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Presentedby
John
Bigelow
to the
Century
Association
* DM
Mercure
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1 .
DEDIE AU ROT.
MAY.
1737.
SPARGIT
QURICOLLIGITS
Chés .
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
rue S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. D C C. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARYI
203
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
LM
A VIS.
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Merqure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
fein d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardi
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaitevont
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auronı
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter jur
l'heure à la Pofte, on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS
naître
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
MAY. 1737.
PIECES
** ****** *******
FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
ODE
SUR LA PAIX.
Uel est ce Roy puissant que l'Univers
conteinple !
D'une guerre sanglante il finit les
malheurs :
La Discorde s'enfuit : Janus ferme
son Temple :
Triste Europe , séche tes pleurs.
A ij Tes
$H.P
834
MERCURE
DE
FRANCE
Tes
enfans
divisés
, ô déplorable
Mere
! !
Dans leur fureur impie ont déchiré ton sein ;
Le frere dans le sang de son malheureux frere
A trempé le fer assassin.
Des Mortels insensés quel est donc le délire e
Unis par la Nature , unis par les besoins ,
Ils sont faits pour s'aimer , et c'est à se détruire
Qu'ils semblent mettre tous leurs soins,
En vain tu leur criois : quel démon vous entraîne
De vos jours passagers , miserables Humains ,
Le temps impitoyable use assés tôt la chaîne
Sans la rompre encor de vos mains.
Ces cruels étoient sourds à tes cris, à tes larmes
Ils te fermoient leurs coeurs à la discorde ouverts;
Mais Louis a parlé ; dissipe tes allarmes ,
LOUIS a calmé l'Univers.
M
Tel , soudain s'élevant sur les ondes émuës ,
Neptune d'un regard enchaîne tous les vents ;
Ason terrible aspect les vagues suspenduës
Retiennent leurs mugissemens.
Douce
MAY.
1737. 835
Douce Paix , dans ton sein nous allons voir renaître
Les Muses et les Arts , les Plaisirs et les Jeux :
FLEURY , digne Conseil , digne ami de ton
Maître ,
C'est toi qui les rends nos voeux !
Tes jours que l'on bénit ressemblent dans kur
course
A ces Fleuves fameux , qui , larges et profonds ,
Croissent à chaque pas qu'ils font loin de leur
source ,
I
Toujours de plus en plus féconds .
Louis douze , d'Amboise , ô noms chers à la
France !
Objets pour nous sacrés de respect et d'amour
Le Ciel dans ses faveurs passant notre esperance
Vous a-t'il rapellés au jour ?
裕
Heureux un Roi quf sage et maître de lui- même
De son ambition sçait étouffer la voix !
Du bonheur de son peuple il fait son bien su→
prême ,
Et ses bienfaits sont ses exploits.
$12
DesDieux Juges des Rois, Ministre debonnaire a
A ij De
836 MERCURE DE FRANCE
De leurs soins paternels il partage le faix ;
Comme eux , c'est à regret qu'il s'arme du tonnerre
,
Toujours prêt à donner la Paix.
Dieux justes ! Dieux vengeurs ! c'est dans votre
colere
Pour panir nos forfaits au comble parvenus ,
Que vous mettez au jour ces monstres de la terre
Du nom de Héros revétus.
來
Torrens impetueux , leur funeste passage ,
D'un déluge de sang inonde l'Univers ,
Et ces fiers destructeurs, tel qu'un feu qui ravage;
Changent les Cités en déserts.
Les bienfaits de Titus consacrent mieux 18
gloire ,
Que tous les grands exploits de ces fameux Vain
queurs ;
Alexandre et César vivent dans la mémoire ,
Les bons Rois vivent dans les coeurs.
LETTRE
MAY. 1737
LETTRE touchant le doute proposé an
sujet des Auteurs des Annales , connuës
sous le nom de Saint Bertin.
E Public est très- obligé , M. au
L5
ger d'examiner quels sont les Auteurs
des Annales qu'on surnomme du nom
de S. Bertin. Aussi - tôt que j'eus lû dans
le Mercure de Décembre 1736. les raisons
qu'il aporte , pour attribuer à Prudence
, Evêque de Troyes , ce qu'elles
contiennent depuis l'an 8 30. jusqu'à l'an
860. j'examinai les faits par moi-même.
J'ai relû ces Annales avec plus d'attention
que je n'avois jamais fait , persuadé
qu'elles partoient d'une bonne Plume , et
d'un Sçavant du premier ordre pour ce
Siécle-là. Ma lecture n'a fait que mecon
firmer de plus en plus dans l'opinion que
la premiere Partie de cette continuation ,
( qui n'est qu'une suite des Annales d'Eginhard
) devoit être d'un Ecrivain demeurant
en France , et même dans la
Champagne. Je n'ajoûterai rien aux Argumens
que M. L. D. L. R. a produits
pour prouver que c'est Hincmar de
A iiij
Rheims
38 MERCURE DE FRANCE
Rheims , autre Champenois , qui a continué
, ou fait continuer ces Annales , depuis
la mort de Prudence .
Mais voici , M. ce que je crois digne
de l'attention des Curieux.
On connoît plusieurs sortes d'Annales
qui se terminent au IX. Siécle. Il y
a les Annales d'Eginhard , continuées jusqu'à
l'an 829. Celles de Fulde , celles
de Metz. Les deux premiers Recuëils
portent avec eux des marques que l'Ecrivain
étoit des Cantons d'Allemagne .
Les Traits Historiques singuliers , les
évenemens Physiques , et autres , dont
Hs chargent leurs Annales , sont presque
toûjours arrivés dans la Germanie , l'Alsace
, les Pays- bas ou la Lorraine . L'Auteur
des Annales de Fulde fait voir par le
mal qu'il dit de Charles le Chauve , en
quel Lieu il écrivoit. Les Annales de
Metz ont aussi quelque chose qui les
caracterise , et qui prouve que c'est à
Metz qu'elles furent compilées. Mais il
n'en est pas de même de celles de Saint
Bertin ; elles ne contiennent rien qui
prouve que ce soit un Moine de S. Bertin
, ou un Auteur des environs qui les
ait redigées. Il n'y a rien de singulier ni
sur l'Abbaye de S. Bertin' , ni sur Saint
Omer , ou sur les autres Eglises et Pays
voisins
MAY. 1737. 8.3.9
voisins , qui paroisse avoir été observé
par préférence. Au contraire l'Auteur remarque
avec soin des évenemens arrivés
enChampagne ; et comme par une espece
de prédilection , il instruit tout le Royaume
, de faits qui ne regardent proprement
que la Champagne , ou pour parler
le langage Ecclesiastique , la Province
de Sens , parcourons un peu, ces Annales
.
A l'an 834. l'Auteur entre dans le détail
sur la route que Louis le Débonnaire
tint pour venir de Langres à Blois : etil
dit , que ce fut per Tricaffinorum & Carnotum
ac Dunenfium Regiones . De plus de tous
les Annalistes qui ont parlé de la Bataille
deFontenay proche Auxerre donnée en
841. cet Auteur est celui qui en fait encore
un plus grand détail , si on en excepte
Nithard qui s'y trouva en personne.
L'endroit où elle fut donnée n'est qu'à
23. lieuës ou environ de Troyes. Prudence
y raconte des faits qu'on ne lie
pas
pas même dans Nithard , par exemple ,
la prise de Georges Evêque de Ravenne ,
qui s'étoit trouvé à cette Bataille comme
envoyé du Pape pour concilier les Prin
ces .
A la même année 841. il nous aprend
comment Lothaire , qui venoit de passer
A v le
840 MERCURE DE FRANCE
le Rhin , essayant de passer la Riviere
de Seine , remonta jusqu'au Pays apellé
Mauripensis , et pénétra par- là jusqu'à
Sens. Prudence devoit connoître à merveille
ce Pays Mauripensis puisqu'il
étoit en partie dans son Diocése . Il en
dit encore un mot à l'an 859. nous aprenant
que Nogent sur Seine étoit de ce
Pays , dit Pagus Mauripensis. Aussi ne
faut - il point le confondre avec le Hurepoix.
( a ) Ce fut en cet endroit aparemment
, comme étant situé dans les
parties supérieures de la Seine , que Lothaire
passa cette Riviere en 841. pour
venir à Sens. Au moins l'Annaliste a
cru qu'il convenoit de faire remarquer à
l'an 859. que les Corps des Saints Denis ,
(a ) Ce pagus Mauripensis est le même que le
Morvisus , qui touchoit au Pays Provinisus du
Capitulaire de l'an 853. Il aboutissoit au rivage
droit ou Oriental de la Seine , & non à l'autre
rivage . Nêlle qui la reposte du Diocése de
Troyes , étoit aussi alors du même Pays. Il me
semble qu'il y auroit quelque chose à retoucher
dans M. de Valois à l'article de sa Notice , ou
il traite du Pays Mauripensis. Je ne voudrois
point confondre ce Pays avec le Hurepoix . Le
Mauripensis fut rendu en langage vulgaire dans
les Titres par Morvois , que les Notaires ont
corrompu en celui de Montois. M. Niverd Conseiller
au Présidial de Provins , m'écrivit en
8727. que le nom de Mantois étoit fort nouveau ,
Rustique
'MA Y. 1737. 841
Rustique et Eleuthere , furent transportés
à Nogent sur Seine , pour être à couvert
de l'insulte des Normans ; et qu'on
les y cacha soigneusement dans des Tombeaux
, le 21. Septembre. Il convenoit à
l'EvêqueDiocésain de sçavoir ces particularités.
Nogent surSeine est du Diocèse de
Troyes , et n'est éloigné de la Ville Episcopale
que de 8. lieues . Continuons :
Il n'est point surprenant qu'à l'an 842.
il marque le double passage du Roy
Charles le Chauve par la Ville de Troyes
Tout autre que lui l'auroit marqué de
même ; le second surtout , puisque ce
Prince y célebra la Fête de Pâques . Mais
observez comment il décrit la route qu'il
tint en allant de Troyes à Strasbourg :
Inde Trecas adiens per Alfenfem pagum et
Tullum civitatem , & c. Ce pagus Alfensis
est une contrée des environs de Bar- sur-
Aube , qu'on nomme l'Azois , Pays qui
même alors étoit moins connu que le
Mauripensis : il est sur la route de Toul
au sortir de Troyes.
L'année 846. est remarquable dans ces
Annales par un fait des plus extraordinaires
, et qui est circonstancié d'une maniere
qui fait croire quel'Historien n'étoit
pas bien éloigné du Pays Auxerrois . C'est
une inondation arrivée àAuxerre au mois
A vi
de
842 MERCURE DE FRANCE
de Mai. Je la raporterai dans les propres
termes de l'Auteur , quoiqu'elle soit déja
dans le Mercure du mois de Septembre
1724. page 1940. Hujus anni mense Maio
tanta apud Altiodorum civitatem inundatio
pluviarum fluxit ut parietes penetrans ipfas
etiam cupas plenas vini influvium Icaunam
retulerit fed et quod est mirabilius quan
dam vineam cum terra , vitibus , et arboribus
omnibus in nullo disruptam , ita ut erat,
solidam à parte Icauna fluminis in alteram
ejusdemfluvii partem transposuerit , ac si in
eodem agro naturaliterfuerit.
A l'an 858. il marque un évenement peu
important duDiocése de Sens , avce des circonstances
qui suposent un Ecrivain bien
voisin du même Pays. In pago Senonico ,
dit- il , in Ecclefia Sancia Porcaria die
Dominico celebranie Missam Presbytero ,
lupus fubitò introiens , plebemque assistentern
discurrendo perturbans , tandem inter
feminas identidemfaciens , disparuit. L'Eglise
de Sainte Porcaire est située entre
Auxerre et Troyes . Ce n'est plus aujour
d'hui qu'une Ferme dépendante de l'Abbaye
de Pontigny , où on l'appelle Sain
re-Procaire. C'est à une petite demie lieuë
de cette Abbaye , à l'extremité du Diogése
de Sens.
A la même année , l'Auteur nous fait
voir
MAY. 1737 84%
voir qu'il connoissoit parfaitement la
Carte du Diocèse de Troyes et du voisi
nage : c'est lorsqu'il raporte la route
que tint le Roi Louis le Germanique
pour venir d'Allemagne jusque dans le
Pays Orleanois , à l'insçu de son Frere
Charles le Chauve. Du Palais de Pontion
dans le Pertois , il passa dans le Chalonois
et chés les Peuples apellés Cupedenfes
De là à Sens , d'où il entra dans
l'Orleanois : et y ayant executé ses desseins
, il revint par le même chemin , ufque
ad Cupedenses. Quibus Karolus Rex
compertis per Catalaunos ufque ad Breonam
Villam festinus graditur. Charles auroit
bien voulu combattre ; mais n'étant pas
soutenu , il se retira en Bourgogne : et
Louis grossissant son parti de ceux qui
avoient quitté celui de Charles , vint à
Troyes , où il récompensa ceux qui l'avoient
apellé en France . Tout cela est
tiré de ces Annales.
Je n'insisterai point ici sur la circonstance
de Troyes , ni de Brienne qui est
au Diocèse de Troyes ; le fait étant certain
il pouvoit être remarqué par les An
nalistes de ce temps - là quels qu'ils fussent,
Mais qu'un Auteur Flamand ait connu
les Peuples apellés Cupedenses , il n'y a
aucune apparence. C'étoient des Peuples
344 MERCURE DE FRANCE
ples obscurs situés sur les limites des
Diocéses de Troyes, de Sens et de Meaux,
qui ne pouvoient guere être connus que
par un Ecrivain Troyen , Meldois ou Senonois.
Pourquoi notre Annaliste sçut - it
qu'un Moine de Saint Germain de Paris,
avoit déposé à Aimant au Diocèse de
Sens en 858. les Corps de deux Martyrs
qu'il avoit aportés d'Espagne , si non
parce que ce Village est tout auprès de la
petite Ville de Montereau , située à la
jonction de la Seine et de l'Yonne , et
par conséquent fort proche de la route de
la Haute Champagne à Paris , fréquentée
par les Troyens ? Or Prudence , comme
Espagnol , dut s'interesser à cet évenement
, et il crut devoir le faire connoî
tre à la postérité.
Toutes ces circonstances Historiques
désignent certainement un Ecrivain de
la Province Senonoise et des environs de
Sens , Troyes et Auxerre. Je crois cependant
qu'il doit être de Troyes , plûtôt
que d'aucune autre Ville , parce que c'est
celle dont il spécifie avec plus de soin
Jes Pays voisins , tels que les Mauripenses
, Alsenses , Cupedenses : Ensorte qu'il
me semble qu'on peut apliquer ici ce
qu'a dit saint Jerôme, Ex verbis et inte
pre :
MAY. 1737 845
pretatione nominum sæpe res ostenduntur
in Jer. cap. XXIII.
Mais ce qui démontre qu'on ne peut
raisonnablement attribuer la rédaction de
ces Annales à un Moine de saint Bertin ou
du voisinage ; c'est qu'à l'an 845. l'Auteur
parle de ce Monastere comme d'un
Endroit qui lui étoit peu connu, Un certain
Monastere , dit- il , apellé Sithdin.
C'est en racontant les ravages des Normans
: Cum à quodam Monasterio, Sithdin
nomine, direpto incenfoque ,oneratis navibus
repedarent , &c. Un Ecrivain du Pays se
seroit il exprimé ainsi ? Auroit- il aussi
apellé les Peuples de Teroüenne Tarvisii
, comme a fait l'Annaliste à Pan
850 ? Ce terme de quodam Monasterio
dénote clairement un Ecrivain éloigné ,
et il étoit pardonnable à un Espagnol ,
résident à Troyes , de désigner l'Abbaye
de saint Bertin , sous ce terme vague ;
puisqu'encore au douziéme siecle , des
Abbés de Ferrieres au Diocèse de Sens ,
ignoroient qu'il y eût aux Pays-Bas une
Abbaye, dite Saint Martin de Tournay, et
réciproquement des Moines des Pays- Bas ,
ignoroient où étoit située la célebre Ab-
Baye de Ferrieres. Les informations faites
là - dessus de part et d'autre , sont curieuses
à lire dans le Spicilege de D.Dachery,
Tome
848 MERCURE DE FRANCE
Tome XII. in Hist. Restaur. S. Martini
Tornac. Ainsi la distance de 80. lieuës
qu'il y a de Sithin , ou de saint Bertin à
Troyes , étoit sufisante pour que Prudence
se contentât de dire un certain Monastere
nommé Sithiu.
De plus , si c'étoit un Moine du Pays
de Teroüenne , ou de Saint- Omer , qui
eût compilé ces Annales , ou qui se fûr
chargé d'écrire les évenemens considérables
, pourquoi seroit- il entré dans un détail
de certaines minuties qui regardent
ła Province de Sens , et le voisinage de
Troyes ? et eût-il oublié des faits de conséquence
, arrivés , pour ainsi dire , aux
Portes de Saint Bertin ? C'étoit à lui
plûtôt qu'à un Moine de Saint Vandrille
au Diocèse de Rouen (a) à nous transmettre
les horribles ravages de Port de
Quentavich , faits par les Normands en-
844.cependant les Annales de Saint Ber
tin n'en font aucune mention , et sanscet
Annaliste de Saint Vandrille nous
ignorerions ce fait .
Concluons donc de tout ce que j'ai dit,
que
les Annales connues sous le nom de
Saint Bertin , sont de Prudence depuis-
(a ) Duchêne , Tom. 2. pag. 388 Quentavich
étoit à l'embouchure de la Riviere de Canche ,
dixu douze licuës de Saint Berting
l'an
MAY.
1737. 847
f'an 830. jusqu'à l'an 860. et qu'elles
sont celles - là même dont Hincmar veut
parler : que s'en étant fait des copies ,
une de ces copies a été portée aux Pays-
Bas , et ayant été conservée à Saint Bertin
, elle a servi d'original à ceux qui
l'ont fait imprimer.
Voilà M. ce que j'ai cru devoir ajouter
à l'Ecrit de M. L. D. L. R. pour
confirmer de plus en plus le Lecteur
dans la pensée qu'a eu M. l'Abbé Fleury.
Je suis d'autant plus persuadé que
Saint Prudence est le premier Continuateur
des Annales d'Eginhard , que dans
la dénomination de quelques Fêtes dont
il parle , je le vois employer des termes
plus usités dans l'Eglise d'Espagne que
dans celle de France , tel est le nom
de Festum Apparitionis qu'il donne à
l'Epiphanie toutes les fois qu'il a occasion
d'en parler sçavoir , aux années 838 ,
839 , 840 et 842. Consultez là dessus la
Liturgie Mozarabe , au moins le fragment
qui est dans le premier Tome des
Sacremens , du Pere Martenne à l'endroit
de l'arrangement des offrandes. Vous ob
serverez aussi , si vous lisez les trente années
de ces Annales , que FAuteur par
lant de la plupart des anciennes Villes du
Royaume , se sert des noms qui sont
dans
848 MERCURE DE FRANCE
dans l'Itineraire d'Antonin , ou dans les
Commentaires de César Aiedincum
Senonum Augufta Trecorum , Casarodunum
Turonum , Durocortorum Remorum , Samarobriva
Ambianorum , et toujours Loticia
Parisiorum. Ce Loticia ressent assés le
langage étranger : et toutes ces dénominations
par périphrase , conviennent ce
semble au genie d'un Espagnol qui avoit
de l'érudition , comme en est convenu
son Continuateur Prudentius , dit-il
adprimè Litteris eruditus .
Au reste , M. comme il paroît qu'il
y a bien des siecles que l'Eglise de Troyes
l'honore comme Saint ; je ne fais aucune
difficulté de lui donner ce titre en finis
sant ce qui le regarde. J'ai vû un suplement
au Martyrologe Romain , im
primé il y a environ quarante ans , par
les soins du Pere Simon MothierJesuite,
dans lequel je le trouve. Lisez ce que
Molanus et depuis lui les Bollandistes
ont dit de Saint Forannan Abbé de Vazor
au 30. Avril , et vous verrez que la répu
gnance que l'on a à admettre certains
Saints de l'Antiquité , ne dure qu'un
temps; après quoi on revient à l'ancienne
Tradition , quand les faits ont été éclairg
cis . Je suis , Monsieur , & c .
A Paris ce 31. Janvier 1737.
LA
MAY.
1737. 849
akakakakakakakakakakakakakak
LA GLOIRE DES BERGERS.
Le
EGLO GUE.
Tirsis , Licidas.
E Soleil au milieu de sa course rapide
Fait sentir aux Mortels sa chaleur homicide ;
Les Oiseaux amoureux se cachent dans nos bois;
La Cigale en nos champs fait retentir sa voix ;
L'herbe aride pâlit dans nos tristes Prairies ,
Les Nymphes à regret voyent leurs source
taries ;
Tirsis et Licidas sous un feuillage épais
Evitent du Soleil la fureur et les traits ;
Leurs Moutons auprès d'eux couchés sur la verè
dure
Préferent le repos à la douce pâture ;
Lesommeil , die Tirsis , me paroît ennuyeux j
Que ces tristes Pavots s'éloignent de nos yeux ;
De crainte que Morphée enfin ne nous surprenne,
Chantes-nous ks Chansons qu'aux nôces de
Climene
Tu chantois , Licidas , je me souviens des airs
Je n'ai pu retǝnir ni le sens , ni les vers.
Chantons , dit Licidas , cette Chanson galante
Que je fis autrefois pour la jeune Amarante ;
Insensé , je n'osois lui déclarer mes feux ,
Je
850 MERCURE DE FRANCE
Je gravai sur un Pin ces couplets amoureux ;
J'aime mieux ,dit Tirsis, entendre cet Ouvrage ,
Ou des Dieux employant le sublime langage ,
Tu nous peignis l'Amant de la jeune Daphné
Conduisant chés Admette un Troupeau fortuné:
Muses , dit Licidas , animez mon audace ,
Je chante dans ces Vers le Maître du Parnasse ;
Phébus tire des Arts son plus grand ornement ,
Ila de cent Secrets la science parfaite ;
Contre l'Amour , hélas ! est- il quelque recette ?
L'Art opose à l'Amour ses Secrets vainement :
Laisse-là tes Troupeaux, Phébus , sui ta Bergere,
Pour elle tu quittas la demeure des Dieux ,
Loin d'elle , le Nectar est peu délicieux ,
Et le séjour du Ciel te paroît solitaire ;
Tantôt mêlant sa voix au murmure des eaux ,
Phébus dans nos Vallons exprime son martyre;
Quelquefois confiant sa douleur à sa Lyre
Il nous aprend des sons et tendres et nouveaux ;
Diane qui le voit conduisant ses Troupeaux
Et tenant dans sa main une simple Houlette ,
Est atteinte en son coeur d'une douleur secretteg
Est- ce donc là le Dieu qu'on adore à Delos
Sur le sacré Trépied, auteur de cent Miracles ,
Des Peuples et des Rois Phébus fut consulté ,
Occupé de ses feux , il ne rend plus d'Oracles ,
Et son Temple sera pour jamais deserté ;
Voilà , cruel Amour , ton caprice ordinaire ,
Phébus
MAY.
1737.
Phébus devient Berger , privé de ses Autels ;
Mais un Berger qui plaît à sa tendre Bergere ,
Est placé par l'Amour au rang des Immortels $
Ces chants , reprend Tirsis , ont charmé mon
oreiHe ,
Les Rossignols n'ont point une douceur pareille,
Pour finir d'un seul trait la gloire de nos bois ,
Permets qu'à tes accens Tirsis joigne sa voix.
Tandis que ses Coursiers s'abreuvoient d'Am
broisie ,
Venus se promenoit dans les bois de Paphos ;
Sous un Myrthe Adonis goûtoit un doux repos
Exempt des passions qui troublent notre vie ;
Venus en le voyant sent enflammer son coeur ;
L'Amour , qui le croira n'épargne point sa
Mere ?
La Déesse des coeurs brûle pour un Pasteur
Et déclare au Berger son amour la premiere ;
Qui pouroit à Venus refuser de l'amour t
L'heureux Berger suivit sa tendre destinée ,
Sans effort il aima la Déesse à son tour ,
Les Jeux et les Plaisirs chanterent l'Hymenée ;
Que ces évenemens sont grands , sont précieux !
Phébus devient Berger , et nous comble de gloire
Sur Venus Adonis remporte la victoire ,
Quels fastes marqueront des faits plus glorieux
Pierre Defrasnay,
?
NOU852
MERCURE DE FRANCE
**********************
NOUVELLES OBJECT IONS
CONTRE L'AME DES BESTES.
J
E me trouvai il y a quelques jours
dans une compagnie, où la conversation
tomba sur l'Ame des Bêtes : On disputa
vivement pour et contre , mais on
ne convint de rien et chacun resta
dans son sentiment. C'est l'ordinaire :
Ainsi les Auditeurs n'en furent point
surpris , et ceux qui n'avoient pris aucun
parti , convinrent que la question , de
sçavoir si les Brutes ont une Ame intelligente
distinguée de la matiere , est tout
à fait problematique , et que les deux
opinions et celle qui soutient l'existence
de cette Ame , et celle qui la nie , ong
également leur vrai semblance.
Tantas quis poterit componere lites ?
Quoique je me fusse mis du nombre
de ces derniers , je n'ai pas laissé en mon
particulier de faire quelques reflexions
sur cette question , d'autant plus que
chacun des Disputans , avoit prétendu
que son sentiment étoit le plus conforme
à la Religion. Ce fut là le point le
plus
MAY. 17379 853
plas débattu de part et d'autre , surtout
su sujet d'un certain Ouvrage Anglois ,
ou prétendu tel , sur cette matiere , dont
on cita des morceaux qui établissent des
principes , lesquels parurent à tout le
monde aller trop loin , et être peu conformes
à l'analyse de notre foy.
: Mes reflexions m'ont conduit à des
objections contre l'existence de cette
ame prétenduë , qui m'ont paru d'autant
plus interessantes , qu'elles ont fait
la même impression sur ceux auxquels je
les ai communiquées , et comme je ne
me souviens pas de les avoir vûës dans
aucun des Ouvrages que j'ai lûs sur ce
sujet : j'ai crû pouvoir les exposer pour
en avoir la solution . Peut- être produi
ront elles l'utilité que je m'en suis proposée
, par raport à la Religion , que
Pon met en jeu dans ces disputes . Aussi
sera-ce l'objet auquel je m'attacherai le
plus , après avoir premierement proposé
une difficulté , que la raison et l'expérience
seules m'ont fournie : la voici tele
le que je l'ai conçûë.
La preuve la plus vrai semblable de
Fexistence de l'Ame , dont il s'agit , est
sans contredit celle qui se tire de la docilité
des Brutes , que je nommerai dans
la suite avec le vulgaire , les animaux
simplement.
154 MERCURE DE FRANCE
•
simplement. Plusieurs de ces animaux ,
dit- on sont disciplinables ; on leur
aprend une infinité de choses, qui ne conviennent
point à leur nature , à chasser,
à danser , à jouer aux cartes et même
aux échets ; ce qu'ils font souvent avec
plus de dextérité et de succès que la plûpart
des hommes même : or leur instinct
*brute et naturel n'étant point ici ce
qui opere en eux ces effets si surprenans,
il faut nécessairement y reconnoître une
ame intelligente , un fonds de pensée
qui soit capable de se lier avec les signes
arbitraires dont il plaît aux hommes de
se servir , pour instruire ces animaux qui
connoissent ces signes , qui y répondent
par les effets que l'on attend d'eux , et qui,
>
en un mot , par ce moyen se trouvent
en état de lier un commerce et une espe
ce de societé avec les humains . S'il n'étoit
question que des operations , qui ,
quoiqu'admirables sont communes a
toute une espece , et se font toujours et
par tout de la même maniere , il ne sepeut
être pas si difficile de les expli
quer méchaniquement, par la disposition
uniforme des organes , qui , à la présence
des objets , recevant toujours les mêmes
impressions, sont aussi sujets aux mêmes
mouvemens : mais encore une fois , il
roit
s'agit
MAY. 1737. 855
s'agit d'actions qui ne sont point ordinaires
à l'espece qui les produit, qui ne sont
point uniformes , qui varient suivant les
individus même , entre lesquels par conséquent
il s'en trouve , qui paroissent
avoir plus ou moins d'esprit : les exemples
en sont infinis et connus : il ne manque
en un mot à ces Animaux rendus si
habiles que l'usage de la parole , pour
nous rendre raison de ce qu'ils font de
merveilleux , et qu'ils rendent en effet
en répondant si exactement aux signes
dont nous les avons fait convenir .
Quoique j'abrege cette preuve, que l'on
trouve par tout , je crois cependant que
je ne lui ai rien fait perdre de sa force , et
on verra bien tôt que ce ne seroit pas
mon interêt de le faire ; puisque plus
elle sera mise dans son jour , plus Pobjection
que je veux en tirer sera forte et
victorieuse et si elle est victorieuse de
cette preuve , elle le sera nécessairement
de toutes les autres , non -seulement parce
que celle- ci est la plus plausible , mais
bien plus encore , parce qu'elle ne peut
être détruite que toutes les autres ne
soient renversées , puisqu'elle me sert
elle-même à démontrer le défaut du prin
cipe , à l'établissement duquel on voudroit
les faire servir.
B Les
856 MERCURE
DE FRANCE
Les Animaux entendent donc les signes
que nous leur proposons , pour
nous faire aussi entendre à eux , et leur
Ame pensante y répond exactement ;
donc ils pensent. A qui ne vient- il pas
d'abord dans l'esprit que c'est grand
dommage qu'ils ne puissent parler pour
vous l'aprendre encore plus précisément
eux- mêmes ? Mais quoi ne parlent-
ils pas , au moins une grande partie
d'entre eux ? Le Perroquet , le Sansonnet
, la Linotte , & c. parlent fort bien,
il n'y a donc qu'à les intertoger. Mais
dévelopons un peu ceci , pour voir les
conséquences qui en résulteront.
On aprend à un Chien à jouer aux
cartes , et à écrire même en quelque
façon les noms des choses et des personnes
qu'on lui nomme , par l'arrangement
exact qu'il fait des Lettres de l'Aphabet
dispersées devant lul ; il connoît done
la différence des couleurs , et la valeur
des cartes et des lettres : de plus il faut
qu'il raisonne suivant les différens cas
des caprices du jeu et la différence des
noms . Il faut qu'il sçache distinguer une
quinte majeure, d'une quinte au Roy , d'une
quatrième , &c. un quatorze d'as , d'un
quatorze de dix , et faire une juste apli
cation de ces connoissances pour gagner
comme
MAY. 1737.
857
comme il fait souvent l'Adversaire contre
lequel il joue. Que ces faits prouvent
trop et beaucoup au-delà de ce que prétendent
la plupart de ceux qui défendent
l'Ame des Bêtes , ce n'est pas ce
dont il s'agit présentement, non plus que
de montrer que ces exemples sont toujours
exagerés , & que bien des circonstances
souvent obmises , les réduiroient
à leur juste valeur, si elles étoient dévoi-
Jées. Mais ces faits admis , je soutiens que
suposé que le Chien en question , agisse
par connoissance ; il ne peut être douseux
, qu'il ne nous en convainquît par
la parole , s'il en avoit l'usage. Car enfin
la parole n'est qu'un signe , de la nature
de ceux dont on s'est servi pour
l'instruire , et dont il se sert ensuite luimême
, pour exprimer cette connoissance
qu'on supose le faire agir. Deux Muets
de naissance , abandonnés à eux - mêmes
et séquestrés du reste de la societé
mais obligés de vivre ensemble , inventeroient
sans doute d'autres signes équivalens
, pour s'exprimer leurs besoins réciproques,
et pour entretenir entre eux le
commerce de la vie : et si après cela , par
quelque voye extraordinaire , ils acqueroient
l'usage de la parole , ils la substi
tueroient aux signes dont ils se servoient
auparavant. En Bij
858 MERCURE DE FRANCE
En effet , ou ce Chien , joint par
une réflexion , proprement dite , la connoissance
qu'il a du Piquer , aux signes
et aux actions qu'il employe pour le
joüer , ou la chose se fait indépendemment
de cette connoissance , et par un
pur méchanisme dans ce dernier cas ,
les Cartesiens ont raison , et l'Ame est
inutile et par conséquent non admissible.
Et dans le premier , je demande
pourquoi cet Animal ne joindroit pas
également sa connoissance avec la paro
le , s'il en avoit l'usage. Je défie que jamais
on me donne là- dessus une disparité
qui satisfasse.
Il est vrai les Chiens n'ont pas les
que
organes disposés pour parler, mais les oiseaux
parlent ; ce qui fait également pour
l'objection que je propose. Le change
ment d'espece n'y fait rien ; puisqu'on
admet également une Ame connoissan
te dans tous les Animaux . D'ailleurs plu
sieurs de ces Animaux parlans , sont disciplinables.
J'ai vû deux Perroquets auxe
quels on avoit apris un jeu fort diver
tissant , qu'ils joüoient autour d'un cerceau
avec beaucoup d'agrément et d'intelligence
, et ce n'avoit été qu'après un
long temps et bien des difficultés , qu'on
étoit parvenu à leur en donner la connoissance
IM A Y.
17378 859
noissance , qui n'est certainement point
naturelle à leur espece. N'objecte t'on
pas aussi une Linotte qui attachée sur une
petite planche entre deux sceaux en
équilibre , qui contiennent son boire et
son manger , mais posés un peu plus bas
que la planche ; de sorte que pour satisfaire
à ses besoins , cet oiseau est obligé
quand il veut manger , d'appuyer avec
un pied sur le sceau qui contient l'eau ,
pour faire monter l'autre , qu'il fait aussi
descendre quand il veut boire. Voilà , diton
, une démonstration en faveur de
l'Ame que les Cartesiens voudroient
anéantir , puisque l'espece Linotte n'est
pas faite pour une telle épreuve ; celle-
ci esclave malgré elle ne vit jamais
aucune de ses semblables en pareil cas ;
où a-t'elle donc apris à raisonner si heureusement
sur les Loix de la Statique ?
de
Mais la Linotte est capable de parler ,
et on le lui aprend facilement, elle repete
même des airs et des chansons , qui exigent
outre la faculté de parler , de la mémoire
et de la réminiscence : elle a donc
tout ce qu'il faut , si on lui supose
la connoissance , pour nous exprimer
elle-même ce qu'elle pense. Cependant,
et c'est la conclusion que je veux tirer
de tout ceci , jamais aucun Animal par-
B iij lant
860 MERCURE DE FRANCE
lant n'a fait connoître par ses paroles qu'il
pensât , jamais on n'en a pû discipliner
jusqu'à ce point , pas même de la plus
légere ébauche. On n'y a jamais remar
qué qu'une mémoire purement machinale
, pas un mot qui témoigne de la
réflexion et du raisonnement donc je
crois être en droit de conclure par le fais
même , que l'Ame en question est une
pure chimere. Je sçais bien que la plûpart
des Défenseurs de l'Ame des Bêtes ;
ceux surtout qui craignent de choquer les
principes de la Religion , font profession
de leur refuser la réflexion et la liberté ?
Prétendant seulement qu'elles agissent
suivant un certain instinct qu'ils n'ont ja
mais pû définir : c'est à ceux - ci que je vais
répondre en proposant ima secondeObjec
tion qui les regarde particulierement; car,
pour ceux qui confondant tout sans res◄
pect pour l'Analogie de la Foy , avoient
sans façon, qu'il n'y a que du plus et du
moins entre nous et les autres Animaux, je
ne leur adresse que la premiere, dont ils se
démêleront comme il leur plaira : Mais
par l'une et par l'autre , j'espere qu'on
verra ici comme en plusieurs autres
points , qu'il seroit facile d'indiquer qu'une
grande partie de nos Philosophes modernes
combattent les opinions de Descartes,
MAY. 1737. 861
eartes , plûtôt à ce qu'il paroît souvent
pour contredire ce grand Homme , qui
fait tant d'honneur à la France , que par
une sérieuse et solide attention sur ses
Ouvrages ; auxquels pourtant , malgré
qu'ils en ayent , ils ont peut -être la prin
cipale obligation , de tant de bonnes
choses qu'ils sçavent , et dont ils nous
font part tous les jours.
dans la
Je prétends d'abord que si l'ame des
Bêtes agit sans réflexion , sans liberté et
sans aucun choix , elle est inutile pour
la fin que l'on se propose en l'admettant,'
qui est d'être le principe des operations
merveilleuses que l'on remarque
plûpart de ces Animaux ; inutile de
nous obecter qu'ils sont dociles et disciplinables
, et de citer les Ouvrages
admirables qui sont propres à plusieurs
especes. Car cette Ame agissant nécessairement
, ce ne peut - être qu'en conséquence
des impressions que les corps
étrangers excitent dans les organes de
celui qu'elle anime ; puisque n'ayant au- *
cun choix , non-seulement elle ne peut
exciter aucun nouveau mouvement ,
mais aussi elle ne peut donner aucune
détermination nouvelle à ceux qui sont
actuellement excités . Elle ne le fait point
à l'égard des mouvemens qu'on apelle
B iiij naturels ,
862 MERCURE DE FRANCE
maturels , tels que sont ceux du coeur
des poulmons et des arteres ; cela est démontré
même par raport à l'Homme :
et elle ne le fait point non plus à l'égard
de ceux que nous nommons en nous volontaires
, parce que la volonté prétendue
des Bêtes n'ayant aucune liberté
elle est entraînée elle-même par ces mouvemens
à quoi sert donc cette Ame ? Si
elle agit nécessairement , ne devient - elle
pas un Etre multiplié sans nécessité ?
Et n'est- ce pas enfin sous des paroles ,
qui ne disent rien , revenir par un autre
tour au pur Systême du Méchanisme?
Mais pour pénétrer encore plus avant,
examinons l'Homme lui - même suivant
les lumieres de la Foy, qui sont évidemment
ici d'accord avec celles de la raison ,
comme j'espere qu'on le reconnoîtra tout
à l'heure.
Il est certain que l'Homme sent qu'il
pense et qu'il agit par réflexion et par
choix;et qu'en conséquence de sa volonté,
il s'excite en ses organes des mouvemens
quí la servent en esclaves , et qui y sont
exactement conformes : mais il comprend
aussi avec un peu d'attention que tous
ces mouvemens pouroient être operés
par les Loix seules de la Méchanique :
je dis plus , et je soutiens que quoique
ces
MAY. 1737. 863
des mouvemens , soient des suites de sa
volonté , ce n'est pourtant pas elle qui
les produit, d'une maniere , d'une action
immédiate et Phisique. Elle n'en peut
être que l'occasion. Qu'il me soit permis
d'en exposer la preuve en peu de
mots , d'après un des plus grands Philosophes
de nos jours.
L'Homme sçait qu'il a des idées d'une
infinité de choses , et des perceptions de
toutes les sensations qu'excitent en lui
les objets étrangers : or ni ces idées , ni
ces perceptions ne sont point matérielles
, parce que tout ce qui apartient à la
matiere , doit nécessairement être divisible
comme elle : cependant il est de
la derniere évidence , que ces idées et
ces perceptions sont essentiellement indivisibles.
Qu'on partage en deux , si
l'on peut , l'idée d'un triangle , d'un
cercle , d'un Homme , d'un arbre , & c .
la perception même de cette idée , celle
d'une couleur , d'un son , &c. qu'on
divise la conclusion d'un syllogisme , le
plus ou le moins que l'esprit aperçoit
dans une comparaison qu'il fait entre
deux objets, par exemple, entre le tout et
sa partie. C'est ce qui est de la derniere
impossibilité ; et c'est aussi ce qui prouve
le plus invinciblement en nous , la
Bv
Léalité
864 MERCURE DE FRANCE
réalité d'un Etre qui pense et qui est
infiniment distingué de la matiere , parce
qu'il doit être de la même nature que
les operations qui lui sont propres.
Mais cette même preuve nous démontre
avec autant d'évidence › que cet
Etre , que nous apellons Ame , ne peut
agir sur la matiere d'une maniere immé
diate et Physique , parce que rien ne paroît
plus vrai que l'axiôme de Lucrece.
Tangere enim et tangi, nisi corpus, nulla potest res.
Pour toucher et être touché , il faut avoir
des parties touchables ; or l'Ame n'en a
point , n'étant point divisible. Cela est
précis.
De cette vérité importante ainsi connuë
, je crois pouvoir établir , que si
1'Homme n'avoit pas été destiné de Dieu ,
a pouvoir le connoître et glorifier , il
paroît inutile que Dieu , par des liens
admirablės , eût uni à son corps une
Ame raisonnable et capable d'agir avec
choix et réflexion , ce qui est le principe
unique du bien et du inal , de la punition
et de la récompense : or la raison
de cette inutilité , est comme on l'a dit
plus haut , que sans cette Ame raisonnable
, les Loix seules du mouvemenr
auroient pû produire dans le corps humain
toutes les actions animales néces
saires à sa conservation.
Je
MAY.
1737. 865
et
Je conclus donc que la Religion nous
aprenant que les Bêtes n'ont été formées
pour aucune fin semblable
qu'elles n'ont aucune liberté pour mériter
ou démériter ; il est démontré qu'une
Ame intelligente distinguée de la ma
tiere et principe de leurs operations
leur est absolument inutile à tous égards ,
et que cette opinion , bien loin d'être
contraire à la Religion , lui est parfai
tement conforme.
Mais pour mettre encore , s'il se peut , ce
dernier point dans tout son jour , voyons
un peu par les raisons des deuxPartis , dans
lequel des deux il se trouve de plus grands
inconveniens par raport à la Foi.
Je commence par celui qui défend
cette derniere opinion , en suposant
que les Bêtes sont de pures machines
comme des Montres et des Tournebroches
, qu'en peut-on conclure contre la
Foy? Qu'il s'ensuivra que l'Homme n'est
peut être aussi qu'une automate ? que la
matiere peut penser ? et de- là , dit- on ,
le renversement de toute la Religion.
Mais ce qui doit détruire cette consé
quence , c'est que tout Homme peut se
dire à lui même et se convaincre qu'il
pense , et que sa pensée est une chose
spirituelle ou immaterielle , qui ne peut
B vj jamais
866 MERCURE DE FRANCE
jamais être l'effet de quelque arrangement
que ce soit des parties de la matiere.
Cela suposé , il est évident que l'on
ne peut pas conclure que l'Homme n'est
qu'une pure machine , parce que les Bêtes
sont telles. Ce ne sont pas les operations
, quelques merveilleuses qu'elles
soient , que je remarque dans mes or
ganes corporels , qui me font conclu
re que j'ai une Ame ; elles pouroient
être absolument sans cette Ame , mais
c'est parce que je sens que je pense , et
si je pense , c'est par une raison que
l'on m'accorde ne m'être pas commune
avec les Bêtes donc il n'y a pas à craindre
, que l'on puisse tirer aucune conséquence
fâcheuse du pur méchanisme
qui fait agir ces Animaux , contre l'existence
effective de mon Ame.
Voyons maintenant si ceux qui admettent
si facilement une Ame dans les Brutes
, seront aussi heureux , à se débarasser
des inductions qu'on peut tirer.de
leur opinion contre les vérités du Christianisme.
Je demande d'abord , si'les Bêtes ont
une Ame intelligente totalement distinguée
de la matiere ; comment ils répondront
à ceux qui prétendent qu'il
n'y a que du plus et du moins entre elles
et
MAY. 1737. 807
et nous que la seule différence des organes
, produit la différence des operations
, comme nous le voyons entre les
Hommes même , parmi ceux qui ont
beaucoup d'esprit et ceux qui n'en ont
guere ; que leurs Ames et les nôtres sont
de la même espece ; qu'en un mot , si
Ame du moindre insecte étoit dans un
corps humain , elle y produiroit les mê
mes effets , que l'Ame du plus grand
Philosophe. Auront-ils recours à la Roligion
qui nous aprend le contraire ?
Mais c'est précisément pour cela même
que je prétends qu'il ne faut point admettre
cette Ame , qui heurte si fort les
verités que cette Religion nous enseigne,
er de plus , qui ne voit que ce recours
ici à la Religion , ne seroit recevable qu'autant
que cette Religion nous aprendroit
bien précisément , que les Bêtes ont une
Ame telle qu'on veut l'admettre , quoique
de différente espece de la nôtre ? ce
qui est absolument faux.-
Mais en second lieu , si les Brutes ont
une Ame , dès qu'il est vrai et démontré
que cette Ame ne peut agir physiquement
sur le corps , je suis en droit d'employer
les preuves dont je me suis servi ,
pour tâcher de découvrir la raison pour
aquelle Dieu nous a donné une Ame à
nous868
MERCURE DE FRANCE
"
nous-mêmes. Cette Ame est inutile dans
les Animaux pour leurs operations méchaniques
; donc il faut qu'elle y soit
pour une autre fin ; et cette fin quelle
peut- elle être , autre, que celle àlaquelle
l'Homme est destiné, à titre de sa raison
et de sa liberté ?
Vouloir pour éluder cette conséquence
si naturelle , persister à nier que les
Bêtes ayent une liberté , c'est une petition
de principe qui n'est plus recevable:
c'est même tomber dans une contradiction
évidente , qui donne beau jeu à l'ing
crédulité , puisque les motifs même qui
donnent lieu d'admettre de la connoissance
dans les Brutes , comme la docilité
et la facilité qu'il y a de les former à
des exercices étrangers à leur nature , ou
ne prouvent rien du tout , comme on
l'a dit plus haut , ou démontrent l'existence
de cette liberté ; et on demandera
toujours aux Défenseurs de cette opinion
, qui est-ce qui les porte à admettre
cette Ame , s'ils lui refusent cette li
berté , ou à nier cette liberté , s'ils reconnoissent
cette Ame , puisque l'un suit
nécessairement de l'autre ? Et d'ailleurs ,
ils ne défendent la réalité de cette substance
, que par l'Analogie de certaines
operations qui nous sont communes avec
les
MAY. 1737. 869
les Animaux ; en nous ces operations se
trouvent jointes avec celles de cette substance
, ils en concluent qu'il doit y en
avoir aussi une dans ces Animaux ; mais
que ne concluent- ils donc aussi qu'il y a
en eux de la liberté , puisqu'en nous ces
operations sont jointes avec la liberté ? Ils
ne raisonnent donc pas conséquemment
en refusant cette prerogative aux Bêtes
ou s'ils veulent raisonner ainsi , il faut
qu'ils reconnoissent cette liberté. Cela
paroît sans réplique , et dès lors il est démontré
que
leur systême semble s'accorder
moins avec la Religion que celui qu'ils
combattent.
Voilà les objections que j'avois à proposer
; on pouroit encore les pousser
plus loin , et peut- être les mettre dans
un plus grand jour : mais , quoique simplement
ébauchées , je pense qu'on en
sentira aisément la force ; je souhaite seulement
que ceux qui voudront bien se
donner la peine d'y répondre , ayent attention
en le faisant de ne rien avancer ,
qui puisse donner atteinte aux principes
qui doivent être sacrés à tous ceux qui
aiment sincerement la Religion , dans ce
tems sur-tout où le libertinage de l'esprit,
devenu en quelque façon à la mode , fait
tous les jours des progrès si dangereux.
ODE
870 MERCURE DE FRANCE
D
ODE
A BACCHU S.
”
ESCENDS des Cieux , vainqueur du Gange
Dieu du Tyrse , écoute ma voix ;
Que le Tigfe à ton Char se range ,
Accours , vole , venge tes droits.
Plein de cette ardeur qui m'anime,
J'arrache à l'Amour la Victime ,
Que je sacrifie à ton jus.
Si tu secondes mon audace ,
Je veux que la Fere surpasse
La Cité
que
fonda- Cadmus,
Est-ce le Dieu que Cnide adore'
Qu'anoncent les Ris et les Jeux ?
Cruel ! viens-tu troubler encore
Un coeur qui déteste tes feux ?
Non . Déja mes voeux s'accomplissent ; '
Au parfum dont ces lieux s'emplissent
Puis-je méconnoître Bacchus ?
Aproche , Eleve de Risphée ,
Mon coeur va se joindre au Trophée
Des Rois que ton bras a vaincus.
#t
MAY. 871 3737-
Et vous , Prêtres , sacrés Ministres
Quittez Ida votre séjour ;
Venez , annonceź par vos Systres
La célébrité de ce jour.
Que le Pampre ceigne ma tête ,
Jamais de plus brillante Fête
Vous n'illustrâtes le Strimon ;
Sur l'Autel que votre main dresse ,
Je vais immoler la tendresse
Dont m'avoit prévenu Claudon .
Pour oublier cette Infidelle
En vain j'abandonnois les lieux ,
Où nâquit la flâme cruelle ,
Qu'alluma l'éclat de ses yeux.
Loin des bords qu'arrose l'Yonne ,
Des fureurs qu'inspire Bellonne ,
En vain je formois mes plaisirs ,
Le souvenir de la Perfide ,
Dans le feu le plus homicide,
M'arrachoit encor des soupirs.
C'en est fait je brise une chaîne
Dont l'Amour serra mal les noeuds ;
Que Claudon à sa honte aprenne
Que sans elle on peut être heureux.
C'est trop , esclave de ses charmes ,
Du
872 MERCURE DE FRANCE
Du sacrifice de mes larmes ,
Honorer sa légereté .
L'encens que je brûlois pour elle ,
Je le dois au Fils de Semele ;
C'est le prix de ma liberté.
Oui , cher Nourrisson de Silene ;
C'est toi qui combles mon bonheur
Tel le Favori de Mecene ,
Jadis éprouva ta faveur.
Epris des attraits de Glicere ,
Sous les Loix du Dieu de Cythere
Horace soupire , languit ;
Se couronne- t'il de vervaines?
Le Falerne écarte les peines ,
Que son tendre coeur ressentit,
M
'Ainsi ton jus , Dieu de l'Yvresse ,
M'affranchit du joug de Claudon.
Quelle honte ! Quelle foiblesse
Ai-je pú célébrer ce nom ?
Verse cette liqueur chérie ,
Qui du Chantre de l'Apulie
Inspiroit les doctes accords ;
Ca verse , acheve ta victoire,
Hor. Lib. 1. Ode 19.
Thi
MAY. 878
1737-
Eh! Je ne désire de boire,
Que pour te voer mes transports,
Mais quel Vin pétille en mon verre ?
Quel éclat ! Qu'il flate mes yeux !
Ganimede au Dieu du
Tonnerre
Sert un Nectar moins
précieux .
Quel goût ! ... Quel feu ! .. Ciel ! il m'enflame;
Chaque trait porte dans mon ame ,
Untrouble , un desordre nouveau .
Temoins de mon heureux délire ,
Maenades , accordez ma lire ;
Que je chante un Destin si beau !
Est-ce fait ? Oui . Quelle harmonie !
Quels accords naissent sous ma main !
Ne me vante plus Ionie ,
Celui qui célébra ton vin. *
Aussi fortuné , mais plus sage ,
On ne me voit point à son âge
De l'Amour briguer la faveur.
Pourois-je à mon septième Lustre
Exiger un sort plus illustre
Que celui de parfait Beuveur ?
* Anacreon.
Soti
$74 MERCURE DE FRANCE
Sort chéri ! Sort à qui tout cede !
Source des vrais plaisirs des sens !
Contre une ame qui te possede ,
L'Amour a des Traits impuissans ;
'Auteur de la Paix que je goûte ,
Retourne à la Céleste Voûte ,
Bacchus , ton Triomphe est parfait.
Mais laisse avec moi ton yvrésse ;
Qu'elle me rapelle sans cesse ,
Le souvenir de ce bienfait.
Par M. de Broglio de Martigues.
·
E'LOGE DE M. DE SENECE'.
A
Ntoine Bauderon de Senecé nâquit
à Mâcon le 27. Octobre 1643. de
Brice Bauderon de Senecé , Lieutenant
Général au Bailliage et Siege Présidial de
la même Ville , et de D... ... Grillet.
Son Pere, le troisième de sa Famille, qui
en ligne directe étoit revêtu de cete
Charge , ne négligea rien pour lui donner
une excellente éducation , et pour le
mettre en état de lui succeder un jour.
On ne pouvoit guere travailler sur un
meilleur fonds , cet Enfant étant né avec
Les qualités d'esprit les plus heureuses >
et
MA Y.
1737. 875
et avec les talens les plus avantageux ;
cultivé d'ailleurs par un Pere vertueux et
sçavant.
Dès l'âge de treize ans , ayant achevé
les Etudes ordinaires au College des Jesuites
de Mâcon , il fut envoyé à Paris ,
où il fit un nouveau Cours de Philoso
phie : Il en soutint des Theses publiques
avec un aplaudissement général sur la
fin de sa quatorziéme année. Revenu
à Mâcon , il employa deux années entieres
à profiter des leçons et des exemples
d'un Pere , qui n'oublioit rien pour
le former à l'Etude et à la Vertu .
Il fut ensuite renvoyé à Paris pour I'Etude
des Loix . Il s'y apliqua , fut reçû
Avocat , et suivit le Barreau pendant
quelque temps : mais ce n'étoit pas là
son penchant le plus naturel.
Cependant , pressé par une Famille ,
qui l'aimoit tendrement , il revint à Mâçon
, où quelque temps après son arrivée,
le feu de la jeunesse l'entraîna dans une
malheureuse Affaire , nommée dans le
monde Affaire d'honneur. Elle fut suivie
d'un combat de quatre contre quatre , dans
laquelle l'un des Combattans succomba ,
et plusieurs furent blessés. Notre jeune
Homme obligé de se retirer , alla chercher
un azile à la Cour de Savoye , où
son
876 MERCURE DE FRANCE
son esprit , sa dépense et ses talens lui
eurent bien- tôt acquis des Amis de dis
tinction .
Mais, s'il est vrai qu'un malheur en attire
souvent un autre , cette situation
douce et agréable en aparence , fut bientôt
fatale à notre François réfugié . Il
devint Amoureux d'une , Dlle de la premiere
qualité , qui le reçut bien et le
préféra à plusieurs autres , qui prétendoient
à l'honneur de son Alliance . La
Dlle avoit plusieurs Freres , qui étoient
Amis de notre Aspirant , et qui eurent
d'abord ses recherches pour agréables .
Cette derniere circonstance n'étoit
par malheur , fondée que sur une équivoque
de nom , au sujet de celui de Senecé.
La Terre ainsi apellée , située entre
Tournus et Châlons , étoit alors dans
la Maison de Foix : Ces Messieurs le crurent
être de la même Maison ; mais M.de
Senecé qui ne vouloit tromper personne,
encore moins celle qui étoit la plus interessée
, avoit dès le commencement
déclaré son véritable état à la Dlle , laquelle
n'ayant d'égard qu'au mérite de
son Amant , exigea de lui de laisser ses
Freres dans la favorable prévention où
ils étoient.
Ceux-ci en sortirent bien-tôt par les
recherches
MAY. 877 1737
recherches qu'ils se crurent obligés de
faire avant que de rien conclure. Instruits
de la verité , ils donnerent dans un travers
. Au lieu de prendre les mesures or
dinaires pour s'oposer à ce Mariage , ils
entrerent dans un esprit de ressentiment,
dont la Dlle prévit et prévint les suites,
en priant M. de Senccé de disparoître
pour quelque temps : mais les trères animés
et instruits du départ , eurent la
foiblesse de faire trouver des gens sur sa
route pour lui faire un mauvais pârti.
Il fallut battailler , l'Amant malheureux
s'en tira heureusement, et tout de suite il
se retira à Madrid , où il resta jusqu'à la
nouvelle de l'accommodement de sa premiere
Affaire , que M. son Pere lui don
na , avec ordre de revenir.
De retour à Mâcon , ce Pere qui lui
destinoit toujours sa Charge , le renvoya
bien- tôt à Paris dans la vûe de le perfectionner
dans l'Etude des Loix , et dans les
autres connoissances , que le commerce
des Livres et la fréquentation du Barreau
pouvoient lui acquerir. Mais l'essor
qu'il avoit pris , et le grand monde qu'il
avoit fréquenté lui avoient donné du
dégoût pourice genre d'Etude. L'amour
des plaisirs et de la liberté l'entraîna
bien- tôt du côté d'une jeune et brillante
Cour ,
878 MERCURE DE FRANCE
Cour , dans laquelle il se fit des Amis
distingués. Il se flata qu'avec un pareil
secours et avec ses talens , il pouroit
faire une fortune fort au dessus de celle
que sa Famille lui présentoit.
Rempli des ces idées , en attendant la
premiere occasion d'acquerir une Charge
à la Cour , il crut devoir fixer sa situation
hors de la Province par un engagement.
Il épousa à Paris , du consentement
de son Pere , la Dlle de Blaisy
Fille de M. de Burnot , Seigneur de Blaisy
, Intendant de la Maison de la Duchesse
d'Angoulême . Le Pere ne constitua
à son Fils que le moins qu'il pouvoit
lui donner , la tendresse Paternelle
étoit fort ralentie à l'égard de ce Fils
par un second Mariage , dont il y avoit
des Enfans , et pour n'avoir pas suivi
ses volontés sur le choix d'une Profession.
Peu de temps après l'occasion tant dé
sirée se présenta : M. de Senecé traita en
1673. de la Charge de Premier Valet de
Chambre de la Reine , avec M. de Visé .
Avant que de rien conclure , il fit un
Voyage à Mâcon pour obtenir l'agré
ment et quelque suplément de finance
qui lui manquoit , de M. son Pere . Celui-
ci profita de l'occasion pour faire avec
toute
MAY. 1737. 879
toute la Famille , un dernier effort sur
l'esprit de son Fils au sujet de la Charge
de Lieutenant Général , dont il le croyoit
très capable. Mais il n'y eut pas moyen
de lui faire changer d'objet. De retour à
Paris , M. de Senecé emprunta de ses
Amis ce qu'il lui filloit , conclut le mar
ché et entra chis la Reine en la qualité
que nous avons dite.
Il fut extrémement goûté à la Cour ; il
s'y fit des Amis de distinction , et des
Protecteurs puissans : On peut dire qu'il
le méritoit ; mais cette situation agréab'e
, cette Fortune aparente ne furent
pas d'une longue durée. La Reine trèssatisfaite
de ses Services , et qui l'honoroit
de beaucoup de bonté , vint à mou◄
rir au bout de dix ans ; et c'est le plus
grand malheur qui pouvoit arriver à son
zelé Domestique.
On suprime ici tout le détail de ce
malheur et de ses suites , pour n'en marquer
qu'une ou deux circonstances. Sçavoir
, que son Pere en mourant ne lui
donna d autre part dans ses biens , que
ce qu'il lui avoit constitué en le mariant,
c'est à dire , une petite Terre de 3000.
livres de rente , auprès de Mâcon , nommée
Condemines. De plus , une riche Tan-
Soeur de la D. sa Mere , et Epouse
C du
880 MERCURE DE FRANCE
du Premier Président du Présidial , en
mourant sans Enfans , ne fit aucune
mention de lui dans son Testament.
On suprime aussi l'indifference, ordinaire
aux Gens de Cour dans la disgrace
, qu'eurent à son égard ceux que
nous avons apellé ci- dessus Amis de dis
tinction et Protecteurs puissans , dans
les différentes occasions qui se présenterent
de le servir et de le dédommager.
La seule Duchesse d'Angoulême se montra
sensible et bienfaisante. M. de Senecé
trouva chés cette Princesse , pour lui
et pour sa Famille , une retraite honorable
et utile ; ensorte que tant qu'elle vêcut
, il ne fut presque exposé à aucune dépense.
Mais après la mort de la Princesse ,
i fut obligé de revenir dans sa Province ,
dont on peut dire qu'il fit les délices , et
en particulier de la Ville de Mâcon
tout le monde étant charmé de posseder
un Sujet orré de tant de bonnes quali
tés , de celles principalement qui font
l'honnéte Homme , et en même temps
les charmes de la societé.
La mort d'une Epouse chérie , qui lai
fut enlevée en 1685. à l'âge seulement
de 33. ans , Mere de huit Enfans , réveilla
en lui les idées de la Cour ; la tentation
MAY. 831 17:7.
tation d'y aller encore chercher Fortune,
le reprit. Mais son Voyage et un as és
long séjour furent inutiles ; ils ne le furent
pas pour le guérir enfin de ces idées
de grandeur et de ces espérances Auteu
ses , dont il s'étoit presque toujours rempli
.
De retour pour la derniere fois dans
sa Patrie , il ne s'occupa plus que de Religion
, de soins domestiques , et de Litterature
, sans rien perdre de cette gayeté
et de cette joye innocente qui le faisoit
désirer par tout , et qu'il apelloit le
Blume de la vie , l'Elixir de la santé.
C'est dans cette situation que nous avons
commencé à connoître M. de Senecé ,
il ya environ quinze ans , à l'occasion
d'abord de quelques Poësies de sa façon,
qui ont paru dans le Mercure de France.
Il y a eu ensuite entre nous un commer
çe réglé de Littérature , dont nous avons
profité , et qui a continué jusqu'à ses
derniers jours.
Il y avoit sans doute à profiter avec un
Ami de cet âge et de cette capacité. Il
ne vouloit point au reste qu'on le loüât ,
ni qu'on fit trop valoir ses Pieces . Autant
ennemi des Eloges outrés , que de
la critique amere , il censuroit agréablement
ce premier défaut dans le Mercu-
Cij ге
882 MERCURE DE FRANCE
re de l'un de nos Prédécesseurs , Ami
de l'Auteur , il crut lui devoir un avis
utile sur cet article. Il s'en acquita par
une Epître de sa façon , dont on ne sera
peut être pas fâché de voir ici quelque
chose , outre que c'est une Piecedes plus
fugitives , et que nous tenons de sa
main.
V... quand Jupiter des biens fit le partage,
Les Muses à ses dons eurent petite part :
Un peu de liberté fut tout leur Apanage ;
Elles l'ont bien gardée , et s'en servent sans fard,
J'en ai ma portion , moi , leur Eleve indignes
Mon esprit en tout temps marcha d'un pas égal,
Il tient en main la régle , et mesure la ligne ,
Prêt à la condamner quand elle y répond mal.
Je blamois hautement , fondé sur ce Principe ;
Tes aplaudissemens communs et prodigués ;
Faut -il qu'un tel esprit ( disois- je ) se dissipe
A donner au Public des Eloges brigués ?
Quoi ! par une lumiere et si vive et si pure
Les Bons et les Pervers seront- ils réjouis ?
C'est-là tout ce que fait l'Auteur de la Nature
Et que font après lui le Soleil et LOUIS ,
LOUIS
MAY. 1737. 883
LOUIS et le Soleil sont en droit de le faire ,
Et c'est de leur grandeur l'illustre fonction :
Mais V... plus borné , doit en Juge sévere,
Du bien avec le mal faire distinction.
Ses Volumes moins gros , seroient plus sûrs de
plaire ;
Suprimant les Ecrits d'un misérable Auteur ,
Il pouroit épargner du papier au Libraire ,
A lui des soins , enfin du dégoût au Leeteur.
Mon esprit contre toi murmuroit de la sorte :
Mais mon coeur depuis peu l'en a désavoüé.
Tu viens de m'oposer une raison plus forte ;
Qu'as-tu fait pour cela,V... Tu m'as loué & c
Nous omettons le reste cet échantillon
suffira pour montrer le caractere
de notre Ami , par raport à la flaterie
qu'il ne pouvoit souffrir , et à la censure
, qui chés lui n'étoit jamais austere ni
farouche.
Nous avons dit qu'il ne pouvoit souffrir
les louanges outrées , encore moins
les louanges personnelles . C'est dans cet
esprit qu'il nous a toujours refusé un petit
détail sur sa vie et sur ses Ouvrages ,
qu'on lui a souvent demandé pour en
faire un jour hommeur à sa Mémoire : voici
C iij
sculet
884 MERCURE DE FRANCE
seulement ce que l'amitié ou l'importu
nité lui permirent de nous écrire le 21 .
Octobre 1735.
20
» Vous voulez me prendre par mon
propre interêt , par la proposition que
vous me faites de vous donner quelques
Memoires de ma vie , qui n'est
» pas si obscure que l'on n'y trouvât
» sujet de faire un petit Roman ; mais j'ai
>> renoncé à cette vanité , et il me suffit
>> que l'on sçache qu'après avoir couruz
le Monde dans ma jeunesse et avoir
» fait quelque figure à la Cour du Duc
» de Savoye , Charles- Emanuel second >
je me suis attaché à celle de la Prin-
» cesse d'Angoulême , où je me suis ma-
» rié ,, et qui m'a servi d'échelle pour
» monter à la Cour de la Reine Marie-
» Therèse, Epouse de LOUIS LE GRAND ;
» échelle qui s'est rompue sous mes pieds,
et où je me suis brisé le col par la mort
» de cette Princesse , étant demeuré sans
» Charge et sans récompense. Je me suis
» ensuite retiré dans mon Pays natal , où
» je me suis consolé du mieux que j'ai
» pû avec les Muses , qui ne m'ont point
» abandonné jusqu'à l'âge de quatre - vingt
» treize ans . Pour mon Pere , vous ne pou-
» vez en dire trop de bien , qu'oiqu'il
» m'ait fort maltraité , et donné tous ses
>
>> biens
MAY. 1737 885
» biens à des filles d'un second lit. A cela
» près , c'étoit un homme illustre par ses
» moeurs , sa justice et son éloquence ,
» dont il a donné des preuves autenti-
» tiques dans un beau volume de Ha
rangues, &c. Voilà assés parler des miens
» et de moi.
Cependant la longue carriere de M.
de Senecé s'avançoit et n'étoit pas loin
de son terme. Ses Lettres devenoient
moins fréquentes , mais elles étoient
morales , chrétiennes , édifiantes . Ceile
sur tout qu'il nous écrivit le six Décembre
1735. marquoit un fond de
Religion et de résignation , capable de
faire plaisir à de véritables Amis . C'étoit
dans la circonstance d'une maladie , qui
ne fut cependant pas la derniere. » J'attends
patiemment , disoit - il , l'heure
» qu'il plaira à Dieu de me marquer pour
» lui aller rendre mes comptes qui ne
» sont pas en trop bon état , &c. La
Lettre étoit accompagnée d'un Cantique
de sa façon sur le sujet de ces mêmes
comptes , où il paroissoit encore du feu
et du génie , mais bien plus encore de
pieté et de confiance en la bonté divine .
La Piece finissoit par une invocation pathétique
adressée à la sainte Vierge . » J'ai
» fait , ajoûtoit- il , ce petit Morceau dans
C iiij >> l'un
870 MERCURE DE FRANCE
D
ODE
A BACCHUS.
ESCENDS des Cieux , vainqueur du Gange
Dieu du Tyrse , écoute ma voix ;
Que le Tigfe à ton Char se range ,
Accours , vole , venge tes droits.
Plein de cette ardeur qui m'anime,
J'arrache à l'Amour la Victime ,
Que je sacrifie à ton jus.
Si tu secondes mon audace ,
Je veux que la Fere surpasse
La Cité que fonda- Cadmus.
*
Est-ce le Dieu que Cnide adore'
Qu'anoncent les Ris et les Jeux ?
Cruel! viens- tu troubler encore
Un coeur qui déteste tes feux ș
Non. Déja mes voeux s'accomplissent ;
Au parfum dont ces lieux s'emplissent
Puis-je méconnoître Bacchus ?
Aproche , Eleve de Risphée ,
Mon coeur va se joindre au Trophée
Des Rois que ton bras a vaincus,
MAY.
871 1737.
Et vous , Prêtres , sacrés Ministres
Quitteż Ida votre séjour ;
Venez , annonceż par vos Systres
La célébrité de ce jour .
Que le Pampre ceigne ma tête ;
Jamais de plus brillante Fête
Vous n'illustrâtes le Strimon ;
Sur l'Autel que votre main dresse ,
Je vais immoler la tendresse
Dont m'avoit prévenu Claudon.
Pour oublier cette Infidelle
En vain j'abandonnois les lieux ,
Où nâquit la flâme cruelle ,
Qu'alluma l'éclat de ses yeux.
Loin des bords qu'arrose l'Yonne ,
Des fureurs qu'inspire Bellonne ,
En vain je formois mes plaisirs ;
Le souvenir de la Perfide ,
Dans le feu le plus homicide ,
M'arrachoit encor des soupirs.
M
C'en est fait je brise une chaîne
Dont l'Amour serra mal les noeuds ;
Que Claudon à sa honte aprenne
Que sans elle on peut être heureux.
C'est trop , esclave de ses charmes
Du
872 MERCURE DE FRANCE
Du sacrifice de mes larmes ,
Honorer sa légereté.
L'encens que je brûlois pour elle ,
Je le dois au Fils de Semele ;
C'est le prix de ma liberté.
Oui , cher Nourrisson de Silene ;
C'est toi qui combles mon bonheur §
Tel le Favori de Mecene ,
Jadis éprouva ta faveur.
Epris des attraits de Glicere ,
Sous les Loix du Dieu de Cythere
Horace soupire , languit ,
Se couronne- til de vervaines ?
Le Falerne écarte les peines ,
Que son tendre coeur ressentit,
'Ainsi ton jus , Dieu de l'Yvresse ,
M'affranchir du joug de Claudon.
Quelle honte ! Quelle foiblesse !
Ai-je pû célébrer ce nom ?
Verse cette liqueur chérie ,
Qui du Chantre de l'Apulie
Inspiroit les doctes accords ;
Ca verse , acheve ta victoire;
* Hor. Lib. 1. Ode 19.
Thi
MAY. 873
1737.
Eh ! Je ne désire de boire ,
Que pour te vouer mes transports,
Mais quel Vin pétille en mon verre v
Quel éclat ! Qu'il fate mes yeux !
Ganimede au Dieu du Tonnerre
Sert un Nectar moins précieux .
Quel goût ! ... Quel feu ! .. Ciel ! il m'endame;
Chaque trait porte dans mon ame ,
Un trouble , un desordre nouveau .
Témoins de mon heureux délire ,
Monades , accordez ma lire ;
Que je chante un Destin si beau !
Est-ce fait ? Oui. Quelle harmonie !
Quels accords naissent sous ma main !
Ne me vante plus Ionic ,
Celui qui célébra ton vin .
Aussi fortuné , mais plus sage ,
On ne me voit point à son âge
De l'Amour briguer la faveur ,
Pourois-je à mon septième Lustre
Exiger un sort plus illustre
Que celui de parfait Beuveur ?
Anacreon
Sot
874 MERCURE DE FRANCE
Sort chéri ! Sort à qui tout cede !
Source des vrais plaisirs des sens !
Contre une ame qui te possede ,
L'Amour a des Traits impuissans ;
'Auteur de la Paix que je goûte ,
Retourne à la Céleste Voûte ,
Bacchus , ton Triomphe est parfait.
Mais laisse avec moi ton yvrésse ;
Qu'elle me rapelle sans cesse
Le souvenir de ce bienfait.
Par M. de Broglio de Martigues.
·
E'LOGE DE M. DESENECE.
A
Ntoine Bauderon de Senecé nâquit
à Mâcon le 27. Octobre 1643. de
Brice Bauderon de Senecé , Lieutenant
Général au Bailliage et Siege Présidial de
la même Ville , et de D ... ... Grillet.
Son Pere, le troisième de sa Famille , qui
en ligne directe étoit revêtu de cete
Charge , ne négligea rien pour lui donner
une excellente éducation , et pour le
mettre en état de lui succeder un jour.
On ne pouvoit guere travailler sur un
meilleur fonds , cet Enfant étant né avec
Les qualités d'esprit les plus heureuses ,
et
MAY. 1737- 875
et avec les talens les plus avantageux ;
cultivé d'ailleurs par un Pere vertueux et
sçavant.
Dès l'âge de treize ans , ayant achevé
les Etudes ordinaires au College des Jesuites
de Mâcon , il fut envoyé à Paris ,
où il fit un nouveau Cours de Philoso
phie : Il en soutint des Theses publiques
avec un aplaudissement général sur la
fin de sa quatorziéme année. Revenu
à Mâcon , il employa deux années entieres
à profiter des leçons et des exemples
d'un Pere , qui n'oublioit rien pour
le formerà l'Etude et à la Vertu .
Il fut ensuite renvoyé à Paris pour l'Etude
des Loix. Il s'y apliqua , fut reçû
Avocat , et suivit le Barreau pendant
quelque temps : mais ce n'étoit
son penchant le plus naturel.
pas là
Cependant , pressé par une Famille ,
qui l'aimoit tendrement , il revint à Mâçon
, où quelque temps après son arrivée,
le feu de la jeunesse l'entraîna dans une
malheureuse Affaire , nommée dans le
monde Affaire d'honneur. Elle fut suivie
d'un combat de quatre contre quatre , dans
laquelle l'un des Combattans succomba,
et plusieurs furent blessés. Notre jeune
Homme obligé de se retirer , alla chercher
un azile à la Cour de Savoye , où
son
876 MERCURE DE FRANCE
son esprit , sa dépense et ses talens lui
eurent bien- tôt acquis des Amis de dis
tinction .
Mais , s'il est vrai qu'un malheur en attire
souvent un autre , cette situation
douce et agréable en aparence , fut bientôt
fatale à notre François réfugié . Il
devint Amoureux d'une, Dlle de la premiere
qualité , qui le reçut bien et le
préféra à plusieurs autres , qui prétendoient
à l'honneur de son Alliance. La
Dlle avoit plusieurs Freres , qui étoient
Amis de notre Aspirant , et qui eurent
d'abord ses recherches pour agréables ..
Cette derniere circonstance n'étoit ,
par malheur , fondée que sur une équi➡
voque de nom , au sujet de celui de Senecé.
La Terre ainsi apellée , située entre
Tournus et Châlons , étoit alors dans
la Maison de Foix : Ces Messieurs le crurent
être de la même Maison ; mais M.de
Senecé qui ne vouloit tromper personne,
encore moins celle qui étoit la plus inreressée
, avoit dès le commencement
déclaré son véritable état à la Dlle , laquelle
n'ayant d'égard qu'au mérite de
son Amant , exigea de lui de laisser ses
Freres dans la favorable prévention où
ils étoient.
: Ceux-ci en sortirent bien- tôt
par
les
1
+
"A
A
recherches
MAY. 1737: 877
recherches qu'ils se crurent obligés de
faire avant que de rien conclure. Instruits
de la verité , ils donnerent dans un travers
. Au lieu de prendre les mesures ordinaires
pour s'oposer à ce Mariage , ils
entrerent dans un esprit de ressentiment,
dont la Dlle prévit et prévint les suites,
en priant M. de Senecé de disparoître
pour quelque temps : mais les Freres animés
et instruits du départ , eurent la
foiblesse de faire trouver des gens sur sa
route pour lui faire un mauvais pârti,
Il fallut battailler , l'Amant malheureux
s'en tira heureusement, et tout de suite il
se retira à Madrid , où il resta jusqu'à la
nouvelle de l'accommodement de sa
pre.
miere Affaire , que M. son Pere lui don
na , avec ordre de revenir.
De retour à Mâcon , ce Pere qui lui
destinoit toujours sa Charge , le renvoya
bien- tôt à Paris dans la vûë de le perfectionner
dans l'Etude des Loix , et dans les
autres connoissances , que le commerce
des Livres et la fréquentation du Barreau
pouvoient lui acquerir. Mais l'essor
qu'il avoit pris , et le grand monde qu'il
avoit fréquenté lui avoient donné du
dégoût pourice genre d'Etude. L'amour
des plaisirs et de la liberté l'entraîna
bien- tôt du côté d'une jeune et brillante .
Cour
878 MERCURE DE FRANCE
Cour , dans laquelle il se fit des Amis
distingués. Il se flata qu'avec un pareil
secours et avec ses talens , il pouroit
faire une fortune fort au- dessus de celle
que sa Famille lui présentoit.
Rempli des ces idées , en attendant la
premiere occasion d'acquerir une Charge
à la Cour , il crut devoir fixer sa situation
hors de la Province par un en
gagement. Il épousa à Paris , du consentement
de son Pere , la Dlle de Blaisy
Fille de M. de Burnot , Seigneur de Blaisy
, Intendant de la Maison de la Duchesse
d'Angoulême. Le Pere ne constitua
à son Fils que le moins qu'il pou-
- voit lui donner , la tendresse Paternelle
étoit fort ralentie à l'égard de ce Fils
par un second Mariage , dont il y avoit
des Enfans , et pour n'avoir pas suivi
ses volontés sur le choix d'une Profes
sion .
Peu de temps après l'occasion tant dé
sirée se présenta : M. de Senecé traita en
1673. de la Charge de Premier Valet de
Chambre de la Reine , avec M. de Visé .
Avant que de rien conclure , il fit un
Voyage à Mâcon pour obtenir l'agrément
et quelque suplément de finance
qui lui manquoit , de M. son Pere. Celui-
ci profita de l'occasion pour faire avec -
toute
MAY. 1737. 879
toute la Famille , un dernier effort sur
l'esprit de son Fils au sujet de la Charge
de Lieutenant Général , dont il le croyoit
très capable. Mais il n'y eut pas moyen
de lui faire changer d'objet. De retour à
Paris , M. de Senecé emprunta de ses
Amis ce qu'il lui falloit , conclut le mar
ché et entra chés la Reine en la qualité
que nous avons dite.
Il fut extrémement goûté à la Cour ; il
s'y fit des Amis de distinction , et des
Protecteurs puissans : On peut dire qu'il
le méritoit ; mais cette situation agréable
, cette Fortune, aparente ne furent
pas d'une longue durée. La Reine trèssatisfaite
de ses Services , et qui l'honoroit
de beaucoup de bonté , vint à mou◄
rir au bout de dix ans ; et c'est le plus
grand malheur qui pouvoit arriver à son
zelé Domestique.
On suprime ici tout le détail de ce
malheur et de ses suites , pour n'en marquer
qu'une ou deux circonstances . Sçavoir
, que son Pere en mourant ne lui
donna d'autre part dans ses biens , que
ce qu'il lui avoit constitué en le mariant;
c'est à dire , une petite Terre de 3000.
livres de rente , auprès de Mâcon , nommée
Condemines. De plus , une riche Tante
, Soeur de la D. sa Mere , er Epouse
C du
880 MERCURE DE FRANCE
du Premier Président du Présidial , en
mourant sans Enfans , ne fit aucune
mention de lui dans son Testament.
On suprime aussi l'indifférence, ordinaire
aux Gens de Cour dans la disgrace
, qu'eurent à son égard ceux que
nous avons apellé ci- dessus Amis de distinction
et Protecteurs puissans , dans
les différentes occasions qui se présenterent
de le servir et de le dédommager,
La seule Duchesse d'Angoulême se montra
sensible et bienfaisante . M. de Senecé
trouva chés cette Princesse , pour lui
et pour sa Famille , une retraite honorable
et utile ; ensorte que tant qu'elle vêcut,
il ne fut presque exposé à aucune dépense.
Mais après la mort de la Princesse ,
il fut obligé de revenir dans sa Province ,
dont on peut dire qu'il fit les délices , et
en particulier de la Ville de Mâcon ,
tout le monde étant charmé de posseder
un Sujet orné de tant de bonnes quali
tés , de celles principalement qui font
l'honnête Homme , et en même temps
les charmes de la societé .
La mort d'une Epouse chérie , qui lui
fut enlevée en 1685. à l'âge seulement
de 33. ans , Mere de huit Enfans , réveilla
en lui les idées de la Cour ; la tentation
MAY. 831 1737.
tation d'y aller encore chercher Fortune ,
le reprit. Mais son Voyage et un assés
long séjour furent inutiles ; ils ne le furent
pas pour le guérir enfin de ces idées -
de grandeur et de ces espérances Aateuses
, dont il s'étoit presque toujours rempli.
De retour pour la derniere fois dans
sa Patrie , il ne s'occupa plus que de Religion
, de soins domestiques , et de Litterature
, sans rien perdre de cette gayeté
et de cette joye innocente qui le faisoit
désirer par tout , et qu'il apelloit le
Baume de la vie , l'Elixir de la sancé.
C'est dans cette situation que nous avons
commencé à connoître M. de Senecé
il y a environ quinze ans , à l'occasion
d'abord de quelques Poësies de sa façon ,
qui ont paru dans le Mercure de France.
Il y a eu ensuite entre nous un commerçe
réglé de Littérature , dont nous avons
profité , et qui a continué jusqu'à ses
derniers jours.
Il y avoit sans doute à profiter avec un
Ami de cet âge et de cette capacité . Il
ne vouloit point au reste qu'on le loüât ,
ni qu'on fit trop valoir ses Pieces . Autant
ennemi des Eloges outrés , que de
la critique amere , il censuroit agréablement
ce premier défaut dans le Mercu-
Cij re
882 MERCURE DE FRANCE
re de l'un de nos Prédécesseurs , Ami
de l'Auteur , il crut lui devoir un avis
utile sur cet article . Il s'en acquita par
une Epître de sa façon , dont on ne sera
peut
fâché de voir ici quelque
chose , outre que c'est une Piecedes plus
fugitives , et que nous tenons de sa
main.
être
pas
V... quand Jupiter des biens fit le partage,
Les Muses à ses dons eurent petite part :
Un peu de liberté
fut tout leur
Apanage
;
Elles
l'ont
bien
gardée
, et s'en servent
sans
fard.
J'en ai ma portion , moi , leur Eleve indignes
Mon esprit en tout temps marcha d'un pas égal,
Il tient en main la régle , et mesure la ligne ,
Prêt à la condamner quand elle y répond mal,
Je blamois hautement , fondé sur ce Principe ,
Tes aplaudissemens communs et prodigués ;
Faut-il qu'un tel esprit ( disois- je ) se dissipe
A donner au Public des Eloges brigués ?
Quoi ! par une lumiere et si vive et si pure
Les Bons et les Pervers seront- ils réjouis ?
fait l'Auteur de la Nature C'est-là tout ce que
Et que font après lui le Soleil et LOUIS ,
LOUIS
MAY. 1737. 883
LOUIS et le Soleil sont en droit de le faire ,
Et c'est de leur grandeur l'illustre fonction :
Mais V... plus borné , doit en Juge sévere ,
Du bien avec le mal faire distinction.
Ses Volumes moins gros , seroient plus sûrs de
plaire ;
Suprimant les Ecrits d'an misérable Auteur ,
Il pouroit épargner du papier au Libraire ,
A lui des soins , enfin du dégoût au Leeteur.
Mon esprit contre toi murmuroit de la sorte :
Mais mon coeur depuis peu l'en a désavoüé.
Tu viens de m'oposer une raison plus forte ;
Qu'as-tu fait pour cela,V... ? Tu m'as loüé &c
Nous omettons le reste : cet échan
tillon suffira pour montrer le caractere
de notre Ami , par raport à la flaterie
qu'il ne pouvoit souffrir , et à la censure
, qui chés lui n'étoit jamais austere ni
farouche.
Nous avons dit qu'il ne pouvoit souffrir
les louanges outrées , encore moins
les louanges personnelles . C'est dans cet
esprit qu'il nous a toujours refusé un petit
détail sur sa vie et sur ses Ouvrages ,
qu'on lui a souvent demandé pour en
faire un jour honneur à sa Mémoire : voici
€ iij seulo
884 MERCURE DE FRANCE
seulement ce que l'amitié ou l'importu
nité lui permirent de nous écrire le 21 .
Octobre 1735.
20
» Vous voulez me prendre par mon
propre interêt , par la proposition que
vous me faites de vous donner quelques
Memoires de ma vie , qui n'est
» pas si obscure que l'on n'y trouvât
» sujet de faire un petit Roman ; mais j'ai
>> renoncé à cette vanité , et il me suffit
» que l'on sçache qu'après avoir couru
>
le Monde dans ma jeunesse et avoir
» fait quelque figure à la Cour du Duc
» de Savoye , Charles- Emanuël second
23 je me suis attaché à celle de la Prin-
» cesse d'Angoulême , où je me suis ma-
» rié ,, et qui m'a servi d'échelle pour
» monter à la Cour de la Reine Marie-
» Therèse, Epouse de LOUIS LE GRAND ;
échelle qui s'est rompue sous mes pieds ,
et où je me suis brisé le col par la mort
» de cette Princesse , étant demeuré sans
>> Charge et sans récompense . Je me suis
>> ensuite retiré dans mon Pays natal , où
» je me suis consolé du mieux que j'ai
» pû avec les Muses , qui ne m'ont point
» abandonné jusqu'à l'âge de quatre - vingt
» treize ans.Pour mon Pere , vous ne pou
» vez en dire trop de bien , qu'oiqu'il
» m'ait fort maltraité , et donné tous ses
>> biens
MAY. 17377 885
» biens à des filles d'un second lit. A cela
» près , c'étoit un homme illustre par ses
» moeurs , sa justice et son éloquence
» dont il a donné des preuves autentitiques
dans un beau volume de Ha
rangues, &c. Voilà assés parler des miens
» et de moi.
Cependant la longue carriere de M.
de Senecé s'avançoit et n'étoit pas loin
de son terme. Ses Lettres devenoient
moins fréquentes , mais elles étoient
morales , chrétiennes , édifiantes . Ceile
sur tout qu'il nous écrivit le six Décembre
1735. marquoit un fond de
Religion et de résignation , capable de
faire plaisir à de véritables Amis . C'étoit
dans la circonstance d'une maladie , qui
ne fut cependant pas la derniere. » J'attends
patiemment , disoit - il ,
l'heure
» qu'il plaira à Dieu de me marquer pour
» lui aller rendre mes comptes qui ne
» sont pas en trop bon état , &c. La
Lettre étoit accompagnée d'un Cantique
de sa façon sur le sujet de ces mêmes
Comptes , où il paroissoit encore du feu
et du génie , mais bien plus encore de
pieté et de confiance en la bonté divine .
La Piece finissoit par une invocation pathétique
adressée à la sainte Vierge. » J'ai
» fait , ajoûtoit-il , ce petit Morceau dans
C iiij » l'un
886 MERCURE DE FRANCE
ג כ
"
>
» l'un des plus grands accès de ma ma-
>> ladie , où pour l'ordinaire on ne songe
pas à faire des Vers ; mais j'ai éprouvé en
» cette occasion la vérité du Proverbe
»qui dit que la Mort est un Echo de la
» vie. En tout cas , ce que je vous envoye
» servira à vous faire faire quelques refléxions
chrétiennes. Les Gens de Lettres
, si remplis de differentes idées
» ont besoin que quelquesfois on les
rapelle à Dieu par des refléxions sé-
» rieuses. Je vous demande pardon de
» faire ici le Prédicateur , contre ma coû-
» tume ; mais les aproches de la mort
"Ouvrent souvent les yeux les plus aveu-
» gles , et j'espere que vous me pardonne-
» rez l'effet d'une conversion qui est dans
» sa premiere ferveur , et que je voudrois
» pouvoir étendre sur tous mes Amis , par
» mi lesquels je vous considere tout des
» premiers , &c. Enfin , comme s'il prévoyoit
que c'étoit- là la derniere Lettre
qu'il devoit nous écrire , il la chargea de
ses complimens ou plutôt de ses adieux
pour quelques Amis particuliers , qui
sont aussi les nôtres . Il saluoit et moralisoit
en ces termes l'un de ces Messieurs
qui aime beaucoup les Spectacles. » Fai-
» tes mes complimens à M. L. C. et di-
» tes- lui que j'ai bien du déplaisir qu'un
» bel
MAY. 1737. 887
bel Esprit comme le sien meure dans
l'hérésie des favoris de Melpomene et
» de Thalie.
Depuis l'Epoque que nous venons de
marquer , c'est-à - dire la fin de l'année
1735. qui fut aussi la fin de notre commerce
Litteraire , M. de Senecé , de qui
nous avions quelquefois indirectement
des nouvelles, soigneux de nous informer
de son état , tourna toutes ses pensées du
côté du Ciel. Accablé enfin par le poids
de l'âge , éprouvé par de plus fréquentes
infirmités , mais consolé et fortifié par
de solides esperances , il expira doucement
entre les bras d'un digne Fils , le
premier jour de l'année 1737. âgé de
93. ans , deux mois et quelques jours.
Nous n'aurions rien à ajoûter à ce
que nous venons de dire , et que nous
avons crû devoir à la memoire de M. de
Senccé , si une nouvelle instruction , qui'
vient de nous arriver , ne nous engageoit
de joindre ici quelques circonstan
ces particulieres qui regardent sa Famille
et sa Personne ; rien n'est à négliger dans
P'Histoire des Hommes de Lettres.
On a marqué cy -dessus qu'il étoit fils ,
petit-fils et arriere petit- fils de trois Lieu
tenans Generaux au Bailliage et Siege
Présidial du Mâconois. Ils furent tous
C trois
888 MERCURE DE FRANCE
trois très- distingués dans la Province par
leur mérite personnel et par la maniere
noble dont ils y vivoient. Ils étoient issus
d'une très - ancienne Famille originaire
de la Ville de Paray le Monial , dans le
Charolois , à 12. lieues de Mâcon , où
l'un de leurs Ancêtres vint s'établir il
Y
a plus de deux cens ans.
La probité et la Litterature sont comme
héréditaires dans cette Famille . Mais
aucun ne se distingua davantage , et ne
joignit plus d'excellentes qualités à celles
que nous venons de dire , que Brice Bauque
deron de Senecé , Pere de celui que nous
regretons. Il fut Auteur de plusieurs
Ouvrages estimés , et consommé sur tout
dans les sciences de son Etat. Le Conseil
et le Parlement , bien instruits de son
integrité et de ses lumieres , l'ont souvent
employé dans des affaires de conséquence
, délicates et épineuses , commissions
dont il s'est acquité avec un aplaudissement
general , et qui lui ont acquis
un honneur infini . Enfin il eut le bonheur
dans les Troubles de la minorité du
Roy Louis XIV. de servir utilement son
Maître , moins par l'autorité de sa Charge
, que par la vivacité de son zele et
par la force de son éloquence , qui retine
a Ville de Mâcon , prête à tomber entre
MAY. 1737.
889
tre les mains des Factieux , dans son devoir
, et fit perdre à ceux- cy toute esperance
pour le succès d'un projet qui
étoit apuyé de la force des Armes. La
Cour très satisfaite de sa conduite , lui
fit expedier des Lettres de Conseiller d'Etat
, datées du 31. Juillet 1651. Il reçut
aussi de la Cour de grands Eloges
sur sa sage conduite à la tenue des Grands
Jours dans la Ville de Clermont , où il
fut mandé et où il donna encore de grandes
marques de zele et d'attachement
pour les interêts du Roy.Il mourut à Mâcon
le 3. Octobre 1698. âgé de 88 , ans ,
après y avoir exercé pendant quarante années
la premiere Magistrature . Ona obinis
qu'il avoit un grand talent pour la Poësie
Latine et Françoise , dont il faisoit
quelquefois ses amusemens pour se délasser.
M. de Senecé son Fils , qui fait le sujet
de cet Eloge , a eû , comme nous l'avons
dit , deux Fils de son Mariage . L'aîné
entra de bonne heure dans le Service.
Il n'avoit que 18. ans lorsqu'il fut blessé à
la Bataille de Nervinde . Il fut aussi -tôt
fait Capitaine au Régiment de Piémont
où il continua de servir avec distinction
jusqu'à l'âge de 23. ans , qu'il fut tué
dans un combat qui se donna auprès de
C vi Tour80
MERCURE DE FRANCE
Tournay. Il marchoit déja sur les traces
de son digne Pere , aimant les Lettres et
écrivant fort bien en Vers et en Prose.
Son Frere puisné prit aussi le parti des´
Armes , mais la mort de l'aîné ne permit
pas à ce tendre Pere de lui laisser suivre
son inclination , ne voulant pas d'ailleurs
risquer la seule personne qui pouvoit
donner des Héritiers à son nom . Dieu
en a disposé autrement ; car ce Fils uni--
que , marié depuis 20. ans n'a aujourd'hui
de plusieurs Enfans qui lui sont nés,
que deux filles fort jeunes.
De six Filles que M. de Senecé avoir
aussi eûes de son Mariage, l'aînée mourut
peu après le décès de la Dame sa Mere ;
les quatre suivantes sont actuellement
Religieuses en differens Monasteres , et
la derniere est mariée à M. de la Salle
Gentilhomme du Mâconois , d'une bonme
et ancienne Maison , originaire d'Auvergne.
Un fils unique sorti de ce Ma--
riage , Capitaine dans le Régiment d'Infanterie
d'Anjou , a été tué en Italie à
la Bataille de Guastalla, dans sa premiere
jeunesse.
Ainsi d'un assés grand nombre d'Enfans
et de petits- Enfans , il n'est resté à
M. de Senecé que le seul Fils dont nous
venons de parler , et que la Providence :
Luk
MAY. 1737. 891
lai avoit conservé pour être sa consolation
et son soutien dans le reste d'une
longue carriere. Nous sçavons qu'il s'en
est acquité dignement . C'est par ce cher
Fils , homme de Lettres et d'un mérite
distingué , que nous avons été informés
des principales circonstances de la Vie
de cet illustre Pere . L'une des plus importantes
, sans doute , est que depuis
quelques années il avoit de grands sentimens
de pieté , parlant sans cesse de
Religion, souvent apliqué à lire et à méditer
la Sainte Ecriture. De là cet esprit
de patience et de résignation aux ordres
de Dieu dans les differentes tribulations
qui ont affligé sa vieillesse .
On ne peut pas trop dire que cette vertu
ait cú sa récompense dès cette vie , car nous
aprenons de la même source que de tous
les Seigneurs qui , l'avoient connu à la
Cour , et qui l'avoient , pour ainsi dire
accablé d'offres de service , & c. aucun
ne s'est souvenu de lui dans l'occasion
. Un grand Ministre , né pour le
bonheur general du Royaume et pour
relever la vertu abattuë et affligée , lui
a seul conservé l'honneur de ses bonnes
graces , et lui a donné des secours
effectifs par diverses gratifications , et par
deux differentes pensions obtenues de
la
892 MERCURE DE FRANCE
la bonté du Roy. Par là cer illustre'
Bienfaiteur l'a empêché d'avoir une
vieillesse nécessiteuse et l'a mis en état
de passer ses dernieres années dans une
douce tranquillité. Ces derniers termes
sont les mêmes dont M. de Condemines,
son digne Fils , s'est servi pour nous
instruire et pour exprimer sa reconnoissance.
Condemines est le nom de sa Terre,
et presque le seul bien qui lui reste ;
» mais Dieu qui fait tout pour le mieux,
» nous dit- il fort chrétiennement
» me faisant décheoir des esperances d'u
> ne fortune considerable , m'a doüé
» d'un esprit tranquille et sans passion ,
qui me fait vivre content dans ma mé-
» diocrité .
,
en
Nous finirons par ce qui nous reste
à dire sur les Ouvrages de M. de Senecé,
qui a brillé , sur tout , par le talent de
la Poësie Françoise et Latine. Nous emprunterons
pour cela les termes de M.
Titon du Tillet , qui après avoir déja
parlé de lui dans son Parnasse François,
nous a fait l'honneur de nous écrire à
l'occasion de sa mort ; nous, ajoûterons
ici le précis de sa Lettre.
" Je viens , M. d'aprendre la mort de
» M. de Senecé , Doyen de nos Poëtes
» François. Comme je m'interesse infini-
» menc
MAY. 1737. 893
» ment à la gloire de tous les Hommes
» celebres qu'a produits la France , et
>> plus particulierement à ceux qui doi-
» vent augmenter le nombre des Habi-
» tans du Parnasse François , je me sens
» obligé de vous annoncer la perte que
» nous faisons de cet Homme illus-
» tre , pour en faire part au Public dans
votre Journal , en attendant que je
» puisse moi- même rendre justice à sa
>> memoire dans le Suplément de la Vie
» de nos celebres Poëtes , & c. que je ras-
» semble sur le Parnasse François , que
» j'ai fait élever en Bronze , à mesure que
» la mort nous les enleve , & c.
>>
" Je lui dois d'ailleurs de la reconnoissance
par l'amitié dont il m'a ho-
» noré pendant quatre ou cinq ans , que
» nous avons été en commerce ensemble,
» et par le beau présent qu'il m'a faiɛ
» du gros volume manuscrit in 4° . de ses
» Poësies , non imprimées , dont j'espere
>> enrichir le Public par l'impression.
» Ce Manuscrit est rempli d'un grand
» nombre de Morceaux interessants ,
>> l'on trouve de l'élevation , de la grace
» et sur tout cet élégant badinage , dont
» peu de gens sont capables, et que notre
» Auteur possedoit en Homme d'un es-
» prit supérieur , qui connoissoit d'ail-
*
1
où
» leurs
894 MERCURE DE FRANCE
» leurs à fond la Cour et la Ville , & c.
» On a imprimé un Recueil d'Epigrammes
et d'autres Pieces de M. de
» Senecé , avec un Traité sur la compo-
» sition de l'Epigramme , 1. vol . in 12,
» d'environ 5oo . pages. A Paris , chés
» F. Giffart , 1717.
Il y a aussi quantité de bonnes Pieces
de sa façon , imprimées dans le Mercure
Galant et dans le Mercure de France ,
qui étant recueillies , formeroient un
juste volume .
Je finis ( c'est toujours M. Titon du
Tillet qui parle ) en joignant à ma Let-
» tre une Piece de Vers de M. l'Abbé-
Poncy de Neuville , connu par divers
» Ouvrages qui lui ont fait honneur , et.
» dont sept ont remporté des Prix de Poë-
» sie à l'Académie des Jeux Floraux de
>> Toulouse.
FABLE envoyée à M. de Senecé par
M. L. P. D. N.
UNCygne dont la voix harmonieuse et tendre
Attiroit près de lui les Oyseaux d'alentour ,
Et qu'au milieu de sa superbe Cour
Le Souverain des Dieux daignoit souvent en
tendre ,
Attendoit le trépas sur les bords du Méandre.
Il sembloit que ses derniers Chants
Eussens
MAY. 895 1737.
Eussent encor plus de force et de grace ;
Le Dieu des Vers les trouva si touchants
Qu'il le mena sur le Parnasse ,
Et qu'il obtint pour lui , non sans difficulté ,
Un Brévet d'immortalité.
L'Aigle , Reine des Airs , a bien ce privilege ,
Et pourquoi ce Cygne divin
Ne l'auroit. il pas eû ? d'ailleurs c'est le destin
De tous ceux qu'Apollon protege ;
Il l'eut aussi ; ses sons mélodieux
Avoient charmé la Terre , ils charmerent les
Dieux.
Cher SENECE' , ce Cygne c'est toi- même ;
Quand sous le poids des ans ton corps s'apesantit,
Le Dieu des Vers qui t'aime ,
Semble ranimer ton esprit.
Son aimable enjoûment me ravit et m'étonne ;
Dans tes Ecrits qu'elle naïveté !
Quel feu quelle vivacité !
Quand nos Auteurs touchent à leur Automne
On leur dit : Croyez - moi , sevrez - vous des douceurs
Qu'aux Favoris d'H bé présentent les neuf
Soeurs ,
Toute saison pour elles n'est pas bonne ,
Pour vous tout au contraire , ami , vos cheveux
blancs,
Et vos conseils prudens ,
Ce sont en vous les seules marques
Du
896 MERCURE DE FRANCE
Du grand nombre des ans ,
Qu'Apollon sauvera de la rigueur des Parques ;
Et votre Hyver vaut mieux que mon Printemps.
QUESTIONS
U
DIVERSES
sur des Sujets d'économie.
N Philosophe économe qui propose
les Questions suivantes , se
plaint du goût general qu'on a aujour◄
d'hui
pour les recherches purement curieuses
; demande- t'on quelques instructions
sur un Coquillage , une Pierre inscrite
, un Marbre , &c. une foule de Sçavans
s'empressent de communiquer leurs
lumieres au contraire , dans la Science
économique , laquelle embrasse tous les
Arts et toutes les Professions utiles , toutes
les bonnes découvertes , tout ce qui
tend à diminuer nos peines et à augmenter
nos aises ; dans cette Science
dis-je , la plupart des Sçavans sont ou
muets ou pen instruits.
L'Auteur de ces Questions voulant faire
naître le goût des Recherches purement
économiques , se propose de faire de
temps en temps des Questions interessantes
sur differens Sujets , et cela pour
donner
MAY. 1737. 897
donner occasion de vérifier plusieurs faits,
de constater plusieurs verités dont la discussion
doit être avantageuse au Public.
Premiere Question.
Il y a déja long-temps qu'on a publié
l'Histoire abregée de toutes les Colonies
Angloises de l'Amérique , sous le titre
d'Amérique Angloise. On y trouve le commencement
, la suite et les progrès de
tous les Etablissemens des Anglois dans
le nouveau Monde , le moyen de s'y éta
blir et d'y avoir des fonds avec les
conditions pour le transport des Person .
nes et pour l'achat des Terres ; outre plusieurs
autres particularités qui peuvent
faire plaisir à tous ceux qui s'interessent
à ces sortes d'entreprises.
9
Il seroit à souhaiter que quelque personne
instruite nous donnât pareillement
l'Amérique Françoise , ou l'Histoire exacte
de toutes nos Colonies , Histoire débarassée
de tout ce qui n'est que de pure curiosité,
et où l'on s'attachât à faire connoître
ce qu'il y a et ce qu'il peut y avoir
d'avantageux dans ces sortes d'établissemens
, tant pour le Public , que pour les
Particuliers de differentes conditions .
En attendant cette Histoire generale ,
en voudroit avoir quelques instructions
sur
898 MERCURE DE FRANCE
sur l'état actuel de nos Colonies de
Cayenne , des Antilles , et sur tout de
la Louisiane et du Canada ; on voudroit
, dis- je , sçavoir si l'on peut exercer
dans tous ces Endroits le Négoce
et les Arts , sans Maîtrise , ni qualité s
s'il y a des servitudes et des Droits
Seigneuriaux comme en France , ou si
chacun y est absolument le maître de
ses fonds.
Sçavoir encore si l'on trouve des Terres
à prendre sans débourser , ou suposé
qu'il faille les acheter , sçavoir de qui et
à quelles conditions. Sçavoir de même
la facilité ou la difficulté du transport
pour les Personnes et pour les Marchandises
, et quels sont les Lieux où il y a
le plus de ressources et dont le climat
est le plus convenable au temperament
des François. On prie les Personnes qui
sont en état de répondre à ces Questions
, de vouloir bien donner sur cela
un petit Memoire au Mercure.
On voit dans les Voyages de Lahon
tan et dans le Dictionaire de Commerce,
que
l'on peut acquérir aisément des Terres
au Canada en payant un écu de Cens
par arpent , mais l'expression n'est pas
trop claire. Si c'est un écu de rente annuelle
, c'est horriblement cher ; si c'est
UA
MAY. 1737. 899
un écu de fonds , c'est - à-dire trois sols
de Droit Seigneurial tous les ans , c'est
encore un prix honnête pour ces Pays
perdus quoiqu'il en soit tout cela de
vroit être mieux déterminé .
Seconde Question.
Un Particulier voulant faire executer
une sorte de voiture qu'il a imaginée ,
a besoin de sçavoir pour l'execution de
sa Machine , de combien il est plus facile
de traîner un fardeau que de le porter,
en suposant peu de frotement , et suposant
encore des chemins passablement
unis on invite les Géometres à faire
part de leurs lumieres sur cette Question .
Troisième Question.
On trouve dans la plupart des Livres
d'Agriculture , plusieurs Secrets ou pratiques
pour procurer une abondante multiplication
des Grains, Rien ne seroit plus
digne de quelques Membres de l'Acadé
mie des Sciences et de tous autres Particuliers
qui ont de l'intelligence et qui veu
lent se rendre utiles , que de travailler avec
soin à vérifier ces pratiques et de publier
ensuite leurs Découvertes et leurs procedés
; ou de désabuser une fois le Public
de tous ces effets imaginaires ; on fait
tous
900 MERCURE DE FRANCE
tous les jours des recherches bien moins
utiles.
En attendant quelque bon Memoire
sur ce sujet , on demande si quelqu'un
sçait dès - à - présent un procedé facile et
confirmé par l'experience , pour produire
des récoltes plus abondantes ; s'il est
vrai qu'on distribuë à Lyon , à la Cure
S. Vincent , et dans une Communauté
de Filles , une matiere préparée pour la
même fin , matiere fort vantée dans le
Dictionnaire Economique de Chomel,au
mot Blé.
EPITHA LA ME,
Sur le Mariage de M. *** avec
Mademoiselle ***
UN sommeil doux et tranquille ,
Sur un duvet souple et docile ,
Réparoit insensiblement
Mes sens et ma raison débile
Des travaux du jour précedent ,
Quand l'aimable Dieu de Cithere
Voltigeant d'une aîle legere ,
Sur mes yeux couverts de pavots
Vint me fater dans mon repos
D'uni
MAY.
901 17376
Du songe le plus délectable ,
Et par un Spectacle agréable ]
De Jeux , de Graces et d'Amours ,
Me rendre la nuit préférable
Au plus brillant de tous les jours .
Jamais ce Dieu n'eut tant de charmes ,
Qu'il m'en offrit pour cette fois ,
Ses plaisirs étoient sans allarmes ,
Sans remords on suivoit ses loix ,
Au lieu de dards , des fleurs nouvelles
Composoient seules son Carquois ;
Les Graces , les Amours fidelles ,
Dans leurs Danses continuelles ,
En couronnoient leur Souverain ,
Qui pour Sceptre tenoit en main
Un Bouquet formé des plus belles ,
Tel que Vénus dans ses atours
En peut porter aux plus beaux jours.
Dieux ! quel triomphe , quelle gloire
Flatoit ce jeune Conquérant !
Tout m'annonçoit une victoire
Sur quelques coeurs du plus haut rang.
Pour agir avec assurance ,
Et diriger encore mieux
Un coup de pareille importance ,
Il avoit dépouillé ses yeux
De ce bandeau malicieux
Qui lui ravit la connoissance
Des
902 MERCURE DE FRANCE
Des Traits que son aveugle enfance ,
Lui fait décocher sans égard ,
Quand il séduit par inconstance
Deux coeurs assemblés au hazard ;
Les Plaisirs , en réjouissance ,
En avoient fait un Etendart ,
On leur main conduite par l'Art ,
Avoit dans un Champ héraldique ,
Sous mainte couleur symbolique ,
Réuni les faits glorieux
Des Citoyens les plus fameux
Qu'eût jamais produit l'Armorique ;
Je contemplois tous ces Emaux
Qui me rapelloient la memoire.
Des noms et des traits les plus beaux
Que nous avoit transmis l'Histoire ,
Lorsque le Dieu de la Beauté
M'attirant d'un tendre sourire ;
Voy , me dit- il , dans mon Empire
S'il fut hymen mieux concerté ;
Jupiter , à ma volonté
S'est fait un plaisir de souscrire ;
Sa main a conclu le Traité.,
Lors au milieu d'un cercie auguste
De Héros et de demi- Dieux ,
Que les soins d'un amour si juste
Avoient rassemblés dans ces Lieux ;
Je cherchai l'illustre conquête ,
T
MAY.
1737. 903
A qui l'Amour victorieuz
Avoit préparé cette Fête
Pour un hymen si glorieux ;
Si les vertus pouvoient paroître
J'eusse aperçu dans le moment
Celle que je voulois connoître ;
Mais le commun empressement ,
De gens qui par reconnoissance ,
Far interêt ou par naissance ,
Se succedoient incessamment
En réverence ou compliment,
Me frustroit de mon esperance ,
Lorsqu'un Amour officieux ,
Au loin échapé de ses yeux ,
Me fit voir la jeune Héroïne ,
Dans qui l'esprit , l'air gracieux ,
Les vertus , mieux que l'origine
Retraçoient ses nobles Ayeux ; ·
Pour un Epoux plein de tendresse ,
L'hymen en ce jour d'allegresse ,
Recevoit sa main et sa foy ,"
Et sous cette commune Loy
Ils s'assuroient de leur
promesse ;
A ses traits vainqueurs et guerriers ,
A son front couvert de Lauriers ,
Je compris que dans les allarmes
Amour enfin avoit surpris
Au redoutable Dieu des Armes -
D Us
904 MERCURE DE FRANCE
Un de ses plus chers Favoris ;
Non , me dit- il , c'est un partage ,
Qu Mars aura tout l'avantage ,
Je rendrai plus que je n'ai pris
Il n'accorde à mes voeux timides
Un coeur si superbe et si grand ,
Que pour conserver dans son sang
La posterité des Alcides.
>
Ainsi mille objets ravissans
Offroient à mes regards avides
Des plaisirs toujours renaissans ;
Mais pour consommer son Ouvrage ,
Amour dans un brillant nuage ,
Envelopa les deux Epoux ;
Les Conviés se retirerent ,
Et les Plaisirs seuls s'envolerent
A cet aimable rendez - vous ;
J'observois encor leur carriere ,
Quand du jour l'ingrate lumiere
Vint troubler ma félicité ,
Et changer en réalité
L'illusion d'un doux mensonge ;
O Dieux ! fut-il jamais un songe
Plus conforme à la verité.
ENVOT.
Daignez , illustre * * *
En ce jour de réjouissance ,
Agréer
MAY.
905 1737.
Agréer ces Vers en présent ,
Ils méritent quelque indulgence ,
Car je n'eus en les composant
D'autre Apollon que la reconnoissance.
ACCARO N.
LETTRE de M. D. à M. l'Abbé Ph...
au sujet du Tasse .
J'A
Ai lû , Monsieur , comme nous en
étions convenus ensemble , la Jerusalem
délivrée , et je vous avoie que
j'y ai remarqué des beautés que la foiblesse
de l'âge , ou le préjugé François
m'avoient empêché d'admirer. Le Tasse,
malgré la Critique du Rossi et des Académiciens
della Crusca , sera tou ours regardé
comme le premier des Poëtes Ita-
Liens , l'Arioste , il est vrai , lui dispute
le Sceptre Poëtique , son Orlando furioso
est rempli de ces images vivantes , et de
ces Portaits brillans que nous ne voyons
point dans l'autre ; mais celui ci est plus.
sage et moins emporté , ses Peintures ne
sont pas si hardies , mais dans leur genre
ce sont autant de miniatures finies
et dont la délicatesse saisir davantage
Dij les
906 MERCURE DE FRANCE
les yeux le clair obscur et l'harmonie
des couleurs y sont mêlés avec plus
d'art , les nuances moins grossieres ; les
idées de l'Arioste sont bizarres , sublimes ,
gigantesques ; celle du Tasse sont à la
portée de tout le monde , l'un n'a pour
regle que son imagination , l'autre sçait
temperer cette imagination à propos , et
joint à la nature les perfections de l'art;
outre ces avantages , le Tasse a le vers
plus correct et moins enflé que celui de
l'Arioste.
M. Despreaux , cet Homme de notre
Siécle le moins ignorant Critique , a
quelquefois porté ses censures un peu
trop loin , beaucoup de petits esprits onc
adopté ses décisions comme sans apel.
•
C'est ainsi qu'on voit des Frêlons
Imiter souvent les Abeilles ,
Ils bourdonnent à nos oreilles ,
Vôlent de même, et rendent mêmes sons ;
Mais examine - t- on l'ouvrage ,
Le Frêlon est tout different ;
L'Abeille seule a l'avantage
Que lui dispute un Rival ignorant.
M. Mirabeaud dans sa Préface a vengé
le Poëte Italien de ces préjugés ridicules
Le caractere de Renaud est incomparable
'
MAY.
907 1737.
rable , je le préfererois à celui d'Achillle.
J'y vois un Heros que l'amour
Aveugle sur sa propre gloire ,
Et qui des deux esclave tour à tour ,
A tous les deux dispute la victoire ,
Tantôt l'amour prend le dessus ,
Le Héros céde , et de la fiere Armide
La beauté dans son coeur décide ,
Et l'emporte sur ses vertus ;
Tantôt rougissant de sa honte ,
Il goûte à regret les plaisirs ;
Le devoir , l'honneur le surmonte ,
Et la raison condamne ses desirs ;
Ainsi peu maître de lui - même ,
Il est jaloux, il n'aime pas , il aime ,
Qui des deux mérite un retour
Ou de la gloire , ou de l'amour ?
Celui de Tancrede est plus moderé ;
c'est un Prince courageux , dont l'âge a
reprimé la fougue ; plus prudent que
Renaud , il connoît davantage le danger
, et par là sa bravoure est moins active
; il a toutes les vertus d'Ulysse ,
sans en avoir les défauts.
1
En vain l'amour pour le surprendre
De l'aimable Herminie augmente les apas ,
Un coeur sçait toujours se défendre
D iij Quand
908 MERCURE DE FRANCE
Quand la raison ne l'abandonne pas.
Clorinde a sçu toucher son ame ;
Mais ce n'est point une brûlante flamme ,
Telle que le plaifir allume dans nos coeurs ,
Qui s'éteint à l'instant qu'elle commence
naître ,
Et qui souvent craint de paroître ,
Pour nous cacher ses honteuses ardeurs
C'est un feu qui naît de l'estime
Que nourrit l'innocence et la fidelité ;
Ennemi de la volupté ,
La raison le soûtient , la constance l'anime ,
Et l'indolente oisiveté
Ne peut éteindre un feu si légitime.
Tancrede n'est point combattu
Par les transports d'une lâche tendresse ;
Ah ! si l'amour étoit une foiblesse ,
Quels coeurs auroient de la vertu ?
Godefroy fait le même Personnage que
Nestor dans l'Iliade , il ne se distingue des
autres Chefs que par une sagesse con
sommée.
C'est un Héros que la prudence guide ,
Dont la vieillesse est l'unique défaut ;
Peut être eût- il , comme Renaud ,
Suivi les pas de la trompeuse Armide.
Mais
M Ả Ý . 1737. 909
Mais quand l'âge avec la raison
Vient reprimer ces fougues indomptables
C'est recueillir en arriere saison,
Que vouloir enflammer des coeurs si respectables
L'Episode de Sophronie et d'Olinde
est bien touchée , quoiqu'on la trouve
déplacée et étrangere au sujet; quelquesuns
veulent que ce soit une copie défigurée
de Nisus er d'Euryale ; Argant ,
Aladin , Soliman y sont dépeints avec
les couleurs les plus vives , et les plus
naturelles, leur caractere ne se dément
point dans la suite du Poëme ; le Tasse
a mis à profit cette maxime d'Horace ,
le seul Auteur de l'antiquité que les Mo
dernes daignent encore respecter. .' ..
Sit Media ferox invictaque , flebilis Ino ,
Perfidus Ixion , Io vaga , tristis Orestes ;
Si quid inexpertum scene committis , et audes
Personamformare novam , servetur ad imum
Qualis abincapto processerit , et sibi constet.
Le Sarrazin ne connoissoit qu'une và➡
leur brutale et déterminée, semblable à ces
bêres qui ne suivent qu'un instinct grossier
; il seroit à souhaiter pour nos François
qu'ils pûssent dépeindre le caracte-
Diiij
re
910 MERCURE DE FRANCE
re des autres Peuples , aussi - bien que le
Poëte Italien ; le seul Auteur de Gil - Blas
a sçi , avec gloire , éviter ce défaut , il
a peint les Espagnols tels qu'ils sont , et
non pas sur des idées vagues ou universelles
; si nos Tragiques eussent suivi cete
regle , nous n'aurions point tant de
mauvaises Pieces , qui ne sont tout au
plus que de froids Dialogues montés sur
le même ton ; Pharamond ne parleroit
qu'en vrai Conquerant , &c. Mais ce
n'est point ici le lieu d'exercer la Critique.
Ismeno , dans la Jerusalem délivrée
fait le personnage deCalchas dans l'Iliade,
l'un est un Devin qui ne sert qu'à entretenir
la superstition de l'Armée Grecque ,
aussi Agamenon lui dit fort bien , E'onor
δ᾽ οὐδέτι πω εἶπας ἔπος , ουδ᾽ ἐτέλεββας.
Bonum nullum adbuc verbum dixisti , nes
fecisti.
L'autre est un Magicien qui effraye
les Sarrazins par les secrets de son art .
Le sublime Auteur de la Henriade
dans son Essai sur le Poëme Epique ( Ouvrage
merveilleux ) a rendu justice au
Tasse ; la conformité de talens ne lui a
point inspiré cette jalousie qu'il apelle
ui-même dans sa Préface d'Alzire , Maadie
incurable.
L'Episode
MAY. 1737. 911
L'Episode de Tancrede et de Clorinde
est préférable , selon beaucoup de
Gens d'esprit , à celle de Didon dans
Virgile : je vois déja plusieurs Pédans qui
m'anathematisent , et me menacent des
foudres scholastiques ;
Mais leurs cris impuissans se perdent dans les
airs.
En effet , qu'est- ce que Didon ? une
femme furieuse dans sa passion , qui veut
à toute force aimer Enée , et en être aimée
; comblée de refus outrageans elle se
tuë. ( Dénoüement rate parmi les femmes
de notre siècle . )
Ce fut sa faute en un mot :
A quoi songeoit cette Belle ,
De prendre un Amant dévot ? *
Il est vrai que ces petits défauts de
caractere sont rachetés par une infinité
de morceaux frapans , et qui trouvent
facilement le chemin du coeur ; mais se
peut- il une situation plus touchante que
celle de nos deux Amans dans le Tasse ?
Tancrede est le propre assasin de sa Maîtresse
, sans le sçavoir ; il reconnoît son
erreur, quand son aveuglement lui étoit
le plus nécessaire , et les derniers soupirs
de son Amante sont consacrés à un
* Rousseau.
D v amour
912 MERCURE DE FRANCE .
amour vertueux. Je m'en raporte aux
Dames dont le goût est plus délicat , et
le coeur plus susceptible de ces impres
sions de tendresse .
Temperes à lacrymis.
• Quis taliafando
La Forêt enchantée , l'Isle où se renferme
Armide avec Renaud , sont des coups
de pinceaux hardis que le Tasse a mêlésdans
l'ombredu tableau ;iln'apartient qu'à
des Hommes choisis d'enfanter de pareilles
productions , et qui leur sont même
particulieres. L'Albane differe du Titien ,.
Michel - Ange se distingue par ses attitudes
, le fameux Tableau du Jugement
dernier , que les Curieux regardent comme
un chef- d'oeuvre , est une preuve de
ce goût sublime qui n'est affecté qu'aux
génies véritablement grands ; les Crucifix
du Guide se font admirer de tous les
Connoisseurs .
Le Tombeau que le Tasse fait élever
à Didon , aproche beaucoup de celui de-
Patrocle ; s'il nous represente un combat
, c'est avec des expressions mâles er
hardies ; le desespoir où se trouvent les
Sarrazins , après la perte de leurs Chefs ,
est d'un coloris admirable : la conclusion
de ce Poëme est bien ménagée , il n'y a
Dien:
MAY 1737.
913
rien de trop ni de trop peu ; ce qu'on
pouroit blâmer avec justice , me semble
ce combat singulier qui se donne entre
Godefroy et Argant : notre Heros a le
même bonheur qu'Enée , un Ange lui
remet entre les mains des Armes d'une
trempe fine , et à l'épreuve des coups ;
Argant est un autre Turnus aussi malheureux
que le premier ; le Tasse cependant
plus éclairé sur cet article que Virgile
, a trouvé moyen de rendre le Sarrazin
odieux à son Lecteur , le Rutulois
au contraire nous interesse ; il dispute à'
un Etranger la Princesse que Latinus lul
avoit promise , Enée n'agit pas en galant
Homme de vouloir enlever sa fiancée, et
sur quel droit prétend-il l'emporter contre
Turnus ? a t il quelques prérogatives
qui l'autorisent dans ce rapt ?
Virgile a imité Homere dans la plûpart
de ses fautes ; le Tasse , à son tour ,
s'est arrogé celles de Virgile ; un certaint
préjugé que nous avons , dès notre enfance
, pour les Anciens, nous empêche
de voir leurs défauts : je ne critiquerai
point le Tasse , il me suffit de l'admirer.
Que dirai-je de ses Héroïnes ?
Clorinde est fière , Herminie est sensible ,
Armide est d'autant plus terrible
Dvj
Qu'elle
914 MERCURE DEFRANCE
Qu'elle sçait l'art de captiver les cours ;
Ses dédains affectés , sa beauté naturelle ,
Tout jusqu'à son silence est un charme pour elle
Mais que j'aime à la voir les yeux baignés de
pleurs ,
Se jetter aux genoux d'un Amant infidele ,
Lui demander la mort , soupirer , l'attendrir ,
Ebranler sa fierté , le vaincre et le féchir !
Mais non , l'ingrat bientôt reprend sa perfidie,
Armide en vain croit avoir triomphé,
Il détourne les yeux , il part , court dans l'Asie
Ensevelir un feu mal étouffé .
Dans cet instant cruel et redoutable ,
Cher Ami , j'ignore , à mon tour
Qui doit être le plus coupable
Ou de l'Amant , ou de l'Amour.
L'Amour , malgré l'Amant , fait sentir sa puissance
;
L'Amant , malgré l'Amour , resiste à la constance
:
Mon coeur veut condamner l'Amant ,
La prudente raison décide le contraire ,
Si j'écoute le coeur , Renaud est trop severe ,
Si j'en crois la raison , Renaud est innocent.
Voilà , Monsieur , ce que je pense en
peu de mots de ce grand Poëte ; il faudroit
MAY. 1737. 915
droit entendre l'Italien parfaitement pour
en concevoir toutes les beautés ; à moins
que de se transporter dans le Pays , on
ignore toûjours cette finesse de la langue
annexée à ses seuls Citoyens . J'espere
que l'occasion poura me procurer
ce plaisir litteraire : en attendant cette
petite satisfaction , je m'en raporte à votre
jugement , persuadé que vous étes
plus capable qu'aucun autre d'en décider.
J'ai l'honneur d'être , &c.
ΕΝΓ Ο Υ.
Toi , qui de l'austere sagesse
Sçais dérider le front chagrin ,
Et des Sophistes de la Greee
Erouffer le fatal venin :
Toi , qui d'Horace et de Catulle .
Goûtant les divines leçons ,
Aux fleurs du délicat Tibulle
Joins celles des Anacréons .
Docte Abbé , que sur le Parnasse
On vit plus d'une fois guider mes pas tremblans,
Souffre que , pour chanter le Tasse ,
J'emprunte tes nobles accens.
En vain la Critique severe
Cse lui refuser un légitime enceas ,
La
916 MERCURE DE FRANCE
La gloire est le seul prix des Rois et des Sçavans
,
C'est la Dévise de Voltaire .
Cher Ami , tels sont nos défauts ,
Ces Hommes sont pour nous des Hommes ordinaires
,
Mais, après leurs trépas, cessant d'être vulgaires, -
Ils cessent d'être nos égaux.
****************
LETTRE de M. Le Beuf, Chanoine
d'Auxerre , à M. Clerot , Avocat_an
Parlement de Rožen.
I
L me paroît , Monsieur , par les lettres
que vous avez écrites depuis un an à
M. D. L. R. que vous vous êtes apliqué à
l'Histoire de Rouen et des environs, et que
vous en sçavez parfaitement les Antiquités.
Le trait que vous venez de nous
donner de St Romain , votre Evêque ( a)
m'a fait songer à vous communiquer
une découverte que j'ai faite par hazard
ces jours derniers. Je cherchois dans un
Pays fort éloigné d'ici , et même hors du
Royaume , ( b ) un monument que je
(a ) Mercure de Décembre 1736..
(b) A P'.bbaye de Saint-Gal en Suisse?
croyois
MAY. $737. 917
croyois pouvoir donner dans mon Histoire
d'Auxerre , sur le jugement qu'en avoit
porté l'Auteur de l'Histoire literaire
de la France , Tome 2. p. 261. J'ai été frustré
de mon esperance ; il s'est trouvé que
ce Manuscrit dont on a donné communication
fort volontiers , est un monument
qui ne peut convenir qu'à l'Histoire de
Rouen , ou à l'Histoire Litteraire des
Gaules , ou bien dans un Recuëil tel
que la Bibliotheque des Pères et autres
Auteurs Ecclesiastiques. Je vous aptendrai
ce que c'est avec bien du plaisir.
C'est un Ouvrage de S. Victrice , votre
Evêque. S. Victrice de Rouen , parmi
les Auteurs Ecclesiastiques , est une espece
de Phénomene Litteraire. On sçavoit
seulement qu'il avoit écrit quelques
Lettres à S. Paulin de Nole , mais ces
Lettres étoient perduës . L'Ouvrage done
je veux vous parler est beaucoup plus
qu'une Lettre: c'est un Traité qu'il composa
à la louange des Saints dont il re
gur des Reliques , qui lui furent envoyées
d'Italie , et dont plusieurs étoient
venuës de plus loin . Il porte la parole à ces
Saints presque d'un bout à l'autre.
Il nous aprend dans cet Ouvrage qu'il
étoit dans la Grande-Bretagne , dont les
Evêques l'avoient apellé , pour les aider
dans
918 MERCURE DE FRANCE
dans leur Ministere , ( a ) lorsque le Por
teur de ces Reliques , nommé Elien ,
étoit en chemin pour Roüen ; que ce
Porteur ne l'ayant point trouvé dans sa
Ville Episcopale , prit la route de la
Grande Bretagne , dans laquelle il le
rencontra à quarante mille seulement du
lieu d'où il venoit , ou du Port où il
avoit débarqué . Ensorte , dit - il , que les
Reliques vinrent deux fois dans la Ville
de Rouen. Les apostrophes en forme d'actions
de graces , qu'il fait à saint Ambroise
, alors vivant, à un Evêque nommé
Théodule , à un autre nommé Eustathius
, eett àà d'autres , indiquent de
quelles Eglises d'Italie lui venoient ces
précieux restes . Vous trouverez les noms
de ces Evêques à la fin de la Lettre du
Concile de Milan de l'an 390. contre
Jovinien et ses Adhérans. T. 2. Concil.
Labb. Col. 1027. Ces Reliques étoient
de S. Jean- Baptiste , S. Jean l'Evange
liste , S. André , S. Thomas , S. Luc ;
S. Gervais , S. Protais , et S. Nazaire , de
( a ) Usserius , ni Harpsfeldius , ni Alfordus ,
Historiens modernes de l'Eglise d'Angleterre, n'ont
point connu ce fait. Gildas , et depuis lui Bede
marquent que l'Arianisme trouva des fauteurs
dans la Grande Bretagne , et Usserius croit que
cefut vers l'an 3·80,
Milan :
MAY . 1737. 919
Milar : (a) S. Agricole et S. Procule de
Boulogne; Ste Euphemie , de Calcedoine;
S. Antonin , de Plaisance ; Ss . Saturnin
et Trajan , de Macedoine ; Ss . Mutius
Alexandre , Datysus ou Dathus , Cyndée
ou Chyndée , Ste Kogate, Ste Léonide
, Ste Anastasie , et Ste Anatocle. ( b )
Il paroît par ses expressions que ce n'étoient
point des Ossemens de ces Saints ,
au moins quart à la plûpart , mais seulement
du Sang , ou de la terre détrempée
de leur Sang. Aussi S. Victrice s'étend-
il beaucoup à prouver que ce peu
équivaloit en vertu au Corps entier ,
puisqu'on ne peut pas partager le mérite
des Saints , que le Sang est le complement
et la perfection de tous les membres
, et que ces Reliques , toutes mo
diques qu'elles paroissent , sont enammées
d'une ardeur divine , qui les rendent
aussi puissantes en petite portion
que dans une plus grande . Quoiqu'il
qualifie cet amas de Reliques du nom
( a ) S. Paulin fit mettre sous l'Autel de l'Eglise
de S. Felix de Nole des Reliques des principaux
de tous ces Saints , ainsi qu'il paroit par son
Poëme 24. Vers 406. et suivans.
( b ) S. Victrice raporte , sur la fin de son Ouvrage
, quelques actions de ces Saintes , peu con
ques d'ailleurs.
de
920 MERCURE DE FRANCE
de Troupe de Saints , par raport au nombre
dont il y en avoir , le Vase qui les
contenoit n'étoit cependant tout au plus
qu'une espece de Reliquaire portatif que
les Anciens apelloient Philactere , et qu'ils
attachoient au col . Mais l'Ecrit de S Victrice
prouve que dès lors on faisoit des
réjouissances pour ces sortes de recepzions
. Il fait à cette occasion une description
du Peuple de sa Ville , dans la
quelle il s'étend beaucoup sur l'état des
Vierges et des Veuves , afin de donner
par là des preuves de son unité de sentimens
avec les Eglises d'Italie , qui avoient
condamné nouvellement Jovinien ennemi
de l'état de Virginité.
Il y fait aussi une longue profession de
foy sur le Mystere de la Trinité , prin
cipalement sur la Divinité de J. C. qui
étoit aparemment combattue alors dans
les Gaules par quelques Ariens , depuis
la liberté que l'Empereur Gratien avoit
donnée en 378.
La 370. Lettre de Saint Paulin de Nole
, qui est adressée à ce même Saint
Victrice , paroît y'avoir raport. Ce que
j'ai encore bien remarqué , c'est qu'il sem
ble que Saint Paulin cût reçû de Victrice
un exemplaire de cet Ouvrage , par
la maniere dont il lui parle dans sa premiere
M A Y. 921 1737.
miere Lettre qui est la 18c.) sur la nouvelle
face qu'avoit reprise la Ville de
Rouen sous son Gouvernement (num.s )
il le félicite sur ce qu'une Ville si éloignée
, étoit enrichie de tant de Mémoires
de Saints Apôtres , qui sembloient demeurer
avec lui pour cooperer à ses travaux
, et être honorés par son Clergé et
son Peuple. Par le moyen de l'Ouvrage
de Saint Victrice , cet endroit de Saint
Paulin qui étoit assés obscur en lui - même
, reçoit une certaine clarté qui fait
honneur à la Ville de Rouen . L'état des
Vierges et des Veuves y est dépeint avec
les mêmes couleurs que dans l'Ecrit de
Saint Victrice.
C'est à vous , Monsieur , à m'apren
dre maintenant s'il y eut dès le quatrié
me siecle à Rouen , une Eglise dédiée
sous l'Invocation de quelques Saints de
Milan ; car Saint Victrice dir que les fondemens
des Bâtimens étoient déja jettés,
qu'il falloit maintenant ériger les Aurels .
Je ne sçaurois entendre à la lettre le
passage d'Orderic, qui dit que Saint Mellon
, votre premier Evêque avoit été inhumé
in Crypta Basilica S. Gervasii. Il
veut dire aparemment dans une Crypte
sur laquelle fut bâtie depuis l'Eglise de
Saint Gervais. Son témoignage prouve
assés
922 MERCURE DE FRANCE
assés que l'Eglise de Saint Gervais , qui
est aux Fauxbourg Occidental de votre
Ville , passoit de son temps pour être
très anciene. Le titre d'Abbaye qu'elle
avoit au XIe. siecle , la belle Crypte
qu'on y voit,sont autant d'indices de son
antiquité. Je croirois volontiers que ç'auroit
été là que Saint Victrice déposa les
Reliques qu'on lui aporta de Milan , et
que ce fut la premiere Eglise Cimeteriale
du Clergé de Rouen. Vous pouvez reformer
mes conjectures , si elles font
fausses. Je ne suis jamais descendu dans la
Crypte de Saint Gervais , pour juger du
temps
de son édifice.
Ce furent sans doute , les fruits que
Saint Victrice fit dans le temps qu'il
passa sur les côtes , qu'on apelle aujourd'hui
le Pontieu et le Boulenois , qui engagerent
les Evêques de la Grande Bretagne
à l'apeller dans leur Isle . Si la remarque
de Scaliger sur le mot de Nervici
litioris , au lieu duquel il voudroit qu'on
lût Ebruicani littoris , étoit mieux apuyée,
il sembleroit que ce seroit aux environs
d'York que Saint Victrice auroit été
évangeliser.
Si le Public souhaite que l'opuscule de
votre S.Evêque paroisse en entier , il fera
facile de le donner avec quelques notes .
11
MAY.
1737 923
Test tiré d'un Manuscrit de mille ans ,suc
lequel un Auteur de sept ou huit cent
ans a voulu faire des remarques qui sont
souvent fausses . J'oublicis de vous dire
que S. Victrice se nomme lui - même dans
ce petit Ouvrage. On y verra avec satisfaction
une nouvelle preuve de l'antiquité
des pratiques de l'Eglise Catholique
, exprimées dans le langage du quatriéme
siecle. Je ne sçai si ce Traité ne
seroit point celui de Laude generali omnium
Maryrum , que Gennade a attribué
à Saint Paulin , et lequel ne se retrouve
plus. Le Copiste du Manuscrit de mille
ans avoit cru que cet Ouvrage de Victrice
, étoit de Saint Ambroise , et lui
avoit donné mal à propos ce titre , Incipit
Liber ejusdem ( Ambrosii ) de Laude
Sanctorum .
Les Historiens de votre premier Evêque
Saint Mellon , le font Breton de naissance
, et quelques Auteurs comme Possevin
lui attribuent des Homelies . J'aprehende
qu'il n'y ait un peu de confusion
, au moins quant au dernier chef ,
et que les prétendues Homelies de Saint
Mellon ou Mellaine de la Grande Bretagne
, ne soient le Traité de Saint Victrice
, qui est assés en style de discours
public. On a cru jusqu'ici que Saint Vietrice
924 MERCURE DE FRANCE
trice étoit né ou dans l'Artois ou dans
Le Pays Boulenois ; mais l'endroit de la
18e. Epitre de Saint Paulin , sur lequel
uniquement cela est fondé , peut prouver
également , et même encore mieux , que
c'étoit dans la Grande Bretagne qu'il
avoit pris naissance . Te in lucem populi
sui de extimo , ou extremo orbis eduxit Dominus.
En ce cas Saint Victrice dut naturellement
être porté à ſecourir sa Patrie.
Je vous suis très- obligé,M.du petit mot
que vous avez marqué dans votre Dissertation
par raport à mon sentiment sur
la signification du mot Dunum. Je trouve
encore de temps en temps ( sans les
chercher ) des exemples de Lieux situés
sur des Montagnes ou à mi - côte , ou au
bas de quelque Montagne considérable
dont le nom latin se termine par ce célebre
mot , dont la signification m'avoit
été contestée par le R. P. du Plessis . Une
personne qui a vu le Village de Senuc
au Diocèse de Rheims , où fut martyrifé
Saint Oricle , par les Vandales du
cinquième siecle , m'a assuré que ce Village
nommé en latin Sindunum , est à
mi-côte sur une Montagne. C'est un Lieu
fameux dans l'Histoire de l'Abbaye de
Saint Kemi de Rheims. Staonne qui est
au même Diocese dans le Pays Rethelois,
se
MAY. 1737.
925
"
:
se dit en latin Stadonum ou Stadunum .
Le P. Mabillon nous fait en deux mots
dans sa Diplomatique la Discription de
sa situation , in edito colle , dit -il , duabus
à Mosomago leugis LeVillage de Bran
don au Diocèse de Mâcon est fort connu
par les Titres de l'Abbaye de Cluny , dont
il est peu éloigné . Ces Titres latins du
Monastere qui sont du onzième et douziéme
siecle , l'apellent Brancidunum et
Brancedunum la Montagne auprès de
laquelle il est situé , est si considérable
qu'elle est même figurée dans quelques
Cartes. Dun au Diocèse de Rheims
est dans le même cas. Le Prieuré
nommé Artun ou Artas , est situé sur
une hauteur à quelques lieuës de Lyon ;
Aussi les Titres de Cluny que l'on peut
voir cités dans le P. Mabillon ,T. 4. Annal.
pag. 104. l'apellent ils Artedunum.
A Saverdun au Comté de Foix , il y a la
haute et la basse Ville , ce qui supose une
Montagne. L'Histoire des Evêques du
Mans , recueillie au neuviéme siecle ou
environ , fiit souvent mention d'un Lieu
qu'elle apelle Baladon ou Baladun . Or je
sçais par une personne qui a passé dans ce
Bourg du Pays du Maine , qu'il est situé
sur une Montagne ronde , seule et isolée
comme la Ville de Laon. Le Château est
ац
926 MERCURE DE FRANCE
au sommet, et l'on voit de là tous les Pays
voisins en rond . On l'apelle aujourd'hui
Bâlon . Une Montagne que D. Duplessis
peut voir de sa fenêtre , est celle de Meudon.
Le Village est à la verité dans le
bas de cette Montagne comme à Brandon
, et en d'autres Endroits; mais cela ne
change point le fond de la chose : les Châteaux
Seigneuriaux par où ces Villages
ont commencé étoient en haut. Or je
suis persuadé que le vrai nom Latin de
cette Montagne est Modunum ou Moldy--
"num. J'en tire la preuve du Pouiller de
l'Evêché de Paris , écrit au commencement
du treiziéme siecle , dont voici le
contenu au feuillet 4. Ecclesiæ pertinentes
ad donationem Episcopi in Decanatu Castri-
Fortis. Ecclesia de Issiaco , Ecclesia de
Modun , Ecclesia de Seva , Ecclesia de
Columbis , Ecclesia de Rodolio . Quoique
nous prononcions aujourd'hui Meudon ,
il n'en est pas moins veritable , qu'au
treiziéme siecle et auparavant on prononçoit
Modun. Je n'omettrai point de vous
parler du célebre Monastere de Redon
en Bretagne Les Montagnes auprès desquelles
il est, valent bien celle de Meudon .
Un ancien Auteur dont l'Ouvrage se lit
au second Tome du quatriéme siecle Benedictin
, pag. 189. Pa dit situé juxia
sinung
MAY.
927 1737.
sinum duorum fluminum , montibus proce
ritate fua polo vicinus : et fondé in vertice
Bellimontis : Et à la page 210. il dit
At ubi de cacumine montis descenderunt qui
Monasterio imminet. Cette Description
représente ce Lieu ,comme si on le voyoit.
Les Rochers très- élevés que l'Historien
de la Vie de Saint Martin , dit être audessus
de Marmoutiers , proche Tours,
suffisent par la même raison , pour avoir
fait donner à cette Ville le nom de Ca
sarodunum.
Si l'argument que D. Duplessis a tiré
de votre Ruisseau du Pays de Caux eût
valu quelque chose , et qu'on eût peu dire
qu'une preuve que Dun ne signifioit
pas Montagne chés les Celtes , c'est que
ce nom se trouve donné à une eau coulante
, on eut pû dire également qu'il
ne signifie ni Vallée ni Montagne , puisqu'on
trouve des noms d'hommes qui
finissoient également par Dunus. J'en
a perçois dans les mêmes Pays , où Dun
étoit employé pour signifier une Montagne.
A Arles ou à Aix il y eut un Evêque
apellé Chadunau septiéme siecle.
En Espagne un Capitaine de Tortose
au neuviéme siecle , se nommoit Abaidun
, ( Duchêne Tom. 2. pag. 292. ) Au
Hist. de l'Abbaye Saint Denis , page 28.
E dixième
924 MERCURE DE FRANCE
trice étoit né ou dans l'Artois ou dans
Le Pays Boulenois ; mais l'endroit de la
18e. Epitre de Saint Paulin , sur lequel
uniquement cela est fondé , peut prouver
également , et même encore mieux , que
c'étoit dans la Grande Bretagne qu'il
avoit pris naissance. Te in lucem populi
sui de extimo , ou extremo orbis eduxit Dominus
. En ce cas Saint Victrice dut naturellement
être porté à ſecourir sa Patrie.
Je vous suis très- obligé, M.du petit mot
que vous avez marqué dans votre Dissertation
par raport à mon sentiment sur
la signification du mot Dunum. Je trou
ve encore de temps en temps ( sans les
chercher ) des exemples de Lieux situés
sur des Montagnes ou à mi- côte , ou au
bas de quelque Montagne considérable
dont le nom latin se termine par ce célebre
mot , dont la signification m'avoit
été contestée par le R. P. du Plessis . Une
personne qui a vu le Village de Senuc
au Diocèse de Rheims , où fut martyrifé
Saint Oricle , par les Vandales du
cinquième siecle , m'a assuré que ce Village
nommé en latin Sindunum , est à
mi-côte sur une Montagne. C'est un Lieu
fameux dans l'Histoire de l'Abbaye de
Saint Kemi de Rheims. Staonne qui est
au même Diocèse dans le Pays Rethelois,
se
MAY. 1737.
925
་
se dit en latin Stadonum ou Stadunum.
Le P. Mabillon nous fait en deux mots
dans sa Diplomatique la Discription de
sa situation , in edito colle , dit - il , duabus
à Masomago lengis LeVillage de Brandon
au Diocèse de Mâcon est fort connu
par les Titres de l'Abbaye de Cluny , dont
il est peu éloigné . Ces Titres latins du
Monastere qui sont du onzième et douziéme
siecle , l'apellent Brancidunum et
Brancedunum la Montagne auprès de
laquelle il est situé , est si considérable
qu'elle est même figurée dans quelques
Cartes. Dun au Diocèse de Rheims
est dans le même cas, Le Prieuré
nommé Artun ou Artas , est situé sur
une hauteur à quelques lieuës de Lyon ;
Aussi les Titres de Cluny que l'on peut
voir cités dans le P. Mabillon ,T. 4. Annal.
pag. 104. l'apellent ils Artedunum.
A Saverdun au Comté de Foix , il y a la
haute et la basse Ville , ce qui supose une
Montagne. L'Histoire des Evêques du
Mans , recueillie au neuviéme siecle ou
environ , fiit souvent mention d'un Lieu
qu'elle apelle Baladon ou Baladun . Or je
sçais par une personne qui a passé dans ce
Bourg du Pays du Maine , qu'il est situé
sur une Montagne ronde , seule et isolée
comme la Ville de Laon . Le Château est
au
926 MERCURE DE FRANCE
au sommet,et l'on voit de là tous les Pays
voisins en rond. On l'apelle aujourd'hui
Bâlon . Une Montagne que D. Duplessis
peut voir de sa fenêtre , est celle de Meudon.
Le Village est à la verité dans le
bas de cette Montagne comme à Brandon
, et en d'autres Endroits ; mais cela ne
change point le fond de la chose : les Châteaux
Seigneuriaux par où ces Villages
ont commencé étoient en haut . Or je
suis persuadé que le vrai nom Latin de
cette Montagne est Modunum ou Moldy--
"num. J'en tire la preuve du Pouiller de
l'Evêché de Paris , écrit au commencement
du treiziéme siecle , dont voici le
contenu au feuillet 4. Ecclesiæ pertinentes
ad donationem Episcopi in Decanatu Castri-
Fortis . Ecclesia de Issiaco , Ecclesia de
Modun , Ecclesia de Seva , Ecclesia de
Columbis , Ecclesia de Rodolio. Quoique
nous prononcions aujourd'hui Meudon ,
il n'en est pas moins veritable , qu'au
treiziéme siecle et auparavant on prononçoit
Modun. Je n'omettrai point de vous
parler du célebre Monastere de Redon
en Bretagne : Les Montagnes auprès desquelles
il est, valent bien celle de Meudon .
Un ancien Auteur dont l'Ouvrage se lit
au second Tome du quatriéme siecle Be
nedictin , pag. 189. l'a dit situé juxia
"
sinung
MAY. 1737. 927
sinum duorum fluminum , montibus proce
ritatefua polo vicinus : et fondé in vertice
Bellimontis : Et à la page 210. il dit ,
At ubi de cacumine montis descenderunt qui
Monasterio imminet. Cette Description
représente ce Lieu , comme si on le voyoit.
Les Rochers très - élevés que l'Historien
de la Vie de Saint Martin , dit être audessus
de Marmoutiers , proche Tours ,
suffisent par la même raison , pour avoir
fait donner à cette Ville le nom de Ca
sarodunum.
3
Si l'argument que D. Duplessis a tiré
de votre Ruisseau du Pays de Caux eût
valu quelque chose , et qu'on eût peu dire
qu'une preuve que Dun ne signifioit
pas Montagne chés les Celtes , c'est que
ce nom se trouve donné à une eau coulante
, on eut pû dire également qu'il
ne signifie ni Vallée ni Montagne , puisqu'on
trouve des noms d'hommes qui
finissoient également par Dunus. J'en
aperçois dans les mêmes Pays , où Dun
étoit employé pour signifier une Montagne.
A Arles ou à Aix il y eut un Evêque
apellé Chadunau septième siecle .
En Espagne un Capitaine de Tortose
au neuviéme siecle , se nommoit Abaidun
, ( Duchêne Tom . 2. pag. 292, ) Au
* Hist. de l'Abbaye Saint Denis , page 28 .
•
E dixième
928 MERCURE DE FRANCE
dixiéme siecle, un Evêque de Lindisfarne
en Angleterre , portoit le nom d'Aldun
( Tom. 4. Annal. Bened. pag. 96. ) Dirat'on
à cause de ces trois exemples , que
Dun signifie un homme ? Et parce que
voilà trois personnes de l'antiquité qui
l'ont eu dans leur nom , seroit-on bien
venu à dire que ce n'étoit pas un nom
de chose ? On feroit très - mal fondé à
tirer cette conclusior . Bucanan m'a paru
aussi très-formel dans son Histoire
d'Ecosse , en faveur de mon interpretatation.
Au feüillet 5. de l'Edition de
1583. il dit : Secat regionemfluvius unus
qui memoratu sit dignus Carron , juxta
quem aliquot vetusta funt monumenta. Ad
lavam Carrontis duo terreni funt tumuli ha
minum operâ ( ut res indicat ) adificati ;
vulgo Duni pacis appellari . Voilà des éminences
de Terre , qu'en Ecosse on apelle
Duns- Bei , pour dire Montagne de paix.
Il dit plus bas , cujus pacis monumentum
bi colles effent , quod illic terminum fue
ditionis Romani statuissent. Si Bucanan
peut faire foy pour le Celtique qui avoit
pénétréjusques dans l'Ecosse , le Pere Lobineau
peut être écouté pour ce qui est
du Celtique des Gaules . Ce Sçavant Historien
de Bretagne , pag 6. de la Préface
de ces preuves , nous insinue à la verité
qu'en
MAY. 1737. 929
qu'en Breton , Dordon signifie eau profonde
; mais aussi - tôt il ajoûte que che Uche
et Dun marquent aussi en Breton des
hauts lieux , des éminences . Je tiens
(comme vous voyez ) la promesse que
jai faite à M. Maillart de ramasser tous
les témoignages qui se présenteroient
pour
fortifier l'ancien sentiment. Nous
verrons quelles observations Dom Du-
Plessis fera sur tout cela dans l'Histoire
de votre Diocése . Je suis , & c.
A Paris le 10. Février 1737.
ELEGIE.
N quels lieux fuyez- vous , trop aimable
Silvie EN
En vain depuis long-temps la fortune ennemie
Ne fait tomber sur moi que des yeux de cour
roux;
Helas ! elle a bien moins de cruauté que vous !
J'avois cru jusqu'ici que c'étoit sa puissance ,
Qui même,malgré vous, m'ôtoit toute esperancej
J'avois cru qu'à Tircis l'Hymen vous engageant,
Vous aimeriez toujours votre premier Amantg
Je commence à sentir toute mon infortune ,
Et la lumiere enfin me devient importune.
J'aprends , pour mon malheur , en ce funeste
jour ,
E ij Que
930 MERCURE DE FRANCE
Que l'Hymen dans votre ame a fait naître l'a
mour ;
La jeunesse pour moi n'est plus un avantage :
Four vous plaire il faudroit avoir un peu plus
d'âge.
II fait
Vous préférez l'amour du vieux Tircis au mien,
Malgré son air rêveur et son grave maintien ;
Toujours morne et pensif, pour flateuses avances,
vous par amour de longues remontrances;
Elles valent pour vous les plus tendres aveux ;
A ses moindres leçons pour lui croissent vos feux;
Mais ce qui met le comble à mon malheur extrême
,
C'est de voir sur ses pas voler tout ce que j'aime
Que, lorsque disparoît cet Argus si jaloux,
Le plaisir de vous voir m'est enlevé par vous
je me convaincs alors , trop ingrate Silvie
Je me convaincs alors de votre perfidie ;
Lorsqu'un trompeur espoir soulageoit mes sou
pirs ,
Pourquoi donc me ravir ce reste de plaisirs
Mais non, à vos desseins je rends plus de justice,
Si de l'amour en vous j'éprouve le caprice ,
Il sçait l'autoriser par un choix glorieux.
Quelqu'un des trois Bergers qui vinrent en ces
lieux ,
Ou Lislor , ou Lisis , ou l'empressé Crisante
Me ravit l'autre jour le coeur de mon Amante
Le départ de Tircis secondant vos desirs ,
Allez
MAY. 17378 93
Allez au plus heureux donner mille plaisirs.
Des plus nobles talens le brillant avantage
Les distingue tous trois dans notre voisinage ;
Ils sçavent, quand il faut , soupirer avec art ,
Et moi ,pour mon malheur, je vous aime sans fard ;
Lislor , favorisé par la docte Minerve ,
Sent souvent les transports d'une féconde verve ;
Il sçait , en vers pompeux dans le temps des
beaux jours ,
Se plaindre et soupirer pour de feintes amours ;
11 charme également , soit qu'assis près d'un
hêtre ,
Il enfle , à son loisir , une Flûte champêtre ,
Ou soit que se servant des plus tendres pipaux ,
Il mêle ses accens au doux chant des Oiseaux;
Dans ses vers aprouvés par les neuf doctes Fées ,
Il se plaît de Bacchus à chanter les trophées ;
Il parle élegamment de Pomone et Cerès ,
Des timides troupeaux , des monts et des forêts.
Les deux autres ont pû , par leur active adresse ,
Ainsi que votre estime avoir votre tendresse ;
L'honneur d'avoir été couronnés dans nos jeux ,
A pu leur mériter de vivre sous vos noeuds.
Helas ! s'il est ainsi , partez en diligence ;
Allez donc profiter de leur chere presence.
Usez à votre gré de votre liberté.
Privez-moi du bonheur que j'ai tant souhaité ;
Du choix le plus honteux me fissiez - vous l'ou
trage ,
E iij Tircis
932 MERCURE DE FRANCE
Tircis sur mon amour eût- il quelque avantage ,
Et me quittassiez- vous pour le suivre.... Ah
mourir !
Soit enfin
Plûtôt que me resoudre à ne vous pas cherir.
que l'Amour, sous un fateur auspice,
Aux atraits séducteurs de quelque autre Narcisse
,
Qui des vôtres épris, dépoüille sa fierté ,
Et vous céde , attendri , le prix de la beauté ,
Soit , dis-je , qu'à ses voeux il vous rende sensible
,
Et que pour lui j'éprouve un départ si terrible
Ah ! du moins succombant à mon mortel ennui,
Je sçaurai me montrer plus amoureux que lui .
1
On a dû expliquer l'Enigme et les Logogryphes
du Mercure d'Avril par Bouton,
Maison , Poitrine, fier, et Clamor. On
trouve dans le premier Logogry phe Mai,
ais , son, amo , Jonas, main , Minos , Sion ,
Sina , as , Simon , ami , anis ,Jason , onam,
nom , os , ïo , ino , an , mois , Naïm, Mons,
le Mans,Siam , foas, soin , mi , et si . Dans
le second , le Po , Pot , Pont , Port , Porte,
Point , Pointe , Poire , Porc , Prône , Pie ,
Pin , Pinte , Pite , Pion , Peintre , Pieri.
Dans le troisième , If, fer , et Ré , note
de Musique. Et dans le quatrième , Clam,
Amor, Roma , et Lac.
ENIGME.
MAY.
1737. 933
JE
ENIG ME.
E dois ma naissance à la Terre ;
Le Auide Elément préside à ma façon.
Je proclame la Paix , je déclare la Guerre :
L'Aveugle ne sçauroit prendre de moi leçon.
Paisible confident des secrets des Puissances ,
Je regle par tous les Etats .
Je porte à la douceur , je nourris les vengeances.
Je brûle au milieu des Combats.
On ne sçauroit sans moi régler aucune affaire,
Tant je sus par tout nécessaire.
Aux Amans éloignés , je suis d'un grand secours.
Mon corps en mille endroits galope nuits et jours
Susceptible à la fois de bonté , de malice :
Mes Emplois sont bien différens,
Tantôt je sers à l'artifice ,
Tantôt la vertu je défen s .
L'Homme est si peu constant, si leger, si volage:
Qu'après m'avoir ardemment désiré :
Il me met au plus vil usage .
Mon moindre sort est d'être laceré .
J. B. C. C. De F.
E iiij
LOGO934
MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE.
J
E suis plein de réjouissance ;
J'assemble Peuple et grands Seigneurs
A Marscille , à Lyon , en d'autres Lieux de France ;
Mais à Paris surtout sont mes Adorateurs.
Mon nom est dérivé de la Langue Latine ;
L'Italie est mon origine ,
Prends-le de suite , il fournit quatre mots
Toûjours dans le même langage ,
Une exclamation , un secours dans les maux
Ce qu'un Meunier garde dans son ménage ,
Ce dont tout le monde a l'usage..
Mon Anagrame est du tout le plus fin ;
Terme respectueux , sans aller au Devin.
J
AUTR E.
E suis legere , et je fais l'ornement
D'un lieu sans moi dépouillé d'agrément
Cher Lecteur , en veux- tu connoître d'avantage?
Tu te feras en un moment ,
De mon Anatomie un divertissement.
Commençons : De mon nom sept pieds font
l'assemblage ;
Les trois premiers t'offrent un Elément ;
A mes quatre derniers , joins encore ma tête ,
Je
MAY.
935 1737.
Je plais , j'inspire de l'Amour ;
Sans moi le plus galant séjour
N'offiiroit qu'une triste Fête.
Prends -tu ma premiere moitié ,
Menu , long , d'un corps délié ,
J'unis , j'attache , je ressere.
4. 2. et 5. Nouvel arrangement ;
Je suis symbole ou cause de colere.
3.4 et 2. chose bien chere ,
Tâches d'en profiter , et quand ? dès ce moment.
Souvent il n'est plus temps , quand on pense à le
faire.
7. 6. 4. suivi de deux ,
Je suis le nom d'un Prophete fameux.
6. 4. et 7. le reste déplorable
D'un bon vin vieux , mais qui n'est plus potable
5. 7. 3. 4. un des Fils d'Israël .
Dont les Neveux n'eurent aucun partage
Aux Champs jadis promis par l'Etefnel.
3. 4. 2.-6. 7. au milieu du Village ,
Bergers dansent au bruit de mes tons ennuyeux
Mais j'en dis trop , Lecteur , dévine si tu peux.
J. N. M
Ev NOU
336 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &c.
RAITE PHYSIQUE de la Lu-
Tiere, des Coulears , du Son , et
des differens Tons , dédié au Duc de
Chartres , par M. Jean Bannieres. T. 1.
contenant le Traité de la Lumiere et des
Couleurs , 1737. in- 12. A Paris , chés
la Veuve Mazieres , et J. B. Garnier, Imprimeurs-
Libraires de la Reine , ruë S.
Jacques , à la Providence. Le second Tome,
où l'Auteur se propose de traiter
du Son et des differens Tous , doir paroître
incessamment.
La Suite des nouveaux Amusemens Sérieux
et Comiques , Ouvrage Périodique ,
qui avoit été interrompu depuis quelque
temps , paroît chés Guillaume , rue Dauphine,
c'est le même Libraire qui les avoit
commencés. On trouve dans les cinq ou
six feuilles qui ont parû depuis la reprise,
un Recueil choisi d'Historiettes , de Poë
sles et autres petites Pieces fugitives , trèscapables
de répondre au titre de la feuille.
DE L'AMOUR DE DIEU , ses Motifs
ses
MAY. 1737.
937
ses Qualités , ses Effets. Par le R. P.
Pallu , de la Compagnie de Jesus . A Paris
, chès Marc Bordelet , rue S. Jacques ,
vis -à-vis le College des Jesuites , à Saint
Ignace. 1737. in- 12.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des
Hommes Illustres dans la République des
Lettres , &c. A Paris, chés Briasson , rue
S. Jacques , à la Science. M. DCC.
XXXVI. T. XXX V.
Les Sçavans Illustres , dont il est parlé
dans ce dernier Volume du Recueil
de R. P. Niceron , sont au nombre de
trente- quatre. Leurs Articles se font lire
avec plaisir , et aprennent plusieurs singularités
litteraires. On en jugera par
celui de Pierre Dortigue de Vaumoriere,
que nous allons , selon notre coûtume ,
donner ici en son entier.
Pierre Dortigue Sr de Vaumoriere , étoit
natif d'Apt en Provence , et sortoit d'une
Famille noble . Etant venu s'établir à
Paris , il donna dans le goût qui regnoit
alors , et composa plusieurs Romans et
divers autres Ouvrages , qui lui firent
honneur , et lui acquirent de la réputation.
Il eut par- là entrée dans l'Académie
de l'Abbé d'Aubignac , qui étoit com-
E vj posée
934 MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE.
JEE suis plein de réjouissance ;
J'assemble Peuple et grands Seigneurs
A Marscille, à Lyon , en d'autres Lieux de France;
Mais à Paris surtout sont mes Adorateurs .
Mon nom est dérivé de la Langue Latine ;
L'Italie est mon origine ,
Prends- le de suite , il fournit quatre mots
Toûjours dans le même langage ,
•
Une exclamation , un secours dans les maux
Ce qu'un Meunier garde dans son ménage .
Ce dont tout le monde a l'usage..
Mon Anagrame est du tout le plus fin ;
Terme respectueux sans aller au Devin,
JE
AUTR E.
E suis legere , et je fais l'ornement
D'un lieu sans moi dépouillé d'agrément
Cher Lecteur , en veux- tu connoître d'avantage?
Tu te feras en un moment >
De mon Anatomie un divertissement .
Commençons : De mon nom sept pieds font
l'assemblage ;
Les trois premiers t'offrent un Elément ;
A mes quatre derniers , joins encore ma tête ,
Je
. MAY .
935 1737.
Je plais , j'inspire de l'Amour ;
Sans moi le plus galant séjour
N'offiiroit qu'une triste Fête.
Prends -tu ma premiere moitié,
Menu , long , d'un corps délié ,
J'unis , j'attache , je ressere.
4.2 . et s . Nouvel arrangement ;
Je suis symbole ou cause de colere.
3. 4 et 2. chose bien chere ,
Tâches d'en profiter , et quand ? dès ce moment.
Souvent il n'est plus temps , quand on pense à le
faire.
7. 6. 4. suivi de deux ,
Je suis le nom d'un Prophete fameux.
6. 4. et 7. le reste déplorable
D'un bon vin vieux , mais qui n'est plus potable
5. 7. 3. 4. un des Fils d'Israël .
Dont les Neveux n'eurent aucun partage
Aux Champs jadis promis par l'Etefnel.
´3. 4. 2.- 6 . 7. au milieu du Village ,
Bergers dansent au bruit de mes tons ennuyeux
Mais j'en dis trop , Lecteur , dévine si tu peux.
J. N. M
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336 MERCURE DE FRANCE
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NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &c.
RAITE PHYSIQUE de la Lu
Tmiere ,des Couleurs , du Son , et
des differens Tons , dédié au Duc de
Chartres , par M. Jean Bannieres . T. 1.
contenant le Traité de la Lumiere et des
Couleurs , 1737. in - 12 . A Paris , chés
la Veuve Mazieres , et J. B. Garnier, Imprimeurs-
Libraires de la Reine , ruë S.
Jacques, à la Providence. Le second Tome,
où l'Auteur se propose de traiter
du Son et des differens Tous , doit paroître
incessamment.
La Suite des nouveaux Amusemens Sérieux
et Comiques , Ouvrage Périodique ,
qui avoit été interrompu depuis quelque
temps , paroît chés Guillaume , ruë Dauphine;
c'est le même Libraire qui les avoit
commencés. On trouve dans les cinq ou
six feuilles qui ont parû depuis la reprise,
un Recueil choisi d'Historiettes , de Poësles
et autres petites Pieces fugitives , trèscapables
de répondre au titre de la feuille.
DE L'AMOUR DE DIEU , ses Motifs
ses
MAY. 1737. 937
ses Qualités , ses Effets. Par le R. P.
Pallu , de la Compagnie de Jesus . A Paris
, chès Marc Bordelet , ruë S. Jacques
vis - à- vis le College des Jesuites , à Saint
Ignace. 1737. in- 12.
>
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des
Hommes Illustres dans la République des
Lettres , &c. A Paris, chés Briasson, ruë
S. Jacques , à la Science. M. DCC .
XXXVI . T. XXX V.
Les Sçavans Illustres , dont il est parlé
dans ce dernier Volume du Recueil
de R. P. Niceron , sont au nombre de
trente-quatre. Leurs Articles se font lire
avec plaisir , et aprennent plusieurs sin
gularités litteraires. On en jugera par
celui de Pierre Dortigue de Vaumoriere,
que nous allons , selon notre coûtume
donner ici en son entier.
Pierre Dortigue Sr de Vaumoriere , étoit
natif d'Apt en Provence , et sortoit d'une
Famille noble. Etant venu s'établir à
Paris ', il donna dans le goût qui regnoit
alors , et composa plusieurs Romans et
divers autres Ouvrages , qui lui firent
honneur , et lui acquirent de la réputation.
Il eut par-là entrée dans l'Académie
de l'Abbé d'Aubignac , qui étoit com-
E vj posée
938 MERCURE DE FRANCE
posée de Personnes de mérite et d'érudition
, et il en devint même Sous Directeur.
On ignore les particularités de sa Vie .
Richelet nous aprend seulement qu'il
étoit brouillé avec la Fortune , et qu'il
avoit été prisonnier au Châtelet pendant
trois semaines ; mais il n'en dit point le
sujet. I mourut âgé en 1693 aparemment
dans le mois de Septembre
puisque sa mort fut annoncée dans le
Mercure du mois d'Octobre de la même
année.
Mlle. de Scudery , qui a donné son
Eloge , n'y a rien dit de sa naissance , ' ni
de sa mort , ni de sa fortune ; elle s'est
bornée aux bonnes qualités de son esprit
et de son coeur. En voici les principaux
traits.
M. de Vaumoriere étoit un Gentilhomme
, illustre par sa naissance , et distingué
par un grand nombre d'Ouvrages
estimés. Sa moindre qualité étoit son
bel esprit. Il brilloit par - tout ; mais il
étoit encore plus honnête Homme , qu'iln'étoit
Homme de Lettres. Il avoit l'esprit
vif, les sentimens naturels et nobles ,
Is idées justes et distinctes , les expressions
gayes et hardies , les manieres douces
et engageantes , le coeur au dessus de
son
MAY. 1737.
939
son pouvoir et de son état .Généreux , empressé
, noble , prévenant , ne connoissant
d'autre interêt que celui de ses amis ,
et d'autre plaisir que celui d'en faire ; il
n'avoit rien à lui , tous ceux qui le connoissoient
étoient plus maîtres de son
bien que lui- même. Il disoit toujours que
l'argent et le coeur ne sont bons que lorsqu'on
les donne à quoi il ajoûtoit que
c'étoit un moindre mal d'être dupe, que
de craindre toujours d'être dupé. Dans
un âge fort avancé il conservoit tout le
feu d'une belle jeunesse ; il étoit enjoüé
et galant dans les ruelles , modeste avec
les Gens d'esprit , réjouissant et solide
avec les jeunes Gens : toujours doux ,
toujours poli , toujours agréable en toutes
sortes de societés ; il portoit la joye
et le plaisir avec lui . Sa seule presence
avoit l'art de réveiller une conversation
assoupie. Il avoit et des idées et des termes
que personne ne pouvoit prévoir, et
c'étoit toujours chose nouvelle . Les Graces
ornoient tous ses discours , et la douceur
de son naturel se répandoit sur ses
paroles : Il parloit bien , il écoutoit encore
mieux , et sa complaisance déterroit
dans les Gens certain mérite et certain
tour d'esprit qu'ils ne connoissoient pas
eux-mêmes. Le don de conversation n'a
jamais
940 MERCURE DE FRANCE
jamais été prodigué avec plus d'avantage
par la nature. Sa facilité étoit soûtenuë
d'un fond qu'on ne trouve guere.
'Il avoit une connoissance parfaite de
l'Antiquité. Il n'y a pas un nom connu
dans l'Histoire , sur lequel il ne sçût un
détail curieux et peu connu . Il sçavoit
mettre entre l'Histoire et la Fable un
raport vraisemblable , qui persuadoir
agréablement. Il étoit vif et précis dans
ses narrations , surprenant dans ses peintures
, sçavant dans ses remarques , ennemi
des parentheses , enjoüé , naturel ,
éloquent , et suivi par - tout.
Il est à présumer , dit le P. Niceron ,
qu'il y a un peu d'exageration dans tout
cela , et que l'amitié de Mademoiselle
de Scudery pour Vaumoriere le lui a fait
representer avec les mêmes couleurs qui
lui servoient à peindre les Héros de ses
Komans.
Catalogue de ses Ouvrages.
Le Grand Scipion . Paris , 1658.
in-8. quatre Volumes. On étoit alors
dans le goût des grands Romans , et
Vaumoriere crût ne pouvoir mieux se
produire dans le monde , qu'en composant
quelque chose en ce genre. Ce goût
ayant change quelque temps après , il
nc
MAY.
941 1737.
ne donna plus que de petites Nouvelles.
2. Il a continué Pharamond , Roman
de la Calprene de, qui en avoit donné sept
Volumes , et y en a ajoûté cinq autres,
dont le premier parut en 1665. in-8 . M.
de Salo parla fort avantageusement de
cette continuation dans le Journal des
Sçavans du 23. Février 1665. Il y a lieu
d'esperer , dit- il , par ce qui paroît du
huitième volume , que l'on ne regretera
pas long temps la mort de celui dont il
suit les traces. Il est parfaitement bien
entré dans l'esprit de cet Auteur. Il conserve
aux Héros et aux Héroïnes les mêmes
sentimens et les mêmes caracteres
qu'il leur avoit donnés ; et dans son stile
il a pris cet air grand et magnifique qui
lui étoit propre . On peut même dire que
le discours de M. de Vaumoriere est plus
uni et plus chîtié que le sien , et qu'il
a mieux sçû retenir les emportemens du
grand stile.
M. Gueret ne parle pas avec la même
indulgence de ce premier Tome de la
continuation de Pharamond , quoiqu'il
donne assés d'encens à l'Auteur. Je ne
suis pas mal satisfait du travail de ce
Continuateur , fait - il dire à Pharamond,
dans son Parnasse reformé , je voudrois
bien seulement qu'il n'eût pas fait un
Volume
942 MERCURE DE FRANCE
-
Volume entier de l'Histoire de Constan
tin : elle languit un peu trop , et sans la
beauté de son langage , qui réveille le
Lecteur , elle seroit ennuyeuse. Il l'a bien
aperçû lui- même , car il s'en est corrigé
aux Tomes suivans .
3. Histoire de la Galanterie des Anciens.
Paris. 1671. in 12. Deux Volumes .
4. Diane de France . Nouvelle Historique.
Paris. 1674. in- 1 z.
5.Mademoiselle de Tournon . Paris 1679%
in- 12 . On a mis mal à propos cette Nouvelle
parmi les Oeuvres de Madame de
Villedieu , dans quelques Editions.
6. Mademoiselle d'Alençon . Autre Nou
velle , dont j'ignore la date , et qu'on a
mise aussi , sans raison , parmi les Oeuvres
de Madame de Villedieu.
7. Adélaïde de Champagne. Paris . 1680.
in-12.4. Volumes . C'est un Roman .
8. Agiatis , Reine de Sparte , ou les
Guerres Civiles des Lacédemoniens , sous
les Rois Agis et Léonidas. Paris. 1685. in-
12. 2. Volumes . Autre Roman.
9. L'Art de plaire dans la Conversation
. Paris. 1688. in- 12 . Cet Ouvrage
partagé en 20. Dialogues , renferme de
fort bons préceptes , qui méritent d'ê- tre lûs.
10. Harangues sur toutes sortes de su
jets
MAY. 1737 943 .
jets,avec l'Art de les composer. Paris . 1688.
in 4. Item. 2e Edition augmentée. Paris.
1693. in 4. It. 3e Edition augmentée depuis
la mort de l'Auteur , d'une Dissertation
sur les Oraisons Funebres , par M.
l'Abbé du Jarry , et d'un grand nombre de
nouvelles Harangues. Paris . 1713. in 4.
Vaumoriere n'est pas l'Auteur de toutes
les Harangues qu'on voit ici , comme
quelques-uns l'ont dit sans fondement ;
il y en a quelques- unes de lui ,mais il en a
tiré la plupart de differens Auteurs. M.
Gibert à fait la Critique du Traité Préliminaire
dans le 3e Tome de ses Jugemens
des Sçavans sur les Maîtres de l'Eloquence
, page 222 .
a
11. Lettres sur toutes sortes de sujets , avec
des Avis sur la maniere de les écrire . Paris.
1689. in 12. deux Volumes . It . 2. Edition .
Ibid. 1695. in- 12 . Deux Volumes . Et
quelques autres fois depuis .
12. On voit quelques Vers de sa façon ,
imprimés à la tête de la Macarise de
l'Abbé d'Aubignac. Paris. 1664. in 8.
Il est aisé , par ce Catalogue , de reconnoître
que l'Art de plaire dans la
Conversation est certainement de Vaumoriere
, et non pas de M. l'Abbé de
Bellegarde , à qui un homme d'esprit
l'attribue gratuitement pour avoir le plaisir
944 MERCURE DE FRANCE
sir de dire un bon mot . M. de Bellegarde
, bien superieur en tout à l'autre Auteur
, a écrit des Modeles de Conversations
pour les Personnes polies , c'es le Titre
de son Livre , dont le but principal
est d'instruire . 1. Vol.12. Paris . 1698.
Les autres Auteurs , dont 1 Histoire
entre dans ce XXXVe Volume du P. N.
sont N. Amelot de la Houssaye ; G. Aubert;
P. Aubert ; F. le Metel de Boisrobert
P. V. P. Cayet ; E. Chilmead ; S.
Clarkes G. Coquille ; G. Corte ; A. Desiré;
F. Florent ; A. de la Fosse ; J. Freind ;
T. Galluzzi ; T. E. Gabe ; M. Inchuser ;
L. Joubert ; C. Lancelot ; J. Magnus ; O.
Magnus; C. Marcel ; J. de Marconville ;
J. Desmarets de S. Sorlin ; R. Desmarets ,
M. de Morgues ; J. J. Orsi ; J. B. Ramusio;
L. Savot ; G. Scioppius ; T. Spizelius
P. Vivet, C. Vitringa , et C. Vitringa
le Fils.
LA PAYSANNE PARVENUE , ou les Mémoires
de M. la Marquise de L. V. par
M. le Chevalier de Mouky , huitième
Partie. A Paris , chés Prault , fils , Quay
de Conty , vis - à- vis la Descente du
Pont Neuf , à la Charité. 1737. in- 12 .
Prix 24. sols.
ELEMENS
MAY . 1737. 945
ELEMENS DE MATHEMATIQUES , contenant
les Elemens de Géométrie, d'Arithmétique
, d'Algebre et d' Analise. Par le Pere
Duclos de la Compagnie de Jesus , Professeur
de Mathématiques dans le College
de Lyon , et de l'Académie des
Beaux Arts. A Lyon chés Claude Perrot ,
à l'Epée Royale , rue Confort . 1737. in- 8 .
avec cinq Planches .
On ne manque pas d'Elemens de Mathématiques.
Il semble pourtant que les
Maîtres de l'Art ont dédaigné la premiere
Partie de cette Science . Le grand
nombre s'est attaché pour les Elemens de
Géométrie , à suivre Euclide, quoiqu'assurément
on y trouve peu d'ordre et de
précision. Des deux principaux Auteurs
qui ont suivi une autre methode , le premier
s'éloigne trop de la maniere de démontrer
d'Euclide , laquelle est pourtant
plus à la portée des Commençans . Le
second est extrémement diffus et fatigue
à pure perte , en faisant soupçonner du
mystere où il n'y en a point . Il est d'ail
leurs nécessaire de mêler les Elemens de
Géometrieavec ceux de l'Arithmérique et
de l'Algebre , sans quoi on ne sçait par
lesquels commencer . L'emploi qu'exerce
le P. Duclos lui a fait sentir ces inconveniens
, et lui a fait entreprendre d'y
remédier. Ses
946 MERCURE DE FRANCE
Ses Elemens sont divisés en neuf Livres.
Dans le premier il démontre en sept
Théoremes presque tout le premier Livre
d'Euclide . Le second Livre renferme
en six Théoremes les proprietés du Cercle
au-delà de ce qu'en contient le troisiéme
Livre d'Euclide. On a un commencement
de Géometrie pratique dans
les quinze Problêmes du troisiéme Livre.
Le quatrième contient les premieres Regles
d'Arithmetique et d'Algebre ; on
y trouve une bonne Partie du septième,
huitième et neuviéme Livre d'Euclide.
Le cinquiéme traite des Proportions.
Après avoir démontré la Regle de Trois ,
et après une remarque très-simple et trèsclaire
, on en déduit par voie de Corotlaire
, et très -briévement le cinquième
Livre d'Euclide . Le sixième renferme
tout ce qui a raport aux fractions , aux
extractions de Racines , et aux Regles
de Proportion composée . Les dix Théorêmes
du septiéme Livre traitent des
Plans et des Solides , et de ce qu'il y a
d'utile dans le sixième , onzième , douziéme
et treiziéme Livres d'Euclide. On
y démontre universellement , et d'une
maniere très simple les dernieres Propositions
du premier , second et troisiéme
Livres. Le huitiéme Livre renferme huit
Problêmes
MAY. 947 1737 .
Problêmes qui suivent du Livre précedent
; enfin dans le neuviéme on trouve
les principes de l'Analise ; on met un
Commençant au fait des questions du
premier et second degrés ; on lui découvre
les proprietés des differentes sortes
de Progressions ; et on lui aprend par un
petit nombre d'exemples choisis , à apliquer
à la Géometrie les Préceptes de
L'Analise .
Le P. Duclos avertit au commencement
qu'il n'est pas entré dans un grand
détail par raport aux premieres Regles
d'Arithmétique , parce qu'elles s'aprennent
plus aisément par un petit nombre.
de leçons verbales et d'exemples , et qu'ila
omis lesOpérations d'Arihtmétique dont
l'Algebre facilite et abrege l'execution.
Il a eu soin de coter en marge à quelle
Proposition d'Euclide les siennes se
taportent ; et il a fait une Table qui met
tout d'un coup la chose sous les yeux-
Il dédie son Ouvrage à Messieurs de l'Académie
des Beaux Arts ; et il a l'avantage
dans les éloges que renferme son Epitre
Dédicatoire , de s'accorder avec la
voix publique. Quant à l'Impresion ,
elle est telle que ceux qui étudieront ces
Elemens n'auront point à luter contre
la petitesse et le de netteté des caraçteres
et des figures .
peu
OEUVRES
8'M ER CURE DE FRANCE
OEUVRES DE SCARON , nouvelle Edi
tion , revûë , corrigée et augmentée de
quantité de Pieces obmises dans les Editions
précédentes . A Amsterdam , chés
Westein et Smith. 1737. Dix Volumes
in - 12.
HISTOIRE du Vaillant Chevalier Tiran
le Blanc , traduite de l'Espagnol. 2. Vol.
in- 8. Le premier de 336. pages , sans l'Avertissement
; le second de 523. A Londres
, et se vend à Paris chés la Veuve Pisa
sot , Quay de Coniy , à la descente du Pont-
Neuf, à la Croix d'Or. En attendant que
nous donnions un Extrait de ce Livre ,
nous renvoyons le Lecteur curieux au
Jugement du Curé , au Chapitre 6. du 1 .
Vol. de Don Quichotte.
LES PRINCIPES de la Morale et du
Goût, en deux Poëmes , traduits de l'An
glois de M. Pope , par M. du Resnel ,
Abbé de Sept Fontaines , de l'Académie
des Inscriptions et des Belles lettres. A
Paris , chès Briasson . 1737. Vol . in -8.
HISTOIRE ANCIENNE des Egyptiens ;
des Carthaginois , des Assyriens , des
Babyloniens , des Medes et des Perses ,
des Macédoniens , des Grecs . Onziéme
Tome
MAY. 1737. 949
Tome contenant les Arts Liberaux ; et
ce Traité des Sciences et des Arts occupera
encore le douziéme Volume tout
entier au moins . Par M. Rollin.
LES VIES des plus Célébres Juriscon
sultés de toutes les Nations , tant Anciens
que Modernes ; sçavoir , Latins ou
Romains , François , Espagnols , Italiens,
Allemans , Anglois , Hollandois , &c.
tirées des meilleurs Auteurs qui en ont
écrit , et mises en leur jour par Ordre
alphabétique. Par M. Taisand , Tréso
tier de France. Nouvelle Edition , augmentée
d'un tiers par M..... A Paris ,
Quay de Gesures , chés Prault , Pere , an
Paradis , et au Palais chés Jacques Nico
las le Clerc , à la Prudence 1737. Un Volume
in- 4, de 800. pages . Prix 9 liv.
Le Corps de cet Ouvrage est de M:
Pierre Taisand , Tresorier de France en
la Généralité de Bourgogne et de Bresse ,
qui mourut en 1715. Ce n'est qu'après
sa mort que son Ouvrage a été donné au
Public par un de ses Fils , Religieux de
l'Ordre de Cîteaux , qui l'a dédié à M. le
Chancelier.
L'Auteur n'a pas entrepris d'écrire les
Vies de tous ceux que leur Erat oblige
d'être versés dans la Science du Droit
tels
950 MERCURE DE FRANCE
tels que les Juges et les Avocats , ce qui
auroit fait un Ouvrage immense , et qui
seroit devenu ennuyeux
. Il n'a compris
dans ce Recueil que les Vies de ceux qui
ont enseigné publiquement la Jurispru
dence , ou qui en ont donné au Public
quelques Traités.
>
Il les a rangées par Ordre alphabétique
comme étant le plus commode et
le plus naturel , et aussi pour éviter de
donner la préference du rang à l'un plûtôt
qu'à l'autre , ce qui auroit pû causer
quelque jalousie à ceux qui s'interessent
à la gloire de ces Jurisconsultes.
Il pouvoit également éviter cet incon
venient en suivant l'Ordre Chronologi
que , mais il n'a pas jugé à propos de s'y
assujetir , dans la crainte que cet Ordre
ne fût pas assés exact , y ayant quelques
Jurisconsultes dont on ne sçait pas préci
sément le temps de la naissance .
com
Le Fils de l'Auteur a mis à la tête de
l'Ouvrage la Vie de son Pere : ensuite
sont les Vies des Jurisconsultes
posées par M. Taisand , au nombre de
plus de 5oo. depuis Comncanus , qui vivoit
dans le Ve Siècle , et au commencement
du Vle et qui est le premier des
Anciens Jnrisconsultes qui ait acquis
quelqueréputation.
Comme
MAY.
༡ ད་ 1737.
Comme l'Ouvrage de M. Taisand étoit
déja connu ,on n'en fera pas ici l'Analise
et on se contentera d'observer ce qu'il y
a de particulier dans la nouvelle Edition
qui vient d'en être donnée au Public,
On a mis à la fin de cette Edition des
Additions assés considerables , composées
par un Auteur Anonime, lesquelles contiennent
plus de 2 50. pages d'impression .
L'Auteur y a raporté plusieurs circonstances
que M. Taisand avoit obmises
dans la Vie de quelques Jurisconsultes :
il y a aussi compris les Vies de plus de
cent Jurisconsultes dont M. Taisand n'avoit
pas fait mention ; entr'autres ceux
qui ne sont morts qu'après lui , tels que
M. M. Rassicod , le Merre , Blanchard
de Cormis , Bretonnier , Brillon , Terras
son et plusieurs autres .
Ces Additions sont tirées de divers Auteurs
, aussi - bien que les Vies composées
par M. Taisand , mais particulierement
des Journaux des Sçavans , du Dictionnaire
Historique , du Suplément , des
Mémoires du P. Niceron , et de Mémoires
particuliers fournis à l'Auteur ; ce qui
fait que lesVies contenues dans ces Addi .
tions ne sont pas écrites d'un même stile.
Le Public est certainement redevable à
M.Taisand et à l'Auteur des Additions de
F
952 MERCURE DE FRANCE
ce qu'ils ont pris la peine de recueillir et de
rassembler les Vies de tant de Jurisconsul
tes , rien n'étant plus convenable que de
perpétuer la mémoire des Gr. Hommes,
il est même souvent nécessaire de sçavoir
en quel temps et dans quels Pays
vivoit un Jurisconsulte , quel étoit son
génie et son caractere , dans quelles con
jonctures il a écrit , et quand il est décédé,
pour déterminer le jugement que l'on
doit porter de son Ouvrage , et l'usage
que l'on en doit faire.
Il est juste aussi , en écrivant la Vie d'un
Jurisconsulte , de rendre compte de ses talens
, de ses vertus , et des autres belles
qualités qui l'ont rendu recommandable
et de le faire connoître à la Posterité pour
l'animer à suivre ces grands exemples.
Il y a cependant de certains détails
peu
interessans , dans lesquels l'Auteur des
Additions surM.Taisand,auroit pû se dispenser
d'entrer , comme il a fait en quelques
endroits, où il observe , par exemple,
que le Jurisconsulte dont il parle étoit fils
d'un Marchand,d'un Chirurgien ,d'un HommeInteressé
dans les Fermes du Roy, qu'il remportoit
toujours les premiers Prix de sa Classe
; qu'il a eu plusieurs enfans , mais qu'ancun
ne s'est adonné à la Jurisprudence.
Il auroit pû aussi , à l'exemple de M.
Taisand
MAY. 1737-
953
Taisand , être plus moderé sur les Eloges
qu'il a donnés à la plupart des Jurisconsultes.
Un Auteur peut bien , quand
il n'écrit que la Vie d'un seul Hornme
lui donner quelques loüanges , s'il les
mérite , mais dans un Ouvrage qui contient
les Vies de plus de 600. Jurisconsultes
, et dans lequel , si on veut loüer,
on est exposé à repeter , presque à chaque
page , les mêmes Eloges , il semble
que l'on doive être plus reservé sur cet
article; parce que , quand les Eloges sont
prodigués à tous ceux dont on parle , ils
deviennent insipides , et font moins
d'honneur à ceux auxquels ils sont donnés.
Cela n'empêche pas que l'on ne rende
aux Grands Hommes toute la justice
qu'ils méritent ; mais la meilleure maniere
de les louer , est de raporter les
faits mémorables qui les ont distingués
du commun des hommes : Ce sont les faits
même qui loüent : Acta Virum probant.
CONFERENCES des Ordonnances de
Louis XIV. Roy de France et de Navarre
, avec les anciennes Ordonnances
du Royaume , le Droit , Ecrit et les Ar- i
rêts, enrichies d'Annotations et de Décia
sions importantes. Par M. Philipe Bo
nier, Lieutenant Particulier en la Séné-
Fij . chaussée
954 MERCURE DE FRANCE
chaussée de Montpellier . Nouvelle Edition
, corrigée et augmenté des Edits ,
Déclarations et Arrêts donnés en interprétation
des Ordonnances , de plusieurs
Reglemens du Conseil , et d'un grand
nombre de Notes qui ne sont point dans
l'Edition précedente. Par M .... Avocat
en Parlement. A Paris , chès les Associés
choisis par ordre de S. M. pour l'Impression
de ses Nouvelles Ordonnances.1737 *
Deux Volumes in- 4 . de plus de 800. pp .
chacun. Prix 15. liv. les deux Volumes.
JOURNAL DU PALAIS , ou Recueil des
principales Décisions de tous les Parlemens
et Cours Souveraines de France ;
sur les Questions les plus importantes de
Droit Civil , de Coûtume , de Matieres
Criminelles et Beneficiales , et de Droit
Public. Par feus Mes Claude Blondeau et
Gabriël Gueret , Avocats en Parlement .
Nouvelle Edition , revûë , corrigée et
augmentée , dédiée à M. le Premier Président.
2. Vol. in fol. contenant les Arrêts
depuis l'année 1600. jusqu'en 1700 .
A Paris,chés le Gras, Grand- Salle du Palais
, David et Saugrain , Pere , Quay des
Aug. , Cavelier, ruë S. Jacq. au Lys d'or ,
Dumenil et Mouchet , Quay des Augus.
Huart, rue S. Jacq . Rollin, Fils , Quay
des
MAY. 1737. 955
des Augustins, Saugrain , Fils , et Nully ,
Grand' Salle du Palais , Nyon , Fils , Quay
des Augustins. 1737 .
PRINCIPES DE L'HISTOIRE pour l'éducation
de la Jeunesse : troisième année , qui
contient l'Histoire de l'Empire Romain
en Orient et en Occident. Par M. l'Abbé
Lenglet Dufresnoy , in 12. Paris , chés de
Bure l'aîné. 1737.
C'est toûjours le même ordre et la
même méthode que suit M. l'Abbé Lenglet
dans ce troisiéme Volume des Principes
de l'Histoire , qui contient celle de
l'Empire Romain , divisé entre l'Orient
et l'Occident. La précision y est égale et
les faits principaux s'y trouvent rapellés
avec beaucoup d'exactitude . Ce qui doit
faire plaisir dans cet Ouvrage , est qu'on
ne voit guere de Prince , d'Empereur ,
ou de Souverain, dont le caractere n'ysoit
marqué. On aime à connoître les Hommes.
L'Auteur a soin de soulager l'esprit et
la mémoire par quelques repos : et ces repos
sont des époques qui donnent une
nouvelle face à l'Histoire et chacun
d'eux à son instruction particuliere . Ainsi
depuis Auguste jusques à Constantin
on voit une même suite historique ,
comprise en trente- quatre leçons. L'ins-
Fiij truction
956 MERCURE DE FRANCE
>
truction qui les accompagne marque les
Auteurs qu'on doit lire pour se former
dans cette partie. Mais on n'y donne pas
l'Histoire Romaine de Laurent Echard
sur le pied d'une traduction simple et
servile , comme on l'a reproché à l'Auteur.
Il dit lui -même le contraire dans
la liste qui est à la fin de la Préface de ce
troisiéme Volume.
L'Auteur poursuit l'Histoire Romaine
jusqu'aux révolutions , qui l'ont divisé
et presque anéanti . On y examine
toujours le caractere des Princes . Constantin
n'y est pas loüé avec excès , ni
Julien blâmé avec aigreur.
Après deux leçons sur les destructeurs
de l'Empire Romain , vient toute l'Histoire
d'Orient jusqu'à la prise de Constantinople
par les Turcs. Et comme les.
Ottomans ont continué cet Empire depuis
Mahomet II . c'est ce qui donne lieu
à l'Auteur de tracer en peu de mots l'Histoire
desTurcs jusqu'à ces derniers temps .
L'on donne ensuite en 22. leçons toute
l'Histoire de l'Empire d'Occident ,
rétabli par Charlemagne , Roy de France :
et après la postérité de ce grand Prince ,
il prend le titre d'Empire d'Allemagne ,
ou Romano - Germanique , comme on
parle dans l'Empire . L'Auteur est loiable
MAY. 1737. 957
ble de donner aux derniers Empereurs
de l'auguste Maison d'Autriche les louanges
qu'ils ont méritées . Voici ce qu'il
dit de l'Empereur Leopold que fa
Réligion qui fut toujours sincere a été récompensée
même en ce monde par les heureux
fuccès de fes armes en Hongrie ; sa grande
expérience jointe à ses talens naturels et à
une grande pénétration , l'avoit rendu consommé
dans toutes sortes d'affaires , dont il
prévoyoit toutes les conféquences. Né avec
beaucoup degoût et d'aplication , il avoit de
Pamour pour les Arts et les Sciences , dont il
se plaisoit à s'entretenir avec les plus grands
Maîtres.
Cet article est d'autant plus remarquable
que l'on se fait un plaisir de montrer
dans la Bibliotheque Imperiale à Vienne
, des Lettres que ce grand Prince écrivoit
fimilierement à Lambecius , son
Bibliothequaire , comme à son Ami :
Elles sont en Latin , et commencent toutes
par ces termes affectueux , Chare mi
Lambeci , qui marquent la bonté de ce
digne Empereur , qui , au milieu des plus
grandes affaires , dont son regne fut agité,
daigne néanmoins s'entretenir cordiale
ment de Littérature avec un de ses sujets.
L'Empereur Charles VI . qui regnet
heureufement aujourd'hui , n'y est pas
Fij moing
958 MERCURE DE FRANCE
moins bien caracterisé , par la sagesse et
la bonté de son Gouvernement , dont je
ne puis m'empêcher de raporter cette
preuve éclatante.
Toute la Ville de Vienne se souvient
encore avec admiration de la vertueuse
résolution de ce grand Prince. La peste
ayant pénétré jusque dans le Palais Impérial
l'an 1715. tous les Courtisans
voulurent l'engager à sortir de sa Capitale.
Mais il répondit avec un courage
plein de Religion et d'humanité , que
s'il en sortoit , la Ville alloit périr de
faim et de maladie , et qu'il étoit plus
loüable qu'il mourût au milieu de son
peuple en le soulageant , que de le faire
périr doublement , en cherchant son prosalut
pre par sa retraite qu'il n'y avoit
donc qu'à purifier la Chambre de son
Palais qui étoit infectée , et la murer :
mais qu'il étoit résolu de rester au milieu
de son Peuple.
L'Auteur nous tire d'une erreur où l'on
étoit ; c'est dans la 95e. Leçon , on avoit
dit , et le Continuateur de M. de Puffendorffl'avoit
marqué comme les autres,
que c'étoient des Commerçans Anglois ,
qui étoient Auteurs de la Compagnie
d'Ostende. M. l'Abbé Lenglet a soin de
nous en désabuser , en assurant que l'é
tablissement
MAY. 1737. 959
,
tablissement de cette Compagnie étoit
dû au Chevalier de la Merveille , le fils,
Navigateur Breton , actuellement au ser
vice de Sa Majesté Impériale à Trieste dans
le Golfe de la Mer Adriatique , où il est
Intendant de Marine et du Commerce
et qu'elle fut formée par un pur hazard.
L'Auteur finit ce Volume par l'Histoire
de Suisse et des Pays - Bas , autrefois membres
de l'Empire. Et quoique ce ne soit
ici qu'un Abrégé , on ne laisse pas d'y
trouver des particularités curieuses et
interessantes. Les autres Volumes vont
paroître de suite .
HISTOIRE UNIVERSELLE DE DIODORE
DE SICILE , traduite en François par M.
l'Abbé Terrasson , de l'Academie Françoise
, in- 12 . à Paris , chés Debure l'aîné ,
Quay des Augustins , à l'Image Saint
Paul. 1737. 2. Volumes.
Diodore de Sicile , est un de nos anciens
Ecrivains qui mérite le plus d'être
traduit en notre Langue. Les Italiens en
ont plusieurs versions ; mais elles ne sont
pas également bonnes ; la premiere qui
ne contenoit que les cinq premiers Livres
, parut d'abordà Florence en 1526.
in - 8. et fut publiée depuis à Venise:
en 1542. et 1547. Cette version étoit
F v
faire
,
960 MERCURE DE FRANCE
faite , non sur l'Original Grec , mais sur
une version Latine du Pogge Florentin ,
imprimée d'abord à Venise en 1476.
1493. et 1496. François Baldelli , l'un
des plus habiles Traducteurs de l'Italie,
peu content de cette version , en publia
une nouvelle à Venise l'an 1575. in- 4.
Elle fait partie , et même c'est une des
versions les plus rares de la célébre Collana
, ou Chaîne des Historiens Grecs ,
si estimée par les Amateurs de la Langue
Italienne.
Les François commencerent vers le
même temps à donner en notre Langue
quelques portions de cet Historien.Claude
de Seissel, qui est mort Archevêque de
Turin , donna l'an 1530. et 1545. l'Histoire
des Successeurs d'Alexandre , qu'on
a remise en meilleur François dans ces
derniers temps. Macaut , l'un des Valets
de Chambre de François I. publia en 1535.
et 1540. les trois premiers Livres de cet
Historien; enfin l'an 1554 , le célébré Jaeques
Amiot en donna une autre version
françoise , mais il ne toucha point aux
cinq premiers Livres qui sont cependant
très -nécessaires pour connoître l'Histoire
fabuleuse des premiers temps , telle que
l'ont conçue les anciens qui n'avoient
aucune idée certaine des verités Historiques
MAY. 1737. 961
ques , contenues dans les Livres de Moyse.
Cette version fut réimprimée l'an
1585. par les soins de Louis le Roy , dit
Regius , qui joignit ensemble le travail de
Macaut et d'Amiot.
Mais comme ces deux versions , qui
ne laissoient pas d'être rares , avoient extrémement
vieilli , M. l'Abbé Terrasson
de l'Academie Françoise , distingué déja
par d'autres bonsOuvrages , vient d'en publier
une nouvelle . Sa connoissance dans
les Langues Grecque et Françoise , nous
répond de la fidelité de sa Traduction :
Il commence aujourd'hui par les cinq
premiers Livres , et les autres vont venir
de suite .
Ces cinq Livres sont d'autant plus interessans
, qu'ils nous ont transmis des
faits et des moeurs , qui nous donnent
beaucoup de lumieres sur l'Histoire ancienne.
Celle d'Egypte si curieuse, et cependant
si embarrassée, fait la matiere du
premier ; mais que de choses singulieres
, Diodore de Sicile ne nous a - t'il pas
conservé sur les moeurs , la Religion et
le Gouvernement des Egyptiens ? C'est
de là principalement que le célebre M.
Bossuet , a tiré le fond des sages et lumineuses
réflexions qu'il a données sur
l'Histoire d'Egypte , dans son discours
sur l'Histoire Universelle. F vj
962 MERCURE DE FRANCE
Dans le second Livre , l'Auteur passe
à l'Empire des Assyriens , si célebre ,
mais si confus dans l'ancienne Histoire ,
par la diversité de sentimens qui se trouve
entre Herodote et les autres Ecrivains.
Diodore de Sicile plus proche des anciens
Monumens que nous ne sommes aujourd'hui
, a choisi le meilleur parti ; et conformément
à l'Ecriture Sainte , il fait remonter
l'Histoire des Assyriens aux
temps les plus prochains du Déluge.
Après quoi, il parcourt l'Inde , la Scythie
et l'Arabie.
Vient dans le troisiéme Livre , l'Histoire
des Ethiopiens , très curieuse par la
singularité de leurs moeurs , d'où l'Auteur
passe aux anciennes Divinités de la
Fable ; Divinités cependant qui ont un
fondement réel dans l'Histoire , et Diodore
de Sicile a soin de nous donner les
fumieres nécessaires pour démêler la verité
du mensonge.
Le quatriéme Livre de Diodore de Sicile
continue à parler des anciennes Divinités
, d'où il vient aux Héros de la
Grece ; Hercule et Thésée sont ceux
dont il parle avec plus d'étendue , mais
toujours en raprochant la verité de la
Fable qui l'a couverte et envelopée .
Enfin , le cinquiéme Livre traite des
Isles
MAY. 1737. 951
ffles de la Mer Méditerranée , il passe
même jusques à l'Ocean , et pousse dans
l'Angleterre , et dans le Nord, d'où il revient
chés les Celtes et les Gaulois , et
raconte toujours des choses également
utiles et interessantes.
Enfin , le Traducteur finit cette élegante
version par plusieurs fragmens importans
, qui doivent suivre le cinquiéme
Livre. Il est à souhaiter que l'Auteur
également exact et poli , ne laisse pas
languir le Public qui désire avec impatience
la suite d'une Traduction , que
l'on attendoit depuis long- temps.
IMITATION de Notre Seigneur Jesus-
Christ , traduite et revûë sur l'ancien
original françois , d'où l'on a tiré un
Chapitre qui manque dans les autres Editions
. Par M. l'Abbé Lenglet Dufresnoy ;
nouvelle Edition , in- 12. à Paris , chés Ándré
Cailleau, Quay des Augustins. 1737.
Cette nouvelle Edition de l'Imitation
de J.C.n'est pas un Ouvrage du caractere
des autres Livres de ce genre. Le hazard
fit trouver à M. l'Abbé Lenglet , lors
qu'il étoit en Flandres , quelques imprimés
gothiques , sous le titre de l'internelle
Consolation , ou de la Confolation interieu-
A l'inspection du Livre il remarqua
que
964 MERCURE DE FRANCE
que c'étoit celui de l'Imitation de J. C.
sous un autre nom , et dans un autre
ordre. Il n'en fallut pas d'avantage pour
exciter sa curiosité et pour l'animer à
faire quelques recherches , qui lui réüssirent.
Il remarqua non - seulement dans
ees anciens exemplaires beaucoup de
différences essentielles , mais il observa
même qu'il y avoit au Livre premier un
Chapitre entier, qui manquoit dans toutes
les Imitations ordinaires . De retour
à Paris , il continua ses recherches , et
trouva dans la célébre Bibliotheque de
l'Abbaye de Saint Germain des Prés
d'autres Exemplaires imprimés de ce
même Livre , et toujours sous le même
titre. M. l'Abbé Lenglet se détermina
donc à faire imprimer dans les Pays Bas
en 1731. une Edition nouvelle de l'Imitation
de J. C. avec ce nouveau Chapitre ,
qui fait le XXVIe, du premier Livre. Il
donne aujourd'hui de nouveau cette mê
me Edition qu'il a revûë exactement sur
ces Originaux. C'est une obligation que
Fon a aux recherches de cet Auteur.
La Préface de M. l'Abbé Lenglet , qui
est curieuse et instructive , tend à prouver
que l'original de l'Imitation de Jesus-
Christ , est françois , & que le latin n'en
est qu'une Traduction , qui a même
quel
MAY. 1737. 965
quelquefois abregé les paroles du premier
Auteur. M. l'Abbé Lenglet jerte les yeux
sur Gerson , Chancelier de l'Eglise et de
l'Université de Paris , au commencement
du XVe. siecle pour lui attribuer cette
pieuse production . Il a scrupuleusement
examiné toutes les Editions antiques du
François qui lui sont tombées entre les
mains , et pas une n'a marqué que ce fût
une Traduction . Elles font seulement
connoître que c'est un Livre nouvellement
imprimé et corrigé. Cependant
c'étoit une gloire que nos anciens ne lais
soient point échaper ; ils préferoient la
qualité de Traducteur à celle d'Auteur,
qui leur paroissoit moins sçavante .
•
Le nouvel Editeur croit par- là qu'il
peut concilier les deux Traditions
dont l'une donne ce Livre à Gerson et
Pautre à Thomas à Kempis. Gerson aura
fait le Livre en François et Thomas à
Kempis l'aura traduit en Latin , en l'accommodant
néanmoins à la vie Religieu
se ; au lieu que l'Auteur original ne parle
dans tout son Livre que des Chrétiens
en général. Ainsi les deux Traditions
sont également recevables , mais cependant
à différens égards. En ce cas , l'Edition
de Bresse en Italie de 1435. qui,
la premiere, attribue ce Livre à Gerson ,
n'a
966 MERCURE DE FRANCE
n'a pas moins raison que celle d'Ausbourg
de 1475. et une autre de 1485. qui
la donnent à Thomas à Kempis ; à l'un
comme Auteur , et à l'autre comme Tra
ducteur.
Notre nouvel Editeur à raison de s'étonner
que tant de personnes habiles ,
les Naudés , les Frontons , les Launois , et
même les Dupins , ayant traité cette fameuse
controverse sur l'Auteur de ce
Livre , pas un n'ait d'écouvert cet Ouvrage
François imprimé tant de fois . Il
est hors de doute qu'il auroit fait changer
le systême de la dispute.
Mais quand le célébre Gerson auroit- il
fait cet Ouvrage ? Ce seroit sans doute
dans sa retraite. Cet illustre Théologien
qui avoit assisté au Concile de Constance
, ne revint plus à Paris , il voyagea
et se retira ensuite à Lyon , où il mena
une vie obscure et pénitente , et il y
mourut l'an 1429. Ce seroit là sansdoute,
qu'il auroit fait ce Livre pour raprocher
les maximes de la Vie Intérieure , de la
Vie commune de Jesus - Christ et de ses
Apôtres ,
Pour marquer ce qu'on doit penser de
cette nouvelle Traduction , on se contentera
de marquer ici ce qu'en dit M..
l'Abbé de Marcilli , Docteur de la Maison
MAY. 1737. 967
son et Societé de Sorbonne , dans son
Aprobation , que » la beauté du style ,
» la noblesse des expressions n'ôte rien à
» la simplicité convenable à un Ouvrage
» de ce genre , et lui donne un nouveau
» mérite au - dessus de celles qui ont paru
»jusques à présent . Le Traducteur habile
a le talent de rendre plus sensibles.
» les pensées de l'Auteur en quelques en-
» droits , qui avoient besoin d'être éclair-
>> cis : mais la découverte qu'il a faite d'un
>>
Chapitre , qui manquoit au premier
» Livre , enrichit sa Traduction d'un
» morceau excellent. Les personnes qui
» ont le vrai goût de la pieté ( que nul
>>Livre n'est plus capable de leur inspirer
» que celui de l'Imitation de J. C. ) sçau- .
>> ront bon gré à M. Lenglet et de sa re-
» cherche et de cette addition .
M. l'Abbé Lenglet voulant faire voir
le caractere de l'Auteur original , a mis le
XVIe. Chapitre du premier Livre dans
notre vieux Gaulois , tel qu'il l'a trouvé
dans ses Exemplaires.
MEMOIRES Concernant le Droit de Tiers
et Danger , sur les Bois de la Province de
Normandie. Par M. Louis GREARD ,
Ecuyer , ancien Avocat au Parlement de
Rouen. Avec les Preuves et Observations
de
968 MERCURE DE FRANCE
de M. Louis FROLAND , Ancien Bâtonnier
de MM.les Avocats du Parlement de Paris.
1. Vol. in-4° . A ROUEN , chés Abrabam
Viret , Imprimeur- Libraire , ruë Sénécaux
, près Saint Martin fur Renelle , et
Pierre le Boucher le jeune , Libraire , sous
la Galerie du Palais . Et à Paris , chès de
Nully , le Gras et Girard , Libraires an
Palais.
Cet Ouvrage est également curieux et
intéressant , écrit avec une délicatesse et
une solidité qui le feroient seules rechercher.
Il servit en 1673. à la défense de
toute une Province , qui le regarde encore
aujourd'hui avec une extrême vénération .
Celle qu'elle conserve pour la mémoire
du Sçavant Défenseur , à qui elle doit
son repos , lui faisoit désirer depuis longtemps
de voir renouveller un monument
qui lui est si précieux . M. Loüis FROLAND,
Neveu Maternel de M. GREARD , vient
de remplir de si just es desirs. Non - seulement
il a fait imprimer ces Mémoires ;
mais il y a joint un Extrait raisonné de
toutes les Pieces qui ont servi pour les autoriser.
On admire surtout la précision et
la justesse avec laquelle l'Auteur s'exprime
au milieu d'une foule de citations qu'il
s'est contenté de désigner . Dans les notes
placées entre chaque Chapitre , on voit
les
MAY.
1737. 969
les recherches immenses qu'il lui a fallu
faire pour choisir ses autorités. Tout
ce que les Histoires ont dit de cette
Province et de ses prérogatives se trouve
adroitement employé par notre Auteur
, et judicieusement mesuré aux circonstances
dans lesquelles se trouvoit le
Pays qu'il avoit à défendre.
On a placé à la fin de ce Volume un Recueil
de différens Arrêts du Parlement
de Normandie , qui jugent les plus singulieres
Questions de Fait et de Coûtume.
Ils ont été judicieusement recueillis
par feu M. Bertheaume , ancien Avocat
de ce Parlement. L'espece y est établie
avec précision , après le prononcé de
P'Arrêt , pour déterminer plus sûrement
la circonstance dans laquelle il a été ren .
du .
Après ce compte rendu au Public des
Mémoires sur le TIERS et DANGER , il n'est
pas hors de propos de dire un mot des
propres Ouvrages de M. Froland . On se
contentera d'en donner les Titres ; le credit
qu'ils ont eu depuis qu'ils sont entre
les mains du Public , a prévenu l'Eloge
qu'on en pouroit faire .
MEMOIRES Concernant le Comté Pairie
d'Eu , et ses Usages prétendus Locaux ,
avec les Arrêts du Parlement de Paris
qui
970 MERCURE DE FRANCE
qui les ont condamnés , par M. Louis
FROLAND , Ancien Avocat au Parlement
de Paris. M. DCC . XXII . 1. Vol. in - 4 °.
MEMOIRES Concernant la prohibition
d'évoquer les Décrets d'Immeubles situés en
Normandie , avec les Chartes , Ordonnances
, Edits , Déclarations , Lettres
Patentes , Réponses de nos Rois , Arrêts
du Conseil et du Parlement de Paris , qui
ont établi et confirmé le Privilege de la
Province ; diverses Questions mixtes qui
en dépendent , et les Arrêts qui les ont
décidées. M. DCC. XXII . 1. Vol . in 4 .
MEMOIRES Concernant l'Observation du
Senatus-consulte Velleien dans le Duché
de Normandie, et diverses Questions mixtes
qui en dépendent , avec les Arrêts
qui les ont décidées . M. DCC . XXIX . 1 .
Vol. in- 4.
MEMOIRES Concernant la nature et la
qualité des Statuts. Diverses Questions
mixtes de Droit et de Coutume , et la
plûpart des Arrêts qui les ont décidées .
M. DCC. XXIX. 2. Vol . in-4.
Tous ces Ouvrages se vendent à Paris
chés de Nully , au Palais .
LETTRE écrite par M. *** à M. ***
au sujet du Passage du Roy et de la Reine de
Pologne par la Champagne , en allant prendre
possession de leurs Etats de Lorraine. A Chaalons
chés
MAY. 1737 971
chés Seneuze , 1737. brochure in 4. de 12. pages.
La Lettre est datée du 25. Avril.
L'Ecrivain déclare dabord avec modestie qu'on
ne doit s'atacher qu'à la vérité d.s faits qu'il raporte
et non à la délicatesse du stile. Il commence
ainsi sa narration . Le Roy de Pologne partit
de Meudon en poste le premier Avril , ce Prince
n'a séjourné en aucun endroit , il vint coucher à
Mont-Saint - Pere, Terre limitrophe de cette Province
, qui apartient à M. Paris du Vernay.
De Mont - Saint-Pere, le Roy de Pologne se rendit
à Epernay , il fit l'honneur à M. d'Aubigny,
Lieutenant General et Subdelegué de M. l'Intendant
, de dîner chés lui .
Le Roy fit aussi l'honneur à M. de Saint Clair,
Chevalier de S. Louis , Exempt des Gardes du
Corps , Gendre de M. d'Aubigni , de le faire
manger à sa table . La Bourgeoisie qui étoit sous
ler Armes , bordoit les rues, et monta la garde
chés le Roy jusqu'au départ de Sa Majesté
Elle fut escortée d'abord par la Maréchaussée ;
une Compagnie du Régiment de Pont , Cavale
rie , qui est en quartier dans le Village d'Athie ,
conduisit ce Prince jusqu'à Jalon , une autre du
mêine Régiment releva cette premiere , ct l'accompagna
jusqu'à Aulnay; les Diles de ce Lieu , vétuës
galamment , et M. le Curé ensuite , complimenterent
S. M. Voici l'un et l'autre de ces Compli
mens , et les Réponses du Roy de Pologne ; Pune
de ces Dlles s'étant avancée , dit avec beaucoup
de grace , en lui présentant le vin d'honneur .
>
SIRE , nous vous offrons au nom de nos Peres
de foibles marques de leurs respects , nous accompagnons
notre offrande de voeux sinceres que
nous faisons pour votre santé puissiez - vous SIRE
Lorsque nous serons ayeules , recevoir de notre pos
terit
972 MERCURE DE FRANCE
terité les mêmes hommages , et voir la vôtre faire
le bonheur de l'Europe .
Le Roy de Pologne aplaudit en souriant à la
saillie de cette jeune personne , il lui souhai
ta l'accomplissement de ses désirs , dans lesquels
il lui dit qu'il se trouvoit fort interessé
ces Dlles s'étant éloignées , M. le Dieu , Curé
d'Aulnay , âgé de près de 80. ans, s'avança et dit.
SIRE , il y a long- temps que je vis, mais dans
le cours de mes années , je n'ai pas eû un jour si
flateur l'ai le bonheur de voir un grand Roy que
son Héroisme fait respecter de toutes les Nations
un Roy tojours égal à lui - même , malgré le concours
des évenemens les plus marqués , c'est le vrai caractere
de la vertu ; nos voeux , SIRE , ont déja
étéplusieurs fois portés jusqu'au Trône du Roy des
Rois pour la conservation et la prospérité de V. M.
Les François , SIRE , et moi en particulier , s'y
interessent sincerement et relativement à votre Per
sonne sacrée , et par reconnoissance pour le don
que
le Ciel nous a fait de Monseigneur le Dauphin votre
petit-Fils , qui assure le repos de cet Empire
je redoublerai mes prieres , SIRE , pour qu'une
parfaite sécurité pendant une longue suite d'années
vous conduise à la vie éternelle.
Le Roy parut satisfait de ce Compliment , il
en remercia fort gracieusement M. le Curé, et le
conjura de se ressouvenir de la promesse qu'il
lui faisoit de prier Dieu pour lui,
A la sortie du Bac d'Aulnay , de l'autre côté
de la Riviere de Marne, le Roy de Pologne trous
va une Brigade de la Maréchaussée qui l'escorta
jusqu'à Chaalons ; en chemin il trouva une autre
Compagnie du même Régiment de Pont, qui
augmenta l'escorte ; S. M. arriva en cette Ville
sur les quatre heures , précedé d'un nouveau détachement
MAY. 1737.
973
tachement de la Maréchaussée , commandé par
le Prévôt Géneral , et de deux Chaises de poste ,
dans lesquelles il y avoit deux Seigneurs de sa
Maison , plusieurs de ses Officiers suivoient à
cheval , le Carosse de M. de Beaupré , qui étoit
allé au- devant de S. M. venoit après , un troisiéme
Escadron du Régiment de Pont fermoit la
marche. Le Roy passa au milieu d'une foule de
Peuple accourue de toutes parts pour voir S. M.
laquelle pour répondre à cet empressement ,baissa
les glaces de sa Chaise et ordonna à son Postillon
d'aller au petit pas .
De Chaalons, S. M. se rendit à Sary, Château
de M. l'Evêque, situé à l'extremité du Jard , promenade
la plus belle qu'il y ait dans aucune Ville
de France ; ce Château est très -beau et trèscommode
; on le concevra aisément en se rapellant
que les Evêques de Chaalons y ont toujours
reçu les Princes et Princesses du Sang, M. le Duc
d'Orleans et M. le Duc y ont été mariés .
M. l'Evêque , accompagné du Marquis de
Choiseul , Lieutenant Général de la Province ,
de l'Abbé de Saint Mémie , ses Freres , et des
Personnes les plus distinguées de Chaalons , reçut
S. M. à la descente de sa Chaise ; ce Prélat
comptoit que le Roy de Pologne lui feroit l'honneur
de souper et coucher chés lui , mais comme
il étoit encore de bonne heure , ce Prince
jugea à propos de ne s'arrêter qu'environ uns
heure , et d'aller à Saint Dizier après avoir embrassé
M. l'Evêque et lui avoir témoigné combien
il étoit sensible à sa politesse ; S. M. embrassa
pareillement M. l'Intendant , et lui témoigna
qu'elle étoit très- contente des attentions
qu'il avoit eues pour lui dans son Département.
L'Evêque de Chaalons présenta au Roy son
3
Neveu,
974 MERCURE DE FRANCE
sant ,
Neveu , fils du Marquis de Choiseul , en lui diqu'étant
né en Lorraine il étoit du nombre
de ses Sujets , ce jeune Seigneur , qui joint à
une phisionomie des plus heureuses , beaucoup
d'esprit et de graces , servoit alors à boire à S.M.
qui avec cette douce et noble affabilité qui releve
toutes ses actions , dit, en mettant la main sur
l'épaule de cet aimable Enfant , J'en prends possession
avec bien du plaisir.
Les Officiers de Ville de Chaalons s'étant ren
dus à Sary , furent introduits auprès de S. M.
par M. l'Evêque , ils présenterent à ce Prince le
vin d'honneur, qu'il accepta ; ces Mrs et les Per
sonnes de consideration qui s'étoient rendus à
Sary , furent invités par M. l'Evêque d'y rester
au soupé, qui étoit destiné pour S. M. De Sary ,
le Roy se rendit à Saint Dizier , & c .
La Reine de Pologne partit de Meudon le 3 .
Avril et arriva à 7 heures du soir au Château de
Congy, qui apartient à M,de Chasot , Président
à Mortier au Parlement de Metz ; Ș. A. S. Mademoiselle
de Clermont y logea en 1725 , lorsqu'elle
alla à Strasbourg pour le Mariage de la
Reine. M. l'Intendant reçut la Reine de Pologne
à la descente de son Carosse , que tous les Habitans
de ce Lieu entouroient ; les femmes offrirent
leur présent à S. M. qui consistoit en un
Mouton orné d'une infinité de rubans, & c. sur les
huit heures la R. de P. soupa à son petit couverts
on ne fera point le détail des differens mets qui
furent servis avec une délicatesse et une attention
infinies de la part de M.l'Intendant , qui fit aussi
servir à soupé aux Seigneurs et Dames de la suite
de S. M.
Le lendemain la Reine de Pol . après avoir en
tendu la Messe , partit pour Sary. Elle alla dîner
au
MAY. 1737. 975
u Château de Reineville , à cinq lieues de Chaalons
. M. de Beaupré avoit cû soin que tout y
für en abondance; l'Evêque s'y étant aussi rendu,
i's reçurent S. M. à la descente de son Carosse
; plusieurs femmes en habit des bonnes Fê.
tes , présenterent à la Reine un Lapin blanc ,
orné de rubans , & c.
La Reine étant partie de Reineville de bonne
heure, arriva à Chaalons vers les 5. heures , et se
rendit ensuite au Château de Sary , où elle a séjourné
. Son Entrée en cette Ville fut fort belle ,
plusieurs Brigades de Maréchaussées , commandées
par le Prévôt Géneral , étoient de la suite ;
deux Compagnies du Régiment de Pont et les
Pages de S. M. environnoient son Carosse ; M.
l'Evêque et M. l'Intendant précedoient , chacun
dans leur Chaise de poste , afin de recevoir S. M.
à Sary , cinq Carosses à six chevaux , dans lesquels
étoient les Dames et Seigneurs de la suite
de la Reine , & c. La Compagnie de l'Arquebuse
de Chaalons étoit sous les Armes à l'entrée de la
Ville , les Milices Bourgeoises bordoient les rues
jusqu'à la porte de la superbe Promenade dont on
a parlé .
S.M. fut reçue à Sary par les mêmes Personnes
qui s'y étoient trouvées lors du passage du Roy;
l'Evêque de Chaalons et le Marquis de Choiseul
, curent l'honneur de lui présenter la main.
S. M. soupa à son petit couvert et se coucha
de bonne heure.
Le lendemain elle entendit la Messe à 11. heures
dans la Chapelle du Château , les Officiers de
Ville furent présentés à S. M. par le Marquis de
Choiseul, ils lui offrirent dans une corbeille trèsgalamment
ornée toutes sortes de confitures
seches. G La
976 MERCURE DE FRANCE
La Reine dîna à son petit couvert à midy ;
elle reçut sur les cinq heutes les respects du R.P.
Baltus , Recteur des jésuites de Chaalons , &c.
Lorsque la Reine de Pologne eut fait ses dépêches
pour le Roy son Epoux , elle en chargea
le Marquis de Choiseul , et nomma en mêmetemps
Mad. son Epouse Dame de son Palais ;
M. de Choiseul en remercia S. M. dans des termes
pleins de reconnoissance; il partit à l'instang
pour Luneville.
Le 7. Avril 5. M. entendit la Messe à dix heu
res , dîna une heure après à son petit couvert et
partit à midy.
On ne peut rien dire de plus obligeant que ce
que la Reine dit à l'Evêque , sur la réception
que lui a fait ce Prélat ; il fut remercié aussi par
la Comtesse de Linange et par les autres Seigneurs
et Dames de la Cour.
M. de Beaupré monra dans sa Chaise de poste
pour préceder S. M. à Vitry ; elle y arriva à 6.
heures du soir , escortée par un détachement de
la Maréchaussée .
L'élite de la Milice Bourgeoise sous les Armes
avec des cocardes blanches , formoit une double
haye dans les rues , jusqu'au logement de la Reine
; le Marquis de Vilaine , Gouverneur de la
Ville étoit à la tête . S M. fut reçûë à la descente
de son Carosse par M. de la Galaiziere , Intendant
de Lorraine et de Bar , qui lui donna la
main jusques dans son Apartement.
Les Maire et Echevins , qui furent présentés
par M. l'Intendant , offrirent leurs présens à la
Reine , ils furent très - bien reçus elle admit ensuite
à son Audience plusieurs Officiers des Troupes
du Roy , elle en reconnut quelques- uns , et
leur donna des témoignages de son souvenir ; le P.
Prieur
MAY. 1737.
977
Brieur de la Charité de cette Ville fut aussi admis
à rendre ses respects à la Reine , il lui présenta
un Ananas d'une prodigieuse grosseur .
A huit heures S. M. soupa à son petit couvert,
il y cut cinq autres tables , dont l'une étoit de
30. couverts , et les autres de 25. et 20. qui fusent
servies avec une propreté et une délicatessé
qui passe tout ce qu'on peut imaginer.
L'attention de M. l'Intendant ne se borna pas
aux Personnes de distinction , il voulut que géneralement
tous les gens de la snite se ressentissent
de sa magnificence ; on cur servit un sou◄
pé convenable et force vin de Champagne.
Le lendeman , jour du départ , S. M. alla entendre
la Messe à sept heures à la Collégiale , elle
fut reçue à l'entrée de la principale porte par le
Chapitre , qui lui avoit fait préparer un tapis de
pied et un careau sur lequel la Reine se mit à
genoux pour baiser la Croix , qui lui fut présentée
par le Doyen , S. M. s'étant levée elle reçut l'Eau
benite ; ensuite le Doyen prononça ce Discours .
MADAME ,
.
Le Chapitre de l'Eglise Royale de cette Ville
rend avec un respectueux empressement ses trèshumbles
devoirs à V.M.Nous allons , MADAME,
célebrer les saints Misteres pour demander à Dieu
la conservation de V. M. et le bonheur de toute la
Famille Royale , c'est aux seules Prieres que se ter
minent dans le Temple du Seigneur les Camplimens
des Ministres du Roy des Rois.
La Reine salua le Clergé qui l'accompagna
jusqu'à son Prie- Dieu , M. l'Intendant,donnoit
la main à S. M. La Messe finie , le Doyen à la
droite de la Reine , précedé de tout le Chapitre,
la conduisit jusqu'à son Carosse . M. l'Intendant
continua de donner la main à S. M. Au milieu
G ij de
978 MERCURE DE FRANCE
·
de la Nef , elle eut la bonté de se tourner
du côté du Doyen , et lui dit : M. je vous
remercie et toute votre Compagnie , de la réception
gracieuse que vous m'avezfaite. Le Doyen lui répondit
: MADA ME , nous désirons ardemment
que les Prieres que nous venons de faire pour V.M.
soient exaucées, nous avons prié de tout notre coeur .
Ensuite la Reine monta en Carosse pour se
rendre à S. Dizier , escortée par un détachement
de Maréchaussée , un instant après M. l'Intendant
partit en paste , afin de préceder S. M.
S. M. arriva le 11. sur les midy à S. Dizier ,
escortée d'un détachement de la Maréchaussée
de l'Arquebuse et les Milices Bourgeoises bordoient
les rues ; cette Princesse logea au Château
que M. de Beaupré avoit fait meubler . Les Maire.
et Echevins qu'il présenta à la Reine , lui offri
rent leurs présens , et furent reçus très - gracieusement.
S. M. dina à son petit couvert , elle fut servie
comme si elle cût mangé en public ; il y eug
plusieurs autres tables également bien servies par
les soins de M. de Beaupré , S. M. partit à trois
heures pour aller coucher à Bar. Elle témoigna
à M. de Beaupré combien elle étoit satisfaite de
ses attentions , &c. Tous les Seigneurs et Dames
de sa Cour le complimenterent dans des termes
remplis de reconnoissance. Il a suivi S. M. jus◄
qu'à Bar.
Dès qu'on fut assuré que la Reine de Pologne
étoit arrivée sur la Frontiere de ses nouveaux
Etats, une nombreuse Compagnie de Chevaliers
proprement vétus d'un uniforme blanc avec paremens
rouges , alla à sa rencontre et revint le
même jour , marchant devant le Carosse de
S. M. au bruit des Instrumens Militaires,
Sur
MAY. 1737-
979
Sur le chemin , à quelque distance de Bar- le-
Duc , la Reine trouva une Compagnie de jeunes
Gens à pied , qui avoient passé la nuit sous des
Tentes , en attendant son arrivée. Cette Compagnie
formée à son honneur , lui servit d'escorte .
Lorsque la Reine arriva aux portes de la Ville,
elle y trouva environ trois mille Bourgeois qui
étoient rangés sous des Drapeaux magnifiques,
et qui la suivirent jusques au Château.
En entrant dans cette Place , elle fut complimentée
par M. le Commandant , et en avançant
un peu plus loin , elle parut agréablement surprise
d'un Spectacle que présentoit à ses yeux la
Jeunesse du College des Jésuites. Ces jeunes Gens
etoient partie à pied et partie à cheval . Ceux des
Classes inférieures , au nombre de quarante ,
étoient à pied , habillés à la Polonoise , ayans
tous un habit d'écarlate bordé de fourures d'her
mine ,et sur l'habillement des écharpes de prix . Hs
avoient des bonnets rouges qui cachoient entie
rement leurs cheveux , et dont la pointe garnie
d'une frange d'argent , s'élevoit au - dessus d'une
fourure très - propre. Devant eux pendoient de
petits coutelas , et ils tenoient à la main des
Etendards très riches , les uns aux Armes de Pos
logne , de Leczinski , les autres aux Armes de
Lorraine et de Bar.
Ceux des Classes supérieures étoient à cheval
au nombre de 24. botés à la Połonoise , habillés
comme les autres d'écarlate , et portant des bonnets
de même , mais ayant tous le Sabre à la
main.
Ces deux Corps étoient rangés dans la cour inte
rieure du Château sur deux lignes , en demi cercle,
ayant à une extremité leur Tambour , habillé à
la Romaine , et à une autre deux Clercs , dong
Giij l'un
980 MERCURE DE FRANCE
P'un étoit à cheval , représentant tous les Clercsdu
College , et l'autre à pied , en manteau long,
qui se disposoit à parler. A leurs côtés étoient
Mrs les Militaires de la Garde , présentant les
Armes.
Aussi- tôt que la Reine fut près de ces jeunes:
Gens ainsi disposés , les premiers baisserent leurs
Erendarts pour la saluer ; ce qui se fit avec beaucoup
d'ordre et au grand contentement de S. M.
La Reine inonta ensuite dans son Apartement,
introduite par M. le Chancelier et Garde des
Sceaux , précedée de quelques - uns des Polonois,
qui portoient des Etendarts aux Armes de Bar.
Après que M. le Chancelier eut fait son compliment
, un Ecolier eut aussi l'honneur de com
plimenter Sa Majesté au nom du College..
La Reine répondit avec bonté : Je suis trèssensible
à votre Compliment , je vous en remercie ,
mais je veux voir encore une fois la Jeunesse Polonoise.
Sur cela on donna ordre à cette Jeunesse de se
rendre dans l'Apartement de S. M. et là ces jeunes
Gens passant tous devant elle , les uns aprèsles
autres , ils eurent l'honneur de la saluer de
rechef avec l'Etendart.
Ils sortirent ensuite deux à deux et revinrent
avec les Cavaliers Polonois au College . Peu de
temps après le Canon du Château se fit entendre;
on ne doit pas oublier ici la maniere gracieuse
dont S. M. remercia la Noblesse et toutes les
Compagnies de cette Ville , qui étoient dans les
différentes Chambres de son Apartement , & c ..
Elle leur témoigna qu'elle étoit très- satisfaite de.
leur zele et de tout ce qu'on faisoit pour elle .
Sur le soir , vers les huit heures , le Château
et toute la Ville étant illuminés , on tira un trèsbeau
MAY. 1737. 981
beau Feu d'artifice , qu'on avoit artistement pla
cé sur un bâtiment à deux étages , orné de Devises
à l'honneur du Roy et de la Reine , et surmonté
d'une Renommée , qui tenoit d'ung main
les Armes de Pologne et de l'autre sa Trompete .
Après quoi la Reine se mit à table , et comme
elle a un grand fond de pieté et de religion , inalgré
toutes ses fatigues et la délicatesse de son
tempérament , elle ne prit qu'une simple collation
Alors les Dames curent l'honneur de lui
faire la réverence, et en furent très gracieusement
reçûës .
Le lendemain 12. Avril , S. M. entendit la
Messe dans la Chapelle du Château , où elle fut
complimentée par le Doyen de certe Eglise .
Après avoir oui la Messe , elle monta dans
son Carosse. Aussi - tôt la Jeunesse Polonoise
qui avoit repris son premier poste , se mit en
marche sur deux lignes , ceux qui étoient à cheval
, marchant immédiatement devant le Carosse
de la Reine , et ceux qui étoient à pied marchant
à la tête avec leurs Etendarts . Les autres
Carosses suivoient , bordés de la nouvelle Compagnie
à pied, et suivis d'une partie de la Bourgeolie
, tap iis que l'autre bordoit les rues .
On marcha dans cet ordre jusques hors de la
Ville, &c. La Reine fut de nouveau complimentée
au nom des Ecoliers Elle eur la bonté de dire plus
sieurs fois qu'elle étoit très- contente, et que ceux
qui étoient à pied pouvoient s'en retourner , ce
qu'ils firent à la suite de la Bourgeoisie .
Pour les autres qui étoient à cheval , ils eurent
l'honneur de marcher devant le Carosse de S. M.
jusqu'à la premiere Bourgade. La Compagnie
des Chevaliers qui avoient attendu la Reine ,
continua à l'accompagner jusques vers Ligny au
Giiij bruig
982 MERCURE DE FRANCE
bruit des Trompettes et des Timbales . Ensuite
S. M. les remercia de la maniere du monde la
plus obligeante .
Pierre Gissey , Libraire et Imprimeur , ruë de
la vieille Bouclerie , débite depuis quelque temps
des Feuilles Périodiques , qui paroissent tous les
Mardis , et dont voici le titre : Reflexions sur les
Ouvrages de Litterature . Il paroît que deux Aureurs
ont travaillé aux Feuilles qui composent le
premier volume , et que le second , dont le stile
est plus élegant et plus correct , mérite encore
plus l'estime du Public. L'Auteur de cette continuation
fournit sa carriere avec plus de succès ;
sa Critique est instructive et agréable . Il juge
sainement des Livres modernes , et entremêle des
refléxions interessantes. Dans la premiere Füle
du second volume il expose ainsi son sentiment
sur la Critique.
99
55
>> Quel ton faut-il prendre en critiquant ? Si
l'on s'en raporte au bon sens , qui est l'oeil de
l'esprit , il faut proportionner le ton à l'Ouvrage
qu'on discute ; s'il est sérieux ou dogmati-
" que les graces austeres , le stile ferme et soutenu
, sont alors de saison , et rien ne seroit
plus ridicule que la demangeaison de plaisanter .
" Veut-on aprécier le mérite d'un Ouvrage d'esprit
? les tours vifs et ingenieux , le sel attique
" et les jeux de l'imagination doivent assaisonner
la Critique et les louanges . Mais le fiel et l'envie
d'élever sa réputation sur les ruines de celle
d'autrui , ne doivent jamais se faire sentir . La
probité , la droiture du coeur et la politesse ,
» sont les plus beaux ornemens de la Critique .
Quelle étrange situation pour celui qui se livre
à ce dangereux métier ! La plupart des Lec-
ל כ
59
D
teurs
MAY. 1737. 983
32
teurs veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et hardis ,.
des ironies legeres, des tours figurés et expres-
" sifs , des saillies heureuses et même des Parodies
courtes , mais fines , du ridicule. Au con-
* traire l'Auteur crie à l'injustice, se plaint qu'on
→ cherche à divertir le Public à ses dépens , et vomit
un torrent d'injures. Faut-il que pour
lui plaire le Critique laisse dormir son imagination
, et s'expose au danger certain d'en-
" nuyer ses Lecteurs par de tristes et froides re-
" fléxions ? En vain donneroit- on ce conseil au
Critique , il ne le suivroit pas , sçachant com-
» bien il est de son interêt d'égayer son Discours.
Mais on a droit de lui prescrire une impartialité
rigide , l'observation des regles de
" l'honnêteté et de la bienséance, et une sinceritéqui
ne se démente jamais . Heureux le Critique
qui ne fait jamais briller son esprit aux dépens
» de son coeur ! Sûr du suffrage du Public , il ob-
"tiendra l'aprobation de l'Auteur même , lors-
DJ que son ressentiment sera éteint.
Dans la cinquiéme Feuille , l'Auteur des Refléxions
s'explique ainsi à l'occasion d'un Libelle .
Rien de plus déplorable que l'abus des talens
de l'esprit dans les disputes où les Gens de Let-
» tres ne devroient se proposer que la perfection
» du goût et de la raison . A en juger par les injures
dont ils s'accablent , on croiroit que les
Belles - Lettres , loin de communiquer plus de
politesse et de modération , ne servent qu'à en'
étouffer les précieuses semences. Quelle idée
» veulent- ils que le Public se forme de leurs
" études et de leur éducation , lorsqu'il les voit
braver sans pudeur les loix de l'honnêteté er
de la bienséance Ces procedés indigues ren-.
GY > deng
981 MERCURE DE FRANCE
D
39.
» dent méprisables les Lettres et ceux qui fons
profession de les cultiver ... Je conviens que
le genre polemique doit être assaisonné d'un
» peu de sel, mais ce sel ne doit Fas être mordicant
, c'est à Venus et aux Graces de le prépa
rer , pour rendre plus vif le goût de la raison .
Chercher à flatter la malignité des Lecteurs
> c'est se défier de la force et de la justesse des
» raisonnemens qu'on leur présente , et révolter
toutes les personnes sensées. Je ne métonne pas
que des gens indignés des excès de la Critique ,
l'ayent regardée comme une invention du Dia-
» ble. Omnino credo Diabolum esse Auctorem
" Critices , disoit David Pareus , maltraité par
» Joseph Scaliger. L'Auteur ne s'écarte point de
ces Regles judicieuses. Les dernieres Feuilles de
cet Ouvrage , sur tout , sont très- interessantes et
fort instructives ; toutes les personnes de goût
qui les ont lûës , ont jugé que peut - être elles ne
le cédoient pas aux autres Ouvrages qui paroissent
dans le même goût.
33
*
33
CATALOGUE des Livres de feue Madame la
Comtesse de Verruë , dont la vente . se fera en
détail en son Hôtel , rue du Cherche- Midy , le
12 juin 1737. et jours suivans . A Paris , ruë
S. Jacques , chés Gabr. Martin , in 8. de 2408-
pages.
L'ACADEMIE des Sciences et des Beaux-
Arts , établie à Pau , distribuera le premier Fé
vrier 1738 % le Prix d'une Médaille d'or à l'Ou
vrage en Prose ou en Vers , qu'elle jugera le mé--
riters lequel ne sera pas de plus d'une mie
heure de lecture.. Le Sujet proposé est : Quelles :
3
sompt
MA Y.
1737. 9 ཎཾ ;
sont les qualités les plus désirables dans la Societé ,
celles de l'esprit où celles du coeur. On adressera
jusqu'au mois de Novembre inclusivement les
Pieces affranchies , à M. d'Hegobure , Secretaire
de l'Académie. On mettra au bas de l'Ouvrage
une Sentence, laquelle sera repetée au - dessus d'un
Billet cacheté , dans lequel sera le nom de l'Auteur.
Le Lundi 29. Avril , l'Académie Royale de
Soissons , tint son Assemblée publique dans le
Palais Episcopal . M. Vernier , Directeur de cette
Académie , en fit l'ouverture par un sçavant Dis-
Cours , après lequel on fit la lecture de la Dissertation
qui avoit remporté le Prix , dont le
Sujet étoit : L'Epoque de l'établissement de la Religion
Chrétienne dans le Soissonnois , et les progrès`
du Christianisme dans le même Pays , avec le nom
des premiers Evêques de Soissons et la durée de leur
Episcopat jusqu'à la fin du quatrieme siecle Cette
Dissertation fut déclarée être de M. le Beuf ,
Chanoine et Sous - Chantre de l'Eglise d'Auxerre,
qui étoit présent à l'Assemblée. M. l'Evêque ,
Instituteur de ce Prix , lui remit une Médaille
d'or toute semblable à celle dont nous avons fait
la description dans les années précedentes , excepté
que dans l'Exergue on lit M. DCC. XXXVII,
Le Mardy 30. l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles Lettres , tint sa Séance publique
d'après Pâques. M. le Cardinal de Polignac présida
à cette Assemblée , et déclara que M. l'Abbé
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital à
Paris , avoit remporté le Prix sur le sujet proposé
l'année derniere par cette Académie , qui
étoit l'Etat des Lettres en France depuis la mort
1
Gvj de
982 MERCURE DE FRANCE
bruit des Trompettes et des Timbales . Ensuite
S. M. les remercia de la maniere du monde la
plus obligeante.
Pierre Gissey , Libraire et Imprimeur , ruë de
la vieille Bouclerie , débite depuis quelque temps
des Feuilles Périodiques , qui paroissent tous les
Mardis , et dont voici le titre : Reflexions sur les
Ouvrages de Litterature . Il paroît que deux Aureurs
ont travaillé aux Feuilles qui composent le
premier volume , et que le second , dont le stife
est plus élegant et plus correct , mérite encore
plus l'estime du Public. L'Auteur de cette continuation
fournit sa carriere avec plus de succès ;
sa Critique est instructive et agréable . I juge
sainement des Livres modernes , et entremêle des
refléxions interessantes. Dans la premiere File
du second volume il expose ainsi son sentiment
sur la Critique.
95
» Quel ton faut- il prendre en critiquant ? Si
l'on s'en raporte au bon sens , qui est l'oeil de
l'esprit , il faut proportionner le ton à l'Ouvra
" ge qu'on discute ; s'il est sérieux ou dogmatique
, les graces austeres , le stile ferme et soutenu
, sont alors de saison , et rien ne seroit
plus ridicule que la demangeaison de plaisanter.
» Veut- on aprécier le mérite d'un Ouvrage d'esprit
? les tours vifs et ingenieux , le sel attique
et les jeux de l'imagination doivent assaisonner
la Critique et les louanges. Mais le fiel et l'envie
d'élever sa réputation sur les ruines de celle
d'autrui , ne doivent jamais se faire sentir. La
probité , la droiture du coeur et la politesse ,
» sont les plus beaux ornemens de la Critique .
Quelle étrange situation pour celui qui se livre
à ce dangereux métier ! La plupart des Lec-
ל כ
59
teurs
MAY. 1737. 983
"
""
teurs veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et hardis ,
» des ironies legeres , des tours figurés et expres-
» sifs , des saillies heureuses et même des Paro-
→ dies courtes , mais fines , du ridicule . Au contraire
l'Auteur crie à l'injustice , se plaint qu'on
→ cherche à divertir le Public à ses dépens , et vomit
un torrent d'injures. Faut-il que pour
lui plaire le Critique laisse dormir son imagination
, et s'expose au danger certain d'ennuyer
ses Lecteurs par de tristes et froides re-
" fléxions ? En vain donneroit- on ce conseil au
Critique , il ne le suivroit pas , sçachant com-
" bien il est de son interêt d'égayer son Discours.
Mais on a droit de lui prescrire une impartialité
rigide , l'observation des regles de
l'honnêteté et de la bienséance, et une sincerité
qui ne se démente jamais . Heureux le Critique
qui ne fait jamais briller son esprit aux dépens
de son coeur ! Sûr du suffrage du Public , il obtiendra
l'aprobation de l'Auteur même , lorsque
son ressentiment sera éteint.
>>
و ز
05
Dans la cinquième Feüille , l'Auteur des Refléxions
s'explique ainsi à l'occasion d'un Libelle.
Rien de plus déplorable que l'abus des talens
de l'esprit dans les disputes où les Gens de Lettres
ne devroient se proposer que la perfection
» du goût et de la raison . A en juger par les injures
dont ils s'accablent , on croiroit que les
Belles- Lettres , loin de communiquer plus de
politesse et de modération , ne servent qu'à en
étouffer les précieuses semences. Quelle idés
" veulent- ils que le Public se forme de leurs
études et de leur éducation , lorsqu'il les voit
braver sans pudeur les loix de l'honnêteté et
de la bienséance Ces procedés indigues ren-
GV » deng
984 MERCURE DE FRANCE
» dent méprisables les Lettres et ceux qui font
profession de les cultiver ... Je conviens que
le genre polemique doit être assaisonné d'un
» peu de sel, mais ce sel ne doit Fas être mordicant
, c'est à Venus et aux Graces de le prépa
rer , pour rendre plus vif le goût de la raison .
Chercher à flatter la malignité des Lecteurs
» c'est se défier de la force et de la justesse des
» raisonnemens qu'on leur présente , et révolter
toutes les personnes sensées. Je ne métonne pas ›
que des gens indignés des excès de la Critique,,
l'ayent regardée comme une invention du Dia-
» ble. Omnino credo Diabolum esse Auctorem
"Critices , disoit David Pareus , maltraité par
» Joseph Scaliger. L'Auteur ne s'écarte point de
ces kegles judicieuses. Les dernieres Feuilles decet
Ouvrage , sur tout , sont très- interessantes et :
fort instructives ; toutes les personnes de goût :
qui les ont lûës , ont jugé que peut- être elles ne
le cédoient pas aux autres Ouvrages qui paroissent
dans le même goût.
200
CATALOGUE des Livres dé feuë Madame la ‹
Comtesse de Verruë , dont la vente . se fera en
détail en son Hôtel , rue du Cherche- Midy , le
12 juin 1737. et jours suivans. A Paris , ruë
S. Jacques , chés Gabr. Martin , in 8. de 240.-
pages..
L'ACADEMIE des Sciences et des Beaux-
Arts , établie à Pau , distribuera le premier Février
1738 % le Prix d'une Médaille d'or à l'Ouvrage
en Prose ou en Vers , qu'elle jugera le mé--
riters, lequel ne sera pas de plus d'une d mie
heure de lecture.. Le Sujet proposé est : Quelles :
Somp
MAY . A Y. 1737. 985
sont les qualités les plus désirables dans la Societé,
celles de l'esprit où celles du coeur. On adressera
jusqu'au mois de Novembre inclusivement les
Pieces affranchies , à M d'Hegobure , Secretaire
de l'Académie. On mettra au bas de l'Ouvrage
une Sentence, laquelle sera repetée au- dessus d'un
Billet cacheté , dans lequel sera le nom de l'Auteur.
Le Lundi 29. Avril , l'Académie Royale de
Soissons , rint son Assemblée publique dans le
Palais Episcopal. M. Vernier , Directeur de cette
Académie , en fit l'ouverture par un sçavant Discours
, après lequel on fit la lecture de la Dissertation
qui avoit remporté le Prix , dont le
Sujet étoit : L'Epoque de l'établissement de la Religion
Chrétienne dans le Soissonnois , et les progrès
du Christianisme dans le même Pays , avec le nom
des premiers Evêques de Soissons et la durée de leur
Episcopat jusqu'à la fin du quatrieme siecle Cette
Dissertation fut déclarée être de M. le Beuf,
Chanoine et Sous - Chantre de l'Eglise d'Auxerre , -
qui étoit présent à l'Assemblée . M. l'Evêque ,
Instituteur de ce Prix , lui remit une Médaille´´
d'or toute semblable à celle dont nous avons fait
la description dans les années précedentes, excepté
que dans l'Exergue on lit M. DCC. XXXVIL
Le Mardy 30. l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles Lettres , tint sa Séance publique
d'après Pâques. M. le Cardinal de Polignac présida
à cette Assemblée , et déclara que M. l'Abbé'
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital à
Paris , avoit remporté le Prix sur le sujer proposé
l'année derniere par cette Académie , qui
étoit l'Etat des Lettres en France depuis la mort
Govj de
986 MERCURE DE FRANCE
de Charlemagne jusqu'au regne du Roy Robert . Ce
Abbé se présenta et reçut des mains de son Eminepce
la Médaille d'or de la valeur de 400. liv .
Ensuite M. de Foncemagne , Membre de l'A
cadémie , et l'un des 40. de l'Académie Françoise
, lut pour M. de Nicolay , une Dissertation sur
les Rois d'Epire et,sur tout , sur la Vie d'Alexandre
Molossus , oncle d'Alexandre le Grand. Cette
Dissertation fit grand plaisir à toute l'Assemblée.
qui l'a trouvée bien écrite et pleine de recherches
très curieuses. Elle fut suivie d'une Dissertation
que M. Racine lut sur l'harmonie des
Vers François et sur la Rime , où il fit voir que
l'invention de la Rime est aussi ancienne que
celle de la Poësie même , et qu'elle a été connue
de tous les Peuples , même des Romains , qui
prenoient quelquefois pour un ornement de faire
rimer les Hémistiches de leurs Vers , sur tout
des Pentametres ; ce qu'il confirma par plusieurs
exemples , tirés des meilleurs Poëtes Latins.
M. l'Abbé Sallier lut ensuite pour M. Lance
lot , un Mémoire sur la véritable date du Maria-
&e de Charles VIII . et d'Anne de Bretagne . En
fin la Séance fut terminée par une Dissertation
que M. de Foncemagne lut pour M. de la Curne
de Sainte-Palaye , sur les Poisies de Froissard
Cette Dissertation et quelques Morceaux choisis
de cesPoësies, parurent faire plaisir à l'Assemblée .
}
PRIX proposé par l'Académie Royale
des Sciences.
F
Eu M. Rouillé de Meslay , ancien Conseiller
au Parlement de Paris , ayant conçu le
noble dessein de contribuer au progrès des Scien--
ces et à l'utilité que le Public en pouvoit retirer ,
a legué à l'Académie Royale des Sciences un
fonds
M A Y. 1737. 987
fonds pour deux Prix qui seront distribués à
ceux , qui , au jugement de cette Compagnie ,
auront le mieux réussi sur deux differentes sortes
de Sujets , qu'il a indiqués dans son Testament
, et dont il a donné des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Sistême
general du Monde et l'Astronomie Physique.
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux termes
du Testament , et se distribuer tous les ans.
Mais la diminution des Rentes a obligé de ne le
donner que tous les deux ans , afin de le rendre
plus considérable , et il sera de 2500. livres .
Les Sujets du second Prix regardent la Navigation
et le Commerce.
ra
Il ne se donnera que tous les deux ans , et sede
2000. livres.
Plusieurs excellentes Pieces que l'Académie a
reçûës cette année sur le sujet des Ancres , sont
le fruit du délai auquel elle se détermina en 1735.
Cependant ayant divisé ce Sujet en trois Parties
differentes qui devoient faire l'objet d'autant de
Prix, elle n'a pas trouvé des Pieces d'un égal mérite
pour tous les trois . La figure des Ancres ,
comme plus susceptible de l'aplication de la
Géométrie , est la partie qui en a fourni davantage
, et les meilleures, Celle de la Forge et de la
fabrique des Ancres , n'en a donné qu'un petit
nombre ; et l'épreuve dès Ancres n'en a point
procuré que l'Académie ait pû couronner sous
se titre. La Compagnie a donc adjugé le Prix du
Sujet : Quelle est la figure la plus avantageuse
qu'on puisse donner aux Ancres ? à la Piece N° . 5%.
( de 1737. ) qui a pour Devise ,.
Hic teneat nostras Anchora jacta ratés
et qui est de M....
Elle a donné le Prix de la fabrique , Quelle est
988 MERCURE DE FRANCE
la meilleure maniere de forger des Ancres ? `au N °.
7. dont la Devise est , Vis unita fortior , et qui
est de M. Tresaguet , ancien Ingénieur des Ponts
et Chaussées .
A l'égard du troisiéme Snjet , Quelle est la
meilleure maniere d'éprouver les Ancres ? et qui ne
lui a pas parû suffisamment rempli , elle a jugé à ·
propos de distribuer le Prix qu'elle y avoit destiné
, en égale part à deux Pieces , où elle a trouvé
d'ailleurs des Recherches curieuses et utiles
tánt sur la figure des Ancres , que sur les autres
Sujets et sur plusieurs pratiques qu'elle n'a pase ,
voulu qui fussent perdues pour le Public .
L'une , qui est le N°. 9. et qui a pour Devise ,
Omnia conando docilis solertia vincit ,
est de M ....
L'autre N. 11. qui contient trois parties et
qui a trois Devises , par ce Vers ainsi varié ,
Hic teneat nostras Anchora-{
Firma
Ducta
Certa } rates ,
est de M. le Marquis Poleni , Professeur de Ma~~
thématique à Padoüe .
Les deux Pieces qui ont le plus aproché du
Prix , et c'est par raport à la fabrique ou à l'épreuve
des Ancres , sont le N° . s . ( de 1735. )V
qui a pour Devise , N° 154
Et le N° .13 . ( de 1737. ) qui a pour Devise, Sz
non bene, saltem voluisse decorum est, est de M. le
Comte de Crequi.
L'Académie ayant eu avis par des personnes
habiles et expérimentées dans la Navigation , que
dans les fréquentes manoeuvres où l'on se sert du
Cabestan , le cordage attaché au poids qu'on
veut lever ou traîner , se dévide sur l'essieu de
cette machine , de maniere qu'à chaque tour ce
cordage descend de toute sa grosseur , et qu'il
arrive
MAY. 989 1737.
afrive qu'après plusieurs tours il parvient au
bout du Cabestan, et qu'il faut le rehausser ( ou
choquer ) pour éviter qu'il ne s'embarasse ; que
par -là on ne sçauroit se servir du Cabestan
qu'on ne soit obligé de choquer plusieurs fois ,
e qu'à chaque fois qu'on choque , il faut arrêter
le mouvement de la machine , prendre des bosses-
(ou tresses , &c. ) sur le cordage , dévirer le Cabestan
, pour mollir ( ou lâcher ) la partie du
cordage qui est sur l'essieu . relever le cordage
le roidir de nouveau , et enfin ôter les bosses pour
remettre le Cabestan en état ; que cette opération
souvent repetée emporte beaucoup de temps , et
dans plusieurs rencontres un temps précieux , et
qu'elle fait toujours perdre une partie de l'effort
déja fait : Considérant d'ailleurs la liaison de la
manoeuvre du Cabestan avec celle des Ancres ,
qu'on ne jette ou qu'on ne leve que par son
moyen , l'Académie a résolu de proposer pour
Sujet du Prix de l'année 1739. La meilleure cons---
truction du Cabestan , ou telle autre Machine équi--
valente , par raport à tous les usages auxquels
on l'aplique dans un Navire , et principalement
pour éviter , en tout ou en partie , les inconvé
niens mentionnés ci - dessus .
Les Sçavans de toutes les Nations sont invi--
tés à travailler sur ce Sujet , et même les Associés
Etrangers de l'Académie. Elle s'est fait la
Loi d'exclure les Académiciens Regnicoles de
prétendre aux Prix.
Ceux qui composeront sont invités à écrire
en François ou en Latin , mais sans aucune obli
gation. Ils pouront écrire en telle Langue qu'ils
voudront , et l'Académie fera traduire leurs
Ouvrages
On les prie que leurs Ecrits soient fort lisi--
bles ,
990 MERCURE DE FRANCE
bles , sur-tout quand il y aura des Calculs d'Algebre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages
, mais seulement une Sentence ou Devise.
He pouront , s'ils veulent , attacher à leur Ecrit
un Billet séparé et cacheté par eux , où seront
avec cette même Sentence , leur nom , leurs
qualités et leur adresse , et ce Billet ne sera ou
vert par l'Académie qu'en cas que la Piece ait
remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix ,
adresseront
leurs Ouvrages à Paris au Secretaire perpétuel
de l'Académie , ou les lui feront remertre
entre les mains. Dans ce second cas le Secre
taire en donnera en même temps à celui qui les
lui aura remis , son Recepissé , où sera marquée
la Sentence de l'Ouvrage et son numero , selon
l'ordre ou le temps dans lequel il aura été reçû.
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au premier
Septembre 1738 : exclusivement.
L'Académie à son Assemblée publique d'après
Pâques 1739. proclamera la Piece qui aura ce
Prix.
S'il y a un Recepissé du Secretaire pour la
Picce qui aura remporté le Prix , le Trésorier
de l'Académie délivrera la somme du Prix à celui
qui lui raportera ce Recepissé . Il n'y aura à
cela nulle autre formalité
S'il n'y a pas de Recepissé du Secretaire , le
Trésorier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même
, qui se fera connoître , ou au Porteur d'une
Procuration de sa part.
L'Académie juge à propos de déclarer encore
que Comme elle ne restreint à macun Sistême les
explications qu'elle demande des Phénomenes , le
sufrage qu'elle donne à ces explications n'est point
1
une:
MAY. 1737. 991
une adoption des principes sur lesquels elles sont
fondées , ni de toutes les conséquences qu'on ex
tire.
Le Samedy 4. May , cette Académie tint son
Assemblée publique , à laquelle M. d'Argenson
présida. M. de Fontenelle ouvrit la Séance et annonça
les Pieces qui ont remporté les Prix de la
présente année ; il proposa ensuite le sujet du
Prix pour l'année 1739. l'un et l'autre.comme
on le voit dans l'article précedent.
M. Cassini lût après cela les Observations
qu'il a faites de la Comete qui a parû cette année;
il parla en ces termes :
Le 16. Février de l'année 1737. on a aperçâ
à Paris une Comete du côté de l'Occident , audessous
de la Planette de Vénus , dont elle étoit
éloignée de 7 à 8. degrés .
On continua de la voir les jours suivans qu'el
le parut avoir un mouvement de l'Occident vers
P'Orient , suivant la suite des Signes d'un peu plus
de deux degrés par jour .
Elle paroissoit à peu près comme une Etoile
fixe de la seconde grandeur , mais moins lumiavec
une queue de 2 à 3 degrés de longueur
, qui étoit dans une direction oposée au
Soleil.
neuse > Σ
Cette Comete a été aperçue à la vûë simple
jusqu'au commencement de Mars ', et on a continué
à l'observer avec des Lunettes jusqu'au 2.
Avril , qu'on a cessé entierement de la voir ,
lorsquelle étoit au - dessous de l'oeil du Taureau
Aldebaran . Elle a cû depuis le 17. Février jusqu'à
cejour un mouvement de 63. degrés en longitu
de et de 7. degrésen latitude vers le Midy .
Suivant les Observations qu'on en a faites ,
elle a décrit un Arc de grand cercle incliné de
1.2.4.
992 MERCURE DE FRANCE
2. degrés à l'Ecliptique qu'elle a coupé dans
le 13e degré des Poissons.
Sa distance à la Terre a été jugée le 16. Février
, un peu moins du double de la distance de
la Terre au Soleil.
M. de Mairan lût ensuite un Discours sur la
propagation du son et des tons qui le modifient,
Après quoi M.Hellot û un Extrait de deux Me
moires sur une nouvelle Encre Sympatique , que
la chaleur fait paroître et qui disparoît au froid,
Ce qui a donné occasion à ces deux Memoires
est un Sel qu'un Artiste Allemand fit voir l'année
dernicie à quelques personnes de l'Académie.
