouchienne, moi ? que dites- vous ? Non da ;
Je fuis ma foi bonne Chrétienne .
Vous me devez deux ans , je fuis prête à fortir
De votre Brederac , plutôt que confentir
De me rendre Cartouchienne .
Mais j'entends dans la cour aboyer Laridon.
Célimène & Corinne entrent avec Damon .
Soyez les biens venus , vous ,
dont le caractere
Ignore les détours , le fard , la trahison ;
Qu'on joigne à la volaille un gigot de mouton .
Allons cueillir enſemble aux bords de l'onde claire,
Qui ferpente dans ce Valon
Une Salade de Cresson.
Que l'on m'aporte mon Siphon ,
Pour foûtirer au fin la liqueur falutaire ,
Qui depuis trois Printems repoſe en ce flacon ;
Et des chagrins fur tout chassons la troupe amere,
C'eft ainfi qu'écartés dans ce Lieu folitaire
Où le plaifir toujours confulte la raifon ,
>
Délivré
MAY. 1741 .
921
Délivrés des fâcheux, des Grands , du plat Vulgaire,
Qui décide fans goût & par prévention ,
Nous fuivons la Nature , & fans ambition ,
Vivant à peu de frais , nous faiſons bonne chère.
MEMOIRE adreffe aux Auteurs du
Mercurefur un Acte de l'an 1211 auquel
S. Dominique foufcrivit comme témoin.
D
Epuis l'incendie arrivé à Paris à la
Chambre des Comptes , tous les morceaux
qui paroiffent avoir raport au Dépôt de
cette Chambre font plus dignes d'attention .
Il m'en est tombé un entre les mains , qui a
quelque liaifon avec la vie de Ș. Dominique :
je penfai dès le tems qu'elle parût en 1739 .
de l'Edition du R. P. Touron , en envoyer
une copie au R. P. Texte , que le Public
connoît par votre Journal. Mais comine cè
Pere ne laiffe rien échaper de ce que vous
imprimez , & qu'il paroit très attentif à tout
ce qui regarde fon Ordre , foir directement ,
foit indirectement , j'ai crû qu'il fuffiroit dè
lui communiquer cette Piéce par votre canal.
Ceux qui aiment les preuves juftificatives
dans les Hiftoires particulieres, ne feront
pas fâchés de trouver ce petit morceau ,
ils verront l'ufage d'écrire l'Alphabet entre
Dv
oùs
less
922 MERCURE DE FRANCE
les deux copies d'un Acte , qui fe donnoient
aux Parties afin d'en juftifier l'authenticité en
cas de befoin , par le raprochement des deux
Actes à l'endroit où les lettres de l'Alphabet
étoient coupées par le milieu.
,
Le P. Texte y verra que S. Dominique ,
quoique prenant alors la qualité de Chanoine
d'Olma , felon le Pere Touron page
143. figna le dernier après un Moine de
Grandfelve , & un Moine. d'Obazine.
ENREGISTREMENT de l'Acte d'homma
du Comté de Cahors par Guillaume de
Cardaillac Evêque & Comte de Cahors ,
à Simon de Montfort , tiré de la Chambre
des Comptes de Paris .
ge
In nomine Domini noftri JESU CHRISTI.
Amen. Anno ejufdem M. CC. XI. XII Calend.
Julii Epifcopus Cadurcenfis fidelitatem
præftitit Simoni Montis fortis , manus fua imponens
inter manus ipfius , pro eo quod in feudum
Comitatum Cadurcenfem recepit ab illo
ficut ab Raymundo quondam Comite Tolofa &
prædecefforibus fuis tam ipfe quam prædeceffores
fui melius tenuerunt eundem. Ipfe verò Comes
de ipfo Comitatu Epifcopum inveſtivit ,fibi,
fuifque fuccefforibus catholicè fubftitis promittens
fe defenfurum & manutenturum pro poffe
fuo pacem quietam & jura Caturcenfis Comitatus
bonafide. Ut autem hoc bonum robur ha- ·
beat
MAY. 1741. 923
beat & notitiam proprietatis pofteritati futura ,
duo instrumenta per Alphabetum divifa ejufdem
tenoris memorati Epifcopus & Comes inde fieri
præceperunt , quorum utrique uterque fuum figillum
fecit apponi. Altum in obfidione Tolofa
in prafentiâ testium infrà fcriptorum , videlicet
venerabilium Patrum Uticenfis Epifcopi , &
Cistercienfis Abbatis apostolica fedis Legatorum
, Domini Fulconis Epifcopi Tholof. Abbatisfancti
Antonii Appamia , Magistri Thedifii
Canonici Januenfis , Bochardi de Merly ,
Ferrici de Tffeio , Theobaldi de Novavilla
Rétrudi de Monteforti , Philippi de Rupeforti
militum, Raimundi de Caturco , Fratris Aimerici
Monachi Grandis Silva , Nicolai Mo
nachi Obangna , Fratris Dominici Pradicato
ris.
COMPLIMENT fait à M. le Mare
chal de Brancas par les Ecoliers du College
de Nantes , à fon arrivée en cette Ville
dont il eft Gouverneur , au retour des Etats
de Bretagne.
Sur le bruit de votre arrivée , Ur
MONSEIGNEUR , j'ai voulu confulter le Devoir ;
J'étois bien aife de fçavoir
Comment,dans fon ardeur trop long- tems captivée
D - vj
14
924 MERCURE DE FRANCE
Il prétendoit vous recevoir .
BRANCAS revient , lui dis - je , on lui doit un hom
mage :
Cet hommage fans doute eft votre unique objet ;
Comment de fes vertus tracerez- vous l'image ?
Dites-moi fi du Coeur vous prenez le langage
Si l'Esprit avec lui traitera le fujet ,
Et furtout file Goût préfide à votre Ouvrage ?
Oui , répond le Devoir , oui tel eft mon projet ;.
L'Eſprit avec le Coeur fera d'intelligence :
Le Goût fur cela conſulté
Devant eux tiendra la balance ;
Et je pélerai tout au poids de l'Equité .
Ah ! quel triomphe , quand j'y penſe ,
De revoir un Héros à qui la Vérité .
( Douce , mais rare récompenſe )
Peut rendre le tribut d'un encens mérité !
Je prétens de l'ouvrage avoir la gloire entiere,
Oui , faifons par nos foins preffans ,
Que l'Efprit & le Coeur en foient les artifans ,
Les Vertus en font la matiere.
Venez , Efprit brillez , vos traits ingénieux 3
Peindront ce Héros à nos yeux :.
Ménagez la délicateffe ,
Et quand votre pinceau touchera fa Noblee
AVRIL.
925 1741.
Sa Prudence , fa Dignité ,
Jettez fur tant d'éclat , fi vous voulez lui plaire ,
Le voile de fa pieté . 1
La louange trop vaine armeroit la colere ,
Et fon modefte front veut être refpecté .
Par ces mots , que fa voix anime
Le Devoir demandoit uneéloge fublime.
Trop flaté d'un emploi fi beau ,
L'Esprit prépare ſon pinceau :
>
Il commencé . Le Goût furpris de tant d'audace ,
Dans un jufte dépit arrache le tableau :
De quoi vous mêlez - vous , lui dit- il ? eh ! de grace,
L'Efprit peut il donc , quoi qu'il faffe
Nous peindre ce Héros dans le fublime rang
Où l'a mis la grandeur du Merite & du - Sang !
Le peindra-t'il fuivi de la brillante gloire ,
Dont l'ont couronné les Etats ?
C'eſt là qu'il affûroit les droits des Potentats ,
Et regloit les destins d'ün Peuple de la Loire.
Le peindra t'il , comblé de ces honneurs (a) non
veaux ,
Que le Monarque de la France ,
Pour l'approcher du trône & de fa confidence ,
Vient d'accorder encor aux plus nobles travaux de
*Les Etats de Bretagne tenus à Rennes.
(a) LeBâton de Maréchal de France.~
Mi
916 MERCURE DE FRANCE
Miniftre de la Paix , Miniſtre de la Guerre ,
Il fignale & le Coeur , & l'Efprit & le Goût ; ་
Cher aux Peuples , plus cher aux Maîtres de la terre,
Son mérite fuffit à tout.
Nous n'avons pas befoin d'orner cette peinture ,
Ni de nous mettre à la torture ,
Pour tirer quelques nouveaux traits .
Nous l'avons déja peint (5) plein de gloire & d'az
traits.
Mais enfin le Devoir nous demande un ouvrage ;
A BRANCAS s'il faut rendre hommage ,
Le Coeur feul , c'eft mon fentiment ,
Doit fe charger du Compliment .
L'Esprit à cette vive & preffante harangue ,
Au filence contraint la langue :
Pour l'Esprit alors quel tourment !
Mais le Coeur , enchanté d'un triomphe charmant ;
Le Goût me fait honneur , dit - il , d'un air fincere
Et moi feul je fuis néceffaire ;
. Peut -on s'y tromper aisément ?
Car ,foit dit entre nous , Esprit,on vous foupçonne
De prendre le ton d'un flateur ;
Vous avez un art enchanteur
Qui nous met , felon la perfonne ,
(b) Les Mufes da College avoient déja chantéfur co
Bajet &c.
Plus
MAY. 927 1741.
Plus ou moins d'un fard impofteur.
A vos enchantemens on préfere mon zéle
Et pour rendre un fi beau sujet ,
Le Coeur eft le peintre fidele.
Devoir , vous m'entendez : changez votre projet ,
Contentez -vous du Coeur , vous ne fçauriez mieux
faire :
Croiez-moi , je fuis votre affaire
De votre Compliment je prendrai tout le foin
L'efprit fouvent manque au befoin ;
Le langage du Coeur fçait toujours fatisfaire.
Un éloge d'ailleurs , pompeux , hors de faifon ,
Vaut-il un tribut legitime
De refpect , d'amour & d'eftime ?
Le Devoir profitant de l'utile leçon ,
Condamna l'Esprit à fe taire :
Le Coeur fut l'Orateur , le Goût fit l'oraifon ;
J'étois de leurs fecrets l'heureux dépofitaire.
Maintenant , Monfeigneur , vous fçavez le mifters-
Le Goût n'avoit-il pas raifon ?
LETTRE
928 MERCURE DE FRANCE
****************
LETTRE de M. D. écrite à M.l'Abbé Le
Beuf Chanoine de la Cathédrale d'Auxer
re & de l'Académie des Infcriptions & Belles
Lettres.
Ermettez , Monfieur , que je m'acquitte
P quoique un peu tard , de la réponſe que
je vous dois au fujet de l'obfervation que
vous avez faite fur l'origine que j'ai donnée
du nom de l'Empire de Galilée , ou Commu
nauté des Clercs de Procureurs de la Chambre
des Comptes de Paris.
Dans le Memoire Hiftorique qui a été inferé
dins le Mercure de France du mois de
Décembre 1739. Tom. I. j'ai dit p . 2749.
qu'anciennement il y avoit beaucoup de Juifs
qui s'étoient établis dans cette Ville , & qu'ils
s'étoient raffemblés dans certaines ruës . οὐ
ils faifoient commerce de diverſes marchandifes
:• que c'eft de- là que la rue des Juifs
celle de la Vieille- Juifverie , & plufieurs autres
ont pris leur nom : que l'enclos du Palais
étoit un Lieu d'azile où les Juifs vinrent
s'établir avec la permi fion du Concierge du
Palais ; qu'ils occupoint le Lieu où eft la petite
ruë apellée de Galilée , qui côtoye le Bâtiment
de la Chambre des Comptes , & conduit
MAY. 174F 929
duit à l'Hôtel du Bailliage ; que cette ruë fut
ainfi apellée par allufion à la Province de
Galilée , qui faifoit partie de la Palcftine , parce
que cette ruë étoit habitée par des Juifs ;
& peut- être même particulierement par des
Galiléens. J'ai raporté plufieurs anecdotes quí
prouvent que ce quartier étoit habité par des
Juifs , & de - là j'ai conclu que l'Empire des
Clercs de Procureurs de la Chambre des
Comptes a été furnommé de Galilée , parce
qu'ils s'affemblent dans une Chambre qui eſt
du côté de la ruë de Galilée.
Dans l'obſervation que vous avez faite fur
ce fujet , qui eft inferée dans le Mercure du
mois de Mars 1740. p. 476 , vous convenez
que les Juifs ont habité divers cantons de
Paris , mais il eft moins probable , felon vous,'
que le nom de la rue de Galilée ait fait naître
celui de l'Empire , qu'il ne l'eft que ce foit la
chofe , appellée Galilée , qui ayant donné le
nom à la Communauté des Clercs , l'a enfuite
communiqué à la ruë dont il s'agit. Vous
fondez cette opinion fur ce que M. Du Cange
en fon Gloffaire au mot Galilea , remarque
que dans les bas fiécles tout Bâtiment ob-
Long s'apelloit Galilea , que fouvent au
lieu de dire dans la Galerie , on difot , dans
la Galilée ; & qu'il eft naturel de croire que
l'Empire de Galilée a pris fon nom de ce que
La réfidence étoit dans quelque Galerie ou
Sallo
30 MERCURE DE FRANCE
Salle oblongue du Bâtiment de la Chambre
des Comptes , comme il en fubfifte encore
une , dites- vous , dans ce même quartier :
d'où vous concluez que ce n'eft pas l'Empire
qui a tiré fon nom de la rue de Galilée , mais
la rue qui a tiré fon nom de l'Empire.
Je ne crois pas , Monfieur , que par la Galerie
longue & étroite dont vous parlez , vous
ayez entendu un petit Bâtiment , fourenu fur
une arcade qui traverſe la rue de Galilée ; car
ce Bâtiment n'eft pas affés confidérable pour
mériter le nom de Galerie : vous avez plûtôt
eu en vûe le paſſage qui va de l'Hôtel du
Bailliage à la Sainte Chapelle.Mais outre que
ce Bâtiment ne dépend pas de la Chambre
des Comptes , & qu'il n'eft pas contigu à la
petite rue dont il s'agit , c'eft un ouvrage moderne
qui n'a pas plus de 25 ou 30 ans,n'ayant
été fait que du tems de M. de Mefines Premier
Préfident .
Il n'y avoit point de Galerie dans l'ancien
Bâtiment de la Chambre des Comptes fur
tout du côté de la rue de Galilée. Les Officiers
de l'Empire s'affemblent dans la Chambre
apellée le Grand Bureau , qui est encore
actuellement dans la même difpofition qu'el
le étoit avant la réconftruction du Bâtiment,
& cetre Chambre eft plûtôt un quarre parfait
qu'une Galerie.
Au fu plus , on trouve bien dans M. Du
Cang
MAY. 1741..
937
Cange que Galilea fignifioit Galerie , mais
on ne trouve aucun exemple que dans le vieux
Langage François , on ait jamais dit Galilée
pour Galerie ; il eft donc certain que le nom
foit de la ruë , foit de l'Empire de Galilée, ne
vient point de Galerie
Il est au contraire certain que jufqu'au
tems de Philipe le Hardi , il y avoit beaucoup
de Juifs qui demeuroient en divers endroits
de la Cité , tels que la rue de la Juifverie
, l'Ifle aux Juifs , qui étoit dans le Lieu
où eft la Statue d'Henry IV. où ils avoient un
Moulin apellé le Moulin des Juifs, comme le
remarque Sauval en fes Antiq . de Paris , T.
2. Liv.10. p. 529. tit. des Juifveries de Paris.
L'enclos du Palais étoit un lieu d'azile , où
Fes Juifs fe retiroient avec la permiffion du
Concierge du Palais ; une partie demeuroit
dans la petite ruë de Galilée , & c'eſt de - là
qu'elle a pris fon nom ; ce qui acheve de
le prouver , eft que cette même ruë eſt aûſſi
nommée rue de Nazareth. On fçait que Nazareth
eft une Ville de Galil e , dans la Fribu
de Zabulon , & qu'elle eft encore aujourd'hui
la Métropole de Galilée : ainfi fupofé que le
nom de Galilée fût équivoque , le double nom
de Nazareth donné à cette ruë , ne permet
pas de douter qu'elle ait été habitée par des
Juifs , & que c'eft de là qu'elle ait pris fon
nom : elle eſt ainfi marquée , ruë de Naza-
,
reth
32 MERCURE DE FRANCE
reth ; dans le nouveau Plan de Paris , fait par
les ordres de la Ville , commencé en 1734 .
& achevé de graver en 1739. Or,l'origine
du nom de Nazareth donné à cette ruë ne
peut certainement venir que de ce qu'elle
étoit habitée par des Juifs. Une autre preuve
de ce fait fe tire du nom de la petite ruë voifine,
qui conduit de l'Hôtel du Bailliage à la
Poterne ou fauffe porte du Palais , qui donne
fur le Quai des Orfévres. Cette petite ruë a
toujours été apellée ruë de Jerufalem , & porte
encore le même nom , qui tire évidemment
fon origine de la demeure que faifoient les
Juifs dans ce quartier.
Or , ces noms de Jerufalem & de Narareth'
'donnés aux deux petites rues dont il s'agit ,
éclairciffent fuffifamment le fait en queftior ,
& ne permettent pas de douter que le furnom
d'Empire de Galilée ,donné à la Communauté
des Clercs de Procureurs de la Chambre
des Comptes , n'ait été emprunté , du double
nom de Galilée , donné à la petite ruë nommée
auffi Nazareth , qui eft proche le Lieu
où ils tiennent leurs affemblées ; ou peut-être
n'ont ils pris ce titre d'Empire de Galilée ,
que pour faire allufion au nom de la rue de
Nazareth & parce que la Chambre où
ils s'affemblent au premier étage , & qui a
des víës de ce côté là , commande pour
ainsi dire, fur cette ruë , de même que la Vil
,
>,
la
MAY.
1741. 935
Le de Nazareth dépendoit de la Province de
Galilée &c. J'ai l'honneur d'être , & c.
A Paris ce 16. Avril 1741 .
ນ
ODE
htt
Sur les tempêtes & les inondations de 1710.
1741. tirée du Pfeaume 92. Dominus
regnavit &c.
O U fuis-je de quelle puiffance
Dois -je reconnoître les Loix ?
Eft- il un bras dont la vengeance
L'emporte fur le fer des Rois ?
Ah ! je vois. Et mon oeil timide ....
Abaiffe fa paupiere humide
Devant une autre Majesté .
Quelle fplendeur ! quel diadême ! ;
Quel fouverain ! C'eft Dieu lui-même ,
Qui fait fentir fa royauté.
H
Sa force eft la baſe du monde ,
Il fonda (a ) la Terre & les Mers.
C'est à fa fageffe profonde
Qu'eft dû l'ordre de l'Univers ..
Contre les droits de ton Empire
(a) Etenim firmavit orbem terra &e.
Envain
934 MERCURE DE FRANCE
Envain l'homme orgueilleux confpire
Ton Conſeil eſt avant le jour.
Les fiécles ont un premier âge;
Avant eux , avant ton image ,
Dieu , tu regnes dans ton féjour.
*
Tout naît foumis à ta Couronne ,
Tout doit tribut à ta grandeur ;
Et le Mortel au pied du trône ,
Ofe t'oublier , ô Seigneur !
Tu peux faire parler ta foudre ,
Fraper les Rois , réduire en poudre
Ces Dieux qu'endort un faux encens,
Mais , non , réſerve ton tonnerre :
Les Eaux , pour inftruire la terre
Tepeuvent prêter leurs accens.
*
J'entens (a) les fleuves qui mugiffent ;
Leur voix s'éleve dans les airs ;
Leurs flots à toute heure groffiffent ;
Nos plaines font de vaftes mers.
Potentats , Guerriers , Politiques ,.
A ces ennemis domestiques
Opofez vos forces , votre art
·
(a )Elevaverunt flumina , Domine, elevaverunt flu
mina vocem fuam,
Contre
D
MAY.
935
1741
Contre des goutes raffemblées
Quoi , vous n'avez , ames troublées ,
Ni bras , ni confeil , ni rempart ?
*
Terre , referme tes ( a) entrailles ,
Ocean , (b) prête-nous ton fein ..
Périflent , dit -il , vos murailles ,
J'obéis à mon Souverain ;
Dieu m'agite ....Quelle tempête !
Leve pour un moment la tête ,
Peuple effrayé , vois tes vaisseaux :
De ces forteresses flotantes
Entends les troupes mugissantes
Reclamer le Maître des Eaux.
O Dieu , jufte dans ta vengeance ;
Cesse d'affliger les Humains :
Laisse agir pour eux ta clémence :
Sauve l'ouvrage de tes mains.
Les Eaux t'ont rendu témoignage ;
Nous te promettons un hommage.
Auffi durable que le jour .
ja) Des fources extraordinaires fe font ouvertes en
plufieurs endroits .
(b)La mer prodigieufement agitée a paru s'opofer au
dégorgement des Rivieres . Mirabiles elationes maris :
Mirabilis in altis Dominus.
L'Univer
36 MERCURE DE FRANCE
L'Univers eft ton ſanctuaire ;
Que nos coeurs , pour te fatisfaire ,
N'y brûlent que de ton amour.
ELOGE de M. Jean- Baptifte Bazin , Confeiller
au Parlement de Dijon. Par M. L.
A. J.
Ean Baptiſte Bazin , fils de Hugues- Jean-
Baptifte Bazin , nâquit à Dijon le 24. Février
1702. & fit fes études au College des
Jefuites de cette Ville. Né avec des talens
extraordinaires, & une forte inclination pour
les Sciences , les Belles Lettres firent toutes
fes délices. Une Bibliothèque domestique lui
fournit heureuſement les moyens de fe fatisfaire.
Son efprit tout de feu , ne lui permit
point de s'affujettir à l'ordre commun des
claffes ; & ce fut envain que fes Maîtres effayerent
de l'y réduire . Après quelques tentatives
qui ne réuffirent pas , ils laifferent de
tems en tems à leur jeune Eleve la liberté de
fuivre fon génie, naturellement ennemi de la
contrainte.
Durant le cours de fa Rhétorique , il fit de
grands progrés dans la Langue Grecque. IL
ne fe borna pas à cette Langue ; il voulut
fçavoir l'Hébreu , & le fçut bien : en quoi il
furpaffa
MAY. 1741. 937
paffa le grand Saumaife qu'il avoit pris pour
modele , qui n'étudia l'Hébreu que fort.
tard .
A peine eut-il quitté le College , qu'il em-.
braffa avidement toutes les Sciences , & fit ,
de la Critique,le principal objet de fes études,
Son ardeur pour la Litterature ne l'empêcha
pas de fe procurer un établiſſement dans le
monde. Il fut pourvû d'une Charge de Confeiller
au Parlement de Dijon le 20. Juin
1724. La Litterature n'eut pas toujours fujet
de fe plaindre de la Jurifprudence . Le jeune
Magiftrat accoûtumé depuis long - tems au
travail du cabinet , donna à fes études de
goût , fans négliger cependant celles de fa
profeffion , les momens que d'autres croyent
pouvoir perdre. Par ce tempérament il fe perfectionna
dans la connoiffance du Grec & de
l'Hébreu , & . aprit les Langues Italienne ,
Efpagnole & Angloife . Le Public s'attendoit
à recueillir le fruit de fes travaux , lorfque la
mort l'enleva le 18. Juin 1733. dans la 32
année de fon âge , fans avoir été marié.
On voit par les Manufcrits qu'il a laiffés, qu'il
avoit conçû plufieurs deffeins affés vaftes . Il
fe propofoit de donner uneEdition d'Apollodore
, avec des recherches fur toute l'Histoire
Fabuleufe: une Edition de toutes les anciennes
Epigrammes Grecques , une Edition de
Plaute , des Livres ou Fragmens de Caton
&c.
E 11.
938 MERCURE DE FRANCE
Il n'a rien fait imprimer pendant fa viej
mais le Public a vû dans le Mercure de
Décembre 1740. 1. , vol. une de fes traductions
, intitulée , Conciliation de deux paſſages
, l'un de Ciceron , l'autre d'Hirtius , aufu
jet du tems que Céfarpartitpour laguerre d' A
frique , avec un état de la réformation faile
par Céfar de l'ancienne Année Romaine.
La Differtation où l'Auteur réfute les folles
idées de Toland , fur le fujer qui y eft
traité , a encore été traduite de l'Anglois par
M Bazin. En voici le titre.
DISCOURS fur la Colomne de feu & de nuée,
qui conduifit les Ifraëlites dans le Défert.
Je fuis fâché que ce court éloge de M,
Bazin n'ait pû être publié plutôt,
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
d'Avril , font le Verre à boire, le Vigan, Ville
'de Languedoc , & Crane On trouve dans le
premier Logogryphe , Jean , Jule , An , Le
vi , Aigle , Vin , Gain , Vie , Ail , Gale ,
Lia , & Ange. Dans le fecond , Carne,Ran
ce , Ancre , Nacre & Ecran,
ENIGME.
MAY.
939 1741 .
J
ENIGM E.
E ne fuis point Efprit , je ne fuis point matiere,
Que fuis-je donc , Lecteur ? un défaut de lumiere
Que là clarté fait naître , une efpece de nuit
Que la nuit fait mourir , & que le jour produit .
Je peins tous les objets , mais telle cft ma peinture,
Qu'elle fait d'une belle une laide figure .
Sous mon obfcur pinceau tout objet devient no
A midi je fuis jufte , & j'allonge le foir.
Prefque toujours Lecteur , avec toi tu me ménes ,
Soir que tu refte en place , ou que tu te promenes.
Enfin je fuis toujours près de la vérité ,
Quoique tout l'opofé de la réalité.
***
L'AbbéPagés
***********茶茶
LOGOGRYPHE.
Pour fixer tes regards , Oedipe curieux ,
J'abandonne aujourd'hui la maritime rive ;
Prête à mes attributs une oreille attentive ;
Comme un autreProtée,en changeant fous tes yeux,
- J'exercerai ton imaginative.
E ij Femelle
940 MERCURE DE FRANCE
Femelle , fans être animal ,
Huit lettres forment mon total.
Je porte dans mon fein fur la plaine liquide
La volage fille des Mers ;
J'ai dans moi ce Chantre intrépide
Qui reffufcite l'Univers ;
Ces fours qui font de la droiture
Un modele cité fouvent ,
Et qu'on voit aux Tircis , fur la molle verdure ;
Fournir d'un jeu chéri le ſpectacle innocent.
Mon fein va te fournir encore ,
Par l'art de la combinaiſon ,
La trifte Nymphe qui déplore
Dans les rochers,ou dans quelque maiſon ;
La perte de fa raifon .
Le Palais où l'on fert à la
troupe
choifie
Et le Nectar & l'Ambroisie.
Le figne de captivité
Qu'accepta l'animal ( a ) avide
Qu'on vit par un fecours cherement acheté ,
Chaffer d'un pré commun fon rival
Ce que le Silene altéré
trop
timide
Craint tant de rencontrer dans fon tréfor fluide.
Certain coin d'Arabie , ou d'Egypte à ton gré.
L'endroit où l'Athlete fuperbe
(a) Cervus Equum pugnâ melior &c.Horat. Epif
X. Lib. I.
Avec
MA Y. 744
17417
Avec éclat jadis ſignaloit ſa valeur.
Ce qu'on parcourt avec ardeur.-
Un Pronom françois , un Adverbe.
Cette criminelle action
Dont une infâme mort eſt la punition .
De peur que ton efprit , Lecteur , ne m'abandonne,
Adieu , bonjour , auffi pour moi la cloche fonne.
Par M. A. Perrin , Ecolier de Rhétorique ,
Penfionnaire an College de Villefranche , en
Peanjolois .
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
PROSPE
ROSPECTUS d'un Ouvrage Historique fur
la Ville & le Comté de Joigny , par M. le
Beuf Capitaine de Milice Bourgeoife à Joigny.
Les Grecs & les Latins ont fouvent débité
des fables fur l'étimologie des plus fameufes
Villes; la plupart ont tiré de trop loin l'origine
des Peuples dont ils ont écrit l'Hiftoire."
M. Delon , Auteur de l'Arbre Généalogiqu :
des Seigneurs de Joigny , s'eft trompé comme
eux ; l'étimologie qu'il donne à Joigny & à
la Riviere d'Yone , ne paroît pas recevable .
E jij
942 MERCURE DE FRANCE
Ce Sçavant la tire des Ioniens qu'il prétend
avoir pénétré , depuis la fource de cette Riviere
jufqu'à Montereau , au tems que les
Phocéens s'arrêterent fur les côtes de Pro
vence. Pour moi je crois devoir me ren.
dre au fentiment de ceux qui ont fourni des
Mémoires fur cet article à la nouvelleEdition
du Dictionaire de la Martiniere ; ils ne laif
fent pas la liberté au Public de douter. Les
Joniens , qui font venus dans les Gaules.
n'ont jamais été apellés Ioniens , mais Pho
céens, qui étoient un Peuple de l'Afie mineu
re ; en un mot c'eft , à l'exemple de Menage
, dériver Alphana d'Equus , que de dériver
le nom de Joigny , ou celui de la Riviere
d'Yone , des Ioniens qui font venus dans les
Gaules : Cette étimologie ne peut d'ailleurss'accorder
avec l'Infcription trouvée à Auxerre
en 1721. qui nomme la riviere d'Yonme
, Icauna.
L'arrivée des Romains dans les Gaules n'a
pû non plus occafionner le changement du
mot Grec ives. en celui d'Icaunes , qui
eſt conſtamment le nom des Peuples des environs
du Pays , pour l'accommoder à leur
Langue l'étimologie du mot Tonne , vient
du Latin , ou plutôt du Celtique Icauna ou
Egona , qui eft l'ancien nom que portoit cette
Riviere , avant qu'on l'eût,pour ainſi dire,
francifé.
Le
MAY. 1741 . 943
Le Fort que M. Delon dit avoir été bâtì à
Joigny d'un tems immémorial , & qu'il apelle
Arx olimfortiffima Heduorum , ne trouve
non plus aucun fondement dans les Antiquités
des Gaules .
On ne peut guére faire remonter plus
haut la fondation de Joigny , qu'au tems de
Jovinus Préfet dans les Gaules , fous les fils'
de l'Empereur Conftantin , quoique cette
Ville me paroiffe avoir été le Bandritum des
Tables Géographiques de Peutinger : fion ne
trouve point une certitude avérée fur Bandritum
, on doit confidérer qu'il y a deux fortes
de Faits dins Hiſtoire ; les Faits certains
& ceux qui font révoqués en douté : Celuici
peut être mis au nombre des derniers . On
doit auffi faire attention que j'ai travaillé fur
un Pays , au fujet duquel il ne fe trouve que
quelques traits répandus en divers Auteurs
fujer, fur lequel l'Hiftoire générale eft muette
, ou dont elle dit peu de chofes , le Comté
de Joigny étant ce qu'il y a de plus confidérable.
Il avoit autrefois une plus grande
étenduë ; mais il a beaucoup diminué par le
grand nombre de fondations picufes , qui
ont opéré divers démembremens . La Ville
du même nom étoit le chef des Bourgs &
Villages qui la compofoient. Caput Urbium
in boc Comitatu ejufdem nominis ad fluvium
Itaune,
>
E iiij Jo
944 MERCURE DE FRANCE
3
-
,
Je démontre encore que cette Vifle a changé
de place , & que fa premiere fituation
étoit au-deffus de la colline , où elle eft affife
en remontant la Riviere d'Yonne : Cette
opinion m'a paru plus vraisemblable , que
de fupofer qu'il y ait eû autrefois un Fauxbourg
au Levant de Joigny,fuivant l'opinion
vulgaire en l'adoptant , il refteroit à répondre
fur l'analogie du Côteau, apellé Joignyla
- Ville , qui eft toure entiere. Joigny - la-
Ville & Joigny- le - Château a pû être le même
, ainfi que Mailly - la - Ville , Mailly - le-
Château fitué fur la Riviere d'Yonne. Ces
exemples ne font pas rares.
•
Ce que j'ai dit de la filiation , de l'illuftration
& de la fplendeur où ont été les Comtes
de Joigny , eft tout ce qu'il y a d'affûré
de leur vie ; leur Hiftoire qui fait partie de
celle de Joigny eft fondée fur des Chartres ,
fur des Arrêts du Parlement de Paris , ou fur
des titres poftérieurs au tems où ils ont vêcu
, fur leur Chronique , fur differentes autorités,
& fur les témoignages de plufieurs Sçavans
, traits d'Hiftoires imprimées & manufcrites
, & autres preuves dignes de foi. Il en
eft peu dont l'ancienneté & la grandeur des
alliances ayent été égales à celles des Comtes
de Joigny,
Telles font celles de la Princeffe Amicie
de Montfort de Joigny , avec Gaucher Sénéchal
MAY. 1741. 945
néchal de Nivernois ; de la Princeffe Perenelle
avec Pierre de Courtenay , Seigneur
de Conches : l'alliance de Guillaume III.
Comte de Joigay avec Ifabeau de Mello ,
Dame de S. Pris, Maifon confiderable en Picardie
, qui tire fon origine de Dreux XI . du
nom , Signeur de Mello . L'Alliance de
Jean I. avec la Maifon de Mercoeur après la
mort de Beraud X. fon coufin : celle de
Jean II . Comte de Joigny avec la Maiſon
de Brienne, par Agnès de Brienne fille de Hugues
Comte de Brienne , & Duc d'Athènes :
Cette Maifon illuftre a produit unRoy de Sicile,
un Empereur de Conftantinople , Roy de
Jerufalem , trois Connétables de France , &
des grands Officiers de la Couronne; elle tire
fon origine d'Engilbert I.- du nom , Comte
de Brienne qui vivoit en 990. fous le Regne
de Hugues Caper : Il fut fecond mari
de Mantfride veuve de Fromond III. du
•
,
Comte de Sens & de Joigny: d Jeanne
de Noyers ,Comtelle de Joigny avec Charles
de Vallois : l'Alliance de Miles de Noyers ,
Comte de Joigny, & Seigneur d'Antigny avec
Marguerite de Ventadour : Joigny a cu
pourComtes pendant plufieurs fiècles des Seigneurs
de la Maifon de la Tremoille , entre
autres , Gui , Chevalier Seigneur d'Uchon
de la Maifon du même nom , illuftre par fon
antiquité & par fes alliances , laquelle tire
Ev fon
946 MERCURE DE FRANCE
fon origine de Pierre qui vivoit fous Hemy
I. de celle de Châlon Seigneur de Viteaux ,
Marquis de Nefle , fils de Jean de Châlon
IV. du nom , Seigneur d'Arlay , qui fuccéda
en 1393. en la Principauté d'Orange à son
Beau pere : cette Maifon au tems qu'elle poffédoit
le Comté de Joigny , fut alliée aux
Seigneurs de Montgaugier & de Nefle , à la
Maifon d'Alegre , par François d'Alegre ,
Seigneur de Preci , Vicomte de Beaumontle-
Roger & d'Arques , Grand - Maître des
Eaux & Forêts de France , qui eut beaucoup
de part à la bienveillance du Roy Louis
XII. & qui épousa Charlotte de Châlon ,
Comteffe de Joigny , Dame de Viteaux.
›
Le Comté & Ville de Joigny ont auffi
apartenu à la Maifon de Sainte - Maure , une
des plus anciennes Maifons du Royaume : à
la Maifon de Laval , à commencer par Jeande
Laval Comte de Maillé , Vicomte de Broffe
, Baron de Breffuire & de la Mothe - Sainre-
Heraye , Seigneur de Loué : à la Maiſon
de Chandio Seigneurs de Buffy en Bourgo
gue , Chevaliers des Ordres du Roy : à l'il-
Juftre Maifon de Gondi , à commencer à
Pierre de Gondi Evêque , Duc de Langres ,
Cardinal du Titre de S. Silveftre , Comman
deur de l'Ordre du S. Efprit.
Si on ne trouve point leurs articles auffi
étendus que je l'aurois fouhaité , ou que je
me
MAY. 1941. 947
peu
me fois trompé fur quelques Fairs , on peut
m'excufer fur ces premiers tems trop incertains
pour une Hiftoire particuliere : je diftribue
en trois parties le de matieres que
m'a fourni un fonds auffi ftérile ; elles m'ont
manqué en plus d'un endroit , comme dans
la Chronique des Comtes de Joigny.Ce n'eft
pas faute de recherches dans les Archives de
la Ville , dans les Bibliothèques , & dins
les Cabinets des gens de Lettres de la Province
: j'ai confulté des Sçavans refpectables ;
le R.P. Dom Bernard de Montfaucon a bien
voulu m'indiquer 8 ou 10 Manufcrits de fa
Bibliotheca Bibliothecarum nova où l'on trouve
le Catalogue des Manufcrits de toutes les
Bibliothèques de l'Europe. Je dois mettre aut
rang de ces Sçavans M. l'Evêque de la Ravailliere
, Auteur de l'Hiftoire des Comtes
de Champagne cct Hiftorien trouvera dans
le corps de mon Ouvrage une réponse aux
objections qu'il lui a plu de me faire fur la
prééminence des anciens Comtes de Joigny
, qui étoient , comme ceux d'aujour
d'hui , les Doyens des Pairs & Comtes de
Champagne , même dans le tems que cette
Province avoit des Comtes particuliers pendant
environ quatre fiécles , à commencer
aux Enfans d'Hebert de Vermandois , jufqu'à
ceux de Philipe le Bel , qui furent en-
Core Comtes Souverains particuliers de la
Champagne .
Evj
Je
948 MERCURE DE FRANCE
.
Je n'ai pas fuivi laChronologie
des Comtes
de Joigny, par David Blondel , Hiftoire des
Généalogies
de France , Tom. 2. Table 945
elle ne m'a paru , ni affés claire , ni affés circonftanciée
; en effet qu'aprend - elle ? tout
au plus les noms des Comtes de Joigny , le
tems où ils ont vêcu , l'époque de leur décès
, dont la plupart font autant d'Anachronifmes.
Il vaut mieux fuivre l'Hiftoire Généalogique
des Maifons de Courtenay
, de
Colligny. Les Mémoires de M. Delon font
peu exacts ; & parmi ceux que j'ai employés
pour Piéces juftificatives
, il fe trouve un affés
grand nombre de fautes , furtout dans les
dates. Ce qui m'a été le plus à charge dans
cet Ouvrage , c'eft la difette des matiéres
dont l'abondance
fait ordinairement
l'embarras
d'un Hiftorien : je n'ai rien oublié
pour le rendre fuportable
, & cette difette
ne m'a point tenté d'y admettre des minuties
, par refpect pour le Public , telles que font les Cenfives
& autres Droits Seigneuriaux.
La feconde Partie eft celle à laquelle
j'ai employé plus de tems , quoiqu'elle
ait
éte tracée par plus d'un Sçavant. Le Manufcrit
de M. Delon , à qui on eft redevable
de la Chronique
Latine des Comtes de Joigny
, m'a fouvent préfenté des difficultés
dans le choix que j'avois à faire ; c'eſt une
fuite non interrompuë
de Seigneurs
d'une
>
même
MAY. 949 1741:
même Terre , à qui elle a apartenu durant
près de huit fiécles.
La vérité qu'exige l'Hiftoire , m'a auffi engigé
à faire plufieurs remarques fur les Ecrits
de ceux qui ont fait des recherches fur les
Antiquités du même Pays.
J'aurois fouhaité rendre la collection
des Memoires Hiftoriques de ma troifiéme
Partie plus ample , cependant je n'ai pas
crû devoir y joindre ceux qui fe font trouvés
au- deffous d'un certain mérite. J'ai eu
foin auffi d'apuyer de Piéces juftificatives
les endroits de mon Livre qui m'ont parû
en avoir befoin , lefquelles preuves j'ai citées
par des chiffres en marge , pour y renvoyer ,
afin d'être moins à charge au Lecteur.
ME'THODE pour aprendre à lire le François
& le Latin, par un Syſtême ſi aifé & fi naturel,
qu'on y fait plus de progrès en trois mois
qu'en trois ans , par la Méthode ancienne &
ordinaire; contenant auffi un Abregé des Sons
exacts de la Langue Françoife , les differentes
dénominations&variations des Lettres & leurs
ufages ; un Traité des Accens & de la Ponctuation
, Ouvrage utile principalement aux
Etrangers qui veulent parler & écrire cette
Langue correctement , avec des Reflexions
fur la Méthode du Bureau Typographique ,
& un Plan nouveau d'une Ortographe facile,
abregéc
o MERCURE DE FRANCE
abregée & réguliere . A Paris , chés Charles
Moette , ruë de la vieille Bouclerie , à S. Alexis
, Gandouin , l'aîné , Quai des Auguſtins ,
à la Bible d'or , la veuve Piffot , Quai de
Conty , & Nicolas le Clerc , Grand'- Salle du
Palais , à la Prudence , 1741 .
Cet Ouvrage eft divifé en quatre Parties .
La premiere contient une Préface , où l'on
déinontre les défauts de l'ancienne Méthode
pour aprendre à lire ; les qualités de la nouvelle,
& où l'on donne en abregé la maniere
d'enfeigner les Enfans.
La feconde renferme les principes de cette
Méthode , pour la pratique des Enfans , fa
maniere d'épeller, avec une explication courte
de ces mêmes principes.
Dans la troifiéme , on donne un Difcours
fur toutes les Lettres , chacune en particulier,
fur les Syllabes , les Mono - fyllabes , les Disfyllabes,
les Triffyllabes, les Poly -fyllabes , les
Diphtongues , les Triphtongues , & les Tétraphtongues.
On trouve dans la quatrième un Traité des
Accens & de la Ponctuation ; une obfervation
fur la lecture du Latin ; un abregé de la
Quantité ; la définition des neuf parties d'O
raifon qui compofont le Difcours , avec un
Exemple des Déclinaifons & des Conjugaifons.
A la fuite de cette quatrième Partie
FAuteur a ajoûté un Recueil de plufieurs
mots
MAY. 1741.
951
mots équivoques dans la prononciation &
dans la fignification , dont la plupart fe
diftinguent par l'écriture. Ce Recueil nous a
parû très -utile à tous ceux qui veulent écrire
correctement. L'Auteur y range fous un même
point- de - vûë grand nombre de mots
équivoques, & vis - à- vis chaque möt, y place
une phraſe pour exemple, ces phrafes font même
fouvent hiftoriques, deforte que le Disciple
enretire plufieurs avantages tout à la fois.
L'Auteur a joint à la fin de ce même Traité
des Reflexions fut la théorie & fur la pratique
de la Méthode du Bureau Typographique
; & un Plan nouveau d'une Ortographe
facile , abregée & réguliere , par raport aux
vrais fons des Lettres , & aux fons renfermés
dans les mots , qui ôte les difficultés de l'ancienne
Ortographe , & qui en écartant toutes
les lettres inutiles , réduit à écrire ,
comme on parle.
Tous les Principes contenus dans cet Ouvrage
, fi on en excepte le Plan nouveau
d'Ortographe , nous ont parû parû fondés fur les
Principes reçûs des plus habiles , expliqués
d'une maniere très - claire & très- abregée , &
enfin ils ne peuvent être que très-utiles.
L'Auteur nous aprend que ce Livre n'eft
qu'une refonte de l'Ouvrage de feu fon Pere,
qui avoit déja été imprimé dès l'année 1719.
On voit auffi dans l'Avertiffement qui eft
2.
952 MERCURE DE FRANCE
à la tête de ce Livre , le fuffrage de M. l'Ab
bé Goujet dans fa Bibliothéque Françoile, &
celui de nombre de Sçavans du premier ordre,
touchant l'Ouvrage du Pere de l'Auteur,
ce qui nous confirme beaucoup dans l'opinion,
que nous avons que ce Livre fera trèsutile
au Public.
Ce Livre n'a
pour titre que ,
Méthode pour
aprendre à lire, & c.cependant il peut tenir lieu
d'une excellente Grammaire Françoiſe raiſonnée
; & des Parens qui n'ont pas étudié , peuvent
, avec le fecours de ce petit Livre, enfeigner
eux-mêmes non - feulement à lire à leurs
Enfans en troi ou quatre mois , mais encore
leur donner les premiers Elemens desLettres.
Le Plan nouveau d'Ortographe nous paroît
fondéfur la vérité & fur la raifon ,mais comme
il heurte de front toutes les Méthodes , nous
avons de la peine à croire qu'il puiffe s'établir
fi -tôt;auffi l'Auteur convient il lui -même qu'il
n'a point prétendu établir uneLci ; cette derniere
Partie de fon Ouvrage en paroît détachée,
& n'eft là que pour fatisfaire les Curieux.
Il feroit cependant à propos que ce Syſtême;
d'Ortographe fût goûté & qu'il pût s'établir,
il eft conftant qu'il épargneroit beaucoup de
difficultés ; mais nous croyons que l'ufage
qui eft le tyran des Langues & de l'Ortographe
, s'y opofera long- tems.
Toutes les Perfonnes de goût à qui ce nou-
1
vel
MAY. 953 1741.
i
vel Ouvrage a été communiqué, en ont parâ
extrêmement fatisfaites ; le Plan en eft certainement
utile , en ce qu'il tend à perfectionner
, & fur tout à abreger , circonſtance
très-effentielle en matiere d'éducation . A l'égard
de la maniere dont ce Plan eft exécuté,
les Lecteurs en jugeront par eux- mêmes,& fi
ils n'ont point de préventions antérieures, ou
qu'ils foient capables de s'en délivrer, ils fen---
tiront bien- tôt qu'elle eft d'une main auffi
habile , qu'attentive.
*
Outre les fautes qui font dans l'Errata du
Livre que nous annonçons , l'Imprimeur
en a encore laiffé paffer plufieurs dont on
on ne taxera pas certainement l'Auteur ; les
voici.
Page 49. ligne 24. les une , lifez , les unes,
Page 112. ligne 14. s'en s'embaraffer , lifez ,
fans s'embaraffer. Page 154. ligne 11. fans la
dictée , lifez , fous la dictée .
REFLEXIONS
A la
SUR L'OPERA
Brochure in- 12 . contenant 104. pages.
Haye, 1741. chés Jean Neaulme , & fe vend
à Paris , chés la veuve Piffot , Quai des Au
guftins.
La Mufique , dit l'Auteur , n'a bonne grace
qu'à peindre des mouvemens , ainſi l'Art du
Poëte eft de mettre tout en mouvement , s'il
eft poffible , jufqu'à l'expofition niême du
Sujet ;
$54 MERCURE DE FRANCE
Sujet ; après quoi l'Auteur fait une espece de
parallele de la Tragédie proprement dite
avec la Tragédie mife en Mufique , qu'on
apelle OPERA ; & par un détail qu'il feroit
ici trop long de raporter , il trouve la derniere
confiderablement plus difficile à faire ;
de-là il paffe à la Mufique & à la Danfe, c'eſt,
dit l'Auteur , la parfaite intelligence de ces'
deux Parties ,qui eft le plus capable de former
& d'embellir un Opera au point où il le doit
etre ; encore une chofe qui lui paroît la plus
importante pour le fuccès d'un Opera , c'eft
le choix du Sujet ; pour qu'il foit beau à la
maniere qu'il le defire , il veut qu'il foit tendre,
paffionné, gracieux , parce que les fonds
gracieux ont , felon lui , un plus grand raport
de convenance avec nous , & que d'ailleurs
la Mufique s'y exerce avec plus d'avantage.
Comme la Mufique eft pour ainfi dire l'ame
de l'Opera, l'Auteur entreprend de fixer l'espece
de Mufique qui lui fied , & il eft aifé de
deviner que c'est celle de Lulli qu'il donne
pour modele,
On trouve là un Eloge magnifique de la
mélodie , où fans condamner l'harmonie, on
repréfente que n'étant faite que pour accom
pagner & foûtenir la mélodie , il eft fort mak
qu'elle travaille continuellement comme elle
fait aujourdhui à l'étouffer. Après ces remontrances
, l'Auteur traite des autres Parties "
qui',
ΜΑΥ. 1741 955
qui , de concert avec la Poëfie & la Mufique,
doivent concourir à former le total de l'Opera.
Ici l'Auteur fe plaint du peu d'intelligence
qui eft ordinairement entre elles , & c.
blâme le trop d'extenfion qu'on donne aujourd'hui
à la Danfe , demande aux Acteurs
une action plus vive & plus naturelle . Enfin
il parcourt tous les défauts de l'Opera , défauts
, qui bien corrigés , feroient, felon lui,
de ce Spectacle , finon le plus touchant , du
moins le plus magnifique & le plus propre
amufer & à plaire .
On doit fçavoir gré à l'Auteur d'avoir esfayé
de donner une idée juste & nette d'un
Spectacle fi fuivi , fi peu connu , & qui fait
tant de tort aux autres ; l'Auteur cherche les
raifons de la préference qu'on lui donne.
Comme nous ne donnons ici qu'une idée de
L'Ouvrage , nous confeillons au Lecteur d'y
aller contenter fa curiofité. Il fuffit de dire
que c'eft le fruit des amuſemens d'une plume
refpectable , depuis long- tems connuë
du Public pour les excellens Morceaux qui
en font fortis ; nous efperons que celui - ci ne
fera
pas le dernier , quoiqu'en dife une petite
Préface de cette Brochure qui met l'Auteur
au nombre des Morts , nous croyons qu'iln'eſt
pas encore tems de le regretter.
PROJET de l'Etabliffement d'une Imprimeric
956 MERCURE DE FRANCE
merie Royale à Berlin , dreffé & imprimé à
Paris , par C. F. Simon , fils , Imprimeur- Libraire
, rue de la Parcheminerie , avec une
Epitre Dédicatoire au Roy de Pruffe. On y a
ajoûré le Tarif de ce qui eft néceffaire pour
Pétabliffement de cette Imprimerie Royale à
Berlin , jufques & non compris l'embarquement
au Havre de Grace , 1741. in -folio ,
forme d'Atlas.
TRANSACTIONS PHILOSOPHIQUES de la
Societé Royale de Londres , années 1731. &
1732. traduites par M. de Bremond , de l'Académie
Royale des Sciences. Ce nouveau
Volume , qui eft le quatriéme depuis que la
Traduction eft commencée , eft chargé de
feize Planches , fans compter les Vignettes ,
les Lettres grifes & les autres ornemens. 11
contient plus de 700. pages , eft enrichi de
beaucoup de Notes, & eft extrêmement bien.
imprimé , à Paris , chés Piget , Libraire ,
Quai des Auguftins .
HISTOIRE de Caraufius , Empereur de la
Grande- Bretagne , Collegue de Dioclétien
& de Maximien ; prouvée par les Médailles,
où par occafion il eft parlé de la Guerre des
Bagaudes fous la conduite d'Amandus , leur
Empereur. A Paris , de l'Imprimerie de Jacques
Guerin , Quai des Auguftins , 1740.
inMAY.
174.1. 957
in-4.Onytrouve auffi desRecherches fur l'origine
des Bagaudes ; une Differtation fur la
Patrie, l'origine, la Famille & les defcendans
de Caraufius , Empereur Romain , qui a regné
dans la Grande - Bretagne au tems de
Dioclétien & de Maximien Hercules , fes
Compétiteurs dans l'Empire Britannique.Cet
Ouvrage , qui eft dédié à Milord Carteret ,
Viceroi d'Irlande , eft enrichi de . Médailles ,
de Vignettes & de Lettres grifes. On trouve
au commencement le Portrait de Caraufius .
Le Sr Montalant, Libraire à Paris , Quai des
Auguſtins , donne avis au Public qu'il a reçû
de Hollande , & qu'on trouve chés lui les
XIII. & XIV. Volumes des Mémoires de
Lamberti , avec la nouvelle Edition de Rabelais
, en 3. Volumes in - 4° . à laquelle on a
ajoûté de nouvelles Notes de M. le Ducha ,
& celles de la Traduction Angloise de M. le
Moreux , avec des figures magnifiques de
Picart.
DISSERTATIONS fur l'Hiftoire Eccléfiaftique
& Civile de Paris , fuivies de plufieurs Eclairciffemens
fur l'Hiftoire deFrance ParM.l'Abbé
Lebeuf, de l'Académie Royale des Infcriptions
Belles- Lettres. Tome fecond. A Paris ,
ruë S. Jacques , chés Lambert & Durand.
Quoiqu'il n'y ait dans ce Volume que trois
Diflerta958
MERCURE DE FRANCE
Differtations qui , proprement ne regardent
que la Ville de Paris , à en juger par leurs titres
, on trouve cependant répandus dans le
même Ouvrage diférens points Hiftoriques ,
qui concernent la même Ville , parce que
le milieu du Livre & la partie qui en eft la
plus confidérable , contient l'état des Sciences
telles qu'on les cultivoit à Paris aux XII.
& XIII. fiécles , & qu'il y a en divers endroits
de ce Recueil des Morceaux, qui peuvent
fe raporter à l'Hiftoire de la même Capitale.
-
Il paroît que M. l'Abbé Lebeuf n'a regar
dé comme une matiére importante la Question
qu'il traite au fujet de l'Eglife de Saint
Germain l'Auxerrois , que parce qu'il s'eft
trouvé compofer fon Ouvrage dans l'année
même que cette Eglife eft devenue l'objet de
l'attention de tout le Royaume. Il n'a pas
entrepris d'écrire fur ce qui regarde la Ques- ·
tion de l'union de cette Eglife . Cette matié ..
re fait le fujet de plufieurs Mémoires qui font
répandus dans le Public , mais il s'eft borné
à
prouver dans l'Ecrit qui eft à la tête de ce
fecond Tome , que c'eſt S. Germain , Evêque
d'Auxerre , qui dans l'ancien tems a été
confideré comme le feul ancien & véritable.
Patron de cette Eglife , & non pas S. Vincent
, Martyr d'Espagne. Sauval avoit déja
touché quelque chofe de ce fentiment, mais
M.
MAY. 1741 . 9.5.9
M. Leb. en aporte quantité de nouvelles
preuves ; il en ajoûte même jufque dans le
Suplement qui eft à la fin de ce Volume. Il
fait faire attention à la maniere dont les Parifiens
reçûrent ce S. Evêque , paffant dans
leur Ville , à diferentes circonftances qui regardent
Sainte Genevieve , & fur tout aux
Eulogies ou Préfens de dévotion , qu'il charfon
Archidiacre de lui envoyer , & qui gea
furent depuis regardées comme de vraies
Reliques , & confervées dans le Tréfor de
l'Eglife de Paris.
que
Autant M. l'Abbé Leb . paroît apuyer
le fentiment avancé par Sauval en faveur de
L'antiquité du Titre de S. Germain à l'exclufion
de celui de S. Vincent , par raport à l'Eglife
de S. Germain l'Auxerrois , autant il
s'aplique à détruire ce que le même Sauval a
écrit contre l'exiſtence de S. Landry , Evê
que de Paris. M. Leb. demeure d'accord
que cet Evêque n'a été honoré d'un culte fo
lemnel , que plufieurs fiécles après la mort,
mais ce culte , quoi que récent , en compaaifon
de ceux de S. Denis , de S. Marcel
de S. Germain , autres Evêques de Paris ,
n'en eft pas moins réel , & fupofe qu'il y
avoit un Landry , réputé Evêque de Paris
inhumé dans l'Eglife de S. Germain l'Auxerrois.
Il est vrai que l'Hiftoire de fa vie a été fujette
:
960 MERCURE DE FRANCE
M:
jette à plufieurs variations , c'eft ce que
L. dévelope d'une maniere très- claire ; mais
il n'en eft pas moins certain qu'il a vêcu au
VII . fiècle , quoiqu'on ne puiffe pas affirmer
que tout ce qui porte le nom d'un Landry
Évêque François , apartienne à l'Evêque de
Paris. L'Auteur fait connotre par les Bollandiftes
& par d'autres Autorités un S. Landry
qui , vraisemblablement , fut fur la fin
du VII . fiécle Evêque Régionaire , ou Core
vêque dans le voisinage de Lagny fur
les limites des Diocèles de Paris & de
Meaux , & auquel il faut attribuer la Dédicace
des Formules ramaffées par le Moine
Marculfe . Voilà pour ce qui regarde l'Hiftoire
Eccléfiaftique de Paris , un abrégé de ce qui
fe lit dans le nouveauTome de notre Auteur.
Cette feconde Differtation eft fuivie de Piéces
qui regatdent faint Landry , & d'une autre
qui concerne le Territoire de S, Germain &
de plufieurs autres anciennes Bafiliques de
Paris.
و
La troifiéme Differtation contenue dans ce
même Voluine nous aprend l'ancien nom
de la Montagne voifine de Paris , qui porte
aujourd'hui le nom de Bellville. L'Auteur
y prouve que nos Rois y ont eu autrefois un
Château , dont ils ont diftribué le territoire
à diverfes Eglifes . Cette Montagne s'apelloit
SAVIES , & c'eft probablement là qu'ont été
battuës
MAY. .1741 .
961
battues certaines Monnoyes fur lefquelles
on lit SAVE. Le nom de Poitronville & de
Belleville ont enfin fait éclipſer celui de Save
ou Savie,lequel n'eft plus donné qu'à un Hồ-
rel ou Ferme confidérable dépendante du
Prieuré de S.Martin des Champs, à l'entrée du
Village de Belleville , du côté de la Courtille.
Dans la quatrième Piéce M..Leb. fait connoître
la fituation du Palais apellé Juviniacum
, dans une ancienne vie de S. Arnoul , &
le place proche Soiffans furla Voye Romaine
qui menoit à Condrain ; c'eft Juvigny ,
dont la Diplomatique n'a fait aucune mention.
Il y joint la Notice du Palais qui devoit
être à la Morlaie entre Luzarches &
Chantilly , Palais également inconnu dans
la Diplomatique. L'Auteur finit en attri
buant au Palais de Maflay , proche Sens ,
plufieurs circonstances hiftoriques, que d'autres
ont crû pouvoir apliquer à un Palais
proche Toul.
Ces quatre morceaux font fuivis d'une Remarque
qui éclaircit un Point Géographique
du Diocèfe de Laon , à l'occafion d'une
ancienne Chanfon Latine faite.du tems du
Roy Robert ; puis on trouve des Chroniques
de France en Vers François , depuis
l'an 1214. jufqu'à l'an 1296. , accompagnées
de Remarques ; ce qui nous méne à la page
156. F こ
962 MERCURE DE FRANCE
156. au - delà de laquelle nous ne pouvons
pas nous étendre dans cet Extrait , la Dif
fertation fur l'état des Sciences en France ,
depuis le Roy Robert jufqu'à Philipe le Bel ,
faifant avec fon Suplément les deux tiers du
Volume .
On trouve chés les mêmes Libraires
REFLEXIONS fur la Religion Chrétienne
in 12.
THEODORET , Evêque de Cyr de la Providence
, in 8°. chés les mêmes , & la veuve
Alix.
L'ORTHOPEDIE , ou l'Art de prévenir & de
corriger dans les enfans les difformités du
corps , par M. Andry , in 12. deux Volu
mes , avec Figures.
DE LA GENERATION des Vers dans le
corps de l'Homme , par le même , deux
Volumes in 12. avec figures.
LETTRES fur les Maladies qui ont regné en
Italie pendant la derniere Guerre , par M.
Dezon , Médecin , 1. Volume in 12.
'NOUVEAU CALENDRIER perpétuel , fuivant
les Hypotheses Julienne &Grégorienne,'
contenant des Inftructions Chronologiques,.
Aftronomiques , Aftrologiques &c. avec l'art
de fortifier , d'arpenter & de réduire toutes .
les efpéces de bois d'oeuvre , & un Catalogue
MAY. 1741.
963
gue des plus célébres Hiftoriens qui ont traité
de l'Antiquité , avec un petit Sommaire
de leurs Ouvrages , fuivi d'un Traité affectif
à l'Hiftoire , au Commerce & à la Banque
de differens Etats de l'Europe , le tout
conclu par de fages maximes pour la pratique
& l'usage , enrichi de figures & cartes
en Taille-douce &c. Brochure in 12. de 267
pag. fe vend à Paris chés Mefnier Libraire-
Imprimeur rue S. Severin au Soleil d'Or , ou
en fa Boutique, Grand' - Salle du Palais, 1741 .
>
HISTOIRE ROMAINE DE TITE - LIVE , traduite
en François , avec les Suplémens de
Freinshemius , dédiée à Monfeigneur le
Dauphin , par M. l'Abbé Brunet , Tome I.
à Paris , chés Prault pere , Quai de Gêvres ,
la veuve Brocas , rue Saint Jacques , & G.
F. Quillan , rue Galande, Vol. in 12. d'environ
600 pages , 1741. Ce premier Tome
commence par une Epitre Dédicato re , qui
donne une idée très - avantageule du ftile élégant
de l'Auteur , & contient la traduction
des trois premiers Livres de Tite Live . On
pourra juger par ce commencement , combien
il eft avantageux pour le Public que l'Auteur
conduife l'Ouvrage à la perfection.
NOUVEAUX AMUSEMEMS DU COUR ET
DE L'ESPRIT. Ouvrage Périodique , Tome
Fij VIII.
964 MERCURE DE FRANCE
VIII. eft en vente à Paris chés la veuve Pif
fot , Quai de Conty , à la defcente du Pont-
Neuf, & chés Urbain Conftelier , Quai des
Auguftins près la rue Gît- le-Coeur , in 12 .
d'environ soo pages, imprimé fur du papi
fn. Le prix eft de trois livres.
•
Le morceau le plus intéreffant &
plus ferieux de ce nouveau Tome , eft Un
Dialogue fur le Coloris , Ouvrage manu
fcrit de feu M. Noël Coypel , Directer'r
des Académies de Peinture & de Sculpti
re de Rome & de Paris , qui peut autan
fervir aux Elèves de Peinture , qu'à la répustation
de fon Auteur. Ce Dialogue , dure
cinquantaine de pages , perdroit trop à être
abrégé . La conversation roulé entre Damon
& Pamphile. Je vois bien , dit Pamphile,
page 309. que vous n'avez jamais fait réfle
xion fur ce que c'eft que la Peinture, & que
vous ne fçavez pas qu'on la définit , un Arr,
gui , par le moyen de la forme extérieure &
des Couleurs , imite fur une fuperficie plate
yous les objets qui tombent fous le fens de 1.
vûë...... Si vous y prenez garde YOU
verrez que le Coloris eft non - feulement une
partie effentielle de la Peinture , mais encore
qu'il eft fa difference , & par conféquent 1
Partie qui fait le Peintre ; de même que 11
raifon , qui eft la difference de l'homme , ef
ce qui fait l'homme .
›
?
E
MA Y. 1747: 965
Et que deviendra le Deffein , reprit Damon
? Le Deffein , repliqua Pamphile , tient
fort bien fa place , puifque c'eft une partie
effentielle de la Peinture , & fans laquelle la
Peinture ne sçauroit fubfifter non plus que le
Coloris ....
Je conviens , dit Damon page 311. quele
Deffein fe communique à plufieurs fortes
d'Arts ; mais ne pourroit- on pas dire que la
Couleur fe communique aufli de la même
maniere, & que les Tapiffiers & les Teinturiers
s'en fervent auffi bien que les Peintres?
Pour l'ouvrage des Tapiffiers , répliqua
Pamphile , je ne trouve pas qu'il soit different
de celui dès Peintres. Les Tapilliers représentent
, comme les Peintres , les couleurs
& les formes qui font dans la Nature .
Leurs couleurs font attachées aux laines , &
celles des Peintres aux terres ou aux minéraux
qu'ils employent ; & cette difference de
matiére , comme vous fçavez , n'eft jamais
effentielle . Pour l'objection des Teinturiers
vous pouviez bien vous paffer de me la faire
, & de mettre en compromis les Peintres
avec les Teinturiers : Néanmoins il faut vous
fatisfaire.Il eft vrai que les Teinturiers entendent
quelque chofe aux couleurs , mais non
pas au Coloris dont il eft ici queftion . On
apelle fouvent du nom de Couleur la partie
de Peinture , qui s'apelle Coloris. L'usage en
Fiij eft
966 MERCURE DE FRANCE
eft assés ordinaire ; & cette équivoque vous
a fait faire l'objection des Teinturiers . Cependant
il y a grande difference entre Couleur &
Coloris : & je vous ai fait voir que le Coloris
n'étoit point ni le blanc , ni le noir , ni le
jaune , ni le bleu , ni aucune autre couleur
femblable , mais que c'étoit l'intelligence de
ces mêmes couleurs , dont le Peintre fe fert
pour imiter les objets naturels , ce que n'ont
pas les Teinturiers .
›
Cependant , reprit Damon , vous m'avouerez
que le Deffein eft le fondement du Coloris
, qu'il le foûtient ; que le Coloris en
dépend , & qu'il ne dépend pas du Coloris
, puisque le Deffein peut fubfifter fans le
Coloris , & que le Coloris ne peut fubfifter
fans le Deffein & c.
On a réimprimé dans ce Volume les Paradoxes
Littéraires fur la Tragédie d'Inès de
Caftro , fuivis des Anti - paredoxes . Ce font
deux critiques vives d'un Poëme qui , malgré
fes défauts prouvés & reconnus , fait
toujours une impreffion fenfible , toutes les
fois qu'on le remet au Théâtre.
Parmi les Odes , il y en a une de M. de
Bainville au Roy de Suéde Charles XII . dans
le tems qu'il étoit prêt à partir de Bender. En
voici la derniere ftrophe.-
Par fa fagefle & fa conftance
Louis
MAY . 967 17412
Louis a fçu dompter le Sort .
N'aurois-tu pas même efpérance ,
Toi , qui fais un ſemblable effort ?
Puisse Minerve , qui te guide ,
Te couvrir toujours de l'Egide ,
Soit en Paix , foit aux Champs de Mars ;
Et , de ta vengeance occupée ,
Payer un malheur de Pompée
Par tout le bonheur des Céfars !
LE MODELE , Conte allégorique à Madame
de Torpane , fur ce qu'elle ne mettoit point
de Rouge , eft une petite Piéce de Madame
Vatry.
Diane & Minerve un beau jour ,
Toutes deux Déesses très -fages ,
Quitterent la céleste Cour ,
Et firent maints petits voyages.
Chars portés fur brillans nuages
Chevaux ailés & bien nourris ,
Toujours par des routes fleuries
Les conduisirent à Paris
A la porte des Thuilleries.
C'étoit l'heure que , vers le foir ,
Tout en fortant de leurs Toilettes ,
Certaines Belles fe font voir
Avec des Beautés fraîches faites.
Ak dit la Déesse des Bois ,
Fiiij Voyant
965 MERCURE DE FRANCE
"
Voyant tant de faces rougies ,
Que de Bacchantes j'aperçois !
Elles ont chomé les Orgies
Que Bacchus anime fouvent .
Non , dit Minerve en ſoupirant ,
Ce ne font point là des Bacchantes
C'est le goût du Sexe à préfent-
Que ces modes extravagantes.
Cet air fimple , modeſte & doux
Qui dans le Sexe a droit de plaire , -
N'eft connu que de la Bergere.
Je fens animer mon courroux ,
Dit Diane : & fur cette affaire
Nous devons agir vivement :
Formons à plaifir un Modéle ;
Qu'il naisse en ce jour une Belle ,
Modefte & pleine d'agrément!
Que la belle & fimple Nature
En faffe toute la parure !
Qu'elle inspire des fentimens
Qui rendent amis fes Amans !
On vous forma , belle Julie ,
D'esprit & de graces- remplie.
Voilà ce Modéle charmant ,
Modéle qui plaira vraiment
Orné de vertus , de fagefle ,
Cefont de folides appas ,
"
MAY.
1941: 969
Le Tems ne les efface pas ;
Ils embellissent la Vieilleйfe .
M. de Bainville a compofé tous les petits
Contes de ce VIII . Tome. Le fuivant eft imité
de l'Anthologie , la Souris & le Parafite.
Certain Gafcon , qui chés autrui
Vivoit éternel Parafite ,
Rencontre une Souris chez lui :
Hola , dit il , race maudite ,
Que cherches- tu ? de ma vifite
N'ayez ni foupçon , ni courroux
Répond la Souris chatemite ,
Je mange en ville comme vous
Et ne cherche ici que le gîte.
›
Nous finirons par un envoi de Ciſeaux
Mlle.de J
***
Les dons reçûs d'une main chere ,
Ne font point des dons dangereux :
Reçois de ton Amant fincere
Ces Cifeaux tout mistérieux.
Ils font faits pour un autre usage
Que pour couper les plus doux noeuds.
Loin de nous cet affreux présage ,
Et plutôt mourir à tes yeux !
Mais Si la Difcorde fatale ,
Des plaifirs cruelle Rivale ,
ofoit
970 MERCURE DE FRANCE
Ofoit jamais troubler nos heureuses amours
Prens en main ces Ciſeaux fidéles ,
Et de nos injuftes querelles
Soudain ils trancheront le cours.
Le neuviéme Tome de ces Amuſemens
eft en vente chés les Libraires ci - deffus nommés
, qui vendent le Recueil complet tout
relié fur le pié d'un écu le Volume . Ils en
font des envoys dans les Provinces & dans
Jes Pays Etrangers il y a une diminution
honnête pour les Libraires .
LE SIECLE , ou les Memoires du Comte
de Solinville , par Madame L *** deux petites
brochures , dont l'une contient la pre
miere & la feconde Partie de cet Ouvrage de
99. pages , & l'autre en contient la 3. & 4.
Partie de 135. pages . A la Haye , chés Henry
Van Bulderin Libraire , 1741 .
On aprend de Rome que M. l'Abbé Michel
Jofeph Morei , Membre de l'Arcadie
de cette Ville , connu dans la République
des Lettres par fes talens pour la Poëfie
Latine , a donné depuis peu un Recueil de
diverfes Piéces , intitulé : Michaëlis Jofephi
Morei Carmina, Roma , Typis Jo . Zempel ,
prope Montem Jordanum , 1740. Cet Ouvrage
dont les Piéces ont été lûës & fort aplaudies
MAY. 1741. 97.1
dies dans les plus nombreuſes Aſſemblées
de l'Arcadie , contient des Eloges des quatre
derniers Papes , de plufieurs Cardinaux
de Prélats , de Princes & de quelques Sçayans.
Il eft dédié au Prince Electoral de Saxe
, qui a affifté plufieurs fois aux Aſſemblées
de l'Arcadie , & y a pris un nom de
Berger parmi les Membres de cette Compagnie.
L'Auteur a ajoûté deux Tables , dont
P'une contient les noms & l'Hiftoire abrégée
de quelques Arcadiens , defquels l'Eloge fe
trouve dans le Recueil ; & l'autre eft pour
les principales matiéres. L'Ouvrage eft enrichi
de plufieurs Portraits , & d'autres Tailles
- douces gravées par Jerôme Odam.
DELLE ANTICHITA ESTENSI continua
Zione , fiaparte feconda compofta e dedicata
all' Alteza Ser. di Francefco III. Duca di
Modena da Lud. Anton. Muratori Nella
ftamparia Ducate 1740. in f° . M. Muratori
avoit conduit l'Hiftoire de la Maifon d'Efte
jufqu'en 1222. dans la premiere Partie imprimée
dès 1717. Il va dans celle- ci jufqu'à
notre tems , où il termine fon Ouvrage .
LA VITA di Aleffandro Taffoni fcritta dal
Signor Propofto Lud. Ant. Mura ori , per
Bartolomeo Soliani ftampator Ducale , in 8 °.
Cet Ouvrage eft dédié au Prince Héréditaire
de Modene , dont le Portrait eft au com-
F vj. mence972
MERCURE DE FRANCE
mencement. Il n'avoit point encore paru de
Vie d'Alexandre Taffoni , & il y a lieu de s'étonner
que perfonne avant M. Muratori´n'ait
donné l'Hiftoire d'un Critique fi connu &
fi célébre dans le XVI. fiécle . .
Ces deux Ouvrages fe trouvent à Modene.
LA TEORICA della Pittura , overo trattato
delle materie piu neceffarie per apprendere con
fondamento quest'arte , compofta da Antonio
Franchi , Luchefe &c . per Salvatore Gian
Domenico Marefcandoli , 1739. in 8 °. L'Auteur
de cet Ouvrage a été fort célébre dans
le fiécle paffé.Son Traité de Peinture eft tombé
manufcrit entre les mains de Jofeph Ri
gacci de Fiorence , qui l'a donné au Public
pour l'utilité des jeunes gens qui étudient
Art de la Peinture. Cet Ouvrage fe trouve
à Lucques
NOUVELLE EDITION des Differtations de
M. Herm. Conring , touchant les Antiquités
Académiques , avec des Suplémens. On y a
ajoûté une Bibliothéque Hiftorique- Académique
, dans laquelle font indiqués tous les
Auteurs qui ont écrit l'Hiftoire générale , ou
les Hiftoires particulieres des Univerſités &
des Académies ; & ce qui rend cette Addi
tion plus importante , c'eft que l'Auteur
donne ordinairement fon jugement fur ces
Ouvrages.
MAY. 1741;
973
Ouvrages. L'Ouvrage eft en Latin , &fe trouve
à Goettingen en Allemagne , 1739. in 4° .'
- DESCRIPTION de l'état préfent du Corps
Germanique , apellé communément le St.
Empire Romain , in 8 °. par M. Necker Profeffeur
en Droit Public. Cet Ouvrage s'imprime
à Geneve.
LIVRES ETRANGER'S nouvellement
arrivés chés Briaffon , Libraire , rue Saint
Jacques , à la Science.
L'accord de la Grace & de la Liberté , Poëme
avec des Remarques Critiques & Hiftoriques , par
le P.Vaillant de la Baflardries, in- 4° . Tournay 1749 %
Georg. Bull. Harmonia Apoftolica , in- 8 ° . Bafiles
, 1740.
Caj . Cenni Canones Eccl . Hifpaniæ & Differtationes
de Antiquitate Ecclefiæ Occidentalis , in - 4°.
Roma , 173.9.
Ant. De Moyvre Miſcellanea Analytica de Seriebus
& Quadraturis , in-4°. Lond. 1730.
Differtatio Clytographica ,feu Gemmæ duo vetuftiffimæ,
explicata; in- 4°. Rome ; 1737.
Th. Ag. Echard , de Imitatione Chrifti , cum novis
Concordantiis , & Th. Mezleri , Paraphrafte in
cundem , in-8 °. 3. vol. Aug. 1724 .
La Religion ou la Théologie des Turcs , par
Echialle Mufti , in- 12. Bruxelles:
Ejufdem. Poly crates Gerfenenfis , in-8° . Aug.
1729.
Pet . Firmiani Gyges Gallus , five ingeniofa in
fue gentis mores animadverfio cum notis in- 8° . -
Ratisbona , 1736.
SS...
974 MERCURE DE FRANCE
SS . Francifci Affiatis & Antonii Paduani Opera
omnia , in-folio. Aug. 1739.
Francifci Breviarium pro foro foli & fori ', in - 4° .
2. vol. Aug. 1733.
Pet. Gifch Rhetorica major & minot . , in-8°.
Aug. 1740.
Pedepontii , 1738.
Domin. Jacobatius ,de Concilio, in -fol.Venet . 1729 .
Jac. Ilfung Verba vitæ æternæ , in- 8 °. 2. vol.
Rom Kifter Recollectio fpiritualis , in- 8 ° . Aug.
Joan. Lamii , de Eruditione Apoftolorum cum
variis differtationibus , in- 8 °. Florent . 1738.
Ejufdem: Delicia Eruditorum , in- 8 °. 8. vol.
Florentia , 1736. & fuiv.
Ludi Epigrammatici in ufum ftudiofæ Juventutis,
in- 12. Aug. 1738 .
Amed. Mar. Markel Tuba magna , in 4 ° . 2 .
vol . Aug. 1739.
Bened. Mezler Manuductio ad Perfectionem
Religiofi , in- 8°. Aug. 1736.
ufdem Paraphrafte in Imitationem Chrifti ,
in 8°. Aug. 1724.
Moni a ad Continendos Sacerdotum mores , in
12. 1738.
Pet. Moreti Diffeptatio & Differtatio de variis
Ri tibus , in 4°. 2. vol, Roma , 1711. & 1732.
If Newtonis Optice ex edit . Sam. Clarck , in-4° .
cum fig. Laufane , 1740.
Did. Niffeni Opera omnia , in-fol . 4. vol Pede
pontii , 1738.
Nummus Aureus veterum Chriftianorum expli
catus , in. 4° Roma , 1737.
.
Bened. Picteti Differtationes de Religione Chriſ
tia na , in - 8 ° . Geneva , 1719 .
Eliz., Zargar Conferentiæ Theologo- Morales ,
ex materia Sacramentali & aliis materiis , in 8 ° . 2 .
vol. Aug. 1732. Jac.
MAY 975 1741
Jac. Stirling Methodus defferentialis de Seriebus
infinitis , in 4 ° . Lond. 1730.
-Ejufdem Lineæ tertii ordinis Newtonianæ , in-
8°. Oxoni , 1717.
Broock Taylor , Methodus incrementorum diverfa
& inverfa , in-4° . fig. Londini , 1715 .
S. Zenonis Opera & Sermones ' cum Notis &
Differtationibus , in-4° . Patavii , 1739.
Rifpofta del Signor Gorri alMarchefe Maffei ,in 12 .
Efame della Controverfia Litteraria de' Signori
Maffei & Gorri , in - 12 . 1740.
Miſcellanea Berolinentia , in -4°. vol . Berolini
Sherlock , Ufage & fins de la Prophetie , in- 8 ° .
Amfterd.
1
Nouvelle Bibliothèque desLivres nouveaux, in - 12 .
La Haye. commencée en Octobre 17:38.
Legs d'un Médecin à fa Patrie , in- 12 . La Haye.
Offervazioni fopra i figilli antichi , -4 ° . 2. vol.
-Litterarie del Marchefe Maffei , in- 12. 4. vol.
Verona. Les Tomes 5. 6. arriveront dans peu .
If. Newtonianifmo per le Dame , in 8 ° . Neapoli.
1740.
Iftoria delle cofe operate nella China da Gio . Ant .
Mezzabarba , dal P. Viani , in - 8 °. 1740.
Dictionaire Efpagnol & Anglois , & Anglois-
Efpagnol , in folio. Londres , 1740.
The Geographical Dictionary , by Laurence
Echard , in- 12 : London , 1715 .
Logique ou Reflexions fur les forces de l'entendement
humain , par Wolf. in- 8 °. Berlin , 1736 .
Mémoires du Duc de Wirtemberg , in - 12 . 1740%
Hiftoire de Thamas Kouli-Kan , in - 12 . 1740 .
De la Vie & des Campagnes de Charles XII Roy:
de Suede , par Alderfeldt , in. 12. 3. vol . fig . 1740.
Profperi Lambertini, antehac Cardinalis, nunc Papæ
; de Beatificatione Servorum Dei & Canonizatione
976 MERCURE DE FRANCE
ne Sanctorum , in-fol . 4.vol . Bononia, 1734. & 1738.
Frid. Hoffmani Opera omnia Medica , in -folio
4. vol. Geneva , 1740.
Ejufdem . Medicina Rationalis fyftematica , in-
8. vol . fig. 1740.
Opere di Gio- Bat. Moliere, tradotté dá Nic. Cantelli
, in- 12. 4. vol. Lipfia , 1740.
Joa, Alb. Fabricii Opufcula Hiftor- crit . Littera- .
ria , in-4° . Hamburgi , 1738.
Eric. Bentzelii Diarium Wazfenfe cum Notis ,
in-4°. Upfalia , 1721 .
Jo . Gott. Heinecii , Antiquitates Romanæ , fecundum
Inftit. Juftiniani , in. 8° . 2. vol. fig . Argenterati
, 1734:
Jof. Ig. Roffs La Libreria Mediceo Laurentiana ;
in-fol. Firenze , 1739..
God. Guil. Leibniti Principia Philofophia , in-
4°. fig. 1728.
Martini Schurigii Syllepfilogia , five de Conceptu
muliebri , in-4°. Drefda , 1731.
-Ejufdem. Chylologia five de Chylo Humano
in-4°. Drefda , 1725 .
Ejufdem. Embryologia , five de.Infante 'Huma-
Bo , in-4° . Dreſda", 1732.
Ejufdem . Cynecologia , five de Congreffu , in-
4. Drefda , 1730.
Ejufdem,Muliebria , five Partes Genitales Mulie
ris , in-4°. 1729.
--
Ejufdem. Parthenologia, five de Virginitate, in-
4°. Drefda , 1729.
Ejufdem. Spermathologia five de Semine ,
Drefda.
--
in-
-4°
Acta Phyfico-Medica, in - 4°.Tom. V.Norib.Y740.
Idem. Opus integrum , in-4°. 5. volumes .
Jo . Burch. & Frid . Ott. Menckenii Bibliotheca
Virorum Militia & Scriptis clarorum, in - 89 . Lipfia,
3724.
Chrift.
MAY. 1741: 977
Chrift. Mich. Adolphi Differtationes Medica Pathologica
& Therapeuticæ , in-4° . Lipfia , 1737 .
Acta Eruditorum annorum , 1738. & 1739. in-
4°. Lipfia.
.i
Examen defintereffé des Ouvrages qui ont parn.
fur la méfure de la Terre ; in 12. Öldenbourg, 1738 .
Cours de la Science Militaire, par Bardet de Villeneuve
, in 8. 4. vol . fig . La Haye , 1740 .
Joan . An. Campani Opera felectiora , in 8 °.
Lipfia , 1734
Steph. Blancarti Lexicon Medicum , in -8°.
Lipfia , 1739 .
Jo. Ant . De Januario , Refpublica Jurifconfultorum
, in- 8°. Lipfix , 1733.´
Differtation fur l'incertitude de l'Hiſtoire Romai
ne , in- 8°. La Haye , 1738 .
Elemens d'Aftronomie & de Géographie à l'uſa
ge des Négocians , in- 12. 2. vol . Lille , 1740.
Les OEuvres de Mariotte , in-4°. 2. vol . fig. La
Haye , 1740.
Leonh. Euler Mechanica five de Motu , in-4°.
2. vol fig. Petropoli , 1736.
Ejufdem . De Mufica tam antiqua quàm hodierna
, in-4°. fig. Petropoli , 1738.
Commentarii Academiæ Petropolitanæ, in-4°. 6.
vol. fig. Petropoli . Les 5. & 6.fe vendent féparément .
Sigef. Bayeri Hiftoria Bactriana , in - 4 . figur.
Petropoli , 1738 .
Ejufdem Hiftoria Ofroena & Edeffena , in-4°.
figur . Petropoli , 1737 .
Ejufdem Mufeum finicum , in-8°. 2. vol. Petropoli
, 17.35 .
Jo . Georg. Siegesbeck Botanofophia , in-4 ° . Petropoli
, 1737.
Bibliotheca Botanica , Jo . Ft . Seguieri, & Jo . Ant.
Bulmaldi, vel Ovid. Montalbani, in- 4° .Hagaf 1740 .
Alph
978 MERCURE DI FRANCE
Alph. Turretini Cogitationes & Differtationes ,
in-4 . 3. vol. Geneva , 1738 .
Baron . de Craffier Defcriptio Gemmarum mufei
fui , in-4°. Leodii , 1740 .
Screiberi Confideratio Corporis Humani , &c.
in-4°. Petropoli.
Lexica Ruthenica , in - 4 ° . Petropoli , 1731 .
D. Joh. Ammani Icones Stirpium Rariorum ,
in-4 . fig. Petropoli , 1738 .
Mémoires pour fervir à la Géographie , l'Aftronomie
& la Phyfique , par Delifle , in- 4°. figur.
Pétersbourg , 1738.
Differentes Cartes Gravées à Pétersbourg.
Effai fur l'Hiftoire des Sciences & des Beaux-
, par Juvenel , in - 12 . Lyon , 1740. Arts ,
Les Amuſemens du Coeur & de l'Esprit , in- 12 .
6. vol . Amft. 1739. & 1740.
On trouve chés le même Libraire toutes fories de Liwres
de France des Pays Etrangers .
Le troifiéme & le quatrième Volume du Nouveau
Cours de M. l'Abbé Deidier , Profeffeur Royal des
Mathématiques aux Ecoles d'Artillerie de la Fere ,
en quatre Volumes in - 4°. dont les deux premiers
ont parû l'année dernie: e,fous le titre d'Arithmétique
des Géometres, ou Nouveaux Elemens de Ma bé-¸
matiques , &c. & de la Science du Géomere , ou la
Théorie la Pratique de la Géometrie , font achevés
d'imprimer , & fe vendent à Paris , chés Charles-
Antoine Jombert , Libraire de l'Artillerie & du Gégie
, rue Jacques , à l'Image Notre - Dame , chés
qui l'on trouve un Affortiment complet des meilleurs
Livres fur les Mathématiques , l'Architecture
& l'Art Militaire. L'Auteur s'étant aperçû que les
commençans avoient toûjours beaucoup de peine
lorfqu'on les faifoit paffer trop vite de la Synthèfe à
l'Analyfe
.
MAY. 17417 979
FAnalyfe , s'eft attaché dans le troifiéme Volume à
leur donner des Méthodes de généralisation , qui
tiennent le milieu entre ces deux autres ; il n'y employe
que la plus fimple Algébre , afin que l'habi- .
tude que l'on fe fera d'apliquer ce Calcul à la Géométrie
, puiffe faciliter l'ufage du Calcul Intégral &'
Differentiel , qu'il traite dans le quatrième . On peut
s'aflûrer que ces deux Volumes comprennent tout ce
qu'il y a de plus beau dans la nouvelle Géométrie ,
& que l'ordre & la clarté que l'Auteur a coûtume
de mettre dans tous les Ouvrages , feront d'une
grande utilité pour toutes les perfonnes , à qui ces
nouvelles Méthodes ne font pas affés familieres.
Le troifiéme Volume eft intitulé , la Mefure des
Surfaces & des Solides par l'Arithmétique des Inis
& les centres de gravité ; où l'on trouve un
grand nombre de proprietés très - curieufes des figu
res Géométriques . Il eft de même forme & grandeur
que les précedens & enrichi de quantité de
Planches très - bien gravées. Il fe vend 12. livres.
Le quatriéme Volume a pour titre , le Calcul Dif
ferentiel & le Calcul Intégral, expliqués & apliqués
à la Géométrie , avec un Traité préliminaire contenant
la maniere de réfoudre les Equations de quel
que degré qu'elles foient ; les proprietés des Séries
& des Equations qui expriment la nature des Courbes
, les Lieux Géométriques , la conftruction Géométrique
des Equations , & la folution des Proble
mes déterminés & indéterminés. Il eft accompagné
de 26. Planches , & enrichi de Vignettes . Il fe vend
livres . Is .
Le même Libraire a commencé d'imprimer la
Méchanique Génerale pour fervir d'introduction'
aux Sciences Phyfico - Mathématiques , par le même
Auteur. Cet Ouvrage fera un gros Volume in -4°.
enrichi d'un grand nombre de Planches gravées
avec
9 MERCURE DE FRANCE
avec foin . Il paroîtra vers le mois dé May de cette
année 1741.
La nouvelle Théorie fur le Méchanifme de l'Artillerie
, par M, Dulacq , Capitaine d'Artillerie, au
fervice du Roy de Sardaigne , vient auffi d'être achevé
d'imprimer , & le débite au même endroit que
les précedens ; il fe vend 15. livres . Cet Ouvrage
contient beaucoup de chofes nouvelles fur la théorie
de la Poudre à canon , fur l'ufage qu'on en doit
faire,fur l'art de jetter les Bombes ,& fur la meilleure
maniere de conftruire les Magafins à Poudre , pour
les mettre à l'épreuve des Bombes. Il fera d'autâne
plus utile , qu l'Auteur s'eft attaché par tout à apliquer
la théorie à la pratique , ce qu'on ne trouve
pomt dans aucun des Livres qui ont été écrits jufqu'à
préfent fur cette matiére. Ce Volume eft in - 4° .
enrichi de 36. belles Planches , & eft exécuté de
maniere à fatisfaire les Connoiffeurs , le Libraire
s'étant attaché à joindre la beauté du papier & des
caractéres à l'ornement des Planches & des Vignet
tes , pour mériter de plus en plus l'aprobation du
Public .
LIVRES NOUVEAUX qui fe
trouvent dans la même Boutique.
Aftronomie Phyfique , ou Principes géneraux de
la Nature , apliqués au Méchanifme Aftronomique
& comparés aux Principes de la Philofophie de M.
Newton , par M. de Gamaches , de l'Académie des
Sciences, in . 4°. avec quantité de figures ; Ouvra
ge magnifique , enrichi de quantité de belles Vignettes.
Paris , 1740. il'fe vend 13. livres 10 fols .
Elemens de la Philofophie de Newton , mis à la
portée de tout le monde, par M. de Voltaire, in- 8°.
avec figures .
te
av
"
C
Ifaaci
MAY. 1741 :
).. Ifaaci Newton Arithmetica univerfalis , five de
refolutione & compofitione numerorum , in-4°
avec figures. Leyde.
Ufage de l'Analyfe de Defcartes , pour découvrir
fans le fecours du Calcul Diférentiel, les proprietés,
ou affections principales des Lignes Géometriques
de tous les Ordres ; par M. l'Abbé de Gua , in- 12.
avec figures.Paris . 1740. 3. livres 10. fols.
Traité Analytique des Sections Coniques , des
Fluxions & Fluentes , apliqué à differens fujets de
Mathématique , par M. Muller , nouvelle Edition"
traduite de l'Anglois & augmentée confidérablement
par l'Auteur même, in-4°. avec fig. fous preffe.
Aplication de la Géométrie ordinaire & des Calculs
Differentiel & Intégral , à la réfolution de plufieurs
Problêmes très- intereffans fur les Mathématiques
en géneral.Par M.Robillard , fils du Profeffeur
de Mathématiques de l'Ecole d'Artillerie de Metz ,
in-4° avec 3,6, Planches très-bien gravées fous preffe.
Effai d'Analyfe fur les Jeux de hazard, par M. de
Montmor , nouvelle Edition , beaucoup plus ample
que les précedentes , in 4° . avec figures.
Chrift . Wolfi Mathefeos elementa , Editio nova,
in quinque tomos diftributa , in -4 °. avec quantité
de Planches. Geneva , 1740..
On vend le Tome cinquiéme féparément ,
Euvres de Mathématique & de Physique de M.
Mariotte , de l'Académie des Sciences , nouvelle Edition,
contenant tous les Traités de cet Auteur , tant
ceux qui avoient déja parû féparément ,que ceux qui
n'avoient pas encore été publiés , en deux volumes
in-4° . avec beaucoup de figures , 1740 .
Effai de Phyfique , par M. Muffchenbroek ,
Profeffeur de Philofophie à Utrecht , avec une
Defcription de nouvelles Machines Pneumatiques ,
& un Recueil d'Expériences en deux volumes in- 4.
avec figures , 1759.
982 MERCURE DE FRANCE
Muffchembroek tentamina experimentarum Naturalium
factorum in Academia del cimento . Leyde,
in-4°.
Chrift . Hugenii Opera reliqua & Opera pofthuma
, en deux volumes in- 4 °. avec figures.
S'Gravefande Inftitutiones Philofophiæ Newtonianæ
, in ufus Academicos , en deux volumes in - 8 .
avec quantité de Planches. Lugduni Batav.
S'Gravefande Introductio ad Philofophiam , Metaphyficam
& Logicam continens , in - 8 °. Leyde .
S'Gravefande Mathefeos univerfæ Elementa , in-
8. figures. Leyde.
Joan . Keil Introductiones ad veram Phyficam &
veram Aftronomiam, gros in - 4° . rempli de figures.
Leyde , 1740.
Dan . Bernoully Hydrodynamica , five de viribus
& motibus fluidorum , in - 4°. avec figures.
Cahiers de Mathématiques à l'ufage des Officiers,
par M. Herftenftein , Profeffeur de Mathématiques
à l'Ecole de Strasbourg , en deux volumes in 4º .
avec figures.
Voyage du Monde de Defcartes , par le P. Daniel
, avec les nouvelles difficultés propofées à l'Auteur
, & la réfutation de deux défenſes du Syſtême
de Defcartes , en deux volumes in - 12 . nouvelle
Edition .
De l'Attaque & de la Défenſe des Places , par M.
de Vauban , grand in- 4. avec quantité de belles
Planches , 1737.
Mémoires pour fervir d'inftruction dans la conduite
des Siéges , & dans la défenſe des Places , par
M. le Maréchal de Vauban , grand in-4° . avec figu
res , 1740.
Le Bombardier François , ou nouvelle Méthode
pour jetter les Bombes avec précifion , avec un
Traité des Feux d'Artifices ; par M, Belidor , Profeffeur
M'A Y. 983 1741 :
feffeur de Mathématiques de l'Ecole de la Fere, in
4° . avec figures .
Nouvelle maniere de fortifier les Places , ou Traité
de la Fortification réguliere & irréguliere , par
M. le Baron de Coehorn , nouvelle Edition , in- 8.
avec beaucoup de figures , 1740 La Haye.
Cours de la Science Militaire , contenant les
fonctions des Officiers d'Infanterie & de Cavalerie;
la Tactique , la Géométrie & l'Architecture , par
'M. Bardet de Villeneuve , en quatre voluines in -8°.
enrichis de figures , 1740. La Haye.
L'Ingénieur François , cantenant la Géométrie
pratique fur le papier & fur le terrain , la Fortification
réguliere & irréguliere , avec la Méthode de
M. de Vauban , in - 8 ° . avec figures. Amfterdam .
Recueil d'Ordonnances Militaires , in- 12
Nouveau Taité de la perfection fur le fait des
Armes , par M. Girard , ancien Officier de Marine
, in-4°. orné de cent - vingt Planches . Paris .
Nouveaux Élemens de Fortification , à l'ufage
des jeunes Officiers , par M. le Blond , Profeffeur
de Mathématiques des Pages du Roy , in 12. avec
figures , 1740.
Sentimens d'un Homme de Guerre fur le Syſtême
du Chevalier Follard , par raport à la colomne &
au mêlange des differentes Armes , in-4°. 1740.
Les Forces de l'Europe , ou Defcription des principales
Villes de l'Europe , avec leurs Fortifications,
deffinées & levées par M. de Vauban , en huit Tomes
in folio. Paris.
Dictionaire de Marine , contenant les termes de
la Navigation & de l'Architecture Navale , Ouvrage
enrichi de figures en Taille - douce , gros in-4°.
Amfterdam , 1736.
Théatre univerfel des Machines , ou Recueil
d'Eclufes , de Ponts , des Moulins à eau , Pompes ,
&
284 MERCURE DE FRANCE
& des autres Quvrages qui fe conftruiſent dans
l'eau , par Jean Rodolphe Foefch , en deux volumes
in-folio , avec de très-grandes figures . Amft. 1737.
Van-Zil Theatrun Machinarum univerfale , ou
grand Livre de Moulins nouveaux , in -folio . avec
beaucoup de Planches. Amfterd. 173.4.
Vander Horft Theatrum Machinarum , contenant
divers beaux Efcaliers de charpente , in -folio ,
avec figures. Amfterd . 1739.
Phil . Cluveri Introductio in Geographiam univerfam
, tam veterem quam novam , Editio nova ,
locupletiffima , in-4. avec beaucoup de figur. Amft.
Abregé de la vieille & de la nouvelle Geographie,
par M. Hubner , en 2. volumes in 8. avec figures .
Traité des Ponts , où il eft parlé de ceux des Romains
& de ceux des Modernes , tant de maçonne- .
rie que de charpente,& de leur conftruction , par M.
Gautier , in - 8 . avec figures.
1
Traité de la conftruction des chemins , où il eft
parlé de ceux des anciens & de ceux des modernes,
tels qu'ils fe conftruifent à préfent , nouvelle Edi
tion , par M. Gautier , in - 8 °. avec figures .
La Méchanique du feu , ou l'Art de conftruire de
nouvelles cheminées , & de les empêcher de fumer,
in-8 °. avec figures .
Examen défintereffé des differens Ouvrages qui
ont été faits pour déterminer la figure de la Terre;
& des troisDiffertations que le Docteur Defaguliers
a publiés à cette occafion , in - 12 . deux Parties .
Legs d'un Médecin à ſa Patrie , in- 12 .
Eloge de la Folie , compofé en forme de déclamation
, par Eraſme , traduit par Gueu deville avec
les belles figures de Holbein , nouvelle Edition .
Amsterdam , 1731.
Le Spectateur Anglois, ou le Socrate moderne , où
l'on voit un portrait naif des moeurs de ce fiécle •
nouvelle
MAY, 1741 985
ouvelle Edition , en 6. volumes in- 12 . Amfterdam .
Le Mentor moderne , ou Difcours fur les moeurs
de ce fiécle , traduit de l'Anglois de l'Auteur du
Spectateur , en 2. volumes in - 12. Amfterdam.
Nouvelle Méthode pour aprendre à deffiner fans
Maître , enrichie de plukeurs belles figures Académiques
, deffinées & gravées d'après Nature , in-4°.
avec 120. Planches . Paris , 1749 .
Phyfique facrée , ou Hiftoire naturelle de la Bible
, traduite du Latin de M. Jean - Jacques Scheuchzer
, en huit volumes in -folio , enrichis de 600.
Planches magnifiques . Amfterdam , 1737 .
Hiftoire naturelle du Cours du Danube enrichie
de quantité d'Obfervations Phyfiques , Géographi
ques , & d'Hiftoire naturelle , par M. le Comte de
Marfigly , en fix volumes , grand i folio , enrichis
de quantité de figures . La Haye.
Le Temple des Mufes , orné de foixante Tableaux
deffinés & gravés par B. Picart , in -folie.
Amfterdam.
Figures de l'Ancien & du Nouveau Teftament ,
deffinées & gravées par le célebre Jean Luiken , infolio
, avec plus de foixante grandes Planches.
Architecture de Palladio , où l'on traite des Edi
fices publics & particuliers des Anciens, traduite par
J. Leon , avec de belles figures , gravées par B. Picart
, en deux volumes in-folio . La Haye.
Le grand Théatre d'Italie , de Savoye & de Piémont
enrichi d'une grande quantité de belles figures
de Plans , de Vûes & de Villes , en fix volumes
in folio , grand papier. Amfterdam.
On trouve chés le même Libraire toutes fortes
de Livres d'Hollande nouveaux , quantité d'Atlas
de poche & portatifs de differente grandeur , auffibien
que plufieurs beaux Livres de Plantes , enluminés
, Livres à deffiner de differens Maîtres , di-
G verfes
986 MERCURE DE FRANCE
verfes Eftampes de Payfages & d'Animaux , & tou
ies fortes de Piéces de Mufique pour les inftrumens,
QUESTION propofée aux Sçavans dans
l'Hiftoire Litteraire. Nous eft - il refté , ou
non, des Elégies de Mécénas, Favori d' Augufte
?
Le P. Rapin en parle d'une maniere à faire croire
qu'elles exiftent & qu'il les a lûës , puifqu'il en porre
un Jugement pofitif. Voici les termes , tirés de
fes Reflexions fur la Poëtique.
» Il nous eft resté quelques Elegies de Catulle.
de Mécénas , &c. qui font d'une grande pureté &
d'une grande délicateffe ; mais le Vers de Catulle
» & de Mécénas eft d'une trop grande molieffe &
» d'une négligence trop affectée.
D'un autre côté , ayant confulté fur ce ſujet un
illuftre Sçavant , il a répondu qu'il ne croyoit pas
qu'il nous reftât aucune Elegie de Mécénas, & qu'il
y avoit aparence que le P. Rapin s'étois trompé
quand il avoit avancé le contraire.
Le 3. de ce mois , le Pere de Baudory , l'un des
Profeffeurs de Rhéthorique du College de LOUIS LE
GRAND , & qui a fuccedé au feu Pere Porée , y prononça
un Difcours Latin très - éloquent , en préfence
du Cardinal de Polignac , du Nonce , de plufieurs
Prélats & d'un grand nombre de Perfonnes
de diftinction . Le Sujet de ce Difcours étoit , Com
bien il eft difficile de remplacer des hommes qui ont
excellé dans leur Art.
EXTRAIT
MAY. 1741. 987
EXTRAIT du Mémoire de M. Duhamel
du Monceau , lû à l'Affemblée publique
de l'Académie Royale des Sciences, le 12.
Avril , & qui a pour titre : Recherche Phyfique
fur la réunion des fractures des Os.
Es Recherches que. M. Duhamel a faites pour
Feconnoltre conquent le faifoit la crue des ou
bres , & comment ils fe reprenoient quand ils
avoient été rompus , lui avoient fait entrevoir une
grande analogie entre la vegetation des Arbres &
la crue des Os , & beaucoup de reffemblance entre
la réunion des Arbres rompus & celle des Os tracturés.
Ces idées d'analogie ont toujours quelque chofe
de flateur qui les rend quelquefois dangereufes parce
qu'on eft fouvent porté à les adopter, avant qu'elles
foient apuyées de toutes les preuves dont elles
pourroient avoir befoin.
M. Duhamel connoiffoit cet écueil , & c'eft pour
l'éviter qu'il a long tems confervé cette idée fans
en faire part à l'Académie, & qu'il s'eft engagé dans
une fuite confidérable d'Expériences . Il en a coûté la
vie à bien des Animaux , mais on ne la regrettera
pas, quand on fera attention que ces petits meurtres
P'ont conduit à une découverte également impor
tante pour la Phyfique , pour l'Anatomie & pour
Chirurgie. ,
la
M. Duhamel avertit que fes Recherches lui ont
apris comment fe faifoient la crue & le developement
des os , mais il a réſervé pour un autre Mémoire
cette partie de fon travail , quoiqu'effectivement ce
foit la principale , & il n'a traité dans le Mémoire
dont nous donnons l'Extrait , que la formation du
Cat offeux , qui réünit les os rompus.
Gij Il
988 MERCURE DE FRANCE
Il ne nous eft pas poffible de fuivre M. Duhame
dans la route qu'il a choifie pour pénetrer dans les
fecrets de la Nature , car ici tout s'opere fous des
mufcles , des tendons & des membranes qui empê
chent l'Obfervateur de voir ce qui fe paffe dans le
lieu de la fracture . Ainfi , pour nous renfermer dans
les bornes d'un Extrait , nous nous contenterons
de raporter ici les conféquences qui fe ſuivent immédiatement
de fes Expériences.
1º. Les os font recouverts d'une membrane médiocrement
épaiffe , qui fe peut divifer en plufieurs
lammes , & qui eft fort adhérente à l'os ; on l'apelle
le Periofte , & M. Duhamel dit que cette
membrane eft à l'égard des os , ce que l'écorce eft
par raport aux arbres.
2º. Quand un os a été rompu , ou quand on lui a
fait une playe , le Périofte fe tumefie en cet endroit,
& alors il n'a que la confiftance des membranes.
3. Les lammes intérieures de ce Perioſte tumefié
prennent de la folidité & deviennent cartilagineufes
, pendant que les exterieures reftent membra
neuſes.
4. Les lammes intérieures prennent enſuite de
la dureré & elles s'offifient .
5. Enfin par Paddition d'un nombre de couches
qui s'offifient & qui s'apliquent les unes fur les auties
, il fe forme une fpece de virole offeufe qui
forme le cal & qui affujetit les os rompus , deforte
qu'il y a des lammes du Periofte qui s'offifient & qui
s'attachent fur les os rompus , comme il y a des
lammes de l'écorce des arbres qui deviennent bois
& qui s'attachent au bois formé.
Ces idées font bien differentes de celles qu'on
trouve dans les meilleurs Livres d'Anatomie , &
c'eft pour cela qu'on aura befoin pour les adopter
d'être bien inftrait de toutes les Expériences qui
font
MAY. 1741. 989
font dans le Mémoire de M. Duhamel . Il ne nous
eft pas poffible de les raporter dans ce Journal , &
elles font tellement liées les unes aux autres, qu'el
les ne peuvent être léparées .
PRIX proposé par l'Académie de Chirurgie .
pour l'année 1742 .
L
'Académie de Chirurgie propofa pour le Prix
de l'année 1740 le Sujet fuivant.
Déterminer les differentes effeces de Répercuffifs , leur
maniere d'agir , & l'usage qu'on en doit faire dans
Les differentes Maladies Chirurgicales .
Quoique cette matiere ait été traitée amplement
& avec intelligence dans plufieurs Mémoires , l'Académie
n'a pas crû devoir adjuger le Prix , parce
que les regles que l'on établit dans ces Mémoires
pour la pratique , font fondées fur une théorie trop
conjecturale.
L'Académie qui connoît combien il feroit utile
au Public que la matiere des Répercuffifs fût traitée
folidement , & que l'on fit fur ces Remedes , tant
famples , que compofés , toutes les recherches nécesfaires
, pour fatisfaire aux conditions portées par le
Programme , a crû ne pouvoir fe difpenfer de propofer
le même Sujet pour l'année 1742, ne doutant
point que les Auteurs qui ont déja travaillé avec
quelque fuccès , ne faffent de nouveaux efforts pour
répondre à fes vûës.
Le Prix fera double , c'est - à- dire , que celui , qui
au jugement de l'Académie , aura fait le meilleur
Ouvrage fur le Sujet propofé , aura deux Médailles,
d'or , chacune de la valeur de deux cent livres , ou
une Médaille & la valeur de l'autre , au choix de
P'Auteur.
Ceux qui ont compofé en 1740. pourront faire
Giij 主
990 MERCURE DE FRANCE
à leurs Mémoires tels changemens , ou les mettre
fous telle forme nouvelle qu'ils voudront , & les
renvoyeront écrits de nouveau.
Ils font priés d'écrire en Latin ou en François , &
d'avoir attention que leurs Ecrits foient fort lifibles.
Ils mettront à leurs Mémoires .une marque distinctive
, comme Sentence , Devife , Paraphe , ou
Signature ; & cette marque fera couverte d'un papier
collé ou cacheté , qui ne fera levé , qu'en cas
que la Piéce ait remporté le Prix.
Ils auront foin d'adreffer leurs Ouvrages , francsde
port , à M. Quesnay , Sécretaire de l'Académie
de Chirurgie , ou les lui feront remettre entre les
mains.
Toutes Perfonnes de quelque qualité & Pays
qu'elles foient , pourront afpirer au Prix ; on n'excepte
que les Membres de l'Académie .
Le Prix fera délivré à l'Auteur même , qui se fera
connoître , ou au Porteur d'une Procuration de
fa part , l'un ou l'autre repréfèntant la marque distinctive
, & une copie nette du Mémoire. Les Ouvrages
feront reçus jufqu'au dernier Décembre
1741. inclufivement , & l'Académie , à fon Affemblée
publique de 1742. qui ſe tiendra le Mardi d'après
la Fête de la Trinité, proclamera la Piéce qui
aura remporté le Prix.
Une Perfonne qui s'intereffe aux Ouvrages do
M. Rameau , nous prie avec inftance de vouloir
de bien engager Mrs de l'Académie de Lyon publier
le Difcours que nous avons annoncé dans le
Mercure de Juin 1740. p . 155.5 . où l'un des Membres
de cette Académie prétend que M. R. n'a rien
déterminé dans fon Tempéramment pour l'accord
des Inftrumens de Mufique.
Il y auroit beaucoup de négligence , & même
quelque
ttle
les
&
les,
is-
оп
Dacas
CS
nie
les
ys
THE
NEW
YORK
PUBLIC
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FOUNDATIONS
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REX
D.XV
LUD
ARISTIANIES
CHR
M.
VIRTUTIS
Ce
Sare
failo
555
USTITIA
GERMAN ET RUSS PAX
CUM OTTOMAN CONCILIATA
MDCCXXXIX.
FAMA
MAY. 1741. 991
quelque injuftice de laiffer plus long- tems le Public
prévenu contre cet Ouvrage , car , s'il étoit vrai
quon fe fût trompé , chacun fouffriroit également
de l'erreur.
Ce Difcours eft entre les mains de la même Perfonne
qui nous follicite , & qui eft réfoluë de le
faire imprimer elle- même , fi la demarche que nous
faifons aujourd'hui n'a pas fon effet.
SUITE DES ME'DAILLES DU ROY
A Médaille dont on voit ici la gravûre a éte
frapée fur un Evenement qui intereffe la gloire
du Roy & de la Nation . D'un côté eft le Portrait de
S. M. en Bufte , avec l'Infcription ordinaire. LUD.
XV, REX CHRISTIANISS. Et fur le Revers , la
France, fous la figure d'une Femme , avec les Symboles
qui lui conviennent, affife à l'entrée du Temple
de la Paix , préfente des Rameaux d'Olivier auf
Allemands , aux Ruffiens & aux Turcs . Ces Nations
font aufli figurées par des Femmes , ayant leurs differens
Symboles . Pour Légende , autour , VIRTUTIS
IT JUSTITIE FAMA. Et dans l'Exergue , GERMAN
. ET RUSS . PAX CUM OTTOMAN . CONCILIATA
M. DCC . XXXIX . Les Coins de cette Médaille
ont été gravés par M. Marteau,
>
ESTAMPES NOUVELLE S.
Quatre Eftampes , grandeur d'm - 4° . en large, re
préfentant Enfance , l'Adolefcence , l'Age viril &
la Vieilleffe. Ces quatre Morceaux font très - ingénieufement
compofés par M. Cochin , le fils . Le
premier eft gravé par lui; le fecond, par M.Schmidt,
le troifiéme , par la Dlle Jeanne Renard Dubos , &
de quatrième , par M. Beauvais.
G iiij Ces
992 MERCURE DE FRANCE
Ces Eftampes fe vendent à Paris , ruë de la Vannerie
, chés Dupuis , Graveur du Roy , à l'Ange
S. Michel. On lit ces Vers au bas .
L'ENFANCE.
