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Presentedby
John
Bigelow
to the
Century
Association
*
DM
Mercure
*
IM
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROT.
MARS. 1737.
SPARGIT
URS
COLLIGITI
Pallior
Chés .
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont, Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXVII.
५
Avec Aprobation & Privilege du Royi
THE NEW YORK
PUBLICHBRARY
ASTOR , LENOX AND
TILDEN UNDATIONS
LAD
AVIS.
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur com◄
modité voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.-
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'aurons
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porierfur
l'heure à la Pofte, on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
Prix XXX, SOLS.
MERCURE
. DE
FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
MARS. 1737.
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
+
OD E.
Tirée du Pseaume XLV. Deus noster
e
refugium et virtus , &c.
Ue l'Univers entier me déclare la
guerre ,
Que l'Enfer en courroux s'unisse
avec la Terre ,
Pour confondre mes jours dans la nuit da
tombeau ;
Le Seigneur est ma force; et desjours du coupable,
A ij
Dont
410 MERCURE DE FRANCE
Dont la haine à tout coup m'accable ,
Son bras éteindra le flambeau.
Que sur ses fondemens la Terre chancelante ,
S'abîme dans le sein de l'Onde mugissante ,
Que les Vents à la fois déchaînés sur les Mers
Poussent jusques aux Cieux les vagues irritées,
Que par leur haleine emportées ,
Elles brisent les durs Rochers.
Tranquille cependant aux pieds du Sanctuaire ,
Je redouterai peu l'impuissante colere ,
Des Elemens l'implacable fureur.
C'est dans Sion que Dieu renferma sa puissance
Son bras armé pour sa défense ,
En éloignera la terreur .
Mille Peuples jaloux de sa gloire nouvelle ;
En vain pour la détruire ont conspiré contre elle
La mort a renversé leurs funestes projets.
L'Univers a tremblé , frapé de son Tonnerre ,
Et les Monarques de la Terre
Sont mis au rang de ses Sujets.
來
Le Dieu Saint , le Dieu fort et le Dieu des Armées,
Animoit au combat nos Tribus allarmées ;
Juda
MAR S. 1737. 411
Juda sous ses Drapeaux portoit des coups mortels
Benjamin triomphoit d'une ligue fatale ,
Tandis qu'au son de la Timbale ,
Lévi lui dressoit des Autels.
Ouvre , Jerusalem' , tes celestes barrieres ;
Fais retentir au loin les Trompettes guerrieres
Le farouche Indien reconnoîtra ta voix ;
Le Scythe dans tes murs viendra fondre avec zele
Et du Nil le Peuple infidele ,
Viendra te demander des Loix..
ous , que ses fiers exploits avoient glacés de
crainte ,
Mortels , rassurez - vous , sa colere est éteinte ,
Du haut de ses ramparts elle vous tend les bras:
Le Dieu qui la protege a rempli sa vengeance a
La guerre a fui de sa présence
Dans les plus barbares climats
M
Les dards des Ennemis , leur fleche meurtriere
Sous ses pas éternels sont réduits en poussiere.
Leurs Chariots brisés périssent dans nos champs
La flamme a consumé leurs Beliers redoutables;
Leurs Boucliers impenetrables ,
Sont le jouet de pos enfans .
▲ iij DB
4 MERCURE DE FRANCE
Du sang de leurs Soldats la terre pénétrée ,
D'une double moisson dore cette Contrée ;
L'herbe croft à l'envi sur le bord des Ruisseaux;
La celeste rosée inonde nos Campagnes ;
Et loin de nos saintes Montagnes
Les Loups vont ravir les Troupeaux,
C'est ainsi que de Dieu la bonté paternelle
Protegera Sion , tant qu'à sa Loi fidelle ,
Sion fera fleurir son culte et son Autel ;
Et que les descendans que son sein verra naître
Ne reconnoîtront d'autre Maître
Que le Dieu vengeur d'Israël.
B. D. M.
XXXXX :XXXXXXX:XXX
REFUTAT TON des deux Ecrits du
R. P. Mathien Texte , Dominicain , au
sujet du Lieu de la Naissance de S.
LOUIS. Lettre écrite par M. l'Abbé
L. B. Chanoine D. L. C. D.
V
Otre Journal , Monsieur , est comme
un Dépôt public , dans lequel
on peut demander que les Pieces , qui
souffrent de la difficulté entre des Parties,
soyent remises pour y avoir recours ,
en
MARS. 1737 413
"
En cas de besoin , pour l'interêt de la ve
rité. Le R. P. Texte , dont les Ecrits sur
le sujet en question , ont déja occupé
deux places dans le Mercure, sans compter
ce qu'il a fait inserer , ou repeter d'a
près le Mercure, dans le Journal de Trévoux
du mois d'Août dernier , le P. T.
dis- je , s'obstine toûjours à soûtenir que
S. Louis est né à Poissy , par la raison
qu'il y a été baptisé de quoi tout le monde
convient , et parce que Bernard Guidonis
assure qu'il y est né ; car voilà ,
Monsieur , à quoi aboutissent toutes les
longues Ecritures de ce zelé Religieux .
Tous les autres Auteurs , tous les Ti
tres qu'il cite , où sont employés les termés
oriundus , et originis , par raport à S.
Louis, ne peuvent pas d'eux mêmes donner
à ces termes la force et la signification
qu'il veut ytrouver.Ils ontservi à tromper
des Lecteurs , qui n'ont pas jugé à
propos d'aprofondir ce sujet, ou qui n'ont
pas été en état de le faire : tels sont les
Rechat , les Pepin , les Dupleix , auxquels
on peut joindre Lasseré, car le P. T. nous
fait aussi valoir cet Auteur du XV I.
Siècle , dans ses Aditions en feuille volante
à l'Extrait du Mercure de Décembre
1736. Les Ouvrages de ces Auteurs
étant imprimés , tout le monde peut les
A iiij
avoir
•
414 MERCURE DE FRANCE
avoir entre les mains . Le Suplément
l'Histoire de Beauvoisis , par M. Simo!
Conseiller au Présidial de Beauvais , qui
a occasionné le dernier Ecrit du R. P.
est aussi un Ouvrage public ; mais il est
nécessaire d'avoir un éclaircissement sur
son sujet.
Et pour le faire avec un entier succès
, je vais donner plus au long qu'on
n'a encore fait , les Chartes , ou Lettres
Patentes, dont M. Simon s'est contenté
de faire mention . C'est le moyen de détruire
absolument l'avantage que le P.
Texte tire des contradictions qu'il trouve
dans les expressions de cet Historien .
Vous jugerez vous même , Monsieur , si
M. Maillart a eu tort de s'autoriser sur
des Chartes si formelles et si autentiques,
si le R. P. de Montfaucon a mal fait de
les adopter , et enfin si l'Extrait ou plûtôt
la Citation défectueuse que que M. Simon
en a faite , peut- être de mémoire , suffit
pour les décrier avec tant de hauteur et
avec si peu de ménagement à l'égard de
ceux qui ne pensent pas là- dessus comme
ce R. P. Voici la premiere de ces
Chartes.
LOUIS , par la grace de Dieu , Roy
de France : A nos Amés & Féaux les Généraux
& Conseillers
par
Nous ordonnés
sut
MARRS. 1737. 419
Sur le fait et Gouvernement de toutes nos
Finances. Aux Esleus sur le fait des Aides
en l'Election de Beauvais , ou à leurs Commis
: SALUT et Dilection. Sçavoir vous
faisons que Nous, ayant consideration à la
grande pauvreté en laquelle les Habitans
de la Paroiffe de la Neufville en Hays sont
present constitués à l'occasion des Guer
res qui ont par long - temps en cours en notre
Royaume , et par plusieurs autres tribulations
, fortunes et nécessités qui leur sont
survenues le temps passé en diverses manieres
, tellement que ladite Paroisse est trèsgrandement
apauvrie et diminuée d'Habitans
et de Chevances . Considerans aussi
qu'audit Lieu de Neufville , qui est situé
en Forests et Pays fort infertile , et où il ne
croît que très- peu de biens , Monseigneur
Saint Louis notre Predecesseur de glorieuse
mémoire FUT NE' ET Y PRINS SA NAISSAN
CE , ainsi qu'il nous a été affirmé Auxdits
Habitans de Neufville , qui sur ce nous
ont très humblement suplié et requis , pour
ces causes et pourl'honneur et reverence de
mondit Seigneur Saint Louis ; et à fin que
lesdits Habitans se puissent mieux resoudre
à mettre sus et repeupler ledit Village , et
pour autres considerations à ce nous mouvant
, Avons octroyé et octroyons , Voulons
et Nous plaît , de grace spéciale par ces
Av Presentes
,
416 MERCURE DE FRANCE
Presentes , que
de
cy
à
sept ans prochains
venans , ils soyent et demeurent francs, quitses
, et exempts de toutes les tailles qui seront
dorénavant mises sus et imposées de
par Nous en nôtre Royaume, soit pour le
fait et entretenement de nos Gens de
Guerre, ou autrement , pour quelques causes
que ce soit et de ce les avons exempiés ,
affranchis , exemptons et affranchissons le=
dit temps durant de nôtredite grace spéciale
par ces Presentes , et Nous vous mandons et
enjoignons , et à chacun de vous en commetsant
où il apartiendra , que lesd. Habitans
de la Neufville vous faites et souffrez jouir
et user paisiblement de nos presens Affranchissemens
, Graces et Octrois , sans leurfai
re , ne souffrir être fait , mis , ou donné durant
ledit temps aucuns Arrests des tourriers
ou empêchemens , au contraire , en corps
et biens , en aucunes manieres : CAR ainsi
Nous plait - il être fait , nonobstant que par
nos Lettres de Commissions , qui sont et seront
par Nous données pour mettre sus lesdites
Tailles , soit mandé imposer à icelles
toutes manieres de Gens exempts et non
exenpis , privilegiés et non privilegiés ; en
quoi ne voulons lesdits Habitans être compris
, ni entendons en aucune maniere et
quelconques Ordonnances , Mandemens ou
Défenses à ce contraires . DONNE' à Compiegne
MARS. 1737. 417
piegne l'An de Grace mil quatre cent soixan
te buit , et de nôtre Regne le huitième. Ainsi
signé , PAR LE ROY , M. le Duc de
Bourbon , le Vicomte de la Valliere , et autres
presens. Ainsi signé de la LOERE.
Je crois qu'il est inutile de joindre ict
à ce Titre les Mandemens des Juges com.
mis pour l'exécution de ces LettresRoïaur
mais je ne puis m'empêcher de faire ob
server que la simple lecture de cet Acte ,
fidelement ponctué , prouve qu'il y a
eu véritablement de l'erreur dans l'Extrait
que M. Simon en a donné dans son
Livre , qu'il n'est pas vrai que les Habitans
de la Neufville parloient sur des oži
dire , qu'on leur eût suggeré, et que c'est
mal à propos que son Imprimeur a mis,
ainsi qu'il a été affirmé auxdits Habitans
parceque ces deux derniers mots ne sont
point dans l'Acte à la fin d'une Phrase ,
mais au commencement d'une autre ,
comme on vient de le voir dans la Charte
fidelement transcrite d'après l'Origi
nal : de plus c'est une seconde faute contre
l'exactitude d'avoir suprimé le pro
nom Nous , dont le Roy se sert en disant
, qu'il nous a été affirmé. Si donc il
paroît quelque défaut ou quelque contradiction
dans les Extraits que M. Si
mon a donnés , il ne faut là dessus rien
A vj imputer
418 MERCURE EE FRANCE
imputer à M. Maillart ; il a raisonné sur
les Titres originaux , qu'il a eu entre les
mains , pris en leur entier , et il a raisonné
conséquemment. Vous avez vû le
premier de ces Titres , voici le second , je
ne le donnerai qu'en abregé , parceque
c'est une repetition du premier .
LOUIS , par la grace de Dieu , Roy
de France : A nos Amés et Feaux les Généraux
Conseillers par Nous ordonnés sur le
fait et Gouvernement de toutes nos Finan-
Ges ; et aux Eslûs sur le fait des Aides ordonnés
pour la Guerre en l'Election de Beauvais
, ou à leurs Lieutenans : SALUT et Dis
lection . Reçue avons humble Suplication des
Manans et Habitans de la Paroisse de la
Neufville , contenant que au mois d'Août
mil quatre cent soixante- huit, Nous leur
octroyâmes par nos autres Lettres Patentes
et pour les causes dedans contenues , et mesmement
pour consideration de leur pauvreté,
et aussi de ce que audit Lieu de la Neufville
Monsieur Saint Louis notre Préde-
3
cesseur de glorieuse mémoire , FUT NE' ET Y
PRINS SA NAISSANCE , que dès- lors en avant
jusqu'à sept ans consecutifs et entre-suivans,
ils fussent et demeurassent francs , quittes et
exempts de toutes les Tailles qui seroient mises
sus et imposées de par Nous en nôtre
Royaume , ainsi qu'il est plus à plein contenk
MARS, 1737. 413
enu en nosdites Lettres , & c.
Le reste de l'Acte porte une Proroga
tion d'exemption pour un an.
DONNE' à la Victoire près Senlis le treiziéme
jour d'Octobre , l'an de Grace mil
quatre cent soixante-quinze , et de nôtre
Regne le quinzième. Signé , PAR LE ROY,
Avrillot.
Le troisiéme Titre vous paroîtra plus
curieux.
ي ف
HENRY , par la grace de Dieu , Roy
de France et de Navarre : A tous presens
et à venir. Nos chers et bien Amés les Manans
et Habitans et Paroissiens de la Neuf
ville en Hays , Nous ont fait remontrer en
nôtre Conseil que les Rois de France , et
Ducs de Bourbon ; Comtes de Clermont
dés l'an mil deux cent , et depuis Rodolphe ,
aussi Comte de Clermont , ei Louis , aîné y
Fils , Succeffeur du Comte de Clermont, Seigneur
de Bourbon , Chambrier de France
en l'an mil trois cent quinze , veille de la
my- Aoust , pour bonnes considerations , leur
auroit donné , octroyé et confirmé plusieurs
beaux Droits d'usage , chauffage , pâturage
, et franchises en nôtre Forest de Hays ,
dite la Neufville , à cause duquel nom de
la Neufville , ladite Forest de toute ancienneté
est ainsi apellée , et tout de même ledit
Lieu de la Neufville se refere au nom
de
20 MERCURE DE FRANCE
de ladite Forest , en ces mots : La Neuf
ville en Hays , pour ce qu'il étoit de toutes
parts enclavé et environné de ladite Forest ,
comme il est encore de present en la plus
grande partie ; même le Roy Saint Louis ,
de bonne mémoire , en consideration de ce
qu'il E'TOIT NE' ET AVOIT PRIS SA NAIS
SANCE AU CHATEAU DE LA NEUFVILLE
outre le même Octroi et confirmation qu'tl
leur avoit fait des lits Privileges et Usages,
tes auroit afranchis , et rendus exempts de
routes Tailles et impositions , comme
exemple et imitation, auroit fait le Roy Louis
Onziéme.
C'est à sçavoir, droit d'aller en ladite Forest
de la Neufville, pour couper , lever, et
emporteren toutes manieres, hors la scie, & c.
On ô net ici le détail assés long de tour
ce que les Habitans peuvent prendre dans
cette Forest.
Avec pâturage en Communauté pour leurs
Bêtes aumailles , chevalines et autres , ès
Lieux et Marais proche de ladite Forest
notoirement apellés les Communes de Bresle
la rue Saint Pierre , et la Neufville.
Enpayan par chacun ménage tenant faisani
feu en sa maison , pour chacun an , le
jour de Noël , deux mines d' Avoine deux
Chapons , et six Deniers de Cens le jour S.
Remy, outre le droit de Fournage de deux
sols
MAR S. 1737. 4LF
sols Parisis ; laquelle redevance aucuns des
Ducs et Duchesses de Bourbon , Comtes de
Clermont , residens souvent audit Château
de la Neufville , voyant l'infertilité du Lien
et qu'il n'y croissoit que bien peu de grains
et pour autres bonnes considerations , auroient
moderé auxdus Habitans à la somme de buit
sols Parisis seulement pour chacun ménage
Payables auditjour de Noël à nôtre Recepte
de Clermont , & c. Suit un autre Détail
qu'on croit devoir ômettre à cause de sa
prolixité , et qui ne contient rien d'essentiel.
Sçavoirfaisons , que Nous défirant bien
favorablement traiter lesdits Habitans &
Paroiffiens de la Neufville à l'exemple de
nosdits Prédéceffeurs , les maintenir & conserver
en tous & chacuns leursdits privile
ges , usages , chaufages , pâturages , franchises
& exemptions. Après avoirfait voir
en notre Conseil plusieurs Extraits de leurs
Chartes & Titres , Arrêts , Sentences , C
Jugemens qu'ils ont obtenus , mêmement la
Sentence et Jugement donnés par les Gens
tenans les Grands Jours du Comié de Clermont
pour le Duc de Bourbonnois et d'Auvergne
, en l'an mil cinq cent sept , le 26.
d'Aoust. Quittance de Finance qu'ils Nous
ont payé pour le droit de Confirmation et autres
Pieces cy attachées sous le contre scel de
notre Chancellerie.
›
422 MERCURE DE FRANCE
Avons à iceux Habitans es Paroissiený
de la Neufville en Hays , et leurs Successeurs,
continué , confirmé, et aprouvé , et de Notre
grace spéciale , pleine puissance et autorité
Royale Continuons et confirmons tous
lesdits privileges , chauffages , pâturages ,
franchises et exemptions , &c.
SI DONNONS en Mandement à nos Amés
et feaux les Sur. Intendant , et Grand Maî
tre de nos Eaux et Forêts de France , ou son
Lieutenant audit Siege de la Table de Mar
bre de notre Palais à Paris , & c. Ils fassent
, soufrent , et laissent iceux Habitans
et Paroissiens de la Neufville et leursdits
Successeurs , jouir , user pleinement et pera
petuellement , quoi qu'ils ne fassent aparoir
de confirmation de nosdits Prédéces
seurs , et de plusieurs Originaux de leursdites
Chartes et Fitres , ou de partie d'iceux
pour avoir été perdus pendant ces derniers
troubles , et lors du Siege quifut mis devant
notre Château de la Neufville , qui tenoit
contre notre obéissance , et qui fût brûlé et
démoli : dont en ce que cela pouroit leur
nuire et préjudicier , nous les´en avons relevés
et dispensés , relevons et dispensons par
ces presentes. Cartel est notre plaisir. Et afin
de perpétuelle mémoire et que ce soit chose
ferme et stable et toûjours , Nous avons fait
mure notre Scel à cesdites Présentes , &c.
DONNE
MARS. 17378
423
DONNE' à Paris au mois d'Août , l'an
mil six cent un et de notre Regne
grace
,
" et sur
de
le treizième. Signé , HENRY
le reply par le Roy , POTIER. Signé en
queue , Clausse de FLEURY.
Ces trois Chartes sont soigneusement
conservées à la Neufville , dans le Coffre
des Titres et Papiers de la Communauté,
Les Personnes , qui , comme M. Maillart,
sont accoûtumées à lire et à examiner de
pareilles pieces , jugeront , sans doute , que
tout ce que le P. T. allegue dans le Mercure
de Décembre 1735. I. vol . tombe de
lui même, qu'il n'y a point eû de mauvai
se foi dans les Habitans de la Neufville ,
qu'il n'y a point de contradiction dans les
Chartres , qu'elles suposent toutes trois la
naissance de S.Louis à la Neufville, comme
un fait certain , dont l'exposition n'avoit
rien de révoltant , et qui ne fut point réfutée
par les Officiers de la Chancellerie ,
ni par les Secretaires d'Etat qui expédierent
ces Lettres, après avoir fait le raport
au Conseil du sujet pour lequel on les de
mandoit. Toutes ces Personnes ensemble
n'ignoroient pas le Baptême de S. Louis à
Poissy , parce qu'en effet il y a une véritable
difference entre la Naissance et la Bap-,
tême : on jugera , dis- je , enfin que c'est
une mauvaise chicane de la part du P. T ,
que
424 MERCURE DE FRANCE
que de tourner et retourner , comme il
fait , de tant de manieres les expressions
peu exactes de M. Simon , et de ceux qui
l'ont copié , dont on n'est point garant ,
pour y faire trouver du ridicule , &c .
N'oublions pas ici une idée assés singuliere
de ce R. P. il nous dit que les Habitans
de la Neufville se sont peut-être
trompés en prenant Louis Comte de Cler
mont, Petit fils de S. Louis pour S. Louis
même; mais cette idée est tout à- fait chimerique,
et le P. en conviendra de bonne
foi , s'il veut bien remarquer ici que ces
Habitans reconnoissent aussi ce Louis
Comte de Clermont pour l'un de leurs
Bienfaiteurs , et qu'indépendemment de
Cet aveu , ils publient que le Roy S.Louis
les a favorisés avant lui , en considération
de ce qu'il étoit né et avoit pris sa naissance
an Château de la Neufville . Lettres Patentes
de Henri IV.
de
Je n'entreprens pas ,
Monsieur ,
faire ici la Critique des Ouvrages histo
riques de Bernard Guidonis , dont l'autorité
est d'un si grand poids à notre Adversaire
je ne finirois point s'il falloit
relever tous les défauts de ces Ouvrages.
Ce sont sans doute ces défauts , et surtout
son peu d'exactitude , qui leur ont
attiré le mépris des Sçavans , et qui sont
la
MAR'S. 1737 423
la cause qu'ils restent oubliés dans la
poussiere des Biblioteques , sans que personne
ait jamais eû le courage de les rendre
publics par l'Impression.
Il est vrai que les Religieux de son
Ordre en firent faire des Copies dans le
Ive Siecle , dont quelques - unes furent
ornées de belles vignettes en miniature ,
ornemens qui font conserver ces dernie
res dans quelques Biblioteques avec plus
de soin que n'en merite le fonds de
l'Histoire. Par ce que j'ai vû de cet Ecrivain
sur les Saints du Limousin dans la
Biblioteque des Manuscrits du P. Labbe,
je puis bien assurer que jamais les Recüeils
de Guidonis n'auront un rang dis
tingué dans la bonne Litterature. En ef
fet , il se montre par tout un Compila
teur sans goût , sans critique , sans discernement
, presque semblable à l'Auteur
de la Legende dorée : témoin la
belle Vie d'un S. Justin d'Aquitaine , que
les Bollandistes n'ont pû s'empêcher de
traiter de Fable outrée , Fabulosissima ,
quoique publiée par un de leurs Confreres .
Le P. T. qui veut donner du poids à
Guidonis , nous citera des Vies de Papes,
écrites par cet Auteur , et publiées par M.
Baluze , mais ces Vies prétendues ne sont
que de simples Annales des Evenemens
de
428 MERCURE DE FRANCE
de son temps de toute espece : Ouvrage
pour lequel il ne faut aucune critique .
Il n'en est pas de même des faits qui lui
étoient antérieurs de plus de cent, ans ,
dont il n'a pû être témoin , non plus
qu'aucun de ses contemporains. Et quand
même il seroit venu une fois ou deux à
la Cour , vers 1320. ou environ , ainsi
que le prétend le P. T. par ses Additions
en feuille volante au Mercure de Decem
bre , il ne peut y avoir trouvé un témoin
qui eût vû naître S. Louis à Poissy. Il a
toujours tort d'avoir interpreté dans son
Cabinet Pissiacum originis sua locum... ha
bebat,par ces mots apud Pissiacum natus est
Le P. T. que je continuë de suivre
dans ses raisonnemens , s'obstine toujours
à ne vouloir pas distinguer le Lieu de la
Naissance , d'avec celui du Baptême , deux
Lieux qui souvent ont été et sont enco→
re aujourd'hui quelquefois bien differens .
Il est vrai qu'au bout d'un certain temps
ces differences sont difficiles à prouver ;
mais elles ne sont pas moins réelles dans
le fait. Plusieurs circonstances peuvent
y avoir donné lieu ; et pour me renfer
mer dans notre sujet , étoit- il deffendu à
La Princesse , mere de S. Louis , d'aller
sur la fin de sa grossesse à la Neufville
ou à Clermont , rendre visite à Cathe
rine ,
MARS. 1737.
427
rine , Comtesse de Blois , qui en étoit
Dame , et qui étoit alors Veuve ? Le
Voyage d'une journée étoit- il regardé
comme perilleux pour une Princesse qui
vivoit selon les Coûtumes et dans la simplicité
de son Siecle ? Qu'on se rapelle
Ici ce que l'Histoire raporte de la Naissance
de Jean Tristan , Fils de S. Louis ,
et du Voyage d'Outre- mer , où la Reine
se trouva. Qu'on se rapelle aussi l'exemple
d'Isabelle d'Arragon , qui revenant de
l'Expedition de Tunis , où elle avoit suivi
Philipe le Hardi son Epoux ; et traversant
la Calabre étant grosse , se blessa , dit
Mezerai , en tombant de cheval , et mourut
dans la Ville de ConZence . L'exemple enfin
de la Reine Marie de Luxembourg ,
Fille de l'Empereur Henri , et Epouse de
Charles le Bel . Ce Prince fit en 1323. un
Voyage en Languedoc , menant avec lui
la Reine , qui étoit enceinte , et qui accoucha
avant terme , ce qu'on attribua à
la fatigue de voyage. La Princesse mou .
rut peu de jours après , et fut inhumée
dans l'Eglise des Dominiquaines de Montargis
. En un mot quel inconvenient , ou
quelle impossibilité y a- t il , que la Princesse
Blanche soit accouchée subitement
à la Neufville , peut être au retour de
Clermont , et que l'Enfant ait été porté
à
428 MERCURE DE FRANCE
à Poissy , pour y recevoir avec plus de
décence et de cérémonie le Sacrement de
Baptême ?
Si malgré ce que je viens de dire, le P.
T. veut absolument que je lui donne la
raison du Voyage de la Reine Blanche à
la Neufville ou à Clermont , fait peu interessant
, dont aucun Historien n'a daigné
faire mention , je le prierai très -humblement
de me produire l'Extrait Baptis
taire de S. Louis , qui certainement a dû
être écrit en ce temps- là dans les Regis
tres de Poissy . Si dans cet Acte ' autentique
il me fait voir que S. Louis est né
au même Lieu où il a eté baptisé ; notre
contestation est finie , et sa Cause gagnée.
Quant à l'exemple qu'il cite de Catel ,
Historien de Toulouse , qui a traduit
Oriundus par natif , je pourois soûtenir
que la Traduction de cet Ecrivain n'est
pas ici une autorité suffisante, Catel n'en
sçavoit pas davantage. Mais voici un autre
exemple bien plus respectable ; sçavoir
, celui de Notre Seigneur J. Christ ;
qui quoique né à Béthleem , non Bethle
mites fed Nazarenus cognominatus est. Dit
Hincmar dans Frodoard , L. 3. p. 455.
Edit, de 1617. Observons encore là des
sus que l'un de nos meilleurs Traducteurs
, et qui scavoit assurément mieux
2
la
MARS. 1737- 429
la valeur des termes que Guidonis et que
Catel ; sçavoir , le P. Amelote a rendu le
3e Verset du 11e Chapitre de S, Luc, auk
sujet de l'Edit d'Auguste , &c. Et ibant
omnes ut profiterentur singuli in suam civitatem
, par ces paroles. Et parce que cha
cun se venoitfaire écrire dans la Ville d'où
il tiroit son origine. Joseph, continue- t- il ,
qui étoit de la Maison & de la Famille de
David , vint aussi de Nazareth Ville de
Galilée , dans la Ville de David , nom-.
mée Bethleem en Judée , pour y faire
enregistrer son nom , &c. Joseph , ná
dans la Galilée , tiroit donc son origine.
d'une Ville de Judée. L'origine & la
naissance étoient donc en lui deux cho
ses très distinctes. Personne n'en peut
disconvenir , & l'aplication au sujet que
nous traitons se présente d'elle- même.
Au reste je n'ai point hazardé à l'avan
ture , que Catherine , Comtesse de Blois ,
étoit Dame de la Neufville dans le temps :
de la grossesse de la Princesse , Mere de
S. Louis , & qu'une veuve de cette qua
* Chaque particulier , dit D. Calmet , dans
son Commentaire , devoit se trouver dans sa Vil
lè au lieu de son origine , pour y donner son
nom. •Joseph étoit donc , continue til , orig
ginaire de Beibléem et descendu de David , auffs
bien que Marie fon Epouse, &c.
· · •
lité
430 MERCURE DEFRANCE
lité pouvoit bien être visitée par cette
Princesse , dont l'Epoux Pere de notre
Saint étoit alors à la guerre . Je suis fondé
sur le Cartulaire de Clermont & de la
Neufville, où se trouve un titre traduit
en vieux François sur le Latin , de l'an
1208. Par lequel , « Catherine Comtesse de
» Blois & de Clermont , fonde dans les
Murs du Château de la Neufville en
Hays , une Chapelle en l'honneur de
sainte Catherine , & un Chapelain qui
» prieroit Dieu pour Raoul son Pere , Ade-
» line sa Mere , et Loys son Mari ; ce
qu'elle déclare être aprouvé par Thi-
» baud son Fils. On voit par ce titre que
cette Dame demeuroit souvent à la
Neufville. S. Loüis confirma les auga
mentations de Biens , faits à cette Chapelle
par le Roy Philipe son Ayeul , &
par Philipe Comte de Boulogne & de
Clermont son Oncle , & assigna la moitié
de ces revenus sur la Prevôté de
de Clermont , qu'il apelle Notre Prevôté
de Clermont. Cette confirmation est
datée de Compiegne au mois de Mars
1258. Jugez , M , si la Comtesse Catherine
n'étoit pas de qualité , à recevoir
chés elle l'Epouse du Fils de Philipe Auguste
, puisqu'elle engage le même Roy
à contribuer à la fondation de la Chapelle
MARS. 1737. 43P
pelle du Château de la Neufville.Et crain-!
te de quelque incident de la part du P.
Texte, au sujet du Cartulaire & du Titre
que je viens de citer ; ( car la Neufville ,
Honorée d'un Cartulaire , lui paroîtra
peut-être uunnee cchhoossee peu croyable ) il faut-
T'assurer ici qu'il trouvera ce Cartulai
re dans la Bibliothéque du Roy, on av
Le témoignage , que ce R. P. allégue
comme bien authentique , tiré du vi
trage d'une Chapelle de l'Eglise Paroissiale
et Collégiale de Poissy , me paroît
iei des plus foibles . Les Peintures d'Egli
se , comme vous le sçavez , M , ne sont
dun certain poids que lorsqu'elles apro .
chent du temps dont elles représentent .
Histoire, De ce gente sont l'ancienne
Tapisserie de la Cathédrale de Bayeux ,
et le vitrage de l'Eglise de l'Abbaye
S. Denis , dont les figures représentent ,
l'une l'Histoire de Guillaume le Conquerant
Duc de Normandie et l'autre cel
le d'une Croisade ; figures qui ont me .
rité d'entrer par la gravûre dans les Monumens
de la Monarchie , dont le P. de
Monfaucon a entrepris le Recueil. Mais
je vous prie , Monsieur , quel fonds peuton
faire sur le Vitrage et sur les Peintu
res de l'Eglise de Poissy , où l'on voit un
S. Ives habillé à peu près comme les
B Prêtres
432 MERCURE DE FRANCE
Prêtres de notre temps ? Et d'autres Représentations
qui décelent l'ignorance do
ceux qui les ont faites , et le temps à peu
près de leur fabrique. Je puis ajoûter
que dans des temps anterieurs , plusieurs
Peintres , Sculpteurs et Graveurs , ong
aussi erré grossiérement dans leurs ou
vrages : Témoin l'ouvrier qui , dans le
XIII. siécle , gravant les figures du Tombeau
, qui est dans le Choeur de la même
Eglise de Poissy , sur laquelle est l'Epi.
taphe , tant rebatue , Bustorum Comitum ;
&c. a representé d'égale grandeur deux
Enfans , dont l'un est mort âgé de neuf
ans , et l'autre âgé seulement de deux
mois, selon le premier Ecrit du P. T.
L'autorité de Dupleix , sur laquelle ce
R. P. fait aussi beaucoup de fonds , ne
mérite pas plus d'attention.Cet Autheur
prétend que le Grand Autel de l'Eglise
des Dames Religieuses de Poissy a été
bâti au même endroit où la Reine étoit
accouchée , et que c'est pour cela que le
fond de l'Eglise regarde le Midi , au lieu
de regarder l'Orient. Mais en premier
lieu Dupleix, est trop éloigné du XIII .
siécle, pour pouvoir garantir un tel Fait.
Dupleix ce même Autheur n'a point fait
usage de son raisonnement , et n'a pas
yu
MARS. 1737.
423
vi que cette disposition a été faite par
raport à la ruë qu'on n'a pas voulu boucher,
et par respect pour l'Eglise Paroissiale
, Eglise Matrice de Poissy , que la
Douvelle Eglise auroit cachée et entiere .
ment offusquée : Et c'est pour éviter cet
inconvenient, qu'on n'a pas jugé à propos
de l'orienter suivant l'usage ordinaire.
Dès le douzième siècle il y a des
exemples d'exceptions à cet usage , exceptions
fondées sur la situation des
Lieux , et sur d'autres bonnes raisons.
Telle est à Autun la nouvelle Eglise Cathedrale
de S. Lazare , qui regarde le
Midi , comme celle de Poissy ; parce que
tournée autrement elle auroit entierement
ôté le jour à l'ancienne Cathedrale
du titre de S. Nazaire . Telle est encore
à Dijon la Sainte Chapelle des Ducs de
Bourgogne , laquelle est tournée vers le
Septentrion , & c.
Mais achevons de démontrer que notre
sçavant Adversaire , un peu trop prévenu
en faveur de son sentiment , n'est
pas heureux en autorités. Il reclame pour
la troisième fois celle d'André du Chesne
; et vous allez voir M. que rien au
Mercure de Novembre 1735. p . 2412 .
1º. Journal de Trevoux d'Août 1736. p. 1899.
3. Mercure de Decembre 1736. P 2597,
Bij monde
484 MERCURE DE FRANCE
monde n'est plus frivole que cette pré
tenduë autorité.
Il y a dans presque toutes les Biblio
theques un peu fournies , un assés mauvais
Livre, intitulé : Les Antiquités et Rea
cherches des Villes , Châteaux , et Places remarquables
de toute la France , suivans
l'ordre des huit Parlemens , dont il y a cûей
plusieurs Editions à Paris , in - 8, et in - 12 .
La premiere est de l'Année 1609. et porte,
ainsi que les suivantes, le nom d'André
du Chesne. Artifice grossier dont s'est
servi l'Editeur pour accréditer un ouvrage
pitoyable , qui ne trompera jamaiş
quiconque le lira avec une médiocre attention
. Ouvrage , dis - je , bien éloigné
du génie et de la capacité de notre Du
Chesne . Ce sçavant Auteur s'en est
plaint lui- même et a donné là- dessus un
démenti formel , qui est attesté par un
témoin respectable. Voyez là - dessus le
Mercure de Fevrier 1730. p. 340. pour
m'épargner une répétition.
Je ne sçais, au reste , pourquoi le P.T,
en citant ce Livre , lui ôte son véritable
Titre , pour lui donner , tantôt celui
d'Antiquités de Paris et tantôt celui
d'Antiquités des Cités . Quoiqu'il en soit,
que resulte t'il de l'autorité de cet Ecri
vain Pseudonyme Rien du tout ; car de
MARS. 1737. 433
te que les Reines , selon cet Auteur , faísoient
leurs couches à la Maison Royale
de Poissy , où les Enfans de France prenoient
, dit-il , leur premiere nouriture,
&c. il ne s'ensuit nullement que S. Louis
y soit né , l'Auteur cité ne le dit pas , et
comment le diroit- il , puisque Nangis
lui - même , Historien de la vie de ce
grand Prince , et presque contemporain ,
ne le dit pas ?
L'Auteur de l'Ecrit intitulé Remarquès
Curieuses sur le Beauvoisis , inseré dans le
Mercure de Janvier 1733. a dit page 40.
que M. Baillet , qui étoit natif de la Neufville
, a ignoré le fait en question. Sçavoir
que S.Louis est né au Château de la Neufville
, et que trois Chartes , trois Chartes , conservées
dans le même Lieu attestent ce fait , ajoûtant
que , comme ce Sçavant quitta sa Patrie
de bonne beure , et qu'il s'informoit peu
de ce qui étoit contenu dans les Archives
séculieres , il n'est point étonnant qu'il n'en
ait pas eu connoissance , & c. Le P. Texte
n'a pas manqué de saisir ces paroles , et
d'en faire usage contre nous , avec un air
de confiance et de triomphe , qui lui fait
oublier son caractere ordinaire de douccur
et de politesse.
M. Baillet, dit- il , quoiqu'interessé à
faire valoir les Prérogatives de la Neuf
B iij ville
436 MERCURE DE FRANCE
»
» ville , sa Patrie , n'a pû se refuser à la
verité , et le peu de cas qu'il a fait de
» ces sortes de Chartes a parû un con-
» trecoup si fâcheux à ceux qui sont, M , de
» votre sentiment , que l'un d'eux a crû
» ne pouvoir mieux y répondre , qu'en
niant que cet Auteur en ait eu con-
> noissance.
» Si celui qui a inventé cette défaite, con-
» tinuë le P. Texte , avoit lû la Vie de S.
» Louis par M. Baillet T. II. p. 379, il Y
» auroit trouvé que bien loin qu'il air
ignoré ces trois Chartes , il les cite , et
» continuë à soûtenir que S. Loüis est né
à Poissy . T. IV. p. 292.
Tel est le doux compliment du P. T.
Mais montrons- lui qu'en nous accusant
d'inventer une défaite pour parer un con
tre-coup fâcheux , il ne nous donne luimême
qu'un Sophisme pour prouver que
Baillet étoit parfaitement instruit du fait
dont il s'agit , et qu'en le niant nous
nions une verité.
Deux mots vont débrouiller le Sophisme,
et démontrer qu'on a dit très - vrai
en soûtenant que Baillet a ignoré ce fait.
M. Baillet est mort le 21. Janvier 17c6.
après avoir fait imprimer lui- même en
1751. son Ouvrage sur la Vie des Saints
in-fol. et in- 8. Or c'est un fait certain
que
MARS.
1737. 437
tue dans la Vie de S. Louis , l'Auteur ne
dit pas un mot des Chartes de la Neufville
, et on a eu raison , et grande raison
de conclure , en consultant cette Edition,
que Baillet n'en a eu aucune connoissance.
Il est vrai que dans les deux Editions ,
qui ont été faites long tems après la mort
de cet Auteur , sçavoir en 1715. et 1724.
Hla plû à l'Editeur d'inserer de son chef
dans une Note aur bas du Texte original,
ce qu'il a trouvé à propos sur les Chartes
en question. Mais encore une fois , ce
n'est pas Baillet qui parle dans cette Note
: la chose saute aux yeux , et un plus
long raisonnement seroit inutile pour
prouver que le P. T. se fait illusion à luimême
sans y penser , dans le temps qu'il
nous fait un reproche assés aigre , et des
plus mal fondés.
Je ne dois pas oublier ici ,
oublier ici , à propos
de citations, qu'au lieu de Guill . de Nangis,
que ce R. P. a cité pour prouver que
S. Louis étant Roy , signoit simplement
Louis de Poissy ; iFauroit dû , ce me sem-
* Le P. Niceron dans le III. T. de ses Mémoi
res imprimé en 1727. a omis avec raison ces deux
Editions dans le Catalogue des Ouvrages de Baillet
, page 36, comme n'étant pas proprement de ces
Auteur , n'admettant que l'Edition de 1701.faisepar
lui-même , et où tout est de lui ,
Biiij
c.
ble ,
436 MERCURE DE FRANCE
» ville , sa Patrie , n'a pû se refuser à la
verité , et le peu de cas qu'il a fait de
» ces sortes de Chartes a parû un contrecoup
sifâcheux à ceux qui sont, M , de
» votre sentiment , que l'un d'eux a crû
» ne pouvoir mieux y répondre , qu'en
» niant que cet Auteur en ait eu con-
> noissance.
» Si celui qui a inventé cette défaite , con-
» tinuë le P. Texte , avoit lû la Vie de S.
» Loüis par M. Baillet T. II. p. 379, P. 379, il y
» auroit trouvé que bien loin qu'il air
» ignoré ces trois Chartes , il les cite , et
» continuë à soûtenir que S. Louis est né
à Poissy . T. IV. p. 292 .
Tel est le doux compliment du P. T.
Mais montrons- lui qu'en nous accusant
d'inventer une défaite pour parer un con
tre-coup fâcheux , il ne nous donne luimême
qu'un Sophisme pour prouver que
Baillet étoit parfaitement instruit du fait
dont il s'agit , et qu'en le niant nous
nions une verité.
Deux mots vont débrouiller le Sophisme
, et démontrer qu'on a dit très- vrai
en soûtenant que Baillet a ignoré ce fait .
M. Baillet est mort le 21. Janvier 1706.
après avoir fait imprimer lui - même en
1751. son Ouvrage sur la Vie des Saints
in-fol. et in- 8. Or c'est un fait certain
que
MARS. 1737: 437
que dans la Vie de S. Louis , l'Auteur ne
dit pas un mot des Chartes de la Neufville
, et on a eu raison , et grande raison
de conclure , en consultant cette Edition,
que Baillet n'en a eu aucune connoissance.
Il est vrai qué dans les deux Editions ,
qui ont été faites long tems après la mort
de cet Auteur , sçavoir en 1715. et 1724.
il a plû à l'Editeur d'inserer de son chef
dans une Note aur bas du Texte original,
ce qu'il a trouvé à propos sur les Char
tes en question. Mais encore une fois , ce
n'est pas Baillet qui parle dans cette Note
la chose saute aux yeux , et un plus
long raisonnement seroit inutile pour
prouver que le P. T. se fait illusion à luimême
sans y penser , dans le temps qu'il
nous fait un reproche assés aigre , et des
plus mal fondés.
Je ne dois
oublier ici , à
propos
de citations, qu'au lieu de Guill . de Nan
gis, que ce R. P. a cité pour prouver que
S. Louis étant Roy , signoit simplement
Louis de Poissy ; itauroit dû , ce me sempas
" Le P. Niceron dans le III. T. de ses Mémoires
imprimé en 1727. a omis avec raison ces deux
Editions dans le Catalogue des Ouvrages de Baillet
, page 36. comme n'étant pas proprement de ces
Auteur , n'admettant que l'Edition de 1701.fai
par lui-même , et où tout est de lui , ¿c.
B iiij
ble ,
438 MERCURE DE FRANCE
ble , produire un témoin plus ancien,
sçavoir , Geoffroy de Beaulieu , mais il
n'y auroit pas trouvé son compte , parce
que ce Dominiquain dit plus que Nangis
sur ce sujet . Voici les paroles , qu'il
ajoûte et qui me paroissent essentielles :
Potius eligens à loco baptismatis denominari
quam ab aliqua civitatefamosa. Qu'auroitil
coûté à cet Ecrivain de dire à loco nativitatis
et baptismatis ; s'il avoit pû le
dire dans la vérité ?
Mais refléchissons un peu sur le Texte
de Geoffroy de Beaulieu , dont voici à
peu près le sens. S. Louis étant un jour
à Poissy , dit à quelques- uns de ceux
qu'il aimoit plus particulierement , que
le plus grand honneur qu'il eût reçû en
ce Monde , c'étoit en ce Lieu qu'il l'avoit
reçû. Ces personnes crurent que c'étoit
à la Ville de Rheims qu'auroit plûtôt
convenu cette expression du Roy , à cause
de son Sacre. Ils comprirent si peu ce
qu'il vouloit leur dire , qu'il fût besoin
d'une explication . Ces Amis de S. Louis
étoient sans doute des Personnes de pieté
, qui n'ignoroient pas que le Bâtême
est au - dessus de tous les honneurs , & c.
Qu'ignoroient- ils donc ces pieux Courtisans
? ils ne sçavoient pas qu'ils étoient
dans le Lieu où leur Roy avoit été bâtisé .
་
Et
MARS. 1737. 439
Et comment l'ignoroient-ils ? Parce que
cette circonstance n'avoit pas été fort remarquée
, qu'elle étoit déjà un peu éloignée
du temps present , et qu'on en parloit
peu ? la seule pieté du Prince en rapelloit
la mémoire. Enfin il s'en falloit beaucoup
que Poissy fût , pour ainsi dire , le Ver
saillesde ce temps -là, suivant l'expression
du P. T. qui juge des usages du XIII .
Siécle par ceux de ce temps - ci .
Quoiqu'il en soit , il paroît hors de
doute que S. Louis ne signoit Louis de
Poissy que par esprit de Religion et dé
Christianisme , à cause de son Batême à
Poissy, c'est ce que sonHistorien Nangis a
expressément remarqué.Et il ne paroît pas
moins certain que l'expression de la Char
te de Fondation du Monastere de Poissy:
Villam ipsam Originis sue locum .... babebat
, a été employée dans ce même esprit,
et à cause que le S. Roy se qualifioiť
lui même Louis de Poissy , par la raison
qu'on vient de dire. ( a )
S'il est vrai , au reste , en suivant les
regles d'une Critique exacte , qu'il faut
regarder comme certain ce qui est mar-
(a) Ce Verbe habebat bien entendu fait plus
contre le sentiment du P. Texte , qu'il n'est ef
sa faveur.
By
qué
440 MERCURE DE FRANCE
qué positivement et uniformément par
les Auteurs contemporains , qui ont écrit
exprès la Vie de S. Louis ; il n'est pas
moins veritable , selon les mêmes regles,
qu'il faut regarder comme douteux , non
seulement les Articles que ces Ecrivains
n'ont pas marqués , mais encore ceux sur
lesquels ils ne s'accordent pas entr'eux .
Or ni Geoffroy de Beaulieu , ni Guill . de
Chartres , ni Joinville , ni Guill . de
Nangis , ni Guill. le Cordelier , Auteur
d'une Vie manuscrite en Langage du
temps , ni Guill. Guiart , Auteur d'une
autre Vie du S. Roy en Vers François ,
vers l'année 1300. ni enfin Louis le Blanc,
Auteur d'une Vie écrite en François au
XV. Siécle , que le P. le Long et M. l'Abbé
Lenglet indiquent comme une Piece
curieuse ; aucun , dis - je , de tous ces Autteurs
ne marque le Lieu de la Naissance
de S. Louis.
Ce Lieu n'étant donc point fixé à
Poissy par ceux à qui il convenoit d'en
être instruits , et à qui il apartenoit de le
déclarer dans l'Histoire; on ne doit avoir
aucun égard à ce que des Auteurs recens,
et du bas temps , ont écrit sans examen
et par des raisons de convenance en faveur
de Poissy, sur- tout quand il y a des
Titres qui en suposent d'autres plus an
ciens
MAR S. 1737. 44't
ciens , qui reclament contre cette nouvelle
opinion , que j'ose apeller Juneerreur
populaire , fondée sur l'abus et
l'équivoque des termes , comme on l'a
remarqué en son lieu . Il s'ensuit de ce
dernier raisonnement que le P. T. s'il ne
nous permet pas de croire que S. Louis
est né au Château de la Neufville , doir
au moins nous laisser douter , pour ne
pas dire nier, qu'il soit né à Poissy.
Il y a plus, par raport au silence des
Ecrivains du temps sur cette Naissance
c'est que de la varieté du témoignage
des six premiers que je viens de nommer,
Hl resulte qu'on ne sçait point au vrai
l'année que le Saint Roy vint au monde.
La Naissance de S. Loüis n'est pas marquée
dans Rigord, ni dans Guill . le Breton
, Ecrivains de l'Histoire de Philipe-
Auguste , sous lequel elle arriva . L'Anonyme
, Moine de S. Denis , qui écrivit
les Actions de Louis VIII . n'en fait non
plus aucune mention : il n'y en a rien.
dans l'Auteur du Fragment raporté par
Duchesne T. 5. p. 288. ni dans Nicolas
de Baye , Ecrivain plus récent , ibidem.
C'est à quoi le P. T. n'a peut- être pas
fait attention .
Quand on est frapé de la grandeur
du Héros , dont on a à parler , et sur
Bvj tout
442 MERCURE DE FRANCE
tout de sa fin glorieuse , on s'imagine or
dinairement que tout ce qui le regarde
a dû être remarqué par les Historiens , et
qu'il ne doit naître aucun doute sur le
Lieu , ni sur le temps de sa Naissance ;
en quoi on se trompe souvent. On peut
se tromper aussi en blâmant les Historiens
sur certaines omissions. Apliquons
ce que je viens de dire au sujet que nous
traitons.
Quand S. Louis vint au monde , son
Pere n'étoit pas Roy . Le Prince nouveau
né n'étoit pas non plus , l'Aîné des Enfans
du Fils de Philipe Auguste. On ne
pouvoit pas prévoir alors les differens
Evenemens qui , contre les aparences, le
mirent enfin sur le Trône. De plus les
Moines de S. Denis , chargés d'écrire la
Vie des Rois , comme l'a prouvé D. Luc
Dachery à la tête de son Edition de la
Chronique de Nangis , ne commençoient
à écrire qu'après la mort de chaque Roy.
Or si ces Ecrivains avoient ômis , dans le
temps , de s'informer du Lieu auquel
Blanche de Castille étoit accouchée de
son second Fils , lorsqu'elle n'étoit que
simple Princesse
soixante ans après un fait qui n'avoit pas
parû interesser le Royaume, lorsqu'il ar
riva, et que personne ne remarqua peuêtre
comment constater
04
MARS. 1737. 443
être , parce qu'on n'en prévoyoit pas les
suites ? D'ailleurs on sçait que les Annalistes
n'entroient pas alors dans un si
grand détail , témoin l'omission de l'amnée
de la Naissance du Prince dont nous
parlons ,ômission qui fait présumer qu'on
n'eût pas plus d'attention à observer le
Lieu où elle arriva.
Voici , M. e ncore une preuve de la
négligence des Historiens contemporains
au sujet de l'année de la Naissance de
S. Louis , preuve qui vaut une démonstr.
tion. Je la tire de l'année de son Sacré
, fait à Rheims par l'Evêque de Soissons.
Ils conviennent généralement tous
qu'il fut sacré en l'année 1226. à la
fin du mois de Novembre , Louis VIII
son Pere étant mort le 8. du même
mois. On est bien assuré de cette Epoque
et de celle de la Vacance du Siége det
L'Eglise de Rheims mais lorsqu'il est
question de fixer l'âge du Prince lors de
Son Sacre , les Ecrivains se partagent en
trois ou quatre sentimens. Les uns disent
qu'il avoit onze ans , les autres douze ;
quelques- uns assurent qu'il en avoit trelze
, d'autres quatorze.
Nangis , dans la Vie du S. Roy , dit
qu'il avoit onze ans complets , ou qu'il
souroit sa douzième, ce qui est le mêmes
néanmoins
444 MERCURE DE FRANCE
néanmoins dans sa Chronique il dir que
S. Louis couroit alors sa 14. année . L'Anonyme
de S. Denis dit qu'il avoit 13. ans :
Geoffroy de Beaulieu qu'il avoit environ
F2. ans : Nicolas de Trevet , Anglois , qui
écrivoit en 1307. marque qu'il avoit 14.
ans : Vincent de Beauvais 13. ans et demi.
On peut donc choisir arbitrairement
pour le temps de la Naissance entre les
années 1213. 1214. 1215. et par consé
quent rien de certain par toutes ces variations
; aucun point fixe , par lequel on
pût commencer à compter son âge.
J'ai été obligé de discuter cette discor .
dance dans les Historiens , quant à l'âge
de S. Louis au temps de son Sacre , afin
que par-là on puisse juger de l'incertitude
de l'année de sa naissance , et con
clure que s'il n'y a rien de certain quant
à cette année , parce qu'aucun Auteur
du temps n'a marqué le jour ni l'année,
on devroit pareillement rester dans une
espece de doute , quant au Lieu de la
Naissance , par la même raison qu'aucun
Ecrivain du temps ne l'a marqué.