Ce Sel , qui étoit couleur de rose , devenoit
Bleu en l'aprochant du feu , puis reprenoit sa premiere
couleur en refroidissant . C'est la dissolu
pion de ce Sel dans l'eau qui fait l'Encre Sympatique
en question . Quant à la matiere qui lui
donne sa teinture , c'est une mine Aisenicale
espece de Cobolt , qui fournit en même- temps
par les essais de l'Arsenic , du Bismuth ou Etain
de glace , et une matiere fixe au feu , qui , mêlée
par la fonte avec d'autres matieres aisées à
vitrifier , fait cette masse bleue qu'on nomme
Smalt , et qui étant réduite en poudre fort fine
est connue ici sous le nom de bleu d'émail ou
d'azur. Au lieu d'introduire cette matiere fixe
colorante dans la substance d'un verre quelconque
, il n'y a qu'à l'enlever par l'eau forte , digerée
sur la mine réduite en poudre , elle teint
ce dissolvant en rouge sale ou en feuille morte
foncé , on survuide cette eau forte teinte , dans
une jatte de verre ou de porcelaine , on y meg
autant de Sel de table blanc qu'on a employé de
Mine , et l'on desseche ce mêlange sur le feu en
une masse saline grainée , qui est verte tang
qu'elle
M. A Y. 993 1737.
qu'elle est chaude , et qui devient couleur de rose
en refroidissant. L'eau qu'on verse sur ce Sel
refroidi , le dissout et se teint de la couleur du
Lilas . On écrit avec cette Liqueur sur de bon
papier , on laisse secher l'écriture; rien ne paroît;
mais si on aproche le papier du feu , les caracteres
invisibles prennent une couleur bleuâtre on
bleue verdâtre . On laisse refroidir le papier à l'air.
l'écriture disparoît de nouveau Si on le chauffe
encore , elle reparoît , et ainsi de suite , alterna
tivement , et pendant très - long - temps sans diminution
de son effet quand la Mine est bienchoisie.
Tous les Cobolts donnent cette teinture
plus ou moins parfaite , selon la qualité des
matieres héterogones qu'ils contiennent. Le signe
principal auquel on en reconnoît la bonne
espece , est cette couleur d'une bonne Bierre
rouge qu'il doit donner à l'eau forte.
Cette Encre Sympathique , qui par les proprietés
qu'on vient de décrire , est differente de
toutes les autres Encres Sympathiques connues ,
peut devenir , pour ainst - dire , semblable à cha
cune d'elles , ou pour m'expliquer comme M.
Hellot , elle peut entrer dans chacune des quatre
classes de ces Encres Sympathiques , qu'on trou
ve décrites dans divers Auteurs . La premiere
classe est celle des Encres dont l'écriture ne paroît
qu'en passant dessus une nouvelle liqueur
ou sa vapeur. La seconde comprend les Encres
Sympathiques , dont les caracteres invisibles se
colorent à l'air . Dans la trosiéme sont les Liqueurs
glutineuses avec lesquelles on peut faire
une écriture qui ne paroît qu'en passant dessus
une poudre terreuse , fine et colorée . Enfin la
quatrième classe est celle des Encres dont l'écriture
ne peut être aperçuë qu'en chauffant vivement
•
994 MERCURE DE FRANCE
ment le papier. Mais toutes ces Encres ne disparoissent
plus d'elles - mêmes dès qu'une fois on
les a fait paroître . La principale proprieté de
l'Encre Sympathique du Mémoire dont nous
parlons est de paroître d'un verd bleuâtre , M.
Hellot a trouvé le moyen d'avoir de la même
matiere des Encres Sympathiques bleuë , verte de
differentes teintes , colombine, violette claire, incarnate
, couleur de rose , jaune de citron . Il ne
s'est rien réservé des procedés par lesquels il y
parvient , afin qu'un bon Dessinateur puisse faire
usage de ces couleurs sympathiques . Nous ne
pouvons le suivre de memoire , d'ailleurs ce que
nous donnons ici n'est qu'un abregé de l'Extrait
qu'il a lû.
M. du Hamel finit la Séance par un Memoire
des Observations qu'il a faites , conjointement
avec M. de Buffon , sur les differens effets que les
fortes gelées d'hyver produisent sur les arbres ,
comparés à ceux que les gelées du Printemps y
produisent. En voici l'Extrait .
La Physique des Végétaux qui conduit à la.
perfection de l'Agriculture , est une de ces Sciences
dont le progrès ne s'augmente que par une
multitude d'Observations qui ne peuvent être
Pouvrage ni d'un seul homme , ni d'un temps borné;
aussi les Observations ne passent- elles gueres
pour certaines que lorsqu'elles ont été repétées et
combinées en differens lieux , en differentes sai-
6ons et par differentes personnes qui ayent eû les
mêmes idées ; ç'a été dans cette vûë que
M. du Hamel et M. de Buffon se sont réunis
pour travailler de concert à l'éclaircissement
d'un nombre de Phénomenes difficiles à expliquer
dans cette partie de l'Histoire de la Nature , de
la connoissance desquels il peut résulter une in
finité
MAY. 995 1737.
Anité de choses utiles dans la pratique de l'Agriculture
.
Des Observations sur l'excentricité des couches
igneuses , sur l'inégalité de l'épaisseur de
ces couches , sur les circonstances qui font que
l'Aubier se convertit plutôt en bois ou reste plus
long - temps dans son état d'Aubier , &c. ont été
les prémices de cette association , et des Observations
sur les differens effets que produisent sur
les Végétaux les grandes gelées d'hyver et les
petites qui viennent au Printemps , sont une suite
de cette même association .
Ces Mrs examinent d'abord les désordres que
les grandes gelées de l'hyver produisent sur les
arbres , et cet examen forme la premiere partie
du Mémoire , dans laquelle entr'autres iis détail
lent avec grande exactitude une maladie des arbres
peu ccoonnnnuuee,, et qu'ils apellent double Aubier.
Dans la seconde partie il s'agit des gelées qui
viennent au Printemps , et on y démontre 1º.
que ce n'est pas ordinairement dans les situa
tions ou aux expositions où il fait le plus grand
fraid es où il gele le plus fort , que la gelée fait
le plus de tort aux Vegetaux.
20. Que tout ce qui porte de l'humidité sur
les Plantes, rend la gelée plus dangereuse ; telies .
sont les pluyes , les brouillards , les vapeurs qui
s'échapent de la terre et des fumiers , la transpiration
des Plantes , & c. au contraire tout ce qui
desseche l'exterieur des Plantes , quand même
ce seroit en augmentant le froid , empêche que
la gelée n'endommage les Végetaux .
Ils entrent ensuite dans un examen des effets
que le Soleil produit sur les Plantes gelées , et ils
terminent ce Memoire par des refléxions utiles
996 MERCURE DE FRANCE
l'Agriculture , mais comme ce Memoire n'est
qu'un tissu d'Observations et d'Experiences qui
sont intimement liées les unes aux autres er qui
se servent mutuellement de preuves, il n'est guere
susceptible d'un Extrait .
Nous donnerons dans le prochain Journal
PExtrait du Mémoire de M. Mayran .
DISCOURS prononcé à l'Académie
Royale de Peinture et de Sculpture
le 4. May par M. Lépicié , Graveur
ordinaire du Roy , après avoir prêté
le Serment ordinaire pour la place de
Secretaire et Historiographe de cette
Académie , vacante par la mort de
M. de Saint Gelais.
I le zele tenoit lieu de capacité , je recevrois,
Messieurs , avec une joye sans égale l'honneur
que vous me faites aujourd'hui , mais puisque
l'inexperience est la source des fautes , fose attendre
que vous mettrez le comble à vos bontés , en m'aidant
de vos lumieres et de vos conseils , mon Prédecesseur
étoit un homme consommé dans les affaives
, illustrépar les differens Emplois dont le Ministere
l'avoit honoré , et qui n'avoit pas crû mieux
finir sa carriere , qu'en devenant votre Secretaire
et votre Historiographe. Heureux , Messieurs , sije
puis remplir avec succès la double place que vous
me confiez , et plus heureux encore si mon travail
et mon exactitude peuvent m'acquerir l'unanimité
de votre estime !
Louis-François Dubois de Saint Gelais , ancien
MAY. 1737. 997
eien Conseiller du Roy , Commissaire de Marine
à Amsterdam , Secretaire pour l'Espagne au
Congrès d'Utrech , Contrôleur des Rentes de
l'Hôtel de Ville de Paris , Secretaire et Historiographe
de l'Académie Royale de Peinture et
Sculpture , mourut en sa maison de Cires - les-
Marlou , en Beauvoisis , le 23. Avril dernier ,
dans la 68e année de son âge.
Estampes Nouvelles.
PREMIER LIVRE de Vases , inventés par
Edme Bouchardon , Sculpteur du Roy , gravés
par Huquier , 12. Pieces en hauteur .
SECOND LIVRE de Vases , inventés par
le inême Auteur et gravés par le même Graveur,
12. Pieces en hauteur .
RECUEIL de dessus de porte , inventés par
un des plus habiles Maîtres , gravés par Huquier,
7. Pieces en hauteur et en largeur , compris le
titre . Ce sont diverses Pieces de Gibier mort et
vivant ; Trophées de Musique , de Peinture , & c,
RECUEIL de differentes Charges , dessinées
à Rome par CHARLES VANLOO , Peintre
du Roy , et gravées par le Bas et Ravenet , 120
Pieces en hauteur ; figures d'hommes en pied et
assis , de diverses Nations.
LES CRIS DE PARIS , par Fran. Boucher,
gravés par le Bas et Ravenet , 12. Pieces en bauteur
; figures debout , hommes et femmes , sçavoir
, Rémouleur , Racommodeur de soufflets ,
de seaux et de paraplaye. Vendeuse de Noisettes
au litron , Vendeur de balais , Charbonnier,
Ramoneur ; Crêmiere ; Vendeur de Gâteaux et
Talmouses ; Chaudronnier ; Vendeuse de Raves;
Vinaigrier ; Laitiere.
Dit
98 MERCURE DE FRANCE
DIFFERENTES PENSE'ES D'CRNEMENS ,
et Arabesques à divers usages ; en deux Parties
de dix Pieces chacune en large , inventées par
Bellay , et gravées par Huquier.
PREMIER LIVRE de differens Morceaux
à l'usage de tous ceux qui s'apliquent aux Beaux
Arts, inventé par G. M. Oppenor , Architecte dde
Roy , et gravé par Huquier , 6. Pieces en hauteur.
SIX MORCEAUX en hauteur de la Suite
du Roman Comique , du Dessein de M. Qudry ,
Peintre du Roy , sçavoir , L'arrivée de l'Opérateur
dans l'Hôtellerie.
Ragotin dans le coffre.
Sérenade donnée par Ragotin,
Ragotin renversé dans la boue.
L'Olive rétrecit l'habit de Ragotin.
Ventouses données à Ragotin.
Comme on continue toujours à graver ce **
Suite , il y en a à présent 26. Morceaux.
Toutes les Estampes dont on vient de par
se débitent chés Huquier , vis - à - vis le grana
Châtelet. On trouvera tous les mois chés lui differentes
Nouveautés à l'usage des Artistes et de
Curieux. Il est assorti d'un très -grand nombre
de Desseins , qu'il a fait faire par les plus babiles
Maîtres pour cet usage.
yéc
Il paroît une grande Estampe en large , gra
par le sieur Et. Fessard , d'après une admi
rable composition de M. de Troy . C'est la Naissance
de Venus , traitée d'une maniere aussi riche
qu'ingénieuse et Poëtique Elle se vend chés
PAuteur, Place des Victoires , et ruë S. Jacques,
chés Duchange . On lit ces Vers au bas,
Quelque
MAY. 1737
999
Quelpouvoir inconnu ranime l'Univers !
Tout s'enflâme à la fois , et les Eaux et les Airs !
Un nouveau Dieuparoît ! c'est l'aimable Himenée,
Ilporte son flambeau sur la Terre étonnée
L'Astre disjour ressent de nouvelles ardeurs ;
Le Triton s'abandonne à de douses langueurs ;
Mais pourquoi.m'étonner de voir changer leMonde
La tendre Vénus sort du vaste sein de l'Onde.
Voici la 24 Estampe que le sieur Moyreats
hst au jour d'après Ph. Wauvermans. C'est une
taille , dont le Tableau original de 29. pouces
large , sur 21. de haut , est dans le Cabinet
M. Crozat. On lit au bas , Guerre des Huguesous
Charles IX. en 1562. Elle se vend avec
te la suite du même Maître , ruë Galande,
à - vis S. Blaise , chés l'Auteur .
Estampe que nous annonçons ici , a donné
à une conjecture assés singuliere , que nous
croyons pas qu'on doive absolument rejetter.
es Personnes intelligentes ont crû que Wauvremans
, en traitant ce Sujet bizare , avoit eû l'iagination
échauffée et guidée par la lecture du
acux Poëme Macaronique , fait il y a près de
b . ans par Remy Belleau , et intitulé : De Bello
Huguenotico , et Reïstrorum pigliamine .
En effet la Description du Poëte et les objets
représentés par le Peintre , se ressemblent à bien
des égards; le mélange du sérieux et du burlesque
s'y trouve également répandu, et pour peu qu'on
yeuille s'humaniser àlire des Vers Macaroniques,
on trouvera des ráports assés bien fondés entre
la nouvelle Estampe et P'Ouvrage Latin qui débute
par ces quatre Vers.
H Tempus
1000 MERCURE DE FRANCE
Tempus erat quo Mars rubicundam sanguine
spadam
Ficcarat croco , permutaratque Botilla ...
Ronflabatque super lardum vacuando barillos ;
Gaudebatque suum ad solem distendere ventrem..
Traduits ainsi par un de nos anciens Poëtes
Mars avoit mis au croc son Olinde vermeille ,
Il ne se battoit plus qu'à grands coups de Boud
teille ,
Et son énorme ventre au Soleil étendu ,
Prouvoit assés la graisse et le vin répandu ….. &cj
La suite des Portraits des grands Hommes
er des Personnes illustres dans les Arts et dans
les Sciences , se continue avec succès , ches.
Odieuvre , Matchand d'Estampes , sur le Quay
de l'Ecole. Il vient de faire paroître , et tou
jours de la même grandeur :
HENRIETTE- ANNE D'ANGLETERRE,
Duchesse d'Orleans , née à Excester le 16. Juin
1644. morte à S. Cloud le 39. Juin 1670. dessi
née et gravée par Cl. Mellan.
NINON DE LENCLOS , de Paris ,
morte le 17. Octobre 1705. âgée de 90. ans
peinte par Ferdinand, et gravée par G.F. Schmidt
$
GEORGES MARESCHAL , Conseiller ,
Premier Chirurgien du Roy , Chevalier de l'Ordre
de S. Michel , né à Calais en 1658. mort en
son Château de Bievre le 13. Décembre 173.6.
peint par Fontaine , et gravé par Daullé.
Ces Portraits ont toujours un grand débit , et
ces trois derniers sont gravés avec beaucoup de
soin.
DUQ
YORK
TOMMEMARY
ARTOR
, LURDX
AN TILDEN
FOUNDATIONE
992 MERCURE DE FRANCE
12. degrés à l'Ecliptique qu'elle a coupé dans
le 13e degré des Poissons.
Sa distance à la Terre a été jugée le 16. Février
, un peu moins du double de la distance de
la Terre au Soleil.
M. de Mairan lût ensuite un Discours sur la
propagation du son et des tons qui le modifient,
Après quoi M.Hellot û un Extrait de deux Me
moires sur une nouvelle Encre Sympatique , que
la chaleur fait paroître et qui disparoît au froid.
Ce qui a donné occasion à ces deux Memoires
est un Sel qu'un Artiste Allemand fit voir l'année
dernicie à quelques personnes de l'Académie.
Ce Sel , qui étoit couleur de rose , devenoit
bleu en l'aprochant du feu , puis reprenoit sa premiere
couleur en refroidissant . C'est la dissolu
ribu de ce Sel dans l'eau qui fait l'Encre Sympatique
en question . Quant à la matiere qui lui
donne sa teinture , c'est une mine Arsenicale
espece de Cobolt , qui fournit en même- temps
par les essais de l'Arsenic , du Bismuth ou Etain
de glace , et une matiere fixe au feu , qui , mêlée
par la fonte avec d'autres matieres aisées à
vitrifier , fait cette masse bleuë qu'on nomme
Smalt , et qui étant réduite en poudre fort fine
est connue ici sous le nom de bleu d'émail ou
d'azur. Au lieu d'introduire cette matiere fixe
colorante dans la substance d'un verre quelconque
, il n'y a qu'à l'enlever par l'eau forte , digerée
sur la mine réduite en poudre , elle teint
ce dissolvant en rouge sale ou en feuille morte
foncé , on survuide cette eau forte teinte , dans
une jatte de verre ou de porcelaine , on y met
autant de Sel de table blanc qu'on a employé de
Mine , et l'on desse che ce mêlange sur le feu en
une masse saline grainée , qui est verte tang
qu'elle
M, A Y. 1737. 993
qu'elle est chaude , et qui devient couleur de rose
en refroidissant. L'eau qu'on verse sur ce Sel
refroidi , le dissout et se teint de la couleur du
Lilas. On écrit avec cette Liqueur sur de bon
papier , on laisse secher l'écriture; rien ne paroît;
mais si on aproche le papier du feu , les caracte
res invisibles prennent une couleur bleuâtre on
bleue verdâtre.On laisse refroidir le papier à l'air .
l'écriture disparoît de nouveau Si on le chauffe
encore , elle reparoît , et ainsi de suite , alternativement
, et pendant très - long - temps sans diminution
de son effet quand la Mine est bienchoisie.
Tous les Cobolts donnent cette teinture
plus ou moins parfaite , selon la qualité des
matieres héterogones qu'ils contiennent . Le si
gne principal auquel on en reconnoît la bonne
espece , est cette couleur d'une bonne Bierre
rouge qu'il doit donner à l'eau forte.
Cette Encre Sympathique , qui par les pro
prietés qu'on vient de décrire , est differente de
toutes les autres Encres Sympathiques connues ,
peut devenir , pour ainsi dire , semblable à cha
cune d'elles , ou pour m'expliquer comme M.
He lot , elle peut entrer dans chacune des quatre
classes de ces Encres Sympathiques , qu'on trou
ve décrites dans divers Auteurs: La premiere
classe est celle des Encres dont l'écriture ne paroît
qu'en passant dessus une nouvelle liqueur ,
ou sa vapeur. La seconde comprend les Encres-
Sympathiques , dont les caracteres invisibles se
colorent à l'air. Dans la trosiéme sont les Liqueurs
glutineuses avec lesquelles on peut faire
une écriture qui ne paroît qu'en passant dessus
une poudre terreuse , fine et colorée . Enfin la
quatrième classe est celle des Encres dont l'écriure
ne peut être aperçuë qu'en chauffant vivement
•
994 MERCURE DE FRANCE
ment le papier. Mais toutes ces Encres ne disparoissent
plus d'elles - mêmes dès qu'une fois on
les a fait paroître . La principale proprieté de
l'Encre Sympathique du Mémoire dont nous
parlons est de paroître d'un verd bleuâtre , M.
Hellot a trouvé le moyen d'avoir de la même
matiere des Encres Sympathiques bleuë , verte de
differentes teintes , colombine , violette claire , incarnate
, couleur de rose , jaune de citron . Il ne
s'est rien réservé des procedés par lesquels il y
parvient , afin qu'un bon Dessinateur puisse faire
usage de ces couleurs sympathiques . Nous ne
pouvons le suivre de memoire , d'ailleurs ce que
nous donnons ici n'est qu'un abregé de l'Extrait
qu'il a lû.
M. du Hamel finit la Séance par un Memoire
des Observations qu'il a faites , conjointement
avec M. de Buffon , sur les differens effets que les
fortes gelées d'hyver produisent sur les arbres ,
comparés à ceux que les gelées du Printemps y
produisent. En voici l'Extrait.
La Physique des Végétaux qui conduit à la
perfection de l'Agriculture , est une de ces Sciences
dont le progrès ne s'augmente que par une
multitude d'Observations qui ne peuvent être
F'ouvrage ni d'un seul homme, ni d'un temps borné;
aussi les Observations ne passent- elles gueres
pour certaines que lorsqu'elles ont été repetées et
combinées en differens lieux , en differentes saisons
et par differentes personnes qui ayent eû les
mêmes idées ; ç'a été dans cette vûë que
M. du Hamel et M. de Buffon se sont réunis
pour travailler de concert à l'éclaircissement
d'un nombre de Phénomenes difficiles à expliquer
dans cette partie de l'Histoire de la Nature , de
la connoissance desquels il peut résulter une infinité
MAY.
1737. 995
nité de choses utiles dans la pratique de l'Agriculture
.
Des Observations sur l'excentricité des couches
ligneuses , sur l'inégalité de l'épaisseur de
ces couches , sur les circonstances qui font que
l'Aubier se convertit plutôt en bois ou reste plus
long-temps dans son état d'Aubier , &c . ont été
les prémices de cette association , et des Observations
sur les differens effets que produisent sur
les Végétaux les grandes gelées d'hyver et les
petites qui viennent au Printemps , sont une suite
de cette même association .
Ces Mrs examinent d'abord les désordres que
les grandes gelées de l'hyver produisent sur les
arbres , et cet examen forme la premiere partie
du Mémoire , dans laquelle entr'autres iis détail
lent avec grande exactitude une maladie des arbres
peu connue , et qu'ils apellent double Aubier.
Dans la seconde partie il s'agit des gelées qui
viennent au Printemps , et on y démontre 1º,
que ce n'est pas ordinairement dans les situa
tions ou aux expositions où il fait le plus grand
froid et où il gele le plus fort , que la gelée fait
le plus de tort aux Vegetaux.
20. Que tout ce qui porte de l'humidité sur
les Plantes, rend la gelée plus dangereuse ; telies.
sont les pluyes , les brouillards , Is vapeurs qui
s'échapent de la terre et des fumiers , la transpiration
des Plantes , & c . au contraire tout ce qui
desseche l'exterieur des Plantes , quand même
ce seroit en augmentant le froid , empêche que
la gelée n'endommage les Végetaux .
Ils entrent ensuite dans un examen des effets
que le Soleil produit sur les Plantes gelées , et ils
terminent ce Memoire par des refléxions utiles
à
PUBLIC
RE
ABTOR
,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
a
MAY. 1737
TOGE
DUO.
MArthe et Colin se sont mis en ménage ;
Un Moulin fait leur héritage ,
Eole en regle le destin
Si-tôt qu'il souffle , ils ont du vin.
Mais lorsqu'il a calmé sa fureur vagabonde ,
La guerre est allumée entre Marthe et Colin,
Il faut que le vent gronde
Po la paix soit au Moulin.
I
-set
PECTACLES.
Comédie qui a pour titre l'Ecole des
is, et qu'on croit être de M. de la Chausades
Quarante de l'Académie Françoise,
ayant été interrompuë à la dixiéme Représenta
tion , par l'indisposition d'un Acteur , fut reprise
vers la fin du Carême avec autant d'aplaudissemens
qu'elle en avoit eu dans sa naissance.
Nous allons satisfaire la juste impatience de nos
Lecteurs , par l'Extrait qu'ils attendent de nous.
Il ne faut pas chercher dans cette Piece , ce
tissu de plaisanteries qui divertit sans instruire.
C'est un genre nouveau , mais il n'en est pas
moins utile , pour faire un peu moins rire que
bien d'autres , d'où l'on ne raporte quelquefois
Hij que
100% MERCURE DE FRANCE
que la honte d'y avoir ri. A Dieu ne plaise que
nous prétendions borner la Comédie à instruire
seulement ; il faut instruire agréablement autant
que le comporte le Sujet qu'on traite.
Celui dont nous parlons présentement n'est
pas susceptible de ces ris immoderés qui sont à
la portée du plus grand nombre des Spectateurs ;
le genre aproche de l'héroïque ; les interlocu
teurs de la Piece , sont des Gens de Cour ou des
Officiers ; l'Auteur même a affecté de n'y point
mettre de Valets , sur qui , dans la plupart des
Comédies , roule toute l'intrigue ; il a pris soin
de n'y inserer qu'une Soubrette , qui n'a pas ,
beaucoup près, le feu d'imagination que ces sortes
de caracteres demandent. En effet Clorine
Suivante d'Hortense, qui est l'Héroïne de la Piea
ce?
ne
fait
rien
dans
tout
le premier
Acte
et dans
une
partie
du
second
, qui
sente
l'intriguante
;
nous
n'en
parlons
que
d'après
les
Connoisseurs
;
rien
n'est
plus
mal
imaginé
que
l'artifice
dont
elle
se sert
pour
occasionner
une
entrevûë
entre
Monrose
et sa Maîtresse
. Ce
Monrose
aime
avec
tant
de
délicatesse
, qu'il
évite
Hortense
dont
il
est
aimé
, quoi
qu'il
doute
de
l'être
; voici
com
ment
il s'exprime
en
parlant
à Clorine
,
Quandj'étois unpeu plus digne d'elle ,
Je l'ai vue insensible à l'ardeur la plus belle ;
Que seroit -ce à présent que je puis n'être rien ?
Comme il persiste dans le dessein de ne point
voir sa Maîtresse , voici de quel stratagême s'avise
Clorine; elle parle ainsi dans un Monologue
Fort bien. Il va se perdre en fuyant ma Maîtressen
Jeveux les raprocher tous deux avec adresse.
Ella
MAY. 1737. 1003
Elle rêve un moment ; que produira son imaż
ginative le voici.
Eh! le Portrait d'Hortense estpropre à cet effet.
Il faut lui procurer en secret ce bienfait ,
Et luifaire trouver par quelque stratagême
Cette heureuse ressource en dépit de lui- même.
Je veux que ce Portrait serve à vous réunir ;
Oui , Monsieur , je sçaurai vous forcer à venir
Le remettre vous- même entre les mains d'Hortense
Alors ils se verront ; l'Amour d'intelligence ,
Les menera plus loin qu'ils ne veulent tous deux.
Pour bien juger d'un stratagême , il faut d'abord
examiner si le piege est tendu d'une maniere
à pouvoir réussir ; c'est ce qu'on n'a pas
trouvé dans celui - ci . Clorine dans l'Acte suivant
dit au fond du Théatre :
Le Portrait est en vûë ,
Monrose va rentrer ; attendons -en l'issuë.
Mais quelle en doit être vrai-semblablement
l'issuë ? Ĉlorine est- elle sûre que Monrose rena
trera le premier ? Non , puisque c'est Aramont
qui ramasse le Portrait ; mais quand ce seroit
Monrose , qui répondra à cette trop crédule intriguante,
qu'il voudra bien le rendre à Hortense ?
N'y a-t'il pas plus d'aparence que prêt à quitter
l'original , il sera ravi d'emporter au moins la
copie ? L'Auteur semble avoir prévû cette critique
et y avoir répondu d'avance en faisant dire
à Monrose , parlant à Clorine du Portrait en
question , qu'on avoit fait peindre exprès pour
Jui et qu'on n'a pû lui faire tenir.
H iij Si
T004 MERCURE DE FRANCE
Si j'avois son Portrait , ilfaudroit le lui rendre
Ilfaudroit la revoir encore et me plonger ..
;
*
C'est , sans doute , sur ces deux Vers que Clorine
a fondé le succès de son stratagême ; mais
cela n sert qu'à faire mieux connoître la force
de l'objection , puisque l'Auteur la sentie tout le
premier cependant ce qu'il y a de plus vrai-semblable
, c'est que Monrose auroit emporté le Portrait
, ou que , suposé qu'il eût porté le scrupule
jusqu'à n'oser retenir une chose qui lui avoit
été destinée , il auroit pû exempter sa probité de
tout reproche , en remettant le Portrait d'Hortense
entre les mans de sa Confidente .
Nous nous sommes peut-être un peu trop
arrêtés à ces minuties ; mais nous allons dédom
mager l'Auteur de cette legere Critique , par les
beautés de détail dont ce premier Acte est rempli
, beautés d'autant plus précieuses qu'elles sont
tirées du fond de la Piece , puisqu'elles regardent
le choix des Amis .
Clorine nous a déja exposé le caractere des
Amis de Monrose dès la seconde Scene .
Ses Amis auront beau le servir de leur mieux ;
L'un d'eux n'est qu'un bon homme, ardent, officieux
Qui tracasse et qui veut toujours être de fête ;
L'autre n'a que du faste et du vent dans la tête.
Clorine ne parle pas d'un troisiéme qui mérite
beaucoup mieux le nom respectable d'Ami , c'est
Ariste ; nous en parlerons après avoir montré le
ridicule des deux premiers.
Quoi qu'Aramont soit donné dans la Piece
comme un Ami d'une espece équivoque , on peut
dire
MAY. 1737. 1005
dire de lui qu'il peche plutôt par l'esprit que par
le coeur. Voici comme il parle des Amis qui vous
abandonnent,dès que la fortune vous est contraire.
Cette espece d'Amis n'est pas la moins commune į
Habiles à prévoir de loin une infortune ,
Ils ne paroissent plus dans les temps orageux ;
Le calme revient - il ? on peut compter sur eux ;"
Il ramene avec lui leur troupe mercenaire ;
Dans le Monde en un mot , c'est l'usage ordinaire,
Quifut et qui sera toujours comme aujourd'hui ;
On n'aime à partager que
le bonheur d'autrui
:
Il s'en faut bien que Dornane ait le coeur aussi
bon qu'Aramont. On peut même avancer hardiment
que c'est un très- mal- honnête homme ;
voici quels sont ses sentimens sur l'amitié , c'est
lui-même qui parle à Aramont , au sujet d'Ariste,
dont l'amitié lui paroît douteuse , parce qu'elle
ne paroît pas avec assés d'éclat pour être véritable.
Quand on est tel,croi moi , l'on s'annonce autrement.
En effet , l'amitié donne un air moins austere ;
Un véritable Ami n'a d'autre caractere ,
Que celui qui nous plait ; il se regle sur nous ;
Hadopte nos moeurs , il se fait à nos goûts ;
Il se métamorphose au gré de nos caprices ;
Il prend nos passions , nos vertus et ños vices ,
C'est un Cameleon qui reçoit tour- a - tour ...
Ariste , qui écoute sans se montrer , ne peut
Jui laisser achever une peinture si injurieuse à a
Hij véritable
1006 MERCURE DE FRANCE
véritable amitié , et lui répond en l'interrompany
brusquement :
Ce Portrait-la, Monsieur, est celui de l'Amour,
II continue ainsi :
Les Amis de Monrose étoient sur le tapis
Vous paroissez avoir épuisé la matiere ,
Et Monrose vous doit sa confiance entiere ;
Qui par provision , vous nous excluez tous
Il ne doit plus compter sur d'autres que sur vous ♬
Vous suffirezà tout , du moins je le souhaite ;
L'amitié qui se vante est souvent indiscrète ;
Cependant , trouvez bon qu'au rang de ses Amis
Quelqu'autre puisse encore avec vous être mis ;
L'Amitié n'admet point de basses jalousies ;
C'est à l'Amour qu'il faut laisser ces frenesies.
L'arrivée de Monrose empêche que cette pe
tite altercation ne soit poussée plus loin ; Mon
rose aprend à Aramont et à Dornane , que ses
affaires sont sur un bon pied à la Cour , et que
tout le monde lui en fait compliment . Ariste le
blâme de prêter l'oreille à des bruits qui ont si
peu de fondement ; Dornane prend un parti
tout oposé , et dit à Monrose , en parlant des
prétendus faux Bruits :
Les empêcher ! je dis que c'est un coup d'Etat ;-
On n'y sçauroit donner trop de cours et d'éclat
Sur la foi de ce bruit heureux et profitable ,
Chacun trouve que rien n'étoit plus équitable
Tout le monde aplaudit ; je vous laisse à penser
MAY. 1737. 1007
Si la Cour qui le voit poura se dispenser
D'un Acte d'équité que l'on trouve à sa place ;
Il ne dépend plus d'elle , il faut qu'elle le fasse,
Et qu'enfin elle cede à la nécessité.
Ariste ne pouvant soûtenir un conseil si dan
gereux, et craignant d'éclater , prie Monrose de
vouloir bien l'attendre chés lui , afin qu'il puisse
l'entretenir sans témoins ; Monrose y consent ;
Ariste se retire ; Dornane et Aramont en font
bien-tôt autant , et Monrose finit le premir Acte
par ces deux Vers :
Hortense est- il possible ? ... ab !' qu'il me seroit doux
D'avoir à vous offrir un rang digne de vous !
à
Ariste et Monrose commencent le second Acte,
Monrose fait connoître par un à parte que c'est
regret qu'il va écouter ce qu'Ariste peut avoir
à lui dire ; Ariste lui fait une leçon dans laquelle
brille le caractere d'un véritable Ami ; la voici ::
'
Vous entrez dans le Monde , et vous allezp aroître
Sur ce fameux Théatre , où j'ignore comment
Fai pû me soutenir jusques à ce moment.
Vous n'êtes pas encore instruit de ses mysteres.
Jusqu'ici vos emplois , vos devoirs militaires ,
Vous en ont écarté. La Cour est en tout temps:
Une Terre inconnuë à tous ses Habitans.
Après un long séjour , après un long usage »
On s'y retrouve encore à son aprentissage ;
On y marche toujours sur des pieges nouveaux: -
On y vit entouré d'un Peuple de Rivaux ,
Ну Q
1cc8 MERCURE DE FRANCE
Cu d'Amis dangereux . Heureux qui les devine !
On n'y peut s'élever que sur quelque ruine ;
On n'y peut profiter que des fautes d'autrui.
Tel, au gré de ses voeux, s'y maintient aujourd'hui,
Qui demain ne poura faire tête à l'orage ,
Et l'onfinit souvent par y faire nauffrage.
Mais d'après ce Portrait qu'on ne peut qu'ébaucher ›
N'avez- vous en secret rien à vous reprocher ?
Monrose , que ses imprudens Amis ont plongé
dans une funeste sécurité , brave tous les périls
qu'Ariste veut lui faire entrevor , et croit qu'on
ne sçauroit , sans injustice , lui refuser l'Emplo
que son oncle a laissé vacant par sa mort ; Aris--
te , en vrai et fidele Ami , lui répond ainsi :
être
2
Vous vousfaites un droit qui pouroit ne pas
Vos Ayeux ont chacun obtenu dans leur temps
Le prix que·méritoient leurs services constans
Ce sont leurs actions , plutôt que leurs Ancêtres
Quiles ontfait combler des faveurs de leursMaîtresă,
Et monter aux honneurs que vous sollicitez ;
Les bienfaits sont à ceux qui les ont mérités,
Les graces ne sont point des biens hereditaires 3 €
Nous n'en sommes jamais que les dépositaires ; :
"Inais par la même voye on peut les obtenir.
Vos Peres ont laissé leur nom à soutenir ,
Leur vertu , leur exemple et leur carriere à suivre
Voilà cequ'après eux ilfaut faire revivre ,
Elt dont wous vous devez mettre en possession ;-
That ldcreste- n'est pas de leur succession.
Dess
MAY. 1737.
Des maximes si sages produisent dans le coeur
de Monrose le fruit qu'Ariste s'en est promis ; ik
lui rend une Lettre que Dornane lui avoit conseillé
d'écrire au Ministre , et qui est heureuse .
men passée en de plus fidelle malas , attenda
qu'elle l'auroit perdu si elle fût parvenue à la
Cour,par la présomption dont elle etoit remplie.
Après ces citations , qui font un honneur infini
à l'Auteur, nos Lecteurs doivent trouver bon
que nous n'en grossissions pas davantage cet Extrait
, et que nous nous attachions un quement
à l'action Théatrale , qui a beaucoup de mérite ,
tant par sa simplicité que par l'ordre qui y regne.
Monrose ouvre les yeux ; il reconnoit Ariste
pour un véritable Ami , et se résoud à se livrer
tout entier à ses fideles conseils , Ariste ne s'ou
vre point à lui sur les soins qu'il prend secretement
pour sa fortune , de peur qu'il n'ait la foiblesse
d'en faire part à Aramont et sur tout à
Dornane.
Le premier soin qui occupe Ariste , c'est de
tacher de pénetrer dans le coeur d'Hortense .
pour agir en conséquence ; Hortense plus déiante
qu'il n'avoit présumé, ne lui déclar point
e penchant qu'elle a pour Mo rose , mais il ne
laisse pas d'en entrevoir assés pour s'aff rmir
dans le dessein qu'il a formé de l´s unir ensemble
, il le fait connoître par ce Vers :
Ah ! je ne m'étois pas trompé dans mon at'ente .
Nous avons déja parlé du stratagême de C
rine ; comme il ne meritoit pas de réussir , nous
n'en dirons rien de plus ; ce qui nous reste à dire
est beaucoup plus important.
Monrose vient aprendre à Aramont et à Dor
nane , qu'il n'a plus rien à prétendre du côté de
a Cour et qu'un autre que lui vient d'être pour
H vj !
JOTO MERCURE DE FRANCE
1
vû du Gouvernement de feu son Oncle. Dornane
ne peut croire une injustice si criante.
Monrose veut vendre son Régiment pour payer
ses dettes ; Dornane s'y opose , parce qu'il croit
qu'il n'est rien de plus ourgeois que de satifaire
ses Créanciers ; L le quitte pour un moment, et
revient pour lui demander la préference, en cas
qu'il soit réduit à vendre son Régiment ; Mon◄
rose a le coeur assés bon pour la lui promettre ,
quoiqu'Aramot lui dise que ce préten u Acheteur
n'a point d'argent. Le reste de ce second Acts
n'a rien d'assés interessant pour nous arrêter ; il
fini par un germe d'action que nous verrons
éclore dans le troisiéme ; c'est un projet d'Aramont
, dont nous avons déja remarqué qu'il
peche plutôt par l'esprit que par le coeur ; il imagine
de rendre Hortense jalouse , pour réveiller
Pamour qu'elle avoit pour Monrose ; voici par
ou Aramont fait connoître son projet aux Spectateurs
e finit le second Acte :
Nous n'avons plus qu'Hortense en cette extrémité,
Allons hater le coup que j'ai prémédité ;
Portons au coeur d'Hortense une atteinte fatale ;
Faisons lui redouter une heureuse Rivale ;
Et , puisqu'il faut contre elle employer ce détour ,
Armons la Jalousie en faveur de l'Amour、
Le troisieme Acte a parû le plus beau et le
plus interessant de la Piece ; Ariste fait connoître
par un court Monologue les raisons qui
Pobligent à cacher à Monrose les démarches secrettes
qu'il fait pour lui à la Cour. Monrose
vient ; Ariste n'oublie rien pour le detourner du
dessein qu'il a formé de vendre son Régiment. Il
lui dit entre autres choses :
Empêchex
MAY. 1737 IOLE
Empechez cependant qu'on n'aille débiter
A la Cour et partout que vous voulez quitter
Um bruit si ridicule a l'air d'une menace .
Ou du moins d'un dépit qui n'est pas à sa place!
Il ajoûte en parlant des faux amis , à qui on se
livre trop facilement.
;
Ne croyez pas , Monsieur , que je taxe personne
Dans ces reflexions que je vous abandonne..
Quand j'y pense, entre nous , je vois présentemene
Que l'amitié se donne et se prend aisément.
Elle est , comme l'Amour , hazardeuse et legere
Une conformité frivole et passagere",
D'âge , d'état , d'humeur et sur tout de plaisir,,
Sans. nul autre examen suffit pour nous saisir
Nous nous associons , comme onfait en voyage
Sans sçavoir avec qui le hazard nous engage ,
Et l'on devient Ami comme on devient Amant ;
Pour faire une Maîtresse il nefaut qu'un moment .
Mais l'amitié , du moins comme je l'envisage
De part et d'autre , exige un long aprentissage,
Et vous devez sçavoir à vos propres dépens ,
Qu'un Ami véritable est l'ouvrage du temps .
Revenons à l'Action. Ariste quitte Monrose ,
pour aller à la Cour , où il lui promet de ne le
pas oublier. Monrose se retire un moment après;
Clorine , qui lui faccede , ne dit que deux Vers;
Hortense vient avec un Billet à la main , elle
Pa ouvert par méprise, croyant qu'il s'adressoit
à elle , cependant comme c'est pour Monrose
qu'il
To12 MERCURE DE FRANCE
ger
qu'il est écrit , elle veut le lui remettre , quoi
qu'il soit de la main d'une Rivale qui lui fait des -
offres capables de le tenter . Elle ordonne à Clorie
d'aller chercher Aramont, qu'elle veut chardu
soin de rendre ce Billet à son Ami.
Hortense , en attendant le retour de Clorine ,
refléchit sur sa situation ; elle sent toute la dou
leur d'avoir une Rivale ; mais elle s'en console
un peu , par la flateuse penseé de l'avoir prévenue
en generosité , et par là l'Auteur nous fair
pressentir ce que nous verrons dans la suite;nous
n'avons garde de blâmer ces petites précautions
mais quelquefois pour trop instruire elles ôtent
le plaisir de la surprise , qui est ce qu'il y a de
plus picquant dans les Pieces de Théatre.
Clorine revient toute éperduë ; elle annonce à
sa Maîtresse qu'on vient de lever le scellé chés
le feu Oncle de Monrose et qu'on n'y a rien →
trouvé ; cette nouvelle l'afflige plus pour M
rose que pour elle- même , quoique tout s
bien eût été mis en dépôt chès cet Oncle. El
se réjouit en secret de ce que le plus nécessai
lui est resté ; ce sont ses Pierreries , dont
aprendra bientôt la destination .
Aramont vient , Hörtense renvoye Clorir
elle fait promettre à Aramont avec serment q
exécutera ce qu'elle va exiger de lui ; Aramo
s'y engage, Dans le temps qu'elle va lui dire a
quoi il s'agit , Clorine , fondant en larmes , vient
lui annoncer qu'elle ne trouve pas ses Pierreries,
et qu'elle ne doute nullement qu'elles n'ayent
été volées. Hortense reçoit ce nouveau coup du
sort avec tant d'indifference , que Clorine com
mence à soupçonner , ou plutôt qu'elle devine
quoiqu'assés gratuitement, la vé ité du fait Com
me elle veut expliquer ses soupçons , sa Maîtresse
la
Μ᾿ ΑΥ.
1737. 101f
la chasse ; et se trouvant seule avec Aramont ,
elle poursuit la conversation interromptë ; elle
lui aprend que ses Pierreries ne sont pas perdues
et qu'elle les a envoyés chés lui afin qu'elles
servent à payer les Créanciers de Monrose , Ara--
mont , après quelque résistance , se rend enfin.
Cette Sc ne est interrompue par l'arrivée de
Monrose, qui voit Hortense pour la premiere foiset
qui voudroit bien ne l'avoir point rencontrée;
Hortense après lui avoir demandé l'état de ses
affaires, lui dit qu'il n'est pas abandonné de tout
le monde , et lui remet entre les mains la Let- ·
tre d'une Rivale prétendue . Monrose est bien surpris
à la lecture de cette Lettre , qu'il croit être
de la ma n d'Hortense ; on lui offre tous les secours
qu'il peut esperer , pourvu qu'il renonce à à
tout autre amour ; il communique la Lettre à
Aramont , qui est bien plus étouné à son tour de
voir que c'est la même qu'il s'est avisé d'écri◄-
re pour picquer Hortense par la jalousie ; Monrose
se détermine à répondre à l'inconnue , sans
sçavoir à qui il doit s'adresser ; Aramont lui dit
que ce n'est pas la peine , et lui avoué que c'est
i-même qui a écrit ce Billet pour rendre Horinse
jalouse. Cet Acte finit par une generosité
ue fait Monrose ; comme il a apris qu'on n'a
ien trouvé sous le scellé de son Oncle , et qu'il
s'accuse par-là ' avoirpart au malheur d'Hortense
, il met une Procuration entre les mains d'A~~
ramont et le charge de vendre une Terre qui
lui reste, à quelque prix que ce soit , et de don
ner à Hortense tout l'argent qu'il en poura retirer.
Aramont n'y veut pas consentir; mais Mon- -
rose refuse de reprendre sa Procuration , et le
quitte après lui avoir dit un éternel adieu. Nous
abregerons les deux derniers Actes qui nous res
tent ,
1614 MERCURE DE FRANCE
sent, pour ne point passer les bornes ordinaires.
Le quatrième Acte ne cede guere au troisiéme
en beautés de fond et de détail , nous ne pou
vons nous attacher qu'aux beautés de fond,par la
Faison que nous venons de dire ; voici quel est
Fordre des Scenes. La premiere qui est entre
Aramont et Clorine , ne sert proprement qu'à
faire entendre ce qui s'est passé dans l'Entre - Ac
te. Aramont veut empêcher Clorine de faire de
nouvelles tentatives , pour suivre Hortense au
Convent , où elle a résolu d'aller s'ensevelir ;
comme il n'a aucun interêt dans son sort , l'Auteur
n'a pu faire entre eux qu'une Scene un peu
froide , quoique bien écrite. Clorine qui a déja
soupçonné Aramont d'avoir reçu les Pierreries de
sa Maîtresse , pour en faire l'usage qu'elle lui a
prescrit , fait connoître en le quittant qu'elle va
lui faire une tracasserie avec Monrose.
Hortense demande à Aramont s'il lui.a' tenu
parole au sujet du dépôt qu'elle a mis entre ses
mains ; Aramont lui dit qu'il doit bien s'en gar
der depuis qu'il a apris qu'elle est ruinée ; Hortense
lui reproche son manque de foi , mais inu
lement ; ne pouvant rien gagner sur lui , elle
le quitte sans vouloir reprendre ses Pierreries.
Monrose instruit par Clorine , vient demander
à Aramont s'il est vrai qu'il ait accepté les Pier--
reries en question , pour en faire l'usage qu'Hore
tense exige de lui Aramont garde un silence que
Monrose prend pour un aveu du prétendu crime
dont on P'accuse .
Un Valet aporte un paquet à Monrose ; il est
tout étonné d'y trouver tous ses Billets acquités ;
le premier soupçon qui le frape , c'est qu'ils ont
été payés par la vente des Pierreries d'Hortense ;
Aramont s'en justifie en l'assurant qu'elles sont:
encore
MAY. 1737. TOTS
encore chés lui ; Monrose ne sçait à qui attri
buer cet acte de generosité ; ce qui l'occupe le
plus c'est un aveu que lui fait Aramont de tous
fes services qu'il a prétendu lui rendre , comme
d'avoir apris à Hortense qu'elle est ruinée, quoiqu'il
fut convenu avec Monrose de le lui laisser
ignorer ; il lui avoie même qu'il a dit à Hortense
qu'elle ne devoit plus compter sur son
coeur ; ce dernier coup accable Monrose.
Dornane vient lui en porter un encore plus
sensible ; il lui aprend qu'Ariste l'a trahi, et qu'il
l'a suplanté en se faisant donner le Gouvernement
de feu son Oncle. Monrose a de la peine
à le croire , mais enfin ne pouvant plus en douter
, il l'excuse par ces Vers.
J'étois exclus ; je n'y pouvois prétendre ,
C'étoient des biens vacāns , des graces à répandre 3
Ariste en étoit digne ; il en est revétu
Et la Cour a du moins décoré la vertu.
;
Dornane après avoir imprudemment conseillé
* Monrose de tirer raison de la prétenduë perfidie
d'Ariste , part pour la Cour ; Monrose prie
plus que jamais Aramont de vendre la Terre pour
laquelle il lui a donné sa Procuration ; Aramont
n'en veut rien faire . Clorine vient avertir
Monrose qu'Hortense va partir pour le Convent;
Monrose court chés elle pour l'en détourner.
Cette seconde Scene entre Aramont et Clorine
n'est guère plus nécessaire que l'a été la précédente
dans ce même Acte.
Le quatriéme Acte finit par une Scene trèstouchante
entre Monrose et Hortense ; cetre
Amante affligée y fait paroître des sentimens
sout à-fait héroïques , auxquels Monrose répond
d'une
1016 MERCURE DE FRANCE
d'une maniere à faire voir que ces deux Amans"
sont dignes l'un de l'autre. Nous allons être en
core plus succints dans le dernier Acte .
Monrose et Aramont ouvrent la Scene ; cedernier
, pour empêcher son Ami de partir , lui
aprend que l'honneur de l'un et de l'autre exigent
qu'il rest ; ii le prouve par une Lettre qu'il
vient de recevoir de Dornane , elle est con
çûë en ces termes :
Je t'écris à la bâte ; Ariste , non content
Des biens de notre Ami , lui ravit sa Maîtresse
Il l'a fait demander le fait est irès constant.
Tu lui diras , en cas que cela l'interesse.
A propos ; on le croit riche , et jc ie l'aprends
';
Entre nous , tu lui vaux cette galanterie ;
On l'accuse d'avoir détourné ... tu m'entends
Fais cesser au plutôt cette plaisanterie.
Cette derniere calomnie met le comble au désespoir
de Monrose ; il en est d'autant plus acca
Blé , que les aparences sont co tre lui , et qu'il·
ne donte point que Clorine ne dise par tout que
sa Maîtresse lui a remis ses Pierreries pour en
dispo er à son gré , il veut plus que jamais par--
tir d'un lieu où sa gloire est si indignement
soupçonnée .
Un Garde vient l'arrêter sans pouvoir lui dire
pourquoi. Tout indigné qu'il est de se voir traiter
en Criminel , il ne laisse pas d'être prêt à se
soumettre aux ordres de la Cour ; mais le Garde
lui dit qu'il lui est seulement consigné. Aramont
prie le Garde de passer dans un des Apartemens
de la maison . Pendant l'accablement où se trouve
Monrose, Hortense vient le consoler , elle n'ou
blig
MAY. 1737. 1017
Blie rien pour l'arracher aux résolutions les plus
funestes ; sensible à ces marques d'amour, Mon
rose se jette à ses pieds, prêt à faire tout ce qu'elle
lui ordonnera ; cette Scene est des plus tendres.
Aramont qui s'étoit retiré pour les laisser parler
avec plus de liberté , revient pour leur aprendre
qu'Ariste aproche. Hortense qui a apris de Monrose
qu'il aspire à son hymen , se prépare à lei
faire une étrange accueil ; elle lui parle dabord:
avec beaucoup de vivacité , de colere et d'indignation
; mais elle est agréablemen : surprise aussi
bien que Monrose et Aramont , d'aprendre
que ce prétendu persécuteur est le plus genereux
bienfaicteur qui fût jamais . Ariste leur rend
compte de toute sa conduite , dont il ne leur a
fait un secret que par un effet de prudence : il dit
à Hortense que l'Oncle de Monrose avoit déposé
tous ses biens chés un Notaire ; il aprend
à Monrose qu'il a brigué le Gouvernement que
son Oncle avoit laissé vacant par sa mort , de
peur que quelqu'autre ne s'en fîc pourvo r ; qu'il
a obtenu la grace toute entiere de la Cour, et que
le Prince consent qu'il s'en démette en sa faveur,
il ajoûte qu'il n'a fait défendre à Hortense d en
trer dans un Convent que pour la lui faire pos
seder. La Piece finit par ces quatre Vers que
Monrose charmé adresse dabord à sa chere Hortense
, et après au génereux Ariste .
Ah ! Madame , souffrez que mon coeur se partage,
Monsieur , je ne puis rien vous offrir davantage.
O Fortune , je sens et j'éprouve à présent
Qu'un Ami véritable est ton plus grand présent.
Quoiqu'on soit encore partagé sur ce nouveaus
genic de Comédie, les Connoisseurs les plus sensés
.
for8 MERCURE DE FRANCE
sés conviennent qu'il seroit à souhaiter qu'il eût
des imitateurs , les jeunes gens qui font le plus
grand nombre des Spectateurs et qui préférent
Pagréable à l'utile, y perdroient, mais les moeurs
y gagneroient infiniment.
Cette Piece est très- bien imprimée in 12. chés
le Breton , Quay des Augustins , et mérite le
grand débit qu'elle a.
Le 6. Mai , l'Académie Royale de Musique ,
donna par extraordinaire et pour la Capitation
des Acteurs : représentation de l'Opera de
Persée , qui fut suivie du Pas de Six et du Divertiffement
de Pourceaugnac.
Le 9.Elle donna la premiere représentation d'un
Ballet nouveau, composé d'un Prologue et de trois
Entrées , intitulé le Triomphe de l'Harmonie ; le
Poëme est de M. le F. et la Musique de M.
Grenet , Maître de Musique de l'Académie ,
Comme cet Ouvrage a été reçû favorablement
du Public , nous en parlerons plus au long
ainsi que des Décorations qui expriment trèsbien
, et avec pompe , les differentes Scenes de
ce Ballet. On assure qu'il sera succedé par
celui des Amours des Dieux , qui fut donné.
dans sa nouveauté , il y a dix ans , et dont le
Poëme est de M. Fuzelier , et la Musique de
M. Mouret.
Les Comédiens François repetent une Tragédie
nouvelle pour être représentée incessam
ment. Elle a pour titre Lisimachus.
NOW!!
MAY. 1737 1819
*************** XXX
NOUVELLES ETRANGERES.
RUSSIE.
E 25. Mars , S. M. Cz. reçut un Courier
par lequel elle aprit que le Contre- Amiral
Bredahl étoit arrivé à Asoph avec les Galeres
qu'on a construites cet hyver à Bransch et à Ve
ronitz , et qui font faites de maniere qu'elles
peuvent le démonter et se remonter facilement;
que ce Contre-Amiral étoit descendu avec une
partie de ces Galeres à l'embouchure du Fleuve
du Tanais; qu'il y avoit fait la revue de la Flotte
qu'il avoit trouvée en très- bon état , et que
deux Bâtimens qu'il avoit envoyés à la découverte
dans la Mer Noire , s'étoient emparés
d'un Brigantin Turc , qui alloit de Constantinople
à Caffa , sur lequel on avoit fait 126.
Esclaves ; et que les Turcs pris fur ce Brigantin
avoient assuré que le Capitan Pacha faifoit toutes
les dispositions nécessaires , pour que la Flotte'
Au Grand Seigneur pût être mise en Mer au
Commencement du mois de Mai.
On assure que le G. S. auroit accordé à la
Czarine une partie de ses demandes , et peutêtre
même lui auroit cedé Asoph , si les Jannissaires
et le Peuple de Constantinople , ayant été
informés de ce que contenoient les Articles Préliminaires
proposés par S. M. Cz. ne s'étoient
attroupés plusieurs fois tumultueusement pour
demander la continuation de la Guerre et que
Hautesse avoit lieu de craindre d'exciter le
méconten
1010 MERCURE DE FRANCE
mécontentement de ses Sujets , si elle accepteit
les conditions que la Czarine exigeoit d'elle.
ALLEMAGNE.
Es Lettres de Vienne portent qu'on a apris
Lde Parax dans la Haute Hongrie , que le feu
y ayant pris dernierement à une écurie du Château
, les flammes avoient gagné en peu de tems
le principal corps de logis , d'où elles s'étoient
communiquées à l'Eglise des Jesuites , qui a été
entierement consumée , ainsi que leur Maison,
leur College et le Convent des Religieux Trinitaires.
Par le Courier de Bender , arrivé à Vienne le
12. du mois , on a apris que M. Dahlman ayane
fait de nouvelles instances pour obtenir une déclaration
positive de la Porte sur les Articles Préliminaires
de Paix proposés par l'Empereur , le
Grand Visir avoit répondu qu'il n'étoit pas encore
instruit des réfolutions du Grand Seigneur
qu'au refte Sa Hautesse ne risquoit rien à refuser
des conditions aussi désavantageuses que celles
qu'on vouloit sur imposer, et que les Moscovites
ne pourroient porter plus loin leurs prétentions
si les Turcs avoient éprouvé les plus mauvais suc
cès, et s'ils avoient perdu plusieurs Batailles.
Un autre Courier a raporté que le Grand Vi.
sir , quelques jours après la conference dans la
quelle il avoit témoigné à M. Dahlman , que la
Porte étoit peu satisfaite des propositions de S.
M. Imp. lui avoit fait sçavoir par un de ses In
terprétes qu'il avoit dépêché un Aga au Grand
Seigneur ,pour lui donner part de ce que contenoit
la seconde Lettre du Comte de Konigseg
et pour suplier Sa Hautesse de lui mander ses
intentions "
MAY. 1 ཏ ; 7 , 1021
intentions ; et que le Grand Visir avoit ajouté
que le Grand Seigneur , voulant donner des preu
ves du desir sincere qu'il avoit de faire tout son
possible pour lever les difficultés qui pouvoient
retarder le Congrés, consentoit qu'il ne s'assem
blât point à Sorocka , puisque la Czarine trouvoit
que cette Ville étoit trop éloignée des fron
tieres de ses Etats et qu'il offroit d'envoyer ses
Ministres Plenipotentiaires à Oczakow ou à
Kudac.
L'Empereur a envoyé ordre à M. Dahlman
de déclarer au Grand Visir , que si la Porte ne
s'expliquoit pas clairement avant le 15. du mois
de May , sur le projet d'accommodement pro
posé , il ne pouroit se dispenser de remplir les
engagemens qu'il avoit pris avec la Czarine.
Les Lettres de Vienne de la fin du mois der
nier,portent que,quoique le GrandVisir fasse toutes
les dispositions nécessaires pour commencer
les actes d'hostilité contre les Moscovites , et
qu'il paroisse être dans le dessein de hasarder une
bataille pour les empêcher d'entreprendre le Siés
ge.d'Oczakow , il a renouvel é encore depuis
peu les assurances qu'il a déja données plusieurs
fois à M. Dahlman du desir sincere qu'avoit le
Grand Seigneur de parvenir à un accommodement
avec la Czarine. Il lui a même fait dire
quelques jours avant que de partir pour Bender ,
qu'il ne s'y rendoit que pour être plus à portée
du lieu où se tiendroit le Congrés , que sa Hau
tesse souhaiteroit de pouvoir y envoyer dès à
present ses Ministres Plenipotentiaires , mais que
le Bairam , dans lequel on alloit entrer . obli
geoit de differer leur départ ; qu'ils partiroient
certainement de Constantinople aussi - tôt après
que ce temps de devotion seroit passé , et que les
mouvemens
1022 MERCURE DE FRANCE
mouvemens que faisoient les Troupes Ottoma→
nes n'étoient causés que par la necessité de les
faire changer de quartiers pour leur procurer
une plus grande abondance de vivres et de fourages.
L'Aga que le Grand Visir a envoyé à M.
Dablman pour l'assurer que le Grand Seigneur
persistoit à vouloir la paix , a ajouté que quelque
positive que fût la déclaration contenue dans
la seconde Lettre du Comte de Konigseg au G.
Visir , Sa Hautesse ne pouroit se persuader que
Empereur fût déterminé à lui faire la guerre ,
si les prétentions excessives de la Czarine étoient
le seul obstacle au succès des Négociations , er
que si S. M. Imp. vouloit observer la neutralité,
et se conformer au Traité de Passarowitz
elle pouvoit se procurer par- là des avantages
plus certains que ceux qu'elle se promettoit de la
guerre,
L
ITALIE.
Es. Avril on publia à Rome le Decretpour
la Canonisation de la Bienheureuse Cathe-
Tine Fieschi de Genes , dont la Cérémonie a dů
se faire le 28. ainsi que celle de la Canonisation
des Bienheureux Vincent et Regis ; et de la
Bienheureuse Falconieri.
La correspondance étant rétablie entre les
Cours de Vienne et de Madrid , le Cardinal
'Aquaviva , chargé des affaires du Roy d'Espagne
auprès du Saint Siege , envoya le 7. Avril
dernier complimenter à cette occasion le Car
dinal del Giudice.
La Congrégation des Rites a décidé que dans
La Cérémonie de la Canonisation des Bienheueux
Vincent et Regis , ce premier auroit la
préséance
MAY.
1737. 1023
préséance comme Fondateur d'Ordre.
Le Comte Trivelli , célebre Poëte , et Jean-
Baptiste Jacoboni , Prêtre , Auteurs des Satyres
répandues à Rome depuis quelque temps contre
le S. Siege, et contre les Personnes les plus considerables
, ont été condamnés à mort , le premier
eut la tête tranchée dans la Place du Pont
Saint- Ange , le 23. Février dernier . Il reconnue
en mourant le mauvais usage qu'il avoit fait de
ses talens . Le Pere Santo Canale , Jesuite , qui
Pexhorta à la mort , eut bien de la peine à lui
faire entendre raison sur la Religion , voulant
mourir dans les sentimens de libertinage dans
lesquels il avoit vêcu , et il ne se rendit aux vives
instances de son Confesseur que peu de tems
avant qu'on le menât au suplice. It donna des
marques d'un sincere repentir , et mourut avec
beaucoup de fermeté et de résignation , Le Prêtre
Jacoboni fut condamné au même suplice ; on
2 commué sa peine en celle des Galeres , le Car
dinal Guadagni , l'un des plus maltraités dans
ees Satyres , ayant vivement et généreusement
sollicité pour lui sauver la vie.
.
En conséquence de l'ordre envoyé par l'Empereur
au Comte de Traun , de prendre posses
sion des Duchés de Parme et de Plaisance , au
nom de S. M. Imp. ce Comte se rendit le 16.
du mois passé à Parme. Le Prince de Lobkowitz
qui y commande , alla au devant de lui à quelques
mille de la Ville, et les Députés des Magistrats
le reçûrent hors des Portes. Lorsque le
Comte de Traun entra dans la Ville , il fut salué
par une triple décharge de l'Artillerie des
remparts. Ayant été conduit par le Prince de
Lobkowitz et par les Députés des Magistrats au
Palais qu'on avoit préparé pour le racevoir , il
I y fur
1024 MERCURE DE FRANCE
y fut complimenté par le Clergé , par la Noblesse
et par les Tribunaux, et l'aprèsmidi il re
çût , au nom de l'Empereur , le serment de f
delité des Habitans. Il communiqua aux Magis
trats les résolutions de S. M. Imp. par raport à
l'administration des affaires de ce Duché et au
Gouvernement de cette Ville , dans laquelle elle
se propose d'établir une Junte semblable à celle
qui vient d'être établie à Mantoüe.
On aprend de Turin que le 21. Avril , jour
fixé pour P'Entrée de la Reine dans cette Capi
tale , leurs Majestés étant parties du Château de
Ja Venerie vers les sept heures du soir , trouverent
sur leur chemin le Régiment Royal Pié
mont Cavalerie , et les deux Régimens de Dragons
du Roy et de la Reine , qui les accompa
gnerent pendant la marche le long de la Rive
du Pô , oposée à celle par laquelle leurs Majes
és passerent pour se rendre à Turiu ; on avoit
allumé des feux de distance en distance , et la
Maison de Plaisance de la Reine , bâtie sur la
Montagne vis à-vis la Porte du Pô, étoit ențierement
illuminée .
L'arrivée du Roy et de la Reine fut annoncée
au Peuple par une triple Salve de 150. picces
de Canon , placées sur les remparts de la
Ville et de la Citadelle , et leurs Majestés ayant
été reçûës à la Porte du Pô par les Magistrats ,
et par le Corps de Ville , la marche de l'Entrée
commença par une Troupe de 200. Marchands
à cheval , ayant à leur tête le Vicaire de la Ville.
Cinq Carosses du Roy , attelés de six Chevaux ,
précédoient celui du Corps , qui éton escorté
par un détachement des Gardes , et dans lequel
leurs Majestés étoient seules avec le Duc de
Savoye,
Le
MAY. 1737. 1025
Le Roy et la Reine étoient suivis de cinq autres
Carosses attelés aussi de six chevaux , après
lesquels marchoient trois Escadrons des Gardes
du Corps , et les quinze Escadrons de Cavalerie
et de Dragons qui étoient venus de la Venerie
avec leurs Majestés.
La ruë du Pô étoit bordée des deux côtés jusqu'au
Palais du Duc de Savoye par la Bourgeoisie
qui étoit en haye sous les armes ; chaque
Corps de Métier étant distingué par des uniformes
et des Drapeaux differens. Deux Bataillone
du Regiment des Gardes à pied, deux du Regiment
de Rhebinder , et deux de celui de Lom."
bardie , bordoient le reste du chemin depuis le
Palais du Duc de Savoye jusqu'au Palais Royal,
lequel étoit illuminé ainsi que celui du Duc de
Savoye , et toutes les Places publiques , selon
l'ordre de leur Architecture. Toutes les ruës
étoient aussi illuminées,et il y avoit aux premier,"
second et troisième étages de toutes les maisons
, cinq lumieres à chaque croisée, Cette illumination
formoit un spectacle que la seule
Ville de Turin est capable de fournir à cause de
la régularité de ses Bâtimens,
.
t.
Leurs Majestés , en arrivant au Palais ,
trouverent les Ministres étrangers , et les Sei
gneurs et Dames de la Cour. La Reine après s'ê- Ÿ
tre reposée quelque temps, alla au Palais du Duc
de Savoye pour voir un feu d'artifice qui fut
tiré vis-à-vis ce Palais .
Le lendemain S. M. reçut les complimens
des Ministres étrangers , des Ministres d'Etat
et de la principale Noblesse , qui fut admise à
lui baiser la main.
7
Le Palais du Roy , celui du Duc de Savoye ,
les Places publiques , et toutes les Maisons de la
I ij
Ville
1026 MERCURE DE FRANCE
Ville ont été illuminées pendant quatre nuits
consecutives de la même maniere qu'ils l'avoient
été le jour de l'Entrée de la Reine;
ESPAGNE.
Es revenus de la Charge de Grand Amiral
d'Espagne , dont l'Infant Dom Philipe a
été pourvû , ont été fixés à 200000. Ducats par
an , et il a été reglé que tous les Officiers de la
Marine seroient obligés de s'adresser à ce Prince
pour ce qui regarde les fonctions de leurs
Emplois , et pour obtenir les graces qu'il saurønt
à demander à la Cour.
GRANDE - BRETAGNE
A Duchesse de Northumberland ,qui est âgée
L &
de plus de cent ans, et qui a été malade pendant
quelques jours , étant parfaitement rétablie
de son indisposition , partit le 23. du mois
passé pour sa Terre de Throgmore.
Le même jour 2. Bateaux venant de Greenwich
à Londres furent renversés , et 13. Passagers
furent noyés. Plusieurs autres Bateaux fureng
renversés le 24. entre Fulham et Westminster
et il a peri 8. ou 9. personnes.
1
LORRAINE.
MA Y. 1737. 1027
LORRAINE.
DISCOURS prononcé par M. Toustain
de Viray , Avocat Général de
Lorraine , au sujet de l'Enregistrement
des Lettres Patentes en forme
d'Edit du Roy de Pologne , pour la
Prise de Possession des Duchés de Lorrainé
et de Bar.
Rs , Plus les Décrets de la Providence sont
impenetrables , plus ils exigent nos adorations.
Cette profondeur de Conseil que la sagesse
humaine ne peut fonder , et ces dénouëmens surprenans
, amenés par des voyes qui en paroifoient
si éloignées , portent le caractere des effets d'une
intelligence suprême , qui n'a pas besoin d'être
justifiée par les acquiescemens de notre foible raiet
qui veut néanmoins étre honorée par la
soumission de nos coeurs.
son ,
Tel est le grand Evenement qui nous assemble
en ce jour , plus vrai que vrai - semblable , qui aporte
un changement si notable dans l'ordre le plus
immuable des choses humaines ! Respectons ces mys-›
teres , c'est l'hommage dû par notre esprit , à ce
qui lui est superieur , et celui de notre volonté , n'en
sera pas pour cela un mouvement aveugle ; notre
obéissance est éclairée par notre Religion . C'est à
elle seule qu'il apartient de dissiper les allarmes dè notrefidelité
étonnée, en la fixant à son veritable objét ,
par des réflexions toujours solides et consolantes . Il
est écrit que toute Puissance vient de Dieu , il est
le seul Dispensateur legitime des Couronnes , toute
I iij.
leu
*1028 MERCURE DE FRANCE
leur splendeur n'est qu'un rayon emprunté de sa
Gloire , et ces titres augustes de Majestés humaines
seroient autant de blasphêmes , si ceux à qui
`on les attribuë , n'avoient reçu de Dieu le carac
tere sacré, par lequel il se fait représenter sur la
Terre.
C'est à lui seul que se raportent tous les honneurs
que nous leurs déférons , et les tributs que
nous portons à leurs pieds, sont autant de sacrifices
qu'on lui immole en sorte , que dans le plus juste
aspect de notre obéissance cette nouveauté même
n'est pas pour elle une vicissitude , et nous ne devons
la considerer que comme une nouvelle décoration
qu'il lui plait de donner à son image.
Ce n'est pas que nous veuillions dissimuler , encore
moins condamner le trouble de notre situation .
On ne se déprend pas sans agitation de ses plus
douces habitudes. Les liens qui tenoient notre
coeur attaché , ont ils pû être brisés sans s'émouvoir
? et le moyen qu'après une telle révolution
dans le Chef , les Membres soient exempts de criser
>
Lafidelité , cette vertu propre de notre Patrie ,
ce précieux heritage de nos Peres , qui tant defois
les a dépouillés de tout autre heritage , est une de
ces vertus tendres , délicates et scrupuleuses , qui
s'allarmant aisément , et à laquelle conviennent
si bien les reserves , les saisissemens et les bienséantes
frayeurs , semblable à la pudeur , dont les
innocentes répugnances envers l'objet même legitime
et cheri , n'ont d'autre effet que d'attirer d'autant
plus la confiance et l'estime.
Ne rougissons point defaire cet aveu au Prince
Magnanime , sous la domination duquel nous pas,
sons , c'est le gage le plus sûr que nous puissions
lui présenter de l'attachement inviolable que nous
lui voñons dès ce moment, Il est autant de son
interêt
MAY. 1029 1737.
que
interêt que du nôtre , que nous lui mettions à dém
couvert cet interieur qui vient d'être ulceré , pour
luifaire connoître à fonds la qualité et le prix de
son acquisition pour luifaire voir Les bontés
qu'il nous prépare , ne tomberont point sur une terre
ingrate , et sans fruit qui soit à négliger , pour
exposer à sa vûë ce germe de tendresse, de zele , et
de reconnoissance , qui a jetté dans son sein de si
profondes racines , digne production des graces dont
elle a été habituellement arrosée , et des largesses
dont elle est cultivée depuis tant de siecles.
Peuples , bénissez le Seigneur , de ce qu'il afait
pour vous,ce qu'il ne fait pas pour toutes les Nations,
en vous donnant des Princes si dignes et si propres à
le representer dans sa clemence , et dans ses bienfaits
; mais ne lui rendez pas de moindres actions
de graces de ce qu'en retirant de nous cette Famille
vraiment Royale , il n'a pas retiré ses bontés .
C'est dans sa méme misericorde qu'il vous envoye
aujourd'hui un Roy qu'il a formé selon son
coeur , et pour la possession duquel il vous préfere
même à sa Patrie , Prince de qui la renommée
publie toutes les qualités capables d'honorer le
Diademe , d'accrediter la Religion , de concilier
l'admiration , l'amour , et la gratitude , tout ce
qui rendroit un Particulier respectable , élevé par
la scule vertu à la dignité Royale , sans être redevable
de rien à la fortune ; à qui la probité est
plus précieuse que le Sceptre , à qui le Paganisme
auroit dréssé des Autels , Prince que le Ciel semble
avoir specialement instruit du bon usage de ses
faveurs , en le dressant à l'humanité , et à la compassion
dans l'Ecole de ses salutaires adversités.
Remarquez ses premieres expressions , c'est un
langage paternel , voyez cette complaisance qu'il
mise à s'imposer lui -même une sorte de res
I iiij peot
1030 MERCURE DE FRANCE
pect pour les traces, et les établissemens des Regnes
précedens , qui ont fait nos plus grands.délices .
Considerez ses Ministres , par lesquels il se fait
devancer , Ministres de sa sagesse , de sa douceur,
et de sa modération.
Livrez- vous done , Peuples , livrez- vous à la
joye , que cette Capitale retentisse des cris de votre
allegresse , et de vos empressemens à posseder dans
son enceinte ce présent des Cieux , qu'il vive , que
·la durée de ses jours se mésure sur l'étenduë de sa
réputation, et que leur nombre soit comptépar celui
de ses vertus , qu'il regne pour le triomphe de la
Religion, et pour notre felicité , qu'il soit placé dans
vos coeurs ; c'est le Trône ordinaire de vos Mai-
-tres .
C'est dans ces sentimens que Nous requerons
L'Enregistrement des Lettres Patentes en forme
d'Edit , c.
AUTRE DISCOURS du même ,
au sujet de l'Enregistrement des Let
tres Patentes du Roy très - Chrétien
la Prise de Possession Eventuelle
pour
de la Lorraine.
M
Rs , N'avons - nous pas à admirer une se→
conde fois , les vûës encore plus singulieres
de la Providence sur nous ? Non contente d'avoir
continué notre bonheur actuel , et celui de nos
Concitoyens ; elle veut encore le perpetuer , et nous
reveler dès à présent l'avenir glorieux qu'elle assure
à notre postérité.
Quelle perspective de prosperités pour cette Province,
et d'abondance pour son Commerce ! Quelle
carriere d'émulation pour nos arrieres Neveux,
que
M A Y. 1737. T031
a
que de dignités à meriter ! que de perfections a
étudier ! que d'agrémens à goûter, d'être associés au
Peuple le plus sociable et le plus poli de l'Univers;
d'être incorpores aù premier Royaume du monde ,
-ce Royaume que le Ciel a privilegié par dessus toutes
les Contrées de la Terre , en richesses , en grandeur,
et en magnificence A ce Royaume qui est
le centre du bon ordre , du bon goût , et des plus
belles connoissances! Dont le genie des Habitansfait
tant d'honneur à l'humanité dont les Ministres
semblent concerter leurs desseins avec l'Auteur des
destinées, et dont l'invincible Monarque est l'Arbitre
du repos de l'Europe ! Peut - il être une idée d'un
sort plus flateur pour nos Descendans , que d'avoir
droit à sa gloire , de partager ses succès ,
de jouir
de sa Justice , et d'augmenter sa puissance ?
Fixons ici nos réflexions . C'en est bien assés pour
remplir toute la capacité de notre ambition , et
batons-nous de requerir l'Enregistrement , &c.
FRANCE.--
Nouvelles de la Cour , de Paris , &C.
E 4. de ce mois le Roy fit dans la Plaine
Lies des Sablons la Revûe du R'giment des Gardes
Françoises et de celui des Gardes Suisses . Ils
firent l'exercice , er'ils défilerent en présence de
S. M. Monseigneur le Dauphin se trouva à cette
Revûë.
Le Roy a donné le Gouvernement de Landrescy
au Comte de la Marck ; celui de Briançon,
au Marquis de Maulevrier - Langeron, celui d'Ai
re à M. de Ceberes, et celui de Bethune à M. de
Tarneau
Le
1032 MERCURE DE FRANCE
Les de ce mois Monseigneur le Dauphin fir
rendre à l'Eglise de la Paroisse du Château de
Versailles les Pains Benits , qui furent presentés
par l'Abbé de Choiseul , Aumônier du Roy en
quartier.
Dom Etienne Richard , Général de l'Ordre
des Chartreux , étant mort le 3. du mois dernier
dans la 69. année de son âge , Dom Michel
de Larnage , Prieur de la Chartreuse de S.
Hugon , a été élû Général de cet Ordre.
Le Cabinet de défunt M. Vivant , composé
de Tableaux , Figures antiques de Bronze , de
Marbre , d'Yvoire , Coquilles , Médailles d'or,
d'argent , de Cuivre , Antiques et Modernes ,
Pierres gravées et précieuses , Droguiers , Cristaux
, Mineraux , Armes antiques , Estampes
Coraux , Emaux , Plantes Marines et Petrifications
, Vases d'Agathe, et autres Pierres , et géneralement
de toutes sortes de Curiosités en
très-grand nombre et des mieux choisies , commencera
à se vendre en la Maison dudit Sieur
Vivant à Paris , rue Quinquempoix , près l'Hôtel
de Beaufort, le Lundi 1. Juillet 1737. et
jours suivans .
et stetet
MORTS
M
>
but tatat
NAISSANCES ,
Et Mariages.
Ilady Marie Butler, Comtesse de Delwin,
Mere du Comte de Westmeath , et de M.
de Nugent , Mestre de Camp de Cavalerie au
Service du Roy de France , est morte depuis peu
Clonin en Irlande dans la 109. année de son
·
ge
Le
MAY 1737. 1033
Le nommé Pierre le Poix est mort il y a quel
que tems à Clerjus , dans le Diocèse de Toul ,
âgé de 111. ans.
Le 15. Mars Edmonde-Therese - Marie , née
Comtesse de Dietrichstein , Veuve depuis le 16.
Juin 1712. de Jean- Adam - André , Prince du S.
Empire , de Lichtenstein , Duc de Troppau er
de Jagerndorff , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or , Conseiller Intime d'Etat , et Chambellan
de l'Empereur , avec lequel elle avoit été
mariée le 16. Février 1681. mourut à Vienne
dans la 75. année de son âge , étant née le 17 .
Avril 1662. Son Corps a été porté à Branau en
Moravie. Elle a fait ses Légataires universelles
les trois filles qui lui restoient , qui sont Marie-
Antoinette , Comtesse d'Hrzan , qui avoit épou
sé en premieres nôces Marc- Adam , Comte de
Czobor Marie - Elizabeth , épouse de Leopold,
Duc de Holstein- Viesenbourg , et auparavant
Veuve de Maximilien-Jacques - Maurice , Prince
de Lichtenstein , mort le 21. Avril 1709. et
Therese-Anne- Félicité , Veuve de Thomas- Emmanuel
- Amedée de Savoye , Comte de Soissons,
Chevalier de la Toison d'Or , Lieutenant- Ma
réchal de Camp des Armées de l'Empereur , Colonel
d'un Regiment Imperial de Cuirassiers, et
Gouverneur d'Anvers , mort le 28. Décembre
1729.âgé de 43.ans. La Princesse de Lichtenstein
laisse seulement la légitime au fils de Henri-Joseph-
Jean , Prince d'Aversberg , er de feuë Dominique-
Magdeleine de Lichtenstein , sa derniere
fille , morte le 2. Juin 1724. La Princesse de
Lichtenstein ' avoit encore eu une autre fille ,
nommée Gabrielle , qui étoit sa ze , et qui étoit
morte sans enfans le 8. Octobre 1713. de Joseph-
Jean-Adam , Prince de Lichtenstein , qu'el
I vj
le
1034 MERCURE DE FRANCE
le avoit épousé le 1. Décembre 1712.
Le 17. Alexis Henri de Châtillon . Seigneur
de Chantemerle , de la Rambaudiere . &c. Chevalier
, Commandeur , et Doyen des Ordres du
Roy , mourut en son Château de la Rambaudiere
en Poitou , âgé d'environ 87.ans . Il avoit été
fait en 1675. Mestre de Camp d'un Regimentde
Cavalerie. Il fut aussi Capitaine des Gardes du
Corps, puis en 1684. Premier Gentilhomme de
la Chambre de Philipe, Fils de France, Duc d'Or
leans , qui lui avoit donné en 1683. le Gouvernement
de Chartres. Il fut fait Chevalier des >
Ordres du Roy à la Promotion du 31. Décembre
1688. et Brigadier des Armées de S. M. le
10. Mars 1690. Il étoit veuf de Marie- Rosalie
de Brouilly de Piennes , morte le 12 Septembre
1735. ainsi qu'on l'a marqué dans le Mercure
du même mois p . 2117. où l'on a fait mention ·
des deux filles qu'il en avoit eu , qui sont les
Dames de Bacqueville et de Goësbriant, dont la
derniere est morte le 29. Décembre dernier ,
comme on l'a annoncé dans le 2. Vol . du mê
me mois p. 2980. Le défunt étoit frere puîné du
Comte de Châtillon, pere du Duc de Châtillon ,
Gouverneur de Monseigneur le Dauphin.
..
: Le 18. Ferdinand , Comte de Plettemberg ,
Chevalier de l'Ordre de la Toison d'Or , Con- ·
seiller Intime et Actuel d'Etat de l'Empereur , et
désigné Ambassadeur de S. M. Imp. à la Cour
de Rome , mourut à Vienne, après peu de jours
de maladie , dans la 47. année de son âge. If
avoit été ci-devant premier Ministre de l'Electeur-
Archevêque de Cologne , et étoit entré ensuite
au Service de l'Empereur , qui l'avoit nommé
en dernier lieu à l'Ambassade de Rome , or
étoit sur le point de se rendre , ayant fait , à
14
MAY. 1737. 1035
ce que marquent les Nouvelles d'Allemagne ,
pour plus de 200000. florins de dépense , afia
de paroître en cette Cour avec éclat . Il avoit
marié , le 30. Août de l'année derniere , une de
ses filles avec le Comte de Schonborn - Weissenheit.
Le même jour Curse Origo , Romain , Card . Prê
tre du Titre de S. Eustache, Prefet de la Congré
gation du Concile , mourat à Rome , âgé de 76 .
ans et 9. jouts , étant né le 9. Mars 1661. It
étoit créature du féu Pape Clement XI . qui l'avança,
l'ayant d'abord déclaré Secretaire des Mé
moraux le 3. Décembre 1700. ensuite lai
donna un Canonicat de la Basilique de S. Pierre
dú Vatican , au mois de Septembre 1705. et ie
f Secretaire de la Congrégation de la Consulte
le 17. May 1706. Il exerçoit encore cette
Charge lorsqu'il fut créé Cardinal le 18. May
1712. ayant alors été réservé in petto, et n'ayant
été déclaré que le 26: Septembre suivant. Le
Tatre Diaconal de S. Eustache lui fut assigné le
21. Novembre de la même année. Il fut déclaré
Légat de Bologne le 12 : Avril 1717. et le Pape
Innocent XIII . à son avenement , lui donna la
Charge de Préfet de la Congrégation du Concile
le 9. May 1721. Par sa mort il vaque une
se place dans le Sacré College.
Antoine- Xavier Gentili , Romain , Cardinal
Prêté , du Titre de S. Etienne in Monte Coelio ;
de la Création du 16. May 1731. et Dataire du
Pape regnant , a été déclaré Prefet de la Congrégation
du Concile au lieu du feu Cardinal
Origo.
Le 19. Jean Conrad , Baron de Reinach, Evê
que de Basle , Prince du S. Emp . Rom . siégeant
2-Porentru , dans l'Elsgau sur la riviere de Hal-
-le's "
1036 MERCURE DE FRANCE
le,mourut en son Château de Porentru , âgé d'environ
80.ans étant né en 1657. Il avoit été d'abord
en 1678 Chanoine, puis en 1690. Ecolâtre ,
Doyen en 1704. et enfin Evêque de Basle le
11. Juillet 1705. Jean - Baptiste , Baron de Reinach
, son frere , né en 1669. Chanoine en
1691. Doyen en 1710. et Prévôt de la Cathe .
drale de Basle en 1712. fut élû son Coadjuteur
le 2. Septembre 1724. et l'Evêché Titulaire d'Abdere
en Thrace , avec cette Coadjutorerie , fut
préconisé et proposé pour lui à Rome les 18.
Avril et 11. Juin 1725.
Le 20. Gaspard de Castelane d'Esparon, Chevalier
de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , Mestre
de Camp-Lieutenant du Regiment de Dragons
d'Orleans, par Commission du 26. Février
1734. et fait Brigadier des Armées du Roy le 1.
Août suivant , Gentilhomme de la Chambre du
Duc d'Orleans depuis 1724. mourut à Paris
après deux jours de maladie , âgé de ss . ans.
La Charge de Mestre de Gamp- Lieutenant de
Dragons d'Orleans , vacante par cette inort , a
été donnée à Louis - François de Boufflers - Remiencourt
, né le 12. Novembre 1714, fils de
Charles - François de Boufflers , Marquis de Remiencourt
, Lieutenant Général des Armées du
Roy , et de Louise Antoinette - Charlotte de
Boufflers , son épouse , fille du feu Maréchal
Duc de Bouffers.
Le 21. D ....... Gaultier du Bois , épouse
de Denis-Louis Pasquier , Conseiller au Parlement
de Paris , mariée en 1729. et âgée de 23 .
à 24 ans , mourut en couches. Elle étoit fille
aînée de feu Jules-Adrien Gaultier du Bois ,
Ecuyer , Seigneur de Besigny , mort le 19. Noyembre
1731. et d'Anne- Marie Doé , sa veuve .
Σ
Le
MAY. 1737. 1037
Le 22. René- François Testu de Balincourt
Seigneur de Hedouville , Os , &c. Conseiller Honoraire
en la Grand-Ch . du Parlement de Paris,
où il avoit été reçû le 31.Janvier 1676.et Chef du
Conseil du Comte de Toulouse , mourut à Paris
, âgé de 81. ans 9, mois , sans avoir été mafié.
Il étoit fils aîné de feu Gabriel Testu de
Balincourt , Seigneur de Hedouville , de Hodene
, &c. Grand- Maître des Eaux et Forêts de
Normandie , mort en 1672. et de feuë Jeanne
Grangier de Soucariere, sa seconde femme.
Gerard Dias , Esclave de Don Antoine de
Sampayo de Vasconcellos , mourut à Lisbonne
au mois de Mars dernier dans la 117. année
de son âge, étant né le 17.Mars 162 1. à Vianna
de Alentejo
On a encore reçû avis de Lisbonne qu'Antoi
ne de Mendonça , Béneficier de l'Eglise de
Sainte Marie d'Obidos , et le Pere Nuno , Religieux
Trinitaire, étoient morts depuis peu , le
premier à Obidos , âgé de 109. ans , et le second
à Coimbre dans la 102. année de son âge.
Le 23. Eleonore - Christine - Elizabeth , née
Princesse de Salm , Dame de l'Ordre de la Croisade
, et épouse de Conrard - Albert - Charles
Schets , Comte , et depuis 1717. Duc d'Ursel et
d'Hobokes , Gouverneur pour l'Empereur de
la Province de Namur , mourut à Bruxelles ,
âgée de 59. ans 9 jours , étant née le 14. Mars
1678. Elle étoit derniere fille de Charles- Théodore
Otton , Prince du S. Emp . Romain et de
Salm , Wildgrave de Daun et de Kirburg, Rhin
grave de Stein , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or, Conseiller Intime d'Etat de l'Empereur
, Maréchal de Camp Général des Armées
de S. M. Imp. Grand- Maître de la Cour de
l'Empereur
1038 MERCURE DE FRANCE
Empereur Joseph , et auparavant son Gouvèrneur
, mort le 10. Novembre 1710. et de Loui
se-Marie de Bavière , Comtesse ' Palatine du
Rhin , sa seconde femme , morte le 11. Mars
1679.
Le 24. Charles- Frederic - Adolphe Prince Hére
ditaire de Saxe Vaeissenfels ,fils de Jean- Adolphe,
Duc Régent de Saxe- Vveissenfels Chev . de l'Ordre
de l'Aigle Blanc, Général , Feldt - Maréchal-
Lieutenant des Armées de l'Empereur , et Gé
nétal de l'Infanterie de l'Electorat de Saxe , er
de Frederique de Saxe-Gotha , mariés en 1735 .
mourut de la petite verole à Weissenfels , âgé de
4 mois 19. jours , étant né le 5. Novembre
dernier .
Le 27. Philipe Charles d'Estampes Mar
quis de la Ferté - Imbaud , Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , fils aîné de Philipe - Charles
d'Estampes , mort le 11. du même mois , mourut
d'une maladie de poitrine , âgé de 25 ans ,
ne laissant qu'une fille de la Demoiselle Geof
frin qu'il avoit épousée en 1733. comme on
l'a marqué à l'article de la mort de son
pere , qui a laissé encore un autre fils et deur
filles .
Le même jour , Alfonse Manrique de Solis ,
Duc du Arco , Grand d'Espagne de la premiere
Classe , Chevalier des Ordres de la Toison d'Or,
du S. Esprit , et de S. Jacques , Commandeur
de Valencie du Ventoso , dans le dernier de ces
trois Ordres Gentilhomme de la Chambre du
Roy Cath . son Grand Ecuyer , et son Grand
Ventur , Alade des Maisons Royales du Pardo ,
du Zarzuela , et de la Tour de la Parade . mourut
à Madrid âgé de 63. ans , sans laisser d'enfans
de Marie-Anne Henriquez de Cardeñas
"
Portugal
MAY. 103.9 1739
Portugal, 14.Comtesse de la Puebla del Maestre,
et de Monte nuevo , Marquise de Bacares , fille
unique de Louis Henriquez , Comte de Monte
nuevo , Chevalier de l'Ordre de S. Jacques ,
Major-Dome - Major de la Reine d'Espagne
Marie - Anne de Baviere-Neubourg , et de Laurence
de Cardeñas-Portugal , qu'il avoit épousée
le 30. Juillet 1695. Le Duc du Arco , qui
avoit porté ci- devant le Titre de Comte de
Monte nuevo depuis son Mariage , avoit toujours
été fort zelé pour le Service du Roy Philipe
V. Il accompagna ce Prince en 1704. dans
Ja Campagne contre le Portugal , en qualité de
l'un de ses Aides de Camp Généraux . Il fut fait
son Premier Ecuyer au mois de Décembre .
1705. et Gentilhomme de sa Chambre au mois
d'Octobre 1706. Il eut l'exercice de cette Charge
au mois d'Août 1708. et la Charge de Grand
Veneur au mois d'Octobre 1714. la Grandesse
de la premiere Classe lui fut accordée , avec le
Titre de Duc du Arco , pour lui et ses Successeurs
, au mois d'Avril 1715. et il prit possession
de cette Dignité, en se couvrant devant le Roy,
le 1. May suivant. Il fut fait au mois de Septembre
1721. Grand Ecuyer , et nommé le 15,
Janvier 1724. à l'Ordre de la Toison , dont il
reçut le Collier le 6. Août suivant . Il fut ua
des Seigneurs qui furent designés , au mois de
May de la même année 2724. pour remplir une
des cinq Places dans l'Ordre du S. Esprit , dont
la disposition avoit été laissée par le Roy Très-
Chr . à S. M. C. Il fut proposé dans le Chapi
tre de cet Ordre , tenu le 3 , Juin 1724. et admis
dans un autre Chapitre le 20. May 1725 .
Il en reçut la Croix et le Collier des mains du
Roy Cath. dans l'Eglise Métropolitaine de Seville
1040 MERCURE DE FRANCE
ville , le 25. Avril 1729. Par sa mort il vaque
un 15 Cordon Bleu . Ce Seigneur étoit de la
Maison de Manrique de Lara , l'une des plus
anciennes , des plus illustres et des plus nombreuses
de l'Espagne , et Cadet de la Branche
des Comtes de Montchermoso et de Fuensaldagne.
La Généalogie en est raportée dans les 2 .
dernieres Editions du Dictionaire Historique
d'après Guillaume Imhoff dans ses 20. Familles
d'Espagne.
Louis de Vivet de Montclus , Chev. Seigneur
de Servesan , mourut à Avignon le même jour
âgé de 8o. ans ; il étoit fils de défunt Loüis de
Vivet de Montclus, Chevalier , Seigneur de Servesan
, et de défunte Dame Marie Herault ; il
avon épousé Demoiselle Louise- Magdelaine du
Poirier Cottereau de Villomer , fille de défunt
Jacques du Poirier Cottereau . Chevalier , Seigneur
de Villomer , Maître d'Hôtel Ordinaire
du feu Roy , et Lieutenant - Colonel de son Regiment
de Touraine , et de défunte D. Marguerite
de Vallois ; de laquelle , actuellement vivante
, il a laissé deux garçons et une fille Religieuse
; cette Famille est connue pour être d'une
ancienne Noblesse d'Avignon , dont les Descendans
ont tous servi avec distinction
dans l'Eglise , dans l'Epée et dans la Robe. M.
de Montclus , Evêque de S. Brieu , feu M. de
Montclus , Capitaine aux Gardes Françoises , et
M. le President de Montclus , en sont des témoignages
authentiques,
"
Le 16.May D. Anne de Calonne deCourtebour
ne , Veuve de François le Tonnellier - Breteuil ,
Marquis de Fontenay- Tresigny , Sire de Villebert
, Baron de Boitron , Seigneur des Chapelles-
Breteuil , du Mesnil- Chassemartin, Palaiseau ,
Vilnevorte
M. A Y. 1041 1737.
*
et
Vilnevotte , et autres lieux , Conseiller d'Etat
ordinaire , et Intendant des Finances , est décédé
à Paris âgée de 86. ans. Elle étoit Fille de
Charles de Calonne, Marquis de Courtebourne,
Maréchal des Camps et Armées du Roy , Licutenant
pour Sa Majesté de la Province d'Artois,
et Commandant à Calais , et soeur de Louis- Jacques
de Calonne , Marquis de Courtebourne ,
Lieutenant Général des Armées du Roy , Directeur
Général de la Cavalerie , Lieutenant
pour Sa Majesté en la Province d'Artois ,
Gouverneur d'Hesdin , décedé en 1705. de
Charles de Courtebourne, Abbé de la Couronne
en Angoumois , et de Chaulmes en Brie , décédé
en 1723. et de Louis Jacques-Gabriel de Calonne
de Courtebourne, Commandeur de l'Ordre
de Malthe , Capitaine d'une des Galeres du Roy,
et Capitaine des Gardes de l'Etendart , aussi dé
cédé en 1730. Elle a eu de son mariage trois
Fils , sçavoir , François - Victor le Tonnelier-
Breteuil , Marquis deFontenay- Tresigny ,
Sire de Villebert , Baron de Boitron , Seigneur.
des Chapelles-Breteuil, Palaeau et autres Lieux,
Commandeur des Ordres du Roy , Chancelier
de la Reine , et ci-devant Secretaire d'Etat au
Département de la Guerre , Charles- Louis- Auguste
le Tonnelier- Breteuil , Evêque de Rennes,
Abbé de Chaulmes , Prieur de Beüil , et Grand
Maître de la Chapelle du Roy , mort en 1732.
et Claude - Alexandre le Tonnelier - Breteuil
Chevalier Profés de l'Ordre de Malthe , Colonel
d'Infanterie , Capitaine au Regiment des Care
des , décédé en 1721.
La Maison de Calonne de Courtebourne est des
plus anciennes , et a pris et donné des alliances
dans les plus grandes Maisons du Royaume.
LE
F042 MERCURE DE FRANCE
Le 27. Avril après midi , les cérémonies -du
Baptême furent supléées dans la Chapelle du
Château de Versailles par le Cardinal de Rohan,
Evêque de Strasbourg GrandAumônier de France,
en présence du Curé de la Paroisse du Château ,
Monseigneur le Dauphin et aux trois Aînées
des Dames de France , en présence du Roy , et de
La Reine , qui étoient accompagnés des Princes
et Princesses du Sang , er des Seigneurs et Da
mes de la Cour.
Louis , Dauphin , né le 4. Septembre de l'ans
née 1729. reçut seul les cérémonies , ayant eù
pour Parain et Maraine Louis Duc d'Orleans
et Louise - Françoise de Bourbon , Duchesse
douairiere de Bourbon.
Les Dames de France reçûrent toutes trois en
semble les cérémonies du Baptême. La premiere
Louise - Elizabeth , née le 14. Août 1727 , cut
pour Parain et Maraine Louis d'Orleans , Duc
de Chartres , er Louise - Ehzabeth de Bourbon-
Condé , Princesse seconde douairiere de Conti .
La seconde Anne Henriette , née aussi le 14.
Août 1727. Parai er Maraine Louis- Henri >
Duc de Bourbon , et Mademoiselle, Louise- Anne
de Bourbon- Condé , et la troisiéme Marie-
Adelaïde , née le 23. Mars 1732. Parain et Ma
raine , Charles de Bourbon , Comte de Charolois
, et Mademoiselle de Clermont , Márie
Anne de Bourbon - Condé.
Le May, les cérémonies du Baptême furent
supléées à Louise-Jaqueline- Edmée , née le 15:
Octobre 1722. fille de Jacques- Claude- Augustin
de la Cour , Marquis de Balleroy , Brigadier des
Armées du Roy , et Gouverneur du Duc de
Chartres , ci- devant Mestre de Camp de Dragons ,
Enseigne des Gardes du Corps du Roy , er de
D.
MAY. 1737. 1043
B. Marie-Elizabeth de Goyon de Mâtignon , son
Epouse , mariés au mois de May 1720. Le Pa
rain Louis - Jacques de la Cour , Chevalier de
l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , Oncle paternel,
La Maraine , D. Edmée - Charlotte de Brenne de
Bombon , Epouse de Marie- Thomas- Auguste
de Goyon , Marquis de Mâtignon , Chevalier-
Commandeur des Ordres du Roy , Brigadier de
se's Armées , Oncle maternel .
5
Le 6 , les céremonies du Baptême furent aussi su
·pléées à Françoise Parfaite Thais née les.de Dés
cembre 1734. fille de Louis de Mailly ,Comte de
Rubempré, Seigneur de la Borde-aux - Vicomtes ,
premier Mestre de Camp de Cavalerie, et Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Ecossois , Commandant la Gendarmerie de
France , et de D. Anne- Françoise- Elizabeth Arbaleste
de Melun , son Epouse. Le Parain , Louis
Charles de Bourbon , Comte d'Eu , Duc d'Aumale
, Chevalier , Commandeur des Qrdres du
Roy, Grand- Maître et Capitaine General de
l'Artillerie de France , Gouverneur et Lieutenant
General pour S. M. dans la Province de Guyenne.
La Maraine , D. Françoise de Mailly , Tante
paternelle , Dame d'Acours de la Reine , veuveen
dernieres Noces de Paul - Jules de Mazarin de
Ruzé , Duc de Mazarin , Pair de France , Prince
de Château- Porcien , et en premieres Nôces de
Louis Phelypeaux , Marquis de la Vrilliere et de
Châteauneuf , Comte de S. Florentin , Ministre
et Secretaire d'Etat , Commandeur des Ordres
du Roy.
Le 11. Avril , fut celebré dans l'Eglise de saint
Sulpice à Paris , le Mariage de Louis - François de
Goujon de Thuisy , pourvu d'une Charge de-
Conseiller
1044 MERCURE DE FRANCE
Conseiller au Parlement,fils puiné de MreJérôme
Joseph de Goujon de Thuisy , Marquis de Thuisy
, Baron de Chalerange et de Pacy en Valois,
Seigneur de S. Remy- sur- Bussi , Herpon, Tours
sur Marne, &c. Sénéchal héreditaire de Rheims,
Conseiller du Roy en ses Conseils , Maître des
Requêtes Honoraire de son Hôtel , et de défunte
D. Marie-Louise Mélanie le Févre de Caumartin
, avec Dile Marie-Louise le Rebours , fille de
Jean-Baptiste- Auguste le Rebours , Seigneur de
S. Mard- sur-le- Mont en Champagne , et de défunte
D. Marie - Louise Chuberé. Le nouveau
Marié avoit été présenté de minorité à l'Ordre
de Malthe.
❤
La Terre de Pacy en Valois, qui lui a été donnée
par M. son Pere , étoit échûë à feuë D. Anne-
Françoise de Haussonville de Vaubecourt ,
son Ayeule paternelle , comme sortie et descendue
de degré en degré des Maisons de
Vergeur Saint Souplet de Fleurigny de Lénoncourt
et de Chastillon - Pacy , qui étoie
une Branche de la Maison de Chastillon -sur-
Marne , qui possedoit la Terre de Nanteuil- le-
Haudouin, érigée en Comté , en faveur de Henry
de Lénoncourt , Comte de Vignory , Gou~
verneur de Valois , et Baillif de Vitry.
On donnera deux Volumes du Mercure
le mois prochain , pour pouvoir employer
plusieurs Pieces que nous croyons dignes
d'interesser le Lecteur.
TABLE.
P
IECES FUGITIVES. Ode sur la Paix, 833
Lettre au sujet des Auteurs des Annales de
S. Bertin ,
La Gloire des Bergers , Eglogue •
837
849
Nouvelles Objections contre l'Ame des Bêtes ,
Ode à Bacchus ,
Eloge de M. de Senecé ,
Fable ,
852
870
874
894
> Questions diverses sur des Sujets d'Economie
Epithalame de M. ***
896
900
Lettre de M. d'Arnaud , à M. PAbbé Philippe ,
au sujet du Tasse , & c.
Lettre de M. le Beuf à M. Clerot , sur l'Hitoire
de la Ville de Rouen , & c.
Elegie ,
Enigme , Logogryphes, &c.
905
916
929
933
936
937
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS ,
&c.
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres ,
Elemens de Mathématiques , &c. 945
Les Vies des plus celebres Jurisconsultes , 949
Principes de l'Histoire , 955
Histoire Universelle de Diodore de Sicile, &c.959
Imitation de N. S. J. Ch. 962
Memoires concernant le Droit de Tiers et Danger
, &c .
Lettre sur le Passage du Roy et de la
Pologne , par la Champagne ,
967
Reine de
970
Prix pour l'Académie des Sciences établie à Pau,
&C.
984
Académic
Académie Royale de Soissons , &c. 985
Séance publique de l'Académie Royale des Ins
criptions et Belles -Lettres , &c . ibid.
Prix pour l'Académie Royale des Sciences , 986
Assemblée publique de la même Académie , et
Memoires lûs , &c.
L'Académie Royale de Peinture , Discours prononcé
, & c.
Estampes nouvelles , & c.
991
996
997
999
Estampe représentant un Combat selon le Poëme
Macaronique de R. Belleau , & c.
Duo , mis en Musique par M. N.
Spectacles . L'Ecole des Amis , & c.
1001
ibid.
Nouvelles Etrangeres , de Russie et Allemagne ,
1019
Italie et Espagne , Grande - Bretagne , 1022
Lorraine. Discours prononcés sur la Prise de
Possession , &c. 1027
France . Nouvelles de la Cour , de Paris, & c. 1031
Morts , Naissances & Mariages ,
Fautes à corriger dans ce Livre.
1037
PAge 910. ligne 18. Agamenon , liss Agamemnon.
Même page , lignes 29. et 30 ui , lisez lui. Maz
adie , lisez Maladie.
2
La Chanso notée doit regarder la page 1001
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROT.
JUIN. 1737.
PREMIER VOLUME.
1
CURICOLLIGIT
SPARGIT
Pap!!ful
Chés
さった
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
rue S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
A VIS.
L'ADRESSE
'ADRESSE generale eft
Monfieur MOREAU ,
و
Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Fran
soife , à Paris. Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de los perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1737.
***************
PIECES FUGITIVES
,
en Prose et en Vers.
AVERTISSEMENT
.
P
Armi quantité d'Ecrits qui
nous sont tous les jours adressés
, il en est quelques - uns qui
sont accompagnés de modestes
instances de la part de leurs Auteurs , pour
nous engager à retrancher , à corriger même
ce qui pouroit nous paroître défectueux ; on
nous prie souvent de mettre certains Ouvra-
1. Vol A j ges
1046 MERCURE DE FRANCE
ges en état de paroître ; et pour que rien no
puisse porter obstacle au désir que nous aurions
de les publier , on nous laisse les maîtres
d'y faire des additions et des corrections;
soit par raport au stile , soit par raport aux
bienséances dont nous ne voulons jamais nous
écarter.
De pareilles offres nous font honneur, mais
le grand point seroit de pouvoir discerner
celles qui sont bien sinceres , en pénetrant ;
autant qu'il est en nous , la véritable inten
tion de ceux qui veulent bien nous confier
leurs Productions.
Il est vrai que la modestie des Gens de
Lettres sur leurs Ouvrages , porte presque
toujours avec soi un préjugé favorable ; cependant
comme l'amour propre sçait se déguiser
sous bien des formes , ilfait quelquefois
hazarder un langage que lui-même est
le premier à désavoüerlorsqu'il s'agit de l'execution
; ainsi nous devons nous flater que
la plupart des personnes sensées ne nous désaprouveront
jamais d'oser rarement prendre
sur nous des corrections , à la vérité nécessaires,
mais qui toutes legeres qu'elle's pouraient
être , seroient reçûës des Parties interessées
, quelquefois avec mépris , souvent
avec répugnance , et presque toujours avec
un dépit secret , qui ne sçauroit jamais devenir
un plaisir pour nous,
1. Vol.
n
JUIN. 1737. 1047
pas
crû
que
Il faut convenir qu'avec une conduite si
réservée , nous avons de temps en temps été
dans l'obligation d'exclure de ce Recueil des
Pieces que de pareils changemens auroient
pû rendre interessantes ; mais nous n'avons
les corrections sur le fond d'autrui
nous fussent toujours bien permises , et
nous voulons perseverer tant que nous pourons
dans les mêmes principes ; il faut que
chacun suive son penchant , et l'espece de
vocation à laquelle il a voulu se dévoйer ;
la varieté et l'émulation d'une part , de l'autre
les égards et la circonspection , font en
quelque sorte le fondement de notre Journal:
et si le Mercure de France n'adopte jamais
pour briller , le dangereux privilege de rea
dresser avec raison , ou de mortifier avec
adresse des Ecrivains bien venus du Public,
du moins conservera - t'il toujours l'avantage
de ne jamais servir à décourager les talens,
qui souvent ne font que d'éclore , et qui plus
souvent encore n'auroient besoin pour être
aplaudis , que de certaines notions superficielles
, auxquelles on est convenu d'attribuer
le titre imposant d'Usage du beau Monde.
Ce que nous venons d'avancer ici de notre
méthode constante , n'est point une Loi
sans restriction , mais simplement une bienséance
que nous avons crû devoir en general
nous imposer ; ainsi il n'est point décidé
1. Vol
A iij
7048 MERCURE DE FRANCE
à beaucoup près , que nous nous priverons
nous mêmes ( et le Public en mêmetemps
) de toute Piece d'esprit qui pouroit
devenir aimable et correcte ,
.
le retranpar
chement , la transposition ou le changement
de quelques endroits реи considérables.
Il n'est question que d'agir avec de grands
ménagemens à cet égard , de ne rien entamer
qui soit au-dessus de notre portée , et d'envisager
avant toutes choses le plus ou le moins
de gré que les jeunes Auteurs pouront nous
sçavoir de ceder à leurs instances , en cherchant
de notre mieux à leur procurer les éloges
qu'ils ont sans doute en vûë de mériter.
Ces trois conditions nous paroissent indispensables
pour nous , et peut- être trouveroit-
t'on qu'elles le devroient être aussi
pour quiconque est engagé dans une carriere
à peu près semblable.
Nous en allons faire l'essai à l'occasion
d'une Fable qui nous a été envoyée de Province
avec plein pouvoir, et dont le fond
et l'allégorie nous ont parû assés justes , pour ·
ne pas plaindre le soin d'y faire deux o
trois changemens tout au plus.
Nous désirons que l'Auteur , qui ne s'est
désigné que par quelques Lettres initiales ,
entre dans la simplicité de nos vûës , et veuille
bien nous excuser, si nous n'avons pû lui
prêter secours qu'à proportion de nos forces.
I. Vol. LE
JUIN. 1737. 1046
LE MATIN ET LA LEVRETTE,
U
t
FABLE.
Mâtin dune énorme carure
N
gros
Grondant
sans cesse
entre
ses dents
,
Par son collier
, par sa figure
,
Epouvantoit
tous les Passants
.
Tous
les Roquets
du voisinage
C S'en éloignoient avec plaisir ,
Et les Dogues soumis venoient lui rendre hom
mage ,
Comme Pachas au Grand Visir.
Si vous me demandez quel étoit son mérite ,
Ce n'étoit que fureur , orgueil , brutalité ;
Tel qu'on redoute ou qu'on évite ,
N'est souvent qu'un franc hypocrite ,
Qui sous un front hardi , masque sa lâcheté.
Et foûle aux pieds les droits de la Societé.
Un jour une jeune Levrette ,
S'aprochant du réduit de ce fier Animal ,
Vint par cent haut- le - corps et sans songer à mal,
Bondir au pied de sa retraite ;
L'étrangler eût été le premier mouvement
De l'impitoyable Cerbere ,
Mais l'amour tout-à - coup désarmant sa colere ,
Il crut pouvoir en un moment
I. Vol. A iiij Pay'
1050 MERCURE DE FRANCE
Par un maussade compliment ,
Soumettre à ses désirs cette Beauté legere .
Le brutal ignoroit d'un langage flatteur
Le charme adroit et séducteur ,
D'une patre assomante , il caressoit la Belle ,
Er des coups redoublés exprimoient son ardeur,
Ardeur qui rarement fléchit une cruelle ;
Pour trouver le chemin du coeur
Il faut joindre aux transports une aimable douceur.
A force de refus la timide Levrette
Triompha des assauts de l'affligeant Mâtin ,
Qui furieux de sa retraite ,
En pleine basse-cour pestoit d'un air hautain,
Contre l'Amour et le Destin ;
Une vieille Barbette insultant à sa peine ,
Lui tint , mais un peu tard , cet utile discours.
Quand la conquête est incertaine ,
Que l'adresse vienne au secours ;
Amans , il faut fléchir , non , vaincre une inhu
maine ,
A qui veut exiger on refuse toujours ,
Et le coeur n'est jamais le tribut de la gêne ;
La volupté par cent détours ,
Jalousé de ses droits , veut être Souveraine ,
La contrainte engendre la haine ,
Et la liberté seule enchaîne les Amours.
J. B. E. C. de Fign'ers.
I. Val. LETTRE
JUIN. 1737. IOST
LETTRE de M. le Tors , Lieutenant
Criminel au Bailliage d'Avallon , sur
Vellaunodunum , ancienne Ville des
Senonois , et Genabum des Carnutes.
Es Sçavans ont été fort partagés sur
la situation de ces deux Villes ; tous'
conviennent qu'il faut principalement
la chercher dans César , en suivant autant
qu'on peut la découvrir , la route
qu'il a tenue pour aller se rendre maître
de ces deux Places.
César ayant apris en Italie que les Gaulois
avoient profité de son éloignement ,
et des affaires qu'ils croyoient devoir les
retenir à Rome , pour secoüer le joug
de la domination Romaine , les Carnutes
, les Senonois , les Parisiens , les Peu
ples du Poitou , de la Touraine , &c. forment
une ligue,s'y engagent par serment,,
et choisissent Vercingentorix pour leur Général
; les Carnutes les premiers se signalent
par une entreprise d'éclat , ils se
rendent à Genabum où se faisoit un
commerce considérable égorgent les
Citoyens Romains qui s'y trouvent , et
entre autres Fusius Cotta qui avoit le soin
,
>
1
1.Voli
Av dess
1052 MERCURE DE FRANCE
des Vivres ; le bruit de cette action se
répand en peu de temps parmi les Gaulois
, et le jour même il est porté chés
les Auvergnats , qui sont éloignés de
cent soixante mille de Genabum.
3
»
César étant arrivé dans les Gaules ;,
s'annonce par quelques expéditions du
côté des Sevennes et de l'Auvergne, vient
ensuite à Vienne , continue sa marche
jour et nuit , en suivant les Frontieres
du Pays des Eduens , pour aller dans ce--
lui des Langrois . Quand il y est arrivé ,.
il donne ses ordres pour assembler ses
Troupes dans un même Lieu , avant que
les Auvergnats en puissent être avertis ;
ce qui étant cependant venu à la connoissance
de Vercingentorix , ce Général
conduisit son Armée dans le Berry , d'où
il alla assieger Gergovia, Ville des Boyens,
Peuples qui avoient des motifs pour être.
plus attachés à César , et moins affectionnés
à la liberté Gauloise que les naturels
du Pays..
L'entreprise de Vercingentorix donna
de l'inquietude à César , qui craignoit
pour sa réputation , et que ses Alliés ne
comptassent plus sur lui , s'ils voyoient
que son secours leur manquoit au besoin ;
lé courage de Gésar lu ! fit passer sur toutes
les difficultés , qui auroient été capa
I.Wol! bles i
JUIN. 1737. 10533
"
bles d'arrêter tout autre que lui . Il s'assura
des vivres pour son Armée auprès
des Eduens , et fit avertir les Boyens de
demeurer fidéles et de se défendre avec
vigueur , afin que se mettant en marche
pour les secourir , il eût le tems de les
joindre. Après avoir laissé deux Légions
à Agendicum , et les Equipages de toute
son Armée , il marche au secours des
Boyens , Duabus Agendici Legionibus relictis
atque impedimentis totius exercitus,ad
Boyos proficiscitur.
Je ne vois pas sur quel fondement on a
pû faire passerCésar par Agendicum, puisqu'il
ne dit pas un mot qui le supose , et
qu'il fait même entendre le contraire. 11
parle de son arrivée dans le Pays de Langres
, et raconte avec beaucoup d'ordre
et de précision les mesures qu'il prend ,
et finit son récit par son départ ; il avoit
assemblé son Armée dans un même Lieu
qu'il ne nomme pas , ses ordres étoient
donnés, avoit-il autre chose à faire, que
de partir ? Et ce qu'il dit , ne fait- il pas
connoître qu'il part du Lieu où ses Légions
sétoient rendues ? If les auroit assemblées
à Agendicum , s'il en avoit dû
partir , et on ne peut pas croire qu'il y
alt passé pour se donner lui - même un
soin aussi subalterne que d'y conduire
*
Il-Volt Avji deuxx
1054 MERCURE DE FRANCE
deux Légions , et les Equipages d'une
Armée, dans une conjoncture où il étoit
aussi pressé. Il remarque même , à la fin ,
de son VI. Livre , la distribution qu'il,
avoit faite de ses Légions avant que de
sortir desGaules pour aller en Italie .Il y en
avoit six à Agendicum , ainsi il put en tirer
quatre , et en laisser deux , et il lui.
étoit facile d'y faire conduire les Equipade
l'Armée sans y aller en personne.
Il a pû aussi assembler toutes ses Légions
et en renvoyer deux à Agendicum,
avec les Equipages ; quoiqu'il en soit , de
la maniere dont cela s'est fait , ce sera cet
ordre qu'il a donné , qu'on aura pris.
pour une marche effective qu'il ait faite..
ges
La situation des affaires de César ne .
lui permettoit pas d'ailleurs de passer par.
Agendicum , que presque tous les Scavans
prennent pour Sens , ce qui l'auroit:
obligé de traverser le Pays Ennemi ¡des .
Senonois , qui auroient inquiété son Armée
, retardé sa marche , et même auroient
pû lui couper les Vivres ; de sorte.
qu'il a dû ne pas s'écarter du Pays des
Eduens , Peuples qui étoient son unique.
ressource pour la subsistance de son Ar
mée:
On ne voit pas dans quel endroit du
Pays de Langres ,, César assembla cette
1. Vol.
Armée ; )
JUIN. 1737. 1055
Armée ; ainsi on ne peut pas dire qu'en
partant du Pays de Langres , il abrégeât
son chemin en passant par Agendicum
dans la circonstance où il se trouvoit ,
c'étoit avancer que de prendre même le
chemin le plus long , pourvû qu'il fût
le plus assuré , et on doit croire qu'il
avoit pris ses mésures de la maniere la
plus convenable à ses desseins.
César étant donc parti du Pays de
Langres , marche avec hâte , et arrive le
lendemain de son départ à une Ville des
Senonois , qu'il nomme Vellaunodunum ;
il dit lui-même les raisons qui l'obligent
de l'assieger , ne quem post se hostem relin
queret , quo expeditiore re frumentarià uteretur
, oppugnare instituit. Il l'aproche en
effet , en fait la circonvallation en deux'
jours , et l'oblige de se rendre ; comme
il n'avoit pas plus de temps qu'il lui en
falloit , il laisse à Trébonius le soin de
faire executer la Capitulation , marchet
à grandes journées à Genabum , et y arri
ve en deux jours .
1
César ne dit rien de la situation de
Fellaunodunum. Pour la trouver il faut
chercher une Place frontiere des Senonois
et des Eduens , sur la route du Pays
de Langres pour aller sur la Loire .
Je trouve la Ville d'Avallon , dont le >
L Vol. Bailliage,
106 MERCURE DE FRANCE
Bailliage , qui est ancien , est une partiè
engagée dans le Diòcése de Langres , mais
je ne la propose qu'avec précaution et
sans prétendre décider.-
La situation d'Avallon est exprimée
par le mot de Vellaunodunum , qui présente
à l'esprit, l'idée d'une Plaine, d'une
Vallée où il y a une éminence ; il n'est
pas nécessaire sans doute de rebatre aux
Sçavans l'étimologie de Dunum , après
ce que M. Lancelot et M. le Beuf en ont
dit , il y a dans le Pays même des preuves
qui fortifient le sentiment général
sur cette explication , qui est reçûë de
tout le monde.
La Ville d'Avallon est située à l'extré
mité d'une Plaine qui est bornée de côtéaux
plantés de Vignes , qui produisent
ces Vins si estimés , et sur un rocher escarpé
de trois côtés , entouré de larges
et profonds Vallons , sur lesquels elle
domine , dans une partie desquels coule
la Riviere de Cousain , Cusa amnis i
de sorte que ceux qui viennent du Morvent
, qui est au midi de cette Ville ,
sont obligés de descendre et de monter
plus qu'ils n'ont descendu , pour arriver
à cette même Ville .
On ne peut pas dire que l'épithete de
Dunn n'y convienne pas , sous prétex-
I fol te,,
JUIN.
1057 1737.
te , que du côté de la Plaine elle est ac
cessible , puisque des trois autres elle est
sur une éminence qui domine tous les
aspects.
Si on raproche Vellaunodunum du noma™
d'Aballo ,on y trouve plûtôt un retranchement
qu'un changement , Aballo se´
trouvant dans Vellauno , la lettre V. a
souvent été prise pour le B. et A. pour
E. dans les Mémoires Historiques et Critiques
, attribués à Mezéray ; s'il n'y a
pas faute d'impression , on y lit Abullo ,
Avallon , ainsi Avellau , Abullo , Aballo,
sont un même nom, que les Copistes ou
lés prononciations ont défiguré. Bollandus
qui sçavoit les altérations auxque !--
les les noms de Villes sont sujets , dans
ses notes sur la vie de Saint Lubin , Evêque
de Chartres , a pris Avallocium pour
Avallon , quoique ce soit Alluye au Pays
de Chartres , il n'y a qu'à voir Gregoire
de Tours , liv . 44.. cc.. 5500.. Avallocium Car
natensem Castrum : surquoi Dom Ruinart´
observe qu'il s'est apellé depuis Alcium
ou Alogium , mais qu'il s'est écrit Alsium
dans la plupart des Manuscrits , le
mot Aval,suivant Menage, signifie pente :
et descente. Les mots de Val et de Vallée
rapellent cette signification . Avaller
-dans le sens qu'il a communément, étant
1. Vol .
1658 MERCURE DE FRANCE
métaphorique , et faisant allusion à la
descente des alimens , c'est peut -être ce
qui est entré dans l'esprit de l'Auteur
de la Chronique des Minimies , quand
il a dit d'Avallon , à l'occasion du Convent
de son Ordre qui y est établi , que
son nom lui venoit de sa situation , à
præter labente fluviolo cui incidet Aballo
dicitur. Ainsi le mot Aballo n'exprimera
qu'une partie de ce que Vellaunodunum
signifie , il présentoit à l'esprit la pente
et la descente en même temps que l'élevation
, comme un endroit où on ne fait
que monter et descendre ; au lieu qu'A
ballo n'exprime que la descente , ce qui
revient toujours au même , puisqu'on ne
peut descendre d'un endroit , qu'on ne
remonte pour y retourner.
Il paroît plus à propos de rendre ainsi
l'étymologie d'Avallon , que par une
autre explication du Celtique qui rend
celle de pomme et de pommier , suivant
un Dictionaire François Breton-Armorique
, imprimé en 1659. page 130 .
Adrien de Valois a reçû cette étymolo
gie, suivant laquelle Vellaunodunum pouroit
signifier la même chose ; cependant
quoiqu'il soit plus juste d'expliquer les
noms de nos Villes anciennes par cette
Langue , que par ceux du Grec ou dự
1. Wo!.. Latin
JUIN. 1737. 1059
Latin , il faut préférer l'explication qui
a un raport à la chose qu'on explique .
Je conviens qu'on ne trouve aucun
Monument qui prouve l'ancienneté d'Avallon
, et que si on en exigeoit , je serois
réduit à la même excuse que ces familles
douteuses qui se forment un titre
de leur obscurité , et qui ont perdu leurs
papiers dans des incendies ou des pillages
; cette raison ne seroit pas si mauvaise
pour Avallon qui en a essuyé de
trop connus , pour que je sois obligé
d'en donner ici les preuves. J'ai oui - dire
à des personnes dignes de foy , qu'il y
avoit eu des restes d'Antiquité , mais
c'est comme s'ils n'avoient pas existé ;
on ne sçait ce que c'est , et on n'en voit
rien .
Il y a seulement quelques années qu'en
démolissant ( chés les Prêtres de la Doctrine
Chrétienne qui gouvernent le Colle
ge ) les fondations du Château d'Avallon
, Castrum Avallonis ; on trouva sous
une grosse pierre du bled , dont l'écorce
étoit noircie , soit par vetusté , soit
par quelque opération qu'on avoit faite
pour en conserver la farine aussi saine
qu'elle étoit , deux Lyonceaux d'or , et
plusieurs Médailles; j'en ai vû une qui est
encore entre les mains de M. Vallon ,
I. Vol. Chanoine
1060 MERCURE DE FRANCE
Chanoine de l'Eglise Collégiale Notre-
Dame Saint Lazare de cette Ville , qui
est une consecration d'Auguste ; on y lit
Imp. Cas . au revers , Aug. avec un Aigle.
Je sçais bien que tous les murs dans
lesquels il y a des Médailles , n'ont pas
été bâtis dans le temps auquel ces Médailles
ont été frapées , mais celle ci s'est'
trouvée avec plusieurs autres , avec du
bled , deux Lyonceaux , sous une pierre'
distinguée par sa grosseur , et la figure
ronde , qui servoit de fondement à un
mur de dix-huit à vingt pieds d'épaisseur
, dont l'ouvrage étoit si solide et
si massif , qu'un Ouvrier en pouvoit à
peine rompre deux ou trois pieds par
jour , c'est ce que j'ai vû à peu près dans
le même endroit , dans une autre occasion
, et ce qu'on avoit déja , vu dans le
temps que les Ursulines ont bâti leur
Convent , et toujours dans l'enceinte où
la Tradition du Pays , les anciens Titres:
et Terriers de la Ville et du Chapitre ,
placent le Châtel d'Avallon ..
Ces Lyonceaux , ce bled , ces Médailles
, me rapellent à ces anciennes superstitions
, à l'occasion de la fondation ou
du rétablissement des Villes ou Bâtimens
publics , dont on voit le détail
dans Tacite , 1. 4. Plutarque sur la Vie
1. Vol.
de
JUIN. 1737. 1:61
de Romulus , Alex.ab Alex.l.6. c. 14. XC.
Ne feroit ce pas encore trop hazırder ,
de conjecturer que ce pouroit être Auguste
qui auroit formé le Castrum Ava
lonis , pour y loger les Troupes qui devoient
y pisser sur les grands chemins
qu'il y a fait faire , dont on voit les restes
, et dont il est fait mention dans l'Itinéraire
d'Antonin , et les Tables des-
Peuttingers ? Et la destination de ce Castrum
, pouroit faire rendre raison du retranchement
de Dunum , et de sa substitution
en sa place , ce qui lui est commur.
avec d'autres Villes . Quoi qu'il ensoit
, l'Itinéraire connu sous le nom d'Antonin
, qui porte Aballo , ne contredit
pas cette opinion , les Sçavans ne sont
pas même d'accord sur son époque , que
l'on ne porte pas communément à la premiere
Antiquité.
Avallon est assés ancien pour pouvoir
être Vellaunodunum , on ajoute à ce que
l'on a déja dit , qu'on voit cette Ville
en considération du temps au moins
de Saint Germain , Evêque de Paris , qui
y avoit étudié , et de Saint Jean de
Reaume , pour avoir un Comte , des
Ecoles , et une étendue de Pays dont
elle étoit la Capitale , qui s'apelloit Pagus
Avalensis."
I. Vol.
Si
1062 MERCURE DE FRANCE
Si on réunit ce que je dis sur l'ancienneté
d'Avallon , son nom , sa situation ,
qu'elle est sur la route du Pays de Langres
pour aller sur la Loire , et frontiere aux
Eduens, en ne séparant pas toutes ces vûës,
je crois qu'elles forment au moins une forte
conjecture pour mon sistême ; mais je
laisse aux Sçavans à décider , et je me soumets
d'avance à leur jugement.
Je sçais bien qu'on me peut faire , en
tr'autres objections , celle - ci ; que César
dit que Vellaunodunum est une Ville des
Senonois , et qu'Avallon est du Diocèse
d'Autun , et que les Diocèses Ecclesiastiques
ont été formés sur le partage tem
porel des Provinces; d'où on doit conclure
, dira- t-on, qu'il faur chercher Vellannodunum
dans la Métropole de Sens.
Ce principe est vrai , mais il cesse de
l'être , si on en fait en route occasion
un usage trop rigoureux ; loin de le combattre,
je prétends le recevoir et le rendre
plus certain en le resserrant dans ses bornes
, et faisant voir qu'il ne nuit pas à
ce que j'ai proposé.
On sçait que la Foy a été portée dans
les Gaules assés tard , ainsi les Eglises n'ont
pû être en état de faire entr'elles des
divisions de Diocèses que plus tard encore,
et vraisemblablement depuis Cons-
1. Vol. tantin
JUIN. 1737. 1063-
tantin.Or il est certain que les distinctions
des Provinces Ecclesiastiques n'ont été
formées que sur la division temporelle
qui subsistoit dans le temps que l'on a
fait ces divisions . C'est donc un Anacronisme
d'apliquer l'étenduë d'un Diocèse,
ou d'une Métropole à l'étenduë d'un Païs
du temps de César , puisque depuis lui
jusqu'à l'établissement des Diocèses Ecclesiastiques
, il y a eu differens partages
de Provinces , et que l'autorité des Villes,
ou du moins de quelques- unes avoit
it passé
à d'autres , qui , par consequent, dans
P'Ordre Ecclesiastique étoient devenuës
les premieres. Les divisions des Diocèses
n'ont pas été reglées avec les premiers
Evêques, ce n'a dû être que quand ils ont
été dans un état fixe et tranquille , que les
changemens de Province n'en ont point
fait aux limites du Territoire Ecclesiastique
. On voit bien , par exemple , que le
Diocèse d'Autun , quelque étendu qu'il
soit , ne comprend pas tout le Pays des
Eduens ; que le Pays des Senonois n'est
pas exactement le territoire du Diocèse
de Sens , ni même celui de la Métropole ;
la quatriéme Lyonnoise étant une divi .
sion posterieure , qui a donné l'étenduë à
la Métropole . M. de Tillemont T. 5. His.
toire des Empereurs , Art . 65. sur l'Em
1. Vol pereur
1064 MERCURE DE FRANCE
pereur Honorius , raporte que cet Empereur
partagea la Lyonnoise en quatre
Provinces , que du tems de Gratien et de
Théodose , elle n'en faisoit que deux , dont
Lyon et Rouen étoient Métropoles ainsi
c'est à Honoré que les Métropoles de Tours
et de Sens doivent leur Erection , aussi la
troisiéme Lyonnoise , qui est la Province de
Tours et la Senonoise sont marquées entre
·les dix - sept Provinces des Gaules dans la
Notice de l'Empire qu'on croit avoir été faite
du temps d'Honoré. M. de la Barre dans
un Mémoire sur les Divisions des Gaules,
imprimé dans les Mém. de Litt. T.8. p .
403 , prétend trouver la division des quatre
Lyonnoises avant 381. sous l'Empire
de Gratien . Quoi qu'il en soit, il ne faut
pas conclure que parce qu'une Ville n'est
aujourd'hui ni de la Métropole , ni du
Diocèse de Sens , qu'elle n'étoit pas du
temps de César dans le Pays des Senonois
, puisque cette Métropole a été formée
bienpostérieurement sur un partage
temporel tout different .
Il est plus que vraisemblable qu'Aval
lon , qui n'est éloigné que de deux ou
trois lieuës du Diocèse et du Bailliage
d'Auxerre , ait été compris dans le Pays
des Senonois ; le Pays des Eduens s'éten
doit moins de ce côté-là ; et César , après
1. Vol.
avoir
JUIN. 1737. 1065
avoir pris Vellaunodunum, l'aura attribuée
aux Eduens. Enfin il y a eu depuis lui
jusqu'au temps de l'établissement des
Diocèses tant de changemens généraux
et particuliers , qu'on ne peut apliquer la
Division Ecclesiastique pour connoître à
quel Pays on doit attribuer une Ville du
temps de César,
Après la prise de Vellaunodunum, César
partit avec précipitation pour aller à Genabum.
Ipse ut quamprimùm iter faceret ,
Genabum Carnutum proficiscitur. Il falloit
bien que ce fût l'endroit le plus près où
il pût passer la Loire , puisque ne s'étant
mis en marche que pour secourir Gergovia
, qui n'étoit pas , comme il le dit luimême
, en état de tenir long-temps , il
avoit trop
d'interêt de ne pas prendre un
passage plus bas , pendant qu'il en trous
voit un plus près , et il falloit bien que
ce fût le seul endroit où il dût nécessairement
passer , puisque les Carnutes méditoient
de la mettre en défense , et ne
s'étoient pas assés pressés d'y jetter les
secours nécessaires soit d'hommes , soit
de munitions , parce qu'ils croyoient que
le Siege de Vellaunodunum traîneroit en
longueur. Si la situation de leur Place ne
les avoit pas exposés les premiers , ils
n'auroient pas dû croire que César seroit
L. Vol,
venu
1.066 MERCURE DE FRANCE
venu à eux après la prise de Vellaunodunum
; ce qui prouve , sans replique , que
c'étoit le seul passage convenable aux desseins
de César.
Son objet assurément n'étoit pas d'al
ler s'amuser à se vanger de Genabum , il
n'y passoit que parce que c'étoit son che
min ; quand il part du Pays de Langres ,
il mande aux Boïens qu'il marche à leur
secours ; il les exhorte à lui donner le
temps , par une vigoureuse resistance ,
de lesjoindre à propos.Gergovia étoit trop
peu considerable pour qu'il pût compter
pouvoir prendre Genabum avant que Vercingentorix
eût pris Gergovia , lui qui
doutoit même s'il auroit le temps d'y ar
river. On sçait les inquietudes que le
Siege de cette Place lui donnoit ; enfin
il ne párt l'hyver que pour la secourir.
On ne peut donc pas lui donner
d'autres motifs s'il passe à Genabum ,
que de prendre le chemin le plus court
pour y aller.
Il y a quantité d'inconveniens à croire
que César ne prend Genabum que pour
donner à ses Armes l'éclat d'une vengeance
; il y avoit sans doute plus d'éclat
à réussir dans son objet en arrêtant les
entreprises de ses Ennemis , en secourant
ses Alliés , et en ne laissant pas prendre
1. Vol.
Gergovia
JUIN. 1737. 1067
Gerrovia ne risquoit- il pas tout si cetre
Place tomboit entre les mains des Gau
lois ? ainsi c'est la nécessité du passag
qui détermine César à attaquer Genabum
et c'est ce qui me détermine à préférer
le sentiment de ceux qui prennent Gien
pour Genahum , à l'opinion de ceux qui
sont pour Orleans.
Cette marche que je fais faire à César ,
en le faisant partir du Pays de Langres ,
et en prenant Avallon pour Vellaunodu
num , comme étant à peu près à égale
distance de Gien et de l'endroit où il
a voit assemblé ses Légions , qui est celui
d'où il part , puisqu'il arrive en deux
jours à Vellaunodunum , et qu'il met le
même espace de temps pour aller de
Vellaunodunum à Genabum , cette marche ,
dis . je , s'accorde parfaitement avec l'idée
qu'en donne César. Il avoit une Armée
légere , qui n'avoit aucuns embarras d'é.
quipages , et il exprime fort clairement
qu'il va plus vite que de coûtume ; il ne
dit cependant pas qu'il fait de ces marches
forcées et extraordinaires qu'on sçait
qu'il a quelquefois faites en d'autres occasions
, et qu'il a soin de remarquer: ainsi
il faut prendre le milieu entre ces grandes
marches et une marche ordinaire , On
remarque , après Vegece , qu'un Soldat
1. Vol. B Romain
1068 MERCURE DE FRANCE
Romain faisoit en cinq heures d'Eté
gradu militari , vingt mille , ce qui revient
à six lieuës et demie . Or ceux qui
font passer César à Sens , et qui mettent
Vellaunodunum entre cette Ville
Orleans , ne lui font faire que vingt qua
tre lieuës en quatre jours de marche ; re.
connoîtroit- on l'activité de César defal
re moins que de coûtume
, quand
il dit
qu'il en fait davantage
, et qu'il s'étoiɛ même, dans ce dessein
, débarassé
d'équis pages? Il y a encore
plus d'inconvenient
pour ceux qui , prenant
Genabum
pour
Gien , ne lui font faire que quinze
lieuës en quatre jours , en le faisant
aussi pard tir de Sens au lieu qu'en prenant
Vel
launodunum
pour Avallon
, et le faisant
partir du Pays de Langres
, on lu fic
fait faire dix de nos lieuës
par jour , c'est crois lieues
et demie
plus que l'ordinaire
: pouvoit
- il faire moins
étant obligé
à faire une marche
plus forte ? et n'a ton
vû qu'il en a fait plus du double
en une nuit? c'est ce que les Partisans
d'Orleans prouvent
par César même.
La nouvelle de la Révolution arrivée
à Genabum est portée en douze ou quinze
heures en Auvergne , qui , selon César
en est éloignée d'environ 160. mille , ce
qui revient à 52. lieuës , et prouve que
1. Vol.
JUIN. 1737.
1069
, par
c'est plûtôt Gien qu'Orleans ; car quelque
prompte qu'on puisse imaginer
qu'ait été la maniere dont les Gaulois se
communiquoient successivement
des cris , ce qui se passoit d'un Pays à un
autre , il ne faut pas outrer la facilité de
cette communication , qui de Gien en
Auvergne aura toûjours été la plus prompte
que les hommes puissent par eux- mêmes
mettre en usage .
Quelqu'interessant qu'ait été cet évenement
, il arriva sans être médité ; les
Carnutes s'engagerent bien de faire la
premiere entreprise , mais on ne sçavoit
quand, et quelle elle seroit , et quoiqu'on
en répandît sur le champ la nouvelle , elle
ne le fut pas plus promptement que les
autres qu'on communiquoit par la même
voye ; il falloit toûjours que les uns attendissent
que ceux qui les devoient entendre
parussent , et ainsi des autres , à
moins de suposer qu'ils fussent tous prêts :
c'est ce qui n'est pas naturel à penser, et
ce qu'on ne peut faire dire à César sans
forcer son texte .
Gien est plûtôt à 2. lieuës d'Auvergne
qu'Orleans qui en est à 12. ou 15.
lieues plus loin , et la distance que César
marque par mille, est plus exacte et plus
près de la verité que notre maniere de
1. Vol. Bij compter
1070 MERCURE DE FRANCI
compter par lieues , parce que la differen
ce du nombre se trouveroit trop grande
il
J
y a près de so. mille de Gien à Orleans
et par consequent au lieu de 160. mille
ce sont 210. mille d'Orleans en Auver
gne . Nous disons plus aisément sc.OL
60. lieuës , qu'on ne diroit 150. ou 200
mille: enfin en donnant 15.heures pour l
temps de porter la nouvelle à 160. mille
il aura fallu 4. heu . et demie de plus pou
la porter d'Orleans en Auvergne , etc
plus ou ce moins n'auroit pas manque
d'être remarqué par César , puisque cet
évenement n'auroit pas été sçû , comme
il le fut , antè primam confectam vigiliam ,
et qu'il l'auroit été 4. heures et demie
plus tard . Aymoin est l'Auteur de l'o
pinion qu'Orleans est Genabum : son au
torité en fait de critique n'est pas assés
bien établie pour qu'il en soit crû sans
nous en avoir cité d'autres pour apuyer
la sienne , et je crois qu'avec Aymoin ,
Hugues de Fleury , le Poëte Gilles de
Paris , la question peut demeurer en son
entier. Peut -on aussi compter tous ceux
qui ont traduit Genabura Orleans , et
ceux qui aportent en faveur de leur opinion
, le nom de Genabum par- tout où ils
le trouvent? Tant de personnes ont mis
la main au Livre d'Aymoin , que son
༈༙ ་
1. Vol.
passage
JUIN. 1737. 1071
passage poutoit bien être une Note inserée
dans son Texte, et l'autorité qu'on
lui veut donner sur ce qu'il a demeuré
dans le voisinage d'Orleans et de Gien ,
ne presente toûjours que la question de
sçavoir s'il a bien connu ce Pays-là ; cette
demeure pouvoit - elle lui faire connoître
un Fait tel que celui dont il s'agissoit ?
Glaber , qui avoit été Moine à Saint
Germain d'Auxerre , et que l'on croit
même être né en cette Ville , qui n'est
pas fort éloignée de Gien et d'Orleans ,
prétend que cette dernière Ville n'a cu
son nom que de sa situation sur la Loire ,
quasi ore Ligerianâ eo videlicet quod in ore
ejufdem Fluminis ripa sit constituta , non
quidam minus cauti existimant ab Aureliano
Augusto.
>
M. de Tillemont T. 3. sur la Vie de
Empereur Aurelien a suivi le sentiment
d'Oton de Frisingue . Cet Empereur
vint , dit il , dans les Gaules ; on ne dit
pas ce qu'il y fit , selon Zonare & le Syncelle
, il semble qu'il y soit venu à cause de
quelque rébellion des Gaulois , qu'il apaisa
bien tôt. Le Maire , dans son Histoire
d'Orleans , cite beaucoup de Modernes
qui croyent que cette Ville a été rebâtie par
Aurelien , et le nom Latin qu'elle portoit
dès le cinquième Siecle au moins sen ble ne
I. Vol.
Biij. venir
T072 MERCURE DE FRANCE
venir
que de lui. C'est donc sur l'Analogie
du nom Latin d'Orleans , que cet Auteur
, si respecté des Sçavans , l'attribuëà
Aurelien,plûtôt que sur l'autorité des Mo
dernes , et il ne passe pas pour cela à l'opinion
de ceux qui la font descendre de
Genabum. Il ajoûte même que le nom
Latin d'Aurelianis étoit celui qu'elle portoit
au moins dès le cinquiéme Siecles
elle n'en avoit donc pas alors d'autr
sous lequel elle fût communément connuë
; ainsi le passage de Gregoire de
Tours dans la Vie de S. Nisier , Evêque
de Lyon , est entierement décisif ; bien
loin de pouvoir être tourné en objection .
Cet Auteur fait mention de Genabensis
Galliarum Urbs : il y désigne une Vill
dont il n'avoit pas encore parlé , et i
falloit que cette Ville ne fût pas alor
bien connue , puisqu'il étoit obligé d'a
joûter , pour qu'on ne s'y méprît pas
que c'étoit une Ville des Gaules . Auroitil
ainsi parlé d'Orleans qui étoit dans
son état brillant ? Pourquoi l'auroit - il
ainsi obscurcie sans la faire paroître , lui
qui en parle en plus de cinq uante occasions
sous le nom de Aurelianis ? Pour
quoi dans ce seul endroit auroit- il donné
un nom qui n'étoit pas le nom connu
et en usage ? Il faut donc conclure du
I. Vol. passage
JUIN. 1737. 1073
passage de Gregoire de Tours , qu'il y
avoit de son temps une Ville de Genabum
, et la Ville d'Aurelien , et que ces
deux noms sont de deux Villes differentes
. La seule raison qui a fait croire à
Dom Ruinart que Genabensis Vrbs étoit
Orleans , c'est que Gregoire de Tours
avoit déja fait mention de Genêve sous
le nom de Januba.
On objecte contre Gien le passage de
Strabon qui place Genabum environ , fe
rè, au milieu de la Loire , restriction qui
rend son expression toûjours douteuse ,
et qui ne doit pas faire chercher Genabum
au milieu de ce Fleuve . C'est décider
ce qu'il ne décide pas , de tirer la
conséquence que cela s'aplique plûtôt à
la situation d'Orleans qu'à celle de Gien ;
puisque quand il s'en faudroit 15. lieuës,
cela n'empêcheroit pas que , sans accuser
Strabon de s'être trompé , on ne pût
dire , sans erreur , que Gien est presque
au milieu de ce Fleuve , par raport à son
long cours ; et je crois qu'à le bien prendre
, Gien est plûtôt au milieu de la Loire
qu'Orleans.
On ajoûte que Genabum étant le Marché
principal des Carnutes qui venoient
y commercer , cela convient mieux , diton,
à Orleans , qui est plus près de Char-
I. Vol. Biiij.
tress
1074 MERCURE DE FRANCE
tres que Gien ; mais c'est tout au plus une .
raison de convenance. Quand on parle
des Carnutes , cela doit s'entendre de tout
le Pays , aussi -bien que des Peuples de
la Capitale , et ce n'est pas toujours la
proximité d'une Ville d'un Pays avec la
Capitale , qui lui est la source de son
commerce ; c'est elle- même qui par sa
situation avec l'Etranger le porte au Pays.
C'étoit Genabum qui fournissoit les Carnutes
, et portoit la richesse et l'abondance
dans le Pays , sans avoir besoin d'être
plus près de Chartres . Il faut faire attention
à l'état des Gaules , qui la rendoit
alors le rendez- vous des Peuples dont
elle étoit voisine.
.
Strabon justifie la maniere dont je réponds
, en parlant du commerce du Rhône
: il dit que la rapidité de ce Fleuve
rendant la navigation difficile à ceux qui
le remontoient , on transportoit les marchandises
par terre chés les Auvergnats ,.
et sur la Loire : Gien , auroit sans doute
été bien plus à portée qu'Orleans d'être
l'Entrepôt de ce commerce , et la premiere
Place considérable qui auroit reçû
ces marchandises. N'étoit- elle pas dans
une meilleure situation qu'Orleans par raport
à l'état de Gaules les Auvergnats y
venoient par la Loire ; elle étoit frontiere
I. Vol. aux
JUIN. 1737. 1075
aux Peuples du Berry , aux Eduens, aux
Senonois, & c. Cela ne valoit- il pas mieux
que d'être dans la situation d'Orleans et
plus près de Chartres ?
Le Maire, dans son Histoire d'Orleans ,
ajoûte qu'une suite de ce commerce ,
c'est que l'Evêque et le Chapitre de Chartres
faisoient anciennement tous les ans une
Procession à Orleans; ce qui prouvoit , sclon
lui ,l'habitude des deux Peuples d'aller
les uns chés les autres Il faut, suivant ce
raisonnement qu'il n'y ait eu aucune interruption
entre le commerce des Chartrains
et Genabum avec l'établissement des Processions
dans l'Eglise , pour que l'on puisse
dire que l'un a été l'occasion de l'autre
et c'est ce qu'on ne peut soutenir : la célébrité
d'Orleans , et le commerce qui
y a été porté depuis , en pouroit être la
seule cause, puisque cela aproche plus du
temps des Processions : il seroit même
peut -être plus naturel de donner à cet
établissement une origine plus pieuse
Enfin, pour tirer une consequence justė,
il faut prouver qu'Orleans est Genabum
autrement on tombe dans une petition
de principe.
On ajoûte encore que les chemins Romains
dont on trouve des vestiges consi--
derables , conduisent de Chartres à Or-
I Vole leans > Biv
1076 MERCURE DE FRANCE
leans , sans faire voir qu'ils ayent existé
avant Aurelien; quoi que ce soit Auguste
qui ait fait travailler le premier aux
grands chemins dans les Gaules, on sçait
qu'il ne les a pas tous faits , et Bergier
entre dans un grand détail du soin avec
lequel les Empereurs qui ont suivi , les
entretenoient , et formoient de nouvel
les communications entre les Villes.
On compte ensuite les distances de Ge
nabum à Paris , et on fait la même operation
en suivant la route jusqu'à Autun ,
et on prétend que , par l'évaluation des
Milliaires sur nos lieuës , il est impossible
que Gien soit l'ancien Genabum , puis
qu'Orleans se trouve précisément à la
même distance de ces Villes que Genabum.
Mais sans entrer dans tout le détail de
la réponse qu'on pouroit faire, qui demanderoit
beaucoup d'étendue , on croit que
ce qu'on a dit , affoiblit d'avance l'impression
que peut faire cette objection ,
qui est , à le bien prendre , la seule qui
reste aux Partisans d'Orleans. On sçait
que l'Itineraire est une piece suspecte et
fort peu exacte, puisqu'on convient qu'il
y a des lacunes en plusieurs endroits ,
que les noms des Villes y sont alterés ,
que les Milliaires ne sont pas sûrs , que
4. Fol..
les
JUIN. 1737. 1077
Yes Sçavans ne sont pas même d'accord
sur plusieurs routes ; de sorte qu'on ne
doit pas se servir de l'Itineraire pour décider
des points obscurs : tout au contraire,
on vérifie l'Itineraire sur les connoissances
que l'on a , et on ne s'en sert pas
comme on a fait avec des conjectures.
Il est inutile de faire valoir la célébrité
d'Orleans sous la premiere Race de nos
Rois , qu'elle a été Capitale, &c . Cela ne
peut pas prouver qu'elle ait été Genabum ,
ni qu'elle fût ancienne ; ces raisons ne
déterminent pas pour y porter la Cour
d'un Roy , et ces sortes de distinctions
peuvent fort bien convenir à une Ville
nouvellement bâtie , qui a ordinairement
plus d'agrément qu'une Ville qui n'a que
le mérite de son ancienneté .
On veut encore que Gien justifie des
Monumens anciens , ce qui est hors du
cas ; puisque cette Ville , en la prenant
pour Genabum , ayant été détruite et brû--
lée par César , n'ayant pas eu de Restaurateur,
et les Romains n'y ayant pas laissé
de ces Ouvrages immortels , n'aura rien
conservé ; combien de Villes anciennes ,
reconnues pour telles , qui n'ont aucuns
monumens de ces Maîtres du Monde ?
Cela peut même s'accorder avec ce qu'on'
Groit d'Orleans , qui ayant été bâtie , ou
IVol.
Bvj retablie
1078 MERCURE DE FRANCE
retablie par Aurelien , aura reçu tout le
commerce avec plus d'avantages qu'auci
ne autre Ville : les Peuples mêmes de Genabum
, élevés au commerce ,
auront été
s'y établir ; et ce sera ainsi qu'Orleans
aura été formée des débris de Genabur
qui sera demeurée une Ville peu considérable
: il n'en faut pas davantage pour.
faire naître de ces Traditions populaires
qui se corrompent toûjours , et qui dans
les temps ténebreux de la Litterature, auront
été adoptées par Aymoin , & c.
La question que l'on fait , si Gien subsistoit
, est la question même ; si elle est
Genabum , elle subsistoit ; si elle est Genabum
, elle avoit un Pont. Il pouvoit y
en avoir plus bas , mais il ne s'agit pas
de celui - là . Enfin le nom qu'elle porte
est d'une grande considération pour
apuyer ce sistême , il fait autant croire
que Gien est Genabum , que le nom d'Or
leans peut prouver qu'elle tire son origine
de l'Empereur Aurelien , suivant
M. de Tillemont , il n'y en a pas d'autre
preuve . Les noms de Giemus, Giemacum
, Giemum , qu'elle a porté dans les
temps de la basse Latinité, sont-ils plus
éloignés de Genabum que ceux de quan
tité de Villes qu'on reconnoît avec de
pareilles alterations ? .
I..Vol.
Ons
JUIN. 1737. 1079
On fait encore la même objection à
Gien que celle que j'ai prévu pour Aval
lon , en disant qu'elle est aujourd'hui du
Diocèse d'Auxerre et de la Métropole
de Sens : d'où on conclut qu'elle a dû être
du Pays des Senonois , et qu'elle ne peut
avoir été Genabum , qui étoit du Pays des
Carnutes. Je ne repeterai pas ce que j'ai
dit sur le principe en général , jajoûterai
seulement que le Lieu où est Gien apartenoit
incontestablement aux Carnutes
puisque la Loire passoit , suivant Stra
bon , chés les Auvergnats , et dans le
Pays des Carnutes ; et il ne dit pas qu'elle
passât chés les Senonois. Enfin ce qui ne
peut convenir à Orleans , et désigne absolument
Gien , c'est que César , aprèsavoir
pris Genabum , entre dans le Pays
de Berry.
Dire que Gien auroit eu l'Evêché si
elle avoit été Genabum , c'est vouloir faire
croire que ces établissemens ont été faits
les Titres à la main , en examinant l'an--
cienneté des Villes , et que les Apôtres
des Gaules , et ceux qui ont fondé des
Eglises , n'ont pas plûtôt fait attention
à d'autres avantages plus propres à ré
pandre la Foy Pourquoi Decise , Melun
, & c . n'ont elles pas d'Evêques ? Ces :
Villes ont parû avant Lyon , qui est
14Vol.. cependant
TOS MERCURE DE FRANCE
cependant apellée la Mere des autres
Eglises. C'est que Lyon avoit dans ce
temps là des avantages qui la faisoient
regarder , à juste titre , comme une Ville
des plus considérables par le concours
des Etrangers. N'étoit- il pas plus naturel
qu'Orleans , qui sortoit , pour ainsi
dire , des mains d'Aurelien , eût un Evêque
, que Gien , qui n'avoit que le souvenir
de son ancienneté , inuțile à l'établissement
d'un Evêché ? cela même aura
dû se faire en suivant le rang que
les Villes tenoient dans l'ordre civil , par
les Prérogatives qu'Aurelien aura accordées
à sa Ville. Je ne prétens pas enlever
à Orleans aucun de ses avantages ,
même son ancienneté , elle peut avoir
précedé Aurelien , sans avoir été Genabum.
Quand elle ne prendroit son origine
que de ce Prince , elle l'emporteroit
toûjours sur quantité de Villes du Royaume
, par l'éclat avec lequel elle a parû ,
et les Grands Hommes qui en sont sortis ,
et ceux qui y vivent encore.
ni
On me reprochera peut- être de m'être
trop attaché à des conjectures , & à l'Analogie
; je ne donne pas les conjectures
pour des preuves; j'ai cru avoir droit d'en'
faire usage dans des questions où on ne
peut que m'en oposer ; pour l'Analogie ,
I,Vol
jai:
JUIN. To81 1737
fai évité les deux excès de la mépriser , et
d'en faire trop de cas ; je ne m'y suis pas
abandonné sans regle , puisque je l'ai accordée
avec la position de Lieux.
31. Janvier 1737 .
ETRENNE S.
Puisque voulez que je vous donne Etrenne
De quelques Vers, pour de l'an le premier ,.
En voici donc que d'une aride Veine ,
J'arrache avec moult chagrinante peine
Pour vous marquer que bonheur tout entier ,
Que de plaisirs , trop cruelle Climene ,
Par celui- là que sans aucun quartier ,
Vous prenez goût de mettre dans la gêne ,
Est désiré pour vous plus d'un millier .
Point l'avez crû lorsque sur le papier
Le Notaire a griffonné votre chaîne ,
Avec celui qui comme un vieux Rentier ,,
Silencieux pendant un jour entier ,
Même avec vous pouroit rester sans peine.;
Il m'a fallu souscrire à vos désirs ;
Mais quel'amour mon coeur vous sacrife ?
Fatal Hymen ! que de tendres plaisirs ,
J'aurois goûté pendant toute ma vie !
Tout promettoit succès à mon ardeur ;
Les premiers feux de votre jeune coeur ,
L.Vol.
Farent
fo82 MERCURE DE FRANCE
;
Furent pour moi ; que n'ai -je un peu plus d'âge !
Oui , malgré tout , jeunesse et voisinage ,
Vous me quittez , pour qui ? Pourun Rival
Plus près que moi de son terme fatal ;
Entre-nous deux , voilà la différence ,
Quoi la vieillesse obtient la préference !
Pardon , mes vers peut- être sont trop francs.
Mais puis - je moins dans mes ennuis pressans?
Attendez-vous dans ma douleur mortelle ,
Qu'à votre égard plus Poëte qu'Amant ,
Et de mon coeur trahissant la querelle ,
Pour présider à votre accouchement ,
J'implore encor le secours de Lucine
Et qu'en beaux vers , je chante l'origine
D'un bel Enfant ? je suis votre valet ;
C'est bien assés d'envoyer ce bouquet. `
Reganhac , fils.
2
DISSERTATION sur l'Origine du
Papier et Parchemin timbre , les Lieux
où cette Formalité est établie , son Objet,
ses Effets , et diverses questions auxquelles
elle peut donner lien. Par M. A. G.
Boucher d'Argis , Avocat au Parlement..
Q
Uoique l'établissement du Papier
et Parchemin timbré en France net
remonte guere qu'à 60. et quelques an
I Vol.
nées
JUIN. 1737. 1033
nées, et que cette matiere semble d'abord
être purement de Finance , la formalité
du Timbre en général , ne laisse pas d'être
fort ancienne , et de faire naître diverses
questions , dont la décision dépend
des principes du Droit et de l'équité
naturelle.
C'est sous ce point de vûë que l'on se
propose de discuter ici cette matiere , et
seulement en ce qui est du Ressort de la
Jurisprudence .
19. Il paroîtra peut - être singulier que
l'on fasse remonter l'origine du Papier
timbré jusqu'au temps des Romains : cependant
il est constant que cette formalité
ne leur étoit pas totalement inconnuë.
En effet , l'Empereur Justinien , considerant
le grand nombre d'Actes que les
Tabellions de Constantinople recevoient
journellement , et voulant prévenir certaines
faussetés qui pouvoient s'y glisser
, par sa Novelle 44. publiée l'an 537.
suivant les Fastes Consulaires ch. 2.
* Novella 44. de Tabellionibus , et ut Protocola
dimittant in chartis . Imperator Justinianus
August. Joanni Prafect.Prator . iterùm Exconsuli et
Patricio. Litem , &c . Cap. II .
Illud quoque prasenti adjicimus Legi , ut Tabeliones
non in aliâ charta purafcribant documen
ta , nisi in illâ qua in initio ( quod vocatur Proto-
I.Vol.
donna
7084 MERCURE DE FRANCE
donna que ces Tabellions ne pouroient
recevoir les Originaux des Actes de leur
ministere que sur du Papier en tête duquel
(ce qu'on apelloit le Protocole ) seroit
marqué le nom de l'Intendant des
Finances qui seroit alors en place , le
temps auquel auroit été fabriqué le papier,
et les autres chosesque l'on avoit coû
tume de mettre en tête de ces papiers descolum
per tempora gloriosissimi Comitis sacrarum
nostrarum largitionum habeat appellationem , et
tempus quo Charta facta est , et quacumque in talibus
scribuntur , et ut Protocolum non incidant
sed insertum relinquant. Novimus enim multas
falsitates ex talibus chartis ostensas et priùs et nunc;
ideóque licet aliqua sit charta ( nam et hoc sancimus
) habens Protocolum non ita conscriptum
sed aliam quandam scripturam gerens , neque illam
suscipiant , tanquam adulteram , et ad talia'.
non opportunam: sed in sola ali chartâ qualem dudum
diximus, documenta scribant: hoc itaque qua
de
qualitate talium chartarum à nobis decreta sunt ,
et de incisione eorum qua vocantur Protocola ,
lere in hac felicissimâ solùm Civitate volumus, ubi
plurima quidem contrahentium multitudo , multa
quoque chartarum abundantia est , et licet legali´
modo interesse negotiis , et non dare occasionem
quibufdam falsitatem committere : cui se obnoxios
existere demonstrabunt , qui prater hac aliquid'
agere prasumpserint : que igitur placuerunt nobis
et per hanc sanctam declarata sunt Legem : tua
eelsitudo operi effectuique tradere festinet . Datum
X1 x. Kalend. Septembris
va-
1. Vol. tinés
JUIN. 1737. 1085
tinés à écrire les Originaux des Actes que
recevoient les Tabellions de Constantinople
, ce que l'on apelloit , suivant la
Glose et les Interprétes , Imbreviaturam
totius contractus ; c'est- à dire un Titre qui
annonçoit sommairement la qualité et
substance de l'Acte.
Par cette même Novelle l'Empereur
défendoit aussi aux Tabellions de Constantinople
de couper ces marques et titres
qui devoient être en tête de leurs-
Actes : il leur enjoignoit de les laisser
sans aucune altération , et défendoit aux
Juges d'avoir égard aux Actes écrits sur
du papier qui ne seroit pas revêtu en tête
de ces marques , quelques autres ti
tres ou Protocoles qui y fussent écrits .
Cette origine des Papiers et Parche
mins timbrés a été remarquée par M.de
Bâville , Intendant de Languedoc , dans
les Mémoires ( a ) qu'il a fait pour servir
à l'Histoire de cette Province , dans
lesquels , en parlant du Domaine , il dit
que comme il y a deux Généralités (b )
( a )Ces Mémoiresfurent faits pour l'instruction
de M. le Duc de Bourgogne en l'année 1697. On
les a imprimé depuis sous le nom fent d'Amsterdam
1734. mais le vrai lieu de cette Edition est
Marseille.
( b) Il n'y avoit alors dans le Languedoc que
1. Vol.
dans
1086 MERCURE DE FRANCE
dans leLanguedoc,il y a aussi deux Sous-
Fernres du Domaine ; l'une pour la Généralité
de Toulouse , l'autre pour la Généralité
de Montpellier , et que dans ces
Sous-Fermes sont compris le Papier timbré
, les Fórmules et le Contrôle des
Exploits , et à ce propos il remarque, en
passant , que le Papier timbré n'a pas été
inconnu aux Romains , puisqu'on voiť
par la Novelle 44. qu'ils avoient une espece
particuliere de papier pour écrire
les Originaux des Actes des Notaires ,
lequel portoit la marque que l'Intendant
des Finances vouloit y faire aposer , et
la date du temps auquel il avoit été
fait.
On ne peut donc pas disconvenir que
la formalité du papier timbré étoit déja
en quelque usage chés les Romains , puisque
les titres, dates et autres marques qui
devoient être aposées en tête du papier destiné
à écrire les Actes originaux des Tabellions
de Constantinople , étoient une
espece de Timbre qui avoit le même objet
que ceux qui sont aujourd'hui usités
en France et dans plusieurs autres Pays.
II . Mais il est vrai qu'à l'exception
de la Ville de Constantinople , où cette
ces deux Généralités , aujourd'hui il y en a trois
sçavoir , Toulouse , Montpellier et Montauban.
1. Vol. formalité
JUIN.
1737. 1087
formalité étoit établie , et pour les Actes
des Tabellions seulement , les Grecs , les
Romains et les autres Nations ne se servoient
point anciennement de papier et
Parchemin timbré : il n'y avoit alors aucune
marque sur les Actes publics qui
les distinguât des écritures privées , car
les Grecs et les Romains n'avoient point
de Sceaux publics , ils n'avoient que des
Sceaux particuliers , ou plûtôt de simples
Cachets qu'ils aposoient aux Actes , au
Heu de signature , comme cela s'est pratiqué
long- tems dans plusieurs Pays , et
même autrefois en France , à cause qu'il
y avoit alors peu de personnes qui sçûssent
écrire lesquels Sccaux particuliers
n'avoient aucun raport avec les Timbres
dont nous parlons.
:
III. On tient communément que le
Papier et le Parchemin timbré commencerent
à être établis en Espagne et en
Hollande vers l'an 1555.
IV. Ils le furent ensuite en Allemagne
et dans les Pays-Bas de la Domination
Impériale je n'ai pas trouvé l'Epoque
précise du temps auquel ils commencerent
à y être en usage mais
je puis assurer qu'il y en avoit dumoins
dès 1668. car j'ai vu un Acte reçû
par des Notaires à Bruxelles daté du 20 .
L.Vol.
Février
088 MERCURE DE FRANCE
Février 1668. qui étoit sur du papier
timbré.
J'ai remarqué deux choses particulie
res au Timbre qui est usité dans ces
Pays.
La premiere, est qu'ils ne sont point
frapés avec un Poinçon , comme ceux
qui sont usités en France et dans plusieurs
autres endroits , mais imprimés avec une
planche de cuivre , comme les Estampes.
La seconde , est que lorsqu'un Acte est
composé de plusieurs feuilles , il suffit
que la premiere soit de Papier timbré , les
autres que l'on insere au dedans peuvent
être de papier commun , au lieu qu'en
France et dans la plupart des autres endroits
, où les Papiers et Parchemins timbrés
sont établis, il faut que chaque feüille
employée aux Actes publics porte son
timbre.
V. On se sert aussi de papiers et parchemins
timbrés pour les Actes publics
dans toute l'Angleterre , l'Ecosse et l'Irlande
: le Timbre que l'on y apose est
frapé avec un Poinçon , mais il n'y a
point d'encre ni aucune autre couleur
dans le Poinçon , ensorte que le Timbre
qu'il imprime ne paroît que parce qu'il
y a un peu de relief.
Ce Timbre d'Angleterre ne contient
I. Vol.
poinc
JUIN. 1737 1089
point les Armes du Roy , comme la plûpart
des autres Timbres : il est composé
de trois especes d'Ecussons accollés , chargés
chacun d'une Rose , au tour de laquelle
sont écrits ces mots : Honny soit
qui mal y pense , qui sont le cri des Ar
mes d'Angleterre .
VI. Les Papiers et Parchemins timbrés
sont aussi en usage en Lorraine et
dans le Barrois , en Italie , dans le Comtat
d'Avignon , et dans plusieurs autres
Etats de l'Europe.
VII. Pour ce qui est de la France ,
Louis XIV. étant lors à Paris, donna un
Edit au mois de Mars 1655. portant établissement
d'une Marque sur le Papier et
le Parchemin pour la validité de tous les
Actes qui s'expedieroient dans le Royaume.
Cet Edit fut enregistré en Parlement,
en la Chambre des Comptes , et en la
Cour des Aydes le 20. du même mois . Il
est à la Chambre des Comptes au je Volume
des Ordonnances de Louis XI V.
coté 3. n. folio 69. et il en est fait mention
dans le Recueil des Ordonnances
Edits , &c. par M. Blanchart : mais cet
Edit n'eut pour lors aucune execution .
Ce ne fut qu'en 1673. qu'on ordonna
de nouveau l'usage des Papiers et Parchemins
timbrés , à l'occasion des For-
1. Vol. mules
1090 MERCURE DE FRANCE
mules qui devoient être dressées pour
tous les Actes publics ; le Roy ayant reglé
la forme de la procédure , tant au
Civil qu'au Criminel , par ses Ordonnances
de 1.667. et 1670. et ordonné que
cette nouvelle forme de proceder seroit
suivie dans tout son Royame , pour faciliter
l'execution de ses Reglemens , et
faire cesser les divers stiles particuliers
qui s'observoient dans chaque Tribunal ,
donna une Déclaration le 19. Mars 1673 .
par laquelle il ordonna qu'il seroit dressé
un Recueil de Formules , tant des Actes
Judiciaires que des Actes des Notaires
, pour y avoir recours au besoin , et
que sur ces Formules il seroit imprimé
des Exemplaires de chaque nature d'Actes
, lesquels seroient marqués en tête d'une
Fleur-de- lys , et timbrés de la qualité et
substance des Actes , comme aussi du Droit
qui seroit perçu pour chaque Acre , suivant
la Taxe qui en seroit faite au Con..
seil.
Les Formules d'Actes ordonnées
par
cette Déclaration n'ont jamais eu lieu ,
parce que l'on y trouva trop de difficulté
et d'inconveniens : mais le Roy donna
une autre Déclaration au mois de Juillet
1673. registrée au Parlement le 10. du
même mois , par laquelle , en attendant
I. Vol.
que
JUIN. 1737. 1091
que les Formules fussent perfectionnées , il
ordonna queles Actes publics ne pouroient
être écrits que sur du papier et parchemin
timbré , comme ils devoient l'être
pour les Formules , avec cette difference
seulement , que le corps de l'Acte seroit
entierement écrit à la main .
,
Depuis ce Reglement on commença
à écrire les Actes publics sur du papier et
parchemin timbré et on a toujours
continué jusqu'à present ; il y a sculement
eu des augmentations et diminutions
de Droits sur ces papiers , et divers
changemens dans la Formule des Timbres
mais l'objet de cette Dissertation
n'est pas de raporter ici tous ces Reglemens
, encore moins d'entrer dans le détail
des peines pecuniaires prononcées
contre ceux qui commettent à cet
égard quelque contravention ; cette pa : 3
tie qui ne concerne que la Finance
a été traitée par le Sr Deniset , Interessé
dans les Fermes du Roy , lequel en
1715. a donné au Public un Volume in-
12. sous le titre de Recueil des Formules
des Papiers et Parchemins timbrés , & c.
dans lequel il a raporté les divers Regle
mens faits sur ce sujet , même les . Tarifs
des Droits , et les Baux faits aux Adjudicataires
de cette Ferme , avec des Ob-
›
1. Vol. C servations
1092 MERCURE DE FRANCE
servations sur la perception de ces Droits,
sur les Fonctions des Préposés et Commis
, &c. Ceux qui voudront en voir
davantage à cet égard , peuvent avoir recours
à ce Recučil.
VIII. J'observerai seulement que
depuis 1715. date de l'Edition de ce Recueil
, il est survenu deux Déclarations
au sujet des Papiers et Parchemins tim
brés .
Par la premiere , qui est du 7. Déa
cembre 1723. registrée en Parlement le
22. du même mois , le Roy en suprimant
la Formalité du Controlle des Actes des
Notaires au Châtelet de Paris , avoit établi
divers Timbres particuliers , qui devoient
être aposés sur les Actes qu'ils
recevroient , outre le Timbre ordinaire
de la Ferme , sçavoir un Timbre particulier
pour
les Actes de la premiere classe
qui y étoient détaillés , un pour les Actes
de la seconde classe , un pour les premieres
feuilles d'Expeditions, un autre pour
les secondesfeuilles .
Toutes ces differentes Formules ont
été suprimées par la seconde Déclaration
qui est du 5. Décembre 1730. par laquelle
il est ordonné qu'à compter du
premier Janvier 1731. les Notaires de
Paris écriront tous leurs Actes sur du
1. Vol.
papier
JUIN. 1737 .
103
papier timbré du Timbreord.naire des Fer
mes du Roy et outre cela d'un Timbre
particulier , intitulé Acres des Notaires de
Paris. Laquelle Formule sera uniforme
pour toute sorte d'Actes .
Tel est le dernier état des Reglemens
faits en France sur cette matiere .
IX. Il y a quelques Provinces qui
n'ayant été réunies à la France qu'à la
charge d'être maintenues dans leurs Immunités
et Privileges , n'ont point été
assujetties à la formalité des Timbres
parce qu'ils n'y étoient pas établis auparavant
: Telles sont la Flandre, l'Artois,
Charleville et son Territoire , l'Alsace et
le Roussillon.
X. Il y a aussi deux Principautés
clavées dans la France ; sçavoir celle de
Dombes et celle d'Orange , et encore la
Principauté d'Henrichemont et Bois Belle
en Berry, dans lesquelles on ne se sert pas
non plus de papier timbré.
XI. Les Timbres que l'on apose en
France aux papiers et parchemins destinés
à écrire les Actes publics , sont imprimés
avec un Poinçon , et representent
les Armes du Prince, ou son Chiffre , ou
quelqu'autre marque par lui ordonnée ,
selon la nature des Actes , car il y a non
seulement un Timbre particulier pour
1.Vo! ċij chaque
1094 MERCUREDE FRANCE
>
chaque Généralité , mais il y a aussi dans
une même Généralité divers Timbres ,
selon la nature des Actes . On garde à
Paris dans l'Hôtel de Charny tous les
Poinçons des Timbres de toutes les Généralités
, et c'est là que se timbrent les
papiers et parchemins pour tout le
Royaume.
XII. Nos Timbres ont quelque ra
port avec les Sceaux publics , en ce que
les uns et les autres sont ordinairement
une empreinte des Armes du Prince , et
qu'ils s'aposent également aux Actes publics
, et les distinguent des Actes sous
signature privée ; il ne faut pourtant pas
confondre ces deux Formalités , y ayant
entr'elles deux differences essentielles.
La premiere est que les Sceaux publics
tels que ceux du Roy, des Chancelleries,
des Jurisdictions , des Villes , des Universités
, et autres semblables s'apliquent
en relief sur une forme de cire , ou
de quelqu'autre matiere propre à en recevoir
l'empreinte: il y en aque l'on aplique
sur l'Acte même , d'autres qui sont à double
face , et qui ne sont attachés à l'Acte
que par des Lacs : au lieu que les Timbres
ne sont qu'une marque imprimée
au haut du papier ou parchemin ; lequel
nom de Timbre paroît avoir été emprun-
I. Vol.
té
JUIN. 1737. 1055
té du Blazon , & tirer son étimologie de
ce que le Timbre des papiers et parchemins
s'imprime au haut de chaque feüille
, comme le casque ou autre couronnement
que l'on nomme aussi Timbre ,
en termes de Blazon , se met au dessus
de l'Ecu .
La seconde difference eft que les Sceaux
que l'on apose aux Actes reçûs par des
Officiers publics, sont la marque de l'au
torité dont ils sont revêtus ; non - sculement
ils donnent à l'Acte un caractere
de publicité , mais en quelques endroits
comme à Paris , ils lui donnent aussi le
droit d'éxecution parée , tellement que
si un Acte public n'y étoit pas revêtu du
Sceau qu'il doit avoir pour être executoire
, il ne pouroit être mis à execution
, quand même il seroit d'ailleurs revêtu
de toutes les autres formalités necessaires
au lieu que le Timbre ne sert qu'à
donner à l'Acte une forme publique et
autentique , et ne lui donne en aucun
Pays le droit d'éxecution parée.
;
XIII. Quoique la formalité du Timbre
semble n'avoir été établie que pour
la finance qui en revient au Roy , elle ne
laisse pas d'être utile d'ailleurs.
En effet , le Timbre sert , 19. à distinguer
à l'inspection seule du haut de la
1. Vol. Cij fülle
1096 MERCURE DE FRANCE
feuille sur laquelle l'Acte est écrit, si c'est
un Acte émané d'un Officier public , ou
si ce n'est qu'une Ecriture privée .
2°. Le Timbre sert à faire respecter et
conserver les Affiches , Publications et
autres Actes que l'on attache exterieurement
aux portes de certaines Maisons ,
ou dans les Places publiques , en cas de
Decret , Licitation , Adjudication , ou
autre Publication : car dans ces sortes
d'Affiches , il n'y a proprement que le
Timbre qui fasse connoître que ce sont
des Actes émanés de l'autorité publique,
et sans cette formalité ils pouroient être
regardés comme des Ecrits privés, d'autant
plus que ces sortes d'Actes ne sont
point scellés , et qu'il n'y a que le Timbre
qui les distingue des Ecritures privées..
3. Le Timbre sert aussi à prévenir
certaines antidates et faussetés que l'on
pouroit plus facilement commettre , si
cette formalité n'étoit pas établie : car
comme il y a un Timbre particulier pour
chaque Pays , et même en France pour
chaque Province, que ces Timbres ont
été changés en divers temps , et que l'on
ne peut écrire les Actes publics que sur
du papier ou parchemin timbré du Timbre
actuellement autorisé dans le temps
I. Vol
et
JUIN. 1737. 1097
et le lieu où se passe l'Acte , ceux qui
écrivent un Acte sur du papier marqué
du Timbre actuel d'un certain Pays , ne
peuvent pas impunément le dater d'un
temps ni d'un lieu auquel il y auroit eut
un autre Timbre , parce que le Timbre
aposé à l'Acte démentiroit ces dates , et
en feroit connoître la fausseté.
4. Le principal effet des Timbres
( du moins que les Reglemens leur ont
attribué ) est qu'ils sont une des formalités
nécessaires pour donner l'authenticité
et le caractere de publicité aux Actes
reçûs par des Officiers publics : tellement
que sans cette formalité ces Actes ne produiroient
point d'hypoteque , et ne seroient
pas authentiques ni exécutoires :
ils ne seroient au plus considerés que
comme des Ecritures privées, et dans certains
cas , ils seroient absolument nuls ,
ainsi que nous l'expliquerons dans un
moment ; ce qui a ainsi lieu , quand mê
me ces Actes seroient d'ailleurs revêtus
de toutes les autres formalités nécessaires
pour produire leur effet.
XIV. L'observation de cette forma
lité est d'autant plus importante , que
les Reglemens qui la prescrivent ne sont
pas des Loix seulement comminatoires ,
elles prononcent formellement la peine
I. Vol. Ciiij. de
1098 MERCURE DE FRANCE
de nullité contre les Actes publics qui
ne seront pas sur papier timbré : ensorte
que l'on ne pouroit pas rendre valable
un Acte public écrit sur du papier commun
, en le faisant timbrer après coup ,
même en payant aux Fermiers les Droits
et les Amendes , parce que le Fermier ne
peut pas remettre la peine de nullité :
dès qu'elle est encouruë , le droit d'oposer
la nullité de l'Acte est acquis.à tous
ceux qui pouroient avoir interêt d'en.
contester la validité ; et comme c'est une
maxime certaine que l'on ne peut préjudicier
au droit acquis à un Tiers , le
Fermier ne peut remettre la peine de
nullité une fois encourue par l'omission
de la formalité du Timbre.
XV . Pour déterminer si un Acte public
doit , pour être valable , être écrit sur
du papier ou parchemin timbré , ou s'il
peut être écrit sur du papier ou parchemin
commun, on ne doit considerer que
l'usage du Lieu où se passe l'Acte . Si les
papiers et parchemins timbrés y sont établis
, on doit s'en servir à peine de nullité
de l'Acte : si au contraire ils n'y sont
point établis , comme dans quelques
Pays et Provinces que nous avons ci - devant
remarqué , en ce cas , on n'est pas
obligé de s'en servir , quand même l'Of-
1. Vol. ficier
JUIN. 17378 1099
ficier public , qui reçoit l'Acte , auroit
sa résidence ordinaire dans un lieu où la
formalité des Timbres ést établie.
Le principe par lequel se décide cette
question, est que tout ce qui ne concerne
que les formalités extérieures des
Actes, se regle par l'usage du Lieu où ils
se passent , suivant la maxime Locus regit
actum. Or certainement il n'y a rien
qui soit plus de la forme extérieure des
Actes que
le papier ou le parchemin sur
Fequel ils doivent être écrits , et le
Timbre qui y doit être aposé ; ainsi les
Ordonnances , Edits et Déclarations qui
ont établi les papiers et parchemins tim-
Brés , n'ayant pour objet que d'assujettir
les Actes publics à une formalité extérieure
, et qui ne concerne absolument
la forme , ne doivent être observés
que pour les Actes qui se passent dans
fes Pays où ces Loix sont établies .
que
"
En effet , quoiqu'il soit enjoint aux
Officiers publics de se servir de papiers
et parchemins timbrés dans le lieu où ils
sont établis , cette disposition n'est pas
un Statut personnel qui les assujettisse à
Suivre sa disposition , en quelque lieu
qu'ils se trouvent ; ce n'est qu'un Statut
réel et local , fait pour regler la formet
extérieure des Actes , et qui par conse
J. Vol
Gy quent
1098 MERCURE DE FRANCE
de nullité contre les Actes publics qui
ne seront pas sur papier timbré : ensorte
que l'on ne pouroit pas rendre valable
un Acte public écrit sur du papier commun
, en le faisant timbrer après coup ,
même en payant aux Fermiers les Droits
et les Amendes , parce que le Fermier ne
peut pas remettre la peine de nullité :
dès qu'elle est encouruë , le droit d'oposer
la nullité de l'Acte est acquis à tous
ceux qui pouroient avoir interêt d'en .
contester la validité ; et comme c'est une
maxime certaine que l'on ne peut préjudicier
au droit acquis à un Tiers , le
Fermier ne peut remettre la peine de
nullité une fois encourue par l'omission
de la formalité du Timbre.
XV. Pour déterminer si un Acte public
doit , pour être valable , être écrit sur
du papier ou parchemin timbré , ou s'il
peut être écrit sur du papier ou parchemin
commun, on ne doit considerer que
l'usage du Lieu où se passe l'Acte . Si les
papiers et parchemins timbrés y sont établis
, on doit s'en servir à peine de nullité
de l'Acte : si au contraire ils n'y sont
point établis , comme dans quelques
Pays et Provinces que nous avons ci -devant
remarqué , en ce cas , on n'est pas
obligé de s'en servir , quand même l'Òf-
1. Vol. ficier
JUIN. 17378 1099
ficier public , qui reçoit l'Acte , auroit
sa résidence ordinaire dans un lieu où la
formalité des Timbres ést établie.
Le principe par lequel se décide cette
question , est que tout ce qui ne concer
ne que les formalités extérieures des
Actes, se regle par l'usage du Lieu où ils
se passent , suivant la maxime Locus regit
actum. Or certainement il n'y a rien
qui soit plus de la forme extérieure des
Actes que le papier ou le parchemin sur
Fequel ils doivent être écrits , et le
Timbre qui y doit être aposé ; ainsi les
Ordonnances , Edits et Déclarations qui
ont établi les papiers et parchemins tim-
Brés , n'ayant pour objet que d'assujettir
les Actes publics à une formalité extérieure
, et qui ne concerne absolument
que la forme , ne doivent être observés
que pour les Actes qui se passent dans
fes Pays où ces Loix sont établies.
En effet , quoiqu'il soit enjoint au
Officiers publics de se servir de papiers
et parchemins timbrés dans le lieu où ils
sont établis , cette disposition n'est pas
un Statut personnel qui les assujettisse à
suivre sa disposition , en quelque lieu
qu'ils se trouvent ; ce n'est qu'un Statut
réel et local , fait pour regler la forme
extérieure des Actes , et qui par conse
J. Vol
Gy quent
Troo MERCURE DE FRANCE
quent ne regle que la forme de ceux qui'
se passent dans le lieu où ce Statut est
observé.
Il est vrai qu'il arrive rarement qu'il
se forme un combat sur ce Point entre
deux Statuts oposés , parce qu'il faut
pour cela que l'Officier public , qui a sa
residence dans un lieu dans lequel le pa
pier et le parchemin timbré sont établis,
ait été recevoir un Acte dans un lieu où
les Actes même publics s'écrivent sur du
papier commun , ou bien vice versâ, que
I'Officier public , qui auroit sa residence
dans un lieu où il n'y auroit point de
papier timbré , ait été recevoir un Acte
dans un lieu où la formalité du Timbre
seroit établie, ce qui n'est pas ordinaire,
la plupart des Officiers publics , n'ayant
droit d'instrumenter que dans le lieu de
leur residence :
Néanmoins ces sortes de cas peuvent
arriver , et arrivent en effet quelquefois
Par exemple , les Huissiers au Châtelet
de Paris ont droit d'exploiter par tout
le Royaume. Un de ces Huissiers qui a sa
residence ordinaire à Paris , est obligé de
se servir de papier timbré pour les Exploits
qu'il y feroit , parce que cette formalité
y est établies mais si , en vertu
du privilege qu'il a d'exploiter par tout
Mr.Vol. le
JUIN. 1737 ΥΙΟΙ
le Royaume , I alloit faire quelque Exploit
dans une Province où le papier et le
parchemin timbré n'est pas établi , telle
que Charleville , Henrichemont et autres
semblables , il ne seroit pas obligé de se
servir de papier timbré pour les Exploits
qu'il feroit dans ces Provinces , parce
que la Loy particuliere de chaque Pays
regle la forme extérieure des Actes qui
s'y passent , et que dans ce cas le papier
timbré n'est pas nécessaire , puisque la
Loy du Pays ne l'ordonne point.
Il en est de même à l'égard des Notaires
au Châtelet de Paris , qui ont leur
residence à Paris , et y font ordinairement
leurs fonctions ; ils sont obligés pour les
Actes qu'ils y reçoivent de se servir de
papier ou parchemin timbré, selon la nature
des Actes ; mais comme ils ont droit
d'instrumenter par tout le Royaume,
Hs peuvent aller recevoir des Actes
dans quelqu'autre Province dans laquelle
le papier timbré n'a pas lieu , et dans cet
cas ils ne seront pas obligés d'écrire leurs
Actes sur du papier ou parchemin timbré
, il suffira qu'ils les écrivent sur du
papier commun , suivant l'usage du lieu
où se passent les Actes.
De même encore un Conseiller au Par
lement de Paris , qui seroit commis par
J Vol. Cvj sa
Tro2 MERCURE DE FRANCE
sa Compagnie pour aller faire quelque
Enquête , Information , Visite ou autre
Procès verbal dans un lieu du Ressort où
le papier timbré n'est pas établi , comme
en Artois , ne seroit pas obligé de s'en
servir pour écrire les Actes qu'il feroit
dans ce lieu .
Et par une suite nécessaire du même
principe que la Loy du lieu où se passent
les Actes , regle tout ce qui est de la forme
extérieure , un Officier public , établi
dans un lieu où l'on se sert de papier
timbré , lequel , en vertu de quelque
Privilege ou Commission , iroit instru
menter dans un lieu où le papier timbré
seroit pareillement établi , mais dont le
Timbre seroit different , ne pouroit pas
dans ce lieu se servir de papier marqué
du Timbre autorisé dans le lieu de sa residence
, il seroit tenu de se servir de
papier timbré pour le lieu où il passeroit
Acte ensorte que les Notaires au Châtelet
de Paris , qui par la Déclaration du
7. Septembre 1723. ont été affranchis de
la formalité du Controlle , au moyen
d'un Timbre particulier qui a été ajoûté
au papier dont ils se servent , ne pou
roient pas se servir de ce papier dans une
autre Généralité où il y auroit un Timbre
different , ils seroient obligés de se:
I. Vol servig
JUIN. 1737. F103
servir de papier timbré pour le lieu où
ils passeroient l'Acte , et il y a lieu de
croire que les Actes ainsi reçûs par des
Notaires de Paris , seroient sujets au Con
trolle comme tous les autres Actes qui
se passent dans les lieux où le Roy n'a
point établi le Timbre particulier , au
moyen duquel il a affranchi les Notaires
de Paris de la formalité du Controlle
parce que , comme on l'a déja observé, la
forme des Actes se reglant par la Loy dư
lieu où ils se passent les Actes reçûs par
des Notaires de Paris dans une autre Généralité
, où le Controlle est établi , et où il
y a un Timbre different de celui de Paris
, ne doivent point être reçûs selon la
forme usitée à Paris , mais suivant celle
qui est usitée dans le lieu où ils se passent,
et par consequent doivent être controllés
et écrits sur du papier timbré exprès pour
le lieu de la passation , puisque ce sont là
les formalités prescrites pour ce lieu .
il
XVI. Quoique par plusieurs Ordon
nances , Edits et Déclarations , le Roy
ait distingué les Actes qui doivent être
écrits en parchemin timbré , de ceux qu'il
suffit d'écrire sur du papier timbré ; un
Acte qui doit être en parchemin timbré
ne seroit pas nul , sous prétexte qu'il ne
seroit qu'en papier timbré parce que
Val
1104 MERCURE DE FRANCE
le Roy a bien ordonné sous peine de nullité
d'écrire les Actes publics sur du papier
ou parchemin timbré , mais lorsqu'il a
distingué les Actes qui doivent être en
parchemin d'avec ceux qui doivent être
en papier, il n'a pas prononcé la peine de
nullité contre les Actes où ces distinctions
n'auroient pas été observées : ensorte
qu'en cas de contravention à ces
distinctions, les Officiers publics sont
seulement sujets aux peines pecuniaires
prononcées par les Reglemens.
XVII. Il y auroit seulement plus de
difficulté , si un Acte d'une certaine nature
étoit écrit sur du papier ou parchemin
destiné à des Actes totalement differens :
Par exemple , si un Notaire écrivoit ses
Actes sur du papier ou parchemin destiné
pour les Expeditions des Greffiers ,
et vice versa. Dans ces cas la contradiction
qui se trouveroit entre l'intitulé du
Timbre, et la qualité de l'Acte, pouroic
faire foupçonner qu'il y auroit eu quelque
surprise , et qu'on auroit fait signer
aux Parties un Acte pour un autre , ou
dumoins feroit rejeter l'Acte comme
étant absolument informe.
De même s'il arrivoit qu'un Acte pas
sé dans une Généralité fût écrit sur du
papier I. Vol.
...
JUIN. 1737-
1105
papier ou parchemin timbré du Timbre
d'une autre Généralité , il y a lieu de
croire qu'un tel Acte seroit declaré nul ,
parce que ce seroit aux Parties à s'imputer
d'avoir fair écrire leur Acte sur du
papier qui ne pouvoit absolument y convenir
, et qu'ils ne pouvoient ignorer
être d'une autre Généralité , puisque le
nom de chaque Généralité est gravé dans
chaque Timbre qui lui est particulier.
Mais si un Acte qu'il suffit d'écrire
sur du papier timbré étoit écrit sur du
parchemin timbré ; ou bien si un Acteque
l'on peut mettre sur du papier ou
parchemin commun étoit écrit sur du
papier ou parchemin timbré , un tel Acre
ne seroit pas pour cela nul , parce que
ce qui abonde ne vicie point.
XVIII. En France , depuis quelques .
années , on a établi une Fabrique particuliere
pour lespapiers que l'on destine
à être timbrés , dans le corps desquels au
licu de la Marque ou Enseigne du Fabri
quant , il y a au milieu de chaque feüillet
une impression du Tinibre qui y doir
être aposé en tête.
Selon l'usage,ce Timbre interieur ne pa
roît pas être absolument de l'essence de la
formalité , et à la rigueur il suffit que le
papier sur lequel est écrit l'Acte public soit
LiseVol
timbré
1105 MERCURE DE FRANCE
timbré au haut de chaque feuille du Tim
bre extérieur qui s'imprime avec un
Poinçon et en effet les Officiers publics
écrivent quelquefois leurs Actes sur du
papier commun , et font ensuite timbrer
chaque feuille avant de signer et de faire
signer l'Acte.
Il seroit néanmoins à propos que les
Officiers publics ne pussent se servir que
de papier timbré , tant du Timbre intérieur
que du Timbre extérieur ; carloin
que cette repetition du Timbre soit inutile
, chacun de ces deux Timbres a son
atilité particuliere.
que
Le Timbre imprimé au haut de chafeüille
sert à faire connoître à l'inspection
seule d'un Acte ,s'il est public ou
privé.
Le Timbre qui est dans le corps du
papier et fait en même temps que le papier
, sert à assurer que le papier étoit
timbré lorsque l'Acte y a été écrit , et
qu'il n'a pas été timbré après coup : en
quoi ce dernier Timbre est un garand
plus sûr de la forme de l'Acte que le
Timbre extérieur , qui pouroit être apli
qué après coup , pour faire valoir un Acre
auquel manqueroit cette formalité .
Ce Timbre intérieur pouroit aussi servir
à supléer le Timbre imprimé s'il se
J. Fol trouvoit
JUIN. 1737.
1107
trouvoit effacé , ou si le haut de la page
sur lequel il est aposé étoit déchiré : sur
quoi il faut remarquer , en passant , que
les Officiers publics devroient toûjours
avoir l'attention de disposer leurs Actes
de maniere qu'on ne puisse en suprimer
le Timbre sans alterer le corps de l'Acte
, ce que néanmoins quelques uns n'observent
pas, ne commençant à écrire leurs
Actes qu'au- dessous du Timbre.
dis
Pour revenir au double Timbre , je
que le Timbre intérieur qui est fait
avec le papier est utile pour assurer que
l'Acte a été écrit sur du papier qui étoit
déja timbré : ce qui ne laisse pas d'être
important ; car puisqu'il est ordonné à
peine de nullité que les Actes reçûs par
des Officiers publics soient écrits sur du
papier timbré , ceux qui sont Dépositaires
des Poinçons du Timbre ne doivent
pas timbrer un Acte écrit sur du
papier commun , lorsqu'il est déja signé
et parfait comme écriture privée , pour
le faire valoir après coup , comme Ecritare
publique : si on tolere que le Timbre
soit aposé sur un Acte déja écrit , ce
ne doit être que sur un Acte qui ne soit
pas encore signé : c'est pourquoi il seroit
à propos d'assujettir tous les Officiers
publics à n'écrire les Actes qu'ils reçoi-
1. Vol.
vent
1108 MERCURE DE FRANCE
vent que sur du papier timbré des deux
Timbres ; c'est-à- dire , du Timbre qui
est marqué dans le corps du papier , er
fait avec le papier même , et de celui qui
s'imprime au haut de la feüille avec un
Poinçon , parce que le concours de ces
deux Timbres rempliroit tous les objets
que l'on peut avoir eu en vûë dans
P'établissement de cette formalité ; et let
Timbre intérieur écarteroit tout soupçon
, en constatant que étoit
le papier
déja timbré lorsque l'Acte y a été écrit.
Mais cette double précaution ne pouroit
servir que pour les Actes qui s'écrivent
sur du papier , et non pour ceux
qui s'écrivent en parchemin ; parce que
le parchemin n'étant pas fait de miin
d'homme , on ne peut pas y inserer de
Timbre intérieur comme dans le papier ,
dont le Timbre intérieur se fait en mêtemps
que le papier même. Aussi y a t- il
beaucoup plus d'inconveniens à se servir
de parchemin que de papier , parce que
non seulement la destination du parchemin
ne peut pas être constatée d'une maniere
aussi sûre que le papier ; mais outre
cela le parchemin est plus facile à altérer
que le papier , ensorte que pour
mieux assurer la verité des Actes , il seroit
à souhaiter que l'on ne se servit que
de papier.
XIX.
JUIN
. 1737.
1109
les
XIX. Pour entendre quel est l'effet
de la peine de nullité prononcée par les
Edits et Déclarations du Roy contre
Actes reçûs par des Officiers publics ,
lorsqu'ils ne sont pas écrits sur du papier
ou parchemin timbré, ou qu'ils sont écrits
sur du papier ou parchemin timbré du
Timbre d'un autre lieu que celui où est
passé l'Acte , ou d'un Timbre qui est
d'une destination si oposée à la nature de
l'Acte , qu'il ne peut absolument y con
venir , il faut distinguer entre les Actes
publics ceux qui ne sont obligatoires que'
d'une part , d'avec ceux qui sont sinallagmatiques
; c'est - à-dire , qui sont respectivement
obligatoires à l'égard de tou
tes les Parties contractantes .
Les Actes qui ne sont obligatoires que
d'une part , comme une obligation , une
quittance , et les Actes qui ne forment
point de convention , tels que les Déclarations
, les Certificats et autres Actes
absolument de cette nature , ne sont pas
nuls à tous égards , lorsqu'il leur manque
la formalité du Timbre : toute la peine
de nullité , à l'égard de ces sortes d'Actes
, est qu'ils ne sont pas valables con
me Actes publics , et qu'ils n'ont aucun
des effets attachés à la publicité des Actes
, tels que l'authenticité et l'hypoteque
I. Vol.
1108 MERCURE DE FRANCE
vent que sur du papier timbré des deux
Timbres ; c'est- à- dire , du Timbre qui
est marqué dans le corps du papier , et
fait avec le papier même , et de celui qui
s'imprime au haut de la feuille avec un
Poinçon , parce que le concours de ces
deux Timbres rempliroit tous les objets
que l'on peut avoir eu en vûë dans
l'établissement de cette formalité ; et le
Timbre intérieur écarteroit tout soup
çon , en constatant que le papier étoit
déja timbré lorsque l'Acte y a été écrit.
Mais cette double précaution ne pouroit
servir que pour les Actes qui s'écri
vent sur du papier , et non pour ceux
qui s'écrivent en parchemin ; parce que
le parchemin n'étant pas fait de miin
d'homme , on ne peut pas y inserer de
Timbre intérieur comme dans le papier,
dont le Timbre intérieur se fait en mê
temps que le papier même. Aussi y a t- il
beaucoup plus d'inconveniens à se servir
de parchemin que de papier , parce que
non seulement la destination du parchemin
ne peut pas être constatée d'une ma
niere aussi sûre que le papier ; mais outre
cela le parchemin est plus facile à altérer
que le papier , ensorte que pour
mieux assurer la verité des Actes , il seroit
à souhaiter que l'on ne se servît que
de papier.
XIX.
JUIN. 1737. 1109
XIX. Pour entendre quel est l'effet
de la peine de nullité prononcée par les
Edits et Déclarations du Roy contre les
Actes reçûs par des Officiers publics ,
lorsqu'ils ne sont pas écrits sur du papier
ou parchemin timbré , ou qu'ils sont écrits
sur du papier ou parchemin timbré du
Timbre d'un autre lieu que celui où est
passé l'Acte , ou d'un Timbre qui est
d'une destination si oposée à la nature de
l'Acte , qu'il ne peut absolument y con
venir , il faut distinguer entre les Actes
publics ceux qui ne sont obligatoires que'
d'une part , d'avec ceux qui sont sinallagmatiques
; c'est - à-dire, qui sont respectivement
obligatoires à l'égard de tou
tes les Parties contractantes.
Les Actes qui ne sont obligatoires que
d'une part , comme une obligation , une
quittance , et les Actes qui ne forment
point de convention , tels que les Déclarations
, les Certificats et autres Actes
de cette nature , ne sont pas absolument
nuls à tous égards , lorsqu'il leur manque
la formalité du Timbre : toute la peine
de nullité , à l'égard de ces sortes d'Actes
, est qu'ils ne sont pas valables con
me Actes publics , et qu'ils n'ont aucun
des effets attachés à la publicité des Actes
, tels que l'authenticité et l'hypote-
I. Vol.
que
1170 MERCURE DE FRANCE
que mais ils sont quelquefois valables
comme Ecriture privée.
En effet , lorsque l'on y a observé la
forme prescrite pour les Ecritures privées
, ils sont valables en cette derniere
qualité , quoiqu'ils eussent été faits pour
valoir comme Actes publics.
Mais si ayant été faits pour valoir
comme Actes publics , ils ne peuvent valoir
en cette qualité faute de Timbre , ou
à cause de quelque défaut essentiel dans
l'observation de cette formalité ; et que
d'un autre côté ces Actes ne soient pas
dans une forme telle qu'ils puissent valoir
comme Ecriture privée , c'est alors un
des cas où ils sont absolument nuls aux
termes des Reglemens.
Par exemple , si un Notaire reçoit un
Testament sur du papier commun dans
un lieu où il devoit l'écrire sur du papier
timbré , ce Testament sera absolument
nul, et ne vaudra pas même comme Testament
Olographe's parce que , pour être
valable en cette qualité , il faudroit qu'il
fût entierement écrit et signé de la main
du Testateur , au
au lieu qu'ayant été reçû
par un Notaire , ce sera le Notaire qui
l'aura écrit ,
De même si un Notaire reçoit une
Obligation sur du papier commun , tan-
1. Vol. dis
JUIN; 1737. IIII
dis qu'elle devoit être sur du papier timbré
, elle ne sera pas valable , même
comme promesse sous signature privée ,
parce qu'aux termes de la Déclaration
du Roy du 22. Septembre 1733. registrée
en Parlement le 14. Octobre suivant
et le 20, Janvier 1734. Tous Billets sous
signature privée , au Porteur , à ordre , on
autrement, causés pour valeur en argent, sont
nuls , si le corps du Billet n'est écrit de la
main de celui qui l'a signé , ou du moins si
la somme portée au Billet n'est reconnuë par
une aprobation écrite en toutes lettres aussi
de sa main.
Cette Déclaration excepte seulement
les Billets sous signature privée , faits par
des Banquiers , Négocians , Marchands ,
Manufacturiers , Artisans , Fermiers, Laboureurs
, Vignerons , Manouvriers et autres
de pareille qualité , à l'égard desquels
elle n'exige pas que le corps de leurs
Billets soit entierement écrit de leur
main ensorte que les Obligations passées
devant Notaires par ces sortes de
personnes , et reçûës sur du papier commun
lorsqu'elles devoient l'être sur papier
timbré , pouroient valoir comme
Billets sous signature privée , pourvû
que l'Acte fût signé de l'Obligé .
Pour ce qui est des Actes que les Par-
1. Vol ties
112 MERCURE DE FRANCE
ties n'ont pû signer , faute de sçavoir
écrire , ou pour quelqu'autre empêchement
, ils sont absolument nuls à tous
égards , lorsque les Officiers publics devoient
les recevoir sur du papier timbré,
et qu'ils les ont reçûs sur du papier commun
, et ne peuvent valoir même comme
Ecriture privée , parce que les Actes
sous seing privé ne sont parfaits que par
la signature des Parties.
A l'égard des Actes sinallagmatiques
tels que les Contrats de vente , d'échange
, de societé , les baux et autres Actes
semblables , qui obligent respectivement
les Parties contractantes à remplir chacun
de leur part certains engagemens ,
lorsqu'ils sont reçûs par des Officiers publics
sur du papier commun , dans un
lieu où ils devoient être sur papier timbré
, ils sont aussi absolument nuls à
tous égards, et ne peuvent valoir même
comme Ecriture privée , quand même
les Parties contractantes les auroient signé
, parce que pour former un Acte
obligatoire , sinallagmatique , sous seing
privé , il faut qu'il soit fait double , triple
ou quadruple , & c . selon le nombre
des Contractans , afin que chacun d'eux
puisse en avoir un pardevers soi , ce que
fon apelle en Bretagne , un autant ; et
1. Vol
qu'il
JUIN 1737. 1113
qu'il soit fait mention dans chaque expédition
que l'Acte a été fait double
triple ou quadruple , ce qui est tellement
de rigueur que l'omission de cette mention
suffit seule pour annuller la convention
cette regle est for dée sur le principe
qu'une convention ne peut pas être
valable , à moins que chaque Contractant
ne puisse contraindre les autres à
exécuter leurs engagemens , comme il
peut être contraint de remplir les siens :
pour mettre les Contractans en état d'obliger
les autres d'executer leurs engagemens
, il faut
il faut que chacun d'eux ait en
main , pardevers soi un titre contre les
autres ; car un Acte sinallagmatique sous
seing privé qui seroit simple , ne formeroit
pas un titre commun , quoiqu'il fût
signé de tous les Contractans , puisque
chacun d'eux ne pouroit pas l'avoir , et
que celui qui l'auroit, pouroit le faire
paroître ou le suprimer , selon son interêt
au préjudice des autres Contractans
, qui ne pouroient pas s'en aider.
3
Or lorsqu'un Acte sinallagmatique a
été reçû par un Officier public , pour
valoir comme Acte public ; et que néan ,
moins il ne l'a reçû que sur papier commun
, soit par impéritie ou autrement ,
quoiqu'il dût le recevoir sur du papier
J Vol. timbré
1114 MERCURE DE FRANCE
timbré , cet Acte ne peut valoir comme
Ecriture privée , parce qu'il n'a point
été fait double , triple ou quadruple ,
&c. selon le nombre des Contractans , et
que par conséquent il n'y est pas fait
mention qu'il ait été fait double ou tri
ple , &c. d'où il s'ensuit qu'il ne peut
etre sinallagmatique , et qu'il est absolument
nul.
ger
En vain prétendroit- on que la minu
te de cet Acte sinallagmatique devient
un titre commun dont chaque Contrac
tant peut ensuite lever des expéditions
et par - là se procurer un titre pour obliles
autres Parties à executer l'Acte
de leur part : dès que l'Acte sinallagma
tique n'a pas été reçû par l'Officier public
sur du papier timbré , comme il le
devoit , et que par l'omission de cette
formalité l'Acte ne peut valoir comme
Acte public , l'original de cet Acte que
l'Officier public a retenu pardevers lui ,
ne peut être considéré comme une vraie
minute , qui soit un titre commun dont
on puisse lever des expéditions , qui servent
de titre à chacun des Contractans,
parce que l'original n'étant pas un Acte
public , mais seulement un Acte privé
simple, il pouvoit être suprimé par ceux
entre les mains desquels il étoit , et par
1. Vol.
conséquent
JUIN 17370
ITTS
conséquent n'étoit pas obligatoire , le
dépôt qui en a été fait chés un Officier
public , ne peut pas réparer ce vice primordial
, ni faire que les expéditions
qu'en délivreroit l'Officier public , servent
de titre à chacun des Contractans,
parce que l'Acte étant nul dans le principe
ne peut être réhabilité par la qualité
du Lieu où il est placé.
Il faut néanmoins excepter de cette
regle certains Actes que les Notaires
peuvent recevoir en Brevet ; car si ces
Actes ont été faits doubles ou triples ,
selon le nombre des Parties contractantes
, ainsi que cela se pratique ordinairement,
et que chaque double soit signé de
la Partie qu'il oblige, ces Actes qui ne seroient
pas valables comme Actes publics,
s'ils étoient écrits sur du papier ou parchemin
commun , dans un Lieu où ils
devoient l'être sur du papier ou parchemin
timbré , vaudroient du moins comme
Ecritures privées , parce qu'ils auroient
en eux toutes les conditions né
cessaires pour valoir en cette qualité.
1. Vol.
A D
1116 MERCURE DE FRANCE
LE PARNASSE,
ODE
A Madame la Comtesse de La Mothe
la Myre L. D. R. D. P.
J E sens une heureuse manie ,
Déja je ne suis plus à moi ,
Où me transporte mon génie ?
Quel est le beau lieu que je voi ?
Quelles sont ces Plaines fleuries ,
Ces Jardins , ces vertes Prairies ?
Mais quel est ce charmant Vallon 3
Je suis sur le fameux Parnasse ;
Quel séjour en beauté surpasse
Le tien , divin Apollon ?
M
Là s'offre un Temple remarquable
Par une noble antiquité ;
Son Gothique est plus respectable
Que Forgueilleuse nouveauté.
De l'Art la frivole parure
Dépare la belle Nature ,
Tout est simple dans ce Palais ;
Des Graces toutes naturelles ,
I. Vol. Restent
J U.IN.
1117
17376 "
Restent toujours beautés nouvelles ;
Le vrai beau ne vieillit jamais.
Au Dieu chacun rend son hommage;
Mais l'encens qui lui plaît sur tout ,
Est quelque délicat Ouvrage ,
Qui par son sel pique le goût ;
Rondeau , Madrigal , pointe fine ,
Muse legere qui badine ,
Et papillonne autour des Ris ,
Stance , Sonnet , tendre Elegie ,
Qui d'Amour fait l'apologie ,
Et touche une cruelle Iris.
來
Dès que Phébus daigne sourire ,
On sent naître d'heureux transports ,
Et même son scul souffle inspire
Les plus harmonieux accords.
Là , c'est un Concert unanime ;
A louer ce Dieu , tout s'anime ;
On entend mille et mille voix ,
Qui pleines de son air affable,
Chantent qu'il est le plus aimable ,
Et qu'on vit heureux sous ses Loix .
Au pied du Temple est l'Hipocrêne ,
Dont les délicieuses Eaux ,
I. Vol. D ij Charmant
1118 MERCURE DE FRANCE
Charmant la plus cuisante peine,
Inspirent des accens nouveaux ;
C'est le grand Nectar de sagesse ,
Qui nous cause une tendre yvresse
C'est là l'Elixir nompareil ,
Qui mieux que Maîtresse chérie ,
Nous jette en belle rêverie ,
Et conduit au plus doux sommeil.
M
Plus loin une grande Prairie
Où se trouvent mille Beautés ,
Propre pour la galanterie ,
Attire nos Divinités ;
Flore y paroît avec les Graces ;
Zéphire vole sur ses traces ;
Sous ses pas naissent tour à tour,
Les Ris , les Jeux , le badinage
Enfans legers du Dieu volage
Si connu sous le nom d'Amour.
Les Anacréons , les vides ;
Peres des tendres sentimens ,
Y sont les plus fideles guides
De tous nos délicats Amans ;
Avec quel tour , quelle finesse
Donnent-ils leçon de tendresse ?
On n'en perd point le souvenir ;
I. Vol.
JUIN. 1119
47378
En tous lieux ces aimables Sages ,
Font rendre à l'Amour des hommages j
Contre leurs sons , qui peut tenir ?
M
De Phébus les doctes Compagnes
Sensibles au charmant plaisir ,
Vont dans ces riantes Campagnes
Goûter les douceurs du loisir
Aussi-tôt à ces Immortelles ,
On offre les fleurs les plus belles
Chacun leur marque son , respect ' ;
Leur enjoûment badin engage
A leur rendre un plus tendre hommage ;-
Mais cet hommage est circonspect;
語
Quels beaux sentimens de tendresse ! '
Fables , Contes d'un heureux tour ...
Il n'est que la délicatesse
Qui puisse plaire en fait d'amour ;
Dans le gracieux tout s'y passe ,
De voir , d'entendre , on ne s'y lasse ;
Chants , Danses sont d'un goût parfait şi
Ce que j'y vois de plus aimable
Chose à mon sens incomparable ,
On y fait toujours ce qui plaît.
I. Vote. Bij Loin
1118 MERCURE DE FRANCI
Charmant la plus cuisante peine,
Inspirent des accens nouveaux ;
C'est le grand Nectar de sagesse ,
Qui nous cause une tendre yvresse
C'est là l'Elixir nompareil ,
Qui mieux que Maîtresse chérie ,
Nous jette en belle rêverie ,
Et conduit au plus doux sommeil.
說
Plus loin une grande Prairie
Où se trouvent mille Beautés ,
Propre pour la galanterie ,
Attire nos Divinités ;
Flore y paroît avec les Graces , ..
tour,
Zéphire vole sur ses traces ;
Sous ses pas naissent tour à
Les Ris , les Jeux , le badinage
Enfans legers du Dieu volage ,
Si connu sous le nom d'Amour.
Les Anacréons , les vides ;
Peres des tendres sentimens ,
Y sont les plus fideles guides
De tous nos délicats Amans ;
Avec quel tour , quelle finesse
Donnent -ils leçon de tendresse ?
On n'en perd point le souvenir ;
I. Vol.
JUI N.
1119
1737.
En tous lieux ces aimables Sages ,
Font rendre à l'Amour des hommages j
Contre leurs sons , qui peut tenir ?
!
De Phébus les doctes Compagnes
Sensibles au charmant plaisir ,
Vont dans ces riantes Campagnes
Goûter les douceurs du loisir ;
Aussi-tôt à ces Immortelles
On offre les fleurs les plus belles ;
Chacun leur marque son, respect '; `
Leur enjoûment badin engage
A leur rendre un plus tendre hommage ;
Mais cet hommage est circonspect;
DIG
Quels beaux sentimens de tendresse !
Fables , Contes d'un heureux tour .
Il n'est que la délicatesse
Qui puisse plaire en fait d'amour ;
Dans le gracieux tout s'y passe ,
De voir , d'entendre , on ne s'y lasse ;
Chants , Danses sont d'un goût parfait ;
Ce que j'y vois de plus aimable
Chose à mon sens incomparable
On y fait toujours ce qui plaît.
I. Vote ·
Biii Loin
1120 MERCURE DE FRANCE
Loin la seche Philosophie ,
Riche en frivoles argumens ;
Loin la noire Misantropie
Mere des tristes sentimens ;
Plus loin l'ennuyeux pédantisme ,
Des Sages le dur stoïcisme ,
Qui trouble toujours la raison
L'Envie au regard sombre et louche ;
L'humeur inégale et farouche ,
Ne sont point ici de saison.
Loin encor toute ame hautaine
Ce Monstre de fatuité ,
Qui veut nous tenir à la chaîne
De son énorme vanité ;
Si l'on ne le Monseigneurise ,
Telle est sa superbe sotise ,
Qu'il ne répond qu'avec fierté ;
Trop enyvré de sa chimere ,
Il exige qu'on le révére
Autant qu'une Divinité.
Ici l'on sent un air d'aisance ;
C'est le séjour du bon esprit ,
Pays de la belle Science ;
On y trouve par tout écrit :
Que jamais l'aimable tendresse ,
I. Vol.
No
JUIN. X12X 1737
Ne fut contraire à la sagesse ;
Qu'un grain de fine volupté
Rend notre raison plus traitable ,
Lui fait prendre un tour agréable;
Que c'est un Baume de santé.
C'est ainsi qu'on aprend à vivre
Avec ces heureux sentimens ;
L'agréable est seul bon à suivre ,
C'est ce qu'on nomme le bon sens ;
Ce sens en Maître ici décide
Du beau , du fin et du solide ,
Sens plus noble que le commun ;
Là l'on abhorre le vulgaire ,
Et tout sentiment populaire ,
Esprit plat , discours importua.
Que j'aime à voir ici Moliere ,
Le grand Comique du Vallon
Donner aux Ris ample matiere ,
Et divertir même Apollon !
De l'un il fronde l'Avarice ,
De l'autre la noire malice ,
Le ridicule des jaloux ,
Des Grands la superbe ignorance ,
Des Pédans la dure science
Quelle multitude de foux !
I. Vol.
;
D iiij Plus
22 MERCURE DE FRANCE
Plus loin les coeurs sont en allarmes
Quel Spectacle frape les yeux
;
La pitié fait couler des larmes ;
J'entends le langage des Dieux
Pour un Héros l'on s'interesse ,
Il meurt en vengeant sa Princesse ,
Qui par un retour geneveux ,
A son tendre amour asservie ,
Par un poignard s'ôtant la vie ,
Rejoint l'illustre Malheureux.
M
Que les Corneilles , les Racines
Triomphent par le merveilleux ;
Que leurs Muses toûjours divines-
Respirent le grand , le pompeux ;
Quoi ? dans l'homme est-ce une foiblesse ,
D'aimer jusques à la tristesse ,
Et de se plaire à des malheurs
C'est plutôt raison que folie ;
On aime sa mélancolie ;
Le vrai plaisir est dans les pleurs.
典
Conduits par un goût solitaire ,
Juvenal , Horace et Boileau ,
Viennent au bois se satisfaire
Auprès du plus charmant ruisseau.
Là , d'un malicieux sourire
I. Vol
fls
JUIN. 1737. 1123
Els séparent dans leur Satire ,
Le sage de l'impertinent ;
Graces à ces Censeurs habiles
Sar le bon toujours difficiles ;
On n'est point sot impunément,
Entre les Menins du Parnasse,
J'aperçois l'illustre Rousseau ;
Une de ses Odes surpasse
Ce qu'on lit ici de plus beau.
Ah ! quel héroïquel angage !
De vérités quel assemblage !
Ce Pindare ravit aux Čieux ;
Qui comme lui touche la Lyre ?
Il prend un ton qui nous inspire
Le respect que l'on rend aux Dieux.
Après lui vient le grand Volterre ,
Riche en hauts sentimens du coeur
Jamais il ne tient à la Terre ;
Toujours il tend à la grandeur.
Que j'aime son Poëme Epique !
Chef-d'oeuvre de l'Art Poëtique ,
A sa gloire il a mis le sceau ;
Les Virgiles et les Homeres ,
Des fameux Poëmes les Peres , '
Ont-ils rien produit de plus beau P
I Vol
Dy Phe DY
124 MERCURE DE FRANCE
Plus loin l'on voit les Fontenelles
Dignes Chefs de nos beaux Esprits ,
Qui sement de fleurs naturelles ,
Leurs heureux et brillans Ecrits ::
Ils ont acquis sur le Parnasse
L'honneur d'une éminente place ,.
Et telle est leur félicité ;
La voix fidelle de l'Histoire
Porte leurs noms couverts de gloire
Au sein de l'immortalité .
Philis , tel fut l'heureux Voyage
Que je fis dans ce beau séjour ;.
Mon bonheur fut d'un court passage ,
Quel plaisir dure plus d'un jour ?
Mais je veux par le specifique-
De mon Talisman poëtique ,
Trouver même félicité :
Pour être heureux , souvent un songe ,
Où le ressort d'un beau mensonge
Y fait plus que la verité.
Bar ... d'Amiens , au Cha ... d'A
ventcour
A Vol LETTRE
JUIN.
1737. 1125
3*********************
LETTRE de M. Mazure , Maître ès
Arts dans l'Univerfité de Paris , &
Maitre de Mathématiques à Rennes , à
M. Bardon.
Ο
N trouve tant d'avantage dans les
conversations que l'on peut se ménager
avec vous , Monsieur , qu'on ne
pouroit , sans ingratitude , se dispenser
de vous en faire un hommage. Vous conduisez
l'esprit avec tant de méthode
qu'il s'emble que vous ne fassiez naître des
doutes , que pour procurer la satisfaction
de les dissiper soi même. Voici le fruit
de mes réfléxions sur la question que
nous agitâmes dernierement. Il s'agissoit
de sçavoir si la matiere actuellement
existente est infinie ou finie en étendue.
Descartes paroît avoir été pour le
premier sentiment ; mais en verité il y a
tant et de si fortes objections à faire , auxquelles
on ne voit aucune réponse raisonnable
qu'on ne peut guere se déterminer
à l'embrasser . Contre le dernier,
dans le Systême des Tourbillons plus petits
, et plus petits , qui paroît le seul raisonnable
, la plus forte objection que
Fon ait faite jusqu'ici , c'est que, selon
B. Fol. D vj les
I 26 MERCURE DE FRANCE
les Loix du mouvement , les petits Tourbillons
qui seroient à l'extrémité , c'està-
dire , aux dernieres couches de l'Univers
, devroient s'en aller par des tangen
tes , et tout cet Univers se détruire. Cependant
il se conserve cet Univers , donc
Dieu le conserve par une volonté particuliere
; mais cette conséquence met manifestement
des bornes à la sagesse de
Dieu , qui n'a pû lui dicter des Loix ,
pour ainsi dire , assés fécondes pour conserver
l'Univers. Je ne crois pas que
consultant l'idée de l'Etre infiniment
parfait , et connoissant combien il est ja
loux de l'Attribut de sa Sagesse , on
puisse admettre une pareille conséquence.
Comment donc se tirer de ces embarras ?
Voilà où nous en restâmes , M. et voici
ce qui m'est venu depuis dans l'esprit à
ce sujet:
2
Je dis qu'on peut regarder tout cet
Univers comme un Tourbillon qui en
renferme d'autres plus petits ; ceux - ci
d'autres , plus petits encore , et ainsi de
suite ( je ne sçai si on ne pouroit pas dire
à l'infini ) de sorte que ces derniers petits
Tourbillons , dont j'ai parlé , participent
à tous les mouvemens de tous les Tourbillons
dont ils sont parties prochaines
ou éloignées ; donc ils reçoivent des im--
1 Vol . pressions >
JULN. 1737. 1127
pressions des forces centrales et centrifuges
du premier Tourbillon total , ot de
tous les intermédiaires , ils ont eux-mêmes
des forces centrales et centrifuges ,
qui leur sont propres. Or toutes ces forces
centrales et centrifuges , ont des dé
terminations différentes ; donc ces der
nieres parties de l'Univers sont poussées
suivant un nombre immense de déter
minations.
Mais par la Loy des mouvemens composés
, un corps poussé suivant différentes
déterminations , qui ne sont point
diamétralement oposées , n'en suit aucune
, mais décrit une ligne par laquelle
il satisfait à toutes ces déterminations ;
donc chacune de ces dernieres parties , ne
suivra aucune de ces déterminations ,
mais elle décrira une ligne par laquelle
elle satisfera à toutes ; or non seulement
il ne répugne point , mais même il est
très -conforme à la Sagesse infinie de l'Etre
infiniment parfait , que toutes ces +
différentes déterminations fissent entreelles
des angles tels que la ligne , que
chaque petit Tourbillon devra décrire
soit précisément celle où il sera conservé
et retenu dans les bornes de l'Univers.
Donc cet Univers doit se conserver part
lës Loix des mouvemens , et sans volon
3
La Violi
ré
128 MERCURE
DE FRANCE
té particuliere ; ce qui porte le caractere
d'une sagesse infinie et d'une Provi
dence sans bornes .
Mais , M. ce qui me confirme encore
dans cette opinion , c'est que par ce Systême,
je crois trouver une analogie entre
le physique et le moral, laquelle exprime
parfaitement
la simplicité de la conduite
de Dieu, qui par la nécessité de son Etre,
ne peut agir que pour faire porter à son
Ouvrage le caractere de ses Attributs, de
la maniere la plus capable de procurer sa
gloire , qui seule peut être la fin , comme
le seul amour , qu'il se porte à luimême
, peut être le motif de son action
En effet , M. comme Habitans de l'Univers
entier , nous avons certaines impressions
: comme Européens , nous en avons
d'autres ; comme François , d'autres ; de
différentes comme Bretons. L'Habitant de
Rennes a les siennes , comme Pere ou partie
d'une certaine famille , il en a qui lui
sont particulieres
; et enfin , par un ressort
et par une combinaison
que nous ne
sçaurions assés admirer , toutes ces diffé
rentes impressions
, dont chacune en
particulier tendroit au renversement
de
la societé , prises toutes ensemble , en
operent la conservation
et le bien . Voilà,
M. ce que j'ai pû recueillir de mes médi-
1. Vol. mations
JUIN. 1737. F129
tations. Je connois votre sincerité , comme
vous connoissez mon désintéressement
sur mes sentimens philosophiques,
lorsqu'il ne m'est pas clair que j'en doive
compte à la vérité. J'attends vos avis ,
bien résolu d'en profiter , comme d'être
toute ma vie avec une sincere amitié,
M. Votre , &c.
LE JARDI N.
EPITRE
,
A. M. D. V.
Toi qui dans le champêtre azile¿
Ou te conduisit le bon sens ,
Oposes une étude utile
Aux assauts des soucis piquants ,
Damon , mets à part , pour un temps ,
Les sages Ecrits de Virgile ,
Dans lesquels ton esprit docile
Puise ses doux amusemens ;
Dépouillé de l'humeur chagrine
D'un Aristarque scrupuleux ,
Daigne sur ma Muse badine
Jetter de favorables yeux ;
Si-tôt que ta juste balance
Devant le Tribunal des Ris
1. Fal. Aura
1130 MERCURE DE FRANCE
'Aura pesé ' ce que j'écris , ·
Tu peux , sans que je m'en offensé ,
Reprenant un front moins serain ,
Recommencer ton premier train ;
Mais pour tirer plus d'avantage
Du travail sçavant qui t'instruit ,
Scache , Damon , qu'un homme sage
Ne doit pas du suc d'un Ouvrage
Sans cesse enyvrer son esprit ;
Car , par là , le plus beau génie
Voit périr sa force affoiblie ,
Et vole par distraction "
Du sein de l'érudition
Vers le foyer de la folic."
Voilà ce que Mere Raison ,
Ami , m'a chargé de te dire ; ·
L'avis n'est pas hors de saison ,
Et j'ai promis de t'en instruire
A la premiere occasion.
Traitons à présent la matiere
A laquelle mon Apollon
Consacre cette Epitre entiere ;
.
Voici le fait attention ; :
Auprès d'une table investie :
Par le hazard et l'interêt ,
Du sort l'inévitable Arrêt ·
Ayant sur ma bourse remplie
Exércé sa rage canemie ,
Is Vols
JUIN.
1737 .
1131
Je tournai mes pas abatus
Chargé de ma seule misere ,
Vers ma lucarne solitaire ,
Donnant des regrets superflus
A l'argent que je n'avois plus.
Déja la nuit plioit ses voiles ,
Déja la face des Etoiles
Perdoit sa brillante couleur ;
Tenant un seul doigt sur sa bouche
Déja le silence rêveur ,
Fuyoit à l'aproche farouche
Du tumulte perturbateur.
Tout d'un coup , trait pénible à croire ,
Dont j'assure la vérité ,
En jurant par cette onde noire ,
Que roule avec férocité
Le Styx , par Jupin respecté ;
Soudain , dis - je , du haut des nuës ,
Je vis descendre un Dieu riant ,
Assis sur les aîles du vent ,
Avec des graces ingénuës ;
Ses yeux baissés , son teint vermeil ,
M'annonçoient le Dieu du sommeil ;
Lorsque dans ma Cage embellie
De quelques meubles délabrés ,
Le Dieu des songes bigarés ,
Fut entré sans cerémonie ;
Il me fit entendre ces mots , ?
L. Voli.
Dont
1132 MERCURE DE FRANCE
Don't je me souviens à propos ;
A ces fleurs que je te présente ,
Tu connois assés qui je suis ;
» Loin de toi , je veux des Ennuis
Chasser la cohorte insolente ;
» Vers toi la pitié pénetrante ,
A porté mon pied incertain
Pour apaiser ton humeur noire ,
» Et jouir d'un calme serain ;
» Şous mes aîles d'un jeu malin ,
Viens perdre jusqu'à la memoire.
Il se taît , puis levant la main ,
Me frape , et je m'endors soudain ;
Cent et cent songes favorables "
Fondant sur moi de tout côté ,
Ne m'offrant qu'objets agréables
Dont je suis encore enchamé ,
Quel plaisir n'ay-je pas goûté ,
Damon , lorsqu'un charmant délire
Dans ton jardin m'a transporté ;
Jardin des Graces habité ,
Qui joint à leur riant Empire
Tout l'éclat de la vérité ;
Retraite où dans un calme extrême ,
Tu jouis toujours de toi même ,
En dépit de l'adversité ?
Pour prix de ton humeur égale ,
La tendre Vénus chaque nuit ;
I. Vol. (Ains
JUIN. 1737.
1133
( Ainsi du moins me l'a-t'on dit )
Tandis que Vulcain au front sale
Pour Jupiter forge les Traits
Qui doivent punir les forfaits ,
A l'aide du Char de Cynthie ,
Danse avec les jeunes Plaisirs ,
Dans ta demeure où les convie
Ze souffle badin des Zéphirs ;
L'aimable Flore , qui désire
T'amuser avec ses couleurs ,
Ouvre son sein , t'offre les fleurs
Qu'elle s'empresse de produire ,
Avec le doux secours des pleurs
Que répand la Fille Azurée ,
9
D'un Dieu qui , dans un Char brûlant ,
Eclaire la Voute étherée ,
Sans se reposer un moment;
Avec les glaces de Scythie ,
L'Epoux bisare d'Orithie
Ne vient point enchaîner ces Eaux ,
Qui , roulant leurs ondes plaintives ,
Lavent les pieds de tes Roseaux ,
Près de qui les Nymphes craintives ,
Ornant leurs cheveux de Pavots ,
Vont souvent chercher le repos.
Oui , je croyois , Ami fidele ,
Que la Fortune moins cruelle
M'alloit permettre de nouveau
I. Vol.
D'être
1134 MERCURE DE FRANCE
D'ètre dans le sein pacifique
De ta retraite monarchique ;
D'y goûter un sort aussi beau
Que celui dont mes jours tranquiles
Jouissoient le Printemps passé ,
Lorsqu'échapé du bruit des Villes ,
Et , de tout Flateur empressé
Evitant les adroites chaînes ,
Fallois te découvrir mes peines
Dans un raisonnement sensé ;
Là l'éloquence et la sagesse
Se mariant dans tes discours ;
Bannissoient l'affreuse tristesse
Du fond de mon coeur pour toujours
Et ne versoient que l'allegresse
Sur tous les instants de mes jours ¿
Ennemi du joug exécrable
De cette sévere vertu ,
Dont un Cagot est revêtu ;
Tu laissois une entrée aimable
Dans ta demeure respectable ,
A quelques plaisirs innocens ,
Sources de nos amusemens ;
Tantôt , dès que l'Aube vermeille
Alloit ouvrir dans l'Orient
Du Soleil le Palais brillant ,
Tu venois me dire à l'oreille
Qu'il étoit temps de mépriser
I. Vol
JUIN. 17378
1135
Les charmes d'une plume oiseuse , ⭑
Et qu'ilfalloit nous disposer ,
Remplis d'une ardeur belliqueuse ,
Et secondés d'un plomb volant ,
A declarer adroitement
Une fatale et rude guerre
Au Peuple qui , fuyant la terre ,
Pour éviter nos coups divers ,
Trouve sa perte dans les airs ;
Tantôt assis sur la verdure ,
Près de quelqu'Arbre bienfaisant ;
Accompagnés de l'enjoüement ,
Et d'une raison toujours pure ,
Nous accordions à la nature ,
Dans un repas apétissant ,
Un gracieux soulagement ;
Et nous buvions avec usure
L'oubli des rides du present ;
* Quelques Personnes avoüoient que corte Ema
pression ne donnoit pas assés de jour à ma pensée
, quoique je recueille leurs avis avec autant
de respect que l'on recueilloit les feuilles qui renfermoient
les Réponses des Sybilles j'ai néanmoins laissé
subsister cette Expression , m'étant aperçû que M.
Boileau s'en étoit servi dans le IV. Chant du Lutrin
, où il dit , en parlant des Valets du Chantre ,
qui s'étoit éveillé agité d'un sommeil éfrayant,
Aux Elans redoublés de sa "voix douloureuse ,
Tous les Valets tremblans quittent la plume
oiseuse.
1.Vd.
AYSE
1136 MERCURE DE FRANCE
Avec art usant de la lime ,
Tantôt nous ornions quelque rime
De cette noble propreté ,
Et de cette subtilité ,
Qui sortent sans aucune peine ,
De ce redoutable pinceau ,
Que , malgré les cris de la haine ,
Le Dieu qui cherit l'Hypocrêne ,
Laisse dans les mains de Rousseau ;
De ces plaisirs inexprimables
Je me promettois le retour ,
Séduit par des songes aimables ,
Qui me maîtrisoient tour à tour ;
Tandis qu'ainsi je m'abandonne
A des projets délicieux ,
Perché sur son char radieux ,
Le Fils embrasé de Latone
Avoit atteint le haut des Cieux;
Sur la porte de ma Guerite
Un détestable Cuisinier
Contrefaisant le Timbalier,
Me dit que mon repas
d'Hermite ,
Rangé sans art , mais proprement
M'attendoit impatiemment.
Au bruit de sa main affamée ,
La Troupe des Rêves distraits ,
Volant vers ses Antres secrets
Ne me laissa que la fumée
1.Vol. De
JUIN. 1737. 1137
De tous mes plaisirs imparfaits.
En racourci voilà l'histoire
Dont j'ai voulu t'entretenir e
Adieu , Damon , je vais finir ,
Et renfermer dans mon armoire
Mes Tabletes et mon Craïon ;
Aussi ne puis-je davantage ,
Sans courir risque de naufrage ,
Joindre la rime à la raison.
M. Last à Aix.
tsust
ASSEMBLE E Publique de l'Acadé
mie Royale des Sciences,du .. ....
Onsieur de M. y lût un Discours
M sur la Propagation du Son dans les
differensTons qui le modifient . Il considere le
Son dans quatre sujets differens ; dans le
Corps sonore qui enfait le sujet immédiat par
ses vibrations ; dans l'air , qui en est
le milieu , en tant que susceptible des vibrations
du corps sonore dans l'organe de
Louie , ébranlé par les vibrations de l'air z
et enfin dans le sentiment que l'ame en reçoit
. De ces quatre Parties de la question
du Son , qui se lient et s'éclairent
1. Vol. A mutuel.
13 MERCURE DE FRANCE
mutuellement M. de M. n'a pris à
tâche d'aprofondir que la seconde ,
sçavoir la maniere dont le son est produit
dans l'air , et il ne s'arrête même
dans celle- ci qu'au son modifié en tel ou
tel Ton, aigu ou grave, haut ou bas ; en
un mot aux differens Tons qui font l'ob
jet de la Musique . Cependant , à cause
de la liaison de cette Partie avec les trois
autres , il les parcourt toutes dans l'or
dre que nous les avons énoncées, et il en
tire des preuves ou des éclaircissemens
curieux par raport à son hypothese sur
la seconde.
Cette hypothese consiste à admettre
dans l'air autant de particules de differente
élasticité , et capables par là de vibrations
d'autant de differentes durées ,
qu'il y a de Tons differens dans les corps
sonores , ou que nous avons de perceptions
en vertu des differens Tons qui frapent
notfe organe : l'ébranlement total
où les vibrations de toutes ces particules
ensemble produisent le Son en géneral
ou le bruit.
M. de M. avoit communiqué son idée
à l'Académie sur ce sujet , il y a plus de
dix- sept ans , car il en est fait mention
dans le Volume des Mémoires de cette
Compagnie de 1720. Il l'avoit même ex-
1. Vol.
pliquée
JUI N. 1737. 1139
9
pliquée depuis à plusieurs Personnes ,
soit de vive voix , soit par écrit. Aussi
quelques Sçavans s'en étoient- ils déja
servi dans leurs Ouvrages ; mais de maniere
sans doute , que l'Auteur a crû
devoir la mettre lui - même dans tout son
jour et c'est ce qu'il execute ici . Il se
fait gloire de dire que son systême sur la
Propagation du Son et des differens
Tons , est une imitation de celui de M.
Nevvton sur la lumiere et les couleurs,
L'on voit en effet d'un côté autant d'espe
ces de corpuscules lumineux de differente
refrangibilité , que de couleurs ; de l'autre .
autant de particules sonores d'air de differente
élasticité, que de Tons : Là le mêlange
de tous les corpuscules lumineux et colorés
produit la lumiere ; ici le fremissement de
toutes les particules sonores et toniques forme
le bruit.
Ce qui a conduit l'Auteur à admet
tre dans l'air cette diversité de parties
intégrantes susceptibles de vibrations de
differente durée , et capables par- là de retenir
et de transmettre jusqu'à l'oreille
tous les Tons du corps sonore , c'est l'impossibilité
où l'on se trouve, sans cela , de
concevoir comment plusieurs Tons differens
peuvent se faire entendre à la fois ;
par exemple , plusieurs Parties chantan-
1. Vol.
tes E
1140 MERCURE DE FRANCE
tes , ou les Tons differens de plusieurs
cordes d'Instrument. Car la difference
méchanique des Tons , ne consistant que
dans le nombre de vibrations que donnent
les differens corps sonores en temps
égal , comment la même masse d'air peute
elle frémir en même temps avec differentes
vîtesses , comme ut , par exemple , et
comme sol , et faire trois vibrations dans
le même instant qu'elle n'en fait que
deux ? On sçait que 2. et 3. forment
le raport numerique des vibrations de la
quinte à celles du Ton fondamental ,
comme 1. et 2. celui de l'Octave , 4. et
5. celui de la Tierce majeure , &c.
En vain croit - on répondre à la difficulté
par la comparaison des ondes que
produisent plusieurs pierres jettées en
même tems sur la surface d'une eau tranquille.
M. de M.... fait voir combien
cette comparaison , si rebatuë , et adoptée
par des Personnes d'ailleurs très - habiles
, est défectueuse , et capable d'induire
en erreur. Une des principales dif
ferences entre les Ondes et les Sons , est
que les Ondes resultent du mouvement
de masses d'eau plus ou moins grandes ,
et les Sons , au contraire , ne sont produits
que par les vibrations des parties
insensibles ou intégrantes de l'air. Aussi
1. Vol.
la
JUIN.
1737. 1141
,
la vitesse du progrès des Ondes peut elle
être plus ou moins grande , selon la grandeur
, ou , comme on dit , la latitude des
Ondes ; mais la propagation du Son ,
fort ou foible, dans un air calme ou agité,
est toujours la même , parce que la contraction
ou la dilatation des ressorts , en
quoi consiste le Son , se fait toujours en
temps égal . C'est pourquoi le bruit du
Canon , qui va plus loir. , et qui se soutient
plus long - temps que celui du Mousquet
, ne va pas plus vite , et va aussi
vîte à la fin qu'au commencement ; l'un
et l'autre parcourant également environ
180. toises par seconde. Ainsi il est trèspossible
que differentes portions d'eau
s'élevent et s'abaissent alternativement à
sa surface avec differentes vîtesses , quel
qu'uniforme que soit l'eau dans ses parties
insensibles. Mais il n'est pas possible
que les parties insensibles de l'air frémissent
avec differentes vîtesses , à moins
qu'on ne les supose de differente élasticité
les unes à l'égard des autres .
M. de M. se fait encore cette difficulté:
Comment les vibrations ou les frémissemens
du corps sonore de tel ou tel Ton
vont - ils ébranler , entre les particules
d'air qui l'environnent précisément
celles qui répondent à ce Ton , par pré-
I. Vol.
férence
E ij
1142 MERCURE DE FRANCE
férence à toutes les autres ? A quoi il répond
par le Phenomene connu de deux
Instrumens accordés à l'Unisson , et dont
l'un répete , comme une espece d'Echo
les airs que l'on joue sur l'autre ; tout de
même le corps sonore par ses vibrations
et ses frémissemens ébranle , sans distinction
, toutes les parties du milieu qui
l'environnent ; mais les vibrations communiquées
par lui à ce milieu , ne se soutiennent,
et ne deviennentsensibles par des
secousses réiterées , que dans les particu
les Isochrones ; c'est- à- dire , dont les vi
brations sont de la même durée.
Ilraporte ensuite une experience moins
connue , quoique très ancienne , et trèscertaine
; c'est celle d'une corde touchée
à vuide , et qui rend avec le Son fondamental,
qui est de beaucoup le plus fort,
la plupart de ses Sons harmoniques , sa
Tierce majeure, sa Quinte , &c. ou leurs
Octaves.Et il fait voir que ce Phénomene
est inexplicable par tout autre hypothe
se que par celle des differentes élasticités
ou frequences de vibration , que les
particules de l'air ont entr'elles . Voilà ,
ajoûte- t il , les principales Loix de l'Harmonie
, diciées par la nature même , l'accord
parfaitfondé sur la correspondance que les
particules harmoniques de l'air ont entr'ele
1. fol. les,
JUIN. 1737 1143
les , et une source féconde de regles que l'art
et le calcul peuvent étendre , et que la Philosophie
poura avomer. Il se dispense
d'entrer là- dessus dans aucun détail , en
avertissant qu'un célébre Musicien de
nos jours , à qui ces idées , et cette hypothese
ne sont pas inconnuës , va faire
paroître un Traité de Musique qui porte
sur cette même Théorie. Il n'est Personne
qui n'ait reconnu ici M. Rameau, qui
a presenté et dédié à l'Académie des
Sciences un Traité des Générations Har
moniques , qu'on imprime actuellement
où il a adopté l'hypothese de M. de M.
sur la Propagation du Son.
Le reste du Discours , qui en fait peutêtre
la partie la plus curieuse , et la plus
interessante, est en même temps la moinssusceptible
d'extrait, ou demanderoit un
extrait d'une toute autre étenduë que celle
que nous avons résolu de donner à celui-
ci . Nous ne ferons donc qu'en indiquer
succinctement
la teneur.
,
Il s'agit de la relation que les fibres de
FOrgane de l'Oüie ont avec les differentes
vibrations de l'air , et dé ses diverses
particules toniques ; de l'Origine du sentiment
confus , mais invariable de l'Harmonie
, commun aux Hommes de tous
les
temps et de tous les Pays ; et enfin
I. Vol. E iij
de
144 MERCURE DE FRANCE
de la source du plaisir attaché au sentiment
de l'Harmonie et des Consonnances
, en oposition à la douleur , ou à l'espece
d'inquiétude que causent les mauvais
accords.
L'Organe immédiat de l'Oüie est selon
M. de M. qui suit en ceci l'opinion
des plus fameux Anatomistes , un veritable
Instrument de Musique , comme
l'oeil est une vraie lunette d'aproche.C'est
une espece de Clavecin , où se trouvent
une infinité de cordes de differente longueur
, et de differente tension , qui répondent
à toutes les vibrations de l'air.
Il donne une description du Limaçon ,
qu'on sçait qui termine l'oreille interne,
et de la Lame spirale qui partage le Limaçon
en deux rampes , pour preuve et
pour exemple de ce raport , qui est en
effet surprenant
.
Le sentiment naturel de l'Harmonie
est attribué à cette correspondance des
ébranlemens des fibres de l'organe avec
ceux de l'air et du corps sonore , dont
nous éprouvons les effets depuis notre
naissance , et d'où s'est formé ce sentiment
par une habitude nécessaire et involontaire,
L'Auteur rapelle à cette occasion la
guérison de deux maladies extraordinai-
I. Vol. res,
JUIN. 1737. 1145
res , accompagnées de délire et de convulsions,
dont il est parlé dans les Mémoi
res de l'Académie , et qui , après avoir
resisté à tous les remedes communément
reçûs , céderent enfin aux douces im
pressions de l'Harmonie. Il n'est point
en effet d'organe , dont les ébranlemens
se communiquent plus promptement à
tout le genre nerveux que ceux de l'organe
de l'ouie. C'étoient aussi des Musiciens
, sur qui ces guerisons furent opérées
, c'est - à- dire des sujets en qui l'habitude
de sentir l'Harmonie se trouvoit
la plus forte.
Quant à la sensation délicieuse que
cause l'harmonie , et la peine secrete , ou
même la douleur que produisent les Sons
discordans , M. de M.... n'hésite pas à
leur donner pour cause la conservation
de l'organe favorisée dans un cas , et sa
destruction prochaine , ou commencée
dans l'autre et c'est- là , dit il , en effet
et en général , la source de tous les plaisirs
des sens , ou de la douleur que nous
éprouvons par leur moyen , en conséquence
des loix de l'union de l'ame à ses
organes.
;
›
Il répond à quelques exceptions , qu'on
pouroit alleguer contre cette Théorie ; et
il finit par une Experience remarquable
1. Vol. E iiij.
qu'il
146 MERCURE DE FRANCE
qu'il fit à Beziers en 1723. et qui tend à
prouver que, malgré la Propagation uniforme
du Son en général , les differens
Tons qui le modifient pouroient bien
souffrir quelque difference dans les vîtesses
de leurs Propagations particulieres ,
comme la lumiere hétérogene des diffe
rentes couleurs souffre differentes réfractions
, quoique la lumiere en général , suposée
homogene, se rompe toujours également
, en traversant les mêmes milieux .
L'aparell de cette Experience , qui est déja
fort abregé dans le Discours de l'Auteur
, ne nous permet pas de la raporter
.
M. de M... s'est aussi reservé d'éclaircir
quelques autres points de cette matiere ,
dans des Remarques qu'il y ajoûtera , et
qui ne sont destinées que pour les Assemblées
particulieres de l'Académie .
Les mots de l'Enigme et des Logogryphes
du Mercure de May , sont le
Papier , Opera , et Feuille.On trouve dans
le premier Logogryphe , O , ope , Pera ,
et Pareo. Dans le second : Feu , Fille, Fil,
Eiel , Vie , Elie , Lie , Levi , et Vielle.
I Vol
ENIGME
JUIN 1147 1737.
鼎鼎鼎鼎燒魚惠惠
L
ENIGM E.
Ieu commun , de l'Enigme ordinaire lang
gage.
Faisant bien , faisant mal , je suis d'un ' grand j
usage.
Je tranche , coupe , taille, et sers sans amitié,
( L'humeur vient à changer , et sans faire pitié
L'on m'accuse d'un mal aprochant de la rage.)
Par ma couleur , par mon arrangement ,
Je fais plaisir , honneur , contentement
Signe certain d'une saine poitrine ,
Je contribue à relever la mine :
Et , quoiqu'ici je parle au singulier ;
Je ne suis pas seule à mon râtelier .
Sans mouvement , ceci n'est point mensonges
Mais c'est le Diable , on prétend que j'alonge
Notez qu'au figuré plûtôt qu'au naturel
Je puis porter un coup très- criminel.
2
JChevrier , Org. D. C. E. A‚ ·
Ely LOGO?-
148 MERCURE DE FRANCE
2
LOGOGRYPHE.
H Uit membres forment ma stucture ,
J'ordonné en Reine aux Papes comme aux Rois.
Et tel qui tous les jours me taxe d'imposture
Enfin se soumet à mes Loix,
Coupez mon tout en deux , la premiere partie
Vous nomme un Peuple habitant de l'Asie.
Ajoutez à ces trois mon dernier seulement ,
Je fis trembler Jason dans mon emportement.
2. et 3. 4. et 7. Adam par complaisance ,
De mon heureux séjour perdit la jouissance .
1. 6. et 8. il faut , sans compliment ,
Se déclarer pour moi , quand on n'a plus de
dents .
7.6. § . 2. et ma lettre derniere ,
On vit chés moi l'Eglise entiere.
Un six je suis dans la Musique .
3. 4. 5. et 6. avec les deux premiers,
Je soulage la Republique
De mes sacrés deniers .
5. 6. et 3. je deviens Tragédie.
7. 6. et 3. j'apartiens aux Oiseaux, L
3. 4. 5. 6. 7. je fus un des fleaux
Des Martirs de la Liturgie.
1.6. 7. 8 , mes aveugles Enfans
Me déchirent le sein pour trouver des néants.
I. Vol.
AUTRE
JUIN. 1149 1737.
AUTR E.
LE Mot Char avec le mot Chat ,
Le mot Car avec le mot Rat ,
Le mot Art avec le mot Cran
Se trouve en plein dans . . . . C... :
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &c.
ANNEAU débite un Livre intf-
Gtulé la Religion ou Théologie des
Turcs , par Echialle Moufti , avec la Profession
de Foy de Mahomet , Fils de Pir
Ali , en deux Volumes in- 12 . A Bruxelles,
chés François Foppens. M. DCC. IV.
Cet Ouvrage est divisé en trois Parties
; les deux premieres ne contiennent
que des Traditions extravagantes de differens
Docteurs Mahometans sur l'état
de l'Homme à l'agonie , après la mort
jusqr ' au Jugement dernier , et au Jugement
dernier; des Descriptions imaginaires
de ce redoutable jour , du Paradis
et de l'Enfer ; le tout composé à dessein
d'épouvanter les Pécheurs , et prin-
1. Vol. Evi cipalement
(1150 MERCURE DE FRANCE
cipalement les Peuples qui ne sont pas
soumis à l'Alcoran , qui seuls sont menacés
de peines éternelles , desquelles
tous les Mahometans sont exempts par
le privilege de leur Religion . La Traduction
en est assés exacte , à cela près que
le Traducteur a un peu adouci les extravagances
les plus outrées de l'original ,
qui multiplie tous les biens et les maux
par le nombre de 70000. qui lui est fávori.
Par exemple , il y a des endroits
dans ce Livre , où , en faisant la descrip
tion de certains Anges , l'Auteur dit que
leurs têtes touchent le Ciel Empirée , et
leurs pieds le centre de la Terre ; qu'un *
de leurs pieds est à l'Orient du Ciel ,
l'autre à son Occident ; que du bout
d'une de leurs aîles à celui de l'autre il y
2-7000 . années de chemin ; qu'ils ont
76000. têtes ; à chaque rête 70000. bou--
chés dans chaque bouche 70000. langues
que toutes ces langues ne sont
occupées nuit et jour qu'à louer leur
Créateur , et que chacune de ces langues
rend à Dieu autant de louange à chaque
instant , que tous les Peuples de la terre -
lui en poutoient rendre en 70000. an
nées.s
;
x
Toutes ces Opinions ; au reste ne
sont point de foy chés les Mahometans ;
2
I -Vol elles
JUIN. 1737. HIST
elles sont reçûës du plus grand nombre ,
mais les Sçavans de cette Religion les rejettent
, parce qu'elles ne sont pas fon
dées sur l'Alcoran , et ce n'est pas un pèché
de n'y point ajoûter foy,
+
Ce que tous les Mahometans sont obligés
en conscience de croire , est renfermé
dans la troisiéme Partie de cet Ouvrage
, qui est le Testament de Mahomet
, Fils de Pir Ali , qui contient sa
Profession de Foy en abregé , dans la
quelle il n'a obmis aucun point essentiel
de la Foy Mahometane. Il la commence
comme tout Traité de Théologie , par
l'idée de Dieu en 7. Chapitres. Il professe
son Unité , et pour détruire la Trinité
, il soûtient dans le premier Chap
que Dieu n'a point de Compagnon , et
pour nier la Divinité de J. C. il professe
que Dieu n'a ni engendré , ni été engendré.
Au reste il a de l'Etre supréme
à peu près la même idée que nous.
"
De l'idée de Dieu , l'Auteur, Chapitre
VIII. passe aux Anges , qu'il croit composés
de matiere subtile. Il reconnoît
104. Livres Divins publiés dans le Monde
par differens Prophetes , mais il n'en
nomme que quatre, Chap. I X sçavoir ;
l'Ancien Testament les Pseaumes , l'E- 43
vangile et l'Alcoran , le dernier de tous
Vol
ว
152 MERCURE DE FRANCE
et le plus parfait ; il assure même , Ch.
VI. que ce Livre est incrée et éternel .
L'Auteur traite de la Prédestination
dans plusieurs differens Chapitres de son
Ouvrage; mais tout ce qu'il en raporte est
toujours fondé sur le même principe ,
qui est que Dieu est Auteur du bien et
du mal , Chap. IV. Dieu a créé , dit- il ,
Chap. VII. les bonnes oeuvres et les pechés
, le bien et le mal. Dieu a créé tous
les pechés et les crimes , et les a inscrits
dans le Livre du Destin , Chap . XXII.
parce que , dit- il tout de suite , Dieu fait
ce qu'il veut , et agit selon ses Decrets ,
et il ne se passe rien qui ne soit entierement
conforme à ses Decrets et Volonté.
De- là , Ch. IV. il tire des conséquences
nécessaires ; c'est que Dieu n'a point sou
haité le salut des Réprouvés; qu'il ne peut
être offensé , Chap. I. par les crimes , ni
glorifié par les bonnes oeuvres , d'autant
que c'est lui , dit- il, Ch. VII. qui a créé les
bonnes oeuvres et les pechés ,le bien er le
mal. On doit conclure de cette Doctrine,
que l'Homme ne peut ni mériter , ni démériter
; aussi Dieu , Chap. XVIII . disposera-
t-il , à sa volonté , des actions des
Hommes au jour du Jugement , ôtant
aux Réprouvés leurs bonnes oeuvres ,
pour les donner aux Elûs , et rendant en
I. V échange
JUIN. '1737. 1153
,
échange aux Reprouvés les pechés que
les Elûs auront commis. Pour les Elûs
ils sont aisés à connoître ; ce sont les
Mahometans , car il n'y a point de peché
irrémissible , Chap. XXVIII. que
celui de ne pas croire à Mahomet ; et
pourvû qu'il reste à un Mahometan à la
mort autant de foy qu'un atôme , fut il
d'ailleurs coupable d'un nombre infini
de crimes les plus atroces , il souffrira
tout au plus en Enfer une espace de temps
proportionné à ses pechés , et à la fin
Il sera sauvé, Chap . XIX. L'Auteur se
reprend même un peu après , Chapitre
XXVI. et paroît douter que les Mahometans
soient punis dans l'autre monde
des pechés dont ils n'auront pas
pas fait
nitence . Au reste la penitence des Mahometans
n'a rien de difficile , elle consiste
seulement , Chap . L X. à se repentir
des pechés qu'ils ont commis , parce
qu'ils ont mérité les peines de l'Enfer.
pe-
L'Auteur traite des Prophetes , et en
particulier de Mahomet, de ses Miracles,
de sa Naissance et de sa Mort ; des trois
premiers Caliphes qui lui ont succedé ;
ensuite il passe aux Quatre Fins de
l'Homme , et vient à la Foy Mahometane
, qui consiste à croire en Dieu seul
et à Mahomet, Pour ce qui est de la Re-
I. Vol. ligion
154 MERCURE DE FRANCE
ge ;
-P
ligion , il suffit de la sçavoir en abregé
Chap. XXIV . sans en raisonner ni
chercher à en donner de preuve claire
et évidente. Ce n'est pas en faire l'élol'Auteur
en reduit les devoirs essentiels
à six ; sçavoir , Recevoir l'Alcoran;
Reciter tous les jours la Profession de
Foy; ( Il n'y a point de Dieu que Dieu ;
Mahomet est son Prophete ) et faire les
cinq Prieres ; Observer les Ablutions ;
Jeûner la Lune du Ramazan ; donner
aux Pauvres la Dixme de son revenu ;
et faire le Pèlerinage de la Mecque, Chap.
XXXVIII Mais de ces six Devoirs l'Au
teur paroît donner la préference à l'Ablution
, en disant : L'essentiel du Mahometisme
consiste principalement dans la pu
reté du Corps . Chap. LXXXV.Les Sçavans,
sans mépriser ce point de la Loy , le font
consister dans la pureté de l'Ame : mais
c'est ici l'opinion commune. Cet Auteur,
en parlant de l'Ablution Chapitre
LXXXVIII. établit les mérites ou
démérites des Femmes , ce qui supose
nécessairement leur salut ou leur dam
nation , et qui détruit l'opinion qu'on a
en Europe,que les Mahometans excluent
les Femmes du Paradis. Un Mahometan
peut apostasier sans renier formellement
sa Religion; on apelle cela tomber dans
•
#
I¿Vol . l'infidelité
JUIN 1737 Iss
Finfidelité ; c'est , comme nous dirions ,
devenir Payen , être excommunié . Ea
cet état ses exercices de Religion sont
sans mérite ; son mariage est nul ; le devoir
en est illicite ; il n'est pas permis à
un autre de manger d'un animal que cet
Apostat auroit égorgé; toutes ses bonnes
euvres passées sont détruites , et pour
comble de maux , il est permis de le tuer.
L'Apostat , Chap: LXVI . en est quitte
cependant pour demander pardon à Dieu
de son Apostasie , et reciter la Profession
de Foy ; après quoi il se remarie avec sa
Femme , ou avec ses Femmes , s'il ena
plusieurs , et recommence le Pelerinage
de la Mecque , quoiqu'il l'eût déja fait.
L'Auteur cite 51. façons d'apostasier
ainsi ; et entr'autres nier la Prédestination
formelle , c'est apostasier ; douter
de la verité d'un passage de l'Alcoran ,
c'est apostasier ; dire , en parlant de
Dieu , le Dieu qui est au Ciel , c'est apos
tasier. Mais ce qui paroît singulier , c'est
que , Chap. LXVII. dire que les Juifs
sont meilleurs que les Chrétiens
apostasier ; parce qu'un Juif a plus de
malice que tous les Chrétiens ensemble.
On trouve dans tout l'Ouvrage de
beaux principes de Morale , et un entrautres
bien surprenant dans un Turt,
c'est
I. Vol. Chap .
1156 MERCURE DE FRANCE
Chap. XXXIV. c'est qu'il est défendu
de tirer l'épée contre son Prince légiti
me, quelque cruel et Tyran qu'il puisse
être. Il dit aussi , Chap . XXIX. qu'il ne
faut décider du bon ni du mauvais sort
d'aucune Personne morte, excepté des Prophetes
, et de certains fameux Reprouvés,
desquels il donne pour exemple , deux
Persecuteurs de Mahomet. L'Auteur avance
aussi plusieurs autres principes de Morale
qui ne sont pas à suivre . Il prétend,
par exemple , Chap. L. qu'il est permis
de desirer les biens et les dignités que
possedent les gens qui en font mauvais
usage.
Il avance aussi , Chap. LII. qu'on
peut hair non seulement le peché , mais
encore le Pecheur à cause de ses pechés.
Au reste l'Auteur adopte les rêveries
des autres Mahometans à la lettre. Il
prétend Chap. XI que l'Antechrist est
venu du temps de Mahomet , qui l'a
fait releguer dans un desert à l'extrémité
du Monde, où il doit rester lié jusqu'au
jour du Jugement qu'il reparoîtra pour
être tué par J. C.
L'Auteur ordonne de son enterrement,
les cérémonies qu'il veut qu'on y obser
ve , et les aumônes qu'il veut qu'on y
fasse ; il donne ensuite des Regles pour
1.Vola
JUIN. 1737. 1157
la Priere en général , et l'explication des
principales Prieres ; et finit par recommander
à ses Enfans et à ses Freres d'attendre
leur fortune de Dieu , et de ne la
jamais acheter par des bassesses .
Cette troisiéme Partie mérite d'être
lûë par les Personnes qui veulent connoître
la Religion Mahometane ; le Texte
en est correct , mais on se croit obligé
d'avertir que les Notes n'en sont pas
exactes ; le Traducteur paroît avoir travaillé
sur un sujet dans lequel il n'étoit
pas si bien versé que dans la connoissance
de la Langue.
L'ART D'AIMER. , Poëme en 3.
Chants
Par M. d'Alegre , de 26. pages . A Paris,
chés Prault , Pere , Quay de Gêvres au
Paradis
. 1737.
