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1740, 05, 06, vol. 1-2
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MERCURE
DE
FRANCE ,
DE DIE AU ROT.
MAY. 1740.
BRICOLAGITI
SPARE
Pa
apillon
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER;
ruë S. Jacques .
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC . XL.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.

MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
MAY.
1740
.
1
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER;
ruë S. Jacques.
Seru Quai
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XL.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLICLIBRARY
335021
AVIS.
ASTOR, LENOX AND
TILDE FOUNDATIONS
L
10ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis an
>
>
Mercure vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir,
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , de les faire porter sur
l'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX, Sors
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
MAY.
1740.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE
Adressée à M. de Coetlosquet , Evêque de
Limoges , au sujet de son Entrée solemnelle
dans sa Ville Episcopale.
Disposez vos plus beaux atours ;
Nimphes qui présidez aux rives du Permesseg
Partez , Soupirs , volez Amours ,
e ne résiste plus à l'ardeur qui me presse.
*
A ij Allo
832 MERCURE DE FRANCE
Allez , doux Tyrans de mon coeur ,
Au Pontife nouveau présentez vos hommages ;
Dites -lui que son air vainqueur
Déja de tout son Peuple a gagné les suffrages.
*
Dites-lui que de toutes parts
On rapelle l'éclat de cette Fête auguste ;
Où le charme de ses regards
Reçût de notre amour le tribut le plus juste,
*
Oui , Prélat , dès cet heureux jour ,
Un chacun t'érigeant un Temple dans son ame ;
Pour Monument de ſon amour ,
Y grava ton image avec des traits de flâme.
A Pabri de cette fierté
Qu'inspire trop souvent une austere sagesse 7
On y voit avec liberté
Triompher la candeur , le goût , la politesse.
*
Sous le Pinceau de la Vertu ,
On y contemple encor le zele , la constance ;
Le vice à leurs pieds abattu ,
Respecte ton mérite , & tremble en ta présence
*
Ainsi,
MAY.
83.3 1746.
Ainsi , par la faveur des Cieux ,
Dans peu nous allons voir cette heureuse Contrée
Goûter un repos précieux ,
Et retracer les temps de Saturne et de Rhée,
Mes présages ne sont pas vains .
Elevé de tout temps à l'Ecole des Sages ;
Et formé par leurs doctes mains ,
D'un destin si fateur tu montres tous les gages
*
Poursuis , de ce grave Neftor *
Que ton sang reconnoît , que l'Europe contemple
Pour ramener le siècle d'or ,
Imite jusqu'au bout le glorieux exemple .
*
Moi cependant , à mes transports
Ajoûtant quelquefois les accens de ma Lyre ,
J'irai par
de tendres accords
Te peindre de mon coeur l'agréable délire.
L. I.
* M. d'Argentré , Evêque de Tulle.
A iij
LET
834 MERCURE DE FRANCE
LETTRE sur la Vie & les Ouvrages de
Moliere , & sur les Comédiens
de son temps.
Mon-
P Uifque vous n'êtes point rebuté ,
fieur , de ce que je vous ai déja écrit au
sujet de notre illustre Poëte Comique , &
sur lequel vous me preffez encore , je vais
satisfaire du mieux que je pourrai à votre envie.
Au refte , je ne croyois pas que Moliere
fût auffi connu & auffi cheri en Allemagnes
yous trouverez peut-être bien des minuties
dans ces Lettres , mais je ne vous promets
pas autre chose.
A l'égard des répetitions , je tâcherai de
vous les épargner ; & pour commencer , puif
que vous avez une suite exacte des Mercures
de France , je vous renvoye à celui du
mois de Fevrier 1722. page 121. pour la
Princeffe d'Elide , ou les Plaiſirs de l'Isle enchantée
, Comédie- Ballet , représentée à
Versailles au mois de May 1664. " Cette
» Piéce réüffit , & la Cour ne traita point
» avec séverité un Ouvrage fait à la hâte,
pour la divertir . Moliere n'avoit eû le
» temps d'écrire en Vers que le premier
" Acte , & la premiere Scéne du second.
L'aplaudiffement du Prince , récompense
ور
ود
R
» auff
MAY. 1740. 835
ور
ور
» auffi jufte que flateuse pour Moliere , les
» allusions vrayes ou fausses qui pouvoient
» avoir quelque chose de mystérieux , les
» agrémens de la Mufique & de la Danse
s & plus encore l'espece d'yvreffe que pro-
" duisent le mouvement & l'enchaînement
» des plaisirs , contribuerent au succès de
» la Princeffe d'Elide. Paris en jugea moins
» favorablement ; il la vit séparée des or-
» nemens qui l'avoient embellie à la Cour,
& comme le Spectateur n'étoit ni au mê-
» me point de vûe , ni dans la situation vive
» & agréable où s'étoient trouvés ceux pour
» qui elle étoit deſtinée , on ne tint compte
» à l'Auteur que de la fineffe avec laquelle il
» dévelope quelques sentimens du coeur ,
» & de l'art qu'il employe pour peindre
»l'amour propre & la vanité des femmes.
"
Cette Piéce fut donnée à Paris au mois de
Novembre suivant , & fut joüéc 24. fois de
suite ; la recette monta à 15200. liv . La Mufique
du Divertiffement eft de Lambert , pour
laquelle les Comédiens lui firent présent de
trente piſtoles.
On fçait que cette Piéce eft imitée de la
Comédie Efpagnole qui a pour titre , El Desden
con el Desden , d'Auguftin Moret.
en
Le Roy Louis XIV . donna le sujet des
Amans Magnifiques , Comédie - Ballet ,
cinq Actes en prose &c . Deux Princes ri-
A iiij vaux
36 MERCURE DE FRANCE
à
vaux s'y disputent , par des fêtes galantes ,
le coeur d'une Princesse . Suivant cette idée
générale , Moliere réunit à la hâte dans differens
intermedes , tout ce que le Théatre
lui pût fournir de divertissemens propres
flater le goût de la Cour. Le personnage de
Sostrate est un caractere d'amant qu'il n'avoit
pas encore exposé sur la Scéne ; Clitidas ,
Plaisant de Cour, est plus fin que n'est Moron
dans la Princesse d'Elide. Un Aftrologue ,
dont l'artifice démasqué sert à détromper fes
Grands d'une foiblesse qui fait peu d'honneur
à leurs lumiéres , dédommage en partie
de la fingularité peu vraisemblable d'un dénouement
machinal. L'Auteur , qui par de
solides réflexions , & par sa propre expérience
, avoit apris à distinguer ce qui convenoit
aux differens Théatres pour lefquels il tra--
vailloit , ne crut pas devoir hasarder cette:
Comédie sur le Théatre de Paris. Il ne la fit
pas même imprimer , quoiqu'elle ne soit pas
sans beautés
pour ceux qui sçavent se transporter
aux lieux , aux temps , & aux circonstances
dont ces sortes de divertissemenstirent
leur plus grand prix .
Dans l'Etourdi , qui est la premiere Comédie
de Moliere , on doit observer que le Valet
fourbe ne fait pas l'intrigue de la Fable ,
comme il le paroît d'abord ; car il imagine
toutes ses fourberies avec tant de jugement,
qu'il
MAY. 1740. 837
qu'il n'auroit besoin que de la premiere ,pour
arriver à ses fins ; mais l'Etourdi détruisant
par son caractere tout ce que fait le Valet ,
& ce Valet se piquant de réussir , ils composent
tous deux une intrigue , dont on peut
dire que le caractere de l'Etourdi est le premier
mobile . On reprocha à Moliere , que
le Valet paroît plus étourdi que ce principal
Personnage , puisqu'il n'a presque jamais
l'attention de l'avertir de ce qu'il veut faire.
Le sujet de cette Piéce est pris dans l'Inavertito
, Comédie Italienne en prose , composée
par Nicolo Barbieri , dit Beltrame , im--
primée en 1629.
>
LE DEPIT AMOUREUX , Comédie de Mo--
liere,en Vers & en cinq Actes, fut joué à Paris ›
immédiatement après l'Etourdi. Ce sont particulierement
les deux dernieres Scénes du
quatriéme Acte qui donnent le titre à la
Piéce. On ne peut mieux exprimer les mouvemens
d'un coeur extrêmement amoureux
qui étant agité de jalousie , voudroit rompre
avec l'objet aimé , fans pourtant en pouvoir
venir à bout. On a toujours trouvé dans cette
Comédie le déguisement d'une fille en garçon,
peu vraisemblable , mais on admire la Scé --
ne de la brouillerie & du raccommodement
d'Erafte & de Lucile.
Moliere imita le sujet de cette Comédie de :
deux Piéces Italiennes , l'une intitulée l'In
tereffe A v
tereffe di Nicolo Secchi , en Prose , imprimée
en 1581. & l'autre d'un ancien Canevas ou
Farce , jouée à l'impromptu , qui a pour ti
tre , Gli sdegni amorosi.
Comédie en
LES PRECIEUSES RIDICULES ,
un Acte & en Prose , qui fut faite d'abord
pour la Province ; elle fut fi aplaudie à Paris ,
qu'on la joua quatre mois de suite , &
l'on prétend que c'eft à l'occasion de cette
Piéce , que la Troupe de Moliere hauffa le
prix des places , qui alors n'étoient que de
dix sols au Partere.
LE COCU IMAGINAIRE. Cette Piéce fut
joüée pour la premiere fois sur le Théatre du
petit Bourbon le 28. May 1660. & l'on en
donna 40. représentations de suite , quoiqu'en
été. Elle a pour intrigue des aparences
d'infidelité , qui font un jeu de Théatre fort
agreable , & dont le sujet eft pris d'un Canevas
Italien joué à l'impromptu , lequel a pour
titre , il Ritralto , ou Arlichino Cornuto per
opinione. :
DON GARCIE DE NAVARRE , ou le Prince
Jaloux , Comédie héroïque en Vers & en
cinq Actes , fut représentée dans sa nouveauté
le 4. Fevrier 1667. sur le Théatre du Palais
Royal. Moliere y joiia le rôle du Héros
de la Piéce , & l'on trouva qu'il n'avoit point
de ralent pour le Serieux ,comme Comédien ;
Ja Comédie fut très- mal reçûë , ne se releva
point
MAY. 1740. 839.
point de sa chute , & ne fut imprimée qu'après
la mort de l'Auteur. Le sujet eft tiré de
I'Espagnol.
L'ECOLE DES MARIS. Dans cette Piéce de
caractere & d'intrigue , Moliere avoüoit luimême
avoir pris quelque idée des Adelphes
de Terence ; mais il faut convenir auffi qu'il
a fait honneur à son original , & qu'il l'a surpassé.
Cette imitation confifte dans les deux
freres que Terence met sur la Scéne ; celui
qu'il nomme Micion est ici apellé Ariste , &
son Demea eft Sganarelle. Ce que Moliere
fait dire à ces deux freres convient infiniment
mieux , & leur Dialogue eft si bien accommodé
à nos manieres , qu'il n'y a pas lieu de
foupçonner notre Auteur d'avoir ni traduit
ni même imité Terence. Les deux freres ici
ne sont point mariés ; ils sont les Tuteurs de
deux filles qu'un de leurs amis leur a laiffées ,
pour les épouser, ou pour les pourvoir, comme
bon leur semblera. Arifte permet que
Leonor voye le beau monde , & qu'elle aille
vêtuë comme une fille de qualité, sans néanmoins
donner dans le ridicule outré des modes.
Sganarelle au contraire tient la fienne:
renfermée , & la traite rudement : l'une &:
Pautre sont parfaitement sages , & n'ont rien
qui reffemble à Eschinus n'y à Ctesiphon. Pour
Sganarelle , il conserve jusqu'à la fin son caractere
d'homme sauvage & bizarre , ce qui
n'eft point dans Terence . A.vj On
840 MERCURE DE FRANCE
On trouve la Fable de cette Piéce dans la
troisiéme Nouvelle du Decameron de Boccace.
Le dénouement de cette Comédie ,
paffe pour le meilleur de toutes celles de
Moliere , & l'on regarde cet Ouvrage comme
le chef- d'oeuvre des Piéces en trois
Actes.
>
LES FACHEUX . Le Roy Louis XIV. don
na à Moliere le caractere du Chaffeur imper .
tinent qu'on voit dans cette Piéce , & comme
il n'entendoit point du tout la Chaffe
ce Prince l'envoya de sa part au Comte de
Soyecourt , qui étoit très au fait de cet exercice
, & avec & avec lequel Moliere fit la Prose decette
agréable Scéne , qu'il verfifia ensuite en
son particulier.
L'opinion la plus reçûë sur la Comédie
des Fâcheux , eft que Moliere en a tiré le su--
jet d'une ancienne Comédie Italienne , intitulée
Le Case Svaliggiate, ou , Gli interrompimenti
di Pantalone. C'eft la même Comédie
que nous avons vû jouer par les Comédiens
Italiens de l'Hôtel de Bourgogne d'aujourd'hui
, sous le titre d'Arlequin devaliseur
de Maisons..
MOLIERE n'étoit ni trop gras ni trop maigre
; il avoit la taille plus grande que petite ,
le port noble , la jambe belle ; il marchoit gravement
, avoit l'air très - sérieux , le nez gros ,
bouche grande , les lèvres épaiffes , le teint
brun
MAY. 1740! $4T
Brun , les sourcils noirs & forts , & les divers:
mouvemens qu'il leur donnoit lui rendoient
la phisionomie extrêmement comique. A
l'égard de son caractere , il étoit doux, complaisant
, généreux. Il aimoit fort à haranguer
; & quand il lisoit ses Piéces aux Comédiens
, il vouloit qu'ils y amenaffent leurs
enfans , pour tirer des conjectures de leurs
mouvemens naturels.
La fécondité de Moliere eft encore plus
sensible dans les sujets qu'il a tirés des Auteurs
anciens & modernes , ou dans les traits
qu'il a empruntés d'eux . Toujours superieur
à ses modéles , & en cette partie égal à luimême
, il donnoît une nouvelle vie à ce
qu'il avoit copié . Les modéles difparoissoient
, il devenoit original. C'eft ainfi que
Plaute & Terence avoient imité les Grecs.
Mais les deux Poëtes Latins , plus uniformes
dans le choix des caracteres , & dans la
maniere de les peindre , n'ont représenté
qu'une partie des moeurs générales de Rome.
Le Poëte François a non seulement exposé
sur la Scéne les vices & les ridicules
communs à tous les âges & à tous les Pays ,
il les a peints encore avec des traits tellement
propres à sa nation , que ses Comédies
peuvent être regardées comme l'Hiftoire des
moeurs , des modes , & du goût de son
siecle avantage qui diftinguera toujours
>
Moliere
1
842 MERCURE DE FRANCE
Moliere de tous les Auteurs Comiques.
La Nature , qui lui avoit été fi favorable
du côté des talens de l'esprit , lui avoit refusé
ces dons exterieurs , si néceffaires au
Théatre , surtout pour les rôles tragiques.
Une voix sourde , des inflexions dures , une
volubilité de langue qui précipitoit trop sa
déclamation , le rendoient , de ce côté
fort inferieur aux Acteurs de l'Hôtel de
Bourgogne. Il se rendit juftice , & se renferma
dans un genre où ces défauts étoient
plus suportables. Il eut même bien des difficultés
à surmonter pour y réuffir , & ne se
corrigea de cette volubilité , fi contraire à
la belle articulation , que par des efforts con
tinuels , qui lui causerent un hoquet qu'il a
conservé jufqu'à la mort , & dont il fçavoit
tirer parti en certaines occafions . Pour varier
fes inflexions , il mit le premier en usage
certains tons inufités , qui le firent d'abord
accufer d'un peu d'affectation , mais
auxquels on s'accoûtuma. Non seulement il
plaisoit dans les rôles de Mascarille , de
Sganarelle , d'Hali , &c. il excelloit encore
dans les rôles de haut comique , tels que
ceux d'Arnolphe , d'Orgon , d'Harpagon.
C'est alors que , par la vérité des sentimens ,
par l'intelligence des expreffions , & par toutes
les finesses de l'art , il séduisoit les Spec
rateurs , au point qu'ils ne diftinguoient plus
le
MAY. 1740 . 843
Le personnage représenté , d'avec le Comédien
qui le représentoit ; auffi se chargeoitil
toujours des rôles les plus longs & les plus
difficiles. Il s'étoit encore réfervé l'emploi
d'Orateur
de sa troupe .
Claire-Elisabeth -Armande Grefin de Bejar
, veuve de Moliere ; elle épousa François
Guerin , excellent Comédien de la Troupe
du Roy , d'où elle sortit en 1694. Après la
mort de son mari , elle entra dans la Troupe
de la rue Mazarine , lors de son établiffement
en 1673. Elle avoit la taille médiocre ,
mais un air engageant , quoiqu'avec de trèspetits
yeux , une bouche fort grande & fort
plate , mais faisant tout avec grace , juſqu’-
aux plus petites chofes , quoiqu'elle se mît
très - extraordinairement , & d'une maniere
prefque toujours oposée à la mode du
temps.
,
Lors du Reglement fait en 1681. elle avoit
une part entiere à l'Hôtel de Guenegaud. Le
portrait que fait Cleonte dans le troifiéme
Acte du Bourgeois Gentilhomme eft fait
d'après elle. Elle joüoit tous les grands rôles
dans les Piéces de son mari , qu'il travailloit
exprès pour fes talens. Elle avoit de la voix ,
& chantoit ordinairement avec la Grange
dans le second Acte du Malade fmaginaire.
GENEVIEVE BEJAR , sa soeur cadette ,
épouse de M. Aubri , Actrice à l'Hôtel de
Gue.
$44 MERCURE DE FRANCE
Genegaud en 1684. Il y avoit une troiſième
soeur morte avant 1673 .
N. BEJAR , Oncle des Dlles Bejar , joüoit
le rôle de la Fleche dans l'Avare . Il'avoit
quitté la Troupe du Palais Royal avant là
mort de Moliere .
N. DE BEAUPRE' , Tante de la Dile Marotte
Beaupré , Epouse de Verneuil. Elle étoit
Actrice de la Troupe du Marais , & avoit
quitté la Comédie avant la démolition de ce
Théatre . C'eſt une des premieres Actrices
qui ayent joué en femme fur le Théatre , ' car
auparavant il n'y avoit que des hommes ; c'eft
en quoi confiftoit fon plus grand mérite . On
lui fait dire dans le Segrefiana : » M. Cor.
" neille nous a fait un grand tort ; nous
" avions ci- devant des Piéces de Théatre
» pour trois écus , que l'on nous faifoit en
» une nuit , on y étoit accoûtumé , & nous
» gagnions beaucoup . Présentement les Pić-
» ces de M. Corneille nous coûtent bien de
l'argent , & nous gagnons peu de choſe.
» Il eft vrai que ces vieilles Piéces étoient
» miserables , mais les Comédiens étoient
excellens , & ils les faifoient valoir
» repréſentation .
ور
و د
"
30
>
par
la
N. VALIOTE , morte avant 1673. mere de
la. Dlle Chanvalon , bonne Actrice Comique
du Théatre François , retirée depuis
18. ans.
N..
MAY. 845
1740
N. DUCLOS , excellente dans le grand Tragique
, morte vers l'an 1673. mere , ou
grand'-mere de l'Actrice inimitable du Théatre
François , qui porte le même nom.
N. PETIT DE BEAUCHAMP , dite La Belle
Brune , grand'- mere maternelle du Sr du
Boccage , Acteur de la Troupe du Roy. Elle
étoit de la Troupe du Marais , & joia d'ori
ginal, dans une des Tragédies de P.Corneille
Le rôle de Rodogune , pour lequel le Cardinal
de Richelieu lui fit présent d'un habit magnifique
à la Romine. C'étoit une excelfente
Actrice , grande & bien fatte , d'une
représentation avantageuse , morte en Allemagne
, dans la Troupe des Comédiens du
Duc de Zell.

Elle refusa d'entrer à l'Hôtel de Bourgogne
, parce qu'on ne vouloit donner qu'une
demi -part à son mari , qui avoit un talent
fingulier,pour jouer tous les déguisemens en
femme .
N. ROZELY , de la Troupe du Marais ,
excelloit dins les Rois & les Payfans.
A. P. P. DE CHATEAUNEUF , Comédien
& Poëte , Auteur de La feinte Mort de Pancrace
, Comédie en Vers de quatre pieds , en
un Acte , représentée par les Comédiens de
M. le Prince , en 1663 .
N. DU PARC , ou Gros René , mort avant
1673. Sa femme étoit auffi Comédienne ;
elle
846 MERCURE DE FRANCE
elle étoit belle & bien faite , & danfoit
très -bien ; elle brilloit aux Ballets du Roy
, dans les danses hautes ; elle faifoit certaines
caprioles remarquables , car on voyoit fes
jambes & partie de fes cuiffes par le moyen
de fa jupe fendue des deux côtés , avec des
bas de foye , attachés au haut d'une petite
culotte.
N. NANTEUIL , Poëte ; il prenoit la qualité
de Comédien de la Reine. On a de lui
L'Amour sentinelle , ou Le Cadenat forcé ,
Comédie , en 1672.
Le Comte de Roquefeuille , ou Le Docteur
Extravagant , Comédie en un Acte , 1672.
Les Brouilleries nocturnes , Comédie , 1669 .
Le Campagnard dupé , Comédie , 1671 .
BEAUCHATEAU , morte à Verfailles le 6.
Janvier 1683. C'étoit la plus ancienne Comédienne
de l'Hôtel de Bourgogne en 1674.
Elle avoit quitté la Comédie lors de la jonction
des Troupes ; il lui fut accordé une penfion
de 1ooo. livres par le Reglement de
1681 .
D'ORGEMONT , mort avant 1673. étoit
de la Troupe du Marais , fort bien fait de
fa perfonne , & très- capable dans fa profession
; il parloit bien & de bonne grace, ce qui
lui fit conferer par fes Camarades l'Emploi
qu'on apelloit parmi eux en ce temps là de Ha-
Langueur de la Troupe ; il fucceda au fameux
MonMAY.
1740% 847
Mondory , qui avant lui faifoit toujours les
Annonces & les Complimens.
JUDITH DE NEVERS , dite Guyot , Actrice
'de Guenegaud en 1679. Après voir quitté la
Comédie , elle fut longtemps à la porte pour
recevoir les Billets . Elle mourut d'un coup à
la tête , & par fon Teftament elle donna tout
fon bien aux Comédiens , par forme de reftitution.
EDME VILLELAIN , Sr DE BRIE . Il fucceda
à Du Parc dans les Rôles de Gros René , &
joua d'original Loyal dans le Tartuffe. Il étoit
difficile à vivre , & grand breteur ; Moliere
ne l'aimoit point : c'étoit le plus ancien Co
médien, lors de l'Etabliſſement de la Troupe
de Guenegaud.
PIERRE MESSIER , dit Bellerose , Comédien
en 1629. & mort avant 1670. Acteur
Tragique on croit que c'eft lui qui a joüé
d'original le rôle de Cinna dans la Tragédie
de ce nom. Il étoit en grande réputation du
temps du Cardinal de Richelieu . On n'avoit
point encore vû de fi parfait Comédien dans
la Troupe Royale de l'Hôtel de Bourgogne,
dont il étoit l'Orateur : il annonçoit de bonne
grace , parloit facilement , & fes petits
Difcours faifoient toujours plaifir à entendre,
par les traits nouveaux dont il prenoit foin
chaque jour de les orner. Floridor lui fucceda
dans cet Emploi. Il a joué le rôle du Menbeur
848 MERCURE DE FRANCE
teur d'original . Le Cardinal de Richelieu
fui avoit fait présent d'un habit magnifique
pour le jouer, ce qui piqua fi fort l'Acteur qui
joüoit le rôle d'Alcipe , qui étoit fort inferieur
au rôle du Menteur , qu'il fit valoir
cet Alcipe autant & plus qu'il ne pouvoit
valoir.
Dans les Mémoires du Cardinal de Rets
on voit que Mad. de Montbason ne pouvoit
pas fe réfoudre à aimer M. de la Rochefou
cault , parce qu'il reffembloit à Belleroſe, qui
avoit , difoit- elle , l'air fort fade .
LOUISE JACOB , Epouse de Joseph du
Landas , Sr Dupin , fille de Monfleury , &
soeur de la Dlle Ennebault. Elle entra avec
fon mari dans la Troupe de la rue Mazarine ,
lors de fon Etabliffement en 1673. Elle avoit
auparavant été admirée fur le Théatre du
Márais , où elle joüoit tous les premiers rôles
sérieux & comiques. Elle avoit joué la
Comédie à la Cour d'Hanovre , d'où elle
vint dans la Troupe du Marais.
DORIMONT, Comédien de Mademoiſelle
& Poëte , mari de Marotte Ozillon. Ses Piéces
de Théatre font l'Ecole des Cocus , ou La
Précaution inutile , Comédie en Vers & en
un Acte , 1661 .
L'Inconftancepunie , en un Acte en Vers
1661,
La Femme induftrieuse , en Vers , en un
Acte , 1661. LB
MAY. 849 1740 .
La Comédie de la Comédie , ou Les Amours
de Trapolin , en un Acte en Vers , 1662 .
La Roselie , ou Le Dom Guillot , en cinq
Actes en Vers , 1661. >
L'Avare dupé , ou L'Homme de paille ;
en trois Actes en Vers , 1663 .
Le Feftin de Pierre , ou L'Athée fondroyé
Tragi- Comédie , 1665.
Le Médecin dérobé , Comédie.
ne ,
MARIE DU MONT OZILLON ; veuve de
Dorimont , & de Pierre Ozillon , Portier
fameux , par fa réfiftance & fes combats , & c.
Elle entra dans la Troupe de la rue Mazarilors
de son Etabliffement en 1673. mé
diocre Actrice , mais fort confiderée de la
Troupe par raport à fon mari . Elle avoit
quitté la Comédie lors de la jonction des
Troupes , & il lui fut accordé 1000. livres
de penfion annuelle lors du Reglement fait
le 12. Avril 1679.
A. J. DE MONTFLEURY , Poëte Comique,'
fils du Comédien du même nom, On comp
te parmi les Piéces de Théatre , La Dame
Médecin , jouée à Guenegaud en 1678 .
L'Impromptu.
Les trois petites Piéces de la Didon lardée:
Voyez le Mercure de Janvier 1725. & celuj
d'Octobre 1726.
HY
$50 MERCURE DE FRANCE
Qu
HYPERMNESTRE.
CANTATE.
Uelle fureur barbare arme les Danaïdes ?
Quelle vengeance ! ô Ciel ! quel funefte courroux
Alecton les anime , & leurs mains homicides
Aux cruautés d'un Pere immolent leurs Epoux,
Fils d'Egiptus ! triftes victimes !
Le fer vous ouvre le tombeau.
Hymen faut-il que tant de crimes
Soient éclairés de ton flambeau !
Sufpends les coups que tu prépares
A tous ces Epoux malheureux.
Quoi ! parmi tant de coeurs barbares 1
N'en est- il pas un génereux ?
Fils d'Egiptus ! triftes victimes !
Le fer vous ouvre le tombeau.
Hymen ! faut- il que tant de crimes
Soient éclairés de ton flambeau !
Tandis que de fes foecurs la troupe criminelle
Execute ces noirs projets ;
Hypermneftre , elle feule à fon Pere rebelle ,
Ne fouille point fes mains du plus grand des forfaits.
Ec
MAY. 1740.
858
Et par ces mots , que dicte une tendreffe extrême ,
Elle fauve l'objet qu'elle aime.
Toi , que mon Pere furieux
Veut que je prive de la vie ,
Fui , cher Epoux , quitte ces Lieux :
C'est mon amour qui t'y convie ;
Profite d'un temps précieux.
Puiffe la nuit , puiffent les Dieux
Te fauver de la barbarie
D'un attentat trop odieux !
Et de ton Epouſe chérie
Reçois les plus tendres adieux,
Toi , que mon Pere furieux
Veut que je prive de la vie ,
Fui, cher Epoux , quitte ces Lieux
C'est mon amour qui t'y convie ;
Profite d'un temps précieux .
Elle dit , & l'Epoux frémit du coup terrible
Qui devoit le priver de la clarté du jour.
Seul , parmi tant d'horreurs , il trouve un coeur sett
fible ;
Il doit fon falut à l'amour.
Hypermnestre à fes yeux eft encor plus aimable,
Quel defefpoir cruel de quitter tant d'apas ↓
Ma
52 MERCURE DE FRANCE
Mais il céde au fort qui l'accable ,
Et la fuite bientôt le dérobe au trépas.
Amour , fignale ta puiſſance ,
Allume les plus tendres feux ;
Fais que dans les coeurs amoureux
Tes traits étouffent la vengeance.
Dans la douce perseverance
On goûte des plaiſirs heureux ;
Et c'est toujours pour la conftance
Qu'un Amant doit former des voeux,
Amour , fignale ta puiffance ,
Allume les plus tendres feux ;
Fais que dans les coeurs amoureux ;
Tes traits étouffent la vengeance.
Par M. B ** d'Aixi
SUITE
MAY.
1740. 853
***************
SUITE du Mémoire Hiftorique sur la Foire
S. Germain , adressé à Mad. M.
par M. D. L. R.
M.....
E vous dois , Madame , les principaux
J'éclairciffemens que vous allez trouver
dans cette seconde Partie de mon Mémoire,
laquelle regarde l'Aliénation du Fonds & des
Revenus de la Foire S. Germain : mais en
faisant cette déclaration , je suis fâché de
vous renouveller un fouvenir également
triste & précieux ; il ne le fera pas moins
pour moi , qui ai été honoré pendant un
temps confiderable , de l'amitié de feu M.
votre digne Epoux , amitié soûtenuë par un
des plus doux commerces de Litterature .
Comme il étoit fçavant & curieux en tout
genre , il recueilloit tout ce qui lui paroissoit
digne d'attention , ensorte qu'on trouvoit
souvent dans fon Cabinet bien des choses
également utiles & curieuses , qu'on auroit
vainement cherchées dans les plus grandes
& les plus fameuses Bibliothèques .
,
C'eft , Madame , à cet efprit d'attention
pour les bonnes chofes , que je dois la premiere
connoissance que j'ai euë d'un grand
Factum , imprimé & composé exprès pour
l'Abbé & les Religieux de S. Germain des
B Prés
85.4 MERCURE DE FRANCE
Prés , lorſqu'après plufieurs années écoulées ,
& beaucoup de Procedures en differens Tribunaux
, l'Affaire de l'Alienation de la Foire
fut portée au Confeil du Roy , où elle a été
enfin définitivement décidée de la maniere,
que je le dirai dans la fuite. Quoique je
n'euffe encore alors aucune vûë particuliere
je lus ce Factum avec plaifir ; je le trouvai
folidement écrit , & fort inftructif. Mr M.
m'a fouvent invité d'en faire quelque ufage
pour le Public , qui ignore bien des chofes
fur ce fujet , mais chargé d'autres Affaires
Litteraires plus preffées , je lui remis fon
Factum , comme une de ces Piéces rares qui
ne fe trouvent plus , & dont il faifoit un
cas particulier. Peu de temps après , Dieu
difpofa de l'illuftre ami que nous regrettons,
& j'aurois été tout- à- fait privé des lumieres
particulieres , qui me venoient fouvent de
fon Cabinet , fi vous n'aviez pas eû , Madame
, la bonté de vous intereffer un peu pour
mes travaux Litteraires , en faifant chercher
parmi fes Papiers , par une Perfonne éclairée
& de confiance , ceux dont je pouvois avoir
befoin. C'eſt ainfi que vous en avez usé à
l'égard du Factum , dont je viens de parler ,
lequel j'avois perdu de vûë , & qu'il vous a
plû de m'envoyer, auffi - tôt que j'ai eû l'honneur
de vous le demander .
Je crois que je ne puis rien faire de mieux
que
1
MAY. 1740:
855
que d'en inferer ici un Extrait , lequel
en épargnant une affés longue lecture , ne
laiffera rien ignorer fur le fujet en queſtion .
En voici d'abord le titre.
FACTUM pour M. le Cardinal de Furſtemberg
, Abbé de S. Germain des Prés , Demandeur.
CONTRE les foi difant Proprietaires des
Grandes Halles , Loges couvertes ,
de la Foire S. Germain , Défendeurs.
Preau
Le Cardinal de Furftemberg , après une
mûre déliberation , voulut rentrer dans fes
Droits en l'année 1690. & commença une
Procedure contre les Marchands Détenteurs,
fe difant Proprietaires des mêmes Droits ;
mais ceux- ci s'étant oposés , il y eût Procès
, intenté d'abord au Parlement , enfuite
au Grand Confeil , & enfin évoqué au Confeil
Privé du Roy , au Raport de M. Dorneton
, Maître des Requêtes. Il y a lieu de
croire que l'Exemplaire du Factum dont il
s'agit ici , & que j'ai entre les mains , eſt le
même , qui a fervi au Raporteur pour fon
inftruction particuliere ; car la plupart des
marges font remplies de Remarques , de
Notes & d'Obfervations à charge & à décharge
, comme il convient de faire à un
Juge éclairé.
Quoiqu'il en foit , le Factum commence
par établir deux principaux Chefs de contes-
Bij tation
856 MERCURE DE FRANCE
tation à juger , l'un concernant le Preau ;
l'autre concernant les Loges & Halles couvertes
de la Foire . Le Cardinal Abbé prétend
que le Preau lui apartient , & qu'il a
droit de rentrer dans la proprieté des Loges
& des Halles couvertes.
On entre enfuite fommairement dans le
Fait ; & pour abreger , fans doute , on fe
contente de faire remonter le droit de Foire,
dont l'Abbaye S. Germain eft en poffeffion ,
aux Lettres Patentes du Roy Louis XI . données
en l'année 1482. mais , comme je l'ai
prouvé ailleurs ce Droit est beaucoup
plus ancien. Cependant en vertu de ce derhier
titre , les Abbé & Religieux de S. Germain
établirent la Foire dans le grand Emplacement
où elle eft aujourd'hui , qui leur
apartenoit dès lors , & ils y firent conſtruire
de grandes Loges & des Halles pour les
Marchands.
,
Les Receveurs de l'Abbaye loüoient en
particulier chaque Loge : ce Droit de Location
étoit annuel & inceffible , un Marchand
ne pouvant ceder que du confentement du
Receveur , &c. Même chofe s'obſervoit à
l'égard du Preau , alors divisé en plufieurs
Rues , & chaque Ruë partagée en plufieurs
Loges , où les Marchands étaloient à décou
Vert.
Toutes les Réparations se faisoient
aux dépens de l'Abbé ; & c'eſt ainſi que
Les
MAY.
857 1740 .
les chofes fe font paffées jufqu'en l'annéo
1614.
Alors , dit l'Auteur du Factum , l'Abbaye
étoit poffedée en Confidence par Madame la
Princeffe de Conty , qui y demeuroit & en
joüiffoit fous le nom du Sr Buiffon. Non contente
des fruits , la Princeffe fongea à en
vendre les fonds , & choifit ceux dont elle
crût tirer plus aisément de l'argent comptant.
Elle avoit obtenu dès 1609. de premieres
Lettres Patentes fous le même nom de
Buiffon , pour faire conftruire des Maifons
dans l'Emplacement de la Foire, & elle avoit
fait nommer des Commillaires .
Opofition de la part des Marchands , lefquels
furent deboutés par Sentences en 1610 .
& l'Abbaye maintenue dans le Droit & la
Poffeffion de toute la Foire . Les Marchands
fe pourvûrent au Confeil du Roy ; mais pendant
l'Inftance , la Princeffe obtint en 1611.
de fecondes Lettres Patentes fous le même
nom , pour aliener les Loges de la Halle &
le Preau de la Foire à cens & rentes & prix
d'argent , au plus offrant & dernier Encheriffeur
, à la charge d'employer les deniers au
profit de l'Abbaye. Les Marchands continuerent
cependant leur empêchement dans l'Instance
pendante au Confeil.
Le Défenfeur du Cardinal de Furſtèmberg
obferve ici , que les Droits de l'Abbaye
B iij
étoient
858 MERCURE DE FRANCE
étoient alors mal défendus ; que la Princeffe
de Conty d'un côté , les Marchands de l'autre
, plaidoient entre eux à qui s'en approprieroit
les fonds , & ajoûte qu'enfin ils s'accorderent
par un Partage , fuivant lequel la
Princeffe eût dix mille Ecus d'argent comptant
, & les Marchands le fonds entier. On
pouvoit ajoûter que cela fe paffoit dans le
temps de la Minorité du Roy Louis XIII . &
que la Reine Régente étoit favorable à la
Princeffe de Conty. Telle fut la Convention
faite en execution d'un Compromis du 11.
Janvier 1614. & en conformité , les Parties
pafferent le 16. Decembre fuivant un Arrêt ,
qui eft le titre de l'Aliénation .
En l'année 1621. Louis XIII. devenu Majeur
, ôta l'Abbaye à Madame la Princeffe de
Conty , & la donna à M. de Verneüil ; mais
à caufe de fon bas âge , M. de Lamoignon
fut chargé par ordre du Roy , de l'administration
des Revenus. Ce Magiftrat reclama
auffi -tôt contre cette Alienation .
En ce même temps , le Roy donna plufieurs
Déclarations , par lesquelles, attendu les
diffipations faites par les Confidentiaires & c.
il permit aux Gens d'Eglife de rentrer dans
les Biens alienés , à quelque titre que ce fût,
même par Arrêt. Autre Déclaration en 1641 .
qui leur donne la même faculté , & auffi - tôt
les Religieux de S. Germain firent fignifier
qu'ils
MAY. 1740% 859
qu'ils entendoient rentrer dans la proprieté
de la Foire.
Derniere Déclaration fur le même fujet ,
& auffi favorable aux Gens d'Eglife , donnée
en l'année 1646. Alors M. de Verneuil, Abbé
de S. Germain , forma fa demande contre
l'Alienation , laquelle fut portée en la Grand-
Chambre du Parlement , où il avoit une
Evocation générale , formant incidemment
opofition à l'execution de l'Arrêt de 1614 .
& il interjetta apel des Ordonnances des
Commiffaires , rendues en confequence de
cet Arrêt.
Après plufieurs années de chicane , les
Détenteurs fe pourvûrent au Confeil. M.
F'Abbé y réitera fa demande en caſſation contre
l'Arrêt de 1614. & c . Le Confeil retint le
fond de l'Affaire , & il fut rendu quelques
Arrêts en 1654. & 1657. en execution defquels
lefquels les Parties continuerent leurs
Procedures refpectives , qui ne finirent cependant
rien. Les Incidens fe multiplient ;
on plaide de nouveau au Parlement , puis au
Grand Confeil , Conflit de Jurifdiction ,
Inftance en Reglement de Juges ; enfin Arrêt
du Confeil d'Etat , du 11. Avril 1692. lequel
faifit, de nouveau toutes les conteftations au
fond.
Tel étoit l'état de ce grand Procès pendant
au Confeil du Roy , à peu près dans le temps
Biiij que
360 MERCURE DE FRANCE
que le Factum , que je vais continuer d'abreger
, a été composé.
L'Auteur pourfuit la défense du Cardinal
'Abbé , en foûtenant que l'Abbaye avoit dreis
de proprieté, & étoit en poffeffion de la Foire ,
avant l'Arrêt de 1614. ce qu'il prouve amplement
par Titres & Actes poffeffoires ;
bien détaillés par ordre de dates &c.
و د
Il met enfuite dans tout fon jour les Vices
de l'Alienation de 1614. Ce détail eſt encore
fort long , je ne ferai qu'effleurer ce qui paroît
de plus fort. » Léfion exorbitante , dit
»le Défenfeur , on donne un Fonds de deux
» cent mille Ecus , qui raportoit dès lors
plus de trente mille livres de rente aux
» Portes de l'Abbaye , pour dix mille Ecus
d'argent comptant , & une rente modique ;
c'étoit donner le fonds pour une année de
joüiffance . A quoi il faut ajoûter que tout
» cela s'eft fait, après avoir joui en Confiden-
» ce des Revenus de l'Abbaye depuis la mort
» du Cardinal de Bourbon , arrivée en 1594.
jufqu'en l'année 1621 .
و د
»
و د
Après cette longue difcuffion , on expofe
les Moyens de caffation contre l'Arrêt du
mois de Decembre 1614. Titre de l'Alienation.
Ils font au nombre de quatre principaux
, & paroiffent folidement établis .
Cependant on ne diffimule point les Fins
de non- recevoir proposées par les Marchands
Déten
MAY. 861 1740.
Détenteurs ; mais on les difcute en même
temps , & on en fait par ordre une longue
réfutation.
L'Auteur prouve ensuite la juftice & la
folidité de la Procedure qui a été faite du
Retrait de la Foire , en vertu de la Déclaration
du Roy, de 1646. commencée par M.
de Verneuil en 1647. continuée par M. Pelisson
, Oeconome , & reprife par le Cardinal
de Furftemberg , fur laquelle il s'agiffoit de
prononcer.
Sur la fin du Factum , on traite fous un Titre
particulier du Preau de la Foire ; & on
prouve que la feule qualité de Seigneur en
rend l'Abbé de S. Germain Proprietaire.
Ce qu'on apelloit alors les petites Halles ,
vient enfuite. C'eft , dit l'Auteur , un Corps
de Bâtiment détaché des grandes Halles , qui
n'a jamais été aliené , & dont l'Abbé a toujours
été en poffeffion : mais ceux qui s'en
prétendoient Proprietaires , en ont rendu la
joüiffance inutile en bouchant les paffages ,
ayant fait un mur d'un côté , & de l'autre
s'étant emparé des clefs de la Porte Guisarde
, qu'ils tiennent fermée toute l'année ;
toujours fous prétexte de la fauffe qualité de
Proprietaires du Preau.
Le Factum eft terminé par une Peroraiſon
pathetique , & capable d'émouvoir en faveur
des interêts temporels de l'Eglife , & de la
B v caufe
862 MERCURE DE FRANCE
cause particuliere dont il s'agiffoit dans cette
Picce.
,
Le Public fût affés long - temps dans l'impatience
d'aprendre la décifion de cette grande
Affaire , pour laquelle on peut dire que
rien ne manqua, longues Inftructions , fortes
Sollicitations de la part des Parties , lumieres
& bonnes intentions de la part des Juges.
J'aurois fouhaité Madame , trouver cette
déciſion écrite à la fuite du Factum qui m'a
inftruit , comme cela fe pratique quelquefois
mais j'ai été obligé de revenir à notre
Hiftorien de l'Abbaye , lequel , après avoir
beaucoup abregé toute cette matiere , qu'il a
traitée d'ailleurs avec une modération qui
lui fait honneur , dans fon IV. Liv . p. 174.-
nous aprend en ces termes le Jugement contradictoire
& définitif de ce long Procès.
رو
ود
Enfin , le Confeil d'Etat Privé du Roy
» ne jugeant pas à propos que l'Abbaye ren-
» trât en poffeffion de la Foire entiere , parce
que plufieurs Familles en tiroient leur
» fubfiftance , il ordonna en 1698. que le
» Preau de la Foire feroit réuni au Domaine
de l'Abbaye , & que les Marchands ou au-
» tres qui jouiffoient des Halles , feroient
» maintenus dans leur poffeffion , moyen-
» nant la fomme de trente mille livres ,
» qu'ils payeroient une feconde fois au Car-
» dinal de Furſtemberg , au profit de l'Abbaye
,
MAY. 1740 863 .
baye , parce qu'ils n'avoient pas fait don-
» ner d'emploi de la premiere fomme , payće
» à Madame la Princeffe de Conty.
Les Perfonnes les plus versées dans les
'Affaires , & les plus éclairées fur ces matieres
, trouverent qu'on ne pouvoit pas mieux
juger en cette rencontre . Les Juges , difoiton
, ont dû être embaraffés ; car fi d'un côté
l'Abbaye perd beaucoup par cette déciſion ,
un nombre confiderable de Familles qui ne
fubfiftent aujourd'hui que par le Revenu des
Loges de la Foire , feroient d'un autre côté
réduites à la mendicité. Plus d'un fiécle entier
, qui s'est écoulé depuis l'Alienation , a
multiplié ces Familles , parmi lefquelles il
s'eft fait des Partages , des Donations , des
Ventes , &c. enforte qu'un Jugement contraire
auroit mis partout le trouble & la defolation
, & c'eft en ce cas qu'on auroit
dire véritablement : Summum jus fumma injuria.
Il me refte , Madame , à vous exposer ,
pour achever notre Hiftoire , tout ce qui
concerne la célebrité , le concours & la Police
de la Foire S. Germain , fans oublier fes
difgraces & fa décadence en de certains
temps ; fans oublier , dis - je , l'ufage qui a été
fait depuis du Preau de la même Foire , pour
le bien Public , & pour dédommager l'Abbé
de S. Germain de l'Alienation des autres
fonds,
B vj
fonds , & enfin l'état préfent des chofes à cet
égard , & c'eft ce qui compofera la derniere
Partie de ce Mémoire.
La suite pour un autre Mercure.
*******************
.L'AMOUR
ET LA ROSE.
FABLE.
A Mlle R....
N jeune Amour , échapé de fa Mere
Et fuivi des Ris & des Jeux ,
Dans un Jardin délicieux
Voltigeoit d'une aîle légere .
;
Il rencontre une Rofe , elle charme fes yeux ,
Il veut fur l'heure en faire la conquête ,
Avec empreffement il y porte la main ;
Mais une Epine en le piquant l'arrête ;
Pour l'Amour , vain obftacle , il y revient foudain ,
Et foudain encor il ſe bleffe ;
Des Jeux,des Ris la troupe autour de lui s'empreffe,
Avec ardeur cherche à le foulager ;
Et même , s'il vouloit en croire leur tendreffe ,
De ces Lieux dangereux il doit fe dégager .
Le Dieu par un fouris fait figne qu'on le laiffe ;
Il redoute peu le danger ;
MAY. 865
1740
Il a recours enfin aux petits tours d'adreſſe ,
Dont fçavent les Amours ufer fi finement.
Quand on obtient l'objet de fa tendreffe ,
En effet qu'importe comment ?
De fon Carquois doré le Dieu tire une fleche ,
Et fans aucun ménagement ,
Belle Rofe , fur vous le trait vengeur fait bréche ;
Votre fierté fe trouve à fon dernier moment.
Quoi ? pourriez- vous encor uſer de réſiſtance ?
Tôt ou tard à l'Amour il faut la récompenſe .
Enfin le Dieu vainqueur touche à l'heureux inftant.
C'en eft fait , vous cédez , d'un amour fi conftant
Vous avez comblé l'efperance .
Amans , joignez l'adreſſe à la perfeverance .
ENVO I.
Charmante Iris , vous connoiflez mon coeur
Combien de fois fur les bords de l'Aronde ,
Vous a-t-il en fecret confié fon ardeur ?
Mais
;
, je ne puis le taire , eft - il Amant au monde
Accablé de plus de rigueur ?
Devenez enfin plus traitable ;
N'allez plus de la Rofe imiter la façon ,
Ou bien du Dieu , dont vous parle ma Fable,
Je me propofe , Iris , de fuivre la leçon .
Ch..... D.....
LET
866 MERCURE DE FRANCE
****************
LETTRE écrite au R. P. DomFacques
Duval
, de l'Abbaye de Saint Germain
des Prés , par M. Lebeuf , Chanoine
d'Auxerre , au sujet de l'antiquité prétenduë
de la Ville de Nevers.
J
E ne crois pas, Mon Réverend Pere , qu'il
foit befoin de vous exciter à foûtenir votre
fentiment , touchant une Signature que
Pon attribue à un Evêque de Nevers , & qui
ne peut pas lui convenir. J'entends parler
de la Soufcription d'un Prélat nommé Evodius
ou Evotius au Concile d'Arles , de l'an
314. Un Anonyme de Nevers vient de faire
paroître dans le Mercure de France une
Lettre , par laquelle je ne croirai jamais qu'il
ait démontré ce qu'il prétend prouver. Sans
doute vous avez déja amplement réfuté la
premiere partie de cette Lettre. Permettez
que je faffe quelques remarques sur la seconde
, sans prévenir les vôtres , & que comme
membre de la premiere Eglise fuffragante de
la Province de Sens , je marque la part que
je prends à cette querelle.
On convient parmi les Critiques , que la
Notice des Gaules a été rédigée vers le
temps de l'Empereur Honorius. Čette Notice
, dans sa plus grande pureté , & telle
que
MAY. 867 1740.
que l'ont publiée les Sirmonds ,les Duchênes,
les Labbes , les Valois , & de nos jours , les
RR. PP. Bouquet & Dantine , vos illustres
Confreres , au premier Tome de leur incomparable
Edition des Hiftoriens de France ;
cette Notice , dis - je , ne met qué sept Cités
dans la Province Senonoise , en y comprenant
même la Métropole . Les voici :
Provincia Lugdun. Senonia, Civitates numero
septem .
Metropolis Civitas , Senonum.
Civitas Carnotum.
Civitas Autifiodorum .
Civitas Tricaffium.
Civitas Aurelianorum.
Civitas Parifiorum.
Civitas Meldorum.
Où étoit donc alors Nevers ? Peut- on dire
qu'il existât , malgré le filence d'une Piéce
si autentique ? Oui , il y avoit un Lieu dit
Nebirnum , ou Nevernum , mais ce n'étoit
pas une Cité ; ce n'étoit pas même un de ces
Lieux apellés Caftrum dans la Notice des
Gaules , dont je viens de parler. L'Itineraire
d'Antonin fait mention de Nevernum , comme
étant sur une grande route entre Decétia
& Condate. Mais de même qu'on ne peut
pas dire que Dezize , ni Cône ayent été des
Cités dans le temps de la redaction de cet
Ouvrage , non plus qu'une infinité d'autres
Licux
368 MERCURE DE FRANCE
Lieux , marqués dans cet Itineraire , on ne
peut pas l'assûrer davantage de Nevers. Quelqu'un
soupçonnera , peut - être , que le Copiste
de cette primitive Notice des Gaules a
omis une ligne , qui auroit dû porter ces
mots : Civitas Nivernenfium. Mais ce soupçon
, s'il étoit bien fondé , rejailliroit aussi
sur l'énumeration qui est en tête , Jaquelle
met , Civitates septem , & non pas
octo. Ce n'est que dans des Copies d'une
Ecriture plus récente , & remplies d'inexactitudes
& d'additions manifestes , que l'on
trouve la Cité de Nevers nommée avec les
autres Cités marquées ci - dessus. Les Ecrivains
& les Copistes , bien posterieurs à l'établissement
d'un Evêché à Nevers , inferoient
de cet établissement , qu'ils voyoient
être déja ancien de leur temps , que c'étoit
une faute d'omission dans les anciennes Copics
, de n'avoir pas inseré Nevers dans
le rang des Cités . Mais ces Ecrivains &
ces Copistes donnoient dans l'illufion .
Ils pouvoient bien agir de bonne foi ,
en représentant Nevers comme l'une des
Cités de leur temps ; mais il ne s'ensuit
pas de-là qu'ils fussent bien fondés à soupçonner
une faute dans les Copies primitives.
Ceux qui chercheroient la Cité de Nevers
sous la premiere Lyonnoise , comme étant
voiMAY.
17407 869
Voisine de la Cité d'Autun , ne seroient pas
plus heureux. Sous Honorius on ne connoissoit
dans cette Province que trois Cités ,
Civitates numero tres , qui sont ,
Metropolis Civitas Lugdunenfium .
Civitas Aduorum.
Civitas Lingonum .
La Notice originale y joint
Caftrum Cabilonense.
Caftrum Matisconense.
On doit tenir pour bien certain , qué
comme il n'y avoit alors dans cette Province'
que ces cinq Lieux qui fussent murés , ou
qui pûssent passer pour considerables , il n'y
avoit aussi dans la Province Senonoise que
les sept Lieux ci- dessus nommés : sçavoir
Sens , Chartres , Auxerre , Troyes , Orleans,
Paris , & Meaux. Comme donc on n'établissoit
point d'Evêché dans les Lieux qui
n'étoient pas considerables , si j'ai- suffisamment
prouvé que sous l'Empire d'Honorius
Nevers n'étoit ni Cité , ni Caftrum , il en faut
conclure que sous ce même Empereur il n'y
avoit point de Siege Episcopal en ce Lieu là,
& par consequent qu'Evotius du Concile
d'Arles , de l'an 314. n'a pas été Evêque de
cette Ville.
J'estimerai infiniment l'autorité de M.
Marion , Avocat célebre , nâtif de Nevers ,
quand il ne s'agira que de questions qui
concer$
70 MERCURE DE FRANCE
,
concernent la Jurisprudence ; mais non pas
en celles qui regarderont l'Hiftoire ancienne
ou la Géographie. Je viens de lire som
Plaidoyer pour le Duc de Nevers au troisiéme
Tome de l'Histoire Généalogique des
Pairs de France , page 690. Il y dit que
César
appelle Nevers Nomodinum ad Ligerim.Il
fait assister un Taurifianus Epifcopus Civitatis
-Nivernenfis à un Concile d'Apamée , ou de
Pamiers , In Concilio Apamienfi , dit- il. Il
fait dire à Aimoin , que dans la Gaule Celtique
, les Villes principales & plus connues
étoient Lyon & Nevers : Ex his præcipuafunt
note aut plus cognita Lugdunum & Nimodunum
quam Niverniam vocant : quoique l'autorité
d'Aimoin ne dût pas me toucher beaucoup
en fait de Géographie , parce que je
l'ai souvent trouvé en faute sur ces matieres,
je dois cependant lui rendre ici justice , &
faire sentir qu'il n'a pas dit ce que M. Marion
Jui fait dire . Vous sçavez , M. R. P. qu'Aimoin
ne passe pas tout à coup de la Ville de
Lyon à celle de Nevers , mais qu'il nomme
seulement vingt deux Villes entre Lyon &
cette derniere . Il ne donne donc à Nivedunum
que le dernier rang, & il n'assûre pas que
ce Nivedunum foit Nevers , mais il se contente
de dire que quelques-uns le croyoient.
Pefez , je vous prie , la difference d'Aimoin,
cité ci-dessus par M. Marion de Nevers ,
d'avec
MAY. 1740. 871

d'avec Aimoin parlant lui-même : Ex his
precipua sunt , noftroque avo plus cognita ,
Lugdunum , Cabillonum , Hedua que eft Au
gustidunus , Senonis , Autiffiodorus , Meldis
Treces , Parifius , Carnotum , Genabum ubi
nunc Aurelianis , Rothomagus , Ebroas , Oxi-
Cenomannis , Lixovium , Nannetis ,
Venetus , Abrincatina , Andus
que eft Andegavis
, Turonis , Bituriges , Nivedunus quam
quidam Nivernis effe putant.
mus ,
N'admirez- vous pas , M. R. P. comment
on continue à mettre tout en oeuvre pour
donner à la Ville de Nevers une antiquité
qu'elle ne peut avoir ? Rien de plus mal imaginé,
que ce que Cotignon a dit sur Noxius,
qu'il croit avoir été le premier nom de Nevers.
Ces sortes d'idées portent avec ellesmêmes
leur réfutation. C'est une chose en
effet curieuse , que de voir une Ville Celtique
porter un nom Latin . Mais encore , où
Cotignon a-t- il pris Noxie dans l'Inscription
qu'il raporte ? Je fus informé il y a quelques
années par un Chanoine de Nevers , que
cette Inscription exiftoit encore ; je le priar
de me la figurer telle qu'elle étoit , ligne
pour ligne , & d'y marquer les grandes lettres
, ou lettres excedentes , & tout ce qui
paroissoit obscur : il me fit ce plaisir,& je l'ai
donné dans le II . Tome de monRecueil imprimé
en 1738. Or l'Inscription se trouve differente
871 MERCURE DE FRANCE
rente en bien des chefs , d'avec celle que
Cotignon a publiée . Elle est à Nevers en
cinq lignes , & Cotignon la donne en deux .
Cotignon y insere des ponctuations qui n'y
sont pas ; du nom du Dieu Andegamulus ,
Cotignon en fait trois mots ; son Noxie n'y
est aucunement. Donnez - vous la peine , M.
R. P. de confronter les deux Editions , après
quoi , vous direz hardiment , que cette Cité
Noxia est une vraie chimere .
Un Sçavant du Bourbonnois nous a promis
une Disssertation qui prouvera que c'est
dans cette Province , & non à Nevers ,
qu'étoit le Noviodunum duorum des Commentaires
de César. J'ai déja annoncé il y
a longtemps cette découverte ; & il ne tiendroit
pas à moi qu'elle ne fût mise en évidence
, si je pouvois disposer de mon temps
& me transporter dans ce Pays- là. Faites
ensorte , M. R. P. que la Lettre que j'ai
Phonneur de vous adresser , puisse être connuë
de ce Sçavant , afin qu'il se hâte de détromper
Mrs de Nevers , qui s'accoûtument
peu à peu à approprier à leur Ville ce qui
apartient visiblement à d'autres . Je crois ,
après tout , qu'il en faudra revenir au sentiment
de ceux qui pensent que cette Ville
n'a commencé à être réputée Cité , & à avoir
des Evêques , que lorsqu'on a détaché de la
Cité d'Autun , un certain territoire , pour le
,
donner
MAY. 1740: 873
donner à Nevers , & que cela s'est fait vers
le temps des conquêtes de Clovis.
,
M. de Frasnay , dont les Ecrits ont occasioné
votre Lettre & la mienne , fournit
lui- même de quoi confirmer le soupçon que
l'on a , que les Ecrivains de Nevers faute
d'Evêques , en ont emprunté des Villes qui
portoient un nom assés aprochant de celui
de leur Ville. Manquant de Légende , ils ont
crû pouvoir aussi en emprunter ce qui est
dit de S. Arige de Gap , & l'attribuer à leur
S. Aré , Aridius ; c'eſt dequoi M. de Frasnay
blâme Coquille & Cotignon.
J'étois tenté au reste ,de rendre publiques
des Observations fur les Effais de M. de Frasnay,
à mesure qu'il les a publiées dans le Mercure.
J'avois alors l'efprit plus rempli des Faits
qu'il raporte , que je ne l'ai à présent. Je
me souviens cependant qu'il dit dans une de
ses Lettres , que les principales Reliques de
S. Ithier , Evêque de Nevers , sont à Nogent
sur Vernusson , au Diocèse de Sens , à quelques
lieuës de Gien. C'est un Fait que je
puis lui contester , pour avoir été sur les
Lieux. S'il avoit dit qu'elles y ont été , il auroit
mieux rencontré. Il dit aussi que PE
glise d'Auxerre fut longtemps sans Evêque !
sous Charles Martel ; ce qui est très -faux ',
comme je le ferai voir dans l'Histoire que je
prépare de ces mêmes Evêques, Il ajoûte un
ре
871 MERCURE DE FRANCE
rente en bien des chefs , d'avec celle que
Cotignon a publiée. Elle est à Nevers en
cinq lignes , & Cotignon la donne en deux.
Cotignon y insere des ponctuations qui n'y
sont pas ; du nom du Dieu Andegamulus ,
Cotignon en fait trois mots ; son Noxie n'y
est aucunement. Donnez - vous la peine , M.
R. P. de confronter les deux Editions, après
quoi , vous direz hardiment , que cette Cité
Noxia est une vraie chimere.
Un Sçavant du Bourbonnois nous a promis
une Disssertation qui prouvera que c'est
dans cette Province , & non à Nevers ,
qu'étoit le Noviodunum duorum des Commentaires
de César. J'ai déja annoncé il y
a longtemps cette découverte ; & il ne tiendroit
pas qu'elle à moi qu'elle ne fût mise en évidence
, si je pouvois disposer de mon temps
& me transporter dans ce Pays - là. Faites
ensorte , M. R. P. que la Lettre que j'ai
l'honneur de vous adresser , puisse être connuë
de ce Sçavant , afin qu'il se hâte de détromper
Mrs de Nevers , qui s'accoûtument
peu à peu à approprier à leur Ville ce qui
apartient visiblement à d'autres. Je crois ,'
après tout , qu'il en faudra revenir au sentiment
de ceux qui pensent que cette Ville
n'a commencé à être réputée Cité , & à avoir
des Evêques , que lorsqu'on a détaché de la
Cité d'Autun , un certain territoire , pour le
و
donner
MAY . 1740! 873
donner à Nevers , & que cela s'est fait vers
le temps des conquêtes de Clovis.
,
M. de Frasnay , dont les Ecrits ont occasioné
votre Lettre & la mienne , fournit
lui- même de quoi confirmer le soupçon que
l'on a , que les Ecrivains de Nevers faute
d'Evêques , en ont emprunté des Villes qui
portoient un nom assés aprochant de celui
de leur Ville. Manquant de Légende, ils ont
crû pouvoir aussi en emprunter ce qui est
dit de S. Arige de Gap , & l'attribuer à leur
S. Aré , Aridius ; c'eſt dequoi M. de Frasnay
blâme Coquille & Cotignon .
J'étois tenté au reste , de rendre publiques
des Observations fur les Effais de M. de Frasnay,
à mesure qu'il les a publiées dans le Mercure.
J'avois alors l'efprit plus rempli des Faits
qu'il raporte , que je ne l'ai à présent . Je
me souviens cependant qu'il dit dans une de
ses Lettres , que les principales Reliques de
S. Ithier , Evêque de Nevers , sont à Nogent
sur Vernusson , au Diocèse de Sens , à quelques
lieuës de Gien. C'est un Fait que je
puis lui contester pour avoir été sur les
Lieux. S'il avoit dit qu'elles y ont été , il auroit
mieux rencontré. Il dit aussi que l'Eglise
d'Auxerre fut longtemps sans Evêque ,
sous Charles Martel ; ce qui est très - faux ,
comme je le ferai voir dans l'Histoire que je
prépare de ces mêmes Evêques, Il ajoûte un
,
ре
874 MERCURE DE FRANCE
peu après , que la Reine Pédauque , représentée
à la porte d'une des Eglises de Nevers
, est Berthe , femme du Roy Pepin. Il
seroit besoin de l'accorder là dessus avec
votre Confrere Dom Urbain Plancher ,. qui
vient d'assûrer dans son premier Tome de
'Histoire de Bourgogne , page 503. que ce
Pied d'oye est le caracteritif de la Reine Clotilde
, Epouse de Clovis . Dans un autre endroit
il place des Chanoines Réguliers de
l'Ordre de S. Augustin à S. Martin de Nevers
dès le IX . fiécle. Parlant d'une certaine
année de la fin du XI . siécle, il fait jeûner les
Chanoines de Nevers le jour de S. Cyr, leur
Patron , au lieu de dire la Vigile , comme Coquille
l'a dit avant lui ,page 62. Je pense pourtant
que ce n'est qu'une faute d'inadvertance.
J'aurois confeillé à M. de Frasnay , avant
que de publier fes Essais de témoigner qu'il
a jetté la vûë sur les Ouvrages de Dom Mabillon
, de Dom Luc Dachery , de Dom Martenne
, de M. Baluze , &c. Pourquoi , par
exemple , oublie- t - il au IX. siécle , Liudon ,
Evêque de Nevers ? Il n'avoit qu'a ouvrir la
Diplomatique de D. Mabillon, page 154. ou
le Spicilege , Tome 2. page 591. il y eût
lû à la fin d'un Acte de l'an 864. en faveur de
l'Abbaye de S. Germain d'Auxerre : Liudo
vocatus Epifcopus Sancta Nivernenfis Ecclefia.
Je suis &c
Ce 20. Mars 1740.
A
MAY. 1740 875
A M. Greffet , sur sa Tragédie
d'Edouard III.
Loin d'ici ces Auteurs timides ;
Qui craignent , par des homicides ,
D'irriter nos coeurs & nos yeux ;
Quand ta main fait périr un traître ,
C'eft faire , par un coup de Maître ,
Ce que chacun attend des Dieux.
Celui qui meurt dans la Coulisse ,
Dans l'Eſprit eft encor vivant ;
Quand fur la Scene il reçoit fon fuplice ,
Il eft vraiment puni , le Parterre eft content.
Qui, nos premiers Auteurs vont fuivre ton exemple
Tu touches, le Monde étonné
A fa furpriſe abandonné ,
S'aprête à t'élever un Temple.
Triomphe ; chacun aplaudit ,
Et l'admiration l'emporte :
Du coeur de nos François tu fçais ouvrir la porte ;
Paris dans Arondel admire ton Eſprit.
J'aime à trouver en lui cette ame peu commune
Qui fçait aimer fans interêts ,
Qui nous fuyant dans la fortune ,
N'attend que nos malheurs ,pour combler fes bienfaits.
L'Amour
76 MERCURE BE FRANCE
L'Amour ne connoît point d'extreme ;
Immoler un Ami , c'eſt nous perdre nous- même ,
Oui ; Volfax doit périr & c'eft peu du poiſon ;
Le Poignard dans fon fein venge fa trahifon.
A flechir Eugenie un Prince amant confpire
Il offre à fes faveurs la moitié de l'Empire.
Si le Trône éblouit , Vorceftre a des vertus .
Elevé par fon rang , plus grand par fes refus.
Il fçait parler en Pere , en Pere il fçait défendre
De livrer aux honneurs un coeur flexible & tendre,
Il voit avec plaifir qu'elle cede à fes Loix.
Pous fes Enfans un Pere eft au- deffus des Rois,
Ainfi fe confacrant au bien de la Patrie ,
Il eft prêt d'immoler & fa Fille & ſa vie.
Qu'un Miniftre prudent fe diftingue à ces traits !
Que tu poffedes l'art d'animer les Portraits !
Tes Juges éclairés font charmés d'y connoître
Que dans le même inftant l'Ecolier devient Maître ;
Mais pour tracer fi bien un Miniftre accompli
Pouvois-tu te méprendre , en copiant Fleury ?
N'attends pas que ma voix te flate
Malgré tous tes heureux talens ;
Un bon Pere aime fes Enfans >
Malheur à celui qui les gâte ....
D'Aire C...
>
De Paris ce 20. Avril,
LET
MAY. 877 1740.
LETTRE II. sur Amour & la connoissance
des Beaux Arts.
Ly a des Curieux d'oftentation , Mon-
I hour ,& ilyen a beaucoup qui , uniquement
pouffés par la fotte vanité de paroître
Connoiffeurs , & plus habiles qu'ils ne
font en effet , n'ont d'attention , quand il
s'agit du jugement d'un Tableau , ou autre
Ouvrage quelconque , qu'au ton & à la décifion
des Grands , des Gens en place , des
Artiſtes , & de ceux qui paffent pour bons
Connoiffeurs, & qui fouvent fe préviennent
ne jugeant pas toujours avec la même justeffe
& le même difcernement ; & foit par
contagion, ou par baffe complaifance,foit par
l'envie de paroître d'auffi bon goût que les
autres , & crainte auffi de fe donner quelque
ridicule , ils aplaudiffent à des chofes fans
mérite & infipides , contre le témoignage
réel de leurs lumieres , de leur goût & de
leurs vrais fentimens qu'ils étouffent. C'eſt
de cette maniere que divers Morceaux ont
une certaine réputation qu'ils ne méritent
nullement. Eh ! fi l'on vouloit étendre cette
morale plus loin , on trouveroit des Gens
qui pour paffer pour voluptueux & fins gourmets
en Mufique , en Poëfie , en Eloquence ,
en
878 MERCURE DE FRANCE
en bonne chere même , se mortifient , jufqu'à
l'ennui & au dégoût, pour paroître avoir
une fatisfaction complete , & fe mettre ainfi
par une fade complaifance , au niveau des
Gens du bel air. L'efprit fera toujours la dupe
du coeur.

Dans l'intention d'infpirer de l'amour &
du goût pour les Beaux Arts , il ne faut rien
négliger de ce qui peut donner quelque justeffe
à l'efprit ,pour en juger. Un des moyens
des plus sûrs pour acquerir cette juftelle
c'eft de fe rendre compte à foi- même des
impreffions que le coeur & l'efprit reçoivent
en voyant un Tableau attentivement , & en
examinant file Sujet repréfenté reffemble
dans toutes fes parties à ce que le Peintre a
voulu repréfenter. L'imitation eft parfaite
quand elle va jufqu'à tromper , & c'eſt le
fublime de l'art qui produit dans le Spectateur
ce plaifir, qu'on ne peut exprimer . Or tout
homme raifonnable qui veut acquerir quelque
goût & quelque jufteffe pour juger des
Beaux Arts , fera fenfible avec une médiocre
aplication , aux beautés de la Peinture , de la
Sculpture ; &c. & éprouvera des fenfations
agréables , qui certainement augmenteront
ies lumieres , fes connoiflances & fon amour
Four les chofes de goût. Je dis plus , il
aprendra à refléchir , à comparer , à combi-
Her , & même à penfer , fans compter bien
d'auMAY.
1746 879
d'autres chofes auffi utiles qu'agréables ,
comme l'Hiſtoire Ancienne & Moderne , &
diverfes Epoques de grands Evenemens, que
les Tableaux , les Tapifferies , les Statues ,
les Bas-Reliefs , les Médailles , & les Pierres
gravées nous repréſentent tous les jours.
A Pégard de l'expreffion des Perfonnages
qu'un Peintre introduit dans un Tableau , ou
le Sculpteur dans un Groupe , tout le monde
doit être en état d'en juger, car nous en voyons
tous les jours des modéles devant nos yeux
dans la vie civile , & le commerce du monde.
Ceux qui fréquentent le Théatre , peu- .
vent acquerir bien plus sûrement des lumiéres
à cet égard , en mettant à profit les diverfes
émotions que leur caufent les fentimens
bien exprimés des diverfes paffions
des Acteurs , comme de plaifir , de douleur,
de colere, de crainte ,d'esperance, de terreur,
de pitié , de desespoir, d'amour & de haine ,
ainfi que la jalousie , l'hypocrisie , l'audace
le découragement , l'affliction , &c. Les animaux
ont aussi leurs passions , mais sans
doute , en plus petit nombre , qu'on peut
exprimer avec justesse , en imitant le vrai
sans rien outrer par des grimaces , des attitudes
& des airs de tête équivoques , qui disent
trop , ou ne disent rien , &c.
>
,
Bien des Gens entrent dans un Apartement,
dans une Galerie , &c. y sont assés longtemps,
Cij
880 MERCURE DE FRANCE
temps , sans voir le quart de ce qu'il y a a
voir , & sans s'arrêter à ce qu'il y a de plus
remarquable , parlent beaucoup cependant ,
& ne difent rien de sensé , précipitant leur
jugement sur tout , loüant ou blâmant sans
refléxion sans aucune intelligence , & sans
se donner le temps de refléchir sur les impression
qu'on a reçûës , pour parler en
conséquence ; & tout cela se fait ou d'un air
gauche , embarrassé , ou en fanfaron .
,
Un Curieux intelligent qui entre dans un
Cabinet , jette un coup d'oeil général , &
voit des yeux de l'ame plus encore que
des
yeux du corps , la disposition , l'arrangement
, la symétrie , & l'effet du tout ensemble.
Il jouit des diverses manieres & des
differens talens , souvent contrastés , & même
diametralement oposés , des plus grands
Maîtres , pour arriver au même but , qui est
l'imitation. Rien n'échape à l'homme intelligent.
Les Glaces , les Lustres , les Girandoles
, leurs formes , ainsi
Tables Marbres précieux
, Cabinets , Coffres & Boëtes de Laque
du Japon , Bronzes & Figures de Marbre
, Porcelaines de prix , Pendules & autres
Ouvrages de Marqueterie ; Tapisseries , Lits
& Meubles de goût.
que
e des differentes leurs qualités ,
:
On entre dans le détail d'un Cabinet , en
le parcourant , commençant par la porte
MAY. 1746 881
& en faisant le tour , donnant à chaque
Morceau l'attention convenable , pour tâcher
d'en conserver quelques traces dans
l'esprit , & l'idée sera complette , si l'impres▾
sion est agréable.
Si vous croyez , M. que ces reflexions
soient bonnes à quelque chose , je les continuërai
; mais je ne vous promets pas d'y
mettre plus d'ordre , ni d'y employer plus
de temps , ma chere paresse y perdroit trop.
Je serois bien flaté , je vous l'avouë , si homme
de Lettres comme vous êtes & d'un
goût aussi sûr que délicat , l'envie pouvoit
vous prendre de mettre un peu votre bonnet
de travers pour l'interêt des Beaux Arts , que
vous aimez bien autant que moi , & me
faire voir mon bec-jaune , sur ce que j'ai dit
dans cet Essai , sur ce que je n'ai point dit ,
ou que je n'ai pas assés bien dit , & sur ce
qu'on pourroit dire de mieux , pour exercer
l'esprit & le sentiment , pour former le goût,
& faire connoître & aimer les Arts . Mais , c'eft
une passion qui peut mener loin , dira quelque
Cinique , sans délicatesse & sans sentiment
; vraiment tous les excès sont trèscondamnables
, même dans la Piété , on en
doit convenir & les combattre : cependant
un fort honnête homme , un galant homme
même , qui n'a ni passion , ni foiblesse , &
qui n'a ni d'amour pi de penchant pour rieng
C jij
est
386 MERCURE DE FRANCE
temps , sans voir le quart de ce qu'il y a à
voir , & sans s'arrêter à ce qu'il y a de plus
remarquable , parlent beaucoup cependant ,
& ne difent rien de sensé , précipitant leur
jugement sur tout , loüant ou blâmant sans
refléxion sans aucune intelligence , & sans
se donner le temps de refléchir sur les impression
qu'on a reçûës , pour parler en
conséquence , & tout cela se fait ou d'un air
gauche , embarrassé , ou en fanfaron .
,
Un Curieux intelligent qui entre dans un
Cabinet , jette un coup d'oeil général , &
voit des yeux de l'ame plus encore que des
yeux du corps , la disposition , l'arrangement
, la symétrie , & l'effet du tout ensemble
. Il jouit des diverses manieres & des
differens talens , souvent contrastés , & même
diametralement oposés , des plus grands
Maîtres , pour arriver au même but , qui est
l'imitation. Rien n'échape à l'homme intelligent.
Les Glaces , les Lustres , les Girandoles
, leurs formes , leurs qualités , ainsi
que des differentes Tables de Marbres précieux
, Cabinets , Coffres & Boëtes de Laque
du Japon , Bronzes & Figures de Marbre
, Porcelaines de prix , Pendules & autres
Ouvrages de Marqueterie ; Tapisseries , Lits
& Meubles de goût.
On entre dans le détail d'un Cabinet , en
le parcourant , commençant par la porte
&
MAY. 1746 88
& en faisant le tour , donnant à chaque
Morceau l'attention convenable , pour tâcher
d'en conserver quelques traces dans
l'esprit , & l'idée sera complette , si l'impres
sion est agréable .
Si vous croyez , M. que ces reflexions
soient bonnes à quelque chose , je les continuërai
; mais je ne vous promets pas d'y
mettre plus d'ordre , ni d'y employer plus
de temps, ma chere paresse y perdroit trop.
Je serois bien flaté , je vous l'avouë , si homme
de Lettres comme vous êtes , & d'un
goût aussi sûr que délicat , l'envie pouvoit
vous prendre de mettre un peu votre bonnet
de travers pour l'interêt des Beaux Arts, que
vous aimez bien autant que moi , & me
faire voir mon bec- jaune , sur ce que j'ai dit
dans cet Essai , sur ce que je n'ai point dit ,
ou que je n'ai pas assés bien dit , & sur ce
qu'on pourroit dire de mieux , pour exercer
l'esprit & le sentiment , pour former le goût,
& faire connoître & aimer les Arts. Mais , c'elt
une passion qui peut mener loin , dira quelque
Cinique , sans délicatesse & sans sentiment
; vraiment tous les excès sont trèscondamnables
, même dans la Piété , on en
doit convenir & les combattre : cependant
un fort honnête homme , un galant homme
même , qui n'a ni passion , ni foiblesse , &
qui n'a ni d'amour pi de penchant pour rien
C iij
est
882 MERCURE DE FRANCE
est un pauvre homme. D'ailleurs si on y dépense
quelques sommes , il en reste toujours
quelque chose , qu'on peut regarder comme
un fonds ; au lieu que presque toutes les autres
passions sont en pure perte , & on n'en
peut pas jouir comme de celle - ci aussi longtemps
, en tout temps , en tout licu , sain ,
malade , jeune , vieux , &c.
Je suis , Monsieur , &c.
A Paris le 15. Avril 1740 .
L'HIVER REVENU.
A Beille , refte coy dans le fond de ta
L'Hyver tournoit le dos , mais c'étoit en
Qu'il fembloit nous vouloir dérober fon
Le traître veut encor faire encherir la
Ruche.
Sournois ,
Minois
Buche.
Tu grilles de fortir ; ah ! ne fois pas si
Cruche.
Le trifte Jardinier tapi dans fon Harnois,
N'a
pas
Et qu'y
pourrois
- tu donc
picoter
pour
ta
dans fon Enclos des fleurs pour un
Faut-il être , dis - tu , pareffeux comme un
Non , mais il ne faut pas aller auffi pour
Et malgré les avis , trop tôt quitter fon
Tournois.
Huche
Chien ?
Rien ,
Pofte.
Une
MAY. 1740. 883
Une Guêpe imprudente en a déja
Cet exemple te doit arrêter fans
Attens que les Zephirs viennent te dire"
crevé.
Ripofte i
Ave.
QUESTION IMPORTANTE ,
Jugée au Parlement de Paris , le 16.
Decembre 1739 ..
Si
I dans la Prévôté de Vaucouleur , sise en
la Coûtume générale de Chaumont , tous
les Fiefs sont de droit réputés Fiefs de Danger
, sans que cela soit établi par un Titre
particulier.
FAIT.
La Dame Marquise d'Alegré , comme
Tutrice de fes Enfans mineurs , & ses Enfans
majeurs , vendirent au Sr de l'Ecluse , le
Août 1732. les Terres de Maxey sur Voise ,
& d'Epicz , moyennant le prix & somme de
48000. liv.
4.
La Terre d'Epiez est située dans la Prévôté
de Vaucouleur , Coûtume de Chaumont ;
elle relève du Roy , à cause de son Châteaur
de Vaucouleur , dont le Sr Marquis Dessales
eft Engagiste.
L'Acquereur ne pouvant faire en personne
C iiij
la
884 MERGURE DE FRANCÉ
la foi & hommage pour la Terre d'Epiez , à
cause d'une maladie , présenta sa Requête au
Bureau des Finances de Champagne , pour y
être reçû par Procureur , comme s'agissant
d'un Fief de Danger qui ne devoit aucuns
profits , mais seulement la foy & hommage,
avec l'aveu & dénombrement.
Le Procureur du Roy confentit que la foi
& hommage fût faite par un Fondé de Procuration,
en payant par l'Acquereur pour les
profits de Fief au Seigneur Engagiste , 3700 .
liv. attendu ( portoit son Requisitoire ) que
si l'on pouvoit prouver par Titres la qualité
de Fief de Danger , il y auroit lieu à la Commise
, suivant l'Article 56. de la Coûtunre
de Chaumont , parce que l'Acquereur s'étoit
mis en possession avant la foi & hommage.
Le Receveur Général des Domaines de
Champagne consentit pareillement que la
foi & hommage fût faite par Procureur , sous
les mêmes conditions, & encore à la charge
de fournir aveu & dénombrement dans le
temps de la Coûtume.
Le Sr de l'Ecluse soûtint qu'on ne devoit
proceder à aucune liquidation , parce que
la Terre d'Epiez étant un Fief de Danger ,
il n'étoit dû aucun profit pour les mutations.
Le 25. Juillet 1735. le Procureur du Roy
fit
MAY. 1740 885
fit saisir feodalement la Terre d'Epiez , avec
assignation au Sr de l'Ecluse pour voir adjuger
au Roy les fruits & revenus du Fief, tant
que la saisie tiendroit .
Il intervint le 3. Août 1736. Sentence ,
qui ordonna la levée des fruits en pure perte
au profit du Roy , à
après la saisie feodale.
compter de 40. Jours
La Dame Marquise d'Alegré & ses Enfans
, qui avoient pris le fait & cause du St
de l'Ecluse , interjetterent apel tant de cette
Sentence , que de la Saisie feodale , sur lequel
ils firent intimer le Marquis Dessales ,
Seigneur Engagiste , & le Receveur du Do
maine.
Pour Moyens contre la Sentence & la
Saisie feodale , les Apellans disoient que la
Terre d'Epiez étoit un Fief de Danger.
On apelle Fiefs de Danger , ceux qui sont
sujets à tomber en commise , & ne doivent
que foi & hommage , suivant l'Observation
de Chassanée sur la Coûtume de Bourgogne ,
qui dit que les Coûtumes rigoureuses des
Fiefs de Danger , par la facilité de tomber en
commise récompensent les Acquereurs
& les Collateraux par l'exemption des pro
fits.
,
Pour établir que la Terre d'Epiez étoie
un Fief de Danger , les Apellans aportoient
deux sortes de preuves , sçavoir lo
Cy Titre:
886 MERCURE DE FRANCE
Titre public , & les Titres particuliers.
Pour Titre public , ils alleguoient l'Article
56. de la Coûtume de Chaumont qui porte ,
qu'au Bailliage de Chaumont il n'y a aucuns
Fiefs de Danger , sinon en la Prévôté de Vaucouleur
ou s'ily a Fiefs de Danger qui sont
de telle nature que le Vaffal ne se peut on doit
mettre auxdits Fiefs , sans en avoir fait les fai
& hommage .
autrement il commet son
,
Fief, fi tant étoit qu'il ne lui fut échû de
ou de mere.
pere
Gousset, sur cet Article , observe que tous
les Fiefs situés en la Prévôté de Vaucouleur ,
sont Fiefs de Danger , parce que les termes
du Statut étant indéfinis , ont la même force
& le même sens que si la proposition étoit
universelle ,affirmative . Il tire sa preuve de la
Loi Omnes populi , suivant laquelle , verba
indefinita equipollent universali.
On oposoit de la part des Intimés le sentiment
de M. Charles Dumolin, qui combat
cette opinion sur l'Article 56. de l'ancienne
Coûtume , num. 32.
La Dame d'Alegré répondoit que la Pratique
étoit l'Interprete le plus sûr des Coûtu .
mes ; que la Pratique étoit constante par des
Jugemens & par un Acte de notoriété qu'
elle raportoit qu'il y en avoit donc déja affés
dans le Droit , pour conclure que la Terre
d'Epiez étoit un Fief de Danger.
Dans
MA Y. 887 1740..
Dans le Fait la Question se trouvoit décidée
par des Titres particuliers.
1º. Par une Sentence de la Chambre du
Trésor de Châlons , rendue en 1633. par
laquelle le Procureur du Roy avoit conclu à
la commise de la Terre d'Epiez , comme
Fief de Danger.
2º. Par un Dénombrement rendu en la
même Chambre le 23. Juillet 1644. où ladite
Terre est reconnue Fief de Danger.
De la part des Intimés , on disoit au contraire
que la Coûtume de Chaumont ne porte
point , que dans la Prévôté de Vaucouleur ,
tous les Fiefs foient de droit Fiefs de Danger
, mais seulement qu'il y en a , ce qui
supose qu'ils doivent être établis par des Titres
particuliers : que tel est le sentiment de
M. Charles Dumolin , loco citato.
Que dans le Fait il intervint Sentence au
Bureau des Finances de Châlons , le 6. Avril
1725. qui liquida à 3500. livres les Droits
dûs pour la vente de la Terre d'Epiez , faite
au Marquis d'Alegré , mari de l'Apellante.
Que par un Dénombrement du 9. Avril
1725. la Terre d'Epiez n'est point dite Fief
de Danger , mais chargée des Droits & devoirs
, suivant la Coûtume de Chaumont,
Enfin on observoit que dans l'Extrait de la
Chambre des Comptes , portant déclaration
des Fiefs de Danger sis en la Prévôté de Vau-
Cvj couleur,
888 MERCURE DE FRANCE.
couleur , on ne trouvoit point celui d'Epiez ;;
d'où les Intimés concluoient que les Droits
de Vente en étoient dûs.
Par Arrêt du 16. Decembre 1739. la Sentence
du Bureau des Finances de Châlons fut
confirmée , avec amende & dépens ; ce qui
juge que dans la Prévôté de Vaucouleur il
n'y a de Fiefs de Danger , que ceux qui sont
justifiés tels par des Titres particuliers , &
que l'énonciation de la Coûtume n'est pas
un Titre suffisant , parce qu'il ne faut pas
conclure du particulier au général.
IO DEJO DE Ja
EPITRE A M. G***
Toi
Les Douceurs de l'Amitié.
Oi , dont l'aimable caractere
Sçait allier le fentiment
De l'Amitié la plus fincere
Aux Graces de ton enjoüement ;
Toi , qui loin du dehors sévere ,
Que plus d'un Hypocrite affecte à tout moment,,
Marchant toujours également
Dans un fentier caché qu'ignore le Vulgaire ,.
De la sagesse salutaire
Sçais recueillir le fruit charmant ;
Damon , sage Damon , de cet enchaînement
Qui.
Μ' ΑΥ. 889
1740.
Qui par des liens agréables
Rend nos deux coeurs inséparables ,
Je goûte avec tranfport le doux enchantement ;
Et dans l'aimable empressement
Dont notre union est suivie ,
Je lens qu'on peut trouver , en cela seulement ,
Un bien le plus digne d'envie ,
Un bien , dont la faveur jamais ne fe dément.
Que ne te dois- je point , Ami , dont la tendres:e
Sçait arrêter l'égarement
De ces troubles fougueux , où ma foible jeunesse
Se livre avec emportement ;
De ces defirs , dont vainement
Je croirois voir cesser l'yvresse
Si le flambeau de ta fagesse
N'éclairoit mon entendement ;.
De ces folles erreurs , que mon ame infenséc
Suivroit toujours aveuglément ,
Si ton amitié courroucée
N'en détruifoit le mouvement ?
Ainfi fur la Plaine liquide ,
A travers les horreurs des Ondes & des Vents ,
L'Etoile du Nord fert de guide
A ces Nautoniers imprudens ,
Dont on voit l'audace intrépide ,
Oser , par le secours d'un frêle Bâtiment ,
Braver l'inconstance perfide.
Du
890 MERCURE DE FRANCE
Du plus redoutable Element.
O tendre Amitié ma Minerve !
Loin du faste brillant qui séduit les Mortels ,
Je vais , aux pieds de tes Autels ,
Cueillir l'aimable fruit que ta faveur réſerve
Aux Sages, que tes Loix comblent des biens réels.
Tu feras la feule Déeffe
Dont j'adorerai les attraits ;
Mon coeur nourri de tes bienfaits ,
Va , dans l'excès de fa tendreffe ,
A tes douces faveurs fe livrer pour jamais.
Sans toi , de mon Printemps , j'eusse vû les années
Par mille noirs foucis fanées ,
Devenir un tissu de maux ;
J'euffe vû les chagrins fucceder à la peine ;
Et fans toi , la Parque inhumaine
Ne fileroit mes jours que fur de noirs fuſeaux .
J'abjure dans tes bras cette erreur volontaire ,
- Dont mon coeur trop longtemps adopta les écarts ,
Quand de la Reine de Cythere ,
Aveugle , je fuivois les brillans Etendarts .
Je quitte la troupe légere
Des Plaifirs inconstans , des volages Amours ;
La Beauté n'eſt que paffagere ,
L'Amitié peut durer toujours.
Loin des rebuts , loin des caprices ,
Des mépris & des injuſtices ,
Qu'une
MAY.
891 •
1740.
Qu'une Belle prodigue à fes adorateurs,
Dans le coeur d'un Ami fenfible
Je trouve ſeul d'un fort paifible
+ Les ineftimables douceurs .
Surpris du dédain de fes charmes ,
Que le fils de Venus éguise tous les traits ,
Qu'il offre à mes regards les féduifans attraits ,
De l'infidelle Iris qui fit couler mes larmes ;
Ce Dieu contre un repos que je goûte à jamais ,
Ne fera qu'émouffer les armes .
Voilà , Damon , les fentimens
Que me dicte une amitié tendre ;
Ils font finceres & conftans ,
Et tels que d'un Ami tu devois les attendre .
En lifant cette Epitre , où , par des traits divers
J'ai dépeint l'ardeur qui m'entraîne ›
Tu m'y reconnoîtras ; mon coeur est l'Hypocrêne
Où ma Mufe a puisé ces Vers.
Par M. B✶✶ d'Aix.
LET891
MERCURE DE FRANCE
(
htt
LETTRE de M. Cantwel , écrite de Paris
le 13. Avril 1740. à M. D. L. R. aanu sujet
du Remede contre la Pierre.
Voici ,Monfieur , le Journal exact &
circonstancié que je vous ai promis.
Je fus apellé le 2. Octobre 1739. pour voir
Mad. Rottier , Soeur de M. Rottier , Graveur
& Orfévre du Roy , demeurant au Carroufel
, vis-à- vis la Cour des Princes . Son poux
étoit foible , languiffant , & quelquefois intermittant
; fa refpiration très - gênée , la pa
role perdue , & le fentiment prefque éteint.
Elle avoit de fréquentes foibleffes , & quand
elle en revenoit , elle faisoit de grands efforts
pour vomir. Je lui ordonnai une Potion antihyfterique
, qui lui rendit la parole. Quelques
lavemens émolliens & purgatifs , suivis de
'Hypecacuana , la mirent en état de retourner
chés elle , car elle étoit alors en visite ;
elle dormit très- peu cette nuit- là .
Le lendemain matin elle eut de fréquentes
foibleffes, qui furent fuivies de tous les fymptômes
de fon premier accès. J'ordonnai les
mêmes Remedes que j'avois ordonnés la
veille , avec moins de fuccès. Sur le foir
elle eut un troifiéme accès plus violent que
les précédens. J'ordonnai de plus forts antibyfteriques,
MAY. 893 1740.
byfteriques , qui la jetterent dans des convul.
fions terribles , après lefquelles elle parut
fort- tranquille , & une heure & denrie après,
entierement rétablie.
Vers les onze heures du foir , elle eut un
retour de fes convulfions , & bien - tôt après,
tous les fymptômes de fon premier accès.
On crut qu'elle ne furvivroit pas à cette attaque
, parce que les Remedes , loin de la fou
lager , fembloient augmenter fon mal.
A une heure après minuit ( 4. Octobre ) je
la fis faigner du pied , & j'eus la fatisfaction
de voir diminuer le mal , dès le moment
que
la veine fut ouverte ; deforte que le poux
étoit tout- à-fait rétabli , & les accidens dif
fipés en moins d'un quart d'heure.
Le lendemain à 8. heures du matin , elle
eut un cinquiéme accès , pour lequel je la
fis encore faigner du pied , avec grand fuccès.
Le même jour à 2. heures après midi ,
je la fis faigner du pied pour la troifiéme fois,
ayant & les mêmes indications , & avec fuccès.
Sur le foir je lui fis prendre trois grains
de Tartre Emétique , qui produifirent un
effet furprenant ; la Malade dormit fort bien
la nuit.
Le 5. Octobre , elle prit deux onces de
'Manne dans un petit Bouillon , & eut quelques
défaillances ; mais elle en fut bientôt
remife.
Le
894 MERCURE DE FRANCE
Le 7. il lui montoit fouvent des chaleurs
au vifage ; on lui donna un lavement.
Le 8. elle eut un retour leger de fon accès.
Je la fis faigner du pied pour la quatrième
fois les accidens difparurent , la Malade
dormit , après quoi de fréquentes chaleurs
lui monterent au vifage , les Regles parurent
, & auffi - tôt elle jouit d'une fanté parfaite
jufqu'au 22. & 23. du même mois , que
la colique & le mal de tête la tourmenterent
alternativement.
Le 24. elle eut un feptiéme accès pareil aut
premier ; je la fis faigner du bras ; le lendemain
& le furlendemain , elle le fut du pied,
le bas -ventre étant tendu , & la veffie enflammée
, de maniere que l'urine ne pouvoit
paffer. Après ces deux faignées , je
la fis fonder , on apliqua des Cataplafmes
émolliens à l'hypogastre , & on fit diverfes
fomentations au bas - ventre .
Le 27. j'ordonnai le demi- bain ; la Malade
urina ce jour- là fans fonde , comme elle avoit
fait auparavant après chaque faignée ) & alla
facilement à la felle,
Deuxjours après,je changeai le demi - bain
en bain entier , qu'elle prit deux fois par
jour,jufqu'au 8.Novembre, & elle ne le ceffa,
que parce quelle fe crut entierement guerie .
Le 10. Novembre , elle commença à être
attaquée de la colique , fentit une douleur
fixe
MAY. 895 1740.
fixe dans le rein gauche , une douleur fourde
dans la veffie , avec de fréquentes envies
d'uriner , ce qu'elle ne faisoit que goute à
goute , ne pouvant ni fe baiffer , ni fe relever,
& fouffrant extraordinairement.
Ces fymptômes me confirmerent dans
T'opinion où j'étois depuis quelques jours ,
qu'elle avoit la Pierre ou la Gravelle , ce
qu'elle ne pouvoit pas croire , 1 ° . Parce qu'-
elle ne s'étoit jamais aperçû de rien de pareil.
2°. Parce que le Chirurgien qui la fonda
ne trouva pas de Pierre , quoiqu'il fentît un
einbarras manifefte dans la veffic . C'est pourquoi
je me contentai de lui ordonner l'Huile
d'Amandes douces avec le Syrop Violat , &
quelques lavemens anodins.
Le 12. j'ordonnai deux onces de Manne ,
avec l'Huile d'Amandes douces ; la Colique
augmentoit toujours, je la crûs Néphrétique;
& le lendemain 13. je déterminai la Malade
à commencer les Remedes de Mlle Stephens,
que M. le Docteur Hartley , un des Commiffaires
nommés par le Parlement d'Angleterre
, pour l'examen de ces Remedes , m'avoit
envoyés de Londres. Le foir du même
jour , la Colique diminua , & l'urine fut un
peu chargée .
; Le 14. point de Colique , ni mal de tête
l'urine chargée , douleur fixe au côté gauche ,
poids dans la veffie , irritation fréquente au
col
894 MERCURE DE FRANCE
Le 7. il lui montoit fouvent des chaleurs
au vifage ; on lui donna un lavement.
Le 8. elle eut un retour leger de fon accès.
Je la fis faigner du pied pour la quatrième
fois les accidens difparurent , la Malade
dormit , après quoi de fréquentes chaleurs
lui monterent au vifage , les Regles parurent
, & auffi - tôt elle jouit d'une fanté parfaite
jufqu'au 22. & 23. du même mois , que
la colique & le mal de tête la tourmenterert
alternativement.
Le 24. elle eut un feptiéme accès pareil atı
premier ; je la fis faigner du bras ; le lendemain
& le furlendemain , elle le fut du pied,
le bas-ventre étant tendu , & la veffie enflammée
, de maniere que l'urine ne pouvoit
paffer. Après ces deux faignées , je
la fis fonder , on apliqua des Cataplafmes
émolliens à l'hypogastre , & on fit diverfes
fomentations au bas - ventre,
Le 27. j'ordonnai le demi- bain ; la Malade
urina ce jour- là fans fonde , comme elle avoit
fait auparavant après chaque faignée ) & alla
facilement à la felle.
Deux jours après,je changeai le demi - bain
en bain entier , qu'elle prit deux fois par
jour,jufqu'au 8.Novembre,& elle ne le ceffa,
que parce quelle fe crut entierement guerie .
Le 10. Novembre , elle commença à être
attaquée de la colique , fentit une douleur
fixe
MAY.
898 1740.
fixe dans le rein gauche , une douleur fourde
dans la veffie , avec de fréquentes envies
d'uriner , ce qu'elle ne faisoit que goute à
goute , ne pouvant ni fe baiffer , ni fe relever, nife
& fouffrant extraordinairement .
તે
pa-
Ces fymptômes me confirmerent dans
T'opinion où j'étois depuis quelques jours ,
qu'elle avoit la Pierre ou la Gravelle , ce
qu'elle ne pouvoit pas croire , 1 ° . Parce qu'-
elle ne s'étoit jamais aperçû de rien de
reil. 2. Parce que le Chirurgien qui la fonda
ne trouva pas de Pierre , quoiqu'il fentit us
ſentît
einbarras manifefte dans la veffic . C'est pourquoi
je me contentai de lui ordonner l'Huile
d'Amandes douces avec le Syrop Violat , &
quelques lavemens anodins.
Le 12. j'ordonnai deux onces de Manne ;
avec l'Huile d'Amandes douces ; la Colique
augmentoit toujours , je la crûs Néphrétique ;
& le lendemain 13. je déterminai la Malade
à commencer les Remedes de Mlle Stephens ,
que M. le Docteur Hartley , un des Commiffaires
nommés par le Parlement d'Angleterre
, pour l'examen de ces Remedes , m'avoit
envoyés de Londres. Le foir du même
jour , la Colique diminua , & l'urine fut un
peu chargée .
Le 14. point de Colique , ni mal de tête ,
l'urine chargée , douleur fixe au côté gauche ,
poids dans la veffie , irritation fréquente au
col
195 MERCURE DE FRANCE
col de la veffie , envie d'uriner. La Malade
dormit un peu la nuit.
Le 15. & le 16. même douleur au côté, que
le moindre mouvement aigriffoit . Je fis sécher
le sédiment de l'urine de la Malade ,
que je trouvai être une terre friable.
Les 17. 18 , 19. & 20. douleur au rein gauche
, poids dans la veffie , envies fréquentes
de lâcher de l'eau : Purine très- chargée &
forte , laiffoit tomber au fond des verres
une fubftance glaireufe , avec un peu de
gravier .
Le 21. point de changement.
Le 22. elle fentit une douleur aiguë dans
la veffic & dans la cuiffe gauche.
Les 23. 24. & 25. aux accidens du 22. fe
joignit un picotement dans la veffie.
Les 27. 28. 29. & 30. elle fut fort foula
gée , fes douleurs dissipées , fon appetit entierement
rétabli , & le fommeil recouvré.
Le premier Décembre , grand foulagement ,
ainfi que le lendemain .
Le 3. la malade ceffa de prendre les Remedes
, fon urine étant très- claire .
Le's . nouvelle attaque de Colique , augmentée
le lendemain par un gravier aigu dans
l'urine , & excoriation de l'uretre .
Le 7. la Colique étant augmentée , la Malade
recommença les Remedes de Mlle Stephens
à midi ; la Colique diffipée après les
trois
MAY. 1740: 897
trois premieres prifes , les Regles parurent à
fix heures du foir.
Les 8. 9. 10. 11. & 12. beaucoup de sédiment
dans l'urine , les Regles continuerent ;
elle prit les Remedes exactement.
Le 13. 14. 15. 16. 17. & 18. l'urine cruë,
grande douleur au côté , Colique Nephrétique.
Le 19. l'urine fanguinolante , douleur aiguë
au côté , Colique , vomiffement , beaucoup
de sédiment dans l'urine , avec un peu de
gravier ; un morceau de pierre gros comme
un pois , avec plufieurs autres petits.
Les 20. & 21. elle fut fort foulagée . Le 24.
quelques fragmens durs de pierre , quelques
autres moins folides , avec deux ou trois
écailles.
Le 25. l'urine fanguinolante , & le 26,
douleur aiguë , Colique , point de fommeil ,
ainfi que le 27. Le 28. beaucoup de fable
dans l'urine ; & les 29. 30. & 31. elle rendit
beaucoup de gravier , avec quelques morceaux
de pierre.
Le prémier Janvier 1740. les mêmes
Phénomenes , & les 2. 3. 4. 5. & 6. beaucoup
de sédiment , l'urine plus forte qu'à
Fordinaire , un peu de fable , moins de fouffrance
, plus de fommeil.
Le 7. les Regles qui continuerent le 8. le
& le 10. Les Remedes de Mlle Stephens
ne
898 MERCURE DE FRANCE
ne dérangent point cette évacuation .
Depuis le 10. juſqu'au 20. la Malade fe
porta fort bien ; mais le 20. elle eut les mêmes
accidens du 2. Octobre 1739. avec Colique
, douleur au côté gauche , étouffement,
mal de tête , envie de vomir , urine quelquefois
verte , quelquefois blanche , quelquefois
bourbeuse , & tous ces accidens contihuerent
à l'affliger de temps en temps ,jufqu'à
la fin du mois .
Fevrier 1740. jufqu'au 5. beaucoup de sédiment
dans les urines , douleur au rein de
temps en temps , point de douleur dans la
veffie : on fit évaporer l'urine d'un verre ,
pour en examiner le fond , où l'on trouva
une terre grife & friable.
Le 5. Colique , convulfions , refpiration
gênée , & tous les accidens du 2. Octobre
1739.
Le 6. plufieurs fragmens de Pierre , avec
du gravier. Les Pillules dont la Malade commença
l'usage le 20. Janvier , la foulagerent
fort , & diminuerent la Colique.
Le 7. faignée du pied , pour les mêmes raifons
qui avoient déterminé à la premiere,
L'effet de cette faignée plus prompt que celui
des autres ; la Malade fut foulagée à l'instant
que la veine fut ouverte ; tous les accidens
cefferent & les Regles parurent. On
peut dire que les faignées du pied faifoient
ici des efpeces de miracles. Le
MAY. 8.99 1740 .
que Le 9. Regles arrêtées , mêmes accidens
le 7. Saignée du pied , les Regles reparoiffent.
La Malade eft foulagée.
Le 10. urine fanguinolante , beaucoup de
fable dans l'urine , & une écaille de pierre .
Les 11. & 12. urine fort chargée , la Ma
lade fe porte bien.
Les 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. & 21 .
elle fe portoit quelquefois bien , quelquefois
mal ; plufieurs repriſes de fon mal du côté
gauche , les deux derniers jours , palpitations,
convulfions , mal de tête , Colique , douleur
très- aiguë au rein gauche ; urine cruë.
Le 22. elle rendit du gravier noir , quelques
morceaux de pierre , deux écailles , enfuite
du fable , qui la foulagerent beaucoup .
Les 23. & 24. elle fe porta mieux.
Les 25. & 26. urine fanguinolante , quel
ques morceaux de Pierre.
Le 27, elle rendit 40. fragmens de Pierre
-dans deux verres d'urine , dont le plus petit
étoit plus gros que la tête d'une épingle.
Le plus grand étoit très -poreux , raboteux ,
couvert de fang , & de la groffeur d'un gros
pois ; fes urines étoient auffi très-fanguinolantes.
Le 29. elle rendit un fragment de
Pierre plus gros que celui du 27. couvert
d'un fang caillé .
Mars 1740. depuis le premier jufqu'au 9 .
Purine étoit fort chargée , & la Malade fe
portoit affés bien,
Les
Soo MERCURE DE FRANCE
Les 10. & 11. Colique Nephrétique , douleur
aiguë au rein gauche , refpiration gênée,
palpitation de coeur , convulfions fréquentes
, rétention d'urine , tenfion du bas - ventre
, des bâillemens fréquens , froid au bout
des ongles ; elle fut faignée du pied , avec le
fuccès ordinaire.
Le 14. douleur aiguë au côté & à la veffie;
P'urine cruë.
Le 15. dévoyement. Les 16. 17. & 18. le
dévoyement détermina à lui faire difcontinuer
l'ufage de la Boiffon favoneuse , que je
remplaçai par celui des Pillules ; elle eur
beaucoup de douleur au côté , Colique &
mal de tête ; l'urine étoit crue tous ces
jours- ci.
Le 19. l'urine chargée ; beaucoup de fable
blanc , gris & noir.
Le 20. douleur aiguë au côté , étouffement,
convulfions , vomiffement , irritation dans
la veffie ; urine cruë.
Le 21. elle rendit 34. écailles larges , minces
& angulaires , & des morceaux de Pierres ra
boteux & de differentes grandeurs ; les uns
& les autres , jaunâtres.
t
Le 22. elle rendit une grande écaille , trèsfolide
, dure & prefque quarrée , affés épaiffe,
ayant environ cinq lignes d'un fens , & trois
& demi de l'autre : il eftfurprenant comment
elle put paffer , quoiqu'avec beaucoup de
douleur. Le
MAY. 1740. gor
Le 23. P'urine fanguinolante , très - chargée
le matin , cruë le foir.
·
Le 24. elle rendit 23. morceaux de Pierre ,'
grisâtres , durs , angulaires , quelques- uns
minces , les autres raboteux.
Le 25. beaucoup de foulagement. On fit
évaporer ce jour - là l'urine qu'on avoit gardée
dans plufieurs verres , & on trouva au
fond environ deux onces de terre glaireuse ;
fur le foir l'urine fut cruë , & continua de
même jufqu'au foir du lendemain . Alors la
Malade commença à fouffrir beaucoup du
côté ureters & veffie . Ces douleurs étoient
accompagnées de fréquentes convulfions ,
& efforts pour vomir. Enfin elle rendit un
grand nombre de fragmens & écailles , qui
tous enſemble pefoient deux forupules &
demi. Il y avoit une écaille convexe d'un
côté , concave de l'autre , environ demipouce
de long , large de 3. lignes , & épaiffe
d'une demie , vraie écorce d'une Pierre de la
veffie ; une autre triangulaire , plus mince ,
plus large , mais moins longue ; les autres
étoient de differentes grandeurs ; elle ſouffric
beaucoup en les rendant.
Le 27. elle fouffrit moins , rendit cinq petits
morceaux de Pierre ; fon urine étoit
chargée ; elle eut quelques légeres convulfions
, avec des nausées , douleurs au côté &
ureters.
D L:
902 MERCURE DE FRANCE
Le 28. elle fe portoit mieux ; les morceaux
de Pierre qu'elle avoit rendus jufqu'à ce jour,
( fans compter ce qui s'en étoit perdu ) peferent
enſemble deux gros & demi .
Le 30. l'urine cruë , douleur au rein gau
che & à la veffie.
Le 31. le bas ventre enflé & tendu, douleur
à la veffie.
Le 1. Avril 1740. l'urine cruë , & le lendemain
de même , avec douleur aux reins.
Le 3. l'urine cruë le matin , chargée l'après
midi , la Malade rendit fur le foir un grand
nombre de fragmens & écailles , qui tous
enfemble pefoient un gros & demi & 17.
grains.
?
Le 4. douleur au côté gauche , urine cruë,
moins de fouffrance fur le foir , peu de fommeil.
Le 5. l'urine cruë le matin ; fur le foir elle
rendit trois gros morceaux de Pierre , avec
plufieurs petits , qui tous enfemble pefoient
24. grains. Il y en a deux, qu'on ne peut pas
douter qu'ils ne foient de l'écorce exterieure
d'une Pierre de la veffie , en ayant toutes les
marques. La Malade n'a jamais tant fouffert
qu'en rendant ces morceaux.
,
Le 6. elle rendit environ 5o. très - petits
morceaux de Pierre , & en fut fort foulagée.
Elle en rendit encore quelques- unes
après midi,
LC
MAY. 1740. 903
Le 7. & le 8. elle rendit plufieurs petits
fragmens , l'urine étant tantôt claire & naturelle
, tantôt cruë.
,
Le 9. & le 10. l'urine changea fouvent de
"couleur , la douleur de côté très - grande. La
Malade fortit les 10. 11. & 12. en chaise à
Porteurs ; le mouvement rendit la douleur
de côté plus fenfible.
La longueur de cette Lettre m'empêche de
vous envoyer le détail des Experiences que
j'ai faites fur differentes Pierres. Je vous
les communiquerai dans la fuite , avec quelques
avis, pour ceux qui adminiftreront, auffi
bien que pour ceux qui voudront prendre
ces Remedes. Je fuis , & c.
*******
BOUTS-RIME'S proposés.
R
Eclus dans ma Maison comme Mouche en fa
Ruche
Ce rude & long Hyver me rend pis que Sournois ;
Le feu depuis deux mois deffeche mon
Enfin je fuis réduit à ma derniere
Mingis ,
Buche.
De mon pauvre butin je n'ai plus qu'une Cruche ;
Je n'ai dans mon gouffet qu'un vieux denier
Tournois ;
Pour vivre j'ai vendu mon âne & fon Harnois ;
D ij
Les
904 MERCURE DE FRANCE
Les Collecteurs ont pris mon vieux Coffre & ma
Huche,
J'ai pour me reposer le lit qu'avoit mon
Chien :
;
Avec grand apétit , pour manger je n'ai
Rien.
Pour furcroît de chagrin dans mon malheureux
Pofte ,
Ma femme jour & nuit voudroit me voir Crevé ;
Cent fois de même ton je lui rends le Ripofte;
Comme elle a dit Pater , je récite l'
"
Ave.
12. Mars 1740 .
& &&&
LETTRE écrite par M. le Préfident
Bouhier de l'Académie Françoise , à M. D.
L. R. sur une Médaille Grecque de l'Em
pereur Commode , &c.
L
A Médaille Grecque , Monfieur , que
vous avez eu la bonté de m'envoyer
m'eft doublement précieuse , tant par la
main dont elle me vient , que par fa rareté ;
car elle avoit été jufqu'à préfent inconnuë ,
& peut- être nous aidera- t- elle à en expliquer
quelques autres , qui n'ont pas encore
été bien entenduës.
Puifque vous fouhaitez fçavoir ce que j'en
pense
THE
NEW
YE
PUBLIC
LIBRARY
ABTOR
, LENOX
AND TILDEN
POUNDATIONS
.
AYT
BYZAI

KAAPHI
AE
ANG
THJOYILNOU.
MAY. 1740. 905
pense , je vais tâcher de vous le dire le plus
fuccinctement qu'il me fera possible.
>
Vous fçavez que la Médaille , qui eft de
moyen bronze , & parfaitement confervée
repréſente d'un côté la tête de l'Empereur
Commode , couronné de lauriers à l'ordinaire
, mais n'ayant encore au menton que
très-peu de barbe . On lit à l'entour de cette
Légende : AVT . KA , APH . KOMOAоc . Au
revers , il n'y a qu'un grand Cafque avec
cette Légende : BYZANTION EIII . AI, HONTIKOY
HP.
Vous n'êtes point furpris,je pense,de trou
ver fur cette Médaille KA . APH. au lieu de KA .
AYPH . Accoûtumé à manier ces, fortes de
Monumens de l'Antiquité , vous y avez , fans
doute remarqué plufieurs pareilles fautes des
Monétaires. Du refte , comme la lettre qui
fuit le K. n'eft pas bien formée , je foupçonne
qu'il y avoit , K. A. APH . c'eſt- à - dire ,
Cafar , L. Aurelius , &c . Quoiqu'il en foit
l'air jeune de cet Empereur , fait juger que la
Médaille a été frapée , foit pendant les dernieres
années de Marc- Aurele , foit peu de
temps après la mort .
"
Le Cafque du revers fe trouve quelquefois
fur les Médailles des Byzantins ; on le
voit fur deux de Trajan , & encore fur
d'autres de Commode. Il y a aparence qu'ils
avoient choifi le Cafque pour l'un de leurs
D iij
sym906
MERCURE DE FRANCE
symboles , parce que peut-être on y en fa
briquoit d'excellens. Il se peut faire auffi ,
que le Casque se mettoit sur les Médailles
de Byzance , en mémoire du Héros Byzas ,
qui sur leurs Monnoyes étoit représenté avec
cette armure en tête.
que
>
Pour ce qui eft d'Elius Ponticus , son nom
se lit sur plusieurs Médailles des Byzantins ;
mais non pas toujours de la même maniere.
Dans une de l'Empereur Macrin , on trouve
ЕПI ПоNTIKOY . Dans une autre du
même , comme dans une de Lucille , &
dans deux de Caracalle , on trouve : EПI AI .
ПоNTIKоY. Dans une autre de Commodo
& de Crispine , il y a : En. AI . ПONTIKOY B.
Dans une du Héros Byzas
comme dans
d'autres de Lucille de Commode & de
Crispine,on trouve : EIII . AI. ПONTIKOY H.
Dans une seconde du Héros Byzas , on lit
ΕΠΙ ΑΙ ΠΟΝΤΙΚΟΥ HP . Et dans une de Cris
pine , que le Sr Haym , en fon Tesoro Britannico
, Part. z. p. 229. dit avoir vûë dans un
Cabinet d'Angleterre , il y a trouvé EM. AI.
ΤΟΝΤΙΚΟΥ , ΗΓ.
,
3
Mais il faut que dans la Médaille , dont
parle le Sr Haym , la derniere lettre fut mal
formée ; car dans la nôtre il y a sûrement un
P. parfaitement bien mmaarrqquuéé,, de même que
dans une autre ci - dessus raportée . Elles se
trouvent d'ailleurs confirmées par une troisiéme
MAY. 1740. 907
siéme de Byzance , frapée en l'honneur de
Marc-Aurele avec cette Légende : ENI
ANANTIKOY HP . Ainsi on ne peut guére
douter , que la derniere lettre du Sr Haym
ne foit un P. & non un г.
Mais que signifient ces lettres HP ? C'eſt
la seule difficulté qui puisse nous arrêter.
Le P. Hardouin , expliquant une Médaille
de Crispine , dans ses Nummi Populorum
oi il y a simplement : ΕΠΙ . ΑΙ . ΠΟΝΤΙΚΟΥ
H. BIZANTION , avoit traduit cette Légende
: Sub Elio Pontico Octies Prætore. En
quoi il avoit été suivi par M. Vaillant , en
ses Médailles Grecques. Et depuis , le Sçavant
Jésuite , Oper. Select. p. 779.
67886
changeant de sentiment , avoit crû
lettre H. signifioit , Hyeur . Explication
qui a été adoptée , non seulement par le P.
Jobert , Scienc. des Médaill. p. 490. Edit. de
1727. mais encore par le Sr Haym , à l'endroit
que j'ai cité , & par le R. P. Frolich
en la derniere Edition de fes Tentamina Rei
Nummaria , p. 220. & seq.
cus ,
que
la
Le premier sentiment du P. Hardoüin
n'étoit pas soûtenable . Si la lettre H. avoit
marqué la huitiéme Magiftrature de Pontiil
auroit fallu que cette Magiftrature eût
duré depuis le temps de Lucille , femme de
Verus , jusqu'à celui de Crispine . Ce qui
n'auroit pas été probable , à l'égard d'une
Düij Di908
MERCURE DE FRANCE
Dignité, qui devoit être annale,puisqu'un mê
me homme en auroit été tant de fois revêtu .
D'ailleurs l'une & l'autre des Explications du
P. Hardouin sont détruites par les autres Mé
dailles de Ponticus, où fe trouvent les lettres
HP. Ainfi il faut recourir à quelqu'autre conjecture,
qui ne foit point fujette à contredits.
J'avois d'abord crû , que les lettres HP.
pouvoient désigner quelque Epoque . Mais
je fuis bien- tôt revenu de cette pensée ,
quand j'ai consideré , que comme les
mêmes caracteres se trouvent sur des Médailles
de Ponticus , frapées en differers
temps , il n'eft pas poffible qu'elles ayent
marqué la même Epoque . D'ailleurs cette
explication ne convient pas aux Médailles ,
où l'on ne trouve que la seule lettre H.
Un sçavant Antiquaire , dont vous avez
bien voulu me communiquer les réflexions
sur cette Médaille , soupçonne que ces lettres
sont les premieres d'un second surnom de
Ponticus , comme HP AKAEIAHC . Ce qui étant
suposé,feroit évanouir toutes les difficultés.
Je fçais bien qu'il y a des exemples de ces
doubles surnoms chés les Romains ; mais je
me me souviens pas que dans les Médailles il
s'en trouve de désignés par des lettres , qui
puiffent convenir à plusieurs noms differens ;.
cela y auroit laiffé une ambiguité , que ne
souffroient point ces sortes de Monumens..
Or les lettres dont il s'agit ne désignoient
MAY. 1740.
୨୦୨
,
>
pas seulement le nom d'Héraclide , mais
encore celui d'Hercule , d'Hermogene ,
d'Hermes
, d'Héraclite d'Hermagoras ,
d'Hermocrate , d'Hermotime , d'Hérodote
d'Hérode , d'Hérophile , & une infinité
d'autres. D'ailleurs , dans la Médaille de
Marc-Aurele , avec la Légende : EITI ANANTIKOY
HP , il faudroit donc dire que cet
Ananticus avoit un second surnom semblable.
Mais ce qui met la chose hors de dou
te , c'eſt une autre Médaille de Commode ,
nouvellement découverte , & donnée au
Public par
le R. P. Frolich , en l'endroit
que j'ai cité ci -deffus ; car on y lit au revers :
ΒΥΖΑΝΤΙΩΝ . ΕΠΙ . Μ . ΜΑΡΚΟΝ . Η . ΤΟ . Β.
Ce qui prouve inconteftablement , comme
l'observe cet habile Antiquaire , que la lettre
H. désigne une Magiftrature.
Toutes réflexions faires , il me paroît plus
vraisemblable, que les lettres H P. marquent
le nom de Dignité que les Byzantins de ce
temps là donnoient à leur premier Magistrat
, & qui étoit , H'par si je ne me trom
pe ; car ce nom , qui se donnoit quelquefois
aux Rois , signifioit proprement Gardien ,
Protecteur , Commandant. Dans Hésychius ,
H"pavor eft expliqué , βασιλεὺς , Αρχων , σκο-
πος , φύλαξ. Et plus bas : κρανον , τὴν βασι
Ata , sparnyov. Dans le grand Etymologique,
ce mot eft interpreté : 6uous , й perdesi
Dv
En
910 MERCURE DE FRANCE
En un autre endroit , il y cite un Vers , où un
Berger eft apellé , μnav pavos. Suidas en
raporte un autre , où Juftinien eft apellé ,
zajne pavos. Et dans la belle Inscription d'Hérode
l'Athénien , que Saumaise a commentée
, la Déeffe Minerve , comme Protectrice
d'Athenes , eft invoquée sous le nom de
Α'θηναίων ἐπιήρανος .
On ne manquera pas de m'objecter , qu'il
n'y a point d'exemple d'aucune Ville Grecque
, dont le premier Magiftrat ait été apellé
HPANOZ. Il eft vrai qu'on n'en a point encore
trouvé . Mais en avoit-on beaucoup du
titre d'HгEMON , donné à un pareil Magistrat
, quand le P. Hardoüin crût que c'étoit
le nom , qu'on donnoit à celui de Byzance ?
Cependant d'habiles Antiquaires ne firent
pas difficulté d'adopter cette conjecture . Ily
a une infinité de semblables choses , que
nous aurions éternellement ignorées , si le
hazard n'avoit fait déterrer des Monumens
, qui nous les ont aprises. Il faut esperer
qu'on en déterrera encore beaucoup de
nouvelles. Celle dont il s'agit , eft aparenment
de ce nombre . Pour recevoir ma conjecture
, il suffit qu'elle soit autorisée du suffrage
des Grammairiens Grecs , qui font
Hpares synonime d'Α'ρχων , & de Στρατηγιὸς,
qui dans d'autres Villes marquoient la premiere
Magiftrature..
Cela
MAY. 911 1740 .
Cela suposé , on ne sera pas surpris de
voir la Dignité de Ponticus , désignée ; tantôt
par la simple lettre H , tantôt par ces
deux HP , & celle d'Ananticus par le Monogramme
HP. C'eft la même chose dans
toutes ces Médailles .
Il eft vrai qu'on en trouve d'autres de la
même Ville , & qui sont à peu près du
même temps , lesquelles ont été frapées de
l'autorité du Grand Pontife : EIII . APX. ATP.
ΑΝΤΩΝΙΝΟΥ. ΕΠΙ . ΑΡΧ . ΑΥΡ . ΣOCTΡΑ-
Tor , &c. Mais il se pouvoit faire que cet
honneur fût alternativement déféré au Grand
Pontife , & au premier Magiftrat. Ainsi cela
ne doit pas nous arrêter , non plus que le
sentiment particulier du P. Frolich , qui
croit que les lettres ARX. signifient ici
Archonte.
Du refte notre Ponticus étoit de la Famille
Alia , qui devoit être confidérable à Byzance
, puisqu'on trouve encore sur des Médailles
de Caracalle , & de Macrin , frapées en
cette Ville , un Alius Capitolinus , & un
Ælius Feftus , qui étoient peut- être fils de
notre Ponticus. Dans une Inscription du Recueil
de Gruter , DXVII . 10. il eft fait mention
d'un P. Ælius Ponticus ; mais qui étoit
sans doute , different de celui dont il s'agit .
Voilà , Monfieur , tout ce que je puis
vous dire sur la belle Médaille , dont vous
D vj
avez
avez bien voulu me régaler. Si vous imaginez
quelque chose de mieux pour l'expliquer
, je vous prie d'avoir la bonté de m'en.
faire part , & de me croire avec la plus vive.
reconnoiffance , Monſieur , votre &c..
ADijon ce 15. Août 1739 .
L'AMOUR ET LE POETE ,
DIALOGUE.
A Mad. D. B. C. D. P. E. L.
Jo L'Amour. Usques-à quand ton coeur rebelle
Se rira-t- il des fers dont je charge les Dieux ?
Philosophe capricieux ,
N'eft-il donc aucune Mortelė
Digne de captiver ton esprit & tes yeux ?
Le Poëte. Amour , sous ton fatal Empire
Je ne veux plus me rengager ;
J'en ai trop connu le danger ,
Pour m'y laiffer encor seduire ..
La Sageffe & le Dieu qui sçait toucher la Lyre :
Sous leurs Loix ont sçû me ranger ; -
Amour , sous ton fatal Empire
Je ne veux plus me rengager.
L'Amours
M A Y.
1740 913
L'Amour. Quoi ! de la volage Uranie
Si pour toi je fixois les inconftans defirs ,
Ne reviendrois-tu point par de nouveaux soupirs-
Oublier à fes pieds le Dieu de l'Harmorie ?
Le P. J'euffe affronté la mort au milieu des hazards ,
Pour fléchir autrefois le coeur de l'infidele ;
Et dans l'extrême ardeur dont je brûlois pour elle,
Acheté de mon fang un feul de ses regards.
Par fes mépris , l'ingrate a laffé ma conftance ;
Libre de ce fatal amour ,
Avec un oeil d'indifference
Je la verrois pour moi foûpirer à fon tour.
L'Amour. Auprès de l'aimable Themire
Je t'ai vû quelquefois interdit & confus ;
Et dans tes regards j'ai îçû lire
Le trouble de tes fens émus.
Veux-tu qu'au coeur de cette Belle ,
J'allume en ta faveur une flamme nouvelle ?
Le P. Pour l'embellir, Venus prodigua fes tréfors ;
Mais que fert fans l'efprit une grace frivole ?
Je n'adore point une idole
Qui n'a pour m'arrêter qu'un éclatant dehors.
L'Amour. Si ton coeur cherche la Sageffe ,
Et ne fait cas que du Sçavoir ,
Sans doute.Aminte doit avoir
L'art de captiver ta tendreſſe.
Le Poëtes
914 MERCURE DE FRANCE
Le Poëte. Son Sçavoir affecté n'a plus pour moi
d'attraits ,
Et les bruyans accès de sa fiere trifteffe
Chez moi ne passerent jamais
Pour l'innocente & paifible Sageffe .
L'Amour. Quoi ! mon bras qui dompta tant d'illus→
tres Amans ,
Ne pourra de ton coeur briser les dures glaces
Et quand même Daphné , cette Reine des Graces ,
Daigneroit agréer les tendres sentimens ,
Qu'un timide refpect .... Eh quoi ! ton coeur soûpire ?
Eft- cela ce grand coeur que la Sagcffe inſpire ?
Le Poëte. Amour , de mon fuperbe coeur
Tu fçais bien trouver la foibleffe ;
De cette Nymphe avec adreffe
Si tu peux être le vainqueur ,
Je quitte les neuf Soeurs & le Dieu de la Lyre ,
Et fans youloir jamais changer ,
Amour , fous un fi doux Empire
Je cours alors me rengager.
'M. Pierre Lenfumé Procureur Fiscal an