Mais comme dans les choses douteu
ses on doit toujours prendre le parti le
plus conforme à la raison et au bon
sens , il me semble que c'est prendre ce
sage parti que de préferer l'autorité des
Chartes
MARS 1737. 445
Chartes de la Neufville au témoignage
de Bernard Guidonis et d'autres pareils
Ecrivains.
Nous venons de voir la variation des
Historiens au sujet du jour et de l'année
de la Naissance de S. Louis , et leur silence
sur le Lieu de cette Naissance . Ad
mirons là - dessus comment le P Texte a
pû trouver un garant qui lui certifie que
ce Prince est venu au monde dans le terme
ordinaire , comme il le dit affirmativement
dans son premier Ecrit. Cela est
seulement à présumer , mais le Royal En
fant peut être né dans le septième comme
dans le neufviéme mois , sans que cela
ait mérité Pattention des Annalistes.
S. François de Sales vint au monde dans
le septième mois de la grossesse de sa
Mere , ce qui n'a pas empêché qu'il n'ait
vécu plus de so. ans ; ce fait est marqué
dans l'Histoire de sa Vie. Celle de saint
Louis n'est pas entrée dans ce détail ni
dans bien d'autres , ainsi qu'on vient de
le voir.
Ce qu'il dit plus bas que les Tranflations
d'Enfans nouvellement nés sont
inoüies et sans exemples , que la seule
idée du péril de ces transports fait frémir,
&c. cela , dis je , exige une réponse.
Il faut d'abord accorder quelque chose
à
445 MERCURE DE FRANCE
à la pieté du P. T. mais il nous permet
tra de ne pas croire que les transports
en question soient sans exemple.
L'Impératrice Richilde , Femme de
Charles le Chauve , quoiqu'enceinte ,
suivoit ce Prince dans ses voyages . Etant
à Cologne en 876. il la renvoya à Hé
ristal, proche Liege elle y demeura jusqu'au
9. Octobre , que sur le bruit de
la déroute de l'Armée de l'Empereur ,
arrivée proche Andrenach, sur le Rhin ,
elle reprit le chemin de la France. Dés
le lendemain matin ' elle accoucha d'un
fils , qui ne fut ni baptisé ni ondoyé ,
quoiqu'elle eût ce jour là auprès d'elle
un Evêque et un Abbé. L'Enfant fut
porté jusqu'à Antenay , qui étoit alors
une Maison Royale à sept ou huit lieuës
de Rheims , proche Chastillon sur Marne.
Il resta , tant dans ce Château , que
dans celui de Verzenay , proche l'Ab
baye de S Bâle , ( a ) jusqu'à ce que l'Empereur
étant guéri de sa pleurésie , vint
par le Château de Quierzy sur Oize, à ce◄
lui de Compiegne. Il s'écoula environ
trois mois , et on fit faire à l'Enfant tous
ces trajets sans lui donner le Baptême ; il
(a )Voila deux Châteaux ou Maisons Royales
inconnues aux Auteurs de la Diplomatique et du
Glossaire de Du Cange
no
M -AR S. 1737. 447
ne le reçut qu'à Compiegne au commen--
cement de l'année 877. parce qu'il y
tomba malade. Ce sont des faits que le
Pere Texte peut vérifier dans les Annales
de France , écrites par un Auteur qui
vivoit alors dans ces Cantons là. ( a)
Il y a cû de pareils transports faits
de nos jours. Ils ont été plus communs
dans l'Antiquité , parce qu'on at
tendoit par une raison mystique , selon
S. Ambroise , jusqu'au huitième jour de
la naissance d'un Enfant pour le bap
tiser ; il y a quelques exemples de Princes
qui n'ont reçû le Baptême qu'au
bout de quarante jours après leur naissance
, ( b ) et selon les Capitulaires de
Charlemagne de l'an 789. on pouvoit
differer le Baptême une année entiere. St
au bout de ce temps on vouloit encore at
tendre il falloit obtenir la permission du
Curé ; et si on differoit davantage sans
permission , payer une amande.
Il est vrai que les délais du Baptême
( a ) Annal. Bertin. Duchesne , T. 3. page
250 et 251 .
(b) L'Extrait Baptistaire du Maréchal de Vil
lars , dont il est parlé dans le Mercure de Novembre
1736. porte que l'Enfant lors du Baptême
avoit atteint l'âge de trois semaines, ce qui même
peut faire présumer qu'ilfut porté d'ailleurs dans la
Ville de Moulins , où il reçut ce Sacrement , &c.
ont
448 MERCURE DE FRANCE
ont depuis été défendus ; mais le P. Mar
tene , sçavant Benedictin , qui a recherché
depuis quel temps les délais du Baptême
sont défendus , n'a pû remonter que jus
qu'à l'année 15 24. encore cite t'il un
Concile d'Auch de 1585. et le premier
Concile de Milan , tenu sous S. Charles ,
qui permettent & ou 9. jours de délai.
T. 1. de Sacramentis , p . 63. ) Ces délais
étoient souvent nécessaires pour donner
aux Parains et Maraines le temps de s'assembler
et de venir sur les Lieux. Le
nombre en étoit plus grand qu'il ne l'est
aujourd'hui en France ; et si quelque
Parain ou Maraine d'un rang distingué,
ne pouvoit pas se trouver au Lieu de la
naissance , on transportoit l'Enfant . Tant
If est vrai qu'il ne faut pas juger des an
ciens usages (a) par ceux de nos jours et
qu'il ne faut pas imaginer un imaginer péril extrême
où les Anciens n'en ont point
trouvé.
(a) L'usage du délai du Baptême étoit ancien
nement si commun , que plusieurs Enfans en reçurent
le sobriquet de Paganus, lorsqu'ils furent avancés
en âge sans avoir reçû ce Sacrement. Voyez
la-dessus les Notes de M. Du Cange , sur l'Alexiade
, le IV. T des Annales Benedict. du P.
Mabillon , &c. Il est vrai - semblable que le nom
de Payen , que portent plusieurs Familles , n'a
point d'autre origine.
Mais
MARS. 1737. 449
Mais que deviendra , me direz-vous ,
la gloire de Poissy , celle de l'illustre
Monastere , celle même de tout le S. Or
dre de S. Dominique , si attaché , se
lon les principes du P. T. à la Naissance
de S. Louis dans cette Ville , si le fait
n'est rien moins que certain , selon les
regles de la raison et du bon sens ? (a)
Car il ne faut jamais chercher la verité loin
du sens commun , disoit depuis peu l'un
de nos meilleurs Critiques : Que deviendra
, dis -je , cette gloire , si on est obligé
de la ceder au Château de la Neufville
?
Voici , M. ma Réponse . Que la Neufville
, en vertu de ses Titres , émanés
de l'autorité Royale et donnés avec une
entiere connoissance , se glorifie de la
Naissance de notre saint Roy . Mais que
Poissy se glorifie encore plus et à plus
juste titre , non pas de ses Privileges et
Exemptions , (b) mais pour être le Lieu
où cet auguste Prince est né à l'Eglise
(a) Le R. P. Tournemine établit cette maxime
et dit qu'elle est vraye dans les Sciences même qui
dépendent uniquement de la raison. Voyez sa Dis- .
sertation insérée dans le Journal de Trévour ,
II. Partie du mois d'Août 1735. P. 1595 .
(b) On ne voit pas que Poissy ait jamais joui
d'aucunes Exemptions par raport à S. Louis, &c.
et
450 MERCURE DE FRANCE
,
et à la Religion par le Sacrement de Baptême
, Lieu où il a passé son Enfance' ,
et d'où sa pieté lui a inspiré de se qualifier
Louis DE POISSY et encore
de suivre la Discipline Ecclesiastique da
Diocèse de Chartres , dont il étoit par
sa renaissance spirituelle , comme l'a remarqué
Guill. le Dominiquain, dans Du
chesne , Tome V.
Aussi les Historien's ne disent- ils pas
que S. Louis chérissoit Poissy pour 7
être venu au Monde , mais parce qu'il
y avoit été régeneré sur les sacrés Fonts.
Ils parlent selon l'esprit de ce saint Roy ,
qui étoit , sans doute , pénetré de cette
pensée , que tous les Hommes naissent
Enfans de colere , et que selon le Sage ,
il n'y en a aucun qui ne puisse dire ,
primam vocem similem omnibus emisi plo
rans .... nemo enim ex Regibus aliud ha
buit nativitatis initium. On ne doit donc
envier à aucun Lieu l'honneur d'avoir
donné la naissance.
Je ne doute pas que le R. P. Texte
ne goûte la conclusion de ma Lettre, ( la
derniere que j'écrirai sur cette matiere )
et qu'il ne mette fin à ses mouvemens
à la multiplication de ses Ecrits imprimés
et réimprimés dans differens Jourmaux,
distribués d'ailleurs si libéralement
>
en
MARS . 1737. 458
>
en feuilles volantes , avec des Additions.
La vérité est une et simple , et quoi
qu'on puisse dire et faire , elle a le pri
vilege de ne point souffrir de prescrip
tion. Je vous laisse avec cette pensée
d'un Ancien , qui l'a exprimée en ter
mes dignes de memoire : Veritati nemo
prescribere potest , non spatium temporum ,
non patrocinia personarum , non privilegiums
Regionum . Tertull .
Je suis , Monsieur , & c,
A Paris le 25. Janvier 1737,
***
L'INFIDELITE'.
O D E.
DE mille erreurs source fatalę ,
Cruelle fille des Enfers ,
Du poison que ta bouche exhale ,
Cesse d'infecter l'Univers.
Assés tes fraudes sacrileges
Ont conduit l'homme dans les pieges
Que lui préparoit ta fureur ; ·
Il est temps malgré tes caprices ,
Qu'éloigné du sentier des vices ,
L'amour du vrai guide son coeur,
Non
452 MERCURE DE FRANCE
Non , la vertu pure et sincere ,
Dédaigne ces honteux détours ,
Que ton adresse mensongere
Sçait apeller à son secours.
De cette équitable Déesse ,
Toujours la rigueur vengeresse
Poursuit les complots odieux .
Jamais la trompeuse imposture ,
Sous le masque de la droiture ,
N'a pu trouver grace
à ses yeux.
M
Rempli d'une héroïque audace ,
Mithridate dans son malheur ,
Veut-il au fort de sa disgrace
Etre de Rome le vainqueur ?
Sur le Rivage du Bosphore ,
La même ardeur qui le dévore
A rassemblé tous ses Guerriers
Il va donc rétablir sa gloire ,
Et dans une illustre victoire ,
Moissonner de nouveaux Lauriers,
Mais quelle valeur criminelle ,
Grand Roy , s'opose à tes desseins ?
Tu partois ... un Fils infidele
T'arrête et te livre aux Romains,
Par ce Rebelle, ton Armée
Car
MARS. 1737
453
Sun tes dangers trop allarmée ,
N'est plus qu'un Corps de Révoltés ;
Tu les combats ; leur perfidie
Te voit même en perdant la vie ,
Punir leurs infidelités .
老
Que vois- je ! Quel trait parricide
Frapa le Chef d'un grand Etat !
Par quelle main de sang avide
Est conduit cer assassinat !
Tremble , Cesar , Rome conspire ,
L'horreur que ton pouvoir inspire ,
Souleve un Peuple d'Eunemis ;
Mais au milieu de la tempête ,
Le coup qui tombe sur ta tête ,
Part du meilleur de tes amis.
粥
Ainsi victime d'un faux zele ,
Du devoir étouffant la voix ,
Vit-on le Romain infidele ,
Enfraindre les plus saintes Loix-
Ainsi la soeur avec le frere ,
Cedant aux feux de la colere ,
Trahirent- ils l'Humanité ;
Et pour se permettre des crimes
Adopterent- ils les maximes
Que dicte l'Infidelité ?
454 MERCURE DE FRANCE
De cette infernale Megere ,
Comment donc éviter les traits
L'aimable Reine de Cithere ,
De sa Cour m'offre les attraits
J'y cours , j'aime ; déja Thémire
Répond à l'ardeur qu'elle inspire ,
Sa tendresse me rend heureux "
Ciel ! mon bonheur fuit comme un songes
Et l'infidélité me plonge
Dans le malheur le plus affreux.
Contre ce Monstre impitoyable ,
C'est à toi seul que j'ai recours ,
Hymen ,ton flambeau sécourable
Fera le bonheur de mes jours ;
A la faveur de sa lumiere ',
Je te suis dans cette carriere ,
Où mes amours sont satisfaits z
Plaisirs trompeurs ! frivole attente !
L'infidelité plus puissante
Répand son fiel sur tes bienfaits.
爽
Arrête , Furie execrable !
Respecte des feux innocens ;
Mais quoi ! ta fureur implacable
Se plaît à croître mes tourmens ,
Déja par tes efforts séduite,
Moo
MARS.
450 1737.
Mon ingrate Epouse médite
De trahir nos chastes amours ;
Et pour changer de destinée ,
M'offre la Coupe empoisonnée
Qui tranche le fil de mes jours,
M
D'un si déplorable ravage ;
Mortels , ne nous étonnons plus
L'infidélité dans sa rage ,
Cherche à détruire les vertus ,
En est- ce assés ? Non. Ses maximes
Pour introduire tous les crimes ,
Attaquent le Maître des Cieux ;
C'est elle dont l'audace impie
Aprend à traiter de folie
L'existence du Dieu des Dieux-
C NOVE
456 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLE CONSTRUCTION
de Rouage de Sonnerie , de Reveil plus
simple et d'un meilleur usage que celles
dont on s'est servi jusqu'à present . Mémoire
lû à la Societé des Arts le 14,
Décembre 1732. par le S. Julien le Roy,
Horloger, et de la même Societé.
JUsquesici les Horlogers n'ont suivi en général que deux Constructions de
Rouages de Sonnerie de Reveil ; l'une
est fort ancienne , et connue sous le nom
de Rouage à Roue de rencontre ; l'autre
est moderne , et connue sous le nom
de Rouage à deux Marteaux.
Une troisiéme Construction que j'ai
imaginée , m'a paru meilleure que celles
dont je viens de parler , et l'ayant
apliquée , avec succès , à plusieurs Reveils
à timbre , qui font beaucoup de
bruit , la réussite m'a encouragé à l'apliquer
à un Reveil sans timbre que voici ,
et dont le Marteau en frapant sur la Boëtte
,y produit un bruit qui surpasse même
celui de la plupart des Reveils à timbre.
Une proprieté si avantageuse à la nou
velle Construction , me donne lieu d'en
attendre
MARS. 1737.
457
attendre quelque succès , et d'esperer ,
qu'aidé des conseils de ceux auxquels j'ai
Phonneur de parler , je pourai la rendre
encore plus digne d'être proposée au
Public.
Pour mettre sous les yeux la difference
essentielle qui est entre la nouvelle
Construction et les deux autres , je vais
les décrire, en commençant par celle à
Rouë de rencontre , qui eft la plus en
usage parmi les Horlogers.
DESCRIPTION du Roüage de la Sonnerie
d'un Reveil à Rouë de rencontre.
,
Toutes les anciennes Montres à Reweil
ont ordinairement quatre Roües
pour leur Sonnerie ; sçavoir, la Roue de
barillet , la Roüe moyenne celles de
champ et de rencontres les autres Pieces
sont la Potence , le Marteau , sa Verge, et
la Contre- potence. Quoique cette maniere
soit celle qui est la plus en usage ,
cependant elle est difficile à exécuter
, parceque les dernieres Roües sont
d'acier ; celle de rencontre sur- tout est
difficile à faire , à cause
cause qquu''eellllee est fort
petite , et encore plus difficile à placer , à
cause qu'elle est invariablement bornée
par le Timbre et le Barillet du mouve
ment.
C ij DESCRIP
458 MERCURE DE FRANCE
DESCRIPTION du Rouage de la Son
nerie d'un Reveil à deux Marteaux.
Le Roüage de Sonnerie de ces sortes
de Reveils , est ordinairement composé
de cinq Roues , et d'autant de Pignons.
La premiere de ces Roües se nomme
Rotie de Barillet ; les quatre autres se
nomment , Seconde , Troisiéme , Quatriéme
et derniere Roüe , laquelle engrenne
dans un Pignon qu'on nomme
Volant ou Delait.
A ces Rouages , sur la seconde Roue ,
est placé un Rochet dont l'usage est de
faire lever alternativement deux ou trois
Marteaux , lesquels , frapant sur le Timbre,
produisent un bruit moins désagréa
ble que n'est celui des Reveils à Roues
de rencontre, dont le cliquetis des Roües
se mêlant au Son du Timbre , produir
un bruit si désagréable , que la plûpart
des Horlogers , et sur-tout ceux de
Londres , préférent toûjours les Reveils
à deux Marteaux,
Nouvelle Construction.
Elle est composée de deux Roües ,
de deux Pignons , d'un Rochet rivé sur
Le dernier Pignon , et d'un Echapement à
deux Palettes , avec des portions de Pignon
MARS. 1737. 45.9
gnon , telles qu'on les faisoit autrefois.
Comme il est certain qu'un Reveil
fait du bruit à proportion de la grandeur
et de l'épaisseur de son Marteau ,
pour procurer cet avantage à la nouvelle
Construction , j'ai construit le Roüage
du mouvement de maniere que la petite
Koue moyenne du mouvement passe
entre la Roue de fusée et celle du centre
, celle - ci est noyée dans la Platine des
Piliers et à fleur de sa superficie , de sorte
qu'elle laisse un espace qui permet de
faire le Marteau fort épais et de toute la
grandeur possible pour un Roüage de
grandeur donnée . Cette circonstance avantageuse
est suivie d'une autre qui l'est encore
plus c'estque des trois Roues du roiiage
de Reveil , il y en a deux dans la quadrature
; sçavoir le Rochet et la seconde
Roue qui est noyée dans la Platine des
Piliers , et passe sous le Rochet : par le
moyen de ces deux Roues placées dans
la quadrature , il reste un vuide dans la
cage , qui permet de faire toutes les Roues
plus grandes , et les Barillets à
tion .
propor
Outre que ces avantages ne se rencontrent
point dans les Constructions que
j'ai décrites , la nouvelle leur est encore
préférable , tant parce qu'elle est moins
Ciij composée
460 MERCURE DE FRANCE
composée , que parceque ses pieces sont
fort aisées à travailler ; d'ailleurs sa
Quadrature que je vais décrire , et que
j'ai imaginée depuis peu est fort solide .
DESCRIPTION de la Quadrature
des Nouveaux Reveils.
Entre les avantages qu'elle réunit , en
voici un qui , selon toutes les aparences ,
sera aprouvé du Public. Je suprime le
Cadran de Reveil qu'on met aux Montres
de ce nom , et je substituë en
place une aiguille qui est placée sous celle
des heures, laquelle n'est mobile qu'au
doigt , et montre toûjours l'heure à la
quelle le Reveil doit sonner ; par là j'évite
deux inconveniens assés considérables
; l'un, de couper le milieu du Cadran
des heures pour y noyer celui du
Reveil ; l'autre est , qu'en mettant le
Cadran du Reveil à plat sur celui des
heures, il en couvre ordinairement presque
tout le milieu , ce qui le rend moins
agréable à la vûë , car il me paroît qu'en
général on aime à voir tout à découvert,
le Cadran de sa Montre , sur tout
quand il est bien peint et d'un bel émail ,
comme le sont ceux deM.Julien de cette
Societé, lesquels embellissent nos ouvrages
, et font l'admiration des Connoisseurs
qui les examinent de près .
REMARQUE
MARS.
1737 481
REMARQUE sur les Reveils
sans Timbre.
Plusieurs avantages suivent invaria
blement leur construction ; le premier,
que le mouvement étant plus grand de
tout l'espace qu'occuperoit le Timbre
dans la Boette , il s'ensuit qu'il est plus
aisé à faire , plus durable , à meilleur
marché , et d'un meilleur usage ; joint
à cela que leur Boëtte n'étant point percée ,
la poussiere n'entre point dans le mouvement,
et que l'on en ménage le prix du
Timbre , et celui de la gravûre et repa
ture.
D'ailleurs je crois n'avancer ici rien
de trop , en assurant que les nouveaux
Reveils sans Timbre font un bruit plus
que suffisant pour éveiller ceux dont le
sommeil n'est pas extraordinairement
profond , et que j'ai fait plusieurs expe.
riences qui confirment ce que j'en affirme
ici .
Mais pour augmenter encore le bruit
des Reveils sans Timbre , ne pouroit on
pas , au moyen d'une espece de Portevoix
, ou d'une concavité parabolique ,
déterminer tout leur son à se refléchir
d'un certain côté ? Et cette concavité ne
pouroit C iiij
432 MERCURE DE FRANCE
pouroit- elle pas être de bois sonore ou
de métail , et placée derriere le Reveil
quand il est suspendu près d'un Lit ?
Quoique cette recherche semble être d'une
utilité assés bornée , peut-être qu'on
trouveroit, en s'y amusa nt, de nouveaux
moyens propres à refléchir le son , qui seroient
aplicables à des usages auxquels
on n'a point encore pensé.
LE RAMIER ET LA TOURTERELLE
U
FABLE.
N Ramier embrasé de l'amour le plus
tendre ,
Comme les Vers suivans vont le faire com
prendre ,
S'y prenoit de toute façon
Pour toucher une Tourterelle ;
Veuve , d'âge assés mûr , et qui n'étoit plus
belle ;
Mais quand on aime fort, a - t- on de la raison ?
A force de se voir on se fait à la mine ,
L'habitude accoûtume à tout :
Il pouvoit la voir seule , elle étoit sa voisine ,
En faut-il davantage ? Et chacun a son goût.
Un jour de l'An , car c'est aussi l'usage
Parmi les Animaux d'aller se visitant
L'un
MARS. 1737 463
L'un l'autre , et se complimentant ;
Sans doute ils l'ont apris de l'homme bien peu
sage ;
Món Ramier , dis -je , en ce sot jour,
De bon matin , pour mieux faire sa coury
Vola chés sa chere Maîtresse.
Après les premiers complimens ,
Il lui témoigna sa tendresse ,
A peu près par ces sentimens.
Cher Objet , en t'aimant je commence l'année
Je veux en t'aimant la finir ,
Je t'aimerai toujours, telle est ma destinée ,
Je ne sçaurois m'en abstenir.
De bonne foi je t'aime , et qui pouroit le croire
Quoique je n'aye aucun retour "
Je t'aime constament , et veux avoir la gloire
De mourir fidele à l'Amour.
A ton âge t'aimer , diras- tu ? c'est foiblesse
Non , quand on a le coeur épris .
De tes beaux sentimens , des traits de ta sagesse
Ton corps , tes yeux tirent leur prix ,
Ainsi mon feu pour toi sera toûjours le même,
Quoique ton printemps soit passé ;
Quand c'est plus pour le coeur que pour le corps
qu'on aime ,
L'amour ne peut être effacé .
Tu détestes, sans doute , un amour Petit- maîtrež
Le mien sera toûjours prudent ,›
Gr Craintif
464 MERCURE DE FRANCE
Craintif, sage et discret , n'aimant point à pa
roître ,
Mais , si tu veux , le plus ardent.
Après un tel discours , que fit la Tourterelle
parut enfin sensible à ses tourmens Elle
Et lui sçur même gré de ses beaux sentimens,
Mais au premier Himen elle resta fidelle .
Le Ramier , plein d'honneur , touché de ses
raisons ,
Devint imitateur de sa chaste Maîtresse ,
Et changea son amour en d'honnêtes façons.
Oui, l'amitié vaut mieux qu'une folle tendresse,
Rien n'est plus vrai . Vous donc , & frivoles
Amans ,
Suivez ce Rainier beau modéle ;
Femmes folles , prenez les nobles sentimens
De cette sage Tourterelle
Fuyez dans la Viduité
g
Ce Dédale trompeur d'intrigues amoureuses
Imitez sa fidélité ,
Vous serez cent fois plus heureuses..
Bar ... d'Amiens au
Chat .. d'Au ....
LETTRE
MARS. 1737. 465
sikakakakakakakakakakakakakak
LETTRE de M. Howard , Docteur
en Médecine , à M. Hunaud , Médecin
de l'Hôtel- Dieu de Paris , Professeur
en Anatomie et en Chirurgie au Jardin
Royal , Membre de l'Académie Royale
des Sciences , et de la Societé Royale de .
Londres. Au sujet de la Fiévre vermineuse
, qui , dans les mois de Janvier et
Février , a fait beaucoup de ravage dans
le Village de Sannoy , et dans la Vallée
de Monmorency près Paris.
DEja plus d'une fois je vous al entre-
Ꭰ
tenu , Monsieur , de cette fâcheuse
maladie , qui , dans moins d'un mois , a
enlevé soixante Habitans d'un seul Village
, et qui auroit effrayé les environs , si
elle ne s'étoit fixée dans un petit Canton
qu'elle auroit peut être entierement dépeuplé
, si les soins du Ministere ne s'étoient
oposés à ses progrès. Persuadé qu'il
est très difficile , et en même temps très-
Important de s'assurer du génie particu
lier de ces sortes de maladies , qui different
entierement des constitutions dominantes
, ( c'est à- dire des maladies qui
alors ont le plus de cours ) et qui com-
#
Cvy
me
466 MERCURE DE FRANCE
me le remarque le grand Sydenham , paroissent
sous des formes si inconnues
que , malgré la sagacité du Médecin , elles
ne se démasquent qu'en portant le
coup mortel à ceux qui en sont les premiers
attaqués. Pouvois - je mieux faire ,
M. que de m'adresser à un homme qui
uniquement occupé du bien de la Méde
cine, répand dans le cours de chaque and
néede nouvelles lumières dans sa Théorie,
et semble en fixer la pratique? Je vais cependant
vous en faire un détail plus circonstanclé,
afin de vous instruire , et le
Public en même tems , de quelle façon
on est venu à bout d'assoupir si promp
tement une maladie , qui , dans son premier
abord , annonçoit des suites trèsfâcheuses.
Au mois de Janvier dernier les Ha
bitans du Village de Sannoy , étant ve
nus en Procession à N. Dame de Pontoise
, où je suis établi, pour implorer son
secours contre cette maladie , je crûs
qu'il étoit de mon devoir d'abandonner,
mes affaires ordinaires , pour me trans
porter dans l'endroit où elle faisoit son
ravage , afin de m'éclaircir de la nature
du mal , et d'être plus à portée de donner
du secours à ceux qui en avoient be
soin. Je visitai plusieurs malades , et je
m'aperçus
MARST 1737. 469
m'aperçûs aussi - tôt que quelques - unsn'étoient
point attaqués de cette maladie
, qui faisoit la constitution particu
liere. Je ne vous parlerai point de ces
maladies ordinaires qui se presentent
chaque instant à votre pratique.
Celui qui le premier paya le tribut *
la maladie nouvelle , étoit , dès le premier
instant que je le vis , hors d'état de
recevoir aucun secours de notre Art
D'abord il se mit à rire , des pleurs involontaires
succedoient à ses ris , son
poulx étoit petit , dur , concentré et
frequent. Un transport considerable l'avoit
mis hors d'état de me répondre . I
mourut le lendemain , qui étoit le septiéme
de sa maladie.
Cet évenement accompagné des ob
servations que je fis pendant quelques
jours sur l'allure de cette maladie ; obser
vations que je fis avec tout le soin possi
ble , parcequ'elles me paroissent nécessaires
pour qu'un Médedin puisse , dans
ces circonstances , reconnoître l'ennemi
qu'il a à combattre , me firent conclure
qu'elle portoit un caractere de malignité
Très -funeste.
En général les malades se plaignoient
d'abord d'un mal de tête sourd , et qui la
leur rendoit insoutenable. Aussi - tôt ils
étoient
468 MERCURE DE FRANCE
étoient pris d'une foiblesse aux jambes ,
d'une lassitude universelle , et d'un frissonnement
de tout leur corps. Ils sen
toient ensuite un peu de fremissement ;
une sueur se répandoit sur le visage , sur
la poitrine , et nulle part ailleurs ; diffe
rentes couleurs venoient se peindre sur
leur visage , en passant du pâle au rouge
- bleu , &c. Une tension considerable
se faisoit sentir au bas -ventre. Le poulx
étoit dur , petit et frequent , la respiration
fort gênée , entrecoupée , courte et
frequente ; la langue séche , rude et noire
dès les premiers jours ; les gencives
noirâtres , les urines couloient en petite
quantité , tantôt claires et tantôt blan
châtres. Les uns avoient un dévoïement
bilieux , les autres point tous rendolent
beaucoup de vers . Ils portoient
fort souvent leurs mains à la tête , et
malgré la sécheresse de leur langue , ne
se soucioient pas de boire . Alors des
pleurs et des ris involontaires , des inquiétudes
et des envies de s'habiller et
de sortir du lit , étoient les avant- cou
reurs d'un délire , qui le cinquième jour
devenoit considerable , et ils périssoient
le sept , le neuf , ou l'onze ; rarement
voyoient- ils le quatorziéme.
Sans attendre que trop d'évenemens
fâcheux
MARS. 1737. 469
fâcheux m'eussent déclaré tous les symptomes
que vous voyez ici rassemblés , et
que je n'ai connu que par la suite , je me
rendis promptement à Paris pour en faire
le raport à M. l'Intendant de la Généralité
de Paris , et pour oposer au pro
grès du mal la pratique que vous m'avez
si sagement conseillée, persuadé que,
si le retardement nous donne lieu de
nous éclaircir de bien des choses , il peut
aussi devenir pernicieux quand la maladie
devient populaire , et sur tout quand
les malades manquent des secours nécessaires.
Incontinent je reçûs ordre de retourner
sur les lieux promptement , et
d'y exercer mes fonctions ordinaires . Je
m'y rendis avec toute la diligence possible
, et deux jours après nous vîmes avec
plaisir un Officier de M. le Duc , chargé
du soin de fournir aux pauvres malades
ce qui leur étoit nécessaire pour la vie.
M. notre Intendant , sentant de quelle
importance il étoit d'étouffer ce mal naissant
, pria aussi - tôt M. Bailly , Chevalier
de l'Ordre de S. Michel , très - célebre
Praticien , et dont le zele pour le bien
public s'est fait connoître en plusieurs
occasions , de venir lui- même examiner
sette maladie. Ce Médecin , plus éclairé
que tout autre sur ces sortes de maux
lequel
470 MERCURE DE FRANCË
lequel dans toutes les maladies populai
res qui ont affligé 1.s environs de Paris
et dans la peste de Provence , a toûjours ,
avec beaucoup de justice , été chargé de
la part du Ministere , du soin d'exami
ner leur nature , et d'en diriger le trai
tement , jugea et décida du premier coup
d'oeil , que c'étoit une fiévre vermineuse
, et l'évenement n'a servi qu'à justifier
sa décision .
Il falloit un tel Médecin pour corriger
plusieurs abus contre lesquels je m'étois
presque inutilement récrié. Les Chirur
giens , peu acoûtumés à distinguer les
veritables causes de la force ou de la fofblesse
, ne faisant pas de difference entre
forces détruites , et forces seulement oprimées
, prodiguoient les cordiaux , en don
nant , dès les commencemens , le Lilium
à demi gros , ne saignoient point , ou ne le
faisoient que suivant leur caprice.M.Bail
ly dissipa tous ces mauvais préjugés qui
s'étoient glissés parmi ces pauvres Vi
gnerons , s'en retourna à Paris , après
avoir déterminé la methode la plus sûret
pour détruire cette maladie , et m'avoir
chargé de l'administration des Médica
mens , qui , par la vigilance de M. l'Intendant
, furent très- promptement apor
rés de l'Hôtel- Dieu de Paris .
Jo
MARS. 1737 47
Je faisois saigner mes malades plus ou
moins suivant les differentes indications.
Ensuite une Eau de Casse , aigui
sée d'Emétique, leur faisoit rendre beaucoup
de Vers ronds. Après avoir suffi
sament évacué , j'avois recours au Ker
més , que je faisois prendre par grains
dans une portion cordiale mineure . Vers
la chute de la fiévre , l'usage des Vermifuges
achevoit la guérison.
Voilà , M , l'Histoire que je m'étois
proposé de vous communiquer. La maladie
est heureusement finie, et nous ne
voyons presque plus que des Convales
cens. Quoiqu'elle m'ait entierement dérangé
dans ma pratique ordinaire , et
causé beaucoup d'inquiétude , je ressens
un vrai plaisir que mes soins , de concert
avec ceux du bon Pasteur de ce Canton,
qui dans tout le cours de la maladie , a
rempli tout à la fois les fonctions d'un
digne Curé et d'un Médecin charitable
ayent contribué à la sûreté de Sannoy
et des environs , et m'ayent donné lieu
de faire connoître au Public que vos leçons
bien entendues peuvent supléer à
plusieurs années de pratique . Je suis , &c.
MADRIGAL
472 MER CURE DE FRANCE
MADRIGAL.
D'une Nymphe de la Mer , métamorphosée
en Berger du Pays d'Asirée . Sur les
trois Dlles P **
SII l'Antiquité dans ses Fables ,
Vante trois Graces adorables ,
Elle n'avoit qu'une Vénus ,
Dont les apas de tout temps inconnus ,
Sont des chimeres agréables ;
Mais Montbrison nous fait voir en trois Soeurs
Trois Graces véritables ,
Et trois Vénus, Reines de tous les coeurs.
SUPLEMENT an Memoire Historique
concernant le Village de Bretignysous
Monilhery , inseré dans le Mercure
de Janvier 1737.
Quoique l'Auteur du Memoire sur
le Village de Bretigny n'ait mis
son nom qu'en Lettres initiales , je crois
avoir
MARS. 1737.
473
avoir deviné qu'il nous vient d'un Avocat
en Parlement , possedant du bien en
ce Pays là . Ce Memoire est fort instruc
tif et très- bien détaillé; il renferme , à ce
qu'il me paroît, tout ce qu'on peut dire
sur un aussi petit Lieu. Etymologie du
nom , situation , description de la nature'
du Territoire , changemens arrivés dans
le Licu , citation des Auteurs qui en ont
parlé , usages du Pays, Arrêts au sujet de
cette Seigneurie, découverte de Sépulture
singuliere : Il ne resteroit presque qu'une
découverte de Médailles ou d'autres Antiquités
à indiquer au Lecteur , pour
contenter pleinement sa curiosité.
J'ai admiré la Citation faite à propos
de la Grande Bible des Noëls : Chaillot ,
le fameux Chaillot , dont on a voulu dire
de si grandes choses , et sur lequel on
a badiné récemment pour ne rien aprendre,
n'a pas l'avantage d'être celebré parun
Auteur aussi grave que celui de ces Noëls,
faits du temps de nos trisayeuls. Quoiqu'il
en soit , l'experience nous aprend
qu'il n'est guère de témoignage plus
vrai et plus naturel que celui des Chansons
et des Vaudevilles . Heureux les Vik
lages de Bourgogne qui ont été nommés
dans les Noëls Bourguignons du celebre
M. de la Monnoye ; ils se trouvent par
là
474 MERCURE DE FRANCÉ
là immortalisés , et dans 300. ans on cia
tera ces Noëls avec la même gravité et
sûreté , qu'on cite aujourd'hui la Grande
Bible de Noëls , imprimée à Troyes ,
touchant Bretigny et tous les autres Lieux
voisins de Montlhery.
Raillerie à part , je ne puis m'empê
cher de souhaiter qu'entre tous ceux qui
ont du bien ou quelque Maison de Cam
pagne dans nos Paroisses de Village , il
se trouvât quelqu'un capable d'en faire
une semblable description , ou que quel
que personne portée à rendre service au
Public , fit de son propre mouvement
cette Description locale ; ce seroit le vrai
moyen d'avoir dans quelques années de
quoi refondre le Dictionaire Géographi
que Universel de la France , qui est si see
et si sterile sur la plupart de nos Villages.
M. de Valois a commencé quel
que chose sur ceux du Diocèse de Paris
dans sa Notice des Gaules . Mais cela
n'est pas assés étendu , ni dévelopé comme
il faut. Ce n'est proprement qu'un
canevas qu'il reste à orner de circons
tances qui réjouissent l'esprit du Lecteur.
Le celebre M. Huet a beaucoup
mieux fait dans ses Origines de Caën ,
sà Patrie . Je voudrois , par exemple , des
circonstances semblables à celles qu'on
lit
MARS. 1737 475
t dans les Epitres de Morisot de Dijon
, sur un certain Village de Bourgo
gne apellé Vernot. Centuria 1. Ep. 30.
J'aurois souhaité qu'on eût commencé
à prendre tous les Villages du Diocèse
de Paris l'un après l'autre , et que dans
chaque Mercure , par exemple , il y eût
un Memoire semblable à celui qui vient
de paroître sur Bretigny. Si on l'avoit
entrepris il y a quinze ans , nous aurions
à présent une pleine et parfaite Description
de tout le Diocèse de Paris.
Cet exemple auroit excité les Curieux
des autres Diocèses à en faire autant .
et par ce moyen nous aurions une Géographie
de France entiere et complette.
Cela auroit réveillé l'attention des Sei
gneurs , des Curés , des Particuliers natifs
de toutes sortes de Villages , dong
la Ville de Paris est remplie , et mille
circonstances dignes d'être transmises à
la Posterité , se trouveroient écrites , au
lieu qu'elles restent dans l'oubli.
J'aurois , au reste , souhaité que M. D.
nous cût aussi apris dans son Memoire
sur Bretigny , s'il n'est point sorti
de ce Lieu quelque Sujet qui se soit distingué
dans le Monde ou dans l'Eglise .
Quelquefois les Villages les plus obscurs
en produisent ; témoin le chétifHameau
de
476 MERCURE DE FRANCE
de Metzrobert , proche Chaourses , au
Diocèse de Langres , dont le celebre Edmond
Richer étoit natif ; le Village d'Archi
, en Bourgogne , où nâquit Pierre
Chastelain , Evêque de Mâcon , et ensuite
d'Orleans ; le Bourg de Verberie sur
Oyse , d'où étoit Pierre Oriol , Archevêque
d'Aix ; et la Neufville , proche
Beauvais , où naquit M. Baillet ; Lieu
déja assés illustre par la Naissance d'un
Prince devenu Roy et Saint.
1
Comme M. D. n'a pas pû tout sçavoir
sur son Bretigny , voici ce que j'ajoûterois
à sa Notice ; c'est que vers l'an 1268 .
Jean de Bretigny fit hommage pour sa
Terre à Etienne , Evêque de Paris , et
déclara en le faisant , qu'il étoit un de
ceux qui auroient dû le porter à son
Entrée solemnelle au Siege Episcopal . Ut
audivit , disoit- il, à predecessoribus suis. *
Dans l'énumération que j'ai vûë de ce
temps- là , il y a Mont - Saint Pere de Bretigny
... et les Roches qui sont entre Saint-
Pere et Saint Filebert, Remarquez qu'on
s'exprimoit alors comme on fait encore
à Chartres et à Auxerre , où l'on ne dit
pas S. Pierre , mais S. Pere , et qu'on n'écrivoit
pas Philebert , mais Filebert ; ce
qui est beaucoup mieux , parce que ce
2 Ex Cartulario Episc . Paris, in Biblioth. Reg.
mot
MARS. 1737.
477
mot ne vient pas du Grec. Dès le temps
d'Eudes de Sully , Herchembald de Villas,
d'auren , avoit déclaré tenir de l'Evêque
de Paris ce qu'il avoit à Bretigny,
J. L. B.
A Paris le 18. Février 1737 .
DEPIT
POETIQUE,
QUel feu me transporte et m'agite ?
Quels sont ces mouvemens divers ?
Est -ce encor toi , Démon des Vers ,
Dont la fureur me sollicite
De remonter sur l'Hélicon
J'en frémis. Eh quoi ! ne peut- on
S'affranchir de ta tyrannie ?
Joüet d'une étrange manie ,
Suivrai-je tes pas dangereux ?
Fuis loin de moi , fatal Génie ,
Fuis avec ton cortege affreux.
Je vois la Rime , la césure ,
La Cadence , l'Expression ,
La périlleuse fiction ,
Le Goût , la severe Mesure ;
Monstres , que pour nous tourmenter
Dan
478 MERCURE DE FRANCE
Dans la folle ardeur qui t'anime ,
Qn, t'a vu jadis enfanter ,
Et qui , cherchant une victime ,
Sont encor prêts de m'immoler ,
A cette idole de fumée ,
Que l'on apelle Renommée.
Non, non , ne crois pas m'ébranleg
Par tes promesses magnifiques ,
Par ces honneurs problématiques ,
Ce bruit , cet éclat , ce renom ,
Et ces Couronnes chimériques ,
Dont ta fausse prévention
Flate nos travaux poëtiques ,
Et nourit notre ambition.
Triomphes vains , gloire inutile ;
Qu'un Censeur en bons mots fertile,
A souvent l'art d'anéantir ;
Que le Public toujours volage ,
Révoquant son propre suffrage
Est le premier à démentir.
Plus ferme dans son témoignage
L'équitable Posterité ,
Dans le rang qu'il a mérité ,
Place un Ecrivain d'âge en âge ;
Mais pour jouir d'un pareil sort ,
Il faut voir l'infernale Plage ,
Et la gloire est un héritage
Qu'on
MAR S.
479 1737.
Qu'on ne recueille qu'à la mort .
Peu touché d'un Laurier stérile ,
Je prétends jouir en repos
Des jours que la Parque me file ,
Et qu'encor respecte Atropos .
Dis-moi dans quel genre d'escrime
Faudroit-il donc me signaler
Quel essor doit prendre ma Rime ,
Et sur quel Mont dois- je voler ?
Du Parnasse j'atteins la cime.
Sur l'aîle de l'Ode sublime ,
Je m'éleve jusques aux Cieux.
Je chante un Héros magnanime ,
Son nom , ses Exploits glorieux ;
Fort bien. J'ai trouvé l'art suprême
D'ennuyer jusqu'au Héros même
Que je veux mettre au rang des Dieux .
Plus humble , avec moins d'énergie ,
Soupire la triste Elegie ;
Elle peut déplorer son sort ;
1
Mais le ton plaintif nous endort, 94 no ditu
Tytire , assis sur cette 'Rive , "
Et laissant errer ses Troupeaux , 4 d'i
Rend Amarillis attentive
Au doux son de ses Chalumeaux ;
Qu'il chante seul au pied des Hêtres,
Est-ce dans ce siècle effronté 12xvil 175 ca£ 2
Que l'on goûté des thoeurs chaffi perfes
*
LA
480 MERCURE DE FRANCE
La charmante simplicité ?
Rempli de la liqueur vermeille
Le Vaudeville en belle humeur ,
Tenant son verre et sa bouteille ,
Entraîne aisément un Rimeur ;
Sa vivacité nous réveille ,
Son enjoûment chasse l'ennui ;
J'irois volontiers sous la treille ,
Rire , chanter , boire avec lui ;
Mais qu'il bannisse la licence....
Dont nous allarme son ardeur ,
Et que ses Vers pleins d'innocence , a'st !
Du moins respectent la pudeur.
Que vois- je ? Qu suis-je ? La Satyre
M'aborde le masque à la main ;
Malgré le penchant inhumain
L'attrait qui nous porte à médire,
Elle n'a point sur moi d'empire ,
La perfide dans notre sein
Répand le fiel et l'amertume
Jamais on ne verra ma plume
Se souiller de son noir venin.
Si l'homme en erreurs est fertile ;
J'ai de l'indulgence pour lui.
Eh ! pourquoi les vices d'autrui
Allumeroient- ils notre bile?
Sans leur livrer de yains assauts ,
Songeons à combattre les nôtres,
་ ། id
5 eng
C
16 11 29105 :
Plus
MARS. 1737.
481
*
Plus nous connoissons nos défauts ,
Moins nous en trouvons chés les autres.
N'es-tu point las , Démon pervers ,
De m'offrir tant d'objets divers ??
Non ; ton orgueil encor m'amene
La respectable Melpomene ,
Son cortege est noble et nombreux ,
Elle paroît environnée
De Rois , de Héros malheureux ,
De qui la Troupe infortunée
L'attendrit et nourit ses pleurs ,
Du récit des plus grands malheurs.
De ses Disciples qu'on outrage ,
Je craindrois de subir le sort ,
Et si je puis , je veux du Port
Contempler toujours leur nauffrage.
Hélas ! je le dis ; mais Sethos , *
Séthos , tendre fruit de ma veine ,
Voudra-t'il , respectant sa chaîne ,
Me laisser goûter ce repos ?
Devois-tu lui servir d'organe ?
Si la Scene offre un jour ses traits ,
Quel bruit affreux ! que de sifflets !
J'en perds déja la tramontane ;
Mais quoi ! je suis à ta merci ,
Ton ascendant me tyrannise ,
* Tragédie de l'Auteur , qui n'a point encore
paru.Skan
Dij Et
482 MERCURE DE FRANCE
Et je sens bien , quoi que je dise
Que mon destin le veut ainsi ;
Car c'est enfin où se termine
La crainte de tous ces revers .
On se dépite , on se mutine ,
On tonne , et puis on fait des Vers.
EXPLICATION des Effets d'ung
Pendule extraordinaire.
1
Ette Pendule marque les Secondes;
Celle sonne les quarts ; elle est à
Equation , c'est- à- dire , qu'elle marque
l'heure vraye et l'heure moyenne par
deux aiguilles des minutes qui sont au
centre du Cadran des heures.
Celle qui montre l'heure vraye est
de cuivre doré avec une espece de
rayon pour la distinguer. Elle suit le
Soleil dans toutes ses variations , minutte
pour minutte et fait sonner l'heure vraye.
Celle qui montre l'heure moyenne
est d'acier ; celle - là suit le mouvement
reglé de la Pendule et s'accorde avec celle
des secondes et de l'heure .
Au- dessous du Cadran des heures , est
sun demi cercle où sont marqués les jours
des mois par une aiguille qui rétrograde
MAR 9. 1737. 483
de le dernier jour de chaque mois à minuit
et se remet au premier d'elle - même.
Dans la partie interieure de ce demi
cercle des jours des mois , est un cours
de Lune qui marque ses phases et son
âge , et qui ne differe au plus que de,
deux secondes du cours Astronomique
par chaque mois Sinodique.
49
La roue annuelle fait son tour en
365. jours , cinq heures 48. minutes 58 .
secondes de seconde , ce qui ne differe
qu'en très- peu de chose de l'année
Solaire , qui a quelquefois 365. jours
5. heures 45. 45. jusqu'à so . 51. minutés
et quelques secondes , plus ou moins .
Ainsi la roue annuelle fait à peu près
son tour dans le milieu des differentes
longueurs des années Solaires , ce qui
doit faire juger qu'il faudroit un temps
considérable pour s'apercevoir de la di
férence des mouvemens de la Pendule
et du cours du Soleil,
*
Cette roue fait varier l'aiguille du
temps vrai , par le moyen d'une courbe,
marque l'heure du lever et du coucher
du Soleil et le degré du Signe dans lequel
il est marque les jours et les mois
de l'année ; marque les 4. années communes
, d'où procede l'année Bissextile
qui fait que l'aiguille des jours des mois
D iij marque
484 MERCURE DE FRANCE
marque tous les 4 ans un mois de Février
de 29. jours.
İl y a indépendamment de cela une
sourdine , pour qu'elle ne sonne qu'à volonté
, sans que cela interrompe en aucune
façon le cours de la Pendule.
Tous ces effets se font sans charger le
roüage du mouvement , qui n'agit que
sur les aiguilles de l'heure , comme dans
une Pendule simple , c'est le rouage de
la sonnerie qui est le mobile de tous ces
effets et qui les produit toutes les fois
qu'elle sonne, c'est - à- dire de quart d'heure
en quart d'heure.
Ce qu'il y a de singulier et d'avantageux
dans l'Ouvrage , c'est que la Mécanique
en est si simple , que le moindre
Ouvrier , en la démontant , en connoîtra
sur le champ tous les ressorts ; au
lieu que quelques Pendules , faites à peu
près dans ce goût , sont si composées
qu'il n'y a souvent que l'Auteur qui
puisse y toucher ; article très- important
pour la durée et la solidité d'une Pendule
de quelque espece qu'elle soit.
•
Celle- ci se trouve chés le sieur Bastien
Horloger , à l'Abbaye S. Germain des Prés:
à Paris.
STANCES
MAR S. 1737. 489
Atetetett it Aetatetett
STANCES CHRETIENNES,
Tirées des Paroles de Saint Augustin :
Sero te amavi , &c.
ETTeerrnneellllee beauté , vive source de flamme ,
Dont la splendeur remplit et la Terre et les Cieux,
Digne objet des transports où se livre mon ame ,
Hélas ! pourquoi si tard brillez- vous à mes yeux ?
Que faisois-je , ô mon Dieu , dans quelle nuit
profonde ,
Esclave de mes sens , étois - je enseveli
Coupable adorateur des Idoles du Monde ,
Je mestois votre Nom et ma gloire en oubli.
De séduisantes fleurs couvroient le précipice ,
Où le coeur et l'esprit voloient aveuglement ,
Tous mes pas imprimés dans la fange du vice
Etoient pour moi, Seigneur, un long égarement.
Le bandeau sur le front , déplorable victime ,
Puis je encor y penser sans en frémir d'horreur
? )
Je croyois vous chercher au fond de cet abyme ;
Je me cherchois moi - même et j'aimois mon
erreur."
D iiij Dans
484 MERCURE DE FRANCE
marque tous les 4 ans un mois de Février
de 29. jours.
íl
y a indépendamment de cela une
sourdine , pour qu'elle ne sonne qu'à volonté
, sans que cela interrompe en aucune
façon le cours de la Pendule.
Tous ces effets se font sans charger le
roüage du mouvement , qui n'agit que
sur les aiguilles de l'heure , comme dans
une Pendule simple , c'est le rouage de
la sonnerie qui est le mobile de tous ces
effets et qui les produit toutes les fois
qu'elle sonne, c'est- à- dire de quart d'heu
re en quart d'heure.
Ce qu'il y a de singulier et d'avantageux
dans l'Ouvrage , c'est que la Mécanique
en est si simple , que le moindre
Ouvrier , en la démontant , en connoîtra
sur le champ tous les ressorts ; au
lieu que quelques Pendules , faites à peu
près dans ce goût , sont si composées
qu'il n'y a souvent que l'Auteur qui
puisse y toucher ; article très - important
pour la durée et la solidité d'une Pendule
de quelque espece qu'elle soit .
" Celle-ci se trouve chés le sieur Bastien
Horloger, à l'Abbaye S. Germain des Prés:
à Paris.
STANCES
MAR S. 1737. 489
Atetettet
STANCES CHRETIENNES,
Tirées des Paroles de Saint Augustin :
Sero te amavi , &c.
E-Ternelle Ternelle beauté , vive source de flamme ,
Dont la splendeur remplit et la Terre et les Cieux,
Digne objet des transports où se livre mon ame ,
Hélas ! pourquoi si tard brillez-vous à mes yeux ?
Que faisois- je , ô mon Dieu , dans quelle nuit
profonde ,
Esclave de mes sens , étois - je enseveli ?
Coupable adorateur des Idoles du Monde ,
Je mertois votre Nom et ma gloire en oubli
De séduisantes fleurs couvroient le précipice ,
Où le coeur et l'esprit voloient aveuglement ,
Tous mes pas imprimés dans la fange du vice
Etoient pour moi, Seigneur, un long égarement.
Le bandeau sur le front , déplorable victime ,
Puis je encor y penser sans en frémir d'hor◄
reur ? ).
Je croyois vous chercher au fond de cet abymez
Je me cherchois moi - même et j'aimois mon
erreur. "
D iiij
Dans
486 MERCURE DE FRANCE
Dans cette affreuse nuit quelques éclairs funebres
Venoient de temps en temps vous offrir à mes
yeux ;
Courbé sous mes liens, errant dans mes ténebres,
Mes timides regards se tournoient vers les Cieux.
Qu'un coeur est malheureux ! quand la Loi qui
le dompte
Etouffe les remords dont il est combattu ;
Quand il suit un penchant dont il connoît la
honte ,
Et qu'il se livre au vice en aimant la vertu !
Les plaisirs retenoient ma volonté captive ,
Et sans cesse m'offrant leurs charmes les plus
doux , 1
M'arrêtoient dans ma fuite, et d'une voix plaintive
.
Me crioient,. Augustin, peux-tu vivre sans nous?