Enfans, qui dans vos Jeux voulez tout imiter
De ce Chat en maillot craignez la perfidie ;
De vous égratigner il n'aura pas l'envie ,
Tandis qu'il trouvera chés vous à profiter ;
Mais dès qu'il aura vû finir votre Bouillie
Sa griffe pourra bien terininer vos ébats .
Hélas ! pendant le cours de toute votre vie
Que vous rencontrerez de femblables ingrats !
L'ADOLESCENCE.
Jeune Beauté , que le plaifir décide ,
Vous pourriez bien ne trouver qu'un perfide
Dans cet Amant qui paroît fi flate ur.
Sans la fageffe il n'eft rien de folide ;
L'Epoux fouvent fait place au Séducteur.
Fuyez de l'Art la frivole impofture ,
Aimable Iris ; que la fipple Nature
Prenne le foin d'embellir vos apas ;
A dix-huit ans l'adreffe la plus fûre
Eft , felon moi , de n'en connoître pas.
L'AGE VIRIL.
Dans l'âge où la raiſon domine fur les fens ,
L'homme eft peu fatisfait des plaiſirs inutiles ,
MAY. 1741.
993
Et propre à des Sujets bien plus intereffans ,
Il préfere des Arts les recherches fubtiles .
Avide de fçavoir , curieux du nouveau ,
Il travaille , il invente , il calcule , il mefure ;
Et du vafte Univers l'admirable ſtructure
Se grave par l'étude au fond de fon cerveau.
LA
VIEILLESSE .
Que l'homme eft variable & rempli de foibleffe !
Le Vieillard accumule & cache avec grand foin
Des biens qu'il prodiguoit dans fa folle jeuneffe,
Et dont en un moment il n'aura plus beſoin.
La vieille , qu'à la fin le Monde congédie ,
De fes voeux importuns laffe les Immortels ,
Afin d'en obtenir des tréfors éternels
Qu'elle avoit négligés au Printems de ſa vie.
Le Public , qui a toujours reçû avec aplaudiffement
les Ouvrages du Sr Philipe le Bas , Graveur
du Roy , nous fçaura , fans doute , bon gré de lui
annoncer une nouvelle Eftampe qu'il vient de graver
d'après un petit Tableau en large du Sr Chantereau,
un peu moins grand que l'Eftampe . Elle eft
rendue avec toute l'intelligence & la précision pos.
fibles, & ce n'eft point être trop prévenu de regarder
tout ce qui fortira à l'avenir du Bu in de ce
Graveur , comme en poffeffion de plaire a toutes
les perfonnes de goût.
Le Morceau que nous annonçons ici repréſente
une petite Ville d'Allemagne , à l'entrée de laquel
le fe fait , par ordre , une diftribution de Grains &
GY de
994 MERCURE DE FRANCE
de Fourage au fec pour les Troupes de la Maiſon
du Roy. Le lointain y eft obfervé d'une façon
agréable , les fabriques en fout fingulieres , & annoncent
un Pays bien different du nôtre ; les Armoiries
du Souverain paroiffent fur la grande porte
de la Ville , avec l'Epée & la Croffe en fautoir, qui
paffent par derriere ( comme il n'en manque pas
d'exemples dans l'Empire. ) Enfin tout le sujet eft
difpofé d'une maniere nouvelle & extrêmement variée
, avec un grand nombre de figures qui paroisfent
toutes concourir à l'action principale. Il y a
grande aparence que cette Eftampe & fon Pendant,
auquel on travaille , augmenteront encore la réputation
du Graveur .
Cette Eftampe eft dédiée à M. le Duc de Villeroy
, Capitaine de la plus ancienne Compagnie
Françoife des Gardes du Corps du Roy. On la trou
vera chés le Srle Bas , de même que fes autres Ouvrages
, rue de la Harpe , vis - à - vis la rue Percée ,
chés un Fayencier.
La fuite des Portraits des Rois de France , des
Princes , des Grands Hommes , & des Perfonnes
Illuftres dans les Arts & dans les Sciences , continuë
de paroître avec fuccès chés Odieuvre , Marchand
d'Eftampes , Quai de l'Ecole ; il vient de
mettre en vente ceux de ,
EUDES , XXIX . Roy de France , mort à la Fere
le 3. Janvier 898. après 10. ans de Kegne , deffiné
par A. Boizot , & gravé par Et. Feffard.
JACQUES DAVI , CARDINAL DU PERRON , Archevêque
de Sens , Grand Aumônier de France, né
le 25 Novembre 1556. mort à Paris le 5 .
bre 1618. gravé par C. P. R.
Septem-
HENRI DE HARCOURT , Duc & Pair , Maréchal
de France , né le 2. Avril 1654. mort le 10. Octobre
1
MAY. 995 1741.
bre 1718. peint pár Hyacinte Rigaud , gravé pap
Chereau , le jeune.
LOUIS , DAUPHIN DE FRANCE , peint par Tocqué,
& gravé par Balechou.
Il paroît depuis peu une Carte intitulée ,
Carte d'une partie de l'Amérique
comprenant
au Nord au Sud toutes les Illes Côtes , avec une
partie de l'intérieur des Terres depuis la Baye d'Hud
fonjufqu'à l'Ile de Cayenne , & de l'Eft à l'Ouest depuis
Cayennejufqu'à 2. degrés & demi à l'Occident
de Mexico , réduite en trois feuilles de la Carte Angloife
, publiée par M. Henry Popple en 1733. à Londres
, en 20. feuilles , avec quelques corrections o
augmentations , par Philipe Buache..
On diftribue actuellement la premiere Partie de
cette Carte , qui contient les Pays compris depuis
Cayenne jufques au fond du Golfe de la Louifiane ,
& jufques à la Floride , c'eft à- dire ceux qui font
les plus intéreffans pour la fituation actuelle des affaires.
La feconde fuivra inceffamment . Cette. premiere
Partie, ' compofée d'une feuille & demie , étant
jointe à la feconde , elles formeront un quarré de
2. pieds 9 pouces environ de largeur , fur 2. pieds
II. pouces de hauteur , où l'on verra tout ce qui fe
trouve fur la Carte de M. Popple , dont les 20 feuil
les forment un quarré d'environ 7. pieds en tout
fens.
L'Auteur de cette réduction a repréſenté féparé
ment fur plufieurs feuilles in 4° . les Plans des Ports,
Rades & petites Illes qui font dans la bordure de la
Carte Angloife. Il y a ajouté les Cartes particulieres
de la Jamaique & d'Antigoa , & compte joindre
à la feconde Partie plufieurs autres femblables
petites Cartes particulieres , foit des Colonies Angloifes
, foit des autres Endroits , dont le détail ne
pourroit G vj
996 MERCURE DE FRANCE
pourroit être marqué fur la Carte , & qui eft cepent
dant de quelque importance.
Le même Auteur a publié en 1739. une Carte
du Voyage aux Terres Auftrales , entrepris par les
ordres de la Compagnie des Indes , une des Lieux
où l'on a fait des Obfervations , qui déterminent
la longueur du Pendule , & une autre du Lac de
Genêve & des Pays poffedés par la République de
Genêve .
Ces Cartes & Plans fe trouvent à Paris , Quai de
la Mégiferie près le Pont-Neuf.
Le fieur Robert , Geographe ordinaire du Roy ,
Eleve & Legataire du feu fieur Sanfon , vient de
donner au Public une Carte d'une grande feuille
de l'ancienne Gaule Latine & Françoife , accompagnée
d'uneTable qui en indique toutes les differentes
divifions.
Il vient de publier auffi une Carte pour la premiere
Race de nos Rois , avec une Table qui fait
connoître les Etats de. Clovis à fa mort , & le partage
qu'en fit ce Prince à fes quatre Fils , felon les
Sentimens du P. le Cointe & de M. l'Abbé Lebeuf.
Le même Auteur vient auffi de mettre au jour les
quatre Parties du Monde pour la Géographie mo
derne. Ces Cartes font très - belles & très - inftructives
; elles font accompagnées de Tables qui donnent
une belle connoiffance de la Géographie Af
tronomique , Naturelle , Hiftorique , Politique ou
Civile , par le moyen defquelles on connoît les divifions
de ces Parties du Monde , les differentes
Religions qui y font en ufage , & les differentes
Langues qui s'y parlent.
Toutes ces Cartes font tirées du fonds des Sieurs
Sanfon , des Relations & Memoires les plus récens,
& conformes aux Obfervations Aftronomiques.
L'Auteus
MAY. 17413 997
L'Auteur demeure fur le Quai de l'Horloge du
Palais , proche la rue de Harlai . On trouve chés
lui toutes les Cartes & Tables Méthodiques , & gé.
néralement toutes les Oeuvres des Sieurs Sanfon
dont le fonds eft de plus de 600 Planches , & pluheurs
Traités de Géographie.
Le fieur le Maire Maître de Mufique à Paris ,
vient de donner au Public les nouvelles Cantatillesfuivantes.
Pfyché , pour un Deffus avec Symphonie.
L'indifference , pour un Deffus fans Symphonie.
Sapho , pour un Deffus avec Symphonie.
Europe , pour un Deffus fans Symphonie.
La Fête de Nanette pour un Deſſus avec Symphonie.
Le Triomphe de Bacchus , pour une Baffe - Taille,
idem .
Le prix de chaque Cantatille eft de 24. fols , partition
in 4°. gravée.
On trouve aux adreffes fuivantes 3 3.autres Cantatilles
avec accompagnement de Mufettes , Flûtes
Violons & Hauts -bois , ce qui forme en tout 39.
Cantatilles au même prix.
Six Livres de Motets à voix feule avec accompagnement
& fans accompagnement , à 30. fols
piéce , & deux Recueils d'Airs , prix 5. liv. 8. fols.
On trouve tous ces Ouvrages chès l'Auteur au bas
du Pont S. Michel chés M. Chauvin Chirurgien ,
Au Mont Parnaffe rue Saint - Jean de Beauvais, chés
Ballard le Fils à Sainte Cecile au bas de la rue St
Jean de Beauvais , où l'on trouve toute forte de
Mufique Françoife & Italienne ; A la Regle d'Or
rue S, Honoré , & à la Croix d'Or ruë du Roulle ”,
& à Lyon chés le fieur de Bretonne ruë Merciere.
ya eu à Paris cette année dans le commences
ment.
998 MERCURE DE FRANCE
ment du Printems beaucoup d'Apoplexies . Les
Medecins y ont employé avec fuccès les Gouttes
du Général la Motte. Ce Reméde qui eft
un Elixir d'Or , furpaffe par fa force , dans ces maladies
, le Lilium & les autres Remedes ordinaires.
Ces Gouttes font cordiales , ftomachiques & diuré
tiques ; c'eft pourquoi elles réuffiffent dans toutes
les maladies caufées par des obftructions & par
l'épaiffiffement du fang & des humeurs Elles produifent
furtout des effets merveilleux , lorfque les
maladies viennent d'un fang ou fcorbutique , ou
gangrené , ou infecté de virus .
M. de la Motte , Géneral d'Artillerie du Prince
Ragotzi , avoit du goût pour la Chimie : il aprit
pendant fon féjour en Allemagne la compofition de
ces Gouttes , d'un Chimifte Allemand . Depuis ,
étant mort en France , il a laiffé ce fecret à Madame
de la Motte fa veuve , qui continue à faire préparer
ces Gouttes , à Paris , à l'Hôtel de Longueville,
rue S. Thomas du Louvre.
On avertit le Public que le fieur Granier du Pont
au Change , qui feul poffede le véritable fecret de
teindre les Diamans tant en fin qu'en faux ; de colorer
les Feuilles d'Argent qui fervent à mettre fous
ces mêmes Diamans orfqu'ils font teints , de faire
la Poudre d'Or & la Feuille blanche , va fe retirer
à Befiers , en Languedoc. Ceux qui auront befoin
des chofes dépendantes de fon talent , pourront s'adreffer
en droiture audit fieur Granier en la Ville
de Befiers , ou bien a Paris à la Place Dauphine a
l'Enseigne du Coq , chés le fieur Bellanger Marchand
Orfévre , & fur le Quai des Morfondus , chés
le fieur Mocquin , Marchand Privilégié à l'Enseigne
du Roy de Siam. Les Feuilles teintes , en s'adreffant
directement au fieur Grapier , ne feront vendues
qu'à
MAY 1741. 99
qu ' raifon de trente fols la Feuille ; & aux deux
autres Adreffes à Paris , elles feront vendues quarante
fols.
On nous prie d'avertir le Public qu'il y a une
nouvelle Fabrique de Biere faite fans Grain , & autorifée
par un Brevet & Privilege exclufif du Roy.
Les difficultés qu'on a d'abord faites contre cette
nouvelle Manufacture , & les attentions extrêmes
qu'on a eues pour s'affûrer que cette boiffon étoit
faine , & nullement nuifible à la fanté , doivent raffûrer
le Public contre tous les bruits que l'on a p
faire courir à fon défavantage ; elle a été aprouvée
des Medecins & Apoticaires nommés pour cet exa- .
men par la Cour : Le débit confidérable qui s'en
fait,eft une preuve que cette liqueur eft auffi agréable
qu'utile ; elle fe vend à la Brafferie Royale, Faubourg
S. Antoine près le Trône ; le prix eft de 32.
livres le muid. Les perfonnes de Province qui en
fouhaiteront , pourront s'adrefler au feur Richard
fils , Marchand Epicier rue S. Antoine à Paris , quileur
en fera les envoys à ce prix , & fans autres
frais que celui de la voiture .
•
CHANSON
Mon coeur avoit formé le deffein téméraire
De ne jamais fe laiffer enflammer :
Mais , Lucinde , ce coeur à l'Amour fi contraire ,
Avoüant que les Dieux vous ont faite pour plaire ,
Sent bien en même-tems qu'ils l'ont fait
meri
pour ai
Menuos
TO MERCURE DE FRANCE
Menuet Bacchique.
A Voir du bien ,
L'Efprit , le corps fain ,
C'eft dans la vie
Des points dont il faut jouir ,
Pour la paffer avec plaifir :
Loin de la Cour , vivre fans envie ;
Chés foi toujours bonne Compagnie ;-
Je préfere , ma foy ,
Ce deftin à celui d'un grand Roy.
*
Cinq ou fix Platg
Fins & délicats , "
Rien davantage ,
Trop de mêrs ne doivent pas
Faire la bonté d'un repas :
Que les bons mots y foient en ufage ;
Qu'on foit badin , mais que l'on foit ſage ;
Que d'un vin excellent
On boive à petit coup , mais fouvent
*
Que l'on n'y foir .
Jamais à l'étroit ,
C'est une gêne ;
Qu'on n'y faffe point d'excès ,
Qu'on
7
4#11
t
9.
THE NEW YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR, LENOX AND
དང་ ཚོགས་ པ INDATION8 .
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONF
MAY. 17413 100 %
Qu'on n'yfouffre point de Valets :
N'être jamais que demi -douzaine ;
Se voir ainfi fept fois la ſemaine
Qui défire la mort ,
Jouiffant d'un tel fort ,
A grand tort.
Les paroles & la Mufique font de M. Fa
vier, Maître de Ballet en Saxe.
****************
SPECTACLE S.
EXTRAIT de la Tragédie de Nitétis,
Piéce nouvelle , repréſentée par l'Académie
Royale de Mufique le 11. Avril dernier
annoncée dans le Mercure du même Mois.
E fujet de Nitétis avoit été traité & mis
au Théâtre François par M. Danchet ,'
de l'Académie Françoife , avec beaucoup de
fuccès on peut voir l'Extrait que nous en
avons donné dans le Mercure de Mars en
1723. page 566. On y trouvera le même fujet
, mais traité differemment;dans la Tragé
die en queftion , Cambifes , fils de Cyrus ,
avoit déja remporté fur Amafis , Ufurpateur
du Trône d'Apriés , cette célébre victoire
qui
1001 MERCURE DE FRANCE
qui unit l'Empire des Egyptiens à celui des
Perfes ; au lieu que dans celle qu'on a miſe
en Mufique, Cambiſes eft caché dans Memphis
fous le nom d'Agenor;& n'épouſe Nitétis,
fille d'Apriés, qu'après avoir vaincu Amafis
. Voici l'Extrait de cette Tragédie Lyrique..
Au Prologue , le Théâtre repréſente le Palais
de la Tyrannie. On voit un antre dans
le fond. La Tyrannie , fur un trône de fer
environnée des Miniftres de fa fureur , com
mence le Prologue par ces Vers
Nous avons renversé les Loix
Des climats que le Nil arrofe de fon Onde';
Nous en avons chaffé les légitimes Roisy
Celui dont nous avons fait choix
Regne dans une paix profonde ;-
Volons à de nouveaux exploits.
On voit par cette expofition, que le Prologue
tient à la Piéce . Les Choeurs répétent le
dernier Vers, & s'animent à ravager tous les
Climats qu'ils vont parcourir , pour en chaffer
la Juftice. Thémis paroît dans un Char
& adreffe ces paroles à la Tyrannie .
Connois Thémis ; tremble à fa voix
Il eft tems de punir tes crimes ,
Et de tes barbares maximes
Faire enfin triompher mes Loix.
Connois Thémis , tremble à fa voix.
La
MAY. 17413 1003
La Tyrannie & fa fuite veulent envain réa
fifter à Théis ; Jupiter qui protége la Juftice
lanc : le tonnerre , & les fait abîmer
dans les Enfers. Le Théâtre change & repréfente
une Campagne riante ; à la voix de
Thémis, les heureux habitans de ces Lieux,où
gegne l'innocence , forment la Fête de ce
Prologue ; leur Divinité tutelaire les invite
à continuer leurs Jeux, par ces Vers , qui annoncent
la Tragédie de Nitétis.
Ne croyez pas que la Sageffe
Soit contraire aux Amours ;
Il en eft d'innocens , pour qui je m'intéreffe ;
Je vole en cet inftant , je vole à leur fecours.
Au premier Acte , le Théâtre . repréfente
les bords du Nil , & dans l'éloignement la
Ville de. Memphis. Cambifes fils du Grand
Cyrus , fous le nom d'Agenor , ouvre la fcé
ne avec Phanès, Seigneur Egyptien, autrefois
Favori du feu Roy Apriès , fur qui Amafis
a ufurpé le trône d'Egypte. Phanès repréſente
à Cambifes qu'un plus long séjour à Mem
phis peut l'exposer à être reconnu pour
le
Roy des Perfans , & qu'il doit tout redouter
de la part du Tyran , quoiqu'il l'ait fait triom
pher des Ethiopiens. Cambyfes lui répond
que c'eft l'amour qui le retient dans Memphis
, où il n'étoit venu que par le defir
d'y
1604
MERCURE DE FRANCE
d'y voir Nitétis, fille d'Apriès , dont la beauḍ
té & les vertus, chantées par la Renommée ,
l'avoient attiré auprès d'elle ; il fait connoître
qu'il l'aima du moment qu'il la vit ; if
ajoute qu'il ne partira de Memphis qu'après
avoir brifé fes fers : il le confirme par ce ferment
adreffé au Soleil , Dieu tutelaire de la
Perfe :
5
Dieu tout-puiffant , que la Perfe révére ,
Ecoute-moi , fuspends ta brillante carriére ,
Pour renverser du Trône un Tyran odieux ,
Mets dans mes mains tes traits victorieux.
Le Monftre qui vouloit obfcurcir ta lumiere ,
Fut par ces mêmes traits percé du haut des Cioux }
Que ton Flambeau divin éclaire
Mon triomphe en ces Lieux .
Cambiles, après avoir annoncé la Fête qué
les Egyptiens vont célébrer à la gloire du
Dieu du Nil , fe joint à Amifis & à Nitétis ,
fuivis d'Araftis , Grande Prêtreffe d'Ifis , de
Peuples , de Bergers , de Moiffonneurs &
de Matelots.
Après la Fête, qu'on a trouvée très-brillan
te , les Eaux du Nil s'enflent ; on entend un
bruit fourd & terrible , qui a fait beaucoup
d'honneur à l'Auteur de la Mufique. L'Acts
finit par ces Vers que la Grande Prêtreffe
shante :
L'Egypte
MAY. 1741 1009
L'Egypte eft menacée , & le Nil en courrou
Rejette notre encens ; il condamne nos Fêtes ;
Puiffante Ifis , écarte ces tempêtes ,
Nous t'implorons , protege- nous.
Au fecond Acte , le Théâtre repréfente Ig
Temple d'Ifis ; le Sanctuaire en eft fermé.
Nitétis commence ce fecond Acte ; elle
fe plaint de fon fort; elle plaint les Egyptiens
qui lui font encore chers , quoiqu'ils ayent
trahi Apriès,fon pere ; elle fait connoître la
fituation de fon coeur par ces Vers :
Sans ceffe abandonnée aux plus vives allarmes ,
Mes yeux , n'êtes- vous faits que pour verser des
larmes ?
Quand je livre mon ame aux premieres douceurs
D'un amour qu'un Héros m'inspire ,
On me menace encor du plus grand des malheurs"
Un Barbare , un Tyran à mon Hymen aspire
Dieux , Protecteurs de cet Empire ,
Soyez touchés de mes malheurs.
· ...
Cambifes vient fe plaindre avec Nitétis
d'un malheur que leur amour leur rend commun.
Nitétis raffûre fon Amant par tout
ce que l'Amour peut lui infpirer de plus
tenures; ils fimillent cette Scéne par ce Duo
Rien ne peut
1
éteindre ma flamme & c.
Уоце
1
1006 MERCURE DE FRANCE
Vous régnez dans mon ame ;
Vous y regnerez à jamais.
Amafis fuivi de fa Cour , des Mages &
des Peuples , vient disposer Nitétis à accepter
le don de fon Trône , & l'hommage de
fon coeur ; Nitétis lui dit que le Temple
s'ouvre , & que les Dieux vont répondre
Pour elle.
Araftis vient implorer Ifis ; les Peuples fecondent
fon zéle. Après un enthouſiaſme trèsbien
compofé , Araftis prononce cet Oracle
Egypte , le Ciel te dédaigne ;
Il ferme P'oreille à tes voeux ;
Ton deftin fera malheureux
Si le Sang d'Apriès ne régne.
Cet Oracle qui fait le noeud de la Piéce ;
donne de nouvelles efpérances à Amafis : il
presse Nitétis d'obéir aux Dieux ; elle lui
répond que ce n'eft pas à lui d'interpréter
leur réponſe ; elle lui reproche le meurtre de
fon pere , & le quitte.
Amafis balance quelque tems entre l'amour
& la vengeance ; l'amour l'emporte ;
il va tout préparer pour fon Hymen.
Au troifiéme Acte , le Théâtre repréſente
une Galerie digne de la magnificence des
Rois d'Egypte.
Nitétis aprend de Phanès qu'Amafis veut
que
MAY. 1741. 1007
de l'Hymen d'Agenor avec fa foeur Palmire
it célébré fur le même Autel , que le fien
vec ce Tyran ; elle en conçoit quelque jas
Dufie , que Phanès détruit par ces Vers :
nitez d'Agenor l'amour & la conftance ;
Rien ne peut l'ébranler :
Si vous prétendez l'égaler ,
Imitez encor fa prudence.
Amafis fuivi de fa Cour & des Peuples ;
fent offrit fa main & fa Couronne à Nitétis ,
pour exécuter la volonté des Dieux ; les Peuples
forment cette Fête qui eft des plus brilantes
. Après la Fête , Amafis envoye les
Peuples dans le Temple pour y être témoins
de fon Hymen avec Nitétis : Cette Princeffe
dans cette Scéne fait éclater contre lui toute
Phorreur que cet Hymen prétendu lui inspire.
Amafis transporté de colere , la fait conduire
en Prifon. Il finit cet Acte par ces
Vers :
Plus de clémence ;
Que la vengeance
Lance des traits .
Brifons la chaîne
De l'inhumaine
Et que mabaine
Dure à jamais.
La
1008 MERCURE DE FRANCE
Le Théâtre repréfente au quatrième Acto
une Priſon.
Niteris , emprisonnée par ordre d'Amafis ,
fe confole de fa captivité par le fouvenir de
fon amour ; elle voit entrer un Efclave dans
fa prifon ; elle croit qu'il vient lui donner la
mort ; elle s'avance au - devant de fes coups ;
mais le prétendu Miniftre d'Amafis eft fon
cher Agenor , qui vient l'assûrer qu'il périra
pour elle , & que Phanès dispose tout pour
la fauver. Cette Scéne a beaucoup intéreffé .
Araftis vient dire à Agenor que fa préſence
嫩
eft néceffaire dans Memphis pour calmer le
" Peuple qui ne veut plus combattre contre
des ennemis qui s'avancent contre Amafis
, à moins qu'il ne commence par brifer
les indignes fers dont il a chargé la fille d'Apriès
. Agenor fe retire , après avoir assûré Nitétis
qu'il remplira le devoir que fa gloire &
l'Amour lui impofent.
Nitétis prie Araftis de lui révéler quel fera
fon fort & celui de fon fidéle Agenor. Araftis
apelle les Génies Elementaires; ils obéiffent
à fes ordres ; La Prêtreffe , éclairée par
leurs enchantemens,finit ce quatriéme Acte
par cette prédiction :
Je vois un Guerrier furieux
Tomber fous les efforts d'un bras victorieux j
Qu'entens-je ? quels cris d'allegreffſe !
Un
MAY. 1741 1009
Un inconuu triomphe , & tout céde à fes coups ;
Nitétis tombe à fes genoux.
Au dernier Acte , le Théâtre repréfente le
Palais d'Amafis.
Nitétis reconduite par l'ordre d'Amafis -
dans le Palais , ne fçait pour qui former des
voeux dans la Bataille qui fe donne entre les
Perfans & les Egyptiens. Elle trouve Amaſis
indigne de la protection des Dieux , mais
elle perd Agenor, fi Cambiſes eft victorieux .
Araftis vient lui apprendre ce qui s'eft paffé ;
elle lui dit qu'Agenor fuivi du feul Phanès
s'eft ouvert un paffage à travers les rangs en
nemis , & qu'il a disparu aux yeux des Egyptiens.
Nitétis ne doute point qu'Agenor
n'ait péri.
Les Egyptiens & les Perfans entrent fur la
Scéne , & font entendre par leurs Chants ,
qu'Amafis eft mort, & que Cambifes triomphe
; elle veut fe percer d'un poignard dont
elle s'eft armée ; Agenor lui retient le bras ,
& fe fait connoître pour Cambifes . Les Perfans
& les Egyptiens les reconnoiffent tous
deux pour leur Roi & pour leur Reine ; &
Araftis leur fait entendre que ce n'eft que
par leur Hymen que l'Oracle doit être accompli
; les deux Peuples réunis témoignent
leur allegreffe par leurs Chants & par leurs
Danfes qui terminent la Piéce.
H Le
1010 MERCURE DE FRANCE
Le 28. Avril la même Académie donna la
dixiéme & derniére Repréſentation de cette
Tragédie ; & le 30. on remit au Théâtre
.celle d'Amadis de Gaule , dans laquelle la
Demoiſelle Le Maure a joué fon Rolle d'Oriane
avec de nouveaux aplaudiffemens .
La même Actrice a donné lieu aux Vers
qu'on va lire.
Tiran des Arts , Public infatiable ;
Que tu fçais mal ménager ton plaifir ?
Tu voudrois voir Le Maure , infatigable ,
Sans ceffe enchanter ton Loifir.
Qu'injuftement tu lui cherches querelle !
Deux mois au plus on entend Philomele.
Entoufiafmefur la même.
Quels fons brillans s'élancent vers les Cieux à
Je me fens enlever de ce féjour terreftre ;
Je les fuis dans les Airs jufques au fein des Dieux
Ofes-tu bien , profane Orqueftre ,
Par tes inutiles accords
De fa pompeufe voix offufquer l'harmonie
Voi l'Amour en fes yeux , qui , par de doux refforts
Accompagne fes fons , échauffe ſon génie.
Quels fons ! Grands Dieux ! qu'ils font beaux &
touchans !
De l'Olympe furpris ils étonnent la Voute ;
Des Enfers attendris ils charment les tourmens ?
U
MA Y. 1741 ΙΟΙΣ
Un éclat de fa voix me porte fur la route
De l'immortelle Volupté.
Dans ces heureux momens , en dépit de la Parque ,
Je brave la fatale Barque ;
J'afpire à l'immortalité.
Le 5. May , les Comédiens François remirent
au Théâtre la Comédie des Ménechmes,
& celle de l'Oracle , dans lefquelles la Demoiſelle
Darimath , nouvelle Actrice , joia
pour la premiere fois le Rolle d'Araminte
dans la premiere Piéce , & celui de la Fée
dans la feconde , avec aplaudiffement . Elle a
encore joué depuis le Rolle de Belife dans la
Comédie des Femmes Sçavantes , celui de
Mad. Julienne dans le Mari retrouvé, & celui
de la Comteffe dans le Joueur, au gré du Public.
Le 12. les mêmes Comédiens donnerent
une Piéce nouvelle en Vers & en cinq Actes
, intitulée Mélanide , de M. de la Chauf,
fée , de l'Académie Françoife , laquelle a été
généralement aplaudie par les grands Connoiffeurs.
On en donnera l'Analyſe dans le
prochain Journal.
Le 19. ils donnerent la Comédie du Tartuffe
, & le Galand Jardinier. La Demoiſelle
Bercavile , autre Actrice nouvelle , joüia pour
la premiere fois le Rolle de Dorine dans la
premiere Piéce , & celui de la Bohémienne
joüant des Gobelets , & chantant quelques
Hij Chanfo12
MERCURE DE FRANCE
Chanfons dans la feconde ; elle a la voix fort
jolie , & a été aplaudie,
Le 18. les Comédiens Italiens donnerent
une Comédie nouvelle Italienne en 3. Actes,
intitulée le Divorce d' Arlequin & d'Argenti
, dans laquelle la Dlle Silvia , dont tout le
monde connoît les heureux talens , joüa un
Rolle de Suivante avec toutes les graces, la vivacité
& l'intelligence convenables. Cette
Picce eft dans le vrai goût Italien,par'un continuel
jeu de Théâtre très - bien exécuté par le
nouvel Arlequin,dont les talens font toujours
goûtés,, & par tous les autres Acteurs. Il y
cut après la Comédje un Divertiffement Pantomime,
intitulé Les Fleurs, dans lequel l'Arlequin
danfa un Pas de deux avec la Demoifelle
Thomaffin , qui a été généralement
aplaudi ; en ignoroit que ce nouvel Acteur
poffédoit encore le talent de la Danfe.
Le 20. les mêmes Comédiens donnerent
une autre Piéce nouvelle Italienne en cinq
Actes , qui a pour titre , Arlequin & Scapin
voleurs, Ces deux Acteurs ne s'occupent
pendant toute la Piéce qu'à inventer de nouvelles
fourberies pour voler , & ils y réuffiffent
parfaitement par divers tours d'adreffe
qui donnent lieu à beaucoup de laxis & de
jeux de Théâtre de la part de ces Acteurs ,
qu'ils exécutent parfaitement. La Comé
die
MAY. 1741 .
1013
die eft terminée par un très-joli divertiffement
nouveau , exécuté par les Acteurs de la
Troupe. Les Pas de la Danfe sont de la compofition
du Sr Riccoboni , & la Mufique du
Sr Blaife.
**************************
NOUVELLES ETRANGERES.
Odernier ,
RUSSIE.
N mande de Petersbourg du premier Avril
, que la Princeffe Régente , fur l'avis
des mouvemens que les troupes du Roy de Suede
font en Finlande , a envoyé ordre au Feldt - Maréchal
Lefcy , qui étoit en Livonie, de fe rendre à Wybourg
, afin de prendre le Commandement des troupes
qui s'affemblent dans les environs de cetteplace.
Le 20 Mars dernier , le Prince Antoine Ulrich
de Brunswik Bevern , pere du Czar , prit féance au
Confeil du Cabinet , & il fut nommé le même
jour Colonel Commandant du Régiment des Gardes
Préobrazinsky. Ce Prince , depuis la détention
du Comte Erneft Biron , s'eft apliqué à acquerir
une parfaite connoiffance des affaires de cette Monarchie
, & il a eu pour cet effet de fréquentes conférences
avec le Comte d'Oitermian .
Le Comte Erneft Biron déclara il y a quelque
tems à fes Commiffaires , que n'ayant plus aucun
intérêt de garder le filence fur piufieurs Faits dont
il étoit inftruit , il avoit réfolu de les découvrir à la
Princeffe Régente , & depuis il a compoſé un Mémoire
fort étendu , par lequel il affûre qu'il n'eft
pas le feul qu'on ait pû accufer d'avoir formé des
deffeins trop ambitieux, & que plufieurs autres per-
Hiij. fonnes
To14 MERCURE DE FRANCE
fonnes avoient des vûës très - préjudiciables aux interêts
du Czar. Il ajoûte que ces perſonnes ne ſe
font réjouies de fon malheur , que parce qu'elles
efpéroient de ne plus trouver d'obſtacle à l'exécu
tion de leurs projets. Aprés un détail circonftancié
de tout ce qui s'eft passé pendant la maladie de la
Czarine , tant par raport au Reglement de la Succeffion
, que par raport à l'adminiſtration des affaires
, il parle de plufieurs Assemblées tenues fecrettement,
& dans lefquelles , fous prétexte d'agir pour
la Princesse Régente , on projettoit de l'éloigner
du Gouvernement . Il prétend que quelques-uns de
ceux qui ont marqué le plus de haine contre lui
depuis la mort de la Czarine , ont été les premiers
à lui confeiller de fe faire déclarer Régent de Mofcovie.
Un grand nombre d'intrigues , qui jufqu'à
preſent avoient été cachées , font dévoilées dans ce
Mémoire , & toutes les perfonnes qui y ont eu
part , y font nommées .
On a reçû avis que les Comtes Charles & Guſtave
Biron étoient arrivés à Tobolska.
L
ALLEMAGNE.
Es avis de Vienne portent qu'un Aga a aporté
avec la ratification du Reglement des Limites
entre les Etats du Grand Seigneur & ceux de la
Reine , fignée par Sa Hautesse , une lettre le
que
Grand Seigneur a écrite à la Reine , la féliciter
ſur ſon avénement au Trône . L'Ambassadeur
de Sa Hautesse doit remettre l'une & l'autre à S.M.
auffitôt qu'elle fera relevée de fes couches.
pour
Par la Convention concluë entre le Grand Sei
gneur & la Reine pour le Reglement des Limites ,
Ja Reine cede à Sa Hautesse le Vieux Orfova &
quelques Villages de Croatie ; & le Grand Seigneur
de
MA Y. 1741.
1015
de fon côté cede à S. M. deux Inles du Danube.
M. Lanczinski , Miniftre du Czar auprès de la
Reine , s'eft rendu chés le Comte de Sinzendorf,
pour l'assurer que S. M. Cz . étoit difpofée à fournir
un Corps de troupes auxiliaires à la Reine .
Le bruit court que le Feldt-Maréchal Comte de
Munich , pendant le tems qu'il a eû part aux affaires
, a paru être beaucoup plus porté pour les interêts
du Roy de Prusse , que pour ceux de la Reine;
& que ce n'eft que depuis qu'il a donné fa démiffion
de fes Emplois , que le Confeil du Czar s'eft
déterminé à fournir des fecours à S. M.
Quelques lettres de Vienne marquent que les
conditions propofées par le Roy de la Grande Bretagne,
pour procurer un accommodement entre la
Reine de Hongrie & le Roy de Prusse ,
font que
toute la Haute Siléfie demeure à la Reine, & qu'elle
abandonne la Basse Siléfie au Roy de Prusse , qui
lui payera une fomme confiderable pour indemnité;
que S. M. Pr. s'engage folemnellement à la défenſe
des Etats de la Maiſon d'Autriche, s'ils étoient atta,
qués, & qu'il tienne pour cet effet un Corps de trou
pes prêt à marcher , dès que les interêts de la Reine
de Hongrie l'exigeront. Le Roy de la Grande
Bretagne propofe auffi de ftipuler dans le Traité ,
que les Proteftans de la Haute Siléfie jouiront de
plufieurs Privileges qui leur avoient été accordés
par le Traité d'Alt-Ranftadt.
Le Feldt - Maréchal Comte de Neuperg a mandé
à la Reine le 14. du mois dernier , que l'Armée
qu'il commande étant arrivée le premier du même
mois à Hermanftadt près de Zuckmantel , il y avoit
apris par des Deferteurs Pruffiens , que le Roy de
Prusse , fur l'avis de la marche des troupes de la
- Reine , avoit retiré des Frontieres de la Siléfie les
troupes qu'il y avoit fait avancer & qu'il avoit •
Hiiij diftri116
MERCURE DE FRANCE
diftribuées dans differens poftes ; que le 3. l'armée
de Sa Majesté avoit été obligée de passer par un
défilé fort étroit , & qu'elle n'avoit på fe rendre
que le 4 après midi à Kunzerdorff, que les efpions
ayant raporté que 1800 Pruffiens , qui étoient à
Ziegenhals , en étoient fortis pour aller joindre le
Roy de Prusse , 300. Hussards avoient été détachés
pour les inquiéter dans leur marche , mais qu'il n'avoient
pû les joindre ; que le même jour les Villes
de Troppau , de Jagerndorff & de Ratibor avoient
été abandonnées par les Pruffiens , qui avoient ravagé
les environs des deux premieres de ces Places,
& qui en avoient emmené tous les Beftiaux ; que le
6 , fur la nouvelle qu'on reçût que les ennemis
avoient jetté un Pont fur la Neiff , & qu'ils fe difpofoient
à paffer cette Riviere , il avoit été réfolu
dans un Confeil de Guerre auquel tous les Géneraux
avoient affifté , de leur difputer le paffage; que
les Pruffiens n'avoient plus voulu le tenter , dès
qu'ils eurent vû la plus grande partie de la Cavalerie
de l'Armée de la Reine s'avancer fur le bord de
la Riviere , mais qu'étant décampés la nuit , ils
avoient paflé le lendemain la Neiff , avant qu'on
pût les joindre; que l'Armée de la Reine l'avoit paffé
auffi le même jour , & que le Général Berlinchen
s'étoit emparé le 8.de la Ville de Grotkau, où il avoit
trouvé 900. hommes, qui avoient été faits prifonniers
de guerre ; que le 9 , toute l'armée étoit arrivée à
Grotkau, & qu'elle devoit le lendemain continuer la
marche pour attaquer l'Armée du Roy de Prufſe.
Le 15. la Reine aprit qu'il y avoit eu une action
très- vive entre les troupes de S M. & celles du Roy
de Pruffe. On n'étoit pas encore inſt uit du détail
de cette Bataille , on fçavoit feulement qu'il y a eu
beaucoup de monde de tué de part & d'autre , & que
les troupes de S. M , après avoir combattu avec une
extrême
MA Y. 1741. 1017
le
extrême valeur , fe font retirées entre Neiff & Brieg'
Le Comte de Neuperg a été blessé légerement'
& le Prince de Birkenfeldt a été tué , ainfi que
Géneral Grune , & le Major Géneral Lentulus.
On a apris depuis les principales circonstances de
cette action.
L'Armée de S. M. ayant marché le ro. vers
Ohlau , pour tâcher de s'en emparer , on découvrit
les ennemis qui s'avançoient en ordre de bataille ,
& pendant que le Comte de Neuperg fit les difpotions
nécessaires pour le combat,l'artillerie de l'aîle
droite de l'armée Pruffienne incommoda beaucoup
les troupes que ce Général faifoit défiler du côté
de Mollvitz , pour former fon aîle gauche.
Le Géneral Romer , qui commandoit ces troupes;
voulant rallentir la vivacité du feu dé fès ennemis ,
fe mit à la tête de la Cavalerie , & attaqua celle de
l'aîle droite de l'armée ennemie , qu'il renverfa . It
tenta enſuite à plufieurs reprifes d'enfoncer l'Infanterie
Pruſſienne ; mais elle foûtint tous fes efforts
avec tant de valeur , qu'il ne pût remporter fur elle
d'autre avantage , que de lui entever cinq piéces de :
Canon.
Le Géneral Romer ayant été tué , & la Cavale--
lerię s'étant trop avancée pour pouvoir être foûtenuë
par le Comte de Neuperg , elle fut obligée de
fe retirer. L'Infanterie , qui étoit au centre , étoir
attaquée vivement pendant ce tems par la plus
grande partie de l'Infanterie , & par plufieurs Efcadrons
des ennemis , & n'étant foutenue par aucune
Cavalerie , elle avoit beaucoup de peine à réfuter àª
la fuperiorité du nombre.
Le Comte de Neuperg , pour la fecourir fir passer
de l'âîle droite à la gauche quelques Régimens de
Cavalerie , qui chargerent celle des ennemis , &
qui la mirent une feconde fois en défordre. Ce ſe--
Hr. cond!
1018 MERCURE DE FRANCE
cond avantage remporté par la Cavalerie de la Reine
fur celle du Roy de Prusse , auroit eû peut-être
des fuites plus heureufes , fi plufieur Régimens de
l'Infanterie Autrichienne ne s'étoient trouvés dans
une fituation défavantageufe, qui ne leur permit pas
d'agir comme leComte de Neuperg l'auroit fouhaité..
La nuit ayant fait cesser de part & d'autre le
combat , l'armée de la Reine fe retira en bon ordre
à Grotkau , & le 11. elle fe replia fous la Ville de
Neiff , dans les environs de laquelle elle s'eft cantonnée.
Elle a été contrainte , faute de chevaux
d'abandonner quelques Pontons & un assés grand
nombre de chariots , de munitions , avec fix de ſes
canons , & quatre de ceux qui avoient été pris aux
Pruffiens.
à
?
La perte
des troupes
de la Reine monte
environ
3500. hommes
, en comptant
les blessés
, & le
Baron de Goldl , Lieutenant
Feldt-Maréchal
a été
tué , ainfi que le Comte
de Lanoy
, Colonel
. Il y a
eû beaucoup
d'Officiers
Géneraux
de bleffés
, & de
ce nombre
font le Prince
de Birckenfeldt
, & les
Majors
Géneraux
Brown
, Grune , Kail , Lentulus
& Franckemberg
.
Le Comte de Neuperg a mandé à la Reine , qu'il
faifoit travailler avec toute la diligence poffible à
réparer & à augmenter les fortifications de Neiff ,
afin que cette Place foit en état de faire une longue
réfiftance , fi le Roy de Pruffe vouloit en entreprendre
le hége .
RATISBON NE.
Es Lettres de cette Ville du 17.du mois dernier
que le miniftre qui y de part
PElecteur de Cologne , a communiqué à la Diette
un Reicrit que ce Prince a envoyé à fon Miniftre à
Vienne , & par lequel it bui ordonne de déclarer aux
autres
MAY. 1741 1019
autres Miniftres Etrangers qui s'y trouvent , que
quoiqu'il fe foit déterminé à reconnoître la Reine
de Hongrie en qualité de Souveraine des Etats de
la Maifon d'Autriche , il ne l'a fait qu'avec la réferve
ftipulée par le feu Empereur lui- même dans la
Pragmatique Sanction , fçavoir que la garantie de
cette Pragmatique ne fera préjudiciable à perfonne;
que fon intention n'a point été d'accorder par cette
démarche aucun avantage à la Reine de Hongrie
pour ce qui concerne le fuffrage de Bohéme , ni de
donner la moindre atteinte aux droits que la Maifon
Electorale de Baviere prétend avoir fur une
partie de la fucceffion de l'Empereur , & que fi la
Reine de Hongrie avoit la guerre avec l'Electeur
de Baviere , elle ne devoit point s'attendre que deux
Princes , qui font freres , priffent des partis differens.
Il paroît à Ratisbonne deux nouveaux Manifeftes
du Roy de Pruffe , dont le premier intitulé , Dedution
Ulterieure , dans laquelle on prouve par le Droit
naturel par les Conftitutions de l'Empire , que les
Duchés de Jagerndorff, de Lignit , de Brieg & de
Voblau , & autres Seigneuries , apartiennent à la
Maison Royale de Pruffe , & Electorale de Brandebourg
, raffemble fous un feul point de vue toutes
les raifons que S. M. Pr. a expofées dans la plupart
de fes Mémoires précedens.
Le fecond de ces deux Ecrits , qui tend à faire
voir que le Roy de Pruffe n'a point été dans l'obli ,
gation de prévenir la Reine de Hongrie fur la réfolution
qu'il avoit prife d'entrer en Silefie avec
fon armée , porte que c'est vouloir en impofer , que
de publier , ainfi que le fait la Cour de Vienne, que
Je Roy de Prufle a agi contre le Droit des Gens ,
en s'emparant de cette Province , fans avertir la
Reine de Hongrie de fon deffein ; que dans cette
Hvj démar
1020 MERCURE DE FRANCE
démarche S. M. Pr. n'a fait qu'imiter la Maifo
d'Autriche , laquelle , après que celle des Ducs de
Eignitz fût éteinte , fe mit en poffeffion de leurs
Etats , fans obſerver aucune formalité , & qui fans
autre titre que la force , a joui de ces Etats pendant
près d'un fiècle , amufant toujours les Electeurs de
Brandebourg par des promesses vagues , & n'ayant
aucun égard à leurs repréfentations , que les Loir
féodales décident que fi le Seigneur Direct retient
injuftement le bien de fon Vassal , celui- ci eft en
droit d'employer la force pour fe faire rendre juftice
, & que Grotius prétend , que, même , felon les
Loix naturelles , celui qui revendique fon Patrimoi
ne, n'eft pas obligé d'avertir des moyens auxquels
il aura recours pour tâcher d'en recouvrer la poffeffion;
que d'ailleurs un pareil avertissement auroit
été inutile , puifque la Maifon d'Autriche , malgré
les fortes remontrances qui lui ont été faites , n'a
jamais voulu entendre parler de reftitution ; & qu'il
étoit aifé de prévoir qu'elle fe feroit toujours pré
value des Traités , dont on lui a fait connoître tant
de fois la nullité .
Le Roy de Prusse ajoûte que quand même il aurojt
crû devoir rendre fes desseins publics , avant que
de les exécuter , il n'auroit fçû à qui adrefler
avertiffement , puifqu'il y a tant de prétendans &
la fucceffion du feu Empereur ; qu'il ignoroit à qui
il falloit redemander ce qui lui apartenoit , que cemme
S. M. Pr avoit à craindre d'être prévenuë par
quelqu'un des Prétendans , qui paroiffoient méditer
de fe rendre maîtres de la Siléfie , perfonne ne
peut la blâmer de s'être mise en poffeffion de cette
Province que la conduite qu'elle a tenue eft d'au
tant plus conforme aux Loix de l'équité , qu'il dépend
uniquement de la Reine de Hongrie de voir
Kairla guerre , par la reftitution des quatre Duchés
3
ConMAY.
TOTE
1741.
conteftés , & des revenus que la Maifon d'Autri
che en a tirés depuis tant d'années , & en accordant
à la Maifon Royale de Pruffe & Electorale de
Brandebourg une fatisfaction convenable fur les
autres prétentions.
PRUSSE.
nouvelle d'un avantage confiderable remporté
le ro . à Lotta près de Neill par les troupes de S. M.
Pr . fur celles de la Reine de Hongrie.
Cette action commença à deux heures après midi,
& elle dura jufqu'à la nuit , le combat ayant été foû
tenu de part & d'autre avec autant de vivacité de
que
valeur.Il y a eu beaucoup de monde de tué le Royc
refté maître du Champ de Bataille ; on a fait 1000 .
prifonniers , & le Comte de Neuperg a été obligé
d'abandonner deux pièces de Canon , & de fe retirer
entre Neiff & Brieg, On assure que la Reine de
Hongrie a perdu pluffeurs de fes Officiers Géneraux
dans ce combat , dans lequel il y en a eû beaucoup
des troupes du Roy de tués ou de blessés . Le
Prince Frederick , Fils du Margrave Albert , & le
Comte de Schulembourg , Lieutenant Feldt- Maré- *
chal , ont été tués . Le Feldt- Maréchal de Schwe - `
rin , le Géneral Marwitz , les deux Freres du Prince
Frederick, & le Conte de Finckeftein ont été bleffés
, & ce dernier l'a été mortellement . Un Page
du Roy , & M. Joyard ont été tués auprès de S. M.
Le Régiment des Gardes , dont les Officiers ont
été prefque tous tués ou blessés , s'est extrêmément
diftingué dans cette action.
La Reine a reçu depuis une Relation de cette Baille
, qui contient les particularités (uivantes .
L'armée commandée par le Comte de Neuperg
s'étant
1022 MERCURE DE FRANCE
s'étant avancée le 9. à Grotkau , le Roy , pour at
tirer les ennemis dans un endroit où il pût les combattre
, fans avoir à craindre d'être pris en flanc
par leur Cavalerie qui étoit fuperieure à la fienne ,
feignit de fe retirer , & de vouloir éviter la Bataille.
Le Comte de Neuperg, trompé par la marche de S.
M. fuivit l'armée Pruffienne jufqu'à trois milles
d'Ohlau , & le 10. au matin , les deux armées fe
trouverent en préſence. Un mouvement que firent
les ennemis , & qui donna lieu de croire qu'ils vouloient
fe replier fur Brieg, détermina le Roy à marcher,
pour les en empêcher. Alors ils firent alte , &
fe mirent en Bataille dans la Plaine de Hermsdorff
près du Village de Molwitz. Le Roy profitant de
l'avantage que lui donnoit la fituation du Lieu, difpofa
fon armée de telle forte , que fes deux aîles
fuffent apuyées , & S. M. fe mit à la tête de l'aîle
droite qui commença l'attaque .
A peine le Combat fut-il engagé , que le Régiment
de Cavalerie du Margrave de Bareith , & celai
de Gefler, qui étoient à Ohlau , vinrent joindre
l'armée. Par ce renfort le Roy fe trouva environ
20000. hommes ; mais les ennemis conferverent
toujours l'avantage du nombre , leur armée étant
compofée de plus de 26000. hommes. Il y eut un
feu très- vif de part & d'autre , d'artillerie & de
moufqueterie , & le combat dura depuis deux heures
après midi jufqu'à la nuit , les Officiers & les
Soldats des deux armées ayant donné des preuves
de la plus grande valeur .
Les ennemis , après avoir foûtenu pendant fix heures
confécutives tous les efforts des Pruffiens , fuzrent
enfin obligés de leur céder le Champ de ba
taille , & d'abandonner dix piéces de canon & quelques
bagages . On prétend qu'ils ont perdu 3000
kommes , & que dans l'armée du Roy il n'y en a eû
que
MAY. 1741. 1023
que 1480. à 1500. de tués. Le nombre des prifonniers
qu'on a fait fur les ennemis, monte environ
1000. ou 1100. & on leur a enlevé trois Etendarts ,
quatre Drapeaux & une paire de Tymbales.
Ils ont fait de leur côté 500. prifonniers , parmi
lefquels eft M. de Maupertuis , Académicien de
I'Académie Royale des Sciences de Paris , lequel
ayant éte invité par le Roy à venir à Berlin , pour
y établir une Académie , a fuivi S. M. à l'armée , &
s'eft trouvé à la Bataille ,
Outre les Officiers de confideration qu'on sçavoit
déja être bleflés , il y en a plufieurs autres & M.
de Kalcftein , Lieutenant Feldt- Maréchal , le Major
General de Kleift , & les Colonels Wartenfleben
& de Rochau font de ce nombre.
VENISE.
de
Conftantinople
Na apris par l'Equipage
d'un Vaiffeau
, arrivé
, que l'Ambaffadeur
de
Thamas
Kouli - Kan y avoit fait fon entrée publique
le 8. Mars dernier, & que le bruit couroit
qu'il
étoit chargé de demander
la reftitution
de quelquesunes
des Provinces
conquifes
par les Turcs fur les
Perfans
, & le confentement
du Grand
Seigneur
pour que Thamas
Kouli - Kan puiffe établir
à la
Mecque
un Emir pour les Perfans
, comme
il y en
a un pour les Turcs.
Les derniers avis reçûs de cette Ville du 17. du
mois dernier portent , que quoique le Grand Seigneur
ait fait affûrer le Doge & le Sénat , que les
mouvemens des troupes Turques , qui marchent
vers la Dalmatie Vénitienne , ne devoient caufer
aucune inquietude à cette République , le Pacha.
qui commande dans la Dalmatie Turque, ay ant prétendu
non--ftulement que les Habitans de la Daln.
atle
FO24 MERCURE DE FRANCE
matie Vénitienne n'avoient pas obſervé les loix du
bon voisinage avec les Sujets de Sa Hauteffe , mais
encore qu'ils leur avoient caufé plufieurs dommages
confidérables il a demandé de la part du Grand
Seigneur , que la République payât la fomme de
800000. Sequins pour indemnité , & qu'il a menacé
de faire entrer dans la Dalmatie Vénitienne un
Corps de 25000 hommes des troupes Ottomanes
fi l'on ne fatisfaifoit Sa Hauteffe. Une demande &
-exhorbitante a donné lieu de croire que le Grand
Seigneur cherchoit un prétexte pour déclarer la
guerre à la République , mais Sa Hautefle a modederé
fes prétentions , & elle s'eft contentée de
160900. Sequins.
S
ESPAGNE.
Elon les derniers avis reçus du Port de Figueyra
dans le Royaume de Portugal , l'Armateur Espagnol
François Barrera y entra le 12. du mois de
Mars dernier avec le Vaiffeau Anglois l'Industrie ,
dont il s'étoit emparé la veille à la hauteur de Viana.
La charge de ce Bâtiment, qui venoit d'Angleterre
, confifte principalement en Fer de Suede &
en Cuirs
Le 13. du mois dernier , les Religieux de l'Obfervance
de S. François , tinrent en leur Convent de
Madrid un Chapitre , dans lequel ils élurent pour
Commiffaire Géneral le Pere de Burgos , ci- devant
Confeffeur de la feuë Reine Premiere Douairiere
Efpagne , & pour Vice-Commiffaire Géneral le
Pere Jean de la Torre , Ex-Provincial du Royaume
' Arragon.
.
Don Juan de Zabaleta , Commandant la Frégate
la Notre-Dame de Aranzazu , armée en courſe , prit
le 18, du mois dernier , entre le 49. & le so . degré
de
"
MAY. 1741. 1029
de Latitude Septentrionale , les Vaiffeaux Anglois
le Conftantinople & le Wilmington, qui revenofent de
Smirne. Cet Armateur les ayant attaqués en même
tems , & ayant eû un de fes Mats emporté par leur
canon, il prit le parti de les aborder ; il entra le premier
dans le plus fort des Vaiffeaux ennemis , & en
ayant arraché le Pavillon , il anima tellement for
Equipage , qu'après une heure de combat il fe
rendit maître des deux Bâtimens. Le Constantinople
, qui cft de 20. canons & du port
de 320. tonneaux
, avoit 52. hommès d'équipage , & il y en
avoit 23. fur le Wilmington.
Le lendemain du combat, Don Juan de Zabaleta
ayant été rencontré par un Vaiffeau de guerre Anglois
de 70. canons , il ordonna à ceux qui conduifoient
les deux Bâtimens qu'il avoit pris , de continuer
leur route , & il foûtint pendant long- tems
tout le feu de l'artillerie du Vaiffeau de guerre qui
ne put l'aborder.
Le même Armateur s'eft emparé de deux autres
Bâtimens Anglois fur les Côtes d'Angleterre .
Un Vaiffeau de la même Nation, chargé d'Armes
& de munitions de guerre , a été conduit à la Cofogne
par Don Juan Gerrari .
Le Brigantin la Ste Famille entra le 30. du mois
de Mars dernier dans le Port de Vigo , avec le
Vaiffeau l'Helene de Londres , de feize canons, équi
pé moitié en guerre & moitié en Marchandiſe ,
qu'il a enlevé à la hauteur de Bayonne .
Don François Larrea fit le 24. le 25. & le 27. du
même mois trois prifes eftimées , l'une 12000. Piastres
& les deux autres 8000.
La Frégate le Levrier Marin a mené à S Sébaſtien -
deux Brigantins Anglois , qu'elle a pris vers le 49%
degré de Latitude , & dont la charge confifte prinipalement
en Sel & en Etain.
1026 MERCURE DE FRANCE
On a apris de la Corogne du 19. du mois dernier,
que le premier , le Vaiffeau François le Bourbon de
74. canons , commandé par le Marquis de Boulainvilliers
, s'étoit féparé par une brume très épaiffe de
l'Efcadre commandée par le Marquis d'Antin, à 75 .
lieuës environ à l'Oüeft de l'Oueffant , & qu'il n'avoit
pû la rejoindre , parce que cette brume avoit
été fuivie d'un gros vent & d'une groffe mer ; que
le 12. au matin ce Vaiffeau s'étoit trouvé à trois
lieues du Cap Finiftere , mais que les voyes d'eau
étant tellement augmentées que toutes les pompes
& un travail continuel ne pouvoient l'épuifer , & le
Vaiffeau ne gouvernant prefque plus , le Marquis
de Boulainvilliers avoit fait mettre la Chaloupe &
le Canot à la Mer , pour aller à terre chercher du
fecours qu'on n'avoit pas eû le tems de lui amener,
le Vaiffeau ayant difparu une heure après . On n'a
fauvé dans la Chaloupe & dans le Canot , que Mrs
de Cani , de Kerlorec , de Morogue , Lieutenans; de
Keranifan, de la Prévalaye, de la Mothe, Enfeignes;
de Breteuil , de Courferac de l'Orgerie , de Mennemeur
, de Molien & de Boulainvilliers , fils , Gardes
de la Marine, & 22.Officiers, Mariniers & Matelots .
O
ITALIE.
Na apris de Rome du 8. du mois dernier, que
les Abbés de la Villa , de Sales & de Chasteauneuf
, que le Roy de Sardaigne a nommés à des
Evêchés,fe font rendus en cette Ville pour s'y faire
facrer , & qu'ils ont été attaqués près de Milan par
des voleurs , dont un a été tué par l'Abbé de Sales,
On affûre que l'Abbé Doria , Nonce Extraordinaire
à Francfort pendant la Diette d'Election , fera
nommé pour préfenter à la Reine de Hongrie
les Langes bénits que le Pape doit envoyer à l'Arshiduc
. GENES
E
MAY. 1027 17417
GENES ET ISLE DE CORSE,
N mande de cette Ville , que la déſertion eft
confidérable parmi les troupes de la République
, & que la plupart des déferreurs vendent leurs
Armes aux Corfes , ce qui multiplie le nombre des
affaffins , dont deux ont maffacré un Notaire dans
les environs de Calvi.
Cinq Soldats des troupes Genoifes , qui font à
5. Boniface dans l'Ile de Corfe , ayant déferté , &
une Felouque que le Major de la Place avoit envoyée
pour tâcher de fe faifir d'eux , & qui joignit
leur bateau fous le canon de la Tour de Longofardo,
en Sardaigne, les ayant enlevés à la vûë de cette
Tour , malgré les coups de canon qu'on tira pour
faire retirer la Felouque , le Viceroy de l'Ile de
Sardaigne a demandé que la République fit au Roy
fon Maître une fatisfaction à ce fujet.
O
SUEDE.
N aprend de Stockholm du 7. du mois paffé ,
que depuis quelque tems , M. Beftuchef , Miniftre
du Czar , ne paroît plus à la Cour , & qu'il
n'a point communiqué aux Miniftres du Roy les
dépêches qu'il a reçues par deux Couriers qu'il a
reçûs de Petersbourg.
GRANDE BRETAGNE.
ONmande de Londresdu zo. du moisdernier,
que le 12. le Roy fe rendit à la Chambre des
Pairs avec les céremonies accoûtumées , & que
S. M. ayant mandé la Chambre des Communes
exhortá les deux Chambres à Jui donner de
prompts fecours , pour la mettre en état de foûtenir
028 MERCURE DE FRANCE
nir la dignité de fa Couronne & de défendre les
interêts de fon Peuple .
Les Lettres du Chevalier Chalonner Ogle , marquent
que la nuit du 18. au 19. Janvier dernier , fix
Vailleaux de fon Efcadre avoient attaqué quatre
Vaiffeaux François , qu'ils avoient crû être Efpagnols
; que le combat avoit duré toute la nuit , &
qu'à la pointe du jour , les Anglois ayant reconnul
feur erreur , avoient envoyé un Officier au Commandant
des Vaiffeaux François , pour l'affûret
qu'ils étoient très fâchés de la méprile qui avoit
occafionné ce combat. En voici le détail.
EXTRAIT d'une Lettre écrite le 21. Avril
1741. par un des Officiers de l'Escadre
rentrée dans le Port de Breft le 18 .
Ous faifions route du petit Gouve à la Caye
No. Louis,al nombre de quatre Vaiffeaux ; faifons du peti
>
Ardent , de 64 canons, commandé par M. le Che
valier d'Epinay , le Mercure , de 56. commandé par
M. de Leftendüere ; le Diamant , de so. commandé
par M. le Chevalier de Piofin , & la Parfaite , de
44. commandé par M. le Chevalier d'Eftourmel.
Le 18. Janvier à la pointe du jour , nous découvrîmés
une Flotte Angloife d'environ 8o. voiles , dans
laquelle on crut reconnoître 15. à 16. Vaiſſeaux de
guerre , dont l'un portoit pavillon quarré , au mats
d'Artimon. Cette Flotte étoit à 4. ou 5. lieuës de
nous & paroiffoit faire route pour la Jamaïque. Sur
les 7. heures & demie du matin , nous aperçûmes
6. Navires qui fe détacherent du gros de la Flotte ,
& qui forçoient de voiles pour venir nous reconnoître
; ils avoient un vent affés frais du large , tandis
que nos Vaiffeaux , qui étoient plus à terre , n'en
avoient que fort peu , enforte qu'ils nous aprocherent
MAY. 1741 1029
ent confidérablement ; fur les 11. heures ils mirent
Jeur Pavillon , & tirerent deux coups de canon ,
comme un fignal de nous mettre en panne pour
les attendre , mais nous continuâmes toujours notre
route fans forcer de voiles,
Sur les 3. heures après midi , nous arborâmes nos
Pavillons , que nous gardâmes jufqu'à la nuit , ce
qui n'ayant pas empêché les 6. Vaiffeaux Anglois
de continuer à venir fur nous , nous jugeâmes alors
qu'ils vouloient nous parler de près & nous nous
Préparâmes au combat."
M. d'Epinay avoit difpofé l'Eſcadre de façon qu'elle
formoit un quarré pour empêcher , attendu la fupériorité
du nombre , qu'elle ne fût miſe entre deux
feux ; il fit mettre le Mercure à bas bord de l'Ardent
, qu'il commandoit ; le Diamant ſur ſon avant,
& la Parfaite , fur l'avant du Mercure. C'eft dans
cet ordre
que nous attendîmes les 6. Vaiffeaux , qui
ayant eu moins de vent qu'auparavant , ne purent
nous joindre qu'à 9. heures du foir .
pas en-
Les Anglois venoient fur deux colonnes de trois
Navires chacune ,dont l'une paffa à bas bord de no
tre Efcadre & l'autre àftribord. M. de l'Eftandüere,
qui commandoit le Mercure , voulut parler au premier
qui paffa près de lui , mais il n'en fut
tendu , il demanda au fecond , qui le ferroit de plus
près , d'où étoit le Navire , à quoi il lui fut répondu
Navire de guerre d'Angleterre & fur la demande
qu'on lui fit d'où il étoit , il répondit , Navire de
guerre de France , & demanda fi on étoit en guerre ,
on fit réponſe du Navire Anglois , qu'il n'y avoit
point de guerre entre la France & l'Angleterre , mais
qu'ils nous croyoient Efpagnols , & que nous misfions
notre Canot en Mer fi nous étions François ;
M.de l'Eftanduëre répondit que nous n'étions point
Espagnols , mais que nous ne mettrions point notre
Canot
rozo MERCURE DE FRANCE
Canot en Mer , & que s'ils vouloient envoyer le
leur , ils le pouvoient .
Pendant cette converfation , un autre Navire An-`
glois qui étoit en pourparler avec M. d'Epinay , ne
s'étant pas contenté des mêmes réponſes , tira deux
coups de canon , qui furent le fignal du combat , &
c'eft ainfi que cette affaire s'engagea.
Nos quatre Vaiffeaux effuyerent le premier feu
des fix Anglois à portée du ' Piftolet & fans tirer ,
mais ils le leur rendirent avec tant de vivacité & de
violence , & notre canon & notre moufqueterie
furent fi parfaitement fervis , qu'après deux heures
d'un combat opiniâtre , les Anglois trouverent à
propos de s'éloigner.
>
au
Dans ce premier choc M. d'Epinay avoit affaire
au Commandant ; M. de Leftanduëre ,
Vaiffeau auquel il avoit parlé , qu'il démâta de fon
grand Mât de hune ; M. d'Eftourmel fe battoit contre
un troifiéme , & M. de Piofin fe défendoit contre
trois autres , dont un , à la verité , ne tiroit que
de loin ; pous crûmes d'abord que les Anglois ne
vouloient plus y revenir, mais nous nous trompions ,
ce ne fut qu'une tréve d'une heure & demie , dont
nous profitâmes pour nous mettre en état de recommencer.
La difficulté de manoeuvrer , le calme , le courant
& l'extrême obfcurité de la nuit , n'avoient pas
permis de conferver entre nos Vaiffeaux le même
ordre que dans le premier combat , & M. le Chevalier
de Piofin fe trouvant un peu éloigné , un des
Vailleaux Anglois , fuivi de deux autres , fe hâta de
le joindre , & lui fit effuyer toute fa bordée , à laquelle
M. le Chevalier de Piofin répondit par toute
la fienne , chargée à double boulet & à mitraille ,
qu'il fit fuivre prefque fans intervalle d'une feconde
de la même force , ce qui engagea ce premier
Vaiffeau
MAY. 1741.
хозт
Vaiffeau Anglois à s'éloigner du Diamant . M. le
Chevalier d'Epinay , qui faifoit tous les efforts pour
venir au fecours de M. le Chevalier de Piofin , fe
battit en paffant avec ce même Vaiffeau Anglois ,
qu'il laiffa aux prifes avec M. de Leftanduëre , qui
le fuivoit.Pendant ce tems- là , le Diamant fe battoir
avec les deux autres , dont l'un entraverſé par fon
arriere , l'enfiloit de poupe à proue , & l'autre par
fa hanche à ſtribord , le chauffoit vivement ; il étoit
dans cette fituation depuis près de deux heures , &
n'auroit peut- être pas refté long tems fur l'eau, fi M.
d'Epinay , après des peines infinies , n'étoit parvenu
à fe mettre à portée d'engager le Vaiffeau qui étoit
à l'arriere du Diamant , à fe défendre contre lui . M.
Deftourmel , de fon côté avoit joint un troifiéme
Navire Anglois qui fe trouvoit à l'avant du Diamant
, & le combattoit avec beaucoup de vivacité ,
enforte que le Diamant n'ayant affaire qu'à celui
qu'il avoit à ftribord par fa hanche , & à portée du
fufil , en fut bien - tôt débarraffé dès-lors le
combat devint peu à peu moins vif & finit fur les
4. heures & demie du matin , les Anglois s'étant
tout à fait éloignés de nos Navires.
;
Lorfque le jour parut , nous vîmes l'Efcadre Angloife
à une petite lieuë au vent de la nôtre avec un
Navire démâté & un autre à la bande , & leurs Canots
aller d'un Navire à l'autre. Sur les huit heures
du matin un de ces Canots fe détacha , ayant Pa
villon blanc fur l'avant , il vint à bord de M. d'Epinay
, à qui l'Officier qu'il portoit , dit que les Anglois
nous avoient pris pour des Eſpagnols , qu'il
n'y avoit aucune interruption de bonne intelligence
entre les Couronnes de France & d'Angleterre
& que leur Commandant étoit bien fâché de cette
méprife , à quoi M. d'Epinay répondit que cette
méprife n'étoit point fon affaire, mais celle de leurs
Maîtres.
·
Le
1032 MERCURE DE FRANCE
Le Canot Anglois étant retourné à fon bord
chacun fit fa route , les Anglois à l'Oüeft & nous à
Eft .
Les François ont perdu en tout 35. hommes & ont
eû 70. bleſsés . On ne peut affés donner d'éloges à
la valeur & à la prudence de nos Officiers , & à la
fermeté que nos Equipages ont fait paroître dans
un combat fi inégal par la fupériorité du nombre &
par la force des Vaiffeaux Anglois , dont les deux
premiers , commandés par Lord Augufte & Lord
Beauclair , étoient de 70. canons & les 4. auttes
' de 60 .
t
Les Seigneurs préfenterent le r. du mois dernier
une Adreffe au Roy, dans laquelle ils affûrent S.M.
qu'ils ne peuvent exprimer toute la reconnoiffance
que leur infpirent les foins qu'elle prend pour
maintenir la liberté de l'Europe & l'équilibre entre
les Puiflances , & qu'en cas qu'il foit néceffaire
faire de plus grandes dépenfes pour contribuer à
T'exécution de la Pragmatique Sanction , le Roy
peut fe repofer fur leur zele ; qu'ils ne négligero.C
rien pour mettre S. M. en état de foûtenir les interêts
de la Reine de Hongrie , & qu'ils feconderont
de tous leurs efforts l'intention dans laquelle eft le
Roy d'empêcher l'abaiffement de la Maifon d'A
triche , l'ancienne & naturelle Alliée de la Couro
ne de la Grande - Bretagne.
Le Roy répondit , MYLORDS , je vous remerc
d'une Adreffe fi convenable dans la fituation préfen
des affaires. L'interêt que vous prenez à secouri
la Reine de Hongrie & à foutenir la Maifon d'Autri
che , m'est très- agréable. Vous pouvez compter que
n'uferai des effets de votre confiance , que pour mai..
tenir la Pragmatique Sanction, & pour conferver
Balance dans l'Europe.
L'Adrefle de la Chambre des Communes conti
MAY.
1741.
1033
les mêmes
afférances que celle des
Seigneurs.
Les
Espagnols fe font emparés des
Vaiffeaux le
Carbonner &
l'Elizabeth ,
commandés par les Capitaines
Pike & Davis , & d'un autre Vaiffeau Marchand
,
richement chargé , qui venoit de Gallipoli.
Un
Armateur
Anglois a
conduit à la
Jamaïque
un Vaiffeau Eſpagnol & trois Vaiffeaux
Hollandois
fur lesquels il y avoit des
Marchandifes
d'efpagne,
& ces quatre
Bâtimens ont été jugés de bonn
priſe.
****************
MORTS DES PAYS
ETRANGERS.
J
Ean -Baptifte Rouleau , Parifien , qui a mérité
par fes Ouvrages d'être regardé commé un des
premiers Poëtes François de ce fiécie , mourut
Bruxelles le 17. Mars dernier , âgê de 72. ans,
ODE fur la Mort de M.
Rouffeau , par
M.
Harduin , de la Societé
Litteraire
dArras.
Uel fleau du
Parnasse a détruit tous les char
mos !
Les Plaifirs font bannis de ces Lieux
fortunés :
O Mafes, de vos yeux je vois couler des larmes ;
De funeftes Cyprès vos fronts font
couronnés.
"
*
Apollon pénétré d'une douleur
touchante ,
De cris
impétueux fait retentir les Airs ;
Déja fes Favoris , que glace
Pépouvante
Accourent à fa voix des bouts de
PUnivers .
I Ils
1034 MERCURE DE FRANCE
Ils arrivent , le Dieu les regarde , foûpire ,
Et leur dévoile ainfi fes regrets fuperflus :
O vous , mes chers Sujets, foutiens de mon Empire,
Ecoutez & pleurez, le grand Rouffeau n'eft plus.
*
Pourquoi , Deftin cruel , fur le fombre Rivage
Le Pindare François eft- il précipité ?
Qui fçait des Immortels emprunter le langage ,
Ne doit- il pas jouir de l'Immortalité ?
Non , telle eft des Humains la carriere fatale ;
Ils doivent tous defcendre au féjour de Pluton
La Mort a renversé d'une fureur égale
Et Turenne & Therfite , & Virgile & Pradon.
Toutefois un Génie , un Guerrier magnanime ,
Bravent , en périssant , le Titre de Mortels ;
Si des coups du trépas leur corps eft la victime ,
Și leurs jours font fixés , leurs noms font éternels.
Mais que dis -je ,Guerriers ! non , non, votre mémoire
Chaque jour est en butte à des périls nouveaux
>
Et l'on a vu cent fois une infidele Hiftoire
Affoiblir vos vertus , accroître vos défauts.
Un Chantre ingénieux ne craint pas ces orages ;
C'eft en vain que l'Envie oferoit l'outrager ; -
I
Rien
MAY. 1741.
1035
Rien ne peut alterer fes fuperbes Ouvrages ;
Une Action s'efface , un Vers ne peut changer.
*
Ils ne mourront jamais , ces Cantiques fublimes ;
Que Rouſſeau fit éclore en un tranſport divin ;
Elles vivront toujours , ces élégantes Rimes ,
Dont il chanta les Dieux de l'Amour & du Vin.
Que de feu , que de fel en fes Jeux Marotiques !
Oui , je verrai Marot s'aplaudir à jamais ,
Que Rousseau , ranimant mille termes antiques
Ait daigné de fon ftile imiter les attraits.
*
La Nature autrefois de ſes bienfaits avare ,
Vouloit qu'un feul talent diſtinguât les eſprits ;
Mais Rouffeau de fes mains reçut un don plus rane
De cent talens divers il remporta le prix.
*
Adorable Ecrivain , fi la pâle tristesse.
Ofe un jour penetrer dans le Palais des Dieux ;
Je chanterai tes Vers , & foudain l'allegresse
De fes regards charmans embellira les Cieux,
Jadis de cent Mortiers les bouches embraſées ,
Dans Bruxelle ont vomi la mort & la terreur ;
Les Citoyens tremblans fous leurs voûtes brifées
Du François irrité maudissoient la fureur.
* En 1695. Tij No
1036 MERCURE DE FRANCE
Ne crains plus deformais les redoutables armes
Bruxelle , ne crains plus que la Foudre à la main
Il t'ole préparer de nouvelles allarmes ,
1.
Sois tranquille , Rousseau repofe dans ton fein.
Le 22. Avril Jacques Comte de Waldegrave , Vir
comte de Chewien , dans le Comté de Sommerfet,
Pair de la Grande- Bretagne , Chevalier de l'Ordre
de la Jartetiere , Gentilhomme de la Chambre du
Roy d'Angleterre regnant , & fon Ambaffadeur Extraordinaire
& Plénipotentiaire à la Cour de France
, mourut à la Terre de Newftok, dans la Province
d'Effex , âgé d'environ 57. ans. Il étoit né dans
la Religion Catholique , mais ayant embraflé la Religion
Anglicane , il fut admis & prit féance daus
la Chambre des Pairs de la Grande - Bretagne le 23 .
Fevrier 1722. & le Roy d'Angleterre le nomma
Gentilhomme de fa Chambre au mois de Juin 1723.
Il l'envoya au mois de Septembre 1725. en France
pour complimenter le Roy de fa part fur fon Mariage.
Ayant été nommé au mois de Juin 1727.Ambaffadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire auprès
de la Cour Impériale , il fut chargé , en paffant par
la France , d'aller complimenter le Roy fur la gros.
fffe de la Reine. Les Titres & Dignités de Vicomte
& de Comte du Royaume de la Grande - Bretagne
lui furent accordés & à les héritiers mâles légitimes,
au mois de Septembre 1729. & ayant été nommé le
8. Août 1730. Ambaffadeur Extraordinaire & Plénipotentiaire
à la Cour de France , il eut en cette
qualité fa premiere audience particuliere du Roy ,
de la Reine & de Monfeigeur le Dauphin à Verfailles
le 19. Se ptemb: e fuivant. Il étoit fils de Henry
Waldegrave Lord , Baron de Chewton , Contrôleur
de la Maifon du Roy, Jacques 11. qu'il fuivit en
France
MAY.
1741. 1037
France , où il mourut à Saint Germain en Laye
en 1689. & de Henriette Fitz - James , morte
le 14 Avril 1736. laquelle étoit fille naturelle,du
même Roy Jacques II . & d'Arabelle Churchill ,
facur de feu Jean Churchill , Duc de Marlborough.
Le Comte de Waldegrave avoit épousé Marie
Webb fille de Jean Webb , Baronnet de Hat
herop. Il en a eu Jacques Waldegrave , Vicomte de
Chewton , né le 15 Mars 1715 qui fuccede aux
Titres & aux biens de fon Pere ; Henriette Walde
grave, née le 2. Janvier 1717. & Jean Waldegrave,
né le 28. Avril 1718.
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , & C
E 20. du mois dernier , le Roy & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Ver
failles , la Meffe de Requiem , pendant laquelle le
De profundis fut chanté par laMufique ,pour l'Anniverfaire
de Madame la Dauphine , Ayeule de S. M.
Le 24. la Reine communia par les mains de l'Abbé
de Saint Hermine, fon Aumônier en quartier.
Le 25. M. Crefcenzi , Archevêque de Naziance,
& Nonce Ordinaire du Pape eut une audience particuliere
du Roy , & il y fut conduit par M. de Verneuil
, Introducteur des Ambaffadeurs.
Le 27. les nouveaux Drapeaux du Régiment des
Gardes Françoifes & de celui des Gardes Suiffes ;
furent portés à l'Eglife Métropolitaine , où ils fu-
I rea
1038 MERCURE DE FRANCE
rent benits avec le céremonies accoûtumées pa⭑
l'Archevêque de Paris .
Le r . de ce mois le Roy prit le deuil pour la
mort du Prince de Carignan, dont le Prince de Ca
rignan fon fils a donné part à S. M.
Le 8. le Roy fit dans la Plaine des Sablons la Revue
du Régiment des Gardes Françoifes & de celui
des Gardes Suiffes , lefquels firent l'exercice & défilerent
en préfence de S. M. Monfeigneur le Dauphin
accompagna le Roy à cette Revûë , à laquelle
la Reine & Mefdames de France fe trouverent.
Le Roy a donné l'Abbaye de la Capelle , Ordre
de Prémontré , Diocèfe de Toulouze , à l'Abbé de
Saint He mine , Aumônier de la Reine ; celle de
S. Guilhem du Defert , O. de S. Benoît , Diocèfe
de Lodeve , à l'Abbé de la Prunarede ; celle de S
Marin des Aires , O. de S. Aug. D. de Troyes , à
l'Abbé de Savollian , celle de la Val - Roy , O. de
Citeaux , D. de Rheims , à l'Abbé de Chamillard ,
Grand-Vicaire de l'Evêque d'Evreux ; celle de S.
Sever , O. de S. Benoît , D. de Coutances , à l'Abbé
de S. Exupery , Chantre & Chanoine de l'Eglife
Métropolitaine ; l'Abbaye Réguliere de Marcilly ,
O. de Citeaux , D. d'Autun , à Dom Mafcufon ;
celle de Vaucelles , O. de Citeaux , D. de Cambray,
à Dom Platelle , & l'Abbaye Réguliere de la
Virginité , O. de Cîteaux , D . du Mans , à la Dame
de Guerin de Bruflart.
Le Roy a fait une Promotion d'Officiers Géneraux
dans la Marine .
Le Comte de la Luzerne , Lieutenant Géneral des
Armées Navales de S. M. & Chevalier de fes Ordres,
MAY. 1741.· 1039
ares , a été nommé Vice - Amiral , à la place du fea
Marquis d'Antin.
Le Marquis de Rochallar , a eû la place de Lieutenant
Géneral , qu'avoit le Comte de la Luzerne.
Le Comte de Roquefeüille a été nommé Lieutenant
Géneral furnumeraire.
"
Le Marquis de Beauharnois , Gouverneur de la
Nouvelle France , & Mrs de Rochambeau , de Bart
de la Vallette-Thomas , & de Barailh , ont été faits
Chefs d'Efcadre.
S. M. a accordé au Comte de Chavagnac , Chef
d'Efcadre , la permiffion de fe retirer avec la Commiffion
de Lieutenant Géneral.
Le Roy a fait depuis un remplacement d'Offi
ciers de Marine , par lequel S. M. a nommé vingtfx
Capitaines de Vaiffeaux , 80. Lieutenans d'Artillerie
, or. Enſeignes de Vaiffeaux , deux Sous-
Lieutenans , & neuf Aides d'Artillerie .
Capitaines de Vaiffeaux.
,
Mrs de Marfillac Chambon , de Chateaurenard ;
de Glandeves , de Franfure , Perier de Salvert , de
Cany , de Reals , Davaleau , de Selve l'aîné , de
Beaumont le Normant Conrart de Surmont ,
Champmartin , du Tillet , de Fraignes , du Mefné ,
Pepin de Maifonneuve , Longueval d'Haraucourt
Euzenou de Kerfalaun , de Biragues , le Chevalier
d'Ervaux , Montlouet Major à Breft , de Roffel ,
Penandref de Kerfaufon , Martonne , de Flavacourt,
& de Lizardais.
Lieutenans de Vaiffeaux.
Mts de Serquigny Daché, de S. André du Verger ,
Lortie Petitfief , du Puis , de Rochechouare , de
Calmeilh, la Balme, la Clochetterie , du Clefmeur,
iiij le
•
1040 MERCURE DE FRANCÉ
le Chevalier de Pontevés , de Viray , de Guidy , de
la Filiere , du Caftelet Perez, Montalez , Deffonvil
le , Marcouville , de la Villeon , le Chevalier de
Cogollin , de Rochemore la Devefe , de Dracourts
Ripert , Defgouttes la Salle , de Drée la Serée , le
Chevalier de Pannat , le Chevalier de Requifton ?
de Mezieres , Colbert Turgis , le Chevalier de Parcevaux,
d'Erville , Kerfa - Boifgelin , Kerjean Kerjean,
de Cabanoux , de Guerros , de Moëlien de Saint
Laurent de Sartes , Darcy de Montfriol , le Chevá→
lier de Gouyon , le Chevalier de Caftillon , de Saint
André Montmejan , de Saint Allouarn , de Fondsrivaux
, de Kermabon , Darquemont , de Tourres ,
Saguy , de Saillies , du Mefnil Norey , Kerlerec de
Kervafegan , de Merville , Aide - Major à Rochefort
, le Chevalier de Vence , le Chevalier de Villevielle
, Thierfant, de Terneyre, Beauffier de Quiez,
de Chezac , Jubert de Bouville , de Chancy , de
Kerfaint , de Tredern du Drenec , Caftillon l'aîné ,
Neveu de Roulon , Odon des Gouttes , Bart , de
Chapifeaux , d'Urtubie Fagoffe , de Keroulas , le
Marquis des Gouttes, le Chevalier d'Amfreville , de
Roquefeuil , le Chevalier de Merey; du Tremic , de
Galean de Gadagne , le Chevalier de Caumont , de
Laiguville Froger , Defnos Champmeflin , le Mar
quis de la Ferté Saint Aignan, de Beauharnois Beau
mont , le Vaffor de la Touche , de Saurins , & de
Coufage de la Rochefoucault , Aide- Major à Breft.
Lieutenans d'Artillerie.
Mrs Mathezou de Kerpech , & la Broffe.
Enfeignes de Vaiffeaux.
Mrs de la Touche Treville , Lieutenant de la
Compagnie des Cadets à Rochefort , de la Jaille ,
Foucault, de Marniere, Clairfontaine , de Caftelane
Saint
MAY. 1041 1741.
Saint Jeurs , de Sivrac , Giraud de Creffol , de Fulconis
, de Plas , de Penandref Kerſauſon , de Boux
Saint Mars , le Chevalier de Breteuil Taillefer , le
Chevalier d'Herly , de l'Ile Calian , de Caftelanela-
Valette , Blanc Saint Remy , de Saint Victoret ,
Boifron d'Orignac , de la Benerais Bedoyere , de
Rofmadec de Saint Allouarn , Mablan Daiminy, du
Pleffis Botherel , Rouffel du Preron , Vilfevieille
de Vaux , le Chevalier de Carné , Blotfier , de Bra
quemont , Tayac de Calnimont , Joffelin de Mari
gny , de Gadeville , Meyronet Saint Marc , de Me
rés , de Montcalm Saint Veran , de Carcaradec , la
Villeblanche , le Chevalier de Blois , le Chevalie
de Kerfaufon , de Goy , du Quenhouet le Mintier
le Chevalier de la Baftide Chateaumorand , de l
Martonie , Dalbert-Sillans , de Saint Pol , Dandanne
de Lincourt , de Fabregues , Donnadey Saint Lau
rent , d'Aymar Puymichel , Breugnon , Coatudaver
Moelien de Gouandour , le Chevalier de Bois de l
Mothe , le Chevalier de la Chaux , de Villeneuve
Mons , de la Monneraye , Laccary , da Comté P
gache , du Marhalla , le Chevalier Boifron d'Ori
gnac , de Bois de la Mothe , du Bourdet , Achars
de la Brangelie , Deshayes de Cry , le Veyer , le
Chevalier de Breugnon , de Courferac , de Ruis
Lorgeril, du Mefnifdot de Rideauville , du Lefcoe ,
t,
du Vergier Kerghorlay , Turmelin de Lefquilly
Michaelis de Menc , Guiny de Kerhos , le Cheva
lier de Beaucouffe , Roland de Kerloury , le Mouton
du Manoir , le Chevalier d'Albert , Cofte d
Champeron , de Sade Vauderonne , le Chevalie
Defnos , de Saint Pierre , Borry , du Drefnay der
Roches , Thomas de Chateauneuf , de Saint Saëns
le Chevalier de Martan , le Chevalier de la Tour ,
le Chevalier de Crefnay, le Chevalier de Nolivos) ;
Doffemont , de Boulainvilliers , le Chevalier de
1 # Laugies
1042 MERCURE DE FRANCE
Laugier de Beaucouffe , de Gabaret , de Lizardais ,
le Chevalier de Montboiffier, le Chevalier de Tourville
, le Chevalier de Forbin d'Oppede , le Cheva-
Jier Dagouft , le Marquis de Veyne , & le Commandeur
de Fleury.
Sous-Lieutenans & Artillerie:
Mrs Herpin & de Gaucourt.
Aides d'Artillerie.
Mrs Faucher , de Levemont , de Kerdaniel , le
Chevalier de Moy , la Combe Benneville , Taillevis
de Perigny , le Chevalier de Noé , de la Thulaye, &
de Beauchefne ..
Le Chevalier de la Chaife , Lieutenant d'une
Compagnie de Grénadiers du Regiment des Gardes
Françoifes , a éte nommé fecond Cornette de la
premiere Compagnie des Moufquetaires de la Garde
du Roy.
Le Roy a accordé au Marquis de Gondrin , fils
du Duc d'Antin , la Lieutenance Génerale au Gou
vernement de la Haute & Baffe Alface , qu'avoit le
feu Marquis d'Antin .
Le Marquis Monti a été nommé Colonel
Lieutenant du Régiment Royal Italien , qu'avoit le
feu Prince de Carignan.
Le zo. de ce mois , Leurs Majeftés revinrent à
Verſailles du Château de Marly.
Le même jour , veille de la Fête de la Pentecôte,
la Reine affifta dans la Chapelle du Château aux premieres
Vêpres qui furent chantées par la Mufique.
Le 11. jour de la Fête, les Chevaliers , Comman
deurs & Officiers de l'Ordre du S. Efprit , s'étant
affemblés vers les onze heures dans le Cabinet du
Roy ,
MA Y. 174120 1043
Koy , S. M. fe rendit à la Chapelle du Château ,
étant précedé du Duc d'Orleans , du Duc de Chartres
, du Comte de Clermont , du Prince de Conty,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu & des Chevaliers
, Commandeurs & Officiers de l'Ordre . Le
Roy entendit la grande Meffe , qui fut célebrée par
l'Abbé Brosseau , Chapelain de la Chapelle de Mufique
, & après laquelle S. M. fut reconduite dans
fon apartement en la maniere accoûtumée .
La Reine , Monfeigneur le Dauphin & Mefdames
de France , entendirent la même Messe dans
la Tribune.
L'après midi , Leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Madame , entendirent
la Prédication de l'Abbé le Fevre , Théologal
de l'Eglife Cathédrale de Verdun , & enfuite les
Vêpres chantées par la Mufique.
Le Roy a quitté le deuil qué S.M. avoit pris le se
pour la mort du Prince de Carignan.
Monfeigneur le Dauphin vient d'avoir une fluxion
, accompagnée d'un mal de gorge & d'un peu
de fiévre . Depuis les deux faignées qu'on lur a faites
le 23. de ce mois , la fievre & les douleurs ont cesfé
, & ce Prince eft actuellement auffi bien qu'on'
puiffe le defirer. y
Le 23. le Duc de Caftro Pignano , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roy de deux Siciles eut une audience
particuliere du Roy , dans laquelle il prit
congé de S. M. Il eut enfuite audience de la Reine
de Monfeigneur le Dauphin & de Mcfdames det
France , & il fut conduit à toutes ces au diences par
M. de Verneuil , Introducteur des Ambaffadeurs.
Le Roy a nommé Colonel du Régiment des Garde
Lvj Françoile
1044 MERCURE DE FRANCE
Françoifes le Duc de Gramont . S. M. lui a accor
dé en même tems le Gouvernement du Royaume
de Navarre & de la Province de Bearn , & le Gouvernement
particulier des Ville , Châteaux , Cita
delle de Bayonne , & Pays adjacents.
Le Gouvernement de la Citadelle de S. Jean
Pied -de-Port a été donné par le Roy à M. de Terlaye,
Lieutenant Géneral des armées de S. M. Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis,
& Lieutenant- Colonel du Régiment des Gardes
Françoifes.
Le Roy a accordé la place de Confeiller d'Etat ,
vacante par la mort de M. de Bouville, à M. le Pelletier
de la Houffaye , Intendant des Finances.
S. M. a permis à la Marquife de Rupelmonde ,
Dame du Palais de la Reine , de fe démettre de
cette place en faveur de la Comteffe de Rupelmonde
, fa Belle- fille.
Le Pere Du Reau , Religieux Cordelier , Docteur
de Sorbonne , & Prédicateur du Roy, ayant prêché
le Carême dernier dans l'Eglife de l'Abbaye de
Fontevrault, Mefdames de France, qui font élevées
dans cette Abbaye , lui firent Phonneur de l'entendre
le jour de Pâques' ; elles ont été très - fatisfaites
de l'Orateur ; il leur fit un petit Compliment rem
pli de pieté & d'une éloquence chrétienne . Il eft le
premier Prédicateur que ces Dames ayent entendu,
depuis qu'elles demeurent dans cette Abbaye.
Le 10.. du mois dernier, il y eut Concert chés Fa
Reine, qui continua le 12, & le 15. On y concerta
l'Opera d'Iphigenie , dont les principaux Rôles furent
remplis par les Dlles Mathieu , Huguenot &•
Romainville , & par les fieurs du Bourg , Poirier ,
d'Angerville & le Cler.
Le
MAY.
17411 1041
Le 17. le 19. & le 22. S. M. entendit l'Opera de
Telemaque , de la compofition de M. Deftouches ,
Sur- Intendant de la Musique du Roy. Les Dlles
d'Aigremont , Defchamps & Lenner , chanterent
les principaux Rôles , avec les fieurs le Begue ,
noît & le Cler.
Be
Le 29. Avril , le z. & le 6. Mai , on executa à
Marly , l'Opera d'Hefione de M. Campra , dont les
premiers Rôles Prologue & de la Piéce furent
remplis par les mêmes Sujets qu'on vient de nommer,
& par les fieurs Godeneche & Jelior..
T
Le 1s & le 24 on concerta à Verfailles l'Opera de
Callirhoé, de M. Deftouches, dont les premiers Ro
les furent chantés par les mêmes Sujets de la Muft
du Roy , dont la Reine très-fatisfaite.
parut
Le 24. on concerta l'Opera de Rolland . Les mêmes
Acteurs remplirent les principaux Rôles du
Prologue & de la Tragédie.
que
Le ri. Mai , Fête de l'Afcenfion , il y eur Con
eert Spirituel au Château des Tuilleries , qui com
mença par le Moter Lauda Jerufalem , de la compofition
de M.le Vaffeur, lequel fut fuivi d'une Piés
ce de Symphonie , exécutée fur le Baffon par M
Ruault , & du Motet Quemadmodum de M. de la
Lande ; les Diles Fel & Chevalier ont chanté differens
Récits avec beaucoup de préciſion Le Cons
cert fút terininé par l'Exaudiat Dominus , Moter de
M. de Boismortier.
Le 21. Fête de la Pentecôte , le même Concert
recommença par le Motet Lauda Jeruſalem , de M.
Cheron , qui fut fuivi d'un petit Motet à voix feule,
chanté par la Dile Chevalier ; le Concert finit par
le Magnus Dominus , Mótet à grand Choeur de M.
de la Lande , précedé de plufieurs excellentes Pié
ees de Symphonie.
Le
1046 MERCURE DE FRANCE
Le 11. & le 21. de ce mois, le Chevalier Servandoni
, qui avoit donné pendant les trois ſemaines
de Pâques fur le Théatre du Château des Tuilleries
un nouveau Spectacle , repréfentant les Travaux
d'Uliffe , donna le même Spectacle le jour de l'Afenfion
& les trois Fêtes de la Pentecôte , avec des
changemens & des augmentations confidérables ,
dont le Public a parû fatisfait.
On a reçû avis que Brieg s'étoit rendu le 4. du
mois dernier. La Garnifon & le Géneral Piocolomini
, qui commandoit dans cette Place , fe font
engagés à ne fervir de deux ans contre le Roy de
Pruffe la Garnifon a dû être conduite , avec deux
piéces de canon , à Oppelen & à Ratibor,
:
Le 16. le Prevôt des Marchands , accompagné des
Echevins , s'étant rendu à la Grand' - Chambre du
Parlement , repréſenta à la Cour , les Gens du Roy
préfens , que la trop longue féchereffe faifant craindre
pour le fuccès de la prochaine Recolte , ils font
obligés de recourir à Dieu par la puiffante proteetion
de Sainte Geneviève , & à la Cour , pour la
fupplier d'ordonner que la Châffe fût découverte ,
ee qui fût accordé , & en conféquence la Cour
rendit un Arrêt , qui fut porté lemême jour par le
Greffier en Chef à l'Abbé de Ste Geneviève , lequel
fit découvrir auffi tôt la Châffe, au fon de toutes
les cloches de l'Abbaye.
Le même jour , l'Archevêque de Paris fit publier
le Mandement qui fuit.
CHARLES-GASPARD- GUILLAUME DE VINTIMIL
LB DES COMTES DE MARSEILE DU LUC , par la Miféricorde
Divine , & par la grace du Saint Siége
Apoftolique , Archevêque de Paris , &c .
Une longue féchereffe, qui a fuccedé à des pluyes
M A
Y.´´1741. 1047
Trop abondantes , renouvelle les allarmes que le dérangement
des faifons nous a caufées dans le cours
de la précédente année . Le Ciel , en ſe couvrant
de tems en tems de nuages , femble nous prépares
& nous promettre le fecours néceffaire à nos befoins
; mais il diffipe , ou rallentit bien- tôt nos efpérances,
& nous rejette dans la crainte de voir dépérir
chaque jour les aparences d'une riche &
abondante récolte. Pouvons-nous ne pas comprendre
par- là , qu'un obftacle de notre part, éloigne le
bienfait que fa Bonté eft prête à nous accorder ?:
Prenez garde , difoit autrefois Moyle aux Enfans
d'Ifraël, que vous n'abandonniez le Seigneur pour ado
rer des Dieux étrangers , & qu'irrité contre vous , il
neferme le Ciel ; que par fon ordre , les pluyes ne cef-
・fent d'arroser la Terre , & de lui faire pouffer for
fruit.
+
Nous n'avons pas , il eft vrai abandonné le Sei→
gneur , pour rendre un culte iinpie à des fauffes Divinités
, mais nous l'avons outragé en une infinité
d'autres manieres ; & dans un fleau femblable à celui
dont il menaçoit autrefois cette Nation perverfe
, il nous eft impoffible de méconnoître la main
d'un Dieu puiffant & courroucé , qui venge fur des
ingrats & des rebelles , l'abus de fes Dons , & le
mépris de fes Loix. ༔ ;
Dans cette trifte conjoncture , notre unique reffource
eft d'apaifer notre Juge. Si nous recourons à
Ini dans les gémissemens & la pénitence ; fi , vivement
pénétrés de notre indignité & du regret de
nos fautes , nous le conjurons de pardonner à un
Peuple tremblant & confterné à la vûë de ſa jufte.
colere , il rapellera en notre faveur fes anciennes
mifericordes , & il fe repentira , fuivant l'expreffion
d'un Prophéte , du mal qu'il avoit réfolu de nous
faire.
1048 MERCURE DE FRANCE
A CES CAUSES , ayant égard aux repréſentations
des premiers Magiftrats , qui nous ont fait connoi .
tre les voeux du Public , après en avoir conferé avec
nos Venerables Freres , les Doyen , Chanoines &
Chapitre de notre Eglife Métropolitaine , Nous ordonnons
, que conformément à l'ufage pratiqué en
pareille occafion , Mercredi prochain , & pendant
neufjours confécutifs , on dira à l'issuë de la principale
Messe dans notredite Eglife , & dans toutes
celles de la Ville & de la Banlieuë , le Pfeaume
Miferere , le Trait , Domine non fecundùm peccara
noftra , c. fuivi du Verfer , Oftende nobis , & c. et
de la Collecte que Nous avons ci - devant ordonné
de réciter à la Messe ; Qu'après les Vêpres on fera
la Proceffion autour , ou aui-
dedans defdites Egli
fes , en chantant les Litanies des Saints , qui feront
terminées par l'Oraifon de faint Marcel , de fainte
Geneviève et de leurs faints Fatrons ; et qu'au retour
on chantera l'Antienne , Sub tuum prafidium
c. le Verfet, Ora pro nobis , & c. & l'Oraifon , Con
cede nosfamulos tuos , &c. Que pendant ladite Neu
vaine le Clergé des Eglifes Collégiales et Paroiffiales
, et celui des Communautés Séculiéres et Régu
lieres , vifiteront proceffionnellemenr l'Eglife de
Notre-Dame et celle de Sainte Geneviève , où les
Châsses de ce Saint et de cette Sainte feront décou⚫
vertes. Nous exhortons les Fideles de fe joindre au
Clergé , ou de vifiter en particulier lefdites Eglifes,
et de demander à Dieu avec ardeur , par l'intercel
fion de nos faints Patrons et Protecteurs , d'accor
der à leurs larmes et à leur repentir la cessation ·
d'une calamité, que leurs crimes et leur impénitence
leur ont attirée Nous ordonnons aux Curés des
Paroisses de la Campagne , de faire pendant neuf
jour dans leurs Eghles , auffi - tôt après la réception
de notre préfent Mandement , les Prieres marquées
MAY
1049 17417
ci-dessus , et Nous leur permettons d'y ajoûter
quelque pratique de piété , qu'ils jugeront propre à
exciter le zéle & la ferveur de leurs Peuples.
Il y eût auffi ce même jour un Mandement publié
par le R. P. Abbé de l'Abbaye de fainte Geneviève,
dont voici la teneur.
FRANÇOIS PATOT , Abbé de l'Abbaye Royale de
Sainte Geneviève au Mont de Paris , dépendante
immédiatement du Saint Siége , & Superieur Gé
neral des Chanoines Réguliers de la Congrégation
de France : Aux Chanoines Réguliers de notredite
Abbaye , & à toutes autres perfonnes dépendantes
de notre Jurifdiction Abbatiale : SALUT. Nos prié
res font depuis long- tems fans effet , & nos voeux
ne fe font point élevés jufqu'au trône des miſéricordes
de notre Dieu. Sa main s'apéfantit de jour
en jour fur fon Peuple , & fa patience laffée , nous
fait éprouver les rigueurs de fa Juftice. Les calami
rés les plus affreufes fe fuccedent les unes aux aus
tres. Le Ciel refuſe à nos Campagnes fes douces
influences. Ces Pluyes dont il arrofoit Phéritage
d'une Nation chérie, font fufpenduës , & une féche
reffe prefque générale augmente nos craintes &
nos alarmes paflées. Nos efpérances abattuës ne
peuvent être relevées que par la main de celui qui
nous châtie dans les jours de fa colere. Cefferons
nous de réclamer fes mifericordes ? Qui (çait , s'il
ne fe laiffera pas fléchir , & fi malgré l'excès de
nos iniquités , il ne jettera pas fur nous des regards
favorables ? S'il nous afflige , il peut nous confo
ler ; s'il nous frape , il peut nous guérir . Revenons
à lui de tout notre coeur . Elevons nos voix du fond
de l'abîme dans lequel nos crimes nous ont préci
pités. Perfuadés de notre propre indignité , récla…
mons la protection de notre Sainte Patrone , qui ,
fenfible à nos malheurs,fléchira le Ciel , & comme
Foso MERCURE DE FRANCE
le Prophété , engagera le Seigneur à ranimer par
des Pluyes falutaires nos Moiffons defféchées.
A CES CAUSES , pour nous conformer à l'Arrêt de
ée jour , rendu par la Cour du Parlement à la réquifition
de Meffieurs les Prevôt des Marchands &
Echevins de cette Ville , Nous ordonnons que la
Châffe de Sainte Geneviève , Patrone de Paris &
du Royaume , fera entiérement découverte cejours
d'hui , dont la Ville fera avertie par le fon de toutes
les Cloches de notre Abbaye ; Que le même
jour on commencera les Prieres Publiques par un
Salut , qui fe fera après Complies ; & demain Mereredi
, par une Meffe folemnelle , qu'on célébrera
à neuf heures du matin : Que pendant le tems que
la Châffe demeurera découverte , on dira au Grand
Autel des Meffes , depuis cinq heures du matin jufqu'à
midi ; & que tous les foirs après Complies
fera fait un Salut , qui commencera par une Proceffion
dans l'Eglife , à laquelle on chantera , 1°.
4? Les Litanies , Aufer à nobis ; c. 2°. L'Antienne de
Sainte Genevieve , O Felix Ancilla , & c. 3º. Le
Répons , Si claufero. L'Antienne de la Sainte Vierge
, Sub tuum prafidium , & Domine , falvum fae
Regem , & l'Antienne Da Pacem ; le . Operi , Domine
, coelum nubibus . B. Et para terrapluviam . Les
Oraifons. La premiere , Ad petendam pluviam . Deus
in quo vivimus. Ea deuxième , de la Sainte Vierge ,
Concede nos. La troifiéme de Sainte Geneviève ,
Prafta quafumus . La quatrième , pour le Roy , Quafumus
, omnipotens Deus. La cinquième , pour la
Raix Deus , & quo fancta defideria.
Nous ordonnons de plus , que pendant que la
Châffe demeurera, expoſée à la dévotion des Fideles
, tous les Prêtres qui célébreront la Meffe dans
notre Eglife , continueront de dire les Oraifon
Secrette , & Poftcommunion , intitulées dans le
"
MAY. 1741 1051
Missel Adpetendam pluviam ; Et enjoignons à tous
les Chanoines Réguliers de cette Abbaye , de faire
en leur particulier des Prieres pour obtenir de Dieu
qu'il exauce fon Peuple , & accorde des Pluyes falutaires
aux Biens de la Terre.
La Châsse de S. Germain fut pareillement décou
verte le même jour 16. Mai , & il y eut des Prieres
ordonnées dans le même efprit , dans l'Eglife
de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez.
Le 26. la clôture de la Neuvaine , au fujet des
Prieres faites en l'Eglife de Sainte Geneviève , à
l'occafion de l'extrême fécheresse , fût faite avec
les cérémonies accoûtumées . Le Prevôt des Marchands
, accompagné des Echevins & du Corps de
Ville , s'y étoit rendu le matin. A fon arrivée , le
R. P. Abbé fit un Difcours éloquent fur la reconnoissance
qui étoit dûë à la Patrone de Paris , fur
fa cessation de cette grande fécheresse auquel le
Prevôt des Marchands répondit avec dignité. On
célébra enfuite la Messe, après laquelle le Te Deum
fut folemnellement chanté en Actions de graces,
MORTS.
E 30. Mars,Jacques- Auguſté Bethauld, apellé le
ComtedeChenault,Seigneur de Varennes, ancien
Lieutenant d'une Compagnie de 100. Gentilshommes
Cadets en Normandie, auparavant Capitaine
d'Infanterie dans le Régimentde Baffigny, mourut
à Paris âgé de so. aus . On a raporté la mort de fon
frere aîné dans le Mercure d'Avril 1737. p . 817. &
celle de la Dame fa mere dans le Mercure de Désembre
dernier , premier Vol, p. 2755. Celui qui
1052 MERCURE DE FRANCE
vient de mourir étoit marié , & laiffe des enfans.
I
Le même jour Dane Julie de Pompadour de
Laurieres , veuve depuis le mois de Mai 1731. de
Jean de Talleyrand de Perigord , Prince de Chalais
, Marquis d'Exidouil , Baron de Mareuil Rouf
fiac , Yver &c. mort à l'âge de 89. ans , avec lequel
elle avoit été mariée au mois de Février 1676 .
mourut dans fon Château de Chalais , en Saintonge
, âgée d'environ 91 ans . Elle étoit fille de Philibert
de Pompadour , Marquis de Laurieres & de
Ris , Sénéchal & Gouverneur de Perigord , & de
Catherine de Sainte Maure - de-Montauzier .. Elle
laffe un fils , qui eft Jean Charles de Talleyrand
de Perigord , Prince de Chalais , Grand d'Eſpagne
de la premiere Claffe , Brigadier des Armées de
S. M. Cath. Grand- Bail y & Gouverneur pour le
Roy , de la Province & Duché de Berri , Gouver
neur particulier des Vi les de Bourges & d'Iffoudun
, qui a époufé le 10. Décembre 1722. Dame
Marie Françoife de Rochechouart - Mortemart
Dame du Palais de la Reine , & veuve de Michel
Chamillart , Marquis de Cany , Grand Maréchal
des Logis de la Maifon du Roy & Colonel du Ré
giment de la Marine , mort le 23. Juillet 1716.
-
Le 31. Antoine Valentin Pin , Prêtre Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , de la Maifon
Royale de Navarre , du 31. Mai 1706 Tréforier
de l'Eglife Collégiale de l'Hôpital de S. Jacques ,.
rue S. Denis à Paris , ci- devant Vicaire de la Paroiffe
de S. Euftache , mourut dans fa Maiſon
Clauftrale .
Le 3. Avril D. Marie Claire Arnoul , époufe de
Jean- Robert Sanfon , Receveur General des Confignations
du Parlement de Paris , & autres Jurif
dictions , avec lequel elle avoit été mariée le 20
Décembre 1718. mourut à Paris dans la 37.anMAY.
17412 1053
née de fon âge , étant née le 23. Juin 1704. Elle
laifle deux fils . Elle étoit fille d'Hubert Gabriel Ar
nout , ci devant auffi Receveur des Confignations,
& de défunte D. Claire Guillemette de Barcos.
Le 4 Victor Amedée de Savoye , Prince de Cavignan
, en Piémont , Duc d'Yvoy , dit Carignan ,
dans le Luxembourg François , Comte de Soiffons ,
en France , premier Prince du Sang de Savoye ,
Chevalier de POrdre de l'Annonciade , du 29. Ďécembre
1696. Lieutenant- General des Armées du ~
Roy , du I. Novembre 172 ;. & Colonel - Lieutenant
du Régiment Royal Italien , Infanterie , du
12. Mars 1738. ci - devant Colonel Géneral des
Gardes de Savoye , & Gouverneur Géneral des
Places apartenantes au Roy de Sardaigne , Duc de
Savoye dans le Milanés , mourut à Paris en fon
Hôtel de Soiffons , âgé de 1. ans 1. mois & 4.
jours , étant né à Turin le 29. Fevrier 1690. Il fut
employé dans la derniere Guerre dans l'Armée du
Roy en Allemagne , pendant les Campagnes de
1734 & 1735. & il fervit en 1734. au Siége de
Philisbourg. Il étoit fils d'Emanuel Philibert Amedée
de Savoye , Prince de Carignan , mort le 13 .
Avril 1709. à l'âge de 81. ans , & de Marie Angelique-
Catherine d'Est , fille de Borfe d'Eft de Modene
, Marquis de Scandian , morte le 18. Juillet
1722, à l'âge de 66. ans , le Prince de Carignan
avoit été marié le 7. Novembre 1714. avec Vietoire-
Françoife Légitimée de Savoye , née le 9 .
Février 1690. & fille naturelle de Victor Amedée
II. du nom , Duc de Savoye , Roy de Sardaigne ,
mort le 31. Octobre 1732. Il laiffe d'elle Anne-
Térefe de Savoye de Carignan , née à Turin , le
1. Novembre 1717. & Louis . Victor Amedée Jofeph
de Savoye, Prince de Carignan , né à Paris
·le 25. Septembre 1721. & marié à Turin le 4.
•
1054 MERCURE DE FRANCE
ན ་ ་ ་
Mai 1740. avec Chriftine Henriette de Hefle
Rheinfels , née le 24. Novembre 1717. 4. & der
niére fille de Erneft Leopold Landgrave de Heffe-
Rheinfels , mort le 25. Septembre 1731. & d'Eléo
nore Marie- Anne , née Comteffe de Loewenftein-
Wertheim.