Bailliage de Neuvy - Sautour.
LET:
MAY.
1740. 915
LETTRE de M. l'Abbé Lebeuf , aux
Auteurs du Mercure pour déterminer l'Anonyme
qui leur a écrit à son sujet , à se
faire connoître , ou d'envoyer ses Mémoires
sur le Projet de la Description Hiftorique du
Diocèse de Paris.
' Eft en vain , Meffieurs , que j'ai pro-
C'Et
mené mon imagination de tous côtés ,
pour deviner quelle eft la Perfonne officieuse
qui vous a adreffé dans le Mercure de
Fevrier dernier , une Lettre par laquelle elle
aplaudit à mon deffein touchant la Description
des Paroiffes de la Campagne du Diocèse
de Paris , & promet même de m'aider
de fes lumieres. J'ai eû mille foupçons sur
les cinq lettres initiales de son noni : & je ne
rencontre rien qui me contente. Vous m'avez
avoué vous - mêmes , Meffieurs , que
vous ne la connoiffez pas , ni son écriture.
La même Perfonne employe les mêmes cinq
lettres initiales à la fin des Bouts- Rimés que
je viens de lire dans le Mercure d'Avril . De
tout cela je n'en puis conclure autre chose
finon que l'Auteur de ces Observations sur
mcn Projet , eft Poëte , en même temps
qu'Amateur de nos Hiftoires Locales
c'est ce qui acheve de détruire mes pre-
,
&
miers
16 MERCURE DE FRANCE
miers soupçons. Je me fuis remis à la mémoire
plufieurs Curés du Diocèse de Paris ,
que j'ai vu aplaudir à mon deffein ; mais je ne
sçais pas le nom de la plûpart, &je ne puis par
consequent faire l'aplication de ces lettres
initiales J. B. D. D. Ñ. Il faut que cette Perfonne
ait la bonté de fe mieux faire connoître
afin que je puiffe en conferer avec elle .
& lui marquer ma reconnoiffance de vive
voix , de ce qu'elle promet de me fournir.
,
En attendant , je conviens que ce qu'elle
me fuggere de faire, enrichira beaucoup mon
Plan , s'il eft poffible d'être informé des dates
qu'elle fouhaiteroit qu'on y mît , & du ,
reffort de chaque Jurifdiction . Je ne me ferai
point au refte , une loi de remplir fur chaque
Village , ni les neuf Articles de fon Mémoire
, ni même les fix du mien , parce qu'il y
en a fur lefquels je fens que la matiere fournira
peu . Je ne pourrai en dire que ce que
j'en aurai apris , & ce que j'en aurai trouvé
dans les dépouillemens que je fais des Livres,
foit -imprimés , foit manufcrits . Il ne faut pas
non plus s'attendre que toutes les Paroiffes
feront traitées fuivant le même ordre , & felon
la méthode qu'on obferveroit dans des
Tables , telles que celles du nouveau Pouillé
de Chartres . Ce Plan feroit un peu trop ennuyeux
pour les Lecteurs , & découvriroit
trop évidemment , par le vuide qui y feroit
quel
MAY. 917 17407
quelquefois , les Points fur lefquels il a été
impoffible d'être éclairci .
Je penfe done que le plus expédient fera
de traiter chaque Article , comme on feroit
dans un Dictionaire Hiftorique , sans s'astraindre
à une méthode uniforme , comme
s'y aftraignoient ces Prédicateurs du XIV. &
du XV. siécles , qui rangeoient toujours
leurs preuves & leurs divifions & soudivifions
de trois en trois ; ce qui a fait que
quelques- uns ont comparé leurs Sermons a
an Jeu de quilles. Ainfi éviterai - je de suivre
chronologiquement les neuf Articles qu'on
me propose. Je dirai ce que je pourrai de
chacun , tantôt dans un rang , tantôt dans
un autre , & fans rien chiffrer , ou numero
ter. Je fuis perfuadé que cette maniere d'éxecuter
mon Projet , sera moins séche. J'ef
pere m'étendre fur chaque Paroiffe , bien autrement
que n'a fait Garreau , dans fa Defcription
de celles de Bourgogne , fur tout en
ce qui fera hiftorique ; & je compte que
mon Ouvrage pourra quelquefois admettre
certaines petites difcuffions critiques. Quelques-
uns vouloient auffi m'engager à sortir
des bornes dans lefquelles je me fuis renfermé
, & à dire quelque chofe des Paroiffes
limitrophes , compriſes dans le Vexin , le
Beauvoifis , le Senlisois , le Mulcien , les
Pays Senonois & Chartrain , de la même
maniere
ERCURE DE FRANCE
que j'ai été obligé d'y, paſſer en viſi-
Diocèse de Paris ; mais je ne veux
ttre ma faulx dans la moiffon d'autrui.
D'ailleurs un récit de voyage aussi naïf
qu'en a quelquefois mis Dom Martenne dans
ses Voyages Litteraires , n'auroit pas été également
goûté. J'aurois eu , par exemple , un
Evenement fingulier à raporter fur Courdemanche
, qui eft dans le Diocèse de Rouen ,
au- deffous de Pontoise , (a) mais cela pourra
trouver un jour fa place ailleurs , & cela n'en
fera pas moins fingulier , pour être un peu
vieux.
Pour revenir à la Perfonne qui se désigne
par ces lettres J. B. D. D. N. ce feroit inutilement
que je me fatiguerois à regarder ces
lettres comme initiales , fi au contraire ce
font les lettres finales des noms & qualités
de cette Perfonne . L'Auteur de la Bibliothéque
Chartraine , eft le feul que je fcache s'être
défigné à la fin de fon Ouvrage , par les
lettres finales de fon nom , de fon furnom ,
& de fa qualité . C'eft une maniere de fe cacher,
qui donne trop la torture à l'efprit des
Curieux ; & j'aime mieux avoüer mon peu
de
pénétration en fait de lettres initiales , que de
croire que l'officieux Anonyme ait employe
des lettres finales pour fe déguifer. Je fuis , &c .
AParis ce
1740 .
(a ) Cette Paroiffe touche à celle de Jouy- le-Moûtier
qui eft du Diocèse de Paris.
MAY 1740: 919
L
SONNET
Sur les Bouts- Rimés proposés.
' Abeille au mauvais temps s'enferme dans sa
Je me renferme auffi voyant l'Hyver
Qui s'aprête à geler mes doigts & mon
Et met dans mon foyer Cotret , Fagot &
Ruche ;
Sournois
Minois ,
>
Buche:
Cruche
Par ma Servante Alix je fais remplir ma
D'un Vin dont le flacon vaut deux Ecus Tournois ;
Cette douce liqueur m'échauffe en mon Harnois,
Et me fait vifiter mon Office & ma Huché.
Qu'un Ufurier,s'il veut,ait du mal comme un Chien;
Je ferois un grand fou , si pour amaffer'
Rien ,
J'allois me fatiguer comme un Cheval de Pofte.
En fe plaignant fon pain , maint Avare eft Crevé ;
Et fi mes Heritiers condamnent ma
Je les quitte du foin de me dire un
Ripote ,
Ave.
Le Maire.
On
$26 MERCURE DE FRANCE
On a dû expliquer l'Enigme & les Logogryphes
du Mercure d'Avril par la Lanterne,
Marjolaine & Logogriphe. On trouve dans
le premier Logogryphe , Mi , La , Re , Nil,
Mil , Air , Laine , Lire, Marli , Orme, Ail,
Rale , Rime , Major , Marie , Rome , Milan,
Roi , Lion , Mai , Loire , Joie , Lime , Ami
Oeil , Jean , Mail , Limon , Melon , Moine ;
& dans le second , Orge , Lire , Re , Gloire ,
Pol , Horloge , Lie , & Oeil.
J
ENIGM E.
E suis fait pour porter trois mâles dans mon sein,
Qui, quoique très-petits , sont plus durs que la pierre;
Souvent, pour mon malheur, on les met en lumiere,
Et pour nous tourmenter, chacun a son dessein .
D'un avide interêt on les bat , on s'escrime ,
Et lorsque tout de bon on me frape le cul ,
Je les produis au jour , chacun fait son calcul ,
Plus on les trouve noirs , & plus on les estimme.
Tous trois d'un cercle entier font l'unique entretien ,
Il est du & contre , & selon leur naissance ,
pour
On achete bien cher le moment qu'on me tient.
Quand
MAY. 928 1740.
Quand je suis en travail , il est aisé de voir
Que si je les conçois toujours dans l'esperance ,
Souvent je les enfante avec le désespoir .
LOGOGRYPHE.
D'Athenes autrefois je faisois l'ornement ; ¦
Avec éloge encor on me cite souvent.
Je porte dans mon sein un Oiseau d'importance ,
Un Fleuve d'Italie , une Ville de France ,
Un Meuble qui préside au milieu d'un festin ,
Un Dieu qui du Berger regle l'heureux destin ;
Pour exercer en Cour toute ta Réthorique ;
Un terme de Blason , un terme de Musique.
Prends quatre de mon tout, sans barque & sans bas
teau
Tu peux en sûreté te promener sur l'eau.
De M ***
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
COURS
OURS ABREGE' DE PHYSIQUE , suivant
les dernieres Observations des Académies
Royales de Paris & de Londres , avec
des
922 MERCURE DE FRANCE
des Additions & corrections considérables;
Par G. L. le Sage , 1739. in- 12. A Genève,
chés Barillot , Pere & Fils , vol. de 265. pages
, sans un Avertiffement qui sert de Préface
, & une Addition mise à la fin , de
44
pages .
TRAITE' des Droits & des Prérogatives
de l'ancienne Nobleffe , & de ses preuves ,
suivant les Usages , tant anciens que modernes
des Allemands, par M. Gramer. Tome I.
1739. in-4° . A Leipsick.
pra-
EXAMEN plus rigoureux des vertus qu'on
avoit ci- devant attribuées gratuitement à
certains Remedes , par lequel on fait voir en
même-temps avec évidence la faufſeté & la
vanité d'un grand nombre de Traditions
tiques , & on montre la route qui conduit à
faire un choix plus raisonnable des Drogues,
& à procurer la guérison de diverses Maladies
, en suivant les nouveaux principes de
l'Art , par M. Tralles , 1740. in-4°. A Bres
leau & à Leipsick. L'Ouvrage eft en Latin.
GENEALOGIE DIPLOMATIQUE de l'Augufte
Maison de Hobsbourg , par le R. P.
Marguard-Herrgott , Religieux Benedictin
de l'Abbaye de S. Blaise. A Paris , chesές
François Debure , Libraire , Quai des Auguftins
, à l'Image S. Germain. Le prix de
L'Ouvrage
MAY. 1740. 923
'Ouvrage , qui eft en 3. volumes in -folio
bien imprimé en grand & beau papier , eſt
de 90. livres en blanc.
TRANSACTIONS PHILOSOPHIQUES de la
Societé Royale de Londres , années 11773333..&&
1734 traduites par M. de Bremond. A Pa
ris , chés Piget , Quai des Auguftins , à l'Image
S. Jacques. Vol. in - 4° . de 280. pages,'
avec 338. Planches , onze détachées , sans y
comprendre une Carte des Lieux , où les
differentes longueurs du Pendule à secondes
ont été observées , comprenant toutes les
Observations qui en ont été faites par divers
Aftronomes de l'Académie Royale des Sciences
, de la Societé Royale de Londres , &c.
depuis 1670. jusques & compris celles qui
ont été faites en 1735. 1736. & 1737. à Paris
, en Amerique & en Laponie , par ordre
du Roy , & de l'Académie Royale des Sciences
, pour déterminer la figure de la Terre !
avec les Tables calculées d'après ces Observations
, par Mrs Newton , Bradley & de
Maupertuis , dreffée par Philipe Buache , de
l'Académie des Sciences , Gendre de feu M.
Delifle , Premier Géographe du Roy , & de
la même Académie , 1740.
ORAISONS FUNEBRES , prononcées par le
P. de la Rue , de la Compagnie de Jesus. 4
1
I
1
Paris ;
24 MERCURE DE FRANCE
Paris , chés Pierre Gissey , ruë de la vieille
Bouclerie , à l'Arbre de, Jeffé , & chés Marc
Bordelet , rue S. Jacques , à S. Ignace .
ETAT DE LA LITTERATURE A BRESSE &
dans le Breffan , depuis les temps qui suivirent
de près la naiffance de l'Imprimerie ,
c'est-à -dire depuis les dernieres années du
XV. fiécle , jusqu'au milieu du seizième .
Premiere Partie , où sont compris les Ecrivains
Breffans , qui ont éclairci les Poëtes Latins
de l'age d'or & d'argent. Vol . in- 4° . de
172. pages , sans la Préface. Seconde Partie ,
où sont compris les Ouvrages de Grammaire,
d'Eloquece , de Poësie , de Philosophie , de
348. pages. A Bresse , de l'Imprimerie de
Jean - Marie Rizzardi , 1739. L'Ouvrage eft
en Latin.
LES AMUSEMENS DE LA HOLLANDE , avec
des Remarques nouvelles & particulieres sur
le génie , les moeurs & les caracteres de la
Nation , in - 8 °. 1739. A la Haye.
JANI PLANI ARIMINENSIS DE CONCHIS ,
&c. C'eft à- dire : LIVRE de Janus Plancus
de Rimini , sur les Coquillages les moins
connus ; avec un Effai touchant le Flux & le
Reflux de la Mer Supérieure sur le Rivage
& dans le Port de Rimini. A Venise , de
l'ImprimeMAY.
1740. 925
Imprimerie de J. B. Pascal , aux frais de
FAuteur , 1739. petit in folio de 88. pages ,
avec cinq Planches , contenant plufieurs fide
Coquillages. gures
NOUVEAUX AMUSEMENS DU COEUR ET
DE L'ESPRIT. Ouvrage Périodique. Tome
cinquième , avec cette Devise : Interpone tuis
interdum gaudia curis. Nombres 1. 2. & 3 .
qui se vendent à Paris , chés les Libraires
des Feuilles Périodiques. Le prix de chaque
Fenille est de quatre sols.
Cet Ouvrage , qui depuis trois mois avoit
été interrompu, paroît sous une forme un peu
differente. Au lieu de Brochures , on en promet
exactement une Feüille tous les Mardis.
La Lettre sur les Comédies Italiennes ; les
Voeux à l'Amour : le véritable Amour , nous
ont parus jolis à la lecture. Les Reflexions sur
l'Amour, sont fines & délicates, quoique peu
favorables aux Dames .
2)
39
ود »Iln'ya,ditl'Auteur,page12.pour
ainfi - dire , que deux paffions qui partagent
» la vie de l'homme , l'amour & l'interêt ;
» toutes les autres ont leur source dans ces
» deux -là. L'esprit humain ne s'occupe pres
que jamais que de ce qui eft relatif à l'une ou
» à l'autre. On n'a qu'un temps pour se li-
» vrer à la premiere ; on a toute la vie pour
satisfaire la derniere ...
Y
E » J'ou926
MERCURE DE FRANCE
*
.
ور
J'oublie pour un moment que je suis
» homme , (page 14. )je vais parler com-
» me un Etre fingulier , qui ayant quelque
.» temps vécu parmi les hommes & les fem-
» mes , a été à portée de les connoître , & se
" voit aujourd'hui chargé de raisonner sans
partialité , des paffions des uns & des au-
» tres. Je n'hésite point à décider que les
» hommes sçavent mieux aimer que les fem-
» mes ... Il est sûr que la vanité d'un hom-
وو
me eft plus flatée de l'amour d'une fem-
» me , que celle d'une femme ne l'est de la
» tendreffe d'un homme . Quelque mérite
» que poffede un homme , il ne trouvera ja-
» mais autant de femmes qui aspirent à son
» coeur , qu'il y a d'hommes qui prétendent
à celui d'une jolie femme .....
و د
Page 17. Les femmes pourront peut être
"nous reprocher d'aimer auffi par vanité ;
mais la difference qu'il y a d'elles à nous ,
" c'eft que nous ne faisons servir ordinaire-
> ment qu'une femme à la fois à satisfaire
» notre amour propre , & qu'une femme employe
presque tous les hommes qu'elle voit
"
» à contenter le sien. . . .
» Toutes ces refléxions ne concernent gué-
» res que les femmes Françoises. Je conçois
» aisément qu'il eft des Pays où les femmes
aiment dans les regles. L'Espagne , l'Italie,
» la Turquie , la Perse & les Indes , nous en
" fourMAY.
1740.
927
»fourniront en abondance ; mais leur
» tendreffe & leur conftance ne doivent
point nous étonner. Elles n'ont presque
point la liberté du choix ; il faut néceffai-
» rement qu'elles se bornent à celui qu'elles
» ont fait une fois , il eft naturel qu'elles s'oc-
» cupent continuellement d'un homme, qu'el-
» les voyent uniquement , & à qui elles ne
» peuvent , pour ainsi - dise , comparer per-
» sonne ; au lieu qu'en ce Pays - ci la quanti-
» tité d'occasions qu'une femme a de nous
» quitter, doit nous empêcher d'être sûrs que
» nous sommes véritablement aimés.
"
Ce Siftême ne mériteroit- il pas un bonne
réfutation ? Voilà une belle occafion pour les
Cavaliers de venger le beau Sexe qu'on attaque
si ouvertement .
Nous choisirons dans les Poësies l'Effai
d'une jeune Demoiselle , belle & bien faite ,
comme dit l'Auteur dans sa seconde Feüille,
ornée des talens qui font réussir dans le monde,
& dont l'esprit est cultivé par des connoisances
Litteraires.
Du beau titre d'Amant tout homme se décore ;
Dès le premier instant qu'il dit qu'il nous adore ,
Je sens par les transports qu'ont pénetré mes yeux
Qu'aucun ne doit porter ce titre glorieux.
L'un n'exige de nous une flamme constante ,
Que pour voir de nos feux sa vanité contente ;
E ij L'autre
928 MERCURE DE FRANCE

L'autre , moins orgueilleux , ne vient à nos genoux
Que chercher un plaisir qu'on n'obtient que
de
nous .
Toujours quelqu'interêt , quelque dessein les presse
De venir en nos coeurs exciter la tendresse .
Mon esprit défiant n'a jamais écouté
L'amour que je n'ai dû qu'à ma seule beauté.
Je prétens d'un Amant tenir Pamour sincere ,
Seulement de mon coeur , d'un heureux caractere ;
Je demande à le voir , par son penchant conduit ,
Plus vain de ses soupirs que de ceux qu'il produit
,
Que les soins differens qu'il aporte à me plaire ,
Soient l'effet d'une ardeur forcée, involontaire ;
Que , pour cacher ses feux , il recoure aux moyens
Dont je me servirois pour déguiser les miens ;
Qu'enfin le seul espoir de ma reconnoissante ,
Ason amour pour moi ne donne point naissance ;
Tels hommes à mes yeux sont des Amans parfaits,
Il ne s'en trouve plus .... je n'aimerai jamais .
Outre ce que nous venons de faire connoître
de cet Ouvrage, il y a un Eloge de la Sincerité,
qui eft un Morceau écrit avec feu & nobieffe.
L'Auteur des Amusemens dit son sentiment
sur les Spectacles de Paris dans sa troifiéme
Feuille. Voici ce qu'il dit au sujet de Pirame
& Thisbé.
» J'ai deux raisons pour ne pas m'étendre
» beaucoup
ינכ
MAY . 929 1740.
>>
beaucoup sur le Poëme. L'une , que d'au-
» tres ont pû dans sa nouveauté , en décla-
» rer leur sentiment , & qu'il peut avoir été
géneralement adopté . L'autre, qu'on n'a pas
grand mérite à faire des remarques sur un
" genre d'Ouvrage , où depuis Quinault il eft
permis de tout dire impunément , & où le
" bon & le mauvais ne se font pas mieux-
» sentir l'un que l'autre . On ne connoît &
» l'on ne cite guére la plupart des Opera
d'aujourd'hui , que, lorsqu'il eft queſtion
» de Mufique. Aufli ne m'arrêterai - je qu'à
» celle de Pyrame & Thisbé.
"
35
ر و
»
"
» On n'a pas manqué , à la reprise de cet
Opera , d'en faire une comparaison avec
» celui de Dardanus , qui l'avoit précedé....
Puis il s'exprime ainsi sur le Muſicien des
» Indes Galantes : » Rameau , dans son Art ,
» eft ce que sont dans le leur , Marivaux &
Boiffy . Il vous aplique continuellement ; il
épuise son sujet ; il vous réduit à examiner
» fi ce qu'il vient de dire eft jufte & bien
placé ; il vous ôte la liberté de le connoî-
» tre d'abord. J'ai vû Dardanus , mon esprit
"a senti un plaisir infini ; je vois aujourd'hui
Pyrame & Thisbé ; mon goût , quelque
» difficile qu'il soit , n'a rien à desirer . D'où
»je conclus que Rameau , en chantant , pe-
» tille d'esprit , & que Rebel & Francoeur
poffedent un goût´ tout- à- fait délicat. Je
E iij laiffe
"
"
930 MERCURE DE FRANCE
" laiffe à décider lequel mérite plus d'éloges ',
» de l'homme d'esprit ou de l'homme de
" goût , quand chés un même sujet l'un &
» l'autre de ces avantages ne marchent point
de compagnie. L'homme de goût a sou-
» vent l'esprit qu'il veut , au lieu que l'hom
» me d'esprit ne trouve pas toujours le goût
» qu'il cherche.
Nous parlerons exactement de la suite de
ces Feuilles , sur lesquelles nous sommes
priés de donner les avis suivans au Public,
1. Il faut s'adreffer directement à la veuve
PISSOT pour avoir de la premiere main ces
Feuilles , & les quatre premiers volumes de
cet Ouvrage , qu'elle donnera très - proprement
reliés , pour la somme de treike livres
quatre sols. C'eft auffi dans cette Boutique
qu'on doit adreffer à l'Auteur les Lettres
qu'on lui deftime.
2º. Le prix de ces nouvelles Feuilles , dont
l'impreffion eft fort belle & sur du papier
fin , ne doit pas être de plus de quatre sols
pour chacune , sans diminution
sans augmentation. La veuve PISSOT les
donnera aux Libraires à trois sols & demi.
comme
3. Les 14. Brochures précédentes des
Amusemens se vendent en détail chés le fieur
MERIGOT , Quai des Auguftins , près de la
ruë Gift- le -Coeur , à l'Image S. Louis. Ces
Avis pourront obliger les Lecteurs , qui sont
bien
MAY. 1740. 931
bien aises de sçavoir à quoi s'en tenir
l'achat des Livres .
pour
4°. Le Tome cinquième sera suivi promptement
d'un sixième , & ainsi de suite sans
nulle interruption , à ce que nous aſſûre
P'Auteur.
TRAITE' de la Peinture ancienne , & c . contenant
des Remarques sur l'Origine , le Progrès
& la Décadence de cet Art chés les
Grecs & les Romains ; sur la haute idée
que
les Grands -Hommes de l'Antiquité s'en faisoient
; sur la liaison qu'il a avec la Poësie &
la Philosophie , & sur l'usage qu'on en peut
faire pour l'éducation de la Jeuneffe. On y
a joint des Observations sur le Génie , le
Caractere & les Talens de Raphaël , de Michel
- Ange, deNicolas Pouffin,& de quelques
autres fameux Peintres modernes , & sur le
bon usage qu'ils ont fait des reftes précieux
de l'Antiquité , soit en Peinture , soit en
Sculpture. Le tout enrichi de so . Taillesdouces
, qui représentent des Morceaux de
Peinture ancienne , trouvés en differens temps
parmi les ruines de l'ancienne Rome , & qui
ont été parfaitement bien gravées d'après les
Delleins originaux de Camille Paderni, Peintre
Romain . Par Georges Turnbull . Cet Ouvrage
, qui eft en Anglois , se trouve à Lon
dres , chés A. Millar.
E j PARAL932
MERCURE DE FRANCE
PARALLELE du Coeur , de l'Esprit & dư
bon sens , à Paris , chés Nyon , fils , Quai
des Auguftins , du côté du Pont S. Michel ,
à l'Occafion , 1740. vol. in- 12. de 156. pages
, sans la Préface .
"
ود
و د
ود
"

» J'ai tâché , dit l'Auteur , d'établir dans
» un Ouvrage précedent , l'excellence de
» l'homme par l'examen de son origine ; il
» lui manquoit encore d'être prouvée par la
façon dont l'homme peut user de ses pro-
» prietés effentielles ; & c'eft ce que je me
»suis proposé dans ce Traité , qui peut être
» regardé comme une suite des pensées di-
» verses sur l'homme. Loin qu'on ait manqué
de matiere pour remplir ce Plan de
travail , on n'a cû qu'à se défendre des dé-
» tails trop longs & trop circonftanciés, qui,
quelque multipliés qu'ils euffent pû être
» n'auroient encore rendu qu'une très- petits
quantité des Tableaux infinis , que tracent
» aux yeux les diverses situations dans la so-
» cieté des hommes . D'ailleurs on a crû qu'il
» étoit suffisant d'indiquer par des maximes
» & des observations génerales , quand &
» comment l'homme doit suivre la voix du
» sentiment , ou raisonner , en présentant
>> aux yeux des Lecteurs une espece de mi-
» roir , dans lequel chacun peut se chercher.
» Heureux ceux qui pourront ne pas craindre
» la vérité de la glace , ou qui la chercheront
avec intention d'en profiter ! Don
ود
و د
MAY. 1740.
933
ود
و د
>>
Donnons à présent quelque idée particuliere
de l'Ouvrage , page 18. » Il n'eft point
» étonnant que dans des choses simples ,
» dans des occasions ordinaires , ou dans des
» affections douces , le bon sens soit une
premiere opération de l'esprit ; c'eft - à - dire
>> que l'on puiffe toucher le point jufte des
» combinaisons . Mais il n'en eft pas de même
des choses difficiles, ou des objets com-
» pliqués,sur lesquels les premieres opérations
» de l'esprit sont ordinairement bien éloignées
de ce point de rectification des sen-
» sations ou des idées , laquelle je nomnie
» bon sens. C'eft auffi ce qui fait qu'on con-
» noît mal la trempe de l'esprit , tant qu'on
» n'a pas vû un homme dans des conjonctu
» tures difficiles ; & qu'il y a si peu de grands
» hommes , ou d'hommes égaux aux grands
» évenemens . Pour être tel , il ne suffit pas
» d'avoir de l'esprit. Les idées , quelles qu'el-
" les soyent , & en quelque genre que ce
» soit , peuvent être saisies vivement & per-
" çûës avec netteté ; voilà ce que donnent
» les lumieres de l'esprit ; mais les détermi-
" nations qui en doivent naître par l'effet des
"combinaisons , doivent être fondées sur le
"jugement. Ainsi point de grands hommes.
» où le bons sens n'existe pas éminemment ,
"parce qu'un grand homme eft celui qui
» sçait faire de grandes choses , & que l'esprit
seul ne les opere pas..
Ev II
934 MERCURE DE FRANCE
Il eft aisé de juger par cet échantillon, pris
au hazard , que l'Auteur a fait , non - seulement
une longue & sérieuse étude du coeur
humain , mais qu'il joint encore beaucoup
de goût & de délicateffe , aux sentimens les
plus épurés. On le reconnoît partout dans
cet Ouvrage , ainsi que dans plusieurs autres
qui sont sortis de la même main ; c'eſt- à- dire
qu'on retrouve sur chaque matiere qu'il traite
, l'homme le plus rempli d'honneur , le
Citoyen le plus zelé , en un mot , l'Ecrivain
qui cherche avec le plus de bonne foi à se
rendre utile à sa Patrie , & s'il se pouvoit à
tout le Genre Humain.
TRAITE DES MALADIES VENERIENNES,.
traduit du Latin de M. Astruc , Médecin
Consultant du Roy , &c . A Paris , chés
Guillaume Cavelier , ruë S. Jacques , au Lys
d'or , 1740, Volume in - 12 .
LE MINISTRE DE L'ABSOLUTION , ou le
pouvoir de confeffer , selon S. Thomas ,
contre l'Apologie du Livre intitulé : La Consultation
sur la Jurisdiction & l'Aprobation
néceffaires pour confeffer , par le P. Bernard "
dArras , Capucin , à Paris , chés Deluffeux,
1.740 . Vol in- 12.
INSTRUCTION . Sur les Lettres de Change
&
MAY. 1740. 935
sur les Billets négociables , suivant l'Edit du
Commerce , les Déclarations & Arrêts rendus
depuis 1673. jusqu'à présent, & les Usages
des Places & des Négocians.Seconde Edition
, corrigée & augmentée. A Blois , & se
vend à Paris , chés David , l'aîné , Quai des
Auguftins , & chés de Nully , au Palais . Volume
in- 12. 1739.
BIBLIOTHEQUE Belgique , ou Catalogue
des Ecrivains célebres des Pays - Bas , donné
par Valere André , Aubert le Mire , François
Swest & autres , augmenté & continué
jusqu'en 1680 , par M. Foppens , Chanoine
de l'Eglise Métropolitaine de Malines , à
Bruxelles , chés Pierre Foppens , 1739. deux
vol. in-4°. de 1233. pages , sans l'Epitre Dédicatoire
& la Préface. L'Ouvrage est en
Latin.
MUSEI THEUPOLT Antiqua Numismata
alim Collecta à Joanne Dominico Theupolo :
aucta & edita à Laurentio Equite & D. Marci
Procuratore , Frederico Senatore Fratribus
Theupolis. 2. volumes in 4° . Venetiis :
M. D C C. X X X V I.
Voici l'un des plus beaux Ouvrages qui
soient jamais sortis des Preffes d'Italie , il
contient le Cabinet entier des Médailles Antiques
, Grecques & Romaines , de toure.
grandeur: E vj
1
936 MEKUURE DE FRANCE
grandeur & de tous métaux , recueillies avec
beaucoup de soins & de dépense par l'illustre
Jean - Dominique Thiepolo , augmenté
par de nouvelles acquisitions , qui sont dûës
à Laurent Thiepolo , Procurateur de S. Marc ,
& à Frederic Thiepolo , Sénateur de Venise
Freres , lesquels ont publié ce Trésor entier
dans les deux Volumes dont il s'agit ici. La
Famille Thiepolo , pour le dire en paffant , eft
une des plus confidérables de la République
de Venise. M. N. Thiepolo a été Ambaffadeur
en France , sous le Regne du feu Roy, & on
sçait qu'il s'eft acquité de son Miniftere , avec
beaucoup de sageffe & de dignité .
Plusieurs Extraits ne suffiroient pas pour
entrer dans quelque détail au sujet de cet
Ouvrage nous nous contenterons de raporter
le Sommaire exact de ce qu'il contient ,.
Sommaire qui fera connoître en même temps.
l'ordre & l'arrangement de ce fameux Cabinet
, lequel surpaffe de beaucoup ceux des
plus riches. Particuliers , dont nous avons
connoiffance.
Il eft divisé en neuf Suites principales ..
La I. contient les Médailles Consulaires
ou des Familles Romaines , en tout Métal ..
La II . des Empereurs , en or & en argent ,'
jusques à Gallien , & après Gallien , de tous.
Métaux .
La . III . des Médailles frapées par ordre
du
>
M. A Y. 1740 937 .
du Sénat , & marquées du S. C. toutes en
Bronze .
La IV . des Colonies & des Municipes ,
auffi en Bronze.
La V. Suite eft des Médaillons ( Medaglioni
) en Bronze , & d'un petit nombre en
argent.
La VI. des Grecs sous les Empereurs Romains
, en bronze , & quelques -unes d'argent.
La VII . de la Ville d'Alexandrie, d'Egypte ,
sous les mêmes Empereurs , toutes de bronze.
La VIII . des Rois d'Egypte , de Judée , de
Macédoine, de Sicile, de Syrie , & c. de tous
Métaux , suivant l'ordre alphabétique .
La IX. & derniere Suite , des Peuples &
de Villes libres, de toutes sortes de Métaux,
& suivant le même ordre de l'Alphabet.
A la page 1309. du second Volume il y a
une Addition , qui regarde principalement
quelques Colonies omises. On y trouve une
Médaille Grecque , qui nous a parû fingulicre
, c'eft celle que la Ville de Césarée de Phi-
Lipe , Colonie Romaine , fit fraper en l'honneur
de l'Empereur Antonin Pie . Elle eft unt
peu fruftre du côté de la tête. On y lit cependant
encore bien TI . AIA. AAP ..... &
sur le Revers , ΚΑΙ ΣΑΡΙΑΣ ΛΙΒΑΝΟΥ ΕΞΥ
Casarea Libani . Anno cccc LXII. Antonin
eft encore représenté sur ce Revers debout ,
portant
938 MERCURE DE FRANCE
portant de la main droite un Lab arum , la
main gauche abatuë.
La singularité de cette Médaille confifte
principalement dans l'Epoque qui y eft marquée
& qui n'a point été connuë du sçavant
Cardinal Noris , lequel dans son grand Ouvrage
, Annus & Epocha Syro Macedonum ,
& c. a fait une Differtation exprès sur la même
Ville de Césarée de Philipe , & sur les Epoques
marquées sur ses Médailles , & c . Celle
dont il eft ici queftion , mérite l'attention
particuliere de quelque bon Antiquaire .
Voici encore l'Annonce d'un Ouvrage du
même genre , qui fera , fans doute , plaifir
aux Antiquaires.
APPENDICULA ad Numos Auguftorum &
Ca arum , ab Urbibus græcè loquentibus cusos
quos Cl. Vaillantius collegerat , concinnata , è
Cimelio Vindobonenfi cujusdam è Societate
JESU. Honoribus perillustrium Pranobilium,
Nobilium D. D. dum in antiquiffimâ ac celeberrimâ
Univerfitate Viennenfi , Promotore
R. P. Ludovico de Biel , è Societ . J. &c . su
prema AA. LL. & Philosophia laureâ infignirentur
A Neo Doctoribus Collegis dicata.
Vienna , Typis Marie Therefie Voigtin, vidne;
Un. Typ. 1. vol. in- 1 2. pag. 148.
,
>
Ce Recueil , difent Mrs les Auteurs du
Journal de Trévoux , de qui nous empruntonsMAY.
1740.
939
tons cette Annonce , dans leur mois de Mars
dernier , page 533. contient plus de deux
cent cinquante Médailles frapées par les Villes
Grecques , à l'honneur des Empereurs
Romains , que l'Auteur n'a point trouvées
dans M. Vaillant. Les explications qu'il en
donne , font d'ordinaire courtes , fimples, &
précifes. Il y en a néanmoins de plus étendues
, quand le fujet le demande . Elles fourniffent
de bonnes Remarques pour la Chronologie
, l'Hiftoire , la Fable , la Géogra
phie.
Il eſt à fouhaiter que cet Ouvrage foit bien.
tôt connu en France , & tombe en d'auffi
bonnes mains que celles des Sçavans , dont
nous venons de parler.
DISSERTATIO GLYTOGRAPHICA ,fen due.
Gemma vetuftiffima , Emblematibus & Graco-
Artificis nomine infignita , que extant Roma in
Mufao Vittorio , explicata & illuftrata. 1. vol .
4°. Roma Typis Zempetlianis M. DCC . XXXIX ..
Il s'agit dans ce Livre de deux belles Pierres
gravées antiques , qui font dans un des
plus curieux Cabinets de Rome , forties de
la main d'un très- habile Artiſte , dont on
voit le nom fur l'Ouvrage , & expliquées par
un fçavant Antiquaire d'Italie.
ELEMENS DE FORTIFICATIONS , dédiés à
S. A. M. le Prince Charles de Loraine ,Grand-
Ecuyer
40 MERCURE DE FRANCE
Ecuyer de France . Par M. le Blond , Professeur
de Mathématiques des Pages de la Grande
Ecurie du Roy. A Paris , chés C. A. Jombert
, ruë S. Jacques 1739. in - 12 . de 230. pa
ges , avec plusieurs de Planches gravées.
GENEALOGIA Diplomatica Augufta gentis
Habsburgica, quâ continentur vera gentis hujus
exordia , antiquitates , propagationes & prærogativa,
Chartis ac Diplomatibus n° . CM. LIV.
maxima parte hactenus ineditis afferta ..
operâ & ftudio R. P. Marquardi Herrgott ,
Ordinis S. Benedicti , Congregationis S. Blafi
in Nigrâ Sylva : in -folio magno , Vienne Austria
1737. 3. Volumes. Se trouve à Paris, ches
de Bure l'aîné , Quai des Auguftins , à l'lmage
S.Paul.
La Généalogie de l'auguste Maifon d'Autriche,
qui vient par les males de celle de Habsbourg
, n'a été bien connuë que fur la fin
du XII. fiécle. Indépendamment de fon
ancienneté , on peut affûrer qu'il n'eft rien
de plus grand que d'avoir produit quinze ou
feize Empereurs & un grand nombre de
Rois , comme a fait cette illuftre Maiſon .
M. Theodore Godefroy , donna lieu , par les
doutes qu'il proposa , à examiner l'ancienneté
des Princes de la Maifon d'Autriche :
mais le Pere Vignier , de l'Oratoire fur
l'inspection des Titres de Loraine , qui lui
,
avoient
MAY.
94% 1740%
voient paffé par les mains , ramena les Sçavans
à des fentimens raifonnables , & montra
que les deux Maifons de Loraine & d'Autriche
venoient de la même fouche , mais
que par raport au Droit d'aîneſſe , la Maifon
de Loraine devoit avoir le pas fur celle
d'Autriche.
Le P. Auguftin Calmet , & le sçavant
M. Eccard font venus dans ce fiécle ; ils font
d'accord en quelque chofe avec le Pere Vignier
, mais ils l'abandonnent dès qu'il faut
remonter aux temps les plus reculés de ces
deux Maifons.
L'Hiftoire dont il s'agit ici , pleine d'un
grand fçavoir & de profondes recherches
eft dûe au Pere Herrgott , Religieux Bénédictin
de l'Abbaye de S. Blaise , dans la Forêt
Noire ; le Pays de l'Europe , où l'on
trouve le plus de Titres pour juftifier l'origine
de l'illuftre Maifon de Habsbourg.
Nous avons eû le plaifir de voir ce Pere à
Paris , à l'Abbaye de S. Germain des Prés ,
où il a perfectionné parmi les sçavans Religieux
de cette Maiſon , le goût qu'il avoit
pour les Sciences Eccléfiaftiques & Hiftoriques.
Le premier Volume de sa Généalogie de
la Maifon d'Habsbourg contient la partie
Hiftorique. Outre les Préliminaires de fon
Ouvrage , qui comprennent ce qu'il y a de
dogma942
MERCURE DE FRANCE
dogmatique & de critique , on trouve en fix
Livres , l'Hiftoire ancienne de cette grande
Maiſon. Rodolphe d'Habsbourg , élů Empereur
en 1273. fait le fujet du premier Livre;
mais dans le second , l'Auteur rétrograde
depuis cet Empereur jufqu'à fes Ancêtres les
plus reculés. L'Auteur n'a pas de peine à remonter
par Titres , jufqu'à Gontran le Riche
, qui vivoit au milieu du X. fiéle , & qui
a été le neuviéme Ayeul de Rodolphe d'Habsbourg.
Mais faut il monter plus haut que Gontran
le Riche ? L'Auteur fe fert de Preuves
Hiftoriques , auxquelles il eft quelquefois
obligé de mêler de judicieufes conjectures.
Elles sont belles & fçavantes , mais ce font
toujours des conjectures , au moyen defquelle
P. Herrgott remonte encore à neuf générations;
ce qui en fait dix - huit, depuis l'Empereur
Rodolphe I jufqu'à Ethie , Duc d'Allemagne
au VII. fiécle ; c'eft cet Ethie que
l'Auteur regarde comme la Tige des deux
Maifons de Loraine & d'Habsbourg.
Dans le troifiéme Livre de cette Hiftoire ,
F'Auteur marque les defcendans immédiats
de Rodolphe , & dans les Livres fuivans , il
parle des differentes Branches de cette Maifon.
Il n'oublie pas même fes plus belles
Alliances ; cette derniere partie fait le sujet
du fixiéme Livre.
Ce
MAY. 1740. 943
·
Ce Volume finit par les Actes du Martyre
de S. Trutpert , & par la Fondation de l'Abbaye
de Mury , en Suiffe , Piéces effentielles
pour l'Hiftoire de la Maiſon d'Habsbourg.
Les Actes de cette Fondation avoient été
imprimés in 4°. en 1618. par ordre du Roy
Louis XIII, & comme cette Piéce étoit fort
rare , M. Ludwig l'a fait réimprimer dans sa
Collection des Hiftoriens d'Allemagne.
Le second & le troifiéme Volumes contien
tiennent une ample moiffon de Titres , tirés
la plûpart sur les Originaux . Il y en a 954,
ils commencent à l'an 744, & finiffent à l'an
1471 , peu de temps avant que la Maifon
d'Autriche recueillit la riche Succeffion de
la Maifon de Bourgogne , Branche de la Maifon
de France , dont celle d'Autriche tire
fes plus grands biens , & dont même elle
conserve encore l'Etiquette ou le Cérémonial.
On ne sçauroit trop loüer le zéle de l'Auteur
de cette Hiftoire , qui a entrepris de
faire connoître une Maiſon auffi Augufte ,
& fur l'origine de laquelle on n'a eû pendant
quelque temps que des idées confuses ;
il a foin de réfuter par toute son Hiftoire , ce
dit Eneas Silvius , qui , parlant de Rodolphe
d'Habsbourg , l'apelle , homo infime
gentis . Il réfute même un Auteur , dont l'Ouvrage
a été imprimé dans les Pays Etrangers,
que
&
MERCURE DE FRANCE
i a dit
que
la Maifon de Baviere a prodes
Empereurs,avant qu'il y eût des Princes
dans celle d'Autriche .
On remarque dans cette Hiftoire , que par
raport à la Souveraineté des anciens Domai-.
nes , la Maifon d'Autriche , ou plûtôt celle
d'Habsbourg , ne le cede pas aux autres
Maisons Souveraines de l'Europe.
D'ailleurs , pour ne parler ici que du Livre,
on peut affûrer qu'il ne s'eft encore rien imprimé
de fi beau , ni de fi magnifique en
Allemagne; & on ose affûrer qu'une auffi belle
Edition n'eft pas l'entreprise d'un fimple Particulier
; elle eft dûë , fans doute , à la magnificence
d'un grand Prince.
AVIS SALUTAIRES d'un Philosophe Chré
tien , diftribués pour chaque Jour du Mois ,
& traduits d'un Manuscrit qui a pour titre :
Chriftiana Philosophia Medulla , pus afceticum
, Auctore THEOPHILO RAURACO . I.
vol. in - 1 2. de 344. Pp. A Paris , chés Prault;
Pere, Quai de Gêvres, au Paradis. M.DCC.XL.
Une Eftamps fort bien gravée , orne le
Frontispice de ce Livre , & en fait , pour ainſi
dire , symboliquement l'Analise. LA FOI ,
principale figure du Tableau , tire un rideau,
qui nous empêche de fixer nos regards sur
les biens de l'Eternité , & les détourne des
Amours , des Erreurs , & des Terreurs du
Monde, L'EsMAY.
1740: 943
L'ESPERANCE entretient le Sage. LA CHARITE'
profite de l'attention qu'il prête à l'Esperance
, pour lui faire fentir l'impression du
Divin Amour.
Un Enfant affis au pied de la Charité , représente
le Génie d'une Piété folide , fimple
comme la Colombe , prudent comme le
Serpent, qui empêche que la Foi ne cede aux
preftiges de l'Erreur ; que la crainte ne prévale
sur l'Efperance , & que l'indifference &
la tiédeur ne ralentiffent l'ardeur de la Charité.
La feule Joye folide que nous puiſſions
goûter en ce Monde , ne peut venir que de
notre acquiefcement aux vérités que la For
nous revele , des consolations que nous procure
l'ESPERANCE , & des tendres fentimens
que la CHARITE ' nous infpire : Dedifti latitiam
in corde meo ; paroles tirées du Pseaume
IV. & gravées au bas de l'Eftampe,
Une Perfonne de Piété , qui a examiné
cet Ouvrage , affûre qu'il eft composé sur le
modéle de l'incomparable Livre de l'Imitation
de JESUS - CHRIST. On ne sçauroit
mieux faire en deux mots l'éloge d'un Livre
de Piété , & c'eft , ajoûte-t- il , précisément
ce qu'on peut dire à tous égards de celui- ci .
Tout eft fentence , lumiere , ardeur & fen
timent dans l'Ouvrage dont nous parlons.
On a cû foin dans cette Traduction , d'en
arranger
946 MERCURE DE FRANCE
arranger la matiere , autant qu'il a été poffible
, & de la diftribuer de telle sorte qu'il
y en ait une portion , plus ou moins longue,
pour chaque Jour du Mois ; & par- là on a
eû en vue de faire plaifir aux Perſonnes pieufes
, qui aiment à trouver un certain ordre
tout marqué pour leurs lectures . Tous les
Gens de bien foufcriront fans peine aux defirs
du Traducteur , qui souhaite ardemment
à cet Ouvrage les mêmes bénédictions
qu'il a plû à Dieu de répandre fur fon Modéle
, & que les Fidéles étudient de plus en
plus dans l'un & dans l'autre , cette véritable
Philosophie qui fait les Chrétiens , & dont
S. Chryfoftome ne ceffoit de faire l'éloge
dans fes Difcours publics.
LA DECOUVERTE DES LONGITUDES, AVEC
la Méthode facile aux Navigateurs , pour en
faire usage actuellement , par M. de la Drevetiere
, Sieur de Lille.. Se trouve à Paris ,
chés André Caillean , rue S. Jacques , près
la Fontaine S. Severin , à S. André , 1740.
HISTOIRE de la derniere Révolution arrivée
dans l'Empire Ottoman le 28. Septembre
1730. avec quelques Obfervations fur
l'état des affaires de la Ville & Empire de
Maroc, par M. de Crouzenac , Gentilhomme
Gascon , chés le même Libraire. Nouvelle
Edition , 1749.
MAY. 1740
947
ELEMENS DE LA GEOMETRIE D'EUCLIDE ,
réduits à l'effentiel de ses principes , pour
apliquer facilement la théorie de cette Science
à la pratique . A Paris , chés J. B. Samson,
Libraire , Quai des Auguftins , près le Pont
S. Michel , à S. Maur , volume in- 1 2 .
Nous avons fait connoître dans le premier
Volume du Mercure de Décembre 1739. page
2788 , la précision dans laquelle on devroit
réduire les Elemens de Géométrie pour éviter
la superfluité des principes ; & afin qu'on
puisse aprendre sans dégoût ceux qu'on apli
que ordinairement à l'usage des Arts, & dans
des démonstrations des Mathématiques.
Ceux qui voudront s'apliquer à cette Scien
ce , trouveront dans ces nouveaux Elemens .
des principes que l'on a tâché , autant qu'il a
été poffible , de rendre clairs & précis, pour
éviter les défauts expliqués dans le Mémoire
indiqué ci- dessus. On espere qu'avec le secours
de ces principes on pourra en peu de
temps en faire l'aplication dans toutes les
pratiques de la Géométrie avec une facilité
qui fera plaisir.
On imprime chés André Cailleau , rue S. Jacques,
LA BIBLIOTHEQUE DES PHILOSOPHES CHYMIQUES ,
in- 12 . en trois volumes , revûë , corrigée & augmentée
, avec des Notes , par M. de Richebourg. Et
LA RELIGION PROTESTANTE , convaincuë de faux
Cans fes Regles de Foi particulieres , par les propies
946 MERCURE DE FRANCE
arranger la matiere , autant qu'il a été poffible
, & de la diftribuer de telle sorte qu'il
y en ait une portion , plus ou moins longue,
pour chaque Jour du Mois ; & par -là on a
eû en vûë de faire plaifir aux Perſonnes pieufes
, qui aiment à trouver un certain ordre
tout marqué pour leurs lectures . Tous les
Gens de bien foufcriront fans peine aux defirs
du Traducteur , qui souhaite ardemment
à cet Ouvrage les mêmes bénédictions
qu'il a plû à Dieu de répandre fur fon Modéle
, & que les Fidéles étudient de plus en
plus dans l'un & dans l'autre , cette véritable
Philosophie qui fait les Chrétiens , & dont
S. Chryfoftôme ne ceffoit de faire l'éloge
dans fes Difcours publics.
LA DECOUVERTE DES LONGITUDES , avec
la Méthode facile aux Navigateurs , pour en
faire usage actuellement , par M. de la Drevetiere
, Sieur de Lille.. Se trouve à Paris ,
chés André Caillean , ruë S. Jacques , près
la Fontaine S. Severin , à S. André , 1740.
HISTOIRE de la derniere Révolution arri
vée dans l'Empire Ottoman le 28. Septembre
1730. avec quelques Obfervations fur
l'état des affaires de la Ville & Empire de
Maroc, par M. de Crouzenac , Gentilhomme
Gascon , chés le même Libraire. Nouvelle
Edition , 1749.
MAY. 1740.
947
ELEMENS DE LA GEOMETRIE D'EUCLIDE ,
réduits à l'effentiel de ses principes , pour
apliquer facilement la théorie de cette Science
à la pratique . A Paris , chés J. B. Samson,
Libraire , Quai des Auguftins , près le Pont
S. Michel , à S. Maur , volume in- 1 2 .
Nous avons fait connoître dans le premier
Volume du Mercure de Décembre 1739, page
2788 , la précision dans laquelle on devroit
réduire les Elemens de Géométrie pour éviter
la superfluité des principes ; & afin qu'on
puisse aprendre sans dégoût ceux qu'on aplique
ordinairement à l'usage des Arts , & dans
les démonstrations des Mathématiques .
Ceux qui voudront s'apliquer à cette Scien
ce , trouveront dans ces nouveaux Elemens .
des principes que l'on a tâché , autant qu'il a
été poffible , de rendre clairs & précis, pour
éviter les défauts expliqués dans le Mémoire
indiqué ci- dessus. On espere qu'avec le secours
de ces principes on pourra en peu de
temps en faire l'aplication dans toutes les
pratiques de la Géométrie avec une facilité
qui fera plaisir.
On imprime chés André Cailleau , ruë S. Jacques,
LA BIBLIOTHEQUE DES PHILOSOPHES CHYMIQUES ,
in-12 . en trois volumes , revûë , corrigée & augmentée
, avec des Notes , par M. de Richebourg. Et
LA RELIGION PROTESTANTE , convaincuë de faux
cans fes Regles de Foi particulieres , par les pro-
PICS
948 MERCURE DE FRANCE
pres avoeux & raisonnemens de fes Défenseurs , par
M. Mainard , in- 12 . 2. volumes.
Le même Libraire a réimprimé L'HISTOIRE DỰ
PEUPLE DE DIEU , en 10. volumes in - 12. 1740 .
On aprend de Rome , que Jerôme Menardi a
achevé l'impreffion du cinquiéme Tome du Recueil
intitulé : Decifioni della bona Memoria di Monfignor
Anfaldi.
CHOIX de Poëfies Morales & Chrétiennes
dédié à M. le Duc d'Orleans , par M. le Fort de la
Moriniere. Troifiéme Tome . A Paris , chés Briasson
, ruë S. Jacques , 1740. in- 8 °.
On a achévé d'imprimer à Milan , & on débite
le dix -huitiéme Volume du Corpus veterum Poëtarum
Latinorum , cum eorumdem Italica Verfione. Ce
Volume contient les Satyres de D. Jun . Juvenal ,
avec la Traduction Italienne de M. Co. Camille Silveftri
, laquelle accompagne partout le Texte Latin
, 1739. in-4°.
Le P. Milanta , Jacobin , & Profeffeur dans l'Univerfité
de Naples , vient de donner trois Volumes
intitulés : Exercitationes Dogmatico - Morales in propofitiones
proscriptas à Sum. Pont . Alex. VII. VIII.
Innoc. IX. dans lesquels il combat avec beaucoup
d'érudition & de force , le fentiment du R. P.
Viva , Jesuite .
Le troifiéme & dernier Volume d'Analise de M.
Marini, Profeffeur de Mathématiques à Naples , eft
forti de preffe.
Pathologia MethodicaAuthore Franc, de Sauvages,
Profeffore Medicina , Monspel. 1739. 180. pages in-
2. Dans cette Pathologie P'Auteur s'éloigne de la
route
MAY. 949 1740.
route ordinaire des Galeniſtes & trouve mieux fon
compte chés les anciens Methodiques, Secte de Médecins,
qui fleuriffoit 300. ans avant J. C. il définit
avec eux la maladie par un affemblage ou concours
de symptomes ; ainfi la pleurefie eft le concours de
cinq symptômes , l'aemoptyfie de deux , & c . il évite
& rejette toute définition tirée des causes , parce
que toutes ont été jusqu'ici hypothetiques & litigieuses
, auffi les bannit-il ces causes , de fa Pathologie
, il n'en admet que de claires & qui font démontrées,
au moins font-elles méchaniques & à l'abri
des disputes ; telle eft la cause prochaine des tumeurs
, des maladies à écoulemens , & c . il trouve le
langage des anciens Médecins plus conforme aux
loix de méchanique que ne l'eft celui des modernes;
il tâche de le rétablir pour faciliter l'intelligence de
ces mêmes anciens , tels qu'Hipocrate , Galien ,
Col. Aurelianus , &c.
Son Ouvrage eft divisé en deux Parties , fçavoir ,
en Oetiologie ( ou Traité des causes des maladies ,
tant prægumenes ,comme les vices des fluides , des folides,&
il place là tant les maladies fimples ou affections
chirurgicales, que procatartiques , ) & en Nosologie
,ou Traité des maladies qui ne font que des affemblages
de fimptomes ; & dans cette partie il employe
la Méthode des Naturaliſtes , donnant d'abord les
claffes , ordres & genres des maladies , & enfuite
les especes ou la maniere de les établir , conformément
au Livre qu'il donna en 1732. intitulé : Classes
nouvelles des Maladies , dont on a donné dans le
temps l'Extrait ( au Journal des Sçavans . )
Le Traité des Symptômes , qui fait d'ordinaire la
troifiéme Partie des Pathologies , fe trouve ici compris
dans l'Etiologie , tout y eft méthodique &
fondé fur les loix des Méchaniques & de l'Hydraulique.
F I
950 MERCURE DE FRANCE,
Il y a eû à Palerme , au commencement du mois
dernier , plufieurs fecouffes de Tremblement de
terre ; la seconde a été fi violente , que les Religieux
de l'Observance , en ayant été effrayés ,
abandonnerent leur Convent , & à peine furent-ils
fortis , que toute leur maison fut renversée.
MORTS de Personnes Illustres.
La Religion , la République des Lettres , & la
Compagnie de JESUS en particulier, ont fait une perte
confidérable par le décès des RR. PP. Vander
Bosch & du Sollier , tous deux dignes Auteurs , avec
les RR. Peres Piney & Cuper , de la continuation
du grand Ouvrage qui s'imprime à Anvers depuis
plufieurs années avec tant de fuccès , ſous le Titre
de Acta Sanctorum , &.c.
Nous avons apris la mort du premier par le III.
Tome qui concerne les Saints du mois d'Août , à la
tête duquel eft fon Eloge. Les Auteurs des Mémoires
pour l'Histoire des Sciences , &c. ont crû , avec
raison , devoir auffi de leur part un tribut de loüanges
à la mémoire de ce fçavant Jesuite , & on
trouve ce tribut parfaitement bien rendu au commencement
de leur Extrait du troifiéme Tome dont
nous venons de parler ; & l'Eloge & l'Extrait font
deux Piéces qui inftruisent de beaucoup de choses,
& qu'on lit avec plaifir dans les Mémoires du mois
d'Avril 1740. On eft en particulier édifié de la politeffe
& des ménagemens qui regnent dans cet
Ouvrage à l'égard des Ecrivains qui pensent differemment
des Auteurs des Acta Sanctorum ; par
exemple , dans l'Article de fainte Claire de Montefalco
, le Pere Luc Wanding eft qualifié de celebre
fçavant Auteur des Annales des Mineurs , & dans
un autre endroit, de Docte Annalife , &c.
L'Article
MAY. 1740. 1
955
L'Article de S. Louis , Evêque de Toulouſe , &
premier Evêque de Pamiers , eft tout-à- fait curieux-
& dans l'Ouvrage des fçavans Jesuites d'Anvers, &
dans l'Extrait des habiles Auteurs des Mémoires
qu'on vient de citer , Article d'ailleurs important ,
s'agilant de la Vie d'un Fils de France , digne Neveu
de S. Louis , Prince auffi diftingué par fos augufte
Naiſſance , que par fon éminente vertu ; fur
laquelle Vie on trouve ici de nouvelles lumieres &
de quoi redreffer quelques Ecrivains qui ont erré en
traitant le même fujet.
Nous avons apris la Mort toute récente du Pere
du Sollier , dans le même Journal , qui contient
l'Extrait dont il eft parlé ci- deſſus .
Don Antoine de Napolis & Noronha , Confeiller
du Confeil d'Etat , Grand - Vicaire du Patriarche de
Lisbonne , & Académicien de l'Académie Royale
de l'Hiftoire , mourut le 31. Janvier dernier , âgé
de 46. ans.
Le 2. Mars , mourut à Madrid le P. Jean-Martin
Granizo , connu par fa profonde Litterature , il
étoit âgé de 90. ans , & il en avoit paffé 75. dans
l'Ordre des Minimes. ·
COUPLET sur l Air de Joconde, employé
dans le second Volume du Mercure
Q
de
Decembre 1739.
Uand son Epoux est descenda
Dans la sombre demeure ,
Comme si tout étoit perdu ,
Faut- il qu'Aminte pleure?
Rire sous cape , c'est le mieux
Fij
Qu'Aminte
52 MERCURE DE FRANCE
Qu'Aminte puisse faire ;
Perdre un Epoux avare & vieux ,
C'eft gagner un Doüaire.
TRADUCTION LATINE
Num , fi tartareo fpecu receptum
Pluto nunc cohibet ferus Maritum
Quafi cuncta forent fimul fepulta ,
Effufa lacryma decent Amintam ?
Rifu quid melius , magisque dulce ?
Subridere juvat , decetque Amintam .
Avarum atque fenem mori Maritum ;
Cum dant Numina , quaftuosa res eft.
J. C
3
AVERTISSEMENT
au sujet du
Mémoire Instructif sur l'Armorial de
France , publiépar M. d'HoZier.
MR
d'Hozier , Juge d'Armes de France , avertit
que le Chef de fes Bureaux ayant été révoqué
depuis le mois d'Avril , la Nobleffe ne doit plus
s'adreffer déformais qu'à lui-même directement
* ou à Mrs fes Fils , reçûs en ſurvivance de ſes Charges
; & de plus , comme on a fait quelques chamgemens
au Mémoire imprimé dans notre Mercure
, on a jugé à propos de le faire réimprimer ici
avec ces changemens.
MEMOI
MAY.
953 1740.
MEMOIRE sur l'Ouvrage intitulé :
Armorial Géneral de la France .
Uoique le Juge d'Armes ait eû un foin particulier
de faire diftribuer dans les Provinces la
Préface de l'Armorial Géneral de la France , dont
le troifiéme Volume eft actuellement fous Preffe ,
peu de Personnes ont eû jusqu'ici une juſte idée de
cet Ouvrage , foit que l'envie qui accompagne d'ordinaire
tous les Projets utiles , ait corrompu cette
idée dans quelques -uns , ou que les autres le foient
peu mis en peine de rectifier par l'examen, ce qui leur
étoit venu d'abord en pensée ; foit enfin que la Préface
foit tombée entre les mains de ces Personnes
qui pour s'épargner la peine de lire avec attention,
croyent toûjours que ce qu'ils ont conçû d'abord ,
eft ce qu'on vouloir leur faire entendre . Plufieurs
auffi fe font imaginés que l'Armorial Géneral n'étoit
qu'une fuite ou une imitation de l'Ouvrage qui
portoit ce titre en 1696. qu'il feroit pareillement
fuivi de recherches & de circonftances peu agréa-,
bles aux Particuliers ; qu'il n'en résulteroit qu'un
avantage paffager pour l'Etat , & que cet Armorial
fè veroit fuprimé par les mêmes raisons qui avoient
causé la fupreffion du premier.
L'Armorial Géneral de la France , que le Juge
d'Arme compose à présent , fuivant le droit de fa
Charge , a un objet tout different ; il ne l'a entrepris
que pour fatisfaire aux voeux de toute la Noblesse
, pour réparer, autant qu'il feroit poffible , les inconvéniens
des usurpations paffées , & afin de mettre
un obftacle à celles que l'on auroit à craindre
pour l'avenir.
Le Public a pû voir dans la Préface de cet Ouvrage
, que le Miniſtere a regardé comme un point essentiel
, la réformation des abus par raport aux Ar-
Fiij moiries
954 MERCURE DE FRANCE
moiries, aux Titres, aux qualités, & aux rangs depuis
f long- temps confondus , qu'on n'a point trouvé de
moyen plus sûr de remedier aux désordres , que de
former un Catalogue géneral des Nobles , & que la
Nobleffe du Royaume avoit principalement en vûë
ce Catalogue, lorsqu'affemblée à Paris en 1614.elle
fit demander au Roy Louis XIII.par fes Députés, la
création de la Charge de Juge d'Armes , création que
ce Monarque accorda en même - temps ,comme une
grace & comme une chose néceffaire ; or c'eft ce
Catalogue que le Juge d'Armes execute aujourd'hui
, fous le titre d'Armorial Général . Par le
moyen de cet Ouvrge , le Juge d'Armes met en
sûreté les Titres & les dignités de la Nobleffe ; il
expose aux yeux du Roy & de la Nation , ce que
chaque Gentilhomme du Royaume a pû acquerir
jusqu'à présent d'ancienneté , d'honneurs , de marques
de fidelité & de fervice . Ceux à qui la Fortune
femble avoir fermé les chemins à l'illuftration , en
leur refusant les moyens de paroître avec un certain
éclat dans le Monde , y trouvent une heureuse
occafion de faire valoir leur naiffance diftinguée.
L'Hiftoire ne célebre d'ordinaire que les actions de
ceux qui occupent les premieres places , & il eft
mille traits intereffans pour les Familles moins élevées
, que des détails généalogiques peuvent rapeller.
D'ailleurs combien de fervices importans , foit
dans l'Epée , foit dans les differens degrés de la Magiftrature
, demeureroient oubliés , ou feroient inconnus
, s'ils n'étoient transmis à la pofterité par
des Monumens durables , exposés fous les yeux des
Souverains , & capables de les exciter à répandre
leurs bienfaits fur les héritiers du mérite & de la
valeur de ceux qui fe font fignalés à leur ſervice ?
Le Juge d'Armes , dans fes deux premiers Volumies
, n'a pas , à la verité , affés dévelopé , au goût
du
MAY. 1740%
955
du Public, les vûës qu'il explique aujourd'hui,& pour
des raisons particulieres , il a donné d'abord trop
peu d'étendue à quelques uns des Articles qui les
composent ; mais aujourd'hui que la Nobleffe s'empreffe
de fe faire inscrire, & que le Juge d'Armes fçait
que chacun fouhaite d'être inftruit par des détails
plus circonftanciés , on a jugé à propos de donner
aux Articles l'étendue convenable , & de joindre ,
autant qu'il fera poffible , aux preuves fournies par
les Familles nobles , les Faits autentiques qui fe
trouveront dans l'Hiftoire , ce qui ne s'executera
neanmoins qu'avec beaucoup de circonspection , &
de sorte que le Lecteur ne puiffe confondre les Faits
tirés de l'Hiftoire , avec les preuves généalogiques,
pour lesquelles on n'admettra jamais que des Titres
inconteftables .
La Nobleffe eft le soutien & l'honneur de la Nation
, & pour cette raison elle jouit d'un rang distingué
& de certains privileges ; elle ne doit donc
rien négliger de ce qui peut conftater fes droits & les
mettre à portée d'être géneralement reconnus ; plus
ils font grands, plus ceux qui les poffedent doivent
en être jaloux. En géneral on a adopté ce principe ,
& le fuccès de certains Livres de Généalogie , en eft
une preuve ; les plus célebres ont été composés fur
des Manuscrits tirés de la Bibliotheque de feus Mrs
d'Hozier & du Bouchet , & de celle de M. Clai~
rambault ; cependant les fçavans Compilateurs ,
fouvent privés de ces fameux guides , & gênés par
des Mémoires de familles , fe font mépris plus d'u-
-ne fois au préjudice des Maisons Nobles , en fuprimant
les degrés dont la preuve auroit coûté de trop
longues recherches ; d'ailleurs on connoît la fecherefle
de ces Ouvrages , qui furpaffe celle qui eft attachée
à cette forte de travail ; l'obscurité du ftyle ,
les doubles fens , les noms des Peres , des Enfans &
Fiiij des
956 MERCURE DE FRANCE
des Freres confondus de telle forte, qu'il faut fouvent
chercher avec peine le Titre que chacun d'eux doit
avoir ; les Femmes fouvent prifes pour les Meres ,
& ce qui augmente l'obscurité , c'eft que dans ces
occafions ils disent très - clairement le contraire de
ce qu'ils veulent dire ; toutes ces choses font des
fautes confidérables en matière de Généalogie , où
l'on ne peut répandre trop de clarté .
D'ailleurs tout le monde fçait que les Ouvrages
que l'on vient de citer n'ont fait mention ,
pour la plupart , que des principales Maisons de
France , & qu'il y en a un grand nombre qui, pour
n'avoir point fourni de Connétables , de Chanceliers
, de Maréchaux de France , &c . n'en font pas
moins confidérables , & méritent également d'être
connues. On fçait auffi qu'il eft des Maisons , qui
quoique très anciennes , font, par- là même , l'objet
de certaines préventions auffi fâcheufes qu'injuftes .
Ainfi le crédit & la fortune des Familles du premier
rang , loin de devoir être pour elles un motif
d'indiférence à l'égard d'un Ouvrage qui compren
dra toutes les Familles Nobles en géneral , doit au
contraire les flater , puisqu'il fera connoître au Public
, peut être partagé fur cet Article , les Titres
légitimes de leur prééminence .
l'a-
A l'égard de la Nobleffe moins diftinguée , il n'y
a point de Gentilhomme en France , qui ne fe trouve
dans le cas de retirer actuellement & pour
venir , de grands avantages de l'Armorial Géneral.
Quel embarras pour la plupart d'entre eux , lorsqu'il
s'agit de raffembler leurs Titres pour placer
leurs Enfans parmi les Pages du Roy , à . Cyr , &
dans les Chapitres ou Colleges qui exigent des preuves
? Après avoir fourni ces Titres au Juge d'Armes
Four être inserés dans fon Catalogue , ils feront en
état de voir d'un coup d'ail s'ils prouvent les
degrés ,
MAY. 1740; 957
degrés , les alliances , & l'ancienneté requise par les
differens Statuts des Etabliſſemens nobles ; ils éviteront
par ce moyen une recherche toujours pénible
, & que le défaut d'indices rend fouvent inutile .
Et combien de Maisons déplorent aujourd'hui la
perte de leurs anciens Tiires , qui par cette précaution
, mettront leur Poſterité à l'abri de pareils accidens
?
On peut ajoûter encore que l'Armorial Géneral ,
en raportant les alliances des Familles qu'il comprend
, leur en renouvelle le fouvenir , ainfi qu'au
refte du Public , & en quelque forte , les réunit de
nouveau. Un Gentilhomme inférieur ou par le
rang , ou par la fortune , peut y voir , fi parmi les
Maisons élevées aux dignités & aux honneurs , il
n'en eft point quelques-unes à qui il apartienne , &
de qui il ait droit de reclamer la protection & let
fecours.
Ces diférens motifs , qui prouvent l'utilité & la
néceffité d'un Armorial universel , n'ont point garanti
cet Ouvrage de plufieurs especes de Critiques,
la plupart goûtées par ceux qui acceptent toujours
fans refléxion toutes fortes de discours qui peuvent
nuire ; & cependant une feule mérite qu'on y réplique.
Quelques-uns ont reproché au Juge d'Armes d'avoir
trop fouvent mêlé dans fon Ouvrage la haute
Nobleffe avec celle qui jouit depuis peu de ce Titre.
Ces Personnes n'ont point affés confideré l'objet de
l'Armorial , annoncé par fon Titre même ; c'eſt parce
qu'il eft géneral qu'il eft plus utile . Un ancien
Gentilhomme croit-il perdre de fon luftre dans la
focieté , parce qu'un autre Sujet du Roy , introduit
après lai dans l'ordre de la Nobleffe , eft auffi reconnu
pour Gentilhomme , ou même pour fimplement
Noble , & qu'il jouit des prérogatives attachées
E v
958 MERCURE DE FRANCE
chées à cette qualité ? Chacun eft conservé dans
fon état.
L'objet de l'Armorial qui demande le mêlange
des diférens degrés de la Nobleffe , n'affoiblit en
rien la diftinction naturelle que donnent l'ancienmeté
& l'illuftration ; au contraire il la fait mieux
connoître , & loin de pouvoir être pour la Nobleſſe :
du fecond ordre , un fujet de mortification , c'eſt au
contraire un moyen d'exciter une émulation génerale
. Dans les Armoriaux particuliers on a vû en->
femble les plus grands noms avec les noms inférieurs
, fans inconvénient pour les uns, ni pour les
autres .
Jamais aucun Ouvrage , qui intereffera auſſi géneralement
le Public , & qui traitera d'une matiere
auffi délicate que celle de la Nobleffe , ne paroîtra
fans exciter quelques plaintes . Mais qui en impor- .
tunera le Publicè Sera -ce ces illuftres Rejettons de
Races anciennes , dont presque tous les degrés fe
comptent par autant de Héros ? Ou ceux , qui possedant
en un degré inférieur une Nobleffe acquife
par la vertu & par des fervices réels , témoignent
leur reconnoiffance par l'aveu public du bienfait
Les murmures partiront feulement de certains intrus
dans l'Ordre de la Nobleffe , usurpateurs des
Titres qu'ils portent , & qui n'ayant pour en jouir
d'autre droit qu'une grande fortune , tremblent à
la vue d'un Ouvrage qu'ils croyent capable d'éclairer
le Public fur leurs chimeres. L'amour propre
s'éleve contre tout ce qui pourroit un jour le
bleffer, quelque éloigné qu'il foit ; poffeffeurs tran
quilles d'une prééminence usurpée , ils fe récrient
contre tout ce qui tend à les remettre dans leur état
naturel , & pour cacher au Public le véritable motif.
de leur opofition , ils feignent de craindre feulement
pour les autres , lorsqu'ils ne redoutent que pour
euxeux-
mêmes ; ainfi , pour ſe mettre à l'abri de tout
examen , ils décrient d'avance un projet dont leur
chagrin & leur inquiétude fait encore mieux fentir
la néceffité .
Au refte , le deffein de cet Ouvrage , loin d'allarmer
personne , doit au contraire inspirer de la
confiance ; il n'eft entrepris que pour conftater l'état
de toutes les Personnes Nobles du Royaume
qui représenteront leurs Titres ; jamais on n'a eû en
vûë de pénetrer les fecrets des Maisons pour les dévoiler
; ce n'eft point leur Hiftoire qu'on veut faire
, mais feulement leur Généalogie . On peut , en
fuivant exactement la verité , ne rien dire de fâcheux
pour les Familles, ni les dégrader par des anecdotes,
fouvent auffi mal fondées qu'elles font injurieuses.
On doit ajoûter encore que tout le monde fçait que
toutes les Provinces du Royaume , ainfi que la Capitale
, fe font vûës tour-à- tour & à diverses reprises
, le théatre des guerres cruelles , & en proye aux
ravages & aux incendies . Personne ne doit donc
s'étonner fi certaines Maisons , qui paffent avec
droit pour très- anciennes , n'ont pû néanmoins raporter
au Juge d'Armes les Titres néceffaires pour.
prouver cette ancienneté ; les bornes qu'il donne à
leur Nobleffe prouvée,n'annoncent rien contre leurs
prétentions, d'autant plus que beaucoup de Gentilshommes
, fatisfaits de conftater dans l'Armorial
qu'ils le font , facrifient fouvent l'avantage qu'ils
retireroient d'une preuve plus étendue , à la peine
de raffembler les Piéces néceffaires pour la rendre
complette ; d'autres étant Cadets , ne peuvent remonter
que jusqu'à la féparation de leur branche
d'avec celle de leurs Aînés , dont les Titres & les
biens font fondus fouvent dans des Maisons étrangeres.
-
Personne n'ignore auffi qu'avant le Regne de
F vj Charles
މ
1V1
Charles VII . nos Rois accordoient rarement par
Lettres , la Nobleffe à leurs Sujets ; ainfi quiconque
peut faire remonter fes preuves au- delà de ce kegne
, c'eft-à dire jusqu'au commencement du XV.
fiecle , doit paffer à bon droit Noble de trèspour
ancienne extraction . A l'égard de ceux qui ont eni
effet obtenu cette grace du Prince , il y auroit une
espece d'ingratitude à vouloir dérober à la Pofterité
la connoiffance d'un bienfait reçû ; & comme ce
bienfait fuposoit alors des fervices rendus , ce feroit ,
dans un fens , mal entendre,fes interêts , que de le
diffimuler ; les personnes qui voudroient en faire.
myftere, donneroient lieu , ce me femble , de craindre
ce qui pourroit en réſulter dans la fuite.
Rien n'étant plus précieux que la confiance du
Public , on ne peut trop entreprendre pour la mériter
; & le Juge d'Armes , travaillant au plus grand
projet qui ait jamais été tenté en matiere de Généalogie
, il croit être obligé de rapeller ici ce que
fes
Ancêtres ont fait en ce genre , & les fecours qu'ils.
lui ont préparés.
Pierre d'Hozier , Seigneur de la Garde , en Provence
, & Chevalier de l'Ordre du Roy en 1628 .
fut , pour ainfi dire , le reftaurateur de la Généalogie
en France . Cette Science, dont on connoît d'autant
plus l'importance , qu'elle a été plus négligée :
& plus corrompuë , étoit avant lui dans un désorare
que l'on jugeoit presque irremédiable . On regarda
alors comme un espece de prodige, que quel
qu'un voulût fe dévouer à un travail auffi pénible &
auffi ingrat ; le Public récompenfa par l'eftime la.
plus marquée , les talens & l'aplication de M.:
d'Hofier ; & la Cour reconnut fon zele d'une
maniere très - diftinguée. Il fut fait Juge d'Ar- ,
es de France en 1642. après la mort de M. de
Chevriers, & Confeiller d'Etat en 1654. Louis- RogCE
1740 . 98 1
ger d'Hozier , auffi Chevalier de l'Ordre du Roy ,
Gentilhomme ordinaire de Sa Majefté , & Charles
d'Hozier , fon frere , Chevalier de l'Ordre de Saint
Maurice de Savoye , poffederent après leur Pere la
Charge de Juge d'Armes de France , qu'ils exercerent
conjointement , & ils ont eû plufieurs fois
l'honneur de recevoir des marques de la bonté du
feu Roy,de celle de les Miniftres , & de la confidération
du Public . Le Juge d'Armes fe trouvant héri
tier des Charges de fes Ancêtres ( Charges dont S..
M.a bien voulu accorder la furvivance aux deux Aînés
de fes Enfans , ) il l'eft auffi de tout ce qu'ils
avoient à grands frais raffemblé de Mémoires fur la
Nobleffe du Royaume ; & fon unique attention depuis
plufieurs années , a été d'augmenter à plus
grands frais encore , un trésor déja fi conſidérable .
Après cet exposé de fa fituation à cet égard , le Juge
d'Armes ne croit point manquer à la modeftie ,
en disant que fon zéle joint à cette quantité de Matériaux
qu'il doit au travail de fes Ancêtres , & au
fien , le mettent , fans doute , plus en état que perfonne
, de remplir le Projet de l'Armorial Géneral,
en même-temps que fa Charge donne à lui feul le
droit de l'entreprendre.
La multitude des fes occupations ne lui permet--
tant pas de répondre auffi promptement qu'il le
voudroit aux demandes & aux affaires des Gentilshommes
qui defirent être inftruits de ce qu'ils.
ont à produire pour l'Armorial Géneral ,
prie de fe rapeller ce qui a déja été annoncé.
dans la Préface qui eft à la tête des deux premiers
Volumes , & qui a été diſtribuée ſéparément .
on les
1 °. Que le Juge d'Armes de France ne recevra
au défaut des Titres originaux , ou premieres Grosses
, aucunes copies collationnées, à moins qu'elles.
ne foient délivrées fur les Minutes , & .enfuite dûement
légalisées.
62 MERCURE DE FRANCE
2º. Que pour la preuve de chaque degré de filiation
, il faut raporter au moins deux Actes , tels
que Baptifteres , Contrats de Mariages , Teftamens,
Partages , Gardenobles , Tutelles , Hommages ,
Aveux , Dénombremens , Transactions , Sentences,
Fondations , Procès verbaux de Nobleſſe pour Malthe
, autres Ordres , & Chapitres Nobles , Provifrons
d'Offices , tant pour le Militaire , que pour la
Robe ; Commiffions , Certificats de fervices, Arrêts
ou Jugemens de maintenuë fur le fait de Noblesse
, & c.
3 °. Que ceux qui jugeront à propos , pour des
raisons particulieres , de fe renfermer à produire ces
Arrêts ou Jugemens de Nobleffe , juftifieront au
moins par Titres , leurs filiations , depuis celui de
leur Famille qui aura obtenu ces Maintenuës.
On avertit de plus , que pour ne point priver la
Nobleffe réellement pauvre , de l'avantage qu'elle
peut retirer d'un Ouvrage tel que celui de l'Armorial
, le Juge d'Armes fe chargera de tous les frais ,
fans exception , pour l'impreffion de leurs Articles.
On prie feulement ceux qui fe trouveront dans ce
cas de pauvreté , de vouloir bien la juftifier par un
Certificat autentique , visé par l'Intendant de la
Province ; précaution qu'on croit devoir prendre ,
de crainte que l'on n'abuse , comme on a déja fait,
du zéle que le Juge d'Armes a fait paroître en toutes
occafions,& de fon dévouement pour la Nobleffe, la
plûpart ne faisant point affés d'attention à l'étenduë:
& à la peine des Ouvrages de Généalogie ; on
croit presque toujours payer trop cher , quand on ne
paye que la vérité.
Comme on a renvoyé au Juge d'Armes plufieurs
Lettres de certaines personnes , dont il avoit crû
pouvoir fe fervir , & qui vouloient abuser auprès
de la Nobleffe de la confiance qu'il avoit eû en
eux
MAY.
963 1740
eux , elle eft priée de fe défier de leurs tentatives ,
& ceux qui voudront être inftruits plus particulierement
encore , & avoir des éclairciffemens qui au
roient pû échaper , pourront s'adreffer à M. d'Hozier
lui-même ou à M. d'Hozier , fon fils aîné ,
Généalogifte du Roy, en furvivance , ou à M. d'Hozier
de Serigni , fon fecond fils , Juge d'Arines de
France , aufli en furvivance.
On imprime actuellement un troifiéme Volume,
pour lequel la Nobleffe a envoyé fes Titres , & on
a déja reçû beaucoup de materiaux pour le quatriéme
Volume , que l'on imprimera de fuite . Les Maifons
Etrangeres , autrefois fous la domination
Françoise , ou dont quelques Branches font actuellement
établies dans le Royaume , feront auffi reçûës
pour l'Armorial , & comprises dans cet Ouvrage
, en envoyant leurs Titres originaux.
On avertit de plus , que l'on s'eft arrangé fur la
dépense de l'impreffion & des Gravûres , afin de
pouvoir donner aux Libraires de Province chacun
des deux Volumes imprimés , & celui que l'on imprime
, fur le pied de 24. livres en blanc , petit papier;
& 36. livres chaque Volume en grand papier.
Le Dépôt general de la Nobleffe eft chés M.
d'Hozier , Confeiller du Roy en fes Conseils , Maî--
tre des Comptes & Juge d'Armes de France , &c.
vieille rue du Temple , près la rue S. François.
RENTREE & Prix des Académies.
E Mardi 26. Avril , l'Académie Royale des
L
Inscriptions & Belles Lettres , reprit les Séances
par une Affemblée publique, à laquelle le Comte
d'Argenson préfida. On commença par la diftribution
des Prix , dont le premier , qui regardoit les
Loix
964 MERCURE DE FRANCE
Loix de l'Ile de Crete , fut donné à M. Culoteau
Avocat du Roy à Châlons , en Champagne ; & le.
fecond , qui rouloit fur l'état des Sciences en France.
depuis la mort du Roy Robert, jusqu'à celle de Philipe
le Bel , fut donné à M , Lebeuf, Chanoine d'Auxerre.
A cette diftribution fuccederent quatre Lectures
.
M. l'Abbé Sallier , lût un Mémoire pour éclaircir
l'Hiftoire de Guillaume Poftel , tiré d'un Manuscrit
original , figné de la main du même Poftel .
M. l'Abbé Souchay , lût un fecond Mémoire fur
les Sectes Philosophiques .
M. Fourmont , l'aîné , lût une Differtation , dans
laquelle il montre que les Septante n'auroient pû faire
leur Verfion du Texte Hébreu , telle qu'elle eft ,
s'il n'y avoit eû de leur temps des Points voyelles.
M. l'Abbé Vatry , lût un Discours , qui eft le
commencement d'une Hiftoire Critique des Poëmes
Dramatiques Grecs , & dans lequel il recherche l'origine
de la Tragédie , & parle de fes progrès jusqu'à
Tespis .
PRIX proposé par l'Académie Royale des
Sciences pour l'année 1742 .
Eu M. Rouillé de Meflay , ancien Conseiller au
FParlement Paris,
de contribuer au progrès des Sciences ,& à l'utilité que
le Public en pouvoit retirer , a legué à l'Académie-
Royale des Sciences , un fond pour deux Prix , qui
feront diftribués à ceux , qui , au jugement de cette
Compagnie , auront le mieux réuiffi fur deux differentes
fortes de Sujets , qu'il a indiqués dans fon
Teftament , & dont il a donné des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Siſteme
general du Monde , & l'Aftronomie Phyfique .
Ce
MAY 1740 965
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux termes
du Teftament , & ſe diftribuer tous les ans. Mais la
diminution des Rentes a obligé de ne le donner que
tous les deux ans , afin de le rendre plus confidérable
, & il fera de 2500. livres.
Les Sujets du fecond Prix regardent la Navigation
& le Commerce.
Il ne fe donnera que tous les deux ans , & fera
de 2000. livres.
Parmi les excellentes Piéces qui ont été en
voyées pour le Prix de 1740. fur la Cause Physique
du Flux & Reflux de la Mer , il s'en eft trouvé qua→
tre, entre lesquelles l'Académie n'ayant pû établir de
raison de préférence , tant par raport au même fond
de fifteme , qu'à des fiftemes differens, elle s'eft déterminée
à les couronner toutes quatre en égale
part , & elle espere marquer par -là de plus en plus
fa parfaite neutralité dans fes jugemens . Ces quatre
Piéces , felon l'ordre de leur réception , ou de
leur N°. & fans autre diftinction , font ,
N°. 7. qui a pour devise , Hinc deprimor , erigor
illine , dont on ignore l'Auteur.
No. 8. qui a pour devise, Deus nobis haec otia
fecit , dont l'Auteur ne s'eft pas déclaré .
No. II. qui a pour devise , Opinionum commenta
delet dies , natura judicia confirmat , dont l'Auteur
eft M. Mac-Laurin, Profeffeur de Mathématiques à
Edimbourg , & Secretaire de la Societé des Sciences
de cette Ville.
Et No. 20. qui a pour devise , Cur nunc declivi
nudantur littora ponto , &c . dont l'Auteur eft M.
Euler, Profeffeur de Mathématiques à Petersbourg.
L'Académie propose pour le Sujet du Prix de l'année
1742. PExplication Phyfique de l'Attraction réciproque
de l'Aiman avec le Fer , la Direction de
l'Aiguille aimantée vers le Nord , fa Déclinaison &
Jon Inclinaison. Les
986 MERCURE DE FRANCE
Les Sçavans de toutes les Nations , font invités à
travailler fur ce fujet , & même les Affociés Etran →
gers de l'Académie . Elle s'eft fait la Loi d'èxclure
les Académiciens régnicoles de prétendre aux Prix .
Ceux qui composeront , font invités à écrire en
François , ou en Latin , mais fans aucune obligation.
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils voudront
, & l'Académie fera traduire leurs Ouvrages .
On les prie que leurs Ecrits foient fort lifibles ,
furtout quand il y aura des Calculs d'Algebre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages,
mais feulement une Sentence ou Devise . Ils pourront
, s'ils veulent , attacher à leur Ecrit un Billet
féparé & cacheté par eux , où feront avec cette
même Sentence , leur nom , leurs qualités & leur
adreffe , & ce Billet ne fera ouvert par l'Académie ,
qu'en cas que la Piéce ait remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adrefferont
leurs Ouvrages à Paris , au Secretaire perpétuel de
l'Académie , ou les lui feront remettre entre les
mains,, Dans ce fecond cas le Secretaire en donnera
en même-temps à celui qui les lui aura remis ,
fon Recepiffé , où fera marquée la Sentence de
l'Ouvrage & fon numero, felon l'ordre ou le temps
dans lequel il aura été reçû.
Les Ouvrages ne feront reçûs que juſqu'au premier
Septembre 1741. exclufivement.
L'Académie à fon Affemblee publique d'après
Pâques 1742. proclamera la Piéce qui aura remporté
ce Prix.
• S'il y a un Recepiffé du Secretaire pour la Piéce
qui aura gagné le Prix , le Trésorier de l'Académie
délivrera la fomme du Prix à celui qui lui
raportera ce Recepiffé . Il n'y aura à cela nulle autre
formalité .
S'il n'y a pas de Recepiffé du Secretaire , le Tréforier
MAY. 1740.
967
forier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même, qui
fe fera connoître , ou au Porteur d'une Procuration
de fa part.
Cette Académie tint fon Affemblée publique le
27. du mois dernier , à laquelle préfida M. le Comte
de Maurepas.
M. de Fontenelle , ouvrit la Séance en proclamant
les Piéces qui ont remporté le Prix de cette année.
On vient de voir dans le Programme quelles font
ces Piéces.
M. de Juſſieu , l'aîné , lût ensuite un Memoire
fur l'utilité que la Botanique doit retirer de la publication
d'un Recueil confidérable de Plantes ,
gravées par les plus habiles Maîtres , fous le Regne
de Louis XIV. Mais comme il n'y a encore qu'une
partie de ces Plantes qui foient décrites par feu
M. Marchand , Penfionaire de cette Académie , &
que le plus grand nombre de ces Descriptions manque
, M. de Juffieu & les autres Botaniftes de
F'Académie , comptent travailler à ces Descriptions
, pour parvenir à la publication de ce Recueil.
M. de Reaumur , lût un Mémoire fur une nouvelle
maniere de faire la Porcelaine , ou l'Art de
transformer en Porcelaine le Verre le plus groffier,
tei que les Bouteilles dans lesquelles on renferme
le Vin.
4
M. Caffini de Thuri , lût ensuite un Mémoire fur
la nouvelle mesure qu'il vient de faire des degrés
du Méridien depuis Paris jusqu'à Perpignan ; il ré
fulte de ces Opérations que les degrés vont en diminuant
vers l'Equateur , d'où il fuit l'aplatiffement
de la Terre vers les Poles.
M. Lemeri finit la Séance par un Mémoire d'Anatomie,
fur le trou ovale , dont il ne pût lire que
le
968 MERCURE DE FRANCE
le Titre , parce que le temps de la Séance ne lui
permit pas d'en faire la lecture.
Nous donnerons quelques Extraits de ces Mé
moires.
Leçons gratuites de Mathématiques.
M. de Prémontval , avertit le Public que l'ouver
ture des Conférences , qu'il s'eft engagé de donner
tous les ans, fe doit faire par un Discours fur l'origine
, les progrès & l'utilité des Mathématiques.
Ce nouveau Cours aura trois Parties . Dans la pre
miere , on expliquera un abregé fuffisant de Géométrie
, pour fervir de Préliminaire aux deux autres.
Dans la feconde , on donnera les principes géneraux
de la Méchanique , avec leur aplication aux
trois fortes de Machines fimples , les Cordes , les
Leviers , & les Plans , auxquelles toutes les autres
peuvent fe raporter .
Dans la troifiéme , qui occupera le refte du
Cours , on démontrera la Sphere artificielle , fes
diverses especes & fes usages , pour l'intelligence
des Syftêmes du Monde.
On s'eft proposé cette année de ne choifir que des
choses qui ne fuffent point trop difficiles & trop
abftraites ; & l'on a pris foin de les diverſifier , pour
en rendre l'étude plus agréable . On a crû ne devoir
faire même en quelque forte qu'entamer les matieres
, parce qu'on a reconnu que dès qu'elles font
trop aprofondies , elles ne font plus du tout propres
à être traitées dans les Affemblées un peu nombreuses
, quelque aplication qu'on pût y aporter.
C'est un inconvénient inévitable des Exercices publics
;
& l'on doit convenir que leur utilité conſiſte
quelquefois moins dans la quantité des choses que
Pon y aprend effectivement, que dans celles qu'ils
donnent occafion d'aprendre enfuite de foi -même.
C'est
MAY. 969 1740.
C'est toujours beaucoup que d'être mis fur les voyes;
& c'eft le principal avantage qu'on fe flate de procurer
aux jeunes gens , auxquels on a particulierement
en vûë de fe rendre utile .
Les Conferences fe tiendront , à l'ordinaire , trois
fois la femaine , les Mardis , Jeudis , & Samedis , de- ,
puis deux heures après midi jusqu'à quatre , & continueront
jusqu'aux Vacances prochaines , pour
recommencer ensuite fur de nouvelles matieres .
On ne demande absolument d'autre reconnois →
sance des foins qu'on fe propose de prendre , que
l'attention & l'affiduité néceflaires pour en profiter.
L'expérience des deux années précedentes , fait esperer
qu'on ne fe fera inutilement flaté de l'ob
tenir.
pas
L'adreffe eft rue & Montagne Sainte Géneviève, à
La Porte Cochere vis - à- vis le College de la Marche, au
fecond Apartement , fur le derriere.
Ceux qui auront de ces Billets , font priés de
vouloir bien fe prêter au desir qu'on a de fervir le
Public , en avertiffant les personnes de leur connoiffance.
PLAN d'un Livre d'Anatomie , pour être
imprimé avec des Couleurs naturelles.
Le Livre fera de la grandeur du papier grand Aigle
, & contiendra environ foixante Tables ou Chapitres
; fes parties feront représentées de grandeur
avec des Couleurs naturelles,& accompagnées d'une
ample & fçavante Explication ; elles feront toutes
faites fur des Tableaux nouveaux , peints d'après :
Nature , avec une correction & une exactitude dont
on n'a pas vû d'exemple jusqu'ici ; on peut fe flater
d'atteindre à ce point de perfection, non -seulement
parce que rien ne fera fait que fous les yeux & la direction
des plus grands Anatomiftes , mais encore
parca
970 MERCURE DE FRANCE
parce que ces Anatomiftes poffedent eux- mêmes
' Art du Deffein & la Peinture , circonftances effentielles
pour faire quelque chose de fupérieur & de
très correct. Des Connoiffeurs & Curieux de l'Anatomic
, defirant avoir ces Ouvrages mis en execution
, offrent d'y contribuer volontairement à ces
conditions :
1º. Les Contribuans recevront pour chaque Piftole
à avancer , deux Tables ; tellement qu'ils auront le
Livre entier pour douze Louis d'or , avec la prérogative
qu'ils pourront avoir jusqu'à dix Exemplaires
du Livre pour le même prix.
2º. L'Ouvrage fera commencé inceffamment , &
la premiere Table livrée en fix mois , & fuivie d'u .
ne ou de deux Piéces chaque mois après.
3°. Le Livre ne fera pas vendu après › pour moins
de feize Louis d'or.
J. C. le Blon , Inventeur , offre de livrer pour
mantiffement aux Contribuans , pour chaque Piſtole
avancée, un Portrait du Roy , ou telle de les Eftampes
qu'ils voudront , lesquelles on lui rendra lors
de la délivrance des Tables Anatomiques.
Au commencement de Juin , il paroîtra une
grande Carte , dont voici le Titre : Plan du Syftême
Solaire , avec les Orbites des Planettes && des Cometes
connues , dreffé sur la Carte Angloise de M,
Wifton , & fur les Tables des Cometes de M. Halley
, fuivant les principes de M. Newton.
Cette Carte eft traduite pour la plus grande partie
fur celle qui a été imprimée en Anglois par M.
Wifton , mais on a jugé à propos d'y faire plufieurs
additions & changemens confidérables ; le Cercle
exterieur a 22. pouces de diametre , & les 4. Angles
qu'il laiſſe au papier , font remplis d'ornemens qui
ont raport au Sujet ; le tout eft fur une feuille duplus
grand
MAY. 1740.
971
grand papier Imperial , que les Marchands apellent
grand Aigle , on a collé à chaque côté de la Carte
une bande de papier de la largeur d'un in - folio , où
l'on trouve l'explication de ce qui eft représenté.
Cette Carte le vendra une livre 16. fols , chés
Montalant, Libraire, fur le Quai des Auguſtins.
ESTAMPES NOUVELLES.
Vûë de Flandres , Eftampe en large , avec beau
Paysage , Village , & un Clocher , quatre Figures
, & Moiffon , très-bien gravée par le fieur le
Bas , d'après un Tableau original de D. Teniers , du
Cabinet de M. de Lorangere . Elle fe vend , ruë de
la Harpe , vit-à- vis la rue Percée , chés l'Auteur ,
Graveur du Roy. Il grave actuellement ſon Pendant,
Il paroît depuis la fin de l'année derniere , une
très- belle Eftampe en hauteur , gravée avec toutes
les fineffes de l'Art & toute la nobleffe que le ca
ractere comporte, par le Sr Georges- Fréderic Smidt,
qui a parfaitement réüffi. On la trouve chés lui ,
ruë Galande , au premier Caffé en entrant par la
rue S. Jacques. C'eft le Portrait jusqu'aux genoux ,
très-reffemblant & très-bien hiftorié de Louis DB
LA TOUR D'AUVERGNE , COMTE D'EVREUX ,
Lieutenant Géneral des Armées du Roy , Colonel
Géneral de la Cavalerie Françoise & Etrangere ,
Gouverneur de l'Ile de France , &c. d'après le célebre
Peintre du Roy , HYACINTE RIGAUD , Chevalier
de l'Ordre de S. Michel , lequel a été trèsbien
fecondé par le Graveur , qui marche fur les pas
de l'illuftre Drevet. Cette Gravûre a donné lieu de
peindre le coeur de ce Seigneur dans ces Vers, pour
être mis au bas de fon Eftampe,
De
972 MERCURE DE FRANCE
De l'homme vertueux être le Protecteur ,
Du mensonge ennemi , du vrai l'ami fincere ;"
Affable au malheureux , sensible à sa misere ,
Génereux , droit , secret , c'est le Portrait du Coeur.
Le Defintereffé .
L'ENFANCE , Eftampe en large , gravée
par M. Moyreau , chés lequel on la vend , rue
Galande , vis- à-vis Saint Blaise , d'après le Tableau
original de feu M. Raoux , d'une très - ingénieuse
& noble compofition . On lit ces Vers au bas , de
la compofition de M. de l'Isle , qui donneront une
idée complette de l'Eitam pe.
*
Les plaifirs innocens font de fource divine ,
Et du fein de la volupté
Nous tirons tous notre origine,
Dans les bras de fa mere un jeune enfant badine ;
A peine du Soleil voyons - nous la clarté ,
Que nous cherchons des Jeux la flateuse habitude.
L'une de fa poupée arrange l'attitude ,
L'autre enfle du Savon des Globes pleins de vent,
Qui d'un âge plus mûr annonçent bien fouvent
Le vuide des plaifirs dont on fait fon étude .
* M. Moyreau grave actuellement les quatre Ages,
d'aprés les quatre Tableaux du même Auteur , du Cabinet
du Chevalier d'Orleans , Grand-Prieur de France
, dont les dimensions font de 4 reds de barge ,fur
26. pouces de haut,
12
MAY.
1740. 973

Il paroît auffi une autre nouvelle Eftampe en large
d'après Ph. Wouvermans; c'eſt un Paysage qu'on
a intitulé : LE REPOS. L'Eftampe eft de la même
grandeur que le Tableau , & c'eft la huitiéme que
le Sr Beaumont , grave d'après le même Maître .
Elle fe vend chés lui , rue S. Jacques , vis- à- vis la
ruë de la Parcheminerie .
La Suite des Portraits des Grands - Hommes &
des Personnes Illuftres dans les Arts & dans les
Sciences , continuë de paroître avec fuccès chés
Odieuvre , Marchand d'Eſtampes , Quai de l'Ecole ;
il vient de mettre en vente , de la même grandeur :
CHILDEBBRT II . XVII . Roy de France , mort
en 711. après 17. ans de Regne , deffiné par A.
Boizot , & gravé par Aveline , le jeune.
GEORGES , CARDINAL D'AMBOISE , Archevêque
de Rouen , Miniftre d'Etat , mort à Lyon le 25.
May 15 10. âgé de so . ans , peint par J. F. & gra-
-vé par P. J.
MICHEL RICHARD DE LA LANDE , Sur- Intendant
de la Mufique du Roy, né à Paris le 15. Décembre
1657. mort le 18. Janvier 1726. peint par
Santerre , & gravé par Mathey.
THOMASO ANELLO , DIT MASANIELLO , qui fit
foulever Naples le 7. Juillet 1647. né à Amalfi , tué
par ceux de fon parti le 16. du même mois , peint
par F. D. & gravé par A.
Le même Odieuvre , qui va nous donner un
nombre confiderable de Portraits de Rois , de Gé-
、neraux , de Prélats , & d'autres Personnes Illuftres .
n'a pas manqué de mettre dans cette Suite le Portrait
du Cardinal de Fleury ; mais comme ce n'eft
pas affés de faire connoître un fi grand Homme par
quelques traits particuliers , le même Marchand a
G fait
974 MERCURE DE FRANCE
fait graver fon Portrait dans une grande Planche ,
où il a raffemblé tous les atributs qui lui conviennent
. Il paroît recevoir gracieusement d'une main la
Terre, qu'il releve, & à laquelle il a par fes foins procuré
l'abondance qui regne dans la plus belle Partie
de l'Europe , occupée par les François ; de l'autre
côté , la Foi reçoit tous fes hommages & toute fon
attention . Au -deffus on voit la Juftice fatisfaite de
l'adminiftration des Loix , en rendre hommage à
l'intégrité & aux profondes lumieres du Miniftre ,
aux pieds duquel paroît un Chien , parfait modele
de la fidelité. Plus bas , fur le devanr de l'Estampe,
on voit le fameux Diogene, qui ayant à la fin trouvé
l'Homme qu'il cherchoit, avec fa lanterne , fe fixe
, & le regarde avec une attention extrême. De
l'autre côté , fur la même ligne , on voit trois Génies
, dont le premier eft celui de la France . On ne
dira rien davantage de toute la compofition , qui ne
"fait qu'un feul Groupe ; c'eft aux Curieux & aux
Connoiffeurs à en aprécier l'ordonnance & la Gravúre.
Il y a au bas de la Planche les quatre beaux
Vers de M. de Linant, que nous avons déja raportés .
A SON EMINENCE
M. LE CARDINAL DE FLEURY,
Ministre d'Etat.
Lotho , qui préfidez à ce premier instant ,
Où la Figure humaine éclót & se débrouille ,
Rechargez votre quenoüille
En faveur d'un Mortel , dont le zele constant
Rend la France paisible & lễ Trône éclatant .
Lachesis ,
MAY. 1740.
975
Lachesis , prolongez sa gloire ,
Filez pour lui de nouveaux jours.
C'est pour les Filles de Mémoire
Que vous en étendrez le cours .
Gardez- vous d'une Soeur cruelle ,
Evitez son fatal Ciseau ;
L'Europe prend part au fuseau
Chargé d'une trame si belle.
Il paroît une nouvelle Méthode d'aprendre l'Ecriture
Sainte , qui a pour titre : l'Hiftoire Sacrée de
la Providence & de la conduite de Dieu fur les hommes,
depuis le commencement du Monde jusqu'aux
temps prédits dans l'Apocalipse , représentée en cinq
cent Tableaux , gravés d'après Raphaël autres
Maitres , expliquée en Latin & en François , par
les parolesmême de l'Ecriture Sainte , fuivant le Tex
te de l'Ancien & du Nouveau Teftament , dédiée à la
REINE , par le fieur Marne, Architecte & Graveur
ordinaire de Sa Majesté.Corrigée & augmentée de
Planches Vignettes & Sommaires hiftoriques pour
l'intelligence de chaque Livre de l'Ancien & du
Nouveau Teftament .
Cet Ouvrage complet forme trois Volumes petits
in folio , & on peut dire , fans exagerer , qu'il n'a
point encore parû de Recueil des Hiftoires Sacrées
de l'Ancien & du Nouveau Teftament , que l'on
puiffe comparer à celui - ci , tant pour la beauté des
Deffeins , que pour le nombre des Planches. Et
' pour ne laiffer rien à defirer , & mettre cet Ouvra .
ge à la portée de tout le monde , on a gravé au bas
de chaque Planche , non-seulement le Sujet qu'elle
contient en géneral , mais encore une explication
Latine & Françoise de ce Sujet , & le précis de ce
Gij que
976 MERCURE DE FRANCE
que les Livres Saints en disent . Par ce nouveau Livre
on peut , fans être obligé de lire un grand discours
, qui quelquefois ennuye , aprendre génera
lement toute l'Hiftoire Sainte , & en connoître les
Tableaux & Tapifleries , & cela en ſe récréant l'esprit
& fe nourriffant le coeur par les yeux.
".
On peut inserer ces mêmes 5oo . Tableaux dans
d'autres Livres qui traitent de la même matiere ,
comme dans le Peuple de Dieu du R. P. Berurier
en 8. Volumes in- 4 ° . & dans la Bible de Sacy.
On en fournira fur telle grandeur de papier que
l'on fouhaitera . 1
L'Auteur demeure à Paris , rue du Foin , en entrant
par la ruë de la Harpe , au Heaume , quartier
de Sorbonne.
CATALOGUE des Ouvrages qui se
vendent à Paris , chés J. P. le Bas ,
Graveur du Roy.
La Tentation de S. Antoine ,
Le Bon Pere ,
L'Ecole du Bon goût ,
Le Vieillard content
Le bon Mari ,
Le Berger amoureux
Les Joueurs de Boules ,
Foire de Venise ,
Les quatre Heures du jour
Halte des Gardes Françoises ,
Halte des Gardes Suiffes ,
de D. Teniers.
de Parrocel.
S. Antoine,prêchant aux Poiffons, de Salvator Rosa.
S. Antoine prêchant aux Oiseaux , le Bas , inv.
Livre de Paysage , pour aprendre à deffiner à la
plume , le Bas , inv.
Recueil de divers griffonnemens.
L'Amant
MAY.
17403 977
L'Amant aimé , le Bas , inv .
Le Temps mal employé , par le même.
Les cinq Sens de Nature , de D. Teniers .
Danse à l'Italienne , de Parrocel .
Départ pour la Chaffe à l'Italienne , du même.
Réjouiffances Flamandes , de D. Teniers.
Les Quatre Elemens , du même.
Pierrot & fa progéniture ,
Les Gentilles Villageoises ,
Les Belles Vandangeuses ,
Une Sainte Therese .
>le Bas inv.
Suite de Sujets deffinés d'après l'Antique , par Edme
Bouchardon , Sculpteur du Roy , & terminés au
Burin par J. P. le Bas.
Fête de Village , de D. Teniers.
Colin Maillard .
Détachement de Cavalerie .
Ha tes de Gardes Suiffes .
Repas à l'Italienne , de N.Lancret.
Le Pot au Lait.
La Chaffe à l'Italienne ,. } de Wouvermans .
Marche Comique , de Paterre.
Livre à Deffiner par principes.
L'Alliance de Bacchus & de Venus , de Coypel.
Rendez vous de Chaffe , de Van Falens.
La Solitude , de D. Teniers.
Vue de Fiandres , du même. 1740.
L'Arc-en - Ciel , feconde Vue de Flandres , du mê .
me. 1740.
Ces Planches , nouvellement gravées , fe débitent
chés l'Auteur , ruë de la Harpe , chés un Fayancier,
vis-à- vis la rue Percée.
On nous affûre que M. Chycoineau , Premier Médecin
du Roy , ayant vû la guérison d'un grand
Prélat, qui avoit des Boutons , Rougeurs & Dartres
Girj au
98 MERCURE DE FRANCE
ans ,
au visage depuis plus de huit ans , lequel a gratifié
la Dame de Leftrade , ci - devant Mlle de Rezé , qui
Pa guéri , d'une Penfion fa vie durant , & que M.
Chycoineau ayant apris d'ailleurs la guérison de
plufieurs Personnes confiderables , par les Remedes
composés par Mad. de Leftrade depuis plus de 40 .
a bien voulu , pour l'utilité & le foulagement
du Public , donner fon Aprobation pour les débiter.
Ces Remedes font , une Eau pour la guériſon des
Dartres vives & farineuses , Boutons , Rougeurs
taches de rouffeur , & autres Maladies de la Peau .
Ec un Baume blanc , en conſiſtance de Pommade
qui ôte les cavités & les rougeurs après la petite
Verole , les taches jaunes & le hâle , unit & blanchit
le teint.
#
Ces Remedes fe gardent tant que l'on veut , &
peuvent fe transporter partout.
T
Les Bouteilles de cette Eau , font de 2. 3. 4. 6.
livres & au-deffus , felon la grandeur.
Les Pots de Baume blanc , font de 3. livres 10.
fols , & les demi Pots de une livre 15. fols.
>
Mad. Leftrade demeure à Paris , ruë de la Comédie
Françoise , chés un Grainetier, au premier étage ;
il y a une Affiche au- deffus de la porte .
Le Sr Neilson , Chirurgien Ecoffois , reçû à S. Côme
, pour la guérison des Hernies ou Descentes ,
traite ces Maladies avec beaucoup de fuccès , par le
fecours des Bandages Elaftiques , qu'il a inventés
pour les Hommes , Femmes & Enfans. Ces Bandages
font fort aprouvés , non - feulement parce
qu'ils font très - légers & commodes à porter jour
& nuit , mais auffi ils font très - utiles par raport à
leurs refforts , qui compriment la partie malade ,
ferment exactement l'ouverture qui a permis la
Descente,& réfiftent aux impulfions que font les par
ties
MAY. 979, 1740.
ties intérieures, foit à cheval ou à pied. En envoyant
la mesure , prise autour du corps fur les Aines, mar
quantfur-tout l'état de la Descente , & le côté malade
, on eft affûré de los avoir juftes , auffi -bien que
ceux qu'il fait pour le Nombril.
Il donne fon avis , & felon l'âge & le tempérament
, il prépare des Remdes qui lui font particuliers
, & convenables à ces Maladies.
Pour les Chaffeurs & ceux qui courent à Cheval
ou en Chaise , qui prêchent , chantent , danfent ,
font des Armes , &c. continuellement exposés à ces .
Maladies , il a aufli inventé des Bandages Elaftiques
très - légers commodes & néceflaires à porter pendant
ces exercices , ou d'autres violens , pour ſe garantir
des maux , & prévenir les incommodicés qui
arrivent tous les jours.
Sa demeure eft à Paris , ruë Dauphine , au Coq ,
d'or ,.au premier Apartement. Il ne reçoit point de
Lettres , fans que le port en foit payé.
Le Roy ayant acheté du Sr Meunier Callac fon
Remede , lui en a accordé la jouissance fa vie du
rant , & après fon décès , Sa Majefté le rendra public.
Il s'eft retiré à S. Germain en Laye , rue de
Poissy. Les Personnes qui fouhaiteront s'adreffer
à lui pour fon Remede , auront la bonté d'affran
chir le Port des Lettres . Le Public , eft averti que
l'on trouve chés le Sr Merigot , Libraire , Quai des
grands Auguftins à Paris , un petit Imprimé de la
Ptisanne pour les Maladies fecrettes , de la compo
fition du Sr Meunier Callac .
La Dame veuve Bailli , affûre que quelques Particuliers
abusant de la foi publique pour contrefaire
les Savonettes de la fabrique du feu Sr Simon Bailli ,
fon Mari , y mettant les mêmes marqués & fe donnant
pour Poffeffeurs du même Secret ; elle fe
1 G iiij trouve
980 MERCURE DE FRANCE
trouve obligée d'avertir le Public qu'il n'y a qu'elle
qui poffede le Secret des Savonettes legeres de pure
Creme de Savon & les Pains de Pâte incorruptible pour
les mains. Le tout le débite toujours dans fa Maison ,
ruë du Petit Lion , vis - à - vis la rue Françoise , à l'fmage
S. Nicolas. Son nom eft fur chaque Piece.
La Dile le Gendre , Eleve de la Dlle Loyau , Couturiere
de la Reine , & du Sr Riber , Tailleur pour
les Corps de Cour, avertit qu'elle fait tout ce qu'il
ya de plus nouveau pour les modeles d'Habits de
Céremonie , Robes de Cour , & Robes d'Enfans ,
comme celles des Dames de France. Sa demeure
eft ruë S. Denis , au Cheval rouge , au premier Apartement
, près la rue Darnetal.
QUESTION sur le bon Goût , &c.
On nous prie de propofer la Queftion qui fuit.
J'ai fouvent oui dire à d'habiles Gens , que plus le
bon Goût eft porté à la perfection , plus il eft menacé
d'un edécadence prochaine. Il regnoit à Rome
dans les derniers temps de la République & fous les
premiers Empereurs , il tomba par degrés , & enfin
fe perdit entièrement . A quoi atribuer une Révolution
fi funefte & fouvent fi prompte ? C'est ce qui n'a
pas encore été bien éclairci. J'ai auffi remarqué que
lorfqu'une fois on a paffé dansles Sciences le véritable
point de la perfection , on en eft plus éloigné que
lorfqu'on ne l'a pas encore ateint. L'expérience a
prouvé la verité de cette efpece de Paradoxe . Vous
interefferiez , fans doute, le Public fi cette Queftion
qu'on vous prie de propoſer , étoit traitée à fond.
On commencera dans les premiers jours de Juil .
let prochain , & l'on continuera les jours fuivans , à
l'Hôtel de Louvois , rue de Richelieu , la Vente de
la Bibliotheque de feu M. le Maréchal Duc d'Estrées
,
1
MAY. 1740 . 981
trées , la plus confidérable qu'on ait encore vûë à
Paris , chés un Particulier , par le choix de plus de
quarante mille Volumes des plus rares & des plus
finguliers en tous genres , par les Cartes Géographiques
& Maritimes de tous les Pays , dont plufieurs
ont été deffinées fur les Lieux & fous les yeux,
à très-grands frais ; cette Vente fe finira par celle
des Suites de Médailles antiques , Conful ires &
Imperiales d'argent , grand & moyen Bronze ; par
une Suite de Monnoyes de France , depuis le com-
⚫ mencement de la Monarchie en or & en argent, &
par le Recueil des Eftampes de ce Seigneur , qui par
leur nombre , leur choix & la beauté des Epreuves,
répond à la magnificence de la Bibliotheque .
Le Catalogue en eft imprimé chés Jacques Guerin
, fur le Quai des Auguftins , en deux gros Volumes
in-4°.
On y vendra auffi deux Globes Sphériques , Célefte
& Terreftre , d'une beauté admirable , montés
très proprement , qui ont près de cinq pieds de
diametre ,
On y expofera en vente grand nombre de Tableaux
des premiers Maîtres.
On propofe de vendre la Bibliotheque , les Cartes
, les Estampes & les effets ci-dessus en gros ou
en détail , conjointement on féparément ; les Curieux
pourront s'adresser pour en traiter , à l'Hôtel
d'Eftrées , ruë de l'Univerfité , foit avant ou pendant
la Vente .
Barbou Libraire , rue S. Jacques , près la Fontaine
S. Bengît , vient d'imprimer un Discours Latin
, prononcé depuis peu par le R P de la Sante ',
Jefuire , Professeur de Rhétorique , au Co lege de
Louis le Grand Le Sujet de ce Discours eft , Combien
lEmpire de l'Opinion a de force peu de ftalilisé.
Nous comptons en donner bien - tôt l'Extrast .
Gv CHAN982
MERCURE DE FRANCE
CHANSONETTE ;
Envoyée à Mlle de Bonnail , qui n'a que cinq
ans & demi , & L'on
que peut regarder
comme un chef- d'oeuvre pour l'esprit & la
beauté.
J
Eune Manon , qui n'est pas enchanté
De votre esprit & de votre beauté ?
Les Ris , les Graces ,
Volent sur vos traces ;
Mille charmans apas
Suivent partout vos pas.
GAVOTTE BACCHIQUE,
A Quoi bon former tant de voeux
Pour les biens , les honneurs , la gloire
Veut-on vivre toujours heureux ?
Il faut toujours aimer ou boire .
*
Avec toi , charmant Dieu du vin ,
Regne une éternelle allegresse ;
Le pouvoir de ton jus divin
L'inspire même à la vieillesse:
*
Je

THE
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
. LENOX
AND LOON
SUITIONS
,
MAY 1740. 983
Je plains celui qui n'est qu'Amant ,
Prenez plûtôt Bacchus pour Maître ;
On peut être heureux en aimant ;
En bûvant on est sûr de l'être.
*
Mais voulez - vous qu'aucun retour
Ne trouble un état si paisible ?
Aimez & bûvez tour à-tour
Votre bonheur est infaillible.
U
MUSETTE.
N Berger sincere
Dans un Bois charmant
Voyant sa Bergere ,
Chantoit tendrement :
Il est des Amours
Qui durent toujours.
*
La Bergere
fine !
Répond doucement ,
Sans lui faire mine
1
De voir son tourment
Il est des Amours
)
8
Qui durent toujours.
G vj Le
984 MERCURE DE FRANCE
Le Berger s'avance
Pour conter ses maux ;
Son Récit commence
Par ces tendres mots :
Il est des amours
Qui durent toujours.
*
Aime moi , ma Belle ,
Je languis pour toi ;
Je serai fidelle ,
J'en jure ma foi ;
11 eft des amours
Qui durent toujours.
*
La jeune Bergere
Dit avec rigueur ;
Il faut pour me plaire
Convaincre mon coeur ,
Qu'il est des amours
Qui durent toujours.
*
Le Berger s'écrie ,
Tircis changera
Quand la Bergèrie
Aux Loups s'ouvrira :
MA Y.
985 1740
Il est des amours
Qui durent toujours.
*
Doutez-vous , Bergere ,
Qu'on n'aime à jamais ?
Dans cette Onde claire
Voyez vos attraits ;
Il est des amours
Qui durent toujours.
*
A ses pieds il vole ;
L'ingrate s'enfuit ;
Mais peine frivole ,
L'Amant la poursuit :
Il est des amours
Qui durent toujours.
*
On en veut médire ;
La Bergere en rit ;
Le Berger soupire
Et partout écrit :
Il est des amours
Qui durent toujours .
ENVOI
Imitons , Silvie
Ces Amans heureux ;
Passons
986 MERCURE DE FRANCE
Passons notre vie
Dans de tendres noeuds :
Il est des amours
Qui durent toujours.
Comblez moh envie ;
Mon feu durera ,
Tant que la Prairie
Aux Moutons plaira.
Il est des amours
Qui durent toujours.
SPECTACLE S.
EXTRAIT de la Comédie du Marié sans
le sçavoir , en Prose & en un Acte , repré--
sentéepour la premiere fois par les Comédiens
François à Fontainebleau , le 21. Octobre
dernier , & à Paris le 8. Janvier suivant.
Le Baron ,
Le Marquis ,
ACTEURS.
Le Chevalier , }
le Sr de la Thorilliere.
le Sr Montmenil.
fils du Baron te Sr Grandval.
Lucile , jeune veuve ,
la Dlle Gauffin.
Lisette , Suivante de Lucile, la Dile Quinault.
Le
MA Y.
1740. 987
Le Notaire , Le Sr Dubreuil.
Poitevin , Laquais de Lucile , le Sr Fierville.
Voique cette Piéce , dont M. Fagan eft
l'Auteur
, n'ait pas eû le même succès
que bien d'autres qui sont sorties de la même
plume, on ne sçauroit disconvenir des beautés
qui y sont répandues & qui ne démentent
point Peftime qu'on a conçue pour fes pro :
ductions. En voici le Sujet.
Lucile , jeune veuve , a herité d'un oncle ;
qui ne lui laiffe fon bien qu'à condition qu'elle
fe mariera en fecondes nôces avec l'un
des deux fils d'un Baron à qui il devoit fa
fortune ; le Baron ſe met en devoir d'executer
les dernieres volontés de cet Ami reconnoiffant
, & pour le faire dans l'ordre le plus
naturel , il propose d'abord un Hymen qui
lui paroît fi avantageux , à l'aîné de fes Enfans
, qu'on apelle le Marquis dans la Piéce ;
mais comme il ne veut hazarder un mapas
riage désagréable pour l'une des deux Parties
, ou pour toutes les deux à la fois , il ſe
laiffe conduire par la Suivante de Lucile, qui
vrai-femblablement doit fçavoir ce qui fe
paffe dans le coeur de fa Maîtreffe.
Cette Suivante s'apelle Lisette ; ella a fait
entendre au Baron que Lucile panche plutôt
du côté du Chevalier que du côté du Marquis
, fon frere aîné , & le Baron , qui n'envisage
988 MERCURE DE FRANCE
visage que le bonheur de fes Enfans & celui
de la fille de fon Ami , s'eft prêté au ſtrata
gême qu'elle lui a conseillé . Cela paroît dans.
ce qu'elle dit à Lucile , fa Maîtreffe , dès le
commencement de la premiere Scene ; voici
fes propres termes. Non , e ne vous écoute
plus , Madame. Faire un bon mariage , éviter
d'enfaire un mauvais , sont deux objets assés
interessans, pour ne les pas négliger , & je vais,
malgré vous , travailler à vous rendre heureuse.
Lucile lui en dit affés pour la déterminer
à achever un ouvrage où son coeur prend tant
de part , quoiqu'elle ne s'explique qu'à demi.
Le Chevalier eft aimé préférablement au
Marquis ; cette préference eft fondée fur les
differentes qualités des deux freres. Voici le
Portrait que Lisette fait du Marquis , parlant
à Lucile.
نم
Convenez de bonne foi , que le Marquis que
t'on vous propose, n'est qu'un homme vain , présomptueux
, aimant par systême , jaloux par
or ueil , se croyant un Héros en amour ,
n'en ayant que le pédantime . Que le Chevalier,
au contraire , modeste & timide à l'excès , ess
un homme qui croit n'être point fait pour plaire
, qui croit même ne point aimer , qui d'ail-
Leurs , peu frapé des défauts de son frere , est
plein de respect & de soumission pour lui ,
et
nose lever les yeux sur une femme , qu'il crois
devoir être sa belle - soeur.
On
MAY. 989
1740.
On voit affés par ces deux Portraits , que
Lucile a dû fe déterminer en faveur du Chévalier
; elle quitte Lisette , en la priant de
venir au plutôt lui aprendre le fuccès du ftratagême
qu'elle a conseillé au Baron ; ce dernier
en vient inftruire les Spectateurs dans
la feconde Scene . Voici comme il parle à
Lisette.
ن م
Je reviens de chés mon Notaire ; je lui ai dit.
que , sans vouloir faire d'injustice à mon fils le
Marquis , j'avois mes raisons pour ne point terminer
son mariage avec Lucile , & que je voulois
que le Contrat l'on devoit faire en son
nom ,fut le Contrat du Chevalier ; mais dis moi
donc encore une fois , pourquoi ne pas agir onque
vertement en tout ceci ?
Voici les raisons que Lisette aporte pour
. juftifier la néceffité du ftratagême qu'elle a
imaginé.
Eh! Monsieur , songez donc quels sont leurs
caracteres ; je vous réponds que , sans cet artifice
, Lucile qui doit épouser l'un de vos fils ;
n'épouseroit jamais ni l'un ni l'autre. Irionsnous
, pour décider du sort du Chevalier , le
mettre dans une situation, où rien ne le soutiendroit
contresapropre retenue? Lui donner à combattre
les hauteurs & les séductions continuelles
du Marquis,& par conséquent risquer de décou
vrir nos intentions , sans être sûrs que
l'on ai
ra la liberté de les suivre ? Non , il faut avoir
recours
990 MERCURE DE FRANCE
recours à une précaution , qui d'abord nons
rassûre nous- mêmes contre le danger de sonder
le coeur du Chevalier inutilement, & qui , lors
que nous croirons pouvoir nous déclarer en sa
faveur , lui donne la hardiesse d'y souscrire &
mettre un obstacle insurmontable aux entreprises
du Marquis.
Tout le monde doit couvenir que rien n'eſt
mieux imaginé que cette innocente supercherie
de Lisette , qui , pour faire voir qu'el
le a tout prévû , ajoûte : Si nous nous trompions
, & que nous vinssions à découvrir que le
Chevalier n'a pour nous de l'indifference ,
cet engagement ne seroit rien : ce seroit une simple
erreur de Notaire , & quoique l'on passe
pour être engage quand on a signé son Contrat,
la vérité est qu'on ne reste pas marié malgré
soi ,pour une signature.
que
Comme tout n'eft que trop tiré au clair
par ces deux premieres Scénes , nous pafferons
légerement fur toutes les autres , qui
ont par très- bien traitées par l'Auteur. Le
Notaire vient , le Contrat à la main , on le
signe fans en entendre la lecture ; l'indiffe
rence du Marquis pour toute formalité embarraffante
, a autorisé l'Auteur à risquer ce
petit defaut. Lucile demande du temps jusqu'à
la consommation ; le Marquis y confent
, au grand étonnement du Chevalier ;
qui ne sçait pas encore qu'il aime. Cet éton
nement
MAY. 1740. 991
nement donne lieu à Lucile d'avoir un éclairciffement
avec lui ; la Scéne qu'ils ont ensemble
eft très - délicate; c'eft dans cette Scéne
qu'il s'aperçoit pour la premiere fois qu'il
aime ; il demande pardon à Lucile d'avoir
voulu preffer un mariage fi fatal aux interêts
de fon coeur ; voici la meilleure raison qu'il
allegue pour fe disculper.
Il faut que dans cet instant , frapé de vos
apas , moi qui ne connois rien aux regles de
l'amour , j'aye été emporté au- delà des délicatesses
qu'il exige , & que me mettant à la place
de mon frere , jaye dit en moi-même , je veux
prononcer au plûtôt le dernier serment, puisque
le dernier serment doit m'unir pour jamais à
une personne aussi parfaite.
Le Chevalier, aimant autant qu'il eft aimé,
obtient facilement fon pardon; on déclare au
Marquis la tromperie qu'on lui a faite ; il en
-eft picqué ; mais comme fon amour n'eft pas
à beaucoup près auffi violent que celui du
Chevalier , il se console aisément de la perte
de Lucile.
Le 12. Mai , l'Académie Royale de Mufique donna
une Repréfenton des Talens Lyriques , pour
les Acteurs , comme cela fe pratique toutes les années
à l'ouverture du Théatre ; on ajoûta à certe
Piéce l'Acte des Sauvages , du Ballet des Indes Galantes
, dont on a donné l'Extrait dans le Mercure
du mois de Mars 1736. page 534.
Le 17. on remit au Théatre le Ballet des Sens "
dont
992 MERCURE DE FRANCE
dont le Poëme eft de M. Roy , & la Mufique de feu
M. Mouret. Il avoit été donné pour la premiere fois
le 5. Juin 1732 compofé de cinq Entrées ; on n'en
donne aujourd'hui que les trois premieres , qui fort
l'Odorat , le Toucher & la Vüë. La Dlle le Maure y
chante dans la troifiéme Entrée le Rôle de l'Amour,
qu'elle avoit joué dans la nouveauté de ce Ballet; &
elle le joue & le déclame , non feulement avec la
plus belle voix qu'on ait jamais entenduë , mais en- /
core avec le naturel le plus fimple , le plus noble
& le plus vrai. Nous fommes fûrs que le Public ne
nous démentira pas fur ce jufte tribut d'éloges que
perfonne n'a peut être jamais fi bien mérités .
Mais comme tous les talens ne font pas renfermés
dans une même perfonne , il eſt juſte de faire
remarquer que les Dlles Erremens & Fel , qui
jouent dans la même Entrée , ont mérité les aplaudiffemens
de ce même Public , à côté de la célebre
Actrice dont les graces & les talens font au dernier
période de la perfection .

de
Les Rôles de la premiere Entrée de Leucotoé ,
de Clytie & du Soleil , font très - bien remplis
par les Diles Fel & Erremens , & par le fieur
Jelyot , dont les grands talens font fi connus .
Ceux de la feconde Entrée , de Laodamie ,
Proferpine , de la Prêtreffe , de Protefilas , & de Diomede,
par les Dlles Ju'ie , Monville , Bourbonnois ,
& par les Srs Berard & le Page ; & ceux de la troifiéme
Entrée, de l'Amour, de Zephire , d'Iris & d'Aquilon,
font joués parles Dlles le Maure, Fel , Erremens
, & par le Sr Albert.
On
peut voir
l'Extrait
qu'on
a donné
de cet Opera
dans le Mercure
de Juin
1732.
J. Vol. page
1196.
A
'MA Y.
1740. 993
A MLLE LE MAURE ,
Représentant l'Amour dans le Ballet des Sens
à l'Acte de la Vûë.
Our enflâmer les coeurs , pour enchanter les
po
yeux ,
L'Amour ne pouvoit faire mieux
Que d'emprunter ta voix & ta figure ;
Mais pour le bonheur de nos feux
Il ne pouvoit choisir plus fatale parures
Voi combien la Nature
En va souffrir de maux ;
Ce Dieu jaloux des biens de son Empire ,
En devenant l'objet des transports qu'il inspire ;
Des deux Sexes Amans va faire des Rivaux.
Le 11. Mai , les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Repréfentation d'une Comédie
Italienne en trois Actes , qui a pour titre ,
Arlequin au defespoir de ne pas aller en prison . Cette
Piéce , dont le Rôle d'Arlequin eft fufceptible d'um
continuel jeu de Théatre , eft joué par le Sr Constantini
, dans le goût- Italien.
Le 16. on donna une autre Piéce Italienne en
trois Actes , intitulée , les deux Anneaux Magiques ,
dont le principal Rôle eft joué avec aplaudiffement
par le même Acteur qu'on vient de nommer ; voici
peu près le Sujet de la Piéce.
Mario , jeune homme de famille , d'une conduite
affés dérangée , a deux Maîtreffes , qui font Flaminia
& Silvia , dont il eſt également amoureux.
Arlequin
1
994 MERCURE DE FRANCE
Arlequin ne pouvant être payé dé zco. écus que
Mario lui doit , obtient une Sentence pour le faire
mettre en prifon ; Mario en étant averti , a recours
à deux Bagues qu'il a eues autrefois d'un fameux
Magicien , dont la vertu eft telle , que fi quelqu'un
a mis l'une de ces Bagues à fon doigt , il eft pris
par tous ceux qui le voyent pour celui qui porte
l'autre Bague , & ce dernier prend la figure de celui
à qui il a donné la premiere Bague . ,
Mario trouve le fecret de faire tomber , par une
fourberie de Scapin , fon Valet , une des deux Bagues
entre les mains d'Arlequin , qui fur le champ
prend , aux yeux de tout le monde , la figure de
Mario , & celui-ci prend celle d'Arlequin . Ainfi
Arlequin eft arrêté par les mêmes gens qu'il avoit
chargés d'arrêter Mario . Cette équivoque , qui continue
très-fouvent dans le cours de la Piéce , forme
plufieurs Scénes très - plaifantes , dans lesquelles Arlequin
eft pris pour Mario par . Flaminia & par Silvia
, fes Maîtreffes . Rofette , Maîtreffe d'Arlequin ,
prend Mario pour fon Amant , & Pantalon , pere
de Mario , trompé par la vertu des deux Anneaux
Magiques , lui donne l'argent qu'il croit donner à
Arlequin , pour empêcher qu'on ne mette fon fils
en prifon. La Bague d'Arlequin paffe fucceffivement
entre les mains du Docteur & de Lelio , ce qui forme
un nouvel incident , qui fe dénoue enfin par le
Mariage de Mario & de Flaminia , par celui de Lelio
avec Silvia , & d'Arlequin avec Rosette.
La même Piéce avoit déja parû fur le même
Théatre le 13. Mai 1717. avec fuccès ; elle ne fait
pas moins de plaifir aujourd'hui.
La Dile Sidonie Vicentini , fille du défunt Arlequin
, & le Sr Conftantini , qui remplace ce dernier, –
ont été reçûs le mois dernier à la Troupe Italienne
du Roy.
Le
MAY.
1740 . 995
Le 18. les mêmes Comédiens donnerent une Piéce
Italienne en cinq Actes , qui a pour titre , Arlelequin
Dévaliſeur de Maisons , dans laquelle Arlequin
& Scapin ont tout le jeu de la Piéce . Cette
Comédie avoit déja été repréfentée fur le Théatre
du Palais Royal le 27. Mai 1716. fous le titre de
Pantalon Amant malheureux , on Arlequin Dévalifeur
de maisons , ou la Cafa Svaligiata. Il y a beaucoup
d'aparence que Moliere a tiré le Sujet de fa
Comédie des Fâcheux de ce Canevas ; voici en peu
de mots ce qui le fait conjecturer.
Pantalon eft fort amoureux de Flaminia , qui ne
l'aime point , mais comme la fortune de cette Dame
eft très- médiocre , fon Valet Scapin confeille à
fa Maîtreffe de feindre d'aimer Pantalon , qui eſt
fort riche , afin d'en tirer tout ce qu'elle pourra ;
c'eft ce qu'elle ne manque pas de faire par toutes
fortes d'artifices & de flateries . Pantalon demande
par grace à fa Maîtreffe qu'il puisse du moins la
voir un jour en particulier , n'ayant pas encore été
chés elle ; Flaminia lui donne un rendez- vous , auquel
Pantalon fe propofe bien de ne pas manquer.
Quand il eft prêt de s'y rendre , Scapin envoye à
Pantalon differentes perfonnes fous differens déguifemens
, & fous des prétextes frivoles , pour amufer
le bon homme. Ces importuns l'obfedent & l'amu- .
fent fi fort , malgré l'envie qu'il a de fe débarrasser
d'eux , qu'ils lui font manquer l'heure du rendezvous.
Ce qui occafionne la ruptute de Pantalon
avec fa Maîtresse .
C
Le 24 on repréfenta fur le même Théâtre la Comédie
du Jeu de l'Amour & du Hazard , dans laquelle
le Sr Gafpard Gafparini, né à Venife, âgé de
26. ans , débuta pour la premiere fois dans le Rôle
de l'Amoureux, qu'il joüa avec intelligence . Ce V
nitien a passé fort jeune en France , & il paroît que
la Laugue Françoile lui eft très -familiere.
996 MERCURE DE FRANCE