Vous triomphez , Seigneur , je rends enfin les
armes ;
Je suis environné des plus vives clartés ,
Quel heureux changement ! mes yeux versent
des larmes ;
Je reconnois , j'adore et bénis vos bontés.
Dans mon coeur éclairé détruisez les Idoles
Qui ne vous ont que trop disputé mon encens ,
AviezMARS.
487 1737:
Aviez-vous donc formé leurs agrémens frivoles
Pour séduire ce coeur par l'organe des sens'?'
Non , mais des dons reçus , ces Idoles parées,
Ont armé contre vous leurs perfides attraits ,
Eh ! que sont leurs beautés aux vôtres comparées,
Que de foibles crayons de vos augustes traits !
Ces Ruisseaux échapés dont vous êtes la source ,
Etoient purs en sortant de la Divinité ;
Les ramener à vous , c'est fixer dans leur course
Le rapide torrent de leur fragilité.
C'est rendre avec usure au cristal de leur Onde
La pureté sans art qu'il tenoit de vos mains ;
Dans ces jours fortunés de l'enfance du Monde ,
Od tout rendoit hommage à vos droits sou
verains.'
Sacrifiez , Mortels , à ce Maître suprême
Les objets inconstans qui faisoient votre apui.
Allez à ses Autels vous immoler vous - même ;
L'Homme retrouve en Dieu tout ce qu'il perd
pour lui.
Par M. Poncy Neuville.
Ce 7. Mars 1737.
Ď V QUES
488 MERCURE DE FRANCE
QUESTION importante , jugée an
Parlement de Paris le 18. Janvier 1737.
' Il est dû des droits de vente aus
Seigneur , lorsqu'un Proprietaire >
qui n'est pas le Seigneur , donne à rente
fonciere stipulée non rachetable , une
Maison située dans la Ville et Faubourgs
de Paris ?
FAIT
T
Le 22 , Mars 1711. Charles Raisin ,
Maître Serrurier à Ressorts à Paris , et
Marie le Febvre , sa femme , acquirent
conjointement des Sieur et Dame Prévost
de la Prévostiere , une Maison sise
à Paris , rue du Fauxbourg S. Antoine ,
étant en la Censive du Roy , à cause de
sa grande Ghambrerie.
Dans le Contrat de vente plusieurss
conditions furent stipulées , entre autres ,
1º. de payer à l'avenir par les Acquereurs
, les Cens et Droits Seigneuriaux
qui pouroient être dûs. 2º . de payer
solidairement aux Vendeurs à perpétuité
aux quatre quartiers de l'àn accoûtumés
également scolivres de rente foncieres
MAR S. 1737. 489*
re de bail d'héritage amortie et non rachetable.
Pendant 21. ans ce Contrat échapa
aux recherches des Préposés au recouvrement
des Droits censiers et féodaux
apartenans au Roy. Quelque temps après
le sieur Jacques le Riche ayant acquis
la Charge de Receveur General des Domaines
, il fit assigner le 31. Décembre
1732. à sa requête Raisin et sa femme
en la Chambre du Domaine de Paris
pour se voir condamner à lui exhiber
feur Contrat d'acquisition , payer la
somme de 2533. liv . 15. sols pour les
Droits d'ensaisinement , lods et ventes ,
amende qui en pouvoient être dûs , aux
interêts de cette somme et aux dépens .
Par Sentence contradictoire , renduë
en la Chambre du Domaine le 13. May
173.3 . conformément aux Conclusions
de M. Dugué , Avocat du Roy , la veuve
Raisin fut condamnée au payement
de la somme à elle demandée , aux interêts
du jour de la demande , et aux
dépens.
La veuve Raisin interjetta apel de
Sentence au Parlement , et sur cet apel
les Parties ayant pris un apointement au
Conseil , l'affaire fut discutée avec beau
coup d'attention de part et d'autre.
D vj On
490 MERCURE DE FRANCE
On voit dans un Memoire imprimé ,
fait par M. Bellot , Avocat pour le sieur
le Riche , Receveur du Domaine , qu'il
réduisoit ses Moyens à deux proposi
tions generales.
La premiere consistoit à dire, que la
Rente dont il s'agissoit n'ayant ni la natu
re ni le privilege du surcens ou de la premiere
Rente Seigneuriale après le Cens,
étant au contraire créée et imposée sur
une Maison d'un des Fauxbourgs de Pa
ris , par un étranger à la Censive , étoit
sujette à rachat , quoique premiere après
le Cens , et stipulée non rachetable.
La seconde proposition étoit que la fa
culté qu'avoit la veuve Raisin de pouvoir
toujours racheter cette Rente , opéroit
une mutation dans la proprieté qui donnoit
ouverture aux Droits Seigneuriaux .
Pour démontrer la premiere proposition
, le sieur le Riche observoit d'abord
qu'il n'étoit question que de prendre le
vrai sens de la seconde partie de l'Article
121. de la Coûtume de Paris ; que
cet Article contient deux dispositions
l'une generale , qui en dérogeant à l'Article
120. assujettit indistinctement au
rachat toutes Rentes de bail d'héritages
sur les maisons de la Ville et Fauxbourgs
de Paris.
Ce
MARS. 1737. 495
Ce que dessus n'a lieu ( dit cet Article )
ès Rentes de Bail d'héritages sur maisons
assises en la Ville et Fauxbourgs de Paris
lesquelles sont à toujours rachetables.
L'autre disposition particuliere , qui
excepte de cette Loy generale du rachat
les premieres Rentes après le cens et
fond de Terre ; si elles ne sont ( ajoûte le
même Article ) les premieres après le cens
et fond de Terre.
Desorte que ( disoit le Receveur du Do
maine ) quiconque voudra servilement
s'attacherà la lettre de cette derniere dis
position , s'égarera au point de se figu-
Fer que c'est assés qu'une Rente assise
sur une maison de la Ville et Faubourgs
de Paris , ait été stipulée fonciere et non
rachetable , et se trouve par hazard la premiere
qui soit dûë après le Cens , pour
qu'elle soit dans le cas de l'exception de
la seconde partie de cet Article , et être
affranchie de la Loi generale du rachat;
mais , dit- il , il faut concilier l'esprit de
cet Article avec la Léttre.
Lorsque cet Article a été ajoûté par
les Réformateurs de la Coûtume , leur
objet a été de graver dans cette Coûtu
me les dispositions des anciennes Ordonnances
de nos Rois et la jurisprudence
des Arrêts intervenus depuis , et
de
492 MERCURE DE FRANCE
de pourvoir à l'ornement et à la décora
tion de la Ville Capitale du Royaume ,
en donnant aux Proprietaires de Maisons
une voye pour se liberer des Rentes imposées
sur leurs Maisons,et qui pouroient
les en dégoûter , ne aspectus urbis ruinis
deformetur.
Les Réformateurs n'ont excepté de
cette Loy generale du rachat les premieres
Rentes après le Cens , qu'à cause de la faveur
des Rentes Seigneuriales qui s'im
posent avec le Cens par le Seigneur direct
, pro reditu et emolumento dans le bail!
à Cens , et dont la modicité ne peut jamais
détruire le principe sur lequel las
Loy generale du rachat est fondée.
Or , disoit le Receveur du Domaine ,
la Rente dont la veuve Raisin s'est chargée
, n'est point imposée dans le bail a
Cens par le Seigneur direct du fond ;;
sa quotité n'est point assés modique ni
son objet assés favorable , pour qu'on
puisse l'assimiler à la premiere Rente
Seigneuriale et ne la pas regarder comme
étrangere à la Censive.
Celui qui l'a imposée n'étoit que simi
ple Proprietaire utile , chargé lui-même
du Cens envers le Seigneur direct ; la
Rente , loin d'être modique , comme la
premiere Rente Seigneuriale , est exorbitantes
MARS. 1737 .
493
bitante et onereuse , elle surpasse même
la valeur de la maison sur laquelle elle
est imposée ; les Acquereurs sont chargés
en outre de bâtir à neuf incessamment
à leurs frais et de leurs propres deniers un
des corps de logis de la maison , toutes
ces circonstances ne donnent d'autre idée
que celle d'une vraye vente , déguisée
sous le nom d'un bail à rente , abso
lument étranger à la Censive ; enfin elle
est , à la verité , stipulée non rachetable,
mais par une convention prohibée par
V'Ordonnance et la Coûtume , contraire
à un droit public , qui , malgré cette
stipulation , la rend perpetuellement sujette
à rachat , dès qu'elle est imposée
sur une maison des Fauxbourgs de Paris ,
assujettissement qui opere une mutation
de Proprietaire d'autant plus certaine ,
que le Vendeur s'est dessaisi lui - même de
rous ses droits de proprieté , en les cédant
par une clause expresse et en con
sentant que les Acquereurs en fussent
saisis et mis en possession .
: Pour établir la seconde proposition que
la faculté de pouvoir racheter la Rente fait
ouverture aux Droits Seigneuriaux , le Receveur
du Domaine disoit que de quelque
maniere que la mutation de Vassal ou
de Censitaire arrive dans la proprieté
d'un
494 MERCURE DE FRANCE
d'un fond sujet à la Directe du Seigneur,
soit par vente ou par Contrat équipollent
à vente , tel que le bail à rente rachetable
, le Droit du Seigneur est ouvert
et qu'il peut aussi - tôt exiger le payement
des droits de vente , sans être obligé
d'attendre que la rente soit rachetée.
Que le bail à rente dont il s'agissoit étoit
une véritable vente , et que la rente étoit
perpétuellement rachetable de sa nature,
nonobstant la stipulation contraire
qu'ainsi les droits de vente étoient dûs
pour cette mutation sans attendre le rachat
de la Rente,
M. Grifon , Avocat de la veuve Raisin,
dans le Memoire imprimé qu'il fit pour
elle , renferma sa défense dans deux propositions
La premiere , qu'il n'est pas dû de lods'
et ventes à cause d'un bail à Rente fonciere.
La seconde , que la Rente fonciere
dûë par la veuve Raisin , 'est la premiere
après le Cens:
Pour l'établissement de la premiere
proposition , la veuve Raisin disoit que
le bail d'un immeuble à la charge d'une
rente qui n'est pas stipulée rachetable ,
ne produit pas de lods et ventes au Seigneur
Direct dans la Coûtume de Paris ,
parce que ce Contrat n'est pas une vente
es
MARS. 1737. 495
et n'équipolie point à une vente , la rente
fonciere ne tenant point lieu de prix lors
qu'elle n'est pas stipulée non rachetable .
Il est seulement dû des Lods et Ventes
dans la Coûtume de Paris , à cause du
Bail d'un immeuble , à la charge d'une
rente , stipulée rachetable , suivant les
articles 13. et 78. parceque la stipulation
du rachat fait que la rente tient lieu de
prix , et que le Contrat équipolle à une
vente .
Le S. le Riche, ajoûtoit la Veuve Raisin
, n'a pû contester ces principes ; il
opose seulement que , suivant l'article
121. de la Coûtume de Paris , les rentes
de Bail d'heritages sur les maisons situées
dans la Ville et Fauxbourgs de Paris
, sont à toûjours rachetables ; d'où il
induit qu'il est dû des Lods et Ventes ,
à cause du Bail à rente d'une maison située
dans la Ville , ou dans un Fauxbourg
de Paris, quoique , par le Contrat,
la rente ait été stipulee non rachetable.
Mais cette prétention est mal fondée ;
les Baux à rentes foncieres , non rachetables
, n'ont été rendus sujets par la pas
disposition des Ordonnances et de la
Coûtume , aux droits de Lods et Ventes :
le Privilege accordé aux Habitans de Paris
de pouvoir racheter leurs rentes , ne
concerne
456 MERCURE DE FRANCE
concerne pas les droits des Seigneurs ,et
né doit pas tourner au préjudice des Habitans
, ni les assujettir à des droits Seigneuriaux
qui ne sont pas dûs , suivant
la nature des Contrats qu'ils ont faits .
Pour établir la seconde Proposition que
la rente en question n'étoit pas rachetable
, nonobstant la faculté accordée par
l'article 121. de la Coûtume , la Veuve
Kaisin observoit que cet article excepte
de la Loy générale du rachat les rentes
qui sont les premieres après le Cens ;
que dans l'espece , la rente dont il s'agissoit
étoit constamment la premiere après
le Cens , la maison n'étant chargée que
du Cens et de cette rente; que la Coûtume
, en exceptant de la faculté du rachat
les rentes qui sont les premieres après le
Cens , n'a pas limité cette exception aux
seules rentes dûës au Seigneur direct ,
qu'elle ne distingue point , et parle en
général de toutes sortes de rentes foncieres,
qui sont les premieres après le
Cens.
Les moyens respectifs des Parties
étoient encore soûtenus de beaucoup
d'autres reflexions , et de plusieurs préjugés
et autorités .
Les raisons de la veuve Raisin ont pré
valu sur celles du Receveur du Domai
ne
MARS. 1737. 497
ne , et par Arrest rendu en la Grand'
Chambre , au raport de M. Coste de
Champeron , Conseiller , le 18 Janvier
1737. La Cour a mis l'apellation , et ce
dont étoit apel au néant , émendant a déchargé
la Veuve Raisin des condamna
tions prononcées contr'elle , a débouté le
Receveur du Domaine de sa demande ,
et l'a condamné aux dépens.
Ceux qui ont cherché à pénétrer les
motifs de cet Arrest , ont pensé que la
Cour , en déboutant le Receveur du Domaine
de sa demande , n'avoit pas pour
cela jugé per consequentias que la rente
fut réellement non rachetable , mais seu
lement que le Seigneur ne pouvoit en ce
cas demander des Lods et Ventes , du
moins quant à present.
Mais l'opinion la plus générale du Pa
lais est que le Receveur du Domaine n'a
été débouté de sa demande , que parce
que la rente a été considerée comme non
rachetable , étant veritablement la premiere
après le Cens , et qu'autrement la
Cour n'auroit pas débouté le Receveur
du Domaine purement et simplement de
sa demande , qu'elle l'auroit seulement
declaré non recevable, ou débouté quant
present.
के
Ainsi cet Arrêt juge que le Seigneur
ne
98 MERCURE DE FRANCE
ne peut prétendre de droits de Lods et
Ventes lorsqu'une maison située dans la
Ville et Fauxbourg de Paris , est donnée
à rente fonciere, stipulée non rachetable,
et que la maison n'est chargée que du
Cens ordinaire et de cette rente.
****
L
CANTATE
Sur un Songe , imitée d'une Ode
d'Anacreon!
E Dieu qui des Amans seul adoucit là
peine ,
Morphée avoit sur moi répandu ses Pavots ,
Leur douceur suspèndoit les maux
Que me fait souffrir l'Inhumaine
apas divins m'ont ravi le repos. Dont les
Si ce Dieu que j'implore
N'étoit sensible à mes malheurs ,›
La Nuit , comme l'Aurore ,
Seroit témoin des pleurs
Que me font verser les rigueurs
De celle que j'adore.
Dieux ! quel objet ! Que vois-je ! Iris n'est
plus cruelle ;
Elle entend mes soupirs ; j'embrasse ses genoux.
Seg
MARS.
499
1737.
Ses yeux déposant leur couroux
Semblent annoncer à mon zele
Un fortuné moment .. Mais quelle voix m'ag
pelle ?
Cruels, pourquoi m'éveillez vous ?
Depuis que sous son empire
Iris me tient enchaîné ,
Mon amour d'un seul sourire
Ne fut jamais couronné.
De sa longue indifference ;
Un songe alloit me venger.
J'esperois . Un bruit leger
A détruit mon esperance,
Dieux , pouvez - vous envier
Un bonheur imaginaire
Ou croyez -vous trop payer
Les rigueurs de ma Bergere ?"
Des Essars.
LETTRE de M..... écrite à M.
l'Abbé Papillon , Chanoine de Dijon ,
au sujet d'un Ouvrage sur les Pseaumes
, &c.
R de réveiller , de piquer , de satis-
$ 3000.2
Ien n'est plus capable , Monsieur ;
faire la curiosité des Gens de Lettres, rien
de
Soo MERCURE DE FRANCE
de plus propre à faire honneur à votr
Patrie , que la Bibliotheque des Ecrivain
de Bourgogne , que vous nous faites es
perer depuis long temps , et que le Public
attend avec impatience . Cet Ouvra
est de soi- même interessant , et votre
réputation le fait desirer avec ardeur.
ge
Cependant , comme il est très difficile
que vous connoissiez tous les Livres composés
par des Bourguignons ; agréez , M.
que j'aye l'honneur de vous en indiquer
un , dont l'Auteur a dérobé la connois
sance à ses sçavans Confreres même , qui
se seroient faits un mérite de l'annoncer
dans leurs Mémoires . Voici comme il est
intitulé.
SCHOĻIĄ , seu breves Elucidationes
in Librum Psalmorum , ad usum et commodum
omnium qui Psalmos cantant vel reci
tant , ut que difficilia sunt intelligant. Adduntur
Scholia in Cantica Breviarii Roma
ni. Auctore Stephano Tiroux , Societatis
Fesu , Sacerdote. Lugduni , apud Marcel-
Jinum Duplain. M. DCC. XXVII
in- 8. pag. 455. sans l'Epître Dédicatoi
re , la Préface et les Tables.
L'Epître à M. Jean Bouhier , nommé
à l'Evêché de Dijon , est d'une grande
beauté , et le Lecteur auroit de la peine
se déterminer à qui cette Piece d'éloquence
MAR S.
1737. 3or
quence fait plus d'honneur , ou à l'Au
teur , ou à son illustre Mécene , et à la
docte Famille des Bouhiers.
. Dans la Préface l'Auteur fait sentir
Futilité de son Ouvrage , qui épargne
aux Sçavans , et à tous ceux qui sont
pour ainsi dire , accablés par leurs fonctions
ecclesiastiques , la peine de lire de
gros Commentaires, qui bien loin de donner
du goût pour la recitation du Pseautier
, sont capables de causer de l'ennui
et de la tiédeur à ceux même qui sont
les plus zelés pour l'Office Divin.
L'éloge que fait le Censeur de ce Livre
, exprime en deux mots tout ce que
je pourois dire de plus fort pour en conseiller
la lecture. Scholia hac digna mihi
visa sunt , quæ vel inter prastantissima lo
cum haud infimum obtineant. Après un pareil
témoignage , porté par un Docteur ,
dont le discernement , la probité et la
droiture sont universellement reconnus ,
peut- on encherir sur l'excellence de ce
Livre ? Il suffit de dire que c'est M. Ro
buste , de la Societé de Sorbonne.
Après la Préface on trouve un Abregé
de la Vie du R. P, Etienne Thiroux
a laquelle vous pouvez ajoûter , si vous
le jugez à propos, que ce sçavant et pieux
Jesuite , né en 1647, étoit Fils de Denis
Thi
302 MERCURE
DE FRANCE
ce
Thiroux et de N. Saulnier , alliée à la
Famille de Cipiere. Denis fut cinq fois
Vierg d'Autun , et Claude , son Fils , fut
honoré trois fois de cette Charge , qui
est ancienne et illustre dans Autun
qui est un témoignage authentique de
Festime et de l'amitié qu'avoient pour
MM . Thiroux , les Habitans qui font
l'élection du Vierg. Le Dictionaire Universel
ne fait point mention de cette Magistrature
, qui répond à celle de Maire ,
qu'on apelle Viguier en Languedoc . César
en parle honorablement au premier
et au septiéme Livre de la Guerre des
Gaules, et il donne à ce Magistrat le nom
de Vergobretus , d'où est venu celui de
Vierg , et peut être celui de Viguier, qu'on
fait dériver de Vicarius. Quelques - uns
disent que Vergobretus signifie Virgå fres
tus , mais cette étymologie n'est pas na
turelle . Paradin la prend de ces deux mots
Celtiques Verg et Bret , qui désignent le
Haut Exécuteur. D'autres la tirent d'un
ancien mot Gaulois qui signifie la Pourpre
, dont les Maires de Ville étoient revêtus
, commele sont encore aujourd'hui
les six Consuls du Puy en Velay. Ils
apuïent leur sentiment étymologique sur
un passage de Strabon au Livre iv. de sa
Géographie. Qui honores gestant , vestes
tinctas
MARS. 1737. 503
tinctas atque auro variegatas gestant .
Quoiqu'il en soit , il est constant que
du temps de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Citeïens , quoiqu'il ne fut qu'annuel .
A present on l'élit pour deux ans , et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Président
du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 .
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy
, et après avoir fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cir
constances de la Vie de ce pieux Jesuite,
E et
104 MERCURE
DE FRANCE
et en état de faire une Analyse de son
Commentaire sur les Pseaumes. Person
ne ne le peut mieux que vous , Monsieur
.
Outre cet Ouvrage si utile au Public ;
le pieux Auteur lui en a donné un autre
qui est très - édifiant . En voici le titre ;
DIRECTION
Spirituelle pour servir
de Regle à tous les Chrétiens qui veulent
sincerement leur salut , et acquerir la
perfection. A Lyon , chés Marcellin Duplain
1730. in- 8. de 379. pages.
Cet Ouvrage est divisé en cinq Parties
. Le P. Thiroux , après avoir prou
vé solidement que les Chrétiens sont
obligés de tendre à la Perfection Evangelique
, en expose les Principes et les
Maximes dans la premiere Partie de son
Livre.
Dans la seconde il traite de la Priere
que les Fidéles doivent faire chaque jour
de leur vie , et pour en faciliter la pra
tique, il ajoûte des Méditations pour tous
les jours de la Semaine .
Dans la troisiéme il parle de la Sainte
Messe , dont il explique les Paroles et
les Cérémonies . Il enseigne la maniere
d'y assister pour en retirer le fruit qui
Convient à une action aussi sainte.
Dans la quatriéme Partie il traite de
la
MARS. 1737.
505
la Confession et de la Communion et
dans la cinquiéme , des Retraites spirituelles
, qui sont de la derniere importance
pour ceux qui veulent acquerir la
perfection. On trouve dans cette derniere
Partie des Méditations pour une Recollection
, que ce sage Directeur conseille
de faire au commencement et à la
fin de l'année , et pour une Retraite annuelle
de huit ou dix jours.
Outre ces deux Ouvrages imprimés
le P. E. Thiroux en a laissé cinq autres ,
qui méritent de l'être .
1. La Vie de JESUS- CHRIST , tirée des
Quatre Evangelistes, avec des Reflexions
extraites des SS. Peres. En Latin.
2. Méditations pour tous les jours de
l'année. En François.
3. Methode d'une Retraite annuelle ,
conforme aux Exercices spirituels de S.
Ignace. En Latin.
4. Traité des Questions de Controverse
contre les Hérétiques. En François .
5. Commentaire sur le Nouveau Testament
, trois Volumes in fol. Chaque
page est partagée en neufcolonnes . Dans
la premiere, on voit le Texte Sacré Dans
la seconde , une Paraphrase très- exacte.
'Dans la troisiéme , diverses Leçons du
Texte. Dans la quatrième , des Senten-
E ij
ces
506 MERCURE DE FRANCE
ces choisies des SS. PP. sur chaque Ver
set de l'Ecriture. Dans la cinquiéme des
Notes Historiques . Dans la sixième, Chro
nologiques . Dans la septième , Critiques.
Dans la huitième, Théologiques , Dans la
neuvième enfin , une Table des Matieres à
l'usage des Prédicateurs. Ce grand Ouvrag
geest en Latin, et on peut dire que l'Auteur
s'est surpassé lui- même dans le Commentaire
sur les Epîtres de S. Paul. Le P.
Thiroux a employé trente ans à cet Ouvrage
immense , qu'on regarde comme
son chef d'oeuvre.
Nous sommes redevables de l'Edition
des deux premiers , imprimés à Lyon , au
R.P.Gabriël Thiroux , Jesuite , Neveu de
l'Auteur , qui auroit enrichi la Republique
des Lettres de l'Edition des cinq
Livres qu'on vient d'indiquer , sans les
Occupations indispensables dont sa Com
pagnie l'a chargé. Il a enseigné la Théologie
pendant plus de trente ans ; et M.
l'Evêque de Langres , convaincu de son
profond sçavoir , l'a enlevé au College
de Moulins en Bourbonnois , pour attirer
un plus grand nombre de Disciples
dans son Seminaire , qu'il vient d'établir
chés les Jesuites , par la réputation de ce
fameux Professeur.
C'est le P. Gabriel Thiroux qui est
Auteur
MARS. 1737. 507
Auteur de l'Epître Dédicatoire et de la
Préface , qui sont à la tête du Commentaire
sur les Pseaumes. C'est encore lui
qui a donné la Vie de son digne Oncle ;
et je vous crois , M , trop judicieux et
trop équitable pour que vous ayez la
pensée que ce Pere ait eu la moindre part.
à l'Eloge qu'on trouve à la fin de cette
Vie. Il n'a jamais demeuré à Lyon où
l'on a imprimé le Commentaite . Le P.
Deperier , qui s'étoit chargé de la révision
de cet Ouvrage , crût qu'il ne pouvoit
refuser un éloge au Neveu , qui
marchoit si rapidement sur les traces de
l'Oncle , et il l'ajoûta au bout de la Vie
du P. Etienne Thiroux , malgré la vio
lence qu'il prévoïoit devoir faire à la modestie
du P. Gabriel , dont je pourai vous
entretenir plus amplement . En attendant
j'ai l'honneur d'être avec respect , & c .
On a dû expliquer le Sonnet Enigmatique
et les Logogryphes du Mercure de
Février , par la Mappemonde , Rhinoceros,
Lazare , et Sanguis. On trouve dans le
premier Logogryphe, Rhin, Rhôni , Noir,
Rose , Rosier, Eche , Cône , Chien , Cire,
Heron, Honoré , Enoch, Noé , Sorin , Ino ,
Sorcier, Rhône , Oison , Ciron , Rein , Coré ,
E iij Cor
508 MERCURE DE FRANCE
> Car, Roc , Noier, Nice , Serin , Soie, Ire
Rien, Roi, Or , Soir , Nôce, cri , Sire , hoc ,
Crin . Et dans le troisième, Anguis , Sus ,
et Asinus.
S¹x
**********
ENIGM E.
Ix membres font mon nom , je suis de tout
Pays
L'injustice souvent préside à ma naissance ;
Si par un sort heureux, quelques- uns j'enrichis
J'en reduis un grand nombre à l'extrême indi
gence.
Redoute-moi , Lecteur , autant que le décès :
J'altere la santé , le repos et la bourse :
Et si tu ne m'éteins dans mon premier accès ;
Rarement pouras tu m'arrêter dans ma course.
LOGOGRYPHE.
J'Ai
'Ai dans mon ventre un air :
A mes deux côtés j'ai la note .
Lecteur , dois -je en être plus fier #
Solfier et chanter ne sont point ma marote.
AUTRE
MARS.
1737. 509
AUTRE.
Rois membres font mon tout . Voici leur
difference ;
Le premier vous designe une Ville de France ;
L'autre est un adjectif , un Saint , un Animal ;
Et le troisième enfin est un Ton musical.
En huit lettres un mot tous les trois les rassemble.
Pour vous faire trouver plus aisément inon nom ,
Je vous donne , Lecteur , ma définition.
Ma Soeur unique et moi marchons toujours ensemble.
Nous sommes de même âge et de même grandeur
;
Nos moindres mouvemens expriment la pudeurs
En tout l'une à l'autre ressemble ;
Chacune, nous avons à garder un bijou ,
Qui ne peut s'acheter de tout l'or du Perou ;
Dés qu'il est menacé de quelque coup perfide ,
Plus promptes que l'éclair nous lui servons
d'Egide.
Qui voudra maintenant nous anatomiser
Va trouver de quoi s'amuser.
D'abord le Successeur du premier des Apôtres
Ce qui sert d'envelope à tous les Animaux ,
A l'Homme même comme aux autres.
La Terre qui nourrit les Boeufs et les Chevaux .
E iiij Titre
510 MERCURE DEFRANCE
Titre de grand honneur en France , en Angleterre
.
Le nom que la Loy donne au mari de la mere.
L'innocente chasse aux Oiseaux.
La premiere femme gourmande.
L'endroit de la Riviere où s'arrête le Bac.
Un instrument utile aux Preneurs de Tabac.
Un Dieu du Paganisme : Une Ville Normande.
Ce qui charme l'ennui du Soldat , du Marin ,
Item , une grande Mesure.
J
Le
synonime de gageure.
Enfin le bon jour en Latin.
Par M. de B.... de Chartres.
AUTR E.
E parle sans avoir langue , ni voix , ni bouche
,
Pour cet effet, souvent il faut que l'on me touche,
Mais on ne le peut sans me voir
Et que je sois gris , rouge ou noir ,
Au monde nécessaire , utile ,
Je sers aux champs, comme à la Ville ;
Pour abreger , venons au fait ,
Afin
que tu sois satisfait',
Six pieds font mon allégorie ;
Avec cinq je suis tromperie ;
De plus un avertissement
D'un
MARS . Ski 1737.
B'an domestique surveillant .
En quatre je fais voir un rang sublime en France;
Dans un certain Païs , une haute Puissance;
Garactere au-delà de la perversité ;
Un instrument qui peut conserver la santé ;
Un second qui reduit en poudre
Ce que l'autre en fumée a pû faire resoudre;
Plus , contradiction , faisant un mécontent ;-
Qualité d'un mortel qui parle dureinent ,
Ou bien d'un autre encor recherchant la fortune ;'
De ces combinaisons , il en reste plus d'une .
Trois Villes j'entrevois , deux , portant même
nom ,
L'une au Comté d'Artois, l'autre au Païs Gascon,
En Flandres la derniere est Ville Episcopale ,
Et la troisiéme principale.
En combinant par trois on découvre aisément
Un Oiseau babillard ; un subtil élement ;
Le gardien d'un fruit nécessaire à la vie ;
L'extrême passion d'un mortel en furie ;
A quelques animaux je fournis d'aliment ;
Tu te lasses, peut- être , & Lecteur complaisant ,.
Patience un moment,en deux mots je m'explique :
Deux et trois pieds enfin, sont d'usage en Musique
;
Et combinant le tout avec facilité ,
De la Fable je montre une Divinité.
• Par M. de Glat.
E v NOUVEL
512 MERCURE DE FRANCE
*****:*******: ***
NOUVELLES LITTERAIRES,
R
DES BEAUX ARTS , &c.
ECUEIL DE LETTRES , Me
moires , et autres Pieces , pour servir à
l'Histoire de l'Académie des Sciences et
Belles Lettres de la Ville de Beziers. 1 , Vol.
in 4. A Beziers , chés la Veuve d'Etienne
Barbut. M. DCC . XXX VI
Joindre l'étude des Belles Lettres à
celle des Sciences , qui ont pour objet
toutes les Parties de la Physique , comme
font M M. de l'Académie de Beziers
, c'est travailler doublement à l'utilité
publique , et c'est à ce dernier objet
que devroient , ce semble , s'attacher
particulierement les Académies établies
dans differentes Provinces du Royaume,
sur- tout celles des Villes Maritimes , lesquelles
, par leur situation , sont plus à
portée que les autres de faire certaines
experiences , de sçavoir ce qui se passe
dans les Pays étrangers , par raport aux
Recherches de Physique , de travailler à
la perfection de la Navigation , &c.
L'Académie de Beziers , sans avoir
cet
MARS. 1737. 513
cet avantage particulier , n'est inferieure
à aucune des Académics de Provinces ,
qui cultivent les mêmes Sciences , et elle
mérite autant qu'une autre d'avoir un
Historien fidele , et une Histoire exacte
de ses travaux.
Le Public éclairé en jugera par les
Pieces curieuses qui composent ce Recueil
. Nous en aurions volontiers donné
un Extrait , si nous n'avions été prévenus
par MM. les Auteurs du Journal
de Trevoux , ce qui est un gain pour
le Public ; car on ne peut rien ajoûter ni
désirer sur ce sujet , après ce qui en est
dit dans l'Article C X X I. de leur Journal
du mois de Décembre dernier , premiere
Partie , page 2525.
,
LA PROMENADE de Saint Cloud , troisiéme
et derniere Partie. A Paris chés
Dupuis , Grand'Salle du Palais ; au Saint
Esprit. Brochure de 8. feüilles in- 12 .
MEMOIRES et Avantures de M. de P.
écrits par lui - même , et mis au jour par
M. Emery de Lifle , in- 12 . Brochure de
dix feuilles , en 2. Part, chés le même.
LA SECONDE et troisiéme Partie des
Mémoires Posthumes du Comte de D.B.
E vj avant
496 MERCURE DE FRANCE
concerne pas les droits des Seigneurs , et
né doit pas tourner au préjudice des Habitans
, ni les assujettir à des droits Seigneuriaux
qui ne sont pas dûs , suivans
la nature des Contrats qu'ils ont faits .
Pour établir la seconde Proposition que
la rente en question n'étoit pas rachetable
, nonobstant la faculté accordée par
l'article 121. de la Coûtume , la Veuve
Kaisin observoit que cet article excepte
de la Loy générale du rachat les rentes
qui sont les premieres après le Cens ;
que dans l'espece , la rente dont il s'agissoit
étoit constamment la premiere après
le Cens , la maison n'étant chargée que
du Cens et de cette rente ; que la Coûtume
, en exceptant de la faculté du rachat
les rentes qui sont les premieres après le
Cens , n'a pas limité cette exception aux
seules rentes dûes au Seigneur direct ,
qu'elle ne distingue point , et parle en
général de toutes sortes de rentes foncieres,
qui sont les premieres après le
Cens .
Les moyens respectifs des Parties
étoient encore soûtenus de beaucoup
d'autres reflexions , et de plusieurs préjugés
et autorités.
Les raisons de la veuve Raisin ont pré
valu sur celles du Receveur du Domaine
,
MARS. 1737 319
LETTRE d'un Mathématicien à un
'Abbé , où l'on fait voir 1 ° . que la matiere
n'est pas divisible à l'infini , 2º.Que
parmi les Etres créés, il ne sçauroit y
avoir d'infinis en nombre ni en grandeur.
3º. enfin , que les Métaphysiciens , qui
pensent autrement , abusent des Mathématiques
, et de leurs démonstrations ,
lorsqu'ils s'en servent pour apuyer leurs
opinions . A Paris , chés C. A. Jombert ,
Fue S. Jacques , au coin de la rue des
Mathurins. 1737. Brochure in 12.
DISSERTATION sur l'Hydropisie de
Poitrine , dans laquelle on s'attache à
prouver qu'il est toujours bon de prati
quer la ponction dans cette maladie , et
alle fest susceptible dans certains cas
de guérison radicale A Paris , chés Jacques
Guerin, Quay des Augustins, 1737.
in .- 1-2,
و ت
L'ART DE CONSERVER LES DENTS ,
Ouvrage utile et nécessaire , non seule
ment aux jeunes Gens qui se destinent.
à la Profession de Chirurgien Dentiste
mais encore à toutes les personnes qui
veulent avoir les Dents belles et nettes,
Par lo S. Geraudly , Chirurgien Dentiste
Valet de Chambre de S. A. S. M. le Du
d'Orleanc
$ 16 MERCURE DEFRANCE
d'Orleans , et seul Privilégié du Roy.
A Paris , chés Pierre G. Le Mercier ,
Imprimeur Libraire ordinaire de la Ville
, rue S. Jacques , au Livre d'or. 1737.
in.12 . de 161. pages, sans compter l'Epi
tre Dedicatoire , la Préface et la Table
des Chapitres.
>
La premiere feuille du second Tome
des Reflexions sur les Ouvrages de Littera
ture paroît chés P. Gissey , ruë de la
Vieille Bouclerie . On y distingue avanta .
geusement une nouvelle main . Cette
Feuille commence par quelques Reflexions
sur la Critique , pour faire connoître
le caractere de celle qui regnera
dans cet Ouvrage . La nécessité de la Cri
tique n'est point un Problême. pour les
Lecteurs judicieux . Elle est uniquement
contestée par un certain nombre d'Ecri
vains excessivement jaloux de leur ré
putation litteraire , et qui traitent de
crime tout ce qui peut y donner atteinre
.... A l'égard du ton qu'il faut
dre en critiquant , si l'on s'en raporte au
bon sens , qui est l'oeil de l'esprit, poursuit
l'Auteur , il faut proportionner le
ton à l'Ouvrage qu'on discute ; s'il est
sérieux ou dogmatique , les graces austeres
, le stile ferme et grave sont alors
prende
MARS. $737. 517
de saison , et rien ne seroit plus ridicule
que la démangeaison de plaisanter . Veuton
aprétier le mérite d'un Ouvrage d'esprit?
Les tours vifs et ingenieux , le seb
attique et les jeux de l'imagination doivent
assaissonner la Critique et les Louanges
. Mais le fiel et l'envie d'élever sa réputation
sur les ruines de celle d'autrui
ne doivent jamais se faire sentir. La probité
, la droiture du coeur , et la politesse
sont les plus beaux ornemens de la Critique.
Quelle étrange situation , continuë
Auteur , pour celui qui se livre à ce
dangereux métier ! La plupart des Lecteurs
veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et
hardis , des ironies legeres , des tours figurés
et expressifs , des saillies heureuses
, et même des parodies courtes , mais
fines , du Ridicule. Au contraire , l'Aureur
crie à l'injustice , se plaint qu'on
cherche à divertir le Public à ses dépens
, et vomit un torrent d'injures . Fautil
que , pour lui plaire , le Critique laisse
dormir son imagination , et s'expose au
danger certain d'ennuyer ses Lecteurs
par de tristes et froides reflexions ? En
vain donneroit- on ce conseil au Critique
s'il ne le suivroit pas , sçachant combien
18 MERCURE DE FRANCE
bien il est de son interêt d'égayer son'
discours. Mais on a droit de lui prescrire
une impartialité rigide , l'observation
des regles de l'honnêteté et de la bienséance
, et une sincerité qui ne se démentejamais.
Heureux , dit-on enfin , le
Critique qui ne fait jamais briller son
esprit aux dépens de son coeur!
TRAITE' du vrai Mérite de l'Homme,
consideré dans tous les Ages et dans toutes
les Conditions , avec des Principes
d'Education propres à former les jeunes
Gens à la vertu. Par M. le Maître de
Claville. Ancien Doyen du Bureau des
Finances de Koüen: 2. Vol. in - 12 . A Paris
, chés Saugrain , au Palais, à la Providence.
Voici la troisiéme Edition d'un Què
vrage que le Public a estimé dans les
précédentes. C'est cette estime qui a
engagél'Auteur de le refondre et del'aug
menter considérablement , ce qui fait
qu'au lieu de 542. pages d'impression
que la derniere Edition contenoit , celleci
en a 750. et pour ne pas la confondre
avec les précédentes , on la reconnoîtra
à un Paraphe qui a été mis au bas de la
premiere page de la Préface , parce , diton
dans l'Avis Préliminaire , que ce Li-
VIO
MARS. 1737.
rig
vre a été contrefait en plusieurs Villes
sur la premiere Edition . Celle - ci se vend
quatre livres reliée en deux Volumes.
Nous n'avons rien à dire sur un Ouvrage
déja si connu , si ce n'est que la
lecture de cette derniere Edition nous a
fait un nouveau plaisir , et que nous le
croyons très propre à former les moeurs ,
à orner l'esprit , et à concilier une agréable
Litterature , avec la connoissance et
la pratique des plus importantes verités
de la Religion . Ce n'est pas , au reste, un
petit éloge pour le Livre dont nous parlons
, que d'avoir mérité l'aprobation
d'un Sçavant Académicien , qui n'en a
donné lui-même que d'excellens.
*
CHILDERIC , Tragédie dédiée à la
REINE , representée à Paris pour la premierefois
le 19. Décembre 1736. par M.
de Morand, A Paris , chés Prault , fils ,
Quay de Conty , à la descente du Pont neuf,
la Charité. 1737.
Quoique nous ayons déja rendu compre
au Public de cet Ouvrage , nous nous
croyons cependant obligés d'avouer qu'il
nous est échapé quelques fautes dans .
*M. de Fontenelle.
l'Extrait
520 MERCURE DE FRANCE
l'Extrait que nous en avons donné . Com
me nous parlons ordinairement des Pieces
de Théatre avant qu'elles soient imprimées
et sur les Représentations que nous
en voyons , il n'est pas surprenant que ,
lorsque leur sujet et leur action sont un
peu chargés , nous ne les saisissions pas
aussi parfaitement qu'on peut le faire à
la lecture. Aussi nous nous flatons que
nos excuses doivent paroître plus que
légitimes à nos Lecteurs : il seroit à souhaiter
que les Auteurs s'en payassent de
même ; mais ces Messieurs ne sont pas ,
pour l'ordinaire si faciles à contenter ;
les plus legeres fautes deviennent trèsgraves
à leurs yeux , et , fussent elles
indifferentes pour leur Ouvrage , ils le
croyent aussi - tôt entierement dégradé.
Qu'ils nous permettent pourtant de leur
dire ici qu'ils ne doivent s'en prendre
qu'à eux mêmes , si nous n'offrons pas
PExtrait de leurs Pieces aussi parfaitement
qu'ils le souhaiteroient : nous les
avons souvent priés de nous le donner
eux-mêmes , nous chargeant seulement
d'y ajoûter les reflexions du Public. S'ils
vouloient bien prendre cette peine , nous
serions à couvert de leurs injustes reproches
, et leurs Ouvrages n'y perdroient
rien.
La
MARS. 1737. 503
tinctas atque auro variegatas gestant.
Quoiqu'il en soit , il est constant que
du temps de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Citons , quoiqu'il ne fut qu'annuel.
A present on l'élit pour deux ans , et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Prési¬
dent du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 .
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy
, et après avoir . fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cir
constances de la Vie de ce pieux Jesuite,
E et
490 MERCURE DE FRANCE
1
On voit dans un Memoire imprimé ,
fait par M. Bellot , Avocat pour le sieur
le Riche , Receveur du Domaine , qu'il
réduisoit ses Moyens à deux proposi
tions generales.
La premiere consistoit à dire, que la
Rente dont il s'agissoit n'ayant ni la natu
re ni le privilege du surcens ou de la premiere
Rente Seigneuriale après le Cens ,
étant au contraire créée et imposée sur
une Maison d'un des Fauxbourgs de Paris
, par un étranger à la Censive , étoit
sujette à rachat , quoique premiere après
le Cens , et stipulée non rache table.
! La seconde proposition étoit que la fa
culté qu'avoit la veuve Raisin de pouvoir
toujours racheter cette Rente , opéroit
une mutation dans la proprieté qui -donnoit
ouverture aux Droits Seigneuriaux.
Pour démontrer la premiere proposition
, le sieur le Riche observoit d'abord
qu'il n'étoit question que de prendre le
vrai sens de la seconde partie de l'Article
121 , de la Coûtume de Paris ; que
cet Article contient deux dispositions
l'une generale , qui en dérogeant à l'Article
120. assujettit indistinctement au
rachat toutes Rentes de bail d'héritages
sur les maisons de la Ville et Fauxbourgs
de Paris.
f }
Ca
MARS. 1737. 49T
Ce que dessus n'a lien ( dit cet Article )
ès Rentes de Bail d'héritages sur maisons
assises en la Ville et Fauxbourgs de Paris ;
lesquelles sont à toujours rachetables.
L'autre disposition particuliere , qui
excepte de cette Loy generale du rachat
les premieres Rentes après le cens et
fond de Terre ; si elles ne sont ( ajoûte le
même Article ) les premieres après le cens
et fond de Terré..
Desorte que ( disoit le Receveur du Do
maine ) quiconque voudra servilement
s'attacherà la lettre de cette derniere dis
position , s'égarera au point de se figu-
Fér que c'est assés qu'une Rente assise
sur une maison de la Ville et Faubourgs
de Paris , ait été stipulée fonciere et non
rachetable, et se trouve par hazard la premiere
qui soit dûe après le Cens , pour
qu'elle soit dans le cas de l'exception de
la seconde partie de cet Article , et être
affranchie de la Loi generale du rachat;
mais , dit- il , il faut concilier l'esprit de
cet Article avec la Léttre.
Lorsque cet Article a été ajoûté par
les Réformateurs de la Coûtume , leur
objet a été de graver dans cette Coûtu
me les dispositions des anciennes Ordonnances
de nos Rois et la jurisprudence
des Arrêts intervenus depuis , et
de
$ 24 MERCURE DE FRANCE
1
Jesus , nous a donné un excellent Livre
intitulé l'Importance du Salut . L'Abbé de
Villiers un autre Ouvrage , qui a pour
titre Les Egaremens des Hommes dans la
Voye du Salut.. Il ne restoit plus pour
achever de traiter une Matiere si im.
portante à la Religion , que de publier
les Obstacles de la Penitence , excellent
Traité , composé originairement en An
le glois , et traduit en notre Langue par
R.P. de Mareuil , de la même Compagnie
, avec cette habileté dont il a déja
donné plus d'une preuve.
Afin que le Lecteur puisse tirer un
plus grand fruit des lectures qu'on lui
presente ici , le pieux Traducteur a jugé
à propos de terminer chaque Chapitre
par un Entretien intérieur qui en renferme
le précis , avec une Prière conforme
à ce qu'il contient. C'est , dit- il , en
joignant ainsi la Priere à la lecture , que
nous engageons Dieu à verser sur nous
l'abondance de ses graces.
A l'égard des Lettres de S. Eucher et
de S. Augustin , et des Soupirs d'une Ame
Penitente , &c. Ouvrages annexés par
nôtre Auteur aux Obstacles de la Peniten
ce , ils tendent tous au même but , et il a
grande raison d'esperer , pour nous ser
vir de ses termes , qu'ils produiront les
mêmes
MARS . 1737. 525
mêmes fruits de bénediction : d'autant
plus que les Auteurs de ces Ouvrages
consommés dans la science des Saints
ont été eux mêmes des Modéles de la
Sainteté Evangelique.
Il est inutile de s'étendte sur le mé
rite de ce Livre. M. de Marcilly , qui lui
a donné son Aprobation , dit beaucoup
en peu de paroles , en déclarant que
POuvrage lui a paru solidement composé
, et capable de faire de vives impressions
sur les Pécheurs les plus éloignés
du salut.
ABEN MUSLU , ou les vrais Amis. Histoire
Turque , qui renferme un détail
interessant des Intrigues du Sérail , sous
le Regne d'Ibrahim , et les veritables
causes de sa mort ; le Couronnement de
Mahomet IV. les motifs de la Guerre
de Candie , et le Siége mémorable de
cette Ville . 2. Vol. in- 12 . A Paris , chés
Prault , Pere , Quay de Gêvres au Pa-j
radis. 1737 .
LAMEKIS , ou les Voyages extraordi
naires d'un Egyptien dans la Terre inrérieure,
avec la découverte de l'isle des
Silphides , par M. le Chevalier de Monby.
4. Volumes in - 12 . A Paris , chés
Poilly
484 MERCURE DE FRANCE
marque tous les 4 ans un mois de Février
de 29. jours.
il y
indépendamment de cela une
sourdine , pour qu'elle ne sonne qu'à volonté
, sans que cela interrompe en aucune
façon le cours de la Pendule .
Tous ces effets se font sans charger le
roüage du mouvement , qui n'agit que
sur les aiguilles de l'heure , comme dans
une Pendule simple , c'est le rouage de
la sonnerie qui est le mobile de tous ces
effets et qui les produit toutes les fois
qu'elle sonne, c'est- à- dire de quart d'heu
re en quart d'heure.
Ce qu'il y a de singulier et d'avantageux
dans l'Ouvrage , c'est que la Mécanique
en est si simple , que le moindre
Ouvrier , en la démontant , en connoîtra
sur le champ tous les ressorts ; au
lieu que quelques Pendules , faites à рец
près dans ce goût , sont si composées
qu'il n'y a souvent que l'Auteur qui
puisse y toucher ; article très - important
pour la durée et la solidité d'une Pendule
de quelque espece qu'elle soit.
Celle-ci se trouve chés le sieur Bastien
Horloger , à l'Abbaye S.Germain des Prés
à Paris.
STANCES
MARS. 1737. 527
les regler avec justesse . Par M. Henry Sully
, Horloger de M. le Duc d'ORLEANS ,
de la Societé des Arts. Nouvelle Edition ,
et augmentée de quelques Mémoires sur
Horlogerie. Par M. Julien le Roy , de la
même Societé. 1. Vol. in 8. A Paris , chés
Greg. Dupuis , ruë S. Jacques , à la Cou
ronne d'Or. M. DCC. XXXVII, avec
plusieurs Figures.
AVANTURES de Don Ramire de
Roxas et de Dona Leonor de Mendoce ,
tirées de l'Espagnol , par Madame L. G.
D. R. 2. vol. in 12. A Paris , chés André
Cailleau , Quay des Augustins , au
coin de la ruë Gist-le- coeur , 1737•
SECONDE LETTRE du R. P. Pois
SON , Provincial des R R. P P. Cordedeliers
de la Grande Province de France .
aux Convents , Abbayes et Monasteres de
sadite Province , sur la Mort du REVE
RENDISSIME P. GENERAL.
, Sous le titre modeste de Lettre le
R. P. Poisson nous présente ici un grand
Ouvrage , non- seulement à cause de son
étendue , car la Lettre est divisée en deux
Parties assés considérables , mais encore
à cause des grands détails d'une rare érudition
, dans lesquels l'Auteur a trouvé
F à
$ 28 MERCURE
DE FRANCE
, à propos d'entrer. Le sujet le comportoit
assés , car que ne peut- on pas dire , et
que ne devoit pas dire un Religieux
aussi sçavant que pieux , chargé d'ailleurs
par la Supériorité
de son Ministere , de
ne laisser échaper aucune occasion d'instruire
sur la nécessité de la mort et sur
la réalité de l'autre vie ? Nous sommes
fâchés que les bornes qui nous sont pres
crites ne nous permettent
pas de donner
un Extrait suivi d'un Ouvrage , qui
est comme inondé de ce grand fleuve de
Littérature , dont nous avons déja parlé ,
au sujet d'une autre composition
du R.P.
Poisson . D'ailleurs nous avons été prévenus
par d'autres Journalistes
qui ne
nous laissent presque rien à dire sur celleci.
Kemercions
cependant
l'Auteur de
nous avoir apris bien des Particularités
Litteraires , qu'il est bon de ne pas igno
rer ; par exemple , p. 41. que la Capitale
de l'Espagne étoit autrefois apellée
Mantone , et que quand les Maures y eu
rent établi leurs plus celebres Ecoles , ils
lui donnerent le nom de Madrid , qui en
leur Langue , dit le P. Poisson , d'après
Tirin , sur le 1. Ch . du Liv . des Juges
v. 11. signifie la Ville des Lettres, on la
Mere des Sciences. Il faut , pour le dire
en passant , que ce nom moderne ait été
étrangè
MARS.
529
1737-
étrangement corrompu de l'Arabe , puisqu'on
n'y voitaucun vestige de cette Langue.
Mais Tirin ne s'est - il point trompé ?
Notre Auteur accable d'un torrent
d'Erudition et de Citations , ceux qui seroient
assés malheureux pour ne pas croire
l'Ame immortelle et les suites de cette
immortalité . L'autorité de Marsile - Ficin
, entre autres , est très- bien employée
à la page 53. mais on a omis l'expression
singuliere et énergique de ce Sçavant au
sujet de l'Ame , qu'il apelle Caracter_expressus
ex matrice Divinitatis.
ERASMI FRELICH, Societatis Jesu,
Quatuor Tentamina in re Nummaria vetere
, & c. Essais du P. E. Frelich , sur les
Médailles. A Vienne en Autriche , in 4.
HISTOIRE et Description generale
du Japon , où l'on trouvera tout ce qu'on
a pû aprendre de la Nature et des Productions
du Pays , du Caractere et des
Coûtumes des Habitans , du Gouverne
ment et du Commerce , des Révolutions
arrivées dans l'Empire et dans la Religion
; et l'examen de tous les Auteurs
qui ont écrit sur le même sujet ; avec les
Fastes Chronologiques de la Découverte
du nouveau Monde , enrichie de figures
Fij en
536 MERCURE DE FRANCE
1
enTaille-douce. Par le R.P.de Charlevoix,
de la Compagnie de Jesus. 2. vol . in 4.
de plus de 600. pages chacun. A Paris ,
chés Julien Michel Gandonin , Quay de
Conty , J. B. Lamesle , ruë de la vieille
Bouclerie , P. F. Giffart , rue S. Jacques ,
Rollin , fils , et Nyon , fils , rue du Hurs
poix 1736.