Le 12. Avril D. Marie Genevieve Morlet du Mu
Jeau de Garennes , Marquise d'Acheres , & de Garennes
, D de Rebais , de Fremainville , &c . ve■-
ve depuis le 3. Avril 1729. de Jean de Maffol , feul
Avocat Géneral en la Chambre des Compres de
Paris , & Prem. Préfident du Bureau des Finances ,
Chambre du Domaine,& Tréfor de la Géneralité de
Paris , avec lequel elle avoit été mariée le 21. Décembre
1692. mourut à Paris , âgée d'environ 71 .
ans. Elle étoit fille unique de feu Charles Morlet
du Mufeau , Marquis d'Acheres & de Garennes
Seigneur de Rebais , & de feüe D. Marie Genevieve
le Febvre de Caumartin de S. Port . Elle laiſſe
un fils unique qui eft Antoine- Bernard de Maffol ,
né le 11. Avril 1768. & reçû Avocat Géneral en la
Chambre des Comptes , au lieu de feu fon pere
le 17. Septembre 1729 .
On donnera deux Volumes le mois prochain
à cause de l'abondance de matieres , & pour
inferer plufieurs Piéces qui n'ont pû trouver.
placejusqu'à présent .
TABL E.
P
IECES FUGITIVES. L'Interêt banni da
Parnaffe , Amuſement Poëtique , 843
La Révolte des Noms propres latinifés 846
[mita865
866
Imitation de la IV. Ode d'Horace ;
Lettre de M. Tanevot à M. Deftouches ;
Stances fur l'Inftabilité des choſes humaines , 871
Examen de deux Lettres des Obſervations , & c. 873
Ode par l'Abbé Godard ,
885
Lettre de M. D. L. R. à M... fur quelques fujets
de Litterature ,
887
897
898
921
Sonnet fur les Calamités publiqués ,
Queftion importante , jugée au Parlement ,
Maifon de Campagne de M. Desforges Maillard, 910
Acte de l'année 1211. auquel S.Dominique a ſouscrit
comme témoin ,
Compliment fait au Maréchal de Brancas , & c. 923
Lettre de M ... écrite à M. l'Abbé Lebeuf , 928
Ode fur les Inondations de 1740 & 1741. 933
Eloge de M. Bazin, Confeil. au Parlem.de Dijon ,9 ; 6
Enigme , Logogryphes , & c.
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ;
&c. Profpectus d'un Ouvrage Hiſtorique fur la
Ville de Joigny ,
Réfléxions fur l'Opera,
Etabliffement d'une imprimerie à Berlin ,
Tranfactions Philofophiques ,
939
941
953
955
956.
Hift. de Caraufius , Emp . de la G. Bretagne , ibid.
Mem.de Lamberti, & la nouv . Edit de Rabèlais, 957
Differt, fur l'Hift. Ecclef. & Civile de Paris , ibid.
Nouveau Calendrier perpétuel ,
Hiſtoire Romaine de Tite - Live ,–
962
963
Nouveaux Amuſemens du Coeur & de l'Efprit , ibid.
Le Siècle ou les Mém. du Comte de Sofinville , 970
Delle Antichita Eftens ,
La Vita di Aleſſandro Taffoni ,
La Teorica della Pittura ‚ …‚
971
ibid.
972
Differt. touchant les Antiquités Académiques , ibid.
Defcript.de l'état préfent duCorps Germanique , 973
Livres Etrangers qu'on trouve chés Briaffon , ibid.
Troifiéme & quatriéme Volume du nouveau Cours
de
de l'Abbé Deidier , Mathématique , &c. 978
Nouvelle Théorie , par Dulacq, Artillerie, & c. 9&0
Autres Livres nouveaux
Question propófée aux Sçavans ,
• ibid.
986
Difcours Latin prononcé par le P. Baudory , ibid.
Extrait du Mem. de M. Duhamel. Acad.des Sc. 987
Prixde l'Acad de Chirurgie pour l'année 1742. 989
Mémoire de M.Rameau,Ouvrages de Mulique, 990
Médaille du Roy ,
Estampes nouvelles , & differentes Cartes ,
Ouvrages de Mufique de M. le Maure ,
Gouttes du Géneral de la Motte ,
Teinture de Diamans ,
Nouvelle Fabrique de Bierre ,
Chanfon notée ,
991
ibid.
997
998
ibid.
999
ibid.
Spectacles , Extrait de la Tragédie de Nitétis, 1001
Nouvelles Etrangeres, Ruffie, Allemagne , & c . 1013
Ratisbonne , Pruffe & Venife , 1018
Efpagne , Italie , Suede & Grande- Bretagne , 1024
Relation d'un Combat Naval , & C. 1028
Morts des Pays Etrangers , 1033
Ode fur la Mort de Rouffeau , ibid.
Promotion d'Officiers de Marine ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 1037
Mandemens pour la découverte de la Châffe de
1038
Sainte Geneviève,
Morts ,
1046
1011
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 931. ligne 3. du bas , ait été , lifez , n'ait
été.
P. 971. 1. 20. Ducate , 1. Ducale.
La Médaille gravée doit regarder la page
La Chanson notée , lapago
991
999
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
JUIN. 1741 .
PREMIER
VOLUME.
Chés
A
PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER;
ruë S. Jacques .
La Veuve PISSOT Quai de Conty,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XLI.
Avec Aprobation & Privilege du Roy:
L
>
AVIS.
,
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
L'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
Lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1741.
PIECES FUGITIVES;
en Vers et en Prose.
PARAPHRASE
DU CANTIQUE DE MOYSE.
Prononcé lejour de fa Mort. DEUT. XXXII
Y. I.
MC
Ieux , entendez ma voix : Terre,
écoute en filence ;
Je chante du Seigneur l'amour
& la vengeance.
Que fon Nom glorieux , célebré dans mes Vers ,
Jufqu'au dernier des jours foit craint dans l'Univers!
A ij 1. Vol. Telle
Tos8 MERCURE DE FRANCE
2. Telle
que la vapeur , qui du fein d'un nuage
Se répand goutte à goutte, & par un doux partage
Humecte la Prairie , arrofe les Moissons ,
Telles foient pour Jacob mes dernieres leçons.
Pour Juge entre ce Peuple & le Dieu qui m'éclaire,
J'en laisse le dépôt au fein du Sanctuaire.
3. Mortels , rendez hommage au Dieu qui vous a
faits ;
De çet être fuprême adorez tous les traits .
4. Parfait dans fon Essence,il l'eft dans fes Ouvrages.
S'il frape fes enfans , s'il punit leurs outrages ,
En eft il moins fidele à ſes engagemens ?.
Non , l'équité préfide à tous fes Jugemens ;
Et pour confondre ici des cours pleins de malice
Je vais de fa conduite expofer la juftice .
5. Il aimoit Ifraël ; mais malgré tous fes foins ;
Dont la Terre & les Cieux ont été les témoins ,
Ces témoins qu'ont- ils vû ? Des ingrats, desre belles,
Et d'un culte honteux les oeuvres criminelles,
6. Enfans dénaturés , étoit- ce à ce retour
Que Dieu devoit s'attendre en vous donnant le jour?
Et d'un fouffle vivant n'anima- t'il votre Etre
Que pour vous égarer & pour le méconnoître ?
O raifon fugitive , arrête , & fouviens-toi
Qu'il eft ton Créateur, ce nom ſeul te fait loi .
Mais
JUIN.
1059 1741 .
Mais c'eût été trop peu qu'un mot de fa Puiffance
Au Peuple qui m'écoute eût donné l'existence .
Dieu foûtient fon ouvrage après l'avoir formé ;
Il l'aime , & fa raifon eft de l'avoir aimé.
7. Qu'Ifraël dans les tems remontant d'âge en âge;
Demande à fes Ayeux quel eft fon héritage.
8. Il plût , lui diront - ils , au Dieu de l'Univers
De divifer un Peuple en cent Peuples divers .
Tu n'étois pas encor. Sa Sagesse infinie
Te deftina le fond de cette Colonie ,
Que tu vas fuplanter au - delà du Jourdain ,
9. Et lui-même il voulut être ton Souverain.
Du refte des Mortels, des Mortels font les Princes;
Mais Dieu s'eft réservé pour Trône tes Provinces.
10. Un Défert où regnoient le filence & l'horreur ,
De l'heureux Ifraël vit naître la ſplendeur .
Déja pour l'affranchir j'avois par dix Miracles
Du Dieu qui l'apelloit confirmé les Oracles ;
Pharaon n'ofoit plus le tenir dans les fers .
Il changea. Sous ma main on vit s'ouvrir les Mers,
Mais je paroissois feul , Dieu fe cachoit encore .
Dans le Defert, enfin ce Roy , que l'Ange adore ,
Deſcend avec éclat , fait entendre la voix ,
Traite avec fes Sujets & leur donne fes Loix.
Porté fur un nuage & lumineux & fombre ,
La nuit par fa lumiere , & le jour par fon ombre ,
A iij
Do
1060 MERCURE DE FRANCE
Du Peuple qui le fuit il dirige les pas.
Senfible à fes befoins , préfent à fes combats ,
Il fait pleuvoir la Manne , il donne la victoire ;
A conferver Jacob il met toute fa gloire.
11. Tel , pressant fes petits de faire un noble effort ,
L'Aigle vole fur eux & hâte leur essor.
Si leur aîle molit , il prête à leur foiblesse
Contre les coups du vent fa vigueur , fon adresse.
L'air en murmure en vain , l'oiſeau plein de fierté
Passe , arrive , & remet l'Aiglon qu'il a porté.
12. Du Dieu qui t'a conduit, Peuple, voilà l'image
S'il mérite ton coeur, donne- le fans partage ;
Dieu n'a pas d'un fecond emprunté le fecours.
13.C'eft lui feul qui , veillant au bonheur de tes jours,
T'établit Maître enfin d'une Terre féconde ,
Que fa hauteur défend des ravages de l'Onde ;
Où POlivier profpere , où coule du Rocher
Un miel , que vainement l'Abeille y veut cacher.
14. Qu d'herbes & de fleurs un riant assemblage ,
Que Bazan offre aux yeux fous un Ciel fans orage
De deux laits differens te promet des Ruisseaux ,
Des agneaux à ton choix , des moutons , des chevreaux.
Dans les heureux fillons d'une pleine campagne ,
Que borne d'un côté le pied de la Montagne 2
De
JUIN. 1741. 1061
De l'autre l'horifon , fous l'haleine des vents ,
Tu verras ondoyer & meurir les fromens.
D'un fertile côteau la vigne fortunée ,
Par fes riches préfens couronnera l'année.
Du bien aimé Jacob tout comble les fouhaits ;
Sçaura-t'il de fon Dieu posseder les bienfaits
15.Infenfible à l'amour qui fait fon abondance ;
Son coeur s'apefantit , tombe dans l'indolence.
Trop rempli de fes biens , enflé de fon bonheur ,
Il s'éleve bien - tôt contre fon Bienfaiteur.
Dieu l'a fait ce qu'il eft , l'a tiré d'esclavage ;
Le quitter, ce Sauveur, c'eft un trop foible outrage.
16. Sur les Autels des Dieux qu'invente l'Etranger,
Autels que les Démons ont pris foin d'ériger ,
Ifraël va répandre un fang abominable .
Sans foi , fans Sacrifice , il feroit moins coupable .
17. Mais quitter l'Eternel , croire en de nouveaux
Dieux ,
Que n'a point encenfés la main de vos ayeux ;
Pour ces Dieux inconnus abandonner un Maître ,
Que mille traits d'amour ont fait fi bien connoître;
oublier vo-
18. Pour des Dieux que fait l'homme ,
tre Auteur ,
C'eft , perfides Enfans , par une double horreur ,
19. Du Pere le plus doux forcer la patience.
Jufqu'ici fa Bonté retenoit fa vengeance....
A iiij
200
1062 MERCURE DE FRANCE
( Dien parle. )
20. C'eft trop long- tems , dit- il , les voir & les
fouffrir ;
Mon plaifir déformais eft de les voir périr.
Je vais me dérober aux yeux de ces Rebelles ;
Et ne les connois plus que pour des Infideles.
21. Un Dieu, qui ne l'eſt point, qui n'eſt que vanité,
Reçoit tous les honneurs de la Divinité .
La foi , le feu , l'encens, tout eft pour cette Idole ;
Mon nom même eft le nom d'un Etre fans parole….
Ah ! fi d'un nom fi ſaint je dois être jaloux ,
Puis-je contre Ifraël modérer mon courroux ?
De ce Peuple à mon tour je veux piquer l'envie.
Il a changé , je change. Il a fa perfidie ,
Et moi j'ai mon amour libre dans fes faveurs ;
Ma Grace eft fouveraine & choifit d'autres coeurs
C'est une Nation étrangere , inſenſée ,
Que j'aime , pour regler fon coeur & fa penſée .
Elle afpire au bonheur , ne fait que s'égarer ;
C'est aujourdhui mon Peuple , & je vais l'éclairer,
22. Que le premier s'attende au feu de ma colere ;
Je veux facrifier cette race adultere .
Je ne fuis plus fon Dieu ,ce n'eft plus mon troupeau
La Mort eft fon Pasteur , & l'Enfer fon tombeau ...
Tout m'entend ; à ma voix la Nature eft docile ;
La Montagne eſt brulée & la Plaine ſtérile.
Ifraël
JUIN. 1741. 1063
Ifraël feme encore , & toujours feme en vain ;
Une Terre de fer aura des Cieux d'airain.
23. Je l'avois fait heureux & le voulois fenfible ;
Mais pour un Ifraël il faut un Dieu terrible ...
Que tous les maux fur lui viennent ſe rassembler
Du dernier de mes traits je le veux accabler,
24. Que la faim le confume , & que pour fépulture
Aux Vautours dévorans il ferve de pâture .
Que l'Ours & le Lion , difputant de fureur ,
Le partagent entre eux, & pour furcroît d'horreur,
Que le Serpent s'élance , aille du Fils au Pere ,
De l'Epoufe à l'Epoux , de la Fille à la Mere .
25. Que l'ennemi furvienne, attaque fes remparts
Et faffe devant lui floter des Etendarts
Déja tout teints de fang , du fang de fa Patrie.
Ifraël prétend- il me diſputer ſa vie ?
Qu'il forte , au fer vengeur il eft abandonné.
L'effroi le retient'il ? Le fignal eft donné ;
Que l'ennemi confonde & la tendre jeunesse ,
Et la Vierge timide , & la blanche vieillesse ,
L'enfant même , l'enfant que la mere en fon fein
Alaite & croit fauver du Soldat inhumain
Glaive , n'épargne rien , frape , immole , ravage...
En refte- t'il encor ? .. acheve ton carnage .
....
...
26. Ou font-ils ? .. Que leur nom ſoit pour jamais
détruit ;
Qu'Ifraël fait perdu dans l'éternelle nuit.
A 27
1064 MERCURE DE FRANCE
27.Ainfi pourrois - je éteindre en un jour fa mémoire.
Mais le fier ennemi diroit dans fa victoire :
" C'eſt à mon bras armé qu'en eft dû tout l'honneur;;
Rien ici n'eft de Dieu , fans lui je fuis vainqueur.
(Moyfe. )
28.Tel eft le faux confeil d'un Peuple fans prudence.
29. Que n'a-t'il moins d'orgueil & plus d'intelligence
?
Sagement étonné d'un tel évenement ,
L'avenir , diroit- il , réſerve un dénouement ;
Et je veux ménager cet Agent invifible ,
Qui rendit autrefois Ifraël fi terrible.
30. Comment un Soldat feul pourfuit- il mille Hé
breux ?
Deux en chassent dix mille ? Un Peuple fi nombreux
Comment a-t'il donc pû céder fans ſe défendre ?
Cet étrange revers ne fait- il pas entendre
Que fi , malgré le nombre , Ifraël s'eft renda ,
Ha quitté fa force , & fon. Dieu l'a vendu .
Oui , c'eft se Dieu vivant qui regle la tempête ;
11
I pourra dire un jour : Vent, tai -toi , Mer, arrête.
31. L'Etranger a fes Dieux ; on peut les méprifer
Er du même cifeau qui les fit , les briſer.
Mais le nôtre eft un Dieu capable de vengeance .
Amalech & Egypte ont fenti fa puissance .
Moyfe adreffe la parole à Dieu.
93
2.Quand la connoîtront- ils, ces barbares vainqueurs,
Qui
JUI N. 1741.
1065
Qui vont fur Ifraël épuiſer leurs rigueurs ?
Vigne du plant maudit de Sodôme & Gomorrhe ,
Qui ne portes qu'un vin que la Nature abhorre...
Emules des Afpics .. Ces coeurs envenimés ,
33. Qui du fang des Dragons femblent être formés,
Ne verferont jamais que le fiel en breuvage.
Dieu, faut- il qu'Ifraël dans un long eſclavage ,
Enyvré d'amertume & d'un vin de fureur ,
N'attende que la mort pour terme à fa douleur ?
Dieu répond.
34.N'ai-je donc que pour lui des trésors de colere?
Arbitre de fon fort , puis - je de fa miſere
Comme une vaine Idole ignorer le progrès ?
Je vois , je vois les maux qui caufent fes regrets ,
Et je garde au Tyran les traits les plus funeftes .
De mon Peuple en ſes mains , fi j'ai livré les reftes
Eft-ce pour les détruire , ou pour les ramener
Doit-il perdre Ifraël , fi je veux l'épargner
35. Seul, je puis former l'homme , & c'est moi qui
l'anime ;
*
Seul auffi j'ai le droit d'en faire une victime.
Le plus impérieux de tous les Souverains
Me doit compte du fang du dernier des Humains ;
Et le fien doit hommage au bras de ma Juſtice.
Que le coupable avance : il court au précipice.
Ma vengeance l'attend , pour la faire éclater ,
Les jours pressent les jours... je les vois fe hâter.
A vj Moyse.
1066 MERCURE DE FRANCE
Moyfe.
36. Dieu Saint , je vous entends ...
Jacob , je te l'annonce :
Il est un Jugement que la pitié prononce.
Dieu voit res murs détruits , le Eieu Saint prophane
Tes richesses en proye au Soldat effréné :
Le Fleuve a pris fon cours , la Digue eft renversée į
La Maiſon d'Ifraël éteinte ou difperfée ;
Et ces reftes épars , qu'un joug deshonorant
Doit bien moins affliger qu'un remords dévorant,
Ces reftes , que font- ils que prolonger l'Hiſtoire
D'un Peuple à qui fon crime a fair perdre fa gloire
Mais c'eft un grain femé. De la Terre d'oubli ,
Ou le nom d'Ifraël paroît enfeveli ,
De ce vil compofé de pleurs & de pouffiere ,
Qui d'un nouveau Soleil invoque la lumiere ,
Sous le pied qui le foule Ifraël germera ;
Les beaux jours reviendront , le Ciel fe calmera.
Oui , Peuple humilié, ton Dieu qui t'aime encore
Fera luire fur toi la plus brillante Aurore.
Gémis avec efpoir ; fouffre fans murmurer ;
S'il ordonne les maux , il fçait les mefurer.
Soupire , implore , attend que le Ciel te confole...
37.Il s'ouvre, Dieu defcend , écoute la parole..
Dieu
Où fe tiennent- ils donc ces Dieux,ces puissans Dieux,
Qu'Ifraël
JUIN. 17413
1084
Qu'Ifraël honoroit d'un nom fi glorieux ?
Honteuſement conduit par fa folle eſpérance ;
Suivant en vrai Captif le vice & l'ignorance ,
Il alloit immoler à ces faux Immortels.
Je l'ai vu prodiguer mes dons fur leurs Autels ;
Manger de leur Victime & boire à leur Calice .
Qu'il recueille aujourd'hui les fruits du Sacrifice:
Le voilà malheureux : où ſont ſes Défenſeurs ?
Qu'ils viennent donc l'aider contre fes opresseurs™
Mais dûres-vous compter fur de tels Tutelaires ?
Eh ! que peuvent pour vous des Dieux imaginaires
39. Connoissez le feul Dieu digne de votre foi ;.
Ifraël , il n'eft point un autre Dieu que moi.
C'eft moi qui réunis ce que la mort fépare ; *
Je frape & je guéris ; je détruis & répare ;
Rien ne peut ravir l'homme au pouvoir de ma maină
- Viens donc à moi,Jacob , viens vivre dans mon ſein.
Celui qui peut donner la mort à la mort même ,
Aſes vrais Serviteurs promet le bien fuprême .
40. Mais ces fiers aggresseurs de ma Divinité . . ¿
Par le Ciel où je vis , par mon Eternité ,
J'en jure , c'eft aux traits d'une implacable haine
Qu'ils connoîtront d'unDieu la grandeur fouveraine
* Preuve bien expreffe de la Réſurrection des
Morts. Voyez Tertu lien , Origene , S. Hilaire de
Poitiers , le Rabin Aben Ezra , l'Auteur de la Vie
de Moyfe , & autres.
41
1069 MERCURE DE FRANCE
4r. La foudre
part, éclaire & frape enun moment
Tels partiront
mes coups , fi j'entre en Jugement
.
Quand j'ai puni Jacob, je le frapois en Pere ,
Et malgré la longueur d'un châtiment févere ,
De mes engagemens je me fuis fouvenu ;
Ma mémoire & mon coeur m'ont toûjours fetenu:
42. Mais ma colere eft libre , & rien ne la balance;
J'éteindrai dans le fang la foif de ma vengeance.
Oui, je veux que le fang , en ruisseaux, en torrent,
Coule
pour assouvir mon glaive dévorant.
Je veux qu'environné de Victimes fumantes ,
Seul de reſte au milieu de fes troupes mourantes,,
Le fanguinaire Chef qui fit tant de Captifs ,
Aprenne en périssant aux Mortels attentifs ,
Que celui qui le frape eft Maître da Tonnerre ,
Et Juge fouverain des Tyrans de la Terre ...
Le moment eft venu , le délai n'a plus lieu . . .
Enyvrez- vous, meş traits. Je l'ai dit : je fuis Dieu .
Moyfe.
43 O Dieu terrible & doux ! ô Confeil adorable
La perte d'Ifraël parut irréparable ;
Et peut-être , Gentils , le voyant malheureux ,
Vos yeux n'eurent pour lui qu'un mépris rigoureux
Mais aujourd'hui témoins du revers falutaire ,
Qui le ravit au joug d'un cruel adverſaire
Célebrez d'Ifraël la gloire & le bonheur ;
De concert avec lui , chantez le Rédempteur.
9*
D'un
JUIN. 1741.
1069
D'un Peuple criminel , redevenu fidele ,
Il a reçû les pleurs , embrassé la querelle ;
Le fang venge le fang ; l'Opresseur eſt aux fers ; ,
Il languit , il expire , il defcend aux Enfers ,
Et Jacob eft tranquille au fein de fa Patrie :
Tombez, reftes honteux de fon Idolatrie ;
Il ne reconnoît plus de Dieu que fon Auteur
Le Dieu de fon falut eft le Dieu de fon coeur.
********
LETTRE de M..... à M. D. L. R. aw
fujet de la défenfe de la Lettre R. qu'on vous
Loit profcrire , °C.
V
Ous me demandez , Monfieur des
éclairciffemens fur une Piéce intitu
lée Défenfe de la Lettre R contre M. l'Abbé
Mervefin , par M. Remerville de Saint - Quin
tin. Puifqu'il s'agit de vous obliger , je com
mence par vous envoyer la Piéce en quef
tion , telle que je la reçûs MS. en 1712.
tems auquel elle fit du bruit. Les principaux
perfonnages qui y paroiffent , font Meffieurs
Mervefin , Remerville de S. Quintin , Lombard
de Gourdon , le Marquis & la Marquife
de Buous , le P. Bailly & l'Abbé du Bois ;;
je ne fçais rien fur ce dernier , mais voici
quelque détail sur les autres..
Jofeph
1670 MERCURE DE FRANCE
Jofeph Mervefin nâquit dans la Ville d'Ape
en Provence ; il entra dans la Congrégation
des Benedictins de Cluny , & fût fait Prieur
de Barret. Il fit imprimer à Paris en 1706.
une Hiftoire de la Poëfie Françoife , 1. vol .
in 12. M. Remerville de S. Quintin fit des
Remarques fur cet Ouvrage , dont on trouve
l'Extrait dans le Journal de Trévoux du
mois de Juin 1707. M. Mervefin répondit
par une Lettre imprinrée chés Giffard , &
la même année M. de S. Quintin répliqua
par une autre Lettre adreffée à M. ***
L'Extrait eft dans un des mêmes Journaux
de l'an 1708.: les Journalistes prennent le
parti de l'Abbé Mervefin , & conviennent
que cette derniere Lettre de M. de S. Q. eft
moins aigre que fes Remarques. Ils ajoutent
que dans une Lettre qu'il leur a écrite , il
avoue qu'il auroit dû avoir un peu plus d'égard
pour le caractere & la profeffion de M.
Mervefin , auffi affûre - t'il qu'il auroit été plus
modéré , s'il avoit fçû que fes Remarques
dûffent devenir publiques , mais qu'on les
avoit imprimées à fon infçû & il prie les
Journalistes d'en inftruire le Public. Il compofa
auffi fur ce fujet une Fable en Vers , intitulée
: La Grenouille Provençale , qui fut
très- bien reçûë , où il renferma les principales
circonstances de la vie de l'Abbé Mervefin.
Ce premier démêlé fut fuivi de plufreurs
JUIN. 1741: 1071
fieurs autres; j'ignore fi M.Mervefin y donna'
lieu , ou non ; ce qui eft certain , c'eſt que
M. de S. Q. compofa plufieurs Piéces de
Poëfies contre lui . En 1710. cet Abbé ayant
propofé de faire un Difcours fans employer
la Lettre R , M. de S. Q. fe récria là- deffus ,
& l'Abbé fit trois Lettres fans R : M. de S.
Q. éprouva enfuite que la chofe étoit poffible.
M. Mervelin avoit projetté plufieurs Ouvrages
, tant en Profe qu'en Vers , entre autres
, l'Hiftoire de la Rhétorique Françoife :
il a publié plufieurs Odes , en a laiffé plufieurs
autres MSS . & beaucoup d'Epigrammes
fur differens fujets . Mais ce qui releve
le plus fon mérite , c'eft qu'en 1721. fa Patrie
étant affligée de la Pefte , il fe livra trèsgénereufement
au fervice des peftiferés , &
mourut quelque tems après.
François Remerville de S. Q. nâquit auffi
à Apt , d'une Famille noble , originaire de
Lorraine Guillaume Remerville un de fes
Ancêtres , fuivit en Provence le Roy René
d'Anjou ; ce Prince le fit Tréforier de fes
Finances en 1472. Maître Rational en la
Cour Royale d'Aix en 1479. Il fe maria à
Apt en 1484. & y fixa fa Famille . François
Remerville de S. Q. fut un de fes Defcendans
. Son pere s'apelloit François Remerville
, & fa mere Yfabeau de Mazargues ."
Quelque
1072 MERCURE DE FRANCE
Quelque difpofition que S.Q eût aportée en
naiffant pour les Lettres , il ne s'apliqua que
bien tard à la Littérature. Peut- être que l'acquifition
qu'il fit des principaux MSS. de
Marc- Antoine Groffi , un de fes fçavans Compatriotes
, en fut l'occafion. Il s'adonna dès
ce tems -là à la recherche des Titres & des
Chartes dont il acquit une grande connoiffance
, foit pour l'Hiftoire de la Province
foit pour l'Hiftoire des Maifons & Familles
particulieres.
Il trouva dans le Château de Sault le MS;
original des Lettres de François de Montau.
ban d'Agout , Lieutenant de Roy dans le
Lyonnois pendant les Guerres de la Religion
, écrites au Roy dans les années 1560.
1561.1562 . 1563. il les communiqua au P.
Menetrier Jefuite , & le P. de Colonia en a
fait ufage dans fon Hiftoire de Lyon. Il avoit
auffi trouvé le Cartulaire original de l'Eglife
d'Apt , auquel il a ajouté des Notes très - judicieufes
; il en a fait un don à l'Eglife d'Apt,
s'en réfervant feulement une copie.
L'explication des Arcs de Triomphe érigés
à Aix , donnée par M. Galaup de Chaf
feuil , à l'arrivée des Ducs de Bourgogne &
de Berry , fût le fujet d'une difpute. MM. de
Ruffi & de Haitze publierent une Critique
contre ces explications fous les noms d'Ewxenus
Marfeillois , & de Sextius le Salien. M.
de
JUIN. 1741. 1073
de S. Q. prit la défenſe de Chaffeuil, & compofa
fur ce fujet plufieurs Lettres , & quelques
Balades qui furent imprimées en 1. Vol.
in 12 .
Enfuite une matiere plus intéreffante l'occupa
plus long- tems ; il travailla avec un trèsgrand
foin à la vie de S. Elzear de Sabran ;
mais lorfqu'elle étoit fur le point de paroître
, le feu prit à l'Imprimerie , & réduific
cet Ouvrage en cendres : il n'en échapa que
Ja Préface adreffée à la Nobleffe de Provence.
M. de Caftellane d'Auzet Gentilhomme
de mérite , ayant compofé la Génealogie de
Illuftre Maifon de Caftellane , M. de S. Q
examina fon Ouvrage , & lui écrivit plufieurs
Lettres , prétendant lui démontrer que cette
Maifon ne tire pas fon origine , comme le
dit M. d'Auzet , des Rois de Caftille , mais
qu'elle a la même origine que les Maifons
d'Agout , de Pontevez , & de Simiane. Les
deux MSS. font entre les mains de M. le
Préſident de Mazaugues.
En l'année 1720. ce Préfident eut une
conteftation avec M. de S. Q. fur les ancienmes
Chartes de Provence , cirées par M. de
Ruff dans fes Differtations fur les Comtes
de Provence , de Forcalquier , de Venaiffin ,
& fur les Vicomtes de Marfeille . M. de S.
Q. n'ajoutoit point de foi à ces Piéces , &
M.de Mazaugues en foûtenoit l'authenticité .
H
1674 MERCURE DE FRANCE
Il avoit donné au Public en 1704. les Ca
nons d'un Concile tenu dans la Ville d'Apt
l'an 1365. fous le Pontificat d'Urbain V. auquel
avoit préfidé le Cardinal Philipe de Cabaffole
, & où fe trouverent les Archevêques
& Evêques des trois Provinces Eccléfiaftiques
d'Aix , d'Arles & d'Avignon . Ce Concile
n'avoit point encore été publié. Il prouva
enfuite que S. Caftor , Evêque d'Apt au
commencement du V. Siécle , avoit fondé
un Monaftere dans fon Diocèfe : files Auteurs
de Gallia Chriftiana avoient lû cette Piéce
ils n'auroient pas dit que ce Monaftere étoit
dans le Diocèfe de Nîmes , ils l'auroient placé
dans celui d'Apt , en un Lieu apellé
Menancha. Il donna encore dans le même
tems une Differtation fur le mot Albici ou
Albeci , ancien Peuple de Riez , contre le
P. Hardouin . Ces trois Piéces furent imprimées
dans les Effais de Litterature. Il a laiffé
manufcrite l'Histoire d'Apt fa Patrie , dont il
m'a communiqué quelques endroits : il avoit
auffi travaillé à celle des Comtes de Forcalquier
, & fait une Differtation fur les Reliques
de fainte Anne , qu'on prétend avoir
à Apt ; s'il n'étoit pas venu à bout d'en démontrer
l'authenticité , il avoit au moins
rempli fa Piéce d'excellentes recherches , &
On peut dire que cet Ouvrage lui auroit fait
honneur , s'il eût été publié.
on
JUIN 1741. 1075
Il n'avoit pas moins de goût pour la Poëfie
que pour l'Hiftoire , & pour les autres
genres de Litterature. Il a compofé plufieurs
Piéces en Vers François & Provençaux , entre
autres, une fort belle Ode à la louange de
la Provence. Les Vers que vous trouverez de
lui dans cette Défenſe , vous donneront une
idée de fon talent . Les Auteurs de Gallia
Chriftiana , qui ont profité de fes lumieres ,
ont fait fon Eloge en plufieurs endroits . Sur
la fin de fes jours il fut reçû dans l'Académie
de Marſeille en qualité d'Académicien
Externe. Il mourut à Apt au mois de Juillet
1730. âgé de 80. ans .
Jean- Henri Lombard de Gourdon , à qui
M. de S. Q. adreffe la plainte de la Lettre
R , nâquit dans la Ville de Graffe d'une Fa→
mille diftinguée par fa Nobleffe. Il eut pour
pere François Lombard de Gourdon , qui
aprés avoir fervi long- tems avec honneur
devint Lieutenant Géneral au Siége de la
Sénechauffée de cette Ville , & pour mere
Marie- Anne Grimaldi de Courbons . Il vint
au monde avec d'heureufes difpofitions pour
les Lettres , qui furent cultivées par Jean-
Henri de Grimaldi , Marquis de Courbons ;
fon grand- pere , perfonnage d'un grand mérite.
Quand il fût un peu avancé en âge , on
l'envoya chès les PP . de l'Oratoire de Marfeille
, où il étudia en Rhétorique fous le P.
Bahier
1076 MERCURE DE FRANCE
Bahier , excellent Poëte Latin & François ; il
perfectionna le goût du jeune de Gourdon
pour la Poëfie & pour l'Eloquence , Ses
premieres Etudes finies , il vint à Paris ,
fe fit connoître à l'Abbé Furetiere , à M. de
la Fontaine , & au célebre Defpreaux : il
laiffa même échaper quelques Vers qui lui
firent honneur. A tous les agrémens de la
jeuneffe il joignoit une grande douceur , &
une aimable politeffe. De retour en Provence
, il fût chargé de plaider une Cauſe ſinguliere.
Une femme ayant été pendue à Aix , on
lui trouva encore un fouffle de vie lorfqu'on
voulut l'enterrer ; on la cacha , & on en eut
tant de foin , qu'elle revintà la vie. Le jeune
de Gourdon chargé de cette Cauſe , fe fit admirer
, & obtintla grace. Peu de tems après
il fût reçû à l'Académie Royale d'Arles ,
&
fe mit en poffeffion de la Charge de Lieutenant
Géneral du Siége de Graffe , que fes Ancêtres
avoient remplie avant lui ; il l'exerça
long-tems à la fatisfaction de tout le monde.
En 1708, il fût fait Second Préfident au Sénat
de Nice,honoré dans la fuite d'une Com
miffion confidérable auprès du Roy de Sardaigne
. Il aimoit paffionnément l'Etude, auffi
le trouvoit- on toujours occupé à lire & à
compofer. Il difoit quelquefois en badinant,
que fi on l'enfermoit , pourvû qu'on lui donnât
de l'Encre , du Papier & des Livres , il
ne
JUIN.
1077 1741.
ne penferoit jamais à demander fa liberté. Il
fçavoit beaucoup , auffi a - t'il compoſé un
nombre infini d'Ouvrages, tant en Profe qu'en
Vers , mais ils font prefque tous reftés manufcrits.
J'en ai lû feulement deux , fçavoir,
Ja Vie du Philofophe Boëce , & une Critique
de tous les Difcours prononcés dans l'Académie
Françoife , dans laquelle il a mêlé
plufieurs détails intéreffans fur les Vies des
Académiciens. Je ne fçais de lui d'imprimé
que quelques Piéces de Vers , & l'Eloge de
M. de Gaufridi , Confeiller au Parlement
d'Aix , Hiftorien de Provence , imprimé à
la tête de fon Hiftoire . Il étoit très - aimable ,
il fçavoit fe faire écouter des heures entieres,
toujours avec un nouveau plaifir ; il narroit
avec facilité , avec grace & avec efprit . Je
fuis , au refte charmé d'avoir cette occafion
de vous faire connoître une perfonne ,
qui , non- feulement m'a honoré de ſon amitié
, mais encore m'a comblé de fes bontés .
Il mourut en 1720. ou 1721. avec les regrets
de tout le monde. Son fils, qui rempliť
Ja Charge de Lieutenant Géneral au même
Siége , marche fur fes traces ; il préfida il y a
environ deux ans aux Etats de la Province .
>
M. N. de Pontevez , Marquis de Buous
un des' quatre Lieutenans de Roy en Provence
, & Mad. la Marquife de Buous fon
Epoufe étoient les intimes amis de M. de S.
Quin1078
MERCURE DE FRANCE
Quintin , auffi parle -t'il d'eux en plufieurs
endroits avec éloge. Ils avoient un grand difcernement
& un grand goût pour juger des
Ouvrages d'efprit. La Dame étoit de la Maifon
de Montbrun , en Dauphiné.
Le P. Bailly , Gardien des FF. Mineurs
Conventuels , étoit né dans la Ville d'Apt
comme M. de S. Quintin : il avoit beaucoup
de mérite , & a prêché avec diſtinction dans
les principales Chaires de Provence. J'ai
l'honneur d'être , Monfieur , &c.
DEFENSE de la Lettre R contre M.
l'Abbé Mervefin , par M. Remerville de
S. Quintin.
Avant que d'entamer
cette Piéce , une peti
te inftruction
me paroît
néceffaire
.
La Compagnie étoit grande au Château
de Buous Diocèfe d'Apt. Le Marquis & la
Marquife de ce nom , Gens d'un mérite diftingué
, en étoient l'ame. La conversation ;
& la converfation litteraire furtout , étoit un
des plus agréables amuſemens , & chacun
avoit la liberté de dire ce qu'il penfoit , lorf-
P'Abbé Mervefin s'avisa de proposer
qu'on pourroit faire un Difcours coulant &
facile , fans employer la Lettre R. Cette propofition
furprit d'abord tout le monde . M.
de S. Quintin , dans la chaleur du premier
mouvement , répondit qu'on ne feroit pas
que
même
JUIN. 1741. 1079
même une Lettre raisonnable. L'Abbé M. en
composa trois fans R , & M. de S. Q. lui
en écrivit une auffi fans R, convenant par- là
que la chofe eft poffible . Cette Lettre fut
fuivie d'une autre , dans laquelle il lui fait
quelques reproches , ce qui obligea cet Abbé
à lui faire des excuses , & à suprimer fon
Ouvrage ; mais quelque tems après il le fit
reparoître . Alors M. de S. Q. prit le parti du
bonfens & de la raifon , qu'il crût offenfes .
Il écrivit au P. Bailly Gardien des FF. Mineurs
Conventuels , une Lettre en Vers fans
R, & adressa la Plainte de cette Lettre à M.
Lombard de Gourdon , Préfident au Sénat de
Nice , & c'eft la meilleure Piéce du Recueil.
La Réponse à celle- ci , & deux Epigrammes
terminent cette Défenfe.
&
LETTRE écritefans R à M. l'Abbé Merž
vefin à Apt le 9. Juillet 1710.
A l'Abbé , chés qui le fouci
N'établit jamais domicile ;
C'eſt le plus connu de la Ville
Et fon petit Hôtel auffi
Voulez-vous bien , Abbé mon ami , que
sans dissimulation , je vous dise ma pensée
touchant ce que vous avez donné au Public ?
Vous aviez foûtenu à Buous qu'un homme
1. Vol. B doug
1080 MERCURE DE FRANCE
doüé de quelque génie , & capable de quel
que attention , disoit sans beaucoup de peine
tout ce qu'il vouloit , & d'un ftile coulant,
excluant cependant la Confonne qu'on
a placée dans l'Alphabet , immédiatement
avant l'S. Vous avez voulu que nous fuffions
convaincus que cela n'eft pas impoffible , &
on ne le dispute plus : c'étoit-là le point &
un amusement louable , mais que ne vous y
teniez -vous ? Je vous l'avoue ,je vous blâme
beaucoup de ce que vous vous échauffez fans
fujet , & de ce que vous ne ménagez pas assés
un de vos bons amis. Quoi ! des qu'on
n'épouſe pas vos opinións, on eft plein d'entêtement
, on a le défaut du Pays , & on étend
fon jugement au- delà de fes connoiſſances ?
Cela n'eft pas foûtenable . Vous fçavez qu'u
ne Dame d'une qualité diftinguée , dont le
jugement & les connoissances sont de la plus
vafte étendue , comme vous l'avez dit fouvent
vous-même , que cette Dame , dis-je¸
fût du côté de ceux qui combattoient ce que
yous aviez avancé touchant la Conſonne en
queſtion. Vous voyez bien où cela va penfez-
vous que cette Dame , toute indulgente
qu'elle eft , ne fe fente pas un peu offenfée de
ce que vous dites ? Quant à l'Abbé Dubois .
vous l'avez choqué , je n'en doute point ; il
eft fâcheux que ce qui dans le commencement
n'étoit qu'un jeu , devienne une choſe
JUIN. 1741. 1081
de confequence. Ce que vous avez composé
n'eût pas été moins joli ni moins bon , fans les
invectives : ne foyez pas fâché de ce que je
vous dis ici , c'eft un effet de mon amitié.
J'avoue que je ne pensois pas qu'on se passât
fi facilement de cette Confonne , je conviens
maintenant qu'elle eft inutile , ou peu
s'en faut ; un moment m'a fuffi : cependant
je ne fuis pas de l'opinion que vous foûte--
nez , que la Confonne que j'évite ici avec
foin , eft moins utile au ftile élevé qu'au ftile
commun. Il n'y a pas long- tems que nous
avons vû qu'on se passe auffi de la Consonne
S, fi nous continuons , adieu l'Alphabeth
Je vous fouhaite fanté & bon apétit.
AUTRE Lettre au même.
Je croyois , Monfieur , que les Habitans
'du Parnaffe étoient gens de bonne foi , nullement
à deux vifages , & vous regardant
en dépit de bien des gens , & quelquefois
même en dépit de vos productions , comme
un Favori des Muses , je me tenois fort assûréfur
votre parole , mais ce queje viens d'aprendre
me désabuse entiérement. Voyez fi
je suis bien inftruit ; vous passâtes à Buous.
à votre retour d'Aix , & là vous dites à une
Dame , qui assûrément n'ira pas commencer
à mentir pour l'amour de vous , vous lui
dîtes que vous aviez fait un Ouvrage contre
Bij moi
1082 MERCURE DE FRANCE
que
moi au fujet de la dispute que nous avions
euë , & que vous veniez pour me terrasser
effectivement ; vous vîntes ici , mais changeant
de langage , vous cûtes d'abord grand
foin de me dire que votre nouvel Ouvrage
ne me regardoit point , & que M. l'Abbé
Dubois étoit le feul que vous aviez en vûë.
La précaution que vous avez prife de parler
au fingulier , rendoit la chose affés facile à
croire des deux côtés ; pour moi , je crûs ,
sans l'examiner , tout ce que vous voulûtes,
ainfi vous vous aplaudifiez en fecret d'avoir
dupé deux de vos amis , ne doutant point
M. l'Abbé Dubois ne fût bien informé
à Buous , où il étoit alors , de ce que vous y
aviez dit ; il vous revenoit de -là un petit
avantage qui ne vous eft pas indifferent, quoique
vous feigniez de le mépriser ; c'est que
Vous vous mettiez à l'abri de la Critique ,
car il n'y avoit pas d'aparence que M. l'Abbé
Dubois attaquât votre Ouvrage , après
que vous aviez déclaré à Buous , que vous
ne fongiez pas à lui , & il étoit bien sûr que
je n'y prendrois pas garde , après la protefta
tion que vous m'aviez faite ici. Quel plaifir
pour vous de voir une fois dans votre vie ,
une de vos productions joüir en paix des Eloges
que vous leur donnez ! Les chofes en feroient
demeurées là ; je me ferois contenté
de vous repréſenter charitablement , comme
jai
JUIN. 1741. 1683
J'ai fait , le tort que vous aviez d'invectiver
contre M. l'Abbé Dubois , & de vous apren
dre en même -tems par une Lettre que vous
me pressâtes de fuprimer par des raifons qui
pazoiffent maintenant , de vous aprendre ,
dis-je , comment fans R on peut écrire d'un
ftile coulant , & dire quelque chofe de raifonnable
, mais votre manege eft découvert.
En raffemblant ce que vous avez dit à Buous,
& ce que vous avez dit ici , il eſt aisé de
comprendre que votre deffein étoit de tourner
en ridicules deux perfonnes. Vous jugez
bien que nous ne fommes pas gens à repliquer
par des injures : lisez , en attendant
quelque autre chose , les Remarques qu'on
a faites fur vos Lettres ; du refte , ne prétendez
pas vous prévaloir de celle que je vous
ai écrite fans R, où , pour vous faire plaifir ,
j'ai déguisé le Fait de la dispute. Je déclare ,
& des perfonnes dont , par malheur pour
vous , le témoignage n'a rien de fuspect ,
feront foi que c'eft d'un Sermon sans R , &
non pas d'une Lettre qu'il s'agit. Adieu , M.
armez -vous de bonnes raisons , fi vous le
pouvez , ou faites provifion de patience.
A Apt le 12. Juillet 1711 .
B iij LETTRE
1084 MERCURE DE FRANCE
LETTRE fans R au R. P. Bailly , par
M. de Saint Quintin.
ΑνU Chef d'une Maison qu'un humble Saint bâtit,
Et qui de tels Dévots n'eſt plus le domicile;
Elle n'eft pas loin de la Ville ,
C'eft-là que le Pont aboutit.
Enfant d'un Saint benin & doux ,"
Dont le vafte génie inventa la Beface ,
On m'a dit depuis peu qu'un Abbé vous menace ;
S'il vous faut un fecond,ma Plume eſt toute à vous?
Disposez en fans nulle peine ;
Vous fçavez que je fuis ennemi des façons ;
J'ai déja plus d'une douzaine
Tant de Sonnets , que de Chanfons.
Jamais , depuis le tems que le Dieu des Saifons
De fes feux échauffe ma veine ,
Je ne me vis mieux en haleine ;
Dépêchez , vite , commençons ;
Dans la Lice qu'on vous affigne
Donnons & de taille & d'eftoc ;
Quoique l'on penſe de ce choc ,
Si vous employez une ligne ,
Je gage qu'auffi - tôt le fuccès vous eft hoc,
Je conviens que fans la Confonne
Qui feule excite ici nos débats commencés ,
11 fe peut bien que l'on chiffonne
Des
JUIN 1741. τους
Des mots fans fuite & mal placés ;
Mais que l'on foûtienne fans elle
Dans un ftile fuivi , le plus petit fujet ,
C'eft juftement ce qu'on apelle
Un vain & fantaſtique objet .
Supofons la chofe facile ;
Eft- il deffein plus inutile
Celui qui l'inventa jadis ,
De fon débile chef conſuma la ſubſtance ;
C'étoit un Moine oifif , à qui longue abftinence
Avoit gâté le fiége où le Sens eft affis .
Faut-il , plus fou que lui , qu'en tels Salmigondis
Je laffe auffi ma patience ?
Bailly , qu'un goût folide , exquis ;
Egale en tous points d'Eloquence
Aux Sçavans les plus aplaudis ,
Ajoûtons de nouveaux défis
A ceux qu'a déja faits Damé de conféquence ;
Ainfi
Dame , qui feule en vaut bien dix ,
Soit qu'elle agiffe , ou qu'elle penſe ,
Et cent fois plus que je ne dis ,
Sans qu'on la flatte , ou qu'on l'encenſe ;
que fon Epoux , dont les talens acquis
Quand il les met en évidence ,
Donnent un vif éclat à ſon intelligence ;
Et fi quelque Abbé dans fes dits
Sauf ce qu'on doit à fa haute Science )
>
2
B iiij Avec
1086 MERCURE DE FRANCE
Avec une humble patience
N'accepte pas les démentis
Que lui donne telle Sentence ;
Difons- lui mille fois tant pis ;
Ou , s'il juge le cas faiſable ,
Qu'il nous donne de fa façon.
Quelque chofe au moins de paffable ,
S'il n'eft enfin tout- à- fait bon.
Un Galimathias fémblable.
'A celui qu'on a vû fous un poſtiche nom ,
N'impofe qu'à des gens d'un goût bien pitoyable ,
Et ne fait pas que l'on change de ton .
De mon aimable Solitude ,
Où de tout foin exempt , dans un petit Taudis į
Je donne mon tems à l'Etude ,
Le vingtiéme Juillet de l'an mil fept cens dix.
PLAINTE DE
EPIGRAMME.
L'R .
Poëtes , Orateurs , fouffrirez - vous qu'on ofe
Me profcrire à vos yeux des Vers & de la Proſe è
Le téméraire Auteur de cette trahison
Youdroit que les Ecrits , comme ceux qu'il compofe
;
N'euffent ni rime ni raiſon.
AUTRE
1
JUIN. 1741:
1087
AUTRE PLAINTE DE L'R ;
A M. de Gourdon , Préfident au Sénat de
Nice.
Rigide Protecteur de la faine Eloquence ,
Gourdon , c'eſt à ton Tribunal
Que je viens porter une inftance ,
Pour éviter le coup fatal
Que cauferoit ma décadence ,
Si quelqu'un n'a pas l'indulgence
De prévenir un plus grand mal.
Je fuis cette malheureuſe R ,
A qui l'on déclare la guerre
Et qu'un certain Sçavant , fans raiſon , fans fujer,
Veut profcrire de l'Alphabeth ,
Seulement par pure malice ,
Et malgré tout le préjudice
Que feroit au Difcours un femblable projet.
Combien de mots remplis & de force & d'emphafe
Ne faudroit- il pas retrancher ?
L'Eloquence à tout coup fur le point de broncher.
Ne s'apuyeroit plus que fur la Périphraſe ;
Les Verbes fans Infinitifs ,
Par une nouvelle méthode ,
Pour remplacer ce dernier Mode ,
N'auroient plus que les Subjonctifs 5
Encor feroit- il néceffaire
Br D'ex
1088 MERCURE DE FRANCE
D'excepter de ce cas tout Verbe auxiliaire;
Quoi ! parce qu'un ** *
A qui j'aurai fait quelque peine ,
M'aura témoigné de la haine ,
Faut-il que contre moi chacun foit prévenu ?
N'eft- ce donc pas affés , lorfque je fuis finale ,
Que l'E fe faifant foûtenir ,
A l'exemple de l'I juſque - là me ravale ,
Qu'à peine l'on m'entend venir ?
A fubir cette Loi durement condamnée ,
Il me faut alors filer doux ;
L'Ufage , de fes droits jaloux ,
Comme il lui plaît , regle ma deftinée.
Mais fi l'on m'a réduite à faire peu de bruit ,
Quand je me trouve la derniere ,
Je fçais m'en revancher de la belle maniere ,
Lorfque quelque Lettre me fuit.
Dans le moindre détail lorfqu'on voudra deſcendre,
Plus d'un autre avantage , où j'ai droit de prétendre
,
Pourra me fervir de garant ;
Tout me promet enfin un fuccés favorable ;
Ou l'on fera contraint , fi l'on ne me défend ,
De préferer au vrai le menfonge & la Fable ;
LOUIS ſera Pieux , Magnanime , Equitable .
Mais il ne fera jamais Grand ;
Plus de Lettres , fi l'on m'oprime ;
Les
1
JUIN. 1741 : 1089
Les Poëtes perdront la raifon & la rime ;
Avec tout l'attirail qu'ils traînent après eux.
Parnaffe , Hypocréne , Permeffe ,
Et plufieurs autres que je laiffe ,
Seroient fans moi défectueux ;
Le Cabos reprendroit la place de la Terre ,
Et , s'il n'étoit plus de Tonnerre ,
Plus de crimes , plus de forfaits ,
De Magiftrats intéreſſés ,
Plus de Partifans , plus de guerre ,
On n'auroit plus auffi de plaifir ni d'amour ;
Le Soleil , en perdant fa brillante carriere ,
N'auroit que des feux fans lumiere ;
Er ne produiroit plus la chaleur & le jour.
Mais quel tort à chaque Science
Feroit l'exil fatal qu'on tente vainement !
Celle , à qui ce grand nom eft dû par excellence
Seroit contrainte abſolument
D'ôter les attributs à la Divine Effence
>
Aux Elûs le bonheur , à la Foi l'efpérance ,
Et donner au Deftin en tout évenement
Ce qu'on doit à la Providence .
Le Philofophe avec étonnement
?
Verroit que fans Majeure on a la conféquence ,
Qu'on exile l'Erge , qu'on bannit l'Argument ,
Qu'en fuprimant tout Etre , il reste une ſubſtance ;
Que l'Ame ,fans penſer , conſerve un fentiment 9
Bvj Qu'un
1090 MERCURE DE FRANCE
Qu'unGlobe eft fans rondeur & fans circonference
Que fans aridité le fec a pris naiffance ,
Et vous demanderoit comment ,
L'humide fans vapeur exhale une influence ,,
Et par quel fubtil jugement ,
Sans Atomes crochus , on a l'intelligence
Des propriétés de l'Aimant.
La Logique y perdroit tout fon raifonnement
La Phyfique l'Experience ,
L'Aftrologue la Prévoyance ,
Les Aftres & le Firmament ;
La Morale auroit l'impudence-
De laiffer éternellement
Tout bienfait fans remerciment ,
Et tout foin fans reconnoiffance,
Tout deviendroit confus, fans art , fans ornement,
Gourdon , dans ce renversement-
Tu pourrois fauver l'Eloquence ,
Mais fans figure & fans arrangement.
Ton nom même , connu fi généralement
Dans les Pays voifins & dans toute la France
Tronqué par - là vilainement ,
Deviendroit hors de connoiffance ,
Et paroîtroit le nom d'un Allemandi
Juge donc de quelle importance
Te doit être mon exiſtence ;
Ne fouffre pas qu'impunément
*
*
JU-IN. 174T 1091
On ofe en pareille occurrence
Propofer mon banniffement.
REPONSE a laplainte de PR,
Demeurez en repos , calmez vos déplaiſirs ,
Tout va répondre à vos defirs .
Quiconque travaille à vous nuire ,
Cherche lui -même à fe détruire ;
Si vous fuccombiez fous fes coups ..
Il y perdroit autant que vous ;
Honneur , Sçavoir , Eſprit , Mémoire ,
Plaifir , Repos , Fortune , Gloire ,
A tous les plus grands biens . il faudroit renoncer à
Si l'on venoit à vous chaſſer ,
Il ne nous refteroit que honte , qu'infamie ;;
Avec vous la Vertu feroit auffi bannie
Et , par un déplorable Sort
Le Vice oferoit tout , & n'auroit jamais tort
Mais , dites- moi par quelle audace:
Veut-on vous ôter votre place ,
Et de quoi vous accuſe - t'on ?
Vous , par qui LOUIS regne en France
Et qui marchez avec prudence
A la tête de la Raifon a
JUGEMENT.
Vu la préfente Remontrance ,
Défen
1092 MERCURE DE FRANCE
Défendons à tous beaux Efprits
De vous bannir de leurs Ecrits ;
Ordonnons, fi quelqu'un contre notre Arrêt gronde,
Qu'il foit mocqué de tout le monde ,
Que les Ouvrages foient profcrits ,
Les déclarons de contrebande ;
Condamnons l'Auteur à l'amande .
Jugeons qu'en Profe comme en Vers ;
Il ne fait rien que de travers ;
Qu'on ne peut fe paffer de l'R ,
A moins qu'à la Raiſon on ne faffe la guerre ;
Déclarons erronné tout autre fentiment ;
Youlons que déformais ce foit chofe affûrée
Que quiconque penfe autrement
N'a pas la tête bien timbrée ,
Et tel eft notre Jugement.
LRA L'ABBE MER VESIN
EPIGRAMME.
Tu croyois me bannir , & te faire un renom ;
Je regne malgré toi , cherche ailleurs la victoire i
Dans la Profe & les Vers je parois avec gloire ;
Je rougis feulement de me voir dans ton nom .
AUTRE an R. P. Bailly.
Confentez , cher Bailly , que l'R foit profcrité ,
Ce Projet me paroît divin ,
Sans
JUI N.
1741 1093
Sans cette Lettre maudite
Nous n'aurions point de Mervefin .
LETTRE de M*** à M. Bel , Confeiller
au Parlement de Bordeaux ; en lui envoyant
une Differtation Latine de M. Gravina
fur la Poëtique.
Es Recherches ont été inutiles , M
Milil ne m'a point été poffible de trouver
le Traité Italien de M. Gravina fur la
Poëtique. Prenez-vous- en au peu de goût.
de nos Libraires pour les Livres Italiens ;
ils n'en veulent que de François , peu s'en
faut qu'ils ne regardent déja les Livres Latins
comme gothiques & barbares . Voici
une Differtation Latine du même Auteur
qui vous dédommagera d'un Ouvrage
dont le titre piqua d'abord votre curiofité.
C'eft une Piéce d'un goût exquis & d'une
érudition ornée de graces ; c'eft un fyftême
de Poëtique ancienne , où tout eft folide &
ingénieux. Quelle fineffe d'expreffions ,
quelle élegance , quelle feu , quelle énergie ,
quelles images ! tout y fent l'homme de
goût , l'efprit délicat , & le critique judicieux.
Rien ne paroît d'abord plus fimple que
le
1094 MERCURE DE FRANCE
le deffein de l'Auteur . Il fe propofe de mon
trer pourquoi les Grecs ont éte paffionnés
pour la Poëfie jufqu'à regarder les Poëtes
comme des Dieux , tandis que les Romains
leur ont marqué bien tard la plus légere
confideration ; c'eft dans le fonds du caractere
de ces deux Nations , que M. G. de
couvre la fource d'un goût fi different . Sed
lon lui , les Grecs naturellenient cruels &
fauvages , avoient befoin des charmes des
fens & de l'harmonie , pour être nourris
dans le goût de la vertu ; auffi leur premiere
Philofophie étoit inféparable de la Poëſie &
de la Mufique . Mais les Romains portés à
l'humanité & à la politeffe , trouvoient dans
les Difcours des gens fages , des motifs aſſés
puiffans pour ne pas fe démentir dans la pratique
de ces vertus. Je paffe , M. les autres
traits , vous obferverez aifément que le caractére
des deux Nations eft aprofondi ;
peut- être qu'une trop fublime opinion de
f'urbanité & de la politeſſe Romaïne a quelquefois
féduit l'imagination de l'Auteur.
Pardonnons-lui fans peine une fuperiorité
fortement exagerée. Quand on regarde ces
illuftres Romains comme fes Ancêtres , on
fuccombe aifément à la tentation de leur
prodiguer les loüanges ; leur gloire devient
un patrimoine qu'on a interêt de porter à la
plus haute valeur.
Quoiqu'il
JUIN. 1741 .
1095
1
Quoiqu'il en foit , cette double peinture
fert à fixer le mérite du caractère des Héros
introduits par Homere & Virgile . M. Gravina
qui a étudié les hommes des tems fi
éloignés , avoue ingénûment que les exemples
de vertu , de génerofité, &c. font très - rares
dans Homere , & que chaque Vers offre
, pour ainsi dire , quelque trait d'avarice ,
de débauche & de cruauté. Mais prend - il
de-là occafion de faire le procès à ce Poëte ?
point du tout ; voici comme il le juſtifie ;
en donnant aux Ennemis de ce Poëte le nom
qu'ils méritent. Que hominum , regionum
temporumque vitia in divini Poeta dedecus ;
detorquent homines imperiti , potiffimum antiquitatis
: quaft Heroibus fuis , quibus nomen
hoc vires & virtus militaris meruerant , adfcriberefalva
imitationis lege debuiffet Homerus
virtutes ignotas , &c. Pour mettre dans un
jour encore plus avantageux la cauſe d'Homere
, il raffemble enfuite avec beaucoup de
force & d'énergie , tous les traits du carac
tére des Grecs qu'il repréfente fourbes ,
cruels , traîtres à leur Patrie , inconſtans &
légers , foibles & plaintifs . Voilà les hómmes
qu'a connus le Poëte Grec : devoit - if
les peindre d'une trempe differente ?
Virgile , obligé de parler à un Peuple de
Héros , a introduit des Perfonnages plus
vertueux ; quoique fortis du fein de l'Alie
1096 MERCURE DE FRANCE
fi décriée par fon luxe & par fa moleffe , ifs
femblent dans fon Poëme être nés & élevés
parmi les Camilles. Le fiécle de Virgile avoit
l'idée d'une vertu pure & fublime , il vouloit
la retrouver dans l'Enéïde.
>
Mais voici un principe qui peut mettre en
état les efprits non prévenus , à juger ſainement
de ce point de critique : Inter Poëtas
, dit M. Gravina non de perfonarum
quas inducunt dignitate , fed de imitationis
veritate contenditur, nec minus confert expreffio
deteriorum ad præcavendum , quàm meliorum
adimitandum. Le préjugé n'enfante point
de pareilles idées , elles font le fruit d'un
goût épuré & d'une raifon éclairée .
Ce qui mérite principalement votre attention
, M. eft la maniere ingénieufe dont
M. G. dévelope l'origine de la cadence &
du nombre Poëtique , & les caufes de la
difference qui fe trouve entre les anciennes
Poëfies , dont le ſtile fimple fait le mérite capital
, & celles dont les expreffions font figurées
& métaphoriques. Le détail me meneroit
trop loin , & je ne vous dirois pas en
fi beau François , ce que l'ingénieux Italien
vous dira en un Latin digne du fiécle d'Auguſte.
Si M. Gravina s'eft formé une idée trop
fublime des anciens Romains , il faut avoüer
en même tems qu'il a ufé d'une hardieffe ine
génuë
JUIN. 1741 1097
genue dans fes jugemens fur quelques Poëtes
de fa Nation , bien different de certains
Ecrivains François , qui par une fade politique,
font en poffeffion de tout louer. N'en
déplaife aux efprits trop délicats & trop fenfibles
, une Critique hardie & judicieuſe eft
un rempart contre le mauvais goût. Ceux
qui fe mêlent de juger , doivent cependant
éviter les tons fuperbes & avantageux ; la
force doit être dans la raiſon , & non dans
une cenfure hautaine & contentieufe . Je ne
prétens pas pour cela qu'en certaines occafions
on ne puiffe orner la raifon des graces
feveres & piquantes ; quand le mauvais goût
s'efforce de prendre le deffus , il eft permis
de tonner , de foudroyer. C'eſt l'exemple
que nous donne M. Gravina ; vous en jugerez
par ces traits. Quelle véhemence dans la
cenfure qu'il fait des Ecrivains de fa Nation
qui gâtent la belle Latinité par des pointes
glacées & par des ornemens fuperflus , Refluxit
jamdiu infolentiùs atque intemperantius
apud nos in Latinam Linguam. Je fuis tenté
d'ajoûter : Et Gallicam turgefcentium fcriptorum
colluvies cum argutiarum glacie , luxuque
ornamentorum. Avec quelle rigueur traite-
t'il les mauvais Ecrivains Italiens & recherchés
! Il les accufe de fabriquer des expreffions
monftrueufes , des métaphores infenfées,
& d'introduire une efpece de barbarie
1098 MERCURE DE FRANCE
rie : Nova verborum portenta, infanaſque tranfa
lationes : nova monftrafufcitarunt, ac dumnovas
locutiones moliuntur , novum barbaria
genus
advexerunt. Quel coup affommant contre
certains faifeurs d'oeuvres diverfes ! Imbecilioribus
infidia tenduntur errorefque objiciuntur
à præfentibus poëticarum fordium collec
toribus , à quibus eâdem incogitantiâ quâ car
mina propria effutiuntur , de carminibus judicatur
alienis. Où en ferions - nous fi nous
peignions avec des traits fi forts & fi marqués
quelques- uns de nos Ecrivains ? Qu'on
leur dife avec une liberté polie , ce que le
Public penfe de leur ftile & de leurs ouvrages
, ils font retentir partout leurs plaintes
& leurs murmures.
Voilà , M. une idée fuperficielle de la Dif
fertation de M. Gravina qui a été imprimée
en Italie à la fuite des Poëfies du Guidi. Seroit-
ce fortir de mon fujet , que d'observer
qu'un goût für & délicat , joint à une exacte
connoiffance des regles , a dirigé la difcuffion
que fait l'Auteur , d'un grand nombre
d'ouvrages , & que c'eft- là l'unique voye.
pour réullir en pareils examens ? je ne crains
pas que vous me defavoüiez . Je fçais , M.
que dans votre Differtation contre M. l'Abbé
Dubos , vous avez pris hautement le parti
de la difcuffion : mais vous n'avez jamais
prétendu rejetter la néceffité du goût , per
fuadé
JUIN. 1741. 1099
fuadé que fans lui , on prend toujours une
route fauffe & incertaine. J'en apelle à l'experience
, plufieurs fe font mêlés de difcuter
le mérite de quelques ouvrages. Quelquesuns
de ces Ecrivains ont faftueufement étalé
une prétendue fuperiorité de raifon ; cependant
avec des armes fi puiffantes , ils ont
échoué , & le Public a méprifé leurs décifions
. Vous en devinez aifément la caufe ;
ces Ecrivains , nés fans goût , fe font égarés ,
faute d'avoir aperçû les feuls principes convenables
à la difcuffion où ils s'étoient engagés.
Difpenfez-moi d'un plus long détail.
Pour moi , je fuis perfuadé que le goût , qui
n'eft peut- être qu'un fentiment délicat , peut
feul nous montrer l'étendue & l'aplication
des bons principes. Ainfi , M. ne féparons
point le goût de la difcuffion.
Alterius fic ,
Altera pofcit opem res & conjurat amicè .
Horat. de Arte Poët.
Le point de la difficulté eft de déterminer
la nature du goût. Quoiqu'on ait beaucoup
écrit fur cette matiere , j'ofe vous affurer, M.
qu'elle eft encore neuve. En effet , rapellezvous
tout ce qu'on a dit là - deffus, il ne vous
reftera que des notions vagues & confufes.
Pour éclaircir ce point avec fuccès , il faut
être initié dans la bonne Philofophie , mais
aufli
1100 MERCURE DE FRANCE
auffi n'en faut- il prendre qu'une certaine
fleur , parce que cette matiere demande autre
chofe que des raiſonnemens Philofophiques.
Je gliffe là - deffus , dans la crainte de.
ne pouvoir déveloper avec quelque préci
fion , les idées qui fe préfentent. C'eſt de
vous,M.que le Public attend fur cette matiere
les éclairciffemens néceffaires . Hâtez - vous
donc de répondre aux belles efpérances que
nous a laiffées votre premiere Differtation.
Me fera- t'il permis , M. de vous propoſer
quelques difficultés ? M. Rollin à avancé
qu'on pouvoit donner des Regles fur le goût.
Quintilien eft d'un fentiment contraire.
Croyez- vous que cet ancien Rheteur fe foit
trompé ? N'eft il pas vrai- femblable qu'il en
eft du goût comme de l'efprit ? on n'en don
ne pas à ceux qui n'en aportent pas en naisfant.
Peut - on dire que le goût eft quelque
chofe d'abfolu , ou que c'eft une dénomination
purement relative ? Le germe de ce goût eft-il
dans tous les hommes ? Eft-ce l'éducation &
les études qui le rendent bon ou mauvais ?
Obfervez , je vous prie , M. que dans tous
ces points je diftingue exactement le goût de
cet Acte de l'efprit , par lequel il juge du
mérite des Ouvrages. C'eſt à un fentiment
délicat que je réduis toute l'analyſe de mes
idées. Je finis par une difficulté d'un genre
different. Eft-il vrai que lorfque nous jugeons,
JUIN. 1741. 1101
geons , c'eft toûjours par comparaifon ? Par
exemple , ne trouvons - nous une Tragédie
bonne ou mauvaife , qu'autant qu'elle nous
paroît aprocher ou s'éloigner des Piéces que
nous regardons comme d'excellens modeles?
Voilà , M. des objets dignes de vos talens &
de la curiofité du Public ; ne nous faites pas
fouhaiter long- tems les lumieres que vous
pouvez nous donner ; accoûtumé à vous
jouer des matieres les plus épineufes , vous
ne feriez pas excufable de nourrir une plus
longue impatience .
J'ai l'honneur d'être , & c.
LE
LE PRINTEMS ,
OD E.
A M. J ** : Avocat >
E Dieu charmant qui nous éclaire
Et dont le flambeau radieux
Embellit la Terre & les Cieux ,
Parcourt le Signe * ſalutaire
Qui nous rapelle le Myſtere
Des amours du plus grand des Dieux.
.
* Le Taureau , Signe du Zodiaque , que le Soleil
parcourt dans le mois de Mai . Jupiter ayant enlevé
urope , plaça le Taureau dans le Ciel.
Eola
1102 MERCURE DE FRANCE
Eole & fa Cour importune
Par leurs horribles fifflemens
Ne troublent plus les Elemens.
Les Zéphirs agitent Neptune
Et déja l'aveugle Fortune
Sur les flots guide ſes Amans .
>
L'Hyver fuit , la ſaiſon arrive
Qu regnent les tendres Amours .
Tout nous annonce les beaux jours.
La Nayade n'eft plus captive ;
Son Onde claire & fugitive
Dans nos Prés fait mille détours .
*
De la plus charmante parure
Nos Boccages fe font couverts.
Quel éclat brille dans les airs !
Les fleurs , l'ombrage , la verdure ,
Décorent toute la Nature ;
Je vois renaître PUnivers.
*
O doux Printems ! c'eft ton Empire
Que chantent les tendres Oifeaux ;
Flore brille au bord des Ruiffeaux ;
Epris d'un amoureux martyre ,
JUIN.
1103 1741 .
Le jeune & l'inconſtant Zéphire ,
Caresse fes apas nouveaux.
*
Déja de l'Amour qui l'apelle
Le Berger célebre les Loix
Sur la Mulette & le Hautbois ;
La Bergere , Amante fidelle ,
Aux fons plaintifs de Philomele ,
Unit les accens' de fa voix.
*
De Mirthe couronnons nos têtes ;
L'Amour , dans la faifon des fleurs ,
Aime à foumettre tous les coeurs ;
Qu'il foit feul l'objet de nos Fêtes !
Célebrons fes tendres Conquêtes ,
Et livrons- nous à fes douceurs.
*
Ami , d'une faiſon fi belle
Profite au gré de mon défir ;
Le tems fuit , il faut en jouir.
Viens cueillir la Rofe nouvelle ;
Crains-tu fon épine cruelle
La peine éguife le plaifir.
*
Tandis qu'abandonnant la Plaine ,
Loin de nous fouffle l'Aquilon ;
I. Voli C Quirre
1104 MERCURE DE FRANCE
Quitte un travail pénible & long ;
Toi , qui fçus devenir fans peine
Rival de l'Orateur d'Athène
Et du Béfenfeur de Milon .
*
Je fçais qu'il n'eft qu'un efprit lâche
Qui de l'oifiveté jaloux ,
Se livre à fon poiſon trop doux ;
Mais , quelque Emploi qui nous attache ;
Nous devons donner du relâche
Aux foins qu'il exige de nous.
*
Par M. B d'Aix
****************
DISCOURS fur la Profeffion d'Avocat ¦
Brochure in-4° . de 17. pages.
E Difcours Oratoire , eft l'ouvrage d'un
CleDieoues efl'ouvrage
L'Auteur y montre l'importance & les beautés
de fa Profeffion , fes avantages , la gloire ,
les plaifirs même qu'elle procure à ceux qui
la cultivent avec fuccès ,
Le premier principe que l'Orateur pofe
dans fon Difcours , & qui en eft comme la
bafe , c'eſt qu'il eft impoffible de reüffir dans
aucune Profeffion , fans fentir pour elle un
goût
JU IN .
17416 1105
goût vif, fans l'aimer fincerement , fans défirer
avec ardeur de mériter les récompenfes
qui y font attachées ; c'eſt ainſi qu'il établit
la néceffité de l'émulation , il en prouve enfuite
les avantages .
" Vive & féconde fource du mérite , ditil
, l'émulation le fait fortir, elle le perfec-
" tionne , elle le crée même , pour ainfi dire;
par ellel, par le courage qu'elle infpire
par les efforts qu'elle fait faire , des efprits,
nés médiocres , ont atteint , ont furpaflé
quelquefois des génies fort fupérieurs for-
» més des mains de la Nature.
"
La néceffité , les fruits de l'émulation , font
prouvés par des raifonnemens & des exemples
; POrateur qui adreffe fon Difcours aux
jeunes Avocats , les divife en trois Claffes
fçavoir , ceux qui viennent au Bareau avec
un nom que leurs Ancêtres ont rendu fameux
; ceux dont les Peres brillent encore
au Bareau ; ceux enfin qui y entrent fans un
nom connu & fans les fecours que des Peres
peuvent donner à leurs Enfans l'Orateur
préfente à chacun de ces jeunes Avocats les
motifs particuliers qui peuvent exciter leur
émulation.
Comme le motif le plus preffant de ceux
qui font dans la troifiéme Claffe , eft la protection
, l'amitié , les fecours qu'ils trouvent
dans les Andiens , auxquels ils s'attachent
Cij
T'Orateur
1106 MERCURE
DE FRANCE
l'Orateur les exhorte à fe faire des Patrons
& il fait l'Eloge de quelques Anciens qui
fervent de Peres à de jeunes Avocats ; il y a
quatre Portraits de ces Anciens , qui font
fort obligeans pour eux , & qui font hon
neur au coeur & à l'efprit de l'Orateur.
Il réunit enfuite les trois Claffes qu'il a'
d'abord féparées, & après leur avoir fait le Ta--
bleau des motifs particuliers pour les exciter
à l'émulation , il entre dans le détail des ob
jets géneraux qui peuvent engager à aimer la
Profeffion d'Avocat , à fe livrer aux dif
ferentes études qu'elle demande , & enfin à
en remplir les devoirs.
"
Il y a deux fortes d'études , auxquelles fe
doit livrer l'Avocat; l'étude des Loix & celle
de l'Eloquence. » En vain , dit- il , fans la
» Science des Loix , le génie le plus heureux
prétendroit - il plaire & briller au Ba-
» reau ; eile eft à l'art de bien parler , ce que
»les fondemens font à l'Edifice ; ou il faut
» renoncer à cet Art flateur,ou il faut en fçat
» yoir le fond ; la chute eft certaine à qui né
» glige ce fond,pour s'attacher à la fuperficie .
Il dévelope ce principe , il le prouve par
des raifonnemens & des comparaifons ; il parle
enfuite de l'Eloquence , il peint la fauffe
qui regnoit au Bareau avant que LOUIS LE,
GRAND eût animé l'émulation dans tous les
Arts. Il fait voir les progrès de l'Eloquence
la
JUI N. [ 17417 1107
la perfection où de nos jours elle est enfin
parvenue au Bareau. Il fait le Portrait de tous
les Orateurs qui ont parû fous ce Regne ; les
le Maiftre , Patru , Erard , Gillet , Terraffon,
dont on a des Monumens , font peints avec
les traits qui leur font propres.
» Aux Maîtres dont j'ai ébauché les Por-
» traits , pourſuit l'Orateur , ont fuccedé les
» nôtres , mettez Erard affés proche de ces
» Hommes Illuftres, ils ont obfcurci le refta,
" comme des jours clairs & lumineux ont
» obfcurci de premieres clartés qui commen-
» çoient à réjouir la Nature .
Après ce Morceau , vient le Portrait des
Orateurs d'aujourd'hui , & au moyen de ce
Portrait fort ferré , il donne des préceptes de
' Eloquence, qui eft propre , l'une aux petites
Caufes , l'autre aux grandes ..
» Orateurs fameux , ajoûte -t'il , pardonnez
» fi ma main hardie , a ofe crayonner vos
Portaits ... Le Bareau fçaura vous rendre
» ce que la foibleffe de mon Pinceau aura pû
» vous faire perdre ; mais de quel bruit retentit
ce Bareau ? O Eloquence , tu gémis!
" quelles pertes , les unes aux autres enchaînées
, ont fait couler tes larmes....
L'Orateur parle içi de la retraite de deux
Orateurs qui vont donner à l'Eloquence bien
d'autres fujets de former des regrets.
» Vous , dit-il à l'un des deux, vous ,
Cij
dont
»le
108 MERCURE DE FRANCE
و د
"3
» le tempérament eft fi heureux , vous que
l'Eloquence voudroit retenir, pouvez - vous
"ne pas entendre fa voix ? Elle fait votre
gloire , par elle , votre nom vivra dans la
» Pofterité , faites , faites la regner encore ...
» mais une nouvelle gloire l'apelle , & le rang
qu'il a tenu parmi les Orateurs , il va le te
"nir parmi les Confultans.
35
Il paffe enfuite aux devoirs attachés à la
Profeffion d'Avocat , à la gloire , aux plaifirs
qui accompagnent l'exercice de fes devoirs .
Ou l'Avocat plaide , ou il écrit , ou il confulte
; l'Orateur qui a parlé avec étendue de
l'Eloquence propre à la plaidoirie , parle ici
du genre d'Eloquence qui eſt propre aux Mémoires
; il veut qu'on en banniffe le ſtyle
trop recherché , tout ce qui fent l'envie d'amufer
l'imagination ; ce Morceau mérite d'être
lû , c'eft un des mieux traités . C'eft aufli
un bon Commentaire fur la Maxime d'Horace
: Ambitiofa refcindet ornamenta.
"
11 peint la gloire & les plaifirs attachés à
chaque Exercice de la Profeffion. » Quelle
», gloire, dit- il, parlant de l'Avocat plaidant,
lorfque , fur le bruit qu'il doit parler dans
une Caufe célebre, le monde vient de tou-
" tes parts , que toutes les places font remplies,
& le plus grand nombre par des per-
» fonnes d'un mérite diftingué, connus pour
» aimer le talent de la parole .....
» Ici
JUIN. 1741 . 1109
29
Ici mon coeur me force de dire ce qu'il
a conçû plus d'une fois , je me livre à fes
» mouvemens,für que vous ne défaprouverez
point un Portrait dans lequel vous aurez
le plaifir de vous retrouver vous- même ...
L'Orateur peint ici ce que l'on éprouve lorf
qu'on entend ces Orateurs fameux par le
précieux talent de la parole ; la gloire , les
plaifirs que leur procurent les aplaudiffemens
publics , &c .
Parlant enfuite de l'Avocat qui écrit ,
après avoir dit quel doit être fon genre d'Eloquence
, il ajoute : Par cette voye il eft
» für de fe faire un nom illuftre , fa gloire s'é-
» tendra au loin , fes Ouvrages durables
» iront lui chercher des aplaudiffemens dans
les lieux les plus reculés.
Enfin , par raport aux Confultans , il s'explique
ainfi . » Qu'on ne croye point , qu'accoûtumé
aux plaifirs vifs & flateurs que
procurent les aplaudiffemens publics & le
» miniftere de la parole , l'Avocat ne foit
» que foiblement touché des plaifirs qu'il
goûte dans fon efpece de retraite , fi on en
" croit nos Anciens , la Profeffion d'Avocat
eft celle dans laquelle on vieillit avec plus
» de plaifir , plus on la goûte , difent- ils , &
" plus elle devient chere.
">
L'Orateur , qui a toujours parlé aux jeunes
Avocats , finit fon Difcours en leur difant :
Cij » Pleins
1110 MERCURE DE FRANCE
"
» Pleins de refpect pour nos Maîtres, ofons
" les regarder dans leur commencement ; la
» Renommée n'a pas toujours femé leurs
» noms avec le même éclat qu'elle le fait de
" nos jours ; ce que nous fommes , ils l'ont
» été ; nos Maîtres aujourd'hui , ils en ont re-
" connû autrefois ; ce n'eft qu'après avoir
" imité long tems , qu'ils font devenus mo-
" deles ; qu'ils foient les nôtres , & formés
"par leur imitation , faifons voir que de
»femblables hommes ne peuvent faire que
» de dignes & de grands Eleves.
Ce Difcours fe diftribuë chés Chaubert, ches
la veuve Piffot, & au Palais , chés Morel . Voici
des Vers fur ce fujet , qu'une Dame illuftre a
envoyés à l'Auteur , & qu'on vient de nous
remettre.
Jeune Orateur de la Déesse fage ,
Que ton Difcours fur ta Profeffion
De tes Rivaux élevant le courage ,
Avec de nobles traits peint l'émulation !
-Dieux ! que tu rends ta carriere brillante !
Sous ton pinceau qu'elle paroît charmante ,
Quand on te voit tracer aux Eleves furpris
Les chemins les plus fürs pour remporter le Prix !
Par Mad. Vatry.
FABLE
JUIN. IIII
17411
FABLE.
}
Л
LE CINIQUE ET LE MATIN
UN effronté Cinique , à nés court , retrouffé ,
Moyen Basset , fous Bonnet herissé
Contre un chacun portoit une dent meurtriere ,
Aux lâches en devant , aux plus forts en arriere.
N'importe quel qu'on fût , chacun avoit fon lot.
L'un étoit un faquin , l'autre n'étoit qu'un fot ;
A critiquer & mordre il mettoit fon étude.
Que fait cet homme ici ? L'autre que fait-il là ?
Quoi ! toujours en ces Lieux celui- ci paroîtra !
Telle étoit fon inquiétude ,
Deforte qu'à fon goût tout étoit mefuré :
Aplaudi , c'étoit lui , tout autre déchiré ;
Celui- ci babillard , cet autre un hypocrite
Car dans l'art de blesser excelloit fon mérite.
Parfois des jeux de mots
Hafardés par monts & par vaux ,
Tant fit enfin par noire calomnie ,
"
Qu'un chacun avec foin fuyoir fa compagnie:
Chagrin de n'avoir Courtisans ,
s'en fit quelques- uns , comme luig médiſänsga
A l'écouter prêtant l'oreille . Bottoki, »
Quel Oracle quelle merveille !
CY » Difoit
112 MERCURE DE FRANCE
Difoit Parafite affamé ;
" Quel Ange infernal mieux armé
» Contre toute l'engeance humaine
De mordre & déchirer fans peine
Lui feul possede le talent.
Vils flateurs ! un jour en passant
Dans je ne fçais quel voifinage ;
( Le nom eft fort indifferent )
Il rencontre un Mâtin , auant que lui mordant
Le Cinique ,du Chien redoutant la morfure ,
»Retire-toi , Mâtin , refpecte ma figure ,
» Lui dit-il , d'un ton furieux.
"Matin , reprit l'autre en colere ,
» Je fuis Chien, il eft vrai, n'es -tu pas mon confrerer
Voyons lequel des deux fe dévorera mieux..
ם כ
Je conviens qu'aux Mortels je dois obéiffance ,.
» Mais aprens que ta médifance
Te transformant en Chien , tu n'as plus riem
d'humain ,
Quand tu déchires ton prochain .
» Face humaine n'eft pas ce que je confidere ;
ور
Quiconque a langue de Vipere ,
1.
Se dégrade & devient pire encor que les Loups :
Reconnois tes défauts , rens- toi plus fuportable ;
Aux Animaux cruels cesse d'être femblable ;
Pour notre Maître alors nous te connoîtrons tous.
SUITE
JUIN. 1113 1741)
SUITE & fin du Mémoire Hiftorique fur
une Médaille d'Hérodes Antipas , adreſſe
à M.le Préfident Bouhier , de l'Académie
Françoife , par M. D. L. R.
Nlebre Médaille d'Herodes Antipas dans
Ous avons laiffé, Monfieur , notre cé-
Je Cabinet de M. Begon , lorfque j'ai eû l'honneur
de vous en parler dans le Mercure de
Juin dernier , page 1299. & je n'aurois prefque
plus rien à vous dire de ce rare Monu
ment de l'Antiquité , fans un incident que
je fuis obligé de rapeller ici , & qui a un raport
effentiel au Morceau d'Hiftoire Litte
raire , que j'ai entrepris d'écrire.
Cet incident eft furvenu lorfque le R. P.
Panel , Jéfuite , publia dans le Journal de
Trévoux , Août 1735. page 1449. fa DISSERTATION
en forme de Lettre , adreffée à
M. *** ,fur le Triumvirat de Galba , d'Othon
& deVitellius,& fur celui de Pefcennius, d' Albin
& de Severe. Vous fçavez, M. le bruit que
fit dans le Monde Antiquaire cette Dilfertation
, que je prévis dès la premiere lecture
ne devoir pas demeurer long tems fans réponfe.
Les Auteurs du Journal en avoient
dès-lors une toute prête entre leurs mains
qu'ils annoncerent fans façon , & en ces termes,
C vj
1114 MERCURE DE FRANCE
mes, au bas de la même page , où finiffoit la
Piéce du P. Panel . On publiera bien- tôt une
Réponse folide à cette Differtation .
La Réponse en effet ne fe fit pas attendre ;
elle parut dans le même mois d'Août de ce
Journal , II. Partie , page 1585. On regarda ,
fans doute , ce qui en étoit l'objet , comme
une espece de mal contagieux , qui pourroit
avoir des fuites dans la République des Lettres
, & qui avoit befoin d'un prompt remede.
Cette Réponfe cft intitulée REPONSE du
P. Tournemine , de la Compagnie de Jefus , à
la Differtation fur le Triumvirat de Galba, d'O
thon & de Vitellius, & fur celui de Pefcennius,
d'Albin & de Severe,inferée dans les Mémoires
deTrévoux du mois d'Août, Article LXXIIL
Vous fçavez , Monfieur , quel avantage
c'eft pour une bonne Caufe , d'être défenduepar
un habile homme , la vérité y gagne
doublement , & tout le monde peut profiter
dans cette Défenfe , l'Adverfaire même
contre les fentimens ou les préjugés duquel
on eft obligé de s'élever . C'eft ce qui eft particulierement
arrivé dans la Réponſe du P.
Tournemine , laquelle porte un certain ca
ractere de force & de vérité , & qui eft d'ailleurs
chargée d'une érudition peu commune,
fur le Sujet dont il étoit question.
Pour moi, je fus charmé de cette Piéce ; &
étant depuis long- tems en liaiſon avec le
fçavant
JUIN. 1741
fçavant Auteur , je ne pus m'empêcher
de lui en faire mon compliment ; mais je me
taillois par-là de la befogne , fans le fçavoir.
Le P. Tournemine répondit à ce que je lui
marquois là- deffus , par l'Article qui fuit
dans une de fes premieres Lettres.
» Votre fuffrage en faveur de ma Réponse
» au P. Panel m'a fait un extrême plaifir; des
Amis habiles , auxquels je l'ai fait lire , fou
» haitent que vous inferiez dans votre Mer-
» cure , un raport court de toute la difpute ,
»votre fentiment , & vos judicieufes Remar
" ques fur la Médaille falfifiée que je vous
» renvoye . On fouhaite que vous épargniez
» un peu le P. Panel ; cependant on aprouve-
"ra que vous en difiez affés pour le corriger.
Cette Lettre eft datée de Paris le 16. Septembre
1735. J'en garde l'original.
Elle donna lieu à celle que j'écrivis peu de
tems après , car le moyen de ne pas répondre
à la demande du P. Tourhemine ? ) Jë
la fis imprimer dans le Mercure de Decembre
fuivant , I. Vol. påge 2616. datée du
29. Novembre même année . Comme je ne
voulois attaquer, encore moins offenfer perfonne
en particulier , j'intitulai ma Lettre :
LETTRE de M. D. L. R. für l'erreur de quelques
Antiquaires , qui préferent l'autorité de
certaines Médailles à celle des Monumens
Hiftoriques.
Vous
116 MERCURE DE FRANCE
Vous fçavez , Monfieur, tout ce que con
tient cette Lettre , puifque la fuite de nos
Mercures fe trouve dans votre Cabinet , &
il est inutile de vous dire qu'après être entré
en matiere de la maniere la plus convenable
au Sujet , je me renferme dans le
miniftere d'un Raporteur exact & impartial,
en faisant l'Analyfe des deux Piéces , fans
cependant rien omettre en faveur de la vérité
, de ce qui pouvoit fe trouver dons mon
perit fond.
Il eft vrai que faute d'avoir été inftruit dans
le tems d'un Fait qui n'a rien de commun avec
la difpute en queſtion , je me fuis trompé
lorfque j'ai cru que le P. Panel fe trompoit
lui- même , en affûrant que la Medaille d'He .
rodes le Tetrarque qu'il cite , & dont il reclame
l'autorité contre l'Hiftorien Jofeph
qui donne à ce Prince deux années de moins
de Regne que la Medaille ; il eft vrai , dis-·
je , que je me fuis trompé fur ce point de
Fait pour avoir long-tems ignoré ce que devint
cette Medaille après la mort de M. Be -
gon , fon fecond Proprietaire.
Le Fait que j'ignorois , Monfieur , & qui
eft effentiel à la verité de cette Hiftoire , le
voici . M. Begon mourant ordonna expreffement
à fes heritiers de rendre à M. Rigord
la Medaille d'Herodes Antipas qu'il lui avoit
comme un Monument important donnée
qu'il
JUIN. 1741. III
qu'il étoit bien aife de remettre à fon Ami
lequel en avoit fait un facrifice en fa faveur
M. Begon mourut à Rochefort le 14. Mars
1710. & M. Rigord étoit alors à Marfeille &
c'est- à- dire dans un éloignement de plus de
cent lieuës. Peut- être , Monfieur , ne feroitil
pas indifferent de fçavoir par qui &.com
ment les intentions de M. Begon à cet égard
furent exécutées. Quoiqu'il en foit , il eft
certain que les heritiers de l'illuftre défunt
les remplirent fidelement de leur part.
Or, quand j'écrivis la Lettre imprimée dans
le Mercure de Décembre 1736. c'eft dans la
meilleure foi du monde que j'obfervai dans
une Note au bas de la page 2624. que la
Médaille d'Hérodes n'étoit jamais entrée
dans le Cabinet de M. Lebrer ; auffi, ajoutai,
je , ne la trouve - t'on point parmi les Médailles
rares de ce Cabinet , qui ont été gra
vées , ni dans le Cabinet même de ce Magiftrat
, dont on fait actuellement l'inven
Daire à Paris.
En effet , M. , Meffieurs Laîné & Genebrier,
chargés de cet Inventaire , ne la trouverent
point. Je voyois tous les jours ce der
nier , & je le priois de donner une attention
particuliere là - deffus , non - feulement pour
fçavoir qui du P. Panel,ou de moi,fe trompoit
, mais encore pour avoir fon fentiment
fur le mérite de cette Médaille , fupofé qu'el
le:
1118 MERCURE DE FRANCE
fe fût dans le Cabinet dont il faifoit la révi
fion : l'Inventaire fut enfin fait & clos , fans
qu'on pût m'en donner aucune nouvelle .
Tout concouroit ainfi à me tromper , comme
vous voyez .
La refpectable vérité ne fut pas long- tems
à fe manifefter ; j'en dois la premiere décou
verte à M. le Préſident de Mazaugues , qui
me fit l'honneur de m'écrire en ces termes
für ce fujet le 22. Février 1736. de la Ville
d'Aix. J'ai lu avec plaifir les Extraits que
» vous avez donnés dans le Mercure , des
» Differtations des PP. Panel & Tournemi-
»ne , dont la derniere eft beaucoup plus fo-
» lide que l'autre. Permettez - moi une ob
»fervation fur la Note concernant la Médaille
d'Hérodes Antipas; elle n'eft pas tout
à - fait exacte. Il eft vrai que M. Rigord
» avoit fait préfent à M. Begon de cette Mé-
» daille ; mais j'ai fçû par lui -même qu'a-
» près la mort de cet Intendant , fes Héritiers
lui en firent une reftitution ; & par
» la vente du Cabinet de M. Rigord , elle
» a paffé conftamment dans les mains de feu
» M. Lebret , où je l'ai vûë & touchée plufieurs
fois. Comme c'eft un petit chiffon
» de Médaille , fi on peut parler ainfi , affes
» fruftre , elle aura échapé à la réviſion de
ceux qui ont parcourur cet immenfe Cabi
net ; mais avec un peu d'attention , on da
trous
JUIN. 1741. 1119
trouvera dans les fuites des Rois Etran-
" gers . Il ne faut pas être furpris que vous
» ne l'ayez pas vûë gravée parmi les Médail
» les fingulieres de ce Cabinet : M. Lebret
» n'y vouloit admettre que celles qui n'avoient
pas encore parû , ou qui avoient des
» differences reniarquables : or, celle-là étoit
» déja fort connue par les Differtations de
» M. Rigord & du P. Noris. Je voudrois
»fort , au refte , que les grands & habiles
» Connoiffeurs de Paris , pûffent l'examiner
» de nouveau , car je vous avoue que je n'en
» avois pas été trop content , & qu'elle ne
» me paroiffoit pas entierement exempte de
foupçon de fauffeté : il y auroit dequoi
» fortifier les doutes qu'avoit formés M.Lé-
" bret lui - même dans fa grande jeuneſſe fur
» la légitimité de ce Monument , & qu'il
" avoit publiés dans une Differtation Lati
" ne & c.
35
M. le Préfident avoit raifon en tout ; la
Médaille s'eft enfin retrouvée , & qui plus
eft , étant depuis venu à Paris dans le tems
que
fe faifoit l'aliénation du Cabinet de M.
Lebret , la même Médaille lui eft tombée
en partage avec plufieurs autres du même
Cabinet. Depuis , le hazard nous ayant fait
rencontrer chés un Sçavant de l'Abbaye S.
Germain des Prez , & l'Illuftre Préfident
ayant heureuſement fur lui la Médaille en
quef
120 MERCURE DE FRANCE
queftion , c'eft-là que je la vis pour la pre
miere fois , & par un effet de cette bienveillance
dont il m'honore , il voulut bien me
la confier pour quelques jours , afin que je
pûffe l'examiner à loiſir.
C'eftici , M. que je dois avouer avec franchife,
que je me demandai à moi - même : Eftce
là cette Médaille qui a fait tant de bruit ?
dont la légitimité a été décidée par tant d'habiles
Antiquaires , & qu'il n'étoit prefque
pas permis de foupçonner ? J'avoue en même-
tems que je revins bien- tôt de mes préjugés
, & que je n'ai jamais pû croire la Médaille
vraye & légitime.
J'apris quelque tems après que quelquesuns
de nos Maîtres s'étoient affemblés fur ce
fujet , & qu'aprés un ferieux Examen , ils
avoient prononcé ( pour ainfi dire ) juridiquement
fa condamnation. Ce jugement eft
depuis devenu public par l'impreffion : on le
trouve à la page 444. du fecond Tome de la
nouvelle Edit . de la Science des Médailles ,
Ouvrage , que M. le Baron de Bimar de la
Baſtie a enrichi & illuftré de la maniere que
tout le monde fçait.
Ce n'eft pas , au refte , fans raifon , que
j'ai eû l'honneur de vous dire ci- deffus , qu'il
ne feroit peut- être pas indifferent de fçavoir
quand , comment , & par qui les intentions
de M. Begon furent remplies , au fujet de
La
JUI N. 1741.
la Médaille qu'il falloit porter de Rocheforg
à Marseille , pour la remettre entre les mains
de M. Rigord , &c. Que fçait - on s'il ne s'eft
rien paffé d'irrégulier dans un fi grand intervale
, & fi les héritiers de M. Begon , avec
toute leur bonne volonté , & une droiture
à toute épreuve , n'ont pas été trompés
les premiers & c Je ne m'étendrai pas d'avantage
là-deffus , mais je crois que vous me
pafferez ce foupçon : je ne fuis pas le premier
qui l'ai formé.
*
Vous demanderez peut- être , M. ce que
c'étoit que cette Médaille falfifiée dont il eft
parlé dans la Lettre du P. Tournemine , raportée
ci -deffus , laquelle il me renvoyoit
Je répeterai ici , pour vous épargner la peine
d'une recherche ce que j'ai déja dit, ailleurs
fur ce fujet . J'avois reçû depuis peu de
Syrie un petit fac rempli de Médailles
Grecques & Romaines , véritablement antiques.
Rien ne me frapa tant d'abord que
deux Othons de grand bronze , affés bien
confervés , à l'exception de la tête , fort maltraitée
fur tout par le vifage : on lifoit diftin-
&tement Cæs. AUG. IMP. M. OTHо . Et fur
le Revers dans une Couronne de Laurier , S.
C. Je ne fus pas log - tems dans l'erreur ; car
avec un peu de réflexion , je reconnus , par
l'inſpection de la Tête , & par l'examen des
* Mercure de Décembre 1735. p. 2633.
Lettres
1122 MERCURE DE FRANCE
Lettres , que ces deux Médailles , quoiqu'in
conteſtablement antiques, ont été ainfi changées
en Othon par un habile fourbe , lequel
a commencé par défigurer le vifage , dont
l'air auroit décelé la fraude ; & qui , après
avoir fait disparoître la véritable Légende ,
a fabriqué à la place , du mieux qu'il a pû ,
celle des Médailles d'Othon , pour faire une
Piéce rare & qui manque communément
dans les fuites de Bronze. Tous les Connoif
feurs font convenus de la falfification. Le P.
Jobert n'a pas oublié cette adroite maniére
de procéder pour tromper les Antiquaires,
C'eft la feptième des neuf qu'il a raportées
dans fa Science des Médailles.
,
Il me refte , Monfieur , à vous dire qu'il
s'eft gliffé une faute d'impreffion au bas de
la du Mercure de Juin dernier : page 1319 .
'dans la Differtation Latinè de M. Lebret . It
faut lire Cur Tetrarchamfe nominat is , qui
regnum fperabat ? & non pas nominatis , qui
ne fait aucun fens.
J'ai l'honneur d'être & c.
A Paris le 16. Mars 1741
SONNET
JUJN.
1123 1741
SONNET en Vers fur les rimes proposées
dans le Mercure de Janvier.
Imprécation contre la difficulté des Rimes;
Foin du Sonnet , pefte de la
Un Songe creux en a fait le
Eh que veut - il qu'on chante à fon
C'eft mettre exprès le bon fens en
Couliffe
Devis ;
Parvis ?
Ecliffe
Dulot lui- même en eut pris la Jauniffe ,
Et n'eût jamais franchi ce Pont-levis
Moi , je m'yperds . . . . je me crois
vis-à- vis
Puis crac , j'enfonce en du Jus de Regliffe .
Ah , pauvre Adam , au lieu de Capendu ;
Ce Bout- rimé qui t'auroit Morfondu
T'eût préfervé contre l'infernalis Dogue,
- eb
Rime maudite , implacable
Vautour
Synagogue,
Laifle enterrer en paix la
Mais quoi ! c'eft fait , vivat , battez Tambour.
D'un grand nombre de Sonnets qui nous
ont été envoyés fur ces rimes fingulieres , il
n'y en a encore eu que deux qui ayent pû
parvenir jufque chés l'Imprimeur ; ce n'eſt
pas.
r24 MERCURE DE FRANCE
pas qu'il ne s'en foit trouvé plufieurs de fort
ingenieux & de très- bien faits parmi ceux
que nous avons reçûs , mais quelques- uns
font remplis fur des fujets un peu trop libres
, & d'autresfur des matieres trop refpectables
& par - là nous avons eu le déplaifir
de n'en pouvoir faire aucun uſage ;
car la circonspection eft une Loi qu'on exige
de nous , & que nous nous impofons encore."
plus volontiers.
Ce que nous nous croyons obligés d'expliquer
ici de nouveau , quoique nous l'ayons
répété déja bien des fois , pour nous difculper
auprès de ceux qui voudroient nous foupçonner
, ou de négliger leurs productions
ou de les rejetter avec quelque partialité.
********* *******米*米
LETTRE écrite par M. D. L. R. à M. le
Marquis de B. fur quelques fujets de Littes
rature.
V
A. 1911
Ous avez honoré , Monfieur , d'un ac
cueil favorable la premiere Lettre que
je me fuis fait un plaifir de vous communiquer
, de notre fçavant Aveugle, ce qui m'engage
de vous faire part de quelques autres
Lettres de differens genres , pour achever de
donner une jufte idée de fon génie &
yous
de
JUIN 1741) ☛ 1125
2
de fa capacité , qui n'avoit prefque point de
bornes ; vous jugerez auffi par - là , M. file
projet que j'ai fait de donner au Public une
Edition de fes Lettres , & de celles des Sçavans
avec lefquels il a été en commerce , mérite
d'être loué & favorifé.
Comme dans la République des Lettres
Il n'y a pas de plus grande liberté que celle
des fentimens , le Sçavant dont il s'agit
ici étoit extrêmément prévenu du mérite des
Anciens , qu'il préferoit aux Modernes , fans
refufer à ces derniers une partie de fon eftime,
C'eft fur ce fujet que roule toute la Let
tre que je joins ici . Elle eft écrite de Marfeille
le 26. Mai 1700. à M. Rigord , alors
Commiffaire de la Marine , fon intime ami ,
dans le tems que celui- ci partoit pour exécuter
une Commiffion importante au Service
du Roi dans les Pyrenées. Voici les ter
mes de cette Lettre..
Je ne diffimule point , Monfieur , le mé
rite des Sçavans de notre fiecle , je louë leurs
nouvelles découvertes , & j'en profite dans
l'occafion ; mais je foûtiens que les Anciens
font leurs Maîtres , & que dans les chofes
mêmes où les Modernes deviennent Maîtres,
ils font toujours les Difciples des premiers.
Certainement fi vous n'étiez pas fur le point
de monter à cheval , & fi je ne craignois que,
ma Lettre n'arrivât trop tard , je vous prou
verois
126 MERCURE DE FRANCE
verois clairement quatre chofes fur cette matiere
; la premiere , que les Modernes n'ont
point encore rétabli les plus belles inventions
des Anciens , qui fe font perdues : 2 ° . Que
dans les nouvelles découvertes il y a ſouvent
plus de vaine fpéculation & d'oftentation
que de réalité, de neceffité ou de commodité.
3°. Que leurs plus belles recherches ont neceffairement
dépendu de quelques préceptes,
de quelques raifons , de quelques artifices
que les Anciens leur avoient apris : enfin je
vous démontrerois , fans beaucoup de peine ,'
par un détail fur les Sciences , combien les
Modernes font éloignés de remplir les vui
des , & de rétablir les défauts qu'on y trouve
encore jufque là que les Modernes , pour
ne vouloir pas déferer aux Anciens en certaines
chofes , font tombés dans le ridicule,
Votre prompt départ ne me donne pas le
tems de faire ces Remarques , & quand je
vous perds , je perds le plaifir que j'ai de vous
écrire ,pour ainfi dire,tête à tête : car fi je vous
écis aux Pyrenées où vous allez , je ne veux
écrire que pour vous réjouir , & non pas pour
vous faire philofopher au milieu des neiges
& des frimats .
Mais faifons ici quelques obfervations en
peu de mots fans y chercher d'ordre , &
pelotons en attendant Partie .Vous vous van
tez, Mellieurs les Modernes , d'avoir inventé
JUIN. 17413 1127
le Teleſcope , & qu'avez vous fait en cela ?
Les Anciens vous avoient fourni des Lunettes
courtes , & vous n'avez fait que les allonger ,
& leur donner une autre figure ; ils avoient
déja inventé le Verre , fans lequel vous n'en
pouviez venir à bout , & vous n'avez fait
qu'étendre la Dioptrique qu'ils vous avoient
enfeignée ; c'est-à- dire , Meffieurs , que les
Anciens ont découvert le Ciel & les Aftres
par leur feule penetration , & il vous a fallu
chercher de nouvelles Lunettes pour voir le
refte.
Nous n'ouvrons plus , dites -vous , les Livres
de l'ancienne Aftronomie; je fçais , Meffieurs
, que vous ne vous fiez là- deffus qu'aux
Modernes ; car l'an 1655. vous nous menaçâtes
d'une Eclipfe , laquelle devant arriver
le douzième d'Août entre neuf & dix heures
du matin , le jour viendroit à manquer toutà
- fait,cependant vous vous trompâtes prefque
tous dans la grandeur de l'Eclipfe , & dans
fa durée , parce que tous vous n'aviez fait
que copier Argollius, ou quelque femblable
Auteur qui avoit mal fuputé cette Eclipfe
cinquante ans au-delà , au lieu que les anciens
Chaldéens ont fait des Tables de 1000.
is, auffi juftos que s'ils n'avoient vû l'affiette
du Ciel qu'une année auparavant,
Ne vous en déplaife , vous ne connoiffez
pas encore bien le corps de la Lune : quel-
1. Val, D ques1128
MERCURE DE FRANCE
ques -uns de vous ont écrit qu'il y avoit dans
la Lune des Hommes , des Animaux , des
Montagnes & des Forêts , de quoi d'autres
fe font mocqués. Il faut donc , ou que les
inftrumens vous trompent fouvent , ou que
yous ourriez les inftrumens.
Vous dites que Viette , dans l'Algébre ;
eft allé plus loin que Diophonte , quand on
a fait une fois brêche à une muraille , un Soldat
bien réfolu pénétreroit jufqu'à l'extrê
mité d'une grande Ville . Viette eft louable
il a laiffé Diophonte derriere lui , parce qu'il
a mieux aimé trouver de nouveaux Théoremes
, que de rifquer d'expliquer les précé
'dens.
Vous faites gloire d'être les inventeurs de
l'Artillerie , ce n'est qu'un peu de pouffiére
que vous avez trouvé , dont vous rempliffez
des Canons , & depuis peu, des Bombes pour
détruire le genre humain. Que veut dire ce-
Ja ? C'est qu'autrefois les hommes fe battoient
& aujourd'hui ce ne font que les
Armes : la force étoit dans les Soldats , & el-
Je n'eft prefque plus que dans les Canons.
Céfar étoit Céfar , Alexandre étoit Alexandre
; & la plupart des Géneraux de notre
tems , ne font prefque que des Grands Maitres
d'Artillerie .
>
Pourquoi dire , après cela , que vous releguez
dans les Cabinets des Curieux , come
me
JUI N.
1741. 1129
me des Antiques , les Arcs , les Fleches , les
Catapultes , & c . c'eſt pourtant avec ces viles
Machines qus Héros ont conquis l'Univers
, & qu'on a établi quatre grands Empires
; & avec ces gros Canons on fubjugue en
30. ans une Province , & Mars n'eft plus
Mars que contre des pierres.
Vous avez inventé les Pendules , je vous
en louë , mais Euclide ne vous a pas été inutile
pour la Ligne &
Ariftote pour le
Mouvement. Car , pour votre Descartes ,
quoiqu'il faffe danfer toute la Nature en
rond , en quarré , en toutes les affiettes &
en toutes les figures , c'eft , felon moi , un
pitoyable Philofophe ; quand il explique la
nature du Mouvement , il eft un tourbillon
lui-même , en cette matiere , plus obfcur en-
Core que le tourbillon qu'il a inventé depuis
le Firmament jufqu'à la Terre. C'eft ici , M.
que j'ai peur de me mettre tout de bon en
colere , & d'échauffer la Glande Pineale du
Cerveau , organe des Paffions du grand Defcartes.
Avoüons - le fincerement , M. nous lifons
A la vérité plus que les Anciens , mais les
Anciens étudioient plus que nous . Ils méditoient
, ils aprofondiffoient les fecrets de la
nature & de l'Art , ils faifoient valoir leur
Raifon plus que leur Mémoire , & ils devenoient
en toutes chofes les originaux de la
Poftérité, Dij Leurs
1130 MERCURE DE FRANCE
Leurs Philofophes ont fçû tout ce qu'on
pouvoit fçavoir , par une continuelle fpéculation
; & laiffant à part la Religion qui a
confondu en eux l'idée du premier Principe
& du premier Agent de toutes chofes , leur
Raifon eft allée auffi loin & auffi avant que
la Nature , priſe en elle - même ; ils l'ont fuivie
pas à pas jufqu'aux bornes , où l'Auteur
de la Nature la leur a cachée à eux & à
nous.
Nous n'avons pas toutes leurs inventions,
nous n'avons pas toutes leurs expériences
, nous n'avons pas tous leurs Livres , il
s'en faut beaucoup, Mais ce qu'ils nous ont
laiffé en Livres , ou en fragmens de leurs Livres
, pour la Nature & pour les Arts , eft
un fonds inépuisable. Qui eft le Prince , qui
eft l'Ingénieur qui a rempli les deffeins de
Vitruve, & qui a mis en exécution toute fon
Architecture ? Nommez- moi le fucceffeur
d'Archimede parmi nos Modernes . Qui a
démêlé tout l'Algébre de Diophante , jufqu'à
aujourd'hui ? Achevez vous- même de faire
le dénombrement de tous ces Maîtres , &
vous trouverez que nous ne fommes que
leurs Diſciples. Ils ont femé un grand champ,
& nous faifons la moiffon ; ils nous ont ouvert
les Mines , & nous démêlons la Terre
d'avec l'Or ; nous trouvons des chofes admirables
, mais c'est dans leurs fonds ; nous
avons
JUIN. 1741:
1131
1
avons perdu beaucoup de leurs fecrets , tant
pour l'Art que pour la Nature , & ils auroient
trouvé les nouvelles inventions dont
,
nous nous vantons s'ils ne fe füffent plus
apliqués à bâtir , qu'à embellir , à jetter de
grands fondemens , qu'à élever des Tours &
des Phares , qui ont beaucoup de vuide , &
qui ne fervent qu'à découvrir de loin , com
me la fameufe Roche de Tenerif , & c. .
Ils n'ont pas inventé la Poudre , & qu'aq
vions- nous à faire de cette invention ? nous
avons trouvé un moyen plus facile de tuer
les hommes , & de renverfer les Villes. Ils
n'auroient pas fçû faire nos Ragoûts & nos
Confitures ; quelle néceffité ? Nous en
mourons plûtôt . Le luxe , avec fes inventions
éclatantes , nefait qu'amufer nos yeux , vuider
nos bourses , & entretenir l'orgueil &
l'oifiveté : c'est- à-dire , M. que depuis les
Anciens , nous avons inventé beaucoup de
chofes , ou inutiles , ou pernicieuſes , ou fpécieuſes.
Je vous fouhaite un heureux voyage , &
fuis , &c.