Le 28. les mêmes Comédiens donnerent la premiere
Représentation d'une petite Piéce Françoiſe ,
en Profe & en un Acte , intitulée les Ombres parlantes
. Elle fut fuivie d'un Ballet Pantomime , qui
a pour titre , les Rendez- vous nocturnes , dont la
compofition ingénieufe & l'execution font trèsaplaudies.
Les pas du Ballet font du Sr Riccoboni
& les Airs de Violon , du Sr Blaife.
>
Le 2. Mai , les Comédiens François reprirent
l'agréable petite Comédie de l'Oracle , qu'on a revûe
avec le même plaifir que la premiere fois qu'elle
a été donnée . Elle fut précedée de la Tragédie
de Mitridate Nous donnerons dans le prochain
Journal la defcription du Ballet qu'on a ajoûté à la
fin de l'Osacle .
Le Théatre François vient de faire une perte trèsconfidérable,
en la perfonne du fieur Charles Claude
Botot d'Angeville , Acteur Comique très - intelligent
, fort naturel , fimple , naïf & même original
dans quantité de Rôles , tels que ceux de Chicaneau
, dans les Plaideurs , du Philofophe , dans le
Bourgeois Gentilhomme , de Thomas Diafoirus ,
dans le Malade imaginaire , & quantité d'autres ,
qu'il rempliffoit au gré du Public. Il fut reçû dans
la Troupe du Roy en 1702 & débuta dans le Rôle
férieux de Ladislas , dans la Tragédie de Venceslas,
de Rotrou . Il s'eft retiré après Pâques , Doyen de la
Troupe. Son neveu , frere de la Dile Dangeville
lui fuccede prefque dans tous les Rôles .
VERS
MAY. 1740: 997
VERS à M. le F. de L. Capitaine an
Régiment de Cavalerie d'Anjou , qui a joué
à Grenoble le Rôle de l'Aga , dans la Tragédie
de Mahomet II . & celui du Financier ,
dans la Comédie du Philosophe Marić.
Ο Toi qui causas nos allarmes
Sous la Robe de Musulman ,
Qui nous fis rire jusqu'aux larmes ,
Sous un comique accoutrement ,
Delifle , aprens nous par quels charmes
Tu sçais unir fi finement
Deux talens qu'au bords de la Seine
Firent briller séparément
Et la Torilliere & Dufresne.
Quand ton oeil noir & plein de feux
M'annonce cette ame févere
Et ces conseils impérieux
De l'infléxible Janiſfaire ,
Je sens hériffer mes cheveux ,
Les pleurs inondent ma paupiere ;
Mais quoi ! la fierté de tes yeux
Se change en morgue financiere.
Ah ! je cede à ce que tu veux
Sans que mon ame délibere,
Des mouvemens impétueux
Je paffe à la vapeur legere
H De
1 998 MERGURE DE FRANCE
De ce rire délicieux
Charme des Mortels & des Dieux ;
N'eft-ce point de blanche Magie
Que tu tiens les fecrets charmans
De faire , au gré de ton envie
Rire & pleurer les bonnes gens ?
Par ma foi , je n'en doute mie ,
Moi qui fçais qu'un de tes Parens
Sçut réveiller par fes accens
Une pauvre Reine endormie
Depuis trois ou quatre mille ans ;
Qui chanta fi bien dans fon temps
Sa belle & touchante manie
Pour le Doyen des inconftans ;
Or , il l'a fi bien rajeunie ,
Qu'elle doit vivre encor long-temps ,
Et fe plaindre avec harmonie ,
Jusqu'à nos derniers descendans .
Puiffe un jour le Dieu de la Lyre
Au milieu de nous transporter
Ce frere , des beaux Vers le Sire ‡
Puiffiez -vous ici disputer
Des Beaux-Arts l'adorable Empire !
Et qui des deux dois Pemporter ,
Lu!, par l'heureux talent d'écrire ,
Toi , par le don de réciter ?
260
1. NOUMAY.
1740 . 999
NOUVELLES ETRANGERES.
AFRIQUE.
Es Guerres Civiles qui ont regné dans le
Royaume de Marocdepuis la mort de Muley
Ismael , font enfin terminées. Muley Abdalla a été
reconnu Roy, tant par l'Armée des Noirs, que par le
refte des Habitans , & fes deux Concurrens Muley
Muſtardy & Muley Hamet Lariba , ont été contraints
de fe retirer dans les Pays voifins . Le feul
Pacha de Tetuan perfifte dans fon refus de fe foûmettre
à Muley Abdalla , & loin d'avoir recours à
fa clémence , il paroît affecter de le braver , en faifant
des courfes dans les environs de Tetuan , & en
failant mourir tous les Partifans de ce Prince qui
tombent entre fes mains. Un Juif, nommé Ruben
Ben Quilly , lequel étoit Favori du Roy , ayant eû
ce malheur , a été étranglé par ordre du Pacha,
POLOGNE.
N mande de Warfovie, que les Conſtitutions
O du Royaume de Pologne ne permettant pas aux
perfonnes qui n'y établiffent pas leur réfidence , d'y
poffeder certains Fiefs , la Duceffe de Bouillon a
vendu tous ceux de cette nature , qu'elle tient de la
fucceffion du Prince Sobieski , fon Pere , au Prince
de Radzivil , qui s'eft engagé de fatisfaire les deux
fils du Chevalier de S. Georges fur les droits qu'ils
ont à cette fucceffion .
Hij ALLEMAGNE
1000 MERCURE DE FRANCE
ALLEMAGNE,
Elon la Lifte qu'on a reçûë à Vienne des pré-
Sfens que le Grand Seigneur doit envoyer à l'Empereur
, leur valeur eft de 300000. florins , & ils
confiftent en une Tente magnifique à la Turque ;
un Cheval Arabe, avec le Mords & les Etriers d'or,
garnis de Pierreries ; une Aigrette de Diamans ;
Fluticurs Tentures de Damas & de Satin , avec des
deffeins en broderie ; un grand Vaſe d'argent , pour
faire boire les Chevaux , & deux chaînes de même
métal , pour les attacher ; deux Houffes brodées
d'or ; trente-deux Piéces d'Etoffes de Soye de Tur
quie & des Indes ; un Tapis de pied ; cent morceaux
d'Ambre ; soo. Dragines d'un Baume trèsprécieux
; beaucoup d'Effences de Perle & des Indes
, & plufieurs Caifles de Médicamens.
Le 28. Avril , le Comte d'Uhlefeldt fit fon Entrée
publique à Vienne , avec le même cortege dont il
doit être accompagné à fon Entrée dans Conftantinople.
Cette comparfe fur très - magnifique . M.
l'Ambaffadeur partit du Convent des Auguftins , fitué
près de la porte de Stuben , & la marche fe fit
dans l'ordre fuivant .
Quatre Fouriers , précedés de trois Tambours &
d'un Fifre , M. de Mulbourg , Adjudant de la Gar
de à cheval ; 60. Soldats , ayant à leur tête cing
Sergens & cinq Caporaux. Mrs Ridenger & d'Omero
, Couriers pour l'Orient , en habits d'écarlatte
galonnés d'argent , avec leurs chaînes & leurs
Médailles ; l'Ecuyer de l'Ambaffadeur , quatre de
fes Palfreniers ; 12. Chevaux de felle avec des caparaçons
de velours jaune , brodés d'argent , conduits
chacun par un Palfienier ; 8. Trompettes &
un Timballier , vétus comme les deux Couriers du
Levant ; le Maître d'Hôtel & 19. autres Domeftiques
MAY. 17407
ΙΘΟΥ
ques de l'Ambaffadeur , avec des habits d'écarlatte ,
galonnés d'or ; le Comte François - Antoine d'Uhlefeldt,
frere de l'Ambaffadeur, & Maréchal de l'Ambaffade,
devant lequel marchoient fa Livrée & quatre
Coureurs , dont les pourpoints étoient de drap
d'argent & le jupon de drap d'or , galonné de
points d'Espagne d'argent ; 9. Gentilshommes de
l'Ambaffadeur, marchant trois à trois & vétus d'habits
magnifiques ; M. de Gudenus , portant un
Etendart de Damas jaune , brodé d'argent , avec
des franges d'argent , & au milieu duquel étoient
d'un côté les Armes de l'Ambaſſadeur , & de l'autre
un nuage fous lequel on voyoit paroître un
Arc-en- Ciel , avec ces mots , Redeunt in clauftra
Procella ;
8. autres Gentilshommes de la fuite du
Comte d'Uhlefeldt ; onze Enfans de Langue ; M.
Elie Linerky , Interprete des Langues Orientales ; Mrs Hinck & Mantelli , donnés pour Secretaires à
l'Ambaſſadeur par le Confeil de Guerre ; M.de Mon.
martz , premier Interprete de l'Empereur & Sécretaire
du Confeil de Guerre , fuivi de fes Domeſtiques
à pied , le Chevalier Henri de Bencklern , Sécretaire
de l'Ambaffade ; quatre Aumôniers de
l'Ambaſſadeur , avec des habits de drap violet & des
veftes de velours de la même couleur. L'Evêque
de Tribunetz , lequel doit accompagner le Comte
d'Uhlefeldt ; les Comtes de Saint Julien , de
Korulinsky , de Brandeis , de Hamilton , de Hohenfeldt
, de Hardegg , & de Berthold ; le Marquis
de Velcredi , & le Baron de Wicque , qui feront
auffi le voyage de Conftantinople , avec cet Ambaffadeur
, & qui étoient précedés de leurs domestiques
; le Comte de Goes , portant un Etendart de
drap d'argent , avec des franges d'or , fur lequel
étoit d'un côté l'Aigle Impérial , de l'autre un
il , avec ces mots , Dee Duce ; deux Suiffes de
Hiij l'Am1002
MERCURE DE FRANCE
1
l'Ambaffadeur , trente de fes Domeftiques , en ha
bits d'écarlatte , garnis fur toutes les coutures d'un
galon d'argent entre deux galons de fa Livrée ;
douze Heyduques qui portoient chacun une Maffe
d'argent , & qui avoient des pourpoints de Satin
jaune , galonnés d'argent , & des Manteaux d'écar
latte ; l'Ambaffadeur à cheval, & dont l'habit étoit
de Brocard d'argent , brodé d'or; un de fes Ecuyers;
douze Pages , avec des habits de velours ponceau ,
garnis de points d'Espagne d'argent , & des veftes
de tiffu d'or à fleurs d'argent ; la Garde de l'Ambassadeur
, compofée de 32. Grenadiers du Régiment
de Collowrath , & qui étoit précedée de Hautbois
& de Cors de chaffe , & fuivie de fix Tambours, de
deux Fifres , & de deux Fouriers , tous avec la Livrée
du Comte d'Uhlefeldt , M. de Rubingshaufen,
Capitaine dans le même Régiment , & qui commande
cette Garde ; un autre Officier du même
Régiment , portant un Drapeau , fur lequel l'Aigle
Impérial étoit repréſenté ; huit Mulets de PAmbas
sadeur , avec des couvertures de velours jaune, brodées
d'argent , & des Sonnettes d'argent . La marche
étoit fermée par un Détachement de la Garni
fon de Vienne , lequel avoit à fa tête un Lieutenant
avec onze Sergens , quatre Fouriers & deux Tambours.
trouva les L'Ambaffadeur , en arrivant au Palais ,
Compagnies de la Garde fous les Armes , Tambours
apellans & Enfeignes déployées , & toutes les perfonnes
de fa Suite ayant mis pied à terre dans la
premiere cour , il entra feul à cheval dans la feconde
. Le Marquis de Pefora , Chevalier de l'Ordre
de la Toifon d'Or & Premier Chambellan de
P'Empereur , faifant les fonctions de Grand - Cham
bellan , reçût le Comte d'Uhlefeldt à la porte de
l'Antichambre , & il le conduifit dans la Chambre
du
.M.A Y.
1003 1740.
du Confeil , où l'Empereur donna audience publique
à ce Miniftre. L'Empereur remit au Comte
d'Uhlefeldt fes Lettres de Créance , & après que le
Comte d'Uhlefeldt eut baifé la main de S. M. I.
tous les Gentilshommes de la Suite de cet Ambassadeur
, furent admis au même honneur.
T
Le Comte d'Uhlefeldt fut enfuite conduit à l'addience
de l'Imperatrice , & à celles de la Grande-
-Ducheffe de Tofcane & de l'Archiducheffe Leonore
Wilhelmine. Après ces audiences il retourna hors
de la Ville avec le même cortege , & il fe rendit à
la Maiſon de la Comtesse de Kinski , où il avoit
fait préparer un grand repas pour toutes les Perfonnes
de diftinction qui l'avoient accompagné. Outre
fa table , on en fervit plufieurs autres pour les gens
de fa fuite & pour les Soldats de fa Garde.
}
Cet Ambassadeur a dû partir le 15. de ce mois
pour Conftantinople , d'où l'on a reçu avis que
P'Ambassadeur du Grand Seigneur étoit déja en
chemin , pour fe tendre à Vienne avec une Suite de
près de soo perfonnes.
Le Pere Hildebrand s'étant excafé d'accepter la
place de Confesseur de l'Empereur , cette place a
été donnée au Pere Ignice Koller , Préfet des Hautes
Etudes du College des Jéfuites de Vienne .
་་་
J.
On écrit d'Hanover , que la rigueur de l'Hyver
ayant réduit les Habitans de la Campagne dans une
très grande mifere , & que la plupait manquant des
chofes nécessaires, la Régence a fait ouvrir les Magafins
de bled , établis dans cette Ville & dans quelques
autres de cet Electorat . Ces Lettres ajoûtent
qu'on y fournit à crédit aux Payfans tout le bled
dont ils ont befoin pour fe nourrir & pour enfemencer
leurs terres , & qu'à l'égard des Pauvres
qui font dans l'impuissance de s'engager payer
dans la fuite lès grains qu'ils reçoivent , on leur en
Hiiij diftribue
à
1004 MERCURE DE FRANCE
diſtribuë gratuitement une quantité proportionnée
à la néceffité dans laquelle ils fe trouvent.
N
ITALIE
Ous avons apris de Rome , que le Cortege da
Duc de S. Aignan , lorsqu'il alla le 24. du
mois dernier à l'Audience du Sacré Collége , étoit
de 12. Carosses , atelés chacun de fix chevaux , &
de deux Caleches précedés de 24. Valets de pied
habillés de neuf. Au côté du Carosse dans lequel il
étoit , marchoient 10. Pages , en habits de velours
jaune , brodés d'argent , & un pareil nombre de
Suisses , vétus de fes Livrées , avec de riches Baudriers.
Il alla descendre à l'Eglife de S. Pierre , d'où il fe
rendit à l'Apartement du Prince Chigi , Maréchal
du Conclave , lequel le conduifit à l'audience des
Cardinaux.
Il est à remarquer que trois de ces magnifiques
Carosses dont on vient de parler avoient été faits pour
cette Céremonie. Celui dans lequel étoit cet Ambas
sadeur a été peint & Sculpté pardeux des plus habiles
Artiftes de Rome ; ileft doublé de velours cramoifi,
avec de grands Cartouches en broderie d'or . L'Impé
riale eft femblable au dedans du Carosse , & au lieu
de Pommes, il y a huit petits Enfans de Bronze ,' qui
tiennent chacun un Lys à la main.
Cinquante - deux Prélats & un grand nombre de
Gentilshommes François & Romains, accompagnerent
le Duc de S. Aignan , & M. Saporiti , Archevêque
d'Anazarbo , M. Ferroni , Archevêque de
Damas , & Assesseur du S. Office , M. de Carolis
Archevêque de Trajonopoli , M. Spada , Archevêque
de Theodofie , & Vice - Gérent du Cardinal Vicaire
, M. de Roffi , Archevêque de Tarfe , & Lieu-
>
tenant
MAY.
1005 1740.
enant du même Cardinal , prirent place dons fon
Carosse.
Le Duc de S. Aignan ayant présenté fes Lettres
de Créance au Cardinal Ruffo , Chef de l'Ordre des
Evêques, & M. Levizzani , Sécretaire du Sacré College
, en ayant fait la lecture , observant de fe découvrir
toutes les fois qu'il nommoit le Pape , le
Roy de France , le Sacré College & l'Ambassadeur
leDuc de S.Aignan prononça un très- beau Discours,
auquel le Cardinal Ruffo répondit . L'Amb.ffadeur
étant retourné à fon Palais avec le même cortege ,
donna à dîner à toutes les perfonnes qui l'avoient
accompagné,
Ce que nous venons de dire fur ce fujet, n'eſt que
le précis d'une ample Relation , imprimée à Rome
en Italien , laquelle contient le détail de toute cette
magnifique Céremonie ; fa longueur & le peu de
temps qui nous refte pour la traduire , nous empêche
de l'inférer ici ; mais nous ne pouvons nous
difpenfer d'en détacher l'excellent Discours que le
Duc de S. Aignan adreffa avec autant de graces que.
de dignité , au Sacré College. Le voici dans la même
Langue qu'il a été prononcé.
EMINENTISSIMES SEIGNEURS ,
Honoré par le Roy , mon Maître , du caractere de
fon Ambasadeur Extraordinaire auprès du S. Siége ,
en poffeffion depuis plus de huit ans d'en exercer toutes
les fonctions, en vertu de la Lettre de Créance que je remis
aufeu Pape, lors de mon arrivée . Qu'il mefait permis
de croire que ces Titres auroient fuffi pour me procurer
l'avantage de paroître devant Vos EMINENCES ,
en ne leur laiffant d'ailleurs rien à defirer de mon attention
refpecteufe fur tout ce qui concerne les formalités
du Ceremonial ; je ne vois rien qui n'eût dû
m'autorifer dans cette confiance , mais S. M. bien
aife de rendre la Commiffion dont je fuis charge, encore
Hv
plus
1006 MERCURE DE FRANCE
plus intereffante pour Vos Eminences, a voulu que la
nouvelle Lettre de Créance que je viens de leur réméttre
, acheva de les convaincre de la d'finction des
fentimens qu'Elle aura toujours pour le Sacré College .
La réponse dont elle eft accompagnée au fu et dufunefte
Evénement qui vous tient raſſembles , a fait connoitre
à Vos Eninences , quels ont été les regrets que
Roy mon Maitre a donnés à la perte d'un Pape auffi
recommandable que Clement XII . par fon amour pour
"la juftice & le bien public , fa générofité , ja magnificence,
& fur tout par la droiture de fes intentions ;
un Eloge tel qu'il le mériteroit , feroit au - deffus de ma
portée ; entreprendre d'ajoûter aux expreffions de S. M.
m'expoferoit au rifque de les affoiblir .
les
Ce dont je ne puis me difpenfer , fans manquer à ce
qu'exigent de moi les ordres du Roy mon Maître , eft
de vous rapeller , Eminentiffimes Seigneurs , l'importance
du choix que vous devez faire pour donner
un digne fucceffeur au Souverain Pontife que la mort
vient de nous enlever . Il ne m'apartient pas d'entrer
dans le détail de tout ce qui feroit à defirer en lui ;
befoins de la Religion & du S. Siege vous font connus ;
aucun de vous n'ignore fes obligations , & votre zèle
épuré de tout interêt humain , autant qu'il le doit être,
fçaura écarter les difficultés qui peuvent retarder encore
la réunion de vos fuffrages en faveur d'un Sujet
dont le mérite ait de quoi juftifier la préference que
vous lui aurez donnée.
S. M. en me prefcrivant d'offrir à Vos Eminences
toute l'affiftance qu'elles jugeroient néceffaire , fans y
"mettre d'autres bornes que celles de fon pouvoir , ne
fait que vous donner une nouvelle preuve du zele pour
les interêts du S. Siege , qui lui a été tranfmis par fes
glorieux Prédeceffeurs. Il feront inutile de remettre fous
vos yeux en combien d'occafions il en a vû & reffenti ,
les effets ; une jufte reconnoiffance doit vous les rendre
préfentes ,
MAY. 1007
1740.
préfentes , le Titre de FILS AîNE ' de l'Eglife que
le Roy mon Maitre feul , eft en droit de prendre , dont
la poffeffion lui eft acquife depuis tant de ficcles ,
qu'il ne ceffera jamais de regarder comme la plus belle
des Prérogatives attachées à fa Couronne , vous est un
garantbien sûr qu'il fçaura toujours en remplir également
les devoirs , & s'en montrer digne .
L
ISLE DE CORS B.
E neveu du Baron de Neuhoff ayant été joint
par quelques Bandits de Fiumorbo , dont on a
brûlé les maifons , parcourt les Montagnes de
"Conca & Boniface , fans doute pour épier quelque
occafion de s'embarquer. Comme il n'a aucune
demeure fixe , & qu'il eft accompagné de gens qui
connoiffent tous les défilés , on commence à craindre
qu'il ne s'échape d'autant plus qu'il eft habillé
à la maniere du Pays.
On a apris depuis qu'il a quitté les Montagnes
de Conca , & qu'il a regagué celles de Ziccaro ,
ayant trouvé le moyen d'y pénétrer par des endroits
dont on n'avoit pas crû qu'il osat tenter fe
paffage , mais qu'il eft dans un état fi miferable
qu'on ne doute pas qu'il ne périffe bientôt de façon
ou d'autre.
D'autres Lettres marquent qu'il continuë de roder
"dans les environs de Talaro & de Fiumorbo avec
une trentaine de vagabonds qu'il a divisés par
bandes , qui vivent de rapines comme lui &
qu'il a enlevé le pain de la queste d'un Convent
de Religieux man lians , fitué dans ces Cantons.
?
Et enfin on mande en dernier lieu , que ce Baron
eft toujours dans les montagnes avec une troupe de
Bandits auffi déterminés & aufli miferables que lui.
Hvj II.
1008 MERCURE DE FRANCE
Il a été attaqué dernierement par un petit nombre
de Corfes , fideles à la République de Genes , à la
tête defquels étoit M. Ignace Capone, mais il s'eſt
défendu en defefperé , & M. Ignace Capone a
été tué , ainfi que quelques- uns de ceux qui l'avoient
fuivi.
On a reçû avis que le Baron de Neuhoff , après
avoir parcouru PAllemagne , étoit actuellement à
Cologne , & qu'il avoit deffein de paffer en Angleterre
.
Le 14. Avril , on fit à Genes , avec la folemnité
accoûtumée , la Proceffion qui fe fait tous les ans à
pareil jour , & il y a affifta vingt -deux Confréries ,
dont la moins nombreuſe étoit d'environ cent cinquante
Pénitens', qui avoient tous un flambeau à la
main.
ESPAGNE,
DonBlaisede Lecce , qui commande lesGal
lions , a mandé au Roy d'Espagne qu'il les
avoit fait décharger , & que tous les effets , qui
étoient fur ces Vaiffeaux , avoient été mis en
sûreté..
Le 15. du mois paffé , deux Frégates du Roy ,
nommées la Saint Etienne & l'Hermione , revenant
de Buenos- Ayres , d'où elles ont raporté une fomme
confiderable en argent , & une grande quantité
de cuirs & de laine de Vigogne , entrerent dans la
Baye de Sant Andero avec un Brigantin Anglois ,
chargé de vin , dont elles fe font emparées.
On a apris par les équipages de quelques Vaisseaux
venus des Indes orientales , que les Indiens
voifins de la Ville de Goa ayant fait une tentative
pour la furprendre , le Gouverneur de la Ville étoit
forti avec une partie de la garnifon pour les attaquer
, & qu'après plufieurs combats dans lefquels
Ils
MAY. 1009
1740:
ils avoient eu toujours du defavantage , il les avoit
obligés de fe retirer.
PORTUGA L.'
N mande de Santarem , que les Infectes cau
fant beaucoup qes dans les Campa
gnes des environs , on avoit fait , pour obtenir la
ceffation de ce Fleau , une Proceffion Solemnelle
à laquelle tout le Clergé Seculier & Regulier avoit
affifté , & dans laquelle on avoit porté le corps de
Sainte Irene , & qu'on avoit observé un Jeûne de
trois jours par ordre de Don Antoine Freire ,
caire Général de la Ville,
GRANDE BRETAGNE.'
Vid
E Contre- Amiral Haddock a rendu compte au
Logoptre Amitatched, a
>
prifes pour mettre Port - Mahon en état de faire
une longue réfiftance , fi les Efpagnols en entreprennent
le Siége , & il a mandé à S. M. que tous
les ouvrages qu'Elle a ordonné d'ajouter aux Fortifications
de cette Place , font achevés , qu'il n'y a
point de malades parmi les Soldats de la garniſon ,
laquelle eft composée de 3000. hommes , & qu'il
n'en a encore deserté aucun ; que plufieurs Vailfeaux
de l'Eſcadre Angloise croifent continuellement
devant le Port , pour prévenir toute furpriſe , & que la Ville eft très-bien fortifiée du côté de la
terre.
On a apris par un Vaiffeau arrivé de la Nouvelle
Angleterre , que M. Thomas Newton ayant fait
une defcente dans l'lfle d'Hifpaniola , avec un petit
nombre d'hommes & une Chaloupe de 30. tonmeaux
, il avoit pillé le Lieu de Porto di Plata ,
après
Toro MERCURE DE FRANCE
après en avoir furpris le Fort , dont il avoit dé➡
monté les canons .
Les dervieres lettres qu'on a reçues de Savanah ,
dans la nouvelle Géorgie , marquent que le Général
Oglethorpe s'étoit emparé des deux Forts le
Picola & le Saint François , qui apartenoient aux
Efpagnols.
Le Duc d'Argyle a été dépoffedé de toutes ses
Charges , à l'exception de celle de Grand Maître
de la Maison du Roy , en Ecoffe , laquelle raporte
2000. liv . fterlings par an , et il a dû partir pour
Edimbourg.
Les derniers avis reçûs de Londres portent , que
le 10. de ce mois , à deux heures après midi , le
Roy se rendit à la Chambre des Pairs avec les cérémonies
accoûtumées , et que S. M. ayant mandé
la Chambre des Communes , fir le discours fuivant.
MYLORDS ET MESSIEURS ,>
Le zèle que vous avez marqué pour me mettre en
état de soutenir la guerre jufte & néceſſaire , dans laquelle
je me trouve engagé , eft pour moi une nouvelle
preuve de votre attachement pour l'honneur &l'interêt
de ma Couronne & de mes Royaumes . Comme
une entreprise fi intereffante pour la Nation eft Pobjet
principal de notre attente de nos foins , la justice de
notre cause le succès heureux que nos armes ont eû
jusqu'à ce jour nous donnent lieu d'esperer qu'avec
le fecours de la Protection Divine nous pourrons avoir
une favorable iffuë.
>
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES.
Je vous remercie du fubfide que vous m'avéz accordé
pour le Service de cette année , & vous pouvezêtre
assurés que je l'employerai à l'usage pour lequel vous
le deftinez.
MYLORDS ET MESSIE UR S. Je vous ai cidevant
MAY. 1740 TOIT
devant recommandé l'union & la bonne intelligence ,
comme la chose qui peut le plus contribuer à terminer
notre entrepriſe avec honneur & avec avantage ,
nousfaire obtenir de la Cour d'Espagne lajustice & lan
Satisfaction qui nous font dûës pour les torts les injures
fenfibles faites à nos Sujets , à affurer à ces
derniers la liberté du Commerce & de la Navigation.
Je vous exhorte encore à préfent , d'augmenter
& d'entretenir cette union mutuelle dans vos Provinces
refpectives. L'interêt commun de la Nation doit
être capable de nous faire parvenir à cette fin defirée.
Nos ennemis ont déja éprouvé les effets de notre jufte
reffentiment ; ils voyent mes Royaumes dans un tel
état de défenfe , que fi la bonne harmoniey fubfifte
toujours , toutes leurs tentatives deviendront vaines &
fans effet ; ils peuvent auffi s'apercevoir que le Commerce
& la Navigation de nos Sujets font autant
protegés, que la nature & les circonstances d'une guerre
maritime peuvent le permettre , & qu'au contraire les
branches les plus confiderables de leur Commerce ont
`reçû plufieurs dommages . Les heureufes fuites de mes
efforts l'ardeur avec laquelle vous les avezfecondés
dès le commencement de cette guerre , me donnent lieu
d'en attendre un fuccès égal à nos juftes efperances , &
qui répondent aux préparatifs que je fais pour continuer
la guerre dans les endroits les plus convenables &
de la maniere la plus efficacité.
Dans le moment qu'on aprit à Londres la pre
miere nouvelle de la prife faite par les Vaiffeaux
le Lenox , le Kent & l'Oxford , du Vaiffeau fpa-
.gnol la Galice , de 70. canons , on avoit debité que
ce Vaiffeau étoit accompagné de deux Bâtimens de
la même Nation , lefquels tranfportoient des troupes
dans l'Ile de Mayorque , & on avoit publié
fur cette action differentes circonftances qui ne ſe
font pas confirmées . Ce Vaiffeau a été conduit à
Paif
T012 MERCURE DE FRANCE
Porfmouth , & depuis qu'il y eft arrivé , on a ſçü
qu'il étoit de l'Efcadre Efpagnole , partie du Ferol,
& qu'il avoit été séparé de cette Eſcadre par un
coup de vent qui l'avoit fort endommagé.
Don Pedre Auguftin de Genera , qui commandoit
ce Vaiffeau , ayant voulu retourner au Ferol pourle
faire réparer , rencontra les Vaiffeaux le Lenox
& le Kent , chacun de 70. piéces de canon. Il se
battit contre ces deux Vaiffeaux pendant huit heures
, avec toute la valeur imaginable ; il attaqua
d'abord le Vaiffeau le Lenox , & il lui emporta deux
Mats ; il combattit enfuite le Vaiffeau le Keni , &
il ne fe rendit que lorfque l'arrivée du Vaiffeau
l'Oxford l'obligea de ceder au nombre. Cette action
qui s'eft paffée le 29. du mois dernier à la
hauteur du Cap Ortugal , en Galice , à 30. lieuës du
Ferol , fait beaucoup d'honneur au Capitaine Don
Pedre Auguftin de Genera & aux Officiers qui
étoient avec lui , & ceux qu'on a amenés à Londres
,font traités avec beaucoup d'égards .
On a reçû avis que le Vaiffeau de guerre l'Ipfwick,
de l'Efcadre du Contre-Amiral Haddock , avoit
pris un Armateur Eſpagnol , & en avoit coulé un
autre à fond , & que le Vaiffeau la Panthere s'étoit
emparé de deux Armateurs de la même Nation .
Un Bâtiment Anglois , commandé par le Capitaine
Crimes , a été pris par un Armateur Eſpagnol dans
la Manche , en venant de la nouvelle Angleterre .
HOLLANDE & PAYS - BAS .
E prix du Pain étant confidérablement aug
menté à Bruxelles , une partie de la populace
s'attroupa le 4. de ce mois , & enleva tout ce qu'-
elle trouva dans les Boutiques des Boulangers ,
contre lefquels elle fe feroit portée à de plus vio-
Jens
MAY: 1740. 1013
fens excès , fi la garnifon n'étoit accourue pour
apaifer le defordre. Il y a eû auffi pour le même
fujet quelque tumulte à Gand , où les Artifans ont
infulté les Magiftrats & ont pillé les maiſons de
divers Particuliers. On a été obligé , pour faire
rentrer ces Séditieux dans leur devoir , de renforcer
la garnifon de la Ville par plufieurs détachemens
qu'on a fait venir de Mons , d'Ath & d'Oftende.
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , &€1
Lab .Aval,le Roy Régiment des Gardes
E 29. Avril , le Roy fit dans la Plaine des
Françoifes , & de celui des Gardes Suiffes , lefquels
firent l'exercice , & défilerent en préſence de Sa
Majefté. Monfeigneur le Dauphin accompagna le
Roy à cette revue , à laquelle la Reine ſe trouva
& Madame de France .
Le Roy & la Reine partirent de Versailles le s
de ce mois , pour aller paffer quelque temps au
Château de Marly. L. M. revinrent à Verſailles
le 28.
Le 13. Monfeigneur le Dauphin alla chaffer
dans fon petit Parc de Noify , & tua plufieurs piéces
de gibier ; le lendemain , ce Prince prit le divertiffement
de la Paume. Le 15. il alla fe promener
à Marly , après avoir affifté au Salut , & le 16.
ce Prince monta à cheval au Manege .
Le
3614 MERCURE DE FRANCE
Le 24. Avril , Dimanche de Quasimodo , on célé➡
bra dans l'Eglife des RR. PP. Cordeliers du Grand
Convent de Paris , la céremonie ordinaire de la
Confrerie des Chevaliers , Voyageurs & Palmiers du
S. Sepulcre de Jerufalem. Les Confreres s'affemblerent
à huit heures du matin dans cette Eglife , d'où
ils partirent avec la Proceffion. pour fe rendre à l'E
glife du S. Sepulcre , rue S. Denis , en paffant par
le grand Châtelet , où ( fuivant le pieux ufage de.
cette Confrerie commencé en 1727. & heureufement
continué jufqu'à préfent ) ils délivrerent
beaucoup de Prifoniers pour dettes, lefquels accompagnerent
la Proceffion ."

Au retour de l'Eglife du S. Sepulcre à celle des
Cordeliers , la Meffe fut chantée au grand Autel,
en Grec , fuivant la coûtume, Il y avoit les années
précedentes après l'Offertoire , un Sermon prononcé
en Grec comme la Meffe ; on a jugé à propos
cette année de prêcher en François , & de fuprimer
le Grec , pour éviter le retardement confide.
ble que cette cérémonie aportoit à l'Office , on n'a
confervé feulement ( pour le conformer à l'ancien
ufage ) que le texte du Sermon Grec , que l'on prononce
aujourd'hui en François ; c'eft M. l'Abbé
Regnault , Docteur en Théologie , & Confrere de
l'Archiconfrerie , qui l'a prononcé cette année.
Le 26. Fête de l'Afcenfion , on exécuta au Concert
Spirituel du Château des Tuilleries , deux Mo.
tets à grand Choeur de M. Blanchard , Maître de
Mufique de la Chapelle du Roy , qui furent suivis
de deux Concerto joués par les Sieurs Guignon &
Blavet , après lefquels le Concert fut terminé par
le Benedictus Dominus , Motet de M. de la Lande.
Le premier Mai , le Roy entendit à fon lever
une fimphonie des Hautbois de sa chambre , & à
fon
MA Y.
1740 1015
fon dîner , une suite d'Airs de la compofition de
M. Destouches , Surintendant de la Mufique du
Roy , qui furent exécutés par les Vingt quatre ,
avec beaucoup de préciſion .
Le 2. & le 4. la Reine entendit en Concert le
Ballet des Indes Galantes.
Le 7 , le 9 , & le 11 , la Cour étant à Marly , on
chanta devant la Reine le Prologue & les cinq Actes
de l'Opéra d'Omphale.
Le 14 , le 16 , & le 18 ; on éxécuta celui de
Callirhoé.
Le 21 & le 23 , on concerta l'Opéra de Telemaque
, & le 28 , L. M. étant de retour à Versailles
, entendirent les derniers Actes de la même Piéce.
Ces trois derniers Opéra sont de la compofition
de M. Destouches , & les rôles furent très bien
remplis par les Diles Mathieu , de Romainville &
Lenner , & par les fieurs Jelyot & Benoît , qui re-
Curent tous beaucoup d'aplaudissemens , ainfi que
les Choeurs & toute la Simphonie.
On a apris de Nanci , que le ro du mois dernier
on ouvrit la Chasse de S. Sigisbert , Roy d'Austra
sie , & qu'on fit voir le corps de ce Saint à toute
la Ville. Il eft encore fort entier , & s'est si bien
conservé , qu'on diroit qu'il n'y a que peu de temps
qu'il eft mort , quoiqu'il y ait près de 1100 ans .
Les Habitans de Nanci l'invoquent dans leurs besoins
pressans .
7
On a apris en même temps que les , le 6 , & le
du même mois , on fit dans l'Eglise des Cordeliers
de la même Ville , l'Anniversaire du Duc Leo.
pold et de Charles V. Ducs de Loraine . Toute la
Noblesse et une grande affluence de peuple , y assisterent.
On mande de Luneville du 8 de ce mois , qu'on
Y
1617 MERCURE DE FRANCE
y célebra le même jour la Fête de S. Stanislas , dont
le Roy de Pologne , Duc de Loraine , porte le nom ;
L. M. entendirent une Messe Solemnelle , chantée
par la Musique , et célebrée par l'Evêque de Toul.
La Reine donna ensuite un grand diner au Roy ,
à toute la Cour et à plusieurs Seigneurs et Dames
de la Province . Après le repas , il y eut grand Concert
, et le soir un Bal public , qui dura jusqu'à
trois heures du matin , il fut ouvert par le Roy et
par Madame de Lamberti , Epouse du Capitaine
des Gardes du Corps de S. M. On y
distribua toutes
sortes de rafraichissemens en abondance . Les Seigneurs
et les Dames de la Cour y parurent en Habits
très - riches et de bon goût , et il y eut à l'entrée
de la nuit des Feux que tous les Habitans firent allumer
devant leurs portes. Les Comtes de Bellisle
et de Segur assisterent à cette Fête qui étoit fort
brillante.
Nous avons apris un peu tard , que le 8 Mars
dernier il fut célebré dans l'Eglife Paroissiale de
Briançon , un Service funebre avec l'apareil le plus
magnifique , le concours de tous les Ordres de la
Ville , et d'un Peuple infini , pour le repos de l'ame
de feu M. d'Angervilliers, Ministre et Sécretaire
d'Etat de la Guerre. L'Oraifon funebre fut prononcée
par M. le Curé avec beaucoup de fuccès ,
en préſence de l'Etat Major , du Génie , des Officiers
de la Garnison , des Officiers de Juftice , des
Confuls et de tout le Corps de Ville . On n'a guére
vû dans cette Eglise de pareille cérémonie , exécutée
avec tant d'ordre , de goût et de magnificence,
que l'a été celle dont il s'agit ici.
On a parlé dans le Mercure de Mars dernier ,
du nouveau Spectacle , avec fept changemens de
Déco
MAY. 1740. 1017
Décorations, qui repréſente la Defcente d'Enée aux
Enfers , donné au Public , pendant les trois ſemaines
de Pâques , qu'a duré ce Spectacle , Le Chevalier
Servandoni qui en est l'Auteur , en donna la
derniere représentation le 14 Avril , Dimanche de
Quasimodo.
Le 26 Mai , jour de l'Ascension , on en donna
encore une représentation avec un très- grand concours
, et pour fatisfaire à l'empressement du Public
, on en donnera encore deux autres les Juin
prochain , Fête de la Pentecôte , et le 16 du même
mois , jour de la Fête- Dieu.
Nous aprenons de Marseille du 13 Mai , que
M. le Commandeur de Piolenc a été nommé par
le Grand- Maître de l'Ordre de Malthe et par son
Conseil , Plénipotentiaire de cet Ordre dans les
Cours de Vienne , de Rome et de Naples ; il y a
tout lieu d'efperer un heureux fuccès dans les Affaires
importantes dont ce Commandeur vient d'être
chargé , tout le monde connoiffant ſon mérite
et sa capacité . Il est Commandeur d'Espaillon, en
Provence , dans le grand Prieuré de S. Gilles .
La place de Conseiller d'Etat , vacante par la
mort de Jean - Baptiste Desmaretz de Vaubourg ,
a été donnée à Julien - Louis Bidé , Seigneur de la
Granville , Breton , d'abord Conseiller au Grand
Conseil en 1711 , puis Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roy , en 1715. Intendant en
Auvergne , et en dernier lieu de la Flandre Françoise
, depuis le 21 Mars 17 ; 0.
·
Gaspard - Cesar Charles Lescalopier , né le 19
Mai 1706. reçû Conseiller et Commissaire aux
Requêtes du Palais du Parlement de Paris , ie 2
Avril 1727. puis Maître des Requêtes de l'Hôtel
018 MERCURE DE FRANCE
du Roy en 1733 , a été nommé Intendant de la Gé
néralité de Montauban en Languedoc , au lieu de
feu Alexandre - Jacques Briçonnet , mort fur le
point de se rendre à cette Intendance.
1
BENEFICES DONNE'S.
Lies fische,Licencié es Loix , Con-
OUIS - François Néel de Crestot , Prêtre , du
seiller-Clerc au Parlement de Normandie , où il a
été reçû le 24. Août 1719. Chanoine et Trésorier
de l'Eglise Cathédrale , et Vicaire Géneral du Diocèse
de Bayeux , Abbé Commandataire de l'Abbaye
de N. D. de Silly , O. de Prém. D. de Seez , au
mois de Mai 1728. puis de celle de S. Fériol d'Essomes
, à Château - Thierri , O. S. A. D. de Soissons,
au mois de Decembre 1733. et qui a été Député
de la Province de Rouen à l'Assemblée générale
du Clergé de France de 1730. a été nommé à
l'Evêché de Seez , vacant du 6. du mois d'Avril
dernier par le décès de Jacques- Charles - Alexandre
Lallemant , dernier Titulaire .
L'Abbaye de S. Paul de Verdun , O. Prem. vacante
du 28. Fevrier dernier par la mort de Pierre
Otthoboni , Cardinal , Doyen du Sacré College ,
a été donnée à Pierre Guerin de T'encin , Cardinal ,
du 23. Fevrier 1739. Archevêque et Prince d'Embrun
, Abbé et Comte de Vezelay , Diocèse d'Autun,
du 15. Avril 1702. et de Trojsfontaines , Dioc.
de Châlons sur Marne , du mois de Mai 1739 .

Celle d'Elan,O. Cit . D. de Rheims, vacante auffi
du 28. Fevrier dernier par le decês de Charles-
François de Châteauneuf de Rochebonne , Archevêque
de Lyon , à.... de Dillon.
Celle de S. André de Clermont , en Auvergne
O. Prém. vacante par la mort de Jean - Antoine de
Nevenstein , à.... de Scey . Celle
MAY. 1740.
1019
Celle de S. Georges des Bois , O. S. A. D. di
Mans , vacante du 14. Mars dernier , par la mort
de Dominique- François Hamon des Roches , à .....
de Lannoy.
Et celle de N. D. du Mont lès Provins , O. Cit.
D. de Sens , à Soeur.... de Mauprou .
LA FRANCE HEUREUSE.
POUR soulager Atlas Hercule infatigable ,
Soutenoit la voûte des Cieux ;
Un effort si prodigieux
Ne fut jamais que l'objet d'une Fable :
Mais voici pour l'Histoire un sujet véritable
Pour aider à Louis d'un plus réel fardeau
A soutenir le poids immense ,
Un Dieu qui veille au bonheur de la France
Fit naître , et lui conserve un Hercule nouveau.
Par M. Aubert , Curé de Valras , au Comté
Venaissin.
SUITE de la Promotion d'Officiers Generaux,
du 15. Mars 1740,
MARECHAUX DE CAMP.
HILIPE Auguste de Voluire de Ruffec , Comte
Pau Bois de la Roche , apellé le Comte de Vo-
Juire , Commandant en Bretagne , Brigadier des
Armées du Roy du premier Fevrier 17 19. et Chevalier
T020 MERCURE DE FRANCE
valier de l'Ordre Militaire de Saint Louis, ci devant
Guidon de la Compagnie des Gendarmes de la
Garde de S. M.
N. de Jaunay , Lieutenant Général d'Artillerie ,
ayant le Département de la Haute et Basse Bre
tagne , Brigadier du premier Fevrier 1719. ci-deyant
Commandant de la 2e Ecole des Bombardiers.
N. Le Brun , Lieutenant Colonel du Régiment
de la Couronne , et employé en Languedoc , Bri
gadier du 20. Fevrier 1734.
N. Quenaut de Clermont , Ingénieur , Brigadier
du 11. Mai 1734. ci -devant Directeur des Fortifications
des Places des trois Evêchés .
Joseph-Marie de Couet , Marquis de Marignane
en Provence , premier Sous-Lieutenant de la Compagnie
des Chevau- Legers de la Garde du Roy ,
Gouverneur des Illes de Portecros , dans lá rade
d'Hieres , et Brigadier du premier Août 1734 .
N. Sénéchal , Sieur des Bournais , Commandant
à Bitche , Brigadier du premier Août 1734. eidevant
Exempt des Gardes du Corps , Mestre de
Camp de Cavalerie , et Maréchal des Logis de
l'Armée d'Allemagne dans la derniere Guerre.
N. de Menou de Cuissy , apellé le Comte de Me
nou , Enseigne des Gardes du Corps du Roy dans
la Compagnie de Villeroy , où il étoit auparavant
Exempt , Brigadier du premier Août 1734. Le
Chevalier de Menou , son frere , est Exempt des
Gardes du Corps dans la même Compagnie , &
<Mestre de Camp de Cavalerie. Ils ont un frere aîné
, Lieutenant de Roy de la Ville et Château de
Nantes , & ci- devant Colonel d'un Regiment d'In
fanterie . Ils sont fils de feu Charles de Menou ,
Seigneur de Cuissy sur Loire , en Sologne , et de
Jacqueline de Cremeur de Gas.
Charles-Yves Thibaut de la Riviere du Plessis
Comie
MAY. 1740 . 1021
"
Comte de la Riviere , de Ploeuc , et de Murs , en
Bretagne , Marquis de Paulmy , en Touraine , Gouverneur
de Saint Brieux , Sous -Lieutenant de la
seconde Compagnie des Mousquetaires de la Garde
du Roy , Brigadier du 20. Août 1734 .
T
BRIGADIERS D'INFANTERIE,
N. d'Erlack , du Canton de Fribourg , Capitaine
d'une Compagnie du Régiment des Gardes Suifles .
Alfonse de Riencourt d'Orival , Capitaine d'une
Compagnie du Régiment des Gardes Françoises ,
depuis le premier Mars 1729. Il entra dans ce Régiment
en 1705. et y a été successivement Enseigne
, Sous- Lieutenant , et Lieutenant en 1708 .
N. de Seedorff, Colonel d'un Régiment Suisse ,
ci-devant Brendley , par Commission du 13. Août
1738.
Jacques Jerôme Hosdier de la Varenne , Capitaine
d'une Compagnie du Régiment des Gardeş
Françoises , depuis le premier Septembre 1726. Il
est entré dans ce Régiment en qualité de Sous Lieutenant
en 1711. et il y fut fait Lieutenant en 1718 .
Il avoit d'abord servi en qualité de Capitaine dans
un autre Régiment .
Bernard-Louis Pinon , Capitaine d'une Compagníe
du même Régiment des Gardes depuis le 23.
Janvier 1727. et ci - devant Lieutenant dans le même
Régiment , depuis le 21. Octobre 1718. II
avoit auparavant servi dans la Marine , et il avoit
été Officier de Vaisseaux .
Pierre-François de Montaigu , Seigneur de la
Brosse , Capitaine d'une Compagnie du Régiment
des Gardes Françoises , depuis le 15. Mars 1727 .
Il entra dans ce Régiment en 1714. et y fut fait
Lieutenant en 1720.
N. de Schmidberg , Lieutenant Colonel du Régiment
d'Alsace .
No
1022 MERCURE DE FRANCE
N. d'Hennesy , Lieutenant Colonel du Régiment
Irlandois de Bulkeley .
Claude de Chamborant de la Clapiere , Lieutenant
Colonel du Régiment d'Enghuien .
N. de Valenceau , Lieutenant Colonel , Com-,
mandant un Bataillon du Royal Artillerie.
N. Comte de Borstel , Premier Lieutenant Géneral
d'Artillerie .
Louis-François , Marquis de Thiboutot, en Caux ,
Lieutenant Géneral d'Artillerie au Département de
Pile de France et Arfenal de Paris,
Henri Chevalier des Mazis , Lieutenant Géneral
d'Artillerie , en Lionnois , Beaujolois , & c.
N. Baron de Meslay , Lieutenant Géneral d'Artillerie
, en Champagne.
N. Chevalier d'Abouville , Lieutenant Géneral
d'Artillerie , Commandant en chef l'Ecole d'Artillerie
, établie à la Fere , en Picardie. Il est parlé delui
, à l'occasion de son mariage , dans le Mercure
d'Avril 1739- page 810.
N, de Thibergeau, Sieur de la Motte- Thibergeau ,
Ingénieur.
N. Perdriguier , Ingénieur.
N. de Raseaud , Ingénieur .
BRIGADIERS DE CAVALERIE.
Jean de Nugent , Lieutenant Colonel du Régiment
de Cavalerie de Fitz-James , avec Brevet de
Mestre de Camp.
Charles - François , Marquis de Calvieres , Ecuyer
ordinaire du Roy , Exempt de ses Gardes du Corps,
et fait Aide- Major de la Compagnie de Villeroy ,
le 21. Septembre 1733. Mestre de Camp de Cavalerie
.
Charles Roussel de Tilly , Maréchal des Logis de
la Cavalerie Légere de France , depuis le mois de
Mars 1722. frere de François Roussel de Tilly
Evêque d'Orange,
r
CharlesMAY.
1740: 1023
Charles-Marie de Choiseul , Marquis de Beaupré ,
Baron d'Is et de Meuvi , Seigneur de Daillecourt
apellé le Comte de Choiseul , Lieutenant Géneral
au Gouvenement de Champagne , qui a été successivement
Capitaine dans le Régiment d'Orleans ,
Cavalerie , Guidon , puis Enseigne des Gendarmes
d'Orleans , Mestre de Camp de Cavalerie , fait
Sous-Lieutenant des Chevaux -Legers Dauphins ,
le 25. Mars 1734. et Capitaine-Lieutenant le 15 .
Mars 1738. puis des Gendarmes de la Reine le 15.
Mars dernier. On l'a confondu dans le Mercure
d'Avril dernier , page 809. à l'article du remplaceinent
fait dans la Gendarmerie , avec Cesar- Gabriel
de Choifeul , Seigneur , Comte de la Riviere , apellé
auffi le Comte de Choiseul , de la Branche des
Seigneurs de Chevigny. Celui-ci , ci -devant Sous-
Lieutenant des Gendarmes Ecossois , est depuis le.
mais d'Avril 1739. Mestre de Camp , Lieutenant
du Régiment de Conti , Cavalerie .
Eugene- Eleonor de Béthisy , Marquis de Mezieres,
Grand Bailly d'Epée des Villes et Citadelles d'Amiens
et de Picardie , fait Guidon des Gendarmes
Ecossois le 11. Août 1722. Mestre de Camp de
Cavalerie , par Commission du même jour , depuis
Enseigne de la même Compagnie , et en dernier
lieu Sous- Lieutenant des Gendarmes de Berri , le
11. Fevrier 1739.
Louis-Elizabeth de la Vergne de Monteynard ,
Comte de Tressan , Enseigne des Gardes du Corps
du Roy dans la Compagnie Ecossoise , auparavant
Capitaine de Cavalerie dans le Régiment d'Anjou ,
avec Brevet de Mestre de Camp.
N. Testu de Balincourt, Exempt avec Commission
de Mestre de Camp , & en dernier lieu Enseigne
des Gardes du Corps dans la même Compagnie
Ecossoise , depuis le mois de Decembre 1738. Il eft
I ij
frere
1024 MERCURE DE FRANCE
frere de Claude Guillaume Testu , Marquis de
Balincourt , Lieutenant Géneral des Armées du
Roy , et Gouverneur de Mont- Dauphin .
Pierre de Montesquiou d'Artagnan , Seigneur de
Maupertuis , Fontaine-Archere , &c. neveu du feu
Maréchal de Montesquiou , et apellé d'abord le
Chevalier d'Artagnan , et depuis son mariage avec
la Dlle Bombarde de Beaulieu en 1739. le Comte
de Montesquiou , d'abord Capitaine et Major du
Régiment de Montesquiou , Infanterie , puis Capitaine
dans celui de Normandie , et ensuite Cornette
de la premiere Compagnie des Mousquetaires
de la Garde du Roy au mois de Janvier 1716 .
Enseigne le . Janvier 1729. et en dernier lieu second
Sous Lieutenant de cette Compagnie le premier
Juillet 1738.
Jean- Georges de Caulet , Marquis de Gramont
Enseigne des Gardes du Corps du Roy dans la
Compagnie de Charost , depuis 1735. et auparavant
Capitaine de Cavalerie dans le Régiment d'Anjou
, avec Commission de Mestre de Camp.
N. de Felix , Marquis du Muy , Lieutenant de
Roy de la Ville d'Antibes , Capitaine- Lieutenant
de la Compagnie des Chevaulegers Dauphins ,
du 15. Avril 1738. ayant été auparavant Sous-
Lieutenant des Gendarmes Bourguignons , et ensuite
Capitaine- Lieutenant des Gendarmes de Berri
le 14. Août 1733 .

N. de Borel , Chevalier de Manerbe , de Normandie
, succeffivement Capitaine de Dragons dans
le Régiment de Lautrec , depuis Rochepierre
Exempt des Gardes du Corps ' , Aide-Major de là
Compagnie de Villeroy , Mestre de Camp de Cavalerie
, et enfin Aide Major Géneral des Gardes
du Corps , le 21. Septembre 1733.
N. de Perussis , du Comtat d'Avignon , apellé le
Marquis
MAY. 1740. 1025
Marquis de Perussis , successivement second Cor
nette de la premiere Compagnie des Mousquetaires
de la Garde du Roy en Novembre 1727. Premier
Cornette en Janvier 1729. Second Enseigne en Janvier
1737. et enfin Premier Enseigne de cette Com
pagnie le premier Juillet 1738. Il est neveu de feu
Louis de Bannes , Comte d'Avejan , mort Capitaine
Lieutenant de cette Compagnie le 23. Mai
1738. étant fils de Jacques Joseph de Perussis
Seigneur de Barles , en Provence , et de Mondevergues
, et de Marie de Bannes d'Avejan , soeur
de ce Comte .
Louis de Bouschet , Marquis de Sourches , Grand
Prevôt de France , en survivance , Cornette de la
Compagnie des Chevaux legers de la Garde du
Roy , et Mestre de Camp de Cavalerie .
Joseph Antoine Fournier , Marquis de Wargemont
, Seigneur de Sorel , Droeüil , Wanel , &c.
en Picardie , Sous - Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes de la Garde du Roy , après en avoir
été d'abord Guidon et Enseigne.
N. de Montboissier de Beaufort , apellé le Vicomte
de Canillac , Premier Enseigne de la seconde Compagnie
des Mousquetaires de la Garde du Roy
dont il fut reçû Cornette au mois de Mai 1728 .
Blaise - Marie d'Aydie , Cadet de la Branche des
Seigneurs des Bernardieres , Chevalier de l'Ordre
de S. Jean de Jerusalem . Il fut d'abord successivement
Sous- Lieutenant , Lieutenant et Capitaine
d'Infanterie depuis 1707. jusqu'en 1714. Il passa
ensuite à Malthe pour faire ses Caravannes. A son
retour , il fut fait Capitaine de Dragons Réformé ,
et ensuite Mestre de Camp Réformé. Il obtint au
mois de Septembre 1729. une place d'Enseigne des
Gardes du Corps dans la Compagnie d'Harcourt.
Il en devint en dernier lieu Lieutenant en 1733 .
Tiij Louis
1026 MERCURE DE FRANCE
Louis de Coëtlogon , Vicomte de Loyat , apellé le
Comte de Coëtlogon , d'abord Lieutenant dans le Régiment
du Roy , puis reçû Cornette de la seconde
Compagnie des Mousquetaires de la Garde le 30.
Mai 1731. et ensuite second Enseigne de cette
Compagnie en 1734. On a raporté son mariage
avec Marie Magdeleine de Johanne de Saumery ,
dans le Mercure de Mars 1736. page 611. et la
mort de son pere dans celui de Fevrier 1734.
page 402 .
Henri Fitz- James , Duc de Fitz-James , Pair de
France , Mestre de Camp d'un Régiment de Cavalerie
, par Commission du 16. Mars 1733. et Gouverneur
du Haut et Bas Limosin , depuis 1734.
N. Chevalier de Beauvais , Lieutenant Colonel
J'une des Brigades du Régiment Royal des Carabiniers.
Le 20. Mai , le Prevôt des Marchands , accompagné
des Echevins , s'étant rendu à la Grand-
Chambre du Parlement , représenta à la Cour
les Gens du Roy présens , que la longueur de l'hyver
et l'intemperie des saisons ayant ralenti l'ac
croissement des biens de la Terre ; la crainte que
ce retardement ne diminuât l'espérance d'une récolte
abondante , les engageoit à recourir à Dieu
par la puissante protection de Ste Génévieve , et à
la Cour , pour la suplier d'ordonner que la Chasse
de cette Sainte fût découverte , ce qui fut accordé
et en conséquence , la Cour rendit un Arrêt qui
fut porté le même jour à l'Abbé de Ste Genevieve ,
lequel fit découvrir aussi-tôt la Chasse au son de
toutes les cloches de cette Abbaye Royale , & c.
Le même jour, l'Archevêque de Paris fit publier un
Mandement sur le même sujet , dont voici la teneur.
Charles- Gaspard - Guillaume de Vintimille des
116 Comtes
MAY. 1740: 1027
Comtes de Marseille du Luc , par la Miséricorde'
Divine , et par la grace du Saint Siége Apostolique
Archevêque de Paris , & c.
Les Prieres que nous avons fait faire pour demander
à Dieu un temps favorable aux fruits de la
Terre , n'ayant point encore été exaucées , il est
de notre devoir d'en ordonner de nouvelles et de
plus solemnelles , pour accélérer un secours qui
devient chaque jour plus nécessaire . Si la charité
de JESUS CHRIST doit nous rendre senfibles à l'état
de tant de familles indigentes , dont un Hyver long
et rigoureux a augmenté la pauvreté et la misere ,
elle ne peut nous permettre de négliger les moyens
que nos Peres ont souvent employés avec succès ,
pour détourner les fleaux dont ils étoient menacés ,
ou pour faire cesser ceux dont la main de Dieu les
avoit frapés.
A CES CAUSES , pour seconder le zele des premiers
Magistrats qui nous ont exposé à ce sujet les voeux
et les besoins du Public , après en avoir conferé
avec nos vénérables Freres les Doyen , Chanoines
et Chapitre de notre Eglise Métropolitaine , Nous
ordonnons , qu'outre la Collecte intitulée , Adpostulandam
aëris serenitatem , que les Prêtres récitent
depuis quelque temps à la Messe , conformément à
l'ordre qu'ils en ont reçû de notre part , on dira , à
genoux , dans toutes les Eglises de cette ville et
de notre Diocèse , à l'issue de la principale Messe ,
le Trait , Domine , non secundùm peccata nostra ,
avec le Verset Ostende , et l'Oraison pour les fruits
de la Terre; et à l'issue des Vêpres , les Litanies des
Saints , et ce , pendant neuf jours consécutifs , à
compter pour la Ville de Paris , du Samedi 21 du
présent mois ; et pour le reste du Diocèse , du jour
qui suivra immédiatement la réception de notre
présent Mandement. Nous exhortons le Clergé et
I iiij le
1028 MERCURE DE FRANCE
le Peuple de Paris et des autres lieux voisins de
cette Capitale , de visiter en processon , pendant
ledit temps , l'Eglise de Notre - Dame et celle de
Sainte Geneviève , où les Chasses de Saint Marcel
et de cette Sainte Patronne seront découvertes : et
afin que le Service Divin n'y soit point troublé , les
Curés et autres Superieurs conviendront avec nos
vénérables Freres de notre Eglise Métropolitaine ,
et avec les Sieurs Abbé , Prieur et Religieux de
Sainte Geneviève , du jour et de l'heure , auxquels
les Processions pourront se rendre dans leurs Eglises
: Nous exhortons pareillement les Curés des
Lieux trop éloignés de Paris pour qu'ils puissent
venir visiter processionellement lefdites Eglises ,
de faire des Processions dans leurs Paroisses , de la
maniere la plus édifiante et la plus propre à exciter
la confiance et la pieté de leurs Peuples . Nous recommandons
à ceux qui assisteront auxdites Processions
, d'y paroître dans un extérieur très- recueilli ,
'd'y porter un coeur contrit et humilié , et de demander
à Dieu, par l'intercession de tous les Saints,
et particulierement par celle de la très - Sainte Vierge
, le pardon des crimes qui pourroient attirer sur
nous les châtimens du Ciel, et éloigner ses bienfaits .
Si vous mandons , &c.
Il y eut auffi un Mandement publié à l'Abbaye
Royale de S. Germain des Prés , lequel ayant le
même objet , mérite d'être pareillement raporté.
JEAN- BAPTISTE FLOYRAC , Grand Prieur de l'Ab.
baye Royale de S. Germain des Prés , immédiate
au S. Siége , & Grand Vicaire de S. A. S. Monfeigneur
le Comte de Clermont , Prince du Sang ',
Abbé Commandataire de ladite Abbaye : A tous les
Fideles de notre Jurifdiction , Salut , en Notre
Seigneur.
Dieu toujours jufte n'afflige fon Peuple , qu'en
puni
MAY. 1029
1740.
punition de fes déreglemens. Un hyver auffi long
et auffi rigoureux que celui que nous venons de
paffer , nous doit faire fentir tout le poids de fon
indignation , et nous obliger à reconnoître par un
aveu fincere , que c'eſt à juste titre que le Ciel nous
refufe les fecours ordinaires , dont nous avons un
befoin extrême , juftè pro peccatis noftris affligimur..
L'indigence qui accable tant de pauvres familles ,
et qui nous menace encore par le peu d'aparence
d'une moiffon fuffifante , moiffon que nous efperions
devoir nous dédommager de la difette que
nous fouffrons , nous preffe , à l'exemple de nos
Peres , à recourir par nos ferventes prieres , au Pere
de miséricorde , qui n'a jamais r fusé le pain de
chaque jour à fes Entans Fuffions-nous réduits à
la même extremité que le Prophete couché fur fon
fumier , eùffions- nous , comme lui , les évres colées
à nos dents , faifons par nos gémiſlemens une
fainte violence au Pere Célefte . Son Fis adorable
nous eft garant de fa clémence , quand nous le pries
rons en fon nom .
A ces caufes , pour entrer dans les vues publiques,
nous ordonnons , qu'outre la Collecte ad poftulandam
feren tarem , que nous avons déja prefcrite à
tous les Prêtres qui célebreront la Meffe dans notre
Eglife , on chantera à genoux pendant neuf
jours après la grande Meffe le Trait Domine , non
fecundum peccata noftra & c. Après Complies on
fera la Poeffion autour de l'Eglife , en chantant
les Litanies des Saints , et pour rendre nos prieres
plus favorab es , on découvrira la Chaffe de notre
glorieux Patron faint Germain , dont on a fi fouvent
éprouvé la puifante protection auprès de Dieu,
et on chantera à fo honneur un Repons avec POraifon
qu'on joi dra à l'Oraifon id poftulandam
ferenitatem. Nous exhortons de plu es Fideles de
I v joindre
to3o MERCURE DE FRANCE
joindre leurs ferventes priores à celles que l'Eglife
fait pour leurs preffans befoins. Donné en l'Abbaye
Royale de S. Germain des Prés le 29. Mai
1740. Signé , Fr. JEAN- BAPTISTE FLOYRAC , Grand
Prieur , et Vicaire Géneral de S. A. S. Et plus bas,
Par Commandement du R. P. Grand Prieur et Vicaire
Géneral de S. A. S. Signé , Fr. Jean - François
de Brezillac.
· L'Abbé de Sainte Geneviève fit auffi publier le
même jour le Mandement qu'on va lire.
FRANÇOIS PATOT , Abbé de l'Abbaye Royale de
Sainte Geneviève au Mont de Paris , dépendante
immédiatement du Saint Siége , et Superieur Géneral
des Chanoines Réguliers de la Congrégation
de France : Aux Chanoines Réguliers de notredite
Abbaye, et à toutes autres Perfonaes dépendantes de
notre Jurifdiction Abbatiale ; SALUT. Le Seigneur
irrité contre fon Peuple exige de nous des voeux
ardens , des prieres ferventes , des gémiffemens qui
partent d'un coeur contrit et humilié pour defarmer
fon bras vengeur , et l'engager à nous faire fentir
les effets de fes anciennes mifericordes . Allarmés à
la vue de notre propre indignité , recourons à la
puiffante Protection de ceux qui affûrés de leur
falut , s'intereffent pour nous , et font prêts à préfenter
nos voeux à l'Agneau fans tache , fi , jaloux
de leurs vertus , nous fommes fideles à les imiter.
Les Siècles qui nous ont précedé , nous inftruiſent
d'âge en âge de la puiffance de celle que nous révérons
comme la Patrone et l'Ange Tutelaire de cetre
Capitale du Royaume. Donnons- lui de nouvelles
marques de notre confiance , et fecondons le
zele et la pieté de Mrs les Prévôt des Marchands et
Echevins de cette Ville , qui fe font adreffés à Mrs
du Parlement , pour demander que la Chaffe de
Sainte
MAY. 1740. 1031
Sainte Genevieve foit découverte ; ce qui a été accordé
par l'Arrêt rendu cejourd'hui .
A ces causes , Nous ordonnons , conformément
'à l'Arrêt du Parlement de ce jour ; Que la Chaffe
de Sainte Geneviève , Patronne de Paris et du
Royaume, fera entierement découverte cejourd'hui,
dont la Ville fera avertie par le fon de toutes les
Cloches de notre Abbaye ; que le même jour on
commencera les Prieres publiques par un Salut qui
fera fait après Complies, et demain Samedi, par une
Mefle folemnelle , que Nous célebrerons pontificalement
à neuf heures du matin , que pendant le
temps que la Chaffe demeurera découverte , l'on
dira au Grand Autel des Meffes , depuis cinq heures
du matin jufqu'à midi , et que tous les foirs
après Complies, fera fair un Salut, qui commencera
par une Proceffion dans l'Eglife , à laquelle on
chantera , 1°. Les Litanies , Aufer à nobis , &c. 2°.
L'Antienne de Sainte Geneviève , O felix ancilla ,
>
c. Le Trait , Domine , non fecundùm. L'Antienne
de la Vierge , Sub tuum prefidium , & Domine , ſalvum
fac Regem. Et l'Antienne Da Pacem. Le y.
Salva nos , Domine , ex inquinamentis noftris . 2.
Voca frumentum & multiplica illud , & non imponas
nobis famem. Ees Oraifons : La premiere , Pro
ubertate fructuum. Concede nobis , Domine , omnes
fructus terra , femina cunctafubtus terram pofita
congruam coeli temperiem impertiendo , & intercedente
Beata Virgine Genovefâ , ad maturitatem perducere
digneris. Per Dominum , &c. Seconde , de la
Vierge , Concede nos. Troifiéme , de Sainte Geneviéve
, Prafta quafumus . Quatrième , pour le Roy ,
Quafumus , omnipotens Deus. Cinquième , pour la
Paix , Deus , à quo fancta defideria. Nous ordonnons
de plus, que pendant que la Chaffe demeureza
exposée à la Dévotion des Fideles , tous les Prêtres
Ivj qui
1032 MERCURE , DE FRANCE
qui célebreront la Meffe dans notre Eglife , conti
nueront de dire la Collecte intitulée dans le Miffel ,
Ad poftulandam aëris ferenitatem , avec la Secrete et
Poftcommunion propres : Et enjoignons à tous les
Chanoines Réguliers de cette Abbaye , de faire en
leur particulier des Prieres pour obtenir de Dieu
qu'il exauce fon Peuple , et accorde un temps favorable.
Donné à Paris en notre Abbaye Royale
de Sainte Geneviève , le 20. Mai 1740. Signé ,
Fr. FRANÇOIS PATOT , Abbé de Sainte Geneviève.
Et plus bas , Par mon Réverendiffime Abbé ,
Regnier , Sécretaire.
Fr.
La faifon eft toujours fort retardée , et aujourd'hui
31. Mai , tout le monde eft encore en habits
d'hyver, et l'on n'a prefque pas ceffé d'avoir du feu .
L
MORTS.
E nommé Guillaume Garnier , Cabaretier , demeurant
dans le Bourg de Loche en Touraine ,
y eft mort depuis quelque tems , dans la cent cinquiéme
année de fon âge.
Le nomméJean Pefqué , eft mort dans la Paroiffe
d'Alieres , Diocèse de Couzerans , dans la
107 année de fon âge. Son pere avoit vecu 108
ans & fuivant la tradition du Pays , fon Ayeul étoit
mort , âgé de 132 ans.
Jeanne- Marie - Louise Bourgeoisy Veuve de
Chriftophe Cavelier de Montcomble , mourut à
Paris le 18 Avril dernier , dans la 109 année de
son âge.
De Angelique des Acres de l'Aigle , épouse de
Louis
MAY. 1740 1033
Louis de Karuel de Merey , Gentilhomme du Duc
d'Orleans , avec lequel elle avoit été mar ée au
mois d'Avril 1736 , mourut à Vernon , fur la fin du
mois de Février dernier , quelques jours après être
accouchée d'un garçon , outre lequel elle laille une
fille nommée Louise de Karuel , née à Vernon le
17 Novembre 1738. Cette Dame qui étoit dans la
46 année de fon âge , étant née le 18 Juin 17041
étoit ze fille de Jacques Louis зе des Acres . Marquis
de l'Aigle , Lieutenant de Roi en Normandie , &
Brigadier des Armées de S. M. & de deffunte De
Marie Chopin , fa premiere femme , morte au mois
de Septembre 1723.
Le 29 Mars , François de la Vove , appellé le Che
valier de Tourouvre , Chevalier de l'O dre Militaire
de S. Louis , ci - devant Colonel du Régiment de
Vermandois , où il avoit été long tems Capitaine ,
& qu'il obtint au mois de Janvier 1706 , après la
mort d'Antoine de la Vove , Marquis de Tourouvre,
son frere aîné, qui en étoit Colonel , & Brigadier
des Armées du Roi , mourut à Paris , âgé
d'environ 63 ans . Il étoit auffi frere puiné de feu
Jean Armand de la Vove de Tourouvre , Evêque
& Comte de Rhodes , mort le 18 Septembre 1733.
Ils étoient fils d'Antoine de la Vove , Seigneur ,
Marquis de Tourouvre , au Perche , de la Guimandiere
, Autheuil , Randonnai , Brezolette , la Poterie
, le Pleffis , S. Gilles , la Motte d'Iverfay , & c.
& de De Marie de Remefort de la Grilliere . La
Ma fon de la Vove , dont Pancien nom étoit Louel ,
eft d'une ancienne Nobleffe du Perche , où eft fituée
la terre de la Vove dans les Paroiffes de Corbon
, & de Courcerant . Elle porte de fable à fix
befans d'argent , pofés 1 , 2 & 1.
Le 8 Avril D. Adelaide - Candide- Marie- Loüife
de Brancas- Villars , Dame du Palais de la Reine
de
1034 MERCURE DE FRANCE.
9
de Pologne , Ducheffe de Loraine , & de Bar , &
époufe de Claude- Guſtave Chretien de Salles , Mar
quis de Bullegneville , Gouverneur de Vaucou
leurs , en Loraine , Colonel du Regiment d'Infanterie
des Landes au fervice de France , & Chambellan
du Roi de Pologne , Duc de Loraine & de
Bar , mourut à Nancy , âgée environ de 30 ans
.&fut inhumée le 9 dans l'Eglife de la Paroiffe de S.
Epure. Son mariage eft ráporté dans le Mercure
de Février 1730 , p. 422 , où l'on a marqué de qui
elle étoit fille.
9
Le 12 , Louis-Joseph Chalmette, Seigneur de Limiers
, Rilly , Villeneuve , &c. & Confeiller -Secretaire
du Roy , Maifon , Couronne de France ,
& de fes Finances honoraire , mourut dans un âge
avancé. Il avoit époufé au mois d'Octobre 1701 ,
Marguerite Pafquier , morte le 16 Novembre 1726,
fille d'Antoine Pafquier , Notaire au Châtelet de
Paris , mort Secretaire du Roy, & de Marie Françoise
Denis. Il en laiffe Antoine Louis Chalmette
reçu Confeiller au Parlement de Paris à la 4e Chambre
des Enqueftes , le 24. Janvier 1725. Loüis -Jofeph
Chalmette de Rilly , Prêtre , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , Maiſon & Societé
de Sorbonne du 29 Octobre 1732 , & une fille
mariée au mois de Mars 1729 , avec Pierre Nicolas
Poiffon , Seigneur de Bardy , Confeiller -Secretaire
du Roy, Maifon , Couronne de France , & de
fes Finances , Greffier en Chef des Requeftes de
PHôtel.
Le 10 , Jean-François Penet , Prêtre , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , de la Maiſon
Royale de Navarre dus Aouft 1700 , & Curé de
la Paroiffe de S. Landri en la Cité à Paris , mourut
âgé d'environ 70 ans.
Le même jour , Charles-Balthafar de Clermont-
Chafte
MAY. 1740. 1033
Chafte , Comte de Rouffillon en Daufiné , Seigneur
de Chafte & de Charpey , ci- devant Sénéchal de
Velai , & autrefois Meftre de Camp du Régiment
de la Reine , Cavalerie , mourut à Paris , âgé d'en
viron 82 ans . Il étoit frere aîné de feu Louis Annet
de Clermont - Chafte , Evêque & Duc de Laon ,
Pair de France , mort les Octobre 1721 , & de
François Alfonfe de Clermont-Chafte, Premier Gen
tilhomme de la Chambre du Duc d'Orleans , dont
on a raporté la mort dans le Mercure de Janvier
dernier , p. 175. Celui qui vient de mourir , avoit
été marié deux fois , comme on peut le voir dans
l'Hiftoire des grands Officiers de la Couronne , où
la généalogie de fa Maiſon eft raportée t . 8, p. 924.
Il laiffe de fa ze femme une fille unique fort jeune ;
& il ne reste plus de fon premier mariage que François
Ferdinand Comte de Clermont Chafte , Lieutenant
de Roy de laProvince de Daufiné , Maréchal
de Camp des Armées du Roy du 18 Octobre 1734,
dont le frere aîné Louis , Marquis de Clermont-
Chafte , eft mort dans la dernière guerre des blef
fures qu'il avoit reçues à la Bataille de Guaftalla ,
le 19 Septembre 1734 , ayant éte fait Maréchal
de Camp le premier Août précédent.
Le 21 , Pomponne Mirey , Confeiller , Notaire
& Secretaire du Roy , & de la Cour de Parlement
de Paris , Receveur des Confignations des Requeftes
du Palais , mourut âgé d'environ 70 ans .
Il avoit épousé au mois de Septembre 1700 , Elifabeth
Severt , fille de feu Aimé Severt , auffi Confeiller
, Notaire & Secretaire du Roy, & de la Cour
du même Parlement , ancien Avocat , & ancien
Bâtonnier des Avocats , Receveur des Confignations
des Requeftes du Palais , & de Jeanne- Angelique
le Roux ; il laiffe d'elle deux filles , dont l'aî
née eft veuve de Michel Camus d'Eftouches , Brigadier
103 MERCURE DE FRANCE
gadier des Armées du Roy , Chevalier de l'Ordre
Militaire de Saint Louis, & Controlleur Général de
l'Artillerie de France , mort le 25 Mai 1731 , & la
cadette , mariée avec Henri de Gaillarbois , Seigneur
, Comte de Marcouville ', ci- devant Enſeigne
de la Compagnie des Gendarmes Ecoflois.
mourut
avec
Le 25 , Nicolas Gaillard , ci - devant Lieutenant
Général des plaifirs du Roi pour la chaffe ,
à Paris dans la 92 année de fon âge , étant né le
3 Janvier 1649. Il étoit veuf de Catherine Jonnot ,
morte le 3 Juin 1726 , de laquelle il laffe Marie-
Therefe Gaillard ; mariée le 26 Mars 178 ,
Jean Nicolas de Pieurre , Seigneur de Romilly ,
Confeiller honoraire de la Grand'Chambre du Parlement
de Paris , dont elle eft la feconde femme
& dont elle a des enfans ; & Geneviève- Charlotte
Gaillard , mariée au mois de Mars 1728 , avec
Charles -Claude Renouard , Préſident à la Cour des
Aides ; & Confeiller honoraire au Parlement de
Paris , dont elle eft auffi la feconde femme , mais
fans enfans . A
Le 26 , Jean- Baptifte Demaretz , Seigneur de
Vaubourg , Baron de Cramailles , Confeiller ordinaire
, & Sous- Doyen des Confeils d'Etat & Privé
du Roy, & Doyen des Maîtres des Requêtes honoraires
, mourut à Paris dans la 8 année de fon âge.
Il avoit eté reçu Confeiller au Parlement de Paris
le 4 Avril 1678 , puis Maître des Requeftes le 17
Mars 1681. Il fut enfuite Intendant fucceffivement
à Pau en Bearn , au mois d'Août 168 , en Auvergne
en 16 7. en Lorraine en 1691 , & en Franche-
Comté en 1698 , ju qu'en 1700 , qu'il fut nommé
au mois d'Août à l'Intendance de Rouen , qu'il n'accepta
point. Il fut fait Confeilier d'Etat au mois
de Juin 1709. Il étoit le ze fils de Jean - Baptifte
Delmareftz , Confeiller du Roy en fes Confeils ,
&
MAY. 1740 1037
& Tréforier Général de France à Soiffons , mort le
24 Octobre 1682 , âgé de 77 ans , & de Marie
Colbert , morte à 76 ans le 19 Avril 1703, laquelle
étoit foeur du grand Jean- Baptiste Colbert , Minif
tre d'Etat , & Controlleur Général des Finances.
M. de Vaubourg avoit été marié le 8 Janvier
1682 , avec Marie- Magdeleine Voyfin , morte le 9
Mai 1711 , âgée de 45 ans , fille de Jean - Baptifte
Voyfin , Seigneur de la Noiraye , Maître des Requeftes
Ordinaire de l'Hôtel du Roy , & Intendant
en Touraine , Anjou & le Maine , & de Magdeleine
Guillard. Il laiffe d'elle Paul Etienne Defmareftz ,
Baron de Cramailles , qui a été reçu fucceffivement
Confeiller au Châtelet en 1712 , & au Parlement de
Paris , à la premiere Chambre des Enqueftes , le 21
Février 1714 , & enfin Confeiller d'honneur au
même Parlement en 1738. Il n'eft point marié ; &
Henriette-Magdeleine Defmareftz , veuve fans enfans
de Charles d'Angennes , Marquis de Poigny ,
Colonel du Regiment Royal la Marine , & Brigadier
des Armées du Roy, tué à la Bataille de Malplaquet
le 11 Septembre 1709. elle avoit été mariée
avec lui le zo Février 1702.
Le même jour , Jean- Louis de Louet ( ou plûtôt
Louvet ) dit l'Abbé de Nogaret , Prieur d'Aujargues ,
mourut à Paris âgé de 83 ans , 20 jours , étant né
au Château d'Aujargues , Diocèle de Nifmes , le
5 Avril 1657. Il étoit oncle de Louis Louvet de
Murat de Nogaret , Marquis de Calviffon , ou
Cauviffon , Baron des Etats de Languedoc , Colonel
d'Infanterie , & Commandant pour le Roy
dans la Ville Maafeillargues en Lavaunage.
Le 27 , Soeur Marie de Boulainvilliers , dite de
Ste Urfule , Religieufe de l'Hôtel Dieu de Chaumont
en Vexin , mourut en ce Convent dans la 95
année de fon âge , étant née le 20 Février 1646.
Elle
1e38 MERCURE DE FRANCE
Elle étoit fille aînée de François de Boulainvilliers ,
Seigneur de Neuilly , Hadencourt , Mezieres ;
dont il eft parlé dans le Mercure de Février 1736,
P. 390, à l'occafion de la mort de la Dame de
Fontette de Vaulmain fa 2e fille . Il en avoit eu une
je morte il y a 20 ans Religieufe dans le même
Convent de l'Hôtel - Dieu de Chaumont . Il avoit
eu auffi 4 fils , dont 2 furent tués étant Moufquetaires
de la Garde du feu Roy Louis XIV. comme
il a été remarqué dans le Mercure ci deffus cité .
Le 3e Chanoine Regulier de la Congrégation de
France , mourut Prieur de Chailles dans le Diocèfe
de Blois , & le 4e mourut garçon .
Le 28 , Nicolas Joffe le Pelletier de la Houffaye ,
'Abbé Commandataire de l'Abbaye de Hambie
O. S. B. D. de Coutances , qui lui fut donnée le
8 Mai 1721 , mourut à Paris dans la 44 année de
fon âge.
"
Le 29 , Cefar des Maxis , Ecuyer , Capitaine des
Gardes du Prince de Dombes , pour le Gouvernement
de Languedoc , mourut à Paris , âgé de
foixante- neuf ans , & fut enterré le lendemain
à Saint Paul , fa Paroiffe. Il étoit fils de Henri
des Mazis , Seigneur de Brieres les Seellés
S. Leger , Boinville & Chalo S. Mnard près d'Eftampes
en partie , Capitaine au Regiment de
Noirmoutier , & d'Elizabeth le Roux , fa femme ,
laquelle étoit fille d'Etienne le Roux , Seigneur de
Marmontagne , & de Châteaupers , Confeiller &
Maître d'Hôtel du Roy , & de Marguerite Vaillant
de Champvalin. Celui qui vient de mourir avoit
épousé au mois de Février 1711.D. Marie-Madeleine
Sciot , ajourd'hui fa veuve , de laquelle il laiffe 4.
fils , qui font dans le Service , & une fille . La famille
des Mazis eft d'une ancienne Nobleffe · du
Baillage d'Estampes ; elle tire fon origine connue
&
MAY. 1740
1039
& certaine d'un Jean des .Mazis , Seigneur de Brieres
les Seellés , de Groflieu , &c . qui étoit Echanfon
du Duc de Bourgogne , en 1429 , & qui fur
depuis Gouverneur des Villes & Châteaux d'Eftampes
, & de Dourdan. Il avoit époufé Jeanne du
Broullard , fille de Guillaume , Seigneur de Badouville
, Chambellan du Roy , & de Marguerite
d'Orgemont. Le Chevalier Henri des Mazis , Lieutenant
Général d'Artillerie , qui a été compris .
dans la promotion des Brigadiers d'Infanterie , du
15 Mars dernier , eft frere de celui qui vient de
mourir.
Le 30 , Dame Marie - Loüife - Adelaide Durey
époufe d'Etienne Claude d'Aligre , Seigneur de la
Riviere , la Foreft , le Favril , Boilandri , Fretigny
, vieux Château , &c. Préfident du Parlement
de Paris , avec lequel elle avoit été mariée le 21
Fevrier 1726 , mourut âgée de 34 ans , laiffant des
enfans . Elle étoit ze fille de Jean- Baptifte Durey
de Vieuxcourt , Seigneur de Meiniéres , Tourneville
, Préfident honoraire du Grand Confeil & de
Louife le Gendre.
Le 2 Mai, Pierre-Marc-Antoine Gouffier, Comte
de Caravas & de Passavant , Chef du nom & des
Armes de la Maison de Gouffier, & le seul qui restâr
de la Branche des Ducs de Rouannois , mourut
dans son Château de Passavant en Anjou , âgé de
66. ans , 4. mois. Il étoit fils de feu Armand-
Louis Gouffier , Comte de Caravas & de Passavant,
Baron de Doué , & d'Elizabeth de Ripperda de
Solms , Hollandoise , sa femme ; & il avoit épousé
Louise-Françoise de Lestang , fille de Jacob de
Lestang de Ry , d'une ancienne Noblesse de Poi
tou , Commandant pour le Roy dans les Ville &
Château de Saumur & Pays Saumurois , & de Louise
de Sainte-Eslan, Il n'en a eu que des filles⚫ dont
l'aînée
1040 MERCURE DE FRANCE
l'aînée Armande - Louise Gouffier a épousé le 4 .
Septembre 1726. François- Louis Gouffier , Marquis
de Thois , Baron de Doué & de Çatheux , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , & Mestre de
Camp de Cavalerie, qui en a des enfans mâles & femelles
; & la cadette Adélaïde Gouffier , est Prieure
perpétuelle du Prieuré de la Fougereuse en Poitou,
Frontieres d'Anjou .
Le 5. Marie-Anne Besnard de Maisons , épousé
de Louis- Gabriel Bazin , Marquis de Bezons , Maréchal
de Camp des Armées du Roy , Gouverneur
de la Ville & Citadelle de Cambray & Pays Cam
brésis , avec lequel elle avoit été mariée le 8. Novembre
1723. mourut au Château de Maisons ,
près de Bayeux en Normandie , âgée de 34. ans .
Elle laisse des enfans . Elle étoit fille de Jacques
Besnard , Seigneur de Maisons , ci - devant Maîtred'Hôtel
du Roy , & de Marie-Magdeleine de Sabine
de la Quieze.
Le 12. Alexandre-Jacques Briçonnet , Maître des
Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy , depuis le 12 .
Janvier 1731. ci-devant Conseiller au Parlement
de Paris , où il fut reçû le 7. Decembre 1725. Intendant
de la Généralité de Montauban en Languedoc
, nommé au mois de Mars dernier , mourut à
Paris , dans la 35e année de son âge , étant né le
18. Juillet 1705. Il étoit second fils de feu Guillaume
Briçonnet , Comte de Millemont & d'Auteüil
, Président de la troisiéme Chambre des Enquêtes
du Parlement de Paris , mort le 31. Janvier
1713. & de D. Charlotte Croiset , sa veuve ; & il
avoit été marié le 21 Decembre 1733. avec .....
Thibert des Martrais , fille unique de Jacques Ennemond
Thibert , Sr des Martrais , Conseiller-Secretaire
du Roy , Maison , Couronne de France &
de fes Finances , ancien Receveur des Consignations
MAY. 1740 1041
tions du Conseil & du Parlement , mort le premier
Septembre 1734. & de Marguerite - Magdeleine de
la Grange-Trianon , sa premiere femme.
Le 13. Soeur...... Joubert de la Bastide de Châteaumorant
, ancienne Abbesse de l'Abbaye Royale de
Maubuisson , de l'Ordre de Cîteaux , Diocèse de
Paris , mourut dans le Monastere du Précieux Sang ,
rue de Vaugirard à Paris , où elle s'étoit retirée .
Elle étoit Religieuse Professe de l'Abbaye de Penthemont
, du même Ordre de Cîteaux , & elle avoit
été nommée en premier lieu le 15. Août 1706 .
Abbesse de Moncé , Diocèse de Tours , d'où elle
fut transferée au mois de Juin 1709. à l'Abbaye de
Maubuisson,dont elle donna sa démission en 1719 .
Elle étoit fille de feu Annet Joubert de la Bastide ,
Seigneur- Comte de Châteaumorant en Angoumois ,
& de Françoise de Costentin de Tourville.
>
Le même jour , Pierre- Philipe Levêque , Seigneur
de Gravelle, de la Tour d'Auvers & Challoup,Doyen
des Maîtres ordinaires de la Chambre des Comptes
de Paris , en laquelle Charge il avoit été reçû le
30. Mai 1686. ayant été auparavant Substitut du
Procureur Général du Parlement , mourut , âgé de
83. ans. Il étoit fils unique de Philipe Leveque ,
Conseiller- Secretaire du Roy & de ses Finances ,
ancien Echevin de la Ville de Paris , Administrateur
de l'Hôtel -Dieu & de l'Hôpital des Incurables ,
mort le 23. Janvier 1706. & de feuë Marguerite
Bazin. Celui qui vient de mourir , étant veuf sans
enfans , de Marie-Elizabeth Huerne , morte le 9 .
Septembre 1695. fille de Philipe Huerne , Auditeur
en la même Chambre des Comptes , se remaria le
30. Septembre 1697 , avec Geneviève - Michelle
Guillois , fille de Michel Guillois , Conseiller au
Châtelet , & ancien Echevin de Paris , & de Catherine
Doyneau. Il laisse d'elle Michel - Philipe
Levê1042
MERCURE DE FRANCE
Levêque , Seigneur de Gravelle , Guignonville, &c.
resté fils unique , reçû Conseiller au Parlement de
Paris , à la troisiéme Chambre des Enquêtes , le
22. May 1720. & marié le 15. Fevrier 1729. avec
Marie-Barthelemye Thoynard , fille aînée du Fermier
Général de ce nom .
On donnera deux Volumes du Mercure le
mois prochain , pour pouvoir employer plusieurs
Piéces que nous croyons dignes d'interesser le
Lecteur.
P
TABL E.
IECES FUGITIVES. Ode à l'Evêque de Limoges
,
831
Lettre sur la Vie & les Ouvrages de Moliere , & sur
les Comédiens de son temps ,
Hypermneftre , Cantate ,
Suite du Mémoire sur la Foire S. Germain ,
L'Amour & la Rose , Fable ,
834
850
853
864
866
Lettre au sujet de l'antiquité prétenduë de la Ville
de Nevers ,
Vers à M. Greffet , sur la Tragédie d'Edoüard III .
875
Lettre II. sur l'amour & la connoiffance des Beaux-
Arts ,
877
L'Hyver revenu , Bouts- Rimés , 882
Queſtion importante , & c .
883
Commode , & figure ,
Epitre fur les Douceurs de l'Amitié ,
Lettre au fujet du Remede contre la Pierre ,
Bouts-Rimés remplis
Lettre fur une Médaille Grecque de l'Empereur
L'Amour & le Poëte , Dialogue ,
• 888
892
903
904
912
Lettre pour déterminer l'Anonyme à fe faire connoître
, &c. au fujet du Diocèse de Paris ,
Sonnet "
Enigme , Logogryphes , &c.
915
919
920
921
924
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX -ARTS ,
&c.
Livre fur les Coquillages ,
1
Nouveaux Amusemens du Coeur & de l'Esprit , 925
Traité de la Peinture ancienne , & c.
Parallele du Coeur & de l'Esprit ,
931
932
Antiqua Numismata olim Collecta , &c. 935
Appendicula ad Numos Auguflorum & Casarum,
c.
Généalogie de la Maison d'Autriche , & c.,
Avis falutaires d'un Philosophe Chrétien ,
Elemens de la Géométrie d'Euclide ,
Exercitationes Dogmatico Morales , c.
Pathologia Methodica , & c.
Morts de Personnes Illuftres ,
¿pc.
Couplet de Chanson traduit en Latin ,
938
940
944
947
948
ibid.
950
95x
Avertiffement & Mémoire fur l'Armorial de France
,
952
Rentrée des Académies & Prix proposés , &c . 963
Leçons gratuites de Mathématiques ,
968
Plan d'un Livre d'Anatomie, pour être imprimé avec
des Couleurs naturelles ,
Eftampes nouvelles , & c.
Vers au Cardinal de Fleury
de Dieu , & c
969
971
974
975
9
Hiftoire Sacrée de la Providence & de la conduite
Catalogue des Ouvrages en Taille-douce du Sr le
Bas ,
976
Chansonnette , Gavotte Bacchique & Musette , 982
Spectacles . Le Marié fans le fçavoir , & c .
Ballet des Sens & Vers à la Dlle le Maure ,
Les deux Anneaux Magiques , &c .
Arlequin Dévaliseur de maisons
Vers à M. le F. fur la Tragédie de , & c.
986
991
993
995
997
Nouvelles Etrangeres , Afrique & Pologne , 999
Allemagne , Présens du G. Seigneur à l'Empereur &
Entrée publique à Vienne , & c.
1000
Italie, Audience du Duc de S. Aignan, & Comparse, .

fon Discours au Conclave , &c,
Isle de Corse , Espagne & Portugal ,
Grande-Bretagne , Hollande & Pays- Bas ,
1004
1008
1009
France , Nouvelles de la Cour, de Paris , &c. 1013
Bénefices , & c. 3018
La France heureuse , Vers , 1019
Suite de la Promotion d'Officiers Generaux , Maréchaux
de Camp ,
ibid.
IOLI
1022
Brigadiers d'Infanterie ,
Brigadiers de Cavalerie ,
Prieres à Ste Geneviève , Arrêt du Parlement & Mandemens
de l'Archevêque de Paris , de l'Abaye de
S. Germain des Prés , & de celle de fainte Geneviève
,
Morts ,
Errata d'Avril.
1026
1032
Page 663. ligne 22. livrer , lisex ,traîner. P. 801.
1. derniere, d'Autichamp , ôtez ce moi . P. 802. 1 .
2. Villeroy , 1. Charoft. P. 808. 1. 4 Brigadier
1. Lieutenant Géneral.
Fantes à corriger dans ce Livre.
ι
Age 836. ligne 11. fes , lisez, les . P. 8,8 . 1. 21 .
Ritralto, .Ritratto . P.843.1.6 . Grefin de , l . Grefinde.
P. 859. 1. 20. lesquels, brez ce mot. Ibid. 1. 19.
picoter , . picorer . P 893. 1. 22. ayant & les , 1.
ayant les . P. 900. 1. 6. ongles , I doigts P. 901. 1 .
13. ureters & veffie , 1. du côté des ureteres et de la
veffie . Même page , ligne dern . au côté & ureters ,
1. aux ureteres . P. 904 1. 8. le , l . la. P. 952. l . 3. du
bas , notre, l. le . Ibid . 1. 2. du bas , faire , ôtez ce mot.
La Medaille gravée doit regarder la page
La Chanson notée , la page
905
982

MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1740.
PREMIER VOLUME.
QURICOLLIGIT
SPARGITE
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quai de Conty ,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XL.
Avec Aprobation & Privilege du Koy,
A VIS.
L'A
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comédie Fran-
Coife , à Paris, Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
L'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROT.
JUIN. 1749.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose,
L'AMOUR DE LA PATRIE ,
L
ODE.
Oin de moi cet Amour profane ;
Fruit d'une folle paffion ,
Que l'auftere Raifon condamne
Que profcrit la Religion .
Je hais ces flambeaux homicides
Allumés par les Euménides ,
Pour le malheur de l'Univers
I. Vol. A ij C'eft
104% MERCURE DE FRANCE
C'eſt un amour plus légitime ,
Que la folide gloire anime ,
Qu'il faut célebrer dans mes Vers
*
Reine qu'on adore à Cythere ;
Ton ſein ne l'a jamais porté ;
Il ne reconnoît point pour frere
Le pere de la volupté.
Enievement , meurtre , carnage
Villes réduites au pillage ,
De ton Fils ce font - là les Jeux.
Rome tant de fois triomphante
Devoit à l'amour que je chante
Son éclat , ses succès heureux.
*
Ouvre ton sein , Ville guerriere ,
C'eft toi , Coclés , vous , Fabiens ,
Que j'y vois fervir de barriere
A vos illuftres Citoyens ;
Pour rendre aux Tarquins la Couronne
En vain Porfenna l'environne ;
Elle alloit recevoir sa loi.
Fier Scévola , ton coeur sublime
Defarme un vainqueur magnanime ;
Le Tibre n'aura plus de Roy.
*
1
César
JUIN. 1042 17401
César eft moins grand à Pharfale ,
Quand , furieux , le fer en main ,
Il prend la Pourpre Imperiale
Dans un Camp teint de fang Romain
Qu'il ne le fut au fein de Rome ,
Quand de Tyran il devient homme ,
Pour le bonheur de fes Sujets ;
Et lorfque d'un front moins sévere
Il y brigue le nom de Pere , .
Et l'achete par fes Bienfaits.
*
Contre cette Armée intrépide
De Germains armés contre nous ;
Si cet amour fut notre guide ,
Il feconda notre couroux ;
Il fit de nos Villes guerriéres
Sortir des Légions entieres ,
Et dans le coeur de nos Césars
Portant le mépris de la vie ,
Le feul amour de la Patrie
Les foûtenoit dans les hazards.
*
Le Sage Auteur de la Nature
Grava de fon doigt tout puiffant
Au coeur de toute Créature
Ce généreux & doux panchant ;
A iij
Sur
1043 MERCURE DE FRANCE
Sur ces ramparts réduits en cendre
Un Héros meurt pour les défendre.
C'eft des mains de ce même Amour
Que je vois fortir cette chaîne
Qui nous attache & nous entraîne .
Au Dieu qui nous donna le jour.
C'eft en vain que tu cours le Monde ,
Infatigable Voyageur ;
La Terre en miracles féconde
N'a rien qui retienne ton coeur .
A peine forti du Rivage ,
Ton Vaiffeau , de l'humide Plage
Sillone les flots périlleux ,
Que vers le lieu de tà naiſſance
Dont tu pleures déja l'abſence ,
Tu tournes malgré toi les yeux.
*
Un Berger préfere le Hêtre
Aux plus magnifiques Lambris ;
Et le Hameau qui l'a vû naître
A fes yeux eft d'un plus grand prix.
Froids Habitans de la Norvege ,
De vos climats couverts de neige
Venez jouir de nos Saifons.
Quoi ! ces Lieux font pour vous fans charmes !
Vous
JUIN.
1740 1042
Vous fuyez , vous verfez des larmes !
Vous foûpirez pour vos glaçons !
Montagnes qui me vîtes naître ;
Rians Côteaux , aimables Bois ,
Vous me verrez bien- tôt paroître ,
Bientôt vous entendrez ma voix.
Fleuve orgueilleux , ce beau rivage
Où le Louvre reçoit l'hommage
De la Nayade de tes Eaux ,
Ne vaut pas la rive charmante
Que baigne la Marne naiffante ,
En s'échapant de fes Roſeaux.
Par l'Abbé Godard.
Aiiij DIS1050
MERCURE DE FRANCE
丸洗
DISCOURS fur le Sujet proposé par
l'Académie des Jeux Floraux de Toulouse
, pour le Prix d'Eloquence , qui fera jugé
le 3. May 1740 .
L'Elevation dégrade souvent les Hommes }
en les faisant connoître.
Sap
eft rare de trouver des Hommes qui
aportent en naiffant les qualités qui caractérisent
& diftinguent les grands mérites
, il eft du moins auffi rare d'en trouver
qui ne s'enflent point des talens reçûs , ou
acquis par une étude sérieuse & pénible ,
pour poffeder les Charges & les Emplois
qui partagent les differens états .
Il en eft à qui la naiffance ou la protection
tient lieu de tout mérite ; d'autres , que l'opulence
& les richeffes placent sans diftinction
dans les grandes Charges : de -là vient
le dérangement dans l'ordre du monde , &
pour l'ordinaire la cause de la perte & de
l'aviliffement des ambitieux .
Les Hommes aiment l'élévation , & cependant
ils la haïffent ; ils l'aiment , parce
qu'ils croyent y trouver ce qui flate leurs
paffions , l'honneur , les richeffes , & le plaifir
: ils la haiffent , parce qu'elle leur fait
fentir la privation où ils sont par eux-mêmic
JUI N. 1740. 1051
mes de ces biens qu'ils aiment ; ils l'admirent
& ils la méprisent tout ensemble , quelle
contradiction ! Ils l'admirent , parce qu'ils
en sont éblouis ; ils la méprisent , parce que
leur orgueil les porte à se faire un fantôme
de grandeur & une élévation imaginaire qui
leur fait mépriser & mettre fort au- deffous
d'eux ce qui fait l'admiration des hommes
du commun.
Le monde n'envisage que félicité dans les
places éminentes , parce qu'il n'en voit que
la furface & les dehors aparens , qui sont
toujours trompeurs : il n'y a que ceux qui
connoiffent à fond ces états , & qui les rempliffent
avec les lumieres requises , qui en
reffentent les peines interieures.
Plus on eft élevé dans le monde , plus on
doit craindre. Tous les yeux sont fixés &
arrêtés sur l'homme en place. Ce qu'on oublieroit
volontiers dans un homme du commun
, eft examiné d'une maniere plus attentive
& plus particuliere ; tout devient un
fantôme dans un homme élevé parole ,'
action , démarche , bienfait même , tout eft
marqué au coin de l'envie , & on n'oublie
rien pour diminuer & effacer , s'il eft poffible
, l'estime qu'en avoient conçûe les autres
hommes. Dans l'élévation , l'homme a besoin
d'une vertu au- deffus du commun ,
pour n'être point ébranlé par les fecouffes
Αν alix1052
MERCURE DE FRANCE
1
auxquelles il eft exposé il lui faut une force
extraordinaire pour réfifter à tous les revers
& à toutes les tempêtes du monde ; il faut
une fageffe confommée , pour foûtenir avec
patience & fans être ébranlé , les revers & les
difgraces qu'on effuye dans les grandes places
; car que n'en coûte - t- il pas pour supor
ter les traits satyriques & les calomnies d'un
concurrent ? pour fouffrir fans murmure les
plaintes & les reproches des Superieurs ?
Souvent même à quoi n'eft-on pas exposé,
quand il s'agit de servir leurs paffions , &
qu'il faut balancer son devoir & sa fortune ,
effuyer les railleries & le mépris des inferieurs
, être l'objet de l'envie & de la jaloufie
de fes égaux , & être le trifte témoin ,
qu'il n'arrive que trop fouvent que ceux qui
ont le plus de crédit fe plaiſent à rabaiſſer &
à humilier ceux que leur naiffance & leur
mérite devroit élever au deffus d'eux ?
Mais fi l'élévation dégrade fouvent les
hommes en les faifant connoître , c'eft parce
que la plûpart , toujours hors d'eux- mêmes,
ne confultent point affés leur propre coeur.
On fe croit capable de tout ; on entreprend
tout ; on n'examine rien , & on fe précipite
avec le torrent.
L'un , héritier d'une Charge confidérable ,
cherche avec empreffement les moyens d'y
être reçû & conservé , sans examiner qu'on
n'eft
JUIN. 1740.
1053
il
n'eft pas toujours héritier des talens & des
vertus de fes ancêtres : l'autre , s'apuyant sur
ses richeffes , redouble d'efforts , & s'élance,
pour sortir de la pouffiere & de l'obfcurité
de sa naiffance : fans talens , fans éducation ,
& fouvent même privé de ces vertus morales
qui font l'honnête homme , on le voit
dans les plus grandes places. En effet , quels
moyens injuftes n'employe pas celui qui
veut s'élever à quelque prix que ce soit ?
Tout rempli de fon deffein , il n'écoute ni
Religion , ni Raifon ; tout lui convient
pourvû qu'il réüffiffe ; il ſe prête à tout ,
tente tout. Si l'entrée lui eft fermée d'un
côté , il s'avilit & se rétréssit , pour ainſi dire
, pour franchir les barrieres , même les
plus facrées ; & fouvent ce n'eft qu'à la faveur
du crime & des paffions les plus honteuses
, qu'il obtient ce que la Nature , son
incapacité , l'équité & la juftice , avoient
droit de lui refuser. Qu'il eft rare qu'une entrée
auffi vicieuse ne précipite l'un & l'autre
dans mille malheurs ! On voit le premier
accablé sous les reproches que lui ont attiré
son ignorance & fes imprudences , ( heureux
même fi les Manes de fes ayeux n'en sont
point insultés ! ) Le second , en annonçant
par ses actions & ses paroles , l'efpece de
néant d'où il eft sorti ; tous deux enfin ,
trouver leur honte & leur ignominie dans
A vj
une
1054 MERCURE DE FRANCE
une place qu'ils ont fi viſiblement usurpée .
Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs
, grandcurs d'établiffement , & grandeurs
naturelles ; les premieres dépendent de
la volonté des hommes , & sont , pour l'ordinaire
, l'effet du hazard , de la coûtume
ou de l'interêt ; les secondes sont dûës à la
Nature , mais elle ne fait pas toujours préfent
aux hommes des attributs & des apanages
qui sont propres à la véritable grandeur.
>
L'ambition , l'orgueil & l'interêt font les
grands refforts qui font mouvoir tous les
hommes de- là dérivent tous les maux qui
inondent la furface de la terre : c'eft la fource
de ce torrent empoisonné , qui fubmerge
en partie tous les états de la societé civile ;
ce sont ces guides trompeurs qu'on consulte,
pour s'élever dans les Charges , & pour remplir
les Dignités ; après cela eft- il étonnant
qu'on foit avili dans l'élévation , puiſque toutes
les actions ne refpirant que le langage
des paffions , on diftingue facilement les ressorts
qui font agir ?
L'ambition fait tout oser & tout entreprendre
; l'orgueil soûtient tout avec audace
; & l'interêt , en séduisant le coeur déja
corrompu , fait dans tous les états des prévaricateurs.
L'homme eft né pour la société ; il ne peut,
fans manquer à ce qu'il lui doit , se dispenfer
JUIN. 1740. 1055
ser d'obliger & de servir ceux qui la compo
fent ; mais pour leur être utile , il faut qu'il
ait une jufte confiance qu'il eft dans l'état qui
lui eft propre. Tout l'effentiel eft que l'entrée
dans cet état ne foit point vitieuse , rarement
une fauffe démarche fe répare-t-elle dans cette
occafion.
Il ne faut donc que consulter fon propre
coeur , & sentir le poids accablant & les
obligations des Charges & des grands Emplois
, pour être utile à la société dans l'exer
cice des Dignités , & ne point trouver sa
honte & son humiliation dans la source de
la gloire & de l'élévation.
Mais ne peut- on pas regarder comme un
prodige un coeur droit & fincere , qui ne
s'enorgueillit ni des talens de la Nature ,
ni de ceux qu'il a acquis par une étude sérieuse
, dont il fçait faire l'usage que la societé
a droit d'éxiger de tous les hommes
?
Car il ne s'agit pas de fe procurer une vie
de Philosophes Epicuriens , douce & tranquille
, en ne se mêlant de rien ; il ne s'agit
pas non plus , & il seroit même honteux , de
mener une vie voluptueuse , ou de paroître
isolé , & de ne tenir à rien ; il faut être attaché
par état à quelque chose dans la vie ,
par le defir & les difpofitions d'obliger les
hommes paroître dépendant , quoique li-
&
bre
1056 MERCURE DE FRANCE
bre : c'eft cette dépendence & cette obliga
tion mutuelle de servir les autres , qui fait
l'ame de la société , & qui nous fait entreprendre
quelque chose pour son utilité , malgré
les traverses qui s'y rencontrent .
Quoique les difficultés qu'il faut furmonter
dans les places éminentes , ne foient pas
toujours des marques qu'on n'y eft pas apellé
, les bons fuccès ne font pas auffi des
preuves certaines de vocation : la confiance
d'une entrée légitime dans un état , doit
feule calmer nos craintes , & en nous engageant
à travailler avec ferveur , elle peut
feule nous faire fuporter les peines & les
amertumes inséparables de l'élévation.
Les qualités du coeur & de l'efprit font
néceffaires à toutes les conditions & à tous
les états , mais le renversement qui regne
dans l'ordre du monde , vient de la mauvaiſe
aplication qu'on en fait ; tel homme avec un
talent médiocre se seroit acquis une réputation
de probité dans un etat inferieur ; il auroit
été utile aux autres , mais pour avoir
fervi le langage des paffions dans lui ou dans
les fiens , pour avoir obéï , le voilà dans un
pofte diftingué , fouvent même fort au deffus
de lui , & prefque toujours au préjudice d'un
autre qui en étoit vraiment digne ; tel homme
, dis - je , tombe dans des excès & des
imprudences qu'il n'auroit point commises ,
fi .
JUIN. 1745
1057
fi en confultant fon propre coeur , & non fon
ambition , il fe fût tenu modeftement à ſa
place.
A la vérité les états les plus vils & les plus
bas font ceux où il eft plus difficile de pratiquer
les hautes vertus , & de trouver des
fentimens , parce que les occupations baſſes
& terreftres , qui y font attachées , énervent
le coeur & aviliffent les actions ; la société
tire pourtant quelquefois de grands Sujets de
ces conditions baffes , pour les faire briller ,
mais c'est toujours un phénoméne , plus admirable
, qu'ordinaire.
,
L
Quoiqu'il ne foit permis à perfonne de
chercher à s'élever ni foi , ni les fiens , le
befoin des autres , & non notre propre ambition
, peut feule nous placer où nous n'avions
pas droit d'atteindre par notre naiffance.
Une noble éducation avec un coeur droit
& fincere , rend fouvent les hommes de conditions
les plus viles , dignes du Gouvernement
& du Diadême . Un coeur noble &
bien placé , ne fournit que trop d'exemples,
l'élévation extérieure n'eft point incompatible
avec fes difpofitions ; il prouve par
toutes fes actions qu'il eft prêt , fans déroger
à fa dignité, à s'abaiffer fous les pieds des autres
; ( difpofition rare dans un homme en
place ; ) on en trouve peu , qui par la droiture
de leur coeur foient portés à defcendre
que
fur
1058 MERCURE DE FRANCE
fur le champ de leur place , dans la vûë de
leur incapacité , à moins qu'animé de la crainte
de n'en point remplir les fonctions avec
toute la sévérité & toute la rigueur qu'on
s'eft imposé , en fe chargeant d'un tel fardeau
, on ne facrifie fa fortune à fon devoir ,
ſe regardant comme un ufurpateur , en réparant
, autant qu'il eft poffible , les torts & les
injuftices qu'on a causés par ſes imprudences
: car dans tel état que ce foit , les fonctions
ne font remplies que lorfqu'on y fait le
bien ; agir autrement , c'eft un crime manifeſte.
par
Qu'il eft difficile dans l'élévation de conserver
fon ame dans un jufte équilibre , puifque
les honneurs des Charges & des Emplois ,
joints au penchant naturel , nous portent à
fatisfaire nos paffions frapées & remuées
tous les objets extérieurs qui éblouiffent dans
la condition des Grands , & qui les environnent,
comme l'apanage des Dignités du fiécle !
Mais il eft bien facile de prouver la fource de
tous ces maux ; le choix d'un état & d'un genre
de vie étant l'effentiel , il eſt ſurprenant que
l'homme faffe fi peu d'attention au point
décifif, car c'eft de l'entrée dans telle condition
que ce foit , que dépend tout le refte,
& tout le corps des actions. Il ne faut point
s'en raporter à fes propres lumiéres , encore
moins confulter fes paffions , pour faire choix
d'un
JUIN 1740: 1059
d'un état , ou pour fortir de celui où on
paroît placé , car l'orgueil & l'ambition conduifent
ordinairement le char de ceux qui
veulent s'élever dans le monde ; mais heureux
celui qui peut fe perfuader qu'y être
ignoré & oublié , c'eſt l'état de tranquillité
& de sûreté ! Dans le cahos du monde regnent
le defordre & la perte inévitable ; &
à moins qu'il n'y ait un befoin bien marqué
pour la société , nous ne devons point nous
engager dans les places où il faut une vocation
prefque certaine , & des talens au-deffus
du commun.
C'eſt l'état le plus sûr en foi de ne point
s'engager dans des places qui ont besoin de
grands talens ; & la privation humble des
talens eft quelquefois plus eftimable que les
talens mêmes ; mais que cette privation eft
dangereufe , quand elle nous entraîne à une
vie oifive , pareffeufe & vicieufe ! vie d'autant
plus funefte à la société , que tous les
hommes font tenus de la fervir , du moins
en quelque chofe !
que
,
Quelques grands que foient les ravages
caufe à la fociété le défaut de vocation
& l'entrée vicieuſe dans tous les états qui la
compofent , ne doit on pas encore regarder
la privation des talens , comme la fource de
tous les maux ?
L'Eloquence , la Science & les autres talens
1060 MERCURE DE FRANCE
lens fpirituels , fervent , il eft vrai , d'inftrue
ment aux vertus ; mais c'eſt toujours un aviliffement
de l'àme , que de vouloir en remplir
fon coeur. C'eft defirer fa perte , que de
fouhaiter les talens pour les joindre à une
vaine complaifance , qui nous porte à defirer
l'eftime & l'admiration des hommes ; car
c'eſt l'usage qu'on en fait , qui peut être eftimable
, & non les qualités toutes feules.
L'amour propre raporte les talens reçûs à
une fin indigne de leur grandeur , en les raportant
à l'homme ; mais c'eſt le langage du
monde qui fait fervir les plus grandes chofes
au plus vil interêt. La plupart des talens rabaiffent
en effet ceux qui les ont , en les
rendant vains & orgueilleux ; car qu'y a - t- il
de plus infuportable dans la fociété , que ces
hommes de fortune , qui par leurs manieres
impérieufes , veulent affecter l'air que la
vraie nobleffe & la fouveraine grandeur n'emprunterent
jamais ? Ils peuvent effayer , il eſt
vrai , d'en imposer pendant quelque temps
aux fimples & aux yeux du commun , qui
s'éblouit des attributs de la grandeur , mais
en vain s'efforceront-ils de paroître ce qu'ils
ne font pas en effet ; couverts de leur propre
confufion , ils feront obligés de rentrer dans
le néant d'où ils sont sortis , ( quoiqu'ils paroiffent
encore à la même place , ) & feront
enfin contraints de ramper aux pieds de
la
JUIN. 1746: 1061
Ja grandeur , fans jamais ofer y atteindre .
De quels anathêmes ne charge-t- on pas
& ne mérite pas en effet d'être accablé ce
faux Noble du fiécle de la fortune & du
crédit ? Si par fon état il eft chargé de rendre
la juftice & d'être l'arbitre des differends
s'il s'agit de décider du fort de la veuve &
de l'orphelin , que de crimes ne lui font
point commettre fon entrée vicieuse & son
défaut de talent ? Est - il en état de déveloper
la vérité du menfonge , de diftinguer le bon
droit de la fourberie , & de la baſſe chicane ?
L'éclat de la grandeur qui l'environne l'aveugle
& l'ébloüit ; l'ambition , l'orgueil , &
toutes les paffions font , pour ainfi dire ,
fes adjoints , & l'interêt eſt toujours dans
fa bouche l'oracle qui décide & qui pro-
/ nonce .
Les marques exterieures de grandeur qui
font l'apanage des Charges & des grands
Emplois , ne fervent pas moins à dégrader
& à avilir celui qui en abufe, qu'elles fervent
à faire refpecter celui qui eft vraiment digne
de la place qu'il occupe. En effet qu'y a - t- il
de plus affligeant dans la société , que d'être
obligé de traiter avec l'homme en place ,
comme avec ces hommes de chair & de
fang , que le pillage ou l'efclavage peuvent
à peine affouvir & fatisfaire ? ces hommes ,
dont l'afpect & le feul regard jette l'allarme
&
to MERCURE DE FRANCE
9
T
& le defespoir dans le coeur de ceux qui en
fe préfentant à eux , devroient n'en recevoir
que des paroles de paix & de confolation ?
avec ces hommes , dont l'entrée des Palais
paroît fermée à l'opprimé , & eft inaccessible
au pauvre & à l'orphelin , & qui n'accordent
qu'à prix d'argent ce qu'on avoit
droit d'attendre et d'exiger d'eux à titre de
juſtice ? Comment fe présenter devant ces
fimulacres d'hommes qui contriftent et abbattent
tant de malheureux , par leurs délais,
par les rebuts , les refus , les paroles dures,
pleines d'amertumes , et même menaçantes,
tant de leur part que de celle d'un autre
genre d'hommes , qui , quoi qu'eux-mêmes
fubordonnés , n'en font pas moins fiers et
moins orgiieilleux ? Enfin peut- on fouffrir
plus longtemps ces hommes , qui , dépofitaires
de l'autorité , en abufent , en exerçant
leur tyrannie contre leurs Concitoyens , et
souvent contre ces hommes même , dont il
n'y a pas longtemps qu'ils réclamoient la
juftice et l'équité ? En faut- il davantage pour
dégrader l'homme dans l'élévation ?
,
Mais fi on doit déplorer le fort de ces hommes
que nous venons de tâcher de dévoiler ,
quoi encore de plus funefte pour la société ,
que cette foule de gens qui s'engagent dans
des minifteres et des états qui demandent de
fi grandes difpofitions ! état trifte et funefte ;
non
JUIN 1740
non feulement ils priffent eux mêmes , mais
ils en entraînent d'autres dans des crimes et
der imprudences , dont la fuite de la vie la
plus longue peut à peine leur faire réparer
les malheurs.
Qu'heureux étoient les temps où les hom
mes fuyoient avec tant de foin les grands¡Emplois
et les honneurs des Charges ! Ces hommes
dignes des premiers fiécles , fçavoient
que les inferieurs font des cenfeurs impitoyables
qui ne paffent rien à l'homme en
place. Où font les temps , le dirai - je encore ?
où il y avoit plus de places et de grands Emplois
vacans , que d'hommes qui vouluffent
s'en charger ? Où trouver un homme qui
craigne fincerement tout Emploi, dans la vûë
qu'il s'agit de la conduite des autres , qui ne
s'en charge qu'avec tremblement , perfuadé
qu'il eft que le moindre relâchement manifefte
toujours aux autres ce que nous fommes,
et leur fournit des armes , ou pour combattre
notre lâcheté , ou pour nous regarder
comme ufurpateurs de la place que nous tenons
? Qu'ils font changés ces temps , puifqu'il
y a plus d'hommes qui fe croyent capables
de régir & de commander , qu'il n'y a'
d'Empires et de Thrônes pour les y affeoir !
La plupart des hommes ne font deftinés qu'à
obeïr et qu'à être conduits , et dans cet état
même combien y a t-il de differens talens ?
Quel1064
MERCURE DE FRANCE
Quelques grands que foient les dangers des
grandes places , nous ne devons point craindre
l'élévation , quand il paroît que nous y
fommes apellés ; lorſque ni la préſomption
ni les tenebres n'ont point eû delpart à notre
vocation , nous fommes coupables , en refufant
incivilement une place , ou en nous acquittant
avec molleffe des charges qu'elle
impofe ; car il eft aisé d'être doux , agréable
, complaifant ; ou en ne fe mêlant de rien,
ou en ne réformant rien : mais c'eft en vain
qu'on croit gagner les coeurs par une baffe
flaterie ; l'homme en place peut faire goûter
aux hommes les fruits des qualités auffi précieuſes
à la société , et s'acquitter de fes fonctions
avec la derniere sévérité . Il y a une
douceur et une gravité en commandant qui
fçavent fe faire obéir ; la complaifance pour
recevoir les plaintes , écouter les raiſons, gagne
les coeurs même de ceux que l'injuſtice
de leur cauſe a déja condamnés avant notre
Jugement , & la maniere gracieuſe et affable
de l'homme en place , fçait rendre juſtice au
mérite , fait taire la jaloufie , repouffe les
traits envenimés de l'envie , et arrête les rafi
nemens de la critique.
La confufion et le defordre qui regnent
dans le monde , viennent de ce que les hommes
ne bornent point leurs prétentions.
Prefque perfonne ne fe renferme dans ce qu'il
JUIN. 1740. 1065
a reçû, on fe croit capable de tout ; mais comme
les grandes Charges & les grands Em
plois demandent de fort grands talens , il
faut un sévere examen de fes forces pour s'y
engager , une vertu au-deffus du commun
pour s'y conduire , une prudence confommée
pour s'y maintenir , & un coeur affés
généreux pour montrer tout à la fois l'honnête
homme & l'habile homme.
Quand on ne confulte que l'interêt &
l'ambition , c'eſt ſouvent l'impuiffance d'aller
plus haut qui nous retient dans un certain
état ; après cela eft- il étonnant que l'homme
trouve fon humiliation dans la grandeur , &
fon aviliffement dans l'élévation , puiſque
tout ce qui dérange l'ordre du monde , c'eft
que prefque perfonne n'y eft à fa place ?
Pour que tout foit dans l'ordre , perfuadonsnous
une bonne fois , qu'il importe peu d'ê
tre dans une place élevée , ou abjecte , pourvû
que ce foit la nôtre. Il ne fuffit pas d'ê
tre dans une place , où on paroît apellé , il
faut encore y aporter les qualités néceffaires,
pour la remplir dignement & utilement. I1
ne fuffit pas non plus de s'attribuer des talens
qu'on n'a pas , c'eft le comble de l'orgueil &
de la folie ; car on eft plus rabaiffé par cette
enflure interieure des qualités dont on fe
prévaut,foit qu'on les ait en effet , foit qu'on
ne les ait pas , qu'on n'eft élevé par ce
phan
1066 MERCURE DE FRANCE .
phantôme de qualités dont on fe glorifie.
pas
Si les malheurs qui menacent l'homme en
place fans les talens requis , & qui lui attirent
le mépris des autres , n'influoient que
fur lui , ce feroit quelques hommes dont la
Religion,la compaffion ou l'humanité porteroient
à déplorer la perte ; mais quel interêt
n'a la société , de ne choifir que ceux
qui la peuvent fervir honorablement & utilement
? Quelles reffources peut- elle trouver
dans ces hommes paffionnés , qui dans
l'exercice de leurs fonctions , envifagent .
moins le bien des autres que leur propre
interêt & leur ambition ? Que peut- on eſpe
rer de ces hommes , que l'ignorance & leur
peu d'expérience a témerairement engagé
dans les Charges & les Dignités , où par leur
incapacité , & peut- être par des crimes manifeftes
, ils s'attirent la haine & le mépris
de tous les hommes ? Ne peut- on pas dire
que ces ambitieux ont juré la perte des autres
, & qu'ils n'épargnent rien pour les précipiter
avec eux , & leur faire partager leur
difgrace ?
En effet , quels avantages a tiré des grands
Exploits de ces Héros de l'orgueil & de
Pambition , ce Peuple fi fameux qui étoit
prefque devenu le Conquérant du monde
( le Peuple Romain ) ? Où eft la gloire de
ces Grands Capitaines , dont le nom faifoit
tremque
trembler non feulement leurs voisins , mais
même les Peuples les plus reculés ? Qu'eft,
devenu cet apareil de vertu qui fembloit
ne point apartenir au Paganiline , cette valeur
, cette intrépidité , ce courage , cette
force ? Tout eft péri avec eux , & il ne nous
refte le trifte tableau des malheurs que
l'orgueil , l'ambition , l'interêt , la ferocité
& tout l'affemblage des paffions ont attiré à
ces Ufurpateurs ; l'Hiftoire nous trace feulement
l'idée & le trifte fouvenir des maux
qui ont accablé les Peuples , & les Provin
Ces infortunées qui gémiffoient fous leur tyrannie
& fous leur domination : il eft vrai
que ces hommes enflés du defir de la gloire ,
fembloient n'agir que par l'ordre du Sénat ,
qu'ils ne s'expofoient que pour l'honneur &
la liberté du Peuple Romain , dont ils empruntoient
le nom faftueux ; mais à quels
crimes & à quels excès ne fe livre -t- on pas
en compromettant même l'autorité la plus
refpectable ? Qu'il eft aisé d'apercevoir que
c'étoit leur orgüeil & leur propre ambition
qui lesfaifoit agir , & non l'avantage & le
feul bien de la Patrie ?
Mais s'il fuffifoit de dépeindre le ravage
des paffions dans tous les états qui compofent
la societé , pour y rétablir l'ordre &
l'oeconomie , il y a longtemps que les hommes
devroient en avoir horreur , depuis
I Vol.
B qu'ils
1000
qu'ils font éclairés du flambeau de la vérité J
& depuis que les Sciences ont diffipé les nuages
qui couvroient la vraie vertu , & qui la
déroboient aux yeux de ceux qui la cherchent
fincerement , peuvent-ils fe plaindre
de manquer de fecours ? Chacun déteſte &
condamne les paffions en général , & perfonne
en particulier ne travaille à s'en mettre
à l'abri.
Quoi de plus intereffant pour un Etat, que
de choifir des Chefs capables de remplir avec
dignité les premieres places ! Quoi en même
temps de plus néceffaire à celui qui eft
apellé & qui eft dans l'élévation , que de n'y
point entrer par l'intrigue des paffions , &
de ne point s'y conduire comme leur efclave
!
Ayons donc foin de former & d'établir
dans notre coeur tout ce qui peut le conduire
à la véritable grandeur, Banniffons
tout ce qui peut nous dégrader & nous
avilir. Travaillons unanimement à ne donner
à la société que des Sujets dignes de la
fervir. Cherchons véritablement nos inté
rêts , en travaillant au bien commun. Faifons
taire les paffions ; n'agiffons que par
l'amour de la juftice & de l'équité. Que
l'amour du bien faffe goûter aux autres & à
nous-mêmes les prémices du veritable
bonheur ; & formons des hommes qui fer-
,
vent
JUIN. 1740. 1069
went la société avec le zéle , l'amour , la fincerité
, & l'attachement qu'elle a droit d'exiger
de chacun en particulier.
Noli quarere à Domino ducatum , neque
Rege Cathedram honoris : Ecclefiaftique Chap.
VII. v. 4.
Mrs de l'Académie des Jeux Floraux de
Toulouſe n'ayant point limité le temps juf
qu'auquel on pouvoit leur remettre les Piéces
qui avoient été composées pour concourir
au Prix , j'ai crû qu'en envoyant celleci
fix femaines devant , cela fuffifoit , mais
dès le mois de Janvier on n'en recevoit plus ;
c'eſt pourquoi j'ai pris le parti de vous la
remettre , Monfieur , pour l'insérer dans votre
Mercure , fi vous le jugez à propos &c.
Etienne Carré, de Paris.
REQUESTEà M. leMarquis de Gondrix,
Gouverneur d'Orleans , Petit-Fils de M. le
Duc d'Antin présentée en 1725. par la
Jeuneffe du College Royal d'Orleans , de la
Compagnie de JESUS.
Parfois Arfois Jeuneffe eft un peu témeraire ;
Cette Requête à quiconque en fait foi ;
Yous , dont l'exemple attefte le contraire ;
B
A
1070 MERCURE DE FRANCE
A qui Vertu fert de guide & de loi
Jeune Marquis , dont l'air aimable exige
De tous les coeurs un jufte hommage lige ;
Recevez-la. Depuis qu'un fort heureux
Pour notre bien vous retient dans ces Lieux ;
Chacun fe plaît à vous voir vous entendre ,
Vous admirer ; ne pourrons- nous vous rendre
Pareil devoir , difons- nous chaque jour ;
Ne pourrons- nous vous faire notre Cour?
Nous avons droit , droit fondé ſur notre âge ,
Dont voudrions qu'on nous permit l'uſage
Comme il convient , comme il eſt de raiſon
A qui tient-il ? peut- être allez - vous dire ;
Eh fe peut-il quand on eft en prifon ?
Priſon , qu'en rien ne nous fert de maudire.
Etes furpris : bientôt le comprendrez ,
Que ne pouvons jouir du Privilege
Irez plus loin , avec nous conviendrez ,
Que n'eft priſon plus dure qu'un College .
Auffi venons , affranchis par l'amour ,
Las à bon droit de trop longue carriere ;
Vous demander d'être exempts du retour
Parfois Jeuneffe eft un peu téméraire.
Voulions d'abord à votre Augufte Pere
Porter nos voeux , faire nos complimens 3
Aurions enfuite à votre aimable Merc
Dévelopé nos juftes fentimens,
Nourc
JUIN. 1740. 1071
Notre candeur n'a pas dequoi déplaire .
Vous vous trompez , & n'y connoiffez guere
Nous at-on dit , il faut vous avoüer ,
Que ce grand Duc ne peut s'oüir loüer.
Mais quoi ! fuivant des Loüangeurs la trace
Nous n'allons rien emprunter de fa race .
Pour le louer fi loüions fes Ayeux ,
Et nous bornions à la Grandeur fuprême ,
Lors craindrions de paroître à fes yeux ;
Mais prétendons nous fixer à lui-même ,
Et relever fon aimable douceur ,
Son efprit droit , fon coeur noble & fenfible ;
Aux plus petits qui le rend acceffible ,
Tous ces talens qui l'ont mis en faveur ;
Un tel deffein eft- il repréhenſible ?
Noferoit-il nous faire ici quartier ?
Pourroit-il bien prendre un viſage altier ,
Et nous citer d'un ton ferme & fevere ?
Parfois Jeuneffe eft un peu téméraire.
Force eft pourtant d'obéir , mais auffi
Nous y contraint une raifon plus forte ,
Qui nous défend de fraper à la porte ;
On n'y fçauroit réſiſter ; la voici :
Doivent céder tous les mais , tous les fi ;
C'est que n'avons grain de ce fel attique ,
Qu'en votre Cour on verfe à pleine main ;
Bij
C'eft
# 072 MERCURE DE FRANCE
C'eft qu'une Mufe écoliere & ruftique
Ne connoît point ce goût délicat , fin ,
Que doit avoir pour lui plaire un Ouvrage
C'est qu'ignorons l'élegant badinage ,
Qui pourroit feul à nos Vers donner cours
Notre jeuneffe eft un foible recours
Auprès de lui , qui vous voit à notre âge
Le réjouir , le charmer tous les jours
Par fins difcours , air poli , beau langage :
Conviendroit-il de nous tant mettre en frais
Pour Duc , à qui l'excellent feul peut plaire
Il pourroit dire en ne jugeant de biais ,
Parfois Jeuneffe eft un peu témeraire.
A la Requête il faut enfin venir ;
Jà comprenez ce que doit contenir
Ne faut içi ni Devin , ni Prophete ;
Notre air naïf en eft sûr interprete.
N'ignorez pas qu'aprendre le Latin ,
Paffer dix mois du foir jufqu'au matin ,
Cloüés fur livre , attachés à l'étude ,
Eft un métier bien ennuyeux , bien rude ;
Non de cela que vous jugiez par vous ;
L'eſprit aisé , pénétrant , & facile ,
Que fçait former plus d'une main habile ;
Rend ce métier pour vous , leger & doux.
Pour nous , paitris d'une moins pure argile ;
L'art
JUIN « • 17407
L'art de bien faire eft toujours difficile .
Point ne craignez que par nombreux congés
De nos travaux foyons dédommagés ;
Que cela fût , feroit , hélas ! trop jufte
Mais le repos à nos voeux ne s'ajuſte ;
Il vient fi mal , il vient fi rarement ,
Que loin de plaire , il fait pefter ſouvent .
D'un bon congé que la recette eft douce !
C'eft mets friand , on s'en fuçe le pouce ;
D'autre on ne veut quand on en a tâté .
Pourtant ici grande en eft la cherté ,
Vous y pouvez rétablir l'abondance ,
Et le ferez ; un feul mot de bonté
Peut assûrer une longue vacance ;
Si nous vouliez un peu donner le ton ,
On n'oferoit apuyer le contraire ,
Tout bas , au plus , peut- être diroit-on
Parfois Jeuneffe eft un peu témeraire.
Or donc , Marquis , engagez Apollon ;
( Comme avez droit fur le facré Vallon ' ,
Qui vous refpecte , & qui de vous releve )
A faire grace au plus petit Eleve ,
A le sévrer pour un temps d'Hélicon ;
Ou bien priez votre agréable Mere
De lui porter cet ordre falutaire ;
Un doux fouris peut vous rendre vainqueur ;
Bij
1074 MERCURE DE FRANCE
Un fimple mot obtiendra la faveur ;
Vous lui rendez aimable la jeuneſſe ;
Voyant en vous douceur , efprit , ſagefſe ;
Mille agrémens , qu'elle a fçû raffembler ,
Elle croira qu'on fçait vous reflembler ;
Par cet endroit sûre eft donc notre affaire
Point ne faut- il fon erreur diffiper ;
Innocemment ce fera la tromper
Parfois Jeuneffe eft un peu témeraire.
Si recourez à votre illuftre Pere
Certes n'aurez fur lui moins de pouvoir.
Difficultés 'fi pourtant fembloit faire ,
Pouvez lui dire : Ils feront leur devoir ,
Ils vous loüeront , & ne pourront ſe taire ;
Si n'exaucez au plûtôt tous leurs voeux .
Je le connois , ce trait eft dangereux ,
Le tour eft bon , & vient comme de cire ,
A tel difcours n'ofera contredire ;
Il dira : Soit , puiſqu'ils ne loüeront pas .
N'affûrez point ; fâcheux feroit le cas ;
Ne point louer feroit trop difficile ,
De l'ordonner il feroit inutile ;
Mieux fera donc de ne répondre rien ,
S'il faut parler ; dites , & direz bien ,
Que plus le Duc donnera de vacance ,"
Plus tâcherons de garder le filence ;
Que
JUIN.
1075. 1745.
Que moins le Duc donnera de congés ,
Plus ferons-nous à louer obligés .
Je crains qu'alors le Duc n'outre la chofe ,
Et qu'Apollon , quoique foûmis , n'en glofe.
Ciel ! dira-t- on , quel retour ! loüer moins
Ceux qui nous ont fervi dans nos beſoins !
Mais eft-ce avoir peu de reconnoiffance ,
Que de fe faire autant de violence ,
Qu'il faut , pour sûr , que nous nous en faſſions ?
Eft-on ingrat à ces conditions ?
Si bien loüer promettions au contraire ,
Cenfeur , qui montre ici tant de dégoût ,
Diroit bien mieux , chicannant jufqu'au bout ,
Parfois Jeuneffe eft un peu témeraire ,
Jeune Marquis , telle est notre Requête ;
Nous vous l'offrons , daignez vous en charger
La claufe doit vous en paroître honnête ,
A la tenir veuillez nous obliger ;
Il ne s'agit que de faire défenſe
Au Dieu Phoebus de plus tenir séance .
'A ces faveurs , fur qui comptons , Marquis ,
Si vous pouviez ajoûter une grace ,
Seroit de voir diftribuer les Prix ,
Qu'un faint Prélat veut fonder au Parnasse .
Ah ! pour nous tous quel plaifir ! quel honneur !
Votre aſpect feul nous donneroit du coeur ;
By