Après l'Epitre Dédicatoire au Cardinal
de Fleury , suit un Avertissement , dans
lequel l'Auteur s'exprime ainsi : J'ai peu
de chose à dire en particulier au sujet de
cette Histoire , qui n'est pas mon premier
Essai sur le Japon , si ce n'est que
j'ai éprouvé en y travaillant , combien
il est malaisé de refondre et de perfectionner
un Livre qu'on a fait dans sa jeunesse
, et dont on aime jusqu'aux défauts
qui se ressentent le plus de cet âge , 11
semble que les Auteurs ont pour les
premieres Productions de leur esprit les
mêmes foiblesses qu'on remarque dans
les Peres pour les Enfans qui leur sont
nés dans un âge avancé . S'ils conviennent
en general de leurs imperfections ,
ils ne les trouvent pas toujours telles ,
quand on vient au particulier et au détail
. Seroit- ce que par un effet de cet
amour propre qui naît avec nous, et qui
ne meurt qu'avec nous, les uns sont flatés
d'être
MARR S. 1737.
331
d'être encore Peres , et les autres d'être
déja Auteurs dans un âge où il n'est pas
ordinaire de l'être ? Mon dessein est ,
poursuit- il plus bis , qu'on trouve ici de
quoi s'édifier et de quoi s'instruire , de
quoi nourrir sa pieté , et de quoi se remplir
l'esprit de connoissances utiles ; j'y
ai même de temps en temps ménagé de
quoi se délasser de l'attention que demande
une lecture sérieuse.
Cet Ouvrage est déja fort connu par
les Extraits très- bien détaillés que les
Journalistes en ont donné, sur tout pour
ce qui regarde la Découverte du Japon ,
les Révolutions arrivées dans cet Empire
, dans la Religion , &c. Nous allons
tâcher de raporter quelques Morceaux
qui puissent interesser le Lecteur
Gurieux sur l'Histoire Naturelle le
Commerce et les Arts . Au reste rien
n'est épargné pour l'impression de ce
Livre , papier , Caracteres , Planches en
Taille douce ingénieusement dessinées ,
proprement gravées et en grand nombre,
tout répond à la beauté , à la solidité de
F'Ouvrage.
On trouve dans les Montagnes de
Tisugar ou de Tisugaru , situées à une des
extrémités Septentrionales du Japon , des
Agates de differentes especes . Il y en a sur
Fij tour
$32 MERCURE DE FRANCE
tout de fort belles , d'une couleur bleuâtre
et assés semblables au Saphir. Il y a
au même endroit des Cornalines et du
Faspe. Les Côtes de l'Isle de Xicoco , sont
remplies d'Huîtres et de Coquillages qui
renferment des Perles , dont les Japonnois
ont été long- temps sans faire aucun
usage. Ce sont les Chinois , qui en les
achetant fort cher , leur en ont fait connoître
le prix , on en trouve encore ailleurs.
Les plus grosses et les plus belles
sont renfermées dans une Huitre apellée
Akoja , qui ressemble assés aux Coquilles
de Perse. Elle est à peu près de
la largeur de la main , mince , frêle ,
unie et luisante en dehors ; un peu´ raboteuse
et inégale en dedans ; d'une couleur
blanchâtre , éclatante comme la Nacre
de Perle ordinaire , et difficile à ouvrir
. On ne voit de ces Coquilles qu'aux
environs de Saxuma et dans le Golfe
d'Omura , où les Chinois et les Tunquinois
en achetent tous les ans pour 300.
taëls. On assure qu'elles ont une qualité
prolifique , et que si l'on met quelques- .
unes des plus grosses dans une boëte avec
un certain fard du Japon , fait d'une
autre sorte de Coquille apellée Takaraga,
on voir naître une ou deux petites Peres
à côté de chacune , et que quand elles
sont
MARS.
533
1737
sont parvenuës à maturité , ce qui arrive
au bout de trois ans , elles se détachent
d'elles-mêmes. Mais ces Perles sont fort
fares , et ceux qui en ont les gardent
précieusement. J'ai vu dans plusieurs Relations
, continuë l'Auteur , qu'un trèsgrand
nombre de Perles du Japon sont
rouges. Les Auteurs les plus récens ne
parlent point de leur couleur ; mais Marc
Paul de Venise dit positivement qu'on
ý en voit de rouges de figure ronde , qui
sont très- estimées .
Les Mers du Japon produisent une
très-grande quantité de Plantes Marines ,
d'Arbrisseaux , de Coraux , de Pierres
singulieres , d'Eponges et de Coquillages
de toutes les sortes , qui ne le cedent
point en beauté à tout ce qu'on voit en ce
genre dans l'Isle d'Amboine et dans les
Moluques , mais les Japonnois en font
si peu d'estime qu'ils ne veulent pas même
se donner la peine de les chercher ;
et s'il s'en rencontre par hazard dans
les filets des Pêcheurs , ils les portent au
plus proche Temple de Febis , qui est le
Neptune du Japon , comme une offrande
qu'ils jugent lui être agréable , ou
comme un tribut qu'ils s'imaginent lui
devoir rendre des productions les plus
rares de l'Element auquel il préside .
Fiiij On
334 MERCURE DE FRANCE
On avoit assuré l'Auteur qu'il ne se
faisoit point de Porcelaine au Japon et
que celle qu'on connoît en Europe
sous ce nom , et qui est si estimée , se
faisoit à la Chine pour les Japonnois qui
l'y venoient acheter. Il est certain , ajoûte-
t'il , qu'ils y en achetent beaucoup ,
mais il ne l'est pas moins , que celle qui
porte le nom du Japon , se fabrique dans
le Figen , la plus grande des neuf Provinces
du Ximo. La matiere dont on la
forme est une argile blanchâtre , qui se
tire en grande quantité du voisinage d'U
risiino et de Suwota , sur les Montagnes
qui n'en sont pas fort éloignées , er en
quelques autres Endroits de cette même
Province. Quoique cette argile soit naturellement
fort nette , il faut encore la
pétrir et la bien laver avant que de la
rendre transparente , et l'on assure que
ce travail est si pénible , qu'il a fondé
un Proverbe , qui dit que les os humains
sont un des ingrédiens qui entrent dans
la Porcelaine. Je n'ai pu rien aprendre
davantage sur la fabrique de cette précieuse
Vaisselle. Elle ne differe pas beaucoup
de celle de la Chine.
On convient que l'ancienne Porcelaine
du Japon est plus estimée que celle de
la Chine , et mérite cette préference ,
sur
MARS. 1737. 535
sur tout par ce blanc de lait , qui lui est
particulier. Celle d'aujourd'hui a un peu
dégeneré. On croit que le secret de préparer
la matiere s'est perdu en partic.
Les Maisons sont fort basses , elles ont
rarement deux étages ; ce sont les tremblemens
de terre , si fréquens au Japon ,'
qui obligent de bâtir ainsi , mais si ces
Maisons ne sont pas comparables aux
nôtres pour la solidité ni pour l'élevation
, elles ne leur sont inférieures ni
pour la propreté ni pour la commodité ,
ni pour un certain agrément que les Japonnois
donnent à tout ce qu'ils font.
Presque toutes sont bâties de bois . Le
premier plan ou le rez - de - chaussée
est élevé de quatre ou cinq pieds , pour
éviter l'humidité ; car il paroît qu'en ce
Pays -là on ne connoît point l'usage des
caves , & c.
Les plus belles Vaisselles de Porcelaine;
ces Cabinets , ces Coffres si estimés et si
précieux , qui se transportent avec tant
de soin , ne servent point pour orner lest
Apartemens où tout le monde est reçû ;
on les tient dans des lieux sûrs construits
exprès contre les accidens du feu
et les incendies , où l'on n'admet que les
Curieux et les meilleurs amis .
Les deux Apartemens qui divisent le
corpss Fv
536 MERCURE DE, FRANCE
corps de la Maison , consistent en plu
sieurs Chambres séparées par de simples
cloisons , ou plutôt par des especes de
paravents , qu'on peut avancer ou recu-
Jer comme l'on veut ; ensorte que les
Chambres s'élargissent ou se retrécissent
selon le besoin . Les portes des Chambres
et les cloisons sont couvertes de papier ,
même dans les Maisons les plus magnifiques
; mais ce papier est orné de fleurs
d'or ou d'argent , quelquefois de peintu
res , dont le plafond est toujours embelli
; en un mot il n'y a pas un coin dans
la Maison qui n'offre quelque chose de
riant et de gracieux ; aussi peut- on dire
qu'en cela , comme en toute autre chose,
ces Insulaires ont conservé plus que tous.
les autres Peuples , le vrai goût de la
Nature , et qu'ils ont bien plus songé à
l'embellir , qu'à lui substituer l'Art , ou
la rendre méconnoissable par l'artifice
au reste , toute cette amenité coûte
peu ;
on ne se sert d'aucuns matériaux qui ne se
trouvent sur les lieux et qui ne soient
à un prix fort modique .
Cette maniere de disposer les Apar
temens , rend les Maisons plus saines ;
premierement , parce que tout est bâti
de bois de Sapin et de Cédre ; en second
lieu les fenêtres sont ouver
> parce que
tes
MARS. 1737. 537
tes de telle façon , qu'en changeant les
cloisons de place , on y donne un passage
libre à l'air . Le toît , qu'on couvre de
planches ou de bardeau , est soutenu de
grosses poutres; et quand la Maison a deux
étages , le second est , pour l'ordinaire, bâti
plus solidement que le premier. On a
reconnu par experience que l'Edifice en
résiste mieux aux tremblemens de terre.
On répand sur tout le dehors de la Maison
plusieurs couches de vernis ; les toits
même en sont couverts. Ce vernis est
relevé de Dorures et de Peintures . Les
fenêtres sont chargées de Pots de fleurs, et
il y en a pour toutes les Saisons , sion en
croit François Caron : mais quand les
naturelles manquent , on y suplée par
les artificielles. Tout cela fait un effet
qui charme l'oeil , s'il ne le contente pas
autant que feroit une belle Architecture.
Les Maisons sont encore ornées de
Pots de fleurs , qu'on a soin de changer
selon la saison , d'entrelasser avec des
branches , et de disposer avec un art et
un goût infini ; de Cassolettes d'airain ,
ou de cuivre , jettées en moule dans la
forme d'une Grue , d'un Lion , ou de
quelqu'autre Animal rare , et toûjours
d'un travail exquis ; et de quelques pie-
F vj
ces
38 , MERCURE DE FRANCE
ces d'un bois rare , dont les veines et les
couleurs sont admirables , et disposées
d'une maniere qui surprend , soit qu'el
les soient une production de la nature, ou
un effet de l'art. Quelquefois ces pieces
de bois n'ont de remarquable que leur
et quelque jeu bizarre de la
figure ,
Nature.
La Vaisselle , les Porcelaines et les au
tres ustencilles , rangées sur le plancher
dans un très - bel ordre , font un ornement
considérable .
Mais ce qu'on trouve dans les grandes
Maisons , et dans les plus belles Hôtelleries
de plus curieux , et de plus frapant,
ce sont les Jardins. Il n'est personne de
tous ceux qui en ont parlé , qui ne convienne
qu'on ne se lasse jamais d'en admirer
la beauté , là magnificence et le
goût. Ils occupent tout l'espace qui est
derriere la maison , et ils sont de la même
longueur , ordinairement quarrés , et
murés à la maniere des Citernes ; ce qui
donne lieu de croire que le terrain en est
creusé à quelque profondeur. On y-descend
par une galerie , au bout de laquel
le il y a un Bain et une Etuve ; car les
Japonnois ont la coutume de se baigner,
ou de se faire suer tous les soirs.
Une partie du Jardin est pavée de
pierres
MARS. 1737. 497
é , et par Arrest rendu en la Grand'
Chambre , au raport de M. Coste de
Champeron , Conseiller , le 18 Janvier
1737. La Cour a mis l'apellation , et ce
dont étoit apel au néant,émendant a déchargé
la Veuve Raisin des condamna
tions prononcées contr'elle , a débouté le
Receveur du Domaine de sa demande ,
et l'a condamné aux dépens.
›
Ceux qui ont cherché à pénétrer les
motifs de cet Arrest , ont pensé que la
Cour , en déboutant le Receveur du Domaine
de sa demande , n'avoit pas pour
cela jugé per consequentias que la rente
fut réellement non rachetable , mais seu
lement que le Seigneur ne pouvoit en ce
cas demander des Lods et Ventes , du
moins quant à present.
Mais l'opinion la plus générale du Pa
lais est que le Receveur du Domaine n'a
été débouté de sa demande , que parce
que la rente a été considérée comme non
rachetablę , étant veritablement la premiere
après le Cens , et qu'autrement la
Cour n'auroit pas débouté le Receveur
du Domaine purement et simplement de
sa demande , qu'elle l'auroit seulement
declaré non recevable , ou débouté quant
present.
के
Ainsi cet Arrêt juge que le Seigneur
ne
340 MERCURE DE FRANCE
Ponce , sans qu'il y ait dessus aucune
terre , pourvû que la racine soit toûjours
dans l'eau . Le petit Peuple en plante souvent
de cette espece devant les portes
des Maisons.
par
Les chemins , et jusqu'aux plus petites
routes , sont plantés des deux côtés
de Sapins , ou d'autres pareils arbres , qui ,
leur ombre , sont pour les Voyageurs
d'une grande commodité , et d'un grand
agrément : à quoi il faut ajoûter qu'il se
rencontre par- tout des Fontaines , qui
entretiennent l'air dans une grande fraî
cheur. Pour ce qui regarde la propreté
des chemins , on y aporte des soins qui
passent tout ce qui se pratique en cela
dans les Païs le mieux policés. On y a
creusé des fossés et des canaux pour en
faire écouler les eaux dans les terres basses
, qu'elles fertilisent , et on y a élevé
des digues , pour arrêter celles qui , tombant
des montagnes , ou des autres lieux
élevés , pouroient causer des inonda
tions.
Tous les jours on netoye les chemins ,
et lorsque quelque Personne de grande
considération doit y passer , des hommes
gagés vont devant pour voir st
tout est en bon état . Les Seigneurs trouvent
toûjours , de trois en trois lieuës ,
des
MARS. 1737. 548
des Cabinets de verdure dressés exprès
pour eux , où l'on a ménagé de petits
réduits pour leur commodité et pour
leur besoin.
Outre les Hôtelleries , on rencontre
par-tout , jusqu'au milieu des Bois , de
petits cabarets où l'on trouve tout ce
qui est nécessaire à la vie , &c. Mais tous
les gîtes , dit l'Auteur , sont infectés d'une
vermine , dont il n'est pas aisé de se
garantir. Ce sont des Courtisannes , qui
font presque autant de lieux de débauches
, de tous les Cabarets et de toutes
les Hôtelleries , sur tout dans les petits
- Bourgs , et les Villages de l'Isle Nipon
-sur le midi ; lorsque ces malheureuses
ont achevé de s'habiller et de se peindre,
elles vont se mettre aux portes des mai-
-sons , ou sur les parapets couverts , elles
invitent effrontément les passans à préférer
leur Hôtellerie aux autres ; il arrive
même souvent qu'à force de crier et
de se quereller , elles font un tintamare ,
dont toutes les campagnes voisines retentissent.
On raporte l'origine de cet
affreux désordre à forithomo , le premier
des Cubo - Samas , qui usurpa sur les
Dairys la souveraine puissance. Ce Général
, dit - on , craignant que ses Soldars
, fatigués de ses longues et pénibles
expéditions
542 MERCURE DE FRANCE
expéditions , ne l'abandonnassent , songea
à les retenir sous ses Enseignes , › en
leur procurant par tout le passage de ses
Armées , de quoi adoucir leurs fatigues' ,
et les dédommager des plaisirs légitimes ,
dont il les retenoit si long- tems privés ,
et il imagina cet infame commerce. Il
y en a encore un autre établi dans des
maisons publiques , plus infames que
celui- ci , dont nous n'osons parler.
Les Querelleurs , les mauvaises Lan
gues , les grands Parleurs sont au Japon
dans un souverain mépris. On les y regarde
comme gens sans courage , ou qui
pensent peu.
On n'y souffre point les Jeux de hazard
, ils passent dans l'esprit de ces Insulaires
, comme un trafic sordide , et
une occupation indigne de gens d'honneur.
Les Japonnois sont sensibles aux plai
sirs de la societé , ils se regalent souvent
, et ils le font avec une propreté et
une sorte de magnificence qui ne préju
dicie pourtant point à la sobrieté , dont
ils s'oublient rarement. Ce que nous
trouverions plus à redire dans ces festins,
c'est un Cérémonial qui ne finit point ;
il est vrai qu'ils s'en acquittent avec une
aisance et un ordre qui ne se peut expri
mer,
MARS. 1737.
543'
mer. Parmi un grand nombre de Domestiques
et d'Officiers de toutes les
sortes , on n'entend pas une parole ,
et on ne remarque pas la moindre confusion.
Les plats sont ornés de rubans
de soye , et on ne sert pas une Perdrix ,
ni aucun autre oiseau , qui n'ait le bec et
les pattes dorées : tout le reste est orné à
proportion ; la Musique accompagne ordinairement
le festin en un mot , les
yeux et les oreilles ont de quoi se repaî
tre , mais il n'y a point d'excès à craindre
du côté de la bonne chere.
La délicatesse des petits ouvrages du
Japon n'est pas la moindre preuve de leur
adresse dans les Arts Méchaniques. Ona
vû à Paris , il y a environ 30. ans , un
de ces ouvrages qui y fut admiré comme
an prodige , et comme digne d'être mis,
dans son genre , en parallele ou en contraste
, avec le fameux Colosse de Rhodes.
C'étoit une Idole toute entiere, bien
proportionnée , distincte en toutes ses
parties , assise dans une Niche ; le tout
fait avec la moitié d'un grain de ris ; l'autre
moitié faisant une espece de Piedestal
, sur quoi la Niche et la Divinité
étoient posées
MEMOIRES
344 MERCURE DE FRANCE
MEMOIRES concernant le Droit de Tiers
et Danger sur les Bois de la Province de Normandie.
Par M. Louis Greard , Ecuyer , ancien
Avocat au Parlement de Rouen , avec les Preuves,
Notes et Observations de M. Louis Froland,
ancien Bâtonnier de Mrs les Avocats du Parlement
de Paris. A Rouen , chés Abraham Viret
et Pierre le Boucher , 1737. in 4.
1
LA FAMILLE , Comédie en un Acte , re
présentée par les Comédiens Italiens le 17. Septembre
1736. A Paris , tuë S. Jacques , chés
Pierre Ribou, 1737. Brochure in 12. de 57. pag.
HISTOIRE du Fanatisme de notre temps . Par
M. de Brueys . A Utrecht , chés Henry Corn . le
Fevre , et se trouve à Paris , chés Briasson , ruë
S. Jacques , 3. volumes in 12 .
ESSAY PHILOSOPHIQUE sur l'Ame des
Bêtes , où l'on trouve diverses Refléxions sur la
Nature de la Liberté, sur celle de nos sensations,
sur l'union de l'Ame et du corps , sur l'immortalité
de l'Ame. Seconde Edition , revûë et augmentée,
à laquelle on a joint un Traité des vrais
Principes qui servent de fondement à la certitude
morale. A Amsterdam , chés Fr. Changuion ,
1737. 2. vol. in 12. Le premier de 434. pages ;
le second de 432. sans compter l'Epitre Dédicatoire
à M. de Fontenelle ; la Table et deux Pré-
-faces.
TECSERION , Conte de Fées . Par M. B. de
S. A Paris , chés Prault , Pere , Quay de Gêvres,
1737. in 12.
LA
MARS .
1737. 503
du temps
tinctas atque auro variegatas gestant.
Quoiqu'il en soit , il est constant que
de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Citcions , quoiqu'il ne fut qu'annuel.
A present on l'élit pour deux ans, et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Prési
dent du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 ,
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy
, et après avoir . fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cir
constances de la Vie de ce pieux Jesuite,
E et
346 MERCURE DE FRANCE
qui a découvert que le Concile National qui dés
puta ces deux Saints pour aller dans la Grande»
Bretagne, fut tenu à Troyes. Voyez leurs Notes
sur la premiere Vie de S. Loup de Troyes , T.
Julii.
Je me réjouissois donc , Mon R. P. de pouvoir
enfin lire , au moins quelques lignes sorties
de la plume de ce grand Evêque des Gaules .Pour
'y parvenir , j'ai fait chercher , suivant votre
conseil , parmi les papiers de Dom le Nourry ,
Editeur de S. Ambroise , pour y lire de quelle
maniere cet Evêque y parle de son voyage de la
Grande- Bretagne, puisque c'est tout ce que Dom
le Nourry en a raporté dans la Préface. Dom Le
meraud, Bibliothequaire de S. Germain des Prés,
qui a bien voulu prendre cette peine , m'ayant
assuré que le Discours cité par Dom le Nourry,
ne se retrouvoit plus parmi les papiers de l'Edi
teur de S. Ambroise , et Dom Edmond Martenne
m'ayant certifié qu'il ne l'avoit jamais vû par
mi ceux de Dom Mabillon , j'ai pris le parti de
suplier M-le Marquis de Bonnac , Ambassadeur
de France en Suisse , de vouloir bien en faire tirer
une nouvelle copie à l'Abbaye de S. Gal ; ce
que les Religieux de ce célebre Monastere ont
fait de la meilleure grace du monde.
Dom le Nourry a marqué après Dom Mabillon
, que le Manuscrit de S. Gal a mille ans
d'antiquité pour le caractere . La composition de
POuvrage est bien plus ancienne , puisqu'elle est
de la fin du quatrième siècle .
Il est bien vrai , au reste , que cet Ouvrage n'est
pas de S. Ambroise , qu'il est d'un Evêque des
Gaules , mais il n'est pas de S. Germain, Evêque
d'Auxerre , comme vous l'aviez conjecturé . Il
est de S. Victrice, Evêque de Rouen . Votre Hisroite
MARS. 1737. 547
toire n'y perd rien. C'est toujours également un
Auteur que les Gaules acquerent , lequel seroit
resté dans l'oubli sans la remarque de Dom
le Nourry. Vous verrez ce que j'en dis dans une
Lettre que j'écris à ce sujet à M. Clérot , Avocat
au Parlement de Rouen , et homme de Lettres
, dont vous avez pû lire quelques Disserta
tions dans les Mercures . J'ai crû lui devoir envoyer
promptement mes Remarques , à cause de .
elles que j'attends de lui. Il est én état d'en faire
par sa sagacité et parce qu'il est sur les Lieux,
prenant d'ailleurs fort à coeur tout ce qui regar
de la Ville de Rouen.
A Paris le premier Mars 1737 .
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Rome
le 14 Février 1737. contenant plusieurs
Nouvelles Litteraires..
'Ai d'abord à vous parler d'un Livre nouveau
qui fait ici du bruit , et qui nous interesse ;
C'est un Ouvrage posthume de M. Fontanini
publié par Dominique Fontanini , son Neveu. Il
a pour Titre , Della Eloquenza Italiana di Monsignor
Giusto Fontanini , Arcivescovo d'Ancira.
Lib. III. 1736. in 4. Il avoit publié en 1706,
an Essai de cet Ouvrage ; mais celui - ci est fort
augmenté et presque different. On y traite à fond
Torigine et le progrès de la Langue Italienne , et
on y trouve bien des Recherches sur l'ancienne
Langue Romana , sur l'Idiome Provençal , et sur
les anciens Romans. Le troisiéme Livre , qui fait
les deux tiers de l'Ouvrage , contient une Bibliotheque
des meilleurs Livres Italiens , sur tout
des anciens , avec des Remarques pleines de
grands
494 MERCURE DE FRANCE
d'un fond sujet à la Directe du Seigneur,
soit par vente ou par Contrat équipollent
à vente , tel que le bail à rente rachetable
, le Droit du Seigneur est ouvert
et qu'il peut aussi-tôt exiger le payement
des droits de vente, sans être obligé
d'attendre que la rente soit rachetée.
Que le bail à rente dont il s'agissoit étoit
une véritable vente , et que la rente étoit
perpétuellement rachetable de sa nature,
nonobstant la stipulation contraire ;
qu'ainsi les droits de vente étoient dûs
pour cette mutation sans attendre le rachat
de la Rente.
M. Grifon , Avocat de la veuve Raisin ,
dans le Memoire imprimé qu'il fit pour
elle , renferma sa défense dans deux propositions.
La premiere , qu'il n'est pas dû de lods
et ventes à cause d'un bail à Rente fon.
ciere. La seconde , que la Rente fonciere
dûë par la veuve Raisin , ' est la premiere
après le Cens:
Pour
l'établissement de la premiere
proposition , la veuve Raisin disoit que
le bail d'un immeuble à la charge d'une
rente qui n'est pas stipulée rachetable ,
ne produit pas de lods et ventes au Seigneur
Direct dans la Coûtume de Paris
parce que ce Contrat n'est pas une vente
er
MAR S. 1737 495
et n'équipolie point à une vente , la rente
fonciere ne tenant point lieu de prix lors
qu'elle n'est pas stipulée non rachetable .
Il est seulement dû des Lods et Ventes
dans la Coûtume de Paris , à cause du
Bail d'un immeuble , à la charge d'une
rente , stipulée rachetable , suivant les
articles 13. et 78. parceque la stipulation
du rachat fait que la rente tient lieu de
prix , et que le Contrat équipolle à uno
vente .
Le S. le Riche, ajoûtoit la Veuve Raisin
, n'a pû contester ces principes ; il
opose seulement que , suivant l'article
121. de la Coûtume de Paris , les rentes
de Bail d'heritages sur les maisons situées
dans la Ville et Fauxbourgs de Paris
, sont à toûjours rachetables ; d'où il
induit qu'il est dû des Lods et Ventes ,
à cause du Bail à rente d'une maison située
dans la Ville , ou dans un Fauxbourg
de Paris, quoique, par le Contrat,
la rente ait été stipulee non rachetable.
糯
Mais cette prétention.est mal fondée ,
les Baux à rentes foncieres , non rachetables
, n'ont pas été rendus sujets par la
disposition des Ordonnances et de la
Coûtume , aux droits de Lods et Ventes :
le Privilege accordé aux Habitans de Paris
de pouvoir racheter leurs rentes , ne
concerne
Jo2 MERCURE DE FRANCE
fice
Thiroux et de N. Saulnier , alliée à Ta
Famille de Cipiere. Denis fut cinq fois
Vierg d'Autun , et Claude , son Fils , fut
honoré trois fois de cette Charge , qui
est ancienne et illustre dans Autun ce
qui est un témoignage authentique de
l'estime et de l'amitié qu'avoient pour
MM . Thiroux , les Habitans qui font
l'élection du Vierg. Le Dictionaire Universel
ne fait point mention de cette Magistrature
, qui répond à celle de Maire
qu'on apelle Viguier en Languedoc . César
en parle honorablement au premier
et au septiéme Livre de la Guerre des
Gaules, et il donne à ce Magistrat le nom
de Vergobretus , d'où est venu celui de
Vierg , et peut être celui de Viguier, qu'on
fait dériver de Vicarius. Quelques - uns
disent que Vergobretus signifie Virgå fres
tus , mais cette étymologie n'est pas na
turelle. Paradin la prend de ces deux mots
Celtiques Verg et Bret , qui désignent le
Haut Exécuteur. D'autres la tirent d'un
ancien mot Gaulois qui signifie la Pourpre
, dont les Maires de Ville étoient revêtus
, commele sont encore aujourd'hui
les six Consuls du Puy en Velay. Ils
apuïent leur sentiment étymologique sur
un passage de Strabon au Livre IV. de sa
Géographie. Qui honores gestant , gestant , vestes
tinctas
MARS. 1737. 503
inctas atque auro variegatas gestant.
Quoiqu'il en soit , il est constant que
du temps de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Ciccions , quoiqu'il ne fut qu'annuel.
A present on l'élit pour deux ans , et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Prési
dent du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 .
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy,
et après avoir . fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cirs
constances de la Vie de ce pieux Jesuire,
E et
504 MERCURE DE FRANCE
et en état de faire une Analyse de son
Commentaire sur les Pseaumes. Person
ne ne le peut mieux que vous , Monsieur
.
Outre cet Ouvrage si utile au Public ;
le pieux Auteur lui en a donné un autre
qui est très édifiant. En voici le titre :
DIRECTION Spirituelle pour servir
de Regle à tous les Chrétiens qui veulent
sincerement leur salut , et acquerir la
perfection. A Lyon , chés Marcellin Duplain
1730. in- 8. de 379. pages.
Cet Ouvrage est divisé en cinq Parties.
Le P. Thiroux , après avoir prou
vé solidement que les Chrétiens sont
obligés de tendre à la Perfection Evangelique
, en expose les Principes et les
Maximes dans la premiere Partie de son
Livre.
Dans la seconde il traite de la Priere
que les Fidéles doivent faire chaque jour
de leur vie , et pour en faciliter la pratique,
il ajoûte des Méditations pour tous
les jours de la Semaine .
Dans la troisiéme il parle de la Sainte
Messe , dont il explique les Paroles et
les Cérémonies . Il enseigne la maniere
d'y assister pour en retirer le fruit qui
Convient à une action aussi sainte .
Dans la quatriéme Partie il traite de.
la
MARS. 1737. 505
la Confession et de la Communion : et
dans la cinquième , des Retraites spirituelles
, qui sont de la derniere importance
pour ceux qui veulent acquerir la
perfection. On trouve dans cette derniete
Partie des Méditations pour une Recollection
, que ce sage Directeur conseille
de faire au commencement et à la
fin de l'année , et pour une Retraite annuelle
de huit ou dix jours.
Outre ces deux Ouvrages imprimés ,
le P. E. Thiroux en a laissé cinq autres ,
qui méritent de l'être .
1. La Vie de JESUS - CHRIST , tirée des
Quatre Evangelistes , avec des Reflexions
extraites des SS. Peres. En Latin.
2. Méditations pour tous les jours de
l'année. En François.
3. Methode d'une Retraite annuelle,
conforme aux Exercices spirituels de S.
Ignace. En Latin.
4. Traité des Questions de Controverse
contre les Hérétiques. En François.
5. Commentaire sur le Nouveau Testament
, trois Volumes in fol. Chaque
page est partagée en neufcolonnes. Dans
la premiere , on voit le Texte Sacré Dans
la seconde , une Paraphrase très - exacte.
'Dans la troisiéme , diverses Leçons du
Texte. Dans la quatrième , des Senten-
E ij
ces
506 MERCURE DE FRANCE
ces choisies des SS. PP. sur chaque Ver
set de l'Ecriture. Dans la cinquiéme des
Notes Historiques . Dans la sixième , Chro
nologiques . Dans la septième , Critiques.
Dans la huiciéme, Théologiques , Dans la
neuvième enfin , une Table des Matieres à
l'usage des Prédicateurs. Ce grand Ouvrag
geest en Latin, et on peut dire que l'Auteur
s'est surpassé lui -même dans le Commentaire
sur les Epîtres de S. Paul. Le P.
Thiroux a employé trente ans à cet Ouvrage
immense , qu'on regarde comme
son chef d'oeuvre.
Nous sommes redevables de l'Edition'
des deux premiers, imprimés à Lyon , au
R.P.Gabriël Thiroux, Jesuite , Neveu de
l'Auteur , qui auroit enrichi la Republique
des Lettres de l'Edition des cinq
Livres qu'on vient d'indiquer , sans les
Occupations indispensables dont sa Com
pagnie l'a chargé . Il a enseigné la Théologie
pendant plus de trente ans ; et M.
l'Evêque de Langres , convaincu de son
profond sçavoir , l'a enlevé au College
de Moulins en Bourbonnois , pour attirer
un plus grand nombre de Disciples
dans son Seminaire , qu'il vient d'établir
chés les Jesuites , par la réputation de ce
fameux Professeur.
C'est le P. Gabriel Thiroux qui est
Auteur
MARS. 1737. 507
Auteur de l'Epître Dédicatoire et de la
Préface , qui sont à la tête du Commentaire
sur les Pseaumes . C'est encore lui
qui a donné la Vie de son digne Oncle ;
et je vous crois , M , trop judicieux et
trop équitable pour que vous ayez la
pensée que ce Pere ait eu la moindre part
à l'Eloge qu'on trouve à la fin de cette
Vie. Il n'a jamais demeuré à Lyon où
l'on a imprimé le Commentaite . Le P.
Deperier , qui s'étoit chargé de la révision
de cet Ouvrage , crût qu'il ne pouvoit
refuser un éloge au Neveu , qui
marchoit si rapidement sur les traces de
l'Oncle , et il l'ajoûra au bout de la Vie
du P. Etienne Thiroux , malgré la vio
lence qu'il prévoïoit devoir faire à la modestie
du P. Gabriel , dont je pourai vous
entretenir plus amplement . En attendant
j'ai l'honneur d'être avec respect , & c .
On a dû expliquer le Sonnet Enigmatique
et les Logogryphes du Mercure de
Février , par la Mappemonde , Rhinoceros,
Lazare , et Sanguis . On trouve dans le
premier Logogryphe, Rhin, Rhôni, Noir,
Rose , Rosier , Echo , Cône , Chien , Cire,
Heron, Honoré , Enoch, Noé , Sorin , Ino ,
Sorcier, Rhône , Oison , Ciron, Rein , Coré ,
E iij
Cor
508 MERCURE DE FRANCE
>
Cor, Roc , Noier, Nice , Serin , Soie, Ire
Rien, Roi, Or , Soir , Nôce , cri , Sire , hoc ,
Crin. Et dans le troisiéme, Anguis , Sus ,
et Asinus.
*** ********
ENIGM E.
Ix membres font mon nom
S' Pays
>
味
je suis de tout
L'injustice souvent préside à ma naissance ;
Si par un sort heureux , quelques - uns j'enrichis
J'en reduis un grand nombre à l'extrême indigence.
Redoute-moi , Lecteur , autant que le décès :
J'altere la santé , le repos et la bourse :
Et si tu ne m'éteins dans mon premier accès;
Rarement pouras tu m'arrêter dans ma course.
LOGOGRYPHE.
J'Ai
'Ai dans mon ventre un air
A mes deux côtés j'ai la note .
Lecteur , dois -je en être plus fier ?
Solfier et chanter ne sont point ma marote.
AUTRE
MARS. 1737 509
AUTRE.
TRois membres font mon tout. Voici leur
difference ;
Le premier vous designe une Ville de Frances
L'autre est un adjectif , un Saint , un Animal ;
Et le troisième enfin est un Ton musical.
En huit lettres un mot tous les trois les rassem
ble.
Pour vous faire trouver plus aisément mon nom ,
Je vous donne , Lecteur , ma définition , 7
Ma Soeur unique et moi marchons toujours ensemble.
Nous sommes de même âge et de même grandeur
;
Nos moindres mouvemens expriment la pudeurs
En tout l'une à l'autre ressemble ;
Chacune , nous avons à garder un bijou ,
Qui ne peut s'acheter de tout l'or du Perou ;
Dés qu'il est menacé de quelque coup perfide ,
Plus promptes que l'éclair nous lui servons
d'Egide .
Qui voudra maintenant nous anatomiser
Va trouver de quoi s'amuser.
D'abord le Successeur du premier des Apôtres ?
Ce qui sert d'envelope à tous les Animaux ,
A l'Homme même comme aux autres.
La Terre qui nourrit les Boeufs et les Chevaux.
E iiij Titre
510 MERCURE DEFRANCE
Titre de grand honneur en France , en Angleterre.
Le nom que la Loy donne au mari de la mere.
L'innocente chasse aux Oiseaux . "
La premiere femme gourmande .
L'endroit de la Riviere où s'arrête le Bac .
Un instrument utile aux Preneurs de Tabac.
Un Dieu du Paganisme : Une Ville Normande.
Ce qui charme l'ennui du Soldat , du Marin
Item , une grande Mesure.
J
Le
synonime de
gageure.
Enfin le bon jour en Latin.
Par M. de B.... de Chartres.
AUTRE
E parle sans avoir langue , ni voix , ni bout
che ,
Pour cet effet, souvent il faut que l'on me touche,
Mais on ne le peut sans me voir ,
Et que je sois gris , rouge ou noir ,
Au monde nécessaire , utile ,
Je sers aux champs, comme à la Ville ;
Pour abreger , venons au fait ,
Afin que tu sois satisfait ,
Six pieds font mon allégorie
Avec cinqje suis tromperie ;
De plus un avertissement
D'un
MARS. Str 1737.
En
B'an domestique surveillant .
quatre je fais voir un rang sublimé en France;
Dans un certain Païs , une haute Puissance;
Garactere au- delà de la perversité ;
Un instrument qui peut conserver la santé
Un second qui reduit en poudre
Ce que l'autre en fumée a pû faire resoudre;
Plus , contradiction , faisant un mécontent ;
Qualité d'un mortel qui parle dureinent ,
Ou bien d'un autre encor recherchant la fortune ;'
De ces combinaisons , il en reste plus d'une.
Trois Villes j'entrevois , deux, portant même
nom ,
L'une au Comté d'Artois,l'autre au Païs Gascon,
En Flandres la derniere est Ville Episcopale ,
Et la troisiéme principale.
En combinant par trois on découvre aisément
Un Oiseau babillard ; un subtil élement ;
Le gardien d'un fruit nécessaire à la vie ;
L'extrême passion d'un mortel en furie ;
A quelques animaux je fournis d'aliment ;
Tu te lasses, peut- être , ô Lecteur complaisant ,
Patience un moment,en deux mots je m'explique:
Deux et trois pieds enfin, sont d'asage en Musique
;
Et combinant le tout avec facilité ,
De la Fable je montre une Divinité.
• Par M. de Glat .
Ev NOUVEL
512 MERCURE DE FRANCE
*****:******* : ***
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &c.
DE LETTRES , Med
Rmoires ,et autres Pieces ,pour servir à
Histoire de l'Académie des Sciences et
Belles Lettres de la Ville de Beziers. 1 , Vol.
in-4. A Beziers , chés la Veuve d'Etienne
Barbut. M. DCC. XXX VI
Joindre l'étude des Belles Lettres à
celle des Sciences , qui ont pour objer
toutes les Parties de la Physique , comme
font M M. de l'Académie de Beziers
, c'est travailler doublement à l'utilité
publique , et c'est à ce dernier objet
que devroient , ce semble , s'attacher
particulierement les Académies établies
dans differentes Provinces du Royaume,
sur- tout celles des Villes Maritimes , lesquelles
, par leur situation , sont plus à
portée que les autres de faire certaines
experiences , de sçavoir ce qui se passe
dans les Pays étrangers , par raport aux
Recherches de Physique , de travailler à
la perfection de la Navigation , &c.
L'Académie de Beziers , sans avoir
cet
MAR S. 1737.
513
tet avantage particulier , n'est inferieure
à aucune des Académies de Provinces ,
qui cultivent les mêmes Sciences , et elle
mérite autant qu'une autre d'avoir un
Historien fidele , et une Histoire exacte
de ses travaux.
Le Public éclairé en jugera par les
Pieces curieuses qui composent ce Recueil
. Nous en aurions volontiers donné
un Extrait , si nous n'avions été prévenus
par MM . les Auteurs du Journal
de Trevoux , ce qui est un gain pour
le Public ; car on ne peut rien ajoûter ni
désirer sur ce sujet , après ce qui en est
dit dans l'Article C X X I. de leur Journal
du mois de Décembre dernier , premiere
Partie , page 2525.
LA PROMENADE de Saint Cloud , troisiéme
et derniere Partie. A Paris , chés
Dupuis , Grand'Salle du Palais ; au Saint
Esprit. Brochure de 8. feuilles in-12.
MEMOIRES et Avantures de M. de P.
écrits par lui - même , et mis au jour par
M. Emery de Lifle , in- 12 . Brochure de
dix feuilles , en 2. Part, chés le même.
LA SECONDE et troisiéme Partie des
Mémoires Posthumes du Comte de D.B.
E vj avant
f14 MERCURE DE FRANCE
avant son retour à Dieu , fondé sur l'ex
perience des vanités du monde . Brochu
re in- 8.
LETTRE de Madame de *** à M:
de *** avec la Réponse de M. de ****
sur le Goût et le Genie , et sur l'utilité
dont peuvent être les Regles. A Paris ,
chés Prault , Fils , Quay de Conti, vis-àvis
la Descente du Pont Neuf, à la Charité.
Brochure de 58. pages in- 12.
HISTOIRE DU CONCILE DE TRENTE
écrite en Italien par Fra-Paolo Sarpi , do
l'Ordre des Servites , et traduite de nouveau
en François , avec des Notes Critiques
, Historiques et Théologiques , par
Pierre-François le Courayer , Docteu
Théologie de l'Université d'Oxford , et
Chanoine Kegulier, ancien Bibliothequaire
de l'Abbaye de Ste Géneviève de Paris,
A Amsterdam , chés J.Wetstein , et G.Smith.
1736. 2. Vol. in- 4. chacun d'environ
800. pages.
LETTRE de M. *** à Madame la
Princ. *** au sujet des Essais Historiqués
et Critiques sur le Goût . A Paris ,
chés Prault , Pete . 1736. in- 12. Brochu
ce de 26. pages ..
LETTRE
MARS. 1737 315
LETTRE d'un Mathématicien à un
'Abbé , où l'on fait voir 1º . que la matiere
n'est pas divisible à l'infini , 2º.Que
parmi les Etres créés, il ne sçauroit y
avoir d'infinis en nombre ni en grandeur.
3. enfin , que les Métaphysiciens , qui
pensent autrement , abusent des Mathématiques
, et de leurs démonstrations ,
lorsqu'ils s'en servent pour apuyer leurs
opinions . A Paris , chés C. A. Jombert ,
Fue S. Jacques , au coin de la rue des Fuë
Mathurins. 1737. Brochure in 12.
DISSERTATION sur l'Hydropisie de
Poitrine , dans laquelle on s'attache à
prouver qu'il est toujours bon de prati
quer la ponction dans cette maladie , et
24'elle fest susceptible dans certains cas
de guérison radicale A Paris , chés Jacques
Guerin, Quay des Augustins , 1737
in - 1-2.
L'ART DE CONSERVER LES DENTS ,
Ouvrage utile et nécessaire , non seule
ment aux jeunes Gens qui se destinent.
à la Profession de Chirurgien Dentiste ,
mais encore à toutes les personnes qui
veulent avoir les Dents belles et nettes,
Par lo S. Geraudly , Chirurgien Dentiste,
Valet de Chambre de S. A. S. M. le Du
d'Orleanc
$ 16 MERCURE DEFRANCE
d'Orleans , et seul Privilegié du Roy.
A Paris , chés Pierre G. Le Mercier ,
Imprimeur Libraire ordinaire de la Ville
, rue S. Jacques , au Livre d'or . 1737.
in.12 . de 161. pages, sans compter l'Epi
tre Dedicatoire , la Préface et la Table
des Chapitres.
La premiere feuille du second Tome
des Reflexions sur les Ouvrages de Littera
ture , paroît chés P. Gissey , ruë de la
Vieille Bouclerie . On y distingue avanta
geusement une nouvelle main . Cette
Feuille commence par quelques Reflexions
sur la Critique , pour faire connoître
le caractere de celle qui regnera
dans cet Ouvrage . La nécessité de la Cri
tique n'est point un Problême pour les
Lecteurs judicieux . Elle est uniquement
contestée par un certain nombre d'Ecrivains
excessivement jaloux de leur ré
putation litteraire , et qui traitent de
crime tout ce qui peut y donner atteinte
.... A l'égard du ton qu'il faut prendre
en critiquant , si l'on s'en raporte au
bon sens , qui est l'oeil de l'esprit , poursuit
l'Auteur , il faut proportionner le
ton à l'Ouvrage qu'on discute ; s'il est
sérieux ou dogmatique , les graces austeres
, le stile ferme et grave sont alors
de
MARS. ¥737. S17
de saison , et rien ne seroit plus ridicule
que la démangeaison de plaisanter. Veuton
aprétier le mérite d'un Ouvrage d'esprit
? Les tours vifs et ingenieux , le seb
attique et les jeux de l'imagination doivent
assaissonner la Critique et les Louanges.
Mais le fiel et l'envie d'élever sa réputation
sur les ruines de celle d'autrui ,
ne doivent jamais se faire sentir. La probité
, la droiture du coeur , et la politesse
sont les plus beaux ornemens de la Critique.
Quelle étrange situation , continuë
Auteur , pour celui qui se livre à ce
dangereux métier ! La plupart des Lecteurs
veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et
hardis , des ironies legeres , des tours figurés
et expressifs , des saillies heureuses
, et même des parodies courtes , mais
fines , du Ridicule. Au contraire , l'Aureur
crie à l'injustice , se plaint qu'on
cherche à divertir le Public à ses dépens
, et vomit un torrent d'injures . Fautil
que , pour lui plaire , le Critique laisse
dormir son imagination , et s'expose au
danger certain d'ennuyer ses Lecteurs
par
de tristes et froides reflexions ? En
vain donneroit- on ce conseil au Critique
il ne le suivroit pas , sçachant combien
18 MERCURE DE FRANCE
bien il est de son interêt d'égayer son'
discours. Mais on a droit de lui'prescrire
une impartialité rigide , l'observationdes
regles de l'honnêteté et de la bienséance
, et une sincerité qui ne se démente
jamais. Heureux , dit- on enfin , le
Critique qui ne fait jamais briller sonesprit
aux dépens de son coeur!
TRAITE' du vrai Mérite de l'Homme ,
consideré dans tous les Ages et dans toutes
les Conditions , avec des Principes
d'Education propres à former les jeunes
Gens à la vertu . Par M. le Maître de
Claville . Ancien Doyen du Bureau des
Finances de Rouen . 2. Vol . in- 12 . A Paris
, chés Saugrain , au Palais, à la Providence.
Voici la troisiéme Edition d'un Ou
vrage que le Public a estimé dans les
précédentes. C'est cerre estime qui a
engagél'Auteur de le refondre et del'aug
menter considérablement , ce qui fait
qu'au lieu de 542. pages d'impression ·
que la derniere Edition contenoit , celleei
en a 750. et pour ne pas la confondreavec
les précédentes , on la reconnoîtra
à un Paraphe qui a été mis au bas de la
premiere page de la Préface , parce , diton
dans l'Avis Préliminaire , que ce Li-
VIC
MARS. 1737.
vre a été contrefait en plusieurs Villes
sur la premiere Edition. Celle - ci se vend
quatre livres , reliée en deux Volumes.
Nous n'avons rien à dire sur un Ouvrage
déja si connu , si ce n'est que la
lecture de cette derniere Edition nous a
fait un nouveau plaisir , et que nous le
croyons très - propre à former les moeurs,
à orner l'esprit , et à concilier une agréable
Litterature , avec la connoissance et
la pratique des plus importantes verités
de la Religion . Ce n'est pas , au reste , un
petit éloge pour le Livre dont nous parlons
, que d'avoir mérité l'aprobation
d'un Sçavant Académicien , qui n'en a
donné lui-même que d'excellens.
*
CHILDERIC , Tragédie dédiée à la
REINE , representée à Paris pour la premiere
fois le 19. Décembre 1736. par M.
de Morand, A Paris , chés Prault , fils ,
Quay de Conty , à la descente du Pont neuf,
ala Charité. 1737.
Quoique nous ayons déja rendu compre
au Public de cet Ouvrage , nous nous
croyons cependant obligés d'avouer qu'il
nous est échapé quelques fautes dans
M. de Fontenelle.
l'Extrait
520 MERCURE DE FRANCE
l'Extrait que nous en avons donné. Come
me nous parlons ordinairement des Pieces
de Théatre avant qu'elles soient imprimées
et sur les Représentations que nous
en voyons , il n'est pas surprenant que ,
lorsque leur sujet et leur action sont un
peu chargés , nous ne les saisissions pas
aussi parfaitement qu'on peut le faire à
la lecture. Aussi nous nous fatons que
nos excuses doivent paroître plus que
légitimes à nos Lecteurs : il seroit à souhaiter
que les Auteurs s'en payassent de
même ; mais ces Messieurs ne sont pas ,
pour l'ordinaire si faciles à contenter ;
les plus legeres fautes deviennent trèsgraves
à leurs yeux , et , fussent- elles
Indifferentes pour leur Ouvrage , ils le
croyent aussi - tôt entierement dégradé.
Qu'ils nous permettent pourtant de leur
dire ici qu'ils ne doivent s'en prendre
qu'à eux-mêmes , si nous n'offrons pas.
Extrait de leurs Pieces aussi parfaitement
qu'ils le souhaiteroient : nous les
avons souvent priés de nous le donner
eux-mêmes , nous chargeant seulement
d'y ajoûter les reflexions du Public. S'ils
vouloient bien prendre cette peine, nous
serions à couvert de leurs injustes reproches
, et leurs Ouvrages n'y perdroient
rien.
La
MAR S. 1737. 527
La Tragédie qui nous donne occasion
de leur renouveller cette priere , gagne"
beaucoup à la lecture , au raport de tous
ceux qui l'ont lûe on y découvre
des beautés qu'on n'a pas saisies au
Théatre , et l'on n'y trouve point cette
obscurité qu'on lui a tant reprochée. Il
paroît même que le cinquième Acte n'a
pû être tourné autrement , et que
les
critiques qu'on en a faites , et que nous
avons raportées nous- mêmes , n'étoient
pas aussi justes qu'elles ont paru d'abord.
Il y avoit des difficultés dans les divers
expédiens qu'on proposoit à l'Auteur ,
qui les rendoient impossibles à exécuter:
et c'est ce qui l'avoit empêché de les suivre
en travaillant à cette Piece.
Enfin , la Versification de cette Tragé
die qu'on avoit accusée d'être un peu foible
, paroît sur le papier plus exacte ,
plus soûtenue et même plus nerveuse qu'au
Théatre. C'est la l'effet que produit une
Versification simple ,mais noble . Les Vers
qui éblouissent au Théatre sont , pour
Fordinaire , ceux qui frapent le moins à
la lecture. La verité et la justesse n'étant
pas le plus souvent le partage de ces sortes
de Vers , il ne faut pas s'étonner si
le Lecteur s'aperçoit mieux de leur défaut
que le Spectateur , que l'action du
Comédien
522 MERCURE DE FRANCE
Comédien et le prestige de la Représenta
tion concourent à séduire.
C'est , sans doute , pour mieux faire
sentir que la Tragédie de Childeric n'étoit
pas susceptible d'un autre genre de Versification
, que l'Auteur a pris pour Devise
ces Vers de l'Art Poëtique d'Ho
race.
Et tragicus plerumque dolet fermone pedestri ;
Telephus et Peleus cum pauper et exul uteerrque
Projicit ampullas et sesqui pedalia verba.
En effet , jamais allusion ne fut plus
juste ne semble t il pas que Childeric est
le Telephe ou le Pelée dont parle le Poëte
Latin? L'Auteur de Childeric nous sçaura
, sans doute , bon gré d'avertir le Public
que son Imprimeur a fait dans le
premier de ces Vers une faute énorme
ayant mis gaudet pour dolet.
Cette Piece est suivie d'une Lettre
adressée à Made : Berthelot par M. P...
qui est très-bien écrite ; elle répond parfaitement
à la plupart des objections que
F'on a faites contre cet Ouvrage, qui en releve
les beautés , et fait encore mieux
sentir l'invention , l'art et la connoissance
du Théatre , qu'on ne peut refuser à
son Auteur.
M. de
MARS. 1737. 523
M. de M .... dans une espece d'Avertissement
qui précéde cette Lettre , dit
qu'il ne croit pas mériter tous les éloges
que M. P.... donne à sa Tragédie , mais
aussi qué , comme il ne croit pas mériter
tout le mal que ses ennemis en ont
dit , il se flate que le Lecteur sensé , prenant
le milieu entre l'excès de loüange , et
Pexcès de blâme , lui rendra , par ce sage
temperamment , lajustice qui lui est dûe ;
et reduira par là son Ouvrage à sa veritable
valeur. C'est annoncer modestement
son Apologie.