Il me paroît , Monfieur , que vous avez
pris quelque goût pour la Botanique : peutêtre
la précédente Lettre de l'Illuftre Aveugle
Malaval , qui rouloit toute fur ce fujet , at'elle
excité, ou fortifié votre curiofité : quoiqu'il
enfoit , vous m'avez agréablement ra-
Diij pellé
1132 MERCURE DE FRANCE
pellé celle que j'ai pris la liberté d'adreffer a
Auteur du Spectacle de la Nature , imprimée
dans le Mercure de Février dernier .
Je vois que deux chofes vous ont particulierement
frapé dans cette Lettre : la premiere
, ce que je raporte dans la plus exacte
vérité des merveilleux talens du V. Dom E.
de fes heureux fuccès dans la culture des
Plantes en général , & en particulier dans les
Entes , par le moyen defquelles il allie fi
bien les differentes efpeces d'Arbres , d'Arbuftes
, de Fleurs &c. celles mêmes qui paroiffent
avoir enſemble le moins d'analogie .
;
Cependant je ne vous diffimulerai point ,
M. que depuis la publication de ma Lettte ,
j'ai trouvé là - deffus non feulement de foibles
admirateurs
,
mais encore des incrédules
on a voulu même me foûtenir que l'Ente
de la Treille fur un Pomier , fpécifiée dans
ma Lettre , ne réuffiroit jamais ; qu'à la verité
elle fubfifteroit un peu de tems , mais que
quand on viendroit à couper ou à féparer la
Greffe de la Mere- Treille , de qui elle prenoit
fa nourriture à travers du Pomier où on l'avoit
introduite , cette Greffe fécheroit peu
à peu ,
& toute la merveille difparoîtroit .
Pour moi , M. j'aurai l'honneur de vous dire
que , lorfque j'ai vû l'Automne dernier ce
Pomier avec la Treille fortant de fon tronc ,
& fe portant bien , je n'ai point aperçû dụ
tour
JUIN. 1741. 1133
tout de Mere Treille , à laquelle la Greffe en
queſtion fût attachée : peut- être avant que de
fermer ma Lettre pourrai - je vous en parler
plus affirmativement. En attendant voici une
feconde traduction qu'on m'a envoyée depuis
des deux Vers Latins de Dom E. fur ce
fujet , lefquels je répeterai ici.
D. STEPHANO PACIFICATORI
Neuftria Burgundis focietur , jurgia ceffent.
Fodera cum Malo vitis amica ferit.
Seconde Traduction de Dom JL
Cessez , Bourgogne & Normandie
De difputer fur vos liqueurs ;.
La Vigne au Pomier s'associe ,
Pour mettre d'accord vos bûveurs.
Et à propos de Vers , trouvez bon , Mi
que je corrige ici une faute énorme faite dans
ma Lettre du Mercure de Février dernier. J'y
cite page 241. deux Vers du fameux P. Ra
pin , lequel un peu trop prévenu fur les prétendues
influences de la Lune , s'exprime
ainfi dans fon Poëme des Jardins :
Quando Luna vetat , Lunaparete vetanti .
Quando Lunajubet, Lunaparete jubenti.
Les Imprimeurs au lieu de fuivre ma co
D iiij pie ;
1134 MERCURE DE FRANCE
1
pie , qui étoit exacte , ont mis à la fin du
fecond Vers , Lunajubete vetanti , faute groffiere
dont je ne me fuis aperçû qu'après coup.
La feconde chofe qui a mérité votre attention
dans la même Lettre , c'eft M. cette
Piéce finguliere & unique , dont il est fait
mention pag. 244. nommée le Turban du
Mufti née en 1738. dans le Jardin de D. E.
& par lui élevée ; j'ai raifon de l'apeller unique
, parce que le fruit original n'a plus reparu
nulle part , après en avoir femé les graines
en differens Jardins avec l'attention ordinaire
j'ai ajouté que ce fruit attira tous
les regards , ceux particulierement d'un Peintre
Anglois , qui l'a peinte à plaifir dans fa
grandeur naturelle , ce qui fait un fort joli
Tableau .
Vous ne ferez fâché de fçavoir qu'il
pas
s'apelle M. Blakcy , demeurant actuellement
à Paris , & s'y diftinguant par fes heureuſes
compofitions par , par fon talent décidé pour la
Peinture , & par fes autres bonnes qualités.
J'ai dit ailleurs que M. de Lobel , Peintre
du Roy , & l'un des plus dignes Membres
de l'Académie Royale de Peinture a eu la
bonté de peindre pour moi en deux Tableaux
, ce que mes Graines ont produit de
plus curieux dans le genre en question , les
années 1738. & 1739. & que ces Fruits y
font artiftement repréfentés de grandeur naturelle
!
JUIN. 1741. 1135
túrelle , & dans une imitation parfaite des
Originaux Je dois ajouter qu'il a bien voulu
prendre la même peine pour ce que ma
petite recolte de l'année derniere 1740. qui
n'a pas été fi heureuſe m'a donné de plus
fingulier , ce qui fait M. un quatriéme Tableau
exécuté avec le même fuccès , & le
tout enſemble orne mon Cabinet d'une agréa
ble décoration.
,
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
A Paris le 4. May 1741 .
P. S. A peine , Monfieur , ai je achevé ma
Lettre , qu'une Perfonne intelligente & fincere
, que j'avois envoyé exprès à la Chartreufe
pour me raporter le véritable état de
l'Ente en queftion , en arrive , & voici les
termes de fon raport : Il est très vrai que
l'Ente de la Treille fur le Pomier a parfaitement
réuffi dans le Jardin de Dom E. Je
fors de chés lui , & j'ai eu le plaifir de voir
cette alliance faite dès l'année derniere . La
Treille greffée eft entierement feurée depuis
près d'un an , & ne tient plus en aucune façon
à la Mere-Treille , &c.
La même Perfonne ajoute que je me fuis
prefque fait des affaires avec ces bons Solitaires
, que j'ai nommés , fans y trop
réflechir
, dans ma précedente Lettre , principalement
avec Dom E. qui véritablement n'a
aucune part à tout ce que j'ai dit ſur ſon fu-
Dv jet,
136 MERCURE DE FRANCE
jet , par raport à fes occupations , ou plûtôt
à fes récréations de Botanique , étant au
contraire bien fâché de voir fon nom & fes
fuccès publiés , quelque bonne intention
que j'aye euë en le faifant ; me priant enfin
de vouloir bien ne plus troubler l'efprrit
de retraite qui fait fes délices , & de le
laiffer joüir en filence de la grace de fon
Etat.
LE COQ D'INDE ET LE MARCASSIN,
FABLE.
C Hés un Seigneur , retiré dans fa Terre ;
Un Braconnier , foi difant fon coufin '
Fit amener en pompe un Marcaſſin
Qu'il avoit pris à la petite guerre .
L'Animal fut tranſporté
Près d'un réduit écarté ,
Où dans la fange & l'ordure
Il cherchoit fa nourriture.
Non loin de lui , perchoit fous un auvant
Un vieux Dindon , volatille pefante ,
Qui fe panade , & qui le bec au vent,
Croit étaler une beauté charmante.
Or , celui-ci dit un jour
JUIN.
1137 17412
Au Marcaffin , hola frere ,
Le Maître de ce féjour
Ma foi ne raiſonne
guere ;
Hier je le vis , qui d'un air campagnard
T'éxaminoit , te faifoit bonne mine ,
Regloit pour toi des reftes de cuifine ;
Je n'obtins pas feulement un regard.
Cependant j'ai l'avantage
D'être privé , propre & doux ;
Pour toi , ta race eft fauvage
Elle vit parmi les Loups ;
Toi- même enfin ( la chofe eft toute claire
Dans peu de tems tu vas leur ressembler :
Des grands Seigneurs le goût me fait trembler ;
Je ne fçais plus ce qu'il faut pour leur plaire .
Ami , dit le Marcaffin ;
Que chacun juge à fa guiſe ,
Quant à moi , je ne méprife
Qu'un Cenfeur jaloux & vain
Qui croit cacher fa fotife ,
Et montre tout fon venin.
>
J'ai des défauts fans nombre , je l'avoie ,
Mais c'eft le fort qui me les a donnés
Auffi , vois- tu , jamais je ne me louie ,
J'admire ceux qui font plus fortunés ,
Et fans l'éclat dont m'a frapé ta roüe ,
Jignorerois ce qui te pend au nés :
D vj D'ail
1138 MERCURE DE FRANCE
D'ailleurs , penfif dans ma cellule ,
Mon naturel pourra changer ;
Le vice peut fe corriger ,
Prefque jamais le ridicule,
J. CLEREAU , de Saumur.
REPONSE de M. Néricault Deftouches
à M. Tanevot.
L
A Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , Monfieur , m'a parû mériter
toute mon attention , & je l'ai crûë trèsdigne
d'une Réponse ; c'eft vous faire comprendre
en peu de mots, jufqu'où va l'eftime
que j'ai conçue pour vous en lifant vos fages
& judicieufes Réflexions fur ma derniere
Lettre à M. l'Abbé D ....
Il eft vrai que mon zele devient d'autant
plus vehement , que plus je m'efforce à combattre
les Ennemis de la vérité , plus ils s'acharnent
contre fes Partifans & fes Défen
feurs. Parce que je me fuis déclaré pour elle,
ils ne fe bornent pas à me hair , ils affectent
de me méprifer. Leur haine me fait honneur;
& leur mépris , s'il eft bien fincere , ne peut
égaler celui que j'ai pour eux. Plaiſe au Ciel
que je puiffe l'infpirer à tous ceux que leur
pernicieux
JUI N. 1741 . 1193
Pernicieux exemple , & les Sophifmes de
Bayle ont éblouis !
Mais ce n'eft pas aflés pour cceerrttaaiinneess gens,
me dites - vous,de leur montrer le danger auquel
ils s'expofent en lifant les Ouvrages de
Bayle , il faut leur prêter des armes contre
lui. Il vous paroît que ma Critique eft trop
générale !
Je fens comme vous , Monfieur , qu'il feroit
à propos pour rapeller à la vérité les efprits
chancellans , & pour les fixer dans la
bonne voye , que je priffe moi -même le foin.
de les munir du fil qui ne leur eft devenu
que trop néceffaire pour ſfee tirer du fatal labyrinte
où Bayle les a jettés infenfiblement.
Mais cette loüable & noble entrepriſe
m'entraîneroit dans des difcuffions fans fin ,
& qui ne font nullement de mon reffort. Je
ne crois pas cependant qu'il me fût impoffible
d'entrer dans cette pénible carriere , &
d'en fortir heureuſement , car j'ofe me vanter
d'avoir furpris ce Philofophe en beaucoup de
raiſonnemens , auffi faux que captieux. Il y a
très -long - tems que je fuis tenté de le réfuter
en forme , & que je réfifte à cette ardeur ;
toute légitime qu'elle eft , bien moins par la
crainte de ne pas réüffir dans mon entreprife,
que par la peur de me donner un ridicule;
car c'eft s'y expofer étrangement après avoir
fait fon capital de la Poëfie , fur tout de la
Poëfie
1140 MERCURE DE FRANCE
Poëlle Dramatique , que de vouloir fe donner
pour Philofophe , & qui plus eft , pour
Métaphyficien.
Il faut avoir un génie bien vafte & des lu
mieres bien étendues & bien avoüées du Public,
pour ofer entreprendre de traiter tous les
blic, pour
genres , & d'allier les Sciences les plus profondes
& les plus abftraites , avec les talens
qui font briller un bel efprit.
Il est vrai que notre fiécle nous a fait voir
& nous conferve encore un pareil prodige ; *
mais c'eſt le plus rare de tous les Phenome
nes ; & un exemple affés récent vient de
nous convaincre qu'il eft très dangereux d'afpirer
à produire un femblable fujet d'admi
ration , & qu'avec l'efprit le plus vif, le plus
brillant & le plus fécond , on peut fe rendre
fouverainement ridicule , en fe piquant d'être
un homme univerfel , & d'avoir aprofon
di des matieres fublimes , que l'on n'a tout
au plus qu'effleurées.
Comme je ne fuis ni fçavant ni bel efprit ,
j'avoue que cet exemple me fait trembler , &
pourroit effrayer mille gens beaucoup moins
timides que moi.
D'ailleurs ma timidité n'eft pas le feul obf.
tacle au noble efflor que vous me propoſez .
Je fuis trop amoureux du repos dont je joüis,
facrifier mes veilles à de longues & pépour
* M. de Fontenelle.
nibles
JUIN. 1141 1741 .
nibles recherches , qui pourroient enfanter
un volume immenfe & qui me fatigueroient
encore plus que mes Lecteurs.
Mon intention n'a jamais été , Monfieur ,
que de convaincre un homme qui me croyoit
au rang des incrédules , que , graces à Dieu ,
j'étois bien éloigné de ce funefte égarement,
& que fon Philofophe pour lequel il avoit
tant de véneration , n'étoit rien moins qu'infaillible.
J'en ai averti les libertins , en tâchant
de détromper mon ami ; c'eft tout ce que j'ai
prétendu faire. Je laiffe aux Philofophes
Chrétiens & aux Métaphyficiens Orthodoxes
le foin d'apuyer & de foûtenir ma Thèſe.
Cependant , Monfieur , comme vous ne
deffrez de ma part que quelques exemples
fenfibles des Sophifmes de Bayle fur les matieres
Métaphyfiques , je veux bien par complaifance
pour vous , & dans la feule vûë de
vous convaincre parfaitement que votre métite
& la droiture de vos intentions ont fur
moi le pouvoir qu'une ancienne amitié pourroit
exiger , je veux bien , dis - je , entrepren
dre aujourd'hui de vous fatisfaire, & de prou
ver au Public par cette légere ébauche que
notre Philofophe , tout fubtil qu'il eft , peut
être facilement réfuté.
Quel eft fon véritable objet ? Vous l'avez,
fort bien aperçû. C'eft de mettre toujours la
Raifon aux prifes avec la Religion , & de po
Le
1142 MERCURE DE FRANCE
fer en fait que la Religion ne peut fe foûte
nir contre la Raifon,fans le fecours de la Rés
velation .
Au fonds l'entrepriſe n'eft pas criminelle &
ne pourroit , ce me femble , avoir d'autre effet
, que de rendre l'autorité des Livres Saints
encore plus refpectable, fi l'affectation de recommencer
le combat à chaque occafion, &
aflés fouvent très-mal à propos, ne faifoit pas
apercevoir un deffein, d'autant plus pernicieux,'
qu'il eft caché fous les aparences les plus fimples
& les plus innocentes.
que
On ne peut donc rien entreprendre
de plus
loüable & de plus falutaire , 'd'embraffer
le parti de la Raifon contre un Philofophe
qui la fait toujours céder aux argumens des
impies & des incrédules , & qui veut nous
perfuader qu'elle eft incapable de leur réfiffi
elle ne fe fauve dans les retranche-
>
mens de la Révelation.
Je crois cependant pouvoir vous prouver
que fans recourir à cette reffource infaillible,
la Raifon a par elle- même affés de force &
de lumieres , pour repouffer vigoureuſement
les attaques des Libertins.
Ils n'ont point d'argumens plus fubtils , à
mon avis , que ceux que Bayle leur fuggere
dans fon Article des Manichéens, fous le nom
de Zoroastre , qu'il fait difputer contre Mé
Liffus, Mais fi Méliffus n'y triomphe pas de
Zoroaftre
C
JUI N. 1741. 1143
Zoroastre, c'eft affûrément parce que Bayle ne
l'a pas voulu ; car ce Philophe raifonnoit avec
trop de fagacité , & avoit trop fouvent aprofondi
& remanié ce Sujet , pour n'avoir pas
pû fournir à Méliffus les réponfes que le
moins fubtil Métaphyficien pouvoit aisément
lui fuggerer.
Je viens donc au fecours de Méliffus . Ima
ginez-vous que c'eft Bayle & moi qui difputons
; car vous ne devez point douter que
Zoroastre ne foit Bayle lui -même. Vous êtes
donc bien hardi , m'allez - vous dire , de difputer
contre un fi grand homme !
L'entrepriſe eft témeraire , je l'avoue , &
ma hardieffe me fait trembler ; mais ce n'eft
pas moi qui combats , c'eft la Raifon qui veut
rentrer dans fes droits . Me voilà raffûré.
Voyons donc maintenant comment elle
peut foûtenir la Religion contre les objec
tions captieufes des Manichéens , que Bayle
nous étale & fait valoir avec tant de force .
Car il eft bon de vous faire fentir d'abord
que n'ofant attaquer ouvertement les Dogmes
les plus faints & les plus refpectables, il
cherche des voyes indirectes pour les détruire
, en infinuant que les Syftêmes les plus
abfurdes font plus conformes à la Raiſon
que le Chriftianifme . Voilà fon Texte perpétuel
, & c'eft pour le commenter qu'il ofe
foutenir , en parlant de l'abominable Doctrine
1144 MERCURE DE FRANCE
و ر
trine de Manés , " que fon foible ne confif
" toit pas , comme on le croit d'abord , dans
»le Dogme des deux Principes , l'un bon & .
» l'autre méchant . Il faut avoüer , ajoûte- t'il ,
que ce faux Dogme, beaucoup plus ancien
» que Manés , infoûtenable dès qu'on admet
P'Ecriture , remarquez bien cette parenthese ,
» feroit affés difficile à réfuter , foûtenu par
» des Philofophes Payens , aguerris à la difpute
, c'est -à- dire par Bayle & par fes Dif
» ciples.
>>
Bayle fentoit bien , je n'en doute pas , que
la multiplicité des Principes éternels embarraffe
& choque la Raifon , qui conçoit plus
diftinctement un Etre fimple , tout- puiffant,
& caufe premiere de tout ce qui exifte ; aufli
fait - il avouer à fon Zoroastre , que fur ce
point les idées de Méliſſus font plus fublimes
que les fiennes. Mais le triomphe de celuici
n'eft pas de longue durée. Zoroastre qui
a paru lui céder la victoire , fe releve & veut
la rapeller de fon côté , en prenant le parti ›
d'examiner les Caufes par les effets , & c'eft
par les raifons à pofteriori que Bayle le fait
triompher.
» S'il n'y avoit , dit Zoroastre , que des
" méchans et des malheureux , il ne faudroit
»pas recourir à l'hypothefe des deux Prin-
» cipes .
Que devoit répondre Méliffus ? Rien de
plus
JUIN. 1741. 1145
plus fimple ; à quoi bon , devoit- il dire ,
faire une fupofition qui n'a pas le moindre
degré de poffibilité , foit qu'on n'admette
qu'un premier Principe , foit qu'on en admette
plufieurs. N'eft- il pas vrai que toutes
les perfections doivent exifter , ou dans le
premier Principe , s'il n'y en a qu'un , ou
dans toute la collection des premiers Principes,
s'il y en a pluficurs ? Or, s'il n'y avoit que
des méchans & des malheureux , il feroit évident
que la Bonté ne fe trouveroit pas
dans
ces premiers Principes , qui n'auroient produit
que des Créatures vicieufes & malheureufes
, & cependant la Bonté eft une des
principales perfections du premier Principe ,
ou pour parler Théologiquement , c'eft une
perfection fimplement fimple, fimpliciter fimplex,
qui doit fe trouver formellement en lui.
Mais Bayle ne juge pas à propos d'infpirer
à Méliffus cette réponſe qui embarrafferoit
trop Zoroastre , & qui termineroit trop tôt
la difpute.
L'introduction du bien & du mal moral ,
fupofé qu'on ne puiffe pas l'attribuer au libre
arbitre , eft l'Argument le plus fpécieux
qu'employe Zoroastre , pour prouver la néceffité
de deux premiers Principes , l'un bon
& l'autre méchant; auffi le verrez vous mettre
en oeuvre toutes les fubtilités que Bayle lui
peut infpirer,pour faper les plus folides fondemens
1146 MERCURE DE FRANCE
demens de la liberté. Vous verrez enfuite
Méliffus embarraffé par fon Adverſaire , &
tellement accablé par fes Argumens , qu'il
conviendra bonnement que la Raifon n'a
rien à répliquer aux Manichéens , & que les
Orthodoxes ne peuvent leur opofer que l'autorité
de l'Ecriture , dont il faudra démontrer
la vérité & la divinité ; c'eft ce que Méliffus
& Bayle n'entreprendront pas.
Zoroastre dira donc : * Nous n'avons aucune
idée diftincte qui puiſſe nous faire compren
dre qu'unEtre qui n'existe pointpar lui- même,
agiffe pourtantpar lui- même.
Voici ce que peut répondre Méliffus : Je
comprends néanmoins fort diftinctement que
dans l'idée d'une Puiffance fans bornes , telle
qu'on doit la concevoir dans le premier Etre,
eft auffi bien renfermée la puiffance de créer
des Etres libres , que des Etres déterminés à
agir néceffairement ; car fi mon idée reſtraint
la Toute - Puiffance à créer feulement des
Etres fans liberté , il y a contradiction dans
'mon idée , qui confidere en même -tems la
Toute - Puiffance comme fans bornes & comme
bornée . Vous raifonnez donc très- mal ,'
Zoroastre , & je vous prouve par cette feule
refléxion , qu'il eft facile de comprendre
qu'un Etre qui n'existe point par lui - même,
mais qui eft créé Libre par la Toute-Puiffan-
* Dict. de Bayle , Art. des Manichéens.
CCA
JUIN, 1741. 1147
ze , e pourra ufer du don de fon Créateur pour
agir par lui- même , autant qu'il eft néceffaire
pour l'exercice de fa liberté. Zoroastre , loin
de fe rendre à cette démonftration répliquera
La liberté donnée à l'homme n'eft
» point capable de fe donner une déter-
≫mination actuelle , puifqu'elle exifte in-
» ceffamment & totalement par l'action de
» Dien.
Je demeure d'accord , doit répondre Mé-
Liffus , que le libre arbitre n'eft point capable
de fe donner les principes de fes déterminątions
, mais il eft capable d'ufer des principes
de fes déterminations , qui font mis en
Jui & qui font créés avec lui , pour fe déterminer
actuellement ; autrement il ne feroit
pas libre arbitre. Il eft certain qu'il exiſte
inceffamment par l'action de Dieu , comme
Créateur & comme Confervateur ; mais non
par l'action de Dieu , comme le déterminant
Tans cefle , puifque Dieu a créé en lui & avec
lui les principes de fes déterminations, comme
je vous l'ai déja dit.
Je confidere ici le libre arbitre en lui-même
& dans fon principe . Je fais abſtraction
de ce qui doit l'aider , le fortifier , ou coopérer
avec lui .
Je n'examine point fi l'homme , foit dans
Pétat d'innocence, ſoit après ſa chute funefte,
a befoin de graces actuelles , prévenantes ou
coopérantes,
1148 MERCURE DE FRANCE
coopérantes , efficaces par elles - mêmes , ou
fimplement congruës ; enfin d'une prémotion
phyfique & d'un concours médiat ou
immédiat; je me borne à regarder la Liberté,
telle que Dieu l'a créée dans l'homme , & je
fais abstraction de tous les differens Systêmes
des Théologiens , & de tout ce qui doit perfectionner
cette Liberté. Je ne puis néanmoins
me diſpenſer de dire en paffant , que
je ne conçois point de véritable Liberté, dans
quelque hypothèſe qu'on la confidere , que
celle qui confiste dans une faculté activement
indifferente pour agir ou pour ne pas agir
en préfupofant en elletout ce qui est nécessaire
pour agir.
Voyons maintenant comment Zoroastre fe
tirera d'affaire. Bayle ne le laiffera pas fuccom.
ber ; il va lui fournir tous les Argumens qu'il
peut tirer de la Prefcience de Dicu , pour
embaraffer la Raifon des Orthodoxes ; &
voici de quelle maniere il s'y prend.
Après avoir mis en question fi Dieu connoît
les actions futures dépendantes de la liberté
de l'homme , & frapé , fans doute , de
l'idée d'une connoiffance infinie , qui doit
s'étendre à tout dans toutes les circonstan
ces , il femble abandonner fon Argument
pour faire preffer Méliffus par des raifons
plus captieufes , & telles, felon lui , que l'entendement
humain ne peut les réfuter qu'en
recourant
JUIN.
17413 1149
recourant à l'autorité des Ecritures. Ainfi
voilà la Raifon terraffée . Ecoutez Zoroastre :
ou Bayle , fi vous voulez .
» Je veux bien accorder que Dieu a prévû
» le peché de fa Créature , & j'en conclus
qu'il l'eût empêché de pecher.
Il me femble que Méliffus devoit lui dire
Vous concluez mal, fi vous fupofez l'homme
créé libre ; car fi Dieu la créé libre , il lui a
donné une liberté capable de mériter ou de
démériter. Donc il n'a pas dû empêcher le
inal qu'il prévoyoit , ni déterminer l'homme
néceffairement au bien , puifque , dans cette
fupofition, Dien cût dépouillé l'homme a moment
de l'action du précieux don de la liberré,
dont il avoit daigné le gratifier en le créant.
Si vous fupofez l'homme créé fans liberté ,
il faut que vous difiez que Dieu n'a pas voulu
le créer libre , ou que vous foûteniez qu'il
ne l'a pas pû.
Si vous prétendez que Dieu n'a pas voulų
créer l'homme libre , faites - moi donc comprendre
comment fa Raifon est devenue la
confidente des volontés du premier Etre . Ce
que Dieu veut ou ce qu'il ne veut pas , n'est
pas du reffort de notre Raifon.
Dites-vous que Dieu ne l'a pas pû ? En ce
cas vous m'opoſez une impoffibilité que vous
ne me prouverez jamais , puifque la Raifon
ne peut pas la concevoir,
La
1150 MERCURE DE FRANCE
La Raifon conçoit au contraire , que la
Toute- Puiffance est effentiellement un des
attributs du premier Principe , & qu'elle
confiste en ce que le premier Principe peut
faire tout ce qu'il peut vouloir. Une Raifon
droite & faine ne s'étonnera donc pas de voir
que Dieu n'ait pas empêché le peché de
l'homme , quoiqu'il l'ait prévû , lorſqu'elle
confiderera que Dieu a créé l'homme libre ,
pour qu'il fût en état de mériter fes récom
penfes ou fes châtimens.
Zoroaftre ne fe rendroit point à cette réponſe
, car voici de quelle maniere il infiste
par la plume de Bayle. » Les idées de l'ordre
ne fouffrent pas qu'une Caufe infini-
» ment bonne & fainte , qui peut empêcher
» l'introduction du mal moral, ne l'empêche
» pas , lors fur tout qu'en le permettant, elle
»fe verra obligée d'accabler de peines fon
»propre Ouvrage.
Je répond pour Méliſſus : Vous raiſonnez
ici , Zoroastre , fuivant les idées que vous
prétendez avoir de l'Ordre ; mais une Raifon
juste , une Raifon non préoccupée , en aperçoit
d'autres.
Une Cauſe infiniment bonne & fainte ,
peut fe difpenfer d'empêcher l'introduction
du mal moral ; elle le peut fans même blesfer
la liberté de l'homme , & quoiqu'elle fe
trouve obligée en conféquence d'accabler de
peines
JUIN.
1741. IISI
peines fon propre Ouvrage , fi cette Cauſe
infiniment bonne & fainte , est en même
tems infiniment juste & fage.
Car fi Dieu , comme infiniment bon , est
effentiellément déterminé à exercer la bonté
fur les innocens , comme infiniment juste , il
est effentiellement déterminé à exercer fa
justice fur les coupables ; & comme infiniment
fage il est effentiellement déterminé à
prendre les moyens les plus propres pour
qu'il puiffe trouver dans fes Ouvrages des
fujets fur lefquels il puiffe exercer fes differens
attributs , fans donner la moindre atteinte
à fa sainteté . C'est à fa propre gloire
que tout ce qu'il fait hors de lui - même doit
Le raporter.
Ainfi cette Cauſe infiniment bonne & fainte
, a créé des Etres libres , capables de mériter
ou de démériter , pour pouvoir exercer
fa bonté fur ceux qui mériteroient fes récompenfes,&
fa justice fur ceux qui feroient dignes
de fes châtimens. Tels font les moyens qu'il
a trouvés dans fa fageffe infinie pour exercer
fa bonté & fa justice , fans être obligé de punir
des innocens & de récompenfer des coupables.
Si Dieu avoit empêché l'introducton du
mal moral , il auroit bien pû exercer fa bonté
, mais il n'auroit pas pû exercer fa justice
dans toute fon étendue. Il n'auroit pas trou-
I. Vol. E vé
4
1152 MERCURE DE FRANCE
que
vé la gloire qui devoit lui revenir de l'Incarnation
& de la Mort de fon Fils ; il n'auroit
pas tiré du mal même une infinité de biens
la raifon humaine ne fçauroit comprendre
, parce qu'elle est trop foible & trop bornée.
S'il fe trouve obligé d'accabler de peines
fon propre Ouvrage , c'est parce que cet Ouvrage
ééttaanntt lliibbrree ,, & par conféquent capable
d'ingratitude , il est réellement ingrat ,
donne par fa faute occafion à Dieu d'exercer
fa Justice. Tous ces raifonnemens fe trouvent
renfermés dans l'idée de l'Ordre . Mais
fuivons Zoroastre , & voyons ce qu'il nous
dit encore : » Si Dieu n'a point prévû la chu-
» te de l'homme , il a du moins jugé qu'elle
» étoit poffible.
&
Propofition inutile de la part de Zoroastre
,
car Méliffus auroit non - feulement accordé
que Dieu a dû juger la chute de l'homme
poffible , mais même que Dieu l'a prévûë.
Bayle n'avoit garde de fournir cette réponſe;
ce n'est pas- là fon compte , il aime le doute
& veut le répandre fur tout.
En conséquece de ce Syftême , Zoroaftre
ajoûte : » Puis donc au cas qu'elle arrivât (la
» chute de l'homme ) Dieu fe voyoit obligé
de renoncer à fa bonté paternelle , pour
rendre fes Enfans très - misérables , en exerçant
fur eux la qualité d'un Juge' sévere, il
» auroit déterminé l'homme au bien moral,
» comme
JUIN. 1741 .
1153
و ر
comme il l'a déterminé au bien phyfique.
» Il n'auroit laiffé dans l'ame de l'homme au-
» cune force pour fe porter au peché , nonplus
qu'il ne lui en a laissé aucune pour fe
» porter au malheur , en tant que malheur.
Voici de quelle maniere j'aurois fait répondre
Méliffus , les idées de l'ordre nous font.
connoître que Dieu doit renoncer à fa bonté
paternelle , quand des Créatures libres
ayant
abusé de leur liberté jufqu'à certain point ,
ont par- là,renoncé à la qualité de fes Enfans.
Ces mêmes idées nous convainquent qu'il
doit juger felon toute la rigueur de fa Justice
des Créatures ingrates qui fe font renduës
coupables par leur faute .
Mais de ce qu'il prévoyoit le mauvais ufage
que l'homme feroit de fa liberté , il ne
s'enfuit pas que fa Bonté eût dû déterminer
l'homme au bien moral , comme il l'a déterminé
au bien phyfique. Car en déterminant
'homme au bien phyfique , Dieu l'a privé de
la liberté de fe porter au malheur , en tant
que malheur , parce que cette efpece de liberté
ne pouvoit pas le faire mériter ou démériter ;
c'est au contraire par la liberté d'obéïr ou
de défobéïr , qu'il peut mériter les récompenfes
ou les châtimens , & par conséquent
glorifier ia Bonté ou la Justice de fon Créateur.
De plus , ajoûtera Méliſſus à Zoroastre , je
E ij Vous
1154 MERCURE DE FRANCE
vous furprends dans le Sophifme le plus
groffier : Dieu n'auroit , dites-vous , laissé"
» dans l'ame de l'homme aucune force pour
» fe porter au peché , non - plus qu'il ne lui
en a laissé aucune pour fe porter au mal-
» heur, en tant que malheur.
ور
ود
Pour que votre parité, Zoroastre , eût quel
que jufteffe, vous deviez dire que Dieu n'auroit
laissé dans l'ame de l'homme aucune
force de fe porter au peché , en tant que peché
, non plus qu'il ne lui a laissé aucune
force pour fe porter au malheur , en tant que
malheur Mais votre parité eût été moins
ébloüiffante , car il n'y a perfonne au monde
qui ne fente que l'homme ne trouve en luimême
aucun motif pour fe porter au peché ,
en tant que peché, comme il n'y trouve aucun
motif pour fe porter au malheur , en tant que
malheur. Il fe détermine au peché , non pas
par le propre motif du peché ,mais par le motif
du plaifir ou des avantages qui peuvent
lui en revenir ; de - même qu'il fe determine
au malheur , non pas par le motif propre du
milheur , mais par le motif d'un ' bien vrai
ou aux qu'il envifage.
Mais quand même l'ame auroit toute la
fo ce poffible pour ſe porter au peché, en tant
que peché, & qu'elle n'en auroit aucune pour
fe porter au malheur , en tant que malheur , il
feroit toujours vrai de dire que la liberté de
pouvoir
JUIN. 1741. 11551
Pouvoir pecher ou ne pas pecher , étoit
néceffaire pour mériter ou démériter, & que
l'autre espece de liberté feroit inutile. Ainfi
la Providence Créatrice fera juftifiée par la
Raifon , & l'on n'aura pas befoin des deux
Principes de Zoroastre pour expliquer le bien
& le mal moral.
Il s'enfuit de cette analyfe que Méliffus
pouvoit répondre ſolidement aux objections
de Zoroastre , fans avoir recours aux Livres
Saints , fans le fecours desquels Bayle fait en
tendre malicieufement que Méliffus n'auroit
pas pû réfuter fon Adverfaire. Mais le but de
Bayle eft de faire fentir que la Religion n'a
nul fondement du côté de la Raifon , afin
de rendre incrédules ceux qui fe piquent d'ê
tre raisonnables.
Jugeons des intentions de ce Philofophe
par fa maniere de differter . Il convient que
les raifons qu'il apelle à priori , font toutes
en faveur des Orthodoxes contre les Manichéens
; il ne peut pas nier que les raifons à
pofteriori des mêmes Orthodoxes , ne foient
au moins auffi folides que celles des Manichêens.
L'idée de la Liberté n'eft pas une chimere
, elle eft renfermée dans l'idée de l'Or
dre. Les hommes font naturellement capables
de la voir & de la fentir : on peut au
moins auffi bien expliquer le Bien & le Mal
moral par le du libre arbitre , que par
E iij
moyen
la
1156 MERCURE DE FRANCE
la fupofition de deux Principes , l'un bon &
l'autre mauvais ; ainfi quand les raiſons à posteriori
des Manichéens pourroient contrebalancer
les raifons à pofteriori des Orthodoxes ,
celles de ces derniers , fortifiées de leurs raifons
à priori , devroient former une démonstration
capable de fermer la bouche à ces
Héretiques , & cela indépendamment des
Ecritures.
D'où vient donc que Bayle avance hardiment
que le foible du Syftême des Manichéens
, ne confiftoit pas , comme il ſemble
d'abord , dans le Dogme des deux Principes,
l'un bon & l'autre méchant ? D'où vient qu'après
être convenu que les raifons à priori ,
tirées de la néceffité de l'existence d'un Etre
fimple , font convainquantes , il ajoûte , en
fe retranchant dans les raifons à pofteriori, que
ce faux Dogme , infoûtenable dès qu'on admet
l'Ecriture Sainte , feroit assés difficile à
réfuter , foûtenu par des Philofophes Payens
aguerris à la difpute ? D'où vient que faifant
difputer fon Zoroastre Manichćen , contre
fon Méliffus Orthodoxe , il fournit au pre
mier les Sophifmes les plus fpécieux , &
qu'il ne fournit au dernier que de foibles
raifons pour fe défendre , raifons qui ne dévoilent
point les Sophifmes de Zoroastre , &
qui n'en font pas voir la fauffeté & le venin ?
D'où vient enfin qu'il fait femblant de paroî-
,
sre
JUIN. 1741. 1157
Tre lui-même ébloui des fauffes fupofitions &
des raifonnemens absurdes qu'il fait faire à
fon Manichéen , & qu'il conclut malignement
qu'il n'y a que la Révélation qui puiffe
nous convaincre de la vérité de la Religion
Chrétienne ?
Tout homme raifonnable doit le fentir. Il
veut faire fa cour aux prétendus Efprits forts,
fournir des doutes aux Efprits foibles , dégoûter
le Genre humain d'une Religion qu'il
tâche de montrer opofée à la Raifon , & fai ,
re triompher le Pyrrhonifme.
Nous
convenons que la Révélation eſt lä
bafe de notre Foi , qu'elle nous propoſe bien
des vérités auxquelles la Raifon humaine ne
fçauroit atteindre ; mais il faut convenir auffi
que fi la Raifon ne peut pas comprendre ce
que nous apellons Myfteres, elle nous conduit
à connoître la vérité de leur exiftence , & la
néceffité de les croire .
Oui , Monfieur , j'ofe le foûtenir contre
les Incrédules les plus aguerris & les plus
opiniâtres , la Raifon , cette Raifon dont ils
font un fi mauvais ufage , nous conduit directement
& néceffairement à la Foi , & la
Foi,bien loin de l'affoiblir, ne fait qu'augmen¬
ter fes forces. Tel eft le falutaire effet de cette
Raifon humaine , fi fouvent & fi injuftement
maltraitée par Bayle, & c'eft ce que j'entreprendrois
de vous prouver dès ce moment,
E iiij
fi
1158 MER CURE DE FRANCE
fi je ne craignois pas de paffer les bornes d'u
ne Lettre. Je me propofe donc de vous en
écrire une feconde , dans laquelle j'efpere
démontrer clairement ce que je viens d'avancer
en faveur de la Raifon. Il me paroît eflentiel
de lui rendre la juftice qui lui eft dûë ,
après tant d'outrages qu'elle a reçûs de Bayle
& de tous les Pyrrhoniens passés & préfens.
En attendant ma nouvelle Differtation ;
foyez sûr que la Raifon fait triompher la Foi,
que la Foi donne de la force & de l'éclat
à la Raifon. Je fuis , Monfieur , & c .
&
A M. LE CARDINAL
DE FLEURY.
EN vérité , c'eft
tyrannie ,
Le coeur devroir du moins garder la liberté ;
Je croyois que l'Autorité
N'étendoit pas fes droits jufqu'à cette partie .
Les Grands font Maîtres de nos jours ,
Majestueux Soleils , ils en reglent le cours ;
Ils gouvernent notre langage ;
Ils compofent notre vifage.
N'en est- ce
pas affés contens de ces honneurs ,
Ils devroient nous laiffer nos coeurs ;
1°
JUIN
115S 1741 .
Le Ceur , toujours jaloux de fon indépendance ,
Plus libre fe roidit contre la violence ;
Le Coeur eft un mutin qui brave toute Loi ;
Tout le refte obéit , le Coeur feul eft à foi.
Mais fi , comme chés vous , l'éclat de la Puiffance
Empruntant le fecours d'une aimable douceur
Loin de nous écarter par la fiere arrogance
Qui n'infpire que la terreur ,
Nous peint la parfaite harmonie
Et d'un Coeur magnanime , & d'un vaſte génie
Si l'on croit que de la Grandeur
Le plus beau , le plus noble ufage ,
C'eſt de faire notre bonheur ,
Tout céde , tout fe rend , tout vôle à l'esclavage
On eft maître des coeurs auffi bien que des jours
On regle la penſée ainfi que les difcours ;
Le murmure fe taît , & la plainte eſt bannie ,
En vérité c'eft tyrannie.
Tu m'entens , Grand Miniftre , & ton Coeur géné
reux ,
Au défaut de ma voix , t'explique assés mes voeux
Ne puis-je dans le Port me délasser de l'onde ,
Et goûter le repos que LOUIS donne au Monde. >
TRADUCTION.
Hendecafyllabi
Qua nos , Superi , premit tyrannis ↓
Ev
1160 MERCURE DE FRANCE
At non ferre animos jugum putabam ;
Non hos juris babetfui poteftas ;
Noftros illa dies , rapitque vultus ,
"
Sermones quoque , temperatque motus ;
Ut Sol athered corufcus arce ,
Imo prafidet , imperatque Mundo
Sed parere animus ferox recufat ;
Ille , ille indocilis jugo teneri ,
Circum cuncta videt fubacta liber
Quodfi conveniunt , euntque nexw
Majeftas & Amor benigniore ,
Si tu , Liligeri Miniſter Orbis ,
Regi follicitus , bonusque Civi ,
Jubes te metui , jubes amari ,
Tumfenfus pariter , Regisque vultus ,
Nutu cordadomas potentiore ;
Abfiftunt gemitus , tacent querela;
Qua nos , ô Superi ; premit tyrannis !
Hos ta , dum Patria impiger laboras
Oti, fi quid habes , legas Phaleucos
Quid te noftra velit Camoena fentis ,
Non te vota diu latent precantum.
Mefeffum Pelagofubire Portus ,
Et qua te LODOIX Regente Mundum ;
Dulci Pace beat , frui licebit,
On a dû expliquer l'Enigme & le Logo
gryphe
JUI N. 1741 . 1161
gryphe du Mercure de Mai , par l'Ombre &
La Coquille. On trouve dans le Logogryphe ,
Coq , Quille , Echo , Ciel , Licou , Lie , Cô
Ville d'Arabie & d'Égypte , Lice , Ville , lui,
Où , & Vol. 3
Jijiji
ENIGM E..
U Ne triple prifon me retient enfermé ,
Dès le premier moment que je reçois la vie ,
Il faut pour en fortir que ma Mere asservie ,
Passe fous le tranchant d'un homme bien armé.
Petit pendant ma vie , ainſi qu'en ma naissance ;
La Nature me donne une telle puissance
Que je puis produire un Géant.
Il l'eft à mon égard , quand il a reçû l'être ;
Et quoiqu'il foit mon fils , par un retour changeant,
Chaque an dedans fes bras on croit me reconnoître
Je blanchis dès mes premiers jours ,
Et noircis quand j'avance en âge .
Il faut que je le fois pour me mettre en ufage ;
En vain auparavant on cherche mon fecours ,
M'arrachant des bras de mon pere ,
Etant encor caché dans le fein de ma mere.
*
E vi
LOGO1162
MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE.
L'Arbre qui me donna le jour ;
Dune cruelle mort vit payer fon amour
Meuble de Cour & de Village
Chacun de moi fait grand uſage.
Je foûmets à mes Loix
Les Peuples & les Rois :
Chés un Grand on me fert avec magificence
Le Pauvre für mon fein fait régner l'indigence ,
J'ai pour l'un & pour l'autre un naturel ingrat ;
Infenfible aux faveurs , je n'en fais point état ;
Si du mépris fouvent je deviens la victime` ,
La nudité fait tout mon crime :
Dès que je fuis garnie , on vante mes attraits ,
Et les plus grands plaifirs fans moi ' ſont impar=
faits.
Cinq Lettres de mon nom forment l'Architecture,
En voici , cher Lecteur , une exacte peinture :
D'un feul coup de Pinceau je préfente à tes yeux
Le harnois d'un Baudet , un Grain très - précieux
Le déplorable Enfant d'un Pere ,
Né fans le fecours d'une Mere.
Analyſe ces mots , Lecteur , tu trouveras
De quoi te tirer d'embarras ;
Pour un Glouton je fuis aimable ;
JUIN. 1741 1164
Je le vois nuit & jour m'adresser fon Encens ,
Si tu veux de mon nom déveloper le fens ,
Le parti le plus court eft de te mettre à table .
Gaudet.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
ISTOIRE GENEALOGIQUE de la Maifon
H duChâtelet ,Branche puînée de la Maifon
de LORAINE , juftifiée par les titres les
plus authentiques , la plupart tirés du Tréfor
des Chartres de Loraine , Tombeaux , Sceaux,
Monnoyes , & autres anciens Monumens publics
, Par le R. P. Dom Auguftin Calmet ,
Abbé de Senone. I. Vol. A Nancy , de l'Imprimerie
de la veuve de Jean- Baptifte Cuffon ,
Imprimeur Libraire,fur la Place , au Nom de
Jefus. M. DCC . XLI.
Le Livre que nous annonçons au Public ,
eft une fuite des engagemens du fçavant &
laborieux Hiftorien de Loraine , & comme
un Suplément à l'Hiftoire de cette Province ,'
qu'il publia en 1728. Dans cet Ouvrage fi
connu & fi eftimé , on fçait que l'Auteur
s'eft attaché particulierement à nous donner
une connoiffancplus exacte & plus détail
léc
1164 MERCURE DE FRANCE
lée qu'on n'avoit eû juſqu'alors, de la Maiſon
Regnante de Loraine ; qu'il a travaillé avec
fuccès à débrouiller fon origine , à la purger
des fables dont elle étoit obfcurcie , & à l'établir
fur des Monumens clairs & hors de
foupçons des Critiques habiles avoient ouvert
cette route , mais aucun d'eux n'avoit
entrepris de nous donner un fiftême
complet de la Maiſon ; & les Auteurs qui
avoient tenté de le faire , s'étoient rendus
méprifables par les fauffetés & les bévûës
qu'on a découvertes dans leurs Ouvrages.
Que de vuides à remplir d'une part ! que
de nuages à diffiper de l'autre ! Le zéle de
D.Calmet n'en a point été effrayé;toûjours fidéle
au Sang de fes Souverains, il s'eft fait un
devoir de l'accompagner dans tous les Ages
avec la même exactitude ; il a fuivi , fans fe
rebuter , les divers ruiffeaux qu'il a formés
dans tous les tems en grand nombre , &
n'a rien oublié pour en caractériser l'origine,
les progrès & la fin , par le fecours des monumens
hiftoriques les plus certains. Dans
le cours de fes recherches , le R. P. Abbé
de Senone s'aperçût aifément que toutes les
autres Branches forties de la Tige de Loraine
avant Ferry 1. Comte de Vaudemont
étoient éteintes depuis long - tems . La feule
Maifon du Châtelet prétendoit avoir confervé
le Sang de ces Princes , & fa préten
tion
JUIN. 1741. 1165
tion fe trouvoit favorifée par l'ancienne Tra
dition du Pays , atteftée par les Ecrivains les
plus judicieux & qui avoient eu occafion
d'en parler. Quelque pût être le mérite de
cette tradition , D. Calmet fe vit obligé de
l'examiner , parce que fon deflein ne lui permettoit
pas de la paffer fous filence ; il l'examina
en effet , mais en Hiftorien circonfpect
, & en Critique févere , accoûtumé à
combattre les préjugés que l'ignorance a enfantés
: il remonta jufqu'à fa fource , & em
difcuta les fondemens avec impartialité ; ik
les trouva folides , & fes recherches fcrupuleufes
ne fervirent qu'à lui en fournir de nou
velles preuves plus circonftanciées.
Dès lors,il jugea que cette portion du Sang.
de Loraine méritoit fon attention & fes
foins mais comme la nature de l'Ouvrage
qu'il avoit en main ne lui permettoit pas de
s'étendre autant qu'il eût été befoin fur cet
Article , il fe contenta d'annoncer fon fentiment
au Public dans fon Hiftoire de la
Maifon de Loraine , Tome premier, p. 134-
réfolu de l'établir plus au long , lorfqu'il au
roit raffemblé tous les matériaux néceffaires à
fon projet , qu'il a enfin executé dans l'Histoire
Généalogique qu'il donne aujourd'hui
de la Maifon du Châtelet.
Le Public accoûtumé à rendre juftice aux
Ouvrages de D. Calmer , recevra fans doute
avce
1166 MERCURE DE FRANCE
avec plaifir le nouveau préfent qu'il lui fait à
& il fera d'autant plus porté à lui en tenir
compte , qu'il eft aparemment le feul de qui
on pût l'attendre , après tant de révolutions
qui ont enlevé aux Seigneurs du Châtelet la
plupart des Titres , & l'apanage de leurs Ancêtres
; cette difette eft à peine fenfible dans
POuvrage de D. Calmet. Employé fous les
yeux , & par les ordres de fon Prince , tous
les Dépôts publics , les Archives des Eglifes,
les Cabinets & les Recueils lui ont été ouverts.
Quel autre pouvoit efpérer de raffem
bler auffi aifément une moiffon fi abondan +
te & fi néceffaire pour un Ouvrage de cette
efpéce ?
L'Auteur l'a divifé en cinq Livres , précédés
d'un Difcours dans lequel il rend compte
des motifs qui l'ont engagé à y travailler
des fecours qu'il a trouvés, des preuves qu'il
employe , & de l'ordre qu'il a fuivi : il y a
mêlé diverfes obfervations préliminaires fur
le nom , les Armoiries , le Cry & les Titres
des Seigneurs du Châtelet , qui lui ont paru
néceffaires pour l'inftruction des Lecteurs ,
qui ne font pas exercés dans ces matiéres .
Le premier Livre commence l'Histoire de
La Maifon du Châtelet par Ferry de Bitche ,
Duc de Loraine en 1205. Pere de Thierry,
d'Enfer , premier Seigneur du Châtelet , le
chef du Nom & de la Maifon, qui l'a con-
- fervé
JUIN. 1741 . 1167
fervé jufqu'à préfent fans changement ni interruption.
La pofterité de Thierry y eft ra
portée jufqu'à Errard VIII . mort avant 1545-
fans Enfans.
On la trouve continuée dans le fecond
Livre par la Branche de Deüilly , & éteinte
en 592. & par celles de Thons , & de Trichâteau
, qui fubfiftent encore aujourd'hui ,
& ont formé divers rameaux en France & en
Loraine .
Le troifiéme Livre eft deftiné aux Branches
de Pierrefitte , Saint-Amand , & Cirey ,
toutes éteintes , & dont la fucceffion eft rentrée
par alliance dans la Branche de Lomont
Trichâteau .
>
La Branche de Bulegneville , finie depuis
long- tems , eft le ſujet du IV . Livre.
Le cinquiéme nous donne l'Hiftoire des
Branches de Sorcy & de Vauvillars , étein
tes vers la fin du feizième ſiècle .
Chaque Livre eft accompagné de Tables
Génealogiques , dreffées avec beaucoup de
foin pour la commodité des Lecteurs ; la
Table génerale eft à la tête de tout l'Ou
vrage.
Dans les preuves imprimées à la fuite du
corps de l'Hiftoire , on trouve un grand
nombre de Piéces pour apuyer les Faits qu'el
le contient ; elles plairont encore aux Curieux
par les lumieres qu'elles peuvent leur
fournir
T168 MERCURE DE FRANCE
fournir fur l'Hiftoire & les Ufages du moyen
Age.
Tout le Volume eft terminé par deux Tables
Alphabétiques; la premiere, des Maiſons
qui font alliées aux Seigneurs du Châtelet
la feconde , de tous les noms de Familles !
de Terres ou de Seigneuries dont il eſt fait
mention dans l'Ouvrage.
Au refte , la magnificence exterieure de l'Edition
répond parfaitement au mérite de l'Auteur
& du fujet ; le Papier , les Caractéres ,
les Gravûres qui font en grand nombre , les
Vignettes & les Culs - de -lampes font d'une
élegance & d'un goût qui ne laiffent rien à
defirer.
HISTOIRE Eccléfiaftique & Civile de la
Ville & du Diocèse de Carcaffonne , avec les
Piéces juftificatives , & une Notice ancienne
moderne de ce Diocèfe , par le R. P. Bouges
, Religieux des Grands Augufins de la
Province de Toulouse , 1 Vol. in 4° . Paris ,
Quai des Auguftins chés Pierre Gandouin ,
Pierre Emery, Pierre Piget. 1741 .
Ily a long tems qu'un fçavant Homme a dit
que toute Hiftoire eft bonne , mais elle mérite
d'être recherchée des Curieux , lorſqu'elle
nous aprend des Faits auffi importans , &
cependant auffi peu connus que ceux qui
font raffemblés dans cette Hiftoire de la VilJUIN.
1741.
1169
le de Carcaffonne. Deux Auteurs avoient
avant le Pere Bouges , travaillé chacun fur
une partie de l'Hiftoire de cette Ville . M.
Guillaume Beffe , Avocat , avoit publié en
1645. l'Hiftoire des Comtes de Carcaffonne,
& M. de Vic , Chanoine de l'Eglife Cathédrale
de cette Ville , avoit donné en 1667.
fur les Mémoires de M. Eftellat , fon Confrere
, la Chronique des Evêques de cette Ville.
Mais le P. Bouges , en écrivant l'Hiſtoire
Eccléfiaftique & Civile de fa Patrie , renfer.
me les deux Parties , traitées féparément par
MM. Beffe & de Vic. Les travaux de ces
deux Ecrivains n'ont pû fervir de guide au
nouvel Auteur , parce qu'ils ont adopté avec
trop de confiance des Faits ou fabuleux , ou
du moins très-incertains. Le P. Bouges s'eft
donc vû contraint de faire un Ouvrage neuf,
& pour ne rien dire que de certain , il a vi
fité toutes les Archives de la Ville & du Dio
cèfe. Il n'a pas négligé les Hiſtoriens anciens
de la Province , ni même ceux des deux Nations
, Eſpagnole & Françoiſe , qui ont fucceffivement
poffédé cette Ville.
Tels font les fondemens fur lefquels eft
apuyée la nouvelle Hiftoire de Carcaffonne ,
Ville qui n'a pas été moins diftinguée autrepar
la part qu'elle prit aux grandes affaires
, qu'elle l'eft aujourd'hui par fon Com
merce & par fes Manufactures. Elle mérita
fois
même
1176 MERCURE DE FRANCE
même l'attention des plus grands Conque
rans ; les Romains , les Goths , les Sarrazins
& les François en ont été fucceffivement les
Maîtres. Comme elle avoit pris parti dans la
grande affaire des Albigeois , eile crût auffi
pouvoir en prendre dans les troubles de la
Ligue. Elle foûtint d'abord les interêts du
Roy Henry III. contre les Mécontens , mais
fi elle époufa pendant quelque tems les fentimens
de la Ligue , elle fçût bien tôt les
abandonner , & fut la premiere Ville du
Languedoc, qui reconnût l'Autorité du Roy
Henri IV. Elle a depuis confervé cette fage
fidélité , & refufa en 163 2. d'entrer dans les
interêts du Duc d'Orleans & du Maréchal
de Montmorency. Elle fortit néanmoins de
fa moderation en 1655. en outrant les chofes
contre les Fermiers des Gabelles , mais ,"
l'Arrêt foudroyant qui fut rendu contre cette
Ville ne fut pas executé , par la fageffe de
Fun des Chefs .
a
Le P. Bouges, non content de tous ces Faits
Hiftoriques , entre encore dans le détail du
caractere de tous les Evêques de cette Ville ;
& le Catalogue raiſonné qu'il en a donné ,
paru fi exact aux Sçavans Benedictins qui travaillent
à Gallia Chriftiana , qu'ils s'en font
utilement fervis dans leur Ouvrage , de quoi
ils ont marqué à notre Auteur des fentimens
de reconnoiffance.
L'O
JUIN. 1741 1171
›
L'Ouvrage du P. Bouges eft donc un de ces
Ouvrages mûrement pefés , & travaillés avec
beaucoup de foin : & pour donner lieu de
verifier ce qu'il a dit d'important dans fon
Hiftoire il a joint 74. Piéces effentielles
, Titres ou Diplomes depuis l'an 788. jufqu'en
1671. On fçait que ce font ces fortes
de preuves qui augmentent le mérite des Hiftoires
particulieres , parce qu'on trouve fou
vent dans ces Piéces la preuve de plufieurs
Faits intéreffans de notre Hiftoire Génerale
.
COÛTUMES GENERALES D'ARTOIS , aveo
des Notes , par M. Adrien Maillart , ancien
Bâtonnier de l'Ordre des Avocats , feconde
Edition , revue & augmentée par l'Auteur , à
Paris ches Jean Rouy Libraire , Grand Salle
du Palais , vis-à - vis la GrandChambre
<
Ange Gardien 1739. 1. Vol infol. pages
1031. fans compter ce qui eft à la tête à
la fin de l Ouvrage , dont voioi l'analyse.
1. Carte du reffort du Confeil Provincial
d'Artois , & des environs, 1741. par M. Jajllot
, Géographe du Roy , où eft figuré le
Golfe ou Sinus Itins , avec fes trois Ports &
dégorgemens dans la Mer , à Calais , Graye
line & Dunkerque.
,
2. Ordre de la feconde Edition des Notes
lur les Coûtumes Génerales d'Artois , où
le
i
1172 MERCURE DE FRANCE
fe trouvent plufieurs Points Hiftoriques fur
le Manufcrit des anciennes Coûtumes &
Ufages d'Artois.
3. Dix- neuf Liftes Alphabétiques , tant de
21. Jurifdictions qui font d'Artois , que de
neuf autres Juſtices , lefquelles , en chefs ,
ou en quelques membres , font fur la Carte
d'Artois , à titre de voisinage.
4. Voici les Juriſdictions qui font d'Artois
, & qui occupent 42. pages . I. Confeil
Provincial d'Artois . II . Bailliage d'Aire . III .
Gouvernance d'Arras . IV . Salle Epifcopale
d'Arras . V. Chapitre d'Arras. VI . Aubignyle
-Comte. VII . Aubigny- la - Marche . VIII .
Avene -le - Comte. IX. Bapaume . X. Betune .
XI. Epinoy. XII . Hedin . XIII . Lens . XIV .
Lillers. XV. Oify . XVI . Bailliage de Saint-
Omer. XVII . Echevinage de Saint - Omer.
XVIII. S. Pol. XIX. S. Vât d'Arras immédiat.
XX. S.Vât médiat . XXI. La Régale de
Térouane.
5. Voici les Jurifdictions voisines d'Artois,
fur 32. pag. I. Bailliage d'Amiens , à Amiens.
II à Montreuil. III . Ardres . IV . Boulenois.
V. Calais. VI. Eu , Comté- Pairie . VII. Perrone.
VIII.Ponthieu . IX. Roye.
>
6. Anciennes Coûtumes & Ufages d'Ar
tois , depuis la page 1. juſqu'à la page 69 .
7. Les Textes des anciennes & nouvelles
Coûtumes Génerales d'Artois , depuis la p.
71. juſqu'à la p. 152. 8.-
JUIN. 1741 : 1173
8. Chronologie Hiftorique des Souverains
de la Province d'Artois , des Proprietaires
du Pays d'Artois , & des Gouverneurs Géneraux
des Pays Bas , depuis que ces Provinces
ont été poffedées par la Maifon d'Autriche
: depuis la pag. 153. jufqu'à la pag. 163 .
9. Notes fur le Placard de l'Empereur
Charles- Quint , qui homologue les Coûtumes
génerales d'Artois ,
du 3. Mars 1544.
depuis la p. 165. jufqu'à la p. 179 .
10. Sur quelques Articles d'Artois fe trouvent
des Notes de M. Charles du Molin.
décedé à Paris le 27. Décembre 1566.
11. Il y a fur plufieurs Articles d'Artois
des Notes de François Baudüin , né à Arras
le 1. Janvier 1520. & décedé à Paris au College
d'Arras le 24. Octobre 1573. inhumé
au Cloître des Mathurins. Baudüin étoit Eléve
de du Molin .
12. Sur les premiers 26. Articles d'Artois
fe trouve le Commentaire Latin de Nicolas
Goffon , décedé à Arras le 26. Octobre 1578.
& fa Traduction Françoiſe par M. Maillart.
13. Les Notes de M. Maillart , accompa
gnées d'Anecdotes Hiftoriques , rapellent
non -feulement beaucoup de Jugemens concernant
l'Artois , mais encore d'autres Pays
confidérables.
14. A la page 1031. eft imprimé le Dif
cours prononcé à la Chambre de S. Louis au
Palais
1174 MERCURE DE FRANCE
Palais le 9. Mai 1738. par M. Maillart , ex
qualité de Bâtonnier fortant.
RECUEIL des principales Décifions fur les
Dixmes , les Portions congrues , les Droits
& les Charges des Curés Primitifs , par M.
Drapier , Avocat. Nouvelle Edition , augmentée
d'un Traité du Champart par M.
Brunet , Avocat. A Paris , chés Nicolas-
Pierre Armand , Libraire , rue S. Jacques ,
à S. Benoît , 1741.
TRAITE' DE LA SPHERE par M. Rivard ,
Profeffeur de Philofophie en l'Univerſité de
Paris. A Paris , chés Jean Defaint , & Charles
Saillant , Libraires , ruë S. Jean de Beauvais
, vis - à- vis le College , 1741 .
4
PRINCIPES fur le Mouvement & l'Equili
bre , pour fervir d'Introduction aux Méchaniques
& à la Phyfique , chés les mêmes
Libraires,
9
ADDITIONS au nouveau Commentaire de
la Coûtume de Bourbonnois , par M. Mathieu
Auroux des Pommiers , Prêtre Docteur
en Théologie , Confeiller Clerc en la Sénéchauffée
de Bourbonnois , & Siége Préſidial
de Moulins , Auteur.du nouveau Commentaire
de la Coûtume de Bourbonnois , imprimé
JUIN. 1741.
1175
primé en 1732. A Paris , chés Paulus du
Mefnil , Imprimcur- Libraire , Grand ' - Salle
du Palais , au Pillier des Confultations , au
Lyon d'or , 1741. infol.
Il paroît à Oxford une Harangue prononcée
par M. Hunt , Profeffeur en Arabe , fur
l'Antiquité , l'Elégance & l'utilité de la Langue
Arabe ; cette Harangue contient beaucoup
de recherches curieuſes : en voici le titre
: De Antiquitate , Elegantia & utilitate
Lingua Arabica Oratio habita in Schola Linguarum
à Thoma Hunt , & c .' 1740. in-4 °-
MONUMENTA Typographica , que Artis
hujus præftantiffima originem , laudem & abufum
pofteris produnt , inftaurata ftudio & la
bore Joannis Chriftiani Wolfii , in Gymnafio
Hamburgenfi Profefforis publici . Pars 1. 1749.
in 8 °. Cet Ouvrage fe trouve à Hambourg.
DESCRIPTION du Cap de Bonne Eſperance,
qui contient une Relation exacte de tout ce
qui concerne l'Hiftoire Naturelle du Pays ,
la Religion , les moeurs & les ufages des Hottentots
, & l'Etabliffement que les Hollandois
y ont formé , avec un grand nombre
d'Obfervations curieufes fur tout ce que la
Nature y a produit de fingulier ; tirée des
Mémoires de M. Kolbe , qui a paffé dix an-
F nées I. Vol.
·
1176 MERCURE DE FRANCE
nées dans ce Pays ', où il avoit été envoyé
pour faire des Obfervations Aftronomiques
& Phyfiques , enrichie de Cartes & de Figures
en Taille - douce , à Amfterdam , 1741 .
Trois Volumes in-8°.
LES LETTRES fur les vrais principes de la
Religion , où l'on examine un Livre intitulé ,
Lettres fur la Religion effentielle à l'homme :
On y a joint une Défenfe des Pensées de M.
Pafcal contre la Critique de M. de Voltaire ,
& trois Lettres relatives à la Philofophie de
ce Poëte. A Amfterdam , 1741. Deux Volumes
in- 12.
DISSERTATION HISTORIQUE fur les Duels
& les Ordres de Chevalerie , par M. Pafnage..
Nouvelle Edition , avec un Difcours préliminaire
, où l'on entreprend de montrer que
le Duel fondé fur les Maximes du point
d'honneur , eft une vengeance barbare , injufte
& Aetriffante , par M. Pierre Roques ,
chés Jean Chrift , Imprimeur Libraire
Bafle , 1740. in 8 °. L'Auteur du Difcours
préliminaire a mis à la fin de ce Traité les
Reglemens de Philipe le Bel fur les Duels
tirés du Gloffaire de M. Ducange , Tome II,
col. 196. premiere Edition , Verbo Duellum,
& Tome II, col. 1680. feconde Edition.
,
Unc
JUI. N 1741. 1177
Une Perfonne de Lettres de nos Amis fe
propofe de donner l'Hiftoire des Anciens
Poëtes Provençaux , connus fous le nom de
Troubadours , qui ont fleuri . depuis le milieu
du XII. fiecle jufque vers la fin du XIV.
Il prie les Curieux qui poffedent, ou qui connoiffent
des Poëfies Manufcrites de ces Troubadours
, ou des Manufcrits d'Cuvrages, foit
en Profe , foit en Vers écrits dans les anciennes
Langues Povençale , Languedocienne
Gafconne , Limoufine , Catalane , & c . de nous
en donner avis pour lui en faire part : cette
Perfonne & nous leur en ferons très obligés.
Les Ses Cavelier, Librairé, rue S. Jacques,
au Lys d'or , & Huart, Libraire - Imprimeur
de Monseigneur le Dauphin , auffi ruë faint
Jacques , à la Juftice , viennent de donner
au Public une nouvelle Edition de l'Abregé
de toute la Médecine - Pratique , où l'on trou
ve les fentimens des plus habiles Médecins
fur les Maladies , fur leurs causes & fur leurs
Remedes , en 7. Volumes in - 12 . Paris , 1741.
Les Editions qui en ont parû ci - devant , &
qui ont eû tout le fuccès que l'on en pouvoit
défirer , prouvent affés la bonté de ce Livre.
On s'eft attaché dans cette Edition à corriger
les fautes qui s'étoient gliffées dans les précédentes
, & on y a inseré plufieurs augmen
tations confidérables, entre autres le Remede
Fij
de
1178 MERCURE DE FRANCE
de Mlle Stephens , qui a fait depuis peu
tant de bruit en Angleterre & à Paris . On y a
mis les nouvelles Formules des Hôpitaux de
Paris , & plufieurs autres. Enfin on n'a rien
négligé pour lui donner toute la perfection
poffible.
Le Sr de la Chapelle , Auteur de la Description
des Cérémonies de Rome, avertit le
Public qu'il a transporté la vente de ce Livre
au Sr Edouard , Marchand Libraire au Parvis
de Notre - Dame à Paris. Les Libraires qui
fouhaiteront en faire des envois, s'adrefferont
à l'Auteur , qui demeure rue des Canettes .
Fauxbourg S. Germain , attenant la ruë Guifarde
, à côté d'un Epicier , au fecond apatement
, lequel en fera bonne compofition.
CHANGEMENS arrivés à l'Académie
Royale des Sciences depuis le premier
Janvier . 1741.
LE
E célebre M. de Fontenelle , qui a rempli avec
un aplaudiffement géneral , la place de Sécretaire
perpétuel de l'Académie pendant quarante &
un an , ayant demandé la véterance , elle lui a été
accordée.
La véterance a auffi été accordée à M. de Life ,
Affocié Aftronome , à M. de Lifle de la Crofyere
fon frere , Adjoint Aftronome , à M. l'Abbé Ter- ·
raffon , Aflocié Géometre , & à M. de Senac , Aljoint
JUI N.
1179
1741 .
、
joint Anatomiſte , qui a été fait Affocié Anatomiſ
re vétéran.
Toutes ces Places , après les Elections des Sujets
propres à les remplir & le choix que le Roy fait de
ces Sujets , ont été données ; fçavoir :
Celle de Sécretaire perpétuel à M. de Mayran ,
qui étoit Penfionnaire Géometre .
Celle de M. de Mayran , à M. Camus , qui étoit
Affocié Méchanicien .
Celle de M. Camus , à M. Caffini de Thuri , qui
étoit Adjoint Aftronome . Et celle de M. de Thuri
à M. l'Abbé de la Caille .
" La Place de M. de Liſlë , Afſocié Aſtronome , a
été donnée à M. Grandjean de Fouchi , qui étoit
Adjoint Aftronome.
Celle de M.de Fouchi , à Male Rond d'Alembert.
.M. Celle de M. l'Abbé Terraffon , Affocié Géometre
, à M. le Monier , qui étoit Adjoint Géometre .
Celle de M. le Monier , à M. l'Abbé de Gua. Et
enfin la place de M. de Senac , Adjoint Anatomiſte,
á été donnée à M. Ferrin.
PRIX proposé par l'Académie Royale des
Sciences pour l'année 1743 .
Eu M. Rouillé de Meflay , ancien Confeiller au
FParlement de Paris , ayant conçu le noble deffein
de contribuer au progrès des Sciences & à l'utilité
que le Public en pouvoit retirer, a-legué à l'Académie
Royale des Sciences un fonds pour deux Prix ,
qui feront diftribués à ceux qui , au jugement de cette Compagnie , auront le mieux réuffi ſur deux
differentes fortes de Sujets , qu'il a indiqués dans
fon Teftament , & dont il a donné des exemples .
Les Sujets du premier Prix regardent le Systême
géneral du Monde , & l'Aftronomie Phyfique.
Fiij
1180 MERCURE DE FRANCE
Ce Prix devroit être de 1000. livres , aux termes
du Teftament , & fe diftribuer tous les ans ; mais la
diminution des Rentes a obligé de ne le donner que
tous les deux ans , afin de le rendre plus confidérable
, & il feia de 2500. livres.
Les Sujets du fecond Prix regardent la Navigation
& le Commerce .
Il ne fe donnera que tous les deux ans
de 2000. livres .
,?
•
& fera
L'Académie ayant fouhaité de procurer à la Marine
un Cabeftan qui fût exempt des inconvéniens
auxquels eft fujet celui dont on fe fert actuellement,
elle propofa pour le Prix de 1739. de trouver un
Cabeltan qui eût les avantages de l'ancien , fans en
avoir les défauts. Quoique parmi les Mémoires
qu'elle reçut , il y en eût plufieurs qui étoient pleins
d'idées ingénieufes & utiles à certains égards , elle
n'en trouva cependant aucun qui remplit fuffifamment
les conditions qu'elle avoit exigées . Elle prit
donc le parti de differer fon Jugement , & de propofer
le même Sujet pour l'année 1741. avec un
Prix de double valeur. Les Sçavans ont profité de
ce délai , foit pour compoſer de nouveaux Mémoi
foit pour faire des additions & des corrections
aux anciens. Mais l'Académie ne croit pas devoir
diffimuler , que parmi les Cabeftans qui lui ont été
préfentés pour fauver les inconvéniens de celui qui
eft en ufage , elle n'en a trouvé aucun qui n'eût
lui- même des inconvéniens , & tels qu'ils pourroient
bien balancer les avantages , ce que , la pratique
, feule peut aprendre. L'Académie a pourtant
jugé , que la maniere dont le Sujet a été traité dans
quatre de ces Mémoires , méritoit d'être récom
penfée ; car outre qu'on y a propofé des Cabestans
nouveaux , ingénieufement imaginés & utiles , au
moins dans certains cas , on y a donné des théories
res ,
qui
JUI N. 1741.
1181
qui peuvent conduire à perfectionner les mancu
vres de l'ancien Cabeſtan , & elle a crû devoir par
tager également le Prix à ces quatre Piéces , & les
faire imprimer dans l'ordre des Numero de leur ré
ception ; fçavoir :
No. 13. qui a pour devife ,
Tentanda via eft , quâ me quoque poffim
Tollere humo , victorque virum volitare per ora . Virg.
dont l'Auteur eft M. Jean Bernoulli le Fils .
N°. 14. qui répond au Nº . 7. de 1739. qui a pour
deviſe ,
Preffa momordit humum fuperas nunc gaudet ad aura's
Ancorajudicio tendere noftra tuo
& dont l'Auteur nous eft inconnu .
Nº. as. qui a pour
devife >
9
Arte cita, veloque rates , remoque reguntur . Ovid.
& dont l'Auteur eft M. le Marquis Poleni , Profef
feur de Mathématique à Padoue.
Et Nº. 32. ou 20. de 1739. qui a pour devife ,
Un cordage roulé autour d'un double aiſſieu ,
Peut être devidéfans fin au même lieu ,
dont l'Auteur nous eft inconnu .
L'Académie a auffi jugé à propos de faire impri
mer dans l'ordre de leur réception , trois autres
Piéces , fous le titre d'Acceffit ; fçavoir :
Nº. 16. qui a pour devile , Deus non projicitfimplicem.
No. 27. qui a pour devile , Quando non poteft fieri
id quod vis , id velis quod fieri poffit.
EN°. 29. qui a pour devife , Plus il me réfifte ,
mieux je le faifis.
L'Académie propofe pour le Sujet du Prix de
l'année 1743. la maniere de conftruire des Boußoles
d'inclinaison , pourfaire avec le plus de précision qu'il
eft poffible , les obſervations de l'Inclinaison de l'Aiguille
aimantée , tant fur Mer que fur Terre ; ce qui
Fiiij Supra
1182 MERCURE DE FRANCE
fupofe des Bouffoles qui , étant mifes dans un même
lieu , donneront fenfiblement la même Inclina :fon
gers
Les Sçavans de toutes les Nations font invites
travailler fur ce Sujet , & même les Affociés Etrande
l'Académie . Elle s'eft fait la Loi d'exclure
les Académiciens régnicoles de prétendre aux Prix.
Ceux qui compoferont font invités a écrire en
François ou en Latin, mais fans aucune obligation.
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils voudront,
& l'Académie fera traduire leurs Ouvrages.
On les prie que leurs Ecrits foient fort lifibles ,
fur- tout quand il y aura des Calculs d'Algebre.
C
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages,
mais feulement une Sentence ou Devife. Ils pourront
, s'ils veulent , attacher à leur Ecrit un Billet
féparé & cacheté par eux , où feront avec cette
même Sentence , leur nom , leurs qualités & leur
adreffe, & ce Billet ne fera ouvert par l'Académie ,
qu'en cas que la Piéce ait remporté le Prix .
Ceux qui travailleront pour le Prix adrefferont
leurs Ouvrages à Paris , au Secretaire perpétuel de
l'Académie , ou les lui feront remettre entre les
mains. Dans ce fecond cas le Secrétaire en donnera
en même tems à celui qui les lui aura remis, fon Récepiffé
, où fera marquée la Sentence de l'Ouvrage &
fon numero , felon l'ordre ou le tems dans lequel
il aura été reçû .
Les Ouvrages ne feront reçûs que jufqu'au premier
Septembre 1742. exclufivement.
L'Académie à fon Affemblée publique d'après Pâques
1743. proclamera la Piéce qui aura ce Prix.
S'il y a un Récepiflé du Sécretaire pour la Piéce
qui aura remporté le Prix , le Tréforier de l'Acadé
mie délivrera la fomme du Prix à celui qui lui raportera
ce Récepiffé. Il n'y aura à cela nulle autre
formalité.
S'il
JUIN. 118.3 1741 .
S'il n'y a pas de Récepiffé du Sécretaire , le Tré;
forier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même, qu`
fe fera connoître , ou au Porteur d'une Procuration
de fa part.
ASSEMBLEE PUBLIQUE
de l'Académie des Beaux- Arts de Lyon ,
tenuë le 19. Avril 1741. M. de Ruolz en
fit l'ouverture par le Difcours fuivant .
ESSIEURS , l'abſence de M. Dugas , notre
Préfident , m'engage à rendre compte en fa
place des Difcours qui ont été lûs dans l'Académie
depuis la derniere Affemblée publique.Je me bornerai
, fuivant nos ufages , a de fimples Analyfes ,
dont tout le mérite doit confifter dans une exacte
brieveté.
Le premier Extrait eft celui d'un Mémoire fur les
illufions de la vue , qui nous préfente à la plus.
grande hauteur le Soleil de l'étenduë d'un pied de
diametre feulement , tandis qu'il occupe un demi
deg é de l'Equateur ; donc 360. de ces diametres ,
ou 360. pieds , détermineroient fur notre horifon
l'étendue du Ciel , de l'Orient à l'Occident , elpece
de Paradoxe , dont plufieurs exemples , cités par
l'Auteur du Mémoire , démontrent cependant la
vérité, c'est elle qui donne lieu aux Regles de l'Optique
, qu'employent les Artiftes pour les lointains,
dans la Peinture & la Sculpture.
L'erreur de nos fens doit paffer pour une démonſtration
, qui , en convainquant les Efprits , eft
propre à humilier les cours ; notre vûë ne sçaurois
nous faire juger de la vérité d'aucun objet , de l'étendue
d'aucun corps , de la grandeur véritable
d'aucun mouvement qu'aprenons - nous donc à
connoître par nos yeux , finon le fimple raport qui
Fy eff
11841 MERCURE DE FRANCE
eft entre eux & les objets , raport même fi pen
exact , fi peu fidele ?
Obfervations faites à l'Obfervatoire de cette Ville
pendant l'année 1740. auxquelles font jointes quelques
Refléxions fur la difference trouvée entre le
Barometre fimple & celui qu'on nomme Anglois ,
pour les hauteurs du Mercure , avec les raifons de
cette difference .
Le Difcours fait l'année derniere fur le tempéramment
des Inftrumens par raport à l'accord , a donné
lieu à un nouveau Difcours fur le tempéramment
de la Voix , lorfqu'elle doit s'ajuſter à d'autres
voix ou à des Inftrumens ; Sujet de quatre Propofitions
dépendantes les unes des autres , & auxquelles
l'Auteur s'eft fait un plan de répondre dans
fa Differtation , comment la voix forme- t'elle fes
fons? Premiere Propofition.
Forme- t'elle fes intervales juftes & proportionnels
entre eux ? Seconde Propofition.
Dans quel tems tempere - t'elle fes intervales ?
Troifiéme Propofition .
Et de quelle maniere enfin les modifie -t'elle ?
Quatriéme Propofition .
Je ne pourrois donner ici la plus légere idée de
chaque Réponse , fans m'écarter du point de vûë
dans lequel feul je dois envifager nos Difcours ;
c'eft ici une perfpective d'objets , dont l'un ne peut
être groffi dans la Propofition plus que l'autre, fans
fortir de cette même Perſpective , & fans déranger
par conféquent l'economie du tout . Je dois feulement
obferver ici en paffant que la fenfibilité de
l'oreille & la flexibilité de la glotte , font les deux
caufes des modifications de la voix , modifications
dont le nombre peut aller à plus de 6020. differences.
Au refte , l'on préfume affés que ce Difcours a
dû être accompagné d'une Defcription Anatomique
des
JUI N. 1185
1741.
des organes de l'ouie & de la voix , dont le méchanifme
eft ici effentiel à connoître.
Mémoire fur les differentes parties de la Menuiferie.
Ce Mémoire entre dans le plan particulier que
s'eft fait l'Académie , d'avoir une Explication dé~
taillée de la Méchanique des Arts , jointe aux moyens
de perfectionner ceux qui ne le font point encore ,
au gré des recherches & des nouveaux ufages.
Il eft vrai de dire que ce travail , quand même il
me feroit bon qu'à conferver à la Pofterité l'état
préfent de la Méchanique dans chaque Art , joint
à des Deffeins qui repréfentent tous les Inftrumens'
en particulier, ce travail , dis-je , mérite par-là même
d'être continué , & on peut juger de fon avantage
par le plaifir que nous feroit une Deſcription'
des Inftrumens dont fe fervoient les Anciens pour
les differens Ouvrages d'Arts , qui leur étoient auffit
néceffaires qu'à nous , & dont on n'en connoît ce-’
pendant aujourd'hui que très- peu .
Suite des Lettres fur la Colorifation des fleurs ;
l'Académicien qui a choifi ce Sujet , examine fi les
couleurs des fleurs peuvent fervir à colorer & à
peindre , & il affûre que les pouffieres des Petales
lui ont fervi à enluminer des Deffeins en maniere de'
Camayeux , enforte que les couleurs que l'on extrait
des Acurs peuvent être bonnes pour la Peinture.
Jamais Recherches ne farent plus dans le goût,
qui regne aujourd'hui , que celles qui ont les couleurs
pour objet.
Mémoire fur la conftruction des Verres propres à
la vûë , & fur les regles d'Optique , qui feules peuvent
aider fuivant les differentes portées de l'oeil .
Le P. Dechatelard , notre Correfpondant à Toulon
, nous a envoyé , à fon ordinaire , fes Obfervations
Méteorologiques , faites en l'année 1740. &
des Remarques für le Tremblement de Terre qui fe
F vj fit
1186 MERCURE DE FRANCE
fit fentir à Toulon la nuit du 28. au 29. du mois
d'Août dernier.
Mémoire contenant la Defcription d'une nouvelle
Manoeuvre de Marine , pour amarer la Tournevire
fur le cable , pendant que l'on tire l'Ancre .
La Manoeuvre employée pour tirer l'Ancre de la
Mer , dépend de deux cordages , dont l'un sapelle
Tournevire , ou groffe corde , qui a des tourons ou
noeuds , & l'autre eſt le Cable .
Suivant la grandeur du Vaiffeau , on employe
jufqu'à douze Matelots pour lier enſemble ces deux
cordages.
L'Auteur de la nouvelle Manoeuvre s'eft attaché
à réduire le nombre à deux , lefquels doivent faire
commodément le travail de douze.
Premier avantage. Dans cette réduction , qui donne
lieu à employer ces mêmes hommes autre part
dans des tems où ils y font fouvent fort néceffaires.
Second avantage dans une autre réduction de
Matelots fur les barres du Cabeftan , parce qu'en
retranchant , comme on a fait , les noeuds ou tou-
Tons de la Tournevire , l'effort eft par conféquent
diminué , puifque la réfiftance qu'ils caufoient , eft
ôtée .
Troifiéme avantage . La nouvelle Manoeuvre
n'occupant qu'un moindre efpace pour l'amarrage,
laiffera libre tout le furplus du Lieu deftiné à cette
Manouvre , dégagement bien important fur un
Vaiffeau , où l'on peut dire que chaque eſpace eft
très- précieux .
Voici en abregé l'idée de la Defcription dont ils'agit
: Par le nouvel amarrage deux Matelots fur les
grands comme fur les petits Vaiffeaux , feront ſeuls
commodément la manoeuvre , l'un étant affis vers
l'Ecubier , y fera l'amarrage , qui fera continué depuis-
là , jufqu'à l'Ecoutille de la toffe aux Cables
ઉમે
JUIN. 1741. 1187
où le tiendra l'autre Matelot , pour y démarrer le
Cable d'avec la Tournevire.
Tout eft fimple dans cette Manoeuvre . Le Cable
doit être fuporté par deux rouleaux , pour éviter les
frottemens , l'un à l'Ecubier & l'autre à l'Ecoutille .
La Tournevire , à fon retour du Cabeftan , fera dirigée
fur le Cable par une poulie , arrêtée près de
' Ecubier , fur laquelle elle paffera. Le Matelot qui
eft affis dans cet endroit , fera l'amarrage de ces
deux cordages , ainfi couplés avec des garcettes par
entortillemens en fpirale , de douze jufqu'à trente
tours , fur l'étendue proportionnelle de l'amarrage
à la grandeur du Navire , de maniere qu'il continuëra
de faire ces entortillemens jufqu'à ce que
l'Ancre foit amenée .
L'autre Matelot, affis vers l'Ecoutille , y dévelopera
les deux cordages de l'entortillement des garcettes.
De celles - ci , il en fera des pelotons , par envelopemens
, fur des planchettes , qu'il enverra au
Matelot qui amarre , par le moyen d'un panier , ou
étrier , accroché fur le retour de la Tournevire.
Les planchettes lui feront renvoyées pour faire de
nouveaux pelotons , en accrochant le panier fur
l'amarrage.
Trois garcettes de 15. braffes , larges d'un pouce
& demi, fuffiront pour faire les petits amarrages, &
huit pour les plus grands ; ces garcettes auront à
leur extremité une boutonniere & un bouton ou
olive , fervant à les affembler , en faisant pafler
l'olive de l'ane dans la boutonniere de l'autre .
On obfervera que les nocuds de la Tournevire ne
font point néceffaires au nouvel amarrage , & qu'ils
en feront utilement fuprimés à caufe de leur réfiftance
en paffant fur le Cabeftan ; cette nouvelle Manoeuvre
n'occupera qu'un courfier ou petit canal
depuis l'Ecubier jufqu'à l'Ecoutille , pour loger les
cordages
1188 MERCURE DE FRANCE
•
cordages amarrés, & laiffera libre tout le furplus de
l'efpace .
Au refte , la folidité de cette Manoeuvre eft établie
par des Expériences & par des Calculs de l'Auteur.
Obfervations faites fur la charge des canons & la
quantité de poudre que l'on y employe , avec un
moyen pour la diminuer & procurer même un plus
grand effet , en fe fervant d'un cilindre ou bouchon
de bois , que l'on mettra après la poudre dans le
canon , au lieu du bouchon ordinaire de paille .
Defcription & ufage de deux Inftrumens imaginés
pour la Géométrie- pratique , l'un & l'autre
fervant à méfurer les diftances inacceffibles d'un
quart de lieuë , & à prendre les hauteurs de 300 .
toifes , au moyen d'une feule ftation , avec les démonftrations
néceflaires fur ce fujet .
Mémoire fur la conftruction & les ufages d'un
nouveau Quart de Cercle Aftronomique , avec lequel
l'Auteur s'eft propofé de remédier aux inconveniens
qui font attachés à tous les Quarts de Cercles
, même ceux dont on fe fert à l'Oofervatoire
de Paris . Ces inconvéniens font , en premier lieu
la difficulté de divifer exactement le Limbe par des
tranfverfales , pour avoir les minutes de degrés &
les fecondes par eftime.
En fecond lieu , le mouvement rude & inégal fur
fon axe , qui en rend les Obfervations difficiles &
fatiguantes.
En troifiéme lieu , fa variation ou fon changement
de niveau fur la broche du pied , lorſqu'i¡ taut
fuivre un Aftre dans fes differens azimuts , parce
que fon plan ceffant d'être perpendiculaire à l'horifon
, exige de l'Obfervateur une attention contimuelle
, pour l'y faire venir à chaque inftant par le
moyen des vis du pied .
En quatriéme lieu , la difficulté & l'incommodité
dans
>
JUIN. 1741. 118
dans la vérification de cet Inftrument , toute néceffaire
qu'elle eft , puifqu'on ne fçauroir la répeter
auffi fouvent que le demandent des Obfervations
qui doivent déterminer la vraye pofition de tous les
points du Ciel à notre égard.
que ne
que
Tous ces inconvéniens ne fe rencontrent point.
dans le nouveau Quart de Cercle , dont la précision
donne d'ailleurs les degrés, minutes & fecondes directement
, enforte que l'eftituë ne tombe que fur
les tierces , qui y font même plus fenfibles
le sont les fecondes dans la divifion ordinaire.
Mémoire fur l'expreffion dans la Peinture ,
l'Auteur confidere comme une production de l'efprit
, telle qu'on reconnoît dans l'Eloquence , la
Poefie & la Mufique ; l'aplication de cette expreffion
a été faite fur une Eftampe , gravée par Gerard
Audran , d'après le Pouffin , & qui repréſente la
Femme adultere ; l'analyse de chacune des Figures
a été comme une leçon de cette expreffion merveilleufe
.
L'Auteur a parlé auffi du clair obfcur , dont il a
fait l'aplication fur une Eftampe , gravée par Bolsver
, d'après Rubens , & qui repréfente un Ecce
Homo.
Des Exemples de choix , mis ainfi fous les yeux ,
donnent une grande autorité à un Difcours , qui ,
comme celui - ci , annonce fi fort fon interêt.
Réfolution de ce Problême de Géométrie ; le centre
d'une Sphere étant pofé dans la circonférence
d'un Cilindre , dont le diametre eft égal au rayon
de la Sphere , trouver la folidité de la partie de cette
Sphere qui entre dons le Cilindre.
Ce Problême eft un de ceux qui fervent à prouver
l'utilité & même la néceffité de la Géometrie
de l'infini .
En finiffant , Mrs , je dois vous faire part de ce
qui
1190 MERCURE DE FRANCE
qui s'eft paffé à l'Académie des Sciences de Paris ,
au fujet du Prix qui a été donné dans la derniere
Affemblée publique ; ce Prix devoit être donné en
l'année 1739. mais les differens Mémoires envoyés
n'ayant pas fatisfait à l'objet propofé , qui étoit la
conftruction d'un Cabeftan qui ne fût point fujer
aux inconvéniens du Cabeftan ordinaire .
Le même Sujet fut proposé pour cette année 1741 .
& le Prix a été d'une double valeur , pour exciter
encore plus tous les Sçavans de l'Europe à concousir
à un objet qui intereffe fi fort la Marine .
Nous venons d'aprendre que de tous les Mémoires,
fept feulement ont fixé les fuffrages, dont quatre
ont partagé le Prix également , & les trois autres
ont eû l'Acceffit. Delhorme , Membre de notre
Académie , eft l'Auteur d'un des trois ; fon Dis .
cours a été corté dans les Regiftres de l'Académie
des Sciences , au Nº. 29. il a pour devife : Plus il
me refifte , mieux je le faifis .
M. Gavinet lût enfuite un Difcours fur la purifica
tion la plus parfaite du Mercure , foit pour la Médecine,
foit pour les Barometres, & fur l'inutilité de
l'Eau de Mercure pour la guérifon des maladies
que caufent les vers .
* pour Cet Académicien établir l'inutilité de l'Eau
Mercurielle, fit le Procedé & l'Expérience fuivante;
il fit bouillir dans une Cucurbite de verre , couverte
de fon chapiteau , au bec duquel étoit un récipient
, pendant cinq heures , une livre de Mercu
re , pefée exactement , avec trois pintes d'eau , en
cohobant de tems en tems l'eau qui diftilloit dans le
récipient , les vaiffeaux étant refroidis , il décanfa
l'eau par inclination ; après avoir feché fon Mercure
, il trouva le même poids , fans qu'il s'en fût diffipé
un feul grain ; il mit enfuite des Vers dans cette
Eau , où il les laiffa pendant cinq heures , fans
qu'aucun
JUIN. 1741 1191
qu'aucun perdît la vie ; d'où il conclut que l'eau
ne fe chargeant point des parties de Mercure , ne
fçauroit faire mourir les Vers .
M. Soufflot , Architecte , Eleve de l'Académie de
France à Rome , lût un Difcours , contenant le Parallele
des Eglifes Gothiques & des Eglifes bâties
fuivant les regles de l'Architecture antique.
Il est étonnant,felon lui, que, de tant d'Auteurs qui
ont écrit fur l'Architecture , il n'y en ait pas un qui
fe foit étendu fur les Eglifes Gothiques , dont la
conftruction furprend fi fort.
Dans ce Parallele il fit voir que la difpofition du
Plan , & en partie de l'Elevation des Eglifes nouvelles
, eft totalement prife de celle des Eglifes Gothiques
, dont il loue beaucoup la délicateffe .
Il donna les mesures exactes de plufieurs Eglifes
de l'une & l'autre Architecture , & par la comparaifon
de leurs proportions, il paroît que les Eglifes
bâties fuivant les proportions de l'Architecture Gothique
, ont fur les modernes l'avantage de paroître
plus grandes & plus furprenantes au premier coup
d'oeil ; que dans les unes l'examen détruit le plaifir,
& que dans les autres il le fait naître .
M. Soufflot donna plufieurs raifons de ces effets ;
& il croit que les Corniches des Ordres d'Architecture
que nous employons , brifent les rayons vifuels ,
interrompent beaucoup le contour général des Nefs
& en dérobent bien des parties à la vûe , ce qui n'arrive
pas dans les Eglifes Gothiques , ou il n'y en a
point.
Il lui femb'e qu'on pourroit en ce point fe conformer
au Gothique , en fuprimant Jes Corniches ,
ou du moins les tenant fort legeres , & en cela même
on ne s'écarteroit pas des Anciens , qui les retranchoient
en plufieurs occafions ; Vitruve en a
donné l'exemple, en n'en mettant point dans la Balilique
de Fano
L'Aca1192
MERCURE DE FRANCE
L'Académicien dit enfin que malgré l'attachement
que les Architectes doivent avoir pour les Regles
de l'Architecture antique , fi ce font des barrieres
qui les arrêtent au milieu du chemin de la perfection
, ils peuvent quelquefois les franchir , pourvû
que ce foit avec une précaution & une prudence
qui puiflent rendre à jamais leur témerité recommandable,
On joint ici la folution du Problême dont il a
été parlé dans un des Difcours annoncés.
On donne pour la valeur du folide de la ferie
1 6
913
16
57
+
,
T 6 16
3 79 59 I 1
+ 1 6
7 I 1 13
& c. en prenant la fomme de ces
fractions , on trouve que ce folide eft au cube du
Diametre du Cilindre , à peu près comme 6. eft a y .
Si on joint par des lignes droites & paralleles, qui
traverfent le Cilindre , les points d'interfection de
la Sphere du Cilindre , elles formeront un folide qui
fe peut cuber , quoiqu'il foit terminé de tous côtés
par des furfaces , dont l'une eft cilindrique & l'autre
a un courbure parabolique .
Ce Solide eft au cube du diametre du Cilindre
1 6
de que eft à 1.
ESTAMPES NOUVELLES.
Voici une des plus belles & des plus grandes .
Eftampes qu'on puiffe voir , & dont la compofition
magnifique , le Deffein & la Gravûre font le plus
recherchés. C'est la Perspective de la Décoration
élevée fur la Terraffe du Château de Versailles
pour l'Illumination & le Feu d'Artifice qui a été
tiré à l'occafion du Mariage de Madame Louife-
Elizabeth de France , avec Don Philipe . fecond
Infant d'Espagne , le 26. Août 1739. Cette Fête a
été
JUIN. 1741. 1193
été ordonnée par M.le Duc de Gêvres, en exercice
de Premier Gentilhomme de la Chambre du Roy ,
& a été conduite par M. de Bonneval , Intendant
& Controlleur General de l'Argenterie , Menus
Plaifirs , & affaires de la Chambre de S. M. peinte
en grand par M.Perót, réduite & gravée par C.N,
Cochin le fils.
Nouveau Livre de Payfages inventés & gravés
par Ant. Benoît , à Paris , chés l'Auteur , ruë &
Porte S. Jacques , à la Couronne , & chés la Veuve
Chereau , rue S. Jacques , aux deux piliers d'or.
Ce font de très - jolis Payfages en large , dans le
goût du fameux Seb.Leclerc, fort bien compofés &
parfaitement bien gravés ; ils font au nombre de
34, y compris trois titres .
Le même Graveur vient de mettre au jour un
Portrait du Roy , en Bufte ovale , très - reffemblant ,
d'après un Bufte de ronde boffe de M.Lemoine, le
fils , Sculpteur de l'Académie Royale , & d'après
une Eftampe coloriée , par M. Blanckcy.
L'Abreuvoir des Chaffeurs , Eftampe en large ,
dédiée au Prince d'Ifenghien , Maréchal de France
, gravé d'après le Tableau original de Philipe
Wouvermens , de la même grandeur qu'on le voit
dans le Cabinet de ce Seigneur. On la vend à Pa
ris , chés Moyreau , roë S. Jacques à la vieille Pofte ,
vis - à-vis la ruë du Plâtre ; il en a gravé la Planche
avec beaucoup d'intelligence .
Il vient de paroître , chés le Sr le Rouge , Ingénieur
, Géographe du Roy , rue des grands Auguftins
, vis-à- vis le Panier fleuri , le Théatre de la
Guerre en Silésie , nouvelle Carte de cette Province ,
avec les Plans des principales Villes , les Marches
& Campemens des deux Armées .
L'Au
1194 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur donne avis qu'il enfeigne l'Allemand
& l'Anglois , les Mathématiques , le Deffein , les
Fortifications & l'Art de la Guerre , par de nouvelles
Figures & Bas - reliefs.
LIVRES nouveaux de Musique , qui fe
vendent chés la Veuve Boivin , ruë S. Honoré,
à la Regle d'or.
Méthode théorique & pratique , pour aprendre en
peu de tems le Violoncelle dans fa perfection .
Les principes de Mufique , avec des Leçons à 1 .
& 2. Violoncelles .
La divifion de la corde pour placer , fi l'on veut,
dans les commencemens, des lignes traverfalles fus
le manche du Violoncelle ce qui donnera beaucoup
de facilité aux Ecoliers. On trouve dans le
même Livre une petite méthode particuliere pour
ceux qui jouent de la Viole & qui veulent jouer du
Violoncelle , & generalement toutes les pofitions
du Violoncelle. Compofé par M. Corette . Prix , 4 1 .
Au-bas de l'Eftampe qui repréfente une Figure qui
joue du Violon de Chelle , qui eft au commencement
du Livre , on lit les Vers fuivans .
Noble foûtien de l'harmonie ,
Qu'avec majefté tu nous fers !
Par ta divine mélodie
Tu donnes l'ame à nos Concerts .
Un Livre de Sonates à Violon feul avec la Baffe ,
par Carlo Teffarini . Opera V. Prix , 7. liv.
Un Livre de Sonates pour le Clavecin , de Donimico
Zipoty, Organifte de Rome . Opera L.
Frix , 6. liv.
LET:
JUI N. 1741 1195
LETTRE de M. le Comte de Biévre à M.
D.... fur l'invention des Horloges.
EN
N fortant de Paris , je vous avois promis , M,
de vous communiquer les recherches que je
pourrois faire fur l'origine & le premier Inventeur
des Horloges à rouës . Il eft tems de vous tenir parole
. M. l'Abbé Sallier dans les recherches fur le
même fujer,Tom. IV, des Memoires de l'Académie
R. des Inferiptions , p. 148. & d'après ce fçavant
Academicien le R. P. Dom Jacques Alexandre Benedictin
, dans fon Traité des Horloges , imprimé
en 1734. p . 4. de la Préface , fixent l'invention des
Horloges à ronës fur la fin du X. fiecle , fans déterminer
an jufte qui en fut le premier Inventeur.
Néanmoins Dom Alexandre ne connoiffant point
d'Auteur plus ancien que Gerbert , croit que l'on
peut légitimement lui attribuer cette belle invention.
En effet Gerbert fit à Magdebourg (4) environ
l'an 996. une Horloge fi admirable & fi furprenante
par le moyen des roues , que Guillaume M irlot
( b ) en parlant de cet ouvrage le regarde comme
infpiré par le Diable. L'ignorance & la fuperftition
étoient fi répandues dans ces tems- là , que les con
temporains de Gerbert lui firent Phonneur , auffibien
qu'à l'Abbé Trithême , de le regarder comme
un Magicien. Cela n'empêcha point que le mérite
de Gerbert ne l'élevât au Souverain Pontificat , fous
le nom de Silveftre II . Mais ce fçavant Pape eft - il
(a) Ditmarus in Magdeburgenfi . Lib. 6 Chron.
399. Edit. Leibnitü 1707 .
(b) Admirabile Horologium fabricavit per inf
» trumentům diabolica arte inventum. Marlot , in
Metropoli Kemenfi , Tom II. p. 48. Edit , Remis.
1679. in fol.
bien
1196 MERCURE DE FRANCE
bien le premier Inventeur des Horloges à roues &
pour moi , je pense que leur origine eft anterieure
au X. fiecle , & voici ma raiſon.
Gaguin , Géneral des Mathurins , qui écrivoit
fous Louis XII. dit en fes Annales , qu'environ l'an
de J. C. 809. les Ambaffadeurs de Aaron Roy de
Perfe , qui eft le Calife Aaron Réchid , firent préfent
à Charlemagne, Roy de France, d'une Horloge
qui avoit douze fenêtres & qui marquoit les heures
par douze boules , dont une à chaque heure tomboit
fur un tymbre qui faifoit fonner un coup ,
après qu'une fenêtre s'étoit ouverte , d'où fortoit
un petit Cavalier qui venoit par reffort la refermer
à chaque heure , & que le corps de cette Horloge
étoit de léton . (c)
Gaguin a tiré cela de la Vie de Charlemagne ,
écrite par un Moine de S. Cybar d'Angoulême .
Dom Alexandre raporte à peu près le même fait ;
(d) mais pour mieux faire tomber le Lecteur dans
fon fentiment , il altere le paffage , & au lieu de
terme d'Horloge , il met celui de Clepsydre faite de
bronze , & il ajoûte enfuite que cette Machine ne
paroît guere differente de celle de Ctefebins dont
parle Vitruve.
}
Croiriez -vous bien la même chofe , & ne concluriez
vous pas au contraire de cette feule defcription
, que ce ne pouvoit être qu'une Horloge véritable
, c'eft- à-dire une Machine qui avoit quelque
poids pour principe de fon mouvement ?
En effet , on ne conçoit pas comment plufieurs
fenêtres pouvoient s'ouvrir & fe refermer, douze
boules tomber l'une après l'autre & à teins fixé ſuc
(c) Gaguin , L. 3. fur lafin de l'Hiftoire de Charlemagne.
Jean Neanclov Chron. fol. 126.
(d) Traitégéneral des Horloges , p. 12.
Un
JUIN. 1741. 1197
?
un tymbre , des Cavaliers paroître , difparoître &
revenir, à moins qu'on ne fupofe dans le corps de la
Machine des roues qui fe communiquoient leur
mouvement , par conféquent des roues dentelées ,
enfin des poids pour mettre le tout en action . Direz-
Vous comme le P. Alexandre , qu'une manivelle
produifoit tout cet effet une manivelle peut bien
faire jouer une Machine pour un tems ; mais celle
dont le Roy de Perfe fit prefent à Charlemagne , devoit
avoir un mouvement continu , un mouvement
reglé , un mouvement tout autre que celui qu'une
manivelle peut produire . Puiſque j'admets un poids ,
il faut donc que j'admette auffi un Regulateur . Soit,
car un mouvement, pour être auffi reglé qu'il le pa -`
roît ici , doit être temperé par quelque libration que
ce foit. Mais fi l'on avoit trouvé un Regulateur
objecte le P. Alexandre , ( e ) on s'en feroit ſervi
pour marquer les heures ; parce qu'on ne l'a pas
mis à cet ufage , doit - on conclure qu'il étoit inconnu
? combien les Anciens n'avoient ils pas de
connoiffances qu'ils n'ont point apliquées , où il pa
roît à preſent tout naturel de les apliquer ! Entre
cent exemples , l'Antiquité n'ignoroit pas l'attraction
de l'Aimant. Rien ce ſemble de plus facile que
de fulpendre cette pierre librement ; on auroit bientôt
découvert fa direction vers les poles . Cette proprieté
tut cependant cachée jufqu'au commencement
du XII. fiecle. Une fois remarquée , il étoit
tout fimple & fort important de s'en fervir pour regler
la route des Vaiſſeaux . On n'y parvint encore
que dans la fuite ; & d'experience en experience ,
de perfection en perfection , on attrapa fort tard
ce qu'on apelle aujourd'hui Bouffole . Voilà la gradation
de tous les Arts , & il arrive toujours que ,
(e) Ibid.
par1198
MERCURE DE FRANCE
parvenus à quelque chofe , nous fommes furpris
d'avoir tâtonné fi long- tems pour y parvenir .
Pour revenir à l'Horloge prefentée à Charlemagne
, je reconnois avec plaifir que les Journaliſtes
de Trévoux font de mon fentiment ; c'eſt au fujet
du compte qu'ils rendent du Verona Illuftrata de
M. le Marquis Maffei. Ce fçavant Italien parlant
des Auteurs Veronois , raporte en fon entier l'Epitaphe
de l'Archidiacre Pacifique . Cette Epitaphe
aprend entr'autres chofes qu'il inventa l'Horloge
de nuit, inconnue jufqu'alors . On conclut qu'il faut
que ce foit l'Horloge à roues ; » il eft vrai pourtant
, remarque le Journaliſte , qu'avant Pacifi-
» que, qui vécut dans le VIII . & le IX . fiecle, le Pape
» Étienne II . demanda au Roy Pepin une Horloge
» de nuit , & qu'on en avoit envoyé une de Perfe
» à Charlemagne . Il eft difficile d'accorder tout
» cela , fi ce n'eft par la difference des Machines,
» Il eft moins aifé encore d'expliquer ce que veut
dire l'Epitaphe qui attribuë au même Pacifique
un Inftrument uni à l'Horloge pour les Spheres
célestes. (f) Si nous en voulions croire M. Der
ham dans fon Traité des Horloge , (g) il faudroir
en faire remonter l'origine jufqu'aux tems d'Archimede
& de Poffidonius . » On croit , dit l'Auteur
Anglois , que les Horloges ont eû leur com-
» mencement en Allemagne, il y a environ 2co ans
» ou plûtôt. L'Horlogerie qui avoit été comme
>> enfevelie dans l'oubli , a commencé à refleurir en
» Allemagne , mais je nie abfolument que l'inven-
» tion de l'Horlogerie foit d'un tems fi proche de
ɔɔ nous , car j'en ai deux exemples d'une date plus
( f ) Mem . de Trévoux , Mai 1737. p . 782 .
(g) Traduit en Franç. & imprimé à Paris 1731 .
in-12 . Sect. S. C. 8.
а-
JUIN. 1741
1199
ancienne. » Ces deux exemples font les Spheres
d'Archimede & de Poffidonius dont Ciceron fait
Péloge . ( b) M. Derham veut bien douter que ces
fortes de Machines fuflent très communes , mais il
ne fçauroit fe perfuader que l'on ait négligé la pratique
d'une invention fi utile pour marquer les heures,
furtout au tems d'Archimede & de Ciceron, ou
les Arts Liberaux & particulierement la Méchanique
fleurifoient d'une maniere que nous avons peine
à comprendre. » La Barbarie , continue l'Auteur
» Anglois , fucceda au tems que nous venons de
» marquer , & les Arts & les Sciences furent négligés
jufqu'au XV . fiecle , tems auquel ils femblerent
fe renouveller , & alors l'Horlogerie fut
» comme inventée de nouveau en Allemagne ;
> mais pour ce qui eft du tems & du nom de l'Inɔɔ
venteur , nous ne pouvons rien marquer de précis
: il y en a qui croyent que Severe Boëce l'in-
» venta dès l'an 510. mais fi on ne peut pas lui ac-
» corder une antiquité fi reculée , peut - être la
ɔɔ donnera- t'on à Regio Montanus , avant Cardan ,
>> car il en parle comme d'une chofe commune de
» fon tems. ››
De tout ceci, je conclus auffi qu'on ne peut fixer
l'époque de cette admirable invention. Si nous
avions tous les Ouvrages des Anciens & une exacte
defcription de leurs Machines , on devroit peutêtre
décider en leur faveur. A l'égard de ceux qui
les ont fuivis , nous remarquons feulement que piufieurs
y ont eu part & qu'ils n'ont fait que perfectionner.
Nous perfectionnons aufli tous les jours ,
& nos Horloges d'à prefent font plus au deffus de
celles du X , fiecle que celles - ci n'étoient au deflus
des Machines horaires de l'Antiquité.
h) Tufcul. L. s . & de Nat. Deorum . L. 2 .
I. Vol. G Je
1200 MERCURE DE FRANCE
Je ne crois pas que la Pofterité puiffe en dire de
même de notre tems ; car fi les Arts ont un but audelà
duquel ils ne peuvent s'étendre , nous pouvons
nous flater de l'avoir atteint.
Ce qui me furprend , c'eft que nous n'ayons
point encore de Traité complet fur l'Horlogerie ;
je crois cependant que le Public à cet égard ne tardera
pas d'être fatisfait. Je connois un très - habile
Horloger qui poffede tout ce que la théorie & la
pratique de fon Art ont de plus myfterieux & de
plus fçavant. Il doit au premier jour communiquer
toutes les connoiffances par un Traité complet fur
l'Horlogerie . J'en ai vû déja les figures qui font
gravées avec tout le détail & l'exactitude qu'on
peut fouhaiter. Je m'imagine qu'avec cet Ouvrage
feul & des Inftrumens , il fera facile de devenir
bon Horloger.
Je fuis , &c.
De Romorantin le 25. May 1741 .
****************
CHANSON.
Depuis que l'eau vient dans ma cave ,
De boire je fuis enchanté :
Et l'inondation je brave ,
Quand mon Vin eſt en fûreté .
J'aime ma Philis davantage ,
Lorfqu'elle me dit tendrement ,
1
D
*2
D
9 *2
D
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY .
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
Su
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THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATION8 .
JUI N. 17413
120
Buvons ce jus , ami , courage ,
Sauvons-le du débordement.
*
Elle prend foin d'emplir mon verre ,
Et moi fa taffe , avec ardeur :
Ainfi nous cherchons , pour nous plaire ,
Le chemin qui va droit au coeur .
Quand le fommeil vient me furprendre ,
Elle m'attaque en vrai lutin :
Hélas ! qui pourroit s'en défendre ?
Elle prend un flacon de Vin .
*
Quoique la riviere s'abaiffe ,
De crainte du retour de l'eau ,
Philis m'encourage
& s'emprefle
De lever le cul du tonneau.
De M. de******
Gij
SPE C
1202 MERCURE DE FRANCE
*******************
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Comédie Nouvelle de
Mélanide , en Vers & en cinq Altes , par
M. de la Chauffée , repréſentée au Théatre
François , le 12. May 1741 .
ACTEURS.
Dorisée , Veuve
la Dlle la Motte:
Theodon , Beau - frere de Dorisée , le Sr de
Montmeny.
Rosalie , fille de Dorisée , la Dlle Grandval.
Le Marquis d'Orvigny , Amant de Rosalie ,
le Sr Sarrazin,
Mélanide , Amie de Dorisée , la Dlle Gauffin.
Darviane , Amant de Rosalie, le Sr Grandval,
Ette Piéce , qui , dans la premiere Re-
Présentation a été generalement aplaudie
, s'eft parfaitement soûtenuë dans les suivantes.
La Critique a beau condamner ce nouveau
genre que M. de la Chauffée à fi heureusement
introduit sur notre Théatre ; l'interêt
qui regne dans Mélanide , juftifie l'Auteur
& force ses plus obftinés adversaires à
convenir qu'il a trouvé une nouvelle route
pour aller au coeur , & que , pourvû qu'on
plaise
JUI N. 1741. 1203'
plaise , il n'importe comment. En attendant
l'impreffion , nous nous contenterons d'en
donner un argument
.