Sans
1076 MERCURE DE FRANCE
Sans difputer ici la préference ,
Et fans ici balancer les talens ,
Que le Prélat nos Sçavans récompenfe ;
Pour vous, donnez à tous longue vacance ;
Ne ferez pas certes moins de contens :
Mais ce fouhait , Marquis , eft- il à faire à
Parfois Jeuneffe eft un peu témeraire .
REPONSE du R. Pere Mathieu Texte
Dominicain , à la Lettre de M. Peliffier de
Feligonde , au sujet de l'Explication d'un
Fetton , & de l'origine des trois Fleurs de
Lys aux Armes de France.
,
1
She
I la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
, Monfieur , de m'adreffer dans le
Mercure de Septembre
dernier , eft plûtôt
une politeffe dont je vous fuis redevable
qu'une Critique de l'Explication
que j'ai
donnée d'un ancien Jetton , dans le fecond
Volume du Mercure de Juin 1735. l'érudition
que vous faites paroître , n'eft pas une
moindre preuve de votre mérite Littéraire.
Vous convenez avec moi que le Jetton en
queftion n'eft pas frapé depuis le Roy de
France,Louis XI . Mais vous avez de la peine
à comprendre
comment je l'ai fixé fous સે
fon
JUIN. 1740. 1077
fon Regne , pouvant le rendre plus curieux ,
en faifant voir qu'il eft plus ancien , puiſqu'il
y a des piéces des fiécles précedens , où l'on
voit les trois fleurs de Lys , & que vous - même
en produifez une avec la même Légende
& d'un femblable caractere , que vous.
croyez être du Regne de S. Louis .
J'avoue , M. que les lettres de mon Jetton
marquent plus d'ancienneté que le fiécle de
Louis XI. & qu'il y a eu de nos Rois , qui ont
mis avant lui , & avant Charles VI . fur leurs
Sceaux & fur leurs Monnoyes , mais rarement
, le nombre de trois fleurs de Lys ; auffi
n'est- ce pas uniquement par là que j'ai jugé
du temps de fa fabrique , mais par le tout,
réüni fur une même piéce ; & n'ayant pû découvrir
ce tout réüni , des trois fleurs de Lys
dans un grand Ecu d'un côté , & de la Légende
: Ave Maria graciâ plena, d'un caractere
gothique , de l'autre , jufques - aux Saluts,
ou Monnoyes de Charles VI . Roy de France,
& de Henri VI . Roy d'Angleterre , fur lefquelles
on lit Ave , entre la Vierge & un
Ange ; j'ai crû que je ne devois pas me donner
la liberté de remonter plus haut, ni d'avancer
une choſe dont je n'avois aucun exemple
me contentant de préferer le plus probable
à l'incertain & d'attribuer mon Jetron
à Louis XI . On fçait que la dévotion
envers la Sainte Vierge , a fait , d'une com-
B vj
mune
1078 MERCURE DE FRANCE
"
mune voix , le caractere de ce Roy , par
quantité d'endroits que j'ay raportés dans le
Mercure que je viens de citer , & en particulier
par la Priere de l'Ave Maria. Ce fut
ce Roy qui ordonna le premier May 1472 !
que l'on fonneroit trois fois le jour l'Ave
Maria , Louis le Gros , qui regnoit en 1137.
ne l'ayant ordonné que pour le midi. Deplus
, Louis XI. établit , felon les termes de
la Charte , des Religieufes de la Tierce Orde
Penitente Obfervante de M. S. François à
Paris en 1480. à condition que la Maiſon
autrefois des Beguines , porteroit le nom de
Ave Maria. Čes Religieufes du Tiers Ordre
, céderent peu de temps après , leur place
aux plus réformées du premier,& diftinguées
par
Faufterité de leur vie.
Je me fuis déterminé , M. au Regne de
Louis XI. avec d'autant plus de confiance,
qu'ayant confulté là - deffus M. D. B. Sur- Intendant
du Cabinet des Médailles du Roy ,
il a eu la bonté d'écouter mes raifons & de
les
aprouver
.
Vous m'opofez , M. un autre Jetton A ,
ayant un triangle furmonté d'une fleur de
Lys , avec trois lignes , l'une au bas horizontale
, & les deux autres perpendiculaires
aux deux côtés du triangle , terminées par
des figures rondes , telles qu'on les voit ici
gra
JUIN. 1740 1079
1
gravées , & que vous avez d'abord prifes
pour des aneaux . La Légende eft : Ave
Maria gracia plena. Le Revers eft chargé
d'une Croix pleine , terminée par quatre
fleurs de Lys , & les demi - cercles du tour ,
remplis des quatre premieres lettres de cette
Légende , de même qu'à mon Jetton . Vous
ajoûtez que le vôtre pourroit bien être du
Regne de S. Louis , afin de perpetuer par ce
type, la mémoire de fa captivité , de l'Eglife
des Dominicains de Paris qu'il fit bâtir, & de
fa dévotion au Rofaire ; & par là vous prétendez
prouver que mon Jetton , ayant la
même Légende , & étant d'un même caractere
, ( quoiqu'avec l'Ecuffon à trois fleurs
de Lys , qui n'eft pas fur le vôtre ) doit être
du même temps.
·
Permettez-moi , M. de tirer une conséquence
toute contraire à la vôtre , & de dire
que n'y ayant pas dans votre Jetton le
moindre indice particulier du Regne de
S. Louis , bien plus , que la Légende étant
toute conforme à celle qui a commencé à
paroître fur les Saluts de Charles VI. en
1421. & d'Henri VI . en 1423. dont je viens
de parler, il eft bien plus naturel de placer votre
Jetton vers ce temps là où nous trouvons
des exemples d'une pareille fabrique , que
de remonter au Regne de S. Louis.
" Quelquefois , dites- vous , je penfois que
22 ces
Toso MERCURE DE FRANCE
ور
» ces efpeces d'aneaux que l'on voit aux
» extrémités des deux figures du Jetton ,
marquoient la captivité de Saint Louis en
Egypte , que le triangle , symbole de la
» Très - Sainte Trinité , étant furmonté d'une
» fleur de Lys , fignifioit la confiance que ce
» Saint eut toujours en Dieu dans fes afflic-
» tions , & la Légende , fon recours à là
» protection de Marie , ou fon affociation au
» Rofaire. D'autrefois je m'imaginois que
» toutes ces figures repréfentoient une Eglife .
Quoiqu'il en foit , je prends la liberté de
» vous demander , M. R. P. ce que vous
» pensez de toutes ces figures , & quel peut
» être leur raport avec l'Ave Maria ? Ces
» mêmes figures font fur la Monnoye du
» Prince Alphonfe , avec cette Infcription
"Comes Riomenfis au lieu de l'Ave Maria.
"
Je ne puis , Monfieur , que loüer les fentimens
de votre pieté , par les aplications
que vous faites de votre Jetton , à la captivité
de S. Louis , pour le foûtien de la Religion
, à fa confiance en Dieu , à fon zéle à
fui bâtir des Temples , & à fa dévotion envers
la Sainte Vierge. Il feroit à fouhaiter ,
pour apuyer votre fentiment , que ces aplications
fuffent auffi folides , que toutes ces
vertus l'ont été dans le coeur de notre faint
Monarque. Mais vous en avez reconnu vousmême
le peu de folidité , en avoüant que
tout
JUIN. 1740. 1081
tout cela fe trouve fur les Monnoyes de plufieurs
Souverains , qui n'ont été ni prifonniers
, ni auffi pieux que S. Louis . Les Monnoyes
fabriquées à Paris , à Tours , à Soiffons
, ont ces Infcriptions : Parifius Civis ,
Turonus Civis , &c. avec de femblables figures
que celles qui font fur votre Jetton , figures
qui repréfentent , non pas comme on a
voulu l'interpreter , des offemens de morts ,
un Pont-levis , un Gonfanon ou Banniere , le
Labarum de Conftantin , ou des chaînes ,
mais le frontifpice, les deux côtés, les tours &
le pignon d'une Eglife. J'en trouve la preuve
dans le nouveau Gloffaire de Du Cange ,Tom.
IV.pag.939 . figure 20. B. on y voit une Monnoye
apellée un Gros Tournois , ayant d'un côté
une Eglife du même deffein que celle qui eft
für votre Jetton , le pignon furmonté d'une
A.
B.
2000000
PLE
m
ID

RON
SA
Croix
1082 MERCURE DE FRANCE
Croix , & chacun des deux murs des côtés,
d'une fleur de Lys , avec cette explication ,
P. 947. Groffi Turonenses , Crucem pedatam ,
cum fpiculis in extremis præferunt , cum infcriptione
duplici Johannes Rex , & in adversa
parte Templum cruciatum & liliatum ad latera
, cum infcriptione : Turonus Civis. 2. Mar.
1351. Typum hic damus . L'Auteur reconnoît
fi bien dans le Gloffaire , que ces figures ne
font qu'un tout , pour repréſenter une Eglife ,
qu'il fe contente de dire par tout ailleurs où
elles font: Cum Templo folito.
Ce qui fuffit , ce me femblé , pour vous.
fatisfaire au fujet de ces figures jointes à la
Légende Ave Maria ; laquelle marque la
dévotion de nos Rois envers la Ste Vierge ,
depuis Charles VI. qui commença à mettre
Ave fur les Saluts.
Ce que je viens de dire fert en même
temps à donner une jufte idée de la piété
qui regnoit à la Cour de France , du temps
de Saint Louis. C'eſt dans cet efprit que le
Prince Alphonfe , fon frere , Comte de Poi-"
tiers , duquel vous parlez , mit une Egliſe
fur la Monnoye qu'il fit fraper à Riom' , Ville
qu'il eut en apanage en 1240. par une fuite
de la confifcation des Biens de l'ancienne
Maifon d'Auvergne , dont vous raportez
dans votre Lettre , l'Epoque , & des traits de
P'Hiftoire de cette Maifon , en homme qui
la poffede,
JUIN. 1740 1685
On trouve quantité de femblables Egliſes ,'
repréſentées par ces même figures , fur les
Monnoyes de nos Rois , furtout de la feconde
Race , avec cette Infcription : Christiana
Religio ; preuve fenfible de leur zéle
pour la vraie Religion , qu'ils ont conftamment
profeffée depuis Clovis. Que voit on ,
dit M. le Gendre , fur les Sceaux & les Monnoyes
de nos anciens Rois , que des Croix ,
des Têtes de Saints , des Portes d'Eglife
&c.?Les Revers de ces Monnoyes ont quelquefois
ce Monogramme , Caro , & au tour:
CAROLUS DEI GRATIA IMPERATOR AUGUSTUS.
Il eft difficile de déterminer de quel
Roy Charles elles peuvent être , car il y a
eu trois Rois de France de ce même nom ,
qui ont été Empereurs , & l'Eglife eft redevable
à ces trois Princes , fçavoir , Charlemagne
, qui , felon M. le Blanc , mit le premier
Dei gratia, Charles le Chauve , & Charles
le Gros. On peut dire qu'elle doit fa confervation
en Europe , à Charles Martel ;
Ayeul de Charlemagne , lequel par cette infigne
Victoire qu'il remporta fur les Sarrazins
Arabes , empêcha qu'elle n'y fût abolic
par une fuite de leurs profpérités.
Pour ce qui eft de l'origine des trois fleurs
de Lys dans l'Ecu véritable de France , tel
qu'il eft en plein fur mon Jetton, & dont j'ai
dit que le Roy Charles V. mais plus communément
1084 MERCURE DE FRANCE
nément Charles VI . font reconnus les Auteurs
, vous m'avez rendu la juftice de dire
que j'ai pris pour garant le fçavant P. Mabillon
, qui dit pag. 139. de få Diplomatique :
Philippus II I. Lilia fine numero , averso figillo
, curavit affingi , ejufque fucceffores ufque
ad Carolum V. qui ea in trium numerum redegit
, ut conftat quibusdam ejus Diplomatibus,
Primus tamen Regum noftrorum Carolus VI.
bujus rei auctor vulgò afferitur.
,
ou
Prefque tous les autres Ecrivains font de
ce ſentiment convaincus de la diverfité
des figures qui font fur les Sceaux & les
Monnoyes de nos Rois depuis Louis VII.
où on les voit repréfentés debout
affis , ou à cheval , &c. Que même Saint
Louis avoit des Sceaux differens , puifqu'il
fit chercher parmi les vieux , dit M. de
Choify, celui dont on avoit fcellé fa promeffe
de remettre à Mathieu de Trie le Comté
de Dammartin . Ils ont compris , ces Ecrivains
, que le nombre des trois fleurs de Lys
qu'on voit avant le Regne de Charles V. &
de Charles VI. fur deux ou trois Sceaux
n'étoit qu'arbitraire & fans conséquence ,
ainfi que le nombre d'une ou de deux fleurs
de Lys qu'on y aperçoit quelquefois ; & c'eſt
pour cela que malgré la connoiffance qu'ils
en ont eu , ils n'ont pas laiffé , auffi bien que
les Rois , qui en ont été les Auteurs , de reconnoître
toujours que ce qu'on apelle les
JUIN. 1089 1740.
ور
55
a
'Armes de France dans la 3e Race de nos Rois ,
n'a été que des fleurs de Lys fans nombre. Depuis
Charles V. elles ont été réduites à trois.
» Louis VII. fe croifant en 1447. pour
» le Voyage de la Terre Sainte , choifit , dit
» M. le Gendre , Tom . III. p. 33. les Lys
» pour fes Armoiries ; fes Succeffeurs n'ont
point eu d'autres Armes. Tous , ( remarquez
ce terme ) ont porté des fleurs de Lys
» fans nombre , jufqu'à Charles V. Depuis
» ce Regne on commença à voir des Ecus qui
»n'ont que trois fleurs de Lys.« Il ajoûte
ailleurs , que la Monnoye apellée un Ecu ,
pris fon nom de l'Ecu de France , qu'on y
voit , que ces Lys font de l'efpece de ceux
des Jardins ou des Marais , ou des Iris , apellés
Flambans : Du Cange les nomme Lilia
Florentina. Plufieurs veulent , continue M.
le Gendre , que c'eft le fer du Javelot des an
ciens Francs ; la piéce du milieu étoit
droite , pointuë , tranchante ; les deux autres
qui l'accompagnoient , renversées en
croiffant , une clavette lioit ces pièces , ce
qui fait aujourd'hui le pied de la fleur de
Lys. M. le Gendre dit auffi qu'on commença
à voirtrois fleurs de Lys fous Charles V. & M.
le Blanc, p. 387. écrit que Charles VI. fixa ce
nombre de trois pour toûjours ; & c'eft ce que
vous avoüez , M. que fans doute , j'ai entendu,
comme il est vrai . » Cette Monnoye des Ecus
» d'or
to MERCURE DE FRANCE
» d'or à la Couronne , felon M. le Blanc , furt
‣ ordonnée par Lettres Patentes expédiées à
> Paris le 11. Mars 1384. fous Charles VI. Depuis
ce temps- là on ne trouve plus de Monnoyes
aux Armes deFrance qu'à trois fleurs de
Lys » , ce qui s'accorde à ce qu'a écrit Mézeray
, au fujet d'une Médaille qu'il produit,
Tom. III. p. 593. Charles VI. dit - il , réduifit
les fleurs de Lys , au nombre de trois , deux,
& une , qui auparavant étoient fans nombre,
le premier de fon Regne 1380. en mémoire
de quoi on a frapé cette Médaille , dans laquelle
eft gravé un Perfonnage qui a des
aîles , tenant cet Ecu ainfi renfermé , c'eft la
Renommée qui dit :
Liliafic totumfamâ vulgata per orbem.
Ainfi la Renommée fera connoître les fleurs de
Lys par tout l'Univers.
La Verfion eft de Mezeray , il a mis fera à
l'avenir.
Je pourrois raporter d'autres preuves pour
autorifer mon ſentiment au fujet de l'origine
des trois fleurs de Lys dans l'Ecu de France ;
je me contente de celle qui fuit, laquelle me
paroît inconteſtable. Humbert, II . du nom ,
Dauphin, Souverain de Viennois, Général de la
Croifade dans l'Afie , décédé Patriarche d'Aléxandrie
, voulant fe confacrer au Service de
Dieu dans l'Ordre de S. Dominique , réunie
Librement
JUIN. 1745. 7087
Librement & gratuitement fes Etats en 1349,
à la Couronne de France ; & une des condi
tions fut , que le Fils aîné du Roy porteroit
le nom de Dauphin , & les Armes écartelées
de France & du Dauphin de Vienne , qui
font d'or , à un Dauphin d'azur , vif, oreillé,
creté& barbelé de gueule. Le Roy Philipe VI .
Jean fon fils,Duc de Normandie, & CharlesV.
fon petit- fils , nommé premier Dauphin ,
préfens & acceptans , le promirent de bonne
foi. Si jamais il s'eft agi de fçavoir quel
les étoient les Armes de France , c'eft , fans
doute , dans cette grande occafion ; & on ne
trouve que semé de France au premier & au
quatrieme dans les Armes de ce premier
Dauphin , lequel montant fur le Trône , fous
le nom de Charles V. garda les fleurs de Lys
fans nombre , & les mit fur une Monnoye ,
nommée des Royaux d'or , du 10. Septembre
1364. In Campo Florido , dit le Gloffaire de
Du Cange. Mais depuis le Regne de fon fils
Charles VI . tous nos Dauphins , jufqu'à celui
qui fait aujourd'hui les délices de la Cour,
& l'efperance de la Nation , ont porté an
premier & quatriéme de France , à trois fleurs
de Lys.
Il paroit que la Médaille dont je viens de
parler , fut frapée par l'ordre de Charles VI .
fous la Régence de fon oncle , Louis ,
d'Anjou , en vûë de feconder la pieufe inten-
Duc
་ ་
tion
1088 MERCURE DE FRANCE
tion de Charles V. lequel avoit fouhaité que
le nombre des trois fleurs de Lys , qu'il venoit
d'introduire , ut conftat quibufdam Diplomatibus
, dit le P. Mabillon , fut fixe dans
l'Ecu de France , afin d'honorer dans ce
nombre myſterieux , les trois Perfonnes de la
Très- Sainte Trinité . Ce que j'avance eft folidement
établi par la Charte de la Fondation
qu'il fit , quatre ans avant fa mort , du
Convent des Celeftins de la Ville de Mante,
à 12. lieuës de Paris , dont le R. P. Prieur a
bien voulu me communiquer une Copie collationnée
, & autentique ; on en voit une autre
pareille dans la Bibliothèque des Célestins
à Paris. Comme la teneur de cette Charte
eft affés longue , je n'en raporterai ici que ce
qui convient à mon fujer.
Il eft conftant que ce Roy n'y peut parler
que de fon Regne , lui -même portant semé
de France, étant Dauphin , & à fon Couronnement
: la Charte commence ainfi :
KAROLUS Dei gratiâ Francorum Rex ad
perpetuam Rei memoriam , Gc .
Quamvis vetus oriens populorum inter fe furore
collisus , inconsutilem & indifciffam Domini
Tunicam , videlicet , Matrem Ecclefiam ,
fide Trinitatis in unitate defuper contextam per
totum , adeò minutatim per frufta difcerpferit ,
ut ipfius unitatem à fe fuis relegarit diffidiis , in
Occidente tamen orta lux fidei eclipfim non pafitur
JUIN 1740.
1089
titur , fed in fui finceritate remanet incorrupta.
Illic obrutafulcisfrumenta in lolium degenerant,
bic caspite terra facundo , centeno fructu refert
Dominici seminis puritatem, illic terra vaftitas,
Spinas & tribulos germinat ; hic agri pulchritudo
Lilia parturit convallium : Lilia quidem
fignum Regni Franciæ , in quô florent flores
quafi Lilium , imò FLORES LILII , non tantum
duo , fed tres , ut in fe typum generent
Trinitatis ; ut ficut Pater, Verbum & Spiritus
fanctus hi tres unum funt , fic tresflores unum
fignummyfterialiterprafigurant setficut Sol Di
vinitatis cælo refidens Empirao illuminat omnem
mundum ,fic tres flores aurei fupra coeleftemfive
asureum fituati colorem , in omnem terram enitefcunt
pulchrius , & lumine prafulgent clariore
, & ut fignofignatum propriè refpondeat,
tribus scilicet , Potentia , Sapientia & Benignitati
, que Sancta Trinitatis attribuuntur Perfonis
, armorum potentia , fcientia litterarum
Principum clementia , ternario Liliorum
elegantiffimè correfpondent , in quibus tribus
Regnum , à longis retro temporibus pra regnis
cateris floruiffe & hactenus claruiffe dignofcitur
, ac per hoc tenuiffe veftigia Trinitatis. Hac
eft Regni excellentia & dignitas , in quo tanta
manifeftatur individue Trinitatis complacenția
, ut in ipso fui ipfius effigiem dignatafit collocare
&c. Hac myfticorum nobilitas Liliorum
* Il rend raiſon de fon Projet , & l'explique.
1090 MERCURE DE FRANCE
>
ن م
à quibus dulcedinisfluunt aromata , que collia
git Chriftus , de quibus ait in Canticis ; Alma
mater Ecclefia , Sponfa Chrifti : Dilectus meus
mihi & ego illi qui pascitur inter Lilia , &c.
Opere follicitudinis ftudio , quærimus , &
quafita intentè & curâ vigili prosequimur remedia
, per que noftrorum remiffionem obtinere
peccaminum & dicta poffimus complacere
Trinitati. Ut autem hujufmodi remedia ,
aliud divine gratia pramium , quod merita
noftra non exigunt , aliorum patrociniis consequi
mereamur ad laudem & gloriam dicte
SS. Trinitatis , in Capella B. Chriftine Virgi
nis & Martyris ,fituatapropè Meduntam, quod
dam perpetuum Collegium ac Conventum duodecim
Fratrum Religiosorum feu Monachorum
Ordinis S. Petri Cæleftini , qui ut novellaplan
tatio in hortum fancta Matris Ecclefiæ noviter
radicata zelo Religionis , vita & converſatio
nis , munditiâ , univerfis fanctimonia circumfundant
( utfperamus ) odorem , inftituimus ac
fundamus , ad cujus Collegii dotationem , &e.
Quod ut firmum & ftabile perpetuò perseveret,
noftrum presentibus Litteris fecimus apponi f
gillum. Datum Parifiis anno Domini millefimo
trecentefimo feptuagefimo fexto , Regni verò
noftri tertio - decimo , mense Februario ,fic fig
natum per Regem , Tourneur.
Regiftrata in Camera Computorum & expedija
ibidemfine financiâ , virtute Litterarum
Regis ,
JULN. 1740% 1091
Regis , fignatarum propriâ manufuâ , acfigillo
NOVITER ORDINATO , fuper facto Domanii
Regni figillatarum , que retenta fuerunt in dicta
Camera. Scriptum ibidem , die decimâ - quintâ
Julii , anno millefimo trecentefimo feptuage
fimo nono, Vifa . J, Creté,
Je fuis , Monfieur , &c .
A Paris , ce 1. Mars 1740 !
❤SIE DIE DIE DIE HIT QƐICOS JE
A S. E. Milord Conte di Waldegrave , Pari
d'Inghilterra , Cavalier della Giarrettiera,
e Ambafciatore del Re della Gran Bretṭagna,
alla Maeftà Criftianiffima di LUIGI XV.
L'Autore , nel partir da Parigi per Londra ,
prega S. E. dellafua protezione.
SONET TO.
Poichè nel Mondo altro piacer non pruovo
Che l'imparar , Signor , le Scienze ed Arti,
Onde per quel fon gito in tante parti
'D'Europa , ed in Parigi alfin mi truovo.
Dalla Senna al Tamigi or vado , e a un nuovo
Teatro , u' fon tanti prodigi fparti
D'umano 'ngegno , alla gran Londra , e i parti
D'anime fagge ad ammirar mi muovo.
1I.Vel. C Te :
1092 MERCURE DE FRANCE
Te , che co' pregi ſplendi in ogni loco ,
E in quella Patria tua vía più , che ſei
Un de' più illuftri , ad aitarmi invoco.
Or là col tuo fplendore i paffi miei
Guida , gli occhi rischiara , ed io non poco
Vedrò quel bel , che ſol , già non potrei .
mo
Di Voftra Eccellenza
mo mo
L'Umiliff . Divotiff. e Obbligatiff. Servo
Giovan Francefco NENCI .
****************
HISTOIRE de la Vie des Ouvrages de
TIMANTHES , fameux Peintre Grec , Con
temporain de Zeuxis. Par M. CocoUARD
Avocat au Parlement de Dijon.
L
A Grece a vû naître dans fon fein deux
Peintres du nom de Timanthes ; l'un du
temps de Zeuxis , & l'autre fous Aratus de
Sicyone. C'eft l'Hiftoire de la Vie & des
Ouvrages du premier , que j'offre au Public
dans cet Ecrit. J'y ai confacré d'autant plus
volontiers quelques veilles , que j'avois autrefois
remarqué que des Ecrivains modernes
n'étoient d'accord avec les anciens ni fur le
Lien
JUIN.
1093
1740
Lieu de fa naiffance , ni fur le temps où il a
vécu , ni fur certains Ouvrages. Les uns en
ont paffé plufieurs fous filence , tandis que
les autres lui en attribuent qu'il n'a pas faits
ni pû faire. Ceux- ci , en parlant de deux de
fes Chefs - d'oeuvres , omettent des particularités
effentielles : ceux-là en difcourent avec
peu d'exactitude , & lui fupofent même pour
Concurrent , un Peintre qui n'a jamais exifté
que dans leur imagination. Enfin il y a des
Auteurs qui confondent enſemble les Ouvrages
des deux Timanthes , & qui font tombés
dans d'autres erreurs , pour s'être laiffés
éblouir par la reffemblance du nom. J'ai tâ
ché de démêler le vrai d'avec le faux . Ce
qui eft vrai , felon moi , fera la matiere de
cet Ecrit : ce que je crois faux , fera l'objet
d'un autre Difcours , qui fuivra de près celui-
ci.
Dans le temps que les Grecs avoient déja
porté à un haut dégré de perfection l'Art de
la Peinture , dont les Egypticas fe vantoient
d'être les Inventeurs,notre Timanthes vint au
Monde à Cythne , ( Quintilien , Inftitut. de
l'Orat. Liv. 2. Chap. 13. ) l'une des XII.
premieres Cyclades . ( Strabon, Geogr. L. X. }
Il étoit le Contemporain & l'Emule de Zeuxis
, Pline , Hiff. Nat. Liv. 35. Chap. 9. )
qui fleuriffoit en la XCV. Olympiade. (Pline,
ibid. )
Cij Quei1094
MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'alors on n'employât pour la Pein
ture que le mélange de quatre couleurs ,
(Ciceron , de claris Orat. C. CLXX. & Pline,
Hift . Nat. L. 35. C. 7. ) fçavoir le blanc de
Melos , le jaune d'Athenes , le rouge de Sinope
, & le fimple noir ; ( Pline , loc. cit.
C.7. ) néanmoins avec ces quatre couleurs
sçavamment employées , l'heureux génie de
Timanthes , & le beau feu dont il étoit animé
, ne lui faisoient enfanter que des merveilles.
Il excelloit encore plus à peindre
des Hommes que des Femmes ; il mettoit
beaucoup d'ame dans ses figures , & son
talent étoit fi heureux , que l'esprit des Spectateurs
y découvroit encore plus de choses,
que les traits de son pinceau n'en offroient
aux yeux. ( Pline , loc . cit . C, 10. )
Ce Peintre , que de Piles , ( Abregé de la
Vie des Peintres. ) met au rang des 6. principaux
Peintres de la Grece , ne demeura pas toujours
renfermé au Lieu de fa naiffance , il
fignala fes talens en differentes Villes , il y
disputa des Prix aux plus grands Maîtres de
l'Art , il les remporta même, Un de fes Tableaux
jetta du trouble dans l'esprit & dans
le coeur de ce Monarque à qui le Monde
entier ne suffisoit pas pour sa gloire ; & d'autres
plus longtemps encore à couvert de
l'outrage des années , furent transportés à
Rome , ou pour charmer les regards des
EmJUIN.
1740:
1095
Empereurs , ou pour servir d'ornement aux
Temples.
La preuve de tous ces Faits va résulter du
dénombrement & du détail circonftancié
des Ouvrages de Timanthes , qui sont parvenus
à la connoiffance des Auteurs que
je citerai.
TABLEAUX DE TIMAN THES.
I. CYCLOPE DORMANT. Tinanthes l'avoit
représenté en petit ; mais afin qu'on n'en
remarquât pas moins la taille gigantesque , il
avoit cû la précaution de placer autour de
lui des Satyres , qui mesuroient son pouce
avec un de leurs Thyrses. ( Pline , Hift . Nat.
Liv. 35. Ch. 10. ) ,
II. PALAMEDE TUE' PAR SURPRISE . Il étoit
tellement peint au vrai ,& l'imitation en étoit
fi jufte , qu'Alexandre le Grand , à la vûë de
ce Tableau à Ephese , se rapella le souvenir
d'Ariftonicus, son Joueur de Lyre , ( Arrian ,
des Guerres d'Alexandre le Grand , Liv. 4. )
qu'il avoit infiniment aimé , & qui avoit été
tué par les Maffagetes dans une Embuscade.
Un trouble violent s'empara auffi- tôt de son
efprit , ce qui donna lieu à Epheſtion , qui le
remarqua , de dire à la louange du Roy ,
que c'étoit un témoignage de sa bonté & de
fon affection envers ceux qui lui étoient dévoués.
( Tetzès , Chiliad. 8. Hift. 198 .
Ciij III.
1096 MERCURE DE FRANCE
III. UN HEROS. Les plus juftes propor
tions qu'une main habile puiffe donner à la
figure humaine se trouvoient réunies en ce
Tableau , qui qui du temps des Empereurs Vespafien
& Titus , se voyoit encore à Rome
dans le Temple de la Paix. ( Pline , loc. cit. )
En un mot , c'étoit un Ouvrage fi achevé
que Francifcus Junius , ( De Picturâ Veterum
, L. 3. C. 6. Edit. in -fol . Rotterd. 1694. )
après avoir , dans un Traité très- eftimé des
Sçavans , rapellé les principales qualités requises
pour la perfection d'un Portrait , cite
aux Peintres jaloux de l'admiration & des
aplaudiffemens du Public , ce même Heres
de Timanthes , où tout l'Art de la Peinture
étoit employé.
IV. Ajax outré de colere contre les Chefs
des Grecs , de ce qu'ils avoient adjugé les Armes
d'Achilles à Ulysse. La matiere de ce Tableau
fut auffi celle d'un Prix difputé dans la
Ville de Samos entre Timanthes & Parrhafius
, fi renommé dans l'Hiftoire des fameux
Peintres , surtout par ce Rideau qu'il avoit
peint avec tant d'art & de naïveté , que le
célebre Zeuxis le prit pour un vrai Rideau
qui cachoit l'Ouvrage de son Antagoniſte ,
& s'avoüa vaincu , en difant qu'il n'avoit pû
tromper avec son pinceau que des Oifeaux ,
mais que Parrhafius avoit trompé jusquesaux
Maîtres de l'Art. Cependant Timanthes
vainquit
JUIN 1097
1740.
J
vainquit à fon tour le Vainqueur de Zeuxis ,
car à la pluralité des meilleurs fuffrages
l'Ajax de Timanthes fut reconnu fupérieur à
l'Ajax de Parrhafius , qui en présence de fes
Amis fenfibles à fa peine , se dédommagea
d'une défaite fi humiliante , par cette pointe
& cette allufion ingénieuse : C'est moins mon
propre fort que je plains , dit il , que celui
dAjax lui- même , puisque pour la seconde
fois ce Héros vient d'être vaincu par un homme
qui ne le vant pas. ( Athenée, Liv. 10. Ch. 21 .
Elien , de Var. Hift, Liv. 9. Ch. 12. Pline ,
Hift.Nat. Liv. 35. Ch. 10. & Euftathe fur le
545. Vers Liv. 11. de l'Odyfée d'Homere.
Il'eft aisé de juger par ce Trait , que Parrhafius
n'étoit pas moins rempli d'amour propre
que son Héros , qui s'écria en effet dès
le commencement de sa Harangue contre
Ulyffe :
Agimus , proh Jupiter !
...
Antè rates causam , & mecum confertur Ulyffes !
Ovide , Liv. 13. de fes Métam ,
» Grands Dieux ! quellè injuftice !
" C'eſt devant_nos Vaiffeaux qu'on me compare
Ulyffe. (a)
Mais le Trait piquant de Parrhafius ne peut
porter aucune atteinte à la gloire de Timan-
(a) Ces deux Vers font dans la Traduct. de l'Inftit .
de l'Orat.de Quintil par M.l'Abbé Gédoyn, L.5 C.10.
C iiij
thes
1098 MERCURE DE FRANCE
tes fon Vainqueur , parce qu'en toutes occafions
Parrhafius fe rendoit infuportable par
fa vanité il fe difoit iffu d'Apollon , & se
prodiguoit les épithethes les plus flateufes ; il
s'apelloit lui -même le Délicat , le Poli , le
Vertueux , le Confommateur de l'Art ,
&c .
( Athenée & Pline , aux endroits ci- deffus. )
Titres faftucux qu'il ne rougiffcit pas d'inscrire
en Vers au bas de tous fes Tableaux.
( Athenée ibid. )
V. LE SACRIFICE D'IPHIGENIE. Ce fut encore
une Piéce qui fit remporter à Timanthes
un autre Prix fur Colotès (Quintil. Inftit . de l'Orat . Liv. , Colos ,
>
in
fameux Peintre de Théos ou Teïos , Ville
d'Ionie , & qui fe voyoit encore à Rome du
temps d'Augufte. ( Cornelius Severus
Etna , Vers 589. &ſuiv . ) Timanthes s'y
étoit ſurpaſſé lui-même , & selon un de nos
plus sçavans & plus judicieux Modernes ,
( M. Rollin , Hift . Anc. Tom. XI. Liv. 22.
Ch. 5. Art. 2. ) c'eft principalement ce Tableau
qui a fait dire que fes Ouvrages faisoient
concevoir plus de choses qu'ils n'en montroient,
ن م
que quoique l'Artyfût porté au suprême
degré , le génie encheriſſoit encore sur l'Art. En
voici une description exacte sur differens
traits que j'ai raffemblés de plufieurs Auteurs
Anciens & Modernes. ( Ciceron , Orat . C.
XXII. Cornelius Severus in Etna , Vers 592 .
VaJUIN.
1099 1740.
Valere- Maxime , Liv . 8. Ch. 12. n. 6. Pline ,
Hift.Nat. Liv. 35. Ch. 10. Quintilien , Inftit.
de l'Orat. Liv. 2. Ch. 13. De Piles , Abregé
de la Vie des Peintres , & M. Rollin , Hift .
Anc. Tom. XI. Liv. 22. Ch . 5. Art. 2. )

Dans ce Tableau , Iphigenie , d'une beausurprenante
, se tenoit debout devant l'Autel
, ainfi qu'une jeune & innocente Victime,
qui femble volontairement se dévouer au
salut de sa Patrie. L'Autel étoit environné
de plufieurs Personnes , qui toutes , ou comme
Amis , ou comme Parens , s'intereffoient
vivement à ce Sacrifice , mais néanmoins selon
differens degrés de trifteffe , & selon la
convenance des caracteres . Le Prêtre Calchas
y paroiffoit trifte , Ulyffe affligé , Ajax
fembloit pouffer de grands cris , Menelas se
desesperoit , & Agamemnon avoit la tête
couverte d'un voile.
pre
Le sujet de ce Tableau , dit M. Rollin ;
étoit beau , grand , tendre , & tout- à -fait proà
la Peinture ; mais l'exécution y mit tout
le prix. En effet , l'Hiftoire nous aprend ,
( Ciceron , Quintilien , Valere- Maxime &
Pline loc. cit. ) que Timanthes avoit tellement
épuisé son génie à peindre le desespoir
de Menelas , que l'Art même ne pouvoit
aller plus loin. Il falloit cependant que sur
le visage d'Agamemnon , Pere d'Iphigénie .
il parût une désolation encore plus grande
C v que
1100 MERCURE DE FRANCE
que celle de l'Oncle de cette Princeffe. Quel
parti prendre ? La Nature , c'eſt la reflexion
de M. Rollin , vint au secours de l'Art. Il n'eft
pas naturel à un Pere de voir égorger sa Fille;
il lui suffit bien d'obéir aux Dieux qui la lui demandent
, & il lui eft permis de se livrer à la
plus vive douleur . Le Peintre en faififfant cette
idée fublime , produit une expreffion auffi
pathétique que neuve , par un voile qu'il
jette sur la tête d'Agamemnon , laiffant aux
Spectateurs émûs à juger de ce qui se paffoit
au fond du coeur de ce Pere desolé. ( Voyez
les Auteurs cités en la Note précédente . ) En
quoi Timanthes montra plus de génie qu'Euphranor
, ( Valere-Maxime , Liv. 8. Ch. 11 .
Mais Pausanias nomme Praxitele au lieu
dEuphranor. ) qui en peignant à Athenes les
douze grands Dieux , donna tant de majeſté
à Neptune , que defefperant de représenter
Jupiter plus majeſtueux encore , il laiffa
imparfait fon Ouvrage .
n.s.
.
Cependant quelques Critiques ont voulu
ravir à Timanthes la gloire de l'invention du
voile dont je viens de parler. Euftathe , ( Sur
le 163. Vers du dernier Livre de l'Iliade d'Homere.
) dans le XII. fiécle , & Mad. Dacier
( Dans fes Remarques fur le dernier Livre de
fa Traduction de l'Iliade. ) dans le nôtre , ont
prétendu qu'il avoit apris d'Homere à couvrir
la tête d'Agamemnon . Voici ma Traduction
JUIN. 1740
duction du Paffage de ce Poëte . (Iliad. L.24 .)
triſteffe.
Le Palais de Priam aux yeux de la Déeſſe
N'offre de toutes parts que deüil & que
Des Enfans de ce Roy le refte infortuné ,
Affis autour de lui , gémiffoit confterné.
Et ce Vieillard voilé ; dans fa douleur extrême ;
Se déroboit au jour , & fe fuyoit lui- même.
Dalechamp au contraire affûre avec un air
de fuffifance , & M. Rollin , plus modefte ,
quoique plus habile , se contente de dire
qu'il y abeaucoup d'aparence , que c'eſt Euripide
( Iphigénie en Aulide , A&t. 5. ) qui a
fourni à Timanthes la belle & ingénieuse
idée du voile d'Agamemnon , par quatre
Vers où il eft parlé d'Agamemnon lui même,'
& que j'ai ainfi traduits :
Dès qu'il voit que, le front ceint du bandeau mortel,
Sa Fille va fervir de victime à l'Autel ,
Il foûpire , il gémit du coup qu'on lui prépare ¿
Il détourne les yeux d'un Spectacle barbare ;
Et le coeur accablé des plus vives douleurs ,
Sous un lugubre voile il nous cache fes pleurs.
Je n'ai garde de me flater d'avoir rendu
dans ma Traduction des deux Paffages que
je viens de citer , toute la force & toute la
beauté des expreffions d'Homere & d'Euri-
Cvj pide;
1102 MERCURE DE FRANCE
,
,
pide ; mais enfin en voilà à peu près le fens.
Qui croira- t- on ou d'Euftathe & de Mad.
Dacier , ou de Dalechamp & de M. Rollin ?
Ni les uns ni les autres , fi l'on fuit à la letre
le jugement des Anciens , ( Valere-Maxi-
Ciceron , Quintilien & Pline aux endroits
cdeffus. ) qui quoiqu'ils euffent lû comme
eux , Homere & Euripide , n'ont pas laiffé
de donner des loüanges à l'idée de Timanthes
, fans ajoûter que ces Poëtes la lui euffent
fait naître . Pline ( Hift . Nat. Liv. 35 .
Ch. 10. ) nous affûre même pofitivement
que le caractere propre de Timanthes étoit
Finvention , & que quelque grand qu'il fût
par son Art , il étoit encore plus grand par
fon génie. Ce Peintre a donc bien pû , fans
le secours des lumieres d'Homere & d'Euripide
, imaginer le voile dont il eft queſtion ;
eft-il fort furprenant que les Efprits du premier
ordre conçoivent séparément les mê
mes idées ? En tout cas , & fi l'on veut croire
que Timanthes , avant que d'avoir conçû
l'idée de son Tableau , avoit lû Homere &
Euripide , & qu'en le compofant , il se rapella
les Paffages que j'ai raportés , cela diminuëroit
, je l'avoue , un peu de la gloife
qu'il s'eft acquise comme Inventeur du voile
d'Agamemnon ; mais il y auroit du moins
de la gloire à en avoir fait un fi bon usage..
Ne scroit-il pas à souhaiter que les Peintres
moJUIN.
1740. 1103
dernes fuffent versés dans la lecture de nos
meilleurs Mythologues , Hiftoriens & Crititiques
Ils ne tomberoient pas , comme
font la plupart d'entre eux , dans des erreurs
groffieres qui leur attirent de juftes cenfures.
( Voyez Brown , Effai fur les Erreurs populaires
, Tom. 2. Liv . 5.
La beauté du Tableau du Sacrifice d'Iphigénie
fut célébrée par divers Orateurs,(Pline,
Hift. Nat. Liv. 35. Ch . 10. ) & les Maîtres
de l'Eloquence l'ont proposé depuis pour
modele aux Orateurs même ; car Ciceron &
Quintilien , ( Orator , C. XXII. & Inftit . de
Orat. Liv. 2. Ch. 13. ) pour nous aprendre
que dans un Discours , il y a bien des choses
qu'il eft néceffaire d'enveloper , soit qu'-
on n'en doive pas donner connoiffance , soit
qu'on ne le puiffe faire affés dignement ,
usent de la comparaison du voile dont Timanthes
couvrit avec tant d'adreffe la tête
d'Agamemnon .
Ce Tableau ne peut- il pas encore servir
'd'une utile inftruction aux Orateurs , & surtout
aux Poëtes , dans l'usage de la figure,
apelléc Gradation, & des differens mouvemens.
& des expreffions qu'ils doivent donner à
chacun de leurs Héros , selon le caractere
qui lui eft propre ?
Ut Pictura Poëfis erit.
Et
1104 MERCURE DE FRANCE
Et quelle gradation plus belle , quels
mouvemens plus juftes & plus convenables
que ceux qui animoient le Tableau de Timanthes
Le Peintre avoit donné de la tristeffe
à Calchas , de l'affliction à Ulyffe , des
cris à Ajax , du desespoir à Menelas , & un
voile à Agamemnon , dont la douleur étoit
inexprimable. Voilà la gradation . Calchas
n'étoit fimplement que trifte , parce qu'en sa
qualité de Prêtre & d'Interprete de la volonté
des Dieux , qui avoient demandé par sa voix
le Sacrifice d'Iphigenie , il y devoit paroître
moins fenfible que tous les autres. Ulyffe
étoit affligé comme Ami , mais c'eût été une
faute de le peindre confterné , parce que
c'étoit lui -même qui avoit perfuadé à Agamemnon
d'immoler fa Fille aux Dieux & à
l'avantage de la Patrie , & qui avoit amené
cette Princeffe en Aulide , après avoir trompé
Clytemnestre. ( Hyginus , Fab. cCLXI .
Ovide Métam. Liv. 13. ) Ajax fembloit pousser
de grands cris , parce qu'Homere (Iliade)
& Sophocle ( Dans son Ajax ) nous le dépeignent
comme un homme d'une humeur
vive & bouillante , & impétueux dans ses
sentimens. Menelas se desesperoit , parce
qu'il étoit uni à Iphigenie par les liens du
fang & de la Nature. Agamemnon avoit
la tête couverte d'un voile , parce qu'étant
Pere , il ne pouvoit suporter la vûë d'un
spectacle
JUIN. 1740.
1105
spectacle qui lui inspiroit de l'horreur , &
qui déchiroit fon ame. Voilà la convenance
des mouvemens , lesquels formoient euxmêmes
dans le Tableau cette heureuse gradation
, prise dans la nature des caracteres.
Auffi l'un des bons Commentateurs de
Valere-Maxime ( Chriftoph. Colerus , Animad .
in Valer. Maxim. L. 8. C. 11. n . 6. ) avoit-il
été fi frapé de cette gradation de triſteſſe ,
d'affliction & de desespoir , qu'il n'a pas
héfité d'ôter d'un Texte de Ciceron où elle
manque , selon lui , une tache qu'il impute
aux Copiftes , comme étant indigne de l'élégance
d'un fi pur Ecrivain. En effet , comme
dans l'Orateur de Ciceron on lit : Si
denique Pictor ille vidit , cum immolanda Iphigenia
, triftis Calchas effet , mæftior Vlyffes ,
mæreret Menelaïs , obvolvendum caput Agamemnonis
effe , quoniamfummum illum lučlum
penicillo non poffet imitari ; Colerus , au lieu
de mæftior Ulyffes , maæreret Menelaïs , veut
qu'on lise mæftior Vlyffe , mæreret Menelaïs.
C'eft ainfi que par le retranchement d'une
feule lettre , il se flate d'avoir rendu à Ciceron
toute fa pureté & toute fon élégance . Ce
Commentateur autorise encore cette correction
par l'exemple de Valere-Maxime & de
Pline , qui en faisant la description du Tableau
de Timanthes , ont dit par gradation ,'
fçavoir le premier , Vlyffem mæftum , Mene-
,
Lanm
1105 MERCURE DE FRANCE
laum lamentantem ; & le fecond , cùm moeftos
pinxiffet omnes , præcipuè Patruum.
L'economie & le bon ordre qui faisoient
valoir le Tableau de Timanthes , avoient
pareillement attaché l'efprit de Junius , déja
cité , puifqu'en posant ce principe ,. que la
premiere chose & la plus néceffaire pour bien
peindre , c'eft le sentiment & le bon sens,
il allegue auffi- tôt pour exemple , l'heureuse
invention de Timanthes dans fon Sacrifice
d'Iphigenie .
Le Pouffin a profité tout-à- la -fois & du
précepte & de l'exemple dans son Tableau
de la mort de Germanicus ; car nous lisons
dans M. Rollin , ( Hiftoire Ancienne , Tome
XI. Liv.22 . Ch.5 . Art. 2. ) » que cet illuftre
» Peintre moderne , après avoir traité les dif-
»ferens genres d'affliction des autres Per-
» sonnages , comme des paffions qui pou-
» voient s'exprimer , il place à côté du lit de
Germanicus, une Femme remarquable par
» sa taille & par fes vêtemens , qui se cache le
vifage avec les mains , dont l'attitude en-
» tiere marque la douleur la plus profonde ,
» & fait clairement entendre que c'eft la
» Femme du Prince dont on pleure la
ور
و ر
» mort. <<<
Le voile mis fur les yeux d'Agamemnon , a
même fourni une vive comparaison à Charles
Patin , dans une Piéce Latine ( In Lycao Pa
tavino, )
JUI N. 1740.. 1107
tavino . ) où il a déploré sa propre diſgrace .
Comme il venoit de qualifier d'invention
diabolique la calomnie qui l'avoit précipité
dans un affreux abîme de maux , ne pouvant
ajoûter des traits plus forts à cette peinture
il demande permiffion à fes Lecteurs , foit
dans l'accablement où l'a jetté la perte de fa
fortune , foit même , dit- il , par charité pour
fes envieux & lâches persécuteurs , de tirer ,
à l'imitation de Timanthes , un voile fur
tout le reſte.
>
Racine , le célebre Racine , a auffi été
l'imitateur de Timanthes. Tout le monde
fçait que ce Poëte en differentes Scenes de
fon Iphigenie , a exprimé avec toute la nobleffe
& la dignité poffible , les divers mou
vemens de trifteffe , de douleur , de fureur
& de desespoir dont étoient agités Arcas ;
Clytemnestre , Achilles & Agamemnon luimême
, avant qu'Iphigenie fût conduite au
lieu du Sacrifice . Mais la plupart des Spectateurs
ou des Lecteurs n'ont peut -être jamais
fait réflexion qu'après ces grands traits,
Racine ayant conçû la difficulté qu'il y
avoit d'employer de plus vives couleurs pour
représenter sous de nouvelles images la
cruelle fituation de ce Pere , présent à l'Autel
même , s'eft contenté , par une adreffe femblable
à celle de Timanthes , de faire dire
par
108 MERCURE DE FRANCE
par Arcas à la fin de la Piéce , que le trifte
Agamemnon ,
Pour détourner fes yeux des meurtres qu'il préfage
,
5 Ou pour cacher ſes pleurs, s'eft voilé le viſage ,
Racine étoit , ce me semble , encore plus
obligé que Timanthes, de recourir à ce voile
ingénieux. Agamemnon devoit être faifi à
l'Autel de plus de mouvemens dans la Tragédie
de l'un , que dans le Tableau de l'autre.
Car non feulement ce Roy dans la
Tragédie , étoit accablé du
mortel que
sa Fille alloit recevoir.
coup
Du coup qui vous attend vous mourrez, moins que
moi.
Mais de plus , il avoit tout à craindre du ressentiment
& du desespoir d'Achilles amoureux,
d'Achilles qui l'avoit offensé par de fieres
menaces , d'Achilles qui lui tout seul ,

?
Epouvantoit l'Armée , & partageoit les Dieux.
Auffi bien- tôt ,
» Achille eft à l'Autel , Calchas eft éperdu ....
>On ſe menace, on court ,l'air gémit, le fer brille....
Comment pouvoir représenter tout- à- la
fois au naturel la fituation d'Agamemnon
déchiré en ces terribles momens ; comme
Pere
' JU IN. 1740: 1109
Pere , attendri sur le sort d'Iphigenie ; comme
Mari , accablé des reproches & des injures
de Clytemneftre ; comme Roy , infulté
par un Amant qui ne connoiffoit ni juftice
ni loix , & qui attendoit tout de son épée ;
menacé d'un côté par l'inexorable Achilles,fi
l'on immole Iphigenie , menacé par les Grecs '
& par les Dieux même fi on ne l'immole
pas n'étoit- ce pas là le cas de mettre nécessairement
en usage le précepte de Ciceron &
de Quintilien , & d'imiter l'adreffe de Timanthes
, en disant que le trifte Agamemnon
: » Pour détourner ses yeux , & c?
, Au refte , ces derniers Vers me semblent
encherir sur la Peinture de Timanthes , puisqu'ils
nous font entendre deux motifs d'af.
fiction & de douleur dans Agamemnon. Ce
Vers surtout ,
» Pour détourner fes yeux des meurtres qu'il préfage
,
n'eft- il pas encore une imitation de ce que
les plus grand Héros ont eux- mêmes pratiqué
dans un péril extrême de leur vie ? témoin
le grand Pompée , ( Lucain , Pharsal ,
Liv. 8. & Plutarqne en la Vie de Pompée. )
témoin Jules- César,(Suetone & Plutarque¸en
la Vie de Jules-César. ) qui s'enveloperent d'un
pan de leur robe ; sçavoir le premier , quand
Achillas & fes Satellites fondirent fur lui
pour
1110 MERCURE DE FRANCE
pour l'affaffiner dans la barque où ils l'avoient
fait entrer ; & le second , lorsqu'étant
au Senat , il vit venir à lui Brutus le fer en
main pour lui porter un coup mortel ? Les
Romains voiloient même jufqu'aux Statuës
de leurs Empereurs , dès que dans les Places
où elles étoient érigées , il s'alloit faire quelque
carnage ou quelques combats de Gladiateurs
, ainfi qu'il résulte de ce Paffage
d'un Ancien :( Dion , Livre dernier. ) Claudius
, dit cet Ecrivain , prenoit tant de plaifir
aux Combats de Gladiateurs , & surtout
à ceux qui se faisoient en plein jour , qu'il y
deftinoit la plupart des Esclaves , qui sous
Caïus ou sous Tibere , avoient fauffement
accusé leurs Maîtres ; & le nombre des Esclaves
qui périffoient ainfi étoit fi grand, que
par l'ordre de cet Empereur, la Statuë d'Augufte,
placée dans le Lieu de ce sanglant spectacle
,fut transportée ailleurs , afin de ne pas
être exposée à regarder sans ceffe des meurtres
ou à refter toûjours couverte d'un
voile.
و
L'A:
JUIN. 1740%
L'ANATOMIE.
O D E.
Loin de moi pour jamais , paffe temps infipides ;
Qui fçaviez me ravir , usurpateurs avides ,
Un loifir précieux ;
Allez ; je goûte enfin des plaifirs non frivoles ;
Et mon efprit préfere à vos bluettes folles
Ces mets délicieux.
*
Quel afpect étonnant se présente à ma vûë !
Quelle magnificence à mon ame éperduë
S'offre de toutes parts !
Que de rares trésors ! quel pompeux étalage !
Non , jamais plus parfait , ni plus superbe Ouvrage
N'étonna mes regards .
*
Art heureux & profond * où tant d'illuftres veilles
S'obftinant à puiser merveilles sur merveilles ,
Par d'utiles efforts ,
Vont mettre chaque jour la Nature à la gêne ,
Et la forcent d'ouvrir à leur vûë incertaine
Ses plus fecrets refforts !
L'Anatomie,
Que
T112 MERCURE DE FRANCE
Que d'organes ! quel art , que de fources de vie !
Quelle fçavante main avec tant d'harmonie
A pû les varier !
Que l'Univers frapé d'une fainte épouvante ,
Adore en frémiffant la Grandeur étonnante
Du divin Ouvrier.
*
Qu'il adore : & s'il cherche en fa jufte ſurpriſe
Quelle riche matiere en fi belle entrepriſe
Choifit le Tout- puiffant ;
Qu'il fçache que ce fut une maffe fragile ,
Vil & foible morceau d'une impuiffante argile
Ou plûtôt un néant.
*
Vainement la Nature avare du myftere ;
Avoit crû nous cacher , peu complaifante Mere ,
Un firiche apareil ;
Sous le doigt curieux le voile fe diffipe ,
Et là , prenant l'effor , l'homme enfin participe
Au célefte Confeil.
*
Quel fuperbe penfer vient ici me furprendre !
Vil Mortel que je fuiste quoi ! je vais donc prendre
Un vol audacieux ?
Et mon ceil indifcret franchiffant labarriere
ya
JUIN
1113 1740.
Va deformais porter ſa profane lumiere
A la Sphere des Cieux.
*
Non,non; ne penfons pas en notre ame orgueilleufe,
Percer facilement la nuit myſterieuſe
1
Des Faits de l'Eternel ;
Souvent fa main jalouſe en fon oeuvre admirable
Affecta d'y jetter un voile impénétrable
Au regard du Mortel.
*
Je ne fuis point frapé de ces lueurs obfcures ;
Dont un Syftematique ornant ſes conjectures ;
Flate fa vanité ;
Il fait penfer , agir la divine Sageffe ;
Mais qu'eft- ce ? un homme , hélas ! qui prête ſa foiè
bleffe
A la Divinité.
*
Comme on voit quelquefois de ces lumieres fombres
Que l'ardeur du Belier jette à travers les ombres
Dont fe couvre la nuit ;
Guider un Voyageur au gré de leur caprice ,
It trop fouvent enfin conduire au précipice
L'infensé qui les fuit.
*
Ainf
1114 MERCURE DE FRANCE
Ainfi fon fol orgueil enyvré du fyftême ,
Au milieu des dangers où le plongent lui - même
Ses vains raiſonnemens ,
Sous fes
pas
meurtriers entr'ouvrant les abîmes
Livre à la pâle Mort d'innocentes victimes
O! que
De fes égaremens .
*
fur cette Mer , fi fameuſe en naufrages
Un Mortel peut aller affronter les orages
Avec tranquillité ;
Quand fon efprit prudent & fagement timide ,
N'a livré fa raifon qu'à cet attrait folide
Qu'offre la vérité.
*
Non , le feu , le poiſon, n'ont plus rien de contraire,
Et l'homicide fer , devenu falutaire
En fa puiffante main ,
Des trois perfides Soeurs bravant la loi fatale " ;
Na jufqu'aux noirs Climats de la Rive infernale
Démentir le deftin.
H
Tel on vit ce Mortel ami de la Nature ,
Petit , aller chercher la foible créature
Jusqu'aux bords du Tombeau ;
Et là , mettant aux fers la fiere Deſtinée ,
Arracher
JUIN.
1115 1740.
Arracher tant de fois à la Parque acharnée
Le funefte ciseau.
*
Ou tel déja plongé dans ces noirs précipices'
Qu'avoient creusés fous lui les pâles artifices
D'une Amante aux abois ;
Un Prince * infortuné , ſous une main hardie
Sentit les yeux s'ouvrir aux douceurs de la vie ,
Une feconde fois.
*
C'est ainsi qu'en fuivant cette fidelle guide ,
Un Mortel ne craint point la rencontre perfide
De tant d'écueils divers .
C'est ainsi que malgré tant de fameux obſtacles ,
peut aller fouvent par Il d'illuftres miracles
Etonner l'Univers.
*
Pénetre tous mes fens des
rayons de ta flâme
Divine Vérité , fais briller à mon ame
Tes célestes apas ;
Qu'ils foient les feuls objets que mon eſprit con
temple ;
Et que l'aveugle erreur qui profane fon Temple ,
N'infecte point mes pas.
Hyppolite.
D
T116 MERCURE DE FRANCE
dod.do
V. LETTRE contenant la suite des abus
introduits dans la Typographie , & la suite
des avis nécessaires pour les éviter.
530.
Q
Uand un Précepteur se présente , Monsieur
, on ne lui demande jamais s'il sçait
lire , écrire , s'il a apris P'Arithmetique, & c . il semble
que le Latin suffise . Le Bureau Typographique est un
peu plus difficile , il exige Pécriture et les nombres ; il
a un préjugé contre ceux qui ne sçavent que corriger
des solecismes ; il ne suffit pas d'être Latiniste
dans le monde ; aujourd'hui le Latin n'est pas la
partie la plus importante de l'éducation , et si les
Grands-Seigneurs mettent leurs Enfans au College ,
c'est moins en géneral pour le Latin , que pour s'en
débarrasser . Un Maître de Typographie , sans atendre
qu'un Enfant sçache écrire , doit lui montrer
l'esprit des quatre Regles de l'Arithmétique en en
tier & en fraction dans des nombres , au-dessous
de 6. 10. 12. 20. 26. 30. & c .
54°. A la honte de la Méthode vulgaire et des
Colleges , on trouve peu d'Ecoliers , qui au sortir
des Classes, ayent quelque idée passable des nombres
et de l'Arithmétique , c'est pourquoi si peu de Maîtres
suivent l'esprit du Bureau Typographique en
fait des nombres. On néglige de montrer les dix
chiffies , de faire observer chaque jour le quantième
du mois , le millesime , de donner l'esprit & l'intelligence
des quatre Regles , avec de petits nombres
au- dessous de dix ;
de 12. de 20. de et de 100 .
&c. En un mot des Thèmes Arithmétiques pour
rendre l'Enfant familier avec les nombres pour la
numération , le calcul théorique et pratique. Les
30 .
Signes
JUIN. 1740.
1117
Signes d'Algebre n'ont été mis dans une logette du
Bureau , que pour faciliter aux Maîtres et aux Enfans
la maniere de faire de petites Regles en lignes
et en Thêmes.
55 °. On ne sçauroit donc trop tôt commencer à
familiariser les Enfans avec les nombres, et lesMaîtres
ont tort de ne pas suivre les avis donnés sur la
pratique des chiffres . Après avoir montré à un Enfant
les dix logettes des chiffres , on peut lui faire
compter les lettres , les sons , les cartes , les mots
ou les sillabes , & faire mettre au bas la carte du
chiffre , à mesure qu'on a compté , par exemple ,
vous devez lire votre leçon , &c. vous deve
I 2 3 4
ez
I 2 3 45678
lire votre leçon , &c. Le Maître doit
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21
varier cet exercice , bien loin de le négliger , comme
font la plûpart .
56°. L'Enfant ayant apris à compter jusqu'à dix,
par le moyen des logettes contenant les chiffres , il
doit aprendre à compter jusqu'à trente , par le rang
de trente logettes , mettant 1. vis- à - vis la premicre
, 2. vis - à - vis la seconde , 3 vis - à - vis la troisiéme
, &c. jusqu'à la trentiéme , et par le quantiéme
du mois , jusqu'à 31. On doit ensuite le conduire
peu à peu sur la table du Bureau jusqu'à 100. 200.
Boo. &c. 1000 2000. &c. et le millesime 1740.
1741. & c . le rendre ferme sur la numération de
chaque triade prise dans la logette de l'Arithmétique
, en suivant l'ordre prescrit dans la Bibliothéque
des Enfans , in- 4°.
17°. Après avoir montré les chiffres à l'Enfant, et le
quantiéme du mois pendant que ques mois , il faudra
lui aprendre à compter jusqu'à 100. &c . et lui
donner une Bourse Typographique , contenant tou
tes les especes de Monnoye , depuis le denier jusqu'au
double louis , qu'on lui donnera peu à peu ,
Dij pour
18 MERCURE DE FRANCE
Pour aprendre à compter ce que l'on payera pour
lui aux Maîtres , aux Ouvriers , ce que l'on donnera
aux pauvres , et enfin pour toutes ses dépenses , que
l'on écrira dans un Livre et sur des cartes pour les
Thêmes du Bureau . On trouvera l'usage de cette
Bourse Typographique dans la Biblotheque dest
Enfans in- 4 . Article 18. §. 2. page 141. Il doit
dans cette Bourse environ 100. livres , sça- avoir
y
voir , douze deniers , 4. liards , deux demi sols , un
sol de cuivre , un sol de fonte , un double sol ,
une pièce de six sols , une pièce de douze
piéce de vingt- quatre , un écu de 3. livres , un écu
de 6 livres , un demi louis , un louis , un double
louis . On pourra doubler cette Bourse , la tripler
les besoins de l'Enfant , & c.
pour
>
une
$8°. Quoique dans les commencemens il soit nécessaire
de fixer l'imagination des Enfans & de leur
donner des exemples sensibles des nombres , comme
des Jettons , des noisettes , des pommes , & c,
il sera bon ensuite de les accoûtumer aux idées numériques
, abstraites et sans exemples. Il suffit de se
borner à de petits nombres , et de leur demander la
moitié de 4. de 6. de 8. & c. Le tiers de 3. 6. 9. &c ,
Le 4. 8. & c. Quand l'Enfant sentira l'es- quart de
prit de cette opération , on pourra essayer de lui ,
aprendre et de lui demander la moitié de trois , le
tiers de quatre , le quart de cinq , &c .
19°. Quand le Maître aura un peu familiarisé
l'Enfant avec les nombres jusqu'à trente , 40. so?
&c. il faudra ensuite lui aprendre à compter par
coeur , suivant les progressions, c'est - à - dire qu'après
la suite naturelle des nombres 1. 2. 3. 4. 5. &c ,
on doit l'accoûtumer à dire 2. 4. 6. 8. 10. 12. & C ,
3. 6. 9. &c. 4. 8. 12. 16. &C . § . 10. 15. &c . 6. 12 .
18. & c . 7. 14. 21. &c . 8. 16. 24. &C . 9. 18 .
10 , 20, 30. &c . On ne sçauroit trop faire marcher
27. & c.
ef
JUIN. 1740. 1119
et sauter l'Enfant , selon ses progressions. Les Maîtres
de la Méthode vulgaire n'en voyent pas l'utilité ,
mais la nouvelle Méthode en sent l'importance
pour la table de la multiplication , &c. Des Enfans
accoutumés de bonne heure aux idées numériques
en entier et en fraction , il en sortira à la fin plus .
de grands hommes , que des Enfans de la Méthode
vulgaire , brouillée avec les nombres .
60. Pour titer avantage des logettes scientifiques
& de celles du Dictionaire , il sera bon d'obliger
l'Enfant qui sçait un peu écrire , à travailler à la
garniture de ces mêmes logettes , et à acquérir par
là les premieres notions des Arts et des Sciences . En
faire peu et bien chaque jour , écrire les mots en
grand caractere , comme celui des exemples que
les Maîtres à écrire donnent. L'aîné des freres peur
'écrire des mots pour son cadet , il doit même devenir
le Maître ou le sous Maître de ses freres , et
de ses soeurs , c'est à quoi les Parens et les Maîtres
doivent viser.
61. On a dit à ceux qui ont voulu l'entendre ,
que le premier jour de Typographie on peut mettre
l'Enfant à l'A , B , C , et à la Grammaire , à la
version et à la composition , à l'usage du Dictionaire
, et aux premieres notions des Arts et des
Sciences. Le problême est aisé à résoudre. Je prends
un mot au hazard , par exemple , feu , je montre à
l'Enfant le caractere f, & le caractere eu , pris dans
leurs logettes . Je prends dans la logette des Thêmes
, ou dans celle des noms substantifs le mot feu,
je fais de même pour ignis , je le compose
deux fois ,
une fois au-dessus du mot feu , pour la version , une
fois au-dessous pour la composition. J'écris ensuite
le mot ignis sur une carte , que je prends dans la
logette 1. du Dictionaire Typographique , et dans
le rang des noms substantifs . Je prends ensuite la
Dij feuille
1120 MERCURE DE FRANCE
feuille I. du Dictionaire volant , et j'écris le mot
ignis dans la troisiéme colonne de la page , ainsi
qu'il est expliqué dans la Bibliothéque des Enfans,
in-4° . et enfin pour faire voir du feu à l'Enfant , j'alkume
une bougie en prenant de l'amadou , une allumette
une, pierre à fusil, et un fusil , & c . je lui parle
de tout cela , il m'écoute , il me comprend, il voit,
retient. Voilà la Méthode du Bureau , & c.
l'une
62°. Il sera bon de tenir un journal des solecismes
de chaque jour , & à double colonne ,
pour les fautes , & l'autre pour les corrections , &
de donner ensuite des Thêmes sur les mêmes difficultés
. La pratique de ce Journal est excellente pour
les Demoiselles à qui l'on veut bien montrer l'Ortographe
, en leur dictant un article de quelque Livre,
qu'on leur montre ensuite pour les corrections ;
quand les Demoiselles sont déja grandes, elles doivent
écrire de leur propre composition ; elles font
plus de fautes , on en corrige davantage , & elles en
profitent plus ; la Méthode vulgaire écrit et copie
pendant so. ans, sans aprendre l'Ortographe.
63°. Avant que le Maître ait fait entrer cinq ou
six mille mots Latins dans le Dictionaire Typogra
phique ; ou dans les feuilles alphabetiques & rou
lantes , contenant tous les mots qu'on rencontra
pour la premiere fois , chaque jour d'exercice , l'End
fant sera en état d'être mis sur la Gazette de France
, d'où l'on pourra aussi titer tous les mots de
Géographie , Généalogie , Polit. &c . pour en
faire un autre vocabulaire de la maniere dont on
l'a expliqué dans la Bibliothéque des Enfans , in -4° .
& marquer d'une croix tous les mots qu'on n'aura
pas pû trouver dans les grands Dictionaires , qu'un
bon Précepteur doit avoir , et dont il doit montrer
l'usage à son Eleve . On a la semaine pour chaque
Gazette , il en faut faire un cours de cinq ou six ans ,
après
JUIN. 112 F
1740:
L
après quoi l'Enfant sera en état de paroître dans
toutes les Cours de l'Europe , pendant que les Ecoliers
de la Méthode vulgaire ne seront dignes que
du Pays Latin , ou de leurs Classes .
64°. Si les Parens en géneral , étoient capables
de voir par eux-mêmes l'avantage de la Méthode
Typographique , ils n'envoyeroient leurs Enfans au
College, que quand ils seroient en état d'aller en quatriéme
ou en troisième , pour lors les Enfans auroient
le loisir d'aprendre à écrire , et d'acquérir des idées
élémentaires , qu'on ignore souvent à la fin des Etudes.
Il est anivé que bien des Parens sensés , après
avoir goûte la Méthode du Bureau , ont préferé Péducation
domestique à celle des Colleges fondés &
établis pour les pauvres gens . C'est donc un abus
de faire passer les Enfaas Typographes trop vîte à
la Méthode vulgaire des Colleges.
65 °. L'abus de mettre trop tôt les Enfans sur les
Livres , est des plus grands , quand même ils en liroient
plutôt , parce que la lecture de ces Livres ne
sçauroit plaire à l'Enfant , ni l'instruire de l'Ortographe
et des parties du discours , comme les logettes
d'un Bureau , qui , par leurs étiquettes et leur
pratique dans la composition , donnent à l'Enfant
un détail raisonné , que le Livre ne donne point.
Les Enfans de la Methode vulgaire en sont une
preuve convaincante ; les Parens même avec tous
leurs Livres , ont le plaisir d'être agréablement
coafus en voyant leurs petits Enfans plus habiles
qu'eux dans l'élementaire . On risque de dégoûter
les Enfans actifs , en les condamnant à être collés
sur un Livre. On a ensuite plus de peine à mettre
l'Enfant à l'Ortogrape de l'oreille et à celle
des yeux. Les Parens , bornés à la simple lecture ,
voyant leurs Enfans sur un Livre , s'imaginent que
le reste viendra facilement , et le sacrifiont un peu
Dij plus
1122 MERCURE DE FRANCE
plus tard , mais trop tôt à la Méthode vulgaire , incapable
de pousser les Enfans qui ne sçavent pas
écrire, au lieu que le Bureau contenant l'équivalent
de l'écriture , peut mettre plus à profit les premieres
années de l'enfance. Voyez la Bibliothèque des
Enfans , in .4°.
66°. Quand les Parens sont impatiens de voir
lire les Enfans dans des Livres , il faut leur présenter
l'A , B , C, Latin , Leçon 46. page 87. ou l'A ,
B, C , Fançois , Leçon 103. page 137. et leur dire
que leurs Enfans liront ces Leçons dans peu. Et
pour lors on donnera à l'Enfant la Leçon 108. de
PA , B , C , François, pour Thême ou copie à composer
sur la table du Bureau , afin d'habituer l'Enfant
à toute sorte d'Ortographe , et de le rendre
plus ferme et plus habile dans la lecture , que ses
Parens même .
67°. Quand on aura formé les Enfans du Bureau
à lire plusieurs lignes écrites sur des cartes , on
pourra peu à peu essayer de les faire lire dans l'A, B ,
C ,Latin , et dans l'A , B , C, François, en suivant l'ordre
prescrit dans la Bibliothéque des Enfans , in - 4° .
on leur fera lire et relire les leçons les plus difficiles,
sur tout celles des mots faits exprès, qui ne signifient
rien,mais qui sont très- propres à fortifier les Enfans
dans la lecture des deux Langues, et à les faire surpasser
les Enfans de la Méthode vulgaire, incapables de
lirecomme il faut ces leçons au dessus de la routine .
Chacun peut s'en convaincre dans les Ecoles de Typographie,
et doit ensuite convenir que, si les Enfans
du Bureau semblent reculer en n'usant pas d'abord
des Livres pour la lecture , c'est pour mieux sauter .
On prie donc instamment les Parens de ne pas exiger
que les Maîtres passent vîte à l'usage des Livres ,
à moins qu'ils ne veuillent perdre le fruit de la
Méthode Typographique , supérieure à la Métho
de
JUIN. 1740.
1123
de vulgaire en tout sens. Si les Parens veulent absolument
que leurs Enfans se servent d'abord d'un
Livre , que ce soit donc de l'Hisoire de la Bible en
figures , dont il suffira de lire les Argumens ou les
titres. J'ai l'honneur d'être , & c.
BOUTS-RIME'S.
A
' En eft fait , pour jamais je rentre dans ma
C'En
Paris n'a que des gens bizares er
La Laide imprudemment tyy farde fon
La Belle y fçait parler auffi peu qu'une
Ruche ;
Sournois ,
Minois,
Buche.
Plus fragile, et par fois moins couteux qu'une Cruche,
L'honneur y vaut à peine une livre
On y voit plus d'un Moine endoffer le
Tournois ;
Harnois;
Un faquin en tous Lieux vousyfuit etvous Huche .
Tel à tous fes amis y préfere fon
Tel y paroît fçavant , qui fouvent ne fçait
La richeffe toujours y tient le premier
Chien ;
Rien ;
Pofte.
On y compte par jour plus d'un homme
Crevé
On y rit d'une fade et mauvaiſe
Ripofte ;
t
Er le Mérite a droit d'y battre le p
avé.
B. le 30. Janvier 1740 .
DY LET
F124 MERCURE DE FRANCE
*
*******************
LETTRE écrite de Londres , sur le
Remede contre la Pierre .
Oici,Monfieur , la Relation du succès
des Remedes de Mlle Stephens , publiée
ordre des Commiffaires du Parle- par
ment , dans le Craftoman , du 29. Mars V. S.
1740.
Dans une Affemblée des Commiffaires.
nommés pour examiner les Remedes de
Mlle Stephens , parurent le 5. Mars V. S.
1740. quatre Personnes , sur lesquelles on
en avoit fait les épreuves ; fçavoir ,
1°. M. Gardiner , âgé de 61. ans , demeu
rant à Londres , dans la rue qu'on apelle:
Fetter- Lane. Il a eu les symptômes ordinaires
de la Pierre dans la veffie , avec des douleurs
violentes pendant plufieurs années . Il
fut sondé le 30. Decembre V. S. 1738. par
M. Nourse , Chirurgien , en présence de
M. Wall , Apoticaire , qui tous deux y trouverent
la Pierre. M. Gardiner ayant pris les
Remedes environ huit mois , a rendu plufieurs
morceaux de Pierres ; & étant enfin
guéri de tous fes symptômes , il a été sondé
le 14. Septembre 1739. par M. Sharp , Chirurgien
, & le 30. Novembre fuivant par
Mrs Nourfe , Cheselden , Sainthil & Belcher
,
JUIN. 1740:
1125
cher , Chirurgiens , au Caffé de Child , dans
le quartier apellé Pauls Church -yard,, sans
qu'on y pût trouver de Pierre .
2º. Pierre Appleton , âgé de 67. ans , demeurant
à Londres , dans le quartier qu'on
apelle Black-Frjars , a eu les symptômes
d'une Pierre dans la veffie pendant plus de
sept ans , avec des souffrances extraordinai
res , les cinq dernieres années. Il fut sondé
le 6. Juillet 1739. par M. Sharp , Chirurgien,'
qui y trouva une Pierre. Mrs Pellet , Nesbit,
Whitaker,& Hartley,Médecins y trouverent
auffi la Pierre. Ce Malade prit les Remedes
pendant environ cinq mois , rendit un grand
Nombre d'écailles & petits fragmens de
Pierre , fut entierement délivré de ses maux,'
& ensuite resondé par M. Sharp , le 9. Novembre
1739. & le 30. du même mois par
treize Médecins & Chirurgiens au Caffé de
Child. On n'y trouva point de Pierre.
3 . Henri Norris , âgé de 55. ans , demeurant
à Londres , dans la ruë apellée Leather-
Lane. Celui- ci ayant eu les symptômes d'une
Pierre dans la veffie pendant environ un an
& demi , fut sondé le 17. Août 1739. par
plufieurs Médecins & Chirurgiens à l'Hôpital
de Saint Georges , & déclaré pierreux par
tous. Il prit les Remedes environ quatre
mois , & sans rendre dans ce temps-là autre
chose qu'un sédiment épais ; il a été entiere-
Dvj ment மது
1125 MERCURE DE FRANCE
ment guéri de ses maux. Il fut encore sonde
au même Hôpital par huit Médecins &
Chirurgiens , sans que personne y retrouvât
de Pierre.
4°. Guillaume Brightly , âgé de 79. ans }
demeurant à Colchester. Il a eu les symptômes
d'une pierre dans la veffie depuis plus de trois
ans; il fut sondé le 8. Septembre 1739. à l'Hô
pital de Guy, par Mrs Gardiner & Sharp, & dé;
claré pierreux. Il prit les Remedes environ
quatre mois , rendit plufieurs morceaux de
Pierre, il fut délivré de ses maux , ensuite sondé
au même Hôpital, par Mrs Gardiner, Sharp,
& Belcher , sans qu'on y trouvât de pierre.
Vû ces Personnes , & autres preuves qu'on
aporta , le Certificat suivant , tel que l'Acte
du Parlement fait en faveur de Mlle Stephens,
le requeroit , fut figné de tous les Commissaires
qui se trouvoient à l'Affemblée , excepté
de Mrs Pellet & Nesbit , qui par
port à cette expreffion , Faculté de diffondre
la Pierre , ne croyant point devoir convenir
que les Remedes de Mlle Stephens ayent
cette faculté , donnerent des Certificats sé
parés.
ra
Certificat des Commiſſaires en général , tel que
l'Acte du Parlement le requiert ,
Mars V. S. 1740.
du
S.
Nous soussignés , étant le plus grand
» nombre
JUI N. 1740. 1127
nombre des Commiffaires , nommés par
» l'Acte du Parlement , intitulé : Acte pour
» procurer une récompense à Jeanne Stephens,
» pour la découverte qu'elle a fait en faveur
ور
du Public , des Remedes qu'elle prépare pour
» la Cure de la Pierre , certifions que ladite
" Jeanne Stephens a fait ladite découverte
» de fes Remedes , & de la façon de les prépa-
» rer , à notre contentement , & avec toute
la diligence poffible , après que l'Acte pour
» lui
procurer une Récompense , a été paflé .
» Nous certifions en outre que nous avons
» examiné lesdits Remedes , & fommes con-
" vaincus par l'experience de l'utilité , de
» l'efficacité & de laforce diffolvante de ces Re
» medes . Signés :
J. Cant , Archevêque de Cantorbery.
Hardwicke C. Grand Chancelier.
Wilmington. P. Préfident du Conseil.
Godolphin P. C. S. Garde des Sceaux privés
Dorset , Duc.
Montagu , Duc.
Pembroke , Comte:
Baltimore , Vicomte.
Combury , Vicomte.
Gloucester , Evêque.
Oxford , Evêque.
Poynts , autrefois Envoyé en France.
Halés , Docteur en Théologie .
Gardiner, Burton, Shaw, Hartley, Médecins:
Che128
MERCURE DE FRANCE
Chefelden , Hawkins , Sharp , Chirurgiens
Certificat du Docteur Pellet , Président
du College des Médecins.
» Je fuis convaincu par l'expérience , &
» certifie par les Présentes , que les Reme-
» des publiés par Mlle Stephens pour la Cure
» de la Pierre dans la Veffie , sont fouvent
» utiles & efficaces dans ce cas - là. En foi de
» quoi j'ai figné le présent Certificat , ce s
» Mars V. S. 1740. Signé , Tho. Pellet.
"
و د
Certificat du Docteur Nesbit.
» Il me paroît que le cas d'Appleton four
nit une preuve auffi forte de l'utilité & de
»l'efficacité des Remedes de Mlle Stephens,
» ( dans le fens de l'Acte du Parlement pour
procurer une Récompense à Jeanne Ste-
"phens ) qu'on puiffe tirer d'une feule expé-
" rience pendant la vie du Malade. Car je
» suis convaincu qu'Appleton avoit la Pierre
» dans la Veffie avant que de prendre ces
Remedes , & je crois qu'aujourd'hui il n'en
a point. 5. Mars V. S. 1740. Robt.Nefbit .
"
SON
JUIN. 1740. 1129
SONNET
Sur les Bouts-Rimés proposés:
Heureux l'Infecte ailé , qui maître dans ſa Ruche ;
N'y voit point d'un Rival l'airtrompeur et Sournois;
Du riche Financier , du Fat au beau Minois !
Son front toujours ferein ne craint aucune em buche'
Pour être Epoux commode il faudroit être Cruche.
Quoi! lorfque ma moitié court Bals, Feftins ,Tournois;
Je pourrois, demeurant tranquille en mon Harnois ,
Souffrir qu'on me mépriſe ainfi que vieille Huche !
L'ingrate me maltraite, et bat jufqu'à mon Chien;
Si je parle , elle rit , ou ne me répond
Rien ;
D'abord que je l'aproche , elle s'éloigne en Pofte.
On voudroit , me dit - on , voir tout Jaloux Crevé;
Ce propos eft bien dur , il mérite
Ne puis- je enfin punir femme qui m'a br
E-d-y - e- e
Ripofte ;
avés
71.
1130 MERCURE DE FRANCE
11. LETTRE sur la Vie & les Ouvrages
de Moliere & sur les Comédiens
de son temps.
Voici , Monfieur , la suite des Mémoi
res qu'on a pû ramaffer fur l'état de
nos Théatres , depuis environ foixante-dix
ans.
, L'ECOLE DES FEMMES , Comédie en Vers &
en 5. Actes. Beaucoup de Perfonnes croyent
que Moliere a pris l'idée de cette Piéce dans
une Nouvelle Efpagnole , qu'on trouve dans les
Oeuvres de Scarron , traduite en notre Langue
,
& intitulée , La Précaution inutile. Elle
roule fur l'expérience d'un homme galant
qui ayant vû quantité de femmes d'esprit infidelles
, en voulut époufer une d'une sotise
extrême , de laquelle il fut auffi trompé.
Après la mort de Moliere , cette Piéce fut
joüée par les Srs Rofimont , de la Grange ,
Verneuil , la Tuillerie , Raifin , du Croisy,
& par les Dlles Raifin & de la Grange . Elle
fut donnée dans fa nouveauté , au mois de
Decembre 1662 .
LA CRITIQUE de l'Ecole des Femmes ;
petite Comédie en Prose , ou plûtôt , Dialogue
divisé en fept Scénes , représentée pour
Ja
JUIN. 1740. 1131
la premiere fois à Paris , fur le Théatre du
Palais Royal , le Vendredi premier Juin
1663. par la Troupe de MONSIEUR . Elle
cut un très - grand succès jufqu'au 13. Août ,
qu'on l'interrompit. On la joua toûjours
après la Comédie de l'Ecole des Femmes , &
elle raporta 29963. livres en 32. repréſentations.
On affûre que le Poëte Bourfaut , crût se
reconnoître dans le portrait de Lifidas , &.
que pour s'en venger , il donna sur le Théatre
de l'Hôtel de Bourgogne une petite Comédie
dans le goût de celle- ci , intitulée ,
Le Portrait du Peintre , ou La Contre- Critique.
de
Moliere , à son tour , pour se venger
Boursault , fit l'Impromptu de Versailles , où
il le nommá par son nom , & le traita trèsmal.
Cette petite Comédie en prose , fut d'abord
représentée à Versailles au mois d'Octobre
1663. & le 4. Novembre suivant , à Paris ,
fur le Théatre du Palais Royal . On la joiia
dix- neuf fois de suite , & elle raporta 12136.
liv. aux Comédiens.
LE MARIAGE FORCE ' , Comédie - Ballet ,
en un Acte , en Prose , ainfi intitulé , parce
que le Roy y avoit dansé une Entrée dans la
représentation qui en fût faite au Louvre le
29. Janvier 1664. Elle parut sous le même
titre,
132 MERCURE DE FRANCE
titre , le 13. Mai , septième jour de la Fête
donnée aux Reines. On veut qu'une avanture
réelle , qui avoit un raport éloigné à
l'intrigue , ait alors donné à cette Piéce un
fel qu'elle n'a plus . Elle parut à Paris sous le
titre de Comédie , avec des changemens . Le
plus confidérable eft l'addition de la Scene
de Dorimene & de Lycafte , dont Sganarelle
eft témoin ; elle suplée au Magicien chantant
, qui détournoit Sganarelle de son mariage.
La Scene des deux Philosophes , nous
aprend que les sujets les plus graves peuvent
être traités d'une maniere facétieuse & c.
Après la mort de Moliere , cette Piéce fût
reprise , & jouée par les Srs la Grange , du
Croisy , Verneuil , Rofimont , & par les Diles
Guerin , de Brie & la Grange .
On lit dans la nouvelle Edition des Oeuvres
de Moliere , dont on a déja emprunté
quelques fragmens , que ce ne fut point par
son propre choix que cet Auteur traita le
sujet de Don Juan , ou Le Feftin de Pierre ,
Comédie en cinq Actes en Prose , représentée
en Fevrier 1665. fur le Théatre du Palais.
Royal. Les Italiens qui avoient tiré ce sujet
des Efpagnols , le firent connoître en France
sur leur Théatre , où il eut un extrême
succès . Un scelerat odieux par ses noirceurs
& par son hypocrifie , le prodige insensé
d'un
JUIN. 1740. 7133
d'une Statue qui parle & qui se meut , le
spectacle extravagant de l'Enfer , ne révoltercnt
point la multitude , toujours avide du
merveilleux . Séduite par le jeu des Acteurs ,
frapée d'une nouvelle efpece de Tragi - Comique
, elle fit grace à un mélange mons
trueux de Religion & d'impieté , de morale
& de bouffonneries , & c.
A l'égard , M. de ce que vous me demandez
des Comédiens du temps de Moliere
je pourrai bien vous donner quelques instructions
là-deffus ; mais ne vous attendez pas
à plus d'ordre que j'en ai gardé jufqu'à présent
, & contentez-vous , s'il vous plaît , du
petit ramaffis sur quelques Acteurs & Actrices
du temps de Moliere.
JOSIAS DE SOULAS , Sr de Floridor , mort
vers l'an 1671 .
Cet Acteur avoit tous les talens imaginables
pour le Théatre , dont il a été la gloire
dans son temps ; il avoit beaucoup de nobleffe
dans l'air & dans les manieres ; il étoit
fort aimé de toute la Cour , & particulierement
connu du feu Roy , de qui il avoir reçû
plufieurs graces , pour lui en son particulier,
& pour la Troupe en général . Il étoit de la
Troupe Royale de l'Hôtel de Bourgogne ; le
talent de la parole , qu'il poffedoit au souverain
degré , le fit succeder à Bellerose , dans
l'emploi de Harangueur. Ces deux illuftres
Comé
134 MERCURE DE FRANCE
Comédiens s'attiroient l'eftime & l'amitié du
Public , qui par le profond filence qu'il observoit
lorfqu'ils paroiffoient , marquoit bien
le cas qu'il en faisoit. Leurs Complimens
étoient ordinairement courts , bien tournés
& faisoient souvent autant & plus de plaifir
que la Piéce qu'on venoit de jouer . Hauteroche
succeda à Floridor , & fut longtemps
ensuite l'Orateur de la même Troupe.
>
Il avoit été de la Troupe du Marais , d'où
l'on remarque que les meilleurs sujets qui
ayent parû dans la suite sur les autres Théatres
de Paris , étoient sortis ; il avoit succedé
dans cette Troupe- là à Dorgêmont dans l'emploi
d'Oratcur, dont il s'étoit acquitté avec de
grands aplaudiffemens . Il entra dans la suite
à l'Hôtel de Bourgogne , où il parût avec
éclat en 1643. La Roque , son camarade
remplit sa place au Marais dans l'emploi
d'Orateur de cette Troupe.
En 1666. Floridor , qu'on ne vouloit pas
reconnoître pour Gentilhomme , parce qu'il
étoit Acteur jouant la Comédie , défendit
bien sa cause , & la gagna contre les Traitans
, faisant valoir une Déclaration du Roy
Louis XIII. rendue en 1641. très-favorable
pour la Comédie & les Comédiens . Le Roy
Louis XIV. a toujours confideré l'Acteur
dont nous parlons , comme un Gentilhomme
, quoique Comédien , 12
JUIN. 1740 . 1135
Il représentoit tous les premiers Rôles
d'une maniere fi originale , fi imposante &
fi naturelle , qu'il faisoit oublier tous les
grands Acteurs qui les avoient joués avant
lui ; & un mérite qui lui étoit particulier ,
c'eft qu'il joüoit toujours également bien
sans être journalier.
,
M. de S. Evremond parloit de Floridor &
de Montfleury , comme des deux meilleurs
Comédiens du monde . Floridor joüoit le
Rôle de Ptolomée dans la Tragédie de La
Mort de Pompée de P. Corneille , & celui
d'Achille dans l'Iphigenie de Racine ; Baron
lui succeda.
Il fut rendu un Arrêt du Conseil d'Etat
du Roy , en 1668 , en faveur du Sr Floridor ,
Comédien du Roy , contre les Commis de
la Recherche des Usurpateurs de la Nobleffe
, qui fait connoître que la qualité de Comédien
ne déroge point . En voici le précis,
Sur la Requête présentée au Roy en son
Conseil , par Jofias de Soulas , Ecuyer Sicur
de Floridor , contenant qu'il a été affigné
pardevant les Srs Commiffaires Généraux ,
Députés parS. M. à la fuite de fon Confeil , pour
la Recherche des Usurpateurs de Nobleſſe
de la Ville & Fauxbourgs de Paris , pour représenter
les Titres en vertu defquels il prend
la qualité d'Ecuyer ; & bien qu'il foit véritable
que Lazare-Victorin de Soulas , Ecuyer
Sieu
1136 MERCURE DE FRANCE
Sicur d'Iolata , son Bisayeul , Capitaine d'une
Compagnie de Chevau- Legers Allemans,
& faifant Profeffion de la Religion Prétendue
Réformée , fut envelopé dans la difgrace
de l'Amiral de Chastillon , duquel il
avoit été nourri Page , dans, la Maifon duquel
il fut maffacré & tué avec ledit Sr Amiral
, par le malheur que perfonne n'ignore
dans le Royaume : Que Jean de Soulas , son
Fils , lors Cornette de Cavalerie , ayant apris
la mort de fon Pere , fut obligé de se retirer
à Genes , & depuis à Lauzane , au Canton
de Berne , avec sa Famille , où il a toujours
depuis vécu noblement : Que Georges
de Soulas , son second Fils , Pere du Supliant
, après avoir achevé fes études à Bâle
en Suiffe , vint en France au commencement
du Regne de Henry le Grand , où il eûc
l'honneur d'être placé auprès de Madame la
Ducheffe de Bar , Soeur de Sa Majesté , en
qualité de Miniftre de la R. P. R. après le
décès de laquelle il se maria en la Province
de Brie , où il embraſſa la vraie Religion ; &
quelque temps après plaça ledit Supliant son
fils aîné dans les Gardes du Roy Louis XIII.
où il porta le Moufquet dans la Compagnie
de M. de la Befine , & depuis servit en qualité
d'Enfeigne dans le Régiment de Rambure
, & après la réforme de quelques Com-
Fagnies de ce Régiment , lui fit prendre le
parti
JUIN. 1740. 1137
parti de la Comédie , dans laquelle il a fervi
depuis vingt- cinq ans , comme il fait encore
à présent , au divertiffement de S. M. Néanmoins
, parce que les Titres de la nobleffe
dudit Supliant sont dès lors demeurés entre
les mains de Jofias de Soulas , oncle dudit
Supliant , comme aîné & chef de la Maison,
lequel dans le même temps de la retraite dudit
Georges, son cadet, Pere dudit Supliant,
en Suiffe , se retira en Allemagne , où il fut
fait Page de l'Electeur Palatin du Rhin , &
depuis Capitaine de Cavalerie dans les Troupes
du Duc de Savoye , où il se maria, après
avoir auli embraffé la vraie Religion : Cet
établiſſement hors du Royaume , dudit Jofias
, aîné & chef de la Famille , faifi & en
poffeffion de tous les titres juftificatifs de
leur nobleffe , a réduit jusqu'à préfent ledit
Supliant dans l'impoffibilité de leur repréfentation
pardevant lefdits Srs Commiffaires:
Requeroit le Supliant, à ce que, attendu qu'il
ne peut abandonner le Service de Sa Majeſté ,
que dans la mi- Carême prochain , il plût à
S. M. lui accorder un délai d'un an , pour
raporter pardevant lefdits Srs Commiffaires ,
les Titres juftificatifs de fadite nobleffe , & c.
oui le raport du St d'Aligre , Conseiller ordinaire
de S. M. en ses Conseils , & Directeur
de ses Finances , Commiffaire à ce député
, & tout confideré , Le Roy en son Conseil
1138 MERCURE DE FRANCE
;
,
seil Royal des Finances , ayant égard à ladite
Requête , a donné & donne délai d'un an an
Supliant , pour raporter les Titresjuftificatifs de
fa nobleffe pardevant lesdits Srs Commiffaires
Généraux & cependant fait défenses audit
Scard , & autres Commis à la Recherche des
Usurpateurs de Nobleffe , de ladite Ville &
Fauxbourgs de Paris , de faire aucunes pourfuites
ni contraintes pour raifon de lad. qualité
d'Ecuyer , contre ledit Supliant , à peine de
nullité , cinq cent livres d'amende , dépens ;
dommages & interêts. Fait au Confeil d'Etat
du Roy , & c.
N. DES OEILLETS , morte vers l'an 1673 .
C'étoit une très- excellente , & même gracieuse
Comédienne , quoique laide , point
jeune & fort maigre ; mais malgré cela , pleine
d'agrément. Le Tragique étoit son fort :
on prétend qu'elle a joué d'original le Rôle
d'Hermione dans l'Andromaque de Racine ;
que Mlle Champmêlé joüa ensuite, en concurrence
; surquoi on fait dire au feu Roy
dont le goût étoit fi sûr en toutes choses ,
que pour remplir ce Rôle parfaitement , il
faudroit que la Des Oeillets joüât les deux
premiers Actes , & la Champmêlé les deux
autres ; voulant faire entendre par là , que
celle- ci avoit plus de feu ,pour faire sentir les
emportemens du Perfonnage représenté dans
les derniers Actes de cette Piéce , & l'autre,
>
JUIN. 1740. 1139
tre , plus de délicateffe & de fineffe .
L'Actrice dont nous parlons n'avoit contre
elle que sa figure , qui n'étoit pas belle ;
mais elle se mettoit fi bien , & avoit un fi
grand air de nobleffe & d'autorité , qu'elle
plaisoit toûjours infiniment par le mérite extraordinaire
qu'elle avoit d'ailleurs . Elle
joüoit aulli parfaitement les Amoureuses Comiques
. Elle a joué Ariane d'original , dans
la Tragédie de Th . Corneille , Agrippine
mere de Neron , dans le Britannicus de Racine.
NOEL LE BRETON , Sr D'HAUTEROCHE ,
Poëte Comique. C'étoit le plus ancien Comédien
de la Troupe de l'Hôtel de Bourgogne
en 1674. Il étoit d'une taille avantageuse
, mais fort maigre & décharné ; il eft mort
à Paris dans un âge très avancé , en 1707.
après avoir été dix ans aveugle. C'étoit un
homme d'honneur & eftimable , non feulement
par fes talens , mais encore par fa probité
& fa droiture .
Il avoit été de la Troupe du Marais , où
il jouoit les premiers Rôles ; mais quand il
fut à l'Hôtel de Bourgogne , il ne joüoit que
les seconds . En 1681. il se joignit avec le
refte de la Troupe Royale au Théatre de
Guénegaud .
Hauteroche joüoit parfaitement les grands
Confidens , comme Phenix , dans l'Andromaque
de Racine ; Arbate, dans Mithridate ;
L. Vol
Nar- E
7140 MERCURE DE FRANCE
Narciffe dans Britannicus , & plufieurs Rô
les Comiques dans la plus grande originalité,
tels que le Baron de la Craffe , M. de Sottenville
dans Georges Dandin , Chicaneau , dans
Les Plaideurs , & c.
,
Outre les Pièces de Théatre qui ont parû
fous fon nom, il eft encore Auteur de plufieurs
Nouvelles & Hiftoriettes , que le Public a bien
reçûës ; il avoit beaucoup d'efprit, & avoit fort
bien étudié ; il écrivoit facilement en Prose
& en Vers , & avoit la parole fi aisée , qu'il
succeda à Floridor dans l'emploi de Harangueur
, dont il s'acquitta très- dignement.
PIECES D'HAUTERO CHE.
L'Amant qui ne flate point , en Vers & en
cinq Actes , représentée à l'Hôtel de Bourgogne.
1668.
Le Souper mal aprêté , d'un Acte en Vers.
1669 .
Les Aparences trompeuses , ou les Maris
fideles, de trois Actes , en Vers. 1672. Elle n'a
pas été joüée.
Les Nobles de Province , de cinq Actes en
Vers . 1678 .
Crifpin Muficien , de cinq Actes en Vers.
1674. Cette Piéce fut jouée d'abord par
les Sieurs Baron , Poiffon , Hauteroche
Raifin , Beauval , la Thorilliere , &
Dlles Dupin, Raifin, Beauval & d'Ennebaud .
, par les
Le
JUIN.
1142 1740
Le Deuil en un Acte , & en Vers . 1672 .
Le Cocher suposé , d'un Acté , en Prose.
1685.
La Dame invifible , ou l'Esprit folet , de
cinq Actes , en Vers. 1684. Comédie purement
d'intrigue. L'Original Efpagnol eft une
des meilleures Piéces de Don Pedre Calderon,
qui l'a intitulée , La Dama Duenda, en 1664
Douville traita ce même sujet , sous le titre
de l'Esprit folet , & cet Ouvrage , quoique
prefque sans vraisemblance , & plûtôt
Prose rimée , qu'en Vers , parût fi plaisante
par ses incidens , qu'elle eût un très - grand
succès. Hauteroche la mit dans l'état où nous
la voyons .
Le feint Polonois , ou la Veuve impertinente,
de trois Actes , en Prose. 1686.
Les Bourgeoises de qualité , de cinq Actes
en Vers. 1691 .
Crifpin Medecin , de trois Actes , en Prose.
1680.
Les Nouvelliftes , en trois Actes , 1678. à
l'Hôtel de Bourgogne.,,
La Baffette , Comédie , jouée à l'Hôtel de
Bourgogne en Mai 1680. differente de celle
de Guenegaud , joüée en même temps sous
le même titre. M. Devisé dit que cette derniere
eft de plufieurs Auteurs , & qu'un
Gentilhomme de Bourges y a bonne part.
DE VILLIERS , Acteur & Poëte Comique,
E ij Gend
1142 MERCURE DE FRANCE
,
Gentilhomme d'Extraction mort à une
Terre qu'il avoit acquise auprès de Paris . Il
étoit retiré de la Troupe Royale , & il en
touchoit une penfion en 1674.
C'étoit un petit homme qui joüoit les seconds
Rôles Comiques , & les jouoit trèsbien
; il avoit la voix claire , legere , & beaucoup
de fineffe dans son jeu . Ses Piéces de
Théatre sont ,
Le Feftin de Pierre , en Vers. Cette Piéco
parût avant celle de Moliere.
Les trois Visages.
Les Ramoneurs.
L'Apoticaire dévalise.
" >
GUYOT dit LECOMTE Comédien du
temps de Moliere , sorti de la Troupe avec
la penfion en 1704. & mort en 1707.
2
Il étoit propre à jouer les grands Confidens
. C'eſt lui qui joua d'original , M. de la
Paraphardiere , Greffier , dans les Vacances
de Dancourt, & Baftien , dans les Vendanges ,
autre petite Comédie du même Auteur,
ROMAINVILLE , mort à Drefde vers 1704 .
Comédien du Roy de Pologne , Electeur de
Saxe.
C'étoit un excellent Acteur pour les Rôles
de Roy , & pour le grand Comique, surtout
pour les Rôles de Moliere. Il ne voulut jamais
fe présenter ,pour entrer dans la Troupe
du Roy , voulant être reçû fans être obligé
de débuter, Il n'a jamais joué à Paris !!
JUIN. 1740. 1143
Jhibit
DESCARTES.
POEM E:
Par M. d'Arnaud.
Fulle de la Raifon , fage Divinité ,
Toi , qui conduis nos pas à l'immortalité ;
O toi , par qui des Cieux franchiffant la barriere ,
Des Aftres étonnés nous bornons la carriere ;
Toi , qui nous éclairant de ton divin flambeau ,
Sur la nuit de l'Eſprit répans un jour nouveau
Et de l'erreur des fens diffipant les preſtiges ,
Anos yeux chaque jour découvres des prodiges;
Maîtreffe de ma vie , ame de tous les Arts ,
Echauffe mes Ecrits du feu de tes regards ;
Souffre que m'élevant fur l'aîle du génie >
Je chante le pouvoir de la Philofophie.
Qu'affociant tes fruits aux fleurs de l'Hélicon ,
J'éternise ma gloire , en célebrant ton nom .
Je confacre mes Vers au fublime Descartes ;
Qu'à jamais de ces Lieux le menfonge s'écarte ,
Et faifant devant moi marcher la vérité ,
Guide mes pas tremblans dans cette obfcurité ;
Des ombres de l'erreur , la Terre environnée ,
Afon aveuglément s'étoit abandonnée ;
Longtemps, à l'Ignorance élevant des Autels ,
E iij
La
1144 MERCURE DE FRANCE
La Superftition abufa les Mortels ;
Des Arts qu'elle obfcurcit la clarté fut éteinte
L'Univers oprimé n'obéit qu'à la crainte ,
Et rampant fous le joug imposé par l'Erreur ,
De ce Tiran facré refpecta la fureur ;
Son poifon étouffant le germe des Sciences ,
Des vices dans nos coeurs entretint les femences ,
En vain la vérité fit entendre fa voix ,
Le menfonge usurpa fon empire , & les droits
De la crédulité , déplorable victimes ,
Scs
yeux
Les humains confondoient les vertus & les crimes,
Et mettant fur leurs yeux eux -mêmes le bandeau;
Toujours de la raiſon repouffoient le flambeau .
La Terre enfin fortit de cette nuit profonde ,
Le voile de l'Erreur ne couvrit plus le monde ;
furent ouverts , le jour qu'il entrevit ,
En éclairant fon coeur éclaira fon Efprit ;
De cet éclat nouveau les rayons l'étonnerent
Alors vers la raiſon ſes regards fe tournerent ;
Cette aurore naiffante aux Mortels annonça
Un Soleil plus brillant qui bien - tôt l'effaça ,
Et la Philofophie étendant fa carriere ,
Lui prêta tous les traits de fa vive lumiere ,
Sur ce vafte horison il commença fon cours ,
A l'Europe fçavante il difpenfa fes jours ,
De cet Aftre vainqueur , même dans fa naiſſance ,
Dominis le premier reffentit l'influence ,
JUIN . 1145 1740.
Il échauffa fon fein de fes feux bienfaifans ;
Il regarde , le Ciel s'ouvre à fes yeux perçans ;
Dans ce Dédale obfcur guidé par le génie ,
Raffûré par le fil de la Philofophie ,
Du préjugé puiffant il dompte les erreurs ,
De l'écharpe d'Iris fa main peint les couleurs ;
Il démêle avec art ces diverfes nuances ,
Des rayons repétés éclatantes fubftances ;
Descarte enfin paroît ; cet Aigle audacieux
Bientôt d'un vol hardi s'éleve dans les Cieux ;
Dans fa courfe déja franchiffant les nuages ,
Il pénetre la Sphere , où naiffent les orages ;
Dans le fein de la foudre il porte ſes regards ,
Il voit de tous côtés ces tourbillons épars ,
Qui , fans ceffe nageant dans des flots de lumiere ;
Semblent donner une ame au corps de la matiere ;
Par lui l'impulfion donne aux Aftres des loix ,
Ces globes enflammés dociles à fa voix ,
D'un nouveau Zoroaftre éprouvant la puiffance ,
A fon compas vainqueur foûmettent leur diſtance ;
De l'Univers furpris il regle les refforts ;
La Mer en mugiffant s'arrête fur fes bords ,
Il découvre à nos yeux ces brillans Météores ,
Ces Cometes , ces feux , fugitives Aurores ,
Qui de l'Aftre du jour empruntant leur clarté ,
Enfantent le trépas et la ftérilité .
Il détruit tous ces corps nés avec la Nature ,
E iiij
Ces
4146 MERCURE DE FRANCE
la main
d'Epicure ,
Ces fantômes créés par
Qu'adopta l'ignorance , & que l'impiété
Apuya du pouvoir de la crédulité.
De l'Aftre de la nuit la carriere eft bornée ,
Dans un cercle annuel fa courfe eft entraînée ;
De la lumiere enfin diftinguant tous les traits ,
Il connoît à la fois fa caufe & les effets ;
La Nature à fon art n'opoſe plus d'obſtacles .
Defcartes , tes travaux font autant de miracles ;
Soleil , refte immobile , et fixe dans ton cours ,
Sur le Thrône des Cieux affieds - toi pour toujours ;
Qu'aux loix du mouvement la Terre obéiffante
Dans l'Océan des airs foit fans ceffe flotante.
Et vous qui jufqu'ici nous étiez inconnus ,
Mercure , Jupiter , Saturne , Mars , Venus ,
Planettes , qui des Cieux ornez l'immenſe voûte ;
Defcartes pour jamais a marqué votre route.
C'est ainsi qu'éclairant les yeux de l'Univers ,
Il ôta le bandeau dont ils étoient couverts :
Ainfi faifant ceffer la triſte léthargie ,
Où la France long- temps languit ensevelie ,
Des Beaux Arts endormis il hâta le réveil ,
Il retira l'efprit d'un fi honteux fommeil ,
De la nuit de notre ame il chaffa les ténebres.
Par lui tous les Talens fe rendirent célebres ;
LOUIS fit oublier et Rome et fes Césars ,
A l'ombre des lauriers il cultiva les Arts.
Leur
JUIN. 1740.
4147
.
Leur tige par fes foins devenant plus féconde ,
Etendit ſes rameaux jufques -aux bouts du monde ;
Et partout répandant et fes fleurs et fes fruits ,
Nous fit chérir la main qui les avoit produits.
Mais à fon Dieu fidele , et Philofophe ſage ,
Defcartes l'adora dans fon fublime ouvrage ;
Et gardant le refpect que l'on doit à fon nom ,
Sçut toujours à la Foi foûmettre la raiſon .
On a dû expliquer l'Enigme & le Logogryphe
du Mercure de Mai , par le Cornet à
jouer les Dez , & par Platon , dans lequel on
trouve Paon , Po , Laon , Plat , Pan , Pal ,
Ton , & Pont.
ENIGM E,
Victime de la sûreté ,
Hélas ! je brûle et me confume ;
Pour l'Amour , pour l'Etat , pour la Société ,
Pour un rien fans ceffe on m'allume .
Lecteur , j'ai cependant de glorieux emplois ;
Gardienne et dépofitaire
Des secrets révérés des Princes et des Rois ,
Je les tiens renfermés , et fçais fi bien les taire ;
Que mon Porteur ne peut pénétrer leur mystere
Ev Sans
1148 MERCURE DE FRANCE
Sans violer en moi le plus facré des droits.
Enfin fi la Parque cruelle
Etend quelqu'un dans le cercueil ,
J'en donne au loin la premiere nouvelle
Et même j'en porte le deuil .
F. Flocard , à Paris.
********************* . **
LOGOGRYPHE.
Uit lettres compofent mon nom ,
Il eft auffi connu que celui de Garguille ;
Je fuis dans l'Almanach, quand l'Almanach eft bon
J'habite fans diftinction
Chés le riche et fous la mandille.
Cinq fix , un , huit , et fept , une jeune Beauté
Par modeftie ou par caprice
Rit elle des tranfports d'un Amant maltraité ?
Pour exprimer fon injuſtice ,~
Il compare fon coeur à ma ferocité .
Un, huit, fix, trois et fept , je fuis bonne en pâté.
Huit fix, cinq , je foamers à mon pouvoir fuprême
Le rubriquaire fcrupuleux ,
Quelquefois dans un Lieu je fuis toûjours le même,
Mais je change felon les Lieux .
Huit , fix , je nais au fein des Jeux ,
Je fréquente toujours la Jeuneffe etourdie ,
QuelJUI
N.
1149
1740.
·
Quelquefois je déride un Vieillard cathéreux ,
Et le Bourgeois peu sérieux ,
Si je ne fuis de la partie ,
A la meilleure Comédie ,
Malgré les traits ingénieux ;
Gronde , fiffle , baille et s'ennuie.
Trois,deux, quatre, fept, s , dans mon chetif emploi,
Je fuis moins méprisé , quand j'apartiens au Roy.
Sept , deux & trois , pour l'ordinaire
Quoique je fois de mince aloi ,
Je fuis pourtant fi néceffaire ,
Qu'on ne peut fe paffer de moi.
2. 6. 4. avec art fans fçavoir la cuifine ;
Je puis relever un ragoût.
Je ne me flate pas de réüffir partout
;
Auffi,pour qui me hait malheur, quand je domine.
Trois, deux, quatre,j'habite au pied d'une colline .
Un , quatre , trois , profitez de l'avis ;
Qui croit me prendre eft ſouvent pris.
Par M. Gaultier:
LOGOGRYPHUS.
Horridafum , fateor , necnon Mortalibus ogra ;,
Plura tamen mecum fero jucundiffima eifdem .
Quinque pedes igitur de nonis felige , Lector ,
Tunc tibi Theffalia Locus accepuffimus umbris
D vj Exurget :
150 MERCURE DE FRANCE
Exurget : modo fex fumas , variata fubibit
Stragula : quinque aliis Fictoris factafigurant :
Quod fert Sylvicola , & quod vilis Belluafingit
Dant quatuor: demum quinque afperafepta miniftrant:
Si trinisgradiar pedibus , fulcímen habebis :
Cum quatuor poftremò , operosa Volatilis adfum.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX - ARTS , & c.
;
Ccommandé &
E qu'il y a , fans doute , de plus recommandé
& de plus capital dans la
Religion , & qui eft trop négligé par les Peres
& Meres , c'eft l'éducation de leurs Enfans
indépendament de l'état qu'ils pourront
embraffer un jour , il faut toujours les
élever en Chrétiens , les remplir de bonne
heure des maximes de l'Evangile , & ſe hâter
de les former aux moeurs du Chriftianisme
; en un mot , il faut poser le fondement,
qui eft Jesus Chrift , & bâtir là-deffus . Tout
ce qu'on peut , ou peut être tout ce qu'on
doit y faire entrer des usages reçûs dans la
Société civile , ne doit rien tenir de l'esprit
du Monde , mais avoir un raport intime à la
Religion , & faire une partie effentielle de la
Pieté qu'on doit avoir dans tous les états.
C'eft
JUIN. 1740.
115r
C'est là- deffus que roule la principale difficulté
de l'Education Chrétienne des jeunes
Personnes .
Le Livre qui a pour titre , DE L'EDUCATION
CHRETIENNE DES FILLES ,
Ouvrage diftribué en plusieurs Inftructions
sur les Sujets les plus importans de la Morale
, &c. A Paris , chés André Delaguette ,
rue S. Jacques, au- deffus de la rue des Noyers,
au Bon Paſteur & à S. Antoine , 1740. volume
in- 12 . de 350. pages , non compris la
Préface & la Table des Inftructions & des
Chapitres , qui fe vend 2. livres relié .
Ce Livre , dis je , entre dans le fonds de
cette Education , il en expose les devoirs
d'une maniere claire & méthodique ; il les
établit par des raisonnemens auffi folides
qu'ils font bien présentés. Tout y eft apuyé
sur les autorités les plus certaines ; des Exemples
bien choisis y confirment partout les regles.
Comme on ne trouvera certainement
ici rien de relâché , on n'y verra rien non plus
qui puiffe paroître outré & impraticable aux
personnes qui , comme parle S. Paul , veulent
se sauver par les enfans qu'elles auront
mis au monde. Au refte , ce Livre , dont le
titre semble ne regarder que l'Education des
fille , eft également utile aux jeunes gens & à
toutes les personnes chargées de leur conduite
; les Principes de la Morale étant communs
1152 MERCURE DE FRANCE
muns à tous les Chrétiens & proportionnés
aux besoins de tous les âges , de tous les Sexes
& de toutes les conditions.
Au Chapitte troisième , page 73. où notre
Auteur fait voir qu'une Mere doit former sa
fille à toutes les bienséances de sa condition ,
il s'explique ainsi : Cette Mere ne doit souffrir
à sa fille ni grossiereté dans ses manieres , ni
impolites e dans ses moeurs . Elle doit même la
former aux usages du monde , qui ne sont pas
mauvais , & lui aprendre à éviter le ridicule
où l'on ne manque jamais de tomber, quand on
se distingue par des singularités , qui ne sont
pas conformes au temps où l'on vit , aux Lieux
où l'on se trouve , à la condition où l'on est ně,
aux personnes avec qui l'on est obligé de lier &
d'entretenir commerce , &c.
,
Dans la seconde Inftruction , qui roule
sur les Spectacles , p. 37 il s'explique en ces
termes : C'est le monde avec tous ses charmes
& toutes ses pompes , qu'on représente dans toutes
les Comédies ; comme dans le monde tout est
sensualité , curiosité , ostentation , orgueil , on y
fait aimer toutes ces choses , puisqu'on ne songe
qu'à y faire trouver du plaisir.
;
Et plus bas , page 41. Le grossier qu'on retranche
des Spectacles , feroit horreur si on le
montroit l'adresse de le cacher ne fait qu'y attirer
les volontés d'une maniere , qui pour
plus délicate , n'en est que plus périlleuse .
être
Dans
JUIN. 1740
1153
Dans l'Inftruction quatrième sur les Chansons
, Chapitre 2. page 98. notre Auteur fait
voir pourquoi elles deviennent si pernicieuses.
Cette ardeur si passionnée , dit- il , pour
Le plaisir , ces invitations ajouir du beau temps
& de la jeunesse ; cette crainte de voir échaper
le moment d'une félicitépassagere , ces soupirs
si souvent réiterées àpour la possession d'un
objet frivole ; toutes ces expressions licencieuses
qui retentissent partout dans les Opera , & mil-
Le autres qui composent les Chansons , sont indignes
des Chrétiens ; le S.Esprit les a fondroyées
de ses anathêmes dans ces Impies dont
parle le Livre de la Sagesse : Employons , &c.
Sur la lecture des Romans , page 123. On
voit , continue l'Auteur , de jeunes personnes
que la lecture de ces sortes d'Ouvrages rend
sans retenue dans leurs regards , sans circonspection
dans leurs paroles , sans choix dans
leurs amitiés , toujours disposées à se communiquer
& à se répandre , ne craignant pas de
plaire , aux dépens même de la modestie ; ...
&portant dans toutes leurs manieres les marques
d'une facilité pleine d'indiscretion. Après
avoir fortement recommandé la lecture des
Livres Saints , & en général toute lecture
pieuse ; voici l'inftruction judicieuse que
donne notre Auteur , page 136. Le desir de
s'instruire de ses devoirs , pour être lonable ,
dout être reglé , mais la curiosité est un mal ;
ainsi
1154 MERCURE DE FRANCE
Ainsi il faut élever les filles dans la simplicité
de la Foi , ne leur permettre la lecture d'aucun
Livre contentieux & les contenir dans les bornes
de cette sage modération que S. Paul recommande.
Comme elles sont naturellement curieula
vivacité les emporte quand on les laisse
à elles-mêmes , & si elles s'abandonnent à la
passion de devenir sçavantes , elles se rendent
pour le moins ridicules.
ses ,
Il s'exprime ainsi sur les Modes , & Parures.
Tous les usages du monde ne sont pas mauvais
, mais il n'y a guere de Modes qu'on ne
doive compter parmi les mauvais usages du
monde. Il faut absolument renoncer à toutes
les modes qui blessent l'honnêteté & qui entretiennent
le luxe , à toutes celles qui engagent
des dépenses excessives , & fomentent le desir
deplaire , &c. page 145. & suiv.
à
Les Regles des moeurs s'étendent à tous les
temps ; le S. Esprit qui les a dictées , ne change
point ; ainsi il faut dire , ou que les parures
excessives sont oposées au Christianisme , ou que
le S. Esprit s'est trompé , &c . pag. 152. & 153 .
Voici la description que fait l'Auteur de
la vie molle & peu Chrétienne que menent
une grande partie des femmes. Instruction
septième , page 197. Ala vérité elles ne donnent
rien aux passions criantes , ni aux vices
grossiers ; mais aussi elles ne refusent rien aux
sens. Nulle douceur qu'elles ne veuillent goûter,
nul
JUIN. 1749 .
nul divertissement qu'elles ne tâchent de se ménager
; nul amusement dont elles ne se fassens
une occupation ; nuls jours pleins ; une vie toute
vuide, quant aux obligations de la Religion,&c.
Sur l'usage du temps , page 207. C'est tout
renfermer en peu de mots que de vous dire que
le temps est le prix de l'Eternités que notre
bonheur notre malheur éternel dépendent
du bon ou du mauvais usage que nous ferons
de ce petit nombre de jours qui composent notre
vie, & que l'empressement d'un Chrétien à en
bien user , doit égaler la rapidité avec laquelle
ils s'écoulent.
Dans l'Instruction neuvième sur le Com
merce du monde , l'Auteur s'explique ainsi ,
page 232. On y peut ajoûter que les moeurs des
Mondains ne furent jamais plus corrompuës ,
leurs maximes plus libres , leurs exemples plus
contagieux , leurs habitudes plus mauvaises ;
que les vices ne furent jamais plus artificieusement
palliés , ni les vertus plus malignement
défigurées. Ainsi le monde ne fut jamais plus
dangereux , &c.... Ce qu'on peut dire de plus
certain , c'est qu'il est donné à moins de person
nes qu'on ne pense , de conserver dans le monde
l'innocence qui convient aux véritables Chrétiens
,& que rien ne marque mieux la difficul
té d'accomplir le Précepte de ne point aimer le
monde, que la rareté de ceux qui l'accomplissent.
Nous n'entrerons dans aucun détail sur ce
qui
1156 MERCURE DE FRANCE
qui concerne les Jeux & les Divertiffemens ;
cet Article qui eft traité avec étendue dans
cet Ouvrage , mérite d'être lû tout entier.
L'Instruction onzième , qui traite du choix
'd'un état , fait la derniere de cet Ouvrage.
L'Auteur, dans le second Chapitre , où il fait
voir que les Peres & les Meres doivent par une
éducation Chrétienne préparer leurs Enfans à
l'état où Dieu les apelle , page 299. s'énonce
en ces termes : Les Peres & les Meres doivent
souvent rapeller leurs Enfans aux promesses de
leur Baptême ; les élever selon les maximes de
l'Evangiles les préserver de bonne heure d'une
erreur presque générale , que le commun des
Chrétiens est dispensé , au moins jusqu'à un certaint
point, de la pratique de plusieurs vertus ,
que la retraite, le silence & la mortification des
sens ne conviennent qu'aux personnes Religieuses
Qu'à quelque état qu'on soit apelle, on
doit mener une vie reglée , avoir ses heures de
priere , de lecture & de travail , fuir le luxe ;
le faste & la vie molle , vivre avec tempérance
dans le plaisir avec frugalité dans l'abondan
ce , avec humilité dans l'éclat , &c .