, OBSTACLES DE LA PENITENCE , ou Ré
futation des Prétextes qui font illusion
au Pécheur , et l'empêchent de se convertir
. Ouvrage traduit de l'Anglois par
le P. Pierre de Mareuil , de la Compagnie
de Jesus . Le Traducteur y a joint
la Lettre de S. Eucher à Valerien ; celle
de S. Augustin à Licentius ; et les Soupirs
d'une Ame pénitente , tirés des Opuscules
de l'Auteur de l'Imitation de J. C.
Le tout traduit en François. A Paris
ruë de la Harpe , vis à - vis la ruë des
Deux-Portes , au Bon Pasteur. 1736. in-
12. de 379. pages sans la Préface et la
Table des Matieres.
Le R. P. Rapin , de la Compagnie de
Jesus
$ 24 MERCURE DE FRANCE
Jesus , nous a donné un excellent Livre
intitulé l'Importance du Salut . L'Abbé de
Villiers un autre Ouvrage , qui a pour
titre Les Egaremens des Hommes dans la
Voye du Salut.. Il ne restoit plus pour
achever de traiter une Matiere si importante
à la Religion , que de publier
les Obstacles de la Penitence , excellent
Traité , composé originairement en Anglois
, et traduit en notre Langue par le
R.P. de Mareuil , de la même Compagnie
, avec cette habileté dont il a déja
donné plus d'une preuve .
Afin que le Lecteur puisse tirer un
plus grand fruit des lectures qu'on lui
presente ici , le pieux Traducteur a jugé
à propos de terminer chaque Chapitre
par un Entretien intérieur qui en renferme
le précis , avec une Priere conforme
à ce qu'il contient. C'est , dit- il , en
joignant ainsi la Priere à la lecture, que
nous engageons Dieu à verser sur nous
l'abondance de ses graces.
,
A l'égard des Lettres de S. Eucher et
de S. Augustin, et des Soupirs d'une Ame
Penitente c. Ouvrages annexés par
nôtre Auteur aux Obstacles de la Peniten .
ils tendent tous au même but , et il a
grande raison d'esperer , pour nous servir
de ses termes , qu'ils produiront les
ce ,
mêmes
MARS. 1737. 525
mêmes fruits de bénediction ; d'autant
plus que les Auteurs de ces Ouvrages ,
consommés dans la science des Saints
ont été eux mêmes des Modéles de la
Sainteté Evangelique.
Il est inutile de s'étendte sur le mé
rite de ce Livre. M. de Marcilly , qui lui
a donné son Aprobation , dit beaucoup
en peu de paroles , en déclarant que
POuvrage lui a paru solidement composé
, et capable de faire de vives impressions
sur les Pécheurs les plus éloignés
du salut.
ABEN MUSLU , ou les vrais Amis . His
toire Turque , qui renferme un détail
interessant des Intrigues du Sérail , sous
le Regne d'Ibrahim , et les veritables
causes de sa mort ; le Couronnement de
Mahomet IV . les motifs de la Guerre
de Candie , et le Siége mémorable de
cette Ville. 2. Vol. in- 12 . A Paris , chés
Prault , Pere , Quay de Gêvres au Pa
radis . 1737.
LAMEKIS , ou les Voyages extraordi
naires d'un Egyptien dans la Terre inrérieure,
avec la découverte de l'isle des
Silphides , par M. le Chevalier de Mouby.
4. Volumes in - 12 . A Paris , chés
Poilly
326 MERCURE DE FRANCE
Poilly, Quay de Conty , au coin de la ruë
Guenegaud , aux Armes d'Angleterre,
1737.
On trouve chés le même Libraire LA
MOUCHE , ou les Avantures de M. Bigand
, traduites de l'Italien par le mème
Auteur. in 12. 4. Parties.
LES HOMMES , quatrième Edition , rez
vie et corrigée par l'Auteur. 2. Vol. in- 8.
A Paris , chés Ganeau , Fils , rue S. Jacques
, vis-à- vis S. Yves , à Saint Louis.
M. DCC. XXXVIL
On ne sçauroit trop multiplier les bons
Livres , et les Editions des bons Livres.
Nous avons déja fait connoître ailleurs
( Mercure de Septembre 1734. ) le mérite
de celui-ci , qu'on vient de réimprimer ,
et dont on ne sçauroit trop recommander
la lecture , puisqu'au sentiment d'un
sçavant Aprobateur , il contient une étude
profonde de ce que les Hommes ignorent
le plus , et de ce qu'ils devroient le
plus sçavoir.
REGLE Artificielle du Temps . Traité de
la Division naturelle du Temps , des Horloges
et des Montres de differentes Constructions
; de la maniere de les connoître et de
Les
MARS. 1737. 527
›
les regler avec justesse . Par M. Henry Sully
, Horloger de M. le Duc d'ORLEANS
de la Societé des Arts. Nouvelle Edition ,
et augmentée de quelques Mémoires sur
Horlogerie. Par M. Julien le Roy , de la
même Societé. 1. Vol. in 8. A Paris , chés
Greg. Dupuis , rue S. Jacques , à la Cou
ronne d'Or. M. DCC. XXXVII, avec
plusieurs Figures.
AVANTURES de Don Ramire de
Roxas et de Dona Leonor de Mendoce
tirées de l'Espagnol , par Madame L. G.
D. R. 2. vol. in 12. A Paris , chés André
Cailleau , Quay des Augustins , au
coin de la rue Gist-le- coeur , 1737.
SECONDE LETTRE du R. P. Pois
SON , Provincial des RR. P.P. Cordedeliers
de la Grande Province de France ,
aux Convents , Abbayes et Monasteres de
sadite Province , sur la Mort du REVE
RENDISSIME P. GENERAL .
Sous le titre modeste de Lettre , le
R. P. Poisson nous présente ici un grand
Ouvrage , non- seulement à cause de son
étenduë , car la Lettre est divisée en deux
Parties assés considérables , mais encore
à cause des grands détails d'une rare érudition
, dans lesquels l'Auteur a trouvé
F
528 MERCURE
DE FRANCE
à propos d'entrer. Le sujet le comportoie
assés , car que ne peut - on pas dire , et
que ne devoit pas dire un Religieux
aussi sçavant que pieux , chargé d'ailleurs
par
la Supériorité de son Ministere , de
ne laisser échaper aucune occasion d'instruire
sur la nécessité de la mort et sur
la réalité de l'autre vie ? Nous sommes
fâchés les bornes qui nous sont pres que
crites ne nous permettent pas de donner
un Extrait suivi d'un Ouvrage , qui
est comme inondé de ce grand fleuve de
Littérature, dont nous avons déja parlé ,
au sujet d'une autre composition du R.P.
Poisson . D'ailleurs nous avons été prévenus
par d'autres Journalistes
qui ne
nous laissent presque rien à dire sur celleci.
Kemercions
cependant l'Auteur de
nous avoir apris bien des Particularités
Litteraires , qu'il est bon de ne pas igno
rer ; par exemple , p . 41. que la Capitale
de l'Espagne étoit autrefois apellée
Mantone , et que quand les Maures y eurent
établi leurs plus celebres Ecoles , ils
lui donnerent le nom de Madrid , qui en
leur Langue , dit le P. Poisson , d'après
Tirin , sur le 1. Ch . du Liv . des Juges
v. 11. signifie la Ville des Lettres , ou la
Mere des Sciences. Il faut , pour le dire
en passant , que ce nom moderne ait été
étrange
MARS.
1737. 529
étrangement corrompu de l'Arabe , puisqu'on
n'y voitaucun vestige de cette Langue.
Mais Tirin ne s'est - il point trompé ?
Notre Auteur accable d'un torrent
d'Erudition et de Citations , ceux qui seroient
assés malheureux pour ne pas croire
l'Ame immortelle et les suites de cette
immortalité. L'autorité de Marsile - Ficin
,, entre autres , est très- bien employée
à la page 53. mais on a omis l'expression
singuliere et énergique de ce Sçavant au
sujet de l'Ame , qu'il apelle Caracter expressus
ex matrice Divinitatis .
ERASMI FRELICH , Societatis Fesu ,
Quatuor Tentamina in re Nummaria vetere
, & c. Essais du P. E. Frelich , sur les
Médailles. A Vienne en Autriche , in 4.
HISTOIRE et Description generale
du Japon , où l'on trouvera tout ce qu'on
a pû aprendre de la Nature et des Pro
ductions du Pays , du Caractere et des
Coûtumes des Habitans , du Gouverne
ment et du Commerce , des Révolutions
arrivées dans l'Empire et dans la Religion
; et l'examen de tous les Auteurs
qui ont écrit sur le même sujet ; avec les
Fastes Chronologiques de la Découverte
du nouveau Monde , enrichie de figures
Fij en
530 MERCURE DE FRANCE
enTaille- douce. Par le R.P.de Charlevoix,
de la Compagnie de Jesus. 2. vol. in 4.
de plus de 600. pages chacun. A Paris ,
chés Julien Michel Gandonin , Quay de
Conty , J. B. Lamesle , rue de la vieille
Bouclerie , P. F. Giffart , rue S. Jacques ,
Rollin , fils , et Nyon , fils , rue du Hurs
poix 1736.
Après l'Epitre Dédicatoire au Cardinal
de Fleury , suit un Avertissement , dans
lequel l'Auteur s'exprime ainsi : J'ai peu
de chose à dire en particulier au sujet de
cette Histoire , qui n'est pas mon premier
Essai sur le Japon , si ce n'est que
jai éprouvé en y travaillant , combien
il est malaisé de refondre et de perfectionner
un Livre qu'on a fait dans sa jeunesse
, et dont on aime jusqu'aux défauts
qui se ressentent le plus de cet âge, 11
semble que les Auteurs ont pour les
premieres Productions de leur esprit les
mêmes foiblesses qu'on remarque dans
les Peres pour les Enfans qui leur sont
nés dans un âge avancé. S'ils conviennent
en general de leurs imperfections ,
ils ne les trouvent pas toujours telles
quand on vient au particulier et au détail.
Seroit- ce que par un effet de cet
amour propre qui naît avec nous , et qui
ne meurt qu'avec nous , les uns sont flatés
d'être
MARR S. 1737.
$ 31
d'être encore Peres , et les autres d'être
déja Auteurs dans un âge où il n'est pas
ordinaire de l'être ? Mon dessein est ,
poursuit- il plus bas , qu'on trouve ici de
quoi s'édifier et de quoi s'instruire , de
quoi nourrir sa pieté , et de quoi se remplir
l'esprit de connoissances utiles ; j'y
ai même de temps en temps ménagé de
quoi se délasser de l'attention que des
mande une lecture sérieuse.
Cet Ouvrage est déja fort connu par
les Extraits très- bien détaillés que les
Journalistes en ont donné, sur tout pour
ce qui regarde la Découverte du Japon ,
les Révolutions arrivées dans cet Empire
, dans la Religion , & c. Nous allons
tâcher de raporter quelques Morceaux
qui puissent interesser le Lecteur
curieux sur l'Histoire Naturelle le
Commerce et les Arts. Au reste rien
n'est épargné pour l'impression de ce
Livre , papier , Caracteres , Planches en
Taille douce ingénieusement dessinées ,
proprement gravées et en grand nombre,
tout répond à la beauté , à la solidité de
l'Ouvrage .
On trouve dans les Montagnes de
Tisugar ou de Tisugaru , situées à une des
extrémités Septentrionales du Japon , des
Agates de differentes especes . Il y en a sur
Fiij tout
$32 MERCURE DE FRANCE
tout de fort belles , d'une couleur bleuatre
et assés semblables au Saphir. Il y a
au même endroit des Cornalines et du
Faspe. Les Côtes de l'Isle de Xicoco , sont
remplies d'Huîtres et de Coquillages qui
renferment des Perles , dont les Japonnois
ont été long- temps sans faire aucun
usage. Ce sont les Chinois , qui en les
achetant fort cher , leur en ont fait connoître
le prix ; on en trouve encore ailleurs.
Les plus grosses et les plus belles
sont renfermées dans une Huitre apellée
Akoja , qui ressemble assés aux Coquilles
de Perse. Elle est à peu près de
la largeur de la main , mince , frêle
unie et luisante en dehors ; un peu¨ raboteuse
et inégale en dedans ; d'une couleur
blanchâtre , éclatante comme la Nacre
de Perle ordinaire , et difficile à ouvrir.
On ne voit de ces Coquilles qu'aux
environs de Saxuma et dans le Golfe
d'Omura , où les Chinois et les Tunquinois
en achetent tous les ans pour 300.
taëls. On assure qu'elles ont une qualité
prolifique , et que si l'on met quelques- .
unes des plus grosses dans une boëte avec
un certain fard du Japon , fait d'une
autre sorte de Coquille apellée Takaraga,
on voit naître une ou deux petites Peres
à côté de chacune , et que quand elles
sont
MARS.
17373 533
sont parvenuës à maturité , ce qui arrive
au bout de trois ans , elles se détachent
d'elles-mêmes. Mais ces Perles sont fort
fares , et ceux qui en ont les gardent
précieusement. J'ai vu dans plusieurs Relations
, continuë l'Auteur , qu'un trèsgrand
nombre de Perles du Japon sont
rouges. Les Auteurs les plus récens ne
parlent point de leur couleur; mais Marc
Paul de Venise dit positivement qu'on
ý en voit de rouges de figure ronde, qui
sont très-estimées .
Les Mers du Japon produisent une
très- grande quantité de Plantes Marines,
d'Arbrisseaux , de Coraux , de Pierres
singulieres , d'Eponges et de Coquillages
de toutes les sortes , qui ne le cedent
point en beauté à tout ce qu'on voit en ce
genre dans l'Isle d'Amboine et dans les
Moluques , mais les Japonnois en font
si
peu
d'estime
qu'ils
ne veulent
pas même
se donner
la peine
de les chercher
;
et s'il
s'en
rencontre
par
hazard
dans
les filets
des
Pêcheurs
, ils les
portent
au
plus
proche
Temple
de Febis
, qui est le
Neptune
du Japon
, comme
une
offrande
qu'ils
jugent
lui
être
agréable
, ou
comme
un tribut
qu'ils
s'imaginent
lui
devoir
rendre
des
productions
les
plus
rares
de l'Element
auquel
il préside
.
Fiiij On
134 MERCURE DE FRANCE
g
On avoit assuré l'Auteur qu'il ne se
faisoit point de Porcelaine au Japon et
que celle qu'on connoît en Europe
sous ce nom , et qui est si estimée se
faisoit à la Chine pour les Japonnois qui
l'y venoient acheter. Il est certain , ajoûte-
t'il , qu'ils y en achetent beaucoup ,
mais il ne l'est pas moins , que celle qui
porte le nom du Japon , se fabrique dans
le Figen , la plus grande des neuf Provinces
du Ximo. La matiere dont on la
forme est une argile blanchâtre , qui se
tire en grande quantité du voisinage d'U
risiino et de Suwota , sur les Montagnes
qui n'en sont pas fort éloignées , et en
quelques autres Endroits de cette même
Province. Quoique cette argile soit naturellement
fort nette , il faut encore la
pétrir et la bien laver avant que de la
rendre transparente , et l'on assure que
ce travail est si pénible , qu'il a fondé
un Proverbe , qui dit que les os humains
sont un des ingrédiens qui entrent dans
la Porcelaine. Je n'ai pû rien aprendre
davantage sur la fabrique de cette précieuse
Vaisselle. Elle ne differe pas beaucoup
de celle de la Chine.
On convient que l'ancienne Porcelaine
du Japon est plus estimée que celle de
la Chine , et mérite cette préference
sur
MARS. 1737. 535
sur tout par ce blanc de lait , qui lui est
particulier. Celle d'aujourd'hui a un peu
dégeneré. On croit que le secret de préparer
la matiere s'est perdu en partic.
Les Maisons sont fort basses , elles ont
rarement deux étages ; ce sont les tremblemens
de terre , si fréquens au Japon ,'
qui obligent de bâtir ainsi , mais si ces
Maisons ne sont pas comparables aux
nôtres pour la solidité ni pour l'élevation
, elles ne leur sont inférieures ni
pour la propreté ni pour la commodité ,
ni pour un certain agrément que les Japonnois
donnent à tout ce qu'ils font.
Presque toutes sont bâties de bois . Le
premier plan ou le rez - de - chaussée
est élevé de quatre ou cinq pieds , pour
éviter l'humidité ; car il paroît qu'en ce
Pays-là on ne connoît point l'usage des
caves , & c.
Les plus belles Vaisselles de Porcelaine;
ces Cabinets , ces Coffres si estimés et si
précieux , qui se transportent avec tant
de soin , ne servent point pour orner les
Apartemens où tout le monde est reçû ;
on les tient dans des lieux sûrs construits
exprès contre les accidens du feu
et les incendies , où l'on n'admet que les
Curieux et les meilleurs amis.
Les deux Apartemens qui divisent le
Fv corpss
136 MERCURE DE, FRANCE
corps de la Maison , consistent en plusieurs
Chambres séparées par de simples
cloisons , ou plutôt par des especes de
paravents , qu'on peut avancer ou recu-
Jer comme l'on veut ; ensorte que les
Chambres s'élargissent ou se retrécissent
selon le besoin . Les portes des Chambres
et les cloisons sont couvertes de papier ,
même dans les Maisons les plus magnifiques
; mais ce papier est orné de fleurs
d'or ou d'argent , quelquefois de peintu
res , dont le plafond est toujours embelli
; en un mot il n'y a pas un coin dans
la Maison qui n'offre quelque chose de
riant et de gracieux ; aussi peut- on dire
qu'en cela , comme en toute autre chose,
ces Insulaires ont conservé plus que tous .
les autres Peuples , le vrai goût de la
Nature , et qu'ils ont bien plus songé à
l'embellir , qu'à lui substituer l'Art , ou
la rendre méconnoissable par l'artifice
au reste , toute cette amenité coûte peu ;
on ne se sert d'aucuns matériaux qui ne se
trouvent sur les lieux et qui ne soient
à un prix fort modique.
Cette maniere de disposer les Apar
temens , rend les Maisons plus saines ;
premierement , parce que tout est bâti
de bois de Sapin et de Cédre ; en second
, parce que les fenêtres sont ouver- lieu
tes
MARS. 1737. $37
ge
tes de telle façon , qu'en changeant les
cloisons de place , on y donne un passalibre
à l'air . Le toît , qu'on couvre de
planches ou de bardeau , est soutenu de
grosses poutres; et quand la Maison a deux
étages , le second est , pour l'ordinaire, bâti
plus solidement que le premier. On a
reconnu par experience que l'Edifice en
résiste mieux aux tremblemens de terre . "
On répand sur tout le dehors de la Maison
plusieurs couches de vernis ; les toits
même en sont couverts. Ce vernis est
relevé de Dorures et de Peintures. Les
fenêtres sont chargées de Pots de fleurs , et
il y en a pour toutes les Saisons , si on en
croit François Caron : mais quand les
naturelles manquent , on y suplée par
les artificielles . Tout cela fait un effet
qui charme l'oeil , s'il ne le contente pas
autant que feroit une belle Architecture.
Les Maisons sont encore ornées de
Pots de fleurs , qu'on a soin de changer
selon la saison , d'entrelasser avec des
branches , et de disposer avec un art et
un goût infini ; de Cassolettes d'airain ,
ou de cuivre , jettées en moule dans la
forme d'une Grue , d'un Lion , ou de
quelqu'autre Animal rare , et toûjours
d'un travail exquis ; et de quelques pie-
F vj
ces
538 MERCURE DE FRANCE
ces d'un bois rare , dont les veines et les
couleurs sont admirables , et disposées
d'une maniere qui surprend , soit qu'el
les soient une production de la nature, ou
un effet de l'art. Quelquefois ces pieces
de bois n'ont de remarquable que leur
figure , et quelque jeu bizarre de la
Nature.
La Vaisselle , les Porcelaines et les au
tres ustencilles , rangées sur le plancher
dans un très - bel ordre , font un ornement
considérable.
Mais ce qu'on trouve dans les grandes
Maisons , et dans les plus belles Hôtelleries
de plus curieux , et de plus frapant,
ce sont les Jardins. Il n'est personne de
tous ceux qui en ont parlé , qui ne convienne
qu'on ne se lasse jamais d'en admirer
la beauté , là magnificence et le
goût. Ils occupent tout l'espace qui est
derriere la maison , et ils sont de la même
longueur , ordinairement quarrés , et
murés à la maniere des Citernes ; ce qui
donne lieu de croire que le terrain en est
creusé à quelque profondeur. On y- descend
par une galerie , au bout de laquelle
il y a un Bain et une Etuve ; car les
Japonnois ont la coutume de se baigner,
ou de se faire suer tous les soirs.
Une partie du Jardin est pavée de
pierres
MARS. 1737. 539
"
pierres rondes de diverses couleurs , qu'on
prend au fond des Rivieres ou au bord de
la Mer ; le reste est couvert de gravier ,
qu'on a soin de nettoyer tous les jours :
le tout est dans un desordre aparent , qui
a un agrément infini. Les plus grandes
pierres occupent le milieu et forment
une allée dans laquelle on peut se promener
: des Plantes qui portent des fleurs,
et dont il y a toûjours quelqu'une de rare
, sont disposées d'espace en espace , et
forment une agréable varieté. A un des
coins du Jardin il y a un petit Rocher ou
Côteau , parfaitement imité sur la Natu
re , orné d'Oiseaux , ou d'Insectés d'airain
, jettés au moule , et placés avec
art. Souvent un petit Ruisseau se précipite
du haut du Rocher avec un doux
murmure ; et tout cela est exécuté avec
une perfection qui ne laisse rien à désirer.
A côté du Rocher il y a un petit
Bois , planté à la main , et composé d'arbres
, qui peuvent croître fort près les
uns des autres : enfin on trouve dans un
autre endroit un petit Vivier environné
d'arbres , et rempli de Poissons , dont
quelques- uns ont la queue dorée ou argentée.
On y ajoûte des Pots de fleurs ,
ou bien on plante certains Arbres nains,
qui croissent aisément sur la Pierre de
Poncé ,
540 MERCURE DE FRANCE
Ponce , sans qu'il y ait dessus aucune
terre , pourvû que la racine soit toûjours
dans l'eau. Le petit Peuple en plante souvent
de cette espece devant les portes
des Maisons.
Les chemins , et jusqu'aux plus petites
routes , sont plantés des deux côtés
de Sapins, ou d'autres pareils arbres, qui,
par leur ombre , sont pour les Voyageurs
d'une grande commodité , et d'un grand
agrément : à quoi il faut ajoûter qu'il se
rencontre par- tout des Fontaines , qui
entretiennent l'air dans une grande fraîcheur.
Pour ce qui regarde la propreté
des chemins , on y aporte des soins qui
passent tout ce qui se pratique en cela
dans les Païs le mieux policés. On y a
creusé des fossés et des canaux pour en
faire écouler les eaux dans les terres basses
, qu'elles fertilisent , et on y a élevé
des digues , pour arrêter celles qui , tombant
des montagnes , ou des autres lieux
élevés , pouroient causer des inonda
tions.
•
Tous les jours on netoye les chemins,
et lorsque quelque Personne de grande
considération doit y passer , des hommes
gagés vont devant pour voir st
tout est en bon état . Les Seigneurs trouvent
toûjours , de trois en trois lieuës ,
des
MARS. 1737. 54T
des Cabinets de verdure dressés exprès
pour eux , où l'on a ménagé de petits
réduits leur commodité et pour
pour
leur besoin .
Outre les Hôtelleries , on rencontre
par- tout , jusqu'au milieu des Bois , de
petits cabarets où l'on trouve tout ce
qui est nécessaire à la vie , &c. Mais tous
les gîtes , dit l'Auteur , sont infectés d'une
vermine , dont il n'est pas aisé de se
garantir. Ce sont des Courtisannes, qui
font presque autant de lieux de débauches
, de tous les Cabarets et de toutes
les Hôtelleries , sur tout dans les petits
Bourgs , et les Villages de l'Isle Nipon
-sur le midi ; lorsque ces malheureuses
ont achevé de s'habiller et de se peindre,
elles vont se mettre aux portes des mai-
-sons , ou sur les parapets couverts , elles
invitent effrontément les passans à préférer
leur Hôtellerie aux autres ; il arrive
même souvent qu'à force de crier et
de se quereller , elles font un tintamare ,
dont toutes les campagnes voisines retentissent.
On raporte l'origine de cet
affreux désordre à forithomo , le premier
des Cubo - Samas , qui usurpa sur les
Dairys la souveraine puissance. Ce Général
, dit- on , craignant que ses Soldars
, fatigués de ses longues et pénibles
expéditions
542 MERCURE DE FRANCE
expéditions , ne l'abandonnassent , songea
à les retenir sous ses Enseignes` ,› en
leur procurant par tout le passage de ses
Armées , de quoi adoucir leurs fatigues',
et les dédommager des plaisirs légitimes ,
dont il les retenoit si long- tems privés ,
et il imagina cet infame commerce. Il
y en a encore un autre établi dans des
maisons publiques , plus infames que
celui- ci , dont nous n'osons parler.
Les Querelleurs , les mauvaises Lan
gues , les grands Parleurs sont au Japon
dans un souverain mépris . On les y regarde
comme gens sans courage , ou qui
pensent peu .'
On n'y souffre point les Jeux de ha
zard , ils passent dans l'esprit de ces Insulaires
, comme un trafic sordide , et
une occupation indigne de gens d'honneur.
Les Japonnois sont sensibles aux plai
sirs de la societé , ils se regalent souvent
, et ils le font avec une propreté et
une sorte de magnificence qui ne préju
dicie pourtant point à la sobrieté , dont
ils s'oublient rarement. Ce que nous
trouverions plus à redire dans ces festins,
c'est un Cérémonial qui ne finit point ;
il est vrai qu'ils s'en acquittent avec une
aisance et un ordre qui ne se peut expri
mer
MARS: 1737.
548
,
mer. Parmi un grand nombre de Domestiques
et d'Officiers de toutes les
sortes , on n'entend pas une parole ,
et on ne remarque pas la moindre confusion.
Les plats sont ornés de rubans
de soye , ct on ne sert pas une Perdrix
ni aucun autre oiseau , qui n'ait le bec et
les pattes dorées tout le reste est orné à
proportion ; la Musique accompagne ordinairement
le festin en un mot , les
yeux et les oreilles ont de quoi se repai
tre , mais il n'y a point d'excès à craindre
du côté de la bonne chere.
La délicatesse des petits ouvrages du
Japon n'est pas la moindre preuve de leur
adresse dans les Arts Méchaniques. On
a vû à Paris , il y a environ 30. ans , un
de ces ouvrages qui y fut admiré comme
un prodige , et comme digne d'être mis ,
dans son genre , en parallele ou en contraste
, avec le fameux Colosse de Rhodes.
C'étoit une Idole toute entiere , bien
proportionnée
, distincte en toutes ses
parties , assise dans une Niche ; le tout
fait avec la moitié d'un grain de ris ; l'autre
moitié faisant une espece de Piedestal
, sur quoi la Niche et la Divinité
étoient posées.
MEMOIRES
344 MERCURE DE FRANCE
MEMOIRES concernant le Droit de Tiers
et Danger sur les Bois de la Province de Normandie.
Par M. Louis Greard , Ecuyer. , ancien
Avocat au Parlement de Rouen ; avec les Preuves,
Notes et Observations de M. Louis Froland,
ancien Bâtonnier de Mrs les Avocats du Parlement
de Paris. A Rouen , chés Abraham Viret
et Pierre le Boucher , 1737. in 4.•
1
LA FAMILLE , Comédie en un Acte , représentée
par les Comédiens Italiens le 17. Septembre
1736. A Paris , tuë S. Jacques , chés
Pierre Ribou, 1737. Brochure in 12. de 57. pag.
HISTOIRE du Fanatisme de notre temps. Par
M. de Brueys. A Utrecht , chés Henry Corn . le
Fevre , et se trouve à Paris , chés Briasson , ruë
S. Jacques , 3. volumes in 12.
ESSAY PHILOSOPHIQUE sur l'Ame des
Bêtes , où l'on trouve diverses Refléxions sur la
Nature de la Liberté, sur celle de nos sensations,
sur l'union de l'Ame et du corps , sur l'immortalité
de l'Ame . Seconde Edition , revûë et augmentée,
à laquelle on a joint un Traité des vrais
Principes qui servent de fondement à la certitude
morale. A Amsterdam , chés Fr. Changuion ,
1737. 2. vol. in 12. Le premier de 434. pages ;
le second de 432. sans compter l'Epitre Dédicatoire
à M. de Fontenelle ; la Table et deux Préfaces
.
TECSERFON , Conte de Fées. Par M. B. de
S.A Paris , chés Prault , Pere , Quay de Gêvres,
1737. in 120
LA
MARS.
545
1
1737.
LA PROMENADE de S. Cloud , ou la
Confidence réciproque , troisiéme et derniete
Partie. A Paris , chés Gregoire - Antoine
Dupuis , Grand'Salle du Palais , au S. Esprit ,
1737. in 1 .
EXTRAIT d'une Lettre , écrite par M.
l'Abbé le Beuf, Chanoine d'Auxerre
au R. P. Dom A. Rivet , Benedictin
Auteur de l'Histoire Litteraire de France.
·
Il estasses naturel d'aimer sa Patrie;l'amour
que j'ai conçu pour la mienne , m'avoit
fait remarquer avec bien de la joye ce que
vous avez écrit dans votre second volume de
'Histoire Litteraire de la France , à la page 261.
S. Germain , Evêque d'Auxerre , parmi les Auteurs
Ecclesiastiques , m'a paru un trait frapant
en fait de Découverte. J'avois lû autrefois que
quelques Auteurs lui attribuoient un Commentaire
sur les Pseaumes , conservé à l'Abbaye de
S. Thierry , proche Rheims , mais après les
Eclaircissemens pris , il s'est trouvé que c'est la
Commentaire de Remi , Moine de S. Germain
d'Auxerre , qu'on lui a attribué mal- à- propos.
J'ai cherché en vain jusqu'ici l'Histoire de la
Mission de ce Saint et de S. Loup de Troyes ,
dans la Grande Bretagne , que M. de Tillemont,
T. XV. . p. 16. lui attribuë , et qu'il dit être entre
les mains d'une Personne celebre , qu'il ne
nomme pas. Si j'avois fait cette Découverte , je
me serois tenu aussi heureux que je regarde
celui des Reverends Peres Jesuites d'Anvers ,
* Le R. P. Vanden Bosch , apellé dans l'Ou
vrage Acta Sanctorum , du nom de Petrus Boschius.
qui
346 MERCURE DE FRANCE
qui a découvert que le Concile National qui dé→
puta ces deux Saints pour aller dans la Grande
Bretagne, fut tenu à Troyes. Voyez leurs Notes:
sur la premiere Vie de S. Loup de Troyes , T.
Julii.
Je me réjouissois donc , Mon R. P. de pou
voir enfin lire , au moins quelques lignes sorties
de la plume de ce grand Evêque des Gaules .Pour
'y parvenir , j'ai fait chercher , suivant votre
conseil , parmi les papiers de Dom le Nourry
Editeur de S. Ambroise , pour y lire de quelle
maniere cet Evêque y parle de son voyage de la
Grande- Bretagne , puisque c'est tout ce que Dom
le Nourry en a raporté dans la Préface . Dom Le
meraud, Bibliothequaire de S. Germain des Prés,
qui a bien voulu prendre cette peine , m'ayant
assuré que le Discours cité par Dom le Nourry,
ne se retrouvoit plus parmi les papiers de l'Edi
teur de S. Ambroise , et Dom Edmond Martenne
m'ayant certifié qu'il ne l'avoit jamais vû par
mi ceux de Dom Mabillon , j'ai pris le parti de
suplier M- le Marquis de Bonnac , Ambassadeur
de France en Suisse , de vouloir bien en faire tirer
une nouvelle copie à l'Abbaye de S. Gal ; ce
les Religieux de ce célebre Monastere ont
fait de la meilleure grace du monde.
que
Dom le Nourry a marqué après Dom Mabillon
, que le Manuscrit de S. Gal a mille ans
d'antiquité pour le caractere. La composition de
POuvrage est bien plus ancienne , puisqu'elle est
de la fin du quatrième siècle .
Il est bien vrai , au reste, que cet Ouvrage n'est
pas de S. Ambroise , qu'il est d'un Evêque des
Gaules; mais il n'est pas de S. Germain, Evêque
d'Auxerre , comme vous l'aviez conjecturé . II
est de S. Victrice, Evêque de Rouen . Votre Histoire
MARS. 1737. 547
roire n'y perd rien . C'est toujours également un
Auteur que les Gaules acquerent , lequel seroit
resté dans l'oubli sans la remarque de Dom
le Nourry. Vous verrez ce que j'en dis dans une
Lettre que j'écris à ce sujet à M. Clérot , Avocat
au Parlement de Rouen , et homme de Let
tres , dont vous avez pû lire quelques Disserta➡
tions dans les Mercures. J'ai crû lui devoir envoyer
promptement mes Remarques , à cause de,
elles que j'attends de fui. Il est én état d'en faire
par sa sagacité et parce qu'il est sur les Lieux,
prenant
d'ailleurs fort à coeur tout ce qui regar
de la Ville de Rouen.
A Paris le premier Mars 1737.
EXTRAIT dune Lettre écrite de Rome
le 14 Février 1737. contenant plusieurs
Nouvelles Litteraires..
' Ai d'abord à vous parler d'un Livre nouveau
qui fait ici du bruit , et qui nous interesse ;
C'est un Ouvrage posthume de M. Fontanini ,
publié par Dominique Fontanini , son Neveu. Il
a pour Titre , Della Eloquenza Italiana di Monsignor
Giusto Fontanini , Arcivescovo d'Ancira.
Lib. III. 1736. in 4. Il avoit publié en 1706,
un Essai de cet Ouvrage , mais celui- ci est fort
augmenté et presque different. On y traite à fond
Porigine et le progrès de la Langue Italienne , et
on y trouve bien des Recherches sur l'ancienne
Langue Romana , sur l'Idiome Provençal , et sur
les anciens Romans . Le troisiéme Livre , qui fait
les deux tiers de l'Ouvrage , contient une Bibliotheque
des meilleurs Livres Italiens, sur tout
des anciens avec des Remarques pleines de
?
grands
548 MERCURE DE FRANCE
grands détails pour la connoissance des Auteurs .
et de tout ce qui regarde la Litterature Italienne.
Voici un autre Livre que je ne crois pas être
encore. connû en France. Epitome Graca Paleographia
, et de recta graci sermonis pronunciatione
Dissertatio Aut. D. Gregorio Placentinio Hieromonacho
Crypto serratensi, ordinis S.BasilüMagni,
Roma , 1735. in 4. La premiere Partie contient
un Abregé clair et méthodique de la Paleographie
Grecque du R. P. de Montfaucon ; on y
trouve , page 121. une Inscription qui aura pour
vous l'agrément de la nouveauté. Elle fut déter
rée au commencement d'Avril 1735. près de
Tusculum. Voici ce qu'elle contient.
D. M.
FANIO PRI
MITI ( a ) BO
QV I. B. (b) A. XII.
ALVMNO. IN
2
COMPARABILI
FANIVS
CORINTVS
ET SOFIAS
FECERVNT.
M. Botari , qui est Bibliothequaire du Pape er
de la Bibliotheque Corsini , Homme de mérite ,
&c. travaille à un grand Ouvrage sur Roma Subterranea
, en 2. vol . in -fol. Ce n'est point unę
nouvelle Edition du premier , comme on avoir
annoncé, mais il doit redonner toutes les figures
et antiquités de ce Livre , dont le Pape a acheté
(a) Pour Primitivo, ( b ) Bixit pour Vixit .
les
MARS. 1737: 549
les .Cuivres , avec des Explications nouvelles .
Dans un Ouvrage Latin de Guyet sur les Fêtes,
qu'on a réïmprimé depuis peu à Venise , 1. vol.
in-fol. On a mis à la fin le Traité du P. Thomassin
sur l'Ọffice Divin , traduit en Latin . Tous
les Ouvrages de ce Pere sont ici fort estimés des
Sçavans.
Le P. Sala , Feuillant , travaille à donner un
Corps de toutes les Euvres du Cardinal Bona ,
où il y aura bien du nouveau.
Vous me demandez des nouvelles de M. Assemanni
, Illustre et sçavant Maronite , pour lequel
vous vous interessez. Il y en a de toutes récentes.
Le Pape , comme vous sçavez , l'a envoyé
au Mont Liban en qualité de Nonce Apostoli-'
que , pour regler quelques differends survenus
dans l'Eglise et parmi la Nation Maronite , à
quoi il a parfaitement réussi par la tenuë d'un
Synode , qui a tout pacifié . On est ici très content
de sa gestion. On n'avoit point tenu de Synode
chés les Maronites depuis le Pontificat de
Clement VIII, mort en 1695. lequel avoit envoyé
pour le même sujet le P. Jérôme Dandini ,
Jésuite , dont on a une Relation exacte , traduite
en François , avec des Remarques ou plutôt une
Critique outrée de M. Simon.
Jacques Frey , qui a épousé la fille du fameux
Carlo Marata , passe, avec raison , pour le meil
leur Graveur de Rome ; ses Estampes sont trèsrecherchées
. Je vous en envoye la Liste imprimée
, qui contient les noms des grands Maîtres
dont il a gravé les Tableaux , avec le prix de
chaque Estampe . Il demeure toujours près l'Eglise
dite la Madona di Constantinopoli , en al-
Tant à la Place Barberine,
LETTRE
350 MERCURE DE FRANCE
LETTRE de M. Verguin , datée de
Quito, le 20. Juillet 1736.
N
Ous sommes partis , M. le 3. May de
Goyaquil , en remontant la Riviere dans
une Châte , sur laquelle nous avons resté 8. jours
pour arriver à Carracol , qui a été le 11. dudit ,
où les Mules que le Président de Quito avoit
donné,ordre qu'on tint prêtes, nous attendoients
cette Riviere est fort navigable , ses courans ne
sont pas si rapides que ceux de la Riviere de
Chagre ; on trouve tout le long des Cases d'Indiens
, dans lesquelles on peut coucher ; il y a
des Canards en quantité , des Gallipaves ( espece
de Cocqs d'Inde qui sont très- bonnes à man
ger; des plantations de Bananiers, ce qui a fait
la plus grande partie de notre nourriture ; de-
Sorte que pour toute provision , partant de Goyaquil
pour aller au Carracol , on n'auroit besoin
que d'un fusil , de poudre et de plomb
on ne manqueroit jamais de rien.
Nous avons vu au bord de ladite Riviere des
quantités prodigieuses de Caymans , qui avoient
jusqu'à 18. et 20. pieds de long et gros à proportion
; nous y avons beaucoup souffert à cause
des Maringouins , qui ne nous permettoient point
de prendre aucun repos ni la nuit ni le jour.
Le 14. May , nous avons commencé notre
marche par terre pour nous rendre à Quito avec
80. Mules de charge , ayant laissé là une grande
partie de nos Equipages et Instrumens,et trois Domestiques
pour en avoir soin,faute de Mules ; après
une heure de marche, nous avons passé à gué la
Riviere d'Oyiva 4. fois en deux minutes , et 9. fois
en moins de trois quarts d'heure. Cette Riviere
CSE
MARS. 1737.
SSE
est très-rapide , le fond en est raboteux , on y
perd très- souvent des Mules , il y avoit de l'eau
jusqu'au poitrail , le chemin a été fort mauvais
à cause des boues , nous avons campé au bord
de la Riviere pour y passer la nuit , pendant laquelle
les Maringoüins y ont fait leur dernier
effort ; on nous a assuré que nous n'en trouverions
plus , nous avons ainsi marché par des
Montagnes qui paroissoient inaccessibles , des
chemins très-mauvais , y ayant de la boue jusqu'aux
sangles des Mules , et quantité de bran
ches d'arbres qui traversoient les chemins, contre
lesquelles on se creveroit à tous momens les
yeuxpour peu qu'on n'y fit pas une grande attention
, passant par des sentiers de 7. à 8. pouces
de large , ayant d'un côté une hauteur fort roide
et de l'autre un précipice de plus de 200. toises
de profondeur , au moindre faux pas de la Mule ,
il n'y auroit pas d'espoir d'en revenir . Après
cinq jours de marche aussi pénible et couchant
à la belle étoile toutes les nuits , nous sommes
enfin arrivés le 18. dudit à Goarenda ( Pueblo ,
habité par les Indiens et quelques Familles Espagnoles
) le Corregidor est venu au-devant de
nous avec six des Principaux , à deux lieues de
distance, il nous a conduit à sa Maison de Campagne
, qui est à une petite licue de Goarenda ,
où il nous avoir fait préparer à dîner , nous
avons continué notre marche vers le Pueblo, avec
ce cortege, et à un quart de lieue de Pueblo, nous
avons rencontré une douzaine de Cavaliers qui venoient
au-devant de nous pour nous complimenfer
; ils se sont joints à nous et nous avons poursuivi
ainsi notre chemin , le long duquel le menu
Peuple avoit bordé la haye de chaque côté , et
quatre jeunes Indiens , habillés de bleu , avec une
G ceinture
552 MERCURE DE FRANCE
ceinture blanche, et un mouchoir blanc à la tête,
tenant un long bâton à la main au bout duquel
il y avoit une espece de banniere , venoient autour
de nous, faisant des cris de joye à leur mode
; à l'aproche de Pueblo , nous avons entendu
les Cloches et des especes de Trompettes , dont
ils sonnoient , nous avons été ainsi conduits à
la Maison du Roy , où loge le Corregidor , qui
nous y avoit fait préparer des Logemens ; on
avoit fait des festons de verdure autour des piliers
qui regnent le long d'une Galerie. Nous
avons bû à la glace, et pendant le soupé il y eut de
la Symphonic, composée de Harpes et de Violons .
Nous n'avions vû jusques ici de notre marche
par terre , que des Forêts , des Montagnes
inaccessibles et des lieux déserts , mais à l'endroit
où nous avons rencontré le Corregidor , nous
avons crû être dans un nouveau Monde , par
l'aspect agréable de la Campagne , étant variée
d'un côté par la verdure des bleds qui étoient
naissants , d'un autre par les Chaumes et les terres
préparées à recevoir la semence , les légumes
en fur , comme des pois , des féves , &c. des
troupeaux de Moutons, paissants sur des Côteaux ,
des Vaches et autres Bestiaux dans les savanes
des fonds et des habitations éparses d'un côté et
d'autre , nous avons commencé à sentir l'air un
peu plus froid , quoique nous fussions plus proches
de la Ligne qu'à Goayaguil , Goarenda
n'étant que par un degré 35. minutes de latitude
Sud , ce qui vient de la hauteur que le terrain a
au dessus du niveau de la Mer. Nous avons fait
pendant la route plusieurs Observations de Barometre
à differens endroits , j'aurai l'honneur
de vous en faire part lorsque je les aurai rédigées .
Le 21. à Goarenda , le Thermometre de M.
de
MARS.
553
1737.
de ... marquoit 1004. parties n'étant éloigné
du terme de la glace que de 4. parties ; pendant
notre séjour dans.ce Lieu , nous y avons
pris plusieurs hauteurs d'Etoiles , passant par le
Meridien le Corregidor a continué de nous y
régaler jusques au 21. midi trois quarts , que
nous avons poursuivi notre chemin vers Quite,
ayant changé de Mules ; le second jour de notre
départ nous avons cotoyé la Montagne de Chimborasso
, couverte de neige toute l'année , nous
y avons ressenti un froid aussi cuisant qu'au
mois de Janvier en France , étant toujours dans
la Brume , nous avons couché à la belle étoile
fort près de cette Montagne , à S. heures trois
quarts du matin , le Thermometre marquoit
loop qui est le terme de la glace , ce qui a été
-justifié par un peu d'eau qu'un Domestique avoit
laissé dans un Gobelet, laquelle cau j'ai trouvée
glacée , quoiqu'elle ne fût éloignée que d'environ
6. pieds d'un feu que nous avions fait auprès de
nous et qui avoit brulé toute la nuit.
>
Nous avons eû 8. jours de marche pour nous
rendre à Quito et passé par plusieurs Pueblo
où les Corregidors et Principaux des Lieux nous
ont comblé de politesse ; les chemins ont été assés
beaux , et nous n'y avons pas couru les mêmes
risques qu'à celui du Caracol à Goarenda.
La veille de notre arrivée M. le Président nous
a écrit , c'étoit pour sçavoir le jour de notre arrivée,,
ayant dessein de venir au-devant de nous
à cheval , accompagné des Principaux du Lieu ,
on lui a fait réponse le lendemain matin par le
même Porteur , qui ne nous avoit devancé que
d'une heure.
Le 29. May , comme nous étions à l'entrée de
Gij la
554 MERCURE DE FRANCE
Ja Ville , il est venu deux Cavaliers pour nous
dire de la part du Président et de sa Suite , d'attendre
, qu'ils alloient venir pour nous recevoir,
après les avoir remerciés, nous avons été descen
dre au Palais du Président , pour lui épargner la
peine d'en sortir, il nous a fait un fort bon accueil
et offert tout ce qui dépendoit de lui , demie heure
après , il nous a conduit au Palais Royal , où il
nous avoit destiné un logement. Je ne parle
point de l'affluence du monde qui étoit après
nous ou qui paroissoient aux fenêtres , on auroit
dit que nous n'étions pas des hommes faits comme
les autres. Nous avons été servis pendant
trois jours par les Officiers du Président , qui
nous préparoient à manger chés lui ; le Dimang
che ensuite il a donné à dîner à toute la Compagnie
chés lui ; mais point de femmes ( à l'Espagnolle
quoiqu'il en ait une fort jeune et fort
aimable.
Toute la Ville en general , le Corps de Justice
en Robes de ceremonie , et les Corps de Communautés
nous ont fait visite et offre de service,
à quoi nous avons répondu de notre mieux.
Le 11. du mois
de Juin
je suis
sorti
de Quito
pour
aller
reconnoître
le Pays
au- dessous
de la
Ligne
par le Méridien
de Quito
; et de- là à l'Est
,
et voir
s'il n'y
auroit
point
de Plaine
qui
put
nous
servir
de base
aux
Opérations
que
nous
devions
faire
J'ai
levé
la Carte
du Pays
jusques
à
environ
9.licües
au Nord
et 10. à 12.licies
à l'Est
,
avec
la position
des Montagnes
,qui nous
serviront
pour
former
les Triangles
, je n'ai
trouvé
que
la Plaine
de Pueblo
de Cayembé
, qui
aura
environ
6000.
Toises
, et que
nous
serons
forcés
de
prendie
, n'y
en ayant
pas d'autres
dans
l'inteleur
des
Terres
, le Pays
étant
fort
montagneux
.
"
Jai
MARS. 1737.
555
Pai resté douze jours dans mon voyage.
La Ville de Quito est une des plus anciennes
du Pérou , où les principaux Juges faisoient leur
résidence , elle est située dans une Vallée par les
14. minutes de Latitude Sud , et à environ 5 .
heures 21. minutes de difference au Méridien
dont elle est plus Occidentale que Paris , par
l'experience du Barometre faite à Goyaquil er
comparée à celle faite ici , la difference des hau
teurs du Mercure donne 1691. toises d'élevation
à Quito , au- dessus du niveau de la Mer ; la
Ville a environ 1200 , toises de long , sur 700 .
à 800. de large , il y a un Evêque , une Paroisse ,
des Chanoines , une Audience Royale , compo
sée du Président , de trois oydons , d'un Pro- .
cureur Fiscal ; il y a plusieurs Communautés
de Religieux ; sçavoir, les Jesuites , les Jacobins,
les Franciscains , les Augustins , les Peres de la
Mercy et trois Convens de Filles Religieuses ;
les Eglises y sont fort belles , un peu trop sur
chargées de Dorure , Sculpture et Architecture
, desorte qu'on en feroit d'un meilleur goût
en France à moindre prix , cependant elles ont
ún air riche , on y compte en tout , compris les
Indiens , environ 30000. ames. La température
de l'air y est à peu près comme le Mois de May
en France ; hors le matin et le soir qu'il fait un
peu plus de froid ici ; il y pleut depuis le mois
d'Octobre jusques au mois de May, desorte qu'on
n'a que quatre mois de l'année où le temps y
soit un peu plus sûr , quoique nous n'ayons pas
encore vû un seul jour où le Ciel ait été serein et
sans nuages , ce qui n'est gueres propre pour de's
Astronomes ; le terroir est très - fertile , en tout
temps de l'année on seme et on moissonne le Bled;
on y trouve les mêmes fruits à peu près qu'en
Gj Euroge
556 MERCURE DE FRANCE
Europé et quelques -uns de particuliers au Pays
hors des Raisins .
La longueur du Pendule simple à seconde a été
trouvée après plusieurs Experiences, de 36. pouces
6. lignes
gent
80
10
Le 23. Février , M. Frémond , Docteur Réde
la Faculté de Médecine et Professeur des
Ecoles , commença un Cours d'Anatomie dans
l'Amphitéatre des mêmes Ecoles de Médecine
rue de la Bucherie.
Le premier Mars , les Bacheliers de cette Faculté
commencerent les Dissections et Démonstrations
Anatomiques , en présence des Docteurs,
qui interrogeoient , &c. ce qui a été continué
les jours suivans .
Le sieur Jean Rudolphe Im-Hoff, Libraire à
Bâle , ayant apris que plusieurs Personnes, quoique
très- curieuses d'avoir l'Edition de l'Histoire
de M. de Thou . imprimée. à Londres en sept
volumes , en sont cependant détournées par la
cherté du prix , fait sçavoir qu'il se propose de
réïmprimer en entier cet Ouvrage par souscription
, conformément à l'Edition de Londres , en
beau papier et beaux caracteres , dont il a envoyé
le modele à Paris et chés differens Libraires
du Royaume.
Il avertit qu'il fera entrer les Notes , mises
dans l'Edition d'Angleterre , à la fin du dernier
Tome , chacune en la place convenable , selon
le Texte auquel elles auront raport . Il enrichira
aussi cette Edition d'une Table Latine - Françoise
des noms propres , comme le Public a paru la
souhaiter, et d'un plus ample détail de la Vie de
l'Auteur.
L'Ouvrage
MARS.
557 1737.
L'Ouvrage en sept Tomes, reviendra à soixante
cinq livres , argent de France. En souscrivant on
payera vingt livres. On réïterera le même payement
en recevant les trois 1ers Tomes ; et enfin
on achevera le payement de vingt - cinq livres en
recevant les quatre derniersTomes . On ne recevra
les Souscriptions que jusqu'à la fin du mois de
Mars 1737. Elles se font à Paris , chés Montalant
, Mariette et Cavelier ; à Lyon , chés les
Freres de Tourne , de Ville et Chalmette ; à Marseille
, chés Carry ; à Nancy , chés la veuve Cusson
et Antoine ; à Besançon , chés Charmet ; à
Louvain , chés Denique ; à Luxembourg , chés
Chevalier.
M. Joseph Bimard , Baron de la Bastie - Monsaleon
en Dauphiné , né à Carpentras le 6. Juin
1703. fut reçû Membre de l'Académie Royale
des Inscriptions et Belles- Lettres le 12. Février
dernier. Quoique dans un âge peu avancé,M. de
la Bastie est déja fort connu et distingué dans le
Monde Litteraire par des Ouvrages remplis d'une
belle Erudition et de Recherches curieuses.
Voici les Sujets de ceux qui sont venus à notre
connoissance .
De Vita, Rebus, Gestis , et Nummis T. DIDII
Consulis , et Gente Didia Parergon. 1. vol. in 4.
Geneva , 1730.
Deux Lettres sur l'Arc de Triomphe d'Orange
, adressées à M. de Valbonnois , P. Président,
&c. et inserées dans le Journal de Trévoux ,
Juillet et Août 1730.
M. le Président Bouhier lui ayant écrit sur une
Médaille de Valballathus , M. de la Bastie lui
répondit sçavamment . Les deux Pieces se trouvent
dans les Memoires d'Histoire et de Litterature
, T. IX, Part. I I. Giiij On
560 MERCURE DE FRANCE
ailleurs dans la Basse -Normandie , où l'on a
trouvé jusqu'à des Medailles Grecques et Pu
niques.