Dorisée , Veuve , ouvre la Scéne du premier
Acte avec Mélanide , son Amie , &
l'Héroïne de la Piece . Dorisée veut marier
sa Fille Rosalie avec le Marquis d'Orvigny ;
Rosalie ne paroît point portée à cet Hymen
, attendu que son coeur s'est déclaré
en faveur d'un plus jeune Amant. Cet Amant
s'apelle Darviane ; il paffe pour neveu de
Melanide : il s'agit de le souftraire aux yeux
de Rosalie , comme le plus grand obftacle
qui puiffe traverser le deffein de Dorisée . Mélanide
promet à Dorisée de se servir de tout
le pouvoir que le sang lui donne sur son neveu
, pour l'éloigner d'un lieu , où sa présence
peut nuire à son Rival.
Darviane, mandé par Mélanide , vient sçavoir
ce qu'elle veut lui dire. Mélanide lui
reproche le peu d'attachement qu'il a à son
devoir , elle lui fait entendre qu'il feroit
bien mieux d'aller joindre son Régiment
& que l'Amour ne convient pas à un jeune
coeur qui doit se donner tout entier à la
gloire. Darviane s'excuse sur l'exemple de
tant d'autres jeunes Officiers qui ne croyent
pas se deshonorer en donnant au plaifir des
momens que la gloire n'exige pas actuellement;
Mélanide eft inflexible , & lui or-
G iij donne
1204 MERCURE DE FRANCE
donne de partir dès le même jour.
Darviane murmure contre la rigueur d'une
Tante qui ne laiffe pas de lui être très chere ;
il s'en plaint à Rosalie , qui arrive quelques
momens après cet ordre rigoureux qui doit
les séparer ; mais , loin que son Amante le
console , elle lui dit qu'il faut absolument
qu'il obéiffe à Mélanide. Darviane se plaint
vivement du conseil de Dorisée ; il l'accuse
d'indifference & de cruauté. Rosalie lui fait
entendre qu'elle ne fait qu'executer ce que
Dorisée sa Mere vient de lui ordonner trèsexpreffément
; elle lui dit en le quittant ,
qu'elle partagera avec lui la rigueur de l'absence
qu'on lui impose .
Darviane eft charmé des dernieres paroles
de Rosalie , qui ne lui avoit jamais témoigné
ant de bonté ; un moment après , il se défie
de son bonheur ; il va même jusqu'à
soupçonner sa Maîtreffe d'artifice ; il croit
que c'eft un piége adroit qu'elle lui tend ,
pour le disposer à partir , & à laiffer le champ'
libre à son Rival. Il prend le parti de differer
son départ , pour prévenir & renverser
tout ce qu'on peut tramer contre son amour.`
Le Marquis d'Orvigny, Amoureux de Rosalie
, commence le second Acte avec Theo-*
don , Beau - frere de Dorisée ; il se plaint à
son Ami de l'amour où il l'a engagé ; il se
reproche de ne pouvoir éteindre des feux
qui
JUI N. 1741 1205
qui conviennent fi peu à son âge mûr , &
qui ne laiffent pas de subfifter , quoiqu'ils
soyent sans espérance , attendu qu'il a un
Rival aimé. Theodon lui rend l'espérance ,
en lui aprenant que ce dangereux Rival eft
prêt à partir pour aller rejoindre son Régiment.
Le Marquis eft charmé de cette nouvelle
; il lui dit qu'il n'a jamais tant aimé sa
défunte Epouse , qu'il aime Rosalie .
Le Marquis d'Orvigny s'étant retiré plus
amoureux que jamais , Theodon se Яate
d'un plein succès pour le mariage qu'il a
entrepris en faveur de son Ami.
Mélanide vient demander des conseils à
lui
Theodon par raport à sa fituation , dont il a
été inftruit. Dans des conversations qu'ils ont
eues ensemble , Theodon trouve tant de con
formité entre elle & le Marquis d'Orvigny ,
qu'il lui demande le nom de l'Epoux qui
a été arraché par la rigueur de leurs parens
communs . Mélanide lui répond qu'il s'apelloit
le Comte d'Ormance ; à ce nom , Theodon
voit bien que ses conjectures sont fausses.
Mélanide le quitte , après l'avoir prié de
vouloir bien lui continuer ses soins officieux .
A peine Mélanide eft- elle sortie , qu'elle
revient toute éperduë de joye , & dit à Theodon
qu'elle vient de voir son cher Epoux
dans la personne du prétendu d'Orvigny
mais cette joye eft bien tôt changée en dou-
Gilij leur
1206 MER CURE DE FRANCE
leur par Parrivée de Dorisée qui reproche
sa Fille d'avoir empêché le départ de Darviane
, son jeune Amant ; elle la menace du
Couvent , fi elle differe d'épouser le Marquis
d'Orvigny , à qui elle deftine fa main.
Mélanide ne peut foûtenir un arrêt fi terrible;
elle fe trouve mal , on la conduit dans
fon apartement
Rofalie refte feule fur la Scéne ; elle fait
connoître par un court Monologue , que
fon coeur ne fçauroit s'arracher à Darviane ,
pour fe donner à un autre .
Rofalie ouvre la Scéne du troifiéme Acte ;
elle perfévere dans la réfolution qu'elle vient
de prendre , mais voyant venir Darviane ,
elle prend le parti de lui cacher les vrais fentimens
de fon coeur.
Darviane éclate en reproches contre Rofalie
; il l'accufe de perfidie & de tromperie
; il lui dit qu'elle ne l'a flatté d'une fauffe
efpérance , que pour l'obliger à partir , &
pour laiffer par ce départ précipité un champ
libre à fon Rival , qui va l'époufer. Mélanide,
continuant à diffimuler , lui répond qu'il a
pris pour un fentiment de tendreffe ce qui
n'étoit qu'un compliment de politeffe. Darviane
n'en peut entendre davantage , & la
quitte , en lui jurant une haine éternelle .
Darviane étant forti , Rofalie fe plaint de
fon injuftice ; cette plainte eft bien - tôt inter
JUIN. 1741 1207
tefrompue par Theodon qui lui ramene fon
Amant , avec qui il veut la réconcilier ;
ils n'y veulent confentir ni l'un ni l'autre ;
mais Theodon à qui ce que Mélanide lui a
apris dans l'Acte précedent , a fait abandonner
la réfolution qu'il avoit prife de marier
le Marquis d'Orvigny avec Rofalie , les rend
plus attentifs l'un & l'autre , & plus portés
à fe raccommoder , en leur difant qu'il eft
bien fâché de les voir fi broüillés , attendu
une idée qui lui eft venuë , & qu'il n'eft plus
tems de leur communiquer. Darviane lui dit
qu'il ne doit pas laiffer de leur en faire part ,
quelqu'inutile qu'elle puiffe être ; Theodon ,
après quelque peu de réfistance affectée , leur
dit qu'il avoit projetté de les marter enfemble
& de leur affûrer tout fon bien , pour
porter Dorifée à cet Hymen ; Darviane tranfporté,
fe jette aux pieds de Rofalie qui après
quelques petits reproches lui pardonne tous
fes emportemens : ces deux Amans fe retirent
également fatisfaits .
Le Marquis d'Orvigny vient remercier
Theodon des foins qu'il s'eft donnés pour
avancer fon mariage avec Rofalie ; Theodon
lui répond qu'il n'y faut plus penfer ; il lui
aprend que fa femme n'eft pas morte , &
qu'elle viendra bien tôt réclamer fes droits
le Marquis eft frapé de cette nouvelle , qui
dans un autre tems l'auroit mis au comble
Gy
3
de
1208 MERCURE DE FRANCE
de la joye ; il ne peut fe réfoudre à renoncer
à la poffeffion de Rofalie;il va même jufqu'à
dire que , quoique Mélanide foit encore en
vie ,elle ne fçauroit fe prévaloir d'un mariage
qui a été déclaré nul par un arrêt autentique.
Theodon lui reproche l'injuſtice qu'il a
de vouloir fe prévaloir lui-même d'un arrêt
qu'il a condamné autrefois. Le Marquis , à
moitié confondu , lui promet de faire des efforts
pour vaincre fon amour pour Rofalie ,
mais qu'il croit cette victoire impoffible.
Darviane vient aprendre à Theodon , que
malgré les bontés qu'il a pour lui , il eſt
toûjours malheureux , & que Mélanide s'opofe
à fon bonheur ; Theodon lui promet
de lui parler , & fe flatte d'obtenir fon confentement.
Ce quatrième Acte a parû fans contredit
le plus beau & le plus intéreffant de la Piece .
En voici les principales Scénes. Mélanide
rend compte à Theodon de la raifon qui l'a
portée à refufer fon confentement au mariage
de Darviane & de Rofalie ; cette raifon
eft devenuë très- plaufible, depuis qu'elle
a apris que fon Epoux eft encore en vie ;
de
celle- là , il en résulte encore une autre , c'eft
que le Marquis d'Orvigny , ou pour parler
plus jufte , le Comte d'Örmancé , ſemble ne
vouloir pas reconnoître Darviane pour fon
Fils , puifqu'il veut paffer à un fecond Hymen
;
JUI N. 1741. 1209
men; Theodon pourroit lui donner quelque
confolation , en lui faifant connoître que fon
Epoux lui a promis de faire tous fes efforts
pour triompher d'un amour qui ne fe feroit
pas emparé de fon coeur , s'il ne s'étoit pas
crû remis en liberté de donner fa main à une
autre , par la croyance où il étoit que fa
mort avoit rompu fes premiers liens ; mais
il faut croire que M. de la Chauffée a eu fes
raifons pour en agir ainfi , & qu'il a craint de
diminuer l'interêt qui regne dans cet Acte ,
fi Theodon avoit laiffé quelque rayon d'efpérance.
De pareilles fautes , fi c'en est une
font un effet de l'Art. Voilà donc Mélanide
auffi malheureuſe qu'elle doit l'être , pour
faire verfer ces larmes dont aucun des Spectateurs
n'a pû fe défendre. Theodon va encore
plus loin pour rendre Mélanide plus
digne de notre pitié ; il lui aprend que fes
Parens l'ont desheritée ; Mélanide accablée
de ce dernier coup , prie Theodon de voir
fon parjure Epoux , & de tâcher du moins
de l'attendrir en faveur du trifte fruit de leur
Hymen, qui n'eft autre que Darviane , fi digne
d'un meilleur fort ; Theodon lui promet
tous les foins qui dépendront de lui ; mais
il lui dit que fa plus füre reffource feroit de
préfenter le Fils au Pere. Une Lettre qu'on
aporte à Mélanide lui aprend que Darviane
vient de s'emporter contre le Marquis d'Or-
G vj vigny ,'
1210 MERCURE DE FRANCE
vigny , avec des circonftances qui obligent
l'offenfé à fe battre avec l'offenfeur . Theodon
fort pour en prévenir les fuices. Darviane
arrive ; Mélanide lui fait les reproches les
plus aigres ; elle lui ordonne de demander
pardon au Marquis d'Orvigny ; elle lui fait
entendre qu'il lui doit le plus profond refpect
. Darviane trouve la colere de fa Tante
la plus injufte du monde , il lui reproche la
cruauté qu'elle a cûë de l'empêcher d'être
heureux . La raifon que Mélanide lui en donne
le jette dans le plus affreux defeſpoir ;
elle lui dit qu'elle n'a pas dû , fans violer
toutes les loix de l'amitié , donner à la Fille
de Dorifée un Mari , fans état & méconnu
par fon Pere. Darviane eft confterné par ce
coup affreux du fort ; ne pouvant obtenir
de Mélanide qu'elle lui faffe connoître fon
Pere , il la fuplie de lui dire au moins qu'elle
eft la Mere qui lui a donné le jour : il demande
cette derniere grace avec tant de tendreffe
que Mélanide ne peut s'empêcher de
l'embraffer . Cette reconnoiffance à été gene .
ralement aplaudie. Mélanide fe retire pour
cacher fes pleurs à un Fils fi digne de fa tendreffe.
Darviane finit cet Acte par un Monologue
ou il réflechit fur le reſpect que fa Mere a
exigé de lui pour fon Rival; il ne doute point
que ce Rival ne foit ce Pere qui le mécon-
1
noit ;
JUIN. 17413 12FX
noît ; il fe propofe de s'en éclaircir avec lui .
Pour nous tenir dans les bornes que nous
nous fommes prefcrites dans nos Extraits ,
nous abregerons ce qui nous refte à dire dans
ce dernier Acte . D'Orvigny paroît agité de remords
fur un amour qui lui fait commettre
tant d'injuſtices ; voyant aprocher Darviane,
il prend le parti de fe contraindre à fes yeux.
Darviane lui témoigne le regret qu'il a de
l'avoir offenfe ; il lui expofe fa trifte fituation
; il lui parle comme à un homme qui
peut beaucoup fur le coeur d'un Pere qui a
la cruauté de ne vouloir pas le reconnoître
pour fon Fils , il le conjure de lui rendre ce
cher Pere ; enfin ne pouvant émouvoir en
lui les entrailles paternelles , il lui demande
la mort , pour prix de l'offenfe qu'il lui a
faite d'Orvigny eft enfin attendri , & lui dic
en l'embraffant : Malheureux , qu'ofes - tu demander
à ton Pere ? Dans cette tendre fituation
, tous les Acteurs viennent , raffemblés
par les foins de Theodon ; tous les coeurs fe
réconcilient. Mélanide regagne le coeur & la
foi de fon Epoux ; & le Comte d'Ormance
obtient de Dorifée la main de Rofalie , fa
Fille , pour fon fils Darviane.
Le 8. Juin , les mêmes Comédiens reprefenterent
la Comédie de Democrite
& celle du Florentin , dans lesquelles la
Dile
1212 MERCURE DE FRANCE
Dlle Durand nouvelle Actrice , joüa les
Rôles de Suivante au gré du Public ; elle a
joué auffi depuis dans Amphitrion & dans
les Folies Amoureuſes , les mêmes Rôles de
Suivante.
Le 25. Mai , l'Académie Royale de Mufique
remit au Théatre le Ballet Héroïque
de l'Empire de l'Amour , repréſenté dans fa
nouveauté au mois d'Avril 1733. M. de
Moncrif, de l'Académie Françoiſe , eſt l'Auteur
de ce Poëme , & il paroît que le Public
l'a revû avec plaifir. L'Auteur y a ajoûté une
nouvelle Entrée , dont on donnera l'Extrait
dans le fecond Vol. de ce mois.
Le 13. Juin , la Dlle Barbarina , dont on
a eu occafion de parler plufieurs fois avec
éloge , danfa dans le divertiffement du fecond
Acte du même Ballet , avec l'aprobation
génerale du Public .
Le 10. Juin , les Comédiens Italiens donnerent
une Comédie Italienne en trois Actes
, qui a pour titre : Arlequin Maître &
Valet. Cette Piéce , qui eft dans le vrai goût
Italien , eft très bien jouée par le nouvel Arlequin,
par un continuel jeu de Théatre convenable
au fujet de la Piécé , laquelle avoit
déja parû fur le même Théatre le 28. Mai
1716. fous le titre d'Arlequin Gentilhomme
fu
JUIN. 1741
1213
Jupofe & Duelifte malgré lui , ou Dom Juan
Alvarado. Scarron a traité le même fujet ,
qu'il a tiré de l'Eſpagnol , dans fa Comédie
de Jodelet Maître & Valet.
Le
14 les mêmes Comédiens remirent au
Théatre la petite Comédie de l'Echo du Pèblic
, jouée au mois de Mars dernier . Les
Srs Romagnefy & Riccoboni , qui en font
les Auteurs , y ont ajoûté deux Scenes nouvelles
, dans lesquelles il y a quelques traits
de Critique au fujet de la Comédie de Mélanide
, jouée au Théatre François , lefquels
ont été aplaudis du Public : on en parlera
plus au long.
į į į į ↓ ↓ : Į į į į į ! ! ! ! ! ! ! のの雨
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE .
Odernier, que le Géneral Romanzof,
Na apris de Conftantinople du premier Avril
Ambaffadeur
Extraordinaire du Czar fit le 22. du mois
précedent fon Entrée publique en cette Ville , dans
l'ordre fuivant.
Ure Compagnie de Janiflaires & une de Spahiss
quatre Fouriers de l'Ambaffadeur , précedés d'un
Timbalier & de deux Trompettes ; trente Soldats
du Détachement que le Czar a donné au General
Romanzof pour fa garde ; deux Couriers en habits
verts galonnés d'or , avec leurs chaînes & leurs
Médailles ; quatre Palefreniers de l'Ambaſſadeur
214 MERCURE DE FRANCE
cheval , un de fes Ecuyers. Six Chevaux de felle
avec des caparaçons de velours cramoifi , brodés
d'or ; quatre Gentilshommes , M. de Ridzazkoy ,
portant un Etendart ; quatre autres Gentilshommes
de l'Ambaffadeur ; douze Chiaoux , & la plupart
des Officiers qui étoient allés prendre le Géneral
Romanzof par ordre du Grand Seigneur à l'endroit
d'où la marche a commencé ; 24. Chevaux des
Ecuries de Sa Hauteffe , conduits chacun par deux
Palefreniers ; 12. Chatirs du Grand Seigneur ; le
Kiaïa du Grand Vifir entre le premier Interprete
de la Porte & le Maître des Ceremonies ; la Livrée
de l'Ambaffadeur , fix Pages avec des habits de
velours jaune , brodés d'argent ; le Maître d'Hôtel
& plufieurs autres Domeftiques de l'Ambaffadeur ;
fix Chevaux de felte; un Ecuyer de l'Ambaffadeur
le Sécretaire & l'Interprete de l'Ambaffade ; M.
Michellowitz portant un Etendart de drap d'argent
avec des franges d'or ; plufieurs Mofcovites de diftinction
, qui ont accompagné à Conftantinople le
General Romanzof. Douze Chiaoux qui accompagnoient
le Chiaoux Bachi , marchoient immédiateament
devant l'Ambaſſadeur , lequel étoit fuivi de
quelques Gentilshommes , & la marche étoit fermée
par le refte du Détachement de la Garde de ce
Miniftre , & par une Compagnie de Janiffaires.
L'Ambaffadeur de Perfe qui eft en cette Ville
depuis quelque tems , eut le 19. fa premiere Audience
du Grand Vifir , & il lui déclara qu'il étoit
chargé par Thamas Kouli Kan , de prier le Grand
Seigneur de confentir que les Perfins euffent un
Emir à la Mecque.
On a mis des Sentinelles à toutes les portes ďa
Palais qu'il occupe ; mais il y a aparence que c'eſt
moins pour lui faire honneur , que pour examiner
les perfonnes qui entrent chés lui , & s'il n'a point
;
de
JUIN. 1741. 1215
He relation avec l'Ambaffadeur de Moſcovie.
Le Comte de Caftelane , Ambaffadeur du Roy
de France , eft arrivé à Conſtantinople.
Peu de jours après que l'Ambaffadeur de Thamas
Kouli - Kan eut eû fa premiere Audience du Grand
Vifir , il en eut une de Sa Hauteffe , & ce Miniftre
déclara au Grand Seigneur que fon Maître lui avoit
ordonné de demander non - feulement que les Perfans
jouiffent à la Mecque des mêmes prérogatives
que les Turcs , mais encore que ces derniers reftituaffent
tous les Pays conquis fur la Perfe.
Le Grand Seigneur a fait affembler plufieurs fois
le Divan , & il y a été décidé qu'on affemblerot
une Armée en Afie , pour s'opofer aux entrepriſes
que les Perfans pourroient former. Sa Hauteffe a
donné ordre d'équiper douze Sultanes , un pareil
nombre de Galeres & 24. Galiottes , mais on ignore
la deftination de cette Efcadre .
RUSSIE.
N mande de Pétersbourg du premier du mois
Odernier,que les Commiffaires qui ont été chas
ron ,
gés d'inftruire le Procès du Comte Jean Erneft Bici
devant Duc de Curlande , retournerent il
y a quelque tems à la Fortereffe de Schlieffelbourg,
& qu'ils firent fubir à ce Prifonnier un nouvel Interrogatoire
qui dura plus de trois heures.
Ce Comte fera bien têt conduit en Siberie avec
fa femme & fes enfans , & on croit qu'il lui fera
permis d'y mener avec lui un Chapelain , deux Valets
de chambre & feize autres Domestiques. On a
déja fait partir fa Bibliothéque & tous les meubles
qu'il a demandés.
Le Manifefte dans lequel font exposés les crimes
du Comte Jean- Erneft Biron , vient enfin d'être
rendu
216 MERCURE DE FRANCE
mence ,
rendu public , & il porte que S. M. Cz. auroit på
faire punir ce Comte en même tems qu'elle lui a
ôté la Régence ; mais que par un effet de fa cléelle
a voulu lui accorder le tems & les
moyens de travailler à fa juftification ; qu'en conféquence
elle a donné des Commiffaires au Comte
Erneft Biron , pour l'interroger & pour entendre
fes défenfes , & que non-feulement ce Comte a été
convaincu de tous les crimes dont il avoit été acsufé
, mais qu'il a avoué librement , que pendant
la derniere maladie de la feuë Czarine il n'avoit été
occupé que du foin de fe faire déclarer Régent de
Mofcovie, à l'exclufion du Prince & de la Princeffe,
pere & mere du Czar ; que , s'étant aperçû que la
feue Czarine avoit de la répugnance à lui confier
la Régence , il avoit employé pour parvenir à fes
fins , plufieurs intrigues criminelles , lefquelles font
expliquées par les Piéces du Procès ; qu'il avoit détourné
du Tréfor de la Couronne des fommes confidérables
& des meubles précieux ; qu'il en avoit
fair paffer la plus grande partie dans les Pays Etrangers
pour les interêts particuliers , lefquels il avoit
coûjours préferés à ceux de l'Etat , & que par- là il
avoit caufé à la Mofcovie un préjudice irréparable ;
que contre l'ordre de la feuë Czarine , qui lui avoit
recommandé expreffément de conferver pour le
Prince & la Princeffe pere & mere du Czar , le refpect
qui leur eft dû , il avoit marqué dans toutes
les occafions , de même que fa famille , un mépris
outrageant pour ce Prince & cette Princeffe ; que
non- feulement il avoit tâché de les rendre odieux
à la Nation , en faiſant répandre contr'eux diverfes
calomnies , mais encore que voyant avec dépit
qu'on défiroit géneralement que la Régence fût remife
entre les mains de la Princeffe , mere du Czar
il avoit eu la témerité de tenir contr'elle des dif-
•
cours
JUIN 1741. IZ17
Cours indécens , de la menacer , & même de dire
qu'il la traiteroit comme les autres Sujets ; qu'il
s'étoit oublié jufqu'au point d'apeller en Duel ie
Prince de Brunſwick Bevern ; que par toutes fortes
de moyens indignes il avoit obligé ce Prince de fe
démettre de fes Charges & de fes Emplois ; qu'il
avoit placé des Efpions auprès de lui & de la Princesse
, pour être informé de tous leurs difcours &
de toutes leurs actions ; qu'il avoit fait enlever plufieurs
de leurs Officiers & de leurs Domestiques les
plus affidés ; que quelques-uns avoient été apliqués à
la queftion par fes ordres,& qu'il fe propofoit par ces
violences , de découvrir certains fecrets qui auroient
fervi de prétexte pour perdre un Prince & une Prin
cesse qu'il craignoit , qu'il avoit violé plufieurs des
Conftitutions & des Loix fondamentales de l'Etat ;
qu'il avoit ofé les abroger et les changer , lorfque
fes vdes ambitieufes l'avoient exigé ; qu'il avoit
fait arrêter plufieurs perfonnes de diftinction , fans
qu'elles enflent commis aucune faute , et feulement
parce qu'il les foupçonnoit de défaprouver fes excès
; que pour exécuter plus fûrement fes desseins
il avoit réfolu d'exclure des Régimens des Gardes
Preobrazin ky et Simonowsky toute la Noblesse
et de ne plus diftribuer d'Emplois dans ces Régimens
qu'à des perfonnes de basse extraction ; enfin
que pour ce qui regarde les autres projets criminels
que le Comte Biron a avoués , ils font de telle nature
, que fi Dieu par ſa bonté n'en eût empêché
l'exécution , non - feulement la tranquillité de l'Etat
en eût été troublée , mais même la perfonne du
Czar auroit été expofée à un très - grand danger.
Le Czar ajoûte que , quoiqu'il "foit évident par
tout ce qui a été raporté , que le Comte Jean- Er
neft Biron s'eft rendu coupable de haute trahison
et quoiqu'il mérite d'autant plus la mort felon les
•
Loix
118 MERCURE DE FRANCE
Loix Divines et Humaines , que par la reconnoiffance
qu'il devoit à la feuë Czarine , qui l'a tiré du
néant , pour l'élever aux plus hautes Dignités , il
étoit plus obligé de fervir l'Etat avec fidelité , et
d'avoir pour le Prince et la Princesse de Brunſwick
Bevern un profond reſpect , S. M. Cz. veut bien
néanmoins , tant pour montrer qu'elle eft plus portée
à la douceur qu'à la féverité , qu'en confidération
de ce que le Comte Birou a confessé de luimême
tous les crimes , lui faire grace de la vie , à
condition qu'il passera le refte de fes jours dans une
prifon , ainfi que fa femme , fes enfans et fes freres,
qui ont été les complices en plufieurs occafions.
Le Comte de Munich ayant repréſenté qu'il étoit
nécessaire d'ajoûter plufieurs Ouvrages aux Fortifications
dePétersbourg & à celles de Schliesselbourg,
Wybourg & de Kexholm , le Czar a chargé divers
Ingénieurs de faire travailler à ces Ouvrages.
Le Gouvernement ayant été informé des défordres
que les Perfans qui accompagnent les Ambaffadeurs
de Thamas Kouli - Kan ont commis dans
plufieurs des Provinces par lefquelles ils ont passé
depuis leur entrée dans les Etats du Czar , on a
envoyé ordre aux Commandans des Provinces qui
font entre Moſcow & Pétersbourg, de faire marcher
toujours avec ces Ambassadeurs quelques Détachemens
de Troupes reglées , afin de contenir leur
fuite qu'on dit être compofée de plus de 2000.
perfonnes,
Le Comte Jean- Erneft Biron a dû partir vers la
fin du meis dernier avec fon époufe , fes deux fils
et fa fille , pour être conduits en Sibérie , d'où l'on
a apris que le Comte Charles Biron , fon frere , étoit
très dangereufement malade.
Les Commissaires chargés d'inftruire le Procès
de M. de Beftuchef, ci-devant Miniftre du Cabi-
дег
JUIN. 1741. 1219
net , vont fouvent à Schliesselbourg , pour l'inter
roger.
S. M. Cz. ayant apris que le Roy de Suede fe
difpofoit à mettre en Merquinze Vaisseaux de guerre
& vingt- quatre Galeres , elle fait équiper tous
les Vaisseaux qui font en état de fervir .
Il a été réfolu d'envoyer à Mofcow , dans le nou
veau Palais que la feuë Czarine y a fait conftiuire ,
une partie des meubles de la Couronne , avec ceux
du Comte Jean- Erneſt Biron , & ſa vaisselle , laquelle
eft eftimée 200000. Roubles.
L'Officier qui a conduit fur les Frontieres le Se
råskier de Bender & le Bacha d'Oczakow , a raporté
que le premier a été fort trifte pendant toute
la route , & qu'il paroissoit craindre que le Grand
Seigneur ne lui imputât le mauvais fuccès de la Bataille
de Choczin.
O
SUEDE.
N mande de Stocko!m que le Docteur Se
renius , Prévôt de Nikoping , a compoſé un
Dictionnaire Suedois & Anglois qu'il a dédié aux
Etats du Royaume , & dans lequel il fait voir l'Analogie
que les deux Langues ont enfemble.
O
ALLEMAGNE .
Na apris de Vienne du 29. Avril dernier ;
que l'Ambaffadeur du Grand Seigneur eut le
27. une audience publique de la Reine , & qu'il y
fut conduit par le Comte de Wurmbrand , Doyen
des Confeillers du Confeil Aulique de guerre , qui
alla prendre ce Miniftre en fon Hôtel ,
marche fe fit dans l'ordre fuivant.
Un Détachement de Grenadiers de la Garnifon
da
1220 MERCURE DE FRANCE
de Vienne ; so. Janiffaires de la Garde de l'Ambas
fadeur ; la Livrée du Comte de Wurmbrand ; les
Chatirs ou Valets de pied de l'Ambaſſadeur ; fes
Pages , fes Agas & fon Ecuyer ; à cheval ; douze
chevaux de main , couverts de caparaçons très- richement
brodés, & conduits chacun par un Palefrefix
Chiaoux ; le Secrétaire d'Ambaſſade , qui
portoit la Lettre du Grand Seigneur , envelopée
dans un morceau d'étoffe d'or.
nier ;
-
Le caroffe de la Reine , dans lequel l'Ambaffadeur
étoit avec le Comte de Wurmbrand & le Secretaire
Interprete de S. M. pour les Langues
Orientales , étoit fuivi de plufieurs Turcs de distinction
, qui ont accompagné à Vienne ce Ministre
, & la marche étoit fermée par une Compagnie
de Cuiraffiers .
Lorfque l'Ambaffadeur fut arrivé au Palais , il fut
reçû au bas de l'eſcalier par le Comte Martinitz, &
à la porte de la Sale des Gardes , par le Comte Jofeph
de Konigfeg. Ayant été introduit dans la Sale
d'audience, il préfenta la Lettre du Grand Seigneur
à la Reine , qui étoit fur fon Trône , ayant à fes
côtés les Miniftres d'Etat & les principales Dames
de la Cour.
S. M. a reçû la réponſe du Roy de la Grande Bretagne
à la Lettre qu 'elle lui avoit écrite au fujet de
L'affaire de Silefie , & cette réponſe porte que le
Roy de la Grande-Bretage ayant concerté avec les
Etats Géneraux des Provinces- Unies les mesures
les plus propres à remplir l'engagement qu'ils
ont pris d'affûrer à la Mailon d'Autriche la poffesfion
de les Etats , S. M. Br . a réfolu de faire les efforts
pour léterminer le Roy de Pruffe à ceffer tous
Actes d'hoftilité , & qu'elle ne doute point que la
Reine ne donne volontiers les mains aux expédiens,
par le moyen defquels on peut efperer de rétablir
Tes
JUI N. 1741 : 122
les affaires dans une fituation qui ne donne aucune
atteinte à la Pragmatique Sanction .
Le Roy de la Grande-Bretagne ajoute dans fa
Lettie , que fi S. M. Pr. fans avoir égard à fes avis
& à ceux des Etats Géneraux , perfiſte dans la réſolution
de continuer la guerre , il ne manquera pas
de fournir à la Reine tous les fecours qu'elle a droit
d'attendre de lui , en conféquence des Traités qui
fubfiftent entre les deux Puiflances .
Les Etats Géneraux ont écrit auffi à la Reine une
Lettre , dans laquelle ils lui donnent les mêmes assûrances.
Les Pays Héreditaires étant dans l'uſage de faire
un préfent aux aînés de leurs Souverains à leur
naiffance , le Royaume de Boheme a envoyé une
Bourfe de 10000. Ducats à l'Archiduc, la Baffe Autriche
lui en a donné une de sooo . la Haute Autriche
une de 3000. la Stirie une de 4000. & les
autres Provinces à proportion .
La Reine a reçû la nouvelle de la priſe de Brieg ,
& une copie de la Capitulation qui a été fignée par
le Marquis Picolomini , Gouverneur de cette Place.
M. Lanczinski , Envoyé Extraordinaire du Czar à
la Cour de Vienne, a affûré le Comte de Zinzendorf,
que S. M. Cz. étoit dans la refolution d'agir de
concert avec le Roy de la Grande Bretagne & les
Etats Géneraux des Provinces- Unies , pour engager
le Roy de Pruffe à retirer les troupes de Silefie.
La Reine de Hongrie a nommé Chambellans de
la Clef d'Or tous les Confeillers du Confeil de
Régence de Toſcane.
RATISBON NE.
Ldernier , portent que le Minitec du kom de
Pruffe a déclaré à la Diette , que la bénediction
qu'
Es Lettres reçûës de cette Ville du 8. du mois
1222 MERCURE DE FRANCE
qu'il a plû à Dieu de répandre fur les armes de
S. M. Pr. par le gain de la bataille de Mollwitz ,
n'a rien changé à fes fentimens pour la Maiſon
d'Autriche , que le Roy de Pruffe ne prétend pas
tirer avantage de ce fuccès , pour proposer à la
Reine de Hongrie des conditions qu'elle pourroit
trouver trop dures ; que S. M. Pr. s'en tient à celles
qu'elle a déja propofées, & que fi la Reine de Hongrie
veut le prêter à un accommodement , elle trouvera
toujours le Roy de Pruffe dans la difpofition
le faciliter , autant qu'il dépendra de lui .
Il paroît par une Relation qu'on a reçûë en cette
Ville de la bataille de Mollwitz , & qui eft venu
de Vienne , que les Autrichiens n'y ont eû que 54
Officiers de tués , parmi lesquels font , outre les
Barons de Romer & de Goldi , Lieutenans Feldt-
Maréchaux , deux Colonels & un Lieutenant Colo
nel. Cette Relation confirme qu'ils en ont eût 44
de bleffés , & que le Prince de Birckenfeldt eft de
ce nombre , ainfi que le Baron de Growne , Litutenant
Feldt- Maréchal , quatre Majors Géneraux ,
cinq Colonels , quatre Lieutenans Colonels & un
Major ; elle ajoûte qu'ils ont perdu environ 1709.
chevaux.
PRUSSE.
A Reine aprit le 8. du mois dernier la nouvelle
de la prife de Brieg , dont voici les principales
circonftances .
Les Ouvrages de la tranchée qui avoit été ouverte
le 28 Avril dernier , ayant été avancés les
deux jours fuivans, deux batteries de canon & deux
autres de mortiers , lefqueiles furent le premier
Mai en état de tirer , firent un feu fi vif que la
plus grande partie des pièces de canon de la Place ,
à l'exception d'un petit nombre , fut démontée en
peu
JUIN. 1741. 1 1223
peu de tems. Une bombe étant tombée fur le Manege
qui étoit voifin du Château , & qui étoit rempli
de foin & de paille , le vent porta la flamme
fur le Château , qui fut abfolument confumé en
24. heures , quoique le Roy , fâché de cet accident,
eût fait rallentir le feu , pour donner à la Garniſon
le tems de fauver ce Château .
On établit le 2. une nouvelle batterie de 18. piéces
, pendant que les autres continuerent de tirer
avec tant de fuccès , que la plupart des embraſures
du côté attaqué furent ruinées , & que le Rempart
commença à s'écrouler.
Le lendemain à neuf heures du foir , on travailla
à la feconde Parallele & à fes communications , &
l'ouvrage ayant été pouffé avec une extrême diligence
, cette Parallele fut perfectionnée avant le
jour. La Garniſon , qui ne pouvoit plus défendre
le Rempart , ayant battu la chamade & arboré le
Drapeau blanc le 4. à trois heures après midi , le
feu cefla auffitôt , & le Gouverneur ayant donné pour
ôtage le Major Covani , en échange duquel le Roy
envoya le Major Saldern, le Colonel Borck fe rendit
dans la Place par ordre de S. M. pour regler les
articles de la Capitulation , par laquelle on eft convenu
que la Garniſon foi tiroit avec tous les honneurs
Militaires , armes & bagages , & qu'elle prendroit
le chemin le plus court , pour ſe retirer à
Neiff ; qu'elle ne pourroit fervir.contre le Roy pendant
deux ans en quelque Pays que ce fût , & dans
aucun tems en Siléfie , qu'on lui fourniroit du pain
pour quatre jours , & des chevaux avec des bateaux
pour le tranfport des malades & des bleffés , ainft
que pour les bagages , & qu'auffi tôt après la figna .
ture de la Capitulation la porte du côté de Breflau
feroit livrée à un détachement des troupes du Roy.
A neuf heures du foir , une Compagnie de Grena-
I. Vol. H diers
1
1224 MERCURE DE FRANCE
diers du Régiment des Gardes prit poffeffion de
cette porte , & le 5. après que le Gouverneur eut
fait configner aux Officiers de S. M. l'Arfenal , les
munitions & les vivres , le premier Bataillon du Régiment
de Borck entra dans la Ville , & releva la
Garnifon qui fortit à deux heures après midi , &
qui étoit compofée de quatre Bataillons , de trois
Compagnies de Grenadiers & d'une Compagnie
Franche de 300. hommes. On a trouvé dans la
Place 61. piéces de canon , huit mortiers , & une
grande quantité de munitions de guerre. La perte
qu'on a faite à ce Siége eft très - peu confidérable
& les troupes de S. M. y ont toujours été pourvûës
abondamment de tout ce qui pouvoit leur être
néceffaire , moyennant la précaution qu'elle avoit
priſe d'établir une chaîne d'Infanterie & de Cavalerie
depuis Breflau jufqu'à Ohlau , pour empêcher
que les Ennemis ne coupaffent la communication
avec la premiere de ces deux Villes , où font les
principaux magafins.
M. de Maupertuis , Académicien de l'Académie ,
Royale des Sciences de Paris , qui avoit été fait prifonnier
par les Autrichiens à la Bataille de Mollwitz,
eſt retourné à Berlin de Vienne , avec la permiffion
du Comte de Neuperg , il y a reçû beaucoup
de marques de bonté de la Reine de Hongrie & d
Grand Duc de Toſcane.
SILESIE,
Na apris que le Roy de Pruffe ayant fait
invertir de nouveau la Ville deBricy, le 20.
Avril dernier , on avoit travaillé les deux jours fui- .
vans à établir les Batteries, que le 23. on avoit commencé
à battre la Place , & qu'on avoit fait le 28 .
à dix heures du foir l'ouverture de la tranchée, fans.
Y
JUIN. 1741. 1225
y avoir trouvé aucun obftacle de la part des Ennemis
, qui n'ont commencé qu'à cinq heures du matin
à tirer fur les travailleurs.
Le Roy étoit campé, avec le refte de fes troupes,
près d'Ohlau, pour obferver les mouvemens de l'armée
de la Reine de Hongrie , & pour couvrir le
Siége de Brieg , que l'on comptoit ne pouvoir faire
une longue réfiftance, parce que la Ville étoit remplie
d'un grand nombre de Soldats Autrichiens qui
ont été bleffés dans le dernier combat , & qu'il n'y
avoit abondamment de vivres.
pas
ITALIE.
N mande de Rome du 6. du mois dernier , que
Nomar de du mois precedent dans la qu
lique de S. Pierre du Vatican , la Cérémonie de la
Béatification d'Alexandre Sasli , de la Congrégation
des Barnabites , lequel a été le feptiéme Géneral de
cette Congrégation , & enfuite Evêque d'Aleria &
de Pavie.
Il y a eû dans la Marche d'Ancone & dans le
Duché d'Urbin , un violent Tremblement de Terre,
qui a caufé beaucoup de dommage en plufieurs endroits
, particulierement à Fabriano , où fept Eglifes
& un grand nombre de maiſons ont été renversées.
O
ESPAGNE.
N aprend de Madrid du 2. du mois dernier
que l'Armateur Jean- Baptifte Salie entra le 15.
Avril précedent dans le Port de Vigo . avec le Brigantin
Anglois l'Avanture , dont il s'eft enparé le
11. fur les Côtes de Portugal , & que le même
jour la Frégate la Notre- Dame d'Aranzazu , conduifit
à Muros une Balandre de la même Nation .
Hij
Les
1226 MERCURE DE FRANCE
Les Armateurs de Cadix fe font emparés des
Vaiffeaux Anglois les Deux Freres , le Poftillon de
Londres , & le Naffau , commandés par les Capitaines
Michel Rill, Jean Rouffels ,& Samuel Ifpelman.
Le premier de ces Bâtimens , qui alloit à Gibraltar,
a été pris à 20. lieues du Cap Saint Vincent , & les
deux autres l'ont été entre le 35. & le 36. degré de
Latitude Septentrionale .
On a reçû avis de Ceuta,que le Vaiffeau le Defir,de
la même Nation , étant entré dans une Anfe voifine
de la Ville , en croyant entrer dans le Détroit
de Gibraltar , fix petits Bâtimens Eſpagnols , armés
en guerre , l'avoient abordé , & que le Capitaine &
' Equipage de ce Vaiffeau , s'étoient rendus , fans
faire prefque aucune réfittance .
Les difficultés qui fubfiftent entre la Cour d'Eſpagne
& celle de Vienne , au fujet des Titres que prennent
la Reine de Hongrie & le Grand Duc de Tofcane,
ont empêché le Roy d'accorder à M. Adriani,
Réfident de ce Prince , l'audience qu'il avoit demandée
, pour remettre au Roy une Lettre par laquelle
le Grand Duc donne part à 5. M. de la Naisfance
de l'Archiduc.
L'Armateur Don Juan de Oyatzabal , commandant
la Balandre la Notre- Dame du Roſaire , a conduit
à Santona deux Prifes Angloifes qu'il a faites
vers le so. degré de Latitude Septentrionale,
Un autre Armateur Espagnol a pris dans les environs
de la Barbade deux Vaiffeaux Anglois , l'un
de Salem & l'autre de Rhodes - Ifland .
Des Vaiffeaux de guerre , en revenant des Ifles
Canaries , ont pris un Brigantin Anglois & deux
Fregates de la même Nation, l'une de feize canons,
& l'autre de dix - huit .
PORTUGAL
JUIN. 1741. 1227
PORTUGA L.
Na apris de Lisbonne , que le 29. Avril derun
Chapitre general
, dans lequel ils élurent pour Vifiteur General
de leur Ordre en Portugal , le Pere Manuel , Doeteur
de l'Univerfité de Coimbre , & Qualificateur
du Saint Office , & que les Dominicains élûrent le
22. le Fere de Lima , Profeffeur en Théologie , &
Député de l'Inquifition , pour leur Provincial.
L
GENES ET ISLE DE CORSE.
Es dernieres Lettres reçues de la Baftie, portent
que les Bâtimens fur lefquels s'embarqueront
les quatre Bataillons des troupes de S. M. T. C. qui
doivent repaffer en France , étoient arrivés à San
Fiorenzo; que le Maréchal de Maillebois & le Marquis
de Contades partiroient en même-tems que
ces quatre Bataillons fur la Frégate le Zephire , &
qu'après le départ du Maréchal de Maillebois , le
Marquis de Villemur auroit le commandement géneral
des troupes Françoifes qui refteroient dans
Pifle de Corfe.
GRANDE BRETAGNE.
ONmande de Londresdu 11. du moisdernier,
;
que le 6. le Roy fe rendit à la Chambre des
Pairs avec les cérémonies accoûtumées , & que
S. M. ayant mandé la Chambre des Communes, fit
le Difcours fuivant .
MYLORDS ET MESSIEURS. Le zele la
promptitude avec lesquels vous avez terminé les affaires
pour lesquelles vous étiez affemblés , font des preuves
inconteftables de votre attachement aux interêts de
Häj votre
228 MERCURE DE FRANCE
votre Patrie , & par conséquent les témoignages les
plus agréables que vous puſſiez me donner de votrefidelité
de votre affection pour ma Perfonne. Le puisfant
fecours que vous m'avez accordé pour foûtenir la
guerre jufte & néceffaire dans laquelle jefuis engagé,
eft le moyen le plus efficace pour mettre nos Ennemis a
La raison , & l'empressement avec lequel vous vous,
êtes déclarés fi àpropos pour la defenfe de la Maiſon
d'Autriche pour le maintien de la Balance & de la
liberté de l'Europe , ne peuvent manquer d'encoura
ger très- vivement nos Alliés . Ce font les vrais moyens
d'affûrer à cette Nation le poids & l'influence aubors,
quefa force &fa fituation naturelle lui donnent
droit de prétendre.
-de-
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES.
C'est avec une fatisfaction très -particuliere que je re
connois votre vigilance & votre attention à lever les
fubfides pour le fervice de cette année , ce que vous
avez fait avec une prévoyance fi fage pour les befoins
de la Nation , que vous avez fait voir que vous êtes
les Repréfentans de mes fideles Communes.
MYLORDS ET MESSIEURS . Je ne puis congédier ce
Parlement fans vous remercier publiquement des preuves
éclatantes que vous avezdonnées de votre fidélité
de votre affection pour ma Perfonne & pour mon
Gouvernement ; de lafermeté avec laquelle vous perfiftez
dans la réfolution de maintenir la fucceffion Pro .
teftante dans ma Maiſon , & de l'attachement inébranlable
que vous faites voir pour les véritables interêts
de votre Patrie. Vous avez marqué la plus vive ardeur
le zele le plus convenable, pour défendre l'honneur
de ma Couronne les droits indubitables de la
Navigation & du Commerce, qui apartient à mes Sujets
, en me mettant en état de venger les infultes qui
teur ont étéfaites contre la Loi des Traités. Dans une
conjoncture fi critique , vous avez fontenu le crédit de
Lia
JUI N. 1741. 1229
la Nation , vous avezfortifié les rénes de mon Gouwernement
à un point qui furpaffe l'attente de nos Alliés
, & en rompant manifeftement les mesures de ceux
qui portent envie à notre profperité ; vous avez prouvé
en même-tems à tout l'Univers , que la Grande-Bretagne
eft en état non-feulement de fe défendre , mais
encore de fournir des fecours convenables à fes Alliés
defoutenir la caufe commune de l'Europe . Comme
une pareille conduite fait l'éloge de ce Parlement , elle
fera auffi unfujet d'émulation pour les Parlemens qui
lui fuccederont. Je donnerai inceffamment les ordres
néceffaires pour faire éire un nouveau Parlement . Il
n'y a rie qui me tienne plus à coeur que l'amour de
mon Peuple , dans lequel j'ai une fi parfaite confiance,
que c'est avec la plus grande fatisfaction que je vois
outes les Villes de mon Royaume à portée de me donner
de nouvelles preuves de leur affection par le choix
qu'elles feront de leurs Représentans . La durée de l'excellente
Conftitution de notre Gouvernement dans l'Eglife
dans l'Etat , dépend de l'établiſſement préfent,
la sûreté de l'établiſſement préfent dépend de cette
Conftitution . On ne peut bleffer l'une , fans afoiblir
l'autre , la confervation de l'une de l'autre ,
auffi bien que la défense des droits de mes Sujets pour
ce qui regarde la Religion & leurs interêts civils , one
été feront continuellement l'objet de mès foins.Ceux
qui fe diftingueront , en perfiftant dans ces principes ,
obtiendront toujours mon apui ma faveur , & en
fuivant invariablement des mesures fi fages isfi justes
, nous pourrons concevoir les efperances les mieux
fondées , quefous la protection de la Divine Providence
, la Grande- Bretagne jouira non-feulement pour le
préfent , mais même à l'avenir d'une conftante profperité.
Les Commiffaires de l'Amirauté ayant reçû avis
qu'un Armateur Efpagnol de S. Sébastien , croifoit
Hj dans
1230 MERCURE DE FRANCE
dans la Manche avec une longue Barque , montée
de quatre Canons & de fix Pierriers , ils ont fait
fortir des Dunes , pour lui donner la chaffe , deux
Alleges qui , ayant rencontré cet Armateur à la
hauteur du Havre , ont abordé ce Bâtiment & s'en
font emparées. Le Capitaine & une partie de l'équipage
fe font jettés à la Mer, pour gagner la Terre
à la nage , & l'on n'a pu faire que 17. prifonniers.
Le 17. du mois dernier , le Roy tint au Palais d
S. James un Confeil d'Etat , dans lequel S. M. noma
l'Archevêque de Cantorbery , le Lord Changelier
, les Ducs de Grafton , de Richmond , de Bulton
, de Devonshire , de Montagu & de Newcaſtle ,
le Comte de Wilmington , les Lords Harvey , Pembroke
& Inlay , les Chevaliers Robert Walpoo ! &
Charles Wager, & Mrs Guillaume Younge & Henry
Pelham , Régens du Royaume pendant fon abfence
, & l'après midi S. M. fe rendit par eau à
Greenwich , où elle s'embarqua à bord du Vaiffeau
de Guerre la Royale Caroline , pour paffer en
Hollande .
Le Vaiffeau de Guerre le Dursley Galley s'eft emparé
d'un Bâtiment Efpagnol , qui faifoit voile pour
Oran , & le Vaiffeau de guerre le Kenfale a conduit
à Lisbonne un Armateur de la même Nation .
Le Duc de Newcaſtle , Sécretaire d'Etat , reçût
le 28. Mai dernier par le Capitaine Laws , Commandant
le Vaiffeau le Spence Sloop , des Lettres que
l'Amiral Vernon a écrites au Roy , pour donner
part à S. M. de la prife de plufieurs Forts qui avoient
été conftruits par les Elpagnols dans les environs de
Cartagene , 8 ces Lettres contiennent le détail
fuivant.
L'Amiral▾
à la grande
n étant arrivé le 15. Mars au foir
avec la Flotte Angloife , compofée
JUI. N 1741. 1231
Tée de 124. Vaiffeaux , les Chevalier Chaloner
Ogle fut detaché le 20 avec les Vaiſſeaux de ſa
Divifion , pour attaquer les Forts & les Batteries de
Terra Bomba , & il fut fuivi peu de tems après par
l'Amiral Vernon , qui ordonna au Chef d'Eſcadre
Leftock de demeurer à l'Ancre avec les Vaiffeaux
qu'il avoit fous fes ordres .
Les deux jours fuivans , on fit débarquer les fix
Régimens de Marine & ceux de Wentworth & de
Harriſon avec toute l'Artillerie & les munitions de
guerre. Comme une Batterie que les Espagnols
avoient établie à Barradera , incommodoit beaucoup
le Régiment de Wentworth , l'Amiral Vernon
envoya fur des bateaux quelques troupes qui
obligerent les Espagnols d'abandonner cette Batterie
.
Depuis le 29. du mois de Mars jufqu'au premier
Avril , on en établit une de vingt canons , qui commença
le 2. à tirer contre le Fort de Bocachica
dans lequel on avoit pendant les jours précedens
jetté un grand nombre de bombes , & le 3. le Chef
d'Efcadre Leftock s'avança avec les Vaifleaux de
guerre le Boyne , le Prince Frederic , le Hamptoncourt
, le Suffolck & le Tylbury, pour battre ce Fort
& les Vaiffeaux de guerre Espagnols . Le Boyne étant
tombé fous le vent & étant trop expofé au feu des
Ennemis , fe retira , mais les autres Vaiffeaux continuerent
de tirer jufqu'au lendemain, que le Prince
Frederic & le Hamptoncourt , qui furent fort maltraités
par l'Artillerie des Vaiffeaux Efpagnols , furent
contraints d'aller rejoindre la Flotte .
Ce jour -là vers midi , l'Amiral Vernon envoya
tous les Bateaux , pour attaquer une nouvelle Batserie
de fix canons , & le détachement qu'il avois
chargé de cette expedition , la détruifit .
Une breche confidérable ayant été faite au Fort
Hv de
1232 MERCURE DE FRANCE
de Bocachica , il fut réfolu te 5. de donner l'aſſaut
mais dans le tems qu'on s'y diſpoſoit , on s'aperçût
que les Espagnols avoient abandonné le Fort. Auffi
tôt l'Amiral Vernon ordonna de prendre d'affaut le
Fort Saint Jofeph , & l'on s'empara du Vaiſſeau de
guerre la Galice , dans lequel on ne trouva que
trois Officiers & foixante Soldats ou Matelots , qui
y étoient reftés , & qui avoient reçû ordre de l'Amiral
Don Blaife Lezzo , de le couler à fond , dès
qu'ils pourroient trouver le moyen de fe retirer.
Le lendemain , l'Amiral Vernon s'avança pour
entrer dans le Havre , mais il y trouva beaucoup
de difficulté , & il fut quelque tems à pouvoir
trouver un paffage » parce que les Efpagnols.
avoient coulé à fond le San Carlos & l'Afrique
deux de leurs Vaiffeaux de guerre , & qu'ils en
avoient fait fauter un autre nommé le S. Philipe.
Les Vaiffeaux le Burford & l'Oxford , commandés
par le Capitaine Griffin & par le Lord Augufte Fitzroy
, fe pofterent le 7. au travers du Havre , pour
couper la communication du Fort de Caftillo Grande
avec la Ville de Cartagene , & le 8. le Weymouth
& la Frégate le Cruizer , détruifirent deux Batteries
qui étoient à Paffo Cavallos.
Le Capitaine Knowles , que l'Amiral Vernonavoit
envoyé pour reconnoître les difpofitions des
Efpagnols , lui ayant raporté le 10. qu'ils avoient
encore coulé à fond deux de leurs Vaiffeaux , nom .
més le Conquerant & le Dragon , chacun de 60. canons
, & qu'ils emportoient tout ce qu'ils pouvoient
hors de Caftillo Grande , cet Amiral fit marcher un
détachement qui fe rendit maître de ce Fort.
Le 12. l'Amiral Vernon alla jetter l'Ancre près
de Caftillo Grande , & quand le Capitaine Laws
partit pour porter au Roy ces nouvelles , cet Aminal
étoit occupé à faire débarrafler le Canal , pour
Y
JUI N. 1741. 1233
faire entrer tous les Vaiffeaux de la Flotte ,
faciliter la defcente de fes pour
troupes.
&
Les Anglois ont perdu dans ces differentes attaques
plufieurs Officiers de confidération , du nombre
defquels font le Lord Aubery Beauclerc , les
Colonels Watſon & Douglas , M. Sandford , Lieutenant
Colonel , M. Moor , Ingénieur en Chef, &
M. Irwing.
RONDEAU
De M. P.S. P. A. A. P. à Mad. E. L. R. D
Q
Ui le croira , cher objet de mes voeux
Qu'auprès de vous conftant & malheureux
Mon coeur brûlé d'un defir qui le tuë ,
N'a jamais vû récompenfer fes feux !
N'eft-il pas tems qu'enfin votre ame émuë
Rende mon fort égal au fort des Dieux ?
Que craignez - vous Eft- ce d'être déçûë ?
Foible raiſon ! en voyant vos beaux yeux ,
Qui le croira ?
”
Eft- ce la peur d'un difcours envieux
Qui vous retient ? Crainte mal entenduë !
Depuis long- tems , belle Iris , en tous lieux
Votre rigueur , hélas ! eft trop connuë;
Nous pourrions bien être d'accord - tous deux ,
Qui le croira ?
Hvj
FRANCE .
1234 MERCURE DE FRANCE
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARTS , &C.
E 27. Avril dernier , le Roy partie de
Verailles ,pouraller coucher au Château
de Rambouillet , d'où S. M. revint
le 30 .
Le 28. la Reine entendit la Meffe dans l'a
Chapelle du Château , & S. M. communia
par
les mains de l'Abbé de Sainte- Hermine ,
fon Aumônier en quartier.
Le 31. après midi , le Régiment des Gardes
Françoiſes s'affembla dans la Place d'Armes
, & le Roy s'y étant rendu à cheval , le
Duc de Gramont fut reçû dans la Charge de
Colonel de ce Régiment.
Le premier Juin , Fête du S. Sacrement , le
Roy accompagné du Comte de Clermont ,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu & de
fes principaux Officiers , fe rendit à l'Eglife
de la Paroiffe du Château , & S. M. y entendit
la Grande Meffe , après avoir affifté à la
Proceffion , laquelle , fuivant l'ufage , alla à
la Chapelle du Château. La Reine s'y rendic
JUIN. 1741 . 1235
dit lorfque la Proceffion arriva. Mesdames,
ont vû paffer la Proceffion de l'Apartement
du Comte de Clermont .
Le Roy a donné au Duc de Fleury la
Charge de Premier Gentilhomme de la
Chambre de S. M. vacante par la mort du
Duc de la Tremoille.
M. de Terlaye , Lieutenant- Colonel du
Régiment des Gardes Françoiſes , ayant demandé
au Roy la permiffion de fe retirer ,
M. de Varennes , Maréchal de Camp , Com
mandeur de l'Ordre Royal & Militaire de
S. Louis , & le plus ancien Capitaine de ce
Régiment , en a été nommé Lieutenant-
Colonel.
Le Lord Thomond , Maréchal de Camp
& Colonel du Régiment Irlandois de Clare,
a été nommé Inſpecteur d'Infanterie .
Le premier de ce mois , Fête du S. Sacrement
, le Roy & la Reine entendirent les
Vêpres dans la Chapelle du Château , &
Leurs Majeftés y affifterent au Salut qui fut
chanté par la Mufique .
Le 2. le Roy partit de Verfailles pour Rambouillet
, d'où S. M. revint le foir.
Le 8. jour de l'Octave de la Fête du S. Sacrement
, le Roy accompagné du Prince de
Dombes , du Comte d'Eu & de fes principaux
1236 MERCURE DE FRANCE
paux Officiers , fe rendit à l'Eglife de la Paroiffe
du Château , & S. M. après avoir affifté
à la Proceffion , y entendit la Grande
Meffe.
Pendant l'Octave , Leurs Majeftés ont af
fifté tous les jours au Salut dans differentes
Eglifes.
Le 6. après midi , le Roy fit dans la Cour
du Château la revue des deux Compagnies
des Moufquetaires de la Garde de S. M. Le
Roy paffa dans les rangs , & après que les
Moufquetaires eurent fait l'exercice , S. M.
les vit défiler à pied & à cheval. La Reine
Monſeigneur le Dauphin & Madame , virent
Cette revûë.
Le Duc de Fleury que le Roy a nommé
Premier Gentilhomme de la Chambre , prê--
ta le 8. au matin Serment de fidelité entre
les mains de S. M.
Le Roy a donné le Régiment de Chame
pagne au Marquis de Belfont ; le Régiment
de la Marche , dont il étoit Colonel , au
Marquis de S. Pern , Capitaine de Grenadiers
dans le Régiment du Roy , Infanterie ,
& le Régiment de Cavalerie dont le Chevalier
de Rozen étoit Meftre de Camp , au
Prince de Gave , Lieutenant dans le Régiment
du Roy , Infanterie..
>
Le
JUTN. 174T.
237
Le 4. de ce mois , M. Crefcenzy , Archevêque
de Naziance , & Nonce Ordinaire:
du Pape auprès du Roy , fit fon Entrée pu-
Blique en cette Ville . Le Prince de Lambefc
, & M. de Verneuil , Introducteur des
Ambaffadeurs , allerent le prendre dans les
Caroffes du Roy & de la Reine au Convent
de Picpus , d'où la Marche fe fit dans l'ordre
fuivant.
و د
Le Caroffe de l'Introducteur , celui du
Prince de Lambefc ; un Suiffe du Nonce , à
cheval , fa Livrée , à pied ; fes Gentilshommes
; fon Ecuyer & fes Pages , à cheval ; le
Caroffe du Roy , aux portieres duquel marchoient
la Livrée du Prince de Lambefc &
celle de M. de Verneüil ; le Caroffe de la
Reine ; celui de Madame la Ducheffe d'Orleans
Douairiere ; ceux du Duc d'Orleans
du Duc de Chartres , de la Ducheffe de Bourbon
, Premiere Douairiere , de la Ducheffet
de Bourbon, Seconde Douairiere , du Comte
de Charolois , du Comte de Clermont , du
Prince de Conty , de la Ducheffe du Maine ,
du Prince de Dombes , du Comte d'Eu , de
la Comteffe de Toulouze , du Duc de Penthievre
, & celui de M. Amelot , Miniftre
&. Sécretaire d'Etat , ayant le Département
des Affaires Etrangeres. Les quatre. Carolles
du Nonce marchoient enfuite à une diſtance
de quarante pas.
Lorl
1238 MERCURE DE FRANCE
Lorfqu'il fut arrivé à fon Hôtel , il fut
complimenté de la part du Roy par le Duc
de Rochechouart, Premier Gentilhomme de
la Chambre de S. M. de la part de la Reine ,
par le Comte de Teffe , fon Premier Ecuyer ,
& de la part de Madame la Ducheffe d'Or
leans , par le Marquis de Crevecoeur , Pred
mier Ecuyer de S. A. R.
;
Le 6 , le Prince de Lambefc & M. de
Verneuil , Introducteur des Ambaſſadeurs
allerent prendre le Nonce du Pape en fon
Hôtel , & ils le conduifirent dans les Caroffes
de Leurs Majeftés à Verſailles , où il eut
fa premiere Audience publique du Roy. Il
trouva à fon paffage dans l'avant - cour du
Château les Compagnies des Gardes Françoifes
& Suiffes fous les armes , les Tambours
apellans ; dans la Cour , les Gardes de
la Porte & ceux de la Prevôté de l'Hôtel
fous les armes à leurs poftes ordinaires , &
fur l'efcalier , les Cent - Suiffes en habits de
cérémonie , la Hallebarde à la main. Il fut
reçû endedans de la Sale des Gardes par le
Duc de Béthune , Capitaine des Gardes du
Corps , qui étoient en haye & fous les armes..
Après l'Audience du Roy , le Nonce fut
conduit à l'Audience de la Reine & à celle
de Monfeigneur le Dauphin par le Prince de
Lambefc & par M. de Verneuil . Il fut enfuite
conduit à celle de Mefdames de France , &
après
JUIN. 1741. 1239
Après avoir été traité par les Officiers du Roy,
il fut reconduit à Paris en fon Hôtel par M.
de Verneuil dans les Caroffes de Leurs Majeſtés
, avec les cérémonies accoûtumées.
Le Comte des Alleurs , que le Roy a
nommé ſon Miniftre auprès du Roy de Pologne
Electeur de Saxe , a pris congé de S. M.
& il doit partir inceffamment , pour ſe rendre
à Drefde .
Le premier Juin , jour de la Fête - Dieu ;
l'Académie Royale de Mufique fit chanter
au Concert Spirituel du Château des Thuilleries
le Motet à grand Choeur Magnus Dominus
de M. Thomas , qui fut fuivi d'un
Concerto fur le Hautbois , exécuté par M.
Celle , Ordinaire de la Mufique du Roy , &
par le Motet à grand Choeur O Jefu de M.
Deftouches, Surintendant de la Muſique du
Roy , dont l'exécution fit beaucoup de plaifir.
Les Dlles Fel & Chevalier chanterent les
principaux récits au gré du Public , & le
Concert fut terminé par un Motet à grand
Choeur de M. Cheron.
Le même jour , & le 8. dernier jour de
l'Octave , le Chevalier Servandoni qui avoit
donné le jour de l'Afcenfion & les trois Fêtes
de la Pentecôte , les Travaux d'Uliffe fur
le
1240 MERCURE DE FRANCE
le Théatre du Château des Thuilleries , en
donna encore deux repréſentations avec des
changemens & des augmentations confidérables
, dont le Public a parû fatisfait.
Le 11. & le 18. on donna encore deux
repréſentations du même Spectacle.
Le 27. & le 29. Mai , il y cut un Concert
chés la Reine ; M. Rébel, Surintendant
de la Mufique du Roy , en furvivance de M.
Deftouches , & en fon abfence , fit chanter
les quatre derniers Actes de l'Opera de
Roland , par les mêmes Acteurs dont on a
parlé dans le dernier Journal .
Le 10. & le 12. Juin , la Reine entendit
P'ingénieux Ballet des Fêtes Venitiennes de M.
Campra , Maître de Mufique de la Chapelle
du Roy; les principaux Rôles furent trèsbien
exécutés par les Dlles d'Aigremont , la
Lande , ci-devant la Dlle Huguenot , Romainville
& Deschamps , & par les Srs Godoneche
, du Bourg , Poirier , Benoît , le
Begue & Richer.
Le 14. le 17. & le 29. on concerta l'Opera
de Pyrame & Thisbé de Mrs Rebel & Francoeur
, dont les Rôles furent chantés avec
beaucoup de précision par les mêmes Sujets ,
par la Dlle Mathieu , & par les Srs Jelyot
& Dangerville.
Le 21. le 26. & le 28. la Reine entendit
1'0-
JUIN. 1741. 124%
l'Opera de Scanderberg , de la compofition
des mêmes Auteurs ; les mêmes Sujets qu'on
vient de nommer , & la Dlle Abec , chantexent
les principaux Rôles de la Piece.
La Loterie Royale établie par Arrêt du
Confeil du 22. Janvier 1741. en faveur des
Pauvres , fut tirée pour la feconde fois en
la grande Sale de l'Hôtel de Ville en préfence
du Prevôt des Marchands & Echevins
, le Mecredi 31. Mai. La Lifte Génerale
des Billets gagnans fut publiée le
lendemain. Le Gros Lot qui eft de 80000 1.
eft échû au N°. 262. fous la Deviſe de , An
né coeffé. Le fecond Lot qui eft de 40000 l.
eft échû au N° . 198. fous la Devife A la
grace de Dieu.
MORTS , NAISSANCES
& Mariage.
LE
E premier Avril , D. Elizabet de Salaazar ,
mourut à Bidache , Souveraineté de M. le Duc
de Gramont , âgée de 110. ans , ayant confervé
jufques au moment de fa mort le bon fens & la vivacité
d'efprit , dont elle a été toujours douée ; elle
n'a été alitée , pour la maladie dont elle est décedée
, que
deux fois 24. heures .
Le 5. mourut Charles - Arnoul Nolin , Sieur de la
Tournelle , Chevalier de l'Ordre de S. Michel ♪
Confeiller
1742 MERCURE DE FRANCE
Confeiller Secretaire du Roy , Maiſon , Couronne
de France & de fes Finances , & Secretaire ordinaire
à la conduite des Ambaffadeurs . Il avoit épousé
la fille de feu Antoine Pecquet , auffi Confeiller
Secretaire du Roy , Maiſon , Couronne de France
& de fes Finances , & Secretaire du Confeil des affaires
étrangeres , & de feue Genevieve Cadar. Ik
en laiffe un fils , qui a obtenu la Charge de Sécretaire
à la conduite des Ambaffadeurs , & une fille
mariée en 1735 avec le Comte de Pagnat , Gentilhomme
Limofin .
Le 8. Alexandre Gafton du Chastellet , Seigneur
de Fresnieres la Taulette , &c. apellé le
Comte du Chaftellet , ci - devant Ecuyer du Roy
mourut à Paris dans la so . année de fon âge , étant
né le 26. Mai 1691. Il étoit fils aîné de Jean du
Chaftellet , Seigneur de Fresnieres , Confeiller au
Grand Confeil , dont la mort eft raportée dans le
Mercure de Décembre 1733. 1. vol . p . 1746. &
de défunte D. Suſanne Genevieve Talon . Il avoit
époufé le 16. Août 1712. défunte D...." Le Noir,
fille de Louis Simon Le Noir , Confeiller au Grand
Confeil , mort le, 17. Mars 1710. & d'Anne- Elizabeth
Simonnet. Il en laiffe 2. filles , dont l'aînée
Elizabeth -Victoire du Chaftellet , a été mariée le 7 .
Octobre 1734. avec Euſtache - François le Counturier
, Seigneur de Mauregard , & du Mefnil . Madame-
Rance , Préfident en la 5. Chambre des Enquêtes
du Parlement de Paris , ci- devant Préfident
au Grand-Confeil ; & la cadette a été mariée le 21.
Août 1737. avec ....... Petit , Seigneur du Fief des
Portes , à Limoil en Brie.
Alexis - Jean du Chaftellet , apellé le Marquis
du Chaftellet , frere puiné de celui qui vient de
mourir , a époufé le 1o. Mars dernier , Dlle Jeanne
Regnault , fille de défunt Alexandre Regnault ,
Seigneux
JUIN. 1741. 1243
Seigneur de Bazerne & de Totté , Confeiller au
Parlement de Paris , & de Marie - Anne Raudot,
On trouve dans le Mercure Galant du mois de
Juin 1695. une Généalogie en abregé de cette
Maifon du Chaftellet .
Le 11. Jacques- Armand , Marquis de Vaffé , Vi,
dame du Mans , Baron de la Rochemabile , Seigneur
de Balon, &c. Gouverneur du Château Royal
du Pleffis -lès - Tours , Meftre de Camp Lieutenant
du Régiment Dauphin , de Dragons , par Commiffion
du 20. Février 1727. & Brigadier des Armées
du Roy , de la promotion du 18. Octobre
1734. mourut à Paris , âgé de 34 ans 11. mois &
1. jour , étant né le 10. Mai 1706. Il n'a point été
marié. Il laiffe 2. freres , qui font Charles - Emanuel
de Vaffé , apellé le Vidame , auffi né le ro.
Mai 1706. Meftre de Camp d'un Régiment de Cavalerie
, par Commiffion du 4. Mars 1730. & Brigadier
des Armées du Roy , du 15. Mars 1740
non marié , & Armand-Maturin de Vaffé , né le
14. Août 1.708 . Chevalier de l'Ordre de S. Jean de
Jérufalem , Commandeur de Piéton en Flandres ,
& Colonel du Régiment de Picardie, depuis le mois
de Novembre 1734. Ils font tous 3. fils d'Emanuel
Armand , Marquis de Vaffé , Vidame du Mans ,
Baron de la Rochemabile , Gouverneur du Château-
Royal du Plefiis lès - Tours , Meftre de Camp
d'un Régiment de Dragons , & Brigadier des Armées
du Roy , mort à l'âge de 27. ans , le 30. Avril
1710. & de D. Anne . Benigne - Fare - Therefe de
Beringhen , fa veuve.
Le 14. Pierre de Bragelongne , ancien Colonel
d'un Régiment d'Infanterie , & auparavant Capitaine
& Major d'un Régiment de Dragons , mou
rut à Paris , dans un âge très ayançé. Il étoit le
13e & dernier fils de Thomas de Bragelongne , Sei.
-
gneur
1244 MERCURE DE FRANCE
gneur d'Enjenville , Iffy , Pourpry , le Petit Tignonville
& la Madelaine , près Chaftres , premier
Préfident du Parlement de Metz , & Préfident Honoraire
aux Enquêtes du Parlement de Paris , mort
le 6. Mars 1681. & de Marie- Hector de Marle ,
morte le 25. Octobre 1705. & il avoit été
marié le 22. Décembre 1700. avec Genevieve Boucher
, fille de feu Jean Batiſte Boucher , Préfident
à Mortier du Parlement de Metz , & de Magdeleine
Héliffant. Il en laiffe un fils , Capitaine de Dragons
dans le Régiment de Nicolaï , & fait nouvellement
Chevalier de l'Ordre Militaire de S, Louis,
non marié ; un autre fils , fervant dans les Gardes
du Roy de Pologne , Duc de Loraine & de Bar
& marié avec ure Demoiſelle de Loraine ; & une
fille mariée au Sieur de Rumigny , Gentilhomme
de Picardie.
Le 15. Jules- Augufte Potier de Gefures , Chevalier
de l'Ordre de S. Jean de Jérufalem , Lieutenant
de Roy au Pays de Caux , & au Baillage de
Rouen , & Gouverneur du Pont - Audemer , mourut
à Paris , dans la 79. année de fon âge , étant
né le 6. Novembre 1662. Il avoit été reçû Chevalier
de Malthe , de minorité , au Grand Prieuré de
France , le 23. May 1665. Il fervit dès ſa jeuneſſe
dans la Marine ; il fut fait Lieutenant de Vaisseau
le 1. Janvier 1684. Il fe trouva au bombardement
d'Alger & de Gênes. Il fut fait Capitaine des
Vaisseaux du Roy , le 10. Janvier 1687. Le 24.
Avril 1689. le Roy lui donna le Régiment de Balfigny
, Infanterie , à la tête duquel il fervit jufqu'en
1696. qu'il s'en démit. Le 23. Mai de la même
année , S. M. lui donna à la mort de fon frere , le
Marquis de Gandelu , tué à Oberkirk , le Gouvernement
du Pont- Audemer , & la Lieutenance de
Koy au Pays de Caux & au Baillage de Rouen . Il
étoit
JUIN. 1741 1245 .
étoit frere du feu Duc de Trefmes , et de feüe la
Dlle de Gefvres , dont les morts ont été annoncées
dans les Mercures de Mars 1739. p . 822. er
d'Octobre 1740. P. 2328.
Le 16. Eustache- Louis - Henri le Veneur , fecond
Cornette de la Compagnie des Chevau - Legers
Dauphins , depuis le 15. Mars 1740. et auparavant
Capitaine de Cavalerie , fils unique de Henri - Charles
le Veneur , Seigneur de Cesseville , de Creftor ,
de Bailly en Riviere, de S. Ouen et de S. Aignan, près
de Dieppe , et de D. Marie de Pardieu de Maucomble
, mourut à Paris , dans la 25. année de fon âge ,
étant né au Château de Bailly dans le Pays de Caux
le 13. Juin 1716. Il ne laiffe que des foeurs . Il étoit
neveu du Chevalier le Veneur , Commandeur de
Haute- Avéne , dont on a raporté la mort dans le
Mercure de Novembre 1740. p . 2550.
Le même jour , François - Armand le Cornier , Baron
d'Angerville - la - Martez , Seigneur de Sainte
Helene , Labbeville , S. Joüin, Tudtot, Ecretteville ,
Beaumenil , Confeiller en la Grand'- Chambre du
Parlement de Normandie , où il avoit été reçû le
27. Juillet 1693. mourut en fa Terre d'Angervillela
Martez , au Pays de Caux , dans un âge avancé .
Il étoit fils de François le Cornier, Seigneur de Saint
Jouin, de Sainte Helene, &c. qui avoit été fucceffivement
Confeiller au Parlement de Rouen en 1654.
& au Grand Confeil en 1663. & Maître des Requêtes
de l'Hôtel du Roy depuis 1667. jufqu'en 1675 .
Celui - ci étoit fils de Jacques le Cornier , Seigneur
de Sainte Helene , qui fut reçû Conſeiller au même
Parlement de Normandie en 1628. & quifut en 1662.
Commiffaire de la Chambre de Juſtice contre les
Financiers , & ensuite Confeiller d'Etat Ordinaire .
Son petit -fils qui vient de mourir , étant veuf de
D. Marie- Catherine Huë de la Trourie , fa premiere
1246 MERCURE DE FRANCE
miere femme , s'étoit remarié le 30. Septembre
1739 avec une Dlle de la famille de Bailleul, Il
faille de la premiere , Catherine - Françoife -Sufanne
le Cornier de Ste Helene , mariée le 15. Octobre
1740. avec, Louis- François - Jacques - Claude Boutren
, Seigneur de Franqueville , fon coufin germain
, Moufquetaire du Roy de la feconde Compagnie
depuis le premier Avril 1730. & Marie-
Françoife le Cornier d'Angerville , mariée en 1735 .
avec Pierre René Thomas , Confeiller- Sécretaire
du Roy , Maiſon , Couronne de France & de fes
Finances ; & de la derniere une fille , née le 18 .
Avril 1741.
Le 17. D. Petronille Vanderlinde , veuve depuis
le 13. Mai 1732. de Michel Racine , Confeiller-
Sécretaire du Roy Honoraire , Maiſon , Couronne
de France & de fes Finances , ancien Receveur Géneral
des Finances de la Géneralité d'Alençon ,
mourut à Paris , dans un âge avancé , laiffant pour
enfans , entr'autres Louis Philipe Racine d'Ormoy,
Commandeur de l'Ordre de S. Lazare , ancien Colonel
d'Infanterie ; Jean- Baptifte Racine du Jonquoy
, Receveur General des Finances de la Géneralité
d'Alençon ; Elizabeth Henriette Racine ,
époufe de Jerôme Mérault , Baron de S. Denis &
des Coudrayes , Procureur General du Grand Coafeil
; & Marie Albertine Racine , épouse de Jofeph
de Mefmes , Lieutenant Géneral des Armées du
Roy , Grand-Croix de l'Ordre de S. Louis , & Govverneur
de Guife.
Le même jour , Pierre de Badier de Verfeil ,
Gentilhomme du Diocèfe de Clermont en Auvergne
, Chevalier de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
ancien Colonel d'Infanterie , & Gouverneur du
Fort de S. André fur Salins dans le Comté de Bour
gogne , mourut à Paris dans la 80. année de for
âge.
JUIN. 1741.
1247
Le 20. D. Judith - Charlotte de Gontaut de
Biron , époufe de Claude- Alexandre , Comte de
Bonneval , ci - devant Feldt- Maréchal de Camp Géneral
des Armées de l'Empereur , avec lequel elle
. avoit été mariée le 7. Mai 1717. mourut à Paris ,
fans enfans. Elle étoit fille d'Armand - Charles de
Gontaut , Duc de Biron , Pair & Maréchal de France
, Chevalier des Ordres du Roy , Gouverneur
de Landau , & de D. Marie- Antonine Bautru de
Nogent.
Le même jour , D. Marie - Marguerite Bouzitat
de Courcelles , veuve depuis le 10. Octobre 1733.
de Benigne du Trouffet , Seigneur d'Héricourt , du
Boulay & d'Obfonville , Confeiller du Roy en fes
Confeils , Maître ordinaire en la Chambre des
Comptes de Paris , & auparavant Tréforier de France
à Metz , Intendant des Maiſon & Affaires , &
Sécretaire des Commandemens du feu Comte de
Toulouſe , auffi Sécretaire Géneral de la Marine ,
avec lequel elle avoit été mariée au mois de Janvier
1690. iourut à Paris , dans la Communauté des
Miramiones , où elle s'étoit retirée , âgée d'environ
73. ans. Elle étoit fille de feu Pierre Bouzitat , Seigneur
de Courcelles , Controlleur ordinaire de la
Maifon du Roy , & de Marie Picard , morte le 19.
Mai 1695. Elle laiffe pour enfans Benigne- Jerôme
du Trouffet d'Héricourt , Chevalier de l'Ordre de
S., Lazare du 31. Mars 1721. Intendant des Galeres
à Marfeille depuis 1729. & auparavant Commiffaire
Géneral de la Marine ; François- Benigne du
Trouffet d'Héricourt , Abbé Commandataire des
Abbayes de S. Michel de Tonnerre , & de S Martin
de Molôme , O. S..B . Dioc . de Langres , Grand
Prevôt de Chablis , Prieur de N. D de Franchevaux
, Diocèfe de Sens , & Confeiller Clerc au Parlement
de Paris , à la 4º des Enquêtes , où il a été
I. Vol. I reçû
1
248 MERCURE DE FRANCE
reçû le 19. Juillet 1730 Charles du Trouffet d'Obfonville
. Enfeigne en premier au Régiment des
Gardes Françoiles, où il fert depuis 1728. Deux filles,
Religieufes aux Filles de Ste Marie à S. Denis ,& Marie
- Elizabeth du Trouffet d'Héricourt, mariée le 15.
Juillet 1733. avec Hilarion de Roux , Seigneur de
Bonneval & de la Farre , ci - devant Capitaine dans
le Régiment du Roy , Infanterie. Feu Louis -Benigne
du Trouffet d'Héricourt , Chevalier de l'Ordre
Militaire de S. Louis , Enfeigne de Vaiffeaux du
Roy , & Lieutenant pour S. M. au Cap François ,
Côte de S. Domingue , mort à Paris le Avril
1738. âgé de 45. ans , étoit fecond fils de la D.
qui vient de mourir. Il avoit époulé Adrienne - Perrine
Elizabeth de Breda , dont le pere étoit Lieutenant
de Roy , Commandant du Port de Paix dans
l'Amérique. Il en a laiffé des enfans .
3.
Le 22. D. Marie - Anne - Catherine d'Eftrées ,
veuve depuis le 12. Mai 1721. de Michel- François
le Tellier , Marquis de Courtanvaux , de Villequier
& de Creuzy , Comte de Tonnerre & de la Ferté-
Gaucher , Baron de Montmirel , d'Ancy - le - Franc ,
&c. Capitaine Colonel de la Compagnie des 100 .
Suiffes de la Garde ordinaire du Corps du Roy ,
avec lequel elle avoit été mariée le 28. Novembre
1691. mourut à Paris , âgée de 78. ans . Elle étoit
fille de Jean d'Eftrées , Comte de Nanteuil & de
Tourpes , Maréchal & Vice - Amiral de France
Chevalier des Ordres du Roy , Viceroi de l'Amérique
, Gouverneur de Nantes & du Pays & Comté
Nantois , mort le 19. Mars 1707. & de Marie-
Marguerite Morin , morte le 15. Mai 1714. Elle
avoit eu pour enfans Louis le Tellier , Chevalier de
Courtanvaux , mort le 7. Octobre 1709. dans la
11. année de fon âge ; Louis Cefar le Tellier , aujourd'hui
Comte d'Eftrées , connu ci - devant fous
•
le
JUIN.
1741 1243
ICO.
le titre de Marquis de Courtanvaux , Maréchal de
Camp des Armées du Roy du 24. Fevrier 1738. &
marié le 26. Mai 1739. avec la Dlle de Champagne
de Villaines ; Anne - Sabine- Félicité le Tellier
de Courtanvaux , Religieufe à N. Dame de Soiffons
, & François Macé le Tellier , Marquis de Louvois
, qui étoit l'aîné , & Colonel du Régiment .
d'Anjou , Infanterie , & Capitaine - Colonel de la
Compagnie des ico. Suiffes de la Garde du Roy ,
mort dans la 26. année de fon âge , le 24. Septembre
1719. Celui- ci avoit été marié le 1o. Mars
1716. avec Anne- Loüife de Noailles , aujourd'hui
femme en fecondes nôces de Jacques Hipolite
Marquis Mancini, & mere de François- Michel - Cefar
le Tellier , Marquis de Courtanvaux , de Villequier
& de Creuzy , Comte de Tonnerre & de la
Ferté- Gaucher , Baron de Montmirel & d'Ancy- le-
Franc , Capitaine - Colonel de la Compagnie des
100. Suiffes de la Garde du Roy , & Colonel- Lieutenant
du Régiment Royal Infanterie , du 15.
Mars 1740. veuf de Loüife Antonine de Gontault-
Biron , dont la mort eft raportée dans le Mercure
de Juin 1737. vol . 2. p. 1459.
Le 23. D. Helene . Genevieve Baftonneau , veu
ve depuis le 11. Fevrier 1730. de Gabriel de la
Porte , Confeiller & Doyen du Parlement de Paris
, avec lequel elle avoit été mariée au mois de
Novembre 1673. mourut à Paris , âgée d'environ
84. ans , ayant eu pour enfans Gabriel- Nicolas de
la Porte , Confeiller au Parlement de Paris , mort
Lans alliance , âgé de 33. ans , le 25. Janvier
1709. & Marguerite -Françoife de la Porte , premiere
femme de Nicolas de Pleurre , Seigneur de
Romilly , Confeiller Honoraire de la Grand Chambre
du Parlement de Paris , morte âgée de 32. ans,
le 15. Avril 1713. laillant pofterité.
Tij Le
1256 MERCURE DE FRANCE
Le même jour , D. Marie- Angelique Pecquot ;'
veuve depuis le mois de Septembre 1737. d'Antoine
Huet , Seigneur d'Ambrun , Chevalier de
l'Ordre Militaire de S. Louis , Meftre de Camp de
Cavalerie , avec lequel elle avoit été mariée le 10,
Septembre 1725. mourut à Paris , dans la 38. année
de fon âge , étant née le 7. Fevrier 1703. Elle
laiffe 4. ou 5. enfans. Elle étoit fille de feu Pierre
Pecquot , Seigneur de S. Maurice , mort Confeiller
Honoraire en la Grand' -Chambre du Parlement
de Paris , le 26. Avril 1735. & de D. Marie- Claude
Dappougny , fa veuve.
Le même jour , Etienne- Jofeph de la Fare , Evêque
& Duc de Laon , Pair de France , Comte d'Anily
, Abbé Commandataire de l'Abbaye de S. Nicolas
des Prés , fous Ribemont , O. S. B. en fon
Diocèfe , mourut au Château de Lechelles près de
Guiſe , dans la so. année de fon âge. Il avoit été
d'abord Vicaire Géneral du Diocèfe de Soiffons.
Il fut nommé le 5. Fevrier 1723. à l'Evêché de Viviers
, Suffragant de Vienne , qui fut préconisé pour
lui à Rome le 12. Mai fuivant. Il donna en même
tems fa démiffion des Abbayes de S. Barthelemi de
Noyon , O. S. A. & de Mortemer , O. Cit . Dioc.
de Rouen , qu'il avoit obtenuës les 23. Octobre
1717. & 8. Janvier 1721. n'ayant pas encore fes
Bulles pour l'Evêché de Viviers. Il fut tranferé au'
mois de Novembre de la même année 1723. à celui
de Laon , qui fut préconifé & propofé pour lui
à Rome les 12. Janvier & 12. Juin 1724. Il fut facré
le 25. Juillet dans la Chapelle du Séminaire de
S. Sulpice par l'Evêque de Soiffons , affifté des Evêques
d'Avranches & d'Aleth , & le 5. Août il prêta
ferment de fidelité entre les mains du Roy . Il prit
féance au Parlement de Paris en qualité de Pair de .
France , après avoir fait le ferment accoûtumé le
2200
JUIN. 1741. 125
22. Janvier 1725. & il affifta en qualité de Député
de la Province de Rheims à l'Aflemblée Générale
du Clergé de France , tenue à Paris extraordinairement
en 1726. L'Abbaye de S. Nicolas fous Ribemont
lui fut donnée en 1728. Il étoit fecond fils de
Charles- Augufte de la Fare , Comte de Laugere ,
Baron de Balazuc , Seigneur de Mirandol , d'Arlande
, de Valgorge , de Grace , &c. Capitaine des
Gardes du Corps de Philipes fils & petit - fils de
France , Ducs d'Orléans , mort le 29. Mai 1712 .
& de Louife-Jeanne de Lux de Ventelet , morte le
28. Decembre 1691 .
Le 24. Antoine -François de Pardaillan de Gondrin
, Marquis d'Antin , Vice - Amiral de France du
Ponant , & Lieutenant Géneral pour le Roy au
Gouvernement de la Haute & Baffe Alface , mourut
à Breft , en Baffe- Bretagne , dans la 32. année de
fon âge , étant né le 10 Novembre 1769. Il avoit
commencé à fervir fur Mer en qualité de Garde-
Marine dans l'Efcadre commandée par le feu Marquis
d'O , Lieutenant Géneral en 1727. & il fut
fait Lieutenant de Vaiffeau au mois d'Avril 1729 .
à fon retour de Conftantinople , dont il avoit fait
le voyage
fur le Vaiffeau qui y avoit conduit l'Ambaffadeur
de France. Il fut pourvû le 21. Avril 17 31.
de la Charge de Vice- Amiral du Ponant , pour laquelle
il prêta ferment entre les mains du Roy le
29. du même mois , ce fut à la charge de fervir fucceflivement
en qualité de Capitaine de Vaiffeau , de
Chef d'Efcadre & de Lieutenant, Géneral. Il eut en
1737. & 1738. le commandement d'une Efcadre de
Vaiffeaux fur les Côtes de Barbarie . Il commanda
en 1739. celle qui fut envoyée dans la Mer du
Nord , & en 1740. il eut le commandement des
Efcadres qui furent envoyées en Amérique. Il venoit
de rentrer avec cette Efcadre dans le Port de
I iij Breft
1152 MERCURE DE FRANCE
Breft. Il étoit fecond fils de Louis de Pardaillan
Marquis de Gondrin , Colonel d'un Régiment d'Infanterie
, & Brigadier des Armées du Roy , mort le
5. Fevrier 1712 dans la 24. année de fon âge , &
de Marie- Victoire- Sophie de Noailles , aujourd'hui
veuve en fecondes nôces de Louis - Alexandre de
Bourbon , légitimé de France , Comte de Toulouſe.
Le Marquis d'Antin avoit époufé au mois d'Avril
1737. Dlle ...... de Carbonnel de Canify
née en 1725. fille unique & feule héritiere de René
Anne de Carbonnel , Comte de Canify , Marquis
de la Paluelle , Lieutenant de Roy en Bafle- Normandie
, Gouverneur des Ville & Château d'Avranches
, Brigadier des Armées de S M. Sɔû-
Lieutenant de la Compagnie des Chevau - Legers
de la Reine , mort en 1716. & de There fe- Eleonore
Gueftre de Piéval morte le 6. Decembre
1727. Il la laiffe veuve fans enfans.
Le premier Mai D Magdeleine Sabine de la Tour
de Gouvernet , Veuve depuis le 26. Septembre 1705 .
de Charles de Grolée , Comte de Viriville , Goч-
verneur de la Ville & Citadelle de Montelimard, en
Dauphiné , ci- devant Capitaine - Lieutenant de la
Compagnie des Gendarmes de Berri , mourut à Paris
, âgée d'environ 75 ans , laiffant deux fiiles ,
qui font Jeanne- Anne - Magdeleine de Gro ée ,
veuve de François Olivier , Seigneur de Senozan
& du Marquifat de Rofny , Chevalier de l'Ordre
du Roy , Intendant Géneral des Affaires temporelles
du Clergé de France , dont elle a des enfans
& Françoife - Sabine de Grolée , mariée le 19 Avril
1718. avec Etienne Louis de Laubefpine , Marquis
de Verderonne & de Beaurouit , ci devant Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Anglois , qui n'ont point d'enfans . Elle avoit eu
an fils , qui étoit Claude - François de Grolée ,
Comte
JUIN. 1741. 1253
Comte de Viriville , Gouverneur de Montelimard
après fon pere , & mort le 12. Août 1714 à l'âge
de 22. ans , fans avoir été marié La Comteſſe de
Viriville , qui vient de mourir , étoit fille de Charles
de la Tour , Marquis de Gouvernet , & d'Eſther
Hervart , fa veuve , morte en Angleterre le is .
Juillet 1722. âgée de 86. ans .
Le deux , mourut à Paris , âgé de 76. ans ,
Michel de Rothe , Lieutenant Géneral des Armées
du Roy , & Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis Il étoit né le 29. Septembre
166. à Kilkenny , en Irlande , de la famille des Rothe
de Kilcreene , une des plus anciennes & des
plus confidérables de la Comté de Kilkenny. Dès
que le Roy Jacques II . eut permis aux Catholiques
d'Irlande de fervir , il entra au mois d'Avrib
1687. en qualité d'enfeigne dans le Régiment des
Gardes de ce Prince , dont le Comte d'Offery & le
Duc d'Ormond furent en ces tems-là fucceffivement
Colonels. En moins de cinq ans , vi de Rothe
, après avoir paffé rapidement par les grades de
Lieutenant , de Capitaine , de Major , fe trouva
Lieutenant- Colonel de ce Régiment , & pafla avec
lui en France en cette qualité , après la Capitulation
de Limerick. Il s'étoit trouvé aux deux Siéges
de cette Place , aux Batailles d'Aghrim & de la
Boyne , & à toutes les actions confidérables de la
Guerre d'Irlande , où il avoit fait , pendant quelque
tems , les fonctions d'Ajudant & de Major Géneral
de l'Infanterie , & y avoit acquis à l'âge de
27. ans la réputation d'un excellent Officier . Il ne
la perdit pas en France . Il fe diftingua avec tant
d'éclat à la tête des Gardes Irlandoifes à la Bataille
de Nervinde , que le Prince de Conty & le Maréchal
de Luxembourg vinrent lui en marquer
fatisfaction à la tête de ce Régiment . Le Prince de
Iiiij Conty
leur
$254 MERCURE DE FRANCE
Conty l'honofa toujours depuis d'une eftime & d'ane
protection dont il lui donna les marques les
plus fingulieres & les plus flateufes . Le Roy ayant
pris à fon fervice les Troupes Irlandoifes après la
Paix de Ryfwick , M. de Rothe eut un Brevet de
Colonel en 1702. & fut fait Brigadier en 1706 .
Lorfque notre Armée marcha vers Malplaquet au
mois de Septembre 1709. il avoit été forcé de ſe
retirer à Valenciennes , ou une fiévre violente le retenoit
, i foupçonna qu'on en viendroit aux mains,
& malgré tout ce qu'on pût faire pour l'empêcher
de fortir , il fe rendit à l'Armée & y arriva dans le
tems où l'action venoit de commencer ; il chargea
trois fois les Ennemis à la tête de la Brigade d'Infanterie
Irlandoife qu'il commandoit renverfa tout
ce qui le préfenta devant lui , pourſuivit les Ennemis
bien avant dans le Bois de Sars , prit des Drapeaux
, fit des Prifonniers , &c. Il fut chargé enfuite
par le Maréchal de Puyfegur , alors Lieute Canarsi
de baire avec få Brigade feule la retraite
de la gauche où elle fe trouvoit . I refta jufque
bien avant dans la nuit en Bataille fur la Treuille
, & n'arriva que le lendemain matin proche Va
lenciennes ,où là gauche s'étoit retirée dès la veille.
Sans qu'on l'eût mis fur la Lifte , le Roy le nomma
Maréchal de Camp à la Promotion du mois de Mars
fuivant , préferablement à trente fep Brigadiers qui
étoient les anciens . On P'envoya la même année à
Béthune , lorfqu'on prévit que les Ennemis en feroient
le Siége. M. Dupuy- Vauban Lieutenant
Géneral & Gouverneur de Béthune étoit alors malade
, & fa maladie dura pendant le tems du Siége .
Tout le foin de la défenſe roula fur M de Rothe ,
avec une Garnifon foible & des Fo tifications en
mauvais état . Les Ennemis qui croyoient emporter
Béthune en moins de quinze jours , ne l'eurent
namt
qu'en
JUIN. 1741 1255
qu'en 39. jours de tranchée ouverte , & furent obligés
d'augmenter à deux reprifes les troupes qui formoient
le fiége : au fortir de- là il eut 3000. livres
de penfion , & un Brevet pour la premiere place
vacante de Commandeur de l'Ordre de S. Louis. Il
fut fait Lieutenant Géneral au mois de Mars 1720,
il commanda en Languedoc les trois années fuivantes
, & cette Province dût fon falut aux foins qu'il
prit pour la garantir & la délivrer de la contagion
qui fit alors tant de ravages. Les Lettres des Maréchaux
de Villars & de Berwick qu'on a trouvées
parmi les Papiers , fourniffent des preuves de la
confiance & de l'eftime finguliere qu'avoient pour
lui ces deux grands Hommes. Il avoit épousé en
1710. Catherine Midleton , fille du Comte de Midleton
, Miniftre & Secretaire d'Etat de Jacques II.
Roy d'Angleterre . Il laiffe d'elle un fils unique ,
Colonel d'un Régiment d'infanterie Irlandoife au
fervice du Roy.
Le 5. Jacques de Bannes , Marquis d'Avejan
, fecond Enfeigne de la premiere Compagnie
des Moufquetaires de la Garde du Roy , mourut au
Château de Mermouffe près de Dreux , âgé de 12 .
aus , & fans avoir été marié , laiffant une four fon
aînée , fon unique héritiere . Il étoit entré dans la
premiere Compagnie des Moufquetaires en qualité
de fecond Cornette au mois d'Octobre 1734. il
monta à la premiere Cornette au mois de janvier
1737. & devint fecond Enfeigne le premier Juillet
1738. Il étoit fils de feu Louis de Banues , Comte
d'Avejan , Baron de Feirerolles , Seigneur de la
Nuege , de Langerolles , de Montjardin , de Nogent-
lez - Vierges , &c. Baron des Etats de Languedoc
, Lieutenant Géneral des Armées du Roy , &
Capitaine- Lieutenant de la premiere Compagnie
des Moufquetaires de S. M. dont la mort eft ra-
Iv portée A
256 MERCURE DE FRANCE
-portée dans le Mercure du mois de Juin 1738. F
Vol. p. 1222. & de Dame Marie- Angelique du
Four de Nogent , fa veuve.
Le même jour D. Françoile de Roquelaure , veuve
depuis le 10. Août 1738. de Louis Bretagne de
Rohan Chabot , Duc de Rohan , Pair de France
Prince de Leon , Comte de Porrhoët & de Moret,
Marquis de Blain , de Montlieu & de S. Aulaye
avec lequel elle avoit éte mariée le 29. Mai 1708 .
mourut à Toulouſe , âgée d'environ 58. ans . Elle
étoit fille aînée du feu Maréchal Duc de Roquelaure
, dont la mort eſt raportée dans le Mercure
de Mai 1733. p. 1028. & de D. Marie- Louife de
Laval- Montmorency , dont la mort eft inferée
dans le Mercure de Mars 173. p. 6.14 . On a fait
mention des enfans de cette Dame dans le Mercure
d'Août 1738. en raportant la mort du feu Prin-
.ce de Leon fon mari , p. 1876. Elle avoit marié
depuis les deux dernieres filles ; l'une , au Cointe
de Lautrec , comme on peut le voir dans le Mercure
de Mars 1739. p . 619. & l'autre nommée Charlotte-
Felicité - Antoinette de Rohan - Chabot , le 28
Septembre de la même année 1729. avec D... de
Los Rios , Comte de Fernan Nunez , Grand d'Efpagne
& General des Galeres de cette Monarchie.
Le 9. Jean-François le Pileur- d'Apligny , Ecuyer,
mourut dans la 89. année de fon âge ayant été
baptifé le 3. Octobre 1652. Il étoit fecond fils de
-Jean le Pileur fieur de Grand - beaune , Confeiller
du Roy Correcteur en fa Chambre des Comptes
à Paris , & Maître des Requêtes de la feuë Reine
Mere Anne d'Autriche , mort le 27. Avril 1657. &
-de Catherine Heudcbert du Buiffon , foeur de Nicolas
Heudebert , Seigneur du Buiffon , Maître
des Requês ordinaire de l'Hôtel du Roy , puis
Intendant des Finances , décedé au mois d'Octobra
JUIN. 1741.
1257
bre 1715. Il avoit époufé le'4 . Avril 1723. D. Magdeleine-
Therefe Mufnier de Mauroy , fa Coufine.
iffuë de Germain , fille de Pierre Mufnier , Sieur
de Mauroy & de Saint- Auguftin , Confeiller du
Roy , Correcteur en fa Chambre des Comptes à
Paris , & d'Anne le Pileur , ( Coufine germaine da
même fieur d'Apligny ) & fille de Thomas le Pileur
, Confeiller du Roy , Auditeur en fa Chambre
des Comptes à Paris , ( frere puîné de Jean le Pileur
, Sieur de Grand- beaune ) & d'Anne l'Empereur
, niéce de Françoife Marchant , premiere femme
de Louis Boucherat , Chevalier , Maître des
Requêtes , puis Chancelier de France , mort le 2.
Septembre 1699. Il la laiffe veuve , & mere d'Henri-
Auguftin le Pileur , né le 15. Fév. 1728. & de Jeanne
Magdeleine le Pileur , née le 4. Septembre 1716.
M. d'Apligny étoit frere entre autres de Henri-
Auguftin le Pileur , Abbé de Bonnevaux , Ordre de
Citeaux au Diocèfe de Vienne en Dauphiné , & de
l'Abbaye d'Efpérnay en Champagne , Ordre de S.
Auguftin , Diocèfe de Rheims , nommé le 5. Avrik
1711. à l'Evêché de Saintes , & dont il donna au
Roy fa démiffion au mois de Janvier 1716. mortle
25. Avril 1726. de D. Catherine le Pileur , morte,
le 1. Mars 1728. âgée d'environ 77. ans , Veuve
de Charles Paviot , Seigneur de Muffegros , de Bezu-
la-Foreft , du Mefnil fous Verqueville & c . Confeiller
du Roy , fon Procureur General en fa Cour
des Comptes , Aides & Finances de Normandie
& de D. Marie le Pileur , Prieure du Prieuré de S.
Jacques d'Andeli , nommée au mois de Janvier
1713. Abbeffe du Monaftere de Notre- Dame de
Meaux , Ordre de S. Auguftin. Il avoit aufli pour
neveu Auguftin le Pileur , Seigneur de Brevannes
actuellement Confeiller au Parlement de Paris ,
la Seconde Chambre des Enquêtes , où il fut re-
"
&
B. vi
1258 MERCURE DE FRANCE
çû le 15. Juillet 1718. & pour niece feuë D. Marie-
Anne- Catherine le Pileur , mariée 1 ° . le 3,
Février 1717. avec Charles- Hiacinthe Paviot , Seigneur
du Bouillon , & c. Confeiller du Roy & fon
Procureur Géneral au Parlement de Rouen ; 220. en
1727. avec Louis - Guillaume Faure , Seigneur de
S. Gengoult , morte fans enfans le 20. Novembre
1738. âgée d'environ 40 ans .
Outre les alliances ci - deſſus énoncées , MM . le
Pileur en ont encore de directes avec MM . Aimerer
-de- Gazeau , Maling: e , Poncet , Portail , & c .
Le 15. D. Marie- Gabrielle d'Audibert de Luſſan,
Ducheffe de Melfort , mourut au Château de Saint
Germain en Laye , âgée d'environ 66. ans . Elle
étoit fille unique de Jean d'Audibert , Comte de
Lussan , Baron de Valrofe Chevalier des Ordres
du Roy , de la promotion du 31. Décembre 1688 .
& Premier Gentilhomme de la Chambre du Prince
de Condé , mort au mois de Février 1712. & de
Marie -Françoife Raymond , D. de Brignon , de
Senillac & de Rozieres , morte le 8. Octobre 1716 .
Elle avoit été mariée 1 °. le 20. Juillet 1700. avec
Henri- Fitz-James , Duc d'Albemarle , Pair de la Grande
Bretagne , Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere,
Lieutenant Generalides Armées Navales de France,
mort à l'âge de 30. ans le 27. Décembre 1702. lequel
étoit fils naturel de Jacques II . Roy de la
Grande Bretagne ; & en dernier lieu Jean Drummond
, Duc de Melfort , auffi Pair de la Grande
Bretagne ; elle avoit eu du Duc d'Albemarle une
fille qui a été Religieufe .
Le 16. Louis- Antoine Armand, Duc de Gramont
Pair de France, Souverain de Bidache , Sire de Lefparre,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral
de fes Armées , Colonel du Régiment de fes
Gardes Françoiſes , Gouverneur & Lieutenant Géneral
JUIN. 1741 1259
1
neral pour Sa Majefté en fes Royaume de Navarre
, & Province de Bearn , Gouverneur particulier
de la Ville , Citadelle & Châteaux de Bayonne , &
Pays adjacens , & de la Citadelle de S. Jean Pié de
Port , mourut à Paris dans la 54. année de fon âge
étant né le zo . Mars 1688. Le Duc de Gramont
commenç fort jeune à fervir , s'étant trouvé le
19. Juin 1703 au Combat d'Eckeren en Flandres,
où il fuivit fon pere , alors Duc de Guiche , dans
le plus grand péril de cette action . Il fut fait Colonel
d'un Régiment d'Infanterie portant fon nom au
mois d'Aout 1705. il eut au inois de Décembre
1710. celui de Piémont ; ayant atteint l'âge de 25 .
ans,il prêta ferment, & prit féance au Parlement de
Paris en qualité de Pair de France le 6. Avril 1713.
fon pere s'étant démis en fa faveur de fon Duché dès
le mois de Mars 1710. Il fut reçû Colonel du Régi ,
ment des Gardes en furvivance le 17. Janvier 1717.
& fait Brigadier d'Infanterie le 1. Octobre 1718 .
il obtint encore le 25. Octobre 1720. la furvivance
des Gouvernemens dont le Duc fon pere étoit
revêtu , & auxquels il fuccéda par fa mort le 16.
Septembre 1725. Il fut nommé à P'Ordre du Saint
Efprit le 2. Février 1728. & il en reçût la Croix &
le Cordon le 16. Mai fuivant. Il avoit été fait Maréchal
de Camp le 27. Avril 1727. il fut fait Lieutenant
Géneral à la promotion du I. Août 1734.
qui ne fût déclarée que le 20. Octobre fuivant , &
il fut employé en cette qualité dans l'Armée d'Allemagne
pendant la Campagne de 1735. Il étoit fils
aîné de feu Antoine Duc de Gramont , Pair & Maréchal
de France , Colonel du Régiment des Gardes
Françoiſes , Gouverneur & Lieutenant General
de Navarre & Bearn Gouverneur particulier des
Ville , Citadelle , & Châteaux de Bayonne & Pays ,
adjacens , & de S. Jean Pié de Port , mort auffi dans
,
la
1260 MERCURE DE FRANCE
>
Ja 54. année de fon âge , le 16. Septembre 1725.
& de D. Marie- Chriftine de Noailles , aujourd'hui
fa veuve , dont la mere Marie- Françoiſe de Bournonville
Maréchale & Duchesse Douairiere de
Noailles eft actuellement vivante . Le Duc de Gramont
qui vient de mourir avoit été marié le 3 .
Mars 1710 avec Louife Françoife d'Aumont de
Crevant d'Humieres , fille unique & feule préfomptive
heritiere de Louis-François d'Aumont , Duc
d'Humieres , Marquis de Chappes , Gouverneur
du Pays Boulonnois , de Boulogne , Tour d'Ordre,
Eftaples , & Fort de Monthulin , auffi Gouverneur
de Compiegne , & Lieutenant Géneral des Armées
du Roy , & de D. Anne Louife . Julie de Crevant
d'Humieres : il en a eu 2 fils qui font morts en bas
âge , & deux filles , dont l'aînée Marie- Louife- Vitoire
de Gramont , née le 26. Juillet 1723. a été
mariée le 2. Mars 1739 avec ... de Gramont
, Duc de Lefparre né en 1722. fon couſin
germain , alors Capitaine au Régiment des Gardes
Françoifes , depuis fait Colonel du Régiment de
Bourbonnois le 15. Mars 1740. & la cadette, Louife
-Charlotte de Gramont née le 11. Juillet 1725.
a été mariée le 3. Février 1740 avec . .... de
Lorraine Comte de Brionne , né au mois de Septembre
1725. Gentilhomme à Drapeau dans le Régiment
des Gardes Françoifes , & Gouverneur de
la Province d'Anjou , & de la Ville d'Angers . Le-
Duc de Gramont étant décedé fans enfans mâles ,
le Titre de Duc & Pair paffe à Louis Comte de
Gramont fon Frere , né le 29 Mai 1689. Chevalier
des Ordres du Roy , & Lieutenant Géneral de
fe s Armées .
Le nommé Arnauld Sabathier , Tifferand , eft
mort dans la Paroiffe de Vidaillan en Aftarac , Gé
aéralité d'Auch , âgé de 104. ans.
JUIN. 1741: 1281
Le 21. Avril il est née une fille à Louis- François
Jofeph de Pardieu Comte d'Aveménil, de fon mariage
avec D. Gabrielle - Elizabeth de Beauvau , laquelle
a eu pour Parain & Maraine Jacques Tanneguy
le Veneur , Marquis de Tillieres , Capitaine
des Gendarmes Dauphins , & Brigadier des Armées
du Roy , & D. Elizabeth - Charlotte- Candide de
Brancas - Villars , Epoufe de Louis de Brancas des
Comtes de Forcalquier , Marquis de Cerefte , Max
réchal de France , Grand d'Eſpagne , Chevalier des
Ordres du Roy , & Commandant en Chef pour
M. dans la Province & Duché de Bretagne .
S..
Le 22. D. Marie- Anne d'Efcars , Eponſe de Jacques
François de Sales d'Hautefort , Marquis de S.
Chamant , Baron d'Enval , la Chaffaigne ,Cornil , S.
Bonnet, S.Pardoux , Farges, Monceaux , accoucha ea
fon Château de S. Chamant dans le bas Limofin ,
Diocèle de Tulles , d'une fille fon premier enfant ,
après 12. ans de mariage , ayant été mariée le 27 .
Février 1729. comme on l'a remarqué dans le Mer.
cure de Mai 1735 en raportant la mort de la Marquife
d'Elcars la mere , p . 1018.
Le 11. Mai D. Elizabeth-Loüife Duché , mariée
le 29. Mars 1740. avec Jacques Bertrand de Scepeaux
, Marquis de Beaupreau , Lieutenant Géneral
pour le Roy au Gouvernement de la Province
d'Anjou Ville de Saumur , & Pays Saumurois , Co-
Jonel du Régiment Lionnois , Infanterie , accoucha
à Paris d'un fille fon premier enfant.
Le s . Juin Charles Henri- Jules Comte de Cler
mont-Tonnerre , Meftre de Camp d'un Régiment
de Cavalerie , fils de Gafpard de Clermont - Tonnerre
, Marquis de Clermont & de Vauvillers ,
Comte d'Epinac , Thury & autres Lieux , Chevalier
des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral de ſes.
Armées
1262 MERCURE DE FRANCE
Armées , Mestre de Camp Géneral de la Cavalerie
de France , & Gouverneur des Ville & Château de
Béfort , & d'Antoinette Pottier de Novion , épou
fa Marie Anne Julie le Tonnellier Breteüil , fille
de François- Victor le Tonnellier- Breteul , Marquis
de fontenay - Trefigny , Sire de Villebert , Bafon
de Boitron , Seigneur des Chapelles- Breteuil ,
Dumefnil-Chaffemartin , Palaiſeau,& autres Lieux ,
Commandeur des Ordres du Roy , Chancelier de
la Reine , Miniftre & Secretaire d'Etat , ayant le
Département de la Guerre.
Ce Mariage fut célebré à l'Hôtel de ce Miniftre
par M. l'Archevêque de Sens , en préſence du
Curé de S. Euftache .
La Maiſon de Tonnerre eft fi Illuftre & fi connuë
, & on a eu tant d'occaſions de parler de celle
de Breteuil , qu'il a paru inutile d'en raporter ici
les Génealogies .