Les quatre Vers pris de la fin du premier
Chant,donneront une petite idée de
cet Ouvrage.
En voguant sur les Mers de l'amoureux Em→
pire ,
Ce n'est qu'au seul plaisir qu'un tendre coeur
afpire ,
Et ce plaisir tout seul vaut encor cent fois mieux
Que tout ce que le Gange a de plus précieux.
1. Vol.
DISSER
1158 MERCURE DE FRANCE
"
DISSERTATION sur une fille de Grenoble
, qui , depuis près de quatre ans , ne
boit ni ne mange. Par M. Charles Fontenettes
, Conseiller du Roy , Docteur Regent
de la Faculté de Medecine de l'Université
de Poitiers . A Poitiers
Brochure in 4. de 8. pages ; il y en a un
Extrait dans le Journal des Sçavans .
, 1737
LETTRES de M. B......... sur diffe
rens sujets de Morale et de Pieté. A
Paris , chés Charles Osmont , ruë Saint
Jacques , à l'Olivier , 1737. in 12 .
COMPLIMENS Composés pour la clôtu
re et pour l'ouverture du Theatre Italien
, par le sieur Sticotti , l'un des Comediens
du Roy , prononcés par lui même
les 6. et 29. Avril . A Paris , chés la
Veuve Delormel , rue du Foin à Sainte
Genevieve, petite Brochure de 8 pp. 1737.
ORDONNANCES des Rois de France , de
la troisiéme Race , recueillies par Ordre
Chronologique , quatrième Volume , contenant
les Ordonnances de CHARLES V.
données depuis le commencement de
l'année 1367. jusqu'à la fin de l'année
1373. par M. SECOUSSE , ancien Avocat
au Parlement, et Associé à l'Academie
L
Is Vol Royale
JUIN. 1737. 1159
Royale des Inscriptions , et Belles - Let
tres . In folio , à Paris de l'Imprimerie Roya
le M. DCC. XXXVII . pp . 724. sans la
Preface et les Tables .
Le merite de cette grande Compilation
et la capacité de l'Editeur sont si connus
du Public , qu'il est inutile d'ajouter ici
quelque chose à ce qui en a été dit lorsqu'on
a rendu compte des precedents
Volumes . Les matieres principales que
celui- ci embrasse et qui font l'objet des
Ordonnances rapportées , sont les Guerres
privées , les Etats generaux & particu
liers & les Monnoyes . Par tout il y a à
aprendre et à profiter , sur tout par le
grand nombre de Notes , dont le Texte
des Ordonnances se trouve enrichi.
PRINCIPES DE L'HISTOIRE pour l'éducation
de la Jeunesse , quatrième année ,
qui contient l'Histoire generale et particuliere
de France, Par M. l'Abbé Lenglet
du Fresnoy, in 12. à Paris , chés De
bure l'Aîné 1737.
Ce nouveau Volume des Principes de
l'Histoire est plus détaillé et plus interessant
que les autres , il est vrai que ce
Volume renferme l'Histoire de notre
Nation , qui doit nous toucher beaucoup
plus que l'Histoire Etrangere. M. l'Ab-
1. Vol. bé
1160 MERCURE DE FRANCE
bé Lenglet ne s'en tient point à une His
toire seche de nos Rois , on y trouve
encore des Principes de conduite et de
politique par le jour sous lequel il fait
paroître tous les grands Evenemens ; et
l'on peut dire que celui qui sçauroit bien
ce Volume, pouroit parler pertinemment
quoique sobrement sur l'Histoire de nos
Rois.
Leurs caracteres y sont marqués, non
des flatteries , ou des censures outrées;
mais par des Faits qui les peignent au napar
turel.
L'Histoire de la premiere Race n'occupe
pas plus de seize Leçons , dans les deux
premieres desquelles, l'Auteur traite des
Gaules avant l'irruption des Francs ou
François, et la seconde parle de ces mêmes
François depuis qu'ils sont connus dans
l'Histoire jusqu'à ce qu'ils se sont fixés
dans les Gaules . Après cette premiere Race
suit une Instruction très curieuse sur
la maniere de l'étudier succinctement, et
l'on a soin d'en marquer le caractere general
tiré d'après les actions même de
nos premiers Rois . Mais l'Auteur ne veut
que des abregés pour les Gens du Monde.
Il laisse aux Sçavans les Livres qui
entrent dans un grand détail.
L'Histoire de la seconde Race contient
I. Vol
les
JUIN. 1737 1161
les treize Leçons suivantes. Elle dura
moins que la premiere , mais elle fut beaucoup
plus distinguée par son amour pour
la Religion , et par la Dignité Imperiale
dont elle a joui. Il est vrai qu'elle dégenera
: mais elle ne tarda guere à être ré
parée par une Race de benediction qui
subsiste encore aujourd'hui , et qui a
produit des Heros en tout genre.
C'est donc à la troisiéme Race que l'on
voit renaître toute la gloire de la Monarchie
Françoise . Hugues Capet qui a commencé
cette Race , s'est moins distingué
par les armes que par la prudence et la
politique , Robert par sa Religion; mais
Henri et Philippe son Fils reprirent le
caractere martial qui convenoit à la Dignité
de la Nation ; Philippe Auguste fut
un modele de conduite et de courage
, Louis IX. en fut un de Sainteté et
de valeur. L'Auteur marquè donc en
peu de mots le caractere des Regnes suivans
, qui n'ont pas laissé d'être exposés
à quelques revolutions , dont la plus
dangereuse fut apaisée moins par Charles
VII. que par la sage conduite de ses
Generaux .
M. l'Abbé Lenglet fait connoître ensuite
que Louis XI . presente une toute
autre maniere de gouverner ; quoique le
1. Vol. Royaume
2 MERCURE DE FRANCE
Royaume dût- être tranquille par l'autorité
legitime que ce Roy avoir sçû reprendre,
cependant plein de petites fourberies
, dont souvent il étoit le premier
la victime, il pensa , dit l'Auteur , red
plonger la France dans de nouveaux troubles
. Les caracteres des autres Rois sont
temperés par de justes loüanges ; mais
où leurs défauts ne sont pas entierement
deguisés.
Une autre nature d'Histoire commence
à la Leçon 87. de ce Volume , c'est
celle des grands Fiefs de la Couronne ,
qui n'avoit encore été traitée en aucun
abregé. On apelle grands Fiefs , les
Provinces du Royaume que les Seigneurs
usurperent sur la fin de la seconde Race
de nos Rois , qu'ils tenoient cependant
avec dépendance de la Couronne. L'Auteur
fait voir le tems de leur séparation et
celui de leur réunion. Cette matiere qui
est curieuse n'y est pas traitée moins succinctement
que celles des grandes Charges.
Enfin outre la Preface où l'on donne
des remarques
solides sur la maniere d'étudier
notre Histoire , on y trouve encore
une Liste des Livres que l'Auteur croit
les plus necessaires
.
HISTOIRES du Comté d'Oxfort ;
I. Vol.
de
JUIN. 1737 1168
de Miledy d'Herby , d'Eustache de Saint
Pierre , et de Beatrix de Guinés , au Siege
de Calais sous le Regne de Philipe
de Valois , Roy de France. Par Madame
de Gomez. A Paris , chés de Poilly , Libraire
, Quay de Conty , au coin de la
ruë Guenegault , aux Armes d'Angleterse
, 1737. in 12.
PHILOCTETE , ou Voyage instructif
et amusant , avec des Refléxions Politiques
, Militaires et Morales . Par M. Ansart
, Lieutenant de Dragons ; enrichi de
figures en Taille douce. A Paris, chés le
même Libraire , 1737. in 12.
、
LA PRETENDUE VEUVE , ou l'Epoux
Magicien , Comédie en cinq Actes , traduite
de l'Anglois de feu M. Adisson , et
mise en Vers par M.Descazeaux Desgranges.
A Paris , chés Bauche et le Breton ,
Quay des Augustins , Gissey , ruë de la
vieille Bouclerie, Briasson , rue S. Jacques,
et Debats , Grand'Salle du Palais , in 12.
1737. Prix 30. sols.
•
DISCOURS SUR L'HARMONIE.
A Paris , au Palais , chés Jacques - Nicolas
le Clerc , 1737. pages 89.
REMARQUES Chronologiques sur
1. Vol F l'Ancien
1164 MERCURE
DE FRANCE
l'Ancien Testament , proposées à l'examen
des Sçavans , avec le Plan d'une
Explication des saintes Ecritures. A Pa
ris , chés Kollin , fils , 1737. in 8 .
NOUVEAU COURS de Chymie ,
suivant les principes de Newton et de
Sthall . Avec un Discours Historique sur
l'origine et les progrès de la Chymie.
Nouvelle Edition , revûë et corrigée . A
Paris , chés Jacques Vincent , ruë S. Severin
, 1737. in 12. deux Parties.
LA VIE de S. Thomas d'Aquin , de
l'Ordre des Freres Prêcheurs , Docteur
de l'Eglise, Avec un Exposé de sa Doctrine
et de ses Ouvrages. Par le P. A.
chés Touron , du même Ordre. A Paris ,
Gissey , ruë de la vieille Bouclerie , à l'Arbre
de Jessé , 1737. vol. in 4 .
MEMOIRES
de M. de la Colonie ;
Maréchal de Camp des Armées de l'Electeur
de Baviere , contenant les Evenemens
de la guerre depuis le Siege de
Namur en 1692. jusqu'à la Bataille de
Bellegrade en 1717. Les motifs qui engagerent
l'Electeur de Baviere a prendre le
parti de la France contre l'Empereur en
1701. La description circonstanciée
des
1. Vol Batailles
JUI N. 1737. 1165
Batailles et des Sieges en Allemagne , en
Flandres , en Espagne, &c . avec les Avantures
et les Combats particuliers l'Auteur.
A Bruxelles , 1737. deux vol. in 12 .
MEMOIRES POSTHUMES du Com
te de D ... B ... avant son retour à Dieu ,
fondé sur l'expérience des vanités humaines.
Par M. le Chevalier de Mouby , troisiéme
Partic. A Paris , au Palais , chés
Gregoire- Antoine Dupuis, au cinquième
Pilier de la Grand'Salle , au S. Esprit ,
1737. in 12.
MEMOIRES de Milord *** , Traduits
de l'Anglois par M. D. L. P. A
Paris , chés Prault , Pere , Quay de Gê
vres , au Paradis , 1737. in 12 .
DISSERTATION sur la Pierre des
Reins et de la Vessie , avec une Méthode
simple et facile pour la dissoudre sans
endommager les organes de l'urine ; avec
la réponse à certains traits de Critique
de M. Astruc , contre la Dissertation de
M. de Sault , sur la Maladie Venerienne,
lesquels se trouvent dans le Livre du mê
me M. Astruc de Morbis Venereis. A Paris
, chés Jacques Guerin , Libraire - Imprimeur,
Quay des Augustins, 1736 . vol ,
in 12. de 307. pages.
I. Vol.
Fij SUPLE1166
MERCURE DE FRANCE
SUPLEMENT au Glossaire du Roman
de la Rose , contenant des Notes Critiques
, Historiques et Grammaticales. Une
Dissertation sur les Auteurs de ce Roman.
L'Analyse de ce Poëme. Un Dis
cours sur l'utilité des Glossaires . Les Variantes
restituées sur un Manuscrit de
M. le Président Bouhier de Savigny , et
une Table des Auteurs cités dans cet Ouvrage.
Multa renascentur quajam cecidere, cadentque
Qua nunc sunt in honore vocabula .
Q. Horatii , de Arte Poëtica . Lib.
A Dijon , chés J. Sirot , Imprimeurs
Libraire , Place S. Etienne , 1737. vol. in
12. de 344. pages , sans la Table des
Auteurs .
L'ANATOMIE d'Oribase , tirée des
Livres de Galien , avec la Version Latinę
de J. B. Rasario , et les Notes de Guil
laume Dundass , qui a pris soin de cette
Edition . A Leyde , chés Jean Arn . Lans
gerack , 1735. in 4. de 287. pages , sans la
Table et les Additions.
LOGIQUE , ou Systême abregé de Refléxions
qui peuvent contribuer à la netteté
et à l'étendue de nos connoissances,
I. Vol Par
JUIN. 1737. 1167
Par M. de Crousaz. Seconde Edition , revûë
et corrigée par l'Auteur . A Amster
dam , chés Chatelain , 1736. 2. vol. in 8 .
LA GEOGRAPHIE Moderne , Naturelle
, Historique et Politique , dans
une Méthode nouvelle et aisée. par M.
Abraham Dubois , Géographe ; divisée
en 4. Tomes , avec plusieurs Cartes et
une Table des Matieres . A la Haye chés
Jacques Vanden Kieboom et Gerard Block,
1736. in 4.
RECUEIL des Lettres de Madame la
Marquise de Sévigné , à Mad. la Comtesse
de Grignan , sa fille , Tomes V. et VI.
A Paris , chés Rollin , fils , Quay des
Augustins , 1737 , in 12 .
LETTRE Critique et Historique à
Auteur de la Vie de Pierre Gassendi. A
Paris , chés F. Herissant , ruë neuve N. D.
à la Providence , 1737. in 12 .
CAVELIER , Libraire , rue S. Jacques , à
Paris , vient d'achever d'imprimer tout nouvellement
:
Memoires pour l'Histoire Naturelle de la Province
de Languedoc , divisés en trois Parties , or
nés de figures et de Cartes en Taille- douce
in 4. Paris , 1737. contenant 630, pages
compris la Préface et la Table des Chap
I. Vol. F iij
1168 MERCURE DE FRANCE
Le même Cavelier a reçû des Pays Etrangers
les Livres suivans :
Le Febure ( Jo. ) de Usu Missionis sanguinis
ac aliarum artificialium sanguinis Evacuationum
et Cautionum in abusum ; accessit Tractatus de
natura , usu et abusu Caffé , Thé , Chocolatæ et
Tabaci , & c . 2. vol . in 4. cum figuris . Vesuntione
, 1737 .
Plateri ( Felicis ) Praxos Medica , novis Observationibus
et Remediis locuplet. IV. Editio.
cum Præfatione Koericq , 3. vol. in 4. Basilea ,
1736.
,
Gaveti ( Jac. ) nova Febris idea seu novæ
Conjectura Phisicæ circa Febris Naturam , in
12 Geneva , 1700.
Cope (Henr . ) Démonstratio Medico- Practica
Prognosticorum Hippocratis , cum Ægrotarum
Historia Gr. Lat. in 8. Dublinia , 1736 .
Heisteri ( Frid. ) Apologia pro Medicis quo
eorum depellitur Cavillatio , in 8. Amst. 1736.
Bibliotheque Germanique , Tome 35. pour
l'année 1736. in 8. Amst. 1736.
Bibliotheque Raisonnée, pour les mois d'Avril ,
May , Juin , faisant Tome XV I. seconde
Partie , in 8. Amst. 1736 .
La même , Tome XVII . premiere Partie ,
Juillet , Août et Septembre 1736. in 8. Amst.
Acta Eruditorum , 1736. in 4. Lipsia.
La Fisica de Peripatetici Cartesiani , al paragone
della vera Fisica d'Aristotele , del Padre
Pace 3. vol . in 12. Venezia , 1728. fig.
Hagen ( Gof. ) Meditationes Philosophica de
Methodo Mathematica , cum Præfatione Wolfii ,
in 8. Norimberga , 1734.
Miscellanea Duisburgensia Edita , inedita ad
incrementum Rei Litterariæ omnis , præcipue
I. Vol. Eruditionis
JUIN. 7737- 1169
Eruditionis Theologica Fassiculi VIII. in 8.
Duisburgi , 1735.
Vvagenscilii (Jo. ) Sota, hoc est Liber Mischni
cis de uxore Adulteri suspecta , Hebr. Lat. in 4.
Altoorf , 1674.
Fabricii ( Jo, Alb. ) Bibliotheca Latina ined .
et infimæ Aetatis volumen quintum M. N. O,
P. Liber 12. 13. 14. et 15. in 8. Hamburgi 1736.
Bruckmanni ( Fr. ) Epistolæ 37. ad 48. inclus.
de fossilibus Metallicis Lapidibus, &c . in 4. cum
figuris. Vvolffembufiella , 1735. et 1736,
Apini ( Jac. ) Dissertatio ex jure Naturæ an
Liceat Brutorum corpora mutilare, in 4. Altorphii
, 1732.
Redekeri ( Fr. ) de Causa Gravitatis , in 8. fig.
Semgovia , 1736.
Menschenii ( Jo. ) Vitæ Summorum dignitate
et eruditione Virorum Literato O. bi restituræ ,
2. vol . in 4. Coburgi , 1735 .
Golhardi ( Jo. ) Regis Francorum Merovin
gici , in 4. Luneburgi , 1736.
Montalant , Libraire , Quay des Augustins à
Paris , donne avis qu'il a reçû d'Hollande le
nouveau et huitiéme volume du Grand Dictio
naire Géographique , Historique et Critique de
Bruzen de la Martiniere ; ce volume contient les
Lettres Q. R. S. et son prix est de 24. livres.
On y trouve aussi des Exemplaires entiers , et les
Tomes séparés dont on peut avoir besoin. Il
distribuë en outre la nouvelle Histoire des Incas ,
Rois du Perou , en deux volumes in 4 avec les
figures dessinées par feu Bernard Picard. Prix
24. livres.
On aprend de Lisbonne , que M, Frederic-
1. Vol. Fij Jacques
110 MERCURE DE FRANCE
Jacques Vveinholtz , Gntilhomme Allemand ;
Sergent Major de Bataille dans les Troupes du
Roy de Portugal , a inventé une nouvelle espece
de Canon qui tire vingt coups en une minute.
On écrit de Madrid , que les Académiciens de
l'Académie Royale Espagnole , ayant à leur tête
le Marquis de Villena , Directeur de la Compagnie
, présenterent le 22. du mois passé au Roy
le cinquiéme Tome du Dictionaire de la Langue
Castillane , et qu'ils eurent tous l'honneur de
baiser la main à S. M.
On a apris de Petersbourg , que l'Académie
des Sciences , établie en cette Ville , a élû pour
Associé Etranger M. Rousset , de l'Académie
des Sciences de Berlin .
L'Académie des Jeux Floraux distribuë tous
les ans quatre Prix ou Fleurs .
Le premier de ces Prix , destiné à une Ode
est une Amaranthe d'or de la valeur de quatre
cent livres.
Le second est une Violette d'argent de la valeur
de deux cent cinquante livres. Ce Prix est
destiné à un Poëme de soixante Vers au moins
et de cent Vers au plus. Le Sujet de cette sorte
de Poëme doit être héroïque ou dans le genre
noble , et les Vers en doivent être Alexandrins .
a
Le troisiéme Prix est une Eglantine d'argent
de la valeur de deux cent cinquante livres , qui
est destinée à un Piece de Prose d'un quart d'heure
ou d'une petite demie heure de lecture.
Le quatriéme Prix est un Souci d'argent de la
valeur de deux cent livres. Il est destiné à une
Elegie , à une Idyle ou à une Eglogue. Ces trois
I. Vol.
genres
JUI N. 1737. 1171
genres d'Ouvrages concourent ensemble pour ce
même Prix.
Le Sujet de tous les Ouvrages de Poësie est au
choix des Auteurs.
Les Ouvrages dans lesquels les Auteurs seront reconnus
plagiaires , les Ouvrages qui ne sont que des
imitations ou des traductions , ceux qui ont parû
dans le Public , ou qui traitent de Sujets qui ont
été donnés par d'autres Académies , et les Cuvrages
qui ont quelque chose de burlesque , d'indécent
, de satyrique , de contraire aux bonnes
moeurs , n'entrent pas dans le concours pour les
Prix, non - plus que les Ouvrages dont les Auteurs '
sé font connoître avant le Jugement , ou pour
lesquels ils sollicitent ou font solliciter.
Les Auteurs qui traitent des Matieres Théolo-'
giques , doivent faire mettre au bas de leurs
Ouvrages l'Aprobation de deux Docteurs en
Théologie.
On remettra dans tout le mois dé Janvier de
Pannée 1738. à M. le Chevalier d'Aliés , Secre
taire Perpetuel de l'Académie des Jeux Floraux ,
demeurant dans la rue des Coûteliers à Toulousé
, trois Copies bien lisibles de chaque Ouvrage,
qui sera désigné seulement par une Devise ou
Sentence .
M. le Secretaire ne présentera pas à l'Acadé- '
mie les Ouvrages qu'on lui adressera par la Posté
en droiture, les Reglemens de cette Compagnie
le lui interdisant . On doit donc charger des Personnes
domiciliées à Toulouse de lui remettre
les Ouvrages . Il en écrira devant eux la récep
tion dans son Registre , leur nom , leur qualité ,
leur demeure , et il leur expédiera les Récepissés
des Ouvrages.
Ceux qui auront remporté des Prix serent
I Val Ey obligés
1172 MERCURE DE FRANCE
obligés , s'ils sont à Toulouse , de venir les recevoir
eux-mêmes l'après midi du troisiéme
jour du mois de May , à l'Assemblée publique
de la Distribution des Prix , qui se fait dans le
grand Consistoire de l'Hôtel de Ville. S'ils sont
hors de portée de venir les recevoir eux- mêmes,
ils doivent envoyer une Procuration en bonne
forme à une Personne domicilée à Toulouse
pour les recevoir de M. le Secretaire , en lui remettant
les Procurations des Auteurs et les Récepissés
des Ouvrages ,
Après que
les Auteurs se seront fait connoî→
tre , on leur donnera des Attestations
portant
qu'un tel , une telle année , pour tel Ouvrage par
lui composé , a remporté
un tel Prix ; et l'Ouvrage
en Original sera attaché à ces Attestations
,
sous le contre-scel des Jeux .
On ne peut remporter que trois fois en sa vie
chacun des Prix que l'Académie distribuë .
Ceux qui auront remporté trois Prix , l'un desquels
sera l'Amarante , pouront obtenir des Lettres
de Maître des Jeux Floraux . Ils seront du
Corps des Jeux , et auront droit d'assister et d'opiner
commes Juges , avec le Chancelier , les
Mainteneurs ou Académiciens et les autres Maîtres
, aux Assemblées particulieres et publiques
qui se font pour le Jugement des Ouvrages et
pour la distribution des Prix .
Jugement des Ouvrages présentés à
l'Académie l'année 1737.
L'Ode qui a pour titre , LA MORT , et pour
Devise , Pulvis es , et in pulverem reverteris , a
remporté le premier Prix .
Le Prix du Poëme a été réservé.
Le Discours qui a pour Devise , Pauci quos
I. Vol.
JUIN.
1737. 1173
@quus amavit Jupiter , a remporté le Prix de l'année
destiné à ce genre ; et un des Prix réservés
a été adjugé au Discours qui a pour Devise, Fama
res quidem ardua.
L'Eglogue qui a pour Interlocuteurs , E GLE',
DAMON , et pour Devise , Quam durum disjungere
amantes , a remporté le Prix de ce genre.
On verra dans le Recueil de l'Académie le
nom des Auteurs de tous ces Ouvrages .
L'Académie a réservé deux Prix d'Ode ,
deux Prix de Poëme , un Prix de Discours
et deux Prix d'Eglogue ; ensorte qu'elle aura
à donner l'année prochaine trois Prix d'Ode ,
trois Prix de Poëme , deux Prix de Discours
et trois Prix d'Eglogue. Le Sujet du Discours
sera pour l'année 1738. Le Gouvernement Monarchique
est le meilleur de tous.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Constantinople le 24. Janvier 1737. sur
la Mort d'un Peintre Flamand.
J
E profite de cette occasion pour vous informer
d'une perte que nous venons de faire ici;
c'est de M. Jean - Baptiste Van- Mour , Peintre
Flamand , Natif de Valenciennes , qui est décédé
le 22. de ce mois à Constantinople , dans la 66.
année de son âge. M. de Ferriol l'y avoit attiré
en 1699. pour lui faire peindre d'après nature ,
une Suite de Tableaux réprésentant les differentes
manieres dont s'habillent les Nations du Levant,
et principalement les Turcs ces Tableaux furent
poussés jusqu'au nombre de cent , et M.de Ferriol
à son retour à Paris , permit qu'on les y gravât ,
quoiqu'il ne les cût fait faire que pour sa satisfaction
particuliere , l'aplaudissement que ce
I. Vol. F vj grands
1174 MERCURE DE FRANCE
grand et curieux Recueil eut à la Cour , à Paris,,
dans le Royaume et dans les Pays Etrangers, est
une preuve
du bon goût de M. de Ferriol pour les
Beaux - Arts , et de l'habileté de M. Van- Mour.
Ce Peintre réussissoit également dans la Portrai
ture , les Tableaux d'Histoire , la Perspective ,
l'Architecture. Il avoit de très - bons principes de
coloris et de clair- obscur , ses Draperies sont
bien jettées , et ses Paysages sont d'un grand
goût , tant par la varieté des Plans et du choix .
des Arbres , que par la legereté de leurs touches. -
Comme il étoit fort laborieux et qu'il a peint
en petit , ces Tableaux , faciles à transporter , se
sont dispersés par toute l'Europe, n'y ayant point
tû d'Ambassadeurs et autres Ministres Chrétiens -
en cette Cour , qui n'ayent envoyé dans leur
Pays , ou emporté en y tetournant , des Ouvra
ges de sa main . M. Calkoën , Ambassadeur de
Hollande à la Porte , en a un très- grand nom
bre et des plus beaux .
M. Van- Mour donna encore des preuves de
son habileté et de son génie dans les Fêtes que
M.le Marquis de Villeneuve donna ici à l'occasion
de la Naissance de Monseigneur le Dauphin
, dont il peignit les Arcs de Triomphe , les
Emblêmes, &c . et qui furent alors, et sont encore
admirés aujourd'hui des Connoisseurs.
Si M.. Van-Mour s'est rendu recommandable
par les talens qu'il avoit pour son Art , il l'étoit
encore plus par les vertus morales qu'il possedoit
, il étoit bon ami , ennemi de la médisance
et de la flaterie , d'une humeur égale et gaye ,.
Ce qui le faisoit aimer et estimer de tout le Monde
t particulierement de tous les Ministres qui résient
ici , qui Padmettoient souvent à leur tableetalloient
le voir travailler..
I. Vale. MI
JUIN 1737. 1175
M. l'Ambassadeur de France envoya toute sa
Maison à son Convoy funebre , où toute la Nation
Françone assista ; il fut enterré dans l'Eglise
des RR. PP. Jesuites à Galata , tout proche le
Tombeau de M. le Baron de Salagnac , Ambas--
sadeur de France , qui mourat ici en 1610.
On nous a écrit depuis de Constantinople qu'il
ya eú depuis peu plusieurs violentes secousses de
tremblement de Terre , qu'un des Châteaux ´visà-
vis le Canal de Ronelie , a été renversé , et que
la terre s'étant entr'ouverte , il en est sorti une
telie quantité d'eau que plusieurs Villages des
environs ont été inondés .
Les Lettres de Naples du 20. May. , portent
que le Mont Vesuve vomit depuis le 19. May
dernier avec un bruit semblable à celui du Tonnerre
, une si grande quantité de pierres et de
flammes , qu'aucun des Habitans de cette Ville
ne se souvient d'avoir vu une pareille éruption.
En 24 heures tout l'espace qui est depuis le
sommet de la Montagne jusqu'au bord de la
Mer et qui contient douze mille , a été entierement
rempli de souffre et de bitume.Les Villages
et les Bourgades des environs ont été couverts
de cendres. Les pierres qui sortoient du gouffre
étoient d'une grosseur énorme , et en tombant
elles ont fait trembler toute la Ville . Pendant la
nuit , la Montagne ressembloit à un tourbillon?
de feu , et le jour il en sortoit une épaisse fumée
qui s'élevoit à une hauteur extraordinaire.
On a lieu de conjecturer que cette éruption at
préservé ce Pays de quelque grand tremblement.
de Terre , et que tant de matieres bitumineuses
et sulphureuses renfermées dans le sein de la
I Vol
Terre ;
1176 MERCURE DE FRANCE
Terre , auroient pû causer de grands ravages , si
elles n'avoient pas trouvé quelque moyen de
s'échaper.
Estampes Nouvelles.
Le sieur J. Rigaud , de Marseille , Dessinateur
et Graveur très - habile , qui a un talent particu
lier pour le Paysage et les Vues en Perspectives ,
vient de mettre au jour six beaux Morceaux en
large , des diverses Vûës du Château de Sceaux
près Paris,apartenant au feu Duc du Maine, 1736.-
sçavoir , la Vue du côté de la grande Avenue ,
prise à la premiere Grille .
•
Vûë du même Château et du petit Parterre
qui conduit à l'Orangerie.
Autre , prise du haut de l'Allée de Diane .
Vues des Parterres et du grand Canal dans
Péloignement.
Vue de la Cascade.
Autre Vue du Château , prise dans l'éloignement
, en face du côté du Village de Chatenay.
Outre la justesse et la magnificence des Lieux
représentés et qu'on croit voir , on sçait encore
bon gré à l'Auteur de plusieurs Ornemens ,
Montagnes et Côteaux placés vers l'Horison
Bocages , Figures et Animaux , dont son génie
a enrichi sa composition.
Ces Estampes , qui ne sont pas moins recherchées
que celles que nous avons déja annoncées,
des belles Maisons de Campagne des Environs de
Londres , se vendent chés l'Auteur , ruë S. Jacques
, vis-à- vis le College du Plessis.
Voici encore une nouvelle Estampe en large
d'aprè vatteau , gravée par le sieur Ravenet
1. Vol.
qui
JUIN. 1737. 1177
qui vient de paroître sous le titre de Départ de
Garnison. C'est une composition aussi riche que
pittoresque , et dont le sujet est traité et caracterisé
parfaitement. Elle se vend chés le sieur
Gersaint , Marchand , Pont Notre Dame , et
chés le sieur Suruque , Graveur du Roy , rue
des Noyers.
Il paroît onze Estampes nouvelles de la grandeur
de 18. pouces de haut , sur 14. de large ,
représentant la Vie du B. Vincent de Paule ,
d'après les Tableaux qui sont dans l'Eglise de
S. Lazare à Paris , peints par Mrs de Troy , Galoche,
Restout , le Frere André , & c. et dessinées
d'après les Originaux , par le sieur Bonnart ,
ancien Professeur de l'Académie Royale de saint
Luc , avec une grande précision et correction
ces onze Desseins sont gravés sous sa conduite
par differens Graveurs des plus habiles.
Ces Estampes se vendent à Paris , chés le sieur
Herisset , Graveur , ruë S. Jacques , vis- à- vis les
Jésuites.
On voit depuis peu du sieur Bonnart, une trèsbelle
Perspective à la Ménagerie de Clagny, peinte
à huile , ayant 14. pieds de large , sur 12. Elle
est située au bout d'une Allée , formée à droite
par un Jardin Fleuriste, et à gauche par un Bois-
L'ingénieux Artiste a représenté , à s'y tromper,
un Vestibule ouvert , à travers duquel on voit la
continuation du Jardin et du Bois de haute futaye
dont on vient de parler , et terminé dans le
lointain par un beau Pays de Chasse , où l'on voit
le Prince de Dombes chassant un Cerf. Aux deux
Côtés sur le devant du Vestibule , sont deux Termes
d'un goût nouveau , représentant le Dieu
Pan et la Déesse Flore.
I. Vol. La
1178 MERCURE DE -FRANCE
La saire des Portraits des grands Hommes
et des Personnes illustres dans les Arts et dans
Ies Sciences , se continue avec succès , chés
Odieuvre , Marchand d'Estampes , sur le Quay
de l'Ecole . Il vient de faire paroître , et toujours
de la même grandeur :
LOUIS-ANTOINE CARDINAL DE NOAILLES,
Archevêque de Paris , né le 27. May 1651 .
mort le 4. May 1729. grávé par Ravenet.
LOUIS-HECTOR DUC DE VILLARS ,
Maréchal general des Camps et Armées du Roy,
baptisé à Moulins le 21. May 1653.mort à Turin
le 17. Juin 1734. peint par Hiacinte Rigaud
gravé par G. F. Schmidt.
Jacob , Graveur, demeurant ruë S. Jacques chés
M. Armand, Libraire , attenant la rue du Plâtre ;
vend tout nouvellement :
Le Portrait de Louis - Henry de Bourbon , Prin
cé de Condé , peint par M. Gobert , et gravé par
Jacob.
Celui de Caroline de Hesse- Rhinfels , Duchesse
de Bourbon , peint par M. Gober , et gravé par
Jacob.
La belle Cuisiniere , peinte par M. Boucher , et
gravée par le sieur Line.
Mlle Pélissier , peinte par M. Dronais , et grad
vée pa le sieur Daullé.
Charité Romaine , peinte par M. N. Coipel , et
gravée par le sieur Le Bas.
Venus avec l'Amour , sommeillant, peinte par
M. Boucher , et gravée par le sieur Aubert.
Printemps , peint par M. Boucher , et gravé˜
par le sieur Aveline.
Ceres , peinte par M. Boucher , et gravée par ·
Plicur Possud.
Fi Vol Angdique
JUIN. 1737. 1179
9
Angelique et Medor , peints par M. Courtin ,
& c. et plusieurs autres Morceaux de dévotion
que le Sr Jacob vend avec Privilege du Roy.Il gra
ve les Pendants des Planches annoncées cy - dessus
et autres Morceaux dénommés dans son Privilege.
Le Lecteur curieux qui a fait attention en lisant
le Mercure de Décembre dernier , premier
volume , à l'idée avantageuse que nous avons
donnée de la grande Collection de Tableaux
des plus excellens Maîtres , de la Comtesse de
Verrue , seront , sans doute , bien aise d'apren
die que le goût pour la Peinture est en regne
plus que jamais , et que ce prodigieux Cabinet ,
dispersé dans Paris et ailleurs , a beaucoup augmenté
les anciens , possedés par divers Particu
Hiers , et en a formé quantité de nouveaux .
Tous les Tableaux se sont vendus publique
ment au plus offrant , avec un très grand concours
de Curieux de distinction , et se sont trèsbien
vendus. Il y en a peu qui ne soient montés
à leur valeur , et quantité ont été bien audelà
, par l'ardeur des Acquereurs , fondés sur
le goût exquis de l'illustre défunte.
Le Comte de Clermont , Prince du Sang
dont on connoît les grandes qualités et l'amour
déclaré qu'il a pour les Beaux Arts, qu'il honore
de sa protection , a acquis plusieurs Tableaux de
Vauvremens , de Berghem, de Vandermeulen , de
D. Teniers , de Skalken , & c . d'une rare beauté,
et qui forment déja un beau Cabinet.
Parmi les Tableaux de prix on en doit distinguer
deux de Claude Lorrain , qui ont été ade
jugés à 8007. livres au sieur Godefroy , Peintre
Flamand et Marchand de Tableaux à Paris ,
Gloire S.- Germain l'Auxerrois,
4
L'Ope
1180 MERCURE DE FRANCE
L'Optique étant non-seulement une des plus
Sçavantes , mais encore une des plus agréables
Parties des Mathématiques , on ne sçauroit être
trop reconnoissant envers ceux dont le génie
nous procure des instrumens propres à rectifier es
à aider la foiblesse de nos yeux . Le sieur Le Bas ,
Ingenieur et Mathématicien du Roy, demeurant
aux Galeries du Louvre , est connu depuis longtemps
pour le premier entre ceux qui travaillent
aux Verres,Lunettes et Microscopes. Il s'est depuis
long temps et très assiduinent apliqué à porter
son Art à la perfection , s'en faisant moins un
métier qu'une étude sçavante ; ses peines ont
réussi , sur tout dans les Telescopes , étant parvenu,
après de longues épreuves , à en faire d'aus
si bons et aussi parfaits que ceux d'Angleterre ,
et même plus finis et travaillés avec plus de soin.
Les Connoisseurs qui les ont confrontés , donnent
l'avantage aux siens , ainsi on croit faire
plaisir au Public de lui donner cet avis , par la
commodité qu'il aura de trouver à Paris encore
mieux que ce qu'il faisoit venir des Pays Etrangers.
M. le Docteur Taylor , Oculiste du Roy de la
Grande- Bretagne , est arrivé depuis peu à l'Hôtel
de Londres , rue Dauphine à Paris , où il se
propose de rester jusqu'au commencement de
Juillet , après quoi il partira pour se rendre en
Espagne Il nous prie de publier les Découvertes
qu'il a faites de redresser les yeux des Louches
par une Opération prompte et presque sans dou
leur et sans crainte d'aucun accident ; de guérir
presque toutes les maladies du sac lacrimal , sans
Opération , et ôter les Cataractes en tout temps
et de toute espece , sans aucun danger. Il guérit
I. Vol aussi
JUIN. 1737. 1181
sassi plusieurs especes de Gouttes Sereines , conformément
à l'explication qu'il en a donnée
dans ses Ouvrages , ce qui a été accomagné de
tant de succès , qu'on voit tous les jours quanrité
de personnes chercher auprès de lui du soulagement
pour ces sortes de maux.
Le S. Fauchard,Chirurgien Dentiste,
, après avoir donné au Public des preuves
de son zele , en mettant au jour son Traité sur
les Dents , croit devoir lui renouveller les marques
de son attention , en lui offrant une Eau
dont la vertu est souveraine contre les affections
scorbutiques des Gencives.
Cette Eau empêche que les Gencives ne se
gonflent et ne soient trop sujettes à saigner aisément
, ce qui prouve qu'elle les fortifie et les
consolide.
Elle empêche aussi que les dents ne soient
ébranlées avant le temps ; elle raffermit celles qui
ne sont pas considérablement déchaussées et
chancelanies ; elle les maintient dans leurs Alvéoles;
et comme elle est propre à diminuer les âcretés
de la salive , qui produisent ordinairement la
carie , cette Eau prévient par conséquent ce qui
les peut gâter.
Elle ôte la mauvaise odeur de la bouche , elle
vivifie les gencives,et entretient les dents dans leur
propreté et leur blancheur naturelle ; elle calme
ou diminuë souvent la douleur des dents gâtées,
en mettant dans la cavité cariée un petit cotton
imbibé de cette Eau . Elle guérit les Aphtes ou
petits ulceres de la bouche , en les frottant souvent
avec cette même Liqueur . En un mot ce Remede
est le plus parfait qu'il ait encore trouvé
pour la conservation des dents et des gencives.
I. Fol.
Le
1182 MERCURE DE FRANCE
Le sieur Fauchard l'auroit distribué il y a plu
sieurs années , mais il ne vouloit rien donner
de défectueux et d'incertain et il a jugé
qu'il étoit convenable à l'utilité publique et
à sa réputation , de s'assurer des bons effets de
cette Eau , par des experiences réïterées.
>
La demeure du sieur Fauchard est toujours à
Paris , vis - à- vis la Comédie Françoise.
Les Bouteilles de cette Eau sont de six livres
de trois livres et de trente 'sols ; on aura soin de
les tenir bien bouchées. Il donne un imprimé
qui instruit de la maniere de s'en servir .
Le sieur Neilson , Chirurgien Ecossois , reçû à
S. Côme , pour la guérison des Hernies ou Descentes,
traite ces Maladies avec beaucoup de succès
, par le secours des Bandages Élastiques, qu'il
a inventés pour les hommes , femmes et enfans ;
ces Bandages sont fort aprouvés, non - seulement
à cause qu'ils sont très- legers et commodes à
porter jour et nuit , mais encore ils sont utiles
par raport à leur ressort qui comprime la partie
malade , ferme exactement l'ouverture qui a
permis la Descente et résiste aux impulsion's que
font les Parties intérieures, soit à cheval ou à pied
En envoyant la mesure , prise sur l'Os pubis ,
et marquant le côté malade , on est assuré de
les avoir justes. ; il donne son Avis , et se on
Page et le tempérament , il prépare des Remnedes
qui lui sont particuliers et convenables à ces
Maladies.
Attendu que les Chasseurs et ceux qui courent
à cheval ou en chaise , qui prêchent , chantent ,
& c . sont continuellement
exposés à ces Maladies
, il a aussi inventé des Bandages Elastiques,
très-légers , commodes à porter pendans ces
I. Vol. exercices
JUIN. 1737. 1183
exercices , ou d'autres aussi violens , pour se ga
rantir des maux et prévenir les incommodités
qui arrivent souvent.
Sa demeure est à Paris , rue Dauphine , au
Cocq d'or, au premier Apartement. Il ne reçoit
point de Lettres sans que le port en soit
payé.
Le sieur Aubert , Intendant de la Musique de
S. A. S. M. le Duc , vient de donner au Public
la douzième Suite de ses Concerts de Symphonie,
les onze précedens ont cû un si grand succès,
qu'on est persuadé que cette dernière sera reçûë
avec plaisir ces douze Suites forment un Recueilunique
en ce genre , composé de plus de deux
cent Morceaux d'une varieté infine , d'un travail
agréable et d'une très - granae utilité pour les
Ecoliers , attendu que les traits , les coups d'archets
, les differens tons er mouvemens , et généralement
tout ce qui peut se pratiquer sans préjudicier
au bon goût et à la beauté du Chant ,
est inseré dans cet Ouvrage qu'on peut apeller
l'Ecole du Violon et de tous les Instrumens.
L'Auteur donnera le mois prochain une ser
condle Edition de son deuxième Livre de Sonates
, dans le goût de celles qu'il a données l'année
derniere de son premier, corrigée , augmentée
, et toutes les Basses ajustées à la portée du
Violoncelle et du Basson , et chiffrée trèsexactement.
M. Bouvard , vient de mettre au jour un nog
veau Recueil de Musique , mêlé de Cantatille ,
Fable , Ariettes , Airs sérieux et à boire , à une
et deux voix Brunette et vaudeville , avec la
Basse-continue ; qu'il a dédié à S , A. Madame
Ja Princesse de Soubize.
:
Ce
1184 MERCURE DE FRANCE
Ce Recueil se vend 3. livres , chés la veuve
Boivin , rue S. Honoré , à la Regle d'or ; chés
le sieur le Clers , rue du Roule , à la Croix d'or,
et chés l'Auteur , Cour du Dragon sainte Margueritte
, Carrefour S. Benoît , Faubourg saint
Germain .
AIR A BOIRE.
Comme Omme un bon Docteur Ubiquiste
Je n'affecte point de Maisons ;
Je suis les plaisirs à la piste ,
Sans m'embarasser des Saisons :
Aujourd'hui chés Cloris , et demain chés Gré
goire ,
La Bouteille et l'Amour partagent tout mon
temps ;
Pour bien sçavoir aimer et boire ,
Il faut ainsi rouler nos ana
1.
SPECTACLE 9 Vol.
་
ANG
LIBRAR
ASTOR
, LENOX
AWD
TILDEN
FOUNDATIONG
,
JUIN. 1737. 1185
**** สง
SPECTACLES.
A premiere Representation de la
Tragédie nouvelle de Lysimachus,
que nous avons annoncée dans le dernier
Journal, a été renvoyée à un autre temps.
On prétendoit que la premiere nouveauté
que les Comédiens François donneroient,
seroit une Comédie en Vers , et en cinq
Actes , de M. Destouches , sous le Titre
de l'Ambitieux. Et en effet , ils ont don
né cette Piece assés brusquement , sans
presque l'annoncer , le Vendredi 14. de
ce mois , avec une fort nombreuse Assemblée
; elle a été parfaitement repre
sentée et fort aplaudie .Nous ne manque.
rons pas
d'en parler plus aut long.
Le Jeudi 9. May on donna sur le Théatre
de l'Opera la premiere Representation du
Triomphe de l'Harmonie Ballet Heroïque,
par Mrs L. et Grepet.
'Auteur du Poëme a prétendu justifier
le choix de son Sujet dans une
Préface ; quelques Critiques , peut être
un peu trop séveres , ne sont pas con-
I, Vol. venus
186 MERCURE DE FRANCE
venus de la bonté de ce choix. Les premiers
traits de la mauvaise humeur qu'u
ne nouveauté ne manque presque jamais
de mettre en jeu , sont tombés sur le Musicien
, qui osoit apeller son Ouvrage
d'un Titre si présomptueux ; Critique
injuste , puisque c'étoit aux Chants d'Orphie
et d'An phion , en non aux siens ,
que l'Auteur de cette Musique prétendoit
décerner l'honneur du Triomphe .
Revenons à la Préface par laquelle le
Poëte a prétendu élever son Sujet audessus
de la plupart des autres. Elle a
revolté bien des gens , même de ceux
qui n'avoient pas à défendre leur interêt
personnel . Voici ce qui en est venu
à notre connoissance ; on a trouvé mauvais
qu'un Auteur naissant ait osé décrier
le Théatre Lyrique , jusqu'à dire
sans restricton ; il n'est point fait pour la
vraisemblance ; et que , pour achever de
dégrader nos plus beaux Operas , qu'on
ne daigne pas apeller Poëmes , et auxquels
on donne seulement le nom de
Paroles ; ce n'est pas à ce genre de Poësie
Dramatique qu'il faut apliquer le
precepte d'Horace :
Ficta voluptatis causâ sint proxima veris,
Cependant quels Ouvrages peuvent
1. Vol. à
plus
JUIN. 1737. 1187
à plus juste titre , être apellés : Ficta voluptatis
causâ , que les Operas tant anciens
que modernes ? Cette raison n'auroit
elle pas dû suffire à ....... pour ne
leur pas refuser la vraisemblance , si nécessaire
à tout Poëme Dramatique ? mais.
le sujet qu'il avoit à traiter en étoit si
peu susceptible , qu'il n'a pas cru pouvoir
autrementjustifier la prétendue bonté
de son choix. En effet dans son Amphion
, a -t- on dir , y a- t il seulement
une ombre de vraisemblance . On est
convenu sur le Théatre Lyrique , d'accorder
un pouvoir sans bornes à la Divinité
et à la Magie ; mais ce privilege
ne s'est jamais étendu jusqu'à l'Harmonie
; on lui accorde une pleine victoire
sur tout ce qui est capable de sentiment,
mais on ne sçauroit porter la crédulité
jusqu'à convenir qu'elle puisse exercer
un souverain empire sur des Etres inanimés
, tels que les Pierres , les Rochers
et les Montagnes ; l'Auteur même de
ce Ballet convient qu'on ne doit pas
prendre à la lettre tout ce que les Poëtes
ont dit pour relever la gloire de
l'Harmonie ; voici comme il s'explique
dans sa Préface . Fabius Paulinus , en parlant
de la Fable d' Amphion , s'est imagine
qu'on pouvoit bien la prendre à la lettre, et
1. Vol.
G Pexpliquer
1188 MERCURE DE FRANCE
l'expliquer physiquement par les principes
des Platoniciens : il en fit l'essai , et prouva
son raisonnement par sept raisons qu'il
croyoit bien convainquantes. Quel exemple
de la foiblesse et de l'extravagance du raisonnement
humain !
Il est surprenant , continë- t on , que
l'Auteur du Poëme en question , étant
dans ces principes , ose se vanter d'avoir
fait un bon choix .
Voilà ce qui nous est revenu des di
verses Critiques qu'on a faites sur le Ballet
du Triomphe de l'Harmonie : comme
on a beaucoup moins critiqué l'Ouvrage
que la Préface , et que d'ailleurs il n'est
pas trop chargé d'action , nous n'en
donnerons qu'un Extrait des plus succincts.
Le Théatre represente au Prologue
une Campagne couverte de Trophées ,
de Pyramides , et d'Arcs de Triomphe.
La Paix descend du Ciel au bruit des
Timballes et des Trompettes.
Choeur de Peuples.
La Paix vient combler nos desirs ;
Quel bonheur pour nous ! quelle gloire
Elle ramene les plaisirs
Sur les aîles de la Victoire.
La Paix , après avoir fait entendre
1. Vol.
qu'ell
JUIN. 1737.
1189
qu'u'elle vient regner sur la terre , invite
l'Amour et l'Harmonie à descendre des
Cieux , par ces Vers :
;
Enfans de mes loisirs , acconrez l'un et l'autre ;
Mere des doux accords, Dieu souverain des coeurs,
Rendez à ces Climats vos plaisirs enchanteurs &
Ces Lieux sont faits pour vous; mon Empire est
le vôtre.
L'Amour et l'Harmonie descendent
des Cieux dans un Nuage. Les Peuples
célebrent leur venuë par ces Vers :
Charmant Amour , & Divine Harmonie ,
Regnez sur nous ;
Vous faites de la vie
Les momeus les plus doux.
1
L'Harmonie exprime ainsi ses divers
caracteres :
Ma voix de la Nature est l'image naïve ,
Toujours touchante , toujours vive ;
Je peins du coeur les secrets sentimens ,
Le trouble , les soupirs , les transports dos
Amans ;
Tremblante , furieuse , attendrie , inflexible ,.
J'épouvante un Ingrat , je touche un Insensible,
à tour , Et par mes sons j'inspire tour
La crainte , la pitié , la terreur et l'amour.
Les Suivans de l'Amour et de l'Har-
1.Vol Gij monie
1190 MERCURE DE FRANCE
monie forment la Fête de ce Prologue.
ORPHE'E. Premiere Entrée.
Le Théatre represente les Enfers. Le
Dieu du Styx paroît panché sur son
Urne ; on voit dans le fond l'Antre où
Cerbere est enchaîné ; Pluton au milieu
des trois Juges Infernaux , occupe un
Thrône sur un des côtés du Théatre.
Pluton invite les Démons et les Furies
à tourmenter les Ombres criminelles ; il
leur parle ainsi :
Des Manes criminels redoublez les tourmens ;
Remplissez les Enfers d'une terreur nouvelle ;
Que ces Monstres cruels , que ces feux dévorans
Servent du Dieu des Morts la vengeance éternelle
!
Les Démons et les Furies témoignent
leur empressement à exécuter les ordres
de Pluton . On entend une douce Symphonie
; on voit paroître Orphée. Plus
ton est aussi irrité que supris de voir un
Mortel descendre dans son Empire avant
que les Parques ayent terminé son sort.
La Symphonie mélodieuse continuë , et
empêche les Démons et les Furies de punir
Orphée de sa témerité ; Pluton même
en est attendri ; Orphée aproche , et
s'exprime ainsi en parlant à Pluton .
I. Vel Arbit
JUIN.
frgi 17:7
Arbitre redouté des vertus et des crimes ,
Aprouvez d'un Amant les transports légitimes
Pour apaiser le Sort qui me poursuit
Jose porter mes pas sur les rivages sombres ;
C'est l'Amour qui me guide , et ses feux m'ont
conduit
Dans l'éternelle horreut du silence et des om
bres ;
Mon coeur , sans en être effrayé ,
Découvre à vos regards son projet témeraire ;
Je ne crains point d'armer votre colere ,
Si je ne puis toucher votre pitié.
Pluton ne montre d'abord que de la
colere a Orphée , mais desarmé , malgré
lui , par la douceur de ses sons , il dit :
Mais , quand je devrois le punir,
Quelle invisible main semble me retenir ?
Quel charme séduisant me force de l'entendre !
Acheve ; qu'oses-tu prétendre ?
Orphée lui expose la rigueur de son
sort ; la mort lui a arraché Euridice au
moment que l'Hymen venoit de l'unir
avec elle ; il aperçoit Euridice parmi
d'autres Ombres ; ils s'entretiennent en
presence de Pluton , qui dit dans un à
parte :
Que devient ma fureur ! Quoi la pitié l'enchaîne
.
1. Vol. Orphée G iij
1192 MERCURE DE FRANCE
Orphée , s'adressant enfin à Pluton
lui dit :
Punissez mon audace , ou termincz ma peine ;
Dieu des Enfers , unissez - nous ;
Rendez-moi l'objet qui m'enchaîne.;
L'Amour forma nos coeurs pour ses noeuds les
plus doux ;
Si vous nous unissez , il a moins fait que vous.
Euridice joint sa voix à celle d'Orphée
; Pluton se rend à la douceur de
leurs accords harmonieux , et dit à Orphée
:
>
A tes desirs tout est propice ;
Tes accords enchanteurs ont triomphé de moi;
Le sort se declare pour toi ,
Et du sein de la mort il te rend Euridice.
Pluton se retire . Le Théatre change ;
et represente les Champs Elisées ; les
Ombres heureuses célebrent par leurs
chants et par leurs danses la victoire
que l'Harmonie vient de remporter sur
le coeur du Maître des Enfers.
HYLAS. Deuxième Entrée .
Le Théatre represente une Campagne
ornée de Jardins et de Bosquets , coupés
par un Fleuve. Eglé , Divinité du
Fleuve , sur le bord duquel la Scene se
1. Vol.
passe
JUIN. 1737. 1193
passe , commence cette Entrée avec Do
ris , sa Confidente . Voici comment elle
fait l'exposition du Sujet.
Enfin voici le jour , où je pourai connoître
Du jeune Hylas les sentimens secrets ;
Je cherche mon malheur , je l'avance peut-être;
Doris, j'ai trop compté sur mes foibles attraits
Il me vit un moment sous ce feuillage épais :
J'évitai ses regards , je rentrai sous les ondes
Cependant ses soupirs font retentir ces Bois ,
Et dans le sein de nos Grotes profondes
L'Echo vient me porter sa voix .
Doris rassure Eglé contre la défianc.
où elle est du pouvoir de ses charmes.
Eglé fait entendre ce que son amour lui
a fait projeter pour s'assurer du coeur
d'Hylas , elle s'explique ainsi :
Hylas se plaît dans ces forêts ;
Tu sçais ce que mon coeur médite ,
Rentrons malgré moi je l'évite.
Que nos tendres accords secondent mes projets.
Hylas , séparé d'une Troupe de Chasseurs
, expose à son tour ce qu'il a senti
à l'aspect d'une Nymphe dont la voix a
achevé de triompher de sa liberté ; il
ignore le nom de cette aimable Nymphe.
Il entend un Choeur de Nayades , et une
1. Vol. Giiij Sympho ,
194 MERCURE DE FRANCE
Symphonie dont la douceur l'invite à
goûter le charme du repos ; il se couche
sur un lit de gazon , les Zephirs l'enlevent
, et se précipitent avec lui dans le
Fleave . Le Théatre change , et represente
le Palais des Nymphes des Eaux , dans
lequel Hylas vient d'être transporté ;
ane Troupe de Nayades danse autour,
de lui ; elles disparoissent à son réveil ;
it exprime une partie de ce qui s'est passé
pendant son sommeil, par ces Vers :
Od suis-je ? Quels Concerts ! Erreur enchanteresse
!
J'aperçois l'objet de mes feux ;
L'éclat de ce séjour m'annonce une Déesse ;
Infortuné Mortel , où s'adressent tes voeux ?
Eglé,dont Hylas ignore et le nom et le
rang , lui annonce que la Souveraine de
ces lieux l'aime ; mais qu'elle ne veut pas
le contraindre , et que s'il n'est pas porté
à répondre à son amour , les Zephirs
le transporteront où il voudra ; Hylas
consent à partir plûtôt que de renoncer
à un amour secret qu'il préfere aux offres
les plus brillantes . Voici comme il s'exprime
:
Que mon trouble est extréme !
En quittant ces beaux lieux , helas !
I. Vol.
Je
JUIN. 1195 1737
Je fuis ce que je n'aime pas ;
Mais je m'arrache à ce que j'aime.
Eglé , l'ayant pressé de s'expliquer ,
et cette explication étant telle qu'elle la
souhaite,elle se fait connoître à lui, et lui
offre sa main ; les Nayades célébrent cet
Hymen , et forment une Fête des plus
brillantes.
AMPHIO N. Troisiéme Entrée.
Le Théatre represente des Forêts, des
Cavernes , des Rochers ; un Camp de
Sauvages y est formé devant la Ville de
Thebes , qui paroît dans le fond à demi
ruinée. Niobe, Fille de Tantale , Roy d'un
Peuple Sauvage , commence cette derniere
Entrée au Lever de l'Aurore ; elle
se plaint de ce que le jour qui va renaî--
tre sera le dernier d'Amphion qu'elle
aime.
Amphion vient pour chercher Niobe,
qu'il aime. Cette Princesse , après des regrets
reciproques , lui fait connoître son
amour . Elle le quitte après un avey si
satisfaisant pour lui , et le prie de se dérober
à la colere de son Pere , dont elle
desavoue la cruauté. Amphion , charmé
de l'aveu qu'il vient d'entendre , fait un
Monologue dont la Musique et les Vers
I. Vol Gy sont
1196 MERCURE
DE FRANCE
sont généralement aplaudis. Voici quelques-
uns des Vers.
Niobe répond à ma flamme ;
Je goûte un sort digne des Dieux
Naissez des transports de mon ame
Naissez , Accords harmonieux , &c.
"
Formez-vous , Murs Thébains , naissez , fameux
Remparts ,
Nouveaux témoins de ma victoire ;
Aux Stécles à venir transmettez ma mémoires
D'un Ennemi barbare effrayez les regards.
Les voeux et l'espoir d'Amphion sont
comblés ; les Remparts de Thebes s'élevent
aux accents de sa Voix et de sa Lyre.
Tantale en est si étonné qu'il vient
offrir la paix à un Roy qui semble com
mander à la Nature ; instruit de son
amour pour sa Fille ,
leur il consent que
Hymen soit le noeud de la paix ; les Sauvages
et les Thébains se réunissent pour
célébrer cette heureuse Fête .
Ce Ballet a été très- bien reçû du Public
; les suffrages ont paru plus réunis
en faveur de la Musique. On convient
pourtant que le Poëme est très - bien écrit,
on y auroit souhaité un peu plus d'intert
; mais il est très difficile d'en mettre
beaucoup dans un Ballet ; ce genre de
I. Vel Piece
JUIN. 1737 1197
pour
Piece semble plûtôt fait pour l'esprit que
le coeur , et d'ailleurs , les Danses
en occupent les deux tiers . Des trois Entrées
, la seconde a paru la plus inte
ressante du côté du Poëte , quoiqu'on
l'ait trouvée la moins convenable au Titre;
la derniere a paru faire le plus d'honneur
au Musicien , et on peut
et on peut dire que
l'Harmonie y a été veritablement triomplante.
Le 16. Juin on donna la dix - septiéme
Representation de ce Ballet , et le 13.
on remit au Théatre celui des Amours
des Dieux, composé d'un Prologue et de
quatre Entrées , qu'on avoit donné pour
la premiere fois le 14. Septembre 1727.
et que le Public avoit reçû avec satisfaction.
Le Poëme est de M. Fuzelier , et la
Musique de M. Mouret. Cet Opera ,
qui est parfaitement bien remis , a été
reçû avec les mêmes aplaudissemens que
dans sa nouveauté ; nous nous dispensons
d'en donner un Extrait , l'ayant déja
donné dans le Mercure de Septembre
1727. p. 2076.
1. Vol. @ vj NOU1198
MERCURE DE FRANCE
***************
NOUVELLES ETRANGERES.
L
TURQUI E.
Es Lettres de Constantinople, du commencementd'Avril,
portent que les difficultés surve- ;
nuës au sujet du lieu du Congrès,ayant été levées,
et que la Czarine qui avoit parû d'abord vouloir ·
exiger qu'il s'assemblât dans une Ville de ses Etats
ou sur les Terres d'une Puissance neutre , ayant
consenti enfin que les Conférences se tinssent à
Kudack , le Grand Seigneur a ordonné que le
Grand. Defterdar et les deux autres Ministres
Plénipotentiaires , chargés par sa Hautesse de
regler avec ceux de S. M. Cz . les conditions de
I. Paix, partissent de Constantinople le 15. Avril.
dernier.
Sa Hautesse a envoyé au Grand Visir les instructions
qui lui sont nécessaires pour conduire
la négociation , et elle lui a mandé de se rendre-
Isaliska aussi- tôt après l'ouverture du Congrès
, afin d'être à portée de diriger les démarches
des Ministres Plénipotentiaires de la Porte ,
at de lever les obstacles qui pouroient retarder
le succès des Conférences .
L'Ambassadeur de la République de Hollande,
lequel étoit resté à . Constantinople en attendant.
ie le Grand Seigneur prêt ses dernieres résoluons
par raport au projet d'accommodement
Doposé par l'Empereur, est allé joindre le G.V.
Babadagh.d'où il doit se rendre à Kudack,ainsi
que M. Dahlman , Ambassadeur et Ministre Plé-
1. Vols. nipoten.
JUIN. 1737. 1199
né
nipotentiaire de l'Empereur, et lo Chevalier Faulkener
, Ministre Plénipotentiaire du Roy de la
Grande- Bretagne , dès que les autres Ministres
qui doivent assister au Congrès, y seront arrivés.
Le départ de cet Ambassadeur et l'ordre donpar
le Grand Seigneur à ses Ministres Plénipotentiaires
, ne laissent plus lieu de douter que
Sa Hautesse ne soit disposée à entrer en négociation
avec la Czarine , et l'on assure que l'ouverture
du Congrès se fera , quand même les
deux Puissances ne pouroient convenir d'aucune
condition préliminaire d'accommodement . On
craint cependant que malgré les dispositions du
Grand Seigneur à la Paix , elle ne soit difficile
à conclure , parce que la Czarine persiste dans le
dessein de ne point restituer Azoph, et que S.H.cn
cedant cette Place , court risque d'exciter le mécontentement
de ses Sujets , et par cette raison
la Porte continue ses préparatifs de guerre avec
la même ardeur que si elle n'esperoit pas de pouvoir
terminer ses differens avec S. M. Cz.
Toutes les Troupes qui étoient en quartiers
dans la Natolie et dans d'autres Provinces d'Asie
, sont en marche pour aller renforcer l'Armée
commandée par le Grand Visir , et l'on
comptoit qu'elles arriveroient à Bender vers la
fin du mois passé . La Flore destinée pour la Mer.
Noire est composée de 200. Bâtimens , en y
comprenant six Caravelles et quinze Galeres.
A Constantinople le 26: Mars 1737.
Es Ministres de Suede curent le 16. Fé
Lvrier,une Audience
3
to >
de ce mois ils furent admis à celle du Grand
Seigneur ; ils firent dans ces Audiences l'échan--
In Fols gc.
1200 MERCURE DE FRANCE
ge du Traité de Commerce qu'ils ont conclu
entre la Porte et la Suede ; ces mêmes Ministres
eurent encore le 17. de ce mois une Audience
du Kaïmakan.
M. Faulkener , Ambassadeur d'Angleterre ,
partit d'ici le 26. Février pour se rendre au Camp
du Grand- Visir , il avoit cû le 21. une Audience
de congé du Kaïmakan .
M. Kaikoën , Ambassadeur de Hollande , cut
aussi le premier Mars son Audience de congé
du Kaimakan , et le f . celle du Grand Seigneurs
il fut revétu à celle du Kaimakan , d'une Pélisse
d'hermine , et à celle du Grand Seigneur ,
d'une Pélisse de Samour ; cet Ambassadeur partit
le 18. de ce mois pour Babadagh.
Le Marquis de Villeneuve , Ambassadeur de
France,eut le 11. Mars une Audience du Kaïma →
kan , dans un Palais situé dans le Canal de la
Mer Noire.
Le quatorze et le quinze on fit une déchar
ge de Canon du Serrail , de Top- Hana , & c. en
réjouissance des avantages remportés par les Taɛtares
en Ukraine ; voici comme on raconte cet
Evenement. On dit que le Kan des Tartares étant
entré à la tête d'une nombreuse armée dans le
Pays des Cosaques Berabach , dans l'intention
de piller et saccager les Peuples qui sont le
long des Rivieres Erighil , Holtova et Michali➡
ka , qui se jettent dans le Borysthene , les Trou
pes de la Garnison de Preposna , et celles qui
étoient en quartier d'hyver aux environs , sous
le commandement du General Lessin , le même
qui prit et démolit Kilbournou l'année derniere,
vinrent à la rencontre des Tartares en ordre de
bataille et avec de l'Artillerie , qu'il y eut une
action fort vive et fort sanglante, dans laquelle
I. Vol.
JUIN. 1737. T201
le General Moscovite , à la tête de son Armée 2
donna de grandes marques de valeur et d'habileté
, jusqu'à- ce qu'il fut tué par un Tartare
et sa tête portée au Kan , après quoi ce ne fut
plus qu'une déroute generale parmi ses Troupes,
qui furent toutes taillées en pieces ou faites Esclaves
; les Tartares se sont rendus maîtres de 18
gros Canons et de toutes les munitions de guerre
et de bouche . On fait monter le Corps de
Troupes Moscovites et Cosaques qui a été battu,
à 18. mille hommes , le nombre des Esclaves ,
parmi lesquels se trouve le fils du General Lessin ,
est très -considérable ; on assure aussi que les
Tartares ont enlevé 100 mille Moutons et 125
mille Chevaux ou Boeufs.
L'Ambassadeur de Perse Baky Kan , qui partit
d'ici le 24. Novembre est arrivé à Bagdad ;
son Kiaya qui retourne à Constantinople avec les
présens que Thamas Kouli-Kan envoye au Grand
Segneur , est déja en- deçà de Tokat.
Le Capitan- Pacha doit partir après demain
pour la Mer Noire aves 4. Caravelles , 14. Ga◄
keres et zoo. Galiotes ou Brigantins.
L
RUSSIE.
E Baron de Schaffirof et M. de Néphiaf,
Ministres Plénipotentiaires , nommés pour
assister au Congrès , sont partis pour Kudack ,
et la Czarine leur a fait délivrer 30 mille Roubles
à compte des dépenses qu'ils seront obligés
de faire , mais le Comte Wolinski , Grand-Veneur,
qui leur a été donné pourColiegue , ne devoit
se mettre en chemin pour s'y rendre , que quelques
jours après la célebration de l'Anniversaire
de la Naissance de S. M. Cz . Le bruit court que
I. l'el
la
T202 MERCURE
DE FRANCE
la Czarine a chargé ses Ministres Plénipotentiaires
de demander que le Congrès s'assemblat à
Bialacerkiew.
Le 30. du mois d'Avril dernier il arriva à Pétersbourg
un Courier par lequel le Comte de
Munich a envoyé à S. M. Cz. le projet d'une
Expedition qu'il médite.
Le General Lesci a mandé à la Czarine qu'il
avoit mis à la voile le 12. du même mois avec
la Flotte , dans le dessein d'aller s'emparer de
l'Isle de Tamerow , dont la conquête peut faciliter
celle de la Crimée . Les dépêches de ce General
portent que les fortifications de la Ville
d'Asoph , qui avoient été considérablement endommagées
par les bombes , étoient entierement
réparées , et que cette Place étoit à présent en
état de soutenir un long Siege .
Ce General ajoûte dans sa Lettre que la Flotte
Moscovite étoit composée de 160. Bâtimens ,
sans y comprendre les nouvelles Galiotes ,et queles
Equipages de deux Frégates , qu'il avoit envoyées
à la découverte , avoient raporté que quelques
Bâtimens Turcs , qu'ils avoient rencontrés sur
les Côtes de la Crimée , s'étoient retirés à leur
aproche.
ALLEMAG N E.
Uoique tout se dispose à l'ouverture da
Congrès quidoit se tenir à Kudack , et que
l'Empereur persiste dans la résolution d'y envoyer
ses Ministres Plénipotentiaires , S. M. I.
paroît déterminée à commencer incessamment
les Actes d'Hostilité contre les Turcs , et on publiera
le Manifeste par lequel l'Empereur déclare
la guerre au Grand Seigneur , aussi- tôr après le
retour du Courier qu'on a dépêché à Péters-
I. Vol. bourg,
JUIN. 17378 7203
Sourg , pour le communiquer à la Czarine.
M. du Theil , Ministre Pléipotentiaire du Roy
de France , partit le 22. du mois passé de Vienne
pour retourner à Paris.
L'Empereur lui a fait présent de son Portrait
enrichi de diamans , et S. M. I , a déclaré qu'elle
avoit nommé son Ambassadeur auprès de S. M.
T. C. le Prince de Lichtenstein , à qui elle a conferé
en même-temps l'Ordre de la Toison d'or.
Le 30. May l'Empereur déclara le Duc de
Lorraine Generalissime de ses Troupes , et ce
Prince devoit partir quelques jours après pour
se mettre à leur tête . S. M. I. lui a fait présent
e la magnifique Tente du Grand Visir qui commandoit
l'Armée Ottomane à la Bataille que les
Turcs perdirent en 1716.près de Peter -Waradin
ITALIE.
Es du mois dernier , jour que le Pape avoit
marqué pour la prise de possession de la dignité
de Sénateur de Rome par le Comte de
Bielk , ce Comte revétu de son habit de Sénateur
qui consiste en une Soutane de Satin cramoisi
et une longue Robe de Brocard d'or , et accompagné
de M. Capograssi , son Maître de Chambre
, se rendit du Capitole au Palais du Quiri
nal dans un Carosse attelé de six chevaux et
suivi de deux autres Carosses . Ayant été reçu
avec les ceremonies accoûtumées par M. Lazare
Palavicini , Archevêque de Thebes , Maître de
Chambre de Sa Sainteté , il fut introduit dans la
chambre du Pape par Mrs Jean- Baptiste Gambarucci
, Archevêque d'Amasie , et Ignace Reali ,
premiers Maîtres des Ceremonies ; et après qu'il
cut fait trois génuflexions et baisé les pieds de Sa
I. Vol. Sainteté
1204 MERCURE DE FRANCE
Sainteté , il prêta le Serment de fidelité. Le Pape
mit ensuite un Sceptre d'yvoire entre les mains
du nouveau Sénateur en disant , Accipe Sceptrum
et esto Senator Urbis.
Le Comte de Bielk reçut la Benediction de Sa
Sainteté , et il se retira , étant reconduit par le
Maître de Chambre. Lorsqu'il fut dans la Cour
du Palais , le Marquis François Ortieri , Grand-
Ecuyer du Pape , lui présenta de la part de Sa
Sainte un très- beau Cheval blanc , couvert
d'une Housse de velours cramoisi , relevée d'une
riche broderie d'or , avec les étriers d'argent
aller sur lequel le nouveau Sénateur monta pour
à la Place Barberine , où l'attendoit sous les ar
mes la Milice Bourgeoise , composée de quatorhom-
ze Compagnies chacune de quarante
mes , et d'où il continua sa marche dans l'ordre
suivant : Le Barigel du Capitole à cheval , à la
tête de ses Sbirres ; M. Felix Gama , Capitaine
des Connétables et des Milices des quartiers de
la Ville , suivi de deux Pages , qui portoient dea
Ecussons aux Armes du Comte de Bielk ; les 14.
Compagnies de la Milice Bourgeoise , précedées
chacune de ses Tambours et de son Enseigne , et
entre les sept premieres Compagnies et les sept
dernieres M. Antoine Gai portant l'Etendart du
Peuple Romain ; le Maître d'Hôtel et l'Ecuyer
du Sénateur ; vingt Mules avec des couvertures
à ses Armes et dix Chevaux de selle avec de magnifiques
Housses , conduits chacun par un Palfrenier
, portant sur sa Casaque et à son bonnes
les Armes de Bielk ; la Compagnie des Chevau
Legers de la Garde du Pape. Les Palfreniers des
Cardinaux , montés sur des Mules et portant les
chapeaux de leurs Maîtres attachés sur leurs
épaules ; les 14. Huissiers des Tribunaux Capi
I. Vol.
tolins ;
JUI N. 1737. 1205
tolins ; un grand nombre de Gentilshommes des
Cardinaux ; quatre tambours de la Livrée du
Peuple Romain , laquelle est d'écarlate avec des
galons d'or , et quatre Trompettes à cheval avec
la même Livrée . Ils étoient suivis par deux Pages
, dont l'un portoit la Cornette du Peuple
Romain , et l'autre un Etendart aux Armes de
Bielk. Derriere eux marchoient les Caporioni ou
Chefs des Quartiers , précedés de deux Tambours
aux Livrées du Peuple Romain ; les Suisses de la
Garde du Pape , ayant à leur tête le Chevalier
Jean- François - Leopold Phiffer d'Althissoffen ,
Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem ,
leur Commandant ; deux Pages , dont celui qui
étoit à droite portoit l'épée haute , et celui qui
étoit à gauche avoit sur ses épaules le Chapeau
du Sénateur , couvert de Brocard d'or et doublé
de velours cramoisi ; les Palfreniers du Comte
de Bielk , vétus de Livrées d'écarlate avec des
galons d'or , et ayant des Plumets bleu et or
sur leurs chapeaux et les Serviteurs du Peuple
Romain , tenant en main des Piques dorées.
Le Comte de Bielk venoit ensuite , étant précedé
de M. François Gaëtan Diversini , Maîtredes
Céremonies , et suivi des deux Juges Collateraux
, et de tous les Officiers des Tribunaux Capitolins.
La marche étoit fermée par les trois
Carosses de ce Comte , et par un grand nombre
d'autres Carosses de Cortege , qui avoient été
envoyés par les Cardinaux , et par la plupart
des Personnes de distinction . "
Lorsque la Cavalcade entra dans le Cours , on
At une Salve generale de l'Artillerie du Château
Saint Ange , et en arrivant au Capitole , elle fut
saluée par une décharge generale de la Mousqueterie
de toute la Milice de la Ville : on tira
I. Val. ausse
1206 MERCURE DE FRANCE
aussi un grand nombre de Boëtes , et les Cloches
de toutes les Eglises sonnerent.
Le nouveau Senateur, étant descendu de Cheval
à l'Eglise de Sainte Marie d'Ara Coeli , qui
apartient au Peuple Romain , fut réçû à ia porte
par les Superieurs de l'Ordre des Freres Mineurs
de l'Observance , et il alla faire sa priere devant
le Saint Sacrement , et baiser le Grand Autel.
Il se rendit ensuite au Capitole , ayant trouvé
en chemin les Conservateurs et le
Prieur du Peuple Romain , revétus de Robes
de brocard d'or , lesquels , après l'avoir com
plimenté , le conduisirent dans la grande Salle ,
qui étoit ornée avec beaucoup de magnificence.
Le Comte de Biex prit place à son Tribunal
ayant les Conservateurs et le Prieur du Peuple
Romain à ses côtés , et en face les Caporivons
et les autres Officiers du Capitole , et après avoir
remis au Marquis Emile Massimi , Premier Conservateur
, le Bref de Sa Sainteté , lequel fut l
à haute voix par le Greffier du Senat , il jura de
faire observer les Statuts de Rome.
Il accompagna ensuite les Conservateurs jusqu'à
la porte de la grand Salle , et quand il fus
tourné dans son Apartement, il reçut les complimens
accoûtumés de la part des Cardinaux
ainsi que de celle des Ministres Etrangers et de
la Noblesse.
Le Pape a accordé au Comte de Bielk la permission
d'avoir le Dais et la Cloche, même dans
les occasions où il ne sera pas accompagné par
les Conservateurs du Capitole , distinction dont
n'avoient point joüi ses Prédecesseurs.
On aprend de Rome que la corespondance est
entierement retablie entre les Ministres des Cours
de Vienne et de Madrid , et que le Cardinal
I. Vol. Cienfuegos
JUIN. 1737.
1207
Cienfuegos , ayant envoyé complimenter à ce
sujet les Cardinaux Belluga et Aquaviva , ils lui
ont rendu visite .
On assure que le Roy des deux Siciles a accor
dé l'Exequatur des Bulles des Prelats nommés
par le Pape,ce qui donne lieu de regarder comme
Prochaine ia conclusion de l'accommodement
de leurs Majestés Catholique et Sicilienne avec
le Saint Siege.
Quelques Cardinaux ayant refusé d'accorder
au Comte de Bielk les honneurs du Dais et du
Son de la Cloche , quoiqu'il les eût reçûs chés
le Cardinal Doyen , ce Comte a discontinué de
rendre ses visites au Sacré College.
Le Cardinal Coscia a obtenu la permission
d'aller encore cette année prendre les Bains d'Ischia
, et il est parti pour s'y rendre.
Le 11. May , le Pere I defonse de la Presentation
, natif de Prague , fut élû Général de l'Ordre
des Religieux Carmes Déchaussés dans le
Chapitre qu'ils tinrent dans leur Couvent de
Sainte Therese et de S. Jean de la Croix.
Les Clercs Réguliers de la Congregation de
la Divine Providence , ont élû le Pere André
Bolognetti pour leur Général .
>
Les Lettres de Genes de la fin du mois dernier
portent que 13. Barques , à bord desquelles
étoient des Troupes et des Munitions , mirent au
même mois à la voile pour l'Isle de Corse
sous l'escorte de deux Galeres , qui , à leur retour
, devoient donner la chasse aux Corsaires
de Barbarie , dont un a enlevé , il y a quelque
temps , un Bâtiment chargé de 100. muids de
Farine et qui étoit destiné pour la Bastie.
M. Rivarola a mandé au Senat que les Rebelles
ayant été avertis que le Gouverneur de
Į. Vol. Calenzano
1208 MERCURE DE FRANCE
Calenzano devoit faire sortir un détachement de
la Garnison de cette Place , pour enlever des
Bestiaux qu'ils faisoient paître dans les prairies
voisines , ils avoient posté en embuscade 300 .
Hommes qui avoient surpris ce détachement ,
et qu'il y avoit cu 60. Genois de tués ou faits
prisonniers en cette occasion.
On a apris en même temps qu'il y avoit eu
dans les environs de la Bastie , un violent ouragan
, accompagné de grêle d'une telle grosseur,
que la plupart des Vignes avoient été ruinées, et
que plusieurs Bestiaux avoient été tués dans la
campagne.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
S₁
A MAJESTE a accordé au Marquis
d'Havrincourt , Mestre de Camp-
Lieutenant du Régiment des Cuirassiers
du Roy , le Gouvernement d'Hesdin ,
vacant par la démission du Marquis
d'Havrincourt , son Pere.
M. de Chavigny , que le Roy a nommé
son Envoyé Extraordinaire auprès
du Roy de Dannemare , a pris congé de
S. M. et il est parti pour se rendre à
Coppenhague.
Le Marquis de Souvré , Maître de la
1. Vol. GardeJUIN.
1737. 1209
Garde- Robe du Roy , et qui a été nommê
par S. M. pour aller à Luneville complimenter
le Roy de Pologne sur son arrivée
en Lorraine , s'est acquitté de cette
commission , et il a eu l'honneur d'en
rendre compte au Roy.
Le 29. Avril,il y eut Concert chés la Reine, M.
Destouches Sur-Intendant de la Musique du Roy,
y fit chanter le Prologue et le premier Acte de
son Opera de Callirhoe, qu'on continua le 6. et
le 8. May ; les principaux Rôlles furent exécutés
par les Diles d'Aigremont, Deschamps et Mathieu
, et par les sieurs d'Angerville et Jeliot.
Le 13. le 18. et le 20. on concerta l'Opera
d'Iphigenie, dont le premier Rôlle fut chanté par
la Dile d'Aigremont , et celui d'Electre par la
Dile Mathieu ; ceux d'Oreste , de Thoas et de
Pilade , par les sieurs d'Angerville , Petillot et
du Bourg .
Le 22. et le 27. on donna à la Reine l'Opera
d'Armide ; la Dlle Antier remplit parfaitement
bien le premier Rôlle , et les autres furent chantés
par les sieurs Petillot et d'Angerville , avec la
même précision.
Le 30. May , Fête de l'Ascension , il y eut
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , ou
l'on chanta un très-beau Motet ( Diligam te )
de feu M. Gillet , Maître de Musique de la Cathedrale
de Toulouse ; il fut suivi d'une nouvelle
suite de Symphonie , du sieur Aubert, trèsbien
executée et fort aplaudie. Le sieur Buffardin
, de Marseille , Ordinaire de la Musique du
Roy de Pologne , Electeur de Saxe , executa
pour la premiere fois un Concerto de Flûte qui
1. Vol. fut
1210 MERCURE DE FRANCE
fut generalement aplaudi . Le Concert fut termipar
le Cantate , Motet du sieur Cheron, Ordinaire
de l'Académie Royale de Musique.
é
Le 9 . Juin
, Fête
de la Pentecôte
, on executa
au méme
Concert
une
autre
suite
de Sympho
nie
du sieur
Aubert
, qui fut suivie
d'un
Moter
de M. Gervais
, Maître
de Musique
de la Chapelle
du Roy. La Dile
Hotteterre
joûa
un Concerto
avec
les mêmes
aplaudisssinens
dont
le Public
l'a déja
honorée
. Le Te Deum
de M. de la
Lande
ter mina
le Concert
.
Le 20 jour de la Fête Dieu , on chanta le
Pange lingua du même Auteur , qui fut suivi du
petit Motet O Jesu , de M. Destouches , Sur- Intendant
de la Musique du Roy. Le sieur Angelo
Valoti , nouveau Violon Italien , executa un
Concerto au gré du Public , et la Dile Regnaut
chanta pour la premiere fois dans le dernier
Moret le Recit Qui annuntiat avec aplaudissement
.
Le 23 , May, les Superieurs des Religieux Benedictins
de la Congregation de S. Maur se rendirent
à l'Abbaye de S. Germain -des- Prés pour
P'élection du Superieur Général , et ouvrirent
le matin leur Assemblée par une Messe solemnelle
du S. Esprit. L'après- dinée , sur les deux
heures , les mêmes Superieurs assemblés élûrent,
au premier Scrutin , pour Général , le R. P.
Dom René Laneau. Ce Religieux avoit été consecutivement
Assistant de trois Généraux , et
depuis la mort du R. P. Dom Claude Dupré ,
dernier Général , il gouvernoit la Congregation
sous le nom de Vicaire Général . La joye qui
étoit marquée sur tous les visages , pendant la
Cérémonie de la Proclamation , fit connoître à
seux du dehors , qui y ont assisté , que ce R,
I. Vol. Pere
JUIN. 1737 1211
Pere a également les coeurs et la véneration de
Tous ses Confreres.
Le Cardinal de Fleury alla le 3. Juin au Jardin
Royal, accompagné du Comte de Maurepas
et de M. Orry , Controlleur Général des Finan
ces , pour voir les augmentations et les reparations
faites et à faire . M. Dufay , Intendant de
ce Jardin , reçût S. E. qui parut trés - satisfaite
du bon ordre qu'elle y trouva , de la beauté des
Serres , et du nombre prodigieux de Plantes
étrangeres dont ce Jardin est presentement
rempli.
Le 8. Juin , veille de la Fête de la Pentecôte
, le Roy revêtu du Grand Collier
de l'Ordre du S. Esprit , se rendit à la
Chapelle du Château de Versailles , où
S. M. communia par les mains de l'Archevêque
de Vienne , Premier Aumônier
de S. M. Le Roy toucha ensuite un
grand nombre de Malades .
Pendant la Messe , que le Roy entendit
, après avoir communié , l'Evêque
d'Acqs prêta serment de fidelité entre
les mains de S. M. L'après-midi le Roy
assista aux premieres Vêpres.
Le 9. jour de la Fête , les Chevaliers ,
Commandeurs , et Officiers de l'Ordre
du S. Esprit , s'étant rendus vers les 11.
heures du matin dans le Cabinet du Roy,
S.M. tint un Chapitre,dans lequel le Prin
ce Vaïny , qui avoit été proposé le 1. du
I. Vol. mois H
1208 MERCURE DE FRANCE
Calenzano devoit faire sortir un détachement de
la Garnison de cette Place , pour enlever des
Bestiaux qu'ils faisoient paître dans les prairies
voisines , ils avoient posté en embuscade 300 .
Hommes qui avoient surpris ce détachement ,
et qu'il y avoit eu 60. Genois de tués ou faits
prisonniers en cette occasion .
On a apris en même temps qu'il y avoit eu
dans les environs de la Bastie , un violent ouragan
, accompagné de grêle d'une telle grosseur,
que la plupart des Vignes avoient été ruinées, et
que plusieurs Bestiaux avoient été tués dans da
campagne.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Sa
A MAJESTE a accordé au Marquis
d'Havrincourt , Mestre de Camp-
Lieutenant du Régiment des Cuirassiers
du Roy , le Gouvernement d'Hesdin ,
vacant par la démission du Marquis
d'Havrincourt , son Pere .
M. de Chavigny , que le Roy a nommé
son Envoyé Extraordinaire auprès
du Roy de Dannemare , a pris congé de
S. M. et il est parti pour se rendre à
Coppenhague.
Le Marquis de Souvré , Maître de la
1. Vol. GardeJUIN.
1737. 1209
Garde-Robe du Roy , et qui a été nommê
par S. M. pour aller à Luneville complimenter
le Roy de Pologne sur son arrivée
en Lorraine , s'est acquitté de cette
commission , et il a eu l'honneur d'en
rendre compte au Roy.
Le 29. Avril, il y eut Concert chés la Reine,M.
Destouches Sur-Intendant de la Musique du Roy,
y fit chanter le Prologue et le premier Acte de
son Opera de Callirhoé, qu'on continua le 6. et
le 8. May ; les principaux Rôlles furent exécutés
par les Diles d'Aigremont , Deschamps et Mathieu
, et par les sieurs d'Angerville et Jeliot.
Le 13. le 18. et le 20. on concerta l'Opera
d'Iphigenie, dont le premier Rôlle fut chanté par
la Dile d'Aigremont , et celui d'Electre par la
Dile Mathieu ; ceux d'Oreste , de Thoas et de
Pilade , par les sieurs d'Angerville , Petillot et
du Bourg .
Le 22. et le 27. on donna à la Reine l'Opera
d'Armide ; la Dlle Antier remplit parfaitement
bien le premier Rôlle , et les autres furent chantés
par les sieurs Petillot et d'Angerville , avec la
même précision.
Le 30. May , Fête de l'Ascension , il y eut
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , ou
l'on chanta un très-beau Motet ( Diligam te )
de feu M. Gillet , Maître de Musique de la Cathedrale
de Toulouse ; il fut suivi d'une nouvelle
suite de Symphonie , du sieur Aubert, trèsbien
executée et fort aplaudie. Le sieur Buffardin
de Marseille , Ordinaire de la Musique du
Roy de Pologne , Electeur de Saxe executa
pour premiere fois un Concerto de Flûte qui
ì
la
1. Vol.
fur
1210 MERCURE DE FRANCE
fut generalement aplaudi. Le Concert fut terminé
par le Cantate , Motet du sieur Cheron, Ordinaire
de l'Académie Royale de Musique.
Le 9. Juin , Fête de la Pentecôte , on executa
au même Concert une autre suite de Sympho
nie du sieur Aubert , qui fut suivie d'un Moter
de M. Gervais , Maître de Musique de la Chapelle
du Roy. La Dile Hottererre joûa un Concerto
avec les mêmes aplaudisssmens dont le Public
l'a déja honorée . Le Te Deum de M. de la
Lande ter mina le Concert.
Le 20 jour de la Fête Dieu , on chanta le
Pange lingua du même Auteur , qui fut suivi da
petit Motet O Jesu , de M. Destouches , Sur-Intendant
de la Musique du Roy. Le sieur Angelo
Valoti , nouveau Violon Italien , executa un
Concerto au gré du Public , et la Dile Regnaut
chanta pour la première fois dans le dernier
Moret le Recit Qui annuntiat avec aplaudissement.
Le 23 , May, les Superieurs des Religieux Benedictins
de la Congregation de 5. Maur se rendirent
à l'Abbaye de S. Germain - des - Prés pour
l'élection du Superieur Général , et ouvrirent
le matin leur Assemblée par une Messe solemnelle
du S. Esprit . L'après- dinée , sur les deux
heures , les mêmes Superieurs assemblés élûrent,
au premier Scrutin , pour Général , le R. P.
Dom René Laneau. Ce Religieux avoit été consecutivement
Assistant de trois Généraux´, et
depuis la mort du R. P. Dom Claude Dupré ,
dernier Général , il gouvernoit la Congregation
sous le nom de Vicaire Général. La joye qui
étoit marquée sur tous les visages , pendant la
Cérémonie de la Proclamation , fir connoître à
seux du dehors , qui y ont assisté , que ce R,
I. Vol. Pere
JUIN. 1737 1211
1
Pere a également les coeurs et la véneration de
tous ses Confreres . •
Le Cardinal de Fleury alla le 3. Juin au Jardin
Royal, accompagné du Comte de Maurepas
et de M. Orry , Controlleur Général des Finan
ces , pour voir les augmentations et , les reparasions
faites et à faire. M. Dufay , Intendant de
ce Jardin , reçût S. E. qui parut trés-satisfaite
du bon ordre qu'elle y trouva , de la beauté des
Serres , et du nombre prodigieux de Plantes
étrangeres dont ce Jardin est presentement
xempli.
Le 8. Juin , veille de la Fête de la Pen
tecôte , le Roy revêtu du Grand Collier
de l'Ordre du S. Esprit , se rendit à la
Chapelle du Château de Versailles , où
S. M. communia par les mains de l'Archevêque
de Vienne , Premier Aumônier
de S. M. Le Roy toucha ensuite un
grand nombre de Malades.
Pendant la Messe , que le Roy entendit
, après avoir communié , l'Evêque
d'Acqs prêta serment de fidelité entre
les mains de S. M. L'après - midi le Roy
assista aux premieres Vêpres.
Le 9. jour de la Fête , les Chevaliers ,
Commandeurs , et Officiers de l'Ordre
du S. Esprit , s'étant rendus vers les 11.
heures du matin dans le Cabinet du Roy,
S.M. tint un Chapitre, dans lequel le Prince
Vaïny , qui avoit été proposé le 1. du
I. Vol. H mois
1212 MERCURE DE FRANCE
mois de Janvier dernier, pour être nommé
Chevalier, fut admis après que l'Ab..
bé de Pomponne , Chancelier des Ordres
du Roy , eut raporté qu'il avoit satisfait
à ce qui est porté par les Statuts . Le Chapitre
étant fini , le Roy se rendit à la
Chapelle du Château , étant précédé du
Duc d'Orleans , du Duc de Bourbon , du
Comte de Clermont , du Prince de Conty
, du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , et des Chevaliers, Commandeurs
et Officiers de l'Ordre. Le Roy , devant
lequel les deux Huissiers de la Chambre
portoient leurs Masses , étoit en Manreau
, le Collier de l'Ordre par - dessus ,
ainsi les Chevaliers . Le Cardinal de
que
Polignac et le Cardinal de Bissy marchoient
derriere S. M. Le Roy entendi
la Grande Messe , chantée par la Musique
, à laquelle l'Archevêque de Vien-
Prelat , Commandeur de l'Ordre du
Saint Esprit , officia Pontificalement .
ne ,
La Reine , Monseigneur le Dauphin
et Mesdames de France , entendirent la
même Messe dans la Tribune.
L'après midi , le Roy entendit le Sermon
du Pere Dureau , Cordelier , et ensuite
les Vêpres , qui furent chantées par
la Musique , et auxquelles le même Prelat
officia . La Reine assista aux Vêpres
dans la Tribune, Le
JUIN. 1737. 1213
Le 11. Don Louis d'Acunha , Ambassa
deur du Roy de Portugal, cut sa premiere
Audience particuliere du Roy. Il eut ensuite
Audience de la Reine , de Monsei
gneur le Dauphin et de Mesdames de
France , et il fut conduit à ces Audiences
par M. de Verneüil , Introducteur
des Ambassadeurs.
Le 10. les Députés des Etats de Bourgogne
eurent Audience du Roy.Ils furent
presentés par le Duc de Bourbon, Gouver
neur de la Province , et par le Comte de
S. Florentin , Secretaire d'Etat, et conduits
en la maniere accoûtumée par le Marquis
de Dreux, Grand Maître des Cérémonies,
et par M.Desgranges Maître des Cérémonies
. La Députation étoit composée de
l'Abbé Gagne de Perigny,Abbé de Châtillon
sur Seine , pour le Clergé , qui porta
la parole; du Comte de la Tournelle , *
pour la Noblesse, de M.Pourcher, Député
du Tiers - Etat , et de M. Perchet , Sindic
Général de la Province. Ces Députés
eurent ensuite Audience de la Reine , de
Monseigneur le Dauphin et de Mesdames
de France .
Le 16. le Chevalier Venier , Ambas-
* Son Bisayeul a eu l'honneur de se trouver trois
fois à la tête de la Noblesse de cette Province en la
même qualité.
1. Vol. Hij sadeur
1214 MERCURE DE FRANCE
sadeur ordinaire de la Republique de
Venise , fit son Entrée publique en cette
Ville le Maréchal de Biron et Monsieur
de Verneuil, Introducteur des Ambassadeurs
, allerent le prendre dans les
Carosses de leurs Majestés au Convent
de Picpus , d'où la Marche se fit en cet
ordre. Le Carosse de l'Introducteur ;
ceux du Maréchal de Biron , précédés
de son Ecuyer et de deux Pages à cheval
; un Suisse de l'Ambassadeur à che
val , sa livrée à pied , quatre de ses Officiers
, deux Ecuyers et six Pages à cheval
; le Carosse du Roy , aux côtés duquel
marchoient la livrée du Maréchal
de Biron et celle de M. de Verneü ; le
Carosse de la Reine ; celui de Madame
la Duchesse d'Orleans ; ceux du Duc
d'Orleans , de la Duchesse de Bourbon
Douairiere , du Duc et de la Duchesse de
Bourbon , du Comte de Charolois , du
Comte de Clermont , de la Princesse de
Conty, premiere Doüairiere , de la Princesse
de Conty , seconde Doüairiere , du
Prince de Conty , de la Duchesse du
Maine , du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , du Comte et de la Comtesse
de Toulouse , et celui de M. Amelot
Ministre et Secretaire d'Etat , ayant le
Département des Affaires étrangeres . Les
1. Vol.
quatro
JUIN. 1737. 1218
quatre Carosses de l'Ambassadeur mar
choient ensuite à une distance de trente
Ou quarante pas. Lorsque l'Ambassadeur
fut arrivé à son Hôtel , il fut complimenté
de la part du Roy par le Duc de
Rochechouart , Premier Gentilhomme
de la Chambre de S. M. de la part de la
Reine , par le Comte de Tessé , son premier
Ecuyer , et de la part de Madame la
Duchesse d'Orleans , par le Marquis de
Crevecoeur , Premier Ecuyer de S. A. R.
Le 18. le Prince de Lambesc et M, de
Verneuil , Introducteur des Ambassadeur
, allerent prendre l'Ambassadeur
en son Hôtel dans les Carosses du Roy
et de la Reine , et ils le conduisirent à
Versailles , où il eut sa premiere Audience
publique du Roy : il trouva àson
passage, dans l'Avant-cour du Château
les Compagnies des Gardes Françoises et
Suisses sous les Armes , les Tambours
apellant ; dans la Cour les Gardes de la
Porte et ceux de la Prevôté de l'Hôtel
sous les Armes à leurs postes ordinaires
et sur l'Escalier , les Cent - Suisses en ha
bits de cérémonie , la Hallebarde à la
main. Il fut reçû en dedans de la Sale
des Gardes par le Duc de Bethune , Ca
pitaine des Gardes du Corps , qui étoient
en haye et sous les Armes. Après l'Au-
I.Vol. Hiij dience
121 MERCURE DE FRANCE
dience du Roy , l'Ambassadeur fut conduit
à l'Audience de la Reine et à celle
de Monseigneur le Dauphin par le Prince
de Lambèse , et par M. de Verneuil
Introducteur des Ambassadeurs . Il fut
conduit ensuite à celle de Mesdames de
France ; et après avoir été traité par les
Officiers du Roy, il fut reconduit à Paris
dans les Carosses de leurs Majestés
avec les cérémonies accoûtumées.
Le 20. Fête du S. Sacrement , le Roy
se rendit à l'Eglise de la Paroisse du Château
de Versailles , où S. M. entendit la
Grande Messe , après avoir assisté à la
Procession , qui , suivant l'usage , alla à
La Chapelle.
La Reine s'y rendit lorsque la Procession
y arriva. Monseigneur le Dauphin
et Mesdames de France virent passer la
Procession.
Le 27. May , on chanta au Concert
de la Reine un Divertissement intitulé
le Triomphe de la Paix , dont les Paroles
sont de M. Morand , et la Musique de
M. Mathieu , Ordinaire de la Musique
du Roy. Il fut chanté par les Dlles Mahieu
, d'Aigremont et Deschamps , et reçut
beaucoup d'aplaudissement.
Le 29. May et le premier Juin , on
1. Vel.
chanta
JUIN. 1737. 1217
chanta devant la Reine le Ballet du Triomphe
de l'Harmonie , dont on vient de donner
l'Extrait ; les Dlles Pellissier et Erremens,
et le sieur Chassé exécuterent avec
succès les Rôles qui les concernoient.
Les. et le 12 Juin S.M. entendit l'Opera
de Telemaque , mis en Musique par M.
Destouches , Sur- Intendant de la Musique
du Roy , les Diles Antier et Mathieu
chanterent les Rôles de Calypso et d'Eu
charis , avec autant de goût que de pré .
cision . Les sieurs Petillot et d'Angerville
remplirent ceux de Telemaque et d'Adraste.
Le reste de l'Opera fut exécuté d'une
façon très- brillante. La Reine eut la bonté
d'en marquer sa satisfaction à l'Auteur .
Le 17. S. M. voulut entendre , pour
la seconde fois , le Divertissement du
Triopmhe de la Paix , et en parut aussi
contente que la premiere. On parlera
plus au long de ce Divertissement .
MORTS , NAISSANCES ,
Et Mariages.
E 2-8. Mars D. Henriette- Louise de Beaus
Fi de Choiseul-la Riviere , apellé le Marquis de
Choiseul , Comte de la Riviere , Chevigny ,
I. Vol . Hiiij
1218 MERCURE DE FRANCE
et Couloutre , Vicomte de Bouconville , Ba
ron de Lux , Seigneur de Giry , Chassy , Brigadier
des Armées du Roy, ancien Mestre de Camp
du Regiment de la Reine Cavalerie, avec lequet
elle avoit été mariée le 28. Avril 1711. mourut
à Paris , âgée d'environ 51. ans. Elle étoit
Fille puinée de Gabriel - Henri de Beauvau ,
Marquis de Montgauger , Comte de Crissé ,
ci - devant Capitaine des Gardes de feu Philipe
, Fils de France , Duc d'Orleans , et de feuë
Marie- Angelique de Saint André , sa premiere
Femme. Elle laisse pour Fils unique César - Gabriel
de Choiseul - la- Riviere , Comte de la Riviere
, apellé le Marquis de Choiseul , né le 14.
Août 1712. Mestre de Camp de Cavalerie , Sous-
Lieutenant de la Compagnie des Chevau Legers
Dauphins , du 25. Mars 1734. et aupara➡
vant Cornette de celle des Chevau - Legers de
Berri , dont le mariage avec Marie de Champagne
de Villaines est raporté dans le Mercure du
mois de May 1732. p. 1022.
·
Le 31. D. Louise - Henriette - Françoise de
Lorraine , Duchesse Douairiere de Bouillon , Fille
aînée d'Anne- Marie - Joseph de Lorraine , Com .
re et Prince de Guise sur Moselle , et de feuë D.
Marie- Louise- Christine de Castille Jeannin ,
Heritiere de Montjeu , morte le 11. Janv. 1736.
mourut à Paris , après une longue maladie de
poitrine , âgée de 30. ans. Elle avoit été mariée
le 21. Mars 1725. avec Emmanuel - Théodose
de la Tour , Duc de Bouillon , Vicomte de Turenne,
Duc d'Albret , et de Châteauthierry , Comte
d'Auvergne , d'Evreux et du bas Armagnac ,
Baron de la Tour et de Mongaçon , &c. Pair ,
et ci - devant Grand Chambellan de France, Gouverneur
et Lieutenant General du haut et bas
I. Vel, Auvergne
JUIN. 1737. 1219
Auvergne , mort le 17. May 1730. Elle étois
sa quatriéme Femme . Elle laisse de lui une Fille,
née le 20. Décembre 1728 .
Le 1. Avril Jean - Luc, de Lauzieres , Marquis
deThemines- Cardailhac, Mestre de Camp de Cavalerie,
par Brevet du premier Décembre 1718.
Gouverneur des Ville et Château de Dommes
en Perigord , par Provisions du 1. Juin 1721.
et Gentilhomme de la Chambre du Duc d'Or- .
leans , par autres Provisions du 5. Mars 1724.
mourut à Paris , âgé de 63. ans. Il avoit été
Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem ,
dont il quitta la Croix , lorsqu'il se maria le
13. Novembre 1730. avec Angelique - Sophie
d'Hautefort , Fille de feu Charles - Louis d'Hautefort
, Marquis de Surville , Lieutenant General
des Armées du Roy , et de Louise de Crevantd'Humieres.
Le Duc d'Orleans lui accorda alors
une pension de 4000. livres pour le dédommager
de la perte d'une de 3000. livres qui lui
avoit été accordée sur l'Evêché de Perigueux. le
11. Janvier 1721. Il étoit Fils puiné de feu
Henri de Lauzieres , Seigneur de Saint Beaulize ,
et du Bosc , et de Marie de Nogaret de Trelans
. Le Duc d'Estrées , dernier mort , lui avoit
fait une donation entrevifs de plusieurs Terres
et Seigneuries provenantes de la Maison de Lauzieres-
Themines , le 11. May 1721. Elles lai
furent disputées par les Soeurs du Donataire ,
mais il fut confirmé dans la proprieté , possession
et jouissance de ces Terres , par Arrêt
contradictoire du Parlement de Toulouse du 29.
May 1728 .
Le 3. D. Cecile - Catherine de Falconis , Dame
d'Auvilliers , Veuve d'Antoine d'Amanzé, Comse
de Choffailles en Mâconnois , Seigneur d'Ar-
I. Vel Hr singes
1220 MERCURE DE FRANCE
singes , de Vize , de Ballemont , de Saint Germain
de la Montagne , &c. avec lequel elle avoit
été mariée le 17. Juin 1705. mourut à Paris ,
âgée d'environ fr. ans, laissant un Fils âgé de 20 .
ans › et une Fille plus jeune. Elle étoit Fille de
Pierre -Louis de Falconis , Seigneur d'Auvillierset
de Lierval , mort le 17. Mars 1692. et d'Elizabeth
de Monthelon , morte au mois de Janvier
1729.
Le 4. Leonor-Hubert de Grivel , Marquis
d'Ouroy , Colonel d'un Regiment d'Infanterie
de son nom , ci- devant de Vendôme par Com--
mission du 27. Juin 1726. Fils aîné de Paul
de Grivel Comte d'Ouroüer , en Berri
?
1
qu'on prononce Ouroy) de Grossauve , & c..
autrefois Mestre de Camp- Lieutenant du Regiment
d'Anjou Cavalerie , et de feuë Dame Marguerite
- Françoise le Bourgoing de Faulin , dont
on a annoncé la mort dans le Mercure du mois .
de May 1736. p . 1032. mourut à Paris , âgé
de 28. ans , et sans avoir été marié.
Le 9: Nicolas-Simon Arnauld , Marquis de
Pomponne , de Palaiseau et de Champlant , Bri--
gadier des Armées du Roy , ci - devant Lieutenant
General , et Commandant pour S. M. au
Gouvernement de l'Isle de France et Soissonnois
, mourut à Paris âgé de 74. ans ri . mois,
Son Corps fut aporté le 11. au soir de Saint Sulpice
, sa Paroisse , à Saint Merry , où il a étés
inhumé dans la Chapelle de , sa Famille. Son
Coeur a été porté à Palaiseau . Il avoit été d'a→
bord Capitaine dans le Reginent du Roy. Il fut
fait ensuite Colonel de celui de Hainaut au mois
de Septembre 1684. H servit à la tête de ce Regiment
en Savoye sous le Maréchal de Caanat
, et il se distingua à la Bataille de la Staf
I. Voli -farde
JUIN. 1737. 1221
farde en Piémont le 18. Août 1690. Il eut le
Regiment d'Artois au mois de Septembre 1692
et il fut fait Brigadier d'Infanterie le 30. Mars
1693. Il alla au mois de Mars 1699. à Bruxelles
, avec le caractere d'Envoyé Extraordinaire
du Roy vers le feu Electeur Duc de Baviere ,
pour le complimenter sur la mort du Prince
Electoral , son Fils. Il étoit Fils aîné de feu Si
mon Arnauld , Marquis de Pomponne , Ministre
d'Etat , et Sur - Intendant General des Postes
et Relais de France , ci-devant Secretaire d'Etat
ayant le Département des Affaires étrangeres ,
mort le 26. Septembre 1699 : à l'âge de 81. ans,
et de Catherine- Renée Ladvocat , morte le 31.
Décembre 1711. à l'âge de 75. ans , Soeur aînée
de Charlote- Renée l'Advocat , Veuve du Mar
quis de Vins , actuellement vivante. Le Marquis
de Pomponne , qui vient de mourir , étoit Fre
re de l'Abbé de Pomponne , Conseiller d'Etat
Ordinaire , et Chancelier des Ordres du Roy ,
et de la Marquise de Torcy- Colbert ; il avoit
été marié le 11. Mars 1694 avec Constance de
Harville de Palaiseau , Fille de feu François de
Harville des Ursins , Marquis de Palaiseau , de
Doué et de Trainel, Chevalier de l'Ordre du Roi,
Maréchal de Cap de ses Armées, et Gouverneur
des Ville et Citadelle de Charleville ,et de Montohimpe
, mort le 12 Octobre 1701 et de feuë
Anne de Comans d'Astry , sa seconde Femme ,
morte au mois d'Août 1693. Il avoit eu d'elle
Henri Charles Arnauld , Comte de Pomponne ,
mort le trente Juillet 1711. âgé de quatorze
ans ; Jean Baptiste - François - Felix Arnauld
de Pomponne, mort dans la 10. année de
son âge , le 22% Avril 1713 et Catherine -Cons "
tance-Emilie Arnauld de Pomponne , restée Fille
IA-Foto- H- vj miques
1220 MERCURE DE FRANCE
" singes , de Vize , de Ballemont , de Saint Germain
de la Montagne, &c. avec lequel elle avoit
été mariée le 17. Juin 1705. mourut à Paris
âgée d'environ fr . ans,laissant un Fils âgé de 20.-
ans , et une Fille plus jeune. Elle étoit Fille de
Pierre-Louis de Falconis , Seigneur d'Auvillierset
de Lierval , mort le 17. Mars 1692. et d'Elizabeth
de Monthelon , morte au mois de Janvier
1729.
Le 4. Leonor-Hubert de Grivel , Marquis
d'Ourey , Colonel d'un Regiment d'Infanterie
de son nom , ci- devant de Vendôme par Com--
mission du 27. Juin 1726. Fils aîné de Paui
de Grivel , Comte d'Ourouer en Berri 9
qu'on prononce Ouroy) de Grossauve, &c..
autrefois Mestre de Camp- Lieutenant du Regiment
d'Anjou Cavalerie , et de feue Dame Marguerite
-Françoise le Bourgoing de Faulin , dont
ön a annoncé la mort dans le Mercure du mois .
de May 1736. p. 1032. mourut à Paris , âgé
de 28. ans , et sans avoir été marié.
Le 9. Nicolas- Simon Arnauld , Marquis de
Pomponne , de Palaiseau et de Champlant , Bri--
gadier des Armées du Roy , ci- devant Lieutenant
General , et Commandant pour S. M. au
Gouvernement de l'Isle de France et Soissonnois,
mourut à Paris âgé de 74. ans ri. mois,
Son Corps fut aporté le 11. au soir de Saint Sulpice
, sa Paroisse , à Saint Merry , où il a été
inhumé dans la Chapelle de, sa Famille . Son
Coeur a été porté à Palaiseau. Il avoit été d'a—
bord Capitaine dans le Reginent du Roy. Il fut
fait ensuite Colonel de celui de Hainaut au mois
de Septembre 1684. H servit à la tête de ce Regiment
en Savoye sous le Maréchal de Canar
, et il se distingua à la Bataille de la Staf-
I. Vali farde
JUIN. 1737. 1221
farde en Piémont le 18. Août 1690. Il eut le
Regiment d'Artois au mois de Septembre 1692
et il fut fait Brigadier d'Infanterie le 30. Mars
1693. Il alla au mois de Mars 1699. à Bruxel
les , avec le caractere d'Envoyé Extraordinaire
du Roy vers le feu Electeur Duc de Baviere ,
pour le complimenter sur la mort du Prince
Electoral , son Fils. Il étoit Fils aîné de feu Si
mon Arnauld , Marquis de Pomponne , Ministre
d'Etat , et Sur - Intendant General des Postes
et Relais de France , ci-devant Secretaire d'Etat
ayant le Département des Affaires étrangeres ,
mort le 26. Septembre 1699 ; à l'âge de 81. ans,
et de Catherine- Renée Ladvocat , morte le 31.
Décembre 1711. à l'âge de 75. ans , Soeur aînée
de Charlote- Renée l'Advocat , Veuve du Mara
quis de Vins , actuellement vivante. Le Marquis
de Pomponne , qui vient de mourir , étoit Fre →
re de l'Abbé de Pomponne , Conseiller d'Etat
Ordinaire , et Chancelier des Ordres du Roy ,
et de la Marquise de Torcy-Colbert; il avoit
été marié le 11. Mars 1694 avec Constance de
Harville de Palaiseau , Fille de feu François de
Harville des Ursins , Marquis de Palaiseau , de
Doué et de Trainel , Chevalier de l'Ordre du Roi ,
Maréchal de Cainp de ses Armées , et Gouverneur
des Ville et Citadelle de Charleville, et de Montohimpe
, mort le 12 Octobre 1701 et de feuë
Anne de Comans d'Astry , sa seconde Femme ,
morte au mois d'Août 1693. Il avoit eu d'elle
Henri Charles Arnauld , Comte de Pomponne ,
mort le trente Juillet 1711. âgé de quatorze
ans ; Jean Baptiste - François- Felix Arnauld
de Pomponne , mort dans la 10. année de
son âge , le 22 Avril 17136 et-Catherine- Cons
tance- Emilie Arnauld de Pomponne , restée Fille
·
Is-Vols-
Hivj miquet
1222 MERCURE DE FRANCE
unique, mariée le 25 Juin 1715. avec Jean-Joa-i
chim Rouault , Comte de Cayeu , aujourd'hu
Marquis de Gamaches, et Maréchal de Camp des
Armées du Roy. ,
•
Le 12. Philipe Hecquet , Docteur- Regent, ancien
Professeur , et ancien Doyen de la Faculté
de Médecine de Paris , connu par plusieurs Ouvrages
de sa Profession , qu'il avoit rendus publics
mourut âgé de 74. ans. Il avoit quité
depuis 1o. ans l'exercice de la Medecine , il s'étoit
retiré dans l'Enclos du Convent des Carmelites
du Fauxbourg S. Jacques. On prétend
qu'il y avoit 30. ans qu'il n'avoit mangé de
viande , ni bû de vin .
Le 13. Nicolas Henin , Conseiller du Roy ea
son Grand Conseil , où il avoit été reçû le s .
May 1688. mourut après avoir été trois jours
entiers en apoplexie létargique . Il étoit âgé de
82. ans 11. mois 10. jours , étant né le 3. May
1654. Il étoit veuf d'Anne- Henriette Brice
dont il laisse deux Fils et une Fille , ainsi qu'on
l'a raporté en annonçant la mort de cette Dame
dans le Mercure du mois de Novembre
1734. P. 15 30.
Le 26. Louis le Goux de la Berchere , Comte
de la Rochepot , Marquis de Santenay , Baron de
Thoisy, Seigneur de la Berchere , Conseiller d'Etat
ordinaire , mourut à Paris subitement en alg
lant se mettre à table pour dîner. Il étoit dans la
61. année de son âge , étant né le 10. Octobre
1676. il avoit été successivement Conseiller au
Parlement de Paris le 14.Janvier 1699.Maître des
Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy le 29
Juillet 1703. et Chancelier et Garde des. Sceaux
de Charles de France , Duc de Berri , le 11. Désembre
1710. Il perdit cette Charge à la mort de
1. Velo
JUIN. 1737. 1223
ce Prince , et ayant été fait Conseiller d'Etat au
mois de May 1715. il se démit de celle de Maî
tre des Requêtes , et obtint des Lettres d'Honoraire
le 22. Juin de la même année . Il étoit veuf
sans enfans depuis le 16. Mars 1729. de Magdeleine-
Charlotte Voisin , fille aînée du feu Chancelier
de France de ce nom , et fils de feu Urbain
le Goux de la Berchere , Marquis de Santenay ,
&c. Maître des RequêtesHonoraire de l'Hôtel du
Roy , ci-devant Intendant successivement à
Moulins , à Riom , à Montauban et à Rouen ,
mort le 30. Août 1721. à l'âge de 79. ans , es
d'Antoinette le Févre d'Eaubonne , morte le 29%
Décembre 1708. âgée de 17. ans.
Le 27. Jean- Baptiste Poncy de Neuville , Prêtre
, mourut à Paris dans la 39. année de son
âge. Les heureux talens dont il étoit orné , le
font universellement regretter , comme un sujet
également utile à la Religion qu'il a défendue
avec un zele infatigable par ses éloquents et so
lides Sermons ; et à la République des Lettres ,
qu'il a enrichie de plusieurs Ouvrages poëtiques
qui ont mérité plus d'une fois d'être couronnés .
dans l'Académie des Jeux Floraux. Il étoit d'ail
leurs autant estimable par les qualités du coeur
que par celles de l'esprit. Il prononça l'année
derniere avec beaucoup de succès dans l'Eglise
des R R. PP. de l'Oratoire , le Panégyrique de
S. Louis , en présence de deux célebres Acadé
mies. Il a aussi prêché plusieurs Sermons dans
l'Eglise Paroissiale de S. Sulpice et dans d'autres
Eglises de la Ville . Un redoublement de zele
pour les devoirs de son Ministere dans les circonstances
de la fin du Carême , lui a causé la
maladie qui l'a enlevé en très-peu de jours.
Le même jour D. Jeanne -Louise d'Herbouville
I. Vd.
épouse
1224 MERCURE DE FRANCE
épouse de Charles de Houdetot , dit le Comte de
Houdetot , Chevalier Seigneur de Fontaines - le-
Châtel , de S. Germain des Essours , des Autieux,
&c. son cousin paternel et maternel du 3. au 4.
mourut après une courte maladie d'un abcès dans
la tête , à Paris dans la 26. année de son âge ,
étant née le s . Décembre 1711. elle étoit fille
d'Adrien , Marquis d'Herbouville , Chevalier-
Seigneur de S. Jean du Cardonnay , la Cour-le-
Comte , la Gaillarde , le Bourgdun , Luneray ,
S Pierre le Vieux , Baron de Longueval , Lagny,
fe Marqué , Bellan , &c. ci - devant premier Easeigne
de la Compagnie des Gendarmes de la
Garde du Roy , Mestre de Camp de Cavalerie ,
er de D. Françoise- Chrétienne Dauvet des Marets
; elle laisse un garçon et une fille en bas àge,
n'ayant été mariée qu'au mois de Novembre
1731. c'étoit la cinquiéme alliance réciproque
que ces deux Maisons , qui sont d'une ancienne
Noblesse de Normandie , avoient faites entre-elles.
La Généalogie de celle de Houdetot est råportée
dans le Tome VIII.des Grands Officiers de
la Couronne , au Chapitre des Grands - Maîtres
des Arbalêrriers , page 16. Ses Armes sont d'argent
à une bande d'azur , chargée de trois anne
lets d'or remplis , celui du milieu d'un Lion ,
les deux autres d'une Aigle à deux têtes , et Diaprée
d'or. Herbouville porte de gueules à une
Fleur de Lys d'or.
et .
Le nommé Félix de la Mata , mourut le 28.
Avril à Pampelune , âgé de 125. ans ; il s'étoit
marié à l'âge de 110. ans pour la troisième fois ,
et il a eu trois enfans de sa derniere femme .
Le 29. Dile Marie Cousinet , Dame.de Boisroger
, fille de Robert Coasinet , Maître ordinaire
en-l Chambre des Compres de Paris , mort le
JUIN. 1737.
1225
36. Août 1701. et de Di Elizabeth -Catherine
Rousselet , morte le premier May 1694. mourut
d'une fluxion de poitrine à Paris , dans un âge
avancé , sans avoir été mariée..
Le même jour François Gacon , ancien Avocat
au Parlement de Paris , où il avoit été immatriculé
le 4. Février 1698. et l'un des grands Consultans
du Palais , mourut âgé d'environ 63 ans.
Le même jour D. Jeanne- Margueritte de Brehan
, veuve depuis le 27. Mars 1713. de Charles,
Marquis de Sévigné , Seigneur des Rochers ,
Lieutenant pour le Roy de la Ville de Nantes et
Comté Nantois , et auparavant Sous -Lieutenant
de la Compagnie des Gendarmes Dauphins, avec
lequel elle avoit été mariée au mois de Fevrier
1-684. mourut à Paris , sans enfans , âgée de 69.
ans . Elle étoit soeur de Jean- François Amalrie
de Bréhan , Comte de Mauron et de Plélo , Seigueur
de Galinée , ci-devant Conseiller au Parfement
de Bretagne ; tous deux enfans de Maurille
de Breban , aussi Comte de Mauron et de
Plélo , et de D. Louise de Quelen . Feu Charles?
Marquis de Sévigné , étoit frere de feuë Frango:
se - Marguerite de Sévigné , troisiéme femme.
de François Adhemar de Monteil de Castelane ,
Comte de Grignan , Chevalier des Ordres du
Roy ,, et seul Lieutenant General au Gouverne
ment de Provence, morte le 13. Août 1705. tous
deux enfans de Henry , Marquis de Sévigné, Seigneur
des Rochers , Maréchal des Camps et Ar
mées du Roy, et Gouverneur de la Ville de Fougeres
en Bretagne , qui fut tué en 1651. dans un
combat singulier contre le Chevalier d'Albret ,,
et de Marie de Rabutin de Chantal , morte au
mois de May 1696. après s'être renduë celebre
par son esprit et par ses Lettres à la Comtesse de
L. Vol Grignan ,
1226 MERCURE DE FRANCE
Grignan , sa fille , dont on a donné un Recueil
au Public en 1734. en 6. vol . in 12 .
Le 2. May Antoine- Simon le Courtois , Ecuyer
Seigneur d'Avery et de Chome , ci-devant Con
trôleur Géneral des Fermes de Languedoc , ze.
Fils de feu Pierre le Courtois , Ecuyer Conseiller
au Siege Présidial de Troyes , et de Margueritte
Laigneau , mourut à Paris , laissant de D.
Marthe Ricaud, sa femme, Jacques le Courtois
d'Averly , Conseiller en la Cour des Aydes de
Paris , où il a été reçû le 10. May 1735 .
Le 3. mourut subitement à Paris à l'Hôtel de
la Bibliotheque du Roy , âgé de 78. ans , Louis
de Targny , Prêtre du Diocèse de Noyon , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , du 22.
Septembre 1688. l'un des Gardes de la Bibliotheque
du Roy , depuis le mois de Janvier 1712.
et Abbé Commandataire de l'Abbaye de S. Lo ,
Ordre de S. Augustin , Diocèse de Coutances
qu'il avoit obtenuë le 13. May 1724. en remettant
celle de Sainte Marie d'Obasine , Ordre de
Citeaux , Diocèse de Limoges , qui lui avoit été
accordée le 17. Octobre . 1723. il s'étoit démis il
y avoit environ 18. mois de la Dignité de Chantre
de l'Eglise Métropolitaine de Rheims , et avoit
été autrefois Principal du College de Dainville .
François Sévin , Pensionnaire depuis 1726. de
l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-
Lettres , dans laquelle il avoit été reçû Eleve dès
1711. et ensuite Associé en 1714. a cû la Place
de Garde de la Bibliotheque du Roy, vacante par
la mort de Louis de Targny ; il en faisoit les
fonctions depuis quelques années .
Le 3. Dom Etienne Richard , General de
l'Ordre des Chartreux , mourut à la grande Chartreuse
en Dauphiné , dans la 69. année de son
I. Val
âge,
JUIN 1737. 1227
ge , et dans la 6. de son Géneralat , ayant été
élû le 3. Février 1732. il étoit alors Prieur de la
Chartreuse de Castres en Languedoc , et Visiteur
de la Province d'Aquitaine.Dom Michel de Larnage
Prieur de la Chartreuse de S. Hugon , a été
élu Géneral en son lieu et place .
Le 4. Ferdinand , Duc de Curlande , et de Semigalle
, qui depuis deux à trois ans faisoit son
séjour le plus ordinaire à Dantzig , y mourut
dans la 82. année de son âge , étant né le 2. Novembre
1655. il étoit 4 fils de Jacques , Duc de
Curlande et de Semigalle , mort le 31. Décembre
1682.et de Louise-Charlotte de Brandebourg,
morte le 29. Août 1676. il avoit embrasse la
Religion Catholique en 1698. et il avoit été autrefois
Lieutenant d'Artillerie des Troupes de
l'Electeur de Brandebourg et ensuite du Roy de
Pologne. Après la mort du Duc Frederic Casimir
, son frere aîné , arrivée le 22. Janvier .
1698. il eut la Régence et l'administration du
Duché de Curlande jusqu'en 1710. pendant la
minorité du Duc Frédéric Guillaume , son neveu
, qui mourut le 21. Janvier 1711. il devoit
être son successeur , étant le seul mâle qui restất
de sa Maison , mais Anne Juanowna , veuve de
son neveu , quoique sans enfans , garda ses Etats
jusqu'en 1730. qu'elle fut apellée au Trône de
la Monarchie de Russie ; ensorte qu'il ne reçut
l'investiture du Duché de Curlande et de ses dépen
dances du Roy de Pologne , que le 28. Février
1731. Il s'étoit marié le 25. Septembre 1730.
avec Jeanne- Magdelaine de Saxe , née le 17.
Mars 1708, fille de feu Jean- Georges , Duc de
Saxe-Weissenfels , et de Frederique- Elizabeth de
Saxe-Eysenach. Il n'en a point eû d'enfans , desorte
qu'en lui finit la Maison de Ketler , qui
I. Vol. avoit
1228 MERCURE DE FRANCE
avoit été investie du Duché de Curlande et de
Semigalle , le 5. Mars 1562. par Sigismond , Roy
de Pologne , en la personne de Gothard Ketler ,
Gentilhomme du Duché de Bergue , er dernier
Grand- Maître de l'Ordre des Chevaliers de Livonie
, Bisayeul du Duc qui vient de mourir.
Les Zacharie Morel, Seigneur de la Brosse en
Brie , et de S. Oüen , Conseiller et Doyen du
Parlement , et Doyen des Conseillers de la Ville
.de Paris , mourut dans la 84. année de son âge
et la sf . de sa Magistrature , ayant
été reçû
Consciller au Parlement le 6. May 1682. il monta
à la Grand'Chambre au mois de Novembre
1714. et en devint Doyen le 25. Avril 1735. I
étoit fils de Daniel Morel , Seigneur de Stainville,
Haussignemont, Courbevoye, & c. Conseil
ler-Secretaire du Roy et de ses Finances, et Maître
de la Chambre aux Deniers de S. M. mort le 12
Avril 1697. et d'Elisabeth Henryet, morte le 27
Décembre 1691. et il avoit épousé défunte Michelle-
Angélique Titon , fille de feu Maximilien
Titon , Baron de Berre , Seigneur d'Ognon,
&c. aussi Secretaire du Roy , et de ses Finances ,
et Directeur General du Magazin des Armes de
S. M. et de feüe Marguerite Becaille . Il en laisse
un fils , qui a été ci- devant dans le Service Militaire
, er deux filles , tous trois non mariés.
Le 6. D. Marie- Anne Boileau , veuve depuis le
20. Janvier 1710. de Philipe Gourdon , Consei
ler -Secretaire du Roy , Maison , Couronne de
France et de ses Finances , et Secretaire des Commandemens
de feue Dile Marie de Lorraine ,
Duchesse de Guise , mourut d'une fluxion de
poitrine , âgée d'environ 76. ans, laissant un fils.
Le 7. May , Jean - Baptiste- Jacques de Saint
Remy, Marquis de Cossé , Seigneur de la Motte-
L.Voli
Fouqué
JUIN. 1229 1737.
Fouqué de Montgoubert , &c. mourut en son
Château de la Motte , en Normandie , âgé d'environ
67. ans. Il avoit épousé en 1700. Marie-
Therese -Nicole de Montgommery, fille de François
, Comte de Montgommery , Chevalier de
l'Ordre du Roy , et de Marie- Louise de Grisson,
Dame de la Motte- Villebouzin , près de Longjumeau
et du Mesnil. Elle mourut le 29. Mars
1733. il avoit eû d'elle deux enfans ; sçavoir ,
Jean-Baptiste- François de S. Remy , mort le 25
Avril 1726. âgé de 23. ans , et Marie- Magdelaine
de S. Remy , aujourd'hui seule et unique
heritiere de sa Maison , qui fut mariée le 20
Décembre 1725. avec Guy- Antoine de S. Simon,
Marquis de Courtomer , Mestre de Camp
de Cavalerie , ci- devant Capitaine des Gardes
du Corps de feue la Duchesse de Berry , qui a été
dans sa jeunesse Chevalier de l'Ordre de S. Jean
de Jerusalem , et qui devint en 1724. l'aîné de
sa Maison par la mort sans enfans de Jacques-
Antoine de S. Simon , son frere , Marquis de
Courtomer , Comte de Montreuil , Colonel du
Régiment de Soissonnois,
Le 8. D. Marie- Madelaine - Therese - Geneviéve
de Mouchy d'Hocquincourt , Veuve depuis
le 27. Janvier 1711. d'Antoine de Pas , Marquis
de Feuquieres , Lieutenant General des Ar
mées du Roy , Gouverneur des Ville et Citadelle
de Verdun , et Païs Verdunois , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , et ancien Chevalier
d'Honneur du Parlement de Metz , avec
lequel elle avoit été mariée au mois de Janvier
1695. mourut à Paris dans le Monastere de
Port - Royal , âgée de 68. ans . Elle étoit Fille
de Georges de Mouchy , Marquis d'Hocquin-
Court , Chevalier des Ordres du Roy , Lieute
1. Val. nang
1228 MERCURE DE FRANCE
*
avoit été investie du Duché de Curlande et de
Semigalle , le 5. Mars 1562. par Sigismond, Roy
de Pologne , en la personne de Gothard Ketler ,
Gentilhomme du Duché de Bergue , er dernier
Grand-Maître de l'Ordre des Chevaliers de Livonie
, Bisayeul du Duc qui vient de mourir.
Les Zacharie Morel, Seigneur de la Brosse en
Brie , et de S. Ouen , Conseiller et Doyen du
Parlement , et Doyen des Conseillers de la Ville
de Paris , mourut dans la 84. année de son âge ,
et la sf . de sa Magistrature , ayant été reçû
Conseiller au Parlement le 6. May 1682. il mon
ta à la Grand'Chambre au mois de Novembre
1714. et en devint Doyen le 25. Avril 1735. I
étoit fils de Daniel Morel , Seigneur de Stainville,
Haussignemont , Courbevoye, & c. Conseil
ler- Secretaire du Roy et de ses Finances , et Maître
de la Chambre aux Deniers de S. M. mort le 12
Avril 1697. et d'Elisabeth Henryet, morte le 27
Décembre 1691. et il avoit épousé défunte Michelle-
Angélique Titon , fille de feu Maximilien
Titon , Baron de Berre , Seigneur d'Ognon,
&c. aussi Secretaire du Roy , et de ses Finances,
et Directeur General du Magazin des Armes de
S. M. et de feue Marguerite Becaille. Il en laisse
un fils , qui a été ci- devant dans le Service Militaire
, er deux filles , tous trois non mariés.
Le 6. D. Marie- Anne Boileau , veuve depuis le
20. Janvier 1710. de Philipe Gourdon , Consei
ler-Secretaire du Roy , Maison , Couronne de
France et de ses Finances , et Secretaire des Commandemens
de feue Dile Marie de Lorraine ,
Duchesse de Guise , mourut d'une fluxion de
poitrine , âgée d'environ 76. ans, laissant un fils.
Le 7. May , Jean-Baptiste- Jacques de Saint
Remy, Marquis de Cossé, Seigneur de la Motte-
I Vol Fouqué
JUIN. 1229 1737.
"
Fouqué de Montgoubert , &c. mourut en son
Château de la Motte , en Normandie , âgé d'environ
67. ans. Il avoit épousé en 1700. Marie-
Therese-Nicole de Montgommery, fille de François
, Comte de Montgommery , Chevalier de
P'Ordre du Roy, et de Marie- Louise de Grisson,
Dame de la Motte- Villebouzin , près de Longjumeau
et du Mesnil. Elle mourut le 29. Mars
1733. il avoit cû d'elle deux enfans ; sçavoir
Jean- Baptiste- François de S. Remy , mort le 25
Avril 1726. âgé de 23. ans , et Marie- Magde-
Laine de S. Remy , aujourd'hui seule et unique
heritiere de sa Maison , qui fut mariée le 20
Décembre 1725. avec Guy- Antoine de S. Simon,
Marquis de Courtomer , Mestre de Camp
de Cavalerie , ci - devant Capitaine des Gardes
du Corps de feue la Duchesse de Berry , qui a été
dans sa jeunesse Chevalier de l'Ordre de S. Jean
de Jerusalem , et qui devint en 1724. l'aîné de
sa Maison par la mort sans enfans de Jacques-
Antoine de S. Simon , son frere , Marquis de
Courtomer , Comte de Montreuil , Colonel du
Régiment de Soissonnois,
Le 8. D. Marie- Madelaine- Therese Gencviéve
de Mouchy d'Hocquincourt , Veuve depuis
le 27. Janvier 1711. d'Antoine de Pas , Marquis
de Feuquieres , Lieutenant General des Armées
du Roy , Gouverneur des Ville et Citadelle
de Verdun , et Païs Verdunois , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Loüis , et ancien Chevalier
d'Honneur du Parlement de Metz , avec
lequel elle avoit été mariée au mois de Janvier
1695. mourut à Paris dans le Monastere de
Port - Royal , âgée de 68. ans . Elle étoit Fille
de Georges de Mouchy , Marquis d'Hocquin-
Court , Chevalier des Ordres du Roy , Lieute
I. Val.
nang
230 MERCURE DE FRANCE
nant General de ses Armées , Grand- Bailly et
Gouverneur de Peronne , Montdidier et Roye ,
mort au mois de Décembre 1689. et de Dame
Marie Molé de Jusanvigny , morte le 21. Janvier
1694. Il ne lui restoit plus qu'une Fille , qui
est D. Pauline- Corisande de Pas - Feuquieres ,
née le 19. Janvier 1704. et mariée le 30. Janvier
1720. avec Joachim Adolphe de Seigliere
Marquis de Soyecourt , Chevalier de l'Ordre
Militaire de Saint Louis , Brigadier des Armées
du Roy , ci- devant Colonel du Regiment de
Bourgogne.
Le 9. Jean-Jacques du Bergier , Seigneur des
Salles , et de Montaumer , Gentilhomme Ore
dinaire du feu Duc d'Orleans , mourut à Paris
en la Maison des PP. de la Doctrine Chrétienne
, dans un âge fort avancé. Il étoit Fils de
Jean-Jacques Bergier , Seigneur des Salles , et
de Marie de Machaut , et veuf de Marie Geneviéve
Routtier, morte le 24. Janvier 1731. âgée
de 74. ans, Fille de Michel Routtier Payeur des
Rentes de l'Hôtel de Ville de Paris , et de Ge
nevieve Lalleman .
Le 11. Augustin de la lacquerie de Simphalle,
natif de Beauvais en Picardie , Chanoine-Diacre
de l'Eglise Métropolitaine de Paris ,mourut âgé
de 84.ans comple: s moins un jour , étant né le 12.
May 1653. Il étoit petit Neveu du célebre Claude
Joly , Chantre , Chanoine et Official de Paris
, mort le 16. Janvier 1700. dans la 94 année
de son âge , qui lui avoit resigné avant sa
mort son Canonicat , auquel il fut reçû le 25 .
du même mois de Janvier. Il étoit auparavant
Chanoine et Théologal de l'Eglise de Tournay.
Claude Joly avoit succedé en 1631. dans ce Ca
nonicat à Gui Loysel , son Oncle ; celui- ci à
I. Vol. Arnoul
JUIN. 17370 1231
Arnoul du Mesnil , son grand Oncle en 1590 .
et ce dernier à Paul du Mesnil , son Frere , en
$ 178 . ainsi il y avoit 159. ans que ce Bénéfice
étoit dans cette Famille.
Le 12. D. Catherine Turgot de Saint Clair ;
Epouse de Claude- Charles Hatte de Chevilly
Brigadier des Armées du Roy , Chevalier de
l'Ordre Militaire de S. Louis , et ci-devant Capitaine
au Regiment des Gardes Françoises , et
auparavant veuve de Gilles d'Aligre , Seigneur
de Boislandry et de Beauvoir , Conseiller au
Parlement de Paris , decédé le 12. Avril 1711 .
mourut à Paris après 6, mois d'une maladie de
langueur, âgée d'environ 65. ans , sans laisser
d'enfans. Elle étoit fille de feu Antoine Turgot ,
Seigneur de S, Clair , Lanteuil , le Ménil- Gondouin
Belon , Sainte Honorine , &c. mort
Sous-Doïen des Maîtres des Requêtes de l'Hôtel
du Roy , le 15. Février 1713. et de feuë D,
Jeanne du Tillet , morte le 12 May 1728,
Le 13. Soeur Angelique de Lanfernat , sur
nommée de Tous - les - Saints , Religieuse, Ursuline
du Convent de Crevant , ou Cavant en Auxerrois,
mourut dans ce Monastere, âgée de plus
d'un Siécle. Elle étoit fille afnée de Charles de
Lanfernat , Ecuyer , Seigneur de la Jaque miniere
, et des Bards , et de D. Claude-Marie du
Plessis de la Perrine , Dame d'Asnieres , qui fu
rent mariés par Contrat du 28. Décembre 1635,
Elle fur ondoyée au Château de la Jacqueminiere
au Perche , et baptisée peu de jours après
dans l'Eglise de Moncorbon , le jour de Noël
25. Décembre 1636. Elle avoit deux Soeurs cadettes
, Religieuses au Convent des Ursulines de
Crevant , où elles sont mortes en reputation de
Sainteté , gées de plus de 80. ans, Elle prit à
?
J. Vol.
Jeug
1232 MERCURE DE FRANCE
·
1
leur exemple le même parti ; et après son Noviciat
, elle fut admise à la Profession le s . Novembre
1662. Elle a édifié , pendant sa vie
toute la Communauté par ses vertus , et par sa
régularité à remplir les Observances de son état,
dont elle ne s'est jamais relâchée , même dans sa
vieillesse la plus avancée . Feu Edme de Lanfernat
, son frere , Seigneur de la Jacqueminiere et
d'Asnieres , mort au mois d'Octobre 1718. a
laissé de Catherine Sauvat , qu'il avoit épousée
Je 9. Juin 1676 , et du chef de laquelle il étoit
devenu Seigneur de Villars , Paroisse de Champignelles
près de S. Fargeau en Puisaye ; entre
autres Enfans , Jean Baptiste de Lanfernat ,
Seigneur de Villars , marié avec Damoisel
le Guillaume de Marsangis , d'auprès de Sens ,
et Charlote de Lanfernat , mariée avec Joseph
de Montigny , Seigneur de Montigny - les-Hastes
, Paroisse de Pereux. On a parlé de la Famille
de Lanfernat dans le Mercure du mois
de Février 1731. p. 284 à l'occasion de la mort
de D. Louise- Marie de Lanfernat , Dame de
Courteilles- le- Guerin , du Teil , et de Chammoteux
, Veuve de François de l'Osmone , Seigneur
du Bois-de- la- Pierre , Exempt des Gardes
du Corps du Roy , et Chevalier de l'Ordre de
S. Louis , laquelle s'étoit fait connoître par son
talent pour la Poësie , et par les Recherches et
Mémoires qu'elle avoit faites sur l'Histoire de
Normandie.
Le 14 May , Louis de Rochechouart , Seigneur
de Montigny et du Monceau , qui avoit servi
dans sa jeunesse en qualité d'Enseigne , et ensuite
de Lieutenant des Galeres , mourut dans
son Château de Montigny , dans la Forêt d'Orleans
, âgé de 72. ans 10 mois. 11 étoit fils
I. Vol. d'Isaac
JUIN. 1737. 1233
Isaac- Louis de Rochechouart , Seigneur de
Montigny , de la Brosse et du Monceau , Baron
de Loury dans la Forêt d'Orleans, mort en 1683 .
et de Françoise le Conquerant , sa premiere femme
, et il avoit épousé en 1692. Elizabeth de
Cugnac , fille de Philipe de Cugnac , Baron de
Jouy en Beauce , et d'Elizabeth de Morainville,
Il en laisse Louis - Philipe-Esprit-Juvenal
de Rochechouart , Chevalier des Ordres de N.D.
du Mont Carmel , et de S. Lazare de Jerusalem,
Capitaine dans le Regiment de la Reine Infanterie;
Pierre-Jules-César de Rochechouart, Evêque
d'Evreux , sacré le 15. Février 1734. Joseph
de Rochechouart , et Louise Elisabeth de
Rochechouart , mariée le 10. Décembre 1731 .
avec Henri Lambert d'Herbigny , Marquis de
Thibouville , ci- devant Mestre de Camp du Regiment
de Dragons de la Reine.
Le 17. D. Marguerite de Lalive , veuve depuis
le 17. Juin 1731. de Jean Martial de Jaucen de
la Perriére, Seigneur de Crosne , et de Noisy sur
Seine,Conseiller- Secretaire du Roi, Maison ,Couronne
de France et de ses Finances , ancien Receveur
general des Finances de Flandres , et ancien
Fermier general , mourut en son Château
de Crosne , âgée d'environ 84. ans , laissant
2. filles,qui sont D. Marie Anne de Jaucen ,
veuve de Pierre Larcher , Marquis d'Arey , et
de Vindici, Seigneur d'Avrilly , Bailli d'Epée de
Vermandois , et Président en la Chambre des
Comptes de Paris , et D. Marguerite Françoise
de Jaucen, épouse de François - Louis - Martial de
Montiers , Comte de Merinville , Vicomte de
Brigueil , Baron de Montrocher , et de Châteaubrun,
Capitaine- Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes de la Reine , et Brigadier des Armées
du Roi.
Lo
234 MERCURE DE FRANCE
Le 27. La Dlle Lucas , fille aînée de feu Antoine-
Jean Lucas , Seigneur de Romeval , et de
Neuvirelle , Conseiller en la Grand'Chambre du
Parlement de Paris mort le 7. Décembre 1728.
et de D. Anne Magdelaine Loyseau , sa veuve ,
mourut âgée de 21. ans ou environ . >
Le 29. Alexis Paneau , Conseiller- Secretaire da
Roi,Maison, Couronne de France et de ses Finan.
ces, Honoraire , et ancien Directeur general des
Aydes et Entrées de la Ville de Paris, aussi ancien
Payeur des Rentes de l'Hôtel de Ville , mourut
dans la 100e . année de son âge , étant né au mois
de Juillet 1637. Il avoit été marié 1º . avec Victoire
Elian , Femme de Chambre des Enfans de
France , morte le 22. Septembre 1694. 2 ° avec
Jeanne-Angelique le Vaillant , soeur de François
le Vaillant , Conseiller au Grand Conseil. Il
laisse de celle- ci 2. filles qui ne sont point mariées
, et de la premiere un fils apellé le sieur
d'Arty , qui lui a succedé dans l'Emploi de Directeur
General des Aydes et Entrées de Paris ,
et qui a épousé une des filles de Louis Guillaume
, Ecuier , Sieur de Fontaine , Commissaire et
Controlleur de la Marine au Département de
Flandres et de Picardie , et de Marie Armande
Carton.
Le premier Juin , D. Marie- Thérese Colbert,
veuve depuis le 6. Novembre 1725. de Jacques
Eleonor Rouxel, Comte de Medavy et de Grancey
, Maréchal de France , Chevalier des Ordres
du Roi , Gouverneur de la Ville et Principauté
de Sedan, avec lequel elle avoit été mariée
le 12. Juin 1685. mourut à Paris , âgée de 68 .
ans , sans laisser d'enfans. Elle étoit fille d'Edouard-
François Colbert , Comte de Maulevrier,
Baron de la Frogerie &c. Chevalier des Ordres
da
JUIN. 1737. 1235
du Roi , Lieutenant General de ses Armées , or
Gouverneur des Ville et Citadelle de Tournay
mort le 31. Mai 1693. et de Marie Magdelaine
Bautrude Serrant , morte le 10. Mars 1700.
>
Le même jour D. Louise - Emilie de la Tour
d'Auvergne, ancienne Abbesse de l'Abbaye Roya
ie de Montmartre- lès - Paris , mourut dans le
Monastere du Prieuré du Cherchemidi , où elle
s'étoit retirée , dans la 70. aunée de son âge . Elle
étoit Professe de l'Abbaye de N. D. de Soissons,
de l'Ordre de S. Benoît, elle fut nommée au mois
de Février 1707. Abbesse de S. Remy de Villers-
Côte - Rets , du même Ordre , Diocèse de Soissons,
d'où elle fut transferée au mois de Novembre
1727. à celle de Montmartre , dont elle
donna sa démission au mois de Février 1735 .
Elle étoit fille de Frédéric- Maurice de la Tour ,
Comte d'Auvergne et d'Oliergues , Marquis de
Lanquais , Colonel Général de la Cavalerie Lé
gere de France , Lieutenant Général des Armées
du Roy , Gouverneur et Sénéchal du haut et bas
Limosin , mort le 23. Novembre 1707. et de
Henriette- Françoise de Hohen- Zollern , Marquise
de Berg-op - Zoom , sa premiere femme
morte le 17. Octobre 1698.
Le 7. Avril , pâquit dans le Château de Wailly
Marie Anne Christiane Josephine, fille premiere
née de Louis Ferdinand Joseph de Croy , Duo
d'Havré , et de Croy , Prince du Saint Empire ,
Grand d'Espagne de la premiere Classe , Châtelain
heréditaire de Mons , Marquis de Thie-le Château,&
c. Colonel du Régiment de la Couronne,
et de D. Marie- Louise Cunegonde de Montmorency-
Luxembourg , mariés le 16. Janvier de
Pannée derniere 1736. elle fut baptisée le lende-
I. Vol.
main I
1236 MERCURE DE FRANCE
main 8. par l'Evêque d'Amiens dans l'Eglise pa,
roissiale de ce lieu au bruit de plusieurs déchar
ges de canon. Les Parain et Maraine furent
Louis Christian de Montmorency - Luxembourg,
Comte Souverain de Luxe , Comte de Beaumont
, Seigneur de Dollor , Maréchal de France ,
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Gene
ral au Gouvernement de Flandres , et Gouver
neur de Valenciennes Ayeul maternel et
D. Marie-Anne Cesarée Lanti , Duchesse Dožiairiere
d'Havré , et de Croy , Ayeule paternelle de
la baptisée .
"
Quelques semaines après cette cérémonie , il
y eut dans les Jardins du Château de Wailly un
fort - beau feu d'artifice , qui fut tiré entre 9. et
10. heures du soir avec beaucoup de succès. Il
fut accompagné d'une illumination d'environ
3000. lampions dont toutes les fenêtres du Château
étoient entourées ; quantité de piramides
sur les bords d'un Canal , qui passe au milieu
du jardin , étoient aussi garnies de lampions ,
et formoient par la reverberation de leur lumie
re dans le canal un objet fort charmant à la vûë,
Plusieurs personnes de la premiere distinction
de la Province , se trouverent à cette fête.
Le premier Avril dernier , D. Joachim - An
toine Ximenès , Marquis d'Ariza , et de la Guardia
, Amirante heréditaire du Royaume d'Arragon
, Grand d'Espagne de la premiere Classe ,
veuf de feie . D. Rose Perez de Gusman Bueno
Sylva et Mendoza , épousa dans la Chapelle
du Château de Wailly à 4. lieues d'Amiens en
Picardie , Dlle Marie Anne. Charlotte de Croy,
âgée d'environ 20. ans, seconde fille de feu Jean-
Baptiste Erançois Joseph.de Croy , Duc d'Ha
J Vol. γκέ
JU IN. 1737. 1237
ré et de Croy , Marquis de Wailly , Prince de
l'Empire, Grand d'Espagne de la premiere Classe
, mort le 24. Mai 1727. et de D. Marie Anne
Cesarée Lanti , sa veuve , Duchesse Douairiere
d'Havré et de Croy. La cerémonie des Fian
çailles , et des Epousailles fut faite par Louis-
François d'Orleans de la Mothe , Evêque d'Amiens.
ARRESTS NOTABLES,
A
EDITS , &c.
RREST du 11. Décembre 1736. portant
Tabac au Comté de Bourgogne , par lequel Sa
Majesté ordonne l'exécution des 26. Articles
Contenus audit Arrêt .
ORDONNANCE du Roy , du 8. Janvier sui
vant,portant réduction des Régimens d'Infanterie
Allemande , par laquelle S. M. ordonne l'exe
cution des dix Articles qui y sont contenus.
AUTRE du même jour , portant rétablissement
des Congés d'ancienneté , dont la délivrance
avoit été suspenduë par celle du Is. Fé
vrier 1734.
AUTRE du même jour , pour réduire les
Troupes Suisses et Grisonnes qui sont au Service
de S. M. et regler leur payement.
1 AUTRE du même jour , portant réduction
dans les Régimens de Hussards , qui ordonne
I. Kol.
I ij , l'execution
1238 MERCURE DE FRANCE
Eexecution des huit Articles qui y sont contenus.
AUTRE du même jour , portant réduction
des Compagnies de Cavalerie Françoise et Etrans
gere , et de Carabiniers.
AUTRE du même jour , pour réduire toutes
les Compagnies des Régimens d'Infanterie
Françoise , à trente hommes.
AUTRE du même jour , pour réduire les
Compagnies des Régimens de Dragons à vingtcinq
, dont quinze à cheval et dix à pied.
il
AUTRE du même jour , concernant la réduction
des quatre Compagnies des Gardes du
Corps , par laquelle S. M. ordonne qu'à com
mencer du 20. du présent mois de Janvier ,
sera réformé cinq Gardes par Brigade , à raison
de trente par Compagnie , et au total cent vingt
Gardes , &c.
AUTRE du même jour , pour réduire la
Compagnie des Grenadiers à cheval du Roy , a
cent trente Maîtres , avec quatre Tambours.
AUTRE du même jour , pour retranches
les cinquante Mousquetaires à cheval , dont
chacune des premiere et seconde Compagnies
avoient été augmentées par Ordonnance du premier
Mars 1734.
AUTRE du même jour , pour réduire les
trente Compagnies ordinaires du Régiment des
Gardes Françoises , à cent dix hommes chacune ,
Bon compris les Officiers.
I.Vol AUTRE
JUIN. 1737. 1235
AUTRE du même jour , pour réduire les
seize Compagnies de la Gendarmerie.
AUTRE du même jour , pour réduire les
Compagnies des Régimens d'infanterie Iklancoise
à trente hommes , et composer les Bataillons
de dix - sept Compagnies , de même que les
Bataillons François,
AUTRE du même jour , contenant 44. pa
ges , portant Reglement pour le payement des
Troupes de Sa Majesté , par laquelle il est dit
que S. M. ayant fait expédier ses ofdres pour le
licenciement et les réductións qu'elle s'est déterminée
de faire dans ses Troupes , tant Françoises
qu'Etrangeres , à l'occasion de la Paix ; et vou-
Tant expliquer ses intentions sur la composition ,
après la réforme , et l'entretenement de celles
qu'elle a résolu de conserver ; elie a ordonné et
ordonne l'execution de tous les Articles contenus
en ladite Ordonnance , &c.
AUTRE du 1o. pour faire retournee
dans les Provinces et Generalités du Royaumë
Jes Cavaliers , Dragons et Soldats François qui
seront réformés , et leur défendre de commettre
aucun désordre ni de passer dans les Pays Etrangers
, sur les peines qui y sont contenues.
SENTENCE de Police du 11. qui renouvelle
les défenses à tous Boulangers , Meûniers , Brasseurs
et autres , d'acheter aucuns Grains et Farines
, et à tous Fermiers , Laboureurs et autres ,
d'en vendre par montre , dans l'étenduë de huit
lieues aux environs de Paris ..
1. Vol. I iij ARREST
1240 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 15. qui proroge jusqu'au
dernier Décembre 1737. le délai accordé par celui
du 17. Janvier 1736. pour la modération des
droits de Marc d'Or , Sceau et autres frais de
Provisions des Offices qui se Itveront , vacans
aux Revenus Casuels , pendant le courant de ladite
année.
AUTRE du 22. qui ordonne que les Serges
de Crevecoeur , d'Hardivilliers et des autres
Manufactures , qu'il a été d'usage jusqu'à présent
de vendre à la piece , pouront à l'avenir
être vendues à l'aune et sur le pied de l'aunage
que contiendra chaque piece desdites Serges.
AUTRE du même jour , qui confisque plusieurs
Pieces d'Etoffes de Soye de Fabriques
étrangeres ou du Royaume , saisies tant dans
le Magasin des sieurs Viot et Desfossez , Associés
, que dans celui du sieur Bougier , faute de
marques ou plombs de Fabrique ; et les condamne
en dix livres d'amende , pour chacune
Piece d'Etoffes saisies .
AUTRE du même jour , portant confiscation
de plusieurs Pieces et Coupons d'Etoffes de
Soye de fabriques étrangeres ou du Royaume ,
saisies dans le Magasin du sieur Charles - Louis
Chauvin , Marchand de Soye en gros , faute de
marques ou plombs de Fabrique , et le condamne
en dix livres d'amende pour chaque Piece
d'Etoffes saisies.
SENTENCE de Police du 25. qui condam
me le sieur Menin en trois mille livres d'amen-
I. Vol ge
JUIN 1737. 1241
de pour avoir donné à jouer dans sa maison au
Jeu de Pharaon , et le sieur de Colmenil en millo
livres d'amende pour y avoir été trouvé caillant
audit Jeu.
LETTRES Patentes du Roy , sur le Re
glement fait et arrêté le 15. Janvier 1737. pour
la Teinture des Etoffes de Laine , et des Laines
servant à leur fabrication , contenant ledit Reglement
93 Articles , dont S. M. ordonne l'execution.
Données à Versailles le 29. Janvier
1737. Registrées en Parlement le 12. Mars
suivant.
ORDONNANCE de Police du 30. qui
fait défenses à tous Limonadiers , Marchands de
Vin et autres , de souffrir que l'on joue chés eux
aux Jeux de Pair- ou-non , aux Dés et autres
Jeux de hazard , sous peine de trois mille livres
d'amende , et de mille livres d'amende aussi
contre chaque Particulier qui y sera trouvé jouant
auxdits Jeux.
ARREST du Parlemens , au sujet d'un Mé
moire imprimé & c.
Ce jour, les Gens du Roi sont entrés , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roy , portant la parole , ont dit : Qu'il
ne leur est pas permis de se taire sur un Mémoire
imprimé du sieur Marquis de Bauffremont
, qui d'ailleurs leur seroit étranger par son
objet , dont la connoissance est soumise à un
autre Tribunal ; mais dans lequel ils trouvent
ce qui interesse le plus nécessairement leur misistere
, et ce qui apartient le plus immédia
tement à l'autorité de la Cour.
I. Vol. I iij Qu'on
1240 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 15. qui proroge jusqu'au
dernier Décembre 1737. le délai accordé par celui
du 17. Janvier 1736. pour la modération des
droits de Marc d'Or , Sceau et autres frais de
Provisions des Offices qui se leveront , vacans
aux Revenus Casuels , pendant le courant de ladite
année.
AUTRE du 22. qui ordonne que les Serges
de Crevecoeur , d'Hardivilliers et des autres
Manufactures , qu'il a été d'usage jusqu'à présent
de vendre à la piece , pouront à l'avenir
être vendues à l'aune et sur le pied de l'aunage
que contiendra chaque piece desdites Serges.
AUTRE du même jour , qui confisque plusieurs
Pieces d'Etoffes de Soye de Fabriques
étrangeres ou du Royaume , saisies tant dans
le Magasin des sicurs Viot et Desfossez , Associés
, que dans celui du sieur Bougier , faute de
marques ou plombs de Fabrique ; et les condamne
en dix livres d'amende , pour chacune
Piece d'Etoffes saisies.
AUTRE du même jour , portant confiscation
de plusieurs Pieces et Coupons d'Etoffes de
Soye de fabriques étrangeres ou du Royaume ,
saisies dans le Magasin du sieur Charles - Louis
Chauvin , Marchand de Soye en gros , faute de
marques ou plombs de Fabrique , et le condamne
en dix livres d'amende pour chaque Pieced'Etoffes
saisies.
SENTENCE de Police du 25. qui condam
me le sieur Menin en trois mille livres d'amen-
I. Vol
de
JUIN 1737. 1241
de pour avoir donné à jouer dans sa maison au
Jeu de Pharaon , et le sieur de Colmenil en millo
livres d'amende pour y avoir été trouvé taillant
audit Jeu.
LETTRES Patentes du Roy , sur le Re
glement fait et arrêté le 15. Janvier 1737. pour
la Teinture des Etoffes de Laine , et des Laines
servant à leur fabrication , contenant ledit Reglement
93 Articles , dont S. M. ordonne l'execution.
Données à Versailles le 29. Janvier
1737. Registrées en Parlement le 12. Mars
suivant.
ORDONNANCE de Police du 30. qui
fait défenses à tous Limonadiers , Marchands de
Vin et autres , de souffrir que l'on joue chés cux
aux Jeux de Pair- ou-non , aux Dés et autres
Jeux de hazard , sous peine de trois mille livres
d'amende , et de mille livres d'amende aussi
contre chaque Particulier qui y sera trouvé jouant
auxdits Jeux.
ARREST du Parlemens , au sujet d'un Mé
moire imprimé & c.
Ce jour , les Gens du Roi sont entrés , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roy , portant la parole , ont dit : Qu'il
ne leur est pas permis de se taire sur un Mémoire
imprimé du sieur Marquis de Bauffremont
, qui d'ailleurs leur seroit étranger par son
objet , dont la connoissance est soumise à un
autre Tribunal ; mais dans lequel ils trouvent
ce qui interesse le plus nécessairement leur misistere
, et ce qui apartient le plus immédia
tement à l'autorité de la Cour.
I. Vol. I iiij Qu'on
1242 MERCURE DE FRANCE
•
:
Qu'on y lit à la page 7. que la Dame Marquise
de Bauffremont est effectivement Heleine
de Courtenay, Princesse du Sang Royal de France
et que comme si ce n'étoit pas assés qu'un tel
Mémoire eût été hazardé au fond d'une Province
à l'extrémité du Royaume ; un Ecrivain
qui met au jour des feuilles successives sous le titre,
d'Observations sur les Ecrits modernes , vient
de lui donner un nouveau degré de publicité à
Paris jusque sous nos yeux , par l'extrait qu'il
en a fait dans ses feuilles du 12. Janvier , dans
lequel il a transcrit les propres termes de l'èndroit
où est employée cette qualité.
Qu'ils ne s'étendront point sur ce qui se passa
en la Cour au commencement du dernier siecle ,
aux premieres tentatives de quelques personnes
de la maison de Courtenay , pour s'arroger
s'il eût été possible , quelque commencement de
possession d'une pareille qualité. Que les monumens
qui reposent dans le Greffe de la Cour
en font foy : et que ce qu'on y voit à ce sujet
sera à jamais une preuve mémorable du zele de
ceux qui exerçoient alors le Ministere dont ils
at l'honneur d'être revétus ..
Mais que ni la mémoire des choses passées ,
ni l'exemple de leurs Prédécesseurs , ne sont nécessaires
pour authoriser une démarche qu'ils
ne pouroient obmettre , sans manquer au plus
sacré de leurs devoirs , et sans être responsables
de leur silence , au Roi , à l'Etat et à la Cour.
Qu'on ne peut trop sentir de quelle extrême
conséquence il est , que le caractere auguste qui
distingue en France les Princes du Sang Royal,
ne puisse au gré de l'opinion et des conjectures ,
devenir l'objet d'ambitieuses prétentions Qu'autrement
, plus une Maison seroit illustre , plus
les
JUIN. 17278 T243
les traces de son ancienne origine se perdroient
dans la nuit des temps reculés et plus il lui
seroit facile de se laisser éblouir aux idées Alateuses
, dont la temérité ou l'artifice cheicheroient
à repaître son ambition , et que lors même
qu'elle viendroit à s'éteindre , son éxemple
demeureroit toujours capable de tirer à consé
quence pour d'autres Maisons.
Que ce sont ces considérations , dont la Cour
sçaura mieux peser encore toute l'importance ,
qui leur ont dicté les Conclusions qu'ils ont
l'honneur de lui remettre avec le Mémoire ,
et les Feuilles imprimées qui en font l'occasion:
et le sujet.
Lequel Mémoire , et lesquelles Feuilles ils ont
laissé sur le Bureau , avec les Conclusions par
écrit du Procureur Général du Roi contre ledit
Mémoire et lesdites Feuilles.
:
Eux retirés Vú l'imprimé intitulé : Mémoire
pour Messive Louis Benigne , Marquis de Baufremont
, c. contenant quinze pages , ensemble
les Feuilles intitulées : Observations sur les Ecrits
modernes, Lettre quatre vingt -dix-neuf, commen.
çant à la page cent-quatre - vingt- treize , et finissant
à la page deux - cent- seize , dattées à la
fin , le douze Janvier mil sept- cent trente-fept. A
Paris , chés Chaubert : Conclusions du Procu-
1eur Général du Roi , La matiere sur ce mise en
délibération.
La Cour a arrêté et ordonné que les termes
Heleine de Courtenay , Princesse du Sang Royal
de France , étant au bas de la page sept dudit
Mémoire , demeureront rayés et suprimés , et
que les Feuilles intitulées Observations sur les
Ecrits modernes , Lettre quatre-vingt - dix- neuf ,
lesdites Feuilles commençant à là page cent-qua-
I. Vol. tre Ly
244 MERCURE DE FRANCE
tre-vingt-treize , et finissant à la page deuxcent-
seize , dattées à la fin, le douze Janvier milsept-
cent-trente-sept. A Paris , chés Chaubert , sefont
et demeureront suprimées ; Fait inhibitions
et défenses , tant audit de Bauffremont qu'à tous
autres , d'employer lesdits titre et qualité pour
ladite Heleine de Courtenay , et notamment à
tous Libraires et Imprimeurs et tous autres ,
de
les employer dans aucuns Livres ou Imprimés ,,
et pareillement d'imprimer , vendre et cébiter ,
ou autrement distribuer tant lesdites Feuilles que
ledit Mémoire , avec les termes cy- dessus ; le
tout à peine d'être procedé extraordinairement
contre les Contrevenans , Enjoint à tous ceux
qui auroient des Exemplaires dudit Mémoire ,
ou desdites Feuilles , de les aporter au Greffe de
la Cour , pour être lesdites Feuilles suprimées ,
et les termes cy - dessus rayés dudit Mémoire..
Ordonne en outre que Copies collationnées du
présent Arrêt, seront envoyées dans les Bailliages
et Sénéchaussées du Ressort pour y être lû ,.
publié et registré : Enjoint aux Substituts du
Procureur General du Roi , d'y tenir la main , et
en certifier la Cour dans le mois. Fait en Parlement
le sept Février mil- sept-cent trente- sept .
Signé YSABEAU..
ORDONNANCE du Roi , du 11. au sujet
des Deserteurs des troupes des Isles Françoises.
de l'Amérique , par laquelle il est dit que Sae
Majesté voulant exciter de plus en plus ses Sujets
des Isles Françoises de l'Amérique à arrêter
les Deserteurs des troupes qu'Elle y entretient
, E le a ordonné et ordonne que par le Trésorier
general de la Marine il sera payé , sutles
ordonnances des Intendans ou Commissai
I. Vola IRE
JUIN. 1737. 1245
res ordonnateurs auxdites Isles , la somme de
cent livres pour chaque deserteur desdites troupes
, à celui ou à ceux qui en auront fait la capture
, et l'ameneront.
DECLARATION du Rey , qui regle la for
me en laquelle les Procurations pour résigner
les Bénéfices doivent êtres faites . Donnée à Versailles
le 14. Février registrée en Parlement
le 13. Mars.
ARREST du 15. qui commet le sieur de
Saint Contest de la Chataigneraye , Maître des
Requêtes , pour défendre , en qualité de Procureur
General , aux demandes en cassation des
jugemens de competence..
AUTRE du 17. par lequel il est dit que le
Roi ayant été informé de ce qui s'est passé dan's
la Ville de Douay , à l'occasion de la mort d'un
Chanoine du Chapitre de S. Amé ; S. M. auroit
jugé à propos de se faire rendre un compte
éxact de cette affaire , dont l'importance lui a
paru mériter son attention à quoy voulant
pourvoir , Sa Majesté étant en son Conseil , a
ordonné et ordonne que les déliberations capitulaires
du Chapitre de S. Amé , concernant le
dit Chanoine , et les Ordonnances ' en Jugement ,
rendues à son égard , ensemble les Apellations
simples ou comme d'abus , si aucunes en ont
été interjettées seront incessamment remises entre
les mains du sieur d'Argenvilliers , Secretaire
d'Etat , pour y être pourvû par Sa Majesté
ainsi qu'il apartiendra , sur le compte qui lui
sera rendu desdites pieces. : Sa Majesté réservant
à sa Personne la connoissance de cette affaire ,
I. Vah cife
Evj
1246 MERCURE DE FRANCE
circonstances et dépendances , et icelle interdisant
à toutes ses Cours et autres Juges , jusqu'à
Ce qu'autrement par Elle il en ait été ordonné
ORDONNANCE du Roi du 25. concernant
la réduction des Compagnies de Grenadiers
en faveur de ceux des Grenadiers qui se trou- .
veront déplacés par le retranchement porté par
l'ordonnance du 8. Janvier dernier , et entrenus
avec leur même paye jusqu'à ce qu'ils rentrent
dans les Compagnies d'où ils seront sortis ,
qu'ils montent aux grades qui leur seront accordés
suivant leurs talens et bonne conduite .
ou
ARREST du 26. portant qu'Antoine Hogguer
sera tenu de défendre dans huitaine , à la
demande du Controlleur des bons d'Etats con
tre lui , en restitution de neuf millions deux cent
quatre-vingt-dix mil cinq cent quatre -vingt- six
livres d'une part , en rentes sur les Tailles , et
de neuf cent quarante - quatre mille livres , d'autre
, en argent , comme indûement par lui surprises
, sinon qu'il sera fait droit.
EDIT DU ROY, portant supression de
la Charge de Garde des Sceaux de France. Don
né à Versailles au mois de Février 1737.
LOUIS par la grace de Dieu Roy de France
et de Navarre ; à tous présens et à venir , S -
LUT. Les Sceaux de France étant à présent en
nos mains , nous avons crû que rien n'étoit plus
convenable au bien de notre Service et à celui
du Public , que d'en remettre la garde et l'éxercice
à notre très - cher et féal Chevalier Chance-
Tier de France . A ces causes , et autres à ce nods
mouvans , de l'avis de notre Conseil , et de no-
I. Val..
LEB
JUIN. 1737. 1247
tre certaine science , pleine puissance et autor té
Royale , nous avons éteint et suprimé , éteignons
et suprimons par ces Présentes , signées
de notre main , les titre , état et Office de Garde
des Sceaux de France , rétabli par nos Lettres
Patentes du mois d'Août 1727. Voulons qu'icelles
et tout leur contenu , soit et demeure dèsà-
présent et à l'avenir , nul et comme´non ave--
au , ainsi que toutes les clauses et dispositions
contenues en icelles en vertu des Présentes . Si
donnons en mandement à nos amés et feaux
Conseillers , les Gens tenans notre Grand - Con
seil , que ces Présentes il ayent à faire lire et registrer
, pour le contenu en icelles être gardé et
observé selon sa forme et teneur , nonobstant
tous Edits , Déclarations , Lettres Patentes , Régfemens
et autres titres à ce contraires , auxquels
nous avons dérogé et dérogeons par ces Pié
sentes , pour ce regard seulement ; car tel est notre
plaisir et afin que ce soit chose ferme et
stable à toujours , nous avons aposé notre Sce}
à cesdites Présentes Donné , & c .
;
Lu ,publié en l'Audience du Grand- Conseil du
Roy et enregistré ès Registres dudit Conseil , pour
être gardé, observé et ex cuté selon sa forme et teneur
, suivant l'Arrêt dud t Conseil de ce jourd'hui
21. Février 1737. Signé , TOURN A'Y.
Registré au Parlement le 7. Mars suivant.
REGLEMENT signé du Roy, du 2. Mars,
Sur ce qui doit êre observé à l'égard des Equi
pages des Navires qui partent des Ports de Provence
, et au sujet des Passagers qui s'y embar
quent , par raport aux Expéditions des Patentes
de santé.
1. Vol AUTRI
248 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , concernant les
Equipages des Bâteaux et autres Bâtimens qui
naviguent seulement dans le Port et à la Baye
de Marseille.
ARREST du 3 qui ordonne l'èxecution de
celui du 12. Janvier 1734 portant établissement
de la Commission pour le Jugement en dernier
ressort des comptes et affaires concernant l'Economat
et les Biens des Religionnaires fugitifs,
avec augmentation de Commissaires..
AUTRE du 18. qui ordonne la supression
de plusieurs Quvrages saisis chés le nommé
Redé , Imprimeur à Amiens , surpris en contra
vention aux Reglemens de Police , et qui le déclare
déchu de la qualité d'Imprimeur.
ARREST du Parlement , au sujet d'une
Feuille imprimée et d'une These de Théologie.
CE JOUR les Gens du Roy sont entrés, et
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
Qu'une Feuille clandestine , imprimée sans
autre t tre que celui de Suite du Suplément , sous
la date du 15. Janvier dernier , est tombée depuis
peu entre leurs mains ; et que comme ils ont apris
qu'elle étoit répandue dans le Public , ils n'ont
pas c , à la vue de ce qu'elle contient , pouvoir
sous silence .
a Cour en jugera comme eux , si elle
seulement ce qui regarde diverses
ont nommées dans cette Feuille,
ent compromises , mais encore
de dangereux pour le Pablic,
n présente des esprits sur les af
Laires
JUIN 1737. Y249'
faires de l'Eglise , et ce qu'elle renferme de faits;,
d'expressions et de discours , capables de porter
à son dernier période un fu qui ne se fait que
trop sen ir , et que l'on ne doit chercher qu'à
éteindre ..
Qu'ils croyent donc n'avoir besoin que de la
mettre sous les yeux de la Cour pour l'engager
à la proscrire ; et pour trouver dans son autorité
respectable un préservatif qui fasse sentir au Pablic
, combien il doit être en garde contre tout:
ce qui peut tendre à de tels excès.
Que pour ne pas multiplier sans nécessité ses
Arrets , ils auront l'honneur de lui rendre compte
en même-temps d'une These soutenue dans
la Faculté de Théologie de Rheims , qui , quoiqu'un
peu plus ancienne , n'est cependant aussi
parvenue que depuis peu à leur connoissance.
Qu'ils n'ont pas lieu de reprocher à cette These
d'être tombée en tout dans un égal oubli de nos
Maximes. Qu'ils y en reconnaissent au contraire
plusieurs exprimées d'une maniere que l'on ne
sçauroit qu'aprouver . Mais qu'il est d'autres ar--
ticles sur lesquels elle s'en écarte trop pour être :
excusée ; et que ce mélange aujourd'hui trop
ordinaire , ne doit pas la mettre à couvert de la
Censure de la Cour.
τί Que la Cour sçaura mieux le connoître le
discerner par ses lumieres, que par toute la discussion
dans laquelle ils pouroient entrer sur cette
These; qu'ils se bornent à un seul exemple choi
entre ce qu'ils y ont remarqué de plus susce
ble de conséquences dangereuses.
Que la Cour sçait quelle a été de tout t
la fermeté inébranlable de la France .
´ment à maintenir la supériorité du C
ral dans l'ordre de la Puissance sp
Vole
•
1250 MERCURE DE FRANCE
•
encore à le regarder comme faisant une partic
principale et essentielle de l'institution de 1 Eglise.
Que la Cour n'a pas sans doute oublié ce qu'elle
a fait à ce sujet en diverses occasions . Que quoique
persuadée , comme il est vrai , que les Conciles
géneraux ne sont pas toujours nécessaires
pour terminer toute question qui s'éleve , soit
sur la Discipline ou sur la Foi , elle n'en a pas été
moins en garde contre tout ce qui pouvoit insi
nuer qu'ils ne sont nécessaires en aucun cas.
Que c'est pour cela qu'en 1663. par un Arrêt
solemnel , elie réprouva cette proposition dans
une These de Théologie : Concilia generalia ad
extirpandas bareses , schismata et alia incommoda
tol enda , admodum sunt utilia , non tamen absolutè
necessaria. Que dans la These d'aujourd'hui
la même proposition se trouve en d'autres termes
, mais , qui loin d'en affoiblir le sens , semblent
plutôt y donner plus de force et d'énergie :
Congregare Concilia magna utilitatis , nullius absoluta
necessitatis En faut-il davantage pour fonder
les Conclusions qu'ils ont prises pour la su
pression de cette These , aussi--bien que de la
Feuille imprimée , et qu'ils laissent à la Cour ,
avec un Exemplaire de chacun de ces deux Ecrits?
31.
Eux retirés : Vû par la Cour ladite Feuille im
primée sous le titre , Suite du Suplément , 15 .
janvier 1737. ensemble ladite These soutemë
dans la Faculté de Théologie de Rheims le
Décembre 1736. par Charles Batteux , Pro majore
ordinarii , et les Conclusions par écrit du
Procureur General du Roy sur lesdits Ecrits . La
matiere sur ce mise en Déli eration ,
LA COUR a arrêté et ordonné que laditt
Feuille et ladite These seront suprimées , Enjoine
à tous ceux qui en auroient des Exemplaires , de
I. Vol. jes
JUIN. 1737. 1251
Les aporter à cet effet au Greffe de ladite Cour
Fait inhibitions et défenses à tous Imprimeurs ,
Libraires , Colporteurs et autres de quelque état,
qualité et condition qu'ils soient , de vendre , débiter
ou autrement distribuer aucuns Exemplaires'
de ladite Feuille et de ladite These , à peine de
punition exemplaire; et que Copies collationnées
du présent Arrêt seront envoyées dans les Bailliges
et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
lu , publié et registré , enjoint aux Substituts du
Procureur General du Roy d'y tenir la main , et
d'en certifier la Cour dans un mois. Fait en Parlement
le 18 Mars 1737. Signé DUFRANC.
ARREST du 19. Mars , qui exempte des
droits de Massicault , et modére à moitié les autres
droits dûs à Rouen et au Havre , sur les
Vins du Languedoc et de Roussillon , qui seront
destinés pour la provision de Paris.
ORDONNANCE DU Roy du 30. par la
quelle il est dit que S. M. desirant mettre sous
le Titre de Royal - Pologne , le Regiment de Cavalerie
qui est sous celui du Roy Stanislas , et
voulant qu'il prenne à l'avenir dans la Cavalerie
un rang convenable à ce Titre , S. M. a ordonné
et ordonne qu'il portera à l'avenir le nom de
Royal - Pologne, et prendra rang dans les Garni
sons,Quartiers Campemens, Armées , et par- tout
ailleurs , après le Regiment Royal de Carabi
niers , et avant tous les autres qui sont actuellement
sur pied ; nonobstant ce qui est porté par
POrdonnance du 24. Décembre 1725. qui avoit
fixé le rang de ce Regiment après celui de la
Reine , et toutes autres Ordonnances et Regle
mens à ce contraires , auxquels S. M: a dérogé
et déroge par ladite Ordonnance.
11252 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 2. Avril, Portant Exemption
des Droits du Domaine d'Occident , pour les
Marchandises du crû des Isles du Vent de l'Amerique
, qui seront transportées en Canada er
à l'Isle- Royale..
AUTRE du même jour, Qui permet aux Né
gocians de Marseille d'introduire , pour la consommation
du Royaume , les Caffés provenant
du cru des Isles Françoises de l'Amerique , en
payant dix livres du cent pesant , et d'en envoyer
à Geneve en transit , sans payer aucuns
Droits ; le tout en observant les formalités pres
crites.
ORDONNANCE DU ROY du ro . Avril,
Qui enjoint aux Officiers des Troupes d'Infangerie
, Cavalerie et Dragons , de porter l'habit
uniforme pendant le temps qu'ils seront aux
Corps.
AUTRE du 23. Qui permet que les Bâtimens
François soient adressés aux Négocians
Etrangers établis dans les Echelles du Levant ,
dans le cas où ils auront été fretés en entier par
des Etrangers.
ARREST du même jour , Pour faciliter
La perception des Arrerages des Rentes Viageres
acquises sur l'Hôtel de Ville de Paris les
par
Etrangers.
AUTRE du 5. May , dont la tencur
suit.
LE ROY s'étant fait representer l'Arrêt renu
par Sa Majesté le 9. Décembre 1731. par
1. Vol.
lequel
JUIN. 1253 +1737
lequel elle auroit ordonné la Supression d'une
feuille imprimée commençant par ces mots
Stephanus Josephus de la Fare ..... Episcopus ,
Dux Laudunensis , avec une Formule ordinaire
de l'Aprobation des Confesseurs , une Explication
des Cas reservés au Pape ou à l'Evêque , et
des Avis adressés aux Confesseurs , Sa Majesté
auroit été informée que , contre le respect qui
est dû à cet Arrêt , on commençoit à répandre
dans le Public un Ouvrage imprimé sans nom
d'Imprimeur , sans Privilege ni Permission, qui
a pour titre , Ordonnance de M. l'Evêque Duc de
Laon,second Pair de France, & c.où il paroît qu'on
veut faire revivre et regarder comme subsistant,
ce que le Roy ajugé à propos de suprimer par son
autorité. Et S. M. s'étant fait rendre un compte
plus exact de cet Ouvrage, Elle auroit reconnu
que l'exemple d'une pareille contravention
doit être d'autant moins toleré, qu'il est à craindre
que l'esprit qui regne dans cet Imprimé , et
la dureté des expressions dont il est rempli ,
n'excirent une nouvelle émotion dans les esprits :
à quoi étant nécessaire de pourvoir , pour assûrer
l'exécution des Arrêts émanés de l'autorité
du Roy , et éloigner tout ce qui peut troubler
la tranquillité publique , SA MAJESTE' E'TANT
EN SON CONSEIL , a ordonné et ordonne que
ledit Ouvrage , imprimé sous le titre d'Ordonnance
de M.l'Evêque Duc de Laon , second Pair de
France , &c. sera et demeurera suprimé , &c.
AUTRE du 21. Qui accorde un Délay
jusqu'au dernier Décembre 1737. pour le Contrôle
des Actes de Foy et Hommage , Déclarations
et Reconnoissances aux Papiers Terriers
et autres.
I. Fol LETTRES
1254 MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES de Privilege exclusif
d'une Machine propre à battre les Grains ,
pour le sieur Meiffren .
LOUIS , par la Grace de Dieu, Roy de Franee
et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , SALUT. Notre bien amé le
sieur Jean Baptiste Meiffren , Capitaine Garde-
Côte , et Inspecteur des Haras en Provence ,
Nous a fait exposer qu'il a inventé une Machine
propre à battre les Grains , laquelle a la proprieté
de battre beaucoup mieux les Gerbes que
le Fleau , qu'elle en rend la paille plus douce ,
et meilleure pour les Chevaux , en fait sortir tout
le grain , qu'elle crible et qu'elle vanne en même
temps qu'elle bat , & fait plus d'ouvrage avec
un seul homme qu'avec six des plus forts Barteurs
en Grange ; Que cette Machine agit par
le moyen d'un arbre vertical qui est mis en
mouvement par un ou plusieurs bras , auquel
an attache un ou plusieurs chevaux , selon l'é
tenduë que l'on veut lui donner ; que cet arbre
porte un rouet qui mene une lanterne , laquelle
fait tourner un arbre horizontal , lequel porte
des levées , qui rencontrant d'un cô é des bassecules
, de l'autre des mentonieres , font lever des
pilons et facilitent l'écoulement du grain dans
une tremie Que cette Machine sera très- utile ,
sur- tout en Provence , & dans les autres Provinces
méridionales du Royaume , où on foule
le grain par le moyen d'un grand nombre de
chevaux , qui serviront utilement à d'autres travaux
que d'ailleurs ceux de cette espece fatiguent
presque toutes les Jumens Poulinieres et
les font avorter, gâtent les jambes des Poulains,
les détruisent en partie , et empêchent qu'on
puisse tirer de bons chevaux de cette Province ;
I. Vol. -que
JUIN. 1737. 1255
que même ce foulage avec des chevaux et des
jumens est défendu depuis long- tems , en Espagne
, en Italie , en Barbarie , en gypte mais
comme ledit sieur Meiffren perdroit tout le fruit
de ses travaux , et que les dépenses qu'il a faites
pour parvenir à perfectionner cette nouvelle Machine
, tomberoient en pure perte pour lui , s'il
étoit permis d'en faire de pareilles , il Nous a
très-humblement suplié de lui en accorder fe
Privilege exclusif, pendant le nombre d'années
qu'il Nous plairoit regler , et desirant favorablement
traiter dedit sieur Meiffen , et le recompenser
de son aplication , et après avoir fait
examiner en notre Académie Royale des Sciences
, ladite Machine : A CES CAUSES , et autres
ace Nous mouvans ', de l'avis de notre Conseil,
qui a vu le Certificat de notre Académie des
Sciences , ensemble le plan de ladite Machine cy
attaché sous le Contre- Scel de notre Chancelerie
, Nous avons , par ces Presentes signées de
notre main , permis et permettons audit sieur
Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , de faire
construire , vendre , débiter , et se servir de la
nouvelle Machine à battre les Gerbes , de son
invention dans toute l'étendue de notre Royaume
, Pays, Terres, et Seigneuries de notre obéissance
, pendant le temps et espace de vingt années
consecutives , à compter du jour et datte
des Presentes ; faisons très - expresses inhibitions
et défenses à toutes Personnes de quelque condition
et qualité qu'elles soient , de faire et consctuire
, pendant ledit temps , aucunes Machines
à battre les Gerbes semblables à la presente , ni
de la contrefaire sans la permission par écrit dudit
sieur Meiffren , ses Hoirs et ayans cause ,
peine de confiscation desd. Machines et des mate-
J. Vol. *iaux
7254 MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES de Privilege exclu
sif d'une Machine propre à battre les Grains ,
pour le sieur Meiffren .
LOUIS , par la Grace de Dieu, Roy de Fran
ee et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , SALUT . Notre bien amé le
sieur Jean Baptiste Meiffren , Capitaine Garde-
Côte , et Inspecteur des Haras en Provence ,
Nous a fait exposer qu'il a inventé une Machine
propre à battre les Grains , laquelle a la proprieté
de battre beaucoup mieux les Gerbes que
le Fleau , qu'elle en rend la paille plus douce ,
et meilleure pour les Chevaux , en fait sortir tout
le grain , qu'elle crible et qu'elle vanne en même
temps qu'elle bat , & fait plus d'ouvrage avec
un seul homme qu'avec six des plus forts Barteurs
en Grange ; Que cette Machine agit par
le moyen d'un arbre vertical qui est mis en
mouvement par un ou plusieurs bras , auquel
an attache un ou plusieurs chevaux , selon l'é
tenduë que l'on veut lui donner ; que cet arbre
porte un rouet qui mene une lanterne , laquelle
fait tourner un arbre horizontal , lequel porte
des levées , qui rencontrant d'un cô é des bassecules
, de l'autre des mentonieres , font lever des
pilons et facilitent l'écoulement du grain dans
une tremie : Que cette Machine sera très- utile ,
sur-tout en Provence , & dans les autres Provinces
méridionales du Royaume , où on foule
le grain par le moyen d'un grand nombre de
chevaux , qui serviront utilement à d'autres travaux
que d'ailleurs ceux de cette espece fatiguent
presque toutes les Jumens Poulinieres et
les font avorter, gâtent les jambes des Poulains,
les détruisent en partie , et empêchent qu'on
puisse tirer de bons chevaux de cette Province ;
1. Vol. que
JUIN..1737. 1255
que même ce foulage avec des chevaux et des
jumens est défendu depuis long- tems , en Espagne
, en Italie , en Barbarie , en gypte : mais
comme ledit sicur Meiffren perdroit tout le fruit
de ses travaux , et que les dépenses qu'il a faites
pour parvenir à perfectionner cette nouvelle Machine
, tomberoient en pure perte pour lui , s'il
étoit permis d'en faire de pareilles , il Nous a
très- humblement suplié de lui en accorder fe
Privilege exclusif , pendant le nombre d'années
qu'il Nous p'airoit regler , et desirant favorablement
traiter dedit sieur Meiffen , et le recompenser
de son aplication , et après avoir fait
examiner en notre Académie Royale des Sciences
, ladite Machine : A CES CAUSES , et autres
ice Nous mouvans , de l'avis de notre Conseil,
qui a vu le Certificat de notre Académie des
Sciences , ensemble le plan de ladite Machine cy
attaché sous le Contre - Scel de notre Chancelcrie
, Nous avons , par ces Presentes signées de
notre main , permis et permettons audit sieur
Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , de faire
construire , vendre , débiter , et se servir de la
nouvelle Machine à battre les Gerbes , de son
invention dans toute l'étendue de notre Royaume
, Pays, Terres, et Seigneuries de notre obéis
sance , pendant le temps et espace de vingt années
consecutives , à compter du jour et datte
des Presentes ; faisons très - expresses inhibitions
et défenses à toutes Personnes de quelque condition
et qualité qu'elles soient , de faire et constuire
, pendant ledit temps , aucunes Machines
à battre les Gerbes semblables à la presente , ni
de la contrefaire sans la permission par écrit dudit
sieur Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , à
peine de confiscation desd . Machines et des mate-
J. Vol.
tiaux
1246 MERCURE DE FRANCE
circonstances et dépendances , et icelle interdisant
à toutes ses Cours et autres Juges , jusqu'à
Ce qu'autrement par Elle il en ait été ordonné.
ORDONNANCE du Roi du 25. concernant
la réduction des Compagnies de Grenadiers
en faveur de ceux des Grenadiers qui se trou-.
veront déplacés par le retranchement porté par
l'ordonnance du 8. Janvier dernier , et entrenus
avec leur même paye jusqu'à ce qu'ils rentrent
dans les Compagnies d'où ils seront sortis , ou
qu'ils montent aux grades qui leur seront accordés
suivant leurs talens et bonne conduite.
ARREST du 26. portant qu'Antoine Hogguer
sera tenu de défendre dans huitaine , à la
demande du Controlleur des bons d'Etats con
tre lui , en restitution de neuf millions deux cent
quatre - vingt-dix mil cinq cent quatre-vingt-six
livres d'une part , en rentes sur les Tailles , et
de neuf cent quarante-quatre mille livres , d'autre
, en argent , comme indûement par lui surprises
, sinon qu'il sera fait droit.
EDIT DU ROY , portant supression de
la Charge de Garde des Sceaux de France . Don
Lé à Versailles au mois de Février 1737 .
LOUIS par Ia grace de Dieu Roy de France
et de Navarre ; à tous présens et à venir , SAIU
T. Les Sceaux de France étant à présent en
nos mains , nous avons crû que rien n'étoit plus
convenable au bien de notre Service et à celui
"du Public , que d'en remettre la garde et l'éxercice
à notre très- cher et féal Chevalier Chance-
Tier de France. A ces causes , et autres à cẹ nods
mouvans , de l'avis de notre Conseil , et de no-
I. Val.
JUIN. 1737. 1247
tre certaine science , pleine puissance et autor té
Royale , nous avons éteint et suprimé , éteignons
et suprimons par ces Présentes , signées
de notre main , les titre , état et Office de Garde
des Sceaux de France , rétabli par nos Lettreg
Patentes du mois d'Août 1727. Voulons qu'icelles
et tout leur contenu , soit et demeure dèsà-
présent et à l'avenir , nul et comme non ave--
nu , ainsi que toutes les clauses et dispositions
contenues en icelles en vertu des Présentes . Si
donuous en mandement à nos amés et feaux
Conseillers , les Gens tenans notre Grand- Conseil
, que ces Présentes il ayent à faire lire et registrer
, pour le contenu en icelles être gardé et
observé selon sa forme et teneur , nonobstanť
fous Edits , Déclarations , Lettres Patentes , Ré
gfemens et autres titres à ce contraires , auxquels
nous avons dérogé et dérogcons par ces Pié
senies , pour ce regard seulement ; car tel est notre
plaisir , et afin que ce soit chose ferme et
stable à toujours , nous avons aposé notre Sce
ă cesdites Présentes Donné , &c.
Lú , publié en l'Audience du Grand- Conseil du
Roy et enregistré ès Registres dudit Conseil , pour
être gardé, observé et ex cuté selon sa forme et teneur
, suivant l'Arrêt dud 1 Conseil de ce jourd'hui
21. Février 1737. Signé , TOURNAY.
Registré au Parlement le 7. Mars suivant.
REGLEMENT signé du Roy, du 2. Mars
Sur ce qui doit êre observé à l'égard des Equi
pages des Navires qui partent des Pòrts de Provence
, et au sujet des Passagers qui s'y embar
quent , par raport aux Expéditions des Patentes
de santé .
1. Vol AUTRI
T248 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , concernant les
Equipages des Bâteaux et autres Bâtimens qui
naviguent seulement dans le Port et à la Baye
de Marseille.
ARREST du 3 qui ordonne l'èxecution de
celui du 12. Janvier 1734 portant établissement
de la Commission pour le Jugement en dernier
ressort des comptes et affaires concernant l'Economat
et les Biens des Religionnaires fugitifs,
avec augmentation de Commissaires.
AUTRE du 18. qui ordonne la supression
de plusieurs Ouvrages saisis chés le nommé
Redé , Imprimeur à Amiens , surpris en contra
vention aux Reglemens de Police , et qui le déclare
déchu de la qualité d'Imprimeur.
ARREST du Parlement , au sujet d'une
Feuille imprimée et d'une These de Théologie.
Sous
CE JOUR les Gens du Roy sont entrés, er
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
Qu'une Feuille clandestine , imprimée sans
autre t tre que celui de Suite du Suplément ,
la date du 15. Janvier dernier , est tombée depuis
peu entre leurs mains, et que comme ils ont apris
qu'elle étoit répandue dans le Public , ils n'ont
pas crû , à la vue de ce qu'elle contient , pouvoir
la passer sous silence .
Que la Cour en jugera comme eux , si elle
considere non - seulement ce qui regarde diverses
Personnes qui sont nommées dans cette Feuille,
et qui s'y trouvent compromises , mais encore
plus ce qu'elle a de dangereux pour le Pablic ,
dans la disposition présente des esprits sur les af
L.. Vole
faires
JUIN 1737. Y'49'
faires de l'Eglise , et ce qu'elle renferme de faits ;,
d'expressions et de discours , capables de porter
à son dernier période un fu qui ne se fait que
trop sen ir , et que l'on ne doit chercher qu'à
éteindre..
Qu'ils croyent donc n'avoir besoin que de la
mettre sous les yeux de la Cour pour l'engager
à la proscrire ; et pour trouver dans son autorité
respectable un préservatif qui fasse sentir au Pablic
, combien il doit être en garde contre tout:
ce qui peut tendre à de tels excès.
Que pour ne pas multiplier sans nécessité sés
Arrets , ils auront l'honneur de lui rendre compte
en même-temps d'une These soutenue dans
la Faculté de Théologie de Rheims , qui , quoiqu'un
peu plus ancienne n'est cependant aussi
parvenue que depuis peu à leur counoissance .
Qu'ils n'ont pas lieu de reprocher à certe These
d'être tombée en tout dans un égal oubli de nos
Maximes. Qu'ils y en reconnoissent au contraire
plusieurs exprimées d'une maniere que l'on ne
sçauroit qu'aprouver. Mais qu'il est d'autres articles
sur lesquels elle s'en écarte trop pour être:
excusée ; et que ce mélange aujourd'hui trop
ordinaire , ne doit pas la mettre à couvert de la
Censure de la Cour.
le Que la Cour sçaura mieux le connoître
discerner par ses lumieres, que par toute la discussion
dans laquelle ils pouroient entrer sur cette
These ; qu'ils se bornent à un seul exemple choisi
entre ce qu'ils y ont remarqué de plus suscepti
ble de conséquences dangereuses .
Que la Cour sçait quelle a été de tout temps
la fermeté inébranlable de la France , non- seule
´ment à maintenir la supériorité du Concile géne
ral dans l'ordre de la Puissance spirituelle , mais
Le Volo
encore
1250 MERCURE DE FRANCE
encore à le regarder comme faisant une partie
principale et essentielle de l'institution de l Eglise.
Que la Cour n'a pas sans doute oublié ce qu'elle
a fait à ce sujet en diverses occasions. Que quoique
persuadée , comme il est vrai , que les Conciles
géneraux ne sont pas toujours nécessaires
pour terminer toute question qui s'éleve , soit
sur la Discipline ou sur la Foi , elle n'en a pas été
moins en garde contre tout ce qui pouvoit insinuer
qu'ils ne sont nécessaires en aucun cas .
Que c'est pour cela qu'en 1663. par un Arrêt
solemnel , elle réprouva cette proposition dans
une These de Théologie : Concilia generalia ad
extirpandas bareses , schismata et alia incommoda
tol enda , admodum sunt utilia , non tamen absolutè
necessaria . Que dans la These d'aujourd'hui
la même proposition se trouve en d'autres termes
, mais , qui loin d'en affoiblir le sens , semblent
plutôt y donner plus de force et d'énergie :
Congregare Concilia magna utilitatis , nullius absoluta
necessitatis En faut-il davantage pour fonder
les Conclusions qu'ils ont prises pour la su
pression de cette These , aussi - bien que de la
Feuille imprimée , et qu'ils laissent à la Cour ,
avec un Exemplaire de chacun de ces deux Ecrits?
31-
Eux retirés : Vû par la Cour ladite Feuille im
primée sous le titre , Suite du Suplément , 15 .
janvier 1737. ensemble ladite These soutene
dans la Faculté de Théologie de Rheims le
Décembre 1736. par Charles Batteux , Pro majore
ordinarii , et les Conclusions par écrit du
Procureur General du Roy sur lesdits Ecrits. La
matiere sur ce mise en Déli eration ,
LA COUR a arrêté et ordonné que ladit☛
Feuille et ladite These seront suprimées , Enjoint
à tous ceux qui en auroient des Exemplaires , de
J. Vol. jes
JUIN. 1737. 1251
les aporter à cet effet au Greffe de ladite Cour !
Fait inhibitions et défenses à tous Imprimeurs ,
Libraires , Colporteurs et autres de quelque état,
qualité et condition qu'ils soient , de vendre, débiter
ou autrement distribuer aucuns Exemplaires'
de ladite Feuille et de ladite These , à peine de
punition exemplaire ; et que Copies collationnées
du présent Arrêt seront envoyées dans les Bailliges
et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
Iû , publié et registré , enjoint aux Substituts du
Procureur General du Roy d'y tenir la main , er
d'en certifier la Cour dans un mois. Fait en Parlement
le 18 Mars 1737. Signé DUFRANC.
ARREST du 19. Mars , qui exempte des
droits de Massicault , et modére à moitié les autres
droits dûs à Rouen et au Havre , sur les
Vins du Languedoc et de Roussillon , qui seront
destinés pour la provision de Paris.
ORDONNANCE DU Roy du 30. par la
quelle il est dit que S. M. desirant mettre sous
le Titre de Royal - Pologne , le Regiment de Cavalerie
qui est sous celui du Roy Stanislas , et
voulant qu'il prenne à l'avenir dans la Cavalerie
un rang convenable à ce Titre , S. M. a ordonné
et ordonne qu'il portera à l'avenir le nom de
Royal - Pologne, et prendra rang dans les Garni
sons,Quartiers Campemens , Armées, et par- tout
ailleurs , après le Regiment Royal de Carabi
niers , et avant tous les autres qui sont actuellement
sur pied ; nonobstant ce qui est porté par
l'Ordonnance du 24. Décembre 1725. qui avoit
fixé le rang de ce Regiment après celui de la
Reine , et toutes autres Ordonnances et Regle
mens à ce contraires , auxquels S. M : a dérogé
et déroge par ladite Ordonnance .
1252 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 2. Avril, Portant Exemption
des Droits du Domaine d'Occident , pour les
Marchandises du crú des Isles du Vent de l'Amerique
, qui seront transportées en Canada et
à l'Isle- Royale.
AUTRE du même jour, Qui permet aux Négocians
de Marseille d'introduire , pour la consommation
du Royaume , les Caffés provenant
du crû des Isles Françoises de l'Amerique , en
payant dix livres du cent pesant , et d'en envoyer
à Geneve en transit , sans payer aucuns
Droits ; le tout en observant les formalités pres.
crites.
ORDONNANCE DU ROY du 10. Avril,
Qui enjoint aux Officiers des Troupes d'Infanterie
, Cavalerie et Dragons , de porter l'habit
uniforme pendant le temps qu'ils seront aux
Corps .
AUTRE du 23. Qui permet que les Bâtimens
François soient adressés aux Négocians
Etrangers établis dans les Echelles du Levant
dans le cas où ils auront été fretés en entier par
des Etrangers.
7
ARREST du même jour , Pour faciliter
la perception des Arrerages des Rentes Viageres
acquises sur l'Hôtel de Ville de Paris par les
Etrangers.
suit.
AUTRE du 5. May , dont la teneur
LE ROY s'étant fait representer l'Arrêt rendu
par Sa Majesté le 9. Décembre 1731, par
1. Vol. lequel
JUIN. 1737 1253
lequel elle auroit ordonné la Supression d'une
feuille imprimée commençant par ces mots
Stephanus Josephus de la Fare ..... Episcopus
Dux Laudunensis , avec une Formule ordinaire
de l'Aprobation des Confesseurs , une Explication
des Cas reservés au Pape ou à l'Evêque , er
des Avis adressés aux Confesseurs , Sa Majesté
auroit été informée que , contre le respect qui
est dû à cet Arrêt , on commençoit à répandre
dans le Public un Ouvrage imprimé sans nom
d'Imprimeur , sans Privilege ni Permission, qui
a pour titre , Ordonnance de M. l'Evêque Duc de
Laon, second Pair de France, &c.où il paroît qu'on
veut faire revivre et regarder comme subsistant,
ce que le Roy a jugé à propos de suprimer par son
autorité. Et S. M. s'étant fait rendre un compte
plus exact de cet Ouvrage, Elle auroit reconnu
que l'exemple d'une pareille contravention
doit être d'autant moins toleré, qu'il est à crain--
dre que l'esprit qui regne dans cet Imprimé , et
la dureté des expressions dont il est rempli ,
n'excitent une nouvelle émotion dans les esprits :
à quoi étant nécessaire de pourvoir , pour assûrer
l'exécution des Arrêts émanés de l'autori
té du Roy , et éloigner tout ce qui peut troubler
la tranquillité publique , SA MAJESTE' E'TANT
EN SON CONSEIL , a ordonné et ordonne que
edit Ouvrage , imprimé sous le titre d'Ordonnance
de M.l'Evêque Duc de Laon, secon¹ Pair de
France , &c. sera et demeurera suprimé , & c.
AUTRE du 21. Qui accorde un Délay
jusqu'au dernier Décembre 1737. pour le Contrôlle
des Actes de Foy et Hommage , Déclarations
et Reconnoissances aux Papiers Terriers
ft autres.
I. Vola
LETTRES
2254 MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES de Privilege exclusif
d'une Machine propre à battre les Grains ,
pour le sieur Meiffren.
LOUIS , par la Grace de Dieu, Roy de Fran
ee et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , SALUT. Notre bien amé le
sieur Jean Baptiste Meiffren , Capitaine Garde-
Côte , et Inspecteur des Haras en Provence ,
Nous a fait exposer qu'il a inventé une Machine
propre à battre les Grains , laquelle a la proprieté
de battre beaucoup mieux les Gerbes que
le Fleau , qu'elle en rend la paille plus douce ,
et meilleure pour les Chevaux, en fait sortir tout
le grain , qu'elle crible et qu'elle vanne en même
temps qu'elle bat , & fait plus d'ouvrage avec
un seul homme qu'avec six des plus forts Barteurs
en Grange ; Que cette Machine agit par
le moyen d'un arbre vertical qui est mis en
mouvement par un ou plusieurs bras , auquel
an attache un ou plusieurs chevaux , selon l'é
tenduë que l'on veut lui donner ; que cet arbre
porte un rouet qui mene une lanterne , laquelle
fait tourner un arbre horizontal , lequel porte
des levées , qui rencontrant d'un cô é des bassecules
, de l'autre des mentonieres , font lever des
pilons et facilitent l'écoulement du grain dans
une tremie : Que cette Machine sera très- utile ,
sur-tout en Provence , & dans les autres Provinces
méridionales du Royaume , où on foule
le grain par le moyen d'un grand nombre de
chevaux , qui serviront utilement à d'autres travaux
que d'ailleurs ceux de cette espece fatiguent
presque toutes les Jumens Poulinieres et
les font avorter, gâtent les jambes des Poulains ,
les détruisent en partie , et empêchent qu'on
paisse tirer de bons chevaux de cette Province ;
I. Vol. que
JUIN.. 1737. 1255
que même ce foulage avec des chevaux et des
jumens est défendu depuis long - tems , en Espagne
, en Italie , en Barbarie , en Egypte : mais
comme ledit sieur Meiffren perdroit tout le fruit
de ses travaux , et que les dépenses qu'il a faites
pour parvenir à perfectionner cette nouvelle Machine
, tomberoient en pure perte pour lui , s'il
étoit permis d'en faire de pareilles , il Nous a
très-humblement suplié de lui en accorder fe
Privilege exclusif , pendant le nombre d'années
qu'il Nous plairoit regler , et desirant favorablement
traiter ledit sieur Meiffren , et le recompenser
de son aplication , et après avoir fait
examiner en notre Académie Royale des Sciences
, ladite Machine : A CES CAUSES , et autres
ace Nous mouvans , de l'avis de notre Conseil,
qui a vû le Certificat de notre Académie des
Sciences , ensemble le plan de ladite Machine cy
attaché sous le Contre-Scel de notre Chancellerie
, Nous avons , par ces Presentes signées de
notre main , permis et permettons audit sieur
Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , de faire
construire , vendre , débiter , et se servir de la
nouvelle Machine à battre les Gerbes , de son
invention dans toute l'étendue de notre Royaume
, Pays, Terres, et Seigneuries de notre obéissance
, pendant le temps et espace de vingt années
consecutives , à compter du jour et datte
des Presentes ; faisons très- expresses inhibitions
et défenses à toutes Personnes de quelque condition
et qualité qu'elles soient , de faire et cons-
Cruire , pendant ledit temps , aucunes Machines
à battre les Gerbes semblables à la presente , ni
de la contrefaire sans la permission par écrit dudit
sieur Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , à
peine de confiscation desd. Machines et des mate-
J. Vol.
riaux
1256 MERCURE DE FRANCE
riaux , outils , et ustenciles qui auroient servià
leur fabrication , et de quinze cent livres d'amende
, aplicable un tiers à notre profit, un tiers
au profit du Sicur Meiffren , ses Hoirs et ayans
cause, et l'autre tiers au profit de l'Hôpital le
plus prochain du lieu où il sera contrevenu aux
Presentes. SI DONNONS EN MANDEMENT à nos
amés et feaux Conseillers les Gens tenans nos
Cours de Parlement , et à tous autres nos Of
ciers et Justiciers qu'il apartiendra , que du contenu
des Presentes ils fassent jouir et user ledit
sieur Exposant , ses Hoirs et ayans cause , pleinement
et paisiblement, cessant et faisant cesser
tous troubles et empêchemens contraires. CAR
tel est notre plaisir. DONNE ' à Versailles letrentiéme
jour d'Avril , l'an de Grace mil sept cent
trente sept , et de notre Regne le vingt - deuxiéme
, Signé , LOUIS , Et plus bas , par le Roy ,
PHE PEAUX.
Nous croyons devoir ajoûter que , par les dif
ferens effets de cette Machine , il semble qu'elle
doit être extrémement composée , elle est cependant
très-simple , peu couteuse et de presque
nul entretien. Depuis qu'elle a été vûë et examinée
par Messieurs de l'Académie des Sciences ,
le sieur Meiffren l'a encore beaucoup perfectionnée
, ensorte qu'il n'y a personne qui ne soit
frapé de cette Invention , une des plus utiles
qui ait encore été trouvée en ce genre.
Le second Volume du Mercure de ce
mois est actuellement sous presse , et paroîtra
incessamment.
•
>
TABLE
1. Vol.
TABLE.
IECES FUGITIVES. Avertissement, 1045
Le Mâtin et la Levrette , Fable , 1049
Lettre sur le Vellaunodunum , &c ,
1051
Etrennes ,
1082
Dissertation sur l'Origine du Papier et Parchemin
timbré , 1082
Le Parnasse , Ode , 1116
Lettre sur les Mathématiques , &c. 1125
Le Jardin , Epitre, 1129
Mémoire lû à la derniere Assemblée publique
de l'Académie Royale des Sciences , sur la
Propagation du Son ,
1137
Enigme , Logogryphes , &c.
1147
NOUVELLES LITTERAIRES DES REAUX - ARTS ,
L'Art d'aimer , Poëme , &c , 1157
1158
La Religion ou Théologie des Turcs , 1149
Ordonnances des Rois de France , &c.
Principes de l'Histoire pour l'Education de la
1159
Prix de l'Académie , des Jeux Floraux , & c . et
Jeunesse , & c.
Prix réservés ,
Extrait d'une Lettre écrite de Constantinople ,
P & c.
Estampes nouvelles , & c.
1170
1173
1176
1184 Chanson notée ,
Spectacles. Le Triomphe de l'Harmonie , & c .
1185
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , et Lettre de
Constantinople , 1198
B: Russie , Allemagne et Italie , Prise de Posses
sion de la Dignité de Sénateur Romain , &c,
120X
Leance. Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
1208
Entrée publique de l'Ambassadeur de Venise ,
Morts , Naissances & Mariages ,
Arrêts Notables ,
1213
1217
1237
Fautes à corriger dans ce Livre.
PA
Age 102. ligne 19. Boyens , lise , Boïens
Et de même page suivante , ligne 12. Boyos ,
lisez Boios.
P. 1137. l. 12. du , ajoûtez , 4. May.
P. 1165. 1. 3. particuliers , ajoutez de .
P. 178. ligne derniere , sieur , ajoutez Fessard,
P. 1181. 1. 7. auprès de Paris , ôtez ces mots.
P. 1185. 1. 20. Grever , lisez Grenet.
La Chanson notée doit regarder la page 1184
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DÉDIÉ AU
ROT.
JUIN. 1737.
SECOND VOLUME.
CURICOLLIGIT
!
SPARGIT
Papillut
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
ruë S. Jacques.
Chés La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy
A VIS..
L
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Franfoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Merà
Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
cure,
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
T'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1737.
********* *************
PIECES FUGITIVES
;
en Vers et en Prose.
L'ESPRIT ET LA BEAUTE,
D
DIALOGUE.
Ans l'Isle où l'Amour tient saCouz ,
Sur un lit de gazon qu'avoit em
belli Flore ,
La beauté, sans témoins , se pana
doit un jour ;
Que mon sort est brillant disoit- elle , on
m'adore ,
Chacun fait son bonheur de vivre sous ma loi ,
II. Vol. La A ij
1258 MERCURE DE FRANCE
La Nature n'a rien de si charmant en soi ;
Puisque je suis son plus parfait ouvrage,
Le rang suprême est mon juste partage ,
Qui peut me le disputer ?
L'Esprit.
Moi ,
Qui transporte un Mortel à la voute éclatante
Moi , que tu ne vois pas , qui n'en brille pas
moins ,
Qui te peins quelquefois l'ardeur pure et cons
tante
De ceux qui te donnent leurs soins ,
Moi, Fils , Amant, Rival et Roy de la Nature ;
Utile Créateur de mille Etres divers ,
Protée ingénieux dont l'aimable imposture
Fait les plaisirs de l'Univers ;
Qui, plus prompt qu'un éclair, parcours la Ter
re et l'Onde ,
Qui vole jusqu'aux Cieux , ' descends jusqu'aux
Enfers ,
Qui polis la raison , qui l'arrache à ses fers;
L'Esprit enfin , l'ame du Monde .
La Beauté.
En verité ce beau Portrait
Seroit pour moi la plus parfaite emblême ;
Si tu ne m'avois dit toi- même ,
J'en suis le Peintre et le Sujet.
L'Esprit.
C'est qu'on ne peut me voir sans les yeux que
je donne.
La
JÚ IN. 1737. 1259
La Beauté.
Je le crois ; mais enfin je porte la Couronne ,
C'est un point décidé dans le coeur des Mortels ;
Leur encens jour et nuit fume sur mes Autels .
L'Esprit.
Eh ! quel est donc le fruit de tant de vains hommages
!
Je fais de mes Sujets de grands hommes,de Sages,
Et tu ne fais des tiens que de vils criminels.
La Beauté.
Jadis , en ma faveur , on vit toute la Grece
Courir , voler aux Champs de Mars ;
J'ai détrôné des Rois, renversé des remparts ;
C'est par mes traits que l'Amour blesse
Et tous ses feux brillent dans mes regards.
L'Esprit.
Soit, mais sans m'ériger en Censeur Misantrope,
Tu n'es pourtant au fond qu'une belle envelope ;
Tu n'as jamais sans moi que le destin des fleurs,
Tu brilles, il est vrai, mais c'est par les couleurs;
Tranche donc moins de la Déesse ;
A Cithere aujourd'hui pour toi chacun s'em
presse ,
On t'abandonnera demain ,
Pour flétrir une Rose il ne faut qu'un matin.
La Beauté.
L'éloge est des plus beaux.
II. Vol. L'Esprie A iij
260 MERCURE DE FRANCE
L'Esprit .
Non ; mais il est sincere ;
En quoi pouroit -il te blesser ?
Comme une fleur on te voit plaire ,
Et comme elle on te voit passer ;
Au contraire , pour moi le temps est immobile ;
Il ne peut rien sur mes travaux ;
Et plus on voit sur eux passer son aîle agile ,
Plus les traits en paroissent beaux.
De l'immortalité je suis l'illustre Pere ,
J'en ai fait sans effort une Divinité ,
Que l'Univers entier révere ,
Et dont le Temple que j'éclaire ,
De vertus , de talens , par moi fut cimenté.
La Beauté.
Tu ne m'as pas toujours parlé ce fier langage ,
Et l'Esprit , à son tour 3. a chéri la Beauté..
L'Esprit.
Tu te trompes ; le coeur en est cause , je gage ;
Tu confonds avec moi cet Esclave volage ,
Si parmi tes Sujets tu crois m'avoir compté.
La Beauté.
'Ah ! c'en est trop , finis un discours qui m'outrage
,
Je ne puis soutenir ce mépris affecté .
L'Esprit.
J'ai voulu te rendre plus sage ,
II. Vol. Aux
JUIN. 1737. 1261
Aux dépens de ta vanité. ·
Ecoute encor ce trait ; aprends à te connêtre &
On cesse de briller avant de cesser d'être ,
Quand on brille par ton secours ;
Qui brille par le mien est sûr d'avoir la gloire
De briller encor plus au Temple de memoire ,
Quand la mort de sa vie aura tranché le cours .
Par M. de S. R. de Montpellier.
ů ! ! !!
HISTOIRE ABREGE'E des
Journaux de Jurisprudence Françoise ,
pour servir de Suplément à l'Histoire
Critique des Journaux de M. C.....
par M. A. G. Boucher d'Argis , Avocat
au Parlement .
L'Litteraires, estun Ouvrage que
'Histoire Critique des Journaux
feu
M. Camusat avoit commencé dès l'année
1722. il mourut à Amsterdam le 28.
Octobre 1732. sans y avoir mis la derniere
main ; cet Ouvrage attendu depuis
long - temps , a été rédigé et donné
au Public par un Auteur anonime ; il a
été imprimé à Amsterdam , chés J. F.
Bernard , en 1734. la forme du Livre est
in 12. et il est divisé en deux Tomes .
II. Vol. A iiij Le
#22 MERCURE DE FRANCE
Le premier Tome et la plus grande
partie du second , ne forment
que ke
premier Chapitre , qui est subdivisé en
plusieurs Articles et Paragraphes , avec
des Notes ; cette partie de l'Ouvrage
contient l'Histoire du Journal des Sçavans
, sous la direction des differens Au.
teurs qui y ont travaillé.
La troisiéme Note sur l'Article de M.
de Sallo , premier Auteur du Journal des
Sçavans, explique l'origine des Gazettes .
Le reste du second Tome porte le titre
particulier de Memoires pour servir à
P'Histoire des Journaux et autres Livres
Périodiques qui ont parû en France et ail-
Leurs ; l'Editeur de cet Ouvrage dit dans
son Avertissement que feu M. Camusat
avoit dessein de réduire l'Histoire de
tous ces Livres Périodiques à deux volu
mes in 12. sous le titre de Memoires pour
servir à l'Histoire des petits Journaux , mais
que l'on ne sçait ce que sont devenus
les matériaux qu'il avoit recueillis pour
continuer cette Histoire.
Quoiqu'il en soit , ces Memoires font
le commencement du second Chapitre
de nos deux Tomes , qui est intitulé ,
Journaux divers de peu de durée , et Livres
qui ont du raport aux Journaux ; ce Chapitre
est divisé en plusieurs Articles qui
II. Vol. contiennent
JUIN. 1737 1263
contiennent l'Histoire de divers Journaux
de Politique , de Médecine , de Philosophie
et de Mathémathique , l'Histoire cri
tique de la République des Lettres , et autres
Memoires de Litterature.
Le troisiéme Chapitre contient l'His
toire des Mémoires de l'Académie Roya
le des Sciences , et de ceux de l'Académie
Royale des Belles - Lettres .
Le Chapitre quatrième et dernier , contient
l'Histoire du Mercure Galant et de la
continuation de ce Livre , qui a changé
de face et de titre ; il est connû aujourd'hui
sous celui de Mercure de Frances
Si M. Camusat eût achevé son Histoire
des Journaux , il n'auroit pas , sans
doute , omis les Journaux de Jurispru
dence , qui ne sont pas moins des Jour
naux Litteraires , que les Memoires de
Politique , de Médecine et de Philoso
phie aparamment il n'en étoit pas encore
à cette matiere , car il n'en est point
parlé dans les deux Tomes que nous
avons de son Histoire Critique des Journaux
. Il ne sera donc pas hors de propos
de donner ici une Histoire abregée des
Journaux de la Jurisprudence Françoi
se , pour servir de Suplément à l'Histoir
re des Journaux de M: Camusat.
On n'entreprend pas , au reste , de
H. Vol. donneer A y
1264 MERCURE DE FRANCE
donner à cette occasion l'Histoire de
tous les Livres de Jurisprudence , mais
seulement de ceux qui portent le titre
de Journaux, ou qui sont en effet de vrais
Journaux , quoiqu'ils portent un autre
titre ; nous allons les parcourir suivant
l'ordre de leur ancienneté.
Journal du Parlement , par M. Denis
Catherinot.
Entre les diverses Pieces Fugitives que
M. Nicolas Catherinot , Avocat du Roy
au Bailliage et Siege Présidial de Bourges ,
a fait imprimer à mesure qu'il les composoit
, il se trouve une feuille imprimée
à Bourges le premier Août 1685. qui a
pour titre , le Journal du Parlement , à
M. Gueret.
L'Auteur qui dédie ce petit Ouvrage à
M. Gabriël Gueret , celebre Avocat au:
Parlement de Paris , annonce que ce
Journal n'est pas proprement de lui
qu'il l'a tiré d'un Manuscrit de feu Denis
Catherinot , son Pere ; que ce Journal
contient 150. Arrêts des années 1611. et
1612. qu'il ne peut mieux le dédier qu'à
M. Gueret , qui travaille avec M. Blondeau
, au grand Journal des Parlemens
de France avec un succès merveilleux , et
pour donner à M. Gueret une notion
M
II. Vol. plus
JUIN. 1737. 1265
plus parfaite de ce Journal , il met en
tête un abregé de la Vie de son Pere , qui
en est l'Auteur , en voici les principales
circonstances.
Denis Catherinot nâquit à Châteauroux
en Berry , le 23. Février 1592. d'u
ne famille alliée à celles de Batonneau de
Paris , et de Pinette de Bourges ; il fit sest
Etudes à Bourges , et ensuite trois ou
quatre années de Droit , sous Antoine
Bengy , Ayeul de François Pinson
celebre Avocat au Parlement , et sous
la direction particuliere de Jean Chenu,
l'Arrestographe , chés lequel il demeuroit
et qui le présenta au Serment d'Avocat
sur la fin du mois d'Août 1610.
,
N. Catherinot dit qu'on a voulu lui
persuader que son Pere avoit bonne part
à la derniere Centurie des Arrêts de cet
Auteur , mais il ajoûte que celui qui avoit
fait la premiere pouvoit bien avoir fait
aussi la seconde.
De Bourges , Denis Catherinot vint à
Paris et y demeura pendant les années
1611. et 1612. Il conféroit souvent avec
Mrs Corbin et Cholet , ses Compatriotes
, et avec Mrs Brodeau , Tubeuf, Desnoyers
, Doujat , Talon , Bignon , Robert,
Guerin et autres celebres Avocats. Ce fut
dans cette Ville et dans ce temps- là qu'il
II. Vol. A vj composa
1266 MERCURE DE FRANCE
composa le Journal du Parlement , que
son Fils dédia ensuite à M. Gueret .
De Paris , Catherinot revint à Bourges
, où il fut reçû en 1617. dans une
Charge de Conseiller au Présidial de cette
Ville , dont il s'acquitta si dignement,
que le Prince de Condé le prit pour son
Conseil à Bourges , et voulut le faire le
premier Officier de sa Duché- Pairie de
Châteauroux ; mais Catherinot aima
mieux rester à Bourges , où il avoit l'a
grément de converser avec beaucoup de
Sçavans qui y étoient alors .
Le 20. Janvier 1619. il épousa D. Ca
therine Bigot , issuë d'une famille noble
et vertueuse de la Province ; elle mourut
vers l'année 1627. sans avoir eû d'enfans.-
Le 6. Février 1628. il épousa en secon
des Nâces Michelle Riglet , alliée à un
grand nombre de bonnes Familles ; ce se
cond Mariage ne dura que trois ans ; le
sieur Catherinot Pere étant mort le premier
jour de Mars 1631. âgé de 39. ans ,
il laissa un fils nommé Nicolas Catheri
not, qui fut Avocat du Roy au Bailliage
et Siége Présidial de Bourges.
C'est ce même Nicolas Catherinot qui
dédia à M. Gueret le Journal du Parlement
, tiré du Manuscrit de son Pere.
Après cet Abregé de la Vie de Denis
LA Vol. Catherinor,,
JULN. 1737. 1267
Catherinot , Nicolas Catherinot raporte
par ordre de dates , dix Arrêts du Parle
ment de Paris , qui commencent au premier
Août 1611. et finissent au 31. des
mêmes mois et an.
Ces dix Arrêts , qui sont aparamment
tirés du Journal manuscrit de M. Catherinot,
Pere, sont raportés très- sommairement
par le fils dans la feuille imprimée
qu'il dédié à M. Gueret ; chaque Article
n'est proprement qu'une Note des Questions
qui ont été jugées ; il a seulement eû
l'attention de marquer le nom des Prési
dens qui tenoient l'Audience et des Avócats
qui plaidoient les Causes jugées par
ces Arrêts.
Le titre de la feüille imprimée qui contient
ces dix Arrêts , et l'espece d'Epitre
Dédica toire à M. Gueret , qui les préce
de, font présumer que M.Catherinot avoit
dessein de faire imprimer le surplus ; mais
il paroît , sans qu'on en sçache la cause ,
qu'il abandonna ce dessein , car la feuille
dont nous parlons ne contient que ces dix
Arrêts, et est close par une date telle qu'on
la met à fin d'une Lettre , à Bourges ce premier
Août 1685 .
Cn n'a point connoissance que le res
të de ce Journal ait été imprimé , ni dė
ce qu'est devenu le Manuscrit ; ce que
L.I. Vola nous
1268 MERCURE DE FRANCE
nous en avons est si peu de chose qu'il
semble que cela ne mériteroit guere d'ê
tre mis au nombre des Journaux de Jurisprudence
, cependant comme ce Journal
de Catherinot est le plus ancien , et
c'est peut-être celui qui a donné l'idée
de ceux qui ont suivi , j'ai crû qu'il
ne devoit pas être omis .
que
Recueil d' Arrêts , par M. Bardet.
Ce Recueil est un Ouvrage beaucoup
plus considerable que celui de Catherinot
, quoiqu'il ne porte pas le titre de
Journal , c'en est réellement un ; car les
Arrêts y sont raportés suivant l'ordre des
dates .
La Vie de l'Auteur se trouve dans la
Préface que M. Berroyer a mise à la tête
de ce Recueil en le donnant au Public,
M. Pierre Bardet nâquit à Montaguet
en Bourbonnois le 15. Décembre 1651 .
il fit ses Humanités au College des Jésuites
de Moulins , et il eut pour Condisciple
M. de Lingendes , qui fut depuis Evêque
de Mâcon ; ils s'apliquerent l'un et l'autre
tellement à la Langue Grecque, qu'elle
leur devint aussi familiere que la Fran--
çoise.
En 1614. âgé de 23. ans il commença
à étudier le Droit à Toulouse , et conti--
II. V. nua
JUIN 1737. 1269
nua pendant les années 1615. et 1616.
sous Mrs Maran et de la Coste , deux illustres
Disciples de Cujas .
Avec de telles dispositions et excité
par l'exemple de ces deux excellens Maî
tres , M. Bardet ne pouvoit pas manquer
de faire de grands progrès dans la science
du Droit.
Il fut reçû au Parlement de Paris au
Serment d'Avocat en 1617. et commença
aussi- tôt à recueillir les Arrêts qui
se rendoient aux Audiences qu'il
suivit assidûment jusques en 1643. que
les affaires du Cabinet et les Ecritures
,
l'occuperent tellement , qu'il n'eut plus
le temps de se trouver aux Audiences.
Quoiqu'il fût peu occupé à la plaidoi
rie, son mérite ne laissoit pas d'être connu
; il plaidoit même avec agrément et
facilité , mais plutôt pour persuader, que
pour plaire.
Il fut honoré de l'estime du celebre
Henry de Mesmes , cet illustre Président
qui aimoit tant les Gens de Lettres , et
du sçavant Premier Président le Jy, qui
après avoir vû son Recueil d'Arrêts , fit
des efforts inutiles pour vaincre sa modestie
, en l'excitant avec zele à le don
ner au Public.
Il s'étoit beaucoup apliqué à la matiere
LI. Vol. des
1270 MERCURE DE FRANCE
des Substitutions , et on a remarqué qu'il
avoit travaillé dans toutes les questions
importantes qui se présenterent de son
temps au Palais sur ce sujet , ensorte que
les Memoires qu'il en a laissés formeroient
seuls plusieurs volumes; les Substitution's
de Levy Cosan et d'Apchon , ne contribuerent
pas peu à le faire connoître dans
les Pays de Droit Ecrit'; aussi étoit - il l'Avocat
de la plupart des grandes Maisons
de Lyonnois , Forest et Auvergne , aussi
bien que de Bourbonnois .
La réputation qu'il s'étoit acquise pour
les Substitutions , fit qu'on l'engagea à
suivre un Procès évoqué du Parlement
de Paris et renvoyé en celui de Provence,
où il demeura si long- temps , que ce séjour
lui occasionna dans la suite une per
te de biens très- considerable.
Mais comme sa vertu étoit au -dessus
de tous les Evenemens , malgré une si
triste épreuve, il ne lui échapa jamais au--
cun mouvement d'impatience , et une
vie fort traversée ne l'empêcha pas de
conserver toujours la même tranquillicé
d'esprit.
Il fut moins sensible à la perte de ses
biens qu'à celle de ses amis , qu'il trouva
presque tous morts à son retour de Proven
e , desorte qu'il se trouva comme
1. Vol. inconnus
JUIN. 1737. 1271
Inconnu aux Avocats qui remplissoient
leur place au Palais , ce qui , joint à l'amour
de sa Patrie et à l'affection qu'il avoit
pour ses Neveux , le détermina à quitter
Paris.
Il se retira à Moulins en 1663. et alla
de-là aux grands Jours de Clermont en
1665. et 1666. mais il ne changea pas
pour cela la résolution qu'il avoit prise
de se retirer du Palais ; en effet depuis le
voyage d'Auvergne il resta toujours à
Moulins jusqu'à sa mort .
Il étoit naturellement humble et doctle
, et sçavoit concilier une grande modes
tie avec beaucoup de mérite et d'érudi
tion. L'esprit de retraite qu'il conserva
toujours , lui faisoit aimer une vie laborieuse
et cachée , quoique dans une Profession
toute publiques et par le partage
qu'il fit de ses momens entre la pieté et
Pétude , les Textes de l'Ecriture Sainte et
ceux du Droit de toute espece, lui étoient
tellement présens , que jusqu'à la fin de
sa vie et malgré le poids des années , sa
memoire lui en fournissoit sur le champ
les termes , lorsqu'il se présentoit quelque
occasion de les raporter.
La principale dispotition de son Testament
qu'il avoit commencé dès 1647 .
et qu'il avoit renouvellé tous les ans jus
II. Vol. qu'en
1272 MERCURE DE FRANCE
qu'en 1685. qu'il déceda , regardoit le
lieu de Montaguet où il étoit né , pour
procurer
à ce lieu l'Erection d'une Cure
ou Eglise Paroissiale , à cause de l'incommodité
que souffroit une partie des Habitans
en allant à celle du Linois , qui
étoit assés éloignée , et par de mauvais
chemins , qui , même dans l'hyver, pouvoient
quelquefois leur rendre l'Eglise
inaccessible : Disposition digne de la pieté
et de la generosité de M. Bardet .
Quoiqu'il fûr d'une taille mediocre et
déliée , il étoit néanmoins très - robuste ,
n'ayant presque jamais été malade : dans
un âge fort avancé , il n'avoit aucune des
incommodités de la vieillesse , si ce n'est
un peu de surdité , de sorte qu'il ne cessa
point d'étudier jusqu'à la fin de sa vie ;
sa memoire lui rapelloit toûjours avec
facilité les choses qu'il avoit aprises anciennement
: elle étoit seulement un peu
moins prompte pour celles qui étoient
plus recentes : à l'égard de son jugement
il fut toujours solide , et ne fut jamais
affoibli
par l'âge.
Il ne s'engagea point dans le mariage ,
et ne nous a laissé que des Productions
de son esprit , qui consistent dans son
Recueil d'Arrêts , ses Mémoires imprimés
, et plusieurs Manuscrits . Il mou-
11. Vol. rut
JUIN. 1737. 1273
rut à Moulins le 20. Septembre 1685.
âgé de 54. ans .
Son Recueil d'Arrêts a éré donné au
Public par feu M: Berroyer. 11 est intitulé
Recueil d' Arrêts du Parlement de Pariș
, pris des Mémoires de feu M. Pierre
Bardet , ancien Avocat en la Cour , avec
les Notes et les Dissertations de M. Claude
Berroyer , Avocat au même Parlement. 2 .
Vol. in fol. à Paris , 16.90 .
Chaque Tome est divisé en plusieurs
Livres , et chaque Livre en plusieurs
Chapitres , ce qui n'ajoûte rien à l'ordre
de l'Ouvrage , parce que les Arrêts n'y
sont pas rangés par matieres , mais seulement
par ordre de dates .
Monsieur Berroyer observe dans la
Préface , qu'il a mise à la tête de ce Recueil
, que M. Bardet a évité les deux dé
fauts les plus ordinaires dans ces sortes
d'ouvrages ; le premier de raporter les
Arrêts sur la foy d'autrui ; le second , de
ne garder aucun ordre , et de les raporter
en termes obscurs et mal digerés .
En effet , l'Auteur a été lui- même assidu
aux Audiences , et n'a compris dans
son Recueil que les Arrêts intervenus:
dans les causes auxquelles il avoit assisté
il avoit soin de les rédiger aussi tôt
qu'il étoit de retour du Palais, pour ne pas
11. Vol. trop
1274 MERCURE DE FRANCE
trop présumer de sa mémoire ; il a eu
aussi l'attention de ne rien ajoûter dú
sien , à ce qui avoit été plaidé ou prononcé
: il a inseré tous les Avertissemens
donnés au Barreau par M M. les Presidens
après la prononciationt des Arrêts ,
et son exactitude a été telle , que dans une
Cause , où M. l'Avocat Général Bignon
porta la parole, il ne fait mention de son
avis , qu'en disant qu'il ne l'a point entendu.
Son Recueil d'Arrêts commence en
16 17. six ans avant le Journal des Audiences
, et comprend les Ariêrs intervenus
jusqu'en 1642 , inclusivement , pars
mi lesquels il y en a neuf de prononcés
en Robes rouges.
Il y a beaucoup de methode , de netteté
et d'ordre dans cet Ouvrage; si l'Auteur
raporte quelques Arrêts déja cités
ailleurs , on trouve dans son Recueil
quelque circonstance du fait , ou quel
que moyen essentiel , qui a pû détermi
ner les Juges , et que les autres Auteurs
avoient omis .
M. Berroyer observe seulement qu'il
a retranché quelques uns des Arrêts qui
étoient dans le Recueil de M. Bardet ,
parce que ces Arrêts étoient déja rapor
tés ailleurs.
HI. Vol
Le
JUIN. 1737 1275
Le stile de M. Bardet est un peu sec
mais il passe pour un des Arrêtistes des
plus
lus exacts , et son Ouvrage est généra
lement estimé : cependant M.Bretonnier,
dans ses Observations
sur le XIX . Plaidoyer
d'Henris , tom . 2. remarque que M.
Bardet s'est trompé dans un endroit de
son Recueil tom. 1. liv . 3. ch . 2. où cet
Auteur dit que le Retrait lignager a été
introduit dans la Ville de Lyon , et s'y
pratique communément
, que cela a été
ainsi jugé par un Arrêt qu'il raporte du
8. Février 1628. confirmatif d'une Sentence
du Sénéchal de Lyon , qui avoit,
dit-il , declaré les offres d'un Retrayant
bonnes et valables , et ordonné que Ï'Acquereur
lui délaisseroit la Maison par
Retrait lignager.
M. Bretonnier dit qu'ayant été extrémement
surpris de cet Arrêt , il en parla
à M M. Ferrary , Gilet et Terrasson
ses Confreres , qui lui assurerent que le
Retrait lignager n'avoit point lieu à
Lyon , et lui conseillerent de refuter cet
Arrêt , qu'ils jugoient être ou apocry
phe ou collusoire.
Pour éclaircir encore mieux ce fait ,
M. Bretonnier en écrivit à M. Dufournel
, célébre Avocat à Lyon , qui lui
envoya une Consultation signée de 15.
II. Vol. des
1276 MERCURE DE FRANCE
des plus anciens Avocats de Lyon , qu'il
a jointe à ses Observations : ces 15. Avocats
répondirent qu'il étoit difficile de
concevoir quel avoit pû être le fondement
de l'Arrêt raporté par M. Bardet ;
qu'il étoit assés naturel de présumer que
M. Bardet s'étoit trompé dans cette citation
, aussi bien que son Apostillateur.
M. Bretonnier ne s'en tint pas là : il
alla lui-même chercher cet Arrêt dans
les Registres du Parlement ; il le trouva,
à la verité , sous la même date du 28.
Février 1628. mais pour une autre Province
, et une Ville differente ; sçavoir ;
pour la Ville d'Aurillac dans la Haute
Auvergne , et afin de constater ce fait
important, il a raporté cet Arrêt à la suite
de ses Observations dans l'endroit que
l'on a cité.
Il ajoûte ensuite qu'il a crû devoir
raporter cet Arrêt , non pas pour mettre
au jour la bévûë de M. Bardet , pour
qui il a beaucoup de considération et
d'estime , mais pour établir :
1 °. Que le Retrait lignager n'a point
lieu à Lyon.
2°. Que dans les Pays de Droit Ecrit
de l'Auvergne , le Retrait lignager a
lieu.
3°. Qu'il y a peu de fond à faire sur la
11.Vol
foy
JUIN. 1277 1737
foy des Arrêtistes , puisque M. Bardet ,
qui passe pour être un des plus exacts ,
s'est trompé en cet Endroit.
Aliquando bonus dormitat Homerus.
Il ne nous reste plus , par raport aux
Recueils d'Arrêts de M. Bardet , qu'à
donner une notion de M. Berroyer, son-
Annotateur
M. Claude Berroyer nâquit à Moulins
, Capitale du Bourbonnois : son Pere
étoit Greffier au Bailliage et Siege Présidial
de cete Ville ; pour lui il vint s'établir
à Paris , et y fut reçû au serment
d'Avocat le 22. Février 1677. Il étoit
d'un naturel doux et paisible , sage et
prudent dans toutes ses démarches , et
d'un esprit très- sociable.
Il plaida pendant quelque temps , et
même avec succès ; mais il se livra bientôt
tout entier aux occupations du Cabi
net. Sa grande aplication à l'étude , et
l'experience que l'usage des affaires lui
avoit acquise , lui attirerent bientôt
l'estime des Magistrats et la confiance du
Public ; il devint donc très employé à
la Consultation . Il étoit du Conseil ordinaire
de l'Ordre de S. Lazare , de celui
de la Maison de Villeroy et de plu
sieurs autres grandes Maisons .
II. Vol. De
278 MERCURE DE FRANCE
De son mariage avec Demoiselle ....
Maillet , il eut quatre Enfans ; sçavoir ,
un Fils qui fut reçû Avocat au Parle
ment , et qui mourut fort jeune ; une
fille à present décédée , qui avoit épousé
Louis -Joseph Moufle , Avocat au Parlement
, une autre Fille mariée à André-
François Louvel des Bois , aussi Avocat
au Parlement , et un Fils reçû Conseiller
à la Cour des Aydes le 10. May
1735.
Il étoit si laborieux que , malgré le
grand nombre d'affaires dont il étoit
chargé pour differens Particuliers , il
trouva encore le temps de composer plusieurs
Traités de Jurisprudence , dont
quelques- uns ont été imprimés de son
vivant , les autres se sont trouvés manuscrits
parmi ses papiers.
Les Ouvrages imprimés que nous avons
de lui , sont la Bibliotheque des Coûtumes
qu'il a faite conjointement avec M.
Eusebe de Lauriere , Avocat , à la reserve
de la Préface , contenant des conjectures
sur l'Origine du Droit François , laquelle
est de M. Berroyer seul . Les Notes
qu'il a faites sur le Commentaire de M.
Duplessis sur la Coûtume de Paris , aussi
conjointement avec M. de Lauriere , et
les Notes qu'il a faites sur le Recueil
II. Vol. d'Arrêts
JUIN. 1737. 1279
d'Arrêts de Monsieur Bardet.
Il fut élû Bitonnier de l'Ordre des
Avocats le 9. May 1728. et après avoir
rempli avec honneur tous les differens
dégrés d'une longue vic , il mourut à
Paris le 7. Mars 1735. universellement
regretté de ses Confreres et de tous ceux
qui le connoissoient,
Il avoit connu particulierement M.
Bardet , qui étoit son Compatriote , c'est
ce qui l'excita à donner au Public le Recueil
d'Arrêts de celui ci . Il mit donc
cet Ouvrage en ordre › en ayant seulentent
retranché quelques Arrêts , qui
étoient déja raportés ailleurs , et dans
lesquels il n'y avoit rien de plus que ce
qui se trouvoit dans les autres Auteurs.
Il a mis à la tête de l'Ouvrage une
Préface , dans laquelle il fait voir l'utilité
des Recueils d'Arrêts , quand ils sont
faits avec attention , et dans cette même
Préface , il nous a donné la Vie de M.
Bardet.
A la fin de chaque Chapitre de l'Ouvrage,
il a joint des Notes Sommaires
pour servir de Conference avec les autres
Livres dont les Auteurs citent ou raportent
les mêmes Arrêts,afin que le Lecteur
puisse vérifier les differences qui s'y
trouvent.
II. Vol. B 11
1280 MERCURE DE FRANCE
pour
Il a donné quelques Dissertations
expliquer les veritables motifs de cer
tains Arrêts , et pour prévenir les mauvaises
applications que l'on en fait quelquefois
dans les Provinces ..
Dans le second Tome, ces Dissertations
sont mises à la fin par forme d'Addition ,
parce que l'impression du corps de l'Ouvrage
devançoit la plume de l'Annotateur.
Les Notes et Dissertations de M.
Berroyer , aussi bien que ses autres Ouvrages
, sont estimées , et le Public lui
est redevable de ce qu'il lui a procuré le
Recueil d'Arrêts de M. Bardet , qu'il a
rendu encore plus utile par ses Disserta
tions , & c .
JOURNAL DES AUDIENCES.
Ce Recueil qui est intitulé Journal des
principales Audiences du Parlement , porte
avec d'autant plus de raison le Titre de
Journal , qu'il ne contient pas seulement
les Plaidoyers des Avocats, et les Arrêts
intervenus sur les Contestations particulieres
, il contient aussi une partie des
Edits et Déclarations avec leurs Enregistremens
, et les differens Reglemens et
Arrêts faits par la Cour.
Il est actuellement composé de plusieurs
Vol. infol. qui ont été donnés au
II. Vel. Public
Public en differens temps , et par differens
Auteurs. Le premier Volume est
l'Ouvrage de Jean Dufresne , issu de
l'ancienne et noble Famille des Dufresne
d'Amiens en Picardie , où il nâquit.
,
Louis Dufresne , Seigneur de Froideval,
son Pere , étoit Prevôt de la Prévôté
Foraine de Beauquesne au Bailliage d'Amiens;
il avoit beaucoup d'érudition, aimoit
les Belles Lettres, et étoit versé dans
la Langue Grecque : il fut marié deux
fois ; de son premier mariage il eut trois
Fils , Adrien , qui lui succeda à la Prevôté
de Beauquesne : Jean qui est
l'Auteur du Journal dont nous avons
à parler , et Louis , Médecin , tous trois
très sçavans. De son second mariage il
eut aussi trois Fils , sçavoir , Michel et
-François , qui firent profession dans la
Compagnie de Jesus, et le sçavant Charles
Dufresne , Seigneur Ducange , Tré
sorier de France au Bureau des Finances
d'Amiens , Auteur des deux Glossai
res l'un Grec , l'autre Latin , et de plusieurs
, autres Ouvrages , Monumens de
son érudition .
Jean Dufresne vint s'établir à Paris ,
et y exerça la Profession d'Avocat au Parlement
avec beaucoup d'honneur et de
distinction , il suivit long- temps les Au-
II. Vol. Bij dienc
$ 282 MERCURE DETRANCE
diences , et eut soin de recueillir les Arrêts
rendus de son temps.
M. Baluze , dans une Lettre écrite à
Eusebe Renaudot , au sujet de M. Du
cange , laquelle est inserée dans le premier
Volume de son Glossaire Latin, dit
qu'il a connu Jean Dufresné, que c'étoit
un Homme de bien , sage , prudent et
très-versé dans l'étude du- Droit Civil
et de sa Loy municipale.
Il fit en effet une étude particuliere de
la Coûtume d'Amiens , Lieu de sa Naissance
, et il en a donné un Commentaire ,
à la fin duquel il a mis beaucoup d'Arrêts
, tant concernant cette Coûtume ,
que sur plusieurs autres matieres. Ce
Commentaire est imprimé en 1. Volume
in folio, et il a été inseré dans le Coutumier
de Picardie , Edition de 1726 .
On eut assés de peine à déterminer
M. Dufresne à donner au Public son
Recueil d'Arrêts , à cause qu'il y avoit
déja plusieurs Recueils , et qu'il craignoit
qu'on ne lui imputât d'avoir voufu
encherir sur les autres ; mais comme
ces autresRecueils étoient dans une forme
differente , et que d'ailleurs ils ne com .
prenoient pas les mêmes Arrêts , on le
fit enfin consentir à laisser paroître le
sien.
11. Vol
C
JUIN . 1737. 1283
Ce premierVolume eut tant de succès ,
qu'il y en eut quatre Editions du vivant
de l'Auteur. Il dédia les trois premieres
à Mathieu Molé , Premier Président du
Parlement , et depuis Garde des Sceaux ,
et la quatrième à Jean Molé de Champlastreux
, Président à Mortier , Fils du
Garde des Sceaux.
Comme il n'y avoit d'abord du
Journal des Audiences que ce premier
Volume , donné par Jean Dufresne , plusieurs
Auteurs l'ont cité sous le nom
d'Arrêts de Dufresnes il comprend les
Arrêts intervenus depuis 1623. jusqu'en
1657.
M. Dufresne mourut à Paris le ....
après son décès , M. François Jamet de
la Guessiere , Avocat au Parlement, continua
le Journal des Audiences , il en
donna au Public trois Volumes depuis
1686. jusqu'en 1700. un qui comprenoit
les Arrêts intervenus depuis 1657,
jusqu'en 1666. inclusivement ; un autre
Volume dédié à M. le Premier Président
de Novion , qui comprenoit les Arrêts
intervenus depuis 1666. jusqu'en 1678 .
et un autre qui comprenoit les Arrêts rendus
depuis 1677. jusques en 1685.
Au moyen de cette continuation , le
Journal des Audiences étoit déja en qua-
11. Vol. Biij tre
1284 MERCURE DE FRANCE
tre Volumes in -folio ; M. de la Guessiere
en préparoit un cinquiéme tome lorsqu'il
mourut.
M. Nicolas Nupied , ancien Avocat an
Parlement , reçû le 8. Août 1689. mit en
ordre les Mémoires de M. de la Guessiere
, et en 1707. donna au Public le cinquiéme
Tome du Journal des Audiences
, qui comprenoit les Arrêts intervenus
depuis 1685. jusques en 1700.
On a réimprimé en 1736. les cinq Volumes
du Journal des Audiences ; dans
cette derniere Edition , des cinq Volumes
on n'en a formé que quatre , et en les
réimprimant on y a ajoûté quelques Arrêts
qui manquoient ; on a corrigé plu
sieurs transpositions , et autres fautes qui
s'étoient glissées dans les précedentes
Editions .
Dans la même année M.Nupied a donné
au Public un nouveau Volume , qui
comprend les Arrêts intervenus depuis
l'année 1700. jusqu'en 1710. ce Volume
qui fait le sixième Tome de l'ancienne
Edition , et le cinquième de la nouvelle,
est divisé en deux Parties. La premiere
est subdivisée en six Livres , et la seconde
en quatre. Chaque Livre contient tous
les Arrêts qui sont d'une même année.
Ce dernier.Tome a été imprimé avec
II. Vol. beaucoup
JUIN 1737. 1285
beaucoup de soin et d'attention.
RECUEIL D'ARRETS de M. Soëfve.
M. Lucien Soëfve , Auteur de ce Re- .
cueil , fut reçû au serment d'Avocat le
21. Juillet 1636. Il étoit Doyen de l'Ordre
en 1693. étant alors âgé d'environ
78. ans.
Il s'attacha aux Audiences , comme à
la meilleure Ecole du Palais , et les suivit
assidument pendant plus de so . an
nées. Il commença au mois de Janvier
1640. à recueillir les Arrêts qui se rendoient
aux Audiences , et en 169 2. il en
donna au Public deux Tomes in -folio ,
qui furent imprimés à Paris.
Cet Ouvrage est intitulé : Nouveau
Recueil de plusieurs Questions notables tant
de Droit que de Coutumes , jugées par Arrêts
d'Audiences du Parlement de Paris
depuis 1640. jusqu'à present. L'Auteur le.
dédia à M. de Fourcy , Président aux Enquêtes.
Ce Recueil est un vrai Journal , car
les Arrêts y sont raportés par ordre de
dates . Il comprend 800. Arrêts rendus.
depuis 1640. jusqu'au 24. Mars 1681 .
inclusivement , soit aux Audiences de
la Grand - Chambre , ou des Enquêtes ,
par évocation ou renvoy du Conseil ,
II. Vol. B iiij
soit
1286 MERCURE DE FRANCE
soit en la Tournelle , ou en la Chambre
de l'Edit, pendant qu'elle subsistoit.
Il n'y a aucun de ces Arrêts à la prononciation
duquel l'Auteur n'ait été present
, et après avoir entendu plaider les
Avocats des Parties : s'il y a quelques Arrêts
rendus sur raport , ils sont en petit
nombre , et ce ne sont que ceux qui sont
intervenus dans des affaires qui avoient
d'abord éré plaidées , et ensuite apointées
au Conseil ou en Droit.
Le Recueil de M. Soëfve est divisé par
Centuries , mais cela n'empêche pas que
Pordre des dates n'y soit observé.
JOURNAL DU PALAIS.
A ne considerer que le Titre de cet
Ouvrage , on croiroit d'abord que c'est
la même chose que le Journal des Audiences
; cependant ces deux Recueils
d'Arrêts sont fort differents l'un de l'autre
en toute maniere ; car outre qu'ils ne
sont pas du même Auteur , et que les
Arrêts contenus dans le Journal du Palais
ne commencent pas au même tems ,
et ne sont pas précisément les mêmes
que ceux qui sont dans le Journal des
Audiences , il y a encore entre ces deux
Journaux une autre difference essentielle
: c'est que le Journal du Palais com-
II. Vol. prend
JUIN. 1737. 1287
prend les Arrêts les plus notables de tou's
les Parlemens , et des autres Cours Superieures
du Royaume , au lieu que le
Journal des Audiences ne comprend que
des Arrêts du Parlement de Paris.
Le Journal du Palais est intitulé : Jour
nal du Palais , ou Recueil des principales
Décisions de tous les Parlemens de France
sur les Questions les plus importantes de
Droit Civil, de Coûtume , de Matieres
Criminelles et Bénéficiales et de Droit
Public.
,
Cet Ouvrage est de feus Mrs Claude
Blondeau et Gabriel Gueret, Avocats au
Parlement de Paris . M. Blondeau qui
étoit l'ancien de M. Gueret , fut reçû au
Serment d'Avocat le 12. Août 1659 .
En 1672. il commença à travailler au"
Journal du Palais de concert avec M.-
Gueret ; ils en firent imprimer conjointement
dix Volumes in 4. M. Gueret
étant décédé le 22. Avril 1588. M. Blondeau
, qui lui survécut , continua l'Ouvrage
, et donna encore deux Volumes
in- 4 . lesquels, avec les dix premiers Volumes
, forment la premiere Edition de
ce Livre en douze Volumes in-4. It cut
été heureux pour le Public que M. Blon .
deau eût pû continuer son aplication pour
la perfection de ce qu'il avoit commencé,
H. Vol Boy mais
1288 MERCURE DE FRAN C
mais ses infirmités ne lui permirent pas
de continuer plus long - temps ce pénible
travail.
Pour ce qui est de M. Gueret , son élo
ge se trouve dans un Journal Litterai
re et dans le Dictionnaire Historique.
Il nâquit à Paris l'an 1641. et se distingua
par son esprit , par son érudition
et par les Ouvrages qu'il donna au Public
. Dans sa jeunesse il fit beaucoup de
Vers , mais il se contenta de les lire à ses
amis , et n'en a jamais fait imprimer .
Il fut reçû au Serment d'Avocat vers
l'an 1660. Pendant les premieres années
qu'il suivit le Barreau , il partageoit son
temps entre les Belles Lettres et la Jurisprudence
, et donna au Public divers Ouvrages
de Litterature. Le premier qu'il
mit au jour fut Les sept Sages de la Grece,
qu'il dédia à M. le Febvre de Caumartin
, alors Maître des Requêtes , et qui
depuis fut Conseiller d'Etat.
Le second , Les Entretiens sur l'Eloquence
de la Chaire et du Barreau , qu'il
publia l'an 1666. et qu'il dédia à M. Ĉolbert.
Le troisiéme , Le Parnasse reformé.
C'est une Satyre très- ingenieuse et fort
estimée , qu'il dédia à M. l'Abbé Desroches
, qui étoit alors à Rome .
La Guerre des Auteurs , qu'il fit im-
II.Vol.
primer
JUIN. 1737. 1289
primer depuis , est la seconde Partie du
Parnasse reformé , à laquelle néanmoins
il donna un Titre different pour des raisons
particulieres , et ce Titre , aussi--
bien que l'idée de ce Livre , a servi depuis
de Modele à celui qui a écrit La
Guerre des Auteurs Anciens et Modernes.
Il a encore fait quelques autres Pieces
dans le même genre , qu'il n'a jamais ren- .
du publiques ; il y avoit entr'autres une
Satyre enProse , d'un tour fin et ingenieux,
intitulée: La Promenade de S. Cloud ; mais
comme elle étoit écrite contre un Particulier
célébre , qui y étoit désigné d'une
maniere à ne pas le méconnoître , il ne
voulut jamais l'imprimer.
Après avoir laissé échaper ces premiers
traits de la vivacité de son esprit , M.
Gueret s'attacha uniquement à sa Profession
, et ne fit plus que des Ouvrages
concernant la Jurisprudence .
M. Gauthier , célébre Avocat au Parlement
de Paris , étant mort , n'ayant
donné au Public que le premier Tome
de ses Plaidoyers , M. Gueret donna le
second Tome , sur les Mémoires manuscrits
du défunt , qu'il avoit achetés l'an
1669. et auxquels il fut obligé de supléer
beaucoup du sien : il dédia ce Volume à
M. le Pelletier , alors Président aux En-
1
II. Vol Bvj quêres,
1288 MERCURE DE FRAN C
mais ses infirmités ne lui permirent pas
de continuer plus long- temps ce pénible
travail.
Pour ce qui est de M. Gueret , son élo
ge se trouve dans un Journal Litteraire
et dans le Dictionnaire Historique.
Il nâquit à Paris l'an 1641. et se distingua
par son esprit , par son érudition
et par les Ouvrages qu'il donna au Public.
Dans sa jeunesse il fit beaucoup de
Vers , mais il se contenta de les lire à ses
amis , et n'en a jamais fait imprimer.
Il fut reçû au Serment d'Avocat vers
l'an 1660. Pendant les premieres années
qu'il suivit le Barreau , il partageoit son
temps entre les Belles Lettres et la Jurisprudence
, et donna au Public divers Ouvrages
de Litterature. Le premier qu'il
mit au jour fut Les sept Sages de la Grece,
qu'il dédia à M. le Febvre de Caumartin
, alors Maître des Requêtes , et qui
depuis fut Conseiller d'Etat.
Le second , Les Entretiens sur l'Eloquence
de la Chaire et du Barreau , qu'il
publia l'an 1666. et qu'il dédia à M. Colbert.
Le troisiéme , Le Parnasse reformé.
C'est une Satyre très - ingenieuse et fort
estimée , qu'il dédia à M. l'Abbé Desroches
, qui étoit alors à Rome .
La Guerre des Auteurs , qu'il fit im-
II.Vol.
primer
JUIN. 1737. 1289
primer depuis , est la seconde Partie du
Parnasse reformé , à laquelle néanmoins
il donna un Titre different pour des raisons
particulieres , et ce Titre , aussibien
que l'idée de ce Livre , a servi depuis
de Modele à celui qui a écrit La
Guerre des Auteurs Anciens et Modernes.
Il a encore fait quelques autres Pieces
dans le même genre , qu'il n'a jamais ren-.
du publiques ; il y avoit entr'autres une
Satyre enProse, d'un tour fin et ingenieux,
intitulée: La Promenade de S. Cloud ; mais
comme elle étoit écrite contre un Particulier
célébre , qui y étoit désigné d'une
maniere à ne pas le méconnoître , il ne
voulut jamais l'imprimer.
Après avoir laissé échaper ces premiers
traits de la vivacité de son esprit , M.
Gueret s'attacha uniquement à sa Profession
, et ne fit plus que des Ouvrages
concernant la Jurisprudence .
M. Gauthier , célébre Avocat au Parlement
de Paris , étant mort , n'ayant
donné au Public que le premier Tome
de ses Plaidoyers , M. Gueret donna le
second Tome , sur les Mémoires manuscrits
du défunt , qu'il avoit achetés l'an
1669. et auxquels il fut obligé de supléer
beaucoup du sien : il dédia ce Volume à
M. le Pelletier , alors Président aux En-
II.Vol B-vj quêtes,
1290 MERCURE DE FRANCE
quêtes , Prevôt des Marchands , depuis
Controlleur Général des Finances et Ministre
d'Etat. Il a mis à la tête de ce Vo
lume une Préface dans laquelle il a fait
l'éloge de M. Gauthier..
2
Il commença l'an 1672. de concert
avec M. Blondeau , à recueillir les principales
Décisions de tous les Parlemens
et Cours Superieures du Royaume , ils
travaillerent à ce grand Ouvrage , si utile
au Public Sous le Titre de Journal du
Palais , et le dédierent à Jean -Jacques de
Mesmes , Président au Parlement , Pere
de Jean Antoine de Mesmes , Premier
Président. Ils continuerent , et en firent
imprimer conjointement dix Volumes
in- 4. jusqu'à la mort de M- Gueret.
"
Celui- ci a encore augmenté les Arrêts-
Notables du Parlement , recueillis par
M. le Prestre , et réimprimés l'an 1679 .
il y a ajoûté des Notes très - sçavantes ,
et inseré plusieurs Pieces curieuses , en
tr'autres une Dissertation des Coûtumes
de France , composée pir Nicolas
Catherinot , Avocat du Roy au Bailliage
et Siege Présidial de Bourges , qui
étoit allié de M. le Prestre, M. Catheri
not en fait mention dans une feuille imprimée
, intitulée Le Journal du Parle
ment , dédiée à M. Gueret , dont nous
avons parlé ci-devant..
M..
JUIN. 1737.. 129T
M. Gueret plaida peu , mais il très
occupé dans le Cabinet et travailla dans
ce genre avec beaucoup de succès. Il étoit
d'un goût excellent et avoit le discernement
fin ; sa Critique étoit toûjours judi-
- cieuse , et sa conversation très agréable.
Il mérite sur tout d'être loüé par l'égalité
d'humeur que l'on vit toujours en lui ,
sans que les occupations sérieuses et pénibles
de sa Profession alterassent la
té de son esprit.
gaye .
Il avoit été un des premiers de l'Assemblée
que l'Abbé d'Aubignac avoit formée
d'Esprits choisis , pour laquelle on demanda
des Lettres Patentes afin de l'ériger
en Acadéinie ; il en fut le Secretaire
tant qu'elle dura , et y prononça entre autres
Pieces deux Discours Académiques ,
dont l'un a pour titre l'Orateur, et l'autre
Si l'Empire de l'Eloquence est plus grand que
celui de l'Amour. Ils sont tous deux insérés
dans un volume intitulé , Divers
Traités d'Histoire , de Morale et d'Eloquence
, imprimé chés P. Esclassan , laß
1672.
M. Gueret fut recherché par toutes les
Personnes de mérite qui le connoissoient,
Il se maria en 1677. n'étant encore alors
âgé que de 26. ans Il eut de ce Mariage
trois fils , qui sont actuellement vivans ,
BI. Vol. sçavoirs
1292 MERCURE DE FRANCE
sçavoir , N. P. Gueret , Curé de S. Paul
à Paris , un autre fils , qui a été Grand-
Vicaire de l'Evêque de Rhodez , et un
autre qui est au Service du Roy. Il mourut
le 22. Avril 1688. âgé de 47. ans.