Les Lettres de Lisbonne , portent qu'on y
avoit apris de Guimaraens , que l'Académie des
Belles- Lettres qui y est établie , ayant proposé
des Prix pour les trois meilleurs Poemes écrits
en Vers Latins , Portugais et Castillans , qu'on
lui présenteroit sur la Naissance de l'Infante
Dona Marie- Anne- Françoise - Josephine , elle
s'étoit assemblée extraordinairement au mois de
Janvier dernier pour distribuer ces Prix ; que le
Docteur Manuël Lopes de Araujo , avoit remporté
celui de Poësie Latine ; que celui de Poësie
Portugaise avoit été donné à Don François de
Pinta de Mello , et que Don Juan Egas de Bulhoens
et Sousa , avoit eû celui de Poesie Castilane.
Après l'Assemblée dans laquelle se fit la
distribution de ces Prix, il y cut un Concert dans
la Salle de l'Académie, et le soir les Académiciens
firent tirer un magnifique Feu d'Artifice,
On a imprimé l'année derniere à Bologne ,
chés Lelio della Volpe , in 4. Bertoldo con Bertoldino
e Cacasene , in ottava rıma , con Argomenti
, Allegorie , Annotazioni e figure in rame.
Jules Cesar Croce , Maréchal de Boulogne
est l'Auteur original de ce facétieux Ouvrage. Il
vivoit sur la fin du r6e siecle ; son Livre , qui ne
contenoit d'abord que les Avantures de Bertolde
et de Bertoldin , son fils , fut augmenté dans la
suite par Camille Scaliger , qui y ajoûta celles de
Cacaseno , fils de Bertoldin , et le Peintre Joseph--
Marie Crespi , enbellit le tout de Planches gravées
, lesquelles furent extrémement recherchées
des
de
Mile
Mairer
39
ce vin vin aan
11
TI
MARS. 1737. 561
'des Curieux. Ces Planches étant usées , non - seulement
on doit aux soins de l'Imprimeur Lelio
della Volpe , d'en voir paroître à présent de
nouvelles , dessinées et gravées par Louis Mattioli
, celebre Peintre de Boulogne , mais encore
d'avoir engagé une Compagnie d'habiles gens à
mettre en Vers l'Ouvrage de Croce , et d'en avoir
donné une Edition où rien n'est épargné soit par
raport au papier et aux caracteres, soit par raport
ala beauté des Estampes , qui sont en grand
nombre.
La Suite des Portraits desGrands Hommes et des
Personnes Illustres , se continue toujours avec succès
, chés Odieuvre, Marchand d'Estampes, Quay
de l'Ecole , vis - à- vis la Samaritaine . Il vient de
mettre en vente et toujours de la même grandeur :
LOUISE FRANÇOISE DE LA BAUME
LE BLANC , Duchesse de la Valliere , morte à
Paris le 6 Juin 1710. âgée de 66. ans, moins 2.
mois , peinte par P. Mignard , et gravée par
Chaulet.
JEAN BAPTISTE LULLI , né à Florence
, mort à Paris en Mars 1687. âgé de 54. ans ,
gravé par Sornique .
AIR A BOIRE.
Après avoir tant bu de ce vin agréable ,
11 est temps , Amis , de chanter à table ,
Et vous me blâmeriez si je ne chantois pas ;
Car enfin vous pouvez bien croire
Qu'on chante mieux un Air à boire ,
Quand on a bú vingt coups dans un repas.
G vj
SPEC
562 MERCURE DE FRANCE.
L
SPECTACLES.
'Académie Royale de Musique remit
sur son Théatre le 14. de Février
l'Opera de Persée . Cette Tragédie fut reçûë
du Public avec une satisfaction ineprimable
; le succès éclatant et continu
de cette Piece fait voir tous les jours à
ceux même qui se sont le plus laissé entraîner
au charme de la nouveauté , que
ce qui est veritablement beau. ne vieillit
jamais , et rentre tôt ou tard dans
ses droits ; personne ne doit ignorer que
ce Chef d'oeuvre est sorti des mains du
plus grand Musicien et du plus célebré.
Poëte que la France ait jamais eu . On
doit encore moins ignorer que ces titres
glorieux n'apartiennent qu'à Lully et à
Quinault dont les noms ne mourront
jamais. Après un si juste éloge , il ner.
nous reste qu'à remplir nos engagemens
avec le Public , par un Extrait que nous
abregerons autant qu'il nous sera possible.
L'union de la Fortune et de la Pertu
dans la Personne du Héros de la France ,
est le sujet du Prologue. Le Théatre re-
Presente
MARS. 1737. 568
presente d'abord un simple Bocage , retraite
ordinaire de la Vertu . Les Suivan
tes de cette modeste Divinité célebrent
la douceur de ses Loix par ces Vers :
La Grandeur brillante ,,
Qui fait tant de bruit ,
N'a rien qui nous tente ;,
Le repos la fuit ,
Malheureux qui la suit..
Fortune volage ,
Laissez-nous en paix';
Vous ne donnez jamais
Qu'un pompeux esclavage ;
Tous vos biens n'ont que de faux attraits-
Dans un doux azile
Nous bornons nos voeux ;
Notre sort est tranquile ;
C'est un bien qui doit nous rendre heureux-
Le Théatre change et represente un
Brillant Palais ; ce superbe embellissement
annonce la Fortune. La Vertu est
surprise de voir que cette inconstante
Déesse , qui lui fut toujours contraire ,
vienne la chercher dans son obscure Retraite
, qu'elle prend soin d'embellir. La
Fortune lui répond qu'elle exécute les
ordres du Héros de la France ; elle s'ex-
Prime ainsi ::
Effaçons.
564 MERCURE DE FRANCE
Effaçons du passé la mémoire importune ;
J'ai toujours contre vous vainement combattu
Un Auguste Héros ordonne à la Fortune
D'être en paix avec la Vertu .
Cette Scene , à laquelle on n'avoit jamais
rendu assés de justice , a paru une
des plus ingenieuses de l'Auteur En voi
ci quelques fragmens , c'est la Vertu qui
parle à la Fortune.
Mes biens brillent moins que les votres ;
Vous trouvez tant de coeurs qui n'adorent que
vous ;
Vous les enchantez presque tous.
La Fortune lui répond :
Vous regnez sur un coeur qui vaut seul tous les
autres !
Ah ! s'il m'eut voulu suivre , il cût tout sur
monté ;
Tout trembloit , tout cédoit à l'ardeur qui l'a~
nime" ;
C'est- vous , Vertu trop magnànime,
C'est- vous qui l'avez arrêté.
Certe noble contestation entre la Ver
tu et la Fortune finit par un très - beau '
Duo qui les réunit ; en voici les Vers :
Sans cesse combattons à qui fervira mieux
Ge Héros glorieux.
Les
M-AR S.
17378 565
Les Dieux ne l'ont donné que pour le bien die
monde , & c.
Les Suivantes de la Vertu et de la For
fune chantent les mêmes Vers en Choeur.
La Fortune annonce le Sujet de la Tragédie
par ces derniers Vers , apliqués au
Héros de la France.
Que jusque dans les Jeux tout nous parlé de
lui
Les Dieux qui méditoient leur plus parfait on ™
vrage ,
Autrefois dans Persée en tracerent l'Image ,-
Jobtiendrai qu'Apollon le ranime aujourd'hui.
La Suite de la Vertu er de la Fortune
fo ment le Divertissement de ce Prologue.
Le Théatre represente au premier Aca
re une Place publique , ornée pour céle-
Brer les Jeux Junoniens Cephée , Roy
d'Ethiopie , expose le sujet de la Tragé
die par ces Vers , qu'il adresse à Cassio
pe , son Epouse.
Je crains que Junon ne refuse
D'apaiser sa haine pour nous.
Je crains , malgré nos voeux que l'affreuse Me
duse
Ne revienne servir son funesté couroux .
L'Ethiopio
566 MERCURE DE FRANCE
L'Ethiopie en vain à mes Loix est soumise
Quelle esperance m'est permise' ,
Si le Ciel contre nous veut toujours être armë g
Que me sert toute ma puissance ?
Contre ce Monstre affreux mon Peuple est sans
défense
jt
Qui le voit est soudain en rocher transformés
Et si Junon , que votre orguëil offense ,
N'arrête sa vengeance,
Je serai bientôt Roy d'un Peuple inanimé .
Cassiope acheve l'exposition par l'aveu
de son crime, et par le desir ardent qu'el
le a de le réparer ; voici comment elle
s'exprime.
Heureuse Epouse , heureuse Mere ,
Trop vaine d'un rang glorieux ,
Je n'ai pû m'empêcher d'exciter la colere
De l'Epouse du Dieu de la Terre et des Cieux
J'ai comparé ma gloire à sa gloire immortelle
La Déesse punit ma fierté criminelle ;
Mais j'efpere calmer son courroux, rigoureux.
C'est par les Jeux qu'on va célébrer
en l'honneur de Junon que Cassiope est
pere expier le crime de sa vanité. Cephée
la quitte pour aller de son côté implorer
le secours de Jupiter avec Persée , à qui
ce Souverain de tous les Dieux a dorinė
la naissance..
Cassiope
MARS. ·1737. 567
1
Cassiope fait connoître à Merope , sa
Soeur , qu'elle craint de ne pouvoir ache
ver l'hymen qu'elle avoit projetté entre
elle et Persée , attendu que ce Héros aime
Andromede ; elle l'exhorte à cacher
l'amour qu'elle a pour lui ; Merope lui
répond.
Mon Vainqueur encore aujourd'hui
Ignore de mon coeur le funeste esclavage ;
Je mourrois de honte et de rage ,
Si l'ingrat connoissoit l'amour que j'ai pour lui.
Quoique le Rôle de Merope soit purement
épisodique , et qu'il ne
et qu'il ne tienne
presque point à l'action principale , il
devient très-interessant dans la bouche
de l'Actrice qui le chante ; on avoüe généralement
que la Demoiselle Antier n'a
jamais fait tant de plaisir , que sa voix
n'a reçû aucune diminution , et que son
jeu se perfectionne tous les jours.
Après un dialogue entre Phinée et Andromede
lequel a de grandes beautés, on
vient célébrer les Jeux Junoniens , mais ,
la Déesse , à qui ils sont consacrés , n'en
est pas moins inflexible. Les Peuples,
éperdus viennent annoncer le retour
de Méduse . Ainsi ce premier Acte qui
avoit commencé par l'esperance d'un
•
SOLE
568 MERCURE DE FRANCE
sort plus heureux , finit par une cons
ternation générale .
Au second Acte , le Théatre represen
te les Jardins du Palais de Cephée : Cas
siope , Phinée et Merope ouvrent la Scene
; Cassiope fait entendre à Phinée et à
Merope que Meduse s'est retirée , mais
qu'elle peut revenir , attendu que Junon
persiste dans sa vengeance ; elle ajoûte
qu'elle n'a plus d'esperance que dans les
secours que Jupiter lui peut donner ent
faveur de Persée ; cette resolution interesse
trop Phinée , pour le laisser sans
réponse ; il reproche , paravance , à Cassiope
l'infidelité qu'on est prêt àlui faire,
Merope se joint à lui pour prier cette
Reine irrésoluë d'achever l'Hymen dont
on l'a flaté. Cephée vient ; Phinée luf
fait le même reproche qu'il vient de faire
à son Epouse; Cephée lui répond qu'on
peut céder sans honte au fils du plus
grand des Dieux , d'autant plus que ce
Héros offre de couper la tête de Meduse;
Phinée revoque en doute la Fable adoppar
le crédule Vulgaire , et quitte le
Roy en lui disant :
tée
Le succès n'est pas sûr ; souffrez que je l'at
tende ;
Souffrez que cependant mon amour se défende
D'aban
.*
569
MARS. 1737-
D'abandonner un bien si précieux ;
Persée encor n'est pas victorieux.
Quoique Merope ait autant d'amour
pour Persée , que Phinée en a pour Andromede,
ils'en faut bien qu'elle soit aussi
emportée que ce Prince ; elle s'occupe
tout entiere du péril où Persée va s'exposer
, dans le dessein qu'il a formé de
couper la tête de Meduse, pendant qu'el
le est plongée dans une douleur profonde
, Andromede vient faire connoître
dans un Monologue très pathétique et
très ingenieux l'amour dont elle brule
secretement pour le Fils de Jupiter ;
elle s'adresse ainsi aux malheureux que
Meduse vient de changer en rochers.
·
Infortunés , qu'un Monstre affreux
A changés en rochers , par ses regards terribles ,
Vous ne ressentez plus vos destins rigoureux ,
Et vos coeurs endurcis sont pour jamais pai
sibles ;
Helas les cours sensibles
Sont mille fois plus malheureur,
Ce Monologue est suivi d'une Scene
qu'on a trouvée un peu trop longue ,
quoique parfaitement bien écrite ; elle
est entre les deux généreuses Rivales
sçavoir , Andromede et Merope; elles pé
nétrent
70 MERCURE DE FRANCE
nétrent l'une et l'autre ce qui se passe
dans leurs coeurs , et comme elles doivent
également perdre Persée , elles souhaitent
toutes deux qu'il vive , fût- ce pour une
Rivale ; Merope voyant venir Persée , le
laisse avec Andromede pour n'être pas
témoin de leurs adieux .
Cette Scene est aussi ingenieuse que
pathétique ; Persée fait entendre à Andromede
qu'il est trop payé de la mort
qu'il va chercher pour elle , par le plaisir
qu'il sent à la voir ; Andromede feint
d'aimer Phinée , pour détourner sof
Amant du peril affreux où il va se livrer;
mais voyant que Persée n'en est pas moins
déterminé à se perdre pour elle , elle luk
déclare son amour par ces Vers
Voyez à quoi j'avois recours,
Pour vous ôter l'ardeur qui vous fait entre
prendre
Un combat funeste à vos jours.
Helas ! que n'ai - je pû me rendre
Indigne de votre secours !
L'Acteur et l'Actrice qui jouent cette
Scene , s'en acquittent d'une maniere à
n'y laisser rien à désirer. On n'en doit pas
être surpris en aprenant que le Sieur
Tribou et la Demoiselle Pelissier joüent ,
Pur
MARS. 1737. 571
f'un le Rôle de Persée , et l'autre celul
d'Andromede .
Après les plus tendres adieux , Mer.
cure sort des Enfers , où il est allé , par
l'ordre de Jupiter, chercher des secours
pour Persée ; il dit à ce Héros que ce
n'est pas en téméraire qu'un grand coeur
doit affronter le peril ; il ajoûte que toute
la nature s'interesse pour lui , et que
les armes qu'on va lui offrir le feront
triompher. Rien n'est si ingenieux de la
parr du Poëte que le sens allégorique
qu'il a donné aux differentes armes qu'on
aporte à Persée. Le voici :
Un Cyclope à Persée.
C'est pour vous que Vulcain de ses mains im
mortelles ,
A forgé cette épée et préparé ces aîles.
Hâtez-vous de vous signaler
Par une éclatante victoire ,
Chacun doit aller à la gloire ;
Mais un Héros y doit vôler.
Une Nymphe guerriere
Le plus vaillant Guerrier s'abuse
D'oser tout esperer de l'effort de son bras ;
Si vous voulez vaincre Meduse ,
Portez le Bouclier de la sage Pallas.
Que la valeur et la prudence ,
Quand
572 MERCURE DE FRANCE
Quand elles sont d'intelligence ,
Achevent d'exploits glorieux !
Le Monstre le plus furieux
Leur fait vainement resistance ;
La paix ne peut regner que par leur assistance ;
L'Univers leur doit son bonheur ;
Rien ne peut mieux donner un immortel hone
neur
Que la valeur et la prudence ,
Quand elles sont d'intelligence .
Une Divinité Infernale.
Ce Casque vous est presenté
Au nom du Souverain de l'Empire des Ombres à
Au milieu du peril , pour votre sûreté ,
Il répandra sur vous l'épaisse obfcurité
Qui regne en nos demeures sombres.
Ce don mysterieux doit aprendre aux Humains
Comme on peut s'assurer d'un succès favorable ;
Il faut cacher de grands desseins
Sous un secret impénétrable.
Après ces differens secours qui occasionnent
un Balet des plus brillans , Mercure
sert de guide à Persée au milieu des
airs , pour aller chercher Meduse dans
les lieux où elle fait sa demeure ordinaire.
Nous suprimerons les citations dans
les Actes suivans , pour ne pas aller audelà
MARS. 1737.
573
delà des bornes que nous nous sommes
prescrites; et nous nous en tiendrons uniquement
à ce qui regarde la Marche de
Paction théatrale .
Actes II. IV. et v. Les trois Gorgones
, sçavoir , Meduse , Eurgale et Stenone
paroissent sortant de leur Antre ; Meduse
fait connoître que c'est Pallas qui l'a
renduë aussi affreuse qu'elle étoit belle
autrefois , quand elle enflamma le coeur
de Neptune . Elle triomphe des maux
qu'elle cause à tout l'Univers , pour se
venger de cette jalouse Déesse ; ses deux
Compagnes, non moins barbares qu'elle,
la confirment dans ce funeste dessein .
Mercure vient interrompre leur cruel
entretien ; il les convie à goûter les douceurs
du sommeil ; elles y resistent longtemps
, mais le Caducée acheve ce que
la force de l'harmonie n'a fait que commencer.
Les Gorgones étant endormies ,
Mercure invite Persée à couper la tête de
Meduse ; Persée ayant executé les ordres
de Mercure , les deux autres Gorgones
veulent le tuer , pour venger la mort de
leur Soeur ; Persée devient invisible à
la faveur du Casque dont Pluton lui a
fait present. Cet Acte est le plus beau
de tous par l'excellence de la Musi-
Le de Meduse fait naître mil-.
que. sang
le
$ 74 MERCURE DE FRANCE
le monstres divers , entre lesquels sont
Chrysaor et Pegase. Mercure précipite
Euryale et Stenone dans les enfers .
:
Le quatrième Acte commence par des
chants qui se font entendre, derriere le
Théatre les Peuples aplaudissent à la
derniere victoire et à l'heureux retour
de Persée. Phinée et Merope s'abandonnent
à leur desespoir . Tout à coup la mer
s'agite ; on vient annoncer à Phinée et à
Merope que l'implacable Junon vient
d'interesser Neptune dans sa vengeance ,
que ce Dieu des Flots veut qu'Andromede
soit attachée à un rocher pour être
dévorée par un Monstre affreux . L'ordre
de Neptune est executé ; des Tritons
se saisissent d'Andromede et l'attachent
au rocher, où elle doit subir la rigueur
du sort où le Dieu des Eaux l'a destinée;,
Cette triste Victime de la vengeance de
Junon soutient son malheur avec une
constance héroïque elle ne regrette que
Persée ; ce Héros par le secours des ailes
qu'on lui a données de la part de Vulcain,
fond du milieu des airs sur le Monstre
Marin et le tuë ; cette heureuse victoire
suivie des acclamations du Peuple , donne
lieu à la Fête de cet Acte , qui a paru
le plus interessant , et par lequel on au-
Foit souhaité que la Piece cût finit.Ce vol
de
MARS. 1737. 575
de Persée , au reste , est très- hardi ; le
Héros aîlé parcourt très rapidement et
en sens contraires , diverses directions
en lignes, spirales , diagonales et perpendiculaires.
Phinée et Merope commencent le dernier
Acte ; Phinée aprend à Merope que
Junon , toûjours inflexible , lui a fait
dire par Iris qu'elle secondera sa vengeance
, et qu'il va se mettre à la tête
des Conjurés pour troubler l'Hymen de
Persée et d'Andromede ; Merope se livre
à son tour au plaisir de la vengeance ,
qui fait le seul bonheur des malheureux.
Ils se retirent à l'aproche du Grand Prêtre
qui doit unir Andromede à Persée ;
cet Hymen est troublé par la nouvelle
que Merope vient annoncer de la conspiration
de Phinée , à laquelle elle se
répent d'avoir prêté son consentement.
Phinée vient suivi d'en grand nombre
de Conjurés ; Persée le poursuit derriere
le Théatre,
Le Roy vient annoncer que Merope
a été percée d'un trait parti de la main
d'un des Conjurés ; et qu'elle a reçû une
mort qu'elle n'avoit gueres méritée ; c'est
ainsi que les Auteurs charitables tuënt
les plus innocens , pour leur égargner
une douleur pire que la mort même ;
H Perséc
576 MERCURE DE FRANCE
Persée reparoît sur la Scene, et se voyant
réduit à mettre à profit tous ses avantages
, après avoir dit à Cephée , et à tous
te sa suite de fermer les yeux ; il montre
la tête de Meduse , avec laquelle il petrifie
tous ses ennemis . Venus descend des
Cieux , elle dit que Junon est calmée
et assiste à l'Hymen de Persée et d'Ang
dromede , qui doivent être changés en
Constellations.
L'Académie continue toujours, avec un très
grand succès , cet Opera. Elle donna , par ex
traordinaire , le dernier Dimanche de Carnaval ,
et le Mardi Gras , deux Représentations de l'Europe
Galante , suivies du Divertissement de Pourceaugnac
, Piece très comique et très -convenable
pour le temps qu'on l'a donnée. Le Sieur Tribou
y a joué le principal Rolle avec de grands
aplaudissemens , et très - bien mérités du Public ,
qui ne connoissoit pas encore tous ses talens ,
Il sçavoit très bien qu'il est le plus parfait modele
de la Déclamation Lyrique dans le grand
Cothurne ; mais il ne croyoit pas, que dans le
genre comique et badin , on pût porter la précision
et la finesse de l'action aussi loin.
Les Comédiens François joüent toujours la
Comédie de l'Ecole des Amis avec beaucoup de
succès , qu'ils viennent d'interrompre cependant
par la maladie d'un Acteur.
Le 16. Mars les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Représentation d'une Piece nouvelle
en
MARS. 1737.
<77
en Prose , et en trois Actes , intitulée la Fausse
Confidence , de laquelle nous parlerons plus au
long , ayant été reçûe favorablement du Public.
Le 21. les mêmes Comédiens remirent au
Théatre la Comédie des Sauvages , Parodie d'Al
zire , dans laquelle le Sieur Riccoboni le fils ,
qui avoit quitté le Théatre l'année passée , y a
reparu au gré du Public dans le même Rolle de
Bonhomès qu'il y joüoir.
Le 26. un jeune Acteur débuta , pour la premiere
fois , dans la Comédie des Amuſemens à la
mode , et joiia le Rolle de Valet avec aplaudissement.
Le 28. le sieur Toscan nouvel Acteur , Originaire
d'Italie , débuta aussi dans la Comédie des
Amans réunis , et y joua le Rolle d'Arlequin au
gré du Public.
Le premier Mars l'Opera Comique donna
deux Pieces nouvelles d'un Acte chacune la premiere
intitulée le Rien , et l'autre l'Eclipse , précédées
du Ballet de l'Art et de la Nature , dont
on a deja parlé.
Le 13. on donna une Parodie nouvelle de
l'Opera de Persée , intitulée le Mariage en l'air ,
précédée des deux petites Pieces dont on vient
de parler. On donnera une petite Análise de
cette Parodie.
Le 21. on joua un nouveau Prologue , qui a
pour Titre l'Assemblée des Acteurs , qui a été
très goûté, il fut suivi d'une autre petite Piece
en un Acte , intitulée l'Abondance
Hij
NOU:
$78 MERCURE DE FRANCE
bath
NOUVELLES ETRANGERES,
RUSSIE,
4
Qus les Gentilshommes Russiens étang
lorsque
guerre aux Turcs , d'envoyer à l'Armée dans la
seconde Campagne leurs fils au - dessus de vingt
ans et au-dessous de vingt-cinq , S. M. Cz. a
jugé à propos d'adoucir la rigueur de cette Loy
et de permettre aux Gentilshommes de garder
un de leurs fils auprès d'eux , à condition de
fournir à la place un Cavalier armé et monté.
La Czarine a apris par des dépêches du Gouverneur
d'Asoph , que les Tartares du Cuban ,
après la victoire remportée sur eux par Donduck
Ombro et par le Prince Jefremow , avoient
mis eux-mêmes le feu à leurs habitations ; qu'ils
avoient conduit leurs vieillards , leurs femmes et
leurs enfans dans des Montagnes inaccessibles
et qu'ils s'étoient retirés ensuite sous le Canon de
Bender,
ALLEMAGNE.
N écrit de Vienne , que M. Dahlman , Ambassadeur
de l'Empereur à la Porte, a donne
avis que les trois Ministres Plénipotentiaires
nommés par le Grand Seigneur , pour regler
avec ceux de la Czarine les Conditions de la
Paix entre Sa Hautesse et S. M. Cz . étoient Aly-
Mustapha-Effendi , Grand- Tefterdar de l'Empire
Othoman , Mustapha- Effendi , l'un des Visirs
du
MARS. 1737. 573
du Banc , et Zeid - Effendi , Secretaire de la Chancellerie
, ci- devant Envoyé Extraordinaire de Sa
Hautesse en Pologne et en Suede, et que le Grand
Seigneur avoit choisi la Ville de Soroka en Mol .
davie pour le Lieu où se tiendroit le Congrès.
L'Empereur a envoyé ordre à M. Dahlman
de s'y rendre incessamment et d'employer tous
ses efforts pour procurer un accommodement
entre les deux Puissances..
Le 17. Février , P'Empereur déclara que les difficultés
qui avoient empêché jusqu'à présent que
les Troupes Françoises n'évacuassent l'Electorat
de Treves , la Ville de Philisbourg et le Fort de
Kell , étoient entierement levées.
Les derniers avis reçûs des Pays voisins de la
Moselle et du Rhin , portent , que les Troupes
Françoises qui étoient restées dans l'Electorat de
Tréves , s'en étoient retirées , et que les Garnisons
que le Roy de France tenoit dans Philis
bourg et dans Kell , en étoient sorties .
Le 27. du mois dernier , il arriva de Bender à
Vienne un Courier , qui a aporté la réponse du
Grand Visir à la Lettre que le Comte de Konigseg
lui avoit écrite . Cette Réponse porte que le
G. S. désire sincerement d'entretenir une parfaite
intelligence avec l'Empereur, qu'on ne doit point
imputer à Sa Hautesse les commencemens de la
guerre entre la Porte et la Moscovie ; que les
Moscovites ont commis les premiers Actes d'hostilité
, sur des prétextes frivoles qui ont été suffisamment
détruits , mais qu'en considération de
l'offre que fait S. M. I. de sa médiation pour
procurer un accommodement entre les deux Puissances
, le Grand Seigneur veut bien consentir à
la Paix , malgré les sujets qu'il a de se plaindre
de la Czarine, à condition cependant qu'on puis
se
58 MERCURE DE FRANCE
se parvenir à conclure un Traité dans lequel
P'honneur de la Porte ne soit point blessé.
LORRAINE.
PLEIN POUVOIR du Roy , donné
à Versailles le 13. Janvier 1737• pour
faire recevoir en son nom le Serment de
fidelité éventuel des Sujets du Duché de
Bar.
1France et de Navarre, à tous ceux qui ces
OUIs , par la grace de Dieu , Roy de
présentes Lettres verront. LALU T. Les mêmes
Traités et Conventions qui ont assuré à notre
très cher et très-amé Frere et Beaupere le Roy
de Pologne , STANISLAS Premier , la Possession
des Duchés de Lorraine et de Bar , en
ayant stipulé la réversion à Nous et à notre
Couronne en pleine souveraineté , après le décès
de notredit Frère et Beaupere , et étant nécessaire
qu'en même temps que les Commissaires de
notredit Frere le Roy de Pologne prendront en
son Nom Possession , soit du Duché de Bar, soit
aussi du Duché de Lorraine , et qu'ils recevront
pour lui le Serment actuel de ses nouveaux Sujets
, le même Serment soit prêté éventuellement
à Nous et à notre Couronne , voulant de norre
part y pourvoir sans aucun retardement . Pour
ces causes et autres bonnes considérations à ce
Nous mouvans , Nous avons choisi , commis et
nommé , choisissons , commettons et nommons
par ces Présentes signées de notre main , no
tre amé et féal Conseiller en nos Conseils
Maître de Requêtes ordinaire de notre Hôtel le
sieur de la Galaiziere , et lui avons donné et donnons
MARS. 1737. 581
nons plein Pouvoir , Commission et Mande
ment special de recevoir en notre nom le Serment
de fidelité éventuel dès Sujets , soit du Duché
de Bar , soit aussi de celui de Lorraine , et de
faire à ce sujet ce qui sera nécessaire ; voulant
qu'il agisse en cette occasion avec la même autorité
que Nous ferions et pourions faire si Nous
y étions en personne , encore qu'il y eût quelque
chose qui requît un Mandement plus spécial que
ce qui est contenu en ces Présentes. Car- tel est
notre plaisir, en témoin de quoi Nous avons fait
sceller ces Présentes . Donné à Versailles le treiziéme
jour de Janvier , l'an de grace mil sept
cent trente- sept , et de notre Regne le vingtdeux
. Signé Louis , et sur le repli , par le
Roy , Chauvelin , et scellé du grand Sceau de
cire jaune.
Lú , publié et registré en la Chambre du Con
seil et des Comptes du Duché de Bar , ensemble
les Sermens de fidelité éventuels , prêtés par les
Président et Procureur General du Roy en ladite
Chambre , oui et ce requérant ledit Procureur
General , pour y être suivis et executés selon
leur forme et teneur , et Copies envoyées
dans tous les Sieges du Ressort , pour y être pa.
reillement lûës , publiées , registrées et executées,
afin que ce soit chose notoire à un chacun les Sujers
dudit Duché de Bar . Enjoint aux Substituts
dudit Procureur General d'en certifier la Chambre
au mois , suivant l'Arrêt de ce jour. Fait en la
Chambre le huitième jour de Février mil sept
cent trente-sept . Signé Millot.
Lú , publié et affiché à son de Tambour dans tous
les Carrefours de la Ville de Bar et Lieux accoûtumés
à faire affiches et cris publics , par moi Etiense
Milavaux , demeurant à Bar , Huissier soussi-
Hiiij gné
582 MERCURE DE FRANCE
gné en ladite Chambre , cejourd'hui treize Fé♣
vrier 1737. Signé E. Milavaux .
EXTRAIT des Registres de la Chambre
du Conseil et des Comptes du Duché
de Bar.
CE
EJOURDHUY huit Février dix sept cent
trente - sept , Nous Nicolas- Joseph Baron
de Damblain , Seigneur de Remoncourt , Conseiller
d'Etat de Son Altesse Royale , et de ses
Finances , Maître des Requêtes , ordinaire de son
Hôtel,Nicolas- François Comte de Rennel, Chevalier
Seigneur de Mehoncourt , Conseiller et
Secretaire d'Etat de sadite Altesse Royale , et Jo.
seph - Charles le Febvre , Conseiller de sadite Altesse
Royale, et son Avocat General en la Chambre
des Comptes de Lorraine , Commissaires
nommés par Son Altesse Royale pour l'execution
des Articles Préliminaires arrêtés à Vienne
le trois Octobre dix - sept cent trente - cinq , entre
Sa Majesté Imperiale et Catholique , d'une
part , et Sa Majesté très - Chrétienne , d'autre ,
des Actes et Conventions des onze Avril et vingthuit
Août derniers , et de l'Acte de Cession de
S.A.R. de son Duché de Bar, donné à Vienne le
24. Septembre aussi dernier , portant que sadite
A Royale a cedé et abandonné, cede et abandonne
sous les clauses et conditions portées tant par
ledit Articles Préliminaires , que par les Conventions
mentionnées cy- dessus, pour elle et ses
Successeurs dès à présent au Serenissime Roy de
Pologne , Grand Duc de Lithuanie , STANISLAS
Premier , Beaupere de S. M. T. C. le Duché de
Bar , tant apellé Barrois mouvant que non mouvant
, Apartenances et Dépendances , soit d'ancien
MARS. 1737. 583
eien patrimoine, acquisitions ou biens allodiaux,
à quelque titre que ce puisse être , et après son
décès à S. M T. C. et à ses Successeurs Rois
de France ,en tous droits de proprieté et Souveraineté
, ainsi et de - même que sadite Altesse Royale
en a joui ou dû joüir jusqu'à présent ; Nous
nous sommes rendus en la Chambre du Conseil
et des Comptes de Bar , en vertu de nos pleins
Pouvoirs et Commissions du 20. Décembre dernier
, dont la teneur sera insérée à la fin des Présentes
, dans lequel Lieu nous avons fait convoquer
Messieurs les Président , Gonseillers , Maîtres
, Auditeurs et Gens tenans la Chambre du
Conseil et des Comptes dudit Duché de Bar ,
auxquels nous avons fait donner lecture par le
Secretaire de la Commission , de nosdits pleins
Pouvoirs, en conformité desquels nous avons , au
nom de sadite Altesse Royale , remis à S. M. T.
C. éventuellememt , et à Sa Majesté Polonoise
actuellement , le Duché de Bar et ses Dépendan
ces , ainsi qu'il étoit possedé par sadite Altesse
Royale , en conséquence avons déclaré et déclarons
au nom de S. A. R. délier et relever tous ,
les Sujets et Vassaux dudit Duché , du Serment
de fidélité auquel ils étoient attenus envers sadite
Altesse Royale , consentant qu'ils passent dès à
présent sous la Domniation et Souveraineté desdits
Sérénissimes Rois, et que Messieurs les Com .
missaires nommés de leur part prennent possession'
dudit Duché et dépendances , le tout relativement
auxdits Actes et Conventions , pour
en jouir à commencer dès cejourd'hui , aux
mêmes droits et charges dont Son Altesse Royale
en jouissoit , en conséquence de quoi Liquidation
sera faite entre les Commissaires respectifs,
des revenus échus à S. A. R. jusqu'à ce jour , de-
Hy même
584 MERCURE DE FRANCE .
même que du montant de dettes hipothequées en
capitaux , qui demeureront avec les interêts à
courir de cejourd'hui à la charge du Duché de
Bar , de tout quoi nous avons dressé le présent
Procès verbal , lequel nous avons fait enregistrer
au Greffe de la Chambre du Conseil et des Comptes
du Duché de Bar ; et de suite nous étant
transportés dans la Salle du Château , nous y
avons pareillement fait convoquer Mrs les Baillifs
de Bar , S. Mihiel , du Bassigny , Pont- à- Mousson
et Etain , auxquels nous avons fait donner
lecture , tant de nosdits pleins Pouvoirs , que
du contenu au Procès verbal cy-dessus , et en
conséquence leur avons déclaré que nous les relevions
et délions , ensemble tous les Sujets et
Vassaux desdits Bailliages , du Serment de fidelité
auxquels ils étoient attenus envers S. A. R. et
pour le notifier dans lesdits Bailliages, avons fait
remettre à chacun desdits sieurs Baillifs , Copie
collationnée du préseni Procès verbal pour le faire
publier et registrer aux Greffes desdits Bailliages,
Copies envoyées dans tous les Sieges y ressortissans
, pour y être pareillement lûës , publiées
et registrées ; Fait à Bar les jour et an susdits , en
foi de quoi nous avons signé et fait aposer le
Cachet de nos Armes. Signé Du Bois de Rio
court , de Rennel et le Febvre , et cacheté du Cacher
de leurs Armes.
F
Suit la Teneur des pleins Pouvoirs.
RANÇOIS , par la grace de Dieu , Duc de
Lorraine et de Bar , Roy de Jerusalem , Marchis
, Duc de Calabre et de Gueldres de Montferrat
et de Teschen en Silésie , Prince Souverain
Arches et Charleville , Marquis de Pont-à-
Mousson
MARS. 1737. 585
Mousson et de Nommeni , Comte de Provence ;
Vaudemont , Blamont , Zutphen , Sarwerden ,
Salm , Falkenstein , &c . A nos très - chers et
feaux les sieurs Baron Du Bois de Riocourt ,
Conseiller d'Etat et Maître des Requêtes de notre
Hôtel , le Comte de Rennel , Conseiller Secretaire
d'Etat , Joseph Charles le Febvre , Avocat
General à notre Chambre des Comptes de
Lorraine , SALUT. Les circonstances des affaires
publiques , nous ayant nécessité , malgré la
répugnance que nous avons toujours cû d'abandonner
nos fideles Sujets , dont nous et nos Ancêtres
avons éprouvé en tant d'occasions le zele
et l'attachement , d'acceder aux Articles Préliminaires
conclus à Vienne entre S. M I. et Catholique
, et S. M. T. C. le 3. Octobre 1735. au
Traité d'Execution du onze Avril de la présente
année , ensemble à la Convention du 28. Août
dernier , nous avons en conformité , par Acte
du 24. Septembre 1736. dont copie est cy join-
Be , cedé dès à présent notre Duché de Bar , au
Sérénissime Roy de Pologne, Grand Duc de Lithuanie
, Stanislas Premier , et après lui à S. M.
T. C. pour être ensuite réuni à la Couronne de
France. Et étant question en conséquence de
proceder en l'execution , tant dudit Acte de Ces
sion que dudit Traité, nous confians en votre ze-
Je,capacité et affection à notre service . Nous vous
avons nommés , commis et députés , nommons ,
commettons et députons, pour en notre Nom, remettre
aux Commissaires nommés,tant par le Sé
rénissime Roy de Pologne Stanislas Premier, que
par S.M.T.C. notre Duché de Bar , relativement
audit Acte de Cession et Traité , et aux instructions
que nous vous avons donné à cet égard ;
En conséquence vous donnons pouvoir de relever
H vi tous
586 MERCURE DE FRANCE
^
tous nos Sajets et Vassaux de notredit Duché de
Bar du Serment de fidelité auquel ils étoient atte
nus envers nous, et les renvoyer auxdits Sérénissi
mes Rois de Pologne et de Francé , qu'ils auront
à l'avenir à reconnoître pour leurs vrais et légitimes
Souverains , et generalement faire tout ce
qu'il conviendra pour l'entiere execution dudit
Acte. Autorisant même en cas de maladie , absence
ou empêchement légitime de l'un de vous,
les deux autres d'agir comme si tous trois étoient
présens ; de ce faire nous vous avons donné tout
pouvoir, commission et mandement exprès et spécial
, en foi de quoi nous avons aux Présentes signées
de notre main et contresignées par l'un de
nos Conseillers Secretaire intime , fait mettre
notre Scel secret . Donné à Vienne le vingt Décembre
mil sept cent trente six , Signé, FRANÇOIS ,
et plus bas contresigné , Toussaint , et scellé du
Scel secret de sadite Altesse Royale .
Le présent Procès verbal , ensemble les pleins
Pouvoirs y énoncés , ont été lûs et enregistrés , en
execution de l'Ordonnance de Messieurs les Commissaires
, cejourdhui huit Février 1737. et en
Leur présence , la Chambre étant assemblée. Signé,
De Rouyn et C. Millot , Greffier .
la
Les Lettres Patentes en forme d'Edit pour
prise de possession du Duché de Bar , données à
Meudon le 18. Janvier 1737. ont été imprimées
dans le Mercure de Février , page 381..
MARIAGE du Ry de Sardaigne
avec la Princesse aînée de Lorraine.
E Dimanche 3. Mars , il y eut à la Cour de
Lunevile , grande affluence de monde, toute
la Noblesse de la Province s'y étant renduë ainsi
que beaucoup d'Etrangers.
A
MARS. 1737 589
A onze heures et demie , les Princesses enten
dirent la Messe dans la Chapelle Ducale , pendant
laquelle on executa une très - belle Musique,
et à une heure et demie on servit deux Tables de
60. couverts chacune, dans deux Salles differentes
, l'une pour les Dames , l'autre pour les Ca
valiers.
A trois heures , la Cour entendit les Vêpres ,
à la fin desquelles on chanta un Motet , composé
par le fameux Desmarets, executé sous ses ordrespar
les Diles David et Mercier , premieres Musiciennes
du Concert de Nancy.
Le même jour à cinq heures, on exposa dans le
grand Cabinet de la Cour , à la curiosité du Public
, sur trois grandes tables de 40. pieds cha
cune , le Trousseau de la future Reine , qui étoit
composé , sçavoir ,
De 10. habits de Cour complets , très riches ,
f.en or et f . en argent, dont un brodé d'argent
en plein , avec les jupons et paniers richement
brodés , assortis à chaque habit.
8. habits de Ville , manteaux , jupes et jupons,,
4. en or et 4. en argent , le tout très riche et
du dernier bon goût.
6. robes de chambre , trois d'étoffes très ri
ches , et trois brodées en or et argent , avec leurs
jupons .
Il y avoit entre autres , un dessus de Toilette
de drap d'or , chargé d'une Cartisanne de même,
et bordé d'une crêpine d'or à graine d'épinars
d'un quart de haut , du poids de 130. marcs .
On exposa aussi le Linge, consistant en douze
douzaines de chemises garnies de dentelles , &c.
8. garnitures de robe de Cour , dont quelques
unes ont coûté dix mille livres piece .
12. garnitures de jour , qui sont tout ce que
Poni
388 MERCURE DE FRANCE
Fon peut voir de plus superbe en Points de Bru
elle et d'Angleterre.
12. garnitures demi jour , aussi très- magnifiques
24. garnitures de nuit , dont une pour la pre
miere nuit , est de Points d'Angleterre , très
magnifiques , avec la camisolle chamarée , et le
bas de la jupe de même.
4. Toilettes de dentelle en plein , et 4, autres
garnies seulement de leurs peignoirs et linges
assortis pour mettre sur les genoux.
24, Corsets et 24. camisolles de nuit de toille
de Hollande , garnis de dentelles , et generalement
tous les linges de garderobe et de commo
dités , en grand nombre et des plus beaux .
Le même jour 3. à 6. heures , on donna pour
Comédie la FausseAgnès, représentée par la Princesse
Charlotte et d'autres Dames et Cavaliers
de la Cour , qui executerent parfaitement bien
chacun leur Rôle , et sur tout la Princesse celui
de la fausse Agnès .
Il y eut ensuite à soupé comme à dîné , deux
tables de 60. couverts chacune et un grand Bal
après.
Le Lundi 4 la Cour étoit encore plus brillante
que le jour précédent ; te Prince de Carignan y
fit son Entrée à midy trois quarts . Il étoit précedé
du Chevalier de Serinchamp , l'un des
Chambellans de Son Altesse Royale la Duchesse
Douairiere de Lorraine, et suivi de 6.Gentilhommes
, en habits fort riches , de quatre Pages , et
d'une nombreuse Livrée , dont le fond des habits-
'est d'Ecarlatte , ornée sur toutes les tailles , les
poches et les manches , d'un galon bleu velouté
, brodé en argent en plein , avec des vestés
bleues galonnées d'argent .
M -ARS. 17376 $89
Ce Prince fat reçû à la porte de la Salle des
Gardes par M de Maxeville , Capitaine des Gardes
du Corps , et à la grande Salle , par M. de
Spada , Chevalier d'honneur de S. A. R.
•
La Marquise de Lenoncourt , premiere Dame
d'Atours , suivie de toutes les Filles d'honneur
et du reste des Dames de la Cour , s'avança jusques
dans la seconde Antichambre de l'Apartement,
pour y recevoir aussi le Prince que Madame
attendoit à la porte de son grand Cabinet,
où elle le salua , de- même que les Princesses ses
filles , après les civilités ordinaires en pareil cas,
Je Prince de Carignan suivit S. A. R. dans son
Apartement , où is restorent quelque temps ensemble
avec la Princesse aînée.
Pendant ce temps on servit , au son des Timballes
et des Trompettes , deux Tables de 80 %
couverts chacune , l'une pour les Dames , et l'autre
pour les Cava iers , dans les deux mêmes Salles,
et dès que la Cour fut à table , on cominença
une très - belle Symphonie qui dura pendant le
dîné.
La Table de S. A. R. étoit en fer à cheval
cette Princesse placée dans le centre , et en
face , avoit à sa droite la Reine future , Madame
d'Armagnac , Epouse du Prince Charles de Lorraine,
Grand Ecuyer de France, chargée de con
duire la Princesse à Turin; le Prince de Carignan
et toutes les autres Dames de suite , sans ordre
ni distinction le
pour rang.
A la gauche étoient placées la Princesse Charlotte,
la Duchesse de Richelieu , et le Prince de
Guise , et vis - à-vis S. A. R. le Prince de Craon.
A l'issue du dîné la Duchesse de Lorraine
étant retournée dans son Apartement , le Prince
de Carignan l'y accompagna , et lui fit voir les
Présens
590 MERCURE DE FRANCE
Présens dont il étoit chargé pour la future Rei
* ne ,à laquelle il les remit en même- temps ; ces
Présens consistent en une aigrette , une piece de
corps , une attache et un noeud de diamans , si
beaux et si parfaits , que S. A. R. et les Princesses
s'écrierent plusieurs fois qu'elles n'avoient ja
mais rien vû d'aussi magnifique , de si riche et
de si parfait.
A 4. heures S. A. R. et les Princesses, suivies
de toute la Cour , se rendirent dans la grande
Salle , où l'on executa une Cantate , dont le Sujet
allégorique étoit le Mariage du Roy de Sar
daigne et de la Princesse de Lorraine. La Mu
sique en fut très-aplaudie.
A 6. heures la Cour fut à la Comédie , et le
soupé fut servi dans le même ordre que le dînés
il y eut ensuite grand Bal , qui fut ouvert par là
Future Reine et par le Prince de Carignan.
Le Mardi f. la Cour fur encore plus nombreu
se que les jours précedens , les Salles étoient tellement
pleines , qu'on ne pouvoit s'y tourner.
Fous les Seigneurs et Dames étoient en habits de
Gall d'une magnificence et d'une richesse qui ne
peuvent s'exprimer . Les Officiers des Cours Sou
veraines du Parlement et de la Chambre des
Comptes y étoient aussi en Kabits de ceremonie,.
er il y avoit un si grand concours de peuple
qu'on avoit de la peine à aprocher du Palais.
A onze heures un quart le Prince de Carignan
se rendit chés S. A. R. qui le reçut sur la porte
de son Cabinet , dans lequel il resta environ un'
quart d'heure.
A onze heures et demie l'Evêque de Toul
précedé d'un Clergé nombreux , se rendit par la
Cour à la Chapelle , et à midi un quart la future
Reine descendit de son Apartement pour aller
dans
MARS. 1737.
597
dans celui de S. A. R. Cette Princesse étoit précedée
des Officiers des Gardes du Corps , et avoit
à ses côtés le Prince de Guise, à droite , et M. de
Spada , Chevalier d'honneur , à gauche.
Un demi quart d'heure après , les Officiers de
la Garde Suisse , et ceux des Gardes du Corps ,
commencerent la marche pour aller à la Chapelio,
où toute la Cour se rendit dans l'ordre suivant.
Mrs de Mouchy et Porcelet , Ecuyers , M. de
Spada , Chevalier d'honneur , précedoient la Duchesse
de Lorraine ; la Princesse Charlotte , sa
fille , conduite par le Prince de Guise , qui étoit
suivi de Mrs Duhan et de Ludres , Chambellans
de S. A. K. après lesquels vint la future Reine ,
vétuë d'un habit de Cour d'un drap d'argent ,
brodé de - même en pelin , chargé de pierreries ;
elle étoit conduite par le Prince de Carignan ,
Premier Prince du Sang de la Maison de Savoye
, représentant le Roy de Sardaigne ) qui
lui donnoit la main , et la queue de l'habit de la
Princesse étoit portée par la Marquise de Lenoncour
, Dame d'atours.
Après la fucure Reine , marchoit la Princesse
d'Armagnac , conduite par un de ses Gentilshommes
, et après cette Princesse suivoient deux
Filles d'honneur en habits de Cour.
: La Duchesse de Richelieu marchoit ensuite ,
conduite par son Ecuyer , et suivie de toutes les
Filles d'honneur et Dames de la Cour , toutes superbement
vétuës ; le Prince de Craon , Grand- 、
Ecuyer , le Maréchal d'Hunolstein , M. de Lenoncourt
, et M. de Vidampierre , fermoient la
marche .
La future Reine et le Prince de Carignan ,
dont l'habit se faisoit remarquer par le goût et
la richesse , se mirent à genoux sur un marche
picd
592 MERCURE DE FRANCE
pied en face de l'Autel , et à la gauche dúquel
étoit un autre marche- pied pour S. A. R. et pour
la Princesse caderte . Au - dessus étoit le Prince de
Guise , et au dessous la Princesse d'Armagnac
et la Duchesse de Richelieu .
Tout le monde placé , l'Evêque de Toul , qui
étoit à l'Autel , ouvrit la Cerémonie par un petit
Discours sur la génerosisé et la tendresse de
5. A. R. sur les grandes qualités du Roy de Sardaigne
, et sur celles de la Princesse future Reine .
On fit ensuite la Céremonie des Fiançailles , après
laquelle les Fiancés retournés à leurs places ,
le Prélat Officiant fit un autre Discours encore
plus Apostolique que le premier , et avec toute
P'onction qu'exige une Ceremonie Chrétienne
après quoi les Fiancés retournerent à l'Autel pour
y recevoir la Benediction du Mariage .
;
A l'instant on entonna le Te Deum en Musique
de la composition de M. Desmarets , qui fur
parfaitement executé. Pendant le Te Deum , l'Evêque
célebra la Messe , et les Epoux allerent
comme les Particuliers , à l'Autel pour y rece
voir le baiser de paix et se mirent sous le Poële,
tenu par les Princes de Guise et de Craon.
Pendant la Céremonie , differens mouvemens
de joye et de tristesse parurent sur le visage de
la Princesse , qui ne diminuerent rien des graces
et de la majesté avec laquelle elle soutint toute
la Céremonie.
Après la Messe , la Reine , conduite par le
Marquis de Spada , alla derriere l'Autel , où l'on
signa sur le Registre des Mariages ; les Témoins
étoient les Princes cy- dessus nommés , et Mrs de
Vidampierre , d'Hunolstein et de Spada.
Enfin , la Cour retourna aux Apartemens dans
le même ordre qu'elle en étoit sortie ,
L'exception
MARS.
1737 593
l'exception neanmoins que la Reine précedoir
S. A. R. sa Mere.
S. M. conduite par le Prince de Carignan ,
entra dans le grand Cabinet , où l'on avoit préparé
un Trône , sur lequel elle s'assit , ayant
derriere elle Madame d'Armagnac à droite , et
Madame de Richelieu à gauche.
Le Prince de Carignan rendit alors ses hommages
à la Reine de Sardaigne , et les autres Princes
et Princesses en firent autant ; M. Alliot , Maître
des Céremonies , introduisit le Comte le Be
gue , qui complimenta la Reine en qualité d'Envoyé
Extraordinaire de la part de S. A. R. de
Lorraine. 3
Le Parlement , la Chambre des Comptes , le
Supérieur des Antonistes , l'Evêque de Toul er
son Clergé , complimenterent aussi , les uns
après les autres , S. M. qui leur fit à tous de
très-gracieuses réponses.
Cette ceremonie faite , S. M. alla changer d'habits
dans son Apartement , et dîna à trois heu
res au petit couvert , dans la Salle de la Machine
, avec S. A. R. les Princes et Princesses , au
nombre de huit , et soupa de même.
Le Prince de Carignan donna à l'Evêque de
Toul , de la part du Roy de Sardaigne , une
Croix Episcopale de Pierreries d'un prix consi
derable.
ADDITION
394 MERCURE DE FRANCE
ADDITION
Aux Nouvelles Etrangeres.
LETTRE écrite de Constantinople
le 25. Octobre 1736.
Na tant parlé , et si diversement , Mona
sieur,de Porigine de Thamas - Kouly- Kan ,
et du Pays où il a pris naissance , que j'ai cru
vous faire plaisir de vous informer de ce qu'on
en a apris ici de la propre bouche d'un Marchand
Arménien , venu nouvellement de Tifflis,
qui a connu personne Hement ce Conquerant ,
même pendant les premieres années de sa vie. ( ~)
>
Voilà , Monsieut , tout ce qu'a raporté le
Marchand Arménien ; j'ai cru devoir mettre à
la suite de sa Relation la Copie d'une Lettre arrivée
aujourd'hui de Perse , qui poura servir à
rectifier ce qui n'est pas exactement vrai dans
cette même Relation. Il y a lieu de croire que
Schah- Thamas n'est pas mort , comme le bruit
en avoit fort couru.