į į ƒ ş į į į į į į ! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! !
ARRESTS NOTABLES.
SEN
ENTENCE du 7. Octobre 1738. renduë
par Mrs les Prévôt des Marchands & Echevins
de la Ville de Paris , en faveur des Officiers Juvés-
Crieurs , qui fait défenſes à Pierre - François Moullé,
Marchand Fripier , & tous autres Fripiers , de s'immifcer
dans l'arrangement des Céremonies Funebres
, ni faire aucunes fournitures de Manteaux , &
autres , fervant aux dites Céremonies , conformé .
ment aux Ordonnances & Tarif à ce sujet , & qui
le condamne en dix livres d'amende & aux dépens.
ARREST de la Cour du Parlement , du 28.
Avril
JUIN. 1741.
1265
Avril 1741. confirmatif de la Sentence ci- deffus ,
avec amendes & dépens , tant contre ledit Moullé
que contre les Syndic & Jurés en Charge de la
Communauté des Maîtres & Marchands Fripiers ,
qui avoient auffi interjetté Apel de ladite Sentence ,
& pris le fait & caufe dudit Moullé , lequel Arrêt
permet de le faire imprimer , & porte qu'il fera
tranſcrit dans les Registres des deux Communautés.
Par le même Arrêt il eft dit ce qui fuit,
Notredite Cour faifant droit für le tout, fans s'ara
rêter aux demandes de Pierre François Moullé , ni
aux interventions & demandes des Jurés & Communauté
des Fripiers de Paris , portées par Requê→
tes des 26. Novembre , premier Decembre 1738.
9. Fevrier & 26. Avril 1740. dont ils font déboutés,
ayant aucunement égard à la demande des Syndic
& Communauté des Jurés Crieurs , portée par Requête
du 24. Novembre 1738. a mis & met les
Apellations au néant ; ordonne que ce dont a été
apellé fortira fon plein & entier effet ; condamne
edit Moullé & les Jurés & Communauté des Fripiers
és amendes de 12. livres , & chacun à leur
égard en tous les dépens des Caufes d'apel , intervention
& demandes envers les Syndic & Communauté
des Jarés Crieurs ; & fera le preſent Arrêt im
primé & tranfcrit fur les Regiftres des deux Communautés
. Mandons mettre le préfent Arrêt à execution,
felon la forme & teneur : De ce faire te donnons
tout pouvoir. Donné en notre Cour de Par
lement le 28. Avril 1741. & de notre Regne le 26.
Collationné. Signé , le Seigneur . Par la Chambre ,
Dufranc.
DECLARATION DU ROY , du 31. Janvier ,
qui renouvelle les défenfes faites aux nouveaux
Convertis de vendre leurs biens pendant le tems
1264 MERCURE DE FRANCE
de trois ans. Registrée en Parlement le 17. Fes
vrier 1741 .
ARREST du 22. Fevrier , qui ordonne la fupresfon
d'un Livre , &c . par lequel le Roy étant en fon
Confeil , de l'avis de M. le Chancelier a ordonné
& ordonne que le Lrofe i titulé : Mſſel Romain ſelon
le Reglement du Concile de Trente ,
traduit en
François , nouvel: Elition , à Sainte -Menehould ,
chés de Liege , 1737. fera & demeurera fuprimé ;
ordonne Sa Majesté que les Exemplaires du Livre ,
fa fis , tant chés de Liege à Verdun , que chés Savoye
à Paris , feront confifqués & mis au pilon ;
fçavor , ceux qui ont été fafis à Veriun , en préfence
des Imprimeurs & Libraires de la Ville , qui
feront à cet effet convoqués extraordinairement par
le Lieutenant de Géneral de Police ; & ceux qui
ont été faifis chés Savoye, en la Chambre Syndicale
de la Ville de Paris , à la diligence des Officiers de
la Chambre : Révoque & annuile Sa Majefté , la per
miffion qu'elle avoit accordée à de Liege , d'exercer
l'Art de l'imprimerie dans la Ville de Verdun.
& lui fait défenfes de s'en fervir à l'avenir . Enjoint
au fieur de Creil , Intendant & Commiffaire départi
dans la Generalité de Metz , de tenir la main
à l'execution de l'Arrêt , &c .
DECLARATION du Roy, qui proroge jufqu'an
dernier Decembre 1741. la repréfentation des Titres
à la Chambre des Comptes . Donnée à Verſailles
le 14. Mars. Regiftrée en la Chambre des
Comptes le 23.
ORDONNANCE du 27. de S. E. M. le Cardinal
de Fleury , Miniftre d'Etat , Grand Aumônier de la
Reine, Grand -Maître & Sur -Intendant Géneral des
Couriers ,
JUI N. 1741 . 1265
Couriers , Poftes & Relais de France , par laquelle
il est dit ce qui fuit.
Ayant confideré combien il eft important au fervice
du Roy & au bien du Public , de procurer la
diligence & la fûreté des Malles portant les dépêches
du Roy & celles du Public , de Paris à Strasbourg
, & de Strasbourg à Paris , par la route de
Rheims , Chaalons , Verdun , Metz & Vic , Nous
croyons ne pouvoir rien faire de plus avantageux ,
que d'etablir fix grands Couriers pour ce ſervice ,
ainfi & de la même maniere que Nous les avions
établis dans l'année 1734. par notre Ordonnance
du 11. Mars de la même année ; à l'effet de quoi
Nous avons ordonné & ordonnons , qu'à commencer
du 15. Avril prochain le fervice des Malles de
Strasbourg par la route de Chaalons , Verdun , Metz
& Vic , fera fait par les Maîtres de Pofte trois fois
la femaine en allant , & trois fois la femaine en revenant.
Pourquoi Nous enjoignons aux Maîtres de
Pofte de fournir chacun trois chevaux chaque ordinaire
d'aller , & autant chaque ordinaire de retour
aux Couriers de Paris à Strasbourg, & de Strasbourg
à Paris , & c.
P
AUTRE du Roy du 18. Avril , qui renouvelle les
défenfes des Jeux prohibés , dont la teneur fuit.
S. M étant informée que l'inéxécution de fes
Ordonnances concernant les Jeux de hazard ,
donné lieu à un fi grand nombre d'abus , que depuis
quelques années il s'eſt établi de ces fortes de
jeux dans tous les quartiers , & même dans prefque
toutes les rues de Paris : le mal a été porté fi
loin , que des Aprentifs , des Garçons de Boutique
& des Domeftiques , après avoir perdu l'argent qui
leur avoit été confié , ou qu'ils avoient volé à leurs
Maîtres , fe font livrés au défeſpoir , leurs Maîtres
oni
266 MERCURE DE FRANCE
ont fait banqueroute , des Enfans de famille ont été
obligés de contracter des dettes ufuraires , & des
Officiers des Troupes de Sa Majeſté ſe ſont ruinés .
Dans le nombre de ces jeux , il y en avoit , & il y
en a peut-être encore , où les dépôts de toutes for- /
tes d'effets étoient reçûs , pour procurer aux Joueurs
la facilité de fatisfaire leur penchant , & fouvent ces
effets avoient été volés . Dans quelques-uns , on y
reçoit des gens de tous états & de tout fexe , & lẹ
jeu n'eft qu'un prétexte pour couvrir la corruption
des moeurs la plus repréhenfible. Comme tous ces
défordres, fi contraires aux intentions de S , M. demandent
le reméde le plus promt & le plus efficace,
Elle croit devoir renouveller les défenfes portées
par les Ordonnances ; A CES CAUSES , S. M. a fait
de nouveau très - expreffes inhibitions & défenſes à
toutes perfonnes , de quelque rang , dignité , qualité
& condition qu'elles foient , de donner à jouer
ni jouer aux jeux déja prohibés par les Ordonnances
de S. M. et notamment à ceux apellés les Troisdez,
le Tope et Tingue, et le Faffe-dix , les Deux - dez, le
Quinquenove et le Mormonique , le Hoca , la Bafette,
le Pharaon , la Dupe , le Biriby , la Roulette, le Pairou-
non , le Quinze , les Petits -paquets , et autres
femblables , fous quelques noms et formes qu'ils
puiffent être déguifés , que S. M. défend très - expreffément
: Voulant qu'il ne ppuuiiffffee yy être joué
dans aucuns Hôtels ou Maifons que ce puiffe être ,
même dans les Maiſons Royales , à peine de défobéiffance
et de prifon . Enjoint S. M. au fieur Feydeau
de Mirville , Confeiller en fes Confeils Maître
des Requêtes ordinaire de fon Hôtel , Lieutenant
General de Police de la Ville de Paris , de tenir
la main à l'exécution de la préfente Ordonnance
, et de l'informer des contraventions , afin qu'il
foit par Elle pourvû avec toute la féverité con-
Y
venable
JUIN. 1741
1267
1
venable ; fans préjudice des condamnations qui
pourront être prononcées contre les contrevenans ,
en exécution des Arrêts du Parlement et des Reglemens
de Police , que S. M. veut être exécutés
felon leur forme et teneur . &c.
AUTRE du 15. Mai , pour mettre à quarante
hommes,chacune des Compagnies de Fufiliers de fes
Régimens d'Infanterie Françoife & Irlandoiſe , ainſi
que celles du Régiment des Gardes de Loraine , &
celles de Grenadiers , à 45. hommes chacune.
AUTRE du même jour , portant augmentation
d'hommes en chacune desCompagnies des huit Ré
gimens Suifles , & dans celles de celui de Travers ,
Grifon , qui font à fon fervice.
“AUTRE du même jour , portant augmentation
dans les Régimens d'Infanterie Allemande .
AUTRE du 16. portant un nouveau délai aux
Officiers de les Troupes , abfens par ſemeſtre , congé
ou prorogation de congé.
ses
Le fecond Volume eft actuellement fous pres
& paroîtra inceffamment,
APROAPROBATION.
J
'Ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le premier Volume du Mercure de France du mois
de Juin , & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre l'im,
pression. A Paris , le premier Juillet 1741 .
HARDION.
TABL E.
IECES FUGITIVES. Paraphrafe du Cantique
de Moyfe , 1058
Lettre de M. ・・au ſujet de la défenſe de la Lettre
R.
1069
Défenſe fur le même ſujet ,
Lettre écrite à l'Abbé Mervefin ,
1078
1079
Plaintes de l'R .
Lettre fans R. au R. P. Bailly ,
Réponse à ces plaintes & Jugement ,
Epigramme fur le même fujet ,
1084
1086
1087
1092
Lettre fur une Differtation Latine de M. Gravina ,
Ode , le Printems ,
Difcours fur la Profeffion d'Avocat ,
Fable , le Cinique & le Mâtin .
1093
IIOI
1104
IIII
Suite du Mémoire Hiftorique fur une Médaille
d'Herode Antipas , &c. 1113
1123
Sonnet fur les rimes propofées en Janvier ,
Lettre écrite par M. D. L. R. au Marquis de B ..
Fable , le Coq d'Inde & le Marcaffin ,
Réponse de M. Deftouches à M. Tanevot ,
Vers à M. le Cardinal de Fleury ,
...
1124
1136
1138
1158
Enigme ,
Enigme, Logogryphes , & c . IIGO
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ,
&c. Hiftoire Généalogique de la Maiſon du
Châtelet ,
Hiftoire de la Ville de Carcaffonne ,
Coûtumes Génerales d'Artois ,
1163
1168
1171
Recueil fur les Dixmes , Portions congruës , &c.
Traité de la Sphere ,
1174
ibid.
Principes fur le Mouvement & l'Equilibre , ibid.
Additions au Commentaire de la Coûtume de Bourbonnois
,
Monumenta Typographica , &c .
Description du Cap de Boune Efperance ,
Lettres fur les principes de la Religion ,
ibid.
1175
ibid.
1176
Differtation Hiftorique fur les Duels , Ordre de
Chevalerie , &c. ibid.
Avis fur ' Hiftoire des anciens Poëtes Provenvençaux
,
Abregé de toute la Médecine- Pratique ,
1177
ibid.
Avis fur la Defcription des Céremonies de Rome ,
1178
Changemens arrivés à l'Académie des Sciences
Prix proposé par la même Académie ,
ibid.
1179
Aflemblée publique de l'Académie de Lyon ,
1183
Estampes nouvelles ,
1192
Nouveaux Livres de Mufique , 1194
Lettre du Comte de Bievre , fur les Horloges ,
1195
Chanfon notée ,
1200
Spectacles , Extrait de Mélanide ,
L'Empire de l'Amour remis au Théatre ,
Théatre Italien ; Arlequin Maître & Valet ,
L'Echo du Public , remis au Théatre ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie ,
1202
1212
ibid.
1213
ibid.
Ruffie,
Ruffie
7219
Suede & Allemagne ,
Ratisbonne & Pruffe ,
Silefie , Italie & Elpagne ,
1219
1221
1224
1227
1233
Portugal , Genes , Ile de Corfe & Grande - Bretagne
,
Rondeau de M. P. S. P. A. A. P. & c ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c . 1234
Entrée du Nonce du Pape ,
1237
Concerts des Tuilleries & chés la Reine , 1239
Loterie Royale , tirée , & c. 1241
Morts , Nailfances & Mariage , ibid,
Arrêts notables , 1262
Fautes à corriger dans ce Livre.
P Age 1072. ligne 25. Chafteuil. & 26. Chaffeüil , liſezì
P. 1178. 1. 3. du bas , Crofyere , 1. Croyere.
P. 1194. 1. 21. Violon de Chelle , 1. Violoncelle
La Chanson notée doit regarder la page 1206
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY.
JUIN. 1741 .
SECOND VOLUME.
COLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
Chés La Veuve PISSOT , Quai de Conty
à la descente du Pont - Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M.. DCC . XLI.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
LA
A VIS.
>
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
L'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
T
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
AV
JUIN. 1741 .
*************
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LES LIVRES SAINTS ,
ODE.
Lue dans l'Académie Royale des Sciences &
Beaux- Arts de Villefranche en Beaujolais ,
le 12. Mai 1741 .
Aines Déités du Permesse ,
Frivoles Enfans de l'Erreur ,
Dont la menfongere faveur
Berça ma folâtre jeunesse ,
Mon coeur ne connoît plus yos Loix .
11. Vol.
A ij
Su
1272 ML
Sur les purs accens de ma voix
La Vérité répand fes beautés immortelles ;
J'en adore l'impreffion , ་
Et bien-tôt enlevé fur le feu de fes aîles ,
Je vole au faint Mont de Sion.
Qu'y vois-je? ô mon Dieu ! c'eft vous- même
La foudre brille dans les Airs ;
Le feu conftant de mille Eclairs
Annonce la Grandeur ſuprême ,
Sur votre Trône étincelant ,
Parlez au Monde , Dieu puissant ;
Fout tremble à la lueur de ces divins Spectacles ;
Devons- nous périr dans ce jour ?
Qu'ai je dit je me tais : vous rendez vos Oracles
Par la bouche de votre amour,
*
Ta voix nous en flâme , Loi pure
Que nous imprime l'Eternel ;
L'Univers fera ton Autel ;
Regne fur toute la Nature ,
Déja pénetrés faintement
Nos coeurs confacrent le moment
Où de fon fein un Dieu vient de te faire éclore
Détruis la fiere iniquité ,
Jaloufe de tes droits , du Couchant à l'Aurore
Seme ta célefte clarté.
Je
JUIN. 1273 1741.
Je la vois briller ; elle vole ,
Portée fur le trait vainqueur
D'un Dieu , devenu le Docteur
Du Monde affis fur fa Parole.
Sur l'ufage de fes leçons ,
Potentats , Trônes , Nations ,
Vous verrez de vos jours la gloire mefurée ;
C'eft à votre fidélité
Que le Ciel doit des biens dont l'éclat , la durée
Egaleront l'Eternité .
*
En vain , Philofophe rebelle ,
Sous les fleurs m'offrant le poiſon ,
Tu veux abreuver ma raifon
Dans la Coupe de l'Infidelle .
Sourd à tes vains enſeignemens ,
Je pleure tes égaremens.
De cent doutes cruels tu te fais un Dédale ;
Et la Foi rend fereins mes jours
Par le même flambeau dont la lueur fatale
Te montre l'abîme où tu cours .
*
Non , du Monftre que je détefte
A l'oeil perfide , au doux maintien
Jamais mon coeur , humble & chrétien
N'écoutera la voix funefte.
A iij Seul
1274
MERCURE DE FRANCE
Seul , guidez ma route , Seigneur ;
L'inexplicable profondeur
De ces fublimes Loix , par vous -même dictées ,
Enchaîne à jamais mon efprit
Au joug des vérités qui furent cimentées
Du Sang même de Jefus- Chrift .
Par M. Boule , un des Principaux du Col
lege de Villefranche , en Beaujolois.
EXPOSITION du Livre des Inftitutions
de Phyfique , dans laquelle on examine
I
les idées de M. de Leibnits.
La parû au commencement de cette année
un Ouvrage qui feroit honneur à
notre fiécle , s'il étoit d'un des principaux
Membres des Académies de l'Europe . Cet
Ouvrage eft cependant d'une Dame , & , ce
qui augmente encore le prodige , c'eft que
cette Dame ayant été élevée dans les dillipations
, attachées à la haute naiffance , n'a
eû de Maître que fon génie & fon aplication
à s'inftruire..
Ce Livre eft le fruit des leçons qu'elle a
données elle -même à fon fils ; elle a eû la
patience de lui enfeigner elle feule ce qu'elle
avoit eû le courage d'aprendre. Ces deux
mérites:
JUIN. 1741: 1279
mérites font également rares ; elle y en a
ajoûté un troiliéme , qui releve le prix des
deux autres , c'eft la modeftie de cacher fon
nom .
L'Ouvrage eft intitulé , Inftitutions de Phyfique
, & fe vend à Paris , chés Prault ,
fils
Quai de Conty. On n'en a encore que le
premier Tome , qui contient vingt & un
Chapitres. L'illuftre Auteur commence par
un Avant- propos , capable de donner du
goût pour les Sciences à ceux à qui leur génie
en refusé. Tout y eft naturel & en même-
tems fublime . Une des Perfonnes des
plus respectables quí foient en France , s'eſt
exprimée ainfi en parlant de cet Avant propos
dans une de fes Lettres : " Ce n'eft pas
»vouloir avoir de l'esprit , c'eft en avoir na-
*turellement , plus qu'on n'en connoît à
perfonne. Ce n'eft pas vouloir écrire mieux
» qu'un autre , c'eft ne pouvoir écrire que
mille fois mieux ; elle eft la feule dont on
" voye la gloire fans envie.
On gâteroit un tel Eloge fi on vouloit
y ajoûter ; on fe bornera donc ici à rendre
compte de cet Ouvrage , moins encore pour
le plaifir d'en parler , que pour celui d'en
faire une étude nouvelle .
Les Idées Métaphyfiques de Leibnits , font
l'objet des premiers Chapitres. C'eſt une
Philofophie qui , jusqu'ici n'a guere eû cours
A iiij qu'en
1276 MERCURE DE FRANCE
qu'en Allemagne , & qui a été commentée
plutôt qu'éclaircie ; Leibnits avoit répandu
dans fa Teodicée & dans les Actes de Leipfik;
quelques idées de fes Syftêmes . Le célebre
ProfeffeurWolf a déja fait dix Volumes in- 4° .
fur ces matieres , & les Inſtitutions de Phyfique
paroiffent expliquer tout ce que Leibnits
avoit refferré , & contenir tout ce que
M. Wolf a étendu .
De la Raifon fuffifante.
Le premier principe qu'on éclaircit avec
Méthode & fans longueur , dans le Livre des
Inftitutions Phyſiques , eft celui de la Raifon
fuffifante.
Depuis que les hommes raifonnent , ils
ont toujours avoüé qu'il n'y a rien fans cause
; Leibnits a inventé, dit on , un autre principe
de nos connoiffances , bien plus étendu ,
c'eft qu'il n'y a rien fans Raifon fuffifante. Si
par raifon fuffisante d'une chose , on entend
ce qui fait que cette chose eft ainfi , plutôt
qu'autrement , j'avoue que je ne vois pas ce
que Leibnits a découvert. Si Leibnits a entendu
que nous devons toujours rendre une
Raison fuffifante de tout , il me femble qu'il
a exigé un peu trop de la Nature humaine.
J'imagine qu'il eût été embarraſſé lui - même
, fi on lui avoit demandé pourquoi les
Planettes tournent d'Occident en Orient ,
plutôt
JUIN. 1741.
1277
plutôt qu'en fens contraire , pourquoi teile
Etoile eft à une telle place dans le Ciel, & c.
Ainfi il me paroît que le principe de la
Raison fuffifante n'eft autre chofe que celui
des premiers hommes ; il n'y a rien fans caufe.
Refte à fçavoir fi Leibnits a connu des
causes fuffisantes qu'on avoit ignorées avant
lui.
Des Indifcernables.
Le fecond principe de Leibnits , eft qu'il
n'y a & ne peut y avoir dans la Nature deux
chofes entierement femblables. Sa preuve de
fait étoit que , fe promenant un jour dans le
Jardin de l'Electeur de Hanovre , on ne put
jamais trouver deux feuilles d'arbres indifcernables
; fa preuve de droit étoit que s'il y
avoit deux chofes femblables dans la Nature
il n'y auroit pas de raiſon ſuffiſante pourquoi
l'une feroit à la place de l'autre . Il vouloit
donc que le plus petit de tous les corps imaginables
fût infiniment different de tour autre
corps. Cette idée eft grande : il paroît
qu'il n'y a qu'un Etre tout-puiffant qui ait pûfaire
des chofes infinies infiniment differentes.
Mais auffi il paroît qu'il n'y a qu'un Etre
tout - puiffant qui puiffe faire des chofes infiniment
femblables , & peut - être les premiers
élemens des chofes doivent- ils être ainfi , car
comment les efpeces pourroient - elles être
A v repro
1278 MERCURE DE FRANCE
,
reproduites éternellement les mêmes , fi les
élemens qui les compofent étoient abfolument
differens ? comment , par exemple
s'il y avoit une difference abfolue entre cha- ly
que élement de l'Or & du Mercure , l'Or &
le Mercure auroient ils un certain poids qui:
ne varie jamais ? la propofition de Leibnits.
eft ingénieufe & grande ; la propofition contraire
eft auffi vraisemblable pour le moins
que la fienne. Tel a toujours été le fort de
la Métaphyfique. On commence par deviner,.
on pafle beaucoup de tems à difputer , & on
finit par douter.
De la Loi de continuité.
La Loi de continuité eft un principe de:
Leibnits , fur lequel l'illuftre Auteur a plus.
infifté que fur les autres , parce qu'en effet
il y a des cas où ce principe cft d'une verité
inconteftable.
La Géometrie & la Phyfique, qui eft apuyée
für elle , font voir que dans les directions
des mouvemens il faut toûjours paffer par
une infinité de dégrés , & c'eft même le fon
dement du calcul des fluxions , inventé
Newton & publié par Leibnits.
par
Newton a montré le premier que l'incrément
naiffant d'une quantité mathématiqueeft
moindre que la plus petite affignable , &
que ces quantités peuvent augmenter par des.
deJUIN.
17418 1279
dégrés infinis jufqu'à une telle quantité qui
foit plus grande qu'aucune affignable : voilà
ce qu'on apelle les fluxions.
Je demanderai feulement , fi avant que l'incrément
naiffant commence à exifter , il y a
là une continuité ? n'y a-t'il pas une diſtance
infinie entre exifter & n'exifter pas ?
Je ne vois guére des cas où la Loi de continuité
ait lieu , que dans le mouvement ; il
me femble que c'eft là feulement que cette
Loi eft obfervée à la rigueur. Car peut être
ne pouvons- nous dire que très - improprement
qu'un morceau de matiere eft continu ;
il n'y a peut- être pas deux points dans un
lingot d'Or entre lefquels il n'y ait de la
diſtance.
C'eft de cette Loi que Leibnits tire cet
axiome il ne fe fait rien par faut dans la
Nature . Si cet axiome n'eft vrai que dans le
mouvement , cela ne veut dire autre chofe ,
finon que ce qui eft en mouvement n'eſt pas
en repos , car un mouvement eft continué
fans interruption jufqu'à ce qu'il pérille , &
quand il dure ; il ne peut admettre du repos.
Il en faut donc toujours revenir au grand
principe de la contradiction , premiere fource
de toutes nos connoiffances , c'est - à - dire
qu'une chofe ne peut exifter & n'exifter pas
en même tems. Et c'eft auffi le premier principe
admis par Pilluftre Auteur , & qui tiene
A vj licu
1280 MERCURE DE FRANCE
Lieu de tous ceux
que
Leibnits y veut ajoûter.
Si on prétendoit
que la Loi de continuité
:
eût lieu dans toute l'économie
de la Nature,
on fe jetteroit
dans d'affés
grandes
difficultés;
il feroit,ce me femble, mal aifé de prouver
qu'il y a une continuité
d'idées
dans le cerveau
d'un homme
endormi
profondément
,
& qui eft tout d'un coup frapé de la lumiere
en s'éveillant
. Si tout étoit continu
dans la
Nature
, il faudroit
qu'il n'y eût point de
vuide , ce qu'il n'eſt pas aifé de prouver , &
s'il y a du vuide , on ne voit pas trop comment
la matiere
fera continuë
, auffi l'illuſtre
Auteur
dont je parle ne cite d'autres
effets
de cette Loi de continuité
que le mouvement
, & les lignes
courbes
à rebrouſſement
produites
par le mouvement
..
De Dieu.
L'Auteur des Inſtitutions Phyſiques prou
ve un Dieu par le moyen de la Raifon fuffifante.
Ce chapitre eft à la fois fubtil & clair.
L'Auteur paroît pénetré de l'existence d'un
Etre Créateur. Elle croit avec Leibnits que
Dieu a créé le meilleur des Mondes poffi-
Bles , & fans y penfer , elle eft elle - même
une preuve que Dieu a créé des chofes exaellentes..
Des
JUI N. 1741 . 128 1
Des Effences , &c.
Tout ce que l'on dit ici des Effences , &c.
eft d'une Métaphyfique encore plus fine que
Le chapitre de l'Exiftence de Dieu ; peut être
quelques Lecteurs en lifant ce chapitre feroient
tentés de croire que les effences des
chofes fubfiftent en elles mêmes , je ne crois
pas que ce foit là la penfée de l'illuftre Auteur.
Loke regarde l'effence des chofes uniquement
comme une idée abftraite que nous
attachons aux Etres , foit qu'ils exiſtent ou
non. Par exemple , une figure fermée de trois
côtés eft apellée du nom de triangle ; nous
apellons ainfi tout ce que nous concevons
de cette efpece . C'eſt là fon effence ab effendo,
c'eft ce qui eft , foit dans notre imagination ,
foit en effet. Ainfi, quand nous nous fommes.
faits l'idée d'un Evêque de Mer , l'effence de
cet Etre imaginaire eft un Poiffon qui a une
efpece de Mitre ſur la tête.
Mais ,fi nous voulons connoître l'effence de
la matiere en general , c'eft- à -dire ce que c'eſt
que matiere , nous y fommes un peu plus embaraffés
qu'à un triangle. Car nous avons biem
pû voir tout ce qui conftitue un triangle quelconque
, mais nous ne pouvons jamais connoître
ce qui conftitue une matiere quelconque.
Et voilà en quoi il paroît que l'inventeur
1282 MERCURE DE FRANCE
feur Leibnits & le Commentateur Wolfus
fe font engagés dans un labirinthe de fubtilités,
dont Loke s'eft tiré avec une très grande
circonfpection. Je ne fçais fi on peut admettre
cette regle du célebre Profeffeur Wolf,
que les déterminations primordiales d'un
Étre font fon effence; que, par exemple,deux
côtés & un angle qui font les déterminationsprimordiales
, font l'effence d'un triangle ;
car deux côtés & un angle font auffi les premieres
déterminations d'un quarré d'un trapeze.
Il faudroit à mon avis pour que cette
regle fût vraye , que deux côtés & un angle
étant donnés, il ne pût en réfutter qu'un triangle.
L'effence eft , felon moi , non pas
feulement
ce qui fert à déterminer une chofe ,
mais ce qui la détermine differemment de
route autre choſe.
Ce que les Philofophes difent encore desattributs
, & furtout des attributs de la matiere
, ne paroît pas entraîner une pleine conviction
; ils difent qu'il ne peut y avoir de
proprietés dans un fujet que celles qui dérivent
de fon effence . Mais on ne voit pas
comment la proprieté d'être bleu ou rouge ,.
eft contenue dans l'effence d'un triangle ou
d'un quarré.
Il faut qu'un attribut ne répugne pas à
l'effence d'une chofe. Mais il ne femble pas
néceſſaire qu'il en-dérive.. Par exemple , pour
qu'un:
JUTN. 1741. 1283
que
le
qu'un Animal puiffe avoir du fentiment , il
fuffir le fentiment ne répugne pas à la
matiere organifée ; mais il ne faut pas que
fentiment foit un attribut néceffaire de la:
matiere organifée . Car alors un Arbre , une
Montre , auroient du fentiment.
Des Hypothefes.
L'illuftre Auteur favorife affés Leibnits
pour faire l'apologie des Hypothefes. Si on
apelle Hypothefes des recherches de la verité
, il en faut fans doute. Je veux fçavoir
combien de fois 15. eft contenu dans 200 .
je fais l'hypothefe de 14. & c'eft trop , je
fais celle de 13. & c'eſt trop peu , j'ajoûte
un reste à 13. & je trouve mon compte :
voilà deux recherches , & je ne me fuis expofé
fur aucune,avant que j'aye découvert la
verité. Mais fupofer l'harmonie préétablie des
monades , un enchaînement des chofes avec
lequel on veut rendre raifon de tout , n'eſtce
pas bâtir des hypothefes,pires que les tourbillons
de Defcartes & fes trois élemens ? il
faut faire en Phyfique comme en Géometrie ,
chercher la folution des Problêmes , & ne
croire qu'aux démonſtrations.
De l'Espace.
>>
La queftion . de l'Elpace n'a peut- être ja ~
mais été traitée avec plus de profondeur . On
Veugr
1284 MERCURE DE FRANCE
veut ici avec Leibnits qu'il n'y ait point d'efpace
pur , que par conféquent toute étenduë
foit matiere , qu'ainfi la matiere rempliffe
rout , &c. Leibnits avoit commencé autrefois
par admettre l'efpace ; mais depuis qu'il
fut le fecond inventeur des fluxions , il nia
la réalité de l'efpace que Newton reconnoiffoit.
"
»
» L'idée de l'Efpace , dit - on , dans ce
chapitre , vient de ce qu'on fait unique-
» ment attention à la maniere des Etres,d'exiſter
, l'un hors de l'autre ; & qu'on fe repréfente
que cette coexistence de plufieurs
» Etres produit un certain ordre ou reffemblance
dans leur maniere d'exifter , enforte
qu'un de ces Etres étant pris pour le pre-
» mier , un autre devient le fecond , un autre
» le troifiéme. » C'eft ainfi que le célebre
Profeffeur Wolfius éclaircit les idées ſimples.
»
Loke s'étoit contenté de dire ; j'avouë que
j'ai acquis l'idée de l'efpace par la vûë & par
le toucher. Les Loke , les Newton , les
Clarke , les Jurin , les Sgravefende , les Mufhembroeck
, ont tous penfé qu'il fuffiroit d'avoir
vû deux murailles , pour avoir l'idée de
Pefpace , comme il fuffit d'avoir marché , pour
avoir l'idée de la folidité.
La question eft de fcavoir s'il y a un ef
pace pur ou non. Defcartes avança que la
matiere eft infinie & que le vuide eit impof
fible ;
JUIN. 1741.
1285
fible ; fi cela étoit , Dieu ne peut donc anihiler
un pouce de matiere , car alors il y auroit
un pouce de vuide. Or il eft affés extraordinaire
de dire que celui qui a créé une
matiere infinie, ne peut en anéantir un pouce.
Les Sectateurs de Defcartees n'ayant jamais
répondu à cet argument , Leibnits fortifia
d'un autre côté cette opinion qui crouloit
de ce côté - là .
Il dit que fi le Monde a été créé dans l'es- .
pace pur , il n'y a pas de raison suffisante
pourquoi ce Monde eft dans telle partie de
l'espace , plutôt que dans un autre ; mais il
paroît que Leibnits n'a pas songé que dans
le plein il n'y a pas plus de raison suffisante,
pourquoi la moitié du Monde qui eft à notre
gauche n'eft pas à notre droite ; Leibnits vouloit-
il donner une raison suffisante de tout
ce que Dieu a fait ? c'eft beaucoup pour un
homme.
La principale raison qui engagea Wen ;
Wallis , Barron , Newton , Clarke , Loke ,
& presque tous les grands Philosophes , à
admettre l'espace pur , eft l'impoffibilité
géometrique & phyfique qu'il y ait du mouvement
dans le plein absolu. Leibnits qui
avoit , comme on a dit , changé d'avis sur
le vuide , a été obligé de dire que dans le
plein le mouvement circulaire peut avoir
lieu à cause d'une matiere très- fine qui peut
y circuler. Si .
1286 MERCURE DE FRANCE
Si on vouloit bien faire attention qu'une
matiere très - fine infiniment preffée devient
une maffe infiniment dure , on trouveroit
ce mouvement circulaire un peu difficile .
Newton d'ailleurs a démontré que les
mouvemens céleftes ne peuvent s'opérer dans
un fluide quelconque , & personne n'a jamais
pu éluder cette démonftration , quel
ques efforts qu'on ait faits . Cette difficulté
* rend l'idée d'un plein absolu , plus difficile
qu'on n'auroit crû d'abord.
Du Tems.
La queftion du tems eft auffi épineuse que
celle de l'Espace , & eft traitée avec la même
profondeur , on y explique le sentiment que
Leibnits a embraffe . Il pensoit que comme
l'espace n'existe point selon lui sans corps
le tems ne subfifte point sans succeffion d'idées.
Il faut remarquer que dans ce chapitre le
tems eft pris pour la durée même , & cela
ne peut y causer de confufion , parce qu'en
effet le tems eft une partie de la durée.
>
Il s'agit donc de sçavoir fi la durée exifte
indépendamment des Etres créés , & fi elle
exifte ; l'illuftre Auteur remarque très bien
qu'on eft obligé de dire que la durée eſt un
attribut néceffaire de Dieu. Auffi Newton
croyoit que l'espace & la durée apartiennen.
JUIN. 1741. 7287
nent néceffairement à Dieu qui eft présent
partout & toûjours .
L'illuftre Auteur reproche à Clarke, Disciple
de Newton, d'avoir demandé à Leibnits
pourquoi Dieu n'avoit pas créé le Monde fix
mille ans plutôt , & elle ajoûte que Leibnits
n'eut pas de peine à renverser cette objection
du Docteur Anglois.
C'est au 15. article de sa quatrième réplique
à Leibnits , que le Docteur Clarke
dit formellement , il n'étoit pas impoffible
que Dieu créât le Monde plûtôt ou plûtard ,
& Leibnits fut fi embaraffé à répondre , que
dans son cinquième écrit il avoue en un endroit
que la chofe eft poffible , & donne
même pour le prouver une figure géometrique
qui me paroît fort étrangere à cette difpute
; & dans un autre endroit il nie que la
chose soit poffible , sur quoi le Docteur
Clarke remarque dans son cinquième écrit
que le sçavant Leibnits se contredit un peu
trop souvent .
Quoiqu'il en soit , il paroît qu'il eft difficile
aux Leibnitiens de faire concevoir que
Dieu ne puiffe pas détruire le Monde dans
neuf mille ans . Il peut donc le détruire plûtôt
ou plûtard , il y a donc une durée & un
tems indépendans des choses succeffives ; la
raison suffisante qu'on opose à tous ces raisonnemens
eft- elle bien suffisante ? Si tous
les
1188 MERCURE DE FRANCE
les inftans sont égaux , dit - on , il n'y a pas
de raison pourquoi Dieu auroit créé ou détruiroit
en un inftant plûtôt que dans un autre
; on veut toûjours juger Dieu , mais ce
n'eſt à nous , ni d'inftruire sa cause , ni de la
juger. Toutes les parties de la durée se ressemblent
, je le veux ; donc Dieu , dit Leibnits
, ne peut choisir un instant préférablement
à un autre . Je le nie , Dieu ne peut- il
pas avoir en lui - même mille raisons pour
agir , & ne peut il pas y avoir une infinité
de raports entre chacun de ses instans & les
idées de Dieu , sans que nous les connoisfions
? -
Si , selon Leibnits et ses Sectateurs , Dieu
n'a pû choiſir un instant de la durée plutôt
qu'un autre , pour créer ce Monde , il est
donc de toute éternité : c'est à eux à voir'
s'ils
peuvent aisément comprendre cette
éternité de la durée du Monde , à qui Dieu
a pourtant donné l'Etre Avoüons que dans
ces discuffions nous sommes tous des aveugles
qui disputons sur les couleurs , mais on
ne peut guère être aveugle , c'est- à- dire "
homme , avec plus d'esprit que Leibnits ,
et surtout que l'Auteur qui l'a embelli . Le
génie de cette Personne illustre est assés solide
, pour douter de beaucoup de choses
dont Leibnits s'est efforcé de ne pas douter
Des
Des Etresfimples,
Leibnits cherchant un fystême, trouva que
personne n'avoit dit encore que les corps ne.
sont pas composés de matiere , et il le dit :
il lui parut qu'il devoit rendre raison de tout ;
et ne pouvant dire pourquoi la matiere est
étenduë , il avança qu'il falloit qu'elle fût
composée d'Etres qui ne le sont point . En
vain il est démontré que la plus petite portion
de matiere est diviſible à l'infini ; il voulut
que les élemens de la matiere füffent des
Etres indivifibles , fimples , et ne tenant nulle
place. Il étoit mal aisé de comprendre
qu'un composé n'eût rien de son composant,'
cette difficulté ne l'arrêta pas ; il se servit de
la comparaison d'une Montre : ce qui compose
une horloge n'est pas horloge , donc
ce qui compose la matiere n'est pas matiere .
Peut-être quelqu'un lui dit alors : Votre comparaison
de l'horloge n'est guére concluante
, car vous sçavez bien dequoi une horloge
est composée , puisque vous l'ayez vû
faire. Mais vous n'avez point vû faire la matiere
, et c'est un point sur lequel il ne vous
est pas trop permis de deviner.
霓
Leibnits ayant donc créé fes Etres fimples
, fes monades , il les diftribua en quatre
claffes ; il donna aux unes la perception
par un feul p. & aux autres l'apperception
par
par deux
p. Il dit que
chaque
monade
eft
un miroir
concentrique
de l'Univers
: il veut
que
chaque
monade
ait un raport
avec
tout
le refte
du Monde
; ainfi
on a propofé
ce
problênre
à réfoudre
: Un Element
étant
donné
, en déterminer
l'état
préſent
, paſſé
& futur
de l'Univers
. Ce Problême
eft réſolu
par
Dieu
feul
: on pourroit
encore
ajouter
que
Dieu
feul fçait
la folution
de la plupart
de
nos queſtions
, lui feul
fçait
quand
& pourquoi
il créa
le Monde
, pourquoi
il fit tourner
les Aftres
d'un
certain
côté
, pourquoi
il
fit un nombre
déterminé
d'Efpeces
, pourquoi
les Anges
ont peché
, ce que
c'eſt
que
la matiere
& l'efprit
, ce que c'eft
que l'ame
des animaux
, comment
le mouvement
& la
force
motrice
fe communiquent
, ce que c'eſt
originairement
que cette
force
, ce que c'eft
que la vie , comment
on digere
, comment
on dort
, & c.
L'aimable & refpectable Auteur des Inftitutions
phyfiques a bien fenti l'inconvénient
du fyftême des monades , & elle dit page
143. qu'il a befoin d'être éclairci & d'être fauvé
du ridicule. Il n'y a eû encore ni aucun
François , ni aucun Anglois, ni , je crois , aucun
Italien , qui ait adopté ces idées étranges:
plufieurs Allemands les ont foûtenuës , mais
.il eft à croire que c'eft pour exercer leur efprit
, & par jeu plûtot que par conviction .
J'ajouterai
J'ajouterai ici que pour rendre le Roman
complet , Leibnits imagina que notre corps
étant compofé d'une infinité de monades
d'une efpece , la monade de notre ame eft
d'une autre espece ; que notre ame n'agit aucunement
fur notre corps , ni le corps fur elle,
que ce font deux automates qui vont chacun
à part , à peu près comme dans certains
Sermons burlesques , où l'homme prêche ,
tandis que l'autre fait les geftes ; qu'ainfi ,
par exemple , la main de Newton écrivit méchaniquement
le calcul des fluxions , tandis
que fa monade étoit montée féparément pour
penfer à ce calcul. Cela s'apelle l'harmonie
préétablie , & l'Auteur des Inftitutions phyfiques
n'a pas voulu encore expofer ce fentiment
, elle a voulu y préparer les efprits.
De la nature des Corps.
Si on doit être content de cet art & de cette
élegance avec lefquels l'illuftre Auteur a
renducompte de tous ces fentimens extraordinaires
, on ne doit pas moins admirer les
ménagemens & les précautions ingénieufes
dont elle colore les idées de Leibnits fur la
nature des corps .
Ces corps étendus étant compofès de monades
non étenduës , c'eſt toujours à ces
monades qu'il en faut revenir. Il n'y a point
de corps qui n'ait à la fois étendue , force
>
active
active & force paffive ; voilà , diſent les
Leibnitions , la nature des corps , mais c'eſt
aux monades à qui apartient de droit la force
active & paffive.
Il eft encore ici affés étrange que les monades
étant les feules fubftances , les corps
ayent l'étendue pour eux, & que les monades
ayent la force. Ces monades font toujours en
mouvement , quoique ne tenant point de
place , & c'eſt des mouvemens d'une infinité
de monades qu'un boulet de canon reçoit
le fien. Voilà donc le mouvement effentiel
, non pas tout- à - fait à la matiere , mais
aux Etres intangibles & inétendus qui compofent
la matiere. Ces monades ont un principe
actif , qui eft la raifon fuffifante pourquoi
un corps en pouffe un autre ; & un
principe paflif qui rend auffi une raifon trèsfuffifante
pourquoi les corps réfiftent ; il faut
ce me femble ,avoir tout l'efprit de la perſonne
qui a fait les inftitutions phyfiques , pour
répandre quelque clarté fur des chofes qui
roiflent fi obfcures
De la Divifibilité , Figure , Priorité , Mou
vement , Pefanteur.
Chacun de ces fujets fait un article à part,
& on reconnoît partout la même méthode &
la même élegance . Les découvertes de Galilée
fur la péfanteur & fur la chûte des corps,
sont
JUIN. 1741. 1293
font furtout niifes dans un jour très - lumineux.
L'Auteur paroît là plus à fon aife qu'ailleurs
, puiſqu'il n'y a que des vérités à déve,
loper.
Des découvertes de Newton fur la Pefanteur.
L'Auteur s'éleve ici fort au- deffus de ce
qu'elle apelle modeftement inftitutions on
voit dans ce Chapitre , comment Newton
découvrit cette vérité fi admirable & fi inconnuë
jufqu'à lui , que la même force qui
opere la péfanteur fur la Terre , fait tourner
les Globes Céleftes dans leursforbites . Kepler
avoit préparé la voye à cette recherche ; &
quelques experiences faites par des Aftronomes
François déterminerent Newton à la
faire. Ce n'eft point un fyftême imaginaire &
métaphyfique qu'il ait tâché de rendre probable
par des raifons fpécieuſes , c'eft une démonftration
tirée de la plus fublime Géométrie
, c'eſt l'effort de l'efprit humain : c'eſt
une Loi de la Nature que Newton a dévelopée
; il n'y a ici ni monade , ni harmonie
préétablie , ni principe des indifcernables ;
ni aucune de ces hypothefes philofophiques
qui femblent faites pour détourner les hommes
du chemin du vrai , & qui ont égaré
l'Antiquité , Defcartes & Leibnits.
11. Vol. B D
1294 L EVE ГАЛ
De l'attraction Newtoniene,
Newton ayant découvert & démontré
qu'une pierre retombe fur la Terre par la
même loi qui fait tourner Saturne autour du
Soleil &c. il apella ce phenomene attraction ,
gravitation ; enfuite il démontra qu'aucun
fluide & aucune loi du mouvement ne peut
être caufe de cette gravitation.
Il démontra encore que cette gravitation
eft dans toutes les parties de la matiere , à
peu prés de même que les parties d'un corps,
en mouvement,font toutes en mouvement.
Newton dans fes recherches fur l'Optique,
déploya ce même efprit d'invention qui s'apuye
fur des vérités inconteftables : entierement
opofé à cet autre efprit d'invention qui
fe joue dans des hypothéfes : il trouva entre
les corps & la lumiere une attraction nouvelle
, dont jamais on ne s'étoit aperçu avant
lui. Il trouva encore par l'expérience d'autres
attractions , comme , par exemple , entre
deux petites boules de criftal qui , preffées
l'une contre l'autre , acquierent une force
de huit onces & c .
Mille gens ont voulu rendre raifon de toutes
ces découvertes , ceux furtout qui n'en
ont jamais fait , ont tous fait des fyſtêmes ;
Newton feul s'en eft tenu aux vérités, peutêtre
inexplicables, qu'il a trouvées. La mêmé
fuperioJUIN.
1741.
1295
fuperiorité de génie , qui lui a fait connoître
ces nouveaux fecrets de la création , la empêché
d'en affigner la caufe. Il lui a paru
très vraisemblable que cette attraction eft elle-
même une caufe premiere , dépendante
de celui qui a tout fait : c'eft fur quoi ceux
qui en Allemagne ont pris le parti de Leibnits
, fe font élevés ; & notre Illustre Auteur
a la complaifance pour eux , de prêter
de la force à leurs objections. Un corps ne
peut le mouvoir , dit- elle , vers un autre ,
fans qu'il arrive à ce corps un changement ;
ce changement ne peut venir que de l'un
des deux corps , ou que du milieu qui les
fépare , or il n'y a aucune raifon pour qu'un.
corps agiffe fur un autre fans le toucher ; il
n'y a aucune raifon de fon attraction dans le
milieu qui les fépare , puifque les Newtoniens
difent que ce milieu est vuide , donc
l'attraction étant fans raifon fuffifante , il n'y
a point d'attraction.
Les Newtoniens répondront que l'attraction
,la gravitation ( telle qu'elle foit ) étant
réelle & démontrée,aucune difficulté ne peut
L'ébranler, & qu'étant tout de même démontré
qu'aucun fluide ne peut caufer cette attraction
qui fubfiste entre les corps célestes,
la raifon fuffifante e t bien loin de fuffire à
prouver que les corps célestes ne peuvent
s'attirer fans milieu : un Newtonien fera en-
Bij core
1296 MERCURE DE FRANCE
core affés fort , s'il prie feulement un Leiba
nitien de faire un moment d'attention à ce
que nous fommes & à ce qui nous environne
; nous penfons , nous éprouvons des
fenfations , nous mettons des corps en mouvement
, les corps agiffent fur nos ames &c.
Quelle raiſon fuffifante , je vous prie , trouvérez
- vous de ce que la matiere influë fur
ma penfée , & ma pensée sur elle ? Quel milieu
y a-t'il entre mon ame et une corde de
Clavecin qui résonne ? quelle cause a -t'on
jamais pû alleguer , de ce que l'air frapé don
ne à mon ame l'idée et le sentiment du son ?
n'êtes -vous pas forcé d'avouer que Dieu l'a
voulu ainfi ? Que ne vous foûmettez -vous
de même , quand Newton vous démontre
que
Dieu a donné à la matiere la proprieté
de la gravitation ?
Lorsqu'on aura trouvé quelque bonne raison
méchanique de cette proprieté , on rendra
service aux hommes en la publiant : mais
depuis soixante -dix ans que les plus grands
Philosophes cherchent cette cause , ils n'ont
rien trouvé . Tenons- nous- en donc à l'at
traction , jusquà ce que Dieu en révele la
raison suffisante à quelque Leibnitien.
Des Plans inclinés , des Pendules , des Proje
Ailes.
Les découvertes de Galilée & d'Hugens
font
JUIN. 1741 . 1297
font expliquées ici avec une clarté qui fait
bien voir que ce ne font point là des hypothéfes
,lefquelles laiffent toujours l'efprit égaré
& incertain , mais des vérités mathématiques
, qui entraînent la conviction.
De la force du Corps.
و
Je me hâte de venir à ce dernier Chapitre.
On y prête de nouvelles armes au fentiment
de Leibnits : c'eft Camille qui vient
au fecours de Turnus ou Minerve au fecours
d'Ulyffe . Cette difpute fur les forces
actives , qui partage aujourd'hui l'Europe ,
n'a jamais exercé de plus illuftres mains
qu'aujourd'hui : la Dame refpectable dont je
parle , & Madame la Princeffe de Columbrano
ont toutes deux fuivi l'étendart de
Leibnits , non pas comme les femmes prennent
d'ordinaire parti pour des Théologiens,
par foibleffe , par goût & avec une opiniâ
treté fondée fur leur ignorance , & fouvent
fur celle de leurs Maîtres : elles ont écrit l'une
& l'autre en Mathématiciennes , & toutes
deux avec des vûës nouvelles . Il n'eſt ici
queftion que du chapitre de notre Illuſtre
Françoife ; c'eft un des plus forts & des plus
féduifans de cet Ouvrage profond.
Pour mettre les Lecteurs au fait , il eſt
bon de dire ici que nous apellons force d'un
corps en mouvement , l'action de ce corps ;
Biij c'est
1298 MERCURE DE FRANCE
c'eft fa maffe qui agit , c'eft avec de la vîteffe
qu'agit cette maffe ; c'eft dans un tems
plus ou moins long qu'agit cette vîteffe; ainfi
on a toujours fupputé la force motrice des
corps par leur maffe multipliée par leur viteffe
apliquée au tems. Une puissance qui
preffe & donne une vîteffe à un corps , lui
donne une force motrice,deux puiflances qui
le preffent en même tems , & qui lui donnent
deux de vîteffe , lui donnent deux de
force , & dans deux tems elfes lui donneront
quatre de forces cela parut clair &
démontré à tous les Mathématiciens.
Newton fut fur ce point de l'avis de Def
cartes , & l'expérience dans toutes les parties
des Méchaniques fut d'accord avec leurs
démonftrations
M. Leibnits ayant befoin que cette théorie
ne fût pas vraye , afin qu'il y eût toujours
égale quantité des forces dans la Nature
prétendit qu'on s'étoit trompé jufque-là , &
qu'on auroit dû eftimer la force motrice des
corps en mouvement par le quarré de leur
vîtelle , multiplié par leurs maffes : & avec
cette maniere de compter , Leibnits trouvoit
qu'en effet il fe perdoit du mouvement dans
la nature , mais qu'il pouvoit bien ne fe
dre point de force .
per-
Le Docteur Clarke , illuftre Eleve de Newton,
traita ce fentiment de Leibnits avec beaucoup
JUI N. 1299
1741 .
coup de hauteur, & lui reprocha fans détour
que fes fophifmes étoient indignes d'un Philofophe.
Il difcuta cette queftion dans fa cinquiéme
replique à Leibnits , qui rouloit d'ailleurs
fur d'autres fujets importans.
Il fit voir qu'il eft impoffible d'omettre le
tems ; que quand un corps tombe par la
force de la gravité , il reçoit en tems égaux
des degrés de vîteffe égaux ; il obvia à toutes
les objections , qui fe réduifent toutes à
celle- ci : Qu'un mobile tombe de hauteur
trois , il fait effet comme 3. qu'il tombe de
hauteur 6. il agit comme 6. c'eft à- dire il agit
en raison de ces hauteurs , mais ces hauteurs
font comme le quarré de fes vîteffes : donc ,'
difent les Partifans de Leibnits , qui l'ont
éclairci depuis , un mobile agit comme le
quarré de fès viteſſes ; donc fa force eſt comme
le quarré.
Samuel Clarke renverfa , dis je , toutes ces
objections , en faifant voir dequoi eft compofé
ce quarré un corps parcourt un efpace
, cet efpace eft le produit de fa vîteffe par
le tems ; or le tens & la viteffe font égaux ,
donc il est évident que, ce quarré de la vî¬
teffe n'eft autre chofe que le tems lui - même ,
multiplié, ou par lui- même , ou par cette vîteffe
, ce qui rend parfaitement raiſon de ce
quarré qui étonnoit M. de Fontenelle en
B iiij 1721 .
1300 MERCURE DE FRANCE
1721. d'où viendroit , dit-il , ce quarré ? on
voit ici clairement d'où il vient.
Mais on ne voit guére d'abord comment
après une parcille explication il y avoit encore
licu aux difputes. L'émulation qui regnoit
alors entre les Anglois & les amis de
Leibnits , engagea un des plus grands Mathématiciens
de l'Europe , le célebre Jean
Bernoulli , à fecourir Leibnits ; tout ce qui
porte le nom de Bernoulli , eft Philofophe ,
tous combattirent pour Leibnits , hors un
d'eux qui tient fermement pour l'ancienne
A B
G
E
opinion : c'étoit une guerre , & on fe fervit
d'artifices ; il en eft auffi en Mathématiques.
Une de ces rufes qui firent le plus d'impreffion
, fût celle- ci : Que le corps A foit pouffé
par deux puiffances à la fois en AB &
en A E , on fçait qu'il décrit la diagonale A
D ; or la puiffance en A B n'augmente ni ne
diminuë
JUIN.
1741. 1301
diminue la puiffance en A E , & pareillement
AE ne diminuë ni augmente A B; donc
le mobile a une force compofée de A B &
de A E. Mais le quarré d'A B & de A E , pris
enſemble , font jufte le quarré de cette diagonale
; & ce quarré exprime la vîteſſe du
mobile : donc la force de ce mobile eft fa
maffe par le quarré de fa vîteffe .
Mais on fit voir bientôt la fupercherie de
ce raiſonnement très- captieux.
Il est bien vrai qu'A B & AE ne fe nuifent
point, tant qu'ils vont chacun dans leur
direction , mais dès que le corps A eft porté
dans la diagonale ils fe nuifent ; car décompofez
fon mouvement une feconde fois,'
réfolvez la force A E en A F & F. E ; de forte
que A E devienne à fon tour diagonale
d'un nouveau rectangle . Réfolvez de même
BD en BG & en B D , il eft clair que les
forces FE BG fe détruifent que restet'il
donc de force au corps ? il lui refte A F
d'un côté , & A G de l'autre ; donc il n'a
pas la force d'A B & d'A E réunies , comme
on le prétendoit .
De plus , le mobile n'arrive en D qu'avec
du tems ; c'est ce tems multiplié par fa vîteffe
qui produit un quarré ; & l'omiffion de
ce tems eft le vice fondamental de toute la
théorie de Leibnits.
Il y avoit beaucoup de fineffe dans la diffi-
B v culté
1
1302 MERCURE DE FRANCE
culté , & il y en a encore plus dans la répon
fe ; elle eft de M. Jurin , l'un des grands
Hommes d'Angleterre.
M. Jurin,pour épargner tout calcul , toute
décompofition , & pour faire voir encore
plus clairement , s'il eft poffible , comment
deux vîteffes en même tems ne donnent qu'u
ne force , imagina cette experience .
Qu'on faffe mouvoir avec l'aide d'un ref
fort une balle avec un degré de vîtelle quelconque
, qu'enfuite ce degré étant bien conftaté
, le reffort bien rétabli , la balle en repos
, on donne à la table un mouvement
égal à celui que le reffort communique à la
boule , c'eft à dire qu'on faffe en même tems:
mouvoir la boule avec la vîteffe un , & la ta--
ble avec la vîteffe un , il eft clair qu'alors la
boule acquerera deux vîteffes , & fimplement
deux forces ; donc, quand il n'y a pas
plufieurs tems differens à confiderer , il faut
ne reconnoître dans les corps mobiles d'autres
forces que celle de leur maffe
pour leur
viteffe.
L'Illuftre Auteur engagée aux Leibnitiens .
a voulu contredire cette experience .
Voici , dit- elle , en quoi confifte le vice du:
raifonnement de M. Jurin. Supofons pour
plus de facilité , au lieu du plan mobile de
M..Jurin , un bateau A. B , qui avance fur la
iviere avec la vîtelſe. un & le mobile P
3.
tranf
JUI N. 1741. 1303
tranfporté avec le bateau, ce mobile acquier
la même vîteffe que le bateau : fupofons un
reffort capable de donner cette viteſſe un
hors du bateau , il ne la lui donnera plus ,
car l'apui du reffort dans le bateau n'eft pas
inébranlable, & c.
Il eft vrai que cette experience peut être
fujette à cette difficulté , & qu'il y aura une
petite diminution de force dans l'action du
reffort , parce que le bateau cedera un peu à.
Feffort du reffort , cela fera peut- être un dix
milliéme de difference , ainfi le mobile aura
deux de force , moins un dix milliéme ; mais
certainement cette diminution de force ne
fera pas qu'il aura le quarré de deux , c'eftà
dire quatre : & il n'y a pas d'aparence que
pour avoir perdu quelque chofe , il ait gagné
plus du double .
>
D'ailleurs il eft très - aifé de faire cette experience
, en attachant le reffort à une muraille
, & en le détendant contre le mobile:
qui fera fur la table . A cela il n'y a rien à répondre
, & il faut abfolument fe rendre à
cette démonftration experimentale de M.
Jurin.
Il paroît que les experiences qui fe font
en tems égaux , favorifent auffi pleinement
Fancienne doctrine : que deux corps qui
font en raison réciproque de leur maffe & de
leur vîteffe viennent fe choquer , s'il falloir
B
effimer
1304 MERCURE DE FRANCE
eftimer la force motrice par le quarré de la
vîteffe , il fe trouveroit qu'un mobile avec
cent de maffe & un de vîteffe , rencontrant
celui qui auroit cent de vîteſſe & un de maffe
, en feroit prodigieufement repouffé , ce
qui n'arrive jamais ( car fi les deux mobiles
font fans reffort , ils fe joignent & s'arrêtent;
s'ils font flexibles, ils rejailliffent également.
Les Leibnitiens ont tâché de ramener ce
phénomene à leur fyftême , en difant que les
cent de vîteffe fe confument dans les enfoncemens
qu'ils produifent dans le corps qui a
sent de maffe.
Mais on répond aifément à cette évaſion
que le corps qui fouffre ces enfoncemens , fe
rétablit,s'il eft à reffort , & rend toute cette
force qu'il a reçûë ; & s'il n'est pas à reffort ,
il doit être entraîné par le corps qui l'enfonce
: car le corps cent , fupofé non élastique ,
n'ayant qu'un de vîteffe , réfiste bien par fes
cent de maffe au cent de vîteffe du corps
un mais il ne peut réfister aux cent fois
cent qu'on fupofe au corps choquant ; il faudroit
alors qu'il cédât , & c'est ce qui n'arrive
jamais.
Enfin M. Jurin ayant fait voir démonstrativement
qu'il faut toujours faire mention du
tems , & ayant imaginé une experience hors
de toute exception , dans laquelle deux vîtelles
en un tems ne donnent qu'une force
double ,
JUIN. 1741
1305
double , a défié publiquement tous les adverfaires
d'imaginer un feul cas où une vîteffe
double pût en un tems doner quatre de
force ; & il a promis de fe rendre le difciciple
de quiconque réfoudroit ce Problême .
On a entrepris de le réfoudre d'une maniere
extrêmement ingénieuſe.
On fupofe qu'une boule qui ait un de maffe
& deux de vitesse , & qui rencontre deux
boules , dont chacune a deux de masse , de façon
que la masse un communique tout fon
mouvement par le choc à fes masses doubles
: or ,
: or , dit- il , fi cette masse un qui a deux
de vitesse communique à chacune des maffes
doubles 1. de vitesse , chacune de ces masses
doubles aura donc deux de force , ce qui
fait quatre ; la boule un qui n'avoit que deux
de force , aura donc donné plus qu'elle n'avoit
: voilà donc , peut-on dire , une abfurdité
dans l'ancien fystême ; mais dans le
nouveau , le compte fe trouve juste , car la
boule un avec deux de vitesse , aura eu quatre
de force , & n'a donné précisément que
ce qu'elle possedoit.
Il faut voir maintenant fi M. Jurin fe rendra
à cet argument , & s'il fe fera le difciple
de celui qui en est l'Auteur. Je crois qu'il
ne lui fera pas difficile de répondre , & de
découvrir comment le tems est essentiellelement
à compter dans cette occafion &
dans
1306 MERCURE DE FRANCE
J
dans toutes celles qui lui ressemblent. Soient
dans ce cercle les trois boules , la boule un
choque les boules 2. fous un angle de foixante
degrés ; la boule un avec deux de vî
tesse eût parcouru en un feul tems deux fois
le rayon du cercle : les boules 2. avec chacune
un de vitesse parcourent en un même
tems le rayon 1. D & le rayon 1. C , donc
les deux boules ne font en un même tems
que ce qu'eût fait la boule un , & ce n'est
qu'en deux tems que chacun parcourra deux
fois ce rayon.
Je me fervirai aifément de cette folution
pour le cas qu'on raporte de M. Herman ;
que la boule un , dit- on , qui a 2. de vîtesse
rencontre la masse trois , elle lui donnera
un de vitesse & gardera un , voilà donc
2
2
4.
JUIN 1741. 1307
4. de force qui femble naître de 2. & cette
boule un a donné , dit on , ce qu'elle n'avoit
pas ; non , elle a donné feulement un de vîtesse
; & fi la boule trois avec cette unité
de vitesse reçûë , agit enfuite comme trois
& la boule un avec l'unité de vitesse qui lui
reste agit comme un , il faut bien soigneusement
remarquer que la boule 3. agira alors
dans trois tems , & la boule un en un
tems.
Corollaire géneral fur l'augmentation des for
ce des Corps,
Dans les deux derniers exemples qu'on
vient de raporter , on voit clairement que
fi un corps , en communiquant de fa viteffe,.
femble communiquer une force plus grandes
qu'il n'avoit , ce n'eft jamais qu'à condition
que le corps qui reçoit cette plus grande for--
ce agira dans un tems plus long.
Mais on pourra toujours demander pourquoi
même en ce tems plus long il fe trou--
vera qu'un mobile aura donné plus de force
qu'il n'en avoit. Il y a autant d'exemples de
ce cas, qu'il y a des nombres , car prenons au
hazard ce mobile un avec cent un de vîteffe,,
qu'il choque un corps en repos qui ait cent
de maffe , il lui communique deux cent de
force , & rejaillit avec 99. voilà donc deux
cent quatre- vingt- dix- neuf de force qui
naifleng
1308 MERCURE DE FRANCE
naiffent de cent un , & l'effet paroît incom
parablement plus grand que fa caufe.
Cela ne fait- il pas voir évidemment que
les corps ne peuvent donner en effet de la
force ?
Car qu'est- ce en effet que cette force ?
quelque parti qu'on prenne , c'eft quelque
chofe qui réfulte de la maffe & de la vîtesse;
or ce corps A , par exemple , qui avoit cent
un de vitesse , & qui a choqué ce mobile
B , qui a cent de masse , ne lui a pas aparem
ment donné cette masse cent ; il a donné
feulement la vitesse deux , & c'est avec cette
vîtesse deux que ce mobile B. acquiert
fa masse deux cent de force ; la force eſt
donc cette proprieté qui réfulte de l'inertie
de la matiere animée par le mouvement : or
Je mouvement ne pouvant exifter que dans
le tems , n'est- il pas démontré que la force
ne peut agir que dans le tems ?
par ;
Second Corollaire. Que les Monades feroient
fans force.
que Si la force des corps n'est autre chofe
le réſultat de l'inertie & de la vitesse , n'estil
>
pas démontré par -là que quand même la
matiere feroit compofée d'Etres fimples ,
comme l'imaginòit Leibnits après Morus , ces
Etres fimples ne pourroient avoir la force en
partage , car ils ne pourroient avoir l'inertie ,
étant
JUIN.
1741. 1309
étant fupofés fans maffe , & n'ayant pas en
eux la viteffe , ils ne pourroient en aucune
maniere avoir de force motrice?
Troifiéme Corollaire. Qu'il fe perd de la force.
Il paroît évidemment que fi la force est
proportionnelle au mouvement , il fe perd
de la force , puifqu'il fe perd du mouvement.
L'exemple aporté par le grand Newton
à la fin de fon Optique , demeure incontestable.
Donc , s'il fe perd à tout moment de la
force dans la Nature , il faut un principe qui
la renouvelle. Ce principe n'est-il pas l'attraction
, quelque puisse être la caufe de
l'attraction ?
Réfomption.
J'ai fait non feulement l'analyfe, la plus
exacte que j'ai pû , de l'Ouvrage le plus méthodique
, le plus ingénieux , & le mieux
écrit qui ait paru en faveur de Leibnits ; j'ai
pris la liberté d'y joindre mes doutes , que
les Lecteurs pourront éclaircir. Je n'ai point
touché aux objections que fait l'Illustre Auteur
à M. de Mairan dans le Chapitre de
la force des Corps. C'est à ce Philofophe à
répondre , & on attend avec impatience les
folutions qu'il doit donner des difficultés
qu'on lui fait : je croirois lui faire tort en répondang
1310 MERCURE DE FRANCE
pondant pour lui , il est feul digne d'une tel
le Adverfaire . La vérité gagnera fans douteà
ces contradictions qui ne doivent fervir qu
l'éclaircir , & ce fera un modele de la Difpute
Litteraire la plus profonde & la plus
polie .
****************
ODE
A Mad. la Marquise de St. G....
Vous , qui dans un tems d'orage ,
Contre l'effort des vents , des foudres & de l'eau
Daignâtes raffermir mon timide courage ,
Et fauver non frêle vaisseau,
*
Souffrez que ma Muſe reclame
Cette main qui jadis prévenoit mes fouhaits.
Si les voeux de mon coeur touchent encor votre ame›
Couronnez vos premiers bienfaits.
*
Dans ces voeux tout eft légitime :
Je m'y fais une Loi d'oublier mes befoins.
J'ai tant reçû de vous , que je ne puis fans crine
yous demander de nouveaux ſoins.
Tandis
JUIN.
1741. 1351
1
Tandis que mes triftes journées
Dans un cercle d'ennuis rouloient tous leurs inftans
Vous me vites cent fois pour d'autres deftinées
Faire les voeux les plus ardens.
Ce tems n'eft plus . Les Dieux propices
Ont fait à la douleur fuccéder les plaifirs.
Enfin je fuis content : mon fort fait mes délices ;
Mon fort fixe tous mes defirs .
*
Mais le devoir & la tendresse
Pour un Frere chéri follicitent mon coeur.
Pour lui feul , aujourd'hui le zéle qui me presse
Vous demande votre faveur.
Il ne compte que quatre Luftres ,
Et s'il n'a pas encor fur les pas des Cefars ,
Par de rares exploits , par des travaux illuftres ,
Mérité les faveurs de Mars,
***
On voit du moins fur fon vifage
Ces traits dont la fierté diftingue les Guerriers ;
Et fon Fer quelque jour , fi j'en crois le préfage ,
Pourra moissonner des Lauriers.
Jadis
1312 MERCURE DE FRANCE
Jadis Citoyen du Parnasse ,
Mais fuivant à regret les Drapeaux d'Apollon ,
Bien-tôt il abjura pour le Dieu de la Thrace
Tous les Dieux du facré Vallon.
*
Depuis que cette ardeur nouvelle
A de nouvelles Loix vint foûmettre les jours ;
Phébus a vú trois fois de fa route annuelle
Commencer & finir le cours.
*
Cependant , humble Militaire ,
Sans Titre , fans éclat , fervant le Souverain ;
Rien ne brille dans lui que le choix volontaire
Qui tient le glaive dans fa main.
*
Pour s'avancer dans la carriere ;
La naissance lui prête un débile foûtien ;
Le nom de fes Ayeux, caché dans la pouffrere,
Eft ignoré comme le fien .
*
Vous feule , du fein des ténébres
Pouvez tirer encor ce nom enfeveli ;
Parlez en fa faveur . Par des Titres célebres
Il fera bien tôt ennobli.
Enfé
17413 1313
Enflé de projets témeraires ,
Je ne viens point briguer les Emplois faftueux,
A le voir ſéparé d'un tas d'ames vulgaires ,
Je borne mes timides voeux.
*
Je fçais bien fur qui je les fonde.
Votre Sang , vos Vertus vous donnent toutpouvoir
Auprès de ces Mortels qui reglent dans le Monde
Le Rang que chacun doit avoir.
>
*
? Par vous aux pieds du Trône même ;
Mes foupirs , s'il le faut , iront avec fuccès :
Et par vous , s'il le faut , près de ce Rang fuprême
J'aurai moi-même un libre accès.
*
Mais que fais-je hélas ! où m'égare
Ce projet infenfé d'un vol ambitienx ?
Téméraire Mortel , fur les aîles d'Icare
Veux-je m'élever juſqu'aux Cieux ?
*
Non , non cette chute funefte ,
Qui dans le fein des Flots lui creufa fon cercueil ;
Pénétre mon efprit d'une crainte modeſte ,
Et met un frein à mon orgueil.
*
Sang
Sans quitter le fein de vos Lares ,
Où je vins autrefois ainſi que dans un Port ,
Où j'éprouvai depuis vos bontés les plus rares ,
Vous pouvez décider mon fort.
*
Près de l'Epoux de votre Fille ,
Donnez-moi feulement votre voix pour apui ;
La grace que j'attends pour moi , pour ma Famille,
Dépend & de vous , & de lui.
L ....
&
MEMOIRE adreffé aux Auteurs du
Mercure , au fujet d'un Livre manufcrit de
Voyages faits dans les quatre Parties du
Monde.
I
Left néceffaire de voyager pour acque
rir des connoiffances , qui fervent à perfectionner
l'efprit , & à lui donner des idées
plus parfaites des Mours & des Coûtumes
des differentes Nations . C'eft ce que M.
Baudelot de Dairval a fait voir dans fon Livre
De l'utilité des Voyages . Pline femble
nous dire auffi la même chofe : Il eſt, dit-il,
de la nature de l'homme d'aimer la nouveauté
; & c'est cette inclination fans doute qui le
porte
norte à voyager. Le Sage , dit l'Eccléfiaftiue
, paflera dans les Terres étrangeres , pour
orouver parmi les hommes le bien & le
al.
Ces feules autorités fuffiſent pour démontrer
qu'il eft néceffaire & utile de voyager
ans les Pays Etrangers. C'eft , MM. pour
cette raifon , qu'animé du defir de voyager,
i depuis quelque tems fait les recherches
e tous les Livres de Voyages que j'ai pû
nouver , pour me donner une idée plus par-
Gaite de cette utilité. Après en avoir feuilleté
lufieurs , ou du moins après en avoir pris
ndication , je fuis tombé par hazard fur
les Voyages manufcrits de Jean Mocquet ,
lefquels m'ont paru renfermer beaucoup
d'articles curieux fur la Géographie , la Boanique
, & fur les moeurs des differentes
Nations. L'Auteur de ce Manufcrit ( a) qui
t dans la Bibliothèque de Sainte Genevićdit
qu'il l'a exactement tiré de l'Original
écrit de la main de l'Auteur , lequel ori
ginal eft confervé dans la Bibliotheque de
Abbaye de S. Jean de Sens . Ce Manufcrit
eft d'autant plus important , que Mocquet
avoit voyagé dans les quatre Parties du
(a) Ce Manufcrit m'a d'autant plus fait de plaifir
que dès la premiere page j'y ai trouvé nommés des Pays
ar lefquelsje venois de paffer , fçavoir le lieu de la
aiffance & del'éducation de notre Voyageur.
Monde
"
ور
Monde. ( Ce qui n'eft pas fort commun. )
» Sans parler de l'Europe où il étoit né
" fes Voyages ont été faits dans les Indes
Occidentales , dans la Barbarie , en Ethiopie
, en Afie , aux Indes Orientales , en
» Syrie , en Judée : & à la fin du Volume ,
» il y a auffi de lui une déclaration brieve
» de la divifion , forme & fingularités des
» Parties du Monde , en ce qui peut être
aujourd'hui découvert aux yeux des Humains
, felon les Cofmographes. « Ce font
les propres termes de l'Auteur de ces Voya-
33
ges.
"
cr
Vous ferez fans doute bien aife de faire
part au Public de ce que l'Auteur de la Copie
du Manufcrit a mis à la tête , au fujet
de l'Auteur Original. » Jean Mocquet , dit:
" il , étoit natif de Cuify près Juilly l'Abbaye
, dans l'Ile de France ; c'eft lui- mê-
» me qui nous l'aprend dans des Stances
qu'il a faites fur fa prifon à Moſambique ,
» dont je parlerai auffi- bien que d'un autre
» Poëme qui fe trouve dans fon Recueil
» Voici la Stance où il en parle ; c'eſt la réponfe
qu'il fit au Juge qui l'interrogeoit
Jean Mocquet , c'eſt mon nom , ( 4) Paris eft ma
Patrie ,
رو
"9
(a )Il eft extraordinaire que Mocquet fe foit dit en
même-tems Parifien , & né à Cuify. La rime l'a con-
Natif
JUIN.
1317
1741
Natif de Cuify , près Juilly- l'Abbaye ,
Où le Roy va fouvent pour prendre fes plaifirs ,
Lieu de la nourriture , contenter fes defirs.
» Son Pere étoit un Laboureur qui avoit
quelques biens , qui furent la proye des
» Soldats & des Sérgens .
و ر
"3
39
" Son fils eût dès fon enfance de l'inclina
"tion pour les Voyages; étant allé un Diman-
» che matin par le commandement de fon
Pere, garder un champ de Pois , la démangeaifon
lui prit de voir Paris ; il laiffe -là les
» Pois , & fe met en chemin. Lorsqu'il fût
» près de Juilly , il fit réflexion qu'il n'avoit
» pas le fol , & qu'ainfi , lorfqu'il ſeroit à
Paris, il lui faudroir mandier. Cette penſée
» le fit retourner dîner chés fon Pere , réfolu
d'attendre qu'il fût devenu un peu plus
" grand. Il ne dit rien de fon deffein , bien
» déterminé à l'exécuter quand la commodi-
» té fe rencontreroit.
و ر
» La Moiffon étant finie , on envoya Moci
duit fans doute à s'exprimer ainfi. Les Lieux qui font
ici nommésfont tous du Diocèse de Meaux à 6 lieuës
ou environ de Paris vers l'Orient . Chambrefontaine
eft une Abbaye de Prémontrés à un quart de lieuë du
Village de Cuify , fur le territoire duquel elle estfituée.
Juilly eft plus près de Paris d'une lieuë . C'étoit alors
une Abbaye de Chanoines Réguliers , aujourd'hui poffédée
par les PP. de l'Oratoire.
II. Vol. G quet
1318 MERCURE DE FRANCE
"
» quet à l'école à Chambre fontaine , où le
» foüet ne lui étoit point épargné. Un jeune,
Moine qui de fon côté n'en étoit pas
» exemt , l'engagea à s'enfuir avec lui.
و ر
» Le Moine jette donc le froc aux orties ;
$9 fe coupe les cheveux , & fe met en cam-
» pagne avec le jeune Mocquet . Ils cheminerent
enfemble , non fans crainte ; le
» Moine croyoit toujours entendre fes Con-
» freres courir après lui pour le ramener au
» Couvent : fon Compagnon n'étoit pas plus
raffuré , bien perfuadé que s'il étoit pris
» en fuyant , il feroit fouetté d'importance.
» Enfin on ne courut pas après eux ; leur
crainte fe diffipa , & ils arriverent au Bour-
» get. Lorfqu'ils furent à Paris , cette grande
Cité que Jean Mocquet défiroit tant
» voir , on leur confeilla de chercher un
» Maître. Le Moine qui fçavoit fon pain
» manger , trouva bien- tôt fon gîte . Il n'en
fût de même du pauvre Mocquet ; il
pas
alloit de ruë en rue , demandant à fervir :
» mais perfonne ne l'écoutoit , on le trou-
» voit trop jeune & trop petit. Enfin pour-
» tant il trouva une condition telle quelle ;
»pour y entrer on lui demanda un répon-
» dant : lui qui n'avoit ni ami hi connoif-
» fance dans Paris , n'en pût donner. Il prit
- donc le parti de s'en retourner chés fon
" Pere ; affés embarraffé comment il fe ti-
وو
و د
1. reroit
JUIN. 1741.
1319
·
reroit d'affaire , car il n'avoit aucune bon-
» ne raifon d'avoir quitté l'école . Il en fut
» pourtant quitte à bon marché.
99
""
99
39
"
L'Eté fuivant , au commencement des
» Guerres de la Ligue , allant un jour chargé
de foin qu'il portoit au Château du
Pleffy pour les chevaux de fon Pere , qu'on
"y avoit retiré par la crainte des Soldats , il
» rencontra un Régiment qui alloit à Meaux;
» un Goujat paffant près de lui , lui prit fon
chapeau , il laiffe -là fa botte de foin , &
» fe met à courir après le voleur . Il l'eut
bien- tôt attrapé , mais non pas fon cha-
» peau , qu'il eût eu de la peine à ravoir
» fans un Soldat qui déchargea un coup fur
» les épaules du Goujat , en lui difant : Larron
, pourquoi prens -tu le chapeau de cet
enfant & auffi - tôt le voleur rendit le
» chapeau. Mocquet en s'en retournant, ren-
» contra un autre Régiment , dont les Sol-
» dats le prirent lui - même , voulant , difoient
ils , le mener à la Guerre , où il
» n'avoit nulle envie d'aller ; ils l'obligerent
» à marcher avec eux , & de porter les Pcu-
» les qu'ils tuoient en chemin. Ce fût là le
» commencement de fa fortune : car
peu
» peu il paffa du ſervice de l'Enfeigne de la
Compagnie , à celui du Capitaine. Depuis
» il entra chés un Maréchal de France , &
33 enfin il paffa au ſervice du Roy Henry IV.
ور
39
,
à
Cij &
1320 MERCURE DE FRANCE
ور
après fa mort , à celui de Louis XIII . fon
» fils & fon fucceffeur , en qualité de Chi
» rurgien.
ود
" Outre les Voyages & les difcours de
Cofmographie qui compofent ce Recueil.
» l'Auteur a encore fait deux Piéces de
» Vers , dont l'une eft compofée d'un affés
grand nombre de Stances fur fa prifon &
» fur les cruautés des Portugais dans les In-
» des. L'autre eft un Poëme d'environ dou-
» ze cent Vers , dans lequel il raconte quelqu'unes
des avantures de fa vie , qu'il fait,
» revenir au but principal de fon Ouvrage ,
qui eft de prouver qu'il faut mettre en
" Dieu toute la confiance , & pratiquer la
25
ן כ
» Vertu .
» C'eſt de ce Poëme que j'ai tiré les cir-
» conftances cy- deffus, Tels font les pre-
» miers Vers du Poëme,
De Cuify , le Village là où j'ai pris naiſſance ,
Affis en beau féjour en cette Ile de France ,
Adolefcent , petit , allant garder Troupeaux ,
Chevaux, Poulains, & Vaches avecque les Agneaux,
Voilà ce que j'ai tiré de la Préface qui eft
au commencement de la Copie dont je me
fuis fervi. Mais je fuis furpris que l'Auteur
de cette copie ait omis plufieurs circonftances
qui ne laillent pas d'être intéreffantes.
Jean
JUIN. 1741 : 1321
Jean Mocquet nous apprend lui- même qu'il
étoit très -familier avec le Roy Henry IV.
qu'il l'entretenoit fouvent de ce qu'il avoit
Tû dans les Pays Etrangers , lorfqu'il étoit à
Fontainebleau , & même qu'il lui avoit aporté
plufieurs curiofités au retour de fon Voyage
des Indes Orientales en 1601 .
On voit au refte , par les Poëfies de Mocquet
, qu'il n'étoit pas né Poëte , mais que
c'étoit plûtôt de la Profe rimée que toute autre
choſe .
Je defirerois fort de fçavoir fi ces Voya
ges fe trouveroient imprimés quelque part ,
& s'il n'y en a point quelque Edition dans
les Cabinets des Curieux.
Vous pouvez , MM. mieux que perfonne
, me procurer cet éclairciffement de la
part de ceux qui liront dans votre Journal le
Mémoire que j'ai l'honneur de vous adreffer.
Je fuis & c.
L. A.
EPITRE
A M. Leübo , P. D. R. à Villefranche.
Toi ,dont la raifon fuit les traces
Des Anacréons , des Horaces ,
C iij
Leübo ,
1322 MERCURE DE FRANCE
Leubo , dont l'efprit du Vrai ſeul enchanté ,
Perce à travers l'épais nuage ,
Qui fur de foibles yeux répand l'obſcurité ;
Pardonne à ma témerité ,
Si , pour te peindre mon
GA
J'emprunte le divin langage
image ,
Des chaftes Soeurs , dont la beauté
N'offre à ton ame que l'image
De la plus pure volupté :
Epris d'un riant badinage ,
Rens- nous fouvent témoins de leur fécondité.
Mais où me vois je tranſporté ?
Eu vain conduit par la Pareffe ,
Je tournois ma route au Permeffe ;
Elle m'égare à chaque pas ,
Et cette oifive Enchantereffe
N'a pour moi que de vains apas .
Pour toi , fans lime & fans compas ,
Trace à nos yeux avec délicateffe
Les tendres Airs que plus d'une Déeffe
Vient t'infpirer dans de joyeux ébats .
Prens le Pipeau leger , la Lyre , ou la Trompette ;
Fais à ton gré retentir l'Hélicon ;
A t'aplaudir le docte Choeur s'aprête.
De Phébus heureux Nourriffon
Pare le front de Melpomene
•
Des Fleurs que fait germer l'onde de l'Hypocrene.
Ов
JUI N. 1741. 1323
On te vit foûpirer dans le facré Vallon , ( a)
Quand d'Atropos l'humeur chagrine
Alloit livrer à l'avare Caron ,
Et la rivale de Cyprine ,
Et l'Arnte d'Anacreon.
Mais que vois- je en Cenfeur auftere
G. ** verfe fon fiel fur tes plaintifs accens ?
Vains efforts ta Mufe légère , (b)
Et prodigue d'un jufte encens ,
Vient dérider fon front févere .
De Myrthe couronné dès fes plus jeunes ans
11 fçût chanter les faveurs de Glycere.
Il carefla l'Amour , mais fes folâtres jeux
Sont trop- tôt le jouet des deftins rigoureux.
Il fe montre fenfible à ta douleur amere ,
>
Quand de fon coeur tu peins les premiers feux
Le Cenfeur difparoît , & l'ami généreux
Se flate que fon nom décoré
? par tes rimes ,
Va de la nuit des tems braver les noirs abîmes .
(c) De ta Clotho les agrémens divers
Ont pénétré jufqu'aux demeures fombres ;
Pour égayer les triftes ombres ,
Marot leur lit fouvent tes Vers ;
(a ) Elegie qui n'a pas paru.
(b) Epitre à M. de G. inferée dans le Mercure .
(c) Lettre Marotique à M. S. dans le Mercure .
C iiij
Mais
1324 MERCURE DE FRANCE
Mais ( leur dit- il ) de fa fertile veine ,
Si nous voyons éclore tant de Fleurs ,
Quand il nous peint une inhumaine ,
De quel prix feroient fes couleurs ,
Si fon pinceau traçoit le portrait de Climene ?
Pourfuis , Mortel ingénieux ,
Cultive tes talens , affûre- leur un Temple :
Sur l'aile de Mercure on t'admire en cent lieux ;
Mais c'eft
peu qu'au Printems l'Univers te contemnple
,
Si ton Eté ne donne une Moiffon plus ample.
La Nature t'orna des dons les plus chéris ;
Et pour en relever le prix ,
Minerve fur ton front fait briller la fageffe.
Tous les Dieux ont pour toi fignalé leur tendreffe,
Venus même te prend pour l'aimable Adonis ;
Pour plaire à tes joyeux amis ,
Bacchus t'infpire l'allegreffe.
De l'avide Plutus tu hais trop la foupleffe ,
Pour être au rang de fes vils favoris.
Mais , fi de l'Univers la volage Maîtreſſe
T'honoroit d'un tendre fouris >
Quel triomphe pour ta pareffe !
Les Jeux , l'Amour , les Graces & les Ris
Autour de toi folâtreroient fans cesse.
Par M. Boyer de la Valleite.
JUIN. 1741. 1325
海
LHEUREUSE VIEILLESSE.
Lettre écrite par M. le Comte de Marcien ,
Gouverneur de la Ville & Château de Valence
, le 6. Mai 1741.
V
"
Oici , M. une Piéce à inférer dans vo
tre Journal , que les Curieux trouveront
, je crois , assés rare pour s'en amuſer
pour défirer même de pouvoir en faire le fecond
Tome. Vous en corrigerez la diction ;
car nous nous contentons dans le Militaire
, d'expofer tout fimplement le vrai . Je
fuis &c. figné le Comte de Marcieu .
MEMOIRE au fujet de M. de Genas
Lieutenant pour le Roy au Gouvernement des
Ville , Citadelle , & Bourg de Valence.
Ce Gentilhomme, iffu d'une très bonne &
ancienne Maiſon de Dauphiné , eft actuelle.
ment âgé de quatrevingt - dix- neuf ans , étant
né le 5. Janvier 1642. & baptifé le lendemain
au Prêche de Soyons près de Valence.
Il fut desherité par fon Pere , mort Calvinif
te , pour avoir embraffé la Religion Catho
lique de fa Mere , dans laquelle il a toujours
vécû.
Il commença à fervir le Roy en qualité de
Garde du Corps dans la Compagnie de Rochefort..
Су Le
13.26 MERCURE DE FRANCE .
Le 25. Octobre 1673. il fut fait Lieutenant
de la Compagnie des Chevau- Legers de
Beaujeu , dans le Régiment du Roy.
En 1675. il fut pourvû de la Lieutenance
de Roy de Montelimart , puis le 7. Novem
bre 1677. par échange avec M. Deurve ,
fut fait Lieutenant de Roy de Valence .
il
Enfin le 3. de ce mois de Mai 1741. il fut
reçû à Valence Chevalier de S. Loüis par M.
le Comte de Marcieu .
Il jouit d'une très - bonne fanté , & de l'ufage
de tous fes sens , à l'oüye près . Il a encore
fes trente-deux dents , & préfere toujours
la croute du pain à la mie ; il vit trèsfobrement
, mangeant cependant de tout ,
rien ne l'incommodant , fans connoître
pour ainfi dire , s'il a un eftomach.
,
Il est très-vif, fort & vigoureux , droit ,
marchant légerement , danfant même encore
à l'ancienne mode . Il va quelquefois à la
Chaffe , & tire bien.
>
Il eft , au refte , très- propre & fort poli ;
galant même dans les occafions. Il a la veuë
excellente , & lit les plus menus caracteres
d'un peu loin , loin , fans s'être jamais fervi de lunettes.
Comme il a une Mémoire prodigieufe , &
P'efprit fort orné , il s'occupe à la lecture
des bons Livres . Il fait même des Remarques
& des Notes , principalement fur les
MéJUIN.
1741.
1327
Médailles , & autres Monumens de l'Antiquité
, dont il eft grand Partiſan, Outre la
Langue Latine ; il poffede encore fort bien
les principales Langues vivantes de l'Europe
Enfin ce vieux Officier , prodige de nos
jours , ne reffent , pour ainfi dire , aucune
des infirmités de la vieilleffe , fi ce n'eft la
furdité , à laquelle il fuplée par fa vivacité ,
& par une grande facilité à s'énoncer clairement
, avec grace , & avec une éloquence
naturelle . Il dort peu , travaille & s'occupe
continuellement.
EPITRE
A M. des Forges Maillard , pour fervir de
réponse à celle qu'il m'a adreffée dans le
Mercure d' Avril 1741. pag. 674. par M.
G. d'Aucour.
V Otre coeur ainfi
"
Adore donc une Julie
que
le mien ,
Dieux , qu'elles fe reffemblent bien !
La mienne eft petite et jolie ;
Jamais l'aimable Dieu d'Amour
N'en vit de femblable en fa Cour,
Elle eft blonde , et fa chevelure
Bouclée , imite la Nature.
C vj N'est - ce
1328 MERCURE DE FRANCE
N'eft- ce pas là le vrai portrait
De la Belle qui vous captive ?
Du moins , votre Mufe naïve
Me l'a peinte ainfi trait pour trait
Si j'y fçais quelque difference ,
La voici la vôtre en courroux :
>
A même des charmes pour vous ;
Jamais la mienne , en ma préfence ,
N'a montré de l'emportement :
Je n'ai vû que fon enjoüement ;.
Peut-être êtes-vous téméraire ;
L'Amour nous rend audacieux.
Moi , de crainte de lui déplaire ;
Je confulte d'abord les yeux ;
Quand ces interprétes de l'ame
M'aprennent l'état de fon coeur ;
Queje connois par leur douceur
Les progrès de ma tendre flamme
Ma bouche vole fur fa main,
Je n'ofe risquer davantage ,
Et je le tenterois en vain..
>
Plus on eft fol , plus elle eft fage ,
Il faut fe borner à la voir.
Vos Vers charmans me font fçavoir
Que vous aimez votre Julie
Autant que votre propre
vie.
Dire que l'on aime au-delà ,
C'eſt , dites-vous, une hyperbole Mais
JUI N. 1741. 7329
Mais Cupidon dans fon Ecole
Rejette cette théfe- là.
Laiffez-moi vous vaincre en amour ;
Je ne le pourrois au Parnaſſe ;
Affis au côté droit d'Horace ,
Vous faites l'honneur de fa Cour ,
Et je languis dans la pouffiére ;
Mais je fuis Seigneur à Cythere ;
Il ne faut qu'un Coeur amoureux
Le mien , je crois , en vaut bien deux.
J'aurai recours à ma Julie ,
Si vous me combattez en Vers
A votre belle Poëfie
J'opoferai fes doux Concerts :
999
"
C'est elle qui monte ma Lyre ,
C'est fon tendre Coeur qui m'infpire.
Lors que je fais une Chanfon ,
Je l'invoque , & non Apollon.
Le Dieu qu'on encenfe au Permeffe ;
Qu'à Paris on voit prefque nû ,
Sans la Bergere qui me bleffe ,
Me feroit encor inconnu.
A Paris , ce 8. Mai 1741 .
SE
1330 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXX:XXX :XXXX
SECONDE Lettre de M. Nericault-
Deftouches à M. Tanevot.
Oici la feconde Partie de ma Réponfe
, Monfieur : elle fera peut- être trop
longue pour une Lettre , & sûrement elle
fera trop courte , par raport à l'abondance
& à l'importance des matiéres que j'entreprens
de traiter avec vous .
Il faut cependant que je tiennne ma parole
; je vous l'ai donnée de vous à moi , & je
vous l'ai confirmée publiquement. C'eſt un
double engagement , dont rien ne peut me
difpenfer ; & je ne me repentirai pas de m'être
impofé ce devoir , fi vous êtes auffi content
de la maniere dont j'exécuterai ma promesse
, que de mon exactitude à l'accomplir.
Il s'agit de prouver aujourd'hui que la
Raifon nous méne directement à la Foi , &
que la Foi fortifie la Raiſon.
Si je viens à bout de mon entreprife , comme
je crois pouvoir m'en flater , je vais mettre
Bayle & fes Diſciples en mauvaiſe poſture
, & je ne fçais quelle ressource ces derniers
trouveront , pour fe convaincre que la
Raifon eft fi contraire à la Religion , que
celleJUIN.
1331 1741 .
celle- ci ne peut fe foûtenir contre les argumens
des Philofophes.
Lifez donc , Meffieurs les Raifonneurs , &
voyez s'il eft vrai , comme Bayle vous l'enfeigne
,, que la Raifon , quand on l'écoute ,
éloigne de la foi ; & qu'un entendement qui
fe laisse captiver par la Foi , n'a plus que des
idées confufes & dépourvûës de toute vraisemblance
; idées qu'il auroit apellées fausses
& chimériques, s'il avoit osé lever le masque
comme vous , & joindre l'impertinence à
l'égarement.
Heureusement il avoit des ennemis redou
tables , contre lesquels il se tenoit en garde
; & c'eft avec toute la circonspection possible
qu'il a jetté son venin dans les Articles
des Manichéens , des Panliciens , des
Marcionites , des Pyrrhoniens & c. Mais quelquelques
précautions qu'il y ait prifes , un
bon efprit aperçoit d'abord fes pernicieuſes.
intentions : au lieu qu'un fat , un étourdi ,
un demi Sçavant tout au plus , un homme
du bel air , un petit Maître ( & combien en
voyons- nous de ces ridicules efpéces ) croit
y trouver des argumens invincibles contre la
Religion. Infatué de cette chimere , il s'imagine
d'abord qu'il eft un grand Philofophe ,
un tel efprit , un efprit fort , un génie d'une
trempe nouvelle & infiniment au- deffus
du vulgaire . Armé de ces idées flateufes &
intré1332
MERCURE DE FRANCE
intrépides , il raille , il plaifante , il regarde
en pitié les hommes dociles & prudens , qui
faifant un ufage légitime de leur raifon,trouvent
qu'elle eft infiniment plus forte & plus
éclairée , lorfqu'elle fe foûmet humblement
à la révelation, que lorfqu'elle ofe entrepren
dre d'en faper les fondemens inébranlables.
En effet , fi. de pareils perfonnages ( j'entens
nos prétendus efprits forts ) examinoient
d'un fang froid & fans prévention tout ce que
la Raifon leur dit & leur prêche à tous momens
en dépit d'eux-mêmes , quoiqu'elle
femble les avoir abſolument abandonnés , ils
fentiroient bientôt que Bayle les abuſe , &
que fes argumens auxquels ils fe rendent fi
facilement , ne font que ddee purs fophifmes.
Mais des lumieres fuperficielles qui ne doi
vent leur origine qu'à la présomption , qu'à
l'orgueil , & qu'à la corruption des moeurs ,
éblouiffent les libertins fans les éclairer , &
leur donnent la hardieffe de s'ériger en Docteurs
, quoiqu'ils ignorent même les premiers
principes,
Tâchons donc de leur ouvrir les yeux , &
de leur faire voir qu'une Raifon droite conduis
à la Foi; & qu'une Foi pure perfectionne la
Raifon.
J'avoue qu'il faudroit un volume confidezable
, pour bien déveloper les deux vérités
que j'avance ; auffi dois-je vous avertir d'abord
JUI N. 1741. 1333
bord que je n'entreprens pas de traiter cette
matiere à fond. Je me borne à mettre la Raifon
dans la voye qu'elle doit fuivre pour arriver
au but qu'elle doit fe propofer , qui eft
de connoître la vérité .
Je dis donc qu'une Raifon droite , dégagée
des préjugés occafionnés par l'orgueil
et par le libertinage , conduit à la Foi. En
effet , une Raifon droite et non prévenuë
connoît fa propre foibleffe , mais elle fent
en même tems qu'elle eft capable de difcuter
hiftoriquement les Fairs , que les Théologiens
apellent motifs de crédibilité : elle fçait
en tirer des confèquences juſtes , et par ce
moyen elle ſe met en état de s'affûrer de la
vérité et de la Divinité de la Révélation.
Une Raifon droite et non prévenuë connoît
fa propre foibleffe ; car elle voit que tout
l'arrête , que tout l'embarraffe .
1
Sa propre nature , fes differentes manieres
d'être et d'agir , les caufes des chofes qui
font le plus à fa portée , la compofition des
Corps , leur Réfolution , leur méchaniſme
les phénomenes les plus naturels , les fenfations
, et une infinité d'autres chofes , font
pour elle des énigmes impénétrables.
Ce fentiment de fa propre foibleffe la force
de convenir qu'il y a bien des vérités
qu'elle ne peut pas comprendre . Que s'enfuit-
il de-là qu'elle fent la néceffité de l'exiſtence
1334 MERCURE DE FRANCE
xistence d'un premier Principe . Mais veut
elle examiner la Nature de ce premier Prin
cipe ? elle le trouve incompréhenfible : ſa
puiffance l'étonne , fon immenfité l'accable
fa fageffe la déconcerte : elle en conclut que
pour connoître les vérités fublimes que ce
premier Etre renferme , il faudroit que ce
premier Etre lui-même daignât l'en inſtruire.
Elle voit que ce premier Etre, étant effentiellement
bon et effentiellement vrai , il ne
peut ni fe tromper
, ni la tromper
; que s'il P'élevoit
jufqu'à
ces grandes
vérités
, elle
pourroit
les comprendre
, et que s'il lui en propofoit
quelques
- unes fans les déveloper
,
elle feroit indifpenfablement
obligée
d'y ac- quiefcer
, quoiqu'elle
ne les comprît
pas.
Car la Raifon la plus orgueilleufe ne peut
pas fe difpenfer de fentir que fes lumieres
toujours bornées doivent céder à celles d'une
Intelligence infinie , à celles de la Raiſon
fouveraine .
La voilà donc difpofée à croire les vérités
que la Raifon fouveraine lui révelera , fupofé
qu'elle veuille bien lui en réveler quelques
-unes. Ainfi la vûë de fa foibleffe la
conduit à recevoir la Foi , par voye de préparation.
La Raifon ainfi préparée peut examiner , Gi
Dieu lui a véritablement révelé quelquesunes
de ces vérités qui font au- deffus de fa
portée.
JUI N. 1335 .
17412
portée . Que trouve-t'elle après cette recherche
?
Elle voit qu'il y a dans le monde une Societé
qu'on apelle Eglife Chrétienne , Societé
refpectable par fon antiquité , par fon étenduë
, par une infinité de grands Hommes
qu'elle a toujours portés dans fon ſein , par
une Morale parfaitement conforme aux idées
de l'Ordre.
Elle voit que cette Societé fe vante d'avoir
des Livres écrits par des hommes inspirés ;
que ces Ecrits contiennent des vérités que
Dieu a voulu réveler aux hommes , fans les
leur faire comprendre, & des préceptes dont
il exige l'accompliffement , tant pour le bien
géneral de la Societé , que pour le bien particulier
de ceux qui les fuivent.
Si la Raifon peut parvenir à comprendre
que ces Livres font vraiment émanés de la
Sageffe éternelle , elle ne peut pas fe difpenfer
de fe foûmettre à ce qu'ils contiennent.
Or, la Raifon peut parvenir à comprendre
que ces Livres font véritablement & nécesfairement
émanés de la Sageffe éternelle , &
voici par quelle voye la Raifon pourra s'en
convaincre .
Il n'y a qu'une intelligence infinie , & par
conféquent il n'y a que Dieu qui puiffe connoître
l'avenir comme le préfent , & prédire
sûrement les évenemens futurs
Ainf
1336 MERCURE DE FRANCE
Ainfi , s'il eft vrai que dans Livres que l'Eglife
apelle Canoniques , il y ait des chofes
prédites qu'une intelligence créée n'ait pas
pû prévoir, & s'il eft vrai que les évenemens
ayent parfaitement juftifié les prédictions ,
plufieurs fiécles après qu'elles ont été faites ,
on ne peut pas douter que ces Livres ne
foient émanés de la Sageffe éternelle.
Or ,dans ces Livres on voit une infinité de
chofes prédites , qu'aucune intelligence créée
n'a pû prévoir , & les évenemens ont juſtifié
les prédictions , plufieurs fiécles après qu'elles
ont été faites. On ne peut donc plus douter
que ces Livres ne foient émanés de la Sageffe
éternelle.
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
la Captivité des Juifs à Babylone , & en déterminer
précisément la durée .
Cependant Jéremie a prédit cette Captivité
, long- tems avant qu'elle arrivât , & il en
a déterminé précisément la durée. Servient
Regi Babylonis feptuaginta annis. ( Jerem.
25. 11. )
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
qu'un Roy , nommé Cyrus , étoit deſtiné à
détruire l'Empire des Babyloniens , à fonder
l'Empire des Perfes,& à devenir l'inſtrument
des deffeins de Dieu fur fon Peuple. Ifaïe
l'a pourtant prédit plus de deux cent ans
avant que Cyrus vint au monde , & toutes
fes
JUIN. 1741. 1337
fes prédictions ont été accomplies de point
en point , comme il paroît, tant par les Histoires
profanes , que par les Hiftoires facrées.'
Voulez - vous lire les propres paroles d'Ifaïe ?
Les voici . ( If. 45. 1.v. ) Hac dicit Dominus
Chrifto meo Cyro , cujus apprehendi dexteram
ut fubjiciam ante faciem ejus gentes , & dorfa
Regum vertam ; & aperiam coram eo januas ,
& porta non claudentur. Ego ante te ibo ; &
gloriofos humiliabo ; Portas areas conteram , &
vellesferreos confringam : & dabo tibi thefanros
abfconditos, & arcana ſecretorum , ut fcias
quia ego Dominus qui poco nomen tuum , Deus
Ifrael.
Dieu veut punir le Roy de Babylone d'une
maniere terrible ; il ordonne aux Perfes
& aux Medes de fe joindre enſemble pour
l'affiéger : Afcende Alam, obfide Mede. ( If.
21 , 2. )
Cette Ville fera attaquée d'une maniere à
laquelle elle ne s'étoit pas attendue. Venier
Juper te malum, & nefcies ortum ejus . ( If,
57. 11. ) On détournera le cours de l'Euphrate
; on mettra le Canal de ce Fleuve à
Tec , & on entrera par- là dans la Ville. Defertum
faciam mare ejus , & ficcabo venam ejus...
( If. 51. 36. ) Vada praoccupata funt , & paindes
incenfa igni. ( 11. 51. 32. )
Enfin elle fera prife comme dans un filet
fans s'être aperçu des piéges qu'on lui tendoit.
Illa
1338 MERCURE DE FRANCE
•Illaqueavi te , & capta es Babylon , & nefciebas.
( Jerem. 5o . 24. ) On peut voir bien
d'autres particularités de ce fameux Siége
dans Ifaie & dans Jeremie , & les circonstances
les plus détaillées de la deſtruction
totale de cette malheureuſe Ville . Vous croiriez
que tout s'eſt paffé fous les yeux de ces
Prophetes.
gran-
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
que le quatrième Roy de Perfe furpafferoit
les autres en richeffes ; qu'enflé de ſa
deur montée à fon comble , il raffembleroit
tous les Peuples de fes Etats immenfes , pour
tenter la conquête de la Grece , & cependant
Daniel l'a prédit ( Daniel , 11. 12. ) Ecce adbuc
tres Reges ftabunt in Perfide , & quartus
ditabitur opibus nimiis fuper omnes , & cum
invaluerit divitiis , concitabit omnes gentes adverfum
Regnum Gracia . Ne voit- on pas dans
ces paroles de Daniel le grand & fameux armement
de Xerxès contre les Grecs ? Remarquez
que le Prophete ne dit pas que ce Prince
réuffira dans fon entreprife . Auffi voyonsnous
par l'Hiftoire , que toute cette armée
formidable périt dans cette vaine tentative.
. Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
que la Grece devoit produire un Roy d'une
valeur presque furnaturelle, qui fçauroit étendre
fort loin fa domination , l'affermir par
une grande puiffance, & faire toutes les conquêtes
JUIN 1741 .
1339
quêtes qu'il voudroit ; que dans le tems que
ce Roy fi puiffant auroit établi fa domination
, la mort l'enleveroit à toute fa gloire ;
que fon Empire feroit divifé vers les quatre
vents du Ciel ; qu'il ne pafferoit point à fes
defcendans , & qu'aucun de ceux qui lui fuccederoient
, ne lui feroit comparable en puisfance.
Daniel a cependant prédit tous ces
grands évenemens , & l'Hiftoire d'Alexandre
& de fes fucceffeurs , nous prouve l'accompliffement
de fes Prédictions. ( Dan . 11. 34. (
Surget verò Rex fortis , & dominabitur potestate
multa, & faciet quod placuerit ei , & cum
feterit , conteretur regnum ejus , & dividetur
in quatuor ventos Cali , fed non in pofteros
ejus , nequè fecundùm potentiam illius , quâ
dominatus eft.
Daniel fait encore plus. Il peint de la manierë
la plus vive , les combats des Perses &
des Medes , fous la figure d'un Bélier qui
voit deux cornes inégales , & qui donnoit
de fes deux cornes contre l'Occident , l'Aquilon
& le Midi , fans que rien pût lui rég
fifter, ni fe fouftraire à fa puiffance.
Il marque enfuite la Monarchie des Grecs ,
qui s'éleve fur les débris de celle des Perses
& des Medes , fous le fymbole d'un Bouc
extraordinaire , qui n'a qu'une grande corne
entre les deux yeux , qui part du côté de
Occident ( c'est-à- dire qui part de la Macedoine
)
1340 MERCURE DE FRANCE
cédoine ) qui marche avec tant de vîteffe ,
qu'il femble ne pas toucher la terre , qui
vient attaquer le Belier pofté devant la porte,
c'eft- à- dire dans fon Pays. Il l'attaque avec
furie , dit le Prophete , il le perce de coups,
il lui rompt les deux cornes , fans que le Be
Kier puiffe lui réfifter. Le Prophete exprime
enfuite la décadence de la Monarchie Grecque
, par le même Symbole. Le Bouc , ditil
, étant devenu extraordinairement grand ,
fa corne fe rompit, & il fe forma quatre cornes
confidérables au - deffous , vers les quatre
vents du Ciel. On peut voir cette Prophetie
dans le huitiénie Chapitre de Daniel, depuis
le premier Verfet jufqu'au neuviéme , &
l'Hiftoire nous en démontre l'accompliffement.
Une Intelligence créée n'a pas pû prévoir
les révolutions étonnantes qui devoient arriver
dans le Monde par l'établiſſement de
quatre grands Empires , qui devoient s'élever
fur les débris les uns des autres , & qui devoient
tous ceder à l'Empire éternel du Messie
; & cependant Daniel a prévû ces révolutions
, qu'il exprime clairement dans fon
dernier Chapitre , en expliquant le Songe de
Nabuchodonofor , & il les détaille d'une maniere
non moins préciſe dans fon Chapitre
feptiéme , fous la figure de quatre grandes
bêtes qui fortent de la Mer.
Que
1741.
Que ne pourrois- je pas dire fur les Prophéties
qui regardent Jefus Chrift ? Les Li
vres Saints en font tout remplis .
Toutes les circonftances de fa Naillance !
de fa Vie , de fa Mort & de l'établiffement
de fon Eglise , font fi clairement exprimées
dans l'ancien Teftament , que les Payens, &
en particulier Porphyre , reprochoient aux
Chrétiens de les avoir faites après coup.
- Mais les Chrétiens fe juftifioient aisément
de cette injufte accufation. Et par quel té-
'moignage ? Par un témoignage fans réplique;
par celui de leurs plus grands ennemis , des
Juifs en un mot , témoins authentiques &.
non suspects de la vérité . Par ce moyen infaillible
, ménagé & préparé par la Providen
ce , les Chrétiens fermoient la bouche aux
Payens , & triomphoient de toutes leurs ob
jections. Les Payens confondus s'étonnoient
eux - mêmes que les Juifs ne devinffent pas
Chrétiens.
J'irois infiniment au-delà des bornes que
je dois me prescrire , fi j'entreprenois de ra
porter & de détailler toutes ces Prophéties.
Je me contenterai donc de tranſcrire ici celle
que nous trouvons dans le neuviéme Cha
pitre de Daniel , Verfet 24. & fuivans.
Septuaginta hebdomades abbreviata funt fuper
Populum tuum , & fuper urbem fanctam
tuam , ut confummetur pravaricatio , & finem
11. Vol. D accipias
MERCURE
DE FRANCE
fiat peccatum , & deleatur iniquitas ,
Aducatur Juftitia fempiterna , & implea ur
vifio & Prophetia , & ungatur fanctus fanctorum
. Scito ergo & animadvertes ab exitu fermonis
ut iterum adificetur Jerufalem , ufque ad
Chriftum ducem , hebdomades feptem , & hebdomades
fexaginta dua erunt ; & rurfum adificabitur
platea, & muri in anguftia temporum .
Et poft hebdomades fexaginta duas occidetur
Chriftus ; & non erit ejus Populus qui eum negaturus
eft. Et civitatem & Sanctuarium dis-
Sipabit Populus cum Duce venturo ; & finis
ejus vaflitas , & poft finem belli ftatuta defola
tio. Confirmabit autem pactum multis hebdomada
una , & in dimidio hebdomadis deficiet hostia
& facrificium , & erit in Templo abominatio
defolationis ; & ufque ad confummationem
finem , perfeverabit defolatio.
Que de merveilles ne peut- on pas apercevoir
dans ce peu de lignes !
& cela
L'Epoque précife de la Prédication & de
la Mort du Meffie y eft fixée. C'eſt au milieu
de la foixante & dixiéme femaine d'années
( fuivant la maniere de compter des Hebreux)
que le Chrift doit être mis à mort ,
à compter depuis l'Edit , en vertu duquel la
Place & les Murailles de Jérufalem feroient
rebâties , c'est- à - dire depuis l'Edit donné en
faveur des Juifs , par Artaxerxès , furnommé
Longue main puifque c'eft en conféquencé
:
de
JUIN. 1741.
1348
de cet Edit que l'on rebâtit les Murailles &
la Place de Jérusalem , malgré les opofitions
& les efforts des Samaritains , qui mettoient
les Juifs dans la néceffité de tenir la truelle
d'une main & l'épée de l'autre , comme dit
Efdras.