EPITRE sur la pureté des moeurs Ecclesias
tiques , Poëme en Vers Alexandrins de M.
l'Abbé Nadal , de l'Académie Royale des
Belles Lettres. A Poitiers , chés Jacques
Faulcon,
-
L
JUIN. 1740. 1157
LE DOYEN DE KILLERINE , Histoire Morale
, composée sur les Mémoires d'une illuftre
Famille d'Irlande , & ornée de tout ce
qui peut rendre une lecture utile & agréable.
Par l'Auteur des Mémoires d'un Homme de
Qualité , sixième & derniere Partie , 1740.
Ce Volume & l'Ouvrage complet se vend
à Paris , chés Didot , Quai des Auguftins , à
la Bible d'or.
TRAITE' des Diffolvans propres contre la
Pierre , & sur la maniere de la guérir , ainsi
que la Goutte , par le moyen des alimens.
On fait voir dans cet Ouvrage par la raison
& par l'expérience , qu'il eft très - poffible de
diffoudre la Pierre , soit dans les reins , soit
dans la veffie , & de prévenir le retour de la
Goutte par une nourriture convenable , &
en suivant une diette particuliere. Ce Traité
eft entremêlé d'Observations , qui ont pour
but d'aprendre aux Personnes de conftitutions
ou de complexions differentes , comment
elles se doivent conduire dans le
choix & dans l'usage des alimens , pour se
conserver la santé. On y a joint des Regles
particulieres sur le même sujet pour ceux qui
sont attaqués de rhumes, de fievres, de toux ,
d'asthmes , de coliques , de douleurs d'estomach
, de maladies des nerfs , d'hidropisies ,
de tumeurs ou de scorbut ; publié à l'usage
des
1158 MERCURE DE FRANCE
des Familles , par Théophile Lobb , Docteur
en Médecine , & Membre de la Societé
Royale. A Londres chés Jacques Bukland.
Le Livre est en Anglois.
M. GALLINAR D vient de publier deux
Cartes, dont l'une , qui traite de l'Arithmétique
, jusqu'à la Regle de trois , en découvre
les principes d'une façon si démonftrative ,
qu'il n'y a personne qui ne puiffe s'en donner
Fintelligence de soi -même & en peu de jours.
La seconde Carte démontre les principes de
l'Algebre d'une façon également distincte ,
en y admettant la comparaison des nombres ;
ensorte que cette Science qui sembloit se refuser
par son abord,à la plûpart des personnes
qui cherchent à s'en inftruire , paroît ici se
familiariser avec ceux même qui n'en ont pas
les premiers Elemens . Après les Reflexions
qui ont été faites sur ces deux Ouvrages, on
peut affûrer que tous ceux qui prendront la
peine de les lire , en tireront de grands avantages
, & qu'outre qu'ils y trouveront à s'instruire
à fond de l'Arithmétique & en trèspeu
de temps , ils s'ouvriront de plus une
voye facile pour aprendre les Mathématiques,
dont le Calcul Algébrique eft la baze , &
se trouve dans la meilleure partie de leurs
Démonftrations.
Il est aisé de s'apercevoir que l'Auteur s'eft
fait
JUI N. 1749. 1159
"
fait une étude particuliere d'inftruire commodément
le Public , en lui offrant ces deux
Cartes, où dans un Discours extrêmement serré,
mais clair & tout-à - fait démonſtratif, il a sçû
traiter à fond de tout ce qu'elles renferment
& le mettre à la portée des moins intelligens
& des Lecteurs les moins dociles , qu'il conduit
comme par la main , à l'éclairciffement
de toutes les difficultés qui peuvent se rencontrer
, & qui se trouvent aplanies à mesu
re qu'elles se présentent , par des démonſtra
tions sensibles , tirées du principe même de
la chose qu'elles traitent ; ensorte que ce qui
eût pû faire la matiere d'un Volume , se trouve
réduit en deux pages , pour ainsi dire, par
ce rafinement.
Ces deux Cartes se vendent à Paris , ches
Quillau , rue Galande , & chés Saugrain , au
Palais. Tous les Exemplaires sont paraphés
par l'Auteur.
NOUVEAUX AMUSEMENS DU COUR ET
DE L'ESPRIT , Nombres IV. V. VI. VII. &
VIII. Les Feuilles de cet Ouvrage Périodi
que se diftribuent tous les Mardis chés la
veuve Pissot , Quai de Conty , à la descente
du Pont Neuf, Le prix de chaque Feuille eft
de quatre sols .
La Suite des Reflexions sur l'Amour eft
écrite dans le V. Tôme avec délicateffe , &
$1
1160 MERCURE DE FRANCE
si l'Auteur soûtient une mauvaise cause , on
peut dire qu'il la défend avec beaucoup d'es
prit. Voici comment il s'exprime .'
" La Bruyere a dit que l'homme qui vit
» dans l'indifference , est celui qui n'a point
» encore vû l'objet qu'il doit aimer. Cette
» refléxion m'a conduit à penser que la fem-
» me qui se pique de constance , est celle
qui n'a point encore vû l'homme qui doit
» la rendre infidelle ....
39
"
"
ود »Page75.Lacuriositécontribuëautant
que
la vanité , à causer des infidélités ; &
»je ne croirai pas me tromper quand je di-
» rai, qu'il y a dans le Monde plus de femmes
» que d'hommes , infidelles . Une seule sert à
» satisfaire notre curiosité sur toutes les au-
» tres ; au lieu qu'un seul homme ne suffit
à contenter celle d'une femme sur no
35 pas
» tre compte .
ود
2
و ر
Page 76. Dans les commencemens d'u
»ne intrigue amoureuse , un homme peut ai-
» sément se contenter des preuves exterieures
» qu'une femme lui donne de fa tendreffe .
Il lui voit alors jouer prefque le même perfonnage
que lui. Elle y met autant du fien
» que lui - même mais comme elle peut
» continuer à tenir avec lui la même con-
» duite , en même temps que son coeur lui ?
parle pour un autre , il eft naturel qu'il
2 exige les marques de la rendreffe d'une
»femme
ور
:
JUIN. 1740. 1161
femme , qu'il juge les plus solides . Ainfi
» concluons qu'il ne la porte à une premiere
» foibleffe que pour fe convaincre qu'il eſt
» aimé , & qu'il ne la conduit à d'autres
» que pour être certain qu'elle eft cons-
و د
tante. ...
:
» Page 79. Si le mérite seul faisoit impreflion
sur le coeur d'une femme , elle ne
» seroit jamais accusée de légèreté . Elle ne
» trouveroit pas l'amour d'un Sexagénaire
plus ridicule que celui d'un autre enfin
» son coeur ne pourroit mieux lui réſiſter
qu'à un autre. Un homme de foixante ans a
» fouvent plus de mérite à cet âge , qu'il n'en
poffedoit à trente : il plaisoit à trente ans ,
» à peine s'attire - t-il un regard d'une fem-
» me , à foixante.
و د
Parmi les Poëfies qui font en grand nom
bre dans ces nouvelles Feuilles , on a donné
une Epitre de M. Robbé de Beauveset , qui
mérite l'attention des Lecteurs.
Le Nombre 5. contient de la Critique Lit
teraire sur quelques Livres nouveaux , & des
Stances ingénieuses , sous le titre de Jeux de
·la Fortune , avec un Compliment à M. de
Breteuil , Miniftre de la Guerre. La Vérité en
eſt la Muse .
L'Epitre sur l'Esprit , par M. de la Solle
péche du côté d'une certaine exactitude . On
eft choqué de la répétition fréquente des
mêmes
1162 MERCURE DE FRANCE
mêmes sons , dont une oreille délicate eſt
bleffée. On reproche a la Poefje Françoise la
monotonie de la rime , les Poetes sont donc
intéreffés à ne pas donner prise sur eux par
le retour ftérile de rimes semblabies. "Le
nombre 6. contient encore des Réflexions
sensées sur le Goût , & une Epigramme , que
voici.
C'eft fans raifon , Efprits mordans ,
Qu'au Sexe vous cherchez querelle ;
Je vous foûtiens qu'il fut un temps,
Où l'on vit la femme fidelle.
Qu'on fe rapelle ces inftans ,
Où du Monde Jupin noya les habitans !
A Deucalion , à fa femme ,
Il eut soin d'épargner ce deftin rigoureux :
L'Epoux , dès ce moment,fut certain qu'en fon ame
Sa moitié nourriſſoit une conſtante flâme ;
Et fon bonheur dura juſqu'au jour malheureux
Qu'il leur fallut jetter des pierres derriere eux.
Les nombres fept & huit contiennent d'abord
une Réponse très -vive aux Réflexions
sur l'Amour. C'eſt l'ouvrage d'une Dame
supérieure aux préjugés vulgaires ', suivant la
Note de la page 149. Voici ce qu'elle dit de
l'Amour.
» Le véritable Amour , bien different , se
» connoîtra aux marques que j'en vais donper
JUIN. 1740. 1163
il
ner. Premierement, il faut qu'un homme se
» détache de ses propres interêts , pour n'être
senfible qu'à ceux de l'objet aimé.
» Loin de l'engager à manquer à la vertu ,
» doit chérir la gloire de fa Belle, plus que la
»fienne propre. Ambition , Fortune , Vo-
» lupté , tout doit être sacrifié à ce qu'on
»aime.Voilà les preuves du véritable amour.
» J'ajoûterai , pour me fervir des expreffions
» d'un illuftre Auteur de nos jours :
"
ود
و د
Qu'on me le trouve , et j'aimerai.
Les Vers suivans sont à la loüange de
Mlle Peliffier.
Je ne chante point pour chanter :
Du vrai l'Auditeur eft avide ;
Pour le forcer à m'écouter
Le fentiment eft mon feul guide.
Almire qui voudra ces voix ,
Dont les fons éclatans , fans choix ,
Prétendent maîtriſer la Scene.
Apollon n'aime pas le bruit :
Le fenfible touche et séduit.
Ainfi prononce Melpomene.
L'Auteur des Amusemens rend compte aut
Public de plufieurs Livres Modernes. Son
plan ne lui permet pas d'entrer dans un
grand détail , auffi n'en parle-t'il que fuper-
A. Fol E ficielle
1154 MERCURE DE FRANCE
: ficiellement il s'eft cependant arrêté sur la
troifiéme partie des Lettres de Therese , au
sujet defquelles il donne quelques Observations.
Nous rendrons compte de la suite de ces
Feuilles. Il n'eft pas inutile de répeter ici un
avertiffement que nous avons donné l'année
paffée , au sujet des quatre premiers Tomes
des Nouveaux Amusemens du Coeur & de
L'Esprit , & qui peut faire plaifir à beaucoup
de Perfonnes. Pour avoir une diminution
confiderable, & en même temps pour que le
Recueil foit vendu relié très- proprement , on
aura l'attention de s'adreffer directement chés
la Veuve PISSOT , Quai de Conti . Le Prix
eft de Treize livres quatre sols.
RECHERCHES Sur la nature & l'étenduë
d'un ancien Ouvrage des Romains , apellé
communément Briquetage de Marsal , avec
un Abregé de l'Hiftoire de cette Ville , &
une Description de quelques Antiquités qui
se trouvent à Tarquinpole , par M. Dartezé
de la Sauvagere , Officier du Régiment de
Champagne, & Ingénieur ordinaire du Roy.
in- 8°. A Paris , chés Jombert , rue S. Jacques
, 1740. Brochure de
52. pages.
L'Auteur marque dans sa Préface ; que
cet Ouvrage n'a été entrepris qu'en conséquence
de l'attention de M. Lancelot pour
rou
JUIN. 1740.
1156
fout ce qui concerne l'Hiftoire du Royaume
de France , & qu'il ne l'a rendu public , que
pour se rendre aux prieres de Dom Calmet ,
Abbé de Senones , dont il raporte la Lettre
en entier. Après une description de la fituation
de Marsal , sur la Riviere de Seille , à
dix lieuës de Mets , M: de la Sauvagere nous
aprend que son ancien nom étoit Bodatium ;
& il ajoûte d'aflés fortes preuves que la raci
ne Bod , fignifioit chés les anciens Germains
, une Mare , un Marais , un Pays
de boue; & qu'à l'égard du nom de Marsal,
c'est un composé du nom de Mare & de
Salia , qui eft celui de la Riviere qui y paſſe.
Ce fut l'incommodité d'un terrain fi bourbeux
qui y fit placer par les Romains une
quantité prodigieuse de briques , afin qu'on
pût paffer deffus. Il y en a de toutes
grandeurs & de toutes les formes . Quelquesunes
paroiffent avoir été entortillées autour.
d'un morceau de bois , dont on voit encore
Pempreinte ; on voit à d'autres la figure des
doigts de ceux qui les ont maniées toutes
molles . La Ville de Marsal eft affise sur ce
Briquetage : il y a des endroits dans le voifi-
уа
nage où on le voit à découvert , d'autres où
il faut creufer pour le trouver , s'étant formé
par fucceffion de temps un second Marais.
sur le premier. L'Auteur a obfervé que le
Marais de deffous le Briquetage , eft une vase
Fij ex
1166 MERCURE DE FRANCE
extrêmement gluante , & qui n'a point de
fond. Le second Marais a quelquefois jusqu'à
onze pieds d'épaiffeur. Ce qui prouve
que ce Briquetage eft au moins du temps des
Romains , eft qu'on a trouvé en quelques
endroits des fourneaux bâtis deffus , avec un
Vase , dont l'Inscription CASSIUS FECIT,
marque que cette Fabrique apartenoit à un
Romain.
le
On avoit avancé dans quelques Differtations
, que ce Briquetage étoit une voute qui
avoit été faite pour porter un Aqueduc depuis
Dieuse jufqu'à Moyenvic ; ou que
feu s'étant mis autrefois dans le Marais ,
c'étoit ce qui en avoit cuit la terre , mais les
empreintes des doigts qu'on voit deffus , eft
une preuve
invincible contre ce dernier sentiment.
L'Auteur héſite avec raison , s'il raportera
une Tradition , qui porte qu'un Tarquin
avoit bâti un Fort dans le Lieu voiſin ,
qui en a retenu le nom de Tarquinpole ; en
effet il y a affés lieu de la rejetter , après les
preuves qu'il raporte que ce n'eft que depuis
peu qu'on a donné au nom de ce Village un
air moitié Romain & moitié Grec , & que
si on consulte les anciens Titres , on y trouvera
dequoi reconnoître que c'étoit Tarkem
phuld , ce qui fignifioit Deffeché Marais.
Ce Lieu de Tarkemphoul , fitué au milieu
de l'Etang de l'Yndre , paroît avoir été autrefois
JUIN. 1740. 1167

1
trefois considerable . On y voit des débris de
mur d'une grande épaiffeur , l'emplacement
d'un gros Château , & une Chauffée Romai◄
ne. Il y a des reftes d'Inscriptions , où on lit
le nom d'un M. Monianius Magnus , &
quelques reftes de Statues antiques , mais
fort mutilées . On découvre journellement
en ce Lieu d'anciennes Médailles Romaines .
On continuë , dit l'Auteur , à y démolir tous
les jours , & on n'y laiffe que ce que les outils
les plus acerés n'en peuvent emporter. Ici
cet Ecrivain déplore que tant de Monumens
auffi refpectables deviennent une carriere publique
, & que de pareilles Antiquités se
trouvent anéanties par d'ignorantes mains,
qui n'en connoissent que le prix de la matiere.
M. de la Sauvagere s'étend dans le refte
de sa Dissertation à raporter tout ce qu'il a
pû trouver sur Marsal. Il dit en paſſant un
mot sur Dieuze , qu'il assûre être le Decempagi
de l'Itineraire d'Antonin , à égale distance
de Metz & de Saverne , c'est - à - dire à
vingt milles de l'un & l'autre endroit. Marsal
eft célebre par le martyre de S. Livier , arrivé
vers le milieu du V. siécle . C'étoit un
Chrétien qui conduisoit des troupes contre
les Barbares. Cette Ville a depuis apartenu
aux Evêques de Metz : mais ce sont des
Faits qui sont dans tous les Dictionaires . Le
Fiij reſte
1168 MERCURE DE FRANCE
refte eft comme une espece de Chronique de
Marsal ; & il seroit à souhaiter que toutes
les petites Villes de France en eussent
une auffi détaillée. Les Planches qui terminent
cet Ouvrage , sont très belles & bien
gravées. On y entre dans un détail qui représente
les chofes comme fi on les voyoit sur
les Lieux. Nous efperons que si l'Auteur
donne une seconde Edition de son Ecrit , il
voudra bien fournir au Public une Notice
de Dieuze , de Moyenvic , & autres Lieux
principaux, nommés dans les Planches qu'il a
fait graver. On ne sçauroit defirer avec trop
d'empreffement une Description détaillée de
toute la France , & de tout ce qui se peut
dire d'hiftorique sur chaque Lieu. La vraye
prononciation du nom de chaque Province ou
de chaque Contrée seroit auffi très- utile à fçavoir.
M.de la Sauvagere n'a pas oublié de marquer
à la page 15. que dans le Canton du
Pays Meflin , dont il parle , c'eft- à- dire , aux
environs de Marsal , les habitans ne prononcent
aucune R dans leur langage , ( semblables
en cela aux Chinois , qui ne connoiffent
pas cette lettre , ) & qu'ils disent Maa au
lieu deMarsal , d'où il pourroit venir qu'ils
disent auffi Taquimpole pour Tarquemphoul.
>
HISTOIRE ECCLESIASTIQUE de la Ville de
Montpellier. Contenant l'origine de son Eglise ,
La
JUIN. 1740; 1169
la Suite de ses Evêques , ses Eglises particulieres
, ses Monafteres Anciens & Modernes ;
ses Hôpitaux. Avec un Abregé Hiftorique de
son Univerfité & de ses Colleges . Par Meſſire
Charles DEGREFEUILLE , Prêtre , Docteur en
Theologie , Chanoine de la Cathédrale. I. Vol .
in -fol. A Montpellier , chés les Srs Rigaud
Pere & Fils , Marchands Libraires , à la Bible
d'or, M. DCC . XXXIX .
saga-
Cet Ouvrage eft dû au zele & à la
cité de M. l'Abbé Degrefeuille , qui a auffi
travaillé à l'Hiftoire Civile de la Ville de
Montpellier. Il eft proche Parent de M. Degrefeuille
, Préfident de la Chambre des
Comptes de la même Ville , que nous avons
cû l'honneur de voir à Paris , lequel se distingue
aussi dans la belle Litterature , & en
particulier dans l'Etude de la sçavante Antiquité.
L'Histoire Ecclefiaftique de Montpellier
ne pouvoit guére tomber en de
meilleures mains ; elle eft en effet remplie de
Reherches curieuses , utiles , édifiantes , &
mises dans un ordre qui plaira , sans doute
aux connoiffeurs ; écrite d'ailleurs dans le
ſtyle convenable , & avec une pureté de langage
qui ne se trouve pas toûjours dans les
Ecrivains de Province.
Nous allons donner le Plan de cet Hiftoire
; ce qui nous dispensera d'entrer dans un
détail qui nous jetteroit au- delà de nos bor-
Fiiij nes
>
1170 MERCURE DE FRANCE
nes ordinaires. Comme l'Eglise de Magne
lone a souffert divers changemens confidérables
depuis fon Etabliffement , l'Auteur a
crû que pour les rendre plus senfibles au
Lecteur , il devoit en faire les principales
Epoques de son Hiftoire. Ainfi après avoir
raporté dans le I. Livre tout ce qu'on trouve
de plus certain sur son origine , & sur ses
premiers Evêques , jusqu'à la deftruction de
Maguelone , sous Charles Martel , il parcourt
dans le II . les Evêques qui tinrent le
Siége au Lieu nommé Subftantion , pendant
300. ans. Ils retournerent ensuite à Maguelone
dans le XII . siécle , où ils établirent
une nouvelle maniere de vivre parmi les
Chanoines , ce qui fait le sujet du ÎII . & du
IV . Livres. Enfin sous le Roy François I. le
Siége de Maguelone & son Chapitre ayant
été transferés à Montpellier , ils y furent exposés
à tous les troubles que les Calviniftes
causerent dans cette Ville , jusqu'à l'heureux
Regne de Louis XIII.
la
L'Hiftoire particuliere des Monafteres &
des Hôpitaux a parû à notre Auteur avoir
une si grande liaison avec celle des Evêques ,
qu'il a crû ne pouvoir pas fe difpenser d'en
faire des Articles particuliers , tant pour
satisfaction des Personnes qui demeurent
dans ces Lieux , que pour servir de confirmation
à tout ce qui en eft touché dans cet
Ouvrage. II
JUIN. 1740. 1171
Il a crû auffi devoir comprendre dans le
même Volume l'Article particulier de l'Univerfité
de Montpellier , à cause de la Prérogative
des Evêques de ce Siége , d'en être les
Chanceliers. Et pour ne pas omettre les
Personnes diftinguées par leur piété , qui
sont originaires de cette Ville, ou du Diocèse
, l'Auteur donne un Abregé de leur Vie ,
comme la Partie la plus précieuse d'une Histoire
Eccléfiaftique.
Enfin pour donner des preuves de tout
ce qui eft dir dans l'Hiftoire des Evêques ,
il ajoûte celle qu'Arnaud de Verdale, Evêque
de Maguelone , écrivit dans le XV. siécle ,
sur tous ses Prédeceffeurs , dont le P. Labbe
a donné des Fragmens dans sa Bibliothéque,
lesquels sont ici inserées en entier , ayant,
dit l'Auteur , été affés heureux pour en recouvrer
les originaux de feu M. Plantavit
de la Pauze , Evêque de Lodeve & du
célebre François Bosquet , Evêque de Montpellier.
Tel eft le Plan de cette Hiftoire , contenuë
en XIII . Livres , & formant un Corps d'Ouvrage
de plus de 450. pages , parfaitement
bien imprimé. Il eft à souhaiter pour l'exécution
entiere du Projet , que l'Auteur enrichiffe
bien tôt le Public de l'Hiftoire Civile
de la même Ville .
1
Fv
1172 MERCURE DE FRANCE
REGLES pour former un Avocat , tirées
des plus fameux Auteurs , tant anciens que
modernes , avec un Index des Livres de Jurifprudence
les plus néceffaires à un Avocat.
Nouvelle Edition . Dédiées à Mrs les Avocats
au Parlement . A Paris , chés Mesnier , ruë
S. Severin , au Soleil d'or , ou au Palais ,
Grand' - Salle , même enfeigne. 1740. Vol.
ik- 12 . de 364. pages.
Cet Ouvrage eft de Me Biarnoy de Mer
ville , ancien Avocat au Parlement , connu
par plufieurs Traités de Jurifprudence qu'il a
donnés au Public . Celui - ci parût pour la
premiere fois en 1711. La nouvelle Edition
que l'on vient d'en faire , a été revûë & corrigée
en beaucoup d'endroits , furtout pour
en rendre le ftyle plus correct , & le langage
plus pur ; & on y a ajoûté à la fin un Index
des Livres de Jurifprudence les plus néceffaires
à un Avocat , lequel n'étoit point dans la
précedente Edition.
Rien n'étoit plus convenable que de dé
dier à l'Ordre des Avocats , un Recueil de
Regles qui ont pour objet de former un Avo
cat : c'eft auffi ce qui a engagé l'Auteur à
dédier cet Ouvrage à ses Confreres . Celui
que le sçavant Dom Mabillon avoit donné
au Public sur l'Etude des jeunes Religieux ,
& qui fut aplaudi de tout le monde , fit naître
à M. de Merville l'idée de faire la même
chofe
JUIN. 1740 1173
chose pour les jeunes Avocats . Les Regles
qu'il a recueillies dans cette vûë , sont divisées
en plufieurs Titres ou Chapitres .
"
Le I. Traité de ce Chapitre , parle de l'Eloquence
en géneral ; mais l'Auteur la ramene
à son objet , c'eſt- à - dire , à l'Eloquence
du Barreau. » Personne n'ignore , dit-il , que
» l'Eloquence n'a pas été seulement l'orne-
» ment d'Athenes & la gloire de Rome ,
» mais encore de prefque tout le monde.
» Avant qu'il y eût des Platons & des Dé--
» mofthenes dans la Grece , des Photius &
» des Cicerons dans l'Italie , il y en avoit eû
» dans la Chaldée & dans la Paleſtine.
,
» Mais sans sortir de nos terres , les Fran-
» çois n'ont-ils pas toûjours excellé dans
» l'art de bien dire ? Il semble même qu'ils
» reçoivent ce talent avec la vie. Aufli voyons-
>> nous que dans tous les temps la France à
» excellé dans l'Eloquence du Barreau , &
» que les grands Hommes qui se sont distingués
dans cette noble carriere , ne cé-
» doient en rien aux Démofthenes , aux Sul-
» pices , aux Hortenses , & aux Cicerons.
» Et ne seroit il pas permis de dire que notre
Eloquence a des beautés , des graces , un
ordre , une élegance que ces anciens Ora-
» teurs n'avoient pas ? Trouve - t- on dans les
» Oraisons de Démofthenes & de Ciceron
Pordre qui se trouve dans les Plaidoyers
"
F vj » des
1174 MERCURE DE FRANCE
ور
» des célebres Orateurs qui ont parû dans
» tous les temps dans nos Parlemens & autres
» Cours Souveraines ? Le ftyle imperieux des
» Grecs & des Romains, a -t il quelque raport
» avec la douceur & la modeftie du ftyle François
? Ne sçavons-nous pas que quand nos
» Rois ont parlé dans les Affemblées des
» Etats, & que l'Eloquence Françoise y séoit,
» la Couronne sur la tête & le Sceptre à la
» main , leur Majefté étoit toujours temperée
par la douceur , & leur autorité accompagnée
de graces ? Quelle difference n'y atil
point entre l'Areopage d'Athenes & le
» Sénat de Rome, & nos Parlemens & Cours
» Souveraines , entre les Philippiques des
» uns & les Remontrances des autres , entre
» les Démofthenes & les Cicerons , & nos
» Avocats Géneraux qui requierent , & nos
» Avocats qui plaident ? & c.
ןכ
Dans le Titre suivant , l'Auteur traite de
la nobleffe & des prérogatives de la Profeffion
d'Avocat ; il rapelle à ce sujet les titres
éminens de nobles , très- nobles , & de clariffimes
& les graces & privileges que les Empercurs
Romains avoient accordés aux Avo-
Cats ; ajoûtant qu'en France les Dignités les
plus éminentes de la Magiftrature ont été
pendant plufieurs fiécles le prix & la récompense
des Avocats qui s'étoient diftingués au
Barreau qu'on a même vû des Souverains
descen-
"
JUIN. 1740%
1175
descendre du Trône au Barreau , pour y
plaider en qualité d'Avocats , comme firent
Richard , Roy d'Angleterre , Antoine , fils
d'Henri III. auffi Roy d'Angleterre , un premier
Souverain de Dauphiné , & plufieurs
autres Princes qui n'ont pas dédaigné de se
faire recevoir Avocats ; enfin que l'Eglise
les a honorés de ses plus éminentes Dignités,
même du Souverain Pontificat.
Dans un autre Titre , l'Auteur parle de la
fcience de l'Avocat , c'eft - à- dire des differentes
sciences , dont la connoiffance lui eft
néceſſaire , sçavoir , l'Eloquence la lecture
des Poëtes , l'Hiftoire Sainte & Prophane, &
tout ce qui eft du reffort des Belles Lettres ,
mais furtout l'Etude du Droit Civil & Canonique
, des Ordonnances , Edits & Déclarations
de nos Rois , des Coûtumes , de la Jurifprudence
des Arrêts , des Traités de Droit
& de Pratique.
Il donne ensuite les regles de la Compofition
, c'eſt à- dire , de la maniere de parler
& d'écrire, qui convient à l'Avocat. Ce Chapitre
eft subdivisé en cinq Sections , où notre
Auteur explique les les des differentes
parties de la Compofition , sçavoi , l'Exorde ,
l'expofition du Fait , l'établiſſement des
Moyens , la réfutation des Objections , &
la Peroraiſon , ou Conclufion du Difcours.
II
17% MERCURE DE FRANCE
Il n'a pas oublié de parler de la Prononciation
, & il donne les regles de la Déclamation
propre au Barreau.
Enfin dans le dernier Titre il traite des
'differentes qualités de l'Avocat. I dit que
P'Orateur doit briller principalement par les
bonnes qualités du coeur & de l'efprit , autant
que par fa fcience & par fes talens, pour
s'acquerir l'eftime & la confiance des Magistrats
& du Public.
Cet Ouvrage eft curieux & inftructif ,
principalement pour les jeunes Avocats , auffi
Bien que l'Index de Livres qui eſt à la suite.
On n'a pas prétendu donner un Catalogue
complet de tous les Livres de Jurifprudence,
ce qui eût été trop étendu ; on s'eft borné à
indiquer les Livres les plus néceffaires , tels
que les Textes des Loix & des Coûtumes
les Commentaires & les Traités particuliers ,
les Livres de Pratique , & c. ce qui peut être
fort utile , furtout dans les Provinces , où les
jeunes gens ont moins d'occafions de con
noître les Livres qui leur font néceffaires.
Il parut à Urbin l'année derniere , un Volume
in- 8°. fur la Paffion de N. S. intitulé : Lezioni sopra
la Paffione del Signore. L'Auteur de cet Ouvrage ,
eft le fçavant M. Averani , Profeffeur ès Loix dans
P'Univerfité de Pise , qui a mis au jour plufieurs-
Ouvrages qui ont été reçus avec-aplaudiffement des
Amateurs
1
JUIN. 1740. 1177
Amateurs des bonnes Lettres . Celui - ci paroît digne
de la réputation de fon Auteur , foit par l'érudi
tion choifie , Sacrée & Profane, dont il eft rempli ,
foit par les foins que P'Academie même de Pezaro
a pris de le rediger & de le donner au Public. Il
roule fur les principales circonftances de la Paffion ,
& celle que l'Auteur femble avoir traitée avec le plus
d'étendue , eft la fameuse Eclipse de Soleil , qui arriva
au temps de la mort du Sauveur , que M. Averani
foûtient avoir été & génerale , & contre le
cours de la Nature.
PLAN DE PARIS , commencé en l'année
1734 deffiné & gravé fous les ordres de M.
MICHEL- ETIENNE TURGOT , Marquis de Sousmons
, Seigneur de S. Germain- fur - Eaulne , Vatierville
, & autres Lieux , Conseiller d'Etat , Prévôt
des Marchands ; Henri Millon , Ecuyer Conseiller
du Roy , Quartinier ; Philipe le Fort , Ecuyer . Jean-
Claude Fauconnet , de Vildé , Ecuyer , Conseiller
du Roy & de la Ville , Avocat en la Cour , Expéditionnaire
de Cour de Rome ; Claude - Auguftin Joffet,
Ecuyer , Conseiller du Roy , Avocat en la Cour ,
Expéditionaire en Cour de Rome , Echevins de la
Ville de Paris. Antoine Moriau , Ecuyer, Procureur
& Avocat du Roy & de la Ville ; Jean- Baptiste- Julien
Taitbout , Chevalier de l'Ordre du Roy , Greffier
en Chef ; Jacques Boucot , Chevalier de l'Ordre
du Roy , Receveur. Achevé de graver en 1739 .
de
On s'eft proposé en faisant graver ce Plan ,
faire voir d'un feul coup d'oeil tous les Edifices &
toutes les rues que Paris renferme ce qui ne pouvoit
s'executer qu'en prenant quelques licences que
les Regles aufteres de la Géométrie & de la Perspective
condamnent mais sans ces licences on auroit
perdu une partie des objets les plus intereffans ,
qui
1178 MERCURE DE FRANCE
qui fe feroient trouvés cachés par d'autres , ou entierement
défigurés. Quelques-uns des Fauxbourgs
n'ont pû entrer qu'en partie dans le Plan , qui feroit
devenu trop étendu fi on les y avoit fait voir en
entier. Quoiqu'on ait cherché à donner par cet
Ouvrage une jufte idée de cette grande Ville , on
ne fe fate pas d'y être parvenu , n'étant pas poffible
de rendre parfaitement à la fois , & l'immenfité de
cette Capitale , & la magnificence de toutes les parties
qui la composent. Če Plan a été levé & deffiné
par Louis Bretet , gravé par Claude Lucas , & écrit
par Aubin.
Il eft en Perspective , gravé en vingt Planches ,
& orné avec autant de goût que de magnificence ;
fe trouvant , lorsqu'elles font raffen blées , d'une
trop grande étendue pour être aisément conservé
dans les Bibliotheques , & ces vingt Planches pou
vant être reliées en volume , on a crû devoir , pour
en faciliter l'usage , faire graver une vingt- uniéme
Planche, dans laquelle le Plan eft réduit en petit,
fui ant le même trait de la Perspective qu'on a observé
dans le grand.
Ce Plan eft réduit & divisé par des lignes qui forment
20 carrés égaux , dont chacun renferme l'espace
jufte & les differentes parties de la Planche à
laquelle il a raport. Le chiffre qui fe trouve dans
un des coins de chaque carré du Plan réduit , indique
la Planche qu'il représente , où l'on trouvera
le même chiffre .
On voit très - diftinctement fur ce Plan , tous les
nouveaux accroiffemens qui ont été faits ; les Embelliffemens
& l'étenduë qui femble être fixée pour
toujours , la grandeur de la Ville & des Fauxbourgs
de Paris .
On y voit le nouveau Quartier de Gaillon , la Paroille
du Roulle , érigée en Fauxbourg de la Ville ;
27.
JUIN. 1740. 1179
27. Rues nouvellement ouvertes ou continuées en
differens Quartiers; dix Eglises Paroiffiales & autres,
bâties à neuf ou agrandies ; les Bâtimens de l'Hôtel
- Dieu confidérablement augmentés ; le nouveau
Pont des Cignes ; le petit Pont reconftruit , le Pont
de Bois rebâti pour la communication de l'Isle Notre-
Dame à la Cité ; les Quais de l'Ecole & du
Louvre , revétus & conftruits de neuf , avec des
Ports, des Abreuvoirs & des Descentes que l'on y a
pratiqués pour la facilité du Commerce & pour la
commodité du Public ; la fupreffion de la Porte de
la Conférence ; la continuation du Quai des Tuilleries
, & les revêtemens des Foffés qui forment
aujourd'hui un magnifique abord & le plus beau
point de vue de Paris ; la Porte de S. Honoré démolie
& fuprimée , pour faire au même endroit une
entrée vafte & convenable à la beauté de la Capitale
du Royaume. Deux Châteaux d'eau , celui de
la Samaritaine rebâti ; celui du Palais Royal , construit
à neuf , avec une Place au-devant ; huit nouvelles
Fontaines dans les Lieux les plus éloignés ;
plusieurs autres rétablies ; la Place de Louis le
Grand , décorée d'Edifices & entierement finie ;
deux nouvaux Marchés ; l'Hôtel des Mouquetaires
rebâti ; un grand nombre de Palais & d'Hôtels de
Princes, & de Seigneurs, qui ont choifi dans les Fauxbourgs
des emplacemens commodes, qu'ils ne trouvoient
point dans l'interieur de la Ville . Les riches
Citoyens fuivoient déji ces exemples , lorsque S. M.
jugea qu'il étoit néceffaire d'arrêter le cours des rapides
accroiffemens de Paris. On a marqué les bornes
qui ont été posées par les ordres du Roy , pour
fixer l'étendue de la Ville & des Fauxbourgs , & il
n'eft plus permis de bâtir au - delà de ces Limites.
On y a diftingué avec précifion les Lieux , même
les côtés des rues où les Bornes font placées , il eft
de
1180 MERCURE DE FRANCE
de l'interêt public d'en conferver la connoiffance
dans tous les temps. On y voit auffi plufieurs autres
changemens & tout ce qui a été fait pour l'embelliffement
& pour la décoration de cette grande
Ville.
L'Auteur de cet immense & laborieux Ouvrage ,
s'eft furpaffé lui-même ; mais que ne peut - on pas
entreprendre & porter à fa perfection , fous les or
dres & fecouru des lumieres de notre illuftre Prévôt
des Marchands , dont la mémoire ſera toujours
en bénediction dans Paris ?
Piget , Libraire , Quai des Auguftins , à l'Image
S. Jacques, vend un volume in - 12. intitulé : Recueil
d'Expériences & d'Observations Physiques fur la
Pierre, en particulier fur les effets du Remede de
Mlle Stephens ; par Mrs Morand & de Brémond, de
PAcadémie Royale des Sciences . Ce Volume fera
inceffamment fuivi d'un autre Tome fur la même
matiere ; nous donnerons l'Extrait de celui qui
paroît le mois prochain.
QUERELA Adolescentis in Mensem
Maium nimis pluviosum .
Q Uid tantum in superos peccavimus ? imbribus arva
Tota madent , densis maret sol conditus umbris ,
Quò Zephiri dulces , quò dulcia gaudia ruris
Excessere? Silent medio ceu tempore bruma
Attonita volucres , marcentibus aspera ramis
Poma harent , quin & gelidi inclementia Cali,
Spemque anni, & letas pluviis malè proteret uvas s
Nimbosum
JUIN. 1740: 1187
Nimbosum heu mensem ! heu pluvialia sydera Coeli !
Nempe erat hac nostro merces promissa labori ,
Hi dulces avium cantus , hac copia frugum ,
Hi lactis mustique lacus , hac pura voluptas !
Ergo pampinei , mea quondam gaudia , Colles ,
Vos rigua valles , vos dulcia rura Valete.
Le Sr Delajutais , Privilegié du Roy , demeurant
à Paris , rue Tirechape , chés le Sr Bertrand , Epicier,
du côté de la ruë Betiży , continuë de donner avec
fucccès fa Poudre Royale Fébrifuge , composée uniquement
de Plantes , qui a la vertu d'épurer & séparer
de la maffe du fang toute forte d'humeur fiévreuse
; évacuant auffi la bile & les glaires fans aucune
violence , & fans crainte qu'elle cause jamais
d'inflammation , ni qu'il en arrive aucun accidens ,
& bien loin que les Malades fe trouvent affoiblis
par fon opération , ils fe trouvent , au contraire >
par fa qualité cordiale , plus forts & plus légers ;
c'eft ce qu'on a reconnu dans les differentes
Maladies qu'elle a guéries ; telles que les Fluxions
de poitrine , Points de côté , Pleurefies , Dissenteries
, Flux de fang , de-même que toutes fortes
de Fievres , qui n'ont point procedé du vice de
quelques Parties principales.
Les Expériences en ont été faites dans les
Hôpitaux des Armées de S. M. dans plufieurs Colonies
de la Compagnie des Indes , dans differentes
Provinces du Royaume , en Hollande , de - même
que dans Paris , & Lieux circonvoiſins , fuivant
les Atteftations , dont le Sr Delajutais eft muni ,
faites par Gens dignes de foi , & très connus dans
Paris.
Cette Poudre a été taxée par le Roy , à 10. fols
la Prise.
CHANSON
1182 MERCURE DE FRANCE
CHANSON.
MEnage , cher Amant ,
L'excès de ma foiblesse ,
Ménage , cher Amant ,
Mon amoureux tourment ;
Contente-toi de ma vive tendresse ;
Tu sçais que je n'aime que toi ,
Et n'est ce point assés de te donner ma foi
Te rendant plus heureux, tu perdrois ta Maîtresse,
Hélas ! Tircis , hélas ! en te rendant vainqueur ,
Je perdrois pour jamais ton coeur .
CHANSONETTE ;
L Es rigueurs de Climene
N'éteignent point mes feux ;
Plus je porte sa chaine ,
Plus j'en chéris les noeuds.
*
Elle a de tous les charmes
Le fin , le gracieux ;
L'Amour forge ses Armes
Au feu de ses beaux yeux,
*
Du
THEN W
PUBLIC DEN
ARTOR, Lead AND
TILDEN HOUNDATION8,
THE
NEW
PUBLIC
INAARE
JUIN.
1183 1740:
Du penchant de son ame
Ses sentimens vainqueurs
D'une divine flâme
Embrasent tous les coeurs.
*
Ainsi sans esperance ,
Mais non pas sans amour ,
On brûle avec constance
Pour elle nuit & jour .
*
Ah ! soyez moins sévere ,
Beauté pour qui je meurs ,
Et d'un tendre mystere
Eprouvez les douceurs.
*
La raison qui nous gêne ;
Trahit tous nos désirs ;
Enyvrons -nous sans peine
D'amour & de plaisirs,

C'est par cette magie ;
Que , sans monter aux Cieux ;
On goûte en cette vie
Tous les plaisirs des Dieux .
SPEC
1184 MERCURE DE FRANCE
Att
SPECTACLES.
BAJAZET PREMIER , Tragédie
représentée au Théatre François au mois
Août dernier. Par M. le Chevalier de
P.*** Extrait.
ACTEURS.
Tamerlan , Empereur des Tartares , le Sr le
+
Grand,
Bajazet Premier , Empereur des Turcs , fait
prisonier par Tamerlan , le Sr Sarrazin.
Aftérie , fille de Bajazet , la Dlle Dumesnil.
Andronic , fils d'Emanuel , Empereur de
le Sr Grandval,
Omar , Officier de Tamerlan , le Sr de la
Torilliere:
Zaïde,Confidente d'Afterie, la Dlle Jouvenot.
Arcas , Confident d'Andronic,le Sr Fierville ,
Grece
>
La Scene eft à Samarcande , dans le Palais
de Tamerlan.
C
Ette Tragédie n'a pas eû beaucoup de
repréſentations ; l'Auteur en a interrompu
le cours ; voici la raison qu'il en
donne lui-même , dans une modefte Préf ce
qu'il a mise à la tête de l'impreffion : J'a
inge
JUIN. 1740 . 1185
jugé à propos d'interrompre les représentations;
mais ce n'eft point , comme on l'a déja publié ,
par le chagrin de les voir mal exécutées : tous
Les Acteurs s'y font prêtés de bonne
grace. Ce
lui qui a représenté Tamerlan n'auroit rien
laiffe à defirer , s'il étoit un peu plus dans l'habitude
de faire ces sortes de personnages. A
L'égard du rôle d' Afterie , je ne crois pas qu'il
put être en meilleures mains.
L'Auteur répond très - sensément à quel
ques objections qu'on lui a faites ; en voici
une , par exemple. On demande pourquoi
Afterie , qui reconnoît au troisiéme Acte , qu'
elle a eû tort de soupçonner la fidélité d'Andronic
, n'a point avec ce Prince une de ces
Scenes tendres , délicates , intereffantes , &filées
avec cet art enchanteur que nos Tragiques mo
dernes sçaventfi bien employer : la bienséance
ne lepermet pas le glaive eft suspendu sur la
tête de Bajazet Alterie eft déchirée par
préssentimens cruels. Quelle fituation pourpar
ler d'amour ! Paffons à la Piéce.
;
des
Au premier Acte , Bajaket ouvre la
Scene avec Omar , Officier de Tamerlan
Empereur des Tartares ; cet Officier lui
annonce que Tamerlan lui ordonne de
l'attendre le fier Sultan l'empêche d'en
dire d'avantage , & le renvoye par ces
mots : Allez , il pourra me l'aprendre.
Bajazet , dans la seconde Scene , étale son
Caractere
1186 MERCURE DE FRANCE
caractere , & expose sa fituation , par cea
Vers :
Tamerlan veut me voir ! quel objet odieux !
Quel spectacle ! un vainqueur va s'offrir à mes
yeux.
>
Un vainqueur ! Bajazet en devroit-il connoître ?
Je fuis Efclave enfin , et je vais voir mon Maître &c.
Mon bras victorieux , plus craint que le tonnerre
Chés vingt Peuples divers avoit porté la guerre ;
Et , du bruit de mon nom l'Univers étonné ,
A l'affervir entier me croyoit deftiné ;
Je le pensois moi - même &c .
Qui fut toujours vainqueur croit devoir toujours
l'être ;
Vain eſpoir ! vains efforts ! par quels affreux revers
Du faîte des Grandeurs,je tombai dans les fers ! &c.
Tamerlan vient en vainqueur généreux ,
lui demander son amitié : voici la réponse de
Bajazet :
Qu'entends-je ? & quelle eft ton audace
Aprends à me connoître. Une indigne prison
Auroit-elle à ce point égaré ma raison ?
Moi , ton Ami &c ! L'orgueil de ma naiffance
Ne voit point entre nous d'odieuse diſtance.
Les hommes font égaux, quand ils font vertueux ;
Mais un Trône élevé par des crimes heureux .....
Tout
JUIN. 1740. 1187
Tout l'amour que Tamerlan sent pour
Afterie , fille de son prisonnier , ne peut
l'empêcher de lui rendre fierté pour fierté ;
voici ce qu'il lui répond :
Qui té retient ? poursuis un difcours qui me brave ;
J'ai puni l'Ennemi , je pardonne à l'Eſclave &c .
Témeraire Captif , je sçaurai te confondre ;
Par un farouche orgueil tu crois te fignaler ;
· Mais je fçais le moyen de te faire trembler.
Tamerlan ne s'explique point sur l'amour
qu'il a pour Afterie ; il ordonne qu'on remene
Bajazet .
C'est à Odmar , que ce Maître irrité , découvre
ce qui fe paffe dans fon coeur. Odmarn'oublie
rien pour combattre un amour
qui ne peut que le rendre malheureux .
Afterie vient fléchir , s'il lui eft poffible ;
la colere de Tamerlan ; dans cette Scene il
n'eft nullement queftion d'amour ; Tamerlan
eft attendri par les larmes d'Afterie , &
lui dit :
Enfin vous le voulez , il faut vous satisfaire ;
Que lui-même aujourd'hui ne nous soit plus contraire
;
Tentez sur son esprit ce que peut votre amour ;
Vous sçaurez mes deffeins avant la fin du jour.
Afteric sort ; Tamerlan ordonne à Odmar
I. Vol. G d'aller
1188 MERCURE DE FRANCE
d'aller déclarer sa flamme à Bajazet , & finit
le premier Acte par
ces Vers :
Pour sçavoir l'effet de tes discours ,
Je m'en vais d'Andronic employer le fecours ;
Peut-être qu'avec lui Bajazet moins farouche ,
Daignera s'expliquer fur tout ce qui le touche.
Afterie commence ce second Acte avec
Zaide , sa confidente ; cette derniere eft
fort furprise de voir fa Maîtreffe fi trifte dans
un jour marqué pour la liberté de son Pere ;
Afterie lui fait entendre qu'il eft vrai qu'elle
va jouir du bonheur de revoir l'Auteur de fa
naiffance , mais qu'elle rougit d'une flamme
qui la rend indigne des bontés de fon Pere.
Elle lui déclare son amour pour Andronic ,
l'ennemi de son Pere , & lui raconte comment
cet amour eft né , avant qu'Emmanuel,
Pere d'Andronic eût déclaré la guerre à Bajazet.
Bajazet , après avoir témoigné à sa Fille
le plaifir qu'il a de la revoir , lui demande
quel eft le sort de ses autres Enfans ; Afteri:
lui aprend qu'ils sont échus en partage à
Emmanuel , dont ils sont Esclaves . Bajazet
lui annonce le deffein que Tamerlan a formé
de l'épouser , qu'Odmar vient de le lui déclarer
de la part de fon Maître , & qu'Andronic
eft chargé de le préparer à cet indigne
hymem
JUIN 1740 1189%
hymen. Afterie eft plus frapée de l'emploi
dont Andronic s'eft chargé , que de l'amour
de Tamerlan . Bajazet n'a pas beaucoup de
peine à lui rendre cet hymen odieux ; elle cft
doublement difposée à réſiſter à la volonté
de Tamerlan. Andronic vient , Afterie ne le
regarde qu'avec indignation .
,
Andronic témoigne à Bajazet le reproche
qu'il se fait d'avoir contribué à ses malheurs
, & s'excuse d'avoir été fi long temps à
le lui témoigner sur l'absence qu'il s'eft
imposée lui-même , pour n'être pas t'moin
des maux qu'il avoit causés par la derniere
victoire de Tamerlan , dont il avoit suivi les
Etendarts par l'ordre d'Emmanuel , son Pere.
Bajazet reçoit ses excuses avec beaucoup de
générosité. Andronic s'acquite de la commillion
dont Tamerlan l'a chargé . Bajazet
lui demande ce qu'il lui confeille de faire
dans une fi cruelle & fi honteuse fituation ;
Andronic lui représente que son sort en
dépend , & qu'un refus le perdra sans ressource
; Bajazet n'en dit pas d'avantage , &
dit à sa Fille de le suivre .
Andronic ouvre son coeur à Arcas ; il lui
déclare qu'il eft le Rival de Tamerlan ; &
qu'après s'être acquité de l'emploi indigne
dont fon Rival l'a chargé , il croit qu'il ne
doit rien oublier pour finir l'esclavage d'Asterie
& de son Pere : il finit l'Acte par ces
Yers ;
Gi A
190 MERCURE DE FRANCE.
Au sort de Tamerlan l'amitié m'intereffe ;
Je sçaurois immoler mes voeux à son bonheur ;
Mais je ne lui dois pas immoler mon honneur.
L'innocence gémit ; & mon ame allarmée
A ses triftes accens n'eft point accoûtumée ;
Et sans songer qui j'aime , ou qui je dois aimer,
Je ferai l'Ennemi de qui veut l'oprimer.
Au troisiéme Acte , Asterie se plaint vivement
à Zaïde de l'emploi dont Andronic
s'eft chargé auprès de Bajazet ; elle le soupçonne
d'inconftance & l'accuse même de ne
l'avoir jamais aimée ; elle jure de lui rendre
mépris pour mépris . Andronic vient & se
juftifie fi bien auprès d'Afterie , par le deffein
qu'il a formé de briser ses fers & ceux de
Bajazet , qu'elle lui rend la juſtice qui lui est
due ; elle le quitte après lui avoir dit :
Puiffent vos nobles soins n'être pas superflus !
J'y joindrai mes efforts , & s'il faut dire plus ,
L'Ami de Tamerlan excitoit ma colere ;
L'Ami de Bajazet ne sçauroit me déplaire .
>
Andronic est si charmé de ces dernieres
paroles d'Afterie , qu'il doute de son bonhcur
; il ne songe plus qu'à le mériter. Il en
fait part à Arcas , qui vient le joindre , & lui
crdonne de tout préparer pour exécuter le
généreux deffein qu'il a formé de fauver Bajazet
JUIN. 1740. 11gr
jet & Asterie par une prompte fuite. Arcas
a beau lui en faire prévoir le péril , & la difficulté
, il n'écoute que son amour.
Tamerlan vient & se plaint à Andronic
de sa lenteur à lui rendre compte de la commiffion
qu'il lui a donnée. Cette lenteur lui
fait croire qu'il n'a rien de bon à lui dire de
la part de Bajazet & d'Asterie ; il se détermine
à se venger avec éclat de leur infléxible
orgueil. Andronic prend la défense de ces
malheureux Esclaves avec tant d'ardeur ,
qu'il commence à devenir suspect à Tamerlan
, qui le quitte avec froideur , en lui disant
, qu'il ne s'abaiffera pas juſqu'à fuivre ses
conseils .
Andronic finit ce bel Acte , par ce Mo
nologue :
Ah ! je sçaurai du moins m'oposer à ta rage ,
Barbare ; ne croi pas achever ton ouvrage ;
Redoute les transports dont je suis animé ;
Je ne balance plus. Ton deffein eft formé ;
Le mien eft pris auffi : prépare la tempête ;
Mais crains que les éclats n'en tombent sur ta tête ;
Une égale fureur va conduire nos coups ;
Et c'eft au Ciel enfin à juger entre nous.
Au quatrième Acte , Tamerlan fait entendre
à Ødmar , qu'il a pris sa derniere résolution
; & qu'il veut dès ce jour recevoir la
G iij
main
1192 MERCURE DE FRANCE
main d'Asterie , ou faire donner la mort à
Bajazet : voici comment il s'explique .
pas
Ne m'importune plus Quoique tu puiffes dire ,
Qu'elle y consente , Omar , ou Bajazet expire .
Un amour fi peu généreux , ne peut que
révolter les Spectateurs , & l'on ne doit
douter que ce ne soit là le plus grand obſtacle
au succès de cette Tragédie. Dans la
Scene suivante , Tamerlan devient un peu
plus magnanime ; voici comme il parle à
Asterie :
Voyons qui de nous deux eft le plus magnanime.
Je ne vous retiens plus ; allez ; dès aujourd'hui
Bajazet peut partir , & vous - même avec lui ,
Pourvû que quelque jour vous rende à ma tendreſſe,
Mad me , j'en croirai votre fimple promeffe.
Ce retour de générofité ne lui rend pas
Asterie plus favorable. La condition qu'il lui
impose ne peut s'accorder avec son amour
pour Andronic , & la force à lui répondre :
Moi, je vous promettrois ... qu'osez vous exiger ?
Moi , je pourrois un jour .... Ah ! c'eft trop m'outrager.
Tamerlan outré de cette réponse , à laquelle
il ne s'attendoit pas , revient à sa premiere
férocité. Il voit bien qu'Asterie veut
conserver
<
JUIN. 1740: 1193
Conserver son coeur & sa main pour Andronic
; il a déja fait connoître à Odmar dans la
Scene précedente les soupçons jaloux dont
il est agité. Voici sur quoi il les a fondés.
Un Rival à nos yeux échape rarement.
Le zele d'Andronic à calmer ma vangeance ;
Ce difcours préparé , pour m'ôter l'efperance ;
Le foin de m'éviter , son trouble à mon aspect....
Pour tout dire en un mot, Andronic m'eft suspect.
Depuis deux mois entiers à partir il s'aprête ;
Pourquoi demeure - t'il,s'il n'eft rien qui l'arrête ?
Qui sçait si ce séjour , ce départ incertain.
Ne cache point encor quelque secret deſſein ? &c.
Observe tous ses pas &c.
Tamerlan ne peut plus cacher à Asterie les
foupçons qu'il a conçûs fur Andronic , &
lui dit :
Ah ! c'en eft trop enfin . Ma jufte . jaloufie
Par ce dernier refus eft affés éclaircie .
Cruelle ! vous vouliez que mon aveuglement
Vous mît entre les bras d'un plus heureux Amant.
Il fe livre tout entier à sa fureur & quitte
Asterie , avec ces terribles menaces :
Je ne dis plus qu'un mot. Songe à me fatisfaire ,
Ou n'accuſe toi de la mort de ton Pere ;
G iiij
que
C'eft
194 MERCURE DE FRANCE
C'eſt fon Arrêt enfin que tu vas prononcer .
Tu peux encor.... Adieu je te laiffe y penſer.
Asterie frémit du danger de fon Pere . Ba
jazet vient. Il demande à fa Fille quelles
font les dernieres réfolutions de Tamerlan ;
elle lui dit qu'il veut qu'elle l'épouse , ou
qu'à fon refus on le faffe mourir. Bajazet
s'attendrit sur le sort d'une fille si chere ;
il se détermine à la mort , & lui défend de
le suivre au tombeau.
Andronic vient déclarer pour la premiere
fois à Bajazet l'amour qu'il a pour fa Fille ; il
le prie de vouloir bien se prêter au deffein
qu'il a formé de briser ses fers . Bajazet s'y
opose par générofité ; mais enfin il y consent
& finit cet Acte par ces deux Vers :
à Andronic.
Songez que j'ai voulu vous fouftraire à ses coups i
à Afterie.
Ma Fille , en le perdant , tu perdras ton Epoux.
Nous ne dirons qu'un mot de ce dernier
Acte , pour ne pas paffer les bornes que nous
avons prescrites à nos Extraits. Asterie flotte
entre la crainte & l'esperance , sur l'évenement
qui se prépare cette nuit. Zaïde vient
lui annoncer que la conspiration d'Andronic
eft découverte , qu'il vient de le lui aprendre
lui -même , & qu'il va combattre. Tamerlan
JUIN. 1740. ; 1195
merlan vient avec Odmar ; Asterie fuit sa
présence.
Tamerlan fait le récit du combat , où il a
tué Andronic de sa propre main ; il se détermine
à ne plus differer la mort de Bajazet,
qu'on lui amene. Bajazet brave la mort que
Tamerlan lui annonce . Asterie vient voir
son Pere pour la derniere fois ; elle déclare
à Tamerlan qu'elle ne le craint plus , puifqu'elle
va mourir d'un poison qu'elle a pris
malgré les soins de ceux qu'il avoit chargés
de l'observer ; elle lui demande la grace de
son Pere ; Tamerlan attendri la lui accorde ,
mais Bajazet la refuse , & se poignarde à ses
yeux. Tamerlan voyant expirer le Pere & la
Fille , se reproche sa cruauté , & finit la
Tragédie par ces fix Vers :
Je ne me connois plus dans ces affreux momens.
O crime ! ô de mą honte éternels monumens !
Inutiles remords ! trop funefte foibleffe ! C
Suis je encor le vengeur & l'apui de la Grece ?
Aquitte ces grands noms , malheureux Tamerlang
Preads celui qui t'est dû ; tu n'es plus qu'un Tyran.
L'ingénieuse Comédie de l'Oracle , dont
nous avons déja donné un petit Extrait , &
dont la représentation & le jeu des Acteurs
font tant de plaifir, interrompue par la maladie
de la Dile Gaullin , fut remise au Théa-
Gv
tre
1196 MERCURE DE FRANCE
que
tre le 4. de ce mois , avec un Balet à la fin
;
le Public a fort aplaudi . Les Pas sont de
la compofition de M. Dangeville , de l'Académie
Royale de Mufique , & la Mufique
de M. de Grandval , dont les talens sont
très-connus.
Le premier Air de Symphonie , est une
Marche sur laquelle tous les Personnages du
Balet entrent à pas mesurés. Suit une Gavotte
tendre , dansée par la jeune Dlle Cammaffe.
Le Sr Dubois chante ces paroles , que
le Choeur répete.
La voix de notre Souveraine
Nous apelle en ces Lieux charmans ,
Et nous obéiffons sans peine
A de fi doux commandemens.
L'Orquestre joue une Forlane , que la Dlle
Cammaffe danse en Vieille , une bequille à
la main , avec autant de graces que d'agilité,
sans rien perdre de son caractere.
Les Dlles Quinault & Conel chantent en
Duo les paroles suiva"ntes :
C'eft la tendre perséverance
Qui met le comble à nos defirs ;
Lorfque l'Amour couronne la conftance ,
Il fait dire dans ses plaifirs ,
Ceft la tendre & c.
Quatre
JUIN. 1740. 1197
Quatre Danseurs commencent une Chaconne,
interrompuë & continuée par la Dlle Cammaffe
, en Arlequine , qui la danse jusqu'à la
fin,avec une vivacité des plus marquées ; elle
execute avec beaucoup de légereté & de
justeffe , les petites fingeries du Chapeau , de
la tête , &c. fans compter la Pirouette la plus
hardie qui ait été faite , & le tout d'une correction
surprenante.
Suit un Paffepied général , après lequel on
chante , Retenez bien &c.
La derniere Entrée est composée de deux
Rigaudons, dansés par la Dlle Cammaffe, le
Tambour de Basque à la main , avec toute
la précifion & toute la vivacité qu'on lui
connoît , mis avec des finesses , des expressions
delicates & justes , & des Pas recherchés
, formés & variés avec choix , qu'on ne
lui connoiffoit pas encore ; surtout des Pirouettes
batues des plus difficiles & des
plus surprenantes . Elle danse seule une Pantomime
de quatre caracteres differens ; le
premie: en Bohemienne gracieuse , sans Tambour.
On vient de parler des trois autres.
Après les Couplets chantés du Vaudeville ,
le Divertiffe ment , qui eft extrêmement goû- ,
té, par les Pas du Ballet , par les Airs de Symphonie
& par le Chant , est terminé par une
Contredanse.
G vj COU
1198 MERCURE DE FRANCE
La Dlle Lolotte Cammasse, vient de s'attirer
de nouveaux aplaudiffemens dans une nouvelle
Pantomine qu'elle danse en niaise , sur
un air Anglois , dans le goût de la Dlle Barbarina.
Elle danse auffi une nouvelle Entrée
sur l'air du Quatuor, espece de Paffacaille du
Balet de Zaide de M. Royer , qui a fait tant
de plaisir à l'Opera , & auquel la Dlle Lolotte
prête de nouveaux agrémens.
COUPLETS du Vaudevillle,
Dans ce Tableau , c'eft la Nature
Que l'on voit briller toute pure ;
L'Art se cache fi bien , qu'on ne l'aperçoit pas :
Tout Paris en eft idolâtre ;
Pour remplir Loges & Théatre ,
Cet Oracle eft plus sûr que celui de Calchas.
Amans , feignez d'être insensibles ;
Les Beautés les plus infléxibles
A vaincre vos froideurs trouveront mille
Les coeurs s'irritent par l'obſtacle ;
De l'Amour c'eft ici l'Oracle :
apas.
Cet Oracle eft plus sûr que celui de Calchas.
Damon , au front morne , à l'oeil sombre ,
Des Vulcains va groffir le nombre ,
En épousant Clariffe , il y court à grands pas ;
Sans
JUIN.
1199 1740.
Sans être un trop grand Aftrologue ,
Je l'inscris dans leur Catalogue :
Cet Oracle eft plus sûr que celui de Calchas.
Plaideur , qu'une longue chicane
A d'éternels ennuis condamne ,
A quoi bon consulter les meilleurs Avocats ?
Prends aimable Solliciteuse ;
Ton affaire n'eft plus douteuse :
Cet Oracle eft plus sûr que celui de Calchas .
Quel Dieu préfide à cette table ?
Mets exquis , boiffon délectable ;
Un Gascon par sa voix fait l'honneur du repas
Quelle abondance ! elle m'effraye ;
Ce n'eft pas le Gascon qui paye :
Cet Oracle eft plus sûr que celui de Calchas.
La jeune Eglé paroit sévere ;
Mais elle aime la bonne chére ;
Dreffez lui quelque piege au milieu d'un repas i
Le verre en main , qu'elle se grise ;
Dans vos filets , la voilà prise :
Cet Oracle eft plus sûr que celui de Calchas .
Barbons , qui d'une humeur jalouse ,
Sous la clef tenez jeune Epouse ,
Malgré tous vos véroüils & tous vos cadenats ,
l'Amour
1200 MERCURE DE FRANCE
L'Amour en prenant ses mesures ,
Aura la clef de vos serrures :
Cet Oracle eft plus sûr que celui de Calchas .
La Dile Gaus in au Parterre.
Nos Jeux , infaillible Parterre ,
Quand vous leur déclarez la guerre ,
Pour les vrais Connoiffeurs sont toujours sans apas;
Mais dès qu'ils ont votre suffrage
Du succès quel heureux présage !
Votre Oracle eft plus sûr que celui de Calchas.
L'interruption des Représentations de
cette Piece , causée par la maladie de la
Dlle Gaussin, a donné lieu aux Vers qu'on
va lire.
J'ai vû , Belle Gauffin , tout Cythere en allarmes ,
Vénus & Cupidon out tremblé pour tes jours ;
Les Jeux , les Graces , les Amours ,
Les Ris même ont versé des larmes ;
Oui , c'étoit fait de l'Empire amoureux ,
Si la Parque cût éteint le flambeau de ta vie ,
Et l'Enfant immortel qui forma tes beaux yeux ,
Ne pouvant pas te suivre au manoir ténebreux ,
Eût regardé d'un oeil d'envie
Le sort mortel que nous firent les Dieux.
SUR
JUIN. 1740. 1201
SUR la maladie de Mlle Gauffin ,
qu'on avoit dit morte.
Uel objet: quel état ! quoi sur la même couche.
Où le fils de Cypris allumoit son flambeau ,
Les yeux éteints , la pâleur sur la bouche ,
Languit ce que le Ciel a formé de plus beau !
La Mort attend , la Parque preffe ,
Vénus tremble , Pluton s'en émeut d'allegreffe ,
Et d'un Sceptre sanglant ce Dieu frapant les airs ,
Ouvre un paffage affreux de la Terre aux Enfers ;
Je vois le Stix , voilà la Barque infatigable ;
Avide d'un butin nouveau
Caron paroît s'empreffe & d'une main coupable...
Arrête ; c'en eft fai: ó sort impitoyable !
Le Trône des Amours en devient le tombeau.
Belle Gauffin , pardonne à mon ame effrayée ,
Du nombre des vivans je re croyois rayée ;
Déja j'apercevois à côté d'un cercueil ,
Et les Ris allarmés & les Graces en deuil ,
Déja dans les accès de mon trouble funeste ;
Egaré sur les sombes bords ,
Je te redemandois au Souverain des Morts ,
A toute la Troupe Céleste ,
Je conjurois les Dieux de m'ôter mon amour ;
S'ils ne vouloient te rendre au jour.
Ma mort alloit éteindre un feu qui me dévore ,
Mais
1202 MERCURE DE FRANCE
Mais au moment que mon coeur amoureux
Désesperoit de te revoir encore
Plus belle que jamais ne le parut l'Aurore ,
Tu devois renaître à nos yeux ; ·
Mes voeux sont accomplis , je te vois , je t'adore ;
Hélas ! en suis-je plus heureux !
AUTR E.
G Auffin alloit entrer dans la Barque legere ,
Ou, si j'en crois la Fable , on n'entre qu'une fois,
L'Amour reconnoiffant va reclamer sa Mere ,
Alors Caron trompé relâche de ses droits ,
Trompé ! quoi, ce barbare, & Pluton & Cerbere }
Oui , vraiment. O Mortels fi le Dieu de Cithere
A dupé des cruels qu'on ne dupa jamais ;
Contentons -nous quand nous le sommes ,
De souffrir , ou du moins de penser désormais ,
Que qui trompe les Dieux peut bien tromper
hommes.
les
Le 8. de ce mois , on donna au Théatre François
, fans l'annoncer , la premiere Représentation
d'une Tragédie nouvelle , intitulée , Zulime , dont
nous parlerons plus au long
Un Poëte qui sçait aprécier les talens , a adreſſé
à la grande Actrice qui y joue le principal Rôle ,
avec l'aplaudiffement unanime du Public les Vers
qu'on va lire.
Non , tu n'es point une Mortelle ,
Illustre Dumesnil, tes regards pleins de feux ,
Ton
JUI N. 1203 1740.
Ton port fier & majestueux
D'un Etre plus qu'humain sont l'image fidelle .
Ta déclamation exempte de défauts
Inspire à mon ame ravie
Un sentiment qui l'extasie ,
Et tes gestes jamais ne tomberent à faux.
Oui , tandis que l'Epoux d'Atide
Te paroît un Amant perfide ,
J'ai vu tes yeux mêlés d'amour & de fureur ;
Et quand pour tes bontés plein de reconnoissance,
Il se plaignoit de causer ton malheur ,
J'admirois jusqu'à ton silence.
Quelle précision , quel art , quelle grandeur !
Trois fois j'ai condamné trop d'amour dans Zulime .
Et toûjours ramené par ton jeu séducteur ,
Trois fois j'ai pardonné son amour & son crime.
Ramire a pú s'oposer à tes feux ,
Mais le Parterre a dû te consacrer fes voeux.
LETTRE SINGULIERE du Sr de
Lépine dit Floribel , Acteur Breton ,
à la
Dile de **** , Directrice de la Comédie à
Quimper. A Paris le 11. Juin 174 .
,
N dira ce qu'on voudra , Mademoiſelle, de la
Tragédie
nous eft de décider de fon véritable Auteur ; pour
accoûtumés que nous fommes par notre état, à n'avoir
pour les Auteurs vivans & partageans , qu'un
culte
1204 MERCURE DE FRANCE
culte très - moderé , habitués dès la jacquette a réci
ter des Vers excellens ou médiocres , & quelquefois
à fçavoir en faire la diftinction , vous pensez bien
que les petites négligences dont cette nouvelle Piéce
eft femée , n'ont échapé ni à M. votre grand
Coufin ni à moi ; mais j'avouerai cependant avec
plus de fimplicité que de modeftie , que je me trouve
, après l'avoir vûe , dans le même cas que Parmenion
; & fans m'embaraffer fi le célebre M. de
Voltaire fera content de paffer pour avoir fait cet
Ouvrage , je sçais bien que je voudrois fort que quelqu'un
de mes Camara les ou moi en euffions fait un
femblable ; tout Quimper feroit enchanté , nos dettes
feroient bientôt acquittées , nos habits à la Romaine
retirés de gage , & notre petite Troupe en
état de paroître avec diftinction aux Etats prochains.
Or voici le fait que j'abrege de mon mieux en qua
lité de votre très humble Correspondant. Imaginezvous
, Mlle , une Piéce toute de fiction d'un bout à
l'autre , fans le moindre petit fondement hiftorique,
dont le Héros n'a jamais affés de vertu pour convenir
d'une vérité qui doit décider du fort & détromper
une jeune Princeffe à qui il eft redevable de la
liberté & de la vie ; une Piéce dont les incidens paroiffent
ménagés quelquefois aux dépens de la vraifemblance
, & quafi toujours un peu précipités ;
voilà le côté répréhensible , fans doute , mais en
revanche , figurez- vous un ftyle naturel , qui chemine
, qui ne tient plus du Poëme Epique , un fecond
Acte qui enleve , quantité de Vers pleins de
fentiment & d'un fentiment délicat , fans être trop
recherché ; repréfentez- vous , non pas une vieille
Reine Elizabeth , qui veut qu'on l'aime ou qu'on
péuffe , mais une jeune Souveraine , qui n'a connu
l'Amour que fous le voile de la compaffion , dont
le coeur plein de droiture , juge de tout le monde
par
JUIN. 1740: 1205
par la propre fenfibilité , une Amante à qui la pasfion
la plus violente qui fût jamais , & une bonne
foi toujours refpectable , font facrifier par un enchaînement
fucceffif , fon Empire , fa réputation fa
liberté , les préjugés de fa Religon , l'amour filial le
plus tendre & le mieux fondé , enfin fa propre vie,
& qui plus eft , une vengeance affreuse à quoi tout
paroiffoit l'exciter .
Ce point de vue , fi je ne me trompe , renferme
l'image d'un Plan affés neuf , & quoiqu'il paroiffe
peut- être hors de l'humanité qu'une feule perfonne
foit capable de tant de facrifices à la fois , il ne
feroit pas mal aifé de prouver que chacun d'eux ,
pris féparément , a fourni des exemples aplaudis
dans nos meilleurs Ouvrages de Théatre ; donc leur
multiplicité , ou pour mieux dire , leur réunion , fi
elle eft bien amenée , ne peut que rendre l'interêt
plus vif & l'action plus touchante ; refte à difcuter
fi les fituations ont été combinées avec affés de foin ,
pour pouvoir remplir un pareil objet , & fi le but
moral de faire connoître le égaremens de toute espece
que l'amour entraîne avec soi , eft dévelopé
fuffifamment pour conduire le Spectateur à l'inftruction
qu'il faut croire qu'on lui propofe ; mais c'eſt
ce que je n'ai garde de vouloir examiner , car ainf
que vous me l'avez fouvent reproché , Mile ,
Les longs Ouvrages me font peur ,
Loin d'épuiser une matiere ,
On n'en doit prendre que lafleur.
C'eft-là du moins comme penfoit la Fontaine, ju
gez donc quel écueil c'eft pour un fimple Comédien
de Province, de fe jetter dans des Differtations à perte
de vue. Je fçais bien cependant que tout le monde
s'en mêle aujourd'hui , qu'un certain Cuifinier de
Paris ,
1206 MERCURE DE FRANCE
Paris , & un Patiffier de Londres , ont hardiment
donné leurs décifions fur le goût , les modes & les
Ouvrages d'efprit je fçais qu'on a adreffé au Public
en face , un avis ingénieux , mais moins propre à le
corriger , qu'à révolter quelques-uns de fes Membres
qui méritent le plus de ménagemens ; mais ni ce
Patiffier, ni ce Cuifinier , ne font point des autorités
pour moi ; je connois mes forces , je me contente de
faire la guerre à l'oeil , & quoique je ne parle ici que
de chofes de ma Profeffion ( en quoi je me crois auffi
fenfé qu'eux ) ma feule vûë eft de pouvoir continuër
à vous être utile , à vous , Mlle , premierement , &
au refte de mes Confreres , en vous indiquant de
bonne heure les nouveautés dont nous pourrons
régaler chés nous M l'Intendant lorsqu'il viendra
faire fa tournée ?
Encore une fois , s'il vous faut un examen critique
& bien circonftancié de Zulime , je déclare que
je n'en ai ni le talent, ni , moins encore, le courage:
Eh qui vous l'a donc ôté ce courage ? demanderezvous
peut être , vous , Mile , à qui j'ai eû la hardieffe
de communiquer tant de fois des idées
informes & fingulieres , qui n'ont eû de fuccès parmi
nous qu'à caufe de votre indulgence ou de vos
bontés pour mmooii;, eh bien , je vais vous l'avoüer de
bonne foi. Ce qui me met entierement hors d'état
de porter mon jugement fur ce nouvel Ouvrage ,
c'eft le jeu noble , varié & impofant de Mlle Dumessil
.... Point de jaloufie , s'il vous plaît , écou
tez- moi jusqu'au bout .
Dans le temps que je joüois les Amoureux en ſecond
, ou les Gardes Moulin en premier , je ne me
ferois pas avifé de faire un pareil aveu avec vous ,
mais à préfent que je deviens d'un âge à ne plus
doubler que les Rois , ou ce que nous apellons entre
nous les Rôles à Manteau , vous ne rifquez pas
grand
JUIN. 1207 1740 :
grand chofe à mon ingénuité , & Mlle Dumesnil ,
dont bien me fâche , y rifque tout auffi peu que
vous ; je ne la connois point & j'éviterai même de
la connoître , car fi j'avois jamais à repeter avec
elle un Rôle dans le goût de celui de Ramire , je
fens que je le jouerois tout à contre fens ; ainfi demeurons
tranquilles , c'eft même le confeil que j'ai
donné auffi à votre grand Coufin , en quoi j'ai
compté vous rendre fervice , car il paroffoit s'échauffer
plus qu'à ſon ordinaire , & entroit vivement
dans la paffion , ce matin , en geſticulant devant le
grand Miroir de notre Auberge.
Tout bien compté , Mile , ceci ne fera qu'un feu
de paille pour lui comme pour moi , n'en prenez
point d'inquiétude, mais ce fera l'époque d'un talent
bien rare & bien décidé pour cette charmante Actrice;
je fouhaiterois même de bon coeur que vous puffiez
mettre auprès d'elle pour quelques mois la petite
Rosette , votre quatrième fille , qui promet déja
beaucoup , & à laquelle vous fçavez que je m'interesse
tant. Je contribuerois bien volontiers aux frais du
Coche ; ce feroit en peu de temps un vrai Bijou , &
nous la rapellerions dès qu'elle feroit affés dégourdie
pour jouer l'Oracle ; je vous expliquerai ce que
c'eft que cet Oracle par le Courier prochain, vous ne
le devineriez jamais, mais vous aimerez cela fur ma
parole , car rien n'y languit & tout y fretille .
Il faudra caufer de tout ceci à fond à mon retour
, avec mon cher Compere , M. * ** ; mais en
attendant que je puiffe vous rendre compte exactement
des autres nouveautés que la Troupe Royale
prépare d'ici jufqu'au temps où je pourrai faire embaler
nos Décorations , auxquelles je veux faire
donner encore une couche ; il faut finir cette longue
Lettre , & je vais tâcher de l'égayer par quelques
méchans Vers impromptus ( car je n'en fais
ром
1208 MERCURE DE FRANCE
point d'autres ) qui vous expoferont d'une maniere
encore plus préciſe la vive impreffion que j'ai resfentie
dès la premiere Repréfentation de Zulime ,
jouée par une Actrice des plus accomplies de tout
point qu'on ait encore vûës fur la Scêne .
Vous avez , fuivant nos conventions , un droit
acquis fur les premices de toutes mes productions
quelconques , ainfi fufpendez votre Jugement fur
celle - ci , & n'allez pas vous offenfer d'une efpece
de déclaration qui vous pa oîtra fi fubite ; j'en ferai
bien d'autres pour vous, quand une fois le manque
d'argent m'aura fait quitter ce vilain Paris , &
que j'aurai regagné notre bonne Ville .
SUR la Tragédie de Zulime , Dixain , en
forme de Dialogue.
Zulime a des défauts ... eh qui vous le dispute
Qui n'en a point n'eft pas mortel ,
Mais malgré son amour aveugle ou criminel ,
Quand la Dumesnil l'execute ,
J'y retrouve Voltaire , & quittant la dispute ,
J'éprouve un suplice réel.
Plus Ramire à mes yeux est ingrat & cruel ,
Plus de Zulime en pleurs je déplore la chutte ;
A ses transports divers je suis moi-même en butte
Et dans mon coeur émû je lui dreſſe un Autel.
è
Je fuis toujours avec bien de la vénération , Mademoiſelle
, votre très affectionné Compere ,
De Lépine.
Le 31. Mai , l'Académie Royale de Mufique ;
que
JUIN. 1740. 1209
qui continue toujours le Balet des Sens avec beaucoup
de fuccès , fuprima la feconde Entrée , qui a
pour titre le l'oucher , & remit à la place celle de
P'Ouie ou des Sirenes , dans laquelle les Dlles Julie,
Fel & Bourbonnois , jouent les principaux Rôles ,
& les Srs le Page & Berard , ceux d'Uliſſe & d'Orphée.
On a donné l'Extrait de cet Acte dans le
Mercure de Juillet 1732. page 1616. La Dlle Lemaure
chante toûjours le Rôle de l'Amour d'une
maniere auffi inimitable que raviflante ; raviffement
que M. de Boiffi a exprimé en ces termes , en fortant
de l'Opéra .
Je viens d'entendre enfin cette Chanteuse unique ,
Qui pouffe jusqu'aux Cieux sa voix, sans la forc r,
Qui ne connoit d'autre art que l'art de prononcer ,
Et qui n'a que le coeur pour Maitre de Musique.
Le 11. les Comédiens Italiens donnerent une
Comédie Italienne en trois Actes , intitulée , le
Nauffrage d'Arlequin , avec trois Divertiffemens
dans les entre - Actes. Nous donnerons dans le second
Volume de ce mois le fujet de cette Piece ,
qui a été aplaudie.
Les Pensionnaires du College de Louis la Grand,
représenterent le premier Juin , la Tragédie d'Isaac ,
par le P. Brumoy , Auteur du Théatre des Grecs..
Cette Piéce paffe pour une des plus belles qui ait
été faite depuis les premiers Maîtres de la Scene
Françoise. La nobleffe du Sujet , la force des fentimens
, la magnificence de la Verfification , étoient
foûtenuës par les graces de la diction . Mrs Bertin ,
de Vauldrey , Chomel , d'Usez de Cruffol de Tenteniae
, de Sarron , d'Ombreval , executoient les
Rôles.
1210 MERCURE DE FRANCE
Rôles. L'attention , les larmes , les aplaudiffemeus
fouvent prodigués par une Affemblée choifie ,
étoient une preuve du prix de la Piéce & du choix
des Acteurs.
La Tragédie étoit fuivie d'une Comédie en un
Acte , par le P. de Radonvilliers. C'est une Critique
des moeurs de la Jeuneffe , intitulée , les Talens inutiles.
Deux Coufins , l'un agréable , mais frivole ;
l'autre aimable & folide , en font le contrafte &
l'intrigue. Le comique léger y eft avec tous les
agrémens. La fineffe n'y prend rien fur la naïveté.
L'esprit n'y refroidit point le coeur. Les petits Talens
y font réduits à leur jufte valeur . M. de Fontanieu
foûtenoit le frivole avec grace. M. de Leuville
faisoit aimer la fageffe. Mrs des Tonches , de
Breteuil , d'Ombreval , Turgot , d'Angennes , de
Gouffier , de Sarron , n'ont pas moins contribué
au fuccès de cet utile badinage. Enfin les plus difficiles
peuvent convenir que plus d'un Auteur s'eft
illuftré à moins de frais .
AU CHEVALIER SERVANDONI ,
sur sa Descente d'Enée aux Enfers , executée
sur le grand Théatre des Tuilleries ;
dont on a donné la derniere Représentation
le 16. de ce mois.
Tout ce qu'en Vers harmonieux
Virgile nous a fait comprendre ,
Servandoni le peint aux yeux.
C'eft en Enfer qu'il faut descendre !
Ce chemin me glace d'éffroi ,
Que vois-je ? Des Cavernes sombres ;
CG
JUIN. 1211 1746 .
Ce sont des Fantômes , des Ombres ,
Qui voltigent autour de moi.
Je tremble. Une autre Scene s'ouvre ,
Dieux ! c'est le Stix que je découvre ;
Sont ce de véritables Eaux ?
Seroit -ce une vaine peinture ?
Mais non , j'en entends le murmure ;
L'Onde coule à flots inégaux ;
Sur son sein une fresle Barque
Passe les Mortels que la Parque
A moissonnés de son Ciseau .
Ce liquide Element s'entàme ;
Il cede & se fend sous la Rame.
Servandoni , c'est ton Pinceau ,
Ton imagination vive ,
Qui m'enchante sur l'autre Rive . *
Le charme croît à chaque instanţ ,
Que ce Paysage est brillant
Dans cette agréable verdure
Se trouve l'aimable Nature ,
Elle y brille à mes yeux sans fard
Je la trouye dans ce feuillage ,
Sous ces berceaux , dans cet ombrage ;
Et toi seul m'aprends que c'est l'Art
Que je prends aujourd'hui pour elle ,
Que ce ne sont que des couleurs
Le Bo's où se promene Didon.
I. Vol
H Mises
1212 MERCURE DE FRANCE
,
Mises par un Pinceau fidele ,
Qui font ces Bosquets enchanteurs ,
Séjour d'illustres Malheureuses."
i
Ciel ! que de lamentables cris ?
Que ces images sont affreuses !
Dans des gouffres ensevelis ,
Qu'un Fleuve de fame environne ,
Ces malheureux me font horreur
Mon sang se glace , je frissonne
Mais je reviens de ma frayeur ,
Je sens mon ame plus tranquile ,
Quand je refléchis que ces feux ,
Ces tourmens , ce séjour affreux ,
Sont l'effet d'une main habile ,
Et d'un esprit ingénieux ,
Qui se plaît à tromper mes yeux.
Ce Bois respectable m'enchante ,
Que ce Ciel est pur & serein !
Qu'avec plaisir ma vûë errante
Se promene dans ce lointain ! -
Quoi donc ! un médiocre espace ,
Qu'un mur de quelques pieds embrasse
Devient un terrain spacieux !
Où courent se perdre mes yeux ?
Arrête , Muse téméraire :
Arrête , que prétend- tus faire ?
Si ce qu'en Vers harmonieux
Virgile nous a fait comprendre ,
servandoni
JUIN.
1740. 1213
Servandoni le peint aux yeux ,
Un Virgile seul pouvoit rendre ,
Par un tour aimable & nouveau ,
Tout ce qui sort de son Pinceau.
M. l'Abbé Godard.
NOUVELLES ETRANGERES.
O
TURQUIE.
N mande de Conftantinople du 10. Avril ,
que le Marquis de Villeneuve , Ambaffadeur
de France , y avoit reçû de Vienne le Portrait de
l'Empereur , enrichi de Diamans , de la valeur de
36 mille florins, & que ce même Ambaſſadeur avoit
aufli reçû de l'Imperatrice de Ruffie , un fort beau
Brillant, pefant so . grains , Mais que fon Excellence
avoit refusé une remise de 25 mille Roubles
cetre Princeffe lui avoit fait tenir .
que
Le Grand Seigneur a conclû avec le Roy des
deux Siciles un Traité de Commerce , qui fut figné
le 14. Avril dernier par le Grand Vifir , pour S. H.
& par ie Chevalier Finochietti , pour S. M. Sic .
Ce Traité porte que les Vaiffeaux, des Marchands
Turcs feront reçûs dans tous les Ports du Roy des
deux Siciles , & que les Ports de S. H. feront demême
ouverts à tous les Vaiffeaux des Marchands
Napolitans & Siciliens ; que les Sujets d'une Puissance
pourront com nereer librement dans les Etats
de l'autre & qu'ils y jouiront de tous les droits
dont joulent les autres Etrangers ; que les Marchandises
que les Napolitains & les Siciliens aporte-
Hij font
1214 MERCURE DE FRANCE
les
ront de Naples & de Sicile , ou qu'ils tireront des
Etats du Grand Seigneur , ne feront fujettes qu'aux
droits d'entrée & de fortie , déja établis , & que
Turcs qui fréquenteront les Foires des Royaumes
de Naple & de Sicile , ne payeront que les mêmes
droits qu'on exige des Marchands des autres Nations
; que les Négocians de l'une & l'autre Nation
pourront établir refpectivement des Facteurs dans.
les Ports de chacune de deux Puiffances ; que dans
toutes les affaires dont la décifion apartiendra aux
Tribunaux , on leur épargnera , autant qu'il fera
poffible , la longueur des procédures , & qu'ils auront
les mêmes prérogatives que les naturels du Pays.
Le Grand Seigneur a établi dans fon Empire des
Poftes reglées , à l'imitation de celles qui font dans
les Etats des Princes de l'Europe.
L
AFRIQUE.
Es avis reçûs d'Alger , portent que le Divan s'étant
affemblé pour déliberer sur la propofition
faite par les Chefs de la Milice , de profiter de la
conjoncture préfente pour affieger Oran , il avoit
été décidé que le Dey n'entreprendroit point ce
Siége.
ce
On écrit de Livourne , du commencement de
mois , qu'il y étoit arrivé depuis peu d'Afrique un
Bâtiment , par l'Equipage duquel on avoit apris que
le Dey de Tunis ayant surpris la Fortereffe de Chiroca
, où l'ancien Dey s'étoit retiré , ce dernier y
avoit été tué , & qu'on avoit exposé la tête fur le
haut des murailles ,
ALLE
JUIN.
1215 1740.
ALLEMAGNE .
12. ce mois de
N mande de Berlin , que le Roy y arriva le
12. de ce mois de Charlottenbourg . S. M.
donna audience aux Miniftres Etrangers pour la
premiere fois depuis fon avenement à la Couronne .
Le Prince Augufte Guillaume a été déclaré Feldt-
Maréchal , & le Roy a nommé le Prince Fréderic
Henri,Colonel du Régiment des Grands Grenadiers.
ITALIE.
Es Carmes Déchauffés tinrent à Rome le 7 ..
Mai , un Chapitre General , dans lequel ils élurent
le Pere Simphorien , François , pour General
de leur Ordre .
Le Sacre College a rendu un Decret par lequel
il eft ordonné tous les Gouverneurs & Commandans
des Ports de l'Etat Ecclefiaftique , d'empêcher
les Sujets du S. Siége de faire aucun armement , ni
public ni particulier , en faveur de l'Espagne ou de
l'Angleterre , de ne point permettre qu'aucun Vaisseau
Espagnol ou Anglois amene dans les Ports de
l'Etat Ecclefiaftique les prises qu'il aura faites , & fi
un Arma eur de l'une des deux Nations y entre , de
le retenir jusqu'à- ce que les Vaiffeaux Marchands
de l'autre Nation , qui mettront à la Voile , ay
eû le temps de s'éloigner à une certaine diſtance.
!
ent
On écrit de Rome du commencement de ce
mois , qu'une troupe de ces Bandits qui de l'Abruzze
ont paffé dans l'Etat Ecclefiaftique , a eû la
hardieffe d'entrer dans le Bourg de Sonnino , & de
vouloir forcer à main armée pendant la nuit les por
tes d'un Convent ; qu'ils feroient venus à bout de
leur entreprise , fi les Religieux n'avoient été promptement
fecourus par les Habitans , qui ayant pris
C
Hij
les
1216 MERCURE DE FRANCE
les Armes , mirent en fuite ces Bandits. L'Officier
qui commandoit dans le Bourg , s'étant barricadé
dans la maison , au lieu de fe mettre à la tête des
Habitans , a été caffé , & condamné à deux ans de
prifon . Le Gouvernemenr a fait publier qu'on donneroit
cent écus de récompenſe pour chaque Bandit
qui feroit remis entre les mains de la Juftice .
Le Pere Manaffes de Terni , Provincial de l'Umbrie,
a été élû Géneral des Capucins , dans le Chapitre
que ces Religieux tinrent à Rome au commencement
du mois de Juin."
VENIS E.
A Fête que la République avoit fait préparer
&
Saxe fut donnée le 5.Mai, avec la plus grande magnificence
; il y avoit une quantité confidérable de
Barques ou Peotes , ornées de Sculpture & de Dorure
, dont la richeffe furpaffoit tout ce qu'on a vu
jufqu'à préfent en ce genre. La premiere repréfentoit
l'Aurore qui arrofe un Jardin ; la feconde , un
Lion , couronné par la Renommée ; la troifiéme
an Chariot d'or , où le Prince étoit conduit en
triomphe ; la quatrième , les Jardins des Hesperides ;
la cinquiéme , le Soleil fur fon Char , tiré par quatre
Chevaux , fuivant l'Aurore ; la fixiéme , la Pologne
triomphante ; la feptiéme , la Défaite des Tartares
par les Polonois , la huitiéme , Junon & Diane en
Chaffereffes ; la neuviéme , la Paix triomphante ; la
dixiéme , les Jardins de Flore ; la onzième , Apollon
au Parnaffe , & la douzième , le Chariot de la Nuis
conduit par Neptune , qui pendant la courfe changea
trois fois de figure. Cette derniere Barque éroit
la plus grande de toutes & d'une hauteur extraor
dinaire.
Ces
JUIN. 1740. 1217
Ces Peotes étoient précedé's de quatre Félouques
légeres , à quatre Rameurs , & de quantité
d'autres , ornées richement . Elles marchoient à la
fuite de celle où étoit le Prince Royal & Electoral
de Saxe , accompagné d'un des Députés du Sénat,
Cette Barque étoit parée de damas bleu , avec des
galons & es franges d'argent . On voyoit à la Pou
pe & à la Proue deux Parafois de plumes de differentes
couleurs , & les habits des Rameurs étoient
femblables à ceux des Rameurs qui fervent le Doges
leurs Rames étoient ornées de Sculpture & ar
gentées.
Cette petite Flotte , auffi ingénieufe que magnifique
, partit de la Grande Croix , au bruit de divers
Inftrumens , dont les Peotes étoient remplies ; elles
remonterent le Canal jufqu'au Palais Foscarini ,
vis à vis lequel elles fe formerent en demi cercle
ce qui faifoit un point de vûë fort agréable.
Lorfque le Prince , qui occupoit le grand Apar
tement de ce Palais , fut monté dans la Barque qui
lui étoit deſtinée , toutes les Barques fe rendirent au
lieu d'où devoient partir les Félouques , dont les
Rameurs , qui avoient de fuperbes Livrées , ornées
de franges & de galons d'or & d'argent , devoient
disputer les Prix.
M. Bemto , qui étoit chargé de la Direction de la
Fête , ayant enfuite donné le fignal , les Rameurs
firent tous leurs efforts pour arriver à l'endroit
qui avoit été marqué , & qui étoit une grande Machine
de charpente , élevée à l'embouchure du Canal
de S. Paul , laquelle représentoit un Monftre
Marin , d'une énorme grandeur , lequel portoit fur
fon dos un Temple de Neptune.
On diftribua des Prix aux Rameurs des quatre
Félouques qui arriverent les premieres ; & le Prin--
ce Royal donna à ces Rameurs des marques de fa
libéralité.
Hij Le
1218 MERCURE DE FRANCE
}
Le Patriarche d'Aquilée , ayant voulu renouveller
l'usage de faire la vifite des Diocèses de ſa Jurisdiction
, usage qui avoit été interrompu pendant
70. ans , il commença par le Diocèse de Vérone ,
& en arrivant fur les confins du Véronois , il trouva
tous les Chanoines de l'Eglise Cathédrale qui
étoient allés au-devant de lui avec 24. caroffes , &
avec un Détachement de Dragons , qui l'accompagnerent
jusqu'à Vérone, ayant à leur tête un de leurs
Chapelains, qui étoit à cheval & qui portoit la Croix
Patriarchale .
Le premier Mai , veille de la Fête de l'Ascenfion ,
le Doge , accompagné de la Seigneurie , fe rendit
à l'Eglise Ducale de S. Marc , & il y entendit les
premieres Vêpres , auxquelles le Patriarche officia
pontificalement. On fit le même jour , avec les céremonies
accoûtumées , l'ouverture de la Foire , & le
foir on donna la premiere représentation d'un nouvel
Opera , intitulé , Juftano , premier Roy de Suede.
Le lendemain , jour de la Fête , le Doge étant
monté fur le Bucentaure , épousa la Mer , felon la
coûtume. Le Prince Electoral de Saxe affifta à cette
céremonie.
Ce Prince fe dispose à partir pour Vierne , & il a
déja fait diftribuer divers présens aux Nobles qui
l'ont accompagné pendant fon féjour à Venise. Le
Chevalier Pisani Mocenigo , un de ces Nobles , a reçû
de ce Prince une Montre & une Tabatiere , ornées
de Diamans , avec plufieurs Vafes de Porcelaine de
Saxe , montés en or.
Un particulier de Venise a trouvé le fecret d'imiter
cette Porcelaine , & on prétend que les Ouvrages
qui fortent de fes mains , ne le cedant ni
pour la blancheur ni pour l'éclat des couleurs à ceux
qui viennent de Dresde , l'emportent pour la correction
du Deffein .
NAPLES
JUIN. 1219 1740 .
L
NAPLE S.
A Place de Capitaine Géneral des Armes de
ce Royaume , vacante par la mort du Comte de
Charny , a été donnée par le Roy au Duc de Castro
Pignano Ambaffadeur de S. M. à la Cour de
France & on croit que le Comte de Caftromonté
, cy devant Ambassadeur du Roy à Venise ,
fera nommé pour aller rélider avec le même Caractere
auprès de S. M. T. C.
ISLE DE CORS E.
Na apris de la Baftie , que le Marquis de
Maillebois a oit fait marcher un détachement
de Grenadiers & les Miquelets , pour détruire dans
la Contrée de l'Isolacci toutes les habitations d'une
troupe de Rebelles qui continuent de tenir la campagne
, & de commett e toutes fortes de cruautés
fous les ordres du Barou d Troft , lequel est toujours
retiré avec fes gens les plus affidés dans des
Cavernes , d'où l'on le propofé de le chaffer .
On a fait embarquer à la Baftie pour Livourne ,
huit Paysans , dont plufieurs font parens du nommé
Jean Jacques Caftinetta , ancien Chef des Rebelles
, lequel fut banni l'année dernie : e avec quelques
autres Corses , foupçonnés de vouloir entretenir
la Révolte .
D'autres Lettres reçûës depuis , ajoutent que le
Baron de Troft s'étoit retiré vers les Piages de Tancia
& de Braci , dans l'esperance de trouver quelque
occafion de s'embarquer , & qu'un de tes adhérans
, à la tête d'une troupe de Bandis , continuoit
de faire des courses dans les environs.
Le Sénat de Genes a commé M. Dominique-Marie
Spinola , pour aller relever M. Mari en qualité
H v
de
1220 MERCURE DE FRANCE
de Commiffaire Géneral de la République dans l'Is
le de Corse.
Les Lettres de la Baftie , du commencement de
ce mois , marquent que le bruit venoit de s'y répandre
que les Bandits de l'Isolacci , qui faisoient
des courses dans les environs de Fiumorbo , avoient
fait demander leur pardon , & que le Marquis de
Maillebois avoit bien voulu le leur accorder , à
condition qu'ils fortiroient tous de l'Isle de Corse.
Selon les mêmes avis , ce Géneral a fait ordonner
aux Habitans de Lento , de Bigorno , de Campitello
& de quelques autres Lieux de la Côte ,
de lui remettre dans un certain temps qu'il leur a
prescrit , plusieurs Vagabonds qui commettent des
désordres dans la Campagne.
On aprend de Calvi , que le Baron de Troft , qui
avoit parû pendant quelque temps desesperer de
pouvoir fe foutenir , & qui n'étoit occupé qu'à
chercher les occafions de s'embarquer , avoit recommencé
ſes brigandages.
On a apris de Malthe , que le Conseil de l'Ordre
ayant consenti que le Grand- Maître disposât du
fort du Contre-Amiral Ali , qui avoit été pris en
1732. à la hauteur d'Alexandrie par le Bailly de
Chambray , en commandant un Vaiffeau de Sa
Hauteffe , nommé la Nouvelle Sultane , & avec lequel
il fe défendit pendant deux heures contre les
Vaiffeaux de la Religion , le Grand - Maître avoit
accordé la liberté à cet Officier Turc & à un de fes
Domestiques , en l'exhortant à rendre compte à
Conftantinople des bons traitemens qu'il a reçûs à
Malthe , afin que la génerofité des Chevaliers y
foit aufli eftimée , que leur valeur y eft connuë .
ESPAGNE
UIN. 1740. 7221
ESPAGNE.
O
N écrit de Madrid , que l'Armateur Don Pedre
Ignace de Goycoechea , qui commande
la Fregate la Notre- Dame du Mont Carmel , s'eft
emparé le 20. & le 21. du mois d'Avril dernier des
Vaiffeaux Anglois l'Isabelle Anne , l'Anne & l'Union
, & d'un autre Bâtiment de la même Nation ,
commandés par les Capitaines Robert Withe , Roger
Diering, Isaac Tyrrithe , & Richard Parquer , &
qu'il les a conduits à S , Sébastien . Le fecond , qui
eft de 240. tonneaux , faisoit voile de la nouvelle
Angleterre pour Bristol , & la principale partie de
fa charge confiftoit en bois propre à faire des Mats .
Les deux derniers , qui venoient de la Jamaïque ,
étoient chargés de Sucre & d'Epiceries , & ils font,
l'un de cent tonneaux , & l'autre de cent trente.
L
PORTUGAL.
"
E 7. du mois dernier , l'Escadre destinée pour
les Indes , partit du Port de Lisbonne. Le Roy
a donné au Marquis d'Ericeyra , nouveau Viceroy
des Etabliflemens Portugais , le Commandement de
cette Escadre , laquelle eft composée des Vaiffeaux
de Guerre la Notre Dame de l'Esperance , la
Notre-Dame du Mont Carmel , la Notre Dame
des Récompen.es la Notre-Dame de la. Conception
la Notre- Dame de Nazareth , & le Jesus
› de Villanova . Le Marquis d'Erice yra a arboré fon
Pavillon à bord du premier de ces Vaille 1UX & les
autres font commandés par Don Louis de Abren
Prego , par le Cheva ier de Pierrepont , par Doņ
Joseph Gaetan de Matos , par Don Antoine Charles
Pereira de Sousa , & par Don Bernard Antoine
Rebello de Fonceca .
,
Don François - Xavier Mascarenhas , Comman-
·H vj
dant
1222 MERCURE DE FRANCE
dant des quatre Bataillons que le Roy envoye
Goa , pour renforcer la Garnison de cette Place,
s'eft embarqué fur le Vaiffeau la Notre - Dame dis
Mont-Carmel. Il y a fur les Vaiffeaux de l'Escadre
une grande quantité d'armes , & de munitions
de guerre , & parmi les piéces de canons qu'elle
transporte à Goa , il y en a 16. de Campagne
, dont chacune tire vingt coups en très -peu de
temps , & qui font de l'invention de Don Jacob de
Weinholtz , Ingénieur en Chef & Sergent- Major
d'Artillerie.
Le Roy , accompagné du Prince du Brefil & des
Infants Don Pedre & Don Antoine alla à Cascaës ,
pour voir l'Escadre doubler la Barre qui eft à l'embouchure
du Tage . La Reine & la Princeffe du Brefil
la virent partir du Monaftere de Bon Voyage , &
P'Infant Don François fe rendit à deux lieuës de
Lisbonne avec un de fes Yachts , pour la voir paffer.
GRANDE-BRETAGNE.
Na apris de Londres , que le 19. Mai à huit
Neures du foir , les Seigneurs & les Dames de
la Cour s'étant affemblés au Palais de Saint James ,
dans l'Apartement du Roy , S. M. fe rendit à la
Chapelle Royale, où après qu'Elle eut figné le Contrat
de Mariage de la Princeffe Marie , le Duc de
Cumberland épousa cette Princeffe au nom du
Prince Frederic de Heffe Caffel . L'Archevêque de
Cantorbery leur donna la Bénediction Nuptiale , &
tous les Evêques qui étoient à Londres , affifterent à
cette Céremonie , pendant laquelle on fit une falve
génerale des canons de la Tour & du Parc de Saint
James.
A dix heures, le Roy foupa en public avec le Duc
de Cumberland & les Princeffes, & la nutit fuivante
il
JUIN. 1223 1740.

il y eut des Feux & des Illuminations dans toute la
Ville.
Le lendemain, S. M. reçût les complimes des Mi
niftres Etrangers , des Miniftres d'Etat , & de la
principale Nobieffe , à l'occafion du Mariage de la
Princeffe .
Des Lettres écrites de Portmahon le 29. Avril
dernier , portent que le Vaiffeau de Guerre le Garland
, y a conduit un Bâtiment Espagnol , qui étoit
chargé de munitions de guerre & de bouche , des →
tinées pour Pile de Mayorque. Il y avoit fur ce
Vaiffeau un Colonel , quatre Capitaines , un Lieutenant
, deux Enseignes , trois Sergens, & 26. Soldats,
avec 14. ou 15. Matelots.
On mande de la Ville de la Providence , que le
Capitaine Charles Hall , Commandant le Vaiffeau
la Virginie , a pris une Frégate Espagnole , richement
chargée , & une Barque fur laquelle on a
trouvé 20000, piéces de huit.
On a apris que le Happy Return & quatre autres
Vaiffeaux , chacun de 80. tonneaux, avoient été pris
par les Espagnols dans les environs de Penzance .
Selon quelques avis reçûs d'Amérique , le Capitaine
Hall a fait fur les Espagnols trois prises qu'on
eftime trente mille livres fterlings .
Le 24. Mai , à fix heures du matin , le Roy , accompagné
du Duc de Mancheſter , des Comtes de
Cowper & d'Albermale , du Vicomte de Fauconberg
& du Baron de Steimberg , fe rendit en chaise à
Wittehall , & S. M. y ayant paffé la Tamise , monta
en caroffe pour aller à Gravesende , où e le s'embarqua
vers les neuf heures à bord du Yacht la
Caroline.
Le Roy ayant continué de - là sa route vers le
Sherneef , S. M. a été obligée par les vents contraires
de s'y arrêter, & comme le vent a changé depuis
1224 MERCURE DE FRANCE
puis le 2. de ce mois , on croit qu'Elle aura pû en
partir le 3 .
Le lendemain du départ du Roy , les Seigneurs
nommés par S. M. pour avoir pendant fon absence
l'adminiftration des affaires du Royaume , s'affemblerent
chés le Chevalier Robert Walpool ."
Le même jour au foir, on aprit que, le vent étant
devenu plus favorable , le Roy avoit mis à la voile
le 2 à quatre heures après midi , pour paffer en
2.
Hollande .
Les Seigneurs Régens du Royaume ont prorogé
le Parlement qui devoit s'affembler le 16. de ce
mois jusqu'au 19. du mois prochain .
Le 17 de ce mois , les principales Personnes de
la Cour fe trouverent à la Toilette de la Princeffe
de Heffe , pour lui ſouhaiter un heureux voyage , &
le lendemain à quatre heures du matin , cette Princeffe
, fuivie d'un Détachement des Gardes du
Corps & des Grenadiers à cheval , partit pour fe
rendre à Caffel . Le Duc de Cumberland alla avec
ele jusqu'à Greenwich , où elle s'embarqua à bord
du Yacht la Marie , avec la Ducheffe de Dorset ,
Mylady Caroline Sackeville & les autres Dames
qui ont été nommées pour l'accompagner dans
fon voyage.
HOLLANDE & PAYS - BAS.
4 . O
N écrit de la H ye , qu'on y avoit reçû avis
de Hellevoet Sluys le de ce mois , le que
Roy de la Grande- Bretagne y étoit débarqué le même
jour à neuf heures du matin . S. M Br. pafla
vers les deux heures après midi à Rotterdam , où
Elle fut faluée d'une décharge génerale de l'Artillerie
des Remparts & elle arriva à Utrecht entre
cinq & fix heures du foir. Elle y coucha chés
M.
JUIN. 1740
1225
M. Pouchoud , fon Agent , & le lendemain Elle
continua la route pour le rendre à Hanover , d'où
l'on a apris qu'Elle y étoit arrivée le 6 .
***
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
E 12. Mars , Jean - Baptifte Altieri , Romain,
L Cardin Mars, ›
re-
Merulana ; mourut à Rome , dans le Conclave , âgé
de 66. ans , 7. mois & 6. jours . étant né de 6. Août
1673. Il avoit éte autrefois Clerc de la Chambre
Apoftolique , dont il devint Doyen. Il fut fait auffi
Préfident des Chemins le 27. Avril 1717. Le Pape
Benoît XIII proposa pour lui l'Archevêché de Tyr
inpartibus infidelium, le 12. Juin 1724. dans le prémier
Confiftoire qu'il tint après fon exaltation . Jean-
Baptifte Altieri , qui n'étoit encore que Diacre ,
çut l'Ordre de Prêtrise le 12. Juillet , & fut ensuite
Sacré le 16 du même mois dans la Chapelle du
Quirinal , par le Pape même , affifté des Archevêques
de Myrre , & de Nazianze . Il fut encore déclaré
Evêque Affiftant au Trône , le 1. Août , &
enfin créé Cardinal le 11. Septembre de la même
année 1724 Il en reçût le Chapeau le 16. fuivant ;
& le Pape ayant fait la céremonie de lui fermer la
bouche le 27. du même mois , & celle de la lui ouvrir
le 20. Novembre , il lui affigna le Titre de Saint
Mathieu. Il étoit frere puîné de Laurent Altieri né
le 9. Juillet 1671. Cardinal , premier Diacre du Titre
de Sainte Marie in via lata , créé le 13. Novembre
1690. par Alexandre VIII . Pape. Tous
deux fils de Gaspard Paluzzi Albertoni , qui ayant
épousé Laure - Catherine Altieri , Niece de Clement
X.
1226 MERCURE DE FRANCE
X Pape , fut adopté par ce Pontife dans la Famille
Altieri . Voyez les Généalogies des Souverains du
Monde, Tome II . contenant celles d'Italie , p . 659 ,
>
"
Le 31. Mai , Frederic - Guillaume Roy de Prufje ,
Margrave de Brandebourg , Grand- Chambellan ,
Prince & Electeur du S. Empire Romain , Prince
Souverain de Neufchâtel , & de Vallangin en Suisse
, Duc de Magdebourg , de Cleves , de Juliers ,
de Bergues , de Stettin , de Poméranie , des Caffubes
& des Vandales , de Mecklenbourg , & de
Croffen , en Silefie , Burgrave de Nuremberg ,
Prince de Halberstadt , de Minden , & de Cammin
, de Schwerin , de Ratzembourg & de
Moeurs , Comte de Hohenzollern , de Rupin ,
de la Marck , de Ravensberg , de Hohenfte n
de Teeklembourg , de Lingen , de Schwerini , de
Buren , & de Leerdam, Seigneur & Baron de Turnhout
. Seigneur de Ravenftein, du Pays de Stargard,
de Rottock de Lawenbourg, de Butou , & de Breda,
&c. mourut dans fa Maison de plaisance à Poftdam ,
âgé de 1 ans , 9 mois, & 27. jours , étant né le 4 .
Août 1688 ayant regné 27. ans , 3. mois & 6 jours .
Il étoit fils de Frederic III . du nom , Margrave de
Brandebourg , Electeur du S. Empire , qui le premier
prit le titre de Roy de Pruffe , fous le nom de
Frederic I. le 18. Janvier 1791. & qui mourut le
25. Février 1713. & de Sophie- Charlotte de Brunswick
Lunebourg , fa feconde femme, morte le premier
Février 70s , Le Roy de Pruffe qui vient de
mourir , avoit été marié le 28 Novembre 1706 .
avec Sophie- Dorothee de Brunswick- Lunebourg ,
née le 16. Mars 1687. fille de teu Georges- Louis I.
du nom , Roy de la Grande - Bretagne , Duc de
Brunswick-Lunebourg - Hanover , Electeur du S.
Empire , & de Sophie - Dorothée de Brunswick- Lunebourg-
Zell. Illa laiffe veuve , & il avoit cû d'elle
14.
JUIN. 1740. 1227

+
14. enfans , dont il en refte encore 10. fçavoir , 4 •
fils & 6. filles , qui font , fuivant l'ordre de leur
naiffance ,
Frederique- Sophie- Guillelmine , née le 3. Juillet
1709. & mariée le 20. Novembre 1731. avec Frederic-
Guillaume Margrave de Brandebourg- Bayreuch-
Culmbach , né le 10. Mai 1711 .
Frederic , né le 24. Janvier 1712 , à présent Roy
de Pruffe , Margrave de Brandebourg , E ecteur du
S. Empire , &c. qui fuccede à fon Pere dans tous
fes Etats . Il fut marié le 12. Juin 1733. avec Elizabet-
Chriftine de Brunswick - Lunebourg Beveren,
née le 8. Novembre 1715. fille aînée de Ferdinand-
Albert , Duc de Brunswick-Lunebourg- Beveren ,
aujourd'hui Duc de Wolfenbuttel , depuis 1735. &
d'Antoinette- Amélie de Brunswick-Wolfenbuttel-
Blankenberg , fon Epouse , foeur de l'Impératrice
regnante.
Frederique - Louise , née le 28. Sptembre 1714*
mariée le 30. Mai 1729. avec Charles- Frederic-
Guillaume , Margrave de Brandebourg- Anspach ou
Onoltzbach , né le 12. Mai 1712 .
Philippine - Charlotte , née le 13. Mars 1716. mariée
le 2. Juillet 1733. avec Charles , Prince héreditaire
de Brunswick- Lunebourg - Wolfenbuttel , né
le premier Août 1713 .
3. & frere de la nouvelle Reine
de Pruffe .
Sophie - Dorothée- Marie , née le 25. Janvier 1719.
mariée le 10. Novembre 1734 avec Frederic-
Guillaume , Margrave de Brandebourg- Schwet, né
le 27. Décembre 1700. fon Coufin , ayant le ger.
main fur elle , Chevalier de l'Aigle Noir , & Gouverneur
du Duché de Magdebourg .
Louise- Uirique , née le 24. Juillet 1720 .
Augufte- Guillaume , né le 9 Août 1722 .
Anne- Amelie , née le 9. Novembre 1723.
Frederic
1228 MERCURE DE FRANCE
* Frederic-Henri -Louis , né le 18. Janvier 1726.
Et Augufte Ferdinand , né le 23. Mai 1730 .
mourut ,
Le feu Roy a vû arriver le moment de fa mort
avec beaucoup de fermeté , & le jour même qu'il
il travailla avec un de fes Miniftres d'Etat
depuis cinq heures du matin jusqu'à dix , qu'il le fit
porter dans la chambre, où il ne voulut retenir auprès
de lui que la Reine , le Prince Royal , le Prince
Guillaume , fes Chapelains & ſes Médecins. Il paria
à la Reine & aux deux Princes avec autant de pré-.
sence d'esprit que d'amitié , & il fit paroître une
parfaite réfignation à la volonté de Dieu .
Nous avons apris de Berlin , que la maniere dont
on portera le deuil , a été reglée par un Ordonnance
particuliere du Roy regnant , par laquelle S M..
décide, que les Princes de la Maison Royale feront
habillés de drap avec les boutons de même ; ils por
teront des pleureuses fur les manches de l'habit &
fur celles de la veſte , avec des épées & boucles
noires , les Miniftres & la Nobleffe , de tout rang ,
feront habillés comme les Princes de la Maison
Royale , à l'exception qu'ils ne porteront des pleureuses
que fur les manches de l'habit , & qu'ils ne
feront point obligés d'habiller leurs gens de noir
ni de drapet leurs carofles , & que tous ceux qui
font au fervice de S. M. & qui ne font pas nobles ,'
ne porteront point de pleureuses.
FRANCE
JUIN. 1740. 1229
のの
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR, DE PARIS , &c.
,
E 4. de ce mois , veille de la Fête de la
Pentecôte , le Roy & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château les premieres
Vêpres , qui furent chantées par la Mufique.
Les , jour de la Fête , les Chevaliers ,
Commandeurs & Officiers de l'Ordre du
S. Efprit , s'étant rendus vers les onze heures
dans le Cabinet du Roy , S. M. tint un
Chapitre , dans lequel le Duc de Chartres ;
qui avoit été proposé le 2. du mois de Fevrier
dernier pour être Chevalier , fut admis,
Le Chapitre étant fini , le Duc de Chartres ,
en habit de Novice , fut introduit par le
Marquis de Breteüil , Sécretaire d'Etat, Commandeur
, Prévôt & Maître des Cérémonies
des Ordres du Roy, dans le Cabinet de S. M.
& il fut reçû Chevalier de l'Ordre de S. Mi
chel . Le Roy sortit ensuite de son apartement,
pour aller à la Chapelle, étant précedé
du Comte de Clermont , du Prince de Conty
, du Prince de Dombes du Comte d'Eu,
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre. Le Duc de Chartres marchoit
entre les Chevaliers & les Officiers , & le
Car
1230 MERCURE DE FRANCE.
Cardinal de Polignac étoit derriere S. M. Le
Roy , devant lequel les deux Huiffiers de la
Chambre portoient leurs Maffes , étoit en
Manteau , le Colier de l'Ordre pardeffus ;
ainfi que celui de l'Ordre de la Toifon d'Or.
Après la Grande Meffe qui fut célébrée par
1 Abbé Boffeau , Chapelain de la Chapelle
de Mufique , le Roy monta à fon Trône auprès
de l'Autel , où le Duc de Chartres fut
reçû par le Roy avec les cérémonies accoûtumées
, ayant pour Parains le Comte de
Clermont & le Prince de Conty.
La Reine , Monseigneur le Dauphin , &
Mefdames de France , enter dirent la même
Meffe dans la Tribune . L'après-midi , L. M.
affifterent aux Vêpres qui furent chantées par
la Mufique.
Le 16 , Fête du S. Sacrement , le Roy & la
Reine entendirent les Vêpres dans la même
Chapelle , & le foir L. M. affifterent au Salut,
qui fut chanté par la Muſique.
Le 23 , jour de l'Octave de la Fête du Saint
Sacrement , le Roy se rendit à l'Eglise de la
Paroiffe du Château , & S. M. après avoir
affifté à la Proceffion , y entendit la Grande
Meſſe.
Pendant l'Octave , le Roy & la Reine ,
Monfeigneur le Dauphin & Mefdames de
France , ont affifté tous les jours au Salut
dans differentes Eglifes.
Les
JUIN.
1231 1740.
Les Députés des Etats de Bourgogne eurent
le mois paffé audience de Madame la
Ducheffe , & firent leur compliment de
condoléance sur la mort de M. le Duc :
l'Abbé de Grosbois , Député pour le Clergé,
prononça la Harangue , & s'étendit beaucoup
sur la ferme esperance que le Clergé &
la Nobleffe avoient d'éprouver dans le jeune
Prince de Condé les mêmes bontés dont il
avoit plû au feu Prince son Pere de les honorer
; ils curent ensuite audience de Madame
la Ducheffe seconde Douairiere, & du jeune
Prince , à l'Hôtel de Condé,
Le 29. Mai le Roy & la Reine de Pologne
arriverent à Trianon , où la Reine , accompagnée
de Monfeigneur le Dauphin &
de Mesdames de France ,alla voir L. M. P. le
lendemain. Le Chef de Brigade & l'Exempt
des Gardes du Corps que le Roy a nommés
pour commander la Garde de L. M. P. sont
Mrs de Chabane & de Dampierre ,
Le 12. la Reine entendit la Meffe dans la
Chapelle du Château , & S. M. communia
les mains du Cardinal de Fleury , son par
Grand Aumônier.
Le Régiment de Ponthieu , dont le feu
Marquis de Joyeuse étoit Colonel , a été
donné
1232 MERCURE DE FRANCE
2 1
donné au Vicomte de Joyeuse , son frere ,
Capitaine de Cavalerie dans le Régiment
d'Anjou .
Le 16 , Fête du S. Sacrement , le Roy ;
accompagné de Monfeigneur le Dauphin ,
du Duc d'Orleans , du Duc de Chartres , du
Comte de Clermont , du Prince d : Conty ,
du Prince de Donbes , du Comte d'Eu &
de ses principaux Officiers , se rendit à l'Eglise
de la Paroiffe du Château . S. M. y entendit
la Grande Meffe , après avoir a liſté à
la Procefion , laquelle fuivant l'ufage alla
à la Chapelle du Château . La Reine fe rendit
à la Chapelle , lorfque la Proceffion y
arriva.
Le même jour , le Prince de Conty présenta
pour la premiere fois le Cointe de la
Marche , fon fils , au Roy , à la Reine , à
Monfeigneur le Dauphin & à Mefdames de
France.
Le Roy a accordé au Prince de Turenne,
fils du Duc de Bouilion , la Charge de Colonel
Général de la Cavalerie , vacante par la
démillion volontaire du Conte d'Evreux
auquel S. M. a confervé les fonctions , juf
qu'à ce que le Prince soit en âge de les
exercer,
JUIN.
1233 1740:
Le jour de la Fête - Dieu , le Roy de Pologne
, Duc de I oraine , dîna chés le Duc
de Fleury , Quai des Th atins , après y avoir
vû paffer la Proceilion de S. Sulpice.
Le 17 , la Reine
alla dîner
à Trianon
avec
L. M. P. & retourna
sur le soir à Versailles
,
pour
affifter
au Salut
.
Le même jour Monseigneur le Dauphin
alla chaffer dans le Parc de Noisy.
Le 19 , les Députés des Etats d'Artois eurent
audience du Roy étant présentés par
le Prince Charles de Loraine , Gouverneur
de la Province , en survivance du Duc d'Elboeuf,
& par le Marquis de Breteuil , Sécretaire
d'Etat. Ils y furent conduits en la ma-*
niere accoûtumée par le Marquis de Dreux,
Grand Maître des Cérémonies, & par M, Def
granges, Maître des Cérémonies. La Députation
étoit composée de l'Abbé de la Grange,
Chanoine de l'Eglise Cathédrale d'Arras ,
pour le Clergé ; du Marquis de Brias de
Royon, pour la Nobleffe , & de M. Lagneaux,
Député du Tiers Ltat. L'Abbé de la Grange
porta la parole.
Le 23. de ce mois , M. l'Evêque de Quimper
fit la cérémonie de benir le Drapeaux &
Enfeignes des Compagnies d'Infanterie Gardes-
Côtes de la Capitainerie Générale de
Con1234
MERCURE DE FRANCE
Concarnau , montant à plus de mille hommes
, dont M. de Kermorial , Chevalier de
- P'Ordre Militaire de S. Louis , est le Capitaine
Général , M. de Kuersalaun Euzeno, Major
, & M. de Tronjoli Olivier , Lieutenant ,
Gentilshommes diftingués de la Province.
La clôture de toutes les Prieres ordonnées
Par divers Mandemens, pour obtenir du Ciel
un temps favorable aux Biens de la Terre ,
& de la Neuvaine qui avoit été commencée.
à l'Eglise de Ste Geneviève le Samedi 21 .
Mai , fut faite le Dimanche 28. Il y eut le
matin une grande Meffe célébrée Pontificalement
par le R. P. Abbé , & le foir le Te
Deum fut chanté solemnellement dans la
même Eglife. Le Corps de Ville affifta en cérémonie
à l'une & à l'autre , & dîna felon là
coûtume à l'Abbaye.
L'après dîné tout le nombreux Clergé de
Saint Sulpice , M. le Curé de cette Paroiffe
, à la tête , alla pour le même fujet
en Proceffion folemnelle , & dans un
ordre tout édifiant , d'abord de l'Eglise Saint
Sulpice à l'Eglise Métropolitaine , & ensuite
à celle de Ste Geneviève. La Proceffion fut
toujours suivie & avec une piété marquée ,
par la Reine Doüairiere d'Espagne , accompagnée
de fes principaux Officiers , de plufieurs
Dames , & de quantité de Perfonnes .
de
JUIN. 1740. 1235
de diftinction de la même Paroille. Un Peuplc
infini suivoit cette Proceflion fans la
moindre confufion , & achevoit de former
un Spectacle touchant.
Après la clôture dont on vient de parler ,
la Chaffe de Ste Geneviève ne fût point recouverte
; on recommença une autre Neuvaine
, pour fatisfaire , furtout , à la dévotion des
Gens de la Campagne , dont il y eut un fi
grand concours , qu'en une feule matinée on
vit arriver neuf Proceffions , fuivies par un
Peuple infini. Cette feconde Neuvaine fut
auffi folemnellement terminée le Mardi de
la Pentecôte , auquel jour on recouvrit la
Chaffe de la Ste Patronne.
gent
Mrs de la Ville ont fait en cette occafion un
Vou de donner à l'Eglife qui porte fon nom,
un grand & magnifique Candelabre d'ardu
poids de 250. Marcs ; il sera orné
des Armes du Roy , de la Ville de Paris , &
de l'Abbaye , avec une Inscription convenable.
Sa Majefté , qui a non feulement permis
, mais loué cette pieuse difpofition , a
fouhaité , pour que l'execution réponde plus
parfaitement à la dignité de l'objet , qu'elle
foit confiée à l'habileté de M. Germain , cidevant
Echevin de Paris, & Orfevre du Roy.
1. Vol. I STAN
1236 MERCURE DE FRANCE
*******************
STANCES
En l'honneur de Sainte Geneviève , par une
Carmelite du Monaftere de l'Incarnation.
Innocente Brebis , chafte & ſimple Bergere ,
Qui fuiviez de JESUS la houlette & la voix ,
Quand il vous a conduit au Palais de fon Pere ,
Il a mis fous vos pieds le Sceptre de nos Rois.
En joignant votre Eſprit à fa divine Effence ,
Il laiffa votre Corps dans nos heureuſes mains ,
Pour être le canal de fa magnificence ,
Et convaincre nos yeux de la grandeur des Saints.
Après douze cent ans , vos cendres vénérables
Sont encor aujourd'hui notre espoir le plus doux
Et la Terre & les Eaux à nos voeux favorables ,
Vous ont en même jour vû combatre pour nous.
Le temps qui voit périr les Etats & leur gloire ,
Qui confond des Héros les Exploits & les noms ,
Refpecte, en s'enfuyant , votre illustre mémoire ,
Et ne touche pas même à vos petits moutons .
Nanterre , fa Fontaine , & fon Defert paifible ,
Diront fidellement aux siécles à venir :
Geneviève
JUIN 1237 17400
Geneviève vivoit comme un Ange vifible ,
Et ne dépendoit point de ce qui peut finir.
On entendra toujours & Paris & la France
Répondre à cette voix par des tranfports d'amour ,
Et venir implorer votre aimable Puiffance
Avec autant d'ardeur , comme le premierjour.
A Sainte Geneviève .
DEja la fille meurtriere
De l'affreufe Sterilité
Jettoit dans l'ame la plus fiere
L'horreur & la perplexité ;
Les foius inquiets du Miniftre.
N'étoient qu'un augure finire
D'une prochaine extremité.
Eh ! qu'auroit pû la prévoyance ,
Si refufant fon affiſtance ,
Le Ciel eût toujours réfifté
"
Partout le Peuple eft exhorté
De recourir au Sanctuaire ,
Et d'écarter par la Priere
Les traits de la calamité.
Quelles mains feront affés pures,
En de femblables conjonctures ,
Pour faire agréer ſon encens ?
L'amour n'agit point par contrainte ;
Iij
1238 MERCURE DE FRANCE
Et des voeux qu'arrache la crainte
Ne feront-ils pas impuiffans
Raffûrez-vous , Peuple coupable ;
La Sageffe fuit la frayeur ;
Venez faire amande honorable ,
En humiliant votre coeur ;
La foudre eft encor fufpendue ,
Vous pouvez diffiper la nue
Qui porte la contagion ,
La vertu d'une humble Bergere ,
Qui brilla jadis à Nanterre ,
Vous fervira de caution.
Malgré la Secte audacieuſe
De l'Impie & de l'Eſprit fort
GENEVIEVE eft victorieuſe
De la difette & de la Mort.
Déja nos campagnes fertiles
Ramenent la paix dans nos Villes ,
Tous les vifages font ferains.
Seigneur , achevez le miracle ;
Qu'à l'aſpect d'un fi grand ſpectacle
Nous puiffions imiter vos Saints !
>
IN
!
RTS
JUIN. 1740. 123
****************
MORTS , BAPTESME ,
& Mariages.
A nuit du 8. au 9. Mai , Marie- Charlotet
L Sobieska , Ducheffe de Bouillon , mourut en fon
Chateau d'O'aw , en Sil :fie , dans la 43. année de
fon âge , étant née le 15. Novembre 1697. El'e
étoit fille aînée de Jacques- Louis- Henri Sobieski
Prince Royal de Pologne , Chevalier de l'Ordre de
la Toifon d'Or , Gouverneur de Stirie , &c. mort
en fon Château de Zolchicw , le 14. Decembre
1737. & de Hedwige- Elizabeth - Amelie de Baviere-
Neubourg , morte le 9. Août 1722. laquelle étoit
fille de Philipe- Guillaume , Comte Palatın du Rhin,
Duc de Baviere à Neubourg , Electeur du S Empire
Romain , mort en 1690. La Ducheffe de Bouillon
avoit été mariée , 1 °. le 20. Septembre 1723. avec
Frederic - Maurice- Augufte - Cafimir de la Tour de
Bouillon , Prince de Turenne , Grand Chambellan de
France en furvivance, & Meftre de Camp d'un Régiment
de Cavalerie , mort le 1. Octobre fuivant à
Strasbourg , âgé de 20 ans ; & 2 ° . par difpense de
Rome le premier Avril 1724 avec Charles Godefroy
de la Tour , fon beaufrere , Duc de Bouillon ,
Duc d'Albret , & de Châteauthierri , Comte d'Auvergne
, d'Evreux , de Beaumont-le Roger , & du
Bas Armagnac , Baron de la Tour , & de Mongacon,
Pair , & Grand Chambellan de France , Gaverneur
, & Lieutenant Géneral du Haut & Bas Auvergne
, ci -devant Mettre de Camp d'un Régiment
de Cavalerie , né le 11. Juillet 1706. Elle a eu de
lui une fille née le 15. Août 1725. & un fils , né le
26. Janvier 1728 .
I iij
Le
1240. MERCURÊ DE FRANCE
H
Le 16 Alexandre- Omer Regnault , Seigneur de
Bazerne , & de Totté , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roy depuis 1719. & auparavant
Confeiller au Parlement de Paris , où il avoit eté
reçû le 9. Juillet 1710 mourut âgé de 58. ans .
étoit fils aîné de feu Alexandre Regnault , auffi
Confeiller au Parlement de Paris , mort au mois de
Septembre 1693. & de Marie - Anne Raudot ; il
avoit été marié le 23. Août 1712 avec Marie - Anne-
Magdeleine Henry , soeur aînée de la Comteffe
de Gergy Languet , & fille de feu Jean - Baptifte
Henry, ci devant Tréforier Géneral des Galeres de
France & Fortifications Maritimes de Provence ,
& de Marie - Anne le Large de Moulon . Il n'en a
point eu d'enfans ; il laiffe pour heritiers M. de Bazerne
, ci- devant Capitaine de Cavalerie dans le
Régiment d'Orleans , fon frere, & Dlie Jeanne Regnault
, fa foeur.
Le 17 Jacques- André du Pille , Seigneur de
Monteil- le -Vicomte , Baron de la Boffe , Tréforier
Géneral de l'Ordinaire des Guerres de la Gendarmerie
, & des Troupes de la Maiſon du Roy , depuis
1727. autrefois Receveur Géneral des Finances de
la Géneralité de Lyon , mourut dans la 61. année
de fon åge , étant né au mois de Mars 1 680. Il étoit
fils de Jacques André du Pille , Ecuyer , Receveur
Général des Finances de Lyon , mort le 4. Octobre
1704. & de Françoife de Loynes de Paraflis , morte
au mois de Juin 1733. il avoit été marié le 19 .
Mars 1712 avec Marie Anne Chriftine Rollot de
la Tour , fille d'Etienne Kollot , Sr de la Tour ,
Tréforier Géneral des Maifon & Finances de la
Dauphine Marie- Anne Chrétienne - Victoire de Baviere
, & de Marie Mailly. Il la laiffe veuve & mere
de 3. fils,dont l'aîné a obtenu la Charge de fon pere,
& les deux autres fontCapitaines de Cavalerie dans les
3:
Régi
JUIN. 1740. 9249
Régimens de Fiennes , & de Rofen , & d'une fille
dont on a raporté le mariage avec le Comte de
Nadaillac dans le Mercure d'Avril dernier , p . 827.
Le 19. D. Geneviève - Marie de Durfort de Lorges,
veuve depuis le 19. Novembre 1723. d'Antonin
Nompar de Caumont , Duc de Lauzun , Marquis de
Puiguilhem , Comte de S. Fargeau , Chevalier de POdre
de la Jarretiére , Capitaine de la Compagnie des
100.Gentilhommes au Bec de Corbin ,Lieutenant Géneral
des Armées du Roy , ci - devant Colonel Général
des Dragons , Capitaine d'une des Compagnies des
Gardes du Corps du Roy , & Gouverneur de la Province
de Berry , avec lequel elle avoit été mariée
le 21. Mai 1695 , & dont elle n'a point eu d'enfans
, mourut à Paris , âgée de 60. ans . Elle étoit
fille puînée de Gui Aldonce de Durfort , Duc de
Quintin , dit de Lorges , Maréchal de France , Che.
valier des Ordres du Roy , Capitaine d'une Compagnie
de fes Gardes du Corps , Gouverneur de Loraine
, mort le 22. Octobre 17c2 . & de Genevieve
Fremont , morte le 26 , Septembre 1727. Elle laiffe
heritiers Gui Nicolas de Durfort , Duc de Lorges
, & Geneviève- Françoile de Durfort , Ducheffe
de S. Simon , fes frere & soeur.
pour
Le 21. D. Marie -Anne Lhuillier , veuve depuis
le 2. Septembre 1718. de Jean- Baptifte Bunault ,
Seigneur de Frémont , Auditeur ordinaire en la
Chambre des Comptes de Paris , avec lequel elle
avoit été mariée au mois de Septembre 1691. mourut
septuagenaire . Elle étoit fille de Charles L'huillier
, Sr de Créabé , Confeiller- Secretaire du Roy ,
Maifon & Couronne de France , & Contrôlleur de
la Chancellerie du Palais , mort le 4. Decembre
1697. & de défunte Marguerite de Paris. Elle laiffe
pour fils unique François Bunault , Seigneur de Frémont
, reçû Confeiller au Grand Confeil le 4 Mars
I iiij
A
1718.
1242 MERCURE DE FRANCE
1718. qui perdit fon époufe l'année derniere , ainfi
qu'on l'a marqué dans le Mercure de Juillet 1739 .
P. 1678.
Le vingt-deux , Dame Bonne - Elizabeth - Urfule
Garnier de Salins veuve depuis le quinze Novembre
1728. de Nicolas Doublet , Seigneur de
Perfan , de S. Aubin , &c . Conſeiller en la Grand'-
Chambre du Parlement de Paris , mourut âgée
d'environ 75. ans. Ele é oit fille d'Arnoul Garnier,
Seigneur de Salins , Marquis de Clanleu , Herdanthun
, Fimont , & c. ci- devant Capitaine- Enteigne
des Gardes du Corps du Roy , mort le 15. Octobre
1695. & de Bonne Faye d'Elpe ffes , morte le 30.
Octobre 1712. Elle laiffe pour enfans Nicolas Doublet
, Seigneur de Perfan , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roy , & Intendant du Commerće
, marié le 14. Mars 1724. avec Marie Magdeleine
Frezeau de la Frezeliére ; & Anne- Bonne
Doublet de Perfan , mariée le 11. Mars 1711. avec
François Foucault , Marquis de S. Germain Beau
pré , Gouverneur , & Lieutenant Géneral pour le
Roy de la haute & baffe Marche.
zat ,
;
Le 23. mourut âgé de 76. ans , & non marié ,
Pierre Crozat , Ecuyer . frere de feu Antoine Croci-
devant Grand Tréforier des Ordres du Roy,
dont la mort eft raportée dans le Mercure de Juin
1738. vol. I. p. 1229. Celui qui vient de mourir,
a fait fes Légataires univerfels Louis-François Crozat
, Marquis du Châtel , Maréchal de Camp , &
Louis -Antoine Crozat , Baron de Thiers , Maréchal
Géneral des Logis des Camps & Armées duRoy,
fes neveux,& il a laiffé au premier fa belle maifon de
Paris , fituée rue de Richelieu , & ſa maiſon de plaifance
de Montmorency .
Le 24.René Pallu,Confeiller en la Grand'. Chambre
du Parlement de Paris, & Sous-Doyen, mourut âgé
d'en
JUIN. 1243 1740.