COPIE d'une Lettre écrite de Kelakane
près de Chamakié le 3. Fuillet 1736.
L
E nouveau Roy de Perse a fait transporter
lés Habitans de Chamakié à une nouveHe
Ville qu'il a fait bâtir à 4. ou 5. lieuës d'ici
f a ) La Relation Historique sur l'Origine et la
Vie de Thamas- Kouly - Kan , contenuës dans cette
Lettre , est imprimée dans le Mercure de Décembre
dernier , tom. 1. page 2759.
dans
MARS. 1737. 595
dans un endroit nommé Aghson ; non content
de cela , il a fait démenteler la Ville de Chamakié
, il l'a fait détruire pour la plus grande par
ie , et même y mettre le feu ; l'on ne peut pas
pénétrer les raisons qui ont porté Thamas-
Kouly- Kan à détruire cette Ville qui étoit trèsconsiderable
, grande , bien peuplée , fort marchande
, et abondante en toutes choses ; à l'arrivée
de Thamas - Kouly - Kan la Ville se rendit
sans coup ferir ; on alla au devant de lui , et on
lui donna ensuite tout ce qu'il demanda : outre
cela la situation de l'ancienne Chamakié vaut
mieux , sans comparaison , que celle de la nouvelle
Ville , qui est dans une plaine où les cha
leurs sont insuportables et les eaux mauvaises
et en petite quantité ; d'ailleurs , au cas qu'il
survint des ennemis , il seroit beaucoup plus aisé
de se défendre dans la vieille Ville que dans
la nouvelle .
Thamas Kouly-Kan a donné un emplacement
aux Peres Jesuites dans cette nouvelle Ville.
Il n'y a rien de nouveau ici , sinon qu'on assure
qu'un Officier Persien de consideration
que Thamas- Kouly Kan , après son Couron
nement , ayoit envoyé avec ordre d'aveugler le
Roy de Perse dans sa prison , loin d'executer
les ordres de Thamas- Kouly Kan, a tiré le Roy
de sa prison , lequel , dit - on , rassemble des
Troupes pour tâcher de faire tête à Thamas-
Kouly-Kan , qui est actuellement à Casbin avec
son Armée. Je suis , &c.
AUTRE Lettre de Constantinople du 4.
Fanvier 1737.
Près la conclusion de la paix entre les Turcs
deur de Thamas- Kouly- Kan plusieurs Fêtes ,
tant
596 MERCURE DE FRANCE
>
tant par le Kaimakan que par les autres Mi
nistres de la Porte dans diverses Maisons de
Plaisance du Canal de la Mer Noire , et des environs
de Constantinople. Il eut le 16 Octobre
dernier son Audience de Congé du Grand Seigneur
, et le 10. Novembre celle du Kaïmakan ,
et fit le 14 sa Sortie de Constantinople sur deux
Galeres, qui furent saluées , en traversant le Port
par le Canon de la Douane de Constantinople ,
de Galata , de Tophana , et de la Tour de Leandre
, qui le conduisirent à Sentary , d'où il se
mit en marche pour retourner en Perse.
Le 24. du même mois de Novembre , cet Am→
bassadeur envoya , avant son départ , son Kiaya
et son Secretaire faire compliment à M. l'Ambassadeur
de France , lui offrir ses services en
Perse , et l'assurer qu'il entretiendroit , lorsqu'll
y seroit arrivé , Thamas- Kouly- Kan dans les
sentimens favorables qu'il avoit naturellement
pour la Nation Françoise . Son Excellence reçût
ces Officiers avec les cérémonies usitées parmi
les Orientaux , et leur fit voir les Jardins et les
differens Apartemens du Palais de France , dont
ils parurent satisfaits ; ils le furent encore plus à
Ja vûë d'un Portrait du Roy en Estampe , gravé
par M. Simonneau , d'après le Tableau de Mrs
Vanloo et Parossel ; ils prierent avec beaucoup
d'instance M. l'Ambassadeur de la leur donner
en l'assûrant qu'ils ne pouroient faire un present
plus agréable à leur Souverain, et son Excellence
la leur fit remettre sur le champ.
Le Grand Seigneur a envoyé en Perse le Buyuk
Ibrahor , ou Grand Ecuyer , en qualité d'Ambassadeur
; Sa Hautesse envoye par lui à Tha
mas-Kouly Kan les presens suivans.
Une Pelisse fourrée de Renard noir , avec des
Agraffes
MARS. 1737.
597
Agraffes de Diamans , estimée quarante mille
Piastres , un Sabre garni de Pierreries .
Un Cheval dont les Harnois sont enrichis de
Diamans et autres Pierreries précieuses.
On a aussi remis à cet Ambassadeur soixante
Plats d'or , garnis de Pierreries , tirés du Tresor
du Grand Seigneur , pour s'en servir dans le repas
de Cérémonie , que l'on croit qu'il pouroit
donner au Roy de Perse , mais qu'il a ordre de
raporter lorsqu'il reviendra .
Dgianum Codgia , Capitan Pacha , arriva ici,
le 5. Octobre avec toute sa Flotte ; il fut dé➡
posé dans le moment , et envoyé à Kutaya dans
la Natolie , où il est encore détenu comme prisonnier
d'Etat, on dit cependant qu'on pouroit bien
Ji donner quelque Gouvernement ; c'est de quoi
le temps nous eclaircira . Sa place de Capitan
Pacha fut remplie quelques jours après par Laz
Capitan , qui a commandé autrefois les Forces
Maritimes d'Alger ; c'étoit un homme fort âgé
et extremément cassé , et qui vient de mourir
dans le moment ; on ne sçait encore à qui cette
Charge sera donnée. M. l'Ambassadeur de Fran
ce avoit fait sa visite de Cerémonie à ce Capitan
Pacha le 24. Octobre.
M. Dalhman, Ambassadeur- Plenipotentiaire de
l'Empereur , eut le 18 Octobre son Audience du
Kaimakan , et le 30 , celle du Grand Seigneur ,
il partit d'ici le 21. Décembre pour se rendre
au Camp du Grand Visir ; Madame son Epouse
a dû se séparer de lui à Andrinople , et prendre
la route de Vienne.
Le 22
Novembre
quatre
Vaisseaux
de Guerre
du Grand Seigneur , construits à Metelin, entrerent
dans le Port de Constantinople .
Le 8. Décembre M. l'Ambassadeur de Fran
398 MERCURE DE FRANCE
ce eut une Audience du Kaïmakan.
Le 17. Messieurs les Barons de Hopken et
Calson furent aussi admis à l'Audience du Kaimakan
, en qualité de Ministres Plenipotentiaires
de Suede , et le premier de ce mois à celle du
Grand Seigneur.
Le 23. il y eut une incendie assés considera
ble à Saint Dimitré , Village contigu aux Fauxbourgs
de Constantinople.
Le 31. une Salve du Canon du Serrail an
nonça les avantages que le nouveau Kan des
Tartares , à la tête d'une Armée de soooo . hommes
, a remportés en Ukraine , où l'on prétend
qu'il a brulé cinq ou six Villes, ravagé la Campagne
, et enlevé plus de 20000. personnes de tour
Sexe.
Il a été donné ordre à tous ceux qui ont des
Timars , Ziamets et Solde du Grand Seigneur
de se rendre au Camp du Grand Visir dans tout
le courant du mois de Mars prochain , sous pei
ne d'être privés de leurs Timars , &c.
Le Grand Visir est toujours campé à Babada.
La dissenterie qui s'est mise parmi ses Trou !
pes y cause une grande mortalité ; on dit même
que la contagion est dans le Camp.
M. de Visnakoff , Resident de Russie , qui
avoit suivi l'Armée Turque , a eu la permission:
de retourner à Petersbourg , et il est actuelle
ment en route pour s'y rendre.
Le Reys Effendy s'est demis volontairement
de sa Charge , et a accepté celle de Nitchangi ,
quoique beaucoup inferieure à l'autre , le Beyli
kchi , ou Vice- Chancelier , a été nommé Reys
Effendy,
FRANCE
MARS. 1737. 599
***************
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
E 6. de ce mois , le Roy entendit la Messe
dans la Chapelle du Château de Versailles ,
après avoir reçû les Cendres des mains du Cardinal
de Rohan , Grand Aumônier de France.
La Reine reçût les Cendres des mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Premier Aumônier ,
et S. M. assista ensuite à la Messe dans la même
Chapelle.
Le même jour le Roy prit le deüil pour la
mort de l'Evêque d'Ausbourg , que S. M. quitta
le 14.
Le 2. Mars le Cadrihal de Rohan posa la premiere
Pierre du Sanctuaire de la nouvelle Eglise
des Benedictines du Cherche-Midi , Fauxbourg
S. Germain , au son des Trompettes et des
Tmballes. Ce Cardinal , neveu de défunte Madame
de Rohan , Abbesse de Malnouë , Fondatrice
et premiere Prieure de cette Maison , donna
en cette occasion des marques éclatantes de
sa générosité , et fut reçû dans ce Monastere.
par l'Abbé Lebeuf , Chapellain de la Chapelle
er Oratoire du Roy , Superieur de cette Communauté,
Le ro. de ce mois , premier Dimanche de
Carême , le Roy et la Reine entendirent dans
la Chapelle du Château de Versailles la Messe
chantée par la Musique. Pendant la Messe du
I Roy
600 MERCURE
DE FRANCE
Roy , l'Evêque de Castres prêta serment de fidelité
entre les mains de S. M.
L'après midi , le Roy , accompagné
du Duc d'Orleans , du Prince de Dómbes et du Comte
d'Eu , assista , dans la même Chapelle , au Sermon
du P. Julien , Religieux
Recolet. Le 19. l'Evêque , Comte de Châlons , Pair de France , fut reçû au Parlement
, et y prit séan- ce avec les cérémonies
accoutumées
.
dans
Le 24. de ce mois , troisiéme
Dimanche
du
Carême , le Roy et la Reine entendirent
, la Chapelle du Château de Versailles
, la Messe, qui fut chantée par la Musique ; l'après- midi , le Roy , accompagné
du Prince de Dombes
et du Comte d'Eu , entendit le Sermon du Pere
Julien. Le 25. Fête de l'Annonciation
de la Sainte
Vierge , le Roy entendit dans la même Chapel- le , la Messe et les Vêpres , qui furent chantées
par la Musique. L'après midi, le Roy , accom- pagné du Duc d'Orleans et du Comte d'Eu , as- sista au Sermon du même Prédicateur
, et S. M ,
l'entendit le 28.
Le 25. la Reine communia dans la Chapelle
du Château , par les mains du Cardinal de Fleury
, son Grand Aumônier.
Le Marquis de Boufflers , Capitaine dans le
Regiment de Dragons d'Harcourt , a été nom- mé par le Roy Mestre de Camp Lieutenant du
Regiment de Dragons d'Orleans . Le 24. de ce mois , l'Evêque d'Uzés fut sacré
dans la Chapelle de l'Archevêché
par l'Archevêque
de Paris, assisté des Evêques de Châlons sur
Marne , et de Castres .
Le 4. Mars on fit chanter au Concert de la
Reine
MARS. 1737. 6c1
Reine ; le Prologue et le premier Acte d'Amadis
de Grece , de la composition de M. Destouches,
Surintendant de la Musique du Roy . On continua
de concerter le même Opera le 9. & le 11 .
Le 16. la Reine entendit le Prologue , et deux
Entrées du Ballet des Romans , intitulées la Feerie
et la Chevalerie , et le 18 on chanta les deux
autres , le Merveilleux et la Bergerie , la Musique
de ce Ballet , qui est de M. Niel , fut executée
avec beaucoup de précision , et reçût des aplaudissemens
, ainsi que le Poëme , dont l'Auteur
ne s'est pas fait connoître.
Le 23. et le 30. on chanta l'Opera de Jephté ,
dont le Poëme est de M. l'Abbé Pellegrin , et la
Musique de M. de Monteclair. Cet Ouvrage
reçoit toujours , sans variation , les louanges
qu'il a mérité à si bon titre , dès qu'il a paru
sur la Scene.
Le 25. Fête de l'Annonciation de la Vierge,
on chanta au Concert Spirituel du Château des
Tuilleries le Nisi Dominus , Motet de M. de la
Lande , qui fut suivi d'un très beau Concerto du
Sieur le Clair , après lequel on executa un Motet
à grand Choeur de M. de Blamont , Surintendant
de la Musique du Rey, il fut suivi d'un
petit Motet , à voix seule , du Sicur du Bousset ;
Te Concert fut terminé par le Motet Exultate
justi de M. de la Lande , précédé de plusieurs
Pieces de Simphonies , executées par les Sieurs
Guignon et Blavet , et d'un Air Italien.
Le 5. Mars Les Comédiens François representerent
à la Cour l'Andrienne et Crispin , Médecin.
Lé 7. Alzire , et l'Eté des Coquettes .
Le 12. Le Jaloux désabusé , et l'Esprit de Contradiction.
I ij
Le 14
602 MERCURE DE FRANCE
Le 14. Gustave , et la Surprise de l'Amour.
Le 19.L'Avare , et la Métamorphose amoureuse,
Le 11. Polyeucte , et l'Aveugle Clairvoyant.
Le 26. Les Bourgeoises à la mode, et le Mariage
fait et rompu.
Le 18. Héraclius , et le Deüil.
Le 13. Mars , les Comédiens Italiens repre
senterent à la Cour la Comédie des Quatre Sem-
Hables , et celle des Billets Doux.
Le 20. La Piece nouvelle de la Fausse Confi
dence , et le Bouquet.
;
Le 27. Les Amusemens à la Mode, les Débuts,
et la Parodie du Joueur et de la Femme Bigote
le Nouvel Acteur joüa le Rôle de Valet dans la
premiere Piece.
Promotion faite dans l'Ordre Royal et
Militaire de S. Louis.
2 . Grands Croix, Joseph de Mesmes , Marquis
de Ravignan, Lieutenant Général des Armées du
Roy , du 8. Mars 1718. Directeur Général
d'Infanterie , du 4. Juillet 1719. et Gouverneur
de Guise , du mois de Septembre 1736. Il étoit
Commandeur de l'Ordre du 20. Avril 1719 .
Pons de Rosset , Chevalier de Rocozel , Com
mandeur de cet Ordre du 14. May 1732 , Lieutenant
Général des Armées du Roy, du premier
Août 1734. et Lieutenant Général au Gouver
nement de la Province de Roussillon et Cerdaigne,
et Gouverneur de Montlouis , du mois d'Avril
1736. Il est parlé de lui dans le Mercure de
Décembre 1734. vol . 1. p. 2730. à l'occafion de
sa Promotion au grade de Lieutenant Général.
5. Commandeurs ..... de Quadt , Mestre de
Camp du Regiment Royal - Allemand Cavale
rie
MARS. 1737 603
die , depuis 1713. Lieutenant Général des Armées
du Roy , du premier Octobre 1718. et Gouver
neur de la Citadelle de Marseille , du mois
d'Août 1734.
Jean - François de Creil , Marquis de Nancré ,
Seigneur de Soisy et de Chemault , Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Grenadiers à
Cheval de la Garde du Roy , du 17. Septembre
1730 ct Maréchal de Camp de ses Armées , du
20. Février 1734 auparavant Colonel du Regi
ment de Bassigny Infanterie .
André Jean Lalouette de Vernicourt , Maréchal
de Camp de la Promotion du premier Août
1734. déclarée le 20. Octobre suivant , ci - devant
Inspecteur de Cavalerie.
de Contade , Brigadier des Armées
du Roi , du 18. Octobre 1734. ci- devant Maréchal
General des Logis de l'Armée d'Italie ,
dans la derniere guerre.
...... de Kleinholtt , Brigadier des Armées
du Roy, du 18 Février 1719 ci- devant Lieutenant-
Colonel du Regiment de Dragons d'Orleans,
et ensuite Capitaine- Commandant d'une Compagnie
franche de Dragons pendant la derniere
guerre.
Le Carnaval a été fort célébré cette année à
Paris , et avec unordre et une tranquillité admirable
, la nuit et le jour , malgré la multitu
de , et la gayeté permise et autorisée alors. Le
concours des Carosses et des Masques a été prodigieux
au Fauxbourg Saint Antoine . On n'avoit
point vú, depuis long - temps , tant d'assemblées
de Jeux , de Concerts, de Festins , de Bals :
Tous les Spectacles ont été remplis , et la joye
a éte universelle , sans qu'on ait entendu parler
kiųj d'aucun
604 MERCURE DE FRANCE
d'aucun accident fâcheux . Les Bals publics qu'on
donne dans la Salle de l'Opera , n'ont jamais été
si frequentés ; on y a vû même des Masques de
la plus haute distinction.
On a apris de Naples que l'ouverture du Carnaval
s'y fit le 14. du mois dernier à la Cour
par un Bal , qui fut aussi magnifique par la décoration
de la Salle , que par la diversité des
habits de Masques . Dès que le Roy fut entre
dans la Salle , la Simphonie , composée de deux
Bandes de Musiciens , chacune de vingt -six , tous
habillés de couleur de rose , commença à jouer
quelques Concerto , après lesquels le Roy ouvrit
le Bal avec la Marquise de Solera . Cette
Dame alla prendre ensuite le Marquis de
Puisieux , Ambassadeur de France en cette
Cour , lequel prit la Princesse de Stigliano. S.
M. dansa le quatriéme menuet avec la File du
Comte de San Istevan , et le Bal dura jusqu'à
deux heures du matin. Le 17. le 21. et le 24. il
y eut Bal à la Cour , et le Roy ne fit inviter à
chacun que quatorze Dames & leurs Epoux
mais on y laissa entrer les Personnes de distinction
qui s'y presenterent en habits de Masques.
A tous les Bals que le Roy a donné , non seulement
il y avoit dans plusieurs Salles voisines de
celle où l'on dansoit , des Tables sur lesquelles
étoient des rafraîchissemens de toute espece ,
anais encore on avoit dressé dans une Chambre
particuliere une Toilette garnie de Gans , de
Rubans , d'Eventails, et de plusieurs autres ajustemens.
MORTS
MARS. 17378 605
MORTS , NAISSANCES ,
& Mariages.
L
A nommée Marguerite Gravet est morte à
Sommereux en Picardie , dans la roseannée
de son âge.
Le 14. Janvier, Joseph- René Imperiali , Genois
, Cardinal de l'Eglise Romaine , premier
Prêtre du Titre de S. Laurent in Lucina , Prefet
des Congrégations du bon Gouvernement, et de
la Discipline réguliere, Membre de la plus grande
Partie des autres Congrégations , Protecteur
du Royaume d'Irlande , de la Religion de Saint
Jean de ferusalem , de tout l'Ordre de S. Augustin
, de la Congrégation du Mont- Vierge ,
du College Germanique Hongrois , de l'Acadé
mie des Ecclesiastiques Nobles du College Apostolique
des Piêtres , des Religieuses de la Pénitence
, et de plusieurs autres Communautés et
Eglises de Rome, mourut âgé de 85. ans 8. mois
Avril 1651 .
15. jours , étant né à Gencs le 29.
et de Cardinalat 46. ans 11. mois . et 1. jour ,
ayant été élevé à la Pourpre par le Pape Alexandre
VIII. le 13. Février 1690. Il étoit alors
Trésorier Général de la Chambre Apostolique ,
et avoit été auparavant Général des Monnoies.
Le 10. Avril de la même anaće 1690. il fut déclaré
Legat de Feriare . Le feu Pape Clement
XI. le nomma le 14. Octobre 1711. son Legat
à Latere pour aller complimenter l'Empereur
regnant à son passage à Milan , ce qu'il executa
le 8. Novembre suivant. Le Cardinal Imperiali
I j quitta 4
606 MERCURE DE FRANCE
>
quitta son Titre de Diacre de S. Georges in Ve-
Tabro , et opta celui de premier Prêtre de S. Lau-
Jent in Lucina le 20 Janvier 1927. Dans le Conclave
de 1730. il ne lui manqua le 21. Mars
qu'une voix pour être élû Pape . Mais comme
son Parti augmentoit de jour en jour , le Cardinal
Bentivoglio , Ministre d'Espagne , lui donna
ouvertement l'exclusion de la part de cette
Couronne. Ce Cardinal a été fort regretté à cause
de ses belles qualités , et des grandes aumônes
qu'il faisoit aux Pauvres , auxquels il ordonna
en mourant , qu'on distribuât 8000. écus. Son
Corps fut porté le 16. au soir en l'Eglise de S.
Augustin , où le 17. ses obseques furent célé→
brées dans la matinée avec l'assistance de vington
Cardinaux et de toute la Prélature Romaine ,
er le soir il y fut inhumé. Le défunt, par son Testament
Olographe , a institué Héritier universel
le Prince de Francavilla Imperiali , son Neveu
, et a nommé ses Executeurs Testamentaires
Je Cardinal Spinelli , aussi son Neveu , Archevêque
de Naples , le Cardinal Georges Spinola ,
et le Prelat Valenti. Il fait des legs et pensions
à tous ses Officiers et Domestiques , et il ordonne
aussi , par son Testament , à son Héritier
institué d'acheter un Palais à Rome , pour y
placer , à l'usage du Public , sa Bibliotheque , qui
a éré commencée par Laurent Imperiali , Cardinal
, son Oncle mort en 1673. et pour l'Augmentation
de laquelle il laisse aussi un fond considerable.
Le 17. le Pape disposa des Places vacantes par
la mort du Cardinal Imperiali . Il nomma Prefet
de la Congrégation de la Discipline Réguliere
, et Protecteur du College Apostolique des
Prêtres des Religieuses de la Pénitence , Jean- Antoine
MARS. 1737. 607
toine Guadagni , Cardinal , son Neveu.
Prefet de la Congrégation du bon Gouverne
ment , Dominique Riviera , Cardinal
Protecteur de l'Académie des Ecclesiastiques
Nobles , Leandre Porzia , Cardinal.
Protecteur de tout l'Ordre de S. Augustin ,
Joseph Firrao , Cardinal."
Protecteur de la Congrégation du Mont-Vier
ge . Marcel Passeri , Cardinal .
Protecteur du College Germanique- Hongrois ,
Barthelemi Ruspoli , Cardinal.
Protecteur du Royaume d'Irlande, Neri- Ma
tie Corsini , Cardinal , Neveu de S. S.
Le 19. Janvier Jacques de Montagnac , Chevalier
de l'Ordre de N. D. du Mont - Carmel , er
de S. Lazare de Jerusalem , dans lequel il a été
reçû le 2. Février 1720. Consul Général de la
Nation Françoise en Portugal , et chargé des
affaires de S. M. Très Ch . auprès de S.M. Port.
mourut à Lisbonne à l'âge de 62. ans. Il a été
inhumé dans l'Eglise de S. Louis de la Nation
Françoise .
Le 4. Février , Guillaume Wake , Archevêque
de Canterbury , Primat , et Métropolitain
de toute l'Angleterre , mourut à son Palais de
Lambeth , près de la Ville de Londres , âgé de
79. ans , presque accomplis , étant né le 6. Février
1658. Ce Prélat , qui étoit en grande vénération
en Angleterre , étoit fils d'un Gentithomme
, qui possedoit un bien d'environ 5oo.
livres Sterlings de rente. Il fut envoïé en 1671.
dans l'Université d'Oxford , où il fut reçû Docteur
en Théologie en 1680. Ensuite son frere
aíné étant mort , son pere le rapella auprès de
lui, et lui ayant fait entendre qu'il avoit un bien
assés considérable à lui laisser , il voulut l'enga
I v g
608 MERCURE DE FRANCE
ger à quiter l'Etat Ecclesiastique , et à se rendre
à la campagne pour y vivre en Gentilhomme
mais n'ayant pû le déterminer à prendre ce parti
, il résolut de l'en faire repentir en le deshéritant.
Il envoya , sur le champ , chercher un Notaire
pour changer son Testament , mais il perdit
la parole avant l'arrivée du Notaire , et mourut
peu de temps après , ensorte que son Fils
succeda à ses biens , qui lui apartenoient de droit.
C'est ce que portent les Lettres de Londres
qui annoncent la mort de ce Prélat. Quoiqu'il
en soit , il fut nommé , au mois d'Avril 1705.
à l'Evêché de Lincoln , d'où il fut transferé par
le feu Roi Georges I. sur le Siége de Canterbury
au mois de Décembre 1715. On loue son
grand zéle pour l'interêt de la Religion , pour
l'avancement de laquelle il envoyoit annuellement
des sommes considérables , non seulement
dans les Pays Protestans , mais inême dans les
Pays Catholiques , et jusques dans la Russie
l'Asie et la Grece . On ajoûte que , nonobstant
toutes ses grandes charités , il est mort riche de
plus de 1ococo.Sterlings. Son Corps et celui de
feuë sa Femme , morte en 1731. après avoir été
exhumé de l'Eglise de Lambeth , ont été transportés
à Croydon dans le Comté de Surrey, pour
y être inhumés l'un auprès de l'autre.
Le 10. Février , le Docteur Potter , Evêque
d'Oxford , qui passe pour un des plus sçavans
Prélats d'Angleterre , et dont on loue la grande
pieté , fut déclaré dans un Conseil tenu au Palais
de S. James Archevêque de Carterbury.
3. Et le Docteur Cony bear fut nommé pour son
Successeur à l'Evêché d'Oxford.
a . Le 9. Georges Hamilton , Comte d'Orkney ,
(crée le 3. janvier 1696, ) l'un des 16. Pairs
d'Ecosse
MARS. 1737. 609
d'Ecosse, ayant séance au Parlement de la Grande
Bretagne , Gouverneur de la Virginie , Connétable
, Gouverneur et Capitaine du Château
d'Edimbourg, Chevalier de l'Ordre du Chardon ,
Lord- Lieutenant du Comité de Chydesdale , un
des deux Maréchaux de Camp Généraux de
toutes les Troupes du Roy, de la Grande Bretagne
, tant Cavalerie qu'Infanterie , et Colonel
d'un Regiment d'Infanterie , mourut à Londres,
âgé de 70. ans. C'étoit un Général fort experimenté
, et très- connu par ses grands exploits ,
s'étant glorieusement distingué dans plusieurs
Batailles et Sieges , en Irlande , Allemagne et en
Flandres , entr'autres aux Batailles de la Boyne ,
d'Aghrim , de Steinkerque , de Landin , et de
Blenhein , et aux Sieges d'Athlone , de Limerick
et de Namur. Il avoit été fait Maréchal de Camp
au mois de Juin 1702. et Lieutenant General au
mois d'Avril 1704. Le Gouvernement du Château
d'Edimbourg lui fut donné au mois d'Avril
1714. et en dernier lieu il avoit été déclaré Maréchal
de Camp Général le 2. Février 1736. Il
étoit le quatriéme Fils de Guillaume Douglas ,
Comte de Selkirk, puis premier Duc d'Hamilton ,
Chevalier de l'Ordre de la Jaretiere , Président du
Conseil , et Grand Amiral du Royaume d'Ecosse
, mort le 18. Avril 1694. qui avoit pris et
laissé à ses Descendans le nom d'Hamilton , à
cause de son mariage avec Anne Héritiere d'Hamilton
. Cette Maison d'Hamilton est à present
la premiere Branche cadette de la Maison de
Douglas , que les Anglois mettent au dessus de
toutes celles de l'Europe , excepté les Maisons
Souveraines ; mais ils trouveront en France des
Contradicteurs , quelque grande que soit cette
Maison , dont la Généalogie est raportée dans
I vj le
610 MERCURE DE FRANCE
le ge Tom. des Grands Officiers de la Couron
ne de France p . 399. On y voit p . 411. que le
Comte d'Orkney , qui vient de mourir , avoit
épousé Elizabeth Villers , soeur d'Edouard Villers
, Comte de Jersey , dont il n'a eu que des
Filles , ainsi son Titre est éteint par sa mort
mais il laisse des biens considerables à ses Héritiers.
Le 3. Mars , Dame Loüise-Françoise Phelypeaux
de laVrilliere, Veuve de Loüis- Robert- Hippolite
de Brehand ,Comte de Pleslo , Ambassadeur
Extraordinaire de France en Dannemarc , qui
fut tué devant Dantzick le 27. May 1734. et
avec lequel clie avoit été mariée le 21. May
1722. mourut de la petite verole le ge jour de
sa maladie , dans la Communauté du bon Pasteur
à Paris , où elle occupoit un Apartement.
elle étoit âgée de 29. ans , et étoit Fille de feu
Louis Phelypeaux Marquis de la Vrilliere , Ministre
et Secretaire d'Etat , Commandeur des
Ordres du Roy , mort le 17. Septembre 1725.
et de D. Françoise de Mailly , sa Veuve , aujourd'hui
Duchesse Doüariere de Mazarin , et
Dame d'Atours de la Reine . La Comtesse de
Pleslo laisse des enfans en bas âge.
Le 7. Charles Des Chiens de la Neuville, Seigneur
de Layon , Broize , et Mouligné , Intendant
des Ordres du Roy , Charge dont il avoit
été pourvû sur la démission de François Morizet
de la Cour , son Oncle maternel , le 30.
Octobre 1709. mourut à Paris , après quelques
jours de maladie , dans la 70e année de son âge.
Il avoit été successivement President à Mortier
du Parlement de Pau le . Septembre 1697.
Maître des R quêtes Ordinaire de l'Hôtel du
Koy le 12. Février 1707. et Intendant en Bearn
212
MARS. J 611
1737.
au mois de Juillet 1710, d'où il fut transferé au
mois de Mars 1711. à l'Intendance de Roussillon
et Cerdaigne. Il fut rapellé de celle - ci en
1716. et en dernier lieu il fut nommé au mois
d'Avril 1718. à l'Intendance de Franche-Comté
, qu'il exerça jusqu'au mois de Juillet 1734 .
Il étoit Fils puîné de feu Pierre Des Chiens
Seigneur de Valcourt , Vicomte de Verneuil ,
Conseiller- Secretaire du Roi , et de ses Finances
, Interessé dans les affaires de S. M. mort en
1704 et de Marie Morizet , et Veuf de Jeanne
des Bordes , morte le 8. Décembre 171 8. Il
laisse d'elle 2. Filles , qui sont Marie Des Chiens,
mariée le 12. Février 1720. avec Louis -Marie
de Sainte Maure , Marquis de Chaux et d'Archiac
, Premier Ecuyer , Commandant la Giande
Ecurie du Roy , Brigadier de ses Armées ,
et Mestre de Camp du Regiment Royal Etranger
; et Marie - Anne Des Chiens , mariée en
1725. avec Jean-Baptiste , Marquis de Fresnoy ,
Seigneur d'Arcuy , le Memen , Montpereux
Coulombier , & c .
Le même jour , D. Anne Baillet de la Cour ,
veuve depuis le 25. Octobre 1720. d'Antoine-
Charles , Duc de Gramont , Pair de France ,
Souverain de Bidache , Sire de Lespare , Chevavalier
des Ordres du Roy , et de celui de la Toison
d'or , Gouverneur et Lieutenant General
pour S. M. en ses Royaume et Pays de Navarre
, Gouverneur particulier des Ville , Château
et Citadelle de Bayonne et de S. Jean- Pied - de-
Fort , Commandant en Soulle , ci - devant Ambassadeur
Extraordinaire auprès du Roy d'Espagne
, mourut à Paris , âgée de 73. ans sans laisser
d'enfans. Son corps fat transporté le 10 : aur
soir de l'Eglise de 3. Sulpice, sa Paroisse, en celle
de
612 MERCURE DE FRANCE
de S. Roch , pour y être inhumé auprès du feu
Duc de Gramont , qui étant veuf de Marie.
Charlotte de Castelnau , morte le 29. Janvier
1694. l'épousa le 18. Avril 1704. elle étoit fille
de Nicolas Baillet , Sieur de la Cour, et de Jeanne
Godefroy , et elle avoit eû pour soeur feuë Aimée-
Françoise Baillet de la Cour , femme de
Nicolas Regnault , Seigneur du Repaire et de
Massignat , Lieutenant Colonel du Régiment de
l'Aigle , puis Colonel de celui de Beausse , morte
sans enfans .
Le même jour Rolland Barrin , Marquis de
la Galissonniere , Chevalier de l'Ordre Royal et
Militaire de S. Louis , de la Promotion du 8.
Février 1694. et Lieutenant Général des Armées
Navales du Roy , qui s'étoit retiré depuis quelques
années à Poitiers , y mourut , âgé de 90 .
ans 8. mois et 5. jours. Il avoit commencé à
servir en 1663. dans la seconde Compagnie des
Mousquetaires du Roy , d'où étant entré dans
le Regiment de Navarre , il se trouva à l'entreprise
de Gigery sur les Côtes d'Afrique en 1664.
ensuite il passa à Malthe, pour y faire ses Caravannes
, étant alors Chevalier de l'Ordre de S.
Jean de Jerusalem. Il y fut fait Officier dans le
Bataillon que la Religion envoya en 1668. à
Candie , où il resta un an , c'est- à-dire jusqu'à
la fin du Siege . Etant repassé en France il fut
fait Lieutenant de Vaisseaux en 1672. et Capitaine
en 1677. Depuis il commanda un grand
nombre de Navires , et quelques Escadres , et
se trouva depuis 1672. à presque toutes les
actions considérables qui se passerent sur Mer
de son temps . Il commandoit l'un des 2. Vaisseaux
qui défendirent l'Estacade de Vigo en Espagne
, qui fut attaquée le 22. Octobre 1702 .
par
M. AR S. 1737. 613
par les Troupes Angloises et Hollandoises. I
fut fait prisonnier en cette occasion , et mené en
Angleterre , mais son Vaisseau ne tomba point
au pouvoir des Ennemis . Il fut fait Chef d'Escadre
le 13. Décembre de la même année 1702 .
Depuis ayant été échangé , il eut le Commandement
de la Marine à Rochefort . Il quitta le
Service en 1720. et obtint alors le grade de
Lieutenant Général . Il étoit Fils de Jacques Barrin
, Marquis de la Galissonniere , Conseiller
d'Etat Ordinaire , Maître des Requêtes Honoraire
, ci - devant Intendant successivement de
Moulins , de Bourges , d'Orleans et de Rouen ,
mort le 5. Octobre 1683. âgé de 70. ans , et
d'Elisabeth le Boulanger , sa premiere femme.
Il avoit épousé en premieres nôces , en 1686.
Catherine Begon , Fille de Michel Begon , Intendant
des Galeres à Marseille , et depuis Intendant
de la Marine du Ponant à Rochefort , ct
de Justice à la Rochelle , et de Marie- Madeleine
Druilhon . Elle mourut le 7. Août 1708. âgée
de 37. ans , laissant un Fils et deux Filles . Le
Marquis de la Galissonniere s'étoit remarié avec
une Veuve , dont le Comte de la Galissonniere
son Fils a épousé la Fille, de laquelle il n'a point
d'enfans.
L'Archiduchesse , Epouse du Duc de Lorraine,
accoucha à Vienne le 5. Février vers les 1. heures
du matin d'une Princesse qui fut baptisée le même
jour par le Nonce du Pape, La jeune Princesse , qui
eut pour Parain l'Empereur et pour Maraines
I'Imperatrice etAmélie l'Imperatrice fut nommée
Marie Elizabeth Amelie JosephineGabrielle Jeanne-
Agathe. Après cette Ceremonie , l'Empereur
se rendit avec les deux Imperatrices chés l'Archiduchesse
614 MERCURE DE FRANCE
duchesse , et étant retourné ensuite dans son
Apartement , il reçut les complimens des Minis
tresEtrangers, des Ministres d'Etat et de la principale
Noblesse.
Le 6.Fevrier, naquit Charles Guillaume- Louis
Marquis de Broglio , Seigneur du Mesnil - Voisin ,
et de D. Elisabeth Theodore de Besenval - Bronstatt
, son épouse , mariés le 12. Septembre 1733 .
Le même jour , est aussi née Bonne Félicité
Louise , fille de Mathieu François Molé , Seia
gneur de Champlatreux , Luzarches , & c . Prési
dent du Parlement de Paris, et de D.Bonne Félicité
Bernard son épouse. C'est leur premier enfant.
Ils ont été mariés le 22. Septembre 1733 .
Le 23 est né Cezar- Henride la Luzerne de Beusseville
, fils de Cezar- Antoine de la Luzerne ,
Comte de Beusseville , Seigneur de Houllebec et
du Moulin-Chapelle , cy- devant Mestre de Camp
du Régiment des Cuirassiers du Roy , à présent
Maréchal des Camps et Armées de Sa Majesté ,
et d'Elizabeth de Lamoignon de Blancmenil,fille
aînée de Guillaume de Lamoignon , Seigneur de
Blancmenil et de Malesherbes , cy-devant Président
du Parlemenr de Paris , et de feuë D. Anne
Elizabeth Roujault , sa seconde femme, le Parain
Henry Paul de la Luzerne de Beusseville , Chevalier
de Malthe et Capitaine dans le Régiment
des Cuirassiers du Roy, oncle paternel , et la Maraine
D. Barbe- Magdeleine Maynon , veuve de
Nicolas Etienne Roujault Seigneur de Villemain,
Maître des Requêtes et Intendant de la Genera
lité de Berry et de Rouen suscessivement, ayeule
maternelle .
Le 24. fut baptisée à Paris Anne- Magdeleine-
Françoise , née le même jour , fille de Jacques-
Charles de Craquy , Chef du nom et Armes de sa
Maison
MARS. 1727. 619
Maison , Marquis de Hémond , Mestre de Camp
commandant une Brigade du Régiment Royal
des Carabiniers et Chambellan du Duc d'Orleans
, et de D. Marie -Louise de Monceaux ,
d'Auxy , son pouse , mariés le 9. Mars 1720 .
le Parain Jacques de Monceaux , Marquis d'Auxy,
Seigneur de S. Sensons , Hanvoille , Martincourt
, & c. cy- devant Colonel du Régiment
Royal Comtois , et auparavant Capitaine au Régiment
des Gardes Françoises , cousin germain
de la Mere de la Baptisée . La Maraine Anne-Magdelaine-
Françoise de Monceaux d'Auay , fille du
Parain et Epouse d'André- Hercules de Rosset de
Rocozel , Duc de Fleury , Pair de France , Seigneur
de Florange , Gouverneur d'Aiguesmortes
en survivance , Sénéchal de Carcassonne , Limoux
et Beziers , Mestre de Camp du Régiment
Royal de Dragons.
Le 13. Mars , naquit à Paris Charles-Joseph-
Gaston , fils premier né de François Philogene ,
Marquis de Blanchefort , Baron d'Asnois , Gou
verneur des Pays , Ville et Châteaux de Geix ,
et de Marie-Joseph Pierquet , son Epouse.
Le 25. Février fut celebré dans la Chapelle
domestique de l'Hôtel de Brissac, le Mariage de
Louis de Noailles , Due d'Ayen , Capitaine de
la premiere Compagnie des Gardes du Corps du
Roy , Gouverneur General des Comtés et Vigneries
de Roussillon , Conflans et Cerdaigne
Gouverneur particulier des Ville , Châteaux et Citadelle
de Perpignan , et Gouverneur et Capitaine
de S. Germain en Laye, le tout en survivance;
Mestre de Camp d'us Régiment de Cavalerie
né je 21 .1.Avril 1713. fils aîné d'Adrien Maurice,
Duc de Noailles , Pair et Maréchal de
•
France ,
616 MER CURE DE FRANCE
France , Grand d'Espagne de la premiere Classe ,
Chevalier des Ordres du Roy et de celui de la
Toison d'or , Capitaine de la premiere Compagnie
des Gardes du Corps de S. M. Gouverneur
et Capitaine General des Comtés et Vigueries de
Roussillon , Conflans et Cerdaigne . Gouverneur
particulier des Ville ,Château et Citadelle de Perpignan
, Capitaine et Gouverneur des Châteaux,
Parc , Forets et Chasses de S. Germain en Laye,
&c. et de D Françoise . Charlotte- Amable d'Au .
bi né , son Epouse , avec Dlle Catherine Françoise
- Char otte de Cossé de Brissac, âgée de 132
ans fille un que et seule heritiere de feu Charles
Timo con Louis de Cossé , Duc de Brissac , Pair et
Grand Panet er de France, Marquis de Thouarcé,
Comte de Changé Baron de Lugny , Seigneur de
Martigny, Briant , Bregné, Vaucretien , la Lande,
& c. mort le 18. Avril 1732. dans lá 40e année de
son âge,et de D.Catherine M gd Pecoil , sa veuve .
Le 27 a été fait le Mariage de Joseph Dalegre
, Seigneur , Marquis de Lauvoir , Mestre de
Camp de Cavalerie et Exempt des Gardes du
Corps du Roy , âgé de 35. ans , fils de Louis
Daleggre , Marquis de Bauvoir , Capitaine de
Vaisseaux du Roy , et de D. Claire d'Artigues
avec Dile Magdelaine Geneviève de Sainte Hermine
, âge de 39 ans , fille de deffunts Louis-
Henry de Sainte Hermine , Seigneur de la Laigne
, Capitaine de Vaisseaux du Roy , et de D.
Marie- Marguerite-Genevieve Morel de Putanges.
Le même jour Michel Comte d'Arcussia , Capitaine
au Régiment de Piemont Infanterie , fils
de Michel , Marquis d'Arcussia du Revest , et de
D. Marie- Magdelaine de l'Isle, épousa D. Louise
de Sabran,premiere Filleule du Roy , fille d'Honoré
, Comte de Sabran , des Comtes de Forcal-
J
quier
MARS. 1737. 617
her , premier Chambellan de S. A. R. feu M. le
uc d'Orleans , Régent du Royaume , et de D.
harlotte de Foix. La celebration du Mariage se
t au Château de la Norville , près Paris , aparenant
au Comte de Sabran.
Le 12. de Mars la Comtesse de Sabran fut
présentée au Roy et à la Reine , à Mons igneur
le Dauphin et à Mesdames de France , par Madame
la Duchesse de Duras , sa parente , Mesdames
les Duchesses de Lorges , de Lauzun et
de Kandan, et par les Comtesses de Lorges et de
Sabran
C'est pour la troisième fois que la Maison
d'Arcussia a pris alliance avec celle de Sabr n ; à
commencer par le Mariage de Catherine d'Arcussia
avec Elzear de Sabran , Comte d'Arian ,
fils de Guillaume de Sabran , et neveu de
S. Elzear de Sabran Comte d'Arian , Baron
d'Ausouis , dont on a écrit la Vie , ainsi que celle
de sain e Delphine , son Epouse.
La Maison d'Arcussia est originaire du Royaume
de Naples , où elle est mise au nombre des
plus anciennes. Elisée d'Arcussia étoit General
des Gal res de l'Empereur Fréderic Barberousse
en 1191. Jacques d'Arcussia , un de ses Descendans
Grand-Chambellan du Royaume de Sicile,
readit des Services si importans à la Reine Jeanne,
que par Lettres de 1375. et. 1377. elle lui fit
don de plusieurs Terres et Châteaux considerables
, situés dans sa Comté de Provence. La même
Princesse lui permit de faire fraper une Monnoye
d'argent , où d'un côté étoient le Buste et
les Armes de la Reine et de l'autre les Armes
d'Arcussia , qui sont d'or , à la face d'Azur ,
compagnée de trois Acs de fleches de Gueules , cordes
de même et posés en Pal , deux et un . Ce
Seigneur
ac618
MERCURE DE FRANCE
Seigneur mourut à Naples l'an 1386. et fut in
humé à la Chartreuse de cette Ville , en qualité
de Fondateur , ainsi que le porte son Epitaphe
qu'on lit dans l'Eglise de ce Monastere. Hujus
sacri Monasterii Fundator , & c.
François d'Arcussia , son fils puîné , qui eût en
partage les biens situés en Provence , se retira
dans cette Province avec sa Famille, dont la Posterité
est aujourd'hui divisée en trois branches ,
connues sous les noms des Seigneurs d'Esparron
et du Revest. Catherine d'Arcussia étoit soeur de
ce François d'Arcussia ; c'est la même Dame
dont il est parlé cy - dessus , au sujet de son alliance
avec Elzear de Sabran. Jean d'Arcussia',
son frere aîné , heritier des biens situés dans le
Royaume de Naples , fut marié avec Laudune de
Sabran , Comtesse d'Anglon , et c'est la seconde
des trois Alliances dont on a parlé entre les deux
Maisons.
René d'Anjou , Roy de Naples et de Sicile ,
Comte de Provence , l'un des meilleurs et des
plus spirituels Princes de son temps , qui connoissoit
à fond la haute noblesse de ses Etats ,
avoit donné à chaque Maison l'Epithete ou le sobriquet
qui convenoit à son caractere particulier.
La Maison d'Arcussia a eût pour le sien GRAVITE
DE ARCUSSIA.
A l'égard de la Maison de Sabran , elle est si
ancienne et si illustrée , tant par les Grands Hommes
qui en sont sortis , et qui se sont distingués
dans les Dignités de l'Eglise et dans le Service de
P'Etat , que par ses grandes Alliances , qu'il fau
droit un volume entier pour lui rendre justice et
pour contenter entierement le Lecteur , qui pou
ra se dédommager par l'Histoire de Provence ,
par l'Ouvrage du Pere Anselme et par d'autres
Monumens publics.
MARS. 1737. 619
Nous ne dirons rien par la même raison de la
Maison de Foix , dont est Madame la Comtesse
de Sabran. Tout le Monde sçait d'ailleurs qu'elle
ne cede à aucune des grandes Maisons du Royaume
par son origine , par ses illustrat ons , par ses
Alliances avec plusieurs Maisons Souveraines, & c .
Sabran porte de Gueule au Lion d'Argent. Pour
suports deux Lions d'or. Cimier un Lion naissanı
avec cette Devise : NOLI IRRITARE LEONEM .
On a annoncé à l'article des Mariages du mois
de Janvier dernier , page 173. celui de M. Fran
çois- Gabriel- Benigne Chartraire , Marquis de
Bourbonne , Président à Mortier au Parlement
de Dijon , avec Mlle Bouhier , fille de M. Jean
Bouhier , Président à Mortier honoraire au même
Parlement , l'un des Quarante de l'Académie
Françoise , et Marquis de Lantenay ; cet endroit
n'est pas exact, en donnant à ce Président la qualité
de Marquis de Lantenai , qu'il faut donner
à M. Antoine 'Bouhier , Conseiller au même
Parlement , qui est Marquis de Bouhier et de
Lantenay , et Ayeul maternel de la Demoiselle.
On a aussi oublié en parlant de M. François
Chartraire , Conseiller honoraire au même Parlement
, Comte de Bierre et de Montigny , Pere
du nouveau Marié , de dire qu'il étoit en même
temps Lieutenant de Roy des Ville et Château
de Semur , en Auxois , Intendant de S. A. S. M.
le Duc , Gouverneur de Bourgogne et Bresse, et
Trésorier General des Etats de cette Province ,
places que Mrs Bazin , Seigneur de Bierre , et
Antoine Chartraire , Seigneur de la Cosme , de
Marcelois, de Bierré, et Conseiller au Parlement
de Mets , grand oncle et grand pere de M. le
Président de Bourbonne , ont remplies , et que
M.Marc- Antoine Chartraire, Comte de Montigai
620 MERCURÉ DE FRANCE
gni et de Bierre , frere aîné de ce nouveau Marié,
remplit encore aujourd'hui . Cette Famille est
la même que celle de M. l'Abbé Chartraire , Seigneur
de Givry , Conseiller veteran au même
Parlement de Dijon , et cy-devant Doyen de
PEglise de Vezelay , dont on a parlé à la page
155. du même Mercure de Janvier , au sujet des
Réjouissances faites à Avalon en Bourgogne , à
l'occasion de la Naissance du Prince de Condé .
Le 4. de ce mois . M. N. Du Sauzey , Chevalier
Seigneur d'Arenar et de la Venerie, Grand
Baillif du Beaujollois , épousa à Trevoux , Capitale
de la Souveraineté de Dombes , Damoiselle
Marie Aubret , troisiéme fille de M. Louis
Aubret Ecuyer , Seigneur de Belver , Conseiller
honoraire au Parlement , et de deffunte N. de
Joux.
TABLE.
IECES FUGITIVES . Ode Sacrée , 409
PRefutation au sujet du Lieu de la Naissance
de S. Louis ,
L'Infidélité , Ode ,
rie , & c.
412
45 I
Nouvelle Construction de Rouage de Sonne-
Le Ramier et la Tourrerelle . Fable.
Lettre au Sujet de la Fiévre Vermineuse.
- Madrigal.
456
462
465
472
Sup ément au Mémoire Historique sur Bretigny:
Dépit Poëtique .
Ibid.
477
482
Explication des effets d'une Pendule extraordinaire,
Stances Chrétiennes . 485
Question importante jugée au Parlement. 1488
Cantate sur un Songe.
498
Lettre au Sujet d'un Ouvrage sur les Pseaumes
.
499
508
Enigme , Logogryphes , & c.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . Recueil
de Lettres et Mémoires pour servir à
l'Histoire de l'Académie de Beziers . 512
Reflexions sur les Ouvrages de Litterature. 516
Traité du Vrai Mérite de l'Homme,
Childeric , Tragédie.
Obstacles de la Pénitence.
Les Hommes , 4. Edition .
518
519
523
526
527 Seconde Lettre du P. Poisson , &c.
Histoire et Description générale du Japon . 529
Extrait de Lettre à l'Auteur de l'Histoire Litteraire
de France. 545
547
Lettre de Rome contenant plusieurs Nouvelles
Litteraires.
Lettre datée de Quito le 20. Juillet dernier. ss0
L'Histoire de M. deThou par souscription . 556
M. Bimard de la Bastie , reçû à l'Académie des
Belles Lettres. 557
Médailles antiques trouvées prés de Bayeux . 558
Bartholdo ceu Bartoldino , &c . imprimé à Bologne.
Suite des Portraits des Grands Hommes.
Air à boire noté.
Spectables. Persée , Tragédie.
560
161
Ibid.
562
Nouvelles Etrangeres , de Russie et d'Allema-
1
gne.
578
De Lorraine. Plein- pouvoir du Roy , & c . pour
recevoir , en son nom , le Serment de Fide-
Lité éventuel des sujets du Duché de Bar . 580
Extrait des Registres de la Chambre du Conseil
du Duché de Bar.
Plein-pouvoir du Duc de Lorraine.
582
584
Mariage du Roy de Sardaigne avec la Princesse
de Lorraine.
5.86
Addition aux Nouvelles Etrangeres . Lettre de
Constantinople . 194
France. Nouvelles de la Cour , de Paris & c . 599
Promotion faite dans l'Ordre Royal et Militaire
de Saint Louis.
Morts , Naissances et Mariages.
Errata du second volume de Février.
602
605
Page 276. ligne 1. après ce Vers. Sacrifices
de l'homme , &c. Ajoutez celui - ci :
Et non des passions à notre vanité.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 427. ligne 15. dit mezerai , ajoûtex,
après Nangis.
P. 471.1. 8. portion , lisez , potion.
La Chanson notée doit regarder la page
MERCURE
DE
FRANCE ,
1
I
1
DEDIE AU ROT
AVRIL . 1737.
OR
COLLIGTIN
SPARC
Pallo
int
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME
CAVELIER,
ruë S, Jacques.
La veuve PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
' ADRESSE generale eft
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à- vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaitevont
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'aurons
qu'à donner leurs adreffes à M. Morean ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps, & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS
MERCURE
DE
FRANCE ,
DEDIE
AU
ROT.
AVRIL
1737 .
*************
PIECES
FUGITIVES.
en Vers et en Prose.
S
ODE
POUR LA PAIX.
1
Eigneur , tu punis nos offenses ;
Mais n'es-tu point las de tonner?
N'es- tu que le Dieu des vengeancese
N'aimes-tu plus à pardonner à
Te plais-tu parmi les batailles ?
Les pleurs , le sang , les funérailles
Réjouissent- ils tes regards ?
A ij
Etcing
622 MERCURE DE FRANCE
Eteins les flambeaux de la guerre.
Et de la face de la Terre
Bannis les funestes hazards.
De la peine due à nos crimes ,
Chargés par ton juste courroux
Mille Héros , nobles victimes ,
Ont subi tes plus rudes coups .