On y voit la réprobation des Juifs , la def
truction du Temple de Jérusalem par Veſpan
fien & Titus fon fils .
La prophanation du Temple.
Et la défolation de cette Ville ; défolation
qui doit durer jufqu'à la confommation des
fiécles.
Voilà bien des Faits éclatans qu'une Intelligence
créée n'a pas pû prévoir , & que
Dien feul a pú réveler à fes Prophetes , Deforte
que quand même on ne confidereroit , ni
les Hiftoires miraculeuf s raportées dans les
Livres Saints,ni la fageffe des Loix qui y font
répandues , Lox plus conformes à la Raifon
& plus utiles à la Societé , que celles des
Lycurgues , des Solons , & des plus fameux
Légiflateurs.
"
Quand on ne confidereroit ni la beauté
de la Morale , dont ces Livres ficrés font
remplis , Morale plus fublime , plus hinte &
plus conforme aux idées de l'Oidie que celle
des Platons , des Sencques & des plus fages
Philofophes ; on feroit forcé de reconnoître
la divinité de ces Livres , par la feule
Dij raison
344 MERCURE DE FRANCE
raifon qu'ils contiennent une infinité de prédictions
, de la nature de celles que je viens
de raporter , & dont on a vû l'accompliffe
ment dans les tems défignés. Dieu feul peut
connoître l'avenir comme le préfent. Dieu
feul a pû infpirer ces Prophéties ; il eft donc
évident que les Livres qui les contiennent
viennent de Dieu feul , & les ſophiſmes les
plus fubtils , l'incrédulité la plus opiniâtre ,
le génie le plus profond , la fcience la plus
vafte , l'orgueil le plus intrépide , ne peuvent
éluder cette conféquence.
Après cette difcuffion , un peu longue à
la vérité , mais encore trop abregée , fi l'on
confidere l'importance du fujet , n'eft - il pas
bien facile à la Raifon de concevoir d'abord
que les obfcurités qui fe trouvent répandues
dans les Livres Saints , ne font pas un prétexte
recevable pour fe difpenfer de s'y foûmettre
? furtout fi elle fe repréfente que
Dieu ayant incontestablement un fouverain.
domaine fur toutes fes Créatures , il a droit
d'exiger la foûmiffion de l'efprit & du coeur
de ces Créatures libres , pour leur donner
occafion de mériter ou de démériter , par
le bon ou le mauvais uſage de ces deux facultés
.
D'ailleurs , l'idée d'une Religion eft renfermée
dans l'idée d'un Dieu Créateur ; &
la néceflité de la Révélation eft renfermée
dans
JUIN. 1741. 1345
dans l'idée de la néceffité d'une Religion
Car un Dieu Créateur doit exiger des
hommages de fes Créatures . Puifqu'il eft le
Principe de toutes chofes , il doit être la fin
de toutes chofes , & c'eft à lui que toutes
chofes doivent fe raporter , de la maniere
dont elles font capables de lui être raportées.
Des Créatures capables de connoître & de
vouloir librement , doivent donc lui faire
hommage de leur entendement & de leur
volonté.
Comment peuvent- elles lui faire cet hommage
de leur entendement ? en voici le plus
für moyen , c'eft en acquicfçant à des vérités
qu'elles ne comprennent pas .
Comment foumettront- elles leur volonté
au Divin Créateur ? La maniere de lui en
faire hommage , c'eft de s'affervir humblement
& fidellement à des préceptes qui font
pénibles à la Nature .
Pour croire des vérités qu'elles ne comprennent
pas , il leur faut un garant capable
de leur perfuader que les vérités qu'elles
croyent , font réellement exiftantes.
Pour obferver des préceptes pénibles à la
Nature , il leur faut une autorité capable de
les y foumettre , ou par la terreur des châtimens
, ou par l'efpoir des récompenfes.
Mais fi Dieu n'a rien révelé , il n'exige
D iij
au .
1346 MERCURE DE FRANCE
aucun hommage de fes Créatures intelligentes.
Il n'exige aucun hommage de l'Entendement
, puifqu'il ne lui propofe aucune vérité
qui foit au-deffus de fa portée.
Il n'exige aucun hommage de la volonté ,
puifqu'il n'a point impofé de Loix . Il a produit
des Créatures libres , uniquement pour
être le fpectateur de l'ufage qu'elles feroient
de leur liberté. Il n'y a dans le Monde qu'un
ordre arbitraire qui pourra changer ſuivant
la fantaifie des hommes ; & Dieu ne tirera
d'autre gloire de fes Créatures , que
celle de
les avoir créées . Un homme fenfé peut- il
imaginer cela ? Toutes réflexions faites ,
fentira t'il pas au contraire qu'il lui eft impoffible
de réfifter aux raifons invincibles
qui prouvent la néceffité de la Révélation &
Findifpenfable obligation de s'y foûmettre ?
Néceffité prouvée métaphyfiquement &
conforme à la droite raifon .
Révélation dont la Divinité fe manifefte
clairement par la difcuffion hiftorique des
Faits qui concourent unanimement à convaincre
les plus incrédules , que Dieu feul
peut être l'Auteur des Livres Canoniques ,
& qui forment une Démonftration fi parfaite
, que les fophifmes les plus fubtils des
Libertins ne pourront jamais l'ébranler.
Il ne me feroit pas moins facile de démontrer
que
JUIN. 1741. 1347
que
la Raifon feule ne fuffiroit pas pour procurer
à Dieu des hommages dignes de lui.
Mais les bornes que je dois me preferire
ne peuvent me permettre de fi longues dif
cuflions. Il me fuffira de faire fentir cette vérité
, en examinant comment la Foi perfec
tionne la Raifon.
1º. La Raifon humaine abandonnée à ellemême
, eft capable de tomber dans les abfurdités
les plus groffieres . Rien ne peut s'opofer
à fes écarts , fi la Foi ne vient pas à fon
fecours , & ne l'empêche pas de s'égarer.
2º. La Raifon toute feule n'a qu'une idée
confuſe du Bien & du Mal , confideré dans
l'ordre moral. La Foi lui fait connoître dif
tinctement l'un & l'autre.
3°. La Raifon dépourvûë de la Foi , cherche
vainement le point véritable de la félicité
de l'homme : la Foi découvre à l'ame
le feul objet capable de la fixer & de la remplir.
Il fuffit de déveloper ces trois vérités
pour démontrer que la Foi perfectionne la
Raifon , bien loin de rendre fes idées confufes
& peu vraisemblables , comme Bayle
voudroit le perfuader.
Je dis d'abord , que la Raifon humaine
abandonnée à elle - même , eft capable de
tomber dans les abfurdités les plus groffieres.
En effet , la Raifon , toujours plus curieufe
qu'intelligente , a bien de la peine à fe bor-
Diiij ner.
348 MERCURE DE FRANCE
ner. Elle regarde toutes les vérités comme
étant de fon reffort : la fublimité des objets ,'
leur obſcurité , leur impénétrabilité même
ne font que piquer et exciter fes recherches :
elle ne fe contente pas de voir des probabilités
, elle veut pénétrer dans le fond des
chofes ; elle veut conclure.
,
Mais à quels égaremens ne s'expofe-t'elle
pas,lorfqu'elle s'éleve au- deffus de fa fphere !
elle croit voir clair au milieu des ténebres les
plus épaifles : elle affûre ce qui n'eft tout au
plus que vrai -femblable : le premier faux pas
qu'elle fait , a pour elle les plus pernicieuſes
conféquences : une fauffe lueur qui la féduit ,
l'attire toujours vers le précipice : elle va de
labyrinthe en labyrinte , d'abyme en abyme ;
plus elle avance , plus elle s'égare.
C'eſt ainfi que les Philofophes Payens,ayant
connu par les lumieres de la Raifon la néceffité
d'un Principe qui donne l'exiſtence
aux Etres créés , et voulant aprofondir la
nature et les proprietés de ce Principe, avoient
entaffé chimeres fur chimeres , jufqu'à mettre
les hommes hors d'état de connoître leur
Créateur. Difpenfez - moi d'entrer dans le détail
des folies que leur Raifon avoit imaginées.
Tout le monde en eft inftruit , et tout
le monde fent les abfurdités du Polythéïlme .
,
C'eft ainfi que les Gnoftiques ou les Va-
Jentiniens , voulant aprofondir par la force
de
JUIN. 1349 17412
de leur Raifon , non- feulement la Nature
Divine , mais encore les motifs de la Création
du Monde , et la maniere dont il a été
créé , avoient fait la merveilleuſe découverte
de leurs trente Eones mâles , fans compter
les femelles , qui compofoient le Pleroma ,
ou la Plénitude.
C'est ainsi qu'ils avoient trouvé la production
de la Terre , dans la trifteffe d'A
chamot celle des Eaux , dans les larmes
qu'elle répandit ; et celle de la Lumiere
dans fon ris , & c.
C'eft ainfi que les Manichéens , voulant
chercher l'origine du Bien et du Mal moral ,
avoient imaginé les deux Principes , l'un bon,
et l'autre méchant , dont je vous ai fai voir
l'abfurdité dans ma Lettre précedente.
C'eft ainfi que tous les Hérétiques abuſant
de leur Raifon , fons tombés dans d'autres
abfurdités , les unes injurieufes à Dieu , les
autres défefperantes pour les hommes , et
toutes fondées fur de faux raifonnemens
dont ils fe font éblouis eux- mêmes.
Enfin , c'eft ainfi que Bayle abufant de la
fubtilité de fon efprit , renverſe , brouille ,
et confond les idées les plus fimples et les
plus claires. QuoiqueDieu n'ait donné la Raifon
à l'homme , que pour trouver la vérité ,
ce Sophiſte ne s'en fert que pour l'obscurcir.
Mais lorfque la Foi vient au fecours de la
D v Rai
→
350 MERCURE DE FRANCE
Raifon , tous les nuages qui l'offufquoient
Le diffipent comme d'eux- mêmes.
La Raifon voit la néceffité d'un Etre fimple
, immuable , exiftant par lui-même , et
qui doit être le premier Principe de toutes
chofes. Elle contemple fa puiffance , fon infinité
, fa fageffe , fon immenfité , fa gloire .
Mais elle ne cherche point à pénétrer
-comment il peut fubfifter en trois Perfonnes
diftinctes , qui ne font pourtant qu'un feul
Etre. Elle fent les bornes qui lui font prefcrites
; elle s'y contient , et elle ne s'égare
pas.
Quoiqu'elle fe fente incapable d'entrer
dans les abymes inacceffibles de la Divinité ,
elle fe trouve affés de lumieres pour voir
clairement que les Divinités du Paganifme
font chimériques et fouverainement ridicules
, et que la Doctrine des Valentiniens eft
digne de gens échapés des Petites Maifons.
Elle fe trouve affés de lumieres pour connoître
l'impoffibilité des deux Principes des
Manichéens , pour découvrir les fophifmes
des Hérétiques , et pour comprendre les
mauvaifes intentions de Bayle.
La Raifon que la Foi conduit , veut bien
difcuter les chofes qu font de fa compétence ,
mais elle ne veut pas fortir de fa fphere , et
fe préferver de l'orgueil des Philofophes ,
quoiqu'infiniment plus fage qu'eux : elle eſt
moins
JUIN. 1741 .
1351
moins curieufe qu'ils ne le font , mais elle
raifonne plus jufte qu'ils ne raifonnent.
Je dirai bien plus : on peut regarder la
Révélation comme une grande découverte ,
qui a mis géneralement tous les hommes
dans la meilleure voye du Raifonnement.
Ceux qui font profeffion d'incrédulité en
profitent comme les autres , pour traiter certaines
grandes vérités qu'ils n'auroient jamais
aperçues , fi elles n'avoient jamais été révelees
; et s'ils tombent dans la confuſion ;
c'eft parce qu'ils rejettent la Révélation dans
tout ce qui ne s'accorde pas avec leurs fo
phifmes.
Platon , après fon voyage d'Egypte , où il
cut occafion de voir les Livres de Moife ,
penfe d'une maniere bien plus fublime , bien
plus exacte , et qui aproche bien plus de la
vérité , que tout ce qu'il avoit penfé juſqu'a
lors.
C'est une perfection dans la Raifon , que
de connoître la portée de fes lumieres , et
de ne pas vouloir aller au- delà : c'eft une perfection
en elle , que de pénetrer le plus
loin qu'elle peut en fuivant des routes füres :
et c'est une perfection en elle , que de voir
les précipices où fa curiofité l'entraîne , &
de s'arrêter lorfqu'elle fe trouve au bord :
alors n'étant détournée
pas
des objets
auxquels elle fent bien qu'elle ne peut at-
D vj teinpar
352 MERCURE DE FRANCE
teindre , elle donne toute fon aplication
ceux qu'elle eft capable d'aprofondir ; elle les
examine , elle les dévelope & elle les comprend
; c'eft la Foi qui procure ces avantages
à la Raifon , & c'eft par - là qu'elle la perfectionne.
J'ai dit en fecond lieu que la Raifon toute
feule n'a que des idées confufes du Bien &
du Mal , confiderés dans l'ordre moral , &
la Foi lui fait connoître diſtinctement
l'un & l'autre.
que
La Raifon dépourvûë de la Foi , peut bien
comprendre certains principes géneraux, qui
font gravés dans le coeur de l'homme .
Elle peut voir qu'il n'eft pas permis de
tromper les autres , de les trahir, de condam
ner des innocens , de prendre le bien d'au
trui; mais elle borne fa Morale à ce qui constituë
l'honnête homme , fuivant les idées du
monde.
Elle ne regarde pas l'attachement aux richeffes,
comme quelque chofe de pernicieux;
ni la vengeance, lorfqu'elle paroît jufte , comme
une action illégitime. L'amour de la gloire
, de quelque genre qu'elle puiffe être; l'ambition
, l'orgueil même , lui paroiffent des
vertus qu'elle apelle grandeur d'ame ; elle
envifage la pauvreté , l'humilité , le défintéreffement
, comme des baffeffes ; elle prend
continuellement le change fur la bont é ou la
défec
JUIN. 1741. 135%
défectuofité des motifs qui font agir les hommes
; enfin elle regarde la plupart du tems le
mal comme un bien , & le bien comme un
mal , & attire par- là fur les hommes cette
malédiction que Dien a lancée contre eux par
la bouche d'Ifaïe : Va qui dicitis malum bonum
& bonum malum. ( If. §. 20. ) 、
(
r
Lorfque la Foi l'éclaire , elle voit non - feu
lement les principes géneraux de la Morale ,
mais encore les particuliers , & toutes les
conféquences qui en dépendent .
Elle voit non- feulement ce qui doit constituer
un honnête homme , fuivant les idées
du monde , mais encore ce qui doit le rendre
jufte aux yeux de Dieu . Elle comprend
que l'attachement aux richeffes détourne les
hommes de leur fouverain bonheur & les expofe
à la fouveraine miferes elle fçait que
fi
la vengeance étoit permife aux particuliers ,
le monde entier tomberoit bien - tôt dans la
confufion , parce que tous les hommes naturellement
méchans , trouveroient toujours
des prétextes pour fe nuire les uns aux autres
; elle conçoit que les hommes ne doi
vent pas chercher la gloire du monde , parce
qu'ils n'ont que peu de tems à en jouir ,
& qu'ils doivent tourner toutes leurs vûës
vers la gloire de l'Eternité qui leur eft promife
; qu'ils font peu raifonnables de fe contenter
d'une petite lueur qui ne fait que pas
fer
1354 MERCURE DE FRANCE
fer , & d'oublier ce qu'il y a de plus folide
& de plus durable. Elle voit que l'ambition
& l'orgueil font la fource de mille crimes ,
& que les meilleures actions font condamnables
, quand les motifs en font mauvais.
La Raifon éclairée par la Foi , pefe tout au
poids du Sanctuaire; elle a des principes fûrs,
elle ne fe laiffe pas éblouir par
de fauffes ара-
rences , & elle connoît diftinctement le Bien
& le Mal.
J'ai dit enfin
que la Raifon dépourvuë
de
la Foi , cherche très -vainement quel eft le
véritable point de la félicité de l'homme , &
que la Foi découvre à l'ame le feul objet ca
pable de la fixer & de la remplir.
Les hommes , qui fentent en eux -mêmes
un defir invincible d'être heureux, ont épuifé
toutes les reffources de leur Raifon & de leur
imagination , pour trouver le vrai centre de
la félicité , mais ils ont toujours donné dans
le travers , jufqu'à ce que la Foi les ait éclai
rés fur ce point.
Les Epicuriens le faifoient confifter dans la
volupté; les Stoïciens dans la force de la Raifon
; les Poëtes avoient imaginé les Champs
Elifées ; pas un de tous ces grands Efprits n'avoit
conçû que Celui qui eft le principe de
toutes chofes , doit être la fin de toutes chofes.
Cependant ce principe eft fi fimple , fi
clair & fi frapant , que la Raifon humaine
doit
JUIN. 1741. 1355
doit être bien honteufe de n'avoir pas pû le
découvrir. Mais il n'apartient qu'à la Foi de
perfectionner encore la Raifon fur un point
de cette importance.
Ce principe une fois connu par les lumie
rés que donne la Révélation , entraîne la Raifon
qui ne peut s'empêcher de l'adopter ; elle
comprend d'abord que la poffeffion de Diew
eft la feule chofe qui puiffe rendre les hommes
heureux , & que puifque Dieu eft la
fource & la plénitude de tout bien, ceux qui
feront reçûs dans ſon ſein , feront infiniment
heureux.
Tout cela bien & mûrement confideré, n'eftil
pas très- facile d'expliquer pourquoi le coeur
de l'homme paroît infatiable de biens & de
bonheur ?
L'Auteur de fon Etre a mis en lui des defirs
proportionnés à la fin à laquelle il l'a deſtiné ;
& puifque Dien , c'eft - à- dire la plénitude de
tout bien , eft la fin derniere de l'homme
le Créateur de l'homme a dû mettre en lui
une tendance au moins génerale à la plénitude
de tout bien.
Il s'enfuivra de- là que fr l'homme ufe bien
de fa Raiſon , fortifiée & perfectionnée par
la Foi , il voudra tout quitter, tout abandonner
pour arriver à cette heureufe fin ; qu'il
méprifera tout ce qui ne l'y conduit pas , &
qu'il évitera tout ce qui l'en éloigne. Sa Rai-
80
fon
358 MERCURE DE FRANCE
fon ne fera plus un guide trompeur ; elle ne
s'embarraffera plus dune infinité de vaines
fpéculations qui ne font que l'aveugler & la
rendre préfomptueufe ; elle conduira les
hommes dans les routes lumineufes de la
Vérité & de la Justice ; elle leur fera voir l'impoffibilité
de comprendre des Myfteres que
Dien ne leur a pas voulu dévoiler ; elle les
convaincra de la néceffité de les croire , fur la
parole de celui qui ne peut fe tromper ni
tromper les hommes ; elle leur montrera l'obligation
étroite où ils font d'étudier fes Préceptes
& de les fuivre , & elle leur facilitera
tous les moyens néceffaires pour mériter fes
récompenfes ; d'où je conclus qu'étant dans
ces heureufes difpofitions , elle aura infiniment
plus de force & de fagacité , que lorſqu'elle
s'égare dans les vains raifonnemens
des Philofophes , fource éternelle d'incertitude
& d'erreur.
Je ne vous en dirai pas davantage fur cette
matiere , qui pourroit exercer long- tems
ma plume ; foyez content de cette Differtation
que j'ai abregée autant que je l'ai pû , &
fçachez moi quelque gré, je vous prie , Monfieur
, de ce que par pure complaifance pour
vous,j'ai cû la hardieffe d'entrer dans une carriere
où il ne m'apartient nullement de cou
rir. C'eſt une témerité dont je rougis , &
dont cependant j'aurai lieu de m'aplaudir , fi
les
JUI N. 1741 . 1337
les effets en font auffi heureux que je le dé
fire. Je fuis , & c.
1
****************
EPITRE
LA M. Roy ,fur les Rimes des V'ers qu'il récita
à M. le Duc de Gêvres , quand il en reçût
le Cordon & la Croix de l'Ordre de Saint
Michel.
Digne objet des faveurs, que le plus grand desRois
Epanche fur notre Art pour la premiere Fois,
D'une Mufe au berceau daigne accepter l'Hommage,
Puifque Louis,fa Cour, t'ont donné leur Suffrage ;
Tu donnes à tes Vers & leur prix & leur
Méprife ces jaloux , nés pour l' Obfcurité ,
Leur nom meurt , le tien vole à la Pofterité.
Tu n'avois pas befoin de cette marque
Illuftre ,
Luftre;
>
Bonheur.
Carriere ,
Apollon te promet une victoire Entiere.
Eux feuls t'ont fçû frayer cette route d'Honneur
Où ton efprit t'éleve , autant que ton
Pourfuis avec éclat cette noble
Le Roy, Fleury, le Peuple, admirant tes Travaux ,
Nouveaux.
Puiffe le Dieu charmant qui t'infpire & t ' Eclaire ,
Attendent de ton Art des prodiges
Te conferver le don de toucher & de
La France retentis de tes divins
Plaire !
Concerts ;
Гад
1358 MERCURE DE FRANCE
Par un nouveau chef-d'oeuvre étonne
Pour le Fils de ton Roy l'Amour & l'
Préparent , de concert , une auguſte
Il leur faudra des Jeux ; tu peux mêler ta
Et difputer le Prix dans les Têtes des
L'Univers;
Hymenée
Journée ;
Voix
,
Par M. G. d'Aucour.
Reis.
DISSERTATION du R. P. M. Texte
, Dominicain , fur le jour du décès & le
lieu de la fepulture du coeur de la Princeſſe
Jeanne de Châtillon , épouse de Pierre de
France , pourfervir de Mémoire à l'Hif.
toire,
E tous les Auteurs qui ont écrit au fu-
Djet de S. Louis , Roy de France , & de
fa Famille Royale , il n'en eſt point , que je
fçache , lequel en parlant de fon cinquième
fils Pierre Comte d'Alençon , nous air déclaré
le lieu de la fepulture du coeur de Jeanne
de Châtillon fon époufe ; & il y en a même
qui n'ont pas marqué au jufte le jour de
fon décès.
Ce grand filence fur le premier Fait , & le
peu d'exactitude au fujet du dernier, dont je
m'aperçus il y a quelque tems , me firent former
le deffein d'en faire une féricufe recherche
,
JUIN. 1741.
$359
che. J'ai eu , ce me ſemble, la fatisfaction d'y
réulfir, ayant trouvé ces Faits dans un ancien
Manufcrit de l'Abbaye de Prémontré, raporté
par Dom Martenne , Benedictin , T. VI . p.
1222. Coll. vet. Script . on y lit ce qui fuit.
Cy commence l'Ordonnance de M. la
Conteffe d'Alençon et de Blois , que elle fir
à fon trépaffement.
€
En l'an de l'Incarnation M. CC . quatre
vingt et onze , le judy devant la converfion
de S. Paul, prift la maladie à T. N. D. Maď.
Jehanne Conteffe d'Alençon & de Blois
dont elle trépaffa le mardi après enfuivant.
Ce Judy à fon éveillier li prift douleur une
à fon cofté fi grande , qu'elle ne ceffoit de
crier , & en ce point elle fuft tout le judi et
le vendredy aprez , et toujours le mal alloit
en enforçant & c . et le mal qu'elle avoit au
cucur la fit moult famehochier , c'est à - dire,
bâiller. Les Phyficiens dès lors s'aperçûrent
qu'elle étoit en fiévre , et elle fe confeffa en
grand dévotion , fe fift veftir et appareiller
fon lit pour plus révérament recevoir fon
Sauveur ; et li Dimanche aprez li Evefques
d'Orliens y feuft , M. de Chatillon , li Conneftables
, li Chantres de Bayeux. Le Plurier
pour le fingulier étoit alors une élégance ;
et tantoft Mailtre Guillaume (c'étoit fon Phyficien
on Medecin ) diſt Mad , où vous plaira-
'il que votre corps repofe : elle répondit que
aux
1368 MERCURE DE FRANCE
que
et
aux Freres MENEURS , et aprez lui demanda
où il lui plaifoit qu'on mift fon cueur ,
elle répondit aux Freres Prêcheurs : et on lui
ramentut l'Abbaye des Seurs Meneurs de la
Guiche , que fon Pere et fa Mere fonderent ;
& de RECHIEF elle dift elle vouloit que
fon cueur feuft aux Freres PRECHEURS ; &
pource qu'elle pût bien avoir le fecours des
deux Ordres , & pour l'amour de fon Seigneur
le Conte d'Alençon : après tantoft elle
envoya querre l'Evefque d'Orliens & les
autres Exécuteurs , & prift la Croix d'Outremer
( de la Croisade ) à l'exemple de fa
mere qui en avoit fait le voyage , plorrant &
la croix aoürant ( terme encore commun en Limoufin
, pour dire baifer , orijungere ) elle
difoit : Haa , doulce Vierge Marie , par ta
grant humilité tu voulfife que nom Royal
fut en toy oublié ) Haa , Madame , et je
qui fuis fi miferable par dehors étryé ( charoigne
puante ) de fi riches aournemens et
atours envelopée : Haa , Dame , priez votre
doulx fils , que cils orgueils et tous les autres
péchiés me foient pardonnez. Haa , Da ;
me , vous fuftes fobre , et je gloute. Haa ,
Dame , &c. afpiration dévote vers la fainte
Vierge , fi ordinaire aux Parifiens , lefquels
n'en fçachant pas lafignification , difent mieux
qu'ils ne penfent. Après , fe dit- elle , faitesmoi
avoir une croix de fuft , en quoy je
puiffe
JUIN. 1741 1361
puiffe mieux voir , et avoir la reffemblance
de cette vraye croix en quoi mon Sauveur
mourut , la croix d'or m'esbloüit : ſi lui aporta
une croix de fuft après l'ennoliement, l'Extrême
- Onction,adonc elle s'écria ; Sire Dieux ,
or vous pluft- il que je , chetive péchereffe
qui tant ay aimé le grant orgueil, et d'aboun
dant fuffe traifnée par toutes les rues de Paris
, là où je me fuis montrée orgueilleuſement
et bonbancierement ; et que tous ceux
et celles qui m'ont veuë mener mes grands
cotifes , me jettaflent des boës et des favettes
. Et puis la bonne Conteffe aucune fois
difoit - elle tout baffet : Pater in manus tuas
commende fpiritummeum, ci comme elle pouvoit
, et en ces paroles et tel entendement ,
euft jufques à la fin que fes efperis fe départi
de fon corps. Ci finit l'Ordonnance de Mad,
la Conteffe d'Alençon .
Il confte par cette Relation , que Jeanne
de Chatillon difpofa la veille de fa mort de la
fépulture de fon corps , et bien plus abfolument
de celle de fon coeur ; et c'est pour
avoir ignoré cette rélation , que les Hiftoriens
ont confondu l'un avec l'autre dans le
même tombeau : je laiſſe aux RR . PP. Cor
deliers à découvrir par quelle occafion le
corps de cette Princeffe , qui devoit être enterrée
dans leur Eglife , le fut dans celle des
Dames R. de Ste Claire de la Guiche , où
l'on
1362 MERCURE DE FRANCE
l'on voit fon Tombeau avec fon effigie , et
point d'Epitaphe. Le corps , dit Duchefne ,
fans parler du coeur , fut porté à la Guiche.
Mais comme perſonne ne reclame ce coeur
qui fut féparé du corps lorfqu'on l'enbauma
pour le conduire à so . lieues de Paris , les
termes de la Relation qui nous le donne ,
étant fi clairs et fi pofitifs , jufqu'à ce qu'on
nous prouve le contraire , il paroît nature
de dire poffeffio valet avec d'autant plus de
fondement , que cette Princeffe fut inflexible
pour que fon coeur ne fût pas porté
à la Guiche , on lui ramentut l'Abbaye des
Seurs Meneurs de la Guiche , & de rechief
elle dift que elle vouloit que fon cueur feuft
aux Freres Précheurs , pour l'amour de fon
Seigneur le Conte d'Alençon. On fçait que
le coeur de ce Prince y eft enterré . Il faut
auffi reconnoître , après une déclaration fi
abfoluë de la derniere volonté de fon époufe
, par raport à fon coeur , qu'il y repofe ; et
que fi son corps eft auprès de ceux de ses
Parens son coeur eft avec ceux de plufieurs
Rois , Reines , Princes et Princeffes de la
Maison Royale de Pierre de France , son
Epoux.
Ce Prince , cinquiéme Fils de S. Louis, et
non pas le troifiéme ni le quatrième , on eft
revenu de ces erreurs , nâquit en 1254. au
• Hift . Généalogique, T. 1. pag. 85 .
*
retour
JUIN .
1353 17411
•
retour de son Pere du premier voyage d'Outremer,
où en 1250. Triſtan , son frere aîné ,
et en 1252. Blanche sa- Soeur étoient venus
au monde ; il fut accordé en mariage à Jeanne
de Chatillon en 1263. avant qu'elle eût
l'âge de 9. ans , dit Duchesne , et mariée en
1273. selon de Nangis , Auteur contemporain
; en 1281. il passa en Italie pour secourir
son Oncle Charles de France , Roy de
Naples , et mourut à Salerne , Ville de ce
Royaume , le 6. Avril 1283. ftile nouveau ,
ou 1282. ftile ancien , 12. jours avant la fin
de l'année , Pâques étant le 18 , Avril ,
l'année de sa mort. » Son coeur fut por
té à Paris , ce sont les propres termes de
M. du Tillet , Recueil des Rois p. 355.
Edit. de 1618. et mis dans l'Eglise des
" Jacobins , & fon corps dans celle des
» Cordeliers de Paris , selon la dispofition
» de son Teſtament , daté du mois de Juin
" 1282. par lequel il fait plufieurs legs pi-
» toyables , fait ses Exécuteurs le Roy Philipe
tiers son Frere , & c.
On peut juger de la profonde humilité de
ce digne Fils de S. Louis par les expreffions
dont il a voulu se servir. » Jefls la sépulture
» de notre orde charoigne aux Cordeliers ,
» et celle de mon cueur aux FF. Précheurs
» de Paris , veus que ma tombe qui sera sur
» mon
364 MERCURE DE FRANCE
»mon corps ne soit de plus grande dépense
de 50. liv. et celle qui sera sur mon
Cueur de 30. livres .
» que
Comme ce Prince eft le premier des Capetiens
, III. Race de nos Rois , lequel a
choifi la sépulture de son coeur dans notre
Eglise de Paris , on peut dire que son exem
ple n'a pas peu contribué à rendre cette Eglise
la dépofitaire de ceux des Rois de France,
Philipe III. et de sa seconde femme Marie
de Brabant ; de Philipe V. Charles IV. et
des entrailles de Philipe VI. du coeur de
Charles de France , Roy de Naples , frere
de S. Louis , de ceux de Philipe III . Roy de
Navarre , & de fon époufe Jeanne de France
,
du corps de Catherine de Courtenay ,
Impératrice de Conftantinople , de Clémence
d'Hongrie , époufe de Louis X.
de celui de Beatrix de Bourbon , époule
de Jean Roy de Boheme ; & , ce qui eft
digne de remarque , de ceux de trois Fils
de France , tiges de trois Branches Royales
; de Robert Comte de Clermont ;
fixiéme fils de S. Louis , Chef des Bourbons
, de Charles de Valois , chef des Rois
de ce nom , & de Louis d'Evreux , qui l'a
été des Rois de Navarre de fa Maiſon , fans
parler de plufieurs de leurs Defcendans &
Alliés.
La
1/41 130)
La recherche exacte que j'ai faite du jour
du décès & du lieu de la fépulture du
coeur de Jeanne de Châtillon , étoit d'autant
plus à propos , qu'on lit dans un Ouvrage
depuis peu imprimé ce qui fuit :
»Jeanne de Châtillon , fit fon Teſtament
» le jour de la Fête de S. Julien le 9. Janvier
» 1291.& mourut le 19. fuivant, âgée de 38 .
ans : mais fi ,felon la narration ci- devant raportée,
cette Princeffe tomba malade le jeudi
avant la Fête de la Converfion de S. Paul ;
ce jour- là étant en 1291. un Vendredi le 25.
Janvier , il faut dire qu'étant décedée le mar
di d'après, elle mourut le 29. & non pas le
Perfuadé que c'eft ici une faute d'impreffion ,
je n'ai garde de l'attribuer aux Auteurs de
l'Ouvrage , fi refpectables par leur érudition :
ce que je dis n'eft que pour faire éviter cette
date qui n'eft pas dans l'Errata.
19 .
Il y a dans la même page 86. T. I. » Son
" corps fut porté à l'Abbaye de la Guiche ;
près de Blois , où l'on voit , continuent
» ces Auteurs, une Peinture à Frefque dans le
» Dortoir de ce Monaftere , près de la Cellule
» C. faite du tems & pour cette Princeffe , où
» elle eft repréſentée à genoux devant la fain-
" te Vierge , à qui S. Jean , fans dire lequel ,
» la préfente : « derriere elle font XIV. Chartreux
à genoux, & le haut eft chargé de plufieurs
Ecuffons de fes Armes,& de celles de
fon mari
E L'équivo
366 MERCURE DE FRANCE
L'équivoque eft vifible ; ce n'eft- là qu'une
defcription fidele en tout de l'ancienne Peinture
qui eft dans le grand Cloître des RR.
PP. Chartreux de Paris , dont le P. du Breuil
a parlé il y a 10. ans, p. 468. des Antiquités
de Paris , & que le Public a vûë de nos
jours , & voit encore renouvellée depuis
1712. où pofitivement il y a au- deffus de la
porte de la Cellule qui fuit, un C.en gros caractere,
ainfi que je l'ai vérifié ſur le Lieu. Le
haut de la peinture a dix- fept Ecuffons d'Alençon,
femé de France, à la bordure degueules,
& de Châtillon , de gueules à trois pals de
vair au chefd'or, la Princeffe fuivie de XIV.
Charteux, y eft préſentée par S.Jean - Baptiſte ,
à la Sainte Vierge , tenant fon Fils entre fes
bras , à laquelle elle adreffe ces paroles :
Vierge Mere & pucelle, à ton chier Fieus préfente
XIIII. Freres qui prient pour moy.
Et l'Enfant Jefus lui répond :
Ma fille je prens le don que tu me fais
Et te rens tous tes meffets.
Ce divin Enfant reçoit agreablement un
don auffi précieux que l'eft celui d'une Fondation
pour XIV . faints Solitaires , faite par
une augufte & pieufe Princeffe , fille unique
de Jean de Châtillon & d'Alix de Bretagne
& héritiere des grands biens de cette Branche
de la Maifon de Châtillon - fur-Marne, une des
plus
JUIN.
1741. 1367
plus anciennes du Royaume , alliée pluſieurs
fois à celle de France , & c.
Au reste , afin de mieux m'affûrer de la
vérité du fait touchant le Lieu de cette Peinture
dont je viens de parler , je pris la liberté
d'en écrire à Mad . l'Abbeffe de la Guiche ,
laquelle me fit l'honneur de me répondre ce
qui fuit.
و د
"
» Mon R. P. la Peinture dont vous me
» faites l'honneur de me parler , ne fe trouve
» point dans aucun endroit de notre Maiſon,
» il fe peut qu'elle y ait été , notre Dortoir
» étant depuis cent ans très - different de ce
qu'il étoit du tems de la Fondation ; mais
nous ne voyons pas par tradition que ces
figures dont parle l'Auteur cité , ayent été
chés nous ; je ne puis , mon R.P. vous don-
» ner d'autres éclairciffemens , &c. Signé ,
» Soeur Leonce , Abbeffe du Monaftere de
Sainte Claire de la Guiche , ce 6. Décem
» bre 1739.
39
Jeanne d'Evreux , troifiéme Epoufe du
Roy de France , Charles IV. dit le Bel , fit à
l'exemple de Jeanne de Châtillon , de grands
biens aux Chartreux de Paris ; & le Pape Clément
IV.avoit une idée fi avantageuse de cette
fainte Communauté , qu'il écrivit à S. Louis
un Brefen 1266. cité par le P. Félibien , Hiftoire
de la Ville de Paris , Tome III. page
23. pour la lui recommander , comme lui
E ij étant .
1368 MERCURE DE FRANCE
étant très-chere : Ordinis cujus finceritas ut
lux fplendens crefcit , oblivifci non poffumus .
quod tenerrime amamus , fpecialibus amicis
commendamus.
Si après ce que je viens de dire du coeur de
la Princeffe Jeanne de Châtillon , quelque
Sçavant veut nous le contefter, il me permettra,
jufqu'à ce qu'il ait prouvé diſtinctement
qu'il eft avec fon corps , de m'en tenir toujours
à une Relation auffi autentique & auffi
folide que celle que je raporte , préférable à
une foible conjecture qu'on pourroit opofer.
THERESE ,
CANTATILLE ;
Mife en Musique par M. Bouvard.
FLore ,
abandonnez vos retraites
Accourez dans ce beau féjour ;
Livrez-vous aux flâmes parfaites
Qui font la gloire de l'Amour.
A Thérefe , jeune & charmante ,
Préfentez les plus belles fleurs ;
Des Graces Eleve brillante ,
Elle mérite vos faveurs.
Flore ;
JUIN. 1369 1741
Flore , abandonnez vos retraites ,
Accourez dans ce beau féjour ;
Livrez - vous aux flâmes parfaites
Qui font la gloire de l'Amour .
Dans ces Lieux l'heureufe innocence
Fait regner les plus doux plaifirs ;
Elle foûmet à fa puiffance
Tout coeur qui craint les amoureux défirs .
Thérefe , triomphez , & fervez - vous des armes
Dont vous ont fait préfent les Dieux ;
De Vénus vous avez les charmes ,
Vous enchaînez les coeurs, vous enchantez les yeux.
Quel dommage
Qu'à votre âge
Le tendre amour ne brille en vous.
Que par votre charmant langage
Qui le fait reffentir à tous !
De Thérefe chantons la gloire ,
Célebrons fes naiſſans attraits ;
Que dans le Temple de Mémoire
Le Dieu des coeurs vole graver fes traits !
Que fes talens & fa jeuneffe
Soient les objets de nos Chanfons ;
Dans les yeux brille la ſageſſe ,
Cette vertu la comble de ſes dons .
iij Da
1370 MERCURE DE FRANCE
De Théreſe chantons la gloire',
Célebrous fes naiffans attraits ;
Que dans le Temple de Mémoire
Le Dieu des coeurs vole graver fes traits !
L'Affichard.
EXPLICATION de l'Enigme du
Mercure de Mai 1741 .
OH ! je devinerai 1 Enigme du Mercure ,
Me difoit Georges ce matin ;
Qu'on m'accorde un quart d'heure , & je fuis bien
certain
D'en dévoiler , dit-il , le fens , fans tablature.
Il lit , relit cent fois , fans en venir à bout.
Il eft chagrin , il a l'air fombre ,
11 fe démene , il jure , il bout ;
Il croit tenir le corps, mais il n'en tient que
l'Ombre.
Par le même.
ENIGM E.
CE
E n'est pour moi qu'un badinage
De me trouver dans les combats ,
Sans apréhender le carnage ;
Je
JUI N. 1741. 1371
Je crains peu les dangers, tous les jours je me bats;
Je n'en fuis pas plus formidable ;
Le fang par moi n'eſt point verſé ;
Ma foeur eft bien plus redoutable ,
Car par elle un Héros peut être renversé.
Je ne coûte rien à mon Maître ,
Puifqu'en Eté comme en Hyver ,
Je n'ai point honte de paroître
Prefque toujours nud comme un ver .
*********************
J
LOGOGRYPHE.
E fuis fille de la Terre ,
Et tiens à deux Elemens ;
Lecteur , tu fçais déja quel des deux j'ai pour mere.
J'offre partout mille agrémens ;
Partout on cherche à me voir naître ,
Dans les plus beaux Palais , comme en tout lieu
champêtre ;
Or , argent & tout beau métail ,
Que le plus bel Art encourage ,
S'empreffe de me rendre hommage ,
Mais fouvent fous un vert émail ,
De la Nature fimple ouvrage ,
Je fuis plus belle & j'offre un plus utile uſage ;
Curieux, aifément tu peux me débrouiller ;
E iiij Mon
1372 MERCURE DE FRANCE
Mon nom eft de huit pieds , cherche à me deviner ;
Prens ma tête & joins - y le fix & le feptième ,
Le feul Etre immortel ne fubit point ma loi ,
Je n'en exempte pas l'éclat du Diadême ;
Tout commence, mais rien ne peut ceffer fans moi.
Un, cinq & quatre , j'ai l'amour propre en partage,
C'eft-là mon feul talent , je déplais au vrai ſage.
Quatre, deux, fept & huit , je reçois dans mon fein
Le jus qui bourgeonne le tein ;
Le Dieu de l'Inde m'adopta ,
Et de la Grece un Sage m'habita.
Prens fept, cinq, fix & trois, je tiens fort du Pigmée,
Car mon corps n'a de haut qu'une feule coudée.
Un, deux, fept , quatre, huit , de differens métaux
On me forme , & je viens ennemi de Nature ,
Puis au Salpêtre uni , je cauſe mille maux ,
Quand des mains de Vulcain j'ai reçû ma figure .
Un, deux, fix , fept, c'eft moi qui fers de nouriture
A ce noble animal que Neptune créa ,
Qui de Mars aux combats porte l'affreufe armure ;
Et qu'un grand Conquerant aima.
Quatre , cinq , trois & huit , je punis la folette
Qui s'expofe en Leucothoé ,
Mais elle trouve à fa Toilette
De quoi me déguifer fous un trait de beauté.
Six , deux , je fus jadis la Rivale d'Europe ,
Celle de Danaë ; Junon me jaloufa ,
J'effaçai les apas de la belle Rhodope ,
BE
Ε
JUI N. 1741. 1373
Et fous le nom d'Ifis l'Egypte m'adora.
Avec fept , deux & huit , de trois fils je fuis pere ,
Þar eux je fus auffi celui de l'Univers
Quand feul dans mon Bateau je reftai ſur la Terre,
Dont le crime ne fit qu'un abîme de Mers .
Cinq , trois & huit , je fuis cet animal docile ,
Qu'on conduit du foir au matin ,
Du Moulin à la Ville ,
Et de la Ville au Moulin .
Ne fis -je pas mainte proüeffe ,
Quand Jofeph me menoit en leffe ?
Cinq , fept , huit , quatre , deux & trois ;
Je prens naiffance dans les Bois ,
Et fuis cet Infecte incommode ,
Que le Printems donne au Jardin ;
Sans ceffe je vôle , je rôde ;
En naiffant je touche à ma fin ;
Lecteur , fi par degrés mes pieds font réünis ,
Tu trouveras mon nom , tu fçauras qui je ſuis .
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
PROJET d'une Mechanique Génerale ;
pour fervir d'introduction aux Sciences
Phifico-Mathématiques . Par M. l'Abbé Dei-
E v dier !
1374 MER CURE DE FRANCE
dier , Profeffeur Royal des Mathématiques
aux Ecoles d'Artillerie de la Fere . A Paris ,
chés Charles - Antoine Jombert , Libraire du
Roy pour l'Artillerie & le Génie , ruë S. Jacques
à l'Image Notre- Dame. Će Livre eſt
fous preffe , & fera en vente à la Pentecôte
prochaine.
La plupart des Auteurs qui ont traité des
Méchaniques, ne fe font attachés qu'à ce qui
concerne l'équilibre des corps , & de- là , bien
des Gens fe font imaginés que cette Science
rouloit uniquement fur les Machines dont
nous faifons ufage pour les differens befoins
de la vie, & pour fes agrémens. Il faut cependant
fe détromper ; la Méchanique eft la
Science du mouvement, & le mouvement en
géneral renferme toute forte de mouvemens,
de quelque caufe qu'ils puiffent provenir.
Dans ce fens la Méchanique eft la Science
univerfelle de tous les effets que la Nature &
l'Art produiſent dans les Corps. Les anciens
Philofophes , peu inftruits des fecrets de la
Phyfique , n'en expliquoient les caufes que
par des qualités occultes , des horreurs du
Vuide , des Sympathies, ou Antipathies , des
Antiperiftafes, des Attractions, &par une infinité
d'autres termes dont l'impénetrable obfcurité
fait affés voir qu'ils cherchoient moins
à découvrir la vérité, qu'à cacher leur profon
de ignorance aux yeux du crédule Public. Le
vulgaire
JUIN. 1741 .
1373
par
pas
ulgaire ne manquoit cependant pas d'être
ébloui leurs difcours ; ce que les efprits
ordinaires entendent le moins eft preſque
toujours ce qu'ils admirent le plus . D'ailleurs
les Philofophes des anciens tems paffoient
pour de grands hommes. Ils quittoient tout
pour s'attacher à leur prétendue Philofophic;
leur air auftere , leurs tons décififs , leur façon
de vivre , leurs habillemens & fouvent
même leur mal- propreté , tout fembloit parler
en leur faveur.Quel courage n'auroit-il
fallu pour apeller de leur Jugement au Tribunal
de la Raifon ? Ces préjuges paffoient
de l'efprit des Peres dans celui des Enfans, &
fe fortifioient de plus en plus . Quelque talent
que l'on eût , de quelque génie que l'on
fût doué , on ne s'imaginoit point qu'il fût
permis d'ailer plus loin que ces grands hommes
qu'on regardoit comme venus du Ciel.
Leurs Livres étoient autant d'Oracles que
l'on confultoit avec foin , & l'on ne croyoit
avoir acquis quelque Science , que lorsqu'on
fe jugeoit en état de donner une prétenduë
clarté à leur obfcur galimathias : de- là cette
foule innombrable de grands in -folio auffi ennuyeux
qu'affommans , dont les Bibliothéques,
même les mieux choifies, fe trouvoient
inondées. Le mal s'étoit étendu juſqu'aux
Mathématiques. Il n'y avoit ni ordre ni méthode
dans les Ecrits d'Euclide ; n'importe ,
E vj on
1376 MERCURE DE FRANCE
on eût crû faire un crime d'en déranger la
moindre propofition ; il falloit s'y attacher
fcrupuleufement , fuivre fes démonftrations
à la lettre, ou s'excufer par de longues Differtations
, fi l'on ofoit y faire le moindre changement
, quelque clarté qu'il pût aporter au
fujet. On a vû plus d'une fois de grands
Géometres fe faire une guerre puerile,pour fe
difputer la gloire de mieux entendre un mot
Grec du Texte d'Euclide , de Diophante ou
de quelqu'autre Ecrivain de la vénérable Antiquité
Tel a été l'aveuglement des hommes pendant
une longue fuite de fiécles , & tel feroit
peut -être encore le nôtre , fi M. Deſcartes
n'avoit entrepris de nous ouvrir les yeux . Ce
grand Philofophe , qui fera toujours au- desfus
de tout éloge , s'étant aperçû que l'ignorance
ne fe perpétuoit que par la force des
préjugés , ne s'apliqua d'abord qu'à nous en
faire voir le ridicule , mais bien - tôt il nous
montra par fon exemple qu'il n'y avoit qu'à
fecoüer leur joug, pour élever l'efprit humain
bien au delà des bornes étroites où fa trop
erédule docilité l'avoit réduit.Ce ne furent ni
des déclamations diffuſes & inintelligibles ,
ni des termes obfcurs & empoulés , ni des
tons hauts & décififs dont il crut devoir fe
fervir pour nous convaincre de la vérité ; il
n'en avoit pas befoin ; un difcours affés court,
fimple
JUIN. 1741: 1377
Timple , uni & dont les principes étoient à la
portée de tous les efprits , furent les uniques
armes qui le firent triompher de l'erreur ,
malgré la poffeffion immémoriale dont il ne
paroiffoit pas qu'on pût la dépoüiller. Ne
s'en tenir qu'à l'évidence en fait de Science
purement humaine , n'affirmer , ou ne nier
que ce que l'on voit clairement devoir être
affirmé ou nie , en un mot , faire ufage de
fa raifon , c'eft ce qu'il femble naturellement
que les hommes de tous les fiécles auroient
dû fe dire à eux- mêmes , & c'eft cependant
ce que le feul M. Defcartes a pû leur perfuader
, tant il eft vrai que les préjugés une fois
établis , font des tyrans dont on ne fe délivre
qu'avec une extrême difficulté .
Le Difcours fur la Méthode eut tout le fuc
cès que fon Auteur en attendoit ; la mode
des Traductions , des Commentaires & des
Scholies , s'abolit tout-à - coup ; on aima
mieux travailler fur fon propre fonds , que de
cultiver inutilement celui d'autrui ; & au lieu
de ces redites éternelles, qui ne manquoient
pas de reparoître fur la Scéne fous differentes
formes, on ne vit bien - tôt plus que des Ouvrages
nouveaux ,pleins d'admirables découvertes
qui firent l'honneur du fiécle & celui
de leurs Auteurs.
Les qualités occultes furent les premieres
qui rentrerent dans le Pays chimérique, d'où
l'ignorance
378 MERCURE DE FRANCE
Pignorance & l'orgueil les avoit fait fortir.
Ce futdans la Nature même & non - plus dans
des Etres Logicaux, que l'on chercha la caufe
des effets naturels , & voici comme l'on crut
devoir raifonner ; tous les changemens qui
arrivent aux Corps font, ou des changemens
de lieu, ou des changemens de figure & d'arrangement
, ou des changemens de configu
ration dans leurs parties ; on ne fçauroit en
concevoir d'autres , & tout ce qu'on voudroit
y ajoûter , pour expliquer ce qui arrive
aux Corps , feroit non-feulement inintelligi.
ble , mais encore inutile . Or tous ces changemens
ne fe font que par le mouvement ;
donc le mouvement eft la caufe génerale de
tous les effets la Nature ou l'Art peuvent
produire dans les Corps . Voilà déja bien
du fatras retranché de la Phyſique ; plus de
Sympathie , plus d'horreur du vuide , plus
d'attraction , le mouvement fait tout . Quoi
de plus fimple ? Il faut cependant avouer que
nous n'en ferions pas plus fçavans ſi l'on s'en
étoit tenu là . Le mot de mouvement eſt , à
la vérité , plus clair que celui de qualité occulte.
Le fon du premier réveille une idée ,
le fon de l'autre n'en réveille point. Mais en
eft - ce affés pour des Philofophes , & croirions
-nous furpaffer les anciens , fi nous nous
contentions de dire que la chaleur du feu
provient du mouvement ? Voyons donc ce
,
que
que
JUI N. 1741. 1377
que la nouvelle Philofophie ajoûte à la premiere
démarche que fes recherches lui ont
fait faire.
Le mouvement a des Loix conſtantes &
inviolables qu'il n'abandonne jamais. L'expérience
& la raiſon nous en ont fait connoître
un affés grand nombre , & à la faveur
de la Géométrie , jointe au Calcul , on en
découvre tous les jours beaucoup d'autres
qui peuvent mener bien loin dans la connoiffance
du Méchanifme des Corps fenfibles
. La chofe eft un peu plus difficile à l'égard
des Corps infenfibles , c'eſt à - dire , des
parties infiniment petites qui compofent les
Corps fenfibles , & dont les differentes configurations
forment la difference des Corps.
Les Loix du mouvement font , à la vérité ,
toujours les mêmes , mais il s'agit de trouver
le raport des maffes , des viteffes , des
espaces parcourus & des tems , & c'est ce
qui nous échape à caufe de l'infinie petiteffe
de ces Corps. C'est ici où les Expériences doivent
fupléer aux fecours qui nous manquent;
il faut les faire avec attention , les réïterer fouvent
, & fur- tout prendre garde de ne fe laiffer
prévenir par aucun préjugé. Si l'on ne
s'obferve de près là - deffus , les Expériences
ne manqueront pas de dire ce qu'on voudra ;
on pourroit en citer bien des exemples , &
des exemples très- propres à réveiller l'attention,
On
380 MERCURE DE FRANCE
On peut donc diftinguer dans laNature deux
fortes de Méchanifme , l'un qui concerne les
Corps fenfibles , & l'autre qui concerne les
parties infenfibles de ces Corps.M.l'Abbé Deidier
, dont nous annonçons ici le Projet,donne
au premier le nom de Méchanique génerale
, à peu près comme on nommoit Phyfique
génerale la partie de la Phyfique qui traitoit
des Corps en general , & par la même
raiſon il nomme Méchanique particuliere ce
qui regarde le Méchaniſme des parties inſenfibles
des Corps. Comme toutes les Loix du
mouvement de l'un & l'autre Méchanifme
font compriſes dans la Méchanique génerale ,
M. l'Abbé Deidier ne s'attache aufli qu'à les
bien détailler , laiffant à ceux qui les auront
compriſes , le foin d'en faire l'aplication à la
Méchanique particuliere , en y employant les
recherches & les Expériences réïterées que
demandent l'étenduë & la difficulté d'un fi
vafte fujet. Son Ouvrage comprend quatre
Parties. Dans la premiere , il traite du mouvement
des Corps folides ; dans la feconde, il
confidere les folides dans les Fluides , & les
Fluides entre eux ; dans la troifiéme , il examine
le mouvement de l'Air , & dans la quatriéme
, le mouvement des Fluides. Entrons
dans un plus grand détail pour la fatisfaction
des Lecteurs.
Le mouvement direct ou réflechi , peut fe
faire
JUIN. 17413 138
Faire, ou en ligne droite, ou en ligne courbe,
& l'un ou l'autre de ces mouvemens peuvent
être , ou uniformes , ou accelerés. Dans le
mouvement uniforme & en ligne droite , le
Corps fuit toujours la même direction &
parcourt des efpaces égaux dans des tems
égaux; comme c'eft ici le mouvement le plus
fimple qu'on puiffe imaginer , M. l'Abbé
Deidier commence par l'examiner dans le fecond
Chapitre de fa premiere Partie , après
avoir donné dans le premier les définitions
& les principes néceffaires pour l'intelligence
de fon fujet. Les Corps peuvent avoir differens
raports de Maffes , de Viteffes , de Forces
, d'Eſpaces & de tems , c'eft en fupofant
la connoiffance de quelques- uns de ces raports
qu'il parvient à découvrir les autres, &
à connoître les Loix que la Nature a établies .
Pour abreger le difcours, il fe fert de calcul,
mais en même-tems il fait voir aux perfonnes
qui commencent , qu'on peut déduire
les mêmes Loix par le fimple raifonnement .
Il y a dans tous les Corps une force ou
impreffion qui les preffe toujours vers un
côté, plutôt que vers un autre , & cette force
fe nomme pefanteur. Quelle qu'en puiffe
être la caufe , il eft fûr qu'elle exiſte . Qu'on
tienne un Corps dans fa main , on fent qu'il
pefe vers le centre de la Terre , & fi on ne
le foûtient plus , on éprouve toujours qu'il
Lo
82 MERCURE DE FRANCE
fe porte de ce côté. Or la pefanteur n'abandonnant
jamais les Corps , doit agir fur eux
avec plus de force que les Agents exterieurs ,
qui , après leur avoir communiqué une premiere
impreſſion , ne peuvent plus rien faire
fur eux. Un Corps pouffé par une force externe
, dont il fe fépare l'inftant d'après , ne
reçoit plus fes coups , au contraire un Corps
pouffé par fa pefanteur , reçoit à chaque inftant
une nouvelle impreffion , & de- là il fuit
néceffairement que fon mouvement doit être
acceleré . Galilée eft le premier qui a trouvé
que les Corps qui defcendent librement , reçoivent
dans des tems égaux des accroiffemens
égaux de vîteffe , & c'eft ce qu'on
nomme mouvement uniformement acceleré.
On comprend fous ce nom le mouvement
retardé , c'est- à- dire , le mouvement d'un
Corps qui eft pouffé avec une direction contraire
à celle de fa pefanteur , laquelle ne ceffant
d'agir fur lui , doit auffi diminuer fon
mouvement à chaque pas, Ce que Galilée
nous enfeigne là - deffus , ne regarde que les
Corps fublunaires , les experiences l'ont conduit
à cette découverte , & les experiences
ne peuvent fe faire à une distance trop grande
de la furface de la Terre . Mais à l'égard
des autres Corps , on peut établir d'autres hypothefes
, ainfi qu'ont fait les Aftronomes
pour expliquer les Phénomenes celeftes . On
trouvera
JUIN. 1741. 1383
trouvera dans le troifiéme Chapitre l'explica
tion de ces differentes hypothefes & les Loix
d'acceleration qu'elles impofent au Corps , à
commencer par celle de Galilée , à laquelle
on doit s'en tenir , lorfqu'il s'agit du mouvement
des Corps qui ne font point à une dis◄
tance trop grande de la furface de la Terre.
On nomme centre de pefanteur ou de gravité
le point autour duquel toutes les par
ties d'un Corps font en équilibre , de façon
que fi ce centre ne fe meut point , toutes les
parties font dans un parfait repos ; de même
fi plufieurs Corps unis par un même lien fe
contrebalancent autour d'un même point ,
ce point ſe nomme centre d'équilibre . L'Auteur
s'aplique à la recherche de l'un & l'autre
de ces centres dans le quatrième Chapitre
mais comme il a traité cette matiere
amplement dans la Mefure des Surfaces &
des Solides , il n'en donne ici que les principes
, & les regles , renvoyant pour le détail
à l'ouvrage cité.
On trouvera dans le même Chapitre une
remarque en forme de differtation touchant
la prétendue diftinction que quelques Auteurs
modernes ont crû devoir mettre entre
les forces vives & les forces mortes. Cette
matiere n'eft point étrangere au fujet qui eft
traité dans ce Chapitre , ainfi qu'on va voir.
La force morte eft l'effort
que fait une puiffance
1384 MERCURE DE FRANCE
fance fur un Corps fans pouvoir furmonter
l'obftacle qui empêche le Corps de fe mouvoir
; tel eft l'effort que fait la pefanteur fur
un Corps qui fe trouve arrêté par un obftacle
perpendiculaire à la direction de fon centre
de gravité ; car alors ce centre de gravité ne
pouvant defcendre plus bas , toutes les parties
du Corps font autour de lui dans un
parfait repos , la force vive au contraire eft
la force qui meut actuellement le Corps."
M. de Leibnits fut le premier qui s'imagina
que ces deux fortes de forces étoient de differente
nature. Selon lui , les forces mortes
font entr'elles comme les maffes multipliées
par les vîteffes , & au contraires les forces
vives font comme les maffes multipliées par
les quarrés des vîteffes. Des experiences mal
interprêtées le firent tomber dans cette er
reur. En Angleterre on rejetta fon fentiment
avec mépris , en France on le réfuta férieufement
,& felon toutes les aparences la mort
de M. de Leibnits auroit mis fin à la diſpute
fi M. Jean Bernoulli , environ vingt-huit ans
après , ne fe fut avifé de la faire revivre . Ce
fçavant Géometre envoya à l'Académie Royale
des Sciences un Difcours fur les loix de
la communication du mouvement , qui fut
imprimé en 1727. chés Jombert Libraire ,
rue Saint Jacques à Paris . Ce Difcours renfermoit
beaucoup de belles chofes dont l'Acadé
JUIN. 1741. 1385
par
cadémie parla avec éloge , mais loin d'adopter
ce qui regardoit la diftinction des forces
mortes & des forces vives , elle fit imprimer
en 1728. une Differtation de M. de Mairan
où cet illuftre Académicien traita la matiere
avec toute la profondeur de fon génie , & fit
voir clairement l'inutilité de cette frivole
diſtinction . M. l'Abbé Deidier n'avoit point
encore vû la Differtation de M. de Mairan .
lorfqu'il compofa la fienne ; le Difcours de
M. Bernoulli lui étant tombé hazard entre
les mains, il crut que les preuves, fur lefquelles
un Géometre de ce nom tâchoit d'apuyer
fon fentiment, méritoient d'être difcu
tées de façon à empêcher le progrès de l'erreur.
Quelque tems après M. de Mairan
ayant eu la bonté de lui communiquer fa
differtation , il eut le plaifir de voir que ,
n'avoit pas pris la même route, il fe trouvoit
du moins parfaitement d'accord avec ce fçayant
Géometre dans toutes les conclufions."
C'eſt ce qui l'a obligé de ne point fuprimer
ce qu'il avoit écrit là deffus , dans la vûë que
bien des perfonnes qui n'ont pas la commodité
d'avoir les Mémoires de l'Académie
trouveront dans cet Ouvrage des principes
fuffifans por fe garantir d'un préjugé dans
lequel quelques Sçavans font encore aujourd'hui.
s'il
La doctrine du fixiéme Chapitre eft toute
fondée
1386 MERCURE DE FRANCE
fondée fur la connoiffance des centres de
gravité ; l'Auteur y enfeigne comment on
peut connoître fi un Corps qui eft apuyé fur
l'un de fes côtés doit refter ferme , ou s'il
doit tomber.Quelquefois un Corps paroît devoir
fe tenir dans fa fituation , & il tombe ;
quelquefois il paroît devoir tomber , & il
refte debout ; le Clocher de Pife & quelques
autres Edifices bâtis fur le même goût ont
toujours femblé menacer ruine , & cependant
ils n'ont jamais bougé ; c'eſt que la direction
de leur centre de gravité paffe par
leur bafe . Que fi quelques Corps tombent
contre toute efpérance , c'eſt que la direction
de leur centre tombe hors de leur bafe ;
& que par conféquent ce centre n'eſt pas
empêché de fuivre l'impreffion de la pefanteur.
Par la même confidération du centre
de gravité , l'Auteur détermine quelle partie
d'un poids eft fuportée par deux hommies
qui le portent , ou par deux foutiens fur lefquels
il eft apuyé.
Lorfque deux , ou plufieurs forces qui ont
differentes directions agiffent en même tems
fur un même Corps , la direction que ce
Corps prend eft moyenne entre les directions
des forces qui agiffent fur lui , d'où il
fuit qu'une feule force qui avec la direction
moyenne feroit parcourir dans le même tems
Mn efpace égal à celui que les autres forces
font
JUIN 1741.
1387
font parcourir à ce Corps , feroit équivalente
à ces forces. La force de la direction moyenne
fe nomme force compofée , les forces des
autres directions fe nomment forces compofantes
, & le mouvement qui en eft produit
ſe nomme mouvement compofé . Les principes
de ce mouvement font extrémement
fertiles pour les Méchaniques , ainfi qu'on
peut voir dans la Méchanique de M. Varignon
qui n'en a point employé d'autres . On
peut diftinguer plufieurs fortes de mouve
ment compofé , felon la nature & les directions
des forces qui le compofent. 1º. Si les
forces compofantes font uniformes & fuivent
toujours leurs premieres directions , le
mouvement eft uniforme & en ligne droite,
2º. Si les forces étant uniformes changent à
chaque inftant de direction , le mouvement
eft en ligne courbe , & il peut être ou uniforme
, ou acceleré , ou retardé , fuivant une
loi quelconque d'accéleration , felon que les
changemens de direction des forces compofantes
confervent , augmentent ou diminuent
leurs efforts. 3 ° . Si les forces compofantes
fuivent une même direction & une
même loi d'accéleration , le mouvement eft
en ligne droite & accéléré . 4°. Si les forces
changent à tout moment de direction en
fuivant la même loi d'accéleration , le mouvement
eft en ligne courbe , & il peut être ,
ou
1300 MEA NE DE FRANCE
ou acceleré, ou retardé . 5 ° .Si les forces font,
l'une uniforme , l'autre retardée , & qu'elles
fuivent toujours la même direction , le mou
vement eft en ligne courbe & mêlé de l'uniforme
& du retardé. 6°, Enfin , fi l'une
des forces étant uniforme , l'autre eft accelerée
, & que les directions de l'une & de
l'autre changent toujours , le mouvement eft
en ligne courbe , & il peut être ou mêlé
d'uniforme & d'acceleré , ou mêlé de retardé
& d'acceleré , ou tout acceleré ou
tout retardé , felon que les differentes directions
des forces cauferont de changement
à ces forces. Le cinquiéme Chapitre
contient ce qui concerne le mouvement
compofé dont les forces compofantes font
uniformes , foit que leurs directions changent
, ou qu'elles ne changent pas , & ce
mouvement entre pour quelque chofe dans
le fixiéme Chapitre dont nous avons déja
parlé. Dans les Chapitres feptiéme & huitiéme
, l'Auteur traite du mouvement compofé
dont les forces compofantes font accelerées
, ce qui renferme la defcente des
Corps le long des plans inclinés & le long
des lignes courbes . Dans le neuvième , il
traite à part du mouvement des Pendules &
de la maniere de trouver leur centre d'ofcillation
& dans le dixième , il examine le
mouvement compofé de deux forces , dont
l'une
JUIN. 1741. 1389
l'une eft uniforme & l'autre accelerée , c'eſtà
-dire le mouvement des Corps projettés ,
c'eft dans celui- ci qu'eft renfermée toute la
théorie & la pratique du jet des Bombes
avec des découvertes tout- à- fait nouvelles
touchant la maniere de tirer fur un but qui
eft au deſſus ou au - deffous du niveau de la
batterie.
Lorfque les Corps en mouvement viennent
à fe rencontrer avec les mêmes directions
, ou avec des directions contraires , ou
avec des directions obliques , il fe fait du
changement dans les forces ou dans les directions
felon les raports des maffes & des
vîteffes des Corps , & auffi felon que ces
Corps font claftiques, ou ne le font pas. Tout
ceci eft examiné avec un extrême foin dans
le onzième Chapitre , mais comme l'Auteur
n'y traite principalement que du choc des
Corps felon une même direction , ou ſelon
des directions contraires , & qu'à l'égard du
choc felon des directions obliques,dont il ne
dit qu'un mot , il fupofe que les Corps fe
choquent dans leurs centres de gravité , il a
crû devoir mettre à la fin de ce premier Livre
une addition où il traite à part du choc
des Corps projettés , foit que leur direction
dans l'inftant du choc foit perpendiculaire
ou oblique aux Corps choqués , foit qu'elle
paffe par les centres de gravité,ou qu'elle n'y
II. Vol. F
palk
1390 MERCURE DE FRANCE
paffe pas. Il y dit auffi des chofes très- curieufes
touchant les chocs obliques des Corps
qui fe meuvent uniformément.
#
>
Si tandis qu'un Corps fe meut au tour
d'une courbe , il fe trouve une force qui à
chaque inſtant tende à l'éloigner d'un point
confideré comme centre cette force fe
nomme force centrifuge , & fi au contraire
cette force tend à le raprocher de ce point ,
elle fe nomme force centripete . Les Aftronomes
font grand ufage de ces fortes de forces,
on les trouvera traitées dans le douzième
Chapitre.
Jufqu'ici l'Auteur a fait abftraction de la
réfiftance que l'air opofe au mouvement des
Corps . Cependant l'air réfifte , l'experience
& la raifon nous en affûrent également : donc
cette réſiſtance doit caufer quelque alteration
dans les loix qui ont été établies dans les
Chapitres précedens . Wallis eft le premier
qui ait entrepris de foûmettre cette matiere
au calcul. Ce fçavant Anglois dans le Chapitre
101. de fon Algebre établit deux hypothefes
. Selon l'une , les réfiftances de l'air
à chaque inftant font comme les vîteffes reftantes
au commencement de ces inftans , &
felon l'autre , ces réfiftances font comme les
quarrés des viteffes reftantes. La premiere
confidere l'air comme un Corps à reffort ,
lequel réfifte toujours dans la raifon de fa
-comJUIN.
1741 : 1391
par
compreffion ; la feconde le confidere comme
un Corps fluide dont la maffe eft toujours
proportionnelle à la vîteffe , & qui réfifte
conféquent dans le raport de la maffe multipliée
par la vîteffe , c'eft-à - dire dans le ra
port des quarrés des vîteffes. Les Géometres
fe font partagés entre ces deux hypotheſes ,
mais enfin la feconde l'a emporté comme
étant la plus naturelle. Supofons que
deux
Corps de même poids & de même volume
viennent à choquer l'air , l'un avec une vîteffe
fimple , & l'autre avec une vîteffe double
; le nombre des Molécules d'air que le
fecond rencontrera dans un inſtant, fera double
du nombre des Molécules d'air que le
premier rencontrera dans le même inftant ;
c'eft la loi des Fluides ; donc le nombre des
refforts choqués fera auffi double ; or ces
refforts feront comprimés doublement à
cauſe de la vîreffe double , dont le fecond
Corps les choque ; donc la réfiftance de ces
refforts fera quadruple de la réfiftance des
refforts choqués par le premier Corps , &
par conféquent les réfiftances font dans la
raifon des quarrés des vîteffes. Quoique ce
que nous venons de dire en faveur de la feconde
hypothefe paroiffe démontré , M.
l'Abbé Deidier n'a pas laiffé que d'examiner
T'une & l'autre hypothefe dans le trciziéme
Chapitre , en les apliquant au mouvement
Fij uni1392
MERCURE DE FRANCE
uniforme & au mouvement acceleré : il au
roit bien fouhaité pouvoir en tirer quelque
chofe pour le mouvement des ' Corps projettés
; l'art de jetter les Bombes en deviendroit
peut-être plus parfait , & peut - être
auffi n'en ferions - nous pas plus fçavans ; le
mouvement des Bombes eft extrêmement
rapide , fa durée eft très- courte , la réſiſtance
de l'air au premier inftant ne peut - être que
fort petite , de- là bien des perfonnes concluent
que la réfiftance totale ne peut caufer
qu'une légere difference ; d'autres au contraire,
fondés fur des experiences, foûtiennent
que cette difference n'eft point à négliger :
mais les experiences qu'ils nous raportent
ayant été faites dans le plein , dépendent
d'une infinité de circonftances dont la moindre
eft peut être la réſiſtance de l'air telle
que nous la fupofons , c'eſt -à-dire uniforme
& conftante ; l'air n'eft point homogene partout
, ni dans toutes fes parties , il fe trouve
tantôt plus dilaté , tantôt plus condenfé ; les
vapeurs & les exhalaifons n'y font pas également
mêlées en tous licux, ni en tout tems,
les vents y foufflent inégalement ; d'un inf
tant à l'autre tout change. D'ailleurs la Poudre
ne fçauroit être de même nature dans
toutes les parties , deux charges égales d'une
même Poudre font rarement le même effet :
il y a ici tant de differentes combinaiſons
qu'il
JUIN. 1741: 1393
qu'il n'eft pas poffible d'y rien démêler ;
auffi les experiences, quelque réïterées qu'elles
foient , ne font- elles jamais parfaitement
d'accord entr'elles ; pourquoi voudrions .
nous fixer ce que la Nature elle- même ne
fixe
pas ? Nous ignorons encore quel eft l'efpace
qu'une certaine force de Poudre pourroit
faire parcourir à un Boulet dans le vuide ,
dans un tems déterminé , & quelle eft la
quantité dont fa pefanteur le feroit deſcendre
dans le même tems ; cela demanderoit
des experiences qui n'ont pas été faites ;
mais fupofons pour un inftant que nous fçachions
à quoi nous en tenir , dirons nous
qu'en faifant une épreuve dans le plein avec
la même force de Poudre , la difference des
efpaces parcourus dans le plein & dans le
vuide nous donnera la véritable mefure de
la réfiftance ? Il faudroit pour cela que l'air
& la Poudre ne fuffent point fufceptibles de
tous les changemens dont nous avons parlé ,
& que par conféquent les épreuves ne variaffent
point elles - mêmes , faute de quoi
tout ce que nous pourrons en conclure ne
fera jamais que pour des cas particuliers &
hypothétiques , qui feroient inutiles pour le
géneral : au refte on ne blâme point ici les
perfonnes qui s'apliquent à furmonter les
difficultés d'une matiere fi épineuſe. Leur
travail ne peut être que loüable , quand mê-
Fij
ine
1394 MERCURE DE FRANCE
me il n'aboutiroit qu'à des aproximations.
>
La plupart des loix du mouvement dont
il eft parlé dans les Chapitres précedens
ont occafionné l'invention des Machines ;
on les diftingue en fimples & compofées ;
les Machines fimples font au nombre de
cinq ; le levier , la poulie , la rouë dans fon
effieu , la vis & le coin ; les Machines compofées
n'étant que des combinaiſons des
Machines fimples , peuvent être en nombre
infini , auffi en invente - t'on tous les jours.
On trouvera dans le quatorziéme Chapitre
le calcul des forces des cinq Machines fimples
, de la balance , des rouës dentées , des
poulies multipliées , & de la vis jointe à la
rouë dans fon effieu ; ce que l'Auteur en dit
peut s'apliquer au calcul des autres Machines,
dont il ne parle point, de peur d'allonger
fon Ouvrage d'ailleurs on en trouve un fi
beau détail dans les deux Volumes de l'Architecture
de M. Belidor , qu'il feroit inutile
d'y rien ajoûter.
:
Les Machines ont du frotement , les unes
plus , les autres moins , & ce frotement
oblige d'y apliquer une puiffance un peu plus
grande qu'on ne la trouve par le calcul : la
queftion eft donc de déterminer la quantité
précife dont cette puiffance doit être augmentée
pour furmonter le frotement , ce
fujet a déja été traité par plufieurs Auteurs
en
JUI N. 1741 1395
en differentes façons : mais la maniere dont
M. l'Abbé Deidier s'y prend dans le quatorziéme
& dernier Chapitre de fon premier
Livre , a non-feulement le mérite de la nouveauté
, mais encore celui d'une extrême
fimplicité ; une feule experience faite fur une
Machine d'une certaine matiere , lui fuffic
pour déterminer par le plus fimple calcul
arithmetique le frotement de toutes les Machines
de même efpece & de même matiere,
quelle qu'en foit la grandeur, ou la petiteffe,
& de quelque poids qu'elles puiffent être
chargées . On efpere que le Public verra ce
morceau avec plaifir , auffi -bien que grand
nombre de queſtions curieufes dont ce premier
Livre eft rempli , & dont nous n'avons
point fait le détail,de peur d'être trop longs.
Le fecond Livre traite de l'Hydroftatique ou
de la maniere dont les Corps pefent dans les
Fluides , & dont les Fluides pefent entr'eux .
On confidere dans les Corps la maſſe , lẹ
volume & la denfité . La maffe eft la quantité
de matiere dont le Corps eft compofé ;
le volume eft l'efpace que ce Corps occupe ,
& le plus ou le moins de denfité confifte
dans la façon , dont les parties d'un Corps
font plus ou moins raprochées entr'elles .
De la maffe naît la pefanteur abfoluë , car .
cette pefanteur est toujours proportionnelle
à la maffe ; de la denfité confiderée fous un
Fiiij
même
1396 MERCURE DE FRANCE
même volume , naiffent les pefanteurs fpécifiques
des Corps , le raport des maffes , des
volumes & des denfités pouvant varier à l'infini
, on peut parvenir à la connoiffance de
ces raports par la connoiffance de quelquesuns
d'entr'eux , & c'eſt ce qui fait le fujet
du premier Chapitre.
de
Dans le fecond , l'Auteur traite de l'équilibre
des Liqueurs , c'eſt par le moyen
deux Tubes verticaux qui fe communiquent
par un Tube horizontal, que cet équilibre fe
trouve fi l'on verfe d'une même Liqueur
dans l'un des Tubes verticaux , cette Liqueur
paffera du Tube horizontal dans l'autre
vertical , & l'on éprouvera toujours que
la Liqueur fe mettra de niveau dans l'un &
l'autre Tube : mais fi les Liqueurs font de
differente nature , celle qui pefera davantage
ne montera pas tant que celle qui pefera
moins de- là on fixe la maniere de connoître
les differentes pefanteurs fpécifiques des
Fluides & leurs differentes denfités . On démontre
encore dans le même Chapitre que
des Liqueurs renfermées dans un vafe , pefent
fur toutes les parties du fonds & des côtés,à
proportion des grandeurs de ces parties &
des hauteurs des Liqueurs , d'où l'on prend
occafion de faire voir comment on pourroit
élever par le moyen de l'eau un poids d'une
extrême grandeur?
Dans
JUIN. 1741. 1397
Dans les deux derniers Chapitres , on
examine de quelle façon les Corps peſent
dans des Fluides qui ont plus ou moins de
pefanteur spécifique qu'eux ; on y fait voir
comment on connoît les pefanteurs fpécifiques
des Corps en les plongeant dans les
Liquides , comment on peut faire que des
Corps qui furnagent, aillent au fonds ou reftent
entre deux eaux ; que d'autres qui vont
au fonds , reftent entre deux eaux ou furnagent
, & grand nombre d'autres chofes curieufes
dont le détail nous meneroit trop
loin.
Le troifiéme Livre comprend tout ce qui
concerne la meſure de l'air : l'air pefe , il a
du reffort , il fe comprime , il fe dilate , il
fe condenſe , il fe raréfie , il eft fufceptible
de mouvement , c'eft ce qu'on examine dans
les cinq premiers Chapitres en y employant
le raifonnement joint aux experiences ; dans
le fixième , on traite des Inftrumens qui fervent
à connoître les variations qui arrivent à
l'air par raport à fa pefanteur , à fa denfité
à fon agitation , à fa raréfaction , ou fa condenfation
, à fa fechereffe & à fon humidité.
Le quatrième Livre traite du mouvement
des Fluides , l'Auteur y examine le mouvement
caufé par la pefanteur , les differentes
quantités d'eau qui doivent fortir par diffe
rens orifices dans des tems égaux felon les
Fv diffe1398
MERCURE DE FRANCE
differens raports des orifices & des hauteurs
de la furface fuperieure du liquide , le mouvement
qu'on peut donner aux Fluides
le moyen de l'air , ce qui fe fait en employant
des Machines hydrauliques ; le cours des
rivieres , & enfin le choc des Fluides.
par
Tel eft à peu près le plan de cet Ouvrage ,
& l'on peut voir par l'abregé que nous venons
d'en faire , que ce n'eft pas fans raiſon
que
l'Auteur lui a donné le nom de Méchanique
génerale ; tout le Méchanifme des
Corps folides & fluides s'y trouve compris ,
les loix génerales y font détaillées dans la
derniere exactitude , M. l'Abbé Deidier Y
a entremêlé beaucoup de queftions ,
de
problêmes & de remarques , où l'on trouve
tout ce que la Phyfique peut attendre de la
Géométrie ; la préciſion , l'ordre & la méthode
y font obfervés avec le même foin
que dans toutes les productions que cet
Auteur a mis au jour ; nous nous flatons
d'avance que le Public fera le même accueil
à cet Ouvrage qu'il a bien voulu faire aux
précedens.
Ce Volume fera un gros in- quarto imprimé
en beaux Caracteres ordinaires & algébriques
, les Planches & les Vignettes feront
de la main des meilleurs Graveurs , & l'impreffion
en fera achevée inceffamment
Le
JUIN. 1741 1399
Le quatriéme Volume du Cours de Mathématique
de M. l'Abbé Deidier paroîtra
fur la fin du mois de Decembre , il aura
pour titre : Le calcul differentiel & le calcul
integral expliqués & apliqués à la Géometrie
avec un Traité préliminaire , où l'on explique
la réfolution des Equations de tous
les dégrés , la nature des fuites algébriques ;
celle des Equations qui expriment la nature
des Courbes , les lieux géometriques , la
conftruction des Equations déterminées , &
la réfolution des Problêmes déterminés &
indéterminés. Cet Ouvrage fera in- quarto ;
l'impreffion & les Caracteres algébriques en
feront fort beaux ; l'Auteur y a mis tout le
foin poffible pour éviter les fautes dans un
Ouvrage de cette importance , & le Libraire
tâchera d'en rendre l'exécution encore plus
belle que celle des Ouvrages qui ont parû
jufqu'ici : ce Volume fera orné de fort belles
Vignettes & d'environ trente Planches.
OUVRAGES de M. l'Abbé Deidier ,
Profeffeur Royal des Mathématiques aux
Ecoles d' Artillerie de la Fére : Qui fe vendent
chés Charles - Antoine Jombert, Libraire
du Roy pour l'Artillerie & le Génie , ruë
Saint Jacques , à l'Image Notre- Dame
à Paris.
2
Nouveau Cours de Mathématique , très-
F vj utila
1400 MERCURE DE FRANCE
utile pour élever les Commençans fans beaucoup
de peine à la connoiffance de tout ce
qu'il y a de plus profond dans la Géometrie
& dans les autres parties des Mathématiques,
en quatre Volumes in- quarto , enrichis de
près de cent Planches , contenant les Traités
fuivans.
I. Volume. L'Arithmétique des Géometres
, où nouveaux Elémens de Mathématique
, contenant la théorie & la pratique de
l'Arithmétique ; une introduction à l'Algebre
& à l'Analyſe : la réfolution des Equations
du fecond & troifiéme dégré : les raifons
, proportions & progreffions arithmé .
tiques & géometriques ; les Combinaiſons ,
l'Arithmétique des Infinis , les Logarithmes,
les Fractions décimales , &c . avec Figures ,
12 livres.
II. Volume. La Science du Geometre , ou
la théorie & la pratique de la Géometrie ,
qui contient les Elémens d'Euclides , la Trigonométrie
, la Longimétrie , l'Altimetrie
de Nivellement , la Planimétrie , la Géodéfie
, la Méthode des Indivifibles , les Sections
coniques , la Sterometrie , le Jaugeage
; la mefure des Onglets , des Corps annulaires
& cylindriques : & géneralement
tout ce qui concerne la mefure des Corps
& de leurs Surfaces , avec près de cinquante.
Planches , 15. liv.
III.
JUIN. 1741: 1401
III. Volume. La mefure des Surfaces &
des Solides par les Centres de gravité & par
l'Arithmétique des Infinis , où l'on trouve
un grand nombre de proprietés des Figures
géométriques très curieufes & très -recherchés
, avec quantité de Figures , 12. l. 1740 .
IV. Volume. Le Calcul differentiel & le
Calcul integral expliqués & apliqués à la
Géometrie , avec un Traité préliminaire ,
contenant la réfolution des Équations de
tous les dégrés , la nature des fuites algébriques
, celles des Equations qui expriment
les proprietés des Courbes ; les lieux & les
conftructions géometriques , & la réſolution
des Problêmes déterminés & indéterminés ,
enrichi d'environ trente Planches. 15. liv.
1741.
Le parfait Ingénieur François , contenant
la Fortification réguliere & irréguliere fuivant
les trois fiftêmes de M. de Vauban , &
ceux de Coëhorn , Pagan , de Ville , &c .
avec l'attaque & défenſe des Places, in quarto ,
avec plus de 40. Planches . 12. liv .
Lettres d'un Mathématicien à un Abbé ;
où l'on prouve par des Démonftrations géometriques
, que la matiere n'eft pas divifible
à l'infini , in- douze avec Figures . 2. liv.
LETTRES fur les principales Maladies qui
ont regné dans les Hôpitaux de l'Armée du
Roy
402 MERCURE DE FRANCE
Roy en Italie , pendant les années 1734
1735. & 1736. Par M. Dezon , Docteur en
Medecine , & Medecin ordinaire des Hôpitaux
& des Armées du Roy en Italie ; à
M *** Docteur en Medecine , à Paris
chés Lambert & Durand , Cloufier , David,
fils , rue S. Jacques , & Damoneville , Quai
des Auguftins , in- 12 . de 400. pages. Prix ,
2. liv. 5. f.
Cet Ouvrage eft divifé en 13. Lettres ;
lefquelles font précedées d'une Préface , dans
laquelle l'Auteur fait voir que la Medecine
eft une Science qui a été de tout tems cultivée
; & que les hommes qui fe font apliqués
à cette Science , ont redoublé leurs
foins à mesure que les occafions s'en font
préfentées , & ont donné des écrits pour
faire voir au Public combien ils avoient fon
falut à coeur.
L'Auteur après avoir avoüé dans le milieu
de fa Préface les obligations qu'il a aux Ecrits
de Mrs Boherawe & Riviere , célebres Pro--
feffeurs en Medecine , la finit en priant les
Lecteurs d'être perfuadés que fon deffein a
été de raporter des obfervations fideles &
utiles , & non pas de briller par une théorie
nouvelle & trop recherchée qui ne ſert fouvent
qu'à éblouir l'efprit , & à l'écarter de la
faine pratique .
L'Auteur traite dans la premiere Lettre
des
JUIN. 1741 1401
des fièvres malignes accompagnées d'affection
létargique , il en explique les caufes ; &
après en avoir dévelopé les fymptômes , &
expofé le diagnoſtic & le prognoftic , il paſſe
à la cure génerale de ces fiévres , & raporte
les obfervations qu'il a faites fur ces Maladies
dans les Hôpitaux de l'Armée du Roy.
La feconde Lettre traite des fièvres malignes
ardentes , accompagnées de délire frénétique
, d'inflammation au foye , de diffenterie
& de cours de ventre : l'Auteur fuit à
peu près le même plan que dans la premiere .
La troifiéme Lettre traite des fièvres continuës.
L'Auteur garde dans cette Lettre & dans
la quatrième qui traite des fiévres intermittentes
, fçavoir des fiévres double-tierces , tierces
& quartes , le même ordre que dans les
deux premieres.
Dans la cinquième , l'Auteur parle des
Maladies qui attaquent la poitrine , fçavoir
des pleuréfies , des péripneumonies & des
pleuro- péripneumonies ; il en expofe les
caufes éloignées & prochaines ; & après avoir
donné l'explication des differens fymptômes
qui accompagnoient ces differentes Maladies
, il donne la maniere de les guérir , &
raporte les curieufes obfervations qu'il a faites
là- deffus , & finit en priant le Medecin à
qui il les a adreffées , d'avoir pour lui la même
indulgence pour cette Lettre que pour
les
404 MERCURE DE FRANCE
les autres , & de vouloir bien excufer les
fautes qu'il pourroit y remarquer.
La fixiéme traite des hémoptyfies &c,
Dans cette Lettre , l'Auteur a obfervé
le même ordre que dans les précedentes.
Après les Maladies qui attaquent la poitrine
, l'Auteur juge à propos de parler dans
la feptiéme Lettre des Maladies qui attaquent
le bas ventre , fçavoir de l'inflammation
du foye , & des efpeces differentes de
coliques , qu'il divife en bilieufes & flatueufes
, il en établit les caufes éloignées & immédiates
, & expofe les differens fymptômes
auffi bien que ceux qui accompagnoient l'inflammation
du foye , foit qu'elle occupe la
partie convexe ou concave de ce vifcere.
La huitiéme Lettre roule fur les diffenteries
& fur les cours de ventre , qui felon le raport
de l'Auteur ont regné depuis le commencement
de la Guerre jufqu'à la fin ,
qui ont été très funeftes à nos Troupes.
&
La neuviéme regarde les éréfipeles & les
ophfthalmies. Dans cette Lettre on a obſervé
le même ordre que dans les précedentes , &
on les a enrichies de quantité d'obfervations
qu ne peuvent qu'être très utiles au Public ;
furtout aux jeunes Praticiens .
L'Aureur avant que de finir les Maladies
aigues , declare qu'il n'auroit pas manqué
de
JUIN. 1741. 1405
de parler des petites Véroles qui ont regné
dans les Hôpitaux de l'Armée du Roy en Italie,
fi ces maladies avoient été accompagnées
de fymptômes auffi fâcheux & auffi terribles
qu'à Paris & en plufieurs autres endroits de
la France , mais que comme elles n'ont jamais
été accompagnées que de fymptômes
très doux , il croit n'en devoir pas faire mention
, & ne veut pas abufer de l'attention du
Public en raportant des obfervations frivoles
& de nulle conféquence.
Après les Maladies aiguës , dont l'Auteur
a parlé dans les neuf premieres Lettres , il
paffe à la dixième , dans laquelle il parle des
Rhumatiſmes , des Obſtructions du foye &
de la ratte.
La dixiéme Lettre l'a engagé à en faire
une onzième , dans laquelle il traite des
Hidropifies , tant univerfelles que particulieres
; fçavoir , des anafarques ou leucophlegmaties
, & des Hydropifies afcites & de poitrine
, qui font ordinairement la fuite des
obftructions du foye & de la ratte & des autres
vifceres du bas- ventre & de la poitrine ;
& il déclare que quoiqu'il n'ait eû aucun
fuccès dans les traitemens des Hydropifies
afcites & de poitrine , il a réüffi très fouvent
dans les Hydropifies univerfelles ; fçavoir ,
les anafarques , & raporte les Obfervations
qu'il a faites là- deffus, qui font très- curieufes
& utiles, Les
1466 MERCURE DE FRANCE
Les deux dernieres Lettres , fçavoir , la 12
& la 13. roulent fur les Phthifies ou Pulmonies
& fur le Scorbut. Dans ces deux
Lettres l'Auteur ne s'eft point écarté de l'ordre
qu'il a établi dans les précedentes , & les
a enrichies d'Obfervations pour le moins auffi
utiles & curieufes que les précedentes. Pour fe
convaincre du fait , on n'a qu'à les lire avec
attention & jetter les yeux fur l'Aprobation
du Cenfeur Royal, nommé M. Cafa Major,
Perfonne refpectable par fon fçavoir, & trèsconnu
dans la République des Lettres .
THEORIE NOUVELLE fur le Mécanisme ,
de l'Artillerie, &c. Par M. Dulacq , &c. A
Paris , chés Ch . Ant. Jombert , &c. Il eſt en
vente & fe vend 15. livres relié.
PLAN DE L'OUVRAGE.
La premiere Partie eft divifée en quatre
Sections ; dans la premiere Section on déter-
*mine les vîteffe des inflammations pour tirer
des conféquences fur les effets de la Poudre ,
On y examine la force de la Poudre en ellemême
, en fupofant un globe enflaminé au
milieu de l'air . On fait voir qu'une masfe
fphérique de Poudre feroit toujours enflammée
en même tems qu'une autre maffe
fphérique de Poudre qui feroit plus grande
ou moindre, parce que la vîteffe de l'inflammation
JUIN.
1407 1741 .
mation eſt toujours proportionnelle au diamétre
du globe que la flamme doit parcourir,
On examine dans la feconde Section la
force de la Poudre , à mefure qu'elle eſt enflammée
dans un plus grand ou dans un
moindre efpace ; on y donne les raports que
les forces ont entre elles : 1°. De la force
de la Poudre , à mesure qu'elle eſt enflanimée
dans des efpaces proportionnels aux
quantités de Poudre : 2°. De la force des
quantités égales de Poudre qui feroient enfammées
dans des efpaces differens : 3 ° . De
la force des differentes quantités de Poudre
qui feroient enflammés dans un même efpace
: 4°. De la force des differentes quantités
de Poudre qui feroient renfermées dans de
differens efpaces.
On confidere dans la troifiéme Section , la
force de la Poudre , à mesure que les furfaces
qui l'environnent s'opoſent differemment à
l'extenfion de la flamme , par la configuration
des chambres , ou par la maniere dont
le feu lui eft communiqué ; & à cet égard on
établit plufieurs formules pour exprimer la
force de la Poudre de trois manieres differentes
: 1°. Lorsque la Poudre eſt toute allumée
dans la chambre , & qu'on fait abftraction
de l'accompagnement de la flamme qui
agit contre le mobile le long de la volée :
20. Lorfque toute la charge eft allumée dans
la
1408 MERCURE DE FRANCE
la chambre , & que la force de l'inflammation
agit fucceffivement contre le mobile
qu'elle accompagne le long de la volée : 3º.
Lorfqu'une partie de la charge s'allume dans
la chambre , & que l'autre s'allume dehors
de la chambre le long de la voleć.
,
On conclud que la chambre la plus parfaite
de toutes , eft fphérique pour les mortiers,
lorfqu'elle est toujours remplie de Poudre
fans terre & fans fourrage ; & que pour les
canons , carabines & autres armes à feu , la
chambre la plus parfaite , a bien des égards,
feroit la cilindrique arrondie dans fon fond
& qui n'auroit qu'un de fes calibres pour fa
hauteur ; de forte que la perfection confiſteroit
à trouver une Poudre la plus violente
qu'il foit poffible , pour qu'en chargeant au
quart ou au tiers tout au plus du poids du
boulet, elle pût faire affés d'effort, ou le même
effet que celle dont nous nous fervons
en fait ordinairement en chargeant à la moitié
, ou aux deux tiers du poids du boulet ;
ce qui feroit d'un grand avantage pour la
promptitude de l'execution des pièces , pour
l'épargne de la Poudre & de fon charois , pour
celle du métal, pour la facilité qu'il y auroit à
transporter & manier les piéces qui feroient
beaucoup plus courtes qu'elles font à préſent.
Dans la quatriéme Section on examine la
figure des entonnoirs des fourneaux des mines
,
JUI N. 1741: 1409
nes,& en fupofant que la réfiftance des terres
que le fourneau doit enlever foit homogene ,
on démontre que l'excavation de ces terres
formeroit la figure d'un paraboloïde. On démontre
auffi que les rayons des entonnoirs
doivent exceder de beaucoup leurs lignes de
moindre réſiſtance , lorfqu'on force de Poudre
la charge d'un fourneau ; ce qui eft contraire
à l'opinion des anciens Mineurs.
La feconde Partie eft divifée en deux Sec
tions ; chaque Section contient fept Chapitres.
Dans la premiere Section on y traite`
le mouvement uniforme d'impulfion , & le
mouvement uniformément acceleré de la
chûte; on fait voir que la courbe que les mobiles
décriroient dans un vuide , feroit une
véritable parabole , par quelque direction
que fuffent pouffés les mobiles; on détermine
les portées de nos piéces fous differentes
élevations avec une charge homogéne dans
la raifon du produit du Sinus de complément
par celui de l'élevation ; on y examine differemment
qu'on ne l'a fait juſqu'à préfent le
mouvement dans nos projections ; à fçavoir,
en confidérant l'efpace parcouru à chaque
inftant fur l'horisontale, à mesure qu'on change
la direction de la pièce , & en confiderant
encore le nombre de ces inftans , à meſure
qu'on change la direction de la piéce , & la
fituation
T410 MERCURE
DE FRANCE
· fituation du but par raport au niveau de la
batterie ; on y trouve la maniere de calculer
des Tables auffi utiles que curieufes , où l'on
trouveroit l'angle d'élevation qu'il faut donner
à la pièce , pour tirer fur un but dans
quelque fituation déterminée qu'il foit par
raport au niveau de la batterie ; c'eſt-à- dire ,
foit que le but fe trouve au -deffus , ou audeffous
de la batterie , par toutes fortes de
directions poffibles , c'est- à - dire , en pointant
la volée de bas en haut horisontalement,
ou du haut en bas , fi le cas eft poffible.
On donne enfuite une autre nouvelle
Méthode de réfoudre tous ces cas , fans fe
fervir des formules algébriques dont l'Auteur
fe fert pour le calcul des Tables ; on y réfout
les problêmes qui feroient difficiles à réfoudre
par les voyes qu'on a fuivies jufqu'à préfent
, comme par exemple feroit le problême
fuivant.
On fupofe qu'on n'ait pû faire le coup d'épreuvefur
le niveau de la batterie , comme on
Le fait ordinairement , pour déterminer l'angle
d'élevation qu'il faudroit donner à la pièce ;
pour atteindre un but fitué au niveau de la batterie
dans une diftance déterminée , & qu'on n'a
pu faire ce coup d'épreuve que fur un niveau
fitué an - deffus ou au deffous de celui de la bate
terie.
On demande cependant la folution de tous les
sag
JUIN 1741 1411
tas qu'on peutformer fur les projections par la
connoiffance qu'on a de ce coup d'épreuve
comme s'il avoit été fait au niveau de la bat
terie.
La folution feroit affès difficile par toute
autre Méthode que par celle-ci , qui eft des
plus faciles
par les princpes de M. Dulacq.
-
On découvre dans cette Section pluſieurs
belles proprietés du mouvement uniforme ;
on fait voir que les projections en géneral
qu'on peut faire fur un même niveau , quel
qu'il foit , ou plus haut , ou plus bas que celui
de la batterie pour toutes les directions
poffibles d'un demi- cercle , font renfermées
dans un demi - cercle , comme on avoit déja
obfervé que cela étoit ainfi pour le niveau de
la batterie ; & de plus , on démontre que
tous ces cercles font concentriques , d'où
l'on tire de très belles découvertes ; par
exemple , de déterminer l'angle d'élevation
qui donne la plus grande portée d'une
piéce , lorfque la batterie eſt élevée au - deſſus
d'une plaine ; bien des perfonnes du métier
auroient pû croire que ce devoit être l'angle
de 45. degrés d'élevation , fous lequel la portée
devroit être la plus grande ; ce qui ne
peut jamais être ainfi dans l'hipoteſe même
du mouvement fait dans le vuide , felon Galilée,
dès-lors qu'on tire du deffus d'une émimence
; car on verra que cet angle eſt indéterminé
J
1412 MERCURE DE FRANCE
terminé , & que dans ce cas il n'eft jamais
de 45. degrés.
L'Auteur propofe enfin un Inſtrument nouveau,
très fimple & commode, par le moyen
duquel on voit la trace de la courbe que ce
mobile décriroit dans le vuide par toutes forres
de directions , s'il y étoit mû avec une
même vîteffe quelconque déterminée; par
toutes les directions infinies qu'on peut prendre
dans la circonférence d'un demi- cercle ;
il en donne la démonstration & l'ufage .
Il traite dans la feconde Section du mouvement
retardé par la réfiſtance du milieu ,
en confidérant que le mouvement fe fait dans
le plein réfiftant: on montre d'abord la néceffité
qu'il y a d'avoir égard à cette réſiſtançe, en
faifant voir d'une maniere fenfible que cette
réſiſtance de l'air eft plus conſidérable qu'on
ne la fupofe dans le Syftême de Galilée ; enfuite
on paffe à la réſiſtance de l'air , au mouvement
uniforme d'impulfion , & au mouvement
acceleré de la chute : Il donne la conftruction
de la courbe qui renfermeroit les
projections retardées , foit que le but fût au
niveau de la batterie , foit qu'il fût au- desfous
de ce niveau ; cette conſtruction eft facile
par le moyen d'un coup d'épreuve ; car
au lieu qu'on ne fait ordinairement qu'un
coup d'épreuve, il en fait faire deux fous deux
angles d'élevation differens , mais également
éloignés
JUI N. 1741 . 1473
éloignés de 45. degrés ; il eft certain que file
milieu n'eût point réfifté , les portées fous ces
deux élevations également éloignées de 45 .
degrés, feroient préciſement égales; ce qu'on
démontrera; & que fi elles font inégales, par
conféquent cette difference ne proviendra que
de la refiftance de l'air, en fupofant toutes cho .
fes néanmoins dans l'exactitude de la théorie.
On donne enfin dans ce dernier Chapitre de
cette feconde Section plufieurs principes, pour
conduire à la perfection du Systême de l'Auteur
fur la réfiftance, laquelle confifteroit à déterminer
les courbes qui renferment les projections
retardées, fans qu'il fût néceffaire de
faire pour cela un coup d'épreuve ; ce qui feroit
très- commode , car nous n'aurions befoin
de trois courbes differentes , pour le
que
plomb,pour le fer & pour la pierre, qui font les
trois matieres dont nous nous fervons ordinairement
pour nos projections militaires; car
M. Dulacq fait voir dans ce dernier Chapitre
qu'une même courbe & pour un même
niveau , doit renfermer toutes les projections ·
qu'on peut faire avec differens mobiles de
differente péfanteur abfoluë , & qui feroient
mûs avec differentes vîteffes d'impulfion ,
pourvûque la péfanteur fpécifique , & le niveau
fur lequel fe feroient les projections ,
füflent toujours les mêmes.
- La troifiéme Partie eft divifée en trois Sec-
11. Vol. G tions
1414 MERCURE DE FRANCE
tions , dont la premiere & la derniere contiennent
deux Chapitres chacune , & la ſeconde
huit.
M. Dulacq examine dans la premiere Section
l'équilibre des voutes dans l'idée qu'en
a donnée M. Belidor dans fa Science des Ingénieurs
comme il ne confidere cet équilibre
que pour déterminer la voute qui convient
le mieux aux magasins à poudre , pour
les mettre à l'abri des violentes percuffions
des bombes , il n'examine que les léviers des
voutes en plein ceintre , en tiers point , furbaiffées
, éliptiques & paraboliques , afin de
voir celles qui ont de moindres léviers , &
qui peuvent par conféquent fouffrir de moin
dres chocs fur leur foible , qui ordinairement
eft fur la clef & fur les reins de la voute.
Il confidere dans la feconde Section la
force abfolue du choc d'une bombe , en la
prenant pour un feul point : de forte que
toute fa pefanteur, foit cenfée être réunie
dans fon centre de gravité ; il confidere cette
force à chaque inftant du mouvement pendant
la projection ; il en détermine le choc ,
non feulement lorfque le corps frapé eft fitué
au niveau de la batterie , mais encore
lorfqu'il eft fitué dans tous les autres points
de la courbe de projection , au deffus , ou
au-deffous du niveau de la batterie , & pour!
toutes fortes de directions qu'on puiffe prent
dre
JUIN. 1741. 1415-
dre dans la circonference d'un demi cercle .
Il paffe dans le fecond Chapitre à la force
relative du choc , à mesure que les angles
d'incidence de la tangente de la courbe qui
décrit la bombe fur le plan frapé , font plus
ou moins aigus ; il détermine la force abfolue
du choc d'une bombe qui feroit tirée
avec une même force par les differentes directions
qu'on peut prendre dans un quart,
de cercle , fur toutes les tangentes infinies
des points du demi - cercle d'une voure en
plein ceintre , en fupofant que ce demicercle
eft dans le plan de la projection , que
la voute n'eft pas couverte d'un maffif de
maçonnerie , & qu'elle eft fituée au niveau
de la batterie.
Dans le troifiéme Chapitre , il examine
les changemens que le mallif de maçonnerie
dont on couvre l'eftrados des voutes , doit
aporter dans les percuffions des bombes ,
en faifant remarquer la difference des angles
d'incidence que ce maffif aporte : il détermine
ces angles d'incidence pour tous les
cas.
On confidere dans le quatrieme Chapitre ".
la force abfolue du choc d'une bombe qui
feroit jettée avec differentes charges de poudre
fur un même but , fitué au niveau de la
batterie : par toutes les differentes directions
qu'on peut prendre dans un quart de cercle
Gij
&
1416 MERCURE DE FRANCE
& d'un même point de batteries on y
trouve la Table de la force abfolue du choc
d'une bombe qui tireroit avec differentes
charges de poudre fur un même but , fitué
au niveau de la batterie , pour toutes les
differentes directions qu'on peut prendre
dans un quart de cercle.
- Il donne enfuite les Tables des angles
Pincidence d'une bombe , qui feroit jettée
par toutes les directions du quart de cercle
fur tous les points d'un demi cercle d'une
voute en plein ceintre.
Cette Table fert auffi pour exprimer la
force relative du choc fur tous les points
d'un demi cercle de la voute , qu'on fupoferoit
être frapé par une bombe qui feroit
Jet- `
tée avec une même charge par toutes les élevations
, ou directions du quart de cercle.
Il donne encore des Tables dans lefquelles
on peut voir quelle eft l'élevation qu'il
faut donner à la piece , pour qu'une bombe
frape par un plus grand choc une tangente
quelconque d'un point du demi- cercle d'une
voute en plein ceintre , ou un plan incliné ,'
dont l'inclinaifon feroit égale à celle de cette
tangente , lorfque la bombe feroit jettée avec
differentes charges de poudre & fous de differentes
élevations , en tirant d'une même
diftance fur ce demi - cercle de la voute , lequel
on fupofe dans le plan de la projection
JUIN. 17412
· 1417
tion , & au niveau de la batterie.
On verra qu'il s'en faut de beaucoup que
l'angle d'incidence fur une même tangente ,
ou fur un même plan incliné , doive toujours
être de 90 degrés , pour que le choc
de la bombe foit le plus grand.
Le cinquiéme Chapitre examine la réfif .
tance des plans contre le choc des bombes ,
en confiderant les differens points des furfaces
des bombes , par lefquels elles frapent
une voute fphérique : on détermine les deux
points par lefquels elles fe touchent l'une &
l'autre .
Comme l'Auteur a fait voir que la voute
fphérique eft la plus folide pour les magasins à
poudre , il a donné une Table où l'on trouve
l'angle d'incidence fur chaque point d'un de
ces cercles horifontaux , en fupofant qu'il
fût frapé par une bombe qui tomberoit deffus,
fous toutes les élevations poffibles .
On confidere differemment dans le fixieme
Chapitre le choc des bombes fur des
plans , en examinant la difference que le
point de percuffion pris fur la furface de la
bombe , doit aporter dans la force du choc ,
lorfqu'on fupofe que les bombes frapent les
plans par leur centre de gravité : fur ces confiderations
, on donne des formules pour
exprimer la force du choc , lefquelles font
differentes des précedentes : il a auli donné
G iij
une
1418 MERCURE DE FRANCE
une méthode differente , pour compofer la
force du choc d'une bombe qui eft mûë par
les deux mouvemens d'impulfion & de gravité
jointes enfemble .
Le feptiéme Chapitre traite de la Méchanique
de la démolition d'une voute par les
chocs des bombes : on y confidere pour cela
les differens leviers par lefquels la bombe
agit contre une voute, felon l'élevation de la
bombe & le point de percuffion de la voute,
comme auffi les differens leviers par lefquels
la voute réfifte aux chocs des bombes : on y
fait plufieurs reflexions qui tendent à une
bonne pratique
.
Le huitiéme Chapitre n'eft qu'une fuite
ou une conclufion des Chapitres précedens
fur le choix de la courbe , de la figure la plus
convenable aux magafins à poudre , contre
le choc des bombes.
La troifiéme Section traite de la Méchani
que du pointement.
Dans le premier Chapitre , il parle du but
en blanc , il fait faire plufieurs reflexions fur
la portée du but en blanc ; il donne comme
une espece de memoire d'Artillerie fur l'afage
des pieces, tant du côté des affiegés, que
du côté des affiégeans : on y fait plufieurs remarques
utiles à la pratique de l'Artillerie :
on entre enfin dans un détail géometrique de
tous les accidens qui peuvent varier dans nos
opeJUIN.
1741 . 1419
operations , & détourner nos pieces de
leurs directions : on y trouve le moyen d'y
remedier , autant qu'il eft poffible , par celui
de quelques petits changemens que l'on
peut pratiquer dans les affuts , ou dans les
platteformes.
Comme on conclud de toute cette théorie
que la perfection confifteroit à fe fervir
d'une poudre la plus forte qu'il eſt poſſible ;
on s'aperçoit d'abord que cela doit aporter
un grand changement à la conftruction de
nos pieces, ce qui engage l'Auteur à propofer
une ébauche du deffein fur lequel il faudroit
peu près qu'elles fuffent conftruites conféquemment
à cette poudre , il dit à peu près ;
car il faut connoître ( avant que de le déterminer
) les degrés de force l'on
que peut
donner à la poudre , par raport à la force de
notre poudre ordinaire.
à
Comme elle n'eſt pas encore dans toute
fa perfection , on pourroit encore la rafiner
de beaucoup ; car on dit que les Chinois fe
fervent d'une poudre bien differente de la
nôtre , & dont les effets font bien plus furprenans
, puifque leur poudre n'eft qu'une
pouffiere fort humide & pâteufe , & qui a
cependant une force au - deffus de la nôtre
foit qu'elle provienne de la qualité du ſąlpêtre
, ou de quelqu'autre caufe : on ne fçauroit
affés s'apliquer à cette découverte qui
G iiij
›
nous
1420 MERCURE DE FRANCE
nous feroit de la derniere conféquence pour
la Guerre , & furtout pour la Marine .
La difficulté & la complication qu'on
trouve dans tous les fujets phyfico - mathémariques
, les rendant toujours fufceptibles
de contradiction , l'Auteur a crû qu'il devoit
communiquer fes recherches au Public ,
afin que ceux qui par le même zele pour le
progrès de l'Artillerie , s'apliqueront à perfectionner
fes idées , veuillent bien lui en
faire part auffi , proteftant qu'il a plus
d'envie de s'inftruire que d'étaler fes recherches
; il n'auroit pas même ofé les mettre
au jour fans les avoir préfentées à ce grand
Tribunal , que la République des Sciences
reconnoît pour le plus éclairé & le plus équitable
: ces Meffieurs ont eu pour l'Auteur leur
complaifance & leur politefle ordinaire envers
tous les Etrangers qui leur viennent préſenter
leurs Ouvrages ; c'eſt à quoi , dit- il , je fuis
redevable du jugement ava : tageux qu'ils
en ont porté fur le raport de nos deux Commilaires
, dont l'un eft M. Clairaut , cet
Aureur célebre des lignes à double courbure
( Ouvrage qui lui a mérité à l'âge de
dix huit ans l'honneur d'être reçû dans cette
illuftre Compagnie. )
* L'Académie Royale des Sciences de Paris ; l'Aprobation
des Commiffa res nommés pour examiner cet
Ouvrage , eft au commencement du Livre , après
P'Epitre Dédicatoire. L'Auteur
JUIN. 1741 . 1421
L'Auteur prie cependant ceux qui refuſeront
leurs fuffrages à fon Livre , de joindre
leur bonne volonté à la fienne , afin que
d'un parfait accord ils puiffent contribuer
utilement à la perfection de cet Art ; perfuadé
qu'ils éviteront une peine inutile à le
critiquer , pour s'apliquer à mieux faire : ce
qui fera fa plus grande fatisfaction.
NOUVEAU PLAN de Cartagene , avec les dernieres
attaques des Forts par l'Amiral Vernon , qu'on trou
ve chés le St le Rouge , Ingénieur , Géographe du
Roy , rue des Grands Auguftins , vis à vis le Panier
Fleuri , 1741.