On ne sçauroit assés bien exprimer avec
quel aplaudissement lefournal du Palais de
Mrs Blondeau et Gueret , a été reçû dans
le Public ; aussi ce Journal est il beaucoup
au- dessus de toutes les autres Compilations
d'Arrêts . Les deux Auteurs n'y
ont admis que les Décisions des plus il
lustres Tribunaux du Royaume ; ils ont
travaillé sur les Memoires des Avocats
qui avoient plaidé ou écrit, et quelquefois
sur les éclaircissemens et les instructions
que les Juges même leur ont donné . Ils
ont choisi les affaires les plus curieuses
et les plus importantes , les faits y sont
raportés clairement et avec ordre ; indépendamment
des moyens allegués par les
Défenseurs des Parties , ils ont eux-mêmes
travaillé toutes les matieres , et les
questions y sont discutées méthodiquement
et avec beaucoup d'érudition ; on
y trouve des Arrêts de tous les Parlemens
et autres Cours Superieures du Royaume
, ils sont rangés suivant l'ordre des
dates ; il y en a seulement quelques - uns
dont les dates ne sont pas si certaines ,
II. Vol.
que
JUIN 1737. 1293
que l'on a mis à la fin du second volume ,
en un mot ce Journal est regardé comme
un chef d'oeuvre en ce genre. Il y
en a déja eu quatre Editions , toutes quatre
faites à Paris. La premiere est en 12.
volumes in 4. dont les dix premiers furent
donnés par Mrs Blondeau et Gueret,
conjointement ; sçavoir , le premier en
1672. le second et le troisiéme en 1673.
le quatrième en 1676. le cinquiéme en
1678. le sixième en 1679. le septième en
1681. le huitiéme en 1682. le neuvième
en 1684. le dixième en 1686. les deux
autres volumes furent donnés par M.
Blondeau seul, après la mort de M.Gueret;
sçavoir , le onzième en 1689. et le douziéme
en 1695.
La seconde Edition de 1701. est en
deux volumes in folio. On y ajoûta trois
Tables , l'une des Questions , la seconde
des Matieres , et la troisiéme des noms
des Parties.
La troisiéme Edition de 1713. est aussi
en deux volumes in folio ; le premier
volume contient les Arrêts intervenus
depuis 1660. jusqu'en 1678. le second
contient les Arrêts intervenus depuis
1679. jusqu'en 1700 .
La quatriéme Edition vient de paroître
au commencement de cette année
II. Vol. 1737.
1294 MERCURE DE FRANCE
1737. elle est aussi en deux volumes in
folio et dans le même ordre que la préce
dente , sans aucun changement .
ARRESTS DE M. AUGEAR D
M. Mathieu Augeard , ancien Avocat
au Parlement , reçû le 26. Novembre
1703. a aussi donné au Public un Journal
de Jurisprudence Françoise , qui est
intitulé , Arrêts Notables des differens Tribunaux
du Royaume sur plusieurs Questions
importantes de Droit Civil, de Coûtume, de
Discipline Ecclesiastique et de Droit Public.
Il y en a trois volumes in 4. qu'il a
donnés en differens temps ; le premier
en 1710. le second en 1713. et le troisié--
me en 1718. il n'y en a encore eu que
cette Edition .
Le premier volume contient des Ar
rêts intervenus depuis le 29. Mars 1696.
jusqu'au 5. Juin 1709. Le second commence
au 15. Juillet 163 1. et finit au´s.
Août 1710. et le troisiéme commence au
25. Janvier 1650. et finit au 14. Août
1710.
Lorsque ce Recueil d'Arrêts parut , il
servoit de Suplément au Journal des
Audiences et à celui du Palais , parce
qu'il commence à peu près où finissoient
ces deux Journaux.
II Vol L'ev
JUIN. 1737. 129.5
Le dernier tome du Journal des Audiences
, que M. Nupied a depuis donné
au Public , forme un Suplément plus
complet pour ces deux Journaux et particulierement
pour le Journal des Aur
diences. Mais comme ce dernier volume
du Journal des Audiences ne comprend
que des Arrêts du Parlement de Paris
et que le Journal du Palais comprend
des Arrêts de toutes les Cours Souveraines
du Royaume , le Recueil de M. Augeard
, qui comprend aussi des Arrêts de
tous les Parlemens , sert encore à cet
égard de Suplément au Journal du Palais.
et
Le Recueil d'Arrêts de M. Augeard est
utile et estimé ; il y a néanmoins un défaut
dans la disposition de cet Ouvrage ,
c'est que l'ordre des dates n'y est observé
que pour chaque volume en particulier,
et non par raport aux trois volumes ,
que dans le second et le troisiéme tome
il y a des Arrêts des mêmes années comprises
dans le premier , et de même par
raport au second volume , ensorte que
pour y trouver un Arrêt dont la date est
entre les années 1696. et 1709. il faut
le chercher dans les trois volumes , parce
que dans tous les trois il y a des Arrêts
de ces mêmes années ; ce qui vient
de ce que l'Auteur a donné chaque vo-
11. Vol.
lunne
1296 MERCURE DE FRANCE
lume à mesure qu'il a eû de la matiere
pour le former , et que quand il a donné
le second et le troisième , il a repassé sur
les temps compris dans le premier et le
second , parce qu'il avoit retrouvé quelques
Arrêts des mêmes années qu'il avoit
déja comprises dans le précedent volume.
Il seroit facile de remedier à cet inconvenient
, en refondant les trois volumes.
ensemble et en rangeant les Arrêts exactement
suivant leurs dates , lorsqu'on fera
une nouvelle Edition de cet Ouvrage,
qui le mérite bien.
STANCES.
A Madame Abbesse de ... pour le jour
de sa Fête.
H Eureuse qui dès son enfance ;
Instruite dans la pieté ,
Des honneurs dûs à sa naissance ;
Méprisa l'éclat empesté.
Et par une fuite rapide ,
Des traits de ce siecle perfide ,
Mit à couvert sa pureté.
Que ce genereux sacrifice
Lui sauve de rudes combats !
II. Vol.
Dans
JUIN. 1737. 1297
Dans le chemin de la justice ,
Fervente , elle court à grands pas. •
Hors vous aimer , mon Dieu , vous plaire
Et vous parler dans la Priere ,
Tout est pour elle sans apas.
Ainsi vous prodiguez vos graces
Aux coeurs qui sçavent vous chercher ;
Noble Chasteté , sur tes traces
Que je vois de vertus marcher !
Mais quelle aimable modestie ,
Des vains éloges ennemie ,
Voudroit toujours nous les cacher ?
C'est en vain. L'ame pure et sage
Entraîne bien- tôt tous les coeurs,
A sa vertu l'on rend hommage ;
On lui décerne des honneurs ;
Mais honneurs simples et modestes ,
Qui n'ont point ces poisons funestes ,
Propres à corrompre les moeurs.
Quelque sublime , quelque illustre
Que soit le rang qu'elle remplit ,
Elle lui prête plus de lustre
Que sur elle il n'en rejaillit ;
Sa vertu loin d'être assoupie
S'anime , et bien-tôt justifie
La voix commune qui l'élit.
J
II. Vol. C ...
1298
MERCURE DE FRANCE
C .... d'une si belle image ,
Vous seule avez fourni les traits ;
Vos vertus .... mais un respect sage
Veut que
je taise tant d'attraits ;
Je fatte plus par ce silence ,
Cette gran le ame, qui s'offense
Des hommages les plus secrets.
Souffrez que la Troupe fideile ;
Commise à vos soins assidus ,
Par ses voeux témoigne le zele
Et le retour qui vous sont dûs,
Veuille l'Auteur des destinées
Vous accorder autant d'années
Qu'il vous a donné de vertus.
D. C. J. J. J. J. J. J. Desessart:
Le 17. Octobre 1736.
3
VII. LETTRE de M. D. L. R.
écrite à M. Maillart , ancien Avocat
au Parlement , sur quelques Sujets de
Litterature.
V
Ous sçavez , Monsieur , que la har
diesse et un esprit de curiosité
poussés quelquefois au- delà des bornes ,
>
II Vol. fort
JUIN. 1737. 1299 .
font une partie du génie de notre Nation
. Les François veulent tout voir ,
tout sçavoir par eux- mêmes , les choses
sur tout qui offrent un grand Spectacle ,
sans s'embarasser du péril , s'il y en a , à
contenter leur curiosité. Jusqu'ici nos
Voyageurs les plus hardis croyoient avoir
beaucoup fait de visiter les principales
Mosquées des grandes Villes de l'Empire
Turc , en prenant les occasions favora
bles , les précautions nécessaires , dont la
plus indispensable , après la paye de l'In
troducteur , est de ne jamais tenter l'avanture
, que lorsque ces Temples sont
déserts,avant ou après le temps de la Priere
publique. On sçait ce qui pensa en coûterà
N. Grelot, * Voyageur du Levant des
plus estimables,quand il entreprit de lever
tous les Plans de l'Interieur de sainte Sophie
de Constantinople , et combien il
s'estima heureux d'en être quitte pour
une grêle de coups de Papouches ou Pantoufles
Turques , et pour un torrent d'injures
; ceremonie avec laquelle il fut rereconduir
jusqu'à la derniere porte de ce
* Son Livre est intitulé , Relation nouvelle d'un
Voyage de Constantinople , enrichie de Plans , leés
par l'Auteur , &c. 1. Vol in 4. de 306. pages .
A Paris , chés la veuve de D. Foucault , 1680,
Il est devenu fort rare,
II. Vol. fameux.
1298 MERCURE DE FRANCE
C .... d'une si belle image
Vous seule avez fourni les traits ;
Vos vertus .... mais un respect sage
Veut que je taise tant d'attraits ;
Je fatte plus par ce silence ,
Cette gran ie ame, qui s'offense
Des hommages les plus secrets.
Souffrez que la Troupe fidelle ,
Commise à vos soins assidus ,
Par ses voeux témoigne le zele
Et le retour qui vous sont dûs,
Veuille l'Auteur des destinées
Vous accorder autant d'années
Qu'il vous a donné de vertus.
D. C. J. J. J. J. J. J. Desessart:
Le 17. Octobre 1736.
VII. LETTRE de M. D. L. R.
écrite à M. Maillart , ancien Avocat
au Parlement , sur quelques Sujets de
Litterature.
V
Ous sçavez , Monsieur , que la hardiesse
et un esprit de curiosité ,
poussés quelquefois au- delà des bornes ,
II Vol. for:
JUIN. 1737. 1299 .
font une partie du génie de notre Nation.
Les François veulent tout voir ,
tout sçavoir par eux - mêmes , les choses
sur tout qui offrent un grand Spectacle ,
sans s'embarasser du péril , s'il y en a , à
contenter leur curiosité. Jusqu'ici nos
Voyageurs les plus hardis croyoient avoir
beaucoup fait de visiter les principales
Mosquées des grandes Villes de l'Empire
Turc , en prenant les occasions favorables
, les précautions nécessaires , dont la
plus indispensable , après la paye de l'In
troducteur , est de ne jamais tenter l'avanture
, que lorsque ces Temples sont
déserts, avant ou après le temps de la Priere
publique, On sçait ce qui pensa en coû
ter à N. Grelot, Voyageur du Levant des
plusestimables, quand il entreprit de lever
tous les Plans de l'Interieur de sainte Sophie
de Constantinople , et combien il
s'estima heureux d'en être quitte pour
une grêle de coups de Papouches ou Pantoufles
Turques, et pour un torrent d'injures
; ceremonie avec laquelle il fut rereconduit
jusqu'à la derniere porte de ce
* Son Livre est intitulé , Relation nouvelle d'un
Voyage de Constantinople , enrichie de Plans , leés
par l'Auteur , &c. 1. Vol in 4. de 306. pages .
A Paris , chés la veuve de D. Foucault , 1680,
Il est devenu fort rare ,
II. Vol. fameux
1300 MERCURE DE FRANCE
fameux Temple . Il faut lire l'avanture
dans le Livre même , qui est d'ailleurs un
bon Livre.
Mais nous n'avions point encore vû de
François assés hardi , pour ne pas dire
téméraire , pour entreprendre d'entrer
dans le Temple de sainte Sophie , et d'assister
à la Priere publique dans une des
plus grandes Solemnités du Mahométisme,
honorée encore de la présence du G.S.
accompagné de toute sa Cour, &c. C'est
cependant , Monsieur , ce qui est enfin
arrivé , comme vous l'allez voir dans le
Narré qui suit. Je l'ai trouvé parmi les
papiers de feu M. Desroches, qui , com.
me vous sçavez , me sont nouvellement
arrivés de Constantinople. Je n'ai pas be
soin d'autre garant de la vérité du fait ,
étant d'ailleurs déja instruit de ce fait , et
connoissant par moi -même les Acteurs
que je vais mettre sur la Scene . Voici le
Narré en question .
Il y avoit long - temps que nous avions
envie de voir sainte Sophie une des nuits
du Ramazan, Carême des Turcs pendant
qu'on y fait Lakicham Namas , ou la seconde
Priere du soir . Ce que nous en ra
portoient les Turcs , augmentoit notre
curiosité , et nous n'étions retenus pour
la satisfaire , que par l'impossibilité où
11. Vol. nous
UIN. 1737. 1301
nous avions été jusqu'ici d'en trouver un
assés hardi pour nous y conduire. Nous
trouvâmes enfin fort heureusement notre
fait . Un Jannissaire de nos amis, brave
comme un César , prudent comme un
Ulysse , et sur le tout notre Barbier, s'offrit
à nous , et nous rendit la chose plus
aisée que nous ne l'avions crû d'abord , en
nous menant souper chés un Grand Seigneur
de notre connoissance , qui le protegeoit
et qui nous donna un homme de
confiance , un Dervich et quatre autres
de ses Gens, afin que nous fussions moins
remarqués dans le nombre.
Après le soupé , et qu'on nous eut donné
les instructions nécessaires pour faire
la Priere , pour diriger notre marche , en
marchant les pieds cagneux , et pour
quitter , reprendre et porter nos Papouches
à l'entrée, à la sortie et pendant que
nous serions dans la Mosquée , nous en
prîmes fort modestement le chemin .
و
M.... étoit déguisé en habit de Dervich
, et bien nous en prit. Outre ung
ceinture de cuir relevée d'un gros
bouton de cristal er un prodigieux Čhapelet
, il affectoit un air de modestie et de
componction qui semble être naturel à
cette espece de Moines. Pour M .... il
avoit caché ses cheveux sous un immense
11. Vol. Turban
1302 MERCURE DE FRANCE
Turban d'Effendi , et il en avoit pris les
habits ; pour moi , on jugea à ma démarche
trop libre que je serois moins
soupçonné , étant habillé en Jannissaire.
Nous nous rendîmes donc en cet équi
page à la Porte de Sainte Sophie. Il y
avoit ce soir là des Gens du Serrail qui
en défendoient l entrée , parce qu'étant
le dernier Vendredi du Kamazan , et le
Grand Seigneur , et tous les Grands de
l'Empire devant s'y trouver , on y jettoit
de l'argent au Peuple , de maniere
que le concours y étoit extraordinaire .
Bien nous prit , comme je l'ai déja
dit , que M.... fut habillé en Dervich,
sans cette circonstance nous n'aurions
pas été plus privilegiés que les autres ;
mais comme il étoit à notre tête marmotant
quelques paroles de l'Alcoran ,
on craignit sans doute de s'attirer la malediction
du Ciel , si on repoussoit un
Dervich si respectable par le sacrifice
qu'il avoit fait à Dieu de sa jeunesse. Enez
, lui dit-on , vous et votre compagnie
dans le Temple de la Sagesse. Le Roy des
Rois est trop juste pour en refuser l'entrée aux
Anges du Seigneur. Il remercia son Introducteur
en levant les yeux vers le
Ciel, il entra , et nous le suivîmes le plus
modestement qu'il nous fut possible ,
II. Vol.
après
JUIN. 1737.
1303
après avoir quitté nos Papouches à la
Porte ,les avoir prises de la main droite ,
et avoir croisé pardevant nos Pelisses , ou
Robes fourées , de la main gauche .
Nous fumes saisis un instant après
d'admiration et de crainte , car ce ne fut
que lorsque nous nous trouvâmes au milieu
de la Mosquée , exposés à la vûë du
Grand Seigneur , et de tout ce qu'il y a
de plus considerable dans Constantinople
, que nous connûmes le peril où notre
curiosité nous avoit engagés ; mais
ne pouvant plus reculer , il fallut payer
d'effronterie , et notre Conducteur ayant
commencé de marcher , nous fimes plusieurs
tours dans la Mosquée , et dans
les trois Galeries, en quoi , nous nous exposâmes
d'autant plus que M..... et
moi , qui n'avions point de moustaches,
étions fort examinés ; nous fûmes ensuite
nous mettre à genoux les jambes croisées
comme les Tailleurs , au milieu de
la Mosquée , où nous eumes le loisir de
satisfaire notre curiosité , et c'est de- là
que je vis les choses que je vais vous raporter.
Le vaste Vaisseau de Sainte Sophie étoit
si fort illuminé qu'il pouvoit y avoir so.
mille Lampions au moins ; mais il n'y
avoit que deux gros Cierges dans le Sanc-
II. Vol. Ctuaire
1304 MERCURE DE FRANCE
tuaire à côté d'une espece d'Autel, sur
lequel étoit aparamment l'Alcoran , car
j'y vis sur un Pupitre un Livre ouvert ,
écrit à la main , et grand in -folio . La
Chaire du Monfii , ou Premier Ministre
de la Religion , étoit aussi fort illumi
née , et on avoit suspendu vis à vis une
maniere de Lustre dont les Lampions
étoient disposés de maniere qu'ils formoient
les Caracteres Turcs qui composent
le nom de DIEU. Il y avoit aussi
environ 1000. Tentes , qui contenoient
chacune depuis 3. jusqu'à sept Personnes,
Elles étoient occupées par des Dévots
, entretenus aux dépens de la Mosquée
, et qui n'en sortoient jamais que
pour des nécessités indispensables. Ils se
relevoient tour à tour pour prier Dieu ;
ce qu'ils faisoient en se dandinant et en
branlant continuellement la tête ; ou bien
ils étoient comme ravis en extase ,
fixant les yeux sur quelque objer. Outre
ceux-ci , on voyoit encore des Santons
ou especes d'Hermites , distribués en differens
Endroits , et qui rencherissent par
la bizarrerie de leu.s habits , ou par l'extravagance
de leurs postures , sur nos
Arlequins Ici , l'un écumoit à force d'avoir
prononcé avec vehemence , et du
fond de la poitrine, le mot Allah , DIEU.
en
11. Vol, Là
JUIN. 1737. 1305
Là, on en voyoit un autre qui , les bras
aussi étendus qu'il pouvoit , regardoit
vers le Ciel d'un oeil menaçant. Ailleurs,
l'un avoit la tête baissée , les bras croisés
sur sa poitrine , et la vûë fixée à terre ;
Plus loin , un autre apuyé contre une
colonne ,s'occupoit à baiser humblement
les pieds et le bas de la Robe de ceux qui
passoient. Enfin il y avoit tant de postures
et d'attitudes differentes , qu'il faudroit
un Livre entier pour en décrire la´
varieté et le ridicule , ou pour mieux dire
, il faut les voit pour s'en faire une
juste idée.
Mais le moment de la Priere étant venu
, le Moufti , du haut de sa Chaire
fut le premier à la commencer. Le Grand
Seigneur , accompagné du Selictar , ou
Grand Ecuyer , du Kislar Agassi , Chef
des Eunuques noirs , et du Kapon Agassi,
Chef des Eunuques blancs, le suivit,
et tout le Monde se prépara a l'imiter.
Ensuite de quoi un cri terrible de toute
l'Assemblée , qui fit retentir la voûte, et
nous surprit d'autant plus que nous n'y
étions pas préparés , en annonça le commencement.
Alors nous mîmes en pratique les leçons
qu'on nous avoit données , et nous
nous en acquitâmes si bien , que ceux
11, Vol.
'qu' Cap 15
11300
qui nous avoient peut- être soupçonnés
de n'être point Turcs , s'en repentirent
interieurement , et quelques-uns même
sortirent de la Mosquée pour s'aller purger
par une ablution du peché , qu'ils
croyoient avoir commis , par ce doute ;
du moins un Effendi , ou Homme de
Loy , à qui nous en avons parlé depuis ,
nous a-t- il confirmés dans cette pensée,
Mais comme nous étions dans le fort
et dans la chaleur de la Priere , que nous
nous prosternions plusieurs fois à terre
nous relevant toujours la face tournée
vers l'Orient , tant de mouvemens , qui
tenoient un peu de la convulsion , firent
délier la Sesse du Turban de M ....
il y porta d'abord les mains pour la racommoder
, mais tous les differens tours
qu'il faut faire avec cette Mousseline
l'embarassant , il n'en put venir à bout.
D'un autre côté nous n'osions interompre
notre prétendue Priere pour l'aider ,
ce qui nous jettoit dans une situation terrible
, aprehendant toujours que ses cheveux
, en se découvrant , ne nous découvrissent
aussi.Heureusement un Homme
de Loy , qui étoit derriere lui , nous tira
de cet embaras , en la lui racommodant
charitablement. La Sesse est une piece de
Mousseline qui forme le Turban par ses
differens tours &c.
Echapés
JUIN 1737. 1307
Echapés que nous fumes de ce danger,
nous en courûmes un bien plus grand.
Ce fut en sortant de la Mosquée , que
le Grand Visir , sans autre suite que celde
quatre Hassekis , ou Chefs d'une Bri
gade de Bostangis , dont deux portoient
de grands fanaux , se trouva , sans que
personne s'en fût aperçu , au milieu de
nous. Cet aspect nous troubla ; les Turcs
même , qui étoient avec nous , en furent
effrayés ; et , pour dire la verité , nous
ne faisions pas trop bonne contenance
lorsque le Grand Visir fit arrêter ses Gens,
et après nous avoir examiné des pieds
jusqu'à la tête ' , mais particulierement
M.... il demanda tout haut à un de
ceux qui le suivoient , s'il ne connoissoit
pas ce Dervich ? Celui- ci lui ayant répondu
que non : Sifait bien moi , repliqua
le Visir , je le connois , et sa phisionomie
ne me trompe pas. Après quoi il con
tinua son chemin , et nous gagnâmes
au plus vite une des Portes de la Mosquée.
Le dessein qué nous avions d'abord
projetté d'aller à celle de Sultan Achmet,
n'eut point lieu. Nous étions trop allarmés
pour affronter de nouveaux dangers ;
nous sortimes donc de Sainte Sophie ,
dans la resolution de nous en retourner,
11. Vol. et Cij
1308 MERCURE DE FRANCE
,
et pour cet effet nous prîmes le chemin
de l'Echelle de Bakché Kapoussi, ou Porte
du Jardin , mais nous n'étions pas
quittes de toutes nos frayeurs . Des Bostangis
, Gardes des Maisons Royales
que nous trouvions dans tous les coins
des rues où nous passions , et qui nous
suivcient , en observant nos démarches,
les augmentelent. Nous doublâmes pourtant
si bien le pas , que nous gagnâmes
P'Echelle, et nous nous embarquâmes tous
dans un même Caïque , sans que personne
y mit aucune oposition . Nous ordonnâmes
à nos Bâteliers de nous conduire
à Tophana , ou à l'Arsenal , et nous
étions prêts d'aborder à cette derniere
Echelle , lorsqu'un Bâteau de 7. paires
de rames vint sur nous. Nous n'avions
pas encore eu le temps de nous reconnoître
qu'il nous aborda , et deux Personnes
, l'une desquelles étoit le Reïs , ou
Patron du Bâteau du Grand Visir , et
l'autre un Eunuque de ce Ministre , sauterent
dans notre Caïque , et penserent
le renverser. Nous ne sçavions ce qu'ils
vouloient , ni de la part de qui ils venoient
, mais comme nous étions abîmés
dans nos réflexions , et que nous craignions
d'ailleurs de nous découvrir , si
nous parlions , personne n'en cut le cou
II. Vol. rage
JUIN.
1309
1737.
mais
tage, et nous les laissâmes faire.
Ils examinerent d'abord , avec beaucoup
d'attention , Mrs ...
quand ils furent venus à moi , ( c'est justement
, dirent-ils , l'Homme que nous
cherchons. ) Comment , Coquin , continuerent
- ils , mener des Femmes déguisées
, et en temps de Ramazan , allons ,
il faut venir chés le Grand Visir. A ce
mot de Femmes , qui nous fit connoître
qu'on nous prenoit pour des Turcs ,
nous fumes tout rassurés . Nos Turcs cependant
y regardant de plus près , et
voyant bien que je n'avois point de cheveux
, mais bien du poil au menton
nous firent des excuses de leur méprise ,
et s'en retournerent heureusement pour
eux , car il étoit déja accouru plus de
·500. Topdgis , ou Canoniers , à l'Echelle
de Tophana , qui se seroient jettés à la
la Mer pour nous secourir à la moindre
insulte qu'on nous auroit faire , nous
prenant pour être de leurs Camarades ,
parce que l'Homme de confiance que
nous avions avec nous , et dont ils avoient.
entendu la voix , étoit effectivement un
de leurs Officiers ; ce fut- là , Dieu mer
ci, le dernier des perils que nous coûtumes
; nous mîmes pied à terre , et nous nous
retirâmes sains et saufs chacun chés soi ,
II. Vol. Ciiij bien
1310 MERCURE
DE FRANCE
blen-heureux d'en avoir été quittes pour
la peur, car si on nous eut reconnu quand
nous étions dans Sainte Sophie , ou la
Populace nous auroit assommés sur le
champ , ou si nous étions échapés de ses
mains , il n'y avoit toujours qu'à choisir,
ou de perdre la tête , ou de se faire
Mahometan .
La réflexion qu'il est naturel de faire
sur les differens dangers que nous courumes
, c'est que le Grand Visir qui
reconnut sans doute M..... comme
ayant été un Drogman , ou Interprete ,
fort employé sous M. le Marquis de …… .
voulut seulement lui faire peur , lorsqu'il
dit tout haut qu'il le connoissoit
bien ; et qu'il passa outre ; et que les
Bostangis , que nous trouvions dans les
ruës , et qui nous examinoient tant ,
avoient effectivement été postés pour em
pêcher qu'il ne se glissât des Femmes déguisées
dans la Mosquée , comme cela
arrive quelquefois ; et qu'ils ne nous suivirent
que parce qu'à notre démarche
embarassée , ils crurent qu'il y en avoit
parmi nous , ce qui les engagea à envoyer
un Caïque après le nôtre , pour
éclaircir leurs soupçons
.
A ce recit, qui ne vous aura sans dou
te point ennuyé, trouvez bon , Monsieur,
II. Vol.. que
JUIN. 1737 1312
que j'ajoûte deux ou trois Observations,
La premiere est que M. Desroches n'étoit
point de cette Partie , et qu'il n'y a
eu d'autre part que celle de la Narration
abregée , et mise dans le stile que vous
venez de voir , d'après un Mémoire plus
ample donné par ces Messieurs.
Ces derniers risquerent assurément
beaucoup , mais ils étoient jeunes , et
curieux. On doit dans la rencontre du
Grand Visir considerer particulierement
la bonté , ou plûtôt la prudence et la politique
de ce Premier Ministre , qui re
connut aisément une Personne qu'il
voyoit souvent dans son Palais , mais qui
aima mieux dissimuler que de faire une
affaire d'éclat et de Religion' , dont les
suites pouvoient être fâcheuses , & c.
Passons à un autre sujet.Vous sçavez,
par ma derniere lettre , que sous l'Ambassade
du Vicomte d'Andrezel , Monsieur
Desroches fut chargé d'une Commission
importante pour l'Echelle de Sa
lonique , et que cette Ville , autrefois célebre
sous le nom de Tessalonique , est
encore la Capitale de toute la Macedoine.
Notre Ami , en partant de Constantinople
, s'étoit bien proposé de profiter
de l'occasion , pour parcourir toute cette
grande Province , à l'avantage de la Lit-
II. Vola Cv terature,
1312 MERCURE DE FRANCE
terature , et sur tout de l'Antiquariat.
C'est ce qu'il me paroît avoir très bien
execute; car dans le triage et dans l'arrangement
que j'ai faitde ses Papiers j'ai trou
vé de quoi remplir un Porte- feüille entier
de toutes ses Observations &c , surSa
lonique et la Macedoine . J'ai mis à la tête
de tout ce Recueil le Passeport original ,
écrit en Turc du Pacha , Gouverneur de
la Province , qui étoit alors à Constanti-
Rople , et dont M. D. R. trouva à propos
de se munir avant son départ. Comme
cette Piece peut avoir sa curiosité , et
que je présume que vous n'en avez pas
encore vû de cette espece , en voici une
Traduction exacte:
PASSE PORT du Pacha
de Salonique.
A tous les Docteurs , Grands Etendars
de la Loy, Modeles des Vertus , Seigneurs
Cadis , qui sont en Charge depuis le
Seuil de Félicité jusqu'à Salonique, que
vos vertus soyent multipliées , et vous
la gloire et l'ornement de vos égaux ; les
Commandans des Janissaires , Grands
Officiers des Provinces , et Autres qu'il
apartiendra , qui sont sur la même route
que vos Dignités soyent augmentées ..
La Cour du Grand Seigneur.
2
Iilt Vol.. Nous
JUIN. 1737 7313'
Nous vous faisons sçavoir que le Gentilhomme
, Porteur de ce present Ordre ,
nommé Pierre Desroches , l'un des Offi-
Hers de l'Ambassadeur de Francé au même
Seüil de Félicité , étant obligé d'aller à Salonique
pour quelques affaires , après la fin
desquelles il doit revenir ici , ledit Ordre:
lui a été expedié, afin que, lorsqu'il vous
sera presenté, vous aportiez tous vos soins'
à empêcher que sur toute la route, tant en
allant qu'en revenant , personne ne l'inquiete
; ni le fasse inquieter, qu'il fut soit
au contraire donné toute liberté d'aller et
de venir en sûreté , ainsi qu'aux trois
Domestiques qui sont à sa suite , et au
Janissaire qui l'accompagne pour sa gare
de. C'est ce que nous esperons de vos.
soins et de vos attentions , qui doivent
contribuer à son heureux voyage. Donné
le 26. de la Lune de Rebiuleuvel , l'An
1139. C'est-à- dire le zo . Novembre 1726.
Les mots suivans sont écrits dans le
Sceau du Pacha , qui se nomme Maho
met , dont l'empreinte est sur l'Origi
nal : Vous êtes le Dispensateur des secours
que vous accordez à Mahomet dans son
Etat et dans le temps.
Je finirai ma Lettre par un échantillon
de la curiosité et de la sagacité de
M. Desroches , en raportant ici l'une des
II. Vol
Cvj Inscrip
1314 MERCURE DE FRANCE
Inscriptions Grecques qu'il a recueillies
dans ce voyage , telle que je la trouve en
ouvrant au hazard le Porte - feuille en
question , accompagnée d'un petit Cont
mentaire de sa façon.
ΠΟΛΕΙΤΑΡΧΟΥΝΤΩΝ, ΣΩΣΙΠΑΤΡΟΥ,
ΤΟΥ , ΚΛΕΟΠΑΤΡΑΣ , ΚΑΙ , ΛΟΥΚΙΟΥ,
ΠΟΝΤΙΟΥ , ΣΕΚΟ ΔΟΥΙΟΥ , ΑΥΟΥ ,
ΛΟΥΙΟΝ , ΣΑΒΕΙΝΟΥ , ΔΗΜΗΤΡΙΟΥ
ΤΟΥ , ΦΑΥΣΤΟΥ , ΔΗΜΗΤΡΙΟΥ , ΤΟΥ
ΝΕΙΚΟΠΟΛΕΟΣ , ΖΟΛΟΥ ΤΟΥ , ΠΑΡΜΕ
ΝΙΟΝΟΣ, ΤΟΥ , ΚΑΙΜΕΝΙΣΚΟΥ , ΓΑΛΟΥ ,
ΑΤΙΛΛΗΙΟΥ , ΠΟΤΕΙΤΟΥ , ΤΑΜΙΟΥ ,
ΤΗΣ,ΠΟΛΕΟΣ , ΤΑΙΡΟΥ , ΤΟΥ ΑΜΜΙΑΣ ,
ΤΟΥ , ΚΑΙΡΙΛΟΥ , ΓΥΜΝΑΣΙΑΡΚΟΥΝ
ΤΟΣ , ΤΑΙΡΟΥ , ΤΟΥ , ΚΑΙ ΡΗΓΛΟΥ .
,
En entrant à Salonique par la Porte
du Verdar , ) c'est M. Desroches qui par
le ) on trouve à droite sur le Jambage
de la seconde Porte , car il y en a deux ,
une grande Pierre avec l'Inscription cydessus
, à laquelle il ne manquoit rien ,.
du moins à ce qu'il m'a paru , et que j'at
copiée lettre pour lettre , et ligne pour
ligne. Cette Inscription ne contenant
presque que des noms propres , il est
difficile d'en tirer un sens bien clair :
mais ce que je vais ajoûter servira peutêtre
à fonder quelques conjectures . Sur .
II. Vol .
BAG
JUIN
1315 1737.
.
›
une autre Pierre de ce même Jambage ,
du côté qui est en face quand on entre
il y a unCheval qu'un jeune Garçon tient
par la bride , et un Homme debout qui
paroît s'apuyer du dos contre ce Cheval:
et sur l'autre Jambage de cette Porte il
y a précisément les mêmes figures posées
en symétrie , à la même hauteur ; c'est
à - dire , environ à trois pieds de terre :
et toutes ces Figures , quoique mutilées,
font encore voir qu'elles ne sont pas sorties
d'une mauvaise main . Peut être y
avoit il autrefois à cette Porte , ou aux
environs , quelque Place , où quelque-
Lieu pour l'exercice des Chevaux comme
le mot de ΓΥΜΝΑΣΙΑΡΚΟΥΝΤΟΣ
semble l'insinuer , et que tous ceux dont
les noms sont cités dans cette Inscrip
tion s'y étoient distingués , &c.
Je suis , Monsieur , & c.
A M. le C. de F.
Uổi è rimer nuit et jour ! Ami , calme ton³
ame ;
Quelle est cette démangeaison ? -
Les Vers à leur Auteur causent souvent du blâme,
Et quelquefois la déraison.
II. Pole
1316 MERCURE DE FRANCE
·
Un esprit tout aimable est ton heureux partage
,
Tu le consumes à rimer.
La grande passion n'est point d'un Homme
sage ;
Pense donc à te reprimer.
On rime pour chasser cet air mélancolique ,
Par trop d'étude contracté ;
Mais voit-on que Phoebus plus qu'il ne faut
aplique ?
Le travail doit être quitté .
Vers doit être un jeu , non une servitude ;
ir 'noi , je m'en sers , s'il me plaît ;
Phabis sise- t - il de prendre un air d'étude
Je suis son très - humble valet.
Pour bien tourner un Vers, je serois à la gêne ;
J'aime mieux un commerce doux ;
El que nous revient- il d'une si grande peine
La réputation des four
D'où vient donc , cher Ami , qu'en tout on est
extrême ?
Qu'on ne sçait' garder un milieu ?
Ah ! c'est que l'Homme est vain, occupé de soimême
,
Es souvent très-peu de son Dieu.
II... Vol. L'essentiel
JUIN. 1737.
1317
L'essentiel pourtant , c'est de se rendre habile
Dans la science du Salut ;
Le temps est précieux , faisons qu'il soit utile
Et qu'il nous mene à l'heureux but.
Quand tu me vois trancher du Docteur et du
Sage ,
Et te faire ioi la leçon ,
Que penses- tu de moi , qui ne fais point usage
Des bons conseils de ma raison ♪
Fais le Maître à ton tour ; Ami , je te revere
Comme un sçavant Echo des Cieux ;
Unvil Flattur nous perd , sois moi franc, moins
sincere ;
Je ne t'en aimerai que mieux.
Un bon Ami vaut plus qu'une grande richesse ;
Servons en d'exemple tous deux :
Montrons qu'un sage avis ramene à la sagesse ,
Et peut rendre à jamais heureux.
B....D...a.... au ChâteaudA. :
II. Poli LETTRE
1318 MERCURE DE FRANCE
LETTRE écrite de Châlons en Cham
pagne par M.le Chevalier de la Touche
à M. d'Argenville , Conseiller du
Roy, Maître Ordinaire en la Chambre
des Comptes , de l'Académie des Arcadiens
à Rome:
L
•
A petite Avanture dont je vous fais
part , Monsieur , m'a prouvé que
l'indifference , qui regne ordinairement
en Province au sujet de la Litterature et
des Arts , y avoit plus laissé perdre de
belles choses , que les lumieres des Sçavans
, et les recherches empressées des
Curieux n'en ont peut-être découvert et
conservé dans la Capitale . M. Rudolfe
Kubler , Peintre de Bamberg , qui voyage
, et fait connoissance avec tous les
Amateurs qu'il trouve sur sa route , me
vint voir , il y a quelques jours . Cet
Homme a des moeurs , des sentimens
une forte teinture des Belles Lettres, une
grande Théorie de la Peinture : le peu
de ses Ouvrages qu'il me fit voir en passant
, prouve que sa pratique y est trèsinferieure-
Dès notre premiere entrevûë , la coni
ol.
versation
JUIN. 1737 1379
•
versation fut tellement vive et interessante
pour lui et pour moi , qu'il se dé-
⚫ termina sans peine à prolonger son séjour
dans la Ville où je demeure. Je lui
fis.voir ce que j'avois de plus propre à
flater son goût à son tour il me communiqua
ce qu'il avoit ramassé dans les
differens Pays qu'il avoit parcourus. Rien
ne fixa mon attention , comme un gros
Recueil de Desseins et d'Estampes , qui
peut encore passer pour un Manuscrit
des plas curieux , puisqu'il n'y a ni Desseins
ni Estampes qui ne soient accompagnés
de Remarques Historiques et Critiques
, ou de Poësies Latines, Italiennes et
Françoises.
Au reste, ce Recueil a des défauts qui
en diminuent beaucoup le prix ; il est
premierement dans un desordre affreux ,
plus de deux cents Pieces en ont été enlevées.
20. Celles qui restent sont presque
toutes chargées de griffonnemens
d'Ecoliers , ou deshonorées par les fletris
sures qu'y ont laissées ces esprits foibles,
à qui tout devient un sujet de scandale.
N'en soyez pas surpris , me dit le Voya
geur , vous voyez les restés infortunés de
la succession d'un Peintre , qui ne laissa
rien en mourant , dont les parens , plus
pauvres encore que lui , pussent profites.
II.Vol Ils
1310 MERCURE DE FRANCE
Ils ont long- tems été exposés dans la
boutique d'un Barbier , qui en prenoit
occasion d'exercer son babil , et qui ne
s'est déterminé qu'avec peine à me les
vendre , d'autant qu'ils amusoient , di
soit-il , ses Enfans , ses Fraters et ses Pratiques.
J'ai vû , Monsieur , dans ce Recueil
ainsi délabré , bien des choses qui pouroient
mériter une place distinguée dans
la riche Collection que vous avez faite
des Desseins des plus grands Maîtres de
toutes les Ecoles célebres. Je m'attache à
vous en décrire un entr'autres fait à la
Pierre noire , et rehaussé de blanc , sur
un papier de demi- teinte. Les Figures
sont à demi corps. Le sujet qui en est
agréablement fantastique , offre le Titien
, qui montre à des Dames Illustres
de son temps le Tableau des Amours ,
qu'il a peint en suivant les idées de Philostrate.
Ces Dames sont accompagnées
de deux Guerriers , d'un jeune Homme
dont la tête a un caractere terrible , d'un
Homme de Lettres , d'une Duegne , d'un
petit More qui tient un Epagneuil de
Boulogne et d'un Page . Les Remarques
écrites de la main du Peintre François ,
qui avoit formé le Recueil dont j . vous
entretiens ; portent » que ce Dessein
II. Vol. » est
JUIN. 1737 1321
" est de Damiano Mazza da Padona
"grand Coloriste , et qui contrefaisoit
» admirablement la maniere du Titien ,
» dont il étoit Eleve . Que Mazza s'étoit
proposé d'y representer les differens »
» âges
de la Vie d'une façon nouvelle et
» singuliere. L'Enfance dans les petits
» Amours du Tableau de son Maître ;
» l'Adolescence
dans les Figures du Page
» et du More ; la Force de la Jeunesse
» sous les traits du Giorgion ; l'Age Viril
» par differens caracteres de Noblesse
» de Valeur et de Prudence . De Nobles-
» se dans le Portrait duMarquis de Pescaire
; de Valeur dans celui d'Antoine de
» Leve ; de Prudence dans celui de l'Ami
» du Titien Parbenio Etiro , habillé en
Noble Venitien , con Beretta nera in
» cap . Les trois Dames semblent faire
allusion aux trois Graces , dont la pre-
» miere est vive et enjoüée , et represen
wte Violante , Maîtresse du Titien . La
» seconde , tranquile et modeste , et re-
» presente Madonna Elizaberta Massola.
» La troisième , serieuse et mélancolique,
» et represente Madama Leonora, Epou-
» se du Duc Francesco - Maria della Roue-
» re. La Vieillesse des deux Sexes est ca-
» ractérisée par la Tête du Titien et de la
» Duegne.
L'Auteur II. Vol.
1316 MERCURE DE FRANCE
·
Un esprit tout aimable est ton heureux partage
,
Tu le consumes à rimer.
La grande passion n'est point d'un Homme
sage ;
Pense donc à te reprimer.
On rime pour chasser cet air mélancolique ,
Par trop d'étude contracté ;
Mais voit-on que Phoebus plus qu'il ne faus
aplique ?
Le travail doit être quitté.
Vers doit être un jeu , non une servitude ;
ir 'noi , je m'en sers , s'il me plaît ;
PKabas sl . vise - t- il de prendre un air d'étude ♪
Je suis son très -humble valet .
Pour bien tourner un Vers, je serois à la gêne ;
J'aime mieux un commerce doux ;
Eb! que nous revient- il d'une si grande peines
La réputation des four
D'où vient donc , cher Ami , qu'en tout on est
extrême ?
Qu'on ne sçait garder un milieu ?
Ah ! c'est que l'Homme est vain, occupé de soimême
Es souvent très-peu de son Dieu.
II... Vol. L'essentiel
JUIN. 1737.
1317
L'essentiel pourtant , c'est de se rendre habilet
Dans la science du Salut;
Le temps est précieux , faisons qu'il soit utile
Et qu'il nous mene à l'heureux but.
Quand tu me vois trancher du Docteur et du
Sage ,
Bt te faire ioi la leçon ,
Que penses - tu de moi , qui ne fais point usage
Des bons conseils de ma raison ?
Fais le Maître à ton tour ; Amii , je te revere
Comme un sçavant Echo des Cieux ;
Un vil Flateur nous perd , sois moi franc, moins
sincere ;
Je ne t'en aimerai que mieux.
Un bon Ami vaut plus qu'une grande richesse 3
Servons en d'exemple tous deux ;
Montrons qu'un sage avis ramene à la sagesse ,
Et peut rendre à jamais heureux.
B.... D.... a... au Château d'A. >
BI.Poli LETTRE
318 MERCURE DE FRANCI
LETTRE écrite de Châlons en Cham
pagne par M. le Chevalier de la Touche
à M. d'Argenville , Conseiller du
Roy's
Maître Ordinaire en la Chambre
des Comptes , de l'Académie des Arcadiens
à Rome:
A petite Avanture dont je vous fais
part , Monsieur , m'a prouvé que
l'indifference , qui regne ordinairement
en Province au sujet de la Litterature et
des Arts , y avoit plus laissé perdre de
belles choses , que les lumieres des Sçavans
, et les recherches empressées des
Curieux n'en ont peut-être découvert et
conservé dans la Capitale. M. Rudolfe
Kubler , Peintre de Bamberg , qui voyage
, et fait connoissance avec tous les
Amateurs qu'il trouve sur sa route , me
vint voir , il y a quelques jours . Cet
Homme a des moeurs , des sentimens
une forte teinture des Belles Lettres ,une
grande Théorie de la Peinture : le peu
de ses Ouvrages qu'il me fit voir en passant
, prouve que sa pratique y est trèsinferieure-
Dès notre premiere entrevûë , la coni
ol.
versation
JUIN. 1737. 1379
versation fut tellement vive et interessante
pour lui et pour moi , qu'il se dé-
⚫ termina sans peine à prolonger son séjour
dans la Ville où je demeure. Je lui
fis.voir ce que j'avois de plus propre à
flater son goût à son tour il me communiqua
ce qu'il avoit ramassé dans les
differens Pays qu'il avoit parcourus . Rien
ne fixa mon attention , comme un gros
Recueil de Desseins et d'Estampes , qui
peut encore passer pour un Manuscrit
des plas curieux, puisqu'il n'y a ni Desseins
ni Estampes qui ne soient accompagnés
de Remarques Historiques et Criti
ques , ou de Poësies Latines, Italiennes et
Françoises.
Au reste, ce Recueil a des défauts qui
en diminuent beaucoup le prix ; il est
premierement dans un desordre affreux ,
plus de deux cents Pieces en ont été enlevées.
29. Celles qui restent sont pres
toutes chargées de griffonnemens
d'Ecoliers , ou deshonorées par les fletrissures
qu'y ont laissées ces esprits foibles ,
à qui tout devient un sujet de scandale.
N'en soyez pas surpris , me dit le Voya
geur , vous voyez les restés infortunés de
la succession d'un Peintre, qui ne laissa
rien en mourant , dont les parens , plus
pauvres encore que lui , pussent profites.
ILVol Ils
1320 MERCURE DE FRANCE
Ils ont long- tems été exposés dans la
boutique d'un Barbier , qui en prenoit
occasion d'exercer son babil , et qui ne
s'est déterminé qu'avec peine à me les
vendre , d'autant qu'ils amusolent , dis
soit-il , ses Enfans , ses Fraters et ses Pratiques.
J'ai vû , Monsieur , dans ce Recueil
ainsi délabré , bien des choses qui pouroient
mériter une place distinguée dans
la riche Collection que vous avez faite
des Desseins des plus grands Maîtres de
toutes les Ecoles célebres . Je m'attache à
vous en décrire un entr'autres , fait à la
Pierre noire , et rehaussé de blanc , sur
un papier de demi - teinte. Les Figures
sont à demi corps . Le sujet qui en est
agréablement fantastique , offre le Titien
, qui montre à des Dames Illustres
de son temps le Tableau des Amours
qu'il a peint en suivant les idées de Phifostrate.
Ces Dames sont accompagnées
de deux Guerriers , d'un jeune Homme
dont la tête a un caractere terrible , d'un
Homme de Lettres , d'une Duegne, d'un
petit More qui tient un Epagneuil de
Boulogne et d'un Page . Les Remarques
écrites de la main du Peintre François
qui avoit formé le Recueil dont vous
entretiens , portent » que ce Dessein
II. Vol. » est
JUIN. 1737 1321
»
est de Damiano Mazza da Padoua
grand Coloriste , et qui contrefaisoit
» admirablement la maniere du Titien
» dont il étoit Eleve . Que Mazza s'étoit
proposé d'y representer les differens
âges de la Vie d'une façon nouvelle et
» singuliere. L'Enfance dans les petits
» Amours du Tableau de son Maître ;
» l'Adolescence dans les Figures du Page
>> et du More ; la Force de la Jeunesse
» sous les traits du Giorgion ; l'Age Viril
» par differens caracteres de Noblesse ,
» de Valeur et de Prudence . De Nobles-
» se dans lePortrait du Marquis de Pescaire
; de Valeur dans celui d'Antoine de
» Leve; de Prudence dans celui de l'Ami
» du Titien Parbenio Etiro , habillé en
Noble Venitien , con Beretta nera in
cap . Les trois Dames semblent faire
allusion aux trois Graces , dont la pre-
» miere est vive et enjoüée , et represen
te Volante , Maîtresse du Titien. La
seconde , tranquile et modeste , et re-
» presente Madonna Elizaberta Massola.
» La troisième, serieuse et mélancolique,
» et represente Madama Leonora, Epou-
» se du Duc Francesco - Maria della Rone
» re. La Vieillesse des deux Sexes est ca-
紫
>> ractérisée par la Tête du Titien et de la
» Duegne.
II. Vol. L'Auteur
1322 MERCÚRE DE FRANCE
L'Auteur des Remarques prétend
» encore avoir trouvé dans cette Repre
>> sentation un sens moral' , ou , si vous
» voulez , allégorique . Elle renferme ,
" dit- il , l'Idée du Peintre parfait. Le
» Génie , l'Imagination , l'Entousiasme
»sont exprimés dans la tête du Gior
» gion ; la Pratique , Fille du Travail et
» de l'Experience , dans celle du Titien.
» La Vieille , qui accompagne les Dames ,
» et qui a inspection sur leur conduite ,
» sert à faire entendre que la Raison doit
présider au choix , à l'assortiment ;
» à l'usage des Graces dont les caracteres
>> doivent être variés, aussi bien que ceux
» de la Vigueur , de la Fierté , de la Fia
» nesse et de la Pénétration d'esprit, que
les Figures des Guerriers et de l'hom
» me de Lettres montrent dans différens
»points de vûë.
» Les contrastes et l'artifice du clair
obscur rendent là composition pitto
resque , piquante et brillante. L'Amour,
» la Délicatesse , la Naïveté , la Tendresse
et l'Union la portent à sa derniere
perfection , et lui donnent de la Verité,
» de la Douceur et du relief.
»
» Le Peintre s'imagine avoir trouvé des
» Simboles de toutes ces choses dans la
» Figure du Page , dont le teint est écla
H. Vol.
tant
JUIN. 1737. 1323
> tant , et l'habillement de Satin noir ,
» dans le More à la peau noire , vétu d'u-
» ne Toile d'argent rayée , et dans les
» Amours , dont les attitudes lui ont
» fait naître l'idée de la Délicatesse , de la
» Naiveté, de laTendresse et de l'Union .
Ne vous semble- t - il pas , Monsieur
que ce Peintre a fait comme les Commentateurs
, qui font dire à leurs Auteurs
favoris mille belles choses auxquelles
peut-être ils n'ont jamais pensé , et qu'il
attribue comme eux à des vûës misterieuses
, et à de profonds raisonnemens ,
ce qui pouroit bien n'être au fond que
l'effet du caprice ? Je crois après tout
qu'on doit avoir quelque obligation à
ceux qui ont le talent de faire parler les
muets. Il vaut mieux qu'on me ramene
à la raison , même par force , que de
laisser errer mon imagination au hazard ;
ne dois -je pas sçavoir bon gré à qui me
fait un sujet de reflexion , de ce qui n'étoit
d'abord que l'amusement de mes
regards ?
.
Le Mode vrayement Venitien de l'Ou
vrage dont je viens de parler , me rapele
, Monsieur , un des plus beaux moreaux
que vous ayez dans votre ample
Collection ; j'entens ce magnifique Desein
ou Paul Veronese a representé des
Personnes
II. Vol.
1324 MERCURE DE FRANCE
Personnes de tout Sexe , de tout âge et
de toute condition . qui rendent hommage
à S. Marc , Patron de Venise , accompagné
des trois autres Evangelistes.
Cette composition forme un spectacle
des plus interessans . La simplicité des
Enfans , la pudeur des jeunes Filles , la
modestie des Dames , la gravité des Senateurs
, la contenance assurée des Guerriers
, l'air respectueux des Gens du Peuple
, un je ne sçai quoi de pompeux et
qui annonce en même tems la reconnoissance
, la confiance et la devotion
jette dans cette Representation Pittoresque
tout le pathetique et le sublime
de la Poësie.
,
Il faut avouer qu'on trouve dans les
productions des grands Maîtres de l'Ecole
Venitienne , des coups de genie qui
frapent , qui saisissent et qui enlevent.
Je ne m'étonne pas si tant de Peintres
⚫ célebres ont paru plus sensibles aux beautés
de cette Ecole qu'à celles des autres
et si même aujourd'hui nos François paroissent
uniquement attentifs à les reproduire
dans leurs Ouvrages . Je remarque
à ce propos , dans un Fragment des
Remarques du Peintre , Auteur du Recueil
, quelques traits qui peut être ne
vous déplairont point,
II. Vol.
Après
JUIN. 1737. 1325
Après avoir sans doute beaucoup exal-
» té le séjour de Venise . » Je ne pense ,
» dit-il , au sujet de cette Ville de déli-
» ces , que ce qu'en ont pensé des Au-
>> teurs célébres qui lui ont consacré le
Eloges suivans. Il caporte une Description
en Vers Latins du Poëte Allemand
Jean Lauterbach , et un Eloge de Jean
Mathieu Vvach.r de Constance. Je crois
que la lecture de ce dernier ne vous seta
point à charge.
Quemcumque Urbs Venetum semel
Portu mirifico acceperit hospitem ,
Illum non Gnydus aut Rhodos ,
Aut blanda alliciat Cyprus , ut Adria
Caupo ullum anteferat locum.
Non si Thessalicis possit in hortulis ,
Aut ultra Elisias plagas
Vitam in perpetuis ducere lusibus ,
Sic mentem satiet suam :
Sed qua per tantum Gondola amabilis
Huc illuc fluitatfretum :
Illic vivere amet semper , amet mori,
Roma Principis Urbium ,
Nil huc delicie , nil faciunt, scatet
Queis divina. Neapolis ,
Aut Lucca, aut Genua, aut clara Fluentia;
Urbs sola Deum bonis
II. Vol.
Fundat
1326 MERCURE DE FRANCE
Fundata auspiciis , et alite aurèa !
O ipsis quoque mortuis
Vitam , si lubeat reddere idonea!
Totum muneris hoc tui est >
Quod quas delicias ortus et occidens
Pandunt respuo : praluis,
Quod Diis Templa poli non invideo,tuum.est.
Le Peintre adopte d'autant plus vo¬
lontiers les sentimens de cet Auteur ,
» qu'il est , dit- il , tenté de croire , après
» Nicolas Grudius , que Venus en quit-
» tant l'Isle de Chypre , occupée par les
» Othomans , a choisi Venise pour son
» séjour. De là vient aussi que les Pein-
» tres Venitiens , accoûtumés à voir les
» Graces et les Amours à la suite de cette
» Déesse , en ont fait prendre les plus
» touchans caracteres à leurs Tableaux.
» J'ai long-temps consulté pour sçavoir
» quelle Ecole d'Italie j'épouserois ; en-
»fin je me suis déterminé à m'attacher à
»la Venitienne. Il me semble que son
» goût doit le plus flater celui d'nn Hom-
» me de ma Nation .
» Il est vrai que l'Ecole Romaine fut
» l'objet de mon premier amour. En ar-
» rivant en Italie la regularité de ses traits
» me charma , la Beauté Grecque me
11. Vol. semblolt
JUIN. 1737. 1327
» sembloit pour ainsi dire, fondue dans la
sienne. J'étois enchanté de la legereté
» de sa taille, de sa démarche noble , fiere,
assurée , libre et dégagée , de ses grandes
manieres , de ses vûes sublimes ,
et sur - tout d'un air de force , de sangesse
et de majesté qui l'accompagnoit
» toujours et brilloit jusques dans ses
>> moindres actions. Je pris une violen-
» te passion pour elle , mais plus je lui
» faisois assidûment ma cour , plus je
» m'apercevois qu'elle étoit sévere et reservée.
Elle n'aprouvoit presque rien
» de ce que je faisois pour lui plaire ;
elle me proposoit sans cesse l'imitation
de modeles que je trouvois telie
» ment au- dessus de ma portée , que , mal-
"
29
gré tous mes efforts , je ne pouvois en
» saisir le caractere à son gré . Toujours
» elle vouloit me ramener au goût antique
, toujours elle m'entretenoit des
graces de Raphaël , de la correction de
Michel Ange , des Entreprises égalé-
» ment hardies et heureuses de Jules Ro-
» main , de l'élegante facilité du Parmesan,
de la sagesse ingenieuse du Poussin.
» Je m'apercevois bien que ce dernier
» étoit , à proprement parler , le seal
desFrançois qui avoit mérité son amour,
»
II. Vol. Det
1328 MERCURE DE FRANCE
et je sentois tant de difficultés à sur-
» monter , pour toucher son coeur par
» les mêmes moyens qu'il avoit em -
» ployés pour la rendre sensible , que je
n'osois m'hazarder à marcher sur ces
traces.
» Je l'aimois donc cette Ecole Romai-
» ne , mais c'étoit sans esperance. Les
» promesses qu'elle me faisoit de récom
» penser mes assiduités , et de couron-
>> ner mes travaux , regardoient un ave◄
» nir si éloigné , que j'en perdois cou
rage.
» J'étois dans cette situation quand une
» occasion se presenta de faire le voyage
» de Venise ; je ne la laissai point écha-
23 per. La Peinture s'y offrit à moi avec
» des traits moins réguliers , mais plus
» piquans : la raison me prouvoit qu'elle
» étoit moins belle qu'à Rome , mais je
ne sçais quelle disposition me faisoit
» sentir qu'elle étoit plus jolie. Je la
» trouvois plus vive , plus enjoüée , plus
» dans le goût des parures et des ajuste-
» mens. Une aimable coqueterie sau-
>> voit ses défauts ; ses caprices même me
plaisoient extrémement.
>>
L'EcoleVenitienne n'est point comme
la Romaine et la Florentine , esclave
» des regles et des austeres bienséances.
11. Vol.
Elle
JUIN. 1737. 1329
» Elle ne se fait point scrupule de certaines
irregularités , elle ne songe qu'à
plaire. Tout ce qui la mene à ce but
» lui paroît bon , pourvû qu'elle tienne
>>
» le milieu entre une extréme séverité et
» une extréme licence ; elle s'embarasse
» fort peu de la censure des Connois-
» seurs trop rigides. Presque tous les
>> fameux Peintres de l'Europe ont été
» épris de ses charmes , et nul n'a mieux
» été avec elle que Rubens l'Apelles des
>> Pays-Bas.
Son embonpoint , la vivacité de son
teint , l'agrément de ses manieres , l'essor
qu'elle donnoit à son imagination ,
» son goût pour les parures et les déco-
» rations pompeuses , son attachement
» aux graces sensibles , simples et faciles
» à saisir , en firent l'objet de ma pas-
» sion .
>>
Je n'oubliai point dans mon chan-
» gement les engagemens que j'avois pris
» avec l'Ecole Romaine ; je conservai
elle mon admitation et mon res-
" pour
» pect , mais je donnai à la Venitienne
>> tous mes soins et toute ma tendresse .
C'est ainsi , Monsieur , que le Peintre ,
Auteur du Recueil nous a laissé
une idée de ses études et de son goût
dans une espece de Fable allegorique,
II. Vol. dont Dij
WER CORE CE FRANCE
ACT GENGETCODs ar ie ificaites sur-
* noches: MOCATE YO0ur par
1 ts Trenes: noves mi vor en-
2 DOVES Ture embe , ne e
I becs: n
a mass
s
» has no cetes Imma-
I may cameras. La
a. pronesses: niele ne t
» Denker mis lasimuitsumor-
* : ms travaus repCSIT IN W
» nr 3. di Cosmeeton
dan cette situation Quand une
DCCASION & present talte k vrwage
2 Venise lasa point n
*pe. La Peinture act a moi ave
as traits moins regulers , mais pur
» piquan : la raisor me prouvor ausle
» étoit moins belle qu'a kome , mas
* ne sçais quelle disposition me faisoit
» sentir qu'elle étoit plus jolie. Je ha
uvois plus vive, plus enjouée plus
le
ge parures et des ajuste
able coqueterie sauses
caprices même me
eme
point comme
he , esclave
bienséances
.
Elle
JUIN. 1737. 7329
» Elle ne se fait point scrupule de cer
taines irregularités, elle ne songe qu'à
» plaire. Tout ce qui la mene à ce but
» lui paroît bon , pourvû qu'elle tienne
» le milieu entre une extréme séverité et
» une extréme licence ; elle s'embarasse
» fort peu de la censure des Connois-
» seurs trop rigides . Presque tous les
>> fameux Peintres de l'Europe ont été
épris de ses charmes , et nul n'a mieux
» été avec elle que Rubens l'Apelles des
» Pays - Bas.
>>
Son embonpoint , la vivacité de son
» teint, l'agrément de ses manieres , l'essor
qu'elle donnoit à son imagination ,
» son goût pour les parures et les déco-
» rations pompeuses , son attachement
» aux graces sensibles , simples et faciles
à saisir , en firent l'objet de ma pas-
» sion.
ן כ
>>
» pect ,
Je n'oubliai point dans mon chan-
» gement les engagemens que j'avois pris
» avec l'Ecole Romaine ; je conservai
pour elle mon admiration et mon resmais
je donnai à la Venitienne
>> tous mes soins et toute ma tendresse.
C'est ainsi , Monsieur , que le Peintre,
Auteur du Recueil nous a laiss
une idée de ses études et de son
lans une espece de Fable alleg
II. Vol. Dij
1330 MERCURE DE FRANCE
dont il est triste que les injures du temps
et de la fortune nous ayent dérobé la
suite.
per
L'intelligence que vous avez , Mon
sieur , des misteres d'un Art qui contri
bue à vos plaisirs dans vos momens de
relâche , ne me permet pas de déveloici
tout ce que le Peintre a caché sous
le voile du langage figuré ; vous n'avez
pas besoin de mon secours pour discerner
dans ce Fragment ce qui donne une
si juste idée du caractere distinctif des
deux Ecoles.
J'ai pris copie dans le Recueil de plus
sieurs autres choses que je vous communiquerai
dans la suite , si j'aprens que
vous ayez fait plus d'attention au fond
de celles que contient cette Lettre , qu'à
la forme peu réguliere que je lui ai donnée.
J'ai l'honneur d'être , & c.
အာ
ODE
Imitée du Pseaume XIX.
SI jamaisdans le rang où le Ciel vous fir
Vous éprouviez du sort l'implacable courroux 2
JI. Vola
Invoqucz
JUIN. 1737. 1338
Invoquez le Seigneur , il peut tout , il est maftre
D'en arrêter les coups.
Que du haut de Sion , le Séjour de sa gloire ,
Contre vos ennemis il protege vos jours ,
Et que dans vos combats l'Ange de la Victoire ,
Vous précede toujours .
來
Qu'il détourne vos pas des bords du précipices
Qu'i soit à chaque instant prêt à vous soûtenir;
Qu'il ne perde jamais de votre sacrifice
Le tendre souvenir.
Qu'a ves justes desirs il soit toujours propice ;
Qu'il ne refuse rien à l'ardeur de vos voeux ;
Qu'il regle vos desseins , et qu'il les affermisse,
Malgré vos envieux.
諾
Je connois maintenant jusqu'où va sa puissance ;
Il a sauvé son Christ des mains de ses Bour
reaux ;
Les cruels essayoient déja sur l'innocence
Leurs perfides couteaux.
11.Vol. Mais D iij
7332 MERCURE DE FRANCE
Mais du haut de Sion il entend sa priere
Il vient , il va punir des projets odieux :
Je le vois , il paroît , une juste colere
Eclate dans ses yeux.
İnsensés ! ils ont mis leur plus ferme esperance
Dans un nombre impuissant de Chars et de
Chevaux :
Mais pour nous , le Seigneur fait seul notre assu→
rance
Contre ces fiers Rivaux .
Quel spectacle ! grand Dieu ! quel revers effroyable
!
Quelle aveugle fureur les a transportés tous è
Je les vois se percer de ce fer détestable
Qu'ils dressoient contre nous.
Seigneur , entends nos voeux pour le sage Mo
narque ,
Qu'il te plut accorder à l'Etat ébranlé :
Et tu mettras pour nous , par cette seule marque,
Le comble à ta bonté.
N. R. Haudicquer , âgé de 16. ans ,
de la Ville d'Eu.
11. Vol. LETTRE
JUIN. 1737. 1333
LETTRE de M..... au sujet d'une
Pendule curieuse .
J
E ne doute pas , Monsieur, que vous
ne soyez ravi d'aprendre que M. Lefaucheur
, Auteur de l'Horloge de Sens ,
ait fini la belle Pendule qu'il avoit commencée
en 1730. Je vais vous en tracer
ici une idée .
Cette Pendule bat et marque les Secondes
, étant à grande vibration et à
poids ; sonne les Heures et les Quarts
sur doubles Timbres , et joue un Air de
Carillon , qui se change de lui - même; de
maniere que , durant la journée , on entend
differens Airs à toutes les heures ;
et que le lendemain les mêmes Airs ne
reviennent point aux mêmes Heures .
Elle marque l'Equation sur le même
Cadran, par deux Aiguilles des minutes ,
dont l'une marque le temps moyen , ou
égal , qui est celui de la Pendule , et
l'autre le temps vrai du Soleil , avec tou
te la justesse qu'on peut desirer ; cette
derniere Aiguille fait détendre la Sonnerie
, ce qui fait qu'elle est toujours
conforme au méridien lorsqu'elle sonne
II. Vol.
D iiij T'Heure
1334 MERCURE DE FRANCE
l'Heure ; elle donne l'Heure et la Minute
que le Soleil se leve et se couche tous
les jours . Elle marque le dégré d'élevation
du Soleil , en quel signe et en quel
mois il est , avec son quantième , lequel
Chiffre se remet de lui- même au premier
de chaque mois , lorsqu'il n'a que 28. ou
30. jours.
Les Révolutions Lunaires se font aussi
fort exactement , sans qu'on soit obligé
d'y toucher.
La Boëtte élevée sur son pied d'estal ,
porte plus de 9. pieds de haut , et est de
Marqueterie, plaquée de veritable Ecaille
, travaillée avec soin , ornée de Bronzes
dorés d'un goût nouveau et unique ,
n'ayant point été surmoulée ; ce sont
ces modelles mêmes qu'on voit sur la
Boëtte.
Le bas est suporté par quatre Dragons
aîlés , qui , passant au travers de quatre
Consolles , semblent soûtenir tout le
poids de la machine , laquelle se termine
par un Tailloir contourné devant et
par les côtés sur le Tailloir est un beau
Cartouche , pour y mettre les Armes de
celui qui l'achetera.
Au dessus des Dragons et des Consolles
sont des Enfans sur des nuées representant
les Arts liberaux .
II. Vol. Les
JUIN.
1735. 1335
Les quatre Saisons en buste d'un fort
bon goût , forment les coins du haut de
la Boëtte , tenant chacune ses Attributs
Le Dôme, rempli d'ornemens de Bronze,
est couronné par un Phoenix sur un
bucher.
Au bas de la porte , qui a deux pieds
quatre pouces de haut , est une Figure
representant Pallas assise sur tous ses
symboles de la Guerre , avec un Enfant
à ses pieds qui plie des Etendarts et lie
des Javelots , pour signe de la Paix . Le
tout enfin est rempli de divers ornemens
de Bronze très - bien cizelés et fort
recherchés , qui forment un beau coup
d'oeil , outre que la Pendule est parfaitement
juste , et peu composée pour tant
d'effets differens.
L'Auteur se charge de l'entretenir tant
qu'il vivra , marque qu'il est bien sûr
de son Ouvrage. La Personne pour qui
il l'avoit commencée , est morte deux
ans avant la perfection de cetre Piece ,
qui vient d'être heureusement finic .
Je suis , & c.
A Paris ce 2. May 1737.
II. Vol. D v ODE
1336 MERCURE DE FRANCE
O DE SA CRE' E
Sur le Pseaume De profundis.
D E l'excès affreux de misere
Qu'attire sur ma tête un indigne adultere ,
Seigneur , j'ose élever mes soupirs jusqu'à toià
Laisse-toi fléchir par mes larmes ;
Sensible à mes justes allarmes ,
Regarde mon désordre et calme mon effroi.
Au jour propice et redoutable ,
Qui doit regler le sort du juste et du coupable
Si tu viens nous juger dans ta séverité ,
Quel homme à l'aspect de son crime,
Au pied de ton Thrône sublime ,
Quel homme , ô Dieu, poura trouver sa sûreté ?
Je vois déja la foudre prête
A fraper ces pécheurs dont l'orgueilleuse tête ,
Sous le joug du Seigneur , ne sçut jamais fléchir;
Juge aussi juste que sévere ,
Des traits lancés par ta colere ,
Quels lieux assés deserts pouront les affranchir?
II. Vol. Que
JUIN.
1337
1737.
Que ne devrois-je point attendre
Deserteur de ta Loy , j'osai tout entreprendre ,
Pour contenter , helas ! un criminel desir ;
Mais ta clemence est mon refuge ;
David apaisera son Juge ,
Par l'aveu de son crime et par son repentir.
De ses maux mon ame touchée ,
Gemit , soupire enfin de s'y voir attachée
Ses cris vifs et pressans t'implorent nuit et jour,
Et la sentinelle attentive ,
De l'Aurore , à son gré , tardive ,
Par des voeux moins ardens apelle le retour.
Que vois-je ! Quel secours propice !
Le Seigneur attendri comble le précipice ,
Que creusoient sous mes pas mes criminelles,
mains ;
Il me sauve , il est mon refuge ,
Je vois mon Pere dans mon Juge ;
Il punit à regret les coupables Humains .
Vous donc , que captive le monde ,
Pécheurs , coeurs endurcis,de l'orage qui gronde ;
Songez à détourner les redoutables coups ,
II. Vel. Dérobez- D vj
1338 MERCURE DE FRANCE
Dérobez- vous à sa vengeance
Changez la seule penitence
:
Peut de son bras puissant desarmer le couroux
D. C. J. J. J.
REPONSE du R. P. Mathieu Texte,
Dominicain , à la Lettre de M. le Beuf,
Chanoine de L. C. D. imprimée dans
le Mercure de Mars 1737. au sujet du
Lieu de la Naissance de Saint Louis
Roy de France.
Avois vû , Monsieur , d'abord avec
plaisir , votre nom àl, de del avec
tre à laquelle j'ai l'honneur de répondre;
comme ce qui vient de vous est ordinairement
rempli d'érudition et de recherches
, je m'attendois à y trouver des
éclaircissemens sur la question agitée entre
M. Maillart et moi , d'autant mieux
queje voyois paroître sur les rangsur Ecrivain
d'un mérite distingué, sans qu'il eût
aucun interêt au sujet de notre dispute.
Ce n'est donc pas sans raison que j'ai été
surpris de ne voir presque dans certe Lettre
que les Chartres de la Neuville- en-
11. Vol
Hez
,
JUIN. 1737 1339
Hez , avec quelques avis, dont vous conviendrez
vous-même que je n'avois pas
besoin , lorsque vous y aurez fait re
Aexion .
>
1º. Je me suis fait illusion , si on vous
en croit , lorsque j'ai soutenu que M.
Baillet , qui a placé à Poissy la Naissance
de S. Louis , connoissoit les Chartres de
la Neuville , où il étoit né lui- même , et
pour prouver ma prétendue méprise
vous observez que la Note que j'ai copiée
dans les Vies des Saints de ce celebre Crisique
, n'est pas dans la premiere Edition
de cet Ouvrage , à laquelle il présida
mais seulement dans deux Editions faites
long- temps après sa mort ; sçavoir , en
1715. et en 1724.d'où vous concluez que
cette Note n'est pas de M. Baillet , mais
de l'Editeur.
Comment avez vous pû ignorer, Mon.
sieur , que l'Edition de 1701. qui est la
premiere , ayant été épuisée en très - peu
.de temps , on en fit une seconde , revie
et augmentée par l'Auteur , qui fut mise
en vente dès l'an 1704. chés Jean de
Nully. Baillet étoit alors plein de vie ,
il ne mourut que le 21. Janvier 1706.
Ce fut donc lui-même qui , au Tome II.
de cette Edition p. 379. après avoir écrit
dans le Texte : Louis IX. Roy de France
II. Vol nâquir
1340 MERCURE DE FRANCE
nâquit à Poissy , ajoûta cette Note . >> On
» voit deux Actes de nos Rois , l'un de
» Louis XI. et l'autre de Henry I V. qui
» portent qu'il est né à Neuville- en -Hez ,
" Bourg du Diocèse de Beauvais , » C'est
lui qui en disant ensuite p. 383. » que
» S. Louis retournoit ordinairement à
» Poissy , non pas tant pour y être né
» que pour y avoir reçû le Baptême »
montre qu'il n'avoit point d'égard à ces
Chartres . De plus on lit au IV . Tome p .
292. qu'il y avoit eu en 1215. trois évenemens
remarquables , dont l'un étoit la
Naissance de S. Louis à Poissy .
M. le Gendre a suivi son exemple , et
malgré ces Chartres , il a écrit T. III. P.
120. de l'Histoire de France , imprimée
à Paris, 12. ans après la mort de M. Bail
let : Louis VIII. eut pour enfans , & c .
S. Louis né à Poissy.
2º. La proximité d'une ruë , dites
vous , a empêché de bâtir le Sanctuaire
de l'Eglise des Dames de Poissy vers l'Orient
; cela est vrai , mais ce fut pour accorder
cette proximité avec l'endroit où
S. Louis étoit né , sur lequel on voulut
placer le Maître Autel.
3 °. L'autorité de Guidonis , Dominicain ,
né en 1260. Evêque de Lodéve en 1324.
que j'ai cité, m'a paru d'autant plus décisi-
II. Vol. ve
JUIN. 1737. 1347
ve pour prouver la Naissance de S.Louis à
Poissy , qu'un autre Ecrivain , lequel témoigne
, selon le P. Echard , l'avoir
connu , assure dans l'Abregé qu'il a fait
de sa Vie , qu'il étoit à la suite de la
Cour de France en 1318. envoyé par le
Pape Jean XXII. pour terminer la
Guerre qui étoit entre le Roy Philipe V.
et les Flamans . Ce qui réussit , dit Mezeray
, le 20. May 1320. Guidonis , alors
Inquisiteur de Toulouze , et Procureur
General de son Ordre ; dum Inquisitionis
et Procurationis officiis fungeretur , obligé
en cette derniere qualité , de veiller à
l'execution de la Fondation d'un Monastere
de son Ordre , faite à Poissy , à cinq
petites lieuës de Paris ; Guidonis , dis - je ,
pouvoit-il ignorer , n'étoit- il pas même
obligé de sçavoir le dessein de Philipe le
Bel et des Princes , ses deux fils , Philipe
Vet Charles IV . auxquels il avoit l'honneur
de parler , déclarés avec leur Perc
dans le Nécrologe de certe Maison , Auteurs
de ces grands Edifices ?
J'ai donc suivi les regles d'une saine
critique , lorsque j'ai regardé ce Prélat
comme un bon garant de la verité que
je défends ; il dit nettement que Philipe
le Bel fonda le Monastere de Poissy in
bonorem Avi sui qui apud Pissiacum natës
1 I. Vol.
esis
1342 MERCURE DE FRANCE
ests et c'est en termes aussi exprès , qu'il
assure dans la Relation de cette Fondation
, que le Lieu de Poissy fut choisi
préférablement à tout autre , parce que
S. Louis y étoit né.
Vous ne voulez pourtant point qu'on
s'arrête à ce témoignage parce que ,
>> dites- vous, les OuvragesHistoriques de
» Guidonis sont remplis d'une inexacti-
» tude qui leur a'attiré le mépris des Sça-
» vans, et qui est la cause qu'ils restent
» oubliés dans la poussiere des Biblio-
> theques , sans que personne ait jamais
» eu le courage de les rendre publics par
» l'impression . Les Sçavans , selon vous,
méprisent ses Ouvrages Historiques , & c.
Mais tous les Sçavans dont vous voulez
parler se réduisent à un des Continuateurs
de Bollandus , qui même n ' . dit
autre chose , sinon que la Vie de Saint
Justin d'Aquitaine , publiée par Guidonis
, contient des fables . A quoi le
P. Echard répond : hasfabulas Bernardo
non tribuas » En effet , Guidonis paroît
>> ici un Ecrivain zelé , lequel ayant
» découvert cette Piece en Gascogne,
» n'a eu d'autre dessein' que de la con-
» server en entier , afin que ce qu'il y a
» de fabuleux ne fut pas cause de la perse
de ce qu'il y a de vrai , sans préten
ᏞᎥᏤ .
dre
JUIN. 1737 7343
dre autoriser également l'un et l'autre.
Donnez-vous la peine , Monsieur , de
lire sa Vie , raportée par les Peres Labbe
et Echard , et vous y trouverez de quoi
vous former l'idée juste que l'on doit
avoir de notre Auteur et de ses Ouvrages
: Guido vir magni consilii , sensatus ,
fama , gratiâ , scientiâ et eloquentiâ clarus.
M. Sponde ad annum 1330. et le P. Alexandre
Siecle XIV. p . 148. lui donnent
dans leurs Annales les mêmes éloges . Le
P. Lelong , de l'Oratoiré , fait , dans sa
Bibliotheque Historique , le dénombrement
des plus célebres Bibliotheques qui
conservent cherement ses Manuscrits , et
il assure p. 78 2. que son Histoire imprimée
des Comtes de Toulouze , est suivie
generalement de tous ; M. Baluze , lequel
, au sentiment de M. Dupin , Siécle
XVII. p. 5. et p. 15. et de tout le monde,
étoit mieux versé que personne dans la
connoissance des Manuscrits , parlant de
notre Prélat , a dit dans son Histoire des
Papes d'Avignon , T. I. p. 579. Bernardus
Guidonis Auctor omni exceptione major.
Bernard Guidonis est un des plus célebres
Auteurs ; et il l'a dit à l'occasion
de ses Additions à l'Ouvrage Historique
des nouveaux établissemens de l'Ordre
des Freres Précheurs , De Exordiis Ord.
II. Vol.
Prad
1344 MERCURE DE FRANCE
Prad. Ce scul témoignage autorise tout
ce que notre Ecrivain a dit de celui de
Poissy , qui est du nombre. Tous ces
Scavans , et plusieurs autres que je pou
rois citer , sont autant de témoins du mérite
de Guidonis , par les éloges qu'ils
lui donnent.
>
Vous ajoûtez enfin que personne n'a
jamais eu le courage de faire imprimer
aucun des Ouvrages Historiques de notre
Auteur , et le P. Echard T. I. p . 577.
en cite six , avec l'année et le lieu de
l'Impression. Historia Inquisitionis , & c.
Vovez aussi ce que Baillet dit en faveur de
Guidonis T. I. p. 36. Edit. de 1704 .
4º. Guillaume de Chartres , Chapelain
de S. Louis , a écrit que ce pieux Roy
observoit les jeûnes qui étoient d'obliga
tion dans le Diocèse de Chartres , eò quod
de Carnotensi Diocesi oriundus existebat.
J'ai traduit ces mots : Parce qu'il étoit
né dans le Diocèse de Chartres. Et je
soutiens encore que c'est leur sens veritable
et naturel .
Ce que j'ai avancé , qu'en cherchant
une autre autorité que celle de Catel ,
qui vous a paru trop foible , pour montrer
que j'ai bien expliqué le mot oriundus
, je l'ai trouvée sans peine cette autorité
, et telle qu'elle ne laisse pas om-
II. Vol.
bre
JUIN. 1737. 1345
bre de difficulté ; c'est la Vie de S. Eloy
par S. Ouen qui me l'a fournie. Elegius,
dit l'Historien , in Villa Catalanensi oriundus
fuit. On l'explique en disant que S.
Eloy nâquit à Cataillac près de Limoges ,
et S. Olen ne permet pas de l'entendre
autrement , lorsqu'il ajoûte : ex hâc ergo
regione natus est : Il nâquit donc dans ce
Pays - là. Sum enim et ego , si fortè vos nescitis
, civitate vestrâ oriundus , et à pueritia
nutritus : » Sçachez , disoit Corneille Agrip-
» pa à ceux de Cologne , que je suis né
ра
» et que j'ai été élevé dans votre Ville ,
qu'il apelle sa Patrie. Melchior , Adam
et Bayle citent cet oriundus pour prouver
qu'il y est né.
5º. Mais si le mot oriundus indique le
Lieu de la naissance temporelle , en sera-
t- il autrement du mot originis , employé
par Philipe le Bel en 1304. dans
la Chartre de Fondation du Monastere
de Poissy ? M. Maillart les a expliqués
l'un comme l'autre , et vous en avez usé
de mêmesje n'y trouve aussi aucune difference
; je crois qu'ils ont la même signification
; cependant comme il vous
reste deux scrupules , je vais tâcher de
les lever.
On lit donc dans cette Chartre de
Fondation ( par laquelle le Roy accorde,
11. Vol. en
1546 MERCURE DE FRANCE
,
en vûë de la Naissance de S. Louis , in
honorem , &c. des Privileges bien plus
étendus que ceux de Neuville : Villam
ipsa ORIGINIS SUE locum habebat.Il
avoit le Domaine de cette petite Ville de
Poissy , le Lieu de sa Naissance . Ce verbe
habebat vous paroît receler quelque
mistere et en vous en reservant l'intelligence
, vous avertissez le Public que si
on l'entend bien , il fait contre moi ; j'avoiie
que je ne vois point cela , mais ce
que je vois fort bien , c'est que ce même
verbe habebat n'est point dans une autre
Chartre que Philipe le Bel accorda au
Monastere de Poissy , et qui est datée de
Chastillon - sur- Yndre , au mois d'Août
1305. In honorem Dei , B. V. M. nen nen
ad celebrem et specialem egregii Confessoris
B. Ludovici , Avi nostri , Monasterium
præteritis diebusfundare decrevimus in Villä
Pissiaci , ORIGINIS locum prefati Confes
soris , & c.
Ce verbe habebat , comme vous voyez,
n'est plus ici un obstacle , et afin que
vous n'ayez rien à désirer là dessus , lisez
un endroit de la Vie de S. Gregoire , Pape
, écrite par un Chartreux du Val-
Dieu , du XV. Siécle , et raportée dans
le T. VI. p. 28. Veter. scrip. de D. Martenne
, Benedictin . B. Gregorius , Papa ,
VI. Vol.
clarissimis
JUIN . 1737. 8347
clarissimis ortus natalibus ; S. Gregoire ,
Pape , sorti d'une illustre Famille , ea
tempore duxit originem quo à nativitate Ch.
annus DXLI.volvebatur . nâquit en 541.Le
même Chartreux parle de Guidonis p .
70. comme d'un beau génie : Doctor solertissimus
edidit egregium opus speculi sanctoralis.
Ce Docteur subtil est l'Auteur
de l'excellent Traité du Miroir des
Saints.
A l'égard de votre second scrupule ,
qui consiste en ce que vous ne pouvez
pas comprendre qu'on ait été mieux informé
du Lieu de la Naissance de Saint
Louis , que de l'année de cette Naissance ,
sur laquelle les Historiens ne sont nullement
d'accord ; vous me permettrez de
vous dire que la Patrie est une chose subsistante
; la Naissance des Grands Hommes
dans un Lieu fait honneur , et souvent
même elle lui est utile : il n'en est
pas de même de l'année , et eût- elle été
écrite dans le temps même , les Copistes
ne sont pas également exacts. On sçait
que Philipe le Bel avoit formé le dessein
de fonder un Monastere , non pas pour
rendre célebre l'Année de la Naissance
de S. Louis , son Ayeul ; c'est pour cela
qu'il n'en fut pas parlé , mais le Lieu où
il étoit né , qu'il déclare être la petite
II. Vol. Ville
1348 MERCURE DE FRANCE
Ville de Poissy , ayant pû l'aprendre de
S. Louis , son Ayeul , auquel il avoit
parlé de Marguerite de Provence , son
Ayeule , avec laquelle il avoit conversé
17. ans , et celle - ci 18. avec la Reine
Blanche .
Que voulez -vous après cela qu'on dia
se de vos Chartres ? Je sçais le respect
que l'on doit avoir pour tout ce qui émane
du Trône de nos Kois : mais la Chartre
de Louis XII . dont j'ai aporté l'exemple,
donnée en 1513. en faveur de la Cour
des Aydes de Montpellier, pour être éga
lement émanée du Trône , ne fut pas
plus infaillible par le défaut de l'Exposé
quoique fait de bonne foy ) vos Chartres
étant de ce caractere , elles n'en ont
pas aussi plus d'autorité .
Il n'y en a proprement que deux ;
( celle de 1475. se raportant entierement
à celle de 1468. ne doit être comptée
pour rien ) La premiere est de Louis XI.
et de l'an 1468. c'est-à- dire qu'elle a été
accordée aux Habitans de la Neuvilleen-
Hez plus de 250.ans après la Naissance
de S. Louis , et 198. après sa mort.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est que
Louis XI . ne dit pas absolument dans
certe Chartre que S. Louis est né à la
Neuville ; quand il l'auroit dit , ce seroit
11. Vol. encore
JUIN. 1737. 1349
encore peu que de chose: car on sçait bien
ce ne sont pas les Rois qui redigent les
Chartres ; mais après avoir écrit dans celle
- ci que S. Louis avoit pris Naissance à
la Neuville , on a eu soin d'ajoûter au
nom du Roy , ainsi qu'il nous a été affirmé
. Par qui affirmé ? Ce n'est pas assu
rément par ceux qui étoient du temps de
S.Louis.Si l'on veut donc que cette Chartre
prouve quelque chose,ce sera uniquement,
que plus de 250 ans après la Naissance
de S. Louis , les Habitans de la
Neuville , ayant trouvé une protection
auprès de Louis XI . lui demanderent
une exemption pour un temps , que leur
pauvreté seule rendoit nécessaire ; que,
pour être écoutés plus favorablement, ils
exposerent que S. Louis étoit né chés eux;
et que Louis XI . leur accorda ce qu'ils
demandoient sur un oui dire , sans avoir
fait examiner la verité de cette partie de
leur Exposé .
Je n'aurai pas de peine à montrer que
la Chartre d'Henry IV. qui vous a pa
ru si curieuse , ne prouve pas davantage.
Le Roy y dit que les Habitans de la Neuville
lui ont exposé qu'ils avoient obtenu
autrefois plusieurs graces , entr'autres
une Chartre de S.Louis , qui la leur avoit
accordée en consideration de ce qu'il
11. Vol. avoit
1350 MERCUREDE FRANCE
avoit pris Naissance au Château de la
Neuville. Vous voyez , Monsieur , que ce
sont encore ici les Habitans qui parlent ,
et qui parlent d'une Chartre qu'ils n'avoient
pas , et qu'ils disent que S. Louis
leur avoit accordée , comme l'ayant oüi
dire.
Enfin tout s'opose à vos Chartres , et
rien ne les favorise . Que d'obstacles à
franchir que de difficultés à résoudre !
et à combien de conjectures n'êtes- vous
pas obligé de recourir pour trouver quel
que Epoque de la Naissance de S. Louis
à Neuville ? On aura beau chercher le
sujet du voyage de la Princesse Blanche,
qui n'étoit pas encore Keine , M. Maillart
avoue dans sa Lettre, et vous Monsieur,
vous faites connoître , par les beaux
traits Histoire dont vous avez enrichi
la vôtre , que vous n'avez rien oublié
l'un et l'autre pour le trouver ce sujet ,
mais sans succès. Après de si habiles cri.
vains , qui osera se flatter d'y réussir ?
Il en faudra donc toujours revenir au
Château de Poissy , le séjour ordinaire
de cette Princesse .
Je suis , Monsieur , & c.
A Paris le 1. Fuin 1797.
II. Vel, PLAINTE
JUIN. 1737 1351
*****;
PLAINTE ET REMONTRANCE
à M. Albert , Docteur en Médecine
sur son retardement à prendre un Cheval.
Dis-moi , mon cher Albert , quel caprice
Au mépris de l'humanité ,
Te rend sourd à nos cris, à toi - même barbare ,
Et te porte sans cesse à risquer ta santé ?
Quoi les rares talens , la profonde science ,
Ne peuvent-ils permettre un peu de complaisance
Mon discours te surprend ; tu parois interdit ;
Ecoute donc , Albert , le fait dont il s'agit.
Depuis le lever de l'Aurore ,
Jusqu'au retour des ombres de la nuit,
Par ton seul aspect qu'on implore ,
Effrayant le trépas qui t'évite et te fuit ,
Tu cours à pied vers quiconque t'apelle ;
Mais ta langueur malgré toi se décele ,
Elle fait qu'en Chorus tout le monde te dit :
Eh Monsieur , on vous en conjure ;
Monsieur le Médecin prenez une monture,
A bon droit mis au rang des plus fameux Doc
tears ,
Quelle noire et coupable envie ,
II. Vola E A&
1352 MERCURE DE FRANCE
Au milieu de tant de grandeurs ,
Te fait renoncer à la vie ?
De ce don ( tu le sçais ) fatal ou précieux 2
Tout Mortel est comptable aux Dieux ;
Il n'en est que dépositaire ;
Qui sans eux en dispose est un audacieux ;
Il devient à l'instant l'objet de leur colere.
Ce Principe adopté de tout le genre humain ,
Nous induit dabord à conclure
Qu'il ne t'est pas permis de remettre à demain
A te servir d'une monture.
On sçait qu'un Cheval autrefois
Causa le sac et l'incendie
D'une illustre Ville d'Asie ;
Mais ce Cheval étoit de bois :
De l'absolu Destin telles furent les Loix ;
Aujourd'hui le sort veut qu'anCheval plein de vio
Sauvant Albert , sauve notre Patric :
Auquel de ces Chevaux divers ,
Donner ici la préference ?
Au Grec funeste Auteur d'un funeste revers
Ah! que le tien pour l'Univers ,
Seroit bien d'une autre importance ! ;
L'un cachoit dans ŝes flancs un trépas médité
Au Troyen , que trompa sa vaine confiance ;
Le tien en croupe avec pleine assurance,
Nous aporteroit la santé :
II. Vele
Mais
JUIN.
1353
1737་
Mais vainement ce Fait te seroit-il citë ,
Comme beau trait d'Histoire et de Litterature,
Si je n'en inférois avec vivacité
Que tu ne peux sans blesser l'équité ,
Sans forfaire à l'honneur , te passer de monture,
Il faudra,j'en conviens,compter quelques ducats,
Et pour l'achapt et pour la nourriture 3
Mais , ami , dans la sépulture
7
Tu sçais qu'on en
fait peu de cas.
Caron , qui des grands coeurs n'est pas le vrai
modele ,
Me dira - t'on , ne passe pas
Les Morts gratis dans sa nacelle ;
Mais pour ce,faut- il donc d'argent si gros ama
Un seul teston suffit pour ce passage ;
Laisse aux avares désormais
Le lugubre et vain avantage
De toujours amasser , de ne joüir jamais ,
'D'être pour s'enrichir toujours à la torture.
Pour toi , mets à profit et l'argent et le temps
Et sûr , avec les tiens , de prolonger nos ans,
Entretiens à tes frais une utile monture.
Eh que m'importe enfin à moi ,
Que chacun ait vû devant toi
Disparoître l'apopléxic ,
La fievre s'éclipser , et fuir la pleurésie ,
Si je suis malheureux par ton entêrement ?
II. Vol
TOR
E ij
1354 MERCURE DE FRANCE
Ton Ombre à mon esprit s'offre à chaque mo
ment ,
Toute prête à passer les rives du Cocyte.
Cher Albert , c'est alors , ah ! c'est dans ces ins
tan's
Que dans tes soins , dans tes talens ,
Dans ton zele , dans ton mérite ,
Je trouve mon propre tourment :
Contre toi je me livre à la plainte , au murmure,
Je m'écrie : Ah , le traître ! il fausse son serment;
Cent fois il me promit de prendre une monture.
Vingt lustres bien complets de santé, de vigueur!
Quel est le Médecin qui ne s'en fît honneur ?
Mais qu'en la fleur des ans un Médecin expire ,
Quelle honte ! non, non , je veux bien te le dire ,
Pour marcher à pas lents vers l'Empire des Morts,
Pour n'ariver que tard aux sombres bords ,
Pour entrer des derniers dans la funeste Barque ,
Cu passent côte- à- côte et Berger et Monarque
Pour filer de longs jours sans crainte et sans
regret ,
• Il n'est pour toi qu'un seul secret ,
Secret dicté par la bonne Nature ;
voici , c'est une monture.
Quel désespoir pour Atropos !
Tous les jours sont marqués de quelque illustre
Cure ;
II. Vol Ardents
JUIN.
1737. 1355
Ardente à t'en punir , à venger son injure ,
Je la vois aiguiser ses funestes Ciseaux ;
Mais qu'importe ? avec avantage ,
Tu peux vaincre et dompter son implacable rage:
Nouveau Bellerophon , sur un noble Coursier ,
Combats, poursuis , foudroye , Albert, ce Monstre
altier ;
Opose à sa furie un courage intrépide.
Que la cruelle , Ami , que la perfide ,
En toi retrouve un Paladin , *
Mais comment tenter l'avanture ,
Comment pouvoir la mettre à fin ,
Cher Albert , sans une monture ?
Esculape , il est vrai , de ses dons précieux
Abondamment te favorise ,
Et sur nous , cher Ami , d'une façon exquise
Tu sçais à plaines mains les répandre en ces lieux;
A l'instar de ce Dieu de salubre memoire ,
D'être utile aux Mortels tu te fais une gloire ;
Mais le crois- tu qu'Esculape autrefois ,
S'excedât de fatigue et se mit aux abois ?
Il s'en falloit du tout que tel fût son sistême.
De carrefour en carrefour ,
Un Char portoit sa Déïté suprême.
Esculape nouveau , tu pourois à ton tour
User de pareille voiture ;
Quifit de plus d'un Monstre ample déconfiture:
II. Vol. Mais E iij
1356 MERCURE DE FRANCE
Mais si pour ce faste ton coeur
Ressent une secrette horreur ,
Du moins imite en son allure
Celui dont Rossinante étayoit la figure ;
Comme ce Parangon d'honneur ,
Ne vas nulle part sans monture .
Je ne te parle point de ta chere Moitié ,
Tu dois , en tendre Epoux, faire tarir ses larmes.
A les faire couler trouves-tu tant de charmes ?
Infidele à l'amour , rebelle à la pitié ,
Te refuser aux voeux d'une tendre amitié !.
Cher Albert , pardonne à la mienne ,
Qui demande de toi plus de ménagement ;
Mais qu'importe après tout , pourvû que je l'obe
tienne ,
Qu'Albert chemine enfin commodément ;
Soit qu'un genest de superbe encolure ,
Soit qu'un criquet et modeste et benin ,
Glorieux de
porter un grave Médecin ,
Soit en tout temps, en tout lieu ta monture.
De plaisir mon coeur est comblé ;
Oui , le tien est touché des voeux et des prieres
De tout un Peuple désolé.
De la raison en toi renaissent les lumieres .
Peuple , votre bonheur ne peut être égalé ;
Albert va terminer la noire inquiétude ,
11. Vol.
Dont
JUIN.
7357 1737:
Dont vous étiez justement accablé,
Il se fera dans la suite une étude
De conserver ses forces , sa vigueur ,
Et son teint nous peindra le Printemps en sa
Aeur ;
Mais que vois- je ! ah déja se remplit cet augure,
Contentez-vous mes yeux , vous le voyez enfin ,
Vous le voyez ce chéri Médecin ;
On n'en peut plus douter ; il est sur sa monture.
Par M. de Sommevesle .
***************
ELOGE du R. P. Dom Claude Dupré ,
Superieur General des Benedictins de la
Congrégation de S. Maur.
ER. P. Dom Claude Dupré nâquit
La Bresolles, petite Ville du Perche
dans le Diocèse de Chartres , le 18. No
vembre 1667.d'une fort honnête Famille.
A l'âge d'onze ans ses Parens l'envoyerenɛ
à Paris. Après avoir étudié quelque temps
au College de Montaigu , il alla à Caën
achever ses Humanités , et partout il fit
admirer son amour pour les Lettres , et
son assiduité au travail . C'étoit peu pour
lui que les heures d'étude et les devoirs
de Classe ordinaires . Avare de son temps
II. Vol. E iiij .
et
1358 MERCURE DE FRANCE
et avide de science , les momens que ses
Condisciples passoient à de vains amusemens
, notre jeune Ecolier les employoit
à la lecture des bons Livres , ou dans la
compagnie des Personnes qui pouvoient
contribuer à son avancement. Ses promenades
et ses récréations se bornoient
à l'Abbaye de S. Etienne de Caën , où il
s'entretenoit de matieres de pieté avec
quelques Religieux , dont il avoit fait
connoissance , et s'édifioit de la retraite ,
du silence et de la régularité de cette
Communauté. Leur genre de vie fatoit
Insensiblement son inclination , et la
grace secondant le penchant naturel qu'il
avoit pour la solitude , il se sentit vivement
pressé du désir de se faire Religieux.
Fidele à sa vocation , il quitta le Monde
et sortit de Caën à l'insçû de ses Parens ,
pour se retirer dans le Monastere de
Lyre.
Là , revêtu de l'habit Religieux, notre
jeune Novice s'apliquoit tout entier à
étudier et à remplir les devoirs de l'Etat
qu'il vouloit embrasser , lorsque son Pere
se rendit à Lyre , et le sollicita par
tout ce que la Nature a de plus tendre ,
de retourner avec lui dans le Monde pour
être sa compagnie et sa consolation . Mais
le Novice , ferme dans sa résolution
II. Vol. Consomma
JUIN 1737. 1359
consomma son sacrifice avec joye le 10 .
Août 1686. par les voeux solennels de
la Religion .
Après sa Profession , il fut envoyé à
S. Ouën de Roüen , pour y faire son Séminaire.
Le P. Dom Simon Bougis , qui
en étoit Prieur , déja prévenu sur les
heureuses dispositions du Frere Dupré ,
le reçut , avec complaisance , au nombre
de ses Eleves , et s'apliqua avec soin à
cultiver cette jeune Plante et à la conduite
à sa perfection . Notre jeune Profès fit de
si grands progrès dans la vertu , qu'il
devint en peu de temps l'exemple et le
modele du Séminaire . Il passa ainsi deux
années dans la pratique la plus exacte de
l'observance Réguliere. Apliqué ensuite
par ses Supérieurs à la Philosophie et à
la Théologie , il reprit son ancien goût
pour l'Etude , mais sans jamais perdre le
but de sa vocation . Les succès répondi
rent parfaitement à l'habileté de ses Maîtres
, et sa pieté ne souffrir rien des athiblissemens
que la sécheresse et la dissi
pation des Études causent souvent.
Au sortir de ses Etudes , on l'envoya
à Jumiéges , Maison très retirée er propre
à ses inclinations. Il reçut à la fin de
Fannée l'Ordre de Prêtrise , et peu de
temps après les Supérieurs Ini confierent
11, Ꮴ ! iédu- E v
1360 MERCURE DE FRANCE
>
l'éducation de la Jeunesse , ils lui firent
enseigner successivement les Belles- Let
tres au College de Tyron , la Philosophie
à Fécamp , et la Théologie à Caën. Il
s'étudia à former ses Disciples autant par
ses exemples que par ses leçons ; sa conduite
leur inspiroit également l'amour
pour la vertu et l'ardeur pour les Sciences.
ร
Le Chapitre General de 1705. le nomma
Prieur de Saint- Pere de Chartres.
Toute la Province aprouva ce choix ; il
en fut lui seul consterné ; il fit des remontrances
, il insista , il gémit , il pleura
, mais inutilement il fallut se soumettre.
A la tête de sa Communauté , il
prit pour regle de conduite l'exemple du
bon Pasteur. Dur à lui même , humain
pour ses freres, prévenant officieusement
les besoins de ses Religieux , portant
tout le poids de la Supériorité , sans en
goûter les douceurs ; il possedoit à un
dégré supérieur le don de la parole. Rien
de plus solide , rien de plus pathétique
que les Exhortations qu'il faisoit à ses
Religieux , ils l'écoutoient toujours avec
plaisir , même dans la censure de leurs
fautes .
Le Chapitre General de 1708. instruit
de ses vertus et de ses bonnes qualités
crut devoir lui confer un poste plus con-
II. Vol. sidérable.
JUIN. 1737. 1361
sidérable. Il y fut nommé Abbé de Saint
Martin de Séez. Cette nouvelle dignité ,
soûtenuë de tous les talens qui rendent
un homme recommandable , auroit pû lui
procurer des amis distingués , et le faire
briller au- dehors ; mais se renfermant
dans les bornes de son Etat , il évita , autant
qu'il put , de paroître et de se répandre
parmi les Séculiers. Malgré tou
tes ses précautions il fut respecté dans le
Pays et connu pendant six ans qu'il gouverna
cette Abbaye , pour un saint et
sçavant Religieux , qui joignoir aux belles
connoissances un excellent caractere.
Les idées avantageuses qu'on avoit de
lui , loin de flater son amour propre , net
servirent qu'à le rendre encore plus humble.
Il souffroit impatiemment des éloges
et des attentions qu'il croyoit ne pas
mériter ; et regardant la supériorité comme
un écueil , il fit tous ses efforts pour
s'en décharger au Chapitre General de
1714. dont il étoit Membre. Il y étoit
destiné pour remplir un des premiers
postes de la Province de Bretagne ; mais
Il préfera l'Office de Secretaire du R. P.
General aux Supériorités les plus honorables.
Il exerça cet Emploi pendant six ans
avec tout le zele et l'attachement que
II. Vol. E vj
méritoit
1362 MERCURE DE FRANCE
méritoit l'entiere confiance dont l'honoroit
le R. P. Dom Charles de l'Hostalled
rie. Ce R.P. ayant demandé et obtenu sa
décharge au Chapitre de 1720. son Secretaire
sollicita vivement la permission
de rentrer dans la retraite et dans la solitude
, dont il faisoit ses délices ; mais
on n'eut aucun égard à ses prieres , et
malgré toutes ses repugnances , il fuc
nommé par ce Chapitre Visiteur de Normandie
, et par celui de 1723. Visiteur
de la Province de France.
Devenu le Pere des Religieux de ces
Provinces , il en fit le bonheur et l'admiration
: il les gouverna avec toute la
fermeté , la douceur et la modération
qu'on pouvoit attendre de son grand
zele , de son bon coeur et de sa charité
paternelle. Son autorité soûtenuë par
l'exemple de ses vertus , y fut toujours
universellement respectée et aimée. Les
Religieux de France ne le virent sortir
qu'à regret de leur Province : il emporta
leurs coeurs et leurs voeux en les quittant
pour aller en 1726. à Fécamp gouverner
cette Abbaye , la premiere et la plus distinguée
de la Normandie .
En changeant de poste , Dom Dupré
ne changea pas de conduite : même zele
pour la discipline réguliere , même rete-
II. Vol
JUIN. 1737. 1363
#ue pour le dehors. Renfermé dans l'interieur
de son Monastere , il se livra tout
entier aux besoins de ses Religieux . Obligé
par son Office de Grand Vicaire de
l'Archevêque de Rouen , de communiquer
avec les Seculiers , pour l'exercice
de la Jurisdiction sur plusieurs Paroisses ,
il s'y prêta , mais toujours en vrai Religieux
, satisfaisant simplement aux devoirs
de sa Charge-
Député de sa Province , Définiteur et
Secretaire du Chapitre de 1729. il y fut
nommé Prieur de l'Abbaye de S. Germain-
des - Prez : mais un orage fâcheux
ayant troublé la paix de la Congrégation ,
il prit le parti de la retraite , et renvoya
son Obedience ; il insista long - temps
pour obtenir sa démission , et ne se rendit
à S. Germain qu'aux ordres précis et
réïterés du R. P. Général. Peu accoûtumé
au grand Monde , ennemi du tumulte
et des embaras , il se contenta de lever
les mains au Ciel , tandis que les Superieurs
majeurs travailloient à rétablir le
calme dans la Congrégation.
Il fut
peu de temps
après
élû
Assistant
du R. P. Général. Telle étoit sa situation
lorsqu'il se vit obligé en 1735. par la
mort inopinée du R. P. Général Dom
Hervé Menard , de présider en qualité
11. Fol. de
1364 MERCURE DEFRANCE
de Vicaire Général à toute la Congrégation.
Il soûtint le poids de cette Charge
avec une constance qui le fit admirer.
Sans rien relâcher de sa régularité , de
son assiduité aux exercices , et de ses
austerités , il s'occupa infatigablement à
chercher les moyens de ramener dans la
Congrégation la subordination et la paix,
que les disputes du temps et les élections
précedentes y avoient extrémement al
Terées.
Son accès libre , aisé et affable , ses
entretiens familiers , agréables et insi-
Huans , ses lettres tendres , affectives et
paternelles , lui attirerent d'abord la confiance
des Religieux. Les très -humbles
Remontrances qu'il fit au Roy , de concert
avec le P. Assistant et quelques Superieurs
, pour la levée des exclusions et
la liberté des suffrages dans le prochain
Chapitre , les ordres pleins de bonté et
de clemence qu'il obtint de S. M. au
mois de Mars 1736. et la lettre qu'il
écrivit à tous les Monasteres le lende
main pour les notifier , acheverent de
concilier les Esprits .
Le 3. May 1736. il fit l'ouverture du
Chapitre par un Discours si éloquent et
si pathetique,qu'il pénétra tous les coeurs
et les réunit tellement , que toutes les
Fl. Vol. élections
JUIN. 1737.
1365
élections s'y firent avec une tranquillité
et une modestie dignes des premiers
temps de la Congrégation.
Après avoir été élû unanimement Définiteur
et Président de ce Chapitre , il
fut aussi élû d'une voix unanime et proclamé
Général de la Congrégation le 27.
du même mois. Cette place étoit dûë à
sa grande régularité et à son zele pour le
bon ordre et pour la discipline . Tous les
Religieux le desiroient et le demandoient
depuis long-temps . Tous aplaudirent à
ce choix; lui seul s'en affligea , et l'abon
dance des larmes qu'il versa, au moment
de son élection , et dans la cérémonie de
son installation , fut une preuve bien
sensible de la peine qu'il en ressentoir.
Ses Religieux ne furent pas les seuls
qui se réjouirent de son élection . Le Pape
l'honora d'un Bref, par lequel il lui mar
quoit la joye qu'il avoit de voir si dignement
remplie la premiere Place d'une
Congrégation , qui lui étoit chere et précieuse,
M. le Cardinal de Fleury l'hono
ra d'un accueil très - favorable. S. E. aut
fa bonté de le presenter au Roy et à la
Reine Elle fit à Leurs Majestés l'Eloge
de la Congrégation et du Général en presence
de toute la Cour , dans les termes
les plus obligeans . Le Public ne prit pas
II. Vab
mcins
1366 MERCURE DE FRANCE
"
moins de part à l'heureux succès du Cha
pitre. Le nouveau Général füt reçû partout
avec joye , avec distinction ; et celui
qui , jusqu'alors, n'avoit cherché qu'à
se cacher , se vit, avec étonnement, connu
et recherché de tout le Monde . Il reçut
des marques d'une consideration par
ticuliere du Roy et de la Reine de Pologne,
lorsqu'il leur presenta une Relique
de S. Benoît , que L. M. lui avoient demandée
avec empressement; la noble sim
plicité avec laquelle il les harangua ,
fut
louée de toute la Cour.
Cependant le Seigneur répandoir ses
graces et ses bénédictions sur son gouvernement
: la science et la pieté reprenoient
une nouvelle vigueur , lorsqu'une
mort prématurée enleva ce digne Général
à sa Congrégation . Il avoit prédir ,
au moment de son élection , qu'il ne
verroit pas la fin de l'année. En effet, un
travail dur , continuel et opiniâtre , joint
à une vie extrémement pénitente et austere
, épuisa bien- tôt ses forces , et le conduisit
en peu de temps au tombeau.
Dès le mois d'Août il se sentir attaqué
d'une sécheresse de poitrine , qui fit craindre
pour sa vie . Son corps s'affoiblissoit
à vûë d'oeil , et sa poitrine s'alteroit de
plus en plus.
11 Vol. , A
JUIN. 17376 1367
Au commencement de l'Avent il se
Trouva fort opressé. Le Médecin lui prescrivit
un regime de vie ; mais il ne fut
pas possible de lui faire rompre le jeûne
et l'abstinence , et tout ce qu'on put ga
gner sur lui , fut qu'il ne se leveroit pas
la nuit pour aller à Matines , exercice
auquel il avoit été toujours fort assidu .
Quelques saignées faites à propos , lui
donnerent un peu de relâche , et mesurant
ses forces sur son courage , il entreprit
de dire les trois Messes de Noël : il
célébra encore la Messe le jour de Saint
Etienne , mais avec beaucoup de peine ,
et pour la derniere fois .
Le Dimanche suivant, se trouvant plus
mal , il apella son Confesseur , et se prépara
par une Confession générale à recevoir
le S. Viatique et l'Extréme- Onction ,
Le P. Assistant se disposoit à les lui apor
ter, le Malade les attendoit avec une sainte
impatience , mais une violente palpitation
de coeur lui ôtant tout à coup la
respiration , sans qu'on pût lui donner
aucun secours , le P. Delville , son Secretaire
, qui ne le quittoit point , l'exhorta
à avoir recours au Seigneur. Je
mets , lui répondit- il , toute ma confiance
en sa misericorde , et en prononçant ces
paroles il expira le 30. Décembre 1736 .
II. Vol. à trois
1368 MERCURE DE FRANCE
à 3. heures après midi, âgé d'environ 70.
ans. Il fut inhumé le lendemain avec les
cérémonies accoûtumées auprès de ses
Prédécesseurs , vers le milieu du Choeur
de la grande Chapelle de la Vierge. Les
Généraux d'Ordre qui étoient à Paris ,
un très grand nombre d'Ecclesiastiques
et de Religieux assisterent à ses Obseques
, et au Service solemnel qui se fit
le 2. de Janvier. S. E. M. le Cardinal de
Fleury a bien voulu honorer sa Mémoi
re par une de ses Lettres , écrite sur ce
sujer au P. Vicaire Général dans les termes
les plus tendres et les plus consolans.
Cette Mémoire sera toujours précieuse
à une Congrégation dans laquelle il avoit
rétabli la paix et le bon ordre , par les
rares exemples de pieté et de toutes les
Vertus Religieuses dont il l'a édifiée'pendant
son gouvernement.
TRADUCTION de la 53. Epigramme
du V. L. de Martial. Quæ mihi præse
titeris , & c.
'Ai, Cleon , et j'aurai toujours bonne mémoire
Des bienfaits dont vous me comblez , J'A
Et si je n'en dis mot , c'est que vous en parlez.
II. Vol. Dis
JUIN. 1737.
1369
Dès qu'à quelqu'an je veux en commencer l'his
toire ,
Ce quelqu'un s'écrie , alte -là :
Vous m'ennuiez ; Cleon cent fois m'a dit cela.
Un seul de nous suffit pour cette affaire,
Or , Cleon , entr'entendons-nous :
Youlez vous en parler ? voulez- vous vous ca
taire ?
Optez, Cleon , vous tairez- vous ?
Pour publier vos dons je prendrai la trompette;
Mais parlez- vous .... ma laague est pour toujours
muette.
Croyez-moi , quoi qu'on donne , ou qu'on ait
pú donner ,
On détruit ses bienfaits quand on veut les
prôner.
A Vitré.
L
DIVERTISSEMENT
Sur la Paix .
E 27. May , on chanta un Divertissement
nouveau sur la Paix , dont
les Paroles sont de M. de Morand , et la
Musique de M. Mathien , Ordinaire de
la Musique du Roy . Ce Morceau , qui
tint tout le Concert, fut très - bien reçû de
toute la Cour , et sur- tout de Sa Majesté,
II. Vol.
qui
1370 MERCURE DE FRANCE
qui eut la bonté d'en témoigner elle- mê
me sa satisfaction aux Auteurs .
C'est la France personifiée qui invite
la Paix à regner sur elle , et à triompher
sur tout l'Univers. Un Choeur de Peuples
de France adresse les mêmes voeux à la
Paix et célebre ensuite la gloire de leur
Roy , qui est lui même le soutien de la
Paix , et qui borne son triomphe à en
faire jouir ses Ennemis même. Mars faché
de voir que les François implorent
son Ennemie , arrive , et parle en ces
termes :
Sous les Drapeaux de Mars à vaincre accou
tumés ,
Les François craignent ils les hazards de la
Guerre ?
-
Quand leurs plus fiers Rivaux redoutent leur
tonnerre ,
Doivent-ils être desarmés ?
Ah ! même en répandant l'horreur et les ra
vages ,
LOUIS dans ses Etats a fait regner la Paizi
Et ses Ennemis seuls , accablés sous ses traits,
N'ont-ils pas de la guerre essuyé les orages !
A quoi la France répond :
Le Héros qui toujours travaille pour ma gloire,
Vient de montrer quelle victoire
Doit contenter les coeurs guidés par la vertu ;
II. Vol.
Pag
JUIN. 1737- 1371
Par son auguste exemple il a trop sçû m'aprendre
Que rendre heureux un Ennemi vaincu ,
C'est le plus beau triomphe où l'on puisse prétendre.
Et les Peuples reprennent leurs chants
à la Paix. Mars , outré de ce nouvel affront
, apelle à son secours la Discorde ,
pour le venger , et détruire les projets
d'un Héros pacifique. La Discorde , annoncée
par des bruits souterrains , des
ténébres affreuses , des tremblemens de
terre , sort des Enfers , suivie des Monstres
qui l'accompagnent ordinairement ;
elle promet à Mars de troubler de nouveau
le repos de l'Europe ; ils s'animent
mutuellement par ce Duo :
Unissons , unissons nos coups ;
Que tout tremble à l'aspect d'un si juste cour
roux !
Quel plaisir de revoir toute l'Europe en armes ?
De n'y faire regner que le trouble et les larmes!
La Discorde s'adresse ensuite en ces
termes aux Ministres de ses fureurs :
O vous , qui , sur mes pas répandez la terreur ,
Volez de toutes parts , secondez mą fureur ;
Que le feu , que le fer signalent votre rage ;
Portez partout l'effroi , le désordre et l'horreur ,
Remplissez l'Univers de sang et de carnage.
11. Vol. Les
1372 MERCURE
DE FRANCE
Les Suivants de la Discorde témoignent
leur obéissance en répetant les trois der
miers Vers. Mais à tant d'horreurs succe
de tout à coup une Symphonie douce
qui rassure la France et ses Peuples . En
effet c'est Minerve qui vient annoncer
la Paix et qui dit :
A Mars.
Mars, ne t'opose plus au repos de la France ;
Son Roy , qui , par mes soins brûle des plus
beaux feux ,
Par sa sagesse et sa clémence ,
A contraint le Destin de souscrire -à ses voeux ;
La Paix va désormais remplir son esperance ;
Tu n'en sçaurois alterer les douceurs ;
Fuis , et loin de ces lieux va porter tes fureurs,
A la Discorde.
Et toi , Monstre implacable ,
Respecte un ordre irrévocable ;
Et pour jamais reprends res fers !
La Discorde et sa Suite se retirent ea
disant qu'ils vont tâcher de trouver da
secours dans les Enfers ; Mars se retire
il
aussi en témoignant avec quel regret
obéit aux Arrêts du Destin; Minerve invite
la France et ses Peuples à recommen
cer leurs Chants et leurs Jeux en l'honneur
de la Paix, dont elle va les faire jouir.
II. Vol. Elle
JUIN. 7737. 1373
Elle adresse ensuite alternativement avec
La France eette Hymne à la Paix.
HYMNE A LA PAIX.
Minerve.
Par toi , divine Paix , tout vit et tout respire ;
Tu fais la gloire d'un Empire ,
Et les beaux jours des Bergers et des Rois.
La France.
Tu regnes dans les Cieux, et les Immortels même
Ne doivent leur bonheur suprême
Qu'à la douceur qu'on goûte sous tes loix.
Minerve.
Quand du sein des Mortels chassant l'affreuse
guerre ,
Tu daignes venir sur la Terre ,
Les Dieux alors y volent sur tes pas.
La France.
Apollon et Thémis , Bacchus , Cerès et Flore
Plutus , Mercure et Terpsicore
Y font briller leurs plus charmans apas.
Mixerve.
Les Prés et les Côteaux reprennent leur verdure;
Les Ruisseaux leur tendre murmure ;
Tout s'embellit , si - tôt que tu parois.
La Franc :
Les Oiseaux rassurés sous un riant feüillage,
II. Vol. Recom374
MERCURE DE FRANCE
Recommencent leur doux ramage ,
Et par leurs chants celebrent tes attraits.
Les Peuples n'oublient pas de mé.
ler encore dans leurs Chants la gloire de
leur Monarques et Minerve elle même
invite les Bergers des bords de la Seine
à venir joindre les aimables sons.de leurs
Chalumeaux et de leurs Hautbois aux
accords éclatans des Tambours et des
Trompettes. Les Bergers arrivent et finissent
le Divertissement par une Fête
Pastorale , des plus galantes.
Nous voudrions pouvoir donner à nos
Lecteurs une idée de la Musique de ce
Divertissement aussi aisément que nous
avons tâché de leur en donner une du
Poëme ; mais n'étant pas possible de leur
présenter des Morceaux de Musique, com.
me nous raportons des Morceaux de Poësie
, tout ce que nous pouvons dire à la
gloire du Musicien , c'est que non seulement
il a rempli au mieux les idées du
Poëte , et qu'il a parfaitement et avec une
varieté charmante , caractérisé tous les
divers genres de Musique qu'il a eû.occasion
d'exprimer , mais encore que son
Ouvrage doit être une preuve nouvelle
que l'excellente Musique Françoise n'est
ni moins sçavante , ni moins brillante
11. Vol.
n
JUIN. 1737. 137
de
ni moins harmonieuse , ni moins féconque
celle de toute autre Nation , et
qu'elle a de plus les graces et la douceur.
Les principaux Rôles furent remplis
par les Dlles Matthieu et d'Aigremont , et
par les sieurs Dangerville et le Clerc, l'execution
fut si parfaite , tant de la part des
Acteurs Chantans que de celle des Symphonistes
, qu'on auroit dit qu'ils avoient
tous autant d'interêt au succès de cette
Piece que laDlle Matthieu elle- même, qui
est l'Epouse de l'Auteur de la Musique.
J
ENIGM E.
E suis le frere aîné d'une cruelle soeur ;
Qui ne peut inspirer que la crainte et l'horreur ;
Pour moi , plus bienfaisant j'ai pour mon apanage
Paix , douceur et repos , tout vient me rendre
hommage.
Je sçais m'assujettir les Bergers et les Rois ,
Et tout ce qui respire est soumis à mes loix.
Le plus sublime esprit sans entrer en délire
Egare sa raison abordant mon Empire.
Je puis , quand il me plaît , répandre à pleines
mains ,
Selon leurs goûts divers , cent dons sur les Huanains
,
II. Vol. Mais
F
1376 MERCURE DE FRANC
Mais quelquefois aussi par un égal capm
Je les conduis moi seul au fond du préc
Ce n'est pas tout encor , je verse sur Iris ,
Sans le secours de l'Art , le plus beau coloris ;
Pour comble de faveurs j'offre à tous un azile ,
Où le plus malheureux pour un temps est trang
quille,
Par Maget , Greffier du Présidial de Sens.
LOGOGRYPHE.
JE porte mois , je porte mi ,
Je porte soin , je porte si ,
Je porte nos , je porte son ;
Lecteur , méconnois - tu Ș ...?
Par M. Desnoyers , Lieutenant Pare
tienlier à Estampes,
J
AUTR E.
E suis Artisan pen prisé ,
Et dont le travail sédentaire
Dans le Monde est fort nécessaire ;
De dix Lettres mon nom se trouve composé ;
Mais en les arrangeant de diverse maniere ,
Et les combinant à propos ,
Vous tirerez de moi plus de quatre-vingt mots.
II. Vel.
Voyens
JUIN.
1377 1737.
Voyons; un grand Pays conquis par Alexandre,
Un animal imperceptible aux yeux ,
Ce qui plus presse un malheureux ,
Lorsque le Bourreau va le pendre ,
Monosillabe négatif ,
Certain côté du Ciel , lorgné par l'Astronome ,
Un Juif en terre englouti vif ,
Un Roy de Thebe , un Empereur de Rome ;
Un arbre aimant Montagnes et Forêts ,
Vieux mot François , qui Sale signific ,
Conjonction qui suit de près
La majeure en Philosophie ;
Une fille par voeu consacrée aux Autels ,
Et dont le voeu souvent fait la secrette peine ,
Un des sept Sacremens de l'Eglise Romaine ,
Et l'un des sept péches mortels ;
Un Métal qui rend tout facile ,
Qui de mainte Lucrece a fait mainte Lays ;
Berger que nous voyons dans le chaste Virgile
Chanter le goût de son Pays.
L'Ouvrage utile de l'Abeille ;
Une Liqueur agréable en Eté ,
Un Instrument à vent qui le Chasseur réveille ;
Et ce qui suit partout la libéralité ;
Du pesant Char du Temps une affligeante orniere,
Un os à six côtés , utile à plusieurs Jeux;
Certain signe de joye et qui pour l'ordinaire
Suit plus les jeunes que les vieux .
II. Vol. Fij Sorte
378 MERCURE DE FRANCE
Sorte de Piramide ronde ,
Trois filles que Junon hait ,
Ce qui jamais ne s'est vu dans le Monde ,
Et ce qu'un Jardinier avec grand soin détruit
Un Sinonime d'eau, pep commun dans la Prosej
Un Philosophe , un Prince avec le même nom
Un poids qui pese peu de chose ,
D'un Ouvrier aîlé la legere maison ;
Ce n'est pas tout, je trouve un terme de Musique;
Voix haute désignant mal, plainte, joye ou peur,
Un Ouvrier très- méchanique ,
Et du Pape un Ambassadeur ;
Ce qu'avec soin un bon Pilote évite
Ce qu'avec art cherche le Parasite
Plante de Marais et d'Etang ;
?
Un Patriarche d'un haut rang ,
Qui combla les Mortels d'une faveur insigne
Lorsqu'il leur fit venir la vigne ;
Je suis encor de femme un ornement ,
Et dans differens sens ce que le Roy de France
A quelques Grands donne pour récompense ,
Et le Grand Turc pour châtiment :
De tous sots bruits de Ville un Auteur anonime ;
Un cercle , Ouvrage en Vers d'un stile vif , su
blime ;
Ce qui souvent endort ou réveille un repas ;
Disgrace qu'un Genois craint plus que le trépas ,
Et dont, suivant l'avis qu'un Auteur sensé donne,
II. Vol.
11
JUIN
.
1379 1737.
Il sied mal de railler, personne ;
Sur le même mot vous trouvez
D'infinitifs François une bonne douzaine ,
De mots Latins une trentaine ;
C'en est fait , car je perds haleine ;
Devinez- moi si vous pouvez.
A Vitré.
LOGOGRYPHUS.
Exornofacies hominum, nunc signa decoris
Prabens , nunc casti signa pudoris habens.
Si totum invertas , arbor sum Collibus altis
Haud impar ,fessos sublevad umbracoma.
Mentem alio rapias , en quod Dux Militis infert
Pectoribus , quandò tristia bella sonant.
NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &¢.
RINCIPES DE L'HISTOIRE pour
PREducation de la Jeunesse ; cinquié
me année, qui contient l'Histoire Etran
gere. Par M. l'Abbé Lenglet du Fresnoy ,
In 12. A Paris , chés Debure l'aîné , 1737.
11. Vol.
Fiij Co
1380 MERCURE DE FRANCE
Ce Volume est utile par sa diversité , on
y trouve l'Histoire de nos Voisins ; et
l'on commence par les parties qui aprochent
le plus de notre propre Histoire.
L'Angleterre , qui marche la premiere ,
est utile à un François qui veut connoître
les differends de cette illustre Nation
avec la Françoise ; la connoissance de
l'Espagne nous devient nécessaire ,
doit nous interesser ,depuis qu'un Prince
du Sang de nos Rois est monté sur ce
Trône. L'Histoire de Portugal , qui tienţ
à celle d'Espagne , y est traitée avec une
égale précision. Ces trois natures d'Histoire
occupent les cinquante premieres
Leçons.
L'Auteur employe les 20. Leçons suivantes
à l'Histoire d'Italie . Venise , Na
ples , Sicile , la Savoye , la Toscane , et
quelques autresPrincipautés y sont expliquées
avec cette juste précision qui est
nécessaire dans les Abregés. Et l'on
commence à la 71. Leçon à traiter les
quatre grandes Couronnes du Nort ; le
Dannemarck , la Suede , la Pologne et la
Russie. Ce sont des Histoires qu'on ne
doir pas ignorer ; mais M. Lenglet ne
s'attache point au détail des premiers
temps , qui dans ces sortes d'Histoires
sont très- confus et peu interessans . Ces
11. Vol. Nations
JUIN. 1737 1381
Nations mêmes n'étoient pas encore sorties
de la barbarie , qui caractérisoit les
anciens Peuples du Nort.
Les huit dernieres Leçons sont em
ployées à faire connoître ce qu'il y a de
plus illustre dans les Peuples de l'Asie ,
de l'Afrique et de l'Amérique ; mais
quelle précision n'a-t'il pas falu employer
pour donner quelques idées de tous ces
vastes Pays ? Il est vrai que l'Auteur qui
fait remarquer ce qu'il peut y avoir d'utile
dans ces Histoires Etrangeres , a soin
de renvoyer aux Auteurs qui en ont trai
té avec le plus d'exactitude; et ce n'est pas
une chose indifferente d'avoir quelque
notion des Peuples avant que d'en examiner
l'Histoire avec quelque détail et même
de ne pas ignorer le caractere des plus
grands Princes qui les ont gouvernés.
Toutes les instructions qui accompa
gnent chaque nature d'Histoire , sont au
tant de Méthodes abregées pour les étudier
avec plus d'étendue, mais l'Auteur a
toujours soin d'écarter les Livres qui rens
ferment trop de détail , pour ne pas faire
perdreinutilement un temps que l'on doit
quelquefois employer aux affaires ou à
d'autres études conformes à l'état de vie
que l'on a embrassé.
La Préface de ce Volume , plus courts
11. Vel. Fiiij que
1382 MERCURE DE FRANCE
que celle des autres , est suivie d'une Lis
te très- succincte
de ce qui est absolument
necessaire
pour connoître
toutes les Nations dont l'Histoire
est traitée
dans cette cinquième
année .
L'Auteur fait esperer dans peu le sixiéme
Volume qui termine cet Ouvrage interessant
pour la jeunesse ; et qui n'est
pas même inutile pour des Personnes plus
avancées , mais qui ont besoin de ne pas
languir long-tems sur les mêmes Etudes.
SUITE des Lettres de M....... sur la
Bibliotheque Italique , ou Histoire Litteraire
de l'Italie . Tomes VIII . et IX. 1730 ,
AGenève , chez Marc- Michel Bousquet et
Compagnie , pp. 278. et pp. 276.
Dix Articles , Monsieur , font tout le
contenu du VIII . Volume de la Biblioteque
Italique dont je ne toucherai ici que
les Principaux. Le premier présente un
Ouvrage important de M.Fontanini écrit
en Latin. Nos Journalistes en ont traduit
le Titre de cette maniere. Défenses des
Diplômes anciens contre les doutes élevés
par le P. Germon , dans l'Ouvrage
qui a pour Titre : De Veteribus Regum
Francorum Diplomatibus , & c. En deux
Livres, avec un Appendix sur les anciens
Auteurs , par M. Juste Fontanini du
11. Vol Frioul ,
JUIN. 1737. 1383
Frioul , Profeffeur public en Eloquence à
Rome. Rome 1705. pp. 287. sans l'Epitre
dédicatoire & l'Indice des Chapitres.
Le P. Germon Jesuite avoit critiqué
I'Ouvrage du P. Mabillon : De Re Diplo
matica : et il avoit proposé dans son Ou
vrage : De Veteribus Regum , &c. beaucoup
de doutes , & même des preuves ,
d'abord contre tous les Diplômes en general
, & ensuite contre plusieurs de ceux
que le P. Mabillon avoit tenus en particulier
pour authentiques . C'est cet Ouvrage
du P. Germon , que M. Fontanini
s'attacha alors à réfuter dans sa défensedes
Diplômes , qu'il divisa en deux Parties
, dont la premiere est employée à
détruire les argumens du P. Germon con⚫
tre les Diplômes en general , et la seconde
, à justifier en particulier l'authenti
cité de quelques Diplômes publiés par
le P. Mabillon, & attaqués par son Critique.
Le Journaliste ne donne ici l'Extrait"
que de la premiere Partie. On peut voir
sur cette dispute du P. Germon les Memoires
de Trevoux du mois de Mai 1713 .
p. 843. et le troisiéme Volume de l'Ouvrage
du même Jesuite , dans lequel il
répond à M. Fontanini.
LeJournaliste reprend dans l'article 20
la suite de l'Extrait qu'il avoit donné dans
II.Vol.
le:
Fy
1384 MERCURE DE FRANCE
le VI. Volume , du 7. Tome du Recueil.
de M. Muratori : c'est à - dire , 1 ° . de la
Chronique de Sicard , Evêque de Cremone
, Ecrivain du XIII . Siecle , dont l'Ouvrage
commence à la Naissance de J. C.
et finit en 1221. Cet Auteur étoit mort
dès l'an 1215. Ainsi il faut qu'il ait eu
un Continuateur . 2 ° . D'une courte Chronique
de Cremone depuis l'an 1096.
jusques à l'an 1232. par un Anonyme.
3 ° . L'Histoire de la Conquête de la Terre
Sainte , écrite en François par Bernard
Trésorier , et traduite en Latin par François
Sipino de Bologne , Dominiquain .
Cet Ouvrage finit en 1230.Ilne paroît pas
qu'il dût entrer dans un Recueil des Historiens
d'Italie , mais la part que les Italiens
ont eue aux Guerres d'Outre- Mer
la découverte de cette Piece , qui étoit
comme perdue , et enfin la Nation du
Traducteur qui étoit Italien , ont déterminé
M. Muratori , à lui donner place
dans son Recueil. Les Auteurs de la Bibliotheque
Italique font une comparaison
curieuse de plusieurs endroits de certe
Histoire de Bernard , avec la nouvelle
Histoire d'Angleterre de M. Rapin , dans
les Points qui sont traités par P'un et par
Pautre de ces Historiens. 4° . Une Chronique
de Fossanova , depuis la premiere
II. Vol. annće
JUIN. 1737. 1385
année de l'Ere Chrétienne jusqu'à l'année
1217. 5° . Une Chronique de l'Eglise
d'Ateno , depuis Jules Cesar jusqu'à
l'an 1355. c'est peu de chose . 6. Une
autre du Monastere de la Trinité de Ca
va , depuis l'an 569. jusqu'à l'an 1318 ..
c'est pour la premiere fois qu'elle paroît.
M. Muratori l'a recueillie de plusieurs
Mss . differens . 7° . Une Chronique de Richard
de S. Germain depuis l'an 1189 .
Epoque de la mort de Guillaume Roi de
Sicile , jusqu'à l'an 1243. 8. Les Ephemerides
de Naples , ou le Journal de ce
qui s'est passé dans ce Royaume depuis
Fan 1247. jusqu'à l'an 1268. par Mat
thieu Spinelli de Giowenazzo , publié en
Italien pour la premiere fois , avec les
Notes du P. Papebrock.
L'Article III. est employé à donner
un Extrait plus étendu de l'Ouvrage du
Comte de Mezabarba , dont le Journaliste
avoit déja tracé le plan dans le Tome
V. Il donne dans le I V. Article , la suite
de l'Extrait du Voyage Historique d'Italie.
Il y a peu de choses à vous en dire ,
sinon que l'on n'y épargne jamais les
traits de Satyre , sur ce qui peut avoir ra-
· port à la Religion Romaine . A la fin de
l'article le Journaliste soutient contre
l'Auteur du Voyage , qu'un Prince ou
11. Vol. F vj
12
1386 MERCURE DE FRANCE
un Ambassadeur Protestant ne peut bai
ser les pieds du Pape par honneur , sans
blesser sa conscience et sa Religion .
y,
La suite de la Lettre manuscrite du
Comte de..... sur le Caractere des Ita
liens , fait le V. article. Il continue à
traiter de l'Etat de l'Italie par raport aux
Sciences . Dans cette partie de sa Lettre ,
illes regarde particulierement du côtédes
Langues ; de l'Italienne d'abord , puis
de la Latine , de la Grecque, de l'Hebreu ,
du Chaldaïque , et de l'Arabe. Le Comte
donne une notice des meilleurs Auteurs
Italiens qui ayent cultivé depuis le
XVI. Siecle , ou qui cultivent encore
aujourd'hui ces Langues . L'Auteur passe
ensuite au goût et à l'Etude des Medailles
, et de tout ce qui concerne l'Antiqui
té , et il a soin de nommer les principaux
Sçavans d'Italie qui s'y sont apliqués.
Cette Lettre est assurément une Piece
curieuse , et qui mériteroit bien qu'on
Pimprimât entiere dans un seul Volume ş
elle serviroit à faire connoître le progrès
et l'état present des Sciences en Italie depuis
le XVI . Siécle , et à désabuser ceuxqui
croyent que tout l'esprit du monde
est renfermé dans leur propre Pays. Le
Journaliste y a ajoûté au bas des pages ,..
un détail très- recherché de tout ce qui:
II. Vol concerne
JUIN. 1737 1387
concerne les Sçavans et les Ouvrages dont
il est parlé dans la Lettre. Sans ce detail
elle sembleroit manquer d'une partie es
sentielle.
Je ne m'arrêterai pas sur l'Extrait dư
III. Tome des oeuvres du Cardinal Noris
qui fait l'Art. VI. ni sur le VII. Art. qui
n'est qu'une Critique de l'Edition des
Chroniques de Villani , qui a été faite à
Milan en 1729 , et à laquelle on en prefère
une autre qu'on préparoit alors à
Florence.
J'obmets aussi les deux articles qui
suivent , les sujets en étant ou peu importans,
ou très- connus, pour dire un mot des
Nouvelles Litteraires de ce VIII . Tome .
lesquelles on trouve pour la pluspart dans
d'autres Journaux , comme la nouvelle
Edition de Cornelius à Lapide , et de la
Byzantine , faites à Venise , l'une chés
Albrizzy, et l'autre chés Giavarina . Celuici
a encore imprimé l'Euchologe des Grecs
du P. Goar: et les Antiquités Romaines
de Grævius, de Gronovius & de Sallengre.
On aprend de Milan que le P. Orsi Do
minicain , a fait imprimer une Differtarion
sur l'invocation du S. Esprit dans
les Liturgies Grecques et Orientalès , I.
vol. 4. Milan 1736. Il s'attache à éclaircir
les Actes du Concile de Florence , et
LK Vol. à prou7388
MERCURE DE FRANCE
à prouver que le sentiment des Grecs
n'est pas aussi fondé sur la tradition que
l'ont avancé les Peres Touttée , Benedictin
, dans son Edition de Saint Cyrille
de Jerusalem , et le Brun de l'Oratoire
dans son Livre des Lyturgies.
Il me reste , Monsieur , à parcourir ict
les principaux articles du IX. Tome de
ce Journal. Le premier et le plus considerable
regarde la Bibliotheque Orientatale
de M. Asseman , Syrien , et Sçavant
Maronite du Mont - Liban. Cet Ouvrage
a pour Titre : Bibiotheca Orientalis ( Cle.
mentino- Vaticana ) & c. ou Bibliotheque
Orientale Clementine du Vatican , dans la
quelle Joseph Asseman Syrien , Maronių ,
Docteur en Théologie , & c , a revi et aran.
rangé des Mss. Syriaques , Arabes, Persans,
Turcs , Hebreux , Samaritains , Armeniens,
Ethy piens , Grecs , Egyptiens , Georgiens ,
et Malabares , aporiés du Lev ant , et mis
dans la Biblioteque du Vatican , par l'ordre
du Pape Clement XI. separé les vrais Ecrits
des suposés , et donné la vie de chaque Awteur.
IV. Tom. fol . Rome 1719.
Cet Article est important , et c'est
ce me semble parler un peu tard de
ce qui en fait le sujet : voici ce qui a
donné occasion à ce grand travail . Clement
XI. avoit envoyé en 1707 en Egyp
11. Vol te
JUI N. 1737. 7389
te le Maronite Elie , Cousin de M. Asse
man ,pour y acheter des Manuscrits des
Moines du Désert. Il n'y en put acquezit
que 40 dans le Monastere de Sceie ou
Sait , quoiqu'il y eût une Grote remplie
de Mss. Arabes , Cophtes, et Syriaques, entassés
sans ordre les uns sur les autres. Ils
furent aportés à Rome sur la fin de 1707.
Entre cette année et l'année 1715 , le
Pape acquit pour la Bibliotheque Vaticane
un grand nombre de Mss . Orientaux
de differentes Bibliotheques , entre lesquels
étoient ceux du fameux Voyageur
Pietro della Valle. Clement XI . envoya
encore en 1715 , en Orient à la recherche
des Mss . Il en chargea M. Asseman
, qui avoit déja été préposé depuis
l'an 1707 , par le Pape , au soin et à l'examen
des Mss. Orientaux. M. Asseman
en acquit un assés bon nombre , soit en
Egypte , où il alla deux fois , soit en Syrie.
Il ne fut de retour à Rome que deux
ans après .
Jusques là on n'avoir connu des Aufeurs
Chaldéens , Syriens et Arabes , que
ce que S. Jerôme , Gennade , Abraham
Ecchellensis , et Fauste Neiron , Maronires
suivis par Cave et pir Hottinger , en
avoient dit, ce qui n'étoit pas fort considerable.
M. Asseman à l'aide de ses sça-
II. Vole vautes
1390 MERCURE DE FRANCE
vantes recherches , des differens Ecrivains
qu'il a consultés , et des Mss . nombreux
de la Bibliotheque Vaticane , répand un
grand jour sur la Litterature de ces Nations.
Il rectifie ce que des Sçavans ont
dit de moins juste sur la Chronologie ,
sur la Topographie , sur les noms et les
Actions de plusieurs Hommes illustres ,
et il éclaircit beaucoup l'Histoire Ecclesiastique
, dans tout ce qui concerne l'o
rigine , les erreurs , les progrès des Mo
nophysites , des Nestoriens , des Monothelites
, et les tumultes que ces Sectes
ont causés dans l'Asie. On voit aussi dans
cet Ouvrage la suite de tous les Patriar
ches de chaque Secte , ce que le R. P. let
Quien recherchoit avec tant de soin
pour
son Oriens Christianus , la Succession dest
Evêques , les principales Actions , et les
Ecrits des plus celebres de ces Auteurs.
Pour ce qui regarde le Plan de l'Ouvra
gé , je n'entens pas bien l'exposition que
les Journalistes de Genève en donnent ,
lorsqu'à la page 16 du vol . dont nous
parlons , ils disent que la matiere des Re
marques et des Differtations de M. Asseman
est divisée en 4 Classes , sur le
plan de la Bibliotheque Orientale. La
premiere des Auteurs Syriens Orthodoxes
, Jacobites , et Nestoriens , soit
MI. Vol
qu'ils
JUIN. 1737. 1357
qu'ils ayent écrit premierement en Syria
que , ou qu'ils ayent été traduits de quel
que autre langue en celle - là . La seconde
Classe des Auteurs Arabes , soit Chrétiens
, soit Mahometans. La troisiéme des
Livres des Cophtes , et des Ethyopiens ,
outre quelques Monumens de la Science
des Persans et des Turcs. La quatriéme
enfin des Livres sacrés en Syriaque et en
Arabe , tels que sont la Bible , les Rituels,
&c. Voilà donc quatre Classes que les
Journalistes disent faire lePlan de cetOu
vrage ; cependant, page 22 , ils disent que
l'Ouvrage est partagé en 4 Tom . Le premier
des Auteurs Syriens Orthodoxes ;
le second des Auteurs Syriens Jacobites ;
le troisiéme des Syriens Nestoriens ; le
quatrième des Ecrivains des autres Na
tions , soit Orthodoxes , soit Héretiques ,
qui ont été traduits en Syriaque. Or ces
Tomes , comme l'on voit , ne remplis
sent que la premiere Classe du Plan ge
neral , à moins que ce ne soit le premier
vol . seul , qui contienne ces quatre Tom.
ce qu'il auroit fallu specifier.
Je n'entrerai pas dans un plus long dé
tail , ni sur l'execution de ce Plan , ni sur
l'extrait qu'on en trouve ici . On voit assés
par ce que je viens de dire , l'importance
de l'Ouvrage de M. Asseman , et je passe
à un autre Article. L'His
1392 MERCURE DE FRANCE
L'Histoire des Differends entre la Cour
de Rome et celle du Roy de Sardaigne sous
Benoit XIII. et sous le Pape Clement
XII. n'est gueres susceptible d'Extrait,
et demanderoit un trop long détail . On
la voir dans le Livre même , il
est imprimé à Turin par Valetta , İmprimeur
du Roy de Sardaigne , 1. Vol.
in-fol. de 365. pages , ou dans la Biblioteque
Italique, Tome IX.art. 3. et T. X.
árt. 5.
poura
Je ne vous parlerai point non plus de
l'Histoire du Royaume de Naples , du Jurisconsulte
Giannone , dont les Journalistes
de Genêve donnent l'Extrait avec
quelque complaisance . Cet Ouvrage a
été défendu. On accuse l'Auteur d'avoir
mêlé avec quelques verités beaucoup de
conjectures qui prennent un air de vraisemblance
, par le tour que l'Historien
leur donne : conjectures cependant qu'il
avance comme des faits certains , sur lesquels
roulent toutes les déclamations vagues
dont son Ouvrage est rempli .
L'Art. 4. du même I X. Tome contient
la Suite de la Lettre manuscrite du Comte
de .... sur le Caractere des Italiens . Nos
Journalistes en accompagnent l'Extrait
à leur ordinaire , de Notes curieuses et
interessantes sur les Ouvrages de la Vie
II. Vol. des
JUIN. 1737. 1393
des Sçavans et des Hommes Illustres cités
dans la Lettre du Comte.
Les Sçavans d'Italie se sont distingués
également dans la Critique diplomatique
, et dans la connoissance de l'Histoire
Ancienne , Romaine, Grecque, Egyptienne
et Etrusque, & c. A cette occasion
l'Auteur de la Lettre fait un bel
éloge de M. le Marquis Maffei , dont la
vaste érudition , dit- il , a eujusqu'ici trèspeu
d'exemples parmi les Nations Ultramontaines.
La Géométrie , la plus sublime même,
a fait de grands progrès en Italie , ensorte
que M. de Fontenelle n'a pu s'empêcher
d'avouer la superiorité des Géometres
de l'Italie et de l'Allemagne , pour
résoudre les Problêmes les plus difficiles .
La Méchanique , l'Hydrostatique, l'Optique
, la Dioptrique , &c . n'ont pas été
négligées . Pour l'Astronomie , la Géographie
et la Navigation , elles sont moins
cultivées en Italie qu'ailleurs ; quoiqu'on
ne laisse pas d'y avoir de très bons Mémoires
d'Astronomie, entre lesquels ceux
de M.M. Manfredi et Bianchini doivent
assurément tenir le premier rang.
On ne rend pas assés de justice parmi
les autres Nations , aux découvertes que
les Italiens ont faites sur la Physique
II. Vol. l'Anato
1394 MERCURE DE FRANCE
•
l'Anatomie et la Medecine. L'Auteur
nomme à son ordinaire les Principaux
Italiens qui se sont rendus célébres par
le succès de leurs travaux et de leurs
Ecrits dans ces Sciences. En parlant des
Philosophes de cette Nation , il dit que
ces Sçavans , en dévelopant la Nature du
Mouvement, du Choc et de la Pression ,
abandonnent tout-à- fait ces termes vuides
de Sens , tels que ceux d'Horreur , de
Sympathie, d'Apétit et autres, qui quoique
déguisés par differens termes , subsistent
encore chés plusieurs Philosophes
en Angleterre et ailleurs , sous les noms
de Force Plastique , d'Harmonie et d'Attraction.
Les Italiens ont de bons Metaphysiciens
, peu ou point de Chymistes , moins
de Botanistes qu'en Angleterre , et des
Chirurgiens inferieurs en tout point aux
François . L'Italie abonde en Jurisconsul
tes , sur-tout à Rome et à Naples . La
fin de cette Lettre se trouve dans le X.
Tome , et traite des Beaux Arts.
On aprend dans les Nouvelles Litteraires
, Article de Florence , ce qui suit :
Une mort subite nous a enlevé le Docteur
Francesco del TEGLIA , Professeur en
Philosophie Morale , dans le temps même
qu'il recitoit une Harangue , le s
II. Vol Janvier
JUIN. 1737. 13951
Janvier 1731. en presence d'une belle
Assemblée. Il étoit âgé de 60. ans. Disciple
du fameux Poëte Menzini , dont
il a commenté les Oeuvres , il en avoit
reçû un bel éloge en forme d'augure ,
lorsqu'il étoit encore dans l'enfance. Ce
qui avoit donné lieu à cet éloge en Vers
Italiens , raporté dans le Journal , est une
Piece de Poësie Latine qu'il publia à l'âge
d'onze ans , contenant un Panegyrique
de Saint Joseph , par où il eût mérité
une place entre les Enfans Illustres de M.
Baillet , s'il eût pû être connu de lui.
Dès lors il ne fit que croître en mérite
et en belles connoissances , étant devenu
un grand Orateur et un grand Poëte
cant en Latin qu'en Toscan. Il a laissé
plusieurs Ouvrages en Vers et en Prose,
qui sont imprimés.
M. l'Abbé Gori , pour exprimer la
perte que fait la Republique des Lettres,
et pour honorer la Pompe funebre de cet
Homme Illustre , fit une belle Inscription
Latine , qui se lisoit dans un Cartouche
au Frontispice de l'Eglise où il a
été inhumé. L'Inscription est aussi raportée
dans le même Article.
PHARSAMON , ou les Nouvelles Fo
ies Romanesques ; cinquième , sixième,
11. Vol. septième,
1396 MERCURE DE FRANCE
septiéme , huitiéme , neuvième et dixié
me Parties. Par M. de Marivaux. 1737.
in- 8. A Paris , chés Prault , Pere, Quay
de Gêvres , au Paradis .
LETTRE Critique et Historique à l'Au
seur de la Vie de Pierre Gassendi Brochure
in 12. d'environ 80. pp. A Paris , chés
F. Herissant. M. DCC. XXXVII.
Quelque desir qu'ayent les Historiens
de ne rien omettre de ce qui regarde le
sujet qu'ils ont entrepris de traiter , au
moins en Faits d'importance, il leur arri
ve quelquefois de passer certaines choses
sous silence , ou parce qu'ils n'en ont
pas eu de connoissance , ou parce qu'ils
croyent avoir dit l'équivalent . Ce n'est
point à nous à prononcer sur la cause des
omissions que l'Auteur de cette Lettre
remarque avoir été faites par le R. P.
Bougerel , et si ces omissions peuvent
lui être justement reprochées. Il nous
suffira d'observer qu'elle contient quel
ques Articles qui mériteront de trouver
leur place dans une seconde Edition de
cette Vie. Le Public équitable et éclairé
sçaura toujours bon gré à l'Auteur d'a
voir donné sur Gassendi , avec beaucoup
d'ordre , de soin et de sagacité , tout ce
qui est venu à sa connoissance , et on
11. Vol.
n
JUIN. 1737.
1397
deui reprochera jamais d'avoir ignoré
certles Taits particuliers contenus dans
des Ecrits qui ne sont point publics , et
qui , comme tout le Monde sçait , ne se
devinent point.
DESCRIPTION des Tableaux du Pa
dais Royal , avec la Vie des Peintres à la
tête de leurs Ouvrages , dédiée à M. le
Duc d'Orleans , Premier Prince du Sang.
Seconde Edition , revûë , corrigée et aug.
mentée. A Paris , rue S, Severin , chés
Houry , seul Imprimeur et Libraire de
M. le Duc d'Orleans. 1737. in- 12.
15 .
LE JALOUX , Concerto Pantomime,
executé et dansé sur le Théatre de la Comédie
Italienne , pour les Violons , Flutes
, Hautbois , Vielles et Musettes , avec
la Basse continuë et Basson , par M. de
Rochet. Prix 3. livres , les cinq Parties séparées.
A Paris , chés le Clerc , ruë du
Roulle , à la Croix d'or ; chés la Veuve
Boivin , rue S. Honoré , à la Regle d'or,
et à la Comédie Italienne. 1737.
Cette Piece de Symphonie qui a été faite
à l'occasion de la Comédie de l'Italien
marié à Paris , a été très aplaudie , et
parfaitement bien caracterisée au sujet
pour lequel elle a été composée.
II. Vol. DISCOURS
398 MERCURE DE FRANCE
DISCOURS EVANGELIQUES Sur differentes
Verités de la Religion , et d'autant
plus utiles dans chaque état , que les su
jets et les desseins en sont plus particuliers,
et plus rarement traités. Leurs Textes
sont pris ordinairement des Evangi
les de l'Avent et du Carême. Par le P. L.
R. D. S. D. Tome troisiéme . A Paris ,
chés de Billy , Quay des Augustins , à S.
Jerôme;le Clerc, Grand - Salle du Palais , à
la Prudence ; Gissey , rue de la Vieille
Bouclerie , à l'Arbre de Jessé , et Clousier
, rue S. Jacques, à l'Ecu de France
1727. in- 12.
e Public a déja reçû favorablement
les deux premiers Volumes de cet Ou
vrage. L'Auteur L'Auteur
pour le rendre
plus parfait
, et pour satisfaire
à l'empressement
des Lecteurs , a donné ce troisiéme
Tome
, dans lequel , aussi -bien que dans
les deux premiers , on trouve un stile vif,
soûtenu , coulant , un tour naturel , intelligible
, suivi , persuasif
, et des aplications
justes et frequentes
de l'Ecriture
Sainte .
Ce troiséme Volume contient cinq
discours , dont le premier traite des mo
tifs et des dispositions pour aprocher de
la Sainte Table.
Le second roule sur la devotion ena
1
II. Vol. i
vers
JUI N. 1737 1399
رلا 4
Wert Marie , renfe rmée dansle Rosaire.
Le troisième , explique ce qu'il y a à
faire pour arriver au Ciel .
Le quatrième comprend les Vertus
d'un Apôtre , exprimées dans Saint Dominique
.
Et le cinquiéme , fait connoître les
dangers du monde , pour le grand Ouvrage
du Salut.
Legras , Libraire , au troisiéme Pilier de la
Grand'Salle du Palais , et Rollin,fils,aussi Libraire,
Quay des Augustins , donnent avis qu'ils viennent
d'imprimer le Mémorial Alphabetique de toutes
les Matieres des Eaux et Forêts , Pêches et Chas.
ses , avec tous les Edits , Ordonnances , Déclarations
, Arrêts et Reglemens rendus jusqu'à présent
sur icelles , ensemble les Modeles de tous les
Actes des Grands- Maîtres , des autres Officiers
des Eaux et Forêts , et des Instructions pour les
Gardes , &c. Volume in 4. Prix 9 livres.
M. Noel , ancien Conseiller du Roy , Greffier en
chef des Eaux et Forêts de la Table de Marbre ,
Auteur de cet Ouvrage , continuëra de donner ses
Consultations sur ces Matieres en sa Maison
Cloître S. Jean en Greve,
Nous aprenons par des Lettres de Suisse , qu'il
s'est fait depuis peu à Lausanne un Etablissement
considérable, et qui fait bien honneur à ceux qui
en ont été les Promoteurs. Il y avoit dans cette
Ville quelques petits Libraires passablement
fournis de Livres du temps , et une Imprimerie
pour l'usage de l'Académie, Le sieur Marc
II. Vol. G Michel
1400 MERCURE DE FRANCE
Michel Bousquet , Imprimeur et Libraire
Genêve , ayant rompu les engagemens qu'il
avoit dans sa Patrie, et s'étant transplanté à Lausanne
, il y a formé le dessein d'une Imprimerie
et Librairie , pour le succès de laquelle tout a
concouru. La Seigneurie de Lausanne lui a fait
construire sur la Piace S. François , et dans une
belle exposition, un Bâtiment d'une grande éten
due et avec toutes les commodités qu'il pouvoit
souhaiter. Les Magistrats de Berne lui ont aussi
prêté un fonds assés considérable pour dix ans,
sans interêt , et outre ces secours , il s'est formé
une Societé qui s'est chargée d'avoir l'oeil sur le
choix des Livres à imprimer , et sur la correc-`
tion et perfection de l'Imprimerie. Cette Societé
est composée de gens éclairés et d'un mérite
distingué , soit par leur naissance ou par leurs
talens. Elle paroît être formée sur le modele
de la Societé Palatine de Milan , et elle a grande
attention à ne faire imprimer que de bons Ouvrages
, et à ce qu'il ne soit donné que de belles
Editions , qui seront ornées de Vignettes , Cuisde-
lampe et Lettres grises d'un fort bon goût;il
y a un grand nombre de Presses qui roulent journellement
, et il en est déja sorti de bons Livres.
Parmi ceux que la Société se propose de faire
imprimer incessamment , l'on compte 'Histoire
Romaine de Laurent Echard : celle de Naples , par
Giannone, une Traduction Françoise du curieux
Ouvrage du Marquis Maffei de Verone , qui a
pour titre Della Scienza Cavalleresca , et une
autre Traduction en la même Langue , d'une
Histoire de Suisse , écrire en Allemand par M.
Lauffer , Professeur en Eloquence et en Histoire
à Berne , homme d'un beau génie et qui mourut
il y a deux ans d'une chute à la fleur de son âge.»
II, Vel,
*
Cette
JUIN 1737. F401
Cette Histoire s'est trouvée manuscrite parmi
ses papiers ; et c'est M. Loys de Bochar , Profes➡
seur en Droit et en Histoire à Lausanne , l'un
des Interessés dans la Societé , qui s'est chargé
de la traduire et qui s'en acquirera bien, comme
on en peut juger par les Essais qu'il a donnés
de sa capacité , tels que les excellens Extraits
qu'il a fournis à la Bibliotheque Italique , et la
Dissertation qu'il a publiée en 1726. sur les En- ·
gagemens des Soldats , qui a été inscrée dans
les Tomes XI . et XII. de la Bibliotheque Germanique.
Quant à M. Bousquet , il n'oublie rien pour
répondre aux vues de la Societé qui le dirige; il
est arrivé depuis peu de la Foire de Francfort ,
où il a fair emplerte des meilleurs Ouvrages .
d'Allemagne , il attend aussi des envois considerables
de Hollande , et il en a déja reçû plusieurs
de Paris. C'est ce que portent les Lettres
que nous avons vûës.
On y trouve aussi que le Mercure Suisse se continueavec
beaucoup de succès àNeufchâtel.Ce Mer- i
care,qui paroît tous les mois, a commencé en Décembre
1732. et n'a pas été discontinué jusqu'à
- présent. Nous en avons raporté quelques fragmens
dans notre Journal du mois de Juin 1733 .
second volume , et nous aurions continué d'en
faire usage si nous avions cû occasion d'en voir
la suite il est surprenant que ceux de nos Libraires
qui font commerce de Journaux Etran➡
gers , ne se soient pas encore avisés de faire ve - s
air celui- ci , qu'on dit contenir des Pieces cu
rieuses de Litterature , qui sont fournies par des
Sçavans du Pays, et entre autres par M. Bourguet,
Professeur en Philosophie à Neufchâtel , bom
me d'un mérite connu dans la République des
Lettres.
On
Gij
402 MERCURE DE FRANCE
On nous écrit de Hollande , que le premier
jour du mois de Juillet prochain on doit commencer
à la Haye la vente d'une grande et cu
rieuse Bibliotheque, qualification qui est justifiée
par le Catalogue que nous en avons. Nous en
donnerons seulement le Titre qui est te !.
BIBLIOTHECA INDERVELDIANA,
Sive Catalogus Librorum in quavis Facultate es
Arte exquisitissimorum quibus, dum in vivis esset,
utebatur Pranobilis Dominus JOH. WALTHERUS
INDERVELDI , &c. Huic Catalogo sparsim
interposta reperitur et alia Bibliotheca , priori ob
Codicum prastantiam haud quaquam inferior.
Quarum binarum Libros Adrianus Moetjens et
Eustachius de Haen Bibliopola Haga - Batavi in
Aula Magna Curia Hollandia , ad diem 1. Julii
1737. et seqq. Quibuscumque Musarum cultoribus
pagina sequenti expressa conditione venales exponunt
1. vol. in 8. pp . 420. Haga Batavorum, apud
eosdem Bibliopolas M. DCC . XXXVII.
On lit à la page qui suit ce Titre, cette courte
Instruction. Chaque Personne qui achetera
» pour son compte à cette Vente , sera tenuë de
payer argent comptant ; et ceux qui acheteront
en commission , auront six semaines de
crédit pour le payement , à condition qu'ils
donneront caution Bourgeoise.
D
30
» Cer Article ne regarde pas seulement les Particuliers
, mais aussi les Libraires qui seront
»obligés aux mêmes Loix , dont ils ne pourong
-être dispensés , atendu les conventions faites
entre les Proprietaires de la Bibliotheque et
• nous.
» On devra payer , comme c'est la coûtume,
de chaque florin cinq dures.
II. Vol.
EXTRAIT
JUIN. 1737. 1453
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Caën
le 24 May 1737. au sujet des Ouvrages
de M. de Thou.
J
E vous prie , Monsieur , de publier dans le
prochain Mercure le Memoire suivant ; lepublic
poura vous en sçavoir gré , et j'en serai en
particulier tès- reconnoissant. J'ai l'honneur
d'être , & c.
Feu M. d'Ifs, Gentilhomme d'auprès de Caen,
traduisit en 1710. les Memoires de M. de Thou,
et la Préface de la grande Histoire ; il dédía són
Ouvrage à M. l'Abbé de Thou , qui l'honoroit
de son amitié ; cette Traduction fut très- esti
mée ; elle renferme toutes les Poësies Latines de
M. de Thou , mises en Vers François , et sur
tout le Poême à la posterité, qui avoit été imprimé
séparément avant les deux Editions des Mémoires
complets ; la premiere en 1711. in 48
chés Reinier Léers , à Rotterdam , ou plutôt chés
Cailloué , à Rouen. La seconde en 1713. in 12 .
chés François l'Honoré, à Amsterdam , dédiée par
P'Imprimeur à M.le Baron de Schoulembourg.
Une marque de la bonté de cet Ouvrage , c'est
que Mrs les nouveaux Traducteurs de M.de Thou,
l'ont inséré sans y rien changer dans leur prémier
tome, je fais cas sûrement d'une telle Apro
bation; mais zelé comine je le suis pour la gloire
d'un Pere , dont la memoire est également précieuse
- aux honnêtes gens , et aux amateurs des
Belles - Lettres , je ne puis lui laisser ravir le seul
Ouvrage par où il soit connu aujourd'hui dans
le Monde sçavant ; je dis aujourd'hui , car cent
Ouvrages délicats et brillans de génie, lui avoient
acquis pendant sa vie une réputation qu'il s'est
II. Vol.
Gij si
1404 MERCURE DE FRANCE
si pen soucié de perpetuer , qu'après sa mort à
peine ai -je trouvé deux ou trois Originaux.
Je prie donc Mrs les Traducteurs, que je n'ai pas
Phonneur de connoître , de rendre justice à la
verité dans la nouvelle Edition qu'ils préparent
de leur excellente révision , correction et aug
mentation du travail de Mrs du Ryer et Cassandre.
Ils peuvent dire dans un Avertissement qu'ils
ont trouvé la Vie de M. de Thou traduite , tr
qu'ils l'adoptent sans y toucher , ayant crû , avec
raison ne la pouvoir rendre meilleure. Ils peu
vent aussi nommer l'Auteur de cette Traduction ;
je viens de le leur faire connoître , s'ils ne´le
connossoient pas déja , ce que j'ai peine à croire
, après les Aprobations aussi publiques qu'illustres
que mon Pere a cues sur son Ouvrage.
Voilà de quoi j'ai trouvé à propos d'instruire le
Public par zele pour la mémoire de mon Pere
et par amour pour la vérité.
On vient de nous communiquer un Ecrit dons
le sujet nous a parû interessant pour le Public ,
et qui fera , sans doute , plaisir aux Amateurs de
la Physique experimentale. Cet Ecrit que nous
allons donner dans les mêmes termes , est intitulé.
COURS DE PHYSIQUE , démontré par
P'Expérience. Par M. Beuvain .
Comme la certitude des verités de la Physique
et les progrès qu'on peut faire dans cette Science
, dépendent d'une infinité d'Experiences que
tout le monde n'a pas la commodité de faire' ,
deux personnes se sont proposé , pour faciliter
cette étude à ceux qui voudront s'y apliquer , de
donner un Cours de Physique Experimentale ;
P'un qui a ramassé avec beaucoup de soin tous
les Instrumens et les Machines nécessaires , s'est
II, Vol .
charge
MAJU IN
1737. 1409
thargé d'executer les Expériences , et l'autre de
les expliquer et déveloper à leur occasion tous
Jes Phénomenes de la Nature.
On se propose d'embrasser en quelque façon
toute la Physique dans ce Cours , au moins ce
qui est le plus curieux et ce qu'il est plus nécessaire
de sçavoir. On commencera par donner
une idée de la matiere , en faisant connoître son
essence , son étenduë , sa divisibilité , sa mobi
lité , ce qui fera entrer dans l'exposition de la na
ture du mouvement , de ses loix generales et des
principes de la Mechanique, dont on mettra sous
les yeux les differentes Machines , tant simples
que composées.
Après avoir donné quelques connoissances de
la Sphere , on fera vour que le Systême de Pro
lomée , qui place la Terre au centre du Monde,
ne satisfait point aux Observations que les Astronomes
ont faites , et que Copernic seul a trouvé
le juste arangement des Corps Celestes. Dans
Phypothese des Tourbillons qu'on prouvera , on
kendra la raison physique de tous les mouveinens
des Planettes , de leurs aparences , de leurs
Eclipses , &c. la Sphere de Copernic , et differens
Globes qu'on mettra sous les yeux , mais sur tout
le jeu de plusieurs nouveaux Planispheres, faci+
literont l'intelligence de ces Explications.
On expliquera ensuite la nature du feu , et on
apuycra l'explication qu'on en aura donnée par
plusieurs Expériences très curieuses sur la Huidié
, la lumiere , la chaleur et par oposition sug
Je froid. On expliquera la fabrique et l'usage du
Thermometre, Comme la chaleur produit la plupart
des fermentations, on expliquera encore cete
source inépuisable de Phénomenes , en y joi
guant des Expériences , sur tout celle de la pou-
II. Vol. I iiij dra
1406 MERCURE DE FRANCE
åre fulminante ; on fera aussi par occasion quetques
Expériences de Chymie.
Au sujet de la lumiere,on fera voir les différens
Phosphores, les,differentes sortes de Lunettes, particulierement
une d'une nouvelle invention . On
représentera sur une table les objets exterieurs pat
le moyen d'une Chambre obscure , ce qui imite la
maniere dont ils se peignent au fond de l'oeil , du
quelon expliquera la construction ; on fera paroî
tre sur un Plan plusieurs figures qui semblent y
marcher. Le Cylindre en ramasse d'autres qu'on
ne distinguoit pas sur les Cartes. On fera voir
aussi les effets du Miroir ardent. Les couleurs seront
expliquées dans le Systême de M. Mariotte,
et dans celui de M. Newton , dont on répètera
les Expériences. Cette matiere finita par l'im
tation de l'Arc- en - Ciel.
:
On passera ensuite à l'Air , dont la pesanteus
sera démontréé , ainsi que le Ressort , par une
infinité de belles Experiences , après qu'on aura
donné des conjectures sur ces deux Phénomenes
en general. La Machine pneumatique fournira
les plus interessantes. On fera voir que c'est l'air
qui fait monter l'eau dans les Pompes , dont on
démontrera la structure et le méchanisme , aussibien
que celui de toutes les Machines Hydrau
liques , Fontaines , Réservoirs , Jets - d'eau , Mou
lins , Syphons , & c. que l'on mettra sous les
yeux : On expliquera aussi le Barometre.
On fera voir que tous les Corps contiennent
beaucoup d'air, que ce fluide est absolument nécessaire
pour la vie animale ,la circulation du sang,
la végetation des Plantes , qu'il transmet jusqu'à
nos oreilles le son , sur lequel on fera des Expériences
qui découvriront ses proprietés . On finira
ce qui regarde Fair par l'explication de la Poudre
à Canom.
JUIN
1737. 1407
En parlant de l'Eau , on donnera des conjeceures
sur le Flux et Reflux de la Mer et sur l'origine
des Fontaines. On fera des Experiences sur
Pequilibre des Liqueurs , dont on démontrera
les Loix.
En parlant de la Terre , on s'étendra sur les
Métaux et les Mineraux , dont on exposera lä
formation. On s'arêtera beaucoup à la Pierre
d'Aimant , dont on fera les Expériences , parti
culierement celles de l'Aimant artificiel , L'Elec
tricité , qui ressemble à la vertu de l'Aimant , en
fournira d'autres encore très - curieuses, et on réperera
celles que M. Dufay a faites.
En traitant des Animaux , on établira par la
maniere dont se fait leur génération , que la cor
ruption n'y a aucune part , que l'Auteur de la
Nature les a organisés dès le commencement
pour être dévelopés dans le temps. On expliquera
le mouvement des membres de notre Corps ,
les différentes préparations des alimens qui nous
font vivre , la transpiration par les pores , le
mouvement du coeur , la circulation du sang.
On montrera par quels principes les Animaux
marchent, les Oiseaux volent , les Poissons nagent.
On expliquera ce qu'on apelle les sens , le
roucher , le goût , l'odorat , l'oüie ; la vûë , &c.
Ce Cours sera terminé par une Explication
simple de la plupart des Météores, du Tonnerrey
de la Grêle , des Vents , de la Pluye , de l'Aurore
Boreale , & c.
On communiquera aux Personnes qui voudront
être instruites plus à fond sur ces matie
res , des Manuscrits où elles sont traitées avec
étendue et on leur indiquera les Livres qu'elles
peuvent lire utilement.
Ce Cours de Physique se fait actuellement chés
II. Vol.
G- Y
140 MERCURE DE FRANCE
M. Rogeau , Maître de Mathématiques , rue des
Lavandieres , proche celle de S. Germain l'Au
-xerrois .
Dom André Gonzales de Barcia , du Conseil
et de la Grande Chambre de Castille, donne avis
au Public qu'il se dispose à mettre sous presse
une Edition en six volumes in folio , Nicola!
Antonii Bibliotheca Hispanica , publiée ci - devant
aussi en deux tomes in folio , ayant déja reçû
beaucoup de secours des Sçavans d'Italie , Cata-
Jogue , Portugal , et autres Endroits de l'Espa
gne , il lui reste à prier ceux de France , Flandres,
Pays- Bas , de Hollande , d'Angleterré , d'Allemagne
, de Suede et Dannemarc , de vouloir
l'aider de leurs Découvertes ; il auront la bonté
de lui adresser leurs Manuscrits à Madrid , on
au sieur Montalant , Libraire à Paris , par les
voitures publiques et non par la Poste. Il aura
one attention infinie de leur en marquer sa re
Connoissance.
On trouvera au Caffé de la Marine , vis-à- vis
l'Hôtel de Toulouse , près la Place des Victoires,
et au Palais Royal , Les Tables Chronologiques de
Tous les Opera représentés à Paris par l'Académie
Royale de Musique , et de toutes les Pieces repré¹
sentées sur le nouveau Théatre Italien , jusques et
compris l'année 1736 .
L'Auteur promet donner incessamment une
pareille Table Chronologique pour le Théatre
Fran çois.
Chique Exemplaire aura la Marque que l'Autour
in lique ici , c'est -à- dire des Lettres D. G.
avec sou Paraphe.
II. c . Le
JUIN. 1737. 1409
Le 15. du mois dernier , l'Académie Royale
de Peinture et Sculpture, reçut M. Adam, Sculpteur
, dont les Ouvrages se ressentent avantageusement
du long séjour qu'il a fait à Rome.
M. Tremoliere , qui a été six ans à Rome Pensionnaire
du Roy , digne Eleve de M. Vanloo ,
et M. Boizot , Peintres , M. de la Tour , Peintre
en Pastel , de réputation.
M. Adam a été reçû sur un Groupe de Marbre
, représentant Neptune et un Triton , générálement
aprouvé.
M. Tremoliere , sur un grand Tableau , représentant
Ulisse sauvé du naufrage par le se-
Cours de Minerve , d'une gracieuse et belle execution.
M. Boizot , sur un Tableau représentant Apollon
et Leucotoé , peint avec beaucoup d'intelligence
et de graces , er M. de la Tour , sur cing
Portraits très -ressemblans .
Le sicur J. B Le Bas, vient de faire paroître une
Estampe en hauteur , de sa composition , et gravée
par lui , où il a heureusement exprimé le
badinage du jeu de Colin - Maillard. Elle se vend
chés lui , ruë de la Harpe , vis-à- vis la rue Percée
, 1737. On lit ces Vers au bas.
Arrache ce bandeau , Damon , tu n'es pas sage
De t'exposer aux tours malicieux
D'un Sexe dont on doit craindre le badinage.
D'ailleurs pour avoir l'avantage
De contempler des attraits gracieux ,
On ne peut trop ouvrir les yeux.
I I. Vol. G vj FRAN1412
MERCURE DE FRANCE
pouroient écrire à M. le Sécretaire ou à tout au-
Ire de Messieurs les Académiciens ; on les averque
s'ils sont découverts par leur faute , il seront
exclus du Concours.
Lit
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra
le recevoir dans la Séance publique de l'Acadé
mie du 14 Avril 1738. sinon il envoyera à une
personne domiciliée en cette Ville une Procuration
, qui sera remise à M. le Secretaire , avec
le Récépissé de l'Ouvrage .
La Piece qui a remporté le Prix cette année
est de M. La BEUF , Chanoine et Sous - Chantre
d'Auxerre ; elle sera imprimée et donnée in
cessamment au Public , avec deux autres Dissertations
sur le même sujet , dont une est Latino
1
Le 14. Avril, mourut à Basle Christophe Iselin,
Professeur en Théologie dans l'Université de
cette Ville, et Associé de l'Académie Royale des
Inscriptions et Belles- Lettres de Paris .
Mathieu Marais , Avocat au Parlement de Pa
ris , distingué dans sa Profession , sur tout pour
les Consultations , mourut le 21. Juin, âgé d'environ
73. ans. Il avoir fort cultivé les Lettres ,
et étoit lié avec plusieurs Sçavans de réputation.
M. Bayle a parlé de lui avec éloge en plusieurs
Endroits de son Dictionaire , et encore plus
dans ses Lettres , il y en a même plusieurs dans
le Recuci imprimé , qui lui sont adressées , et
ce sont les plus interessantes. Bayle avoit raison,
car M. Marais lui avoit communiqué de trèsamples
Mémoires , il avoit même fait des Articles
particuliers du Dictionaire Critique. L'Abbé
le Clerc , qui a fait la Critique de Bayle , l'adressa
à M. Marais , dont il respectoit le mérite
e connoissoit l'érudition . Enfin toutes les Per-
11. Vol.
sonnes
JUIN. 1737 1415
sonnes qui l'ont fréquenté , témoignent qu'il
étoit d'un commerce doux et aimable , communi
quant volontiers ce qu'il sçavoit. Il n'avoit pay
é é marié,
On aprend de Londres , que l'Epouse du sicur
Thomas Martin , accoucha le 16. de ce mos
Ratchiff , de trois garçons et d'une fille.
LETTRE à M. ** à Paris , sur les
Pilules Mercurielles de M. Bellasie.
Lorsque
Orsque je suis parti pour l'Italie , Monsieur,
vous m'avez chargé expressément de vous
donner des informations particulieres sur les
Pilules de M. Belloste. Je vous dirai , qu'étant
arrivé à Turin , j'ai été assés malheureux
pour n'y pas rencontrer M. le Docteur
Belloste ; j'ai parlé à son Correspondant , lequel
m'a dit qu'il étoit allé à Casal - Montferrat , &c.
A Milan et à Bresse , où j'ai séjourné , on m'a
assuré que ces Pilules y sont contrefaites ; mais
il n'y a rien de surprenant en cela , puisqu'elles le
sont bien à Turin même. Etant arrivé à Venise,
je ne me suis pas laissé entraîner si fort au torrent
des plaisirs qui y abondent en cette saison
que je n'aye songé à vous satisfaire . J'ai trouvé
qu'on a imprimé ici la Traduction Italienne du
premier tome du Chirurgien d'Hôpital , mais da
second on n'en a traduit que le Traité du Mercure,
parce qu'il est plus universel pour la guérison
des Malades , et que le premier paroît être suffisamment
instructif pour le pansement des blesses
; au bas de ce petit volume , qui n'est que de
123. pages , on a ajoûté deux Lettres que je me
suis donné la peine de traduire moi- même mor
11. Vol.
1414 MERCURE DE FRANCE
à mot , persuadé que je suis que vous ne sçau
rez bon gré de vous les communiquer. Vous ver
rez dans la derniere le caractere de feu M. Bel
loste , et le cas qu'on peut faire de son Remede.
Cette Lettre est d'autant plus digne de foi qu'elle
est d'une personne respectable, qui a eu l'honneur
d'occuperà la Cour de Savoye un poste égal à
son mérite , et qui est ici dans une estime universelle
par sa pratique et par le rang distingué
qu'il tient dans une des plus celebres Universitée
de l'Europe.
LETTRE adressée à M. Cicognini
Conseiller et Premier Médecin de feuë
Madame Royale , Douairiere de Savoye
, et Premier Professeur de Mé
decine Théorique dans l'Université de
Padoüe.
L s'est excité dans ce Pays, Monsieur , une cu-
I riosité quasi universelle de lire le Traité de
Mercure de M. Belloste , inséré dans son Livre
intitulé Suite du Chirurgien d'Hôpital , à causé
des effets admirables qu'on dit avoir été produits sur
diverses personnes par le Mercure ; cè qui a fait
qu'un de mes amis s'est disposé à mettre au jour
Ta Traduction Italienne qu'il afaite de cet Ouvra
ge , pour satisfaire aux pressantes sollicitations d'une
personne de consideration qui l'en a prié. Mais
parce qu'il craint qu'il n'y ait quelqu'un , comme
il arrive ordinairement lorsqu'on propose de nouveaux
Remedes , qui accuse l'Auteur d'imposture
et qui méprise le mérite d'un tel Remede , il souhaite
de joindre à l'impression de cet Ouvrage voire
témoignage sincere et autentique , par lequet
LI. Vol
078
JU IN, 1737. 1455
or vende justice à la probité de l'Auteur et à la
bonté de son Remede. Pour obtenir de vous cette
grace il s'est adressé à moi , étant persuadé de mon
attachement pour votre service , et de votre bonté
singuliere à mon égard ; et c'est pour lui complaire
que je prends la liberté de vous suplier , Monsieur,
de me donner quelques informations des moeurs
et du merite de M. Belloste, et de rendre témoigna
gne de ces effets desquels cet Auteur dit que vous
avez été témoin oculaire , comme dans le cas de
M. le Chevalier de Morette , de M. le Comte
d'Arc , Bavarois , de Mad, la Comtesse Busque ?,
et de M. Marchetti , Médecin de S. E. M. le
Cardinal Pic de la Mirandole. Par ce moyen voiss
ferez honneur à la memoire de ce grand homme qui
vous a été parfaitement connu vous rendrez un
service considérable au Public , en certifiant les ef
fets d'un Remede dont l'usage pouroit être d'une
utilité infinie , et vous m'obligerez sensiblement
dans le dessein où je suis de servir mon ami. Je ne
manquerai pas de chercher les occasions à vous témoigner
une vraye et parfaite reconnoissance , et
Pestime toute particuliere avec laquelle je suis, s
N. C.
Ꮴ
A Venise ce 2. Aoust 17:34.
REPONSE de M. Cicognini.
..
Ous m'ordonnez , Monsieur , de vous don
ner quelques éclaircissemens sur la probité de
M. Belloste , Auteur du Livre intitulé Suite du
Chirurgien d'Hôpital , et de la vérité des faits
dans lesquels je suis cité comme témoin. Il n'est rien
de plus équitable que de rendre justice à la vérité et
de complaire en même- temps à un ami comme vous,
Monsieur , pour lequel je conserve tant d'estime.
II. Vol. On
1418 MERCURE DE FRANCE
Versailles , chés M. le Paige , Commissaire , qui
a bien voulu , pour l'utilité du Public , se charger
d'en faire faire la distribution , après en
aroir fait un heureux usage.
Le sieur Charles Presle , Marchand Jouaillier ,
donne avis qu'il a inventé de nouveaux Plateaux
pour les Services de fruits et desserts de tables ,
dans des goûts variés , dont la magnificence ,
l'ordre, l'arangement et le coup d'oeil , font plai
sir , outre les doubles objets que les glaces représentent
et qui produisent un effet très agréable. I
en a fourni à divers Seigneurs, Ambassadeurs et
autres Errangers , tous de differentes manieres et
à differens Services ; il en fait fabriquer actuellement
qui peuvent servir à toutes sortes de ta
bles , soir grandes , moyennes , ou petites , et en
12. ou 15. sortes de Desseins, selon comme l'on
veut afanger les Plateaux .
Il demeure rue S. Martin , au coin de celle de
Venise , à la bonne Foy. Ceux qui en voudrost
voir , peuvent aller chés lui. Il en vend et donae
à loyer à juste prix.
A l'égard des prix qu'ils se vendent, on ne peut
pas les déterminer, par raport aux augmentations
ou diminutions d'ouvrages et chantournemens
que les personnes qui en souhaitent désirent ; de
même des nombres et grandeurs de Plateau
proportionnés aux grandeurs des tables.
II. Vol. CHANSON
THET
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATION
3
THE
NI
PUBLIC
JUIN.
1737. 1419
HANSON ,
2. Musique par M. Rousseau ;
à Chambery.
Papillon badin , caressoit une Rose
Jouvellement éclose ,
i-tôt il quitta pour suçer un Raisin ;
h ! dit la charmante Catin ,
voit tristement à son Berger volage
Bacchus , tu m'as ravi son coeur ;
ns - nous tant d'Amans sans ton Jus eniteur
Dégoûtés du tendre esclavage
ius , cruel Bacchus , ta fatale Liqueur ;
ous les inconstans est -elle le breuvage t
SPECTACLES.
A Comédie Héroïque de l'Ambi
tieux se soutient toujours au Théa-
François , et attire de nombreuses
Assemblées , malgré les chaleurs.
On prépare pour ce Théatre une Piece
n trois Actes , sous le titre des Caracte-
41. Vol. res
1420 MERCURE DE FRANCE
res de Thalie , titre heureux , et qui ras
portera bien de la gloire à son Auteur ,
s'il est traité heureusement. Nous sorons
attentifsà en donner unejuste Ana
lyse et à les sentimens du Pu
raporter
blic que nous tâcherons de recueillir avec
l'impartialité dont nous faisons profes
sion.
*
Le 15. Jain , les Comédiens Italiens,
remirent au Théatre une Comédie qui a
pour titre l'Italien marié à Paris. Cette
Piece qui est de la composition de M. Riccoboni
le Pere , retiré du Theatre depuis
1729. fut jouée en Italien avec beaucoup
de succès en Juillet 1716. L'Aug
teur yjouoit le premier rôle , c'est- à - di-,
re , celui du Jaloux d'une maniere ini
mitable . La même Piece fut remise au
Théatre en cinq Actes au mois de Novembre
1728 traduite en Prose par l'Auteur
, lequel fut remplacé dans son rôle
par le sieur Pagheti , autre excellent
Comédien mort en 173 2. Dans cette derniere
reprise , la même Piece a été redui,
te à trois Actes , et mise en Vers libres
par M. de la Grange , connu par d'autres
Pieces qu'il a données au même Theatre.
Elle a été reçue très -favorablement du
Public. Le Sieur Romagnesy joue le pre-
II. Vol, mier
JUIN. 1737. 1421
mier rôle avec aplaudissement. La Piece
est terminée par un très-joli divertisse
ment dansé par les Acteurs et Actrices
de la Troupe , &c. L'execution en a été
generalement goûtée , ainsi que le Balet
composé par le sieur Riccoboni ; et la
Musique de la composition du sieur Durocher,
Auteur de plusieurs Ouvrages de
Musique reçus très favorablement du
Public. On peut voir un Extrait fort au
long de la même Piece dans le premier
Vol. de Décembre 1728 page 2701 ,
"L'Academie Royale de Musique continue
les representations du Balet des
Amours des Dieux , que le Public voit
toujours avec plaisir ; quoique ce Balet
soit composé d'un Prologue et de quatre
Entrées , on a été obligé de suprimer la
seconde , pour finir l'Opera de meilleure
heure , et donner ce temps à la promenade
; les rôles ont été très - bien remplis
dans cette reprise ; la Dlle Julie , et les
sieurs le Page et Jelyou chantent les rôles
du Prologue . La Dlle Petitpas , et les
sieurs Dun et Tribou ceux de la premiere
Entrée , la Dlle Pelissier joue le rôle
de Corones , et le sieur Tribou celui d'Apollon
, dans la troisiéme Entrée ; et la
Dlle Antier , et le sieur Albert nouvel
II, Vol.
Acteur
7422 MERCURE DE FRANCE
Acteur ( qu'on a déja entendu ici ) exe- \
cutent très - bien les rôles d'Ariane et de
Bacchus.
On prépare pour ce Theatre l'Opera de
Cadmus, Tragedie , la premiere que Qulnault
ait donnée au Theatre Lyrique , et
le premier Poëme en ce genre que Lully
ait mis en Musique.
TAMBOURIN
Du Balet des Voyages de l'Amour.
PARODIE .
Par M. Fuzilier le Fils.
QUe ce jus divin
Nous mette en train.
Son doux refrain
L'enseigne.
Voici le plaisir,
Songeons à le saisir
Et qu'à loisir
Il
regne ,
S'en lasse-t-on y
Non.
Plus un coeur en prend ,
Plus il sent
} bis.
II. Vol. DS
JUIN. 1737. 1423
De penchant
A suivre un bien dont l'attrait
Plaît.
Viens Momus ,
Trouver Baccus ,
Les ris ,
Ses favoris
Sont faits
Pour les Banquets
Que tu soutiens ,
Viens.
Rends-nous fine
Calotins ,
Rends- nous
Tous
Foux,
Trop heureux ;
Grands Dieux !
Ceux
Qui suivant ta Loy ,
Ne connoissent que toi
Roy.
Le 28. Juin , l'ouverture de la Foire
S. Laurent fut faite par M. le Lieutenant
General de Police , avec les Ceremonies
accoutumes. Ce Magistrat avoit rendu
le 14. du même mois son Ordonnance
concernant ce qui doit être observé par
II. Vol. Hle
1424 MERCURE DE FRANCE
les Marchands qui y sont établis , et renouvelle
les défenses des Jeux , & c .
›
Le même jour , l'Opera Comique fit
aussi l'ouverture de son Theatre par
deux Pieces nouvelles d'un Acte chacune
en Vaudeville , avec des divertisse
mens , intitulées l'Amour Paysan et la
Fée Brochure , précedées d'un nouveau
Prologue adressé au Public , pour se le
rendre favorable pendant le cours de la
Foire. Un nouvel Arlequin Anglois execute
dans le divertissement une Danse
de Paysan yvrogne avec aplaudissement
; il y a encore quelqu'autres nouveaux
Acteurs qui dansent differentes
Entrées dans les diversissemens , lesquels
sont terminés par un Acte pantomime
très bien executé par tous les Danseurs ,
et par quelques Acteurs de la Troupe.
NOUVELLES ETRANGERES.
LETTRE écrite de Constantinople lo
14. Février 1737.
M
R Fawkener , Ambassadeur d'Angleterre
à la Por e , se prépare à se endre incessamminent
au Camp du Grand Visi , on dit qu'il
sera suivi de près par M. Calkoën , Ambassadeur
d'Hollande.
11. Vol,
Soliman
JUI N.
1737. 1425
Soliman Pacha fut nommé le 20. Janvier
Capitan Pacha , où Amiral , il étoit ci - devant
Bey , ou Capitaine de Galere .
Le 4. de ce mois les Patriarches Armeniens
de Jerusalem et de Constantinople , et le Noncé
du Patriarche Armenien de Perse , accompagaés
d'un nombre de Metropolitains et de plusieurs
Personnes des plus notables de leur Nation
, vinrent dîner chés M. l'Ambassadeur de
France , qui les traita splendidement ; les deux
Patriarches en s'en retournant entrerent dans la
Chapelle du Palais , où ils firent leurs prieres
qu'ils accompagnerent de beaucoup de génuflexions
, le Patriarche de Jerusalem alla même
baiser l'Autel. Ils admirerent les differentes Pein
tures dont cette Chapelle est ornée , et sur tout
le Mausolée qui renferme le Coeur de M. le
Comte des Alleurs , Ambassadeur de France a
la Porte , cet Ouvrage qui a été fait à Venise est
veritablement d'un grand goût et d'une noble
simplicité. 1
- Le 7. Février M. le Marquis de Villeneuve ,
Ambassadeur de France , eut une Audience de
Kajmakan dans une Maison de plaisance située,
au Fauxbourg de Youp.
Le 8. un Vaisseau de Guerre de Tripoly de
Barbarie entra dans le Port de Constantinople ,
il aporte au Grand Seigneur le tribut , ou present,
que cette Republique envoye à sa Hautese.
Le 9. M. l'Ambassadeur de France fit sa premiere
visite à Soliman , nouveau Capitan Pacha.
On a apris que M. Dahlman arriva le 21 .
Janvier au Camp du Grand Visir , et qu'il eut
le 26. une audience de ce premier Ministre qui
lui fit present d'une Pelisse de Samour , d'un
Cheval harnaché et d'un Sabre ; Mad. Dahlman .
II. Vel qui Hij
1426 MERCURE DE FRANCE
qui avoit pris la route de Vienne , dois , dit-on , a
revenir à Andrinople.
On travaille toujours avec beaucoup d'acti
vité dans l'Arsenal de cette Ville à la construç
tion d'un grand nombre de Galiotes , Brigan
eins et Bateaux plats , destinés à passer dans la
Mer noire dès que la Saison le permettra.
EXTRAIT d'une autre Lettre écrite
de Constantinople du 6. M. ay 1737.
le Na écrit de Babadag du 22. Mars , que
Kan des Tartares après son expedition en
Ukraine avoit repris la roure de Crimée et qu'il
devoit être de retour à Baccheseraï.
Le 28. Mars l'Armée Navale sortit de ce Port;
elle étoit composée de 15. Galeres , er de 200.
Galiotes , ou Brigantins , et de 6 Fregates.
Le
30. il y eut un Incendie à Constantinople
qui causa un grand dommage par une quanrité
considerable de Ris , d'Huile , de Legumes
et autre provisions , qui ont été consumées par
le feu.
Le 29. le Mektoupgi , ou Secretaire du Grand
Visir arriva à Constantinople. Le 30. il fut tenu
un grand Divan à la Porte, où assisterent les
Principaux des Gens de Loy et les Chefs des Milices
. On y exposa la necessité de faire la Paix.
Le Mufty donna son Terfa, portant qu'il étoit
permis de faire la Paix avec les Infidéles , lorsqu'on
ne pouvoit continuer la Guerre sans s'exposer
à un peril évident ; sur cette décision , il
fut resolu de donner pouvoir aux Plénipotentiaires
du Grand Seigneur de faire la Paix aux
meilleures conditions qu'il seroit possible, On
II. Vol, présume
JUIN.
1737 1427
présumé qu'ils ont l'ordre de la faire à quelque
prix que ce soit.
Le 26. du même mois , l'Ambassadeur d'Angleterre
, qui étoit parti le 26. Février de Constantinople
, arriva au Camp. On a apris que le
Grand Visir ayant voulu lui donner la Pelisse de
Samour , il l'avoit refusée , alleguant pour rai
son , qu'il ne devoit avoir cette marque de distinction
qu'en qualité de Médiateur , et qu'il
n'auroit cette qualité que lorsque la Médiation
de Sa Majesté Britannique auroit été acceptée par
la Czarine , comme elle l'avoit été par la Porte.
Le s . Avril M. Stanidski alla à l'Audience
du Caïmakan , et le 7. à celle du Grand Seigneur
, en qualité d'Internonce , pour notifier à
la Porte Pavenement de l'Electeur de Saxe au
Trône de Pologne.
Le 17. Avril l'Ambassadeur d'Hollande afri
va à Babadag , il fit notifier son arrivée par son
Secretaire aux Ambassadeurs d'Allemagne et
d'Angleterre , ces Ambassadeurs lui envoyerent
leurs Secretaires , mais ils ne l'ont vû , ni l'un ,
ni l'autre.
Le 18. Avril M. Dahlman partit de Babadag
pour se rendre àKudak ,qui a été fixé pour le lieu
des Conferences. Saïde- Effendy le suivit deux
jour après ; le Reys- Effendy devoit se mettre en
marche le 15. avec les autres Plenipotentiaires ,
et le Drogman de la Porte . On écrit du 23 Avril
de Babadag que l'Ambassadeur de Hollande
n'avoit pas encore eu audience du Grand Visir ;
que l'on disoit que cet Ambassadeur , ni celui
d'Angleterre n'iroient point à Kudac , et qu'ils
suivroient le Grand Visir , qui devoit partir de
Babadag vers le milieu du mois de May , passer
le Danube et s'avancer jusques à Castal.
Le Kan des Tartares dernier deposé, qui avoit
II. Pol.
Hiij сн
1428 MERCURE DE FRANCE
eu la permission de resider à Hullipoly , a été
depuis quelques jours relegué de nouveau à
Scio .
On publie que le Kan des Tartares regnant ,
a refusé de se rendre au Camp du Grand Visir ,
et qu'il est occupé à fortifier Precops et Kilbournon
, dans le soupçon où il est que la Porte ne
soit d'intelligence avec l'Empereur et les Moscovites
, pour faciliter à ces derniers la Conquête
de la Crimée.
Le 2. May , la Flote qui étoit encore à l'embouchure
de la Mer noire , mit à la Voile. On
a fait revenir dans ce Port deux Fregates , d'où
on a déchargé quantité de Canons de Campagne
, qui avoient été destinés pour l'Armée du
Grand Visir , et que l'on s'étoit proposé de faire
passer à Issatchi par la Mer noire et le Danube.
Les Bâtimens qui avoient été fretés pour transporter
les Troupes d'Asie à Taman , ont été envoyés
à la traite du Bled . Toutes ces circonstan
ces semblent annoncer la Paix.
AFRIQUE,
Lesavis reçus depuis peu de la côte d'Afrique
portent que le nouveau Dey de Tunis ayant apris
que l'ancien Dey s'étoit retiré dans les environs
d'Ausolette avec le petit nombre de Troupes qui
demeurent attachées à son Parti , il étoit allé
Pattaquer dans ses retranchemens , qu'il l'avoit
obligé de s'enfuir à Souza , Ville bâtie sur le bord
de la Mer , er que depuis peu le nouveau . Dey
s'est rendu devant cette Place dans le dessein
d'en entreprendre le Siége par Terre et par Mer.
Selon les dernieres Lettres écrites du Port de
Sainte Croix en Barbarie , il n'y a point d'aparence
qu'on puisse voir si tôt la fin des troubles
II. Vol qui
JUIN. 1737 1429
qui agitent depuis long-temps le Royaume de
Maroc. La plus grande partie des Habitans du
plat Pays , est attachée aux interêts de Muley-
Lariba, que l'Armée des Noirs a élú à la place de
Muley Abdhalla ; mais les Habitans des Montagnes
suivent le parti de ce dernier ; et il est
d'autant plus difficile de les en detacher , qu'accoutumés
au brigandage , ils ont le specieux
pretexte des droits de leur Chef pour commet
tre impunément toutes sortes d'excès . Muley-
Abdhalla a fait raser tous les Châteaux et déruire
tous les Ouvrages exterieurs qui défendoient
les aproches de la Ville de Fez , esperant
que les Habitans se trouvant par là plus exposés
aux insultes de ses Troupes , ils se determineroient
plus facilement à abandonner le parti de
son Concurrent. Cependant il n'a point encore
tiré de cet acte d'hostilité l'avantage qu'il en
attendoit, et les Habitans , tout depourvûs qu'ils
sont de défenses , n'en sont pas moins fidéles à
Muley-Lariba. Ceux de Ste Croix et de Sophie
se sont déterminés à garder une exacte Neutralité
entre les deux prétendans au Trône ; et ayant
refusé de recevoir les Troupes de l'un et l'autre
de ces Princes , ils entretiennent des Garnisons à
leurs dépens , pour empêcher que l'un des deux
ne leur donne la Loy.
Il continue d'aborder à Ste Croix un nombre
extraordinaire de Vaisseaux qui vont y charger
des Grains , et le Bled y est toujours à un
prix modique , quoique les Saurerelles ayent
causé cette année que que dommage dans les
Campagnes voisines . On écrit de plusieurs autres
endroits de l'Afrique , que ces insectes y
ont fait beaucoup de ravage , et qu'on y étoit
menacé d'une très- grande disette.
11. Vol.
Hiiij
POLOGNE,
1430 MENU ГАЛ
POLOGNE.
Ön écrit de Curlande que les Etats du Duché
de ce nom , devoient proceder le 11. de ce mois
à l'Election d'un nouveau Duc , et que quel
ques Troupes de la Czarine sont entrées dans le
Pays , et ont été distribuées par leur Comman
dant dans les Bailliages sur lesquels le Douaire
de la Czarine a été assigné , lorsqu'elle épousa
le Duc Frederic Guillaume, Predecesseur du Duc
Ferdinand.
On a apris de Lithuanie , qu'il y avoit eu depuis
peu un grand Incendie à Wilna , Capitale
de ce grand Duché , et que cinq Convents
et plusieurs Palais avoient été reduits en cendres
avec la moitié des Maisons de la Ville.
Le Roy Auguste et la Republique de Polo
gne ayant consenti que le Congrès dans lequel
on doit regler les conditions de l'accommodement
proposé entre le Grand Seigneur et la
Czarine , se tint dans une Ville de ce Royaume ,
et Sa Hautesse étant convenue avec S. M. Cz.
que les Ministres Plenipotentiaires s'assembleroient
à Niemirow , petite Ville située dans la
Podolie , et qui apartient au grand Général de
la Couronne , ce Seigneur a envoyé un Officier
au Grand Visir pour sçavoir de lui quand les
Ministres Plenipotentiaires du Grand Seigneur
partiroient de Kudack pour le lieu destiné aux
Conférences.
ALLEMAGNE.
On a apris de Vienne que le depart du Duc
de Loraine pour l'Armée , étoit fixé au 12. de
ec mois , et que l'Empereur lui a assigné 500000.
II. Vol
Florins
JUIN. 1737. 1431
1
Florins pour les dépenses qu'il sera obligé de
faire pendant la Campagne.
1
L'Empereur a établi a Inspruck une Tontine
, dont le Capital montera à deux millions de
Florins , et dont la Chambre du Commerce dur
Tirol aura la direction . Cette Tontine sera distribuée
en quatre Classes, dans chacune desquelles
il y aura mille actions , et chaque action sera
de foo. Florins. La premiere Classe doit être
composée d'Actionnaires au dessous de vingtcinq
ans , qui retireront sept pour cent d'inte
rê ; la seconde de personnes depuis vingt- cinq
ans jusqu'à quarante , auxquelles ont donnera
un pour cent d'interêr ; de plus la troisiéme
de personnes depuis quarante ans jusqu'à cinquante-
einq , qui auront neuf pour cent ; et la
quatrième , d'interessés au dessus de cinquantecinq
ans , qui jouiront du denier dix.
A mesure qu'il mourra des Actionnaires , la
moitié des revenus de leurs actions sera repartie
entre les survivans. Les Etrangers pouront s'interesser
dans cette Tontine , et S. M. I. leur
promet que leurs Dividens seront exempts
dé toute diminution ou imposition , et qu'ils ne
seront saisis sous aucun pretexte , pas même en
cas de Guerre avec les Nations dont seront les
Actionnaires.
Le 18. de ce mois , il arriva à Dresde de Mittau
, un Seigneur Curlandois que les Etats du
Duché de Curlande , ont depêché au Roy Auguste
de Pologne , pour lui donner avis que s'étant
assemblés le 2. afin de proceder à l'Election
d'un nouveau Duc , ils avoient élû pour
Souverain le Comte de Biron , grand Chainbellan
de la Czarine.
On aprend de Toplitz que le Roy Auguste et
la Reine son Epouse y étoient arrivés au com-
11 Vol. mencement H v
1432 MERCURE DE FRANCE
mencement de ce mois , pour y prendre les Eaux
Minerales d'Eger ; que le ro. la Bourgeoisie tira
à l'Oiseau en presence de S. M. qui fit l'honneur
aux Habitans de tirer avec eux , et qui remporta
le prix.
le
On écrit de Berlin que le 3. de ce mois ,
Roy de Prusse , dont la santé est entierement
retablie , fit la revûë generale des Troupes qu'il
avoit fait venir dans les environs de cette Ville.
Ces Troupes qui consistoient en quatorze Bataillons
, demeurerent sous les Armes pendant
quatorze heures. Quoique le Prince Royal eût
eu la veille un accès de Fiévre , il ne laissa pas
d'assister à cette revûë , et malgré la chaleur excessive
il fut toujours à la tête de son Regiment,
mais aussitôt après la revûë il fut obligé de se
mettre au lit.
ITALPE.
Ar les Lettres de Rome , on aprend que le
Par. de ce mois , les Armes de Stanislas premier
, Roy de Pologne , Duc de Loraine et de
Bar , furent placées sur la porte de l'Eglise de
S. Nicolas des Lorains , où l'on chanta à cette
occasion une Messe solemnelle , et le Te Deum
auquel le Duc de Saint Aignan , Ambassadeur
du Roy de France , assista avec un grand nom
bre de Personnes de distinction.
Le Roy Stanislas a nommé le Chevalier Coltrolini
son Agent en cette Cour.
Il s'est commis à Rome depuis peu plusieurs
meurtres , entr'autres celui du Supérieur du
College des Ecossois , lequel a été assassiné par
un jeune Protestant , qui feignoit de vouloir faize
abjuration entre ses mains ; et celui d'une
?
II. Vol Tourie re
JUIN.
1433 1727.
L
Touriere des Religieuses Ursulines , qui a été
tuée à coups de coûteau par un Prêtre du Pays
de Liége. L'un et l'autre de ces assassins ont pris
la fuite , mais la diligence avec laquelle on les
a suivis , fait esperer qu'ils seront arrêtés.
On aprend de Naples que depuis le 22. du
mois de May , le Mont Vesuve a cessé de jetter
des flammes et des matieres bitumineuses . Peu
s'en est fallu que le principal des Torrens enflammés
qui en sortoient , et dont la violence
étoit telle qu'ils parcouroient en une minute l'espace
de deux pas Géométriques , n'ait entierement
enseveli le Bourg de la Torre del Greco.
Après avoir rempli une ravine très -profonde ,
il avoit déja gagné le grand chemin et renversé
l'Eglise du Purgatoire , ainsi qu'une partie de
celle des Religieux Carmes , et il eut causé de
plus grands ravages , si l'on n'eût pris le parti
de couper un Pont qui étoit sur la même ravine.
Par ce moyen le Torent prit son cours vers
la Mer , et il ne s'arrêta qu'à une portée de fusil
du rivage , de sorte qu'apresent les Voyageur
sont obligés de marcher tout proche de la
Côte pour aller du côté de Salerne . Ce Torrent
qui étoit large de plus de cinquante pieds , avoit
cinq toises de profondeur , et dans quelques endroits
creux , cette profondeur étoit de plus de
vingt toises. La matiere dont il étoit composé
ressembloit à de l'écume de Fer , tant pour la
couleur que pour la dureté , et c'est un mélange
de fer , de souffre , de sel commun , de salpêtre
et de pierres calcinées .
Pendant que les flammes étoient à leur plus
haut dégré de violence , les Provinces de la Ca
pitanate et de Monte- Fuscoli ont été envelopée
dans d'épaisses tenebres ; on y a senti plusieur
II. Val secousse H vj
1434 MERCURE DE FRANCE
secousses de tremblement de Terre assés fortes
et l'on entendoit de toutes parts des bruits souterrains
effrayans .
La Bourgade d'Ottaïano sur le penchant de
la Montagne a été fort endommagée par une
pluye continuelle de cendres et de pierres d'une
grosseur énorme ; presque toutes les Maisons y
sont devenues inhabitables , et dans un Convent
de Filles , il y a eu trois Religieuses de tuées et
deux de blessées dangereusement.
Toutes les Fermes des environs de Somma
qui produisent d'excellents Fruits et des Vins re
nominés , ont été ruinées , et on ne compte pas
d'y faire de Recolte cette année.
On attend des nouvelles plus détaillées de ce
qui est arrivé en plusieurs endroits du Royauine
de Naples . Cette Ville n'a souffert aucuu
dommage. Le Roy a envoyé un Corps d'infanterie
pour garder les Maisons qui ont été aban➡
données par les Habitans de la Torre del Greco.
On édrit de la Bastie , Capitale de l'Ile de
Corse , que la nouvelle qu'on y avoit reçuë au
commencement de ce mois , de la détention du
principal Chef des Rebelles en Hollande , donnoit
lieu d'esperer qu'ils ne tarderoient pas à
rentrer dans leur devoir , et que M. Rivarola ,
dès qu'il eut été instruit de la consternation repandue
à cette occasion dans leur Camp, leur
fit sçavoir que la Republique leur offroit une
Amnistie generale , et les mêmes conditions qui
leur avoient été accordées ci-devant par la médiation
de l'Empereur. Ils auroient peut- être accepté
les propositions de M. Rivarola , si pen
dant qu'ils étoient occupés à déliberer sur le
parti qu'ils prendroient , il n'étoit arrivé à la
Plage d'Aleria deux Officiers , par lesquels leur
II. Vol.
principal
JUIN. 1737. 1435
mais
principal Chef leur donnoit avis qu'à la verité
il étoit arrêté pour dettes à Amsterdam ,
qu'il seroit bientôt mis en liberté , et qu'il ne
tarderoit pas à revenir dans cette Isle . Les assurances
données par ces deux Officiers ayant
changé absolument la disposition des Esprits ,
les Rebelles se sont avancés en grand nombre
jusqu'au pied du Glacis de la Bascie malgré le
feu du Canon et de la Mousqueterie , et ils ont
crié aux Sentinelles , qu'ils étoient déterminés à
souffrir plûtôt les dernieres extremités que de
rentrer sous la Domination de la Republique
et que s'ils perdoient leur Chef , ils lui trouveroient
bientôt un Successeur qui les aideroit
à recouvrer leur liberté.
•
Leur aproche a causé une grande allarme
dans cette Ville , mais le grand feu qu'on a fair
sur eux les a obligés de retourner à leur Camp ,
où ils ont emmené sept ou huit Prisonniers qu'ils
ont fait dans un Poste avancé. Quoiqu'ils soient
demeurés dans l'inaction depuis qu'ils se sont
retirés , M. Rivarola a redoublé les Gardes de
tous les principaux Postes , et on travaille avec
d'autant plus de diligence à prendre des mesures
pour s'oposer à leurs entreprises , qu'on a été
informé que leur Chef étoit en chemin pour
revenir les joindre , et que le bruit vient même
de se repandre qu'il est déja arrivé dans cette
Isle.
Les Rebelles ont fait publier par son ordre
un Manifeste , dans lequel il entreprend de répondre
au Decret qui le eclare Seducteur des
Peuples , Fauteur des troubles , ennemi de la
Republique , et coupable de haute trahison . Il
dit dans ce Manifeste , qu'il ne merite pas les
diverses denominations qui lui sont données
II. Vol. dans
1436 MERCURE DE FRANCE
dans le Decret de la Republique , puisque ce
n'est pas lui qui a suscité les troubles dont la
Corse est agitée , et qu'ils n'ont d'autre source
que les divers mécontentemens que des Habitans
de l'Isle pretendent avoir reçûs des Genois ; que
si ceux-ci avoient eu veritablement à coeur la
tranquillité de cette Isle , ils auroient fait éprouver
d'autres traitemens à un Peuple qui ne s'étoit
soumis qu'à condition que la Republique
seroit fidelle à des Conventions stipulées sous la
garentie de l'Empereur , que pour lui il n'est
venu en Corse qu'après y avoir été apellé par
les Habitans , et que quand il seroit tel que les
Genois pretendent l'insinuer , la Providence ne
feroit en cette occasion à l'égard d'une Nation
oprimée que ce qu'elle a fait ci-devant en
faveur de plusieurs autres Peuples , lorsqu'elle
leur a envoyé des Liberateurs , dont on n'avoit
pas lieu d'attendre , d'abord les grands succès
qu'on a vus dans la suite .
Il ajoûte en finissant , qu'en vertu du pouvoir
que la Nation lui a donné , il défend aux Genois
de demeurer en Corse sous peine de la vie ,
et il declare que les Corses ne conclûront point
La Paix avec la Republique , à moins qu'el
le ne renonce à la Possession de leur Isle , et
qu'elle ne leur restitue tout l'argent qu'elle en a
tiré par les impositions .
Les Lettres de Genes du 11. de ce mois, por
tent qu'on n'y a point encore reçu d'avis certain
du retour du principal Chef des Rebelles
dans l'Isle de Corse , mais la plupart des lettres
de la Bastie marquent qu'on croit qu'il y est arrivé
, parce que le Chanoine Orticone , et quelques
autres de ses Adherans se sont rendus précipitamment
à Aleria où l'on dit qu'il a de- ONE
IL. Val
barqué,
JUIN. 1737. 1437
barqué. On a apris , par ces Lettres , qu'un détachement
d'environ trente hommes de la Garnison
de la Place avoit tué quelques uns des Ouvriers
qui travailloient aux Salines retablies par
les Rebeles , et que ces derniers avoient fait di
re à M. Rivarola qu'ils traiteroient les Sujets de
la Képublique avec la même rigueur qu'on traitait
les personnes attachées à leur parti. Les mê
mes avis portent que le bruit couroit que le fameux
Louis Ciaferri , un des anciens Chefs des
Rebelles étoit mort dans leur camp.
T
et
Les Lettres du 18. portent que l'inaction dans
laquelle se tiennent les Rebelles de Corse , donne
lieu de conjecturer que leur principal Chef
n'y est pas encore revenu , comme on l'avoit
publié. On a apris en dernier lieu qu'il regne
beaucoup de division parmi eux , que leurs differends
sont souvent suivis de voyes de fait ,
quelquefois de meurtres, mais que remplis d'animosité
dans leurs querelles particulieres, ils sem
blent être toujouts prêts à les oublier et à se réunir
, dès qu'il s'agit de leur interêt commun.
Leur obstination à persister dans leur revolte a
déterminé le Senat à attendre des occasions plus
favorables pour les soumettre , et à se contenter
de songer à la conservation des Places qui sont
demeurées sous la Domination de la Republique..
Les Salines d'Aleria , que les Rebelles ont rétablies
, sont si abondantes qu'ils comptent d'en
tirer assés de sel , non seulement pour leur consommation
, mais encore pour en fournir aux
Etrangers. Ils ont découvert dans une Mine de
Fer , située aux environs d'Alizani , une Mine
qui leur produit beaucoup de ce Metal . Leurs
Chefs ont établi à Orena une Manufacture de
Cuir, par le moyen de laquelle ils seront en étag
II. Vol. de
T438 MERCURE DE FRANCE
de se procurer plusieurs commodités que les
Etrangers leur faisoient acheter fort cher.
GRANDE - BRETAGNE.
LE 2. de ce mois le Roy se rendit à la Chambre
des Pairs , avec les cérémonies accoûtumées
et S. M. ayant mandé la Chambre des
Communes , fit aux deux Chambres le discours
suivant.
MY LORDS , ET MESSIEURS ,
Je suis venu ici pour mettrefin à cette Séance
du Parlement , afin que vous ayez la liberté de
vous retirer dans vos Provinces, et de contribuer,
selon vos divers Emplois au maintien de la Paix
et du bien du Royaume. Je vous remercie des marques
particulieres que vous m'avez données de
votre affection et de votre zele pour ma Personne
et pour mon honneur , etj'espere que la sagesse et
la justice que vous avez fait paroître à l'occasion
de quelques incidens extraordinaires , préviendront
à l'avenir de pareils ar´entats. La conduite
de ce Parlement a été si égale dans toutes ses déliberations
sur les Affaires publiques , qu'il seroit
aussi injuste de n'en point avoir de reconnoissance
, qu'il est inutile d'en raporter toutes lesparticularités..
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES ,
de
Le soin que vous avez pris de lever les Subsides
nécessaires pour le Service de l'année courante ,
la maniere la moins onereuse à mon Peuple , est
une nouvelle preuve de votre attention toujours
égale à soutenir mon Gouvernement & les interêts
de votre Patrie.
1 MY LORDS ET MESSIEURS ,
Vous ne pouvez ignorer combien les honnêtes
II. Vol. Gens
JUIN. 1737. 1439
Genset les Personnes de bonnes moeurs se trouvent
justement scandalisés et offensés de la licence qui
regne dans le temps present , sous l'ombre et le prétexte
de la liberté , et combien il est absolument
nécessaire de reprimer cet abus excessifpar une juste
et vigoureuse execution des Loix. C'est un usage
qui n'est devenu que trop général , que de braver
toute autorité , de mépriser la Magistrature, et mê
me de s'oposer à l'execution des Loix , quoi que celar
soit aussipréjudiciable aux libertés du Peuple qu'aux
Prérogatives de la Couronne , le soutien de l'une
étant inséparable de la Protection de l'autre. J'ai
pris les Loix du Pays pour regle constante de mes
actions , et je m'attends aussi que mes Sujets feront
leur principal devoir de la soumission que ces memes
Loix leur imposent , et qu'il est de leur interêt
d'avoir toujours pour mon Autorité et pour mon
Gouvernement.
Le Lord Chancelier prorogea ensuite le Parlement
par ordre de S. M. jusqu'au 15.du mois
d'Août,
MORT'S DES PAYS ETRANGERS
LE
E 30. May , Anne -Joseph Comte de Tornielle
et de Brionne, Marquis de Gerbeviller,
Conseiller, Chevalier d'honneur en la Cour Souveraine
de Loraine et Barois , Grand- Bailly de
Nancy , Conseiller d'Etat , et Grand- Chambellan
du Duc de Loraine , mourut à Nancy , ou
il s'étoit rendu de Vienne depuis quelque temps
à l'occasion du Reglement de la cession du Duché
de Loraine . Il étoit âgé de 73. ans ; son
corps fut transporté le premier Juin à Gerbevil-
II. Vol.
Jeri
1440 MERCURE DE FRANCE
ler , où il fut inhumé le lendemain dans l'Eglist
des Carmes , lieu de la sépulture de ses Ancêtres .
Il avoit épousé en 1700. Antoinette - Louise de
Lambertye , fille de Georgs , Marquis de Limbertye,
Baron de Cons , Conseiller d'Etat, Bailly
de Nancy , et Ma échal de Loraine , et de Christine
de Lenoncourt de Blainville , sa premiere
femme . I. la laisse veuve sans enfans , n'en ayant
jamais cù d'elle. Henri -Hiacinthe , Comte de
Tornicile , Grand- Aumônier de Loraine , Grand
Doyen de l'Eglise Primatiale de Nancy, &c son
frere puîné , et le seul qu'il eut , mourut à Nancy
le 2 Avril de l'année derniere 1736. ainsi
ĉette Familie , originaire de Novare en Lombardie
, et qui s'étoit etablie en Loraine sur la fin
du 16 siecle , se trouve éteinte . On en trouve la
Gé éalogie dans le Dictionaire de Morery de
1725. et dans le Suplément de 1735.. On månde
de Nancy que les grands biens du Marquis
de Gerbeviller passent au neveu de la Dame
sa veuve , qui est fils du Marquis de Lambertye
, et qui prend à présent le titre de Comte
de Tornielle.
Le 16. Juin , la Duchesse Doüairiere de Northumberland
, mourut à sa Terre de Trogmore,
près de Windsor , dans la 106 ° année de son âge ,
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LE
E Roy a donné au Prince de Nassau
, l'agrément du Régiment de la
Marine , dont le Marquis de Mirepoix
1
t
étoit Colonel. Le
JUIN. 1737.
1441
Le 4 de ce mois Madame la jeune Duchesse
de Bourbon ,dont la santé se retablit
tous les jours , et qui aime beaucoup les
belles Fleurs , alla se promener dans le
Jardin du sieur le Fevre , qu'elle trouva
encore plus fleuri , qu'elle ne l'avoit esperé
, la Saison étant déja bien avancée
pour les Fleurs du Printemps , dont l'ardeur
du Soleil avoit précipité la durée
dans presque tous les Jardins feuristes
de Paris . S. A. S. s'y promena agréable
ment , s'y reposa et en sortit satisfaite
d'un Bouquet des plus belles Fleurs que
le sieur le Fevre eut l'honneur de lui
présenter.
D
On trouve chés ledit sieur le Fevre
toutes sortes de Graines Médicinales
Potageres et de Fleurs ; des Oignons ,
des Plantes et des Semences de toutes les
especes , pour l'ornement des Jardins.
Son Jardin est Ruë de Vaugirard attenant
le mur du Luxembourg et le Cer
ceau d'or , Fauxbourg S. Germain ; mais
sa demeure principale , et plus conmode
pour le Public , est au milieu du Quay
de la Mégisserie , à l'Enseigne du Coq
de la bonne Foy. On lit sur son Plafond
cette dévise. Sanat , nutrit, et ornat.
Le 16. les Députés des Etats d'Artois.
curent audience du Roy : ils y furent
11. Vol. presentés
7442 MERCURE DE FRANCE
présentés par le Duc d'Elbeuf, Gouverneur
de la Province , et par M. d'Anger
villiers , Ministre et Secretaire d'Etat,
et conduits en la maniere accoûtumée
par le Grand Maître et par le Maître des
Ceremonies. La députation étoit composée
de l'Abbé de la Grange , Grand-
Vicaire du Diocèse d'Arras pour le Clergé
, qui porta la parole ; du Comte de
la Bussiere pour la Noblesse , et de M.
Ansar , Conseiller et Pensionnaire de la
Ville d'Arras , Deputé du Tiers- Etat.
Le 18. Juin , les Maîtres de Musique
et Musiciens de Paris , firent celebrer
dans l'Eglise des grands Augustins une
Messe solemnelle à plusieurs Choeurs da
Musique ,
, pour le repos des Ames da
leurs défunts Confreres.
Le 26. de ce mois , le Roy accompagné
de Monseigneur le Dauphin , fit
dans la cour du Château de Versailles la
revûë des deux Compagnies des Mousquetaires
de la Garde de S. M. Le Roy
passa dans les rangs , et après qu'ils eurent
fait l'exercice , S. M. les vit défiler.
La Reine et Mesdames de France virens
cette revûë du Balcon de l'Apartement
du Comte de Clermont.
II. Vol. Le
JUIN. 1737- 1443
Le 20. Juin, Fête du Saint Sacrement
le Roy et la Reine entendirent les Vêpres
dans la Chapelle du Château de Ver
sailles , et Leurs Majestés assisterent au
Salut qui fut chanté par la Musique.
Le 27. jour de l'Octave , le Roy ac .
co mpagné du Duc d'Orleans , du Comte
de Clermont , du Prince de Dombes et
du Comte d'Eu , se rendit à l'Eglise de
la Paroisse du Château , et S. M. y entendit
la Grand'Messe , après avoir assis
té à la Procession .
Pendant l'Octave , le Roy a assisté
tous les jours au Salut, Le 25. et le 26. la
Reine l'a entendu dans la Chapelle, Le
22. Monseigneur le Dauphin assista aų
Salut dans l'Eglise de la Paroisse du Château
, et Mesdames de France y assisterent
dans l'Eglise de la Paroisse de Saint
Louis.
Le 30. de ce mois , Monseigneur le
Dauphin vint de Versailles à Paris se
promener au Cours et dans dans le Jar
din des Thuilleries.
Le Duc d'Ancenis , Capitaine des
Gardes du Corps en survivance du Duc
de Bethune son Pere , a été nommé par
le Roy , Mestre de Camp du Regiment
II. Vol. de
#444 MERCURE DE FRANCE
de Cavalerie , dont le Duc de Chevreuse,
Mestre de Camp général de Dragons , a
été Mestre de Camp.
FESTE donnée à Bayonne .
E 11. jour du mois de Juin , troisiéme
Fête de la Pentecôte , les deux
Compagnies de Grenadiers du Regiment
de Chartres , en garnison à Bayonne ,
furent commandées avec un détachement
de 300. Hommes pour la Bénédiction des
Drapeaux ; la Troupe en bataille dans
l'Eglise et formant la Haye dans la Nef,
l'Evêque de Bayonne à la tête de tout
son Chapitre et du Clergé , suivi de M.
d'Adoncourt , Brigadier des Armées du
Roy , et Commandant à Bayonne , de
tout l'Etat Major de la Place , de M. le
Comte d'Estampes , Colonel - Lieutenant
du Regiment de Chartres , et tous les
Officiers du Regiment, arriva dans l'Eglise
; il prononça un très- beau et très éloquent
Discours dans lequel il eut l'art de
persuader toutes les vertus de l'Héroisme
par celles même de la Religion la
plus Chrétienne , il y fit entrer l'éloge
du feu Duc d'Orleans , Regent , du
Duc d'Orleans d'aujourd'hui , et de ces
deux exemples , joints aux dispositions
favorables et prématurées qu'on décou-
II. Vol.
vre
JUIN. 1737. 1445
vre dans le Duc de Chartres , il tira les
moyens pour montrer les hautes esperances
qu'on devoit concevoir de ce jeu
ne Prince ; après la Bénédiction des Drapeaux
, on chanta un Te Deum au bruit
d'une nombreuse Artillerie , placée devant
la Cathédrale. Tous les Vaisseaux
qui étoient sur la Riviere répondirent
par plusieurs décharges de Canon.
·
Les Officiers du Régiment de Chartres
étant bien aises de donner au
Public des marques autentiques de la
joye qu'ils ont d'avoir le Duc de Chartres
pour leur nouveau Colonel , et de
la grace que S. M. leur a faite de leur
rendre un nom qu'ils ont eu l'honneur
de porter depuis leur création , du vivant
du Duc d'Orleans Regent , et successivement
du Duc d'Orleans d'aujourd'hui,
donnerent , à cette occasion , une Fête
magnifique et parfaitement bien entendue
, et ne crurent pouvoir choisir une
plus favorable, ni une plus auguste journée
pour la célébrer , persuadés que si
S. A. R. le Prince Emmanuel de Portugal,
qui étoit à Bayonne , vouloit l'honorer
de sa presence , rien ne manqueroit
à cette brillante Cérémonie. Ils prirent
la liberté d'aller l'en prier à son Palais en
corps ; le Prince , avec sa bonté ordinai
11. Vol.
1440 MERCURE DE FRANC
te , leur promit d'y venir. Toutes les
Dames de la Ville et les Messieurs y furent
invités , et tous les differens Corps
Militaires .
+
Le même jour à cinq heures du soir
en representa une Comédie ; ce Spectaele
fut des plus brillants , et avec un
grand concours. Après la Comédie on
se rendit à l'Hôtel de Ville ; en passant
sur la Place de Grammont , on y cut
l'agréable surprise d'un Spectacle nouveau
. La Bourse étoit le Lieu que les
Lieutenans du Régiment de Chartres
avoient choisi pour donner leur Fêre , à
l'exemple des Capitaines ; cette Place se
trouva toute illuminée et décorée de la
façon la plus galante. La Reine d'Espa
gne , informée du succès decette Décoration
passa exprès sur le Pont Mayo
pour jouir du coup d'oeil ; les Officiers ,
sensibles à cet honneur , n'oublierent
rien pour rendre à Sa Majesté tous ceux
qu'une conjoncture si fateuse , mais
si peu attenduë , pût leur permettre , on
la salua par un grand bruit de Boëtes et
de Canon , et la Reine remplie de bonté
, leur députa aussi tôt un de ses Gentilshommes
pour les remercier de leurs
/ attentions.
Toute la Façade de l'Hôtel de Ville
11. Vol.
étoit
JUIN 1737 3447
étoit décorée et illuminée dans un autre
goût qui n'étoit pas moins galant , et de
plus, embellie d'un nombre de Trophées
très-convenables au sujet. Le Prince de
Portugal y arriva sur les neuf heures du
soir, et il fut reçû avec tout l'éclat dû à sa
Dignité , par une Garde composée d'un
Capitaine, d'un Lieutenant et d'un Enseigne.
Il fit l'honneur aux Officiers du Régiment
de Chartres de souper à une Table
de 150. Couverts , dressée en Fer-à -cheval
dans une des Salles de l'Hôtel de Vil
le , et à laquelle étoient invitées toutes
les Dames de distinction de la Ville ; il y
fut servi , pendant tout le repas , par M.
le Comte d'Etampes , de concert avec M.
le Marquis de Pinafuentes , Majordôme
de la Reine d'Espagne , que S. M. avoit
envoyé à cet effet. On cut attention de
laisser un intervalle entre le Prince et
ceux qui étoient à sa droite et à sa gauche
; la Santé du Roy et de la Reine , de
la Reine d'Espagne , celle du Prince de
Portugal et du Duc de Chartres y furent
portées et bûës avec le respect et la
décence convenables ,et annoncées au Public
par des décharges néirerées tant sur
Terre que sur Mer ; il y eut plusieurs autres
Tables servies avec abondance et délicatesse.
11, Vol Le
1448 MERCURE DE FRANCE
1
Le repas fini , le Prince se rendit dans
une Salle magnifique où S. A. R. voulut
bien ouvrir le Bal et en faire les honneurs
, et Elle dansa pendant une partic
de la nuit ; on n'oublia rien de toutes les
attentions et de toutes les recherches qui
peuvent rendre une Fête éclatante et
agréable : S. A. R. en se retirant donna
aux Officiers du Régiment de Chartres
des témoignages particuliers de tout l'a
grément qu'Elle y avoit eu .
L'intention des Officiers étant que
tout le Monde prît part à cette réjouissance
, on fit donner du vin à tous
les Soldats du Régiment ; cette distri
bution fut faite avec tant de regle , et
le Soldat usa de cette liberalité avec tant
de sagesse , qu'à travers la joye il fut aisé
de reconnoître la bonne discipline à la
quelle il est accoûtumé.
COMPLIMENT au P. ARCERE
de l'Oratoire , Professeur de Philosophie
au College de Condom , sur le Prix de
POde, qu'il a remporté aux Jeux Floraux
Pannée derniere. Par le P. Chabaud , Re
d'Humanités dans le même College. gent
U
N Enfant de Berule (Arcere étoit son nom )
Parut n'aguere à la Cour d'Apollon.
A són abord tout le Parnasse
II. Vol.
est
JUIN.
1737. 1449
Est en rumeur , et ne sçait quelle place
A l'Auteur on doit destiner.
Uranie aussi-tôt aborde et va mener
Cet Hôte à ses enfans : le docte Choeur se leve;
Descartes , Malebranche, en voyant leur Eleve,
Agités d'un transport joyeux ,
Veulent qu'ils s'assoie auprès d'eux,
Mais l'Auteur modeste recule.
La Muse, qui des moeurs tance le ridicule ,
L'arrache à ce lieu brusquement.
Quoi , dit- elle , est - ce en vain que j'eus la com
P
plaisance
De le dresser à railler finement ♪
A badiner élegamment ?
:
J'ordonne qu'auprès de Terence
On le place à cette ordonnance
Scipion , Lélius sont ravis d'obéïr .
L'Afranchi de Lucain parut s'en réjouir,
Mais en naissant sa joye est étoufée.
La Muse dont nâquit Orphée ,
Qui jadis à l'Auteur dicta mainte leçon ,
Revendiqua son Nourisson.
Arcere doit , dit - elle , à mes faveurs la gloire
D'avoir surmonté ses Rivaux ;
La Garone l'a vû remporter la victoire
Au Jugement des Jeux Floraux.
On dit que ses Nymphes timides ;
Hôtesses des Grotes humides ,
II. Vol.
I ii Entendant
1450 MERCURE DEFRANCE
Entendant reciter ses Vers ,
Crurent que le Chantre célébre ,
Dont les accens arrêtoient l'Ebre ,
Etoit ressuscité pour enfanter ces Airs .
L'Eloge de l'Ode nouvelle
Fit naître l'ardeur de la voir ;
On la lit : quel silence ! Horace en veut avoir
Un exemplaire très-fidele.
De Clémence sur- tout éclata le transport
En voyant ses Enfans dignes Dépositaires
Des Récompenses Litteraires ,
Ne pas dégénerer long- temps après sa morţ,
Aussi - tôt d'un commun accord
Parmi les illustres Lyriques
On assigne une Place au Poëte nouveau .
Le Chantre des Jeux Olympiques ,
L'Auteur le p us sensé des premiers Satyriques
Le veulent pour voisin sur le double Côteau .
Sur le Luth d'Horace il s'exerce ,
Et l'on croit presqu'alors qu'Horace l'a touché,
Chacun recherche son commerce ,
Et nul ne se repent de l'avoir recherché.
11. Vol. BENEJUIN.
1739 145T
BENEFICES DONNE'S,
Feuille du 3. Juillet 1737.
L
'Evêché de Nîmes , vacant par le
décès de M de la Parisiere , à M.
de Becdelievre , Prêtre , Vicaire General
de Perigueux .
L'Evêché de Luçon , vacant par le décès
de M. de Bussy Rabutin , à M. de
Verthamon de Chavagnac , Prêtre , Vicaire
General de Limoges.
L'Evêché d'Angoulême , vacant par le
décès de M. de Bernard de Rezay , à
M. du Verdier, Prêtre , Doyen et Vicaire
General d'Angoulême.
L'Abbaye Commandataire de Buzaj j
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Nantes
vacante par le décès de M. de Caumartin ,
Evêque de Blois , à M. de Rosser de Rocozel
de Fleury , Clerc tonsuré du Dio
cèse de Narbonne.
L'Abbaye Commandataire de Simorre'}
Ordre de S. Benoît , Diocèse d'Auch ,
vacante par le décès de M. de Puget , à
M. de Grossoles de Flamarens , Prêtre ,
Vicaire General de Narbonne.
L'Abbaye Commandataire de la Fre
nade, Ordre de Cîteaux , Diocèse de Saint
IL. Vol. Iiij tes,
1452 MERCURE DE FRANCE
tes , vacante par la démission pure et
simple du dernier Titulaire Commandataire
, à M. de Montesquiou- Poylebon ,
Prêtre du Diocèse d'Auch .
L'Abbaye Commandataire de Flavigny ,
Ordre de S. Benoît , Diocèse d'Autun , vacante
par le décès de M.de Bussy Rabutin
Evêque de Luçon , à M. de Piolenc ,
Clerc tonsuré du Diocèse d'Aix.
L'Abbaye Commandataire de Toussaints
d'Angers , Ordre de S. Augustin ,
vacante par le décès de M. de Brussy , à
M. de Grandhomme de Giseux , Prêtre
du Diocèse d'Angers.
L'Abbaye Commandataire de Bellefon
taine , Ordre de S. Benoît , Diocèse de la
Rochelle , vacante par le décès de M:
Maréchal , à M. de Blanes ...
du Diocèse de ....
• du
L'Abbaye Commandataire de Bonnefontaine
, Ordre de Cîtcaux , Diocèse de
Rheims , vacante par le décès de M. Maréchal
, à M. de Vienne ..... du Diocèse
de .... et Conseiller au Parlement
de Paris .
L'Abbaye Commandataire de Valsecret,
Ordre de Prémontré , Diocèse de Soissons
, vacante par le décès de M. de
Charmont , à M. le Clerc ...... du
Diocèse de .....
II. Vol.
L'Abbaye
JU. IN.
1453 1737.
L'Abbaye Commandataire de Valchrétien
, Ordre de Prémontré , Diocèse de
Soissons , vacante par le décès de M. le
Begue de Majenville , à M. Richard ,
Prêtre , Chapelain du Roy.
L'Abbaye Commandataire de Cercan .
ceaux , Ordre de Citeaux , Diocèse de
Sens , vacante par le décès de M. Coëffy,
à M. de la Chabrerie , Prêtre du Diocèse
de ....
L'Abbaye Commandataire de S. Pierre
d'Auxerre , Ordre de S. Augustin , vacante
par la démission pure et simple de
M. de la Chabrerie , à M. Hardoin , Prêtre
, Chanoine de Sens.
L'Abbaye Commandataire de Bellevaux
, Ordre de Prémontré , Diocèse de
Nevers , vacante par le décès de M. de
Bussy Rabutin , Evêque de Luçon , à
M. de Sollieres , Prêtre , Doyen de la
Cathédrale de Nevers.
›
L'Abbaye Commandataire de Juncels ,
Ordre de S. Benoît , Diocèse de Beziers ,
vacante par le décès de M. de Massillan ,
à M. de Villevert , Clerc tonsuré du
Diocèse de Montpellier.
L'Abbaye Commandataire du Palais ,
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Limoges ,
vacante par le décès de M. de la Deveze ,
à M. de Thouron ... du Diocèse de ...
II. Vol. I jiij L'Ab.
1454 MERCURE DE FRANCE
les
L'Abbaye Commandataire de Tenail-
Ordre de Prémontré , Diocèse de
Laon , vacante par le décès de M. Tessier
des Farges , à M. Dandelau , Aumônier
du Roy.
L'Abbaye Commandataire de S. Remain
de Blaye , Ordre de S. Augustin
Diocése de Bourdeaux , vacante par la
démission de M. le Blond , à M. dư
Lau , Prêtre , Vicaire General de Noyon.
Le Prieuré Commandataire , Conventuel
et électif de Lespan , Ordre du Valdes-
Choux , Diocèse d'Auxerre , vacanť
par le décès de M. de Bussy Rabutin
Evêque de Luçon , à M. Des Guilles
d'Argence.
L'Abbaye de N. D. de Vignogore ,
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Montpelier
vacante par la démission de
La Dame de Bernis , à la Dame de Vestrie
de Montales Prieure de ladite
Abbaye,
›
11. Vol.
L'AUS
JU IN. 1737. 1455
L'AUSTRASIE.
Cantatille. AU ROY DE POLOGNE
" Q
Ce les bords de la Meuse , et ceux de la
Moselle
Retentissent par tout des plus charmans accords
Formez une Fête nouvelle ,
Et par de lyriques transports ,
Peuples , témoignez vôtre zéle
Au Héros que je vois paroître sur ces bords.
Une aimable Cour l'environne ;
Avec plaisir chacun le suit :
C'est la Gloire qui le conduit ,
C'est la Vertu qui le couronne.
Pour combler tous les voeux ,
Il prend le Diadême ::
Ce n'est qu'en vous rendant heureux ,
Qu'il veut se rendre heureux lui - même,
Que STANISLAS reghe en ces Lieux' ,
Qu'on rende un juste hommage à cet Auguste
Maître.
Les Peuples vont jouir d'un destin glorieux ;
Ils publiront qu'ils sont heureux ,
STANISLAS.Croit déja qu'ils sont dignes de l'être.
* C'est l'Austrasie qui parle.
II. Vol Iy Ghantez
1456 MERCURE DE FRANCE
Chantez ; célébrez ce Héros
Par l'éclat bruyant des Trompettes :
Et par la douceur des Musettes ,
Annoncez un charmant repos.
Qu'icy jamais on ne se plaigne
Il comblera tous les desirs :
Et son aimable Regne
Sera le Regne des plaisirs.
Devalois d'Orville:
MORTS ET NAISSANCES.
DN...
....
Ame N. de Saint Simon , Veuve de
... Marquis de Courcy , &c.
mourut le 3. May dans son Château de
Plain - Marais , près Carentan en Basse
Normandie , dans un âge avancé , ne
laissant de son mariage avec le Marquis
de Courcy que deux Filles , dont l'Aînée
a épousé le Marquis de Thieuville , des
meilleures Maisons de Normandie ; et la
seconde est mariée au Marquis de Montaigu
, aussi d'une Naissance distinguée ,
Commandant pour le Roy à la Hogue,
M. la Marquise de Courcy a été fort re
IL. Vol. gretée
JUIN. 1737. 1457
gretée à cause de ses grandes et belles
qualités, dont la principale étoit un grand
fonds de Religion , accompagné d'un goût
naturel pour la vertu et pour les Gens
vertueux , aimant les Lettres et les cultivant
, ce qui rendoit son commerce
également utile et agréable.
Le 28. D. Loüise- Magdelaine du Poirier
Cottereau , Veuve depuis le 27. Mars
dernier de Loüis de Vivet de Montclus ,
Seigneur de Servesan , mourut à Bagnols
en Languedoc , âgée de 69. ans . Ön a
marqué de qui elle étoit fille en annonçant
la mort de feu son Mari dans le
Mercure de May dernier p. 1040.
Le 10. Juin , Joseph- Henri , Marquis
de Segur , Sénéchal , Gouverneur et Lieutenant
Général pour le Roy des Pays et
Comté de Foix, Capitaine et Gouverneur
des Ville et Château de Foix , Lieutenant
Général au Gouvernement de Champagne
et Brie , et Grand- Croix de l'Ordre
Militaire de S. Louis , mourut à Paris ,
âgé de 76. ans. Il avoit commencé à servir
en qualité de Mousquetaire du Roy ;
ensuite il fut Capitaine de Cavalerie et
successivement Sous- Lieutenanten 1690,
et Capitaine-Lieutenant de la Compagnie
des Chevau- Légers d'Anjou en 1693 .
Il eut le 4. Octobre de la même année
II. Vol UnG
1 vj.
1453 MERCURE DE FRANCE
"
une jambe emportée d'un boulet de Canon
à la Bataille de la Marsaille en Pié
mont. La Croix de S. Louis lui fut ace
cordée le 6. Février 1694, et le feu Roy
le gratifia au mois d'Avril 1699. de la
Lieutenance Générale de Champagne et
Brie , vacante par la mort du Marquis
d'Escots. Il obtint au mois de Décembre
1701. un Brevet de retenuë de 20000.
livres sur cette Charge ; et il avoit eu au
mois de Juin précédent l'agrément de
S. M. pour traiter avec le Comte de Tallard
, depuis Maréchal de France du
Gouvernement Général du Pays de Foix..
Il prêta serment pour cette Charge entre
les mains du Roy le 29. May 1703 .
Il fut fait Grand- Croix de l'Ordre de S..
Louis le 1. Janvier 1720. Il étoit Fils de
Jean Isaac de Segur , Seigneur de Ponchat
et de Fouquerolles en Guyenne ,
dont la mort est raportée dans le Mercure
Gilant pour les mois de Novembre:
et Décembre 1707. et d'Anne - Marie de
Taillefer de Roussille et il avoit épousé
Claude Elizabeth Binet , restée Fille unique
et seule Héritiore de Henri Binet »
Seigneur de. S. Martin de la Garenne, des
Boullais et de Châtres en Brie , Maître.
Ordinaire en la Chambre des Compres
de Paris, et Procureur Général de la Rei
>
II.Vol.
ne
JUIN. 1737. 1459
ne Marie-Therese d'Autriche , et de Claude
Jolly , sa Femme . Il en laisse Henri..
François , Comte de Segur , Maréchal de
Gamp des Armées du Roy du 20. Février
174. qui lui succede dans ses Gouvernemens,
et qui a été marié le 12. Sep
tembre 1718. avec D. Philipe Angelique
de Froissy ; Jean Charles de Segur , ancien
Evêque de Saint Papoul , et Abbé
de N.D. de Vermand ,Diocèse de Noyon;
et D. Marie Anne-Françoise de Segur ,
Abbesse de l'Abbaye de Gif , O. S. B.,
Diocèse de Paris
Le 11. D. Louise- Antonine de Gontaut
de Biron , Epouse de François Michel-
César le Tellier , Marquis de Montmi
rel , Comte de Tonnerre et de la Ferté-
Gaucher , &c. Capitaine Colonel de la
Compagnie des 100. Suisses de la Garde
Ordinaire du Corps du Roy , avec le
quel elle avoit éré mariée le 25 Février
1732, mourut à Paris au Palais du Luxembourg
, âgée de 19. ans , laissant
deux Enfans. Elle étoit Fille de François
Armand de Gontaut , Duc de Biron , Pair
de France, Brigadier des Armées du Roy,
et de D. Mirje Adelaide de Grammont,
Dame du Palais de la Reine,
Le 14. Silvestre Bisc, Conseiller Secretaire
du Roy ,, Maison , Couronne de
blo Vol
France
1460 MERCURE DE FRANCE
France et de ses Finances , mourut à Pa
ris , dans un âge avancé. Il étoit Veuf.
de Jeanne le Brun , morte le 19. Juin
1723. Il en avoit eu Marie Marguerite
Bosc , premiere Femme d'Eustache - François
le Cousturier , President au Grand-
Conseil , Seigneur de Mauregard , mor
te le 25. Décembre 1727. âgée de 39. ans,
de laquelle il reste un Fils , et une Fille ,
mariée le 4. Novembre 1734. avec Charles
François de Montholon , Seigneur
d'Aubervilliers , Conseiller au Parlement
de Paris ; et Marie- Jeanne Bosc , morte
Femme de Louis - Nicòlas - Guillaume
Maurin , Conseiller en la Cour des Aides
de Paris , au mois de Janvier 1727. de
laquelle il reste trois Filles.
-
Le même jour ,François de Rivoire , Mar
quis du Palais , Seigneur de la Ville de
Feurs ,Civin - le - Mazoyer , &c. Brigadier
des Armées du Roy, et ci- devant Lieutenant
d'une des Compagnies de ses Gardes
du Corps, mourut à Paris , âgé de 67. ans
sans laisser d'enfans. Il avoit été fait Mestre
de Camp d'un Regiment de Cavalerie
par Commission du 24. Octobre 1706.et
ce Regiment ayant été licentié en 1714. il
obtint alors sa réforme à la suite du Regi
ment du Maine. Il entra au mois de Mars
1716. dans les Gardes du Corps en qualité
II. Vola d'Enseigne,
'JU IN. 1737. 1461
d'Enseigne , et monta depuis à une
Lieutenance. Il fut fait Brigadier à la
Promotion du premier Février 1719. On
a parlé de sa Maison , originaire d'Auvergne
, dans le Mercure du mois de
Juin 1728. Vol . 1. p. 1256. à l'occasion
de son Mariage avec Dame Marie- Caterine
Dorotée de Roncherolles de Pont
S. Pierre . Il avoit eu un Frere aîné , dont
la mort est raportée dans le Mercure de
May 1727. p . 1042.
Le 18. Dame Anne- Catherine Brunet ;
Veuve sans Enfans de Charles de Mornay
, Marquis de Villarceaux , Chevalier
des Ordres du Roy , Brigadier de ses Armées
, et Capitaine Lieutenant de la
Compagnie des Chevau Legers Dauphins
, qui fut tué à la Bataille de Fleurus
le premier Juillet 1690. mourut à
Paris dans la 78e année de son âge . Elle
avoit été mariée au mois de Mars 1683 .
et elle étoit Fille de Jean - Baptiste Brunet
, Seigneur de Chailly , Serigny , & c.
Conseiller du Roy en son Conseil d'Etat ,
Secretaire de S. M. Maison Couronne de
France et de ses Finances , et Garde de
son Tresor Royal , mort le 21. Juillet
1703. et de Marie de Cadolu , morte en
1670. Elle laisse pour Héritiers Pierre
Brunet de Chailly , Comte de Serigny ,
II. Vol Maître
1462 MERCURE DE FRANCE
Maître des Requêtes Honoraire de l'Hô
tel du Roy , et Président de la Chambre
des Comptes de Paris , son Frere , et
Charles- Jean Baptiste du Tillet , Seigneur
de la Bussière , et de Noyent , Président
Honoraire au Parlement de Paris ,
son Neveu.
Le 20. Pierre Delpech , Seigneur de
Cailly en Normandie , Président en la
Cour des Aides de Paris , Charge en la
quelle il avoit été recû le 5. Juin 1733
après avoir été Avocat général en la même
Cour depuis le 27. Mars 1732. mou
Fut dans la 26. année de son âge , étant
né le 16. Septembre 171. Il étoit Fils
unique de Pierre Delpech , Seigneur de
Cailly, premier Avocat Général en la même
Cour des Aides , mort le 9.Mars 1733 .
et de Marie Elizabeth le Fevre de Caumartin
de Cailly , morte le 27. Août
1717. et il avoit été marié le 11. Février:
1733. avec la Fille de Christophe Alexandre
Pajot , Seigneur de Villers , Contrô
leur- Général des Postes et Relais de Françe
, et d'Anne de Mailly- Charneüil . Il en
laisse un Garçon et une Fille.
Le 27. Dame Marguerite de Monchy
Epouse de Louis - François Vireau des
Epoisses , Seigneur de Villeflix et des
Arches , Maître de la Chambre aux De
II. Vols niers
JUIN.
17375 1463
"
و ت
alers du Roy , avec lequel elle avoit été
mariée au mois d'Octobre 1708. mourut
dans la so. année de son âge , étant néé
le 6. Mars 1688. elle laisse deux Filles
dont l'ainée Marie Marguerite Vireau de
Villefix , a été mariée le 29. Mars 1729,
avec Jacques- Marie - Jerôme Michau de
Montaran , Seigneur de Lisse , Beaure
paire , Brazeux , Conseiller au Parlement
de Paris , et Commissaire aux Requêtes
du Palais. La défunte étoir Fille de Phi
lipe de Monchy , Conseiller Secretaire
du Roy, Maison , Couronne de France et
de ses Finances , et ancien Fermier general
, mort le 18. Août 1731. âgé de 89 .
ans , et de Marguerite Normandeau , et
Seur aînée d'Anne-Magdeleine de Monchy
, mariée en 1713. avec Paul Delpech,
Seigneur de Chaumot, Keceveur general
des Finances en Auvergne , et ci devant
Fermier General.
Le 28. Dame Alfonsine Elizabeth de
Guenegand , Veuve depuis le 15. Décembre
1709. de Hardouin de l'Isle , Marquis
de Marivaux , Seigneur d'Anseauvillier
la Koue , Lieutenant Général des Armées
du Roy , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , avec lequel elle avoit été
mariée le 27. Mars 1692. mourut à Paris
dans la 80. année de son âge , ayant été
11. Vol. baptisée
1464 MERCURE DE FRANCE
baptisée le 9. Mars 1658. Elle étoit Fille
de Claude de Guenegaud , Seigneur du
Plessis Belleville , Silly , & c . Conseiller
du Roy en ses Conseils et Trésorier de
P'Epargne , mort le 13. Décembre 1686.
et de D. Catherine- Alfonsine Martel de
Montpinson , morte le 20. Mars 1710.
Elle laisse un Fils , qui est Loüis - Jean-
Jacques de l'isle , Marquis de Marivaux ,
Sous Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes de Bretagne.
Le 20. May les Cérémonies du Baptê
me furent supléées à Jean- Baptiste - Joachim
Louis , né et ondoyé le 13. prece
dent , Fils de Louis du Plessis - Chastillon,
Marquis dudit lieu et de Nonant , Lieutenant
Général des Armées du Roy ,
Gouverneur pour S. M. des Ville et Château
d'Argentan en Normandie , et de
D. Catherine-Pauline Colbert de Croissy.
Le Parain , Jean Baptiste- Joachim
Colbert , Marquis de Croissy , Colonel
du Regiment Royal d'Infanterie , Brigadier
des Armées du Roy , et Capitaine
des Gardes de la Porte de S. M. son oncle
maternel. La Maraine D.Marie Brunet de
Rancy , épouse de Louis Henri - François
Colbert , Comte de Croissy , Lieutenant
General des Armées du Roy , et du Com
II. Vol. té
JUIN. 1737. 1469
té Nantois , grande Tante maternelle.
Le 21. nâquit Marie Françoise , Fille de
Charles-François , Marquis de Sassenage ,
et de Pont en Royans , Sire de Vité et de
Brullon , Seigneur de Vouré et d'Yzeron ,
second Baron de Dauphiné , Lieutenant
General pour le Roy dans la même Pro
vince , Brigadier de ses Armées , et Mes
tre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
, et de D. Marie - Françoise Camille de
Sassenage son Epouse.
Le 1. Juin , les Ceremonies du Bapë
tême furent supléées dans la Chapelle du
Palais de Luxembourg , à Marie Louise
Julie , Fille de Joseph - Yves Thibaud ,
Marquis de la Riviere , Comte de Cor
lay , et de D. Julie Louise- Celeste de la
Riviere , Dame du Palais de la Reine , seconde
Doüairiere d'Espagne , mariés le 6.
Juin 1735. la Maraine fut la Reine seconde
Douairiere d'Espagne , et le Paráin le
Duc d'Orleans .
"
Le 19. est né, et a été baptisé le même
jour en la Paroisse de S. Louis en l'Isle ,
Charles-Paul - Nicolas , Fils de Ch. Jean-
Pierre Barentin , apellé le Comte de Montchal
, Vicomté de la Motte , premier Cornette
de la Compagnie des Chevau - Legers
Dauphins , et de D. Louise Magdeleine
Bertin de Vaugien , ses Pere et Me-
II. Vol. se ,
1466 MERCURE DE FRANCE
re , qui ont été mariés le 16. Mars 1735 .
Il a eu pour Parain Nicolas Bertin , Seigneur
de Vaugien , Maître des Requê
tes Honoraire de l'Hôtel du Roy , son
Bisayeul maternel , et pour Maraine
Dlle Marie Catherine de Montchal .
sa grande Tante paternelle . Le Pere de
cet enfant est frere puîné de Charles-
Amable Barentin , Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roy , Inten
dant à la Rochelle depuis six mois , et
marié avec Marie - Catherine le Fevre
d'Ormesson , Fille de l'Intendant des
Finances.
kakakakakakakak kakakik
ARREST NOTABLE.
ARREST du Conseil , du 11. Juin , suit.
dont
Le Roy ayant été informé vers la fin de l'année
derniere , des difficultés qui commençoient
s'élever au sujet d'un Missel imprimé pour l'u
sage du Diocèse de Troyes , Sa Majesté auroit
juge à propos de le faire examiner par des personnes
dignes de sa confiance , afin que sur le
compte qui lui en seroit rendu , elle fût en état
de prendre les résolutions les plus convenables à
sa sagesse , pour empêcher qu'on ne fît naître à
cette occasion de nouvelles disputes dans son
Royaume; et comme le sieur Archevêque de Sens
1
i
FI. Vol. vient
JUI N.
1737. 1467
ient de faire paroître un Mandement ou Ins
ruction Pastorale sur le même Missel , qu'il a
adressé non seulement au Clergé de son Diocèse
mais aussi au Chapitre de l'Eglise Cathédrale de
Troyes , comme soumis immédiatement à sa Juris,
diction , Sa Majesté auroit consideré qu'il étoit
à craindre que ce Mandement ne donnât lieu à
des procédures judiciaires , qui faisant encore
plus éclater au - dehors une si grande oposition
de sentimens et de conduite entre un Evêque er
son Métropolitain , formeroient un spectacle
affligeant pour les gens de bien, capable de scan
daliser es foibles et qui ne pouroit plaire qu'aux
ennemis de la Religion et de la tranquillité pu
blique, à quoi étant nécessaire de pourvoir pour
étouffer , s'il se peut , dans sa naissance , toute
Nouvelle semence de dissention , Sa Majesté étant
en son Conseil , a évoqué et évoque, en tant que
besoin seroit , retient et réserve à sa Personne la
connoissance de toutes les poursuites , procédu
res, actes ou délibérations qui pouroient avoir
été , ou qui seroient faites à l'occasion dudit
Missel de Troyes, ou dudit Mandement du sieur
Archevêque de Sens , circonstances et dépendances
, Sa Majesté défendant à toutes ses Cours et
autres Juges , d'en prendre connoissance , et à
toutes Parties d'y avoir recours,à peine de nullité
et de cassation de leurs poursuites et procédures.
Ordonne S.M.que led .Missel er led . Mandement,
ensemble les Memoires qui lui ont été envoyés
par le sieur Evêque de Troyes , pour justifier les
changemens de Rit ou de cérémonies qu'on lui
reproche d'avoir faits dans ledit Missel, et autres
nouveaux Mémoires qu'il poura y joindre , si
bon lui semble , seront remis entre les mains
de ceux que Sa Majesté jugera à propos de choi-
II. Vol sir
488 MERCURE DE FRANCE
sir incessamment dans son Conseil , comme aussi
dans l'Ordre Episcopal , pour y être , sur leur
avis , pourvû par Sa Majesté , ainsi qu'elle estimera
le devoir faire pour le bien commun de
J'Eglise et de l'Etat .
APROBATION.
'Ay lú par ordre de Monseigneur le Chancelier
, le second Volume du Mercure de
France du mois de Juin , et j'ay crû qu'on pouvoit
en permettre l'impression. A Paris , le is.
Juillet 1737.
HARDION.
TABLE.
IECES FUGITIVES. L'Esprit et la Beau
Pré,Dialogue,
Histoire abregée des Journaux de Jurispruden-
1257
ce Françoise , & c.
1261
Stances à Mad . l'Abbesse de .... pour le jour
de sa Fête , 1296
Septiéme Lettre sur quelques Sujets de Litterature
A M. de C. de F. V'ers ,
1298
1315
Lettre de M. le Chevalier de la T. sur la Peinture
, &c.
Ode ,
Lettre au sujet d'une Pendule curieuse ,
Ole Sacrée ,
1218
1330
1333
1336
Réponse au sujet du Lieu de la Naissance de
5. Louis ,
1338
Plainte
Flainte et Remontrance à un Docteur , &c. 135f
Elog: de Dom Cl. Dupré ,
1357
Epigramme ,
1368
Diver issement sur la Paix ,
1369
Enigine , Logogryphes , &c . 1375
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS, -
&c. Principes de l'Histoire , &c. 1379
iblioth que l'alique , & c. 1382
1396
Discours Evangéliques , &c.
1398
Lettre Critique sur la Vie de Pierre Gassendi ,
1399
Mémorial Alphabétique sur toutes les Matieres
des Eaux et Forêts , & c.
Nouvelle Imprimerie à Lausanne , & c. ibid.
Lettre sur les Mémoires de M de Thou, & c. 1403.
Cours de Chymie démontré par Experience ,
&c.
1404
Académie de Peinture et Sculpture , &c . 1409,
Prix de l'Académie des Jeux Floraux ,
Académie de Soissons et Programme , &c. ibid.
Morts d'Hommes Illustres , & c.
1410
1412,
Lettre sur les Pilules Mercurielles , &c .
1413
Chanson notée , 1419
Spectacles. Tambourin , Parodie , &c. ibid.
Nouvelles Etrangeres , Lettre de Constantinople
,
1424
D'Afrique ,
1428
De Pologne et Allemagne , 1430
D'Italie , de l'Isle de Corse , &c. 1432
Grande -Bretagne 1438 >
Morts des Pays Etrangers ,
France. Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
1439
Fête donnée à Bayonne ,
Compliment en Vers , &c,
1440
1444
1448
Benefices
Benefices donnés par le Roy ,
L'Austrasie , Cantatille ,
Morts , Naissances ,
Arrêt Notable
-Y4)
1411
1456
1460
Errata du premier volume de Fuin.
PAge 1222. lignes . Hecquet , ajoûtez d'Abs
Ibid. ligne 9. 74. lisez , 78. ans accomplis.
P. 1225. l. 8. 63. l. dans la 59e année.
P. 1245. l . 29. d'Argenvilliers , 1. d'Anger;
villiers.
P. 1246. 1. 8. entrenus , 1. entretenus.
P..1254. 1. 24. bassecules , I. bascules .
Fantes à corriger dans ce Livre.
PAge 1317. ligne 12. moins , lisez, et.
La Chanson nasée dois regarder la page
1419
John
Bigelow
to the
Century
Association
* DM
Mercure
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1 .