d'environ 80 ans . Il avoit été reçû d'abord Confeiller
au Châtelet en 1681. puis Confeiller à la 3º Chambre
des Enquêtes le 11. Juillet 1687. & étoit monté
à la Grand' - Chambre en 1720. Il étoit fils aîné de
Bertrand Pallu , Sr du Ruau , Fermier Géneral des
Fermes- Unies du Roy , mort le 12. Mars 1709. &
de Marie Varice morte le 26. Juin 1703. il
avoit épousé Catherine Barboteau , morte au mois
de Decembre 1729. laquelle étoit fille de Jean Bar
boteau , Controlleur au payement des Gages des
Officiers domestiques du Roy , & de Catherine
Martinet. Il laiffe d'elle Bertrand - René Pallu , reçû
Confeiller au Parlement de Paris le 2. Juin 1718.
puis Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du
Roy en 1726. & fait Intendant à Moulins en 1734.
& de Lion en 1738. marié le 21. Decembre 1733.
avec Elizabeth- Cecile de la Vieuville , &
Pallu , mariée le 8. Fevrier 1730 avec Louis-Antoine
Rouillé , Seigneur de Fontaine- Guerin , Maître
des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy , &
Intendant du Commerce .
Le même jour ... de Levis Gaudiez , Chevalier
Commandeur de l'Ordre de S. Jean de Jerufalem
, Chef d'Efcadre des Galeres du Roy , du 21.
Janvier 1737. mourut à Marfeille , âgé d'environ
70. ans . Il étoit fils d'Alexandre de Levis , Marquis
de Gaudiez , cadet des Marquis de Mirepoix , & ,
de Marguerite de Caumels , fille d'un Confeiller au
Parlement de Toulouſe.
Le 26. Etienne- Hubert le Doux , Prêtre , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , du 23.
Octobre 1699. Curé de la Parciffe de- S. Pierre aux
Boeufs , en la Cité à Paris depuis 1717. mourut âgé
d'environ 75. ans.
Le même jour , Chriftophe Boyetet , Confeiller en
la Cour des Aydes de Paris , & Doyen de cette
Iv Cour ,
1244 MERCURE DE FRANCE
Cour , où il avoit été reçû le 4. Juin 1685. après
avoir été Confeiller au Châtelet depuis le mois de
Juillet 1674 mourut âgé de 90. ans & demi. Il etoit
fils de Robert Boyetet , de la Ville d'Orleans , Seigneur
de Domainville & d'Anne de Givés , morte
veuve le 22. Août 1694. il avoit été marié
le 4 : Septembre 1686. avec Louife-Magdelaine
Faille fille de François Failley Tréforier de France
à Caen , et Intendant des Maiſon et Affaires du
Marquis de Croiffy-Colbert , Min ftre & Secretaire
d'Etat. Elle mourut au mois de Novembre 1738.
Il en avoit eu Chriftophe Boyetet , Seigneur de Domainville
, fils unique , qui mourut en 1711
Haiffe pour feul heritier Nicolas- Robert Pichon
Maître des Comptes à Paris, son neveu , le
fils duquel Charles Pichon , fon petit neveu ; Confeiller
au Parlement de Paris , il a fait fon Legataire
univéfel. ་ཀ་ ཟླ་ ༨

+
༢༠༨
Le ... Mai Claude - Louis de la Chafire ,
Evêque et Comte d'Agde , et Abbé Commandataire
de S. Michel de Tréport , Ordre de S Benoît
, Diocèse de Rouen , dès le mois de Novembre
177. Docteur en Théologie de la Faculté de
Paris , du 4 Janvier 1726 mourut dans fon Diocèse
, âgé d'environ 42. ans , étant Titulaire de la
Chapelle de Saint Eloi dans l'Eglife Collégiale de
Champeaux , Diocèse de Paris . Il fut Député de la
Province de Paris à l'Affemblée Générale du Clergé
de France de 1725. Il fut nommé le 17. Octobre
1726. à l'Evêché d'Agde , Suffragant de Narbonne,
et qui fut précon sé et proposé pour lui à Rome le
16. Decembre fuivant , et le 20. Janvier 1717 ; et
après avoir reçu les Bulles , il fut facré le 26. Octobre
de la même année 1727 dans la Chapelle interieure
des Minimes de la Place Royale à Paris
par l'Archevêque de Toulouse , aflifté des Evêques
de
JUIN 1740. 1245
de Rieux et de Mirepoix, et il prêta serment de fidelité
entre les mains du Roy le 30. Novembre suivant.
Il fut Député des Etats de la Province de Languedoc
pour le Clergé , et en cette qualité il préfenta
les Cahiers de la Province au Roy , et harangua Sa
Majesté à la tête des Députés le 24 Août 1733. ti
avoit affifté en dernier lieu à l'Affemblée Génerale
du Clergé de France de 1735. en qualité d'un des
Députés du premier ordre de la Province de Natbonne.
Il étoit fils puiné de Louis - Charles - Edme de
La Chaftre, Comte de Nançay , Seigneur de Malicor.
ne , Gouverneur des Ville & Citadelle de Pecquay ,
en Languedoc , et Lieutenant Géneral des Armées
.du Roy , mort le 12. Septembre 1730. âgé de 69%
ans , et de Marie - Anne- Charlotte de Beaumanoir
de Lavardin , morte le 29. Avril 1725. âgée de 58 .

ans.
Le ... Mai, Philipe de Rouvroy , Abbé Commandataire
de l'Abbaye de N.D. de Chaage ,Ordre de S.
Auguftin, Dioc.de Meaux à laquelle il fut nommé au
mois de Juillet 1684.mourut dans un âge avancé . Il
‚ étoit frere puîné de Jean - Baptifte de Rouvroy , Seigneur
du Puy de Froiffy,&c. Lieutenant Géneral des
Armées Navales du Roy , & Commandeur de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis , & fils de Pierre
de Rouvroy , Seigneur du Puy , la Vallée , Froissy
& Provinliec , en Picardie , Gentilhomme ordinaire
de la Chambre du Roy , Maréchal de fes
Camps & Armées , & ancien Capitaine au Régiment
des Gardes , & de Marie-Urfule de Gonteri
de S. Alban , Piémontoife , Gouvernante des Filles
d'honneur de la Reine.
4
Le 28. Dame Marie- Henriette des Efcouttes , veuve
en premieres nôces de Jean de Layat , Trélötier
Géneral de la Maifon du Roy , et en fecondes et
dernieres nôces, depuis le 26. Decembre 1718. de
I vi Lam1246
MERCURE DE FRANCE
>
Lambert Bourgoin , Seigneur de la Grange- Batte
liere , de Rebrechien &c . Confeiller au Parlement
de Paris , Doyen de la premiere Chambre des Enquêtes
, avec lequel elle avoit été mariée au mois
de Septembre 1691. mourut à Paris , âgée de 74.
ans . Elle étoit fille de Claude des Eſcouttes , vivant
Avocat ès Confeils du Roy et de Marie Pijart,
Elle laiffe de fon fecond mari , deux filies , qui font
Marie -Henriette Bourgoin , Dame de la Grange-
Batteliere , mariée le 29. Mars 1713. avec Anne-
Louis Pinon , Vicomte de Quincy , Confeiller de
la Grand Chambre du Parlement de Paris ; et Genevieve
Bourgoin , femme d'André- François - de-
Paule Le Fevre d'Ormeffon , Seigneur de la Saciere,
et des Tournelles , Confeiller honoraire au Parlement
de Paris , et ci - devant Commiffaire aux Requêtes
du Palais.
Le même jour, D. Marie Charlotte de Fleurigny,
épouse de Charles- François de Gauville , des Seigneurs
de Javercy , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , ci devant Capitaine au Régiment de
Sourches , Infanterie , avec lequel elle avoit été mariée
le 13. Juin 1713. mourut à Estampes , âgéé
d'environ 5o. ans , laiffant des enfans . Elle étoit
fille unique de feu Charles- François - Nicolas de
Fleurigny , Seigneur & Baron de la Foreft - le-Roy
& de D. Marie du Lac , fa veuve , qui mourut auffi
à Eftampes 8. jours auparavant la D. de Gauville ,
fa fille . La Baronne de la Foreft étoit fille d'Auguftin
du Lac , Seigneur de Montereau , & d'Elizabeth
Dauffy.
Se 29. D. Marie - Elizabeth Hallé , veuve depuis
le 7. Janvier 1737. de Michel Jacques Levy, Grand
Bailli d'Epée du Comté de Dourdan , Trésorier-
Payeur honoraire des Gages de la Chambre des
Comptes de Paris , mourut , âgée d'environ 60 .
ans ,
1
JUIN. 1740! 1247
ans , laiffant un fils , reçû Préfident en la Cour des
Aydes de Paris le
fait men-
5. Août 1738. dont on
tion dans le Mercure de Janvier 1737. en raportant
la mort de fon Pere , p . 161. On y a auffi parlé de
trois filles de la Défunte , qui étoient alors mariées.
Une quatrième, nommée Cécile Thérese Levy fut
mariée le 4. Mai 1739. avec François de Landes ,
Seigneur de Houville , Fontaines , Cinq- Ormes , &
Pannes , dans le Pays Chartrain , mort le 28. Août
fuivant , âgé d'environ 68. ans .
Le 30. Zacharie Nigot , Conseiller honoraire au
Parlement de Paris , & ci-devant Commiffaire aux
Requêtes du Palais , Doyen de la premiere, mourut,
âgé d'environ 68. ans , lans avoir été marié . Il s'étoit
démis au mois de Mars 1737. de fa Charge de
Conseiller & de fa Commiffion aux Requêtes , après
l'avoir exercée pendant près de 42. ans, y ayant été
reçû le premier Juin 1695. Il étoit fils puîné de
Jacques Nigot, Conseiller- Secretaire du Koy, Maifon
, Couronne de France & de fes Finances , mort
le 7. Juin 1693. & de feuë Germaine Thierriat .
Le 2. Juin , D. Jeanne Charpentier , veuve depuis
de 17. Novembre 1721. de Nicolas Fraguier , Confeiller
en la Grand'. Chambre du Parlement de Paris,
Seigneur du Mée les - Melun , à cause d'elle ,mourut
à Paris âgée de plus de 8o . ans . Elle étoit fille &
feule héritiere de Louis Charpentier , Seigneur du
Mée , de Lives , de Boischambault & du Martroy ,
Maître Ordinaire en la Chambre des Comptes de
Paris , mort en 1665. & de Jeanne Pinon , morte
le 15. May 1675. Elle laiffe pour enfans Martin
Fraguier , Seigneur de Buffy , de Chauconin , &c.
Préfident en la Chambre des Compres , & Confeiller
honoraire en la Grand'- Chambre du Parlement
de Paris, qui eft marié avec Génevieve Gruyn,
fille du feu Maître de la Chambre aux Deniers , &
en
1248 MERCURE DE FRANCE
*
(
en a des enfans ; Jean- François Fraguier , Chevalier
Profès & Commandeur de l'Ordre de Malthe , jumeau
du précedent , tous deux nés le 7. Juin 1683 .
& Marie Fraguier , femme de Pierre Catinat , Seigneur
de S. Mars , & de S. Gratien , ci- devant Confeiller
au Parlement de Paris . Elle avoit un troifiéme
fils , dont on a raporté la mort dans le Mercure
d'Octobre 1739 page 2522.
Le 9. D. Catherine Bodin , veuve de Robert de
Cotte, Chevalier de l'Ordre de S. Michel, Conseiller
du Roy en fes Conseils , Intendant & Ordonnateur
Géneral des Bâtimens , Jardins , Arts & Manufactures
de S. M. Premier Architecte du Roy , Directeur
de l'Academie Royale d'Architecture , &
Vice -Protecteur de l'Académie Royale de Peinture
& Sculpture , dont la mort & l'éloge font raportés
dans le Mercure du mois d'Aoû 1735. page 1817 .
mourut , âgée d'environ 70. ans , lauffant pour enfans
Jules- Robert de Cotte , Intendant & Ördonnateur
des Bâtimens du Roy , Contrôleur Géneral de
fes Bâtimens à Paris , Directeur des Manufactures
Royales , & Directeur General de la Monnoye des
Médailles aux Galeries du Louvre , marié avec Suzanne
de Launay , dont il a des enfans ; & Jean-
Armand de Corte , Prêtre Chanoine de l'Eglise de
Paris , & Abbé Commandataire de l'Abbaye de S.
Severin , Diocèse de Poitiers.
Jean de la Baune , Gentilhomme Ordinaire du
Roy, & ci-devant Employé par S. M. dans plufieurs-
Cours Etrangeres , & en dernier lieu dans celle de
Vienne , mourut dans fa Terre de Paron , près de ·
Sens le 11. Juin , âgé de 52. ans , étant né le 4.
du même mois de l'année 1688. Il étoit fils de Jean
Antoine de la Baune , Conseiller du Roy en fes
Conseils , & Maître Ordinaire en fa Chambre des
Comptes , mort le 26, Novembre 1731. & de D.
MaricJUI
N. 1740. T249
Marie-Magdeleine Gigault , fille de Pierre Gigault ,
auffi Conseiller du Roy & Maître des Comptes ,
encore vivante. Il laiffe deux Freres , l'un Chanoide
l'Eglise de Paris , qui eft l'aîné des deux , &
l'autre revétu de la Charge de Maître des Comptes
que poffedoit fon Pere.
Le 12. René Berger , Trésorier Géneral & Payeur
des Rentes de l'Hôtel de Ville de Paris , depuis
1689. Doyen de la Compagnie , mourut , âgé d'environ
80 ans. Il avoit été marié le 18. Mai 1693 .
avec Marie Anne des Champs , qu'il aiffe veuve .
It avoit eû d'elle Jeanne- Louise- Mélannie Berger
fille unique, qui avoit épousé Nicolas le Feron , Seigneur
d'Orville, & de Louvre , en Parisis Préfident.
Honoraire au Parlement de Paris, & qui eft morte
le 12. Août 1734 âgée de 38. ans, ayant laiffé des
enfans.
Le 13. Anne-Magdeleine Testard de la Guette ,
fille de Pierre Testard , Chevalier , Seigneur de la
Guêtre , Lieutenant Géneral de l'Artillerie , mourat
dans un âge fort avancé , au Convent des Religieufes
du S. Sacrement de la rue S. Louis , où elle s'éroit
retirée depuis plufieurs années. Elle étoit veuve
de Charles Achilles le Tonnellier- Breteüil , Comte
de Ruville , Capitaine au Régiment Royal des
Vaiffeaux , & Commandeur des Ordres de Notre-
Dame de Mont- Carmel & de S. Lazare , mort en
Pannée 1710 : Elle n'avoit eû de ce Mariage que
Claude- Charles le Tonnellier- Breteuil de Chantecler
, Comte de Ste Croix & de Vaux , Seigneur de
Beuvilliers & c. Meftre de Camp de Cavalerie , &
Cepitaine- Lieutenant des Cheva -Lees de Bretatagne
, mort en 1735. qui avoit épousé Lanre
Obrien de Clare , fille de Milord Obrien , Comte
de Clarc , Pair d'irlande , Maréchal Ides Camps &
Armées du Roy, Colonel d'un Régiment d'Infante-
LIC
250 MERCURE DE FRANCE
rie Irlandoise , & de Charlotte de Bulkley , Dam
d'Honneur de la Reine d'Angleterre. De ce Ma
riage font iffus plufieurs enfans , dont l'aîné , Louis '
Charles - Joseph de Breteuil de Chantecler , Gomte
de Ste Croix & de Vaux , eft Capitaine de Dragons ,
au Régiment Meftre de Camp Génerat ; le fecond,
Chevalier de Malthe , & Garde de l'Etendart ; le
troifiéme , reçû de minorité dans le même Ordre ,
& les autres en bas âge . La Dame dont nous raportons
la mort , a donné dans tous les temps de fa
vie des marques d'une grande pieté.
Le 14. Nicolas de Joyeuse , Colonel du Régiment
de Ponthieu , depuis le 15.Avril 1738. & fils aîné
de Jean- Gedeon- André de Joyeuse , Comte de
Grandpré , Seigneur de Chouvoy , Lieutenant Géneral
au Gouvernement de Champagne , & ci-devant
Meftre de Camp du Régiment Royal des Cravates
de Cavalerie , & de D. Antoinette de Villers
de Rouffeville , fon Epouſe, mourut à Paris , âgé de
25. ans , étant né le 19. Juin 1715. Il n'éioit point
marié. Par fa mort il ne refte plus au Comte de
Joyeuse qu'un fils nommé Jean-Armand de Joyeuse,
& né le 24. Avril 1718. Celui qui vient de mourir
avoit eû pour aîné Jules de Joyeuse , mort le
Août 1731. dans la 18. année de fon âge.
Le 19. Marie-Therese de Froullay Tessé , fille di
Charles , Comte de Froullay , Grand- Maréchal de
Logis de la Maison du Roy , & Chevalier des Ore
dres de Sa Majefté , & d'Angélique de Baudean da
Parabere , mourut , âgée de 79. ans . Elle avoit
épousé en premiere Nôces, Claude le Tonnellier-
Breteuil , Bon d'Escouché , Seigneur de Mons ,
&c. & en fecondes Nôces , René- François , Marquis
de la Vieuville , Chevalier d'Honneur de la
Reine Marie - Thérese , & Gouverneur du Poitou.
On mande de Touraine le nommé
༣ ་ que
GuilJUIN.
1740.
1251
Guillaume Garnier , étoit mort dans le Bourg de
Loches , dans la 105. année de fon âge.
Le nommé Edme Brioys , Manouvrier , mourut
dans la Paroiffe &'Auxon , Diocèse de Sens ,
le 24.
de ce mois dans la 108. année de fon âge , étant
né le 2. Octobre 1632.
Le 11. Juin , les Céremonies du Baptême fu
rent fupléées dans l'Eglise de S. Euftache , à François
- Hercules , né le 27. Novembre 1738. & ondoyé
le lendemain de fa naiffance , fils de François-
Raimond Joseph Pelet , Vicomte de Narbonne-
Pelet , Enseigne des Gardes du Corps du Roy ,
Mestre de Camp de Cavalerie , Gouverneur de
Sommieres , en Languedoc , & de D. Marie- Diane-
Antoinette de Roffet de Fleury , fon Epouse , mariés
en-1734 . Les Parain & Maraine , André-Hercules
de Roffet , Duc de Fleury , Pair de France ,
Gouverneur & Lieutenant Géneral de la Loraine
& du Barois , Meftre de Camp du Régiment Royal
de Dragons , Brigadier des Armées du Ray , & D.
Anne- Magdeleine - Françoise de Monceaux d'Auxy,
fon Epouse , onçle & tante maternels de l'Enfant .
Le 10 Mai , Jacques - Charles Carpentier de Sen
neville , Conseiller au Châtelet de Paris , fils de
Charles Carpentier , Seigneur de Senneville , Constiller
Secretaire du Roy , Maison , Couronne de
France & de fes Finances , Contrôleur Géneral des
Trésoriers & Payeurs des Maréchauffées de France ,
& de D, Jeanne Lignet , vivante fon Epouse , fut
marié avec Dlle Claire Hébert de Fouquelin de
Clairval , fille de Jean Hebert de Fouquelin , auffi
Conseiller - Sécretaire du Roy , Maison , Couronne
de France & de fes Finances , & de D. Angélique
Métra , fon Epouse . La Céremonie a été faite dans
l'Eglise
250 MERCURE DE FRANCE
rie Irlandoise , & de Charlotte de Bulkley , Dam
d'Honneur de la Reine d'Angleterre. De ce Ma
riage font iffus plufieurs enfans , dont l'aîné , Louis
Charles - Joseph de Breteuil de Chantecler , Gomte
de Ste Croix & de Vaux , eft Capitaine de Dragons,
au Régiment Meftre de Camp Génerat ; le fecond,
Chevalier de Malthe , & Garde de l'Etendart ; le
troifiéme , reçû de minorité dans le même Ordre ,
& les autres en bas âge. La Dame dont nous raportons
la mort , a donné dans tous les temps de fa
vie des marques d'une grande pieté .
Le 14. Nicolas de Joyeuse , Colonel du Régiment
de Ponthieu , depuis le 15.Avril 1738. & fils aîné
de Jean- Gedeon- André de Joyeuse , Comte de
Grandpré , Seigneur de Chouvoy , Lieutenant Géneral
au Gouvernement de Champagne , & ci-devant
Meftre de Camp du Régiment Royal des Cravates
de Cavalerie , & de D. Antoinette de Villers
de Rouffeville , fon Epoufe, mourut à Paris , âgé de
25. ans , étant né le 19. Juin 1715. Il n'éioit point
marié. Par fa mort il ne refte plus au Comte de
Joyeuse qu'un fils nommé Jean-Armand de Joyeuse,
& né le 24. Avril 1718. Celui qui vient de mourir
avoit eû pour aîné Jules de Joyeuse , mort le
Août 1731. dans la 18. année de fon âge.
Le 19. Marie- Therese de Froullay Tessé , fille de
Charles , Comte de Froullay , Grand- Maréchal de
Logis de la Maison du Roy , & Chevalier des Or
dres de Sa Majefté , & d'Angélique de Baudean de
Parabere , mourut , âgée de 79. ans. Elle avoit
épousé en premiere Nôces, Claude le Tonnellier-
Breteuil , Bon d'Escouché , Seigneur de Mons ,
& c. & en fecondes Nôces , René - François , Marquis
de la Vieuville , Chevalier d'Honneur de la
Reine Marie-Thérese , & Gouverneur du Poitou .
On mande de Touraine que le nonmé
GuilJUIN.
1740. 1251
Guillaume Garnier , étoit mort dans le Bourg de
Loches , dans la ros . année de fon âge.
Le nommé Edme Brioys , Manouvrier , mourut
dans la Paroiffe Auxon , Diocèse de Sens , le 24.
de ce mois dans la 108. année de fon âge , étant
né le 2. Octobre 1632.
Le 11. Juin , les Céremonies du Baptême fu
rent fupléées dans l'Eglise de S. Euſtache , à François-
Hercules , né le 27. Novembre 1738. & ondoyé
le lendemain de fa naiffance , fils de François-
Raimond Joseph Pelet , Vicomte de Narbonne-
Pelet , Enseigne des Gardes du Corps du Roy ,
Mestre de Camp de Cavalerie , Gouverneur de
Sommieres, en Languedoc , & de D. Marie-Diane-
Antoinette de Roffet de Fleury , fon Epouse , mariés
en-1734 . Les Pàrain & Maraine , André-Hercules
de Roffet , Duc de Fleury , Pair de France ,
Gouverneur & Lieutenant Géneral de la Loraine
& du Barois , Mestre de Camp du Régiment Royal
de Dragons , Brigadier des Armées du Ray , & D.
Anne-Magdeleine - Françoise de Monceaux d'Auxy,
fon Epouse , oncle & tante maternels de l'Enfant.
Le 10 Mai , Jacques- Charles Carpentier de Sen
neville , Conseiller au Châtelet de Paris , fils de
Charles Carpentier , Seigneur de Senneville , Conseiller
Secretaire du Roy , Maison , Couronne de
France & de fes Finances , Contrôleur General des
Trésoriers & Payeurs des Maréchauffées de France,
& de D, Jeanne Lignet , vivante fon Epouse , fut
marié avec Dlle Claire Hébert de Fouquelin de
Clairval , fille de Jean Hebert de Fouquelin , auffi
Conseiller- Sécretaire du Roy , Maison , Couronne
de France & de fes Finances , & de D. Angélique
Métra, fon Epouse . La Céremonie a été faite dans
l'Eglise
250 MERCURE DE FRANCE
rie Irlandoise , & de Charlotte de Bulkley , Dam
d'Honneur de la Reine d'Angleterre . De ce Ma
riage font iffus plufieurs enfans , dont l'aîné , Louis'
Charles- Joseph de Breteuil de Chantecler , Gomte
de Ste Croix & de Vaux , eft Capitaine de Dragons ,
au Régiment Meftre de Camp Géneral ; le fecond,
Chevalier de Malthe , & Garde de l'Etendart ; le
troifiéme , reçû de minorité dans le même Ordre ,
& les autres en bas âge. La Dame dont nous raportons
la mort , a donné dans tous les temps de fa
vie des marques d'une grande pieté .
Le 14 Nicolas de Joyeuse , Colonel du Régiment
de Ponthieu , depuis le 15.Avril 1738. & fils aîné
de Jean- Gedeon- André de Joyeuse , Comte de
Grandpré , Seigneur de Chouvoy , Lieutenant Géneral
au Gouvernement de Champagne , & ci-devant
Meftre de Camp du Régiment Royal des Cravates
de Cavalerie , & de D. Antoinette de Villers
de Rouffeville , fon Epouſe , mourut à Paris , âgé de
25. ans , étant né le 19. Juin 1715. Il n'éioit point
marié. Par fa mort il ne refte plus au Comte de
Joyeuse qu'un fils nommé Jean-Armand de Joyeuse,
& né le 24. Avril 1718. Celui qui vient de mourir
avoit eû pour aîné Jules de Joyeuse , mort le
Août dans la 18. année de fon âge.
1731.
*
Le 19. Marie-Therese de Froullay Tessé , fille d
Charles , Comte de Froullay , Grand- Maréchal de
Logis de la Maison du Roy , & Chevalier des Or
dres de Sa Majefté , & d'Angélique de Baudean de
Parabere , mourut , âgée de 79. ans . Elle avoit
épousé en premiere Nôces, Claude le Tonnellier-
Breteuil , on d'Escouché , Seigneur de Mons ,
&c. & en fecondes Nôces , René - François , Marquis
de la Vieuville , Chevalier d'Honneur de la
Reine Marie- Thérese , & Gouverneur du Poitou.
On mande de Touraine १ le nommé que
GuilJUIN
. 1740.
1251
Guillaume Garnier , étoit mort dans le Bourg de
Loches , dans la 105. année de fon âge .
Le nommé Edme Brioys , Manouvrier , mourut
dans la Paroiffe Auxon , Diocèse de Sens , le 24.
de ce mois dans la 108. année de fon âge , étant
né le 2. Octobre 1632 .
Le 11. Juin , les Céremonies du Baptême fu
rent fupléées dans l'Eglise de S. Euftache , à François
- Hercules , né le 27. Novembre 1738. & ondoyé
le lendemain de ſa naiſſance , fils de François-
Raimond Joseph Pelet , Vicomte de Narbonne-
Pelet , Enseigne des Gardes du Corps du Roy ,
Mestre de Camp de Cavalerie , Gouverneur de
Sommieres, en Languedoc , & de D. Marie-Diane-
Antoinette de Roffet de Fleury , fon Epouse , mariés
en-1734. Les Parain & Maraine , André-Hercules
de Roffet , Duc de Fleury , Pair de France
Gouverneur & Lieutenant Géneral de la Loraine
& du Barois , Meftre de Camp du Régiment Royal
de Dragons , Brigadier des Armées du Ray , & D.
Anne- Magdeleine - Françoise de Monceaux d'Auxy,
fon Epouse , onçle & tante maternels de l'Enfant.
Le 10 Mai , Jacques - Charles Carpentier de Sen
neville, Conseiller au Châtelet de Paris , fils de
Charles Carpentier , Seigneur de Senneville , Constiller
Secretaire du Roy , Maison , Couronne de
France & de fes Finances , Contrôleur Géneral des
Trésoriers & Payeurs des Maréchauffées de France,
& de D. Jeanne Lignet , vivante fon Epouse , fut
marié avec Dlle Claire Hébert de Fouquelin de
Clairval , fille de Jean Hebert de Fouquelin , auffi
Conseiller- Sécretaire du Roy , Maison , Couronne
de France & de fes Finances , & de D. Angélique
Métra, fon Epouse . La Céremonie a été faire dans
l'Eglise
1252 MERCURE DE FRANCE
PEglise de S. Merri , par le Curé, de cette Paroiffe;
oncle de la Mariée , dont la foeur aînée eſt mariée
depuis le 10. Juillet 1731. avec .... Auvray, Con-
´seiller au Châtelet de Paris , & Secretaire du Roy,
Maison , Couronne de France & de fes Finances.
Le 6. Juin , Jean Thevenin , Seigneur de Tanlay ,
Baron de Thorcy , &c . Conseiller au Parlement de
Paris , à la 4. Chambre des Enquêtes , où il a été
reçû le 16. Mars 1731. fut marié avec Dlle Catherine
Jolly, fille de Nicolas jolly , Ecuyer, Conseiller
, Sécretaire du Roy , Maison , Couronne de
France & de fes Finances , & de D. Catherine Françoise
Pougin. Il eft fils aîné de défunt Jean Thevenin
, Ecuyer, ancien Greffier en Chef du Parlement
de Bordeaux , reçû à cette Charge en 1696. & Conseiller-
Sécretaire du Roy , Maison , Couronne de
France & de fes Finances , & de feuë D. Jeanne
de Palmes , foeur de Jacques- Nicolas de Palmes ,
Chevalier de l'Ordre Militaire de S. Louis , Lieutenant
pour le Roy au Gouvernement de Bergues &
auparavant Lieutenant Colonel du Régiment Royal
Infanterie , il eft petit fils de Pierre Thevenin , Capitaine
& Major au Régiment de la Ferre , Infanrie
, & de Jeanne de la Chaise , & il eft frere de
Marc-Claude Thevenin Gentilhomme, ordinaire de
la Maison du Roy.Le Mémoire que l'on a reçû touchant
ce Mariage, porte que la Famille du nouveau
marié eft originaire de Saintonge , qu'elle a donné
plufieurs Maires à la Rochelle, avant les guerres de
la Religion , & qu'elle a été confirmée dans la Nobleffe
de fes Prédeceffeurs , par Lettres Patentes du
Roy , en récompense de fes fervices pendant les
troubles de la Province de Guyenne.
CANTATE
JUIN. 1740.
4253
********************* **
.CANTATE
Sur la Naissance du Fils de M. SIMON
B Ergers , accourez tous , accordez vos hautboisį
Pour célebrer une nouvelle Féte ;
Uniffez les Concerts de vos champêtres voix
Aux doux accens de ma tendre Musette.
Les Cabanes de ce Hameau
Retentiffent de cris de joye :
On immole le tendre Agneau ,
Pour remercier le Ciel du présent qu'il envoye .
Ornons , à l'envi , le Berceau
De guirlandes , de fleurs nouvelles,
Et que nos Nymbes les plus belles
Elevent un Enfant fi beau.
Bergers , &c.
Dieu qui voyez notre allegreffe ,
Daignez allonger ce grand jour ,
Et que le lendemain nous trouve dans l'yvreffe
Où nous plonge notre tendreſſe ,
Pour ce gage charmant du plus parfait amour.
Bergers , accourez tous , &c.
II .
1254 MERCURE DE FRANCE
Il a été avancé fans fondement deans les Nouvel
les publiques , que M Fourneau, Médecin de la Faculté
de Paris , décedé le 16. Juin , âgé de 68. ans,
avoit fait abjuration en fa derniere maladie , de la
Religion Pretendue Réformée. On a été informé &
affûré , qu'étant né dans cette Religion , il s'étoit
réuni à l'Eglise Catholique dès l'âge de 7. ans , avec
Dlle Anne- Louise Fourneau , fa foeur.
Le Sr Peromet , qui fait une Cire composée ,
pour faire & dégarnir les Sourcils de ceux qui les
ont trop chargés, & pour ceux qui ont des cheveux
qui tomb nt trop bas fur le front , demeure dans
l'Encios de l'Abbaye S. Germain, ruë Cardinale vi
à-vis le Bailliage . On en trouvera auffi chés M. Fleure,
Parfumeur , même ruë Cardinale . Afin que l'on
n'y foit point trompé , on donnera par écrit la façon
de le fervir de cette Cire. Le prix eft de
de dix fols le Bâton.
S. &
**********************
ARREST
A
NOTABLE.
RREST du Parlement de Paris , du 18. Avril
1739. rendu en faveur de Meffire Pierre- Paul
de Lobtencie , Prêtre , Chanoine de Saint Etiennedes-
Grès de Paris Intimé , Demandeur & Défendeur.
Contre le Sieur Nicolas - François Gerard ,
Piêtre , natif de la Ville d'Alençon , Diocèse de
Séez , Chapelain titulaire en l'Eglife Cathédrale de
Paris , ci - devant Chanoine dudit Saint Etinne - des-
Grès : Et François Guerard de Romé , Apellans ,
Défendeurs & Demandeurs, Et contre les Doyen ,
Chanoines & Chapitre de l'Eglife Cathédrale de
Paris , Intervenans.
LOUIS
JUIN 1740. 1255-
"
LOUIS par la grace de Dieu Roy de France & de
Navarre : Au premier des Huiffiers de Notre Cour
He Parlement à Paris , ou autre Sergent fur ce requis
, Salut , & c . Notredite Cour reçoit les Parties
He Simon Parties intervenantes sans s'arrêter à
ar demande du 13. Decembre 1737. en renvoi de
acaufe en leur Officialité , sans s'arrêter pareilleneut
à la demande de la Partie de Renuffon du
4. dudit mois de Decembre , en renvoi de
a cause en l'Officialité du Chapitre de l'Eglise
e Paris , dans laquelle il est déclaré non - recevable
, met l'apellation & ce dont est apel au néant
Emandant , évoquant le principal & y faifant droit,
onne défaut contre Guerard de Romé ; & pour le
ofit ayant aucunement égard aux demandes de
Partie de Lemoine , fait défenses tant audit Gue◄
ard de Romé , qu'à la Partie de Renuffon , de réidiver
, ni ufer de pareilles voyes sous peine de
unition corporelle , condamne la Partie de Reusson
& Guerard de Romé de fe tranfporter dans
a maifon de la Partie de Lemoine , & là en préence
de deux Chanoines de Saint Etienne-desès
, & de deux autres perfonnes telles que la
Partie de Lemoine voudra choifir , déclarer que
merairement , indifcretement & comme mal avis
ils ont proferé contre la Partie de Lemoine les
jures & calomnies mentionnées ès plaintes & inrmations
, qu'ils s'en repentent lui en demankent
pardon & le prient de les oublier , condamne
edit Guerard de Romé & la Partie de Renuffon
didairement en mille livres de dommages & intees
par forme de réparations civiles envers la Paree
Lemoine , & en tous les dépens , tant des
ufes principales que d'apel & demande , auffi
lidair ment , ceux faits entre les Parties de Simo:.
emoine , compensés ; permet à la Partie de Lmoine
1256 MERCURE DE FRANCE
moine de faire imprimer le préfent Arrêt aux fra
& dépens de la Partie de Renuffon & de Guerard
de Romé Si donnons en Mandement mettre le
préfent Arrêt à execution .
e
second
Volume
du
Mercure
de
ce
mois
est
actuellement
sous
Presse
,
&
paroîtra
in-
Gessamment.
Ji
APROBATION.
'Ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier
le premier Volume du Mercure de France du
mois de Juin, & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre
l'impression. A Paris , le premier Juillet 1740 .
HARDION.
TABLE.
IECES FUGITIVES. L'Amour de la Patrie,
PIECE
1045
Ode ,
L'Elevation
dégrade
fouvent
les hommes
, en les
faisant
connoître
, Discours
,
Requête en Vers au Marquis de Gondrin , 1069
Réponse du P.Texte fur l'Origine des trois Fleurs
de Lys dans l'Ecuffon de France ,
Sonnet en Italien à Mylord Waldegrave ,
1076
109K
La Vie & les Ouvrages de Timanthes, fameux Peintre
Grec , &c.
L'Anatomie , Ode ,
10921
II11
V. Lettre , sur les abus de la Typographie , 1116
Bouts-Rimés , II2
Lettr
Lettre fur le Remede contre la Pierre ;
Sonnet-Bouts- Rimés ,
1124
1129
II. Lettre sur la Vie & les Ouvrages de Moliere ,
& c.
Descartes , Poëme ,
Enigme , Logogryphes , &c .
1130
1145
1147
1150
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ,
&c. de l'Education Chrétienne ,
Les Principes de l'Arithmétique & de l'Algebre , en
deux feuilles , & c.
1158
Nouveaux Amusemens du Coeur & de l'Esprit, 1 159
Briquetage de Marsal
mains ,
› ancien Ouvrage des Ro-
Hiftoire Ecclefiaftique de ia Ville de Montpellier ,
&c.
Regles pour former un Avocat , & c.
1164 .
1168
1172
1177
Vers Latins fur la Pluye du mois de Mai , 1180
Chanson notée , 1182
1184
Grand & nouveau Plan de Paris ,
Spectacles. Bajazet I. Tragédie ,
Interruption & Reprise de la Coméie de l'Oracle ,
ornée d'un Balet , avec des Couplets de Chanson
,
1195
1200
1203
Vers à la Dlle Gauffin , ſur ſa maladie , & c.
Lettre finguliere fur la Tragédie de Zulime , fur la
petite Comédie de l'Oracle , &c.
Dixain fur la Tragédie de Zulime , où les talens de
de la Dlle , Dumesnil font célebrés , 1208
Vers fur la belle voix de la Dile le Maure , 1309
Tragédie d'Isaac , du Pere Brumoy , & Petite Comédie
du P. Radonvilliers , fous le titre de Talens
inutiles , & c.
1210
ibid.
La Descente d'Enée aux Enfers , Vers adreffés au
Chevaler Servandoni
Nouvelles Etrangeres , Turquie & Afrique , 1213
Allemagne , Itálie , Venise , & Fête donnée au Prin
ce koyal de Saxe ,
1216
Naples
Naples , & Isle de Corse ,
Espagne & Portugal ,
Grande-Bretagne , Hollande & Pays- Bas ,
Morts des Pays Etrangers ,
Mort & Deüil du Roy de Pruffe ,
1219
1221
1222
1225
1226
France , Nouvelles de la Cour, de Paris , &c. 1229
Clôture des Prieres & de la Neuvaine à l'Eglise de
Sainte Geneviéve ,
Stances à l'honneur de Ste Geneviève ,
Morts , Baptême & Mariages ,
Cantate ,
Arrêt Notable ,
Errata de Mai.
1234
1236
1239
1243
1254
Pred. 1. 10. K. A. APH . L. K, A. APH.
Age 905. lig.11 . BYZANTION, lis.BYZANTION,
P. 706. 1. 24. ΤΟΝΤΙΚΟΥ , Ι. ΠΟΝΤΙΚΟΥ
Ρ. 967. 1. 10. ΠΟΝΤΙΚΟΥ , Ι . ΠΟΝΤΙΚΟΥ.
P. 908. 1.
P. 909. 1.
7. à contredits , l . à ces contredits.
15. Μ . ΜΑΡΚΟΝ , Ι. ΜΑΡΚΟΥ.
1. 28. φυλαξ , Ι . φύλαξ.
ibid. ΤΟΥ , 1. τὸν
lig. 29. seatuyor , l. seatuyor.
lig. 30. Bordes , L. Bonto's.
Φ. 910. 1 , 28. Στρατηγιές , lts . Στρατηγός,
P. 911. 1. 12. ΣΟCTΡΑΤΟΥ , l. ΣΩΣΤΡΑΤΟΥ ,
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1088. ligne 13 copie collationnée , lisez ;
P copie eftimée
P. 1091. ligne 2.
autentique .
du bas , ngegno , lisez, iugeg no.
P. 1205. 1. 21. le , lisez les .
La Chanson notée doit regarder la page 1182
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUIN.
1740 .
SECOND VOLUME:
LIGHT
SPARCE
SURICOLLIGIT
Papillon
S
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
.1
La Veuve PI'S SOT, Quai de Conty ,
à la descente du Pont- Neuf,
JEAN DE NULLY au Palais.
M. DCC. XL.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
'ADRESSE generale ef à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mersure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prié très-inflamment , quand on adreſſe
· des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps, de les faire porter sur
l'heure à ta Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX , SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1740.
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ELEGIE ,
Sur les douceurs de l'Hymenée. A. M.... :
Toi , dont Apollon sur les bords du
Permesse ,
Avec tant de succès cultivoit la jeunesse
,
Dont le sçavoir facile & les rares talens
Etoient prêts de percer l'obscure nuit des tems ;
Mais qui perds aujourd'hui tout le soin de ta gloire
Et cedes à l'Amour une indigne victoire ;
II. Vol
A ij
Тома
1260 MERCURE DE FRANCE
Toi , dis -je , qui, n'osant briser tes premiers fers,
T'obstines à souffrir mille rebus divers ,
D'autant plus malheureux dans ce triste délire ,
Que ta raison combat le charme qui t'attire ,
Que souvent loin de toi par le trouble emporté,
Des plus cruels remords tu te sens agité ;
Ami , voi de ton joug la rigueur infinie ,
Et cherche dans l'Hymen le repos de ta vie
J'ose t'en assûrer , sous des traits odieux
L'erreur seule , l'erreur le présente à tes yeux.
L'ennui , le desespoir , la douleur & la rage
Ne sont pas de ce Dieu l'infaillible apanage.
Les Ris , les Jeux badins embellissent sa Cour ,
Et son Char est souvent attelé par l'Amour.
Des perfides Humains le malheureux exemple ,
Ne doit point te fermer les portes de son Temple.
Il condamne , il est vrai , les voeux interessés ,
Les projets orgueilleux , les transports insensés ;
Mais autant qu'il déteste une infâme avarice ,
Qu'il abhorre des noeuds formés par le caprice ,
Et que , plein du pouvoir qu'il exerce sur nous ,
D'un hommage imparfait il se montre jaloux ;
Autant ce Dicu protege un coeur noble & sincere ,
Que le devoir conduit , & la raison éclaire ,
Un coeur qui dépouillant ce qu'il a de grossier ,
Pour aller jusqu'à lui , s'éleve tout entier.
Au dépit , à la haine , aux traits de la vengeance ;
D'un
JUI N. 1261 1740.
D'un amour déreglé l'on connoît la puissance ;
Rebelle à la raison , sourd à tous les discours ,
De ses noires fureurs rien n'interrompt le cours ;
Il viole à la fois l'amitié , la nature ,
Et n'est point retenu par l'horreur du parjure .
Dépouillés de nos biens , trahis de toutes parts ,
Il nous condamne encore à l'oubli des Beaux - Arts ;
Et lorsque , réservés au plus rude esclavage ,
Nous osons l'implorer dans le déclin de l'âge ,
En vain nous prétendons le toucher par nos pleurs ,
Le Tyran , sans pitié regarde nos douleurs ,
Et nourrit dans le fiel nos ames forcenées.
L'Hymen bien autrement regle nos destinées ,
Les tranquiles Plaisirs , l'innocence & la paix
D'un Dieu si liberal sont les moindres bienfaits.
Ses faciles bontés guérissent nos blessures ,
De nos sens en tumulte étouffent les murmures ,
Aiment à maintenir la raison dans ses droits ,
Et de tous nos malheurs adoucissent le poids.
Tout marque , tout ressent son aimable présence ,
Il charme nos ennuis & bannit l'ignorance.
(a) Heureux dispensateur du loisir qu'il nous laisse,
Il nous porte à l'étude, ainsi qu'à la tendresse ,
Et nous formant au goût des sublimes clartés
A d'utiles travaux mêle les voluptés.
La rudesse des moeurs à sa voix est bannie ,
(a) Il y a ici une omission de deux Vers , faite ,
sans doute , par le Copiste.
A iij Et
7262 MERCURE DE FRANCE
Et lui seul de ce Monde entretient l'harmonie.
Séduit jusqu'à présent par un faux préjugé ,
Dans cette erreur fatale où tu vivois plongé,
As-tu jamais compris l'empressement fidele
De deux Epoux unis d'une chaîne éternelle ?
Songe combien de fois l'un de l'autre contents,
Ils s'endorment au bruit de la grêle & des vents ,
Dès que l'Astre du jour a perdu sa lumiere ,
Un paisible sommeil leur ferme la paupiere ;
La crainte du danger , la peur d'être surpris ,
Ne vient point dans ce calme agiter leurs esprits .
Justement satisfaits de leur indépendance ,
Ils n'ont à redouter que les maux de l'absence .
Sous un masque trompeur bien loin de se cacher ,
Leurs tendres sentimens brulent de s'épancher.
Ils ne se celent rien de tout ce qui les touche ,
Et le fond de leur coeur s'accorde avec leur bouche.
Le Ciel mettant le comble à leur félicité ,
Ils revivent bien- tôt dans leur posterité.
Aux yeux de leurs Enfans , l'amitié la plus tendre
Le soir dans leurs foyers les oblige à descendre.
Sans crainte , sans desirs , d'un soin religieux ,
Sur eax , sur leur Famille , ils invoquent les Dieux
Ils vivent ; & le temps respecte leur tendresse ,
Leurs feux durent encor dans l'extrême vieillesse ,
Et quand il faut enfin descendre chés les Morts ,
Ayant vécû sans crime , ils meurent sans remords.
L'ORIGINE
JUIN. 1740 1263
**
L'ORIGINE DES EVENTAILS ;
A Mademoiselle ***:
L n'y a donc plus moyen de s'en défendre
, Mademoiselle
, il faut vous raconter,
Porigine des Eventails ; je vous ai donné ma,
parole ; vous l'avez exigée, & c'est en verité
abuser un peu de votre pouvoir,
Mais aussi , mon esprit , qu'elle fut ta manie ,
De prendre auprès d'Iris le nom d'Historien ?
O sotte vanité , te voilà bien punie !
Notre gloire avec toi ne gagne jamais rien.
Je ne vous.cacherai point , Mademoiselle ,.
que l'entreprise m'épouvante & que l'exécution
m'embarrasse ; je crains d'un côté qu'u
ne Histoire auffi grave , ne paffe chés certaines
gens pour une bagatelle ; tant on
se plaît à dégrader les plus grandes choses.
D'un autre côté , je suis rassuré par le goût
'du siecle ; il fait aux brochures un accueil
fort obligeant & qui marque la fineffe & la,
sagacité de son discernement , puisque le
mérite des plus petites choses ne lui échape
pas. Oui , j'entrerois dans la carriere avec
A iiij quelque
31
1264 MERCURE DE FRANCE

quelque confiance , si je poffe dois l'élégant
& le délicat badinage de l'ingénieux Auteur
de l'Histoire de Paris sur un nouveau Plan
& de la Lettre du Patissier Anglois an Cuisisinier
François.
L'art de la Galanterie vaut bien celui de la
Cuisine ; le premier a même le droit d'ainesse
; car je vois dans les anciens Romans force
Propos galans ; mais les descriptions de
Repas y sont extrémément rares ; d'où je
conclus que le talent de plaire eft , pour le
moins , égal en mérite à celui d'aprêter à
manger.
Disons mieux , dans leur Art les enfans de Comus
Imitent la minauderie ,
Et les rafinemens des Sujets de Vénus
Il est donc en cuisine une coquetterie
Pour les modernes Lucullus ,
Comme il eft des friands dans la galanterie.
Me voilà donc autorisé par de grands
exemples , cependant je ne suis pas encore
exempt d'apréhension ; je vais parler librement;
je vais dire des vérités à un Sexe que
l'on nourrit continuellement de mensonges
agréables .
Dieux ! quels mets , quels ragoûts vais- je lui présenter
?
Je tremble quand j'y pense.
VoudraJUIN.
1740. 7263
Voudra-t'il seulement y toucher , les goûter ,
Ce Sexe délicat , que l'on aime à flater ,
Et pour qui chaque jour nous faisons la dépense
De tout ce qui peut le gâter ?
La franchise n'eft guére mieux reçûë chés
les Dames que chés les Rois ; c'eft peut -être
pour cela qu'on les apelle les Reines du
Monde .
A quoi m'exposez - vous , Mlle ? n'importe ;
j'ai reçû vos ordres , un peu de hardieffe me
paroît préférable à la désobéïffance ; j'oublie
tout le monde , je ne songe qu'à vous ; je
commence.
J'ai crû long- temps avec vous , Mlle , que
les Eventails n'étoient autre chose que Finvention
de quelque Artisan affés habile pour
avoir sçû ( paffez -moi la métaphore ) renfermer
des Zephirs dans un morceau de papier
ou de taffetas.
Je n'y voyois d'autre avantage
Pour les Dames , que l'agrément
D'avoir à leur commandement
Le souffle que Zéphire avoit seul en partage,
Avant que l'on eût l'art de captiver le vent.
Vous pensiez la même chose ; Mile , mais
nous ne connoissions guére ni l'un ni l'autre
la véritable origine & les magnifiques pro-
A v prietés
1266 MERCURE DE FRANCE
prietés des Eventails; j'ai été tivé d'erreur par
l'avanture dont je vous ai promis la narration
; elle vous paroîtra merveilleuse ;, mais
songez que la vérité même a ses merveilles ,
& que cette histoire peut être vraye , quoiqu'elle
ne paroifle pas tout- à -fait vraisemblable
.
T'aime mieux , après tout , une plaisante Fable ,
Qui peut mener l'esprit à quelque vérité ,
Que quelque Histoire véritable ,
Sans but & sans moralité.
Il y aura un an l'Eté prochain , qu'après
m'être promené seul dans le Luxembourg ,
pendant un affés long- temps , j'allai me reposer
dans un Bosquet de cet agréable Jardin
, l'un des ornemens de Paris , quoique
la Nature seule en faffe les frais & que l'art
ne se mette point en peine de le cultiver .
Il étoit près de huit heures du soir ; je ne
m'aperçûs point en entrant dans le Bosquet
que je inarchois sur quelque chose ; une espece
de cri me fit regarder à terre , un Even .
tal fort joli étoit à mes pieds , je le ramaffai ;
je ne sçais quel mouvement secret me fit desirer
alors de connoître la personne à qui cer
Eventail apartenoit.
Peut- être alors mon coeur étoit- il entraîné
Par ce doux instinct qui nous guide ,
Quand
JUIN. 1740: 1267
Quand par le moindre objet l'homme eft déterminé
A voler d'une aîle rapide.
Vers le Sexe enchanteur pour lequel il eft né ..
Quoiqu'il en soit , je m'écriai sur le champ
& sans y penser , à qui l'Eventail ? personne
ne m'ayant répondu , j'allois le mettre dans
ma poche , lorsqu'une voix me cria , ami ,
que ne daignes-tu me demander à moi - même
à qui j'apartiens.
Vous jugez bien , Mlle , que cette voix me
surprit étrangement. Je regardai de tous cotés
, je ne découvris personne ; l'épouvante
commença à succeder à l'étonnement, éroitce
un Démon ? Etoit- ce un Génie : Les uns &
les autres habitent les Bosquets . Cette voix
n'avoit point un corps , ou ce corps étoit
invisible ; dans cette étrange conjoncture, je
me rapellai le sens du discours , & mon
étonnement redoubla ; il paroiffoit que l'Eventail
même m'avoit apostrophé ; nouveau
sujet d'inquiétude .
Je vois ta surprise , ( continua la voix , );
c'est une preuve de ton ignorance.
Amis , tu languis , je le voi,
Dans les préjugés du vulgaire ;
Ton esprit ne recherche & ne découvre en moi
Qu'un instrument fort ordinaire ;
Je sçais qu'un Eventail, pour un esprit borné
A vj N'est
1268 MERCURE DE FRANCE
N'est qu'un morceau d'Yvoire , un Taffetas orné
D'une Peinture inanimée ;
Tandis qu'aux Dames destiné ,
Ce Bijou d'un Zéphir tient l'ame renfermée ;
Ainsi donc , & Mortels à l'écorce attachés ,
Vous voyez tout le reste avec indifférence ,
Et , sous nombre d'objets , simples en aparence ,
Vous ne pénetrez pas quels trésors sont cachés.
La voix poursuivit, assis- toi sur le gazon,
aproche l'Eventail de ton oreille & redouble
d'attention.
L'Eventail que tu tiens , n'est autre chose
qu'un malheureux Zéphire,à qui son inconstance
a coûté cher.
0 1072%
J'aimois Flore & j'en étois aimé , lorsque
ma légereté naturelle me fit voler vers Pomone
; je trouvai son coeur occupé , Vertumne
étoit heureux .
Après avoir parcouru les Etats de quelques
autres Divinités , je revins à Flore , elle
m'aimoit toûjours ; elle me pardonna ma petite
infidélité.
En amour la désertion
Nous inspire souvent une ferveur nouvelle
Pour le premier objet de notre passion ;
Ne craignons point l'impression
Qu'une infidélité fera sur une Belle ,
Pourvû que le bon goût & la refléxion
Sache
JUIN. 1740: 1269
Scachent nous ramener à propos auprès d'elle.
De ne faire jamais qu'un choix ,
Belles , si vos Amans se faisoient une affaire ,
Votre gloire y perdroit , c'est une chose claire ;
De quatre Aman's soumis tour- à- tour à vos Loix
Il faudroit en retrancher trois
Il faut bien , pour vous satisfaire ,
Que notre coeur ait quelquefois
Des sacrifices à vous faire.
Suivant cette maxime , mon retour vers la
Déeffe ne me guérit point de l'inconstance ,
on eût dit que j'étois né François.
Lorsque je revins à la Cour de Flore , j'y
trouvai une jeune Nymphe fort aimable, que
je n'avois pas encore vûë ; on la nommoit
Aglaé ; la voir & l'aimer fut mon premier
mouvement ; le second fut de chercher à lui
plaire. Aglaé avoit un coeur neuf , conquête
Hateuse ! Je n'épargnai rien pour me la procurer
; mais ce n'étoit pas sans précautions ;
mon humeur volage avoit rendu Flore clairvoyante
.
Ce n'étoit pas une merveille ;
Un amour trop certain de sa félicité ,
S'assoupit dans les bras de la sécurité ,
Mais il s'agîte & se réveille
Dès qu'il entend la voix de l'infidelité .
J'étais
1270 MERCURE DE FRANCE
J'étois observé de si près que je fus bien
huit jours entiers à brûler constamment sans
pouvoir le déclarer à l'aimable Aglaé ; cependant
au bout de ce long temps , Flore
ayant été apellée au Conseil des Dieux pour
l'ornement d'une Fête que Jupiter vouloit
donner , son absence me laiffa la liberté
d'entretenir mon adorable Nymphe ; je ne
sçais si elle avoit deviné que j'aurois à lui
parler , elle se dispensa sur quelque prétexte
de suivre la Déeffe ; quant à moi je trouvai
le secret de m'échaper de la Sale du Conseil
Olimpique , & je volai vers Aglaé,
Elle se promenoit dans les Jardins de Flore
; eh quoi ! me dit - elle d'un air tout charmant
, vous n'êtes dont pas resté avec la
Déeffe ? Croyez - vous , lui dis- je , ô mon aimable
Aglaé , qu'il y ait des Fêtes pour moi
où vous n'êtes pas ? Alors je me jettai à ses
genoux, & je lui déclarai , avec transport, l'amour
qu'elle m'avoit inspiré . Que faitesvous
, s'écria- t'elle ? Que deviendrois je.
Flore nous surprenoit ensemble ? Ne craignez
rien, lui répondis -je chere Aglaé,Flore
est retenue dans les Cieux; n'ayez d'atention
que pour un Amant qui ne voit que vous.
Ah ! par une crainte frivole
si.
Pourquoi troublerions- nous ces momens fortunez ?
Déja cet heureux temps s'envole ,
Cruelle , & vous l'empoisonnez.
Hélas !
JUIN. 1740. 1271
Hélas ! me répondit Aglaé , avec une sim- ·
plicité triste & naïve , je vous écoutois il y a
quelques jours parler à Flore , vous lui juriez
un amour éternel , & vous m'aimez , ditesvous
? Oui , répliquai -je aussi-tôt en prenant
une de ses belles mains , oui , belle "Aglaé ,
je vous adore , & n'adore que vous seule
êtes- vous déterminée à m'ôter tout espoir,
moi , l'Amant le plus tendre & le plus fidele
qui fût jamais ?
Sur ces serments , continua l'Eventail' , en
s'interrompant lui même , vous me croyez
peut -être le plus traître de tous les Zéphirs ?
vous m'accusez en secret de perfidie ?
Mais ce seroit me faire injure ;
L'inconstance est l'effet d'une invincible loi ,
Et l'Amant volage est parjure ,
Sans être de mauvaise foi.
Cependant le coeur rempli de ma nouvelle
paffion j'attendois aux pieds d'Aglaé,
qu'elle daignât prononcer mon Arrêt. Levez
vous , me dit- elle , je tremble que Flore
ne survienne. Eh quoi ! lui repliquai-je , toû
jours des craintes , & pas le moindre espoir?
Que voulez- vous que je vous dise , me ré-,
pondit Aglaé , en tournant vers moi les plus
beaux yeux du monde ? .... Ah ! Zephire ?
vous avez aimé Flore ; .... que je serois à
plaindre
1272 MERCURE DE FRANCE
plaindre fi vous changiez une seconde fois !
A ces mots elle diſparut.
Depuis ce moment elle m'évitoit ; elle
s'observoit elle -même ; elle sembloit se repentir
d'une indifcrétion , ensorte que je fus
quelques jours sans pouvoir m'affûrer plus
pofitivement de ses difpofitions à mon égard:
peut- être me répondrez- vous qu'elle m'en
avoit affés dit ?
Mais quel est l'aveu favorable
Qui soit , je ne dis pas égal , mais comparable
A ce Je vous aime charmant
Que l'on trouve fi defirable ?
Ces trois mots échapés d'une bouche adorable ,
Peuvent seuls contenter & l'Amante & l'Amant.
L'attente d'un aveu fi cher , m'avoit rendu
rêveur , contre mon ordinaire . Ma rêverie
me conduifit un jour dans une allée sombre ,
où se promenoit Aglaé ; dès qu'elle me vit ,
elle entra , pour méviter , dans un cabinet
de rofiers , voifin d'un bofquet de mirthes
où Flore alloit quelquefois se reposer. La
jeune Nymphe ne soupçonnoit pas que je
Feuffe aperçue : j'étois à ses genoux avant
qu'elle eût songé à m'ordonner de me retirer.
Elle voulut sortir , je l'arrêtai : ne craignez
rien , lui dis - je , belle Aglaé.
Que mon empreffement ne vous foit point fufpect ;
Ma
JUIN. 1175 1740:
Ma tendreffe eft pour vous pure & légitime ;
Le veritable Amour eft le Fils de l'Eftime ;
Et l'Eftime eût toujours pour Frere le Respect.
Elle parut se rassûrer ; une défiance affectée
est souvent plus dangereuse dans ces occafions
, qu'une noble confiance mêlée d'une
fierté qui est imposée à l'Amant le plus em
preffé.
Je me défierois d'une Prude
Qui me quitteroit brusquement ,
Ou me chafferoit d'un air rade ,
La vertu bien fincere agit tout fimplement.
Nous nous mîmes à causer tranquilles
ment ; Aglaé continua de cueillir des roses
pour s'en faire un bouquet. J'en avois aperçû
une la plus belle du monde , dans un
coin du cabinet : j'allois la cueillir lorfqu'une
épine me picqua fi vivement , qu'il m'échapas
une plainte que la tendre Aglaé accompagna
d'un Ouf: tous deux nous trahirent.
Hélas ! les Roses les plus belles ,
Et qui par leur éclat charment le plus nos yeux ,
Cachent aux regards curieux ,
Les épines les plus cruelles.
Le plus sage seroit de n'en point aprocher.
Mais quoi ! de tant d'attraits le Ciel les a pourvûës,
Que
1174 MERCURE DE FRANCE
Que du moment qu'on les a vûës ,
On rifque tout pour les toucher.
Flore dormoit dans le bosquet de mirthes ;
le cri d'Aglaé la réveilla ; elle accourut dans
le cabinet des rofiers. Dieux ! quel fut son,
étonnement ? Aglaé étoit affise sur un banc
de gazon : j'étois à genoux devant elle , tandis
qu'avec un mouchoir de mousseline
l'aimable Nymphe se hâtoit d'étancher le
sang qui sortoit de la picquûre que je m'étois
faite ; la blessûre étoit légere en ellemême
, mais est- il de légers accidens en
amour ? Aglaé découvroit dans son action.
cet empreflement mêlé de crainte que l'on a
dans ces sortes d'occafions pour les personnes
que l'on aime.
En amour le péril eft la pierre de touche :
Alors , quoiqu'une Belle ait formé le projet
De tenir en filence & ses yeux & sa bouche ,
Dans le moindre accident qui frape un cher objet >
L'ame se réunir à celle qui la touche ;
Et la Beauté la plus farouche
De fes craintes bientôt découvre le sujet.
Cette entrevûë , auffi fatale pour nous que
pour la Déeffe , ne fit que juftifier des foupçons
qu'elle avoit déja conçus : elle diffimula
cependant , & parut même plus tranquille
sur
JUIN. 1740: 1175

sur mon compte ; mais elle méditoit une
vengeance qui devoit m'ôter pour toujours
le defir , ou fi vous voulez , le plaiſir de
changer.

Quelques jours après cet incident , Flore.
fit avertir Aglaé de venir lui parler en particulier
; la pauvre Nymphe obéït en tremblant.
Raffûrez - vous , lui dit- elle , je ne
vous voux point de mal ; je suis charmée ,
puisque Zephire m'abandonne , que ce soit
du moins pour une personne qui le mérite,
Mais , Aglaé , quand vous lui avez permis
quelque esperance , avez vous bien reflechi
sur le caractere de votre Amant ? Les sermens
qu'il vous a faits , sans doute , ne me
les avoit- il pas faits à moi- même ? Que dise
je , ne me les avoit - il pas mille fois réitérés ?
Avez- vous plus d'empire sur lui que je ne
croyois en avoir ? Et s'il change encore ,
quelle sera votre deſtinée ?
Au commencement de ce discours , Aglaė
n'avoit reffenti que de la confufion ; ces derniers
mots lui firent répandre des larmes ;
elles furent sa réponse.
Je vous plains d'autant plus , continua la
Deeffe que vous aimez de bonne foi le plus
volage de tous les Amans ; il est cependant
pour vous un moyen de prévenir son infidélité.
On vient de me faire présent d'une petite
baguette d'yvoire, qui a la vertu de fixer
lesT176
MERCURE DE FRANCE
les inconstans , je vous la donne ; J'en au
rois fait usage pour moi - même , fi Zépbire
ne m'eût point quittée pour vous : il n'est
plus temps , & peut- être même que demain
il seroit trop tard pour vous.
Incapable de trahison ,
La fincere vertu l'eft auffi de soupçons.
Aglaé ne vit dans cette offre de Flore
qu'une marque de protection . Elle fortit
après avoir baisé la main de la Déeffe avec le
témoignage de la plus vive reconnoiffance.
Hélas ! elle ne prévoyoit pas combien ce présent
alloit nous être fatal à tous les deux.
Elle accourut d'un air gai me faire part de
la prétendue clémence de Flore ; mais elle
ne me dit rien de la fatale Baguette , dans la
crainte aparemment d'en empêcher l'effet.
Je ne me défiois de rien ; la gayeté d'Aglai
me charmoit , je me mis à folâtrer avec elle ;
j'aperçus la petite Baguette d'yvoire , je la
trouvai jolie , je voulus la dérober ; Aglaé
la retint , elle m'en donna en badinant de petits
coups sur les aîles: funeste badinage !
A peine eus- je été frapé du fatal présent
de Flore , qu'il se fit en moi une métamorphose
aussi prompte que prodigieuse.
La Baguette enchantée se fendit en plusieurs
morceaux très- minces , qui forment
les bâtons que vous tenez : mes aîles s'étant
réünics
JUIN. 1749 1177
reünies auffi -tôt , se collerent sur l'yvoire , &
formerent ce que l'on apelle vulgairement un
Eventail : je suis toujours Zephire , quoique
j'aye perdu mon ancienne forme.
En suis-je donc moins eſtimable
N'ai-je pas conservé l'heureuse faculté
De répandre dans l'air cette fraîcheur aimable
Qui défend la Beauté
Contre les chaleurs de l'Eté ?
En vain l'Astre du jour veut lui faire la guerre ;
J'ai l'art de l'en débaraffer :
Ce font toujours des fleurs que j'aime à careffer ;
Non celles qu'autrefois j'aimois dans un parterre,
Mais celles que les Dieux ont pris soin de verser
Sur le tein éclatant des Reines de la Terre.
>
fut
pout
Mon changement en Eventail
Aglaé le coup le plus terrible . J'ai sçû depuis
qu'elle n'avoit pû survivre à mon malheur
, & j'ose ajoûter , au sien. Pouvoit- elle
desirer de me fixer à ce prix ?
J'ai passé en differentes mains depuis ma
métamorphose ; les Dieux m'ont laissé l'u
sage de la parole pour instruire l'Univers de
mon origine & de mes differentes proprietés.
Comment , dis - je au Zephire métamorphosé
, vous servez donc à plus d'une
chose ? Que
1178 MERCURE DE FRANCE
Que tu es novice , me répondit il , fi tu
ignores en combien de manieres je puis être
utile au beau Sexe !
Va , croi- moi ce seroit trop peu pour les
Dames de n'avoir en moi qu'un Zephire à
leurs ordres. Il est des occafions où je leur
suis d'une toute autre utilité.
Croirois -tu , par exemple , que j'ai bonne
part à certaines conversations? Il y a quelque
temps que j'apartenois à une jeune Veuve ,
qui dans ces sortes de cas , se servoit de moi
merveilleusement bien. Comme elle a de la
beauté , mais peu d'esprit ,
S'entend- elle agaçer par quelque compliment ?
Elle répond succinctement.
Mais elle sçait en récompense
Badiner fort éloquemment
Avec son Eventail , dont le jeu la dispense
De s'énoncer plus claireinent.
O l'agreable truchement !
Sans faire plus grande dépense
Et d'esprit & de jugement ,
Dans un Cercle Cloris se donne adroitement
L'air d'une Personne qui pense ,
Et l'Eventail alors seft admirablement.
Elle le tient apuyésur ses lévres, à peu près
dans l'attitude du Dieu du Silence , repré-
*
sente
JUIN. 1740. 1179
´senté tenant un cachet ou son doigt sur sa
bouche. C'eſt ainfi qu'une sotte rêverie paffe
pour une spirituelle méditation . Que de
Dames , fort estimables d'ailleurs , à qui il
n'en a jamais coûté qu'une semblable_attitude
, pour se donner dans le monde la répuration
d'Etres pensants.
Veut-on de l'Eventail faire quelqu'autre usage t
Que l'on me tienne déployé ,
E qu'alors je sois employé
A cacher , d'un côté , la moitié du visage ,
' Voilà dans un monde poli ,
Et le voile le plus modeſte ,
Et le masque le plus joli ,
Pour en faire accroire de refte
Aux Oncles, aux Tuteurs, aux Papas, aux Mamans
Aux Maris & même aux Amans.
C'est ainsi qu'à sa Confidente ,
Ou bien à son Héros , une Fille prudente
Parle à l'abri de l'Eventail ;
Car on n'affiche plus l'Amour à son de Trompe ;
Et ce n'eft plus en gros , Meres , que l'on vous
trompe ;
On aime à petit bruit , & l'on dupe en détail .
Cette façon de masque est encore à l'usa
ge des Dames qui se disent à l'oreille de jolis
riens ; elle leur donne par - là un air d'impors
180 MERCURE
DE FRANCE
potan ce & de myftere. Autre avantage qu'
on retire de l'Eventail,
Sur l'objet de sa paffion
L'éloquence
d'un homme aimable
Fait-elle quelque impreffion
;
On cache une rougeur ou fauffe ou véritable ,
Avec un Eventail , dont on fçait fe couvrir
Et quelquefois auffi c'eſt un tour plein d'adreffe ,
Pour faire deviner des fignes de tendreſſe
Que la bouche balance encore à découvrir,
Un jeune Cavalier , moins sage qu'amoureux ,
Qu'un tendre aveu rend témeraire ,
Ose-t'il hazarder quelque gefte contraire
A ce que la décence exige de ses feux ?
Mieux que par une réprimande ,
Par un coup d'Eventail
le tendron irrité ;
En impose au Galant qui s'étoit écarté
De ce que la raison commande
.
Mais j'entends que l'on me demande
Si le coup d'Eventail eft donné des plus lourds.
Je répons : Des Amans faisons la difference ;
On bat ceux que l'on voit avec indifference ;
Mais on fait patte de velours
Sur le Galant de préference .
Au surplus cette partie de mon exercice
est celle qui demande le plus de préciſion ;
l'Amour
JUIN. 1740. 1281
1'Amour est un Enfant bien malin ; souvent
on l'agace en croyant le rebuter. C'est aux
Dames à ne pas s'y méprendre.
Que vous dirai -je encore ? Je connois une
vieille Marquise , dont la foibleffe est de vouloir
être regardée . Elle y réuffit quelquefois
par la fingularité de son ajustement. Il y a
quelque temps qu'elle se faufila dans une
compagnie de jeunes Personnes de l'un & de
l'autre sexe ; elle quête des regards , à peine
y fait - on attention ; la pauvre Marquise étoit
isolée au milieu de douze Perfonnes . Pour
derniere reffource , elle laiffe tomber son
Eventail , un jeune homme le ramaffe , le
rend poliment à la Marquise & se retourne
de l'autre côté : la formalité remplie , il ne fut
pas seulement question d'un clin d'oeil ; il
fallut sortir sans s'être fait regarder.
Une jeune Agnès se sert plus heureusement
du même stratagême . Son Amant lui
écrit , elle fait une réponse ; l'embarras est
de la donner sans que l'on s'en aperçoive ; on
attend l'occafion que l'on soit à côté l'un de
Pautre l'Agnès laiffe adroitement tomber
Eventail , le jeune Cavalier le ramaffe , le
présente à sa Maîtreffe , qui saifit l'instant
pour lui gliffer dans la main le Billet qu'elle
tenoit tout prêt dans la fienne.
Eh ! que d'autres Beautés en useroient ainsi !
II. Vol. B Quel
1282 MERCURE DE FRANCE
Quelquefois il arrive auſſi
Qu'avec un air diftrait & fimple en aparence ,
Mais au fond avec un air fin ,
En se mettant au jeu , l'on donne à son voifin
L'Eventail à garder ; aimable préference !
Ensuite on feint de l'oublier ,
Lorfqu'à s'expliquer on hézite ;
Et cet heureux oubli fournit au Cavalier
Un prétexte innocent de premiere vifite.
En un mot , je n'aurois jamais fait , si je
voulois vous déveloper dans toutes ses parties
le sublime exercice de l'Eventail ; il répond
à ceux du Chapeau , de la Canne , &
de la Tabatiere : c'est tout dire .
Et je ne vous parle que de ce que je sçais .
Sans compter les autres méthodes que je puis
ignorer , mes Confreres les ayant imaginées
sans moi ; car il eft bon de vous dire que pluficurs
Zephirs ont été tentés sur mon exemple
, d'être métamorphosés en Eventails ,
quelques- uns par malice , d'autres pour réparer
de bonne foi , la réputation de légereté
qui les avoit perdus auprès des Dames , par
les services continuels qu'ils leur rendent ;
& les Dames à leur tour , par un motif de
reconnoiffance ou d'interêt , ne nous abandonnent
pas même dans la saison où les
Zéphirs sont de trop ; preuve remarquable
JUIN. 1740:
1289
ble de toutes nos autres proprietés.
Que d'Eventails grands & petits
Pourroient vous raconter la chose ,
Si tous les inconftans étoient afſujettis
A la même métamorphose !
On affûre même , continua le Zéphir , que
les Cavaliers François , & su tout les Petits
Maîtres , ont imaginé depuis peu , de porter
en Eté des Eventails de poche. Après avoir
partagé avec les Dames , les Mouches , le
Fard & le Mines , je ne crois pas que ces
Mrs rifquent de paroitre plus ridicules en
partageant auffi l'exercice de l'Eventail.
par
A peine mon Zéphir Hiftorien eût- il aches
vé ces mots , que je fus abordé par un grand
jeune homnie , qui me demanda si dans ce
même endroit je n'aurois pas trouvé
hazard l'Eventail qu'une Dame avoit égaré.
Pendant que ( sans me donner le temps de
lui répondre ) il me faifoit une longue description
de l'Eventail , le Zéphir me dit à
l'oreille : Voilà le Favori de ma Maîtreffe ;
c'est une Actrice fort aimable , ce jeune
Conseiller l'avoit accompagnée dans ce Bos
quet : mais dès qu'ils ont aperçû certain Plu
met , concurrent redoutable pour un Robin
ils se sont levés avec tant de précipitation ,
que l'Eventail est resté sur la place. Cela
Bij
m'ar
1284 MERCURE DE FRANCE
m'arrive souvent dans un tête - à - tête
Adieu.
Je rendis au Conseiller l'Eventail de sa
Déeffe , & je me retirai plein des refléxions
qu'une matiere auffi intereffante ne doit pas
manquer d'inspirer.
Voilà , Mlle , l'Origine des Eventails.
Et voilà , soit dit entre nous ,
Ce que je n'aurois point griffoné pour tout autre .
A propos d'Eventails , ( fi l'Amour d'un air doux
Venoit se mettre à VOS genoux )
Croyez - moi, servez - vous du vôtre ,
4 ..
Pour le repouffer loin de vous :
Je le connois le bon Apôtre ;
Le plus sage fait bien des fous.
****************
SEANCE PUBLIQUE de l'Académie
de la Rochelle , du 4. Mai 1740. Extrait
d'une Lettre écrite à M. D. L. R.
>
vous intereffez , Monfieur fi
Vfincerementaux progrès de l'Académie
de la Rochelle , que vous aprendrez , sans
doute , avec plaifir , les nouveaux avantages
qu'elle s'eft procurés depuis deux ans par
Affociations également flateuses & honora
bles..
des
M.
JUIN. 1740: 1185
M. Fontaine Lieutenant Particulier au
Préfidial , qui fit l'ouverture de la Séance ,
se plaignit d'abord avec modeftie , que le
sort l'eût fait Directeur , après un séjour
de plufieurs années dans une Colonie , où
les Mufes n'ont ni Temple ni Autel ; il félicita
ensuite la Compagnie sur l'heureux
choix des Affociés qu'elle avoit faits pendant
son abfence , & plaça fort naturellement les
Eloges de M. de Reaumur , né Rochelois ,
de M. le Comte d'Etampes , Colonel du
Régiment de Chartres , de M. Le Franc
Avocat Général à la Cour des Aides de
Montauban , de M. Dagieu , Envoyé du Roy
à Bruxelles , & de M. de Bologne , ci- devant
Mousquetaire ; la gloire & la réputation de
ees Mrs , sont affûrées par tant de titres publics
, que je ne vous répeterai point les
louanges que leur donna M. le Directeur.
M.Deslandes , Commiſſaire Général & Or¬
donnateur de la Marine à Rochefort , donna
pour tribut de fon Affociation , un Discours sur
Butilité des Académies , & prit de- là occaſion
de parler des contradictions auxquelles elles
sont exposées dans les Villes de leur Etablissement.
» Les uns , dit- il , jaloux du mérite
d'autrui, & par cette jaloufie même, incapables
de séparer le vrai du faux , cher-
» chent à rabaiffer ce qui leur déplaît , attaquent
& décreditent tout ce qui leur fait
Biij. om-
"
">
1286 MERCURE DE FRANCE
...... » ombrage . Voyent ils un Etabliffe-
❤ment nouveau ? Loin de le favoriser avec
» ce zéle vifque mérite tout ce qui intéreſſe
» le bien public , loin de le foûtenir avec
» leurs propres mains , ils s'étudient plûtôt à
» le renverser, & c. Il me semble que la vraie
» marque d'une ame noble eft d'aimer tout
» ce qui peut être utile , honorable , avanta-
» geux à sa Patrie , à la Ville que l'on a
» choifie pour sa demeure ; admirons ceux
ود
"
»
qui réuffiffent , encourageons ceux qui
» s'efforcent de réuffir , que les grands suc-
» cès s'attirent de juftes loüanges , mais que
les tentatives , que les coups d'effai n'en
» foient pas privés , &c. Je me représente
" toujours avec plaifir Augufte , Maître ,
» Pacificateur & Bienfaiteur du Monde en-
» tier , se dérobant aux acclamations de sa
» Cour , pour aller respirer un air sçavant
» dans le Temple d'Apollon .... Là , dépouillé
» de la pourpre , il recevoit avec indulgence
» tous les Gens de Lettres .... Là , il dévelopoit
les Efprits , il créoit , pour ainsi
" parler , les Talens.
לכ
Les autres contradicteurs des Societés
» Litteraires , poursuit M. Deslandes , sont
» & plus dangereux & en plus grand nom-
" bre : ils demandent sans ceffe à quoi sert
» l'Etude , & de quelle utilité sont les Scien-
» ces & les Beaux Arts. &c. Vous le sçavez
"
" comme
JUIN. 1740;
1287
و د
» comme moi , Mrs , les vrais biens sont les
» Talens de l'Efprit , les connoiffances pro-
» fondes , un discernement sûr & exquis
» l'amour si précieux de la vérité , le courage
» plus précieux encore de n'en point rougir
» devant ceux qu'elle bleffe , l'art de s'expri-
» mer noblement , & ce qui met le com-
»ble à toutes ces qualités , ce qui les releve
» infiniment , la vertu . Que des hommes
» nouveaux , que des ames pétries de bouë
» se paffionnent pour les richeffes , rarement
» acquises , ou du moins rarement poffedées
» sans crimes , qu'ils recherchent les Em-
» plois brillans , plus à charge encore par
» les devoirs qu'ils imposent , que flateurs
les agrémens qu'ils procurent..... ■
» Pour vous , Mrs , fidelement attachés aux
» Sciences & aux Beaux Arts , vous ne ferez
» confifter le véritable bonheur de l'homme
qu'en deux choses , à s'orner l'efprit de
»connoiffances solides , & à se remplir le
» coeur de sentimens nobles & généreux, & c .
Le troifiéme Discours prononcé par le Pere
Valois , Jésuite , avoit pour objet la fimplicité
de moeurs & de caracteres. >> Ce seroit
» mal la connoître , dit- il , que de la faire
→ consister seulement dans une certaine fran-
» chise exterieure , dans un certain air de
» candeur & de bonté , dans des manieres
">
par
naturelles & naïves...... Ces dehors ne
B iiij
fent
1288 MERCURE DE FRANCE
"font que l'annoncer ; elle eft au nombre
» des vertus , elle réfide principalement dans
» l'ame ; c'eft elle qui interdifant toute affectation
, tout détour , & qui ramenant tou-
» tes chofes à l'unité , conduit à une fin hon.
» nête par le fentier le plus droit . Quel est
» fon principe & quels font fes avantages ?
و و
" Ses deux fources font la droiture du
» coeur & le calme des paffions ; un coeur
» doit tâche d'imiter dans fa conduite l'Au
» teur de la Nature , qui a donné à l'Univers
» une fimplicité qui fera à jamais l'objet de
» notre admiration ; le calme des paffions lui
» fait remporter des victoires auffi faciles que
glorieufes,il lui prête une indifference reĤé-
« chie pour tout ce qui a coûtume de le mettre
» en mouvement , &c . Je ne fuivrai point le
P. Valois dans toutes fes preuves , je me con.
tenterai des trois exemples fuivans ; ils ne
pouvoient être mieux choiſis.
>>
>>
» C'eft , dit il , ce que la France vit avec
» admiration fous le Regne précédent , foit
» dans un Héros , qui durant les temps les
plus difficiles , fit fon bonheur , fa reffour-
» & fa gloire , foit dans un homme célebre ,
qui fçut réunir tous les talens Militaires ,
Politiques & Litteraires ; & peut- être ne
» décidera- t'elle jamais fi Turenne & Catinat
» se rendirent plus redoutables à nos enne-
» mis par leurs vertus guerrieres , qu'aima-
و د
و ر
bles
JUIN. 1740. 1289
bles à nos Armées par la fimplicité de leurs
» moeurs.
n
» C'est ce que toute l'Europe voit aujour
» d'hui avec étonnement dans cet Illuftre
» Cardinal, qui rend la Pourpre Romaine &
» l'Autorité du Roy refpectables aux enne-
» mis même de l'Eglife & du Nom François,
» dans ce Miniftre pacifique, qui semble deve-
» nir celui de tous les Etats, par une politique
toujours équitable , toujours heureuse .
» Pleines de confiance en fa droiture, & convaincues
par leur propre expérience , que cet
» air de franchiſe qui les attire, ne peut partir
que d'un coeur fincere,lesNations les plus re-
» culées lui abandonnent leurs plus chers
» interêts , & elles trouvent en lui un Arbitre
» fidele qui obtient tout par la voye de l'infi-
» nuation,fans recourir à des artifices qué fon
équité abhorre , & dont fon habileté peut fe
» paffer.
»
و د
"
ور
Dans la feconde partie , le Pere Valois fit
voir par un détail de differens caracteres , que
dans les Entretiens la fimplicité du coeur rend
aimable , que dans le commerce de la vie ,
elle releve le mérite , & que dans la conduitedes
affaires , elle s'attire la confiance.
La Séance fut terminée par la lecture que
fit M. l'Abbé Darger , d'une Ode de la com
pofition de M. de Bologne . Je vous la transcris
ici toute entiere , afin que vous puilliez
Bv mieux
190 MERCURE DE FRANCE
mieux fentir combien le Poëte , nourri des
expreffions fublimes de l'Ecriture & des
Prophetes , a heureuſement tourné ſon ſujet
au profit de la Vertu & de la Religion.
ODE
Sur la Tempête arrivée aux Isles du Vent de
l'Amérique , le 29. Aouft 1738.
Dominus mifit de Excelfo & affumpfit me & extraxit
me de aquis multis. Reg. Lib. 2.
cap. 22. . 17.
Nos jours ont fi peu de durée !
Pourquoi contraindre nos defirs ?
Quelle plus riante Contrée
Réunit mieux tous les plaifirs ?
La Terre indulgente & docile
Ouvre deux fois fon fein facile ,
Pour nous enrichir tous les ans ;
L'année entiere eft une Automne ;
La main de celui qui moiffonne
Ne fuffit pas à fes préfens.
*
Par des foins auffi doux qu'utiles
L'Etranger fixé dans nos Ports ,
Des Régions les plus fertiles
Y fait abonder les Tréfors.
Ici , parmi la bonne chere ,
Regnent
1
JUIN. 1298 1740.
Regnent aux bords d'une onde claire ,
Les Ris , les Jeux , la Liberté.
Là , dans le fein de la Richeffe ,
Son aimable Soeur , la Pareffe ,
Tend les bras à la Volupté .
*
Tandis que la Roſe eſt fleurie ;
Parons - nous tous de fes couleurs ;
Ne laiffons aucune Prairie
Où nous n'ayons cueilli des fleurs.
Joüiffons des droits de notre âge ,
Búvons , chantons , faifons usage
Des biens que nous offre le fort .....
Mais quelle difgrace foudaine
Vient d'une fi riante scéne
Déconcerter l'heureux accord !
*
A la lumiere étincelante
De l'Aftre du jour , qui pâlit ,
Succede une lueur fanglante
Qui tout coup s'ensevelit .
L'éclair brille , la foudre gronde ;
Les vents , dans cette horreur profonde,
Rempliffent l'air de fifflemens :
A leur fougue tumultuçuſe
B vj
L'onde
1292 MERCURE DE FRANCE
L'onde irritée , impétueule ,
Mêle fes longs mugiffemens.
*
Seigneur , au mépris de tes pactes ,
Veux-tu , pour venger tes Autels ,
Dn Ciel r'ouvrant les cataractes ,
Exterminer tous les Mortels ?
Aux torrens qui couvrent la Plaine
La Mer fe joint , renverfe , entraîne
Arbres , moiffons , hommes , troupeaux.
Suprême Arbitre du Tonnerre ,
Sans ton fecours , toute la Terre
Va difparoître au fein des Eaux.
*
L'un tremblant , tandis qu'il hésite ;,
Par les flots fe fent emporter ;.
L'autre , éperdu , ſe précipite
Dans la mort qu'il veut éviter.
Envain dans ce nouveau Déluge ,
Les Monts les plus hauts , pour refuge
Offrent leur fommet chancelant ;
La Terre s'ouvre , & dans un gouffre
De feu , de bitume , & de fouffre ,.
Les engloutit en s'écroulant.
Grand
JUIN.
1293
4 1745.
GrandDieu ! la mort pour des coupables , -
Eft-ce un fort trop peu rigoureux ? ·
Veux-tu de ces ombres palpables
Ramener le prodige affreux ?-
Pour venger tą lumiere fainte ,
Dans nos coeurs par le crime éteinte ,
Que nous réſerve ton courroux ?
L'Aftre , qui par ton ordre augufte ,
Luit pour l'impie & pour le Jufte ,
Ne luira-t'il jamais pour nous ?-
**
Le Ciel m'exauce , les ténebres
Font place au jour fi fouhaité ......
Quels objets , encor plus funebres ;
Glacent mon coeur épouvanté ! ·
Des Rochers fumant de la foudre ,
Temples , Palais , réduits en poudre
La Mort , le Ravage & l'horreur , -
Une Mer en feu , fans rivage ,
Corps , debris , flotant fur la plage ,
Triftes jouets de fa fureur.
*
Dans cette nuit épouvantable ;
Quel oeil a veillé fur mes jours ?
Flots vengeurs , quel bras fecourable
A pû détourner votre cours ?-
X
1294 MERCURE DE FRANCE
A tout l'éclat de ta vengeance , i
Seigneur , ta fuprême indulgence
Eut toujours foin de s'opofer.
Ton châtiment le plus terrible
Marque moins un Juge infléxible ;
Qu'un Dieu qui cherche à s'apaiser.
*
Ta grace opere deux miracles ,
Et fur mes jours & fur mon coeur ;
Je vis , & de tous ces obftacles
Le Monde enfin me voit vainqueur.
Monde inconftant , trompeuse Idole
Que je vois ta pompe frivole
Avec des yeux bien differens !
Voilà donc la borne fatale
De ces biens que ton luxe étale ,
Que j'ai crû des objets fi grands !
*
Jufques aux portes de l'abîme ,
Lorſque tu veux nous pardonner ,
Seigneur , tu conduis ta victime ,
Et tu fçais bien la ramener.
Charitable enſemble & fevere ,
Tu ne m'as corrigé qu'en Pere ,
Je ne mourrai point , je vivrai ,
Oui je vivrai , mais tous les âges
Apren
JUIN.
1745. 1295
Aprendront de moi les ouvrages
De la main qui m'a délivré.
Dans l'amertume de mon ame .
Je repafferai devant toi ,
Tous ces jours , dont la longue trame
Ne fut qu'un oubli de ta Loi.
Ainfi qu'une jeune Hirondelle
Implore l'aide maternelle ,
Vers toi je poufferai mes cris :
Colombe trifte & gémiffante ,
Ma rêverie attendriffante
Epuifera tous mes efprits.
*
Seigneur , il eft vrai que ta gloire
Dans un éclat toujours nouveau
Vit parmi nous , mais la mémoire
N'en defcend point dans le tombeau.
Pendant qu'il eft en ma puiffance ,
De ma vive reconnoiffance
Grand Dieu , tu verras les effets ;
Dans le transport qu'elle m'inſpire ,
Je confacre à jamais ma Lyre
Au fouvenir de tes bienfaits,
Vous
1294 MERCURE DE FRANCE
A tout l'éclat de ta vengeance , i
Seigneur , ta fuprême indulgence
Eut toujours foin de s'opofer.
Ton châtiment le plus terrible
Marque moins un Juge infléxible ;
Qu'un Dieu qui cherche à s'apaiser.
*
Ta grace opere deux miracles ,
Et fur mes jours & fur mon coeur ;
Je vis , & de tous ces obftacles
Le Monde enfin me voit vainqueur.
Monde inconftant , trompeuse Idole ,
Que je vois ta pompe frivole
Avec des yeux bien differens !
Voilà donc la borne fatale
De ces biens que ton luxe étale ,
Que j'ai crû des objets figrands !
*
Jufques aux portes de l'abîme ,
Lorſque tu veux nous pardonner ,
Seigneur , tu conduis ta victime ,
Et tu fçais bien la ramener .
Charitable enſemble & fevere ,
Tu ne m'as corrigé qu'en Pere ,
Je ne mourrai point , je vivrai ;
Oui je vivrai , mais tous les âges
Apren
JUIN.
1745. 1295
Aprendront de moi les ouvrages
De la main qui m'a délivré .
Dans l'amertume de mon ame :
Je repaiferai devant toi ,
Tous ces jours , dont la longue trame
Ne fut qu'un oubli de ta Loi.
Ainfi qu'une jeune Hirondelle
Implore l'aide maternelle ,
Vers toi je poufferai mes cris :
Colombe trifte & gémiffante ,
Ma rêverie attendriffante
Epuifera tous mes efprits.
*
Seigneur , il eft vrai que ta gloire
Dans un éclat toujours nouveau
Vit parmi nous , mais la mémoire
N'en defcend point dans le tombeau.
Pendant qu'il eft en ma puiffance ,
De ma vive reconnoiffance
Grand Dieu , tu verras les effets ;
Dans le transport qu'elle m'inſpire ,
Je confacre à jamais ma Lyre
Au fouvenir de tes bienfaits,
*
Vous
1296 MERCURE DE FRANCE
Vous ne nous ferez pas au moins , M.
le même reproche qu'à Mrs de l'Académie
d'Angers, (Mercure de Mars 1740. p.554.)
nous vous donnons des preuves denotre existance
; heureux fi vous en êtes un peu content.
M. de Bologne a encore mieux fait dans
quelques uns de fes Pleaumes paraphrasés; M.
Le Franc nous promet quelques - uns de fes
Ouvrages ,, qquuee nous pourrons lire dans nos
Séances publiques ; nous cherchons partout
des richeffes , & nous vous en ferons part
dans l'occafion: J'ail'honneur d'être , &c.
MOVIUS
Nimia Cali inclementia oblatâ occafione
Vatum fua atatis negligentiam
erga Superos carpis.
HUC VOS
Uc vos , namque mihi jam fas violare quietem,
Huc tumulo celeres , torvique emergite raptim ,
Santolii manes : armati vindice flammâ
Scintillent oculi , caleant quo pectora quondam
Igne facro ; Superos ulcifcere , candide Vates ,
Tu Divos memori gratus , dum vita manebat
Ornabas verfu ; conceffaque dona canebas ;
Nullus fed meritos Superis qui reddat honores."
Tempora mutantur ; Cancer nunc , Amphora ,,
Pifces
Mifcentur,
JUIN. 1740.
1297
Mifcentur , terrifque oftendit frigora bruma
Aftas inconftans , cæli inclementia meffes
Congelat , ô' Rector Coeli , tu fata repelle.
Ipfe æger folitos mortalibus abnegat ignes
Sol dudum latitans , lucemque diemque perofus ;
Et nî fubveniant Superi , rerum ordine verso ,
Heu miferum ! nivibus languentes Junius ater
Confpuet horrendis terras , & dira December
Fulmina vibrabit ; triftè eheu fidera frigent !
Triftius & frigent laxo fub pectine chorda ,
Ingrati Vates , folumque profana morantur.
Non animos , farique puder, tetigêre viciffim.
Morentis populi gemitus , quem ad Templa (~)
vocabat
Afflictis certo impendens penuria terris .
In mentem , heu ! redeat, ferpfit quæ tempore (6)
duro
Sæva fames , fundus mendax , & fplendida campis
Spes toties delufa , ægrifque in vitibus uvæ
Fallaces , tritæque invisâ grandine meſſes ;
Tum fatis iræ homines sensêre flagella prementis.
Quid tenues ftipulas nimiùm tu fervidus ultor
Perfequeris ceffet miferos contundere vermes
Dextra minax , foliumque adversùs pandere vires.
Jufta manus , fateor ; neque nos indebita culpis
(a) Supplicationes vicinorum Vicorum ad Ædem
Sanita Genovefa.
(b) Annis 1709. & 1725.
Ber
1298 MERCURE DE FRANCE
Perferimus fontes , natumque fuevit acerbè
Plectere follicitus genitor , cum crimine turpi
Polluit incautus vitam ; fed verbere favo
Coepit ubi tandem prudens refipiſcere natus ;
Jam tum mutatus virgam faftidit & odit
Ipfe pater , poenafque perofus devovet igni :
Sic tu , ſumme Parens , namque ifto nomine dică
Ipfe jubes ; fic , dum veteres agnoſcimus iræ
Caufas, mutati, & noxas horremus atroces ,
Plebi parce tuæ , veniam nec fperne petentes.
O mihi , fi quantas vobis , in carmine vires .
Donaffent Superi , quàm pronus munera ( c) Coeli
Gratus ego memori ceciniffem carmine dona ;
Cumque gemens infuetum avertere frigus & imbres
Tentaret lacrymis fupplex Ecclefia Mater ;
Tunc precious Matris jungens fufpiria Natus ,
Flectere tentaffem votivo carmine Divos.
Aft habeo quod jam vobis pro crimine tanto
Imprecer , & Coelum forfan mea vota replebit ;
Namque pio meritis poenas nunc ore repofco ,
Et quod vindictâ flagrans ultrà imprecer , unum
Jam fupereft : veftrum fi quis conſcendere Pindi
Culmina tentârit ; Mufarum fervida turba
Confurgat citharis armata , & pectine longo :
Ipfe , ardens oculis , atque irâ , infurgat Apollo ,
Sublatifque lyris celeres defcendere cogant ,
(c) Superiorum annorumfertilitatem .
Et
JUIN. 1743. 1299
Et torvum toto conclament vertice Pindi ,
Difcite jam , ingrati , Superis perfolvere grates.
Plectra filent ? ergo omnis ( fed vos parcite , Divi,
Nam populo meliora precor ) vindemia vobis
Funditus arefcat : pereant vineta pruinis ;
Atque , & adhuc nimiùm , jam in veftros flumina
potus
Sola fluant ; tales iratus Bacchus alumnos
Ejuret , cretofque Lyæo fanguine nolit .
MEMOIRE HISTORIQUE , sur
une Médaille d'Hérodes Antipas , adressée
à M. le Président Bouhier de l'Académie
Françoise , par M. D. L.R.
,
Monfieur , que
la Médaille d'Hérodes Antipas, qui a fait
tant de bruit dans le Monde Litteraire , &
qui a été poffedée fucceffivement par plufleurs
Hommes Illuftres & diftingués , surtout
dans l'Antiquariat , mérite bien que
quelqu'un fe donne la peine d'en écrire l'Histoire
; puisque , dis- je , vous aprouvez en
même- temps, que ce foit moi qui me charge
de cette tâche , je vais , Monfieur l'entreprendre
fous vos auspices , bien entendu que
tout ce que je dois vous exposer fur ce fujet
fera foûmis & fubordonné à votre Critique
Foo MERCURE DE FRANCE
à laquelle je me ferai toujours un devoir de
fouscrire .
Comme vous n'avez jamais vû , cette Médaille
en Original , pas même la premiere
gravûre , qui a été faite fur cet Original , je
vais d'abord mettre fous vos yeux la nouvelle
Gravûre que j'en ait fait faire depuis peu
d'après la Médaille même , que le dernier
Acquéreur a bien voulu me communiquer
le plus obligeamment du monde.
HP
L MI
ΓΑΙΩ
KAICA
TEP...
ΑΝΙΚΩΝ
VIL
HITE
On y voit d'un côté ces mots dans une
Couronne de Laurier FAIQ KAICA гEP ....
NIKO , & fur le Revers une Palme , symbole
de la Judée , avec cette Légende , HPQAнC
TETPAPXHC . LMг.
Cette Médaille a été inconnue à tous les
Antiquaires jusqu'en Fannée 1689. que M.
Rigord de Marseille , déja connu dans le
Monde fçavant pour un Homme de Lettres
du premier ordre, la reçut d'Alep comme un
présent , que lui faisoit M. Transfeld , Marchand
établi dans cette Echelle , & qui fe
connoiffoit en Antiques. Notre habile Marseillois
JUI N. 1740. 1308
seillois ne fut pas long - temps à comprendre
le mérite de ce Monument , par raport fur
tout à l'Epoque qui eft marquée deffus LMг .
C'eft- à- dire la XLIII . année du Regne d'Hérodes
Antipas , Tétrarque de Galilée . Enfin
après avoir bien médité ce Sujet , M. Rigord
composa une Differtation , qu'il fit imprimer
à Paris , chés Lambin , fur la fin de la même
année 1689. & qu'il intitula , Dissertation
Historique sur une Médaille d'Hérodes Antipas
, adreffée à M. Begon, Intendant de Justice
du Pays d'Aunis, & de la Marine, à Rochefort,
datée de Marseille le 10. Septembre
1689. mit à la fuite de cet Ouvrage, une
Réponse à la Differtation , que le fçavant M.
Graverol , Avocat à Nîmes lui avoit adres
sée , sur une Médaille Grecque du Dieu Pan.'
La Differtation de cet habile Antiquaire eft
auffi imprimée dans ce Livre.Le tout ensemble
faisant une Brochure de pages in- 4° .
Le Journal des Sçavans du 20. Février de
l'année fuivante 1690. en rendit compte au
Public par un Extrait clair & exact , fans être
prolixe ; cette derniere circonftance m'oblige
de le placer ici , comme une chose absolument
néceffaire , pour faire connoître les
idées & le but de M. Rigord , dans fa Dissertation
, laquelle ne fe trouve presque plus
aujourd'hui. C'eft de la peine épargnée pour
moi, & un gain pour le Public, qui eft redevable
1392 MERCURE DE FRANCE
vable de cette Analyse à l'un de nos plus ha
biles Journaliſtes , fçavoir M. le Préfident
Coufin , lequel compofoit alors feul le Journal
, par le choix & fous les auspices de M.
le Chancelier Boucherat. Voici l'Extrait en
queſtion.
DISSERTATION HISTORIQUE
sur une Médaille d'Hérodes Antipas in-4°
A Paris , chés Antoine Lambin , ruë saint
Jacques , 1689.
La découverte qu'on vient de faire de la
Médaille d'Hérodes Antipas , eft d'unc trèsgrande
utilité , pour établir un des points le
plus contefté & le plus néceffaire de l'Hiftoitoire,
qui eft le temps de la Naiffance de J. C.
L'éclairciffement de ce point dépend principalement
de la recherche exacte du temps
de la mort du grand Hérodes , parce que
nous fçavons par l'Ecriture , que J. C. eft né
quelque temps avant cette mort ; & c'eft par
le moyen de cette Médaille que l'on peut
sçavoir quand elle eſt arrivée.
Elle nous aprend que l'année 43. du Regne
d'Hérodes Antipas , fils du grand Hérodes
, tombe dans l'une des années de Caligula.
Il faut donc que cette année 43. foit
une des années Juliennes 82. 83. 84. 85. ou
au commencement de 86. c'eft- à- dire les arz
nées de Rome 790. 791. 792. & 793.
M
1
JUIN. 1740. 1303
M. Rigord fait voir dans cette Differtation
que cet an 43. ne peut être l'an Julien 85 , ou
86. parce que l'on voit bien clairement dans
l'Hiftoire , qu'Agrippa étoit déja pour lors
invefti du Trétrarcat d'Hérodes Antipas , &
qu'ainfi l'an 43. de fon Regne doit être une
des trois années Juliennes 82. 83. 84 .
Il prouve que ce doit être l'an Julien 84 :
c'est-à- dire l'an 792. de Rome , parce que
le grand Hérodes étant mort la 35. année de
fon Regne , felon Josephe , & Hérodes An
tipas ayant regné 43. ans , il faut trouver 37
ans d'un côté , & 43. ans de l'autre , depuis
l'an Julien 6. qui eft le 714. de Rome , lequel
, felon Josephe & Dion , fe trouve l'an
premier du Regne du grand Hérodes , jusqu'à
la fin de l'an Julien 84. qui eft le 794 .
de Rome , auquel temps Agrippa fut inveſti
des Terres d'Hérodes Antipas. Or ces deux
nombres d'années ne fçauroient fe rencontrer
dans cet intervalle , à moins que l'on ne
commence la 37. année de fon Regne , qui
eft celle de fa mort , l'an 42. Julien , & le
750. de Rome , & que l'autre ne commence
la
43. année de fon Regne , qui eft celle de
fa dégradation , vers la fin de l'an Julien 83 .
en 792. de Rome.
Cet Auteur donne pour ce fujet une Echel.
le Chronologique , où il accorde les pério
" des de l'année Julienne avec les années Ju
liennes,
1304 MERCURE DE FRANCE
› kiennes , celles de Rome, de l'Empire, d'Anoche
, & de J. C. & fur cette Echelle , il
aplique d'un côté les 37. ans du Regne du
grand Hérodes , & de l'autre les 43. de celui
de fon Fils.
Ce qui le confirme dans fon fentiment ,
c'eft que Josephe disant qu'Archelaus , Fils
du grand Hérodes , & frere d'Hérodes Antifut
éxilé l'an dixième de fon Regne , &
pas ,
Dion mettant cette deftitution d'Archelaus
fous le Consulat de M. Æmilius Lepidus , &
de L. Aruntius Nepos , c'est-à- dire l'an 759 .
de Rome , il eft impoffible qu'Archelaüs
n'ait pas commencé de regner en 750. &
par conséquent qu'Hérodes le Grand ne fait
pas mort cette année-là . Outre que Josephe
remarque qu'il arriva une Eclipse de Lune
Pan de la mort du grand Hérodes. Or les
Mathématiciens en fupputent une le 13. de
Mars , 3. heures après minuit , l'an Julien
42. qui eft l'an 750.
De tout ce raisonnement on conclut , que
l'exactitude de Josephe dans l'Hiftoire qu'il
fait du Regne du grand Hérodes , eſt ſinguliere
, puisqu'on voit toutes les circonstances
qu'il raporte , ſe juſtifier par ce moyen.
On voit encore avec combien d'injuftice
les Auteurs des Eres Chrétiennes ont décrié
cct Habile Hiftorien. Ils ont tous mis la
Naiffance de J. C. après l'année véritable de
12
JUIN. 1740.
1305
la mort d'Hérodes , & n'ont répondu à l'autorité
de Josephe , quand ils ont vû qu'il
leur étoit contraire , qu'en l'accusant d'ignorance
& de mauvaise foi.
Il s'eft trouvé , à la vérité , dans le fiécle
dernier quelques fçavans hommes , & on a
vû dans celui- ci Scaliger, le P. Petau , & d'autres
, prendre le parti de Josephe, & juftifier fa
Chronologic ; mais il leur manquoit un témoin
irréprochable , & contemporain , pour
parler ainsi. C'eft ce que l'on trouve en cette
Médaille que M. Rigord a acquise , & qu'il
a rendue publique.
Il agite par occafion en quelle faison J. C.
eft né , & raporte là deffus les diverses opinions
des Orientaux , dont les uns mettoient
cette naiffance dans le mois d'Avril , d'autres
au mois de Mai & d'autres au mois de Septembre
; & il conclut avec S. Ambroise &
S. Chrysoftôme , qu'elle doit être fixée à la
fin de Décembre , fuivant l'usage de l'Eglise
Romaine , auquel S. Chrysoftôme dit qu'il
faut s'en tenir , parce que , dit ce Pere , cette
Eglise a une Tradition conftante de la vérité
fur ce Fait , depuis le commencement de la
Religion , puisque dès le temps des Apôtres
cette Fête a été célebrée le 25. de Décembre
dans les Pays qui s'étendent depuis la Thrace
jusqu'à Cadis.
M. Rigord , au refte , n'auroit rien fait de
II. Vol. C folido
1306 MERCURE DE FRANCE
folide ni d'utile , fi en faisant imprimer fa
Differtation , il n'eût en même temps exposé
aux yeux de nos meilleurs Antiquaires de ce
temps-là , la Médaille en queftion , lesquels
après avoir aporté toute l'attention poffible ,
décidérent unanimement qu'elle eft véritablement
antique & hors de tout foupçon de
fabrique ou de réparation moderne, & c. c'eft
ainfi qu'en jugerent particulierement Mrs
Vaillant , Oudinet , Gallant , Baudelot de
Dairval , Morel , &c.
La vérité de la Médaille ainfi conftatée
l'Ouvrage de M. R. n'en parut que plus curicux
, & reçut ici des aplaudiffemens univer
sels. Il en reçut auffi dans les Pays Etrangers,
furtout de la part des principaux Journalistes
; les Auteurs des Acta Eruditorum , publiés
à Leipsic , en donnerent un bel Extrait
la même année 1690. & firent graver la Médaille;
ils en parlerent encore dans le premier
volume de leurs Suplémens , page 581. en
donnant à l'Ouvrage & à l'Auteur , des marques
d'une eftime finguliere ; les mêmes
Journaliſtes en firent encore mention dans
le second volume des Suplémens , page 365.
où la même Médaille eft auffi fort bien gravée
, répétition qui n'eft peut- être pas inutile
, l'Edition de Paris ne fe trouvant plus.
Dans l'Histoire des Ouvrages des Sçavans
de Basnage, autre Journal, imprimé en Hollande
JUIN. 1740. 1307
>
fande , il y a au mois de Novembre 1690 .
une Lettre écrite par M. de Langes - Montmiral
, lequel s'auto:ise de cette Médaille , &
défend le même fentiment de M. Rigord ,
au ſujet du temps de la Naiffance de J. C
Et ce qui fit encore beaucoup d'honneur à
mon illuftre Compatriote , c'eft que le fçavant
P. Noris , alors Théologien & Bibliothéquaire
du Grand Duc de Toscane , depuis
Cardinal & Bibliothéquaire du Vatican , ne
fe contenta pas d'embraffer ce fentiment,
fur l'autorité de la Médaille , mais il composa
lui- même une belle Differtation Latine
fur ce fujet , laquelle , comme vous fçavez ,
cft imprimée à la fuite de fon grand Ouvra
ge Annus & Epocha Syro- Macedonum , &Úc.
imprimé à Florence l'année ſuivante 1691. La
Diflertation , qui contient 12. grandes pages
d'impreffion in - 4°. en affés menus caracteres,
eft adreffée au R. P. Antoine Pagi , Auteur
de la Critique de Baronius , & la Médaille
d'Hérodes eft aufli gravée à la tête. Il y a
lieu de s'étonner , comme vous l'avez déja
remarqué , que le P. Pagi n'en ait rien dit
dans la feconde Edition de fon Ouvrage.
Enfin j'ai apris de vous , Monfieur , que
» dans le premier Tome du Livre de M.
» Emmanuel Schelstraté , intitulé , Antiquitas
Ecclesia, Dissertationibus , Monumentis
vac notis illustrata , imprimé à Rome en
»
Cij 1692,
1308 MERCURE DE FRANCE,
1692. in-folio , ce sçavant dit , que fuivant
» les Lettres qu'il avoit reçûës de divers Sça-
» vans de Paris , la Médaille étoit indubita
» ble , que M. Toinard & d'autres , qui l'avoient
examinée , au lieu de la Légende
» ΓΑΙΩ ΚΑICA ΓΕΡ ΝΙΚΩ , de la face , y
» avoient distinctement lû rEP CEB. Et je
remarque , me dites-vous , Monfieur , dans
cette même Lettre du 6. Juillet dernier ,
qu'en effet M. Rigord , après avoir fait
graver fa Médaille de la premiere façon à
» la tête de fa Differtation , la donne ensuite
» de la feconde maniere dans le corps de fon
Ouvrage , page 6. c'eft une chose à laquelle
il fera bon que vous faffiez atten-
» tion. Il feroit à propos encore d'examiner
» files Lettres numérales font fi nettement
» écrites , qu'on ne puiffe foupçonner qu'il
» y eût LAT. Ce qui leveroit toute la dif
» ficulté.
و و
و د
"
و د
Je n'oublierai pas ici ce que m'écrivit fur
le même fujet le R. P. Tournemine , dans .
une de fes Lettres du premier Mars 1737.
» Je me fuis fervi de cette Médaille dans ma
» Differtation fur l'année de la Naiffance de
» J. C. C'eſt la derniere de mes Differtations
Chronologiques , imprimées dans le fecond
Tome du Menochius de Paris , & j'y
» donne à la Médaille une explication qui
prévient , ce me femble , les plus fortes
objections.
"
J'ai
JUIN. 1740 1309 :
J'ai déja eû l'honneur de vous dire , Monfieur
, que cette Médaille fit du bruit , nonfeulement
à Paris , mais encore dans les Pays
Etrangers , & que l'Ouvrage de M. R. dont
elle étoit le fondement , y reçût des aplaudiffemens
. Je dois ajoûter ici que ce bruit
paffa bien- tôt les Mers , & vint enfin jusqu'à
moi , qui étois alors à Damas , achevant mon
voyage de Syrie & du Mont Liban.
A mon retour à Marseille , vers la fin de
l'Eté de l'année 1690. je fus charmé de trouver
chés moi un Exemplaire de la Differtation
de M. Rigord , qu'il avoit bien voulu
y laiffer à mon intention, en partant pour Rochefort
, où M. Begon l'avoit attiré , après
Jui avoir procuré un Brévet de Commiſſaire
de la Marine. J'apris en même -temps qu'en
cette qualité le Miniftre de la Marine , le
Marquis de Seignelay , de qui il étoit particulierement
connu , l'avoit envoyé aux Pyrenées
pour la coupe , l'exploitation & l'envoi
des Mats de Navire , & c. comme un
homme des plus capables de fe bien acquitter
d'une opération pénible , & des plus zelés
pour le fervice du Roy. Je fus auffi in
formé alors que M. R. avant que de partir
pour les Pyrenées , fit présent à M. Begon
de la curieuse Médaille , dont j'écris l'Histoire
. Elle ne pouvoit jamais paſſer en de
meilleures mains .
C iij
Voilà
310 MERCURE DE FRANCE
Voilà donc , Monfieur, la Médaille d'Hérodes
Antipas bien illustrée en toute maniere
& l'Auteur de la Differtation ayant bien fujet
d'être content de fon Ouvrage. Il ne restoit
plus pour donner un furcroît de relief à
Fun & à l'autre qu'un peu de contradiction
& de critique à effuyer , ce qui ne manqua
pas d'arriver.
Cette Critique vint de la Patrie même de
M.Rigord, vous fçavez, M. qu'on n'eſt pas ordinairement
réputé Prophete dans fon Pays ;
mais ce qu'il y a ici de fingulier , c'eft
que le
premier Homme de Lettres qui s'avisa de
foupçonner la Médaille de fupofition , ce fut
un Aveugle , fçavoir le fameux Malaval , fçavant
& habile , comme vous fçavez , mais
toûjours Aveugle. Cependant il exposa fes
doutes à M. Begon , dans une Lettre que je
n'ai pû encore recouvrer, mais j'ai la Réponse
de M. Begon , toute écrite de fa main , laquelle
me paroît folide , & que je raporterai
dans la fuite de ce Memoire.
Un autre Marseillois , moins fçavant que
M. Malaval , mais affés éclairé en toute maniere
, s'éleva auffi contre la Médaille , qu'il
trouvoit , disoit- il, un peu trop bien affortie
avec la Differtation . Mais ce n'étoit guére
là qu'une plaisanterie de la part d'un railleur
de profeffion , lequel dit un jour à M. R ..
avec qui il vivoit familierement. Tu as fait
La
JUIN. 1740 8318
, la Médaille & ensuite la Dissertation. Je
parle ici de M. de Forefta Colongue , qui
alors étoit encore Homme du Monde , & ne
pensoit guére qu'il feroit un jour Evêque.
Mais voici , M. quelque chose de plus ferieux
contre notre Médaille , je veux parler
de la Differtation Latine , imprimée à Aix
presque dans le même temps fous le nom de
M. le Bret, laquelle ne fe trouve plus aujour
d'hui , & que je fuis obligé d'employer ici
d'après une copie très fidele .
DUBIA QUÆDAM circa Dissertationes ,;
in Lucem nuper editas de NummoHerodis
Antipa, in- 4°. Aquis sextiis , Typis Caroli
David , Regis , Cleri , nec non Urbis
Typographi , in Vico Collegii sub Signo
Regis Davidis , M. DC . XC.
AD Eruditissimum Virum R. P. Pagium ;
Doctorem Théologum Ordinis P. P.
Conventualium Sancti Francisci.
L
Iceat mihi , Vir admodum erudite , quod amicis
perlonga Parifiis commoratio tua tædium
affert , perbrevi hac epiftola fublevare , jam enim à
tribus menfibus Aquis noftris abes ; quæ ad usque
reditum tuum , quamquam omnibus ad delicias neceffariis
abundant , mihi tamen videbuntur effe tristiffimæ.
Accelera , fi modo res tuæ patiantur , optatum
amicis reditum , ut quæ penè jacent te ab-
Cij sente
1312 MERCURE DE FRANCE
sente. Cimelia noftra , officioso adventu reficias.
Aut si animus eft Parifiis diutius commorari , patere
me fuper iis quæ persæpè contingunt, in re Litteraria
difficultatibus , ad te per Litteras confidenter
adire , neque enim alius eft quem ego malim quam
te consulere . I enim vero facit fingularis eruditio
tua , facit & incredibilis in omnes humanitas , qua
tibi omnium animos demereris .
Venit non ita pridem in manus elegans eruditi
Rigordi de nummo Antipa Differtatio , hanc , ut
potui , accuratè perlegi ; verum ut non omnia possumus
omnes , dubia quædam circa ftatutam ab eo
Chronologiam occurrere , quæ quamquam ingenio
meo minime perspicaci tribuenda dijudico , nihilominus
angunt. Hæc tu fi amoveas mihi , non modo
gratum feceris , fed & me tibi æternum devincias.
Faxint fuperi ut quem hactenus rebus feliciter
gerendis, cursum tenuifti, eundem diutiffime teneas .
DUBIA quadam circa Dissertationes in
Lucem nuper editas de nummo
Herodis Antipa.
vi-
Umisma iftud argenteum ne an æreum fit ,
N omnino nescio , quippe illud numquam
diffe me memini , & ex unis virorum , & fcientiâ ,
& probitate illuftrium Differtationibus id exiftere
judicavi.
Illius typus ab una parte palmam ob oculos ponit
quam voces hæ Græcæ circunftant. HPRAHE
TETPAPKHE. L. M. г. Hoc eft Herodes Tetrarcha..
Anno quadragefimo tertio . In aversa verò illius
parte , Corona Laurea verba hæc item Græca includit
. ΓΑΙΩ ΚΑΙΣΑ ΓΕΡ . . . ΝΙΚΩ . Ηoc eft CAIO
CÆSAri GERmaNICO. Sed quid causæ eft cur in
hoc nummo nulla Herodis effigies videatur ? Quod,
inquiunt ,
JUIN. 1740. 1313
inquiunt , Judæi ab ejusmodi imaginibus idola re-
.dolentibus , abhorrerent. Verùm id mihi non videtur
usque quaque veriffimum , nam nummum
reperi apud Spanhemium imaginem Herodis Agrippa
* referentem , quod fane dubium movet ,
fuerit
ne Judæis ufitatum imagines prorsus omnes expungere.
Super ea re tu velim , vir erudite , fcrupulum
eximas.
Nil hic moror , Epocham Nativitatis Chrifti ad
insculptos nummo caracteres devenio L. M. г. Hoc
eft anno quadragefimo tertio , quid quidem mihi
dubium movent utrum numisma hoc fit Herodis
Antipa. Nam feu ex erudita , quam nuper edidifti
Chranologia , Chriftus natus fit anno Cæsaris Augufti
45. feu anno Juliano 43. ut Tertulianus , feu
anno Juliano 44. Augufti 42. ut Hyppolitus Portuenfis
, feu 45. ut Appollinarius Laodicenfis , feu
46. ut Affricanus , feu 54. ut Epiphanius Herefi 1 .
feu Baronium fequare , feu Alexandrum Natalem ,
Dubium remanet , nam dummodò certus fit annus
mortis Ascalonitæ , facile erit inde deducere Herodem
Antipam quadraginta tribus annis inchoatis
non regnaffe. inquiramus ergo quo anno Chriſti
fato functus fit Herodes ille Ascalonita , quod fi
conftiterit, quo item anno Tetrarchiam inierit Antipas
, quove in exilium à Caïo Lugdunum fit relegatus
, quotve tandem annis ille regnaverit , facile
deducetur.
Primò certum est Herodem magnum circa Festa
Paschalia mortuum esse , ut ait Josephus ( Antiq.
XVI . I. ) Cumque festum instaret , inquit , quo
patrium Judæis est vefci non fermenta is_panibus
( Pascha vocant , veteris ex Ægypto effugii )
seditiosi deploratores Legis Doctorum Judæ ac
* Differ, 5. de usu & praft. numismatum.
C v Matthiæ
1314 MERCURE DE FRANCE
Matthiæ conglobati in templo permanebant. Con
tigit autem hæc seditio posteaquam Archelaus Pa
rentis Herodis funus curasset , & dum ipfe profectionem
Romam parabat , ut destinatum fibi à Pa
rente regnum , ab Augusto confirmaretur . Unde fit
Herodem sub festa Paschalia defunctum esse . Hanc
fententiam Cardinalis Baronius amplexus est sub
octavum Christi annum . Huic ſubſcribunt Scaliger
& Torniellus.
Idque ratione confirmatur . Nam eo tempore
fato functus est Herodes , quo celebris illa Lunæ
Eclypfis contigit quam refert Josephus ( Cap. 8. J
Cæterum , inquit , Herodes poft mulctatum Matthiam
Sacerdotio alterum Matthiam seditionis
auctorem , ejufque focios vivos exuffit , in quam
noctem etiam defectus Lunæ incidit. Regi verò
factus est morbus gravior , poenam impietatis exigente
Numine , &c. Atqui hæc Eclypfis Lunæ contigit
circa festa Pafchalia 13. Martii , ut Tabulæ
Astronomica produnt , quare rectè dixerim Herodem
circa Pafcha vita periodum conclufiffe.
Neque putes hominem crudeliffimum , Cæsarique
devotum maximè , noluisse Paſchatis celebritatem
interturbare , quippe hic uni ftudebat fortunæ
, nec aliud cogitabat , nifi ut Romanis faceret
fatis , quorum Aquilam in majori Porta Templi
locatam seditiosi dejecerant. Enim verò nec Sabbathi
nec Pafchatis habuit rationem , qui filio non
pepercerat ut Christum tolleret. Quapropter nihil
opus eft ad menfem Cafteu seu Novembrem recurrere
, ut ejufmodi incommodis occurratur : fed ftandum
opinio .i Jofephi , qui hunc circa Pascha mortem
obiiffe contendit.
Tribus ergo à Chrifto Nato menfibus Herodes
obiit , quo autem Herodis anno Christus natus fit
quis explicet ? In tanto Chronologorum diffidio
quid
JUIN. 1740. 1315
quid enim ? Beda 31. ejufdem natum asserit , Eusebius
, 32. Epiphanius , 33. Baronius , 29. anno ,
alii alia.