ESTAMPES NOUVELLES.
Il paroît depuis peu une très belle Eftampe en
large du Jugement de Pâris Elle eſt dédiée à M. de
Schonberg , Seigneur de Roth- Schonberg , & autres
lieux , d'après le Tableau original du fameux
Henri Goltzius , célebre Peintre & Graveur Allemand
, de fix pouces de hauteur , fur huit de large
, qu'on peut voir dans le Cabinet de M. le Chevalier
de Julienne. Cette Eftampe , très - heureufement
gravée par Pierre - Louis Surrugue le fils , dans
le goût de Goltzius , fe vend à Paris , chés L. Surrugue
, Graveur du Roy , rue des Noyers , vis- à - vis
S. Yves , 1741 .
Jean - Pierre Guignon , fort connu en France & en
Italie par fes grands talens pour le Violon , a été
nommé Premier Violon de la Mufique du Roy ; le
Brévet qui lui en a été expedié lui donne la qualité
GY de Roy
1422 MERCURE DE FRANCE
koy de Violon, & Maître de tous les Joueurs d'Instrumens
, tant hauts que bas , dans toute l'étenduë
du Royaume , avec attribution de tous les honneurs,
autorités , prérogatives , prééminences , franchiſes ,
libertés , droits , profits , revenus & émolumens accoûtumés
& y apartenans .
Cette Charge , qui n'avoit pas été remplie depuis
l'année 168 ,. quoiqu'elle foit d'inftitution très ancienne
, met le Sieur Guignon à la tête de toutes
Jes Communautés de Danſe & de Mafique , établies
& à établir en France , & fpécialement de celle de
S. Julien des Méneftriers , érigée à Paris dès le XIII..
Siécle . Elle lui donne le droit d'inſpection & de choix
fur tous ceux qui fe préfenteront pour être admis à
la Maîtrife , dans l'un & l'autre genre , & de nommer
des Lieutenans en titre d'office pour le repréfenter
dans toutes les Villes du Royaume , où il y
a Maîtriſe en ces deux Arts . Le tout fuivant les Statuts
de cette Communauté , fucceffivement confirmés
par les Rois de France , qui ont honoré ces.
deux Talens d'une finguliere eftime, & les ont jugé
dignes de leur attention , pour les porter au degré,
de perfection , capable de contribuer à l'illuftration
& à la fplendeur de la Nation.
C'est dans cet efprit de goût pour lès Talens ,
d'attention & de bonté pour tout ce qui peut distinguer
fes Sujets en tout genre , que le Roy s'en
'explique dans les Provifions de cette Charge.
" L'expérience qu'il s'eft acquife dans la Profesfion
, y eft il dir , les recherches qu'il y a faites ,
» & la fatisfaction que nous reffentons de les fervices
, jointes aux voeux unanimes des Maîtres
qui compofent la Communauté nous perfua-
» dent qu'il en remplira les fonctions avec le zele
» & la capacité convenables. Nous , pour ces
caufes, & autres bonnes confidérations à ce
7 a nou
JUIN 1741. 1423
nous mouvant , avons audit Guignon , donné &
octroyé , donnons & octroyons par ces Pré-
» fentes , fignées de notre main , l'Etat & Office
» de Roy & Maître des Méneftriers & de tous les
Joueurs d'Inftrumens , & c.
VERS fur le même sujet.
CEE
n'eft poit le Titre de Roi
Qu'un Grand Roy lui- même te donne ,
Qui de Maître en ton Art t'affûre la Couronne
Cher Guignon , tout flateur en ſoi
Que puiffe être un fi noble octroi ,
Quelque chofe encor l'affaiſonne
C'eft l'éloge qu'il fait de toi.
Il est bien jufte que la France
Te donne , par reconnoiffance ,
Un Lot digne de tes défirs ;
Et que déjá regnant au Temple de Mémoire ,
Ici nous te rendions en gloire
Ce que ton goût divin nous prodigue en plaifirs
AVIS.
Du Vignan
Un Seigeur de grande naiffance & de grandes fa
cultés , dans la Pruffe Royale , faifant fon occupation
unique des Belles Lettres, dont il a une Bibliothéque
des mieux choifies & des plus copieules ,
dans fon Château , fouhaiteroit avoir auprès de lui
quelqu'homme de Lettres , qui voulût fe fixer &
s'attacher à fa perfonne , conftamment & pour tou-
G vj jours,
1424 MERCURE DE FRANCE
•
jours ,fur le pied de Sécretaire de confiance , & qui
fût en état , non - feulement d'écrire toutes fortes
de Lettres en Latin , François & Allemand , mais
encore capable de faire de bonnes & élégantes Traductions
de François en Latin Ciceronien Le tout
aux conditions fuivantes :
Il aura fa Table avec ce Seigneur , frugale , mais
très- honnête.
Un Logement commode à côté de la Bibliothé →
que , dont o lui laiffera une clef. Et pour apointemens
cent Ducats d'or par an , payés mois par
mois.
i taut qu'il ait quelque teinture des Belles-
Lettres
Qu'il ne foit point homme d'Eglife , parce qu'on
le deftine à être un jour Gouverneur d'un fils de
ce Seigneur , qui eft encore en enfance .
Et enfin , qu'il foit ou vieux Garçon, fans envie de
Le marier , ou veuf, pour éviter l'embarras d un ménage
, & qu'il ne foit point chargé de famille , tout
au plus d'un feul enfant.
Come ce Seigneur prétend choifir fur le nombre
des Poftulans celui qui fe trouvera être le pus
capable pour les Traductions de François en Latin, '
( ce qui eft le point ffentiel , ) & que s'il fe nommoit
, on l'engageroit , à force de recomandations
, de choisir celui qui ne lui conviendroit pas
ainfi que cela eft déja arrivé à l'égard d'un homme
qu'il a été obligé de prendre par taveur . & e renvoyer
à caufe de fon infuffifance dans le ftyle Latin:
Ce seigneur a pris le parti , pour ne pas fe
Compromettre avec perfonne , de ne vouloir fe
nommer qu'à celui qu'il aura choifi par préference.
Cependant les Poftulans de cet Emploi pourront lui
écrire , fous le nom de Mecene , en adreffant leurs
lettres cachetées , à Mrs les Heritiers Cramer &
Freres
JUIN. 1428 1741.
Freres Philibert, Libraires de Geneve, qui les feront
parvenir à leur deſtination .
Il faut que chaque Poftulant donne dans la lettre
un effai de fa capacité du côté du ſtyle dans les Langues
Latine , Françoife & Allemande , mais du
moins dans la Latine.
Il faut auffi qu'il y donne des indices fuffifans fur
fe Nom , Religion , Pays , fejour , âge , état &
qua'ité , fur l'âge de fon enfant , l'état de les Fere
& Mere , s'il en a encore.
Celui fur qui tombera le choix , recevra une lettre
d'avis fur la préference qu'on lui donnera , &
fera détra é de fon voyage.
S'il fe trouvoit n'avoir d'autre enfant qu'un feul
garçon , il faudroit qu'il le plaçât dans fon Pays : fi
c'étoit une fille , elle feroit pl.cée auprès de deux
Niéces que ce Seigneur éleve chés lui , mais il faudroit
que cette fille fçût le François , & toutes fortes
d'ouvrages de femmes ; qu'elle fût bien élevée ,
& de l'âge à peu près de ces deux Demoiſelles , qui
font de dix & douze ans pour être leur compagne,
& en fe jouant leur aprendre la Langue Françoife .
Elle auroit pour fes apointemens 40. Ducats d'or
par an & la Table avec les Demoifelles fufdites.
Si au contraire , il fe trouvoit que cet homme
qu'on cherche , fe trouvât fans aucun enfant , mais
qu'il eût une foeur , qui eût les qualités énoncées ,
& qui voulût le fuivre , on la recevroit aux mêmes
conditions.
Si avec la teinture des Belles - Lettres & l'uſage
du beau ſtyle Latin , cet homme ſe trouvoit encore
avoir la capacité néceflaire pour gouverner une
maifon , on augmenteroit les gages à proportion
de fa capacité
On attendia jufqu'au premier jour d'Août , avant
que de fe fixer fur le choix, ainfi ceux qui poftulene
Cette
1426 MERCURE DE FRANCE
cette place , ne doivent pas tarder à écrire , fans fai
re les paquets trop gros , & fans oublier de donner
l'eflai de leur ftyle Latin & François dans leurs
lettres , joint au détail exact & circonftancié fur les
demandes ci-diflus énoncées.
Geneve , ce 21..Juin 1741.
POMPES pour les Incendies , arrofer les
Arbres , les Jardins , &c.
Lpagnie , en conféquence du Privilege exclufifque
E Public eft averti que M. de Genffanne & Com-
Sa Majefté leur a accordé dans toute l'étenduë du
Royaume , pour la conftruction d'une Pompe portative
, que chaque Particulier peut avoir chés foi
pour y avoir recours en cas d'Incendie,& arrofer les
Parterres , Arbres , &c. Ils ont établi leur Manufac
ture dans la Maifon qu'ils ont acquife , rue S. Jofeph
, au coin de la rue du Gros Chenet.
Cette Pompe eft d'un petit volume ; une feule
perfonne la peut facilement tranfporter & élever
par fon moyen , en moins d'une minute de tems >
40. à 45.pintes d'eau à 40. pieds de hauteur &
remédier par-là fur le champ au feu , qui ne fauroit
faire aucun progrè ,, ayant un pareil meuble
chés foi.
Ceux qui voudront fouferire pendant le tems de
trois mois , ne la payeront que cent iiv.es , en donnant
deux Louis lors de la Soufcription , entre les
mains de M. de Briane , Affocie & Caffier de la
Manufacture , & le reftant , en livrant la Pompe ;
ceux , au contraire , qui n'auront pas fou crit pendant
le tems, la payeront 120 livres , & on délivrera
toutes les femaines les Pompes aux Soufcrivans
par rang de date des Soufcriptions.
On
JUIN.
1741. 1427
On garantir, non- feulement la bonté de ces Pompes
, mais encorc ( pour le bien public ) elles
viennent à être caffées ou dérangées par des accidens
étrangers à leur conftruction & qu'on ne peut
garantir , on n'aura qu'à les raporter à la Manufacture
, on leur én délivrera de neuves en échange
, en payant feulement neuf livres pour ceux qui
auront foufcrit , & douze livres pour ceux qui ne
l'auront pas fait , & afin que le Public ne toit pas
trompé par la contrefaction de ces Pompes , celles
qui feront délivrées à la Manufacture , font numérotées
& marquées de façon à être reconnues en
tout tems.
M. de Genffanne & Compagnie , annoncent en
même tems au Public qu'ils font auffi conftruire
dans leur Manufacture des Pompes de toutes fortes
de grandeurs, tant pour les Incendies , que pour l'é.
puifement des eaux qu'ils entreprennent géne
ralement toutes for es d'Ouvrages de Méchani
que , comme Moulins de toutes efpeees , à eau
cheval & à bras ; tous épuifemens de Marais
de Mines, de Foffés, &c. tous Equipages de Manufactures.
Ils garantiffent non- feulement le fuccès de tout
ce qu'ils entreprendront , mais ils en avanceront
même les principales dépenfes , en leur donnant les
fûretés convenables , tant pour le payement de leurs
Ouvrages , que pour le rembourlement de leurs
avances.
Ceux qui , pour l'ornement de leurs Cabinets ou
pour des befoins particuliers , voudront avoir des
Modeles en petit de toutes fortes de Machines ,
n'auront qu'à s'adreffer à la Manufacture Royale
de Méchanique , ruë S. Joſeph , au coin de la ruë
du Gros Chenet , où on leur en délivrera de trèsproprés
, avec l'explication par écrit de leur ufage
428 MERCURE DE FRANCE
ge & de leur Méchanique ; le tout à un prix raifonnable.
Le Sr Jean-Baptfte Oulier , de la Ville d'Aix en
Provence , a crû devoir informer le Public qu'il eft
le feul qui poffede le véritable Secret de la Poudre
Univerfelle , dite Santinelly , ainfi qu'il eft pleinement
juftifié par le Privilege qui lui a été accordé
le 18. Décembre 1740. pour la Compofition , vente
& diftribution de cette Poudre par tout le Royaume
, & ce après l'examen fait de celle qu'il compo→
fa par ordre de S. A. S. M. la Princeffe de Conty ,
en la préſence , en celle de M. Chycoineau , Premier
Médecin du Roy , & de M. de la Peyronie ,
Premier Chirurgien de Sa Majefté. Cette Poudre
peut être regardée comme un des plus puiffans Remedes
qui ait encore parû pour la purification du
fang & le plus doux purgatif , lequel n'affujettit à
aucun régime de vivre , ne dérange aucunement
des affaires domeftiques & n'interrompt pas même
la continuation des plus longs voyages.
32.
La Prife , qui eft de deux dragmes , eft fixée à
vingt fols. On a fait , pour la commodité du Public
, des Paquets de trois Prifes , qui eft la purgation
ordinaire , de 6. de 12. de 18. de 24. & de
Les Paquets feront accompagnés d'un Imprimé ,
contenant les vertus de cette Poudre & la maniere
de la prendre ; ils feront cachetés & il y aura une
Empreinte.
On la vend à l'Hôtel de Conty , rue S. Dominique,
chés Mrs Moitet , Richard Moriffet ; partout ailleurs
elle cft contrefaite & dangereufe .
On nous affûre que M. Chycoineau , Confeiller
d'Etat , Premier Médecin du Roy ayant vû la guérifon
d'un grand Prélat , qui avoit des Boutons ,
Rougeurs
JUIN. 1741.
1429
Rougeurs & Dartres au vifage depuis plus de huir
ans , & ayant apris d'ailleurs la guérifon de plufieurs
autres Perfonnes confidérables , par les Remedes
compofés & débités par Mad. de Leftrade ,
ci devant Mlle de Rezé , depuis plus de 40 ans , a
bien voulu pour l'utilité & le foulagement du Public
, donner fon Aprobation pour les débiter.
Ces Remedes font une Eau pour la guériſon des
Dartres vives & farineufes , Boutons , Rongeurs
Taches de rouffeur , & autres Maladies de la Peau ,
& un Baume blanc , en confiftance de Pomade ,
qui ôte les cavités & les rougeurs après la petite
vérole , les taches jaune , & le hâle , unit & blanchit
le teint .
Ces Remedes fe gardent tant que l'on veut , &
peuvent le tranfporter partout. Les Bouteilles de
cette Eau font de 2. 3. 4 6 livres & au - deffus ,
felon la grandeur . Les Pots de Baume blanc , font
de 3 livres 10. föls , & les demi Pots d'une livre
Is fo's .
Mad. de Leftrade , demeure à Paris , rue de la
Comédie Françoiſe , chés un Grainetier , au premier
Etage Il y a une Affiche au-- deffus de la porte.
Le Prélat dont on vient de parler , a gratifié la
D. de Leftrade d'une Penfion fa vie durant.
SPEC1
4430 MERCURE DE FRANCE
::
SPECTACLES.
EXTRAIT de la nouvelle Entrée ajoutée
au Ballet Héroïque de l'Empire de l'Amour,
intitulée Les Demi- Dieux , remis au Théatre
le 25. Mai dernier , annoncé dans le
premier Vol. de ce mois.
A
Vant
que de commencer cet Extrait ,
nous avons crû devoir avertir qu'on
en trouvera un de M. de Moncrif, de l'Académie
Françoife , Auteur du Ballet , dans le
Mercure du mois d'Avril 1733. page 793 .
où l'Auteur parle de fon Ouvrage avec une
modestie qu'on ne fçauroit trop admirer ,
& dont on trouve peu d'exemples parmi les
Auteurs ; le fujet de ce Ballet étoit annoncé
dans fa nouveauté par ces Vers que chantoit
Autonoé , parlant de l'Amour.
Nous allons dans nos Jeux peindre fa tyrannie ;
Vous le verrez ternir la gloire d'un Héros ,
Tromper l'Art enchanteur du plus puiffant Génie ;
Et lui-même , troublé de crainte , de foupirs ,
Ne pouvoir féparer les maux de fes plaiſirs .
L'Entrée de Thefeed Ariane , ayant été
fupriJUIN.
1741. 1431
fuprimée , pour faire place à la nouvelle dont
il s'agit , l'Auteur a changé fa maniere d'annoncer
le fujet en détail : il ſe contente de
faire dire à Autonoé , parlant de l'Amour à
Bacchus :
Avant que vous quittiez Naxos ,
Aprenez quel trouble il inſpire ;
Nous allons par des Jeux vous peindre fon Empire.
Pour ce qui regarde les autres changemens
, nous renvoyons nos Lecteurs au
Journal dont nous venons de parler.
Voici l'Entrée qui a été ajoutée , & dont
il s'agit préfentement.
LES DEMI-DIEUX , troifiéme Entrée.
Le Théatre repréfente les Jardins d'Amenophis
, Roy d'Egypte ; on voit dans l'enfoncement
une Grotte qui fervoit d'azile
aux Dieux , lorfqu'ils furent pourfuivis par
les Géants , & dans l'un des côtés , une façade
du Palais d'Amenophis.
Linus , Fils d'Apolion , expofe le fujet de
cette derniere Entrée par ces Vers :
Peut-on être heureux , quand on aime ,
Si l'on n'eft aimé pour foi-même ?
Non , Linus , tu ne dois confulter que l'Amour ;
A l'Egypte cachons encore
Qu'Apolloa
1432 MERCURE DE FRANCE
Qu'Apollon m'a donné le jour .
Le Roy fçait mon fecret , & c.
Des Jeux font ordonnés ;
Memphis va célebrer ces jours fi fortunés ,
Où les Dieux habitoient ce féjour folitaire ; -
Dans ces Jeux , tout Mortel peut , au gré de fes
voeux ,
Se choisir un Dieu Tutelaire.
La Princeffe Ifenide , fille d'Amenophis
y préfide , & c.
Linus voyant aprocher Ifenide , fe retire ,
pour aller preffer la Fête , où il doit découvrir
à la Princeffe fon amour & fa naifance .
Mifis , Confidente d'Ifenide , paroît étonnée
des foupirs qui lui échapent dans un
jour de Fête. Ifenide fait connoître les fentimens
fecrets de fon coeur par ces Vers ;
Linus... non , non , je ne veux plus l'entendre ;
Hélas ! ils étoient inconnus ,
Les dons que fur Linus le Ciel daigna répandre..
Mifis , furpriſe d'entendre prononcer le
nom de Linus à la Princeffe , foupçonne fon
amour , & la raffûre par le pouvoir de fes
charmes .
Ifenide avoüe fon amour ; elle en rougit par
raport à la baffeffe d'extraction dont Linus
paroît être à fes yeux, mais elle excufe fa foibleffe
JUIN. 1741 1431
bleffe par l'éloge qu'elle fait de fes talens ;
voici comment elle s'exprime :
Un langage enchanteur qu'accompagne ſa Lyre ,
Eft dans Linus un art de tout charmer ;
Chante-t'il le plaifir d'aimer
Ce qu'il exprime , il vous l'infpire .
Quels coeurs feroient indifferens ?
Contre nous en fecret notre raiſon conſpire ;
L'Amour fçut acquerir le don de tout (éduire ,
Quand il inventa les talens .
Des Vers fi coulans & fi tendres n'ont
pas eu befoin d'une voix auffi belle que celle
de la célebre le Maure , pour fe faire aplaudir
géneralement. En voici d'autres qui ne
cedent point en beauté & en douceur à ceux
qui les précedent ; c'est la même Actrice
qui les chante :
Ce Mortel , fait pour charmer ,
Eft né dans un rang vulgaire ,
Et je ne dois point l'aimer .
Hélas ! quelle loi févere
Combat ma tendre ardeur !
Tout l'éclat de la Grandeur
Vaut-il le don de plaire ?
Linus vient annoncer la Fête à Ifenide
il lui dit galamment.
Qu'un
1434 MERCURE DE FRANG
Qu'un Temple , où vous préfidez
Doit inſpirer de zéle !
La ferveur fera fidelle ,
Les fermens toujours gardés ;
Mais on pourra douter fans ceffe
Si l'encens préfenté
S'adreffe à la Divinité ,
Ou s'offre à la Prêtreffe .
Les Habitans de Memphis viennent cé
Iebrer la Fête. Linus demande à Ifenide s'il
lui eft permis de faire éclater le zéle dont il
eft enflammé pour la Divinité qu'il adore.'
Ifenide lui répond :
Linus , de ce grand jour , je reſpecte l'uſage.
Tout Mortel à mes voeux peut joindre ſon hommage
;
Implorez les Dieux avec nous ;
Qui peut mieux les chanter que vous ?
Ils vous ont apris leur langage.
Ifenide adreffe aux Peuples ce qui fuit.
Déclarez par vos chants vos voeux les plus fecrets ;
Les Dieux daigneront les entendre .
Qu'ils verfent leurs plus doux bienfaits
Sur les lieux où jadis on les a vû defcendre.
Le Choeur répete ces quatre derniers Vers .
Ifenide
JUIN. 1741 .
1435
Ifenide & Linus s'aprochent de l'Autel. '
L'un & l'autre par des à parte s'adreffent à
l'Amour , mais dans une intention bien differente
; Ifenide n'implore ce Dieu que pour
le prier de ne plus regner fur fon coeur , au
lieu que Linus le fuplie d'y regner toujours
& de le rendre heureux. Ifenide s'exprime
ainfi :
(
Que tu me fais fouffrir ,
Puiffance dangereuſe !
Hélas ! pourquoi m'offrir
Ce qui pourroit me rendre heureufe
Mon fort eft de le fuir.
Lis
Quoiqu'Ifenide n'ait parlé qu'à parte ,
nus lui répond d'une maniere à lui perfuader
qu'il l'a entenduë ; voici le galant reproche
qu'il lui fait :
Combien votre plainte outrage
Un Dieu , votre ferme apui ;
C'eft fon plus parfait ouvrage
Qui s'éleve contre lui , &c.
Ifenide paroît étonnée que Linus fçache
ce qui fe paffe dans fon coeur. Linus lui
aprend que c'est l'Amour qui le lui révele ,
& que c'est ce même Dieu qui lui arrrache
l'aveu qu'il lui fait . Elle paroît irritée de fon
audace ; il la juftifie par ces Vers :
C'eft
1436 MERCURE DE FRANCE
C'eft le fort des Mortels d'adorer vos beaux yeux ;
Mais le charme de vous le dire
N'eſt réſervé qu'au fang des Dieux.
Linus aprend à Ifenide qu'il eft Fils d'Apollon
, & que le Roy feul eft inſtruit du
fecret de fa naiffance. Ifenide , voyant que
fon Amant eft digne d'eile , ne balance plus
à reconnoître le Dieu d'Amour pour la Divinité
tutelaire , & dit à Linus , en portant
fa main fur l'Autel :
Implorer votre Dieu , c'eſt vous ouvrir mon ame.
Cette belle Scéne eft terminée par un Duo,
où l'Acteur & l'Actrice étalent avec avantage
toutes les graces du Chant , que l'Auteur
de la Mufique y a répandues. Une Troupe
d'Egypans & de Bacchantes viennent fe
joindre aux Habitans de Memphis pour cé-
Jebrer cette grande Fête. L'Entrée finit par
la repriſe du premier Choeur.
La même Académie de Muſique doit remettre
au Théatre le 4. Juillet , le Ballet
Héroïque des Fêtes Grecques & Romaines.
Le 24. Juin , les Comédiens Italiens , remirent
au Théatre la Comédie qui a pour
titre , Arlequin Enfant , Statue & Perroquet,
dont le principal Rôle eft parfaitement
bien
JUIN. 1741. 1437
bien joué par le nouvel Arlequin, qui donne
tous les jours de nouvelles preuves de fes
talens ; c'eft lui qui a tout le jeu de la Piece ,
par tous les déguiſemens qu'il prend pour
rendre une Lettre à la Maîtreffe de fon Maître.
Cette Piece avoit été donnée dans fa
nouveauté le 20. Août 1716.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE & PERSE.
1
N mande de Conftantinople , que le 12 Avril
ONmin, le de Orftellque ,emballa •
deur de S. M. T. C. auprès du Grand Seigneur
avoit eu fa premiere Audience du Grand Vifit.
On a apris de Perſe , que Thamas Kouli - Kan
avoit formé deux Camps confiderables , l'un près
de Kars , en Arménie , & l'autre dans les environs
de Baflora , à quelques lieues du Golfe erfique.
Quatre Seigneurs Perfans fe font révoltés contre
ce Prince , & ils ont mis en déroute un Corps de
Troupes qu'il avoit fait marcher , pour les obliger
de rentrer dans l'obéiffance.
RUSSIE.
Es dernieres Lettres de Pétersbourg portent que
le Feldt Maréchal Lefcy y étoit arrivé de
Riga le 17. du mois dernier , ayant été mandé par
la Princeffe Régente de Mofcovie , laquelle a défiré
de le confulter fur les mesures qu'il convenoit
II. Vol. H de
# 438 MERCURE DE FRANCE
>
en atde
prendre dans les conjonctures préfentes.
Le Czar a nommé le Géneral Lubras , pour commander
les Troupes qui font en Finlande
tendant que le Feldt- Maréchal Lefcy puiffe fe rendre
dans cette Province , & S. M. Cz lui a ordonné
de faire travailler avec toute la diligence poffible
aux nouveaux ouvrages qu'elle vouloit ajoûter
aux Fortifications de Wybourg , & de faire conftruire
plufieurs Redoutes dans les endroits par lef
quels les Suédois , en cas de rupture avec la Molcovie,
pourroient pénetrer dans les Provinces cedées
au feu Czar Pierre I. par la Suede. On a armé
une Efcadre à Cromstadt , compoſée de 18 .
Blcadre
盆
Vaif
feaux de Guerre & de quelques Frégates , & elle
eft prête à mettre à la voile. On équipe dans le
meneeport doute autres Vaiffeaux de guerre.
S. M. Cz. fait faire une Epée d'or , garnie de
Diamans , d'un prix confidérable , qu'elle fe propofe
de donner au Feldt - Maréchal Lefcy , lorsqu'il
partira pour aller prendre le Commandement de
fes Troupes. Ce Géneral affifte régulierement à
tous les Confeils qui fe tiennent , & le Gouvernement
a aprouvé plufieurs Projets qu'il a préfentés
pour la fûreté des Frontieres . Le Prince de Heffe-
Hombourg & Mrs de Spegel & de Henning ferviront
fous fes ordres en qualité de Lieutenans
Feldt-Maréchaux.
Le Géneral Keit eft arrivé depuis quelque tems
à Pétersbourg , & il a été reçû avec beaucoup de
marques de distinction par la Princeffe Régente
qui a donné de grands éloges au zéle qu'il a témoigné
pour le ſervice du Czar , en refuſant de ſe
foumettre à la Difpofition Teſtamentaire , par laquelle
la feue Czarine avoit déclaré le Comte Erneft
Biron Régent de Mofcovie.
Le zo. Mai dernier , le Comte de Munich donna
une
JUIN. 1741. 1439
ure Fête magnifique aux Miniftres Etrangers , aux
Miniftres d'Etat & à plufieurs perfonnes de diftinction.
Le Comte Erneft Biron a obtenu de n'être pas
conduit à Jenifeskoy , & l'on bâtit à Ifchambkoy ,
près de Tobolska , Capitale de la Siberie , un logement
où il fera plus commodément que dans la
prifon qui lui avoit été deſtinée. On le fera embarquer
fur le Canal de Ladoga , pour le tranfporter
par le Wolga jufqu'à Calan , d'où il fe rendra
par terre à Tobolska.
Le Géneral Lubras n'ayant pas jugé que les ouvrages
qu'on ajoûte aux Fort fications de Wybourg
, fuffent fuffifans pour mettre cette Place en
état de foûtenir un long Siége , il a propofé d'y
conftruire un ouvrage à Couronne & quelques demi
-Lunes à contregardes , & S. M. Cz. a aprouvé
cette propofition .
Le Czar a accordé une penſion de 3000 Roubles
an Géneral Keit , dans les avis duquel il paroît que
la Princeffe Régente prend une grande confiance.
Le frere du Prince Antoine Ulrich de Brunfwick
Bevern , eft arrivé à Pétersbourg , & on affûre qu'il
époufera la Princeffe Elizabeth Petrowna , & que
le Czar contribuëra de tout fon pouvoir à le faire
élire Duc de Curlande.
MITTAU.
Na apris du 3. de ce mois , que les Etats du
Duché de Curlande devoient s'affembler avant
la fin du mois , & que la plupart des Députés qui
font nommés pour y affifter , paroiffent difpofés à
donner leur voix au Prince Louis Erneft , frere du
Prince Antoine Ulrich de Brunſwick Bevern .
Le nom du dernier Duc fera rayé de la Liſte des
I ij Sou
1440 MERCURE DE FRANCE
Souverains de Curlande , & les Etats exigeront de
fon Succeffeur , qu'il révoque plufieurs ordres donnés
fous le précedent Gouvernement .
*
Plus de 50. Familles Nobles , qui avoient été.
obligées par les vexations du Comte Erneft Biron
de fe retirer en Pologne & en Lithuanie , font revenues
à Mittau , pour demander d'être rétablies
dans la poffeffion de leurs biens , dont il les avoit
privées par un Decret , qui déclaroit déchûs de leurs
Fiefs tous les Gentilshommes dont les Titres étoient
pofterieurs au Duc Gothard Ketler.
G
ALLEMAGNE ,
Ianihi Ali Pacha , Ambaſſadeur Extraordinaire
du Grand Seigneur auprès de S. M. partit de
Vienne le 25. du mois dernier pour Conftantinople
, & il traverfa à cheval le Fauxbourg de S. Léopold
, pour aller s'embarquer fur le Danube à bord
des Bâtimens deftinés à le conduire à Belgrade. Il
a été eſcorté par un Détachement de 80. hommes
du Régiment des Gardes jufqu'à cette Place , où il
a été échangé avec le Comte d'Uhlefeldt .
On a apris de Siléfie , que l'Armée Pruffienne
étoit en marche pour s'aprocher de la Riviere de
Neiff ; & fur ce : avis , la Reine a envoyé ordre
au Comte de Neuperg , de faire tous les efforts
pour empêcher les Ennemis de paffer cette
Riviere .
Le Duc d'Uzeda mourut le 18. Mai dernier
dans la Citadelle de Gratz , où il avoit été enfermé
pour le reste de les jours .
Le départ de la Reine de Hongrie pour Pref
bourg , eft fixé au 16. du mois prochain , & on
a déja embarqué fur le Danube vingt pieces de
Canon , pour fervir aux réjouiflances qui le feront
à l'occafion de fon Couronnement. S. M.
JUI N. 1741. 1441
3. M. a écrit au General Hoheneims , d'aller
joindre en Siléfie le Comte de Neuperg , pour fer.
vir fous les ordres en qualité de General de Cavalerie
.
Le bruit court que la Reine a enfin accepté la
médiation que S. M. Br. & les Etats Generaux des
Provinces Unies lui ont offerte , pour procurer un
accommodement entre la Cour de Vienne & celle
de Berlin , & elle a promis de fe prêter à tous les
moyens de conciliation qui feroient proposés par
ces deux Puiffances , pourvû qu'ils ne fuffent point
contraires à la Pragmatique Sanction .
Les Députés que les Etats du Royaume de Hongrie
ont envoyés à Vienne , ont demandé à la Reine de la
part des Etats, que S. M. les rétablît dans les droits &
les privileges qui leur ont été ôtés par les deux derniers
Empereurs, & que la confirmation de ces droits
fût ftipulée dans la Capitulation qui lui fera préfentée
; que dans la Servie , dans le Bannat de Temeiwar
& dans l'Esclavonie , le Gouvernement Ĉivil
ne fû: plus fubordonné au Gouvernement Mili,
taire ; que les Hongrois puffent être admis dans
les Confeils de la Reine , ainfi que les autres Sujets
de S. M. & que la Reine s'engageât à ne conclure
aucun Traité avec les Turcs , fans prendre l'avis
des Etats , que tout ce qui concerneroit la marche,
la fubfiftance & le payement des Troupes , ne fût
reglé que par des Commiffaires Nationaux ; que
les Charges de la Chancellerie , établie à Vienne
pour la Hongrie , ne fuffent données qu'à des Hongrois
, & que ceux qui en feroient pourvûs euffent
les mêmes prérogatives que les Officiers des autres
Chancelleries ; que la Reine n'accordât les Charges
& les Dignités du Royaume , le Commandement
des Places , la Régie des Péages & l'Adminiſtration
des revenus des Gabelles , qu'à des perfonnes de la
Hiij
Na1442
MERCURE DE FRANCE
Nation , & que la Chambre des Finances de Presbourg
fûr indépendante de tout autre Tribunal ,
que toutes les marchandiſes & les denrées de Hongrie
puffent être tranfportées librement en Autriche
& en Stirie , fans payer aucun droit extraordinaire
; que les nouvelles impofitions établies fur´
les marchandifes qui viennent des Pays Etrangers
fuflent fuprimées , & que les Vénitiens euffent la
liberté d'aller acheter des Boeufs en Hongrie ; qu'on
établit pour les rétributions que payent les differens
Comtés , un nouveau Tarif dans lequel ces rétri
butions fuffent plus proportionnées à ce que chaque
Comté peut payer ; que la Dignité de Palatin du
Royaume de Hongrie fût rétablie dans toutes les
prérogatives que le Roy Mathias y a attachées par
fon Decret de 1485. que les Bénefices ne puffent
être conferés à des Etrangers , & que les Proteftans
euffent la liberté d'exercer leur Religion dans toute
l'étendue du Royaume .
La formule du Serment que la Reine prêtera ,
lorfqu'elle fera couronnée à Presbourg , fera conçûë
en ces termes : Nous jurons par le Dieu vivant,
que nous accorderons une protection ſpériale à toutes
les Eglifes ; que nous maintiendrons les Seigneurs ,
Prélats , Barons , Gentilshommes , les Villes libres ,
tous les Habitans de ce Royaume , dans la jouiffance
de leurs franchifes , exemptions , droits & libertés
; que nous ne changerons rien aux coûtumes
anciennes ; que nous rendrons la Juftice à tous , fuivant
les Loix les Ufares du Royaume , & que nous
obferverons inviolablement tout ce qui eft contenu
dans le Decret du Roy André.
Le Comte de Schaffgotsch , Grand Burgrave de
Prague , s'eft rendu à Vienne , pour préſenter à la
Reine le Don gratuit que les Etats du Royaume
de Boheme ont accordé à S. M. à l'occafion de la
maiffance del'Archiduc. 11
JUIN. 1741. ´.1443
Il y eut à Vienne les un violent Ouragan , ac→
compagné de pluye & de tonnerre , le vent a ren
verfé plufieurs maifons & déraciné un grand nom
bre d'arbres & le Danube qui s'eft débordé ,
caufé beaucoup de dommage , particulierement an
Monaftere des Religieufes de Ste Elizabeth , dont
cinq ont été noyées , les autres ayant eu beaucoup
de peine à fe fauver.
La Reine reçut vers le milieu de ce mois un
Courier par lequel le Comte de Neuperg lai a
mandé que le Roy de Pruffe avoit fait faire depuis
peu plufieurs mouvemens à fon Armée , & qu'il
paroiffoit être dans le deffein d'entreprendre le
Siége de Neiff , ou d'attaquer l'Armée de la Reine.
Il lui mandoit en même tems que le Major Géneral
Feftatis , à la tête d'un Corps de Huffards ,
ayant fait fommer un Détachement de 300. hommes
des Troupes du Roy de Prufle , qui étoit dans
le Château d'Olmendorf , de fe rendre , & les Ennemis
n'ayant répondu à cette fommation que par
un feu de Moufqueterie très- vif , il les avoit obligés
en mettant le feu au Château , d'abandonner
ce pofte , & que prefque tous les Officiers & les
Soldats qui compofoient le Détachement , avoient
été taillés en pieces , en fe retirant.
Le Confeil Aulique de Guerre a cité le Géneral
Schmettau , à comparoître dans le terme d'un mois ,
pour rendre compte des raifons qui l'ont déterminé
à fe rendre dans le Camp du Roy de Pruffe , fans
en avoir demandé la permiſſion à la Reine , & on
a envoyé ordre au Comte de Neuperg , d'en faire
donner avis à ce Géneral par un Trompette.
G iiij PRUSSE
1444 MER CURE DE FRANCE
PRUSSE.
Na apris de Siléfie , que l'Armée du Roy
étoit toujours campée près de Grotkaw , &
que celle de la Reine de Hongrie continuoit d'occuper
fon Camp dans les environs de la Ville de
Neiff. S. M. Pr. a détaché un Corps de 3000. hommes
d'Infanrerie & de 1500. de Cavalerie , pour
aller renforcer les Troupes qui font de l'autre côté
de l'Oder , & le Géneral d'Olonne, qui étoit à Oppelen
avec un Régiment de Cuitaffiers des troupes
de la Reine de Hongrie , a abandonné ce pofte fur
la nouvelle de la marche de ce Corps de troupes
Pruffiennes.
L'Armée commandée par le Roy , étant décampée
de Grotkaw le 9. de ce mois , elle arriva le
même jour dans les environs de Friedewalde , &
quatre Bataillons qui avoient été détachés par S.M.
pour attaquer ce pofte où il y avoit 4 000.
de troupes de la Reine de Hongrie , les en chaſſetent.
+
hommes
Les Pruffiens s'avancerent le 11. vers le Village
de Mogwitz , à la vûe de l'armée ennemie , qui fe
retira à leur aproche , & le Roy voyant que le
Comte de Neuperg évitoit le combat , malgré les
renforts qu'il avoit reçu , Sa Majesté décampa le 13 .
pour s'aprocher de Streelen , après avoir fait ravager
tous les environs de Mogwitz , pour ôter aux
ennemis les moyens de fubfifter en - deçà de la Neiff .
Pendant cette marche de l'armée du Roy , fes Huf
fards ennemis attaquerent les bagages , mais ils ne
purent , enlever que fept Chariots , & ils perdirene
près de so. homines.
R
BRESLAW
JUIN. 1741. 1445
BRESLA W.
E Roy de Pruffe ayant pris la réſolution de
Lfaire avancerfonarmée vers la Riviere de Neill,
S. M. Pr. détacha le 24. du mois dernier un Corps
de Cavalerie , pour aller marquer un Camp dans la
Plaine de Grotkaw ; le même jour elle fit défiler les
bagages & une partie de fon Artillerie , & elle donna
ordre que toutes les troupes fe tinffent prétes à
marcher ; elle décampa de Mollvitz le lendemain
& toute l'armée arriva avant midi dans les environs
de Grotkaw , qui n'eft qu'à une lieuë de la
Ville de Neiff , un détachement de Dragons , que
le Roy de Pruffe avoit envoyé le foir à la découver.
e , pour reconnoître la fituation des troupes de
la Reine de Hongrie , s'aprocha de la Riviere de
Neiff , à la portée du canon , fans rencontrer d'en-,
nemis, tous ceux qui étoient en- deçà de la Riviere,
l'ayant repaffée , fur la nouvelle de la marche de
l'armée Pruffienne. Le Comte de Neuperg eft campé
près de cette Place. Les prifonniers qu'on a faits
depuis quelque tems aux ennemis , affûrent que ce
Géneral l'a pourvûë abondamment de vivres & de
munitions , & qu'il y a fait ajoûter plufieurs ouvrages
qui la mettent en état de faire une longue rétance
, fi le Roy de Pruffe en forme le Siége.
Un détachement de troupes Pruffiennes ayant at
taqué le Corps de Dragons & de Huffards , commandé
par le Géneral Baroniay , l'a mis en dérou
te ; les ennemis on perdu environ 80. hommes &
on leur a fait 150. prifonniers.
Quoique les deux armées continuent d'être fort
peu é oignées l'une de l'autre , il n'y a point d'aparence
qu'elles en viennent à une action génerale.
Deux Bataillons & fix Efcadro ns ayant été dé-
HY La chés
#446 MERCURE DE FRANCE
tachés au commencement de ce mois par S. M. Pr.
pour tâcher d'enveloper un Corps de Cavalerie Autrichienne
, qui étoit forti du vieux Grotkaw , ils
feignirent de prendre la fuite , pour attirer les Autrichiens
dans un endroit où les deux Bataillons s'étoient
mis en embuscade , mais les Autrichiens
ayant été avertis par un Payfan de ne pas trop s'avancer,
ils fe retirerent, fans avoir fait aucune perte.
ESPAGNE.
Es Vaiffeaux de guerre que S. M. C. a fait
Léquiper au Ferol , forrent de tems en tems du
Port , pour aller croifer dans les Mers voisines , &
ils ont pris depuis peu à la hauteur de l'Ile de Berlingue
, fur la Côte de l'Eftramadoure Portugaife la
Fregate Angloife la Nonpareille , de 220. tonneaux,
& le Paquebot la Sufanne.
Dom Barthelemi de Mendivil , Commandant la
Barque la Notre- Dame de l'Assomption , s'eft emparé
d'une Balandre de la même Nation vers le 5. degré
de Latitude Septentrionale.
L'Evêque de Rennes Ambaffadeur de S.M.T.C.
arriva à Madrid le 20. du mois dernier.
Le 13. du même mois , l'Armateur Jean Baptifte
·Salié entra dans le Port de Vigo avec le Brigantin
Anglois le Bon Succès , dont il s'eft emparé entre .
Camina & la Guardia.
Un Negre , âgé de 14. ans , fut baptifé le premier
de ce mois dans l'Eglife de la Paroiffe du Palais , &
il eut pour Parain le Docteur Don Juan de Lacy,
Grand Chapelain de l'Eglife Royale de S. Antoine
des Allemands , lequel la inftruit des vérités du
Chriftianifme , & qui pendant fept ans qu'il a été
Aumônier du Régiment Suiffe de Wirtz , a converti
à la Religion 248. Héretiques de differentes Sectes.
Un
JUIN. 1741. 1447
Un grand nombre d'Armateurs Efpagnols , qui
croifent dans les environs de la Caroline , ont enlevé
plufieurs Vaiffeaux Anglois,
On a apris que Madame de France , Epoufe
de l'Infant Don Philipe , eft entrée au commencement
de ce mois dans le quatrième mois de fa groffelle
, & qu'elle continue de fe porter auffi- bien
qu'on puifle le defirer.
M. Van- der- meer , Ambaffadeur de la Républi
que de Hollande, s'eft rendu à Aranjuez , pour de
mander la reftitution de quelques Vaiffeaux Hollandois
qui ont été pris par les Armateurs Efpagnols ,
& le Marquis de Villarias , Sécretaire d'Etat & del
Despacho Universal , l'a affûré que le Roy feroit
rendre ceux dont les Proprietaire juftifieroient
qu'ils n'ont point contrevenu aux Reglemens établis
par raport ay Commerce &la Navigation.
L'Armateur Espagnol Don Jofeph de Torres , a
fait trois prifes confidérables fur les Anglois dans les
Mers de Portugal.
Don Manuel de los Santos , Commandant la Barque
la Notre-Dame de la Conception , a pris deux
Brigantins Anglois , qu'il a menés à Vigo.
Le 27. Mai dernier , le Vaiffeau la Notre-Dame
de Aranzazu entra dans le Port avec une prife , eftimée
25000. Piaftres.
La Frégate la Conque Marine , a enlevé vers le
51. degré de Latitude Septentrionale , le Brigantin
l'Amerique , qui alloit de la Caroline en Angleterre
, & qui étoit chargé de Ris & de Bois de Campefche
, & le Paquetbot le S. Jean , qui portoit de
Lisbonne à Dublin une grande quantité de vin de
Portugal,
H vj PORTUGAL
1448 MERCURE DE FRANCE
PORTUGAL.
ON mande de Lisbonne , du 11. du mois der- nier, que le premier, les Bernardins tinrent un
un Chapitre géneral dans leur Convent de cette
Ville , & qu'ils élurent pour General de leur Ordre
dans le Royaume de Portugal , Dignité à laquelle
eft attachée celle de Grand -Aumônier du Roy , le
Pere Antoine Brandam , Définiteur & Procureur Géneral
de l'Ordre , & Abbé de l'Abbaye Réguliere
de S. Chriftophe de Lafoëns .
S. M. Port .pour fitisfaire aux defirs d'uu grand
nombre de perfonnes de diftinction , qui demandent
d'être admifes dans l'Ordre de Chriſt , a réfolu
de créer cent nouveaux Chevaliers de cet Ordre,,
Tefquels feront obligés de payer chacun sooo. Cru
zades , pour contribuer à la conftruction d'une
nouvelle Eglife Patriarchale.
ITALIE..
'Abbé Doria , Nonce Extraordinaire du Pape à
Lla Diette qui doit le tenir à Francfort pour l'Election
d'un Empereur ayant écrit à S.S. pour lui rendre
compte de l'état préfent des affaires d'Allemagne,.
le Pape lui a recommandé d'affûrer les Electeurs.
que S. S. étoit dans la réfolution de garder une
exacte neutralité entre les Prétendans à la Dignité
Impériale , & qu'elle defiroir uniquement de voir
cette Dignité remplie par un Prince qui fût un zelé
Défenfeur de la vraye Religion.
On mande de Venife , que M. Louis Foscarini ,
Chanoine de l'Eglife Cathédrale de Padoue , a été
élu Patriarche de Venife , & que la Charge de Provediteur
Géneral de la Mer a été donnée à M.Louis
Contarini Terzo.
Les
JUIN. 1741. 1449
Les mêmes lettres ajoûtent que les Turcs recommençoient
à faire des mouvemens fur la Frontiere de
la Dalmatie Vénitienne , & qu'on craignoit qu'ils
n'euffent deffein de former quelque entrepriſe fur
cette Province.
Le premier de ce mois , jour de la Fête du S. Sa
crement , Sa Sainteté fe rendit en grand cortege à
l'Eglife de S. Pierre du Vatican , où elle celebra la
Meffe ; elle porta enfuite le S.Sacrement à la Proceffion,
& après avoir donné la bénediction , elle reretourna
au Palais du Quirinal.
Les articles de l'accommodement entre le S. Sié
ge & la Cour de Naples , ont été fignés au commencement
de ce mois par le Cardinal Valenti
Gonzaga , au nom du Pape , & par le Cardinal
Aquaviva , au nom de S. M. Sic. & il a été ftipulé
dans les trois premiers de ces articles , que le Pape
conſentiroit à la réunion de plufieurs Evêchés dans
le Royaume de Naples ; que Sa Sainteté joindroit
fon autorité à celle du Roy des deux Siciles ,
pour établir la reforme dans le Clergé Régulier des
Etats de S. M Sic . & qu'elle accorderoit les privileges
que le Roy des deux Siciles a demandés pour
les Chevaliers de l'Ordre de S. Janvier . Le Roy des
deux Siciles a ratifré ces articles .
Le Grand Duc de Tofcane , à la follicitation du
Pape , a confenti de reftituer le Fief de Carpegne:
au Prince de ce nom , & le Fief de Scavolino au
Marquis avalieri.
Il eft furvenu quelques difficultés entre le S. Siége
& l'Ordre de Mathe, au fujet de l'ordre.
que le Pa
pe a donné à la Chambre Apoftolique de fe charger
de l'adminiftration des revenus du Grand Prieuré de
Rome , en attendant que Sa Sainteté difposât de ce
Grand Prieuré.
Le 20. du mois paffé , les Religieux de l'Obfer.
vance
1450 MERCURE DE FRANCE
vance S.François , tinrent dans leur Convent des Saints
Apôtres, un Chapitre géneral, dans lequel ils élurent
pour General de leur Ordre le Pere Jean - Baptiſte Minucci
, Examinateur des Evêques & Confulteur de
la Congrégation des Indulgences .
On a apris de Venife , que la République avoit
réfolu d'augmenter fes troupes de 6000. hommes;
que les Turcs continuoient de faire beaucoup de
mouvemens fur les Frontieres de la Dalmatie Vénitienne
, & qu'ils affembloient un Corps de troupes
dans l'Albanie.
O
NAPLE S.
N écrit de Naples du 16. du mois derniers,
que les couriers qui vont en Espagne , ont
reçû ordre de ne point paffer dans les Etats qui apar
tiennent à la Reine de Hongrie ou au Grand Duc
de Toscane .
L'Elu du Peuple , fuivant l'ufage , porta le premier
du même mois au Roy , de la part de la Ville
un préfent , qui confiftoit en un Groupe de Statues
d'argent mafif, repréfentant l'Italie qui tenoit entre
les bras l'Infante qu'elle préfentoit à la Religion.
Aux pieds de ces Statues étoient plufieurs Sirenes
avec differens attributs propres à caractérifer les
Royaumes de Naples & de Sicile.
&
Le Gouvernement eft occupé à chercher les
moyens de favorifer les progrès du Commerce ,
on a accordé plufieurs privileges aux Entrepreneurs
de nouvelles Manufactures , particulierement
de celles qui font établies pour laFabrique des Draps.
Les avantages que le Roy a promis aux Juifs qui
fixeroient leur demeure dans fes Etats , y en attirent
un grand nombre , & quelques - uns on déja formé
une Compagnie pour le Commerce du Leyant.
S
JUIN. 145 1741. #
S. M. a dépêché un Courier au Chevalier Finochietti
, fon Miniftre auprès du Grand Seigneur ,
pour lui ordonner de leur procurer , tant à Smirne
que dans les autres Echelles du Levant , toute l'affiftance
dont ils auront befoin , & elle a mandé à
ce Miniftre de folliciter auprès de Sa Hauteffe la
permiffion de bâtir à Conftantinople un Convent
pour les Religieux Francifcains de la Nation Sici
lierne.
Le 4. de ce mois , le Roy reçut de Rome par un
Courier extraordinaire , la Ratification de l'accommodement
conclu entre le S. Siége & la Cour de
Naples , fignée par le Pape , qui a envoyé en mê
me- tems deux Bulles , l'une pour la réunion de
quelques Evêchés , & l'autre pour accorder à l'Ordre
de S. Janvier les privileges demandés par S. M.
Le Chevalier Finochietti a mandé au Roy , que
les deux Vaiffeaux de guerre , par lefquels S. M. a
envoyé les préfens deftinés pour le Grand Seigneur,
étant arrivés à Conftantinople le 8. Mai dernier , il
y avoit fait le 11. fon Entrée publique , & qu'it
avoit remis au Grand Seigneur les préfens du Roy
dans l'audience qu'il avoit euë de Sa Hauteffe.
Es
ISLE DE CORSE.
Bataillons que
quatre
le Roy de France a
Ljugé à propos de vetirer de l'ifle de Corfe
font embarqués à San Fiorenzo , & les Bâtimens
deftinés à les conduire à Toulon ont mis à la voile
fous l'eſcorte de la Barque la Sybille .
Le Maréchal de Maillebois & le Marquis de Contades
fe font embarqués à bord de la Fregate le Zéphire
, pour revenir en France , & ce Géneral a laiffé
le commandement des troupes de France au Marquis
de Villemeur , qui a fixé fà réſidence à la Baſtie.
GRANDE
1452 MERCURE DE FRANCE
GRANDE BRETAGNE.
Ltiment
E Vaiffeau le Burlington s'eft emparé d'un Bâ
timent Efpagnol à la hauteur d'Oporto , en revenant
de la Caroline.
On a apris de la nouvelle York , que le Capitaize
Drummond , Commandant le Vaiffeau le Georges
, avoit fait une prife confiderable.
Un Armateur Espagnol a enlevé le Vaiffeau l'Hirondelle,
qui avoit fait voile de Briſtol pour l'Afrique .
On a reçû avis par l'Equipage du Vaiffeau le
Sommerfet , arrivant de Port Mahon , que le Vaiffeau
de guerre l'Arlboroug , y avoit conduit un Bâtiment
Efpagnol dont il s'étoit emparé fur les Côtes
de la Catalogne.
Le 14. de ce mois le Vaiffeau de guerre le Dragon
entra dans la Tamile avec une prife qu'il a faite
près d'Alfagues.
Le Galloper a pris deux Armateurs Eſpagnols
dans les environs de Dungeneff.
L'Equipage du Vaiffeau la Bonite a raporté que
les neuf Vaiffeaux de guerre Efpagnols , qui étoient
à Cadix , s'étoient rendus au Ferol , & qu'en route
ils s'étoient emparés de fept Bâtimens Anglois , du
nombre defquels eft le Vernon qui a fait un grand
nombre de priſes fur les ennemis.
MORT'S DES PAYS ETRANGERS.
LCardinaDliacredire deSte Marieinpor
E 16 Mai , Jacques Lanfredini . F'orentin ,
tico Campitelli , Evêque d'Ofimo , & Cingoli , Préfet
de la Congrégation de l'Immunité Ecclefiaftique
&
JUIN.
1453 17412 :
que , &c. mourut à Rome , âgé de 70. ans , 6. mois,
19. jours , étant né le 26. Octobre 1670. Il avoit
été fait Auditeur Civil du Cardinal Camerligue le
7.Mars 1722. Il fut enfuite déclaré Prélat Domeſtique
& Membre de la Congrégation Confiftoriale au
mois de Novem . 1723.& auffi Réferendaire de l'une
& l'autre Signature . Il reçut POrdre de Prêtrife des
mains du Pape Benoît XIII . le 16. Mars 1727.Après
la mort de ce Pontife , ce fut lui qui prononça le 5 .
Mars 1739. l'Oraifon Latine de Eligendo Pontifice ,
immédiatement avant l'entrée des Cardinaux au
Conclave . Il fut fait fous le Pontificat de Clement.
XII. fon compatriote , Chanoine de la Bafilique de
S. Pierre du Vatican au mois d'Octobre 1730. Dé
claré Sécretaire de la Congrégation du Concile le
7. Mai 1731. Votant de la Signature de Grace au
mois d'Oftobre fuivant & enfin au mois d'Octo-
1733. Dataire de la Pénitencerie, dont il étoit alors
Canonifte. Il fut créé & déclaré Cardinal le 24 .
Mars 1734. Il quitta alors lors le nom d'Amadori ,
fous lequel il avoit été connû juſque - là , & il reprit
celui de Lanfredini , ancien nom de fa Famille . Le
27. du même mois de Mors , le Pape propofa pour
lui en Confiftoire les Evêchés uns d'Ofimo &
Cingoli , dans la Marche , & il fut facré le 4 Avril
dans l'Eglife de Ste Marie in Portico Campitelli, par
le Cardinal Guadagni , affifté du Patriarche de Jérufalem
& de l'Archevêque de Damas . Le 12. du
même mois d'Avril 1734. le Pape , après avoir fait
la céremonie de lui fermer & ouvrir la bouche , lui
affigna la Diaconie de Ste Marie in Portico Campi
relli , & le plaça dans les Congrégations du Conci
le de l'Immunité , du Confiftoire & de la Fabrique.
Il fut déclaré au mois de Mai 1739. Préfet de la
Congrégation de l'Immunité Ecclefiaftique .
Le 21. Barthelemi Rufpoli , Romain , Cardinal-
Diacre
454 MERCURE DE FRANCE
Diacre , du Titre de S. Côme & S. Damien , Grand
Prieur d : Rome , de l'Ordre de S Jean de Jérufalem
, &c mourut à Rome, âgé de 43. ans , 8. mois
& 26. jours , étant né le 25. Août 1697. Il avoit
pris le parti de la Prélature, quoiqu'aîné de la Maifon
. Le Pape Innocent XIII. fon grand- oncle maters
nel , le nomma Sécretaire des Mémoriaux le 9. Mais
1721. & le fit auffi Protonotaire Apoftolique Partici
pant.Après la mort de ce Pontife, il perdit fa Charge
de Sécretaire des Mémoriaux , dont le Pape Benoît
XIII. difpofa à fon avenement en faveur de Nicolas
Cofcia , fa Créature ; mais il fut déclaré par ce
nouveau Pape Sécretaire de la Congrégation de Pros
paganda fide le 21. Novembre 1724. Il n'étoit en
care alors que fimple Clerc . Il reçut les Ordres
Mineurs par les mains du Cardinal Nicolas Spinola
le 26. Juillet 1725. & D. Etienne Conti , fon
coufin , s'étant démis en fa faveur de la Charge de
Primicier de l'Archi Confrerie des Pélerins &
Convalefcens , il en prit poffeffion , le 27. Janvier
1726. Le Pape Clément XII . de la Maifon Cor
fini , fon parent , le créa & déclara Cardinal le 2 .
Octobre 1730. & fit le s. fuivant la cér monie de
lui donner publiquement le Chapeau, & le 22. Novembre
, celle de lui fermer & ouvrir la bouche
après quoi il lui donna un Titre , & lui affigna les
Congrégations du Concile, de la Propagation de la
Foi , de la Fabrique & Bon Gouvernement. Le mê
me Pape lui donna le 3. Juillet 1731. le Grand
Prieuré de Rome , vacant par la démiffion du Cardinal
Camille Cibo. Il en prit poffeffion le 18. du
même mois dans l'Eglife de Ste Marie fur le Mont
Aventin , & le 9. Septembre fuivant il reçût en cérémonie
la Croix de l'Ordre de Malthe des mains du
Cardinal François Barberin . Après la mort de fon
Pere il céda fes droits d'aînelle à D. Alexandre
Rufpoli ,
1
D
JUIN. 1741. 1455
Rufpoli, fon frere puîné, moyennant une penfion de
12000. écus , avec la réferve du Fief de Vignanello.
Il fut déclaré Protecteur du Collége Germanique
Hongrois à Rome le 17. Janvier 1737. & du College
des Maronites au mois de Novembre fuivant.
Il étoit fils aîné de Fançois - Marie Rafpoli , Prince
le Ceveteri , Comte de Vignanello , Marquis de
iano , & c. créé Prince du Soglio par le Pape Cléent
XI . en 1709. & mort le 11. Juillet 1731.
gé de 63. ans , & de D. . . . . Cefi ..fille de Jofeph
Cefi , Duc d'Aqua Sparta , & d'Hiacinte Conti ,
foeur du Pape Innocent XII .
....
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR, DE PARIS , &C.
E Roy partit de Verfailles le 14, de ce
LmRoyparrit dresu
de Rambouillet. S. M. en revint le 17. & y
retourna le 20.
Le 17. S. M. prit le deüil pour la mort de
la Ducheffe de Bourbon , feconde Doüairiere
.
Le Roy qui étoit revenu à Verfailles du
Château de Ramboüillet le 23. de ce mois ,
y retourna le 26. & S. M. en revint le 28 .
>
S. M. quitta le 29. le deüil qu'Elle avoit
pris le 17. pour la mort de la Ducheffe de
Bourbon , feconde Doüairiere .
Le
1456 MERCURE DE FRANCE
Le 1o. de ce mois , M. Crefcenzi , Ar
chevêque de Naziance & Nonce Ordinaire
du Pape , eut une audience de S. A. R.
Madame la Ducheffe d'Orléans , & il y fut
conduit par M. de Verneuil , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le 11. l'Evêque de Tulles fut facré dans
la Chapelle du Séminaire de S. Sulpice , par
l'Archevêque de Tours , aflifté des Evêques
d'Agen & de Quimpercorentin.
Le Prince d'Ardore , Ambaffadeur Extraordinaire
du Roy des deux Siciles auprès
du Roy , & qui arriva à Paris le 27. de ce
mois , fe rendit à Versailles le 29. au matin ,
& il eut fa premiere audience de S. M. II
eut enfuite audience de la Reine , de Monfeigneur
le Dauphin , & de Mefdames de
France. Il fut conduit à toutes ces audien-
M. de Verneuil , Introductcur des
ces par
Ambaffadeurs
.
Le Roy a permis au Marquis d'Ecquevilly,
Capitaine Géneral des Toiles de Chaffes
Tentes & Pavillons du Roy , pour l'équipage
du Sanglier , de fe démettre de cette Charge
en faveur du Marquis d'Ecquevilly , fon fils ,
lequel prêta Serment le 29. au matin , entre
les mains de S. M.
BE
JUIN. 1741.
1457
L
BENEFICES DONNE'S.
E Roy a nommé à l'Evêché de Laon ,
l'Abbé de Rochechouart , Vicaire Géneral
de l'Archevêché de Roüen. S. M. a
accordé l'Abbaye de Combelongue , O. de
· P. D. de Couzerans , à l'Abbé de Jouques ;
celle de Boifgroland,, O. de C. D. de Luçon ,
à l'Abbé de Fondevieille ; celle de Gondom ,
même O. D. d'Agen , à l'Abbé du . Vigier ;
celle de la Capelle , O. de P. D. de Toulouze
, à l'Abbé de la Tour ; le Prieuré de
S. Sernin , O. de S. Aug. D d'Autun , à
l'Abbé de Saint- Hermine ; l'Abbaye Réguliere
de Moreuil , O. de S. Ben. D. d'Amiens
, à Dom Berthier ; 1 Abbaye Réguliere
de S. Louis de Vernon , O. des Hofpitalieres
de S. Aug. D. d'Evreux , à la Dame de
Sailly , & l'Abbaye Elective du Vivier , D.
d'Arras , à la Dame de Widebien d'Ignocourt,
Le 27. Juin , le Lieutenant Géneral de
Police fit l'ouverture de la Foire S. Laurent
avec les cérémonies accoûtumées . Ce Magiftrat
avoit rendu fon Ordonnance le 17 .
du même mois , concernant ce qui doit être
obfervé par les Marchands qui y font établis
, & qui renouvelle la défenſe des Jeux ,
& c.
Le
1458 . MERCURE DE FRANCE
Le lendemain , l'Opera Comique fit l'ouverture
de fon Théatre par une Piéce nouvelle
en Vaudevilles avec un Divertiſſement
de Chants & de Danfes qui a pour titre ,
le Regiftre inutile , laquelle fut fuivie de la
Chercheufe d'Esprit , Piéce nouvelle , joüée
avec fuccès fur la fin de la derniere Foire
S. Germain , que le Public a revû avec plaifir
; elle est terminée par un Divertiſſement
très-bien exécuté.
O DE
A M. le Duc d'Orléans , Premier Prince du
Sang , à l'occafion des Prix de Sageffe qu'il
apromis pour l'année 1742. dans le College
Royal de Nanterre.
H Eureux , qui de l'éclat d'une auguſte naiſſance
N'autorife point fon orgueil !
Sa Pourpre réverée , unie à l'Innocence ,
La releve à nos yeux , & n'en eft point l'écueil ,
Son humble grandeur fuit le fafte ;
L'Indigent , accablé du poids de ſes travaux ,
Ne voit point à regret un odieux contraste ,
Funefte furcroît de fes maux .
*
Lorfque
JUIN. 1741.
1459
Lorfque d'un Dieu vengeur l'invifible colere
Fait difparoître nos moiffons,
Pour nourrrir les Enfans , s'il leur deſtine un Pere
Afes foins empreffés nous le reconnoiffons ;
Ses largefles intariffables
Ne ceffent de couler au gré des Malheureux ;
Vainement l'Aquilon rend nos Champs infolvables,
Il payra le tribut pour eux .
*
Ainfi dans les Climats que l'Orion humide
Prive de fes dons fortunés ,
Le Nil fe débordant fur la Campagne aride ,
Y remplace du Ciel les refus obftinés ;
Plus précieux que le Pactole ,
Le limon fous fes pas fait germer les Epis :
Combien de fois vit on l'orgueilleux Capitole
Devoir fon falut à Memphis ?
*
Quelle main aujourd'hui balance de notre âge
Les défordres & les malheurs !
Quand les dons de nos biens réparent le naufrage ,
Son exemple s'opofe à la perte des moeurs :
Sa vertu tourne en facrifices
Les preftiges flateurs de la cupidité ;
Il ofe , dans le fein du luxe & des délices ,
Introduire l'austérité.
11
460 MERCURE DE FRANCE
Ii paroît , & foudain un hominage fincere
Fait voler nos coeurs après lui :
Le voilà , difons- nous , cet Aftre fautaire ;
Voilà de l'Orphelin l'eſpérance & l'apui.
L'humanité guidant ſes traces ,
:
Va chercher l'Indigent par la faim abattų
Tendre , compatiffant , le chemin de fes graces
Eft le fentier de la Vertu.
*
On grave les fureurs d'un Héros fanguinaire
Sur le fer , le marbre & l'airain ;
De fes lâches Aateurs l'adreffe mercenaire
A l'immortalifer anime le Burin':
Mais c'eft dans notre ame attendrie ,
Qu'avec des traits de feu , victorieux des ans ,
Un vit & tendre amour peint l'image chérie
Des Héros doux & bienfaifans.
*
Triftes jouets du fort , Familles défolées
Qu'il foû ient dans ľadverfité ;
Feibles Vertus , fans lui déja prefqu'immolées
Aux tyranniques loix de la néceffité ;
De vos peines fecret Arbitre ,
Sa bonté va toujours plus loin que vos fouhaits.
Pour la folliciter , quel eft donc votre titre ?
L'habitude de les bienfaits.
Parle1741.
1401
Parlez , Mont facré , Retraite fi chérie ,
Pieux afyle , où fans témoins
Et dans fon coeur portant fon Prince & fa Patrie ,
Il court à l'Eternel confacrer tous les foins !
Que vos murs foient autant d'organes ...
ais , que dis je ?? Ah ! plûtôt , contens de l'admirer;
Dérobez des fecrets que des regards profanes -
Sont indignes de pénétrer.
*
O trop humble Vertu ! la prompte Renommée
A déja fçû la déceler ;
Mais contre elle toujours fa modeftie armée ,
Dédaignant un vain bruit l'empêche de parler :
Cependant Meffagere utile ,
De ce Prince elle annonce encor quelque bienfait.
Par refpect pour fon nom fixant fon vol agile,
Le Zéphir l'écoute & fe tait .
*
Quand c'eft lui qu'elle prône , intereffante &
tendre ,
Elle fuit les bruyans éclats ;
Terrible , quand la voix d'Achille ou d'Alexandre
Aux Peuples effrayés racontoit les combats ;
Ou quand fur le fommet du Pinde
Suivant des yeux PHILIPE * en ſes Exploits divers ,
T
* Philipe Duc d'Orleans , Régent du Royaume ,
fut bleffé à Steinkerque , & penfa êtrefait Prifonnier
à Nervinde.
II. Vol. I Du
1462 MERCURE DE FRANCE
Du péril qu'il courut à Steinkerque , à Nervinde ,
Elle fit trembler l'Univers,
*
Docte & pieuſe Ecole, (a) aprenez, nous dit- elle,
Votre gloire & votre bonheur ;
Cet Hélicon reprend une face nouvelle ,
D'un BOURBON il partage aujourd'hui la faveur.
(b) ANNE y raffembla les Sciences ;
Bienfaiteur plus folide , un moderne Titus
A la Jeuneffe offrant (c) l'attrait des récompenfes
Veut y raffembler les Vertus,
*
Loin d'ici tous ces Jeux où la frivole Grece ,
Prodigue fans difcernement ,
Accordeit à la Courfe , à la Lute , à l'adreffe
Des Honneurs , qu'aux Vertus on devoit feulement.
De ce prix la flateuſe amorce
N'exerçoit que les corps , fans exercer les coeurs ;
Et formoit des Héros décidés pour la force ,
Mais équivoques pour les moeurs,
*
(a ) Le College de Nanterre.
$ (b) Anne d'Autriche , Mere de Louis XIV. P
rigea en College Royal , par Lettres Patentes du mois
Avril 1641 .
(c) Prix que M. le Duc d'ORLEANS a promis
pour l'annéeprochaine.
Que
JUIN
1741: 1463
Que tout va profpérer fous ce nouveau Mécêne
Livrez- vous aux plus vifs tranfports ,
Nourriffons favoris , qui de Rome & d'Achêne
Venez en ce féjour épuffer les tréſors :
Briguez le privilége infigne
D'obtenir les Lauriers par fa bonté promis ;
A quel prix , direz- vous , peut on s'en rendre dignes
Soyez l'image de fon Fils.
*
1.
7124
Né d'une autre Rachel , & formé par les Graces;
Il est l'objet de notre amour .
PRINCE, qu'il foit fidele à marcher fur tes traces ;
Qu'inftruit par ton exemple, il inftruiſe à fon tour.
Non , non , de mortelles allarmes
Sur les jours précieux ne nous troubleront plus :
Tems funefte, où pour lui toute la France en larmes
Craignit le fort de Marcellus !
*
* Il va donc parcourir ces lieux où la Victoire
A fi fouvent fubi nos Loix ;
C'eft-là qu'à chaque pas , bien mieux que dans
l'Hiftoire ,
Des Héros de fa Race il lira les Exploits :
Ceft - là que fume encor la foudre ,
Qui vengeant les affronts à Namur efluyés ,
* Voyage de M. le Duc DE CHARTR
Flandres.
1. 15
(i) Dans
1464 MERCURE DE FRANCE
Dans les Champs de Caffel ( a) a fait mordre la
poudre
Aux Bataves humiliés.
H
Vrai Jofeph de nos jours , que la faux meurtriere
De tes ans refpecte le fil!
Sauveur
Sauveur
des Indigens
, ta mortelle
carriere
,
A tes yeux feulement doit paroître un exil .
Vis pour garantir l'innocence ;
Vis pour les Malheureux , & pour faire rougir
L'orgueilleufe grandeur & l'avare opulence ;
Vis pour étonner l'avenir.
*
(a) MONSIEUR , Frere unique du ROY , & Bifayeul
de M. le Duc de Chartres , remporta en 1677.
une Victoire complette à Caſſel.
"
J. B. Bernard, Chanoine Régulier , Profeffeur
d'Eloquence dans le College Royal de
Nanterre.
TRA
'T
tatt
MORTS & MARIAGES.
E Mai , Eléonor- Felix de Rofen , Chevalier
Lde l'ordre de S. Jean de Jérufalem , dans lequel
il avoit été reçû de minorité le 15 , Septembre
1715. Meftre de Camp d'un Regiment de Cavale-
Fica ci - devant Lordat , qui lui fut donné le 24.
Fevrier
JU IN. 17418 1465
Fevrier 1738. mourut à Strasbourg , dans la 28.
année de fon âge , étant né le 2. Septembre 1713.
Il étoit fils puîné de Reynhold-Charles de Rofen
Comte de Bolweiller & d'Ettweiller , Lieutenant
Géneral des Armées du Roy , & Commandeur de
POrdre Militaire de S. Louis, & de Marie- Béatrix
Octavie de Grandmont , fon époufe , des Contes
de Grandmont dans le Comté de Bourgogne.
Le 2 , Louis- Henry de Selles , Auditeur Ordinaire
en la Chambre des Comptes de Paris , &
Doyen de fa Compagnie , ayant été reçû en cerce
Charge le 16. Janvier 1684. mourut âgé de 90 ans.
Le 8. D. Marie - Anne le Beuf, veuve de Georges
Robillard , Confeiller- Sécretaire du Roy , Maifon ,
Couronne de France & de les Finances , & ancien
Notaire au Châtelet de Paris , mourut à Paris , dans
un âge avancé , ayant eu les quatre enfans qui fuivent.
1. Georges Robillard, reçû Confeiller au Par-
Jement de Bordeaux , le 24. Fevrier 1712. actuellement
Honoraire , qui a été marié le 12. Juin
1714. avec D. Marie Robillard , fa coufine iffue de
germain , fille de Jean - Pierre Robillard , Avocat
Géneral en la Cour des Aydes de Guyenne , & de
Marguerite de la Roche ; z. Nicolas Robillard ,
reçû Auditeur en la Chambre des Comptes de Paris
le 12 Juillet 1714 & mort le 25. Août 1733.
Jequel avoit été marié le 17. Avril 1730 , avec
Louife - Magdeleine de Common , fille unique de
Charles François de Common , Correcteur en la
même Chambre des Comptes , & de Marie-Jeanne-
Elizabeth Cappe , duquel mariage font venus Char-
Jes-Nicolas Robillard , mort au berceau , Marie-
Loüife Robillard , morte en bas âge , & Jean-
Denis Robillard , né le 11. Août 1733. & actuellement
vivant. 3, Genevieve , Michelle Robillard,mariée
le Septembre 1711. avec Jofeph Geofroi de
I iij Malvin ,
1466 MERCURE DE FRANCE
Malvin , Seigneur de Saint - Simphorien , mort en
1738. étant Confeiller de la Grand'. Chambre du
Parlement de Bourdeaux , & 4. Marie -Anne Robillard
, mariée le 23. Mars 1716. avec Louis-
Pierre d'Hozier , Chevalier de l'Ordre de S. Michel
, Confeiller du Roy en fes Confeils , Maître
Ordinaire en fa Chambre des Comptes de Paris
Juge d'Armes de France , Génealogifte de la Chambre
& des Ecuries du Roy & de la Reine. On a raporté
la mort de cette derniere dans le Mercure
de Fevrier, 1739. P. 393 . M
245500
Le 13. D. Charlotte- Angélique Rallu , veuve de
Louis Rouffeau , Seigneur de Chamoy , Vaucemain
, Sommeval , & la Broffotte Gentilhomme
ordinaire de la Maifon du Roy , Envoyé Extraordinaire
en diverfes Cours d'Allemagne , & en der
nier lieu Plénipotentiaire de S. M. à la Diette génerale
de l'Empire à ' Ratisbonne fous le Regne de
Louis XIV . mourut à Paris , âgée d'environ 70 ans,
laiffant entr'autres un fils ci- devant Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du Roy , & une fille reſtée
veuve en 1738 de Denis de Palluan, Seigneur du Fay.
Le 15. fut enterré à S. Euſtache, Charles Deléan,
Portier de l'Hôtel de Soissons, mort âgé de 106. ans.
"
Le 10. Louis-Guillaume Jubert de Bouville , Baron
de Danga , Marquis de Ctere- Panilleufe , Seigneur
de S. Martin aux Buneaux & de Vinemer.
ville , Confeiller du Roy en tous les Confeils d'E
tat & Privé , mourut à Paris , âgé de 63 ans . Il
´avoit été ſucceſſivement Confeiller en la Cour des
Aides de Paris le 13. Decembre 1899. Maître des
Requêtes ordinaires de l'Hôtel du Roy le rr . Fevrier
1703. Intendant à Alençon au mois de Juin
1708. & enfuite à Orléans au mois de Fevrier
1713. jufqu'au mois d'Août 1731. qu'il fut fait
Confeiller d'Etat & apellé au Confeil . Il étoit fils
de
JUIN.
1467 1741
de Michel-André Jubert de Bouville , Confeiller
d'Etat ordinaire , ancien Intendant d'Orléans , &
auparavant de Limoges , de Moulins , & d'Alençon
, mort au mois de Décembre 1720. & de Nicole
- Françoife Delmaretz . Il avoit été marié au
mois d'Avril 1697. avec Gabrielle- Martin , fille
aînée de Jean - Louis Martin , Seigneur d'Auzielle ,
ancien Capitoul de Touloufe , & Fermier Géneral
des Fermes du Roy , mort le 13. Mars 1710. & de
Marie-Magdeleine Demas. Il en laiffe fix enfans ,
dont l'aîné eft Maître des Requêtes de l'Hôtel du
Roy depuis 1723. & marié ; un autre apellé le
Comte de Bouville , eft premier Cornette des Chevau
- Légers Dauphins , Meftre de Camp de Cavalerie
, & Chevalier de l'Ordre de S. Louis ; un au◄
tre nommé Bernard - Marie- Gabriel Jubert de Bouville
, eft Chanoine de l'Eglife de Chartres , un
quatriéme apellé le Chevalier de Bouville , vient
d'être fait Lieutenant de Vaiffeaux à la derniere
Promotion , & c.
·
Le même jour , Jean Baptifte des Champs de
Morel , Marquis de Crecy en Beauvoifis , Brigadier
des Armées du Roy , Premier Ecuyer , & Major
dôme de la Reine Douairiere d'Espagne , mourut
âgé de 67. ans . Il avoit été autrefois Major des Carabiniers
. Il fut enfuite fucceffivement Guidon de
la Compagnie des Gendarmes Ecoffois en 1704.
Enfeigne des Gendarmes Dauphins en 1705. Sous-
Lieutenant des Gendarmes d'Anjou ea 1709.
& enfin Capitaine des Gendarmes de Berri , Maître
de la Garderobe du feu Duc d'Orléans , Régent
en France , en 1717. & élevé au Grade de
Brigadier le premier Février 1719. Depuis s'étant
démis de fa Compagnie de Gendarmerie , il obțint
un Brevet de Mestre de Camp de Cavalerie à la
fuite du Régiment d'Orléans. Il étoit fils de Louis
1 iiij des
1468 MERCURE DE FRANCE
des Champs , dit Morel , Seigneur de Crecy, premier
Ecuyer du feu Duc du Maine , & auparavant
Capitaine des Gardes du Maréchal Duc de Boufflers
, & d'Antoinette de Veny , & veuf fans enfans
de ..... de la Fontaine , morte âgée d'environ
30. ans le zo. Janvier 1728. laquelle étoit fille de
Gabriel de la Fontaine , ancien Maréchal des Logis
da Régiment des Gardes Françoiſes , & d'Anne-
Claire Prudhomme.
Le 21. Louis - Gafton de Crevecoeur , apellé le
Marquis de Crevecoeur , d'une très - ancienne Nobleffe
de Normandie , au Diocèse d'Evreux , mourut
à Paris , âgé d'environ 77. ans . Il étoit fils aîné
de Charles- Martin de Crevecoeur , Seigneur de
Vienne , Diocèfe de Sens , de Prunoy , de Pailly ,
& de la Cour de Prenoy , Chevalier de l'Ordre du
Roy , Maréchal de Camp de fes Armées , Bailly ,
& Gouverneur de la Ville & Château de Montargis
, ancien Meftre de Camp , Lieutenant du Régiment
de Cavalerie de Jean- Baptifte Gaſton Fils de
France , Duc d'Orléans , & mort le 14. Juillet
1683. & de Françoife Texier d'Hautefeuille , fa
feconde femme Le Marquis de Crevecoeur , qui
vient de mourir avoit été marié , 1 ° . le 17. Juin
1705 , avec Henriette de Lancy , fille de Gafton
Jean Baptifte de Lancy , Seigneur , Marquis de.
Raray & de Nery , & de Marie - Luce Aubery ; &
29. en 1731. avec Marie- Françoiſe de Lyonne
fille aînée de Jean de Lyonne , Comte de Servon ,
en Brie , & de feuë Marie - Anne de la Selle de
Puifeulx. Il ne laiffe point d'enfans de l'une ni de
l'autre.
Le
23. Charles-René Armand , Sire de la Tre- moille , Duc de Thouars , Pair de France , Prince de
Tarente , Comte de Laval & de Montfort
, Baron
de Vitré & de la Ferté fur Peron , Marquis d'Attichy,
NAJUI N. 1741 1469
.
-chy , Vicomte de Berneuil , Seigneur de Bitry ,
Souvigné , le grand Parc , &c. Préfident né des
Etats de Bretagne , premier Gentilhomme de la
- Chambre du Roy , Brigadier de fes Armées , Gou-
-verneur & Lieutenant Géneral de l'Ile de France ,
Colonel du Régiment de Champagne , & l'un des
-40. de l'Académie. Françoiſe , mourut à Paris ,
âgé de 33. ans , 4. mois & 9. jours , étant né le 14.
Janvier 1708. Il avoit fuccedé le 9 Octobre 1719.
au feu Duc fon pere dans la Charge de premier
Gentilhomme de la Chambre , dont la furvivance
lui avoit été accordée dès le mois de Février 1717.
& pour laquelle il avoit prêté ferment le 8. Mai
fuivant. Il fut fait Colonel d'un Régiment d'Infanterie
portant fon nom le 7. Octobre 1728. puis de
-celui de Champagne le 25. Septembre 1731. l
fervit à la tête de ce Régiment pendant la derniere
Guerre en Italie , où il fe trouva aux Siéges de la
Gherra d'Adda , du Château de Milan , & de la
Ville de Tortone , à la repriſe du Château de Co-
Jorno , & aux Batilles de Parme & de Guaftalla . Íl
fut fait Brigadier le 18. Octobre 1734. Il prit féance
au Parlement de Paris en qualité de Pair de
France le 18. Juin 1736. fut reçû à l'Académie
Françoife le 6. Mars 1738. & fut pourvû au mois
de Mars dernier du Gouvernement de l'Ile de
France , fur la démiffion faite en fa faveur par le
Comte d'Evreux . Il étoit fils unique de Charles-
Louis Bretagne , Sire de la Tremoille , Duc de
Thouars , Pair de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy , & Maréchal de Camp de
fes Armées , mort le 9. Octobre 1719. à l'âge de
37. ans , & de Marie- Magdeleine de la Fayette ,
morte e 6. Juillet 1717. & il avoit été marié le
29. Janvier 1715. avec Marie Hortenfe-Victoire
de la Tour de Bouillon , fa coufine germaine , née
le
1470 MERCURE DE FRANCE
le 27. Septembre 1704. & fille de feu Emmanuel→
Théodofe de la Tour , Duc Souverain de Bouillon
Vicomte de Turenne , Duc d'Albret & de Château
thierri , Pair & grand Chambellan de France , Gou
verneur d'Auvergne , & de Marie Victoire - Armande
de la Tremoille , fa premiere femme . Il la
laiffe veuve & mere de Jean- Bretagne- Charles-
Godefroy de la Tremoille , Prince de Tarente ,
préfent Duc de Thouars , Pair de France , né le s .
Février 1737. & d'une fille , née au mois de Mars
1740.
à
Le 28. François Chevalier , Seigneur de Vautedar,
Barette , la Garde , & en partie d'Iffy , mourut à
Paris , dans la 88. année de fon âge , étant né le
18, Décembre 1653. Il étoit fils de Jacques Chevalier
, Seigneur de la Laade , Gentilhomme ordinaire
Servant de la Reine Anne d'Autriche , & auparavant
Auditeur en la Chambre des Comptes de
Paris , & de Magdeleine de la Haye .
Le 29. Jean-Jacques de Barillon de Morangis
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy
& l'un des quatre Doyens de quartier , mouru
Paris dans la 63. année de fon âge , étant n
22. Octobre 1678. Il avoit été d'abord Avoca di
Roy au Châtelet le 13. Août 1695. enfuite Confeiller
au Parlement de Paris le 8. Avril 1699. & en
dernier lieu Maître des Requêtes le 17. Juin 1705 .
Il n'a point été marié . Il étoit fils d'Antoine de
Barillon de Morangis , Seigneur de Louans & de
Montigny , Maître des Requêtes ordinaire de l'H
tel du Roy , fucceffivement Intendant à Metz čl
Pays Meffin , & dans les Géneralités d'Alenç
de Caen & d'Orléans , mort le 18. Mai 1686 .
de Catherine-Marie Boucherat , fille du Chanceler
de France de ce nom , morte le 15. Mars 1733
Il laiffe pour héritieres Anne- Françoiſe de Barillon
de
JUIN. 1741. 1471
de Morangis , fa four , veuve d'Antoine Cleriadus
de Choifeul , Marquis de Beaupré , Seigneur de
Daillecourt , Lieutenant General des Armées du
Roy , & au Gouvernement de Champagne , Bailly
de Chaumont & de Vitry , & Louife - Marie - Gabrielle
de Gourgues , fa niéce , époufe de Louis-
François de S. Simon , Marquis de Sandricourt ,
Lieutenant Géneral des Armées du Roy , & fille de
feu Jean- François - Jofeph de Gourgues , Marquis
d'Aulnay , de Vayres , Bouret , &c . Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roy, & de Gabrielle-
Elizabeth de Morangis , fa premiere femme , mor
te le 15. Avril 1700. âgée d'environ 21. ans .
Le 5. Juin , Louis- Nicolas Couftellier , Comte de
Lifiers , Brigadier des Armées du Roy , du premier
Fevrier 1719. Ingénieur ordinaire de S. M. Chevalier
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis ,
& des Ordres de N. D. du Mont-Carmel , & de
S. Lazare de Jéruſalem , mourut à Paris , âgé d'environ
80. ans .
Le 12. mourut à Verſailles , âgé d'environ 57 .
ans , Jacques Mafon , Seigneur de Guerigny , en
Nivernois , premier Commis de M. le Contrôleur
Géneral pour les affaires de la Loraine , & chargé par
Arrêt du Confeil de la Direction des Mines & Minieres
du Royaume. Il étoit natif de Genêve ; & de
Sécretaire du Prince de Craon , il étoit devenu
Contrôleur General des Finances de Léopold , Duc
de Loraine , pendant les dernieres années du Regne
de ce Prince. Le Duc François , Fils & Succeffeur
de Léopold , annoblit le Sieur Maffon , en confidé - `
ration de fes fervices. Il laiffe des enfans de deux
lits ; du premier, une fille mariée au Sieur Babaud ,
Fourniffeur géneral des Bois de la Marine ; du fe
cond , un fils , âgé de deux mois. Sa feconde fem .
me étoit veuve du frere aîné du Sieur Babaud . Il
I vj laiffe
1472 MERCURE DE FRANCE
laiffe un Cabinet de Livres choifis , parmi lefquels
il y a une Collection curieufe d'Hiftorique fur la
Provinces de Loraine & Barrois , en manufcrits rares
& curieux . Il avoit beaucoup contribué à la publication
de l'Hiftoire de Loraine de Dom Calmet ,
imprimée à Nancy , en 1738. en trois Volumes
in-folio.
Caroline de Heffe Rheinfels , veuve de Louis-
Henri Duc de Bourbon , Prince du Sang , Chef de
la Branche de Bourbon Condé, Grand - Maître de la
Maifon du Roy , Gouverneur du Duché de Bourgogne
, Chevalier des Ordres du Roy & de celui
de la Toifon d'Or , mort le 27. Janvier 1740 , avec
lequel elle avoit été mariée le 23. Juillet 1728.
mourut du poulmon à l'Hôtel de Condé le 14 .
Juin , âgée de 26. ans , 9. mois & 26 jours , étant
fée le 18. Août 1714. Cette Princeffe étoit fille
d'Erneft Leopold , Landgrave de Heffe Rheinfels,
mort le 25. Septembre 1731. & d'Eleonore - Marie-
Anne , fiile de Maximilien - Charles , Prince de
Loewenfein Wertheim .
POMPE FUNEBRE , Funérailles &
Inhumation du Corps de cette Princeffe.
Toute la façade de l'Hôtel de Condé étoit tenduë
de 17. lés , avec deux lés de velours , chargés
d'Ecuffons aux Armes de Bourbon Condé , & entre
ces deux lés étoient placés les grands Ecuffons aux
mêmes Armoiries.
7 La grande Cour étoit auffi tenduë entierement à
13. lés avec deux lés de velours , placés à la façade
des Apartemens , chargés de grandes & petites.
Armoiries.
Le Veſtibule & neuf grandes Piéces qui y aboutiffent
, étoient entierement tendues , dont l'une
étoi
JUI N. ¥ 47岁1741 .
pour étoit deſtinée recevoir les Princeffes, & l'autre
pour y placer le Corps .
•
Le 19. le Corps de la Ducheffe de Bourbon , qui
avoit été vû à vifage découvert le jour de la mort
ayant été embaumé & mis dans un cercueil, fut expofé
& élevé fur une Eftrade de quatre gradins
garnis de chandeliers & de bougies ; on avoit placé
à l'entrée de ce Salon deux Autels pour y célebrer
la Meffe , ils étoient garnis chacun de douze
cierges avec des Ecuflons. Les Héraults d'Armes ,
en habit de céremonie , étoient placés au côté du
Bénitier qui étoit au pied du cercueil.
L'après midi du même jour , la Comteffe de Sade
, Dame d'honneur , & Mesdames de Canillac
du Guefclin & d'Opterre , Dames de Compagnie
fe rendirent auprès du Corps de S. A. S.
Le même jour , on fit le tranfport des Entrailles
de la Princeffe , à la Paroiffe de S. Sulpice , dans
un caroffe fans draperie , dans lequel il y avoit un
Aumônier & deux Gentilshommes ; des Valets de
pied portoient des flambeaux autour du caroffe. Le
Curé de S. Sulpice , accompagné de fon Clergé au
nombre de douze Prêtres , reçut les Entrailles , on
les porta enfuite dans la Chapelle de la Maifon de
Condé , dans laquelle on chanta le De profundis ,.
on jetta de l'Eau benite , & après l'Oraifon , elles
furent mifes dans le Caveau.
Le 20. au matin , la Comteffe de Rouffillon
Dame d'honneur , fut relevée par Mad . de Sade, &
par Mesdames de Pont , Mere & Fille , Dames de
Compagnie. Et l'après midi , Mad . de Rouffillon fut
relevée par Mefdames du Pieffis , Châtillon , du
Vigean , de Bienac & de Segur .
46
Le même jour après midi , Mademoiſelle de Clermont
, nommée par la Reine pour aller au nom de
S. M. jetter de l'Eau benite fur le Corps de la Ducheffe
2474 MERCURE DE FRANCE
& par
cheffe de Bourbon , ſe rendit à l'Hôtel de Condé
dans le caroffe de la Reine. Cette Princefle étoit
accompagnée de la Ducheffe de Fleury & de la
Comteffe de Rupelmonde , Dames du Palais de la
Reine. Un détachement des Gardes du Corps & un.
des Cent Suiffes du Roy avec leurs Officiers , marchoient
devant & autour du caroffe. Lorfque Mademoiſelle
de Clermont fut arrivée à l'Hôtel de
Condé , elle fut reçûë à la defcente du caroffe avec
les mêmes honneurs qui auroient été rendus à la
Reine , par le Comte de Charolois , par le Comte
de Clermont , par Mademoiſelle , Mademoifelle
de Sens , lefquelles étoient accompagnées de
la Princeffe de Pont , de la Princeffe de Guimenée ,
de la Maréchale de Duras , de plufieurs autres Dames
de leurs parentes , des Dames de la Princeffe
défunte ; & des principaux Officiers du Prince de
Condé , du Comte de Charolois & du Comte de
Clermont. Mademoiſelle de Clermont , précedée
des perfonnes qui l'avoient reçue à fon arrivée , &
du Marquis de Dreux , Grand-Maître des Céremonies
, de M. Defgranges , Maître des Céremonies
, de l'Alde des Ceremonies , & des Héraults
d'Armes , entra dans la Chambre de parade , la
queue de fa Mante étant portée par la Comteffe
de Rupelmonde ; & après les faluts accoûtumés ,
elle fe mit fur un Prie- Dieu , qui lui avoit été préparé.
Les Prieres ordinaires ayant été chantées ,
l'Abbé de Saint Aulaire , Aumônier ordinaire de la
Reine , préfenta le goupillon à Mademoiſelle de
Clermont , qui s'étant aprochée du cercueil , jetta
de l'Eau benite. Après l'Oraifon , cette Princeffe
fut reconduite au caroffe de la Reine , avec les céremonies
obfervées à ſon arrivée.
Après que Made noifelle de Clermont fut de retour
au Louvre , d'où elle étoit partie pour venir à
PHôtel
:
+
JUIN. 1741. 1475
9 PHôtel de Condé , cette Princeffe , Mademoiſelle
& Mademoifle de Sens , Y revinrent une ſeconde
fois pour jetter , en leurs noms , de l'Eau benite
fle Corps de la Princeffe .
Le même jour , le R. P. Géneral des Bénedictins
de l'Abbaye S. Germain des Prés , accompagné des
Religieux , vint rendre les mêmes devoirs à la Princeffe
, de - même que les PP. Cordeliers du Grand
Convent. Et M. de Marville , Lieutenant General
de Police.
Le 21. la Comteffe de Rouffillon , Dame d'hon
neur, & la Marquife de Pruley , Dame de Compagnie
, fe rendirent auprès du Corps de la Princeffe.
Le même jour , l'Archevêque de Paris , à la tête
de fon Chapitre , fe rendit à l'Hôtel de Condé
pour le même fujet , ainfi que les Députés des Religieux
Théatins.
L'après midi du même jour , la Comteffe de
Rouffillon fut relevée par la Comteffe de Sade &
par Mesdames de Vexin , de Trêmes , de Graville ,
de Sailly & de Souvré .
Le même jour , le Duc d'Orleans , le Comte de
Charolois , le Comte de Clermont , le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu & le Duc de Penthievre ,
vinrent jetter de l'Eau benite fur le Corps de la
Pinceffe , de- même que l'Archevêque de Paris , àઢે
la tête du Clergé de France ; les Députés de l'Abbaye
Ste Geneviève ; le R. P. Prieur & Affiftans de
S. Martin des Champs ; les P P. Récolets ; les Religieux
Auguftins Déchauffés de la Place des Victoires
; les PP . Carmes de la Place Maubert ; les Reli
gieux Dominicains des trois Convents; les Capucins
de la rue S. Honoré , les PP . Feuillans de la même
rue ; les Grands Auguftins ; les Peres Cordeliers de
l'Ave Maria , & le Clergé de S. Sulpice.
22. Le les Comteffes de Rouffillon & de Sade , &
Mesdames
1476 MERCURE DE FRANCE
Mesdames de Chatelus , de Tourouvre & de Jaucourt,
fe ren lirent auprès du Corps de la Princeffe.
Le même jour , le Prince de Conty vint jetter de
l'Eau benite fur le Corps de la Princeffe , comme
auffi l'Univerfité ; les Religieux Picquepus , & les
Députés des PP. de l'Oratoire.
Le 23. le Parlement , la Chambre des Comptes ,
la Cour des Aides , la Cour des Monnoyes , les
Tréforiers de France , le Corps de Ville , & le
Lieutenant Civil , fe rendirent à l'Hôtel de Condé
pour la même cérémonie .
Le 24.vers les neuf heures du foir , le Corps de cette
Princeffe fut porté de l'Hôtel de Condé à l'Eglife du
Monaftere des Carmélites du Fauxbourg S. Jacques
, avec un grand cortege & une pompe trèsmagnifique.
Le Char funebre dans lequel étoit le
Corps, étoit précedé des Héraults d'Armes , & fuivi
d'un nombre confiderable de caroffes de deuil .
Mademoiselle de Seus , qui faifoit les honneurs ,
éton accompagnée de la Princeffe de Pont , de pluhieurs
autres Dimes ; des Dames de la feue Ducheffe
de Bourbon , & des principaux Officiers du
Prince de Condé,
T
Lorfque le Convoi fut arrivé au Monaftere des
Carmélites , l'Evêque d'Autun , après les prieres or
dinaires , préfenta le Corps . qui fut inhumé fous
le Cloître des Religieufes , auprès de celui de la Ducheffe
de Bourbon, morte le 21. Mars 1720. Voici
l'ordre de la marche du Convoi.
Deux Suiffes à cheval , avec des houffes noires
portant chacun un flambeau ; M. de Moret , Gourverneur
des Pages , en manteau ,
à cheval capara
çonné ; fix Pages , en manteaux , à cheval , avec des
houffes noires , portant chacun un flambeau ; un
détachement de la Confrerie de Jérufalem , au nom .
bre de 30. à cheval , en manteaux , avec des Palmes
>
JUI N. 1741 . 1477
vaux ,
;
mes , leur Syndic & leur Drapeau ; 70. Valets de
pied ou gens de livrée , vétus de noir , avec des
crêpes à leurs chapeaux , portant des flambeaux ,
& marchant fur deux files ; un Piqueur au milieu ,
pour obſerver la marche des gens de livrée ; 16.
Valets de Chambre , en manteaux , à cheval , avec
des houffes noires , fur deux files en dedans ; le caroffe
des Femmes de Chambre , attelé de fix chevaux,
avec des harnois drapés , le caroffe particulier
des Gentilshommes Ecuyers, de S.A.S. Mademoiſel
le de Sens , attelé de fix chevaux , avec des harnois
drapés le caroffe des Gentilshommes de la même
Princeffe , attelé de fix chevaux , avec des harnois
de - même , le carofle des Gentilshommes deftinés à
porter les quatre coins du Poële , attelé de fix cheavec
des harnois , &c . le caroffe des Ecuyers
de S. A. S. Madame la Ducheffe , attelé de fix chevaux
, caparaçonnés , le caroffe de M. le Marquis
de Danlezy , Premier Gentilhomme de la Chambre,
onnant la main à S. A. S. Mademoiſelle de Sens ,
r de M. le Chevalier de la Marck , Premier Ecuyer,
portant la Couronne , attelé de fix chevaux , capaaçonnés
, le caroffe de S. A. S. Mademoiſelle de
Sens , accompagnée de Mad . la Princefle de Pont
de Mad la Marquife de Gamache , de Mad . la Marquife
de Pruley , fa Dame d'honneur , de Mad. la
Comteffe de Rouffillon , Dame d'honneur de S.A.S.
Madame la Duchefle , & de Mad . la Comteffe de
Sade, Dame de Compagnie , attelé de huit chevaux ,
caparaçonnés avec des Croix de Moire d'argent ; le
caroffe de M. l'Evêque d'Autun , officiant , portant
Coeur , accompagné de M. le Curé de S. Sulpice
& de l'Aumônier de l'Evêque , attelé de fix che
caparaçonnés avec des Croix de Moire d'atgent
; un Contrôleur en Chef , en manteau à che
val , avec houffe noire ; deux autres Contrôleurs , à
12
yaux ,
cheval ,
1478 MERCURE DE FRANCE
›
cheval , avec des houffes ; 12. hommes de livrée ,
vétus de noir , avec des crêpes , portant des flambeaux
devant les Héraults ; cinq Heraults d'Armes à
cheval , y compris le Roy , fur des chevaux caparaçonnés
, l'Aide des Céremonies , à cheval , auffi
caparaçonné; 20 Valets de pied , à la têre du Char,
portant des flambeaux ; le Char où étoit le Corps ,
attelé de huit cheyaux , caparaçonnés avec des Croix
de Moire d'argent , quatre Aumôniers en Rochets
& Bonnets quarrés , portant les quatre coins du
Poële , leurs chevaux caparaçonnés ; huit Pages en
manteaux , à cheval , avec des houffes , portant
des flambeaux de chaque côté du Char , entre les
Aumôniers , 18. Suifles , vétus de noir avec des
pleureules , neuf de chaque côté , ma chant la
hallebarde renversée , & à diftance égale depuis la
tête du premier cheval jufqu'à la roue
de derriere
du Char ; 80, Valets de pied , portant des flambeaux
, 40. de chaque côté ; 20. Valets de pied
derriere les roues du Char , portant des fambeaux;
le carolfe de S. A. S. Mademoiſelle de Sens , à vuide
, attelé de fix chevaux , avec des harnois drapés;
un caroffe fans deüil de Mad. la Princeffe de Pont ,
attelé de deux chevaux ; le caroſſe des Aumôniers ,
dans lequel étoit M. Frontier , Contrôleur des Bureaux
, attelé de fix chevaux , avec des harnois dra
pés ; fix Suiffes , vétus de noir , avec des pleureufes
, portant un flambeau chacun , un Sergent &
deux Caporaux à la tête , pour fermer la marche ;
enfuite le carolle de M. l'Evêque d'Autua , plu
fieurs autres. Tous les caroles dont on vient de
parler étoient éclairés par un très - grand nombre
de flambeaux .
Le 17. François- Barthelemi de Salignac de la
Mathe- Fenelon, Evêque de Pamiers , & Abbé Commandataire
de l'Abbaye de S. Martin de Pontoife
Ordre
JUI N. 1741. 1479
Ordre de S Benoît, Diocèſe de Rouen , mourut à Pa➡
ris , âgé d'environ 5o. ans . Il avoit été d'abord
Chanoine & Archidiacre de l'Egliſe de Cambray ,
& Prieur de S. Front , Diocèle de Sarlat. Il fut Député
de la Province de Bourdeaux à l'Aſſemblée Génerale
du Clergé de France en 1725. L'Abbaye de
Bolbonne, Ordre de Cîteaux , Diocèse de Mirepoix,
lui fut donnée au mois de Novembre 1729. mais il
en remit le Brévet lorfqu'il obtint au mois de Juin
1730 celle de S Martin de Pontoife. Il fut nommé
le 8. Octobre 1735 à l'Evêché de Pamiers , Suffra
gant de Touloufe , qui fut préconifé & proposé pour
lui à Rome les 2. & 19. Décembre de la même année
, & après avoir reçû fes Bulles , il fut Sacré le
22 Janvier 1736. dans la Chapelle du Séminaire de
S. Sulpice à Paris , par l'Archevêque de Sens , affifté
des Evêques de Tarbes & de Noyon , & le r . Février
fuivant il prêta ferment de fidelité entre les
mains du Roy. Il étoit frere de Gabriel de Salignac,
Marquis de Fenelon, Chev, des Ordres du Roy, Ma
réchal de fes Camps & Armées, fon Ambaffadeur Or
diraire en Holande depuis 1724. Confeiller d'Etat
ordinaire d'Epée , & Gouverneur du Quesnoy , &
fils de François de Salignac , Marquis de la Mothe-
Fenelon , & d'Elizabeth de Beaupoil de S. Aulaire.
Le même jour, François-Jofeph Pouffart du Vignan,
'Prêtre du . Diocèfe de Poitiers , Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , du 22. Juillet 1728.
'Abbé Commandataire de l'Abbaye des Châtelliers ,
Ordre de Citeaux , Diocèle de Poitiers , du mois de
Janvier 1729. & Maître de l'Oratoire du Roy , depuis
1739. mourut à Verfailles , âgé de 46. ans .
Le 15. Mai , Jean- François- Nicodeme le Roux de
Gilbertprey , Gouverneur de Valogne , fils d'Antoine
le Roux de Gilbertprey, autrefois Porte-Etendart
Je
1480 MERCURE DE FRANCE
de la premiere Compagnie des Moufquetaires du
Roy , & de D. Adelaide de Valigny , fut marié par
l'Evêque de Bayonne , dans l'Eglife Conventuelle
de l'Abbaye de Montivilliers en Caux , avec Dlle
Magdeleine-Laurence - Chriftine Bayard , fille de
feu Georges Bayard , Seigneur des Catelais , Capitaine
de Vaiffeaux , & Chevalier de l'Ordre Mili
taire de S. Louis , & de D. Laurence Cadot de Sebville.
La nouvelle Mariée n'a qu'un frère, âgé d'en
viron 20 ans, qui eft au fervice du Roy , & qui eft
le feul Chef & unique héritier de fa Famille , ori
ginaire de Picardie .
Le 30. Etienne - Claude d'Aligre , Comte de Ma
ans , Seigneur de la Riviere , Vieux- Château , Vil
lenefle , Boiflandry , &c . Préfident du Parlement
de Paris , veuf de D. Marie- Louife- Adelaide Du
rey , morte le 30. Avril 1740. époufa en fecondes
pôces Dlle Henriette - Géneviève Parent , fille unique
d'Armand Louis Parent , Conſeiller au même
Parlement de Paris , à la feconde Chambre des Enquêtes
, & de D. Barbe Génevieve Bourdon .
Le 12. Juin , Jofeph de Segur , Major du Régiment
d'Orléans, Cavalerie , fils de Jofeph de Segur,
Vicomte de Cabanac , Lieutenant de Maire de la
Ville de Bourdeaux , & de feuë D. Catherine d'Arrerac
d'Arfac , époufa à Paris Olle Jeanne - Henriette
le Maître , fille de Pierre- Henri le Maître,,
Seigneur du Marais , près de Dourdan , & de D,
Marie Rachel de Meuves . Marie Louife le Maître ,
four aînée de la Mariée , a épousé le 19. Mai 1733.
Jean de Segur Seigneur de Grand- Puch, Pays d'entre
deux Mers en Guyenne , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , & Capitaine dans le même Ré
giment d'Orleans , Cavalerie , coufin germain du
Pere du nouveau Marié
Le même jour, Jofeph - Maurice Annibal de MontmoJUIN.
1741. 1481
morency-Luxembourg , apellé le Comte de Montmovency
, né le 15. Novembre 1717. Colonel du Régiment
de Flandres , Infanterie , du mois de Mai
1739 fecond fils de Chriftian- Louis de Montmorency-
Luxembourg Prince de Tingry . Comte
Souverain de Luxe , Comte de Beaumont , en Gâª
tinois , Seigneur de Dollot , Maréchal de France ,
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant Géneral
au Gouvernement de la Flandres Françoife, Gouverpeur
de Valenciennes & des Ville & Château de
Mantes , Lieutenant de Roy du Pays Mantois , &
de D. Louife - Magdeleine de Harlay- Beaumont ,
fut Marié avec Dile .... le Peletier de Rofambo ,
fille de Leuis le Peletier , Seigneur de Rofambo en
Baffe-Bretagne , Premier Préfident du Parlement de
Paris , & de D. Therefe Hennequin d'Ecquevilly.
****************
ARRESTS NOTABLES.
Sau
ENTENCE DE POLICE , du 14. Avril,
qui condamne plufieurs Boulangers en cinq
cent livres d'amende , pour avoir vendu leur Pain
au- deffus du prix courant du Marché.
ARREST du 21. Mai , qui permet aux Arma
teurs pour les Illes & Colonies Françoiſes , de charger
des Sels en Bretagne , ou dans les autres Ports
où il eft d'ufage d'en tirer , pour être employés au
Cap -Verd , à la falaiſon des Beſtiaux & chairs deftinés
pours ces Ifles , fans payer aucuns droits , &
ce , pendant le tems que la permiffion accordée par
' P'Arrêt du 27. Decembre 1740. d'aller charger des
Chairs falées au Cap- Verd , pour les tranfporter aux
IДes ,
482 MERCURE DE FRANCE
Illes , aura lieu , en obfervant les formalités pref
crites par le préſent Arrêt.
AUTRE du 6. Juin , qui ordonne qu'à compter
du jour de la publication d'icelui , & conformé
ment à celui du 6. Septembre 1701. il fera perçu
trente fols fur chaque barril de Charbon de terre
du poids de deux cent cinquante livres poids de
marc , venant d'Angleterre , d'Ecofle & d'Irlande ,
& entrant par Saint - Vallery , Dunkerque Boulogne
, Calais , & autres entrées de la Picardie & de
la Flandre , & des Directions des Fermes d'Amiens
& de Lille,
SENTENCE DE POLICE du 9. qui
condamne le nommé Fleury , Maître Boulanger
en cinq cent livres d'amende , pour avoir expole
en vente dans la Boutique des Pains d'un poids
léger.
ORDONNANCE de S. E. M. le Cardinal de
Fleury , du 12. portant qu'à commencer au premier
Juillet prochain , le fervice des Malles de
Lyon à Marseille & retour , & de la Pallu à Montpellier
& retour , fera fait par les Maîtres des Poftes
de ces routes , qui fourniront à cet effet les
chevaux néceffaires aux Couriers qui conduiront
ces Malles.
AUTRE du Roy , du 19. portant qu'à com
mencer du premier Juillet prochain , il fera payé
par toutes fortes de perfonnes , excepté les Couriers
du Cabinet , trente fols par pofte pour chaque
cheval , foit malliers , bricolliers ou bidets ; & ce
jufques & compris le dernier Juin de l'année 17421
APRO
APROBATION.
J
'Ai lâ par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le fecond Volume du Mercure de France du mois
de Juin , & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre l'im
pression. A Paris , le dix Juillet 1741 .
HARDION.
TABLE,
IECES FUGITIVES. Les Livres Saints ,
PIECES
Ode ,
1272
Expofition du Livre des Inſtitutions de Phyſique ,
Ode à la Marquife de S. G.
1274
1320
Mémoire au fujer des Voyages faits aux quatre
Parties du Monde , 1314
Epitre à M. Leubo , P. D. R. à Villefranche, 138
L'heureufe Vieilleffe , Lettre écrite par le Comte
de Marcieu ,
Epitre à M. des Forges Maillard ,
1325
1337
Seconde Lettre de M.Deftouches à M.Tanevot, 1330
Epitre à M. Roy ,
1357
Differtation fur le jour du décès de Jeanne de Châ
tillon ,
Cantatille ,
Enigme , Logogryphes , &c .
1358
1368
1370
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ,
&c. Projet d'une Méchanique Génerale pour fervir
d'introduction aux Sciences Phyfico- Mathématiques
, 1373
Ouvrages de l'Abbé Deidier, Cours de Mathematiques
,
The orie nouvelle fur le Méchaniſme ,
1399
1406
Estampes
Estampes nouvelles , 7421
Brevet au Sieur Guignon , Premier Violon de la
Avis au Public ,
Mufique du Roy ,
Pompes pour les Incendies ,
ibid.
1423
1426
1428
Poudre univerfelle , dite Santinelly ,
Spectacles , Extrait de la nouvelle Entrée ajoûtée au
Ballet de l'Empire de l'Amour ,
Théatre Italien , Piéce remife
1430
1436
Nouvelles Etrangeres, Turquie, Perſe & Ruffie, 1437
Mittau ,
1439
Allemagne ,
1440
Pruffe ,
1444
Breſlaw ,
1445
Elpagne ,
1446
Portugal & Italie , 1448
Naples ,
1450
Inle de Corfe , 1451
Grande- Bretagne ,
1452
ibid. Morts des Pays Etrangers ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 1455
Bénefices donnés , 1457
Ouverture de la Foire S. Laurent & de l'Opera Comique
ibid..
Ode au Duc d'Orleans , 1458
Morts , & Mariages , 1464
Pompe Funebre de Madame la Ducheſſe , 1472
Arrêts notables , 1481
Errata du 1. Volume de Juin.
P Age 1093. ligne 4. du bas , quelle feu , liſex , quel feu.
P. 1113. l. 9. auant , 1. autant.
P. 1134. 1. 19. Blakci , L. Blakey .
Qualité de la reconnaissance optique de caractères