DEDIE AU ROT.
MAY.
1737.
SPARGIT
QURICOLLIGITS
Chés .
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
rue S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. D C C. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARYI
203
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
LM
A VIS.
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Merqure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
fein d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardi
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaitevont
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auronı
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter jur
l'heure à la Pofte, on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS
naître
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
MAY. 1737.
PIECES
** ****** *******
FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
ODE
SUR LA PAIX.
Uel est ce Roy puissant que l'Univers
conteinple !
D'une guerre sanglante il finit les
malheurs :
La Discorde s'enfuit : Janus ferme
son Temple :
Triste Europe , séche tes pleurs.
A ij Tes
$H.P
834
MERCURE
DE
FRANCE
Tes
enfans
divisés
, ô déplorable
Mere
! !
Dans leur fureur impie ont déchiré ton sein ;
Le frere dans le sang de son malheureux frere
A trempé le fer assassin.
Des Mortels insensés quel est donc le délire e
Unis par la Nature , unis par les besoins ,
Ils sont faits pour s'aimer , et c'est à se détruire
Qu'ils semblent mettre tous leurs soins,
En vain tu leur criois : quel démon vous entraîne
De vos jours passagers , miserables Humains ,
Le temps impitoyable use assés tôt la chaîne
Sans la rompre encor de vos mains.
Ces cruels étoient sourds à tes cris, à tes larmes
Ils te fermoient leurs coeurs à la discorde ouverts;
Mais Louis a parlé ; dissipe tes allarmes ,
LOUIS a calmé l'Univers.
M
Tel , soudain s'élevant sur les ondes émuës ,
Neptune d'un regard enchaîne tous les vents ;
Ason terrible aspect les vagues suspenduës
Retiennent leurs mugissemens.
Douce
MAY.
1737. 835
Douce Paix , dans ton sein nous allons voir renaître
Les Muses et les Arts , les Plaisirs et les Jeux :
FLEURY , digne Conseil , digne ami de ton
Maître ,
C'est toi qui les rends nos voeux !
Tes jours que l'on bénit ressemblent dans kur
course
A ces Fleuves fameux , qui , larges et profonds ,
Croissent à chaque pas qu'ils font loin de leur
source ,
I
Toujours de plus en plus féconds .
Louis douze , d'Amboise , ô noms chers à la
France !
Objets pour nous sacrés de respect et d'amour
Le Ciel dans ses faveurs passant notre esperance
Vous a-t'il rapellés au jour ?
裕
Heureux un Roi quf sage et maître de lui- même
De son ambition sçait étouffer la voix !
Du bonheur de son peuple il fait son bien su→
prême ,
Et ses bienfaits sont ses exploits.
$12
DesDieux Juges des Rois, Ministre debonnaire a
A ij De
836 MERCURE DE FRANCE
De leurs soins paternels il partage le faix ;
Comme eux , c'est à regret qu'il s'arme du tonnerre
,
Toujours prêt à donner la Paix.
Dieux justes ! Dieux vengeurs ! c'est dans votre
colere
Pour panir nos forfaits au comble parvenus ,
Que vous mettez au jour ces monstres de la terre
Du nom de Héros revétus.
來
Torrens impetueux , leur funeste passage ,
D'un déluge de sang inonde l'Univers ,
Et ces fiers destructeurs, tel qu'un feu qui ravage;
Changent les Cités en déserts.
Les bienfaits de Titus consacrent mieux 18
gloire ,
Que tous les grands exploits de ces fameux Vain
queurs ;
Alexandre et César vivent dans la mémoire ,
Les bons Rois vivent dans les coeurs.
LETTRE
MAY. 1737
LETTRE touchant le doute proposé an
sujet des Auteurs des Annales , connuës
sous le nom de Saint Bertin.
E Public est très- obligé , M. au
L5
ger d'examiner quels sont les Auteurs
des Annales qu'on surnomme du nom
de S. Bertin. Aussi - tôt que j'eus lû dans
le Mercure de Décembre 1736. les raisons
qu'il aporte , pour attribuer à Prudence
, Evêque de Troyes , ce qu'elles
contiennent depuis l'an 8 30. jusqu'à l'an
860. j'examinai les faits par moi-même.
J'ai relû ces Annales avec plus d'attention
que je n'avois jamais fait , persuadé
qu'elles partoient d'une bonne Plume , et
d'un Sçavant du premier ordre pour ce
Siécle-là. Ma lecture n'a fait que mecon
firmer de plus en plus dans l'opinion que
la premiere Partie de cette continuation ,
( qui n'est qu'une suite des Annales d'Eginhard
) devoit être d'un Ecrivain demeurant
en France , et même dans la
Champagne. Je n'ajoûterai rien aux Argumens
que M. L. D. L. R. a produits
pour prouver que c'est Hincmar de
A iiij
Rheims
38 MERCURE DE FRANCE
Rheims , autre Champenois , qui a continué
, ou fait continuer ces Annales , depuis
la mort de Prudence .
Mais voici , M. ce que je crois digne
de l'attention des Curieux.
On connoît plusieurs sortes d'Annales
qui se terminent au IX. Siécle. Il y
a les Annales d'Eginhard , continuées jusqu'à
l'an 829. Celles de Fulde , celles
de Metz. Les deux premiers Recuëils
portent avec eux des marques que l'Ecrivain
étoit des Cantons d'Allemagne .
Les Traits Historiques singuliers , les
évenemens Physiques , et autres , dont
Hs chargent leurs Annales , sont presque
toûjours arrivés dans la Germanie , l'Alsace
, les Pays- bas ou la Lorraine . L'Auteur
des Annales de Fulde fait voir par le
mal qu'il dit de Charles le Chauve , en
quel Lieu il écrivoit. Les Annales de
Metz ont aussi quelque chose qui les
caracterise , et qui prouve que c'est à
Metz qu'elles furent compilées. Mais il
n'en est pas de même de celles de Saint
Bertin ; elles ne contiennent rien qui
prouve que ce soit un Moine de S. Bertin
, ou un Auteur des environs qui les
ait redigées. Il n'y a rien de singulier ni
sur l'Abbaye de S. Bertin' , ni sur Saint
Omer , ou sur les autres Eglises et Pays
voisins
MAY. 1737. 8.3.9
voisins , qui paroisse avoir été observé
par préférence. Au contraire l'Auteur remarque
avec soin des évenemens arrivés
enChampagne ; et comme par une espece
de prédilection , il instruit tout le Royaume
, de faits qui ne regardent proprement
que la Champagne , ou pour parler
le langage Ecclesiastique , la Province
de Sens , parcourons un peu, ces Annales
.
A l'an 834. l'Auteur entre dans le détail
sur la route que Louis le Débonnaire
tint pour venir de Langres à Blois : etil
dit , que ce fut per Tricaffinorum & Carnotum
ac Dunenfium Regiones . De plus de tous
les Annalistes qui ont parlé de la Bataille
deFontenay proche Auxerre donnée en
841. cet Auteur est celui qui en fait encore
un plus grand détail , si on en excepte
Nithard qui s'y trouva en personne.
L'endroit où elle fut donnée n'est qu'à
23. lieuës ou environ de Troyes. Prudence
y raconte des faits qu'on ne lie
pas
pas même dans Nithard , par exemple ,
la prise de Georges Evêque de Ravenne ,
qui s'étoit trouvé à cette Bataille comme
envoyé du Pape pour concilier les Prin
ces .
A la même année 841. il nous aprend
comment Lothaire , qui venoit de passer
A v le
840 MERCURE DE FRANCE
le Rhin , essayant de passer la Riviere
de Seine , remonta jusqu'au Pays apellé
Mauripensis , et pénétra par- là jusqu'à
Sens. Prudence devoit connoître à merveille
ce Pays Mauripensis puisqu'il
étoit en partie dans son Diocése . Il en
dit encore un mot à l'an 859. nous aprenant
que Nogent sur Seine étoit de ce
Pays , dit Pagus Mauripensis. Aussi ne
faut - il point le confondre avec le Hurepoix.
( a ) Ce fut en cet endroit aparemment
, comme étant situé dans les
parties supérieures de la Seine , que Lothaire
passa cette Riviere en 841. pour
venir à Sens. Au moins l'Annaliste a
cru qu'il convenoit de faire remarquer à
l'an 859. que les Corps des Saints Denis ,
(a ) Ce pagus Mauripensis est le même que le
Morvisus , qui touchoit au Pays Provinisus du
Capitulaire de l'an 853. Il aboutissoit au rivage
droit ou Oriental de la Seine , & non à l'autre
rivage . Nêlle qui la reposte du Diocése de
Troyes , étoit aussi alors du même Pays. Il me
semble qu'il y auroit quelque chose à retoucher
dans M. de Valois à l'article de sa Notice , ou
il traite du Pays Mauripensis. Je ne voudrois
point confondre ce Pays avec le Hurepoix . Le
Mauripensis fut rendu en langage vulgaire dans
les Titres par Morvois , que les Notaires ont
corrompu en celui de Montois. M. Niverd Conseiller
au Présidial de Provins , m'écrivit en
8727. que le nom de Mantois étoit fort nouveau ,
Rustique
'MA Y. 1737. 841
Rustique et Eleuthere , furent transportés
à Nogent sur Seine , pour être à couvert
de l'insulte des Normans ; et qu'on
les y cacha soigneusement dans des Tombeaux
, le 21. Septembre. Il convenoit à
l'EvêqueDiocésain de sçavoir ces particularités.
Nogent surSeine est du Diocèse de
Troyes , et n'est éloigné de la Ville Episcopale
que de 8. lieues . Continuons :
Il n'est point surprenant qu'à l'an 842.
il marque le double passage du Roy
Charles le Chauve par la Ville de Troyes
Tout autre que lui l'auroit marqué de
même ; le second surtout , puisque ce
Prince y célebra la Fête de Pâques . Mais
observez comment il décrit la route qu'il
tint en allant de Troyes à Strasbourg :
Inde Trecas adiens per Alfenfem pagum et
Tullum civitatem , & c. Ce pagus Alfensis
est une contrée des environs de Bar- sur-
Aube , qu'on nomme l'Azois , Pays qui
même alors étoit moins connu que le
Mauripensis : il est sur la route de Toul
au sortir de Troyes.
L'année 846. est remarquable dans ces
Annales par un fait des plus extraordinaires
, et qui est circonstancié d'une maniere
qui fait croire quel'Historien n'étoit
pas bien éloigné du Pays Auxerrois . C'est
une inondation arrivée àAuxerre au mois
A vi
de
842 MERCURE DE FRANCE
de Mai. Je la raporterai dans les propres
termes de l'Auteur , quoiqu'elle soit déja
dans le Mercure du mois de Septembre
1724. page 1940. Hujus anni mense Maio
tanta apud Altiodorum civitatem inundatio
pluviarum fluxit ut parietes penetrans ipfas
etiam cupas plenas vini influvium Icaunam
retulerit fed et quod est mirabilius quan
dam vineam cum terra , vitibus , et arboribus
omnibus in nullo disruptam , ita ut erat,
solidam à parte Icauna fluminis in alteram
ejusdemfluvii partem transposuerit , ac si in
eodem agro naturaliterfuerit.
A l'an 858. il marque un évenement peu
important duDiocése de Sens , avce des circonstances
qui suposent un Ecrivain bien
voisin du même Pays. In pago Senonico ,
dit- il , in Ecclefia Sancia Porcaria die
Dominico celebranie Missam Presbytero ,
lupus fubitò introiens , plebemque assistentern
discurrendo perturbans , tandem inter
feminas identidemfaciens , disparuit. L'Eglise
de Sainte Porcaire est située entre
Auxerre et Troyes . Ce n'est plus aujour
d'hui qu'une Ferme dépendante de l'Abbaye
de Pontigny , où on l'appelle Sain
re-Procaire. C'est à une petite demie lieuë
de cette Abbaye , à l'extremité du Diogése
de Sens.
A la même année , l'Auteur nous fait
voir
MAY. 1737 84%
voir qu'il connoissoit parfaitement la
Carte du Diocèse de Troyes et du voisi
nage : c'est lorsqu'il raporte la route
que tint le Roi Louis le Germanique
pour venir d'Allemagne jusque dans le
Pays Orleanois , à l'insçu de son Frere
Charles le Chauve. Du Palais de Pontion
dans le Pertois , il passa dans le Chalonois
et chés les Peuples apellés Cupedenfes
De là à Sens , d'où il entra dans
l'Orleanois : et y ayant executé ses desseins
, il revint par le même chemin , ufque
ad Cupedenses. Quibus Karolus Rex
compertis per Catalaunos ufque ad Breonam
Villam festinus graditur. Charles auroit
bien voulu combattre ; mais n'étant pas
soutenu , il se retira en Bourgogne : et
Louis grossissant son parti de ceux qui
avoient quitté celui de Charles , vint à
Troyes , où il récompensa ceux qui l'avoient
apellé en France . Tout cela est
tiré de ces Annales.
Je n'insisterai point ici sur la circonstance
de Troyes , ni de Brienne qui est
au Diocèse de Troyes ; le fait étant certain
il pouvoit être remarqué par les An
nalistes de ce temps - là quels qu'ils fussent,
Mais qu'un Auteur Flamand ait connu
les Peuples apellés Cupedenses , il n'y a
aucune apparence. C'étoient des Peuples
344 MERCURE DE FRANCE
ples obscurs situés sur les limites des
Diocéses de Troyes, de Sens et de Meaux,
qui ne pouvoient guere être connus que
par un Ecrivain Troyen , Meldois ou Senonois.
Pourquoi notre Annaliste sçut - it
qu'un Moine de Saint Germain de Paris,
avoit déposé à Aimant au Diocèse de
Sens en 858. les Corps de deux Martyrs
qu'il avoit aportés d'Espagne , si non
parce que ce Village est tout auprès de la
petite Ville de Montereau , située à la
jonction de la Seine et de l'Yonne , et
par conséquent fort proche de la route de
la Haute Champagne à Paris , fréquentée
par les Troyens ? Or Prudence , comme
Espagnol , dut s'interesser à cet évenement
, et il crut devoir le faire connoî
tre à la postérité.
Toutes ces circonstances Historiques
désignent certainement un Ecrivain de
la Province Senonoise et des environs de
Sens , Troyes et Auxerre. Je crois cependant
qu'il doit être de Troyes , plûtôt
que d'aucune autre Ville , parce que c'est
celle dont il spécifie avec plus de soin
Jes Pays voisins , tels que les Mauripenses
, Alsenses , Cupedenses : Ensorte qu'il
me semble qu'on peut apliquer ici ce
qu'a dit saint Jerôme, Ex verbis et inte
pre :
MAY. 1737 845
pretatione nominum sæpe res ostenduntur
in Jer. cap. XXIII.
Mais ce qui démontre qu'on ne peut
raisonnablement attribuer la rédaction de
ces Annales à un Moine de saint Bertin ou
du voisinage ; c'est qu'à l'an 845. l'Auteur
parle de ce Monastere comme d'un
Endroit qui lui étoit peu connu, Un certain
Monastere , dit- il , apellé Sithdin.
C'est en racontant les ravages des Normans
: Cum à quodam Monasterio, Sithdin
nomine, direpto incenfoque ,oneratis navibus
repedarent , &c. Un Ecrivain du Pays se
seroit il exprimé ainsi ? Auroit- il aussi
apellé les Peuples de Teroüenne Tarvisii
, comme a fait l'Annaliste à Pan
850 ? Ce terme de quodam Monasterio
dénote clairement un Ecrivain éloigné ,
et il étoit pardonnable à un Espagnol ,
résident à Troyes , de désigner l'Abbaye
de saint Bertin , sous ce terme vague ;
puisqu'encore au douziéme siecle , des
Abbés de Ferrieres au Diocèse de Sens ,
ignoroient qu'il y eût aux Pays-Bas une
Abbaye, dite Saint Martin de Tournay, et
réciproquement des Moines des Pays- Bas ,
ignoroient où étoit située la célebre Ab-
Baye de Ferrieres. Les informations faites
là - dessus de part et d'autre , sont curieuses
à lire dans le Spicilege de D.Dachery,
Tome
848 MERCURE DE FRANCE
Tome XII. in Hist. Restaur. S. Martini
Tornac. Ainsi la distance de 80. lieuës
qu'il y a de Sithin , ou de saint Bertin à
Troyes , étoit sufisante pour que Prudence
se contentât de dire un certain Monastere
nommé Sithiu.
De plus , si c'étoit un Moine du Pays
de Teroüenne , ou de Saint- Omer , qui
eût compilé ces Annales , ou qui se fûr
chargé d'écrire les évenemens considérables
, pourquoi seroit- il entré dans un détail
de certaines minuties qui regardent
ła Province de Sens , et le voisinage de
Troyes ? et eût-il oublié des faits de conséquence
, arrivés , pour ainsi dire , aux
Portes de Saint Bertin ? C'étoit à lui
plûtôt qu'à un Moine de Saint Vandrille
au Diocèse de Rouen (a) à nous transmettre
les horribles ravages de Port de
Quentavich , faits par les Normands en-
844.cependant les Annales de Saint Ber
tin n'en font aucune mention , et sanscet
Annaliste de Saint Vandrille nous
ignorerions ce fait .
Concluons donc de tout ce que j'ai dit,
que
les Annales connues sous le nom de
Saint Bertin , sont de Prudence depuis-
(a ) Duchêne , Tom. 2. pag. 388 Quentavich
étoit à l'embouchure de la Riviere de Canche ,
dixu douze licuës de Saint Berting
l'an
MAY.
1737. 847
f'an 830. jusqu'à l'an 860. et qu'elles
sont celles - là même dont Hincmar veut
parler : que s'en étant fait des copies ,
une de ces copies a été portée aux Pays-
Bas , et ayant été conservée à Saint Bertin
, elle a servi d'original à ceux qui
l'ont fait imprimer.
Voilà M. ce que j'ai cru devoir ajouter
à l'Ecrit de M. L. D. L. R. pour
confirmer de plus en plus le Lecteur
dans la pensée qu'a eu M. l'Abbé Fleury.
Je suis d'autant plus persuadé que
Saint Prudence est le premier Continuateur
des Annales d'Eginhard , que dans
la dénomination de quelques Fêtes dont
il parle , je le vois employer des termes
plus usités dans l'Eglise d'Espagne que
dans celle de France , tel est le nom
de Festum Apparitionis qu'il donne à
l'Epiphanie toutes les fois qu'il a occasion
d'en parler sçavoir , aux années 838 ,
839 , 840 et 842. Consultez là dessus la
Liturgie Mozarabe , au moins le fragment
qui est dans le premier Tome des
Sacremens , du Pere Martenne à l'endroit
de l'arrangement des offrandes. Vous ob
serverez aussi , si vous lisez les trente années
de ces Annales , que FAuteur par
lant de la plupart des anciennes Villes du
Royaume , se sert des noms qui sont
dans
848 MERCURE DE FRANCE
dans l'Itineraire d'Antonin , ou dans les
Commentaires de César Aiedincum
Senonum Augufta Trecorum , Casarodunum
Turonum , Durocortorum Remorum , Samarobriva
Ambianorum , et toujours Loticia
Parisiorum. Ce Loticia ressent assés le
langage étranger : et toutes ces dénominations
par périphrase , conviennent ce
semble au genie d'un Espagnol qui avoit
de l'érudition , comme en est convenu
son Continuateur Prudentius , dit-il
adprimè Litteris eruditus .
Au reste , M. comme il paroît qu'il
y a bien des siecles que l'Eglise de Troyes
l'honore comme Saint ; je ne fais aucune
difficulté de lui donner ce titre en finis
sant ce qui le regarde. J'ai vû un suplement
au Martyrologe Romain , im
primé il y a environ quarante ans , par
les soins du Pere Simon MothierJesuite,
dans lequel je le trouve. Lisez ce que
Molanus et depuis lui les Bollandistes
ont dit de Saint Forannan Abbé de Vazor
au 30. Avril , et vous verrez que la répu
gnance que l'on a à admettre certains
Saints de l'Antiquité , ne dure qu'un
temps; après quoi on revient à l'ancienne
Tradition , quand les faits ont été éclairg
cis . Je suis , Monsieur , & c .
A Paris ce 31. Janvier 1737.
LA
MAY.
1737. 849
akakakakakakakakakakakakakak
LA GLOIRE DES BERGERS.
Le
EGLO GUE.
Tirsis , Licidas.
E Soleil au milieu de sa course rapide
Fait sentir aux Mortels sa chaleur homicide ;
Les Oiseaux amoureux se cachent dans nos bois;
La Cigale en nos champs fait retentir sa voix ;
L'herbe aride pâlit dans nos tristes Prairies ,
Les Nymphes à regret voyent leurs source
taries ;
Tirsis et Licidas sous un feuillage épais
Evitent du Soleil la fureur et les traits ;
Leurs Moutons auprès d'eux couchés sur la verè
dure
Préferent le repos à la douce pâture ;
Lesommeil , die Tirsis , me paroît ennuyeux j
Que ces tristes Pavots s'éloignent de nos yeux ;
De crainte que Morphée enfin ne nous surprenne,
Chantes-nous ks Chansons qu'aux nôces de
Climene
Tu chantois , Licidas , je me souviens des airs
Je n'ai pu retǝnir ni le sens , ni les vers.
Chantons , dit Licidas , cette Chanson galante
Que je fis autrefois pour la jeune Amarante ;
Insensé , je n'osois lui déclarer mes feux ,
Je
850 MERCURE DE FRANCE
Je gravai sur un Pin ces couplets amoureux ;
J'aime mieux ,dit Tirsis, entendre cet Ouvrage ,
Ou des Dieux employant le sublime langage ,
Tu nous peignis l'Amant de la jeune Daphné
Conduisant chés Admette un Troupeau fortuné:
Muses , dit Licidas , animez mon audace ,
Je chante dans ces Vers le Maître du Parnasse ;
Phébus tire des Arts son plus grand ornement ,
Ila de cent Secrets la science parfaite ;
Contre l'Amour , hélas ! est- il quelque recette ?
L'Art opose à l'Amour ses Secrets vainement :
Laisse-là tes Troupeaux, Phébus , sui ta Bergere,
Pour elle tu quittas la demeure des Dieux ,
Loin d'elle , le Nectar est peu délicieux ,
Et le séjour du Ciel te paroît solitaire ;
Tantôt mêlant sa voix au murmure des eaux ,
Phébus dans nos Vallons exprime son martyre;
Quelquefois confiant sa douleur à sa Lyre
Il nous aprend des sons et tendres et nouveaux ;
Diane qui le voit conduisant ses Troupeaux
Et tenant dans sa main une simple Houlette ,
Est atteinte en son coeur d'une douleur secretteg
Est- ce donc là le Dieu qu'on adore à Delos
Sur le sacré Trépied, auteur de cent Miracles ,
Des Peuples et des Rois Phébus fut consulté ,
Occupé de ses feux , il ne rend plus d'Oracles ,
Et son Temple sera pour jamais deserté ;
Voilà , cruel Amour , ton caprice ordinaire ,
Phébus
MAY.
1737.
Phébus devient Berger , privé de ses Autels ;
Mais un Berger qui plaît à sa tendre Bergere ,
Est placé par l'Amour au rang des Immortels $
Ces chants , reprend Tirsis , ont charmé mon
oreiHe ,
Les Rossignols n'ont point une douceur pareille,
Pour finir d'un seul trait la gloire de nos bois ,
Permets qu'à tes accens Tirsis joigne sa voix.
Tandis que ses Coursiers s'abreuvoient d'Am
broisie ,
Venus se promenoit dans les bois de Paphos ;
Sous un Myrthe Adonis goûtoit un doux repos
Exempt des passions qui troublent notre vie ;
Venus en le voyant sent enflammer son coeur ;
L'Amour , qui le croira n'épargne point sa
Mere ?
La Déesse des coeurs brûle pour un Pasteur
Et déclare au Berger son amour la premiere ;
Qui pouroit à Venus refuser de l'amour t
L'heureux Berger suivit sa tendre destinée ,
Sans effort il aima la Déesse à son tour ,
Les Jeux et les Plaisirs chanterent l'Hymenée ;
Que ces évenemens sont grands , sont précieux !
Phébus devient Berger , et nous comble de gloire
Sur Venus Adonis remporte la victoire ,
Quels fastes marqueront des faits plus glorieux
Pierre Defrasnay,
?
NOU852
MERCURE DE FRANCE
**********************
NOUVELLES OBJECT IONS
CONTRE L'AME DES BESTES.
J
E me trouvai il y a quelques jours
dans une compagnie, où la conversation
tomba sur l'Ame des Bêtes : On disputa
vivement pour et contre , mais on
ne convint de rien et chacun resta
dans son sentiment. C'est l'ordinaire :
Ainsi les Auditeurs n'en furent point
surpris , et ceux qui n'avoient pris aucun
parti , convinrent que la question , de
sçavoir si les Brutes ont une Ame intelligente
distinguée de la matiere , est tout
à fait problematique , et que les deux
opinions et celle qui soutient l'existence
de cette Ame , et celle qui la nie , ong
également leur vrai semblance.
Tantas quis poterit componere lites ?
Quoique je me fusse mis du nombre
de ces derniers , je n'ai pas laissé en mon
particulier de faire quelques reflexions
sur cette question , d'autant plus que
chacun des Disputans , avoit prétendu
que son sentiment étoit le plus conforme
à la Religion. Ce fut là le point le
plus
MAY. 17379 853
plas débattu de part et d'autre , surtout
su sujet d'un certain Ouvrage Anglois ,
ou prétendu tel , sur cette matiere , dont
on cita des morceaux qui établissent des
principes , lesquels parurent à tout le
monde aller trop loin , et être peu conformes
à l'analyse de notre foy.
: Mes reflexions m'ont conduit à des
objections contre l'existence de cette
ame prétenduë , qui m'ont paru d'autant
plus interessantes , qu'elles ont fait
la même impression sur ceux auxquels je
les ai communiquées , et comme je ne
me souviens pas de les avoir vûës dans
aucun des Ouvrages que j'ai lûs sur ce
sujet : j'ai crû pouvoir les exposer pour
en avoir la solution . Peut- être produi
ront elles l'utilité que je m'en suis proposée
, par raport à la Religion , que
Pon met en jeu dans ces disputes . Aussi
sera-ce l'objet auquel je m'attacherai le
plus , après avoir premierement proposé
une difficulté , que la raison et l'expérience
seules m'ont fournie : la voici tele
le que je l'ai conçûë.
La preuve la plus vrai semblable de
Fexistence de l'Ame , dont il s'agit , est
sans contredit celle qui se tire de la docilité
des Brutes , que je nommerai dans
la suite avec le vulgaire , les animaux
simplement.
154 MERCURE DE FRANCE
•
simplement. Plusieurs de ces animaux ,
dit- on sont disciplinables ; on leur
aprend une infinité de choses, qui ne conviennent
point à leur nature , à chasser,
à danser , à jouer aux cartes et même
aux échets ; ce qu'ils font souvent avec
plus de dextérité et de succès que la plûpart
des hommes même : or leur instinct
*brute et naturel n'étant point ici ce
qui opere en eux ces effets si surprenans,
il faut nécessairement y reconnoître une
ame intelligente , un fonds de pensée
qui soit capable de se lier avec les signes
arbitraires dont il plaît aux hommes de
se servir , pour instruire ces animaux qui
connoissent ces signes , qui y répondent
par les effets que l'on attend d'eux , et qui,
>
en un mot , par ce moyen se trouvent
en état de lier un commerce et une espe
ce de societé avec les humains . S'il n'étoit
question que des operations , qui ,
quoiqu'admirables sont communes a
toute une espece , et se font toujours et
par tout de la même maniere , il ne sepeut
être pas si difficile de les expli
quer méchaniquement, par la disposition
uniforme des organes , qui , à la présence
des objets , recevant toujours les mêmes
impressions, sont aussi sujets aux mêmes
mouvemens : mais encore une fois , il
roit
s'agit
MAY. 1737. 855
s'agit d'actions qui ne sont point ordinaires
à l'espece qui les produit, qui ne sont
point uniformes , qui varient suivant les
individus même , entre lesquels par conséquent
il s'en trouve , qui paroissent
avoir plus ou moins d'esprit : les exemples
en sont infinis et connus : il ne manque
en un mot à ces Animaux rendus si
habiles que l'usage de la parole , pour
nous rendre raison de ce qu'ils font de
merveilleux , et qu'ils rendent en effet
en répondant si exactement aux signes
dont nous les avons fait convenir .
Quoique j'abrege cette preuve, que l'on
trouve par tout , je crois cependant que
je ne lui ai rien fait perdre de sa force , et
on verra bien tôt que ce ne seroit pas
mon interêt de le faire ; puisque plus
elle sera mise dans son jour , plus Pobjection
que je veux en tirer sera forte et
victorieuse et si elle est victorieuse de
cette preuve , elle le sera nécessairement
de toutes les autres , non -seulement parce
que celle- ci est la plus plausible , mais
bien plus encore , parce qu'elle ne peut
être détruite que toutes les autres ne
soient renversées , puisqu'elle me sert
elle-même à démontrer le défaut du prin
cipe , à l'établissement duquel on voudroit
les faire servir.
B Les
856 MERCURE
DE FRANCE
Les Animaux entendent donc les signes
que nous leur proposons , pour
nous faire aussi entendre à eux , et leur
Ame pensante y répond exactement ;
donc ils pensent. A qui ne vient- il pas
d'abord dans l'esprit que c'est grand
dommage qu'ils ne puissent parler pour
vous l'aprendre encore plus précisément
eux- mêmes ? Mais quoi ne parlent-
ils pas , au moins une grande partie
d'entre eux ? Le Perroquet , le Sansonnet
, la Linotte , & c. parlent fort bien,
il n'y a donc qu'à les intertoger. Mais
dévelopons un peu ceci , pour voir les
conséquences qui en résulteront.
On aprend à un Chien à jouer aux
cartes , et à écrire même en quelque
façon les noms des choses et des personnes
qu'on lui nomme , par l'arrangement
exact qu'il fait des Lettres de l'Aphabet
dispersées devant lul ; il connoît done
la différence des couleurs , et la valeur
des cartes et des lettres : de plus il faut
qu'il raisonne suivant les différens cas
des caprices du jeu et la différence des
noms . Il faut qu'il sçache distinguer une
quinte majeure, d'une quinte au Roy , d'une
quatrième , &c. un quatorze d'as , d'un
quatorze de dix , et faire une juste apli
cation de ces connoissances pour gagner
comme
MAY. 1737.
857
comme il fait souvent l'Adversaire contre
lequel il joue. Que ces faits prouvent
trop et beaucoup au-delà de ce que prétendent
la plupart de ceux qui défendent
l'Ame des Bêtes , ce n'est pas ce
dont il s'agit présentement, non plus que
de montrer que ces exemples sont toujours
exagerés , & que bien des circonstances
souvent obmises , les réduiroient
à leur juste valeur, si elles étoient dévoi-
Jées. Mais ces faits admis , je soutiens que
suposé que le Chien en question , agisse
par connoissance ; il ne peut être douseux
, qu'il ne nous en convainquît par
la parole , s'il en avoit l'usage. Car enfin
la parole n'est qu'un signe , de la nature
de ceux dont on s'est servi pour
l'instruire , et dont il se sert ensuite luimême
, pour exprimer cette connoissance
qu'on supose le faire agir. Deux Muets
de naissance , abandonnés à eux - mêmes
et séquestrés du reste de la societé
mais obligés de vivre ensemble , inventeroient
sans doute d'autres signes équivalens
, pour s'exprimer leurs besoins réciproques,
et pour entretenir entre eux le
commerce de la vie : et si après cela , par
quelque voye extraordinaire , ils acqueroient
l'usage de la parole , ils la substi
tueroient aux signes dont ils se servoient
auparavant. En Bij
858 MERCURE DE FRANCE
En effet , ou ce Chien , joint par
une réflexion , proprement dite , la connoissance
qu'il a du Piquer , aux signes
et aux actions qu'il employe pour le
joüer , ou la chose se fait indépendemment
de cette connoissance , et par un
pur méchanisme dans ce dernier cas ,
les Cartesiens ont raison , et l'Ame est
inutile et par conséquent non admissible.
Et dans le premier , je demande
pourquoi cet Animal ne joindroit pas
également sa connoissance avec la paro
le , s'il en avoit l'usage. Je défie que jamais
on me donne là- dessus une disparité
qui satisfasse.
Il est vrai les Chiens n'ont pas les
que
organes disposés pour parler, mais les oiseaux
parlent ; ce qui fait également pour
l'objection que je propose. Le change
ment d'espece n'y fait rien ; puisqu'on
admet également une Ame connoissan
te dans tous les Animaux . D'ailleurs plu
sieurs de ces Animaux parlans , sont disciplinables.
J'ai vû deux Perroquets auxe
quels on avoit apris un jeu fort diver
tissant , qu'ils joüoient autour d'un cerceau
avec beaucoup d'agrément et d'intelligence
, et ce n'avoit été qu'après un
long temps et bien des difficultés , qu'on
étoit parvenu à leur en donner la connoissance
IM A Y.
17378 859
noissance , qui n'est certainement point
naturelle à leur espece. N'objecte t'on
pas aussi une Linotte qui attachée sur une
petite planche entre deux sceaux en
équilibre , qui contiennent son boire et
son manger , mais posés un peu plus bas
que la planche ; de sorte que pour satisfaire
à ses besoins , cet oiseau est obligé
quand il veut manger , d'appuyer avec
un pied sur le sceau qui contient l'eau ,
pour faire monter l'autre , qu'il fait aussi
descendre quand il veut boire. Voilà , diton
, une démonstration en faveur de
l'Ame que les Cartesiens voudroient
anéantir , puisque l'espece Linotte n'est
pas faite pour une telle épreuve ; celle-
ci esclave malgré elle ne vit jamais
aucune de ses semblables en pareil cas ;
où a-t'elle donc apris à raisonner si heureusement
sur les Loix de la Statique ?
de
Mais la Linotte est capable de parler ,
et on le lui aprend facilement, elle repete
même des airs et des chansons , qui exigent
outre la faculté de parler , de la mémoire
et de la réminiscence : elle a donc
tout ce qu'il faut , si on lui supose
la connoissance , pour nous exprimer
elle-même ce qu'elle pense. Cependant,
et c'est la conclusion que je veux tirer
de tout ceci , jamais aucun Animal par-
B iij lant
860 MERCURE DE FRANCE
lant n'a fait connoître par ses paroles qu'il
pensât , jamais on n'en a pû discipliner
jusqu'à ce point , pas même de la plus
légere ébauche. On n'y a jamais remar
qué qu'une mémoire purement machinale
, pas un mot qui témoigne de la
réflexion et du raisonnement donc je
crois être en droit de conclure par le fais
même , que l'Ame en question est une
pure chimere. Je sçais bien que la plûpart
des Défenseurs de l'Ame des Bêtes ;
ceux surtout qui craignent de choquer les
principes de la Religion , font profession
de leur refuser la réflexion et la liberté ?
Prétendant seulement qu'elles agissent
suivant un certain instinct qu'ils n'ont ja
mais pû définir : c'est à ceux - ci que je vais
répondre en proposant ima secondeObjec
tion qui les regarde particulierement; car,
pour ceux qui confondant tout sans res◄
pect pour l'Analogie de la Foy , avoient
sans façon, qu'il n'y a que du plus et du
moins entre nous et les autres Animaux, je
ne leur adresse que la premiere, dont ils se
démêleront comme il leur plaira : Mais
par l'une et par l'autre , j'espere qu'on
verra ici comme en plusieurs autres
points , qu'il seroit facile d'indiquer qu'une
grande partie de nos Philosophes modernes
combattent les opinions de Descartes,
MAY. 1737. 861
eartes , plûtôt à ce qu'il paroît souvent
pour contredire ce grand Homme , qui
fait tant d'honneur à la France , que par
une sérieuse et solide attention sur ses
Ouvrages ; auxquels pourtant , malgré
qu'ils en ayent , ils ont peut -être la prin
cipale obligation , de tant de bonnes
choses qu'ils sçavent , et dont ils nous
font part tous les jours.
dans la
Je prétends d'abord que si l'ame des
Bêtes agit sans réflexion , sans liberté et
sans aucun choix , elle est inutile pour
la fin que l'on se propose en l'admettant,'
qui est d'être le principe des operations
merveilleuses que l'on remarque
plûpart de ces Animaux ; inutile de
nous obecter qu'ils sont dociles et disciplinables
, et de citer les Ouvrages
admirables qui sont propres à plusieurs
especes. Car cette Ame agissant nécessairement
, ce ne peut - être qu'en conséquence
des impressions que les corps
étrangers excitent dans les organes de
celui qu'elle anime ; puisque n'ayant au- *
cun choix , non-seulement elle ne peut
exciter aucun nouveau mouvement ,
mais aussi elle ne peut donner aucune
détermination nouvelle à ceux qui sont
actuellement excités . Elle ne le fait point
à l'égard des mouvemens qu'on apelle
B iiij naturels ,
862 MERCURE DE FRANCE
maturels , tels que sont ceux du coeur
des poulmons et des arteres ; cela est démontré
même par raport à l'Homme :
et elle ne le fait point non plus à l'égard
de ceux que nous nommons en nous volontaires
, parce que la volonté prétendue
des Bêtes n'ayant aucune liberté
elle est entraînée elle-même par ces mouvemens
à quoi sert donc cette Ame ? Si
elle agit nécessairement , ne devient - elle
pas un Etre multiplié sans nécessité ?
Et n'est- ce pas enfin sous des paroles ,
qui ne disent rien , revenir par un autre
tour au pur Systême du Méchanisme?
Mais pour pénétrer encore plus avant,
examinons l'Homme lui - même suivant
les lumieres de la Foy, qui sont évidemment
ici d'accord avec celles de la raison ,
comme j'espere qu'on le reconnoîtra tout
à l'heure.
Il est certain que l'Homme sent qu'il
pense et qu'il agit par réflexion et par
choix;et qu'en conséquence de sa volonté,
il s'excite en ses organes des mouvemens
quí la servent en esclaves , et qui y sont
exactement conformes : mais il comprend
aussi avec un peu d'attention que tous
ces mouvemens pouroient être operés
par les Loix seules de la Méchanique :
je dis plus , et je soutiens que quoique
ces
MAY. 1737. 863
des mouvemens , soient des suites de sa
volonté , ce n'est pourtant pas elle qui
les produit, d'une maniere , d'une action
immédiate et Phisique. Elle n'en peut
être que l'occasion. Qu'il me soit permis
d'en exposer la preuve en peu de
mots , d'après un des plus grands Philosophes
de nos jours.
L'Homme sçait qu'il a des idées d'une
infinité de choses , et des perceptions de
toutes les sensations qu'excitent en lui
les objets étrangers : or ni ces idées , ni
ces perceptions ne sont point matérielles
, parce que tout ce qui apartient à la
matiere , doit nécessairement être divisible
comme elle : cependant il est de
la derniere évidence , que ces idées et
ces perceptions sont essentiellement indivisibles.
Qu'on partage en deux , si
l'on peut , l'idée d'un triangle , d'un
cercle , d'un Homme , d'un arbre , & c .
la perception même de cette idée , celle
d'une couleur , d'un son , &c. qu'on
divise la conclusion d'un syllogisme , le
plus ou le moins que l'esprit aperçoit
dans une comparaison qu'il fait entre
deux objets, par exemple, entre le tout et
sa partie. C'est ce qui est de la derniere
impossibilité ; et c'est aussi ce qui prouve
le plus invinciblement en nous , la
Bv
Léalité
864 MERCURE DE FRANCE
réalité d'un Etre qui pense et qui est
infiniment distingué de la matiere , parce
qu'il doit être de la même nature que
les operations qui lui sont propres.
Mais cette même preuve nous démontre
avec autant d'évidence › que cet
Etre , que nous apellons Ame , ne peut
agir sur la matiere d'une maniere immé
diate et Physique , parce que rien ne paroît
plus vrai que l'axiôme de Lucrece.
Tangere enim et tangi, nisi corpus, nulla potest res.
Pour toucher et être touché , il faut avoir
des parties touchables ; or l'Ame n'en a
point , n'étant point divisible. Cela est
précis.
De cette vérité importante ainsi connuë
, je crois pouvoir établir , que si
1'Homme n'avoit pas été destiné de Dieu ,
a pouvoir le connoître et glorifier , il
paroît inutile que Dieu , par des liens
admirablės , eût uni à son corps une
Ame raisonnable et capable d'agir avec
choix et réflexion , ce qui est le principe
unique du bien et du inal , de la punition
et de la récompense : or la raison
de cette inutilité , est comme on l'a dit
plus haut , que sans cette Ame raisonnable
, les Loix seules du mouvemenr
auroient pû produire dans le corps humain
toutes les actions animales néces
saires à sa conservation.
Je
MAY.
1737. 865
et
Je conclus donc que la Religion nous
aprenant que les Bêtes n'ont été formées
pour aucune fin semblable
qu'elles n'ont aucune liberté pour mériter
ou démériter ; il est démontré qu'une
Ame intelligente distinguée de la ma
tiere et principe de leurs operations
leur est absolument inutile à tous égards ,
et que cette opinion , bien loin d'être
contraire à la Religion , lui est parfai
tement conforme.
Mais pour mettre encore , s'il se peut , ce
dernier point dans tout son jour , voyons
un peu par les raisons des deuxPartis , dans
lequel des deux il se trouve de plus grands
inconveniens par raport à la Foi.
Je commence par celui qui défend
cette derniere opinion , en suposant
que les Bêtes sont de pures machines
comme des Montres et des Tournebroches
, qu'en peut-on conclure contre la
Foy? Qu'il s'ensuivra que l'Homme n'est
peut être aussi qu'une automate ? que la
matiere peut penser ? et de- là , dit- on ,
le renversement de toute la Religion.
Mais ce qui doit détruire cette consé
quence , c'est que tout Homme peut se
dire à lui même et se convaincre qu'il
pense , et que sa pensée est une chose
spirituelle ou immaterielle , qui ne peut
B vj jamais
866 MERCURE DE FRANCE
jamais être l'effet de quelque arrangement
que ce soit des parties de la matiere.
Cela suposé , il est évident que l'on
ne peut pas conclure que l'Homme n'est
qu'une pure machine , parce que les Bêtes
sont telles. Ce ne sont pas les operations
, quelques merveilleuses qu'elles
soient , que je remarque dans mes or
ganes corporels , qui me font conclu
re que j'ai une Ame ; elles pouroient
être absolument sans cette Ame , mais
c'est parce que je sens que je pense , et
si je pense , c'est par une raison que
l'on m'accorde ne m'être pas commune
avec les Bêtes donc il n'y a pas à craindre
, que l'on puisse tirer aucune conséquence
fâcheuse du pur méchanisme
qui fait agir ces Animaux , contre l'existence
effective de mon Ame.
Voyons maintenant si ceux qui admettent
si facilement une Ame dans les Brutes
, seront aussi heureux , à se débarasser
des inductions qu'on peut tirer.de
leur opinion contre les vérités du Christianisme.
Je demande d'abord , si'les Bêtes ont
une Ame intelligente totalement distinguée
de la matiere ; comment ils répondront
à ceux qui prétendent qu'il
n'y a que du plus et du moins entre elles
et
MAY. 1737. 807
et nous que la seule différence des organes
, produit la différence des operations
, comme nous le voyons entre les
Hommes même , parmi ceux qui ont
beaucoup d'esprit et ceux qui n'en ont
guere ; que leurs Ames et les nôtres sont
de la même espece ; qu'en un mot , si
Ame du moindre insecte étoit dans un
corps humain , elle y produiroit les mê
mes effets , que l'Ame du plus grand
Philosophe. Auront-ils recours à la Roligion
qui nous aprend le contraire ?
Mais c'est précisément pour cela même
que je prétends qu'il ne faut point admettre
cette Ame , qui heurte si fort les
verités que cette Religion nous enseigne,
er de plus , qui ne voit que ce recours
ici à la Religion , ne seroit recevable qu'autant
que cette Religion nous aprendroit
bien précisément , que les Bêtes ont une
Ame telle qu'on veut l'admettre , quoique
de différente espece de la nôtre ? ce
qui est absolument faux.-
Mais en second lieu , si les Brutes ont
une Ame , dès qu'il est vrai et démontré
que cette Ame ne peut agir physiquement
sur le corps , je suis en droit d'employer
les preuves dont je me suis servi ,
pour tâcher de découvrir la raison pour
aquelle Dieu nous a donné une Ame à
nous868
MERCURE DE FRANCE
"
nous-mêmes. Cette Ame est inutile dans
les Animaux pour leurs operations méchaniques
; donc il faut qu'elle y soit
pour une autre fin ; et cette fin quelle
peut- elle être , autre, que celle àlaquelle
l'Homme est destiné, à titre de sa raison
et de sa liberté ?
Vouloir pour éluder cette conséquence
si naturelle , persister à nier que les
Bêtes ayent une liberté , c'est une petition
de principe qui n'est plus recevable:
c'est même tomber dans une contradiction
évidente , qui donne beau jeu à l'ing
crédulité , puisque les motifs même qui
donnent lieu d'admettre de la connoissance
dans les Brutes , comme la docilité
et la facilité qu'il y a de les former à
des exercices étrangers à leur nature , ou
ne prouvent rien du tout , comme on
l'a dit plus haut , ou démontrent l'existence
de cette liberté ; et on demandera
toujours aux Défenseurs de cette opinion
, qui est-ce qui les porte à admettre
cette Ame , s'ils lui refusent cette li
berté , ou à nier cette liberté , s'ils reconnoissent
cette Ame , puisque l'un suit
nécessairement de l'autre ? Et d'ailleurs ,
ils ne défendent la réalité de cette substance
, que par l'Analogie de certaines
operations qui nous sont communes avec
les
MAY. 1737. 869
les Animaux ; en nous ces operations se
trouvent jointes avec celles de cette substance
, ils en concluent qu'il doit y en
avoir aussi une dans ces Animaux ; mais
que ne concluent- ils donc aussi qu'il y a
en eux de la liberté , puisqu'en nous ces
operations sont jointes avec la liberté ? Ils
ne raisonnent donc pas conséquemment
en refusant cette prerogative aux Bêtes
ou s'ils veulent raisonner ainsi , il faut
qu'ils reconnoissent cette liberté. Cela
paroît sans réplique , et dès lors il est démontré
que
leur systême semble s'accorder
moins avec la Religion que celui qu'ils
combattent.
Voilà les objections que j'avois à proposer
; on pouroit encore les pousser
plus loin , et peut- être les mettre dans
un plus grand jour : mais , quoique simplement
ébauchées , je pense qu'on en
sentira aisément la force ; je souhaite seulement
que ceux qui voudront bien se
donner la peine d'y répondre , ayent attention
en le faisant de ne rien avancer ,
qui puisse donner atteinte aux principes
qui doivent être sacrés à tous ceux qui
aiment sincerement la Religion , dans ce
tems sur-tout où le libertinage de l'esprit,
devenu en quelque façon à la mode , fait
tous les jours des progrès si dangereux.
ODE
870 MERCURE DE FRANCE
D
ODE
A BACCHU S.
”
ESCENDS des Cieux , vainqueur du Gange
Dieu du Tyrse , écoute ma voix ;
Que le Tigfe à ton Char se range ,
Accours , vole , venge tes droits.
Plein de cette ardeur qui m'anime,
J'arrache à l'Amour la Victime ,
Que je sacrifie à ton jus.
Si tu secondes mon audace ,
Je veux que la Fere surpasse
La Cité
que
fonda- Cadmus,
Est-ce le Dieu que Cnide adore'
Qu'anoncent les Ris et les Jeux ?
Cruel ! viens-tu troubler encore
Un coeur qui déteste tes feux ?
Non . Déja mes voeux s'accomplissent ; '
Au parfum dont ces lieux s'emplissent
Puis-je méconnoître Bacchus ?
Aproche , Eleve de Risphée ,
Mon coeur va se joindre au Trophée
Des Rois que ton bras a vaincus.
#t
MAY. 871 3737-
Et vous , Prêtres , sacrés Ministres
Quittez Ida votre séjour ;
Venez , annonceź par vos Systres
La célébrité de ce jour.
Que le Pampre ceigne ma tête ,
Jamais de plus brillante Fête
Vous n'illustrâtes le Strimon ;
Sur l'Autel que votre main dresse ,
Je vais immoler la tendresse
Dont m'avoit prévenu Claudon .
Pour oublier cette Infidelle
En vain j'abandonnois les lieux ,
Où nâquit la flâme cruelle ,
Qu'alluma l'éclat de ses yeux.
Loin des bords qu'arrose l'Yonne ,
Des fureurs qu'inspire Bellonne ,
En vain je formois mes plaisirs ,
Le souvenir de la Perfide ,
Dans le feu le plus homicide,
M'arrachoit encor des soupirs.
C'en est fait je brise une chaîne
Dont l'Amour serra mal les noeuds ;
Que Claudon à sa honte aprenne
Que sans elle on peut être heureux.
C'est trop , esclave de ses charmes ,
Du
872 MERCURE DE FRANCE
Du sacrifice de mes larmes ,
Honorer sa légereté .
L'encens que je brûlois pour elle ,
Je le dois au Fils de Semele ;
C'est le prix de ma liberté.
Oui , cher Nourrisson de Silene ;
C'est toi qui combles mon bonheur
Tel le Favori de Mecene ,
Jadis éprouva ta faveur.
Epris des attraits de Glicere ,
Sous les Loix du Dieu de Cythere
Horace soupire , languit ;
Se couronne- t'il de vervaines?
Le Falerne écarte les peines ,
Que son tendre coeur ressentit,
M
'Ainsi ton jus , Dieu de l'Yvresse ,
M'affranchit du joug de Claudon.
Quelle honte ! Quelle foiblesse
Ai-je pú célébrer ce nom ?
Verse cette liqueur chérie ,
Qui du Chantre de l'Apulie
Inspiroit les doctes accords ;
Ca verse , acheve ta victoire,
Hor. Lib. 1. Ode 19.
Thi
MAY. 878
1737-
Eh! Je ne désire de boire,
Que pour te voer mes transports,
Mais quel Vin pétille en mon verre ?
Quel éclat ! Qu'il flate mes yeux !
Ganimede au Dieu du
Tonnerre
Sert un Nectar moins
précieux .
Quel goût ! ... Quel feu ! .. Ciel ! il m'enflame;
Chaque trait porte dans mon ame ,
Untrouble , un desordre nouveau .
Temoins de mon heureux délire ,
Maenades , accordez ma lire ;
Que je chante un Destin si beau !
Est-ce fait ? Oui . Quelle harmonie !
Quels accords naissent sous ma main !
Ne me vante plus Ionie ,
Celui qui célébra ton vin. *
Aussi fortuné , mais plus sage ,
On ne me voit point à son âge
De l'Amour briguer la faveur.
Pourois-je à mon septième Lustre
Exiger un sort plus illustre
Que celui de parfait Beuveur ?
* Anacreon.
Soti
$74 MERCURE DE FRANCE
Sort chéri ! Sort à qui tout cede !
Source des vrais plaisirs des sens !
Contre une ame qui te possede ,
L'Amour a des Traits impuissans ;
'Auteur de la Paix que je goûte ,
Retourne à la Céleste Voûte ,
Bacchus , ton Triomphe est parfait.
Mais laisse avec moi ton yvrésse ;
Qu'elle me rapelle sans cesse ,
Le souvenir de ce bienfait.
Par M. de Broglio de Martigues.
·
E'LOGE DE M. DE SENECE'.
A
Ntoine Bauderon de Senecé nâquit
à Mâcon le 27. Octobre 1643. de
Brice Bauderon de Senecé , Lieutenant
Général au Bailliage et Siege Présidial de
la même Ville , et de D... ... Grillet.
Son Pere, le troisième de sa Famille, qui
en ligne directe étoit revêtu de cete
Charge , ne négligea rien pour lui donner
une excellente éducation , et pour le
mettre en état de lui succeder un jour.
On ne pouvoit guere travailler sur un
meilleur fonds , cet Enfant étant né avec
Les qualités d'esprit les plus heureuses >
et
MA Y.
1737. 875
et avec les talens les plus avantageux ;
cultivé d'ailleurs par un Pere vertueux et
sçavant.
Dès l'âge de treize ans , ayant achevé
les Etudes ordinaires au College des Jesuites
de Mâcon , il fut envoyé à Paris ,
où il fit un nouveau Cours de Philoso
phie : Il en soutint des Theses publiques
avec un aplaudissement général sur la
fin de sa quatorziéme année. Revenu
à Mâcon , il employa deux années entieres
à profiter des leçons et des exemples
d'un Pere , qui n'oublioit rien pour
le former à l'Etude et à la Vertu .
Il fut ensuite renvoyé à Paris pour I'Etude
des Loix . Il s'y apliqua , fut reçû
Avocat , et suivit le Barreau pendant
quelque temps : mais ce n'étoit pas là
son penchant le plus naturel.
Cependant , pressé par une Famille ,
qui l'aimoit tendrement , il revint à Mâçon
, où quelque temps après son arrivée,
le feu de la jeunesse l'entraîna dans une
malheureuse Affaire , nommée dans le
monde Affaire d'honneur. Elle fut suivie
d'un combat de quatre contre quatre , dans
laquelle l'un des Combattans succomba ,
et plusieurs furent blessés. Notre jeune
Homme obligé de se retirer , alla chercher
un azile à la Cour de Savoye , où
son
876 MERCURE DE FRANCE
son esprit , sa dépense et ses talens lui
eurent bien- tôt acquis des Amis de dis
tinction .
Mais, s'il est vrai qu'un malheur en attire
souvent un autre , cette situation
douce et agréable en aparence , fut bientôt
fatale à notre François réfugié . Il
devint Amoureux d'une , Dlle de la premiere
qualité , qui le reçut bien et le
préféra à plusieurs autres , qui prétendoient
à l'honneur de son Alliance . La
Dlle avoit plusieurs Freres , qui étoient
Amis de notre Aspirant , et qui eurent
d'abord ses recherches pour agréables .
Cette derniere circonstance n'étoit
par malheur , fondée que sur une équivoque
de nom , au sujet de celui de Senecé.
La Terre ainsi apellée , située entre
Tournus et Châlons , étoit alors dans
la Maison de Foix : Ces Messieurs le crurent
être de la même Maison ; mais M.de
Senecé qui ne vouloit tromper personne,
encore moins celle qui étoit la plus interessée
, avoit dès le commencement
déclaré son véritable état à la Dlle , laquelle
n'ayant d'égard qu'au mérite de
son Amant , exigea de lui de laisser ses
Freres dans la favorable prévention où
ils étoient.
Ceux-ci en sortirent bien-tôt par les
recherches
MAY. 877 1737
recherches qu'ils se crurent obligés de
faire avant que de rien conclure. Instruits
de la verité , ils donnerent dans un travers
. Au lieu de prendre les mesures or
dinaires pour s'oposer à ce Mariage , ils
entrerent dans un esprit de ressentiment,
dont la Dlle prévit et prévint les suites,
en priant M. de Senccé de disparoître
pour quelque temps : mais les trères animés
et instruits du départ , eurent la
foiblesse de faire trouver des gens sur sa
route pour lui faire un mauvais pârti.
Il fallut battailler , l'Amant malheureux
s'en tira heureusement, et tout de suite il
se retira à Madrid , où il resta jusqu'à la
nouvelle de l'accommodement de sa premiere
Affaire , que M. son Pere lui don
na , avec ordre de revenir.
De retour à Mâcon , ce Pere qui lui
destinoit toujours sa Charge , le renvoya
bien- tôt à Paris dans la vûe de le perfectionner
dans l'Etude des Loix , et dans les
autres connoissances , que le commerce
des Livres et la fréquentation du Barreau
pouvoient lui acquerir. Mais l'essor
qu'il avoit pris , et le grand monde qu'il
avoit fréquenté lui avoient donné du
dégoût pourice genre d'Etude. L'amour
des plaisirs et de la liberté l'entraîna
bien- tôt du côté d'une jeune et brillante
Cour ,
878 MERCURE DE FRANCE
Cour , dans laquelle il se fit des Amis
distingués. Il se flata qu'avec un pareil
secours et avec ses talens , il pouroit
faire une fortune fort au dessus de celle
que sa Famille lui présentoit.
Rempli des ces idées , en attendant la
premiere occasion d'acquerir une Charge
à la Cour , il crut devoir fixer sa situation
hors de la Province par un engagement.
Il épousa à Paris , du consentement
de son Pere , la Dlle de Blaisy
Fille de M. de Burnot , Seigneur de Blaisy
, Intendant de la Maison de la Duchesse
d'Angoulême . Le Pere ne constitua
à son Fils que le moins qu'il pouvoit
lui donner , la tendresse Paternelle
étoit fort ralentie à l'égard de ce Fils
par un second Mariage , dont il y avoit
des Enfans , et pour n'avoir pas suivi
ses volontés sur le choix d'une Profession.
Peu de temps après l'occasion tant dé
sirée se présenta : M. de Senecé traita en
1673. de la Charge de Premier Valet de
Chambre de la Reine , avec M. de Visé .
Avant que de rien conclure , il fit un
Voyage à Mâcon pour obtenir l'agré
ment et quelque suplément de finance
qui lui manquoit , de M. son Pere . Celui-
ci profita de l'occasion pour faire avec
toute
MAY. 1737. 879
toute la Famille , un dernier effort sur
l'esprit de son Fils au sujet de la Charge
de Lieutenant Général , dont il le croyoit
très capable. Mais il n'y eut pas moyen
de lui faire changer d'objet. De retour à
Paris , M. de Senecé emprunta de ses
Amis ce qu'il lui filloit , conclut le mar
ché et entra chis la Reine en la qualité
que nous avons dite.
Il fut extrémement goûté à la Cour ; il
s'y fit des Amis de distinction , et des
Protecteurs puissans : On peut dire qu'il
le méritoit ; mais cette situation agréab'e
, cette Fortune aparente ne furent
pas d'une longue durée. La Reine trèssatisfaite
de ses Services , et qui l'honoroit
de beaucoup de bonté , vint à mou◄
rir au bout de dix ans ; et c'est le plus
grand malheur qui pouvoit arriver à son
zelé Domestique.
On suprime ici tout le détail de ce
malheur et de ses suites , pour n'en marquer
qu'une ou deux circonstances. Sçavoir
, que son Pere en mourant ne lui
donna d autre part dans ses biens , que
ce qu'il lui avoit constitué en le mariant,
c'est à dire , une petite Terre de 3000.
livres de rente , auprès de Mâcon , nommée
Condemines. De plus , une riche Tan-
Soeur de la D. sa Mere , et Epouse
C du
880 MERCURE DE FRANCE
du Premier Président du Présidial , en
mourant sans Enfans , ne fit aucune
mention de lui dans son Testament.
On suprime aussi l'indifference, ordinaire
aux Gens de Cour dans la disgrace
, qu'eurent à son égard ceux que
nous avons apellé ci- dessus Amis de dis
tinction et Protecteurs puissans , dans
les différentes occasions qui se présenterent
de le servir et de le dédommager.
La seule Duchesse d'Angoulême se montra
sensible et bienfaisante. M. de Senecé
trouva chés cette Princesse , pour lui
et pour sa Famille , une retraite honorable
et utile ; ensorte que tant qu'elle vêcut
, il ne fut presque exposé à aucune dépense.
Mais après la mort de la Princesse ,
i fut obligé de revenir dans sa Province ,
dont on peut dire qu'il fit les délices , et
en particulier de la Ville de Mâcon
tout le monde étant charmé de posseder
un Sujet orré de tant de bonnes quali
tés , de celles principalement qui font
l'honnéte Homme , et en même temps
les charmes de la societé.
La mort d'une Epouse chérie , qui lai
fut enlevée en 1685. à l'âge seulement
de 33. ans , Mere de huit Enfans , réveilla
en lui les idées de la Cour ; la tentation
MAY. 831 17:7.
tation d'y aller encore chercher Fortune,
le reprit. Mais son Voyage et un as és
long séjour furent inutiles ; ils ne le furent
pas pour le guérir enfin de ces idées
de grandeur et de ces espérances Auteu
ses , dont il s'étoit presque toujours rempli
.
De retour pour la derniere fois dans
sa Patrie , il ne s'occupa plus que de Religion
, de soins domestiques , et de Litterature
, sans rien perdre de cette gayeté
et de cette joye innocente qui le faisoit
désirer par tout , et qu'il apelloit le
Blume de la vie , l'Elixir de la santé.
C'est dans cette situation que nous avons
commencé à connoître M. de Senecé ,
il ya environ quinze ans , à l'occasion
d'abord de quelques Poësies de sa façon,
qui ont paru dans le Mercure de France.
Il y a eu ensuite entre nous un commer
çe réglé de Littérature , dont nous avons
profité , et qui a continué jusqu'à ses
derniers jours.
Il y avoit sans doute à profiter avec un
Ami de cet âge et de cette capacité. Il
ne vouloit point au reste qu'on le loüât ,
ni qu'on fit trop valoir ses Pieces . Autant
ennemi des Eloges outrés , que de
la critique amere , il censuroit agréablement
ce premier défaut dans le Mercu-
Cij ге
882 MERCURE DE FRANCE
re de l'un de nos Prédécesseurs , Ami
de l'Auteur , il crut lui devoir un avis
utile sur cet article. Il s'en acquita par
une Epître de sa façon , dont on ne sera
peut être pas fâché de voir ici quelque
chose , outre que c'est une Piecedes plus
fugitives , et que nous tenons de sa
main.
V... quand Jupiter des biens fit le partage,
Les Muses à ses dons eurent petite part :
Un peu de liberté fut tout leur Apanage ;
Elles l'ont bien gardée , et s'en servent sans fard,
J'en ai ma portion , moi , leur Eleve indignes
Mon esprit en tout temps marcha d'un pas égal,
Il tient en main la régle , et mesure la ligne ,
Prêt à la condamner quand elle y répond mal.
Je blamois hautement , fondé sur ce Principe ;
Tes aplaudissemens communs et prodigués ;
Faut -il qu'un tel esprit ( disois- je ) se dissipe
A donner au Public des Eloges brigués ?
Quoi ! par une lumiere et si vive et si pure
Les Bons et les Pervers seront- ils réjouis ?
C'est-là tout ce que fait l'Auteur de la Nature
Et que font après lui le Soleil et LOUIS ,
LOUIS
MAY. 1737. 883
LOUIS et le Soleil sont en droit de le faire ,
Et c'est de leur grandeur l'illustre fonction :
Mais V... plus borné , doit en Juge sévere,
Du bien avec le mal faire distinction.
Ses Volumes moins gros , seroient plus sûrs de
plaire ;
Suprimant les Ecrits d'un misérable Auteur ,
Il pouroit épargner du papier au Libraire ,
A lui des soins , enfin du dégoût au Leeteur.
Mon esprit contre toi murmuroit de la sorte :
Mais mon coeur depuis peu l'en a désavoüé.
Tu viens de m'oposer une raison plus forte ;
Qu'as-tu fait pour cela,V... Tu m'as loué & c
Nous omettons le reste cet échantillon
suffira pour montrer le caractere
de notre Ami , par raport à la flaterie
qu'il ne pouvoit souffrir , et à la censure
, qui chés lui n'étoit jamais austere ni
farouche.
Nous avons dit qu'il ne pouvoit souffrir
les louanges outrées , encore moins
les louanges personnelles . C'est dans cet
esprit qu'il nous a toujours refusé un petit
détail sur sa vie et sur ses Ouvrages ,
qu'on lui a souvent demandé pour en
faire un jour hommeur à sa Mémoire : voici
C iij
sculet
884 MERCURE DE FRANCE
seulement ce que l'amitié ou l'importu
nité lui permirent de nous écrire le 21 .
Octobre 1735.
20
» Vous voulez me prendre par mon
propre interêt , par la proposition que
vous me faites de vous donner quelques
Memoires de ma vie , qui n'est
» pas si obscure que l'on n'y trouvât
» sujet de faire un petit Roman ; mais j'ai
>> renoncé à cette vanité , et il me suffit
>> que l'on sçache qu'après avoir couruz
le Monde dans ma jeunesse et avoir
» fait quelque figure à la Cour du Duc
» de Savoye , Charles- Emanuel second >
je me suis attaché à celle de la Prin-
» cesse d'Angoulême , où je me suis ma-
» rié ,, et qui m'a servi d'échelle pour
» monter à la Cour de la Reine Marie-
» Therèse, Epouse de LOUIS LE GRAND ;
» échelle qui s'est rompue sous mes pieds,
et où je me suis brisé le col par la mort
» de cette Princesse , étant demeuré sans
» Charge et sans récompense. Je me suis
» ensuite retiré dans mon Pays natal , où
» je me suis consolé du mieux que j'ai
» pû avec les Muses , qui ne m'ont point
» abandonné jusqu'à l'âge de quatre - vingt
» treize ans . Pour mon Pere , vous ne pou-
» vez en dire trop de bien , qu'oiqu'il
» m'ait fort maltraité , et donné tous ses
>
>> biens
MAY. 1737 885
» biens à des filles d'un second lit. A cela
» près , c'étoit un homme illustre par ses
» moeurs , sa justice et son éloquence ,
» dont il a donné des preuves autenti-
» tiques dans un beau volume de Ha
rangues, &c. Voilà assés parler des miens
» et de moi.
Cependant la longue carriere de M.
de Senecé s'avançoit et n'étoit pas loin
de son terme. Ses Lettres devenoient
moins fréquentes , mais elles étoient
morales , chrétiennes , édifiantes . Ceile
sur tout qu'il nous écrivit le six Décembre
1735. marquoit un fond de
Religion et de résignation , capable de
faire plaisir à de véritables Amis . C'étoit
dans la circonstance d'une maladie , qui
ne fut cependant pas la derniere. » J'attends
patiemment , disoit - il , l'heure
» qu'il plaira à Dieu de me marquer pour
» lui aller rendre mes comptes qui ne
» sont pas en trop bon état , &c. La
Lettre étoit accompagnée d'un Cantique
de sa façon sur le sujet de ces mêmes
comptes , où il paroissoit encore du feu
et du génie , mais bien plus encore de
pieté et de confiance en la bonté divine .
La Piece finissoit par une invocation pathétique
adressée à la sainte Vierge . » J'ai
» fait , ajoûtoit- il , ce petit Morceau dans
C iiij >> l'un
870 MERCURE DE FRANCE
D
ODE
A BACCHUS.
ESCENDS des Cieux , vainqueur du Gange
Dieu du Tyrse , écoute ma voix ;
Que le Tigfe à ton Char se range ,
Accours , vole , venge tes droits.
Plein de cette ardeur qui m'anime,
J'arrache à l'Amour la Victime ,
Que je sacrifie à ton jus.
Si tu secondes mon audace ,
Je veux que la Fere surpasse
La Cité que fonda- Cadmus.
*
Est-ce le Dieu que Cnide adore'
Qu'anoncent les Ris et les Jeux ?
Cruel! viens- tu troubler encore
Un coeur qui déteste tes feux ș
Non. Déja mes voeux s'accomplissent ;
Au parfum dont ces lieux s'emplissent
Puis-je méconnoître Bacchus ?
Aproche , Eleve de Risphée ,
Mon coeur va se joindre au Trophée
Des Rois que ton bras a vaincus,
MAY.
871 1737.
Et vous , Prêtres , sacrés Ministres
Quitteż Ida votre séjour ;
Venez , annonceż par vos Systres
La célébrité de ce jour .
Que le Pampre ceigne ma tête ;
Jamais de plus brillante Fête
Vous n'illustrâtes le Strimon ;
Sur l'Autel que votre main dresse ,
Je vais immoler la tendresse
Dont m'avoit prévenu Claudon.
Pour oublier cette Infidelle
En vain j'abandonnois les lieux ,
Où nâquit la flâme cruelle ,
Qu'alluma l'éclat de ses yeux.
Loin des bords qu'arrose l'Yonne ,
Des fureurs qu'inspire Bellonne ,
En vain je formois mes plaisirs ;
Le souvenir de la Perfide ,
Dans le feu le plus homicide ,
M'arrachoit encor des soupirs.
M
C'en est fait je brise une chaîne
Dont l'Amour serra mal les noeuds ;
Que Claudon à sa honte aprenne
Que sans elle on peut être heureux.
C'est trop , esclave de ses charmes
Du
872 MERCURE DE FRANCE
Du sacrifice de mes larmes ,
Honorer sa légereté.
L'encens que je brûlois pour elle ,
Je le dois au Fils de Semele ;
C'est le prix de ma liberté.
Oui , cher Nourrisson de Silene ;
C'est toi qui combles mon bonheur §
Tel le Favori de Mecene ,
Jadis éprouva ta faveur.
Epris des attraits de Glicere ,
Sous les Loix du Dieu de Cythere
Horace soupire , languit ,
Se couronne- til de vervaines ?
Le Falerne écarte les peines ,
Que son tendre coeur ressentit,
'Ainsi ton jus , Dieu de l'Yvresse ,
M'affranchir du joug de Claudon.
Quelle honte ! Quelle foiblesse !
Ai-je pû célébrer ce nom ?
Verse cette liqueur chérie ,
Qui du Chantre de l'Apulie
Inspiroit les doctes accords ;
Ca verse , acheve ta victoire;
* Hor. Lib. 1. Ode 19.
Thi
MAY. 873
1737.
Eh ! Je ne désire de boire ,
Que pour te vouer mes transports,
Mais quel Vin pétille en mon verre v
Quel éclat ! Qu'il fate mes yeux !
Ganimede au Dieu du Tonnerre
Sert un Nectar moins précieux .
Quel goût ! ... Quel feu ! .. Ciel ! il m'endame;
Chaque trait porte dans mon ame ,
Un trouble , un desordre nouveau .
Témoins de mon heureux délire ,
Monades , accordez ma lire ;
Que je chante un Destin si beau !
Est-ce fait ? Oui. Quelle harmonie !
Quels accords naissent sous ma main !
Ne me vante plus Ionic ,
Celui qui célébra ton vin .
Aussi fortuné , mais plus sage ,
On ne me voit point à son âge
De l'Amour briguer la faveur ,
Pourois-je à mon septième Lustre
Exiger un sort plus illustre
Que celui de parfait Beuveur ?
Anacreon
Sot
874 MERCURE DE FRANCE
Sort chéri ! Sort à qui tout cede !
Source des vrais plaisirs des sens !
Contre une ame qui te possede ,
L'Amour a des Traits impuissans ;
'Auteur de la Paix que je goûte ,
Retourne à la Céleste Voûte ,
Bacchus , ton Triomphe est parfait.
Mais laisse avec moi ton yvrésse ;
Qu'elle me rapelle sans cesse
Le souvenir de ce bienfait.
Par M. de Broglio de Martigues.
·
E'LOGE DE M. DESENECE.
A
Ntoine Bauderon de Senecé nâquit
à Mâcon le 27. Octobre 1643. de
Brice Bauderon de Senecé , Lieutenant
Général au Bailliage et Siege Présidial de
la même Ville , et de D ... ... Grillet.
Son Pere, le troisième de sa Famille , qui
en ligne directe étoit revêtu de cete
Charge , ne négligea rien pour lui donner
une excellente éducation , et pour le
mettre en état de lui succeder un jour.
On ne pouvoit guere travailler sur un
meilleur fonds , cet Enfant étant né avec
Les qualités d'esprit les plus heureuses ,
et
MAY. 1737- 875
et avec les talens les plus avantageux ;
cultivé d'ailleurs par un Pere vertueux et
sçavant.
Dès l'âge de treize ans , ayant achevé
les Etudes ordinaires au College des Jesuites
de Mâcon , il fut envoyé à Paris ,
où il fit un nouveau Cours de Philoso
phie : Il en soutint des Theses publiques
avec un aplaudissement général sur la
fin de sa quatorziéme année. Revenu
à Mâcon , il employa deux années entieres
à profiter des leçons et des exemples
d'un Pere , qui n'oublioit rien pour
le formerà l'Etude et à la Vertu .
Il fut ensuite renvoyé à Paris pour l'Etude
des Loix. Il s'y apliqua , fut reçû
Avocat , et suivit le Barreau pendant
quelque temps : mais ce n'étoit
son penchant le plus naturel.
pas là
Cependant , pressé par une Famille ,
qui l'aimoit tendrement , il revint à Mâçon
, où quelque temps après son arrivée,
le feu de la jeunesse l'entraîna dans une
malheureuse Affaire , nommée dans le
monde Affaire d'honneur. Elle fut suivie
d'un combat de quatre contre quatre , dans
laquelle l'un des Combattans succomba,
et plusieurs furent blessés. Notre jeune
Homme obligé de se retirer , alla chercher
un azile à la Cour de Savoye , où
son
876 MERCURE DE FRANCE
son esprit , sa dépense et ses talens lui
eurent bien- tôt acquis des Amis de dis
tinction .
Mais , s'il est vrai qu'un malheur en attire
souvent un autre , cette situation
douce et agréable en aparence , fut bientôt
fatale à notre François réfugié . Il
devint Amoureux d'une, Dlle de la premiere
qualité , qui le reçut bien et le
préféra à plusieurs autres , qui prétendoient
à l'honneur de son Alliance. La
Dlle avoit plusieurs Freres , qui étoient
Amis de notre Aspirant , et qui eurent
d'abord ses recherches pour agréables ..
Cette derniere circonstance n'étoit ,
par malheur , fondée que sur une équi➡
voque de nom , au sujet de celui de Senecé.
La Terre ainsi apellée , située entre
Tournus et Châlons , étoit alors dans
la Maison de Foix : Ces Messieurs le crurent
être de la même Maison ; mais M.de
Senecé qui ne vouloit tromper personne,
encore moins celle qui étoit la plus inreressée
, avoit dès le commencement
déclaré son véritable état à la Dlle , laquelle
n'ayant d'égard qu'au mérite de
son Amant , exigea de lui de laisser ses
Freres dans la favorable prévention où
ils étoient.
: Ceux-ci en sortirent bien- tôt
par
les
1
+
"A
A
recherches
MAY. 1737: 877
recherches qu'ils se crurent obligés de
faire avant que de rien conclure. Instruits
de la verité , ils donnerent dans un travers
. Au lieu de prendre les mesures ordinaires
pour s'oposer à ce Mariage , ils
entrerent dans un esprit de ressentiment,
dont la Dlle prévit et prévint les suites,
en priant M. de Senecé de disparoître
pour quelque temps : mais les Freres animés
et instruits du départ , eurent la
foiblesse de faire trouver des gens sur sa
route pour lui faire un mauvais pârti,
Il fallut battailler , l'Amant malheureux
s'en tira heureusement, et tout de suite il
se retira à Madrid , où il resta jusqu'à la
nouvelle de l'accommodement de sa
pre.
miere Affaire , que M. son Pere lui don
na , avec ordre de revenir.
De retour à Mâcon , ce Pere qui lui
destinoit toujours sa Charge , le renvoya
bien- tôt à Paris dans la vûë de le perfectionner
dans l'Etude des Loix , et dans les
autres connoissances , que le commerce
des Livres et la fréquentation du Barreau
pouvoient lui acquerir. Mais l'essor
qu'il avoit pris , et le grand monde qu'il
avoit fréquenté lui avoient donné du
dégoût pourice genre d'Etude. L'amour
des plaisirs et de la liberté l'entraîna
bien- tôt du côté d'une jeune et brillante .
Cour
878 MERCURE DE FRANCE
Cour , dans laquelle il se fit des Amis
distingués. Il se flata qu'avec un pareil
secours et avec ses talens , il pouroit
faire une fortune fort au- dessus de celle
que sa Famille lui présentoit.
Rempli des ces idées , en attendant la
premiere occasion d'acquerir une Charge
à la Cour , il crut devoir fixer sa situation
hors de la Province par un en
gagement. Il épousa à Paris , du consentement
de son Pere , la Dlle de Blaisy
Fille de M. de Burnot , Seigneur de Blaisy
, Intendant de la Maison de la Duchesse
d'Angoulême. Le Pere ne constitua
à son Fils que le moins qu'il pou-
- voit lui donner , la tendresse Paternelle
étoit fort ralentie à l'égard de ce Fils
par un second Mariage , dont il y avoit
des Enfans , et pour n'avoir pas suivi
ses volontés sur le choix d'une Profes
sion .
Peu de temps après l'occasion tant dé
sirée se présenta : M. de Senecé traita en
1673. de la Charge de Premier Valet de
Chambre de la Reine , avec M. de Visé .
Avant que de rien conclure , il fit un
Voyage à Mâcon pour obtenir l'agrément
et quelque suplément de finance
qui lui manquoit , de M. son Pere. Celui-
ci profita de l'occasion pour faire avec -
toute
MAY. 1737. 879
toute la Famille , un dernier effort sur
l'esprit de son Fils au sujet de la Charge
de Lieutenant Général , dont il le croyoit
très capable. Mais il n'y eut pas moyen
de lui faire changer d'objet. De retour à
Paris , M. de Senecé emprunta de ses
Amis ce qu'il lui falloit , conclut le mar
ché et entra chés la Reine en la qualité
que nous avons dite.
Il fut extrémement goûté à la Cour ; il
s'y fit des Amis de distinction , et des
Protecteurs puissans : On peut dire qu'il
le méritoit ; mais cette situation agréable
, cette Fortune, aparente ne furent
pas d'une longue durée. La Reine trèssatisfaite
de ses Services , et qui l'honoroit
de beaucoup de bonté , vint à mou◄
rir au bout de dix ans ; et c'est le plus
grand malheur qui pouvoit arriver à son
zelé Domestique.
On suprime ici tout le détail de ce
malheur et de ses suites , pour n'en marquer
qu'une ou deux circonstances . Sçavoir
, que son Pere en mourant ne lui
donna d'autre part dans ses biens , que
ce qu'il lui avoit constitué en le mariant;
c'est à dire , une petite Terre de 3000.
livres de rente , auprès de Mâcon , nommée
Condemines. De plus , une riche Tante
, Soeur de la D. sa Mere , er Epouse
C du
880 MERCURE DE FRANCE
du Premier Président du Présidial , en
mourant sans Enfans , ne fit aucune
mention de lui dans son Testament.
On suprime aussi l'indifférence, ordinaire
aux Gens de Cour dans la disgrace
, qu'eurent à son égard ceux que
nous avons apellé ci- dessus Amis de distinction
et Protecteurs puissans , dans
les différentes occasions qui se présenterent
de le servir et de le dédommager,
La seule Duchesse d'Angoulême se montra
sensible et bienfaisante . M. de Senecé
trouva chés cette Princesse , pour lui
et pour sa Famille , une retraite honorable
et utile ; ensorte que tant qu'elle vêcut,
il ne fut presque exposé à aucune dépense.
Mais après la mort de la Princesse ,
il fut obligé de revenir dans sa Province ,
dont on peut dire qu'il fit les délices , et
en particulier de la Ville de Mâcon ,
tout le monde étant charmé de posseder
un Sujet orné de tant de bonnes quali
tés , de celles principalement qui font
l'honnête Homme , et en même temps
les charmes de la societé .
La mort d'une Epouse chérie , qui lui
fut enlevée en 1685. à l'âge seulement
de 33. ans , Mere de huit Enfans , réveilla
en lui les idées de la Cour ; la tentation
MAY. 831 1737.
tation d'y aller encore chercher Fortune ,
le reprit. Mais son Voyage et un assés
long séjour furent inutiles ; ils ne le furent
pas pour le guérir enfin de ces idées -
de grandeur et de ces espérances Aateuses
, dont il s'étoit presque toujours rempli.
De retour pour la derniere fois dans
sa Patrie , il ne s'occupa plus que de Religion
, de soins domestiques , et de Litterature
, sans rien perdre de cette gayeté
et de cette joye innocente qui le faisoit
désirer par tout , et qu'il apelloit le
Baume de la vie , l'Elixir de la sancé.
C'est dans cette situation que nous avons
commencé à connoître M. de Senecé
il y a environ quinze ans , à l'occasion
d'abord de quelques Poësies de sa façon ,
qui ont paru dans le Mercure de France.
Il y a eu ensuite entre nous un commerçe
réglé de Littérature , dont nous avons
profité , et qui a continué jusqu'à ses
derniers jours.
Il y avoit sans doute à profiter avec un
Ami de cet âge et de cette capacité . Il
ne vouloit point au reste qu'on le loüât ,
ni qu'on fit trop valoir ses Pieces . Autant
ennemi des Eloges outrés , que de
la critique amere , il censuroit agréablement
ce premier défaut dans le Mercu-
Cij re
882 MERCURE DE FRANCE
re de l'un de nos Prédécesseurs , Ami
de l'Auteur , il crut lui devoir un avis
utile sur cet article . Il s'en acquita par
une Epître de sa façon , dont on ne sera
peut
fâché de voir ici quelque
chose , outre que c'est une Piecedes plus
fugitives , et que nous tenons de sa
main.
être
pas
V... quand Jupiter des biens fit le partage,
Les Muses à ses dons eurent petite part :
Un peu de liberté
fut tout leur
Apanage
;
Elles
l'ont
bien
gardée
, et s'en servent
sans
fard.
J'en ai ma portion , moi , leur Eleve indignes
Mon esprit en tout temps marcha d'un pas égal,
Il tient en main la régle , et mesure la ligne ,
Prêt à la condamner quand elle y répond mal,
Je blamois hautement , fondé sur ce Principe ,
Tes aplaudissemens communs et prodigués ;
Faut-il qu'un tel esprit ( disois- je ) se dissipe
A donner au Public des Eloges brigués ?
Quoi ! par une lumiere et si vive et si pure
Les Bons et les Pervers seront- ils réjouis ?
fait l'Auteur de la Nature C'est-là tout ce que
Et que font après lui le Soleil et LOUIS ,
LOUIS
MAY. 1737. 883
LOUIS et le Soleil sont en droit de le faire ,
Et c'est de leur grandeur l'illustre fonction :
Mais V... plus borné , doit en Juge sévere ,
Du bien avec le mal faire distinction.
Ses Volumes moins gros , seroient plus sûrs de
plaire ;
Suprimant les Ecrits d'an misérable Auteur ,
Il pouroit épargner du papier au Libraire ,
A lui des soins , enfin du dégoût au Leeteur.
Mon esprit contre toi murmuroit de la sorte :
Mais mon coeur depuis peu l'en a désavoüé.
Tu viens de m'oposer une raison plus forte ;
Qu'as-tu fait pour cela,V... ? Tu m'as loüé &c
Nous omettons le reste : cet échan
tillon suffira pour montrer le caractere
de notre Ami , par raport à la flaterie
qu'il ne pouvoit souffrir , et à la censure
, qui chés lui n'étoit jamais austere ni
farouche.
Nous avons dit qu'il ne pouvoit souffrir
les louanges outrées , encore moins
les louanges personnelles . C'est dans cet
esprit qu'il nous a toujours refusé un petit
détail sur sa vie et sur ses Ouvrages ,
qu'on lui a souvent demandé pour en
faire un jour honneur à sa Mémoire : voici
€ iij seulo
884 MERCURE DE FRANCE
seulement ce que l'amitié ou l'importu
nité lui permirent de nous écrire le 21 .
Octobre 1735.
20
» Vous voulez me prendre par mon
propre interêt , par la proposition que
vous me faites de vous donner quelques
Memoires de ma vie , qui n'est
» pas si obscure que l'on n'y trouvât
» sujet de faire un petit Roman ; mais j'ai
>> renoncé à cette vanité , et il me suffit
» que l'on sçache qu'après avoir couru
>
le Monde dans ma jeunesse et avoir
» fait quelque figure à la Cour du Duc
» de Savoye , Charles- Emanuël second
23 je me suis attaché à celle de la Prin-
» cesse d'Angoulême , où je me suis ma-
» rié ,, et qui m'a servi d'échelle pour
» monter à la Cour de la Reine Marie-
» Therèse, Epouse de LOUIS LE GRAND ;
échelle qui s'est rompue sous mes pieds ,
et où je me suis brisé le col par la mort
» de cette Princesse , étant demeuré sans
>> Charge et sans récompense . Je me suis
>> ensuite retiré dans mon Pays natal , où
» je me suis consolé du mieux que j'ai
» pû avec les Muses , qui ne m'ont point
» abandonné jusqu'à l'âge de quatre - vingt
» treize ans.Pour mon Pere , vous ne pou
» vez en dire trop de bien , qu'oiqu'il
» m'ait fort maltraité , et donné tous ses
>> biens
MAY. 17377 885
» biens à des filles d'un second lit. A cela
» près , c'étoit un homme illustre par ses
» moeurs , sa justice et son éloquence
» dont il a donné des preuves autentitiques
dans un beau volume de Ha
rangues, &c. Voilà assés parler des miens
» et de moi.
Cependant la longue carriere de M.
de Senecé s'avançoit et n'étoit pas loin
de son terme. Ses Lettres devenoient
moins fréquentes , mais elles étoient
morales , chrétiennes , édifiantes . Ceile
sur tout qu'il nous écrivit le six Décembre
1735. marquoit un fond de
Religion et de résignation , capable de
faire plaisir à de véritables Amis . C'étoit
dans la circonstance d'une maladie , qui
ne fut cependant pas la derniere. » J'attends
patiemment , disoit - il ,
l'heure
» qu'il plaira à Dieu de me marquer pour
» lui aller rendre mes comptes qui ne
» sont pas en trop bon état , &c. La
Lettre étoit accompagnée d'un Cantique
de sa façon sur le sujet de ces mêmes
Comptes , où il paroissoit encore du feu
et du génie , mais bien plus encore de
pieté et de confiance en la bonté divine .
La Piece finissoit par une invocation pathétique
adressée à la sainte Vierge. » J'ai
» fait , ajoûtoit-il , ce petit Morceau dans
C iiij » l'un
886 MERCURE DE FRANCE
ג כ
"
>
» l'un des plus grands accès de ma ma-
>> ladie , où pour l'ordinaire on ne songe
pas à faire des Vers ; mais j'ai éprouvé en
» cette occasion la vérité du Proverbe
»qui dit que la Mort est un Echo de la
» vie. En tout cas , ce que je vous envoye
» servira à vous faire faire quelques refléxions
chrétiennes. Les Gens de Lettres
, si remplis de differentes idées
» ont besoin que quelquesfois on les
rapelle à Dieu par des refléxions sé-
» rieuses. Je vous demande pardon de
» faire ici le Prédicateur , contre ma coû-
» tume ; mais les aproches de la mort
"Ouvrent souvent les yeux les plus aveu-
» gles , et j'espere que vous me pardonne-
» rez l'effet d'une conversion qui est dans
» sa premiere ferveur , et que je voudrois
» pouvoir étendre sur tous mes Amis , par
» mi lesquels je vous considere tout des
» premiers , &c. Enfin , comme s'il prévoyoit
que c'étoit- là la derniere Lettre
qu'il devoit nous écrire , il la chargea de
ses complimens ou plutôt de ses adieux
pour quelques Amis particuliers , qui
sont aussi les nôtres . Il saluoit et moralisoit
en ces termes l'un de ces Messieurs
qui aime beaucoup les Spectacles. » Fai-
» tes mes complimens à M. L. C. et di-
» tes- lui que j'ai bien du déplaisir qu'un
» bel
MAY. 1737. 887
bel Esprit comme le sien meure dans
l'hérésie des favoris de Melpomene et
» de Thalie.
Depuis l'Epoque que nous venons de
marquer , c'est-à - dire la fin de l'année
1735. qui fut aussi la fin de notre commerce
Litteraire , M. de Senecé , de qui
nous avions quelquefois indirectement
des nouvelles, soigneux de nous informer
de son état , tourna toutes ses pensées du
côté du Ciel. Accablé enfin par le poids
de l'âge , éprouvé par de plus fréquentes
infirmités , mais consolé et fortifié par
de solides esperances , il expira doucement
entre les bras d'un digne Fils , le
premier jour de l'année 1737. âgé de
93. ans , deux mois et quelques jours.
Nous n'aurions rien à ajoûter à ce
que nous venons de dire , et que nous
avons crû devoir à la memoire de M. de
Senccé , si une nouvelle instruction , qui'
vient de nous arriver , ne nous engageoit
de joindre ici quelques circonstan
ces particulieres qui regardent sa Famille
et sa Personne ; rien n'est à négliger dans
P'Histoire des Hommes de Lettres.
On a marqué cy -dessus qu'il étoit fils ,
petit-fils et arriere petit- fils de trois Lieu
tenans Generaux au Bailliage et Siege
Présidial du Mâconois. Ils furent tous
C trois
888 MERCURE DE FRANCE
trois très- distingués dans la Province par
leur mérite personnel et par la maniere
noble dont ils y vivoient. Ils étoient issus
d'une très - ancienne Famille originaire
de la Ville de Paray le Monial , dans le
Charolois , à 12. lieues de Mâcon , où
l'un de leurs Ancêtres vint s'établir il
Y
a plus de deux cens ans.
La probité et la Litterature sont comme
héréditaires dans cette Famille . Mais
aucun ne se distingua davantage , et ne
joignit plus d'excellentes qualités à celles
que nous venons de dire , que Brice Bauque
deron de Senecé , Pere de celui que nous
regretons. Il fut Auteur de plusieurs
Ouvrages estimés , et consommé sur tout
dans les sciences de son Etat. Le Conseil
et le Parlement , bien instruits de son
integrité et de ses lumieres , l'ont souvent
employé dans des affaires de conséquence
, délicates et épineuses , commissions
dont il s'est acquité avec un aplaudissement
general , et qui lui ont acquis
un honneur infini . Enfin il eut le bonheur
dans les Troubles de la minorité du
Roy Louis XIV. de servir utilement son
Maître , moins par l'autorité de sa Charge
, que par la vivacité de son zele et
par la force de son éloquence , qui retine
a Ville de Mâcon , prête à tomber entre
MAY. 1737.
889
tre les mains des Factieux , dans son devoir
, et fit perdre à ceux- cy toute esperance
pour le succès d'un projet qui
étoit apuyé de la force des Armes. La
Cour très satisfaite de sa conduite , lui
fit expedier des Lettres de Conseiller d'Etat
, datées du 31. Juillet 1651. Il reçut
aussi de la Cour de grands Eloges
sur sa sage conduite à la tenue des Grands
Jours dans la Ville de Clermont , où il
fut mandé et où il donna encore de grandes
marques de zele et d'attachement
pour les interêts du Roy.Il mourut à Mâcon
le 3. Octobre 1698. âgé de 88 , ans ,
après y avoir exercé pendant quarante années
la premiere Magistrature . Ona obinis
qu'il avoit un grand talent pour la Poësie
Latine et Françoise , dont il faisoit
quelquefois ses amusemens pour se délasser.
M. de Senecé son Fils , qui fait le sujet
de cet Eloge , a eû , comme nous l'avons
dit , deux Fils de son Mariage . L'aîné
entra de bonne heure dans le Service.
Il n'avoit que 18. ans lorsqu'il fut blessé à
la Bataille de Nervinde . Il fut aussi -tôt
fait Capitaine au Régiment de Piémont
où il continua de servir avec distinction
jusqu'à l'âge de 23. ans , qu'il fut tué
dans un combat qui se donna auprès de
C vi Tour80
MERCURE DE FRANCE
Tournay. Il marchoit déja sur les traces
de son digne Pere , aimant les Lettres et
écrivant fort bien en Vers et en Prose.
Son Frere puisné prit aussi le parti des´
Armes , mais la mort de l'aîné ne permit
pas à ce tendre Pere de lui laisser suivre
son inclination , ne voulant pas d'ailleurs
risquer la seule personne qui pouvoit
donner des Héritiers à son nom . Dieu
en a disposé autrement ; car ce Fils uni--
que , marié depuis 20. ans n'a aujourd'hui
de plusieurs Enfans qui lui sont nés,
que deux filles fort jeunes.
De six Filles que M. de Senecé avoir
aussi eûes de son Mariage, l'aînée mourut
peu après le décès de la Dame sa Mere ;
les quatre suivantes sont actuellement
Religieuses en differens Monasteres , et
la derniere est mariée à M. de la Salle
Gentilhomme du Mâconois , d'une bonme
et ancienne Maison , originaire d'Auvergne.
Un fils unique sorti de ce Ma--
riage , Capitaine dans le Régiment d'Infanterie
d'Anjou , a été tué en Italie à
la Bataille de Guastalla, dans sa premiere
jeunesse.
Ainsi d'un assés grand nombre d'Enfans
et de petits- Enfans , il n'est resté à
M. de Senecé que le seul Fils dont nous
venons de parler , et que la Providence :
Luk
MAY. 1737. 891
lai avoit conservé pour être sa consolation
et son soutien dans le reste d'une
longue carriere. Nous sçavons qu'il s'en
est acquité dignement . C'est par ce cher
Fils , homme de Lettres et d'un mérite
distingué , que nous avons été informés
des principales circonstances de la Vie
de cet illustre Pere . L'une des plus importantes
, sans doute , est que depuis
quelques années il avoit de grands sentimens
de pieté , parlant sans cesse de
Religion, souvent apliqué à lire et à méditer
la Sainte Ecriture. De là cet esprit
de patience et de résignation aux ordres
de Dieu dans les differentes tribulations
qui ont affligé sa vieillesse .
On ne peut pas trop dire que cette vertu
ait cú sa récompense dès cette vie , car nous
aprenons de la même source que de tous
les Seigneurs qui , l'avoient connu à la
Cour , et qui l'avoient , pour ainsi dire
accablé d'offres de service , & c. aucun
ne s'est souvenu de lui dans l'occasion
. Un grand Ministre , né pour le
bonheur general du Royaume et pour
relever la vertu abattuë et affligée , lui
a seul conservé l'honneur de ses bonnes
graces , et lui a donné des secours
effectifs par diverses gratifications , et par
deux differentes pensions obtenues de
la
892 MERCURE DE FRANCE
la bonté du Roy. Par là cer illustre'
Bienfaiteur l'a empêché d'avoir une
vieillesse nécessiteuse et l'a mis en état
de passer ses dernieres années dans une
douce tranquillité. Ces derniers termes
sont les mêmes dont M. de Condemines,
son digne Fils , s'est servi pour nous
instruire et pour exprimer sa reconnoissance.
Condemines est le nom de sa Terre,
et presque le seul bien qui lui reste ;
» mais Dieu qui fait tout pour le mieux,
» nous dit- il fort chrétiennement
» me faisant décheoir des esperances d'u
> ne fortune considerable , m'a doüé
» d'un esprit tranquille et sans passion ,
qui me fait vivre content dans ma mé-
» diocrité .
,
en
Nous finirons par ce qui nous reste
à dire sur les Ouvrages de M. de Senecé,
qui a brillé , sur tout , par le talent de
la Poësie Françoise et Latine. Nous emprunterons
pour cela les termes de M.
Titon du Tillet , qui après avoir déja
parlé de lui dans son Parnasse François,
nous a fait l'honneur de nous écrire à
l'occasion de sa mort ; nous, ajoûterons
ici le précis de sa Lettre.
" Je viens , M. d'aprendre la mort de
» M. de Senecé , Doyen de nos Poëtes
» François. Comme je m'interesse infini-
» menc
MAY. 1737. 893
» ment à la gloire de tous les Hommes
» celebres qu'a produits la France , et
>> plus particulierement à ceux qui doi-
» vent augmenter le nombre des Habi-
» tans du Parnasse François , je me sens
» obligé de vous annoncer la perte que
» nous faisons de cet Homme illus-
» tre , pour en faire part au Public dans
votre Journal , en attendant que je
» puisse moi- même rendre justice à sa
>> memoire dans le Suplément de la Vie
» de nos celebres Poëtes , & c. que je ras-
» semble sur le Parnasse François , que
» j'ai fait élever en Bronze , à mesure que
» la mort nous les enleve , & c.
>>
" Je lui dois d'ailleurs de la reconnoissance
par l'amitié dont il m'a ho-
» noré pendant quatre ou cinq ans , que
» nous avons été en commerce ensemble,
» et par le beau présent qu'il m'a faiɛ
» du gros volume manuscrit in 4° . de ses
» Poësies , non imprimées , dont j'espere
>> enrichir le Public par l'impression.
» Ce Manuscrit est rempli d'un grand
» nombre de Morceaux interessants ,
>> l'on trouve de l'élevation , de la grace
» et sur tout cet élégant badinage , dont
» peu de gens sont capables, et que notre
» Auteur possedoit en Homme d'un es-
» prit supérieur , qui connoissoit d'ail-
*
1
où
» leurs
894 MERCURE DE FRANCE
» leurs à fond la Cour et la Ville , & c.
» On a imprimé un Recueil d'Epigrammes
et d'autres Pieces de M. de
» Senecé , avec un Traité sur la compo-
» sition de l'Epigramme , 1. vol . in 12,
» d'environ 5oo . pages. A Paris , chés
» F. Giffart , 1717.
Il y a aussi quantité de bonnes Pieces
de sa façon , imprimées dans le Mercure
Galant et dans le Mercure de France ,
qui étant recueillies , formeroient un
juste volume .
Je finis ( c'est toujours M. Titon du
Tillet qui parle ) en joignant à ma Let-
» tre une Piece de Vers de M. l'Abbé-
Poncy de Neuville , connu par divers
» Ouvrages qui lui ont fait honneur , et.
» dont sept ont remporté des Prix de Poë-
» sie à l'Académie des Jeux Floraux de
>> Toulouse.
FABLE envoyée à M. de Senecé par
M. L. P. D. N.
UNCygne dont la voix harmonieuse et tendre
Attiroit près de lui les Oyseaux d'alentour ,
Et qu'au milieu de sa superbe Cour
Le Souverain des Dieux daignoit souvent en
tendre ,
Attendoit le trépas sur les bords du Méandre.
Il sembloit que ses derniers Chants
Eussens
MAY. 895 1737.
Eussent encor plus de force et de grace ;
Le Dieu des Vers les trouva si touchants
Qu'il le mena sur le Parnasse ,
Et qu'il obtint pour lui , non sans difficulté ,
Un Brévet d'immortalité.
L'Aigle , Reine des Airs , a bien ce privilege ,
Et pourquoi ce Cygne divin
Ne l'auroit. il pas eû ? d'ailleurs c'est le destin
De tous ceux qu'Apollon protege ;
Il l'eut aussi ; ses sons mélodieux
Avoient charmé la Terre , ils charmerent les
Dieux.
Cher SENECE' , ce Cygne c'est toi- même ;
Quand sous le poids des ans ton corps s'apesantit,
Le Dieu des Vers qui t'aime ,
Semble ranimer ton esprit.
Son aimable enjoûment me ravit et m'étonne ;
Dans tes Ecrits qu'elle naïveté !
Quel feu quelle vivacité !
Quand nos Auteurs touchent à leur Automne
On leur dit : Croyez - moi , sevrez - vous des douceurs
Qu'aux Favoris d'H bé présentent les neuf
Soeurs ,
Toute saison pour elles n'est pas bonne ,
Pour vous tout au contraire , ami , vos cheveux
blancs,
Et vos conseils prudens ,
Ce sont en vous les seules marques
Du
896 MERCURE DE FRANCE
Du grand nombre des ans ,
Qu'Apollon sauvera de la rigueur des Parques ;
Et votre Hyver vaut mieux que mon Printemps.
QUESTIONS
U
DIVERSES
sur des Sujets d'économie.
N Philosophe économe qui propose
les Questions suivantes , se
plaint du goût general qu'on a aujour◄
d'hui
pour les recherches purement curieuses
; demande- t'on quelques instructions
sur un Coquillage , une Pierre inscrite
, un Marbre , &c. une foule de Sçavans
s'empressent de communiquer leurs
lumieres au contraire , dans la Science
économique , laquelle embrasse tous les
Arts et toutes les Professions utiles , toutes
les bonnes découvertes , tout ce qui
tend à diminuer nos peines et à augmenter
nos aises ; dans cette Science
dis-je , la plupart des Sçavans sont ou
muets ou pen instruits.
L'Auteur de ces Questions voulant faire
naître le goût des Recherches purement
économiques , se propose de faire de
temps en temps des Questions interessantes
sur differens Sujets , et cela pour
donner
MAY. 1737. 897
donner occasion de vérifier plusieurs faits,
de constater plusieurs verités dont la discussion
doit être avantageuse au Public.
Premiere Question.
Il y a déja long-temps qu'on a publié
l'Histoire abregée de toutes les Colonies
Angloises de l'Amérique , sous le titre
d'Amérique Angloise. On y trouve le commencement
, la suite et les progrès de
tous les Etablissemens des Anglois dans
le nouveau Monde , le moyen de s'y éta
blir et d'y avoir des fonds avec les
conditions pour le transport des Person .
nes et pour l'achat des Terres ; outre plusieurs
autres particularités qui peuvent
faire plaisir à tous ceux qui s'interessent
à ces sortes d'entreprises.
9
Il seroit à souhaiter que quelque personne
instruite nous donnât pareillement
l'Amérique Françoise , ou l'Histoire exacte
de toutes nos Colonies , Histoire débarassée
de tout ce qui n'est que de pure curiosité,
et où l'on s'attachât à faire connoître
ce qu'il y a et ce qu'il peut y avoir
d'avantageux dans ces sortes d'établissemens
, tant pour le Public , que pour les
Particuliers de differentes conditions .
En attendant cette Histoire generale ,
en voudroit avoir quelques instructions
sur
898 MERCURE DE FRANCE
sur l'état actuel de nos Colonies de
Cayenne , des Antilles , et sur tout de
la Louisiane et du Canada ; on voudroit
, dis- je , sçavoir si l'on peut exercer
dans tous ces Endroits le Négoce
et les Arts , sans Maîtrise , ni qualité s
s'il y a des servitudes et des Droits
Seigneuriaux comme en France , ou si
chacun y est absolument le maître de
ses fonds.
Sçavoir encore si l'on trouve des Terres
à prendre sans débourser , ou suposé
qu'il faille les acheter , sçavoir de qui et
à quelles conditions. Sçavoir de même
la facilité ou la difficulté du transport
pour les Personnes et pour les Marchandises
, et quels sont les Lieux où il y a
le plus de ressources et dont le climat
est le plus convenable au temperament
des François. On prie les Personnes qui
sont en état de répondre à ces Questions
, de vouloir bien donner sur cela
un petit Memoire au Mercure.
On voit dans les Voyages de Lahon
tan et dans le Dictionaire de Commerce,
que
l'on peut acquérir aisément des Terres
au Canada en payant un écu de Cens
par arpent , mais l'expression n'est pas
trop claire. Si c'est un écu de rente annuelle
, c'est horriblement cher ; si c'est
UA
MAY. 1737. 899
un écu de fonds , c'est - à-dire trois sols
de Droit Seigneurial tous les ans , c'est
encore un prix honnête pour ces Pays
perdus quoiqu'il en soit tout cela de
vroit être mieux déterminé .
Seconde Question.
Un Particulier voulant faire executer
une sorte de voiture qu'il a imaginée ,
a besoin de sçavoir pour l'execution de
sa Machine , de combien il est plus facile
de traîner un fardeau que de le porter,
en suposant peu de frotement , et suposant
encore des chemins passablement
unis on invite les Géometres à faire
part de leurs lumieres sur cette Question .
Troisième Question.
On trouve dans la plupart des Livres
d'Agriculture , plusieurs Secrets ou pratiques
pour procurer une abondante multiplication
des Grains, Rien ne seroit plus
digne de quelques Membres de l'Acadé
mie des Sciences et de tous autres Particuliers
qui ont de l'intelligence et qui veu
lent se rendre utiles , que de travailler avec
soin à vérifier ces pratiques et de publier
ensuite leurs Découvertes et leurs procedés
; ou de désabuser une fois le Public
de tous ces effets imaginaires ; on fait
tous
900 MERCURE DE FRANCE
tous les jours des recherches bien moins
utiles.
En attendant quelque bon Memoire
sur ce sujet , on demande si quelqu'un
sçait dès - à - présent un procedé facile et
confirmé par l'experience , pour produire
des récoltes plus abondantes ; s'il est
vrai qu'on distribuë à Lyon , à la Cure
S. Vincent , et dans une Communauté
de Filles , une matiere préparée pour la
même fin , matiere fort vantée dans le
Dictionnaire Economique de Chomel,au
mot Blé.
EPITHA LA ME,
Sur le Mariage de M. *** avec
Mademoiselle ***
UN sommeil doux et tranquille ,
Sur un duvet souple et docile ,
Réparoit insensiblement
Mes sens et ma raison débile
Des travaux du jour précedent ,
Quand l'aimable Dieu de Cithere
Voltigeant d'une aîle legere ,
Sur mes yeux couverts de pavots
Vint me fater dans mon repos
D'uni
MAY.
901 17376
Du songe le plus délectable ,
Et par un Spectacle agréable ]
De Jeux , de Graces et d'Amours ,
Me rendre la nuit préférable
Au plus brillant de tous les jours .
Jamais ce Dieu n'eut tant de charmes ,
Qu'il m'en offrit pour cette fois ,
Ses plaisirs étoient sans allarmes ,
Sans remords on suivoit ses loix ,
Au lieu de dards , des fleurs nouvelles
Composoient seules son Carquois ;
Les Graces , les Amours fidelles ,
Dans leurs Danses continuelles ,
En couronnoient leur Souverain ,
Qui pour Sceptre tenoit en main
Un Bouquet formé des plus belles ,
Tel que Vénus dans ses atours
En peut porter aux plus beaux jours.
Dieux ! quel triomphe , quelle gloire
Flatoit ce jeune Conquérant !
Tout m'annonçoit une victoire
Sur quelques coeurs du plus haut rang.
Pour agir avec assurance ,
Et diriger encore mieux
Un coup de pareille importance ,
Il avoit dépouillé ses yeux
De ce bandeau malicieux
Qui lui ravit la connoissance
Des
902 MERCURE DE FRANCE
Des Traits que son aveugle enfance ,
Lui fait décocher sans égard ,
Quand il séduit par inconstance
Deux coeurs assemblés au hazard ;
Les Plaisirs , en réjouissance ,
En avoient fait un Etendart ,
On leur main conduite par l'Art ,
Avoit dans un Champ héraldique ,
Sous mainte couleur symbolique ,
Réuni les faits glorieux
Des Citoyens les plus fameux
Qu'eût jamais produit l'Armorique ;
Je contemplois tous ces Emaux
Qui me rapelloient la memoire.
Des noms et des traits les plus beaux
Que nous avoit transmis l'Histoire ,
Lorsque le Dieu de la Beauté
M'attirant d'un tendre sourire ;
Voy , me dit- il , dans mon Empire
S'il fut hymen mieux concerté ;
Jupiter , à ma volonté
S'est fait un plaisir de souscrire ;
Sa main a conclu le Traité.,
Lors au milieu d'un cercie auguste
De Héros et de demi- Dieux ,
Que les soins d'un amour si juste
Avoient rassemblés dans ces Lieux ;
Je cherchai l'illustre conquête ,
T
MAY.
1737. 903
A qui l'Amour victorieuz
Avoit préparé cette Fête
Pour un hymen si glorieux ;
Si les vertus pouvoient paroître
J'eusse aperçu dans le moment
Celle que je voulois connoître ;
Mais le commun empressement ,
De gens qui par reconnoissance ,
Far interêt ou par naissance ,
Se succedoient incessamment
En réverence ou compliment,
Me frustroit de mon esperance ,
Lorsqu'un Amour officieux ,
Au loin échapé de ses yeux ,
Me fit voir la jeune Héroïne ,
Dans qui l'esprit , l'air gracieux ,
Les vertus , mieux que l'origine
Retraçoient ses nobles Ayeux ; ·
Pour un Epoux plein de tendresse ,
L'hymen en ce jour d'allegresse ,
Recevoit sa main et sa foy ,"
Et sous cette commune Loy
Ils s'assuroient de leur
promesse ;
A ses traits vainqueurs et guerriers ,
A son front couvert de Lauriers ,
Je compris que dans les allarmes
Amour enfin avoit surpris
Au redoutable Dieu des Armes -
D Us
904 MERCURE DE FRANCE
Un de ses plus chers Favoris ;
Non , me dit- il , c'est un partage ,
Qu Mars aura tout l'avantage ,
Je rendrai plus que je n'ai pris
Il n'accorde à mes voeux timides
Un coeur si superbe et si grand ,
Que pour conserver dans son sang
La posterité des Alcides.
>
Ainsi mille objets ravissans
Offroient à mes regards avides
Des plaisirs toujours renaissans ;
Mais pour consommer son Ouvrage ,
Amour dans un brillant nuage ,
Envelopa les deux Epoux ;
Les Conviés se retirerent ,
Et les Plaisirs seuls s'envolerent
A cet aimable rendez - vous ;
J'observois encor leur carriere ,
Quand du jour l'ingrate lumiere
Vint troubler ma félicité ,
Et changer en réalité
L'illusion d'un doux mensonge ;
O Dieux ! fut-il jamais un songe
Plus conforme à la verité.
ENVOT.
Daignez , illustre * * *
En ce jour de réjouissance ,
Agréer
MAY.
905 1737.
Agréer ces Vers en présent ,
Ils méritent quelque indulgence ,
Car je n'eus en les composant
D'autre Apollon que la reconnoissance.
ACCARO N.
LETTRE de M. D. à M. l'Abbé Ph...
au sujet du Tasse .
J'A
Ai lû , Monsieur , comme nous en
étions convenus ensemble , la Jerusalem
délivrée , et je vous avoie que
j'y ai remarqué des beautés que la foiblesse
de l'âge , ou le préjugé François
m'avoient empêché d'admirer. Le Tasse,
malgré la Critique du Rossi et des Académiciens
della Crusca , sera tou ours regardé
comme le premier des Poëtes Ita-
Liens , l'Arioste , il est vrai , lui dispute
le Sceptre Poëtique , son Orlando furioso
est rempli de ces images vivantes , et de
ces Portaits brillans que nous ne voyons
point dans l'autre ; mais celui ci est plus.
sage et moins emporté , ses Peintures ne
sont pas si hardies , mais dans leur genre
ce sont autant de miniatures finies
et dont la délicatesse saisir davantage
Dij les
906 MERCURE DE FRANCE
les yeux le clair obscur et l'harmonie
des couleurs y sont mêlés avec plus
d'art , les nuances moins grossieres ; les
idées de l'Arioste sont bizarres , sublimes ,
gigantesques ; celle du Tasse sont à la
portée de tout le monde , l'un n'a pour
regle que son imagination , l'autre sçait
temperer cette imagination à propos , et
joint à la nature les perfections de l'art;
outre ces avantages , le Tasse a le vers
plus correct et moins enflé que celui de
l'Arioste.
M. Despreaux , cet Homme de notre
Siécle le moins ignorant Critique , a
quelquefois porté ses censures un peu
trop loin , beaucoup de petits esprits onc
adopté ses décisions comme sans apel.
•
C'est ainsi qu'on voit des Frêlons
Imiter souvent les Abeilles ,
Ils bourdonnent à nos oreilles ,
Vôlent de même, et rendent mêmes sons ;
Mais examine - t- on l'ouvrage ,
Le Frêlon est tout different ;
L'Abeille seule a l'avantage
Que lui dispute un Rival ignorant.
M. Mirabeaud dans sa Préface a vengé
le Poëte Italien de ces préjugés ridicules
Le caractere de Renaud est incomparable
'
MAY.
907 1737.
rable , je le préfererois à celui d'Achillle.
J'y vois un Heros que l'amour
Aveugle sur sa propre gloire ,
Et qui des deux esclave tour à tour ,
A tous les deux dispute la victoire ,
Tantôt l'amour prend le dessus ,
Le Héros céde , et de la fiere Armide
La beauté dans son coeur décide ,
Et l'emporte sur ses vertus ;
Tantôt rougissant de sa honte ,
Il goûte à regret les plaisirs ;
Le devoir , l'honneur le surmonte ,
Et la raison condamne ses desirs ;
Ainsi peu maître de lui - même ,
Il est jaloux, il n'aime pas , il aime ,
Qui des deux mérite un retour
Ou de la gloire , ou de l'amour ?
Celui de Tancrede est plus moderé ;
c'est un Prince courageux , dont l'âge a
reprimé la fougue ; plus prudent que
Renaud , il connoît davantage le danger
, et par là sa bravoure est moins active
; il a toutes les vertus d'Ulysse ,
sans en avoir les défauts.
1
En vain l'amour pour le surprendre
De l'aimable Herminie augmente les apas ,
Un coeur sçait toujours se défendre
D iij Quand
908 MERCURE DE FRANCE
Quand la raison ne l'abandonne pas.
Clorinde a sçu toucher son ame ;
Mais ce n'est point une brûlante flamme ,
Telle que le plaifir allume dans nos coeurs ,
Qui s'éteint à l'instant qu'elle commence
naître ,
Et qui souvent craint de paroître ,
Pour nous cacher ses honteuses ardeurs
C'est un feu qui naît de l'estime
Que nourrit l'innocence et la fidelité ;
Ennemi de la volupté ,
La raison le soûtient , la constance l'anime ,
Et l'indolente oisiveté
Ne peut éteindre un feu si légitime.
Tancrede n'est point combattu
Par les transports d'une lâche tendresse ;
Ah ! si l'amour étoit une foiblesse ,
Quels coeurs auroient de la vertu ?
Godefroy fait le même Personnage que
Nestor dans l'Iliade , il ne se distingue des
autres Chefs que par une sagesse con
sommée.
C'est un Héros que la prudence guide ,
Dont la vieillesse est l'unique défaut ;
Peut être eût- il , comme Renaud ,
Suivi les pas de la trompeuse Armide.
Mais
M Ả Ý . 1737. 909
Mais quand l'âge avec la raison
Vient reprimer ces fougues indomptables
C'est recueillir en arriere saison,
Que vouloir enflammer des coeurs si respectables
L'Episode de Sophronie et d'Olinde
est bien touchée , quoiqu'on la trouve
déplacée et étrangere au sujet; quelquesuns
veulent que ce soit une copie défigurée
de Nisus er d'Euryale ; Argant ,
Aladin , Soliman y sont dépeints avec
les couleurs les plus vives , et les plus
naturelles, leur caractere ne se dément
point dans la suite du Poëme ; le Tasse
a mis à profit cette maxime d'Horace ,
le seul Auteur de l'antiquité que les Mo
dernes daignent encore respecter. .' ..
Sit Media ferox invictaque , flebilis Ino ,
Perfidus Ixion , Io vaga , tristis Orestes ;
Si quid inexpertum scene committis , et audes
Personamformare novam , servetur ad imum
Qualis abincapto processerit , et sibi constet.
Le Sarrazin ne connoissoit qu'une và➡
leur brutale et déterminée, semblable à ces
bêres qui ne suivent qu'un instinct grossier
; il seroit à souhaiter pour nos François
qu'ils pûssent dépeindre le caracte-
Diiij
re
910 MERCURE DE FRANCE
re des autres Peuples , aussi - bien que le
Poëte Italien ; le seul Auteur de Gil - Blas
a sçi , avec gloire , éviter ce défaut , il
a peint les Espagnols tels qu'ils sont , et
non pas sur des idées vagues ou universelles
; si nos Tragiques eussent suivi cete
regle , nous n'aurions point tant de
mauvaises Pieces , qui ne sont tout au
plus que de froids Dialogues montés sur
le même ton ; Pharamond ne parleroit
qu'en vrai Conquerant , &c. Mais ce
n'est point ici le lieu d'exercer la Critique.
Ismeno , dans la Jerusalem délivrée
fait le personnage deCalchas dans l'Iliade,
l'un est un Devin qui ne sert qu'à entretenir
la superstition de l'Armée Grecque ,
aussi Agamenon lui dit fort bien , E'onor
δ᾽ οὐδέτι πω εἶπας ἔπος , ουδ᾽ ἐτέλεββας.
Bonum nullum adbuc verbum dixisti , nes
fecisti.
L'autre est un Magicien qui effraye
les Sarrazins par les secrets de son art .
Le sublime Auteur de la Henriade
dans son Essai sur le Poëme Epique ( Ouvrage
merveilleux ) a rendu justice au
Tasse ; la conformité de talens ne lui a
point inspiré cette jalousie qu'il apelle
ui-même dans sa Préface d'Alzire , Maadie
incurable.
L'Episode
MAY. 1737. 911
L'Episode de Tancrede et de Clorinde
est préférable , selon beaucoup de
Gens d'esprit , à celle de Didon dans
Virgile : je vois déja plusieurs Pédans qui
m'anathematisent , et me menacent des
foudres scholastiques ;
Mais leurs cris impuissans se perdent dans les
airs.
En effet , qu'est- ce que Didon ? une
femme furieuse dans sa passion , qui veut
à toute force aimer Enée , et en être aimée
; comblée de refus outrageans elle se
tuë. ( Dénoüement rate parmi les femmes
de notre siècle . )
Ce fut sa faute en un mot :
A quoi songeoit cette Belle ,
De prendre un Amant dévot ? *
Il est vrai que ces petits défauts de
caractere sont rachetés par une infinité
de morceaux frapans , et qui trouvent
facilement le chemin du coeur ; mais se
peut- il une situation plus touchante que
celle de nos deux Amans dans le Tasse ?
Tancrede est le propre assasin de sa Maîtresse
, sans le sçavoir ; il reconnoît son
erreur, quand son aveuglement lui étoit
le plus nécessaire , et les derniers soupirs
de son Amante sont consacrés à un
* Rousseau.
D v amour
912 MERCURE DE FRANCE .
amour vertueux. Je m'en raporte aux
Dames dont le goût est plus délicat , et
le coeur plus susceptible de ces impres
sions de tendresse .
Temperes à lacrymis.
• Quis taliafando
La Forêt enchantée , l'Isle où se renferme
Armide avec Renaud , sont des coups
de pinceaux hardis que le Tasse a mêlésdans
l'ombredu tableau ;iln'apartient qu'à
des Hommes choisis d'enfanter de pareilles
productions , et qui leur sont même
particulieres. L'Albane differe du Titien ,.
Michel - Ange se distingue par ses attitudes
, le fameux Tableau du Jugement
dernier , que les Curieux regardent comme
un chef- d'oeuvre , est une preuve de
ce goût sublime qui n'est affecté qu'aux
génies véritablement grands ; les Crucifix
du Guide se font admirer de tous les
Connoisseurs .
Le Tombeau que le Tasse fait élever
à Didon , aproche beaucoup de celui de-
Patrocle ; s'il nous represente un combat
, c'est avec des expressions mâles er
hardies ; le desespoir où se trouvent les
Sarrazins , après la perte de leurs Chefs ,
est d'un coloris admirable : la conclusion
de ce Poëme est bien ménagée , il n'y a
Dien:
MAY 1737.
913
rien de trop ni de trop peu ; ce qu'on
pouroit blâmer avec justice , me semble
ce combat singulier qui se donne entre
Godefroy et Argant : notre Heros a le
même bonheur qu'Enée , un Ange lui
remet entre les mains des Armes d'une
trempe fine , et à l'épreuve des coups ;
Argant est un autre Turnus aussi malheureux
que le premier ; le Tasse cependant
plus éclairé sur cet article que Virgile
, a trouvé moyen de rendre le Sarrazin
odieux à son Lecteur , le Rutulois
au contraire nous interesse ; il dispute à'
un Etranger la Princesse que Latinus lul
avoit promise , Enée n'agit pas en galant
Homme de vouloir enlever sa fiancée, et
sur quel droit prétend-il l'emporter contre
Turnus ? a t il quelques prérogatives
qui l'autorisent dans ce rapt ?
Virgile a imité Homere dans la plûpart
de ses fautes ; le Tasse , à son tour ,
s'est arrogé celles de Virgile ; un certaint
préjugé que nous avons , dès notre enfance
, pour les Anciens, nous empêche
de voir leurs défauts : je ne critiquerai
point le Tasse , il me suffit de l'admirer.
Que dirai-je de ses Héroïnes ?
Clorinde est fière , Herminie est sensible ,
Armide est d'autant plus terrible
Dvj
Qu'elle
914 MERCURE DEFRANCE
Qu'elle sçait l'art de captiver les cours ;
Ses dédains affectés , sa beauté naturelle ,
Tout jusqu'à son silence est un charme pour elle
Mais que j'aime à la voir les yeux baignés de
pleurs ,
Se jetter aux genoux d'un Amant infidele ,
Lui demander la mort , soupirer , l'attendrir ,
Ebranler sa fierté , le vaincre et le féchir !
Mais non , l'ingrat bientôt reprend sa perfidie,
Armide en vain croit avoir triomphé,
Il détourne les yeux , il part , court dans l'Asie
Ensevelir un feu mal étouffé .
Dans cet instant cruel et redoutable ,
Cher Ami , j'ignore , à mon tour
Qui doit être le plus coupable
Ou de l'Amant , ou de l'Amour.
L'Amour , malgré l'Amant , fait sentir sa puissance
;
L'Amant , malgré l'Amour , resiste à la constance
:
Mon coeur veut condamner l'Amant ,
La prudente raison décide le contraire ,
Si j'écoute le coeur , Renaud est trop severe ,
Si j'en crois la raison , Renaud est innocent.
Voilà , Monsieur , ce que je pense en
peu de mots de ce grand Poëte ; il faudroit
MAY. 1737. 915
droit entendre l'Italien parfaitement pour
en concevoir toutes les beautés ; à moins
que de se transporter dans le Pays , on
ignore toûjours cette finesse de la langue
annexée à ses seuls Citoyens . J'espere
que l'occasion poura me procurer
ce plaisir litteraire : en attendant cette
petite satisfaction , je m'en raporte à votre
jugement , persuadé que vous étes
plus capable qu'aucun autre d'en décider.
J'ai l'honneur d'être , &c.
ΕΝΓ Ο Υ.
Toi , qui de l'austere sagesse
Sçais dérider le front chagrin ,
Et des Sophistes de la Greee
Erouffer le fatal venin :
Toi , qui d'Horace et de Catulle .
Goûtant les divines leçons ,
Aux fleurs du délicat Tibulle
Joins celles des Anacréons .
Docte Abbé , que sur le Parnasse
On vit plus d'une fois guider mes pas tremblans,
Souffre que , pour chanter le Tasse ,
J'emprunte tes nobles accens.
En vain la Critique severe
Cse lui refuser un légitime enceas ,
La
916 MERCURE DE FRANCE
La gloire est le seul prix des Rois et des Sçavans
,
C'est la Dévise de Voltaire .
Cher Ami , tels sont nos défauts ,
Ces Hommes sont pour nous des Hommes ordinaires
,
Mais, après leurs trépas, cessant d'être vulgaires, -
Ils cessent d'être nos égaux.
****************
LETTRE de M. Le Beuf, Chanoine
d'Auxerre , à M. Clerot , Avocat_an
Parlement de Rožen.
I
L me paroît , Monsieur , par les lettres
que vous avez écrites depuis un an à
M. D. L. R. que vous vous êtes apliqué à
l'Histoire de Rouen et des environs, et que
vous en sçavez parfaitement les Antiquités.
Le trait que vous venez de nous
donner de St Romain , votre Evêque ( a)
m'a fait songer à vous communiquer
une découverte que j'ai faite par hazard
ces jours derniers. Je cherchois dans un
Pays fort éloigné d'ici , et même hors du
Royaume , ( b ) un monument que je
(a ) Mercure de Décembre 1736..
(b) A P'.bbaye de Saint-Gal en Suisse?
croyois
MAY. $737. 917
croyois pouvoir donner dans mon Histoire
d'Auxerre , sur le jugement qu'en avoit
porté l'Auteur de l'Histoire literaire
de la France , Tome 2. p. 261. J'ai été frustré
de mon esperance ; il s'est trouvé que
ce Manuscrit dont on a donné communication
fort volontiers , est un monument
qui ne peut convenir qu'à l'Histoire de
Rouen , ou à l'Histoire Litteraire des
Gaules , ou bien dans un Recuëil tel
que la Bibliotheque des Pères et autres
Auteurs Ecclesiastiques. Je vous aptendrai
ce que c'est avec bien du plaisir.
C'est un Ouvrage de S. Victrice , votre
Evêque. S. Victrice de Rouen , parmi
les Auteurs Ecclesiastiques , est une espece
de Phénomene Litteraire. On sçavoit
seulement qu'il avoit écrit quelques
Lettres à S. Paulin de Nole , mais ces
Lettres étoient perduës . L'Ouvrage done
je veux vous parler est beaucoup plus
qu'une Lettre: c'est un Traité qu'il composa
à la louange des Saints dont il re
gur des Reliques , qui lui furent envoyées
d'Italie , et dont plusieurs étoient
venuës de plus loin . Il porte la parole à ces
Saints presque d'un bout à l'autre.
Il nous aprend dans cet Ouvrage qu'il
étoit dans la Grande-Bretagne , dont les
Evêques l'avoient apellé , pour les aider
dans
918 MERCURE DE FRANCE
dans leur Ministere , ( a ) lorsque le Por
teur de ces Reliques , nommé Elien ,
étoit en chemin pour Roüen ; que ce
Porteur ne l'ayant point trouvé dans sa
Ville Episcopale , prit la route de la
Grande Bretagne , dans laquelle il le
rencontra à quarante mille seulement du
lieu d'où il venoit , ou du Port où il
avoit débarqué . Ensorte , dit - il , que les
Reliques vinrent deux fois dans la Ville
de Rouen. Les apostrophes en forme d'actions
de graces , qu'il fait à saint Ambroise
, alors vivant, à un Evêque nommé
Théodule , à un autre nommé Eustathius
, eett àà d'autres , indiquent de
quelles Eglises d'Italie lui venoient ces
précieux restes . Vous trouverez les noms
de ces Evêques à la fin de la Lettre du
Concile de Milan de l'an 390. contre
Jovinien et ses Adhérans. T. 2. Concil.
Labb. Col. 1027. Ces Reliques étoient
de S. Jean- Baptiste , S. Jean l'Evange
liste , S. André , S. Thomas , S. Luc ;
S. Gervais , S. Protais , et S. Nazaire , de
( a ) Usserius , ni Harpsfeldius , ni Alfordus ,
Historiens modernes de l'Eglise d'Angleterre, n'ont
point connu ce fait. Gildas , et depuis lui Bede
marquent que l'Arianisme trouva des fauteurs
dans la Grande Bretagne , et Usserius croit que
cefut vers l'an 3·80,
Milan :
MAY . 1737. 919
Milar : (a) S. Agricole et S. Procule de
Boulogne; Ste Euphemie , de Calcedoine;
S. Antonin , de Plaisance ; Ss . Saturnin
et Trajan , de Macedoine ; Ss . Mutius
Alexandre , Datysus ou Dathus , Cyndée
ou Chyndée , Ste Kogate, Ste Léonide
, Ste Anastasie , et Ste Anatocle. ( b )
Il paroît par ses expressions que ce n'étoient
point des Ossemens de ces Saints ,
au moins quart à la plûpart , mais seulement
du Sang , ou de la terre détrempée
de leur Sang. Aussi S. Victrice s'étend-
il beaucoup à prouver que ce peu
équivaloit en vertu au Corps entier ,
puisqu'on ne peut pas partager le mérite
des Saints , que le Sang est le complement
et la perfection de tous les membres
, et que ces Reliques , toutes mo
diques qu'elles paroissent , sont enammées
d'une ardeur divine , qui les rendent
aussi puissantes en petite portion
que dans une plus grande . Quoiqu'il
qualifie cet amas de Reliques du nom
( a ) S. Paulin fit mettre sous l'Autel de l'Eglise
de S. Felix de Nole des Reliques des principaux
de tous ces Saints , ainsi qu'il paroit par son
Poëme 24. Vers 406. et suivans.
( b ) S. Victrice raporte , sur la fin de son Ouvrage
, quelques actions de ces Saintes , peu con
ques d'ailleurs.
de
920 MERCURE DE FRANCE
de Troupe de Saints , par raport au nombre
dont il y en avoir , le Vase qui les
contenoit n'étoit cependant tout au plus
qu'une espece de Reliquaire portatif que
les Anciens apelloient Philactere , et qu'ils
attachoient au col . Mais l'Ecrit de S Victrice
prouve que dès lors on faisoit des
réjouissances pour ces sortes de recepzions
. Il fait à cette occasion une description
du Peuple de sa Ville , dans la
quelle il s'étend beaucoup sur l'état des
Vierges et des Veuves , afin de donner
par là des preuves de son unité de sentimens
avec les Eglises d'Italie , qui avoient
condamné nouvellement Jovinien ennemi
de l'état de Virginité.
Il y fait aussi une longue profession de
foy sur le Mystere de la Trinité , prin
cipalement sur la Divinité de J. C. qui
étoit aparemment combattue alors dans
les Gaules par quelques Ariens , depuis
la liberté que l'Empereur Gratien avoit
donnée en 378.
La 370. Lettre de Saint Paulin de Nole
, qui est adressée à ce même Saint
Victrice , paroît y'avoir raport. Ce que
j'ai encore bien remarqué , c'est qu'il sem
ble que Saint Paulin cût reçû de Victrice
un exemplaire de cet Ouvrage , par
la maniere dont il lui parle dans sa premiere
M A Y. 921 1737.
miere Lettre qui est la 18c.) sur la nouvelle
face qu'avoit reprise la Ville de
Rouen sous son Gouvernement (num.s )
il le félicite sur ce qu'une Ville si éloignée
, étoit enrichie de tant de Mémoires
de Saints Apôtres , qui sembloient demeurer
avec lui pour cooperer à ses travaux
, et être honorés par son Clergé et
son Peuple. Par le moyen de l'Ouvrage
de Saint Victrice , cet endroit de Saint
Paulin qui étoit assés obscur en lui - même
, reçoit une certaine clarté qui fait
honneur à la Ville de Rouen . L'état des
Vierges et des Veuves y est dépeint avec
les mêmes couleurs que dans l'Ecrit de
Saint Victrice.
C'est à vous , Monsieur , à m'apren
dre maintenant s'il y eut dès le quatrié
me siecle à Rouen , une Eglise dédiée
sous l'Invocation de quelques Saints de
Milan ; car Saint Victrice dir que les fondemens
des Bâtimens étoient déja jettés,
qu'il falloit maintenant ériger les Aurels .
Je ne sçaurois entendre à la lettre le
passage d'Orderic, qui dit que Saint Mellon
, votre premier Evêque avoit été inhumé
in Crypta Basilica S. Gervasii. Il
veut dire aparemment dans une Crypte
sur laquelle fut bâtie depuis l'Eglise de
Saint Gervais. Son témoignage prouve
assés
922 MERCURE DE FRANCE
assés que l'Eglise de Saint Gervais , qui
est aux Fauxbourg Occidental de votre
Ville , passoit de son temps pour être
très anciene. Le titre d'Abbaye qu'elle
avoit au XIe. siecle , la belle Crypte
qu'on y voit,sont autant d'indices de son
antiquité. Je croirois volontiers que ç'auroit
été là que Saint Victrice déposa les
Reliques qu'on lui aporta de Milan , et
que ce fut la premiere Eglise Cimeteriale
du Clergé de Rouen. Vous pouvez reformer
mes conjectures , si elles font
fausses. Je ne suis jamais descendu dans la
Crypte de Saint Gervais , pour juger du
temps
de son édifice.
Ce furent sans doute , les fruits que
Saint Victrice fit dans le temps qu'il
passa sur les côtes , qu'on apelle aujourd'hui
le Pontieu et le Boulenois , qui engagerent
les Evêques de la Grande Bretagne
à l'apeller dans leur Isle . Si la remarque
de Scaliger sur le mot de Nervici
litioris , au lieu duquel il voudroit qu'on
lût Ebruicani littoris , étoit mieux apuyée,
il sembleroit que ce seroit aux environs
d'York que Saint Victrice auroit été
évangeliser.
Si le Public souhaite que l'opuscule de
votre S.Evêque paroisse en entier , il fera
facile de le donner avec quelques notes .
11
MAY.
1737 923
Test tiré d'un Manuscrit de mille ans ,suc
lequel un Auteur de sept ou huit cent
ans a voulu faire des remarques qui sont
souvent fausses . J'oublicis de vous dire
que S. Victrice se nomme lui - même dans
ce petit Ouvrage. On y verra avec satisfaction
une nouvelle preuve de l'antiquité
des pratiques de l'Eglise Catholique
, exprimées dans le langage du quatriéme
siecle. Je ne sçai si ce Traité ne
seroit point celui de Laude generali omnium
Maryrum , que Gennade a attribué
à Saint Paulin , et lequel ne se retrouve
plus. Le Copiste du Manuscrit de mille
ans avoit cru que cet Ouvrage de Victrice
, étoit de Saint Ambroise , et lui
avoit donné mal à propos ce titre , Incipit
Liber ejusdem ( Ambrosii ) de Laude
Sanctorum .
Les Historiens de votre premier Evêque
Saint Mellon , le font Breton de naissance
, et quelques Auteurs comme Possevin
lui attribuent des Homelies . J'aprehende
qu'il n'y ait un peu de confusion
, au moins quant au dernier chef ,
et que les prétendues Homelies de Saint
Mellon ou Mellaine de la Grande Bretagne
, ne soient le Traité de Saint Victrice
, qui est assés en style de discours
public. On a cru jusqu'ici que Saint Vietrice
924 MERCURE DE FRANCE
trice étoit né ou dans l'Artois ou dans
Le Pays Boulenois ; mais l'endroit de la
18e. Epitre de Saint Paulin , sur lequel
uniquement cela est fondé , peut prouver
également , et même encore mieux , que
c'étoit dans la Grande Bretagne qu'il
avoit pris naissance . Te in lucem populi
sui de extimo , ou extremo orbis eduxit Dominus.
En ce cas Saint Victrice dut naturellement
être porté à ſecourir sa Patrie.
Je vous suis très- obligé,M.du petit mot
que vous avez marqué dans votre Dissertation
par raport à mon sentiment sur
la signification du mot Dunum. Je trouve
encore de temps en temps ( sans les
chercher ) des exemples de Lieux situés
sur des Montagnes ou à mi - côte , ou au
bas de quelque Montagne considérable
dont le nom latin se termine par ce célebre
mot , dont la signification m'avoit
été contestée par le R. P. du Plessis . Une
personne qui a vu le Village de Senuc
au Diocèse de Rheims , où fut martyrifé
Saint Oricle , par les Vandales du
cinquième siecle , m'a assuré que ce Village
nommé en latin Sindunum , est à
mi-côte sur une Montagne. C'est un Lieu
fameux dans l'Histoire de l'Abbaye de
Saint Kemi de Rheims. Staonne qui est
au même Diocese dans le Pays Rethelois,
se
MAY. 1737.
925
"
:
se dit en latin Stadonum ou Stadunum .
Le P. Mabillon nous fait en deux mots
dans sa Diplomatique la Discription de
sa situation , in edito colle , dit -il , duabus
à Mosomago leugis LeVillage de Bran
don au Diocèse de Mâcon est fort connu
par les Titres de l'Abbaye de Cluny , dont
il est peu éloigné . Ces Titres latins du
Monastere qui sont du onzième et douziéme
siecle , l'apellent Brancidunum et
Brancedunum la Montagne auprès de
laquelle il est situé , est si considérable
qu'elle est même figurée dans quelques
Cartes. Dun au Diocèse de Rheims
est dans le même cas. Le Prieuré
nommé Artun ou Artas , est situé sur
une hauteur à quelques lieuës de Lyon ;
Aussi les Titres de Cluny que l'on peut
voir cités dans le P. Mabillon ,T. 4. Annal.
pag. 104. l'apellent ils Artedunum.
A Saverdun au Comté de Foix , il y a la
haute et la basse Ville , ce qui supose une
Montagne. L'Histoire des Evêques du
Mans , recueillie au neuviéme siecle ou
environ , fiit souvent mention d'un Lieu
qu'elle apelle Baladon ou Baladun . Or je
sçais par une personne qui a passé dans ce
Bourg du Pays du Maine , qu'il est situé
sur une Montagne ronde , seule et isolée
comme la Ville de Laon. Le Château est
ац
926 MERCURE DE FRANCE
au sommet, et l'on voit de là tous les Pays
voisins en rond . On l'apelle aujourd'hui
Bâlon . Une Montagne que D. Duplessis
peut voir de sa fenêtre , est celle de Meudon.
Le Village est à la verité dans le
bas de cette Montagne comme à Brandon
, et en d'autres Endroits; mais cela ne
change point le fond de la chose : les Châteaux
Seigneuriaux par où ces Villages
ont commencé étoient en haut. Or je
suis persuadé que le vrai nom Latin de
cette Montagne est Modunum ou Moldy--
"num. J'en tire la preuve du Pouiller de
l'Evêché de Paris , écrit au commencement
du treiziéme siecle , dont voici le
contenu au feuillet 4. Ecclesiæ pertinentes
ad donationem Episcopi in Decanatu Castri-
Fortis. Ecclesia de Issiaco , Ecclesia de
Modun , Ecclesia de Seva , Ecclesia de
Columbis , Ecclesia de Rodolio . Quoique
nous prononcions aujourd'hui Meudon ,
il n'en est pas moins veritable , qu'au
treiziéme siecle et auparavant on prononçoit
Modun. Je n'omettrai point de vous
parler du célebre Monastere de Redon
en Bretagne Les Montagnes auprès desquelles
il est, valent bien celle de Meudon .
Un ancien Auteur dont l'Ouvrage se lit
au second Tome du quatriéme siecle Benedictin
, pag. 189. Pa dit situé juxia
sinung
MAY.
927 1737.
sinum duorum fluminum , montibus proce
ritate fua polo vicinus : et fondé in vertice
Bellimontis : Et à la page 210. il dit
At ubi de cacumine montis descenderunt qui
Monasterio imminet. Cette Description
représente ce Lieu ,comme si on le voyoit.
Les Rochers très- élevés que l'Historien
de la Vie de Saint Martin , dit être audessus
de Marmoutiers , proche Tours,
suffisent par la même raison , pour avoir
fait donner à cette Ville le nom de Ca
sarodunum.
Si l'argument que D. Duplessis a tiré
de votre Ruisseau du Pays de Caux eût
valu quelque chose , et qu'on eût peu dire
qu'une preuve que Dun ne signifioit
pas Montagne chés les Celtes , c'est que
ce nom se trouve donné à une eau coulante
, on eut pû dire également qu'il
ne signifie ni Vallée ni Montagne , puisqu'on
trouve des noms d'hommes qui
finissoient également par Dunus. J'en
a perçois dans les mêmes Pays , où Dun
étoit employé pour signifier une Montagne.
A Arles ou à Aix il y eut un Evêque
apellé Chadunau septiéme siecle.
En Espagne un Capitaine de Tortose
au neuviéme siecle , se nommoit Abaidun
, ( Duchêne Tom. 2. pag. 292. ) Au
Hist. de l'Abbaye Saint Denis , page 28.
E dixième
924 MERCURE DE FRANCE
trice étoit né ou dans l'Artois ou dans
Le Pays Boulenois ; mais l'endroit de la
18e. Epitre de Saint Paulin , sur lequel
uniquement cela est fondé , peut prouver
également , et même encore mieux , que
c'étoit dans la Grande Bretagne qu'il
avoit pris naissance. Te in lucem populi
sui de extimo , ou extremo orbis eduxit Dominus
. En ce cas Saint Victrice dut naturellement
être porté à ſecourir sa Patrie.
Je vous suis très- obligé, M.du petit mot
que vous avez marqué dans votre Dissertation
par raport à mon sentiment sur
la signification du mot Dunum. Je trou
ve encore de temps en temps ( sans les
chercher ) des exemples de Lieux situés
sur des Montagnes ou à mi- côte , ou au
bas de quelque Montagne considérable
dont le nom latin se termine par ce célebre
mot , dont la signification m'avoit
été contestée par le R. P. du Plessis . Une
personne qui a vu le Village de Senuc
au Diocèse de Rheims , où fut martyrifé
Saint Oricle , par les Vandales du
cinquième siecle , m'a assuré que ce Village
nommé en latin Sindunum , est à
mi-côte sur une Montagne. C'est un Lieu
fameux dans l'Histoire de l'Abbaye de
Saint Kemi de Rheims. Staonne qui est
au même Diocèse dans le Pays Rethelois,
se
MAY. 1737.
925
་
se dit en latin Stadonum ou Stadunum.
Le P. Mabillon nous fait en deux mots
dans sa Diplomatique la Discription de
sa situation , in edito colle , dit - il , duabus
à Masomago lengis LeVillage de Brandon
au Diocèse de Mâcon est fort connu
par les Titres de l'Abbaye de Cluny , dont
il est peu éloigné . Ces Titres latins du
Monastere qui sont du onzième et douziéme
siecle , l'apellent Brancidunum et
Brancedunum la Montagne auprès de
laquelle il est situé , est si considérable
qu'elle est même figurée dans quelques
Cartes. Dun au Diocèse de Rheims
est dans le même cas, Le Prieuré
nommé Artun ou Artas , est situé sur
une hauteur à quelques lieuës de Lyon ;
Aussi les Titres de Cluny que l'on peut
voir cités dans le P. Mabillon ,T. 4. Annal.
pag. 104. l'apellent ils Artedunum.
A Saverdun au Comté de Foix , il y a la
haute et la basse Ville , ce qui supose une
Montagne. L'Histoire des Evêques du
Mans , recueillie au neuviéme siecle ou
environ , fiit souvent mention d'un Lieu
qu'elle apelle Baladon ou Baladun . Or je
sçais par une personne qui a passé dans ce
Bourg du Pays du Maine , qu'il est situé
sur une Montagne ronde , seule et isolée
comme la Ville de Laon . Le Château est
au
926 MERCURE DE FRANCE
au sommet,et l'on voit de là tous les Pays
voisins en rond. On l'apelle aujourd'hui
Bâlon . Une Montagne que D. Duplessis
peut voir de sa fenêtre , est celle de Meudon.
Le Village est à la verité dans le
bas de cette Montagne comme à Brandon
, et en d'autres Endroits ; mais cela ne
change point le fond de la chose : les Châteaux
Seigneuriaux par où ces Villages
ont commencé étoient en haut . Or je
suis persuadé que le vrai nom Latin de
cette Montagne est Modunum ou Moldy--
"num. J'en tire la preuve du Pouiller de
l'Evêché de Paris , écrit au commencement
du treiziéme siecle , dont voici le
contenu au feuillet 4. Ecclesiæ pertinentes
ad donationem Episcopi in Decanatu Castri-
Fortis . Ecclesia de Issiaco , Ecclesia de
Modun , Ecclesia de Seva , Ecclesia de
Columbis , Ecclesia de Rodolio. Quoique
nous prononcions aujourd'hui Meudon ,
il n'en est pas moins veritable , qu'au
treiziéme siecle et auparavant on prononçoit
Modun. Je n'omettrai point de vous
parler du célebre Monastere de Redon
en Bretagne : Les Montagnes auprès desquelles
il est, valent bien celle de Meudon .
Un ancien Auteur dont l'Ouvrage se lit
au second Tome du quatriéme siecle Be
nedictin , pag. 189. l'a dit situé juxia
"
sinung
MAY. 1737. 927
sinum duorum fluminum , montibus proce
ritatefua polo vicinus : et fondé in vertice
Bellimontis : Et à la page 210. il dit ,
At ubi de cacumine montis descenderunt qui
Monasterio imminet. Cette Description
représente ce Lieu , comme si on le voyoit.
Les Rochers très - élevés que l'Historien
de la Vie de Saint Martin , dit être audessus
de Marmoutiers , proche Tours ,
suffisent par la même raison , pour avoir
fait donner à cette Ville le nom de Ca
sarodunum.
3
Si l'argument que D. Duplessis a tiré
de votre Ruisseau du Pays de Caux eût
valu quelque chose , et qu'on eût peu dire
qu'une preuve que Dun ne signifioit
pas Montagne chés les Celtes , c'est que
ce nom se trouve donné à une eau coulante
, on eut pû dire également qu'il
ne signifie ni Vallée ni Montagne , puisqu'on
trouve des noms d'hommes qui
finissoient également par Dunus. J'en
aperçois dans les mêmes Pays , où Dun
étoit employé pour signifier une Montagne.
A Arles ou à Aix il y eut un Evêque
apellé Chadunau septième siecle .
En Espagne un Capitaine de Tortose
au neuviéme siecle , se nommoit Abaidun
, ( Duchêne Tom . 2. pag. 292, ) Au
* Hist. de l'Abbaye Saint Denis , page 28 .
•
E dixième
928 MERCURE DE FRANCE
dixiéme siecle, un Evêque de Lindisfarne
en Angleterre , portoit le nom d'Aldun
( Tom. 4. Annal. Bened. pag. 96. ) Dirat'on
à cause de ces trois exemples , que
Dun signifie un homme ? Et parce que
voilà trois personnes de l'antiquité qui
l'ont eu dans leur nom , seroit-on bien
venu à dire que ce n'étoit pas un nom
de chose ? On feroit très - mal fondé à
tirer cette conclusior . Bucanan m'a paru
aussi très-formel dans son Histoire
d'Ecosse , en faveur de mon interpretatation.
Au feüillet 5. de l'Edition de
1583. il dit : Secat regionemfluvius unus
qui memoratu sit dignus Carron , juxta
quem aliquot vetusta funt monumenta. Ad
lavam Carrontis duo terreni funt tumuli ha
minum operâ ( ut res indicat ) adificati ;
vulgo Duni pacis appellari . Voilà des éminences
de Terre , qu'en Ecosse on apelle
Duns- Bei , pour dire Montagne de paix.
Il dit plus bas , cujus pacis monumentum
bi colles effent , quod illic terminum fue
ditionis Romani statuissent. Si Bucanan
peut faire foy pour le Celtique qui avoit
pénétréjusques dans l'Ecosse , le Pere Lobineau
peut être écouté pour ce qui est
du Celtique des Gaules . Ce Sçavant Historien
de Bretagne , pag 6. de la Préface
de ces preuves , nous insinue à la verité
qu'en
MAY. 1737. 929
qu'en Breton , Dordon signifie eau profonde
; mais aussi - tôt il ajoûte que che Uche
et Dun marquent aussi en Breton des
hauts lieux , des éminences . Je tiens
(comme vous voyez ) la promesse que
jai faite à M. Maillart de ramasser tous
les témoignages qui se présenteroient
pour
fortifier l'ancien sentiment. Nous
verrons quelles observations Dom Du-
Plessis fera sur tout cela dans l'Histoire
de votre Diocése . Je suis , & c.
A Paris le 10. Février 1737.
ELEGIE.
N quels lieux fuyez- vous , trop aimable
Silvie EN
En vain depuis long-temps la fortune ennemie
Ne fait tomber sur moi que des yeux de cour
roux;
Helas ! elle a bien moins de cruauté que vous !
J'avois cru jusqu'ici que c'étoit sa puissance ,
Qui même,malgré vous, m'ôtoit toute esperancej
J'avois cru qu'à Tircis l'Hymen vous engageant,
Vous aimeriez toujours votre premier Amantg
Je commence à sentir toute mon infortune ,
Et la lumiere enfin me devient importune.
J'aprends , pour mon malheur , en ce funeste
jour ,
E ij Que
930 MERCURE DE FRANCE
Que l'Hymen dans votre ame a fait naître l'a
mour ;
La jeunesse pour moi n'est plus un avantage :
Four vous plaire il faudroit avoir un peu plus
d'âge.
II fait
Vous préférez l'amour du vieux Tircis au mien,
Malgré son air rêveur et son grave maintien ;
Toujours morne et pensif, pour flateuses avances,
vous par amour de longues remontrances;
Elles valent pour vous les plus tendres aveux ;
A ses moindres leçons pour lui croissent vos feux;
Mais ce qui met le comble à mon malheur extrême
,
C'est de voir sur ses pas voler tout ce que j'aime
Que, lorsque disparoît cet Argus si jaloux,
Le plaisir de vous voir m'est enlevé par vous
je me convaincs alors , trop ingrate Silvie
Je me convaincs alors de votre perfidie ;
Lorsqu'un trompeur espoir soulageoit mes sou
pirs ,
Pourquoi donc me ravir ce reste de plaisirs
Mais non, à vos desseins je rends plus de justice,
Si de l'amour en vous j'éprouve le caprice ,
Il sçait l'autoriser par un choix glorieux.
Quelqu'un des trois Bergers qui vinrent en ces
lieux ,
Ou Lislor , ou Lisis , ou l'empressé Crisante
Me ravit l'autre jour le coeur de mon Amante
Le départ de Tircis secondant vos desirs ,
Allez
MAY. 17378 93
Allez au plus heureux donner mille plaisirs.
Des plus nobles talens le brillant avantage
Les distingue tous trois dans notre voisinage ;
Ils sçavent, quand il faut , soupirer avec art ,
Et moi ,pour mon malheur, je vous aime sans fard ;
Lislor , favorisé par la docte Minerve ,
Sent souvent les transports d'une féconde verve ;
Il sçait , en vers pompeux dans le temps des
beaux jours ,
Se plaindre et soupirer pour de feintes amours ;
11 charme également , soit qu'assis près d'un
hêtre ,
Il enfle , à son loisir , une Flûte champêtre ,
Ou soit que se servant des plus tendres pipaux ,
Il mêle ses accens au doux chant des Oiseaux;
Dans ses vers aprouvés par les neuf doctes Fées ,
Il se plaît de Bacchus à chanter les trophées ;
Il parle élegamment de Pomone et Cerès ,
Des timides troupeaux , des monts et des forêts.
Les deux autres ont pû , par leur active adresse ,
Ainsi que votre estime avoir votre tendresse ;
L'honneur d'avoir été couronnés dans nos jeux ,
A pu leur mériter de vivre sous vos noeuds.
Helas ! s'il est ainsi , partez en diligence ;
Allez donc profiter de leur chere presence.
Usez à votre gré de votre liberté.
Privez-moi du bonheur que j'ai tant souhaité ;
Du choix le plus honteux me fissiez - vous l'ou
trage ,
E iij Tircis
932 MERCURE DE FRANCE
Tircis sur mon amour eût- il quelque avantage ,
Et me quittassiez- vous pour le suivre.... Ah
mourir !
Soit enfin
Plûtôt que me resoudre à ne vous pas cherir.
que l'Amour, sous un fateur auspice,
Aux atraits séducteurs de quelque autre Narcisse
,
Qui des vôtres épris, dépoüille sa fierté ,
Et vous céde , attendri , le prix de la beauté ,
Soit , dis-je , qu'à ses voeux il vous rende sensible
,
Et que pour lui j'éprouve un départ si terrible
Ah ! du moins succombant à mon mortel ennui,
Je sçaurai me montrer plus amoureux que lui .
1
On a dû expliquer l'Enigme et les Logogryphes
du Mercure d'Avril par Bouton,
Maison , Poitrine, fier, et Clamor. On
trouve dans le premier Logogry phe Mai,
ais , son, amo , Jonas, main , Minos , Sion ,
Sina , as , Simon , ami , anis ,Jason , onam,
nom , os , ïo , ino , an , mois , Naïm, Mons,
le Mans,Siam , foas, soin , mi , et si . Dans
le second , le Po , Pot , Pont , Port , Porte,
Point , Pointe , Poire , Porc , Prône , Pie ,
Pin , Pinte , Pite , Pion , Peintre , Pieri.
Dans le troisième , If, fer , et Ré , note
de Musique. Et dans le quatrième , Clam,
Amor, Roma , et Lac.
ENIGME.
MAY.
1737. 933
JE
ENIG ME.
E dois ma naissance à la Terre ;
Le Auide Elément préside à ma façon.
Je proclame la Paix , je déclare la Guerre :
L'Aveugle ne sçauroit prendre de moi leçon.
Paisible confident des secrets des Puissances ,
Je regle par tous les Etats .
Je porte à la douceur , je nourris les vengeances.
Je brûle au milieu des Combats.
On ne sçauroit sans moi régler aucune affaire,
Tant je sus par tout nécessaire.
Aux Amans éloignés , je suis d'un grand secours.
Mon corps en mille endroits galope nuits et jours
Susceptible à la fois de bonté , de malice :
Mes Emplois sont bien différens,
Tantôt je sers à l'artifice ,
Tantôt la vertu je défen s .
L'Homme est si peu constant, si leger, si volage:
Qu'après m'avoir ardemment désiré :
Il me met au plus vil usage .
Mon moindre sort est d'être laceré .
J. B. C. C. De F.
E iiij
LOGO934
MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE.
J
E suis plein de réjouissance ;
J'assemble Peuple et grands Seigneurs
A Marscille , à Lyon , en d'autres Lieux de France ;
Mais à Paris surtout sont mes Adorateurs.
Mon nom est dérivé de la Langue Latine ;
L'Italie est mon origine ,
Prends-le de suite , il fournit quatre mots
Toûjours dans le même langage ,
Une exclamation , un secours dans les maux
Ce qu'un Meunier garde dans son ménage ,
Ce dont tout le monde a l'usage..
Mon Anagrame est du tout le plus fin ;
Terme respectueux , sans aller au Devin.
J
AUTR E.
E suis legere , et je fais l'ornement
D'un lieu sans moi dépouillé d'agrément
Cher Lecteur , en veux- tu connoître d'avantage?
Tu te feras en un moment ,
De mon Anatomie un divertissement.
Commençons : De mon nom sept pieds font
l'assemblage ;
Les trois premiers t'offrent un Elément ;
A mes quatre derniers , joins encore ma tête ,
Je
MAY.
935 1737.
Je plais , j'inspire de l'Amour ;
Sans moi le plus galant séjour
N'offiiroit qu'une triste Fête.
Prends -tu ma premiere moitié ,
Menu , long , d'un corps délié ,
J'unis , j'attache , je ressere.
4. 2. et 5. Nouvel arrangement ;
Je suis symbole ou cause de colere.
3.4 et 2. chose bien chere ,
Tâches d'en profiter , et quand ? dès ce moment.
Souvent il n'est plus temps , quand on pense à le
faire.
7. 6. 4. suivi de deux ,
Je suis le nom d'un Prophete fameux.
6. 4. et 7. le reste déplorable
D'un bon vin vieux , mais qui n'est plus potable
5. 7. 3. 4. un des Fils d'Israël .
Dont les Neveux n'eurent aucun partage
Aux Champs jadis promis par l'Etefnel.
3. 4. 2.-6. 7. au milieu du Village ,
Bergers dansent au bruit de mes tons ennuyeux
Mais j'en dis trop , Lecteur , dévine si tu peux.
J. N. M
Ev NOU
336 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &c.
RAITE PHYSIQUE de la Lu-
Tiere, des Coulears , du Son , et
des differens Tons , dédié au Duc de
Chartres , par M. Jean Bannieres. T. 1.
contenant le Traité de la Lumiere et des
Couleurs , 1737. in- 12. A Paris , chés
la Veuve Mazieres , et J. B. Garnier, Imprimeurs-
Libraires de la Reine , ruë S.
Jacques , à la Providence. Le second Tome,
où l'Auteur se propose de traiter
du Son et des differens Tous , doir paroître
incessamment.
La Suite des nouveaux Amusemens Sérieux
et Comiques , Ouvrage Périodique ,
qui avoit été interrompu depuis quelque
temps , paroît chés Guillaume , rue Dauphine,
c'est le même Libraire qui les avoit
commencés. On trouve dans les cinq ou
six feuilles qui ont parû depuis la reprise,
un Recueil choisi d'Historiettes , de Poë
sles et autres petites Pieces fugitives , trèscapables
de répondre au titre de la feuille.
DE L'AMOUR DE DIEU , ses Motifs
ses
MAY. 1737.
937
ses Qualités , ses Effets. Par le R. P.
Pallu , de la Compagnie de Jesus . A Paris
, chès Marc Bordelet , rue S. Jacques ,
vis -à-vis le College des Jesuites , à Saint
Ignace. 1737. in- 12.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des
Hommes Illustres dans la République des
Lettres , &c. A Paris, chés Briasson , rue
S. Jacques , à la Science. M. DCC.
XXXVI. T. XXX V.
Les Sçavans Illustres , dont il est parlé
dans ce dernier Volume du Recueil
de R. P. Niceron , sont au nombre de
trente- quatre. Leurs Articles se font lire
avec plaisir , et aprennent plusieurs singularités
litteraires. On en jugera par
celui de Pierre Dortigue de Vaumoriere,
que nous allons , selon notre coûtume ,
donner ici en son entier.
Pierre Dortigue Sr de Vaumoriere , étoit
natif d'Apt en Provence , et sortoit d'une
Famille noble . Etant venu s'établir à
Paris , il donna dans le goût qui regnoit
alors , et composa plusieurs Romans et
divers autres Ouvrages , qui lui firent
honneur , et lui acquirent de la réputation.
Il eut par- là entrée dans l'Académie
de l'Abbé d'Aubignac , qui étoit com-
E vj posée
934 MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE.
JEE suis plein de réjouissance ;
J'assemble Peuple et grands Seigneurs
A Marscille, à Lyon , en d'autres Lieux de France;
Mais à Paris surtout sont mes Adorateurs .
Mon nom est dérivé de la Langue Latine ;
L'Italie est mon origine ,
Prends- le de suite , il fournit quatre mots
Toûjours dans le même langage ,
•
Une exclamation , un secours dans les maux
Ce qu'un Meunier garde dans son ménage .
Ce dont tout le monde a l'usage..
Mon Anagrame est du tout le plus fin ;
Terme respectueux sans aller au Devin,
JE
AUTR E.
E suis legere , et je fais l'ornement
D'un lieu sans moi dépouillé d'agrément
Cher Lecteur , en veux- tu connoître d'avantage?
Tu te feras en un moment >
De mon Anatomie un divertissement .
Commençons : De mon nom sept pieds font
l'assemblage ;
Les trois premiers t'offrent un Elément ;
A mes quatre derniers , joins encore ma tête ,
Je
. MAY .
935 1737.
Je plais , j'inspire de l'Amour ;
Sans moi le plus galant séjour
N'offiiroit qu'une triste Fête.
Prends -tu ma premiere moitié,
Menu , long , d'un corps délié ,
J'unis , j'attache , je ressere.
4.2 . et s . Nouvel arrangement ;
Je suis symbole ou cause de colere.
3. 4 et 2. chose bien chere ,
Tâches d'en profiter , et quand ? dès ce moment.
Souvent il n'est plus temps , quand on pense à le
faire.
7. 6. 4. suivi de deux ,
Je suis le nom d'un Prophete fameux.
6. 4. et 7. le reste déplorable
D'un bon vin vieux , mais qui n'est plus potable
5. 7. 3. 4. un des Fils d'Israël .
Dont les Neveux n'eurent aucun partage
Aux Champs jadis promis par l'Etefnel.
´3. 4. 2.- 6 . 7. au milieu du Village ,
Bergers dansent au bruit de mes tons ennuyeux
Mais j'en dis trop , Lecteur , dévine si tu peux.
J. N. M
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336 MERCURE DE FRANCE
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NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &c.
RAITE PHYSIQUE de la Lu
Tmiere ,des Couleurs , du Son , et
des differens Tons , dédié au Duc de
Chartres , par M. Jean Bannieres . T. 1.
contenant le Traité de la Lumiere et des
Couleurs , 1737. in - 12 . A Paris , chés
la Veuve Mazieres , et J. B. Garnier, Imprimeurs-
Libraires de la Reine , ruë S.
Jacques, à la Providence. Le second Tome,
où l'Auteur se propose de traiter
du Son et des differens Tous , doit paroître
incessamment.
La Suite des nouveaux Amusemens Sérieux
et Comiques , Ouvrage Périodique ,
qui avoit été interrompu depuis quelque
temps , paroît chés Guillaume , ruë Dauphine;
c'est le même Libraire qui les avoit
commencés. On trouve dans les cinq ou
six feuilles qui ont parû depuis la reprise,
un Recueil choisi d'Historiettes , de Poësles
et autres petites Pieces fugitives , trèscapables
de répondre au titre de la feuille.
DE L'AMOUR DE DIEU , ses Motifs
ses
MAY. 1737. 937
ses Qualités , ses Effets. Par le R. P.
Pallu , de la Compagnie de Jesus . A Paris
, chès Marc Bordelet , ruë S. Jacques
vis - à- vis le College des Jesuites , à Saint
Ignace. 1737. in- 12.
>
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des
Hommes Illustres dans la République des
Lettres , &c. A Paris, chés Briasson, ruë
S. Jacques , à la Science. M. DCC .
XXXVI . T. XXX V.
Les Sçavans Illustres , dont il est parlé
dans ce dernier Volume du Recueil
de R. P. Niceron , sont au nombre de
trente-quatre. Leurs Articles se font lire
avec plaisir , et aprennent plusieurs sin
gularités litteraires. On en jugera par
celui de Pierre Dortigue de Vaumoriere,
que nous allons , selon notre coûtume
donner ici en son entier.
Pierre Dortigue Sr de Vaumoriere , étoit
natif d'Apt en Provence , et sortoit d'une
Famille noble. Etant venu s'établir à
Paris ', il donna dans le goût qui regnoit
alors , et composa plusieurs Romans et
divers autres Ouvrages , qui lui firent
honneur , et lui acquirent de la réputation.
Il eut par-là entrée dans l'Académie
de l'Abbé d'Aubignac , qui étoit com-
E vj posée
938 MERCURE DE FRANCE
posée de Personnes de mérite et d'érudition
, et il en devint même Sous Directeur.
On ignore les particularités de sa Vie .
Richelet nous aprend seulement qu'il
étoit brouillé avec la Fortune , et qu'il
avoit été prisonnier au Châtelet pendant
trois semaines ; mais il n'en dit point le
sujet. I mourut âgé en 1693 aparemment
dans le mois de Septembre
puisque sa mort fut annoncée dans le
Mercure du mois d'Octobre de la même
année.
Mlle. de Scudery , qui a donné son
Eloge , n'y a rien dit de sa naissance , ' ni
de sa mort , ni de sa fortune ; elle s'est
bornée aux bonnes qualités de son esprit
et de son coeur. En voici les principaux
traits.
M. de Vaumoriere étoit un Gentilhomme
, illustre par sa naissance , et distingué
par un grand nombre d'Ouvrages
estimés. Sa moindre qualité étoit son
bel esprit. Il brilloit par - tout ; mais il
étoit encore plus honnête Homme , qu'iln'étoit
Homme de Lettres. Il avoit l'esprit
vif, les sentimens naturels et nobles ,
Is idées justes et distinctes , les expressions
gayes et hardies , les manieres douces
et engageantes , le coeur au dessus de
son
MAY. 1737.
939
son pouvoir et de son état .Généreux , empressé
, noble , prévenant , ne connoissant
d'autre interêt que celui de ses amis ,
et d'autre plaisir que celui d'en faire ; il
n'avoit rien à lui , tous ceux qui le connoissoient
étoient plus maîtres de son
bien que lui- même. Il disoit toujours que
l'argent et le coeur ne sont bons que lorsqu'on
les donne à quoi il ajoûtoit que
c'étoit un moindre mal d'être dupe, que
de craindre toujours d'être dupé. Dans
un âge fort avancé il conservoit tout le
feu d'une belle jeunesse ; il étoit enjoüé
et galant dans les ruelles , modeste avec
les Gens d'esprit , réjouissant et solide
avec les jeunes Gens : toujours doux ,
toujours poli , toujours agréable en toutes
sortes de societés ; il portoit la joye
et le plaisir avec lui . Sa seule presence
avoit l'art de réveiller une conversation
assoupie. Il avoit et des idées et des termes
que personne ne pouvoit prévoir, et
c'étoit toujours chose nouvelle . Les Graces
ornoient tous ses discours , et la douceur
de son naturel se répandoit sur ses
paroles : Il parloit bien , il écoutoit encore
mieux , et sa complaisance déterroit
dans les Gens certain mérite et certain
tour d'esprit qu'ils ne connoissoient pas
eux-mêmes. Le don de conversation n'a
jamais
940 MERCURE DE FRANCE
jamais été prodigué avec plus d'avantage
par la nature. Sa facilité étoit soûtenuë
d'un fond qu'on ne trouve guere.
'Il avoit une connoissance parfaite de
l'Antiquité. Il n'y a pas un nom connu
dans l'Histoire , sur lequel il ne sçût un
détail curieux et peu connu . Il sçavoit
mettre entre l'Histoire et la Fable un
raport vraisemblable , qui persuadoir
agréablement. Il étoit vif et précis dans
ses narrations , surprenant dans ses peintures
, sçavant dans ses remarques , ennemi
des parentheses , enjoüé , naturel ,
éloquent , et suivi par - tout.
Il est à présumer , dit le P. Niceron ,
qu'il y a un peu d'exageration dans tout
cela , et que l'amitié de Mademoiselle
de Scudery pour Vaumoriere le lui a fait
representer avec les mêmes couleurs qui
lui servoient à peindre les Héros de ses
Komans.
Catalogue de ses Ouvrages.
Le Grand Scipion . Paris , 1658.
in-8. quatre Volumes. On étoit alors
dans le goût des grands Romans , et
Vaumoriere crût ne pouvoir mieux se
produire dans le monde , qu'en composant
quelque chose en ce genre. Ce goût
ayant change quelque temps après , il
nc
MAY.
941 1737.
ne donna plus que de petites Nouvelles.
2. Il a continué Pharamond , Roman
de la Calprene de, qui en avoit donné sept
Volumes , et y en a ajoûté cinq autres,
dont le premier parut en 1665. in-8 . M.
de Salo parla fort avantageusement de
cette continuation dans le Journal des
Sçavans du 23. Février 1665. Il y a lieu
d'esperer , dit- il , par ce qui paroît du
huitième volume , que l'on ne regretera
pas long temps la mort de celui dont il
suit les traces. Il est parfaitement bien
entré dans l'esprit de cet Auteur. Il conserve
aux Héros et aux Héroïnes les mêmes
sentimens et les mêmes caracteres
qu'il leur avoit donnés ; et dans son stile
il a pris cet air grand et magnifique qui
lui étoit propre . On peut même dire que
le discours de M. de Vaumoriere est plus
uni et plus chîtié que le sien , et qu'il
a mieux sçû retenir les emportemens du
grand stile.
M. Gueret ne parle pas avec la même
indulgence de ce premier Tome de la
continuation de Pharamond , quoiqu'il
donne assés d'encens à l'Auteur. Je ne
suis pas mal satisfait du travail de ce
Continuateur , fait - il dire à Pharamond,
dans son Parnasse reformé , je voudrois
bien seulement qu'il n'eût pas fait un
Volume
942 MERCURE DE FRANCE
-
Volume entier de l'Histoire de Constan
tin : elle languit un peu trop , et sans la
beauté de son langage , qui réveille le
Lecteur , elle seroit ennuyeuse. Il l'a bien
aperçû lui- même , car il s'en est corrigé
aux Tomes suivans .
3. Histoire de la Galanterie des Anciens.
Paris. 1671. in 12. Deux Volumes .
4. Diane de France . Nouvelle Historique.
Paris. 1674. in- 1 z.
5.Mademoiselle de Tournon . Paris 1679%
in- 12 . On a mis mal à propos cette Nouvelle
parmi les Oeuvres de Madame de
Villedieu , dans quelques Editions.
6. Mademoiselle d'Alençon . Autre Nou
velle , dont j'ignore la date , et qu'on a
mise aussi , sans raison , parmi les Oeuvres
de Madame de Villedieu.
7. Adélaïde de Champagne. Paris . 1680.
in-12.4. Volumes . C'est un Roman .
8. Agiatis , Reine de Sparte , ou les
Guerres Civiles des Lacédemoniens , sous
les Rois Agis et Léonidas. Paris. 1685. in-
12. 2. Volumes . Autre Roman.
9. L'Art de plaire dans la Conversation
. Paris. 1688. in- 12 . Cet Ouvrage
partagé en 20. Dialogues , renferme de
fort bons préceptes , qui méritent d'ê- tre lûs.
10. Harangues sur toutes sortes de su
jets
MAY. 1737 943 .
jets,avec l'Art de les composer. Paris . 1688.
in 4. Item. 2e Edition augmentée. Paris.
1693. in 4. It. 3e Edition augmentée depuis
la mort de l'Auteur , d'une Dissertation
sur les Oraisons Funebres , par M.
l'Abbé du Jarry , et d'un grand nombre de
nouvelles Harangues. Paris . 1713. in 4.
Vaumoriere n'est pas l'Auteur de toutes
les Harangues qu'on voit ici , comme
quelques-uns l'ont dit sans fondement ;
il y en a quelques- unes de lui ,mais il en a
tiré la plupart de differens Auteurs. M.
Gibert à fait la Critique du Traité Préliminaire
dans le 3e Tome de ses Jugemens
des Sçavans sur les Maîtres de l'Eloquence
, page 222 .
a
11. Lettres sur toutes sortes de sujets , avec
des Avis sur la maniere de les écrire . Paris.
1689. in 12. deux Volumes . It . 2. Edition .
Ibid. 1695. in- 12 . Deux Volumes . Et
quelques autres fois depuis .
12. On voit quelques Vers de sa façon ,
imprimés à la tête de la Macarise de
l'Abbé d'Aubignac. Paris. 1664. in 8.
Il est aisé , par ce Catalogue , de reconnoître
que l'Art de plaire dans la
Conversation est certainement de Vaumoriere
, et non pas de M. l'Abbé de
Bellegarde , à qui un homme d'esprit
l'attribue gratuitement pour avoir le plaisir
944 MERCURE DE FRANCE
sir de dire un bon mot . M. de Bellegarde
, bien superieur en tout à l'autre Auteur
, a écrit des Modeles de Conversations
pour les Personnes polies , c'es le Titre
de son Livre , dont le but principal
est d'instruire . 1. Vol.12. Paris . 1698.
Les autres Auteurs , dont 1 Histoire
entre dans ce XXXVe Volume du P. N.
sont N. Amelot de la Houssaye ; G. Aubert;
P. Aubert ; F. le Metel de Boisrobert
P. V. P. Cayet ; E. Chilmead ; S.
Clarkes G. Coquille ; G. Corte ; A. Desiré;
F. Florent ; A. de la Fosse ; J. Freind ;
T. Galluzzi ; T. E. Gabe ; M. Inchuser ;
L. Joubert ; C. Lancelot ; J. Magnus ; O.
Magnus; C. Marcel ; J. de Marconville ;
J. Desmarets de S. Sorlin ; R. Desmarets ,
M. de Morgues ; J. J. Orsi ; J. B. Ramusio;
L. Savot ; G. Scioppius ; T. Spizelius
P. Vivet, C. Vitringa , et C. Vitringa
le Fils.
LA PAYSANNE PARVENUE , ou les Mémoires
de M. la Marquise de L. V. par
M. le Chevalier de Mouky , huitième
Partie. A Paris , chés Prault , fils , Quay
de Conty , vis - à- vis la Descente du
Pont Neuf , à la Charité. 1737. in- 12 .
Prix 24. sols.
ELEMENS
MAY . 1737. 945
ELEMENS DE MATHEMATIQUES , contenant
les Elemens de Géométrie, d'Arithmétique
, d'Algebre et d' Analise. Par le Pere
Duclos de la Compagnie de Jesus , Professeur
de Mathématiques dans le College
de Lyon , et de l'Académie des
Beaux Arts. A Lyon chés Claude Perrot ,
à l'Epée Royale , rue Confort . 1737. in- 8 .
avec cinq Planches .
On ne manque pas d'Elemens de Mathématiques.
Il semble pourtant que les
Maîtres de l'Art ont dédaigné la premiere
Partie de cette Science . Le grand
nombre s'est attaché pour les Elemens de
Géométrie , à suivre Euclide, quoiqu'assurément
on y trouve peu d'ordre et de
précision. Des deux principaux Auteurs
qui ont suivi une autre methode , le premier
s'éloigne trop de la maniere de démontrer
d'Euclide , laquelle est pourtant
plus à la portée des Commençans . Le
second est extrémement diffus et fatigue
à pure perte , en faisant soupçonner du
mystere où il n'y en a point . Il est d'ail
leurs nécessaire de mêler les Elemens de
Géometrieavec ceux de l'Arithmérique et
de l'Algebre , sans quoi on ne sçait par
lesquels commencer . L'emploi qu'exerce
le P. Duclos lui a fait sentir ces inconveniens
, et lui a fait entreprendre d'y
remédier. Ses
946 MERCURE DE FRANCE
Ses Elemens sont divisés en neuf Livres.
Dans le premier il démontre en sept
Théoremes presque tout le premier Livre
d'Euclide . Le second Livre renferme
en six Théoremes les proprietés du Cercle
au-delà de ce qu'en contient le troisiéme
Livre d'Euclide. On a un commencement
de Géometrie pratique dans
les quinze Problêmes du troisiéme Livre.
Le quatrième contient les premieres Regles
d'Arithmetique et d'Algebre ; on
y trouve une bonne Partie du septième,
huitième et neuviéme Livre d'Euclide.
Le cinquiéme traite des Proportions.
Après avoir démontré la Regle de Trois ,
et après une remarque très-simple et trèsclaire
, on en déduit par voie de Corotlaire
, et très -briévement le cinquième
Livre d'Euclide . Le sixième renferme
tout ce qui a raport aux fractions , aux
extractions de Racines , et aux Regles
de Proportion composée . Les dix Théorêmes
du septiéme Livre traitent des
Plans et des Solides , et de ce qu'il y a
d'utile dans le sixième , onzième , douziéme
et treiziéme Livres d'Euclide. On
y démontre universellement , et d'une
maniere très simple les dernieres Propositions
du premier , second et troisiéme
Livres. Le huitiéme Livre renferme huit
Problêmes
MAY. 947 1737 .
Problêmes qui suivent du Livre précedent
; enfin dans le neuviéme on trouve
les principes de l'Analise ; on met un
Commençant au fait des questions du
premier et second degrés ; on lui découvre
les proprietés des differentes sortes
de Progressions ; et on lui aprend par un
petit nombre d'exemples choisis , à apliquer
à la Géometrie les Préceptes de
L'Analise .
Le P. Duclos avertit au commencement
qu'il n'est pas entré dans un grand
détail par raport aux premieres Regles
d'Arithmétique , parce qu'elles s'aprennent
plus aisément par un petit nombre.
de leçons verbales et d'exemples , et qu'ila
omis lesOpérations d'Arihtmétique dont
l'Algebre facilite et abrege l'execution.
Il a eu soin de coter en marge à quelle
Proposition d'Euclide les siennes se
taportent ; et il a fait une Table qui met
tout d'un coup la chose sous les yeux-
Il dédie son Ouvrage à Messieurs de l'Académie
des Beaux Arts ; et il a l'avantage
dans les éloges que renferme son Epitre
Dédicatoire , de s'accorder avec la
voix publique. Quant à l'Impresion ,
elle est telle que ceux qui étudieront ces
Elemens n'auront point à luter contre
la petitesse et le de netteté des caraçteres
et des figures .
peu
OEUVRES
8'M ER CURE DE FRANCE
OEUVRES DE SCARON , nouvelle Edi
tion , revûë , corrigée et augmentée de
quantité de Pieces obmises dans les Editions
précédentes . A Amsterdam , chés
Westein et Smith. 1737. Dix Volumes
in - 12.
HISTOIRE du Vaillant Chevalier Tiran
le Blanc , traduite de l'Espagnol. 2. Vol.
in- 8. Le premier de 336. pages , sans l'Avertissement
; le second de 523. A Londres
, et se vend à Paris chés la Veuve Pisa
sot , Quay de Coniy , à la descente du Pont-
Neuf, à la Croix d'Or. En attendant que
nous donnions un Extrait de ce Livre ,
nous renvoyons le Lecteur curieux au
Jugement du Curé , au Chapitre 6. du 1 .
Vol. de Don Quichotte.
LES PRINCIPES de la Morale et du
Goût, en deux Poëmes , traduits de l'An
glois de M. Pope , par M. du Resnel ,
Abbé de Sept Fontaines , de l'Académie
des Inscriptions et des Belles lettres. A
Paris , chès Briasson . 1737. Vol . in -8.
HISTOIRE ANCIENNE des Egyptiens ;
des Carthaginois , des Assyriens , des
Babyloniens , des Medes et des Perses ,
des Macédoniens , des Grecs . Onziéme
Tome
MAY. 1737. 949
Tome contenant les Arts Liberaux ; et
ce Traité des Sciences et des Arts occupera
encore le douziéme Volume tout
entier au moins . Par M. Rollin.
LES VIES des plus Célébres Juriscon
sultés de toutes les Nations , tant Anciens
que Modernes ; sçavoir , Latins ou
Romains , François , Espagnols , Italiens,
Allemans , Anglois , Hollandois , &c.
tirées des meilleurs Auteurs qui en ont
écrit , et mises en leur jour par Ordre
alphabétique. Par M. Taisand , Tréso
tier de France. Nouvelle Edition , augmentée
d'un tiers par M..... A Paris ,
Quay de Gesures , chés Prault , Pere , an
Paradis , et au Palais chés Jacques Nico
las le Clerc , à la Prudence 1737. Un Volume
in- 4, de 800. pages . Prix 9 liv.
Le Corps de cet Ouvrage est de M:
Pierre Taisand , Tresorier de France en
la Généralité de Bourgogne et de Bresse ,
qui mourut en 1715. Ce n'est qu'après
sa mort que son Ouvrage a été donné au
Public par un de ses Fils , Religieux de
l'Ordre de Cîteaux , qui l'a dédié à M. le
Chancelier.
L'Auteur n'a pas entrepris d'écrire les
Vies de tous ceux que leur Erat oblige
d'être versés dans la Science du Droit
tels
950 MERCURE DE FRANCE
tels que les Juges et les Avocats , ce qui
auroit fait un Ouvrage immense , et qui
seroit devenu ennuyeux
. Il n'a compris
dans ce Recueil que les Vies de ceux qui
ont enseigné publiquement la Jurispru
dence , ou qui en ont donné au Public
quelques Traités.
>
Il les a rangées par Ordre alphabétique
comme étant le plus commode et
le plus naturel , et aussi pour éviter de
donner la préference du rang à l'un plûtôt
qu'à l'autre , ce qui auroit pû causer
quelque jalousie à ceux qui s'interessent
à la gloire de ces Jurisconsultes.
Il pouvoit également éviter cet incon
venient en suivant l'Ordre Chronologi
que , mais il n'a pas jugé à propos de s'y
assujetir , dans la crainte que cet Ordre
ne fût pas assés exact , y ayant quelques
Jurisconsultes dont on ne sçait pas préci
sément le temps de la naissance .
com
Le Fils de l'Auteur a mis à la tête de
l'Ouvrage la Vie de son Pere : ensuite
sont les Vies des Jurisconsultes
posées par M. Taisand , au nombre de
plus de 5oo. depuis Comncanus , qui vivoit
dans le Ve Siècle , et au commencement
du Vle et qui est le premier des
Anciens Jnrisconsultes qui ait acquis
quelqueréputation.
Comme
MAY.
༡ ད་ 1737.
Comme l'Ouvrage de M. Taisand étoit
déja connu ,on n'en fera pas ici l'Analise
et on se contentera d'observer ce qu'il y
a de particulier dans la nouvelle Edition
qui vient d'en être donnée au Public,
On a mis à la fin de cette Edition des
Additions assés considerables , composées
par un Auteur Anonime, lesquelles contiennent
plus de 2 50. pages d'impression .
L'Auteur y a raporté plusieurs circonstances
que M. Taisand avoit obmises
dans la Vie de quelques Jurisconsultes :
il y a aussi compris les Vies de plus de
cent Jurisconsultes dont M. Taisand n'avoit
pas fait mention ; entr'autres ceux
qui ne sont morts qu'après lui , tels que
M. M. Rassicod , le Merre , Blanchard
de Cormis , Bretonnier , Brillon , Terras
son et plusieurs autres .
Ces Additions sont tirées de divers Auteurs
, aussi - bien que les Vies composées
par M. Taisand , mais particulierement
des Journaux des Sçavans , du Dictionnaire
Historique , du Suplément , des
Mémoires du P. Niceron , et de Mémoires
particuliers fournis à l'Auteur ; ce qui
fait que lesVies contenues dans ces Addi .
tions ne sont pas écrites d'un même stile.
Le Public est certainement redevable à
M.Taisand et à l'Auteur des Additions de
F
952 MERCURE DE FRANCE
ce qu'ils ont pris la peine de recueillir et de
rassembler les Vies de tant de Jurisconsul
tes , rien n'étant plus convenable que de
perpétuer la mémoire des Gr. Hommes,
il est même souvent nécessaire de sçavoir
en quel temps et dans quels Pays
vivoit un Jurisconsulte , quel étoit son
génie et son caractere , dans quelles con
jonctures il a écrit , et quand il est décédé,
pour déterminer le jugement que l'on
doit porter de son Ouvrage , et l'usage
que l'on en doit faire.
Il est juste aussi , en écrivant la Vie d'un
Jurisconsulte , de rendre compte de ses talens
, de ses vertus , et des autres belles
qualités qui l'ont rendu recommandable
et de le faire connoître à la Posterité pour
l'animer à suivre ces grands exemples.
Il y a cependant de certains détails
peu
interessans , dans lesquels l'Auteur des
Additions surM.Taisand,auroit pû se dispenser
d'entrer , comme il a fait en quelques
endroits, où il observe , par exemple,
que le Jurisconsulte dont il parle étoit fils
d'un Marchand,d'un Chirurgien ,d'un HommeInteressé
dans les Fermes du Roy, qu'il remportoit
toujours les premiers Prix de sa Classe
; qu'il a eu plusieurs enfans , mais qu'ancun
ne s'est adonné à la Jurisprudence.
Il auroit pû aussi , à l'exemple de M.
Taisand
MAY. 1737-
953
Taisand , être plus moderé sur les Eloges
qu'il a donnés à la plupart des Jurisconsultes.
Un Auteur peut bien , quand
il n'écrit que la Vie d'un seul Hornme
lui donner quelques loüanges , s'il les
mérite , mais dans un Ouvrage qui contient
les Vies de plus de 600. Jurisconsultes
, et dans lequel , si on veut loüer,
on est exposé à repeter , presque à chaque
page , les mêmes Eloges , il semble
que l'on doive être plus reservé sur cet
article; parce que , quand les Eloges sont
prodigués à tous ceux dont on parle , ils
deviennent insipides , et font moins
d'honneur à ceux auxquels ils sont donnés.
Cela n'empêche pas que l'on ne rende
aux Grands Hommes toute la justice
qu'ils méritent ; mais la meilleure maniere
de les louer , est de raporter les
faits mémorables qui les ont distingués
du commun des hommes : Ce sont les faits
même qui loüent : Acta Virum probant.
CONFERENCES des Ordonnances de
Louis XIV. Roy de France et de Navarre
, avec les anciennes Ordonnances
du Royaume , le Droit , Ecrit et les Ar- i
rêts, enrichies d'Annotations et de Décia
sions importantes. Par M. Philipe Bo
nier, Lieutenant Particulier en la Séné-
Fij . chaussée
954 MERCURE DE FRANCE
chaussée de Montpellier . Nouvelle Edition
, corrigée et augmenté des Edits ,
Déclarations et Arrêts donnés en interprétation
des Ordonnances , de plusieurs
Reglemens du Conseil , et d'un grand
nombre de Notes qui ne sont point dans
l'Edition précedente. Par M .... Avocat
en Parlement. A Paris , chès les Associés
choisis par ordre de S. M. pour l'Impression
de ses Nouvelles Ordonnances.1737 *
Deux Volumes in- 4 . de plus de 800. pp .
chacun. Prix 15. liv. les deux Volumes.
JOURNAL DU PALAIS , ou Recueil des
principales Décisions de tous les Parlemens
et Cours Souveraines de France ;
sur les Questions les plus importantes de
Droit Civil , de Coûtume , de Matieres
Criminelles et Beneficiales , et de Droit
Public. Par feus Mes Claude Blondeau et
Gabriël Gueret , Avocats en Parlement .
Nouvelle Edition , revûë , corrigée et
augmentée , dédiée à M. le Premier Président.
2. Vol. in fol. contenant les Arrêts
depuis l'année 1600. jusqu'en 1700 .
A Paris,chés le Gras, Grand- Salle du Palais
, David et Saugrain , Pere , Quay des
Aug. , Cavelier, ruë S. Jacq. au Lys d'or ,
Dumenil et Mouchet , Quay des Augus.
Huart, rue S. Jacq . Rollin, Fils , Quay
des
MAY. 1737. 955
des Augustins, Saugrain , Fils , et Nully ,
Grand' Salle du Palais , Nyon , Fils , Quay
des Augustins. 1737 .
PRINCIPES DE L'HISTOIRE pour l'éducation
de la Jeunesse : troisième année , qui
contient l'Histoire de l'Empire Romain
en Orient et en Occident. Par M. l'Abbé
Lenglet Dufresnoy , in 12. Paris , chés de
Bure l'aîné. 1737.
C'est toûjours le même ordre et la
même méthode que suit M. l'Abbé Lenglet
dans ce troisiéme Volume des Principes
de l'Histoire , qui contient celle de
l'Empire Romain , divisé entre l'Orient
et l'Occident. La précision y est égale et
les faits principaux s'y trouvent rapellés
avec beaucoup d'exactitude . Ce qui doit
faire plaisir dans cet Ouvrage , est qu'on
ne voit guere de Prince , d'Empereur ,
ou de Souverain, dont le caractere n'ysoit
marqué. On aime à connoître les Hommes.
L'Auteur a soin de soulager l'esprit et
la mémoire par quelques repos : et ces repos
sont des époques qui donnent une
nouvelle face à l'Histoire et chacun
d'eux à son instruction particuliere . Ainsi
depuis Auguste jusques à Constantin
on voit une même suite historique ,
comprise en trente- quatre leçons. L'ins-
Fiij truction
956 MERCURE DE FRANCE
>
truction qui les accompagne marque les
Auteurs qu'on doit lire pour se former
dans cette partie. Mais on n'y donne pas
l'Histoire Romaine de Laurent Echard
sur le pied d'une traduction simple et
servile , comme on l'a reproché à l'Auteur.
Il dit lui -même le contraire dans
la liste qui est à la fin de la Préface de ce
troisiéme Volume.
L'Auteur poursuit l'Histoire Romaine
jusqu'aux révolutions , qui l'ont divisé
et presque anéanti . On y examine
toujours le caractere des Princes . Constantin
n'y est pas loüé avec excès , ni
Julien blâmé avec aigreur.
Après deux leçons sur les destructeurs
de l'Empire Romain , vient toute l'Histoire
d'Orient jusqu'à la prise de Constantinople
par les Turcs. Et comme les.
Ottomans ont continué cet Empire depuis
Mahomet II . c'est ce qui donne lieu
à l'Auteur de tracer en peu de mots l'Histoire
desTurcs jusqu'à ces derniers temps .
L'on donne ensuite en 22. leçons toute
l'Histoire de l'Empire d'Occident ,
rétabli par Charlemagne , Roy de France :
et après la postérité de ce grand Prince ,
il prend le titre d'Empire d'Allemagne ,
ou Romano - Germanique , comme on
parle dans l'Empire . L'Auteur est loiable
MAY. 1737. 957
ble de donner aux derniers Empereurs
de l'auguste Maison d'Autriche les louanges
qu'ils ont méritées . Voici ce qu'il
dit de l'Empereur Leopold que fa
Réligion qui fut toujours sincere a été récompensée
même en ce monde par les heureux
fuccès de fes armes en Hongrie ; sa grande
expérience jointe à ses talens naturels et à
une grande pénétration , l'avoit rendu consommé
dans toutes sortes d'affaires , dont il
prévoyoit toutes les conféquences. Né avec
beaucoup degoût et d'aplication , il avoit de
Pamour pour les Arts et les Sciences , dont il
se plaisoit à s'entretenir avec les plus grands
Maîtres.
Cet article est d'autant plus remarquable
que l'on se fait un plaisir de montrer
dans la Bibliotheque Imperiale à Vienne
, des Lettres que ce grand Prince écrivoit
fimilierement à Lambecius , son
Bibliothequaire , comme à son Ami :
Elles sont en Latin , et commencent toutes
par ces termes affectueux , Chare mi
Lambeci , qui marquent la bonté de ce
digne Empereur , qui , au milieu des plus
grandes affaires , dont son regne fut agité,
daigne néanmoins s'entretenir cordiale
ment de Littérature avec un de ses sujets.
L'Empereur Charles VI . qui regnet
heureufement aujourd'hui , n'y est pas
Fij moing
958 MERCURE DE FRANCE
moins bien caracterisé , par la sagesse et
la bonté de son Gouvernement , dont je
ne puis m'empêcher de raporter cette
preuve éclatante.
Toute la Ville de Vienne se souvient
encore avec admiration de la vertueuse
résolution de ce grand Prince. La peste
ayant pénétré jusque dans le Palais Impérial
l'an 1715. tous les Courtisans
voulurent l'engager à sortir de sa Capitale.
Mais il répondit avec un courage
plein de Religion et d'humanité , que
s'il en sortoit , la Ville alloit périr de
faim et de maladie , et qu'il étoit plus
loüable qu'il mourût au milieu de son
peuple en le soulageant , que de le faire
périr doublement , en cherchant son prosalut
pre par sa retraite qu'il n'y avoit
donc qu'à purifier la Chambre de son
Palais qui étoit infectée , et la murer :
mais qu'il étoit résolu de rester au milieu
de son Peuple.
L'Auteur nous tire d'une erreur où l'on
étoit ; c'est dans la 95e. Leçon , on avoit
dit , et le Continuateur de M. de Puffendorffl'avoit
marqué comme les autres,
que c'étoient des Commerçans Anglois ,
qui étoient Auteurs de la Compagnie
d'Ostende. M. l'Abbé Lenglet a soin de
nous en désabuser , en assurant que l'é
tablissement
MAY. 1737. 959
,
tablissement de cette Compagnie étoit
dû au Chevalier de la Merveille , le fils,
Navigateur Breton , actuellement au ser
vice de Sa Majesté Impériale à Trieste dans
le Golfe de la Mer Adriatique , où il est
Intendant de Marine et du Commerce
et qu'elle fut formée par un pur hazard.
L'Auteur finit ce Volume par l'Histoire
de Suisse et des Pays - Bas , autrefois membres
de l'Empire. Et quoique ce ne soit
ici qu'un Abrégé , on ne laisse pas d'y
trouver des particularités curieuses et
interessantes. Les autres Volumes vont
paroître de suite .
HISTOIRE UNIVERSELLE DE DIODORE
DE SICILE , traduite en François par M.
l'Abbé Terrasson , de l'Academie Françoise
, in- 12 . à Paris , chés Debure l'aîné ,
Quay des Augustins , à l'Image Saint
Paul. 1737. 2. Volumes.
Diodore de Sicile , est un de nos anciens
Ecrivains qui mérite le plus d'être
traduit en notre Langue. Les Italiens en
ont plusieurs versions ; mais elles ne sont
pas également bonnes ; la premiere qui
ne contenoit que les cinq premiers Livres
, parut d'abordà Florence en 1526.
in - 8. et fut publiée depuis à Venise:
en 1542. et 1547. Cette version étoit
F v
faire
,
960 MERCURE DE FRANCE
faite , non sur l'Original Grec , mais sur
une version Latine du Pogge Florentin ,
imprimée d'abord à Venise en 1476.
1493. et 1496. François Baldelli , l'un
des plus habiles Traducteurs de l'Italie,
peu content de cette version , en publia
une nouvelle à Venise l'an 1575. in- 4.
Elle fait partie , et même c'est une des
versions les plus rares de la célébre Collana
, ou Chaîne des Historiens Grecs ,
si estimée par les Amateurs de la Langue
Italienne.
Les François commencerent vers le
même temps à donner en notre Langue
quelques portions de cet Historien.Claude
de Seissel, qui est mort Archevêque de
Turin , donna l'an 1530. et 1545. l'Histoire
des Successeurs d'Alexandre , qu'on
a remise en meilleur François dans ces
derniers temps. Macaut , l'un des Valets
de Chambre de François I. publia en 1535.
et 1540. les trois premiers Livres de cet
Historien; enfin l'an 1554 , le célébré Jaeques
Amiot en donna une autre version
françoise , mais il ne toucha point aux
cinq premiers Livres qui sont cependant
très -nécessaires pour connoître l'Histoire
fabuleuse des premiers temps , telle que
l'ont conçue les anciens qui n'avoient
aucune idée certaine des verités Historiques
MAY. 1737. 961
ques , contenues dans les Livres de Moyse.
Cette version fut réimprimée l'an
1585. par les soins de Louis le Roy , dit
Regius , qui joignit ensemble le travail de
Macaut et d'Amiot.
Mais comme ces deux versions , qui
ne laissoient pas d'être rares , avoient extrémement
vieilli , M. l'Abbé Terrasson
de l'Academie Françoise , distingué déja
par d'autres bonsOuvrages , vient d'en publier
une nouvelle . Sa connoissance dans
les Langues Grecque et Françoise , nous
répond de la fidelité de sa Traduction :
Il commence aujourd'hui par les cinq
premiers Livres , et les autres vont venir
de suite .
Ces cinq Livres sont d'autant plus interessans
, qu'ils nous ont transmis des
faits et des moeurs , qui nous donnent
beaucoup de lumieres sur l'Histoire ancienne.
Celle d'Egypte si curieuse, et cependant
si embarrassée, fait la matiere du
premier ; mais que de choses singulieres
, Diodore de Sicile ne nous a - t'il pas
conservé sur les moeurs , la Religion et
le Gouvernement des Egyptiens ? C'est
de là principalement que le célebre M.
Bossuet , a tiré le fond des sages et lumineuses
réflexions qu'il a données sur
l'Histoire d'Egypte , dans son discours
sur l'Histoire Universelle. F vj
962 MERCURE DE FRANCE
Dans le second Livre , l'Auteur passe
à l'Empire des Assyriens , si célebre ,
mais si confus dans l'ancienne Histoire ,
par la diversité de sentimens qui se trouve
entre Herodote et les autres Ecrivains.
Diodore de Sicile plus proche des anciens
Monumens que nous ne sommes aujourd'hui
, a choisi le meilleur parti ; et conformément
à l'Ecriture Sainte , il fait remonter
l'Histoire des Assyriens aux
temps les plus prochains du Déluge.
Après quoi, il parcourt l'Inde , la Scythie
et l'Arabie.
Vient dans le troisiéme Livre , l'Histoire
des Ethiopiens , très curieuse par la
singularité de leurs moeurs , d'où l'Auteur
passe aux anciennes Divinités de la
Fable ; Divinités cependant qui ont un
fondement réel dans l'Histoire , et Diodore
de Sicile a soin de nous donner les
fumieres nécessaires pour démêler la verité
du mensonge.
Le quatriéme Livre de Diodore de Sicile
continue à parler des anciennes Divinités
, d'où il vient aux Héros de la
Grece ; Hercule et Thésée sont ceux
dont il parle avec plus d'étendue , mais
toujours en raprochant la verité de la
Fable qui l'a couverte et envelopée .
Enfin , le cinquiéme Livre traite des
Isles
MAY. 1737. 951
ffles de la Mer Méditerranée , il passe
même jusques à l'Ocean , et pousse dans
l'Angleterre , et dans le Nord, d'où il revient
chés les Celtes et les Gaulois , et
raconte toujours des choses également
utiles et interessantes.
Enfin , le Traducteur finit cette élegante
version par plusieurs fragmens importans
, qui doivent suivre le cinquiéme
Livre. Il est à souhaiter que l'Auteur
également exact et poli , ne laisse pas
languir le Public qui désire avec impatience
la suite d'une Traduction , que
l'on attendoit depuis long- temps.
IMITATION de Notre Seigneur Jesus-
Christ , traduite et revûë sur l'ancien
original françois , d'où l'on a tiré un
Chapitre qui manque dans les autres Editions
. Par M. l'Abbé Lenglet Dufresnoy ;
nouvelle Edition , in- 12. à Paris , chés Ándré
Cailleau, Quay des Augustins. 1737.
Cette nouvelle Edition de l'Imitation
de J.C.n'est pas un Ouvrage du caractere
des autres Livres de ce genre. Le hazard
fit trouver à M. l'Abbé Lenglet , lors
qu'il étoit en Flandres , quelques imprimés
gothiques , sous le titre de l'internelle
Consolation , ou de la Confolation interieu-
A l'inspection du Livre il remarqua
que
964 MERCURE DE FRANCE
que c'étoit celui de l'Imitation de J. C.
sous un autre nom , et dans un autre
ordre. Il n'en fallut pas d'avantage pour
exciter sa curiosité et pour l'animer à
faire quelques recherches , qui lui réüssirent.
Il remarqua non - seulement dans
ees anciens exemplaires beaucoup de
différences essentielles , mais il observa
même qu'il y avoit au Livre premier un
Chapitre entier, qui manquoit dans toutes
les Imitations ordinaires . De retour
à Paris , il continua ses recherches , et
trouva dans la célébre Bibliotheque de
l'Abbaye de Saint Germain des Prés
d'autres Exemplaires imprimés de ce
même Livre , et toujours sous le même
titre. M. l'Abbé Lenglet se détermina
donc à faire imprimer dans les Pays Bas
en 1731. une Edition nouvelle de l'Imitation
de J. C. avec ce nouveau Chapitre ,
qui fait le XXVIe, du premier Livre. Il
donne aujourd'hui de nouveau cette mê
me Edition qu'il a revûë exactement sur
ces Originaux. C'est une obligation que
Fon a aux recherches de cet Auteur.
La Préface de M. l'Abbé Lenglet , qui
est curieuse et instructive , tend à prouver
que l'original de l'Imitation de Jesus-
Christ , est françois , & que le latin n'en
est qu'une Traduction , qui a même
quel
MAY. 1737. 965
quelquefois abregé les paroles du premier
Auteur. M. l'Abbé Lenglet jerte les yeux
sur Gerson , Chancelier de l'Eglise et de
l'Université de Paris , au commencement
du XVe. siecle pour lui attribuer cette
pieuse production . Il a scrupuleusement
examiné toutes les Editions antiques du
François qui lui sont tombées entre les
mains , et pas une n'a marqué que ce fût
une Traduction . Elles font seulement
connoître que c'est un Livre nouvellement
imprimé et corrigé. Cependant
c'étoit une gloire que nos anciens ne lais
soient point échaper ; ils préferoient la
qualité de Traducteur à celle d'Auteur,
qui leur paroissoit moins sçavante .
•
Le nouvel Editeur croit par- là qu'il
peut concilier les deux Traditions
dont l'une donne ce Livre à Gerson et
Pautre à Thomas à Kempis. Gerson aura
fait le Livre en François et Thomas à
Kempis l'aura traduit en Latin , en l'accommodant
néanmoins à la vie Religieu
se ; au lieu que l'Auteur original ne parle
dans tout son Livre que des Chrétiens
en général. Ainsi les deux Traditions
sont également recevables , mais cependant
à différens égards. En ce cas , l'Edition
de Bresse en Italie de 1435. qui,
la premiere, attribue ce Livre à Gerson ,
n'a
966 MERCURE DE FRANCE
n'a pas moins raison que celle d'Ausbourg
de 1475. et une autre de 1485. qui
la donnent à Thomas à Kempis ; à l'un
comme Auteur , et à l'autre comme Tra
ducteur.
Notre nouvel Editeur à raison de s'étonner
que tant de personnes habiles ,
les Naudés , les Frontons , les Launois , et
même les Dupins , ayant traité cette fameuse
controverse sur l'Auteur de ce
Livre , pas un n'ait d'écouvert cet Ouvrage
François imprimé tant de fois . Il
est hors de doute qu'il auroit fait changer
le systême de la dispute.
Mais quand le célébre Gerson auroit- il
fait cet Ouvrage ? Ce seroit sans doute
dans sa retraite. Cet illustre Théologien
qui avoit assisté au Concile de Constance
, ne revint plus à Paris , il voyagea
et se retira ensuite à Lyon , où il mena
une vie obscure et pénitente , et il y
mourut l'an 1429. Ce seroit là sansdoute,
qu'il auroit fait ce Livre pour raprocher
les maximes de la Vie Intérieure , de la
Vie commune de Jesus - Christ et de ses
Apôtres ,
Pour marquer ce qu'on doit penser de
cette nouvelle Traduction , on se contentera
de marquer ici ce qu'en dit M..
l'Abbé de Marcilli , Docteur de la Maison
MAY. 1737. 967
son et Societé de Sorbonne , dans son
Aprobation , que » la beauté du style ,
» la noblesse des expressions n'ôte rien à
» la simplicité convenable à un Ouvrage
» de ce genre , et lui donne un nouveau
» mérite au - dessus de celles qui ont paru
»jusques à présent . Le Traducteur habile
a le talent de rendre plus sensibles.
» les pensées de l'Auteur en quelques en-
» droits , qui avoient besoin d'être éclair-
>> cis : mais la découverte qu'il a faite d'un
>>
Chapitre , qui manquoit au premier
» Livre , enrichit sa Traduction d'un
» morceau excellent. Les personnes qui
» ont le vrai goût de la pieté ( que nul
>>Livre n'est plus capable de leur inspirer
» que celui de l'Imitation de J. C. ) sçau- .
>> ront bon gré à M. Lenglet et de sa re-
» cherche et de cette addition .
M. l'Abbé Lenglet voulant faire voir
le caractere de l'Auteur original , a mis le
XVIe. Chapitre du premier Livre dans
notre vieux Gaulois , tel qu'il l'a trouvé
dans ses Exemplaires.
MEMOIRES Concernant le Droit de Tiers
et Danger , sur les Bois de la Province de
Normandie. Par M. Louis GREARD ,
Ecuyer , ancien Avocat au Parlement de
Rouen. Avec les Preuves et Observations
de
968 MERCURE DE FRANCE
de M. Louis FROLAND , Ancien Bâtonnier
de MM.les Avocats du Parlement de Paris.
1. Vol. in-4° . A ROUEN , chés Abrabam
Viret , Imprimeur- Libraire , ruë Sénécaux
, près Saint Martin fur Renelle , et
Pierre le Boucher le jeune , Libraire , sous
la Galerie du Palais . Et à Paris , chès de
Nully , le Gras et Girard , Libraires an
Palais.
Cet Ouvrage est également curieux et
intéressant , écrit avec une délicatesse et
une solidité qui le feroient seules rechercher.
Il servit en 1673. à la défense de
toute une Province , qui le regarde encore
aujourd'hui avec une extrême vénération .
Celle qu'elle conserve pour la mémoire
du Sçavant Défenseur , à qui elle doit
son repos , lui faisoit désirer depuis longtemps
de voir renouveller un monument
qui lui est si précieux . M. Loüis FROLAND,
Neveu Maternel de M. GREARD , vient
de remplir de si just es desirs. Non - seulement
il a fait imprimer ces Mémoires ;
mais il y a joint un Extrait raisonné de
toutes les Pieces qui ont servi pour les autoriser.
On admire surtout la précision et
la justesse avec laquelle l'Auteur s'exprime
au milieu d'une foule de citations qu'il
s'est contenté de désigner . Dans les notes
placées entre chaque Chapitre , on voit
les
MAY.
1737. 969
les recherches immenses qu'il lui a fallu
faire pour choisir ses autorités. Tout
ce que les Histoires ont dit de cette
Province et de ses prérogatives se trouve
adroitement employé par notre Auteur
, et judicieusement mesuré aux circonstances
dans lesquelles se trouvoit le
Pays qu'il avoit à défendre.
On a placé à la fin de ce Volume un Recueil
de différens Arrêts du Parlement
de Normandie , qui jugent les plus singulieres
Questions de Fait et de Coûtume.
Ils ont été judicieusement recueillis
par feu M. Bertheaume , ancien Avocat
de ce Parlement. L'espece y est établie
avec précision , après le prononcé de
P'Arrêt , pour déterminer plus sûrement
la circonstance dans laquelle il a été ren .
du .
Après ce compte rendu au Public des
Mémoires sur le TIERS et DANGER , il n'est
pas hors de propos de dire un mot des
propres Ouvrages de M. Froland . On se
contentera d'en donner les Titres ; le credit
qu'ils ont eu depuis qu'ils sont entre
les mains du Public , a prévenu l'Eloge
qu'on en pouroit faire .
MEMOIRES Concernant le Comté Pairie
d'Eu , et ses Usages prétendus Locaux ,
avec les Arrêts du Parlement de Paris
qui
970 MERCURE DE FRANCE
qui les ont condamnés , par M. Louis
FROLAND , Ancien Avocat au Parlement
de Paris. M. DCC . XXII . 1. Vol. in - 4 °.
MEMOIRES Concernant la prohibition
d'évoquer les Décrets d'Immeubles situés en
Normandie , avec les Chartes , Ordonnances
, Edits , Déclarations , Lettres
Patentes , Réponses de nos Rois , Arrêts
du Conseil et du Parlement de Paris , qui
ont établi et confirmé le Privilege de la
Province ; diverses Questions mixtes qui
en dépendent , et les Arrêts qui les ont
décidées. M. DCC. XXII . 1. Vol . in 4 .
MEMOIRES Concernant l'Observation du
Senatus-consulte Velleien dans le Duché
de Normandie, et diverses Questions mixtes
qui en dépendent , avec les Arrêts
qui les ont décidées . M. DCC . XXIX . 1 .
Vol. in- 4.
MEMOIRES Concernant la nature et la
qualité des Statuts. Diverses Questions
mixtes de Droit et de Coutume , et la
plûpart des Arrêts qui les ont décidées .
M. DCC. XXIX. 2. Vol . in-4.
Tous ces Ouvrages se vendent à Paris
chés de Nully , au Palais .
LETTRE écrite par M. *** à M. ***
au sujet du Passage du Roy et de la Reine de
Pologne par la Champagne , en allant prendre
possession de leurs Etats de Lorraine. A Chaalons
chés
MAY. 1737 971
chés Seneuze , 1737. brochure in 4. de 12. pages.
La Lettre est datée du 25. Avril.
L'Ecrivain déclare dabord avec modestie qu'on
ne doit s'atacher qu'à la vérité d.s faits qu'il raporte
et non à la délicatesse du stile. Il commence
ainsi sa narration . Le Roy de Pologne partit
de Meudon en poste le premier Avril , ce Prince
n'a séjourné en aucun endroit , il vint coucher à
Mont-Saint - Pere, Terre limitrophe de cette Province
, qui apartient à M. Paris du Vernay.
De Mont - Saint-Pere, le Roy de Pologne se rendit
à Epernay , il fit l'honneur à M. d'Aubigny,
Lieutenant General et Subdelegué de M. l'Intendant
, de dîner chés lui .
Le Roy fit aussi l'honneur à M. de Saint Clair,
Chevalier de S. Louis , Exempt des Gardes du
Corps , Gendre de M. d'Aubigni , de le faire
manger à sa table . La Bourgeoisie qui étoit sous
ler Armes , bordoit les rues, et monta la garde
chés le Roy jusqu'au départ de Sa Majesté
Elle fut escortée d'abord par la Maréchaussée ;
une Compagnie du Régiment de Pont , Cavale
rie , qui est en quartier dans le Village d'Athie ,
conduisit ce Prince jusqu'à Jalon , une autre du
mêine Régiment releva cette premiere , ct l'accompagna
jusqu'à Aulnay; les Diles de ce Lieu , vétuës
galamment , et M. le Curé ensuite , complimenterent
S. M. Voici l'un et l'autre de ces Compli
mens , et les Réponses du Roy de Pologne ; Pune
de ces Dlles s'étant avancée , dit avec beaucoup
de grace , en lui présentant le vin d'honneur .
>
SIRE , nous vous offrons au nom de nos Peres
de foibles marques de leurs respects , nous accompagnons
notre offrande de voeux sinceres que
nous faisons pour votre santé puissiez - vous SIRE
Lorsque nous serons ayeules , recevoir de notre pos
terit
972 MERCURE DE FRANCE
terité les mêmes hommages , et voir la vôtre faire
le bonheur de l'Europe .
Le Roy de Pologne aplaudit en souriant à la
saillie de cette jeune personne , il lui souhai
ta l'accomplissement de ses désirs , dans lesquels
il lui dit qu'il se trouvoit fort interessé
ces Dlles s'étant éloignées , M. le Dieu , Curé
d'Aulnay , âgé de près de 80. ans, s'avança et dit.
SIRE , il y a long- temps que je vis, mais dans
le cours de mes années , je n'ai pas eû un jour si
flateur l'ai le bonheur de voir un grand Roy que
son Héroisme fait respecter de toutes les Nations
un Roy tojours égal à lui - même , malgré le concours
des évenemens les plus marqués , c'est le vrai caractere
de la vertu ; nos voeux , SIRE , ont déja
étéplusieurs fois portés jusqu'au Trône du Roy des
Rois pour la conservation et la prospérité de V. M.
Les François , SIRE , et moi en particulier , s'y
interessent sincerement et relativement à votre Per
sonne sacrée , et par reconnoissance pour le don
que
le Ciel nous a fait de Monseigneur le Dauphin votre
petit-Fils , qui assure le repos de cet Empire
je redoublerai mes prieres , SIRE , pour qu'une
parfaite sécurité pendant une longue suite d'années
vous conduise à la vie éternelle.
Le Roy parut satisfait de ce Compliment , il
en remercia fort gracieusement M. le Curé, et le
conjura de se ressouvenir de la promesse qu'il
lui faisoit de prier Dieu pour lui,
A la sortie du Bac d'Aulnay , de l'autre côté
de la Riviere de Marne, le Roy de Pologne trous
va une Brigade de la Maréchaussée qui l'escorta
jusqu'à Chaalons ; en chemin il trouva une autre
Compagnie du même Régiment de Pont, qui
augmenta l'escorte ; S. M. arriva en cette Ville
sur les quatre heures , précedé d'un nouveau détachement
MAY. 1737.
973
tachement de la Maréchaussée , commandé par
le Prévôt Géneral , et de deux Chaises de poste ,
dans lesquelles il y avoit deux Seigneurs de sa
Maison , plusieurs de ses Officiers suivoient à
cheval , le Carosse de M. de Beaupré , qui étoit
allé au- devant de S. M. venoit après , un troisiéme
Escadron du Régiment de Pont fermoit la
marche. Le Roy passa au milieu d'une foule de
Peuple accourue de toutes parts pour voir S. M.
laquelle pour répondre à cet empressement ,baissa
les glaces de sa Chaise et ordonna à son Postillon
d'aller au petit pas .
De Chaalons, S. M. se rendit à Sary, Château
de M. l'Evêque, situé à l'extremité du Jard , promenade
la plus belle qu'il y ait dans aucune Ville
de France ; ce Château est très -beau et trèscommode
; on le concevra aisément en se rapellant
que les Evêques de Chaalons y ont toujours
reçu les Princes et Princesses du Sang, M. le Duc
d'Orleans et M. le Duc y ont été mariés .
M. l'Evêque , accompagné du Marquis de
Choiseul , Lieutenant Général de la Province ,
de l'Abbé de Saint Mémie , ses Freres , et des
Personnes les plus distinguées de Chaalons , reçut
S. M. à la descente de sa Chaise ; ce Prélat
comptoit que le Roy de Pologne lui feroit l'honneur
de souper et coucher chés lui , mais comme
il étoit encore de bonne heure , ce Prince
jugea à propos de ne s'arrêter qu'environ uns
heure , et d'aller à Saint Dizier après avoir embrassé
M. l'Evêque et lui avoir témoigné combien
il étoit sensible à sa politesse ; S. M. embrassa
pareillement M. l'Intendant , et lui témoigna
qu'elle étoit très- contente des attentions
qu'il avoit eues pour lui dans son Département.
L'Evêque de Chaalons présenta au Roy son
3
Neveu,
974 MERCURE DE FRANCE
sant ,
Neveu , fils du Marquis de Choiseul , en lui diqu'étant
né en Lorraine il étoit du nombre
de ses Sujets , ce jeune Seigneur , qui joint à
une phisionomie des plus heureuses , beaucoup
d'esprit et de graces , servoit alors à boire à S.M.
qui avec cette douce et noble affabilité qui releve
toutes ses actions , dit, en mettant la main sur
l'épaule de cet aimable Enfant , J'en prends possession
avec bien du plaisir.
Les Officiers de Ville de Chaalons s'étant ren
dus à Sary , furent introduits auprès de S. M.
par M. l'Evêque , ils présenterent à ce Prince le
vin d'honneur, qu'il accepta ; ces Mrs et les Per
sonnes de consideration qui s'étoient rendus à
Sary , furent invités par M. l'Evêque d'y rester
au soupé, qui étoit destiné pour S. M. De Sary ,
le Roy se rendit à Saint Dizier , & c .
La Reine de Pologne partit de Meudon le 3 .
Avril et arriva à 7 heures du soir au Château de
Congy, qui apartient à M,de Chasot , Président
à Mortier au Parlement de Metz ; Ș. A. S. Mademoiselle
de Clermont y logea en 1725 , lorsqu'elle
alla à Strasbourg pour le Mariage de la
Reine. M. l'Intendant reçut la Reine de Pologne
à la descente de son Carosse , que tous les Habitans
de ce Lieu entouroient ; les femmes offrirent
leur présent à S. M. qui consistoit en un
Mouton orné d'une infinité de rubans, & c. sur les
huit heures la R. de P. soupa à son petit couverts
on ne fera point le détail des differens mets qui
furent servis avec une délicatesse et une attention
infinies de la part de M.l'Intendant , qui fit aussi
servir à soupé aux Seigneurs et Dames de la suite
de S. M.
Le lendemain la Reine de Pol . après avoir en
tendu la Messe , partit pour Sary. Elle alla dîner
au
MAY. 1737. 975
u Château de Reineville , à cinq lieues de Chaalons
. M. de Beaupré avoit cû soin que tout y
für en abondance; l'Evêque s'y étant aussi rendu,
i's reçurent S. M. à la descente de son Carosse
; plusieurs femmes en habit des bonnes Fê.
tes , présenterent à la Reine un Lapin blanc ,
orné de rubans , & c.
La Reine étant partie de Reineville de bonne
heure, arriva à Chaalons vers les 5. heures , et se
rendit ensuite au Château de Sary , où elle a séjourné
. Son Entrée en cette Ville fut fort belle ,
plusieurs Brigades de Maréchaussées , commandées
par le Prévôt Géneral , étoient de la suite ;
deux Compagnies du Régiment de Pont et les
Pages de S. M. environnoient son Carosse ; M.
l'Evêque et M. l'Intendant précedoient , chacun
dans leur Chaise de poste , afin de recevoir S. M.
à Sary , cinq Carosses à six chevaux , dans lesquels
étoient les Dames et Seigneurs de la suite
de la Reine , & c. La Compagnie de l'Arquebuse
de Chaalons étoit sous les Armes à l'entrée de la
Ville , les Milices Bourgeoises bordoient les rues
jusqu'à la porte de la superbe Promenade dont on
a parlé .
S.M. fut reçue à Sary par les mêmes Personnes
qui s'y étoient trouvées lors du passage du Roy;
l'Evêque de Chaalons et le Marquis de Choiseul
, curent l'honneur de lui présenter la main.
S. M. soupa à son petit couvert et se coucha
de bonne heure.
Le lendemain elle entendit la Messe à 11. heures
dans la Chapelle du Château , les Officiers de
Ville furent présentés à S. M. par le Marquis de
Choiseul, ils lui offrirent dans une corbeille trèsgalamment
ornée toutes sortes de confitures
seches. G La
976 MERCURE DE FRANCE
La Reine dîna à son petit couvert à midy ;
elle reçut sur les cinq heutes les respects du R.P.
Baltus , Recteur des jésuites de Chaalons , &c.
Lorsque la Reine de Pologne eut fait ses dépêches
pour le Roy son Epoux , elle en chargea
le Marquis de Choiseul , et nomma en mêmetemps
Mad. son Epouse Dame de son Palais ;
M. de Choiseul en remercia S. M. dans des termes
pleins de reconnoissance; il partit à l'instang
pour Luneville.
Le 7. Avril 5. M. entendit la Messe à dix heu
res , dîna une heure après à son petit couvert et
partit à midy.
On ne peut rien dire de plus obligeant que ce
que la Reine dit à l'Evêque , sur la réception
que lui a fait ce Prélat ; il fut remercié aussi par
la Comtesse de Linange et par les autres Seigneurs
et Dames de la Cour.
M. de Beaupré monra dans sa Chaise de poste
pour préceder S. M. à Vitry ; elle y arriva à 6.
heures du soir , escortée par un détachement de
la Maréchaussée .
L'élite de la Milice Bourgeoise sous les Armes
avec des cocardes blanches , formoit une double
haye dans les rues , jusqu'au logement de la Reine
; le Marquis de Vilaine , Gouverneur de la
Ville étoit à la tête . S M. fut reçûë à la descente
de son Carosse par M. de la Galaiziere , Intendant
de Lorraine et de Bar , qui lui donna la
main jusques dans son Apartement.
Les Maire et Echevins , qui furent présentés
par M. l'Intendant , offrirent leurs présens à la
Reine , ils furent très - bien reçus elle admit ensuite
à son Audience plusieurs Officiers des Troupes
du Roy , elle en reconnut quelques- uns , et
leur donna des témoignages de son souvenir ; le P.
Prieur
MAY. 1737.
977
Brieur de la Charité de cette Ville fut aussi admis
à rendre ses respects à la Reine , il lui présenta
un Ananas d'une prodigieuse grosseur .
A huit heures S. M. soupa à son petit couvert,
il y cut cinq autres tables , dont l'une étoit de
30. couverts , et les autres de 25. et 20. qui fusent
servies avec une propreté et une délicatessé
qui passe tout ce qu'on peut imaginer.
L'attention de M. l'Intendant ne se borna pas
aux Personnes de distinction , il voulut que géneralement
tous les gens de la snite se ressentissent
de sa magnificence ; on cur servit un sou◄
pé convenable et force vin de Champagne.
Le lendeman , jour du départ , S. M. alla entendre
la Messe à sept heures à la Collégiale , elle
fut reçue à l'entrée de la principale porte par le
Chapitre , qui lui avoit fait préparer un tapis de
pied et un careau sur lequel la Reine se mit à
genoux pour baiser la Croix , qui lui fut présentée
par le Doyen , S. M. s'étant levée elle reçut l'Eau
benite ; ensuite le Doyen prononça ce Discours .
MADAME ,
.
Le Chapitre de l'Eglise Royale de cette Ville
rend avec un respectueux empressement ses trèshumbles
devoirs à V.M.Nous allons , MADAME,
célebrer les saints Misteres pour demander à Dieu
la conservation de V. M. et le bonheur de toute la
Famille Royale , c'est aux seules Prieres que se ter
minent dans le Temple du Seigneur les Camplimens
des Ministres du Roy des Rois.
La Reine salua le Clergé qui l'accompagna
jusqu'à son Prie- Dieu , M. l'Intendant,donnoit
la main à S. M. La Messe finie , le Doyen à la
droite de la Reine , précedé de tout le Chapitre,
la conduisit jusqu'à son Carosse . M. l'Intendant
continua de donner la main à S. M. Au milieu
G ij de
978 MERCURE DE FRANCE
·
de la Nef , elle eut la bonté de se tourner
du côté du Doyen , et lui dit : M. je vous
remercie et toute votre Compagnie , de la réception
gracieuse que vous m'avezfaite. Le Doyen lui répondit
: MADA ME , nous désirons ardemment
que les Prieres que nous venons de faire pour V.M.
soient exaucées, nous avons prié de tout notre coeur .
Ensuite la Reine monta en Carosse pour se
rendre à S. Dizier , escortée par un détachement
de Maréchaussée , un instant après M. l'Intendant
partit en paste , afin de préceder S. M.
S. M. arriva le 11. sur les midy à S. Dizier ,
escortée d'un détachement de la Maréchaussée
de l'Arquebuse et les Milices Bourgeoises bordoient
les rues ; cette Princesse logea au Château
que M. de Beaupré avoit fait meubler . Les Maire.
et Echevins qu'il présenta à la Reine , lui offri
rent leurs présens , et furent reçus très - gracieusement.
S. M. dina à son petit couvert , elle fut servie
comme si elle cût mangé en public ; il y eug
plusieurs autres tables également bien servies par
les soins de M. de Beaupré , S. M. partit à trois
heures pour aller coucher à Bar. Elle témoigna
à M. de Beaupré combien elle étoit satisfaite de
ses attentions , &c. Tous les Seigneurs et Dames
de sa Cour le complimenterent dans des termes
remplis de reconnoissance. Il a suivi S. M. jus◄
qu'à Bar.
Dès qu'on fut assuré que la Reine de Pologne
étoit arrivée sur la Frontiere de ses nouveaux
Etats, une nombreuse Compagnie de Chevaliers
proprement vétus d'un uniforme blanc avec paremens
rouges , alla à sa rencontre et revint le
même jour , marchant devant le Carosse de
S. M. au bruit des Instrumens Militaires,
Sur
MAY. 1737-
979
Sur le chemin , à quelque distance de Bar- le-
Duc , la Reine trouva une Compagnie de jeunes
Gens à pied , qui avoient passé la nuit sous des
Tentes , en attendant son arrivée. Cette Compagnie
formée à son honneur , lui servit d'escorte .
Lorsque la Reine arriva aux portes de la Ville,
elle y trouva environ trois mille Bourgeois qui
étoient rangés sous des Drapeaux magnifiques,
et qui la suivirent jusques au Château.
En entrant dans cette Place , elle fut complimentée
par M. le Commandant , et en avançant
un peu plus loin , elle parut agréablement surprise
d'un Spectacle que présentoit à ses yeux la
Jeunesse du College des Jésuites. Ces jeunes Gens
etoient partie à pied et partie à cheval . Ceux des
Classes inférieures , au nombre de quarante ,
étoient à pied , habillés à la Polonoise , ayans
tous un habit d'écarlate bordé de fourures d'her
mine ,et sur l'habillement des écharpes de prix . Hs
avoient des bonnets rouges qui cachoient entie
rement leurs cheveux , et dont la pointe garnie
d'une frange d'argent , s'élevoit au - dessus d'une
fourure très - propre. Devant eux pendoient de
petits coutelas , et ils tenoient à la main des
Etendards très riches , les uns aux Armes de Pos
logne , de Leczinski , les autres aux Armes de
Lorraine et de Bar.
Ceux des Classes supérieures étoient à cheval
au nombre de 24. botés à la Połonoise , habillés
comme les autres d'écarlate , et portant des bonnets
de même , mais ayant tous le Sabre à la
main.
Ces deux Corps étoient rangés dans la cour inte
rieure du Château sur deux lignes , en demi cercle,
ayant à une extremité leur Tambour , habillé à
la Romaine , et à une autre deux Clercs , dong
Giij l'un
980 MERCURE DE FRANCE
P'un étoit à cheval , représentant tous les Clercsdu
College , et l'autre à pied , en manteau long,
qui se disposoit à parler. A leurs côtés étoient
Mrs les Militaires de la Garde , présentant les
Armes.
Aussi- tôt que la Reine fut près de ces jeunes:
Gens ainsi disposés , les premiers baisserent leurs
Erendarts pour la saluer ; ce qui se fit avec beaucoup
d'ordre et au grand contentement de S. M.
La Reine inonta ensuite dans son Apartement,
introduite par M. le Chancelier et Garde des
Sceaux , précedée de quelques - uns des Polonois,
qui portoient des Etendarts aux Armes de Bar.
Après que M. le Chancelier eut fait son compliment
, un Ecolier eut aussi l'honneur de com
plimenter Sa Majesté au nom du College..
La Reine répondit avec bonté : Je suis trèssensible
à votre Compliment , je vous en remercie ,
mais je veux voir encore une fois la Jeunesse Polonoise.
Sur cela on donna ordre à cette Jeunesse de se
rendre dans l'Apartement de S. M. et là ces jeunes
Gens passant tous devant elle , les uns aprèsles
autres , ils eurent l'honneur de la saluer de
rechef avec l'Etendart.
Ils sortirent ensuite deux à deux et revinrent
avec les Cavaliers Polonois au College . Peu de
temps après le Canon du Château se fit entendre;
on ne doit pas oublier ici la maniere gracieuse
dont S. M. remercia la Noblesse et toutes les
Compagnies de cette Ville , qui étoient dans les
différentes Chambres de son Apartement , & c ..
Elle leur témoigna qu'elle étoit très- satisfaite de.
leur zele et de tout ce qu'on faisoit pour elle .
Sur le soir , vers les huit heures , le Château
et toute la Ville étant illuminés , on tira un trèsbeau
MAY. 1737. 981
beau Feu d'artifice , qu'on avoit artistement pla
cé sur un bâtiment à deux étages , orné de Devises
à l'honneur du Roy et de la Reine , et surmonté
d'une Renommée , qui tenoit d'ung main
les Armes de Pologne et de l'autre sa Trompete .
Après quoi la Reine se mit à table , et comme
elle a un grand fond de pieté et de religion , inalgré
toutes ses fatigues et la délicatesse de son
tempérament , elle ne prit qu'une simple collation
Alors les Dames curent l'honneur de lui
faire la réverence, et en furent très gracieusement
reçûës .
Le lendemain 12. Avril , S. M. entendit la
Messe dans la Chapelle du Château , où elle fut
complimentée par le Doyen de certe Eglise .
Après avoir oui la Messe , elle monta dans
son Carosse. Aussi - tôt la Jeunesse Polonoise
qui avoit repris son premier poste , se mit en
marche sur deux lignes , ceux qui étoient à cheval
, marchant immédiatement devant le Carosse
de la Reine , et ceux qui étoient à pied marchant
à la tête avec leurs Etendarts . Les autres
Carosses suivoient , bordés de la nouvelle Compagnie
à pied, et suivis d'une partie de la Bourgeolie
, tap iis que l'autre bordoit les rues .
On marcha dans cet ordre jusques hors de la
Ville, &c. La Reine fut de nouveau complimentée
au nom des Ecoliers Elle eur la bonté de dire plus
sieurs fois qu'elle étoit très- contente, et que ceux
qui étoient à pied pouvoient s'en retourner , ce
qu'ils firent à la suite de la Bourgeoisie .
Pour les autres qui étoient à cheval , ils eurent
l'honneur de marcher devant le Carosse de S. M.
jusqu'à la premiere Bourgade. La Compagnie
des Chevaliers qui avoient attendu la Reine ,
continua à l'accompagner jusques vers Ligny au
Giiij bruig
982 MERCURE DE FRANCE
bruit des Trompettes et des Timbales . Ensuite
S. M. les remercia de la maniere du monde la
plus obligeante .
Pierre Gissey , Libraire et Imprimeur , ruë de
la vieille Bouclerie , débite depuis quelque temps
des Feuilles Périodiques , qui paroissent tous les
Mardis , et dont voici le titre : Reflexions sur les
Ouvrages de Litterature . Il paroît que deux Aureurs
ont travaillé aux Feuilles qui composent le
premier volume , et que le second , dont le stile
est plus élegant et plus correct , mérite encore
plus l'estime du Public. L'Auteur de cette continuation
fournit sa carriere avec plus de succès ;
sa Critique est instructive et agréable . Il juge
sainement des Livres modernes , et entremêle des
refléxions interessantes. Dans la premiere Füle
du second volume il expose ainsi son sentiment
sur la Critique.
99
55
>> Quel ton faut-il prendre en critiquant ? Si
l'on s'en raporte au bon sens , qui est l'oeil de
l'esprit , il faut proportionner le ton à l'Ouvrage
qu'on discute ; s'il est sérieux ou dogmati-
" que les graces austeres , le stile ferme et soutenu
, sont alors de saison , et rien ne seroit
plus ridicule que la demangeaison de plaisanter .
" Veut-on aprécier le mérite d'un Ouvrage d'esprit
? les tours vifs et ingenieux , le sel attique
" et les jeux de l'imagination doivent assaisonner
la Critique et les louanges . Mais le fiel et l'envie
d'élever sa réputation sur les ruines de celle
d'autrui , ne doivent jamais se faire sentir . La
probité , la droiture du coeur et la politesse ,
» sont les plus beaux ornemens de la Critique .
Quelle étrange situation pour celui qui se livre
à ce dangereux métier ! La plupart des Lec-
ל כ
59
D
teurs
MAY. 1737. 983
32
teurs veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et hardis ,.
des ironies legeres, des tours figurés et expres-
" sifs , des saillies heureuses et même des Parodies
courtes , mais fines , du ridicule. Au con-
* traire l'Auteur crie à l'injustice, se plaint qu'on
→ cherche à divertir le Public à ses dépens , et vomit
un torrent d'injures. Faut-il que pour
lui plaire le Critique laisse dormir son imagination
, et s'expose au danger certain d'en-
" nuyer ses Lecteurs par de tristes et froides re-
" fléxions ? En vain donneroit- on ce conseil au
Critique , il ne le suivroit pas , sçachant com-
» bien il est de son interêt d'égayer son Discours.
Mais on a droit de lui prescrire une impartialité
rigide , l'observation des regles de
" l'honnêteté et de la bienséance, et une sinceritéqui
ne se démente jamais . Heureux le Critique
qui ne fait jamais briller son esprit aux dépens
» de son coeur ! Sûr du suffrage du Public , il ob-
"tiendra l'aprobation de l'Auteur même , lors-
DJ que son ressentiment sera éteint.
Dans la cinquiéme Feuille , l'Auteur des Refléxions
s'explique ainsi à l'occasion d'un Libelle .
Rien de plus déplorable que l'abus des talens
de l'esprit dans les disputes où les Gens de Let-
» tres ne devroient se proposer que la perfection
» du goût et de la raison . A en juger par les injures
dont ils s'accablent , on croiroit que les
Belles - Lettres , loin de communiquer plus de
politesse et de modération , ne servent qu'à en'
étouffer les précieuses semences. Quelle idée
» veulent- ils que le Public se forme de leurs
" études et de leur éducation , lorsqu'il les voit
braver sans pudeur les loix de l'honnêteté er
de la bienséance Ces procedés indigues ren-.
GY > deng
981 MERCURE DE FRANCE
D
39.
» dent méprisables les Lettres et ceux qui fons
profession de les cultiver ... Je conviens que
le genre polemique doit être assaisonné d'un
» peu de sel, mais ce sel ne doit Fas être mordicant
, c'est à Venus et aux Graces de le prépa
rer , pour rendre plus vif le goût de la raison .
Chercher à flatter la malignité des Lecteurs
> c'est se défier de la force et de la justesse des
» raisonnemens qu'on leur présente , et révolter
toutes les personnes sensées. Je ne métonne pas
que des gens indignés des excès de la Critique ,
l'ayent regardée comme une invention du Dia-
» ble. Omnino credo Diabolum esse Auctorem
" Critices , disoit David Pareus , maltraité par
» Joseph Scaliger. L'Auteur ne s'écarte point de
ces Regles judicieuses. Les dernieres Feuilles de
cet Ouvrage , sur tout , sont très- interessantes et
fort instructives ; toutes les personnes de goût
qui les ont lûës , ont jugé que peut - être elles ne
le cédoient pas aux autres Ouvrages qui paroissent
dans le même goût.
33
*
33
CATALOGUE des Livres de feue Madame la
Comtesse de Verruë , dont la vente . se fera en
détail en son Hôtel , rue du Cherche- Midy , le
12 juin 1737. et jours suivans . A Paris , ruë
S. Jacques , chés Gabr. Martin , in 8. de 2408-
pages.
L'ACADEMIE des Sciences et des Beaux-
Arts , établie à Pau , distribuera le premier Fé
vrier 1738 % le Prix d'une Médaille d'or à l'Ou
vrage en Prose ou en Vers , qu'elle jugera le mé--
riters lequel ne sera pas de plus d'une mie
heure de lecture.. Le Sujet proposé est : Quelles :
3
sompt
MA Y.
1737. 9 ཎཾ ;
sont les qualités les plus désirables dans la Societé ,
celles de l'esprit où celles du coeur. On adressera
jusqu'au mois de Novembre inclusivement les
Pieces affranchies , à M. d'Hegobure , Secretaire
de l'Académie. On mettra au bas de l'Ouvrage
une Sentence, laquelle sera repetée au - dessus d'un
Billet cacheté , dans lequel sera le nom de l'Auteur.
Le Lundi 29. Avril , l'Académie Royale de
Soissons , tint son Assemblée publique dans le
Palais Episcopal . M. Vernier , Directeur de cette
Académie , en fit l'ouverture par un sçavant Dis-
Cours , après lequel on fit la lecture de la Dissertation
qui avoit remporté le Prix , dont le
Sujet étoit : L'Epoque de l'établissement de la Religion
Chrétienne dans le Soissonnois , et les progrès`
du Christianisme dans le même Pays , avec le nom
des premiers Evêques de Soissons et la durée de leur
Episcopat jusqu'à la fin du quatrieme siecle Cette
Dissertation fut déclarée être de M. le Beuf ,
Chanoine et Sous - Chantre de l'Eglise d'Auxerre,
qui étoit présent à l'Assemblée. M. l'Evêque ,
Instituteur de ce Prix , lui remit une Médaille
d'or toute semblable à celle dont nous avons fait
la description dans les années précedentes , excepté
que dans l'Exergue on lit M. DCC. XXXVII,
Le Mardy 30. l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles Lettres , tint sa Séance publique
d'après Pâques. M. le Cardinal de Polignac présida
à cette Assemblée , et déclara que M. l'Abbé
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital à
Paris , avoit remporté le Prix sur le sujet proposé
l'année derniere par cette Académie , qui
étoit l'Etat des Lettres en France depuis la mort
1
Gvj de
982 MERCURE DE FRANCE
bruit des Trompettes et des Timbales . Ensuite
S. M. les remercia de la maniere du monde la
plus obligeante.
Pierre Gissey , Libraire et Imprimeur , ruë de
la vieille Bouclerie , débite depuis quelque temps
des Feuilles Périodiques , qui paroissent tous les
Mardis , et dont voici le titre : Reflexions sur les
Ouvrages de Litterature . Il paroît que deux Aureurs
ont travaillé aux Feuilles qui composent le
premier volume , et que le second , dont le stife
est plus élegant et plus correct , mérite encore
plus l'estime du Public. L'Auteur de cette continuation
fournit sa carriere avec plus de succès ;
sa Critique est instructive et agréable . I juge
sainement des Livres modernes , et entremêle des
refléxions interessantes. Dans la premiere File
du second volume il expose ainsi son sentiment
sur la Critique.
95
» Quel ton faut- il prendre en critiquant ? Si
l'on s'en raporte au bon sens , qui est l'oeil de
l'esprit , il faut proportionner le ton à l'Ouvra
" ge qu'on discute ; s'il est sérieux ou dogmatique
, les graces austeres , le stile ferme et soutenu
, sont alors de saison , et rien ne seroit
plus ridicule que la demangeaison de plaisanter.
» Veut- on aprécier le mérite d'un Ouvrage d'esprit
? les tours vifs et ingenieux , le sel attique
et les jeux de l'imagination doivent assaisonner
la Critique et les louanges. Mais le fiel et l'envie
d'élever sa réputation sur les ruines de celle
d'autrui , ne doivent jamais se faire sentir. La
probité , la droiture du coeur et la politesse ,
» sont les plus beaux ornemens de la Critique .
Quelle étrange situation pour celui qui se livre
à ce dangereux métier ! La plupart des Lec-
ל כ
59
teurs
MAY. 1737. 983
"
""
teurs veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et hardis ,
» des ironies legeres , des tours figurés et expres-
» sifs , des saillies heureuses et même des Paro-
→ dies courtes , mais fines , du ridicule . Au contraire
l'Auteur crie à l'injustice , se plaint qu'on
→ cherche à divertir le Public à ses dépens , et vomit
un torrent d'injures. Faut-il que pour
lui plaire le Critique laisse dormir son imagination
, et s'expose au danger certain d'ennuyer
ses Lecteurs par de tristes et froides re-
" fléxions ? En vain donneroit- on ce conseil au
Critique , il ne le suivroit pas , sçachant com-
" bien il est de son interêt d'égayer son Discours.
Mais on a droit de lui prescrire une impartialité
rigide , l'observation des regles de
l'honnêteté et de la bienséance, et une sincerité
qui ne se démente jamais . Heureux le Critique
qui ne fait jamais briller son esprit aux dépens
de son coeur ! Sûr du suffrage du Public , il obtiendra
l'aprobation de l'Auteur même , lorsque
son ressentiment sera éteint.
>>
و ز
05
Dans la cinquième Feüille , l'Auteur des Refléxions
s'explique ainsi à l'occasion d'un Libelle.
Rien de plus déplorable que l'abus des talens
de l'esprit dans les disputes où les Gens de Lettres
ne devroient se proposer que la perfection
» du goût et de la raison . A en juger par les injures
dont ils s'accablent , on croiroit que les
Belles- Lettres , loin de communiquer plus de
politesse et de modération , ne servent qu'à en
étouffer les précieuses semences. Quelle idés
" veulent- ils que le Public se forme de leurs
études et de leur éducation , lorsqu'il les voit
braver sans pudeur les loix de l'honnêteté et
de la bienséance Ces procedés indigues ren-
GV » deng
984 MERCURE DE FRANCE
» dent méprisables les Lettres et ceux qui font
profession de les cultiver ... Je conviens que
le genre polemique doit être assaisonné d'un
» peu de sel, mais ce sel ne doit Fas être mordicant
, c'est à Venus et aux Graces de le prépa
rer , pour rendre plus vif le goût de la raison .
Chercher à flatter la malignité des Lecteurs
» c'est se défier de la force et de la justesse des
» raisonnemens qu'on leur présente , et révolter
toutes les personnes sensées. Je ne métonne pas ›
que des gens indignés des excès de la Critique,,
l'ayent regardée comme une invention du Dia-
» ble. Omnino credo Diabolum esse Auctorem
"Critices , disoit David Pareus , maltraité par
» Joseph Scaliger. L'Auteur ne s'écarte point de
ces kegles judicieuses. Les dernieres Feuilles decet
Ouvrage , sur tout , sont très- interessantes et :
fort instructives ; toutes les personnes de goût :
qui les ont lûës , ont jugé que peut- être elles ne
le cédoient pas aux autres Ouvrages qui paroissent
dans le même goût.
200
CATALOGUE des Livres dé feuë Madame la ‹
Comtesse de Verruë , dont la vente . se fera en
détail en son Hôtel , rue du Cherche- Midy , le
12 juin 1737. et jours suivans. A Paris , ruë
S. Jacques , chés Gabr. Martin , in 8. de 240.-
pages..
L'ACADEMIE des Sciences et des Beaux-
Arts , établie à Pau , distribuera le premier Février
1738 % le Prix d'une Médaille d'or à l'Ouvrage
en Prose ou en Vers , qu'elle jugera le mé--
riters, lequel ne sera pas de plus d'une d mie
heure de lecture.. Le Sujet proposé est : Quelles :
Somp
MAY . A Y. 1737. 985
sont les qualités les plus désirables dans la Societé,
celles de l'esprit où celles du coeur. On adressera
jusqu'au mois de Novembre inclusivement les
Pieces affranchies , à M d'Hegobure , Secretaire
de l'Académie. On mettra au bas de l'Ouvrage
une Sentence, laquelle sera repetée au- dessus d'un
Billet cacheté , dans lequel sera le nom de l'Auteur.
Le Lundi 29. Avril , l'Académie Royale de
Soissons , rint son Assemblée publique dans le
Palais Episcopal. M. Vernier , Directeur de cette
Académie , en fit l'ouverture par un sçavant Discours
, après lequel on fit la lecture de la Dissertation
qui avoit remporté le Prix , dont le
Sujet étoit : L'Epoque de l'établissement de la Religion
Chrétienne dans le Soissonnois , et les progrès
du Christianisme dans le même Pays , avec le nom
des premiers Evêques de Soissons et la durée de leur
Episcopat jusqu'à la fin du quatrieme siecle Cette
Dissertation fut déclarée être de M. le Beuf,
Chanoine et Sous - Chantre de l'Eglise d'Auxerre , -
qui étoit présent à l'Assemblée . M. l'Evêque ,
Instituteur de ce Prix , lui remit une Médaille´´
d'or toute semblable à celle dont nous avons fait
la description dans les années précedentes, excepté
que dans l'Exergue on lit M. DCC. XXXVIL
Le Mardy 30. l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles Lettres , tint sa Séance publique
d'après Pâques. M. le Cardinal de Polignac présida
à cette Assemblée , et déclara que M. l'Abbé'
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hôpital à
Paris , avoit remporté le Prix sur le sujer proposé
l'année derniere par cette Académie , qui
étoit l'Etat des Lettres en France depuis la mort
Govj de
986 MERCURE DE FRANCE
de Charlemagne jusqu'au regne du Roy Robert . Ce
Abbé se présenta et reçut des mains de son Eminepce
la Médaille d'or de la valeur de 400. liv .
Ensuite M. de Foncemagne , Membre de l'A
cadémie , et l'un des 40. de l'Académie Françoise
, lut pour M. de Nicolay , une Dissertation sur
les Rois d'Epire et,sur tout , sur la Vie d'Alexandre
Molossus , oncle d'Alexandre le Grand. Cette
Dissertation fit grand plaisir à toute l'Assemblée.
qui l'a trouvée bien écrite et pleine de recherches
très curieuses. Elle fut suivie d'une Dissertation
que M. Racine lut sur l'harmonie des
Vers François et sur la Rime , où il fit voir que
l'invention de la Rime est aussi ancienne que
celle de la Poësie même , et qu'elle a été connue
de tous les Peuples , même des Romains , qui
prenoient quelquefois pour un ornement de faire
rimer les Hémistiches de leurs Vers , sur tout
des Pentametres ; ce qu'il confirma par plusieurs
exemples , tirés des meilleurs Poëtes Latins.
M. l'Abbé Sallier lut ensuite pour M. Lance
lot , un Mémoire sur la véritable date du Maria-
&e de Charles VIII . et d'Anne de Bretagne . En
fin la Séance fut terminée par une Dissertation
que M. de Foncemagne lut pour M. de la Curne
de Sainte-Palaye , sur les Poisies de Froissard
Cette Dissertation et quelques Morceaux choisis
de cesPoësies, parurent faire plaisir à l'Assemblée .
}
PRIX proposé par l'Académie Royale
des Sciences.
F
Eu M. Rouillé de Meslay , ancien Conseiller
au Parlement de Paris , ayant conçu le
noble dessein de contribuer au progrès des Scien--
ces et à l'utilité que le Public en pouvoit retirer ,
a legué à l'Académie Royale des Sciences un
fonds
M A Y. 1737. 987
fonds pour deux Prix qui seront distribués à
ceux , qui , au jugement de cette Compagnie ,
auront le mieux réussi sur deux differentes sortes
de Sujets , qu'il a indiqués dans son Testament
, et dont il a donné des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Sistême
general du Monde et l'Astronomie Physique.
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux termes
du Testament , et se distribuer tous les ans.
Mais la diminution des Rentes a obligé de ne le
donner que tous les deux ans , afin de le rendre
plus considérable , et il sera de 2500. livres .
Les Sujets du second Prix regardent la Navigation
et le Commerce.
ra
Il ne se donnera que tous les deux ans , et sede
2000. livres.
Plusieurs excellentes Pieces que l'Académie a
reçûës cette année sur le sujet des Ancres , sont
le fruit du délai auquel elle se détermina en 1735.
Cependant ayant divisé ce Sujet en trois Parties
differentes qui devoient faire l'objet d'autant de
Prix, elle n'a pas trouvé des Pieces d'un égal mérite
pour tous les trois . La figure des Ancres ,
comme plus susceptible de l'aplication de la
Géométrie , est la partie qui en a fourni davantage
, et les meilleures, Celle de la Forge et de la
fabrique des Ancres , n'en a donné qu'un petit
nombre ; et l'épreuve dès Ancres n'en a point
procuré que l'Académie ait pû couronner sous
se titre. La Compagnie a donc adjugé le Prix du
Sujet : Quelle est la figure la plus avantageuse
qu'on puisse donner aux Ancres ? à la Piece N° . 5%.
( de 1737. ) qui a pour Devise ,.
Hic teneat nostras Anchora jacta ratés
et qui est de M....
Elle a donné le Prix de la fabrique , Quelle est
988 MERCURE DE FRANCE
la meilleure maniere de forger des Ancres ? `au N °.
7. dont la Devise est , Vis unita fortior , et qui
est de M. Tresaguet , ancien Ingénieur des Ponts
et Chaussées .
A l'égard du troisiéme Snjet , Quelle est la
meilleure maniere d'éprouver les Ancres ? et qui ne
lui a pas parû suffisamment rempli , elle a jugé à ·
propos de distribuer le Prix qu'elle y avoit destiné
, en égale part à deux Pieces , où elle a trouvé
d'ailleurs des Recherches curieuses et utiles
tánt sur la figure des Ancres , que sur les autres
Sujets et sur plusieurs pratiques qu'elle n'a pase ,
voulu qui fussent perdues pour le Public .
L'une , qui est le N°. 9. et qui a pour Devise ,
Omnia conando docilis solertia vincit ,
est de M ....
L'autre N. 11. qui contient trois parties et
qui a trois Devises , par ce Vers ainsi varié ,
Hic teneat nostras Anchora-{
Firma
Ducta
Certa } rates ,
est de M. le Marquis Poleni , Professeur de Ma~~
thématique à Padoüe .
Les deux Pieces qui ont le plus aproché du
Prix , et c'est par raport à la fabrique ou à l'épreuve
des Ancres , sont le N° . s . ( de 1735. )V
qui a pour Devise , N° 154
Et le N° .13 . ( de 1737. ) qui a pour Devise, Sz
non bene, saltem voluisse decorum est, est de M. le
Comte de Crequi.
L'Académie ayant eu avis par des personnes
habiles et expérimentées dans la Navigation , que
dans les fréquentes manoeuvres où l'on se sert du
Cabestan , le cordage attaché au poids qu'on
veut lever ou traîner , se dévide sur l'essieu de
cette machine , de maniere qu'à chaque tour ce
cordage descend de toute sa grosseur , et qu'il
arrive
MAY. 989 1737.
afrive qu'après plusieurs tours il parvient au
bout du Cabestan, et qu'il faut le rehausser ( ou
choquer ) pour éviter qu'il ne s'embarasse ; que
par -là on ne sçauroit se servir du Cabestan
qu'on ne soit obligé de choquer plusieurs fois ,
e qu'à chaque fois qu'on choque , il faut arrêter
le mouvement de la machine , prendre des bosses-
(ou tresses , &c. ) sur le cordage , dévirer le Cabestan
, pour mollir ( ou lâcher ) la partie du
cordage qui est sur l'essieu . relever le cordage
le roidir de nouveau , et enfin ôter les bosses pour
remettre le Cabestan en état ; que cette opération
souvent repetée emporte beaucoup de temps , et
dans plusieurs rencontres un temps précieux , et
qu'elle fait toujours perdre une partie de l'effort
déja fait : Considérant d'ailleurs la liaison de la
manoeuvre du Cabestan avec celle des Ancres ,
qu'on ne jette ou qu'on ne leve que par son
moyen , l'Académie a résolu de proposer pour
Sujet du Prix de l'année 1739. La meilleure cons---
truction du Cabestan , ou telle autre Machine équi--
valente , par raport à tous les usages auxquels
on l'aplique dans un Navire , et principalement
pour éviter , en tout ou en partie , les inconvé
niens mentionnés ci - dessus .
Les Sçavans de toutes les Nations sont invi--
tés à travailler sur ce Sujet , et même les Associés
Etrangers de l'Académie. Elle s'est fait la
Loi d'exclure les Académiciens Regnicoles de
prétendre aux Prix.
Ceux qui composeront sont invités à écrire
en François ou en Latin , mais sans aucune obli
gation. Ils pouront écrire en telle Langue qu'ils
voudront , et l'Académie fera traduire leurs
Ouvrages
On les prie que leurs Ecrits soient fort lisi--
bles ,
990 MERCURE DE FRANCE
bles , sur-tout quand il y aura des Calculs d'Algebre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages
, mais seulement une Sentence ou Devise.
He pouront , s'ils veulent , attacher à leur Ecrit
un Billet séparé et cacheté par eux , où seront
avec cette même Sentence , leur nom , leurs
qualités et leur adresse , et ce Billet ne sera ou
vert par l'Académie qu'en cas que la Piece ait
remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix ,
adresseront
leurs Ouvrages à Paris au Secretaire perpétuel
de l'Académie , ou les lui feront remertre
entre les mains. Dans ce second cas le Secre
taire en donnera en même temps à celui qui les
lui aura remis , son Recepissé , où sera marquée
la Sentence de l'Ouvrage et son numero , selon
l'ordre ou le temps dans lequel il aura été reçû.
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au premier
Septembre 1738 : exclusivement.
L'Académie à son Assemblée publique d'après
Pâques 1739. proclamera la Piece qui aura ce
Prix.
S'il y a un Recepissé du Secretaire pour la
Picce qui aura remporté le Prix , le Trésorier
de l'Académie délivrera la somme du Prix à celui
qui lui raportera ce Recepissé . Il n'y aura à
cela nulle autre formalité
S'il n'y a pas de Recepissé du Secretaire , le
Trésorier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même
, qui se fera connoître , ou au Porteur d'une
Procuration de sa part.
L'Académie juge à propos de déclarer encore
que Comme elle ne restreint à macun Sistême les
explications qu'elle demande des Phénomenes , le
sufrage qu'elle donne à ces explications n'est point
1
une:
MAY. 1737. 991
une adoption des principes sur lesquels elles sont
fondées , ni de toutes les conséquences qu'on ex
tire.
Le Samedy 4. May , cette Académie tint son
Assemblée publique , à laquelle M. d'Argenson
présida. M. de Fontenelle ouvrit la Séance et annonça
les Pieces qui ont remporté les Prix de la
présente année ; il proposa ensuite le sujet du
Prix pour l'année 1739. l'un et l'autre.comme
on le voit dans l'article précedent.
M. Cassini lût après cela les Observations
qu'il a faites de la Comete qui a parû cette année;
il parla en ces termes :
Le 16. Février de l'année 1737. on a aperçâ
à Paris une Comete du côté de l'Occident , audessous
de la Planette de Vénus , dont elle étoit
éloignée de 7 à 8. degrés .
On continua de la voir les jours suivans qu'el
le parut avoir un mouvement de l'Occident vers
P'Orient , suivant la suite des Signes d'un peu plus
de deux degrés par jour .
Elle paroissoit à peu près comme une Etoile
fixe de la seconde grandeur , mais moins lumiavec
une queue de 2 à 3 degrés de longueur
, qui étoit dans une direction oposée au
Soleil.
neuse > Σ
Cette Comete a été aperçue à la vûë simple
jusqu'au commencement de Mars ', et on a continué
à l'observer avec des Lunettes jusqu'au 2.
Avril , qu'on a cessé entierement de la voir ,
lorsquelle étoit au - dessous de l'oeil du Taureau
Aldebaran . Elle a cû depuis le 17. Février jusqu'à
cejour un mouvement de 63. degrés en longitu
de et de 7. degrésen latitude vers le Midy .
Suivant les Observations qu'on en a faites ,
elle a décrit un Arc de grand cercle incliné de
1.2.4.
992 MERCURE DE FRANCE
2. degrés à l'Ecliptique qu'elle a coupé dans
le 13e degré des Poissons.
Sa distance à la Terre a été jugée le 16. Février
, un peu moins du double de la distance de
la Terre au Soleil.
M. de Mairan lût ensuite un Discours sur la
propagation du son et des tons qui le modifient,
Après quoi M.Hellot û un Extrait de deux Me
moires sur une nouvelle Encre Sympatique , que
la chaleur fait paroître et qui disparoît au froid,
Ce qui a donné occasion à ces deux Memoires
est un Sel qu'un Artiste Allemand fit voir l'année
dernicie à quelques personnes de l'Académie.