Utcumque fit , conftat eodem quo Christus natus
est anno , Herodem obiisse ; cætera non moror
nam fi maturius natus est , maturius quoque Antipas
in exilium amandabitur , ſi tardius , tardius etiam
ille Lugdunum exulaturus mittetur . Una modo
difficultas est , an quo anno mortuus est Herodes
Ascalonita , eodem Antipas Tetrarchiam inierit ,
quod planè non videtur rationi convenire .
Nam statim à Paschalibus festis Archelaus , Antipas
et alii , Hierosolimis non abiere , coram Augusto
de summa rerum disceptaturi . Primùm enim
sedanda fuit gravis illa seditio , res componendæ ,
paranda profectio , quam mulierum multitudo quas
secum ipfi trahebant , plurimum morabatur , etenim
illæ dum moliuntur iter , et comuntur , annus est.
Quidquod Cæsareæ mora fuit , denique post longum
iter Romam perveniunt , Romæ non illico res
ad Augustum delata est sed assuetis urbanitatis
officiis dies aliquot insumpsere. Res tandem defertur
ad Cæsarem , ad quem interea Litteræ ex Syria
contra Archelaum allatæ , quæ dum excutiuntur
negotiis illius supersedere necesse fuit . An non plures
ille adversarios Romæ habuit , qui quotidie no
vas ei moras afferebant?
"
·
Inter hæc Archelaus eventum rei , Cæsarisque
opportunitatem præstolatur , postpaulum Confilio
rem committit Augustus , et dum Archela ura
ruentur álii , alii Antipæ partes acerrimè propugnant
et anceps utrimque concertatio est , aunus
abiit ; nam Cæsar utrumque principem bona spe
imbutum , in aliud tempus dimittit .
Accedit deinde mors Maithacis Archelai matris ,
accedunt et à Syria Legati quinquaginia Regum
C vj
im1316
MERCURE DE FRANCE
imperium deprecantes , quibus datus est Senatus in
æde Apollinis ,his fanè omnibus Principum negotium
haud est acceleratum. Tandem Augustus Archelaum
Ethnarcam , Antipam autem Tetrarcham Galileæ
declarat . Postremò, reditus in Syriam paratur,
navigatur , venitur in Judæam. Quis omnium putet
tot cunctationes , tot moras non diutiffime tenuisse
? Lites brevi compofitas ? Enim verò propè
est , ut Torniello assentiar , qui tot negotiis biennium
integrum dedit . Esto tamen iis rebus componendis
annus unus fufficiat , certè Herodes Tetrarcha
Principatum iniit anno Christi 2. penè peracto.
Nam reditus Christi ex Ægipto ad septimum Januarii
anni ejufdem tertii pertinere nemo negaverit
, qui intelligat Archelaum regnasse in Judæa
dum eo Christus reversus est , non potuit autem
primo Christi anno regnare in Judæa , ut superiora
cum ffatre diffidia demonstrarunt. Stat igitur secundo
tantum Christi anno ferè peracto Antipam
Tetrarcha nomen assumere potuisse.
>
Neque velim objicias Evangelistam asserere defuncto
Herode , admonitum in somnis Josephum ab
Angelo at rediret in Terram Israel , nihil enim inde
certi quidquam deducitur . Admonitus est Joseph ,
id unum constat quam dudum autem , aut quam
pridem defuncto Herode non liquet ; quidquod non
unus Herodes quærebat animam pueri , quippe alii
Afcaloniæ cognati , in idem confilium consenserant
: nec poterat prudenter Josephus in Judæam
reverti , donec à Prefide Syriæ Varo , bellici motus
in ea per Archelai absentiam excitati componerentur
; manet igitur Antipam anno Christi secundo
propè peracto , Tetharchiam iniisse .
Progrediamur ulterius , anno quinto - decimo
Imperii Tiberii Cæsaris , &c. baptisatus est Christus
, cum, ut ait Evangelista Luca ( Cap 3. ) esset ,
qua
JUIN. 1740; "
1317
quafi annorum triginta incipiens , Και αντὸς ἦν ώσε
32wy Tendnorla áx . Quæ verba multi , quamquam
planissima sunt , variis interpretationibus in
suam sententiam detorquere conantur. Planiffima
dixi , nam cùm vox hæc e , quafi , poffit vel'exitum
anni trigefimi , vel initium fignificare, per participium
, incipiens , contrahitur ad initium , anni
trigefimi ; ita Interpretes accuratiffimi sentiuntVatablus
, Mariana , & c.
"
>
Neque satis intelligo , qui vox , quafi , poffit ad
quatuor supra triginta annos pertinere , cum illa
vocibus istis circiter , plus minusve respondeat :
quis autem dixerit , circiter , plus minusve vel supra
quatuor protrahi posse ? ac fi liceat locum hunc
Evangelista , erant viri quafi quinque millia , interpretari
, fuisse octo aut novem millia , nam Evangelium
id clare fignificasset ; et miraculum longè
priori majus exhibuisset . Adeone cum dicitur Christus
avulsus à tribus selectis Apostolis quafi jactu
lapidis , licebit afferere hunc ab eis avulsum esse
spatio quadruplo majori ? Ita -ne homines accurate
ut Evangelista, fic solent loqui ambiguè, ut in omnem
sensum eorum verba detorqueantur ? esto
septuaginta discipuli brevitatis causa dicantur , qui
tamen septuaginta duo numerantur , eos tamen septuaginta
duos Lucas ( Cap . 10. ) fuisse commemorat
Septuaginta duo Interpretes , Septuaginta vulgò
dicuntur. Quid inde ? agitur tantùm de voce , quafi ,
quam alio quam quo diximus sensu explicare difficile
est. Undè est Christum baptisatum esse anno
trigefimo inchoato , Tiberii quinto - decimo exeunte.
Nam Augustus Nolæ mortuus est xvi . Ka ! Septembris
, et Tiberius eodem illo tempore Imperio
potitus est , neque vero vox hæc , incipiens , ullo
modo redundat , nam contrahit , ut jam monui ,
vocem ambiguam ad initium anni vitæ Christi trigefimai
;
318 MERCURE DE FRANCE
gefimi ; quo tempore Baptismate tinctus est , neo
ulla vox à superioribus interpunctione distrahitur ,
eadem enim phrafis est , tenor unus , ut quæ sequuntur
planè fignificant , erat quafi annorum
triginta incipiens , ut putabatur, filius Joseph , atque
ut explicat Vatablus . Ingreditur , inquit , annum
trigefimum , quo etiam tempore putabatur
filius Joseh. Quæ omnia mirificè congruunt.
>
Relegamus paulum vestigia , ut dubium hoc
meum apertè pateat. Antipas Tetrarchiam iniit
anno Christi secundo exeunte Christus Baptismate
tinctus est anno vitæ trigefimo ineunte , quinto-
decimo Tiberii Cæfaris ; à decimo-nono menfis
Augusti inchoato , tenuit Imperium Tiberius annis
viginti tribus , ut ait Suetonius . Secundo Caii anno
exilio mulctatus est Antipas.
Undè fic soleo mecum tacitus ratiocinari . Anno
Christi trigefimo ineunte , Tiberius imperarat annis
quindecim , quibus fi hujus Imperatoris vitæ reliquum
adjunxeris , annos scilicet octo , anni conficientur
omnino triginta-octo : his demum fi adjungas
annos Caii duos , extabunt anni quadraginta
, à quibus tamen detrahendus est annus ille quem
Antipas vel in itinere , vel componendis rebus Romæ
infumpfit , priusquam Tetrarcha fieret , atque
ita refidui erunt anni Tetrarchiæ , non plures quam
triginta- octo , quæquidem cgo ægrè expediam ,
nifi quis Dædalus ab eo me labyrinto extricarit .
Nec me iocriter ad id confert perelegans erudi
tiffim Toinardi , nuper in publicum data de nummis
Commodi Imperatoris differtatio. In ea fiquidem
accuratus antiquitatis explorator observat
numifmatibus græcis non annos Imperii , fed ætatis
infcribi. Nempè Commodus cujus nummos tam
eruditè Toinardus idem explicat annos tantum
tredecim nundum absolutos Imperium tenuit. Interea
JUIN. 1740. 1319
terea tamen in pluribus ejufdem Imperatoris nummis
aliud legimus , in altero quippè L. K. hoc est
anno vigefimo. In alio L. K. A. vigefimo primo.
In alio L. K. A. anno vigefimo quarto , et fic de
pluribus aliis . Quod sanè argumento est , Græcos
non annos Imperii fed ætatis obfignare.
Nec fatis adhuc intelligo qui poffit Nummus ifte
Christi nafcentis epocham accurate statuere, nempè
volunt alii anno quadragefimo tertio Tetrarchia
cufum esse , fub finem anni quadragefimi fecundi
ejufdem Ancipe principatus , atque ut id efficiant,in
omnem partem Chronologiam contorquent , modò
hærent Jofepho , mox fi contigerit, eumdem ab eorum
fenfu deflectere , Chronologiam Alexandrinam
amplectuntur , postpaulùm aliam . In quo
quid certi poffit effe non video. Nummum hunc
Chronologiam certò statuere necesse esset ,
autem pendere à Chronologiâ , ut id efficeretur
quod ipfi volunt. Denique quot machinas adhibent
ut Antipam quadraginta annis Tetrarchiam tenuiffe
conficiant ? Nihilo tamen minus ipfis hæret aqua ,
nec mihi , fateor , fuper ea re copiofius fluit.
non
Aliud est quod me non mediocriter angit. Quid
enim , quo anno in exilium ire jussus est Antipas
numifma hoc cudi juffit ? 1. Id planè Antipa per
otium non licuit , nam præcipitanter invitus etiam
& ab Herodiade uxore coactus , Romam profectus
est . 2. An Numifma benefici repedendi causa fabricari
voluit ? At nihil adhuc à Caïo Cæfare quidquam
beneficiorum acceperat. An spe futuri , quod
cogitabat regni , Id præstitit ? Sed cur quadragefimum
tertium annum infcribebat quem nundum
attigerat , dum Dummus cudi jussus est ? Cur Tetrarcham
fe nominatis , qui regnum (perabat ? Expectasset
dubio procul dum beneficio potiretur ,
cujus adhuc incertus erat ; atque haud scio num
temerita1320
MERCURE DE FRANCE
>
temeritatis nomine fufpectus fit , qui quod nundum
beneficium accepit , hujus jam gratias habeat , nifi
fortè velit gratiarum officio beneficium extorquere ?
Nec queo animum inducere meum, Antipam anno
antequam proficisceretur , numifma cudi voluisse
ut dicitur , neque enim adhuc de profectione cogitabat
, ut ex Josepho perfpicuum est , nec id demerendo
Caïo præstitisse , nam debuisset Antipas ,
majori aliquo nummo aureoque id facere non minoris
moduli numifmate , præcipuè cum nihil nifi
commune admodum vulgareque proponat oculis.
Quid plura fi nummus hic ab Antipa anno Tetrarchise
suæ 42. cudi jussus est & annum sequentem
referat , ut jactatum est , quæ deinde fides habenda
numifmatis An iis uti potest Historia , fuam ut
Chronologiam tuto instituat ? nifi res elucefcat
magis , lucem , haud dubiè , nullam historia allatura
est .
>
Palmam parte alterâ nummus refert , alterâ coronam
lauream , de lauro non est quod dicam , hono.
rificè fiquidem laureâ circumcluditur nomen Caii :
Laurus etenim victoriarum infigne est , quamquam
'Caius aut nullas aut non admodum multas de hoste
victorias reportarat . Neque tamen super ea re contendo
, quippe Principibus adulari veritatis ipfius
difpendio , nihil uspiam novi habuit. Verum quid
isthæc palma quid exhibet An urbem Sepphorim
Galileæ primariam , inqua cusum istud à Judæis
numifma dicitur ? benè illud quidem : at cur Sepphoris
palmæ imagine defignatur an quod palmetis
abundet Sed Plinius ( Lib . V. Cap. 4. ) Hierieuntem
ait palmetis confiram , de Sepphori mirum
filentium . Potest utique Palæstina palmas, quibus
variis locis amoena est , fibi symbolum usurpare,
Sepphoris autem id non potest , urbicarium enim
nummi symbolum , fingularis cujufdam notæ fit
omnino
JUIN. 1740. 1321
omnino necesse est , quæ alteri civitati minime con
veniat. Nimirum fi Maffilia fibi ut symbolum peculiare
, oleam caperet , istuc idem Aquæ- Sextiæ
Arelate , Toloque merito caperent , nempè Provincia
oleis ubique confpicua est. Quin ergo fibi Palæstinæ
urbes palmam Sepphoris instar affumant ?
Cum ubique Regio hæc palmetis abundet , neque
hoc poffit symbolo potius defignari , quam cæ
teræ.
Quid ergo quid huic Nummo fiet ? quod peritis
libuerit , neque enim meum est fuper ea re
pronuntiare , adulterinum fit , an legitimum , viderint
antiquitatis exploratores , quibus hæc mea
quantulacunque dubia libens fubmitto , tibi præfertim
, Vir admodum Erudite ; paratus audire quod
volueris , fi modo tua mecum digneris lumina com
municare. CARDINUS LE BRIT , Parifinus.
Aquis-Sextiis , 7. Idus Julii 1690:
J'ai dit ci- devant , Monsieur , que cette
Differtation fût publiée à Aix sous le nom de
>
M. le Bret. Je crois être autorisé à me servir
de cette expreffion , & voici comment. J'étois
avec M. Rigord aux Pyrenées , dans la
petite Ville de Sarrancolin , où j'étois venu
de Toulouse en deux journées de chemin
lorsque mon Ami reçût le paquet contenant
la Differtation imprimée dont nous parlons :
une Lettre de Marseille , qui accompagnoit
cette Piéce,portoit que le P. de S.Just , Jésuite,
Directeur des Etudes du jeune M. le Bret,'
en étoit l'Auteur , ce qui étoit affés vraisemblable
1322 MERCURE DE FRANCE
"
blable , & ce qui paſſa alors pour conſtant
entre M. Rigord & moi. Cependant M. le
Président de M. dont l'autorité n'eſt pas petite
auprès de moi , & avec qui j'ai l'honneur,
comme vous fçavez , d'être en commerce de
Litterature , répondant à une de mes Lettres
sur cette matiere , m'écrivit ce qui suit
il y a environ deux ans . » Je ne sçais
pourquoi vous voulez absolument attribuer
cette Differtation au P. de S. Just
Jésuite , & en ravir la petite gloire à M. le
» Bret. Il avoit alors seize ans , & sûrement
» il en fçavoit plus alors sur les Médailles
» que le Pere de S. Just n'en a fçû dans
toute sa vie , quoiqu'il l'ait pouffée bien
» loin ; ce Jésuite n'avoit jamais paffé pour
" Médailliste , & M. le Bret à cet âge avoit
déja acquis la Collection des Médailles d'or
» du Prieur Bourilly,qui a été la base de son
» Médailler. Il étoit né le 21. Janvier 1674.
» & il eft mort le Octobre 1734. &c.
"
n
Quoiqu'il en soit , M. Rigord ne se tint
pas pour bien critiqué dans cette Differtation
; & au milieu de ses occupations marines
, prefque fans Livres , il prit la plume
sur le champ , & écrivit sa Réponse sommaire
à la marge du Livre , vis -à- vis des Objections
de M. le Bret. Comme il étoit persua
dé qu'une autre Personne étoit cachée sous
ce nom-là , & que d'ailleurs il vouloit faire
sa
JUIN. 1740% 1323
sa cour à M. Begon , à qui il envoya & la
Differtation imprimée & fes Apoſtilles margi
nales,il prit soin d'égayer un peu la matiere :par
exemple , à l'endroit où l'Auteur , pour dire
que les Partisans de la Médaille en queftion,
après avoir employé bien des machines pour
prouver qu'Herodes Antipas a été Tétrarque
-pendant 40. ans , n'en sont ni mieux instruits
, ni plus avancés , s'exprime en ces
termes : Denique quot machinas adhibent u
Antipam quadraginta annis Tetrarchiam tenuisse
conficiant ! Nihilo tamen minùs ipfis haret
aqua , nec mihi , fateor , super ea re copiosius
fluit. M. Rigord , dis- je , mit fort plaisamment
à la marge de cet Endroit : L'Ean
me manque auffi malheureusement , fij'en avois
àsuffisance jeferois voiturer des Mats. Cela
'étoit dit dans un temps où la Riviere de
Neste , qui porte les Radeaux dans la Garonne,
& la Garonne les Mats à la Mer , étoient
presque à sec , & que les Arcenaux manquoient
de Mâture &c. Nous aprîmes depuis
par M. Begon même , qu'il avoit été satisfait
des Réponses sommaires dont je viens
de parler, & que la saillie de M. Rigord sur
le ipfis hæret aqua , nec mihi copiofius fluit ;
l'avoit fait rire , ajoûtant qu'il le reconnoissoit
par- là rempli de la grace de son état , &
de l'objet important de son sejour aux Pyrenées
, &c.
324 MERCURE DE FRANCE
Il me refte , Monfieur , à vous faire part
'de la Réponse que fit M. Begon à la Lettre
Critique de M. Malaval , au sujet de la Médaille
dont je vous fais l'Hiftoire , & de conduire
cette Histoire jusqu'à ce temps- ci ; mais
permettez - moi , s'il vous plaît , en ménageant
votre attention , de prendre ici un peu
de repos , vous aurez inceflamment la suite
& la fin de ce Mémoire.
**********
SONNET en Bout - Rimés.
L
E Flateur paroît doux , comme du Miel en
Cependant c'eft au fond un dangereux
Quiconque est enchanté de son benin
A proprement parler n'est qu'une franche
Le croire ton Ami , c'eſt raisonner en
Mais à coup sûr , & Riche , il l'eft de tes
Aforce de loüer , suant en son
Ruche ,
Sournois ;
Minois,
Buche.
2
Cruche ;
Tournois.
Harnois ,
Cet Efcroc tend un piége à ta Bourse , à ta Huche.
Que dis - je ? dans le temps qu'il caresse ton Chien z
Qu'il t'offre son travail sans te demander
Et qu'il semble pour toi prêt à courir la
Peut-être voudroit-il te voir déja
Rien ,
Pofte,
Crevé
Crains- donc moins d'un Brutal l'insolente Riposte ,
Que d'un pareil Judas le doucereux
Avé.
JUI N. 1740. 1329
hathish
LETTRE de M. le Brun , Capitaine an,
Régiment de Luxembourg , écrite de Strasbourg
le 8. Avril 1740. à M. D. L. R. sur
deux Queftions Militaires,
L
Es Gens de Robe ne fçauroient affés
vous remercier , Monsieur , de l'attention
que vous avez d'inserer tous les mois
dans votre Mercure quelque Question de
Droit proposée ou décidée. J'ose me flater
que vous ne refuserez pas la même grace à
ceux de ma Profeffion. Nous avons , comme
les Magiftrats , des Ordonnances à suivre
& des Jugemens à rendre , & nous devons
être d'autant plus circonspects dans ces
Jugemens , qu'ils ne sont sujets ni à apel ni
à revifion , & d'autant plus éclairés , que ces
Ordonnances n'ont pas prévû tous les cas
sur lesquels nous avons à prononcer. Il s'agit
ordinairement à notre Tribunal de la
mort des Soldats qui y sont soumis , ou des
Galeres , il n'y a point de compensation capable
de racheter ces peines une fois portées
injuſtement. Des Univerfités sont établies,
pour montrer à ceux qui se deftinent au
Palais , la route qu'ils doivent tenir dans
l'adminiftration de la Juſtice diftributive ;
ils ont des Auteurs , qui ayant cû soin de
re
324 MERCURE DE FRANCE
Il me refte , Monfieur , à vous faire part
'de la Réponse que fit M. Begon à la Lettre
Critique de M. Malaval , au sujet de la Médaille
dont je vous fais l'Hiftoire , & de conduire
cette Histoire jusqu'à ce temps- ci ; mais
permettez -moi , s'il vous plaît , en ménageant
votre attention , de prendre ici un peu
de repos vous aurez inceffamment la suite
& la fin de ce Mémoire.
,
**************************
SONNET en Bout- Rimés.
L
E Flateur paroît doux , comme du Miel en
Cependant c'eft au fond un dangereux
Quiconque est enchanté de son benin
Ruche ,
Sournois ;
Minois ,
A proprement parler n'est qu'une franche Buche.
Le croire ton Ami , c'eſt raisonner en
Cruche ;
Mais à coup sûr , & Riche , il l'eft de tes
Tournois.
A force de louer , suant en son
Harnois ,
Cet Efcroc tend un piége à ta Bourse , à ta Huche.
Que dis - je ? dans le temps qu'il caresse ton Chien z
Qu'il t'offre son travail sans te demander
Et qu'il semble pour toi prêt à courir la
Peut-être voudroit- il te voir déja
Rien ,
Pofte ,
Crevé
Crains - donc moins d'un Brutal l'insolente Ripofte ,
Que d'un pareil Judas le doucereux
Avé.
JUI N. 1740. 1329
LETTRE de M. le Brun , Capitaine au
Régiment de Luxembourg , écrite de Strasbourg
le 8. Avril 1740. à M. D. L. R. sur
deux Questions Militaires,
L
Es Gens de Robe ne fçauroient affés
vous remercier , Monsieur , de l'attention
que vous avez d'inserer tous les mois
dans votre Mercure quelque Question de
Droit proposée ou décidée . J'ose me flater
que vous ne refuserez pas la même grace à
ceux de ma Profeffion. Nous avons , comme
les Magiftrats , des Ordonnances à suivre
& des Jugemens à rendre , & nous devons
être d'autant plus circonspects dans ces
Jugemens , qu'ils ne sont sujets ni à apel ni
à revifion , & d'autant plus éclairés , que ces
Ordonnances n'ont pas prévû tous les cas
sur lesquels nous avons à prononcer. Il s'agit
ordinairement à notre Tribunal de la
mort des Soldats qui y sont soumis , ou des
Galeres , il n'y a point de compensation capable
de racheter ces peines une fois portées
injuftement. Des Univerfités sont établies,
pour montrer à ceux qui se deftinent au
Palais , la route qu'ils doivent tenir dans
l'adminiftration de la Juftice diftributive ;
ils ont des Auteurs , qui ayant eu soin de
IC1326
MERCURE DE FRANCE
recueillir les Arrêts des Cours Souveraines ;
en apuyent la Jurisprudence sur l'autorité
des Loix , & les opinions des plus habiles
Jurisconsultes.
Ces secours nous manquent , M. il nous
faut puiser dans les sources , fi nous voulons
nous inftruire , travail pénible , mais néceffaire
, quand on aime à connoître son devoir
& à le remplir , & sans lequel toujours incertitude
, peu s'en faut que je ne dise ;
toujours erreur. Se fier au raport d'autrui
ce seroit souvent suivre des guides mal affûrés
, & prendre pour regle des difpofitions
abrogées ou des usages mal établis.
C'eft ainfi qu'on condamneroit un Solda
qui auroit mis l'épée à la main dans un Camp
ou dans une Place de guerre , à perdre le
poing publiquement , suivant l'Art. XXVII.
de l'Ordonnance du 16. Juillet 1551. tandis
que l'Article XIII . de celle du premier Juillet
1727. le punit des Galeres perpetuelles ;
& que le Jugement d'un Confeil de guerre ,
pafferoit àl'avis le plus severe , quoiqu'il ne
prévalût que d'une voix , malgré l'Article
XII. du Titre XXV, de l'Ordonnance de
1670. & cet Article , pour le dire en paſſant,
seroit d'autant moins observé qu'il est
moins connu. Sur la parole d'un ancien Officier
, dont le Livre , intitulé : Mémoires pour
le Servicejournalier de l'Infanterie , de 277.
pages
,
JUIN. 1740
1329
"
pages , Edition de Paris de 1726. ne fçauroit
être affés lû , la plupart ont crû que » les
» avis ne peuvent jamais se trouver partagés,
» en ce que les voix des fix Juges & celle
» du Préfident , qui fait la feptième , font
» par le nombre impair pancher la balance,
» fans qu'il foit néceffaire que la voix du
- » Préfident en vaille deux ,ainfi que bien des
» gens le croyent , « comme fi les Jugemens
en dernier reffort en Matiere Criminelle
paffoient pas à l'avis le plus doux , fi le
plus severe ne prévaut de deux voix,
Ce n'eft donc que dans une lecture affidûë
des Ordonnances , que les Officiers doivent
chercher à prévenir les préjugés & à s'en défaire.
Mais quand ils auront lû tout ce que
nos Rois y ont établi contre les délits Mili
taires , feront- ils moins embaraffés à faire
l'aplication de la Loi aux circonſtances parti
culieres , qu'elle n'aura pas expliquées ? ou
moins tranquilles s'ils condamnent au gibet
un malheureux qui ne mériteroit que les
Galeres ?
Les deux cas que je propofe ici , peuvent
arriver tous les jours . Des Officiers que j'ai
confultés , ont été autant pour le oui , que
pour le non. Ces Queſtions feroient - elles fi
problématiques , que l'affirmative & la négative
fût également probable , & qu'on pût
faire pendre un Soldat avec autant de raiſon
qu'on
1328 MERCURE DE FRANCE
qu'on en auroit à l'abfoudre ? J'attends ;
pour décider , le sentiment de quelqu'un de
ces hommes consommés dans la fcience de
nos Ordonnances. Je l'aprendrai avec un
plaifir égal au defir que j'ai de m'inftruire¸
& je continuerai dans la même vûë , à expofer
mes doutes aux lumieres de ceux qui
voudront bien les éclaircir ; je fuis , &c.
Questions Militaires,
1°. L'Ordonnance du premier Août 1733 .
article 69. exigeant que tout délit Militaire
foit conftaté par deux témoins , excepté ceux
qu'elle fpécifie , fi un Officier se plaignoit
qu'un Soldat a mis l'épée à la main contre
lui , & qu'il n'y eût qu'un témoin , la preu
ve seroit - elle complette contre ce Soldat
qui nieroit le crime , fi on faisoit porter la
plainte par un
Officier Major ?
2º. Dans un détachement où l'on feroit
rouler pour le Service un Caporal avec les
Sergents , ce qu'on apelle en terme Militaire
, créer un Sergent poftiche , un Soldat
qui fraperoit ce Caporal , devroit-il être puni
, comme ayant infulté un Sergent ou un
fimple Caporal ?
RE
JUIN. 1740.
1329
1
REFLEXIONS sur la Lettre & les Questions
qu'on vient de lire.
S.Code Militaire ,une partie de ces incer-
I on avoit lû avec plus d'attention le
titudes feroit levée.
L'Ordonnance du premier Juillet 1727.
sur les Délits Militaires déroge à toutes les
précédentes , ainfi c'eft un point fixe dont
on ne peut s'écarter dans les Conseils de
Guerre ; il ne faut donc plus avoir recours
à celle de 1651. pour juger un Soldat qui
met l'épée à la main dans un Camp ou dans
une Place de Guerre.
L'Ordonnance Criminelle de 1670. établit
une Regle générale pour tout le Royaume,
sur le nombre de voix, requis pour une condamnation
capitale , & elle ne doit pas
moins être suivie dans un Conseil de Guerre,
que dans toutes les autres Jurisdictions ;
ce que des Officiers particuliers peuvent
avoir écrit de contraire ne peut jamais balancer
la difpofition précise du Texte d'une
Ordonnance , à laquelle on fe conforme dans
toutes les Places. Elle eft raportée dans le
Code de M. de Briquet.
"
Quant aux deux Queftions Militaires , c'eſt
une Maxime générale dans l'Etat , que deux
Témoins font indifpenfablement néceffaires,
pour conftater un Délit. L'Officier qui fe
11. Vol. D plaint
1330 MERCURE DE FRANCE
plaint de l'infulte , étant partie , ne peut être
témoin. Il peut résulter quelques inconveniens
de cette preuve complete , mais il y
en auroit davantage à se contenter de la dépofition
du plaignant , qui pourroit agir par
des motifs, dont l'homme en général eft iufceptible.
A l'égard du Caporal , son caractere eft
fixe , & fa qualité de Sergent poftiche n'y
change rien , ainfi on ne peut fe diſpenſer
de fuivre à la Lettre la Loi que le Roy a
établie en faveur du Sergent & du Caporal.
JtibJt
SONNET en Bouts- Rimés.
Uand je voisde coups d'ongles & de coups de
Q
Deux Laides en fureur s'entre-faire
Un Jocrice badaut se piquer de
Un vieux fou fe parer du plus galant
Quand je vois un Pygmée engloutir un
Un Therfite aux Vénus déclarer fa
Sabot
Largeffe ,
Fineße
Jabot
Gigot
Tendreffe
Permeſſe ,
Sot ; Un méchant Rimailleur , vil limon du
Trancher du bel Efprit , tandis qu'il eft un
Qand je vois un Quidam , qui , n'ayant ni Preſſoir,
Ni
JUIN.
1740. 1331
Ni Château , ni Moulin , ni Fief , i Refervoir ,
M.ne ;
Affecte d'un Marquis & le ton & la
Bref, quand j'entends parler un Lâche en Furicux,
Fuffai- je sur le point d'aller chés
Je ne fçaurois jamais garder mon
Proferpine ,
Sérieux.
LETTRE écrite de Londres ls 20 Avril
1740 par M. Genebrier , Docteur en Médecine,
Antiquaire de feuë S.A.R. Madame,
à M. D. L. R. au sujet d'une Edition des
Ouvrages Géographiques d'Abulfeda , Auteur
Arabe , qu'on prépare en Angleterre.
I
>
'Interêt particulier , Monfieur , que vous
m'avez toujours parû prendre aux Cuvrages
Géographiques d'Abulfeda dont
yous avez donné au Pubi c une Traduction
Françoise de la Partie la plus curieuse & la
mieux travaillée , me fait prendre la liberté
de vous adreffer cette Lettre , qui vous instruira
de l'état présent du travail de M.
Gagnier , toujours apliqué à donner l'Edition
la plus parfaite qui ait jamais parû de
ce fameux Ecrivain Arabe. Pour mieux réuffic
dans mon dessein & pour remplir digne
ment toute votre attente sur ce sujet impor
tant de la Litterature Orientale , je crois !
Dij M
1332 - MERCURE DE FRANCE
M. ne pouvoir rien faire de plus à propos
que de vous aboucher , pour ainsi dire , avec
M. Gagnier lui -même , en insérant ici la
Lettre entiere qu'il a écrite sur toute cette .
matiere à l'un de ses meilleurs Amis , lequel
étant aujourd'hui des miens , a bien voulu
m'en communiquer l'original , pour vous en
faire part.
LETTRE de M. Gagnier , Profeffeur des
Langues Orientales au College d'Oxford
adressée à M. le Colonel Guise , à présent
Brigadier des Armées du Roy de la Grande
Bretagne.
" J'ai reçû , Monsieur votre obligeante
Lettre , & j'ai bien de la joye d'aprendre que
vous êtes de retour de vos voyages en bonne
santé .
Pour obéir aux commandemens de S. M. y.
& satisfaire au juste desir qu'Elle a d'avoir
un détail exact de toutes les Matieres sur ·
quoi Abulfeda a travaillé dans l'Ouvrage de
sa Géographie , j'aurai l'honneur de vous
dire en premier lieu , que cet illuftre & sçavant
Auteur étoit en ligne directe le sixième
Descendant d'Ayub , ou Job , Pere du Grand
Saladin , si connu dans l'Hiftoire des Croisades
, par un autre fils , nommé Seifoddin.
Saladin s'étant rendu maître de l'Egypte
de la Syrie , donna à son Neveu Takiod
1
din
JUIN. 1740. 1333
in , fils de Seifoddin , la Principauté de la
Ville de Hamach , en Syrie , en souveraineté
, avec ses dépendances .
ABULFEDA , arriere petit- fils de Takioddin ,
herita de cet Etat par Droit de succeffion
& en reçût l'Inveftiture l'an 13 20. des mains
Al-Naser , alors Sultan d'Egypte & de
Syrie , avec le Titre & la Dignité de Sultan
ou Roy , à -peu- près comme les Electeurs &
les Princes de l'Empire . Il refta en poffeffion
paisible de cet Etat jusqu'à sa mort , qui arriva
en l'an 1332. Il fut un Grand Homme
de Guerre , & se signala en plusieurs Siéges
& Combats , comme il paroîtra dans l'Histoire
de sa vie , que je donnerai au Public ,
mais ce qui nous le rend encore plus recommandable
, c'est qu'il étoit très - sçavant
dans toutes les Parties de la Litterature. Il a
composé une Hiftoire Générale , depuis le
commencement du Monde , jufqu'à son
temps , dont j'ai donné un Extrait dans la
Vie de Mahomet , en Arabe & en Latin ,
que j'ai eû l'honneur de présenter à S. M. cn
1723. & depuis j'ai donné la même Vie traduite
en François , auffi présentée à S. M.
l'année derniere .
Quant à sa Géographie , dont il s'agit présentement
, on peut dire que c'eft son Chefd'oeuvre.
Abulfeda la finit l'an de l'Hegire
721. comme il le dit lui - même , cette
Diij année
1334 MERCURE DE FRANCE
année répond à l'an de Grace 1321. qui fut
le second de son Regne. Il l'a depuis revûë
& augmentée , ce qui fait que nous en avons
deux differentes Editions , dont il y a des
Exemplaires MSS. dans les Bibliothèques.
L'Ouvrage commence par une courte Préface
où il expose son deffein , qui est de
donner une Géographie Universelle , plus
parfaite que celles qui avoient été écrites
avant lui. Ensuite , vient l'Introduction , dans
laquelle il traire de la Sphere Celeste , en tant
qu'elle aa du raport à la Géographie ; des
sept Climats, selon la Divifion de Prolemée,
des quatre Parties de la Terre , des Mesures
& Dift: nces des Lieux , de l'Ocean , des
Mers , des Colfes , des Détroits , des Lacs ,
des Fleuves , des Montagnes , & c.
Après l'Introduction viennent les Tables ,
qui sont le corps de l'Ouvrage , au rombre
de 28. ou 30. selon les diverses Editions.
Ces Tables contiennent autant de Climats
ou Régions de la Terre ; plus de 500. Villes
y sont marquées , avec les longitudes & les
latitudes , suivant differens Auteurs , & une
Description succinte,mais exacte & curieusa
de chaque Ville , dont il donne la véritable
prononciation. Il cite plus de trente Auteurs
célebres , dont la plupart sont inconnus à nos
Sçavans d'Europe , & dont peu se trouvent
dans les Bibliotheques.
II
JUIN. 1740. 7335
П commence ses Tables par l'Arabie ,
comme le centre de l'Empire Mahometan ,
où eft la Mecque , Ville qui a donné la naissance
à leur faux Prophete Mahomet. De -là
il paffe en Egypte , à Tripoli , Tunis , Alger,
& au Royaume de Maroc , jusqu'à l'extremité
Occidentale de l'Afrique , où il pose
le premier Méridien , en quoi il differe des
autres Géographes, tant anciens que modernes
, qui le fixent dix dégrés plus loin aux
-Isles Fortunées , ou Canaries . Mais cela est
arbitraire .

>
D'Afrique il paffe en Espagne , qui de son
temps étoit encore sous la puiflance des
Maures. De là , en retournant vers l'Orient,
il parcourt les Isles de la Mer Méditerranée
fait une belle Description de la Syrie , sa Patrie
, & de la Paleſtine ; ensuite, continuant
toujours vers l'Orient , il décrit toute l'Aſie ,
jufqu'aux Indes & à la Chine.
Après cela il donne une legere idée des
Pays du Nord de l'Europe , sçavoir la France,
l'Angleterre , l'Allemagne &c. & avouë qu'il
avoit fort peu de connoiffance de ces Pays
reculés , où les Mahometans n'avoientjamais
pénetré , quoiqu'il sçût qu'il y avoit là de
Grands Royaumes & de belles Villes . Il en
dit autant de la Partie Méridionale de l'Afrique
, où habitent les Negres : surquoi il
allegue modeftement , une Sentence ou Pro-
D iiij verbe,
336 MERCURE DE FRANCE
verbe , qui dit que tout ce qui n'eft pas totalement
connu , ne doit pas pour cela être
totalement rejetté , & que la connoiffance
d'une partie eft préférable à l'ignorance du
tout. Mais , pour ce qui eft contenu ,
dans son Introduction que dans ses Tables ,
tous les Sçavans de l'Europe , depuis près de
deux siècles , ont ardemment souhaité que
tout l'Ouvrage devint enfin public.
tant
Cette Géographie fut aportée en Europe
pour la premiere fois par le fameux Guillaume
Poftel , au retour de ses Voyages en
Orient , faits par ordre & aux dépens du bon
Roy François I. le Reftaurateur des Belles-
Lettres en France , qui lui fit délivrer la
fomme de 4000. écus , pour la premiere fois.
En paffant à Venise il laiffa entre les mains de
J. B. Ramufio un Abregé de cet Ouvrage
qu'il avoit traduit. Ramufio en fut fi charmé
qu'il en fait un ample éloge & un détail
exact dans sa Préface au second Volume
Delle Navigationi & Viaggi , &c . imprimé à
Venise en 1583.
Il seroit trop long de transcrire ici tout ce
qu'il en dit , je me contenterai de vous en
raporter un ou deux Paffages. Hor queſto
libro di Geographia non e tradutto tuto , ma vi
manca la maggior parte delle commentationi
sopra ciascuna Provincia. Che se fusse tutto
Latino , haverammo una Geographia Particulare
' JU IN . 1740. 1337
culare delleparti d'Asia & Africa , delle quali
shavea notitia a suoi tempi & saperemo , nomi
delle Provincie , citta Monti , Fiumi, & Mari,
come al presente si chiamano , cò grade della
Longitudini & Latitudini , secondo che vengono
scritti da quefte Autori Arabi , cioe Attual,
Canon , Benfidio , Resum , Cusiro poi Tolomeo.
Che scontradosi col detto si averia piu
certa cognitione di molti nomi antichi citati
nelle hiftorie d'Alessandro e Strabone chora si
vanno conjecturando. Che sarebbe una de belle
& rare cose , que si potessero veder à questi
tempi. . . ..
Ma à far questo cosi gran beneficio al mon-
'do , sarebbe neceffaria la liberalita di qualche
grand Principe , che la volesse far venir in luce
fornito. Che non gle apportaria forse minor
gloria , & pin ftabile & fissa ne gli animi de
gli huomini, & di tutta la pofterità , di quella
che puo nascere da grandi Imperii , & triomfi
acquistaticol' armi.
Plufieurs Grands Hommes l'ont en effet
entrepris , mais aucun n'a cu le bonheur d'y
réuffir . Le premier , que je sçache , a été le
Sçavant Schickard , Professeur de l'Académie
de Tubinge , qui travailla sur un MS. de la
Bibliothéque de l'Empereur à Vienne , mais
ne pouvant lire ce Manufcrit fort mal écrit
comme il s'en plaint dans une Lettre à M.
Greaves , il abandonna l'Ouvrage.
Dv Après
1338 MERCURE DE FRANCE
Après lui , le même M. Jean Greaves , Pro
feffeur en Aftronomie à Oxford , aidé de
plufieurs Manuscrits , l'acheva ; mais , à la
guerre de la grande Rebellion , il fut emprifonné
à Londres par les Parlementaires , sa
Maison fut pillée & son Ouvrage perdu ;
i en avoit publié un Effai en 1650.
Enfin à Oxford feu M. votre Pere Guillaume
Guise , Membre du célebre College
d'Allsoulo , environ l'an 1680. décrivit de
sa propre main l'Ouvrage entier de la Gographie
d'Abulfeda , d'un beau caractere &
d'une netteté incomparable , avec la collation
en marge des diverses Leçons des autres Mff.
avec plufieurs Notes de sa façon , qui éclairciffent
le Texte ; ensorte qu'il n'y manquoit
plus qu'une Traduction , avec fes Commentaires
, lorfque la mort l'enleva au grand regret
de toute la République des Lettres ,
comme il paroît par les grands éloges que
tous les Sçavans de l'Europe lui ont donnés,
dès son vivant & après sa mort.
J'ai profité des travaux de M. votre Pere ,
& je lui rendrai dans ma Préface toute la justice
qui lui eft dûë , fi j'ai le bonheur de
mettre au jour cette Géographie , que j'ai
entierement traduite avec des Notes.
Il y a déja 18. feuilles d'imprimées. J'ai
commencé par les Tables Géographiques.
J'ai fait celle de l'Arabie & une partie de
PEJUIN.
1339 1740.
1 زا 'Egypte ; le tout contiendra environ 150.
feuilles ; chaque feuille revient à 30. schelings.
J'ajoûterai outre mes Remarques , des
Cartes Géographiques , dont j'ai déja tracé
quelques unes.
Dieu veüille que S. M. qui fait aujourd'hui
les Délices de la République des Lettres , soit
cette grande Puiffance qui mette au jour
l'Ouvrage d'un Illuftre & Sçavant Prince ,
felon les voeux & les souhaits de Ramufio ,
dont je vous ai raporté les paroles . Je fuis ,
&c.
J'ai copié très exactement cette Lettre sur
POriginal même , qui m'a été mis entre les
mains depuis deux jours par M.Guise , que j'ai
l'honneur de connoître,depuis l'Ambaffade de
M. le Duc d'Aumont , et qui eft aujourd'hui
l'un de mes meilleurs Amis : Il eft fort eftimé
du Roy de la Grande Bretagne , qui depuis l'a
fait Brigadier de ses Armées . Je dois ajoûter
qu'il defcend de l'illuftre Maifon de
Guife .
Je n'ai pas manqué de faire vos compllmens
& remercimens à M. le Docteur Stroder
, Médecin fort eftimé , pour l'honneur
qu'il vous a fait , je me fers de vos termes ,
d'avoir donné au Public en 1718. une bonne
Traduction Angioife de votre Livre
fur les Arabes du Defert &c . imprimé à Paris
en 1717. lequel contient aufli la Defcrip-
D vj
tion
1340 MERCURE DE FRANCE
tion Géographique & Hiftorique de toute
l'Arabie , par
, par Abulfeda , & par vous , traduite
en François sur les Manuscrits de la
Bibliothéque du Roy , &c. Ce Docteur m'a
paru fenfible à votre politeffe , il vous remercie
à son tour & vous complimente.
Vous m'aurez , sans doute , excusé sur la
précipitation & l'embarras de mon départ ,
qui ne m'a pas permis d'aller vous embraffer
& vous dire adieu . La même raiſon m'a
empêché de prendre congé de M. l'Abbé de
Rothelin , & de M. le Préſident de Mazaugues
.
Mon Hiftoire de CARAUSIUS par les Médailles
&c. commence à faire ici quelque
bruit ; nous en parlerons plus particulierement
à mon retour , que j'efpere être sur la
fin de Mai. Adieu , M. mon très cher Ami ,
je suis toujours &c.
REPONSE de M. D. L. R.
J'ai reçû , Monfieur , très - exactement la
Lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire de Londres , laquelle m'a donné
une grande joye. J'étois véritablement en
peine sur votre sujet , & en me donnant des
nouvelles très agréables fur ce qui vous concerne
, vous augmentez ma fatisfaction par
le détail que vous voulez bien me faire au sujet
de l'Edition que prépare le sçavant M.Gagnier
JUIN. 1740. 1341.
gnier de notre Abulfeda , l'un des meilleurs
Ecrivains Orientaux ,et dont je fais un cas tout
particulier. Je fouhaite à l'illuftre Editeur
& au Public la prompte & parfaite execution
de cette grande Entreprise , laquelle je
crois devoir être aujourd'hui bien avancée .
Quoiqu'il en soit , je vois par la copie de
la Lettre de M. Gagnier , que vous m'envoyez
, qu'il a un peu abregé , & peut-être
trop , les noms & qualités de notre fameux
Géographe Hiftorien,ainfique ce qui concerne
sa généalogie & sa defcendance directe du
Chef des Ajoubites , ou Jobites , c'est - à - dire,
de la Maiſon Illustre qui a donné naiſſance
au Grand Saladin & à d'autres fameux Capitaines
; brièveté , dis - je , qui empêchera le
commun des Lecteurs d'être bien inftruit au
sujet de la Souveraineté que poffedoit dans
la Syrie ce célebre Auteur. Je crois avoir
évité cette espece de défaut dans la Préface
de ma Traduction Françoise de l'Arabie d'Abulfeda
, en donnant dans l'Article qui le
concerne perfonnellement, l'étendue convenable
, fans être prolixe.
Je n'ai point diffimulé auffi que dans notre
Dictionaire Hiftorique il se trouve plufieurs
fautes fur l'Article d'Abulfeda : la plus frapante
est de dire que quelques Sçavans ont
crû qu'il a vécu dans le IV. fiécle , erreur des
plus groffieres , car Abulfeda , de l'aveu même
1342 MERCURE DE FRANCE
me de Morery , étoit Mahometan. Or qui
eft l'Homine de Lettres , qui ignore que le
Mahométisme n'a com nencé que dans le
VII. fiècle du Christianisme , sous l'Empire
d'Heraclius &c . J'ai ajoûté que M. Bavle s'eft
auffi égaré fur le Chapitre d'Abulfeda , quoiqu'il
releve plufieurs bévûës de Poftel , de
Pocoк , & d'Erpenius , sur le même Chapitre.
Je ne fçais , au refte , sur quelle autorité
M. Gagnier fe fonde , quand il fixe la mort
de l'Auteur dont nous parlons , à l'année
1332. de J. C. Il eft certain au contraire, que
plufieurs Orientaux prolongent sa vie jufqu'à
Pannée 1345. de la même Epoque .

Vous ne vous trompez point , au reste ,
quand vous croyez que je ferai imprimer
dans le Mercure la Lettre de M. Gagnier à
M. Guise , copiée par vous fur l'original . Je
crois devoir mettre auffi la Réponse que je
vous dois dans le même Livre , car vous ne
me donnez aucune adreffe pour Vous écrire
en Angleterre ; & le temps de votre retour
me paroît affés incertain, puifque , selon votre
Lettre ,vous esperiez d'être à Paris dans le
mois de Mai, & que nous voilà déja avancés
dans celui de Juin .
Je ferai vos excuses & votre cour aux ILluftres
Sçavans dont vous me parlez ; & en
attendant le plaifir de vous embraffer , & de
Vous
JUIN. 1740.
1343
vous féliciter en perfonne sur l'heureux succès
de votre Caranfius , je vous affûre que je
suis toujours avec la même parfaite confideration
, M. votre &c.
A Paris le 15. Juin 1740.
REPONSE de M. N. D. à M.
A Nos dépens vous vous donnez l'effor ;
D'un ton railleur vous faites l'efprit fort ;
Vous vous moquez du plus jufte fcrupule ;
Tout esprit foible eft fottement crédule ,
Dites- vous ; Turc , Idolâtre , Chrétien ,
Tout vous déplaît , & vous ne croyez rien.
L'Enfer . . fi donc , c'eft une bagatelle ;
En eft- il un , puifque l'ame eft mortelle ?
Craindre , efperer fentiment d'un vrai sot ;
Brides à veaux pour le Peuple idiot.
+
Voilà , Seigneur , quel font vos aphorifmes ,
Que vous fondez sur de brillants sophiſmes ,
Par les Sçavans cent & cent fois fifflés ,
Et par des fous toujours renouvellés .
Oui , fous , vous dis-je , & cervelles brûlées ,
Des Vérités conftamment révélées
Fiers ennemis ; mais esclaves ! ' vrés
Aux Paffions dont ils font enyvrés.
Car ,
1344 MERCURE DE FRANCE
Car , après tout , qu'êtes-vous donc, beau Sire ?"
Un Philofophe Ah ! vous me faites rire !
Votre sçavoir n'eft qu'un ton fuffisant ,
Fades bons mots d'un très -mauvais plaifant.
Avez-vous bien aprofondi l'Hiftoire ?
Tesé les Faits ? Vous le faites accroire
A des Docteurs , comme vous ébauchés ,
Qui du préfent uniquement touchés ,
Sur l'avenir s'étourdiffent eux- mêmes ,
En se faisant d'extravagans syftêmes ;
Mais, qu'eux & vous soyez aprofondis ,
Que trouve- t'on ? des fous , des étourdis
Demi-fçavans , dont l'orgueil intrépide
Infolemment taille , rogne , décide .
Ain , Seigneur , tout bien confideré ,
Votre ignorance eſt un fait avéré ;
D'où je conclus que de cette ignorance
Provient l'excès de cette fuffisance
Qui veut donner à la fatuité
L'air important de l'incrédulité .
>
,
Vous trouverez ma Réponse un peu dure
M. Mais pourquoi vous méprenezvous
fi groffierement ? Pour vous attirer des
louanges de ma part , vous ne vous contentez
pas , dites- vous , de me regarder comme
un bel Efprit , vous me placez au rang des
Efprits forts , de cesp rétendus Philosophes
qui
JUIN. 1740. 1345
qui font vanité de ne rien croire ; & sur cela
vous concluez que je ne crois rien. Je ne
suis ni bel Esprit , ni Philosophe. Je me
picque d'être l'homme du monde le plus
fimple ; à force de raisonnemens , j'ai apris à
ne plus raisonner , & voici quelle est ma
façon de penser.
De la Philosophie a t'on quelque teinture ?
Pour la Religion l'on marque du mépris.
Eft- on vrai Philosophe auffi - tôt on abjure
Les Sophifmes usés des frivoles Efprits.
Ce sentiment , mon cher , vous paroît ridicule .
Un fou , demi- sçavant , eft toujours incrédule.
Je ne fuis point un Efprit fort .
Au Rédempteur , à son Eglise
Mon ame eft humblement soûmise ;
Je ne rifque rien , fi j'ai tort .
Le Parti contraire eft commode
11 fate l'Esprit et le goût.
Le suivre, c'eft être à la mode ;
Mais pour un Rien , c'eft risquer Tour.
Pour un Rien , me repliquerez - vous ?
Oui , Monfieur , en voici la preuve . Lisez
avec attention , je vous prie , le portrait que
je vais vous faire du Voluptueux ; vous trouverez
que c'est le vôtre , & je me flate que
vous en serez frapé.
Pat
1346 MERCURE DE FRANCE
Par une indispensable Lo ,
Si mon ame meurt avec moi ,
·
Que l'homme est un malheureux Etre &
Pourquoi vient - il donc ici bas ?
Le Monde a- t'il quelques apas
Qui vaillent la peine de naître ?
Après eux l'homine a beau courir
Le mal ' , le chagrin les entoure ;
Et souvent lorsqu'il les savoure ,
Tout l'avertit qu'il faut mourir.
Pour l'impic eteinen martyre!
Ca fison Ane doit périr ,
Malgré lu -meme il doit se dire
Qu'il n'étoit né que pour souffrir.
Out , dès qu'il se sonde lui-même ,
Il stit que plus il a vécu ,
Et plus son coeur s'est convaincu
Que le dégoût suic ce qu'il aime ;
Et que peu quelques doux momens ,
Il a mille & mille tourmens ;
Qu'à son aveuglement extrême
Il out tort de s'abandonner ;
Que s'il est un bonheur suprême ,
Le Monde ne peut le donner ,
Et que le plus sage systême
Consiste à l'ambitionner .
Le voluptueux téméraire ,
Qui
JUIN.
1347 1740.
Qui devroit ainsi raisonner ,
Forçant sa raison à se taire ,
Toujours contre elle osant lutter ,
D'un bien éternel veut douter ;
Et le lâche visionnaire ,
Croyant qu'il pourroit trop coûter ,
Erre , s'aveugle & desespere
D'un bien qu'il faudroit acheter
De son bonheur imaginaire.
Sondez -vous bien , Monsieur ? n'est- ce pas
là le fond de votre amne que je vous présente
à découvert ? Ne sentez- vous pas en vousmême
tous les mouvemens que je viens de
décrire Et, si vous êtes sincere, ne m'avoû
rez - vous pas de bonne foi , que vous êtes
ce voluptueux infortuné , qui cherche ce
parfait bonheur qu'on ne trouve jamais , tant
qu'on s'aveugle sur ce qui en est la matiere
& l'objet ? Lisez dans votre ame , voici ce
que vous y aprendrez.
Mon ame sans cesse obsedée ,
Est pleine de vastes désirs .
Les honneurs , les biens , les plaisirs ,
Sont au-dessous de son idée .
Je la mets en possession
De tous les Empires du Monde ,
E
348 MERCURE DE FRANCE
Et ce bonheur , quand je la sonde ,
Est peu pour son ambition .
Agitée , inquiette , mornë ,
Ayant tout , elle n'auroit rien.
L'espoir immense est son soutien ,
Son horreur est ce qui la borne.
Mais mon ame , songe en quel lieu
Tu vis. Dans un corps , tu soupires !
Dis-moi donc ce que tu désires
Qui puisse remplir tes voeux ? Dieu.
Oiii , Monsieur , voila le seul objet qui
soit digne de notre ambition , & qui soit capable
de la satisfaire . Il est vrai qu'il en coûte
beaucoup pour parvenir à cette ambition ;
que de préjugés il faut combattre ! que d'ennemis
il faut attaquer , vaincre & détruire !
Par ce qui se passe en moi , jugez de
ce qui se passeroit en vous-même , si vous
aspiriez à cette noble victoire , qui nous fait
triompher de nos foiblesses.
Je sens parfois deux partis en moi- même .
Les Passions veulent toujours regner ,
Et la Raison veut l'empire suprême.
Mes passions disent , pour me gagner ,
Qu'on n'est heureux que par leur ministere ;
Mais ma raison me les fait dédaigner ,
Pour
1749. *349
Pour m'inspirer ce mépris salutaire ,
Elle s'unit à la Religion ,
La leur opose , & les force à se taire ,
Plus forte encore après cette union .
D'un tel accord les passions frémissent
Prévoyant bien qu'elles mourront en moi ,
Si mon esprit se soûmet à la Foi .
Nouveaux efforts ; car elles me fournissent
Cent argumens , par lesquels ma raison ,
Trop foible encor pour y pouvoir répondre ;
Me semble prête à se laisser confondre ;
Mais sur le point d'avaler le poison ,
Elle a recours à ce Souverain Etre >
De qui tout vient , que nous fait tout connoître ;
Je sens alors en moi tout réüni ;
Je vois , je crois , le combat est fini.
Pour guérir votre mal , ayez recours au
même Médecin , & si vous souhaitez sincerement
qu'il vous guérisse , vous sentirez
bien tôt les effets de sa bonté. Mais dépouillez-
vous devant lui de votre orgueil. Cessez
d'être Philosophe ; implorez humblement
l'Etre tout - puissant ; élevez -vous jusqu'à lui,
pour l'adorer , mais renoncez à la vaine pré
tention de le comprendre.
Qui peut concevoir Dieu ? L'homme osa l'entre
prendre.
Que de systêmes yains , bizares , differens ,
2
Suc
348 MERCURE DE FRANCE
Et ce bonheur , quand je la sonde ,
peu pour son ambition .
Est
Agitée , inquiette , mornë ,
Ayant tout , elle n'auroit rien .
L'espoir immense est son soutien ,
Son horreur est ce qui la borne.
Mais mon ame , songe en quel lieu
Tu vis. Dans un corps , tu soupires !
Dis-moi donc ce que tu désires
Qui puisse remplir tes voeux ? Dieu.
Oiii , Monsieur , voila le seul objet qui
soit digne de notre ambition , & qui soit capable
de la satisfaire . Il est vrai qu'il en coûte
beaucoup pour parvenir à cette ambition;
que de préjugés il faut combattre ! que d'ennemis
il faut attaquer , vaincre & détruire !
Par ce qui se passe en moi , jugez de
ce qui se passeroit en vous-même , si vous
aspiriez à cette noble victoire , qui nous fait
triompher de nos foiblesses .
Je sens parfois deux partis en moi- même.
Les Passions veulent toujours regner ,
Et la Raison veut l'empire suprême.
Mes passions disent , pour me gagner,
Qu'on n'est heureux que par leur ministere ;
Mais ma raison me les fait dédaigner ,
Pour
17450 $ 349
Pour m'inspirer ce mépris salutaire ,
Elle s'unit à la Religion ,
La leur opose , & les force à se taire ,
Plus forte encore après cette union.
D'un tel accord les passions frémissent ,
Prévoyant bien qu'elles mourront en moi ,
Si mon esprit se soûmet à la Foi .
Nouveaux efforts ; car elles me fournissent
Cent argumens , par lesquels ma raison ,
Trop foible encor pour y pouvoir répondre ,
Me semble prête à se laisser confondre ;
Mais sur le point d'avaler le poison ,
Elle a recours à ce Souverain Etre
De qui tout vient , que nous fait tout connoître ;
Je sens alors en moi tout réuni ;
Je vois , je crois , le combat est fini.
Pour guérir votre mal , ayez recours au
même Médecin , & si vous souhaitez sincerement
qu'il vous guérisse , vous sentirez
bien tôt les effets de sa bonté. Mais dépouillez-
vous devant lui de votre orgueil. Cessez
d'être Philosophe ; implorez humblement
l'Etre tout-puissant ; élevez - vous jusqu'à lui,
pour l'adorer , mais renoncez à la vaine prétention
de le comprendre.
Qui peut concevoir Dieu ? L'homme osa l'entre
prendre.
1. 31
Que de systêmes yains , bizares , differens ,
Sur
1350 MERCURE DE FRANCE
39
وو
Sur cet Etre ineffable , & qui nous fait entendre
Que les plus grands esprits & les plus pénetrans ,
Qui montent jusqu'à lui pour le faire descendre ,
Sont les plus aveugiés & les plus ignorans !
Cessez d'argumenter , Philosophes errans ,
La la son sur la Foi n'a nul droit à prétendre .
Voulez- vous mettre fin à tous leurs differends ?
Croyez , comme l'on croit à l'âge le plus tendre ;
C'est le plus sûr parti que vous ayez à prendre ,
Et pour moi , grace au Ciel , c'est celui que je
prends .
Ce que je ne sçaurois expliquer ni comprendre ,
C'est tout ce que je sçais ,tout ce que je comprends.
» Mais entendez -vous donc vous - même ,
» m'objecterez-vous ; tantôt vous voulez que
j'ecoute ma raison , tantôt vous me défendez
de l'écouter. Qui , Monsieur , je
>>- prétends que vous suiviez ses avis , quand
elle vous conseille de reconnoître sa foiblesse
, & de la soûmettre à l'autorité suprême
; & j'exige que vous lui résistiez de
» toutes vos forces , quand elle veut se ré-
» volter contre son Auteur , ou se faire jour
» dans ses Mysteres impenetrables. La raison
» n'est jamais si forte que lorsqu'elle se croit
foible , & jamais elle n'est si foible , que
lorsqu'elle présume trop de ses forces . Re-
» tenez bien les quatre Vers suivans ; ils ser-
»viront de frein à votre présomption.
33
2
JUIN. 1740.
1351
A Dieu seul apartient la force & la sagesse ;
Vainement notre orgueil veut se donner l'essor ;
L'homme naît foible & fou ; mais devient sage &
fort ,
S'il connoît sa folie , & s'il craint sa foiblesse .
Vous voyez , Monsieur , que je suis bien
éloigné de vos sentimens , & de la sotte ambition
de me distinguer par ceux dont plusieurs
de nos beaux F sprits font trophée. Ne
me faites donc plus l'honneur de me mettre
au rang de ces Mrs, dont la célebrité n'excite
point mon émulation , & dont l'exemple ne
peut imposer qu'à des esprits foibles , qui
oscnt se qualifier d'esprits forts . La viaye for
ce de l'esprit, quelle est -elle : C'est de pren
dre le parti le plus sûr & le plus sage ; & je
suis persuadé qu'il consiste uniquement à
embrasser le Systême que je vous propose ,
& qui , toute refléxion faite , sera toujours
celui des honnêtes gens , & de la plus saine
partie des hommes. Je suis , Monsieur , audessus
de toute expression , & c.
LES
1352 MERCURE DE FRANCE
LES REGRETS de S. Augustin , sur la
Mort de Sainte Monique.
ELEGIE , par M. d'Arnaud.
Enfin ,cruelle Mort , ta main vient de trancher
Des jours qu'au fil des miens tout sembloit attacher;
Dans la nuit du tombeau ma Mere descenduë ,
A mes voeux impuissants ne sera point renduë
C'en est fait ; pour jamais ; les Ombres du trépas
Obscurcissent ces yeux qui veilloient sur mes pas ;
Pour jamais le Destin enleve à ma jeunesse
L'apui que tant de fois rechercha sa foiblesse ,
Lorsque des passions le souffle corrupteur ,
Répandant sur ma vie une triste langueur ,
Flétrit dans son printemps sa fleur encor trop tendre,
Qui des Zéphirs trompeurs n'avoit pû se défendre ,
Et de la volupté respirant le poison ,
N'avoit jamais goûté l'air pur de la raison ;
Par la main des Plaisirs cette fleur cultivée ,
Etoit dans son Aurore à périr réservée ;
C'est toi seul, ô mon Dieu, dont le bras-Tout-Puissant
Loin d'elle , détourna cet orage naissant ,
Releva tout à coup sa tige dessechée ,
Qui prête à succomber , vers la terre panchée ,
Attendoit
JUIN.
1353
1740.
Attendoit que les vents , ou le fer inhumain ,
Du cours de sa langueur vinssent hâter la fin ;
C'est , toi qui me couvrant de ton aîle attentive,
Rapellas dans mon coeur la vertu fugitive ,
Par la voix d'une Mere excitas ints remords ;
De mes sens révoltés étouffas les transports ,
Et m'arrachant au joug où m'entraînoit le crime ,
Pour m'élever à toi , me tiras de l'abîme ;
Après m'avoir comblé de tes plus grands bienfaits,
N'avois- tu pas , Seigneur , oublié mes forfaits ?
Falloit- il égaler le suplice à l'offense ?
Mesurer ta justice au poids de ta clémence ,
Et m'ôtant tout le bien que tu m'avois donné ,
Me rendre plus sensible & plus infortuné ?
Ma Mere a donc pour moi désarmé ta justice ?
Des crimes de son fils elle n'est point complice ,
Tu sçais , grand Dieu , tu sçais pour ce fils malheureux
,
Dans quels torrens de pleurs se sont noyés ses yeux,
Tu sçais avec quel soin entretenant ma flâme ,
'De tes feux immortels elle embrasa mon ame ;
Hélas ! combien de fois craignant pour moi tes
coups ,
A-t'elle , par ses voeux , suspendu ton courroux ?
Combien de fois baignant tes Autels de ses larmes,
T'a- t'elle , pour son fils , expliqué ses allarmes
De l'Hérésie enfin m'arrachant le bandeau ,
Elle fit à mes yeux briller un jour nouveau ;
II. Vol. E Je
354 MERCURE DE FRANCE
Je me rapelle encor ces adieux si funestes ,
Qui de ses tristes jours ont consacré les restes .
O mon fils , me dit- elle , en essuyant mes pleurs ,
Le Seigneur marque enfin un terme à mes douleurs,
Des chaînes de ce corps mon ame dégagée ,
Du joug des passions ne sera plus chargée ;
Je vais au sein de Dieu , qui m'apelle aujourd'hui,
Reprendre un nouvel Etre & plus digne de lui ;
Je vous laisse au milieu d'une Mer orageuse ,
En nauffrages féconde , & toujours dangeureuse ;
Les vents que sur ses bords les plaisirs font regner,
Du Port de la Vertu sçauront vous éloigner ;
Quelquefois retenant leur souffle trop rapide ,
Ils pourront vous tromper par un calme perfide ,
Craignez de ces Zéphirs la maligne douceur ,
Leur haleine souvent précipite à l'erreur ;
D'écueils & de debris cette Mer est couverte ,
Ses bords semés de fleurs , menent à notre perte ;
N'en aprochez jamais , ces bords délicieux
Corrompront votre coeur en séduisant vos yeux ,
Et d'objets effrayans vous dérobant l'image ,
Vous conduiront sans peine au- devant du naufrage,
Enfin pour arriver au Port de la Vertu ,
Il faut que votre coeur par vous soit combattu ,
Fuyez la volupté , Sirene enchantereffe ,
Elle sçait de nos sens surprendre la foiblesse ,
De ses chants séducteurs redoutez les apasz
Dieu
JUIN. 17407
1358
>
Dieu sera le Pilote , & de son propre bras
Poussant votre Vaisseau vers cet heureux rivage ,
Mettra vos jours serains à l'abri de l'orage .
Tel étoit , ô ma Mere ; en ce moment cruel
Le discours qu'en ta bouche avoit mis l'Éternel ,
Tel étoit le chemin que ta main languissante
Traçoit aux premiers pas de ma vertu naissante.
Depuis que de tes jours le flambeau s'est éteint ,
J'ai desiré le sort que pour toi j'avois craint.
De mes yeux le Soleil r'ouvre- t'il la paupiere ,
Le Soleil voit mes yeux chercher partout ma Mere,
La nuit succede- t'elle à l'Astre qui nous luit ,
Je demande ma Mere aux ombres de la nuit ;
En vain mes tristes yeux ne s'ouvrent que pour elle ,
En vain ma foible voix en ces lieux la rapelle ,
Ainsi que mes regards , mes cris sont superflus ,
Tout me dit , tout m'aprend que ma Mere n'est
plus ;
O toi , de tes Elus & le Pere , & le Juge "
Toi , qui des malheureux es l'unique réfuge ,
Entends ma voix plaintive , & sois mon Protecteur
Fais voler devant moi l'Ange Consolateur ,
Pour combattre mes maux , Dieu , prête- moi tes
Armes ,
Que ta divine main daigne essuyer mes larmes ,
Et qu'en toi retrouvant les biens que j'ai perdus ,
Ma Mere & mon bonheur par toi me soit rendus.
E ij
OB
1355 MERCURE DE FRANCE
****
OBSERVATION à l'occasion de la
mort du Frere & de la Soeur , morts nonvellement
, plus que centenaires , dans un
Village du Diocèse de Nevers,
JE
E ne doute pas , M. que la Remarque que
vous venez de faire dans le Mercure d'Avril
, page 823. sur la mort d'un homme âgé
de 108. ans ; & sur celle d'une femme âgée
de 105. arrivée toutes les deux dans le Nivernois
, ne faffe le sujet de la conversation de
ceux qui observent les Lieux où l'on vit
long temps. Ce qui eft ici de fingulier , eft
que ce soit dans un même Village , & dans
un Pays tel que le Morvan, qui n'a certainement
jamais paffé pour une Terre promise,
Cet évenement m'a rapellé celui que la
Chronique d'Alberic de Trois - Fontaines
raporte à l à l'an 1210 en ces termes : A partibus
Hispanorum venit hoc tempore quidam senio
valdè confectus miles grandevus qui se dicebat
esse Ogerum de Dacia de quo legitur in Historia
Caroli Magni , & quod mater ejus fuit filia
Theoderici de Ardenna. Hic itaque obiit hoc
anno in Dioecesi Nivernensi , Villa que ad
Sanctum Catritium dicitur ; prout illic tam
Clerici quam Laici qui venerunt , postea retulerunt.
JUIN. 1749. 1357
Je sçais qu'il y a dans le Diocèse de Nevers
plusieurs Villages du nom de S. Patrice,
qu'on dit en Latin Patritius ; mais le Lieu
qu'on connoît aujourd'hui sous le nom de
Sainte Pereuse , porte auffi en Latin dans les
anciens Titres , un nom aprochant , qui eft
Sanctus Petrusius. Si c'eft à Saint Perreuse
que mourut Oger de Dace , âgé de quatre
cent ans , le Frere & la Soeur , dont vous
avez annoncé la mort , ne pourroient- ils pas
paffer pour des rejettons de la tige de ce
Vieillard extraordinaire ? Au moins leurs
vies mises ensemble , font plus de la moitié
de cet Oger , mort en leur Pays. Mais je
veux que ce que conte Alberic soit une Fable
, il seroit bou que M. de Frasnay , qu'on
dit être connu de vous , dévoilât l'origine de
cette Tradition. Cet Oger n'auroit -il point
une Epitaphe à Saint Perreuse ou à S. Parrize
? Un Personnage si célebre , & mort âgé
de 400. ans , en méritoit certainement
une. Ne seroir-il point , au refte , le même
que Jean des Temps , duquel quelques autres.
Chroniques raportent la mort à l'an 1139 .
en ces termes ; Anno M. c. xxxix . Johan .
nes de Temporibus moritur , qui vixerat annis
trecentis sexaginta uno , tempore Carolima
gni, cujus armiger fuerat ? Ce dernier trait eſt
raporté fort sérieusement dans la Chronique
manuscrite de Robert de S. Mamin d'Au-
E iij xerre ,
1358 MERCURE DE FRANCE
xerre , où je l'ai lû . Camuzat l'a retranché
dans son Edition , comme tiré , aparemment ,
d'une autre Chronique . Je laiffe à M de
Frasnay a enrichir le Public de quelques Notes
curieuses sur cette matiere , qui ne peut
pas lui être étrangere , puisqu'il s'y agit d'un
Evenement arrivé au Diocèse de Nevers. Il
peut en trouver quelque chose dans les vieux
Romanciers ; & ce qu'il en dira excitera ,
pour le moins , l'attention des Lecteurs autant
quece qu'il a effayé d'écrire sur les Evê
ques du même Pays.

****************
ODE
- Sur la brieveté de la vie , adressée à M. de
Bertin, Lieutenant Géneral au Gouvernemeną
de Péronne , Mondidier & Roye.
H Elas ! nos rapides années
S'écoulent insensiblement ;
L'homme , joüet des destinées ,
Comme l'Eclair , meurt en naissant ;
Le Temps insensible à nos larmes ,
De nos beaux jours ravit les charmes
Rien n'échape à sa cruauté ;
Le seul Sage , l'homme intrépide
Attend
JUIN. 1740 1359
Attend , voit le coup homicide ,
En méditant la vérité .
*
Les traits sacrés que la sagesse
Répand sur le front des Humains ,
Au lieu de fixer la jeunesse ,
En sont plûtôt les assassins .
La Vertu , le Rang , la Noblesse ,
Ne retardent point la vieillesse ;
Elle avance à pas de Géant ,
Semblable à l'effrayant Tonnerre ,
Le plus grand Héros de la Terre
Eclate & tombe au même inſtant .
Oui , BERTIN , ta rare prudence ,
Tes vertus , ton intégrité ,
Les travaux que ta vigilance
Impose à ton autorité >
Ne fléchiront pas le Cocyte ;
Thémis , si le parfait mérite
Rendoit tes Echos immortels ,
Jamais l'indigne complaisance
Ne sacrifieroit l'innocence
A la face de tes Autels.
*
Comme la dévorante flâme
Eij Détruit
1360 MERCURE DE FRANCE
Détruit le flambeau lentement ,
La noble activité de l'ame
Consume nos corps sourdement .
Les Elémens , dont la nature
Pétrit notre frêle structure ,
Triomphent du tempérament ;
Les jeux , les soucis , les Etudes
Les excès , les inquiétudes ,
Creusent enfin le Monument .
*
Les Dieux répandent sur la vie
L'amertume des soins cuisans ,
>
Pour confondre la folle envie
De ses aveugles Partisans ;
Mais l'homme , amateur de ses peines ,
Se fait un bonheur de ses chaînes ,
Et benit sa captivité ;
Adorateur de l'imposture ,
Une éblouissante figure
Satisfait sa légereté .
*
Hélas ! insensés que nous sommes ,
Nous idolâtrons nos défauts.
Raison , cruel Tyran des hommes !
Tu fais le comble de nos maux .
Contens d'un agréable songe ,
L'apas
JUIN. 1740. 1362
L'apas trompeur d'un beau mensonge
En impose à nos foibles yeux ;
Et Monstres formés dans le vice ,
Nous avons la noire injustice
De taxer les Arrêts des Cieux.
*
En vain par d'inutiles plaintes
Prétendons- nous fléchir la Mort ;
Elle rit de nos tristes craintes •
Et confond un superbe effort ;
Sourde aux cris de la vertu même ,
.
La Houlette & le Diadême
Tombent à l'aspect de sa Faulx.
Riches , Pauvres , Sujets , Monarques ,
Bien-tôt l'affreux Ciseau des Parques
Sçaura nous rendre tous égaux .
*
Le Sage , en courant la carriere
Que lui prescrit l'ordre des Cieux
Adore au sein de sa misere
Les secrets Jugemens des Dieux ;
Jamais la mort ne l'inquiete ,
Quand les jours que le sort lui prété ,
Sont ourdis par la Pieté ;
Rempli d'une humble confiance ,
Il attend avec assurance
La décisive Eternité.
E v Criminelle
1362 MERCURE DE FRANCE
Criminelle délicatesse ,
Qui dégrades l'Humanité ,
Jusques à quand flateuse yvresse ,
Voileras-tu la Vérité ?
Ta voix , redoutable Sirene ,
Par la volupté nous entraîne
Dans les goufres d'iniquité ;
Perfide , tes douces maximes
Ne sont que d'exécrables crimes
Qu'autorise l'impieté .
*
Que les doux attraîts de ta Grace ;
Grand Dieu ! triomphent de mon coeur à
Confonds Pignorance & l'audace ,
Qui s'oposent à mon bonheur ;
Ton Sang versé par mon offense ,
Veut qu'une éternelle vengeance
Me reproche ma cruauté ;
Mais pour suspendre ta Justice ,
Qui te demande mon suplice
Dis-lui combien je t'ai coûté.
2
J. B. C. Curé de Figuiers, près Mondidier.
Ce 16. Mai 1740
BE
JUIN. 1740.
1363
REPONSE aux Reflexions sur les
Cadrans Solaires, inserées dans le Mercure
de Février 1739. page 201 .
O
Na mis au nombre des mauvais Ca
drans, celui qui est dans la Cour de la
Doüanne , par raport à une incision faite
dans la muraille dans l'endroit où eft le cen
tre , & on dit que c'eſt une marque
que celui
qui en est l'Auteur
a posé son axe en tâ tonnant , & qu'il a fait son Cadran
sans
principes
. Mais d'abord , si cela étoit , il ne seroit pas auffi juste qu'il l'eft dans toutes ses parties ; si la Méridienne
de l'Observatoire
eft fauffe , celle du Cadran
en queſtion
le sera auffi , car elle ne differe en rien de cel le de l'Observatoire
. A l'égard des Lignes
horaires
, elles se raportent
très-jufte avec la Méridienne
. De-là il faut conclure
que la
Critique
est sans fondement
, l'Auteur
ne
sçachant
pas lui- même les raisons pour les- quelles on a fait l'incision
dans la muraille
;
par où paffe l'Axe du Cadran , & qui y est arrêté et fixé par un piton scellé en plâtre.
Il faut donc lui aprendre
que cela s'eft fait exprès, pour avoir la facilité d'ôter l'Eguille,
sans être obligé de gâter la peinture
, en cas que dans la suite des temps elle se trou-
E vj vât
1364 MERCURE DE FRANCE
vât fauffée par les grands vents ou par la chu
te de quelque thuile ou platras ; ainsi il ne
faut pas conclure d'un ton fi absolu que ce
Cadran ne vaut rien, puisque toutes les heures
suivent exactement la Méridienne de
l'Observatoire , qui , sans contredit , eſt la
meilleure de Paris . Et pour contenter les
Connoiffeurs & se juftifier pleinement , l'Auteur
de ce Cadran veut bien raporter ici les
principes dont il s'eft servi pour le tracer.
Ne jugeant pas à propos de prendre la déclinaison
du plan par le moyen de la Bouffole
, & ayant remarqué , qu'exposée à différens
endroits du plan , elle marquoit diférens
dégrés , l'Auteur a crû qu'il étoit nécessaire
de la chercher par le moyen de deux
points , pris par le Soleil dans un même jour
sur un même cercle , la variation de la déclinaison
du Soleil étant insensible dans le
jour qu'on a travaillé.
Pour cela il a planté dans le plan , un ftyle
troué par le bout , dont il a pris exactement
le centre sur le Plan, & duquel il a formé une
partie de cercle ; & le matin quand le Soleil
a paffé sur ce cercle , il y a fait une section
& l'après midi une autre ; en divisant,
l'arc , compris entre ces deux sections , en
deux parties égales , cela a donné la Mériridienne
du Plan , qu'on nomme la Soustilaire
, & qui s'eft trouvée éloignée d'une ligne
J
JUIN.
1740. 1365
gne à plomb , tombant du centre du cercle
de 27. dégrés & demi ; cette opération faite,
voici comment il a agi pour la conſtruction
du Cadran.
Il a choisi un point sur le Plan , convenable
au centre du Cadran , duquel il a laissé
tomber une ligne à plomb , représentant la
Méridienne , ensuite il a tracé sur cette Méridienne
une partie de cercle de 27. dégrés
& demi , ce qui lui a donné la ligne Souftilaire
, après quoi il a tiré d'un point , pris sur
la Méridienne , une ligne perpendiculaire à
cette Meridienne, ce qui a donné la ligne horisontale,
laquelle a coupé la ligne souftilaire
dans un point où le pied du ftyle a été posé.
Pour en avoir la longueur, il a laissé tomber à
plomb du pied du ftyle une ligne indéfinie , qui
s'eft trouvée paralelle à la Méridienne.Ensuite
du centre du Cadran , il a fait sur la Méridienne
du côté oposé au pied du ſtyle , l'angle
de l'Equateur , qui eft de 41. dégrés , 10 .
minuttes pour Paris , duquel point tirant une
ligne droite, cette ligne a coupé l'horisontale
àun point,auquel il a mis un pied de son compas
, & l'autre pied à l'intersection de la Méridienne
avec l'horisontale ; & de la même
ouverture du compas , il a transporté
cette ouverture sur la ligne indéfinie , ce qui
lui a donné sur cette ligne indéfinie la longueur
du ftyle. De ce bout du ftyle , il a tiré
une
1366 MERCURE DE FRANCE.
une ligne droite au point où l'horisontale
coupe la Méridienne , & cette ligne eft celle
qu'on nomme de déclinaison ou de régulation,
qui s'eft trouvée de 36. dégrés .
Sur cette ligne de déclinaison , il a apliqué
un Cadran horisontal , de maniere que le
centre de ce Cadran horisontal fût sur le
bout du style,& la méridienne du même Ca•
dran sur la ligne de déclinaison du Plan . Les
choses ainfi posées , il a prolongé toutes les
heures du Cadran horisontal , & les a fait
paffer sur la ligne horisontale du Plan , sur
laquelle il a fait autant de sections qu'il y a eû
d'heures qui ont été deffus. Enfin du centre
du Cadran , il a tiré des lignes par toutes
ces sections , faites sur la ligne horisontale ,
& cela lui a donné les lignes horaires & les
demi -heures.
Pour s'assûrer davantage de la bonté du
Cadran , l'Auteur a cherché les heures sur la
ligne Equinoxiale , de la façon qui suit. Du
pied du style , il a élevé une ligne perpendiculaire
à la soustilaire , de la longeur du style
à droite. Du bout de cette ligne & du
centre du Cadran , il a tiré une ligne représentant
l'Axe du Monde ou l'Aiguille du
Cadran. Du même point il a tiré une ligne
til
perpendiculaire à l'Axe , que l'on nomme
le Rayon de l'Equateur , laquelle a coupé la
ligne soustilaire dans un point , qui est Pen-
,
droir
JUIN. 1740% 1387
droit où doit paffer la ligne Equinoxiale ; il
a ensuite tiré de ce Point une autre ligne per
pendiculaire à la soustilaire , & cette ligne a
été l'Equinoxiale cherchée.
Après cette operation , il a pris la longueur
du Rayon de l'Equateur , & il l'a transporté
du Point d'intersection de l'Equinoxiale avec
la sous ilaire , sur cette soustilaire ; ce qui
lui a donné un Point , qui a fait le centre
d'un cercle , lequel cercle ayant été divisé en
24. parties égales , à commencer par une
ligne tirée de ce centre à l'intersection de la
ligne Equinoxiale avec la Méridienne
donné toutes les heures qui pouvoient se
rencontrer sur la ligne Equinoxiale.
a
De ce Point , centre du cercle , il a tiré
une ligne droite jufqu'à l'intersection de l'Equinoxiale
avec la Méridienne , & cette ligne
a été la Méridienne du cercle : il a ensuite
divisé ce cercle en 24. parties égales ;
en commençant par la ligne qui va droit à la
Méridienne , à l'endroit où elle eft coupée
par l'Equinoxiale, en tirant des lignes du centre
du cercle par ces divifions 3. & en les prolongeant
jufqu'à la ligne Equinoxiale , elles
lui ont donné sur cette ligne des Points qui
ont été les endroits par où devoient paffer les
lignes horaires en les tirant du centre du
Cadran .
>
Ces lignes horaires ayant été tirées , elles
SC
1368 MERCURE DE FRANCE
se sont trouvées les mêmes que celles qu'on
avoit trouvées par le Cadran horisontal . Enfin
toutes ces lignes se raportant les unes aux
autres & étant tracées de ces deux manieres
, mal à propos
a-t'on avancé que le Cadran
de la Doüanne étoit l'Ouvrage d'un
ignorant; que ce Cadran ne valoit rien & c.
,
A l'égard des arcs diurnes , qui ne font
pas tout- à - fait des lignes courbes insensibles
, mais qui font ( à ce que dit le Criti
que ) prefque des portions de Polygones
c'eft purement la faute du Peintre , qui a
tiré des lignes droites de demi - heure en
demi-heure par tous les endroits où étoient
marqués les arcs diurnes , fans confiderer
que ces lignes devoient être insensiblement
courbes , mais cela n'empêche pas que les
arcs diurnes ne soient fort bons sur chaque
heure , & ne diminuë rien de la bonté & de
Ja jufteffe des lignes horaires du Cadran &
de son Méridien.
COUPLETS nouveaux sur le second Air
du Mercure de Mai 1740. A quoi bon
former tant de voeux , &c.
Bacchus sçait combler nos defirs ;
Des chagrins il détruit l'idée ;
L'Amour
JUIN
1369 1740
L'Amour par fes divins plaifirs
Tient fans cesse une ame enchantée.
T
Le Vin eft le baume du coeur ,
Il le préserve de foiblesse ;
Et l'Amour d'une vive ardeur
Anime jusqu'à la vieilleffe.
*
Quand je prends le verre à la main ,
Je crois tenir un Diadême ;
Et je goûte aux pieds de Catin.
Un bonheur digne des Dieux même.
*
Bacchus & Catin en ce jour
Sont d'accord , pour moi quelle gloire !
Le Vin fait triompher l'Amour ,
Et la Belle me verse à boire .
*
Si jamais le trifte Pluton
Me retient aux bords du Cocyte ,
Que Catin m'envoye un flacon ,
Tout auffi-tôt je reffufcite.
*
RE
1370 MERCURE DE FRANCE
REPONSE de M. le Marquis de Saint
Aubin , aux Objections contenues dans les
Reflexions sur les Ouvrages de Litterature
dans les Observations sur les Ecrits Moder-
L
>
dernes, & dans le Journal des Sçavans , au
sujet du Traité des Antiquités de la Maison
de France .
'Auteur anonyme des Refléxions fur les Ouvrages
de Litterature , & M. l'Abbé des Fontaines
, ont parlé du Traité des Antiquités de la
Maison de France, d'une maniere trop avantageuse .
En le composant , je n'ai pas eû le deffein de m'attirer
des louanges ; mais d'établir folidement l'origine
de la premiere & de la plus noble des Maisons
Souveraines . C'eft dans cette vûë , que je vais répondre
à la fixiéme feüille du dixiéme tome des
Reflexions , à la 294. Lettre fur les Ecrits Modernes
, & au Journal des Sçavans du mois d'Octobre
dernier, qui n'a parû que depuis peu . Dans ces trois
Ouvrages périodiques , les preuves des Antiquités
de la Maison de France , que j'ai produites , font
affoiblies.
*
L'Auteur anonyme des Refléxions , traite ces
preuves de conjectures. De ce que Robert I. Roy de
France ; dit- il , a poffedé le Comté de Madrie , doiton
conclure qu'il a eû pour bisayeul Théodebert ? Il me
femble que l'un ne fuit pas de l'autre.Mais l'un fuit de
l'autre , lorsqu'on trouve dans l'Hiftoire , un con-
*
Réponse aux Refléxions fur les Ouvrages de Litférative.
cours
JUIN. 1740 1371
cours de preuves décifives qui font connoître que
Robert le Fort fut fils de Robert & d'Agane.
La poffeffion fucceffive des mêmes héritages eft
une preuve admise conftamment en fait de Généalogies.
Or cette preuve devient invincible , lorsqu'elle
eft foutenue , comme elle l'eft ici , de plufieurs
autres preuves . Le Comté de Madrie a été
transmis par des filiations directes , depuis Théodebert
jusqu'à Robert I. Roy de France , puisque la
Terre de Saiffeaux en Berri a paffé par la même
voye de fucceffion de Robert , Mari d'Agane de
Berri , qui la dui avoit aportée en mariage , au fils
de Robert I Roy de France . Hugues le Grand, qui
donne cette même Terre à l'Abbaye de S. Martin.
de Tours , déclare , dans l'Acte de donation , que
ce domaine lui eft venu du Chef d'une de fes
Ayeules.
La filiation de Robert le Fort ne peut plus paffer
pour conjecturale , lorsque la poffeffion des mêmes
héritages fe trouve transmise & continuée des Ancêtres
de Robert , Mari d'Agane , aux descendans
de Robert le Fort ; & non -feulement d'un héritage
unique , comme le Comté de Madrie , mais encore
de la Terre de Saiffeaux ; poffeffion accompagnée
de la declaration précise de Huges le Grand que ce
domaine étoit un héritage échû du côté des meres.
Cette filiation ne doit pas être traitée de conjecturale
, lorsque ces deux preuves , qui suffiroient
par elles mêmes , & qui font équivalentes à une
preuve directe , font fortifiées & mises hors de doute
, par le témoignage du Roy Robert II . qui nous
aprend que la Maison venoit d'Italie ; ce qui s'accorde
fi jufte avec toutes les preuves des differens
dégrés de cette Généalogie , depuis Childebrand
Roy de Lombardie , jusqu'à Robert II . Roy de
France , que l'esprit ne peut fe refuser à l'évidence
>

qui
1372 MERCURE DE FRANCE
qui en résulte , s'il combine ensemble les raports
de ces preuves.
Elles se trouvent encore apuyées par les circonstances
les plus remarquables : même nom de Robert
, porté par le Pere & le Fils ; intervalle précis
d'une génération de l'un à l'autre ; mêmes interêts
dans les guerres civiles des François ; mêmes qualifications
données à l'un & à l'autre par les Auteurs
contemporains , à Robert , Mari d'Agane , du plus
grand Seigneur qui fût à la Cour de Pepin , Roy
d'Aquitaine ,fon beau- frere , à Robert le Fort ,du plus
grand Seigneur qui défendît la Patrie , à la tête de
la Noblefle.
L'erreur même d'Aimoin , qui a crû Robert le.
Fort d'origine Saxone , contribue à nous indiquer
une verité fi fortement établie d'ailleurs , puisque
cette erreur n'eft venue , felon les aparences , que
de la reffemblance du nom Latin de la Terre de
Saiffeaux avec celui de Saxe ; on plus vrai - ſemblablement
encore de ce que Robert le Fort aura pû être
né & avoir été élevé en Saxe , pendant que Theo 0-
ric , fon Parent , en étoit Gouverneur pour Charlemagne.
Mais à quoi bon affembier des probabilités
fur un fait dont nous venons de donner des preuves
complettes ?
Il ne peut refter aucun doute , que Robert le Fort
n'ait été fils de Robert & d'Agane de Berri . Serat'il
auffi facile de convaincre l'Auteur anonyme fur
le fecond chef de fes incertitudes ?
Le Childebrand , dit-il , qui a fait de fi grands Exploits
en France; eft - il le méme que le Roy de Lombardie
? Le fait ne me paroît pas clairement prouvé . Il
n'y a que des conjectures fur l'identité de ces deux
Childebrands , lumineuses , à la verité ; mais ce font
toujours des conjectures, dont il faut pourtant fe contenter,
au défaut des preuves directes . J'en dis autant dis
Pere
JUIN. 1740. 1373
Pere de Robert le Fort , qui paroit cependant fils de
Robert , Mari d'Agane. Le temoigage de Robert II .
donne un grand poids au nouveau Systéme. Ce fait
isolé perdroit , comme le précedent , beaucoup
de la force ; mais raffemblons les preuves , il fera
démontré.
Il faut fe fouvenir que tous les degrés des filiations
de mâle en mâle , depuis les Rois Hugues Capet & Ros
bert II . fon fils , font fondés fur des preuves affûrées &
inconteftables ; & qu'il s'agit uniquement ici de l'identité
de Childebrand . Tige de la Maison de France
, & de Childebrand , Roy de Lombardie . Or
toutes les preuves & les circonftances déposent
unanimement en faveur de l'identité en queſtion.
Le nom de Childebrand étoit étranger à la France,
où l'on ne trouve aucune terminaison de nom propre
femblable : au lieu que ce nom étoit fort commun
en Lombardie . Luitprand , Roy des Lombards,
fut pendant tout fon Regne dans une liaison intime
avec Charles Martel. Il vint lui-même , avec
toutes les forces , au fecours de Charles contre les
Sarrasins. Rien ne pouvoit être plus avantageux à
Charles , que de cimenter une alliance qui lui étoit
fi importante contre les ennemis du dedans & du
dehors . Le Continuateur de Fredegaire , Auteur
contemporain, apelle Childebrand germain de Charles
, & ils ne peuvent avoir été freres ; car le nom
de Childebrand l'exclut de la Nation Françoise , &
P'Hiftoire Pexclut encore plus précisément du nombre
des fils de Pépin d'Hériftel . Il faut donc que
Childebrand étranger , & germain de Charles , &
qui porte un nom purement Lombard , ait été
neveu de ce Luitprand , Roy de Lombardie , qui
avoit des liaisons fi intimes avec Charles Martel.
Le mot de Germain , dont la fignification a varié
chés les Auteurs de la plus pure Latinité, comme de la
plus
1374 MERCURE DE FRANCE
plus corrompue,fignifie ici un beau- frere . Les tems se
raportent exactement à cette alliance. Childebrand
eft apellé oncle de Pepin le Bref par l'Auteur contemporain
, qui se sert du terme propre à exprimer
un oncle par alliance : le Comté de Madrie , qui
a été un domaine des defcendans de Childebrand , se
trouve avoir été poffedé par Pepin d'Heriſtel , son
beau-pere ; et sous le Regne de la Maison Carlienne
, les descendans de Childebrand sont qualifiés
iffus de la Maison Royale. Il est donc démontré
que Chidebrand , Tige de la Maison de France , le
Childebrand , dont le Continuateur de Frédegaire
parle en tant d'occafions , le Childebrand germain
de Charles Martel , et oncle de Pepin le Bref ; le
Childebrand , dont les defcendans possedent le
Comté de Madrie , qui avoit apartenu à Pepin
d'Hériftel , et sont qualifiés issus du Sang Carlien ,
étoit beau-frere de Charles Martel , comme ayant
épousé sa soeur. Or peut -on imaginer que cet
Etranger , qui porte un nom Lombard , et qui eft
beau-frere de Charles Martel , ait été different de
Childebrand , neveu de ce Roy de Lombardie , qui
avoit des liaisons les plus étroites avec Charles ?
Que l'on s'en tienne à ces Faits , qui sont exac
tement vérifiés dans le Traité des Antiquités de la
Maison de France , l'identité de Childebrand, beaufrere
de Charles Martel , et de Childebrand , neveu
de Luitprand , eft incontestable.
Mais il y a plus : le témoignage décifif du Roy
Robert II nous fournit une preuve superieure à
toute autre & puifqu'il nous aprend lui-même
que sa Maison étoit originaire d'Italie , l'identité
de Childebrand, Tige de l'Augufte Maison de Franre
, et de Childebrand , Roy de Lombardie , est
doublement démontrée .
La plupart des principes que je viens d'établir ,
me
JUIN. 1740.
1375
*
me ferviront également pour répondre aux objec
tions contenues dans les Observations sur les Ecrits
Modernes , et dans le Journal des Sçavans.
>
L'identité de Childebrand , Tige de la Maison
de France , et de Childebrand , Roy de Lombardie,
vient d'être indubitablement établie : il ne me reſte
qu'à réfuter , à ce sujet , les nouvelles difficultés qui
ont été proposées . M. l'Abbé des Fontaines en opo
se deux premierement , le silence de tous les Historiens
lui paroît un argument bien fort . Aucun
dit-il , n'a écrit que Childebrand , après avoir été
détrôné , se soit réfugié en France. Est - il poffible qu'-
un Fait auffi célebre ait été auſſi univerſellement omis ?
En verité , M. l'Abbé des Fontaines fait trop d'honneur
aux Hiftoriens des VIII . et IX . siécles. Si un
Fait auffi célebre que la retraite de Childebrand en
France a été universellement omis , un Fait encore
plus célebre , le Regne de Childebrand en Lombardie,
et son détrônement par Rachis , Duc de Frioul ,
n'a pas été moins universellement omis. Le Regne
de Childebrand et sa date ne nous sont connus, que
par un Diplôme de Childebrand , que le hazard
nous a conservé . Anaftase le Bibliothéquaire , Ecrivain
du IX. fiécle , se contente de dire que les Lombards
rejetterent Hildéprand , et élurent Rachis.
Aucune particularité de cet Evenement n'a jamais
été écrite. Il semble même , par le récit d'Anastase
et de Sigebert , qu'auffi tôt après la mort de Luitprand
, les Lombards refuserent d'obéir à Childebrand,
et que Rachis fut le Successeur immédiat de
Luitprand : ce que Sigebert raporte encore à une
date fausse de l'année 742. au lieu de 744. Marianus
Scotus n'a pas nommé Childebrand .
Voilà où l'on en eft réduit pour l'Hiftoire de ce
fiécle et des fiécles suivans : il faut tirer de l'oubli,
⋆ Ṛéponse aux Observationsfur les Ecrits Modernes.
par
1376 MERCURE DEFRANCE
par des inductions , les Faits qui devroient être fës
plus célebres . Peut-on s'attendre à les trouver décrits
avec toutes leurs circonftances ? Et quels sont
les Hiftoriens , dont le filence sur la retraite de
Childebrand en France , pourroit rendre douteuse
l'identité de Childebrand , Roy de Lombardie , et
de Childebrand , beau - frère de Charles Martel ?
L'Hiftoire de Paul Diacre , finit à la mort de Luitprand
: sur quoi il me vient en pensée , que Paul
Diacre , qui a écrit son Hiftoire du temps de Charlemagne
, et qui auroit pû la continuer jusqu'à
l'extinction du Royaume de Lombardie , n'a pas
voulu parler des fucceffeurs de Luitprand , pour
faire entendre qu'il ne reconnoissoit plus de Rois
légitimes depuis Luitprand , et que c'étoient des
usurpateurs qui avoient été les ennemis de Pepin et
de Charlemagne.
en
Aucun autre Auteur de ces temps - là , ni qui
en ait aproché , n'a nommé Childebrand
qualité de Roy de Lombardie. Et fi la preuve négative
du filence des Hiftoriens sur sa retraite en
France étoit admiffible , il faudroit , à plus forte
raison , rejetter le Regne de Childebrand , et la révolution
qui le priva du Royaume de Lombardie ,
après qu'il cut succedé à Luitprand . Nous n'avons
sur l'Hiftoire du VIII . fiécie , que quelques Chroniqueurs
des Gaules et des frontieres de la Germanie,
du côté du Rhin : ils n'ont parlé de la Lombardie
, que pour marquer la conquête qui en fut faite
par Charlemagne.
Mais cette retraite de Childebrand en France
n'en eft pas moins certaine. Aripert , qui n'avoit
pas les mêmes liaisons avec nos Rois , y avoit cherché
un asyle , comme nous l'aprenons de Paul Diacre.
Peut-on penser que Childebrand ait choiſi une
autre retraite qu'auprès de Pepin , son neveu ? Et
quoiJUIN.
1740. 1377
quoique ce Fait ne résulte que nè d'une maniere implicite
, du témoignage de Robert II . n'en avons nous
pas , dans ce pieux Monarque , le garant le plus
respectable et le plus affûré ?
Vous vous servez , dira t'on peut - être , de l'argument
vicieux qu'on apelle une pétition deprincipe. I
s'agit d'établir que Childebrand , Roy de Lombardie
, s'eft réfugié en France ; et vous le prouvez par
sa qualité d'oncle de Pepin , qui eft conteftée à ce
Roy de Lombardie. Je réponds qu'il n'y a ici aucune
pétition de principe après que l'identité de
Childebrand , Roy de Lombardie , et de Childebrand
, oncle de Pepin le Bref , a été pleinement
conftatée , par le nom Lombard de Childebrand ,
par les circonftances hiftoriques qui déposent de ce
Fait , par le témoignage de Robert II . C'eft ici un
enchaînement de principes , et non une pétition de
principe ; et j'en use à la maniere des Géometres ,
dont la méthode ne peut être néanmoins exigée
dans les Dissertations hiftoriques . Ils ont droit
d'employer pour principe toute propofition qui a
été démontrée .
>
La seconde objection de M. l'Abbé des Fontaines
eſt ainfi exprimée : Childebrand et Nébelon son fils
ont fait travailler à la continuation de la Chronique
de Fredegaire , comment l'un et l'autre ont-ils pú négiiger
d'aprendre à la pofterité leur illuftre origine ? II
se présente une réponse bien fimple : c'est que ce
Fait étoit trop notoire alors , & qu'il n'avoit aucun
raport aux Evenemens , dont ces Princes faisoient
écrire l'Hiftoire .
M. l'Abbé des Fontaines attaque ensuite le principal
fondement de mes preuves. L'origine Lombarde
, dit - il , eft elle clairement exprimée dans le
témoignage de Robert II ? Le Moine Helgaud nous
aprend feulement que ce faint Roy affuroit en termes
II.Vol. F fort
1378 MERCURE DE FRANCE
fort humbles que fon illuftre Race avoit paſſé d'Italie
en France. M. de S. A. réfutefort bien les differentes
interpretations qu'on a données à ce paffage . Celle qu'il
donne , paroît mieux fondée ; mais comme il n'eft pas
évident que Childebrand , beau frere de Charles Marsoit
le même qui a regné en Lombardie , ſon interpretation
n'est pas auffi certaine qu'il e pense ; d'autant
mieux qu'on ne peut pas dire que l'Hiftoire , par
ces termes , ejus inclyta progenies , indique la Race
mafculine de Robert II. Il paroît qu'on doit plûtôt l'entendre
de la Racefeminine. Ou du moins il faut convenir
que le témoigne du Moine Helgaud eft équivoque
, & qu'ainfi il ne fçauroit être décifif.
Je laiffe à d'autres le foin de concilier ces deux
jugemens : M. de S. A. réfute fort bien les differentes
interpretations qu'on a données à cepaſſage . Celle qu'il
donne , paroît mieuxfondée ; avec celui- ci qui suit
immédiatement: Son interpretation n'eft pas auffi certaine
qu'il le penfe ; d'autant mieux qu'on ne peut pas
dire que P'Hiftorien par ces termes , ejus inclyta progenies
, indique la Race mafuline de Robert 11. Il
paroit qu'on doit plûtôt l'entendre de la Race feminine
.
>
La fimple expreffion de la Race ne s'entend jamais
des Races féminines. J'ai prouvé qu'il ne pouvoit
être queſtion , dans ce paffage , de la Maison d'Adélaïde
, mere de Robert II . qui étoit fille du Comte
de Poitiers , & non pas Italienne . Quel doute
pourroit donc refter sur l'interprétation du paffage
furtout après que l'identité de Childebrand , Roy de
Lombardie , & de Childebrand , beau- frere de Charles
Martel , a été démontrée , & que tous les degrés
des filiations , en remontant de mâle en mâle depuis
le Roy Robert II . jufqu'à Childebrand , ont
ésé établis sur des preuves affûrées ? Il eft fingulier
qu'une
JUIN. 1740: 1379
qu'une Généalogie du commencement du VIII.
siécle puiffe être auffi lumineuse. Le témoignage
d'Helgaud n'a rien d'équivoque , il eft pleinement
décifif.
M. l'Abbé des Fontaines finit par ces mots : Il
faut pourtant avouer que c'est avec peine qu'on le
voit braver les témoignages de plufieurs Auteurs contemporains
, qui en parlant de Robert le Fort , difens
qu'il étoit generis Saxonici . M. l'Abbé des Thuille
ries , quifait venir Robert le Fort de Conrad , Comte
d'Altorf, a crû devoir interpreter ces paffages , & non
les rejetter , comme fait M, de S. Aubin.
diffus
L'Abbé des Thuilleries , dans sa Dissertation
très-courte sur l'origine de la Maison de France
a fimplement rejetté l'origine Saxone de Robert
sans aucune explication à ce sujet ; au lieu que je
suis entré dans le détail le plus aprofondi de tous
les motifs qui avoient pû porter Aimoin à dire que
Robert le Fort étoit d'origine Saxone . Je craignois,
en composant mon Traité des Antiquités de la
Maison de France , que la plupart de mes Lecteurs
ne trouvassent cet examen trop : mais j'ai
préféré à l'agrément toute la solidité dont mon
Ouvrage me paroissoit susceptiple . Je ne puis donc
comprendre sur quoi est fondée la peine de M. l'Ab.
bé des Fontaines , de me voir braver les témoignages
de plufieurs Auteurs contemporains , qui en parlant de
Robert le Fort , difent qu'il étoit generis Saxonici.
Et je puis auffi peu deviner comment il ajoûte que
M. l'Abbé des Thuilleries a crû devoir interpreter ces
paffages , & non les rejetter, comme je fais.
Je suis obligé de remarquer , ce qui est plus im
portant , qu'aucuns Auteurs contemporains n'ont
attribué une origine Saxone à Robert le Fort. Ai
moin est le premier qui l'ait dit , environ deux cent
ans après la naissance de Robert le Fort . Entre plu
Fij
fieurs
380 MERCURE DE FRANCE
Geurs causes de cette erreur , j'en ai exposé deux
fort vraisemblables . Mais les vrais Auteurs contemporains
, les Annales de Metz , de S. Bertin , de
Fuldes , Adon , Reginon , Abbon , ( a ) &c . en donnant
une origine Françoise à Robert le Fort , ou en
l'indiquant , excluënt une origine Saxone. Et cette
origine Françoise n'a rien de contraire à la patrie
de Childebrand , dont les descendans étoient devenus
François par l'intervalle de quatre générations.
Les objections contenues dans le Journal des
Sçavans , se réduisent à quatre : ( 6) j'y vais répondre
à mesure que je les exposerai . Premierement ,
demande le Journaliste , a-t'on des preuves que les
Ecrivains du IX. fiecle & des fiecles fuivans donnassent
la qualité de germains aux beaux-freres ?
"
La qualité de beau- frere de Charles Martel contribue
à faire connoître que Childebrand, Tige de la
Maison de France , est le même que le Roy de
Lombardie ; mais indépendamment de cette qualité
de beau- frere , il seroit toujours très certain
par le nom de Childebrand , par le témoignage du
Roy Robert II . & par plufieurs autres circonftances
, que ce Roy de Lombardie est le même Childebrand
, auquel la Généalogie de la Maison de
France remonte , suivant les preuves exactes & suivies
de tous les degrés de filiations . Il suffit que le
mot de germain ne puisse pas s'entendre ici du
propre frere , comme je l'ai prouvé dans le Traité
des Antiquités de la Maison de France . La véritable
fignification du mot de germain est fixée ici à
ceile de beau- frere , par la preuve qui résulte de ce
que le Comté de Madrie a passé de Pepin d'Heriſtel
(a ) Abbon nomme Eude , fils de Robert le Fort
Neuftrien.
(b, Réponse au Journal des Sçavans;
aux
JUIN. 1740 1381
aux enfans de Childebrand ; de ce qu'ils sont ici
qualifiés issus du sang Carlien par d'anciens Auteurs
;de ce que Childebrand est nommé oncle par
alliance de Pepin le Bref.
La fignification du mot de germain a souvent
varié , j'ai fait voir que ce terme a été employé & l'est
encore pour les alliances , de même que pour les
parentés agnatiques : & il est remarquable que le
terme de congermanus a causé une équivoque semblable
à l'égard de l'origine des Rois de Portugal ,
qui descendent de la Maison de France ; cette expreffion
ayant fait prendre un couſin germain par
alliance pour un frere ; car Henri , Comte de Portugal
, a été regardé par plufieurs , comme frere
de Raimond , Comte d'Outre - Saonne & de Galice
, dont il étoit qualifié congermain ; au lieu qu'ils
étoient couſins germains par Sibylle de Bourgogne-
Comté , mere de Henri & tante de Raimond. Je
reviens aux objections du Journal .
2
Secondement , le Continuateur de Frédegaire ne
donne point à Childebrand le titre de Roy , qu'il lui
auroit donnéfi Childebrand eût été Roy des Lombards.
On donnoit alors ce titre non - seulement aux Souverains
, mais encore à leurs enfans , quoique ces enfans
ne fuffent point encore Rois .
Je m'étois fait à moi -même la premiere partie
de cette objection : quant à la seconde partie , qu'on
donnoit alors le titre de Roy aux enfans des Rois , quoi
qu'ils ne regnaffent pas encore , elle a été ajoûtée
par le Journaliſte . Cet usage de donner aux enfans
des Souverains le titre de Roy n'eût pas regardé la
Lombardie , pour avoir été pratiqué en France : il
n'a même eû lieu en France , qu'au commencement
de la premiere Race ; & il seroit facile de prouver
que dans le VIII . fiecle , lorfque le Continuateur
de Frédegaire écrivoit sa Chronique , cet usage ne
Fiij
s'ob
380 MERCURE DE FRANCE
Geurs causes de cette erreur , j'en ai exposé deux
fort vraisemblables . Mais les vrais Auteurs contemporains
, les Annales de Metz , de S. Bertin , de
Fuldes , Adon , Reginon , Abbon , ( a ) &c. en donnant
une origine Françoise à Robert le Fort , ou en
l'indiquant , excluënt une origine Saxone . Et cette
origine Françoise n'a rien de contraire à la patrie
de Childebrand , dont les descendans étoient devenus
François par l'intervalle de quatre générations.
Les objections contenues dans le Journal des
Sçavans , se réduisent à quatre : (6 ) j'y vais répondre
à mesure que je les exposerai . Premierement ,
demande le Journaliste , a-t'on des preuves que
les
Ecrivains du IX. fiecle & des fiecles fuivans donnassent
la qualité de germains aux beaux-freres ?
La qualité de beau-frere de Charles Martel contribue
à faire connoître que Childebrand ,Tige de la
Maison de France , est le même que le Roy de
Lombardie ; mais indépendamment de cette qualité
de beau-frere , il seroit toujours très certain ,
par le nom de Childebrand , par le témoignage du
Roy Robert II. & par plufieurs autres circonftances
, que ce Roy de Lombardie est le même Childebrand
, auquel la Généalogie de la Maison de
France remonte , suivant les preuves exactes & suivies
de tous les degrés de filiations . Il suffit que le
mot de germain ne puisse pas s'entendre ici du
propre frere , comme je l'ai prouvé dans le Traité
des Antiquités de la Maison de France . La véritabie
fignification du mot de germain est fixée ici à
ceile de beau- frere , par la preuve qui résulte de ce
que le Comté de Madrie a passé de Pepin d'Heriſtel
(a ) Abbon nomme Eude , fils de Robert le Fort
Neuftrien.
(b, Réponse au Journal des Sçavans;
aux
JUIN. 1746 1381
aux enfans de Childebrand ; de ce qu'ils sont ici
qualifiés issus du sang Carlien d'anciens Auteurs
; de ce que Childebrand est nommé oncle par
alliance de Pepin le Bref.
2
par
La fignification du mot de germain a souvent
varié , j'ai fait voir que ce terme a été employé & l'est
encore pour les alliances , de même que pour les
parentés agnatiques : & il est remarquable que le
terme de congermanus a causé une équivoque semblable
à l'égard de l'origine des Rois de Portugal ,
qui descendent de la Maison de France ; cette expreffion
ayant fait prendre un coufin germain par
alliance pour un frere ; car Henri , Comte de Portugal
, a été regardé par plufieurs , comme frere
de Raimond , Comte d'Outre- Saonne & de Galice
, dont il étoit qualifié congermain ; au lieu qu'ils
étoient couſins germains par Sibylle de Bourgogne-
Comté , mere de Henri & tante de Raimond. Je
reviens aux objections du Journal .
Secondement , le Continuateur de Frédegaire ne
donne point à Childebrand le titre de Roy , qu'il lui
auroit donnéfi Childebrand eût été Roy des Lombards.
On donnoit alors ce titre non- seulement aux Souverains
, mais encore à leurs enfans , quoique ces enfans.
nefuffent point encore Rois.
Je m'étois fait à moi - même la premiere partie
de cette objection : quant à la seconde partie , qu'on
donnoit alors letitre de Roy aux enfans des Rois , quoin
qu'ils ne regnaffent pas encore , elle a été ajoûtée
par le Journaliste. Cet usage de donner aux enfans
des Souverains le titre de Roy n'eût pas regardé la,
Lombardie , pour avoir été pratiqué en France : il
n'a même eû lieu en France, qu'au commencement
de la premiere Race ; & il seroit facile de prouver
que dans le VIII . fiecle , lorfque le Continuateur
de Frédegaire écrivoit sa Chronique , cet usage ne
Fiij
s'ob
382 MERCURE DE FRANCE
s'observoit plus. Mais , dira -t'on , il s'agit d'un
Prince , qui réellement a été Roy. Je n'ai qu'à raporter
la réponse que j'ai déja faite à l'omiflion de
ce titre.
Il n'eût pas été convenable que le Continuateur
'de Fredegaire , qui écrivoit par les ordres du Duc
Childebrand & du Comte Nébelon , son fils , eût
doni é un titre plus relevé que celui de Charles
Martel , à un Prince réfugié en France , qui dans
les premiers temps , dont l'Auteur parle , n'étoit
réellement encore que défigné successeur de son
oncle , quoiqu'il y eût eû une cérémonie de Couronnement
et d'Association à la Royauté . Childebrand
n'en exerça les fonctions que depuis la mort de
Luitprand , pendant sept mois . Le titre de Roy eût
mieux convenu à Charles Martel , à qui ce titre eft,
en effet , donné par quelques Auteurs , mais non
dans la continuation de Chronique composée par
les ordres de Childebrand , & depuis par ceux de
son fils. Le Continuateur de Frédegaire (a) n'attribue
à Childebrand que la qualité de Duc , titre plus
mode te pour un Prince réfugié en France , et
dont Childebrand avoit fait les fonctions auprès de
Charles Martel , son beau- frere , en commandant
ses Armées. L'Historien le distingue affés , en le
nommant toujours seul avec Charles Martel , ou
avec Pepin ; au lieu qu'il ne parle de tous les aut
tres Ducs & Comtes qu'indistinctement & sans les
nommer. Quel pourroit être ce Childebrand , ger
main de Charles Martel , Duc en France , commandant
les Armées , portant un nom Lombard ,
dont les descendans se disent originaires d'Italie ,
fi ce n'étoit Childebrand , qui ne fut que pendant
sept mois Roy de Lombardie ?
护( a ) Reginon , sur les années 732. 735. &c. traite
Charles Martel de Roy
La
JUIN. 1745. 1383
La troifiéme objection contenue dans le Journal
des Sçavans , confifte en ce que l'Italie , dont il eft
parlé dans le paffage d'Helgaud , s'y trouve désignée
par le nom d'Ausonie . Or , suivant les Géographes , on
n'a jamais donné le nom d'Aufonie à toute l'Italie ,
mais feulement à la partie de l'Italie qui s'étend depuis
Monte Circello , qui eft à cinq ou fix lieuës de Rome
jufqu'au Phare de Meffine. L'Aufonie ne renfermoit
donc pas la Lombardie , que M. le Gendre prétend
avoir été la patrie de Childebrand , & le berceau de
la Maison du Roi Robert.
>
Quand même le terme d'Ausonie seroit reftreint ,
comme le Journaliste le prétend , il défigneroit
toujours le Royaume des Lombards , qui comprenoit
toute l'Italie , à la réserve de Rome , de Ravenne
, & de quelques rivages de la Mer Adriati
que. Mais il est constant que le nom d'Ausonie a
été employé pour exprimer l'Italie entiere jusqu'aux
Alpes. Denys d'Halicarnasse , dans le premier Livre
des Antiquités Romaines , dit que les Grecs
donnoient le nom d'Ausonie à toute l'Italie . Ce
nom , dans Virgile , a la même fignification , lorsque
Diomede répond aux Envoyés des Latins :
Ofortunata gentes , Saturnia regna ,
Antiqui Ausonii. Virg. Æneid. Lib. 11 .
Virgile dit ailleurs , que dans l'étenduë de toute
l'Aufonie & du grand Latium , Lavinie étoit recherchée
en mariage par plufieurs prétendans.
Multi illam magno è Latio totâque petebant.
Ausonia. Eneid . Lib. 7.
Servius ( 4 ) atteste pofitivement que l'Italie a porté
les noms d'Hesperie , d'Ausonie , de Saturnie ,
(a) Italia plura nomina habuit. Dicta eft enim
Fiiij
de
384 MERCURE DE FRANCE
de Vitalie . Ifaac Tzetzès . qui vivoit dans le
XII. ficcle , environ 150. ans après Helgaud , dit
dans son Commentaire sur l'Alexandra de Lycophron
, que l'Italie a été apellée Saturnie ou Ausonie.
Après ces autorités décifives , quel poids peut
avoir la reftriction de quelques Géographes ? Aucun
d'eux n'a dit que le terme d'Ausonie n'ait pas
été employé pour fignifier l'Italie entiere . Si
Tite- Live , Feftus , & quelques- autres , ont restraint
la fignification de l'Ausonie , c'est qu'ils ont
eu égard à l'ancien établiſſement des Ausoniens :
distinction qu'Helgaud n'a pas eu sûrement intention
de faire.
La derniere objection est fi frivole , que j'ai
peine à croire que le Journaliſte l'ait proposée sérieusement.
On pourroit encore ajoûter , dit- il , à
cette obfervation , que le Roy Robert , lorsqu'il difoit
ce qu'Helgaud lui fait dire , parloit en fuivant l'opinion
qui avoit cours depuis l'établiſſement des Francs
dans les Gaules , & qui fupofoit que les Francs fuffent,
ainfi que les Romains , defcendus des Troyens échapés
du fac de leur ville , & qui s'établirent d'abord en
Italie . On pouvoit croire alors , conséquemment à
cette opinion , que plufieurs de ces Troyens avoient
paffé de la dans les Gaules..
A la vérité , une ancienne Tradition , suivie
constamment par nos Auteurs pendant plus de
mille ans , porte que les François étoient origiginaires
de la Phrygie mineure , de la Troade , &
des bords de l'Hellefpont ; mais on n'a jamais dit
ai même imaginé , qu'ils se fussent établis d'a-
>
Hefperia , Ausonia , Saturnia , Vitalia . Serv . ad
hunc verf. Æneid . 8. Sæpiùs & nomen posuit fatur
nia tellus .
bord
JUI N. 1740. 1385
Bord en Italie. C'est attribuer à un Roy très-pieux,
& rempli d'une humilité vraiment Chrétienne , une
opinion très- chimérique fur fes ancêtres .
La Bataille de Cerifole , en 1544. n'a aucun fa→
port à Louis d'Armagnac , Duc de Nemours , tué
à Cerignole en 1503. Je ne fçais pourquoi le jour-,
naliste l'apelle prétendu Duc de Nemours . Veut - il
lui difputer un titre que tous les Auteurs de l'Histoire
de France & l'Histoire des Pairs lui donnent
unanimement ?
Le Journaliste m'attribuë , par son Extrait
deux opinions qui ne sont point dans le Traité des
Antiquités de la Maifon de France , & que je combats
même dans le Traité des Antiquités de la
Nation & de la Monarchie Françoise , qui s'im
prime actuellement la premiere , que les Francs
avoient des Rois long-temps avant l'établissement
de la Monarchie Françoise dans les Gaules ; la
seconde , que Pharamond n'a regné dans Pan
que
cienne France , c'eft - à - dire , dans la portion de la
Germanie .2 . les Francs que habitoient avant que
d'avoir fondé une Monarchie dans les Gaules.
I'eft pas inutile d'avertir que les passages
de mon Traité des Antiquités de la Maison de
France , qui sont cités dans les Réflexions sur
les Ouvrages de Litterature , & dans le Journal des
Sçavans , sont alterés & corrompus par plufieurs
fautes d'impreffion , qui les rendent la plupart inintelligibles.
Ceux qui ont pardevers eux un Exemplaire du
Traité des Antiquités de la Maison de France , sont
priés d'envoyer prendre quelques Additions que j'y ai
faites , chés Briaffon , Libraire , ruë S. Jacques , à la
Science,
priba
Fy Les
1386 MERCURE DE FRANCE
CHANSON.
Uand l'Amour fait naître un Orage ,
C'est pour mieux réveiller nos feux :
Le calme eft fouvent dangereux ,
L'Amour s'endort fur le rivage.
ENIGM E.,
Dipe , tu pourra fans peine me connoître ;
La Terre m'enfanta , le Feu me donna l'être .
De tout temps dans les airs j'ai fixé mon séjour ;
On me connoît par tout , aux Champs comme à la
Cour.
Mon corps eft fort pesant ; pour peu qu'on le remue,
Ma voix comme un éclair foudain perce la nuë ji
Tantôt avec éclat , tantôt à petit bruit ,
On m'entend , cher Lecteur , & le jour & la nuit .
LOGOGRYPHE.
Ici fans
transposer , il fuffit qu'on divise .
Un de mes bouts feul couvre un Tout ,
Dont tout entier , je ne couvre qu'un bout. '
En cinq Lettres , je fers à décorer l'Eglife ;
En
JUIN.
1387 1749
En trois , je fers à lui donner
Des Enfans. Le Lecteur doit bien me deviner,
JE
AUTR E.
E suis en mon entier renommé dans le Monde
Par une science profonde :
En Public je reçois des aplaudiffemens ;
Mais en secret on me critique.
Car tel eft des Talens le pouvoir tyrannique ;
Qu'ils partagent les sentimens.
Détaché de mon premier Etre ,
Qui d'un Art charmant m'a fait maître ;
Je tiens souvent au plus foible arbriffeau.
Dans mes fx pieds on voit paroître
Un Element fougueux , & souvent le Tombeau
Des Mortels qu'il avoit vû naître ;
Ce qui fait vivre après la mort ,
Ce qui fait entrer dans le Port ,
Avec l'abreuvoir du Village ,
Ce qui peut d'un Bateau faciliter l'usage ,
Ce qui d'un bon Soldat fignale la valeur ;
Et là-deffus , adieu , Lecteur.
L'Affichard.
F vj
NOU
1388 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
L
DES BEAUX ARTS , &c.
A THE ODICE'E de M. Leibnitz , traduite
en Latin , & éclaircie par des Remar
ques ; avec sa Vie & le Catalogue de ses
Ouvrages. Vol . in - 8 °. 1739. imprimé à
Leipsik.
LA HARANGUE du R. P. de la Sante, l'un
des Professeurs de Réthorique du College
de Louis le Grand , sur l'Empire de l'Opinion
, est imprimée à Paris , chés Barbou
Libraire , rue S. Jacques. Nous tâcherons
de faire connoître ce beau morceau d'Eloquence
par une Analyse.
TRAITE' de l'Amour de Dieu à l'égard des
Hommes , & de l'Amour du Prochain , par
le R. P. Avrillen , Religieux Minime . Vol.
in- 12. 1740. A Paris , ches D. A. Pierres ,
Libraire , rue S. Jacques , vis à- vis S. Yves ,
à S. Ambroise.
".
Ce Libraire avoit publié du même Auteur
en 1737. Sentimens sur l'Amour de Dieu ,
pour chaque jour du mois , in- 12 . & en
1738. Sentimens sur la Dignité de l Ame , la
néceffué
JUIN. 1389 1740 .
néceffité de l'Adoration les avantages des
`afflictions , & sur l'abandon de Dieu , in - 12 .
Ces Ouvrages sont posthumes.
COMMENTAIRE LITTERAL SUR LA STB
BIBLE , Contenant l'Ancien & le Nouveau
Teftament , inseré dans la Traduction Françoise
, par le R. P. de Carrieres , Prêtre de
l'Oratoire. A Paris , chés Moreau , ruë Galande
, à la Toison d'Or , 1740. 5. Volumes
in 12. On trouve chés le même Libraire
l'Ouvrage en 24. Volumes in- 12 . Latin &
François.
LA RELIGION CHRETIENNE PROUVE'E
PAR LES FAITS , par M. l'Abbé Houtteville ,
de l'Académie Françoise , 3. vol. in -4°. aug.
mentée de moitié , à Paris , chés Gregoire
Dupuis , Libraire , rue S. Jacques , à la Couronne
d'Or , près la Fontaine S. Severin . Le
prix est de 24. liv.
LETTRES sur la maniere de gouverner les
Maisons Religieuses , A Paris , chés H. L
Guerin , Libraire , ruë S. Jacques , à S. Tho
mas d'Aquin , Volume in- 1 2. 1740 .
DISCOURS HISTORIQUE ET POLITIQUE
sur les Loix & le Gouvernement d'Angleterre
, depuis les premiers temps , juſqu'au
Regne
390 MERCURE DE FRANCE
Regne de la Reigne Elizabeth , avec une
Apologie de l'ancienne Conftitution des Parlemens
d'Angleterre , par Jean Selden , &c .
A Londres chés Daniel Browne , in fol.
1739. L'Ouvrage est en Anglois.
3
HEURES CHRETIENNES , tirées uniquement
desPseaumes , accommodées aux actions
ordinaires des Personnes de Pieté , avec des
Reflexions courtes & sentencieuses à la tête
des principales Pratiques . A Lyon , chés
Placide Jaquenod , Libraire , rue Turpin ,
près les trois Colombes , & à Paris , chés
Louis Guerin , rue S. Jacques , à S. Thomas,
d'Aquin , in - 12 . de 454. pages .
HISTOIRE UNIVERSELLE SACRE'E ET
PROPHANE , depuis le commencement du
Monde , jusqu'à nos jours , par le R. P. Dom
Calmet , in-4° . Nouvelle Edition , à Paris ,
chés la veuve Ganeau , ruë S. Jacques , aux
Armes de Dombes..
HISTOIRE DES GRANDS CHEMINS DE
L'EMPIRE ROMAIN , contenant l'origine ,
progrès & étendue quafi incroyable des Chemins
Militaires , pavés depuis la Ville de
Rome jusqu'aux extrémités de son Empire ;
où se voit la grandeur & la puiffance incomparable
des Romains ; ensemble l'éclaircissement
JUIN. 1391 1.740.
sement de l'Itineraire d'Antonin , & de la
Carte de Peutinger , par Nicolas Bergier ,
Avocat au Siége Préfidial de Rheims , nouvelle
Edition revûë avec soin , & enrichie de
Cartes & de Figures , deux Vol . in-4° . Le
premier de 458. pages , sans l'Avertissement
& les Tables ; le second de 443. , avec
les Tables de Peuringer , gravées en huit
Planches . A Bruxelles , chés Jean Leonard ;
Libraire Imprimeur , ruë de la Cour , 1736.
DISSERTATION SUR LE DISSOLVANT DE
LA PIERRE , & en particulier sur celui de
Mlle Stephens , par M. le Cat , Docteur en
Médecine , & Maître Chirurgien , Chirur .
gien de l'Hôtel - Dieu , Correspondant de
L'Académie Royale des Sciences , Affocié de
celle de Chirurgie , Membre de la Societé
Royal de Londres , Litothomiste & Démonstrateur
Royal en Anatomie , & Chirur
gie à Rouen , se trouve dans cette Ville , & à
Paris , chés Piget , à l'Image S. Jacques ,
Quai des Augustins.
,
DE L'EDUCATION DES FILLES , Ouvrage
distribué en plufieurs Instructions sur les
Sujets les plus importans de la Morale , avec
cette Sentence de S. Paul au Frontispice :
Que tout ce qui est véritable & sincere , tout
ce qui est chaste , tout ce qui est juste , tout ce
qui
1392 MERCURE DE FRANCE
qui est saint ..... soit l'entretien de vos pena.
sées. Aux Phil . Ch . 4. V. 8. à Paris , chés
André de la Guette , Libraire, ruë S. Jacques,
à S. Antoine , 1746. in- 12.
NOUVEAU THEATRE FRANÇOIS , ou Recueil
de plusieurs Nouvelles Piéces représen
tées au Théatre François depuis quelques an
nées A Paris , chés Prault , fils , Quai de
Conty , à la Charité , 1739. in - 12.3 . Vol .
EUVRES DE S. PAULIN , Patriarche d'A
quilée, imprimées pour la premiere fois dans
un seul Corps tant sur les anciennes Editions
que sur les Manuscrits , enrichies de
Notes & de Dissertations avec deux Appendices
d'Actes anciens. Par Jean - François
Madrifius d'Udine , Prêtre de la Congregation
de l'Oratoire . 4 Venise , 1737. in-fol.
de 303. pages . L'Ouvrage eft en Latin.
HISTOIRE DE PHILIPE , ROY DE MACEDOINE
, & Pere d'ALEXANDRE LE GRAND,
Par M. Olivier , de l'Académie des Belles-
Lettres de Marseille , in - 12 . à Paris , chés
Debure, l'aîné , Quai des Augustins , à l'Imagc
S. Paul , 1740. 2. Volumes.
C'est ici un Morceau précieux échapé
du naufrage , & attendu depuis longtemps
des Amis de feu M. Olivier , l'un des
plus
JUIN 1740 1395
plus beaux Esprits de la Ville de Marseille ,
remplie d'ailleurs d'excellens génies.
L'Eloge de M. Olivier par . M. de Chala
mont de la Visclede , qui a été lû dans l'Académie
des Belles-Lettres de Marseille , fait
connoître tout ce qu'on devoit attendre
d'un fi excellent homme , fi la mort ne l'eût
enlevé à l'âge de 35. ans , le 24. Octobre
1736. Cet Eloge fait de main de Maître , est
à la tête de la Vie de Philipe , & fera toujours
regretter M. Olivier , dont les Talens
admirables n'ont pas eû le temps de se déveloper
dans toute leur étendue.
Mais pour ne parler ici que de l'Hiftoire
de Philipe , Roy de Macédoine , dont le su
jet doit interesser , on peut assûrer que
la Vie de ce Grand Prince est un des endroits
les plus brillants de l'Hiftoire Grecque . On y
voit regner la Politique , l'Eloquence & les
Talens Militaires. Et l'on sera convaincu par.
la lecture de cette Histoire , que quand la
Providence daigne présenter un Heros au
genre humain , elle a soin de faire paroître en
même temps d'autres Grands Hommes, pour
faire éclater d'avantage la gloire de celui
dont elle veut nous faire admirer les Talens
superieurs. Un Grand Homine a rarement
occafion de paroître parmi des hommes vulgaires
& médiocres , au lieu qu'il brille avec
éclat , quand il trouve des égaux ; c'est alors
À qui l'emportera. C'eſt
2394 MERCURE DE FRANCE
Ceft ce que M. Olivier a cû soin de faire
paroître dans cette Histoire , qui est écrite
avec autant de sens , que de pureté & d'élégance
. Il y fait connoître non seulement
P'Etat de la Grece au temps de Philipe ; mais
il fait voir encore tout ce que ce Prince eut
à surmonter pour gagner la superiorité sur
les autres Etats , dont il étoit environné. Si
Démofthenes , Eschine & Hypéride l'empor
tent sur le reste des Athéniens pour l'Eloquence
, on remarquera combien ils sont
inferieurs à Philipe , dont l'Eloquence vive
& naturelle , soûtenuë de l'autorité , sçût
les terrasser.
D'un autre côté , ce Grand Prince fait éva
noüir les Talens Militaires d'Agefipolis , Roy
de Sparte ,'de Bardyllis , Roy d'Illyrie , de
Corys , Roy de Thrace , d'Ochus , Roy de
Perse , & de Charès , Général des Athéniens.
Cette Hiftoire qui eft distribuée en XVI.
Livres , finit par un Paralelle de Philipe &
d'Alexandre son fils. Et on y remarque que
fi le courage d'Alexandre a été plus éclatant
& plus brillant , c'eſt qu'il a été plus impétueux
; mais celui du Pere étoit beaucoup
plus refléchi. Alexandre a été plus célebre
dans la Postérité ; mais il a l'obligation à son
pere de lui avoir , par ses soins & ses travaux
, frayé le chemin de la grandeur &
de
JUIN. 1740:
1397
de la réputation , où il eft arrivé.
Sans parler des Anciens , on fçait qu'entre
les Modernes , M. de Tourreil & M. Rollin
avoient déja fait connoître Philipe ; mais
le premier l'a fait en Interprete de Démosthene
; & M. Rollin , occupé de plufieurs
objets dans son Histoire ancienne , n'a pû
déveloper Philipe avec tout le détail qu'employe
ici M. Olivier.
Quelque parfaite que fût l'Histoire de
Philipe de M. Olivier , c'étoit un Ouvrage
posthume ; ainfi il a eû besoin des attentions
des polis & sçavans Editeurs qui se sont
chargés de la faire paroître. Ils ont fait sur
cette Histoire ce que M. Olivier auroit fait
lui-même. C'est l'obligation que leur a le
Public .
1
Le Discours Préliminaire ne mérite pas
moins d'être lû que le refte de l'Ouvrage.
LE RECUEIL D'EXPERIENCES ET D'OB
SERVATIONS sur la Pierre , & en particulier
sur les effets des Remedes de Mlle Stephens ;
pour dissoudre la Pierre , que Mrs Morand
de Brémond , de l'Académie Royale des
Sciences, viennent de donner au Public en un
volume in- 12 . de près de 400. pages , fe vend
à Paris , chés Piget , Quai des Auguſtins , à
રે
I'Image S. Jacques. Nous allons tâcher d'en
donner une idée génerale. La premiere & la
principale
1396 MERCURE DE FRANCE
{
principale Piéce de ce Recueil eft un Ouvra
ge publié en Anglois l'année derniere ,
Ouvrage a pour titre , Exposition des preuves
pour & contre les Remedes de Mlle Stephens
pour dissoudre la Pierre , contenant 155. Cas
sur cette matiere , avec quelques Expériences
& Observations. L'Auteur qui eft M. Hartley,
Médecin ; a été soulagé considérablement
de la Pierre par l'usage des Remedes de Mile
Stephens, il a fuivi scrupuleusement les effets
qu'ils ont operés fur presque tous ceux qui
en ont pris , il a été du nombre des Commiffaires
nommés par le Parlement pour en
faire l'examen , & il s'eft occupé à des Expé
riences qui peuvent en donner une idée favorable.
L'Ouvrage de M. Hartley eft dédié au Préa
fident & aux Membres du College Royal
des Médecins de Londres. Cette Epitre faisant
voit l'esprit dans lequel M. Hartley a
composé fon Livre , il me paroît qu'on ne
fera pas fâché de la trouver ici.
Mrs , comme vous êtes les propres Juges
de tout ce qui a raport à la Médecine,
je vous demande la permiffion de vous
adreffer les Faits contenus dans cet Ouvra-
33
› ge , & je les foûmets à un examen impartial
& rigoureux. Si je me fuis flaté
moi- même par de fauffes espérances , il eft
de mon interêt d'être détrompé , & mon
ود
22 devoir
JUIN. 1740. 1397
devoir eft de reconnoître mon erreur; mais
»s'il eft vrai qu'on ait enfin trouvé un Re-
» mede pour la Pierre , rien ne fera plus pro-.
» pre à confirmer l'opinion que le Public a
» de celui- ci , que votre Aprobation.
ور
ود
و ر
» Il y a environ un an que je publiai fur
» cela quelques Cas & quelques Experiences
qui me paroiffoient donner des preuves,
»fuffisantes de la vertu diffolvante , acquise
par l'urine de ceux qui ont pris les Reme-
» des de Mlle Stephens. Je crus même que
»fans entrer dans de grandes discuffions fur
» ce point , les faits parloient d'eux- mêmes,
Cependant je m'aperçûs qu'on avoit tiré
de ces exemples & de quelques autres fem-
» blables, des conséquences tout- à - fait désavantageuses
aux Remedes de Mlle Stephens
, comme fi , loin de diffoudre la
Pierre , ils étoient au contraire propres à
la former.
"
و ر
» C'est pour cela que je publie de nou-
» veau les mêmes Cas & Experiences, y ajoû-
" tant tous les Cas favorables ou désavanta-
" geux aux Remedes,terminés ou imparfaits,
» que j'aye pû raffembler. J'espere avoir pré-
» venu dans mon Ouvrage toutes les objec-
» tions que je me fuis imaginé qu'on pouvoit
faire , & avoir prouvé la vertu diffolvante
» transmise dans l'urine de ceux qui ont usé
des Remedes de Mlle Stephens.
>> Comme
ود
و د
398 MERCURE DE FRANCE
ود
» Comme mon deffein eft de donner une
Hiftoire de tous les Faits qui font venus à
» ma connoiffance , j'ai été obligé d'inserer
» dans ce Recueil quelques Cas dans des
» termes fi géneraux ou accompagnés de tel-
» les circonftances, que les Faits ne font pas
» affés éclaircis , mais il me paroît qu'il y en
→ a un grand nombre d'autres affés claire-
» ment & affés précisément énoncés , pour
décider le point principal de la queſtion.
» Si on veut des preuves plus amples , il y
→ a tout lieu d'esperer qu'on en aura, lorsque
» Mlle Stephens * publiera fa Méthode & fes
Remedes , fuivant le plan qu'elle a propo-
» sé , comme par ce inoyen fes Remedes
» auront été éprouvés dans les Hôpitaux &
›› par les Particuliers dans ce Royaume &
» dans les Pays étrangers , & que les Médecins
& Chirurgiens de toutes les Nations.
»feront fatisfaits fur cela, avant qu'on affigne
» aucune récompense à Mlle Stephens , je
» me persuade que Mlle Stephens vous pa-
» roîtra fort differente de ceux qui disent
» avoir des Secrets , & que vous ne trouve-
» rez pas que les mesures prises pour rendre
» fes Remedes publics , puiffent tirer à conséquence
à l'égard de ceux qui voudroient "
» en imposer en pareil cas . Je fuis , & c .
* Le Remede n'étoit pas encore publié quand Mà
Hartley écrivoit ceci,
Cette
JUIN: 1399 1740.
Cette Epitre Dédicatoire eft fuivie d'un
Avertiffement que l'Auteur a crû néceffaire.
» Plufieurs des Cas raportés dans cet Ou-
" vrage , ont été donnés par les personnes
»même qui en font le fujet, ou tirés de leurs
» Lettres ; d'autres font publiés fur un raport
» verbal , ou m'ont été communiqués de
» bonnes mains , de forte que je n'imagine
point qu'il s'y soit gliffé des fautes de con-
» séquence ; cependant fi quelqu'un en trou-
» ve & veut bien m'en faire part , je ferai
"prompt à corriger les fautes & à fupléer à
» ce qui pourroit manquer.
و د
و د
L'Ouvrage de M. Hartley contient , 1 °. un
court préambule. 2°. Cent cinquante - cinq
Observations fur les Remedes. 3 °. Des Experiences.
4. Les conséquences génerales
qu'on peut tirer des unes & des autres. 5 °.
La proposition de Mlle Stephens par Souscription
, pour rendre fes Remedes publics.
6. La Lifte des contributions fournies pour
remplir la Souscription.
10. Dans le préambule M. Hartley se contente
de poser pour baze de son Ouvrage
que les recherches principales qui ont raport
aux Remedes de Mlle Stephens , peuvent
être réduites à deux ; sçavoir , 1º. fi ces Remedes
font en géneral utiles ou dangereux à
ceux qui font affligés de la Pierre ou de la
Gravelle. 2°. Si l'urine de ceux qui ont usé
des
1400 MERCURE DE FRANCE
1
des Remedes, a vraiement le pouvoir de dis
soudre & d'entraîner la Pierre , ou si au contraire
elle n'auroit pas acquis la vertu d'engendrer
la Pierre , ou de l'augmenter plus vîte
que l'urine naturelle de ceux qui ont la Pierre
, & n'employent pas le Remede.
1 La premiere de ces recherches , dit M.
Hartley , eft de la nature des recherches ordinaires
& peut être déterminée par la fimple
confidération des Faits.
La feconde eft plus compliquée , & fe ra
porte à des Faits qui ne font pas fi fensibles ;
cependant elle peut être déterminée en quelque
façon en comparant ensemble & en raprochant
les Cas énoncés , les Expériencess
faites fur l'urine , les examens faits par la fonde
, & le raport de ce qu'on a trouvé à l'ouverture
des cadavres .
C'est pour remplir toutes ces vûës que je
produis, continue M. Hartley , tous les Faits
que j'ai pu recueillir de quelque espece qu'ils
foient , favorables ou contraires aux Remedes
, j'y ai ajoûté les remarques que j'ai crûes
raisonnables, & je laisse le tout au jugement
du Lecteur.
2º . Après ce préambule , M. Hartley détaille
155. Observations de gens qui ont
pris les Remedes ; dans ce nombre font
compris les dix Cas que M.Hartley avoit publiés
en 1738.il y a ici des additions à Ces cas .