Ce Sel , qui étoit couleur de rose , devenoit
Bleu en l'aprochant du feu , puis reprenoit sa premiere
couleur en refroidissant . C'est la dissolu
pion de ce Sel dans l'eau qui fait l'Encre Sympatique
en question . Quant à la matiere qui lui
donne sa teinture , c'est une mine Aisenicale
espece de Cobolt , qui fournit en même- temps
par les essais de l'Arsenic , du Bismuth ou Etain
de glace , et une matiere fixe au feu , qui , mêlée
par la fonte avec d'autres matieres aisées à
vitrifier , fait cette masse bleue qu'on nomme
Smalt , et qui étant réduite en poudre fort fine
est connue ici sous le nom de bleu d'émail ou
d'azur. Au lieu d'introduire cette matiere fixe
colorante dans la substance d'un verre quelconque
, il n'y a qu'à l'enlever par l'eau forte , digerée
sur la mine réduite en poudre , elle teint
ce dissolvant en rouge sale ou en feuille morte
foncé , on survuide cette eau forte teinte , dans
une jatte de verre ou de porcelaine , on y meg
autant de Sel de table blanc qu'on a employé de
Mine , et l'on desseche ce mêlange sur le feu en
une masse saline grainée , qui est verte tang
qu'elle
M. A Y. 993 1737.
qu'elle est chaude , et qui devient couleur de rose
en refroidissant. L'eau qu'on verse sur ce Sel
refroidi , le dissout et se teint de la couleur du
Lilas . On écrit avec cette Liqueur sur de bon
papier , on laisse secher l'écriture; rien ne paroît;
mais si on aproche le papier du feu , les caracteres
invisibles prennent une couleur bleuâtre on
bleue verdâtre . On laisse refroidir le papier à l'air.
l'écriture disparoît de nouveau Si on le chauffe
encore , elle reparoît , et ainsi de suite , alterna
tivement , et pendant très - long - temps sans diminution
de son effet quand la Mine est bienchoisie.
Tous les Cobolts donnent cette teinture
plus ou moins parfaite , selon la qualité des
matieres héterogones qu'ils contiennent. Le signe
principal auquel on en reconnoît la bonne
espece , est cette couleur d'une bonne Bierre
rouge qu'il doit donner à l'eau forte.
Cette Encre Sympathique , qui par les proprietés
qu'on vient de décrire , est differente de
toutes les autres Encres Sympathiques connues ,
peut devenir , pour ainst - dire , semblable à cha
cune d'elles , ou pour m'expliquer comme M.
Hellot , elle peut entrer dans chacune des quatre
classes de ces Encres Sympathiques , qu'on trou
ve décrites dans divers Auteurs . La premiere
classe est celle des Encres dont l'écriture ne paroît
qu'en passant dessus une nouvelle liqueur
ou sa vapeur. La seconde comprend les Encres
Sympathiques , dont les caracteres invisibles se
colorent à l'air . Dans la trosiéme sont les Liqueurs
glutineuses avec lesquelles on peut faire
une écriture qui ne paroît qu'en passant dessus
une poudre terreuse , fine et colorée . Enfin la
quatrième classe est celle des Encres dont l'écriture
ne peut être aperçuë qu'en chauffant vivement
•
994 MERCURE DE FRANCE
ment le papier. Mais toutes ces Encres ne disparoissent
plus d'elles - mêmes dès qu'une fois on
les a fait paroître . La principale proprieté de
l'Encre Sympathique du Mémoire dont nous
parlons est de paroître d'un verd bleuâtre , M.
Hellot a trouvé le moyen d'avoir de la même
matiere des Encres Sympathiques bleuë , verte de
differentes teintes , colombine, violette claire, incarnate
, couleur de rose , jaune de citron . Il ne
s'est rien réservé des procedés par lesquels il y
parvient , afin qu'un bon Dessinateur puisse faire
usage de ces couleurs sympathiques . Nous ne
pouvons le suivre de memoire , d'ailleurs ce que
nous donnons ici n'est qu'un abregé de l'Extrait
qu'il a lû.
M. du Hamel finit la Séance par un Memoire
des Observations qu'il a faites , conjointement
avec M. de Buffon , sur les differens effets que les
fortes gelées d'hyver produisent sur les arbres ,
comparés à ceux que les gelées du Printemps y
produisent. En voici l'Extrait .
La Physique des Végétaux qui conduit à la.
perfection de l'Agriculture , est une de ces Sciences
dont le progrès ne s'augmente que par une
multitude d'Observations qui ne peuvent être
Pouvrage ni d'un seul homme , ni d'un temps borné;
aussi les Observations ne passent- elles gueres
pour certaines que lorsqu'elles ont été repétées et
combinées en differens lieux , en differentes sai-
6ons et par differentes personnes qui ayent eû les
mêmes idées ; ç'a été dans cette vûë que
M. du Hamel et M. de Buffon se sont réunis
pour travailler de concert à l'éclaircissement
d'un nombre de Phénomenes difficiles à expliquer
dans cette partie de l'Histoire de la Nature , de
la connoissance desquels il peut résulter une in
finité
MAY. 995 1737.
Anité de choses utiles dans la pratique de l'Agriculture
.
Des Observations sur l'excentricité des couches
igneuses , sur l'inégalité de l'épaisseur de
ces couches , sur les circonstances qui font que
l'Aubier se convertit plutôt en bois ou reste plus
long - temps dans son état d'Aubier , &c. ont été
les prémices de cette association , et des Observations
sur les differens effets que produisent sur
les Végétaux les grandes gelées d'hyver et les
petites qui viennent au Printemps , sont une suite
de cette même association .
Ces Mrs examinent d'abord les désordres que
les grandes gelées de l'hyver produisent sur les
arbres , et cet examen forme la premiere partie
du Mémoire , dans laquelle entr'autres iis détail
lent avec grande exactitude une maladie des arbres
peu ccoonnnnuuee,, et qu'ils apellent double Aubier.
Dans la seconde partie il s'agit des gelées qui
viennent au Printemps , et on y démontre 1º.
que ce n'est pas ordinairement dans les situa
tions ou aux expositions où il fait le plus grand
fraid es où il gele le plus fort , que la gelée fait
le plus de tort aux Vegetaux.
20. Que tout ce qui porte de l'humidité sur
les Plantes, rend la gelée plus dangereuse ; telies .
sont les pluyes , les brouillards , les vapeurs qui
s'échapent de la terre et des fumiers , la transpiration
des Plantes , & c. au contraire tout ce qui
desseche l'exterieur des Plantes , quand même
ce seroit en augmentant le froid , empêche que
la gelée n'endommage les Végetaux .
Ils entrent ensuite dans un examen des effets
que le Soleil produit sur les Plantes gelées , et ils
terminent ce Memoire par des refléxions utiles
996 MERCURE DE FRANCE
l'Agriculture , mais comme ce Memoire n'est
qu'un tissu d'Observations et d'Experiences qui
sont intimement liées les unes aux autres er qui
se servent mutuellement de preuves, il n'est guere
susceptible d'un Extrait .
Nous donnerons dans le prochain Journal
PExtrait du Mémoire de M. Mayran .
DISCOURS prononcé à l'Académie
Royale de Peinture et de Sculpture
le 4. May par M. Lépicié , Graveur
ordinaire du Roy , après avoir prêté
le Serment ordinaire pour la place de
Secretaire et Historiographe de cette
Académie , vacante par la mort de
M. de Saint Gelais.
I le zele tenoit lieu de capacité , je recevrois,
Messieurs , avec une joye sans égale l'honneur
que vous me faites aujourd'hui , mais puisque
l'inexperience est la source des fautes , fose attendre
que vous mettrez le comble à vos bontés , en m'aidant
de vos lumieres et de vos conseils , mon Prédecesseur
étoit un homme consommé dans les affaives
, illustrépar les differens Emplois dont le Ministere
l'avoit honoré , et qui n'avoit pas crû mieux
finir sa carriere , qu'en devenant votre Secretaire
et votre Historiographe. Heureux , Messieurs , sije
puis remplir avec succès la double place que vous
me confiez , et plus heureux encore si mon travail
et mon exactitude peuvent m'acquerir l'unanimité
de votre estime !
Louis-François Dubois de Saint Gelais , ancien
MAY. 1737. 997
eien Conseiller du Roy , Commissaire de Marine
à Amsterdam , Secretaire pour l'Espagne au
Congrès d'Utrech , Contrôleur des Rentes de
l'Hôtel de Ville de Paris , Secretaire et Historiographe
de l'Académie Royale de Peinture et
Sculpture , mourut en sa maison de Cires - les-
Marlou , en Beauvoisis , le 23. Avril dernier ,
dans la 68e année de son âge.
Estampes Nouvelles.
PREMIER LIVRE de Vases , inventés par
Edme Bouchardon , Sculpteur du Roy , gravés
par Huquier , 12. Pieces en hauteur .
SECOND LIVRE de Vases , inventés par
le inême Auteur et gravés par le même Graveur,
12. Pieces en hauteur .
RECUEIL de dessus de porte , inventés par
un des plus habiles Maîtres , gravés par Huquier,
7. Pieces en hauteur et en largeur , compris le
titre . Ce sont diverses Pieces de Gibier mort et
vivant ; Trophées de Musique , de Peinture , & c,
RECUEIL de differentes Charges , dessinées
à Rome par CHARLES VANLOO , Peintre
du Roy , et gravées par le Bas et Ravenet , 120
Pieces en hauteur ; figures d'hommes en pied et
assis , de diverses Nations.
LES CRIS DE PARIS , par Fran. Boucher,
gravés par le Bas et Ravenet , 12. Pieces en bauteur
; figures debout , hommes et femmes , sçavoir
, Rémouleur , Racommodeur de soufflets ,
de seaux et de paraplaye. Vendeuse de Noisettes
au litron , Vendeur de balais , Charbonnier,
Ramoneur ; Crêmiere ; Vendeur de Gâteaux et
Talmouses ; Chaudronnier ; Vendeuse de Raves;
Vinaigrier ; Laitiere.
Dit
98 MERCURE DE FRANCE
DIFFERENTES PENSE'ES D'CRNEMENS ,
et Arabesques à divers usages ; en deux Parties
de dix Pieces chacune en large , inventées par
Bellay , et gravées par Huquier.
PREMIER LIVRE de differens Morceaux
à l'usage de tous ceux qui s'apliquent aux Beaux
Arts, inventé par G. M. Oppenor , Architecte dde
Roy , et gravé par Huquier , 6. Pieces en hauteur.
SIX MORCEAUX en hauteur de la Suite
du Roman Comique , du Dessein de M. Qudry ,
Peintre du Roy , sçavoir , L'arrivée de l'Opérateur
dans l'Hôtellerie.
Ragotin dans le coffre.
Sérenade donnée par Ragotin,
Ragotin renversé dans la boue.
L'Olive rétrecit l'habit de Ragotin.
Ventouses données à Ragotin.
Comme on continue toujours à graver ce **
Suite , il y en a à présent 26. Morceaux.
Toutes les Estampes dont on vient de par
se débitent chés Huquier , vis - à - vis le grana
Châtelet. On trouvera tous les mois chés lui differentes
Nouveautés à l'usage des Artistes et de
Curieux. Il est assorti d'un très -grand nombre
de Desseins , qu'il a fait faire par les plus babiles
Maîtres pour cet usage.
yéc
Il paroît une grande Estampe en large , gra
par le sieur Et. Fessard , d'après une admi
rable composition de M. de Troy . C'est la Naissance
de Venus , traitée d'une maniere aussi riche
qu'ingénieuse et Poëtique Elle se vend chés
PAuteur, Place des Victoires , et ruë S. Jacques,
chés Duchange . On lit ces Vers au bas,
Quelque
MAY. 1737
999
Quelpouvoir inconnu ranime l'Univers !
Tout s'enflâme à la fois , et les Eaux et les Airs !
Un nouveau Dieuparoît ! c'est l'aimable Himenée,
Ilporte son flambeau sur la Terre étonnée
L'Astre disjour ressent de nouvelles ardeurs ;
Le Triton s'abandonne à de douses langueurs ;
Mais pourquoi.m'étonner de voir changer leMonde
La tendre Vénus sort du vaste sein de l'Onde.
Voici la 24 Estampe que le sieur Moyreats
hst au jour d'après Ph. Wauvermans. C'est une
taille , dont le Tableau original de 29. pouces
large , sur 21. de haut , est dans le Cabinet
M. Crozat. On lit au bas , Guerre des Huguesous
Charles IX. en 1562. Elle se vend avec
te la suite du même Maître , ruë Galande,
à - vis S. Blaise , chés l'Auteur .
Estampe que nous annonçons ici , a donné
à une conjecture assés singuliere , que nous
croyons pas qu'on doive absolument rejetter.
es Personnes intelligentes ont crû que Wauvremans
, en traitant ce Sujet bizare , avoit eû l'iagination
échauffée et guidée par la lecture du
acux Poëme Macaronique , fait il y a près de
b . ans par Remy Belleau , et intitulé : De Bello
Huguenotico , et Reïstrorum pigliamine .
En effet la Description du Poëte et les objets
représentés par le Peintre , se ressemblent à bien
des égards; le mélange du sérieux et du burlesque
s'y trouve également répandu, et pour peu qu'on
yeuille s'humaniser àlire des Vers Macaroniques,
on trouvera des ráports assés bien fondés entre
la nouvelle Estampe et P'Ouvrage Latin qui débute
par ces quatre Vers.
H Tempus
1000 MERCURE DE FRANCE
Tempus erat quo Mars rubicundam sanguine
spadam
Ficcarat croco , permutaratque Botilla ...
Ronflabatque super lardum vacuando barillos ;
Gaudebatque suum ad solem distendere ventrem..
Traduits ainsi par un de nos anciens Poëtes
Mars avoit mis au croc son Olinde vermeille ,
Il ne se battoit plus qu'à grands coups de Boud
teille ,
Et son énorme ventre au Soleil étendu ,
Prouvoit assés la graisse et le vin répandu ….. &cj
La suite des Portraits des grands Hommes
er des Personnes illustres dans les Arts et dans
les Sciences , se continue avec succès , ches.
Odieuvre , Matchand d'Estampes , sur le Quay
de l'Ecole. Il vient de faire paroître , et tou
jours de la même grandeur :
HENRIETTE- ANNE D'ANGLETERRE,
Duchesse d'Orleans , née à Excester le 16. Juin
1644. morte à S. Cloud le 39. Juin 1670. dessi
née et gravée par Cl. Mellan.
NINON DE LENCLOS , de Paris ,
morte le 17. Octobre 1705. âgée de 90. ans
peinte par Ferdinand, et gravée par G.F. Schmidt
$
GEORGES MARESCHAL , Conseiller ,
Premier Chirurgien du Roy , Chevalier de l'Ordre
de S. Michel , né à Calais en 1658. mort en
son Château de Bievre le 13. Décembre 173.6.
peint par Fontaine , et gravé par Daullé.
Ces Portraits ont toujours un grand débit , et
ces trois derniers sont gravés avec beaucoup de
soin.
DUQ
YORK
TOMMEMARY
ARTOR
, LURDX
AN TILDEN
FOUNDATIONE
992 MERCURE DE FRANCE
12. degrés à l'Ecliptique qu'elle a coupé dans
le 13e degré des Poissons.
Sa distance à la Terre a été jugée le 16. Février
, un peu moins du double de la distance de
la Terre au Soleil.
M. de Mairan lût ensuite un Discours sur la
propagation du son et des tons qui le modifient,
Après quoi M.Hellot û un Extrait de deux Me
moires sur une nouvelle Encre Sympatique , que
la chaleur fait paroître et qui disparoît au froid.
Ce qui a donné occasion à ces deux Memoires
est un Sel qu'un Artiste Allemand fit voir l'année
dernicie à quelques personnes de l'Académie.
Ce Sel , qui étoit couleur de rose , devenoit
bleu en l'aprochant du feu , puis reprenoit sa premiere
couleur en refroidissant . C'est la dissolu
ribu de ce Sel dans l'eau qui fait l'Encre Sympatique
en question . Quant à la matiere qui lui
donne sa teinture , c'est une mine Arsenicale
espece de Cobolt , qui fournit en même- temps
par les essais de l'Arsenic , du Bismuth ou Etain
de glace , et une matiere fixe au feu , qui , mêlée
par la fonte avec d'autres matieres aisées à
vitrifier , fait cette masse bleuë qu'on nomme
Smalt , et qui étant réduite en poudre fort fine
est connue ici sous le nom de bleu d'émail ou
d'azur. Au lieu d'introduire cette matiere fixe
colorante dans la substance d'un verre quelconque
, il n'y a qu'à l'enlever par l'eau forte , digerée
sur la mine réduite en poudre , elle teint
ce dissolvant en rouge sale ou en feuille morte
foncé , on survuide cette eau forte teinte , dans
une jatte de verre ou de porcelaine , on y met
autant de Sel de table blanc qu'on a employé de
Mine , et l'on desse che ce mêlange sur le feu en
une masse saline grainée , qui est verte tang
qu'elle
M, A Y. 1737. 993
qu'elle est chaude , et qui devient couleur de rose
en refroidissant. L'eau qu'on verse sur ce Sel
refroidi , le dissout et se teint de la couleur du
Lilas. On écrit avec cette Liqueur sur de bon
papier , on laisse secher l'écriture; rien ne paroît;
mais si on aproche le papier du feu , les caracte
res invisibles prennent une couleur bleuâtre on
bleue verdâtre.On laisse refroidir le papier à l'air .
l'écriture disparoît de nouveau Si on le chauffe
encore , elle reparoît , et ainsi de suite , alternativement
, et pendant très - long - temps sans diminution
de son effet quand la Mine est bienchoisie.
Tous les Cobolts donnent cette teinture
plus ou moins parfaite , selon la qualité des
matieres héterogones qu'ils contiennent . Le si
gne principal auquel on en reconnoît la bonne
espece , est cette couleur d'une bonne Bierre
rouge qu'il doit donner à l'eau forte.
Cette Encre Sympathique , qui par les pro
prietés qu'on vient de décrire , est differente de
toutes les autres Encres Sympathiques connues ,
peut devenir , pour ainsi dire , semblable à cha
cune d'elles , ou pour m'expliquer comme M.
He lot , elle peut entrer dans chacune des quatre
classes de ces Encres Sympathiques , qu'on trou
ve décrites dans divers Auteurs: La premiere
classe est celle des Encres dont l'écriture ne paroît
qu'en passant dessus une nouvelle liqueur ,
ou sa vapeur. La seconde comprend les Encres-
Sympathiques , dont les caracteres invisibles se
colorent à l'air. Dans la trosiéme sont les Liqueurs
glutineuses avec lesquelles on peut faire
une écriture qui ne paroît qu'en passant dessus
une poudre terreuse , fine et colorée . Enfin la
quatrième classe est celle des Encres dont l'écriure
ne peut être aperçuë qu'en chauffant vivement
•
994 MERCURE DE FRANCE
ment le papier. Mais toutes ces Encres ne disparoissent
plus d'elles - mêmes dès qu'une fois on
les a fait paroître . La principale proprieté de
l'Encre Sympathique du Mémoire dont nous
parlons est de paroître d'un verd bleuâtre , M.
Hellot a trouvé le moyen d'avoir de la même
matiere des Encres Sympathiques bleuë , verte de
differentes teintes , colombine , violette claire , incarnate
, couleur de rose , jaune de citron . Il ne
s'est rien réservé des procedés par lesquels il y
parvient , afin qu'un bon Dessinateur puisse faire
usage de ces couleurs sympathiques . Nous ne
pouvons le suivre de memoire , d'ailleurs ce que
nous donnons ici n'est qu'un abregé de l'Extrait
qu'il a lû.
M. du Hamel finit la Séance par un Memoire
des Observations qu'il a faites , conjointement
avec M. de Buffon , sur les differens effets que les
fortes gelées d'hyver produisent sur les arbres ,
comparés à ceux que les gelées du Printemps y
produisent. En voici l'Extrait.
La Physique des Végétaux qui conduit à la
perfection de l'Agriculture , est une de ces Sciences
dont le progrès ne s'augmente que par une
multitude d'Observations qui ne peuvent être
F'ouvrage ni d'un seul homme, ni d'un temps borné;
aussi les Observations ne passent- elles gueres
pour certaines que lorsqu'elles ont été repetées et
combinées en differens lieux , en differentes saisons
et par differentes personnes qui ayent eû les
mêmes idées ; ç'a été dans cette vûë que
M. du Hamel et M. de Buffon se sont réunis
pour travailler de concert à l'éclaircissement
d'un nombre de Phénomenes difficiles à expliquer
dans cette partie de l'Histoire de la Nature , de
la connoissance desquels il peut résulter une infinité
MAY.
1737. 995
nité de choses utiles dans la pratique de l'Agriculture
.
Des Observations sur l'excentricité des couches
ligneuses , sur l'inégalité de l'épaisseur de
ces couches , sur les circonstances qui font que
l'Aubier se convertit plutôt en bois ou reste plus
long-temps dans son état d'Aubier , &c . ont été
les prémices de cette association , et des Observations
sur les differens effets que produisent sur
les Végétaux les grandes gelées d'hyver et les
petites qui viennent au Printemps , sont une suite
de cette même association .
Ces Mrs examinent d'abord les désordres que
les grandes gelées de l'hyver produisent sur les
arbres , et cet examen forme la premiere partie
du Mémoire , dans laquelle entr'autres iis détail
lent avec grande exactitude une maladie des arbres
peu connue , et qu'ils apellent double Aubier.
Dans la seconde partie il s'agit des gelées qui
viennent au Printemps , et on y démontre 1º,
que ce n'est pas ordinairement dans les situa
tions ou aux expositions où il fait le plus grand
froid et où il gele le plus fort , que la gelée fait
le plus de tort aux Vegetaux.
20. Que tout ce qui porte de l'humidité sur
les Plantes, rend la gelée plus dangereuse ; telies.
sont les pluyes , les brouillards , Is vapeurs qui
s'échapent de la terre et des fumiers , la transpiration
des Plantes , & c . au contraire tout ce qui
desseche l'exterieur des Plantes , quand même
ce seroit en augmentant le froid , empêche que
la gelée n'endommage les Végetaux .
Ils entrent ensuite dans un examen des effets
que le Soleil produit sur les Plantes gelées , et ils
terminent ce Memoire par des refléxions utiles
à
PUBLIC
RE
ABTOR
,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
a
MAY. 1737
TOGE
DUO.
MArthe et Colin se sont mis en ménage ;
Un Moulin fait leur héritage ,
Eole en regle le destin
Si-tôt qu'il souffle , ils ont du vin.
Mais lorsqu'il a calmé sa fureur vagabonde ,
La guerre est allumée entre Marthe et Colin,
Il faut que le vent gronde
Po la paix soit au Moulin.
I
-set
PECTACLES.
Comédie qui a pour titre l'Ecole des
is, et qu'on croit être de M. de la Chausades
Quarante de l'Académie Françoise,
ayant été interrompuë à la dixiéme Représenta
tion , par l'indisposition d'un Acteur , fut reprise
vers la fin du Carême avec autant d'aplaudissemens
qu'elle en avoit eu dans sa naissance.
Nous allons satisfaire la juste impatience de nos
Lecteurs , par l'Extrait qu'ils attendent de nous.
Il ne faut pas chercher dans cette Piece , ce
tissu de plaisanteries qui divertit sans instruire.
C'est un genre nouveau , mais il n'en est pas
moins utile , pour faire un peu moins rire que
bien d'autres , d'où l'on ne raporte quelquefois
Hij que
100% MERCURE DE FRANCE
que la honte d'y avoir ri. A Dieu ne plaise que
nous prétendions borner la Comédie à instruire
seulement ; il faut instruire agréablement autant
que le comporte le Sujet qu'on traite.
Celui dont nous parlons présentement n'est
pas susceptible de ces ris immoderés qui sont à
la portée du plus grand nombre des Spectateurs ;
le genre aproche de l'héroïque ; les interlocu
teurs de la Piece , sont des Gens de Cour ou des
Officiers ; l'Auteur même a affecté de n'y point
mettre de Valets , sur qui , dans la plupart des
Comédies , roule toute l'intrigue ; il a pris soin
de n'y inserer qu'une Soubrette , qui n'a pas ,
beaucoup près, le feu d'imagination que ces sortes
de caracteres demandent. En effet Clorine
Suivante d'Hortense, qui est l'Héroïne de la Piea
ce?
ne
fait
rien
dans
tout
le premier
Acte
et dans
une
partie
du
second
, qui
sente
l'intriguante
;
nous
n'en
parlons
que
d'après
les
Connoisseurs
;
rien
n'est
plus
mal
imaginé
que
l'artifice
dont
elle
se sert
pour
occasionner
une
entrevûë
entre
Monrose
et sa Maîtresse
. Ce
Monrose
aime
avec
tant
de
délicatesse
, qu'il
évite
Hortense
dont
il
est
aimé
, quoi
qu'il
doute
de
l'être
; voici
com
ment
il s'exprime
en
parlant
à Clorine
,
Quandj'étois unpeu plus digne d'elle ,
Je l'ai vue insensible à l'ardeur la plus belle ;
Que seroit -ce à présent que je puis n'être rien ?
Comme il persiste dans le dessein de ne point
voir sa Maîtresse , voici de quel stratagême s'avise
Clorine; elle parle ainsi dans un Monologue
Fort bien. Il va se perdre en fuyant ma Maîtressen
Jeveux les raprocher tous deux avec adresse.
Ella
MAY. 1737. 1003
Elle rêve un moment ; que produira son imaż
ginative le voici.
Eh! le Portrait d'Hortense estpropre à cet effet.
Il faut lui procurer en secret ce bienfait ,
Et luifaire trouver par quelque stratagême
Cette heureuse ressource en dépit de lui- même.
Je veux que ce Portrait serve à vous réunir ;
Oui , Monsieur , je sçaurai vous forcer à venir
Le remettre vous- même entre les mains d'Hortense
Alors ils se verront ; l'Amour d'intelligence ,
Les menera plus loin qu'ils ne veulent tous deux.
Pour bien juger d'un stratagême , il faut d'abord
examiner si le piege est tendu d'une maniere
à pouvoir réussir ; c'est ce qu'on n'a pas
trouvé dans celui - ci . Clorine dans l'Acte suivant
dit au fond du Théatre :
Le Portrait est en vûë ,
Monrose va rentrer ; attendons -en l'issuë.
Mais quelle en doit être vrai-semblablement
l'issuë ? Ĉlorine est- elle sûre que Monrose rena
trera le premier ? Non , puisque c'est Aramont
qui ramasse le Portrait ; mais quand ce seroit
Monrose , qui répondra à cette trop crédule intriguante,
qu'il voudra bien le rendre à Hortense ?
N'y a-t'il pas plus d'aparence que prêt à quitter
l'original , il sera ravi d'emporter au moins la
copie ? L'Auteur semble avoir prévû cette critique
et y avoir répondu d'avance en faisant dire
à Monrose , parlant à Clorine du Portrait en
question , qu'on avoit fait peindre exprès pour
Jui et qu'on n'a pû lui faire tenir.
H iij Si
T004 MERCURE DE FRANCE
Si j'avois son Portrait , ilfaudroit le lui rendre
Ilfaudroit la revoir encore et me plonger ..
;
*
C'est , sans doute , sur ces deux Vers que Clorine
a fondé le succès de son stratagême ; mais
cela n sert qu'à faire mieux connoître la force
de l'objection , puisque l'Auteur la sentie tout le
premier cependant ce qu'il y a de plus vrai-semblable
, c'est que Monrose auroit emporté le Portrait
, ou que , suposé qu'il eût porté le scrupule
jusqu'à n'oser retenir une chose qui lui avoit
été destinée , il auroit pû exempter sa probité de
tout reproche , en remettant le Portrait d'Hortense
entre les mans de sa Confidente .
Nous nous sommes peut-être un peu trop
arrêtés à ces minuties ; mais nous allons dédom
mager l'Auteur de cette legere Critique , par les
beautés de détail dont ce premier Acte est rempli
, beautés d'autant plus précieuses qu'elles sont
tirées du fond de la Piece , puisqu'elles regardent
le choix des Amis .
Clorine nous a déja exposé le caractere des
Amis de Monrose dès la seconde Scene .
Ses Amis auront beau le servir de leur mieux ;
L'un d'eux n'est qu'un bon homme, ardent, officieux
Qui tracasse et qui veut toujours être de fête ;
L'autre n'a que du faste et du vent dans la tête.
Clorine ne parle pas d'un troisiéme qui mérite
beaucoup mieux le nom respectable d'Ami , c'est
Ariste ; nous en parlerons après avoir montré le
ridicule des deux premiers.
Quoi qu'Aramont soit donné dans la Piece
comme un Ami d'une espece équivoque , on peut
dire
MAY. 1737. 1005
dire de lui qu'il peche plutôt par l'esprit que par
le coeur. Voici comme il parle des Amis qui vous
abandonnent,dès que la fortune vous est contraire.
Cette espece d'Amis n'est pas la moins commune į
Habiles à prévoir de loin une infortune ,
Ils ne paroissent plus dans les temps orageux ;
Le calme revient - il ? on peut compter sur eux ;"
Il ramene avec lui leur troupe mercenaire ;
Dans le Monde en un mot , c'est l'usage ordinaire,
Quifut et qui sera toujours comme aujourd'hui ;
On n'aime à partager que
le bonheur d'autrui
:
Il s'en faut bien que Dornane ait le coeur aussi
bon qu'Aramont. On peut même avancer hardiment
que c'est un très- mal- honnête homme ;
voici quels sont ses sentimens sur l'amitié , c'est
lui-même qui parle à Aramont , au sujet d'Ariste,
dont l'amitié lui paroît douteuse , parce qu'elle
ne paroît pas avec assés d'éclat pour être véritable.
Quand on est tel,croi moi , l'on s'annonce autrement.
En effet , l'amitié donne un air moins austere ;
Un véritable Ami n'a d'autre caractere ,
Que celui qui nous plait ; il se regle sur nous ;
Hadopte nos moeurs , il se fait à nos goûts ;
Il se métamorphose au gré de nos caprices ;
Il prend nos passions , nos vertus et ños vices ,
C'est un Cameleon qui reçoit tour- a - tour ...
Ariste , qui écoute sans se montrer , ne peut
Jui laisser achever une peinture si injurieuse à a
Hij véritable
1006 MERCURE DE FRANCE
véritable amitié , et lui répond en l'interrompany
brusquement :
Ce Portrait-la, Monsieur, est celui de l'Amour,
II continue ainsi :
Les Amis de Monrose étoient sur le tapis
Vous paroissez avoir épuisé la matiere ,
Et Monrose vous doit sa confiance entiere ;
Qui par provision , vous nous excluez tous
Il ne doit plus compter sur d'autres que sur vous ♬
Vous suffirezà tout , du moins je le souhaite ;
L'amitié qui se vante est souvent indiscrète ;
Cependant , trouvez bon qu'au rang de ses Amis
Quelqu'autre puisse encore avec vous être mis ;
L'Amitié n'admet point de basses jalousies ;
C'est à l'Amour qu'il faut laisser ces frenesies.
L'arrivée de Monrose empêche que cette pe
tite altercation ne soit poussée plus loin ; Mon
rose aprend à Aramont et à Dornane , que ses
affaires sont sur un bon pied à la Cour , et que
tout le monde lui en fait compliment . Ariste le
blâme de prêter l'oreille à des bruits qui ont si
peu de fondement ; Dornane prend un parti
tout oposé , et dit à Monrose , en parlant des
prétendus faux Bruits :
Les empêcher ! je dis que c'est un coup d'Etat ;-
On n'y sçauroit donner trop de cours et d'éclat
Sur la foi de ce bruit heureux et profitable ,
Chacun trouve que rien n'étoit plus équitable
Tout le monde aplaudit ; je vous laisse à penser
MAY. 1737. 1007
Si la Cour qui le voit poura se dispenser
D'un Acte d'équité que l'on trouve à sa place ;
Il ne dépend plus d'elle , il faut qu'elle le fasse,
Et qu'enfin elle cede à la nécessité.
Ariste ne pouvant soûtenir un conseil si dan
gereux, et craignant d'éclater , prie Monrose de
vouloir bien l'attendre chés lui , afin qu'il puisse
l'entretenir sans témoins ; Monrose y consent ;
Ariste se retire ; Dornane et Aramont en font
bien-tôt autant , et Monrose finit le premir Acte
par ces deux Vers :
Hortense est- il possible ? ... ab !' qu'il me seroit doux
D'avoir à vous offrir un rang digne de vous !
à
Ariste et Monrose commencent le second Acte,
Monrose fait connoître par un à parte que c'est
regret qu'il va écouter ce qu'Ariste peut avoir
à lui dire ; Ariste lui fait une leçon dans laquelle
brille le caractere d'un véritable Ami ; la voici ::
'
Vous entrez dans le Monde , et vous allezp aroître
Sur ce fameux Théatre , où j'ignore comment
Fai pû me soutenir jusques à ce moment.
Vous n'êtes pas encore instruit de ses mysteres.
Jusqu'ici vos emplois , vos devoirs militaires ,
Vous en ont écarté. La Cour est en tout temps:
Une Terre inconnuë à tous ses Habitans.
Après un long séjour , après un long usage »
On s'y retrouve encore à son aprentissage ;
On y marche toujours sur des pieges nouveaux: -
On y vit entouré d'un Peuple de Rivaux ,
Ну Q
1cc8 MERCURE DE FRANCE
Cu d'Amis dangereux . Heureux qui les devine !
On n'y peut s'élever que sur quelque ruine ;
On n'y peut profiter que des fautes d'autrui.
Tel, au gré de ses voeux, s'y maintient aujourd'hui,
Qui demain ne poura faire tête à l'orage ,
Et l'onfinit souvent par y faire nauffrage.
Mais d'après ce Portrait qu'on ne peut qu'ébaucher ›
N'avez- vous en secret rien à vous reprocher ?
Monrose , que ses imprudens Amis ont plongé
dans une funeste sécurité , brave tous les périls
qu'Ariste veut lui faire entrevor , et croit qu'on
ne sçauroit , sans injustice , lui refuser l'Emplo
que son oncle a laissé vacant par sa mort ; Aris--
te , en vrai et fidele Ami , lui répond ainsi :
être
2
Vous vousfaites un droit qui pouroit ne pas
Vos Ayeux ont chacun obtenu dans leur temps
Le prix que·méritoient leurs services constans
Ce sont leurs actions , plutôt que leurs Ancêtres
Quiles ontfait combler des faveurs de leursMaîtresă,
Et monter aux honneurs que vous sollicitez ;
Les bienfaits sont à ceux qui les ont mérités,
Les graces ne sont point des biens hereditaires 3 €
Nous n'en sommes jamais que les dépositaires ; :
"Inais par la même voye on peut les obtenir.
Vos Peres ont laissé leur nom à soutenir ,
Leur vertu , leur exemple et leur carriere à suivre
Voilà cequ'après eux ilfaut faire revivre ,
Elt dont wous vous devez mettre en possession ;-
That ldcreste- n'est pas de leur succession.
Dess
MAY. 1737.
Des maximes si sages produisent dans le coeur
de Monrose le fruit qu'Ariste s'en est promis ; ik
lui rend une Lettre que Dornane lui avoit conseillé
d'écrire au Ministre , et qui est heureuse .
men passée en de plus fidelle malas , attenda
qu'elle l'auroit perdu si elle fût parvenue à la
Cour,par la présomption dont elle etoit remplie.
Après ces citations , qui font un honneur infini
à l'Auteur, nos Lecteurs doivent trouver bon
que nous n'en grossissions pas davantage cet Extrait
, et que nous nous attachions un quement
à l'action Théatrale , qui a beaucoup de mérite ,
tant par sa simplicité que par l'ordre qui y regne.
Monrose ouvre les yeux ; il reconnoit Ariste
pour un véritable Ami , et se résoud à se livrer
tout entier à ses fideles conseils , Ariste ne s'ou
vre point à lui sur les soins qu'il prend secretement
pour sa fortune , de peur qu'il n'ait la foiblesse
d'en faire part à Aramont et sur tout à
Dornane.
Le premier soin qui occupe Ariste , c'est de
tacher de pénetrer dans le coeur d'Hortense .
pour agir en conséquence ; Hortense plus déiante
qu'il n'avoit présumé, ne lui déclar point
e penchant qu'elle a pour Mo rose , mais il ne
laisse pas d'en entrevoir assés pour s'aff rmir
dans le dessein qu'il a formé de l´s unir ensemble
, il le fait connoître par ce Vers :
Ah ! je ne m'étois pas trompé dans mon at'ente .
Nous avons déja parlé du stratagême de C
rine ; comme il ne meritoit pas de réussir , nous
n'en dirons rien de plus ; ce qui nous reste à dire
est beaucoup plus important.
Monrose vient aprendre à Aramont et à Dor
nane , qu'il n'a plus rien à prétendre du côté de
a Cour et qu'un autre que lui vient d'être pour
H vj !
JOTO MERCURE DE FRANCE
1
vû du Gouvernement de feu son Oncle. Dornane
ne peut croire une injustice si criante.
Monrose veut vendre son Régiment pour payer
ses dettes ; Dornane s'y opose , parce qu'il croit
qu'il n'est rien de plus ourgeois que de satifaire
ses Créanciers ; L le quitte pour un moment, et
revient pour lui demander la préference, en cas
qu'il soit réduit à vendre son Régiment ; Mon◄
rose a le coeur assés bon pour la lui promettre ,
quoiqu'Aramot lui dise que ce préten u Acheteur
n'a point d'argent. Le reste de ce second Acts
n'a rien d'assés interessant pour nous arrêter ; il
fini par un germe d'action que nous verrons
éclore dans le troisiéme ; c'est un projet d'Aramont
, dont nous avons déja remarqué qu'il
peche plutôt par l'esprit que par le coeur ; il imagine
de rendre Hortense jalouse , pour réveiller
Pamour qu'elle avoit pour Monrose ; voici par
ou Aramont fait connoître son projet aux Spectateurs
e finit le second Acte :
Nous n'avons plus qu'Hortense en cette extrémité,
Allons hater le coup que j'ai prémédité ;
Portons au coeur d'Hortense une atteinte fatale ;
Faisons lui redouter une heureuse Rivale ;
Et , puisqu'il faut contre elle employer ce détour ,
Armons la Jalousie en faveur de l'Amour、
Le troisieme Acte a parû le plus beau et le
plus interessant de la Piece ; Ariste fait connoître
par un court Monologue les raisons qui
Pobligent à cacher à Monrose les démarches secrettes
qu'il fait pour lui à la Cour. Monrose
vient ; Ariste n'oublie rien pour le detourner du
dessein qu'il a formé de vendre son Régiment. Il
lui dit entre autres choses :
Empêchex
MAY. 1737 IOLE
Empechez cependant qu'on n'aille débiter
A la Cour et partout que vous voulez quitter
Um bruit si ridicule a l'air d'une menace .
Ou du moins d'un dépit qui n'est pas à sa place!
Il ajoûte en parlant des faux amis , à qui on se
livre trop facilement.
;
Ne croyez pas , Monsieur , que je taxe personne
Dans ces reflexions que je vous abandonne..
Quand j'y pense, entre nous , je vois présentemene
Que l'amitié se donne et se prend aisément.
Elle est , comme l'Amour , hazardeuse et legere
Une conformité frivole et passagere",
D'âge , d'état , d'humeur et sur tout de plaisir,,
Sans. nul autre examen suffit pour nous saisir
Nous nous associons , comme onfait en voyage
Sans sçavoir avec qui le hazard nous engage ,
Et l'on devient Ami comme on devient Amant ;
Pour faire une Maîtresse il nefaut qu'un moment .
Mais l'amitié , du moins comme je l'envisage
De part et d'autre , exige un long aprentissage,
Et vous devez sçavoir à vos propres dépens ,
Qu'un Ami véritable est l'ouvrage du temps .
Revenons à l'Action. Ariste quitte Monrose ,
pour aller à la Cour , où il lui promet de ne le
pas oublier. Monrose se retire un moment après;
Clorine , qui lui faccede , ne dit que deux Vers;
Hortense vient avec un Billet à la main , elle
Pa ouvert par méprise, croyant qu'il s'adressoit
à elle , cependant comme c'est pour Monrose
qu'il
To12 MERCURE DE FRANCE
ger
qu'il est écrit , elle veut le lui remettre , quoi
qu'il soit de la main d'une Rivale qui lui fait des -
offres capables de le tenter . Elle ordonne à Clorie
d'aller chercher Aramont, qu'elle veut chardu
soin de rendre ce Billet à son Ami.
Hortense , en attendant le retour de Clorine ,
refléchit sur sa situation ; elle sent toute la dou
leur d'avoir une Rivale ; mais elle s'en console
un peu , par la flateuse penseé de l'avoir prévenue
en generosité , et par là l'Auteur nous fair
pressentir ce que nous verrons dans la suite;nous
n'avons garde de blâmer ces petites précautions
mais quelquefois pour trop instruire elles ôtent
le plaisir de la surprise , qui est ce qu'il y a de
plus picquant dans les Pieces de Théatre.
Clorine revient toute éperduë ; elle annonce à
sa Maîtresse qu'on vient de lever le scellé chés
le feu Oncle de Monrose et qu'on n'y a rien →
trouvé ; cette nouvelle l'afflige plus pour M
rose que pour elle- même , quoique tout s
bien eût été mis en dépôt chès cet Oncle. El
se réjouit en secret de ce que le plus nécessai
lui est resté ; ce sont ses Pierreries , dont
aprendra bientôt la destination .
Aramont vient , Hörtense renvoye Clorir
elle fait promettre à Aramont avec serment q
exécutera ce qu'elle va exiger de lui ; Aramo
s'y engage, Dans le temps qu'elle va lui dire a
quoi il s'agit , Clorine , fondant en larmes , vient
lui annoncer qu'elle ne trouve pas ses Pierreries,
et qu'elle ne doute nullement qu'elles n'ayent
été volées. Hortense reçoit ce nouveau coup du
sort avec tant d'indifference , que Clorine com
mence à soupçonner , ou plutôt qu'elle devine
quoiqu'assés gratuitement, la vé ité du fait Com
me elle veut expliquer ses soupçons , sa Maîtresse
la
Μ᾿ ΑΥ.
1737. 101f
la chasse ; et se trouvant seule avec Aramont ,
elle poursuit la conversation interromptë ; elle
lui aprend que ses Pierreries ne sont pas perdues
et qu'elle les a envoyés chés lui afin qu'elles
servent à payer les Créanciers de Monrose , Ara--
mont , après quelque résistance , se rend enfin.
Cette Sc ne est interrompue par l'arrivée de
Monrose, qui voit Hortense pour la premiere foiset
qui voudroit bien ne l'avoir point rencontrée;
Hortense après lui avoir demandé l'état de ses
affaires, lui dit qu'il n'est pas abandonné de tout
le monde , et lui remet entre les mains la Let- ·
tre d'une Rivale prétendue . Monrose est bien surpris
à la lecture de cette Lettre , qu'il croit être
de la ma n d'Hortense ; on lui offre tous les secours
qu'il peut esperer , pourvu qu'il renonce à à
tout autre amour ; il communique la Lettre à
Aramont , qui est bien plus étouné à son tour de
voir que c'est la même qu'il s'est avisé d'écri◄-
re pour picquer Hortense par la jalousie ; Monrose
se détermine à répondre à l'inconnue , sans
sçavoir à qui il doit s'adresser ; Aramont lui dit
que ce n'est pas la peine , et lui avoué que c'est
i-même qui a écrit ce Billet pour rendre Horinse
jalouse. Cet Acte finit par une generosité
ue fait Monrose ; comme il a apris qu'on n'a
ien trouvé sous le scellé de son Oncle , et qu'il
s'accuse par-là ' avoirpart au malheur d'Hortense
, il met une Procuration entre les mains d'A~~
ramont et le charge de vendre une Terre qui
lui reste, à quelque prix que ce soit , et de don
ner à Hortense tout l'argent qu'il en poura retirer.
Aramont n'y veut pas consentir; mais Mon- -
rose refuse de reprendre sa Procuration , et le
quitte après lui avoir dit un éternel adieu. Nous
abregerons les deux derniers Actes qui nous res
tent ,
1614 MERCURE DE FRANCE
sent, pour ne point passer les bornes ordinaires.
Le quatrième Acte ne cede guere au troisiéme
en beautés de fond et de détail , nous ne pou
vons nous attacher qu'aux beautés de fond,par la
Faison que nous venons de dire ; voici quel est
Fordre des Scenes. La premiere qui est entre
Aramont et Clorine , ne sert proprement qu'à
faire entendre ce qui s'est passé dans l'Entre - Ac
te. Aramont veut empêcher Clorine de faire de
nouvelles tentatives , pour suivre Hortense au
Convent , où elle a résolu d'aller s'ensevelir ;
comme il n'a aucun interêt dans son sort , l'Auteur
n'a pu faire entre eux qu'une Scene un peu
froide , quoique bien écrite. Clorine qui a déja
soupçonné Aramont d'avoir reçu les Pierreries de
sa Maîtresse , pour en faire l'usage qu'elle lui a
prescrit , fait connoître en le quittant qu'elle va
lui faire une tracasserie avec Monrose.
Hortense demande à Aramont s'il lui.a' tenu
parole au sujet du dépôt qu'elle a mis entre ses
mains ; Aramont lui dit qu'il doit bien s'en gar
der depuis qu'il a apris qu'elle est ruinée ; Hortense
lui reproche son manque de foi , mais inu
lement ; ne pouvant rien gagner sur lui , elle
le quitte sans vouloir reprendre ses Pierreries.
Monrose instruit par Clorine , vient demander
à Aramont s'il est vrai qu'il ait accepté les Pier--
reries en question , pour en faire l'usage qu'Hore
tense exige de lui Aramont garde un silence que
Monrose prend pour un aveu du prétendu crime
dont on P'accuse .
Un Valet aporte un paquet à Monrose ; il est
tout étonné d'y trouver tous ses Billets acquités ;
le premier soupçon qui le frape , c'est qu'ils ont
été payés par la vente des Pierreries d'Hortense ;
Aramont s'en justifie en l'assurant qu'elles sont:
encore
MAY. 1737. TOTS
encore chés lui ; Monrose ne sçait à qui attri
buer cet acte de generosité ; ce qui l'occupe le
plus c'est un aveu que lui fait Aramont de tous
fes services qu'il a prétendu lui rendre , comme
d'avoir apris à Hortense qu'elle est ruinée, quoiqu'il
fut convenu avec Monrose de le lui laisser
ignorer ; il lui avoie même qu'il a dit à Hortense
qu'elle ne devoit plus compter sur son
coeur ; ce dernier coup accable Monrose.
Dornane vient lui en porter un encore plus
sensible ; il lui aprend qu'Ariste l'a trahi, et qu'il
l'a suplanté en se faisant donner le Gouvernement
de feu son Oncle. Monrose a de la peine
à le croire , mais enfin ne pouvant plus en douter
, il l'excuse par ces Vers.
J'étois exclus ; je n'y pouvois prétendre ,
C'étoient des biens vacāns , des graces à répandre 3
Ariste en étoit digne ; il en est revétu
Et la Cour a du moins décoré la vertu.
;
Dornane après avoir imprudemment conseillé
* Monrose de tirer raison de la prétenduë perfidie
d'Ariste , part pour la Cour ; Monrose prie
plus que jamais Aramont de vendre la Terre pour
laquelle il lui a donné sa Procuration ; Aramont
n'en veut rien faire . Clorine vient avertir
Monrose qu'Hortense va partir pour le Convent;
Monrose court chés elle pour l'en détourner.
Cette seconde Scene entre Aramont et Clorine
n'est guère plus nécessaire que l'a été la précédente
dans ce même Acte.
Le quatriéme Acte finit par une Scene trèstouchante
entre Monrose et Hortense ; cetre
Amante affligée y fait paroître des sentimens
sout à-fait héroïques , auxquels Monrose répond
d'une
1016 MERCURE DE FRANCE
d'une maniere à faire voir que ces deux Amans"
sont dignes l'un de l'autre. Nous allons être en
core plus succints dans le dernier Acte .
Monrose et Aramont ouvrent la Scene ; cedernier
, pour empêcher son Ami de partir , lui
aprend que l'honneur de l'un et de l'autre exigent
qu'il rest ; ii le prouve par une Lettre qu'il
vient de recevoir de Dornane , elle est con
çûë en ces termes :
Je t'écris à la bâte ; Ariste , non content
Des biens de notre Ami , lui ravit sa Maîtresse
Il l'a fait demander le fait est irès constant.
Tu lui diras , en cas que cela l'interesse.
A propos ; on le croit riche , et jc ie l'aprends
';
Entre nous , tu lui vaux cette galanterie ;
On l'accuse d'avoir détourné ... tu m'entends
Fais cesser au plutôt cette plaisanterie.
Cette derniere calomnie met le comble au désespoir
de Monrose ; il en est d'autant plus acca
Blé , que les aparences sont co tre lui , et qu'il·
ne donte point que Clorine ne dise par tout que
sa Maîtresse lui a remis ses Pierreries pour en
dispo er à son gré , il veut plus que jamais par--
tir d'un lieu où sa gloire est si indignement
soupçonnée .
Un Garde vient l'arrêter sans pouvoir lui dire
pourquoi. Tout indigné qu'il est de se voir traiter
en Criminel , il ne laisse pas d'être prêt à se
soumettre aux ordres de la Cour ; mais le Garde
lui dit qu'il lui est seulement consigné. Aramont
prie le Garde de passer dans un des Apartemens
de la maison . Pendant l'accablement où se trouve
Monrose, Hortense vient le consoler , elle n'ou
blig
MAY. 1737. 1017
Blie rien pour l'arracher aux résolutions les plus
funestes ; sensible à ces marques d'amour, Mon
rose se jette à ses pieds, prêt à faire tout ce qu'elle
lui ordonnera ; cette Scene est des plus tendres.
Aramont qui s'étoit retiré pour les laisser parler
avec plus de liberté , revient pour leur aprendre
qu'Ariste aproche. Hortense qui a apris de Monrose
qu'il aspire à son hymen , se prépare à lei
faire une étrange accueil ; elle lui parle dabord:
avec beaucoup de vivacité , de colere et d'indignation
; mais elle est agréablemen : surprise aussi
bien que Monrose et Aramont , d'aprendre
que ce prétendu persécuteur est le plus genereux
bienfaicteur qui fût jamais . Ariste leur rend
compte de toute sa conduite , dont il ne leur a
fait un secret que par un effet de prudence : il dit
à Hortense que l'Oncle de Monrose avoit déposé
tous ses biens chés un Notaire ; il aprend
à Monrose qu'il a brigué le Gouvernement que
son Oncle avoit laissé vacant par sa mort , de
peur que quelqu'autre ne s'en fîc pourvo r ; qu'il
a obtenu la grace toute entiere de la Cour, et que
le Prince consent qu'il s'en démette en sa faveur,
il ajoûte qu'il n'a fait défendre à Hortense d en
trer dans un Convent que pour la lui faire pos
seder. La Piece finit par ces quatre Vers que
Monrose charmé adresse dabord à sa chere Hortense
, et après au génereux Ariste .
Ah ! Madame , souffrez que mon coeur se partage,
Monsieur , je ne puis rien vous offrir davantage.
O Fortune , je sens et j'éprouve à présent
Qu'un Ami véritable est ton plus grand présent.
Quoiqu'on soit encore partagé sur ce nouveaus
genic de Comédie, les Connoisseurs les plus sensés
.
for8 MERCURE DE FRANCE
sés conviennent qu'il seroit à souhaiter qu'il eût
des imitateurs , les jeunes gens qui font le plus
grand nombre des Spectateurs et qui préférent
Pagréable à l'utile, y perdroient, mais les moeurs
y gagneroient infiniment.
Cette Piece est très- bien imprimée in 12. chés
le Breton , Quay des Augustins , et mérite le
grand débit qu'elle a.
Le 6. Mai , l'Académie Royale de Musique ,
donna par extraordinaire et pour la Capitation
des Acteurs : représentation de l'Opera de
Persée , qui fut suivie du Pas de Six et du Divertiffement
de Pourceaugnac.
Le 9.Elle donna la premiere représentation d'un
Ballet nouveau, composé d'un Prologue et de trois
Entrées , intitulé le Triomphe de l'Harmonie ; le
Poëme est de M. le F. et la Musique de M.
Grenet , Maître de Musique de l'Académie ,
Comme cet Ouvrage a été reçû favorablement
du Public , nous en parlerons plus au long
ainsi que des Décorations qui expriment trèsbien
, et avec pompe , les differentes Scenes de
ce Ballet. On assure qu'il sera succedé par
celui des Amours des Dieux , qui fut donné.
dans sa nouveauté , il y a dix ans , et dont le
Poëme est de M. Fuzelier , et la Musique de
M. Mouret.
Les Comédiens François repetent une Tragédie
nouvelle pour être représentée incessam
ment. Elle a pour titre Lisimachus.
NOW!!
MAY. 1737 1819
*************** XXX
NOUVELLES ETRANGERES.
RUSSIE.
E 25. Mars , S. M. Cz. reçut un Courier
par lequel elle aprit que le Contre- Amiral
Bredahl étoit arrivé à Asoph avec les Galeres
qu'on a construites cet hyver à Bransch et à Ve
ronitz , et qui font faites de maniere qu'elles
peuvent le démonter et se remonter facilement;
que ce Contre-Amiral étoit descendu avec une
partie de ces Galeres à l'embouchure du Fleuve
du Tanais; qu'il y avoit fait la revue de la Flotte
qu'il avoit trouvée en très- bon état , et que
deux Bâtimens qu'il avoit envoyés à la découverte
dans la Mer Noire , s'étoient emparés
d'un Brigantin Turc , qui alloit de Constantinople
à Caffa , sur lequel on avoit fait 126.
Esclaves ; et que les Turcs pris fur ce Brigantin
avoient assuré que le Capitan Pacha faifoit toutes
les dispositions nécessaires , pour que la Flotte'
Au Grand Seigneur pût être mise en Mer au
Commencement du mois de Mai.
On assure que le G. S. auroit accordé à la
Czarine une partie de ses demandes , et peutêtre
même lui auroit cedé Asoph , si les Jannissaires
et le Peuple de Constantinople , ayant été
informés de ce que contenoient les Articles Préliminaires
proposés par S. M. Cz. ne s'étoient
attroupés plusieurs fois tumultueusement pour
demander la continuation de la Guerre et que
Hautesse avoit lieu de craindre d'exciter le
méconten
1010 MERCURE DE FRANCE
mécontentement de ses Sujets , si elle accepteit
les conditions que la Czarine exigeoit d'elle.
ALLEMAGNE.
Es Lettres de Vienne portent qu'on a apris
Lde Parax dans la Haute Hongrie , que le feu
y ayant pris dernierement à une écurie du Château
, les flammes avoient gagné en peu de tems
le principal corps de logis , d'où elles s'étoient
communiquées à l'Eglise des Jesuites , qui a été
entierement consumée , ainsi que leur Maison,
leur College et le Convent des Religieux Trinitaires.
Par le Courier de Bender , arrivé à Vienne le
12. du mois , on a apris que M. Dahlman ayane
fait de nouvelles instances pour obtenir une déclaration
positive de la Porte sur les Articles Préliminaires
de Paix proposés par l'Empereur , le
Grand Visir avoit répondu qu'il n'étoit pas encore
instruit des réfolutions du Grand Seigneur
qu'au refte Sa Hautesse ne risquoit rien à refuser
des conditions aussi désavantageuses que celles
qu'on vouloit sur imposer, et que les Moscovites
ne pourroient porter plus loin leurs prétentions
si les Turcs avoient éprouvé les plus mauvais suc
cès, et s'ils avoient perdu plusieurs Batailles.
Un autre Courier a raporté que le Grand Vi.
sir , quelques jours après la conference dans la
quelle il avoit témoigné à M. Dahlman , que la
Porte étoit peu satisfaite des propositions de S.
M. Imp. lui avoit fait sçavoir par un de ses In
terprétes qu'il avoit dépêché un Aga au Grand
Seigneur ,pour lui donner part de ce que contenoit
la seconde Lettre du Comte de Konigseg
et pour suplier Sa Hautesse de lui mander ses
intentions "
MAY. 1 ཏ ; 7 , 1021
intentions ; et que le Grand Visir avoit ajouté
que le Grand Seigneur , voulant donner des preu
ves du desir sincere qu'il avoit de faire tout son
possible pour lever les difficultés qui pouvoient
retarder le Congrés, consentoit qu'il ne s'assem
blât point à Sorocka , puisque la Czarine trouvoit
que cette Ville étoit trop éloignée des fron
tieres de ses Etats et qu'il offroit d'envoyer ses
Ministres Plenipotentiaires à Oczakow ou à
Kudac.
L'Empereur a envoyé ordre à M. Dahlman
de déclarer au Grand Visir , que si la Porte ne
s'expliquoit pas clairement avant le 15. du mois
de May , sur le projet d'accommodement pro
posé , il ne pouroit se dispenser de remplir les
engagemens qu'il avoit pris avec la Czarine.
Les Lettres de Vienne de la fin du mois der
nier,portent que,quoique le GrandVisir fasse toutes
les dispositions nécessaires pour commencer
les actes d'hostilité contre les Moscovites , et
qu'il paroisse être dans le dessein de hasarder une
bataille pour les empêcher d'entreprendre le Siés
ge.d'Oczakow , il a renouvel é encore depuis
peu les assurances qu'il a déja données plusieurs
fois à M. Dahlman du desir sincere qu'avoit le
Grand Seigneur de parvenir à un accommodement
avec la Czarine. Il lui a même fait dire
quelques jours avant que de partir pour Bender ,
qu'il ne s'y rendoit que pour être plus à portée
du lieu où se tiendroit le Congrés , que sa Hau
tesse souhaiteroit de pouvoir y envoyer dès à
present ses Ministres Plenipotentiaires , mais que
le Bairam , dans lequel on alloit entrer . obli
geoit de differer leur départ ; qu'ils partiroient
certainement de Constantinople aussi - tôt après
que ce temps de devotion seroit passé , et que les
mouvemens
1022 MERCURE DE FRANCE
mouvemens que faisoient les Troupes Ottoma→
nes n'étoient causés que par la necessité de les
faire changer de quartiers pour leur procurer
une plus grande abondance de vivres et de fourages.
L'Aga que le Grand Visir a envoyé à M.
Dablman pour l'assurer que le Grand Seigneur
persistoit à vouloir la paix , a ajouté que quelque
positive que fût la déclaration contenue dans
la seconde Lettre du Comte de Konigseg au G.
Visir , Sa Hautesse ne pouroit se persuader que
Empereur fût déterminé à lui faire la guerre ,
si les prétentions excessives de la Czarine étoient
le seul obstacle au succès des Négociations , er
que si S. M. Imp. vouloit observer la neutralité,
et se conformer au Traité de Passarowitz
elle pouvoit se procurer par- là des avantages
plus certains que ceux qu'elle se promettoit de la
guerre,
L
ITALIE.
Es. Avril on publia à Rome le Decretpour
la Canonisation de la Bienheureuse Cathe-
Tine Fieschi de Genes , dont la Cérémonie a dů
se faire le 28. ainsi que celle de la Canonisation
des Bienheureux Vincent et Regis ; et de la
Bienheureuse Falconieri.
La correspondance étant rétablie entre les
Cours de Vienne et de Madrid , le Cardinal
'Aquaviva , chargé des affaires du Roy d'Espagne
auprès du Saint Siege , envoya le 7. Avril
dernier complimenter à cette occasion le Car
dinal del Giudice.
La Congrégation des Rites a décidé que dans
La Cérémonie de la Canonisation des Bienheueux
Vincent et Regis , ce premier auroit la
préséance
MAY.
1737. 1023
préséance comme Fondateur d'Ordre.
Le Comte Trivelli , célebre Poëte , et Jean-
Baptiste Jacoboni , Prêtre , Auteurs des Satyres
répandues à Rome depuis quelque temps contre
le S. Siege, et contre les Personnes les plus considerables
, ont été condamnés à mort , le premier
eut la tête tranchée dans la Place du Pont
Saint- Ange , le 23. Février dernier . Il reconnue
en mourant le mauvais usage qu'il avoit fait de
ses talens . Le Pere Santo Canale , Jesuite , qui
Pexhorta à la mort , eut bien de la peine à lui
faire entendre raison sur la Religion , voulant
mourir dans les sentimens de libertinage dans
lesquels il avoit vêcu , et il ne se rendit aux vives
instances de son Confesseur que peu de tems
avant qu'on le menât au suplice. It donna des
marques d'un sincere repentir , et mourut avec
beaucoup de fermeté et de résignation , Le Prêtre
Jacoboni fut condamné au même suplice ; on
2 commué sa peine en celle des Galeres , le Car
dinal Guadagni , l'un des plus maltraités dans
ees Satyres , ayant vivement et généreusement
sollicité pour lui sauver la vie.
.
En conséquence de l'ordre envoyé par l'Empereur
au Comte de Traun , de prendre posses
sion des Duchés de Parme et de Plaisance , au
nom de S. M. Imp. ce Comte se rendit le 16.
du mois passé à Parme. Le Prince de Lobkowitz
qui y commande , alla au devant de lui à quelques
mille de la Ville, et les Députés des Magistrats
le reçûrent hors des Portes. Lorsque le
Comte de Traun entra dans la Ville , il fut salué
par une triple décharge de l'Artillerie des
remparts. Ayant été conduit par le Prince de
Lobkowitz et par les Députés des Magistrats au
Palais qu'on avoit préparé pour le racevoir , il
I y fur
1024 MERCURE DE FRANCE
y fut complimenté par le Clergé , par la Noblesse
et par les Tribunaux, et l'aprèsmidi il re
çût , au nom de l'Empereur , le serment de f
delité des Habitans. Il communiqua aux Magis
trats les résolutions de S. M. Imp. par raport à
l'administration des affaires de ce Duché et au
Gouvernement de cette Ville , dans laquelle elle
se propose d'établir une Junte semblable à celle
qui vient d'être établie à Mantoüe.
On aprend de Turin que le 21. Avril , jour
fixé pour P'Entrée de la Reine dans cette Capi
tale , leurs Majestés étant parties du Château de
Ja Venerie vers les sept heures du soir , trouverent
sur leur chemin le Régiment Royal Pié
mont Cavalerie , et les deux Régimens de Dragons
du Roy et de la Reine , qui les accompa
gnerent pendant la marche le long de la Rive
du Pô , oposée à celle par laquelle leurs Majes
és passerent pour se rendre à Turiu ; on avoit
allumé des feux de distance en distance , et la
Maison de Plaisance de la Reine , bâtie sur la
Montagne vis à-vis la Porte du Pô, étoit ențierement
illuminée .
L'arrivée du Roy et de la Reine fut annoncée
au Peuple par une triple Salve de 150. picces
de Canon , placées sur les remparts de la
Ville et de la Citadelle , et leurs Majestés ayant
été reçûës à la Porte du Pô par les Magistrats ,
et par le Corps de Ville , la marche de l'Entrée
commença par une Troupe de 200. Marchands
à cheval , ayant à leur tête le Vicaire de la Ville.
Cinq Carosses du Roy , attelés de six Chevaux ,
précédoient celui du Corps , qui éton escorté
par un détachement des Gardes , et dans lequel
leurs Majestés étoient seules avec le Duc de
Savoye,
Le
MAY. 1737. 1025
Le Roy et la Reine étoient suivis de cinq autres
Carosses attelés aussi de six chevaux , après
lesquels marchoient trois Escadrons des Gardes
du Corps , et les quinze Escadrons de Cavalerie
et de Dragons qui étoient venus de la Venerie
avec leurs Majestés.
La ruë du Pô étoit bordée des deux côtés jusqu'au
Palais du Duc de Savoye par la Bourgeoisie
qui étoit en haye sous les armes ; chaque
Corps de Métier étant distingué par des uniformes
et des Drapeaux differens. Deux Bataillone
du Regiment des Gardes à pied, deux du Regiment
de Rhebinder , et deux de celui de Lom."
bardie , bordoient le reste du chemin depuis le
Palais du Duc de Savoye jusqu'au Palais Royal,
lequel étoit illuminé ainsi que celui du Duc de
Savoye , et toutes les Places publiques , selon
l'ordre de leur Architecture. Toutes les ruës
étoient aussi illuminées,et il y avoit aux premier,"
second et troisième étages de toutes les maisons
, cinq lumieres à chaque croisée, Cette illumination
formoit un spectacle que la seule
Ville de Turin est capable de fournir à cause de
la régularité de ses Bâtimens,
.
t.
Leurs Majestés , en arrivant au Palais ,
trouverent les Ministres étrangers , et les Sei
gneurs et Dames de la Cour. La Reine après s'ê- Ÿ
tre reposée quelque temps, alla au Palais du Duc
de Savoye pour voir un feu d'artifice qui fut
tiré vis-à-vis ce Palais .
Le lendemain S. M. reçut les complimens
des Ministres étrangers , des Ministres d'Etat
et de la principale Noblesse , qui fut admise à
lui baiser la main.
7
Le Palais du Roy , celui du Duc de Savoye ,
les Places publiques , et toutes les Maisons de la
I ij
Ville
1026 MERCURE DE FRANCE
Ville ont été illuminées pendant quatre nuits
consecutives de la même maniere qu'ils l'avoient
été le jour de l'Entrée de la Reine;
ESPAGNE.
Es revenus de la Charge de Grand Amiral
d'Espagne , dont l'Infant Dom Philipe a
été pourvû , ont été fixés à 200000. Ducats par
an , et il a été reglé que tous les Officiers de la
Marine seroient obligés de s'adresser à ce Prince
pour ce qui regarde les fonctions de leurs
Emplois , et pour obtenir les graces qu'il saurønt
à demander à la Cour.
GRANDE - BRETAGNE
A Duchesse de Northumberland ,qui est âgée
L &
de plus de cent ans, et qui a été malade pendant
quelques jours , étant parfaitement rétablie
de son indisposition , partit le 23. du mois
passé pour sa Terre de Throgmore.
Le même jour 2. Bateaux venant de Greenwich
à Londres furent renversés , et 13. Passagers
furent noyés. Plusieurs autres Bateaux fureng
renversés le 24. entre Fulham et Westminster
et il a peri 8. ou 9. personnes.
1
LORRAINE.
MA Y. 1737. 1027
LORRAINE.
DISCOURS prononcé par M. Toustain
de Viray , Avocat Général de
Lorraine , au sujet de l'Enregistrement
des Lettres Patentes en forme
d'Edit du Roy de Pologne , pour la
Prise de Possession des Duchés de Lorrainé
et de Bar.
Rs , Plus les Décrets de la Providence sont
impenetrables , plus ils exigent nos adorations.
Cette profondeur de Conseil que la sagesse
humaine ne peut fonder , et ces dénouëmens surprenans
, amenés par des voyes qui en paroifoient
si éloignées , portent le caractere des effets d'une
intelligence suprême , qui n'a pas besoin d'être
justifiée par les acquiescemens de notre foible raiet
qui veut néanmoins étre honorée par la
soumission de nos coeurs.
son ,
Tel est le grand Evenement qui nous assemble
en ce jour , plus vrai que vrai - semblable , qui aporte
un changement si notable dans l'ordre le plus
immuable des choses humaines ! Respectons ces mys-›
teres , c'est l'hommage dû par notre esprit , à ce
qui lui est superieur , et celui de notre volonté , n'en
sera pas pour cela un mouvement aveugle ; notre
obéissance est éclairée par notre Religion . C'est à
elle seule qu'il apartient de dissiper les allarmes dè notrefidelité
étonnée, en la fixant à son veritable objét ,
par des réflexions toujours solides et consolantes . Il
est écrit que toute Puissance vient de Dieu , il est
le seul Dispensateur legitime des Couronnes , toute
I iij.
leu
*1028 MERCURE DE FRANCE
leur splendeur n'est qu'un rayon emprunté de sa
Gloire , et ces titres augustes de Majestés humaines
seroient autant de blasphêmes , si ceux à qui
`on les attribuë , n'avoient reçu de Dieu le carac
tere sacré, par lequel il se fait représenter sur la
Terre.
C'est à lui seul que se raportent tous les honneurs
que nous leurs déférons , et les tributs que
nous portons à leurs pieds, sont autant de sacrifices
qu'on lui immole en sorte , que dans le plus juste
aspect de notre obéissance cette nouveauté même
n'est pas pour elle une vicissitude , et nous ne devons
la considerer que comme une nouvelle décoration
qu'il lui plait de donner à son image.
Ce n'est pas que nous veuillions dissimuler , encore
moins condamner le trouble de notre situation .
On ne se déprend pas sans agitation de ses plus
douces habitudes. Les liens qui tenoient notre
coeur attaché , ont ils pû être brisés sans s'émouvoir
? et le moyen qu'après une telle révolution
dans le Chef , les Membres soient exempts de criser
>
Lafidelité , cette vertu propre de notre Patrie ,
ce précieux heritage de nos Peres , qui tant defois
les a dépouillés de tout autre heritage , est une de
ces vertus tendres , délicates et scrupuleuses , qui
s'allarmant aisément , et à laquelle conviennent
si bien les reserves , les saisissemens et les bienséantes
frayeurs , semblable à la pudeur , dont les
innocentes répugnances envers l'objet même legitime
et cheri , n'ont d'autre effet que d'attirer d'autant
plus la confiance et l'estime.
Ne rougissons point defaire cet aveu au Prince
Magnanime , sous la domination duquel nous pas,
sons , c'est le gage le plus sûr que nous puissions
lui présenter de l'attachement inviolable que nous
lui voñons dès ce moment, Il est autant de son
interêt
MAY. 1029 1737.
que
interêt que du nôtre , que nous lui mettions à dém
couvert cet interieur qui vient d'être ulceré , pour
luifaire connoître à fonds la qualité et le prix de
son acquisition pour luifaire voir Les bontés
qu'il nous prépare , ne tomberont point sur une terre
ingrate , et sans fruit qui soit à négliger , pour
exposer à sa vûë ce germe de tendresse, de zele , et
de reconnoissance , qui a jetté dans son sein de si
profondes racines , digne production des graces dont
elle a été habituellement arrosée , et des largesses
dont elle est cultivée depuis tant de siecles.
Peuples , bénissez le Seigneur , de ce qu'il afait
pour vous,ce qu'il ne fait pas pour toutes les Nations,
en vous donnant des Princes si dignes et si propres à
le representer dans sa clemence , et dans ses bienfaits
; mais ne lui rendez pas de moindres actions
de graces de ce qu'en retirant de nous cette Famille
vraiment Royale , il n'a pas retiré ses bontés .
C'est dans sa méme misericorde qu'il vous envoye
aujourd'hui un Roy qu'il a formé selon son
coeur , et pour la possession duquel il vous préfere
même à sa Patrie , Prince de qui la renommée
publie toutes les qualités capables d'honorer le
Diademe , d'accrediter la Religion , de concilier
l'admiration , l'amour , et la gratitude , tout ce
qui rendroit un Particulier respectable , élevé par
la scule vertu à la dignité Royale , sans être redevable
de rien à la fortune ; à qui la probité est
plus précieuse que le Sceptre , à qui le Paganisme
auroit dréssé des Autels , Prince que le Ciel semble
avoir specialement instruit du bon usage de ses
faveurs , en le dressant à l'humanité , et à la compassion
dans l'Ecole de ses salutaires adversités.
Remarquez ses premieres expressions , c'est un
langage paternel , voyez cette complaisance qu'il
mise à s'imposer lui -même une sorte de res
I iiij peot
1030 MERCURE DE FRANCE
pect pour les traces, et les établissemens des Regnes
précedens , qui ont fait nos plus grands.délices .
Considerez ses Ministres , par lesquels il se fait
devancer , Ministres de sa sagesse , de sa douceur,
et de sa modération.
Livrez- vous done , Peuples , livrez- vous à la
joye , que cette Capitale retentisse des cris de votre
allegresse , et de vos empressemens à posseder dans
son enceinte ce présent des Cieux , qu'il vive , que
·la durée de ses jours se mésure sur l'étenduë de sa
réputation, et que leur nombre soit comptépar celui
de ses vertus , qu'il regne pour le triomphe de la
Religion, et pour notre felicité , qu'il soit placé dans
vos coeurs ; c'est le Trône ordinaire de vos Mai-
-tres .
C'est dans ces sentimens que Nous requerons
L'Enregistrement des Lettres Patentes en forme
d'Edit , c.
AUTRE DISCOURS du même ,
au sujet de l'Enregistrement des Let
tres Patentes du Roy très - Chrétien
la Prise de Possession Eventuelle
pour
de la Lorraine.
M
Rs , N'avons - nous pas à admirer une se→
conde fois , les vûës encore plus singulieres
de la Providence sur nous ? Non contente d'avoir
continué notre bonheur actuel , et celui de nos
Concitoyens ; elle veut encore le perpetuer , et nous
reveler dès à présent l'avenir glorieux qu'elle assure
à notre postérité.
Quelle perspective de prosperités pour cette Province,
et d'abondance pour son Commerce ! Quelle
carriere d'émulation pour nos arrieres Neveux,
que
M A Y. 1737. T031
a
que de dignités à meriter ! que de perfections a
étudier ! que d'agrémens à goûter, d'être associés au
Peuple le plus sociable et le plus poli de l'Univers;
d'être incorpores aù premier Royaume du monde ,
-ce Royaume que le Ciel a privilegié par dessus toutes
les Contrées de la Terre , en richesses , en grandeur,
et en magnificence A ce Royaume qui est
le centre du bon ordre , du bon goût , et des plus
belles connoissances! Dont le genie des Habitansfait
tant d'honneur à l'humanité dont les Ministres
semblent concerter leurs desseins avec l'Auteur des
destinées, et dont l'invincible Monarque est l'Arbitre
du repos de l'Europe ! Peut - il être une idée d'un
sort plus flateur pour nos Descendans , que d'avoir
droit à sa gloire , de partager ses succès ,
de jouir
de sa Justice , et d'augmenter sa puissance ?
Fixons ici nos réflexions . C'en est bien assés pour
remplir toute la capacité de notre ambition , et
batons-nous de requerir l'Enregistrement , &c.
FRANCE.--
Nouvelles de la Cour , de Paris , &C.
E 4. de ce mois le Roy fit dans la Plaine
Lies des Sablons la Revûe du R'giment des Gardes
Françoises et de celui des Gardes Suisses . Ils
firent l'exercice , er'ils défilerent en présence de
S. M. Monseigneur le Dauphin se trouva à cette
Revûë.
Le Roy a donné le Gouvernement de Landrescy
au Comte de la Marck ; celui de Briançon,
au Marquis de Maulevrier - Langeron, celui d'Ai
re à M. de Ceberes, et celui de Bethune à M. de
Tarneau
Le
1032 MERCURE DE FRANCE
Les de ce mois Monseigneur le Dauphin fir
rendre à l'Eglise de la Paroisse du Château de
Versailles les Pains Benits , qui furent presentés
par l'Abbé de Choiseul , Aumônier du Roy en
quartier.
Dom Etienne Richard , Général de l'Ordre
des Chartreux , étant mort le 3. du mois dernier
dans la 69. année de son âge , Dom Michel
de Larnage , Prieur de la Chartreuse de S.
Hugon , a été élû Général de cet Ordre.
Le Cabinet de défunt M. Vivant , composé
de Tableaux , Figures antiques de Bronze , de
Marbre , d'Yvoire , Coquilles , Médailles d'or,
d'argent , de Cuivre , Antiques et Modernes ,
Pierres gravées et précieuses , Droguiers , Cristaux
, Mineraux , Armes antiques , Estampes
Coraux , Emaux , Plantes Marines et Petrifications
, Vases d'Agathe, et autres Pierres , et géneralement
de toutes sortes de Curiosités en
très-grand nombre et des mieux choisies , commencera
à se vendre en la Maison dudit Sieur
Vivant à Paris , rue Quinquempoix , près l'Hôtel
de Beaufort, le Lundi 1. Juillet 1737. et
jours suivans .
et stetet
MORTS
M
>
but tatat
NAISSANCES ,
Et Mariages.
Ilady Marie Butler, Comtesse de Delwin,
Mere du Comte de Westmeath , et de M.
de Nugent , Mestre de Camp de Cavalerie au
Service du Roy de France , est morte depuis peu
Clonin en Irlande dans la 109. année de son
·
ge
Le
MAY 1737. 1033
Le nommé Pierre le Poix est mort il y a quel
que tems à Clerjus , dans le Diocèse de Toul ,
âgé de 111. ans.
Le 15. Mars Edmonde-Therese - Marie , née
Comtesse de Dietrichstein , Veuve depuis le 16.
Juin 1712. de Jean- Adam - André , Prince du S.
Empire , de Lichtenstein , Duc de Troppau er
de Jagerndorff , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or , Conseiller Intime d'Etat , et Chambellan
de l'Empereur , avec lequel elle avoit été
mariée le 16. Février 1681. mourut à Vienne
dans la 75. année de son âge , étant née le 17 .
Avril 1662. Son Corps a été porté à Branau en
Moravie. Elle a fait ses Légataires universelles
les trois filles qui lui restoient , qui sont Marie-
Antoinette , Comtesse d'Hrzan , qui avoit épou
sé en premieres nôces Marc- Adam , Comte de
Czobor Marie - Elizabeth , épouse de Leopold,
Duc de Holstein- Viesenbourg , et auparavant
Veuve de Maximilien-Jacques - Maurice , Prince
de Lichtenstein , mort le 21. Avril 1709. et
Therese-Anne- Félicité , Veuve de Thomas- Emmanuel
- Amedée de Savoye , Comte de Soissons,
Chevalier de la Toison d'Or , Lieutenant- Ma
réchal de Camp des Armées de l'Empereur , Colonel
d'un Regiment Imperial de Cuirassiers, et
Gouverneur d'Anvers , mort le 28. Décembre
1729.âgé de 43.ans. La Princesse de Lichtenstein
laisse seulement la légitime au fils de Henri-Joseph-
Jean , Prince d'Aversberg , er de feuë Dominique-
Magdeleine de Lichtenstein , sa derniere
fille , morte le 2. Juin 1724. La Princesse de
Lichtenstein ' avoit encore eu une autre fille ,
nommée Gabrielle , qui étoit sa ze , et qui étoit
morte sans enfans le 8. Octobre 1713. de Joseph-
Jean-Adam , Prince de Lichtenstein , qu'el
I vj
le
1034 MERCURE DE FRANCE
le avoit épousé le 1. Décembre 1712.
Le 17. Alexis Henri de Châtillon . Seigneur
de Chantemerle , de la Rambaudiere . &c. Chevalier
, Commandeur , et Doyen des Ordres du
Roy , mourut en son Château de la Rambaudiere
en Poitou , âgé d'environ 87.ans . Il avoit été
fait en 1675. Mestre de Camp d'un Regimentde
Cavalerie. Il fut aussi Capitaine des Gardes du
Corps, puis en 1684. Premier Gentilhomme de
la Chambre de Philipe, Fils de France, Duc d'Or
leans , qui lui avoit donné en 1683. le Gouvernement
de Chartres. Il fut fait Chevalier des >
Ordres du Roy à la Promotion du 31. Décembre
1688. et Brigadier des Armées de S. M. le
10. Mars 1690. Il étoit veuf de Marie- Rosalie
de Brouilly de Piennes , morte le 12 Septembre
1735. ainsi qu'on l'a marqué dans le Mercure
du même mois p . 2117. où l'on a fait mention ·
des deux filles qu'il en avoit eu , qui sont les
Dames de Bacqueville et de Goësbriant, dont la
derniere est morte le 29. Décembre dernier ,
comme on l'a annoncé dans le 2. Vol . du mê
me mois p. 2980. Le défunt étoit frere puîné du
Comte de Châtillon, pere du Duc de Châtillon ,
Gouverneur de Monseigneur le Dauphin.
..
: Le 18. Ferdinand , Comte de Plettemberg ,
Chevalier de l'Ordre de la Toison d'Or , Con- ·
seiller Intime et Actuel d'Etat de l'Empereur , et
désigné Ambassadeur de S. M. Imp. à la Cour
de Rome , mourut à Vienne, après peu de jours
de maladie , dans la 47. année de son âge. If
avoit été ci-devant premier Ministre de l'Electeur-
Archevêque de Cologne , et étoit entré ensuite
au Service de l'Empereur , qui l'avoit nommé
en dernier lieu à l'Ambassade de Rome , or
étoit sur le point de se rendre , ayant fait , à
14
MAY. 1737. 1035
ce que marquent les Nouvelles d'Allemagne ,
pour plus de 200000. florins de dépense , afia
de paroître en cette Cour avec éclat . Il avoit
marié , le 30. Août de l'année derniere , une de
ses filles avec le Comte de Schonborn - Weissenheit.
Le même jour Curse Origo , Romain , Card . Prê
tre du Titre de S. Eustache, Prefet de la Congré
gation du Concile , mourat à Rome , âgé de 76 .
ans et 9. jouts , étant né le 9. Mars 1661. It
étoit créature du féu Pape Clement XI . qui l'avança,
l'ayant d'abord déclaré Secretaire des Mé
moraux le 3. Décembre 1700. ensuite lai
donna un Canonicat de la Basilique de S. Pierre
dú Vatican , au mois de Septembre 1705. et ie
f Secretaire de la Congrégation de la Consulte
le 17. May 1706. Il exerçoit encore cette
Charge lorsqu'il fut créé Cardinal le 18. May
1712. ayant alors été réservé in petto, et n'ayant
été déclaré que le 26: Septembre suivant. Le
Tatre Diaconal de S. Eustache lui fut assigné le
21. Novembre de la même année. Il fut déclaré
Légat de Bologne le 12 : Avril 1717. et le Pape
Innocent XIII . à son avenement , lui donna la
Charge de Préfet de la Congrégation du Concile
le 9. May 1721. Par sa mort il vaque une
se place dans le Sacré College.
Antoine- Xavier Gentili , Romain , Cardinal
Prêté , du Titre de S. Etienne in Monte Coelio ;
de la Création du 16. May 1731. et Dataire du
Pape regnant , a été déclaré Prefet de la Congrégation
du Concile au lieu du feu Cardinal
Origo.
Le 19. Jean Conrad , Baron de Reinach, Evê
que de Basle , Prince du S. Emp . Rom . siégeant
2-Porentru , dans l'Elsgau sur la riviere de Hal-
-le's "
1036 MERCURE DE FRANCE
le,mourut en son Château de Porentru , âgé d'environ
80.ans étant né en 1657. Il avoit été d'abord
en 1678 Chanoine, puis en 1690. Ecolâtre ,
Doyen en 1704. et enfin Evêque de Basle le
11. Juillet 1705. Jean - Baptiste , Baron de Reinach
, son frere , né en 1669. Chanoine en
1691. Doyen en 1710. et Prévôt de la Cathe .
drale de Basle en 1712. fut élû son Coadjuteur
le 2. Septembre 1724. et l'Evêché Titulaire d'Abdere
en Thrace , avec cette Coadjutorerie , fut
préconisé et proposé pour lui à Rome les 18.
Avril et 11. Juin 1725.
Le 20. Gaspard de Castelane d'Esparon, Chevalier
de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , Mestre
de Camp-Lieutenant du Regiment de Dragons
d'Orleans, par Commission du 26. Février
1734. et fait Brigadier des Armées du Roy le 1.
Août suivant , Gentilhomme de la Chambre du
Duc d'Orleans depuis 1724. mourut à Paris
après deux jours de maladie , âgé de ss . ans.
La Charge de Mestre de Gamp- Lieutenant de
Dragons d'Orleans , vacante par cette inort , a
été donnée à Louis - François de Boufflers - Remiencourt
, né le 12. Novembre 1714, fils de
Charles - François de Boufflers , Marquis de Remiencourt
, Lieutenant Général des Armées du
Roy , et de Louise Antoinette - Charlotte de
Boufflers , son épouse , fille du feu Maréchal
Duc de Bouffers.
Le 21. D ....... Gaultier du Bois , épouse
de Denis-Louis Pasquier , Conseiller au Parlement
de Paris , mariée en 1729. et âgée de 23 .
à 24 ans , mourut en couches. Elle étoit fille
aînée de feu Jules-Adrien Gaultier du Bois ,
Ecuyer , Seigneur de Besigny , mort le 19. Noyembre
1731. et d'Anne- Marie Doé , sa veuve .
Σ
Le
MAY. 1737. 1037
Le 22. René- François Testu de Balincourt
Seigneur de Hedouville , Os , &c. Conseiller Honoraire
en la Grand-Ch . du Parlement de Paris,
où il avoit été reçû le 31.Janvier 1676.et Chef du
Conseil du Comte de Toulouse , mourut à Paris
, âgé de 81. ans 9, mois , sans avoir été mafié.
Il étoit fils aîné de feu Gabriel Testu de
Balincourt , Seigneur de Hedouville , de Hodene
, &c. Grand- Maître des Eaux et Forêts de
Normandie , mort en 1672. et de feuë Jeanne
Grangier de Soucariere, sa seconde femme.
Gerard Dias , Esclave de Don Antoine de
Sampayo de Vasconcellos , mourut à Lisbonne
au mois de Mars dernier dans la 117. année
de son âge, étant né le 17.Mars 162 1. à Vianna
de Alentejo
On a encore reçû avis de Lisbonne qu'Antoi
ne de Mendonça , Béneficier de l'Eglise de
Sainte Marie d'Obidos , et le Pere Nuno , Religieux
Trinitaire, étoient morts depuis peu , le
premier à Obidos , âgé de 109. ans , et le second
à Coimbre dans la 102. année de son âge.
Le 23. Eleonore - Christine - Elizabeth , née
Princesse de Salm , Dame de l'Ordre de la Croisade
, et épouse de Conrard - Albert - Charles
Schets , Comte , et depuis 1717. Duc d'Ursel et
d'Hobokes , Gouverneur pour l'Empereur de
la Province de Namur , mourut à Bruxelles ,
âgée de 59. ans 9 jours , étant née le 14. Mars
1678. Elle étoit derniere fille de Charles- Théodore
Otton , Prince du S. Emp . Romain et de
Salm , Wildgrave de Daun et de Kirburg, Rhin
grave de Stein , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or, Conseiller Intime d'Etat de l'Empereur
, Maréchal de Camp Général des Armées
de S. M. Imp. Grand- Maître de la Cour de
l'Empereur
1038 MERCURE DE FRANCE
Empereur Joseph , et auparavant son Gouvèrneur
, mort le 10. Novembre 1710. et de Loui
se-Marie de Bavière , Comtesse ' Palatine du
Rhin , sa seconde femme , morte le 11. Mars
1679.
Le 24. Charles- Frederic - Adolphe Prince Hére
ditaire de Saxe Vaeissenfels ,fils de Jean- Adolphe,
Duc Régent de Saxe- Vveissenfels Chev . de l'Ordre
de l'Aigle Blanc, Général , Feldt - Maréchal-
Lieutenant des Armées de l'Empereur , et Gé
nétal de l'Infanterie de l'Electorat de Saxe , er
de Frederique de Saxe-Gotha , mariés en 1735 .
mourut de la petite verole à Weissenfels , âgé de
4 mois 19. jours , étant né le 5. Novembre
dernier .
Le 27. Philipe Charles d'Estampes Mar
quis de la Ferté - Imbaud , Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , fils aîné de Philipe - Charles
d'Estampes , mort le 11. du même mois , mourut
d'une maladie de poitrine , âgé de 25 ans ,
ne laissant qu'une fille de la Demoiselle Geof
frin qu'il avoit épousée en 1733. comme on
l'a marqué à l'article de la mort de son
pere , qui a laissé encore un autre fils et deur
filles .
Le même jour , Alfonse Manrique de Solis ,
Duc du Arco , Grand d'Espagne de la premiere
Classe , Chevalier des Ordres de la Toison d'Or,
du S. Esprit , et de S. Jacques , Commandeur
de Valencie du Ventoso , dans le dernier de ces
trois Ordres Gentilhomme de la Chambre du
Roy Cath . son Grand Ecuyer , et son Grand
Ventur , Alade des Maisons Royales du Pardo ,
du Zarzuela , et de la Tour de la Parade . mourut
à Madrid âgé de 63. ans , sans laisser d'enfans
de Marie-Anne Henriquez de Cardeñas
"
Portugal
MAY. 103.9 1739
Portugal, 14.Comtesse de la Puebla del Maestre,
et de Monte nuevo , Marquise de Bacares , fille
unique de Louis Henriquez , Comte de Monte
nuevo , Chevalier de l'Ordre de S. Jacques ,
Major-Dome - Major de la Reine d'Espagne
Marie - Anne de Baviere-Neubourg , et de Laurence
de Cardeñas-Portugal , qu'il avoit épousée
le 30. Juillet 1695. Le Duc du Arco , qui
avoit porté ci- devant le Titre de Comte de
Monte nuevo depuis son Mariage , avoit toujours
été fort zelé pour le Service du Roy Philipe
V. Il accompagna ce Prince en 1704. dans
Ja Campagne contre le Portugal , en qualité de
l'un de ses Aides de Camp Généraux . Il fut fait
son Premier Ecuyer au mois de Décembre .
1705. et Gentilhomme de sa Chambre au mois
d'Octobre 1706. Il eut l'exercice de cette Charge
au mois d'Août 1708. et la Charge de Grand
Veneur au mois d'Octobre 1714. la Grandesse
de la premiere Classe lui fut accordée , avec le
Titre de Duc du Arco , pour lui et ses Successeurs
, au mois d'Avril 1715. et il prit possession
de cette Dignité, en se couvrant devant le Roy,
le 1. May suivant. Il fut fait au mois de Septembre
1721. Grand Ecuyer , et nommé le 15,
Janvier 1724. à l'Ordre de la Toison , dont il
reçut le Collier le 6. Août suivant . Il fut ua
des Seigneurs qui furent designés , au mois de
May de la même année 2724. pour remplir une
des cinq Places dans l'Ordre du S. Esprit , dont
la disposition avoit été laissée par le Roy Très-
Chr . à S. M. C. Il fut proposé dans le Chapi
tre de cet Ordre , tenu le 3 , Juin 1724. et admis
dans un autre Chapitre le 20. May 1725 .
Il en reçut la Croix et le Collier des mains du
Roy Cath. dans l'Eglise Métropolitaine de Seville
1040 MERCURE DE FRANCE
ville , le 25. Avril 1729. Par sa mort il vaque
un 15 Cordon Bleu . Ce Seigneur étoit de la
Maison de Manrique de Lara , l'une des plus
anciennes , des plus illustres et des plus nombreuses
de l'Espagne , et Cadet de la Branche
des Comtes de Montchermoso et de Fuensaldagne.
La Généalogie en est raportée dans les 2 .
dernieres Editions du Dictionaire Historique
d'après Guillaume Imhoff dans ses 20. Familles
d'Espagne.
Louis de Vivet de Montclus , Chev. Seigneur
de Servesan , mourut à Avignon le même jour
âgé de 8o. ans ; il étoit fils de défunt Loüis de
Vivet de Montclus, Chevalier , Seigneur de Servesan
, et de défunte Dame Marie Herault ; il
avon épousé Demoiselle Louise- Magdelaine du
Poirier Cottereau de Villomer , fille de défunt
Jacques du Poirier Cottereau . Chevalier , Seigneur
de Villomer , Maître d'Hôtel Ordinaire
du feu Roy , et Lieutenant - Colonel de son Regiment
de Touraine , et de défunte D. Marguerite
de Vallois ; de laquelle , actuellement vivante
, il a laissé deux garçons et une fille Religieuse
; cette Famille est connue pour être d'une
ancienne Noblesse d'Avignon , dont les Descendans
ont tous servi avec distinction
dans l'Eglise , dans l'Epée et dans la Robe. M.
de Montclus , Evêque de S. Brieu , feu M. de
Montclus , Capitaine aux Gardes Françoises , et
M. le President de Montclus , en sont des témoignages
authentiques,
"
Le 16.May D. Anne de Calonne deCourtebour
ne , Veuve de François le Tonnellier - Breteuil ,
Marquis de Fontenay- Tresigny , Sire de Villebert
, Baron de Boitron , Seigneur des Chapelles-
Breteuil , du Mesnil- Chassemartin, Palaiseau ,
Vilnevorte
M. A Y. 1041 1737.
*
et
Vilnevotte , et autres lieux , Conseiller d'Etat
ordinaire , et Intendant des Finances , est décédé
à Paris âgée de 86. ans. Elle étoit Fille de
Charles de Calonne, Marquis de Courtebourne,
Maréchal des Camps et Armées du Roy , Licutenant
pour Sa Majesté de la Province d'Artois,
et Commandant à Calais , et soeur de Louis- Jacques
de Calonne , Marquis de Courtebourne ,
Lieutenant Général des Armées du Roy , Directeur
Général de la Cavalerie , Lieutenant
pour Sa Majesté en la Province d'Artois ,
Gouverneur d'Hesdin , décedé en 1705. de
Charles de Courtebourne, Abbé de la Couronne
en Angoumois , et de Chaulmes en Brie , décédé
en 1723. et de Louis Jacques-Gabriel de Calonne
de Courtebourne, Commandeur de l'Ordre
de Malthe , Capitaine d'une des Galeres du Roy,
et Capitaine des Gardes de l'Etendart , aussi dé
cédé en 1730. Elle a eu de son mariage trois
Fils , sçavoir , François - Victor le Tonnelier-
Breteuil , Marquis deFontenay- Tresigny ,
Sire de Villebert , Baron de Boitron , Seigneur.
des Chapelles-Breteuil, Palaeau et autres Lieux,
Commandeur des Ordres du Roy , Chancelier
de la Reine , et ci-devant Secretaire d'Etat au
Département de la Guerre , Charles- Louis- Auguste
le Tonnelier- Breteuil , Evêque de Rennes,
Abbé de Chaulmes , Prieur de Beüil , et Grand
Maître de la Chapelle du Roy , mort en 1732.
et Claude - Alexandre le Tonnelier - Breteuil
Chevalier Profés de l'Ordre de Malthe , Colonel
d'Infanterie , Capitaine au Regiment des Care
des , décédé en 1721.
La Maison de Calonne de Courtebourne est des
plus anciennes , et a pris et donné des alliances
dans les plus grandes Maisons du Royaume.
LE
F042 MERCURE DE FRANCE
Le 27. Avril après midi , les cérémonies -du
Baptême furent supléées dans la Chapelle du
Château de Versailles par le Cardinal de Rohan,
Evêque de Strasbourg GrandAumônier de France,
en présence du Curé de la Paroisse du Château ,
Monseigneur le Dauphin et aux trois Aînées
des Dames de France , en présence du Roy , et de
La Reine , qui étoient accompagnés des Princes
et Princesses du Sang , er des Seigneurs et Da
mes de la Cour.
Louis , Dauphin , né le 4. Septembre de l'ans
née 1729. reçut seul les cérémonies , ayant eù
pour Parain et Maraine Louis Duc d'Orleans
et Louise - Françoise de Bourbon , Duchesse
douairiere de Bourbon.
Les Dames de France reçûrent toutes trois en
semble les cérémonies du Baptême. La premiere
Louise - Elizabeth , née le 14. Août 1727 , cut
pour Parain et Maraine Louis d'Orleans , Duc
de Chartres , er Louise - Ehzabeth de Bourbon-
Condé , Princesse seconde douairiere de Conti .
La seconde Anne Henriette , née aussi le 14.
Août 1727. Parai er Maraine Louis- Henri >
Duc de Bourbon , et Mademoiselle, Louise- Anne
de Bourbon- Condé , et la troisiéme Marie-
Adelaïde , née le 23. Mars 1732. Parain et Ma
raine , Charles de Bourbon , Comte de Charolois
, et Mademoiselle de Clermont , Márie
Anne de Bourbon - Condé.
Le May, les cérémonies du Baptême furent
supléées à Louise-Jaqueline- Edmée , née le 15:
Octobre 1722. fille de Jacques- Claude- Augustin
de la Cour , Marquis de Balleroy , Brigadier des
Armées du Roy , et Gouverneur du Duc de
Chartres , ci- devant Mestre de Camp de Dragons ,
Enseigne des Gardes du Corps du Roy , er de
D.
MAY. 1737. 1043
B. Marie-Elizabeth de Goyon de Mâtignon , son
Epouse , mariés au mois de May 1720. Le Pa
rain Louis - Jacques de la Cour , Chevalier de
l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , Oncle paternel,
La Maraine , D. Edmée - Charlotte de Brenne de
Bombon , Epouse de Marie- Thomas- Auguste
de Goyon , Marquis de Mâtignon , Chevalier-
Commandeur des Ordres du Roy , Brigadier de
se's Armées , Oncle maternel .
5
Le 6 , les céremonies du Baptême furent aussi su
·pléées à Françoise Parfaite Thais née les.de Dés
cembre 1734. fille de Louis de Mailly ,Comte de
Rubempré, Seigneur de la Borde-aux - Vicomtes ,
premier Mestre de Camp de Cavalerie, et Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Ecossois , Commandant la Gendarmerie de
France , et de D. Anne- Françoise- Elizabeth Arbaleste
de Melun , son Epouse. Le Parain , Louis
Charles de Bourbon , Comte d'Eu , Duc d'Aumale
, Chevalier , Commandeur des Qrdres du
Roy, Grand- Maître et Capitaine General de
l'Artillerie de France , Gouverneur et Lieutenant
General pour S. M. dans la Province de Guyenne.
La Maraine , D. Françoise de Mailly , Tante
paternelle , Dame d'Acours de la Reine , veuveen
dernieres Noces de Paul - Jules de Mazarin de
Ruzé , Duc de Mazarin , Pair de France , Prince
de Château- Porcien , et en premieres Nôces de
Louis Phelypeaux , Marquis de la Vrilliere et de
Châteauneuf , Comte de S. Florentin , Ministre
et Secretaire d'Etat , Commandeur des Ordres
du Roy.
Le 11. Avril , fut celebré dans l'Eglise de saint
Sulpice à Paris , le Mariage de Louis - François de
Goujon de Thuisy , pourvu d'une Charge de-
Conseiller
1044 MERCURE DE FRANCE
Conseiller au Parlement,fils puiné de MreJérôme
Joseph de Goujon de Thuisy , Marquis de Thuisy
, Baron de Chalerange et de Pacy en Valois,
Seigneur de S. Remy- sur- Bussi , Herpon, Tours
sur Marne, &c. Sénéchal héreditaire de Rheims,
Conseiller du Roy en ses Conseils , Maître des
Requêtes Honoraire de son Hôtel , et de défunte
D. Marie-Louise Mélanie le Févre de Caumartin
, avec Dile Marie-Louise le Rebours , fille de
Jean-Baptiste- Auguste le Rebours , Seigneur de
S. Mard- sur-le- Mont en Champagne , et de défunte
D. Marie - Louise Chuberé. Le nouveau
Marié avoit été présenté de minorité à l'Ordre
de Malthe.
❤
La Terre de Pacy en Valois, qui lui a été donnée
par M. son Pere , étoit échûë à feuë D. Anne-
Françoise de Haussonville de Vaubecourt ,
son Ayeule paternelle , comme sortie et descendue
de degré en degré des Maisons de
Vergeur Saint Souplet de Fleurigny de Lénoncourt
et de Chastillon - Pacy , qui étoie
une Branche de la Maison de Chastillon -sur-
Marne , qui possedoit la Terre de Nanteuil- le-
Haudouin, érigée en Comté , en faveur de Henry
de Lénoncourt , Comte de Vignory , Gou~
verneur de Valois , et Baillif de Vitry.
On donnera deux Volumes du Mercure
le mois prochain , pour pouvoir employer
plusieurs Pieces que nous croyons dignes
d'interesser le Lecteur.
TABLE.
P
IECES FUGITIVES. Ode sur la Paix, 833
Lettre au sujet des Auteurs des Annales de
S. Bertin ,
La Gloire des Bergers , Eglogue •
837
849
Nouvelles Objections contre l'Ame des Bêtes ,
Ode à Bacchus ,
Eloge de M. de Senecé ,
Fable ,
852
870
874
894
> Questions diverses sur des Sujets d'Economie
Epithalame de M. ***
896
900
Lettre de M. d'Arnaud , à M. PAbbé Philippe ,
au sujet du Tasse , & c.
Lettre de M. le Beuf à M. Clerot , sur l'Hitoire
de la Ville de Rouen , & c.
Elegie ,
Enigme , Logogryphes, &c.
905
916
929
933
936
937
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS ,
&c.
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres ,
Elemens de Mathématiques , &c. 945
Les Vies des plus celebres Jurisconsultes , 949
Principes de l'Histoire , 955
Histoire Universelle de Diodore de Sicile, &c.959
Imitation de N. S. J. Ch. 962
Memoires concernant le Droit de Tiers et Danger
, &c .
Lettre sur le Passage du Roy et de la
Pologne , par la Champagne ,
967
Reine de
970
Prix pour l'Académie des Sciences établie à Pau,
&C.
984
Académic
Académie Royale de Soissons , &c. 985
Séance publique de l'Académie Royale des Ins
criptions et Belles -Lettres , &c . ibid.
Prix pour l'Académie Royale des Sciences , 986
Assemblée publique de la même Académie , et
Memoires lûs , &c.
L'Académie Royale de Peinture , Discours prononcé
, & c.
Estampes nouvelles , & c.
991
996
997
999
Estampe représentant un Combat selon le Poëme
Macaronique de R. Belleau , & c.
Duo , mis en Musique par M. N.
Spectacles . L'Ecole des Amis , & c.
1001
ibid.
Nouvelles Etrangeres , de Russie et Allemagne ,
1019
Italie et Espagne , Grande - Bretagne , 1022
Lorraine. Discours prononcés sur la Prise de
Possession , &c. 1027
France . Nouvelles de la Cour , de Paris, & c. 1031
Morts , Naissances & Mariages ,
Fautes à corriger dans ce Livre.
1037
PAge 910. ligne 18. Agamenon , liss Agamemnon.
Même page , lignes 29. et 30 ui , lisez lui. Maz
adie , lisez Maladie.
2
La Chanso notée doit regarder la page 1001
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROT.
JUIN. 1737.
PREMIER VOLUME.
1
CURICOLLIGIT
SPARGIT
Pap!!ful
Chés
さった
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
rue S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
A VIS.
L'ADRESSE
'ADRESSE generale eft
Monfieur MOREAU ,
و
Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Fran
soife , à Paris. Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de los perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1737.
***************
PIECES FUGITIVES
,
en Prose et en Vers.
AVERTISSEMENT
.
P
Armi quantité d'Ecrits qui
nous sont tous les jours adressés
, il en est quelques - uns qui
sont accompagnés de modestes
instances de la part de leurs Auteurs , pour
nous engager à retrancher , à corriger même
ce qui pouroit nous paroître défectueux ; on
nous prie souvent de mettre certains Ouvra-
1. Vol A j ges
1046 MERCURE DE FRANCE
ges en état de paroître ; et pour que rien no
puisse porter obstacle au désir que nous aurions
de les publier , on nous laisse les maîtres
d'y faire des additions et des corrections;
soit par raport au stile , soit par raport aux
bienséances dont nous ne voulons jamais nous
écarter.
De pareilles offres nous font honneur, mais
le grand point seroit de pouvoir discerner
celles qui sont bien sinceres , en pénetrant ;
autant qu'il est en nous , la véritable inten
tion de ceux qui veulent bien nous confier
leurs Productions.
Il est vrai que la modestie des Gens de
Lettres sur leurs Ouvrages , porte presque
toujours avec soi un préjugé favorable ; cependant
comme l'amour propre sçait se déguiser
sous bien des formes , ilfait quelquefois
hazarder un langage que lui-même est
le premier à désavoüerlorsqu'il s'agit de l'execution
; ainsi nous devons nous flater que
la plupart des personnes sensées ne nous désaprouveront
jamais d'oser rarement prendre
sur nous des corrections , à la vérité nécessaires,
mais qui toutes legeres qu'elle's pouraient
être , seroient reçûës des Parties interessées
, quelquefois avec mépris , souvent
avec répugnance , et presque toujours avec
un dépit secret , qui ne sçauroit jamais devenir
un plaisir pour nous,
1. Vol.
n
JUIN. 1737. 1047
pas
crû
que
Il faut convenir qu'avec une conduite si
réservée , nous avons de temps en temps été
dans l'obligation d'exclure de ce Recueil des
Pieces que de pareils changemens auroient
pû rendre interessantes ; mais nous n'avons
les corrections sur le fond d'autrui
nous fussent toujours bien permises , et
nous voulons perseverer tant que nous pourons
dans les mêmes principes ; il faut que
chacun suive son penchant , et l'espece de
vocation à laquelle il a voulu se dévoйer ;
la varieté et l'émulation d'une part , de l'autre
les égards et la circonspection , font en
quelque sorte le fondement de notre Journal:
et si le Mercure de France n'adopte jamais
pour briller , le dangereux privilege de rea
dresser avec raison , ou de mortifier avec
adresse des Ecrivains bien venus du Public,
du moins conservera - t'il toujours l'avantage
de ne jamais servir à décourager les talens,
qui souvent ne font que d'éclore , et qui plus
souvent encore n'auroient besoin pour être
aplaudis , que de certaines notions superficielles
, auxquelles on est convenu d'attribuer
le titre imposant d'Usage du beau Monde.
Ce que nous venons d'avancer ici de notre
méthode constante , n'est point une Loi
sans restriction , mais simplement une bienséance
que nous avons crû devoir en general
nous imposer ; ainsi il n'est point décidé
1. Vol
A iij
7048 MERCURE DE FRANCE
à beaucoup près , que nous nous priverons
nous mêmes ( et le Public en mêmetemps
) de toute Piece d'esprit qui pouroit
devenir aimable et correcte ,
.
le retranpar
chement , la transposition ou le changement
de quelques endroits реи considérables.
Il n'est question que d'agir avec de grands
ménagemens à cet égard , de ne rien entamer
qui soit au-dessus de notre portée , et d'envisager
avant toutes choses le plus ou le moins
de gré que les jeunes Auteurs pouront nous
sçavoir de ceder à leurs instances , en cherchant
de notre mieux à leur procurer les éloges
qu'ils ont sans doute en vûë de mériter.
Ces trois conditions nous paroissent indispensables
pour nous , et peut- être trouveroit-
t'on qu'elles le devroient être aussi
pour quiconque est engagé dans une carriere
à peu près semblable.
Nous en allons faire l'essai à l'occasion
d'une Fable qui nous a été envoyée de Province
avec plein pouvoir, et dont le fond
et l'allégorie nous ont parû assés justes , pour ·
ne pas plaindre le soin d'y faire deux o
trois changemens tout au plus.
Nous désirons que l'Auteur , qui ne s'est
désigné que par quelques Lettres initiales ,
entre dans la simplicité de nos vûës , et veuille
bien nous excuser, si nous n'avons pû lui
prêter secours qu'à proportion de nos forces.
I. Vol. LE
JUIN. 1737. 1046
LE MATIN ET LA LEVRETTE,
U
t
FABLE.
Mâtin dune énorme carure
N
gros
Grondant
sans cesse
entre
ses dents
,
Par son collier
, par sa figure
,
Epouvantoit
tous les Passants
.
Tous
les Roquets
du voisinage
C S'en éloignoient avec plaisir ,
Et les Dogues soumis venoient lui rendre hom
mage ,
Comme Pachas au Grand Visir.
Si vous me demandez quel étoit son mérite ,
Ce n'étoit que fureur , orgueil , brutalité ;
Tel qu'on redoute ou qu'on évite ,
N'est souvent qu'un franc hypocrite ,
Qui sous un front hardi , masque sa lâcheté.
Et foûle aux pieds les droits de la Societé.
Un jour une jeune Levrette ,
S'aprochant du réduit de ce fier Animal ,
Vint par cent haut- le - corps et sans songer à mal,
Bondir au pied de sa retraite ;
L'étrangler eût été le premier mouvement
De l'impitoyable Cerbere ,
Mais l'amour tout-à - coup désarmant sa colere ,
Il crut pouvoir en un moment
I. Vol. A iiij Pay'
1050 MERCURE DE FRANCE
Par un maussade compliment ,
Soumettre à ses désirs cette Beauté legere .
Le brutal ignoroit d'un langage flatteur
Le charme adroit et séducteur ,
D'une patre assomante , il caressoit la Belle ,
Er des coups redoublés exprimoient son ardeur,
Ardeur qui rarement fléchit une cruelle ;
Pour trouver le chemin du coeur
Il faut joindre aux transports une aimable douceur.
A force de refus la timide Levrette
Triompha des assauts de l'affligeant Mâtin ,
Qui furieux de sa retraite ,
En pleine basse-cour pestoit d'un air hautain,
Contre l'Amour et le Destin ;
Une vieille Barbette insultant à sa peine ,
Lui tint , mais un peu tard , cet utile discours.
Quand la conquête est incertaine ,
Que l'adresse vienne au secours ;
Amans , il faut fléchir , non , vaincre une inhu
maine ,
A qui veut exiger on refuse toujours ,
Et le coeur n'est jamais le tribut de la gêne ;
La volupté par cent détours ,
Jalousé de ses droits , veut être Souveraine ,
La contrainte engendre la haine ,
Et la liberté seule enchaîne les Amours.
J. B. E. C. de Fign'ers.
I. Val. LETTRE
JUIN. 1737. IOST
LETTRE de M. le Tors , Lieutenant
Criminel au Bailliage d'Avallon , sur
Vellaunodunum , ancienne Ville des
Senonois , et Genabum des Carnutes.
Es Sçavans ont été fort partagés sur
la situation de ces deux Villes ; tous'
conviennent qu'il faut principalement
la chercher dans César , en suivant autant
qu'on peut la découvrir , la route
qu'il a tenue pour aller se rendre maître
de ces deux Places.
César ayant apris en Italie que les Gaulois
avoient profité de son éloignement ,
et des affaires qu'ils croyoient devoir les
retenir à Rome , pour secoüer le joug
de la domination Romaine , les Carnutes
, les Senonois , les Parisiens , les Peu
ples du Poitou , de la Touraine , &c. forment
une ligue,s'y engagent par serment,,
et choisissent Vercingentorix pour leur Général
; les Carnutes les premiers se signalent
par une entreprise d'éclat , ils se
rendent à Genabum où se faisoit un
commerce considérable égorgent les
Citoyens Romains qui s'y trouvent , et
entre autres Fusius Cotta qui avoit le soin
,
>
1
1.Voli
Av dess
1052 MERCURE DE FRANCE
des Vivres ; le bruit de cette action se
répand en peu de temps parmi les Gaulois
, et le jour même il est porté chés
les Auvergnats , qui sont éloignés de
cent soixante mille de Genabum.
3
»
César étant arrivé dans les Gaules ;,
s'annonce par quelques expéditions du
côté des Sevennes et de l'Auvergne, vient
ensuite à Vienne , continue sa marche
jour et nuit , en suivant les Frontieres
du Pays des Eduens , pour aller dans ce--
lui des Langrois . Quand il y est arrivé ,.
il donne ses ordres pour assembler ses
Troupes dans un même Lieu , avant que
les Auvergnats en puissent être avertis ;
ce qui étant cependant venu à la connoissance
de Vercingentorix , ce Général
conduisit son Armée dans le Berry , d'où
il alla assieger Gergovia, Ville des Boyens,
Peuples qui avoient des motifs pour être.
plus attachés à César , et moins affectionnés
à la liberté Gauloise que les naturels
du Pays..
L'entreprise de Vercingentorix donna
de l'inquietude à César , qui craignoit
pour sa réputation , et que ses Alliés ne
comptassent plus sur lui , s'ils voyoient
que son secours leur manquoit au besoin ;
lé courage de Gésar lu ! fit passer sur toutes
les difficultés , qui auroient été capa
I.Wol! bles i
JUIN. 1737. 10533
"
bles d'arrêter tout autre que lui . Il s'assura
des vivres pour son Armée auprès
des Eduens , et fit avertir les Boyens de
demeurer fidéles et de se défendre avec
vigueur , afin que se mettant en marche
pour les secourir , il eût le tems de les
joindre. Après avoir laissé deux Légions
à Agendicum , et les Equipages de toute
son Armée , il marche au secours des
Boyens , Duabus Agendici Legionibus relictis
atque impedimentis totius exercitus,ad
Boyos proficiscitur.
Je ne vois pas sur quel fondement on a
pû faire passerCésar par Agendicum, puisqu'il
ne dit pas un mot qui le supose , et
qu'il fait même entendre le contraire. 11
parle de son arrivée dans le Pays de Langres
, et raconte avec beaucoup d'ordre
et de précision les mesures qu'il prend ,
et finit son récit par son départ ; il avoit
assemblé son Armée dans un même Lieu
qu'il ne nomme pas , ses ordres étoient
donnés, avoit-il autre chose à faire, que
de partir ? Et ce qu'il dit , ne fait- il pas
connoître qu'il part du Lieu où ses Légions
sétoient rendues ? If les auroit assemblées
à Agendicum , s'il en avoit dû
partir , et on ne peut pas croire qu'il y
alt passé pour se donner lui - même un
soin aussi subalterne que d'y conduire
*
Il-Volt Avji deuxx
1054 MERCURE DE FRANCE
deux Légions , et les Equipages d'une
Armée, dans une conjoncture où il étoit
aussi pressé. Il remarque même , à la fin ,
de son VI. Livre , la distribution qu'il,
avoit faite de ses Légions avant que de
sortir desGaules pour aller en Italie .Il y en
avoit six à Agendicum , ainsi il put en tirer
quatre , et en laisser deux , et il lui.
étoit facile d'y faire conduire les Equipade
l'Armée sans y aller en personne.
Il a pû aussi assembler toutes ses Légions
et en renvoyer deux à Agendicum,
avec les Equipages ; quoiqu'il en soit , de
la maniere dont cela s'est fait , ce sera cet
ordre qu'il a donné , qu'on aura pris.
pour une marche effective qu'il ait faite..
ges
La situation des affaires de César ne .
lui permettoit pas d'ailleurs de passer par.
Agendicum , que presque tous les Scavans
prennent pour Sens , ce qui l'auroit:
obligé de traverser le Pays Ennemi ¡des .
Senonois , qui auroient inquiété son Armée
, retardé sa marche , et même auroient
pû lui couper les Vivres ; de sorte.
qu'il a dû ne pas s'écarter du Pays des
Eduens , Peuples qui étoient son unique.
ressource pour la subsistance de son Ar
mée:
On ne voit pas dans quel endroit du
Pays de Langres ,, César assembla cette
1. Vol.
Armée ; )
JUIN. 1737. 1055
Armée ; ainsi on ne peut pas dire qu'en
partant du Pays de Langres , il abrégeât
son chemin en passant par Agendicum
dans la circonstance où il se trouvoit ,
c'étoit avancer que de prendre même le
chemin le plus long , pourvû qu'il fût
le plus assuré , et on doit croire qu'il
avoit pris ses mésures de la maniere la
plus convenable à ses desseins.
César étant donc parti du Pays de
Langres , marche avec hâte , et arrive le
lendemain de son départ à une Ville des
Senonois , qu'il nomme Vellaunodunum ;
il dit lui-même les raisons qui l'obligent
de l'assieger , ne quem post se hostem relin
queret , quo expeditiore re frumentarià uteretur
, oppugnare instituit. Il l'aproche en
effet , en fait la circonvallation en deux'
jours , et l'oblige de se rendre ; comme
il n'avoit pas plus de temps qu'il lui en
falloit , il laisse à Trébonius le soin de
faire executer la Capitulation , marchet
à grandes journées à Genabum , et y arri
ve en deux jours .
1
César ne dit rien de la situation de
Fellaunodunum. Pour la trouver il faut
chercher une Place frontiere des Senonois
et des Eduens , sur la route du Pays
de Langres pour aller sur la Loire .
Je trouve la Ville d'Avallon , dont le >
L Vol. Bailliage,
106 MERCURE DE FRANCE
Bailliage , qui est ancien , est une partiè
engagée dans le Diòcése de Langres , mais
je ne la propose qu'avec précaution et
sans prétendre décider.-
La situation d'Avallon est exprimée
par le mot de Vellaunodunum , qui présente
à l'esprit, l'idée d'une Plaine, d'une
Vallée où il y a une éminence ; il n'est
pas nécessaire sans doute de rebatre aux
Sçavans l'étimologie de Dunum , après
ce que M. Lancelot et M. le Beuf en ont
dit , il y a dans le Pays même des preuves
qui fortifient le sentiment général
sur cette explication , qui est reçûë de
tout le monde.
La Ville d'Avallon est située à l'extré
mité d'une Plaine qui est bornée de côtéaux
plantés de Vignes , qui produisent
ces Vins si estimés , et sur un rocher escarpé
de trois côtés , entouré de larges
et profonds Vallons , sur lesquels elle
domine , dans une partie desquels coule
la Riviere de Cousain , Cusa amnis i
de sorte que ceux qui viennent du Morvent
, qui est au midi de cette Ville ,
sont obligés de descendre et de monter
plus qu'ils n'ont descendu , pour arriver
à cette même Ville .
On ne peut pas dire que l'épithete de
Dunn n'y convienne pas , sous prétex-
I fol te,,
JUIN.
1057 1737.
te , que du côté de la Plaine elle est ac
cessible , puisque des trois autres elle est
sur une éminence qui domine tous les
aspects.
Si on raproche Vellaunodunum du noma™
d'Aballo ,on y trouve plûtôt un retranchement
qu'un changement , Aballo se´
trouvant dans Vellauno , la lettre V. a
souvent été prise pour le B. et A. pour
E. dans les Mémoires Historiques et Critiques
, attribués à Mezéray ; s'il n'y a
pas faute d'impression , on y lit Abullo ,
Avallon , ainsi Avellau , Abullo , Aballo,
sont un même nom, que les Copistes ou
lés prononciations ont défiguré. Bollandus
qui sçavoit les altérations auxque !--
les les noms de Villes sont sujets , dans
ses notes sur la vie de Saint Lubin , Evêque
de Chartres , a pris Avallocium pour
Avallon , quoique ce soit Alluye au Pays
de Chartres , il n'y a qu'à voir Gregoire
de Tours , liv . 44.. cc.. 5500.. Avallocium Car
natensem Castrum : surquoi Dom Ruinart´
observe qu'il s'est apellé depuis Alcium
ou Alogium , mais qu'il s'est écrit Alsium
dans la plupart des Manuscrits , le
mot Aval,suivant Menage, signifie pente :
et descente. Les mots de Val et de Vallée
rapellent cette signification . Avaller
-dans le sens qu'il a communément, étant
1. Vol .
1658 MERCURE DE FRANCE
métaphorique , et faisant allusion à la
descente des alimens , c'est peut -être ce
qui est entré dans l'esprit de l'Auteur
de la Chronique des Minimies , quand
il a dit d'Avallon , à l'occasion du Convent
de son Ordre qui y est établi , que
son nom lui venoit de sa situation , à
præter labente fluviolo cui incidet Aballo
dicitur. Ainsi le mot Aballo n'exprimera
qu'une partie de ce que Vellaunodunum
signifie , il présentoit à l'esprit la pente
et la descente en même temps que l'élevation
, comme un endroit où on ne fait
que monter et descendre ; au lieu qu'A
ballo n'exprime que la descente , ce qui
revient toujours au même , puisqu'on ne
peut descendre d'un endroit , qu'on ne
remonte pour y retourner.
Il paroît plus à propos de rendre ainsi
l'étymologie d'Avallon , que par une
autre explication du Celtique qui rend
celle de pomme et de pommier , suivant
un Dictionaire François Breton-Armorique
, imprimé en 1659. page 130 .
Adrien de Valois a reçû cette étymolo
gie, suivant laquelle Vellaunodunum pouroit
signifier la même chose ; cependant
quoiqu'il soit plus juste d'expliquer les
noms de nos Villes anciennes par cette
Langue , que par ceux du Grec ou dự
1. Wo!.. Latin
JUIN. 1737. 1059
Latin , il faut préférer l'explication qui
a un raport à la chose qu'on explique .
Je conviens qu'on ne trouve aucun
Monument qui prouve l'ancienneté d'Avallon
, et que si on en exigeoit , je serois
réduit à la même excuse que ces familles
douteuses qui se forment un titre
de leur obscurité , et qui ont perdu leurs
papiers dans des incendies ou des pillages
; cette raison ne seroit pas si mauvaise
pour Avallon qui en a essuyé de
trop connus , pour que je sois obligé
d'en donner ici les preuves. J'ai oui - dire
à des personnes dignes de foy , qu'il y
avoit eu des restes d'Antiquité , mais
c'est comme s'ils n'avoient pas existé ;
on ne sçait ce que c'est , et on n'en voit
rien .
Il y a seulement quelques années qu'en
démolissant ( chés les Prêtres de la Doctrine
Chrétienne qui gouvernent le Colle
ge ) les fondations du Château d'Avallon
, Castrum Avallonis ; on trouva sous
une grosse pierre du bled , dont l'écorce
étoit noircie , soit par vetusté , soit
par quelque opération qu'on avoit faite
pour en conserver la farine aussi saine
qu'elle étoit , deux Lyonceaux d'or , et
plusieurs Médailles; j'en ai vû une qui est
encore entre les mains de M. Vallon ,
I. Vol. Chanoine
1060 MERCURE DE FRANCE
Chanoine de l'Eglise Collégiale Notre-
Dame Saint Lazare de cette Ville , qui
est une consecration d'Auguste ; on y lit
Imp. Cas . au revers , Aug. avec un Aigle.
Je sçais bien que tous les murs dans
lesquels il y a des Médailles , n'ont pas
été bâtis dans le temps auquel ces Médailles
ont été frapées , mais celle ci s'est'
trouvée avec plusieurs autres , avec du
bled , deux Lyonceaux , sous une pierre'
distinguée par sa grosseur , et la figure
ronde , qui servoit de fondement à un
mur de dix-huit à vingt pieds d'épaisseur
, dont l'ouvrage étoit si solide et
si massif , qu'un Ouvrier en pouvoit à
peine rompre deux ou trois pieds par
jour , c'est ce que j'ai vû à peu près dans
le même endroit , dans une autre occasion
, et ce qu'on avoit déja , vu dans le
temps que les Ursulines ont bâti leur
Convent , et toujours dans l'enceinte où
la Tradition du Pays , les anciens Titres:
et Terriers de la Ville et du Chapitre ,
placent le Châtel d'Avallon ..
Ces Lyonceaux , ce bled , ces Médailles
, me rapellent à ces anciennes superstitions
, à l'occasion de la fondation ou
du rétablissement des Villes ou Bâtimens
publics , dont on voit le détail
dans Tacite , 1. 4. Plutarque sur la Vie
1. Vol.
de
JUIN. 1737. 1:61
de Romulus , Alex.ab Alex.l.6. c. 14. XC.
Ne feroit ce pas encore trop hazırder ,
de conjecturer que ce pouroit être Auguste
qui auroit formé le Castrum Ava
lonis , pour y loger les Troupes qui devoient
y pisser sur les grands chemins
qu'il y a fait faire , dont on voit les restes
, et dont il est fait mention dans l'Itinéraire
d'Antonin , et les Tables des-
Peuttingers ? Et la destination de ce Castrum
, pouroit faire rendre raison du retranchement
de Dunum , et de sa substitution
en sa place , ce qui lui est commur.
avec d'autres Villes . Quoi qu'il ensoit
, l'Itinéraire connu sous le nom d'Antonin
, qui porte Aballo , ne contredit
pas cette opinion , les Sçavans ne sont
pas même d'accord sur son époque , que
l'on ne porte pas communément à la premiere
Antiquité.
Avallon est assés ancien pour pouvoir
être Vellaunodunum , on ajoute à ce que
l'on a déja dit , qu'on voit cette Ville
en considération du temps au moins
de Saint Germain , Evêque de Paris , qui
y avoit étudié , et de Saint Jean de
Reaume , pour avoir un Comte , des
Ecoles , et une étendue de Pays dont
elle étoit la Capitale , qui s'apelloit Pagus
Avalensis."
I. Vol.
Si
1062 MERCURE DE FRANCE
Si on réunit ce que je dis sur l'ancienneté
d'Avallon , son nom , sa situation ,
qu'elle est sur la route du Pays de Langres
pour aller sur la Loire , et frontiere aux
Eduens, en ne séparant pas toutes ces vûës,
je crois qu'elles forment au moins une forte
conjecture pour mon sistême ; mais je
laisse aux Sçavans à décider , et je me soumets
d'avance à leur jugement.
Je sçais bien qu'on me peut faire , en
tr'autres objections , celle - ci ; que César
dit que Vellaunodunum est une Ville des
Senonois , et qu'Avallon est du Diocèse
d'Autun , et que les Diocèses Ecclesiastiques
ont été formés sur le partage tem
porel des Provinces; d'où on doit conclure
, dira- t-on, qu'il faur chercher Vellannodunum
dans la Métropole de Sens.
Ce principe est vrai , mais il cesse de
l'être , si on en fait en route occasion
un usage trop rigoureux ; loin de le combattre,
je prétends le recevoir et le rendre
plus certain en le resserrant dans ses bornes
, et faisant voir qu'il ne nuit pas à
ce que j'ai proposé.
On sçait que la Foy a été portée dans
les Gaules assés tard , ainsi les Eglises n'ont
pû être en état de faire entr'elles des
divisions de Diocèses que plus tard encore,
et vraisemblablement depuis Cons-
1. Vol. tantin
JUIN. 1737. 1063-
tantin.Or il est certain que les distinctions
des Provinces Ecclesiastiques n'ont été
formées que sur la division temporelle
qui subsistoit dans le temps que l'on a
fait ces divisions . C'est donc un Anacronisme
d'apliquer l'étenduë d'un Diocèse,
ou d'une Métropole à l'étenduë d'un Païs
du temps de César , puisque depuis lui
jusqu'à l'établissement des Diocèses Ecclesiastiques
, il y a eu differens partages
de Provinces , et que l'autorité des Villes,
ou du moins de quelques- unes avoit
it passé
à d'autres , qui , par consequent, dans
P'Ordre Ecclesiastique étoient devenuës
les premieres. Les divisions des Diocèses
n'ont pas été reglées avec les premiers
Evêques, ce n'a dû être que quand ils ont
été dans un état fixe et tranquille , que les
changemens de Province n'en ont point
fait aux limites du Territoire Ecclesiastique
. On voit bien , par exemple , que le
Diocèse d'Autun , quelque étendu qu'il
soit , ne comprend pas tout le Pays des
Eduens ; que le Pays des Senonois n'est
pas exactement le territoire du Diocèse
de Sens , ni même celui de la Métropole ;
la quatriéme Lyonnoise étant une divi .
sion posterieure , qui a donné l'étenduë à
la Métropole . M. de Tillemont T. 5. His.
toire des Empereurs , Art . 65. sur l'Em
1. Vol pereur
1064 MERCURE DE FRANCE
pereur Honorius , raporte que cet Empereur
partagea la Lyonnoise en quatre
Provinces , que du tems de Gratien et de
Théodose , elle n'en faisoit que deux , dont
Lyon et Rouen étoient Métropoles ainsi
c'est à Honoré que les Métropoles de Tours
et de Sens doivent leur Erection , aussi la
troisiéme Lyonnoise , qui est la Province de
Tours et la Senonoise sont marquées entre
·les dix - sept Provinces des Gaules dans la
Notice de l'Empire qu'on croit avoir été faite
du temps d'Honoré. M. de la Barre dans
un Mémoire sur les Divisions des Gaules,
imprimé dans les Mém. de Litt. T.8. p .
403 , prétend trouver la division des quatre
Lyonnoises avant 381. sous l'Empire
de Gratien . Quoi qu'il en soit, il ne faut
pas conclure que parce qu'une Ville n'est
aujourd'hui ni de la Métropole , ni du
Diocèse de Sens , qu'elle n'étoit pas du
temps de César dans le Pays des Senonois
, puisque cette Métropole a été formée
bienpostérieurement sur un partage
temporel tout different .
Il est plus que vraisemblable qu'Aval
lon , qui n'est éloigné que de deux ou
trois lieuës du Diocèse et du Bailliage
d'Auxerre , ait été compris dans le Pays
des Senonois ; le Pays des Eduens s'éten
doit moins de ce côté-là ; et César , après
1. Vol.
avoir
JUIN. 1737. 1065
avoir pris Vellaunodunum, l'aura attribuée
aux Eduens. Enfin il y a eu depuis lui
jusqu'au temps de l'établissement des
Diocèses tant de changemens généraux
et particuliers , qu'on ne peut apliquer la
Division Ecclesiastique pour connoître à
quel Pays on doit attribuer une Ville du
temps de César,
Après la prise de Vellaunodunum, César
partit avec précipitation pour aller à Genabum.
Ipse ut quamprimùm iter faceret ,
Genabum Carnutum proficiscitur. Il falloit
bien que ce fût l'endroit le plus près où
il pût passer la Loire , puisque ne s'étant
mis en marche que pour secourir Gergovia
, qui n'étoit pas , comme il le dit luimême
, en état de tenir long-temps , il
avoit trop
d'interêt de ne pas prendre un
passage plus bas , pendant qu'il en trous
voit un plus près , et il falloit bien que
ce fût le seul endroit où il dût nécessairement
passer , puisque les Carnutes méditoient
de la mettre en défense , et ne
s'étoient pas assés pressés d'y jetter les
secours nécessaires soit d'hommes , soit
de munitions , parce qu'ils croyoient que
le Siege de Vellaunodunum traîneroit en
longueur. Si la situation de leur Place ne
les avoit pas exposés les premiers , ils
n'auroient pas dû croire que César seroit
L. Vol,
venu
1.066 MERCURE DE FRANCE
venu à eux après la prise de Vellaunodunum
; ce qui prouve , sans replique , que
c'étoit le seul passage convenable aux desseins
de César.
Son objet assurément n'étoit pas d'al
ler s'amuser à se vanger de Genabum , il
n'y passoit que parce que c'étoit son che
min ; quand il part du Pays de Langres ,
il mande aux Boïens qu'il marche à leur
secours ; il les exhorte à lui donner le
temps , par une vigoureuse resistance ,
de lesjoindre à propos.Gergovia étoit trop
peu considerable pour qu'il pût compter
pouvoir prendre Genabum avant que Vercingentorix
eût pris Gergovia , lui qui
doutoit même s'il auroit le temps d'y ar
river. On sçait les inquietudes que le
Siege de cette Place lui donnoit ; enfin
il ne párt l'hyver que pour la secourir.
On ne peut donc pas lui donner
d'autres motifs s'il passe à Genabum ,
que de prendre le chemin le plus court
pour y aller.
Il y a quantité d'inconveniens à croire
que César ne prend Genabum que pour
donner à ses Armes l'éclat d'une vengeance
; il y avoit sans doute plus d'éclat
à réussir dans son objet en arrêtant les
entreprises de ses Ennemis , en secourant
ses Alliés , et en ne laissant pas prendre
1. Vol.
Gergovia
JUIN. 1737. 1067
Gerrovia ne risquoit- il pas tout si cetre
Place tomboit entre les mains des Gau
lois ? ainsi c'est la nécessité du passag
qui détermine César à attaquer Genabum
et c'est ce qui me détermine à préférer
le sentiment de ceux qui prennent Gien
pour Genahum , à l'opinion de ceux qui
sont pour Orleans.
Cette marche que je fais faire à César ,
en le faisant partir du Pays de Langres ,
et en prenant Avallon pour Vellaunodu
num , comme étant à peu près à égale
distance de Gien et de l'endroit où il
a voit assemblé ses Légions , qui est celui
d'où il part , puisqu'il arrive en deux
jours à Vellaunodunum , et qu'il met le
même espace de temps pour aller de
Vellaunodunum à Genabum , cette marche ,
dis . je , s'accorde parfaitement avec l'idée
qu'en donne César. Il avoit une Armée
légere , qui n'avoit aucuns embarras d'é.
quipages , et il exprime fort clairement
qu'il va plus vite que de coûtume ; il ne
dit cependant pas qu'il fait de ces marches
forcées et extraordinaires qu'on sçait
qu'il a quelquefois faites en d'autres occasions
, et qu'il a soin de remarquer: ainsi
il faut prendre le milieu entre ces grandes
marches et une marche ordinaire , On
remarque , après Vegece , qu'un Soldat
1. Vol. B Romain
1068 MERCURE DE FRANCE
Romain faisoit en cinq heures d'Eté
gradu militari , vingt mille , ce qui revient
à six lieuës et demie . Or ceux qui
font passer César à Sens , et qui mettent
Vellaunodunum entre cette Ville
Orleans , ne lui font faire que vingt qua
tre lieuës en quatre jours de marche ; re.
connoîtroit- on l'activité de César defal
re moins que de coûtume
, quand
il dit
qu'il en fait davantage
, et qu'il s'étoiɛ même, dans ce dessein
, débarassé
d'équis pages? Il y a encore
plus d'inconvenient
pour ceux qui , prenant
Genabum
pour
Gien , ne lui font faire que quinze
lieuës en quatre jours , en le faisant
aussi pard tir de Sens au lieu qu'en prenant
Vel
launodunum
pour Avallon
, et le faisant
partir du Pays de Langres
, on lu fic
fait faire dix de nos lieuës
par jour , c'est crois lieues
et demie
plus que l'ordinaire
: pouvoit
- il faire moins
étant obligé
à faire une marche
plus forte ? et n'a ton
vû qu'il en a fait plus du double
en une nuit? c'est ce que les Partisans
d'Orleans prouvent
par César même.
La nouvelle de la Révolution arrivée
à Genabum est portée en douze ou quinze
heures en Auvergne , qui , selon César
en est éloignée d'environ 160. mille , ce
qui revient à 52. lieuës , et prouve que
1. Vol.
JUIN. 1737.
1069
, par
c'est plûtôt Gien qu'Orleans ; car quelque
prompte qu'on puisse imaginer
qu'ait été la maniere dont les Gaulois se
communiquoient successivement
des cris , ce qui se passoit d'un Pays à un
autre , il ne faut pas outrer la facilité de
cette communication , qui de Gien en
Auvergne aura toûjours été la plus prompte
que les hommes puissent par eux- mêmes
mettre en usage .
Quelqu'interessant qu'ait été cet évenement
, il arriva sans être médité ; les
Carnutes s'engagerent bien de faire la
premiere entreprise , mais on ne sçavoit
quand, et quelle elle seroit , et quoiqu'on
en répandît sur le champ la nouvelle , elle
ne le fut pas plus promptement que les
autres qu'on communiquoit par la même
voye ; il falloit toûjours que les uns attendissent
que ceux qui les devoient entendre
parussent , et ainsi des autres , à
moins de suposer qu'ils fussent tous prêts :
c'est ce qui n'est pas naturel à penser, et
ce qu'on ne peut faire dire à César sans
forcer son texte .
Gien est plûtôt à 2. lieuës d'Auvergne
qu'Orleans qui en est à 12. ou 15.
lieues plus loin , et la distance que César
marque par mille, est plus exacte et plus
près de la verité que notre maniere de
1. Vol. Bij compter
1070 MERCURE DE FRANCI
compter par lieues , parce que la differen
ce du nombre se trouveroit trop grande
il
J
y a près de so. mille de Gien à Orleans
et par consequent au lieu de 160. mille
ce sont 210. mille d'Orleans en Auver
gne . Nous disons plus aisément sc.OL
60. lieuës , qu'on ne diroit 150. ou 200
mille: enfin en donnant 15.heures pour l
temps de porter la nouvelle à 160. mille
il aura fallu 4. heu . et demie de plus pou
la porter d'Orleans en Auvergne , etc
plus ou ce moins n'auroit pas manque
d'être remarqué par César , puisque cet
évenement n'auroit pas été sçû , comme
il le fut , antè primam confectam vigiliam ,
et qu'il l'auroit été 4. heures et demie
plus tard . Aymoin est l'Auteur de l'o
pinion qu'Orleans est Genabum : son au
torité en fait de critique n'est pas assés
bien établie pour qu'il en soit crû sans
nous en avoir cité d'autres pour apuyer
la sienne , et je crois qu'avec Aymoin ,
Hugues de Fleury , le Poëte Gilles de
Paris , la question peut demeurer en son
entier. Peut -on aussi compter tous ceux
qui ont traduit Genabura Orleans , et
ceux qui aportent en faveur de leur opinion
, le nom de Genabum par- tout où ils
le trouvent? Tant de personnes ont mis
la main au Livre d'Aymoin , que son
༈༙ ་
1. Vol.
passage
JUIN. 1737. 1071
passage poutoit bien être une Note inserée
dans son Texte, et l'autorité qu'on
lui veut donner sur ce qu'il a demeuré
dans le voisinage d'Orleans et de Gien ,
ne presente toûjours que la question de
sçavoir s'il a bien connu ce Pays-là ; cette
demeure pouvoit - elle lui faire connoître
un Fait tel que celui dont il s'agissoit ?
Glaber , qui avoit été Moine à Saint
Germain d'Auxerre , et que l'on croit
même être né en cette Ville , qui n'est
pas fort éloignée de Gien et d'Orleans ,
prétend que cette dernière Ville n'a cu
son nom que de sa situation sur la Loire ,
quasi ore Ligerianâ eo videlicet quod in ore
ejufdem Fluminis ripa sit constituta , non
quidam minus cauti existimant ab Aureliano
Augusto.
>
M. de Tillemont T. 3. sur la Vie de
Empereur Aurelien a suivi le sentiment
d'Oton de Frisingue . Cet Empereur
vint , dit il , dans les Gaules ; on ne dit
pas ce qu'il y fit , selon Zonare & le Syncelle
, il semble qu'il y soit venu à cause de
quelque rébellion des Gaulois , qu'il apaisa
bien tôt. Le Maire , dans son Histoire
d'Orleans , cite beaucoup de Modernes
qui croyent que cette Ville a été rebâtie par
Aurelien , et le nom Latin qu'elle portoit
dès le cinquième Siecle au moins sen ble ne
I. Vol.
Biij. venir
T072 MERCURE DE FRANCE
venir
que de lui. C'est donc sur l'Analogie
du nom Latin d'Orleans , que cet Auteur
, si respecté des Sçavans , l'attribuëà
Aurelien,plûtôt que sur l'autorité des Mo
dernes , et il ne passe pas pour cela à l'opinion
de ceux qui la font descendre de
Genabum. Il ajoûte même que le nom
Latin d'Aurelianis étoit celui qu'elle portoit
au moins dès le cinquiéme Siecles
elle n'en avoit donc pas alors d'autr
sous lequel elle fût communément connuë
; ainsi le passage de Gregoire de
Tours dans la Vie de S. Nisier , Evêque
de Lyon , est entierement décisif ; bien
loin de pouvoir être tourné en objection .
Cet Auteur fait mention de Genabensis
Galliarum Urbs : il y désigne une Vill
dont il n'avoit pas encore parlé , et i
falloit que cette Ville ne fût pas alor
bien connue , puisqu'il étoit obligé d'a
joûter , pour qu'on ne s'y méprît pas
que c'étoit une Ville des Gaules . Auroitil
ainsi parlé d'Orleans qui étoit dans
son état brillant ? Pourquoi l'auroit - il
ainsi obscurcie sans la faire paroître , lui
qui en parle en plus de cinq uante occasions
sous le nom de Aurelianis ? Pour
quoi dans ce seul endroit auroit- il donné
un nom qui n'étoit pas le nom connu
et en usage ? Il faut donc conclure du
I. Vol. passage
JUIN. 1737. 1073
passage de Gregoire de Tours , qu'il y
avoit de son temps une Ville de Genabum
, et la Ville d'Aurelien , et que ces
deux noms sont de deux Villes differentes
. La seule raison qui a fait croire à
Dom Ruinart que Genabensis Vrbs étoit
Orleans , c'est que Gregoire de Tours
avoit déja fait mention de Genêve sous
le nom de Januba.
On objecte contre Gien le passage de
Strabon qui place Genabum environ , fe
rè, au milieu de la Loire , restriction qui
rend son expression toûjours douteuse ,
et qui ne doit pas faire chercher Genabum
au milieu de ce Fleuve . C'est décider
ce qu'il ne décide pas , de tirer la
conséquence que cela s'aplique plûtôt à
la situation d'Orleans qu'à celle de Gien ;
puisque quand il s'en faudroit 15. lieuës,
cela n'empêcheroit pas que , sans accuser
Strabon de s'être trompé , on ne pût
dire , sans erreur , que Gien est presque
au milieu de ce Fleuve , par raport à son
long cours ; et je crois qu'à le bien prendre
, Gien est plûtôt au milieu de la Loire
qu'Orleans.
On ajoûte que Genabum étant le Marché
principal des Carnutes qui venoient
y commercer , cela convient mieux , diton,
à Orleans , qui est plus près de Char-
I. Vol. Biiij.
tress
1074 MERCURE DE FRANCE
tres que Gien ; mais c'est tout au plus une .
raison de convenance. Quand on parle
des Carnutes , cela doit s'entendre de tout
le Pays , aussi -bien que des Peuples de
la Capitale , et ce n'est pas toujours la
proximité d'une Ville d'un Pays avec la
Capitale , qui lui est la source de son
commerce ; c'est elle- même qui par sa
situation avec l'Etranger le porte au Pays.
C'étoit Genabum qui fournissoit les Carnutes
, et portoit la richesse et l'abondance
dans le Pays , sans avoir besoin d'être
plus près de Chartres . Il faut faire attention
à l'état des Gaules , qui la rendoit
alors le rendez- vous des Peuples dont
elle étoit voisine.
.
Strabon justifie la maniere dont je réponds
, en parlant du commerce du Rhône
: il dit que la rapidité de ce Fleuve
rendant la navigation difficile à ceux qui
le remontoient , on transportoit les marchandises
par terre chés les Auvergnats ,.
et sur la Loire : Gien , auroit sans doute
été bien plus à portée qu'Orleans d'être
l'Entrepôt de ce commerce , et la premiere
Place considérable qui auroit reçû
ces marchandises. N'étoit- elle pas dans
une meilleure situation qu'Orleans par raport
à l'état de Gaules les Auvergnats y
venoient par la Loire ; elle étoit frontiere
I. Vol. aux
JUIN. 1737. 1075
aux Peuples du Berry , aux Eduens, aux
Senonois, & c. Cela ne valoit- il pas mieux
que d'être dans la situation d'Orleans et
plus près de Chartres ?
Le Maire, dans son Histoire d'Orleans ,
ajoûte qu'une suite de ce commerce ,
c'est que l'Evêque et le Chapitre de Chartres
faisoient anciennement tous les ans une
Procession à Orleans; ce qui prouvoit , sclon
lui ,l'habitude des deux Peuples d'aller
les uns chés les autres Il faut, suivant ce
raisonnement qu'il n'y ait eu aucune interruption
entre le commerce des Chartrains
et Genabum avec l'établissement des Processions
dans l'Eglise , pour que l'on puisse
dire que l'un a été l'occasion de l'autre
et c'est ce qu'on ne peut soutenir : la célébrité
d'Orleans , et le commerce qui
y a été porté depuis , en pouroit être la
seule cause, puisque cela aproche plus du
temps des Processions : il seroit même
peut -être plus naturel de donner à cet
établissement une origine plus pieuse
Enfin, pour tirer une consequence justė,
il faut prouver qu'Orleans est Genabum
autrement on tombe dans une petition
de principe.
On ajoûte encore que les chemins Romains
dont on trouve des vestiges consi--
derables , conduisent de Chartres à Or-
I Vole leans > Biv
1076 MERCURE DE FRANCE
leans , sans faire voir qu'ils ayent existé
avant Aurelien; quoi que ce soit Auguste
qui ait fait travailler le premier aux
grands chemins dans les Gaules, on sçait
qu'il ne les a pas tous faits , et Bergier
entre dans un grand détail du soin avec
lequel les Empereurs qui ont suivi , les
entretenoient , et formoient de nouvel
les communications entre les Villes.
On compte ensuite les distances de Ge
nabum à Paris , et on fait la même operation
en suivant la route jusqu'à Autun ,
et on prétend que , par l'évaluation des
Milliaires sur nos lieuës , il est impossible
que Gien soit l'ancien Genabum , puis
qu'Orleans se trouve précisément à la
même distance de ces Villes que Genabum.
Mais sans entrer dans tout le détail de
la réponse qu'on pouroit faire, qui demanderoit
beaucoup d'étendue , on croit que
ce qu'on a dit , affoiblit d'avance l'impression
que peut faire cette objection ,
qui est , à le bien prendre , la seule qui
reste aux Partisans d'Orleans. On sçait
que l'Itineraire est une piece suspecte et
fort peu exacte, puisqu'on convient qu'il
y a des lacunes en plusieurs endroits ,
que les noms des Villes y sont alterés ,
que les Milliaires ne sont pas sûrs , que
4. Fol..
les
JUIN. 1737. 1077
Yes Sçavans ne sont pas même d'accord
sur plusieurs routes ; de sorte qu'on ne
doit pas se servir de l'Itineraire pour décider
des points obscurs : tout au contraire,
on vérifie l'Itineraire sur les connoissances
que l'on a , et on ne s'en sert pas
comme on a fait avec des conjectures.
Il est inutile de faire valoir la célébrité
d'Orleans sous la premiere Race de nos
Rois , qu'elle a été Capitale, &c . Cela ne
peut pas prouver qu'elle ait été Genabum ,
ni qu'elle fût ancienne ; ces raisons ne
déterminent pas pour y porter la Cour
d'un Roy , et ces sortes de distinctions
peuvent fort bien convenir à une Ville
nouvellement bâtie , qui a ordinairement
plus d'agrément qu'une Ville qui n'a que
le mérite de son ancienneté .
On veut encore que Gien justifie des
Monumens anciens , ce qui est hors du
cas ; puisque cette Ville , en la prenant
pour Genabum , ayant été détruite et brû--
lée par César , n'ayant pas eu de Restaurateur,
et les Romains n'y ayant pas laissé
de ces Ouvrages immortels , n'aura rien
conservé ; combien de Villes anciennes ,
reconnues pour telles , qui n'ont aucuns
monumens de ces Maîtres du Monde ?
Cela peut même s'accorder avec ce qu'on'
Groit d'Orleans , qui ayant été bâtie , ou
IVol.
Bvj retablie
1078 MERCURE DE FRANCE
retablie par Aurelien , aura reçu tout le
commerce avec plus d'avantages qu'auci
ne autre Ville : les Peuples mêmes de Genabum
, élevés au commerce ,
auront été
s'y établir ; et ce sera ainsi qu'Orleans
aura été formée des débris de Genabur
qui sera demeurée une Ville peu considérable
: il n'en faut pas davantage pour.
faire naître de ces Traditions populaires
qui se corrompent toûjours , et qui dans
les temps ténebreux de la Litterature, auront
été adoptées par Aymoin , & c.
La question que l'on fait , si Gien subsistoit
, est la question même ; si elle est
Genabum , elle subsistoit ; si elle est Genabum
, elle avoit un Pont. Il pouvoit y
en avoir plus bas , mais il ne s'agit pas
de celui - là . Enfin le nom qu'elle porte
est d'une grande considération pour
apuyer ce sistême , il fait autant croire
que Gien est Genabum , que le nom d'Or
leans peut prouver qu'elle tire son origine
de l'Empereur Aurelien , suivant
M. de Tillemont , il n'y en a pas d'autre
preuve . Les noms de Giemus, Giemacum
, Giemum , qu'elle a porté dans les
temps de la basse Latinité, sont-ils plus
éloignés de Genabum que ceux de quan
tité de Villes qu'on reconnoît avec de
pareilles alterations ? .
I..Vol.
Ons
JUIN. 1737. 1079
On fait encore la même objection à
Gien que celle que j'ai prévu pour Aval
lon , en disant qu'elle est aujourd'hui du
Diocèse d'Auxerre et de la Métropole
de Sens : d'où on conclut qu'elle a dû être
du Pays des Senonois , et qu'elle ne peut
avoir été Genabum , qui étoit du Pays des
Carnutes. Je ne repeterai pas ce que j'ai
dit sur le principe en général , jajoûterai
seulement que le Lieu où est Gien apartenoit
incontestablement aux Carnutes
puisque la Loire passoit , suivant Stra
bon , chés les Auvergnats , et dans le
Pays des Carnutes ; et il ne dit pas qu'elle
passât chés les Senonois. Enfin ce qui ne
peut convenir à Orleans , et désigne absolument
Gien , c'est que César , aprèsavoir
pris Genabum , entre dans le Pays
de Berry.
Dire que Gien auroit eu l'Evêché si
elle avoit été Genabum , c'est vouloir faire
croire que ces établissemens ont été faits
les Titres à la main , en examinant l'an--
cienneté des Villes , et que les Apôtres
des Gaules , et ceux qui ont fondé des
Eglises , n'ont pas plûtôt fait attention
à d'autres avantages plus propres à ré
pandre la Foy Pourquoi Decise , Melun
, & c . n'ont elles pas d'Evêques ? Ces :
Villes ont parû avant Lyon , qui est
14Vol.. cependant
TOS MERCURE DE FRANCE
cependant apellée la Mere des autres
Eglises. C'est que Lyon avoit dans ce
temps là des avantages qui la faisoient
regarder , à juste titre , comme une Ville
des plus considérables par le concours
des Etrangers. N'étoit- il pas plus naturel
qu'Orleans , qui sortoit , pour ainsi
dire , des mains d'Aurelien , eût un Evêque
, que Gien , qui n'avoit que le souvenir
de son ancienneté , inuțile à l'établissement
d'un Evêché ? cela même aura
dû se faire en suivant le rang que
les Villes tenoient dans l'ordre civil , par
les Prérogatives qu'Aurelien aura accordées
à sa Ville. Je ne prétens pas enlever
à Orleans aucun de ses avantages ,
même son ancienneté , elle peut avoir
précedé Aurelien , sans avoir été Genabum.
Quand elle ne prendroit son origine
que de ce Prince , elle l'emporteroit
toûjours sur quantité de Villes du Royaume
, par l'éclat avec lequel elle a parû ,
et les Grands Hommes qui en sont sortis ,
et ceux qui y vivent encore.
ni
On me reprochera peut- être de m'être
trop attaché à des conjectures , & à l'Analogie
; je ne donne pas les conjectures
pour des preuves; j'ai cru avoir droit d'en'
faire usage dans des questions où on ne
peut que m'en oposer ; pour l'Analogie ,
I,Vol
jai:
JUIN. To81 1737
fai évité les deux excès de la mépriser , et
d'en faire trop de cas ; je ne m'y suis pas
abandonné sans regle , puisque je l'ai accordée
avec la position de Lieux.
31. Janvier 1737 .
ETRENNE S.
Puisque voulez que je vous donne Etrenne
De quelques Vers, pour de l'an le premier ,.
En voici donc que d'une aride Veine ,
J'arrache avec moult chagrinante peine
Pour vous marquer que bonheur tout entier ,
Que de plaisirs , trop cruelle Climene ,
Par celui- là que sans aucun quartier ,
Vous prenez goût de mettre dans la gêne ,
Est désiré pour vous plus d'un millier .
Point l'avez crû lorsque sur le papier
Le Notaire a griffonné votre chaîne ,
Avec celui qui comme un vieux Rentier ,,
Silencieux pendant un jour entier ,
Même avec vous pouroit rester sans peine.;
Il m'a fallu souscrire à vos désirs ;
Mais quel'amour mon coeur vous sacrife ?
Fatal Hymen ! que de tendres plaisirs ,
J'aurois goûté pendant toute ma vie !
Tout promettoit succès à mon ardeur ;
Les premiers feux de votre jeune coeur ,
L.Vol.
Farent
fo82 MERCURE DE FRANCE
;
Furent pour moi ; que n'ai -je un peu plus d'âge !
Oui , malgré tout , jeunesse et voisinage ,
Vous me quittez , pour qui ? Pourun Rival
Plus près que moi de son terme fatal ;
Entre-nous deux , voilà la différence ,
Quoi la vieillesse obtient la préference !
Pardon , mes vers peut- être sont trop francs.
Mais puis - je moins dans mes ennuis pressans?
Attendez-vous dans ma douleur mortelle ,
Qu'à votre égard plus Poëte qu'Amant ,
Et de mon coeur trahissant la querelle ,
Pour présider à votre accouchement ,
J'implore encor le secours de Lucine
Et qu'en beaux vers , je chante l'origine
D'un bel Enfant ? je suis votre valet ;
C'est bien assés d'envoyer ce bouquet. `
Reganhac , fils.
2
DISSERTATION sur l'Origine du
Papier et Parchemin timbre , les Lieux
où cette Formalité est établie , son Objet,
ses Effets , et diverses questions auxquelles
elle peut donner lien. Par M. A. G.
Boucher d'Argis , Avocat au Parlement..
Q
Uoique l'établissement du Papier
et Parchemin timbré en France net
remonte guere qu'à 60. et quelques an
I Vol.
nées
JUIN. 1737. 1033
nées, et que cette matiere semble d'abord
être purement de Finance , la formalité
du Timbre en général , ne laisse pas d'être
fort ancienne , et de faire naître diverses
questions , dont la décision dépend
des principes du Droit et de l'équité
naturelle.
C'est sous ce point de vûë que l'on se
propose de discuter ici cette matiere , et
seulement en ce qui est du Ressort de la
Jurisprudence .
19. Il paroîtra peut - être singulier que
l'on fasse remonter l'origine du Papier
timbré jusqu'au temps des Romains : cependant
il est constant que cette formalité
ne leur étoit pas totalement inconnuë.
En effet , l'Empereur Justinien , considerant
le grand nombre d'Actes que les
Tabellions de Constantinople recevoient
journellement , et voulant prévenir certaines
faussetés qui pouvoient s'y glisser
, par sa Novelle 44. publiée l'an 537.
suivant les Fastes Consulaires ch. 2.
* Novella 44. de Tabellionibus , et ut Protocola
dimittant in chartis . Imperator Justinianus
August. Joanni Prafect.Prator . iterùm Exconsuli et
Patricio. Litem , &c . Cap. II .
Illud quoque prasenti adjicimus Legi , ut Tabeliones
non in aliâ charta purafcribant documen
ta , nisi in illâ qua in initio ( quod vocatur Proto-
I.Vol.
donna
7084 MERCURE DE FRANCE
donna que ces Tabellions ne pouroient
recevoir les Originaux des Actes de leur
ministere que sur du Papier en tête duquel
(ce qu'on apelloit le Protocole ) seroit
marqué le nom de l'Intendant des
Finances qui seroit alors en place , le
temps auquel auroit été fabriqué le papier,
et les autres chosesque l'on avoit coû
tume de mettre en tête de ces papiers descolum
per tempora gloriosissimi Comitis sacrarum
nostrarum largitionum habeat appellationem , et
tempus quo Charta facta est , et quacumque in talibus
scribuntur , et ut Protocolum non incidant
sed insertum relinquant. Novimus enim multas
falsitates ex talibus chartis ostensas et priùs et nunc;
ideóque licet aliqua sit charta ( nam et hoc sancimus
) habens Protocolum non ita conscriptum
sed aliam quandam scripturam gerens , neque illam
suscipiant , tanquam adulteram , et ad talia'.
non opportunam: sed in sola ali chartâ qualem dudum
diximus, documenta scribant: hoc itaque qua
de
qualitate talium chartarum à nobis decreta sunt ,
et de incisione eorum qua vocantur Protocola ,
lere in hac felicissimâ solùm Civitate volumus, ubi
plurima quidem contrahentium multitudo , multa
quoque chartarum abundantia est , et licet legali´
modo interesse negotiis , et non dare occasionem
quibufdam falsitatem committere : cui se obnoxios
existere demonstrabunt , qui prater hac aliquid'
agere prasumpserint : que igitur placuerunt nobis
et per hanc sanctam declarata sunt Legem : tua
eelsitudo operi effectuique tradere festinet . Datum
X1 x. Kalend. Septembris
va-
1. Vol. tinés
JUIN. 1737. 1085
tinés à écrire les Originaux des Actes que
recevoient les Tabellions de Constantinople
, ce que l'on apelloit , suivant la
Glose et les Interprétes , Imbreviaturam
totius contractus ; c'est- à dire un Titre qui
annonçoit sommairement la qualité et
substance de l'Acte.
Par cette même Novelle l'Empereur
défendoit aussi aux Tabellions de Constantinople
de couper ces marques et titres
qui devoient être en tête de leurs-
Actes : il leur enjoignoit de les laisser
sans aucune altération , et défendoit aux
Juges d'avoir égard aux Actes écrits sur
du papier qui ne seroit pas revêtu en tête
de ces marques , quelques autres ti
tres ou Protocoles qui y fussent écrits .
Cette origine des Papiers et Parche
mins timbrés a été remarquée par M.de
Bâville , Intendant de Languedoc , dans
les Mémoires ( a ) qu'il a fait pour servir
à l'Histoire de cette Province , dans
lesquels , en parlant du Domaine , il dit
que comme il y a deux Généralités (b )
( a )Ces Mémoiresfurent faits pour l'instruction
de M. le Duc de Bourgogne en l'année 1697. On
les a imprimé depuis sous le nom fent d'Amsterdam
1734. mais le vrai lieu de cette Edition est
Marseille.
( b) Il n'y avoit alors dans le Languedoc que
1. Vol.
dans
1086 MERCURE DE FRANCE
dans leLanguedoc,il y a aussi deux Sous-
Fernres du Domaine ; l'une pour la Généralité
de Toulouse , l'autre pour la Généralité
de Montpellier , et que dans ces
Sous-Fermes sont compris le Papier timbré
, les Fórmules et le Contrôle des
Exploits , et à ce propos il remarque, en
passant , que le Papier timbré n'a pas été
inconnu aux Romains , puisqu'on voiť
par la Novelle 44. qu'ils avoient une espece
particuliere de papier pour écrire
les Originaux des Actes des Notaires ,
lequel portoit la marque que l'Intendant
des Finances vouloit y faire aposer , et
la date du temps auquel il avoit été
fait.
On ne peut donc pas disconvenir que
la formalité du papier timbré étoit déja
en quelque usage chés les Romains , puisque
les titres, dates et autres marques qui
devoient être aposées en tête du papier destiné
à écrire les Actes originaux des Tabellions
de Constantinople , étoient une
espece de Timbre qui avoit le même objet
que ceux qui sont aujourd'hui usités
en France et dans plusieurs autres Pays.
II . Mais il est vrai qu'à l'exception
de la Ville de Constantinople , où cette
ces deux Généralités , aujourd'hui il y en a trois
sçavoir , Toulouse , Montpellier et Montauban.
1. Vol. formalité
JUIN.
1737. 1087
formalité étoit établie , et pour les Actes
des Tabellions seulement , les Grecs , les
Romains et les autres Nations ne se servoient
point anciennement de papier et
Parchemin timbré : il n'y avoit alors aucune
marque sur les Actes publics qui
les distinguât des écritures privées , car
les Grecs et les Romains n'avoient point
de Sceaux publics , ils n'avoient que des
Sceaux particuliers , ou plûtôt de simples
Cachets qu'ils aposoient aux Actes , au
Heu de signature , comme cela s'est pratiqué
long- tems dans plusieurs Pays , et
même autrefois en France , à cause qu'il
y avoit alors peu de personnes qui sçûssent
écrire lesquels Sccaux particuliers
n'avoient aucun raport avec les Timbres
dont nous parlons.
:
III. On tient communément que le
Papier et le Parchemin timbré commencerent
à être établis en Espagne et en
Hollande vers l'an 1555.
IV. Ils le furent ensuite en Allemagne
et dans les Pays-Bas de la Domination
Impériale je n'ai pas trouvé l'Epoque
précise du temps auquel ils commencerent
à y être en usage mais
je puis assurer qu'il y en avoit dumoins
dès 1668. car j'ai vu un Acte reçû
par des Notaires à Bruxelles daté du 20 .
L.Vol.
Février
088 MERCURE DE FRANCE
Février 1668. qui étoit sur du papier
timbré.
J'ai remarqué deux choses particulie
res au Timbre qui est usité dans ces
Pays.
La premiere, est qu'ils ne sont point
frapés avec un Poinçon , comme ceux
qui sont usités en France et dans plusieurs
autres endroits , mais imprimés avec une
planche de cuivre , comme les Estampes.
La seconde , est que lorsqu'un Acte est
composé de plusieurs feuilles , il suffit
que la premiere soit de Papier timbré , les
autres que l'on insere au dedans peuvent
être de papier commun , au lieu qu'en
France et dans la plupart des autres endroits
, où les Papiers et Parchemins timbrés
sont établis, il faut que chaque feüille
employée aux Actes publics porte son
timbre.
V. On se sert aussi de papiers et parchemins
timbrés pour les Actes publics
dans toute l'Angleterre , l'Ecosse et l'Irlande
: le Timbre que l'on y apose est
frapé avec un Poinçon , mais il n'y a
point d'encre ni aucune autre couleur
dans le Poinçon , ensorte que le Timbre
qu'il imprime ne paroît que parce qu'il
y a un peu de relief.
Ce Timbre d'Angleterre ne contient
I. Vol.
poinc
JUIN. 1737 1089
point les Armes du Roy , comme la plûpart
des autres Timbres : il est composé
de trois especes d'Ecussons accollés , chargés
chacun d'une Rose , au tour de laquelle
sont écrits ces mots : Honny soit
qui mal y pense , qui sont le cri des Ar
mes d'Angleterre .
VI. Les Papiers et Parchemins timbrés
sont aussi en usage en Lorraine et
dans le Barrois , en Italie , dans le Comtat
d'Avignon , et dans plusieurs autres
Etats de l'Europe.
VII. Pour ce qui est de la France ,
Louis XIV. étant lors à Paris, donna un
Edit au mois de Mars 1655. portant établissement
d'une Marque sur le Papier et
le Parchemin pour la validité de tous les
Actes qui s'expedieroient dans le Royaume.
Cet Edit fut enregistré en Parlement,
en la Chambre des Comptes , et en la
Cour des Aydes le 20. du même mois . Il
est à la Chambre des Comptes au je Volume
des Ordonnances de Louis XI V.
coté 3. n. folio 69. et il en est fait mention
dans le Recueil des Ordonnances
Edits , &c. par M. Blanchart : mais cet
Edit n'eut pour lors aucune execution .
Ce ne fut qu'en 1673. qu'on ordonna
de nouveau l'usage des Papiers et Parchemins
timbrés , à l'occasion des For-
1. Vol. mules
1090 MERCURE DE FRANCE
mules qui devoient être dressées pour
tous les Actes publics ; le Roy ayant reglé
la forme de la procédure , tant au
Civil qu'au Criminel , par ses Ordonnances
de 1.667. et 1670. et ordonné que
cette nouvelle forme de proceder seroit
suivie dans tout son Royame , pour faciliter
l'execution de ses Reglemens , et
faire cesser les divers stiles particuliers
qui s'observoient dans chaque Tribunal ,
donna une Déclaration le 19. Mars 1673 .
par laquelle il ordonna qu'il seroit dressé
un Recueil de Formules , tant des Actes
Judiciaires que des Actes des Notaires
, pour y avoir recours au besoin , et
que sur ces Formules il seroit imprimé
des Exemplaires de chaque nature d'Actes
, lesquels seroient marqués en tête d'une
Fleur-de- lys , et timbrés de la qualité et
substance des Actes , comme aussi du Droit
qui seroit perçu pour chaque Acre , suivant
la Taxe qui en seroit faite au Con..
seil.
Les Formules d'Actes ordonnées
par
cette Déclaration n'ont jamais eu lieu ,
parce que l'on y trouva trop de difficulté
et d'inconveniens : mais le Roy donna
une autre Déclaration au mois de Juillet
1673. registrée au Parlement le 10. du
même mois , par laquelle , en attendant
I. Vol.
que
JUIN. 1737. 1091
que les Formules fussent perfectionnées , il
ordonna queles Actes publics ne pouroient
être écrits que sur du papier et parchemin
timbré , comme ils devoient l'être
pour les Formules , avec cette difference
seulement , que le corps de l'Acte seroit
entierement écrit à la main .
,
Depuis ce Reglement on commença
à écrire les Actes publics sur du papier et
parchemin timbré et on a toujours
continué jusqu'à present ; il y a sculement
eu des augmentations et diminutions
de Droits sur ces papiers , et divers
changemens dans la Formule des Timbres
mais l'objet de cette Dissertation
n'est pas de raporter ici tous ces Reglemens
, encore moins d'entrer dans le détail
des peines pecuniaires prononcées
contre ceux qui commettent à cet
égard quelque contravention ; cette pa : 3
tie qui ne concerne que la Finance
a été traitée par le Sr Deniset , Interessé
dans les Fermes du Roy , lequel en
1715. a donné au Public un Volume in-
12. sous le titre de Recueil des Formules
des Papiers et Parchemins timbrés , & c.
dans lequel il a raporté les divers Regle
mens faits sur ce sujet , même les . Tarifs
des Droits , et les Baux faits aux Adjudicataires
de cette Ferme , avec des Ob-
›
1. Vol. C servations
1092 MERCURE DE FRANCE
servations sur la perception de ces Droits,
sur les Fonctions des Préposés et Commis
, &c. Ceux qui voudront en voir
davantage à cet égard , peuvent avoir recours
à ce Recučil.
VIII. J'observerai seulement que
depuis 1715. date de l'Edition de ce Recueil
, il est survenu deux Déclarations
au sujet des Papiers et Parchemins tim
brés .
Par la premiere , qui est du 7. Déa
cembre 1723. registrée en Parlement le
22. du même mois , le Roy en suprimant
la Formalité du Controlle des Actes des
Notaires au Châtelet de Paris , avoit établi
divers Timbres particuliers , qui devoient
être aposés sur les Actes qu'ils
recevroient , outre le Timbre ordinaire
de la Ferme , sçavoir un Timbre particulier
pour
les Actes de la premiere classe
qui y étoient détaillés , un pour les Actes
de la seconde classe , un pour les premieres
feuilles d'Expeditions, un autre pour
les secondesfeuilles .
Toutes ces differentes Formules ont
été suprimées par la seconde Déclaration
qui est du 5. Décembre 1730. par laquelle
il est ordonné qu'à compter du
premier Janvier 1731. les Notaires de
Paris écriront tous leurs Actes sur du
1. Vol.
papier
JUIN. 1737 .
103
papier timbré du Timbreord.naire des Fer
mes du Roy et outre cela d'un Timbre
particulier , intitulé Acres des Notaires de
Paris. Laquelle Formule sera uniforme
pour toute sorte d'Actes .
Tel est le dernier état des Reglemens
faits en France sur cette matiere .
IX. Il y a quelques Provinces qui
n'ayant été réunies à la France qu'à la
charge d'être maintenues dans leurs Immunités
et Privileges , n'ont point été
assujetties à la formalité des Timbres
parce qu'ils n'y étoient pas établis auparavant
: Telles sont la Flandre, l'Artois,
Charleville et son Territoire , l'Alsace et
le Roussillon.
X. Il y a aussi deux Principautés
clavées dans la France ; sçavoir celle de
Dombes et celle d'Orange , et encore la
Principauté d'Henrichemont et Bois Belle
en Berry, dans lesquelles on ne se sert pas
non plus de papier timbré.
XI. Les Timbres que l'on apose en
France aux papiers et parchemins destinés
à écrire les Actes publics , sont imprimés
avec un Poinçon , et representent
les Armes du Prince, ou son Chiffre , ou
quelqu'autre marque par lui ordonnée ,
selon la nature des Actes , car il y a non
seulement un Timbre particulier pour
1.Vo! ċij chaque
1094 MERCUREDE FRANCE
>
chaque Généralité , mais il y a aussi dans
une même Généralité divers Timbres ,
selon la nature des Actes . On garde à
Paris dans l'Hôtel de Charny tous les
Poinçons des Timbres de toutes les Généralités
, et c'est là que se timbrent les
papiers et parchemins pour tout le
Royaume.
XII. Nos Timbres ont quelque ra
port avec les Sceaux publics , en ce que
les uns et les autres sont ordinairement
une empreinte des Armes du Prince , et
qu'ils s'aposent également aux Actes publics
, et les distinguent des Actes sous
signature privée ; il ne faut pourtant pas
confondre ces deux Formalités , y ayant
entr'elles deux differences essentielles.
La premiere est que les Sceaux publics
tels que ceux du Roy, des Chancelleries,
des Jurisdictions , des Villes , des Universités
, et autres semblables s'apliquent
en relief sur une forme de cire , ou
de quelqu'autre matiere propre à en recevoir
l'empreinte: il y en aque l'on aplique
sur l'Acte même , d'autres qui sont à double
face , et qui ne sont attachés à l'Acte
que par des Lacs : au lieu que les Timbres
ne sont qu'une marque imprimée
au haut du papier ou parchemin ; lequel
nom de Timbre paroît avoir été emprun-
I. Vol.
té
JUIN. 1737. 1055
té du Blazon , & tirer son étimologie de
ce que le Timbre des papiers et parchemins
s'imprime au haut de chaque feüille
, comme le casque ou autre couronnement
que l'on nomme aussi Timbre ,
en termes de Blazon , se met au dessus
de l'Ecu .
La seconde difference eft que les Sceaux
que l'on apose aux Actes reçûs par des
Officiers publics, sont la marque de l'au
torité dont ils sont revêtus ; non - sculement
ils donnent à l'Acte un caractere
de publicité , mais en quelques endroits
comme à Paris , ils lui donnent aussi le
droit d'éxecution parée , tellement que
si un Acte public n'y étoit pas revêtu du
Sceau qu'il doit avoir pour être executoire
, il ne pouroit être mis à execution
, quand même il seroit d'ailleurs revêtu
de toutes les autres formalités necessaires
au lieu que le Timbre ne sert qu'à
donner à l'Acte une forme publique et
autentique , et ne lui donne en aucun
Pays le droit d'éxecution parée.
;
XIII. Quoique la formalité du Timbre
semble n'avoir été établie que pour
la finance qui en revient au Roy , elle ne
laisse pas d'être utile d'ailleurs.
En effet , le Timbre sert , 19. à distinguer
à l'inspection seule du haut de la
1. Vol. Cij fülle
1096 MERCURE DE FRANCE
feuille sur laquelle l'Acte est écrit, si c'est
un Acte émané d'un Officier public , ou
si ce n'est qu'une Ecriture privée .
2°. Le Timbre sert à faire respecter et
conserver les Affiches , Publications et
autres Actes que l'on attache exterieurement
aux portes de certaines Maisons ,
ou dans les Places publiques , en cas de
Decret , Licitation , Adjudication , ou
autre Publication : car dans ces sortes
d'Affiches , il n'y a proprement que le
Timbre qui fasse connoître que ce sont
des Actes émanés de l'autorité publique,
et sans cette formalité ils pouroient être
regardés comme des Ecrits privés, d'autant
plus que ces sortes d'Actes ne sont
point scellés , et qu'il n'y a que le Timbre
qui les distingue des Ecritures privées..
3. Le Timbre sert aussi à prévenir
certaines antidates et faussetés que l'on
pouroit plus facilement commettre , si
cette formalité n'étoit pas établie : car
comme il y a un Timbre particulier pour
chaque Pays , et même en France pour
chaque Province, que ces Timbres ont
été changés en divers temps , et que l'on
ne peut écrire les Actes publics que sur
du papier ou parchemin timbré du Timbre
actuellement autorisé dans le temps
I. Vol
et
JUIN. 1737. 1097
et le lieu où se passe l'Acte , ceux qui
écrivent un Acte sur du papier marqué
du Timbre actuel d'un certain Pays , ne
peuvent pas impunément le dater d'un
temps ni d'un lieu auquel il y auroit eut
un autre Timbre , parce que le Timbre
aposé à l'Acte démentiroit ces dates , et
en feroit connoître la fausseté.
4. Le principal effet des Timbres
( du moins que les Reglemens leur ont
attribué ) est qu'ils sont une des formalités
nécessaires pour donner l'authenticité
et le caractere de publicité aux Actes
reçûs par des Officiers publics : tellement
que sans cette formalité ces Actes ne produiroient
point d'hypoteque , et ne seroient
pas authentiques ni exécutoires :
ils ne seroient au plus considerés que
comme des Ecritures privées, et dans certains
cas , ils seroient absolument nuls ,
ainsi que nous l'expliquerons dans un
moment ; ce qui a ainsi lieu , quand mê
me ces Actes seroient d'ailleurs revêtus
de toutes les autres formalités nécessaires
pour produire leur effet.
XIV. L'observation de cette forma
lité est d'autant plus importante , que
les Reglemens qui la prescrivent ne sont
pas des Loix seulement comminatoires ,
elles prononcent formellement la peine
I. Vol. Ciiij. de
1098 MERCURE DE FRANCE
de nullité contre les Actes publics qui
ne seront pas sur papier timbré : ensorte
que l'on ne pouroit pas rendre valable
un Acte public écrit sur du papier commun
, en le faisant timbrer après coup ,
même en payant aux Fermiers les Droits
et les Amendes , parce que le Fermier ne
peut pas remettre la peine de nullité :
dès qu'elle est encouruë , le droit d'oposer
la nullité de l'Acte est acquis.à tous
ceux qui pouroient avoir interêt d'en.
contester la validité ; et comme c'est une
maxime certaine que l'on ne peut préjudicier
au droit acquis à un Tiers , le
Fermier ne peut remettre la peine de
nullité une fois encourue par l'omission
de la formalité du Timbre.
XV . Pour déterminer si un Acte public
doit , pour être valable , être écrit sur
du papier ou parchemin timbré , ou s'il
peut être écrit sur du papier ou parchemin
commun, on ne doit considerer que
l'usage du Lieu où se passe l'Acte . Si les
papiers et parchemins timbrés y sont établis
, on doit s'en servir à peine de nullité
de l'Acte : si au contraire ils n'y sont
point établis , comme dans quelques
Pays et Provinces que nous avons ci - devant
remarqué , en ce cas , on n'est pas
obligé de s'en servir , quand même l'Of-
1. Vol. ficier
JUIN. 17378 1099
ficier public , qui reçoit l'Acte , auroit
sa résidence ordinaire dans un lieu où la
formalité des Timbres ést établie.
Le principe par lequel se décide cette
question, est que tout ce qui ne concerne
que les formalités extérieures des
Actes, se regle par l'usage du Lieu où ils
se passent , suivant la maxime Locus regit
actum. Or certainement il n'y a rien
qui soit plus de la forme extérieure des
Actes que
le papier ou le parchemin sur
Fequel ils doivent être écrits , et le
Timbre qui y doit être aposé ; ainsi les
Ordonnances , Edits et Déclarations qui
ont établi les papiers et parchemins tim-
Brés , n'ayant pour objet que d'assujettir
les Actes publics à une formalité extérieure
, et qui ne concerne absolument
la forme , ne doivent être observés
que pour les Actes qui se passent dans
fes Pays où ces Loix sont établies .
que
"
En effet , quoiqu'il soit enjoint aux
Officiers publics de se servir de papiers
et parchemins timbrés dans le lieu où ils
sont établis , cette disposition n'est pas
un Statut personnel qui les assujettisse à
Suivre sa disposition , en quelque lieu
qu'ils se trouvent ; ce n'est qu'un Statut
réel et local , fait pour regler la formet
extérieure des Actes , et qui par conse
J. Vol
Gy quent
1098 MERCURE DE FRANCE
de nullité contre les Actes publics qui
ne seront pas sur papier timbré : ensorte
que l'on ne pouroit pas rendre valable
un Acte public écrit sur du papier commun
, en le faisant timbrer après coup ,
même en payant aux Fermiers les Droits
et les Amendes , parce que le Fermier ne
peut pas remettre la peine de nullité :
dès qu'elle est encouruë , le droit d'oposer
la nullité de l'Acte est acquis à tous
ceux qui pouroient avoir interêt d'en .
contester la validité ; et comme c'est une
maxime certaine que l'on ne peut préjudicier
au droit acquis à un Tiers , le
Fermier ne peut remettre la peine de
nullité une fois encourue par l'omission
de la formalité du Timbre.
XV. Pour déterminer si un Acte public
doit , pour être valable , être écrit sur
du papier ou parchemin timbré , ou s'il
peut être écrit sur du papier ou parchemin
commun, on ne doit considerer que
l'usage du Lieu où se passe l'Acte . Si les
papiers et parchemins timbrés y sont établis
, on doit s'en servir à peine de nullité
de l'Acte : si au contraire ils n'y sont
point établis , comme dans quelques
Pays et Provinces que nous avons ci -devant
remarqué , en ce cas , on n'est pas
obligé de s'en servir , quand même l'Òf-
1. Vol. ficier
JUIN. 17378 1099
ficier public , qui reçoit l'Acte , auroit
sa résidence ordinaire dans un lieu où la
formalité des Timbres ést établie.
Le principe par lequel se décide cette
question , est que tout ce qui ne concer
ne que les formalités extérieures des
Actes, se regle par l'usage du Lieu où ils
se passent , suivant la maxime Locus regit
actum. Or certainement il n'y a rien
qui soit plus de la forme extérieure des
Actes que le papier ou le parchemin sur
Fequel ils doivent être écrits , et le
Timbre qui y doit être aposé ; ainsi les
Ordonnances , Edits et Déclarations qui
ont établi les papiers et parchemins tim-
Brés , n'ayant pour objet que d'assujettir
les Actes publics à une formalité extérieure
, et qui ne concerne absolument
que la forme , ne doivent être observés
que pour les Actes qui se passent dans
fes Pays où ces Loix sont établies.
En effet , quoiqu'il soit enjoint au
Officiers publics de se servir de papiers
et parchemins timbrés dans le lieu où ils
sont établis , cette disposition n'est pas
un Statut personnel qui les assujettisse à
suivre sa disposition , en quelque lieu
qu'ils se trouvent ; ce n'est qu'un Statut
réel et local , fait pour regler la forme
extérieure des Actes , et qui par conse
J. Vol
Gy quent
Troo MERCURE DE FRANCE
quent ne regle que la forme de ceux qui'
se passent dans le lieu où ce Statut est
observé.
Il est vrai qu'il arrive rarement qu'il
se forme un combat sur ce Point entre
deux Statuts oposés , parce qu'il faut
pour cela que l'Officier public , qui a sa
residence dans un lieu dans lequel le pa
pier et le parchemin timbré sont établis,
ait été recevoir un Acte dans un lieu où
les Actes même publics s'écrivent sur du
papier commun , ou bien vice versâ, que
I'Officier public , qui auroit sa residence
dans un lieu où il n'y auroit point de
papier timbré , ait été recevoir un Acte
dans un lieu où la formalité du Timbre
seroit établie, ce qui n'est pas ordinaire,
la plupart des Officiers publics , n'ayant
droit d'instrumenter que dans le lieu de
leur residence :
Néanmoins ces sortes de cas peuvent
arriver , et arrivent en effet quelquefois
Par exemple , les Huissiers au Châtelet
de Paris ont droit d'exploiter par tout
le Royaume. Un de ces Huissiers qui a sa
residence ordinaire à Paris , est obligé de
se servir de papier timbré pour les Exploits
qu'il y feroit , parce que cette formalité
y est établies mais si , en vertu
du privilege qu'il a d'exploiter par tout
Mr.Vol. le
JUIN. 1737 ΥΙΟΙ
le Royaume , I alloit faire quelque Exploit
dans une Province où le papier et le
parchemin timbré n'est pas établi , telle
que Charleville , Henrichemont et autres
semblables , il ne seroit pas obligé de se
servir de papier timbré pour les Exploits
qu'il feroit dans ces Provinces , parce
que la Loy particuliere de chaque Pays
regle la forme extérieure des Actes qui
s'y passent , et que dans ce cas le papier
timbré n'est pas nécessaire , puisque la
Loy du Pays ne l'ordonne point.
Il en est de même à l'égard des Notaires
au Châtelet de Paris , qui ont leur
residence à Paris , et y font ordinairement
leurs fonctions ; ils sont obligés pour les
Actes qu'ils y reçoivent de se servir de
papier ou parchemin timbré, selon la nature
des Actes ; mais comme ils ont droit
d'instrumenter par tout le Royaume,
Hs peuvent aller recevoir des Actes
dans quelqu'autre Province dans laquelle
le papier timbré n'a pas lieu , et dans cet
cas ils ne seront pas obligés d'écrire leurs
Actes sur du papier ou parchemin timbré
, il suffira qu'ils les écrivent sur du
papier commun , suivant l'usage du lieu
où se passent les Actes.
De même encore un Conseiller au Par
lement de Paris , qui seroit commis par
J Vol. Cvj sa
Tro2 MERCURE DE FRANCE
sa Compagnie pour aller faire quelque
Enquête , Information , Visite ou autre
Procès verbal dans un lieu du Ressort où
le papier timbré n'est pas établi , comme
en Artois , ne seroit pas obligé de s'en
servir pour écrire les Actes qu'il feroit
dans ce lieu .
Et par une suite nécessaire du même
principe que la Loy du lieu où se passent
les Actes , regle tout ce qui est de la forme
extérieure , un Officier public , établi
dans un lieu où l'on se sert de papier
timbré , lequel , en vertu de quelque
Privilege ou Commission , iroit instru
menter dans un lieu où le papier timbré
seroit pareillement établi , mais dont le
Timbre seroit different , ne pouroit pas
dans ce lieu se servir de papier marqué
du Timbre autorisé dans le lieu de sa residence
, il seroit tenu de se servir de
papier timbré pour le lieu où il passeroit
Acte ensorte que les Notaires au Châtelet
de Paris , qui par la Déclaration du
7. Septembre 1723. ont été affranchis de
la formalité du Controlle , au moyen
d'un Timbre particulier qui a été ajoûté
au papier dont ils se servent , ne pou
roient pas se servir de ce papier dans une
autre Généralité où il y auroit un Timbre
different , ils seroient obligés de se:
I. Vol servig
JUIN. 1737. F103
servir de papier timbré pour le lieu où
ils passeroient l'Acte , et il y a lieu de
croire que les Actes ainsi reçûs par des
Notaires de Paris , seroient sujets au Con
trolle comme tous les autres Actes qui
se passent dans les lieux où le Roy n'a
point établi le Timbre particulier , au
moyen duquel il a affranchi les Notaires
de Paris de la formalité du Controlle
parce que , comme on l'a déja observé, la
forme des Actes se reglant par la Loy dư
lieu où ils se passent les Actes reçûs par
des Notaires de Paris dans une autre Généralité
, où le Controlle est établi , et où il
y a un Timbre different de celui de Paris
, ne doivent point être reçûs selon la
forme usitée à Paris , mais suivant celle
qui est usitée dans le lieu où ils se passent,
et par consequent doivent être controllés
et écrits sur du papier timbré exprès pour
le lieu de la passation , puisque ce sont là
les formalités prescrites pour ce lieu .
il
XVI. Quoique par plusieurs Ordon
nances , Edits et Déclarations , le Roy
ait distingué les Actes qui doivent être
écrits en parchemin timbré , de ceux qu'il
suffit d'écrire sur du papier timbré ; un
Acte qui doit être en parchemin timbré
ne seroit pas nul , sous prétexte qu'il ne
seroit qu'en papier timbré parce que
Val
1104 MERCURE DE FRANCE
le Roy a bien ordonné sous peine de nullité
d'écrire les Actes publics sur du papier
ou parchemin timbré , mais lorsqu'il a
distingué les Actes qui doivent être en
parchemin d'avec ceux qui doivent être
en papier, il n'a pas prononcé la peine de
nullité contre les Actes où ces distinctions
n'auroient pas été observées : ensorte
qu'en cas de contravention à ces
distinctions, les Officiers publics sont
seulement sujets aux peines pecuniaires
prononcées par les Reglemens.
XVII. Il y auroit seulement plus de
difficulté , si un Acte d'une certaine nature
étoit écrit sur du papier ou parchemin
destiné à des Actes totalement differens :
Par exemple , si un Notaire écrivoit ses
Actes sur du papier ou parchemin destiné
pour les Expeditions des Greffiers ,
et vice versa. Dans ces cas la contradiction
qui se trouveroit entre l'intitulé du
Timbre, et la qualité de l'Acte, pouroic
faire foupçonner qu'il y auroit eu quelque
surprise , et qu'on auroit fait signer
aux Parties un Acte pour un autre , ou
dumoins feroit rejeter l'Acte comme
étant absolument informe.
De même s'il arrivoit qu'un Acte pas
sé dans une Généralité fût écrit sur du
papier I. Vol.
...
JUIN. 1737-
1105
papier ou parchemin timbré du Timbre
d'une autre Généralité , il y a lieu de
croire qu'un tel Acte seroit declaré nul ,
parce que ce seroit aux Parties à s'imputer
d'avoir fair écrire leur Acte sur du
papier qui ne pouvoit absolument y convenir
, et qu'ils ne pouvoient ignorer
être d'une autre Généralité , puisque le
nom de chaque Généralité est gravé dans
chaque Timbre qui lui est particulier.
Mais si un Acte qu'il suffit d'écrire
sur du papier timbré étoit écrit sur du
parchemin timbré ; ou bien si un Acteque
l'on peut mettre sur du papier ou
parchemin commun étoit écrit sur du
papier ou parchemin timbré , un tel Acre
ne seroit pas pour cela nul , parce que
ce qui abonde ne vicie point.
XVIII. En France , depuis quelques .
années , on a établi une Fabrique particuliere
pour lespapiers que l'on destine
à être timbrés , dans le corps desquels au
licu de la Marque ou Enseigne du Fabri
quant , il y a au milieu de chaque feüillet
une impression du Tinibre qui y doir
être aposé en tête.
Selon l'usage,ce Timbre interieur ne pa
roît pas être absolument de l'essence de la
formalité , et à la rigueur il suffit que le
papier sur lequel est écrit l'Acte public soit
LiseVol
timbré
1105 MERCURE DE FRANCE
timbré au haut de chaque feuille du Tim
bre extérieur qui s'imprime avec un
Poinçon et en effet les Officiers publics
écrivent quelquefois leurs Actes sur du
papier commun , et font ensuite timbrer
chaque feuille avant de signer et de faire
signer l'Acte.
Il seroit néanmoins à propos que les
Officiers publics ne pussent se servir que
de papier timbré , tant du Timbre intérieur
que du Timbre extérieur ; carloin
que cette repetition du Timbre soit inutile
, chacun de ces deux Timbres a son
atilité particuliere.
que
Le Timbre imprimé au haut de chafeüille
sert à faire connoître à l'inspection
seule d'un Acte ,s'il est public ou
privé.
Le Timbre qui est dans le corps du
papier et fait en même temps que le papier
, sert à assurer que le papier étoit
timbré lorsque l'Acte y a été écrit , et
qu'il n'a pas été timbré après coup : en
quoi ce dernier Timbre est un garand
plus sûr de la forme de l'Acte que le
Timbre extérieur , qui pouroit être apli
qué après coup , pour faire valoir un Acre
auquel manqueroit cette formalité .
Ce Timbre intérieur pouroit aussi servir
à supléer le Timbre imprimé s'il se
J. Fol trouvoit
JUIN. 1737.
1107
trouvoit effacé , ou si le haut de la page
sur lequel il est aposé étoit déchiré : sur
quoi il faut remarquer , en passant , que
les Officiers publics devroient toûjours
avoir l'attention de disposer leurs Actes
de maniere qu'on ne puisse en suprimer
le Timbre sans alterer le corps de l'Acte
, ce que néanmoins quelques uns n'observent
pas, ne commençant à écrire leurs
Actes qu'au- dessous du Timbre.
dis
Pour revenir au double Timbre , je
que le Timbre intérieur qui est fait
avec le papier est utile pour assurer que
l'Acte a été écrit sur du papier qui étoit
déja timbré : ce qui ne laisse pas d'être
important ; car puisqu'il est ordonné à
peine de nullité que les Actes reçûs par
des Officiers publics soient écrits sur du
papier timbré , ceux qui sont Dépositaires
des Poinçons du Timbre ne doivent
pas timbrer un Acte écrit sur du
papier commun , lorsqu'il est déja signé
et parfait comme écriture privée , pour
le faire valoir après coup , comme Ecritare
publique : si on tolere que le Timbre
soit aposé sur un Acte déja écrit , ce
ne doit être que sur un Acte qui ne soit
pas encore signé : c'est pourquoi il seroit
à propos d'assujettir tous les Officiers
publics à n'écrire les Actes qu'ils reçoi-
1. Vol.
vent
1108 MERCURE DE FRANCE
vent que sur du papier timbré des deux
Timbres ; c'est-à- dire , du Timbre qui
est marqué dans le corps du papier , er
fait avec le papier même , et de celui qui
s'imprime au haut de la feüille avec un
Poinçon , parce que le concours de ces
deux Timbres rempliroit tous les objets
que l'on peut avoir eu en vûë dans
P'établissement de cette formalité ; et let
Timbre intérieur écarteroit tout soupçon
, en constatant que étoit
le papier
déja timbré lorsque l'Acte y a été écrit.
Mais cette double précaution ne pouroit
servir que pour les Actes qui s'écrivent
sur du papier , et non pour ceux
qui s'écrivent en parchemin ; parce que
le parchemin n'étant pas fait de miin
d'homme , on ne peut pas y inserer de
Timbre intérieur comme dans le papier ,
dont le Timbre intérieur se fait en mêtemps
que le papier même. Aussi y a t- il
beaucoup plus d'inconveniens à se servir
de parchemin que de papier , parce que
non seulement la destination du parchemin
ne peut pas être constatée d'une maniere
aussi sûre que le papier ; mais outre
cela le parchemin est plus facile à altérer
que le papier , ensorte que pour
mieux assurer la verité des Actes , il seroit
à souhaiter que l'on ne se servit que
de papier.
XIX.
JUIN
. 1737.
1109
les
XIX. Pour entendre quel est l'effet
de la peine de nullité prononcée par les
Edits et Déclarations du Roy contre
Actes reçûs par des Officiers publics ,
lorsqu'ils ne sont pas écrits sur du papier
ou parchemin timbré, ou qu'ils sont écrits
sur du papier ou parchemin timbré du
Timbre d'un autre lieu que celui où est
passé l'Acte , ou d'un Timbre qui est
d'une destination si oposée à la nature de
l'Acte , qu'il ne peut absolument y con
venir , il faut distinguer entre les Actes
publics ceux qui ne sont obligatoires que'
d'une part , d'avec ceux qui sont sinallagmatiques
; c'est - à-dire , qui sont respectivement
obligatoires à l'égard de tou
tes les Parties contractantes .
Les Actes qui ne sont obligatoires que
d'une part , comme une obligation , une
quittance , et les Actes qui ne forment
point de convention , tels que les Déclarations
, les Certificats et autres Actes
absolument de cette nature , ne sont pas
nuls à tous égards , lorsqu'il leur manque
la formalité du Timbre : toute la peine
de nullité , à l'égard de ces sortes d'Actes
, est qu'ils ne sont pas valables con
me Actes publics , et qu'ils n'ont aucun
des effets attachés à la publicité des Actes
, tels que l'authenticité et l'hypoteque
I. Vol.
1108 MERCURE DE FRANCE
vent que sur du papier timbré des deux
Timbres ; c'est- à- dire , du Timbre qui
est marqué dans le corps du papier , et
fait avec le papier même , et de celui qui
s'imprime au haut de la feuille avec un
Poinçon , parce que le concours de ces
deux Timbres rempliroit tous les objets
que l'on peut avoir eu en vûë dans
l'établissement de cette formalité ; et le
Timbre intérieur écarteroit tout soup
çon , en constatant que le papier étoit
déja timbré lorsque l'Acte y a été écrit.
Mais cette double précaution ne pouroit
servir que pour les Actes qui s'écri
vent sur du papier , et non pour ceux
qui s'écrivent en parchemin ; parce que
le parchemin n'étant pas fait de miin
d'homme , on ne peut pas y inserer de
Timbre intérieur comme dans le papier,
dont le Timbre intérieur se fait en mê
temps que le papier même. Aussi y a t- il
beaucoup plus d'inconveniens à se servir
de parchemin que de papier , parce que
non seulement la destination du parchemin
ne peut pas être constatée d'une ma
niere aussi sûre que le papier ; mais outre
cela le parchemin est plus facile à altérer
que le papier , ensorte que pour
mieux assurer la verité des Actes , il seroit
à souhaiter que l'on ne se servît que
de papier.
XIX.
JUIN. 1737. 1109
XIX. Pour entendre quel est l'effet
de la peine de nullité prononcée par les
Edits et Déclarations du Roy contre les
Actes reçûs par des Officiers publics ,
lorsqu'ils ne sont pas écrits sur du papier
ou parchemin timbré , ou qu'ils sont écrits
sur du papier ou parchemin timbré du
Timbre d'un autre lieu que celui où est
passé l'Acte , ou d'un Timbre qui est
d'une destination si oposée à la nature de
l'Acte , qu'il ne peut absolument y con
venir , il faut distinguer entre les Actes
publics ceux qui ne sont obligatoires que'
d'une part , d'avec ceux qui sont sinallagmatiques
; c'est - à-dire, qui sont respectivement
obligatoires à l'égard de tou
tes les Parties contractantes.
Les Actes qui ne sont obligatoires que
d'une part , comme une obligation , une
quittance , et les Actes qui ne forment
point de convention , tels que les Déclarations
, les Certificats et autres Actes
de cette nature , ne sont pas absolument
nuls à tous égards , lorsqu'il leur manque
la formalité du Timbre : toute la peine
de nullité , à l'égard de ces sortes d'Actes
, est qu'ils ne sont pas valables con
me Actes publics , et qu'ils n'ont aucun
des effets attachés à la publicité des Actes
, tels que l'authenticité et l'hypote-
I. Vol.
que
1170 MERCURE DE FRANCE
que mais ils sont quelquefois valables
comme Ecriture privée.
En effet , lorsque l'on y a observé la
forme prescrite pour les Ecritures privées
, ils sont valables en cette derniere
qualité , quoiqu'ils eussent été faits pour
valoir comme Actes publics.
Mais si ayant été faits pour valoir
comme Actes publics , ils ne peuvent valoir
en cette qualité faute de Timbre , ou
à cause de quelque défaut essentiel dans
l'observation de cette formalité ; et que
d'un autre côté ces Actes ne soient pas
dans une forme telle qu'ils puissent valoir
comme Ecriture privée , c'est alors un
des cas où ils sont absolument nuls aux
termes des Reglemens.
Par exemple , si un Notaire reçoit un
Testament sur du papier commun dans
un lieu où il devoit l'écrire sur du papier
timbré , ce Testament sera absolument
nul, et ne vaudra pas même comme Testament
Olographe's parce que , pour être
valable en cette qualité , il faudroit qu'il
fût entierement écrit et signé de la main
du Testateur , au
au lieu qu'ayant été reçû
par un Notaire , ce sera le Notaire qui
l'aura écrit ,
De même si un Notaire reçoit une
Obligation sur du papier commun , tan-
1. Vol. dis
JUIN; 1737. IIII
dis qu'elle devoit être sur du papier timbré
, elle ne sera pas valable , même
comme promesse sous signature privée ,
parce qu'aux termes de la Déclaration
du Roy du 22. Septembre 1733. registrée
en Parlement le 14. Octobre suivant
et le 20, Janvier 1734. Tous Billets sous
signature privée , au Porteur , à ordre , on
autrement, causés pour valeur en argent, sont
nuls , si le corps du Billet n'est écrit de la
main de celui qui l'a signé , ou du moins si
la somme portée au Billet n'est reconnuë par
une aprobation écrite en toutes lettres aussi
de sa main.
Cette Déclaration excepte seulement
les Billets sous signature privée , faits par
des Banquiers , Négocians , Marchands ,
Manufacturiers , Artisans , Fermiers, Laboureurs
, Vignerons , Manouvriers et autres
de pareille qualité , à l'égard desquels
elle n'exige pas que le corps de leurs
Billets soit entierement écrit de leur
main ensorte que les Obligations passées
devant Notaires par ces sortes de
personnes , et reçûës sur du papier commun
lorsqu'elles devoient l'être sur papier
timbré , pouroient valoir comme
Billets sous signature privée , pourvû
que l'Acte fût signé de l'Obligé .
Pour ce qui est des Actes que les Par-
1. Vol ties
112 MERCURE DE FRANCE
ties n'ont pû signer , faute de sçavoir
écrire , ou pour quelqu'autre empêchement
, ils sont absolument nuls à tous
égards , lorsque les Officiers publics devoient
les recevoir sur du papier timbré,
et qu'ils les ont reçûs sur du papier commun
, et ne peuvent valoir même comme
Ecriture privée , parce que les Actes
sous seing privé ne sont parfaits que par
la signature des Parties.
A l'égard des Actes sinallagmatiques
tels que les Contrats de vente , d'échange
, de societé , les baux et autres Actes
semblables , qui obligent respectivement
les Parties contractantes à remplir chacun
de leur part certains engagemens ,
lorsqu'ils sont reçûs par des Officiers publics
sur du papier commun , dans un
lieu où ils devoient être sur papier timbré
, ils sont aussi absolument nuls à
tous égards, et ne peuvent valoir même
comme Ecriture privée , quand même
les Parties contractantes les auroient signé
, parce que pour former un Acte
obligatoire , sinallagmatique , sous seing
privé , il faut qu'il soit fait double , triple
ou quadruple , & c . selon le nombre
des Contractans , afin que chacun d'eux
puisse en avoir un pardevers soi , ce que
fon apelle en Bretagne , un autant ; et
1. Vol
qu'il
JUIN 1737. 1113
qu'il soit fait mention dans chaque expédition
que l'Acte a été fait double
triple ou quadruple , ce qui est tellement
de rigueur que l'omission de cette mention
suffit seule pour annuller la convention
cette regle est for dée sur le principe
qu'une convention ne peut pas être
valable , à moins que chaque Contractant
ne puisse contraindre les autres à
exécuter leurs engagemens , comme il
peut être contraint de remplir les siens :
pour mettre les Contractans en état d'obliger
les autres d'executer leurs engagemens
, il faut
il faut que chacun d'eux ait en
main , pardevers soi un titre contre les
autres ; car un Acte sinallagmatique sous
seing privé qui seroit simple , ne formeroit
pas un titre commun , quoiqu'il fût
signé de tous les Contractans , puisque
chacun d'eux ne pouroit pas l'avoir , et
que celui qui l'auroit, pouroit le faire
paroître ou le suprimer , selon son interêt
au préjudice des autres Contractans
, qui ne pouroient pas s'en aider.
3
Or lorsqu'un Acte sinallagmatique a
été reçû par un Officier public , pour
valoir comme Acte public ; et que néan ,
moins il ne l'a reçû que sur papier commun
, soit par impéritie ou autrement ,
quoiqu'il dût le recevoir sur du papier
J Vol. timbré
1114 MERCURE DE FRANCE
timbré , cet Acte ne peut valoir comme
Ecriture privée , parce qu'il n'a point
été fait double , triple ou quadruple ,
&c. selon le nombre des Contractans , et
que par conséquent il n'y est pas fait
mention qu'il ait été fait double ou tri
ple , &c. d'où il s'ensuit qu'il ne peut
etre sinallagmatique , et qu'il est absolument
nul.
ger
En vain prétendroit- on que la minu
te de cet Acte sinallagmatique devient
un titre commun dont chaque Contrac
tant peut ensuite lever des expéditions
et par - là se procurer un titre pour obliles
autres Parties à executer l'Acte
de leur part : dès que l'Acte sinallagma
tique n'a pas été reçû par l'Officier public
sur du papier timbré , comme il le
devoit , et que par l'omission de cette
formalité l'Acte ne peut valoir comme
Acte public , l'original de cet Acte que
l'Officier public a retenu pardevers lui ,
ne peut être considéré comme une vraie
minute , qui soit un titre commun dont
on puisse lever des expéditions , qui servent
de titre à chacun des Contractans,
parce que l'original n'étant pas un Acte
public , mais seulement un Acte privé
simple, il pouvoit être suprimé par ceux
entre les mains desquels il étoit , et par
1. Vol.
conséquent
JUIN 17370
ITTS
conséquent n'étoit pas obligatoire , le
dépôt qui en a été fait chés un Officier
public , ne peut pas réparer ce vice primordial
, ni faire que les expéditions
qu'en délivreroit l'Officier public , servent
de titre à chacun des Contractans,
parce que l'Acte étant nul dans le principe
ne peut être réhabilité par la qualité
du Lieu où il est placé.
Il faut néanmoins excepter de cette
regle certains Actes que les Notaires
peuvent recevoir en Brevet ; car si ces
Actes ont été faits doubles ou triples ,
selon le nombre des Parties contractantes
, ainsi que cela se pratique ordinairement,
et que chaque double soit signé de
la Partie qu'il oblige, ces Actes qui ne seroient
pas valables comme Actes publics,
s'ils étoient écrits sur du papier ou parchemin
commun , dans un Lieu où ils
devoient l'être sur du papier ou parchemin
timbré , vaudroient du moins comme
Ecritures privées , parce qu'ils auroient
en eux toutes les conditions né
cessaires pour valoir en cette qualité.
1. Vol.
A D
1116 MERCURE DE FRANCE
LE PARNASSE,
ODE
A Madame la Comtesse de La Mothe
la Myre L. D. R. D. P.
J E sens une heureuse manie ,
Déja je ne suis plus à moi ,
Où me transporte mon génie ?
Quel est le beau lieu que je voi ?
Quelles sont ces Plaines fleuries ,
Ces Jardins , ces vertes Prairies ?
Mais quel est ce charmant Vallon 3
Je suis sur le fameux Parnasse ;
Quel séjour en beauté surpasse
Le tien , divin Apollon ?
M
Là s'offre un Temple remarquable
Par une noble antiquité ;
Son Gothique est plus respectable
Que Forgueilleuse nouveauté.
De l'Art la frivole parure
Dépare la belle Nature ,
Tout est simple dans ce Palais ;
Des Graces toutes naturelles ,
I. Vol. Restent
J U.IN.
1117
17376 "
Restent toujours beautés nouvelles ;
Le vrai beau ne vieillit jamais.
Au Dieu chacun rend son hommage;
Mais l'encens qui lui plaît sur tout ,
Est quelque délicat Ouvrage ,
Qui par son sel pique le goût ;
Rondeau , Madrigal , pointe fine ,
Muse legere qui badine ,
Et papillonne autour des Ris ,
Stance , Sonnet , tendre Elegie ,
Qui d'Amour fait l'apologie ,
Et touche une cruelle Iris.
來
Dès que Phébus daigne sourire ,
On sent naître d'heureux transports ,
Et même son scul souffle inspire
Les plus harmonieux accords.
Là , c'est un Concert unanime ;
A louer ce Dieu , tout s'anime ;
On entend mille et mille voix ,
Qui pleines de son air affable,
Chantent qu'il est le plus aimable ,
Et qu'on vit heureux sous ses Loix .
Au pied du Temple est l'Hipocrêne ,
Dont les délicieuses Eaux ,
I. Vol. D ij Charmant
1118 MERCURE DE FRANCE
Charmant la plus cuisante peine,
Inspirent des accens nouveaux ;
C'est le grand Nectar de sagesse ,
Qui nous cause une tendre yvresse
C'est là l'Elixir nompareil ,
Qui mieux que Maîtresse chérie ,
Nous jette en belle rêverie ,
Et conduit au plus doux sommeil.
M
Plus loin une grande Prairie
Où se trouvent mille Beautés ,
Propre pour la galanterie ,
Attire nos Divinités ;
Flore y paroît avec les Graces ;
Zéphire vole sur ses traces ;
Sous ses pas naissent tour à tour,
Les Ris , les Jeux , le badinage
Enfans legers du Dieu volage
Si connu sous le nom d'Amour.
Les Anacréons , les vides ;
Peres des tendres sentimens ,
Y sont les plus fideles guides
De tous nos délicats Amans ;
Avec quel tour , quelle finesse
Donnent-ils leçon de tendresse ?
On n'en perd point le souvenir ;
I. Vol.
JUIN. 1119
47378
En tous lieux ces aimables Sages ,
Font rendre à l'Amour des hommages j
Contre leurs sons , qui peut tenir ?
M
De Phébus les doctes Compagnes
Sensibles au charmant plaisir ,
Vont dans ces riantes Campagnes
Goûter les douceurs du loisir
Aussi-tôt à ces Immortelles ,
On offre les fleurs les plus belles
Chacun leur marque son , respect ' ;
Leur enjoûment badin engage
A leur rendre un plus tendre hommage ;-
Mais cet hommage est circonspect;
語
Quels beaux sentimens de tendresse ! '
Fables , Contes d'un heureux tour ...
Il n'est que la délicatesse
Qui puisse plaire en fait d'amour ;
Dans le gracieux tout s'y passe ,
De voir , d'entendre , on ne s'y lasse ;
Chants , Danses sont d'un goût parfait şi
Ce que j'y vois de plus aimable
Chose à mon sens incomparable ,
On y fait toujours ce qui plaît.
I. Vote. Bij Loin
1118 MERCURE DE FRANCI
Charmant la plus cuisante peine,
Inspirent des accens nouveaux ;
C'est le grand Nectar de sagesse ,
Qui nous cause une tendre yvresse
C'est là l'Elixir nompareil ,
Qui mieux que Maîtresse chérie ,
Nous jette en belle rêverie ,
Et conduit au plus doux sommeil.
說
Plus loin une grande Prairie
Où se trouvent mille Beautés ,
Propre pour la galanterie ,
Attire nos Divinités ;
Flore y paroît avec les Graces , ..
tour,
Zéphire vole sur ses traces ;
Sous ses pas naissent tour à
Les Ris , les Jeux , le badinage
Enfans legers du Dieu volage ,
Si connu sous le nom d'Amour.
Les Anacréons , les vides ;
Peres des tendres sentimens ,
Y sont les plus fideles guides
De tous nos délicats Amans ;
Avec quel tour , quelle finesse
Donnent -ils leçon de tendresse ?
On n'en perd point le souvenir ;
I. Vol.
JUI N.
1119
1737.
En tous lieux ces aimables Sages ,
Font rendre à l'Amour des hommages j
Contre leurs sons , qui peut tenir ?
!
De Phébus les doctes Compagnes
Sensibles au charmant plaisir ,
Vont dans ces riantes Campagnes
Goûter les douceurs du loisir ;
Aussi-tôt à ces Immortelles
On offre les fleurs les plus belles ;
Chacun leur marque son, respect '; `
Leur enjoûment badin engage
A leur rendre un plus tendre hommage ;
Mais cet hommage est circonspect;
DIG
Quels beaux sentimens de tendresse !
Fables , Contes d'un heureux tour .
Il n'est que la délicatesse
Qui puisse plaire en fait d'amour ;
Dans le gracieux tout s'y passe ,
De voir , d'entendre , on ne s'y lasse ;
Chants , Danses sont d'un goût parfait ;
Ce que j'y vois de plus aimable
Chose à mon sens incomparable
On y fait toujours ce qui plaît.
I. Vote ·
Biii Loin
1120 MERCURE DE FRANCE
Loin la seche Philosophie ,
Riche en frivoles argumens ;
Loin la noire Misantropie
Mere des tristes sentimens ;
Plus loin l'ennuyeux pédantisme ,
Des Sages le dur stoïcisme ,
Qui trouble toujours la raison
L'Envie au regard sombre et louche ;
L'humeur inégale et farouche ,
Ne sont point ici de saison.
Loin encor toute ame hautaine
Ce Monstre de fatuité ,
Qui veut nous tenir à la chaîne
De son énorme vanité ;
Si l'on ne le Monseigneurise ,
Telle est sa superbe sotise ,
Qu'il ne répond qu'avec fierté ;
Trop enyvré de sa chimere ,
Il exige qu'on le révére
Autant qu'une Divinité.
Ici l'on sent un air d'aisance ;
C'est le séjour du bon esprit ,
Pays de la belle Science ;
On y trouve par tout écrit :
Que jamais l'aimable tendresse ,
I. Vol.
No
JUIN. X12X 1737
Ne fut contraire à la sagesse ;
Qu'un grain de fine volupté
Rend notre raison plus traitable ,
Lui fait prendre un tour agréable;
Que c'est un Baume de santé.
C'est ainsi qu'on aprend à vivre
Avec ces heureux sentimens ;
L'agréable est seul bon à suivre ,
C'est ce qu'on nomme le bon sens ;
Ce sens en Maître ici décide
Du beau , du fin et du solide ,
Sens plus noble que le commun ;
Là l'on abhorre le vulgaire ,
Et tout sentiment populaire ,
Esprit plat , discours importua.
Que j'aime à voir ici Moliere ,
Le grand Comique du Vallon
Donner aux Ris ample matiere ,
Et divertir même Apollon !
De l'un il fronde l'Avarice ,
De l'autre la noire malice ,
Le ridicule des jaloux ,
Des Grands la superbe ignorance ,
Des Pédans la dure science
Quelle multitude de foux !
I. Vol.
;
D iiij Plus
22 MERCURE DE FRANCE
Plus loin les coeurs sont en allarmes
Quel Spectacle frape les yeux
;
La pitié fait couler des larmes ;
J'entends le langage des Dieux
Pour un Héros l'on s'interesse ,
Il meurt en vengeant sa Princesse ,
Qui par un retour geneveux ,
A son tendre amour asservie ,
Par un poignard s'ôtant la vie ,
Rejoint l'illustre Malheureux.
M
Que les Corneilles , les Racines
Triomphent par le merveilleux ;
Que leurs Muses toûjours divines-
Respirent le grand , le pompeux ;
Quoi ? dans l'homme est-ce une foiblesse ,
D'aimer jusques à la tristesse ,
Et de se plaire à des malheurs
C'est plutôt raison que folie ;
On aime sa mélancolie ;
Le vrai plaisir est dans les pleurs.
典
Conduits par un goût solitaire ,
Juvenal , Horace et Boileau ,
Viennent au bois se satisfaire
Auprès du plus charmant ruisseau.
Là , d'un malicieux sourire
I. Vol
fls
JUIN. 1737. 1123
Els séparent dans leur Satire ,
Le sage de l'impertinent ;
Graces à ces Censeurs habiles
Sar le bon toujours difficiles ;
On n'est point sot impunément,
Entre les Menins du Parnasse,
J'aperçois l'illustre Rousseau ;
Une de ses Odes surpasse
Ce qu'on lit ici de plus beau.
Ah ! quel héroïquel angage !
De vérités quel assemblage !
Ce Pindare ravit aux Čieux ;
Qui comme lui touche la Lyre ?
Il prend un ton qui nous inspire
Le respect que l'on rend aux Dieux.
Après lui vient le grand Volterre ,
Riche en hauts sentimens du coeur
Jamais il ne tient à la Terre ;
Toujours il tend à la grandeur.
Que j'aime son Poëme Epique !
Chef-d'oeuvre de l'Art Poëtique ,
A sa gloire il a mis le sceau ;
Les Virgiles et les Homeres ,
Des fameux Poëmes les Peres , '
Ont-ils rien produit de plus beau P
I Vol
Dy Phe DY
124 MERCURE DE FRANCE
Plus loin l'on voit les Fontenelles
Dignes Chefs de nos beaux Esprits ,
Qui sement de fleurs naturelles ,
Leurs heureux et brillans Ecrits ::
Ils ont acquis sur le Parnasse
L'honneur d'une éminente place ,.
Et telle est leur félicité ;
La voix fidelle de l'Histoire
Porte leurs noms couverts de gloire
Au sein de l'immortalité .
Philis , tel fut l'heureux Voyage
Que je fis dans ce beau séjour ;.
Mon bonheur fut d'un court passage ,
Quel plaisir dure plus d'un jour ?
Mais je veux par le specifique-
De mon Talisman poëtique ,
Trouver même félicité :
Pour être heureux , souvent un songe ,
Où le ressort d'un beau mensonge
Y fait plus que la verité.
Bar ... d'Amiens , au Cha ... d'A
ventcour
A Vol LETTRE
JUIN.
1737. 1125
3*********************
LETTRE de M. Mazure , Maître ès
Arts dans l'Univerfité de Paris , &
Maitre de Mathématiques à Rennes , à
M. Bardon.
Ο
N trouve tant d'avantage dans les
conversations que l'on peut se ménager
avec vous , Monsieur , qu'on ne
pouroit , sans ingratitude , se dispenser
de vous en faire un hommage. Vous conduisez
l'esprit avec tant de méthode
qu'il s'emble que vous ne fassiez naître des
doutes , que pour procurer la satisfaction
de les dissiper soi même. Voici le fruit
de mes réfléxions sur la question que
nous agitâmes dernierement. Il s'agissoit
de sçavoir si la matiere actuellement
existente est infinie ou finie en étendue.
Descartes paroît avoir été pour le
premier sentiment ; mais en verité il y a
tant et de si fortes objections à faire , auxquelles
on ne voit aucune réponse raisonnable
qu'on ne peut guere se déterminer
à l'embrasser . Contre le dernier,
dans le Systême des Tourbillons plus petits
, et plus petits , qui paroît le seul raisonnable
, la plus forte objection que
Fon ait faite jusqu'ici , c'est que, selon
B. Fol. D vj les
I 26 MERCURE DE FRANCE
les Loix du mouvement , les petits Tourbillons
qui seroient à l'extrémité , c'està-
dire , aux dernieres couches de l'Univers
, devroient s'en aller par des tangen
tes , et tout cet Univers se détruire. Cependant
il se conserve cet Univers , donc
Dieu le conserve par une volonté particuliere
; mais cette conséquence met manifestement
des bornes à la sagesse de
Dieu , qui n'a pû lui dicter des Loix ,
pour ainsi dire , assés fécondes pour conserver
l'Univers. Je ne crois pas que
consultant l'idée de l'Etre infiniment
parfait , et connoissant combien il est ja
loux de l'Attribut de sa Sagesse , on
puisse admettre une pareille conséquence.
Comment donc se tirer de ces embarras ?
Voilà où nous en restâmes , M. et voici
ce qui m'est venu depuis dans l'esprit à
ce sujet:
2
Je dis qu'on peut regarder tout cet
Univers comme un Tourbillon qui en
renferme d'autres plus petits ; ceux - ci
d'autres , plus petits encore , et ainsi de
suite ( je ne sçai si on ne pouroit pas dire
à l'infini ) de sorte que ces derniers petits
Tourbillons , dont j'ai parlé , participent
à tous les mouvemens de tous les Tourbillons
dont ils sont parties prochaines
ou éloignées ; donc ils reçoivent des im--
1 Vol . pressions >
JULN. 1737. 1127
pressions des forces centrales et centrifuges
du premier Tourbillon total , ot de
tous les intermédiaires , ils ont eux-mêmes
des forces centrales et centrifuges ,
qui leur sont propres. Or toutes ces forces
centrales et centrifuges , ont des dé
terminations différentes ; donc ces der
nieres parties de l'Univers sont poussées
suivant un nombre immense de déter
minations.
Mais par la Loy des mouvemens composés
, un corps poussé suivant différentes
déterminations , qui ne sont point
diamétralement oposées , n'en suit aucune
, mais décrit une ligne par laquelle
il satisfait à toutes ces déterminations ;
donc chacune de ces dernieres parties , ne
suivra aucune de ces déterminations ,
mais elle décrira une ligne par laquelle
elle satisfera à toutes ; or non seulement
il ne répugne point , mais même il est
très -conforme à la Sagesse infinie de l'Etre
infiniment parfait , que toutes ces +
différentes déterminations fissent entreelles
des angles tels que la ligne , que
chaque petit Tourbillon devra décrire
soit précisément celle où il sera conservé
et retenu dans les bornes de l'Univers.
Donc cet Univers doit se conserver part
lës Loix des mouvemens , et sans volon
3
La Violi
ré
128 MERCURE
DE FRANCE
té particuliere ; ce qui porte le caractere
d'une sagesse infinie et d'une Provi
dence sans bornes .
Mais , M. ce qui me confirme encore
dans cette opinion , c'est que par ce Systême,
je crois trouver une analogie entre
le physique et le moral, laquelle exprime
parfaitement
la simplicité de la conduite
de Dieu, qui par la nécessité de son Etre,
ne peut agir que pour faire porter à son
Ouvrage le caractere de ses Attributs, de
la maniere la plus capable de procurer sa
gloire , qui seule peut être la fin , comme
le seul amour , qu'il se porte à luimême
, peut être le motif de son action
En effet , M. comme Habitans de l'Univers
entier , nous avons certaines impressions
: comme Européens , nous en avons
d'autres ; comme François , d'autres ; de
différentes comme Bretons. L'Habitant de
Rennes a les siennes , comme Pere ou partie
d'une certaine famille , il en a qui lui
sont particulieres
; et enfin , par un ressort
et par une combinaison
que nous ne
sçaurions assés admirer , toutes ces diffé
rentes impressions
, dont chacune en
particulier tendroit au renversement
de
la societé , prises toutes ensemble , en
operent la conservation
et le bien . Voilà,
M. ce que j'ai pû recueillir de mes médi-
1. Vol. mations
JUIN. 1737. F129
tations. Je connois votre sincerité , comme
vous connoissez mon désintéressement
sur mes sentimens philosophiques,
lorsqu'il ne m'est pas clair que j'en doive
compte à la vérité. J'attends vos avis ,
bien résolu d'en profiter , comme d'être
toute ma vie avec une sincere amitié,
M. Votre , &c.
LE JARDI N.
EPITRE
,
A. M. D. V.
Toi qui dans le champêtre azile¿
Ou te conduisit le bon sens ,
Oposes une étude utile
Aux assauts des soucis piquants ,
Damon , mets à part , pour un temps ,
Les sages Ecrits de Virgile ,
Dans lesquels ton esprit docile
Puise ses doux amusemens ;
Dépouillé de l'humeur chagrine
D'un Aristarque scrupuleux ,
Daigne sur ma Muse badine
Jetter de favorables yeux ;
Si-tôt que ta juste balance
Devant le Tribunal des Ris
1. Fal. Aura
1130 MERCURE DE FRANCE
'Aura pesé ' ce que j'écris , ·
Tu peux , sans que je m'en offensé ,
Reprenant un front moins serain ,
Recommencer ton premier train ;
Mais pour tirer plus d'avantage
Du travail sçavant qui t'instruit ,
Scache , Damon , qu'un homme sage
Ne doit pas du suc d'un Ouvrage
Sans cesse enyvrer son esprit ;
Car , par là , le plus beau génie
Voit périr sa force affoiblie ,
Et vole par distraction "
Du sein de l'érudition
Vers le foyer de la folic."
Voilà ce que Mere Raison ,
Ami , m'a chargé de te dire ; ·
L'avis n'est pas hors de saison ,
Et j'ai promis de t'en instruire
A la premiere occasion.
Traitons à présent la matiere
A laquelle mon Apollon
Consacre cette Epitre entiere ;
.
Voici le fait attention ; :
Auprès d'une table investie :
Par le hazard et l'interêt ,
Du sort l'inévitable Arrêt ·
Ayant sur ma bourse remplie
Exércé sa rage canemie ,
Is Vols
JUIN.
1737 .
1131
Je tournai mes pas abatus
Chargé de ma seule misere ,
Vers ma lucarne solitaire ,
Donnant des regrets superflus
A l'argent que je n'avois plus.
Déja la nuit plioit ses voiles ,
Déja la face des Etoiles
Perdoit sa brillante couleur ;
Tenant un seul doigt sur sa bouche
Déja le silence rêveur ,
Fuyoit à l'aproche farouche
Du tumulte perturbateur.
Tout d'un coup , trait pénible à croire ,
Dont j'assure la vérité ,
En jurant par cette onde noire ,
Que roule avec férocité
Le Styx , par Jupin respecté ;
Soudain , dis - je , du haut des nuës ,
Je vis descendre un Dieu riant ,
Assis sur les aîles du vent ,
Avec des graces ingénuës ;
Ses yeux baissés , son teint vermeil ,
M'annonçoient le Dieu du sommeil ;
Lorsque dans ma Cage embellie
De quelques meubles délabrés ,
Le Dieu des songes bigarés ,
Fut entré sans cerémonie ;
Il me fit entendre ces mots , ?
L. Voli.
Dont
1132 MERCURE DE FRANCE
Don't je me souviens à propos ;
A ces fleurs que je te présente ,
Tu connois assés qui je suis ;
» Loin de toi , je veux des Ennuis
Chasser la cohorte insolente ;
» Vers toi la pitié pénetrante ,
A porté mon pied incertain
Pour apaiser ton humeur noire ,
» Et jouir d'un calme serain ;
» Şous mes aîles d'un jeu malin ,
Viens perdre jusqu'à la memoire.
Il se taît , puis levant la main ,
Me frape , et je m'endors soudain ;
Cent et cent songes favorables "
Fondant sur moi de tout côté ,
Ne m'offrant qu'objets agréables
Dont je suis encore enchamé ,
Quel plaisir n'ay-je pas goûté ,
Damon , lorsqu'un charmant délire
Dans ton jardin m'a transporté ;
Jardin des Graces habité ,
Qui joint à leur riant Empire
Tout l'éclat de la vérité ;
Retraite où dans un calme extrême ,
Tu jouis toujours de toi même ,
En dépit de l'adversité ?
Pour prix de ton humeur égale ,
La tendre Vénus chaque nuit ;
I. Vol. (Ains
JUIN. 1737.
1133
( Ainsi du moins me l'a-t'on dit )
Tandis que Vulcain au front sale
Pour Jupiter forge les Traits
Qui doivent punir les forfaits ,
A l'aide du Char de Cynthie ,
Danse avec les jeunes Plaisirs ,
Dans ta demeure où les convie
Ze souffle badin des Zéphirs ;
L'aimable Flore , qui désire
T'amuser avec ses couleurs ,
Ouvre son sein , t'offre les fleurs
Qu'elle s'empresse de produire ,
Avec le doux secours des pleurs
Que répand la Fille Azurée ,
9
D'un Dieu qui , dans un Char brûlant ,
Eclaire la Voute étherée ,
Sans se reposer un moment;
Avec les glaces de Scythie ,
L'Epoux bisare d'Orithie
Ne vient point enchaîner ces Eaux ,
Qui , roulant leurs ondes plaintives ,
Lavent les pieds de tes Roseaux ,
Près de qui les Nymphes craintives ,
Ornant leurs cheveux de Pavots ,
Vont souvent chercher le repos.
Oui , je croyois , Ami fidele ,
Que la Fortune moins cruelle
M'alloit permettre de nouveau
I. Vol.
D'être
1134 MERCURE DE FRANCE
D'ètre dans le sein pacifique
De ta retraite monarchique ;
D'y goûter un sort aussi beau
Que celui dont mes jours tranquiles
Jouissoient le Printemps passé ,
Lorsqu'échapé du bruit des Villes ,
Et , de tout Flateur empressé
Evitant les adroites chaînes ,
Fallois te découvrir mes peines
Dans un raisonnement sensé ;
Là l'éloquence et la sagesse
Se mariant dans tes discours ;
Bannissoient l'affreuse tristesse
Du fond de mon coeur pour toujours
Et ne versoient que l'allegresse
Sur tous les instants de mes jours ¿
Ennemi du joug exécrable
De cette sévere vertu ,
Dont un Cagot est revêtu ;
Tu laissois une entrée aimable
Dans ta demeure respectable ,
A quelques plaisirs innocens ,
Sources de nos amusemens ;
Tantôt , dès que l'Aube vermeille
Alloit ouvrir dans l'Orient
Du Soleil le Palais brillant ,
Tu venois me dire à l'oreille
Qu'il étoit temps de mépriser
I. Vol
JUIN. 17378
1135
Les charmes d'une plume oiseuse , ⭑
Et qu'ilfalloit nous disposer ,
Remplis d'une ardeur belliqueuse ,
Et secondés d'un plomb volant ,
A declarer adroitement
Une fatale et rude guerre
Au Peuple qui , fuyant la terre ,
Pour éviter nos coups divers ,
Trouve sa perte dans les airs ;
Tantôt assis sur la verdure ,
Près de quelqu'Arbre bienfaisant ;
Accompagnés de l'enjoüement ,
Et d'une raison toujours pure ,
Nous accordions à la nature ,
Dans un repas apétissant ,
Un gracieux soulagement ;
Et nous buvions avec usure
L'oubli des rides du present ;
* Quelques Personnes avoüoient que corte Ema
pression ne donnoit pas assés de jour à ma pensée
, quoique je recueille leurs avis avec autant
de respect que l'on recueilloit les feuilles qui renfermoient
les Réponses des Sybilles j'ai néanmoins laissé
subsister cette Expression , m'étant aperçû que M.
Boileau s'en étoit servi dans le IV. Chant du Lutrin
, où il dit , en parlant des Valets du Chantre ,
qui s'étoit éveillé agité d'un sommeil éfrayant,
Aux Elans redoublés de sa "voix douloureuse ,
Tous les Valets tremblans quittent la plume
oiseuse.
1.Vd.
AYSE
1136 MERCURE DE FRANCE
Avec art usant de la lime ,
Tantôt nous ornions quelque rime
De cette noble propreté ,
Et de cette subtilité ,
Qui sortent sans aucune peine ,
De ce redoutable pinceau ,
Que , malgré les cris de la haine ,
Le Dieu qui cherit l'Hypocrêne ,
Laisse dans les mains de Rousseau ;
De ces plaisirs inexprimables
Je me promettois le retour ,
Séduit par des songes aimables ,
Qui me maîtrisoient tour à tour ;
Tandis qu'ainsi je m'abandonne
A des projets délicieux ,
Perché sur son char radieux ,
Le Fils embrasé de Latone
Avoit atteint le haut des Cieux;
Sur la porte de ma Guerite
Un détestable Cuisinier
Contrefaisant le Timbalier,
Me dit que mon repas
d'Hermite ,
Rangé sans art , mais proprement
M'attendoit impatiemment.
Au bruit de sa main affamée ,
La Troupe des Rêves distraits ,
Volant vers ses Antres secrets
Ne me laissa que la fumée
1.Vol. De
JUIN. 1737. 1137
De tous mes plaisirs imparfaits.
En racourci voilà l'histoire
Dont j'ai voulu t'entretenir e
Adieu , Damon , je vais finir ,
Et renfermer dans mon armoire
Mes Tabletes et mon Craïon ;
Aussi ne puis-je davantage ,
Sans courir risque de naufrage ,
Joindre la rime à la raison.
M. Last à Aix.
tsust
ASSEMBLE E Publique de l'Acadé
mie Royale des Sciences,du .. ....
Onsieur de M. y lût un Discours
M sur la Propagation du Son dans les
differensTons qui le modifient . Il considere le
Son dans quatre sujets differens ; dans le
Corps sonore qui enfait le sujet immédiat par
ses vibrations ; dans l'air , qui en est
le milieu , en tant que susceptible des vibrations
du corps sonore dans l'organe de
Louie , ébranlé par les vibrations de l'air z
et enfin dans le sentiment que l'ame en reçoit
. De ces quatre Parties de la question
du Son , qui se lient et s'éclairent
1. Vol. A mutuel.
13 MERCURE DE FRANCE
mutuellement M. de M. n'a pris à
tâche d'aprofondir que la seconde ,
sçavoir la maniere dont le son est produit
dans l'air , et il ne s'arrête même
dans celle- ci qu'au son modifié en tel ou
tel Ton, aigu ou grave, haut ou bas ; en
un mot aux differens Tons qui font l'ob
jet de la Musique . Cependant , à cause
de la liaison de cette Partie avec les trois
autres , il les parcourt toutes dans l'or
dre que nous les avons énoncées, et il en
tire des preuves ou des éclaircissemens
curieux par raport à son hypothese sur
la seconde.
Cette hypothese consiste à admettre
dans l'air autant de particules de differente
élasticité , et capables par là de vibrations
d'autant de differentes durées ,
qu'il y a de Tons differens dans les corps
sonores , ou que nous avons de perceptions
en vertu des differens Tons qui frapent
notfe organe : l'ébranlement total
où les vibrations de toutes ces particules
ensemble produisent le Son en géneral
ou le bruit.
M. de M. avoit communiqué son idée
à l'Académie sur ce sujet , il y a plus de
dix- sept ans , car il en est fait mention
dans le Volume des Mémoires de cette
Compagnie de 1720. Il l'avoit même ex-
1. Vol.
pliquée
JUI N. 1737. 1139
9
pliquée depuis à plusieurs Personnes ,
soit de vive voix , soit par écrit. Aussi
quelques Sçavans s'en étoient- ils déja
servi dans leurs Ouvrages ; mais de maniere
sans doute , que l'Auteur a crû
devoir la mettre lui - même dans tout son
jour et c'est ce qu'il execute ici . Il se
fait gloire de dire que son systême sur la
Propagation du Son et des differens
Tons , est une imitation de celui de M.
Nevvton sur la lumiere et les couleurs,
L'on voit en effet d'un côté autant d'espe
ces de corpuscules lumineux de differente
refrangibilité , que de couleurs ; de l'autre .
autant de particules sonores d'air de differente
élasticité, que de Tons : Là le mêlange
de tous les corpuscules lumineux et colorés
produit la lumiere ; ici le fremissement de
toutes les particules sonores et toniques forme
le bruit.
Ce qui a conduit l'Auteur à admet
tre dans l'air cette diversité de parties
intégrantes susceptibles de vibrations de
differente durée , et capables par- là de retenir
et de transmettre jusqu'à l'oreille
tous les Tons du corps sonore , c'est l'impossibilité
où l'on se trouve, sans cela , de
concevoir comment plusieurs Tons differens
peuvent se faire entendre à la fois ;
par exemple , plusieurs Parties chantan-
1. Vol.
tes E
1140 MERCURE DE FRANCE
tes , ou les Tons differens de plusieurs
cordes d'Instrument. Car la difference
méchanique des Tons , ne consistant que
dans le nombre de vibrations que donnent
les differens corps sonores en temps
égal , comment la même masse d'air peute
elle frémir en même temps avec differentes
vîtesses , comme ut , par exemple , et
comme sol , et faire trois vibrations dans
le même instant qu'elle n'en fait que
deux ? On sçait que 2. et 3. forment
le raport numerique des vibrations de la
quinte à celles du Ton fondamental ,
comme 1. et 2. celui de l'Octave , 4. et
5. celui de la Tierce majeure , &c.
En vain croit - on répondre à la difficulté
par la comparaison des ondes que
produisent plusieurs pierres jettées en
même tems sur la surface d'une eau tranquille.
M. de M.... fait voir combien
cette comparaison , si rebatuë , et adoptée
par des Personnes d'ailleurs très - habiles
, est défectueuse , et capable d'induire
en erreur. Une des principales dif
ferences entre les Ondes et les Sons , est
que les Ondes resultent du mouvement
de masses d'eau plus ou moins grandes ,
et les Sons , au contraire , ne sont produits
que par les vibrations des parties
insensibles ou intégrantes de l'air. Aussi
1. Vol.
la
JUIN.
1737. 1141
,
la vitesse du progrès des Ondes peut elle
être plus ou moins grande , selon la grandeur
, ou , comme on dit , la latitude des
Ondes ; mais la propagation du Son ,
fort ou foible, dans un air calme ou agité,
est toujours la même , parce que la contraction
ou la dilatation des ressorts , en
quoi consiste le Son , se fait toujours en
temps égal . C'est pourquoi le bruit du
Canon , qui va plus loir. , et qui se soutient
plus long - temps que celui du Mousquet
, ne va pas plus vite , et va aussi
vîte à la fin qu'au commencement ; l'un
et l'autre parcourant également environ
180. toises par seconde. Ainsi il est trèspossible
que differentes portions d'eau
s'élevent et s'abaissent alternativement à
sa surface avec differentes vîtesses , quel
qu'uniforme que soit l'eau dans ses parties
insensibles. Mais il n'est pas possible
que les parties insensibles de l'air frémissent
avec differentes vîtesses , à moins
qu'on ne les supose de differente élasticité
les unes à l'égard des autres .
M. de M. se fait encore cette difficulté:
Comment les vibrations ou les frémissemens
du corps sonore de tel ou tel Ton
vont - ils ébranler , entre les particules
d'air qui l'environnent précisément
celles qui répondent à ce Ton , par pré-
I. Vol.
férence
E ij
1142 MERCURE DE FRANCE
férence à toutes les autres ? A quoi il répond
par le Phenomene connu de deux
Instrumens accordés à l'Unisson , et dont
l'un répete , comme une espece d'Echo
les airs que l'on joue sur l'autre ; tout de
même le corps sonore par ses vibrations
et ses frémissemens ébranle , sans distinction
, toutes les parties du milieu qui
l'environnent ; mais les vibrations communiquées
par lui à ce milieu , ne se soutiennent,
et ne deviennentsensibles par des
secousses réiterées , que dans les particu
les Isochrones ; c'est- à- dire , dont les vi
brations sont de la même durée.
Ilraporte ensuite une experience moins
connue , quoique très ancienne , et trèscertaine
; c'est celle d'une corde touchée
à vuide , et qui rend avec le Son fondamental,
qui est de beaucoup le plus fort,
la plupart de ses Sons harmoniques , sa
Tierce majeure, sa Quinte , &c. ou leurs
Octaves.Et il fait voir que ce Phénomene
est inexplicable par tout autre hypothe
se que par celle des differentes élasticités
ou frequences de vibration , que les
particules de l'air ont entr'elles . Voilà ,
ajoûte- t il , les principales Loix de l'Harmonie
, diciées par la nature même , l'accord
parfaitfondé sur la correspondance que les
particules harmoniques de l'air ont entr'ele
1. fol. les,
JUIN. 1737 1143
les , et une source féconde de regles que l'art
et le calcul peuvent étendre , et que la Philosophie
poura avomer. Il se dispense
d'entrer là- dessus dans aucun détail , en
avertissant qu'un célébre Musicien de
nos jours , à qui ces idées , et cette hypothese
ne sont pas inconnuës , va faire
paroître un Traité de Musique qui porte
sur cette même Théorie. Il n'est Personne
qui n'ait reconnu ici M. Rameau, qui
a presenté et dédié à l'Académie des
Sciences un Traité des Générations Har
moniques , qu'on imprime actuellement
où il a adopté l'hypothese de M. de M.
sur la Propagation du Son.
Le reste du Discours , qui en fait peutêtre
la partie la plus curieuse , et la plus
interessante, est en même temps la moinssusceptible
d'extrait, ou demanderoit un
extrait d'une toute autre étenduë que celle
que nous avons résolu de donner à celui-
ci . Nous ne ferons donc qu'en indiquer
succinctement
la teneur.
,
Il s'agit de la relation que les fibres de
FOrgane de l'Oüie ont avec les differentes
vibrations de l'air , et dé ses diverses
particules toniques ; de l'Origine du sentiment
confus , mais invariable de l'Harmonie
, commun aux Hommes de tous
les
temps et de tous les Pays ; et enfin
I. Vol. E iij
de
144 MERCURE DE FRANCE
de la source du plaisir attaché au sentiment
de l'Harmonie et des Consonnances
, en oposition à la douleur , ou à l'espece
d'inquiétude que causent les mauvais
accords.
L'Organe immédiat de l'Oüie est selon
M. de M. qui suit en ceci l'opinion
des plus fameux Anatomistes , un veritable
Instrument de Musique , comme
l'oeil est une vraie lunette d'aproche.C'est
une espece de Clavecin , où se trouvent
une infinité de cordes de differente longueur
, et de differente tension , qui répondent
à toutes les vibrations de l'air.
Il donne une description du Limaçon ,
qu'on sçait qui termine l'oreille interne,
et de la Lame spirale qui partage le Limaçon
en deux rampes , pour preuve et
pour exemple de ce raport , qui est en
effet surprenant
.
Le sentiment naturel de l'Harmonie
est attribué à cette correspondance des
ébranlemens des fibres de l'organe avec
ceux de l'air et du corps sonore , dont
nous éprouvons les effets depuis notre
naissance , et d'où s'est formé ce sentiment
par une habitude nécessaire et involontaire,
L'Auteur rapelle à cette occasion la
guérison de deux maladies extraordinai-
I. Vol. res,
JUIN. 1737. 1145
res , accompagnées de délire et de convulsions,
dont il est parlé dans les Mémoi
res de l'Académie , et qui , après avoir
resisté à tous les remedes communément
reçûs , céderent enfin aux douces im
pressions de l'Harmonie. Il n'est point
en effet d'organe , dont les ébranlemens
se communiquent plus promptement à
tout le genre nerveux que ceux de l'organe
de l'ouie. C'étoient aussi des Musiciens
, sur qui ces guerisons furent opérées
, c'est - à- dire des sujets en qui l'habitude
de sentir l'Harmonie se trouvoit
la plus forte.
Quant à la sensation délicieuse que
cause l'harmonie , et la peine secrete , ou
même la douleur que produisent les Sons
discordans , M. de M.... n'hésite pas à
leur donner pour cause la conservation
de l'organe favorisée dans un cas , et sa
destruction prochaine , ou commencée
dans l'autre et c'est- là , dit il , en effet
et en général , la source de tous les plaisirs
des sens , ou de la douleur que nous
éprouvons par leur moyen , en conséquence
des loix de l'union de l'ame à ses
organes.
;
›
Il répond à quelques exceptions , qu'on
pouroit alleguer contre cette Théorie ; et
il finit par une Experience remarquable
1. Vol. E iiij.
qu'il
146 MERCURE DE FRANCE
qu'il fit à Beziers en 1723. et qui tend à
prouver que, malgré la Propagation uniforme
du Son en général , les differens
Tons qui le modifient pouroient bien
souffrir quelque difference dans les vîtesses
de leurs Propagations particulieres ,
comme la lumiere hétérogene des diffe
rentes couleurs souffre differentes réfractions
, quoique la lumiere en général , suposée
homogene, se rompe toujours également
, en traversant les mêmes milieux .
L'aparell de cette Experience , qui est déja
fort abregé dans le Discours de l'Auteur
, ne nous permet pas de la raporter
.
M. de M... s'est aussi reservé d'éclaircir
quelques autres points de cette matiere ,
dans des Remarques qu'il y ajoûtera , et
qui ne sont destinées que pour les Assemblées
particulieres de l'Académie .
Les mots de l'Enigme et des Logogryphes
du Mercure de May , sont le
Papier , Opera , et Feuille.On trouve dans
le premier Logogryphe , O , ope , Pera ,
et Pareo. Dans le second : Feu , Fille, Fil,
Eiel , Vie , Elie , Lie , Levi , et Vielle.
I Vol
ENIGME
JUIN 1147 1737.
鼎鼎鼎鼎燒魚惠惠
L
ENIGM E.
Ieu commun , de l'Enigme ordinaire lang
gage.
Faisant bien , faisant mal , je suis d'un ' grand j
usage.
Je tranche , coupe , taille, et sers sans amitié,
( L'humeur vient à changer , et sans faire pitié
L'on m'accuse d'un mal aprochant de la rage.)
Par ma couleur , par mon arrangement ,
Je fais plaisir , honneur , contentement
Signe certain d'une saine poitrine ,
Je contribue à relever la mine :
Et , quoiqu'ici je parle au singulier ;
Je ne suis pas seule à mon râtelier .
Sans mouvement , ceci n'est point mensonges
Mais c'est le Diable , on prétend que j'alonge
Notez qu'au figuré plûtôt qu'au naturel
Je puis porter un coup très- criminel.
2
JChevrier , Org. D. C. E. A‚ ·
Ely LOGO?-
148 MERCURE DE FRANCE
2
LOGOGRYPHE.
H Uit membres forment ma stucture ,
J'ordonné en Reine aux Papes comme aux Rois.
Et tel qui tous les jours me taxe d'imposture
Enfin se soumet à mes Loix,
Coupez mon tout en deux , la premiere partie
Vous nomme un Peuple habitant de l'Asie.
Ajoutez à ces trois mon dernier seulement ,
Je fis trembler Jason dans mon emportement.
2. et 3. 4. et 7. Adam par complaisance ,
De mon heureux séjour perdit la jouissance .
1. 6. et 8. il faut , sans compliment ,
Se déclarer pour moi , quand on n'a plus de
dents .
7.6. § . 2. et ma lettre derniere ,
On vit chés moi l'Eglise entiere.
Un six je suis dans la Musique .
3. 4. 5. et 6. avec les deux premiers,
Je soulage la Republique
De mes sacrés deniers .
5. 6. et 3. je deviens Tragédie.
7. 6. et 3. j'apartiens aux Oiseaux, L
3. 4. 5. 6. 7. je fus un des fleaux
Des Martirs de la Liturgie.
1.6. 7. 8 , mes aveugles Enfans
Me déchirent le sein pour trouver des néants.
I. Vol.
AUTRE
JUIN. 1149 1737.
AUTR E.
LE Mot Char avec le mot Chat ,
Le mot Car avec le mot Rat ,
Le mot Art avec le mot Cran
Se trouve en plein dans . . . . C... :
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &c.
ANNEAU débite un Livre intf-
Gtulé la Religion ou Théologie des
Turcs , par Echialle Moufti , avec la Profession
de Foy de Mahomet , Fils de Pir
Ali , en deux Volumes in- 12 . A Bruxelles,
chés François Foppens. M. DCC. IV.
Cet Ouvrage est divisé en trois Parties
; les deux premieres ne contiennent
que des Traditions extravagantes de differens
Docteurs Mahometans sur l'état
de l'Homme à l'agonie , après la mort
jusqr ' au Jugement dernier , et au Jugement
dernier; des Descriptions imaginaires
de ce redoutable jour , du Paradis
et de l'Enfer ; le tout composé à dessein
d'épouvanter les Pécheurs , et prin-
1. Vol. Evi cipalement
(1150 MERCURE DE FRANCE
cipalement les Peuples qui ne sont pas
soumis à l'Alcoran , qui seuls sont menacés
de peines éternelles , desquelles
tous les Mahometans sont exempts par
le privilege de leur Religion . La Traduction
en est assés exacte , à cela près que
le Traducteur a un peu adouci les extravagances
les plus outrées de l'original ,
qui multiplie tous les biens et les maux
par le nombre de 70000. qui lui est fávori.
Par exemple , il y a des endroits
dans ce Livre , où , en faisant la descrip
tion de certains Anges , l'Auteur dit que
leurs têtes touchent le Ciel Empirée , et
leurs pieds le centre de la Terre ; qu'un *
de leurs pieds est à l'Orient du Ciel ,
l'autre à son Occident ; que du bout
d'une de leurs aîles à celui de l'autre il y
2-7000 . années de chemin ; qu'ils ont
76000. têtes ; à chaque rête 70000. bou--
chés dans chaque bouche 70000. langues
que toutes ces langues ne sont
occupées nuit et jour qu'à louer leur
Créateur , et que chacune de ces langues
rend à Dieu autant de louange à chaque
instant , que tous les Peuples de la terre -
lui en poutoient rendre en 70000. an
nées.s
;
x
Toutes ces Opinions ; au reste ne
sont point de foy chés les Mahometans ;
2
I -Vol elles
JUIN. 1737. HIST
elles sont reçûës du plus grand nombre ,
mais les Sçavans de cette Religion les rejettent
, parce qu'elles ne sont pas fon
dées sur l'Alcoran , et ce n'est pas un pèché
de n'y point ajoûter foy,
+
Ce que tous les Mahometans sont obligés
en conscience de croire , est renfermé
dans la troisiéme Partie de cet Ouvrage
, qui est le Testament de Mahomet
, Fils de Pir Ali , qui contient sa
Profession de Foy en abregé , dans la
quelle il n'a obmis aucun point essentiel
de la Foy Mahometane. Il la commence
comme tout Traité de Théologie , par
l'idée de Dieu en 7. Chapitres. Il professe
son Unité , et pour détruire la Trinité
, il soûtient dans le premier Chap
que Dieu n'a point de Compagnon , et
pour nier la Divinité de J. C. il professe
que Dieu n'a ni engendré , ni été engendré.
Au reste il a de l'Etre supréme
à peu près la même idée que nous.
"
De l'idée de Dieu , l'Auteur, Chapitre
VIII. passe aux Anges , qu'il croit composés
de matiere subtile. Il reconnoît
104. Livres Divins publiés dans le Monde
par differens Prophetes , mais il n'en
nomme que quatre, Chap. I X sçavoir ;
l'Ancien Testament les Pseaumes , l'E- 43
vangile et l'Alcoran , le dernier de tous
Vol
ว
152 MERCURE DE FRANCE
et le plus parfait ; il assure même , Ch.
VI. que ce Livre est incrée et éternel .
L'Auteur traite de la Prédestination
dans plusieurs differens Chapitres de son
Ouvrage; mais tout ce qu'il en raporte est
toujours fondé sur le même principe ,
qui est que Dieu est Auteur du bien et
du mal , Chap. IV. Dieu a créé , dit- il ,
Chap. VII. les bonnes oeuvres et les pechés
, le bien et le mal. Dieu a créé tous
les pechés et les crimes , et les a inscrits
dans le Livre du Destin , Chap . XXII.
parce que , dit- il tout de suite , Dieu fait
ce qu'il veut , et agit selon ses Decrets ,
et il ne se passe rien qui ne soit entierement
conforme à ses Decrets et Volonté.
De- là , Ch. IV. il tire des conséquences
nécessaires ; c'est que Dieu n'a point sou
haité le salut des Réprouvés; qu'il ne peut
être offensé , Chap. I. par les crimes , ni
glorifié par les bonnes oeuvres , d'autant
que c'est lui , dit- il, Ch. VII. qui a créé les
bonnes oeuvres et les pechés ,le bien er le
mal. On doit conclure de cette Doctrine,
que l'Homme ne peut ni mériter , ni démériter
; aussi Dieu , Chap. XVIII . disposera-
t-il , à sa volonté , des actions des
Hommes au jour du Jugement , ôtant
aux Réprouvés leurs bonnes oeuvres ,
pour les donner aux Elûs , et rendant en
I. V échange
JUIN. '1737. 1153
,
échange aux Reprouvés les pechés que
les Elûs auront commis. Pour les Elûs
ils sont aisés à connoître ; ce sont les
Mahometans , car il n'y a point de peché
irrémissible , Chap. XXVIII. que
celui de ne pas croire à Mahomet ; et
pourvû qu'il reste à un Mahometan à la
mort autant de foy qu'un atôme , fut il
d'ailleurs coupable d'un nombre infini
de crimes les plus atroces , il souffrira
tout au plus en Enfer une espace de temps
proportionné à ses pechés , et à la fin
Il sera sauvé, Chap . XIX. L'Auteur se
reprend même un peu après , Chapitre
XXVI. et paroît douter que les Mahometans
soient punis dans l'autre monde
des pechés dont ils n'auront pas
pas fait
nitence . Au reste la penitence des Mahometans
n'a rien de difficile , elle consiste
seulement , Chap . L X. à se repentir
des pechés qu'ils ont commis , parce
qu'ils ont mérité les peines de l'Enfer.
pe-
L'Auteur traite des Prophetes , et en
particulier de Mahomet, de ses Miracles,
de sa Naissance et de sa Mort ; des trois
premiers Caliphes qui lui ont succedé ;
ensuite il passe aux Quatre Fins de
l'Homme , et vient à la Foy Mahometane
, qui consiste à croire en Dieu seul
et à Mahomet, Pour ce qui est de la Re-
I. Vol. ligion
154 MERCURE DE FRANCE
ge ;
-P
ligion , il suffit de la sçavoir en abregé
Chap. XXIV . sans en raisonner ni
chercher à en donner de preuve claire
et évidente. Ce n'est pas en faire l'élol'Auteur
en reduit les devoirs essentiels
à six ; sçavoir , Recevoir l'Alcoran;
Reciter tous les jours la Profession de
Foy; ( Il n'y a point de Dieu que Dieu ;
Mahomet est son Prophete ) et faire les
cinq Prieres ; Observer les Ablutions ;
Jeûner la Lune du Ramazan ; donner
aux Pauvres la Dixme de son revenu ;
et faire le Pèlerinage de la Mecque, Chap.
XXXVIII Mais de ces six Devoirs l'Au
teur paroît donner la préference à l'Ablution
, en disant : L'essentiel du Mahometisme
consiste principalement dans la pu
reté du Corps . Chap. LXXXV.Les Sçavans,
sans mépriser ce point de la Loy , le font
consister dans la pureté de l'Ame : mais
c'est ici l'opinion commune. Cet Auteur,
en parlant de l'Ablution Chapitre
LXXXVIII. établit les mérites ou
démérites des Femmes , ce qui supose
nécessairement leur salut ou leur dam
nation , et qui détruit l'opinion qu'on a
en Europe,que les Mahometans excluent
les Femmes du Paradis. Un Mahometan
peut apostasier sans renier formellement
sa Religion; on apelle cela tomber dans
•
#
I¿Vol . l'infidelité
JUIN 1737 Iss
Finfidelité ; c'est , comme nous dirions ,
devenir Payen , être excommunié . Ea
cet état ses exercices de Religion sont
sans mérite ; son mariage est nul ; le devoir
en est illicite ; il n'est pas permis à
un autre de manger d'un animal que cet
Apostat auroit égorgé; toutes ses bonnes
euvres passées sont détruites , et pour
comble de maux , il est permis de le tuer.
L'Apostat , Chap: LXVI . en est quitte
cependant pour demander pardon à Dieu
de son Apostasie , et reciter la Profession
de Foy ; après quoi il se remarie avec sa
Femme , ou avec ses Femmes , s'il ena
plusieurs , et recommence le Pelerinage
de la Mecque , quoiqu'il l'eût déja fait.
L'Auteur cite 51. façons d'apostasier
ainsi ; et entr'autres nier la Prédestination
formelle , c'est apostasier ; douter
de la verité d'un passage de l'Alcoran ,
c'est apostasier ; dire , en parlant de
Dieu , le Dieu qui est au Ciel , c'est apos
tasier. Mais ce qui paroît singulier , c'est
que , Chap. LXVII. dire que les Juifs
sont meilleurs que les Chrétiens
apostasier ; parce qu'un Juif a plus de
malice que tous les Chrétiens ensemble.
On trouve dans tout l'Ouvrage de
beaux principes de Morale , et un entrautres
bien surprenant dans un Turt,
c'est
I. Vol. Chap .
1156 MERCURE DE FRANCE
Chap. XXXIV. c'est qu'il est défendu
de tirer l'épée contre son Prince légiti
me, quelque cruel et Tyran qu'il puisse
être. Il dit aussi , Chap . XXIX. qu'il ne
faut décider du bon ni du mauvais sort
d'aucune Personne morte, excepté des Prophetes
, et de certains fameux Reprouvés,
desquels il donne pour exemple , deux
Persecuteurs de Mahomet. L'Auteur avance
aussi plusieurs autres principes de Morale
qui ne sont pas à suivre . Il prétend,
par exemple , Chap. L. qu'il est permis
de desirer les biens et les dignités que
possedent les gens qui en font mauvais
usage.
Il avance aussi , Chap. LII. qu'on
peut hair non seulement le peché , mais
encore le Pecheur à cause de ses pechés.
Au reste l'Auteur adopte les rêveries
des autres Mahometans à la lettre. Il
prétend Chap. XI que l'Antechrist est
venu du temps de Mahomet , qui l'a
fait releguer dans un desert à l'extrémité
du Monde, où il doit rester lié jusqu'au
jour du Jugement qu'il reparoîtra pour
être tué par J. C.
L'Auteur ordonne de son enterrement,
les cérémonies qu'il veut qu'on y obser
ve , et les aumônes qu'il veut qu'on y
fasse ; il donne ensuite des Regles pour
1.Vola
JUIN. 1737. 1157
la Priere en général , et l'explication des
principales Prieres ; et finit par recommander
à ses Enfans et à ses Freres d'attendre
leur fortune de Dieu , et de ne la
jamais acheter par des bassesses .
Cette troisiéme Partie mérite d'être
lûë par les Personnes qui veulent connoître
la Religion Mahometane ; le Texte
en est correct , mais on se croit obligé
d'avertir que les Notes n'en sont pas
exactes ; le Traducteur paroît avoir travaillé
sur un sujet dans lequel il n'étoit
pas si bien versé que dans la connoissance
de la Langue.
L'ART D'AIMER. , Poëme en 3.
Chants
Par M. d'Alegre , de 26. pages . A Paris,
chés Prault , Pere , Quay de Gêvres au
Paradis
. 1737.