JUIN. 1740.
140
3. Les Experiences faites avec le Remede
, font mot à mot raportées comme dans
le premier Ouvrage de M. Hartley.
4. Les conséquences génerales tirées des
Faits & des Expériences sont exprimées en
ces termes.
1. Les Remedes de Mlle Stephens doivent
être en géneral incapables de nuire , &
ne font point dangereux.
2. Ces Remedes ont fait grand bien dans
la Pierre & la Gravelle .
3. Ces Remedes ne font point les écailles
& les fragmens de Pierre rendues par ceux
qui en ont usé .
4.Ce qui eft arrivé à ceux qui ont pris ces
Remedes , ne peut être expliqué par quelque
accident ou effet du hazard .
5. L'urine de ceux qui ont pris ces Remedes
, a le pouvoir de diffoudre la Pierre.
Ces conséquences font apuyées par des raisonnemens
qu'on peut voir dans l'Ouvrage
même.
5 °. La propofition de Mlle Stephens pour
publier fes Remedes , eft mot à mot comme
dans le premier Ouvrage de M. Hartley.
6 °. La Lifte des Contributions fournies , &,
des noms de ceux qui ont contribué depuis
le 11. Avril 1738. jusqu'au 24. Février 1739 .
présente un total de 189. Contribuans, dont
178. font nommés, & parmi ceux- ci fe trou-
11. Vol. G veng
1402 MERCURE DE FRANCE
vent des gens de très - grande distinction , &
ce qui ne doit pas être oublié , des Médecins
& des Chirurgiens ; du nombre des autres ,
trois font fimplement défignés par des Lettres
initiales , huit font inconnus , & deux de
ces derniers font en compagnie . Le total de
la fomme fournie jusqu'alors eft de 1387. livres
13. fols ſterlings , ce qui fait en argent
de France environ 31915. livres 19. fols .
Voila une idée génerale de tout l'Ouvrage
de M. Hartley. Les Observations ne font pas
fusceptibles d'Extrait,parce que les moindres
circonftances font importantes.
Dans le Recueil de Mrs Morand & de Brémond
, après l'Ouvrage de M. Hartley , fe
trouvent , 1 ° . l'Acte du Parlement d'Angleterre
, qui assure une récompense à Jeanne
Stephens, afin qu'elle rende publique la préparation
des Remedes dont elle se sert pour guérir
la Pierre. La fomme qu'on affûre à Mlle
Stephens eft sooo. livres sterlings. Dans
cet Acte sont nommés les Commiffaires choifis
pour l'examen des effets du Remede , &
la forme de leur Certificat eft déterminée .
2°. La Recette des Remedes de Mlle Stephens,
c'eft la même qui a été imprimée il y a un an
& répandue dans tous les Journaux. 3 ° . Des
Lettres très-importantes de Mrs Hartley
Cheselden, Sharp, Amyand, à M. Morand, &
Les Réponses de M. Morand. Ces Lettres
éclairciffent
>
JUIN. 1740.
1403
Eclairciffent beaucoup de Faits extrémement
importans; ceux qui les ont écrites font presque
tous Commiffaires nommés par l'Acte du Parlement;
ils ont tous la plus grande réputation
dans leur Art, & ce qui y ajoûte beaucoup, ils
étoient presque tous prévenus contre leRemede
, & après des Experiences & un examen
bien exact , ils y ont tous fouscrit.4° .L'Extrait
d'une Lettre de M. Geoffrey à M. Hartley ,
qui contient le détail de fes Observations
fur les effets du Remede Anglois , l'examen
Chymique qu'il en a donné à l'Académie ,
plufieurs Expériences qu'il a commencées
fur la Pierre de la Veffie , & enfin la manicre
dont il prépare les Remedes, 5 ° . Un Catalogue
de tous les Ouvrages qui ont parû
depuis deux ans pour ou contre les Remèdes
de Mlle Stephens . 6° . Enfin une Recette
pour la Pierre , publiée dans une Gazette Angloise
le 30. Juin 1739 .
1
On ne peut trop louer le zele , des Académiciens
qui ont travaillé à ce Recueil; ils ont
facrifié le temps qu'ils auroient pû employer
à des occupations plus agréables , à traduire
155.Observations qui n'avoient d'autre attrait
pour eux que d'être utiles à ceux qui auroient
le malheur de fe trouver dans des circonstances
femblables , & 155 Observations, qui
pour l'ordinaire étoient extrémement mal
écrites & mal digerées . Mrs Morand & Geof.
Gij froy
1404 MERCURE DE FRANCE
froy avoient déja montré leur amour pour le
bien public , l'un en excitant & déterminant
des gens qui fe confioient à fon habileté pour
être taillés , à user d'abord des Remedes de
Mlle Stephens ; & l'autre en diftribuant avec
toute la génerofité & le défintereffement posffible
, les Remedes mêmes . M. de Brémond
enfin a été le premier qui ait fait connoître.
ici les Remedes de Mlle Stephens , par la
raduction qu'il a faite de la Recette .
ORAISON FUNEBRE de M. René - François
DE BAUVEAU , Archevêque & Primat de
Narbonne , Préfident né des Etats de Languedoc
, Commandeur de l'Ordre du S. Esprit.
Prononcée à Montpellier le 23. Janvier
1740. dans l'Eglise de Notre - Dame des Tables
, devant l'Affemblée des Etats Géneraux
de Languedoc , par M. l'Abbé Guerguil ;
Profeffeur Royal de Théologie dans l'Uniniverfité
de Toulouse , seconde Edition. Brochure
in 4° . chés J. Vincent , Imprimeur des
Etats Généraux de la Province , ruë S. Seve
rin. M. DCC . XL.
On ne sçauroit trop publier les Productions
qui regardent la Religion & qui intereffent
la Pieté Chrétienne; l'Oraison Funebre dont
il s'agit ici , quoique prononcée depuis plufieurs
mois , & deja imprimée , recevra , fans
doute , de nouveaux aplaudiffemens dans
cette
JUIN. 1740. 140
cette nouvelle Edition , & édifiera un plus
grand nombre de Personnes. On peut d'abord
en juger par le choix des grandes &
terribles paroles du Texte , tiré du II Livre
des Rois , Chap. 14. V. 14. Omnes morimur,
&quasi aqua dilabimur in terram que non revertuntur
.
Si au milieu des devoirs publics , dit l'Orateur
Chrétien en commençant , que cette
illuftre Affemblée rend à la mémoire du
grand Archevêque que la mort nous a ravi ,
ma fonction se bornoit à l'honorer par un
jufte Eloge , je n'aurois pas commencé par
des paroles plus propres à inspirer la trifteffe
& le filence , qu'à feconder les sentimens de
véneration & de reconnoiffance qui m'invitent
à le louer .... La louange fied - elle à la
pouffiere , la gloire au cercueil , & quel ra
port entre de tristes cendres & des fleurs ?
,
Ce n'eſt pas, Mrs, que je prétende me dis
penser de donner à l'Illuftre Mort l'Eloge
qu'il mérite ; non , mais je le veux loüer
chrétiennement ; je veux que mon Encens
foit pur , fans mêlange d'adulation ni de
fafte & que vous le trouviez digne de
nos Autels , où le Dieu trois fois Saint repose
, digne d'un Evêque , dont la gloire eft
dans la vérité, digne de vous -mêmes , Mrs, qui
aimez à entrer dans les vûës de l'Eglise , di .
gne enfin du caractere dont je suis revétu , &
Gij dont
1406 MERCURE DE FRANCE
dont je blefferois l'honneur , fi je faisois fer →→
vir au langage de la Terre , un Miniſtere qui
ne doit faire parler que le langage du Ciel.
C'eft dans de telles dispofitions que M.
l'Abbé Guerguil a entrepris l'Eloge de feu M.
de BAUVEAU , Archevêque de Narbonne ,
& c. fon deffein eft de le montrer tel qu'il a
été connû , rempliffant avec fageffe , & avec
douceur , les devoirs de l'Episcopat , & les
devoirs de l'Adminiftration politique atachée
à fa Place ; toujours attentif aux uns &
aux autres , & jusque dans ces moment où
l'homme , abattu par la maladie , devient
ordinairement insenfible à tout autre fentiment
qu'à celui de fa douleur, & néglige tout
autre foin que celui qui peut contribuer à rétablir
fa fanté ou à prolonger fa vie.
" Deux Parties , composées fur ce Plan, font
tout le corps de ce Discours véritablement
Chrétien , & en même-temps une Hiftoire
abregée de la Vie édifiante du picux Prélat .
Si notre Orateur ne peut pas se dispenser de
dire un mot de fa haute Naiffance , il le fait
fans fortir de cet esprit de Chriftianisme dans
lequel il a entrepris l'Eloge dont nous rendons
compte
.
,
Je n'en parlerois pas, dit- il, fi je n'y voyois
pour lui d'autre gloire que celle d'un grand
nom , je rougirois d'étaler les Titres pompeux
d'une grandeur humaine devant l'Autel d'un
Dieu
JUIN. 1740 1407
Dieu humilié,fi M. de BAUVEAU s'étoit enorgueilli
de cet honorable avantage. Je ne vous
dirois pas que le fang qui couloit dans ses veines
le faisoit remonter,par une longue fuite de
Héros, jusqu'aux anciens Comtes Souverains
d'Anjou ; je n'ouvrirois pas l'Histoiré ancienne
, pour vous y montrer fes Ayeux , tantôt
apellés au Conseil de nos Rois pour le bonheur
des Peuples , tantôt portant la gloire de
nos Armes , avec Charles d'Anjou , Frere du
Roy S. Louis , dans le Royaume de Naples,
où ils ont poffedé les plus éminentes dignités
, ici affrontant les plus grands périls dans
les guerres contre les Infideles , là fe diftinguant
par leur valeur dans les Siéges & dans
les Batailles , en Italie , en Allemagne , &
dans les Etats que l'Ange qui veille fur cet
Empire , vient de conquérir , pour ainfi- dire,
par la Paix ; je ne rapellerois pas enfin , que
par le Mariage d'Isabeau de Beauvau avec
Jean ( a ) de Bourbon , Comte de Vendôme,
Trisayeul du Roy ( b ) Henry IV . Les Ancêtres
M. de BAUVEAU le font auffi de notre
Augufte Monarque , & de presque toutes les
Têtes Couronnées de l'Europe . Non , Mrs
quelque éclatante foit une telle Extracque
(a) Jean II. du nom en 1454.
(b) C'est pour cette raison que le Roy le traitois
de Cousin , comme il eft exprimé dans le Brevet de
S. M. da 12. Mai
1739.
Giiij tion ,
1408 MERCURE DE FRANCE
tion , je n'en aurois rien dit , mais quand je
vois M. de BAUVEAU doux & affable , humain
& moderé , dans une Condition où
F'orgueil feroit légitime , s'il pouvoit jamais
être permis, il faut que je l'en loue, & que je
vous propose l'exemple de fa modération .
Les bornes étoites qui font prescrites
dans ce Journal , nous empêchent de fuivre
P'Orateur dans tout ce qu'il a dit de vrai &
d'édifiant au fujet des differens Siéges occupés
par cet illuftre Prélat, qui a fi dignement
gouverné les Eglises de Bayonne , de Tourde
Toulouse , de Narbonne ; n'obmettons
pas cependant le trait d'Eloquence Chrétienne
qui regarde Tournay.
nay ,
Tournay allégé , ouvre enfin fes portes au
Vainqueur , & pour prendre de cet Evenement
ce qui va à la gloire de notre grand
Prélat, je ne fçais ce que je dois le plus admirer
dans ce Siége , des preuves éclatantes de
valeur , que nos Troupes y donnerent , ou
des actions de bonté & de génerofité par lesquelles
M. de Bauveau fe fignala .... Auffi
Tournay n'auroit- il pas voulu changer de
Pafteur, en changeant de Maître.
Notre illuftre Prélat préfere de vivre ſous
lcs Loix de LOUIS LE GRAND à tout autre
avantage. Son fang , fon amour & fon
premier ferment l'attachent trop à cet auguste
Prince , pour qu'il se détermine à rompre
des
JUIN. 1749. 7409
des liens fi honorables & fi doux . Il vint à
Paris fans revenus , & fans Siége ; aufi grand
par le motif qui l'en fait descendre , que par
les vertus qui l'y avoient élevé ; il part de
Tournay, beni des Peuples qu'il quitte , respecté
des Troupes , regretté de tous.
Nous paffons à regret tout ce qui est die
de grand , de touchant , de fi noblement exprimé
dans la feconde Partie du Discours ,
au fujet de l'adminiftration politique de ce
vertueux Prélat , en qualité de Préſident né
des Etats de la Province de Languedoc , pour
venir à ce qu'il y a peut être de plus beau &
de plus pathétique dans tout l'Ouvrage, sçavoir
, ce qui regarde les faintes dispofitions:
avec lesquelles M. de Bauveau a foûtenu &
fa dernière maladie , & les aproches d'une
mort certaine
Etendu fur la Croix pendant plus de cinq
mois , il y fut toujours tranquile ; accablé
pendant le jour par la violence du mal , plus:
accablé pendant la nuit , par l'amertume que
l'insomnie y ajoûte , il vit fans fe plaindre ,
les douloureuses lenteurs de fa diffolution. ;
autour de lui tout s'attendrit , lui feul ne connoît
ni foibleffe ni larmes.... Que fes douleurs:
deviennent plus aigues, que les Remedes l'agitent
fans le foulager, il n'en eft pas moins dans
la paix ; chaque nouvelle douleur porte avec
elle fa grace , & confirme fa résolution ; il
G V
י
aine
1410 MERCURE DE FRANCL
aime l'épreuve , toute dure qu'elle eft , & il
paffe de la férénité à la joye , quand il pense
à la gloire des fouffrances , & au privilege
qu'elles ont de nous rétablir dans les droits
de l'innocence .
qu
Finiffons cet Extrait par l'édifiante conclu
fion du Panégirifte Chrétien. Ne pleurons
donc pas, Mrs, comme pourroient faire ceux
à qui la Foi n'a pas donné nos espérances ; ou fi
nous pleurons , que ce ne foit que fur le peché
, d'où la mort a pris les horreurs dont
elle eſt environnée ; & fur quel autre objet
pourrions nous verser de juftes larmes
Seroit- ce fur le Grand RENE ' ? Mais la mort
n'a fait que changer fa condition en une
meilleure vie : Seroit- ce fur nos pertes ? Mais
le Prince les a réparées par le choix de l'Illuftre
Succeffeur * qu'il lui a donné , &c. .
-
MEMOIRES DE M. DU GUAY - TROUIN ,
Lieutenant General des Armées de France , &
Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , in- 4°. 1740. imprimés par
C. F. SIMON , fils.
ment ,
Cet Ouvrage eft précedé d'un Avertiffe
dans lequel on fait fentir la difference
qu'il y a entre l'Edition présente de ces Mémoires
& celle qui parut il y a quelques années
. On ne trouve dans celle - ci que des
* M. Jean- Louis de Crillon ,
Faits
JUIN. 1740. 1411 .
Faits intereffans, & on en a banni tout ce qui
auroit pû choquer des Lecteurs délicats. Les
fameuses Expéditions de ce grand Géneral y
font écrites avec fidelité ; le ſtyle en eſt mâle
& naturel. Les Cartes représentent, 1°. L'Em
brasement du Devonshire. 2°. Le Jason
abordant le Chefter . Le Cumberland , abordé
par le Lys & la Gloire. 3 ° . Le Maure, abor
dant le Ruby. L'Achille, combattant le Royal
Oak. 4°. Le Jason , environné pendant le calme
par l'Escadre Angloise. ° . Le Plan de
Rio-Janeiro. Le Portrait de M. du Guay-
Trouin, qui fe trouve au commencement du
Livre , eft gravé par M. Larmessin. Les Vignettes
& Culs- de- lampes font auffi de très
bon goût. L'Ouvrage eft terminé par un
Etat des Officiers & Equipages des Vaiffeaux
du Roy , commandés par le même M. dụ
Guay, depuis 1702. jusqu'en 1709. & par une
Lifte des Officiers de Marine, embarqués fur
les Vaiffeaux & Frégates de Sa Majesté , pour
l'Expédition de Rio - Janeiro , en 1711. Cet
Ouvrage a été également bien reçû de la Cour
& du Public, & l'impreffion en a été trouvée
fi belle, fi correcte & fi au - deffus des Impressions
ordinaires , que S. E. M. le Cardinal de
Fleury, toujours disposé à encourager & à récompenser
les talens , a gratifié l'habile Imprimeur
d'une Médaille d'or, qui a donné lieu
au Remercîment qu'on va lire.
G vj
MON
1412 MERCURE DE FRANCE
MONSEIGNEUR ,
Je dois à VOTRE EMINENCE , des
marques publiques de ma reconnoiffance.
Le beau présent dont Elle vient de m'honorer,
étoit autant au deffus de mes espérances,
que la maniere dont il me conviendroit do
l'en remercier , eft au- deffus de mes forces.
Je n'aurois jamais osé me flater que V. E.
occupée des affaires les plus importantes, eût
daigné jetter les yeux fur des objets qui
femblent ne pas mériter fon attention . Il n'y
a que des génies fupérieurs
qui fentent
com
bien les Arts & les Sciences
contribuent
à
rendre
les Etats floriffans
. L'IMPRIMERIE
négligée
depuis
tant d'années
, va reprendre
une nouvelle
forme ; & le Portrait
du ROY ,
dont il Vous a plû de récompenser
mes premiers
efforts , en excitant
l'émulation
, fera
renaître
les Etiennes
, les Plantins
, les Elzevirs
& les Cramoisys
. Voilà les modeles
que
je me propose
. Travailler
à les égaler , c'eſt
feconder
vos vûës ; & je n'ai rien tant à
coeur , que de paroître
digne
aux yeux du
Public , des bontés
& des bienfaits
de VOTRE
EMINENCE
.
Jean Rouy, Libraire , Grand ' - Salle du Palais , visà-
vis la Grand'-Chambre , à l'Ange Gardien , va inceffa
nment débiter Les Coûtumes Generales d'Artois ,
avecdes Notes , revûës & augmentées par M. Adrien
Maillart
JULN. 1740. 1417
Maillart , Avocat au Parlement ; feconde Edition ,
in folio . Paris , 1739 deux Volumes . Cet Ouvrage,
extremement curieux , tant pour le Droit, que pour
l'Hiftoire , avoit déja parû en 1704. en un Volume
in-4 ; mais 35. ans de nouvelles Observations fur
les affaires Contentieuses &fur l'Hiftoire, l'ont rendu
très -confidérable , & même capital , en ce qu'il ne
contient pas feulement de fimples Notes fur la
Coûtume de la Province d'Artois , mais encore un
paralelle avec les autres Coûtumes du Royaume ,
celle des Pays Etrangers , & avec le Droit Ecrit,
Il y a bien des choses particulieres dans cet Ouvrage
, outre le Commentaire de Goffon fur une
partie de cette Coûtu ne , & les Notes des célebres
Charles Du Molin , & François Bauduin , fon Eleve
; l'un & l'autre du xvi . fiècle , M. Maillart y a
joint ce que la Jurisprudence du Royaume a fourni
depuis le temps de ces trois illuftres Écrivains .
Cette Edition eft enrichie de baucoup de choses fingulieres.
La Chronologie des Rois de France , celle
des Souverains des Pays Bas, de leurs Gouverneurs,
& des Comtes d'Artois , qui fe trouvoient dans la
premiere Edition de cette Coûtume , a été fort amplifiée
, rectifiée , & même juftifiée fur les anciennes
Chartes , tant de la Province , que du Royaume.
Ce qui rend cet Ouvrage précieux à tous ceux qui
aiment notre Hiftoire .
On voit ici , pour la premiere fois , les anciens
Usages d'Artois , compilés au commencement du
XIV. fiécle , & imprimés fur un Manuscrit de la Bibliotheque
du Roy. Cet Quvrage reffemble affés .
aux Etabliffemens de S. Louis , & au Conseil de Pierre
de Fontaine , imprimés à la fin de l'Hiftoire de
S. Louis de M. Du Cange , in folio , en 1668 ; ou
même , fi l'on veut , aux Coûtumes de Beauvoifis ,
rédigées à la fin du x111 . fiècle , par le laborieux
Philips
1414 MERCURE DE FRANCEPhilipe
de Beaumanoir , & imprimées en 1690. fur
Jes Manuscrits , par le fçavant M. de la Thaumaffiere.
Enfin pour rendre cet Ouvrage plus complet , M.
Maillart y a ajoûté une Carte du reffort du Conseil
Provincial d'Artois , & de fes Environs , accompa→
gnée des Listes Alphabétiques de l'Artois , & de
quelques Pays limitrophes ; Liftes raportées aux
Carrés , qui partagent cette Carte , & par le moyen
desquels on peut aisément trouver tous les Endroits
qu'elle contient.
M. Fabregou , Maître ès Arts en l'Univerfité de
Paris , Botaniste & Démonftrateur , & exerçant la
Médecine à Paris depuis 30. années , vient de donner
les deux derniers Volumes de fon, Ouvrage , intitulé
, Description des Plantes qui naiſſent ou fe renouvellent
aux environs de Paris , avec leurs usages
dans la Médecine & dans les Arts , &c . A Paris
chés Giffey , Imprimeur-Libraire , rue de la vieille
Bouclerie , 6. Volumes in - 12 . 1740 .

L'Auteur a mis au commencement du premier
Volume un Carton , par lequel il donne avis , i °.
que les premiers Tomes ont été contrefaits , & que
pour prémunir le Public contre le danger de l'erreur,
'il déclare que le premier Volume de cet Ouvrage ,
qui ne fera pas paraphé de fa main , ne doit point
être regardé comme émané de lui . 2°. Qu'il fera
des Démonftrations publiques de ce que fon Livre
contient , dans fon Jardin de Botanique , proche la
Porte de Gaillon , l'Eté , & chés lui , ruë Bourgl'Abbé
, pendant l'Hyver .
Duplain & fils , Libraires & Imprimeurs à Lion ,
mettront inceffimment en vente un Eſſai fur l'Histoire
des Sciences , Arts & Belles- Lettres , par M, de
Juvenel , connu dans la République des Lettres par
des
JUIN.
1415 17402
des Principes fur l'Hiftoire , imprimés à Paris , chés
Alix , en 1733. Cet Ouvrage a été aprouvé par M.
de Fontenelle.
On mande de Rome , que le defir qu'à le Cardi
nal Querini de voir le Sacré College donner à l'Eglise
un Chef digne de la gouverner , l'a engagé à
faire imprimer un Discours composé par un Religieux
, dans le temps de la mort de Calixte III , fur
les qualités que doit avoir un Souverain Pontife.
On a apris de Petersbourg , qu'on y imprime un
Traité Philosophique fur la Mufique , tant ancienne
que moderne , par M. Leonard Euler.
On y acheve d'imprimer des Mémoires , pour
fervir à l'Hiftoire & au progrès de l'Aftronomie, de
la Géographie & de la Phyfique , par M. de l'Ifle.
L'Ouvrage eft en François.
On fouhaite que nous ajoûtions le petit Eclaircis
sement qui fuit , à ce qui a été dit dans le Mercure
de Mai dernier , page 965. pour rendre cet Article
plus exact & plus intereffant.
L'Académie Royale des Sciences avoit donné
pour Sujet du Prix de cette année 1740, la Cause
Physique du Flux & Reflux de la Mer. Quatre Auteurs
ont concouru fi parfaitement en travaillant
fur cette Matiere , que l'Académie s'eft déterminée
à les couronner tous quatre , par égale portion du
Prix. Le R. P. Cavallery , Jésuite, Profeffeur Royal
de Mathématiques en l'Univerfité de Cahors , eft
l'Auteur de la Differtation Nº. 7. qui a pour Devise,
Hinc de primor , erigor illinc , laquelle a remporté
le premier Prix . C'est le même Auteur à qui l'Académie
de Bordeaux adjugea fon Prix en 1738.fur
la Cause de la diaphaneité, & de l'opacité des Corps,
&
16 MERCURE DE FRANCE
n 1739. fur la Cause de la chaleur & de lafroideu
"es Eaux Minerales.
La Societé Royale des Sciences de Montpellier , tint
une Affemblée publique le 12. Mai dernier , M. de
Plantade , Secretaire perpetuel , y lût l'Eloge de
M. Gautheron , fon Prédeceffeur. M. de Guillemi
net , fit la lecture d'un Mémoire fur les irrégulari →
tés de la fuspenfion du Mercure dans des tuyaux de
different diametre M. Lamorier , lût ensuite un
Mémoire fur la nature , les fignes & les fymptômes
de l'Ancylose de l'Os des Iles , avec l'Os Sacrum
dont on n'avoit pas encore parlé . M. Sauvage termina
la Séance par un Mémoire fur une nouvelle
maniere d'élever les Vers à Soye , par le moyen
d'un Termometre , qui a déja fait produire à ces
Insectes un revenu beaucoup plus confidérable.
L'Académie Royale des Sciences & Beaux- Arts ,
établie à Pau , propose pour Sujet du Prix d'Eloquence
, qui fera diftribué le premier Fevrier 1741.
Faut il autant de génie pour exceller dans l'Eloquence
, qu'il enfaut pour former un grand Poëte ?
Les Discours ne pourront exceder une demie
heure de lecture ; ils feront adreffés à M. Duhau ,
Secrétaire de l'Académie , avant la fin du mois de
Novembre 1740 après leque temps on n'en recevra
aucun. Ceux qui ne feront pas affranchis , ne
feront point auffi reçûs.
Chaque Auteur mettra au bas de fon Ouvrage
une Sentence, & la répetera fur l'envelope d'un billet
cacheté , dans lequel il aura écrit fon nom . Ceux
qui travailleront auront foin d'éviter les larcins.
Les Auteurs plagiaires feront exclus du Prix .
L'Académie Royale de Soiffons , tint le Lundi.
1
JUIN.
141 1740.
13. Juin 1740. fa Séance publique dans la Grand'-
Salle du Palais Episcopal , on y fit la lecture de la
Differtation de M. l'Abbé Lebeuf , Chanoine &
Sous Chantre d'Auxerre , qui a remporté le Prix
proposé par cette Académie dès l'an 1738. & dont
lap blicat on avoit été réiterée cette présente année.
O peut voir le fujet de la Differtation dans le Mercure
du mois de Janvier dernier , page 109. Le Prix
qui le donne dans l'Académie de Soiffons eft toujour,
une Médaille d'or de la valeur de trois cent
livres , on la reçoit des mains de M le Duc de
Fitzjames , aujourd'hui Evêque de Soiffons , fuivant
la Fondation qu'en a faite M. de Laubriere , fon
Prédeceffeur.
On a apris de Petersbourg , que la Czarine a dis◄
posé de la Place de Préfident de l'Académie des
Sciences , en faveur de M de Brevern , Conseiller
d'Etat & Chevalier de l'Ordre de Saint Alexandre
Newsky .
Le S. Rosa, Maître Chirurgien , ruë S. André des
Arts , près le Pont S. Michel , à l'Enseigne du Bandage
d'or , fe fait beaucoup de réputation par la
maniere de guérir les Descentes les plus inveterées.
On peut s'adreffer à lui en toute fûreté . Nous avons
vu un Certificat d'un Pere & d'un Fils , qui atteftent
leur guérison récente , l'un âgé de 72. ans , avoit
une Descente depuis 1713. il a commencé depuis
le 4. Decembre 1738. à porrer le Bandage que lui
a fourni le S. Rosa , & il s'eft vû fi fort foulagé au
bout de quelques mois , ce qu'il n'avoit pu ob
tenir d'aucun autre Bandage , qu'il a été en état de
monter à cheval fans inconvénient. L'autre , âgé
de 38. ans , a commencé l'usage du Bandage le
même jour que fon Pere a été radicalement guéri
1418 MERCURE DE FRANCE
le 14. Juillet 1739. Les Bandages du Sr Rosa font
fans fer , & n'incommodent en aucune maniere. Il
a encore beaucoup d'autres Certificats de Gens de
probité , qui atteſtent avoir été guéris radicalement
par fes Bandages & fes Emplâtres : & même de plu- ,
Geurs Dames de Condition , qui ont été foulagées
& guéries de Descentes de Nombril , & qui lui
font des Penfions.
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Tragédie de Zulime ,
représentée pour la premiere fois au Théatre
François le 8. Juin 1740 .
Bennaffar ,
ACTE VRS.
Le Sr Sarrazin.
La Dlle Dumesnil.
Serame , Confidente de Zulime ,
Zulime , fille de Bennaffar ,
Mohadir ,
Ramire , Epoux d'Atide ,
La Dlle Jouvenot.
Le Sr le Grand,
Le Sr Dufresne.
Atide , Princeffe Espagnole , La Dlle Gauffin.
Ménodore ,
Osman ,
Le Sr du Breuil.
Le Sr Dubois.
La Scene est en Afrique.
Uoique cette Tragédie n'ait pas eû le fuccès
Qqu'on s'enétoitpromis fous le nom ducéles
prebre
Auteur à qui on l'a attribuée , on ne peut pas
lui refuser les éloges qui lui font dus . Les trois
miers Actes , & fur tout le fecond , font dignes des
meliteures plumes. La Verfification qu'on a cons
damnéc
JUIN. 1740 1419
née fans connoiffance de cause , eſt du véritable ton
que demande le Genre Dramatique , & l'on peut
dire que l'Auteur a été injuftement puni de s'être
corrigé. L'enflure en eft bannie , mais par malheur
les oreilles qu'il avoit accoûtumées au ftyle Epique,
ne le font pas prêtées à cette noble & aimable fimplicité
qui doit regner dans les Tragédies . Tout ce
qu'on apelle Beautés de détail, Portraits , Maximes,
Lieux communs , en eft exclus , l'action y a repris
fes droits , & ne s'eft point parée de ces ornemens
empruntés , qui ne font qu'éblouir & qui n'ont que
de la fuperficie . Voilà le Jugement que les vrais
Connoiffeurs ont porté de Zulime , qui a infiniment
plus de beautés que de défauts . En voici une espece
d'Argument.
Dans le premier Acte , Zulime , Princeffe Africaine
, ouvre la Scene avec Mohadir , qui vient la
prier de la part de Bennaffar , fon Pere , que fes
propres Sujets ont détrôné , de lui accorder une en
trevûë . Zulime , qui a contribué à la révolte , &
qui fe le reproche , renvoye Mohadir , fans lui rien
promettre , & lui dit :
Porte-lui mes soupirs & mes pleurs pour réponse.
Mohadir étant parti fans avoir rien obtenu ; Zuli
me fe plaint à Atide , Princeffe Espagnole , qu'elle
regarde comme la Confidente , & qui eft mariée fecrettement
a Ramire, présomptif héritier du Royau
me de Valence , Esclave comme elle ; elle reproche
à Ramire une indifference dont elle ne s'aperçoit
que trop : Atide excuse Ramire , autant qu'il lu
eft poffible.
7
Ramire vient ; Zulime , après quelques plaintes,
lui dit qu'il n'y a plus de temps à perdre , & qu'el
le eft prête à le fuivre à Valence ; Ramire convient
de la fuite néceffaire que Zulime veut preffer. On
vient
1420 MERCURE DE FRANCE
vient leur annoncer que les Sujets qui font reftés fi
deles à Bennaffar s'avancent vers le Fort , qui eft le
Lieu de la Scene. Ramire fe dispose à les aller
combattre. Zulime Parrête & lui dit qu'elle ne
fouffr.ra jamais qu'on porte les Armes contre fon
Pere & fon Roy. Elle fort pour aller preffer la fuite
qu'elle a méditée , de concert avec fon Amant.
Ramire témoigne à Aride le reproche qu'il le fait
d'abuser une Princeffe auffi vertueuse & auffi génereuse
que Zulime. C'eft dans cette derniere Scene
que l'Auteur expose tout ce qui s'eft paffé depuis
que Ramire & Atide font tombés dans l'esclavage.
Le fecond Acte eft , fans contredit , non- feulement
le plus beau de cette Tragédie , mais un des
plus intereffans qu'on ait vûs de long temps . Zuli
me le commence avec Ramire . Elle lui aprend que
tout eft prêt pour leur départ . Elle lui déclare en
même-temps que le foin de fa gloire demande
qu'elle ne fe dérobe avec lui , qu'après qu'il l'aura
épousée. Ramire eft interdit, elle lui en demande la
cause ; après plufieurs obftacles qu'il lui fait entrevoir
& qu'elle n'a pas beaucoup de peine à diffiper ,
il lui opose le plus fort qui eft la Religion ; Zulime
n'en eft pas intimidée , elle dit tendrement à Ramire
qu'elle s'eft déja vaincuë elle - même , & qu'elle
croit que la Religion Musulmane lui doit être odieuse
, puisqu'elle l'eſt à ſon Amantelle ajoûte qu'el
le n'adorera jamais d'autre Dieu que celui de Ramire.
Atide furvient , Zulime lui aprend ce qu'elle
vient de dire à fon Amant, & la prie de la feconder.
On vient annoncer à Zulime que Bennaffar vient
d'entrer dans le Fort , dont on n'a osé lui fermer la
porte. Zulime , frapée de ce nouvel incident , fait
retirer Ramire & Atide , & fe prépare à recevoir
fon Pere avec des fentimens dignes de fa vertu.
Bennaflar entre dans l'Apartement de fa fille ;
éclatte
JUIN. 1740 : 1421
Belatte en juftes reproches , & dit à Zulime qu'elle
ne reconnoît plus un Pere qui l'a toujours tendrement
aimée . Zulime fe jette à fes pieds , qu'elle arrose
d'un torrent de larmes , elle y refte long- temps ;
fon Pere s'attendrit , il lui dit de fe lever ; mais cet
attendriffement fait bien-tôt place à un jufte retour
de colere . Zu ime lui avoue qu'elle n'eft plus à fon
Pere , ni à elle- même ; & qu'elle eft à Ramire. Bennassar
l'accable de menaces & la charge de malédictions
. Il fort en lui disant qu'il va tout preparer
pour la vengeance . A la fin de ce bel Acte , Atide,
qui revient avec Ramire , forme la noble résolution
de renoncer à ſon Amant & au faint noeud qui les
unit , pour s'aquitter envers Zulime des obligations
qu'ils lui ont tous deux de leur avoir fauvé la vie
Ramire n'y peut consentir . Voilà à peu près ce qui
fe paffe dans cet Acte .
Les deux tiers du troifiéme , ne dégenerent pas de
1a beauté des précedens . Zulime le commence avec
Ramire ; elle lui dit qu'elle a tout préparé pour leur
départ , & qu'il eft temps qu'elle s'attache à lui par
des liens éternels . Ramire lui paroît toujours plus
embarraffé ; elle lui fait de tendres reproches de
fon irrésolution , dont eile commence à pénetrer
la cause.
Atide vient , & fait entendre par un à parte , qu'il
faut absolument qu'il réponde aux défits de Zulime
dans cette Scene , tout tout contribue à augmenter
les fo.. pçons de Zulime. Elle fort , & ne
respire que vengeance. Atide fe retire à fon tour
pour aller calmer la colere de la Rivale ; Ramire la
fuit ; Bennaffar vient & l'arrête pour s'expliquer
avec lui. Il commence par lui reprocher l'oubli de
fes bienfaits , & le deffin qu'il a formé d'enlever fa
fille pour toute reconnoillance , deffein dont il
vient d'être inftruit; des reproches il paſſe à la priere,
аусс
422 MERCURE DE FRANCE
avec tant de douleur que Ramire en eft attendri.
Cet attendriffement porte ce dernier à lui ouvrir
fon coeur ; il lui déclare qu'il ne fçauroit être à
Zulime , puifqu'il eft époux d'Atide ; & que s'il
veut favoriler la retraite avec cette malheureuſe
Compagne de fon Efclavage , il n'aura plus rien à
craindre du côté de fa Fille ; il fait plus , il lui promet
de lui livrer la chere Atide en ôtage , juſqu'au
moment de fon départ avec elle pour Valence ; &
pour le rendre plus sûr de la promeffe qu'il lui fait,
il lui dit qu'il confent qu'il plonge fon épée dans le
coeur d'un garant fi cher , s'il manque à fa parole.
Bennaflar accepte le parti qu'il lui offre avec tant
de fincerité ; il lui promet de le mettre en état de
partir pour fa Patrie avec fa chere Epoufe , & le
quitte pour y aller donner ordre .
Atide vient annoncer à Ramire qu'elle a calmé
la colere de Zulime , qui difpofe tout pour leur
fuite. Ramire lui aprend ce qui vient de fe paffer
entre Bennaffar & lui ; Atide en eft au comble de
Ja j a joye . Ils fe retirent tous deux , flatés d'une douce
efperance.
Il s'en faut bien que les deux derniers Actes
ayent répondu à la beauté des premiers ; du moins
c'eft ainfi que le Public en a jugé . Zulime comnience
le quatrième , avec Serame , la Suivante ;
elle fe flate d'un prochain départ avec Ramire ,
fans pourtant renoncer à la réfolution que fa vertu
lui a infpirée de ne le fuivre qu'après qu'il l'aura
épousée. Ce bonheur prétendu eft bien-tôt renversé
par la funefte nouvelle que Mohadir vient lui annoncer
; il lui aprend que fon Pere ne vit plus , &
pour comble de malheur , que c'eſt Ramire qui lui
a donné la mort ; il ajoûte que c'eft Atide qui eft
venue à ſon ſecours contre les Africains , qui venoient
venger dans fon fang l'affaffinat de leur
Roy;
JUIN.
1740. 1423
Roy; que Ramire après s'être long-temps défendu,
a enfin été forcé de fuccomber fous le nombre , &
qu'il eft chargé de fers avec ſa fidelle Atide. Zulime
ne refpire que vengeance contre l'Affaffin de
fon Pere & contre la Rivale. Mohadir l'y exhorte
vivement & fe retire . Ofman , Eſpagnol de la fuite
de Ramire , vient lui aporter une Lettre , par laquelle
fon Maître la prie de vouloir bien l'entendre
, & lui permettre de lui ouvrir ſon coeur avant
que de lui faire donner la mort ; le nom d'Epouſe
que ce malheureux Captif a prononcé & répeté
cent fois , fait prendre le change à Zulime , & lui
perfuade que c'eft à elle que ce nom fi cher s'adreffe
. Elle ne peut pas croire que Ramire ait voulu
donner la mort à fon Pere , & après avoir quelque
temps balancé entre fon amour & fon devoir
elle prend la réfolution qu'on lui verra executer
la derniere Scéne de la Tragédie.
Dans le commencement du cinquiéme Acte , on
lui amene Ramire chargé de fers ; elle lui reproche
la mort de Bennaffar ; Ramire lui répond qu'il a
été forcé à l'immoler pour fauver la vie à Atide ,
qu'il alloit fraper d'un coup mortel ; il ajoûte qu'
Atide eft fon épouſe. Ce funefte aveu excite la
fureur de Zulime ; elle ordonne qu'on emmene
Ramire , & qu'il attende fon fort. Toute la vengeance
de Zulime éclate contre fa Rivale ; c'eſt-là
fon premier objet . Mohadir vient , fuivi des principaux
Africains , pour rendre avec eux fes premiers
hommages à fa Reine ; Zulime leur fait jurer
qu'ils executeront fes volontés ; Mohadir lui
demande pourquoi elle a fait préparer un Vaiſfeau
, & à quel ufage elle le deftine ; Zulime fe
contente de lui répondre en termes ambigus qu'elle
vengera le mérite de fon Pere & de fon Roy ; on
amene Ramire & Atide enchaînés . Ramite ſe jette
aux
424 MERCURE DE FRANCE -
aux pieds de Zulime & la conjure de pardonner
Atide & de fe contenter de la punition du coupa-
Zulime lui répond qu'elle va percer le coeur
le plus criminel , & fe plonge un poignard dans le
fein , en déplorant les malheurs que Pour
caufe.
ble ;
Voilà quelle eft la cataſtrophe de cette Tragédie,
dont les trois premiers Actes avoient donné une attente
fi avantageufe : ce n'eft pas à nous à examiner
le Public a bien ou mal jugé , nous nous bornons
à rendre compte à nos Lecteurs de ce qui eft venu
à notre connoiffance ; voici ce que nous avons recueilli
des motifs qu ont porté les Spectateurs à
condamner les deux derniers Actes de cette Piéce ;
tout le réduit au poignard dont Bennaſſar a voulu
percer le coeur d'Atide , & à celui que Ramire a
plongé dans le fein de Bennaflar. Que prétendoit ,
dit- on , Bennaffar en immolant Atide ? fe venger
du manque de foi de Ramire ? Mais , perfua lé que
Ramire aimoit Zulime , qu'il arrachoit des bras
paternels , étoit-ce le punir que de donner la mort
à l'innocente Atide , qu'il n'aimoit pas vraiſemblablement
, puifqu'il l'avoit livrée en ôtage entre les
mains de Bennaflar , avec cette cruelle circonftance
, de donner la mort à cette chere Epoufe , s'il
devenoit parjure ? Pour ce qui regarde Ramire , qui
n'a pû mieux fe juftifier du meurtre de Bennaflar
aux yeux de Zulime , fa Fille , qu'en lui difant qu'il
y a été forcé par le péril d'Atide , ne lui étoit- il
pas auffi facile , difent les Cenfeurs équitab es , de
retenir le bras d'un foible Vieillard , que de lui enfoncer
fon épée dans le coeur ? D'ailleurs , ajoûtet'on
, quel étoit ce Vieillard dont il eft devenu le
bourreau ? c'étoit le Pere de fa Bienfaitrice ; d'une
Amante qui lui avoit fauvé la vi : auffi bien qu'à
fon Epoule ; qui l'aimoit , & qui étoit prête à lui
facriJUIN.
1743. 1425
facrifier jufqu'à fa Religion ? Voilà des raiſons qui
nous paroiffent aflés fortes pour faire condamner
une Piece , fans fe rendre fufpect de partialité ; c'est
à l'Aut. ur à y répondre.
EXTRAIT de la Comédie Italienne , jouée
à l'Hôtel de Bourgogne le 11. Juin, sous le
titre du Nautrage d'Arlequin.
Pantalon ,Marchand Venitien avoitun furent
un neveu , tous deux fort jeunes , qui lui furent
enlevés à Venise par le Docteur , qui étoit fon plus
grand ennemi. Ce Docteur , qui fe piquoit d'Aftrologie
judiciaire , & même de Magie , conduifit le
fils & le neveu de Pantalon en Arcade ; il remplit
le Pays de Lutins & d'Efprits folets pour le donner
un paffe- temps aux dépens de ceux qui y aborderoient.
Cependant Pantalon étant toujours fort en
peine de fon fils & de fon neveu , prend la réfolution
de les aller chercher dans le Levant , où il
avoit eû deffein de les envoyer. Il eft accompagné
de deux Domestiques , Scapin & Arlequin. Après
quelques jours de navigation , le Vaiffeau fait naufrage
fur les Côtes d'Arcadie. Echapés du naufrage
& preffés par les befoins de la vie , ils vont chercher
du fecours ; ils font d'abord épouvantés par
plufieurs avantures éffrayantes , operées par la Magie
du Docteur , lequel eft ravi d'exercer la patience
de Pantalon & de fes Valets. Ces trois perfonnes
ne pouvant plus endurer la faim , aprennent
par les Gens du Pays , que les Bergers des environs
doivent venir au Temple préfenter des offrandes
aux Divinités de ce Pays; ils entrent dans le Temple,
ils renverfent les Idoles qu'ils y trouvent , & fe
mettent à leur place , Scapin occupe la niche ou
eft la figure de Jupiter , Pantalon , en femme , occu-
II.Vel. H
pe
1426 MERCURE DE FRANCE
·
en
pe celle
de Venus
, &
Arlequin
celle
de
Cupidon
.
Les
Bergers
& les
Bergeres
arrivent
en grande
pom
pe
pour
présenter
leurs
offrandes
, qui
confiftent
en fleurs
, en
fruits
, en
fromage
de
Milan
,
sauciffons
de
Boulogne
, & c.
Ils
rendent
des
oraeles
burleſques
fous
les
noms
des
Divinités
dont
ils
occupent
la place
; mais
les
Bergers
s'aperçoivent
que
ces
Divinités
ne
font
pas
les
mêmes
qu'ils
ont
accoûtumé
de voir
; quoiqu'ils
voyent
les
mêmes
habits
& les
mêmes
attributs
, ils
ne
font
pas
longtemps
à être
convaincus
de
la fourberie
. Les
fauffes
Divinités
commencent
à avoir
peur
& prennent
la
fuite
, on
les
pourfait
. Le
Grand
Prêtre
, qui
furvient
au
bruit
des
Bergers
, arrête
Arlequin
, & ordonne
qu'on
lui
coupe
la
tête
pour
avoir
profané
le Temple
; au
moment
de
l'execution
, le Docteur
arrive
avec
fa Baguette
, de
laquelle
il touche
le
bras
qui
devoit
trancher
la tête
à Arlequin
: tout
l'apareil
difparoît
, & Arlequin
fe
trouve
dans
le
même
moment
, par
le changement
d'une
décoration
très
-ingénieufe
, affis
à une
Table
couverte
des
Mets
les
plus
exquis
.
Le fils & le neveu de Pantalon furviennent avec
deux niéces du Docteur qui fe trouvent là ( on ne
fçait cominent. ) Pantalon fe préfente auffi , il reconnoît
fon fils & fon neveu , dont il étoit fi fort en
peine. Le Docteur lui avoue les avoir enlevé à
Venife , & fe reconcilie avec Pantalon , dont le
fils & le neveu époufent les deux niéces du Docreur
, lequel promet de renoncer à l'Art Magique
à l'Aftrologie , & c . & la Piéce finit par un très-joli
Divertiffement pour célebrer ce double mariage.
Cette Piéce avoit déja été repréſentée ſur le même
Théatre le 13. Fevrier 1717. fous le titre de l'Ar
cadie Enchantée.
Le 18. Juin , les mêmes Comédiens donnerent
une
JUIN.
1417 1740.
A
üne Piéce nouvelle Italienne en trois Actes , fous
le titre de la Force du Sang & de l'Amour , que le
Public a reçû favorablement. Le Sr Louis Pazetti
Venitien , nouvel Acteur , joua pour la premiere
fois le Rôle de Pantalon , avec toute la vivacité &
l'intelligence dont ce caractere eft fufceptible ; il a
été aplaudi & goûté du Public .
Le 22. ils remirent au Théatre une Comédie Italienne
en trois Actes intitulée le Double Mariage
d'Arlequin , dans laquelle le nouvel Acteur reçut
de nouveaux aplaudiffemens. Cette Piéce avoit été
jouée ici pour la premiere fois le 12. Mai 1721 .
avec beaucoup de fuccès : elle ne fait pas moins de
plaifir aujourd'hui aux Connoiffeurs . On en a donné
un Extrait détaillé dans le Mercure de Juin &
Juillet 1721. feconde Partie , page 12 .
Le 30. les mêmes Comédiens remirent auffi au
Théatre une autre Comédie Italienne en trois Actes
, intitulée La Belle - Mere fuposée , ou La Finta
Matrigna , dans laquelle le nouveau Pantalon remplit
très-bien fon Rôle . La même Piéce avoit déja
été jouée fur le même Théatre , le 30. Juillet 1716.
En voici le fujet .
Flaminia , fille du Docteur , aime paffionément
Mario , & celui- ci n'a d'autre paffion que celle du
Jeu ; Flaminia a tenté bien des moyens pour
rendre
fon Amant fenfible fans pouvoir y réüffir ; elle
s'avife d'une rufe , & feint de vouloir épouser Pantalon
, pere de fon Amant , qui eft veuf. Elle fait fi
bien auprès de ce Vieillard , qui eft très- flaté de
pouvoir époufer une jeune & belle Perfonne , qu'-
elle fe rend abfolûment maîtreffe de toutes les volontés
, elle accabie de mauvais traitemens Mario ,
& prête à devenir fa Belle - Mere , le fait chaffer de
la Maifon paternelle . Pantalon eft au comble de fa
joye de voir Flaminia toute difposée à l'épouser . Il
Hij
va
428 MERCURE DE FRANCE
va la demander au Docteur fon Pere , qui la lui
accorde fur le champ. On travaille déja aux prépa
ratifs de la Noce chés Pantalon , où Flaminia eft
regardée comme la Maîtreffe . Cependant quelque
infenfible qu'ait parû Mario pour Flaminia , il ne
laiffe pas d'être extremement piqué de voir qu'elle
va époufer fon Pere . Il a recours à Scapin , Fourbe
intriguant , & l'engage de faire enforte de rompre
ce Mariage , afin qu'il puiffe renouer avec Flamimia
, pour laquelle il fe fent déja attendri ; Scapin ,
qui eft auffi dans les interêts de Flaminia , fait déguifer
Arlequin en Courrier , & le charge d'une
Lettre qu'il va rendre à Pantalon de la part d'un
de fes Amis de Milan , où étoit la Femme de Pantalon
, par laquelle cet Ami lui mande que fon Epoufe
qu'on avoit crû morte , comme il le lui avoit
mandé quelques jours auparavant , étoit réchapée
& fe portoit beaucoup mieux ; qu'il croyoit qu'il
feroit fort aise d'aprendre cette bonne nouvelle &c.
Pantalon , qui avoit compté sur la mort de sa femmee
, & tout prêt d'en époufer une autre , eft extraordinairement
furpris de cet Evenement , & fort
embarraffé pour annoncer cette nouvelle àFlaminia.
Mario vient chés fon Pere prefque en même temps
que la Lettre y arrive , pour lui témoigner la joye
de ce que fa Mere eft encore en vie. Pantalon ne
fçachant plus quel parti prendre , propofe à fon
fils d'époufer Flaminia , pour dégager du moins la
parole qu'il lui a donnée , d'autant plus que les préparatifs
de la Noce font déja faits ; Pantalon le
propose auffi - tôt à Flaminia en préfence de Mario ,
ils font tous les deux un peu les difficiles , Flamimia
confent enfin d'épouser le fils , n'ayant pú , ditelle
, épouser le Pere , & déclare à Mario dans un
à parte , que tout ce qu'elle a fait de desobligeant
pour lui , n'avoit été que pour le rendre fenfible à
SOB
JUIN. 17407 1429
gon amour , à quoi elle étoit heureusement parvenuë.
Le mariage s'acheve à la fatisfaction des nouveaux
Epoux , excepté de Pantalon , qui aprend
que la Lettre écrite n'étoit qu'une fourberie de
Scapin , & que fa Femme n'étoit pas moins morte.
LETTRE écrite de Paris le 25. Juin 1740;
au sujet de l'Opera , & des Dlles Lemaure,
Erremens Fels .
Ly a quelques jours , Monfieur , qu'on m'ingnie
; quoique les mets y fuffent très - délicatement
aprêtés , l'Esprit y fut encore mieux traité que le
corps ; on y parla le langage de cette Littérature
agreable qui fied mieux alors que les matieres sézieuses
qui exigent toute la reflexion du Cabinet ;
on tomba infenfiblement fur les Spectacles ; on y
fit une courte analyſe de la naiſlance , du progrès ,
& d'une espece de décadence de notre Théatre
François à l'occafion de ce dernier article , on examina
fi ce n'étoit point l'effet d'un préjugé qui
permet rarement aux hommes de faire l'apologie
du préfent ; il fut dit là - deffus bien des chofes que
je fuprime ; comme la vivacité les enfante , elles
n'ont pas toujours cette jufteffe & cette précifion
que demande une Differtation en forme ; on parcourut
tous les talens néceffaires à ceux qui font
profeffion de parler & de plaire au Public ; insensiblement
on paria de l'extrême difficulté de bien
chanter , plus on aprofondit ce dernier sujet , plus
on eut lieu d'admirer Mile Lemaure , & de s'aplaudir
de fon retour : une Dame très spirituelle se
plaignit à cette occafion de l'ingratitude du Parnafle
, quelques Perfonnes furent touchées de ce reproche
, & leur fenfibilité produifit les impromptus
Hij L'Opera fuivans.
$ 430 MERCURE DE FRANCE
L'Opera n'eft plus en vacance ,
Et la charmante voix qui regnoit sur nos coeurs
Exerce de nouveau fa premiere puiffance ;
Quel triomphe pour les neuf Spurs !
Pour moi j'avois fait vou de ne plus rien entendres
J'avois même promis de ne plus rien aimér ,
Et dans mon defefpoir je voulois me défendre
D'user de mon droit de rimer.
Lemaure , quels plaiſirs vous venez de me rendre !
Je vais à l'Opera depuis votre retour ;
Je rime par reconnoiffance.
Du refte. , interrogez l'Amour ;
Que de voeux je romps en ce jour t
J'en fuis étonné quand j'y penfe.
Un Homme du Monde qui ne s'eft jamais pique
de joindre plus de dix Vers ensemble , fit ceux- ci à
Si-tôt que le Soleil paroît fur l'horifon ,
&
On voit les Aftres difparoître ;
L'éclat de leur souverain Maître
N'admet point de comparaison.
Fels , connoiffez votre avantage ,
Votre deftin eft bien plus doux ;
Car vous partagez notre hommage
Lorfque l'Amour chante avec vous.
Une Dlle nous régala de ce Quatrain .
Malgre
JUIN. 1740 1437 .
Malgré tous les Efprits juftement prévenus
En faveur de la voix de l'illuftre Lemaure ,'
La vôtre nous séduit encore ,
Erremens , c'eſt briller à la Cour de Venus.
J'ai l'honneur d'être &c .
De Bonneval.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
L
Es nouvelles qu'on reçoit varient beaucoup &
se contredisent même au sujet de Thamas Kouli
Kan. Selon les Lettres de Gorom , il eft dans un
fort grand embarras , & s'est déterminé , après les
avantages qu'il a remportés sur le Grand Mogol , à
retourner promptement en Perse , tant parce qu'il
voyoit ses troupes déja réduites à 40000. hommes ,
s'affoiblir encore par les maladies , que parce qu'il
craignoit qu'une trop longue abfence ne portât les
mécontens de Perse à tenter quelque nouvelle entreprise
contre son autorité ; par ces raifons il a
fait faire à son armée plufieurs marches forcées
d'autant plus pénibles pour ses Soldats , qu'ils traînoient
avec eux un immense butin ; malgré l'extrême
diligence dont il a usé , il a été joint sur le
bord de l'Indus par une armée de Mogols , qui l'ont
attaqué dans le temps qu'il se difposoit à paffer ce
Fleuve ; la victoire a été longtemps disputée de
part & d'autre , mais enfin elle s'est déchirée pour
les Mogols , & les Persans ayant été mis en dé-
Hil route >
432 MERCURE DE FRANCE
route , ont paffé précipitamment l'Indus , pour
mettre ce Fleuve entre eux & les ennemis.
Les Aghuans , qui n'ont jamais voulu reconnoître
Thamas Kouli Kan pour Souverain , se sont
assemblés au nombre de 60000. hommes , dans le
deffein de l'attaquer ; les Peuples du Candahar
qu'il n'a foûmis que par la violence , ont profité
de la conjoncture , pour secouer le joug ; le refte
des mécontens remue dans diverfes Provinces.
Thamas Kouli Kan ayant perdu ses meilleures troupes
dans les differentes guerres qu'il a eû à soutenir
, aura de la peine à raffembler des forces fuffisantes
, pour réſiſter à tant d'ennemis , & son flo
à qui il a envoyé demander du secours , ne peut
en fournir , en ayant besoin lui- même , pour se
maintenir dans Ispahan .
lui
Selon d'autres avis reçûs de Perse , Thamas Kouli
Kan a ramené dans fes Etats son armée chargée
de butin , & beaucoup plus nombreuse qu'elle n'é
toit lorfqu'il l'a conduite contre le Grand Mogol
il eft revenu lui - même à Ispahan , où il jouit tranquillement
du fruit de ses Victoires ; fon autorité
eft plus affermie que jamais , & pour s'ôter toute
inquietude de la part de la Famille des Sophis , il a
fait mourir tous les Princes qui en reftoient .
D'un autre côté , on a apris de Petersbourg , que
l'Ambaffadeur qui y réfide de la part de Thamas
Kouli Kan , prétend que le bruit d'un avantage
confiderable remporté par les Mogols sur l'armée
de ce Prince près de l'Indus , & d'un parti formé
contre lui par les Rebelles de Perse , pour lui enlever
la Couronne , eft fans fondement .
Ce Miniftre regarde auffi comme fausse la nouvelle
du retour de Thamas Kouli Kan à Ispaham , &
il assûre que ce Prince , en quittant les Etats du
Grand Mogol , eft allé dans le Pays des Usbecs ,
pour les soumettre. RUSSI
JUIN. 1740. 1433
RUSSIE.
Na apris que les Fortifications d'Asoph étoient
entieres que desfolies, & que 5. M. Cz. faisoit
conftruire sur l'autre bord du Tanais , vis -àvis
de cette Place , une nouvelle Fortereffe qui sera
nommée Annebourg.
HARANGUE du Prince Keras y,
l'Imperatrice de Ruffie , à l'occafion
de la Paix avec les Turcs.
MADAME ,
Plus les motifs pour entreprendre la derniere
guerre étoient importans , & plus les dangers aux--
quels l'Empire Ruffe étoit exposé depuis plufieurs
années , plus nous les fideles Sujets de V M. I.
avons raison de nous réjouir dans ce jour fi defiré ,,
où nous solemnisons la Fête de la Paix heureuse→
ment rétablie.
A peine la Ville d'Asoph tomba t'elle par un incident
particulier fous la Domination Ottomane ,
qu'on s'aperçât combien la Ruffie auroit à crain
dre d'un tel Voifin , lorfqu'il poffederoit cette Fortereffe.
Située auffi près des Frontieres de la Ruffie , comme
elle l'eft ,elle a donné le moyen à l'ennemi d'inquieter
les Provinces de cet Empire à fon gré. Non
content des incurfions qu'il a faites du côté de la
Ville d'Asoph , ce Voifin remuant en a tenté ďau--
tres du côté de la Crimée & du Cuban , par le
moyen desquelles il a ruiné des Provinces entieres:
de la Ruffie , en a emmené plufieurs milliers de
pauvres habitans en esclavage , & continuant ains
année en année fes invafions , il a assujetti vos:
Provinces à un pillage perpetuel.
HV Toug
134
MERCURE DE FRANCE
Tout cela s'étoit déja fait du temps de l'Empe
reur PIERRE. Les représentations les plus fortes ,
faites alors à ce sujet ont eû fi peu d'effet , que
J'ennemi a redoublé fes attentats , & les a rendus
encore plus infuportables .
On fçait de quelle maniere la Porte a tâché de
profiter des troubles de la Perfe , & combien fes
vûës ont été préjudiciables à la sûreté de cet Empire,
Dans cette difpofition on preſcrivit à la Porte des
bornes certaines par le Traité Solemnel qu'on con--
clut avec elle , mais cette Cour remplit fi peu fes
engagemens , qu'elle paffa non seulement les Limites
dont on étoit convenu , mais qu'elle continua
encore fans interruption ses hoftilités dans la Ruffie,
auffi bien que dans la Perfe.
C'eft dans ces circonstances que fe trouvoient les
Provinces de la Ruffie , lorfque le Tout- Puiffant
par fa divine providence a apellé V. M. au Gouver
nement Glorieux de cet Empire.
Nous , qui connoiffons parfaitement les soins
maternels de V. M. I. pouvons bien juger combien
ces outrages ont été fenfibles à V. M. & jufqu'à
quel point les dommages innombrables causés à vos
Sujets par les incurfions des ennemis , l'esclavage
dur dans lequel on en a emmené tant de milliers ,
& les cruautés barbares qu'on leur a fait souffrir ,
ont penetré le coeur compatiffant de V. M.
C'eft pourquoi entre tant de soins que le Fardeau
du Gouvernement entraîne , l'un des premiers a été
de remedier à ces defordres.
Pour cet effet V. M. I. a d'abord tâché de terminer
au plûtôt la Guerre de Perfe , qui ne pouvoit
être que très-onereuse à la Ruffie .
V. M. n'ayant jamais eû l'intention d'étendre fes ,
Etats de ce côté- là , le but de cette Guerre n'étoit
que
JUIN. 1743. 1435
que d'empêcher que la Perfe ne fût pas totalement
détruite , & qu'elle ne tombât point fous le joug
d'une Domination étrangere .
Et comme par l'affiftance de V. M. les troubles
de ce Royaume extrêmement defolé ont été affés
apaisés par le Scah à présent regnant , pour qu'il
les pût entierement terminer enfuite par fes propres
forces , V. M. a bien voulu conclure avec lui un
Traité d'Union perpetuelle , & lui rendre plufieurs
Provinces , qu'elle a ci devant défendues avec tant
de bravoure en faveur de cette Monarchie .
Mais ces bonnes intentions qui ne tendoient qu'à
la tranquillité publique , n'ont fervi qu'à animer les
Turcs à redoubler avec plus de fureur leurs incur,
fions dans les Provinces de la Ruffie.
V. M. auto pû dès -lors s'en venger d'une maniere
efficace & repouffer la force par la force , fi
sa grandeur Pame ne l'avoit pas plutôt portée à
tenter préalablement tous les moyens imaginables ,
pour rétablir la bonne harmonie entre les deux
Empires par des voyes amiables.
Les bons offices que les Ambaffadeurs de quelques
Puiffances Chrétiennes, réfidents à la Porte , avoient'
'employés dans cette vûë, ont été d'autant plus agréables
à V. M. que tout le monde impartial a pû être
convaincu , que la Ruffie n'a fouhaité que la jufte
conservation du repos , fi néceffaire aux deux Empires
.
Mais ces démarches pacifiques n'ont pas eu plus
d'effet , que tous les autres soins qu'on s'étoit cidevant
donné , pour obtenir un but fi falutaire.
Les incurfions des ennemis ont continué fans ces-
'se , & le Kan de Crimée , sous prétexte d'une expedition
dans le Dagheftan , envahit à la fin les Provinces
Ruffiennes avec 30000. hommes , ruinant par
là toute efperance d'un accommodement amiable.
H vj Ainfi
1336 MERCURE DE FRANCE
Ainfi V. M. I. étoit indubitablement en droit
fuivant toutes les Loix divines & humaines , d'em- ~
ployer les forces que Dieu lui a données , pour repouffer
les infultes de l'ennemi .
Comme V. M. I. eft accoûtumée de commencer
toutes ses entrepriſes avec Dieu Elle n'a pas manqué
d'invoquer à cette occaſion ſon Saint Nom avec
ferveur , & ce n'eſt que dans la ferme confiance en
l'affiftance divine , qu'Elle a pris la derniere réfolution.
L'an 1736 votre Feldt-Maréchal Géneral le Comte
de Munich marcha avec la grande armée de V. M.
directement vers la Crimée , où il prit d'affaut les
Lignes de Précops , qu'on avoit cru imprenables ,
chaffa le Kan qui étoit campé derriere avec une armée
de plus de 100000. hommes , &
força enfin la
Garnifon de Précops , de se rendreà difcretion.
L'autre armée de V M. I. fous es ordres du Feldt,
Maréchal Général Las y , s'empara d'Asoph & soû
mit de nouveau à vos Loix cette Ville , qui en quel
que façon a été la premiere caufe de tous les trou
bles.
Un peuuparavant , le Kan des Calmouques Dons
duc Ombro reduifit sous l'obéiffance de V. M..
10000 familles du Cuban , & 15000. hommes prirent
auffi tôt parti contre l'ennemi .
La Ville de Koslow , dans la Crimée , auffi célebre
par fon Port que confiderable par fon Commerce,
que l'ennemi avoit abando née avec beaucoup de
précipitation , fut prise par le Fe dt- Maréchal Com
e de Munich , & le Soldat y fit un riche butin.
L'armée ennemie qui vouloit s'oposer à la marche
des troupes Ruffiennes vers Backcisarey , fut
ențierement difperfée & mise en faite , & cette Ca➡
pitale , auffi bien que les Palais du Kan furent confumés
par les flames.
Un
JUIN. ¥740. 7437
Un Corps détaché de la grande armée , attaqua
Kimburn , s'en empara & rasa ses fortifications .
Vers la fin de l'année , Donduc Ombro ruina la
Ville de Kapyl , Capitale du Sultan Bachi Ghirei , y
prit 10000. hommes & fit un butin de 20000. che
vaux .
Après de fi grands succès des armes Ruffiennes &.
la rupture du Congrès de Nimirow par les Turcs ,
on continua en 1737. les operations de la Guerre
avec toute la vigueur poffible.
}
Le Feldt-Maréchal Comte de Munich marcha
vers Oczakow avec la grande armée . Il força les
Lignes & les Retranchemens , & ayant été pendant ,
trois jours consecutifs toujours aux mains avec les
Turcs , il donna à la Ville un affaut géneral , qu'il
pouffa , avec l'affiftance divine , avec tant de brayoure,
qu'il força enfin le Seraskier de se rendre à
discretion avec le refte de la garnifon qui étoir
composée de 20000. hommes.
"
Dans ces entrefaites , le Feldt- Maréchal Lascy
étoit entré dans la Crimée , où il battit le Corps de
Loupes qui étoit sous les ordres du Kan , bila la
Ville d'Arabat , le Camp de l'ennemi , & plus de
1000. Bourgs & Villages.
Après que le Feldt- Maréchal Comte de Munich
à la tête de la grande armée eut quitté Oczakow ,
l'ennemi avec des troupes nombreuses sous le commandement
de Genghe- Ali-Pacha , osa ans le mois
d'Octobre attaquer cette Ville , mais la Garnison de
V. M. I. se défendit avec tant de valeur , que l'ennemi,
après avoir inutilement donné plufieurs aflauts
géneraux & perdu beaucoup de monde. fut obligé
de se retirer dans une grande confternation derriere
le Dniefter , ayant abandonné une bonne partie de
son Artillerie & de ses Munitions de Guerre .
L'an 1738, le Kan de Crimée ayant tenté une
irruption
7438 MERCURE DE FRANCE
irruption dans les Provinces Ruffiennes , tant avec.
ses propres Ordes qu'avec beaucoup d'autres Tartares
, fut forcé par les bonnes précautions qu'on
avoit prises partout , de se sauver , après avoir perdu
plufieurs milliers d'hommes.
Le Feldt- Maréchal Géneral Lafcy retourna dans
la Crimée , & ayant chaffé l'ennemi qui gardoit le
Gulf de Sirrach , y paffa & obligea le Sultan Kalga ,
qui se trouvoit aux environs avec fon armée , de se
retirer avec beaucoup de précipitation dans l'interieur
de la Prefque- Isle.
Ayant pris le chemin de Précops , le Feldt- Maréchal
attaqua cette Place avec tant de vigueur que le
Commandant , Pacha à deux Queues,fut forcé de se
rendre prifonnier de Guerre avec toute sa Garniſon.
Cependant le Feldt - Maréchal Géneral Comte de
Munich , qui commandoit la grande Armée , continua
fa marche vers le Dniéfter , ayant battu l'ennemi
, qui le harceloit dans fa marche , en plufieurs
occafions , toujours avec beaucoup de perte du côté
des Turcs , qui furent mis en fuite .
Ces trois Campages ont été bien glorieuses &
avantageuses pour les Armes de V. M. I. mais on
peut dire que la derniere les furpaffe de beaucoup ,
par raport à des circonftances tout - à - fait remarquables.
Le Feldt-Maréchal Comte de Munich paffa avec
l'Armée qui étoit fous fes ordres , le Dnieſter & entra
dans les Pays ennemis , où , après deux Actions
heureuses , il gagna le 17. Août la Bataille fi glorieuse
au Nom Ruffien , dans le temps même que
l'Armée Ruffienne étoit entourée de toutes parts par
l'Ennemi , & lorsqu'elle étoit obligée de défendre
à la fois fon Bagage & fes Magafins de vivres , &
d'attaquer un ennemi redoutable .
Cependant le Tout - Puiffant a tellement beni les
Armes
JUI N. 1439 1740.
Armes glorieuses de V. M. I. dans cette journée ,
que Weli Pacha , qui commandoit l'Armée Turque
composée de plus de 90000. hommes , fut forcé de
s'enfuir avec la derniere précipitation , abandonnant
fon Camp , qui étoit fortifié de plufieurs retranchemens
, & de laiffer au vainqueur une nombreuse Artillerie
, beaucoup de Tentes & de Proviſions. Cette
Victoire complette fut fuivie de la Prise de la célebre
Fortereffe de Choczim , dont le Commandant
Kaltschack , Pacha , fe rendit prisonnier de Guerre;
& de la foumiffion de toute la Principauté de Moldavie
.
Des merveilles de cette nature que nous avons
vûës nous-mêmes , nous persuadent de la vérité de
celles qu'on lit dans l'Hiftoire , car , par l'effet d'une
affiftance divine , fi marquée , les Troupes de
V. M. I. peuvent être justement comparées à ces
Armées Juives de l'Ancien Teftament, qui avec auffi
peu de perte & avec auffi de monde ,
peu
combattoient
contre les Payens , vos Armées l'ayant fait
contre les Troupes innombrables de Turcs & de
Tartares.
Comme ces derniers n'ont pû tenir ferme, nulle
part , ni défendre aucune Ville contre les Armées
Ruffiennes , ceux qui ne font pas accoûtumés à raifonner
des choses avec une connoiffance fuffisante ,
ont peut- être crû que V M. I. à l'exemple de tous
les Grands Conquérans , ne voudroit pas arrêter le
cours de fes Victoires au milieu d'une prosperité fi
conftante , & qu'elle s'empareroit fucceffivement de
toutes les Provinces ennemies , pour accroître fon
Empire par des Conquêtes confiderables .
Mais tous ceux qui ont eû certe pensée , ont été
peu informés , fans doute , de la véritable intention
de V. M. dans cette Guerre . En effet V. M. n'a
cherché qu'à procurer à fes Etats une fûreté fuffifante
1440 MERCURE DE FRANCE
fante contre les incurfions des Ennemis Ainfi, aus
fitôt qu'Elle a pú parvenir à ce but , Elle a préferé
une Paix fûre & équitable , à toutes les esperances
fateuses de faire des Conquêtes dans le Pays ennemi.
Nous nous tromperions donc bien , fi nous n'envisagions
la Gloire de V. M. que par le feul endroit
des actions de valeur dont je viens de parier, & des
Victoires que vos Armées ont remportées fur l'Ennemi.
La Paix , Madame qui cause aujourd'hui tant de
joye à toute la Nation Ruffienne , lui prouve auffibien
qu'à tout l'Univers , que V. M. au milieu de
fes Triomphes , n'a pensé qu'au véritable bonheur
de fes Peuples.
V. M. a pleinement obtenu ce qui faisoit l'objet:
de fes louables intentions . Jamais la dignité de l'Empire
Ruffe & la réputation de ses Armes , ne furent
portées auprès de la Porte Ottomane , à un plus
haut degré , qu'elles le font à présent.
Le malheureux Traité de Pruth , qui contenoit:
des Articles peu avantageux , & qui étoit conçu en
termes peu honorables à l'Empire Ruffe , eft entierement
aboli . ་ ་
Tant de milliers de Chrétiens , qui avant cette
Guerre , auffi bien que pendant fon cours ont été
emmenés en esclavage , font délivrés de leurs fers:
& recouvrent leur premiere liberté.
Les Sujets Ruffiens ont obtenu les mêmes avantages
pour leur Commerce dans les Etats de l'Empire
Ottoman , que ceux dont y jouiffent les Na--
tions les plus favorisées.
La Ruffie s'eft délivrée du dangereux voifinage
d'Asoph , & les Frontieres font tellement étenduës:
de ce côté- là , que les Sujets de V. M. pourront
toujours profiter des avantages de la Paix rétablie
entre:
JUIN. 1745. 1448
entre les deux Empires , étant fur tout confirmée ,
comme elle l'eft , par la puiſſante & respectable ga
rantie de la Couronne de France.
Cette Paix , Madame , nous excitera auffi-bien
que la Pofterité la plus reculée , à admirer & à célebrer
les foins maternels de V. M. pour l'accroissement
de fon Empire & pour le bonheur de ſes
Peuples.
Il est vrai que ni les victoires , ni les avantages
qu'on reçoit par les Traités , ne fçauroient affûrer
aux Souverains une gloire folide & permanente , fi
leurs intentions ne font véritablement juftes & droites
; mais on peut dire que toutes les actions de
V. M. en temps de Guerre , auffi - bien qu'en temps
de Paix , sont des preuves claires de les louables
fentimens , car elles ne font jamais fondées que fur
des motifs de pieté & de magnanimité .
La pieté fincere & exemplaire avec laquelle V. M.
affifte tous les jours au Service Divin , nous inspire
à tous la crainte de Dieu , & nous montre avec
quelle ardeur nous devons remplir nos devoirs envers
Dieu , & envers notre Souveraine Impératrice.
La pieté de V. M. s'étend encore plus loin . Plufieurs
établiffemens dans les Provinces les plus éloignées
de fon Empire , pour avancer la connoiffan
ce & la gloire du vrai Dieu , & pour extirper la fuperftition
, fervent à faire fleurir le Royaume du
Ciel parmi vos Sujets .
La droiture & la juftice de V. M. vertus que Dieu
exige de tous les Souverains , ont éclaté il y a quel
ques années d'une façon toute particuliere , lorsqu'une
Puiffance voisine demanda ie puiſſant ſe-
Cours de votre protection .
Cette Juftice éclate encore tous les jours dans
tous vos arrangemens pour réformer & faire exeeuter
avec plus de promptitude les Loix , & géne
calemen
1442 MERCURE DE FRANCE
ralement en tous ceux qui dans le malheur , one
recours à V. M. & la fuplient de leur accorder
cette même protection . Mais comme les cris & les
foupirs des affligés percent le Ciel , les voeux qu'ils
font en actions de graces de la justice que V. M.
leur rend , doivent affermir votre Trône , & procurer
à cet Empire une abondante bénediction .
La fidelité & la fermeté que V. M. observe dans
l'execution des Traités conclus avec d'autres Puissances
, & en conséquence desquels Elle a employé
toutes les voyes amiables , pour prévenir cette derniere
Guerre , doivent fervir à la consolation de
V. M. & nous faire esperer qu'Elle voudra bien
nous laiffer jouir d'une profonde tranquillité & d'une
prosperité parfaite , & que lorsque le cas l'exigera
indispensablement , Elle défendra fa jufte cause
, & qu'alors la Guerre , s'il faut la faire , fera la
Guerre du Seigneur.
Ces mêmes vertus par lesquelles les fages vûës
de PIERRE LE GRAND font remplies , & auxquelles
la Ruffie eft obligée de la haute réputation dans la
quelle elle eft aujourd'hui dans le Pays Etrangers
ont acquis à V. M. toutes les Grandeurs & tous le
Titres les plus fublimes .
Pour nous , Madame , nous ferions le Peuple du
monde le plus ingrat , fi nous ne reconnoiffions pas
dignement les bienfaits innombrables de V. M. mais
les reconnoiffant & y étant auffi senfibles que nous
le fommes , nous ne manquerons pas d'en rendre
à Dieu de continuelles Actions de graces , & d'inspirer
ces mêmes fentimens de reconnoiffance à nos
enfans , pour les faire paffer à la Pofterité la plus
reculée ; de prier auffi dans toutes les occafions pour
la précieuse fanté de notre très - gracieuse Souveraine
, & de facrifier avec joye nos biens & notre
vie , partout où le fervice & les interêts de V. M.
Pexigeront.
Dien
JUIN. 1740; 144
Dieu Eternel , Pere de toutes les Misericordes &
fource de tous les biens , nous vous rendons nos
inceres Actions de graces , & nous vous louons de
tout notre coeur de toutes les vertus dont vous avez
voulu doüer & orner ANNE , votre Ointe , notre
très - clémente Imperatrice , & nous vous fuplions
qu'il vous plaise de la conferver en fanté & en toute
prosperité jusqu'à l'âge le plus avancé . Répandez
votre fainte bénediction fur la Sacrée Personne,
& affermiffez la gloire de cet Empire parmi les Nations
voifines , pour que nous & nos Descendans
puiffions de fiècle en fiécle célebrer votre faint
Nom , en reconnoiffance de tant de bienfaits , &
en fuivant les traces de notre Grande Impératrice
faire toujours ce qui vous fera le plus agréable.
SUEDE.
N aprend de Stokolm , que le Grand Seign
ur & le Roy de Suede étoient convenus
par leur nouveau Traité d'Alliance défensive , que
dans les cas cù l'on auroit lieu de craindre que la
Czarine ne pensât à déclarer la guerre à fa Hauteffe
ou à S. M. Suedoise , les deux Puiffances feroient
d'abord conjointement leurs efforts pour prévenir
une rupture ; que fi elles ne pouvoient y réusşir
, elles s'aideroient mutuellement de leurs confeils
& de leurs forces , & qu'après la conclufion de
la Paix avec leurs Ennemis , leur Alliance défenfive
continueroit de fubfifter , comme avant la guerre.
ALLEMAGNE.
L'Empereur a envoyé fon Portrait , enrichi de
Diamans , au Marquis de Villeneuve , Ambas
sadeur du Roy de France à la Porte.
On
7444 MERCURE DE FRANCE
Σ
On aprend de Vienne , que les Proteftans ayane
fait r'ouvrir dans la Ville de Lewentz , une de leurs
Eglises , qui avoit été fermée pendant plufieurs années
, les Catholiques s'atrouperent en grand nombre,&
qu'après avoir pillé cette Eglise , ils la raserent
de fond en comble .
SAXE.
N mande de Dresde , que 15oo . Ouvriers
font employés actuellement à la conftruction
de la nouvelle Eglise que le Roy fait bâtir pour les
Catholiques , & qu'on aura bien-tôt achevé d'en
poser les fondemens .
Le Roy de Pruffe ayant résolu d'avoir une Mu
fique , & d'établir un Ópera à Berlin , il a chargé le
Miniftre qui réfide à Dresde de fa part , de faire
des offres confidérables à plufieurs Muficiens de
cette Ville , pour les engager à entrer à ſon ſervice,
PRUSSE.
Lde ce mois à poltdam, le Royya affifté avec
Es Obseques du feu Roy ont été faites le 22 .
tous les Princes de la Famille Royale . On n'eft pas
encore inftruit exactement du détail des Céremonies
qui y ont été observées , & l'on fçait feulement
que la marche du Convoi à commencé à dix
heures du matin , que le Corps du feu Roy a été
porté dans la principale Eglise de Poſtdam , au milieu
de laquelle on avoit élevé un magnifique
Catafalque , & qu'il y a été mis dans le Mausolée
qu'il avoit fait conftruire . Son Corps avoit été
exposé pendant plufieurs jours dans un Apartement
du Château , lequel étoit entierement tendu de noir
éclairé d'une grande quantité de lumieres , &
aur
JUIN. 1740.
1449
aux deux côtés de l'Eftrade fur laquelle étoit lo
Cercueil , on avoit mis la Couronne , le Sceptre ,
L'Epée Royale , & le Bonnet Electoral .
Le Roy , après la Céremonie , dîna avec les
Princes dans l'Apartement qu'occupe au Château le
Prince Ferdinand , & outre la Table de S. M. il
y en eut plufieurs autres fervies , tant pour les
Miniftres Etrangers , que pour les Miniftres d'Etat,
les Officiers Generaux & les autres Personnes de
diftinction , qui fe font trouvés à la Pompe fu
nebre.
Le 13. la Reine reçût les complimens des Ministres
Etrangers, des Miniftres d'Etat & des Seigneurs
& Dames de la Cour , fur la Mort du feu Roy.
S. M. étoit fous un Dais , ayant à fes côtés fes Dames
avec des Mantes noires & des Voiles de crêpe .
Toutes les fois que le Roy eft venu à Berlin de
Charlottembourg , S. M. a mangé avec la Reine &
la Reine Douairiere , laquelle jouira , outre fon
Douaire , d'une Penfion confidérable .
al-
Le Roy a nommé le Comte de Camas , pour
ler en qualité de fon Envoyé Extraordinaire , donner
part à S. M. T. C. de la mort du feu Roy. Le
Comte de Truches Valdbourg , & M. Ammon ,
Conseiller de Légation , doivent fe rendre , le premier
à Hanover, & le fecond à Dresde , pour
'acquitter de la même commiffion .
S. M. vient d'inftituer un nouvel Ordre de Chevalerie
, dont les Chevaliers porteront une Croix
d'or , fur laquelle feront ces mots , Pour le mérite
& qui fera attachée à un Ruban noir , bordé d'un
Lizeré blanc. Quelques jours après , le Roy a
nommé le Comte de Schulembourg , Chevalier de
f'Ordre de l'Aigle Noir , & M. de Biberſtein , Cheyalier
de l'Ordre du Mérite .
On doit bâtir , par ordre du Roy , à Berlin , un
Hôtel
445 MERCURE DE FRANCE
Hôtel pour les Invalides , fur le modele de celui
de Paris.
NAPLE S.
Depuis l'arrivée du Courier qui a aporté le Traité de Commerce conclu entre le Roy &
Grand Seigneur , on a apris que Sa Hauteffe , en
conséquence de la promeffe faite au Chevalier Finochietti
par le Grand Vifir , avoit fait fçavoir aux
Régences d'Alger , de Tunis & de Tripoly , que
fon intention étoit que les Corsaires de ces Villes ne
troublaffent point la Navigation des Vaisseaux Napolitains
& Siciliens .
Les deux Officiers Irlandois qui ont affaffiné leur
Colonel , ont éte punis de mort , & l'un des deux
ayant laiffé une veuve avec un fils & une fille , le
Roy a accordé à la mere une Penfion de 150. Du
cats , laquelle après sa mort paffera à fes Enfans.
0
VENIS E.
N aprend de Venise , que le Prince Electoral
de Saxe en partit le 11. de ce mois , pour fe
rendre à Vienne , fort fatisfait des honneurs qu'il a
reçûs dans cette Ville , & de l'attention qu'on a euë
de lui procurer tous les divertiffemens qui pouvoient
lui en rendre le féjour agréable .
II
Ce Prince , avant fon départ, a donné fon Portrait
enrichi de Diamans à chacun des quatre Nobles
qui avoient été nommés pour l'accompagner.
eft fort regretté de la Nobleffe & du Peuple , tant
à cause de fes manieres affables , que pour fa magnificence
& fa libéralité qu'il a fait paroître dans
toutes les occafions.
MALTHE
JUIN. 1740: 1447
MALTHE.
Es Lettres de Malthe portent , qu'il n'y eft retourné
que 40. Matelots des 340. que le Grand
Maître & la Religion avoient envoyé en Hongrie,
pour fervir fur la Fotte Impériale contre les Turcs ,
que de 14. Chevaliers , qui étoient allés avec ce
Détachement , il en eft mort quatre.
&
S. M. I. a fait présent au Chevalier de Leaumont,
qui commandoit le Détachement , d'une Croix de
P'Ordrede Malthe , enrichie de Diamans .
ISLE DE CORSE.
l'Isolacci , qui s'étoient retirés vers Fiumorbo,
& qui avoient demandé leur pardon , ayant refusé
de fe foûmettre à la condition que le Marquis de
Maillebois leur avoit imposée de fortir de l'Ile , &
que ce Géneral ayant fait marcher un Détachement
de Miquelets, pour les refferrer dans les Montagnes,
ce Détachement étoit tombé dans une de leurs Eubuscades
que les Miquelets , quoique furpris , s'étoient
défendus avec beaucoup de valeur , & qu'après
un combat très-vif, dans lequel ils avoient tué
plufieurs des Bandits , ils s'étoient retirés , fans autre
perte que celle d'un Lieutenant & de trois Soldats,
S
ESPAGNE,
Elon une Lifte qui paroît à Madrid , des Vaisseaux
que les Espagnols ont pris aux Anglois
pendant les quatre premiers mois de cette année , le
nombre de ces Vaiffeaux monte à trente- sept , & la
valeur de leurs cargaisons eft eftimée plus de
600000. Fiaftres .
Ол
1448 MERCURE DE FRANCE
On aprend de Madrid , que les Religieux de l'Ob
servance , ont tenu un Chapitre Génera , dans le
quel ils on élû le Pere Gaëta à Lorino, Napolitain,
pour General de leur Ordre , & les Peres Zacharie
Gilbert de Pontchateau , & Louis Roger , François ,
pour Définiteurs Géneraux .
PORTUGAL.
Es Lettres de Lisbonne , du commencement
de ce mois , portent , que M. de Chavigny ,
Ambaffadeur du Roy de France , arriva le 20. du
mois dernier à Elvas , ayant été escorté depuis la
Frontiere par un Détachement de Cavalerie , que'
le Roy avoit envoyé au - devant de lui , & qui étoit
commandé par le Colonel Don Louis Mendes de
Vasconcellos . Il fut reçû par le Comte de Lavradio,
Gouverneur de la Villé , avec tous les honneurs dûs
à fon Caractere , & il logea dans l'Hôtel du Comte
de Saint Laurent.
Le lendemain il ſe rendit à Estremoz , où il foupa
chés le Comte d'Atalaya , Capitaine Géneral des
Armes de la Province , lequel , auffi- tôt qu'il avoit
été informé de l'arrivée de l'Ambaffadeur , étoit
allé chés lui pour l'inviter , & le 22. après avoir
rendu vifite au Comte d'Atalaya , il partit pour continuer
la route vers Lisbonne , où il arriva le 25.
Il trouva à la porte de la Ville le Comte d'Unham,
Conseiller du Conseil d'Etat , qui le complimenta
de la part de S. M. & qui le conduifit dans l'Hôtel
qu'on lui avoit préparé,
Le 28. au foir , M. de Chavigny , eut fa premiere
Audience particuliere du Roy , & le jour fuivant
il eut une Conférence avec le Secretaire d'Etat des
Affaires Etrangeres.
HOL
JUIN. 1740: 1449
HOLLANDE & PAYS - BAS.
N écrit de la Haye , que la Princesse Marie
d'Angleterre , Epouse du Prince Frederic de
Hesse , étant débarquée le 18. de ce mois à Hellevoet-
Sluys , Elle arriva vers les deux heures après
midi à Rotterdam , d'où elle fe rendit le lendemain
à Utrecht , & qu'Elle partit de cette derniere Ville
le 21. pour continuer fa route vers Cassel.
Dès que M. Trevor , Envoyé Extraordinaire du
Roy de la Grande- Bretagne , fut informé du débarquement
de cette Princesse , il alla à Rotterdam ,
pour l'y attendre . Elle étoit accompagnée de la
Duchesse de Dorset & de plufieurs autres Dames ,
ainfi que du Colonel Donep , de M. Alt , Secretaire
d'Ambassade du Roy de Suede à la Cour d'Angleterre
, & de M. Schmerfield , Secretaire du Prince
Frederic de Hesse.
La Princesse arriva le 27. à Cassel , & Elle
y fit fon Entrée publique , l'ordre fuivant ayant été
observé dans la marche.
Un Fourier de la Cour à cheval , pluſieurs chevaux
de main des Miniftres d'Etat & des Seigneurs ;
deux Compagnies de la Bourgeoifie de cette Ville ,
à cheval , une Compagnie de Gentilshommes , habillés
en Chasseurs , douze Baillis , ayant à leur tête
le Receveur Géneral de Bentheim ; les Carosses
des Miniftres & des principaux Officiers de la Cour;
Un Carosse du Prince Georges ; deux du Prince
Maximilien ; un pareil nombre de ceux du Prince
Guillaume ; trois carosses du Roy de Suede , précedés
de celui du Grand- Maréchal . Six chevaux de
main du Prince Maximilien , douze du Prince Guillaume
' , & douze des Ecuries de S. M. Suedoise ;
plufieurs Gentilshommes , à cheval ; les Officiers
Géneraux ; feize Pages ; un Timballier , & huic
II, Vol. I Trom1450
MERCURE DE FRANCE,
Trompettes ; les principaux Officiers de la Cour ;
les Grands-Baillis du Landgraviat ; les Conseillers
de Légation , ceux de la Chambre des Finances ,
ceux du Conseil Privé , les Miniftres d'Etat & les
Conseillers du Conseil de Régence ; le Comte de
Hohenfeld , Grand-Ecuyer , & le Baron de Lindau,
Grand-Maréchal , l'un & l'autre à cheval ; le Prince
Guillaume avec le Prince Frederic , fon fils , &
le Prince Georges , dans un carosse , attelé de huit
chevaux , lequel étoit précedé de fes Valets de pied
& de fes Heyduques ; & aux deux côtés duquel
marchoient les Trabans de la Garde ; la Princesse
Epouse du Prince Frederic , dans un autre carosse
attelé de huit chevaux , fur le devant duquel étoient
Ja Princesse , foeur du Prince Frederic , & la Princesse
, Epouse du Prince Maximilien ; les Gardes
du Corps ; les trois Princesses , filles du Prince Maximilien
, dans un carosse du Roy de Suede ; plufieurs
autres carosses de S. M. Sued . dans lesquels
étoient la Duchesse de Dorset , les Dames de la
Cour , & les Demoiselles de Halken , de Verschur ,
de Dittfort , de Dackelmann , de Molleberg , de
Hagen & de Boynebourg.
La marche étoit fermée par le carosse dans lequel
la Princesse s'étoit renduë à Cassel , & par les autres
carosses de fa Suite . Le Prince Guillaume
étoit allé au- devant d'Elle jusqu'à deux lieues de
cette Ville , avec le Prince Frederic , les Princes
Georges & les Princesses,
FRANCE
JUI N. 1749. 145
FRANCE.
NOUVELLES DE LA COUR , DE PARIS , & c.
Lde Charleval ,conseiller au Parlement de Pro
E Roy a nommé à l'Evêché d'Agde , l'Abbé
vence , & Vicaire Géneral de l'Archevêque d'Aix.
Le 22. après midi , le Roy , accompagné de
Monseigneur le Dauphin , fit dans la Cour du Châ
teau de Versailles , la Revue des deux Compagnies
des Mousquetaires de la Garde de S. M. Le Roy
paffa dans les Rangs , & après qu'ils eurent fait l'E
xercice , S. M. les vit défiler. La Reine & Mesda❤
mes de France virent cette Revûë.
Le 30. S. M. fit au Chàmp de Mars , près du
Château de Marly , la Revue des quatre Compa
gnies des Gardes du Corps & de celle des Grenadiers
à cheval . S. M. paffa dans les Rangs & les
vit défiler. La Reine , Monseigneur le Dauphin &
Mesdames fe trouverent à cette Revûë.
Le premier de ce mois , l'Ouverture folemnelle
de l'Affemblée Génerale du Clergé de France fe fir
avec les céremonies accoûtumées dans l'Eglise des
Grands Auguftins , par la Meffe du S. Esprit , à la
quelle les Prélats & autres Députés , qui composent
l'Affemblée , communierent. L'Achevêque de Narbonne
y officia pontificalement , & l'Evêque de
Sifteron y prêcha avec beaucoup d'éloquence.
L'Assemblée a élû pour Préfidens l'Archevêque
de Paris , l'Archevêque de Narbonne , l'Archevêque
de Sens , l'Evêque de Vannes , l'Evêque de
I ij Sifteron,
$
1452 MERCURE DE FRANCE .
Sifteron , & l'Evêque de Glandeves , l'Abbé Fou
quet pour Promoteur , & l'Abbé de Lansac pour
Secretaire'.
SUR le Sermon de M. l'Evêque de Siſteron;
dont le Texte eft : Rendez donc au Roy ce
qui apartient au Roy , & à Dieu ce qui
apartient à Dieu.
Pour rendre au Créateur ſuprême
L'hommage & le tribut que tout Mortel lui doit
Il lui suffit que chacun l'aime ,
Et qu'on ait un coeur pur & droit.
La fidelité , le courage ,
De leurs biens fuperflus quelque leger partage ;
Du zele à fervir les projets ,
C'est tout ce qu'un Monarque attend de ses Sujets.
Mais du grand Orateur quelle est la récompense ?
Comment s'acquitter dignement
De l'Eloge & du. Compliment
Que mérite son Eloquence ?
Des plus rares talens il faudroit le concours ;
Il faudroit de lui- même emprunter du secours ;
Pureté , Justesse , Science ,
Profondeur , Esprit , Elégance
Graces , Dignité , Véhémence ,
Et tout ce qu'au Discours cont je me sens charme
Le vrai Sublime a renfermé. *
Illustre
'JU IN.
1740. 1451
Illuftre Laffiteau , dont le sçavoir extrême ,
De l'admiration devient l'unique but ,
Le coeur peut te rendre un tribut ,
Mais l'esprit ne le peut
de-même.
Du Vignau.
Le 7. les Prélats & autres Députés qui composent
l'Assemblée Génerale du Clergé , allerent å
Versailles , rendre leurs respects au Roy. Ils s'assemblerent
dans la Sale du Château qui leur eſt
deftinée dans ces occafions , & le Comte de Maurepas
, Miniftre & Secretaire d'Etat étant allé les
prendre pour les présenter au Roy , ils furent conduits
à l'audience de S. M. par le Marquis de Dreux,
Grand-Maître des Céremonies , avec les honneurs
qui fe rendent au Clergé lorsqu'il eft en Corps , les
Gardes du Corps étant dans leur Sale en haye &
fous les Armes , & les deux battans des portes étant
ouverts. L'Archevêque de Toulouse harangua le
Roy en ces termes.
SIRE,
Le Clergé de votre Royaume compte toujours au
nombre de fes plus beaux jours ceux auxquels il lui eft
permis de s'acquitter de ce qu'il doit par tant de titres.
à V. M.
Conduits au pied du Trône par les motifs les plus
preffans , nous venons y porter le juste tribut de reconnoiffance
qu'exige votre zele conftant pour les interêts
de la Religion , & rendre hommage à ces Vertuss
auguftes qui relevent l'éclat de la plus brillante Cou→
ronne de l'Univers.
1
Vous le feaver , SIRE ; Graces immortelles en foient
I iij renditës
#454 MERCURE DE FRANCE
rendues à l'Eternel , vous lefçavez , que l'autorité des
Souverains n'eft qu'une émanation de celle de Dieu;
qu'ilsfont fes Miniftres fur la Terre pour le bien public;
que comptables à lui feul de l'usage qu'ils font de leur
Pouvoir , leur indépendance n'est pour eux qu'un motifplus
preffant de foumiffion à l'Etre fuprême ; que
ne regnant que par lui , ils ne peuvent fe foûtenir que
par lui ; qu'ils n'attirent fur leurs Projets fur leurs
Entreprises les Bénedictions néceffaires pour les couronner
d'un heureux fuccès , qu'autant qu'ils les raporteront
à l'honneur defon Culte, à la Gloire & à la
manifeftation de fon faint Nons , àla félicité des Peu
ples qu'il a foumis à leur Empire ; en un mot , qu's
proportion que la Grandeur des Rois fervira à faire
réverer celle du Maître des Rois.
Pénetré de ces importantes verités , SIRE , vous n'en
bornez pas l'ufage à une ftérile spéculation ; elles por
tent leurs impreffions jusque dans votre coeur ; elles en
reglent les fages mouvemens ; de-là cette bonté , cette
elémence, cet amour pour l'ordre, la justice & la Paix,
qui éclatent dans les diverses opérations de votre Gou
vernement, & qui retracent à nos yeux les plus aimables
Perfections de la Divinité , dont la douce Providence
eft le modele de votre Adminiftration.
Tous ces avantages , en excitant notre admiration' ;
ne nous préfentent cependant rien qui doive nous furprendre.
Les merveilles de votre Regne , SIRE , pouvoient
égaler nos voeux, mais elles ne pouvoient jamais
furpaffer nos esperances.
Prévenu des Graces du Ciel les plus abondantes, formé
par des mains fi propres à nous en faire recueillir les
fruits ; inspiré d'enhaut , ce femble, dans le choix d'un
Miniftre qui fait encore plus d'honneur à votre discernement
que fa fidelité à y répondre , fon defintereffement
& le fuccès de ſes travaux ne répandent degloire
fur fon Miniftere. Déja V.M. a reſſenti, déja la FranJUIN.
1740. 1455
že l'Europe ont éprouvé ce que peuvent tant d'heureuses
dipofitions réunies dans le coeur d'ungrand Monarque.
Forcé par une guerre jufte & néceſſaire , de faire
·fouvenir vos Voifins que la fupériorité de vos Armes
égale celle de votre Puiffance jamais l'esprit de modération
ne vous a abandonné , au milieu même de vos
Conquêtes. Touché du feul defir de conferver vos Sujets
de les foulager , ni les Triomphes les plus éclatans ,
votre jufte confiance en la valeur de vos Armées , no
vous tenterentjamais de préferer la gloire de vaincre a
la doucefatisfaction de n'avoir plus d'Ennemis.
A peine avez vous conclu une Paix avantageuse &
qu'une nouvelle Guerre fe rallume dans une autre
Partie de l'Europe. D'abord vous vous montrez pour
en arrêter le progrès , &vous vous montrez en Prince
égalementglorieux & puiſſant; votre équité, votre prudence
, votre droiture , partout reconnuës , partout respectées
, vous fuggerent des moyens de conciliation qui
ont leurs effets. D'Ennemi vainqueur , vous devenez
Ange de Paix. Les interêts les plus chers & les plus
oposés font foumis à votre médiation ; & un Grand
Prince dont la Maison Rivale de la vôtre , lui a longtemps
disputé la fuperiorité dans l'Europe , éprouve en
vous , SIRB , un Ami sûr & defintereſſé , un Arbitre
fage de integre , qui fait le délivrer d'un Ennemi
puillant & dangereux.
Tant de fuccès marqués par les traits d'une Provi
dence spéciale, nous en annoncent bien- tôt d'autres non
moins defirables, pour mettre le dernier feeau à la tranquillité
publique.
Que dis-je ? ils nous en annoncent même , qui touchant
de plus près à la Religion , répondront encore
plus à nos voeux à nos befoins .
Oui , SIRE , élevé ſur un Trône où la Foi a toujours
brillé d'un éclat égal à celui du Trône même , vous
I iiij n'oublierez
1456 MERCURE DE FRANCE
n'oublierez point que l'attachement à l'Eglise & In
prééminence de zele pour fes droits facrés ,furent dans
tous les temps le caractere le plus marqué , ¿ la prérogative
la plusprécieufe des Rois Très - Chretiens.
"
V. M.remplie de cette idée, redoublera fes foins pour
éteindre les divifions qui font encore le jufte fujet de nos
allarmes des gémiffemens de tous les vrais Fideles.
Cesgrands Principes, qui dès vos plus tendres années
ont jeté de fi profondes racines dans votre coeur le
Titre de Fils Ainé de l'Eglise , ce Titre qui vous eft fi
glorieux , & dont vous étes fi jaloux , font autant de
motifs qui animent notre confiance ; ils nous font esperer
qu'après avoir reconnu vous même la voix de l'Eglise
dans la voix de ceux que J. C. a chargés d'enseigner
les Nations , & qu'il à promis d'affifter jusqu'à la
consommation des fiecles , vous sçaurez bien-tôt par votre
vigilance votre fageffe , faire rendre à leurs dé-.
cifions la même obéiffance dont vous donnez vous- même
'un exemple fi confolant.
Le Ciel attend que vous faffiez pour sa gloire ce que
vous avez fait pour la félicité des Mortels ; il ne vous
arendu le Conciliateur des Nations que pour vous mettre
en état de devenir le pacificateur de l'Eglife . Ses
Miniftres, pour vous y exciter , ne vous propoferont point
d'exemples étrangers , vous vous fervirez de modele à
vous -même ; c'eft votre propre ouvrage , dont l'honneur
laperfection vous font réservés.
Tranquilles à l'abri de votre Royale protection , nous
ne ferons plus occupés qu'à demander à l'Auteur de
tous biens , qu'il couronne de nouveaux fuccès vos
justes pieux deffeins ; fans ceffe nous le conjurerons
de prolonger au- delà des bornes ordinaires des jours
fi néceffaires à notre bonheur, & votre Clergé , SIRE,
toujours inviolablement attaché à V. M. ne fe diftin
guera pas moins du refte de vos Sujets parfa fidelité à
Jon Boy & par fon zele pour la gloire , que par lafaims .
teté & l'éminence de fon caractere.
JUIN 1740. 1457
HARANGUES faites à la Reine & à
Monfeigneur le Dauphin par l'Archevêque
de Toulouſe.
MADAME ,
Qu'il eft confolant pour le Clergé de France , de
pouvoir joindre ici dans un même ouvrage le refpect
dú a la Majesté du Trône , & le jufte tribut qu'exige
la vertu la plus folide !
Quelle fatisfaction pour les oints du Seigneur , obligés
de pefer au poids du Sanctuaire le mérite qu'ils
aperçoivent jufque fur le Trône même , de n'être point
réduits lorsqu'ils en aprochent , à la trifte alternative
du filence ou de la flaterie , & quel triomphe pour eux ,
en fe préfentant devant V. M. d'avoir principalement
à admirer ces oeuvres que le Ciel couronne , & de pouvoir
les publier avec confiance !
Laiffons donc à d'autres le foin de loüer cette douceur
, cette affabilité , cette respectable fimplicité de
moeurs , en un mot les qualités naturelles qui réuniffent
tous les fuffrages en votre faveur. Pour nous , Minif
tres de Jesus-Chrift , nous ne glorifierons que les mifericordes
du Seigneur ; nous ne verrons en vous , MADAME
, que les avantages dont Dieu eft l'unique fin
comme il en eft le feul principe , & nous n'exalterons
de vertus que celles qui brillent dans votre Augufte
perfonne , fans être affoiblies par aucun de ces excè
qui terniffent fouvent les vertus les plus finceres .
› Qüi , MADAME
une
foi vive
, une
pieté
tendre
une
aplication
conftante
à tous
les exercices
de la Religion
, qui ne néglige
pourtant
aucune
des
bienfeances
qu'impofe
une
Couronne
, une
charité
compatiffante
&
généreuse
qui
dérobe
tout
ce qu'elle
peut
à l'état
, qui
ne voudroit
avoir
de témoins
dans
le bien
qu'elle
fait
,
que
celui
qui
le lui infpire
; une
attention
continuelle
à
1 v faire
1458 MERCURE DE FRANCE
faire profiter dans votre coeur les graces que le Seigneur
y répand , font les traits qui en peignant une Reineſelon
le coeur de Dieu , vous représentent à nos yeux telle
que vous êtes pour la félicité de vos Peuples , la plus
douce confolation des Miniftres des Autels .
Quelle force ne donne point à leurs inftructions falutaires
un exemple auffi puissant que le vôtre ? Et
quellefource deperfuation ne trouveront- ils point dans
l'avantage de faire remarquer jufque fur le Trône
les mêmes vertus dont l'Evangile ordonne la pratique
aux plus fimples Fideles ?
Puffe le Souverain Maître des coeurs , difpoferceux
de vos Sujets à tirer d'un pareil fecours tous les fruits
defalut qu'il doit produire ! Puiffe-t'il par là mettre le
comble aux douceurs interieures que vous goutez dans›
la voye du Seigneur ! Puiffe- r'il enfin , MADAME , rendre
votre regne auffi heureux qu'il est néceſſaire à notre
bonheur , auffi glorieux qu'il eft vertueux, & auffi
durable que le fera notrefidelitépour V. M.!.
MONSEIGNEUR ,
L'hommage que le Clergé de France vient vous rendre
aujourd'hui , n'eft pas seulement l'effet du devoir
de cet amour respecti eux dont tout coeur François
eft remplipour le Sang Augufte de ses Rois ; des motifs
encore plus dignes de Vous , & plus consolans pour lui
déterminent les fentimens qui l'attachent à votre Personne.
Nous esperons , MONSEIGNEUR , & nous croyons
déja voir en Vous un Prince quifçaura craindre Dieu,
en qui rien ne fera au deffus de cette crainte ; un Prinse
qui aimera , qui respectera , qui soutiendra la Religion
; un Prince en un mot , qui n'oublierajamais
que fi fon Regne des avantages le diftinguent des
autres Hommes , il n'en eft pas moins né Homme comme
eux , & qu'il n'en est que plus redevable à celui
qui tient le sort de tous les Mortels.
Et
JUIN. 1740. 1459
Et qui mieux que vous , MONSEIGNEUR , peut remplir
une fi glorieuse attente ? Né avec toutes les difpofitions
qui annonceroient un Grand Homme , quand
elles ne se trouveroient pas dans un Grand Prince ;,
élevé avec un foin que l'inclination & l'amour animent
autant que le Devoir ; environné de Próbité
d'Honneur , de Talens ; formé à la vraye Gloire par
des Principes & des Exemples que laplus haute Nais
sance releve ; à la Religion par une bouche accoûtu→
mée à la prêcher devant les Rois , & fi propre à la faire
aimer par la douceur du caractere & la tendreffe des
Sentimens ; nous flaterions- nous en vain , MONSEI-
•NEUR , que vous ne croiffez & que vous ne vousformez
que pour mettre le comble à notre félicité , lorsque
la Nature & la Grace de concert auront mis le comble
à vos perfections a '
Qu'avons-nous donc à defirer aujourd'hui, MONSEI
NEUR › que ce que Vous devez defirer Vous-même
que ce que Salomon , affés fage dès fa jeunesse pour en
connoitre tout leprix , demandoit à Dieu par préference
à tout autre bien , un coeur docile aux mouvemens de
la Grace & aux confeils de la Sageſſe &
Faffe le Ciel que vous l'eftimiez toujours , que vous
la demandiez avec inftance , & que vous l'obteniez
cette Docilité aux confeils & aux inftructions , la
grande Vertu de votre âge , celle qui affûre en vous
toutes les autres ! Qu'elle foit àjamais le gage du Bonheur
de la France , inséparable du vôtre , & qu'elle
procure un jour à l'Eglife dans votre Protection &
dans votre Exemple , MONSEIGNEUR , un fecours qui
réponde à fes befoins !
Nous ne cefferons de demander à Dieu dans nos Sa
crifices qu'il vous comble de plus en plus de fes Béné~
dictions ; qu'il conſerve une ſanté ſi précieuſe ¿ ſi néceffaire
, & qu'il grave lui-même dans votre coeur ces
fentimens de Pieté & de Religion , qui feront dans tous·
les temps la Gloire desbons Princes I vj
}
146 MERCURE DE FRANCE
Le 9. M. Fagon , Conseiller d'Etat Ordinaire &
du Conseil Royal des Finances ; le Comte de Maurepas
, Miniftre & Sécretaire d'Etat ; M. de Courson,
Conseiller d'Etat ordinaire & du Conseil Royal
des Finances ; M. d'Ormeffon , Conseiller d'Etat
Ordinaire & Intendant des Finances , & M. Orry
Miniftre d'Etat & Controlleur Géneral des Finances
, Commiffaires du Roy , se rendirent à l'Affem.
blée Génerale du Clergé , où ils furent reçûs avec
les cérémonies ordinaires. M. Fagon fit un discours,
auquel l'Archevêque de Paris répondit au nom de
l'Affemblée .
Le 20. les mêmes Commiffaires du Roy retour
nerent à l'Affemblée , & ils demanderent aux Députés
au nom de S. M. un secours de trois millions
cinq cent mille livres, qui fut unanimement accordé .
LES JARDINS DE SCEAUX
S Ejour délicieux , Théatre des Zephirs ,
Où d'Aftres éclatans la Terre décorée
Semble nous transporter au sein de l'Empirée ;
Qu'à mes regards surpris vous offrez de Plaifirs
Que d'objets enchanteurs tour à tour se présentent
Ici de verds Gazons , là des Eaux qui serpentent
Sous un feuillage épais qu'habitent les Oiseaux ,
Plus loin d'agreables Berceaux ,
Retraites du Fils de Latône ,
Qu'enrichit l'Art des Phidias ,
Qu'embraffe le Jaſmin & qu'à l'envi couronne
Le
JUIN. 1740. 146
Le Chevrefeüil ou le Lilas.
Des Bocages divers d'une forme élegante
Sont voisins d'un vaſte Canal ;
Une Nimphe y préfide , & son Urne abondante
Verſe à flots argentés un liquide Cristtal .
Dans de moindres circuits une Onde renfermée
S'éleve tout à coup en Perles transformée ,
Et de l'Aftre du Jour les rayons favoris
Y peignent l'Echarpe d'Iris.
Qui ne reconnoîtroit le Domaine de Flore ?
Ce Temple nous l'annonce , & beaucoup plus ens
core
La Divinité qu'on y fert.
Jardins qu'ont célebré ces Maîtres de la Lyre ,
De qui le front eft ceint d'un Laurier toujours verd
Ah ! fi j'osois ceder à l'ardeur qui m'inſpire ,
A leurs divins accens je joindrois mes accords ,
Je chanterois comme eux votre augufte Maîtreffe ,
Ses Graces , fon Efprit , fes Vertus , fa Sageffe ;
Mais un fi beau fujet furpaffe mes efforts.
Toutefois plaife à la Déeſſe
Qui regne fur ces Boras heureux ,
Agréer d'une Muse & l'hommage & les voeux
Que fur les Rives du Permeſſe
Cette Mufe a déja d'un vol audacieux
Fait retentir à l'oreille des Dieux !
M. Tanevot.
RE
1462 MERCURE DE FRANCE
RECEPTION de M. l'Archevêque d'Alby.
dans son Diocèse. Extrait d'une Lettre de
M. Bories , Curé de Ste Marciane de la
mêmeVille.
Napres laquelle nous foupirions depuis long-
Ous jouiffons enfin de la douce confolation
temps. M. l'Archevêque ( Armand-Pierre de la
Croix de Caftries ) arriva ici en bonne & parfaite
fanté le 18. Juin dernier avec un nombreux Correge.
M. l'Evêque d'Evrie , son Suffragant , M. De
Lasbordes , Conseiller au Parlement de Toulouse
& plufieurs autres Personnes de distinction , allerent
jusqu'à Rabafteins pour le recevoir , comme ils firent
à l'Entrée de fon Diocèse. Quatre - vingt Bourgeois
d'Alby , lestement habillés & très -bien montés
, l'attendirent à Marsac , & précederent la Maréchauffée
pendant la Marche. D'un autre côté
environ sept cent Hommes sous les Armes , Fattendoient
au Fauxbourg de Verduce. Ils avoient à
leur tête les Magistrats & les Notables de la Ville.
Le fon de toutes les Cloches avoit annoncé ses
aproches , du moment qu'on eut découvert son
Equipage , arrivé auprès de Las Canops , & le Carillon
ne ceffa qu'une heure après l'arrivée du Prélat
dans la Ville. Cette arrivée fut auffi - tôt célebrée
par le son des Tambours , des Trompettes , Haut-
Bois & autres Instrumens , & par les décharges réïterées
de Coulevrines , de Mousqueterie &c. ce qui
dura prefque toute la nuit . Cette nuit fut des plus
brillantes par les Illuminations génerales , particu
lieres , & quelques - unes fingulieres dont toute la
Ville fur éclairée .
Le lendemain matin j'allai faire mon Compliment
à M. l'Archevêque , & j'y retournai l'après
JUI N. 1740. 1463
près midi avec tous mes Confreres . Le concours.
fut grand ce jour - là & les jours fuivans , des differens
Corps de la Ville & du Diocèse , qui s'acquiterent
du même devoir , & qui furent tous reçûs
avec autant de bonté que de politeffe.
2
MADRIGA L
A Mad. la Duchesse de ***
qui se plaint
qu'un Etranger a pris son nom.
NE vous allarmez pas qu'èn un Pays barbare
Un Inconnu de votre nom se pare..
Moi , je ne puis que le louer
Du Rôle qu'il a fçû joüer.
vouloit fe gagner une Illuftre Maîtreffe ,
Des Peuples s'attirer les voeux ;,
Pouvoit- il , illuftre Ducheffe ,.
Choir un nom qui pût le rendre plus heureux ?
Le s . Juin , Fête de la Pentecôte , on chanta au
Concert Spirituel du Château des Tuilleries deux
Motets à grand Cheur de M. de la Lande , qui furent
précédés de differens Concerto , executés sur le
Violon & la Flûte par les Srs Guignon & Blavet.
MADRIGAL
Sur leTableau de Son Eminence M.le Cardinal
de Fleury , à lui- même,
EN méprisant la vanité
1
Des
1464 MERCURE DE FRANCE
Des beaux titres dont on le nomme ,
Fleury permet qu'on l'appelle homme ,
Pour honorer l'humanité .
AUTRE.
En Réponse à l'Auteur du précédent , qui lui
demanda ce qu'on pensoit de fes Vers.
EN Vers ingenieux votre plume féconde ,
Pour nous peindre Fleury , fans l'aide des couleurs,
Fait parler le papier comme parlent les coeurs
Et dit en quatre Vers ce que dit tout le monde.
************* X*XX
MORT'S.
E 8. Juin Gilles le Maistre, Bachelier en Theo-
Logic,
taire des Prieurés de Nôtre- Dame Verdelot en Brie ,
& de la Magdeleine de Dinan, mourut à Paris, âgé
d'environ 71 ans ; il étoit fils de François le Maiftre
, Seigneur de Perfac , de Belloc , & en partie du
Marquifat de Ferrieres , Confeiller en la Grand'-
Chambre du Parlement de Paris , mort le 14 Septembre
1685 , & de Marie le Feron fa feconde
femme , morte le 4 Décembre 1720 , étant alors
femme en fecondes noces de Claude de Thyard ,
Comte de Biffy. L'Abbé le Maiftre qui vient de
mourir , étoit oncle de Dame Marie-Anne le Maiftre
femme de Nicolas le Camus , Commandeur
des Ordres du Roy , Premier Préſident de la Cour
des Aydes de Paris , & Seigneur de Montrouge.
Le
1
JUIN. 1740: 1485
Le 13 Touffaint Bellanger , Seigneur- Châtelain
de Stains , belle Terre & bien bâtie , dans la plaine
de Saint Denis en France , Tréforier Général du
Sceau de France depuis 1710 , & auparavant Notaire
au Châtelet de Paris , veuf & fans enfans , mourut
, âgé d'environ 78 ans , laiffant de gros biens .
Il a fait par fon teftament divers legs particuliers
& a enfuite inftitué trois légataires univerfels par
égale portion ; le Préſident Bechet de la Cour des
Aydes , eft un des trois légataires univerfels .
>
Le même jour Emilian Chartraire , ci- devant
Seigneur de Romilly- fur- Seine , Confeiller Honoraire
au Parlement de Metz , où il avoit été reçû le
7 Décembre 1702 , mourut à Paris , âgé de plus de
60. ans, laiffant des enfans de Jeanne -Marie Girard
fa femme.

Le 15 , Antoine de Romieu , Seigneur de Chantemerle
& de Roflignolais , ancien Officier au Régiment
des Gardes Françoifes , mourut à Paris , âgé
d'environ 70 ans; il avoit époufé en 1726. Gilberte-
Marguerite Freceau , fille de feu Héracle Freteau
Confeiller- Sécretaire du Roy , & de fes Finances
& Avocat ès Confeils , mort le 29 Novembre 1696,
& de feuë Catherine de Comminges ; il la laiffe
veuve fans enfans ; elle eft four d'Heracle-Michel
Freteau , ancien Avocat au Parlement de Paris ,
mier Sécretaire de Henri-François d'Agueffeau
Chancelier de France , & Controlleur Général de
la Chancellerie de France .
pre-
Le 18 , Pierre Butler , Vicomte de Galmoy , Comte
de Newcaſtle , Pair du Royaume d'Irlande , Lieutenant
General des Armées du Roy , du premier
Mars 1705 , ci- devant Colonel de plufieurs Régimens
d'Infanterie & de Cavalerie , tant en France
qu'en Irlande, & premier Gentilhomme de la Chambre
de Jacques II . Roy de la Grande Bretagne
qu'il
#466 MERCURE DE FRANCE
qu'il avoit fuivi en France lors de la révolution d'An
gleterre en 1689, mourut à Paris fans pofterité dans
la 89. année de fon âge, laiffant pour héritier de fes
titres , Jacques Butler fon neveu , Capitaine au Régiment
Irlandois de Bulkeley , d'Infanterie.
Le 22 , mourut à Paris Antoine de Rouget , du
Pays de Rouergue , Prêtre , Abbé Commandataire
de l'Abbaie d'Aubepierre , O. Cit . D. de Limoges ,
dont il étoit Titulaire depuis le mois de Novembre
1723 , ci-devant Vicaire Général du Diocèſe d'Alby
, & Aumonier de feuë la Ducheffe de Berri .
Le 23 , René de Magdonnell , Meſtre de Camp
de Cavalerie , Capitaine des Gardes de feu S. A. S.
le Duc de Bourbon , pour le Gouvernement de Bourgogne
, mourut à l'Hôtel de Condé .
Le 24 , Dame Anne-Françoife-Scholaftique-Abondance
Keingiaert , Epoufe de Guillaume-Armand de
Châteauvieux , ancien Gendarme de la Garde du
Roy , & Capitaine d'Infanterie , avec qui elle avoit
été mariée le 10 Fevrier 1736 , mourut à Lille en
Flandres , fans enfans ; elle étoit fille de Charles-
Philipe Keingiaert , mort en 1733 , âgé de 88. ans,
Lieutenant-Grand- Bailli de la Noble Cour de Caf
fel. Cette Jurifdiction eft compofée d'un Grand-
Bailli , d'un Lieutenant & de fix Gentilshommes
que le Roy nomme tous les ans . La famille de Keingiaert
eft très ancienne , ayant toûjours été à la tête
du Magiftrat du Franc de Bruges & d'Ypres ; elle
eft alliée aux meilleures Maifons de Flandres . Pour
ce qui eft de la famille d'Armand , c'eſt une ancienne
famille du Dauphiné. Voyez le premier Régiftre
de l'Armorial de d'Hozier.
Le 25 , Jacques de la Chafteigneraye , Chevalier de
Ordre Militaire de S. Louis , Meftre de Camp de
Cavalerie , & Maréchal des Logis de la feconde.
Compagnie des Moufquetaires de la Garde du Roy,
mourut
JUIN 1740 : 1467
mourut à l'Hôtel de fa Compagnie, Fauxbourg Saint
Antoine.
י נ
Le même jour Jean - Baptifte Bontemps , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , Capitaine au
Régiment de Rohan , Cavalerie , fecond fils de
Louis-Alexandre Bontemps , Chevalier- Commandeur
, Prevôt & Maître des Cérémonies de l'Ordre
de Nôtre-Dame du Montcarmel , & de S. Lazare
de Jerufalem , Confeiller & premier Valet de Chambre
ordinaire du Roy , Bailli & Capitaine des Chaffes
de la Varenne du Louvre , Capitaine-Concierge
du Palais , Château & Jardin Royal des Tuilleries
&c. & de feue Dame Charlotte le Vaffeur de Saint
Vrain , fa premiere femme , morte le 29 Août 1709,
mourut au Château des Tuilleries , âgé d'environ
38 ans , fans avoir été marié.
Le 29 , Dame Jacqueline Guyeux , veuve depuis
le 3 Mars 1738 , de Martin de Beaufort , Confeil
ler du Roy en fes Confeils, Maître Ordinaire en fa
Chambre des Comptes de Paris , Seigneur de Saint
André, en la Marche, de Saint Germain , Frefnay &
Breüil , mourut âgée d'environ 80 ans , laiffant de
Guyot , Procureur au Parlement de Pa
ris , fon premier mari , une fille , ſa ſeule héritiere ,
laquelle a époufé au mois de Novembre 1728 , André-
Gerard-Claude le Febvre de S. Hilaire , alors
Lieutenant General de la Connétablie & Maréchauf
fée de France , puis reçû Confeiller au Parlement
de Paris , à la cinquiéme Chambre des Enquêtes ,
le 1 Juillet 173 &r
ARRESTS
1468 MERCURE DE FRANCE
ARRESTS NOTABLES.
ARRESTdu premierDecember dix cha
au Sr Abbé Bignon de percevoir dix fols fur chaque
Bateau que l'on eft obligé d'attacher aux pieux
de l'Isle - belle , pour paffer par la Riviere de Seine
fous le Pont de Meulan.
AUTRE du 5. Janvier , qui proroge pendant le
courant de l'année 1740. la modération des droits
de Marc d'or , d'enregistrement chés les Gardes des
Rôles , Sceau & autres frais de provifions des Offices
vacans , ou autres réputés tels , qui feront expediés
aux Revenus Cafuels.
DECLARATION du Roy , concernant la Repréfentation
des Titres enregistrés à la Chambre
des Comptes de Paris . Donnée à Versailles le 21.
Decembre 1739. Regiftrée en la Chambre des
Comptes le 27. Janvier 1740. par laquelle S. M.
ordonne que le délai qui étoit fixé à la fin de l'année
1739. foit prorogé jufqu'au dernier Decembre
1740.
LETTRES PATENTES du Roy , du 9. Fevrier ,
qui nomment des Commissaires du Conteil , pour
vendre & aliener aux Prévôt des Marchands &
Echevins de la Ville de Paris , huit cent mille livres
de Rentes viageres , pour le payement de celles de
Ja nouvelle Loterie Royale , créées par Edit du
mois d'Août 1739. Sçavoir , Mrs Fagon , Confeiller
d'Etat ordinaire , & au Confeil Royal , Intendant
des Finances ; Lamoignon de Courfon
, Confeiller d'Etat ordinaire , & au Confeil
Royal
JUIN. 1740 1469
Royal ; d'Ormeffon , Confeiller ordinaire au
Confeil d'Etat , & Intendant des Finances ; Or
ry , Confeiller d'Etat , & ordinaire au Confeil
Royal , Controlleur Général des Finances ; &
Tachereau de Baudry , Confeiller d'Etat , Intendant
des Finances , par lefquelles Lettres - Patentes
, il eft dit ce qui fuit.
Nous vous avons commis , ordonné & député ;
& par ces Préfentes fignées de notre main , commettons
, ordonnons & députons , pour faire en notre
nom , conformément à notre Edit du mois
d'Aouft 1739. vente , ceffion , tranſport & alienation
aux Prévôt des Marchands & Echevins , der
la fomme de huit cent mille. livres de Rentes
viageres , à les avoir & prendre fur tous les deniers.
provenans de nos droits d'Aydes , Gabelles & Cinq
Grosses Fermes : pour être lesdites Rentes vendues
& conftituées par lesdits Prévôt des Marchands &
Echevins , à tous ceux de nos Sujets & Etrangers
qui en auront fourni ès mains du Garde de notre
Trefor Royal , la finance principale en Billets de
ladite Loterie , conformément aux claufes & conditions
portées par notredit Edit ; pour en jouir par
Jes Acquereurs , de la même maniere que les autres
Proprietaires des Rentes viageres . Voulons à cet
effet , que le fonds en foir fait dans les Etats de
nos Fermes générales : Validons dès - à - préfent ,
autorif ns & ratifions par ces Préfentes , ainfi qu'il
fera pas vous plus amplement convenu et accordé,.
les cor itions qui feront faites par leſdits Prévôt
des Michands et Efchevins pour sûreté de toutes
lefquel es hoses , vous pafferez tous Contrats et
autres Actes néceffaires , de ce faire vous donnons
pouvoir , autorité commiffion et mandement fpecial
: romettons en foi et parole de Koys , par ces
Préfentes , fous l obligation et hypotheque de tous
(
er
1470 MERCURE DE FRANCE
et chacun nos revenus , que, nous avons pour cer
effet affectés et hypothequés, tant à notredite Ville
de Paris , qu'aux Particuliers qui deviendront Proprietaires
defdites Rentes d'avoir agreable , tenir
ferme et ftable , tout ce que par vous aura été fair
er passé , et d'en faire expédier toutes Lettres de
ratification & d'indemnité , et autres sûretés né¬
ceffaires , &c.
J
APROBATION.
Ai lû par ordre de Monseigneur le Chancelier,
le second Volume du Mercure de France du
mois de Juin, & j'ai crû qu'on pouvoit en permettre
l'impression. A Paris , le dix Juillet 1740 .
HARDION.
L'Origine des Eventails
Ode sur une Tempête ,
TABL E.
IECES FUGITIVES. Elegie sur les douceurs
Pde
Hymen,
1259
1263
Séance publique de l'Académie de la Rochelle, 1284
1290
Mævius , &c. 1296
Mémoire Historique sur une Médaille d'Hérodes ,
&c. 1299
Sonnet , Bouts-Rimés , 1324
Lettre fur deux Questions Militaires & Refléxions ,
& c .
1325
Bouts-Rimés , Sonner ,
1330
Lettre sur une nouvelle Edition des Ouvrages Géographiques
d'Abulfeda ,
Réponse en Prose et en Vers de M.N.D. à M.
1331
1343
Kegrets
Regrets de S. Auguftin sur la Mort de sa Mere , 135
Observations sur la mort d'un Frere et d'une Soeur
plus que centenaires ,
La brieveté de la vie , Ode "
1356
1358.
Réponse aux Refléxions sur les Cadrans, &c. 1363
Couplets nouveaux ,
1368
Réponse de M. le M. de S. Aubin , aux Objections
qu'on lui a faites sur le Traité des Antiquités de
la Maison de France ,
Enigme , Logogryphes , & c .
1370
1386 .
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX - ARTS ,
& c. 1388
Histoire de Philipe , Roy de Macedoine, & c. 1392
Recueil d'Experiences et d'Observations sur la
Pierre , &c.
Oraison Funebre de R. F. de Bauveau ;
Coûtume d'Artois , & c.
1395
1404
Memoires de M. du Guay-Troüin , 1410
1412
Prix de l'Académie des Sciences , &c. 1415
Societé Royale de Montpellier ,
Académies de Pau & de Soissons ,
Spectacles. Tragédie de Zulime , Extrait ,
Le Naufrage d'Arlequin , Extrait,
Lettre sur les Diles Lemaure , Erremens & Fel, 1429
Nouvelles Etrangeres , Turquie & Perse , 1431
Ruffie , et Harangue à la Czarine sur la Paix avec
1416
ibid.
1418
1425 *
la Porte , 1433
Suede & Allemagne , 1443
Saxe & Prusse , 1444
Naples , Venise , Malthe & Isle de Corse , 1446
Espagne & Portugal , 1447
Hollande & Pays- Bas ,
1449
France , Nouvelles de la Cour, de Paris , & c. 145 I
Ouverture de l'Assemblée du Clergé , Sermon prêché
, & Vers , &c ,
ibid.
1455
Les
Harangue au Roy , à la Reine & à Monseigneur
le Dauphin ,
Les Jardins de Sceaux , Poëme , 1460
Reception de l'Archevêque d'Albi dans son Diocèse
,
Madrigal à Mad... ,
1462
1463
Autre sur le Portrait de S. E. le Cardinal de Fleury
, & Réponse ,
Morts , & c ,
Arrêts Notables , & c. ,
ibid.
1464
1468
Errata de Mai.
Age 835. ligne 22. Lambert , lisez Lully.
P. 923. 1. 8. vol . in- 4° . de 280. pages , avec
338. Planches , onze détachées , lisez , vol. in- 4°.
de 280 pages pour l'année 1733. & de 238. pages
pour l'année 1734. avec onze Planches détachées.
Errata du premier volume de Juin,
PAge 1205. ligne 4. du bas, c'est, lis.ce seroit.
P
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1337. ligne 17. gle , lisez , gli.
P1338 . 1. 22. dès , l . de.
P 1356. 1. antepenult. Catritium , lis . Patritium .
Pe1357. ligne derniere , S. Mamin , l . S. Marien,
Pe 1416. L. 11. Ancylose , I. Anchylose,
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le