Les quatre Vers pris de la fin du premier
Chant,donneront une petite idée de
cet Ouvrage.
En voguant sur les Mers de l'amoureux Em→
pire ,
Ce n'est qu'au seul plaisir qu'un tendre coeur
afpire ,
Et ce plaisir tout seul vaut encor cent fois mieux
Que tout ce que le Gange a de plus précieux.
1. Vol.
DISSER
1158 MERCURE DE FRANCE
"
DISSERTATION sur une fille de Grenoble
, qui , depuis près de quatre ans , ne
boit ni ne mange. Par M. Charles Fontenettes
, Conseiller du Roy , Docteur Regent
de la Faculté de Medecine de l'Université
de Poitiers . A Poitiers
Brochure in 4. de 8. pages ; il y en a un
Extrait dans le Journal des Sçavans .
, 1737
LETTRES de M. B......... sur diffe
rens sujets de Morale et de Pieté. A
Paris , chés Charles Osmont , ruë Saint
Jacques , à l'Olivier , 1737. in 12 .
COMPLIMENS Composés pour la clôtu
re et pour l'ouverture du Theatre Italien
, par le sieur Sticotti , l'un des Comediens
du Roy , prononcés par lui même
les 6. et 29. Avril . A Paris , chés la
Veuve Delormel , rue du Foin à Sainte
Genevieve, petite Brochure de 8 pp. 1737.
ORDONNANCES des Rois de France , de
la troisiéme Race , recueillies par Ordre
Chronologique , quatrième Volume , contenant
les Ordonnances de CHARLES V.
données depuis le commencement de
l'année 1367. jusqu'à la fin de l'année
1373. par M. SECOUSSE , ancien Avocat
au Parlement, et Associé à l'Academie
L
Is Vol Royale
JUIN. 1737. 1159
Royale des Inscriptions , et Belles - Let
tres . In folio , à Paris de l'Imprimerie Roya
le M. DCC. XXXVII . pp . 724. sans la
Preface et les Tables .
Le merite de cette grande Compilation
et la capacité de l'Editeur sont si connus
du Public , qu'il est inutile d'ajouter ici
quelque chose à ce qui en a été dit lorsqu'on
a rendu compte des precedents
Volumes . Les matieres principales que
celui- ci embrasse et qui font l'objet des
Ordonnances rapportées , sont les Guerres
privées , les Etats generaux & particu
liers & les Monnoyes . Par tout il y a à
aprendre et à profiter , sur tout par le
grand nombre de Notes , dont le Texte
des Ordonnances se trouve enrichi.
PRINCIPES DE L'HISTOIRE pour l'éducation
de la Jeunesse , quatrième année ,
qui contient l'Histoire generale et particuliere
de France, Par M. l'Abbé Lenglet
du Fresnoy, in 12. à Paris , chés De
bure l'Aîné 1737.
Ce nouveau Volume des Principes de
l'Histoire est plus détaillé et plus interessant
que les autres , il est vrai que ce
Volume renferme l'Histoire de notre
Nation , qui doit nous toucher beaucoup
plus que l'Histoire Etrangere. M. l'Ab-
1. Vol. bé
1160 MERCURE DE FRANCE
bé Lenglet ne s'en tient point à une His
toire seche de nos Rois , on y trouve
encore des Principes de conduite et de
politique par le jour sous lequel il fait
paroître tous les grands Evenemens ; et
l'on peut dire que celui qui sçauroit bien
ce Volume, pouroit parler pertinemment
quoique sobrement sur l'Histoire de nos
Rois.
Leurs caracteres y sont marqués, non
des flatteries , ou des censures outrées;
mais par des Faits qui les peignent au napar
turel.
L'Histoire de la premiere Race n'occupe
pas plus de seize Leçons , dans les deux
premieres desquelles, l'Auteur traite des
Gaules avant l'irruption des Francs ou
François, et la seconde parle de ces mêmes
François depuis qu'ils sont connus dans
l'Histoire jusqu'à ce qu'ils se sont fixés
dans les Gaules . Après cette premiere Race
suit une Instruction très curieuse sur
la maniere de l'étudier succinctement, et
l'on a soin d'en marquer le caractere general
tiré d'après les actions même de
nos premiers Rois . Mais l'Auteur ne veut
que des abregés pour les Gens du Monde.
Il laisse aux Sçavans les Livres qui
entrent dans un grand détail.
L'Histoire de la seconde Race contient
I. Vol
les
JUIN. 1737 1161
les treize Leçons suivantes. Elle dura
moins que la premiere , mais elle fut beaucoup
plus distinguée par son amour pour
la Religion , et par la Dignité Imperiale
dont elle a joui. Il est vrai qu'elle dégenera
: mais elle ne tarda guere à être ré
parée par une Race de benediction qui
subsiste encore aujourd'hui , et qui a
produit des Heros en tout genre.
C'est donc à la troisiéme Race que l'on
voit renaître toute la gloire de la Monarchie
Françoise . Hugues Capet qui a commencé
cette Race , s'est moins distingué
par les armes que par la prudence et la
politique , Robert par sa Religion; mais
Henri et Philippe son Fils reprirent le
caractere martial qui convenoit à la Dignité
de la Nation ; Philippe Auguste fut
un modele de conduite et de courage
, Louis IX. en fut un de Sainteté et
de valeur. L'Auteur marquè donc en
peu de mots le caractere des Regnes suivans
, qui n'ont pas laissé d'être exposés
à quelques revolutions , dont la plus
dangereuse fut apaisée moins par Charles
VII. que par la sage conduite de ses
Generaux .
M. l'Abbé Lenglet fait connoître ensuite
que Louis XI . presente une toute
autre maniere de gouverner ; quoique le
1. Vol. Royaume
2 MERCURE DE FRANCE
Royaume dût- être tranquille par l'autorité
legitime que ce Roy avoir sçû reprendre,
cependant plein de petites fourberies
, dont souvent il étoit le premier
la victime, il pensa , dit l'Auteur , red
plonger la France dans de nouveaux troubles
. Les caracteres des autres Rois sont
temperés par de justes loüanges ; mais
où leurs défauts ne sont pas entierement
deguisés.
Une autre nature d'Histoire commence
à la Leçon 87. de ce Volume , c'est
celle des grands Fiefs de la Couronne ,
qui n'avoit encore été traitée en aucun
abregé. On apelle grands Fiefs , les
Provinces du Royaume que les Seigneurs
usurperent sur la fin de la seconde Race
de nos Rois , qu'ils tenoient cependant
avec dépendance de la Couronne. L'Auteur
fait voir le tems de leur séparation et
celui de leur réunion. Cette matiere qui
est curieuse n'y est pas traitée moins succinctement
que celles des grandes Charges.
Enfin outre la Preface où l'on donne
des remarques
solides sur la maniere d'étudier
notre Histoire , on y trouve encore
une Liste des Livres que l'Auteur croit
les plus necessaires
.
HISTOIRES du Comté d'Oxfort ;
I. Vol.
de
JUIN. 1737 1168
de Miledy d'Herby , d'Eustache de Saint
Pierre , et de Beatrix de Guinés , au Siege
de Calais sous le Regne de Philipe
de Valois , Roy de France. Par Madame
de Gomez. A Paris , chés de Poilly , Libraire
, Quay de Conty , au coin de la
ruë Guenegault , aux Armes d'Angleterse
, 1737. in 12.
PHILOCTETE , ou Voyage instructif
et amusant , avec des Refléxions Politiques
, Militaires et Morales . Par M. Ansart
, Lieutenant de Dragons ; enrichi de
figures en Taille douce. A Paris, chés le
même Libraire , 1737. in 12.
、
LA PRETENDUE VEUVE , ou l'Epoux
Magicien , Comédie en cinq Actes , traduite
de l'Anglois de feu M. Adisson , et
mise en Vers par M.Descazeaux Desgranges.
A Paris , chés Bauche et le Breton ,
Quay des Augustins , Gissey , ruë de la
vieille Bouclerie, Briasson , rue S. Jacques,
et Debats , Grand'Salle du Palais , in 12.
1737. Prix 30. sols.
•
DISCOURS SUR L'HARMONIE.
A Paris , au Palais , chés Jacques - Nicolas
le Clerc , 1737. pages 89.
REMARQUES Chronologiques sur
1. Vol F l'Ancien
1164 MERCURE
DE FRANCE
l'Ancien Testament , proposées à l'examen
des Sçavans , avec le Plan d'une
Explication des saintes Ecritures. A Pa
ris , chés Kollin , fils , 1737. in 8 .
NOUVEAU COURS de Chymie ,
suivant les principes de Newton et de
Sthall . Avec un Discours Historique sur
l'origine et les progrès de la Chymie.
Nouvelle Edition , revûë et corrigée . A
Paris , chés Jacques Vincent , ruë S. Severin
, 1737. in 12. deux Parties.
LA VIE de S. Thomas d'Aquin , de
l'Ordre des Freres Prêcheurs , Docteur
de l'Eglise, Avec un Exposé de sa Doctrine
et de ses Ouvrages. Par le P. A.
chés Touron , du même Ordre. A Paris ,
Gissey , ruë de la vieille Bouclerie , à l'Arbre
de Jessé , 1737. vol. in 4 .
MEMOIRES
de M. de la Colonie ;
Maréchal de Camp des Armées de l'Electeur
de Baviere , contenant les Evenemens
de la guerre depuis le Siege de
Namur en 1692. jusqu'à la Bataille de
Bellegrade en 1717. Les motifs qui engagerent
l'Electeur de Baviere a prendre le
parti de la France contre l'Empereur en
1701. La description circonstanciée
des
1. Vol Batailles
JUI N. 1737. 1165
Batailles et des Sieges en Allemagne , en
Flandres , en Espagne, &c . avec les Avantures
et les Combats particuliers l'Auteur.
A Bruxelles , 1737. deux vol. in 12 .
MEMOIRES POSTHUMES du Com
te de D ... B ... avant son retour à Dieu ,
fondé sur l'expérience des vanités humaines.
Par M. le Chevalier de Mouby , troisiéme
Partic. A Paris , au Palais , chés
Gregoire- Antoine Dupuis, au cinquième
Pilier de la Grand'Salle , au S. Esprit ,
1737. in 12.
MEMOIRES de Milord *** , Traduits
de l'Anglois par M. D. L. P. A
Paris , chés Prault , Pere , Quay de Gê
vres , au Paradis , 1737. in 12 .
DISSERTATION sur la Pierre des
Reins et de la Vessie , avec une Méthode
simple et facile pour la dissoudre sans
endommager les organes de l'urine ; avec
la réponse à certains traits de Critique
de M. Astruc , contre la Dissertation de
M. de Sault , sur la Maladie Venerienne,
lesquels se trouvent dans le Livre du mê
me M. Astruc de Morbis Venereis. A Paris
, chés Jacques Guerin , Libraire - Imprimeur,
Quay des Augustins, 1736 . vol ,
in 12. de 307. pages.
I. Vol.
Fij SUPLE1166
MERCURE DE FRANCE
SUPLEMENT au Glossaire du Roman
de la Rose , contenant des Notes Critiques
, Historiques et Grammaticales. Une
Dissertation sur les Auteurs de ce Roman.
L'Analyse de ce Poëme. Un Dis
cours sur l'utilité des Glossaires . Les Variantes
restituées sur un Manuscrit de
M. le Président Bouhier de Savigny , et
une Table des Auteurs cités dans cet Ouvrage.
Multa renascentur quajam cecidere, cadentque
Qua nunc sunt in honore vocabula .
Q. Horatii , de Arte Poëtica . Lib.
A Dijon , chés J. Sirot , Imprimeurs
Libraire , Place S. Etienne , 1737. vol. in
12. de 344. pages , sans la Table des
Auteurs .
L'ANATOMIE d'Oribase , tirée des
Livres de Galien , avec la Version Latinę
de J. B. Rasario , et les Notes de Guil
laume Dundass , qui a pris soin de cette
Edition . A Leyde , chés Jean Arn . Lans
gerack , 1735. in 4. de 287. pages , sans la
Table et les Additions.
LOGIQUE , ou Systême abregé de Refléxions
qui peuvent contribuer à la netteté
et à l'étendue de nos connoissances,
I. Vol Par
JUIN. 1737. 1167
Par M. de Crousaz. Seconde Edition , revûë
et corrigée par l'Auteur . A Amster
dam , chés Chatelain , 1736. 2. vol. in 8 .
LA GEOGRAPHIE Moderne , Naturelle
, Historique et Politique , dans
une Méthode nouvelle et aisée. par M.
Abraham Dubois , Géographe ; divisée
en 4. Tomes , avec plusieurs Cartes et
une Table des Matieres . A la Haye chés
Jacques Vanden Kieboom et Gerard Block,
1736. in 4.
RECUEIL des Lettres de Madame la
Marquise de Sévigné , à Mad. la Comtesse
de Grignan , sa fille , Tomes V. et VI.
A Paris , chés Rollin , fils , Quay des
Augustins , 1737 , in 12 .
LETTRE Critique et Historique à
Auteur de la Vie de Pierre Gassendi. A
Paris , chés F. Herissant , ruë neuve N. D.
à la Providence , 1737. in 12 .
CAVELIER , Libraire , rue S. Jacques , à
Paris , vient d'achever d'imprimer tout nouvellement
:
Memoires pour l'Histoire Naturelle de la Province
de Languedoc , divisés en trois Parties , or
nés de figures et de Cartes en Taille- douce
in 4. Paris , 1737. contenant 630, pages
compris la Préface et la Table des Chap
I. Vol. F iij
1168 MERCURE DE FRANCE
Le même Cavelier a reçû des Pays Etrangers
les Livres suivans :
Le Febure ( Jo. ) de Usu Missionis sanguinis
ac aliarum artificialium sanguinis Evacuationum
et Cautionum in abusum ; accessit Tractatus de
natura , usu et abusu Caffé , Thé , Chocolatæ et
Tabaci , & c . 2. vol . in 4. cum figuris . Vesuntione
, 1737 .
Plateri ( Felicis ) Praxos Medica , novis Observationibus
et Remediis locuplet. IV. Editio.
cum Præfatione Koericq , 3. vol. in 4. Basilea ,
1736.
,
Gaveti ( Jac. ) nova Febris idea seu novæ
Conjectura Phisicæ circa Febris Naturam , in
12 Geneva , 1700.
Cope (Henr . ) Démonstratio Medico- Practica
Prognosticorum Hippocratis , cum Ægrotarum
Historia Gr. Lat. in 8. Dublinia , 1736 .
Heisteri ( Frid. ) Apologia pro Medicis quo
eorum depellitur Cavillatio , in 8. Amst. 1736.
Bibliotheque Germanique , Tome 35. pour
l'année 1736. in 8. Amst. 1736.
Bibliotheque Raisonnée, pour les mois d'Avril ,
May , Juin , faisant Tome XV I. seconde
Partie , in 8. Amst. 1736 .
La même , Tome XVII . premiere Partie ,
Juillet , Août et Septembre 1736. in 8. Amst.
Acta Eruditorum , 1736. in 4. Lipsia.
La Fisica de Peripatetici Cartesiani , al paragone
della vera Fisica d'Aristotele , del Padre
Pace 3. vol . in 12. Venezia , 1728. fig.
Hagen ( Gof. ) Meditationes Philosophica de
Methodo Mathematica , cum Præfatione Wolfii ,
in 8. Norimberga , 1734.
Miscellanea Duisburgensia Edita , inedita ad
incrementum Rei Litterariæ omnis , præcipue
I. Vol. Eruditionis
JUIN. 7737- 1169
Eruditionis Theologica Fassiculi VIII. in 8.
Duisburgi , 1735.
Vvagenscilii (Jo. ) Sota, hoc est Liber Mischni
cis de uxore Adulteri suspecta , Hebr. Lat. in 4.
Altoorf , 1674.
Fabricii ( Jo, Alb. ) Bibliotheca Latina ined .
et infimæ Aetatis volumen quintum M. N. O,
P. Liber 12. 13. 14. et 15. in 8. Hamburgi 1736.
Bruckmanni ( Fr. ) Epistolæ 37. ad 48. inclus.
de fossilibus Metallicis Lapidibus, &c . in 4. cum
figuris. Vvolffembufiella , 1735. et 1736,
Apini ( Jac. ) Dissertatio ex jure Naturæ an
Liceat Brutorum corpora mutilare, in 4. Altorphii
, 1732.
Redekeri ( Fr. ) de Causa Gravitatis , in 8. fig.
Semgovia , 1736.
Menschenii ( Jo. ) Vitæ Summorum dignitate
et eruditione Virorum Literato O. bi restituræ ,
2. vol . in 4. Coburgi , 1735 .
Golhardi ( Jo. ) Regis Francorum Merovin
gici , in 4. Luneburgi , 1736.
Montalant , Libraire , Quay des Augustins à
Paris , donne avis qu'il a reçû d'Hollande le
nouveau et huitiéme volume du Grand Dictio
naire Géographique , Historique et Critique de
Bruzen de la Martiniere ; ce volume contient les
Lettres Q. R. S. et son prix est de 24. livres.
On y trouve aussi des Exemplaires entiers , et les
Tomes séparés dont on peut avoir besoin. Il
distribuë en outre la nouvelle Histoire des Incas ,
Rois du Perou , en deux volumes in 4 avec les
figures dessinées par feu Bernard Picard. Prix
24. livres.
On aprend de Lisbonne , que M, Frederic-
1. Vol. Fij Jacques
110 MERCURE DE FRANCE
Jacques Vveinholtz , Gntilhomme Allemand ;
Sergent Major de Bataille dans les Troupes du
Roy de Portugal , a inventé une nouvelle espece
de Canon qui tire vingt coups en une minute.
On écrit de Madrid , que les Académiciens de
l'Académie Royale Espagnole , ayant à leur tête
le Marquis de Villena , Directeur de la Compagnie
, présenterent le 22. du mois passé au Roy
le cinquiéme Tome du Dictionaire de la Langue
Castillane , et qu'ils eurent tous l'honneur de
baiser la main à S. M.
On a apris de Petersbourg , que l'Académie
des Sciences , établie en cette Ville , a élû pour
Associé Etranger M. Rousset , de l'Académie
des Sciences de Berlin .
L'Académie des Jeux Floraux distribuë tous
les ans quatre Prix ou Fleurs .
Le premier de ces Prix , destiné à une Ode
est une Amaranthe d'or de la valeur de quatre
cent livres.
Le second est une Violette d'argent de la valeur
de deux cent cinquante livres. Ce Prix est
destiné à un Poëme de soixante Vers au moins
et de cent Vers au plus. Le Sujet de cette sorte
de Poëme doit être héroïque ou dans le genre
noble , et les Vers en doivent être Alexandrins .
a
Le troisiéme Prix est une Eglantine d'argent
de la valeur de deux cent cinquante livres , qui
est destinée à un Piece de Prose d'un quart d'heure
ou d'une petite demie heure de lecture.
Le quatriéme Prix est un Souci d'argent de la
valeur de deux cent livres. Il est destiné à une
Elegie , à une Idyle ou à une Eglogue. Ces trois
I. Vol.
genres
JUI N. 1737. 1171
genres d'Ouvrages concourent ensemble pour ce
même Prix.
Le Sujet de tous les Ouvrages de Poësie est au
choix des Auteurs.
Les Ouvrages dans lesquels les Auteurs seront reconnus
plagiaires , les Ouvrages qui ne sont que des
imitations ou des traductions , ceux qui ont parû
dans le Public , ou qui traitent de Sujets qui ont
été donnés par d'autres Académies , et les Cuvrages
qui ont quelque chose de burlesque , d'indécent
, de satyrique , de contraire aux bonnes
moeurs , n'entrent pas dans le concours pour les
Prix, non - plus que les Ouvrages dont les Auteurs '
sé font connoître avant le Jugement , ou pour
lesquels ils sollicitent ou font solliciter.
Les Auteurs qui traitent des Matieres Théolo-'
giques , doivent faire mettre au bas de leurs
Ouvrages l'Aprobation de deux Docteurs en
Théologie.
On remettra dans tout le mois dé Janvier de
Pannée 1738. à M. le Chevalier d'Aliés , Secre
taire Perpetuel de l'Académie des Jeux Floraux ,
demeurant dans la rue des Coûteliers à Toulousé
, trois Copies bien lisibles de chaque Ouvrage,
qui sera désigné seulement par une Devise ou
Sentence .
M. le Secretaire ne présentera pas à l'Acadé- '
mie les Ouvrages qu'on lui adressera par la Posté
en droiture, les Reglemens de cette Compagnie
le lui interdisant . On doit donc charger des Personnes
domiciliées à Toulouse de lui remettre
les Ouvrages . Il en écrira devant eux la récep
tion dans son Registre , leur nom , leur qualité ,
leur demeure , et il leur expédiera les Récepissés
des Ouvrages.
Ceux qui auront remporté des Prix serent
I Val Ey obligés
1172 MERCURE DE FRANCE
obligés , s'ils sont à Toulouse , de venir les recevoir
eux-mêmes l'après midi du troisiéme
jour du mois de May , à l'Assemblée publique
de la Distribution des Prix , qui se fait dans le
grand Consistoire de l'Hôtel de Ville. S'ils sont
hors de portée de venir les recevoir eux- mêmes,
ils doivent envoyer une Procuration en bonne
forme à une Personne domicilée à Toulouse
pour les recevoir de M. le Secretaire , en lui remettant
les Procurations des Auteurs et les Récepissés
des Ouvrages ,
Après que
les Auteurs se seront fait connoî→
tre , on leur donnera des Attestations
portant
qu'un tel , une telle année , pour tel Ouvrage par
lui composé , a remporté
un tel Prix ; et l'Ouvrage
en Original sera attaché à ces Attestations
,
sous le contre-scel des Jeux .
On ne peut remporter que trois fois en sa vie
chacun des Prix que l'Académie distribuë .
Ceux qui auront remporté trois Prix , l'un desquels
sera l'Amarante , pouront obtenir des Lettres
de Maître des Jeux Floraux . Ils seront du
Corps des Jeux , et auront droit d'assister et d'opiner
commes Juges , avec le Chancelier , les
Mainteneurs ou Académiciens et les autres Maîtres
, aux Assemblées particulieres et publiques
qui se font pour le Jugement des Ouvrages et
pour la distribution des Prix .
Jugement des Ouvrages présentés à
l'Académie l'année 1737.
L'Ode qui a pour titre , LA MORT , et pour
Devise , Pulvis es , et in pulverem reverteris , a
remporté le premier Prix .
Le Prix du Poëme a été réservé.
Le Discours qui a pour Devise , Pauci quos
I. Vol.
JUIN.
1737. 1173
@quus amavit Jupiter , a remporté le Prix de l'année
destiné à ce genre ; et un des Prix réservés
a été adjugé au Discours qui a pour Devise, Fama
res quidem ardua.
L'Eglogue qui a pour Interlocuteurs , E GLE',
DAMON , et pour Devise , Quam durum disjungere
amantes , a remporté le Prix de ce genre.
On verra dans le Recueil de l'Académie le
nom des Auteurs de tous ces Ouvrages .
L'Académie a réservé deux Prix d'Ode ,
deux Prix de Poëme , un Prix de Discours
et deux Prix d'Eglogue ; ensorte qu'elle aura
à donner l'année prochaine trois Prix d'Ode ,
trois Prix de Poëme , deux Prix de Discours
et trois Prix d'Eglogue. Le Sujet du Discours
sera pour l'année 1738. Le Gouvernement Monarchique
est le meilleur de tous.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Constantinople le 24. Janvier 1737. sur
la Mort d'un Peintre Flamand.
J
E profite de cette occasion pour vous informer
d'une perte que nous venons de faire ici;
c'est de M. Jean - Baptiste Van- Mour , Peintre
Flamand , Natif de Valenciennes , qui est décédé
le 22. de ce mois à Constantinople , dans la 66.
année de son âge. M. de Ferriol l'y avoit attiré
en 1699. pour lui faire peindre d'après nature ,
une Suite de Tableaux réprésentant les differentes
manieres dont s'habillent les Nations du Levant,
et principalement les Turcs ces Tableaux furent
poussés jusqu'au nombre de cent , et M.de Ferriol
à son retour à Paris , permit qu'on les y gravât ,
quoiqu'il ne les cût fait faire que pour sa satisfaction
particuliere , l'aplaudissement que ce
I. Vol. F vj grands
1174 MERCURE DE FRANCE
grand et curieux Recueil eut à la Cour , à Paris,,
dans le Royaume et dans les Pays Etrangers, est
une preuve
du bon goût de M. de Ferriol pour les
Beaux - Arts , et de l'habileté de M. Van- Mour.
Ce Peintre réussissoit également dans la Portrai
ture , les Tableaux d'Histoire , la Perspective ,
l'Architecture. Il avoit de très - bons principes de
coloris et de clair- obscur , ses Draperies sont
bien jettées , et ses Paysages sont d'un grand
goût , tant par la varieté des Plans et du choix .
des Arbres , que par la legereté de leurs touches. -
Comme il étoit fort laborieux et qu'il a peint
en petit , ces Tableaux , faciles à transporter , se
sont dispersés par toute l'Europe, n'y ayant point
tû d'Ambassadeurs et autres Ministres Chrétiens -
en cette Cour , qui n'ayent envoyé dans leur
Pays , ou emporté en y tetournant , des Ouvra
ges de sa main . M. Calkoën , Ambassadeur de
Hollande à la Porte , en a un très- grand nom
bre et des plus beaux .
M. Van- Mour donna encore des preuves de
son habileté et de son génie dans les Fêtes que
M.le Marquis de Villeneuve donna ici à l'occasion
de la Naissance de Monseigneur le Dauphin
, dont il peignit les Arcs de Triomphe , les
Emblêmes, &c . et qui furent alors, et sont encore
admirés aujourd'hui des Connoisseurs.
Si M.. Van-Mour s'est rendu recommandable
par les talens qu'il avoit pour son Art , il l'étoit
encore plus par les vertus morales qu'il possedoit
, il étoit bon ami , ennemi de la médisance
et de la flaterie , d'une humeur égale et gaye ,.
Ce qui le faisoit aimer et estimer de tout le Monde
t particulierement de tous les Ministres qui résient
ici , qui Padmettoient souvent à leur tableetalloient
le voir travailler..
I. Vale. MI
JUIN 1737. 1175
M. l'Ambassadeur de France envoya toute sa
Maison à son Convoy funebre , où toute la Nation
Françone assista ; il fut enterré dans l'Eglise
des RR. PP. Jesuites à Galata , tout proche le
Tombeau de M. le Baron de Salagnac , Ambas--
sadeur de France , qui mourat ici en 1610.
On nous a écrit depuis de Constantinople qu'il
ya eú depuis peu plusieurs violentes secousses de
tremblement de Terre , qu'un des Châteaux ´visà-
vis le Canal de Ronelie , a été renversé , et que
la terre s'étant entr'ouverte , il en est sorti une
telie quantité d'eau que plusieurs Villages des
environs ont été inondés .
Les Lettres de Naples du 20. May. , portent
que le Mont Vesuve vomit depuis le 19. May
dernier avec un bruit semblable à celui du Tonnerre
, une si grande quantité de pierres et de
flammes , qu'aucun des Habitans de cette Ville
ne se souvient d'avoir vu une pareille éruption.
En 24 heures tout l'espace qui est depuis le
sommet de la Montagne jusqu'au bord de la
Mer et qui contient douze mille , a été entierement
rempli de souffre et de bitume.Les Villages
et les Bourgades des environs ont été couverts
de cendres. Les pierres qui sortoient du gouffre
étoient d'une grosseur énorme , et en tombant
elles ont fait trembler toute la Ville . Pendant la
nuit , la Montagne ressembloit à un tourbillon?
de feu , et le jour il en sortoit une épaisse fumée
qui s'élevoit à une hauteur extraordinaire.
On a lieu de conjecturer que cette éruption at
préservé ce Pays de quelque grand tremblement.
de Terre , et que tant de matieres bitumineuses
et sulphureuses renfermées dans le sein de la
I Vol
Terre ;
1176 MERCURE DE FRANCE
Terre , auroient pû causer de grands ravages , si
elles n'avoient pas trouvé quelque moyen de
s'échaper.
Estampes Nouvelles.
Le sieur J. Rigaud , de Marseille , Dessinateur
et Graveur très - habile , qui a un talent particu
lier pour le Paysage et les Vues en Perspectives ,
vient de mettre au jour six beaux Morceaux en
large , des diverses Vûës du Château de Sceaux
près Paris,apartenant au feu Duc du Maine, 1736.-
sçavoir , la Vue du côté de la grande Avenue ,
prise à la premiere Grille .
•
Vûë du même Château et du petit Parterre
qui conduit à l'Orangerie.
Autre , prise du haut de l'Allée de Diane .
Vues des Parterres et du grand Canal dans
Péloignement.
Vue de la Cascade.
Autre Vue du Château , prise dans l'éloignement
, en face du côté du Village de Chatenay.
Outre la justesse et la magnificence des Lieux
représentés et qu'on croit voir , on sçait encore
bon gré à l'Auteur de plusieurs Ornemens ,
Montagnes et Côteaux placés vers l'Horison
Bocages , Figures et Animaux , dont son génie
a enrichi sa composition.
Ces Estampes , qui ne sont pas moins recherchées
que celles que nous avons déja annoncées,
des belles Maisons de Campagne des Environs de
Londres , se vendent chés l'Auteur , ruë S. Jacques
, vis-à- vis le College du Plessis.
Voici encore une nouvelle Estampe en large
d'aprè vatteau , gravée par le sieur Ravenet
1. Vol.
qui
JUIN. 1737. 1177
qui vient de paroître sous le titre de Départ de
Garnison. C'est une composition aussi riche que
pittoresque , et dont le sujet est traité et caracterisé
parfaitement. Elle se vend chés le sieur
Gersaint , Marchand , Pont Notre Dame , et
chés le sieur Suruque , Graveur du Roy , rue
des Noyers.
Il paroît onze Estampes nouvelles de la grandeur
de 18. pouces de haut , sur 14. de large ,
représentant la Vie du B. Vincent de Paule ,
d'après les Tableaux qui sont dans l'Eglise de
S. Lazare à Paris , peints par Mrs de Troy , Galoche,
Restout , le Frere André , & c. et dessinées
d'après les Originaux , par le sieur Bonnart ,
ancien Professeur de l'Académie Royale de saint
Luc , avec une grande précision et correction
ces onze Desseins sont gravés sous sa conduite
par differens Graveurs des plus habiles.
Ces Estampes se vendent à Paris , chés le sieur
Herisset , Graveur , ruë S. Jacques , vis- à- vis les
Jésuites.
On voit depuis peu du sieur Bonnart, une trèsbelle
Perspective à la Ménagerie de Clagny, peinte
à huile , ayant 14. pieds de large , sur 12. Elle
est située au bout d'une Allée , formée à droite
par un Jardin Fleuriste, et à gauche par un Bois-
L'ingénieux Artiste a représenté , à s'y tromper,
un Vestibule ouvert , à travers duquel on voit la
continuation du Jardin et du Bois de haute futaye
dont on vient de parler , et terminé dans le
lointain par un beau Pays de Chasse , où l'on voit
le Prince de Dombes chassant un Cerf. Aux deux
Côtés sur le devant du Vestibule , sont deux Termes
d'un goût nouveau , représentant le Dieu
Pan et la Déesse Flore.
I. Vol. La
1178 MERCURE DE -FRANCE
La saire des Portraits des grands Hommes
et des Personnes illustres dans les Arts et dans
Ies Sciences , se continue avec succès , chés
Odieuvre , Marchand d'Estampes , sur le Quay
de l'Ecole . Il vient de faire paroître , et toujours
de la même grandeur :
LOUIS-ANTOINE CARDINAL DE NOAILLES,
Archevêque de Paris , né le 27. May 1651 .
mort le 4. May 1729. grávé par Ravenet.
LOUIS-HECTOR DUC DE VILLARS ,
Maréchal general des Camps et Armées du Roy,
baptisé à Moulins le 21. May 1653.mort à Turin
le 17. Juin 1734. peint par Hiacinte Rigaud
gravé par G. F. Schmidt.
Jacob , Graveur, demeurant ruë S. Jacques chés
M. Armand, Libraire , attenant la rue du Plâtre ;
vend tout nouvellement :
Le Portrait de Louis - Henry de Bourbon , Prin
cé de Condé , peint par M. Gobert , et gravé par
Jacob.
Celui de Caroline de Hesse- Rhinfels , Duchesse
de Bourbon , peint par M. Gober , et gravé par
Jacob.
La belle Cuisiniere , peinte par M. Boucher , et
gravée par le sieur Line.
Mlle Pélissier , peinte par M. Dronais , et grad
vée pa le sieur Daullé.
Charité Romaine , peinte par M. N. Coipel , et
gravée par le sieur Le Bas.
Venus avec l'Amour , sommeillant, peinte par
M. Boucher , et gravée par le sieur Aubert.
Printemps , peint par M. Boucher , et gravé˜
par le sieur Aveline.
Ceres , peinte par M. Boucher , et gravée par ·
Plicur Possud.
Fi Vol Angdique
JUIN. 1737. 1179
9
Angelique et Medor , peints par M. Courtin ,
& c. et plusieurs autres Morceaux de dévotion
que le Sr Jacob vend avec Privilege du Roy.Il gra
ve les Pendants des Planches annoncées cy - dessus
et autres Morceaux dénommés dans son Privilege.
Le Lecteur curieux qui a fait attention en lisant
le Mercure de Décembre dernier , premier
volume , à l'idée avantageuse que nous avons
donnée de la grande Collection de Tableaux
des plus excellens Maîtres , de la Comtesse de
Verrue , seront , sans doute , bien aise d'apren
die que le goût pour la Peinture est en regne
plus que jamais , et que ce prodigieux Cabinet ,
dispersé dans Paris et ailleurs , a beaucoup augmenté
les anciens , possedés par divers Particu
Hiers , et en a formé quantité de nouveaux .
Tous les Tableaux se sont vendus publique
ment au plus offrant , avec un très grand concours
de Curieux de distinction , et se sont trèsbien
vendus. Il y en a peu qui ne soient montés
à leur valeur , et quantité ont été bien audelà
, par l'ardeur des Acquereurs , fondés sur
le goût exquis de l'illustre défunte.
Le Comte de Clermont , Prince du Sang
dont on connoît les grandes qualités et l'amour
déclaré qu'il a pour les Beaux Arts, qu'il honore
de sa protection , a acquis plusieurs Tableaux de
Vauvremens , de Berghem, de Vandermeulen , de
D. Teniers , de Skalken , & c . d'une rare beauté,
et qui forment déja un beau Cabinet.
Parmi les Tableaux de prix on en doit distinguer
deux de Claude Lorrain , qui ont été ade
jugés à 8007. livres au sieur Godefroy , Peintre
Flamand et Marchand de Tableaux à Paris ,
Gloire S.- Germain l'Auxerrois,
4
L'Ope
1180 MERCURE DE FRANCE
L'Optique étant non-seulement une des plus
Sçavantes , mais encore une des plus agréables
Parties des Mathématiques , on ne sçauroit être
trop reconnoissant envers ceux dont le génie
nous procure des instrumens propres à rectifier es
à aider la foiblesse de nos yeux . Le sieur Le Bas ,
Ingenieur et Mathématicien du Roy, demeurant
aux Galeries du Louvre , est connu depuis longtemps
pour le premier entre ceux qui travaillent
aux Verres,Lunettes et Microscopes. Il s'est depuis
long temps et très assiduinent apliqué à porter
son Art à la perfection , s'en faisant moins un
métier qu'une étude sçavante ; ses peines ont
réussi , sur tout dans les Telescopes , étant parvenu,
après de longues épreuves , à en faire d'aus
si bons et aussi parfaits que ceux d'Angleterre ,
et même plus finis et travaillés avec plus de soin.
Les Connoisseurs qui les ont confrontés , donnent
l'avantage aux siens , ainsi on croit faire
plaisir au Public de lui donner cet avis , par la
commodité qu'il aura de trouver à Paris encore
mieux que ce qu'il faisoit venir des Pays Etrangers.
M. le Docteur Taylor , Oculiste du Roy de la
Grande- Bretagne , est arrivé depuis peu à l'Hôtel
de Londres , rue Dauphine à Paris , où il se
propose de rester jusqu'au commencement de
Juillet , après quoi il partira pour se rendre en
Espagne Il nous prie de publier les Découvertes
qu'il a faites de redresser les yeux des Louches
par une Opération prompte et presque sans dou
leur et sans crainte d'aucun accident ; de guérir
presque toutes les maladies du sac lacrimal , sans
Opération , et ôter les Cataractes en tout temps
et de toute espece , sans aucun danger. Il guérit
I. Vol aussi
JUIN. 1737. 1181
sassi plusieurs especes de Gouttes Sereines , conformément
à l'explication qu'il en a donnée
dans ses Ouvrages , ce qui a été accomagné de
tant de succès , qu'on voit tous les jours quanrité
de personnes chercher auprès de lui du soulagement
pour ces sortes de maux.
Le S. Fauchard,Chirurgien Dentiste,
, après avoir donné au Public des preuves
de son zele , en mettant au jour son Traité sur
les Dents , croit devoir lui renouveller les marques
de son attention , en lui offrant une Eau
dont la vertu est souveraine contre les affections
scorbutiques des Gencives.
Cette Eau empêche que les Gencives ne se
gonflent et ne soient trop sujettes à saigner aisément
, ce qui prouve qu'elle les fortifie et les
consolide.
Elle empêche aussi que les dents ne soient
ébranlées avant le temps ; elle raffermit celles qui
ne sont pas considérablement déchaussées et
chancelanies ; elle les maintient dans leurs Alvéoles;
et comme elle est propre à diminuer les âcretés
de la salive , qui produisent ordinairement la
carie , cette Eau prévient par conséquent ce qui
les peut gâter.
Elle ôte la mauvaise odeur de la bouche , elle
vivifie les gencives,et entretient les dents dans leur
propreté et leur blancheur naturelle ; elle calme
ou diminuë souvent la douleur des dents gâtées,
en mettant dans la cavité cariée un petit cotton
imbibé de cette Eau . Elle guérit les Aphtes ou
petits ulceres de la bouche , en les frottant souvent
avec cette même Liqueur . En un mot ce Remede
est le plus parfait qu'il ait encore trouvé
pour la conservation des dents et des gencives.
I. Fol.
Le
1182 MERCURE DE FRANCE
Le sieur Fauchard l'auroit distribué il y a plu
sieurs années , mais il ne vouloit rien donner
de défectueux et d'incertain et il a jugé
qu'il étoit convenable à l'utilité publique et
à sa réputation , de s'assurer des bons effets de
cette Eau , par des experiences réïterées.
>
La demeure du sieur Fauchard est toujours à
Paris , vis - à- vis la Comédie Françoise.
Les Bouteilles de cette Eau sont de six livres
de trois livres et de trente 'sols ; on aura soin de
les tenir bien bouchées. Il donne un imprimé
qui instruit de la maniere de s'en servir .
Le sieur Neilson , Chirurgien Ecossois , reçû à
S. Côme , pour la guérison des Hernies ou Descentes,
traite ces Maladies avec beaucoup de succès
, par le secours des Bandages Élastiques, qu'il
a inventés pour les hommes , femmes et enfans ;
ces Bandages sont fort aprouvés, non - seulement
à cause qu'ils sont très- legers et commodes à
porter jour et nuit , mais encore ils sont utiles
par raport à leur ressort qui comprime la partie
malade , ferme exactement l'ouverture qui a
permis la Descente et résiste aux impulsion's que
font les Parties intérieures, soit à cheval ou à pied
En envoyant la mesure , prise sur l'Os pubis ,
et marquant le côté malade , on est assuré de
les avoir justes. ; il donne son Avis , et se on
Page et le tempérament , il prépare des Remnedes
qui lui sont particuliers et convenables à ces
Maladies.
Attendu que les Chasseurs et ceux qui courent
à cheval ou en chaise , qui prêchent , chantent ,
& c . sont continuellement
exposés à ces Maladies
, il a aussi inventé des Bandages Elastiques,
très-légers , commodes à porter pendans ces
I. Vol. exercices
JUIN. 1737. 1183
exercices , ou d'autres aussi violens , pour se ga
rantir des maux et prévenir les incommodités
qui arrivent souvent.
Sa demeure est à Paris , rue Dauphine , au
Cocq d'or, au premier Apartement. Il ne reçoit
point de Lettres sans que le port en soit
payé.
Le sieur Aubert , Intendant de la Musique de
S. A. S. M. le Duc , vient de donner au Public
la douzième Suite de ses Concerts de Symphonie,
les onze précedens ont cû un si grand succès,
qu'on est persuadé que cette dernière sera reçûë
avec plaisir ces douze Suites forment un Recueilunique
en ce genre , composé de plus de deux
cent Morceaux d'une varieté infine , d'un travail
agréable et d'une très - granae utilité pour les
Ecoliers , attendu que les traits , les coups d'archets
, les differens tons er mouvemens , et généralement
tout ce qui peut se pratiquer sans préjudicier
au bon goût et à la beauté du Chant ,
est inseré dans cet Ouvrage qu'on peut apeller
l'Ecole du Violon et de tous les Instrumens.
L'Auteur donnera le mois prochain une ser
condle Edition de son deuxième Livre de Sonates
, dans le goût de celles qu'il a données l'année
derniere de son premier, corrigée , augmentée
, et toutes les Basses ajustées à la portée du
Violoncelle et du Basson , et chiffrée trèsexactement.
M. Bouvard , vient de mettre au jour un nog
veau Recueil de Musique , mêlé de Cantatille ,
Fable , Ariettes , Airs sérieux et à boire , à une
et deux voix Brunette et vaudeville , avec la
Basse-continue ; qu'il a dédié à S , A. Madame
Ja Princesse de Soubize.
:
Ce
1184 MERCURE DE FRANCE
Ce Recueil se vend 3. livres , chés la veuve
Boivin , rue S. Honoré , à la Regle d'or ; chés
le sieur le Clers , rue du Roule , à la Croix d'or,
et chés l'Auteur , Cour du Dragon sainte Margueritte
, Carrefour S. Benoît , Faubourg saint
Germain .
AIR A BOIRE.
Comme Omme un bon Docteur Ubiquiste
Je n'affecte point de Maisons ;
Je suis les plaisirs à la piste ,
Sans m'embarasser des Saisons :
Aujourd'hui chés Cloris , et demain chés Gré
goire ,
La Bouteille et l'Amour partagent tout mon
temps ;
Pour bien sçavoir aimer et boire ,
Il faut ainsi rouler nos ana
1.
SPECTACLE 9 Vol.
་
ANG
LIBRAR
ASTOR
, LENOX
AWD
TILDEN
FOUNDATIONG
,
JUIN. 1737. 1185
**** สง
SPECTACLES.
A premiere Representation de la
Tragédie nouvelle de Lysimachus,
que nous avons annoncée dans le dernier
Journal, a été renvoyée à un autre temps.
On prétendoit que la premiere nouveauté
que les Comédiens François donneroient,
seroit une Comédie en Vers , et en cinq
Actes , de M. Destouches , sous le Titre
de l'Ambitieux. Et en effet , ils ont don
né cette Piece assés brusquement , sans
presque l'annoncer , le Vendredi 14. de
ce mois , avec une fort nombreuse Assemblée
; elle a été parfaitement repre
sentée et fort aplaudie .Nous ne manque.
rons pas
d'en parler plus aut long.
Le Jeudi 9. May on donna sur le Théatre
de l'Opera la premiere Representation du
Triomphe de l'Harmonie Ballet Heroïque,
par Mrs L. et Grepet.
'Auteur du Poëme a prétendu justifier
le choix de son Sujet dans une
Préface ; quelques Critiques , peut être
un peu trop séveres , ne sont pas con-
I, Vol. venus
186 MERCURE DE FRANCE
venus de la bonté de ce choix. Les premiers
traits de la mauvaise humeur qu'u
ne nouveauté ne manque presque jamais
de mettre en jeu , sont tombés sur le Musicien
, qui osoit apeller son Ouvrage
d'un Titre si présomptueux ; Critique
injuste , puisque c'étoit aux Chants d'Orphie
et d'An phion , en non aux siens ,
que l'Auteur de cette Musique prétendoit
décerner l'honneur du Triomphe .
Revenons à la Préface par laquelle le
Poëte a prétendu élever son Sujet audessus
de la plupart des autres. Elle a
revolté bien des gens , même de ceux
qui n'avoient pas à défendre leur interêt
personnel . Voici ce qui en est venu
à notre connoissance ; on a trouvé mauvais
qu'un Auteur naissant ait osé décrier
le Théatre Lyrique , jusqu'à dire
sans restricton ; il n'est point fait pour la
vraisemblance ; et que , pour achever de
dégrader nos plus beaux Operas , qu'on
ne daigne pas apeller Poëmes , et auxquels
on donne seulement le nom de
Paroles ; ce n'est pas à ce genre de Poësie
Dramatique qu'il faut apliquer le
precepte d'Horace :
Ficta voluptatis causâ sint proxima veris,
Cependant quels Ouvrages peuvent
1. Vol. à
plus
JUIN. 1737. 1187
à plus juste titre , être apellés : Ficta voluptatis
causâ , que les Operas tant anciens
que modernes ? Cette raison n'auroit
elle pas dû suffire à ....... pour ne
leur pas refuser la vraisemblance , si nécessaire
à tout Poëme Dramatique ? mais.
le sujet qu'il avoit à traiter en étoit si
peu susceptible , qu'il n'a pas cru pouvoir
autrementjustifier la prétendue bonté
de son choix. En effet dans son Amphion
, a -t- on dir , y a- t il seulement
une ombre de vraisemblance . On est
convenu sur le Théatre Lyrique , d'accorder
un pouvoir sans bornes à la Divinité
et à la Magie ; mais ce privilege
ne s'est jamais étendu jusqu'à l'Harmonie
; on lui accorde une pleine victoire
sur tout ce qui est capable de sentiment,
mais on ne sçauroit porter la crédulité
jusqu'à convenir qu'elle puisse exercer
un souverain empire sur des Etres inanimés
, tels que les Pierres , les Rochers
et les Montagnes ; l'Auteur même de
ce Ballet convient qu'on ne doit pas
prendre à la lettre tout ce que les Poëtes
ont dit pour relever la gloire de
l'Harmonie ; voici comme il s'explique
dans sa Préface . Fabius Paulinus , en parlant
de la Fable d' Amphion , s'est imagine
qu'on pouvoit bien la prendre à la lettre, et
1. Vol.
G Pexpliquer
1188 MERCURE DE FRANCE
l'expliquer physiquement par les principes
des Platoniciens : il en fit l'essai , et prouva
son raisonnement par sept raisons qu'il
croyoit bien convainquantes. Quel exemple
de la foiblesse et de l'extravagance du raisonnement
humain !
Il est surprenant , continë- t on , que
l'Auteur du Poëme en question , étant
dans ces principes , ose se vanter d'avoir
fait un bon choix .
Voilà ce qui nous est revenu des di
verses Critiques qu'on a faites sur le Ballet
du Triomphe de l'Harmonie : comme
on a beaucoup moins critiqué l'Ouvrage
que la Préface , et que d'ailleurs il n'est
pas trop chargé d'action , nous n'en
donnerons qu'un Extrait des plus succincts.
Le Théatre represente au Prologue
une Campagne couverte de Trophées ,
de Pyramides , et d'Arcs de Triomphe.
La Paix descend du Ciel au bruit des
Timballes et des Trompettes.
Choeur de Peuples.
La Paix vient combler nos desirs ;
Quel bonheur pour nous ! quelle gloire
Elle ramene les plaisirs
Sur les aîles de la Victoire.
La Paix , après avoir fait entendre
1. Vol.
qu'ell
JUIN. 1737.
1189
qu'u'elle vient regner sur la terre , invite
l'Amour et l'Harmonie à descendre des
Cieux , par ces Vers :
;
Enfans de mes loisirs , acconrez l'un et l'autre ;
Mere des doux accords, Dieu souverain des coeurs,
Rendez à ces Climats vos plaisirs enchanteurs &
Ces Lieux sont faits pour vous; mon Empire est
le vôtre.
L'Amour et l'Harmonie descendent
des Cieux dans un Nuage. Les Peuples
célebrent leur venuë par ces Vers :
Charmant Amour , & Divine Harmonie ,
Regnez sur nous ;
Vous faites de la vie
Les momeus les plus doux.
1
L'Harmonie exprime ainsi ses divers
caracteres :
Ma voix de la Nature est l'image naïve ,
Toujours touchante , toujours vive ;
Je peins du coeur les secrets sentimens ,
Le trouble , les soupirs , les transports dos
Amans ;
Tremblante , furieuse , attendrie , inflexible ,.
J'épouvante un Ingrat , je touche un Insensible,
à tour , Et par mes sons j'inspire tour
La crainte , la pitié , la terreur et l'amour.
Les Suivans de l'Amour et de l'Har-
1.Vol Gij monie
1190 MERCURE DE FRANCE
monie forment la Fête de ce Prologue.
ORPHE'E. Premiere Entrée.
Le Théatre represente les Enfers. Le
Dieu du Styx paroît panché sur son
Urne ; on voit dans le fond l'Antre où
Cerbere est enchaîné ; Pluton au milieu
des trois Juges Infernaux , occupe un
Thrône sur un des côtés du Théatre.
Pluton invite les Démons et les Furies
à tourmenter les Ombres criminelles ; il
leur parle ainsi :
Des Manes criminels redoublez les tourmens ;
Remplissez les Enfers d'une terreur nouvelle ;
Que ces Monstres cruels , que ces feux dévorans
Servent du Dieu des Morts la vengeance éternelle
!
Les Démons et les Furies témoignent
leur empressement à exécuter les ordres
de Pluton . On entend une douce Symphonie
; on voit paroître Orphée. Plus
ton est aussi irrité que supris de voir un
Mortel descendre dans son Empire avant
que les Parques ayent terminé son sort.
La Symphonie mélodieuse continuë , et
empêche les Démons et les Furies de punir
Orphée de sa témerité ; Pluton même
en est attendri ; Orphée aproche , et
s'exprime ainsi en parlant à Pluton .
I. Vel Arbit
JUIN.
frgi 17:7
Arbitre redouté des vertus et des crimes ,
Aprouvez d'un Amant les transports légitimes
Pour apaiser le Sort qui me poursuit
Jose porter mes pas sur les rivages sombres ;
C'est l'Amour qui me guide , et ses feux m'ont
conduit
Dans l'éternelle horreut du silence et des om
bres ;
Mon coeur , sans en être effrayé ,
Découvre à vos regards son projet témeraire ;
Je ne crains point d'armer votre colere ,
Si je ne puis toucher votre pitié.
Pluton ne montre d'abord que de la
colere a Orphée , mais desarmé , malgré
lui , par la douceur de ses sons , il dit :
Mais , quand je devrois le punir,
Quelle invisible main semble me retenir ?
Quel charme séduisant me force de l'entendre !
Acheve ; qu'oses-tu prétendre ?
Orphée lui expose la rigueur de son
sort ; la mort lui a arraché Euridice au
moment que l'Hymen venoit de l'unir
avec elle ; il aperçoit Euridice parmi
d'autres Ombres ; ils s'entretiennent en
presence de Pluton , qui dit dans un à
parte :
Que devient ma fureur ! Quoi la pitié l'enchaîne
.
1. Vol. Orphée G iij
1192 MERCURE DE FRANCE
Orphée , s'adressant enfin à Pluton
lui dit :
Punissez mon audace , ou termincz ma peine ;
Dieu des Enfers , unissez - nous ;
Rendez-moi l'objet qui m'enchaîne.;
L'Amour forma nos coeurs pour ses noeuds les
plus doux ;
Si vous nous unissez , il a moins fait que vous.
Euridice joint sa voix à celle d'Orphée
; Pluton se rend à la douceur de
leurs accords harmonieux , et dit à Orphée
:
>
A tes desirs tout est propice ;
Tes accords enchanteurs ont triomphé de moi;
Le sort se declare pour toi ,
Et du sein de la mort il te rend Euridice.
Pluton se retire . Le Théatre change ;
et represente les Champs Elisées ; les
Ombres heureuses célebrent par leurs
chants et par leurs danses la victoire
que l'Harmonie vient de remporter sur
le coeur du Maître des Enfers.
HYLAS. Deuxième Entrée .
Le Théatre represente une Campagne
ornée de Jardins et de Bosquets , coupés
par un Fleuve. Eglé , Divinité du
Fleuve , sur le bord duquel la Scene se
1. Vol.
passe
JUIN. 1737. 1193
passe , commence cette Entrée avec Do
ris , sa Confidente . Voici comment elle
fait l'exposition du Sujet.
Enfin voici le jour , où je pourai connoître
Du jeune Hylas les sentimens secrets ;
Je cherche mon malheur , je l'avance peut-être;
Doris, j'ai trop compté sur mes foibles attraits
Il me vit un moment sous ce feuillage épais :
J'évitai ses regards , je rentrai sous les ondes
Cependant ses soupirs font retentir ces Bois ,
Et dans le sein de nos Grotes profondes
L'Echo vient me porter sa voix .
Doris rassure Eglé contre la défianc.
où elle est du pouvoir de ses charmes.
Eglé fait entendre ce que son amour lui
a fait projeter pour s'assurer du coeur
d'Hylas , elle s'explique ainsi :
Hylas se plaît dans ces forêts ;
Tu sçais ce que mon coeur médite ,
Rentrons malgré moi je l'évite.
Que nos tendres accords secondent mes projets.
Hylas , séparé d'une Troupe de Chasseurs
, expose à son tour ce qu'il a senti
à l'aspect d'une Nymphe dont la voix a
achevé de triompher de sa liberté ; il
ignore le nom de cette aimable Nymphe.
Il entend un Choeur de Nayades , et une
1. Vol. Giiij Sympho ,
194 MERCURE DE FRANCE
Symphonie dont la douceur l'invite à
goûter le charme du repos ; il se couche
sur un lit de gazon , les Zephirs l'enlevent
, et se précipitent avec lui dans le
Fleave . Le Théatre change , et represente
le Palais des Nymphes des Eaux , dans
lequel Hylas vient d'être transporté ;
ane Troupe de Nayades danse autour,
de lui ; elles disparoissent à son réveil ;
it exprime une partie de ce qui s'est passé
pendant son sommeil, par ces Vers :
Od suis-je ? Quels Concerts ! Erreur enchanteresse
!
J'aperçois l'objet de mes feux ;
L'éclat de ce séjour m'annonce une Déesse ;
Infortuné Mortel , où s'adressent tes voeux ?
Eglé,dont Hylas ignore et le nom et le
rang , lui annonce que la Souveraine de
ces lieux l'aime ; mais qu'elle ne veut pas
le contraindre , et que s'il n'est pas porté
à répondre à son amour , les Zephirs
le transporteront où il voudra ; Hylas
consent à partir plûtôt que de renoncer
à un amour secret qu'il préfere aux offres
les plus brillantes . Voici comme il s'exprime
:
Que mon trouble est extréme !
En quittant ces beaux lieux , helas !
I. Vol.
Je
JUIN. 1195 1737
Je fuis ce que je n'aime pas ;
Mais je m'arrache à ce que j'aime.
Eglé , l'ayant pressé de s'expliquer ,
et cette explication étant telle qu'elle la
souhaite,elle se fait connoître à lui, et lui
offre sa main ; les Nayades célébrent cet
Hymen , et forment une Fête des plus
brillantes.
AMPHIO N. Troisiéme Entrée.
Le Théatre represente des Forêts, des
Cavernes , des Rochers ; un Camp de
Sauvages y est formé devant la Ville de
Thebes , qui paroît dans le fond à demi
ruinée. Niobe, Fille de Tantale , Roy d'un
Peuple Sauvage , commence cette derniere
Entrée au Lever de l'Aurore ; elle
se plaint de ce que le jour qui va renaî--
tre sera le dernier d'Amphion qu'elle
aime.
Amphion vient pour chercher Niobe,
qu'il aime. Cette Princesse , après des regrets
reciproques , lui fait connoître son
amour . Elle le quitte après un avey si
satisfaisant pour lui , et le prie de se dérober
à la colere de son Pere , dont elle
desavoue la cruauté. Amphion , charmé
de l'aveu qu'il vient d'entendre , fait un
Monologue dont la Musique et les Vers
I. Vol Gy sont
1196 MERCURE
DE FRANCE
sont généralement aplaudis. Voici quelques-
uns des Vers.
Niobe répond à ma flamme ;
Je goûte un sort digne des Dieux
Naissez des transports de mon ame
Naissez , Accords harmonieux , &c.
"
Formez-vous , Murs Thébains , naissez , fameux
Remparts ,
Nouveaux témoins de ma victoire ;
Aux Stécles à venir transmettez ma mémoires
D'un Ennemi barbare effrayez les regards.
Les voeux et l'espoir d'Amphion sont
comblés ; les Remparts de Thebes s'élevent
aux accents de sa Voix et de sa Lyre.
Tantale en est si étonné qu'il vient
offrir la paix à un Roy qui semble com
mander à la Nature ; instruit de son
amour pour sa Fille ,
leur il consent que
Hymen soit le noeud de la paix ; les Sauvages
et les Thébains se réunissent pour
célébrer cette heureuse Fête .
Ce Ballet a été très- bien reçû du Public
; les suffrages ont paru plus réunis
en faveur de la Musique. On convient
pourtant que le Poëme est très - bien écrit,
on y auroit souhaité un peu plus d'intert
; mais il est très difficile d'en mettre
beaucoup dans un Ballet ; ce genre de
I. Vel Piece
JUIN. 1737 1197
pour
Piece semble plûtôt fait pour l'esprit que
le coeur , et d'ailleurs , les Danses
en occupent les deux tiers . Des trois Entrées
, la seconde a paru la plus inte
ressante du côté du Poëte , quoiqu'on
l'ait trouvée la moins convenable au Titre;
la derniere a paru faire le plus d'honneur
au Musicien , et on peut
et on peut dire que
l'Harmonie y a été veritablement triomplante.
Le 16. Juin on donna la dix - septiéme
Representation de ce Ballet , et le 13.
on remit au Théatre celui des Amours
des Dieux, composé d'un Prologue et de
quatre Entrées , qu'on avoit donné pour
la premiere fois le 14. Septembre 1727.
et que le Public avoit reçû avec satisfaction.
Le Poëme est de M. Fuzelier , et la
Musique de M. Mouret. Cet Opera ,
qui est parfaitement bien remis , a été
reçû avec les mêmes aplaudissemens que
dans sa nouveauté ; nous nous dispensons
d'en donner un Extrait , l'ayant déja
donné dans le Mercure de Septembre
1727. p. 2076.
1. Vol. @ vj NOU1198
MERCURE DE FRANCE
***************
NOUVELLES ETRANGERES.
L
TURQUI E.
Es Lettres de Constantinople, du commencementd'Avril,
portent que les difficultés surve- ;
nuës au sujet du lieu du Congrès,ayant été levées,
et que la Czarine qui avoit parû d'abord vouloir ·
exiger qu'il s'assemblât dans une Ville de ses Etats
ou sur les Terres d'une Puissance neutre , ayant
consenti enfin que les Conférences se tinssent à
Kudack , le Grand Seigneur a ordonné que le
Grand. Defterdar et les deux autres Ministres
Plénipotentiaires , chargés par sa Hautesse de
regler avec ceux de S. M. Cz . les conditions de
I. Paix, partissent de Constantinople le 15. Avril.
dernier.
Sa Hautesse a envoyé au Grand Visir les instructions
qui lui sont nécessaires pour conduire
la négociation , et elle lui a mandé de se rendre-
Isaliska aussi- tôt après l'ouverture du Congrès
, afin d'être à portée de diriger les démarches
des Ministres Plénipotentiaires de la Porte ,
at de lever les obstacles qui pouroient retarder
le succès des Conférences .
L'Ambassadeur de la République de Hollande,
lequel étoit resté à . Constantinople en attendant.
ie le Grand Seigneur prêt ses dernieres résoluons
par raport au projet d'accommodement
Doposé par l'Empereur, est allé joindre le G.V.
Babadagh.d'où il doit se rendre à Kudack,ainsi
que M. Dahlman , Ambassadeur et Ministre Plé-
1. Vols. nipoten.
JUIN. 1737. 1199
né
nipotentiaire de l'Empereur, et lo Chevalier Faulkener
, Ministre Plénipotentiaire du Roy de la
Grande- Bretagne , dès que les autres Ministres
qui doivent assister au Congrès, y seront arrivés.
Le départ de cet Ambassadeur et l'ordre donpar
le Grand Seigneur à ses Ministres Plénipotentiaires
, ne laissent plus lieu de douter que
Sa Hautesse ne soit disposée à entrer en négociation
avec la Czarine , et l'on assure que l'ouverture
du Congrès se fera , quand même les
deux Puissances ne pouroient convenir d'aucune
condition préliminaire d'accommodement . On
craint cependant que malgré les dispositions du
Grand Seigneur à la Paix , elle ne soit difficile
à conclure , parce que la Czarine persiste dans le
dessein de ne point restituer Azoph, et que S.H.cn
cedant cette Place , court risque d'exciter le mécontentement
de ses Sujets , et par cette raison
la Porte continue ses préparatifs de guerre avec
la même ardeur que si elle n'esperoit pas de pouvoir
terminer ses differens avec S. M. Cz.
Toutes les Troupes qui étoient en quartiers
dans la Natolie et dans d'autres Provinces d'Asie
, sont en marche pour aller renforcer l'Armée
commandée par le Grand Visir , et l'on
comptoit qu'elles arriveroient à Bender vers la
fin du mois passé . La Flore destinée pour la Mer.
Noire est composée de 200. Bâtimens , en y
comprenant six Caravelles et quinze Galeres.
A Constantinople le 26: Mars 1737.
Es Ministres de Suede curent le 16. Fé
Lvrier,une Audience
3
to >
de ce mois ils furent admis à celle du Grand
Seigneur ; ils firent dans ces Audiences l'échan--
In Fols gc.
1200 MERCURE DE FRANCE
ge du Traité de Commerce qu'ils ont conclu
entre la Porte et la Suede ; ces mêmes Ministres
eurent encore le 17. de ce mois une Audience
du Kaïmakan.
M. Faulkener , Ambassadeur d'Angleterre ,
partit d'ici le 26. Février pour se rendre au Camp
du Grand- Visir , il avoit cû le 21. une Audience
de congé du Kaïmakan .
M. Kaikoën , Ambassadeur de Hollande , cut
aussi le premier Mars son Audience de congé
du Kaimakan , et le f . celle du Grand Seigneurs
il fut revétu à celle du Kaimakan , d'une Pélisse
d'hermine , et à celle du Grand Seigneur ,
d'une Pélisse de Samour ; cet Ambassadeur partit
le 18. de ce mois pour Babadagh.
Le Marquis de Villeneuve , Ambassadeur de
France,eut le 11. Mars une Audience du Kaïma →
kan , dans un Palais situé dans le Canal de la
Mer Noire.
Le quatorze et le quinze on fit une déchar
ge de Canon du Serrail , de Top- Hana , & c. en
réjouissance des avantages remportés par les Taɛtares
en Ukraine ; voici comme on raconte cet
Evenement. On dit que le Kan des Tartares étant
entré à la tête d'une nombreuse armée dans le
Pays des Cosaques Berabach , dans l'intention
de piller et saccager les Peuples qui sont le
long des Rivieres Erighil , Holtova et Michali➡
ka , qui se jettent dans le Borysthene , les Trou
pes de la Garnison de Preposna , et celles qui
étoient en quartier d'hyver aux environs , sous
le commandement du General Lessin , le même
qui prit et démolit Kilbournou l'année derniere,
vinrent à la rencontre des Tartares en ordre de
bataille et avec de l'Artillerie , qu'il y eut une
action fort vive et fort sanglante, dans laquelle
I. Vol.
JUIN. 1737. T201
le General Moscovite , à la tête de son Armée 2
donna de grandes marques de valeur et d'habileté
, jusqu'à- ce qu'il fut tué par un Tartare
et sa tête portée au Kan , après quoi ce ne fut
plus qu'une déroute generale parmi ses Troupes,
qui furent toutes taillées en pieces ou faites Esclaves
; les Tartares se sont rendus maîtres de 18
gros Canons et de toutes les munitions de guerre
et de bouche . On fait monter le Corps de
Troupes Moscovites et Cosaques qui a été battu,
à 18. mille hommes , le nombre des Esclaves ,
parmi lesquels se trouve le fils du General Lessin ,
est très -considérable ; on assure aussi que les
Tartares ont enlevé 100 mille Moutons et 125
mille Chevaux ou Boeufs.
L'Ambassadeur de Perse Baky Kan , qui partit
d'ici le 24. Novembre est arrivé à Bagdad ;
son Kiaya qui retourne à Constantinople avec les
présens que Thamas Kouli-Kan envoye au Grand
Segneur , est déja en- deçà de Tokat.
Le Capitan- Pacha doit partir après demain
pour la Mer Noire aves 4. Caravelles , 14. Ga◄
keres et zoo. Galiotes ou Brigantins.
L
RUSSIE.
E Baron de Schaffirof et M. de Néphiaf,
Ministres Plénipotentiaires , nommés pour
assister au Congrès , sont partis pour Kudack ,
et la Czarine leur a fait délivrer 30 mille Roubles
à compte des dépenses qu'ils seront obligés
de faire , mais le Comte Wolinski , Grand-Veneur,
qui leur a été donné pourColiegue , ne devoit
se mettre en chemin pour s'y rendre , que quelques
jours après la célebration de l'Anniversaire
de la Naissance de S. M. Cz . Le bruit court que
I. l'el
la
T202 MERCURE
DE FRANCE
la Czarine a chargé ses Ministres Plénipotentiaires
de demander que le Congrès s'assemblat à
Bialacerkiew.
Le 30. du mois d'Avril dernier il arriva à Pétersbourg
un Courier par lequel le Comte de
Munich a envoyé à S. M. Cz. le projet d'une
Expedition qu'il médite.
Le General Lesci a mandé à la Czarine qu'il
avoit mis à la voile le 12. du même mois avec
la Flotte , dans le dessein d'aller s'emparer de
l'Isle de Tamerow , dont la conquête peut faciliter
celle de la Crimée . Les dépêches de ce General
portent que les fortifications de la Ville
d'Asoph , qui avoient été considérablement endommagées
par les bombes , étoient entierement
réparées , et que cette Place étoit à présent en
état de soutenir un long Siege .
Ce General ajoûte dans sa Lettre que la Flotte
Moscovite étoit composée de 160. Bâtimens ,
sans y comprendre les nouvelles Galiotes ,et queles
Equipages de deux Frégates , qu'il avoit envoyées
à la découverte , avoient raporté que quelques
Bâtimens Turcs , qu'ils avoient rencontrés sur
les Côtes de la Crimée , s'étoient retirés à leur
aproche.
ALLEMAG N E.
Uoique tout se dispose à l'ouverture da
Congrès quidoit se tenir à Kudack , et que
l'Empereur persiste dans la résolution d'y envoyer
ses Ministres Plénipotentiaires , S. M. I.
paroît déterminée à commencer incessamment
les Actes d'Hostilité contre les Turcs , et on publiera
le Manifeste par lequel l'Empereur déclare
la guerre au Grand Seigneur , aussi- tôr après le
retour du Courier qu'on a dépêché à Péters-
I. Vol. bourg,
JUIN. 17378 7203
Sourg , pour le communiquer à la Czarine.
M. du Theil , Ministre Pléipotentiaire du Roy
de France , partit le 22. du mois passé de Vienne
pour retourner à Paris.
L'Empereur lui a fait présent de son Portrait
enrichi de diamans , et S. M. I , a déclaré qu'elle
avoit nommé son Ambassadeur auprès de S. M.
T. C. le Prince de Lichtenstein , à qui elle a conferé
en même-temps l'Ordre de la Toison d'or.
Le 30. May l'Empereur déclara le Duc de
Lorraine Generalissime de ses Troupes , et ce
Prince devoit partir quelques jours après pour
se mettre à leur tête . S. M. I. lui a fait présent
e la magnifique Tente du Grand Visir qui commandoit
l'Armée Ottomane à la Bataille que les
Turcs perdirent en 1716.près de Peter -Waradin
ITALIE.
Es du mois dernier , jour que le Pape avoit
marqué pour la prise de possession de la dignité
de Sénateur de Rome par le Comte de
Bielk , ce Comte revétu de son habit de Sénateur
qui consiste en une Soutane de Satin cramoisi
et une longue Robe de Brocard d'or , et accompagné
de M. Capograssi , son Maître de Chambre
, se rendit du Capitole au Palais du Quiri
nal dans un Carosse attelé de six chevaux et
suivi de deux autres Carosses . Ayant été reçu
avec les ceremonies accoûtumées par M. Lazare
Palavicini , Archevêque de Thebes , Maître de
Chambre de Sa Sainteté , il fut introduit dans la
chambre du Pape par Mrs Jean- Baptiste Gambarucci
, Archevêque d'Amasie , et Ignace Reali ,
premiers Maîtres des Ceremonies ; et après qu'il
cut fait trois génuflexions et baisé les pieds de Sa
I. Vol. Sainteté
1204 MERCURE DE FRANCE
Sainteté , il prêta le Serment de fidelité. Le Pape
mit ensuite un Sceptre d'yvoire entre les mains
du nouveau Sénateur en disant , Accipe Sceptrum
et esto Senator Urbis.
Le Comte de Bielk reçut la Benediction de Sa
Sainteté , et il se retira , étant reconduit par le
Maître de Chambre. Lorsqu'il fut dans la Cour
du Palais , le Marquis François Ortieri , Grand-
Ecuyer du Pape , lui présenta de la part de Sa
Sainte un très- beau Cheval blanc , couvert
d'une Housse de velours cramoisi , relevée d'une
riche broderie d'or , avec les étriers d'argent
aller sur lequel le nouveau Sénateur monta pour
à la Place Barberine , où l'attendoit sous les ar
mes la Milice Bourgeoise , composée de quatorhom-
ze Compagnies chacune de quarante
mes , et d'où il continua sa marche dans l'ordre
suivant : Le Barigel du Capitole à cheval , à la
tête de ses Sbirres ; M. Felix Gama , Capitaine
des Connétables et des Milices des quartiers de
la Ville , suivi de deux Pages , qui portoient dea
Ecussons aux Armes du Comte de Bielk ; les 14.
Compagnies de la Milice Bourgeoise , précedées
chacune de ses Tambours et de son Enseigne , et
entre les sept premieres Compagnies et les sept
dernieres M. Antoine Gai portant l'Etendart du
Peuple Romain ; le Maître d'Hôtel et l'Ecuyer
du Sénateur ; vingt Mules avec des couvertures
à ses Armes et dix Chevaux de selle avec de magnifiques
Housses , conduits chacun par un Palfrenier
, portant sur sa Casaque et à son bonnes
les Armes de Bielk ; la Compagnie des Chevau
Legers de la Garde du Pape. Les Palfreniers des
Cardinaux , montés sur des Mules et portant les
chapeaux de leurs Maîtres attachés sur leurs
épaules ; les 14. Huissiers des Tribunaux Capi
I. Vol.
tolins ;
JUI N. 1737. 1205
tolins ; un grand nombre de Gentilshommes des
Cardinaux ; quatre tambours de la Livrée du
Peuple Romain , laquelle est d'écarlate avec des
galons d'or , et quatre Trompettes à cheval avec
la même Livrée . Ils étoient suivis par deux Pages
, dont l'un portoit la Cornette du Peuple
Romain , et l'autre un Etendart aux Armes de
Bielk. Derriere eux marchoient les Caporioni ou
Chefs des Quartiers , précedés de deux Tambours
aux Livrées du Peuple Romain ; les Suisses de la
Garde du Pape , ayant à leur tête le Chevalier
Jean- François - Leopold Phiffer d'Althissoffen ,
Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem ,
leur Commandant ; deux Pages , dont celui qui
étoit à droite portoit l'épée haute , et celui qui
étoit à gauche avoit sur ses épaules le Chapeau
du Sénateur , couvert de Brocard d'or et doublé
de velours cramoisi ; les Palfreniers du Comte
de Bielk , vétus de Livrées d'écarlate avec des
galons d'or , et ayant des Plumets bleu et or
sur leurs chapeaux et les Serviteurs du Peuple
Romain , tenant en main des Piques dorées.
Le Comte de Bielk venoit ensuite , étant précedé
de M. François Gaëtan Diversini , Maîtredes
Céremonies , et suivi des deux Juges Collateraux
, et de tous les Officiers des Tribunaux Capitolins.
La marche étoit fermée par les trois
Carosses de ce Comte , et par un grand nombre
d'autres Carosses de Cortege , qui avoient été
envoyés par les Cardinaux , et par la plupart
des Personnes de distinction . "
Lorsque la Cavalcade entra dans le Cours , on
At une Salve generale de l'Artillerie du Château
Saint Ange , et en arrivant au Capitole , elle fut
saluée par une décharge generale de la Mousqueterie
de toute la Milice de la Ville : on tira
I. Val. ausse
1206 MERCURE DE FRANCE
aussi un grand nombre de Boëtes , et les Cloches
de toutes les Eglises sonnerent.
Le nouveau Senateur, étant descendu de Cheval
à l'Eglise de Sainte Marie d'Ara Coeli , qui
apartient au Peuple Romain , fut réçû à ia porte
par les Superieurs de l'Ordre des Freres Mineurs
de l'Observance , et il alla faire sa priere devant
le Saint Sacrement , et baiser le Grand Autel.
Il se rendit ensuite au Capitole , ayant trouvé
en chemin les Conservateurs et le
Prieur du Peuple Romain , revétus de Robes
de brocard d'or , lesquels , après l'avoir com
plimenté , le conduisirent dans la grande Salle ,
qui étoit ornée avec beaucoup de magnificence.
Le Comte de Biex prit place à son Tribunal
ayant les Conservateurs et le Prieur du Peuple
Romain à ses côtés , et en face les Caporivons
et les autres Officiers du Capitole , et après avoir
remis au Marquis Emile Massimi , Premier Conservateur
, le Bref de Sa Sainteté , lequel fut l
à haute voix par le Greffier du Senat , il jura de
faire observer les Statuts de Rome.
Il accompagna ensuite les Conservateurs jusqu'à
la porte de la grand Salle , et quand il fus
tourné dans son Apartement, il reçut les complimens
accoûtumés de la part des Cardinaux
ainsi que de celle des Ministres Etrangers et de
la Noblesse.
Le Pape a accordé au Comte de Bielk la permission
d'avoir le Dais et la Cloche, même dans
les occasions où il ne sera pas accompagné par
les Conservateurs du Capitole , distinction dont
n'avoient point joüi ses Prédecesseurs.
On aprend de Rome que la corespondance est
entierement retablie entre les Ministres des Cours
de Vienne et de Madrid , et que le Cardinal
I. Vol. Cienfuegos
JUIN. 1737.
1207
Cienfuegos , ayant envoyé complimenter à ce
sujet les Cardinaux Belluga et Aquaviva , ils lui
ont rendu visite .
On assure que le Roy des deux Siciles a accor
dé l'Exequatur des Bulles des Prelats nommés
par le Pape,ce qui donne lieu de regarder comme
Prochaine ia conclusion de l'accommodement
de leurs Majestés Catholique et Sicilienne avec
le Saint Siege.
Quelques Cardinaux ayant refusé d'accorder
au Comte de Bielk les honneurs du Dais et du
Son de la Cloche , quoiqu'il les eût reçûs chés
le Cardinal Doyen , ce Comte a discontinué de
rendre ses visites au Sacré College.
Le Cardinal Coscia a obtenu la permission
d'aller encore cette année prendre les Bains d'Ischia
, et il est parti pour s'y rendre.
Le 11. May , le Pere I defonse de la Presentation
, natif de Prague , fut élû Général de l'Ordre
des Religieux Carmes Déchaussés dans le
Chapitre qu'ils tinrent dans leur Couvent de
Sainte Therese et de S. Jean de la Croix.
Les Clercs Réguliers de la Congregation de
la Divine Providence , ont élû le Pere André
Bolognetti pour leur Général .
>
Les Lettres de Genes de la fin du mois dernier
portent que 13. Barques , à bord desquelles
étoient des Troupes et des Munitions , mirent au
même mois à la voile pour l'Isle de Corse
sous l'escorte de deux Galeres , qui , à leur retour
, devoient donner la chasse aux Corsaires
de Barbarie , dont un a enlevé , il y a quelque
temps , un Bâtiment chargé de 100. muids de
Farine et qui étoit destiné pour la Bastie.
M. Rivarola a mandé au Senat que les Rebelles
ayant été avertis que le Gouverneur de
Į. Vol. Calenzano
1208 MERCURE DE FRANCE
Calenzano devoit faire sortir un détachement de
la Garnison de cette Place , pour enlever des
Bestiaux qu'ils faisoient paître dans les prairies
voisines , ils avoient posté en embuscade 300 .
Hommes qui avoient surpris ce détachement ,
et qu'il y avoit cu 60. Genois de tués ou faits
prisonniers en cette occasion.
On a apris en même temps qu'il y avoit eu
dans les environs de la Bastie , un violent ouragan
, accompagné de grêle d'une telle grosseur,
que la plupart des Vignes avoient été ruinées, et
que plusieurs Bestiaux avoient été tués dans la
campagne.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
S₁
A MAJESTE a accordé au Marquis
d'Havrincourt , Mestre de Camp-
Lieutenant du Régiment des Cuirassiers
du Roy , le Gouvernement d'Hesdin ,
vacant par la démission du Marquis
d'Havrincourt , son Pere.
M. de Chavigny , que le Roy a nommé
son Envoyé Extraordinaire auprès
du Roy de Dannemare , a pris congé de
S. M. et il est parti pour se rendre à
Coppenhague.
Le Marquis de Souvré , Maître de la
1. Vol. GardeJUIN.
1737. 1209
Garde- Robe du Roy , et qui a été nommê
par S. M. pour aller à Luneville complimenter
le Roy de Pologne sur son arrivée
en Lorraine , s'est acquitté de cette
commission , et il a eu l'honneur d'en
rendre compte au Roy.
Le 29. Avril,il y eut Concert chés la Reine, M.
Destouches Sur-Intendant de la Musique du Roy,
y fit chanter le Prologue et le premier Acte de
son Opera de Callirhoe, qu'on continua le 6. et
le 8. May ; les principaux Rôlles furent exécutés
par les Diles d'Aigremont, Deschamps et Mathieu
, et par les sieurs d'Angerville et Jeliot.
Le 13. le 18. et le 20. on concerta l'Opera
d'Iphigenie, dont le premier Rôlle fut chanté par
la Dile d'Aigremont , et celui d'Electre par la
Dile Mathieu ; ceux d'Oreste , de Thoas et de
Pilade , par les sieurs d'Angerville , Petillot et
du Bourg .
Le 22. et le 27. on donna à la Reine l'Opera
d'Armide ; la Dlle Antier remplit parfaitement
bien le premier Rôlle , et les autres furent chantés
par les sieurs Petillot et d'Angerville , avec la
même précision.
Le 30. May , Fête de l'Ascension , il y eut
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , ou
l'on chanta un très-beau Motet ( Diligam te )
de feu M. Gillet , Maître de Musique de la Cathedrale
de Toulouse ; il fut suivi d'une nouvelle
suite de Symphonie , du sieur Aubert, trèsbien
executée et fort aplaudie. Le sieur Buffardin
, de Marseille , Ordinaire de la Musique du
Roy de Pologne , Electeur de Saxe , executa
pour la premiere fois un Concerto de Flûte qui
1. Vol. fut
1210 MERCURE DE FRANCE
fut generalement aplaudi . Le Concert fut termipar
le Cantate , Motet du sieur Cheron, Ordinaire
de l'Académie Royale de Musique.
é
Le 9 . Juin
, Fête
de la Pentecôte
, on executa
au méme
Concert
une
autre
suite
de Sympho
nie
du sieur
Aubert
, qui fut suivie
d'un
Moter
de M. Gervais
, Maître
de Musique
de la Chapelle
du Roy. La Dile
Hotteterre
joûa
un Concerto
avec
les mêmes
aplaudisssinens
dont
le Public
l'a déja
honorée
. Le Te Deum
de M. de la
Lande
ter mina
le Concert
.
Le 20 jour de la Fête Dieu , on chanta le
Pange lingua du même Auteur , qui fut suivi du
petit Motet O Jesu , de M. Destouches , Sur- Intendant
de la Musique du Roy. Le sieur Angelo
Valoti , nouveau Violon Italien , executa un
Concerto au gré du Public , et la Dile Regnaut
chanta pour la premiere fois dans le dernier
Moret le Recit Qui annuntiat avec aplaudissement
.
Le 23 , May, les Superieurs des Religieux Benedictins
de la Congregation de S. Maur se rendirent
à l'Abbaye de S. Germain -des- Prés pour
P'élection du Superieur Général , et ouvrirent
le matin leur Assemblée par une Messe solemnelle
du S. Esprit. L'après- dinée , sur les deux
heures , les mêmes Superieurs assemblés élûrent,
au premier Scrutin , pour Général , le R. P.
Dom René Laneau. Ce Religieux avoit été consecutivement
Assistant de trois Généraux , et
depuis la mort du R. P. Dom Claude Dupré ,
dernier Général , il gouvernoit la Congregation
sous le nom de Vicaire Général . La joye qui
étoit marquée sur tous les visages , pendant la
Cérémonie de la Proclamation , fit connoître à
seux du dehors , qui y ont assisté , que ce R,
I. Vol. Pere
JUIN. 1737 1211
Pere a également les coeurs et la véneration de
Tous ses Confreres.
Le Cardinal de Fleury alla le 3. Juin au Jardin
Royal, accompagné du Comte de Maurepas
et de M. Orry , Controlleur Général des Finan
ces , pour voir les augmentations et les reparations
faites et à faire . M. Dufay , Intendant de
ce Jardin , reçût S. E. qui parut trés - satisfaite
du bon ordre qu'elle y trouva , de la beauté des
Serres , et du nombre prodigieux de Plantes
étrangeres dont ce Jardin est presentement
rempli.
Le 8. Juin , veille de la Fête de la Pentecôte
, le Roy revêtu du Grand Collier
de l'Ordre du S. Esprit , se rendit à la
Chapelle du Château de Versailles , où
S. M. communia par les mains de l'Archevêque
de Vienne , Premier Aumônier
de S. M. Le Roy toucha ensuite un
grand nombre de Malades .
Pendant la Messe , que le Roy entendit
, après avoir communié , l'Evêque
d'Acqs prêta serment de fidelité entre
les mains de S. M. L'après-midi le Roy
assista aux premieres Vêpres.
Le 9. jour de la Fête , les Chevaliers ,
Commandeurs , et Officiers de l'Ordre
du S. Esprit , s'étant rendus vers les 11.
heures du matin dans le Cabinet du Roy,
S.M. tint un Chapitre,dans lequel le Prin
ce Vaïny , qui avoit été proposé le 1. du
I. Vol. mois H
1208 MERCURE DE FRANCE
Calenzano devoit faire sortir un détachement de
la Garnison de cette Place , pour enlever des
Bestiaux qu'ils faisoient paître dans les prairies
voisines , ils avoient posté en embuscade 300 .
Hommes qui avoient surpris ce détachement ,
et qu'il y avoit eu 60. Genois de tués ou faits
prisonniers en cette occasion .
On a apris en même temps qu'il y avoit eu
dans les environs de la Bastie , un violent ouragan
, accompagné de grêle d'une telle grosseur,
que la plupart des Vignes avoient été ruinées, et
que plusieurs Bestiaux avoient été tués dans da
campagne.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Sa
A MAJESTE a accordé au Marquis
d'Havrincourt , Mestre de Camp-
Lieutenant du Régiment des Cuirassiers
du Roy , le Gouvernement d'Hesdin ,
vacant par la démission du Marquis
d'Havrincourt , son Pere .
M. de Chavigny , que le Roy a nommé
son Envoyé Extraordinaire auprès
du Roy de Dannemare , a pris congé de
S. M. et il est parti pour se rendre à
Coppenhague.
Le Marquis de Souvré , Maître de la
1. Vol. GardeJUIN.
1737. 1209
Garde-Robe du Roy , et qui a été nommê
par S. M. pour aller à Luneville complimenter
le Roy de Pologne sur son arrivée
en Lorraine , s'est acquitté de cette
commission , et il a eu l'honneur d'en
rendre compte au Roy.
Le 29. Avril, il y eut Concert chés la Reine,M.
Destouches Sur-Intendant de la Musique du Roy,
y fit chanter le Prologue et le premier Acte de
son Opera de Callirhoé, qu'on continua le 6. et
le 8. May ; les principaux Rôlles furent exécutés
par les Diles d'Aigremont , Deschamps et Mathieu
, et par les sieurs d'Angerville et Jeliot.
Le 13. le 18. et le 20. on concerta l'Opera
d'Iphigenie, dont le premier Rôlle fut chanté par
la Dile d'Aigremont , et celui d'Electre par la
Dile Mathieu ; ceux d'Oreste , de Thoas et de
Pilade , par les sieurs d'Angerville , Petillot et
du Bourg .
Le 22. et le 27. on donna à la Reine l'Opera
d'Armide ; la Dlle Antier remplit parfaitement
bien le premier Rôlle , et les autres furent chantés
par les sieurs Petillot et d'Angerville , avec la
même précision.
Le 30. May , Fête de l'Ascension , il y eut
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , ou
l'on chanta un très-beau Motet ( Diligam te )
de feu M. Gillet , Maître de Musique de la Cathedrale
de Toulouse ; il fut suivi d'une nouvelle
suite de Symphonie , du sieur Aubert, trèsbien
executée et fort aplaudie. Le sieur Buffardin
de Marseille , Ordinaire de la Musique du
Roy de Pologne , Electeur de Saxe executa
pour premiere fois un Concerto de Flûte qui
ì
la
1. Vol.
fur
1210 MERCURE DE FRANCE
fut generalement aplaudi. Le Concert fut terminé
par le Cantate , Motet du sieur Cheron, Ordinaire
de l'Académie Royale de Musique.
Le 9. Juin , Fête de la Pentecôte , on executa
au même Concert une autre suite de Sympho
nie du sieur Aubert , qui fut suivie d'un Moter
de M. Gervais , Maître de Musique de la Chapelle
du Roy. La Dile Hottererre joûa un Concerto
avec les mêmes aplaudisssmens dont le Public
l'a déja honorée . Le Te Deum de M. de la
Lande ter mina le Concert.
Le 20 jour de la Fête Dieu , on chanta le
Pange lingua du même Auteur , qui fut suivi da
petit Motet O Jesu , de M. Destouches , Sur-Intendant
de la Musique du Roy. Le sieur Angelo
Valoti , nouveau Violon Italien , executa un
Concerto au gré du Public , et la Dile Regnaut
chanta pour la première fois dans le dernier
Moret le Recit Qui annuntiat avec aplaudissement.
Le 23 , May, les Superieurs des Religieux Benedictins
de la Congregation de 5. Maur se rendirent
à l'Abbaye de S. Germain - des - Prés pour
l'élection du Superieur Général , et ouvrirent
le matin leur Assemblée par une Messe solemnelle
du S. Esprit . L'après- dinée , sur les deux
heures , les mêmes Superieurs assemblés élûrent,
au premier Scrutin , pour Général , le R. P.
Dom René Laneau. Ce Religieux avoit été consecutivement
Assistant de trois Généraux´, et
depuis la mort du R. P. Dom Claude Dupré ,
dernier Général , il gouvernoit la Congregation
sous le nom de Vicaire Général. La joye qui
étoit marquée sur tous les visages , pendant la
Cérémonie de la Proclamation , fir connoître à
seux du dehors , qui y ont assisté , que ce R,
I. Vol. Pere
JUIN. 1737 1211
1
Pere a également les coeurs et la véneration de
tous ses Confreres . •
Le Cardinal de Fleury alla le 3. Juin au Jardin
Royal, accompagné du Comte de Maurepas
et de M. Orry , Controlleur Général des Finan
ces , pour voir les augmentations et , les reparasions
faites et à faire. M. Dufay , Intendant de
ce Jardin , reçût S. E. qui parut trés-satisfaite
du bon ordre qu'elle y trouva , de la beauté des
Serres , et du nombre prodigieux de Plantes
étrangeres dont ce Jardin est presentement
xempli.
Le 8. Juin , veille de la Fête de la Pen
tecôte , le Roy revêtu du Grand Collier
de l'Ordre du S. Esprit , se rendit à la
Chapelle du Château de Versailles , où
S. M. communia par les mains de l'Archevêque
de Vienne , Premier Aumônier
de S. M. Le Roy toucha ensuite un
grand nombre de Malades.
Pendant la Messe , que le Roy entendit
, après avoir communié , l'Evêque
d'Acqs prêta serment de fidelité entre
les mains de S. M. L'après - midi le Roy
assista aux premieres Vêpres.
Le 9. jour de la Fête , les Chevaliers ,
Commandeurs , et Officiers de l'Ordre
du S. Esprit , s'étant rendus vers les 11.
heures du matin dans le Cabinet du Roy,
S.M. tint un Chapitre, dans lequel le Prince
Vaïny , qui avoit été proposé le 1. du
I. Vol. H mois
1212 MERCURE DE FRANCE
mois de Janvier dernier, pour être nommé
Chevalier, fut admis après que l'Ab..
bé de Pomponne , Chancelier des Ordres
du Roy , eut raporté qu'il avoit satisfait
à ce qui est porté par les Statuts . Le Chapitre
étant fini , le Roy se rendit à la
Chapelle du Château , étant précédé du
Duc d'Orleans , du Duc de Bourbon , du
Comte de Clermont , du Prince de Conty
, du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , et des Chevaliers, Commandeurs
et Officiers de l'Ordre. Le Roy , devant
lequel les deux Huissiers de la Chambre
portoient leurs Masses , étoit en Manreau
, le Collier de l'Ordre par - dessus ,
ainsi les Chevaliers . Le Cardinal de
que
Polignac et le Cardinal de Bissy marchoient
derriere S. M. Le Roy entendi
la Grande Messe , chantée par la Musique
, à laquelle l'Archevêque de Vien-
Prelat , Commandeur de l'Ordre du
Saint Esprit , officia Pontificalement .
ne ,
La Reine , Monseigneur le Dauphin
et Mesdames de France , entendirent la
même Messe dans la Tribune.
L'après midi , le Roy entendit le Sermon
du Pere Dureau , Cordelier , et ensuite
les Vêpres , qui furent chantées par
la Musique , et auxquelles le même Prelat
officia . La Reine assista aux Vêpres
dans la Tribune, Le
JUIN. 1737. 1213
Le 11. Don Louis d'Acunha , Ambassa
deur du Roy de Portugal, cut sa premiere
Audience particuliere du Roy. Il eut ensuite
Audience de la Reine , de Monsei
gneur le Dauphin et de Mesdames de
France , et il fut conduit à ces Audiences
par M. de Verneüil , Introducteur
des Ambassadeurs.
Le 10. les Députés des Etats de Bourgogne
eurent Audience du Roy.Ils furent
presentés par le Duc de Bourbon, Gouver
neur de la Province , et par le Comte de
S. Florentin , Secretaire d'Etat, et conduits
en la maniere accoûtumée par le Marquis
de Dreux, Grand Maître des Cérémonies,
et par M.Desgranges Maître des Cérémonies
. La Députation étoit composée de
l'Abbé Gagne de Perigny,Abbé de Châtillon
sur Seine , pour le Clergé , qui porta
la parole; du Comte de la Tournelle , *
pour la Noblesse, de M.Pourcher, Député
du Tiers - Etat , et de M. Perchet , Sindic
Général de la Province. Ces Députés
eurent ensuite Audience de la Reine , de
Monseigneur le Dauphin et de Mesdames
de France .
Le 16. le Chevalier Venier , Ambas-
* Son Bisayeul a eu l'honneur de se trouver trois
fois à la tête de la Noblesse de cette Province en la
même qualité.
1. Vol. Hij sadeur
1214 MERCURE DE FRANCE
sadeur ordinaire de la Republique de
Venise , fit son Entrée publique en cette
Ville le Maréchal de Biron et Monsieur
de Verneuil, Introducteur des Ambassadeurs
, allerent le prendre dans les
Carosses de leurs Majestés au Convent
de Picpus , d'où la Marche se fit en cet
ordre. Le Carosse de l'Introducteur ;
ceux du Maréchal de Biron , précédés
de son Ecuyer et de deux Pages à cheval
; un Suisse de l'Ambassadeur à che
val , sa livrée à pied , quatre de ses Officiers
, deux Ecuyers et six Pages à cheval
; le Carosse du Roy , aux côtés duquel
marchoient la livrée du Maréchal
de Biron et celle de M. de Verneü ; le
Carosse de la Reine ; celui de Madame
la Duchesse d'Orleans ; ceux du Duc
d'Orleans , de la Duchesse de Bourbon
Douairiere , du Duc et de la Duchesse de
Bourbon , du Comte de Charolois , du
Comte de Clermont , de la Princesse de
Conty, premiere Doüairiere , de la Princesse
de Conty , seconde Doüairiere , du
Prince de Conty , de la Duchesse du
Maine , du Prince de Dombes , du Comte
d'Eu , du Comte et de la Comtesse
de Toulouse , et celui de M. Amelot
Ministre et Secretaire d'Etat , ayant le
Département des Affaires étrangeres . Les
1. Vol.
quatro
JUIN. 1737. 1218
quatre Carosses de l'Ambassadeur mar
choient ensuite à une distance de trente
Ou quarante pas. Lorsque l'Ambassadeur
fut arrivé à son Hôtel , il fut complimenté
de la part du Roy par le Duc de
Rochechouart , Premier Gentilhomme
de la Chambre de S. M. de la part de la
Reine , par le Comte de Tessé , son premier
Ecuyer , et de la part de Madame la
Duchesse d'Orleans , par le Marquis de
Crevecoeur , Premier Ecuyer de S. A. R.
Le 18. le Prince de Lambesc et M, de
Verneuil , Introducteur des Ambassadeur
, allerent prendre l'Ambassadeur
en son Hôtel dans les Carosses du Roy
et de la Reine , et ils le conduisirent à
Versailles , où il eut sa premiere Audience
publique du Roy : il trouva àson
passage, dans l'Avant-cour du Château
les Compagnies des Gardes Françoises et
Suisses sous les Armes , les Tambours
apellant ; dans la Cour les Gardes de la
Porte et ceux de la Prevôté de l'Hôtel
sous les Armes à leurs postes ordinaires
et sur l'Escalier , les Cent - Suisses en ha
bits de cérémonie , la Hallebarde à la
main. Il fut reçû en dedans de la Sale
des Gardes par le Duc de Bethune , Ca
pitaine des Gardes du Corps , qui étoient
en haye et sous les Armes. Après l'Au-
I.Vol. Hiij dience
121 MERCURE DE FRANCE
dience du Roy , l'Ambassadeur fut conduit
à l'Audience de la Reine et à celle
de Monseigneur le Dauphin par le Prince
de Lambèse , et par M. de Verneuil
Introducteur des Ambassadeurs . Il fut
conduit ensuite à celle de Mesdames de
France ; et après avoir été traité par les
Officiers du Roy, il fut reconduit à Paris
dans les Carosses de leurs Majestés
avec les cérémonies accoûtumées.
Le 20. Fête du S. Sacrement , le Roy
se rendit à l'Eglise de la Paroisse du Château
de Versailles , où S. M. entendit la
Grande Messe , après avoir assisté à la
Procession , qui , suivant l'usage , alla à
La Chapelle.
La Reine s'y rendit lorsque la Procession
y arriva. Monseigneur le Dauphin
et Mesdames de France virent passer la
Procession.
Le 27. May , on chanta au Concert
de la Reine un Divertissement intitulé
le Triomphe de la Paix , dont les Paroles
sont de M. Morand , et la Musique de
M. Mathieu , Ordinaire de la Musique
du Roy. Il fut chanté par les Dlles Mahieu
, d'Aigremont et Deschamps , et reçut
beaucoup d'aplaudissement.
Le 29. May et le premier Juin , on
1. Vel.
chanta
JUIN. 1737. 1217
chanta devant la Reine le Ballet du Triomphe
de l'Harmonie , dont on vient de donner
l'Extrait ; les Dlles Pellissier et Erremens,
et le sieur Chassé exécuterent avec
succès les Rôles qui les concernoient.
Les. et le 12 Juin S.M. entendit l'Opera
de Telemaque , mis en Musique par M.
Destouches , Sur- Intendant de la Musique
du Roy , les Diles Antier et Mathieu
chanterent les Rôles de Calypso et d'Eu
charis , avec autant de goût que de pré .
cision . Les sieurs Petillot et d'Angerville
remplirent ceux de Telemaque et d'Adraste.
Le reste de l'Opera fut exécuté d'une
façon très- brillante. La Reine eut la bonté
d'en marquer sa satisfaction à l'Auteur .
Le 17. S. M. voulut entendre , pour
la seconde fois , le Divertissement du
Triopmhe de la Paix , et en parut aussi
contente que la premiere. On parlera
plus au long de ce Divertissement .
MORTS , NAISSANCES ,
Et Mariages.
E 2-8. Mars D. Henriette- Louise de Beaus
Fi de Choiseul-la Riviere , apellé le Marquis de
Choiseul , Comte de la Riviere , Chevigny ,
I. Vol . Hiiij
1218 MERCURE DE FRANCE
et Couloutre , Vicomte de Bouconville , Ba
ron de Lux , Seigneur de Giry , Chassy , Brigadier
des Armées du Roy, ancien Mestre de Camp
du Regiment de la Reine Cavalerie, avec lequet
elle avoit été mariée le 28. Avril 1711. mourut
à Paris , âgée d'environ 51. ans. Elle étoit
Fille puinée de Gabriel - Henri de Beauvau ,
Marquis de Montgauger , Comte de Crissé ,
ci - devant Capitaine des Gardes de feu Philipe
, Fils de France , Duc d'Orleans , et de feuë
Marie- Angelique de Saint André , sa premiere
Femme. Elle laisse pour Fils unique César - Gabriel
de Choiseul - la- Riviere , Comte de la Riviere
, apellé le Marquis de Choiseul , né le 14.
Août 1712. Mestre de Camp de Cavalerie , Sous-
Lieutenant de la Compagnie des Chevau Legers
Dauphins , du 25. Mars 1734. et aupara➡
vant Cornette de celle des Chevau - Legers de
Berri , dont le mariage avec Marie de Champagne
de Villaines est raporté dans le Mercure du
mois de May 1732. p. 1022.
·
Le 31. D. Louise - Henriette - Françoise de
Lorraine , Duchesse Douairiere de Bouillon , Fille
aînée d'Anne- Marie - Joseph de Lorraine , Com .
re et Prince de Guise sur Moselle , et de feuë D.
Marie- Louise- Christine de Castille Jeannin ,
Heritiere de Montjeu , morte le 11. Janv. 1736.
mourut à Paris , après une longue maladie de
poitrine , âgée de 30. ans. Elle avoit été mariée
le 21. Mars 1725. avec Emmanuel - Théodose
de la Tour , Duc de Bouillon , Vicomte de Turenne,
Duc d'Albret , et de Châteauthierry , Comte
d'Auvergne , d'Evreux et du bas Armagnac ,
Baron de la Tour et de Mongaçon , &c. Pair ,
et ci - devant Grand Chambellan de France, Gouverneur
et Lieutenant General du haut et bas
I. Vel, Auvergne
JUIN. 1737. 1219
Auvergne , mort le 17. May 1730. Elle étois
sa quatriéme Femme . Elle laisse de lui une Fille,
née le 20. Décembre 1728 .
Le 1. Avril Jean - Luc, de Lauzieres , Marquis
deThemines- Cardailhac, Mestre de Camp de Cavalerie,
par Brevet du premier Décembre 1718.
Gouverneur des Ville et Château de Dommes
en Perigord , par Provisions du 1. Juin 1721.
et Gentilhomme de la Chambre du Duc d'Or- .
leans , par autres Provisions du 5. Mars 1724.
mourut à Paris , âgé de 63. ans. Il avoit été
Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem ,
dont il quitta la Croix , lorsqu'il se maria le
13. Novembre 1730. avec Angelique - Sophie
d'Hautefort , Fille de feu Charles - Louis d'Hautefort
, Marquis de Surville , Lieutenant General
des Armées du Roy , et de Louise de Crevantd'Humieres.
Le Duc d'Orleans lui accorda alors
une pension de 4000. livres pour le dédommager
de la perte d'une de 3000. livres qui lui
avoit été accordée sur l'Evêché de Perigueux. le
11. Janvier 1721. Il étoit Fils puiné de feu
Henri de Lauzieres , Seigneur de Saint Beaulize ,
et du Bosc , et de Marie de Nogaret de Trelans
. Le Duc d'Estrées , dernier mort , lui avoit
fait une donation entrevifs de plusieurs Terres
et Seigneuries provenantes de la Maison de Lauzieres-
Themines , le 11. May 1721. Elles lai
furent disputées par les Soeurs du Donataire ,
mais il fut confirmé dans la proprieté , possession
et jouissance de ces Terres , par Arrêt
contradictoire du Parlement de Toulouse du 29.
May 1728 .
Le 3. D. Cecile - Catherine de Falconis , Dame
d'Auvilliers , Veuve d'Antoine d'Amanzé, Comse
de Choffailles en Mâconnois , Seigneur d'Ar-
I. Vel Hr singes
1220 MERCURE DE FRANCE
singes , de Vize , de Ballemont , de Saint Germain
de la Montagne , &c. avec lequel elle avoit
été mariée le 17. Juin 1705. mourut à Paris ,
âgée d'environ fr. ans, laissant un Fils âgé de 20 .
ans › et une Fille plus jeune. Elle étoit Fille de
Pierre -Louis de Falconis , Seigneur d'Auvillierset
de Lierval , mort le 17. Mars 1692. et d'Elizabeth
de Monthelon , morte au mois de Janvier
1729.
Le 4. Leonor-Hubert de Grivel , Marquis
d'Ouroy , Colonel d'un Regiment d'Infanterie
de son nom , ci- devant de Vendôme par Com--
mission du 27. Juin 1726. Fils aîné de Paul
de Grivel Comte d'Ouroüer , en Berri
?
1
qu'on prononce Ouroy) de Grossauve , & c..
autrefois Mestre de Camp- Lieutenant du Regiment
d'Anjou Cavalerie , et de feuë Dame Marguerite
- Françoise le Bourgoing de Faulin , dont
on a annoncé la mort dans le Mercure du mois .
de May 1736. p . 1032. mourut à Paris , âgé
de 28. ans , et sans avoir été marié.
Le 9: Nicolas-Simon Arnauld , Marquis de
Pomponne , de Palaiseau et de Champlant , Bri--
gadier des Armées du Roy , ci - devant Lieutenant
General , et Commandant pour S. M. au
Gouvernement de l'Isle de France et Soissonnois
, mourut à Paris âgé de 74. ans ri . mois,
Son Corps fut aporté le 11. au soir de Saint Sulpice
, sa Paroisse , à Saint Merry , où il a étés
inhumé dans la Chapelle de , sa Famille. Son
Coeur a été porté à Palaiseau . Il avoit été d'a→
bord Capitaine dans le Reginent du Roy. Il fut
fait ensuite Colonel de celui de Hainaut au mois
de Septembre 1684. H servit à la tête de ce Regiment
en Savoye sous le Maréchal de Caanat
, et il se distingua à la Bataille de la Staf
I. Voli -farde
JUIN. 1737. 1221
farde en Piémont le 18. Août 1690. Il eut le
Regiment d'Artois au mois de Septembre 1692
et il fut fait Brigadier d'Infanterie le 30. Mars
1693. Il alla au mois de Mars 1699. à Bruxelles
, avec le caractere d'Envoyé Extraordinaire
du Roy vers le feu Electeur Duc de Baviere ,
pour le complimenter sur la mort du Prince
Electoral , son Fils. Il étoit Fils aîné de feu Si
mon Arnauld , Marquis de Pomponne , Ministre
d'Etat , et Sur - Intendant General des Postes
et Relais de France , ci-devant Secretaire d'Etat
ayant le Département des Affaires étrangeres ,
mort le 26. Septembre 1699 : à l'âge de 81. ans,
et de Catherine- Renée Ladvocat , morte le 31.
Décembre 1711. à l'âge de 75. ans , Soeur aînée
de Charlote- Renée l'Advocat , Veuve du Mar
quis de Vins , actuellement vivante. Le Marquis
de Pomponne , qui vient de mourir , étoit Fre
re de l'Abbé de Pomponne , Conseiller d'Etat
Ordinaire , et Chancelier des Ordres du Roy ,
et de la Marquise de Torcy- Colbert ; il avoit
été marié le 11. Mars 1694 avec Constance de
Harville de Palaiseau , Fille de feu François de
Harville des Ursins , Marquis de Palaiseau , de
Doué et de Trainel, Chevalier de l'Ordre du Roi,
Maréchal de Cap de ses Armées, et Gouverneur
des Ville et Citadelle de Charleville ,et de Montohimpe
, mort le 12 Octobre 1701 et de feuë
Anne de Comans d'Astry , sa seconde Femme ,
morte au mois d'Août 1693. Il avoit eu d'elle
Henri Charles Arnauld , Comte de Pomponne ,
mort le trente Juillet 1711. âgé de quatorze
ans ; Jean Baptiste - François - Felix Arnauld
de Pomponne, mort dans la 10. année de
son âge , le 22% Avril 1713 et Catherine -Cons "
tance-Emilie Arnauld de Pomponne , restée Fille
IA-Foto- H- vj miques
1220 MERCURE DE FRANCE
" singes , de Vize , de Ballemont , de Saint Germain
de la Montagne, &c. avec lequel elle avoit
été mariée le 17. Juin 1705. mourut à Paris
âgée d'environ fr . ans,laissant un Fils âgé de 20.-
ans , et une Fille plus jeune. Elle étoit Fille de
Pierre-Louis de Falconis , Seigneur d'Auvillierset
de Lierval , mort le 17. Mars 1692. et d'Elizabeth
de Monthelon , morte au mois de Janvier
1729.
Le 4. Leonor-Hubert de Grivel , Marquis
d'Ourey , Colonel d'un Regiment d'Infanterie
de son nom , ci- devant de Vendôme par Com--
mission du 27. Juin 1726. Fils aîné de Paui
de Grivel , Comte d'Ourouer en Berri 9
qu'on prononce Ouroy) de Grossauve, &c..
autrefois Mestre de Camp- Lieutenant du Regiment
d'Anjou Cavalerie , et de feue Dame Marguerite
-Françoise le Bourgoing de Faulin , dont
ön a annoncé la mort dans le Mercure du mois .
de May 1736. p. 1032. mourut à Paris , âgé
de 28. ans , et sans avoir été marié.
Le 9. Nicolas- Simon Arnauld , Marquis de
Pomponne , de Palaiseau et de Champlant , Bri--
gadier des Armées du Roy , ci- devant Lieutenant
General , et Commandant pour S. M. au
Gouvernement de l'Isle de France et Soissonnois,
mourut à Paris âgé de 74. ans ri. mois,
Son Corps fut aporté le 11. au soir de Saint Sulpice
, sa Paroisse , à Saint Merry , où il a été
inhumé dans la Chapelle de, sa Famille . Son
Coeur a été porté à Palaiseau. Il avoit été d'a—
bord Capitaine dans le Reginent du Roy. Il fut
fait ensuite Colonel de celui de Hainaut au mois
de Septembre 1684. H servit à la tête de ce Regiment
en Savoye sous le Maréchal de Canar
, et il se distingua à la Bataille de la Staf-
I. Vali farde
JUIN. 1737. 1221
farde en Piémont le 18. Août 1690. Il eut le
Regiment d'Artois au mois de Septembre 1692
et il fut fait Brigadier d'Infanterie le 30. Mars
1693. Il alla au mois de Mars 1699. à Bruxel
les , avec le caractere d'Envoyé Extraordinaire
du Roy vers le feu Electeur Duc de Baviere ,
pour le complimenter sur la mort du Prince
Electoral , son Fils. Il étoit Fils aîné de feu Si
mon Arnauld , Marquis de Pomponne , Ministre
d'Etat , et Sur - Intendant General des Postes
et Relais de France , ci-devant Secretaire d'Etat
ayant le Département des Affaires étrangeres ,
mort le 26. Septembre 1699 ; à l'âge de 81. ans,
et de Catherine- Renée Ladvocat , morte le 31.
Décembre 1711. à l'âge de 75. ans , Soeur aînée
de Charlote- Renée l'Advocat , Veuve du Mara
quis de Vins , actuellement vivante. Le Marquis
de Pomponne , qui vient de mourir , étoit Fre →
re de l'Abbé de Pomponne , Conseiller d'Etat
Ordinaire , et Chancelier des Ordres du Roy ,
et de la Marquise de Torcy-Colbert; il avoit
été marié le 11. Mars 1694 avec Constance de
Harville de Palaiseau , Fille de feu François de
Harville des Ursins , Marquis de Palaiseau , de
Doué et de Trainel , Chevalier de l'Ordre du Roi ,
Maréchal de Cainp de ses Armées , et Gouverneur
des Ville et Citadelle de Charleville, et de Montohimpe
, mort le 12 Octobre 1701 et de feuë
Anne de Comans d'Astry , sa seconde Femme ,
morte au mois d'Août 1693. Il avoit eu d'elle
Henri Charles Arnauld , Comte de Pomponne ,
mort le trente Juillet 1711. âgé de quatorze
ans ; Jean Baptiste - François- Felix Arnauld
de Pomponne , mort dans la 10. année de
son âge , le 22 Avril 17136 et-Catherine- Cons
tance- Emilie Arnauld de Pomponne , restée Fille
·
Is-Vols-
Hivj miquet
1222 MERCURE DE FRANCE
unique, mariée le 25 Juin 1715. avec Jean-Joa-i
chim Rouault , Comte de Cayeu , aujourd'hu
Marquis de Gamaches, et Maréchal de Camp des
Armées du Roy. ,
•
Le 12. Philipe Hecquet , Docteur- Regent, ancien
Professeur , et ancien Doyen de la Faculté
de Médecine de Paris , connu par plusieurs Ouvrages
de sa Profession , qu'il avoit rendus publics
mourut âgé de 74. ans. Il avoit quité
depuis 1o. ans l'exercice de la Medecine , il s'étoit
retiré dans l'Enclos du Convent des Carmelites
du Fauxbourg S. Jacques. On prétend
qu'il y avoit 30. ans qu'il n'avoit mangé de
viande , ni bû de vin .
Le 13. Nicolas Henin , Conseiller du Roy ea
son Grand Conseil , où il avoit été reçû le s .
May 1688. mourut après avoir été trois jours
entiers en apoplexie létargique . Il étoit âgé de
82. ans 11. mois 10. jours , étant né le 3. May
1654. Il étoit veuf d'Anne- Henriette Brice
dont il laisse deux Fils et une Fille , ainsi qu'on
l'a raporté en annonçant la mort de cette Dame
dans le Mercure du mois de Novembre
1734. P. 15 30.
Le 26. Louis le Goux de la Berchere , Comte
de la Rochepot , Marquis de Santenay , Baron de
Thoisy, Seigneur de la Berchere , Conseiller d'Etat
ordinaire , mourut à Paris subitement en alg
lant se mettre à table pour dîner. Il étoit dans la
61. année de son âge , étant né le 10. Octobre
1676. il avoit été successivement Conseiller au
Parlement de Paris le 14.Janvier 1699.Maître des
Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy le 29
Juillet 1703. et Chancelier et Garde des. Sceaux
de Charles de France , Duc de Berri , le 11. Désembre
1710. Il perdit cette Charge à la mort de
1. Velo
JUIN. 1737. 1223
ce Prince , et ayant été fait Conseiller d'Etat au
mois de May 1715. il se démit de celle de Maî
tre des Requêtes , et obtint des Lettres d'Honoraire
le 22. Juin de la même année . Il étoit veuf
sans enfans depuis le 16. Mars 1729. de Magdeleine-
Charlotte Voisin , fille aînée du feu Chancelier
de France de ce nom , et fils de feu Urbain
le Goux de la Berchere , Marquis de Santenay ,
&c. Maître des RequêtesHonoraire de l'Hôtel du
Roy , ci-devant Intendant successivement à
Moulins , à Riom , à Montauban et à Rouen ,
mort le 30. Août 1721. à l'âge de 79. ans , es
d'Antoinette le Févre d'Eaubonne , morte le 29%
Décembre 1708. âgée de 17. ans.
Le 27. Jean- Baptiste Poncy de Neuville , Prêtre
, mourut à Paris dans la 39. année de son
âge. Les heureux talens dont il étoit orné , le
font universellement regretter , comme un sujet
également utile à la Religion qu'il a défendue
avec un zele infatigable par ses éloquents et so
lides Sermons ; et à la République des Lettres ,
qu'il a enrichie de plusieurs Ouvrages poëtiques
qui ont mérité plus d'une fois d'être couronnés .
dans l'Académie des Jeux Floraux. Il étoit d'ail
leurs autant estimable par les qualités du coeur
que par celles de l'esprit. Il prononça l'année
derniere avec beaucoup de succès dans l'Eglise
des R R. PP. de l'Oratoire , le Panégyrique de
S. Louis , en présence de deux célebres Acadé
mies. Il a aussi prêché plusieurs Sermons dans
l'Eglise Paroissiale de S. Sulpice et dans d'autres
Eglises de la Ville . Un redoublement de zele
pour les devoirs de son Ministere dans les circonstances
de la fin du Carême , lui a causé la
maladie qui l'a enlevé en très-peu de jours.
Le même jour D. Jeanne -Louise d'Herbouville
I. Vd.
épouse
1224 MERCURE DE FRANCE
épouse de Charles de Houdetot , dit le Comte de
Houdetot , Chevalier Seigneur de Fontaines - le-
Châtel , de S. Germain des Essours , des Autieux,
&c. son cousin paternel et maternel du 3. au 4.
mourut après une courte maladie d'un abcès dans
la tête , à Paris dans la 26. année de son âge ,
étant née le s . Décembre 1711. elle étoit fille
d'Adrien , Marquis d'Herbouville , Chevalier-
Seigneur de S. Jean du Cardonnay , la Cour-le-
Comte , la Gaillarde , le Bourgdun , Luneray ,
S Pierre le Vieux , Baron de Longueval , Lagny,
fe Marqué , Bellan , &c. ci - devant premier Easeigne
de la Compagnie des Gendarmes de la
Garde du Roy , Mestre de Camp de Cavalerie ,
er de D. Françoise- Chrétienne Dauvet des Marets
; elle laisse un garçon et une fille en bas àge,
n'ayant été mariée qu'au mois de Novembre
1731. c'étoit la cinquiéme alliance réciproque
que ces deux Maisons , qui sont d'une ancienne
Noblesse de Normandie , avoient faites entre-elles.
La Généalogie de celle de Houdetot est råportée
dans le Tome VIII.des Grands Officiers de
la Couronne , au Chapitre des Grands - Maîtres
des Arbalêrriers , page 16. Ses Armes sont d'argent
à une bande d'azur , chargée de trois anne
lets d'or remplis , celui du milieu d'un Lion ,
les deux autres d'une Aigle à deux têtes , et Diaprée
d'or. Herbouville porte de gueules à une
Fleur de Lys d'or.
et .
Le nommé Félix de la Mata , mourut le 28.
Avril à Pampelune , âgé de 125. ans ; il s'étoit
marié à l'âge de 110. ans pour la troisième fois ,
et il a eu trois enfans de sa derniere femme .
Le 29. Dile Marie Cousinet , Dame.de Boisroger
, fille de Robert Coasinet , Maître ordinaire
en-l Chambre des Compres de Paris , mort le
JUIN. 1737.
1225
36. Août 1701. et de Di Elizabeth -Catherine
Rousselet , morte le premier May 1694. mourut
d'une fluxion de poitrine à Paris , dans un âge
avancé , sans avoir été mariée..
Le même jour François Gacon , ancien Avocat
au Parlement de Paris , où il avoit été immatriculé
le 4. Février 1698. et l'un des grands Consultans
du Palais , mourut âgé d'environ 63 ans.
Le même jour D. Jeanne- Margueritte de Brehan
, veuve depuis le 27. Mars 1713. de Charles,
Marquis de Sévigné , Seigneur des Rochers ,
Lieutenant pour le Roy de la Ville de Nantes et
Comté Nantois , et auparavant Sous -Lieutenant
de la Compagnie des Gendarmes Dauphins, avec
lequel elle avoit été mariée au mois de Fevrier
1-684. mourut à Paris , sans enfans , âgée de 69.
ans . Elle étoit soeur de Jean- François Amalrie
de Bréhan , Comte de Mauron et de Plélo , Seigueur
de Galinée , ci-devant Conseiller au Parfement
de Bretagne ; tous deux enfans de Maurille
de Breban , aussi Comte de Mauron et de
Plélo , et de D. Louise de Quelen . Feu Charles?
Marquis de Sévigné , étoit frere de feuë Frango:
se - Marguerite de Sévigné , troisiéme femme.
de François Adhemar de Monteil de Castelane ,
Comte de Grignan , Chevalier des Ordres du
Roy ,, et seul Lieutenant General au Gouverne
ment de Provence, morte le 13. Août 1705. tous
deux enfans de Henry , Marquis de Sévigné, Seigneur
des Rochers , Maréchal des Camps et Ar
mées du Roy, et Gouverneur de la Ville de Fougeres
en Bretagne , qui fut tué en 1651. dans un
combat singulier contre le Chevalier d'Albret ,,
et de Marie de Rabutin de Chantal , morte au
mois de May 1696. après s'être renduë celebre
par son esprit et par ses Lettres à la Comtesse de
L. Vol Grignan ,
1226 MERCURE DE FRANCE
Grignan , sa fille , dont on a donné un Recueil
au Public en 1734. en 6. vol . in 12 .
Le 2. May Antoine- Simon le Courtois , Ecuyer
Seigneur d'Avery et de Chome , ci-devant Con
trôleur Géneral des Fermes de Languedoc , ze.
Fils de feu Pierre le Courtois , Ecuyer Conseiller
au Siege Présidial de Troyes , et de Margueritte
Laigneau , mourut à Paris , laissant de D.
Marthe Ricaud, sa femme, Jacques le Courtois
d'Averly , Conseiller en la Cour des Aydes de
Paris , où il a été reçû le 10. May 1735 .
Le 3. mourut subitement à Paris à l'Hôtel de
la Bibliotheque du Roy , âgé de 78. ans , Louis
de Targny , Prêtre du Diocèse de Noyon , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , du 22.
Septembre 1688. l'un des Gardes de la Bibliotheque
du Roy , depuis le mois de Janvier 1712.
et Abbé Commandataire de l'Abbaye de S. Lo ,
Ordre de S. Augustin , Diocèse de Coutances
qu'il avoit obtenuë le 13. May 1724. en remettant
celle de Sainte Marie d'Obasine , Ordre de
Citeaux , Diocèse de Limoges , qui lui avoit été
accordée le 17. Octobre . 1723. il s'étoit démis il
y avoit environ 18. mois de la Dignité de Chantre
de l'Eglise Métropolitaine de Rheims , et avoit
été autrefois Principal du College de Dainville .
François Sévin , Pensionnaire depuis 1726. de
l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-
Lettres , dans laquelle il avoit été reçû Eleve dès
1711. et ensuite Associé en 1714. a cû la Place
de Garde de la Bibliotheque du Roy, vacante par
la mort de Louis de Targny ; il en faisoit les
fonctions depuis quelques années .
Le 3. Dom Etienne Richard , General de
l'Ordre des Chartreux , mourut à la grande Chartreuse
en Dauphiné , dans la 69. année de son
I. Val
âge,
JUIN 1737. 1227
ge , et dans la 6. de son Géneralat , ayant été
élû le 3. Février 1732. il étoit alors Prieur de la
Chartreuse de Castres en Languedoc , et Visiteur
de la Province d'Aquitaine.Dom Michel de Larnage
Prieur de la Chartreuse de S. Hugon , a été
élu Géneral en son lieu et place .
Le 4. Ferdinand , Duc de Curlande , et de Semigalle
, qui depuis deux à trois ans faisoit son
séjour le plus ordinaire à Dantzig , y mourut
dans la 82. année de son âge , étant né le 2. Novembre
1655. il étoit 4 fils de Jacques , Duc de
Curlande et de Semigalle , mort le 31. Décembre
1682.et de Louise-Charlotte de Brandebourg,
morte le 29. Août 1676. il avoit embrasse la
Religion Catholique en 1698. et il avoit été autrefois
Lieutenant d'Artillerie des Troupes de
l'Electeur de Brandebourg et ensuite du Roy de
Pologne. Après la mort du Duc Frederic Casimir
, son frere aîné , arrivée le 22. Janvier .
1698. il eut la Régence et l'administration du
Duché de Curlande jusqu'en 1710. pendant la
minorité du Duc Frédéric Guillaume , son neveu
, qui mourut le 21. Janvier 1711. il devoit
être son successeur , étant le seul mâle qui restất
de sa Maison , mais Anne Juanowna , veuve de
son neveu , quoique sans enfans , garda ses Etats
jusqu'en 1730. qu'elle fut apellée au Trône de
la Monarchie de Russie ; ensorte qu'il ne reçut
l'investiture du Duché de Curlande et de ses dépen
dances du Roy de Pologne , que le 28. Février
1731. Il s'étoit marié le 25. Septembre 1730.
avec Jeanne- Magdelaine de Saxe , née le 17.
Mars 1708, fille de feu Jean- Georges , Duc de
Saxe-Weissenfels , et de Frederique- Elizabeth de
Saxe-Eysenach. Il n'en a point eû d'enfans , desorte
qu'en lui finit la Maison de Ketler , qui
I. Vol. avoit
1228 MERCURE DE FRANCE
avoit été investie du Duché de Curlande et de
Semigalle , le 5. Mars 1562. par Sigismond , Roy
de Pologne , en la personne de Gothard Ketler ,
Gentilhomme du Duché de Bergue , er dernier
Grand- Maître de l'Ordre des Chevaliers de Livonie
, Bisayeul du Duc qui vient de mourir.
Les Zacharie Morel, Seigneur de la Brosse en
Brie , et de S. Oüen , Conseiller et Doyen du
Parlement , et Doyen des Conseillers de la Ville
.de Paris , mourut dans la 84. année de son âge
et la sf . de sa Magistrature , ayant
été reçû
Consciller au Parlement le 6. May 1682. il monta
à la Grand'Chambre au mois de Novembre
1714. et en devint Doyen le 25. Avril 1735. I
étoit fils de Daniel Morel , Seigneur de Stainville,
Haussignemont, Courbevoye, & c. Conseil
ler-Secretaire du Roy et de ses Finances, et Maître
de la Chambre aux Deniers de S. M. mort le 12
Avril 1697. et d'Elisabeth Henryet, morte le 27
Décembre 1691. et il avoit épousé défunte Michelle-
Angélique Titon , fille de feu Maximilien
Titon , Baron de Berre , Seigneur d'Ognon,
&c. aussi Secretaire du Roy , et de ses Finances ,
et Directeur General du Magazin des Armes de
S. M. et de feüe Marguerite Becaille . Il en laisse
un fils , qui a été ci- devant dans le Service Militaire
, er deux filles , tous trois non mariés.
Le 6. D. Marie- Anne Boileau , veuve depuis le
20. Janvier 1710. de Philipe Gourdon , Consei
ler -Secretaire du Roy , Maison , Couronne de
France et de ses Finances , et Secretaire des Commandemens
de feue Dile Marie de Lorraine ,
Duchesse de Guise , mourut d'une fluxion de
poitrine , âgée d'environ 76. ans, laissant un fils.
Le 7. May , Jean - Baptiste- Jacques de Saint
Remy, Marquis de Cossé , Seigneur de la Motte-
L.Voli
Fouqué
JUIN. 1229 1737.
Fouqué de Montgoubert , &c. mourut en son
Château de la Motte , en Normandie , âgé d'environ
67. ans. Il avoit épousé en 1700. Marie-
Therese -Nicole de Montgommery, fille de François
, Comte de Montgommery , Chevalier de
l'Ordre du Roy , et de Marie- Louise de Grisson,
Dame de la Motte- Villebouzin , près de Longjumeau
et du Mesnil. Elle mourut le 29. Mars
1733. il avoit eû d'elle deux enfans ; sçavoir ,
Jean-Baptiste- François de S. Remy , mort le 25
Avril 1726. âgé de 23. ans , et Marie- Magdelaine
de S. Remy , aujourd'hui seule et unique
heritiere de sa Maison , qui fut mariée le 20
Décembre 1725. avec Guy- Antoine de S. Simon,
Marquis de Courtomer , Mestre de Camp
de Cavalerie , ci- devant Capitaine des Gardes
du Corps de feue la Duchesse de Berry , qui a été
dans sa jeunesse Chevalier de l'Ordre de S. Jean
de Jerusalem , et qui devint en 1724. l'aîné de
sa Maison par la mort sans enfans de Jacques-
Antoine de S. Simon , son frere , Marquis de
Courtomer , Comte de Montreuil , Colonel du
Régiment de Soissonnois,
Le 8. D. Marie- Madelaine - Therese - Geneviéve
de Mouchy d'Hocquincourt , Veuve depuis
le 27. Janvier 1711. d'Antoine de Pas , Marquis
de Feuquieres , Lieutenant General des Ar
mées du Roy , Gouverneur des Ville et Citadelle
de Verdun , et Païs Verdunois , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , et ancien Chevalier
d'Honneur du Parlement de Metz , avec
lequel elle avoit été mariée au mois de Janvier
1695. mourut à Paris dans le Monastere de
Port - Royal , âgée de 68. ans . Elle étoit Fille
de Georges de Mouchy , Marquis d'Hocquin-
Court , Chevalier des Ordres du Roy , Lieute
1. Val. nang
1228 MERCURE DE FRANCE
*
avoit été investie du Duché de Curlande et de
Semigalle , le 5. Mars 1562. par Sigismond, Roy
de Pologne , en la personne de Gothard Ketler ,
Gentilhomme du Duché de Bergue , er dernier
Grand-Maître de l'Ordre des Chevaliers de Livonie
, Bisayeul du Duc qui vient de mourir.
Les Zacharie Morel, Seigneur de la Brosse en
Brie , et de S. Ouen , Conseiller et Doyen du
Parlement , et Doyen des Conseillers de la Ville
de Paris , mourut dans la 84. année de son âge ,
et la sf . de sa Magistrature , ayant été reçû
Conseiller au Parlement le 6. May 1682. il mon
ta à la Grand'Chambre au mois de Novembre
1714. et en devint Doyen le 25. Avril 1735. I
étoit fils de Daniel Morel , Seigneur de Stainville,
Haussignemont , Courbevoye, & c. Conseil
ler- Secretaire du Roy et de ses Finances , et Maître
de la Chambre aux Deniers de S. M. mort le 12
Avril 1697. et d'Elisabeth Henryet, morte le 27
Décembre 1691. et il avoit épousé défunte Michelle-
Angélique Titon , fille de feu Maximilien
Titon , Baron de Berre , Seigneur d'Ognon,
&c. aussi Secretaire du Roy , et de ses Finances,
et Directeur General du Magazin des Armes de
S. M. et de feue Marguerite Becaille. Il en laisse
un fils , qui a été ci- devant dans le Service Militaire
, er deux filles , tous trois non mariés.
Le 6. D. Marie- Anne Boileau , veuve depuis le
20. Janvier 1710. de Philipe Gourdon , Consei
ler-Secretaire du Roy , Maison , Couronne de
France et de ses Finances , et Secretaire des Commandemens
de feue Dile Marie de Lorraine ,
Duchesse de Guise , mourut d'une fluxion de
poitrine , âgée d'environ 76. ans, laissant un fils.
Le 7. May , Jean-Baptiste- Jacques de Saint
Remy, Marquis de Cossé, Seigneur de la Motte-
I Vol Fouqué
JUIN. 1229 1737.
"
Fouqué de Montgoubert , &c. mourut en son
Château de la Motte , en Normandie , âgé d'environ
67. ans. Il avoit épousé en 1700. Marie-
Therese-Nicole de Montgommery, fille de François
, Comte de Montgommery , Chevalier de
P'Ordre du Roy, et de Marie- Louise de Grisson,
Dame de la Motte- Villebouzin , près de Longjumeau
et du Mesnil. Elle mourut le 29. Mars
1733. il avoit cû d'elle deux enfans ; sçavoir
Jean- Baptiste- François de S. Remy , mort le 25
Avril 1726. âgé de 23. ans , et Marie- Magde-
Laine de S. Remy , aujourd'hui seule et unique
heritiere de sa Maison , qui fut mariée le 20
Décembre 1725. avec Guy- Antoine de S. Simon,
Marquis de Courtomer , Mestre de Camp
de Cavalerie , ci - devant Capitaine des Gardes
du Corps de feue la Duchesse de Berry , qui a été
dans sa jeunesse Chevalier de l'Ordre de S. Jean
de Jerusalem , et qui devint en 1724. l'aîné de
sa Maison par la mort sans enfans de Jacques-
Antoine de S. Simon , son frere , Marquis de
Courtomer , Comte de Montreuil , Colonel du
Régiment de Soissonnois,
Le 8. D. Marie- Madelaine- Therese Gencviéve
de Mouchy d'Hocquincourt , Veuve depuis
le 27. Janvier 1711. d'Antoine de Pas , Marquis
de Feuquieres , Lieutenant General des Armées
du Roy , Gouverneur des Ville et Citadelle
de Verdun , et Païs Verdunois , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Loüis , et ancien Chevalier
d'Honneur du Parlement de Metz , avec
lequel elle avoit été mariée au mois de Janvier
1695. mourut à Paris dans le Monastere de
Port - Royal , âgée de 68. ans . Elle étoit Fille
de Georges de Mouchy , Marquis d'Hocquin-
Court , Chevalier des Ordres du Roy , Lieute
I. Val.
nang
230 MERCURE DE FRANCE
nant General de ses Armées , Grand- Bailly et
Gouverneur de Peronne , Montdidier et Roye ,
mort au mois de Décembre 1689. et de Dame
Marie Molé de Jusanvigny , morte le 21. Janvier
1694. Il ne lui restoit plus qu'une Fille , qui
est D. Pauline- Corisande de Pas - Feuquieres ,
née le 19. Janvier 1704. et mariée le 30. Janvier
1720. avec Joachim Adolphe de Seigliere
Marquis de Soyecourt , Chevalier de l'Ordre
Militaire de Saint Louis , Brigadier des Armées
du Roy , ci- devant Colonel du Regiment de
Bourgogne.
Le 9. Jean-Jacques du Bergier , Seigneur des
Salles , et de Montaumer , Gentilhomme Ore
dinaire du feu Duc d'Orleans , mourut à Paris
en la Maison des PP. de la Doctrine Chrétienne
, dans un âge fort avancé. Il étoit Fils de
Jean-Jacques Bergier , Seigneur des Salles , et
de Marie de Machaut , et veuf de Marie Geneviéve
Routtier, morte le 24. Janvier 1731. âgée
de 74. ans, Fille de Michel Routtier Payeur des
Rentes de l'Hôtel de Ville de Paris , et de Ge
nevieve Lalleman .
Le 11. Augustin de la lacquerie de Simphalle,
natif de Beauvais en Picardie , Chanoine-Diacre
de l'Eglise Métropolitaine de Paris ,mourut âgé
de 84.ans comple: s moins un jour , étant né le 12.
May 1653. Il étoit petit Neveu du célebre Claude
Joly , Chantre , Chanoine et Official de Paris
, mort le 16. Janvier 1700. dans la 94 année
de son âge , qui lui avoit resigné avant sa
mort son Canonicat , auquel il fut reçû le 25 .
du même mois de Janvier. Il étoit auparavant
Chanoine et Théologal de l'Eglise de Tournay.
Claude Joly avoit succedé en 1631. dans ce Ca
nonicat à Gui Loysel , son Oncle ; celui- ci à
I. Vol. Arnoul
JUIN. 17370 1231
Arnoul du Mesnil , son grand Oncle en 1590 .
et ce dernier à Paul du Mesnil , son Frere , en
$ 178 . ainsi il y avoit 159. ans que ce Bénéfice
étoit dans cette Famille.
Le 12. D. Catherine Turgot de Saint Clair ;
Epouse de Claude- Charles Hatte de Chevilly
Brigadier des Armées du Roy , Chevalier de
l'Ordre Militaire de S. Louis , et ci-devant Capitaine
au Regiment des Gardes Françoises , et
auparavant veuve de Gilles d'Aligre , Seigneur
de Boislandry et de Beauvoir , Conseiller au
Parlement de Paris , decédé le 12. Avril 1711 .
mourut à Paris après 6, mois d'une maladie de
langueur, âgée d'environ 65. ans , sans laisser
d'enfans. Elle étoit fille de feu Antoine Turgot ,
Seigneur de S, Clair , Lanteuil , le Ménil- Gondouin
Belon , Sainte Honorine , &c. mort
Sous-Doïen des Maîtres des Requêtes de l'Hôtel
du Roy , le 15. Février 1713. et de feuë D,
Jeanne du Tillet , morte le 12 May 1728,
Le 13. Soeur Angelique de Lanfernat , sur
nommée de Tous - les - Saints , Religieuse, Ursuline
du Convent de Crevant , ou Cavant en Auxerrois,
mourut dans ce Monastere, âgée de plus
d'un Siécle. Elle étoit fille afnée de Charles de
Lanfernat , Ecuyer , Seigneur de la Jaque miniere
, et des Bards , et de D. Claude-Marie du
Plessis de la Perrine , Dame d'Asnieres , qui fu
rent mariés par Contrat du 28. Décembre 1635,
Elle fur ondoyée au Château de la Jacqueminiere
au Perche , et baptisée peu de jours après
dans l'Eglise de Moncorbon , le jour de Noël
25. Décembre 1636. Elle avoit deux Soeurs cadettes
, Religieuses au Convent des Ursulines de
Crevant , où elles sont mortes en reputation de
Sainteté , gées de plus de 80. ans, Elle prit à
?
J. Vol.
Jeug
1232 MERCURE DE FRANCE
·
1
leur exemple le même parti ; et après son Noviciat
, elle fut admise à la Profession le s . Novembre
1662. Elle a édifié , pendant sa vie
toute la Communauté par ses vertus , et par sa
régularité à remplir les Observances de son état,
dont elle ne s'est jamais relâchée , même dans sa
vieillesse la plus avancée . Feu Edme de Lanfernat
, son frere , Seigneur de la Jacqueminiere et
d'Asnieres , mort au mois d'Octobre 1718. a
laissé de Catherine Sauvat , qu'il avoit épousée
Je 9. Juin 1676 , et du chef de laquelle il étoit
devenu Seigneur de Villars , Paroisse de Champignelles
près de S. Fargeau en Puisaye ; entre
autres Enfans , Jean Baptiste de Lanfernat ,
Seigneur de Villars , marié avec Damoisel
le Guillaume de Marsangis , d'auprès de Sens ,
et Charlote de Lanfernat , mariée avec Joseph
de Montigny , Seigneur de Montigny - les-Hastes
, Paroisse de Pereux. On a parlé de la Famille
de Lanfernat dans le Mercure du mois
de Février 1731. p. 284 à l'occasion de la mort
de D. Louise- Marie de Lanfernat , Dame de
Courteilles- le- Guerin , du Teil , et de Chammoteux
, Veuve de François de l'Osmone , Seigneur
du Bois-de- la- Pierre , Exempt des Gardes
du Corps du Roy , et Chevalier de l'Ordre de
S. Louis , laquelle s'étoit fait connoître par son
talent pour la Poësie , et par les Recherches et
Mémoires qu'elle avoit faites sur l'Histoire de
Normandie.
Le 14 May , Louis de Rochechouart , Seigneur
de Montigny et du Monceau , qui avoit servi
dans sa jeunesse en qualité d'Enseigne , et ensuite
de Lieutenant des Galeres , mourut dans
son Château de Montigny , dans la Forêt d'Orleans
, âgé de 72. ans 10 mois. 11 étoit fils
I. Vol. d'Isaac
JUIN. 1737. 1233
Isaac- Louis de Rochechouart , Seigneur de
Montigny , de la Brosse et du Monceau , Baron
de Loury dans la Forêt d'Orleans, mort en 1683 .
et de Françoise le Conquerant , sa premiere femme
, et il avoit épousé en 1692. Elizabeth de
Cugnac , fille de Philipe de Cugnac , Baron de
Jouy en Beauce , et d'Elizabeth de Morainville,
Il en laisse Louis - Philipe-Esprit-Juvenal
de Rochechouart , Chevalier des Ordres de N.D.
du Mont Carmel , et de S. Lazare de Jerusalem,
Capitaine dans le Regiment de la Reine Infanterie;
Pierre-Jules-César de Rochechouart, Evêque
d'Evreux , sacré le 15. Février 1734. Joseph
de Rochechouart , et Louise Elisabeth de
Rochechouart , mariée le 10. Décembre 1731 .
avec Henri Lambert d'Herbigny , Marquis de
Thibouville , ci- devant Mestre de Camp du Regiment
de Dragons de la Reine.
Le 17. D. Marguerite de Lalive , veuve depuis
le 17. Juin 1731. de Jean Martial de Jaucen de
la Perriére, Seigneur de Crosne , et de Noisy sur
Seine,Conseiller- Secretaire du Roi, Maison ,Couronne
de France et de ses Finances , ancien Receveur
general des Finances de Flandres , et ancien
Fermier general , mourut en son Château
de Crosne , âgée d'environ 84. ans , laissant
2. filles,qui sont D. Marie Anne de Jaucen ,
veuve de Pierre Larcher , Marquis d'Arey , et
de Vindici, Seigneur d'Avrilly , Bailli d'Epée de
Vermandois , et Président en la Chambre des
Comptes de Paris , et D. Marguerite Françoise
de Jaucen, épouse de François - Louis - Martial de
Montiers , Comte de Merinville , Vicomte de
Brigueil , Baron de Montrocher , et de Châteaubrun,
Capitaine- Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes de la Reine , et Brigadier des Armées
du Roi.
Lo
234 MERCURE DE FRANCE
Le 27. La Dlle Lucas , fille aînée de feu Antoine-
Jean Lucas , Seigneur de Romeval , et de
Neuvirelle , Conseiller en la Grand'Chambre du
Parlement de Paris mort le 7. Décembre 1728.
et de D. Anne Magdelaine Loyseau , sa veuve ,
mourut âgée de 21. ans ou environ . >
Le 29. Alexis Paneau , Conseiller- Secretaire da
Roi,Maison, Couronne de France et de ses Finan.
ces, Honoraire , et ancien Directeur general des
Aydes et Entrées de la Ville de Paris, aussi ancien
Payeur des Rentes de l'Hôtel de Ville , mourut
dans la 100e . année de son âge , étant né au mois
de Juillet 1637. Il avoit été marié 1º . avec Victoire
Elian , Femme de Chambre des Enfans de
France , morte le 22. Septembre 1694. 2 ° avec
Jeanne-Angelique le Vaillant , soeur de François
le Vaillant , Conseiller au Grand Conseil. Il
laisse de celle- ci 2. filles qui ne sont point mariées
, et de la premiere un fils apellé le sieur
d'Arty , qui lui a succedé dans l'Emploi de Directeur
General des Aydes et Entrées de Paris ,
et qui a épousé une des filles de Louis Guillaume
, Ecuier , Sieur de Fontaine , Commissaire et
Controlleur de la Marine au Département de
Flandres et de Picardie , et de Marie Armande
Carton.
Le premier Juin , D. Marie- Thérese Colbert,
veuve depuis le 6. Novembre 1725. de Jacques
Eleonor Rouxel, Comte de Medavy et de Grancey
, Maréchal de France , Chevalier des Ordres
du Roi , Gouverneur de la Ville et Principauté
de Sedan, avec lequel elle avoit été mariée
le 12. Juin 1685. mourut à Paris , âgée de 68 .
ans , sans laisser d'enfans. Elle étoit fille d'Edouard-
François Colbert , Comte de Maulevrier,
Baron de la Frogerie &c. Chevalier des Ordres
da
JUIN. 1737. 1235
du Roi , Lieutenant General de ses Armées , or
Gouverneur des Ville et Citadelle de Tournay
mort le 31. Mai 1693. et de Marie Magdelaine
Bautrude Serrant , morte le 10. Mars 1700.
>
Le même jour D. Louise - Emilie de la Tour
d'Auvergne, ancienne Abbesse de l'Abbaye Roya
ie de Montmartre- lès - Paris , mourut dans le
Monastere du Prieuré du Cherchemidi , où elle
s'étoit retirée , dans la 70. aunée de son âge . Elle
étoit Professe de l'Abbaye de N. D. de Soissons,
de l'Ordre de S. Benoît, elle fut nommée au mois
de Février 1707. Abbesse de S. Remy de Villers-
Côte - Rets , du même Ordre , Diocèse de Soissons,
d'où elle fut transferée au mois de Novembre
1727. à celle de Montmartre , dont elle
donna sa démission au mois de Février 1735 .
Elle étoit fille de Frédéric- Maurice de la Tour ,
Comte d'Auvergne et d'Oliergues , Marquis de
Lanquais , Colonel Général de la Cavalerie Lé
gere de France , Lieutenant Général des Armées
du Roy , Gouverneur et Sénéchal du haut et bas
Limosin , mort le 23. Novembre 1707. et de
Henriette- Françoise de Hohen- Zollern , Marquise
de Berg-op - Zoom , sa premiere femme
morte le 17. Octobre 1698.
Le 7. Avril , pâquit dans le Château de Wailly
Marie Anne Christiane Josephine, fille premiere
née de Louis Ferdinand Joseph de Croy , Duo
d'Havré , et de Croy , Prince du Saint Empire ,
Grand d'Espagne de la premiere Classe , Châtelain
heréditaire de Mons , Marquis de Thie-le Château,&
c. Colonel du Régiment de la Couronne,
et de D. Marie- Louise Cunegonde de Montmorency-
Luxembourg , mariés le 16. Janvier de
Pannée derniere 1736. elle fut baptisée le lende-
I. Vol.
main I
1236 MERCURE DE FRANCE
main 8. par l'Evêque d'Amiens dans l'Eglise pa,
roissiale de ce lieu au bruit de plusieurs déchar
ges de canon. Les Parain et Maraine furent
Louis Christian de Montmorency - Luxembourg,
Comte Souverain de Luxe , Comte de Beaumont
, Seigneur de Dollor , Maréchal de France ,
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Gene
ral au Gouvernement de Flandres , et Gouver
neur de Valenciennes Ayeul maternel et
D. Marie-Anne Cesarée Lanti , Duchesse Dožiairiere
d'Havré , et de Croy , Ayeule paternelle de
la baptisée .
"
Quelques semaines après cette cérémonie , il
y eut dans les Jardins du Château de Wailly un
fort - beau feu d'artifice , qui fut tiré entre 9. et
10. heures du soir avec beaucoup de succès. Il
fut accompagné d'une illumination d'environ
3000. lampions dont toutes les fenêtres du Château
étoient entourées ; quantité de piramides
sur les bords d'un Canal , qui passe au milieu
du jardin , étoient aussi garnies de lampions ,
et formoient par la reverberation de leur lumie
re dans le canal un objet fort charmant à la vûë,
Plusieurs personnes de la premiere distinction
de la Province , se trouverent à cette fête.
Le premier Avril dernier , D. Joachim - An
toine Ximenès , Marquis d'Ariza , et de la Guardia
, Amirante heréditaire du Royaume d'Arragon
, Grand d'Espagne de la premiere Classe ,
veuf de feie . D. Rose Perez de Gusman Bueno
Sylva et Mendoza , épousa dans la Chapelle
du Château de Wailly à 4. lieues d'Amiens en
Picardie , Dlle Marie Anne. Charlotte de Croy,
âgée d'environ 20. ans, seconde fille de feu Jean-
Baptiste Erançois Joseph.de Croy , Duc d'Ha
J Vol. γκέ
JU IN. 1737. 1237
ré et de Croy , Marquis de Wailly , Prince de
l'Empire, Grand d'Espagne de la premiere Classe
, mort le 24. Mai 1727. et de D. Marie Anne
Cesarée Lanti , sa veuve , Duchesse Douairiere
d'Havré et de Croy. La cerémonie des Fian
çailles , et des Epousailles fut faite par Louis-
François d'Orleans de la Mothe , Evêque d'Amiens.
ARRESTS NOTABLES,
A
EDITS , &c.
RREST du 11. Décembre 1736. portant
Tabac au Comté de Bourgogne , par lequel Sa
Majesté ordonne l'exécution des 26. Articles
Contenus audit Arrêt .
ORDONNANCE du Roy , du 8. Janvier sui
vant,portant réduction des Régimens d'Infanterie
Allemande , par laquelle S. M. ordonne l'exe
cution des dix Articles qui y sont contenus.
AUTRE du même jour , portant rétablissement
des Congés d'ancienneté , dont la délivrance
avoit été suspenduë par celle du Is. Fé
vrier 1734.
AUTRE du même jour , pour réduire les
Troupes Suisses et Grisonnes qui sont au Service
de S. M. et regler leur payement.
1 AUTRE du même jour , portant réduction
dans les Régimens de Hussards , qui ordonne
I. Kol.
I ij , l'execution
1238 MERCURE DE FRANCE
Eexecution des huit Articles qui y sont contenus.
AUTRE du même jour , portant réduction
des Compagnies de Cavalerie Françoise et Etrans
gere , et de Carabiniers.
AUTRE du même jour , pour réduire toutes
les Compagnies des Régimens d'Infanterie
Françoise , à trente hommes.
AUTRE du même jour , pour réduire les
Compagnies des Régimens de Dragons à vingtcinq
, dont quinze à cheval et dix à pied.
il
AUTRE du même jour , concernant la réduction
des quatre Compagnies des Gardes du
Corps , par laquelle S. M. ordonne qu'à com
mencer du 20. du présent mois de Janvier ,
sera réformé cinq Gardes par Brigade , à raison
de trente par Compagnie , et au total cent vingt
Gardes , &c.
AUTRE du même jour , pour réduire la
Compagnie des Grenadiers à cheval du Roy , a
cent trente Maîtres , avec quatre Tambours.
AUTRE du même jour , pour retranches
les cinquante Mousquetaires à cheval , dont
chacune des premiere et seconde Compagnies
avoient été augmentées par Ordonnance du premier
Mars 1734.
AUTRE du même jour , pour réduire les
trente Compagnies ordinaires du Régiment des
Gardes Françoises , à cent dix hommes chacune ,
Bon compris les Officiers.
I.Vol AUTRE
JUIN. 1737. 1235
AUTRE du même jour , pour réduire les
seize Compagnies de la Gendarmerie.
AUTRE du même jour , pour réduire les
Compagnies des Régimens d'infanterie Iklancoise
à trente hommes , et composer les Bataillons
de dix - sept Compagnies , de même que les
Bataillons François,
AUTRE du même jour , contenant 44. pa
ges , portant Reglement pour le payement des
Troupes de Sa Majesté , par laquelle il est dit
que S. M. ayant fait expédier ses ofdres pour le
licenciement et les réductións qu'elle s'est déterminée
de faire dans ses Troupes , tant Françoises
qu'Etrangeres , à l'occasion de la Paix ; et vou-
Tant expliquer ses intentions sur la composition ,
après la réforme , et l'entretenement de celles
qu'elle a résolu de conserver ; elie a ordonné et
ordonne l'execution de tous les Articles contenus
en ladite Ordonnance , &c.
AUTRE du 1o. pour faire retournee
dans les Provinces et Generalités du Royaumë
Jes Cavaliers , Dragons et Soldats François qui
seront réformés , et leur défendre de commettre
aucun désordre ni de passer dans les Pays Etrangers
, sur les peines qui y sont contenues.
SENTENCE de Police du 11. qui renouvelle
les défenses à tous Boulangers , Meûniers , Brasseurs
et autres , d'acheter aucuns Grains et Farines
, et à tous Fermiers , Laboureurs et autres ,
d'en vendre par montre , dans l'étenduë de huit
lieues aux environs de Paris ..
1. Vol. I iij ARREST
1240 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 15. qui proroge jusqu'au
dernier Décembre 1737. le délai accordé par celui
du 17. Janvier 1736. pour la modération des
droits de Marc d'Or , Sceau et autres frais de
Provisions des Offices qui se Itveront , vacans
aux Revenus Casuels , pendant le courant de ladite
année.
AUTRE du 22. qui ordonne que les Serges
de Crevecoeur , d'Hardivilliers et des autres
Manufactures , qu'il a été d'usage jusqu'à présent
de vendre à la piece , pouront à l'avenir
être vendues à l'aune et sur le pied de l'aunage
que contiendra chaque piece desdites Serges.
AUTRE du même jour , qui confisque plusieurs
Pieces d'Etoffes de Soye de Fabriques
étrangeres ou du Royaume , saisies tant dans
le Magasin des sieurs Viot et Desfossez , Associés
, que dans celui du sieur Bougier , faute de
marques ou plombs de Fabrique ; et les condamne
en dix livres d'amende , pour chacune
Piece d'Etoffes saisies .
AUTRE du même jour , portant confiscation
de plusieurs Pieces et Coupons d'Etoffes de
Soye de fabriques étrangeres ou du Royaume ,
saisies dans le Magasin du sieur Charles - Louis
Chauvin , Marchand de Soye en gros , faute de
marques ou plombs de Fabrique , et le condamne
en dix livres d'amende pour chaque Piece
d'Etoffes saisies.
SENTENCE de Police du 25. qui condam
me le sieur Menin en trois mille livres d'amen-
I. Vol ge
JUIN 1737. 1241
de pour avoir donné à jouer dans sa maison au
Jeu de Pharaon , et le sieur de Colmenil en millo
livres d'amende pour y avoir été trouvé caillant
audit Jeu.
LETTRES Patentes du Roy , sur le Re
glement fait et arrêté le 15. Janvier 1737. pour
la Teinture des Etoffes de Laine , et des Laines
servant à leur fabrication , contenant ledit Reglement
93 Articles , dont S. M. ordonne l'execution.
Données à Versailles le 29. Janvier
1737. Registrées en Parlement le 12. Mars
suivant.
ORDONNANCE de Police du 30. qui
fait défenses à tous Limonadiers , Marchands de
Vin et autres , de souffrir que l'on joue chés eux
aux Jeux de Pair- ou-non , aux Dés et autres
Jeux de hazard , sous peine de trois mille livres
d'amende , et de mille livres d'amende aussi
contre chaque Particulier qui y sera trouvé jouant
auxdits Jeux.
ARREST du Parlemens , au sujet d'un Mé
moire imprimé & c.
Ce jour, les Gens du Roi sont entrés , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roy , portant la parole , ont dit : Qu'il
ne leur est pas permis de se taire sur un Mémoire
imprimé du sieur Marquis de Bauffremont
, qui d'ailleurs leur seroit étranger par son
objet , dont la connoissance est soumise à un
autre Tribunal ; mais dans lequel ils trouvent
ce qui interesse le plus nécessairement leur misistere
, et ce qui apartient le plus immédia
tement à l'autorité de la Cour.
I. Vol. I iij Qu'on
1240 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 15. qui proroge jusqu'au
dernier Décembre 1737. le délai accordé par celui
du 17. Janvier 1736. pour la modération des
droits de Marc d'Or , Sceau et autres frais de
Provisions des Offices qui se leveront , vacans
aux Revenus Casuels , pendant le courant de ladite
année.
AUTRE du 22. qui ordonne que les Serges
de Crevecoeur , d'Hardivilliers et des autres
Manufactures , qu'il a été d'usage jusqu'à présent
de vendre à la piece , pouront à l'avenir
être vendues à l'aune et sur le pied de l'aunage
que contiendra chaque piece desdites Serges.
AUTRE du même jour , qui confisque plusieurs
Pieces d'Etoffes de Soye de Fabriques
étrangeres ou du Royaume , saisies tant dans
le Magasin des sicurs Viot et Desfossez , Associés
, que dans celui du sieur Bougier , faute de
marques ou plombs de Fabrique ; et les condamne
en dix livres d'amende , pour chacune
Piece d'Etoffes saisies.
AUTRE du même jour , portant confiscation
de plusieurs Pieces et Coupons d'Etoffes de
Soye de fabriques étrangeres ou du Royaume ,
saisies dans le Magasin du sieur Charles - Louis
Chauvin , Marchand de Soye en gros , faute de
marques ou plombs de Fabrique , et le condamne
en dix livres d'amende pour chaque Pieced'Etoffes
saisies.
SENTENCE de Police du 25. qui condam
me le sieur Menin en trois mille livres d'amen-
I. Vol
de
JUIN 1737. 1241
de pour avoir donné à jouer dans sa maison au
Jeu de Pharaon , et le sieur de Colmenil en millo
livres d'amende pour y avoir été trouvé taillant
audit Jeu.
LETTRES Patentes du Roy , sur le Re
glement fait et arrêté le 15. Janvier 1737. pour
la Teinture des Etoffes de Laine , et des Laines
servant à leur fabrication , contenant ledit Reglement
93 Articles , dont S. M. ordonne l'execution.
Données à Versailles le 29. Janvier
1737. Registrées en Parlement le 12. Mars
suivant.
ORDONNANCE de Police du 30. qui
fait défenses à tous Limonadiers , Marchands de
Vin et autres , de souffrir que l'on joue chés cux
aux Jeux de Pair- ou-non , aux Dés et autres
Jeux de hazard , sous peine de trois mille livres
d'amende , et de mille livres d'amende aussi
contre chaque Particulier qui y sera trouvé jouant
auxdits Jeux.
ARREST du Parlemens , au sujet d'un Mé
moire imprimé & c.
Ce jour , les Gens du Roi sont entrés , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roy , portant la parole , ont dit : Qu'il
ne leur est pas permis de se taire sur un Mémoire
imprimé du sieur Marquis de Bauffremont
, qui d'ailleurs leur seroit étranger par son
objet , dont la connoissance est soumise à un
autre Tribunal ; mais dans lequel ils trouvent
ce qui interesse le plus nécessairement leur misistere
, et ce qui apartient le plus immédia
tement à l'autorité de la Cour.
I. Vol. I iiij Qu'on
1242 MERCURE DE FRANCE
•
:
Qu'on y lit à la page 7. que la Dame Marquise
de Bauffremont est effectivement Heleine
de Courtenay, Princesse du Sang Royal de France
et que comme si ce n'étoit pas assés qu'un tel
Mémoire eût été hazardé au fond d'une Province
à l'extrémité du Royaume ; un Ecrivain
qui met au jour des feuilles successives sous le titre,
d'Observations sur les Ecrits modernes , vient
de lui donner un nouveau degré de publicité à
Paris jusque sous nos yeux , par l'extrait qu'il
en a fait dans ses feuilles du 12. Janvier , dans
lequel il a transcrit les propres termes de l'èndroit
où est employée cette qualité.
Qu'ils ne s'étendront point sur ce qui se passa
en la Cour au commencement du dernier siecle ,
aux premieres tentatives de quelques personnes
de la maison de Courtenay , pour s'arroger
s'il eût été possible , quelque commencement de
possession d'une pareille qualité. Que les monumens
qui reposent dans le Greffe de la Cour
en font foy : et que ce qu'on y voit à ce sujet
sera à jamais une preuve mémorable du zele de
ceux qui exerçoient alors le Ministere dont ils
at l'honneur d'être revétus ..
Mais que ni la mémoire des choses passées ,
ni l'exemple de leurs Prédécesseurs , ne sont nécessaires
pour authoriser une démarche qu'ils
ne pouroient obmettre , sans manquer au plus
sacré de leurs devoirs , et sans être responsables
de leur silence , au Roi , à l'Etat et à la Cour.
Qu'on ne peut trop sentir de quelle extrême
conséquence il est , que le caractere auguste qui
distingue en France les Princes du Sang Royal,
ne puisse au gré de l'opinion et des conjectures ,
devenir l'objet d'ambitieuses prétentions Qu'autrement
, plus une Maison seroit illustre , plus
les
JUIN. 17278 T243
les traces de son ancienne origine se perdroient
dans la nuit des temps reculés et plus il lui
seroit facile de se laisser éblouir aux idées Alateuses
, dont la temérité ou l'artifice cheicheroient
à repaître son ambition , et que lors même
qu'elle viendroit à s'éteindre , son éxemple
demeureroit toujours capable de tirer à consé
quence pour d'autres Maisons.
Que ce sont ces considérations , dont la Cour
sçaura mieux peser encore toute l'importance ,
qui leur ont dicté les Conclusions qu'ils ont
l'honneur de lui remettre avec le Mémoire ,
et les Feuilles imprimées qui en font l'occasion:
et le sujet.
Lequel Mémoire , et lesquelles Feuilles ils ont
laissé sur le Bureau , avec les Conclusions par
écrit du Procureur Général du Roi contre ledit
Mémoire et lesdites Feuilles.
:
Eux retirés Vú l'imprimé intitulé : Mémoire
pour Messive Louis Benigne , Marquis de Baufremont
, c. contenant quinze pages , ensemble
les Feuilles intitulées : Observations sur les Ecrits
modernes, Lettre quatre vingt -dix-neuf, commen.
çant à la page cent-quatre - vingt- treize , et finissant
à la page deux - cent- seize , dattées à la
fin , le douze Janvier mil sept- cent trente-fept. A
Paris , chés Chaubert : Conclusions du Procu-
1eur Général du Roi , La matiere sur ce mise en
délibération.
La Cour a arrêté et ordonné que les termes
Heleine de Courtenay , Princesse du Sang Royal
de France , étant au bas de la page sept dudit
Mémoire , demeureront rayés et suprimés , et
que les Feuilles intitulées Observations sur les
Ecrits modernes , Lettre quatre-vingt - dix- neuf ,
lesdites Feuilles commençant à là page cent-qua-
I. Vol. tre Ly
244 MERCURE DE FRANCE
tre-vingt-treize , et finissant à la page deuxcent-
seize , dattées à la fin, le douze Janvier milsept-
cent-trente-sept. A Paris , chés Chaubert , sefont
et demeureront suprimées ; Fait inhibitions
et défenses , tant audit de Bauffremont qu'à tous
autres , d'employer lesdits titre et qualité pour
ladite Heleine de Courtenay , et notamment à
tous Libraires et Imprimeurs et tous autres ,
de
les employer dans aucuns Livres ou Imprimés ,,
et pareillement d'imprimer , vendre et cébiter ,
ou autrement distribuer tant lesdites Feuilles que
ledit Mémoire , avec les termes cy- dessus ; le
tout à peine d'être procedé extraordinairement
contre les Contrevenans , Enjoint à tous ceux
qui auroient des Exemplaires dudit Mémoire ,
ou desdites Feuilles , de les aporter au Greffe de
la Cour , pour être lesdites Feuilles suprimées ,
et les termes cy - dessus rayés dudit Mémoire..
Ordonne en outre que Copies collationnées du
présent Arrêt, seront envoyées dans les Bailliages
et Sénéchaussées du Ressort pour y être lû ,.
publié et registré : Enjoint aux Substituts du
Procureur General du Roi , d'y tenir la main , et
en certifier la Cour dans le mois. Fait en Parlement
le sept Février mil- sept-cent trente- sept .
Signé YSABEAU..
ORDONNANCE du Roi , du 11. au sujet
des Deserteurs des troupes des Isles Françoises.
de l'Amérique , par laquelle il est dit que Sae
Majesté voulant exciter de plus en plus ses Sujets
des Isles Françoises de l'Amérique à arrêter
les Deserteurs des troupes qu'Elle y entretient
, E le a ordonné et ordonne que par le Trésorier
general de la Marine il sera payé , sutles
ordonnances des Intendans ou Commissai
I. Vola IRE
JUIN. 1737. 1245
res ordonnateurs auxdites Isles , la somme de
cent livres pour chaque deserteur desdites troupes
, à celui ou à ceux qui en auront fait la capture
, et l'ameneront.
DECLARATION du Rey , qui regle la for
me en laquelle les Procurations pour résigner
les Bénéfices doivent êtres faites . Donnée à Versailles
le 14. Février registrée en Parlement
le 13. Mars.
ARREST du 15. qui commet le sieur de
Saint Contest de la Chataigneraye , Maître des
Requêtes , pour défendre , en qualité de Procureur
General , aux demandes en cassation des
jugemens de competence..
AUTRE du 17. par lequel il est dit que le
Roi ayant été informé de ce qui s'est passé dan's
la Ville de Douay , à l'occasion de la mort d'un
Chanoine du Chapitre de S. Amé ; S. M. auroit
jugé à propos de se faire rendre un compte
éxact de cette affaire , dont l'importance lui a
paru mériter son attention à quoy voulant
pourvoir , Sa Majesté étant en son Conseil , a
ordonné et ordonne que les déliberations capitulaires
du Chapitre de S. Amé , concernant le
dit Chanoine , et les Ordonnances ' en Jugement ,
rendues à son égard , ensemble les Apellations
simples ou comme d'abus , si aucunes en ont
été interjettées seront incessamment remises entre
les mains du sieur d'Argenvilliers , Secretaire
d'Etat , pour y être pourvû par Sa Majesté
ainsi qu'il apartiendra , sur le compte qui lui
sera rendu desdites pieces. : Sa Majesté réservant
à sa Personne la connoissance de cette affaire ,
I. Vah cife
Evj
1246 MERCURE DE FRANCE
circonstances et dépendances , et icelle interdisant
à toutes ses Cours et autres Juges , jusqu'à
Ce qu'autrement par Elle il en ait été ordonné
ORDONNANCE du Roi du 25. concernant
la réduction des Compagnies de Grenadiers
en faveur de ceux des Grenadiers qui se trou- .
veront déplacés par le retranchement porté par
l'ordonnance du 8. Janvier dernier , et entrenus
avec leur même paye jusqu'à ce qu'ils rentrent
dans les Compagnies d'où ils seront sortis ,
qu'ils montent aux grades qui leur seront accordés
suivant leurs talens et bonne conduite .
ou
ARREST du 26. portant qu'Antoine Hogguer
sera tenu de défendre dans huitaine , à la
demande du Controlleur des bons d'Etats con
tre lui , en restitution de neuf millions deux cent
quatre-vingt-dix mil cinq cent quatre -vingt- six
livres d'une part , en rentes sur les Tailles , et
de neuf cent quarante - quatre mille livres , d'autre
, en argent , comme indûement par lui surprises
, sinon qu'il sera fait droit.
EDIT DU ROY, portant supression de
la Charge de Garde des Sceaux de France. Don
né à Versailles au mois de Février 1737.
LOUIS par la grace de Dieu Roy de France
et de Navarre ; à tous présens et à venir , S -
LUT. Les Sceaux de France étant à présent en
nos mains , nous avons crû que rien n'étoit plus
convenable au bien de notre Service et à celui
du Public , que d'en remettre la garde et l'éxercice
à notre très - cher et féal Chevalier Chance-
Tier de France . A ces causes , et autres à ce nods
mouvans , de l'avis de notre Conseil , et de no-
I. Val..
LEB
JUIN. 1737. 1247
tre certaine science , pleine puissance et autor té
Royale , nous avons éteint et suprimé , éteignons
et suprimons par ces Présentes , signées
de notre main , les titre , état et Office de Garde
des Sceaux de France , rétabli par nos Lettres
Patentes du mois d'Août 1727. Voulons qu'icelles
et tout leur contenu , soit et demeure dèsà-
présent et à l'avenir , nul et comme´non ave--
au , ainsi que toutes les clauses et dispositions
contenues en icelles en vertu des Présentes . Si
donnons en mandement à nos amés et feaux
Conseillers , les Gens tenans notre Grand - Con
seil , que ces Présentes il ayent à faire lire et registrer
, pour le contenu en icelles être gardé et
observé selon sa forme et teneur , nonobstant
tous Edits , Déclarations , Lettres Patentes , Régfemens
et autres titres à ce contraires , auxquels
nous avons dérogé et dérogeons par ces Pié
sentes , pour ce regard seulement ; car tel est notre
plaisir et afin que ce soit chose ferme et
stable à toujours , nous avons aposé notre Sce}
à cesdites Présentes Donné , & c .
;
Lu ,publié en l'Audience du Grand- Conseil du
Roy et enregistré ès Registres dudit Conseil , pour
être gardé, observé et ex cuté selon sa forme et teneur
, suivant l'Arrêt dud t Conseil de ce jourd'hui
21. Février 1737. Signé , TOURN A'Y.
Registré au Parlement le 7. Mars suivant.
REGLEMENT signé du Roy, du 2. Mars,
Sur ce qui doit êre observé à l'égard des Equi
pages des Navires qui partent des Ports de Provence
, et au sujet des Passagers qui s'y embar
quent , par raport aux Expéditions des Patentes
de santé.
1. Vol AUTRI
248 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , concernant les
Equipages des Bâteaux et autres Bâtimens qui
naviguent seulement dans le Port et à la Baye
de Marseille.
ARREST du 3 qui ordonne l'èxecution de
celui du 12. Janvier 1734 portant établissement
de la Commission pour le Jugement en dernier
ressort des comptes et affaires concernant l'Economat
et les Biens des Religionnaires fugitifs,
avec augmentation de Commissaires..
AUTRE du 18. qui ordonne la supression
de plusieurs Quvrages saisis chés le nommé
Redé , Imprimeur à Amiens , surpris en contra
vention aux Reglemens de Police , et qui le déclare
déchu de la qualité d'Imprimeur.
ARREST du Parlement , au sujet d'une
Feuille imprimée et d'une These de Théologie.
CE JOUR les Gens du Roy sont entrés, et
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
Qu'une Feuille clandestine , imprimée sans
autre t tre que celui de Suite du Suplément , sous
la date du 15. Janvier dernier , est tombée depuis
peu entre leurs mains ; et que comme ils ont apris
qu'elle étoit répandue dans le Public , ils n'ont
pas c , à la vue de ce qu'elle contient , pouvoir
sous silence .
a Cour en jugera comme eux , si elle
seulement ce qui regarde diverses
ont nommées dans cette Feuille,
ent compromises , mais encore
de dangereux pour le Pablic,
n présente des esprits sur les af
Laires
JUIN 1737. Y249'
faires de l'Eglise , et ce qu'elle renferme de faits;,
d'expressions et de discours , capables de porter
à son dernier période un fu qui ne se fait que
trop sen ir , et que l'on ne doit chercher qu'à
éteindre ..
Qu'ils croyent donc n'avoir besoin que de la
mettre sous les yeux de la Cour pour l'engager
à la proscrire ; et pour trouver dans son autorité
respectable un préservatif qui fasse sentir au Pablic
, combien il doit être en garde contre tout:
ce qui peut tendre à de tels excès.
Que pour ne pas multiplier sans nécessité ses
Arrets , ils auront l'honneur de lui rendre compte
en même-temps d'une These soutenue dans
la Faculté de Théologie de Rheims , qui , quoiqu'un
peu plus ancienne , n'est cependant aussi
parvenue que depuis peu à leur connoissance.
Qu'ils n'ont pas lieu de reprocher à cette These
d'être tombée en tout dans un égal oubli de nos
Maximes. Qu'ils y en reconnaissent au contraire
plusieurs exprimées d'une maniere que l'on ne
sçauroit qu'aprouver . Mais qu'il est d'autres ar--
ticles sur lesquels elle s'en écarte trop pour être :
excusée ; et que ce mélange aujourd'hui trop
ordinaire , ne doit pas la mettre à couvert de la
Censure de la Cour.
τί Que la Cour sçaura mieux le connoître le
discerner par ses lumieres, que par toute la discussion
dans laquelle ils pouroient entrer sur cette
These; qu'ils se bornent à un seul exemple choi
entre ce qu'ils y ont remarqué de plus susce
ble de conséquences dangereuses.
Que la Cour sçait quelle a été de tout t
la fermeté inébranlable de la France .
´ment à maintenir la supériorité du C
ral dans l'ordre de la Puissance sp
Vole
•
1250 MERCURE DE FRANCE
•
encore à le regarder comme faisant une partic
principale et essentielle de l'institution de 1 Eglise.
Que la Cour n'a pas sans doute oublié ce qu'elle
a fait à ce sujet en diverses occasions . Que quoique
persuadée , comme il est vrai , que les Conciles
géneraux ne sont pas toujours nécessaires
pour terminer toute question qui s'éleve , soit
sur la Discipline ou sur la Foi , elle n'en a pas été
moins en garde contre tout ce qui pouvoit insi
nuer qu'ils ne sont nécessaires en aucun cas.
Que c'est pour cela qu'en 1663. par un Arrêt
solemnel , elie réprouva cette proposition dans
une These de Théologie : Concilia generalia ad
extirpandas bareses , schismata et alia incommoda
tol enda , admodum sunt utilia , non tamen absolutè
necessaria. Que dans la These d'aujourd'hui
la même proposition se trouve en d'autres termes
, mais , qui loin d'en affoiblir le sens , semblent
plutôt y donner plus de force et d'énergie :
Congregare Concilia magna utilitatis , nullius absoluta
necessitatis En faut-il davantage pour fonder
les Conclusions qu'ils ont prises pour la su
pression de cette These , aussi--bien que de la
Feuille imprimée , et qu'ils laissent à la Cour ,
avec un Exemplaire de chacun de ces deux Ecrits?
31.
Eux retirés : Vû par la Cour ladite Feuille im
primée sous le titre , Suite du Suplément , 15 .
janvier 1737. ensemble ladite These soutemë
dans la Faculté de Théologie de Rheims le
Décembre 1736. par Charles Batteux , Pro majore
ordinarii , et les Conclusions par écrit du
Procureur General du Roy sur lesdits Ecrits . La
matiere sur ce mise en Déli eration ,
LA COUR a arrêté et ordonné que laditt
Feuille et ladite These seront suprimées , Enjoine
à tous ceux qui en auroient des Exemplaires , de
I. Vol. jes
JUIN. 1737. 1251
Les aporter à cet effet au Greffe de ladite Cour
Fait inhibitions et défenses à tous Imprimeurs ,
Libraires , Colporteurs et autres de quelque état,
qualité et condition qu'ils soient , de vendre , débiter
ou autrement distribuer aucuns Exemplaires'
de ladite Feuille et de ladite These , à peine de
punition exemplaire; et que Copies collationnées
du présent Arrêt seront envoyées dans les Bailliges
et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
lu , publié et registré , enjoint aux Substituts du
Procureur General du Roy d'y tenir la main , et
d'en certifier la Cour dans un mois. Fait en Parlement
le 18 Mars 1737. Signé DUFRANC.
ARREST du 19. Mars , qui exempte des
droits de Massicault , et modére à moitié les autres
droits dûs à Rouen et au Havre , sur les
Vins du Languedoc et de Roussillon , qui seront
destinés pour la provision de Paris.
ORDONNANCE DU Roy du 30. par la
quelle il est dit que S. M. desirant mettre sous
le Titre de Royal - Pologne , le Regiment de Cavalerie
qui est sous celui du Roy Stanislas , et
voulant qu'il prenne à l'avenir dans la Cavalerie
un rang convenable à ce Titre , S. M. a ordonné
et ordonne qu'il portera à l'avenir le nom de
Royal - Pologne, et prendra rang dans les Garni
sons,Quartiers Campemens, Armées , et par- tout
ailleurs , après le Regiment Royal de Carabi
niers , et avant tous les autres qui sont actuellement
sur pied ; nonobstant ce qui est porté par
POrdonnance du 24. Décembre 1725. qui avoit
fixé le rang de ce Regiment après celui de la
Reine , et toutes autres Ordonnances et Regle
mens à ce contraires , auxquels S. M: a dérogé
et déroge par ladite Ordonnance.
11252 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 2. Avril, Portant Exemption
des Droits du Domaine d'Occident , pour les
Marchandises du crû des Isles du Vent de l'Amerique
, qui seront transportées en Canada er
à l'Isle- Royale..
AUTRE du même jour, Qui permet aux Né
gocians de Marseille d'introduire , pour la consommation
du Royaume , les Caffés provenant
du cru des Isles Françoises de l'Amerique , en
payant dix livres du cent pesant , et d'en envoyer
à Geneve en transit , sans payer aucuns
Droits ; le tout en observant les formalités pres
crites.
ORDONNANCE DU ROY du ro . Avril,
Qui enjoint aux Officiers des Troupes d'Infangerie
, Cavalerie et Dragons , de porter l'habit
uniforme pendant le temps qu'ils seront aux
Corps.
AUTRE du 23. Qui permet que les Bâtimens
François soient adressés aux Négocians
Etrangers établis dans les Echelles du Levant ,
dans le cas où ils auront été fretés en entier par
des Etrangers.
ARREST du même jour , Pour faciliter
La perception des Arrerages des Rentes Viageres
acquises sur l'Hôtel de Ville de Paris les
par
Etrangers.
AUTRE du 5. May , dont la tencur
suit.
LE ROY s'étant fait representer l'Arrêt renu
par Sa Majesté le 9. Décembre 1731. par
1. Vol.
lequel
JUIN. 1253 +1737
lequel elle auroit ordonné la Supression d'une
feuille imprimée commençant par ces mots
Stephanus Josephus de la Fare ..... Episcopus ,
Dux Laudunensis , avec une Formule ordinaire
de l'Aprobation des Confesseurs , une Explication
des Cas reservés au Pape ou à l'Evêque , et
des Avis adressés aux Confesseurs , Sa Majesté
auroit été informée que , contre le respect qui
est dû à cet Arrêt , on commençoit à répandre
dans le Public un Ouvrage imprimé sans nom
d'Imprimeur , sans Privilege ni Permission, qui
a pour titre , Ordonnance de M. l'Evêque Duc de
Laon,second Pair de France, & c.où il paroît qu'on
veut faire revivre et regarder comme subsistant,
ce que le Roy ajugé à propos de suprimer par son
autorité. Et S. M. s'étant fait rendre un compte
plus exact de cet Ouvrage, Elle auroit reconnu
que l'exemple d'une pareille contravention
doit être d'autant moins toleré, qu'il est à craindre
que l'esprit qui regne dans cet Imprimé , et
la dureté des expressions dont il est rempli ,
n'excirent une nouvelle émotion dans les esprits :
à quoi étant nécessaire de pourvoir , pour assûrer
l'exécution des Arrêts émanés de l'autorité
du Roy , et éloigner tout ce qui peut troubler
la tranquillité publique , SA MAJESTE' E'TANT
EN SON CONSEIL , a ordonné et ordonne que
ledit Ouvrage , imprimé sous le titre d'Ordonnance
de M.l'Evêque Duc de Laon , second Pair de
France , &c. sera et demeurera suprimé , &c.
AUTRE du 21. Qui accorde un Délay
jusqu'au dernier Décembre 1737. pour le Contrôle
des Actes de Foy et Hommage , Déclarations
et Reconnoissances aux Papiers Terriers
et autres.
I. Fol LETTRES
1254 MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES de Privilege exclusif
d'une Machine propre à battre les Grains ,
pour le sieur Meiffren .
LOUIS , par la Grace de Dieu, Roy de Franee
et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , SALUT. Notre bien amé le
sieur Jean Baptiste Meiffren , Capitaine Garde-
Côte , et Inspecteur des Haras en Provence ,
Nous a fait exposer qu'il a inventé une Machine
propre à battre les Grains , laquelle a la proprieté
de battre beaucoup mieux les Gerbes que
le Fleau , qu'elle en rend la paille plus douce ,
et meilleure pour les Chevaux , en fait sortir tout
le grain , qu'elle crible et qu'elle vanne en même
temps qu'elle bat , & fait plus d'ouvrage avec
un seul homme qu'avec six des plus forts Barteurs
en Grange ; Que cette Machine agit par
le moyen d'un arbre vertical qui est mis en
mouvement par un ou plusieurs bras , auquel
an attache un ou plusieurs chevaux , selon l'é
tenduë que l'on veut lui donner ; que cet arbre
porte un rouet qui mene une lanterne , laquelle
fait tourner un arbre horizontal , lequel porte
des levées , qui rencontrant d'un cô é des bassecules
, de l'autre des mentonieres , font lever des
pilons et facilitent l'écoulement du grain dans
une tremie Que cette Machine sera très- utile ,
sur- tout en Provence , & dans les autres Provinces
méridionales du Royaume , où on foule
le grain par le moyen d'un grand nombre de
chevaux , qui serviront utilement à d'autres travaux
que d'ailleurs ceux de cette espece fatiguent
presque toutes les Jumens Poulinieres et
les font avorter, gâtent les jambes des Poulains,
les détruisent en partie , et empêchent qu'on
puisse tirer de bons chevaux de cette Province ;
I. Vol. -que
JUIN. 1737. 1255
que même ce foulage avec des chevaux et des
jumens est défendu depuis long- tems , en Espagne
, en Italie , en Barbarie , en gypte mais
comme ledit sieur Meiffren perdroit tout le fruit
de ses travaux , et que les dépenses qu'il a faites
pour parvenir à perfectionner cette nouvelle Machine
, tomberoient en pure perte pour lui , s'il
étoit permis d'en faire de pareilles , il Nous a
très-humblement suplié de lui en accorder fe
Privilege exclusif, pendant le nombre d'années
qu'il Nous plairoit regler , et desirant favorablement
traiter dedit sieur Meiffen , et le recompenser
de son aplication , et après avoir fait
examiner en notre Académie Royale des Sciences
, ladite Machine : A CES CAUSES , et autres
ace Nous mouvans ', de l'avis de notre Conseil,
qui a vu le Certificat de notre Académie des
Sciences , ensemble le plan de ladite Machine cy
attaché sous le Contre- Scel de notre Chancelerie
, Nous avons , par ces Presentes signées de
notre main , permis et permettons audit sieur
Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , de faire
construire , vendre , débiter , et se servir de la
nouvelle Machine à battre les Gerbes , de son
invention dans toute l'étendue de notre Royaume
, Pays, Terres, et Seigneuries de notre obéissance
, pendant le temps et espace de vingt années
consecutives , à compter du jour et datte
des Presentes ; faisons très - expresses inhibitions
et défenses à toutes Personnes de quelque condition
et qualité qu'elles soient , de faire et consctuire
, pendant ledit temps , aucunes Machines
à battre les Gerbes semblables à la presente , ni
de la contrefaire sans la permission par écrit dudit
sieur Meiffren , ses Hoirs et ayans cause ,
peine de confiscation desd. Machines et des mate-
J. Vol. *iaux
7254 MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES de Privilege exclu
sif d'une Machine propre à battre les Grains ,
pour le sieur Meiffren .
LOUIS , par la Grace de Dieu, Roy de Fran
ee et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , SALUT . Notre bien amé le
sieur Jean Baptiste Meiffren , Capitaine Garde-
Côte , et Inspecteur des Haras en Provence ,
Nous a fait exposer qu'il a inventé une Machine
propre à battre les Grains , laquelle a la proprieté
de battre beaucoup mieux les Gerbes que
le Fleau , qu'elle en rend la paille plus douce ,
et meilleure pour les Chevaux , en fait sortir tout
le grain , qu'elle crible et qu'elle vanne en même
temps qu'elle bat , & fait plus d'ouvrage avec
un seul homme qu'avec six des plus forts Barteurs
en Grange ; Que cette Machine agit par
le moyen d'un arbre vertical qui est mis en
mouvement par un ou plusieurs bras , auquel
an attache un ou plusieurs chevaux , selon l'é
tenduë que l'on veut lui donner ; que cet arbre
porte un rouet qui mene une lanterne , laquelle
fait tourner un arbre horizontal , lequel porte
des levées , qui rencontrant d'un cô é des bassecules
, de l'autre des mentonieres , font lever des
pilons et facilitent l'écoulement du grain dans
une tremie : Que cette Machine sera très- utile ,
sur-tout en Provence , & dans les autres Provinces
méridionales du Royaume , où on foule
le grain par le moyen d'un grand nombre de
chevaux , qui serviront utilement à d'autres travaux
que d'ailleurs ceux de cette espece fatiguent
presque toutes les Jumens Poulinieres et
les font avorter, gâtent les jambes des Poulains,
les détruisent en partie , et empêchent qu'on
puisse tirer de bons chevaux de cette Province ;
1. Vol. que
JUIN..1737. 1255
que même ce foulage avec des chevaux et des
jumens est défendu depuis long- tems , en Espagne
, en Italie , en Barbarie , en gypte : mais
comme ledit sicur Meiffren perdroit tout le fruit
de ses travaux , et que les dépenses qu'il a faites
pour parvenir à perfectionner cette nouvelle Machine
, tomberoient en pure perte pour lui , s'il
étoit permis d'en faire de pareilles , il Nous a
très- humblement suplié de lui en accorder fe
Privilege exclusif , pendant le nombre d'années
qu'il Nous p'airoit regler , et desirant favorablement
traiter dedit sieur Meiffen , et le recompenser
de son aplication , et après avoir fait
examiner en notre Académie Royale des Sciences
, ladite Machine : A CES CAUSES , et autres
ice Nous mouvans , de l'avis de notre Conseil,
qui a vu le Certificat de notre Académie des
Sciences , ensemble le plan de ladite Machine cy
attaché sous le Contre - Scel de notre Chancelcrie
, Nous avons , par ces Presentes signées de
notre main , permis et permettons audit sieur
Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , de faire
construire , vendre , débiter , et se servir de la
nouvelle Machine à battre les Gerbes , de son
invention dans toute l'étendue de notre Royaume
, Pays, Terres, et Seigneuries de notre obéis
sance , pendant le temps et espace de vingt années
consecutives , à compter du jour et datte
des Presentes ; faisons très - expresses inhibitions
et défenses à toutes Personnes de quelque condition
et qualité qu'elles soient , de faire et constuire
, pendant ledit temps , aucunes Machines
à battre les Gerbes semblables à la presente , ni
de la contrefaire sans la permission par écrit dudit
sieur Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , à
peine de confiscation desd . Machines et des mate-
J. Vol.
tiaux
1246 MERCURE DE FRANCE
circonstances et dépendances , et icelle interdisant
à toutes ses Cours et autres Juges , jusqu'à
Ce qu'autrement par Elle il en ait été ordonné.
ORDONNANCE du Roi du 25. concernant
la réduction des Compagnies de Grenadiers
en faveur de ceux des Grenadiers qui se trou-.
veront déplacés par le retranchement porté par
l'ordonnance du 8. Janvier dernier , et entrenus
avec leur même paye jusqu'à ce qu'ils rentrent
dans les Compagnies d'où ils seront sortis , ou
qu'ils montent aux grades qui leur seront accordés
suivant leurs talens et bonne conduite.
ARREST du 26. portant qu'Antoine Hogguer
sera tenu de défendre dans huitaine , à la
demande du Controlleur des bons d'Etats con
tre lui , en restitution de neuf millions deux cent
quatre - vingt-dix mil cinq cent quatre-vingt-six
livres d'une part , en rentes sur les Tailles , et
de neuf cent quarante-quatre mille livres , d'autre
, en argent , comme indûement par lui surprises
, sinon qu'il sera fait droit.
EDIT DU ROY , portant supression de
la Charge de Garde des Sceaux de France . Don
Lé à Versailles au mois de Février 1737 .
LOUIS par Ia grace de Dieu Roy de France
et de Navarre ; à tous présens et à venir , SAIU
T. Les Sceaux de France étant à présent en
nos mains , nous avons crû que rien n'étoit plus
convenable au bien de notre Service et à celui
"du Public , que d'en remettre la garde et l'éxercice
à notre très- cher et féal Chevalier Chance-
Tier de France. A ces causes , et autres à cẹ nods
mouvans , de l'avis de notre Conseil , et de no-
I. Val.
JUIN. 1737. 1247
tre certaine science , pleine puissance et autor té
Royale , nous avons éteint et suprimé , éteignons
et suprimons par ces Présentes , signées
de notre main , les titre , état et Office de Garde
des Sceaux de France , rétabli par nos Lettreg
Patentes du mois d'Août 1727. Voulons qu'icelles
et tout leur contenu , soit et demeure dèsà-
présent et à l'avenir , nul et comme non ave--
nu , ainsi que toutes les clauses et dispositions
contenues en icelles en vertu des Présentes . Si
donuous en mandement à nos amés et feaux
Conseillers , les Gens tenans notre Grand- Conseil
, que ces Présentes il ayent à faire lire et registrer
, pour le contenu en icelles être gardé et
observé selon sa forme et teneur , nonobstanť
fous Edits , Déclarations , Lettres Patentes , Ré
gfemens et autres titres à ce contraires , auxquels
nous avons dérogé et dérogcons par ces Pié
senies , pour ce regard seulement ; car tel est notre
plaisir , et afin que ce soit chose ferme et
stable à toujours , nous avons aposé notre Sce
ă cesdites Présentes Donné , &c.
Lú , publié en l'Audience du Grand- Conseil du
Roy et enregistré ès Registres dudit Conseil , pour
être gardé, observé et ex cuté selon sa forme et teneur
, suivant l'Arrêt dud 1 Conseil de ce jourd'hui
21. Février 1737. Signé , TOURNAY.
Registré au Parlement le 7. Mars suivant.
REGLEMENT signé du Roy, du 2. Mars
Sur ce qui doit êre observé à l'égard des Equi
pages des Navires qui partent des Pòrts de Provence
, et au sujet des Passagers qui s'y embar
quent , par raport aux Expéditions des Patentes
de santé .
1. Vol AUTRI
T248 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , concernant les
Equipages des Bâteaux et autres Bâtimens qui
naviguent seulement dans le Port et à la Baye
de Marseille.
ARREST du 3 qui ordonne l'èxecution de
celui du 12. Janvier 1734 portant établissement
de la Commission pour le Jugement en dernier
ressort des comptes et affaires concernant l'Economat
et les Biens des Religionnaires fugitifs,
avec augmentation de Commissaires.
AUTRE du 18. qui ordonne la supression
de plusieurs Ouvrages saisis chés le nommé
Redé , Imprimeur à Amiens , surpris en contra
vention aux Reglemens de Police , et qui le déclare
déchu de la qualité d'Imprimeur.
ARREST du Parlement , au sujet d'une
Feuille imprimée et d'une These de Théologie.
Sous
CE JOUR les Gens du Roy sont entrés, er
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
Qu'une Feuille clandestine , imprimée sans
autre t tre que celui de Suite du Suplément ,
la date du 15. Janvier dernier , est tombée depuis
peu entre leurs mains, et que comme ils ont apris
qu'elle étoit répandue dans le Public , ils n'ont
pas crû , à la vue de ce qu'elle contient , pouvoir
la passer sous silence .
Que la Cour en jugera comme eux , si elle
considere non - seulement ce qui regarde diverses
Personnes qui sont nommées dans cette Feuille,
et qui s'y trouvent compromises , mais encore
plus ce qu'elle a de dangereux pour le Pablic ,
dans la disposition présente des esprits sur les af
L.. Vole
faires
JUIN 1737. Y'49'
faires de l'Eglise , et ce qu'elle renferme de faits ;,
d'expressions et de discours , capables de porter
à son dernier période un fu qui ne se fait que
trop sen ir , et que l'on ne doit chercher qu'à
éteindre..
Qu'ils croyent donc n'avoir besoin que de la
mettre sous les yeux de la Cour pour l'engager
à la proscrire ; et pour trouver dans son autorité
respectable un préservatif qui fasse sentir au Pablic
, combien il doit être en garde contre tout:
ce qui peut tendre à de tels excès.
Que pour ne pas multiplier sans nécessité sés
Arrets , ils auront l'honneur de lui rendre compte
en même-temps d'une These soutenue dans
la Faculté de Théologie de Rheims , qui , quoiqu'un
peu plus ancienne n'est cependant aussi
parvenue que depuis peu à leur counoissance .
Qu'ils n'ont pas lieu de reprocher à certe These
d'être tombée en tout dans un égal oubli de nos
Maximes. Qu'ils y en reconnoissent au contraire
plusieurs exprimées d'une maniere que l'on ne
sçauroit qu'aprouver. Mais qu'il est d'autres articles
sur lesquels elle s'en écarte trop pour être:
excusée ; et que ce mélange aujourd'hui trop
ordinaire , ne doit pas la mettre à couvert de la
Censure de la Cour.
le Que la Cour sçaura mieux le connoître
discerner par ses lumieres, que par toute la discussion
dans laquelle ils pouroient entrer sur cette
These ; qu'ils se bornent à un seul exemple choisi
entre ce qu'ils y ont remarqué de plus suscepti
ble de conséquences dangereuses .
Que la Cour sçait quelle a été de tout temps
la fermeté inébranlable de la France , non- seule
´ment à maintenir la supériorité du Concile géne
ral dans l'ordre de la Puissance spirituelle , mais
Le Volo
encore
1250 MERCURE DE FRANCE
encore à le regarder comme faisant une partie
principale et essentielle de l'institution de l Eglise.
Que la Cour n'a pas sans doute oublié ce qu'elle
a fait à ce sujet en diverses occasions. Que quoique
persuadée , comme il est vrai , que les Conciles
géneraux ne sont pas toujours nécessaires
pour terminer toute question qui s'éleve , soit
sur la Discipline ou sur la Foi , elle n'en a pas été
moins en garde contre tout ce qui pouvoit insinuer
qu'ils ne sont nécessaires en aucun cas .
Que c'est pour cela qu'en 1663. par un Arrêt
solemnel , elle réprouva cette proposition dans
une These de Théologie : Concilia generalia ad
extirpandas bareses , schismata et alia incommoda
tol enda , admodum sunt utilia , non tamen absolutè
necessaria . Que dans la These d'aujourd'hui
la même proposition se trouve en d'autres termes
, mais , qui loin d'en affoiblir le sens , semblent
plutôt y donner plus de force et d'énergie :
Congregare Concilia magna utilitatis , nullius absoluta
necessitatis En faut-il davantage pour fonder
les Conclusions qu'ils ont prises pour la su
pression de cette These , aussi - bien que de la
Feuille imprimée , et qu'ils laissent à la Cour ,
avec un Exemplaire de chacun de ces deux Ecrits?
31-
Eux retirés : Vû par la Cour ladite Feuille im
primée sous le titre , Suite du Suplément , 15 .
janvier 1737. ensemble ladite These soutene
dans la Faculté de Théologie de Rheims le
Décembre 1736. par Charles Batteux , Pro majore
ordinarii , et les Conclusions par écrit du
Procureur General du Roy sur lesdits Ecrits. La
matiere sur ce mise en Déli eration ,
LA COUR a arrêté et ordonné que ladit☛
Feuille et ladite These seront suprimées , Enjoint
à tous ceux qui en auroient des Exemplaires , de
J. Vol. jes
JUIN. 1737. 1251
les aporter à cet effet au Greffe de ladite Cour !
Fait inhibitions et défenses à tous Imprimeurs ,
Libraires , Colporteurs et autres de quelque état,
qualité et condition qu'ils soient , de vendre, débiter
ou autrement distribuer aucuns Exemplaires'
de ladite Feuille et de ladite These , à peine de
punition exemplaire ; et que Copies collationnées
du présent Arrêt seront envoyées dans les Bailliges
et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
Iû , publié et registré , enjoint aux Substituts du
Procureur General du Roy d'y tenir la main , er
d'en certifier la Cour dans un mois. Fait en Parlement
le 18 Mars 1737. Signé DUFRANC.
ARREST du 19. Mars , qui exempte des
droits de Massicault , et modére à moitié les autres
droits dûs à Rouen et au Havre , sur les
Vins du Languedoc et de Roussillon , qui seront
destinés pour la provision de Paris.
ORDONNANCE DU Roy du 30. par la
quelle il est dit que S. M. desirant mettre sous
le Titre de Royal - Pologne , le Regiment de Cavalerie
qui est sous celui du Roy Stanislas , et
voulant qu'il prenne à l'avenir dans la Cavalerie
un rang convenable à ce Titre , S. M. a ordonné
et ordonne qu'il portera à l'avenir le nom de
Royal - Pologne, et prendra rang dans les Garni
sons,Quartiers Campemens , Armées, et par- tout
ailleurs , après le Regiment Royal de Carabi
niers , et avant tous les autres qui sont actuellement
sur pied ; nonobstant ce qui est porté par
l'Ordonnance du 24. Décembre 1725. qui avoit
fixé le rang de ce Regiment après celui de la
Reine , et toutes autres Ordonnances et Regle
mens à ce contraires , auxquels S. M : a dérogé
et déroge par ladite Ordonnance .
1252 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 2. Avril, Portant Exemption
des Droits du Domaine d'Occident , pour les
Marchandises du crú des Isles du Vent de l'Amerique
, qui seront transportées en Canada et
à l'Isle- Royale.
AUTRE du même jour, Qui permet aux Négocians
de Marseille d'introduire , pour la consommation
du Royaume , les Caffés provenant
du crû des Isles Françoises de l'Amerique , en
payant dix livres du cent pesant , et d'en envoyer
à Geneve en transit , sans payer aucuns
Droits ; le tout en observant les formalités pres.
crites.
ORDONNANCE DU ROY du 10. Avril,
Qui enjoint aux Officiers des Troupes d'Infanterie
, Cavalerie et Dragons , de porter l'habit
uniforme pendant le temps qu'ils seront aux
Corps .
AUTRE du 23. Qui permet que les Bâtimens
François soient adressés aux Négocians
Etrangers établis dans les Echelles du Levant
dans le cas où ils auront été fretés en entier par
des Etrangers.
7
ARREST du même jour , Pour faciliter
la perception des Arrerages des Rentes Viageres
acquises sur l'Hôtel de Ville de Paris par les
Etrangers.
suit.
AUTRE du 5. May , dont la teneur
LE ROY s'étant fait representer l'Arrêt rendu
par Sa Majesté le 9. Décembre 1731, par
1. Vol. lequel
JUIN. 1737 1253
lequel elle auroit ordonné la Supression d'une
feuille imprimée commençant par ces mots
Stephanus Josephus de la Fare ..... Episcopus
Dux Laudunensis , avec une Formule ordinaire
de l'Aprobation des Confesseurs , une Explication
des Cas reservés au Pape ou à l'Evêque , er
des Avis adressés aux Confesseurs , Sa Majesté
auroit été informée que , contre le respect qui
est dû à cet Arrêt , on commençoit à répandre
dans le Public un Ouvrage imprimé sans nom
d'Imprimeur , sans Privilege ni Permission, qui
a pour titre , Ordonnance de M. l'Evêque Duc de
Laon, second Pair de France, &c.où il paroît qu'on
veut faire revivre et regarder comme subsistant,
ce que le Roy a jugé à propos de suprimer par son
autorité. Et S. M. s'étant fait rendre un compte
plus exact de cet Ouvrage, Elle auroit reconnu
que l'exemple d'une pareille contravention
doit être d'autant moins toleré, qu'il est à crain--
dre que l'esprit qui regne dans cet Imprimé , et
la dureté des expressions dont il est rempli ,
n'excitent une nouvelle émotion dans les esprits :
à quoi étant nécessaire de pourvoir , pour assûrer
l'exécution des Arrêts émanés de l'autori
té du Roy , et éloigner tout ce qui peut troubler
la tranquillité publique , SA MAJESTE' E'TANT
EN SON CONSEIL , a ordonné et ordonne que
edit Ouvrage , imprimé sous le titre d'Ordonnance
de M.l'Evêque Duc de Laon, secon¹ Pair de
France , &c. sera et demeurera suprimé , & c.
AUTRE du 21. Qui accorde un Délay
jusqu'au dernier Décembre 1737. pour le Contrôlle
des Actes de Foy et Hommage , Déclarations
et Reconnoissances aux Papiers Terriers
ft autres.
I. Vola
LETTRES
2254 MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES de Privilege exclusif
d'une Machine propre à battre les Grains ,
pour le sieur Meiffren.
LOUIS , par la Grace de Dieu, Roy de Fran
ee et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , SALUT. Notre bien amé le
sieur Jean Baptiste Meiffren , Capitaine Garde-
Côte , et Inspecteur des Haras en Provence ,
Nous a fait exposer qu'il a inventé une Machine
propre à battre les Grains , laquelle a la proprieté
de battre beaucoup mieux les Gerbes que
le Fleau , qu'elle en rend la paille plus douce ,
et meilleure pour les Chevaux, en fait sortir tout
le grain , qu'elle crible et qu'elle vanne en même
temps qu'elle bat , & fait plus d'ouvrage avec
un seul homme qu'avec six des plus forts Barteurs
en Grange ; Que cette Machine agit par
le moyen d'un arbre vertical qui est mis en
mouvement par un ou plusieurs bras , auquel
an attache un ou plusieurs chevaux , selon l'é
tenduë que l'on veut lui donner ; que cet arbre
porte un rouet qui mene une lanterne , laquelle
fait tourner un arbre horizontal , lequel porte
des levées , qui rencontrant d'un cô é des bassecules
, de l'autre des mentonieres , font lever des
pilons et facilitent l'écoulement du grain dans
une tremie : Que cette Machine sera très- utile ,
sur-tout en Provence , & dans les autres Provinces
méridionales du Royaume , où on foule
le grain par le moyen d'un grand nombre de
chevaux , qui serviront utilement à d'autres travaux
que d'ailleurs ceux de cette espece fatiguent
presque toutes les Jumens Poulinieres et
les font avorter, gâtent les jambes des Poulains ,
les détruisent en partie , et empêchent qu'on
paisse tirer de bons chevaux de cette Province ;
I. Vol. que
JUIN.. 1737. 1255
que même ce foulage avec des chevaux et des
jumens est défendu depuis long - tems , en Espagne
, en Italie , en Barbarie , en Egypte : mais
comme ledit sieur Meiffren perdroit tout le fruit
de ses travaux , et que les dépenses qu'il a faites
pour parvenir à perfectionner cette nouvelle Machine
, tomberoient en pure perte pour lui , s'il
étoit permis d'en faire de pareilles , il Nous a
très-humblement suplié de lui en accorder fe
Privilege exclusif , pendant le nombre d'années
qu'il Nous plairoit regler , et desirant favorablement
traiter ledit sieur Meiffren , et le recompenser
de son aplication , et après avoir fait
examiner en notre Académie Royale des Sciences
, ladite Machine : A CES CAUSES , et autres
ace Nous mouvans , de l'avis de notre Conseil,
qui a vû le Certificat de notre Académie des
Sciences , ensemble le plan de ladite Machine cy
attaché sous le Contre-Scel de notre Chancellerie
, Nous avons , par ces Presentes signées de
notre main , permis et permettons audit sieur
Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , de faire
construire , vendre , débiter , et se servir de la
nouvelle Machine à battre les Gerbes , de son
invention dans toute l'étendue de notre Royaume
, Pays, Terres, et Seigneuries de notre obéissance
, pendant le temps et espace de vingt années
consecutives , à compter du jour et datte
des Presentes ; faisons très- expresses inhibitions
et défenses à toutes Personnes de quelque condition
et qualité qu'elles soient , de faire et cons-
Cruire , pendant ledit temps , aucunes Machines
à battre les Gerbes semblables à la presente , ni
de la contrefaire sans la permission par écrit dudit
sieur Meiffren , ses Hoirs et ayans cause , à
peine de confiscation desd. Machines et des mate-
J. Vol.
riaux
1256 MERCURE DE FRANCE
riaux , outils , et ustenciles qui auroient servià
leur fabrication , et de quinze cent livres d'amende
, aplicable un tiers à notre profit, un tiers
au profit du Sicur Meiffren , ses Hoirs et ayans
cause, et l'autre tiers au profit de l'Hôpital le
plus prochain du lieu où il sera contrevenu aux
Presentes. SI DONNONS EN MANDEMENT à nos
amés et feaux Conseillers les Gens tenans nos
Cours de Parlement , et à tous autres nos Of
ciers et Justiciers qu'il apartiendra , que du contenu
des Presentes ils fassent jouir et user ledit
sieur Exposant , ses Hoirs et ayans cause , pleinement
et paisiblement, cessant et faisant cesser
tous troubles et empêchemens contraires. CAR
tel est notre plaisir. DONNE ' à Versailles letrentiéme
jour d'Avril , l'an de Grace mil sept cent
trente sept , et de notre Regne le vingt - deuxiéme
, Signé , LOUIS , Et plus bas , par le Roy ,
PHE PEAUX.
Nous croyons devoir ajoûter que , par les dif
ferens effets de cette Machine , il semble qu'elle
doit être extrémement composée , elle est cependant
très-simple , peu couteuse et de presque
nul entretien. Depuis qu'elle a été vûë et examinée
par Messieurs de l'Académie des Sciences ,
le sieur Meiffren l'a encore beaucoup perfectionnée
, ensorte qu'il n'y a personne qui ne soit
frapé de cette Invention , une des plus utiles
qui ait encore été trouvée en ce genre.
Le second Volume du Mercure de ce
mois est actuellement sous presse , et paroîtra
incessamment.
•
>
TABLE
1. Vol.
TABLE.
IECES FUGITIVES. Avertissement, 1045
Le Mâtin et la Levrette , Fable , 1049
Lettre sur le Vellaunodunum , &c ,
1051
Etrennes ,
1082
Dissertation sur l'Origine du Papier et Parchemin
timbré , 1082
Le Parnasse , Ode , 1116
Lettre sur les Mathématiques , &c. 1125
Le Jardin , Epitre, 1129
Mémoire lû à la derniere Assemblée publique
de l'Académie Royale des Sciences , sur la
Propagation du Son ,
1137
Enigme , Logogryphes , &c.
1147
NOUVELLES LITTERAIRES DES REAUX - ARTS ,
L'Art d'aimer , Poëme , &c , 1157
1158
La Religion ou Théologie des Turcs , 1149
Ordonnances des Rois de France , &c.
Principes de l'Histoire pour l'Education de la
1159
Prix de l'Académie , des Jeux Floraux , & c . et
Jeunesse , & c.
Prix réservés ,
Extrait d'une Lettre écrite de Constantinople ,
P & c.
Estampes nouvelles , & c.
1170
1173
1176
1184 Chanson notée ,
Spectacles. Le Triomphe de l'Harmonie , & c .
1185
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , et Lettre de
Constantinople , 1198
B: Russie , Allemagne et Italie , Prise de Posses
sion de la Dignité de Sénateur Romain , &c,
120X
Leance. Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
1208
Entrée publique de l'Ambassadeur de Venise ,
Morts , Naissances & Mariages ,
Arrêts Notables ,
1213
1217
1237
Fautes à corriger dans ce Livre.
PA
Age 102. ligne 19. Boyens , lise , Boïens
Et de même page suivante , ligne 12. Boyos ,
lisez Boios.
P. 1137. l. 12. du , ajoûtez , 4. May.
P. 1165. 1. 3. particuliers , ajoutez de .
P. 178. ligne derniere , sieur , ajoutez Fessard,
P. 1181. 1. 7. auprès de Paris , ôtez ces mots.
P. 1185. 1. 20. Grever , lisez Grenet.
La Chanson notée doit regarder la page 1184
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DÉDIÉ AU
ROT.
JUIN. 1737.
SECOND VOLUME.
CURICOLLIGIT
!
SPARGIT
Papillut
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
ruë S. Jacques.
Chés La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy
A VIS..
L
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Franfoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Merà
Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
cure,
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
T'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1737.
********* *************
PIECES FUGITIVES
;
en Vers et en Prose.
L'ESPRIT ET LA BEAUTE,
D
DIALOGUE.
Ans l'Isle où l'Amour tient saCouz ,
Sur un lit de gazon qu'avoit em
belli Flore ,
La beauté, sans témoins , se pana
doit un jour ;
Que mon sort est brillant disoit- elle , on
m'adore ,
Chacun fait son bonheur de vivre sous ma loi ,
II. Vol. La A ij
1258 MERCURE DE FRANCE
La Nature n'a rien de si charmant en soi ;
Puisque je suis son plus parfait ouvrage,
Le rang suprême est mon juste partage ,
Qui peut me le disputer ?
L'Esprit.
Moi ,
Qui transporte un Mortel à la voute éclatante
Moi , que tu ne vois pas , qui n'en brille pas
moins ,
Qui te peins quelquefois l'ardeur pure et cons
tante
De ceux qui te donnent leurs soins ,
Moi, Fils , Amant, Rival et Roy de la Nature ;
Utile Créateur de mille Etres divers ,
Protée ingénieux dont l'aimable imposture
Fait les plaisirs de l'Univers ;
Qui, plus prompt qu'un éclair, parcours la Ter
re et l'Onde ,
Qui vole jusqu'aux Cieux , ' descends jusqu'aux
Enfers ,
Qui polis la raison , qui l'arrache à ses fers;
L'Esprit enfin , l'ame du Monde .
La Beauté.
En verité ce beau Portrait
Seroit pour moi la plus parfaite emblême ;
Si tu ne m'avois dit toi- même ,
J'en suis le Peintre et le Sujet.
L'Esprit.
C'est qu'on ne peut me voir sans les yeux que
je donne.
La
JÚ IN. 1737. 1259
La Beauté.
Je le crois ; mais enfin je porte la Couronne ,
C'est un point décidé dans le coeur des Mortels ;
Leur encens jour et nuit fume sur mes Autels .
L'Esprit.
Eh ! quel est donc le fruit de tant de vains hommages
!
Je fais de mes Sujets de grands hommes,de Sages,
Et tu ne fais des tiens que de vils criminels.
La Beauté.
Jadis , en ma faveur , on vit toute la Grece
Courir , voler aux Champs de Mars ;
J'ai détrôné des Rois, renversé des remparts ;
C'est par mes traits que l'Amour blesse
Et tous ses feux brillent dans mes regards.
L'Esprit.
Soit, mais sans m'ériger en Censeur Misantrope,
Tu n'es pourtant au fond qu'une belle envelope ;
Tu n'as jamais sans moi que le destin des fleurs,
Tu brilles, il est vrai, mais c'est par les couleurs;
Tranche donc moins de la Déesse ;
A Cithere aujourd'hui pour toi chacun s'em
presse ,
On t'abandonnera demain ,
Pour flétrir une Rose il ne faut qu'un matin.
La Beauté.
L'éloge est des plus beaux.
II. Vol. L'Esprie A iij
260 MERCURE DE FRANCE
L'Esprit .
Non ; mais il est sincere ;
En quoi pouroit -il te blesser ?
Comme une fleur on te voit plaire ,
Et comme elle on te voit passer ;
Au contraire , pour moi le temps est immobile ;
Il ne peut rien sur mes travaux ;
Et plus on voit sur eux passer son aîle agile ,
Plus les traits en paroissent beaux.
De l'immortalité je suis l'illustre Pere ,
J'en ai fait sans effort une Divinité ,
Que l'Univers entier révere ,
Et dont le Temple que j'éclaire ,
De vertus , de talens , par moi fut cimenté.
La Beauté.
Tu ne m'as pas toujours parlé ce fier langage ,
Et l'Esprit , à son tour 3. a chéri la Beauté..
L'Esprit.
Tu te trompes ; le coeur en est cause , je gage ;
Tu confonds avec moi cet Esclave volage ,
Si parmi tes Sujets tu crois m'avoir compté.
La Beauté.
'Ah ! c'en est trop , finis un discours qui m'outrage
,
Je ne puis soutenir ce mépris affecté .
L'Esprit.
J'ai voulu te rendre plus sage ,
II. Vol. Aux
JUIN. 1737. 1261
Aux dépens de ta vanité. ·
Ecoute encor ce trait ; aprends à te connêtre &
On cesse de briller avant de cesser d'être ,
Quand on brille par ton secours ;
Qui brille par le mien est sûr d'avoir la gloire
De briller encor plus au Temple de memoire ,
Quand la mort de sa vie aura tranché le cours .
Par M. de S. R. de Montpellier.
ů ! ! !!
HISTOIRE ABREGE'E des
Journaux de Jurisprudence Françoise ,
pour servir de Suplément à l'Histoire
Critique des Journaux de M. C.....
par M. A. G. Boucher d'Argis , Avocat
au Parlement .
L'Litteraires, estun Ouvrage que
'Histoire Critique des Journaux
feu
M. Camusat avoit commencé dès l'année
1722. il mourut à Amsterdam le 28.
Octobre 1732. sans y avoir mis la derniere
main ; cet Ouvrage attendu depuis
long - temps , a été rédigé et donné
au Public par un Auteur anonime ; il a
été imprimé à Amsterdam , chés J. F.
Bernard , en 1734. la forme du Livre est
in 12. et il est divisé en deux Tomes .
II. Vol. A iiij Le
#22 MERCURE DE FRANCE
Le premier Tome et la plus grande
partie du second , ne forment
que ke
premier Chapitre , qui est subdivisé en
plusieurs Articles et Paragraphes , avec
des Notes ; cette partie de l'Ouvrage
contient l'Histoire du Journal des Sçavans
, sous la direction des differens Au.
teurs qui y ont travaillé.
La troisiéme Note sur l'Article de M.
de Sallo , premier Auteur du Journal des
Sçavans, explique l'origine des Gazettes .
Le reste du second Tome porte le titre
particulier de Memoires pour servir à
P'Histoire des Journaux et autres Livres
Périodiques qui ont parû en France et ail-
Leurs ; l'Editeur de cet Ouvrage dit dans
son Avertissement que feu M. Camusat
avoit dessein de réduire l'Histoire de
tous ces Livres Périodiques à deux volu
mes in 12. sous le titre de Memoires pour
servir à l'Histoire des petits Journaux , mais
que l'on ne sçait ce que sont devenus
les matériaux qu'il avoit recueillis pour
continuer cette Histoire.
Quoiqu'il en soit , ces Memoires font
le commencement du second Chapitre
de nos deux Tomes , qui est intitulé ,
Journaux divers de peu de durée , et Livres
qui ont du raport aux Journaux ; ce Chapitre
est divisé en plusieurs Articles qui
II. Vol. contiennent
JUIN. 1737 1263
contiennent l'Histoire de divers Journaux
de Politique , de Médecine , de Philosophie
et de Mathémathique , l'Histoire cri
tique de la République des Lettres , et autres
Memoires de Litterature.
Le troisiéme Chapitre contient l'His
toire des Mémoires de l'Académie Roya
le des Sciences , et de ceux de l'Académie
Royale des Belles - Lettres .
Le Chapitre quatrième et dernier , contient
l'Histoire du Mercure Galant et de la
continuation de ce Livre , qui a changé
de face et de titre ; il est connû aujourd'hui
sous celui de Mercure de Frances
Si M. Camusat eût achevé son Histoire
des Journaux , il n'auroit pas , sans
doute , omis les Journaux de Jurispru
dence , qui ne sont pas moins des Jour
naux Litteraires , que les Memoires de
Politique , de Médecine et de Philoso
phie aparamment il n'en étoit pas encore
à cette matiere , car il n'en est point
parlé dans les deux Tomes que nous
avons de son Histoire Critique des Journaux
. Il ne sera donc pas hors de propos
de donner ici une Histoire abregée des
Journaux de la Jurisprudence Françoi
se , pour servir de Suplément à l'Histoir
re des Journaux de M: Camusat.
On n'entreprend pas , au reste , de
H. Vol. donneer A y
1264 MERCURE DE FRANCE
donner à cette occasion l'Histoire de
tous les Livres de Jurisprudence , mais
seulement de ceux qui portent le titre
de Journaux, ou qui sont en effet de vrais
Journaux , quoiqu'ils portent un autre
titre ; nous allons les parcourir suivant
l'ordre de leur ancienneté.
Journal du Parlement , par M. Denis
Catherinot.
Entre les diverses Pieces Fugitives que
M. Nicolas Catherinot , Avocat du Roy
au Bailliage et Siege Présidial de Bourges ,
a fait imprimer à mesure qu'il les composoit
, il se trouve une feuille imprimée
à Bourges le premier Août 1685. qui a
pour titre , le Journal du Parlement , à
M. Gueret.
L'Auteur qui dédie ce petit Ouvrage à
M. Gabriël Gueret , celebre Avocat au:
Parlement de Paris , annonce que ce
Journal n'est pas proprement de lui
qu'il l'a tiré d'un Manuscrit de feu Denis
Catherinot , son Pere ; que ce Journal
contient 150. Arrêts des années 1611. et
1612. qu'il ne peut mieux le dédier qu'à
M. Gueret , qui travaille avec M. Blondeau
, au grand Journal des Parlemens
de France avec un succès merveilleux , et
pour donner à M. Gueret une notion
M
II. Vol. plus
JUIN. 1737. 1265
plus parfaite de ce Journal , il met en
tête un abregé de la Vie de son Pere , qui
en est l'Auteur , en voici les principales
circonstances.
Denis Catherinot nâquit à Châteauroux
en Berry , le 23. Février 1592. d'u
ne famille alliée à celles de Batonneau de
Paris , et de Pinette de Bourges ; il fit sest
Etudes à Bourges , et ensuite trois ou
quatre années de Droit , sous Antoine
Bengy , Ayeul de François Pinson
celebre Avocat au Parlement , et sous
la direction particuliere de Jean Chenu,
l'Arrestographe , chés lequel il demeuroit
et qui le présenta au Serment d'Avocat
sur la fin du mois d'Août 1610.
,
N. Catherinot dit qu'on a voulu lui
persuader que son Pere avoit bonne part
à la derniere Centurie des Arrêts de cet
Auteur , mais il ajoûte que celui qui avoit
fait la premiere pouvoit bien avoir fait
aussi la seconde.
De Bourges , Denis Catherinot vint à
Paris et y demeura pendant les années
1611. et 1612. Il conféroit souvent avec
Mrs Corbin et Cholet , ses Compatriotes
, et avec Mrs Brodeau , Tubeuf, Desnoyers
, Doujat , Talon , Bignon , Robert,
Guerin et autres celebres Avocats. Ce fut
dans cette Ville et dans ce temps- là qu'il
II. Vol. A vj composa
1266 MERCURE DE FRANCE
composa le Journal du Parlement , que
son Fils dédia ensuite à M. Gueret .
De Paris , Catherinot revint à Bourges
, où il fut reçû en 1617. dans une
Charge de Conseiller au Présidial de cette
Ville , dont il s'acquitta si dignement,
que le Prince de Condé le prit pour son
Conseil à Bourges , et voulut le faire le
premier Officier de sa Duché- Pairie de
Châteauroux ; mais Catherinot aima
mieux rester à Bourges , où il avoit l'a
grément de converser avec beaucoup de
Sçavans qui y étoient alors .
Le 20. Janvier 1619. il épousa D. Ca
therine Bigot , issuë d'une famille noble
et vertueuse de la Province ; elle mourut
vers l'année 1627. sans avoir eû d'enfans.-
Le 6. Février 1628. il épousa en secon
des Nâces Michelle Riglet , alliée à un
grand nombre de bonnes Familles ; ce se
cond Mariage ne dura que trois ans ; le
sieur Catherinot Pere étant mort le premier
jour de Mars 1631. âgé de 39. ans ,
il laissa un fils nommé Nicolas Catheri
not, qui fut Avocat du Roy au Bailliage
et Siége Présidial de Bourges.
C'est ce même Nicolas Catherinot qui
dédia à M. Gueret le Journal du Parlement
, tiré du Manuscrit de son Pere.
Après cet Abregé de la Vie de Denis
LA Vol. Catherinor,,
JULN. 1737. 1267
Catherinot , Nicolas Catherinot raporte
par ordre de dates , dix Arrêts du Parle
ment de Paris , qui commencent au premier
Août 1611. et finissent au 31. des
mêmes mois et an.
Ces dix Arrêts , qui sont aparamment
tirés du Journal manuscrit de M. Catherinot,
Pere, sont raportés très- sommairement
par le fils dans la feuille imprimée
qu'il dédié à M. Gueret ; chaque Article
n'est proprement qu'une Note des Questions
qui ont été jugées ; il a seulement eû
l'attention de marquer le nom des Prési
dens qui tenoient l'Audience et des Avócats
qui plaidoient les Causes jugées par
ces Arrêts.
Le titre de la feüille imprimée qui contient
ces dix Arrêts , et l'espece d'Epitre
Dédica toire à M. Gueret , qui les préce
de, font présumer que M.Catherinot avoit
dessein de faire imprimer le surplus ; mais
il paroît , sans qu'on en sçache la cause ,
qu'il abandonna ce dessein , car la feuille
dont nous parlons ne contient que ces dix
Arrêts, et est close par une date telle qu'on
la met à fin d'une Lettre , à Bourges ce premier
Août 1685 .
Cn n'a point connoissance que le res
të de ce Journal ait été imprimé , ni dė
ce qu'est devenu le Manuscrit ; ce que
L.I. Vola nous
1268 MERCURE DE FRANCE
nous en avons est si peu de chose qu'il
semble que cela ne mériteroit guere d'ê
tre mis au nombre des Journaux de Jurisprudence
, cependant comme ce Journal
de Catherinot est le plus ancien , et
c'est peut-être celui qui a donné l'idée
de ceux qui ont suivi , j'ai crû qu'il
ne devoit pas être omis .
que
Recueil d' Arrêts , par M. Bardet.
Ce Recueil est un Ouvrage beaucoup
plus considerable que celui de Catherinot
, quoiqu'il ne porte pas le titre de
Journal , c'en est réellement un ; car les
Arrêts y sont raportés suivant l'ordre des
dates .
La Vie de l'Auteur se trouve dans la
Préface que M. Berroyer a mise à la tête
de ce Recueil en le donnant au Public,
M. Pierre Bardet nâquit à Montaguet
en Bourbonnois le 15. Décembre 1651 .
il fit ses Humanités au College des Jésuites
de Moulins , et il eut pour Condisciple
M. de Lingendes , qui fut depuis Evêque
de Mâcon ; ils s'apliquerent l'un et l'autre
tellement à la Langue Grecque, qu'elle
leur devint aussi familiere que la Fran--
çoise.
En 1614. âgé de 23. ans il commença
à étudier le Droit à Toulouse , et conti--
II. V. nua
JUIN 1737. 1269
nua pendant les années 1615. et 1616.
sous Mrs Maran et de la Coste , deux illustres
Disciples de Cujas .
Avec de telles dispositions et excité
par l'exemple de ces deux excellens Maî
tres , M. Bardet ne pouvoit pas manquer
de faire de grands progrès dans la science
du Droit.
Il fut reçû au Parlement de Paris au
Serment d'Avocat en 1617. et commença
aussi- tôt à recueillir les Arrêts qui
se rendoient aux Audiences qu'il
suivit assidûment jusques en 1643. que
les affaires du Cabinet et les Ecritures
,
l'occuperent tellement , qu'il n'eut plus
le temps de se trouver aux Audiences.
Quoiqu'il fût peu occupé à la plaidoi
rie, son mérite ne laissoit pas d'être connu
; il plaidoit même avec agrément et
facilité , mais plutôt pour persuader, que
pour plaire.
Il fut honoré de l'estime du celebre
Henry de Mesmes , cet illustre Président
qui aimoit tant les Gens de Lettres , et
du sçavant Premier Président le Jy, qui
après avoir vû son Recueil d'Arrêts , fit
des efforts inutiles pour vaincre sa modestie
, en l'excitant avec zele à le don
ner au Public.
Il s'étoit beaucoup apliqué à la matiere
LI. Vol. des
1270 MERCURE DE FRANCE
des Substitutions , et on a remarqué qu'il
avoit travaillé dans toutes les questions
importantes qui se présenterent de son
temps au Palais sur ce sujet , ensorte que
les Memoires qu'il en a laissés formeroient
seuls plusieurs volumes; les Substitution's
de Levy Cosan et d'Apchon , ne contribuerent
pas peu à le faire connoître dans
les Pays de Droit Ecrit'; aussi étoit - il l'Avocat
de la plupart des grandes Maisons
de Lyonnois , Forest et Auvergne , aussi
bien que de Bourbonnois .
La réputation qu'il s'étoit acquise pour
les Substitutions , fit qu'on l'engagea à
suivre un Procès évoqué du Parlement
de Paris et renvoyé en celui de Provence,
où il demeura si long- temps , que ce séjour
lui occasionna dans la suite une per
te de biens très- considerable.
Mais comme sa vertu étoit au -dessus
de tous les Evenemens , malgré une si
triste épreuve, il ne lui échapa jamais au--
cun mouvement d'impatience , et une
vie fort traversée ne l'empêcha pas de
conserver toujours la même tranquillicé
d'esprit.
Il fut moins sensible à la perte de ses
biens qu'à celle de ses amis , qu'il trouva
presque tous morts à son retour de Proven
e , desorte qu'il se trouva comme
1. Vol. inconnus
JUIN. 1737. 1271
Inconnu aux Avocats qui remplissoient
leur place au Palais , ce qui , joint à l'amour
de sa Patrie et à l'affection qu'il avoit
pour ses Neveux , le détermina à quitter
Paris.
Il se retira à Moulins en 1663. et alla
de-là aux grands Jours de Clermont en
1665. et 1666. mais il ne changea pas
pour cela la résolution qu'il avoit prise
de se retirer du Palais ; en effet depuis le
voyage d'Auvergne il resta toujours à
Moulins jusqu'à sa mort .
Il étoit naturellement humble et doctle
, et sçavoit concilier une grande modes
tie avec beaucoup de mérite et d'érudi
tion. L'esprit de retraite qu'il conserva
toujours , lui faisoit aimer une vie laborieuse
et cachée , quoique dans une Profession
toute publiques et par le partage
qu'il fit de ses momens entre la pieté et
Pétude , les Textes de l'Ecriture Sainte et
ceux du Droit de toute espece, lui étoient
tellement présens , que jusqu'à la fin de
sa vie et malgré le poids des années , sa
memoire lui en fournissoit sur le champ
les termes , lorsqu'il se présentoit quelque
occasion de les raporter.
La principale dispotition de son Testament
qu'il avoit commencé dès 1647 .
et qu'il avoit renouvellé tous les ans jus
II. Vol. qu'en
1272 MERCURE DE FRANCE
qu'en 1685. qu'il déceda , regardoit le
lieu de Montaguet où il étoit né , pour
procurer
à ce lieu l'Erection d'une Cure
ou Eglise Paroissiale , à cause de l'incommodité
que souffroit une partie des Habitans
en allant à celle du Linois , qui
étoit assés éloignée , et par de mauvais
chemins , qui , même dans l'hyver, pouvoient
quelquefois leur rendre l'Eglise
inaccessible : Disposition digne de la pieté
et de la generosité de M. Bardet .
Quoiqu'il fûr d'une taille mediocre et
déliée , il étoit néanmoins très - robuste ,
n'ayant presque jamais été malade : dans
un âge fort avancé , il n'avoit aucune des
incommodités de la vieillesse , si ce n'est
un peu de surdité , de sorte qu'il ne cessa
point d'étudier jusqu'à la fin de sa vie ;
sa memoire lui rapelloit toûjours avec
facilité les choses qu'il avoit aprises anciennement
: elle étoit seulement un peu
moins prompte pour celles qui étoient
plus recentes : à l'égard de son jugement
il fut toujours solide , et ne fut jamais
affoibli
par l'âge.
Il ne s'engagea point dans le mariage ,
et ne nous a laissé que des Productions
de son esprit , qui consistent dans son
Recueil d'Arrêts , ses Mémoires imprimés
, et plusieurs Manuscrits . Il mou-
11. Vol. rut
JUIN. 1737. 1273
rut à Moulins le 20. Septembre 1685.
âgé de 54. ans .
Son Recueil d'Arrêts a éré donné au
Public par feu M: Berroyer. 11 est intitulé
Recueil d' Arrêts du Parlement de Pariș
, pris des Mémoires de feu M. Pierre
Bardet , ancien Avocat en la Cour , avec
les Notes et les Dissertations de M. Claude
Berroyer , Avocat au même Parlement. 2 .
Vol. in fol. à Paris , 16.90 .
Chaque Tome est divisé en plusieurs
Livres , et chaque Livre en plusieurs
Chapitres , ce qui n'ajoûte rien à l'ordre
de l'Ouvrage , parce que les Arrêts n'y
sont pas rangés par matieres , mais seulement
par ordre de dates .
Monsieur Berroyer observe dans la
Préface , qu'il a mise à la tête de ce Recueil
, que M. Bardet a évité les deux dé
fauts les plus ordinaires dans ces sortes
d'ouvrages ; le premier de raporter les
Arrêts sur la foy d'autrui ; le second , de
ne garder aucun ordre , et de les raporter
en termes obscurs et mal digerés .
En effet , l'Auteur a été lui- même assidu
aux Audiences , et n'a compris dans
son Recueil que les Arrêts intervenus:
dans les causes auxquelles il avoit assisté
il avoit soin de les rédiger aussi tôt
qu'il étoit de retour du Palais, pour ne pas
11. Vol. trop
1274 MERCURE DE FRANCE
trop présumer de sa mémoire ; il a eu
aussi l'attention de ne rien ajoûter dú
sien , à ce qui avoit été plaidé ou prononcé
: il a inseré tous les Avertissemens
donnés au Barreau par M M. les Presidens
après la prononciationt des Arrêts ,
et son exactitude a été telle , que dans une
Cause , où M. l'Avocat Général Bignon
porta la parole, il ne fait mention de son
avis , qu'en disant qu'il ne l'a point entendu.
Son Recueil d'Arrêts commence en
16 17. six ans avant le Journal des Audiences
, et comprend les Ariêrs intervenus
jusqu'en 1642 , inclusivement , pars
mi lesquels il y en a neuf de prononcés
en Robes rouges.
Il y a beaucoup de methode , de netteté
et d'ordre dans cet Ouvrage; si l'Auteur
raporte quelques Arrêts déja cités
ailleurs , on trouve dans son Recueil
quelque circonstance du fait , ou quel
que moyen essentiel , qui a pû détermi
ner les Juges , et que les autres Auteurs
avoient omis .
M. Berroyer observe seulement qu'il
a retranché quelques uns des Arrêts qui
étoient dans le Recueil de M. Bardet ,
parce que ces Arrêts étoient déja rapor
tés ailleurs.
HI. Vol
Le
JUIN. 1737 1275
Le stile de M. Bardet est un peu sec
mais il passe pour un des Arrêtistes des
plus
lus exacts , et son Ouvrage est généra
lement estimé : cependant M.Bretonnier,
dans ses Observations
sur le XIX . Plaidoyer
d'Henris , tom . 2. remarque que M.
Bardet s'est trompé dans un endroit de
son Recueil tom. 1. liv . 3. ch . 2. où cet
Auteur dit que le Retrait lignager a été
introduit dans la Ville de Lyon , et s'y
pratique communément
, que cela a été
ainsi jugé par un Arrêt qu'il raporte du
8. Février 1628. confirmatif d'une Sentence
du Sénéchal de Lyon , qui avoit,
dit-il , declaré les offres d'un Retrayant
bonnes et valables , et ordonné que Ï'Acquereur
lui délaisseroit la Maison par
Retrait lignager.
M. Bretonnier dit qu'ayant été extrémement
surpris de cet Arrêt , il en parla
à M M. Ferrary , Gilet et Terrasson
ses Confreres , qui lui assurerent que le
Retrait lignager n'avoit point lieu à
Lyon , et lui conseillerent de refuter cet
Arrêt , qu'ils jugoient être ou apocry
phe ou collusoire.
Pour éclaircir encore mieux ce fait ,
M. Bretonnier en écrivit à M. Dufournel
, célébre Avocat à Lyon , qui lui
envoya une Consultation signée de 15.
II. Vol. des
1276 MERCURE DE FRANCE
des plus anciens Avocats de Lyon , qu'il
a jointe à ses Observations : ces 15. Avocats
répondirent qu'il étoit difficile de
concevoir quel avoit pû être le fondement
de l'Arrêt raporté par M. Bardet ;
qu'il étoit assés naturel de présumer que
M. Bardet s'étoit trompé dans cette citation
, aussi bien que son Apostillateur.
M. Bretonnier ne s'en tint pas là : il
alla lui-même chercher cet Arrêt dans
les Registres du Parlement ; il le trouva,
à la verité , sous la même date du 28.
Février 1628. mais pour une autre Province
, et une Ville differente ; sçavoir ;
pour la Ville d'Aurillac dans la Haute
Auvergne , et afin de constater ce fait
important, il a raporté cet Arrêt à la suite
de ses Observations dans l'endroit que
l'on a cité.
Il ajoûte ensuite qu'il a crû devoir
raporter cet Arrêt , non pas pour mettre
au jour la bévûë de M. Bardet , pour
qui il a beaucoup de considération et
d'estime , mais pour établir :
1 °. Que le Retrait lignager n'a point
lieu à Lyon.
2°. Que dans les Pays de Droit Ecrit
de l'Auvergne , le Retrait lignager a
lieu.
3°. Qu'il y a peu de fond à faire sur la
11.Vol
foy
JUIN. 1277 1737
foy des Arrêtistes , puisque M. Bardet ,
qui passe pour être un des plus exacts ,
s'est trompé en cet Endroit.
Aliquando bonus dormitat Homerus.
Il ne nous reste plus , par raport aux
Recueils d'Arrêts de M. Bardet , qu'à
donner une notion de M. Berroyer, son-
Annotateur
M. Claude Berroyer nâquit à Moulins
, Capitale du Bourbonnois : son Pere
étoit Greffier au Bailliage et Siege Présidial
de cete Ville ; pour lui il vint s'établir
à Paris , et y fut reçû au serment
d'Avocat le 22. Février 1677. Il étoit
d'un naturel doux et paisible , sage et
prudent dans toutes ses démarches , et
d'un esprit très- sociable.
Il plaida pendant quelque temps , et
même avec succès ; mais il se livra bientôt
tout entier aux occupations du Cabi
net. Sa grande aplication à l'étude , et
l'experience que l'usage des affaires lui
avoit acquise , lui attirerent bientôt
l'estime des Magistrats et la confiance du
Public ; il devint donc très employé à
la Consultation . Il étoit du Conseil ordinaire
de l'Ordre de S. Lazare , de celui
de la Maison de Villeroy et de plu
sieurs autres grandes Maisons .
II. Vol. De
278 MERCURE DE FRANCE
De son mariage avec Demoiselle ....
Maillet , il eut quatre Enfans ; sçavoir ,
un Fils qui fut reçû Avocat au Parle
ment , et qui mourut fort jeune ; une
fille à present décédée , qui avoit épousé
Louis -Joseph Moufle , Avocat au Parlement
, une autre Fille mariée à André-
François Louvel des Bois , aussi Avocat
au Parlement , et un Fils reçû Conseiller
à la Cour des Aydes le 10. May
1735.
Il étoit si laborieux que , malgré le
grand nombre d'affaires dont il étoit
chargé pour differens Particuliers , il
trouva encore le temps de composer plusieurs
Traités de Jurisprudence , dont
quelques- uns ont été imprimés de son
vivant , les autres se sont trouvés manuscrits
parmi ses papiers.
Les Ouvrages imprimés que nous avons
de lui , sont la Bibliotheque des Coûtumes
qu'il a faite conjointement avec M.
Eusebe de Lauriere , Avocat , à la reserve
de la Préface , contenant des conjectures
sur l'Origine du Droit François , laquelle
est de M. Berroyer seul . Les Notes
qu'il a faites sur le Commentaire de M.
Duplessis sur la Coûtume de Paris , aussi
conjointement avec M. de Lauriere , et
les Notes qu'il a faites sur le Recueil
II. Vol. d'Arrêts
JUIN. 1737. 1279
d'Arrêts de Monsieur Bardet.
Il fut élû Bitonnier de l'Ordre des
Avocats le 9. May 1728. et après avoir
rempli avec honneur tous les differens
dégrés d'une longue vic , il mourut à
Paris le 7. Mars 1735. universellement
regretté de ses Confreres et de tous ceux
qui le connoissoient,
Il avoit connu particulierement M.
Bardet , qui étoit son Compatriote , c'est
ce qui l'excita à donner au Public le Recueil
d'Arrêts de celui ci . Il mit donc
cet Ouvrage en ordre › en ayant seulentent
retranché quelques Arrêts , qui
étoient déja raportés ailleurs , et dans
lesquels il n'y avoit rien de plus que ce
qui se trouvoit dans les autres Auteurs.
Il a mis à la tête de l'Ouvrage une
Préface , dans laquelle il fait voir l'utilité
des Recueils d'Arrêts , quand ils sont
faits avec attention , et dans cette même
Préface , il nous a donné la Vie de M.
Bardet.
A la fin de chaque Chapitre de l'Ouvrage,
il a joint des Notes Sommaires
pour servir de Conference avec les autres
Livres dont les Auteurs citent ou raportent
les mêmes Arrêts,afin que le Lecteur
puisse vérifier les differences qui s'y
trouvent.
II. Vol. B 11
1280 MERCURE DE FRANCE
pour
Il a donné quelques Dissertations
expliquer les veritables motifs de cer
tains Arrêts , et pour prévenir les mauvaises
applications que l'on en fait quelquefois
dans les Provinces ..
Dans le second Tome, ces Dissertations
sont mises à la fin par forme d'Addition ,
parce que l'impression du corps de l'Ouvrage
devançoit la plume de l'Annotateur.
Les Notes et Dissertations de M.
Berroyer , aussi bien que ses autres Ouvrages
, sont estimées , et le Public lui
est redevable de ce qu'il lui a procuré le
Recueil d'Arrêts de M. Bardet , qu'il a
rendu encore plus utile par ses Disserta
tions , & c .
JOURNAL DES AUDIENCES.
Ce Recueil qui est intitulé Journal des
principales Audiences du Parlement , porte
avec d'autant plus de raison le Titre de
Journal , qu'il ne contient pas seulement
les Plaidoyers des Avocats, et les Arrêts
intervenus sur les Contestations particulieres
, il contient aussi une partie des
Edits et Déclarations avec leurs Enregistremens
, et les differens Reglemens et
Arrêts faits par la Cour.
Il est actuellement composé de plusieurs
Vol. infol. qui ont été donnés au
II. Vel. Public
Public en differens temps , et par differens
Auteurs. Le premier Volume est
l'Ouvrage de Jean Dufresne , issu de
l'ancienne et noble Famille des Dufresne
d'Amiens en Picardie , où il nâquit.
,
Louis Dufresne , Seigneur de Froideval,
son Pere , étoit Prevôt de la Prévôté
Foraine de Beauquesne au Bailliage d'Amiens;
il avoit beaucoup d'érudition, aimoit
les Belles Lettres, et étoit versé dans
la Langue Grecque : il fut marié deux
fois ; de son premier mariage il eut trois
Fils , Adrien , qui lui succeda à la Prevôté
de Beauquesne : Jean qui est
l'Auteur du Journal dont nous avons
à parler , et Louis , Médecin , tous trois
très sçavans. De son second mariage il
eut aussi trois Fils , sçavoir , Michel et
-François , qui firent profession dans la
Compagnie de Jesus, et le sçavant Charles
Dufresne , Seigneur Ducange , Tré
sorier de France au Bureau des Finances
d'Amiens , Auteur des deux Glossai
res l'un Grec , l'autre Latin , et de plusieurs
, autres Ouvrages , Monumens de
son érudition .
Jean Dufresne vint s'établir à Paris ,
et y exerça la Profession d'Avocat au Parlement
avec beaucoup d'honneur et de
distinction , il suivit long- temps les Au-
II. Vol. Bij dienc
$ 282 MERCURE DETRANCE
diences , et eut soin de recueillir les Arrêts
rendus de son temps.
M. Baluze , dans une Lettre écrite à
Eusebe Renaudot , au sujet de M. Du
cange , laquelle est inserée dans le premier
Volume de son Glossaire Latin, dit
qu'il a connu Jean Dufresné, que c'étoit
un Homme de bien , sage , prudent et
très-versé dans l'étude du- Droit Civil
et de sa Loy municipale.
Il fit en effet une étude particuliere de
la Coûtume d'Amiens , Lieu de sa Naissance
, et il en a donné un Commentaire ,
à la fin duquel il a mis beaucoup d'Arrêts
, tant concernant cette Coûtume ,
que sur plusieurs autres matieres. Ce
Commentaire est imprimé en 1. Volume
in folio, et il a été inseré dans le Coutumier
de Picardie , Edition de 1726 .
On eut assés de peine à déterminer
M. Dufresne à donner au Public son
Recueil d'Arrêts , à cause qu'il y avoit
déja plusieurs Recueils , et qu'il craignoit
qu'on ne lui imputât d'avoir voufu
encherir sur les autres ; mais comme
ces autresRecueils étoient dans une forme
differente , et que d'ailleurs ils ne com .
prenoient pas les mêmes Arrêts , on le
fit enfin consentir à laisser paroître le
sien.
11. Vol
C
JUIN . 1737. 1283
Ce premierVolume eut tant de succès ,
qu'il y en eut quatre Editions du vivant
de l'Auteur. Il dédia les trois premieres
à Mathieu Molé , Premier Président du
Parlement , et depuis Garde des Sceaux ,
et la quatrième à Jean Molé de Champlastreux
, Président à Mortier , Fils du
Garde des Sceaux.
Comme il n'y avoit d'abord du
Journal des Audiences que ce premier
Volume , donné par Jean Dufresne , plusieurs
Auteurs l'ont cité sous le nom
d'Arrêts de Dufresnes il comprend les
Arrêts intervenus depuis 1623. jusqu'en
1657.
M. Dufresne mourut à Paris le ....
après son décès , M. François Jamet de
la Guessiere , Avocat au Parlement, continua
le Journal des Audiences , il en
donna au Public trois Volumes depuis
1686. jusqu'en 1700. un qui comprenoit
les Arrêts intervenus depuis 1657,
jusqu'en 1666. inclusivement ; un autre
Volume dédié à M. le Premier Président
de Novion , qui comprenoit les Arrêts
intervenus depuis 1666. jusqu'en 1678 .
et un autre qui comprenoit les Arrêts rendus
depuis 1677. jusques en 1685.
Au moyen de cette continuation , le
Journal des Audiences étoit déja en qua-
11. Vol. Biij tre
1284 MERCURE DE FRANCE
tre Volumes in -folio ; M. de la Guessiere
en préparoit un cinquiéme tome lorsqu'il
mourut.
M. Nicolas Nupied , ancien Avocat an
Parlement , reçû le 8. Août 1689. mit en
ordre les Mémoires de M. de la Guessiere
, et en 1707. donna au Public le cinquiéme
Tome du Journal des Audiences
, qui comprenoit les Arrêts intervenus
depuis 1685. jusques en 1700.
On a réimprimé en 1736. les cinq Volumes
du Journal des Audiences ; dans
cette derniere Edition , des cinq Volumes
on n'en a formé que quatre , et en les
réimprimant on y a ajoûté quelques Arrêts
qui manquoient ; on a corrigé plu
sieurs transpositions , et autres fautes qui
s'étoient glissées dans les précedentes
Editions .
Dans la même année M.Nupied a donné
au Public un nouveau Volume , qui
comprend les Arrêts intervenus depuis
l'année 1700. jusqu'en 1710. ce Volume
qui fait le sixième Tome de l'ancienne
Edition , et le cinquième de la nouvelle,
est divisé en deux Parties. La premiere
est subdivisée en six Livres , et la seconde
en quatre. Chaque Livre contient tous
les Arrêts qui sont d'une même année.
Ce dernier.Tome a été imprimé avec
II. Vol. beaucoup
JUIN 1737. 1285
beaucoup de soin et d'attention.
RECUEIL D'ARRETS de M. Soëfve.
M. Lucien Soëfve , Auteur de ce Re- .
cueil , fut reçû au serment d'Avocat le
21. Juillet 1636. Il étoit Doyen de l'Ordre
en 1693. étant alors âgé d'environ
78. ans.
Il s'attacha aux Audiences , comme à
la meilleure Ecole du Palais , et les suivit
assidument pendant plus de so . an
nées. Il commença au mois de Janvier
1640. à recueillir les Arrêts qui se rendoient
aux Audiences , et en 169 2. il en
donna au Public deux Tomes in -folio ,
qui furent imprimés à Paris.
Cet Ouvrage est intitulé : Nouveau
Recueil de plusieurs Questions notables tant
de Droit que de Coutumes , jugées par Arrêts
d'Audiences du Parlement de Paris
depuis 1640. jusqu'à present. L'Auteur le.
dédia à M. de Fourcy , Président aux Enquêtes.
Ce Recueil est un vrai Journal , car
les Arrêts y sont raportés par ordre de
dates . Il comprend 800. Arrêts rendus.
depuis 1640. jusqu'au 24. Mars 1681 .
inclusivement , soit aux Audiences de
la Grand - Chambre , ou des Enquêtes ,
par évocation ou renvoy du Conseil ,
II. Vol. B iiij
soit
1286 MERCURE DE FRANCE
soit en la Tournelle , ou en la Chambre
de l'Edit, pendant qu'elle subsistoit.
Il n'y a aucun de ces Arrêts à la prononciation
duquel l'Auteur n'ait été present
, et après avoir entendu plaider les
Avocats des Parties : s'il y a quelques Arrêts
rendus sur raport , ils sont en petit
nombre , et ce ne sont que ceux qui sont
intervenus dans des affaires qui avoient
d'abord éré plaidées , et ensuite apointées
au Conseil ou en Droit.
Le Recueil de M. Soëfve est divisé par
Centuries , mais cela n'empêche pas que
Pordre des dates n'y soit observé.
JOURNAL DU PALAIS.
A ne considerer que le Titre de cet
Ouvrage , on croiroit d'abord que c'est
la même chose que le Journal des Audiences
; cependant ces deux Recueils
d'Arrêts sont fort differents l'un de l'autre
en toute maniere ; car outre qu'ils ne
sont pas du même Auteur , et que les
Arrêts contenus dans le Journal du Palais
ne commencent pas au même tems ,
et ne sont pas précisément les mêmes
que ceux qui sont dans le Journal des
Audiences , il y a encore entre ces deux
Journaux une autre difference essentielle
: c'est que le Journal du Palais com-
II. Vol. prend
JUIN. 1737. 1287
prend les Arrêts les plus notables de tou's
les Parlemens , et des autres Cours Superieures
du Royaume , au lieu que le
Journal des Audiences ne comprend que
des Arrêts du Parlement de Paris.
Le Journal du Palais est intitulé : Jour
nal du Palais , ou Recueil des principales
Décisions de tous les Parlemens de France
sur les Questions les plus importantes de
Droit Civil, de Coûtume , de Matieres
Criminelles et Bénéficiales et de Droit
Public.
,
Cet Ouvrage est de feus Mrs Claude
Blondeau et Gabriel Gueret, Avocats au
Parlement de Paris . M. Blondeau qui
étoit l'ancien de M. Gueret , fut reçû au
Serment d'Avocat le 12. Août 1659 .
En 1672. il commença à travailler au"
Journal du Palais de concert avec M.-
Gueret ; ils en firent imprimer conjointement
dix Volumes in 4. M. Gueret
étant décédé le 22. Avril 1588. M. Blondeau
, qui lui survécut , continua l'Ouvrage
, et donna encore deux Volumes
in- 4 . lesquels, avec les dix premiers Volumes
, forment la premiere Edition de
ce Livre en douze Volumes in-4. It cut
été heureux pour le Public que M. Blon .
deau eût pû continuer son aplication pour
la perfection de ce qu'il avoit commencé,
H. Vol Boy mais
1288 MERCURE DE FRAN C
mais ses infirmités ne lui permirent pas
de continuer plus long - temps ce pénible
travail.
Pour ce qui est de M. Gueret , son élo
ge se trouve dans un Journal Litterai
re et dans le Dictionnaire Historique.
Il nâquit à Paris l'an 1641. et se distingua
par son esprit , par son érudition
et par les Ouvrages qu'il donna au Public
. Dans sa jeunesse il fit beaucoup de
Vers , mais il se contenta de les lire à ses
amis , et n'en a jamais fait imprimer .
Il fut reçû au Serment d'Avocat vers
l'an 1660. Pendant les premieres années
qu'il suivit le Barreau , il partageoit son
temps entre les Belles Lettres et la Jurisprudence
, et donna au Public divers Ouvrages
de Litterature. Le premier qu'il
mit au jour fut Les sept Sages de la Grece,
qu'il dédia à M. le Febvre de Caumartin
, alors Maître des Requêtes , et qui
depuis fut Conseiller d'Etat.
Le second , Les Entretiens sur l'Eloquence
de la Chaire et du Barreau , qu'il
publia l'an 1666. et qu'il dédia à M. Ĉolbert.
Le troisiéme , Le Parnasse reformé.
C'est une Satyre très- ingenieuse et fort
estimée , qu'il dédia à M. l'Abbé Desroches
, qui étoit alors à Rome .
La Guerre des Auteurs , qu'il fit im-
II.Vol.
primer
JUIN. 1737. 1289
primer depuis , est la seconde Partie du
Parnasse reformé , à laquelle néanmoins
il donna un Titre different pour des raisons
particulieres , et ce Titre , aussi--
bien que l'idée de ce Livre , a servi depuis
de Modele à celui qui a écrit La
Guerre des Auteurs Anciens et Modernes.
Il a encore fait quelques autres Pieces
dans le même genre , qu'il n'a jamais ren- .
du publiques ; il y avoit entr'autres une
Satyre enProse , d'un tour fin et ingenieux,
intitulée: La Promenade de S. Cloud ; mais
comme elle étoit écrite contre un Particulier
célébre , qui y étoit désigné d'une
maniere à ne pas le méconnoître , il ne
voulut jamais l'imprimer.
Après avoir laissé échaper ces premiers
traits de la vivacité de son esprit , M.
Gueret s'attacha uniquement à sa Profession
, et ne fit plus que des Ouvrages
concernant la Jurisprudence .
M. Gauthier , célébre Avocat au Parlement
de Paris , étant mort , n'ayant
donné au Public que le premier Tome
de ses Plaidoyers , M. Gueret donna le
second Tome , sur les Mémoires manuscrits
du défunt , qu'il avoit achetés l'an
1669. et auxquels il fut obligé de supléer
beaucoup du sien : il dédia ce Volume à
M. le Pelletier , alors Président aux En-
1
II. Vol Bvj quêres,
1288 MERCURE DE FRAN C
mais ses infirmités ne lui permirent pas
de continuer plus long- temps ce pénible
travail.
Pour ce qui est de M. Gueret , son élo
ge se trouve dans un Journal Litteraire
et dans le Dictionnaire Historique.
Il nâquit à Paris l'an 1641. et se distingua
par son esprit , par son érudition
et par les Ouvrages qu'il donna au Public.
Dans sa jeunesse il fit beaucoup de
Vers , mais il se contenta de les lire à ses
amis , et n'en a jamais fait imprimer.
Il fut reçû au Serment d'Avocat vers
l'an 1660. Pendant les premieres années
qu'il suivit le Barreau , il partageoit son
temps entre les Belles Lettres et la Jurisprudence
, et donna au Public divers Ouvrages
de Litterature. Le premier qu'il
mit au jour fut Les sept Sages de la Grece,
qu'il dédia à M. le Febvre de Caumartin
, alors Maître des Requêtes , et qui
depuis fut Conseiller d'Etat.
Le second , Les Entretiens sur l'Eloquence
de la Chaire et du Barreau , qu'il
publia l'an 1666. et qu'il dédia à M. Colbert.
Le troisiéme , Le Parnasse reformé.
C'est une Satyre très - ingenieuse et fort
estimée , qu'il dédia à M. l'Abbé Desroches
, qui étoit alors à Rome .
La Guerre des Auteurs , qu'il fit im-
II.Vol.
primer
JUIN. 1737. 1289
primer depuis , est la seconde Partie du
Parnasse reformé , à laquelle néanmoins
il donna un Titre different pour des raisons
particulieres , et ce Titre , aussibien
que l'idée de ce Livre , a servi depuis
de Modele à celui qui a écrit La
Guerre des Auteurs Anciens et Modernes.
Il a encore fait quelques autres Pieces
dans le même genre , qu'il n'a jamais ren-.
du publiques ; il y avoit entr'autres une
Satyre enProse, d'un tour fin et ingenieux,
intitulée: La Promenade de S. Cloud ; mais
comme elle étoit écrite contre un Particulier
célébre , qui y étoit désigné d'une
maniere à ne pas le méconnoître , il ne
voulut jamais l'imprimer.
Après avoir laissé échaper ces premiers
traits de la vivacité de son esprit , M.
Gueret s'attacha uniquement à sa Profession
, et ne fit plus que des Ouvrages
concernant la Jurisprudence .
M. Gauthier , célébre Avocat au Parlement
de Paris , étant mort , n'ayant
donné au Public que le premier Tome
de ses Plaidoyers , M. Gueret donna le
second Tome , sur les Mémoires manuscrits
du défunt , qu'il avoit achetés l'an
1669. et auxquels il fut obligé de supléer
beaucoup du sien : il dédia ce Volume à
M. le Pelletier , alors Président aux En-
II.Vol B-vj quêtes,
1290 MERCURE DE FRANCE
quêtes , Prevôt des Marchands , depuis
Controlleur Général des Finances et Ministre
d'Etat. Il a mis à la tête de ce Vo
lume une Préface dans laquelle il a fait
l'éloge de M. Gauthier..
2
Il commença l'an 1672. de concert
avec M. Blondeau , à recueillir les principales
Décisions de tous les Parlemens
et Cours Superieures du Royaume , ils
travaillerent à ce grand Ouvrage , si utile
au Public Sous le Titre de Journal du
Palais , et le dédierent à Jean -Jacques de
Mesmes , Président au Parlement , Pere
de Jean Antoine de Mesmes , Premier
Président. Ils continuerent , et en firent
imprimer conjointement dix Volumes
in- 4. jusqu'à la mort de M- Gueret.
"
Celui- ci a encore augmenté les Arrêts-
Notables du Parlement , recueillis par
M. le Prestre , et réimprimés l'an 1679 .
il y a ajoûté des Notes très - sçavantes ,
et inseré plusieurs Pieces curieuses , en
tr'autres une Dissertation des Coûtumes
de France , composée pir Nicolas
Catherinot , Avocat du Roy au Bailliage
et Siege Présidial de Bourges , qui
étoit allié de M. le Prestre, M. Catheri
not en fait mention dans une feuille imprimée
, intitulée Le Journal du Parle
ment , dédiée à M. Gueret , dont nous
avons parlé ci-devant..
M..
JUIN. 1737.. 129T
M. Gueret plaida peu , mais il très
occupé dans le Cabinet et travailla dans
ce genre avec beaucoup de succès. Il étoit
d'un goût excellent et avoit le discernement
fin ; sa Critique étoit toûjours judi-
- cieuse , et sa conversation très agréable.
Il mérite sur tout d'être loüé par l'égalité
d'humeur que l'on vit toujours en lui ,
sans que les occupations sérieuses et pénibles
de sa Profession alterassent la
té de son esprit.
gaye .
Il avoit été un des premiers de l'Assemblée
que l'Abbé d'Aubignac avoit formée
d'Esprits choisis , pour laquelle on demanda
des Lettres Patentes afin de l'ériger
en Acadéinie ; il en fut le Secretaire
tant qu'elle dura , et y prononça entre autres
Pieces deux Discours Académiques ,
dont l'un a pour titre l'Orateur, et l'autre
Si l'Empire de l'Eloquence est plus grand que
celui de l'Amour. Ils sont tous deux insérés
dans un volume intitulé , Divers
Traités d'Histoire , de Morale et d'Eloquence
, imprimé chés P. Esclassan , laß
1672.
M. Gueret fut recherché par toutes les
Personnes de mérite qui le connoissoient,
Il se maria en 1677. n'étant encore alors
âgé que de 26. ans Il eut de ce Mariage
trois fils , qui sont actuellement vivans ,
BI. Vol. sçavoirs
1292 MERCURE DE FRANCE
sçavoir , N. P. Gueret , Curé de S. Paul
à Paris , un autre fils , qui a été Grand-
Vicaire de l'Evêque de Rhodez , et un
autre qui est au Service du Roy. Il mourut
le 22. Avril 1688. âgé de 47. ans.
On ne sçauroit assés bien exprimer avec
quel aplaudissement lefournal du Palais de
Mrs Blondeau et Gueret , a été reçû dans
le Public ; aussi ce Journal est il beaucoup
au- dessus de toutes les autres Compilations
d'Arrêts . Les deux Auteurs n'y
ont admis que les Décisions des plus il
lustres Tribunaux du Royaume ; ils ont
travaillé sur les Memoires des Avocats
qui avoient plaidé ou écrit, et quelquefois
sur les éclaircissemens et les instructions
que les Juges même leur ont donné . Ils
ont choisi les affaires les plus curieuses
et les plus importantes , les faits y sont
raportés clairement et avec ordre ; indépendamment
des moyens allegués par les
Défenseurs des Parties , ils ont eux-mêmes
travaillé toutes les matieres , et les
questions y sont discutées méthodiquement
et avec beaucoup d'érudition ; on
y trouve des Arrêts de tous les Parlemens
et autres Cours Superieures du Royaume
, ils sont rangés suivant l'ordre des
dates ; il y en a seulement quelques - uns
dont les dates ne sont pas si certaines ,
II. Vol.
que
JUIN 1737. 1293
que l'on a mis à la fin du second volume ,
en un mot ce Journal est regardé comme
un chef d'oeuvre en ce genre. Il y
en a déja eu quatre Editions , toutes quatre
faites à Paris. La premiere est en 12.
volumes in 4. dont les dix premiers furent
donnés par Mrs Blondeau et Gueret,
conjointement ; sçavoir , le premier en
1672. le second et le troisiéme en 1673.
le quatrième en 1676. le cinquiéme en
1678. le sixième en 1679. le septième en
1681. le huitiéme en 1682. le neuvième
en 1684. le dixième en 1686. les deux
autres volumes furent donnés par M.
Blondeau seul, après la mort de M.Gueret;
sçavoir , le onzième en 1689. et le douziéme
en 1695.
La seconde Edition de 1701. est en
deux volumes in folio. On y ajoûta trois
Tables , l'une des Questions , la seconde
des Matieres , et la troisiéme des noms
des Parties.
La troisiéme Edition de 1713. est aussi
en deux volumes in folio ; le premier
volume contient les Arrêts intervenus
depuis 1660. jusqu'en 1678. le second
contient les Arrêts intervenus depuis
1679. jusqu'en 1700 .
La quatriéme Edition vient de paroître
au commencement de cette année
II. Vol. 1737.
1294 MERCURE DE FRANCE
1737. elle est aussi en deux volumes in
folio et dans le même ordre que la préce
dente , sans aucun changement .
ARRESTS DE M. AUGEAR D
M. Mathieu Augeard , ancien Avocat
au Parlement , reçû le 26. Novembre
1703. a aussi donné au Public un Journal
de Jurisprudence Françoise , qui est
intitulé , Arrêts Notables des differens Tribunaux
du Royaume sur plusieurs Questions
importantes de Droit Civil, de Coûtume, de
Discipline Ecclesiastique et de Droit Public.
Il y en a trois volumes in 4. qu'il a
donnés en differens temps ; le premier
en 1710. le second en 1713. et le troisié--
me en 1718. il n'y en a encore eu que
cette Edition .
Le premier volume contient des Ar
rêts intervenus depuis le 29. Mars 1696.
jusqu'au 5. Juin 1709. Le second commence
au 15. Juillet 163 1. et finit au´s.
Août 1710. et le troisiéme commence au
25. Janvier 1650. et finit au 14. Août
1710.
Lorsque ce Recueil d'Arrêts parut , il
servoit de Suplément au Journal des
Audiences et à celui du Palais , parce
qu'il commence à peu près où finissoient
ces deux Journaux.
II Vol L'ev
JUIN. 1737. 129.5
Le dernier tome du Journal des Audiences
, que M. Nupied a depuis donné
au Public , forme un Suplément plus
complet pour ces deux Journaux et particulierement
pour le Journal des Aur
diences. Mais comme ce dernier volume
du Journal des Audiences ne comprend
que des Arrêts du Parlement de Paris
et que le Journal du Palais comprend
des Arrêts de toutes les Cours Souveraines
du Royaume , le Recueil de M. Augeard
, qui comprend aussi des Arrêts de
tous les Parlemens , sert encore à cet
égard de Suplément au Journal du Palais.
et
Le Recueil d'Arrêts de M. Augeard est
utile et estimé ; il y a néanmoins un défaut
dans la disposition de cet Ouvrage ,
c'est que l'ordre des dates n'y est observé
que pour chaque volume en particulier,
et non par raport aux trois volumes ,
que dans le second et le troisiéme tome
il y a des Arrêts des mêmes années comprises
dans le premier , et de même par
raport au second volume , ensorte que
pour y trouver un Arrêt dont la date est
entre les années 1696. et 1709. il faut
le chercher dans les trois volumes , parce
que dans tous les trois il y a des Arrêts
de ces mêmes années ; ce qui vient
de ce que l'Auteur a donné chaque vo-
11. Vol.
lunne
1296 MERCURE DE FRANCE
lume à mesure qu'il a eû de la matiere
pour le former , et que quand il a donné
le second et le troisième , il a repassé sur
les temps compris dans le premier et le
second , parce qu'il avoit retrouvé quelques
Arrêts des mêmes années qu'il avoit
déja comprises dans le précedent volume.
Il seroit facile de remedier à cet inconvenient
, en refondant les trois volumes.
ensemble et en rangeant les Arrêts exactement
suivant leurs dates , lorsqu'on fera
une nouvelle Edition de cet Ouvrage,
qui le mérite bien.
STANCES.
A Madame Abbesse de ... pour le jour
de sa Fête.
H Eureuse qui dès son enfance ;
Instruite dans la pieté ,
Des honneurs dûs à sa naissance ;
Méprisa l'éclat empesté.
Et par une fuite rapide ,
Des traits de ce siecle perfide ,
Mit à couvert sa pureté.
Que ce genereux sacrifice
Lui sauve de rudes combats !
II. Vol.
Dans
JUIN. 1737. 1297
Dans le chemin de la justice ,
Fervente , elle court à grands pas. •
Hors vous aimer , mon Dieu , vous plaire
Et vous parler dans la Priere ,
Tout est pour elle sans apas.
Ainsi vous prodiguez vos graces
Aux coeurs qui sçavent vous chercher ;
Noble Chasteté , sur tes traces
Que je vois de vertus marcher !
Mais quelle aimable modestie ,
Des vains éloges ennemie ,
Voudroit toujours nous les cacher ?
C'est en vain. L'ame pure et sage
Entraîne bien- tôt tous les coeurs,
A sa vertu l'on rend hommage ;
On lui décerne des honneurs ;
Mais honneurs simples et modestes ,
Qui n'ont point ces poisons funestes ,
Propres à corrompre les moeurs.
Quelque sublime , quelque illustre
Que soit le rang qu'elle remplit ,
Elle lui prête plus de lustre
Que sur elle il n'en rejaillit ;
Sa vertu loin d'être assoupie
S'anime , et bien-tôt justifie
La voix commune qui l'élit.
J
II. Vol. C ...
1298
MERCURE DE FRANCE
C .... d'une si belle image ,
Vous seule avez fourni les traits ;
Vos vertus .... mais un respect sage
Veut que
je taise tant d'attraits ;
Je fatte plus par ce silence ,
Cette gran le ame, qui s'offense
Des hommages les plus secrets.
Souffrez que la Troupe fideile ;
Commise à vos soins assidus ,
Par ses voeux témoigne le zele
Et le retour qui vous sont dûs,
Veuille l'Auteur des destinées
Vous accorder autant d'années
Qu'il vous a donné de vertus.
D. C. J. J. J. J. J. J. Desessart:
Le 17. Octobre 1736.
3
VII. LETTRE de M. D. L. R.
écrite à M. Maillart , ancien Avocat
au Parlement , sur quelques Sujets de
Litterature.
V
Ous sçavez , Monsieur , que la har
diesse et un esprit de curiosité
poussés quelquefois au- delà des bornes ,
>
II Vol. fort
JUIN. 1737. 1299 .
font une partie du génie de notre Nation
. Les François veulent tout voir ,
tout sçavoir par eux- mêmes , les choses
sur tout qui offrent un grand Spectacle ,
sans s'embarasser du péril , s'il y en a , à
contenter leur curiosité. Jusqu'ici nos
Voyageurs les plus hardis croyoient avoir
beaucoup fait de visiter les principales
Mosquées des grandes Villes de l'Empire
Turc , en prenant les occasions favora
bles , les précautions nécessaires , dont la
plus indispensable , après la paye de l'In
troducteur , est de ne jamais tenter l'avanture
, que lorsque ces Temples sont
déserts,avant ou après le temps de la Priere
publique. On sçait ce qui pensa en coûterà
N. Grelot, * Voyageur du Levant des
plus estimables,quand il entreprit de lever
tous les Plans de l'Interieur de sainte Sophie
de Constantinople , et combien il
s'estima heureux d'en être quitte pour
une grêle de coups de Papouches ou Pantoufles
Turques , et pour un torrent d'injures
; ceremonie avec laquelle il fut rereconduir
jusqu'à la derniere porte de ce
* Son Livre est intitulé , Relation nouvelle d'un
Voyage de Constantinople , enrichie de Plans , leés
par l'Auteur , &c. 1. Vol in 4. de 306. pages .
A Paris , chés la veuve de D. Foucault , 1680,
Il est devenu fort rare,
II. Vol. fameux.
1298 MERCURE DE FRANCE
C .... d'une si belle image
Vous seule avez fourni les traits ;
Vos vertus .... mais un respect sage
Veut que je taise tant d'attraits ;
Je fatte plus par ce silence ,
Cette gran ie ame, qui s'offense
Des hommages les plus secrets.
Souffrez que la Troupe fidelle ,
Commise à vos soins assidus ,
Par ses voeux témoigne le zele
Et le retour qui vous sont dûs,
Veuille l'Auteur des destinées
Vous accorder autant d'années
Qu'il vous a donné de vertus.
D. C. J. J. J. J. J. J. Desessart:
Le 17. Octobre 1736.
VII. LETTRE de M. D. L. R.
écrite à M. Maillart , ancien Avocat
au Parlement , sur quelques Sujets de
Litterature.
V
Ous sçavez , Monsieur , que la hardiesse
et un esprit de curiosité ,
poussés quelquefois au- delà des bornes ,
II Vol. for:
JUIN. 1737. 1299 .
font une partie du génie de notre Nation.
Les François veulent tout voir ,
tout sçavoir par eux - mêmes , les choses
sur tout qui offrent un grand Spectacle ,
sans s'embarasser du péril , s'il y en a , à
contenter leur curiosité. Jusqu'ici nos
Voyageurs les plus hardis croyoient avoir
beaucoup fait de visiter les principales
Mosquées des grandes Villes de l'Empire
Turc , en prenant les occasions favorables
, les précautions nécessaires , dont la
plus indispensable , après la paye de l'In
troducteur , est de ne jamais tenter l'avanture
, que lorsque ces Temples sont
déserts, avant ou après le temps de la Priere
publique, On sçait ce qui pensa en coû
ter à N. Grelot, Voyageur du Levant des
plusestimables, quand il entreprit de lever
tous les Plans de l'Interieur de sainte Sophie
de Constantinople , et combien il
s'estima heureux d'en être quitte pour
une grêle de coups de Papouches ou Pantoufles
Turques, et pour un torrent d'injures
; ceremonie avec laquelle il fut rereconduit
jusqu'à la derniere porte de ce
* Son Livre est intitulé , Relation nouvelle d'un
Voyage de Constantinople , enrichie de Plans , leés
par l'Auteur , &c. 1. Vol in 4. de 306. pages .
A Paris , chés la veuve de D. Foucault , 1680,
Il est devenu fort rare ,
II. Vol. fameux
1300 MERCURE DE FRANCE
fameux Temple . Il faut lire l'avanture
dans le Livre même , qui est d'ailleurs un
bon Livre.
Mais nous n'avions point encore vû de
François assés hardi , pour ne pas dire
téméraire , pour entreprendre d'entrer
dans le Temple de sainte Sophie , et d'assister
à la Priere publique dans une des
plus grandes Solemnités du Mahométisme,
honorée encore de la présence du G.S.
accompagné de toute sa Cour, &c. C'est
cependant , Monsieur , ce qui est enfin
arrivé , comme vous l'allez voir dans le
Narré qui suit. Je l'ai trouvé parmi les
papiers de feu M. Desroches, qui , com.
me vous sçavez , me sont nouvellement
arrivés de Constantinople. Je n'ai pas be
soin d'autre garant de la vérité du fait ,
étant d'ailleurs déja instruit de ce fait , et
connoissant par moi -même les Acteurs
que je vais mettre sur la Scene . Voici le
Narré en question .
Il y avoit long - temps que nous avions
envie de voir sainte Sophie une des nuits
du Ramazan, Carême des Turcs pendant
qu'on y fait Lakicham Namas , ou la seconde
Priere du soir . Ce que nous en ra
portoient les Turcs , augmentoit notre
curiosité , et nous n'étions retenus pour
la satisfaire , que par l'impossibilité où
11. Vol. nous
UIN. 1737. 1301
nous avions été jusqu'ici d'en trouver un
assés hardi pour nous y conduire. Nous
trouvâmes enfin fort heureusement notre
fait . Un Jannissaire de nos amis, brave
comme un César , prudent comme un
Ulysse , et sur le tout notre Barbier, s'offrit
à nous , et nous rendit la chose plus
aisée que nous ne l'avions crû d'abord , en
nous menant souper chés un Grand Seigneur
de notre connoissance , qui le protegeoit
et qui nous donna un homme de
confiance , un Dervich et quatre autres
de ses Gens, afin que nous fussions moins
remarqués dans le nombre.
Après le soupé , et qu'on nous eut donné
les instructions nécessaires pour faire
la Priere , pour diriger notre marche , en
marchant les pieds cagneux , et pour
quitter , reprendre et porter nos Papouches
à l'entrée, à la sortie et pendant que
nous serions dans la Mosquée , nous en
prîmes fort modestement le chemin .
و
M.... étoit déguisé en habit de Dervich
, et bien nous en prit. Outre ung
ceinture de cuir relevée d'un gros
bouton de cristal er un prodigieux Čhapelet
, il affectoit un air de modestie et de
componction qui semble être naturel à
cette espece de Moines. Pour M .... il
avoit caché ses cheveux sous un immense
11. Vol. Turban
1302 MERCURE DE FRANCE
Turban d'Effendi , et il en avoit pris les
habits ; pour moi , on jugea à ma démarche
trop libre que je serois moins
soupçonné , étant habillé en Jannissaire.
Nous nous rendîmes donc en cet équi
page à la Porte de Sainte Sophie. Il y
avoit ce soir là des Gens du Serrail qui
en défendoient l entrée , parce qu'étant
le dernier Vendredi du Kamazan , et le
Grand Seigneur , et tous les Grands de
l'Empire devant s'y trouver , on y jettoit
de l'argent au Peuple , de maniere
que le concours y étoit extraordinaire .
Bien nous prit , comme je l'ai déja
dit , que M.... fut habillé en Dervich,
sans cette circonstance nous n'aurions
pas été plus privilegiés que les autres ;
mais comme il étoit à notre tête marmotant
quelques paroles de l'Alcoran ,
on craignit sans doute de s'attirer la malediction
du Ciel , si on repoussoit un
Dervich si respectable par le sacrifice
qu'il avoit fait à Dieu de sa jeunesse. Enez
, lui dit-on , vous et votre compagnie
dans le Temple de la Sagesse. Le Roy des
Rois est trop juste pour en refuser l'entrée aux
Anges du Seigneur. Il remercia son Introducteur
en levant les yeux vers le
Ciel, il entra , et nous le suivîmes le plus
modestement qu'il nous fut possible ,
II. Vol.
après
JUIN. 1737.
1303
après avoir quitté nos Papouches à la
Porte ,les avoir prises de la main droite ,
et avoir croisé pardevant nos Pelisses , ou
Robes fourées , de la main gauche .
Nous fumes saisis un instant après
d'admiration et de crainte , car ce ne fut
que lorsque nous nous trouvâmes au milieu
de la Mosquée , exposés à la vûë du
Grand Seigneur , et de tout ce qu'il y a
de plus considerable dans Constantinople
, que nous connûmes le peril où notre
curiosité nous avoit engagés ; mais
ne pouvant plus reculer , il fallut payer
d'effronterie , et notre Conducteur ayant
commencé de marcher , nous fimes plusieurs
tours dans la Mosquée , et dans
les trois Galeries, en quoi , nous nous exposâmes
d'autant plus que M..... et
moi , qui n'avions point de moustaches,
étions fort examinés ; nous fûmes ensuite
nous mettre à genoux les jambes croisées
comme les Tailleurs , au milieu de
la Mosquée , où nous eumes le loisir de
satisfaire notre curiosité , et c'est de- là
que je vis les choses que je vais vous raporter.
Le vaste Vaisseau de Sainte Sophie étoit
si fort illuminé qu'il pouvoit y avoir so.
mille Lampions au moins ; mais il n'y
avoit que deux gros Cierges dans le Sanc-
II. Vol. Ctuaire
1304 MERCURE DE FRANCE
tuaire à côté d'une espece d'Autel, sur
lequel étoit aparamment l'Alcoran , car
j'y vis sur un Pupitre un Livre ouvert ,
écrit à la main , et grand in -folio . La
Chaire du Monfii , ou Premier Ministre
de la Religion , étoit aussi fort illumi
née , et on avoit suspendu vis à vis une
maniere de Lustre dont les Lampions
étoient disposés de maniere qu'ils formoient
les Caracteres Turcs qui composent
le nom de DIEU. Il y avoit aussi
environ 1000. Tentes , qui contenoient
chacune depuis 3. jusqu'à sept Personnes,
Elles étoient occupées par des Dévots
, entretenus aux dépens de la Mosquée
, et qui n'en sortoient jamais que
pour des nécessités indispensables. Ils se
relevoient tour à tour pour prier Dieu ;
ce qu'ils faisoient en se dandinant et en
branlant continuellement la tête ; ou bien
ils étoient comme ravis en extase ,
fixant les yeux sur quelque objer. Outre
ceux-ci , on voyoit encore des Santons
ou especes d'Hermites , distribués en differens
Endroits , et qui rencherissent par
la bizarrerie de leu.s habits , ou par l'extravagance
de leurs postures , sur nos
Arlequins Ici , l'un écumoit à force d'avoir
prononcé avec vehemence , et du
fond de la poitrine, le mot Allah , DIEU.
en
11. Vol, Là
JUIN. 1737. 1305
Là, on en voyoit un autre qui , les bras
aussi étendus qu'il pouvoit , regardoit
vers le Ciel d'un oeil menaçant. Ailleurs,
l'un avoit la tête baissée , les bras croisés
sur sa poitrine , et la vûë fixée à terre ;
Plus loin , un autre apuyé contre une
colonne ,s'occupoit à baiser humblement
les pieds et le bas de la Robe de ceux qui
passoient. Enfin il y avoit tant de postures
et d'attitudes differentes , qu'il faudroit
un Livre entier pour en décrire la´
varieté et le ridicule , ou pour mieux dire
, il faut les voit pour s'en faire une
juste idée.
Mais le moment de la Priere étant venu
, le Moufti , du haut de sa Chaire
fut le premier à la commencer. Le Grand
Seigneur , accompagné du Selictar , ou
Grand Ecuyer , du Kislar Agassi , Chef
des Eunuques noirs , et du Kapon Agassi,
Chef des Eunuques blancs, le suivit,
et tout le Monde se prépara a l'imiter.
Ensuite de quoi un cri terrible de toute
l'Assemblée , qui fit retentir la voûte, et
nous surprit d'autant plus que nous n'y
étions pas préparés , en annonça le commencement.
Alors nous mîmes en pratique les leçons
qu'on nous avoit données , et nous
nous en acquitâmes si bien , que ceux
11, Vol.
'qu' Cap 15
11300
qui nous avoient peut- être soupçonnés
de n'être point Turcs , s'en repentirent
interieurement , et quelques-uns même
sortirent de la Mosquée pour s'aller purger
par une ablution du peché , qu'ils
croyoient avoir commis , par ce doute ;
du moins un Effendi , ou Homme de
Loy , à qui nous en avons parlé depuis ,
nous a-t- il confirmés dans cette pensée,
Mais comme nous étions dans le fort
et dans la chaleur de la Priere , que nous
nous prosternions plusieurs fois à terre
nous relevant toujours la face tournée
vers l'Orient , tant de mouvemens , qui
tenoient un peu de la convulsion , firent
délier la Sesse du Turban de M ....
il y porta d'abord les mains pour la racommoder
, mais tous les differens tours
qu'il faut faire avec cette Mousseline
l'embarassant , il n'en put venir à bout.
D'un autre côté nous n'osions interompre
notre prétendue Priere pour l'aider ,
ce qui nous jettoit dans une situation terrible
, aprehendant toujours que ses cheveux
, en se découvrant , ne nous découvrissent
aussi.Heureusement un Homme
de Loy , qui étoit derriere lui , nous tira
de cet embaras , en la lui racommodant
charitablement. La Sesse est une piece de
Mousseline qui forme le Turban par ses
differens tours &c.
Echapés
JUIN 1737. 1307
Echapés que nous fumes de ce danger,
nous en courûmes un bien plus grand.
Ce fut en sortant de la Mosquée , que
le Grand Visir , sans autre suite que celde
quatre Hassekis , ou Chefs d'une Bri
gade de Bostangis , dont deux portoient
de grands fanaux , se trouva , sans que
personne s'en fût aperçu , au milieu de
nous. Cet aspect nous troubla ; les Turcs
même , qui étoient avec nous , en furent
effrayés ; et , pour dire la verité , nous
ne faisions pas trop bonne contenance
lorsque le Grand Visir fit arrêter ses Gens,
et après nous avoir examiné des pieds
jusqu'à la tête ' , mais particulierement
M.... il demanda tout haut à un de
ceux qui le suivoient , s'il ne connoissoit
pas ce Dervich ? Celui- ci lui ayant répondu
que non : Sifait bien moi , repliqua
le Visir , je le connois , et sa phisionomie
ne me trompe pas. Après quoi il con
tinua son chemin , et nous gagnâmes
au plus vite une des Portes de la Mosquée.
Le dessein qué nous avions d'abord
projetté d'aller à celle de Sultan Achmet,
n'eut point lieu. Nous étions trop allarmés
pour affronter de nouveaux dangers ;
nous sortimes donc de Sainte Sophie ,
dans la resolution de nous en retourner,
11. Vol. et Cij
1308 MERCURE DE FRANCE
,
et pour cet effet nous prîmes le chemin
de l'Echelle de Bakché Kapoussi, ou Porte
du Jardin , mais nous n'étions pas
quittes de toutes nos frayeurs . Des Bostangis
, Gardes des Maisons Royales
que nous trouvions dans tous les coins
des rues où nous passions , et qui nous
suivcient , en observant nos démarches,
les augmentelent. Nous doublâmes pourtant
si bien le pas , que nous gagnâmes
P'Echelle, et nous nous embarquâmes tous
dans un même Caïque , sans que personne
y mit aucune oposition . Nous ordonnâmes
à nos Bâteliers de nous conduire
à Tophana , ou à l'Arsenal , et nous
étions prêts d'aborder à cette derniere
Echelle , lorsqu'un Bâteau de 7. paires
de rames vint sur nous. Nous n'avions
pas encore eu le temps de nous reconnoître
qu'il nous aborda , et deux Personnes
, l'une desquelles étoit le Reïs , ou
Patron du Bâteau du Grand Visir , et
l'autre un Eunuque de ce Ministre , sauterent
dans notre Caïque , et penserent
le renverser. Nous ne sçavions ce qu'ils
vouloient , ni de la part de qui ils venoient
, mais comme nous étions abîmés
dans nos réflexions , et que nous craignions
d'ailleurs de nous découvrir , si
nous parlions , personne n'en cut le cou
II. Vol. rage
JUIN.
1309
1737.
mais
tage, et nous les laissâmes faire.
Ils examinerent d'abord , avec beaucoup
d'attention , Mrs ...
quand ils furent venus à moi , ( c'est justement
, dirent-ils , l'Homme que nous
cherchons. ) Comment , Coquin , continuerent
- ils , mener des Femmes déguisées
, et en temps de Ramazan , allons ,
il faut venir chés le Grand Visir. A ce
mot de Femmes , qui nous fit connoître
qu'on nous prenoit pour des Turcs ,
nous fumes tout rassurés . Nos Turcs cependant
y regardant de plus près , et
voyant bien que je n'avois point de cheveux
, mais bien du poil au menton
nous firent des excuses de leur méprise ,
et s'en retournerent heureusement pour
eux , car il étoit déja accouru plus de
·500. Topdgis , ou Canoniers , à l'Echelle
de Tophana , qui se seroient jettés à la
la Mer pour nous secourir à la moindre
insulte qu'on nous auroit faire , nous
prenant pour être de leurs Camarades ,
parce que l'Homme de confiance que
nous avions avec nous , et dont ils avoient.
entendu la voix , étoit effectivement un
de leurs Officiers ; ce fut- là , Dieu mer
ci, le dernier des perils que nous coûtumes
; nous mîmes pied à terre , et nous nous
retirâmes sains et saufs chacun chés soi ,
II. Vol. Ciiij bien
1310 MERCURE
DE FRANCE
blen-heureux d'en avoir été quittes pour
la peur, car si on nous eut reconnu quand
nous étions dans Sainte Sophie , ou la
Populace nous auroit assommés sur le
champ , ou si nous étions échapés de ses
mains , il n'y avoit toujours qu'à choisir,
ou de perdre la tête , ou de se faire
Mahometan .
La réflexion qu'il est naturel de faire
sur les differens dangers que nous courumes
, c'est que le Grand Visir qui
reconnut sans doute M..... comme
ayant été un Drogman , ou Interprete ,
fort employé sous M. le Marquis de …… .
voulut seulement lui faire peur , lorsqu'il
dit tout haut qu'il le connoissoit
bien ; et qu'il passa outre ; et que les
Bostangis , que nous trouvions dans les
ruës , et qui nous examinoient tant ,
avoient effectivement été postés pour em
pêcher qu'il ne se glissât des Femmes déguisées
dans la Mosquée , comme cela
arrive quelquefois ; et qu'ils ne nous suivirent
que parce qu'à notre démarche
embarassée , ils crurent qu'il y en avoit
parmi nous , ce qui les engagea à envoyer
un Caïque après le nôtre , pour
éclaircir leurs soupçons
.
A ce recit, qui ne vous aura sans dou
te point ennuyé, trouvez bon , Monsieur,
II. Vol.. que
JUIN. 1737 1312
que j'ajoûte deux ou trois Observations,
La premiere est que M. Desroches n'étoit
point de cette Partie , et qu'il n'y a
eu d'autre part que celle de la Narration
abregée , et mise dans le stile que vous
venez de voir , d'après un Mémoire plus
ample donné par ces Messieurs.
Ces derniers risquerent assurément
beaucoup , mais ils étoient jeunes , et
curieux. On doit dans la rencontre du
Grand Visir considerer particulierement
la bonté , ou plûtôt la prudence et la politique
de ce Premier Ministre , qui re
connut aisément une Personne qu'il
voyoit souvent dans son Palais , mais qui
aima mieux dissimuler que de faire une
affaire d'éclat et de Religion' , dont les
suites pouvoient être fâcheuses , & c.
Passons à un autre sujet.Vous sçavez,
par ma derniere lettre , que sous l'Ambassade
du Vicomte d'Andrezel , Monsieur
Desroches fut chargé d'une Commission
importante pour l'Echelle de Sa
lonique , et que cette Ville , autrefois célebre
sous le nom de Tessalonique , est
encore la Capitale de toute la Macedoine.
Notre Ami , en partant de Constantinople
, s'étoit bien proposé de profiter
de l'occasion , pour parcourir toute cette
grande Province , à l'avantage de la Lit-
II. Vola Cv terature,
1312 MERCURE DE FRANCE
terature , et sur tout de l'Antiquariat.
C'est ce qu'il me paroît avoir très bien
execute; car dans le triage et dans l'arrangement
que j'ai faitde ses Papiers j'ai trou
vé de quoi remplir un Porte- feüille entier
de toutes ses Observations &c , surSa
lonique et la Macedoine . J'ai mis à la tête
de tout ce Recueil le Passeport original ,
écrit en Turc du Pacha , Gouverneur de
la Province , qui étoit alors à Constanti-
Rople , et dont M. D. R. trouva à propos
de se munir avant son départ. Comme
cette Piece peut avoir sa curiosité , et
que je présume que vous n'en avez pas
encore vû de cette espece , en voici une
Traduction exacte:
PASSE PORT du Pacha
de Salonique.
A tous les Docteurs , Grands Etendars
de la Loy, Modeles des Vertus , Seigneurs
Cadis , qui sont en Charge depuis le
Seuil de Félicité jusqu'à Salonique, que
vos vertus soyent multipliées , et vous
la gloire et l'ornement de vos égaux ; les
Commandans des Janissaires , Grands
Officiers des Provinces , et Autres qu'il
apartiendra , qui sont sur la même route
que vos Dignités soyent augmentées ..
La Cour du Grand Seigneur.
2
Iilt Vol.. Nous
JUIN. 1737 7313'
Nous vous faisons sçavoir que le Gentilhomme
, Porteur de ce present Ordre ,
nommé Pierre Desroches , l'un des Offi-
Hers de l'Ambassadeur de Francé au même
Seüil de Félicité , étant obligé d'aller à Salonique
pour quelques affaires , après la fin
desquelles il doit revenir ici , ledit Ordre:
lui a été expedié, afin que, lorsqu'il vous
sera presenté, vous aportiez tous vos soins'
à empêcher que sur toute la route, tant en
allant qu'en revenant , personne ne l'inquiete
; ni le fasse inquieter, qu'il fut soit
au contraire donné toute liberté d'aller et
de venir en sûreté , ainsi qu'aux trois
Domestiques qui sont à sa suite , et au
Janissaire qui l'accompagne pour sa gare
de. C'est ce que nous esperons de vos.
soins et de vos attentions , qui doivent
contribuer à son heureux voyage. Donné
le 26. de la Lune de Rebiuleuvel , l'An
1139. C'est-à- dire le zo . Novembre 1726.
Les mots suivans sont écrits dans le
Sceau du Pacha , qui se nomme Maho
met , dont l'empreinte est sur l'Origi
nal : Vous êtes le Dispensateur des secours
que vous accordez à Mahomet dans son
Etat et dans le temps.
Je finirai ma Lettre par un échantillon
de la curiosité et de la sagacité de
M. Desroches , en raportant ici l'une des
II. Vol
Cvj Inscrip
1314 MERCURE DE FRANCE
Inscriptions Grecques qu'il a recueillies
dans ce voyage , telle que je la trouve en
ouvrant au hazard le Porte - feuille en
question , accompagnée d'un petit Cont
mentaire de sa façon.
ΠΟΛΕΙΤΑΡΧΟΥΝΤΩΝ, ΣΩΣΙΠΑΤΡΟΥ,
ΤΟΥ , ΚΛΕΟΠΑΤΡΑΣ , ΚΑΙ , ΛΟΥΚΙΟΥ,
ΠΟΝΤΙΟΥ , ΣΕΚΟ ΔΟΥΙΟΥ , ΑΥΟΥ ,
ΛΟΥΙΟΝ , ΣΑΒΕΙΝΟΥ , ΔΗΜΗΤΡΙΟΥ
ΤΟΥ , ΦΑΥΣΤΟΥ , ΔΗΜΗΤΡΙΟΥ , ΤΟΥ
ΝΕΙΚΟΠΟΛΕΟΣ , ΖΟΛΟΥ ΤΟΥ , ΠΑΡΜΕ
ΝΙΟΝΟΣ, ΤΟΥ , ΚΑΙΜΕΝΙΣΚΟΥ , ΓΑΛΟΥ ,
ΑΤΙΛΛΗΙΟΥ , ΠΟΤΕΙΤΟΥ , ΤΑΜΙΟΥ ,
ΤΗΣ,ΠΟΛΕΟΣ , ΤΑΙΡΟΥ , ΤΟΥ ΑΜΜΙΑΣ ,
ΤΟΥ , ΚΑΙΡΙΛΟΥ , ΓΥΜΝΑΣΙΑΡΚΟΥΝ
ΤΟΣ , ΤΑΙΡΟΥ , ΤΟΥ , ΚΑΙ ΡΗΓΛΟΥ .
,
En entrant à Salonique par la Porte
du Verdar , ) c'est M. Desroches qui par
le ) on trouve à droite sur le Jambage
de la seconde Porte , car il y en a deux ,
une grande Pierre avec l'Inscription cydessus
, à laquelle il ne manquoit rien ,.
du moins à ce qu'il m'a paru , et que j'at
copiée lettre pour lettre , et ligne pour
ligne. Cette Inscription ne contenant
presque que des noms propres , il est
difficile d'en tirer un sens bien clair :
mais ce que je vais ajoûter servira peutêtre
à fonder quelques conjectures . Sur .
II. Vol .
BAG
JUIN
1315 1737.
.
›
une autre Pierre de ce même Jambage ,
du côté qui est en face quand on entre
il y a unCheval qu'un jeune Garçon tient
par la bride , et un Homme debout qui
paroît s'apuyer du dos contre ce Cheval:
et sur l'autre Jambage de cette Porte il
y a précisément les mêmes figures posées
en symétrie , à la même hauteur ; c'est
à - dire , environ à trois pieds de terre :
et toutes ces Figures , quoique mutilées,
font encore voir qu'elles ne sont pas sorties
d'une mauvaise main . Peut être y
avoit il autrefois à cette Porte , ou aux
environs , quelque Place , où quelque-
Lieu pour l'exercice des Chevaux comme
le mot de ΓΥΜΝΑΣΙΑΡΚΟΥΝΤΟΣ
semble l'insinuer , et que tous ceux dont
les noms sont cités dans cette Inscrip
tion s'y étoient distingués , &c.
Je suis , Monsieur , & c.
A M. le C. de F.
Uổi è rimer nuit et jour ! Ami , calme ton³
ame ;
Quelle est cette démangeaison ? -
Les Vers à leur Auteur causent souvent du blâme,
Et quelquefois la déraison.
II. Pole
1316 MERCURE DE FRANCE
·
Un esprit tout aimable est ton heureux partage
,
Tu le consumes à rimer.
La grande passion n'est point d'un Homme
sage ;
Pense donc à te reprimer.
On rime pour chasser cet air mélancolique ,
Par trop d'étude contracté ;
Mais voit-on que Phoebus plus qu'il ne faut
aplique ?
Le travail doit être quitté .
Vers doit être un jeu , non une servitude ;
ir 'noi , je m'en sers , s'il me plaît ;
Phabis sise- t - il de prendre un air d'étude
Je suis son très - humble valet.
Pour bien tourner un Vers, je serois à la gêne ;
J'aime mieux un commerce doux ;
El que nous revient- il d'une si grande peine
La réputation des four
D'où vient donc , cher Ami , qu'en tout on est
extrême ?
Qu'on ne sçait' garder un milieu ?
Ah ! c'est que l'Homme est vain, occupé de soimême
,
Es souvent très-peu de son Dieu.
II... Vol. L'essentiel
JUIN. 1737.
1317
L'essentiel pourtant , c'est de se rendre habile
Dans la science du Salut ;
Le temps est précieux , faisons qu'il soit utile
Et qu'il nous mene à l'heureux but.
Quand tu me vois trancher du Docteur et du
Sage ,
Et te faire ioi la leçon ,
Que penses- tu de moi , qui ne fais point usage
Des bons conseils de ma raison ♪
Fais le Maître à ton tour ; Ami , je te revere
Comme un sçavant Echo des Cieux ;
Unvil Flattur nous perd , sois moi franc, moins
sincere ;
Je ne t'en aimerai que mieux.
Un bon Ami vaut plus qu'une grande richesse ;
Servons en d'exemple tous deux :
Montrons qu'un sage avis ramene à la sagesse ,
Et peut rendre à jamais heureux.
B....D...a.... au ChâteaudA. :
II. Poli LETTRE
1318 MERCURE DE FRANCE
LETTRE écrite de Châlons en Cham
pagne par M.le Chevalier de la Touche
à M. d'Argenville , Conseiller du
Roy, Maître Ordinaire en la Chambre
des Comptes , de l'Académie des Arcadiens
à Rome:
L
•
A petite Avanture dont je vous fais
part , Monsieur , m'a prouvé que
l'indifference , qui regne ordinairement
en Province au sujet de la Litterature et
des Arts , y avoit plus laissé perdre de
belles choses , que les lumieres des Sçavans
, et les recherches empressées des
Curieux n'en ont peut-être découvert et
conservé dans la Capitale . M. Rudolfe
Kubler , Peintre de Bamberg , qui voyage
, et fait connoissance avec tous les
Amateurs qu'il trouve sur sa route , me
vint voir , il y a quelques jours . Cet
Homme a des moeurs , des sentimens
une forte teinture des Belles Lettres, une
grande Théorie de la Peinture : le peu
de ses Ouvrages qu'il me fit voir en passant
, prouve que sa pratique y est trèsinferieure-
Dès notre premiere entrevûë , la coni
ol.
versation
JUIN. 1737 1379
•
versation fut tellement vive et interessante
pour lui et pour moi , qu'il se dé-
⚫ termina sans peine à prolonger son séjour
dans la Ville où je demeure. Je lui
fis.voir ce que j'avois de plus propre à
flater son goût à son tour il me communiqua
ce qu'il avoit ramassé dans les
differens Pays qu'il avoit parcourus. Rien
ne fixa mon attention , comme un gros
Recueil de Desseins et d'Estampes , qui
peut encore passer pour un Manuscrit
des plas curieux , puisqu'il n'y a ni Desseins
ni Estampes qui ne soient accompagnés
de Remarques Historiques et Critiques
, ou de Poësies Latines, Italiennes et
Françoises.
Au reste, ce Recueil a des défauts qui
en diminuent beaucoup le prix ; il est
premierement dans un desordre affreux ,
plus de deux cents Pieces en ont été enlevées.
20. Celles qui restent sont presque
toutes chargées de griffonnemens
d'Ecoliers , ou deshonorées par les fletris
sures qu'y ont laissées ces esprits foibles,
à qui tout devient un sujet de scandale.
N'en soyez pas surpris , me dit le Voya
geur , vous voyez les restés infortunés de
la succession d'un Peintre , qui ne laissa
rien en mourant , dont les parens , plus
pauvres encore que lui , pussent profites.
II.Vol Ils
1310 MERCURE DE FRANCE
Ils ont long- tems été exposés dans la
boutique d'un Barbier , qui en prenoit
occasion d'exercer son babil , et qui ne
s'est déterminé qu'avec peine à me les
vendre , d'autant qu'ils amusoient , di
soit-il , ses Enfans , ses Fraters et ses Pratiques.
J'ai vû , Monsieur , dans ce Recueil
ainsi délabré , bien des choses qui pouroient
mériter une place distinguée dans
la riche Collection que vous avez faite
des Desseins des plus grands Maîtres de
toutes les Ecoles célebres. Je m'attache à
vous en décrire un entr'autres fait à la
Pierre noire , et rehaussé de blanc , sur
un papier de demi- teinte. Les Figures
sont à demi corps. Le sujet qui en est
agréablement fantastique , offre le Titien
, qui montre à des Dames Illustres
de son temps le Tableau des Amours ,
qu'il a peint en suivant les idées de Philostrate.
Ces Dames sont accompagnées
de deux Guerriers , d'un jeune Homme
dont la tête a un caractere terrible , d'un
Homme de Lettres , d'une Duegne , d'un
petit More qui tient un Epagneuil de
Boulogne et d'un Page . Les Remarques
écrites de la main du Peintre François ,
qui avoit formé le Recueil dont j . vous
entretiens ; portent » que ce Dessein
II. Vol. » est
JUIN. 1737 1321
" est de Damiano Mazza da Padona
"grand Coloriste , et qui contrefaisoit
» admirablement la maniere du Titien ,
» dont il étoit Eleve . Que Mazza s'étoit
proposé d'y representer les differens »
» âges
de la Vie d'une façon nouvelle et
» singuliere. L'Enfance dans les petits
» Amours du Tableau de son Maître ;
» l'Adolescence
dans les Figures du Page
» et du More ; la Force de la Jeunesse
» sous les traits du Giorgion ; l'Age Viril
» par differens caracteres de Noblesse
» de Valeur et de Prudence . De Nobles-
» se dans le Portrait duMarquis de Pescaire
; de Valeur dans celui d'Antoine de
» Leve ; de Prudence dans celui de l'Ami
» du Titien Parbenio Etiro , habillé en
Noble Venitien , con Beretta nera in
» cap . Les trois Dames semblent faire
allusion aux trois Graces , dont la pre-
» miere est vive et enjoüée , et represen
wte Violante , Maîtresse du Titien . La
» seconde , tranquile et modeste , et re-
» presente Madonna Elizaberta Massola.
» La troisième , serieuse et mélancolique,
» et represente Madama Leonora, Epou-
» se du Duc Francesco - Maria della Roue-
» re. La Vieillesse des deux Sexes est ca-
» ractérisée par la Tête du Titien et de la
» Duegne.
L'Auteur II. Vol.
1316 MERCURE DE FRANCE
·
Un esprit tout aimable est ton heureux partage
,
Tu le consumes à rimer.
La grande passion n'est point d'un Homme
sage ;
Pense donc à te reprimer.
On rime pour chasser cet air mélancolique ,
Par trop d'étude contracté ;
Mais voit-on que Phoebus plus qu'il ne faus
aplique ?
Le travail doit être quitté.
Vers doit être un jeu , non une servitude ;
ir 'noi , je m'en sers , s'il me plaît ;
PKabas sl . vise - t- il de prendre un air d'étude ♪
Je suis son très -humble valet .
Pour bien tourner un Vers, je serois à la gêne ;
J'aime mieux un commerce doux ;
Eb! que nous revient- il d'une si grande peines
La réputation des four
D'où vient donc , cher Ami , qu'en tout on est
extrême ?
Qu'on ne sçait garder un milieu ?
Ah ! c'est que l'Homme est vain, occupé de soimême
Es souvent très-peu de son Dieu.
II... Vol. L'essentiel
JUIN. 1737.
1317
L'essentiel pourtant , c'est de se rendre habilet
Dans la science du Salut;
Le temps est précieux , faisons qu'il soit utile
Et qu'il nous mene à l'heureux but.
Quand tu me vois trancher du Docteur et du
Sage ,
Bt te faire ioi la leçon ,
Que penses - tu de moi , qui ne fais point usage
Des bons conseils de ma raison ?
Fais le Maître à ton tour ; Amii , je te revere
Comme un sçavant Echo des Cieux ;
Un vil Flateur nous perd , sois moi franc, moins
sincere ;
Je ne t'en aimerai que mieux.
Un bon Ami vaut plus qu'une grande richesse 3
Servons en d'exemple tous deux ;
Montrons qu'un sage avis ramene à la sagesse ,
Et peut rendre à jamais heureux.
B.... D.... a... au Château d'A. >
BI.Poli LETTRE
318 MERCURE DE FRANCI
LETTRE écrite de Châlons en Cham
pagne par M. le Chevalier de la Touche
à M. d'Argenville , Conseiller du
Roy's
Maître Ordinaire en la Chambre
des Comptes , de l'Académie des Arcadiens
à Rome:
A petite Avanture dont je vous fais
part , Monsieur , m'a prouvé que
l'indifference , qui regne ordinairement
en Province au sujet de la Litterature et
des Arts , y avoit plus laissé perdre de
belles choses , que les lumieres des Sçavans
, et les recherches empressées des
Curieux n'en ont peut-être découvert et
conservé dans la Capitale. M. Rudolfe
Kubler , Peintre de Bamberg , qui voyage
, et fait connoissance avec tous les
Amateurs qu'il trouve sur sa route , me
vint voir , il y a quelques jours . Cet
Homme a des moeurs , des sentimens
une forte teinture des Belles Lettres ,une
grande Théorie de la Peinture : le peu
de ses Ouvrages qu'il me fit voir en passant
, prouve que sa pratique y est trèsinferieure-
Dès notre premiere entrevûë , la coni
ol.
versation
JUIN. 1737. 1379
versation fut tellement vive et interessante
pour lui et pour moi , qu'il se dé-
⚫ termina sans peine à prolonger son séjour
dans la Ville où je demeure. Je lui
fis.voir ce que j'avois de plus propre à
flater son goût à son tour il me communiqua
ce qu'il avoit ramassé dans les
differens Pays qu'il avoit parcourus . Rien
ne fixa mon attention , comme un gros
Recueil de Desseins et d'Estampes , qui
peut encore passer pour un Manuscrit
des plas curieux, puisqu'il n'y a ni Desseins
ni Estampes qui ne soient accompagnés
de Remarques Historiques et Criti
ques , ou de Poësies Latines, Italiennes et
Françoises.
Au reste, ce Recueil a des défauts qui
en diminuent beaucoup le prix ; il est
premierement dans un desordre affreux ,
plus de deux cents Pieces en ont été enlevées.
29. Celles qui restent sont pres
toutes chargées de griffonnemens
d'Ecoliers , ou deshonorées par les fletrissures
qu'y ont laissées ces esprits foibles ,
à qui tout devient un sujet de scandale.
N'en soyez pas surpris , me dit le Voya
geur , vous voyez les restés infortunés de
la succession d'un Peintre, qui ne laissa
rien en mourant , dont les parens , plus
pauvres encore que lui , pussent profites.
ILVol Ils
1320 MERCURE DE FRANCE
Ils ont long- tems été exposés dans la
boutique d'un Barbier , qui en prenoit
occasion d'exercer son babil , et qui ne
s'est déterminé qu'avec peine à me les
vendre , d'autant qu'ils amusolent , dis
soit-il , ses Enfans , ses Fraters et ses Pratiques.
J'ai vû , Monsieur , dans ce Recueil
ainsi délabré , bien des choses qui pouroient
mériter une place distinguée dans
la riche Collection que vous avez faite
des Desseins des plus grands Maîtres de
toutes les Ecoles célebres . Je m'attache à
vous en décrire un entr'autres , fait à la
Pierre noire , et rehaussé de blanc , sur
un papier de demi - teinte. Les Figures
sont à demi corps . Le sujet qui en est
agréablement fantastique , offre le Titien
, qui montre à des Dames Illustres
de son temps le Tableau des Amours
qu'il a peint en suivant les idées de Phifostrate.
Ces Dames sont accompagnées
de deux Guerriers , d'un jeune Homme
dont la tête a un caractere terrible , d'un
Homme de Lettres , d'une Duegne, d'un
petit More qui tient un Epagneuil de
Boulogne et d'un Page . Les Remarques
écrites de la main du Peintre François
qui avoit formé le Recueil dont vous
entretiens , portent » que ce Dessein
II. Vol. » est
JUIN. 1737 1321
»
est de Damiano Mazza da Padoua
grand Coloriste , et qui contrefaisoit
» admirablement la maniere du Titien
» dont il étoit Eleve . Que Mazza s'étoit
proposé d'y representer les differens
âges de la Vie d'une façon nouvelle et
» singuliere. L'Enfance dans les petits
» Amours du Tableau de son Maître ;
» l'Adolescence dans les Figures du Page
>> et du More ; la Force de la Jeunesse
» sous les traits du Giorgion ; l'Age Viril
» par differens caracteres de Noblesse ,
» de Valeur et de Prudence . De Nobles-
» se dans lePortrait du Marquis de Pescaire
; de Valeur dans celui d'Antoine de
» Leve; de Prudence dans celui de l'Ami
» du Titien Parbenio Etiro , habillé en
Noble Venitien , con Beretta nera in
cap . Les trois Dames semblent faire
allusion aux trois Graces , dont la pre-
» miere est vive et enjoüée , et represen
te Volante , Maîtresse du Titien. La
seconde , tranquile et modeste , et re-
» presente Madonna Elizaberta Massola.
» La troisième, serieuse et mélancolique,
» et represente Madama Leonora, Epou-
» se du Duc Francesco - Maria della Rone
» re. La Vieillesse des deux Sexes est ca-
紫
>> ractérisée par la Tête du Titien et de la
» Duegne.
II. Vol. L'Auteur
1322 MERCÚRE DE FRANCE
L'Auteur des Remarques prétend
» encore avoir trouvé dans cette Repre
>> sentation un sens moral' , ou , si vous
» voulez , allégorique . Elle renferme ,
" dit- il , l'Idée du Peintre parfait. Le
» Génie , l'Imagination , l'Entousiasme
»sont exprimés dans la tête du Gior
» gion ; la Pratique , Fille du Travail et
» de l'Experience , dans celle du Titien.
» La Vieille , qui accompagne les Dames ,
» et qui a inspection sur leur conduite ,
» sert à faire entendre que la Raison doit
présider au choix , à l'assortiment ;
» à l'usage des Graces dont les caracteres
>> doivent être variés, aussi bien que ceux
» de la Vigueur , de la Fierté , de la Fia
» nesse et de la Pénétration d'esprit, que
les Figures des Guerriers et de l'hom
» me de Lettres montrent dans différens
»points de vûë.
» Les contrastes et l'artifice du clair
obscur rendent là composition pitto
resque , piquante et brillante. L'Amour,
» la Délicatesse , la Naïveté , la Tendresse
et l'Union la portent à sa derniere
perfection , et lui donnent de la Verité,
» de la Douceur et du relief.
»
» Le Peintre s'imagine avoir trouvé des
» Simboles de toutes ces choses dans la
» Figure du Page , dont le teint est écla
H. Vol.
tant
JUIN. 1737. 1323
> tant , et l'habillement de Satin noir ,
» dans le More à la peau noire , vétu d'u-
» ne Toile d'argent rayée , et dans les
» Amours , dont les attitudes lui ont
» fait naître l'idée de la Délicatesse , de la
» Naiveté, de laTendresse et de l'Union .
Ne vous semble- t - il pas , Monsieur
que ce Peintre a fait comme les Commentateurs
, qui font dire à leurs Auteurs
favoris mille belles choses auxquelles
peut-être ils n'ont jamais pensé , et qu'il
attribue comme eux à des vûës misterieuses
, et à de profonds raisonnemens ,
ce qui pouroit bien n'être au fond que
l'effet du caprice ? Je crois après tout
qu'on doit avoir quelque obligation à
ceux qui ont le talent de faire parler les
muets. Il vaut mieux qu'on me ramene
à la raison , même par force , que de
laisser errer mon imagination au hazard ;
ne dois -je pas sçavoir bon gré à qui me
fait un sujet de reflexion , de ce qui n'étoit
d'abord que l'amusement de mes
regards ?
.
Le Mode vrayement Venitien de l'Ou
vrage dont je viens de parler , me rapele
, Monsieur , un des plus beaux moreaux
que vous ayez dans votre ample
Collection ; j'entens ce magnifique Desein
ou Paul Veronese a representé des
Personnes
II. Vol.
1324 MERCURE DE FRANCE
Personnes de tout Sexe , de tout âge et
de toute condition . qui rendent hommage
à S. Marc , Patron de Venise , accompagné
des trois autres Evangelistes.
Cette composition forme un spectacle
des plus interessans . La simplicité des
Enfans , la pudeur des jeunes Filles , la
modestie des Dames , la gravité des Senateurs
, la contenance assurée des Guerriers
, l'air respectueux des Gens du Peuple
, un je ne sçai quoi de pompeux et
qui annonce en même tems la reconnoissance
, la confiance et la devotion
jette dans cette Representation Pittoresque
tout le pathetique et le sublime
de la Poësie.
,
Il faut avouer qu'on trouve dans les
productions des grands Maîtres de l'Ecole
Venitienne , des coups de genie qui
frapent , qui saisissent et qui enlevent.
Je ne m'étonne pas si tant de Peintres
⚫ célebres ont paru plus sensibles aux beautés
de cette Ecole qu'à celles des autres
et si même aujourd'hui nos François paroissent
uniquement attentifs à les reproduire
dans leurs Ouvrages . Je remarque
à ce propos , dans un Fragment des
Remarques du Peintre , Auteur du Recueil
, quelques traits qui peut être ne
vous déplairont point,
II. Vol.
Après
JUIN. 1737. 1325
Après avoir sans doute beaucoup exal-
» té le séjour de Venise . » Je ne pense ,
» dit-il , au sujet de cette Ville de déli-
» ces , que ce qu'en ont pensé des Au-
>> teurs célébres qui lui ont consacré le
Eloges suivans. Il caporte une Description
en Vers Latins du Poëte Allemand
Jean Lauterbach , et un Eloge de Jean
Mathieu Vvach.r de Constance. Je crois
que la lecture de ce dernier ne vous seta
point à charge.
Quemcumque Urbs Venetum semel
Portu mirifico acceperit hospitem ,
Illum non Gnydus aut Rhodos ,
Aut blanda alliciat Cyprus , ut Adria
Caupo ullum anteferat locum.
Non si Thessalicis possit in hortulis ,
Aut ultra Elisias plagas
Vitam in perpetuis ducere lusibus ,
Sic mentem satiet suam :
Sed qua per tantum Gondola amabilis
Huc illuc fluitatfretum :
Illic vivere amet semper , amet mori,
Roma Principis Urbium ,
Nil huc delicie , nil faciunt, scatet
Queis divina. Neapolis ,
Aut Lucca, aut Genua, aut clara Fluentia;
Urbs sola Deum bonis
II. Vol.
Fundat
1326 MERCURE DE FRANCE
Fundata auspiciis , et alite aurèa !
O ipsis quoque mortuis
Vitam , si lubeat reddere idonea!
Totum muneris hoc tui est >
Quod quas delicias ortus et occidens
Pandunt respuo : praluis,
Quod Diis Templa poli non invideo,tuum.est.
Le Peintre adopte d'autant plus vo¬
lontiers les sentimens de cet Auteur ,
» qu'il est , dit- il , tenté de croire , après
» Nicolas Grudius , que Venus en quit-
» tant l'Isle de Chypre , occupée par les
» Othomans , a choisi Venise pour son
» séjour. De là vient aussi que les Pein-
» tres Venitiens , accoûtumés à voir les
» Graces et les Amours à la suite de cette
» Déesse , en ont fait prendre les plus
» touchans caracteres à leurs Tableaux.
» J'ai long-temps consulté pour sçavoir
» quelle Ecole d'Italie j'épouserois ; en-
»fin je me suis déterminé à m'attacher à
»la Venitienne. Il me semble que son
» goût doit le plus flater celui d'nn Hom-
» me de ma Nation .
» Il est vrai que l'Ecole Romaine fut
» l'objet de mon premier amour. En ar-
» rivant en Italie la regularité de ses traits
» me charma , la Beauté Grecque me
11. Vol. semblolt
JUIN. 1737. 1327
» sembloit pour ainsi dire, fondue dans la
sienne. J'étois enchanté de la legereté
» de sa taille, de sa démarche noble , fiere,
assurée , libre et dégagée , de ses grandes
manieres , de ses vûes sublimes ,
et sur - tout d'un air de force , de sangesse
et de majesté qui l'accompagnoit
» toujours et brilloit jusques dans ses
>> moindres actions. Je pris une violen-
» te passion pour elle , mais plus je lui
» faisois assidûment ma cour , plus je
» m'apercevois qu'elle étoit sévere et reservée.
Elle n'aprouvoit presque rien
» de ce que je faisois pour lui plaire ;
elle me proposoit sans cesse l'imitation
de modeles que je trouvois telie
» ment au- dessus de ma portée , que , mal-
"
29
gré tous mes efforts , je ne pouvois en
» saisir le caractere à son gré . Toujours
» elle vouloit me ramener au goût antique
, toujours elle m'entretenoit des
graces de Raphaël , de la correction de
Michel Ange , des Entreprises égalé-
» ment hardies et heureuses de Jules Ro-
» main , de l'élegante facilité du Parmesan,
de la sagesse ingenieuse du Poussin.
» Je m'apercevois bien que ce dernier
» étoit , à proprement parler , le seal
desFrançois qui avoit mérité son amour,
»
II. Vol. Det
1328 MERCURE DE FRANCE
et je sentois tant de difficultés à sur-
» monter , pour toucher son coeur par
» les mêmes moyens qu'il avoit em -
» ployés pour la rendre sensible , que je
n'osois m'hazarder à marcher sur ces
traces.
» Je l'aimois donc cette Ecole Romai-
» ne , mais c'étoit sans esperance. Les
» promesses qu'elle me faisoit de récom
» penser mes assiduités , et de couron-
>> ner mes travaux , regardoient un ave◄
» nir si éloigné , que j'en perdois cou
rage.
» J'étois dans cette situation quand une
» occasion se presenta de faire le voyage
» de Venise ; je ne la laissai point écha-
23 per. La Peinture s'y offrit à moi avec
» des traits moins réguliers , mais plus
» piquans : la raison me prouvoit qu'elle
» étoit moins belle qu'à Rome , mais je
ne sçais quelle disposition me faisoit
» sentir qu'elle étoit plus jolie. Je la
» trouvois plus vive , plus enjoüée , plus
» dans le goût des parures et des ajuste-
» mens. Une aimable coqueterie sau-
>> voit ses défauts ; ses caprices même me
plaisoient extrémement.
>>
L'EcoleVenitienne n'est point comme
la Romaine et la Florentine , esclave
» des regles et des austeres bienséances.
11. Vol.
Elle
JUIN. 1737. 1329
» Elle ne se fait point scrupule de certaines
irregularités , elle ne songe qu'à
plaire. Tout ce qui la mene à ce but
» lui paroît bon , pourvû qu'elle tienne
>>
» le milieu entre une extréme séverité et
» une extréme licence ; elle s'embarasse
» fort peu de la censure des Connois-
» seurs trop rigides. Presque tous les
>> fameux Peintres de l'Europe ont été
» épris de ses charmes , et nul n'a mieux
» été avec elle que Rubens l'Apelles des
>> Pays-Bas.
Son embonpoint , la vivacité de son
teint , l'agrément de ses manieres , l'essor
qu'elle donnoit à son imagination ,
» son goût pour les parures et les déco-
» rations pompeuses , son attachement
» aux graces sensibles , simples et faciles
» à saisir , en firent l'objet de ma pas-
» sion .
>>
Je n'oubliai point dans mon chan-
» gement les engagemens que j'avois pris
» avec l'Ecole Romaine ; je conservai
elle mon admitation et mon res-
" pour
» pect , mais je donnai à la Venitienne
>> tous mes soins et toute ma tendresse .
C'est ainsi , Monsieur , que le Peintre ,
Auteur du Recueil nous a laissé
une idée de ses études et de son goût
dans une espece de Fable allegorique,
II. Vol. dont Dij
WER CORE CE FRANCE
ACT GENGETCODs ar ie ificaites sur-
* noches: MOCATE YO0ur par
1 ts Trenes: noves mi vor en-
2 DOVES Ture embe , ne e
I becs: n
a mass
s
» has no cetes Imma-
I may cameras. La
a. pronesses: niele ne t
» Denker mis lasimuitsumor-
* : ms travaus repCSIT IN W
» nr 3. di Cosmeeton
dan cette situation Quand une
DCCASION & present talte k vrwage
2 Venise lasa point n
*pe. La Peinture act a moi ave
as traits moins regulers , mais pur
» piquan : la raisor me prouvor ausle
» étoit moins belle qu'a kome , mas
* ne sçais quelle disposition me faisoit
» sentir qu'elle étoit plus jolie. Je ha
uvois plus vive, plus enjouée plus
le
ge parures et des ajuste
able coqueterie sauses
caprices même me
eme
point comme
he , esclave
bienséances
.
Elle
JUIN. 1737. 7329
» Elle ne se fait point scrupule de cer
taines irregularités, elle ne songe qu'à
» plaire. Tout ce qui la mene à ce but
» lui paroît bon , pourvû qu'elle tienne
» le milieu entre une extréme séverité et
» une extréme licence ; elle s'embarasse
» fort peu de la censure des Connois-
» seurs trop rigides . Presque tous les
>> fameux Peintres de l'Europe ont été
épris de ses charmes , et nul n'a mieux
» été avec elle que Rubens l'Apelles des
» Pays - Bas.
>>
Son embonpoint , la vivacité de son
» teint, l'agrément de ses manieres , l'essor
qu'elle donnoit à son imagination ,
» son goût pour les parures et les déco-
» rations pompeuses , son attachement
» aux graces sensibles , simples et faciles
à saisir , en firent l'objet de ma pas-
» sion.
ן כ
>>
» pect ,
Je n'oubliai point dans mon chan-
» gement les engagemens que j'avois pris
» avec l'Ecole Romaine ; je conservai
pour elle mon admiration et mon resmais
je donnai à la Venitienne
>> tous mes soins et toute ma tendresse.
C'est ainsi , Monsieur , que le Peintre,
Auteur du Recueil nous a laiss
une idée de ses études et de son
lans une espece de Fable alleg
II. Vol. Dij
1330 MERCURE DE FRANCE
dont il est triste que les injures du temps
et de la fortune nous ayent dérobé la
suite.
per
L'intelligence que vous avez , Mon
sieur , des misteres d'un Art qui contri
bue à vos plaisirs dans vos momens de
relâche , ne me permet pas de déveloici
tout ce que le Peintre a caché sous
le voile du langage figuré ; vous n'avez
pas besoin de mon secours pour discerner
dans ce Fragment ce qui donne une
si juste idée du caractere distinctif des
deux Ecoles.
J'ai pris copie dans le Recueil de plus
sieurs autres choses que je vous communiquerai
dans la suite , si j'aprens que
vous ayez fait plus d'attention au fond
de celles que contient cette Lettre , qu'à
la forme peu réguliere que je lui ai donnée.
J'ai l'honneur d'être , & c.
အာ
ODE
Imitée du Pseaume XIX.
SI jamaisdans le rang où le Ciel vous fir
Vous éprouviez du sort l'implacable courroux 2
JI. Vola
Invoqucz
JUIN. 1737. 1338
Invoquez le Seigneur , il peut tout , il est maftre
D'en arrêter les coups.
Que du haut de Sion , le Séjour de sa gloire ,
Contre vos ennemis il protege vos jours ,
Et que dans vos combats l'Ange de la Victoire ,
Vous précede toujours .
來
Qu'il détourne vos pas des bords du précipices
Qu'i soit à chaque instant prêt à vous soûtenir;
Qu'il ne perde jamais de votre sacrifice
Le tendre souvenir.
Qu'a ves justes desirs il soit toujours propice ;
Qu'il ne refuse rien à l'ardeur de vos voeux ;
Qu'il regle vos desseins , et qu'il les affermisse,
Malgré vos envieux.
諾
Je connois maintenant jusqu'où va sa puissance ;
Il a sauvé son Christ des mains de ses Bour
reaux ;
Les cruels essayoient déja sur l'innocence
Leurs perfides couteaux.
11.Vol. Mais D iij
7332 MERCURE DE FRANCE
Mais du haut de Sion il entend sa priere
Il vient , il va punir des projets odieux :
Je le vois , il paroît , une juste colere
Eclate dans ses yeux.
İnsensés ! ils ont mis leur plus ferme esperance
Dans un nombre impuissant de Chars et de
Chevaux :
Mais pour nous , le Seigneur fait seul notre assu→
rance
Contre ces fiers Rivaux .
Quel spectacle ! grand Dieu ! quel revers effroyable
!
Quelle aveugle fureur les a transportés tous è
Je les vois se percer de ce fer détestable
Qu'ils dressoient contre nous.
Seigneur , entends nos voeux pour le sage Mo
narque ,
Qu'il te plut accorder à l'Etat ébranlé :
Et tu mettras pour nous , par cette seule marque,
Le comble à ta bonté.
N. R. Haudicquer , âgé de 16. ans ,
de la Ville d'Eu.
11. Vol. LETTRE
JUIN. 1737. 1333
LETTRE de M..... au sujet d'une
Pendule curieuse .
J
E ne doute pas , Monsieur, que vous
ne soyez ravi d'aprendre que M. Lefaucheur
, Auteur de l'Horloge de Sens ,
ait fini la belle Pendule qu'il avoit commencée
en 1730. Je vais vous en tracer
ici une idée .
Cette Pendule bat et marque les Secondes
, étant à grande vibration et à
poids ; sonne les Heures et les Quarts
sur doubles Timbres , et joue un Air de
Carillon , qui se change de lui - même; de
maniere que , durant la journée , on entend
differens Airs à toutes les heures ;
et que le lendemain les mêmes Airs ne
reviennent point aux mêmes Heures .
Elle marque l'Equation sur le même
Cadran, par deux Aiguilles des minutes ,
dont l'une marque le temps moyen , ou
égal , qui est celui de la Pendule , et
l'autre le temps vrai du Soleil , avec tou
te la justesse qu'on peut desirer ; cette
derniere Aiguille fait détendre la Sonnerie
, ce qui fait qu'elle est toujours
conforme au méridien lorsqu'elle sonne
II. Vol.
D iiij T'Heure
1334 MERCURE DE FRANCE
l'Heure ; elle donne l'Heure et la Minute
que le Soleil se leve et se couche tous
les jours . Elle marque le dégré d'élevation
du Soleil , en quel signe et en quel
mois il est , avec son quantième , lequel
Chiffre se remet de lui- même au premier
de chaque mois , lorsqu'il n'a que 28. ou
30. jours.
Les Révolutions Lunaires se font aussi
fort exactement , sans qu'on soit obligé
d'y toucher.
La Boëtte élevée sur son pied d'estal ,
porte plus de 9. pieds de haut , et est de
Marqueterie, plaquée de veritable Ecaille
, travaillée avec soin , ornée de Bronzes
dorés d'un goût nouveau et unique ,
n'ayant point été surmoulée ; ce sont
ces modelles mêmes qu'on voit sur la
Boëtte.
Le bas est suporté par quatre Dragons
aîlés , qui , passant au travers de quatre
Consolles , semblent soûtenir tout le
poids de la machine , laquelle se termine
par un Tailloir contourné devant et
par les côtés sur le Tailloir est un beau
Cartouche , pour y mettre les Armes de
celui qui l'achetera.
Au dessus des Dragons et des Consolles
sont des Enfans sur des nuées representant
les Arts liberaux .
II. Vol. Les
JUIN.
1735. 1335
Les quatre Saisons en buste d'un fort
bon goût , forment les coins du haut de
la Boëtte , tenant chacune ses Attributs
Le Dôme, rempli d'ornemens de Bronze,
est couronné par un Phoenix sur un
bucher.
Au bas de la porte , qui a deux pieds
quatre pouces de haut , est une Figure
representant Pallas assise sur tous ses
symboles de la Guerre , avec un Enfant
à ses pieds qui plie des Etendarts et lie
des Javelots , pour signe de la Paix . Le
tout enfin est rempli de divers ornemens
de Bronze très - bien cizelés et fort
recherchés , qui forment un beau coup
d'oeil , outre que la Pendule est parfaitement
juste , et peu composée pour tant
d'effets differens.
L'Auteur se charge de l'entretenir tant
qu'il vivra , marque qu'il est bien sûr
de son Ouvrage. La Personne pour qui
il l'avoit commencée , est morte deux
ans avant la perfection de cetre Piece ,
qui vient d'être heureusement finic .
Je suis , & c.
A Paris ce 2. May 1737.
II. Vol. D v ODE
1336 MERCURE DE FRANCE
O DE SA CRE' E
Sur le Pseaume De profundis.
D E l'excès affreux de misere
Qu'attire sur ma tête un indigne adultere ,
Seigneur , j'ose élever mes soupirs jusqu'à toià
Laisse-toi fléchir par mes larmes ;
Sensible à mes justes allarmes ,
Regarde mon désordre et calme mon effroi.
Au jour propice et redoutable ,
Qui doit regler le sort du juste et du coupable
Si tu viens nous juger dans ta séverité ,
Quel homme à l'aspect de son crime,
Au pied de ton Thrône sublime ,
Quel homme , ô Dieu, poura trouver sa sûreté ?
Je vois déja la foudre prête
A fraper ces pécheurs dont l'orgueilleuse tête ,
Sous le joug du Seigneur , ne sçut jamais fléchir;
Juge aussi juste que sévere ,
Des traits lancés par ta colere ,
Quels lieux assés deserts pouront les affranchir?
II. Vol. Que
JUIN.
1337
1737.
Que ne devrois-je point attendre
Deserteur de ta Loy , j'osai tout entreprendre ,
Pour contenter , helas ! un criminel desir ;
Mais ta clemence est mon refuge ;
David apaisera son Juge ,
Par l'aveu de son crime et par son repentir.
De ses maux mon ame touchée ,
Gemit , soupire enfin de s'y voir attachée
Ses cris vifs et pressans t'implorent nuit et jour,
Et la sentinelle attentive ,
De l'Aurore , à son gré , tardive ,
Par des voeux moins ardens apelle le retour.
Que vois-je ! Quel secours propice !
Le Seigneur attendri comble le précipice ,
Que creusoient sous mes pas mes criminelles,
mains ;
Il me sauve , il est mon refuge ,
Je vois mon Pere dans mon Juge ;
Il punit à regret les coupables Humains .
Vous donc , que captive le monde ,
Pécheurs , coeurs endurcis,de l'orage qui gronde ;
Songez à détourner les redoutables coups ,
II. Vel. Dérobez- D vj
1338 MERCURE DE FRANCE
Dérobez- vous à sa vengeance
Changez la seule penitence
:
Peut de son bras puissant desarmer le couroux
D. C. J. J. J.
REPONSE du R. P. Mathieu Texte,
Dominicain , à la Lettre de M. le Beuf,
Chanoine de L. C. D. imprimée dans
le Mercure de Mars 1737. au sujet du
Lieu de la Naissance de Saint Louis
Roy de France.
Avois vû , Monsieur , d'abord avec
plaisir , votre nom àl, de del avec
tre à laquelle j'ai l'honneur de répondre;
comme ce qui vient de vous est ordinairement
rempli d'érudition et de recherches
, je m'attendois à y trouver des
éclaircissemens sur la question agitée entre
M. Maillart et moi , d'autant mieux
queje voyois paroître sur les rangsur Ecrivain
d'un mérite distingué, sans qu'il eût
aucun interêt au sujet de notre dispute.
Ce n'est donc pas sans raison que j'ai été
surpris de ne voir presque dans certe Lettre
que les Chartres de la Neuville- en-
11. Vol
Hez
,
JUIN. 1737 1339
Hez , avec quelques avis, dont vous conviendrez
vous-même que je n'avois pas
besoin , lorsque vous y aurez fait re
Aexion .
>
1º. Je me suis fait illusion , si on vous
en croit , lorsque j'ai soutenu que M.
Baillet , qui a placé à Poissy la Naissance
de S. Louis , connoissoit les Chartres de
la Neuville , où il étoit né lui- même , et
pour prouver ma prétendue méprise
vous observez que la Note que j'ai copiée
dans les Vies des Saints de ce celebre Crisique
, n'est pas dans la premiere Edition
de cet Ouvrage , à laquelle il présida
mais seulement dans deux Editions faites
long- temps après sa mort ; sçavoir , en
1715. et en 1724.d'où vous concluez que
cette Note n'est pas de M. Baillet , mais
de l'Editeur.
Comment avez vous pû ignorer, Mon.
sieur , que l'Edition de 1701. qui est la
premiere , ayant été épuisée en très - peu
.de temps , on en fit une seconde , revie
et augmentée par l'Auteur , qui fut mise
en vente dès l'an 1704. chés Jean de
Nully. Baillet étoit alors plein de vie ,
il ne mourut que le 21. Janvier 1706.
Ce fut donc lui-même qui , au Tome II.
de cette Edition p. 379. après avoir écrit
dans le Texte : Louis IX. Roy de France
II. Vol nâquir
1340 MERCURE DE FRANCE
nâquit à Poissy , ajoûta cette Note . >> On
» voit deux Actes de nos Rois , l'un de
» Louis XI. et l'autre de Henry I V. qui
» portent qu'il est né à Neuville- en -Hez ,
" Bourg du Diocèse de Beauvais , » C'est
lui qui en disant ensuite p. 383. » que
» S. Louis retournoit ordinairement à
» Poissy , non pas tant pour y être né
» que pour y avoir reçû le Baptême »
montre qu'il n'avoit point d'égard à ces
Chartres . De plus on lit au IV . Tome p .
292. qu'il y avoit eu en 1215. trois évenemens
remarquables , dont l'un étoit la
Naissance de S. Louis à Poissy .
M. le Gendre a suivi son exemple , et
malgré ces Chartres , il a écrit T. III. P.
120. de l'Histoire de France , imprimée
à Paris, 12. ans après la mort de M. Bail
let : Louis VIII. eut pour enfans , & c .
S. Louis né à Poissy.
2º. La proximité d'une ruë , dites
vous , a empêché de bâtir le Sanctuaire
de l'Eglise des Dames de Poissy vers l'Orient
; cela est vrai , mais ce fut pour accorder
cette proximité avec l'endroit où
S. Louis étoit né , sur lequel on voulut
placer le Maître Autel.
3 °. L'autorité de Guidonis , Dominicain ,
né en 1260. Evêque de Lodéve en 1324.
que j'ai cité, m'a paru d'autant plus décisi-
II. Vol. ve
JUIN. 1737. 1347
ve pour prouver la Naissance de S.Louis à
Poissy , qu'un autre Ecrivain , lequel témoigne
, selon le P. Echard , l'avoir
connu , assure dans l'Abregé qu'il a fait
de sa Vie , qu'il étoit à la suite de la
Cour de France en 1318. envoyé par le
Pape Jean XXII. pour terminer la
Guerre qui étoit entre le Roy Philipe V.
et les Flamans . Ce qui réussit , dit Mezeray
, le 20. May 1320. Guidonis , alors
Inquisiteur de Toulouze , et Procureur
General de son Ordre ; dum Inquisitionis
et Procurationis officiis fungeretur , obligé
en cette derniere qualité , de veiller à
l'execution de la Fondation d'un Monastere
de son Ordre , faite à Poissy , à cinq
petites lieuës de Paris ; Guidonis , dis - je ,
pouvoit-il ignorer , n'étoit- il pas même
obligé de sçavoir le dessein de Philipe le
Bel et des Princes , ses deux fils , Philipe
Vet Charles IV . auxquels il avoit l'honneur
de parler , déclarés avec leur Perc
dans le Nécrologe de certe Maison , Auteurs
de ces grands Edifices ?
J'ai donc suivi les regles d'une saine
critique , lorsque j'ai regardé ce Prélat
comme un bon garant de la verité que
je défends ; il dit nettement que Philipe
le Bel fonda le Monastere de Poissy in
bonorem Avi sui qui apud Pissiacum natës
1 I. Vol.
esis
1342 MERCURE DE FRANCE
ests et c'est en termes aussi exprès , qu'il
assure dans la Relation de cette Fondation
, que le Lieu de Poissy fut choisi
préférablement à tout autre , parce que
S. Louis y étoit né.
Vous ne voulez pourtant point qu'on
s'arrête à ce témoignage parce que ,
>> dites- vous, les OuvragesHistoriques de
» Guidonis sont remplis d'une inexacti-
» tude qui leur a'attiré le mépris des Sça-
» vans, et qui est la cause qu'ils restent
» oubliés dans la poussiere des Biblio-
> theques , sans que personne ait jamais
» eu le courage de les rendre publics par
» l'impression . Les Sçavans , selon vous,
méprisent ses Ouvrages Historiques , & c.
Mais tous les Sçavans dont vous voulez
parler se réduisent à un des Continuateurs
de Bollandus , qui même n ' . dit
autre chose , sinon que la Vie de Saint
Justin d'Aquitaine , publiée par Guidonis
, contient des fables . A quoi le
P. Echard répond : hasfabulas Bernardo
non tribuas » En effet , Guidonis paroît
>> ici un Ecrivain zelé , lequel ayant
» découvert cette Piece en Gascogne,
» n'a eu d'autre dessein' que de la con-
» server en entier , afin que ce qu'il y a
» de fabuleux ne fut pas cause de la perse
de ce qu'il y a de vrai , sans préten
ᏞᎥᏤ .
dre
JUIN. 1737 7343
dre autoriser également l'un et l'autre.
Donnez-vous la peine , Monsieur , de
lire sa Vie , raportée par les Peres Labbe
et Echard , et vous y trouverez de quoi
vous former l'idée juste que l'on doit
avoir de notre Auteur et de ses Ouvrages
: Guido vir magni consilii , sensatus ,
fama , gratiâ , scientiâ et eloquentiâ clarus.
M. Sponde ad annum 1330. et le P. Alexandre
Siecle XIV. p . 148. lui donnent
dans leurs Annales les mêmes éloges . Le
P. Lelong , de l'Oratoiré , fait , dans sa
Bibliotheque Historique , le dénombrement
des plus célebres Bibliotheques qui
conservent cherement ses Manuscrits , et
il assure p. 78 2. que son Histoire imprimée
des Comtes de Toulouze , est suivie
generalement de tous ; M. Baluze , lequel
, au sentiment de M. Dupin , Siécle
XVII. p. 5. et p. 15. et de tout le monde,
étoit mieux versé que personne dans la
connoissance des Manuscrits , parlant de
notre Prélat , a dit dans son Histoire des
Papes d'Avignon , T. I. p. 579. Bernardus
Guidonis Auctor omni exceptione major.
Bernard Guidonis est un des plus célebres
Auteurs ; et il l'a dit à l'occasion
de ses Additions à l'Ouvrage Historique
des nouveaux établissemens de l'Ordre
des Freres Précheurs , De Exordiis Ord.
II. Vol.
Prad
1344 MERCURE DE FRANCE
Prad. Ce scul témoignage autorise tout
ce que notre Ecrivain a dit de celui de
Poissy , qui est du nombre. Tous ces
Scavans , et plusieurs autres que je pou
rois citer , sont autant de témoins du mérite
de Guidonis , par les éloges qu'ils
lui donnent.
>
Vous ajoûtez enfin que personne n'a
jamais eu le courage de faire imprimer
aucun des Ouvrages Historiques de notre
Auteur , et le P. Echard T. I. p . 577.
en cite six , avec l'année et le lieu de
l'Impression. Historia Inquisitionis , & c.
Vovez aussi ce que Baillet dit en faveur de
Guidonis T. I. p. 36. Edit. de 1704 .
4º. Guillaume de Chartres , Chapelain
de S. Louis , a écrit que ce pieux Roy
observoit les jeûnes qui étoient d'obliga
tion dans le Diocèse de Chartres , eò quod
de Carnotensi Diocesi oriundus existebat.
J'ai traduit ces mots : Parce qu'il étoit
né dans le Diocèse de Chartres. Et je
soutiens encore que c'est leur sens veritable
et naturel .
Ce que j'ai avancé , qu'en cherchant
une autre autorité que celle de Catel ,
qui vous a paru trop foible , pour montrer
que j'ai bien expliqué le mot oriundus
, je l'ai trouvée sans peine cette autorité
, et telle qu'elle ne laisse pas om-
II. Vol.
bre
JUIN. 1737. 1345
bre de difficulté ; c'est la Vie de S. Eloy
par S. Ouen qui me l'a fournie. Elegius,
dit l'Historien , in Villa Catalanensi oriundus
fuit. On l'explique en disant que S.
Eloy nâquit à Cataillac près de Limoges ,
et S. Olen ne permet pas de l'entendre
autrement , lorsqu'il ajoûte : ex hâc ergo
regione natus est : Il nâquit donc dans ce
Pays - là. Sum enim et ego , si fortè vos nescitis
, civitate vestrâ oriundus , et à pueritia
nutritus : » Sçachez , disoit Corneille Agrip-
» pa à ceux de Cologne , que je suis né
ра
» et que j'ai été élevé dans votre Ville ,
qu'il apelle sa Patrie. Melchior , Adam
et Bayle citent cet oriundus pour prouver
qu'il y est né.
5º. Mais si le mot oriundus indique le
Lieu de la naissance temporelle , en sera-
t- il autrement du mot originis , employé
par Philipe le Bel en 1304. dans
la Chartre de Fondation du Monastere
de Poissy ? M. Maillart les a expliqués
l'un comme l'autre , et vous en avez usé
de mêmesje n'y trouve aussi aucune difference
; je crois qu'ils ont la même signification
; cependant comme il vous
reste deux scrupules , je vais tâcher de
les lever.
On lit donc dans cette Chartre de
Fondation ( par laquelle le Roy accorde,
11. Vol. en
1546 MERCURE DE FRANCE
,
en vûë de la Naissance de S. Louis , in
honorem , &c. des Privileges bien plus
étendus que ceux de Neuville : Villam
ipsa ORIGINIS SUE locum habebat.Il
avoit le Domaine de cette petite Ville de
Poissy , le Lieu de sa Naissance . Ce verbe
habebat vous paroît receler quelque
mistere et en vous en reservant l'intelligence
, vous avertissez le Public que si
on l'entend bien , il fait contre moi ; j'avoiie
que je ne vois point cela , mais ce
que je vois fort bien , c'est que ce même
verbe habebat n'est point dans une autre
Chartre que Philipe le Bel accorda au
Monastere de Poissy , et qui est datée de
Chastillon - sur- Yndre , au mois d'Août
1305. In honorem Dei , B. V. M. nen nen
ad celebrem et specialem egregii Confessoris
B. Ludovici , Avi nostri , Monasterium
præteritis diebusfundare decrevimus in Villä
Pissiaci , ORIGINIS locum prefati Confes
soris , & c.
Ce verbe habebat , comme vous voyez,
n'est plus ici un obstacle , et afin que
vous n'ayez rien à désirer là dessus , lisez
un endroit de la Vie de S. Gregoire , Pape
, écrite par un Chartreux du Val-
Dieu , du XV. Siécle , et raportée dans
le T. VI. p. 28. Veter. scrip. de D. Martenne
, Benedictin . B. Gregorius , Papa ,
VI. Vol.
clarissimis
JUIN . 1737. 8347
clarissimis ortus natalibus ; S. Gregoire ,
Pape , sorti d'une illustre Famille , ea
tempore duxit originem quo à nativitate Ch.
annus DXLI.volvebatur . nâquit en 541.Le
même Chartreux parle de Guidonis p .
70. comme d'un beau génie : Doctor solertissimus
edidit egregium opus speculi sanctoralis.
Ce Docteur subtil est l'Auteur
de l'excellent Traité du Miroir des
Saints.
A l'égard de votre second scrupule ,
qui consiste en ce que vous ne pouvez
pas comprendre qu'on ait été mieux informé
du Lieu de la Naissance de Saint
Louis , que de l'année de cette Naissance ,
sur laquelle les Historiens ne sont nullement
d'accord ; vous me permettrez de
vous dire que la Patrie est une chose subsistante
; la Naissance des Grands Hommes
dans un Lieu fait honneur , et souvent
même elle lui est utile : il n'en est
pas de même de l'année , et eût- elle été
écrite dans le temps même , les Copistes
ne sont pas également exacts. On sçait
que Philipe le Bel avoit formé le dessein
de fonder un Monastere , non pas pour
rendre célebre l'Année de la Naissance
de S. Louis , son Ayeul ; c'est pour cela
qu'il n'en fut pas parlé , mais le Lieu où
il étoit né , qu'il déclare être la petite
II. Vol. Ville
1348 MERCURE DE FRANCE
Ville de Poissy , ayant pû l'aprendre de
S. Louis , son Ayeul , auquel il avoit
parlé de Marguerite de Provence , son
Ayeule , avec laquelle il avoit conversé
17. ans , et celle - ci 18. avec la Reine
Blanche .
Que voulez -vous après cela qu'on dia
se de vos Chartres ? Je sçais le respect
que l'on doit avoir pour tout ce qui émane
du Trône de nos Kois : mais la Chartre
de Louis XII . dont j'ai aporté l'exemple,
donnée en 1513. en faveur de la Cour
des Aydes de Montpellier, pour être éga
lement émanée du Trône , ne fut pas
plus infaillible par le défaut de l'Exposé
quoique fait de bonne foy ) vos Chartres
étant de ce caractere , elles n'en ont
pas aussi plus d'autorité .
Il n'y en a proprement que deux ;
( celle de 1475. se raportant entierement
à celle de 1468. ne doit être comptée
pour rien ) La premiere est de Louis XI.
et de l'an 1468. c'est-à- dire qu'elle a été
accordée aux Habitans de la Neuvilleen-
Hez plus de 250.ans après la Naissance
de S. Louis , et 198. après sa mort.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est que
Louis XI . ne dit pas absolument dans
certe Chartre que S. Louis est né à la
Neuville ; quand il l'auroit dit , ce seroit
11. Vol. encore
JUIN. 1737. 1349
encore peu que de chose: car on sçait bien
ce ne sont pas les Rois qui redigent les
Chartres ; mais après avoir écrit dans celle
- ci que S. Louis avoit pris Naissance à
la Neuville , on a eu soin d'ajoûter au
nom du Roy , ainsi qu'il nous a été affirmé
. Par qui affirmé ? Ce n'est pas assu
rément par ceux qui étoient du temps de
S.Louis.Si l'on veut donc que cette Chartre
prouve quelque chose,ce sera uniquement,
que plus de 250 ans après la Naissance
de S. Louis , les Habitans de la
Neuville , ayant trouvé une protection
auprès de Louis XI . lui demanderent
une exemption pour un temps , que leur
pauvreté seule rendoit nécessaire ; que,
pour être écoutés plus favorablement, ils
exposerent que S. Louis étoit né chés eux;
et que Louis XI . leur accorda ce qu'ils
demandoient sur un oui dire , sans avoir
fait examiner la verité de cette partie de
leur Exposé .
Je n'aurai pas de peine à montrer que
la Chartre d'Henry IV. qui vous a pa
ru si curieuse , ne prouve pas davantage.
Le Roy y dit que les Habitans de la Neuville
lui ont exposé qu'ils avoient obtenu
autrefois plusieurs graces , entr'autres
une Chartre de S.Louis , qui la leur avoit
accordée en consideration de ce qu'il
11. Vol. avoit
1350 MERCUREDE FRANCE
avoit pris Naissance au Château de la
Neuville. Vous voyez , Monsieur , que ce
sont encore ici les Habitans qui parlent ,
et qui parlent d'une Chartre qu'ils n'avoient
pas , et qu'ils disent que S. Louis
leur avoit accordée , comme l'ayant oüi
dire.
Enfin tout s'opose à vos Chartres , et
rien ne les favorise . Que d'obstacles à
franchir que de difficultés à résoudre !
et à combien de conjectures n'êtes- vous
pas obligé de recourir pour trouver quel
que Epoque de la Naissance de S. Louis
à Neuville ? On aura beau chercher le
sujet du voyage de la Princesse Blanche,
qui n'étoit pas encore Keine , M. Maillart
avoue dans sa Lettre, et vous Monsieur,
vous faites connoître , par les beaux
traits Histoire dont vous avez enrichi
la vôtre , que vous n'avez rien oublié
l'un et l'autre pour le trouver ce sujet ,
mais sans succès. Après de si habiles cri.
vains , qui osera se flatter d'y réussir ?
Il en faudra donc toujours revenir au
Château de Poissy , le séjour ordinaire
de cette Princesse .
Je suis , Monsieur , & c.
A Paris le 1. Fuin 1797.
II. Vel, PLAINTE
JUIN. 1737 1351
*****;
PLAINTE ET REMONTRANCE
à M. Albert , Docteur en Médecine
sur son retardement à prendre un Cheval.
Dis-moi , mon cher Albert , quel caprice
Au mépris de l'humanité ,
Te rend sourd à nos cris, à toi - même barbare ,
Et te porte sans cesse à risquer ta santé ?
Quoi les rares talens , la profonde science ,
Ne peuvent-ils permettre un peu de complaisance
Mon discours te surprend ; tu parois interdit ;
Ecoute donc , Albert , le fait dont il s'agit.
Depuis le lever de l'Aurore ,
Jusqu'au retour des ombres de la nuit,
Par ton seul aspect qu'on implore ,
Effrayant le trépas qui t'évite et te fuit ,
Tu cours à pied vers quiconque t'apelle ;
Mais ta langueur malgré toi se décele ,
Elle fait qu'en Chorus tout le monde te dit :
Eh Monsieur , on vous en conjure ;
Monsieur le Médecin prenez une monture,
A bon droit mis au rang des plus fameux Doc
tears ,
Quelle noire et coupable envie ,
II. Vola E A&
1352 MERCURE DE FRANCE
Au milieu de tant de grandeurs ,
Te fait renoncer à la vie ?
De ce don ( tu le sçais ) fatal ou précieux 2
Tout Mortel est comptable aux Dieux ;
Il n'en est que dépositaire ;
Qui sans eux en dispose est un audacieux ;
Il devient à l'instant l'objet de leur colere.
Ce Principe adopté de tout le genre humain ,
Nous induit dabord à conclure
Qu'il ne t'est pas permis de remettre à demain
A te servir d'une monture.
On sçait qu'un Cheval autrefois
Causa le sac et l'incendie
D'une illustre Ville d'Asie ;
Mais ce Cheval étoit de bois :
De l'absolu Destin telles furent les Loix ;
Aujourd'hui le sort veut qu'anCheval plein de vio
Sauvant Albert , sauve notre Patric :
Auquel de ces Chevaux divers ,
Donner ici la préference ?
Au Grec funeste Auteur d'un funeste revers
Ah! que le tien pour l'Univers ,
Seroit bien d'une autre importance ! ;
L'un cachoit dans ŝes flancs un trépas médité
Au Troyen , que trompa sa vaine confiance ;
Le tien en croupe avec pleine assurance,
Nous aporteroit la santé :
II. Vele
Mais
JUIN.
1353
1737་
Mais vainement ce Fait te seroit-il citë ,
Comme beau trait d'Histoire et de Litterature,
Si je n'en inférois avec vivacité
Que tu ne peux sans blesser l'équité ,
Sans forfaire à l'honneur , te passer de monture,
Il faudra,j'en conviens,compter quelques ducats,
Et pour l'achapt et pour la nourriture 3
Mais , ami , dans la sépulture
7
Tu sçais qu'on en
fait peu de cas.
Caron , qui des grands coeurs n'est pas le vrai
modele ,
Me dira - t'on , ne passe pas
Les Morts gratis dans sa nacelle ;
Mais pour ce,faut- il donc d'argent si gros ama
Un seul teston suffit pour ce passage ;
Laisse aux avares désormais
Le lugubre et vain avantage
De toujours amasser , de ne joüir jamais ,
'D'être pour s'enrichir toujours à la torture.
Pour toi , mets à profit et l'argent et le temps
Et sûr , avec les tiens , de prolonger nos ans,
Entretiens à tes frais une utile monture.
Eh que m'importe enfin à moi ,
Que chacun ait vû devant toi
Disparoître l'apopléxic ,
La fievre s'éclipser , et fuir la pleurésie ,
Si je suis malheureux par ton entêrement ?
II. Vol
TOR
E ij
1354 MERCURE DE FRANCE
Ton Ombre à mon esprit s'offre à chaque mo
ment ,
Toute prête à passer les rives du Cocyte.
Cher Albert , c'est alors , ah ! c'est dans ces ins
tan's
Que dans tes soins , dans tes talens ,
Dans ton zele , dans ton mérite ,
Je trouve mon propre tourment :
Contre toi je me livre à la plainte , au murmure,
Je m'écrie : Ah , le traître ! il fausse son serment;
Cent fois il me promit de prendre une monture.
Vingt lustres bien complets de santé, de vigueur!
Quel est le Médecin qui ne s'en fît honneur ?
Mais qu'en la fleur des ans un Médecin expire ,
Quelle honte ! non, non , je veux bien te le dire ,
Pour marcher à pas lents vers l'Empire des Morts,
Pour n'ariver que tard aux sombres bords ,
Pour entrer des derniers dans la funeste Barque ,
Cu passent côte- à- côte et Berger et Monarque
Pour filer de longs jours sans crainte et sans
regret ,
• Il n'est pour toi qu'un seul secret ,
Secret dicté par la bonne Nature ;
voici , c'est une monture.
Quel désespoir pour Atropos !
Tous les jours sont marqués de quelque illustre
Cure ;
II. Vol Ardents
JUIN.
1737. 1355
Ardente à t'en punir , à venger son injure ,
Je la vois aiguiser ses funestes Ciseaux ;
Mais qu'importe ? avec avantage ,
Tu peux vaincre et dompter son implacable rage:
Nouveau Bellerophon , sur un noble Coursier ,
Combats, poursuis , foudroye , Albert, ce Monstre
altier ;
Opose à sa furie un courage intrépide.
Que la cruelle , Ami , que la perfide ,
En toi retrouve un Paladin , *
Mais comment tenter l'avanture ,
Comment pouvoir la mettre à fin ,
Cher Albert , sans une monture ?
Esculape , il est vrai , de ses dons précieux
Abondamment te favorise ,
Et sur nous , cher Ami , d'une façon exquise
Tu sçais à plaines mains les répandre en ces lieux;
A l'instar de ce Dieu de salubre memoire ,
D'être utile aux Mortels tu te fais une gloire ;
Mais le crois- tu qu'Esculape autrefois ,
S'excedât de fatigue et se mit aux abois ?
Il s'en falloit du tout que tel fût son sistême.
De carrefour en carrefour ,
Un Char portoit sa Déïté suprême.
Esculape nouveau , tu pourois à ton tour
User de pareille voiture ;
Quifit de plus d'un Monstre ample déconfiture:
II. Vol. Mais E iij
1356 MERCURE DE FRANCE
Mais si pour ce faste ton coeur
Ressent une secrette horreur ,
Du moins imite en son allure
Celui dont Rossinante étayoit la figure ;
Comme ce Parangon d'honneur ,
Ne vas nulle part sans monture .
Je ne te parle point de ta chere Moitié ,
Tu dois , en tendre Epoux, faire tarir ses larmes.
A les faire couler trouves-tu tant de charmes ?
Infidele à l'amour , rebelle à la pitié ,
Te refuser aux voeux d'une tendre amitié !.
Cher Albert , pardonne à la mienne ,
Qui demande de toi plus de ménagement ;
Mais qu'importe après tout , pourvû que je l'obe
tienne ,
Qu'Albert chemine enfin commodément ;
Soit qu'un genest de superbe encolure ,
Soit qu'un criquet et modeste et benin ,
Glorieux de
porter un grave Médecin ,
Soit en tout temps, en tout lieu ta monture.
De plaisir mon coeur est comblé ;
Oui , le tien est touché des voeux et des prieres
De tout un Peuple désolé.
De la raison en toi renaissent les lumieres .
Peuple , votre bonheur ne peut être égalé ;
Albert va terminer la noire inquiétude ,
11. Vol.
Dont
JUIN.
7357 1737:
Dont vous étiez justement accablé,
Il se fera dans la suite une étude
De conserver ses forces , sa vigueur ,
Et son teint nous peindra le Printemps en sa
Aeur ;
Mais que vois- je ! ah déja se remplit cet augure,
Contentez-vous mes yeux , vous le voyez enfin ,
Vous le voyez ce chéri Médecin ;
On n'en peut plus douter ; il est sur sa monture.
Par M. de Sommevesle .
***************
ELOGE du R. P. Dom Claude Dupré ,
Superieur General des Benedictins de la
Congrégation de S. Maur.
ER. P. Dom Claude Dupré nâquit
La Bresolles, petite Ville du Perche
dans le Diocèse de Chartres , le 18. No
vembre 1667.d'une fort honnête Famille.
A l'âge d'onze ans ses Parens l'envoyerenɛ
à Paris. Après avoir étudié quelque temps
au College de Montaigu , il alla à Caën
achever ses Humanités , et partout il fit
admirer son amour pour les Lettres , et
son assiduité au travail . C'étoit peu pour
lui que les heures d'étude et les devoirs
de Classe ordinaires . Avare de son temps
II. Vol. E iiij .
et
1358 MERCURE DE FRANCE
et avide de science , les momens que ses
Condisciples passoient à de vains amusemens
, notre jeune Ecolier les employoit
à la lecture des bons Livres , ou dans la
compagnie des Personnes qui pouvoient
contribuer à son avancement. Ses promenades
et ses récréations se bornoient
à l'Abbaye de S. Etienne de Caën , où il
s'entretenoit de matieres de pieté avec
quelques Religieux , dont il avoit fait
connoissance , et s'édifioit de la retraite ,
du silence et de la régularité de cette
Communauté. Leur genre de vie fatoit
Insensiblement son inclination , et la
grace secondant le penchant naturel qu'il
avoit pour la solitude , il se sentit vivement
pressé du désir de se faire Religieux.
Fidele à sa vocation , il quitta le Monde
et sortit de Caën à l'insçû de ses Parens ,
pour se retirer dans le Monastere de
Lyre.
Là , revêtu de l'habit Religieux, notre
jeune Novice s'apliquoit tout entier à
étudier et à remplir les devoirs de l'Etat
qu'il vouloit embrasser , lorsque son Pere
se rendit à Lyre , et le sollicita par
tout ce que la Nature a de plus tendre ,
de retourner avec lui dans le Monde pour
être sa compagnie et sa consolation . Mais
le Novice , ferme dans sa résolution
II. Vol. Consomma
JUIN 1737. 1359
consomma son sacrifice avec joye le 10 .
Août 1686. par les voeux solennels de
la Religion .
Après sa Profession , il fut envoyé à
S. Ouën de Roüen , pour y faire son Séminaire.
Le P. Dom Simon Bougis , qui
en étoit Prieur , déja prévenu sur les
heureuses dispositions du Frere Dupré ,
le reçut , avec complaisance , au nombre
de ses Eleves , et s'apliqua avec soin à
cultiver cette jeune Plante et à la conduite
à sa perfection . Notre jeune Profès fit de
si grands progrès dans la vertu , qu'il
devint en peu de temps l'exemple et le
modele du Séminaire . Il passa ainsi deux
années dans la pratique la plus exacte de
l'observance Réguliere. Apliqué ensuite
par ses Supérieurs à la Philosophie et à
la Théologie , il reprit son ancien goût
pour l'Etude , mais sans jamais perdre le
but de sa vocation . Les succès répondi
rent parfaitement à l'habileté de ses Maîtres
, et sa pieté ne souffrir rien des athiblissemens
que la sécheresse et la dissi
pation des Études causent souvent.
Au sortir de ses Etudes , on l'envoya
à Jumiéges , Maison très retirée er propre
à ses inclinations. Il reçut à la fin de
Fannée l'Ordre de Prêtrise , et peu de
temps après les Supérieurs Ini confierent
11, Ꮴ ! iédu- E v
1360 MERCURE DE FRANCE
>
l'éducation de la Jeunesse , ils lui firent
enseigner successivement les Belles- Let
tres au College de Tyron , la Philosophie
à Fécamp , et la Théologie à Caën. Il
s'étudia à former ses Disciples autant par
ses exemples que par ses leçons ; sa conduite
leur inspiroit également l'amour
pour la vertu et l'ardeur pour les Sciences.
ร
Le Chapitre General de 1705. le nomma
Prieur de Saint- Pere de Chartres.
Toute la Province aprouva ce choix ; il
en fut lui seul consterné ; il fit des remontrances
, il insista , il gémit , il pleura
, mais inutilement il fallut se soumettre.
A la tête de sa Communauté , il
prit pour regle de conduite l'exemple du
bon Pasteur. Dur à lui même , humain
pour ses freres, prévenant officieusement
les besoins de ses Religieux , portant
tout le poids de la Supériorité , sans en
goûter les douceurs ; il possedoit à un
dégré supérieur le don de la parole. Rien
de plus solide , rien de plus pathétique
que les Exhortations qu'il faisoit à ses
Religieux , ils l'écoutoient toujours avec
plaisir , même dans la censure de leurs
fautes .
Le Chapitre General de 1708. instruit
de ses vertus et de ses bonnes qualités
crut devoir lui confer un poste plus con-
II. Vol. sidérable.
JUIN. 1737. 1361
sidérable. Il y fut nommé Abbé de Saint
Martin de Séez. Cette nouvelle dignité ,
soûtenuë de tous les talens qui rendent
un homme recommandable , auroit pû lui
procurer des amis distingués , et le faire
briller au- dehors ; mais se renfermant
dans les bornes de son Etat , il évita , autant
qu'il put , de paroître et de se répandre
parmi les Séculiers. Malgré tou
tes ses précautions il fut respecté dans le
Pays et connu pendant six ans qu'il gouverna
cette Abbaye , pour un saint et
sçavant Religieux , qui joignoir aux belles
connoissances un excellent caractere.
Les idées avantageuses qu'on avoit de
lui , loin de flater son amour propre , net
servirent qu'à le rendre encore plus humble.
Il souffroit impatiemment des éloges
et des attentions qu'il croyoit ne pas
mériter ; et regardant la supériorité comme
un écueil , il fit tous ses efforts pour
s'en décharger au Chapitre General de
1714. dont il étoit Membre. Il y étoit
destiné pour remplir un des premiers
postes de la Province de Bretagne ; mais
Il préfera l'Office de Secretaire du R. P.
General aux Supériorités les plus honorables.
Il exerça cet Emploi pendant six ans
avec tout le zele et l'attachement que
II. Vol. E vj
méritoit
1362 MERCURE DE FRANCE
méritoit l'entiere confiance dont l'honoroit
le R. P. Dom Charles de l'Hostalled
rie. Ce R.P. ayant demandé et obtenu sa
décharge au Chapitre de 1720. son Secretaire
sollicita vivement la permission
de rentrer dans la retraite et dans la solitude
, dont il faisoit ses délices ; mais
on n'eut aucun égard à ses prieres , et
malgré toutes ses repugnances , il fuc
nommé par ce Chapitre Visiteur de Normandie
, et par celui de 1723. Visiteur
de la Province de France.
Devenu le Pere des Religieux de ces
Provinces , il en fit le bonheur et l'admiration
: il les gouverna avec toute la
fermeté , la douceur et la modération
qu'on pouvoit attendre de son grand
zele , de son bon coeur et de sa charité
paternelle. Son autorité soûtenuë par
l'exemple de ses vertus , y fut toujours
universellement respectée et aimée. Les
Religieux de France ne le virent sortir
qu'à regret de leur Province : il emporta
leurs coeurs et leurs voeux en les quittant
pour aller en 1726. à Fécamp gouverner
cette Abbaye , la premiere et la plus distinguée
de la Normandie .
En changeant de poste , Dom Dupré
ne changea pas de conduite : même zele
pour la discipline réguliere , même rete-
II. Vol
JUIN. 1737. 1363
#ue pour le dehors. Renfermé dans l'interieur
de son Monastere , il se livra tout
entier aux besoins de ses Religieux . Obligé
par son Office de Grand Vicaire de
l'Archevêque de Rouen , de communiquer
avec les Seculiers , pour l'exercice
de la Jurisdiction sur plusieurs Paroisses ,
il s'y prêta , mais toujours en vrai Religieux
, satisfaisant simplement aux devoirs
de sa Charge-
Député de sa Province , Définiteur et
Secretaire du Chapitre de 1729. il y fut
nommé Prieur de l'Abbaye de S. Germain-
des - Prez : mais un orage fâcheux
ayant troublé la paix de la Congrégation ,
il prit le parti de la retraite , et renvoya
son Obedience ; il insista long - temps
pour obtenir sa démission , et ne se rendit
à S. Germain qu'aux ordres précis et
réïterés du R. P. Général. Peu accoûtumé
au grand Monde , ennemi du tumulte
et des embaras , il se contenta de lever
les mains au Ciel , tandis que les Superieurs
majeurs travailloient à rétablir le
calme dans la Congrégation.
Il fut
peu de temps
après
élû
Assistant
du R. P. Général. Telle étoit sa situation
lorsqu'il se vit obligé en 1735. par la
mort inopinée du R. P. Général Dom
Hervé Menard , de présider en qualité
11. Fol. de
1364 MERCURE DEFRANCE
de Vicaire Général à toute la Congrégation.
Il soûtint le poids de cette Charge
avec une constance qui le fit admirer.
Sans rien relâcher de sa régularité , de
son assiduité aux exercices , et de ses
austerités , il s'occupa infatigablement à
chercher les moyens de ramener dans la
Congrégation la subordination et la paix,
que les disputes du temps et les élections
précedentes y avoient extrémement al
Terées.
Son accès libre , aisé et affable , ses
entretiens familiers , agréables et insi-
Huans , ses lettres tendres , affectives et
paternelles , lui attirerent d'abord la confiance
des Religieux. Les très -humbles
Remontrances qu'il fit au Roy , de concert
avec le P. Assistant et quelques Superieurs
, pour la levée des exclusions et
la liberté des suffrages dans le prochain
Chapitre , les ordres pleins de bonté et
de clemence qu'il obtint de S. M. au
mois de Mars 1736. et la lettre qu'il
écrivit à tous les Monasteres le lende
main pour les notifier , acheverent de
concilier les Esprits .
Le 3. May 1736. il fit l'ouverture du
Chapitre par un Discours si éloquent et
si pathetique,qu'il pénétra tous les coeurs
et les réunit tellement , que toutes les
Fl. Vol. élections
JUIN. 1737.
1365
élections s'y firent avec une tranquillité
et une modestie dignes des premiers
temps de la Congrégation.
Après avoir été élû unanimement Définiteur
et Président de ce Chapitre , il
fut aussi élû d'une voix unanime et proclamé
Général de la Congrégation le 27.
du même mois. Cette place étoit dûë à
sa grande régularité et à son zele pour le
bon ordre et pour la discipline . Tous les
Religieux le desiroient et le demandoient
depuis long-temps . Tous aplaudirent à
ce choix; lui seul s'en affligea , et l'abon
dance des larmes qu'il versa, au moment
de son élection , et dans la cérémonie de
son installation , fut une preuve bien
sensible de la peine qu'il en ressentoir.
Ses Religieux ne furent pas les seuls
qui se réjouirent de son élection . Le Pape
l'honora d'un Bref, par lequel il lui mar
quoit la joye qu'il avoit de voir si dignement
remplie la premiere Place d'une
Congrégation , qui lui étoit chere et précieuse,
M. le Cardinal de Fleury l'hono
ra d'un accueil très - favorable. S. E. aut
fa bonté de le presenter au Roy et à la
Reine Elle fit à Leurs Majestés l'Eloge
de la Congrégation et du Général en presence
de toute la Cour , dans les termes
les plus obligeans . Le Public ne prit pas
II. Vab
mcins
1366 MERCURE DE FRANCE
"
moins de part à l'heureux succès du Cha
pitre. Le nouveau Général füt reçû partout
avec joye , avec distinction ; et celui
qui , jusqu'alors, n'avoit cherché qu'à
se cacher , se vit, avec étonnement, connu
et recherché de tout le Monde . Il reçut
des marques d'une consideration par
ticuliere du Roy et de la Reine de Pologne,
lorsqu'il leur presenta une Relique
de S. Benoît , que L. M. lui avoient demandée
avec empressement; la noble sim
plicité avec laquelle il les harangua ,
fut
louée de toute la Cour.
Cependant le Seigneur répandoir ses
graces et ses bénédictions sur son gouvernement
: la science et la pieté reprenoient
une nouvelle vigueur , lorsqu'une
mort prématurée enleva ce digne Général
à sa Congrégation . Il avoit prédir ,
au moment de son élection , qu'il ne
verroit pas la fin de l'année. En effet, un
travail dur , continuel et opiniâtre , joint
à une vie extrémement pénitente et austere
, épuisa bien- tôt ses forces , et le conduisit
en peu de temps au tombeau.
Dès le mois d'Août il se sentir attaqué
d'une sécheresse de poitrine , qui fit craindre
pour sa vie . Son corps s'affoiblissoit
à vûë d'oeil , et sa poitrine s'alteroit de
plus en plus.
11 Vol. , A
JUIN. 17376 1367
Au commencement de l'Avent il se
Trouva fort opressé. Le Médecin lui prescrivit
un regime de vie ; mais il ne fut
pas possible de lui faire rompre le jeûne
et l'abstinence , et tout ce qu'on put ga
gner sur lui , fut qu'il ne se leveroit pas
la nuit pour aller à Matines , exercice
auquel il avoit été toujours fort assidu .
Quelques saignées faites à propos , lui
donnerent un peu de relâche , et mesurant
ses forces sur son courage , il entreprit
de dire les trois Messes de Noël : il
célébra encore la Messe le jour de Saint
Etienne , mais avec beaucoup de peine ,
et pour la derniere fois .
Le Dimanche suivant, se trouvant plus
mal , il apella son Confesseur , et se prépara
par une Confession générale à recevoir
le S. Viatique et l'Extréme- Onction ,
Le P. Assistant se disposoit à les lui apor
ter, le Malade les attendoit avec une sainte
impatience , mais une violente palpitation
de coeur lui ôtant tout à coup la
respiration , sans qu'on pût lui donner
aucun secours , le P. Delville , son Secretaire
, qui ne le quittoit point , l'exhorta
à avoir recours au Seigneur. Je
mets , lui répondit- il , toute ma confiance
en sa misericorde , et en prononçant ces
paroles il expira le 30. Décembre 1736 .
II. Vol. à trois
1368 MERCURE DE FRANCE
à 3. heures après midi, âgé d'environ 70.
ans. Il fut inhumé le lendemain avec les
cérémonies accoûtumées auprès de ses
Prédécesseurs , vers le milieu du Choeur
de la grande Chapelle de la Vierge. Les
Généraux d'Ordre qui étoient à Paris ,
un très grand nombre d'Ecclesiastiques
et de Religieux assisterent à ses Obseques
, et au Service solemnel qui se fit
le 2. de Janvier. S. E. M. le Cardinal de
Fleury a bien voulu honorer sa Mémoi
re par une de ses Lettres , écrite sur ce
sujer au P. Vicaire Général dans les termes
les plus tendres et les plus consolans.
Cette Mémoire sera toujours précieuse
à une Congrégation dans laquelle il avoit
rétabli la paix et le bon ordre , par les
rares exemples de pieté et de toutes les
Vertus Religieuses dont il l'a édifiée'pendant
son gouvernement.
TRADUCTION de la 53. Epigramme
du V. L. de Martial. Quæ mihi præse
titeris , & c.
'Ai, Cleon , et j'aurai toujours bonne mémoire
Des bienfaits dont vous me comblez , J'A
Et si je n'en dis mot , c'est que vous en parlez.
II. Vol. Dis
JUIN. 1737.
1369
Dès qu'à quelqu'an je veux en commencer l'his
toire ,
Ce quelqu'un s'écrie , alte -là :
Vous m'ennuiez ; Cleon cent fois m'a dit cela.
Un seul de nous suffit pour cette affaire,
Or , Cleon , entr'entendons-nous :
Youlez vous en parler ? voulez- vous vous ca
taire ?
Optez, Cleon , vous tairez- vous ?
Pour publier vos dons je prendrai la trompette;
Mais parlez- vous .... ma laague est pour toujours
muette.
Croyez-moi , quoi qu'on donne , ou qu'on ait
pú donner ,
On détruit ses bienfaits quand on veut les
prôner.
A Vitré.
L
DIVERTISSEMENT
Sur la Paix .
E 27. May , on chanta un Divertissement
nouveau sur la Paix , dont
les Paroles sont de M. de Morand , et la
Musique de M. Mathien , Ordinaire de
la Musique du Roy . Ce Morceau , qui
tint tout le Concert, fut très - bien reçû de
toute la Cour , et sur- tout de Sa Majesté,
II. Vol.
qui
1370 MERCURE DE FRANCE
qui eut la bonté d'en témoigner elle- mê
me sa satisfaction aux Auteurs .
C'est la France personifiée qui invite
la Paix à regner sur elle , et à triompher
sur tout l'Univers. Un Choeur de Peuples
de France adresse les mêmes voeux à la
Paix et célebre ensuite la gloire de leur
Roy , qui est lui même le soutien de la
Paix , et qui borne son triomphe à en
faire jouir ses Ennemis même. Mars faché
de voir que les François implorent
son Ennemie , arrive , et parle en ces
termes :
Sous les Drapeaux de Mars à vaincre accou
tumés ,
Les François craignent ils les hazards de la
Guerre ?
-
Quand leurs plus fiers Rivaux redoutent leur
tonnerre ,
Doivent-ils être desarmés ?
Ah ! même en répandant l'horreur et les ra
vages ,
LOUIS dans ses Etats a fait regner la Paizi
Et ses Ennemis seuls , accablés sous ses traits,
N'ont-ils pas de la guerre essuyé les orages !
A quoi la France répond :
Le Héros qui toujours travaille pour ma gloire,
Vient de montrer quelle victoire
Doit contenter les coeurs guidés par la vertu ;
II. Vol.
Pag
JUIN. 1737- 1371
Par son auguste exemple il a trop sçû m'aprendre
Que rendre heureux un Ennemi vaincu ,
C'est le plus beau triomphe où l'on puisse prétendre.
Et les Peuples reprennent leurs chants
à la Paix. Mars , outré de ce nouvel affront
, apelle à son secours la Discorde ,
pour le venger , et détruire les projets
d'un Héros pacifique. La Discorde , annoncée
par des bruits souterrains , des
ténébres affreuses , des tremblemens de
terre , sort des Enfers , suivie des Monstres
qui l'accompagnent ordinairement ;
elle promet à Mars de troubler de nouveau
le repos de l'Europe ; ils s'animent
mutuellement par ce Duo :
Unissons , unissons nos coups ;
Que tout tremble à l'aspect d'un si juste cour
roux !
Quel plaisir de revoir toute l'Europe en armes ?
De n'y faire regner que le trouble et les larmes!
La Discorde s'adresse ensuite en ces
termes aux Ministres de ses fureurs :
O vous , qui , sur mes pas répandez la terreur ,
Volez de toutes parts , secondez mą fureur ;
Que le feu , que le fer signalent votre rage ;
Portez partout l'effroi , le désordre et l'horreur ,
Remplissez l'Univers de sang et de carnage.
11. Vol. Les
1372 MERCURE
DE FRANCE
Les Suivants de la Discorde témoignent
leur obéissance en répetant les trois der
miers Vers. Mais à tant d'horreurs succe
de tout à coup une Symphonie douce
qui rassure la France et ses Peuples . En
effet c'est Minerve qui vient annoncer
la Paix et qui dit :
A Mars.
Mars, ne t'opose plus au repos de la France ;
Son Roy , qui , par mes soins brûle des plus
beaux feux ,
Par sa sagesse et sa clémence ,
A contraint le Destin de souscrire -à ses voeux ;
La Paix va désormais remplir son esperance ;
Tu n'en sçaurois alterer les douceurs ;
Fuis , et loin de ces lieux va porter tes fureurs,
A la Discorde.
Et toi , Monstre implacable ,
Respecte un ordre irrévocable ;
Et pour jamais reprends res fers !
La Discorde et sa Suite se retirent ea
disant qu'ils vont tâcher de trouver da
secours dans les Enfers ; Mars se retire
il
aussi en témoignant avec quel regret
obéit aux Arrêts du Destin; Minerve invite
la France et ses Peuples à recommen
cer leurs Chants et leurs Jeux en l'honneur
de la Paix, dont elle va les faire jouir.
II. Vol. Elle
JUIN. 7737. 1373
Elle adresse ensuite alternativement avec
La France eette Hymne à la Paix.
HYMNE A LA PAIX.
Minerve.
Par toi , divine Paix , tout vit et tout respire ;
Tu fais la gloire d'un Empire ,
Et les beaux jours des Bergers et des Rois.
La France.
Tu regnes dans les Cieux, et les Immortels même
Ne doivent leur bonheur suprême
Qu'à la douceur qu'on goûte sous tes loix.
Minerve.
Quand du sein des Mortels chassant l'affreuse
guerre ,
Tu daignes venir sur la Terre ,
Les Dieux alors y volent sur tes pas.
La France.
Apollon et Thémis , Bacchus , Cerès et Flore
Plutus , Mercure et Terpsicore
Y font briller leurs plus charmans apas.
Mixerve.
Les Prés et les Côteaux reprennent leur verdure;
Les Ruisseaux leur tendre murmure ;
Tout s'embellit , si - tôt que tu parois.
La Franc :
Les Oiseaux rassurés sous un riant feüillage,
II. Vol. Recom374
MERCURE DE FRANCE
Recommencent leur doux ramage ,
Et par leurs chants celebrent tes attraits.
Les Peuples n'oublient pas de mé.
ler encore dans leurs Chants la gloire de
leur Monarques et Minerve elle même
invite les Bergers des bords de la Seine
à venir joindre les aimables sons.de leurs
Chalumeaux et de leurs Hautbois aux
accords éclatans des Tambours et des
Trompettes. Les Bergers arrivent et finissent
le Divertissement par une Fête
Pastorale , des plus galantes.
Nous voudrions pouvoir donner à nos
Lecteurs une idée de la Musique de ce
Divertissement aussi aisément que nous
avons tâché de leur en donner une du
Poëme ; mais n'étant pas possible de leur
présenter des Morceaux de Musique, com.
me nous raportons des Morceaux de Poësie
, tout ce que nous pouvons dire à la
gloire du Musicien , c'est que non seulement
il a rempli au mieux les idées du
Poëte , et qu'il a parfaitement et avec une
varieté charmante , caractérisé tous les
divers genres de Musique qu'il a eû.occasion
d'exprimer , mais encore que son
Ouvrage doit être une preuve nouvelle
que l'excellente Musique Françoise n'est
ni moins sçavante , ni moins brillante
11. Vol.
n
JUIN. 1737. 137
de
ni moins harmonieuse , ni moins féconque
celle de toute autre Nation , et
qu'elle a de plus les graces et la douceur.
Les principaux Rôles furent remplis
par les Dlles Matthieu et d'Aigremont , et
par les sieurs Dangerville et le Clerc, l'execution
fut si parfaite , tant de la part des
Acteurs Chantans que de celle des Symphonistes
, qu'on auroit dit qu'ils avoient
tous autant d'interêt au succès de cette
Piece que laDlle Matthieu elle- même, qui
est l'Epouse de l'Auteur de la Musique.
J
ENIGM E.
E suis le frere aîné d'une cruelle soeur ;
Qui ne peut inspirer que la crainte et l'horreur ;
Pour moi , plus bienfaisant j'ai pour mon apanage
Paix , douceur et repos , tout vient me rendre
hommage.
Je sçais m'assujettir les Bergers et les Rois ,
Et tout ce qui respire est soumis à mes loix.
Le plus sublime esprit sans entrer en délire
Egare sa raison abordant mon Empire.
Je puis , quand il me plaît , répandre à pleines
mains ,
Selon leurs goûts divers , cent dons sur les Huanains
,
II. Vol. Mais
F
1376 MERCURE DE FRANC
Mais quelquefois aussi par un égal capm
Je les conduis moi seul au fond du préc
Ce n'est pas tout encor , je verse sur Iris ,
Sans le secours de l'Art , le plus beau coloris ;
Pour comble de faveurs j'offre à tous un azile ,
Où le plus malheureux pour un temps est trang
quille,
Par Maget , Greffier du Présidial de Sens.
LOGOGRYPHE.
JE porte mois , je porte mi ,
Je porte soin , je porte si ,
Je porte nos , je porte son ;
Lecteur , méconnois - tu Ș ...?
Par M. Desnoyers , Lieutenant Pare
tienlier à Estampes,
J
AUTR E.
E suis Artisan pen prisé ,
Et dont le travail sédentaire
Dans le Monde est fort nécessaire ;
De dix Lettres mon nom se trouve composé ;
Mais en les arrangeant de diverse maniere ,
Et les combinant à propos ,
Vous tirerez de moi plus de quatre-vingt mots.
II. Vel.
Voyens
JUIN.
1377 1737.
Voyons; un grand Pays conquis par Alexandre,
Un animal imperceptible aux yeux ,
Ce qui plus presse un malheureux ,
Lorsque le Bourreau va le pendre ,
Monosillabe négatif ,
Certain côté du Ciel , lorgné par l'Astronome ,
Un Juif en terre englouti vif ,
Un Roy de Thebe , un Empereur de Rome ;
Un arbre aimant Montagnes et Forêts ,
Vieux mot François , qui Sale signific ,
Conjonction qui suit de près
La majeure en Philosophie ;
Une fille par voeu consacrée aux Autels ,
Et dont le voeu souvent fait la secrette peine ,
Un des sept Sacremens de l'Eglise Romaine ,
Et l'un des sept péches mortels ;
Un Métal qui rend tout facile ,
Qui de mainte Lucrece a fait mainte Lays ;
Berger que nous voyons dans le chaste Virgile
Chanter le goût de son Pays.
L'Ouvrage utile de l'Abeille ;
Une Liqueur agréable en Eté ,
Un Instrument à vent qui le Chasseur réveille ;
Et ce qui suit partout la libéralité ;
Du pesant Char du Temps une affligeante orniere,
Un os à six côtés , utile à plusieurs Jeux;
Certain signe de joye et qui pour l'ordinaire
Suit plus les jeunes que les vieux .
II. Vol. Fij Sorte
378 MERCURE DE FRANCE
Sorte de Piramide ronde ,
Trois filles que Junon hait ,
Ce qui jamais ne s'est vu dans le Monde ,
Et ce qu'un Jardinier avec grand soin détruit
Un Sinonime d'eau, pep commun dans la Prosej
Un Philosophe , un Prince avec le même nom
Un poids qui pese peu de chose ,
D'un Ouvrier aîlé la legere maison ;
Ce n'est pas tout, je trouve un terme de Musique;
Voix haute désignant mal, plainte, joye ou peur,
Un Ouvrier très- méchanique ,
Et du Pape un Ambassadeur ;
Ce qu'avec soin un bon Pilote évite
Ce qu'avec art cherche le Parasite
Plante de Marais et d'Etang ;
?
Un Patriarche d'un haut rang ,
Qui combla les Mortels d'une faveur insigne
Lorsqu'il leur fit venir la vigne ;
Je suis encor de femme un ornement ,
Et dans differens sens ce que le Roy de France
A quelques Grands donne pour récompense ,
Et le Grand Turc pour châtiment :
De tous sots bruits de Ville un Auteur anonime ;
Un cercle , Ouvrage en Vers d'un stile vif , su
blime ;
Ce qui souvent endort ou réveille un repas ;
Disgrace qu'un Genois craint plus que le trépas ,
Et dont, suivant l'avis qu'un Auteur sensé donne,
II. Vol.
11
JUIN
.
1379 1737.
Il sied mal de railler, personne ;
Sur le même mot vous trouvez
D'infinitifs François une bonne douzaine ,
De mots Latins une trentaine ;
C'en est fait , car je perds haleine ;
Devinez- moi si vous pouvez.
A Vitré.
LOGOGRYPHUS.
Exornofacies hominum, nunc signa decoris
Prabens , nunc casti signa pudoris habens.
Si totum invertas , arbor sum Collibus altis
Haud impar ,fessos sublevad umbracoma.
Mentem alio rapias , en quod Dux Militis infert
Pectoribus , quandò tristia bella sonant.
NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &¢.
RINCIPES DE L'HISTOIRE pour
PREducation de la Jeunesse ; cinquié
me année, qui contient l'Histoire Etran
gere. Par M. l'Abbé Lenglet du Fresnoy ,
In 12. A Paris , chés Debure l'aîné , 1737.
11. Vol.
Fiij Co
1380 MERCURE DE FRANCE
Ce Volume est utile par sa diversité , on
y trouve l'Histoire de nos Voisins ; et
l'on commence par les parties qui aprochent
le plus de notre propre Histoire.
L'Angleterre , qui marche la premiere ,
est utile à un François qui veut connoître
les differends de cette illustre Nation
avec la Françoise ; la connoissance de
l'Espagne nous devient nécessaire ,
doit nous interesser ,depuis qu'un Prince
du Sang de nos Rois est monté sur ce
Trône. L'Histoire de Portugal , qui tienţ
à celle d'Espagne , y est traitée avec une
égale précision. Ces trois natures d'Histoire
occupent les cinquante premieres
Leçons.
L'Auteur employe les 20. Leçons suivantes
à l'Histoire d'Italie . Venise , Na
ples , Sicile , la Savoye , la Toscane , et
quelques autresPrincipautés y sont expliquées
avec cette juste précision qui est
nécessaire dans les Abregés. Et l'on
commence à la 71. Leçon à traiter les
quatre grandes Couronnes du Nort ; le
Dannemarck , la Suede , la Pologne et la
Russie. Ce sont des Histoires qu'on ne
doir pas ignorer ; mais M. Lenglet ne
s'attache point au détail des premiers
temps , qui dans ces sortes d'Histoires
sont très- confus et peu interessans . Ces
11. Vol. Nations
JUIN. 1737 1381
Nations mêmes n'étoient pas encore sorties
de la barbarie , qui caractérisoit les
anciens Peuples du Nort.
Les huit dernieres Leçons sont em
ployées à faire connoître ce qu'il y a de
plus illustre dans les Peuples de l'Asie ,
de l'Afrique et de l'Amérique ; mais
quelle précision n'a-t'il pas falu employer
pour donner quelques idées de tous ces
vastes Pays ? Il est vrai que l'Auteur qui
fait remarquer ce qu'il peut y avoir d'utile
dans ces Histoires Etrangeres , a soin
de renvoyer aux Auteurs qui en ont trai
té avec le plus d'exactitude; et ce n'est pas
une chose indifferente d'avoir quelque
notion des Peuples avant que d'en examiner
l'Histoire avec quelque détail et même
de ne pas ignorer le caractere des plus
grands Princes qui les ont gouvernés.
Toutes les instructions qui accompa
gnent chaque nature d'Histoire , sont au
tant de Méthodes abregées pour les étudier
avec plus d'étendue, mais l'Auteur a
toujours soin d'écarter les Livres qui rens
ferment trop de détail , pour ne pas faire
perdreinutilement un temps que l'on doit
quelquefois employer aux affaires ou à
d'autres études conformes à l'état de vie
que l'on a embrassé.
La Préface de ce Volume , plus courts
11. Vel. Fiiij que
1382 MERCURE DE FRANCE
que celle des autres , est suivie d'une Lis
te très- succincte
de ce qui est absolument
necessaire
pour connoître
toutes les Nations dont l'Histoire
est traitée
dans cette cinquième
année .
L'Auteur fait esperer dans peu le sixiéme
Volume qui termine cet Ouvrage interessant
pour la jeunesse ; et qui n'est
pas même inutile pour des Personnes plus
avancées , mais qui ont besoin de ne pas
languir long-tems sur les mêmes Etudes.
SUITE des Lettres de M....... sur la
Bibliotheque Italique , ou Histoire Litteraire
de l'Italie . Tomes VIII . et IX. 1730 ,
AGenève , chez Marc- Michel Bousquet et
Compagnie , pp. 278. et pp. 276.
Dix Articles , Monsieur , font tout le
contenu du VIII . Volume de la Biblioteque
Italique dont je ne toucherai ici que
les Principaux. Le premier présente un
Ouvrage important de M.Fontanini écrit
en Latin. Nos Journalistes en ont traduit
le Titre de cette maniere. Défenses des
Diplômes anciens contre les doutes élevés
par le P. Germon , dans l'Ouvrage
qui a pour Titre : De Veteribus Regum
Francorum Diplomatibus , & c. En deux
Livres, avec un Appendix sur les anciens
Auteurs , par M. Juste Fontanini du
11. Vol Frioul ,
JUIN. 1737. 1383
Frioul , Profeffeur public en Eloquence à
Rome. Rome 1705. pp. 287. sans l'Epitre
dédicatoire & l'Indice des Chapitres.
Le P. Germon Jesuite avoit critiqué
I'Ouvrage du P. Mabillon : De Re Diplo
matica : et il avoit proposé dans son Ou
vrage : De Veteribus Regum , &c. beaucoup
de doutes , & même des preuves ,
d'abord contre tous les Diplômes en general
, & ensuite contre plusieurs de ceux
que le P. Mabillon avoit tenus en particulier
pour authentiques . C'est cet Ouvrage
du P. Germon , que M. Fontanini
s'attacha alors à réfuter dans sa défensedes
Diplômes , qu'il divisa en deux Parties
, dont la premiere est employée à
détruire les argumens du P. Germon con⚫
tre les Diplômes en general , et la seconde
, à justifier en particulier l'authenti
cité de quelques Diplômes publiés par
le P. Mabillon, & attaqués par son Critique.
Le Journaliste ne donne ici l'Extrait"
que de la premiere Partie. On peut voir
sur cette dispute du P. Germon les Memoires
de Trevoux du mois de Mai 1713 .
p. 843. et le troisiéme Volume de l'Ouvrage
du même Jesuite , dans lequel il
répond à M. Fontanini.
LeJournaliste reprend dans l'article 20
la suite de l'Extrait qu'il avoit donné dans
II.Vol.
le:
Fy
1384 MERCURE DE FRANCE
le VI. Volume , du 7. Tome du Recueil.
de M. Muratori : c'est à - dire , 1 ° . de la
Chronique de Sicard , Evêque de Cremone
, Ecrivain du XIII . Siecle , dont l'Ouvrage
commence à la Naissance de J. C.
et finit en 1221. Cet Auteur étoit mort
dès l'an 1215. Ainsi il faut qu'il ait eu
un Continuateur . 2 ° . D'une courte Chronique
de Cremone depuis l'an 1096.
jusques à l'an 1232. par un Anonyme.
3 ° . L'Histoire de la Conquête de la Terre
Sainte , écrite en François par Bernard
Trésorier , et traduite en Latin par François
Sipino de Bologne , Dominiquain .
Cet Ouvrage finit en 1230.Ilne paroît pas
qu'il dût entrer dans un Recueil des Historiens
d'Italie , mais la part que les Italiens
ont eue aux Guerres d'Outre- Mer
la découverte de cette Piece , qui étoit
comme perdue , et enfin la Nation du
Traducteur qui étoit Italien , ont déterminé
M. Muratori , à lui donner place
dans son Recueil. Les Auteurs de la Bibliotheque
Italique font une comparaison
curieuse de plusieurs endroits de certe
Histoire de Bernard , avec la nouvelle
Histoire d'Angleterre de M. Rapin , dans
les Points qui sont traités par P'un et par
Pautre de ces Historiens. 4° . Une Chronique
de Fossanova , depuis la premiere
II. Vol. annće
JUIN. 1737. 1385
année de l'Ere Chrétienne jusqu'à l'année
1217. 5° . Une Chronique de l'Eglise
d'Ateno , depuis Jules Cesar jusqu'à
l'an 1355. c'est peu de chose . 6. Une
autre du Monastere de la Trinité de Ca
va , depuis l'an 569. jusqu'à l'an 1318 ..
c'est pour la premiere fois qu'elle paroît.
M. Muratori l'a recueillie de plusieurs
Mss . differens . 7° . Une Chronique de Richard
de S. Germain depuis l'an 1189 .
Epoque de la mort de Guillaume Roi de
Sicile , jusqu'à l'an 1243. 8. Les Ephemerides
de Naples , ou le Journal de ce
qui s'est passé dans ce Royaume depuis
Fan 1247. jusqu'à l'an 1268. par Mat
thieu Spinelli de Giowenazzo , publié en
Italien pour la premiere fois , avec les
Notes du P. Papebrock.
L'Article III. est employé à donner
un Extrait plus étendu de l'Ouvrage du
Comte de Mezabarba , dont le Journaliste
avoit déja tracé le plan dans le Tome
V. Il donne dans le I V. Article , la suite
de l'Extrait du Voyage Historique d'Italie.
Il y a peu de choses à vous en dire ,
sinon que l'on n'y épargne jamais les
traits de Satyre , sur ce qui peut avoir ra-
· port à la Religion Romaine . A la fin de
l'article le Journaliste soutient contre
l'Auteur du Voyage , qu'un Prince ou
11. Vol. F vj
12
1386 MERCURE DE FRANCE
un Ambassadeur Protestant ne peut bai
ser les pieds du Pape par honneur , sans
blesser sa conscience et sa Religion .
y,
La suite de la Lettre manuscrite du
Comte de..... sur le Caractere des Ita
liens , fait le V. article. Il continue à
traiter de l'Etat de l'Italie par raport aux
Sciences . Dans cette partie de sa Lettre ,
illes regarde particulierement du côtédes
Langues ; de l'Italienne d'abord , puis
de la Latine , de la Grecque, de l'Hebreu ,
du Chaldaïque , et de l'Arabe. Le Comte
donne une notice des meilleurs Auteurs
Italiens qui ayent cultivé depuis le
XVI. Siecle , ou qui cultivent encore
aujourd'hui ces Langues . L'Auteur passe
ensuite au goût et à l'Etude des Medailles
, et de tout ce qui concerne l'Antiqui
té , et il a soin de nommer les principaux
Sçavans d'Italie qui s'y sont apliqués.
Cette Lettre est assurément une Piece
curieuse , et qui mériteroit bien qu'on
Pimprimât entiere dans un seul Volume ş
elle serviroit à faire connoître le progrès
et l'état present des Sciences en Italie depuis
le XVI . Siécle , et à désabuser ceuxqui
croyent que tout l'esprit du monde
est renfermé dans leur propre Pays. Le
Journaliste y a ajoûté au bas des pages ,..
un détail très- recherché de tout ce qui:
II. Vol concerne
JUIN. 1737 1387
concerne les Sçavans et les Ouvrages dont
il est parlé dans la Lettre. Sans ce detail
elle sembleroit manquer d'une partie es
sentielle.
Je ne m'arrêterai pas sur l'Extrait dư
III. Tome des oeuvres du Cardinal Noris
qui fait l'Art. VI. ni sur le VII. Art. qui
n'est qu'une Critique de l'Edition des
Chroniques de Villani , qui a été faite à
Milan en 1729 , et à laquelle on en prefère
une autre qu'on préparoit alors à
Florence.
J'obmets aussi les deux articles qui
suivent , les sujets en étant ou peu importans,
ou très- connus, pour dire un mot des
Nouvelles Litteraires de ce VIII . Tome .
lesquelles on trouve pour la pluspart dans
d'autres Journaux , comme la nouvelle
Edition de Cornelius à Lapide , et de la
Byzantine , faites à Venise , l'une chés
Albrizzy, et l'autre chés Giavarina . Celuici
a encore imprimé l'Euchologe des Grecs
du P. Goar: et les Antiquités Romaines
de Grævius, de Gronovius & de Sallengre.
On aprend de Milan que le P. Orsi Do
minicain , a fait imprimer une Differtarion
sur l'invocation du S. Esprit dans
les Liturgies Grecques et Orientalès , I.
vol. 4. Milan 1736. Il s'attache à éclaircir
les Actes du Concile de Florence , et
LK Vol. à prou7388
MERCURE DE FRANCE
à prouver que le sentiment des Grecs
n'est pas aussi fondé sur la tradition que
l'ont avancé les Peres Touttée , Benedictin
, dans son Edition de Saint Cyrille
de Jerusalem , et le Brun de l'Oratoire
dans son Livre des Lyturgies.
Il me reste , Monsieur , à parcourir ict
les principaux articles du IX. Tome de
ce Journal. Le premier et le plus considerable
regarde la Bibliotheque Orientatale
de M. Asseman , Syrien , et Sçavant
Maronite du Mont - Liban. Cet Ouvrage
a pour Titre : Bibiotheca Orientalis ( Cle.
mentino- Vaticana ) & c. ou Bibliotheque
Orientale Clementine du Vatican , dans la
quelle Joseph Asseman Syrien , Maronių ,
Docteur en Théologie , & c , a revi et aran.
rangé des Mss. Syriaques , Arabes, Persans,
Turcs , Hebreux , Samaritains , Armeniens,
Ethy piens , Grecs , Egyptiens , Georgiens ,
et Malabares , aporiés du Lev ant , et mis
dans la Biblioteque du Vatican , par l'ordre
du Pape Clement XI. separé les vrais Ecrits
des suposés , et donné la vie de chaque Awteur.
IV. Tom. fol . Rome 1719.
Cet Article est important , et c'est
ce me semble parler un peu tard de
ce qui en fait le sujet : voici ce qui a
donné occasion à ce grand travail . Clement
XI. avoit envoyé en 1707 en Egyp
11. Vol te
JUI N. 1737. 7389
te le Maronite Elie , Cousin de M. Asse
man ,pour y acheter des Manuscrits des
Moines du Désert. Il n'y en put acquezit
que 40 dans le Monastere de Sceie ou
Sait , quoiqu'il y eût une Grote remplie
de Mss. Arabes , Cophtes, et Syriaques, entassés
sans ordre les uns sur les autres. Ils
furent aportés à Rome sur la fin de 1707.
Entre cette année et l'année 1715 , le
Pape acquit pour la Bibliotheque Vaticane
un grand nombre de Mss . Orientaux
de differentes Bibliotheques , entre lesquels
étoient ceux du fameux Voyageur
Pietro della Valle. Clement XI . envoya
encore en 1715 , en Orient à la recherche
des Mss . Il en chargea M. Asseman
, qui avoit déja été préposé depuis
l'an 1707 , par le Pape , au soin et à l'examen
des Mss. Orientaux. M. Asseman
en acquit un assés bon nombre , soit en
Egypte , où il alla deux fois , soit en Syrie.
Il ne fut de retour à Rome que deux
ans après .
Jusques là on n'avoir connu des Aufeurs
Chaldéens , Syriens et Arabes , que
ce que S. Jerôme , Gennade , Abraham
Ecchellensis , et Fauste Neiron , Maronires
suivis par Cave et pir Hottinger , en
avoient dit, ce qui n'étoit pas fort considerable.
M. Asseman à l'aide de ses sça-
II. Vole vautes
1390 MERCURE DE FRANCE
vantes recherches , des differens Ecrivains
qu'il a consultés , et des Mss . nombreux
de la Bibliotheque Vaticane , répand un
grand jour sur la Litterature de ces Nations.
Il rectifie ce que des Sçavans ont
dit de moins juste sur la Chronologie ,
sur la Topographie , sur les noms et les
Actions de plusieurs Hommes illustres ,
et il éclaircit beaucoup l'Histoire Ecclesiastique
, dans tout ce qui concerne l'o
rigine , les erreurs , les progrès des Mo
nophysites , des Nestoriens , des Monothelites
, et les tumultes que ces Sectes
ont causés dans l'Asie. On voit aussi dans
cet Ouvrage la suite de tous les Patriar
ches de chaque Secte , ce que le R. P. let
Quien recherchoit avec tant de soin
pour
son Oriens Christianus , la Succession dest
Evêques , les principales Actions , et les
Ecrits des plus celebres de ces Auteurs.
Pour ce qui regarde le Plan de l'Ouvra
gé , je n'entens pas bien l'exposition que
les Journalistes de Genève en donnent ,
lorsqu'à la page 16 du vol . dont nous
parlons , ils disent que la matiere des Re
marques et des Differtations de M. Asseman
est divisée en 4 Classes , sur le
plan de la Bibliotheque Orientale. La
premiere des Auteurs Syriens Orthodoxes
, Jacobites , et Nestoriens , soit
MI. Vol
qu'ils
JUIN. 1737. 1357
qu'ils ayent écrit premierement en Syria
que , ou qu'ils ayent été traduits de quel
que autre langue en celle - là . La seconde
Classe des Auteurs Arabes , soit Chrétiens
, soit Mahometans. La troisiéme des
Livres des Cophtes , et des Ethyopiens ,
outre quelques Monumens de la Science
des Persans et des Turcs. La quatriéme
enfin des Livres sacrés en Syriaque et en
Arabe , tels que sont la Bible , les Rituels,
&c. Voilà donc quatre Classes que les
Journalistes disent faire lePlan de cetOu
vrage ; cependant, page 22 , ils disent que
l'Ouvrage est partagé en 4 Tom . Le premier
des Auteurs Syriens Orthodoxes ;
le second des Auteurs Syriens Jacobites ;
le troisiéme des Syriens Nestoriens ; le
quatrième des Ecrivains des autres Na
tions , soit Orthodoxes , soit Héretiques ,
qui ont été traduits en Syriaque. Or ces
Tomes , comme l'on voit , ne remplis
sent que la premiere Classe du Plan ge
neral , à moins que ce ne soit le premier
vol . seul , qui contienne ces quatre Tom.
ce qu'il auroit fallu specifier.
Je n'entrerai pas dans un plus long dé
tail , ni sur l'execution de ce Plan , ni sur
l'extrait qu'on en trouve ici . On voit assés
par ce que je viens de dire , l'importance
de l'Ouvrage de M. Asseman , et je passe
à un autre Article. L'His
1392 MERCURE DE FRANCE
L'Histoire des Differends entre la Cour
de Rome et celle du Roy de Sardaigne sous
Benoit XIII. et sous le Pape Clement
XII. n'est gueres susceptible d'Extrait,
et demanderoit un trop long détail . On
la voir dans le Livre même , il
est imprimé à Turin par Valetta , İmprimeur
du Roy de Sardaigne , 1. Vol.
in-fol. de 365. pages , ou dans la Biblioteque
Italique, Tome IX.art. 3. et T. X.
árt. 5.
poura
Je ne vous parlerai point non plus de
l'Histoire du Royaume de Naples , du Jurisconsulte
Giannone , dont les Journalistes
de Genêve donnent l'Extrait avec
quelque complaisance . Cet Ouvrage a
été défendu. On accuse l'Auteur d'avoir
mêlé avec quelques verités beaucoup de
conjectures qui prennent un air de vraisemblance
, par le tour que l'Historien
leur donne : conjectures cependant qu'il
avance comme des faits certains , sur lesquels
roulent toutes les déclamations vagues
dont son Ouvrage est rempli .
L'Art. 4. du même I X. Tome contient
la Suite de la Lettre manuscrite du Comte
de .... sur le Caractere des Italiens . Nos
Journalistes en accompagnent l'Extrait
à leur ordinaire , de Notes curieuses et
interessantes sur les Ouvrages de la Vie
II. Vol. des
JUIN. 1737. 1393
des Sçavans et des Hommes Illustres cités
dans la Lettre du Comte.
Les Sçavans d'Italie se sont distingués
également dans la Critique diplomatique
, et dans la connoissance de l'Histoire
Ancienne , Romaine, Grecque, Egyptienne
et Etrusque, & c. A cette occasion
l'Auteur de la Lettre fait un bel
éloge de M. le Marquis Maffei , dont la
vaste érudition , dit- il , a eujusqu'ici trèspeu
d'exemples parmi les Nations Ultramontaines.
La Géométrie , la plus sublime même,
a fait de grands progrès en Italie , ensorte
que M. de Fontenelle n'a pu s'empêcher
d'avouer la superiorité des Géometres
de l'Italie et de l'Allemagne , pour
résoudre les Problêmes les plus difficiles .
La Méchanique , l'Hydrostatique, l'Optique
, la Dioptrique , &c . n'ont pas été
négligées . Pour l'Astronomie , la Géographie
et la Navigation , elles sont moins
cultivées en Italie qu'ailleurs ; quoiqu'on
ne laisse pas d'y avoir de très bons Mémoires
d'Astronomie, entre lesquels ceux
de M.M. Manfredi et Bianchini doivent
assurément tenir le premier rang.
On ne rend pas assés de justice parmi
les autres Nations , aux découvertes que
les Italiens ont faites sur la Physique
II. Vol. l'Anato
1394 MERCURE DE FRANCE
•
l'Anatomie et la Medecine. L'Auteur
nomme à son ordinaire les Principaux
Italiens qui se sont rendus célébres par
le succès de leurs travaux et de leurs
Ecrits dans ces Sciences. En parlant des
Philosophes de cette Nation , il dit que
ces Sçavans , en dévelopant la Nature du
Mouvement, du Choc et de la Pression ,
abandonnent tout-à- fait ces termes vuides
de Sens , tels que ceux d'Horreur , de
Sympathie, d'Apétit et autres, qui quoique
déguisés par differens termes , subsistent
encore chés plusieurs Philosophes
en Angleterre et ailleurs , sous les noms
de Force Plastique , d'Harmonie et d'Attraction.
Les Italiens ont de bons Metaphysiciens
, peu ou point de Chymistes , moins
de Botanistes qu'en Angleterre , et des
Chirurgiens inferieurs en tout point aux
François . L'Italie abonde en Jurisconsul
tes , sur-tout à Rome et à Naples . La
fin de cette Lettre se trouve dans le X.
Tome , et traite des Beaux Arts.
On aprend dans les Nouvelles Litteraires
, Article de Florence , ce qui suit :
Une mort subite nous a enlevé le Docteur
Francesco del TEGLIA , Professeur en
Philosophie Morale , dans le temps même
qu'il recitoit une Harangue , le s
II. Vol Janvier
JUIN. 1737. 13951
Janvier 1731. en presence d'une belle
Assemblée. Il étoit âgé de 60. ans. Disciple
du fameux Poëte Menzini , dont
il a commenté les Oeuvres , il en avoit
reçû un bel éloge en forme d'augure ,
lorsqu'il étoit encore dans l'enfance. Ce
qui avoit donné lieu à cet éloge en Vers
Italiens , raporté dans le Journal , est une
Piece de Poësie Latine qu'il publia à l'âge
d'onze ans , contenant un Panegyrique
de Saint Joseph , par où il eût mérité
une place entre les Enfans Illustres de M.
Baillet , s'il eût pû être connu de lui.
Dès lors il ne fit que croître en mérite
et en belles connoissances , étant devenu
un grand Orateur et un grand Poëte
cant en Latin qu'en Toscan. Il a laissé
plusieurs Ouvrages en Vers et en Prose,
qui sont imprimés.
M. l'Abbé Gori , pour exprimer la
perte que fait la Republique des Lettres,
et pour honorer la Pompe funebre de cet
Homme Illustre , fit une belle Inscription
Latine , qui se lisoit dans un Cartouche
au Frontispice de l'Eglise où il a
été inhumé. L'Inscription est aussi raportée
dans le même Article.
PHARSAMON , ou les Nouvelles Fo
ies Romanesques ; cinquième , sixième,
11. Vol. septième,
1396 MERCURE DE FRANCE
septiéme , huitiéme , neuvième et dixié
me Parties. Par M. de Marivaux. 1737.
in- 8. A Paris , chés Prault , Pere, Quay
de Gêvres , au Paradis .
LETTRE Critique et Historique à l'Au
seur de la Vie de Pierre Gassendi Brochure
in 12. d'environ 80. pp. A Paris , chés
F. Herissant. M. DCC. XXXVII.
Quelque desir qu'ayent les Historiens
de ne rien omettre de ce qui regarde le
sujet qu'ils ont entrepris de traiter , au
moins en Faits d'importance, il leur arri
ve quelquefois de passer certaines choses
sous silence , ou parce qu'ils n'en ont
pas eu de connoissance , ou parce qu'ils
croyent avoir dit l'équivalent . Ce n'est
point à nous à prononcer sur la cause des
omissions que l'Auteur de cette Lettre
remarque avoir été faites par le R. P.
Bougerel , et si ces omissions peuvent
lui être justement reprochées. Il nous
suffira d'observer qu'elle contient quel
ques Articles qui mériteront de trouver
leur place dans une seconde Edition de
cette Vie. Le Public équitable et éclairé
sçaura toujours bon gré à l'Auteur d'a
voir donné sur Gassendi , avec beaucoup
d'ordre , de soin et de sagacité , tout ce
qui est venu à sa connoissance , et on
11. Vol.
n
JUIN. 1737.
1397
deui reprochera jamais d'avoir ignoré
certles Taits particuliers contenus dans
des Ecrits qui ne sont point publics , et
qui , comme tout le Monde sçait , ne se
devinent point.
DESCRIPTION des Tableaux du Pa
dais Royal , avec la Vie des Peintres à la
tête de leurs Ouvrages , dédiée à M. le
Duc d'Orleans , Premier Prince du Sang.
Seconde Edition , revûë , corrigée et aug.
mentée. A Paris , rue S, Severin , chés
Houry , seul Imprimeur et Libraire de
M. le Duc d'Orleans. 1737. in- 12.
15 .
LE JALOUX , Concerto Pantomime,
executé et dansé sur le Théatre de la Comédie
Italienne , pour les Violons , Flutes
, Hautbois , Vielles et Musettes , avec
la Basse continuë et Basson , par M. de
Rochet. Prix 3. livres , les cinq Parties séparées.
A Paris , chés le Clerc , ruë du
Roulle , à la Croix d'or ; chés la Veuve
Boivin , rue S. Honoré , à la Regle d'or,
et à la Comédie Italienne. 1737.
Cette Piece de Symphonie qui a été faite
à l'occasion de la Comédie de l'Italien
marié à Paris , a été très aplaudie , et
parfaitement bien caracterisée au sujet
pour lequel elle a été composée.
II. Vol. DISCOURS
398 MERCURE DE FRANCE
DISCOURS EVANGELIQUES Sur differentes
Verités de la Religion , et d'autant
plus utiles dans chaque état , que les su
jets et les desseins en sont plus particuliers,
et plus rarement traités. Leurs Textes
sont pris ordinairement des Evangi
les de l'Avent et du Carême. Par le P. L.
R. D. S. D. Tome troisiéme . A Paris ,
chés de Billy , Quay des Augustins , à S.
Jerôme;le Clerc, Grand - Salle du Palais , à
la Prudence ; Gissey , rue de la Vieille
Bouclerie , à l'Arbre de Jessé , et Clousier
, rue S. Jacques, à l'Ecu de France
1727. in- 12.
e Public a déja reçû favorablement
les deux premiers Volumes de cet Ou
vrage. L'Auteur L'Auteur
pour le rendre
plus parfait
, et pour satisfaire
à l'empressement
des Lecteurs , a donné ce troisiéme
Tome
, dans lequel , aussi -bien que dans
les deux premiers , on trouve un stile vif,
soûtenu , coulant , un tour naturel , intelligible
, suivi , persuasif
, et des aplications
justes et frequentes
de l'Ecriture
Sainte .
Ce troiséme Volume contient cinq
discours , dont le premier traite des mo
tifs et des dispositions pour aprocher de
la Sainte Table.
Le second roule sur la devotion ena
1
II. Vol. i
vers
JUI N. 1737 1399
رلا 4
Wert Marie , renfe rmée dansle Rosaire.
Le troisième , explique ce qu'il y a à
faire pour arriver au Ciel .
Le quatrième comprend les Vertus
d'un Apôtre , exprimées dans Saint Dominique
.
Et le cinquiéme , fait connoître les
dangers du monde , pour le grand Ouvrage
du Salut.
Legras , Libraire , au troisiéme Pilier de la
Grand'Salle du Palais , et Rollin,fils,aussi Libraire,
Quay des Augustins , donnent avis qu'ils viennent
d'imprimer le Mémorial Alphabetique de toutes
les Matieres des Eaux et Forêts , Pêches et Chas.
ses , avec tous les Edits , Ordonnances , Déclarations
, Arrêts et Reglemens rendus jusqu'à présent
sur icelles , ensemble les Modeles de tous les
Actes des Grands- Maîtres , des autres Officiers
des Eaux et Forêts , et des Instructions pour les
Gardes , &c. Volume in 4. Prix 9 livres.
M. Noel , ancien Conseiller du Roy , Greffier en
chef des Eaux et Forêts de la Table de Marbre ,
Auteur de cet Ouvrage , continuëra de donner ses
Consultations sur ces Matieres en sa Maison
Cloître S. Jean en Greve,
Nous aprenons par des Lettres de Suisse , qu'il
s'est fait depuis peu à Lausanne un Etablissement
considérable, et qui fait bien honneur à ceux qui
en ont été les Promoteurs. Il y avoit dans cette
Ville quelques petits Libraires passablement
fournis de Livres du temps , et une Imprimerie
pour l'usage de l'Académie, Le sieur Marc
II. Vol. G Michel
1400 MERCURE DE FRANCE
Michel Bousquet , Imprimeur et Libraire
Genêve , ayant rompu les engagemens qu'il
avoit dans sa Patrie, et s'étant transplanté à Lausanne
, il y a formé le dessein d'une Imprimerie
et Librairie , pour le succès de laquelle tout a
concouru. La Seigneurie de Lausanne lui a fait
construire sur la Piace S. François , et dans une
belle exposition, un Bâtiment d'une grande éten
due et avec toutes les commodités qu'il pouvoit
souhaiter. Les Magistrats de Berne lui ont aussi
prêté un fonds assés considérable pour dix ans,
sans interêt , et outre ces secours , il s'est formé
une Societé qui s'est chargée d'avoir l'oeil sur le
choix des Livres à imprimer , et sur la correc-`
tion et perfection de l'Imprimerie. Cette Societé
est composée de gens éclairés et d'un mérite
distingué , soit par leur naissance ou par leurs
talens. Elle paroît être formée sur le modele
de la Societé Palatine de Milan , et elle a grande
attention à ne faire imprimer que de bons Ouvrages
, et à ce qu'il ne soit donné que de belles
Editions , qui seront ornées de Vignettes , Cuisde-
lampe et Lettres grises d'un fort bon goût;il
y a un grand nombre de Presses qui roulent journellement
, et il en est déja sorti de bons Livres.
Parmi ceux que la Société se propose de faire
imprimer incessamment , l'on compte 'Histoire
Romaine de Laurent Echard : celle de Naples , par
Giannone, une Traduction Françoise du curieux
Ouvrage du Marquis Maffei de Verone , qui a
pour titre Della Scienza Cavalleresca , et une
autre Traduction en la même Langue , d'une
Histoire de Suisse , écrire en Allemand par M.
Lauffer , Professeur en Eloquence et en Histoire
à Berne , homme d'un beau génie et qui mourut
il y a deux ans d'une chute à la fleur de son âge.»
II, Vel,
*
Cette
JUIN 1737. F401
Cette Histoire s'est trouvée manuscrite parmi
ses papiers ; et c'est M. Loys de Bochar , Profes➡
seur en Droit et en Histoire à Lausanne , l'un
des Interessés dans la Societé , qui s'est chargé
de la traduire et qui s'en acquirera bien, comme
on en peut juger par les Essais qu'il a donnés
de sa capacité , tels que les excellens Extraits
qu'il a fournis à la Bibliotheque Italique , et la
Dissertation qu'il a publiée en 1726. sur les En- ·
gagemens des Soldats , qui a été inscrée dans
les Tomes XI . et XII. de la Bibliotheque Germanique.
Quant à M. Bousquet , il n'oublie rien pour
répondre aux vues de la Societé qui le dirige; il
est arrivé depuis peu de la Foire de Francfort ,
où il a fair emplerte des meilleurs Ouvrages .
d'Allemagne , il attend aussi des envois considerables
de Hollande , et il en a déja reçû plusieurs
de Paris. C'est ce que portent les Lettres
que nous avons vûës.
On y trouve aussi que le Mercure Suisse se continueavec
beaucoup de succès àNeufchâtel.Ce Mer- i
care,qui paroît tous les mois, a commencé en Décembre
1732. et n'a pas été discontinué jusqu'à
- présent. Nous en avons raporté quelques fragmens
dans notre Journal du mois de Juin 1733 .
second volume , et nous aurions continué d'en
faire usage si nous avions cû occasion d'en voir
la suite il est surprenant que ceux de nos Libraires
qui font commerce de Journaux Etran➡
gers , ne se soient pas encore avisés de faire ve - s
air celui- ci , qu'on dit contenir des Pieces cu
rieuses de Litterature , qui sont fournies par des
Sçavans du Pays, et entre autres par M. Bourguet,
Professeur en Philosophie à Neufchâtel , bom
me d'un mérite connu dans la République des
Lettres.
On
Gij
402 MERCURE DE FRANCE
On nous écrit de Hollande , que le premier
jour du mois de Juillet prochain on doit commencer
à la Haye la vente d'une grande et cu
rieuse Bibliotheque, qualification qui est justifiée
par le Catalogue que nous en avons. Nous en
donnerons seulement le Titre qui est te !.
BIBLIOTHECA INDERVELDIANA,
Sive Catalogus Librorum in quavis Facultate es
Arte exquisitissimorum quibus, dum in vivis esset,
utebatur Pranobilis Dominus JOH. WALTHERUS
INDERVELDI , &c. Huic Catalogo sparsim
interposta reperitur et alia Bibliotheca , priori ob
Codicum prastantiam haud quaquam inferior.
Quarum binarum Libros Adrianus Moetjens et
Eustachius de Haen Bibliopola Haga - Batavi in
Aula Magna Curia Hollandia , ad diem 1. Julii
1737. et seqq. Quibuscumque Musarum cultoribus
pagina sequenti expressa conditione venales exponunt
1. vol. in 8. pp . 420. Haga Batavorum, apud
eosdem Bibliopolas M. DCC . XXXVII.
On lit à la page qui suit ce Titre, cette courte
Instruction. Chaque Personne qui achetera
» pour son compte à cette Vente , sera tenuë de
payer argent comptant ; et ceux qui acheteront
en commission , auront six semaines de
crédit pour le payement , à condition qu'ils
donneront caution Bourgeoise.
D
30
» Cer Article ne regarde pas seulement les Particuliers
, mais aussi les Libraires qui seront
»obligés aux mêmes Loix , dont ils ne pourong
-être dispensés , atendu les conventions faites
entre les Proprietaires de la Bibliotheque et
• nous.
» On devra payer , comme c'est la coûtume,
de chaque florin cinq dures.
II. Vol.
EXTRAIT
JUIN. 1737. 1453
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Caën
le 24 May 1737. au sujet des Ouvrages
de M. de Thou.
J
E vous prie , Monsieur , de publier dans le
prochain Mercure le Memoire suivant ; lepublic
poura vous en sçavoir gré , et j'en serai en
particulier tès- reconnoissant. J'ai l'honneur
d'être , & c.
Feu M. d'Ifs, Gentilhomme d'auprès de Caen,
traduisit en 1710. les Memoires de M. de Thou,
et la Préface de la grande Histoire ; il dédía són
Ouvrage à M. l'Abbé de Thou , qui l'honoroit
de son amitié ; cette Traduction fut très- esti
mée ; elle renferme toutes les Poësies Latines de
M. de Thou , mises en Vers François , et sur
tout le Poême à la posterité, qui avoit été imprimé
séparément avant les deux Editions des Mémoires
complets ; la premiere en 1711. in 48
chés Reinier Léers , à Rotterdam , ou plutôt chés
Cailloué , à Rouen. La seconde en 1713. in 12 .
chés François l'Honoré, à Amsterdam , dédiée par
P'Imprimeur à M.le Baron de Schoulembourg.
Une marque de la bonté de cet Ouvrage , c'est
que Mrs les nouveaux Traducteurs de M.de Thou,
l'ont inséré sans y rien changer dans leur prémier
tome, je fais cas sûrement d'une telle Apro
bation; mais zelé comine je le suis pour la gloire
d'un Pere , dont la memoire est également précieuse
- aux honnêtes gens , et aux amateurs des
Belles - Lettres , je ne puis lui laisser ravir le seul
Ouvrage par où il soit connu aujourd'hui dans
le Monde sçavant ; je dis aujourd'hui , car cent
Ouvrages délicats et brillans de génie, lui avoient
acquis pendant sa vie une réputation qu'il s'est
II. Vol.
Gij si
1404 MERCURE DE FRANCE
si pen soucié de perpetuer , qu'après sa mort à
peine ai -je trouvé deux ou trois Originaux.
Je prie donc Mrs les Traducteurs, que je n'ai pas
Phonneur de connoître , de rendre justice à la
verité dans la nouvelle Edition qu'ils préparent
de leur excellente révision , correction et aug
mentation du travail de Mrs du Ryer et Cassandre.
Ils peuvent dire dans un Avertissement qu'ils
ont trouvé la Vie de M. de Thou traduite , tr
qu'ils l'adoptent sans y toucher , ayant crû , avec
raison ne la pouvoir rendre meilleure. Ils peu
vent aussi nommer l'Auteur de cette Traduction ;
je viens de le leur faire connoître , s'ils ne´le
connossoient pas déja , ce que j'ai peine à croire
, après les Aprobations aussi publiques qu'illustres
que mon Pere a cues sur son Ouvrage.
Voilà de quoi j'ai trouvé à propos d'instruire le
Public par zele pour la mémoire de mon Pere
et par amour pour la vérité.
On vient de nous communiquer un Ecrit dons
le sujet nous a parû interessant pour le Public ,
et qui fera , sans doute , plaisir aux Amateurs de
la Physique experimentale. Cet Ecrit que nous
allons donner dans les mêmes termes , est intitulé.
COURS DE PHYSIQUE , démontré par
P'Expérience. Par M. Beuvain .
Comme la certitude des verités de la Physique
et les progrès qu'on peut faire dans cette Science
, dépendent d'une infinité d'Experiences que
tout le monde n'a pas la commodité de faire' ,
deux personnes se sont proposé , pour faciliter
cette étude à ceux qui voudront s'y apliquer , de
donner un Cours de Physique Experimentale ;
P'un qui a ramassé avec beaucoup de soin tous
les Instrumens et les Machines nécessaires , s'est
II, Vol .
charge
MAJU IN
1737. 1409
thargé d'executer les Expériences , et l'autre de
les expliquer et déveloper à leur occasion tous
Jes Phénomenes de la Nature.
On se propose d'embrasser en quelque façon
toute la Physique dans ce Cours , au moins ce
qui est le plus curieux et ce qu'il est plus nécessaire
de sçavoir. On commencera par donner
une idée de la matiere , en faisant connoître son
essence , son étenduë , sa divisibilité , sa mobi
lité , ce qui fera entrer dans l'exposition de la na
ture du mouvement , de ses loix generales et des
principes de la Mechanique, dont on mettra sous
les yeux les differentes Machines , tant simples
que composées.
Après avoir donné quelques connoissances de
la Sphere , on fera vour que le Systême de Pro
lomée , qui place la Terre au centre du Monde,
ne satisfait point aux Observations que les Astronomes
ont faites , et que Copernic seul a trouvé
le juste arangement des Corps Celestes. Dans
Phypothese des Tourbillons qu'on prouvera , on
kendra la raison physique de tous les mouveinens
des Planettes , de leurs aparences , de leurs
Eclipses , &c. la Sphere de Copernic , et differens
Globes qu'on mettra sous les yeux , mais sur tout
le jeu de plusieurs nouveaux Planispheres, faci+
literont l'intelligence de ces Explications.
On expliquera ensuite la nature du feu , et on
apuycra l'explication qu'on en aura donnée par
plusieurs Expériences très curieuses sur la Huidié
, la lumiere , la chaleur et par oposition sug
Je froid. On expliquera la fabrique et l'usage du
Thermometre, Comme la chaleur produit la plupart
des fermentations, on expliquera encore cete
source inépuisable de Phénomenes , en y joi
guant des Expériences , sur tout celle de la pou-
II. Vol. I iiij dra
1406 MERCURE DE FRANCE
åre fulminante ; on fera aussi par occasion quetques
Expériences de Chymie.
Au sujet de la lumiere,on fera voir les différens
Phosphores, les,differentes sortes de Lunettes, particulierement
une d'une nouvelle invention . On
représentera sur une table les objets exterieurs pat
le moyen d'une Chambre obscure , ce qui imite la
maniere dont ils se peignent au fond de l'oeil , du
quelon expliquera la construction ; on fera paroî
tre sur un Plan plusieurs figures qui semblent y
marcher. Le Cylindre en ramasse d'autres qu'on
ne distinguoit pas sur les Cartes. On fera voir
aussi les effets du Miroir ardent. Les couleurs seront
expliquées dans le Systême de M. Mariotte,
et dans celui de M. Newton , dont on répètera
les Expériences. Cette matiere finita par l'im
tation de l'Arc- en - Ciel.
:
On passera ensuite à l'Air , dont la pesanteus
sera démontréé , ainsi que le Ressort , par une
infinité de belles Experiences , après qu'on aura
donné des conjectures sur ces deux Phénomenes
en general. La Machine pneumatique fournira
les plus interessantes. On fera voir que c'est l'air
qui fait monter l'eau dans les Pompes , dont on
démontrera la structure et le méchanisme , aussibien
que celui de toutes les Machines Hydrau
liques , Fontaines , Réservoirs , Jets - d'eau , Mou
lins , Syphons , & c. que l'on mettra sous les
yeux : On expliquera aussi le Barometre.
On fera voir que tous les Corps contiennent
beaucoup d'air, que ce fluide est absolument nécessaire
pour la vie animale ,la circulation du sang,
la végetation des Plantes , qu'il transmet jusqu'à
nos oreilles le son , sur lequel on fera des Expériences
qui découvriront ses proprietés . On finira
ce qui regarde Fair par l'explication de la Poudre
à Canom.
JUIN
1737. 1407
En parlant de l'Eau , on donnera des conjeceures
sur le Flux et Reflux de la Mer et sur l'origine
des Fontaines. On fera des Experiences sur
Pequilibre des Liqueurs , dont on démontrera
les Loix.
En parlant de la Terre , on s'étendra sur les
Métaux et les Mineraux , dont on exposera lä
formation. On s'arêtera beaucoup à la Pierre
d'Aimant , dont on fera les Expériences , parti
culierement celles de l'Aimant artificiel , L'Elec
tricité , qui ressemble à la vertu de l'Aimant , en
fournira d'autres encore très - curieuses, et on réperera
celles que M. Dufay a faites.
En traitant des Animaux , on établira par la
maniere dont se fait leur génération , que la cor
ruption n'y a aucune part , que l'Auteur de la
Nature les a organisés dès le commencement
pour être dévelopés dans le temps. On expliquera
le mouvement des membres de notre Corps ,
les différentes préparations des alimens qui nous
font vivre , la transpiration par les pores , le
mouvement du coeur , la circulation du sang.
On montrera par quels principes les Animaux
marchent, les Oiseaux volent , les Poissons nagent.
On expliquera ce qu'on apelle les sens , le
roucher , le goût , l'odorat , l'oüie ; la vûë , &c.
Ce Cours sera terminé par une Explication
simple de la plupart des Météores, du Tonnerrey
de la Grêle , des Vents , de la Pluye , de l'Aurore
Boreale , & c.
On communiquera aux Personnes qui voudront
être instruites plus à fond sur ces matie
res , des Manuscrits où elles sont traitées avec
étendue et on leur indiquera les Livres qu'elles
peuvent lire utilement.
Ce Cours de Physique se fait actuellement chés
II. Vol.
G- Y
140 MERCURE DE FRANCE
M. Rogeau , Maître de Mathématiques , rue des
Lavandieres , proche celle de S. Germain l'Au
-xerrois .
Dom André Gonzales de Barcia , du Conseil
et de la Grande Chambre de Castille, donne avis
au Public qu'il se dispose à mettre sous presse
une Edition en six volumes in folio , Nicola!
Antonii Bibliotheca Hispanica , publiée ci - devant
aussi en deux tomes in folio , ayant déja reçû
beaucoup de secours des Sçavans d'Italie , Cata-
Jogue , Portugal , et autres Endroits de l'Espa
gne , il lui reste à prier ceux de France , Flandres,
Pays- Bas , de Hollande , d'Angleterré , d'Allemagne
, de Suede et Dannemarc , de vouloir
l'aider de leurs Découvertes ; il auront la bonté
de lui adresser leurs Manuscrits à Madrid , on
au sieur Montalant , Libraire à Paris , par les
voitures publiques et non par la Poste. Il aura
one attention infinie de leur en marquer sa re
Connoissance.
On trouvera au Caffé de la Marine , vis-à- vis
l'Hôtel de Toulouse , près la Place des Victoires,
et au Palais Royal , Les Tables Chronologiques de
Tous les Opera représentés à Paris par l'Académie
Royale de Musique , et de toutes les Pieces repré¹
sentées sur le nouveau Théatre Italien , jusques et
compris l'année 1736 .
L'Auteur promet donner incessamment une
pareille Table Chronologique pour le Théatre
Fran çois.
Chique Exemplaire aura la Marque que l'Autour
in lique ici , c'est -à- dire des Lettres D. G.
avec sou Paraphe.
II. c . Le
JUIN. 1737. 1409
Le 15. du mois dernier , l'Académie Royale
de Peinture et Sculpture, reçut M. Adam, Sculpteur
, dont les Ouvrages se ressentent avantageusement
du long séjour qu'il a fait à Rome.
M. Tremoliere , qui a été six ans à Rome Pensionnaire
du Roy , digne Eleve de M. Vanloo ,
et M. Boizot , Peintres , M. de la Tour , Peintre
en Pastel , de réputation.
M. Adam a été reçû sur un Groupe de Marbre
, représentant Neptune et un Triton , générálement
aprouvé.
M. Tremoliere , sur un grand Tableau , représentant
Ulisse sauvé du naufrage par le se-
Cours de Minerve , d'une gracieuse et belle execution.
M. Boizot , sur un Tableau représentant Apollon
et Leucotoé , peint avec beaucoup d'intelligence
et de graces , er M. de la Tour , sur cing
Portraits très -ressemblans .
Le sicur J. B Le Bas, vient de faire paroître une
Estampe en hauteur , de sa composition , et gravée
par lui , où il a heureusement exprimé le
badinage du jeu de Colin - Maillard. Elle se vend
chés lui , ruë de la Harpe , vis-à- vis la rue Percée
, 1737. On lit ces Vers au bas.
Arrache ce bandeau , Damon , tu n'es pas sage
De t'exposer aux tours malicieux
D'un Sexe dont on doit craindre le badinage.
D'ailleurs pour avoir l'avantage
De contempler des attraits gracieux ,
On ne peut trop ouvrir les yeux.
I I. Vol. G vj FRAN1412
MERCURE DE FRANCE
pouroient écrire à M. le Sécretaire ou à tout au-
Ire de Messieurs les Académiciens ; on les averque
s'ils sont découverts par leur faute , il seront
exclus du Concours.
Lit
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra
le recevoir dans la Séance publique de l'Acadé
mie du 14 Avril 1738. sinon il envoyera à une
personne domiciliée en cette Ville une Procuration
, qui sera remise à M. le Secretaire , avec
le Récépissé de l'Ouvrage .
La Piece qui a remporté le Prix cette année
est de M. La BEUF , Chanoine et Sous - Chantre
d'Auxerre ; elle sera imprimée et donnée in
cessamment au Public , avec deux autres Dissertations
sur le même sujet , dont une est Latino
1
Le 14. Avril, mourut à Basle Christophe Iselin,
Professeur en Théologie dans l'Université de
cette Ville, et Associé de l'Académie Royale des
Inscriptions et Belles- Lettres de Paris .
Mathieu Marais , Avocat au Parlement de Pa
ris , distingué dans sa Profession , sur tout pour
les Consultations , mourut le 21. Juin, âgé d'environ
73. ans. Il avoir fort cultivé les Lettres ,
et étoit lié avec plusieurs Sçavans de réputation.
M. Bayle a parlé de lui avec éloge en plusieurs
Endroits de son Dictionaire , et encore plus
dans ses Lettres , il y en a même plusieurs dans
le Recuci imprimé , qui lui sont adressées , et
ce sont les plus interessantes. Bayle avoit raison,
car M. Marais lui avoit communiqué de trèsamples
Mémoires , il avoit même fait des Articles
particuliers du Dictionaire Critique. L'Abbé
le Clerc , qui a fait la Critique de Bayle , l'adressa
à M. Marais , dont il respectoit le mérite
e connoissoit l'érudition . Enfin toutes les Per-
11. Vol.
sonnes
JUIN. 1737 1415
sonnes qui l'ont fréquenté , témoignent qu'il
étoit d'un commerce doux et aimable , communi
quant volontiers ce qu'il sçavoit. Il n'avoit pay
é é marié,
On aprend de Londres , que l'Epouse du sicur
Thomas Martin , accoucha le 16. de ce mos
Ratchiff , de trois garçons et d'une fille.
LETTRE à M. ** à Paris , sur les
Pilules Mercurielles de M. Bellasie.
Lorsque
Orsque je suis parti pour l'Italie , Monsieur,
vous m'avez chargé expressément de vous
donner des informations particulieres sur les
Pilules de M. Belloste. Je vous dirai , qu'étant
arrivé à Turin , j'ai été assés malheureux
pour n'y pas rencontrer M. le Docteur
Belloste ; j'ai parlé à son Correspondant , lequel
m'a dit qu'il étoit allé à Casal - Montferrat , &c.
A Milan et à Bresse , où j'ai séjourné , on m'a
assuré que ces Pilules y sont contrefaites ; mais
il n'y a rien de surprenant en cela , puisqu'elles le
sont bien à Turin même. Etant arrivé à Venise,
je ne me suis pas laissé entraîner si fort au torrent
des plaisirs qui y abondent en cette saison
que je n'aye songé à vous satisfaire . J'ai trouvé
qu'on a imprimé ici la Traduction Italienne du
premier tome du Chirurgien d'Hôpital , mais da
second on n'en a traduit que le Traité du Mercure,
parce qu'il est plus universel pour la guérison
des Malades , et que le premier paroît être suffisamment
instructif pour le pansement des blesses
; au bas de ce petit volume , qui n'est que de
123. pages , on a ajoûté deux Lettres que je me
suis donné la peine de traduire moi- même mor
11. Vol.
1414 MERCURE DE FRANCE
à mot , persuadé que je suis que vous ne sçau
rez bon gré de vous les communiquer. Vous ver
rez dans la derniere le caractere de feu M. Bel
loste , et le cas qu'on peut faire de son Remede.
Cette Lettre est d'autant plus digne de foi qu'elle
est d'une personne respectable, qui a eu l'honneur
d'occuperà la Cour de Savoye un poste égal à
son mérite , et qui est ici dans une estime universelle
par sa pratique et par le rang distingué
qu'il tient dans une des plus celebres Universitée
de l'Europe.
LETTRE adressée à M. Cicognini
Conseiller et Premier Médecin de feuë
Madame Royale , Douairiere de Savoye
, et Premier Professeur de Mé
decine Théorique dans l'Université de
Padoüe.
L s'est excité dans ce Pays, Monsieur , une cu-
I riosité quasi universelle de lire le Traité de
Mercure de M. Belloste , inséré dans son Livre
intitulé Suite du Chirurgien d'Hôpital , à causé
des effets admirables qu'on dit avoir été produits sur
diverses personnes par le Mercure ; cè qui a fait
qu'un de mes amis s'est disposé à mettre au jour
Ta Traduction Italienne qu'il afaite de cet Ouvra
ge , pour satisfaire aux pressantes sollicitations d'une
personne de consideration qui l'en a prié. Mais
parce qu'il craint qu'il n'y ait quelqu'un , comme
il arrive ordinairement lorsqu'on propose de nouveaux
Remedes , qui accuse l'Auteur d'imposture
et qui méprise le mérite d'un tel Remede , il souhaite
de joindre à l'impression de cet Ouvrage voire
témoignage sincere et autentique , par lequet
LI. Vol
078
JU IN, 1737. 1455
or vende justice à la probité de l'Auteur et à la
bonté de son Remede. Pour obtenir de vous cette
grace il s'est adressé à moi , étant persuadé de mon
attachement pour votre service , et de votre bonté
singuliere à mon égard ; et c'est pour lui complaire
que je prends la liberté de vous suplier , Monsieur,
de me donner quelques informations des moeurs
et du merite de M. Belloste, et de rendre témoigna
gne de ces effets desquels cet Auteur dit que vous
avez été témoin oculaire , comme dans le cas de
M. le Chevalier de Morette , de M. le Comte
d'Arc , Bavarois , de Mad, la Comtesse Busque ?,
et de M. Marchetti , Médecin de S. E. M. le
Cardinal Pic de la Mirandole. Par ce moyen voiss
ferez honneur à la memoire de ce grand homme qui
vous a été parfaitement connu vous rendrez un
service considérable au Public , en certifiant les ef
fets d'un Remede dont l'usage pouroit être d'une
utilité infinie , et vous m'obligerez sensiblement
dans le dessein où je suis de servir mon ami. Je ne
manquerai pas de chercher les occasions à vous témoigner
une vraye et parfaite reconnoissance , et
Pestime toute particuliere avec laquelle je suis, s
N. C.
Ꮴ
A Venise ce 2. Aoust 17:34.
REPONSE de M. Cicognini.
..
Ous m'ordonnez , Monsieur , de vous don
ner quelques éclaircissemens sur la probité de
M. Belloste , Auteur du Livre intitulé Suite du
Chirurgien d'Hôpital , et de la vérité des faits
dans lesquels je suis cité comme témoin. Il n'est rien
de plus équitable que de rendre justice à la vérité et
de complaire en même- temps à un ami comme vous,
Monsieur , pour lequel je conserve tant d'estime.
II. Vol. On
1418 MERCURE DE FRANCE
Versailles , chés M. le Paige , Commissaire , qui
a bien voulu , pour l'utilité du Public , se charger
d'en faire faire la distribution , après en
aroir fait un heureux usage.
Le sieur Charles Presle , Marchand Jouaillier ,
donne avis qu'il a inventé de nouveaux Plateaux
pour les Services de fruits et desserts de tables ,
dans des goûts variés , dont la magnificence ,
l'ordre, l'arangement et le coup d'oeil , font plai
sir , outre les doubles objets que les glaces représentent
et qui produisent un effet très agréable. I
en a fourni à divers Seigneurs, Ambassadeurs et
autres Errangers , tous de differentes manieres et
à differens Services ; il en fait fabriquer actuellement
qui peuvent servir à toutes sortes de ta
bles , soir grandes , moyennes , ou petites , et en
12. ou 15. sortes de Desseins, selon comme l'on
veut afanger les Plateaux .
Il demeure rue S. Martin , au coin de celle de
Venise , à la bonne Foy. Ceux qui en voudrost
voir , peuvent aller chés lui. Il en vend et donae
à loyer à juste prix.
A l'égard des prix qu'ils se vendent, on ne peut
pas les déterminer, par raport aux augmentations
ou diminutions d'ouvrages et chantournemens
que les personnes qui en souhaitent désirent ; de
même des nombres et grandeurs de Plateau
proportionnés aux grandeurs des tables.
II. Vol. CHANSON
THET
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATION
3
THE
NI
PUBLIC
JUIN.
1737. 1419
HANSON ,
2. Musique par M. Rousseau ;
à Chambery.
Papillon badin , caressoit une Rose
Jouvellement éclose ,
i-tôt il quitta pour suçer un Raisin ;
h ! dit la charmante Catin ,
voit tristement à son Berger volage
Bacchus , tu m'as ravi son coeur ;
ns - nous tant d'Amans sans ton Jus eniteur
Dégoûtés du tendre esclavage
ius , cruel Bacchus , ta fatale Liqueur ;
ous les inconstans est -elle le breuvage t
SPECTACLES.
A Comédie Héroïque de l'Ambi
tieux se soutient toujours au Théa-
François , et attire de nombreuses
Assemblées , malgré les chaleurs.
On prépare pour ce Théatre une Piece
n trois Actes , sous le titre des Caracte-
41. Vol. res
1420 MERCURE DE FRANCE
res de Thalie , titre heureux , et qui ras
portera bien de la gloire à son Auteur ,
s'il est traité heureusement. Nous sorons
attentifsà en donner unejuste Ana
lyse et à les sentimens du Pu
raporter
blic que nous tâcherons de recueillir avec
l'impartialité dont nous faisons profes
sion.
*
Le 15. Jain , les Comédiens Italiens,
remirent au Théatre une Comédie qui a
pour titre l'Italien marié à Paris. Cette
Piece qui est de la composition de M. Riccoboni
le Pere , retiré du Theatre depuis
1729. fut jouée en Italien avec beaucoup
de succès en Juillet 1716. L'Aug
teur yjouoit le premier rôle , c'est- à - di-,
re , celui du Jaloux d'une maniere ini
mitable . La même Piece fut remise au
Théatre en cinq Actes au mois de Novembre
1728 traduite en Prose par l'Auteur
, lequel fut remplacé dans son rôle
par le sieur Pagheti , autre excellent
Comédien mort en 173 2. Dans cette derniere
reprise , la même Piece a été redui,
te à trois Actes , et mise en Vers libres
par M. de la Grange , connu par d'autres
Pieces qu'il a données au même Theatre.
Elle a été reçue très -favorablement du
Public. Le Sieur Romagnesy joue le pre-
II. Vol, mier
JUIN. 1737. 1421
mier rôle avec aplaudissement. La Piece
est terminée par un très-joli divertisse
ment dansé par les Acteurs et Actrices
de la Troupe , &c. L'execution en a été
generalement goûtée , ainsi que le Balet
composé par le sieur Riccoboni ; et la
Musique de la composition du sieur Durocher,
Auteur de plusieurs Ouvrages de
Musique reçus très favorablement du
Public. On peut voir un Extrait fort au
long de la même Piece dans le premier
Vol. de Décembre 1728 page 2701 ,
"L'Academie Royale de Musique continue
les representations du Balet des
Amours des Dieux , que le Public voit
toujours avec plaisir ; quoique ce Balet
soit composé d'un Prologue et de quatre
Entrées , on a été obligé de suprimer la
seconde , pour finir l'Opera de meilleure
heure , et donner ce temps à la promenade
; les rôles ont été très - bien remplis
dans cette reprise ; la Dlle Julie , et les
sieurs le Page et Jelyou chantent les rôles
du Prologue . La Dlle Petitpas , et les
sieurs Dun et Tribou ceux de la premiere
Entrée , la Dlle Pelissier joue le rôle
de Corones , et le sieur Tribou celui d'Apollon
, dans la troisiéme Entrée ; et la
Dlle Antier , et le sieur Albert nouvel
II, Vol.
Acteur
7422 MERCURE DE FRANCE
Acteur ( qu'on a déja entendu ici ) exe- \
cutent très - bien les rôles d'Ariane et de
Bacchus.
On prépare pour ce Theatre l'Opera de
Cadmus, Tragedie , la premiere que Qulnault
ait donnée au Theatre Lyrique , et
le premier Poëme en ce genre que Lully
ait mis en Musique.
TAMBOURIN
Du Balet des Voyages de l'Amour.
PARODIE .
Par M. Fuzilier le Fils.
QUe ce jus divin
Nous mette en train.
Son doux refrain
L'enseigne.
Voici le plaisir,
Songeons à le saisir
Et qu'à loisir
Il
regne ,
S'en lasse-t-on y
Non.
Plus un coeur en prend ,
Plus il sent
} bis.
II. Vol. DS
JUIN. 1737. 1423
De penchant
A suivre un bien dont l'attrait
Plaît.
Viens Momus ,
Trouver Baccus ,
Les ris ,
Ses favoris
Sont faits
Pour les Banquets
Que tu soutiens ,
Viens.
Rends-nous fine
Calotins ,
Rends- nous
Tous
Foux,
Trop heureux ;
Grands Dieux !
Ceux
Qui suivant ta Loy ,
Ne connoissent que toi
Roy.
Le 28. Juin , l'ouverture de la Foire
S. Laurent fut faite par M. le Lieutenant
General de Police , avec les Ceremonies
accoutumes. Ce Magistrat avoit rendu
le 14. du même mois son Ordonnance
concernant ce qui doit être observé par
II. Vol. Hle
1424 MERCURE DE FRANCE
les Marchands qui y sont établis , et renouvelle
les défenses des Jeux , & c .
›
Le même jour , l'Opera Comique fit
aussi l'ouverture de son Theatre par
deux Pieces nouvelles d'un Acte chacune
en Vaudeville , avec des divertisse
mens , intitulées l'Amour Paysan et la
Fée Brochure , précedées d'un nouveau
Prologue adressé au Public , pour se le
rendre favorable pendant le cours de la
Foire. Un nouvel Arlequin Anglois execute
dans le divertissement une Danse
de Paysan yvrogne avec aplaudissement
; il y a encore quelqu'autres nouveaux
Acteurs qui dansent differentes
Entrées dans les diversissemens , lesquels
sont terminés par un Acte pantomime
très bien executé par tous les Danseurs ,
et par quelques Acteurs de la Troupe.
NOUVELLES ETRANGERES.
LETTRE écrite de Constantinople lo
14. Février 1737.
M
R Fawkener , Ambassadeur d'Angleterre
à la Por e , se prépare à se endre incessamminent
au Camp du Grand Visi , on dit qu'il
sera suivi de près par M. Calkoën , Ambassadeur
d'Hollande.
11. Vol,
Soliman
JUI N.
1737. 1425
Soliman Pacha fut nommé le 20. Janvier
Capitan Pacha , où Amiral , il étoit ci - devant
Bey , ou Capitaine de Galere .
Le 4. de ce mois les Patriarches Armeniens
de Jerusalem et de Constantinople , et le Noncé
du Patriarche Armenien de Perse , accompagaés
d'un nombre de Metropolitains et de plusieurs
Personnes des plus notables de leur Nation
, vinrent dîner chés M. l'Ambassadeur de
France , qui les traita splendidement ; les deux
Patriarches en s'en retournant entrerent dans la
Chapelle du Palais , où ils firent leurs prieres
qu'ils accompagnerent de beaucoup de génuflexions
, le Patriarche de Jerusalem alla même
baiser l'Autel. Ils admirerent les differentes Pein
tures dont cette Chapelle est ornée , et sur tout
le Mausolée qui renferme le Coeur de M. le
Comte des Alleurs , Ambassadeur de France a
la Porte , cet Ouvrage qui a été fait à Venise est
veritablement d'un grand goût et d'une noble
simplicité. 1
- Le 7. Février M. le Marquis de Villeneuve ,
Ambassadeur de France , eut une Audience de
Kajmakan dans une Maison de plaisance située,
au Fauxbourg de Youp.
Le 8. un Vaisseau de Guerre de Tripoly de
Barbarie entra dans le Port de Constantinople ,
il aporte au Grand Seigneur le tribut , ou present,
que cette Republique envoye à sa Hautese.
Le 9. M. l'Ambassadeur de France fit sa premiere
visite à Soliman , nouveau Capitan Pacha.
On a apris que M. Dahlman arriva le 21 .
Janvier au Camp du Grand Visir , et qu'il eut
le 26. une audience de ce premier Ministre qui
lui fit present d'une Pelisse de Samour , d'un
Cheval harnaché et d'un Sabre ; Mad. Dahlman .
II. Vel qui Hij
1426 MERCURE DE FRANCE
qui avoit pris la route de Vienne , dois , dit-on , a
revenir à Andrinople.
On travaille toujours avec beaucoup d'acti
vité dans l'Arsenal de cette Ville à la construç
tion d'un grand nombre de Galiotes , Brigan
eins et Bateaux plats , destinés à passer dans la
Mer noire dès que la Saison le permettra.
EXTRAIT d'une autre Lettre écrite
de Constantinople du 6. M. ay 1737.
le Na écrit de Babadag du 22. Mars , que
Kan des Tartares après son expedition en
Ukraine avoit repris la roure de Crimée et qu'il
devoit être de retour à Baccheseraï.
Le 28. Mars l'Armée Navale sortit de ce Port;
elle étoit composée de 15. Galeres , er de 200.
Galiotes , ou Brigantins , et de 6 Fregates.
Le
30. il y eut un Incendie à Constantinople
qui causa un grand dommage par une quanrité
considerable de Ris , d'Huile , de Legumes
et autre provisions , qui ont été consumées par
le feu.
Le 29. le Mektoupgi , ou Secretaire du Grand
Visir arriva à Constantinople. Le 30. il fut tenu
un grand Divan à la Porte, où assisterent les
Principaux des Gens de Loy et les Chefs des Milices
. On y exposa la necessité de faire la Paix.
Le Mufty donna son Terfa, portant qu'il étoit
permis de faire la Paix avec les Infidéles , lorsqu'on
ne pouvoit continuer la Guerre sans s'exposer
à un peril évident ; sur cette décision , il
fut resolu de donner pouvoir aux Plénipotentiaires
du Grand Seigneur de faire la Paix aux
meilleures conditions qu'il seroit possible, On
II. Vol, présume
JUIN.
1737 1427
présumé qu'ils ont l'ordre de la faire à quelque
prix que ce soit.
Le 26. du même mois , l'Ambassadeur d'Angleterre
, qui étoit parti le 26. Février de Constantinople
, arriva au Camp. On a apris que le
Grand Visir ayant voulu lui donner la Pelisse de
Samour , il l'avoit refusée , alleguant pour rai
son , qu'il ne devoit avoir cette marque de distinction
qu'en qualité de Médiateur , et qu'il
n'auroit cette qualité que lorsque la Médiation
de Sa Majesté Britannique auroit été acceptée par
la Czarine , comme elle l'avoit été par la Porte.
Le s . Avril M. Stanidski alla à l'Audience
du Caïmakan , et le 7. à celle du Grand Seigneur
, en qualité d'Internonce , pour notifier à
la Porte Pavenement de l'Electeur de Saxe au
Trône de Pologne.
Le 17. Avril l'Ambassadeur d'Hollande afri
va à Babadag , il fit notifier son arrivée par son
Secretaire aux Ambassadeurs d'Allemagne et
d'Angleterre , ces Ambassadeurs lui envoyerent
leurs Secretaires , mais ils ne l'ont vû , ni l'un ,
ni l'autre.
Le 18. Avril M. Dahlman partit de Babadag
pour se rendre àKudak ,qui a été fixé pour le lieu
des Conferences. Saïde- Effendy le suivit deux
jour après ; le Reys- Effendy devoit se mettre en
marche le 15. avec les autres Plenipotentiaires ,
et le Drogman de la Porte . On écrit du 23 Avril
de Babadag que l'Ambassadeur de Hollande
n'avoit pas encore eu audience du Grand Visir ;
que l'on disoit que cet Ambassadeur , ni celui
d'Angleterre n'iroient point à Kudac , et qu'ils
suivroient le Grand Visir , qui devoit partir de
Babadag vers le milieu du mois de May , passer
le Danube et s'avancer jusques à Castal.
Le Kan des Tartares dernier deposé, qui avoit
II. Pol.
Hiij сн
1428 MERCURE DE FRANCE
eu la permission de resider à Hullipoly , a été
depuis quelques jours relegué de nouveau à
Scio .
On publie que le Kan des Tartares regnant ,
a refusé de se rendre au Camp du Grand Visir ,
et qu'il est occupé à fortifier Precops et Kilbournon
, dans le soupçon où il est que la Porte ne
soit d'intelligence avec l'Empereur et les Moscovites
, pour faciliter à ces derniers la Conquête
de la Crimée.
Le 2. May , la Flote qui étoit encore à l'embouchure
de la Mer noire , mit à la Voile. On
a fait revenir dans ce Port deux Fregates , d'où
on a déchargé quantité de Canons de Campagne
, qui avoient été destinés pour l'Armée du
Grand Visir , et que l'on s'étoit proposé de faire
passer à Issatchi par la Mer noire et le Danube.
Les Bâtimens qui avoient été fretés pour transporter
les Troupes d'Asie à Taman , ont été envoyés
à la traite du Bled . Toutes ces circonstan
ces semblent annoncer la Paix.
AFRIQUE,
Lesavis reçus depuis peu de la côte d'Afrique
portent que le nouveau Dey de Tunis ayant apris
que l'ancien Dey s'étoit retiré dans les environs
d'Ausolette avec le petit nombre de Troupes qui
demeurent attachées à son Parti , il étoit allé
Pattaquer dans ses retranchemens , qu'il l'avoit
obligé de s'enfuir à Souza , Ville bâtie sur le bord
de la Mer , er que depuis peu le nouveau . Dey
s'est rendu devant cette Place dans le dessein
d'en entreprendre le Siége par Terre et par Mer.
Selon les dernieres Lettres écrites du Port de
Sainte Croix en Barbarie , il n'y a point d'aparence
qu'on puisse voir si tôt la fin des troubles
II. Vol qui
JUIN. 1737 1429
qui agitent depuis long-temps le Royaume de
Maroc. La plus grande partie des Habitans du
plat Pays , est attachée aux interêts de Muley-
Lariba, que l'Armée des Noirs a élú à la place de
Muley Abdhalla ; mais les Habitans des Montagnes
suivent le parti de ce dernier ; et il est
d'autant plus difficile de les en detacher , qu'accoutumés
au brigandage , ils ont le specieux
pretexte des droits de leur Chef pour commet
tre impunément toutes sortes d'excès . Muley-
Abdhalla a fait raser tous les Châteaux et déruire
tous les Ouvrages exterieurs qui défendoient
les aproches de la Ville de Fez , esperant
que les Habitans se trouvant par là plus exposés
aux insultes de ses Troupes , ils se determineroient
plus facilement à abandonner le parti de
son Concurrent. Cependant il n'a point encore
tiré de cet acte d'hostilité l'avantage qu'il en
attendoit, et les Habitans , tout depourvûs qu'ils
sont de défenses , n'en sont pas moins fidéles à
Muley-Lariba. Ceux de Ste Croix et de Sophie
se sont déterminés à garder une exacte Neutralité
entre les deux prétendans au Trône ; et ayant
refusé de recevoir les Troupes de l'un et l'autre
de ces Princes , ils entretiennent des Garnisons à
leurs dépens , pour empêcher que l'un des deux
ne leur donne la Loy.
Il continue d'aborder à Ste Croix un nombre
extraordinaire de Vaisseaux qui vont y charger
des Grains , et le Bled y est toujours à un
prix modique , quoique les Saurerelles ayent
causé cette année que que dommage dans les
Campagnes voisines . On écrit de plusieurs autres
endroits de l'Afrique , que ces insectes y
ont fait beaucoup de ravage , et qu'on y étoit
menacé d'une très- grande disette.
11. Vol.
Hiiij
POLOGNE,
1430 MENU ГАЛ
POLOGNE.
Ön écrit de Curlande que les Etats du Duché
de ce nom , devoient proceder le 11. de ce mois
à l'Election d'un nouveau Duc , et que quel
ques Troupes de la Czarine sont entrées dans le
Pays , et ont été distribuées par leur Comman
dant dans les Bailliages sur lesquels le Douaire
de la Czarine a été assigné , lorsqu'elle épousa
le Duc Frederic Guillaume, Predecesseur du Duc
Ferdinand.
On a apris de Lithuanie , qu'il y avoit eu depuis
peu un grand Incendie à Wilna , Capitale
de ce grand Duché , et que cinq Convents
et plusieurs Palais avoient été reduits en cendres
avec la moitié des Maisons de la Ville.
Le Roy Auguste et la Republique de Polo
gne ayant consenti que le Congrès dans lequel
on doit regler les conditions de l'accommodement
proposé entre le Grand Seigneur et la
Czarine , se tint dans une Ville de ce Royaume ,
et Sa Hautesse étant convenue avec S. M. Cz.
que les Ministres Plenipotentiaires s'assembleroient
à Niemirow , petite Ville située dans la
Podolie , et qui apartient au grand Général de
la Couronne , ce Seigneur a envoyé un Officier
au Grand Visir pour sçavoir de lui quand les
Ministres Plenipotentiaires du Grand Seigneur
partiroient de Kudack pour le lieu destiné aux
Conférences.
ALLEMAGNE.
On a apris de Vienne que le depart du Duc
de Loraine pour l'Armée , étoit fixé au 12. de
ec mois , et que l'Empereur lui a assigné 500000.
II. Vol
Florins
JUIN. 1737. 1431
1
Florins pour les dépenses qu'il sera obligé de
faire pendant la Campagne.
1
L'Empereur a établi a Inspruck une Tontine
, dont le Capital montera à deux millions de
Florins , et dont la Chambre du Commerce dur
Tirol aura la direction . Cette Tontine sera distribuée
en quatre Classes, dans chacune desquelles
il y aura mille actions , et chaque action sera
de foo. Florins. La premiere Classe doit être
composée d'Actionnaires au dessous de vingtcinq
ans , qui retireront sept pour cent d'inte
rê ; la seconde de personnes depuis vingt- cinq
ans jusqu'à quarante , auxquelles ont donnera
un pour cent d'interêr ; de plus la troisiéme
de personnes depuis quarante ans jusqu'à cinquante-
einq , qui auront neuf pour cent ; et la
quatrième , d'interessés au dessus de cinquantecinq
ans , qui jouiront du denier dix.
A mesure qu'il mourra des Actionnaires , la
moitié des revenus de leurs actions sera repartie
entre les survivans. Les Etrangers pouront s'interesser
dans cette Tontine , et S. M. I. leur
promet que leurs Dividens seront exempts
dé toute diminution ou imposition , et qu'ils ne
seront saisis sous aucun pretexte , pas même en
cas de Guerre avec les Nations dont seront les
Actionnaires.
Le 18. de ce mois , il arriva à Dresde de Mittau
, un Seigneur Curlandois que les Etats du
Duché de Curlande , ont depêché au Roy Auguste
de Pologne , pour lui donner avis que s'étant
assemblés le 2. afin de proceder à l'Election
d'un nouveau Duc , ils avoient élû pour
Souverain le Comte de Biron , grand Chainbellan
de la Czarine.
On aprend de Toplitz que le Roy Auguste et
la Reine son Epouse y étoient arrivés au com-
11 Vol. mencement H v
1432 MERCURE DE FRANCE
mencement de ce mois , pour y prendre les Eaux
Minerales d'Eger ; que le ro. la Bourgeoisie tira
à l'Oiseau en presence de S. M. qui fit l'honneur
aux Habitans de tirer avec eux , et qui remporta
le prix.
le
On écrit de Berlin que le 3. de ce mois ,
Roy de Prusse , dont la santé est entierement
retablie , fit la revûë generale des Troupes qu'il
avoit fait venir dans les environs de cette Ville.
Ces Troupes qui consistoient en quatorze Bataillons
, demeurerent sous les Armes pendant
quatorze heures. Quoique le Prince Royal eût
eu la veille un accès de Fiévre , il ne laissa pas
d'assister à cette revûë , et malgré la chaleur excessive
il fut toujours à la tête de son Regiment,
mais aussitôt après la revûë il fut obligé de se
mettre au lit.
ITALPE.
Ar les Lettres de Rome , on aprend que le
Par. de ce mois , les Armes de Stanislas premier
, Roy de Pologne , Duc de Loraine et de
Bar , furent placées sur la porte de l'Eglise de
S. Nicolas des Lorains , où l'on chanta à cette
occasion une Messe solemnelle , et le Te Deum
auquel le Duc de Saint Aignan , Ambassadeur
du Roy de France , assista avec un grand nom
bre de Personnes de distinction.
Le Roy Stanislas a nommé le Chevalier Coltrolini
son Agent en cette Cour.
Il s'est commis à Rome depuis peu plusieurs
meurtres , entr'autres celui du Supérieur du
College des Ecossois , lequel a été assassiné par
un jeune Protestant , qui feignoit de vouloir faize
abjuration entre ses mains ; et celui d'une
?
II. Vol Tourie re
JUIN.
1433 1727.
L
Touriere des Religieuses Ursulines , qui a été
tuée à coups de coûteau par un Prêtre du Pays
de Liége. L'un et l'autre de ces assassins ont pris
la fuite , mais la diligence avec laquelle on les
a suivis , fait esperer qu'ils seront arrêtés.
On aprend de Naples que depuis le 22. du
mois de May , le Mont Vesuve a cessé de jetter
des flammes et des matieres bitumineuses . Peu
s'en est fallu que le principal des Torrens enflammés
qui en sortoient , et dont la violence
étoit telle qu'ils parcouroient en une minute l'espace
de deux pas Géométriques , n'ait entierement
enseveli le Bourg de la Torre del Greco.
Après avoir rempli une ravine très -profonde ,
il avoit déja gagné le grand chemin et renversé
l'Eglise du Purgatoire , ainsi qu'une partie de
celle des Religieux Carmes , et il eut causé de
plus grands ravages , si l'on n'eût pris le parti
de couper un Pont qui étoit sur la même ravine.
Par ce moyen le Torent prit son cours vers
la Mer , et il ne s'arrêta qu'à une portée de fusil
du rivage , de sorte qu'apresent les Voyageur
sont obligés de marcher tout proche de la
Côte pour aller du côté de Salerne . Ce Torrent
qui étoit large de plus de cinquante pieds , avoit
cinq toises de profondeur , et dans quelques endroits
creux , cette profondeur étoit de plus de
vingt toises. La matiere dont il étoit composé
ressembloit à de l'écume de Fer , tant pour la
couleur que pour la dureté , et c'est un mélange
de fer , de souffre , de sel commun , de salpêtre
et de pierres calcinées .
Pendant que les flammes étoient à leur plus
haut dégré de violence , les Provinces de la Ca
pitanate et de Monte- Fuscoli ont été envelopée
dans d'épaisses tenebres ; on y a senti plusieur
II. Val secousse H vj
1434 MERCURE DE FRANCE
secousses de tremblement de Terre assés fortes
et l'on entendoit de toutes parts des bruits souterrains
effrayans .
La Bourgade d'Ottaïano sur le penchant de
la Montagne a été fort endommagée par une
pluye continuelle de cendres et de pierres d'une
grosseur énorme ; presque toutes les Maisons y
sont devenues inhabitables , et dans un Convent
de Filles , il y a eu trois Religieuses de tuées et
deux de blessées dangereusement.
Toutes les Fermes des environs de Somma
qui produisent d'excellents Fruits et des Vins re
nominés , ont été ruinées , et on ne compte pas
d'y faire de Recolte cette année.
On attend des nouvelles plus détaillées de ce
qui est arrivé en plusieurs endroits du Royauine
de Naples . Cette Ville n'a souffert aucuu
dommage. Le Roy a envoyé un Corps d'infanterie
pour garder les Maisons qui ont été aban➡
données par les Habitans de la Torre del Greco.
On édrit de la Bastie , Capitale de l'Ile de
Corse , que la nouvelle qu'on y avoit reçuë au
commencement de ce mois , de la détention du
principal Chef des Rebelles en Hollande , donnoit
lieu d'esperer qu'ils ne tarderoient pas à
rentrer dans leur devoir , et que M. Rivarola ,
dès qu'il eut été instruit de la consternation repandue
à cette occasion dans leur Camp, leur
fit sçavoir que la Republique leur offroit une
Amnistie generale , et les mêmes conditions qui
leur avoient été accordées ci-devant par la médiation
de l'Empereur. Ils auroient peut- être accepté
les propositions de M. Rivarola , si pen
dant qu'ils étoient occupés à déliberer sur le
parti qu'ils prendroient , il n'étoit arrivé à la
Plage d'Aleria deux Officiers , par lesquels leur
II. Vol.
principal
JUIN. 1737. 1435
mais
principal Chef leur donnoit avis qu'à la verité
il étoit arrêté pour dettes à Amsterdam ,
qu'il seroit bientôt mis en liberté , et qu'il ne
tarderoit pas à revenir dans cette Isle . Les assurances
données par ces deux Officiers ayant
changé absolument la disposition des Esprits ,
les Rebelles se sont avancés en grand nombre
jusqu'au pied du Glacis de la Bascie malgré le
feu du Canon et de la Mousqueterie , et ils ont
crié aux Sentinelles , qu'ils étoient déterminés à
souffrir plûtôt les dernieres extremités que de
rentrer sous la Domination de la Republique
et que s'ils perdoient leur Chef , ils lui trouveroient
bientôt un Successeur qui les aideroit
à recouvrer leur liberté.
•
Leur aproche a causé une grande allarme
dans cette Ville , mais le grand feu qu'on a fair
sur eux les a obligés de retourner à leur Camp ,
où ils ont emmené sept ou huit Prisonniers qu'ils
ont fait dans un Poste avancé. Quoiqu'ils soient
demeurés dans l'inaction depuis qu'ils se sont
retirés , M. Rivarola a redoublé les Gardes de
tous les principaux Postes , et on travaille avec
d'autant plus de diligence à prendre des mesures
pour s'oposer à leurs entreprises , qu'on a été
informé que leur Chef étoit en chemin pour
revenir les joindre , et que le bruit vient même
de se repandre qu'il est déja arrivé dans cette
Isle.
Les Rebelles ont fait publier par son ordre
un Manifeste , dans lequel il entreprend de répondre
au Decret qui le eclare Seducteur des
Peuples , Fauteur des troubles , ennemi de la
Republique , et coupable de haute trahison . Il
dit dans ce Manifeste , qu'il ne merite pas les
diverses denominations qui lui sont données
II. Vol. dans
1436 MERCURE DE FRANCE
dans le Decret de la Republique , puisque ce
n'est pas lui qui a suscité les troubles dont la
Corse est agitée , et qu'ils n'ont d'autre source
que les divers mécontentemens que des Habitans
de l'Isle pretendent avoir reçûs des Genois ; que
si ceux-ci avoient eu veritablement à coeur la
tranquillité de cette Isle , ils auroient fait éprouver
d'autres traitemens à un Peuple qui ne s'étoit
soumis qu'à condition que la Republique
seroit fidelle à des Conventions stipulées sous la
garentie de l'Empereur , que pour lui il n'est
venu en Corse qu'après y avoir été apellé par
les Habitans , et que quand il seroit tel que les
Genois pretendent l'insinuer , la Providence ne
feroit en cette occasion à l'égard d'une Nation
oprimée que ce qu'elle a fait ci-devant en
faveur de plusieurs autres Peuples , lorsqu'elle
leur a envoyé des Liberateurs , dont on n'avoit
pas lieu d'attendre , d'abord les grands succès
qu'on a vus dans la suite .
Il ajoûte en finissant , qu'en vertu du pouvoir
que la Nation lui a donné , il défend aux Genois
de demeurer en Corse sous peine de la vie ,
et il declare que les Corses ne conclûront point
La Paix avec la Republique , à moins qu'el
le ne renonce à la Possession de leur Isle , et
qu'elle ne leur restitue tout l'argent qu'elle en a
tiré par les impositions .
Les Lettres de Genes du 11. de ce mois, por
tent qu'on n'y a point encore reçu d'avis certain
du retour du principal Chef des Rebelles
dans l'Isle de Corse , mais la plupart des lettres
de la Bastie marquent qu'on croit qu'il y est arrivé
, parce que le Chanoine Orticone , et quelques
autres de ses Adherans se sont rendus précipitamment
à Aleria où l'on dit qu'il a de- ONE
IL. Val
barqué,
JUIN. 1737. 1437
barqué. On a apris , par ces Lettres , qu'un détachement
d'environ trente hommes de la Garnison
de la Place avoit tué quelques uns des Ouvriers
qui travailloient aux Salines retablies par
les Rebeles , et que ces derniers avoient fait di
re à M. Rivarola qu'ils traiteroient les Sujets de
la Képublique avec la même rigueur qu'on traitait
les personnes attachées à leur parti. Les mê
mes avis portent que le bruit couroit que le fameux
Louis Ciaferri , un des anciens Chefs des
Rebelles étoit mort dans leur camp.
T
et
Les Lettres du 18. portent que l'inaction dans
laquelle se tiennent les Rebelles de Corse , donne
lieu de conjecturer que leur principal Chef
n'y est pas encore revenu , comme on l'avoit
publié. On a apris en dernier lieu qu'il regne
beaucoup de division parmi eux , que leurs differends
sont souvent suivis de voyes de fait ,
quelquefois de meurtres, mais que remplis d'animosité
dans leurs querelles particulieres, ils sem
blent être toujouts prêts à les oublier et à se réunir
, dès qu'il s'agit de leur interêt commun.
Leur obstination à persister dans leur revolte a
déterminé le Senat à attendre des occasions plus
favorables pour les soumettre , et à se contenter
de songer à la conservation des Places qui sont
demeurées sous la Domination de la Republique..
Les Salines d'Aleria , que les Rebelles ont rétablies
, sont si abondantes qu'ils comptent d'en
tirer assés de sel , non seulement pour leur consommation
, mais encore pour en fournir aux
Etrangers. Ils ont découvert dans une Mine de
Fer , située aux environs d'Alizani , une Mine
qui leur produit beaucoup de ce Metal . Leurs
Chefs ont établi à Orena une Manufacture de
Cuir, par le moyen de laquelle ils seront en étag
II. Vol. de
T438 MERCURE DE FRANCE
de se procurer plusieurs commodités que les
Etrangers leur faisoient acheter fort cher.
GRANDE - BRETAGNE.
LE 2. de ce mois le Roy se rendit à la Chambre
des Pairs , avec les cérémonies accoûtumées
et S. M. ayant mandé la Chambre des
Communes , fit aux deux Chambres le discours
suivant.
MY LORDS , ET MESSIEURS ,
Je suis venu ici pour mettrefin à cette Séance
du Parlement , afin que vous ayez la liberté de
vous retirer dans vos Provinces, et de contribuer,
selon vos divers Emplois au maintien de la Paix
et du bien du Royaume. Je vous remercie des marques
particulieres que vous m'avez données de
votre affection et de votre zele pour ma Personne
et pour mon honneur , etj'espere que la sagesse et
la justice que vous avez fait paroître à l'occasion
de quelques incidens extraordinaires , préviendront
à l'avenir de pareils ar´entats. La conduite
de ce Parlement a été si égale dans toutes ses déliberations
sur les Affaires publiques , qu'il seroit
aussi injuste de n'en point avoir de reconnoissance
, qu'il est inutile d'en raporter toutes lesparticularités..
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES ,
de
Le soin que vous avez pris de lever les Subsides
nécessaires pour le Service de l'année courante ,
la maniere la moins onereuse à mon Peuple , est
une nouvelle preuve de votre attention toujours
égale à soutenir mon Gouvernement & les interêts
de votre Patrie.
1 MY LORDS ET MESSIEURS ,
Vous ne pouvez ignorer combien les honnêtes
II. Vol. Gens
JUIN. 1737. 1439
Genset les Personnes de bonnes moeurs se trouvent
justement scandalisés et offensés de la licence qui
regne dans le temps present , sous l'ombre et le prétexte
de la liberté , et combien il est absolument
nécessaire de reprimer cet abus excessifpar une juste
et vigoureuse execution des Loix. C'est un usage
qui n'est devenu que trop général , que de braver
toute autorité , de mépriser la Magistrature, et mê
me de s'oposer à l'execution des Loix , quoi que celar
soit aussipréjudiciable aux libertés du Peuple qu'aux
Prérogatives de la Couronne , le soutien de l'une
étant inséparable de la Protection de l'autre. J'ai
pris les Loix du Pays pour regle constante de mes
actions , et je m'attends aussi que mes Sujets feront
leur principal devoir de la soumission que ces memes
Loix leur imposent , et qu'il est de leur interêt
d'avoir toujours pour mon Autorité et pour mon
Gouvernement.
Le Lord Chancelier prorogea ensuite le Parlement
par ordre de S. M. jusqu'au 15.du mois
d'Août,
MORT'S DES PAYS ETRANGERS
LE
E 30. May , Anne -Joseph Comte de Tornielle
et de Brionne, Marquis de Gerbeviller,
Conseiller, Chevalier d'honneur en la Cour Souveraine
de Loraine et Barois , Grand- Bailly de
Nancy , Conseiller d'Etat , et Grand- Chambellan
du Duc de Loraine , mourut à Nancy , ou
il s'étoit rendu de Vienne depuis quelque temps
à l'occasion du Reglement de la cession du Duché
de Loraine . Il étoit âgé de 73. ans ; son
corps fut transporté le premier Juin à Gerbevil-
II. Vol.
Jeri
1440 MERCURE DE FRANCE
ler , où il fut inhumé le lendemain dans l'Eglist
des Carmes , lieu de la sépulture de ses Ancêtres .
Il avoit épousé en 1700. Antoinette - Louise de
Lambertye , fille de Georgs , Marquis de Limbertye,
Baron de Cons , Conseiller d'Etat, Bailly
de Nancy , et Ma échal de Loraine , et de Christine
de Lenoncourt de Blainville , sa premiere
femme . I. la laisse veuve sans enfans , n'en ayant
jamais cù d'elle. Henri -Hiacinthe , Comte de
Tornicile , Grand- Aumônier de Loraine , Grand
Doyen de l'Eglise Primatiale de Nancy, &c son
frere puîné , et le seul qu'il eut , mourut à Nancy
le 2 Avril de l'année derniere 1736. ainsi
ĉette Familie , originaire de Novare en Lombardie
, et qui s'étoit etablie en Loraine sur la fin
du 16 siecle , se trouve éteinte . On en trouve la
Gé éalogie dans le Dictionaire de Morery de
1725. et dans le Suplément de 1735.. On månde
de Nancy que les grands biens du Marquis
de Gerbeviller passent au neveu de la Dame
sa veuve , qui est fils du Marquis de Lambertye
, et qui prend à présent le titre de Comte
de Tornielle.
Le 16. Juin , la Duchesse Doüairiere de Northumberland
, mourut à sa Terre de Trogmore,
près de Windsor , dans la 106 ° année de son âge ,
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LE
E Roy a donné au Prince de Nassau
, l'agrément du Régiment de la
Marine , dont le Marquis de Mirepoix
1
t
étoit Colonel. Le
JUIN. 1737.
1441
Le 4 de ce mois Madame la jeune Duchesse
de Bourbon ,dont la santé se retablit
tous les jours , et qui aime beaucoup les
belles Fleurs , alla se promener dans le
Jardin du sieur le Fevre , qu'elle trouva
encore plus fleuri , qu'elle ne l'avoit esperé
, la Saison étant déja bien avancée
pour les Fleurs du Printemps , dont l'ardeur
du Soleil avoit précipité la durée
dans presque tous les Jardins feuristes
de Paris . S. A. S. s'y promena agréable
ment , s'y reposa et en sortit satisfaite
d'un Bouquet des plus belles Fleurs que
le sieur le Fevre eut l'honneur de lui
présenter.
D
On trouve chés ledit sieur le Fevre
toutes sortes de Graines Médicinales
Potageres et de Fleurs ; des Oignons ,
des Plantes et des Semences de toutes les
especes , pour l'ornement des Jardins.
Son Jardin est Ruë de Vaugirard attenant
le mur du Luxembourg et le Cer
ceau d'or , Fauxbourg S. Germain ; mais
sa demeure principale , et plus conmode
pour le Public , est au milieu du Quay
de la Mégisserie , à l'Enseigne du Coq
de la bonne Foy. On lit sur son Plafond
cette dévise. Sanat , nutrit, et ornat.
Le 16. les Députés des Etats d'Artois.
curent audience du Roy : ils y furent
11. Vol. presentés
7442 MERCURE DE FRANCE
présentés par le Duc d'Elbeuf, Gouverneur
de la Province , et par M. d'Anger
villiers , Ministre et Secretaire d'Etat,
et conduits en la maniere accoûtumée
par le Grand Maître et par le Maître des
Ceremonies. La députation étoit composée
de l'Abbé de la Grange , Grand-
Vicaire du Diocèse d'Arras pour le Clergé
, qui porta la parole ; du Comte de
la Bussiere pour la Noblesse , et de M.
Ansar , Conseiller et Pensionnaire de la
Ville d'Arras , Deputé du Tiers- Etat.
Le 18. Juin , les Maîtres de Musique
et Musiciens de Paris , firent celebrer
dans l'Eglise des grands Augustins une
Messe solemnelle à plusieurs Choeurs da
Musique ,
, pour le repos des Ames da
leurs défunts Confreres.
Le 26. de ce mois , le Roy accompagné
de Monseigneur le Dauphin , fit
dans la cour du Château de Versailles la
revûë des deux Compagnies des Mousquetaires
de la Garde de S. M. Le Roy
passa dans les rangs , et après qu'ils eurent
fait l'exercice , S. M. les vit défiler.
La Reine et Mesdames de France virens
cette revûë du Balcon de l'Apartement
du Comte de Clermont.
II. Vol. Le
JUIN. 1737- 1443
Le 20. Juin, Fête du Saint Sacrement
le Roy et la Reine entendirent les Vêpres
dans la Chapelle du Château de Ver
sailles , et Leurs Majestés assisterent au
Salut qui fut chanté par la Musique.
Le 27. jour de l'Octave , le Roy ac .
co mpagné du Duc d'Orleans , du Comte
de Clermont , du Prince de Dombes et
du Comte d'Eu , se rendit à l'Eglise de
la Paroisse du Château , et S. M. y entendit
la Grand'Messe , après avoir assis
té à la Procession .
Pendant l'Octave , le Roy a assisté
tous les jours au Salut, Le 25. et le 26. la
Reine l'a entendu dans la Chapelle, Le
22. Monseigneur le Dauphin assista aų
Salut dans l'Eglise de la Paroisse du Château
, et Mesdames de France y assisterent
dans l'Eglise de la Paroisse de Saint
Louis.
Le 30. de ce mois , Monseigneur le
Dauphin vint de Versailles à Paris se
promener au Cours et dans dans le Jar
din des Thuilleries.
Le Duc d'Ancenis , Capitaine des
Gardes du Corps en survivance du Duc
de Bethune son Pere , a été nommé par
le Roy , Mestre de Camp du Regiment
II. Vol. de
#444 MERCURE DE FRANCE
de Cavalerie , dont le Duc de Chevreuse,
Mestre de Camp général de Dragons , a
été Mestre de Camp.
FESTE donnée à Bayonne .
E 11. jour du mois de Juin , troisiéme
Fête de la Pentecôte , les deux
Compagnies de Grenadiers du Regiment
de Chartres , en garnison à Bayonne ,
furent commandées avec un détachement
de 300. Hommes pour la Bénédiction des
Drapeaux ; la Troupe en bataille dans
l'Eglise et formant la Haye dans la Nef,
l'Evêque de Bayonne à la tête de tout
son Chapitre et du Clergé , suivi de M.
d'Adoncourt , Brigadier des Armées du
Roy , et Commandant à Bayonne , de
tout l'Etat Major de la Place , de M. le
Comte d'Estampes , Colonel - Lieutenant
du Regiment de Chartres , et tous les
Officiers du Regiment, arriva dans l'Eglise
; il prononça un très- beau et très éloquent
Discours dans lequel il eut l'art de
persuader toutes les vertus de l'Héroisme
par celles même de la Religion la
plus Chrétienne , il y fit entrer l'éloge
du feu Duc d'Orleans , Regent , du
Duc d'Orleans d'aujourd'hui , et de ces
deux exemples , joints aux dispositions
favorables et prématurées qu'on décou-
II. Vol.
vre
JUIN. 1737. 1445
vre dans le Duc de Chartres , il tira les
moyens pour montrer les hautes esperances
qu'on devoit concevoir de ce jeu
ne Prince ; après la Bénédiction des Drapeaux
, on chanta un Te Deum au bruit
d'une nombreuse Artillerie , placée devant
la Cathédrale. Tous les Vaisseaux
qui étoient sur la Riviere répondirent
par plusieurs décharges de Canon.
·
Les Officiers du Régiment de Chartres
étant bien aises de donner au
Public des marques autentiques de la
joye qu'ils ont d'avoir le Duc de Chartres
pour leur nouveau Colonel , et de
la grace que S. M. leur a faite de leur
rendre un nom qu'ils ont eu l'honneur
de porter depuis leur création , du vivant
du Duc d'Orleans Regent , et successivement
du Duc d'Orleans d'aujourd'hui,
donnerent , à cette occasion , une Fête
magnifique et parfaitement bien entendue
, et ne crurent pouvoir choisir une
plus favorable, ni une plus auguste journée
pour la célébrer , persuadés que si
S. A. R. le Prince Emmanuel de Portugal,
qui étoit à Bayonne , vouloit l'honorer
de sa presence , rien ne manqueroit
à cette brillante Cérémonie. Ils prirent
la liberté d'aller l'en prier à son Palais en
corps ; le Prince , avec sa bonté ordinai
11. Vol.
1440 MERCURE DE FRANC
te , leur promit d'y venir. Toutes les
Dames de la Ville et les Messieurs y furent
invités , et tous les differens Corps
Militaires .
+
Le même jour à cinq heures du soir
en representa une Comédie ; ce Spectaele
fut des plus brillants , et avec un
grand concours. Après la Comédie on
se rendit à l'Hôtel de Ville ; en passant
sur la Place de Grammont , on y cut
l'agréable surprise d'un Spectacle nouveau
. La Bourse étoit le Lieu que les
Lieutenans du Régiment de Chartres
avoient choisi pour donner leur Fêre , à
l'exemple des Capitaines ; cette Place se
trouva toute illuminée et décorée de la
façon la plus galante. La Reine d'Espa
gne , informée du succès decette Décoration
passa exprès sur le Pont Mayo
pour jouir du coup d'oeil ; les Officiers ,
sensibles à cet honneur , n'oublierent
rien pour rendre à Sa Majesté tous ceux
qu'une conjoncture si fateuse , mais
si peu attenduë , pût leur permettre , on
la salua par un grand bruit de Boëtes et
de Canon , et la Reine remplie de bonté
, leur députa aussi tôt un de ses Gentilshommes
pour les remercier de leurs
/ attentions.
Toute la Façade de l'Hôtel de Ville
11. Vol.
étoit
JUIN 1737 3447
étoit décorée et illuminée dans un autre
goût qui n'étoit pas moins galant , et de
plus, embellie d'un nombre de Trophées
très-convenables au sujet. Le Prince de
Portugal y arriva sur les neuf heures du
soir, et il fut reçû avec tout l'éclat dû à sa
Dignité , par une Garde composée d'un
Capitaine, d'un Lieutenant et d'un Enseigne.
Il fit l'honneur aux Officiers du Régiment
de Chartres de souper à une Table
de 150. Couverts , dressée en Fer-à -cheval
dans une des Salles de l'Hôtel de Vil
le , et à laquelle étoient invitées toutes
les Dames de distinction de la Ville ; il y
fut servi , pendant tout le repas , par M.
le Comte d'Etampes , de concert avec M.
le Marquis de Pinafuentes , Majordôme
de la Reine d'Espagne , que S. M. avoit
envoyé à cet effet. On cut attention de
laisser un intervalle entre le Prince et
ceux qui étoient à sa droite et à sa gauche
; la Santé du Roy et de la Reine , de
la Reine d'Espagne , celle du Prince de
Portugal et du Duc de Chartres y furent
portées et bûës avec le respect et la
décence convenables ,et annoncées au Public
par des décharges néirerées tant sur
Terre que sur Mer ; il y eut plusieurs autres
Tables servies avec abondance et délicatesse.
11, Vol Le
1448 MERCURE DE FRANCE
1
Le repas fini , le Prince se rendit dans
une Salle magnifique où S. A. R. voulut
bien ouvrir le Bal et en faire les honneurs
, et Elle dansa pendant une partic
de la nuit ; on n'oublia rien de toutes les
attentions et de toutes les recherches qui
peuvent rendre une Fête éclatante et
agréable : S. A. R. en se retirant donna
aux Officiers du Régiment de Chartres
des témoignages particuliers de tout l'a
grément qu'Elle y avoit eu .
L'intention des Officiers étant que
tout le Monde prît part à cette réjouissance
, on fit donner du vin à tous
les Soldats du Régiment ; cette distri
bution fut faite avec tant de regle , et
le Soldat usa de cette liberalité avec tant
de sagesse , qu'à travers la joye il fut aisé
de reconnoître la bonne discipline à la
quelle il est accoûtumé.
COMPLIMENT au P. ARCERE
de l'Oratoire , Professeur de Philosophie
au College de Condom , sur le Prix de
POde, qu'il a remporté aux Jeux Floraux
Pannée derniere. Par le P. Chabaud , Re
d'Humanités dans le même College. gent
U
N Enfant de Berule (Arcere étoit son nom )
Parut n'aguere à la Cour d'Apollon.
A són abord tout le Parnasse
II. Vol.
est
JUIN.
1737. 1449
Est en rumeur , et ne sçait quelle place
A l'Auteur on doit destiner.
Uranie aussi-tôt aborde et va mener
Cet Hôte à ses enfans : le docte Choeur se leve;
Descartes , Malebranche, en voyant leur Eleve,
Agités d'un transport joyeux ,
Veulent qu'ils s'assoie auprès d'eux,
Mais l'Auteur modeste recule.
La Muse, qui des moeurs tance le ridicule ,
L'arrache à ce lieu brusquement.
Quoi , dit- elle , est - ce en vain que j'eus la com
P
plaisance
De le dresser à railler finement ♪
A badiner élegamment ?
:
J'ordonne qu'auprès de Terence
On le place à cette ordonnance
Scipion , Lélius sont ravis d'obéïr .
L'Afranchi de Lucain parut s'en réjouir,
Mais en naissant sa joye est étoufée.
La Muse dont nâquit Orphée ,
Qui jadis à l'Auteur dicta mainte leçon ,
Revendiqua son Nourisson.
Arcere doit , dit - elle , à mes faveurs la gloire
D'avoir surmonté ses Rivaux ;
La Garone l'a vû remporter la victoire
Au Jugement des Jeux Floraux.
On dit que ses Nymphes timides ;
Hôtesses des Grotes humides ,
II. Vol.
I ii Entendant
1450 MERCURE DEFRANCE
Entendant reciter ses Vers ,
Crurent que le Chantre célébre ,
Dont les accens arrêtoient l'Ebre ,
Etoit ressuscité pour enfanter ces Airs .
L'Eloge de l'Ode nouvelle
Fit naître l'ardeur de la voir ;
On la lit : quel silence ! Horace en veut avoir
Un exemplaire très-fidele.
De Clémence sur- tout éclata le transport
En voyant ses Enfans dignes Dépositaires
Des Récompenses Litteraires ,
Ne pas dégénerer long- temps après sa morţ,
Aussi - tôt d'un commun accord
Parmi les illustres Lyriques
On assigne une Place au Poëte nouveau .
Le Chantre des Jeux Olympiques ,
L'Auteur le p us sensé des premiers Satyriques
Le veulent pour voisin sur le double Côteau .
Sur le Luth d'Horace il s'exerce ,
Et l'on croit presqu'alors qu'Horace l'a touché,
Chacun recherche son commerce ,
Et nul ne se repent de l'avoir recherché.
11. Vol. BENEJUIN.
1739 145T
BENEFICES DONNE'S,
Feuille du 3. Juillet 1737.
L
'Evêché de Nîmes , vacant par le
décès de M de la Parisiere , à M.
de Becdelievre , Prêtre , Vicaire General
de Perigueux .
L'Evêché de Luçon , vacant par le décès
de M. de Bussy Rabutin , à M. de
Verthamon de Chavagnac , Prêtre , Vicaire
General de Limoges.
L'Evêché d'Angoulême , vacant par le
décès de M. de Bernard de Rezay , à
M. du Verdier, Prêtre , Doyen et Vicaire
General d'Angoulême.
L'Abbaye Commandataire de Buzaj j
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Nantes
vacante par le décès de M. de Caumartin ,
Evêque de Blois , à M. de Rosser de Rocozel
de Fleury , Clerc tonsuré du Dio
cèse de Narbonne.
L'Abbaye Commandataire de Simorre'}
Ordre de S. Benoît , Diocèse d'Auch ,
vacante par le décès de M. de Puget , à
M. de Grossoles de Flamarens , Prêtre ,
Vicaire General de Narbonne.
L'Abbaye Commandataire de la Fre
nade, Ordre de Cîteaux , Diocèse de Saint
IL. Vol. Iiij tes,
1452 MERCURE DE FRANCE
tes , vacante par la démission pure et
simple du dernier Titulaire Commandataire
, à M. de Montesquiou- Poylebon ,
Prêtre du Diocèse d'Auch .
L'Abbaye Commandataire de Flavigny ,
Ordre de S. Benoît , Diocèse d'Autun , vacante
par le décès de M.de Bussy Rabutin
Evêque de Luçon , à M. de Piolenc ,
Clerc tonsuré du Diocèse d'Aix.
L'Abbaye Commandataire de Toussaints
d'Angers , Ordre de S. Augustin ,
vacante par le décès de M. de Brussy , à
M. de Grandhomme de Giseux , Prêtre
du Diocèse d'Angers.
L'Abbaye Commandataire de Bellefon
taine , Ordre de S. Benoît , Diocèse de la
Rochelle , vacante par le décès de M:
Maréchal , à M. de Blanes ...
du Diocèse de ....
• du
L'Abbaye Commandataire de Bonnefontaine
, Ordre de Cîtcaux , Diocèse de
Rheims , vacante par le décès de M. Maréchal
, à M. de Vienne ..... du Diocèse
de .... et Conseiller au Parlement
de Paris .
L'Abbaye Commandataire de Valsecret,
Ordre de Prémontré , Diocèse de Soissons
, vacante par le décès de M. de
Charmont , à M. le Clerc ...... du
Diocèse de .....
II. Vol.
L'Abbaye
JU. IN.
1453 1737.
L'Abbaye Commandataire de Valchrétien
, Ordre de Prémontré , Diocèse de
Soissons , vacante par le décès de M. le
Begue de Majenville , à M. Richard ,
Prêtre , Chapelain du Roy.
L'Abbaye Commandataire de Cercan .
ceaux , Ordre de Citeaux , Diocèse de
Sens , vacante par le décès de M. Coëffy,
à M. de la Chabrerie , Prêtre du Diocèse
de ....
L'Abbaye Commandataire de S. Pierre
d'Auxerre , Ordre de S. Augustin , vacante
par la démission pure et simple de
M. de la Chabrerie , à M. Hardoin , Prêtre
, Chanoine de Sens.
L'Abbaye Commandataire de Bellevaux
, Ordre de Prémontré , Diocèse de
Nevers , vacante par le décès de M. de
Bussy Rabutin , Evêque de Luçon , à
M. de Sollieres , Prêtre , Doyen de la
Cathédrale de Nevers.
›
L'Abbaye Commandataire de Juncels ,
Ordre de S. Benoît , Diocèse de Beziers ,
vacante par le décès de M. de Massillan ,
à M. de Villevert , Clerc tonsuré du
Diocèse de Montpellier.
L'Abbaye Commandataire du Palais ,
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Limoges ,
vacante par le décès de M. de la Deveze ,
à M. de Thouron ... du Diocèse de ...
II. Vol. I jiij L'Ab.
1454 MERCURE DE FRANCE
les
L'Abbaye Commandataire de Tenail-
Ordre de Prémontré , Diocèse de
Laon , vacante par le décès de M. Tessier
des Farges , à M. Dandelau , Aumônier
du Roy.
L'Abbaye Commandataire de S. Remain
de Blaye , Ordre de S. Augustin
Diocése de Bourdeaux , vacante par la
démission de M. le Blond , à M. dư
Lau , Prêtre , Vicaire General de Noyon.
Le Prieuré Commandataire , Conventuel
et électif de Lespan , Ordre du Valdes-
Choux , Diocèse d'Auxerre , vacanť
par le décès de M. de Bussy Rabutin
Evêque de Luçon , à M. Des Guilles
d'Argence.
L'Abbaye de N. D. de Vignogore ,
Ordre de Cîteaux , Diocèse de Montpelier
vacante par la démission de
La Dame de Bernis , à la Dame de Vestrie
de Montales Prieure de ladite
Abbaye,
›
11. Vol.
L'AUS
JU IN. 1737. 1455
L'AUSTRASIE.
Cantatille. AU ROY DE POLOGNE
" Q
Ce les bords de la Meuse , et ceux de la
Moselle
Retentissent par tout des plus charmans accords
Formez une Fête nouvelle ,
Et par de lyriques transports ,
Peuples , témoignez vôtre zéle
Au Héros que je vois paroître sur ces bords.
Une aimable Cour l'environne ;
Avec plaisir chacun le suit :
C'est la Gloire qui le conduit ,
C'est la Vertu qui le couronne.
Pour combler tous les voeux ,
Il prend le Diadême ::
Ce n'est qu'en vous rendant heureux ,
Qu'il veut se rendre heureux lui - même,
Que STANISLAS reghe en ces Lieux' ,
Qu'on rende un juste hommage à cet Auguste
Maître.
Les Peuples vont jouir d'un destin glorieux ;
Ils publiront qu'ils sont heureux ,
STANISLAS.Croit déja qu'ils sont dignes de l'être.
* C'est l'Austrasie qui parle.
II. Vol Iy Ghantez
1456 MERCURE DE FRANCE
Chantez ; célébrez ce Héros
Par l'éclat bruyant des Trompettes :
Et par la douceur des Musettes ,
Annoncez un charmant repos.
Qu'icy jamais on ne se plaigne
Il comblera tous les desirs :
Et son aimable Regne
Sera le Regne des plaisirs.
Devalois d'Orville:
MORTS ET NAISSANCES.
DN...
....
Ame N. de Saint Simon , Veuve de
... Marquis de Courcy , &c.
mourut le 3. May dans son Château de
Plain - Marais , près Carentan en Basse
Normandie , dans un âge avancé , ne
laissant de son mariage avec le Marquis
de Courcy que deux Filles , dont l'Aînée
a épousé le Marquis de Thieuville , des
meilleures Maisons de Normandie ; et la
seconde est mariée au Marquis de Montaigu
, aussi d'une Naissance distinguée ,
Commandant pour le Roy à la Hogue,
M. la Marquise de Courcy a été fort re
IL. Vol. gretée
JUIN. 1737. 1457
gretée à cause de ses grandes et belles
qualités, dont la principale étoit un grand
fonds de Religion , accompagné d'un goût
naturel pour la vertu et pour les Gens
vertueux , aimant les Lettres et les cultivant
, ce qui rendoit son commerce
également utile et agréable.
Le 28. D. Loüise- Magdelaine du Poirier
Cottereau , Veuve depuis le 27. Mars
dernier de Loüis de Vivet de Montclus ,
Seigneur de Servesan , mourut à Bagnols
en Languedoc , âgée de 69. ans . Ön a
marqué de qui elle étoit fille en annonçant
la mort de feu son Mari dans le
Mercure de May dernier p. 1040.
Le 10. Juin , Joseph- Henri , Marquis
de Segur , Sénéchal , Gouverneur et Lieutenant
Général pour le Roy des Pays et
Comté de Foix, Capitaine et Gouverneur
des Ville et Château de Foix , Lieutenant
Général au Gouvernement de Champagne
et Brie , et Grand- Croix de l'Ordre
Militaire de S. Louis , mourut à Paris ,
âgé de 76. ans. Il avoit commencé à servir
en qualité de Mousquetaire du Roy ;
ensuite il fut Capitaine de Cavalerie et
successivement Sous- Lieutenanten 1690,
et Capitaine-Lieutenant de la Compagnie
des Chevau- Légers d'Anjou en 1693 .
Il eut le 4. Octobre de la même année
II. Vol UnG
1 vj.
1453 MERCURE DE FRANCE
"
une jambe emportée d'un boulet de Canon
à la Bataille de la Marsaille en Pié
mont. La Croix de S. Louis lui fut ace
cordée le 6. Février 1694, et le feu Roy
le gratifia au mois d'Avril 1699. de la
Lieutenance Générale de Champagne et
Brie , vacante par la mort du Marquis
d'Escots. Il obtint au mois de Décembre
1701. un Brevet de retenuë de 20000.
livres sur cette Charge ; et il avoit eu au
mois de Juin précédent l'agrément de
S. M. pour traiter avec le Comte de Tallard
, depuis Maréchal de France du
Gouvernement Général du Pays de Foix..
Il prêta serment pour cette Charge entre
les mains du Roy le 29. May 1703 .
Il fut fait Grand- Croix de l'Ordre de S..
Louis le 1. Janvier 1720. Il étoit Fils de
Jean Isaac de Segur , Seigneur de Ponchat
et de Fouquerolles en Guyenne ,
dont la mort est raportée dans le Mercure
Gilant pour les mois de Novembre:
et Décembre 1707. et d'Anne - Marie de
Taillefer de Roussille et il avoit épousé
Claude Elizabeth Binet , restée Fille unique
et seule Héritiore de Henri Binet »
Seigneur de. S. Martin de la Garenne, des
Boullais et de Châtres en Brie , Maître.
Ordinaire en la Chambre des Compres
de Paris, et Procureur Général de la Rei
>
II.Vol.
ne
JUIN. 1737. 1459
ne Marie-Therese d'Autriche , et de Claude
Jolly , sa Femme . Il en laisse Henri..
François , Comte de Segur , Maréchal de
Gamp des Armées du Roy du 20. Février
174. qui lui succede dans ses Gouvernemens,
et qui a été marié le 12. Sep
tembre 1718. avec D. Philipe Angelique
de Froissy ; Jean Charles de Segur , ancien
Evêque de Saint Papoul , et Abbé
de N.D. de Vermand ,Diocèse de Noyon;
et D. Marie Anne-Françoise de Segur ,
Abbesse de l'Abbaye de Gif , O. S. B.,
Diocèse de Paris
Le 11. D. Louise- Antonine de Gontaut
de Biron , Epouse de François Michel-
César le Tellier , Marquis de Montmi
rel , Comte de Tonnerre et de la Ferté-
Gaucher , &c. Capitaine Colonel de la
Compagnie des 100. Suisses de la Garde
Ordinaire du Corps du Roy , avec le
quel elle avoit éré mariée le 25 Février
1732, mourut à Paris au Palais du Luxembourg
, âgée de 19. ans , laissant
deux Enfans. Elle étoit Fille de François
Armand de Gontaut , Duc de Biron , Pair
de France, Brigadier des Armées du Roy,
et de D. Mirje Adelaide de Grammont,
Dame du Palais de la Reine,
Le 14. Silvestre Bisc, Conseiller Secretaire
du Roy ,, Maison , Couronne de
blo Vol
France
1460 MERCURE DE FRANCE
France et de ses Finances , mourut à Pa
ris , dans un âge avancé. Il étoit Veuf.
de Jeanne le Brun , morte le 19. Juin
1723. Il en avoit eu Marie Marguerite
Bosc , premiere Femme d'Eustache - François
le Cousturier , President au Grand-
Conseil , Seigneur de Mauregard , mor
te le 25. Décembre 1727. âgée de 39. ans,
de laquelle il reste un Fils , et une Fille ,
mariée le 4. Novembre 1734. avec Charles
François de Montholon , Seigneur
d'Aubervilliers , Conseiller au Parlement
de Paris ; et Marie- Jeanne Bosc , morte
Femme de Louis - Nicòlas - Guillaume
Maurin , Conseiller en la Cour des Aides
de Paris , au mois de Janvier 1727. de
laquelle il reste trois Filles.
-
Le même jour ,François de Rivoire , Mar
quis du Palais , Seigneur de la Ville de
Feurs ,Civin - le - Mazoyer , &c. Brigadier
des Armées du Roy, et ci- devant Lieutenant
d'une des Compagnies de ses Gardes
du Corps, mourut à Paris , âgé de 67. ans
sans laisser d'enfans. Il avoit été fait Mestre
de Camp d'un Regiment de Cavalerie
par Commission du 24. Octobre 1706.et
ce Regiment ayant été licentié en 1714. il
obtint alors sa réforme à la suite du Regi
ment du Maine. Il entra au mois de Mars
1716. dans les Gardes du Corps en qualité
II. Vola d'Enseigne,
'JU IN. 1737. 1461
d'Enseigne , et monta depuis à une
Lieutenance. Il fut fait Brigadier à la
Promotion du premier Février 1719. On
a parlé de sa Maison , originaire d'Auvergne
, dans le Mercure du mois de
Juin 1728. Vol . 1. p. 1256. à l'occasion
de son Mariage avec Dame Marie- Caterine
Dorotée de Roncherolles de Pont
S. Pierre . Il avoit eu un Frere aîné , dont
la mort est raportée dans le Mercure de
May 1727. p . 1042.
Le 18. Dame Anne- Catherine Brunet ;
Veuve sans Enfans de Charles de Mornay
, Marquis de Villarceaux , Chevalier
des Ordres du Roy , Brigadier de ses Armées
, et Capitaine Lieutenant de la
Compagnie des Chevau Legers Dauphins
, qui fut tué à la Bataille de Fleurus
le premier Juillet 1690. mourut à
Paris dans la 78e année de son âge . Elle
avoit été mariée au mois de Mars 1683 .
et elle étoit Fille de Jean - Baptiste Brunet
, Seigneur de Chailly , Serigny , & c.
Conseiller du Roy en son Conseil d'Etat ,
Secretaire de S. M. Maison Couronne de
France et de ses Finances , et Garde de
son Tresor Royal , mort le 21. Juillet
1703. et de Marie de Cadolu , morte en
1670. Elle laisse pour Héritiers Pierre
Brunet de Chailly , Comte de Serigny ,
II. Vol Maître
1462 MERCURE DE FRANCE
Maître des Requêtes Honoraire de l'Hô
tel du Roy , et Président de la Chambre
des Comptes de Paris , son Frere , et
Charles- Jean Baptiste du Tillet , Seigneur
de la Bussière , et de Noyent , Président
Honoraire au Parlement de Paris ,
son Neveu.
Le 20. Pierre Delpech , Seigneur de
Cailly en Normandie , Président en la
Cour des Aides de Paris , Charge en la
quelle il avoit été recû le 5. Juin 1733
après avoir été Avocat général en la même
Cour depuis le 27. Mars 1732. mou
Fut dans la 26. année de son âge , étant
né le 16. Septembre 171. Il étoit Fils
unique de Pierre Delpech , Seigneur de
Cailly, premier Avocat Général en la même
Cour des Aides , mort le 9.Mars 1733 .
et de Marie Elizabeth le Fevre de Caumartin
de Cailly , morte le 27. Août
1717. et il avoit été marié le 11. Février:
1733. avec la Fille de Christophe Alexandre
Pajot , Seigneur de Villers , Contrô
leur- Général des Postes et Relais de Françe
, et d'Anne de Mailly- Charneüil . Il en
laisse un Garçon et une Fille.
Le 27. Dame Marguerite de Monchy
Epouse de Louis - François Vireau des
Epoisses , Seigneur de Villeflix et des
Arches , Maître de la Chambre aux De
II. Vols niers
JUIN.
17375 1463
"
و ت
alers du Roy , avec lequel elle avoit été
mariée au mois d'Octobre 1708. mourut
dans la so. année de son âge , étant néé
le 6. Mars 1688. elle laisse deux Filles
dont l'ainée Marie Marguerite Vireau de
Villefix , a été mariée le 29. Mars 1729,
avec Jacques- Marie - Jerôme Michau de
Montaran , Seigneur de Lisse , Beaure
paire , Brazeux , Conseiller au Parlement
de Paris , et Commissaire aux Requêtes
du Palais. La défunte étoir Fille de Phi
lipe de Monchy , Conseiller Secretaire
du Roy, Maison , Couronne de France et
de ses Finances , et ancien Fermier general
, mort le 18. Août 1731. âgé de 89 .
ans , et de Marguerite Normandeau , et
Seur aînée d'Anne-Magdeleine de Monchy
, mariée en 1713. avec Paul Delpech,
Seigneur de Chaumot, Keceveur general
des Finances en Auvergne , et ci devant
Fermier General.
Le 28. Dame Alfonsine Elizabeth de
Guenegand , Veuve depuis le 15. Décembre
1709. de Hardouin de l'Isle , Marquis
de Marivaux , Seigneur d'Anseauvillier
la Koue , Lieutenant Général des Armées
du Roy , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , avec lequel elle avoit été
mariée le 27. Mars 1692. mourut à Paris
dans la 80. année de son âge , ayant été
11. Vol. baptisée
1464 MERCURE DE FRANCE
baptisée le 9. Mars 1658. Elle étoit Fille
de Claude de Guenegaud , Seigneur du
Plessis Belleville , Silly , & c . Conseiller
du Roy en ses Conseils et Trésorier de
P'Epargne , mort le 13. Décembre 1686.
et de D. Catherine- Alfonsine Martel de
Montpinson , morte le 20. Mars 1710.
Elle laisse un Fils , qui est Loüis - Jean-
Jacques de l'isle , Marquis de Marivaux ,
Sous Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes de Bretagne.
Le 20. May les Cérémonies du Baptê
me furent supléées à Jean- Baptiste - Joachim
Louis , né et ondoyé le 13. prece
dent , Fils de Louis du Plessis - Chastillon,
Marquis dudit lieu et de Nonant , Lieutenant
Général des Armées du Roy ,
Gouverneur pour S. M. des Ville et Château
d'Argentan en Normandie , et de
D. Catherine-Pauline Colbert de Croissy.
Le Parain , Jean Baptiste- Joachim
Colbert , Marquis de Croissy , Colonel
du Regiment Royal d'Infanterie , Brigadier
des Armées du Roy , et Capitaine
des Gardes de la Porte de S. M. son oncle
maternel. La Maraine D.Marie Brunet de
Rancy , épouse de Louis Henri - François
Colbert , Comte de Croissy , Lieutenant
General des Armées du Roy , et du Com
II. Vol. té
JUIN. 1737. 1469
té Nantois , grande Tante maternelle.
Le 21. nâquit Marie Françoise , Fille de
Charles-François , Marquis de Sassenage ,
et de Pont en Royans , Sire de Vité et de
Brullon , Seigneur de Vouré et d'Yzeron ,
second Baron de Dauphiné , Lieutenant
General pour le Roy dans la même Pro
vince , Brigadier de ses Armées , et Mes
tre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
, et de D. Marie - Françoise Camille de
Sassenage son Epouse.
Le 1. Juin , les Ceremonies du Bapë
tême furent supléées dans la Chapelle du
Palais de Luxembourg , à Marie Louise
Julie , Fille de Joseph - Yves Thibaud ,
Marquis de la Riviere , Comte de Cor
lay , et de D. Julie Louise- Celeste de la
Riviere , Dame du Palais de la Reine , seconde
Doüairiere d'Espagne , mariés le 6.
Juin 1735. la Maraine fut la Reine seconde
Douairiere d'Espagne , et le Paráin le
Duc d'Orleans .
"
Le 19. est né, et a été baptisé le même
jour en la Paroisse de S. Louis en l'Isle ,
Charles-Paul - Nicolas , Fils de Ch. Jean-
Pierre Barentin , apellé le Comte de Montchal
, Vicomté de la Motte , premier Cornette
de la Compagnie des Chevau - Legers
Dauphins , et de D. Louise Magdeleine
Bertin de Vaugien , ses Pere et Me-
II. Vol. se ,
1466 MERCURE DE FRANCE
re , qui ont été mariés le 16. Mars 1735 .
Il a eu pour Parain Nicolas Bertin , Seigneur
de Vaugien , Maître des Requê
tes Honoraire de l'Hôtel du Roy , son
Bisayeul maternel , et pour Maraine
Dlle Marie Catherine de Montchal .
sa grande Tante paternelle . Le Pere de
cet enfant est frere puîné de Charles-
Amable Barentin , Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel du Roy , Inten
dant à la Rochelle depuis six mois , et
marié avec Marie - Catherine le Fevre
d'Ormesson , Fille de l'Intendant des
Finances.
kakakakakakakak kakakik
ARREST NOTABLE.
ARREST du Conseil , du 11. Juin , suit.
dont
Le Roy ayant été informé vers la fin de l'année
derniere , des difficultés qui commençoient
s'élever au sujet d'un Missel imprimé pour l'u
sage du Diocèse de Troyes , Sa Majesté auroit
juge à propos de le faire examiner par des personnes
dignes de sa confiance , afin que sur le
compte qui lui en seroit rendu , elle fût en état
de prendre les résolutions les plus convenables à
sa sagesse , pour empêcher qu'on ne fît naître à
cette occasion de nouvelles disputes dans son
Royaume; et comme le sieur Archevêque de Sens
1
i
FI. Vol. vient
JUI N.
1737. 1467
ient de faire paroître un Mandement ou Ins
ruction Pastorale sur le même Missel , qu'il a
adressé non seulement au Clergé de son Diocèse
mais aussi au Chapitre de l'Eglise Cathédrale de
Troyes , comme soumis immédiatement à sa Juris,
diction , Sa Majesté auroit consideré qu'il étoit
à craindre que ce Mandement ne donnât lieu à
des procédures judiciaires , qui faisant encore
plus éclater au - dehors une si grande oposition
de sentimens et de conduite entre un Evêque er
son Métropolitain , formeroient un spectacle
affligeant pour les gens de bien, capable de scan
daliser es foibles et qui ne pouroit plaire qu'aux
ennemis de la Religion et de la tranquillité pu
blique, à quoi étant nécessaire de pourvoir pour
étouffer , s'il se peut , dans sa naissance , toute
Nouvelle semence de dissention , Sa Majesté étant
en son Conseil , a évoqué et évoque, en tant que
besoin seroit , retient et réserve à sa Personne la
connoissance de toutes les poursuites , procédu
res, actes ou délibérations qui pouroient avoir
été , ou qui seroient faites à l'occasion dudit
Missel de Troyes, ou dudit Mandement du sieur
Archevêque de Sens , circonstances et dépendances
, Sa Majesté défendant à toutes ses Cours et
autres Juges , d'en prendre connoissance , et à
toutes Parties d'y avoir recours,à peine de nullité
et de cassation de leurs poursuites et procédures.
Ordonne S.M.que led .Missel er led . Mandement,
ensemble les Memoires qui lui ont été envoyés
par le sieur Evêque de Troyes , pour justifier les
changemens de Rit ou de cérémonies qu'on lui
reproche d'avoir faits dans ledit Missel, et autres
nouveaux Mémoires qu'il poura y joindre , si
bon lui semble , seront remis entre les mains
de ceux que Sa Majesté jugera à propos de choi-
II. Vol sir
488 MERCURE DE FRANCE
sir incessamment dans son Conseil , comme aussi
dans l'Ordre Episcopal , pour y être , sur leur
avis , pourvû par Sa Majesté , ainsi qu'elle estimera
le devoir faire pour le bien commun de
J'Eglise et de l'Etat .
APROBATION.
'Ay lú par ordre de Monseigneur le Chancelier
, le second Volume du Mercure de
France du mois de Juin , et j'ay crû qu'on pouvoit
en permettre l'impression. A Paris , le is.
Juillet 1737.
HARDION.
TABLE.
IECES FUGITIVES. L'Esprit et la Beau
Pré,Dialogue,
Histoire abregée des Journaux de Jurispruden-
1257
ce Françoise , & c.
1261
Stances à Mad . l'Abbesse de .... pour le jour
de sa Fête , 1296
Septiéme Lettre sur quelques Sujets de Litterature
A M. de C. de F. V'ers ,
1298
1315
Lettre de M. le Chevalier de la T. sur la Peinture
, &c.
Ode ,
Lettre au sujet d'une Pendule curieuse ,
Ole Sacrée ,
1218
1330
1333
1336
Réponse au sujet du Lieu de la Naissance de
5. Louis ,
1338
Plainte
Flainte et Remontrance à un Docteur , &c. 135f
Elog: de Dom Cl. Dupré ,
1357
Epigramme ,
1368
Diver issement sur la Paix ,
1369
Enigine , Logogryphes , &c . 1375
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS, -
&c. Principes de l'Histoire , &c. 1379
iblioth que l'alique , & c. 1382
1396
Discours Evangéliques , &c.
1398
Lettre Critique sur la Vie de Pierre Gassendi ,
1399
Mémorial Alphabétique sur toutes les Matieres
des Eaux et Forêts , & c.
Nouvelle Imprimerie à Lausanne , & c. ibid.
Lettre sur les Mémoires de M de Thou, & c. 1403.
Cours de Chymie démontré par Experience ,
&c.
1404
Académie de Peinture et Sculpture , &c . 1409,
Prix de l'Académie des Jeux Floraux ,
Académie de Soissons et Programme , &c. ibid.
Morts d'Hommes Illustres , & c.
1410
1412,
Lettre sur les Pilules Mercurielles , &c .
1413
Chanson notée , 1419
Spectacles. Tambourin , Parodie , &c. ibid.
Nouvelles Etrangeres , Lettre de Constantinople
,
1424
D'Afrique ,
1428
De Pologne et Allemagne , 1430
D'Italie , de l'Isle de Corse , &c. 1432
Grande -Bretagne 1438 >
Morts des Pays Etrangers ,
France. Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
1439
Fête donnée à Bayonne ,
Compliment en Vers , &c,
1440
1444
1448
Benefices
Benefices donnés par le Roy ,
L'Austrasie , Cantatille ,
Morts , Naissances ,
Arrêt Notable
-Y4)
1411
1456
1460
Errata du premier volume de Fuin.
PAge 1222. lignes . Hecquet , ajoûtez d'Abs
Ibid. ligne 9. 74. lisez , 78. ans accomplis.
P. 1225. l. 8. 63. l. dans la 59e année.
P. 1245. l . 29. d'Argenvilliers , 1. d'Anger;
villiers.
P. 1246. 1. 8. entrenus , 1. entretenus.
P..1254. 1. 24. bassecules , I. bascules .
Fantes à corriger dans ce Livre.
PAge 1317. ligne 12. moins , lisez, et.
La Chanson nasée dois regarder la page
1419
Qualité de la reconnaissance optique de caractères