Qu'attend encore ta justice ?
Veux-tu que ton Peuple périsse ,
Proscrit par ses iniquités ?
Sommes-nous faits pour ta colere è
Grand Dieu , n'es - tu pas notre Pere ,
Ne nous as- tu pas rachetés ?
Détourne ce Fleau terrible ,
Qui te venge de nos forfaits,
A nos cris montre - toi sensible ;
Dieu de Sion , rends-nous la Paix ...
O toi , Ministre redoutable ,
De sa colere inévitable ,
Ange , suspends ton bras vengeur,
·· ·
Chrétiens , votre Dieu vous pardonne ;
J'entens sa voix , il te l'ordonne
Cessez de craindre sa rigueur,
AVRIL. 624
1737
Pere tendre , quand il châtie ,
Il n'attend que notre retour ;
Alors sa main apesantie
Cede à la voix de son amour.
Sa foudre s'éteint dans nos larmes ,
Elles ont pour lui mille charmes
Et ne coulent pas vainement.
Un repentir prompt et sincere ,
Plus fort que toute sa colere ,
Change en bienfait le châtiment.
L'Ange de la Paix va descendre ;
Je le vois ... quel éclat le suit !
La discorde n'ose l'attendre .
La Guerre en désordre s'enfuit ;
La fureur , l'envie et la rage ,
La soif du sang et du carnage ,
Vont se cacher dans les Enfers.
J'entends leurs plaintes , leurs murmures ;
Au fond de ces prisons obscures ,
On les charge de pesants fers .
讚
Les Germains ont plié leurs tentes
Par mille pertes rebutés ;
Et nos cohortés triomphantes
Se retirent dans nos Cités ;
Elles vont au sein de la gloire
A iij Jouis
1
624 MERCURE DE FRANCE
Jouir des fruits de leur victoire ,
Couler en paix des jours serains.
Prêtes à lancer le Tonnerre ,
Quand on leur offrira la guerre
Ou qu'on troublera nos desseins
M
LOUI's , Dieu protege la France ,,
Il forme à ton gré tes Sujets ;
Rien ne borneroit ta puissance
Si tu ne bornois tes projets.
Commande , et d'un seul coup de foudre
Tu réduis cent Villes en poudre.
Nous volons par tout où tu veux ...
Mais non , Roy Chrétien , pacifique ,,
Ta main puissante ne s'aplique
Qu'à faire des Peuples heureux.
茶
Pourquoi dans le sang de nos freress
Tremper de parricides mains ?
Tu hais ces duels sanguinaires ;
Tu fuis ces combats inhumains.
Ah ! s'il faut reprendre les Armes ,
S'il faut faire verser des larmes ,
Il est des Peuples odieux..
Périsse le Scythe barbare ,
Que le Persan et le Tartare
1
S'évanouissent à nos yeux..
Que
AVRIL 1737.
31
Que les jours de ce Peuple impie ,
S'écoulent comme les torrents ;
Ils couvrent aujourd'hui l'Asie ,
Bien- tôt qu'ils ne soient plus vivants }'
Qu'ils soient en proye à nos épées ,
Et que leurs profanes Mosquées
Servent d'azile à nos Coursiers .
Voilà le chemin de la gloire ,
Chrétiens , voilà quelle victoire
yous doit couronner de Lauriers.
M.
Mais , 6 Dieu puissant , ta sagesse
Nous épargne de longs travaux.
Tu les livres à leur yvresse ,
Eux-mêines produisent leurs maux.
L'envie et l'orgueil les domine ,
Ils s'acharnent à leur ruine ,
Conduits par la férocité ...
De vos mains promptes au carnage .
Barbares , c'est le seul ouvrage
Où vous montrez de l'équité,
De vos Legions témeraires
Vous punissez les attentats 3
Vous nous vengez , et de nos peres
Vous payez l'injuste trépas .
C'est peu sévir contre vous - mêmes ,
A iiij Achevez
626 MERCURE DE FRANCE
7
Achevez , aux fureurs extrêmes ,
Excitez vos farouches coeurs.
Que Thamas détruise Bisance ,
Que
l'Othoman ait sa
vengeance ,
Qu'ils soient et vaincus et vainqueurs
M
Pour nous , Peuple saint et fidele
Nous , ses Favoris , ses Enfans ,
Au Très - Haut , penetrés de zele ,
Nous offrirons un doux encens.
Au pied de ses Autels paisibles ,
Nos coeurs à ses bienfaits sensibles
L'enflammeront de son amour ;
Er, par un Mystere sublime ,
L'offrant lui- même pour victime ,
Nous l'invoquerons chaque jour.
DUFAU , Etud. en Th. à Bordeaux-
YI
AVRI L. 1737. 627
VI. LETTRE de M. D. L. R.
écrite à M. Maillart , Ancien Avocat
au Parlement sur quelques sujets de
Litterature.
›
Ous avez vû , Monsieur , dans ma
précédente Lettre le jugement peu
favorable que portoit M. Desroches de
l'Histoire de Charles XI I. Roy de Suede
, par M. de Voltaire , en marquant
pour l'Auteur toute l'estime qu'il peut
mériter. Vous allez voir dans celle.ci le
même Critique s'interesser pour ce Livre
avec autant de chaleur que si c'étoit
son propre Ouvrage , et voici comment
eela doit s'expliquer. Comme M. Desroches
avoit communiqué ses pensées à
plusieurs personnes sur le Livre en question
, M. de V. ne fût pas long- temps à
ignorer que son Ouvrage péchoit par
l'endroit le plus essentiel , faute d'avoir
travaillé sur de bons Mémoires , et à
être persuadé que mon ami étoit plus en
état que personne de lui procurer la gloire
d'une Edition à laquelle il n'y eut
rien à désirer .
M.de la Condamine , de l'Academie
A W Royale:
628 MERCURE DE FRANCE
Royale des Sciences , Personne habile :
et de mérite , fut , à son retour de Constantinople
, le noeud et le canal du commerce
qu'il y eut bientôt entre M. de
V .... et M. D. R.... Commerce dans
lequel je fus aussi mêlé . » J'attens avec
» une impatience extrême ( m'écrivit ce
dernier le 4. Janvier 1734 ) l'Exem4-
plaire de l'Histoire de Charles XII.
» que M. le Chevalier de la Condamine
» vous a remis pour moi , et sans lequel
je ne puis travailler aux Recherches
» que M. de Voltaire me prie de faire
» par une Lettre aussi spirituelle que po
>>-lie , dont il m'a honoré , en m'annon
» çant qu'il m'envoyoit aussi son Poëme
Did HENRI IV..
Le 20. Mars suivant il me donna
avis qu'il avoit reçû ce dernier Livre
des mains de M. Otter , Gentilhomme
Suedois , qui alloit faire le Voyage du
Levant , à qui je l'avois -remis , et que je
prenois la liberté de lui recommander.
Sa Lettre est pleine de politesses sur cette
recommandation ; elles finissent par une
éloge du vertueux Gentilhomme recom
mandé.
་
Enfin M. D. R. m'écrivit le 2 : Août
1734. ce qui suit au sujet de l'Histoire"
de Charles XII. qu'il venoit de rece--
>> voir
AVRIL. 1730. 629
voir. J'ai effectivement reçû l'His-
» toire de Charles XI I. mais avec vo-
» tre derniere Lettre du 19. May seule.
» ment ; vous ne devez pas être surpris
» de mon impatience pour ce Livre, par-
» ce que je ne l'avois jamais eu en mon
» propre. Dans le dessein où j'étois d'aprofondir
davantage la matiere , et de
» conférer sur certains Faits avec des Per-
» sonnes de ce Pays- ci , qui en. ont
» une parfaite connoissance , il m'étoit
» absolument nécessaire d'avoir cette His-
» toire en mon entiere disposition. Au
» reste, il y a quelque temps que M. de V.-
» m'en a envoyé en present un Exem-
» plaire de la derniere Edition , que je
» n'ai point encore lû , un Ministre étran-
» ger m'ayant prié de le lui communiquer
dès le lendemain que je l'eus re-
>> çû mais on m'assure que l'Auteur
» n'a fait dans cette Edition que de très-
» médiocres changemens . J'ose continuer
>> d'assurer pourtant qu'elle en auroit
demandé de fort considérables pour
» que cette Histoire fût aussi bonne pour
» le fonds , qu'elle est belle pour la for
&c.
» me ,
Je ne vous dirai point , M , quel suc
cès ont eu les dispositions de M. D. R.-
en faveur de M. de V. par raport à ce
A vj
Livres
630 MERCURE DE FRANCE
Livre , ni ce que pensoit M. D. R. au
sujet de la Henriade , qu'il avoit eu tout
le temps de lire . Il est vrai que la Lettre
du 2. Août 1734. dont j'ai parlé ci · dessus
, est la derniere qu'il m'a écrite . Mon
ami étoit alors peu éloigné de son terme
fatal.
Je ne vous parlerai point non plus de
ses sentimens au sujet de quelques autres
Ouvrages attribués à M. de V. sur lesquels
il m'a écrit avec beaucoup de liberté
, de sagesse et d'édification , se montrant
toûjours fidele ami de la vertu , et
l'ennemi déclaré de l'irreligion et du libertinage
de l'esprit . On en peut juger
par plusieurs endroits de ses Lettres , et
en particulier par celle du 22. Juin 1733 .
qui contient l'Article que vous allez
lire.
"2
39
» Je vous remercie pareillement dư
beau Poëme que vous m'avez aussi envoyé.
Il y avoit déja quelque temps
» qu'on m'avoit mandé de Paris , que l'Epitre
à Uranie , auquel çet Ouvrage
répond , étoit une Piece encore plus
» forte pour le bon et pour le mauvais ,
» que la célebre M.... de R. . . . et
qu'elle partoit effectivement de M. de
Voltaire. Je vous avoue que je serois
* curieux de la voir. Je ne sçais si mes
» amis
AVRIL. 1737 63x
amis ont craint de charger leur conscien-
>> ce en me l'envoyant , par raport à l'im-
>> pression dangereuse que sa lecture pouroit
me faire : ils ne me connoissent pas
» bien ; il y a trop long- temps que j'ai
» pris le parti de préferer la qualité de
» Chrétien à celle d'esprit fort, pour que
» desVers , quelque séduisans qu'ils puissent
être , soyent capables de me faire
» varier dans mes sentimens à cet égard.
» Quant au Poëme que vous m'en-
• voyez et qu'un zele estimable a produit
dans la vûë de refuter cette per-
» nicieuse Epitre , la Versification m'en
» paroît noble et coulante ; j'y ai trouvé
plusieurs endroits qui m'ont frapé; en
un mot, beaucoup de fort beaux traits;
» mais avec tout cela je le crois plus pro-
A confirmer dans la Religion ceux
» qui en ont déja , qu'à en donner à ceux-
» qui n'en ont point . Il me conviendroit
» moins qu'à un autre de prendre le ton
» décisif , mais j'ai toujours pensé que la
>> Poësieen général n'étoit pas faite pour ex-
» poser,avec succès , les Points et les Mis-
» teres de notre Foy, et que nôtre Poësie ,
>> en particulier , étoit asservie à des Regles
LA RELIGION DEFENDUE , & c , dont il y a
* Extrait dans le Mercure du mois de Mars
1733. page $ 23.0
» trop
632 MERCURE DE FRANCE
>> trop génantes, pour qu'on pût être à la³
>> fois excellent Poëte et profond Théolo-
» gien , en dogmatisant en Vers Fran-
» çois. La discussion de ces Matieres
» épineuses , me paroît devoir être re-
» servée à la Prose : avec celle - ci on a ses
>> coudées franches : on peut dire ce que
» l'on veut , et de la maniere qu'on le
>> veut , encore ne persuade- t'on , par son
moyen , que ceux dont le coeur et l'es
» prit sont déja secretement disposés à
» se rendre à la force du raisonnement.
» Ces refléxions que je ne fais que vous
»'exposer à la hâte , et qui auroient be
» soin d'être plus dévelopées , ne m'em-
»pêchent pas cependant de loüer infini-
» ment l'Auteur du Poëme ; j'ajoûterai
» même que j'aimerais beaucoup mieux
l'avoir fait que l'Epitre , quoiqu'il y
wait peut- être plus de feu et de genie
dans celle-ci .
Voici encore le jugement de M. D. R.
sur le Temple du Goût , contenu dans sa
Lettre du 20. Août 1733 .
» Le Temple du Goût de M. de Vol-
» taire est si agréablement écrit, qu'on ne
» peut le lire sans se laisser entraîner au
plaisir : Ce plaisir cependant a quelque-
» fois été troublé chés moi par de petits
mouvemens d'indignation contre la
>> personne
1
AVRIL. 17377 6334
>>>personne qui me les causoit. En effet ,
» c'est dommage que la présomption et
» la jalousie de métier ayent souvent con-
» duit avec si peu de ménagement l'es-
> prit et la main de l'Auteur. Je doute
entr'autres choses que son déchaînement
marqué contre R .....
lui
fasse autant d'honneur qu'il se l'ima
wine , auprès des Gens éclairés et équi
tables , et que ceux-ci aplaudissent à
l'injurieuse Epithete de Pédant , dans
» laquelle il prétend renfermer tout le
mérite du respectable Saumaise . Je ne
» sçais si je me trompe , je n'aime point à
» trancher , mais il me semble que M..
» de V. n'est pas moins Zoile passionné
> en bien des endroits de cet Ouvrage ,
qu'il est Aristarque judicieux en beau-
» coup d'autres. La Critique , que l'Au-
* teur Anonime en a faite , me paroît
>>fort sage et fort sensée . J'aurois seule
» ment voulu qu'elle entrât un peu plus
» dans le détail , et qu'elle relevât M. de
» V. avec plus de feu . Il y regne un certain
froid , à mon avis , qui contraste
trop avec l'Ouvrage critiqué.
Passons à une matiere plus sérieuse , et
qui est entrée bien avant , et pendant un
temps bien consid'rable , dans notre
commerce Litteraire. Vous sçavez, Monsieur
634 MERCURE DE FRANCE
sicur , les liaisons d'amitié , et le com
merce de Litterature qu'il y a eu pendant
plusieurs années entre le feu P. le Quien ,
Sçavant Dominiquain , et moi. Il étoit
naturel que je prisse interêt au plus ima
portant de tous ses Ouvrages ; je veux
dire à son Histoire Ecclesiastique de l'Orient
&c. Ce Pere avoit déja écrit plu- *
sieurs fois dans le Levant pour se procu
rer les Mémoires et les Instructions nécessaires
, mais avec peu de succès : Un
Patriarche de Jerusalem étoit entré avec
lui en quelque commerce , et lui avoit
envoyé un Livre Grec , dont je parleral
dans la suite. Cela ne suffisoit pas mais
la Providence disposa les choses à souhait
pour l'avancement et pour la perfection
de cette Entreprise . Rien , en effet ,
ne pouvoit mieux se rencontrer que l'Ambassade
de M. le Marquis de Villeneuve
à la Porte , et le zele éclairé de M. D. R.
pour être pleinement et exactement instruit
de tout ce qui concerne l'Etat áncien
et moderne des Eglises Orientales.
:
Le P. le Quien me donna differens Mémoires,
contenans ses demandes sur tout
ce qui lui manquoit de plus importar.t
à sçavoir au sujet de l'Orient Chrétien.
J'envoyai ces Mémoires à M. D. R. et
dans la mênie dépêche , je me donnai
l'honneu
AVRIL 1737. 635
l'honneur de demander sur le tout l'autorité
de M. le Marquis de Villeneuve ,
par une Lettre particuliere. Elle ne pou
voit manquer d'avoir son effet , par la
seule importance du sujet , qui avoit dé
ja mérité la protection du Roy ; M.
l'Ambassadeur aimant d'ailleurs les Lettres
et les Sçavans , et étant toûjours
porté à les favoriser.
à
Ces Mémoires revûs , et mis dans un nouveau
jour par M.D.R.partirent bientôt de
Constantinople pour les differens Lieux
de leur destination , avec les recommandations
, ou plûtôt les ordres précis de
M. l'Ambassadeur , aux Consuls et aux
autres Personnes qui pouvoient en procurer
les Réponses, Elles arriverert presque
toutes , et en assés peu de temps
Constantinople. Je les reçûs enfin par
les soins , et avec les Remarques de M.-
D. R. à la grande satisfaction du Sçavant
Auteur et à la mienne . Le P. le
Quien m'écrivit là - dessus une Lettre
qu'il ne seroit inutile de raporter ici .
Sa longueur m'en empêche , mais je
compte
vous la communiquer en
temps et lieu. Vous y verrez des senti-
* S. M. avoit trouvé bon que l'Ouvrage fut
imprimé dans fon Imprimerie Royale , sous le Titre
de Oriens Christianus et Affrica.
meng
73 MERCURE DE FRANCE
mens de reconnoissance bien exprimés ,
et une grande modestie , jointe à une
profonde capacité. Comme cette Lettre,
en un sens , regardoit encore plus M. D.
R. que moi , je crus devoir lui en envoyer
l'Original même , qui contenoit
aussi de nouvelles Instructions. Mon ami,
après avoir profité de sa lecture , crut
devoir me renvoyer cet Original ; il le
fit dans une circonstance bien triste.
» J'ai apris , avec beaucoup de chagrin ,
» me dit - il dans sa Lettre du 22. Juin
» 1733 la mort du R. P. le Quien par
votre Mercure. La parfaite estime que
» la réputation de ce Sçavant Domini-
» quain m'avoit inspirée pour lui , me le
» fit d'abord regretter presque aussi sensiblement
, que si j'eusse été honoré de
'sa connoissance et de son amitié : Mes
regrets sont encore augmentés depuis
que j'ai vû la Lettre pleine de po-
» litesses qu'il vous avoit écrite à mon
sujet , que vous m'avez envoyée , et
que je vous renvoye,
Après la mort du P. le Quien , je re
çus encore des Réponses à d'autres Mémoires,
envoyés depuis les premiers . Ces
Réponses contenoient des détails impor
rans, et en particulier l'Etat ancien et moderne
de toute l'Eglise de l'Isle de Chy
pre
AVRIL: 1737. 637
pre. La Lettre qui contenoit cette Piece ,
datée du 17.Novembre 1733.en parloit en
ces termes. » Vous trouverez ici la Ré-
» ponse que j'ai reçûë à un Memoire que
j'avois fait passer à Chypre sous les
wauspices de M. l'Ambassadeur. Je crois
que vous serez content des éclaircissemens
qu'elle renferme , et vous prie'
d'être persuadé qu'il ne tiendra pas
» mes soins que vous n'ayez la même’
» satisfaction sur tout le reste .
a
De toutes les Recherches qu'il fallut
faire , aucune ne donna tant de peine
que celle qui concernoit le Patriarchat
de Constantinople , sur tout à l'égard
de l'état présent , par raport aux fréquentes
mutations , et par des difficul
tés particulieres , qu'il est inutile de rapeller
ici d'après les Lettres de M. D. R.
Je vous dirai seulement que loin d'être
rebuté par les contradictions et par les
longueurs qu'il lui fallut essuyer dans ses
Recherches , il n'en étoit que plus ani
mé à nous rendre service ; et comme
il sçavoit répandre la joye et l'agrément
sur tous les sujets qu'il manioit , il s'exprimoit
quelquefois assés plaisamment
dans ses Réponses.
>> Sans doute , Monsieur , qu'il faut
s'armer de patience , me disoit- il dans
:
2-12
338 MERCURE DE FRANCE
•
>> la même Lettre. Vraiment vous ne
>> nous aprenez rien de nouveau ! Qui
» peut mieux le sçavoir qu'un homme
» qui est depuis près de dix ans en Tur
» quie , et qui avec cela n'est pas né heu-
» reux ? Votre Oriens Christianus , &c.
m'auroit déja fait tourner la cervelle ,
»si Job , de patiente memoire , n'étoit
» toujours présent à mon esprit. Imagi
» nez - vous que la derniere personne , qui,
» comme je vous l'ai marqué par ma Let-
» tre du 20. Août , avoit entrepris de
» m'obtenir un Catalogue des Prélats
» Grecs du Patriarchat de Constantinople
, avoit fort avancé cet Ouvrage ,
» lorsque quelques accidents de peste ar
» rivés à Pera , lui ont fait prendre la
» fuite sans me voir , ni même sans m'é-
» crire de la Cavale dans la Macédoine,
» à 60. lieues d'ici , où j'ai apris par
ha
» zard ces jours passés qu'il étoit allé se
» réfugier. Je lui ai décoché sur le champ
» une Epitre aigre douce, dont je ne puis
» avoir encore réponse , mais je crois que
nous ne perdrons rien pour attendre
>> encore un peu.
Mon ami ne se trompoit point , l'état
du Patriarchat de
Constantinople lui fut
enfin remis , et il me l'envoya aussi - tôt
avec ses Observations , Eclaircissemens,
& c.
AVRIL : 639 1737.
&c. ce qui donnoit à l'Ouvrage un nou̟-
veau mérite. Je ne manquai pas de remettre
cet Etat aux RR . PP. Dominiquains
, chargés de l'Edition qui se continuoit
toujours au Louvre, ainsi que j'en
avois usé de tout ce qui m'étoit venu
du Levant depuis la mort du P. le Quien.
J'ai omis de dire en son lieu , que j'avois
remis personnellement à ce Pere ,
tout ce qui concerne l'Eglise Maronite
comprise dans le Patriarchat d'Antioche ,
et principalement établie sur le Mont-
Liban , suivant la Notice que j'en avois
prise moi- même sur les Lieux, et suivant
une autre Notice Latine , qui contenoit
l'Etat actuel de cette Eglise , laquelle me
fut donnée à Paris en l'année 170г. par
le Secretaire du Patriarche Etienne. Il
étoit envoyé à la Cour pour les affaires
de la même Eglise , et de la Nation Maronite
, que nos Rois ont toujours honorée
de leur protection.
J'ai eû l'honneur de vous dire , Monsieur
, que le P. le Quien avoit été en
quelque commerce de Lettres avec un
Patriarche Grec de Jerusalem , lequel lui
avoit envoyé un Livre de sa composition
qui regardoit ce même sujet. J'ai reçû de
puis moi même un Exemplaire de ce Livre
, de la maniere et à l'occasion que je
yais vous dire ,
Dans
640 MERCURE DE FRANCE
#
Dans ma Dissertation sur une Médail
le rare de la Ville de Troade , inserée
dans le Mercure de Juin 1732. II Vol.
page 1334. après avoir exposé en peu
de mots l'Etat de Troade Chrétienne, et
honorée plus d'une fois de la présence de
S.Paul , je dis que dans la distribution des
Provinces Ecclesiastiques , l'Evêque de
Troade devint suffragant du Métropo
litain de Cysique ; j'ajoûtai qu'il y a tout
lieu de croire que malgré la désolation
de cette ancienne Ville , qui n'est , diton
, aujourd'hui presque qu'un amas de
ruines , son Siege Episcopal subsiste toujours
avec la même dépendance ; de quoi
je raportai quelques preuves , laissant le
soin d'une plus ample discussion sur
Troade Chrétienne à notre sçavant Historien
de l'Orient Chrétien , &c.
C'est à cette occasion que M. D. R
dans sa Lettre du 12. Novembre 1732.
me parla pour la premiere fois du Livre
en question , composé par un Patriarche
de Jerusalem. Ce Patriarche , dit- il ,
» étoit un Prélat fort éclairé , et, à moins
d'être Pyrrhonien déterminé , on ne
sçauroit douter qu'il n'ait dit vrai dans
ce qu'il a écrit de l'Evêché de Troade.
» Son Livre , au reste , petit infolio , imprimé
à Tergowitz en Valachie , est en
» Grec
AVRIL. 1737. 641
Grec vulgaire , mais si pur et si élegant
, que plus des deux tiers sont du
Grec litteral. J'ai déja fait quelques ten-
» tatives pour l'acheter , me persuadant
» qu'il pouroit être de quelque utilité au
» R. P. le Quien pour la perfection de
son Ouvrage , mais il est fort rare ;
» l'Auteur en avoit retiré tous les Exemplaires,
dont il faisoit présent à ses Amis.
M. D. R. ignoroit alors que ce Livre
étoit déja entre les mains du P. le Quien.
Il m'en envoya enfin un Exemplaire que
je reçus avec autant de plaisir que de
reconnoissance ; car quoique cet Ouvrage
soit assés sommaire par raport à la vaste
matiere qu'il embrasse, il me paroît exact,
instructif, et je le conserve cherement
par plus d'une raison . La Lettre qui accompagnoit
cet Envoy est du 26. Juin
1734 et marque l'empressement de mon
Ami à nous faire plaisir. » Quoique vous
ne m'ayez point encore apris , dit- il,
» si les Continuateurs de l'Oriens Christianus
, &c. avoient besoin du Livre
» dont je vous ai déja parlé , écrit en Grec
vulgaire par le feu Patriarche de Je-
» rusalem , un Grec de mérite , avec lequel
j'ai fait connoissance depuis peu ,
m'ayant fait présent de cet Ouvrage
je vous l'envoye par le canal de M.
» l'Abbé
642 MERCURE DE FRANCE
» l'Abbé de L. R. à qui je l'adresse à
Marseille , et je vous prie de le rece-
» voir d'aussi bon coeur que je vous l'of-
» fre , et qu'il m'a parû qu'on me l'a-
» voit donné .
Ce Livre est intitulé , ΧΡΥΣΑΝΘΟΥ
ΤΟΥ ΜΑΚΑΡΙΩΤΑΤΟΥ ΠΑΤΡΙΑΡΧΟΥ
ΤΩΝ ΙΕΡΟΣΟΛΥΜΩΝ ΣΥΝΤΑΓ
MATION , & c . C'est- à - dire OUVRAGE
de Chrysante , Patriarche de Jerusalem , sur
les differentes Charges on Offices , tant du.
Clergé que des Seculiers de l'Eglise de J. C.
de leurs Assemblées , et de ce qui s'y
fait , tiré , tant de ce qui se pratiquoit.anciennement
, que de ce qui se pratique aujourd'hui
par les Ecclesiastiques et Seculiers.
Sur les cing grands Sieges des très - saints
Patriarches , des Archevêques et des Evêques
, selon ce qui a été déterminé par les
Conciles.
Sur les Prérogatives particulieres des Archevêques
etEvêques , comme ceux de l'Isle
de Chypre , & c.
Sur la maniere dont on doit se comporter
dans les Eglises , fondé fur ce qui en a été
écrit
par
les Anciens.
Sur les sept Sacremens de l'Eglise , et
sur tout celui de l'Eucharistie, selon les sentimens
et les Remarques de Gabriel de Philadelphie
, de Fob le Pécheur , et de Gennade
AVRIL
1737.
643
nade ,
Patriarche de
Constantinople.
ETIENNE , Prince de Valachie , afait
la dépense de l'impression de ce Livre.
Et il a été imprimé et corrigé par les
soins du Moine
Metrophane , à TERGOWITZ,
au mois de Mars de l'année MDCCXV.
Suit une Dédicace en Vers Grecs , au même
Prince de Valachie , dont on voit les
Armes gravées au commencement , avec le
nom du Moine Editeur , au bas de la Dédicace.
Quelque temps après la réception de
ce Livre , je reçûs encore une Lettre de
M. D. R. datée du 2. Août 1734. qui
fut la derniere de notre commerce Lit--
teraire , et que je trouvai la plus remplie
de probité et de Religion que j'eusse
encore reçûë de lui. Je ne croyois pas
alors sa fin si
prochaine ; j'avois au contraire
tout lieu de le croire muni d'u
ne parfaite santé, par la maniere dont
il finissoit sa dépêche. » Je me trouve
» entraîné , dit - il , par un tourbillon
" d'affaires si rapide , que je ne puis plus
» rien ajoûter à tout ce que je viens
» d'écrire , que de nouvelles assurances
» de l'estime , & c.
Mais quelle fut ma surprise , ou plu
tôt ma douleur ! quand je reçûs au com
mencement de l'année 1735. une Lettre
B datée
644 MERCURE DE FRANCE
datée de Constantinople le 17. Novem
bre 1734. qui commençoit ainsi :
M. la perte que vous avez faite de
M. Desroches, que nous cûmes le mal-
» heur de perdre le 27.Septembre dernier,
» en me procurant l'honneur d'entrer en
» correspondance avec vous , m'engage à
» vous annoncer cette triste nouvelle , à
laquelle je ne doute pas que vous no
» soyez très-sensible , & c .
Sea
Cette Lettre étoit de M. Thomas ,
cretaire de M. le Marquis de Villeneuve,
qui voulut bien le charger de continuer
la correspondance qu'il y avoit eû entre
M. D. R. et moi pour les affaires du
Levant , &c. En répondant à cette triste
Lettre , je priai M. T. de vouloir bien
me marquer quelque détail sur cette
mort , &c. Voici ce que M. T. m'écrivit
le 14. Avril 1736.
» M. Des Roches mourut le 27. Sep
» tembre 1734. à quatre heures du ma-
» tin au Village de Buyuckderé , situé sur
» les bords du Canal de la Mer Noire ,
» où il étoit allé voir M. Emo , Bayle
ou Ambassadeur de Venise . Voilà tout
» ce que je puis vous dire là - dessus quant
à présent , il étoit âgé de 48. ans . Je
chercherai parmi ses Papiers de plus
» grands éclaircissemens sur son sujet et
je vous en ferai part
Enfin
AVRIL.
1737. 645
Enfin M. l'Ambassadeur voulut bien
me parler aussi de la Mort de mon Ami
dans une Lettre dont il m'honora quelque
temps après , et dont voici les termes
:
Vous aurez été déja informé de la mort
du pauvre Desroches , que nous perdimes
dans le mois de Sept. de l'année derniere
bien brusquement. J'ai été touché de sa perte
au- delà de ce que je pourois vous exprimer :
il n'y a pas dejour que mes regrets ne se renouvellent
par raport à ses talens , à son
caractere et à sa probité.
Avoüez, Monsieur, que nous avons de
longues Oraisons funebres qui ne valent
pas ce court Eloge , dont je connois
mieux qu'un autre tout le poids. C'est
par là aussi que je finirai ma Lettre ; car
que pourois-je ajoûter de plus énergique
pour vous bien peindre le mérite de
M. D. R. et pour achever de rendre à
sa memoire , en qualité d'ami intime ,
les honneurs qui sont en usage dans la
République des Lettres. Je suis , & c.
A Paris le premier Octobre 1736.
P. S. Après plus de deux années qui
se sont écoulées depuis le décès de M.
D. R. je ne comptois gueres recevoir
d'autres éclaircissemens sur son sujet , lors
Bij qu'en
646 MERCURE DE FRANCE
qu'en finissant cette Lettre , j'ai rez
çu une bonne partie des Papiers qui se
sont trouvés dans son Cabinet , tous
Papiers de Litterature , dont j'espere
profiter et vous faire part. Je les dois
à l'amitié et à la politesse de M. l'Abbé
Poncy de Neuville , son Neveu , à qui
ils ont été envoyés depuis peu de Constantinople.
Vous connoissez , sans doute,
de réputation M. l'Abbé de Neuville et
ses heureux talens ; c'est le même qui
a prononcé cette année le Panegyrique
de S. Louis à l'Oratoire , en présence de
deux Académies , et qui prêche actuel
lement dans l'Eglise de notre Paroisse
de S. Sulpice , avec beaucoup de succès,
ODE
SUR LA GUERRE ;
Composée lors de la Prise de Philisbourg,
Q
Uel Dieu de mon ame s'empare !
Où suis-je ! Quels soudains transports !
Mons esprit agité s'égare ! -
Je vois l'affreux séjour des Morts ↓
D'un pied que la Discorde anime ,
Alecton
AVRIL.
1737. 647
Alecton repoussant l'abîme
Soudain s'élance dans les airs :
Du Stix qui s'ouvre à son passage
La vapeur éleve un nuage ;
Son souffle infecte l'Univers.
De ses serpens elle secoüe
L'horrible Démon des combats ;
L'Europe entiere se dévoüe
A servir ses noirs attentats :
Telle une Comete fatale
Du Soleil superbe rivale ,
Fille et Ministre du Destin ,
En secoüant sa chevelure ,
Fait tomber de sa tê : e impure
La guerre ,
la peste et la faim .
Tu fuis , loin de nous exilée ,
Heureuse Paix , Mere des Arts ;
Tu fuis ; leur Troupé désolée
Reste en proye aux fureurs de Mars.
Beaux -Arts ne versez point de larmes ♬
Au sein du tumulte et des Armes
FLEURY Vous promet de beaux jours ;
Bien-tôt rapellant votre Mere ,
Ce Sage , que le Ciel revere
En éternisera le cours.
Biij Sur
348 MER CURE DE FRANCE
Sur qui va tomber ce tonnerre ?
O pleurs ! 8 regrets superflus !
Quel coup le démon de la Guerre
Vient de fraper ! BERVICK n'est plus
Brave Défenseur de l'Iberé ,
Le coup qui t'enleve à la Terre ,
Enleve aux Lys un ferme apui ;
Tu meurs pour la gloire d'Eugene
Mais tu vécus comme Turenne ,
Tu devois mourir comme lui.
酪
Toi , (a ) qui changeant nos destinées
Du sort expias les forfaits
Nestor , qui comptes moins d'années
Que tu ne comptes de hauts faits ;
Toi , dont l'ame toujours active
A tes Lauriers mêlant l'Olive ,
Nous rendis l'honneur et la Paix ;
BERVICK excite ton envie
Trop grand pour envier sa vie ,
Sa mort eût comblé tes souhaits.
諾
Sur un Char conduit par l'Audace .
Et precedé de la Terreur ,
L'implacable Dieu de la Thrace ,
Seme l'épouvente et l'horreur ;
(a ) M. le Maréchal de Villars vivoit alors.
La
AVRIL
642 17376
La Déesse de sang avide ,
Aux yeux hagards , au teint livide ,
Bellone court de rang en rangi
Et les barbares Eumenides ,
Dressant leurs serpens homicides ,
Teignent leurs robes dans le sang.-
Guerchois , (4) Cadrieux et Savine ,
Héros blanchis dans les Emplois !
Est-ce ici que le sort termine
Le cours brillant de vos exploits
Crussol ! J'admire ton audace s
Ta perds un oeil ; nouvel Horace ,
Ton coeur n'en est point abattu ;
Ce trait que la Gloire t'imprime ,"
Est un trait de beauté sublime ,
Qui sert de lustre à ta vertu.
O
que
d'Epouses et de Meres
Dont les voeux seront impuissans
Vont pousser de plaintes ameres
Et pleurer de Héros naissans !
Le ciseau des Parques cruelles
S'attache aux trames les plus belles ;
triste fatalité !
Du
sort ,
( a ) Ils furent tous blessés dangereusement à lø
Parma.
Biiij Consolez
550 MERCURE DE FRANCE
Consolez - vous , Ombres illustres ,
Vous ne perdez que quelques lastres,
Vous gagnez l'immortalité. Po
Ainsi que cet Oiseau célebre ,
Qui naît des regards du Soleil ;
Préparant sa Pompe funebre ,
Lui-même en dresse l'apareil ;
Bien-tôt de sa cendre féconde
Il renaît , et du sein de l'Onde
Phébus se leve moins paré ,
Quand chassant devant lui l'Aurore
De ses rayons naissans encore
Il paroît le front entouré.
De-même les coeurs magnanimes
Qui du solide honneur épris ,
De Mars volontaires victimes .
Donnent leurs jours à leur Pays ;
Renaissent au sein de la gloire ; '
Les doctes Filles de Memoire
Célebrent leurs faits éclatans ;
Tandis que le torrent qui roule
Des Mortels engloutit la foule
Dans l'Eternelle nuit des temps.
Cermains ,
AVRIL. 1737.
Bermains , votre ardeur diminuë !
François , redoublez vos efforts ;
Merci , (a) l'heure est enfin venue ;
Descends sur la rive des Morts.
J'entends une voix qui t'apelle ,
Er déja la nuit éternelle.
Environne tes yeux mourans ;
FRANCE , tes Destins sont fideles ;
Et la victoire étend ses aîles
Sur tes Bataillons triomphans
Mais quelle lumiere imprévue
Etonne mes foibles regards ?
O Gloire , que n'ai-je la vûë
Ou des C o N D E's ou des Césars
Mais qui pouroit te méconnoître
A l'éclat que tu fais paroître ,
A ces Lauriers toujours nouveaux :
Ranime les sons de ma Lyre ;
Reine immortelle , dont l'Empire
N'a pour Sujets que des Héros.
Déesse ! quels sont tes Miracles ?
Les François sous ton Etendart
(a ) Géneral de l'Empereur en Italie , tué à la
Bataille de Parme , où les François , commandés
par le Maréchal de Coigni , remporterent la victoire.
Forçant B
852 MERCURE DE FRANCE
Forçant d'invincibles obstacles ,
Soumettent la Nature et l'Art.
Le Dieu du Rhin à leur courage ,
De ses flots opose la rage ,
Toujours de plus en plus fougueux
Ces Héros guidés par la gloire ,
Surmontent tout et la Victoire
"
Dans Philisbourg entre avec eux.
*
Tel jadis parut Alexandre
Devant la superbe Cité (*)
Que l'Océan ne put défendre
Contre ce Vainqueur irrité ;
Tel incapable d'épouvante ,
Achille poursuivi du Xante ,
Fond sur les Troyens éperdus ;
Tout cede à sa fureur extrême ,
pour lui le Dieu Mars lui - même
Ne seroit qu'un Troyen de plus.
Et
*
CONDI ! CONTI , Manes celebres
Dont la memoire a des Autels ,
Si vous daignez sur nos ténebres
Baisser vos regards immortels ;
Si dans le séjour de la Gloire
Yous occupez votre memoire
( a ) Tyr
AVRIL:
1737. 653
Du soin des choses d'ici bas ;
enez admirer votre audace
En deux Héros de votre Race ,
L'exemple et l'amour des Soldats
Er vous
*
de ces fameux modeles
Noble et digne posterité !
La Gloire vous préte ses aîles
Volez à l'immortalité.
Ainsi le sang le plus illustre
Prit dans Alcide un nouveau lustre
De ses héroïques travaux ;
Ainsi vous braverez les Parques ;
La naissance fait les Monarques ,
La Gloire seule les Héros.
Dieu du Rhin ! tes superbes Ondes
Pour notre gloire ont combattu ;
Au fond de tes grottes profondes
Pleure ton orgueil abattu ,
Ou plutôt pour calmer la rage
Qu'excite en toi plus d'un outrage ,
Cours rendre hommage à l'Ocean gi
Tu verras au sein de Neptune ,
Gémir de la même infortune
Le triste Dieu de l'Eridan .
La Conquête de l'Italie.
B vj RELA
54 MERCURE DE FRANCE
RELATION de la Révolution arrivée
au Grand Caire.
GYPTE , ce Pays si sujet aux Ré-
L'olutions , depuis qu'il a passé au
pouvoir des Empereurs Ottomans , par
la conquête qu'en fit Selim I. en 1517.
sembloit avoir changé de constitution
par la longue administration de ceux qui
s'étoient emparés de son Gouvernement,
et la puissance de ses Commandans paroissoit
être montée au point de n'avoir
rien à aprehender de la force humaine ,
quand son étoile la replongea dans de
nouveaux troubles , par la sanglante catastrophe
qui arriva en cette Ville le 15 .
Novembre 1736. et dont on va raportes
les principales circonstances , après avoir
fait connoître quels étoient les fameux
Personnages dont elle termina la vie.
Le premier et le plus puissant étoit
Katamiche Mehemmed Bey , ( a ) le plus
ancien , et le plus accrédité Seigneur du
Corps des Beys , qui joignoit à un esprit
fourbe et impérieux de grandes richesses,
( a ) Bey ,
Titre d'honneur que l'on donne aux
·Gouverneurs des petites Provinces. Il y en a ordinairement
vingt- quatre en Egypte.
ct
AVRIL 1737. 655
et un grand nombre de Créatures ; quálité
requise dans un Pays , où la principale
Loy est la Loy du plus Fort.
Le second étoit Aly Bey , Seigneur fott
estimé à cause de sa bravoure , et de sa
magnificence , mais qui cachoit , sous ces
qualités , un grand fond d'ambition . Il
étoit fort bien intentionné pour la Nation
Françoise de cette Echelle , et il avoit
donné en plusieurs occasions à M. Martin
Damirat , son Consul , des marques
particulieres de son estime , et de sa considération.
Le troisième étoit le fameux Osman
Kiaya ( b) des Janissaires , assés connu
dans plusieurs endroits de la Chrétienté
, par les differentes avanies qu'il a
faites aux Nations Franques établies en
Egypte. C'étoit un homme de tête , mais
d'une avidité insatiable ; il s'étoit attité
le grand crédit qu'il avoit dans ce Pays
par son aplication à y faire observer la
Police , et à le purger de personnes suspectes.
Le quatrième enfin étoit YussoufKiaya
(b )Kiaya , Titre qui se donne au second Offieier
du Corps des Janissaires , et des Azaps ,
que ceux qui ont passé par ce Poste conservent par
honneur.
des
356 MERCURE DE FRANCE
•
des ( * ) Azaps , homme qui étoit devenu
absolu dans son Corps , par ses
grandes largesses , et qui auroit été fort
estimable par cet endroit , s'il ne se fût
pas servi de toutes sortes de moyens
pour avoir de quoi y survenir.
Ces quatre Hommes avoient tous été
Esclaves , qualité sans laquelle il semble
qu'on ne puisse parvenir dans ce Pays - ci.
aux premieres Charges ; ce qui est sans
doute un reste de l'ancien Gouvernement
de l'Egypte.
La maniere despotique avec laquelle
ces quatre Seigneurs gouvernoient ce
Pays , depuis près de neuf ans , et s'aproprioient
, à l'exclusion de toute autre
personne , les revenus immenses de
ces fertiles contrées , jointe aux injures
particulieres qu'ils avoient faites à quel
ques Grands , fit concevoir à ces derniers
le dessein de mettre fin à cette quadru
ple Puissance,en servant leur ressentie
ment particulier.
*
Ils firent, pour cela, un complot , dans
lequel entrerent Mehemmed Bey Teffierdar
, ou Surintendant des Finances de
ce Royaume , Personne généralement
estimée par son naturel bien -faisant ,
et par sa droiture , qui fut sans dou
(* ) L'un des trois Corps de Milice d'Egypte.
te
AVRIL: 1737 657
te , surprise , dans cette occasion , par
ceux dont je vais parler ci -après. Rizvan
Bey , qui avoit commandé la Caravane
de la Mecque l'année derniere, Suleiman
Bey el Ferrache , Surintendant des Greniers
pour les Grains de la Mecque , et
Salih Kiaschef, ( c) Homme d'un coura
ge intrépide , et qui étoit un des principaux
Officiers d'Osman Bey , Seigneur
fort puissant aussi par le grand nombre
de ses Créatures , et que ses frequens
démêlés avec Katamiche et Aly Bey , ont
fait croire avoir été aussi de la partie ,
mais qui se justifia de ces soupçons.comme
il sera dit dans la suite.
Après que ces quatre Conjurés eurent
consulté ensemble sur les moyens les
plus sûrs de se défaire des quatre Com-
.mandans , ils n'en trouverent point de
plus expedient que de les maffacrer tous
quatre à la fois dans quelqu'une des Assemblés
, qui se tiennent de temps ent
temps chés les Grands , tantôt chés l'un
et tantôt chés l'autre, pour conférer des
affaires publiques ; mais l'occasion n'en
étoit pas si facile à trouver , parce qu'ils
ob ervoient de ne se jamais trouver tous.
A
: ( c ) Kiaschef. On apelle de ce nom les Offi
eiers que les Beys de ce Pays tiennent à leur place
dans leurs Gouvernemens.
les .
5S MERCURE DE FRANCE
les quatre à la fois à de semblables Assem
blées , dans la crainte, bien fondée , d'un
accident pareil à celui qui leur arriva :
mais il étoit écrit sur leur front , comme
le dit cette Nation , qu'ils devoient périr
de cette maniere . Il se passa done prés
d'un an , sans que les Conjurés pussent
executer leur projet,faute d'une occasion
telle qu'ils la souhaitoient ; mais enfin
elle se presenta le 15. de ce mois après midi
, et voici comment.
1
Le Pacha , ou Gouverneur du Pays
pour le GS. ayant ordonné que l'on
tint ce jour là Assemblée des Grands du
Pays chés Mehemmed Bey Teffterdar, pour
conferer en son absence ( d ) sur l'affaire
des quarante Bourses que le G. S. a coûrtume
de donner tous les ans au Bey qu'il
honore de la Charge d' Emir Hadgi , on
de la conduite de la Caravane de la Mecque
, pour survenir aux frais de son
voyage. Le Teffierdar , comme Personne
principalement chargée des interêts da
G. S. ne manqua pas de faire inviter les
quatre Commandans de se trouver à
cette Assemblée , et en ayant en même
temps donné avis aux autres Conjurés ,
ils disposerent tout pour executer le pro-
( d ) C'est- à - dire sans le Pacha , qui n'affiste
point à de semblables Assemblées .
jee
AVRIL. 1737. 659
jet qu'ils avoient formé depuis si longtemps.
Ils posterent pour cela dans une
Chambre voisine de la Salle où devoit se
tenir l'Assemblée , une vingtaine d'Hommes
armés et déguisés , et leur donnerent
pour Signal de l'exécution le Sorbet
que les Grands ont coûtume de faire
présenter avant que la compagnie sorte
de chés eux .
Les quatre Commandans , que la confiance
et leur estime pour leTeffterdar empêchoient
de se méfier de rien , ne firent
aucune difficulté de se rendre chés lui ,
acompagnés seulement des personnes qui
leur étoient le plus attachées dès qu'ils farent
arrivés , on servit le Caffe , selon
la coûtume , après quoi on parla d'Affaires
. Celle dont il s'agissoit principalement
ayant été reglée , le Teffterdar, qui
n'étoit pas autrement Homme de combat
, et qui craignoit un peu la mêlée
feignit d'avoir quelque besoin pressant ,
et se leva pour sortir de la Salle: en même
tems deux des Commandans, ( soit qu'ils
eussent été avertis , comme on l'a crû, par
des Billets reçûs pendant la tenue de
l'Assemblée , soit qu'un secret pressentiment
les avertît du peril qui les menaçoit
) voulurent aussi s'en aller , sans attendre
la cérémonie du Sorbet ; mais le
Teffterdan
760 MERCURE DE FRANCE
Teffterdar , qui ne vouloit pas manquer
une occasion qu'il ne retrouveroit peutêtre
jamais , les arrêta , en disant qu'il
ne souffriroit pas qu'ils lui fissent un
semblable affront ; et en même temps
commanda qu'on aportât le Sorbet.
A ce mot , les Gens qui étoient cachés
dans la Chambre voisine , sortant
brusquement le Sabre d'une main et le
Pistolet de l'autre , fondirent sur ces
malheureux assemblés , parmi lesquels
il y avoit des amis et des ennemis , et
sans faire de distinction , ils en firent
un massacre effroyable, secondés de Rize
van Bey, de Suleiman Bey el Ferrache, et
de Salih Kiaschef. Ce dernier étoit le
plus acharné de tous , parce qu'il préten
doit avoir de plus grands sujets de plainre
contre les Commandans. Ils en curent
bon marché , n'ayant sur eux que
leurs Poignards , ou Ganjiars ordinai
res : il n'y eut que Tussouf Kiaya des
Azaps , qui ayant , par hazard , un de
mi Sabre sur lui , se défendit long - temps
avec beaucoup de valeur , jusques là même
qu'il abattit un bras à Suleiman Bey
el Ferrache ; mais à la fin , accablé par le
nombre , il succomba , et subit le mê
me sort que ses Compagnons , et environ
soixante- dix de leurs principalescréa
tures ou amis. Osman
AVRIL. 1737. 661
Osman Bey, qui se trouvoit aussi dans
Cette Assemblée on ne sçait pas en
quelle qualité , pensa ,
, pensa , dans la confu-
,
,
sion , avoir un même sort , mais il en
fut quitte pour une blessure à la main
par la protection que lui donna Salik
Kiaschef, qui étoit sa Créature , et qui
lui facilita le moyen de se sauver chés
lui. Il y eut outre ces onze Personnes
distinguées , plusieurs autres Personnes
de moindre consideration de tuées , et
de blessées dans le reste de la maison
pendant cette sanglante expedition , laquelle
arriva une heure avant le cou
cher du Soleil , ou vers les cinq heures
du soir.
Les Conjurés , qui croyoient qu'après
un semblable coup , personne n'oseroit
tenir contr'eux dans le Caire , et qu'ils
n'auroient qu'à parler pour être obéis ,
ne se presserent pas de se montrer au
Peuple , et au lieu de monter sur le
champ à Cheval , et de s'aller présenter
à la Porte ( e ) des Janissaires , ou à celle
des ( e ) Azaps , pour s'emparer de l'une
des deux , avant que les Troupes de ces
deux Corps , qui étoient presque tou-
(e) Ces deux endroits , qui font une partie dis
Château du Caire , dominent tellement toute la
Ville , qu'ils peuvent lafoudroyer de tous côtés.
Les
662 MERCURE DE FRANCE
tes dans les interêts de ces fameux Morts,
fussent revenuës de leur étonnement ;
les Meurtriers , dis je , s'amuserent à la
dépouille des Morts jusques bien avant
dans la nuit. Enfin ayant mis les princi
pales Têtes dans un sac , et fait jetter
les cadavres dans la rue , ils monterent
à cheval ( à l'exception de Suleiman Bey
el Ferrache , que ses blessures empêche
rent d'en faire autant , et obligerent de
se retirer chés un ami , pour attendre
l'issue de cette affaire ) et s'allerent presenter
à la Porte des Azaps , mais il n'en
étoit plus temps.
Le Kiaya en charge de ce Corps , homme
de tête et Créature de Tussouf- Kiaya,
avoit eû soin de la faire fermer sur le
premier bruit qu'il avoit entendu , et de
faire mettre sous les Armes le peu de
monde qui s'étoit trouvé auprès de lui ,
ce qu'avoit aussi fait de son côté le Kiaya
en charge des Jannissaires , homme dé
voüé à Osman- Kiaya, de sorte que quand
les Conjurés se présenterent pour entrer,
on les reçut à grands coups de fusil , ce
qui leur faisant connoître qu'il n'y avoit
rien à faire de ce côté- là , ils tournerent du
côté de la Mosquée de Sultan Hassan
bâtiment en forme de Forteresse , situé
vis- à- vis la Perte des Azaps, et poste
d'autanı
AVRIL. 1737. 663
d'autant plus important , qu'il command
de cette Porte et domine sur la plus
grande partie de la Ville . Ils trouverent
aussi la Mosquée fermée ; mais comme
elle n'étoit gardée que par un petit nombre
d'Azaps qui n'osoient se montrer ,
ils prirent le parti de mettre le feu aux
Portes, pour obliger ceux qui étoient dedans
à l'abandonner , ce qui leur réüssit.
Maîtres de ce poste , le premier soin
qu'ils eurent fut d'exposer au-devant de
la Mosquée les têtes qu'ils avoient coupées
, afin que le Peuple , qui ne pouvoit
croire ce qu'on publioit sur ce sujet ,
venant à reconnoître ces têtes , ne remuât
plus en faveur des Morts et de
leur Parti. Ensuite ils disposerent entre
eux des Places des Beys et des autres
Charges vacantes ; enfin ils écrivirent à
la plupart des Grands et aux Personnes
les plus accréditées du Pays , des Lettres
pleines d'amitié , pour les engager
à se rendre auprès d'eux , afin de conferer
ensemble sur les moyens de remet
tre les choses sur le pied qu'elles devoient
être ; mais , soit par le peu de confiance
qu'ils trouverent auprès des Grands ,
soit par les bonnes ' mesures que prirent
les Commandans des Jannissaires et des
Azaps , auprès desquels la plupart des
Troupes
664 MERCURE DE FRANCE
Troupes de ces deux Corps s'étoient retirées
, très- peu de mondej se rendit au
près des Conjurés cette nuit là , et encore
moins le lendemain.
Ceux- ci voyant leurs esperances trompées
, et que non- seulement il ne falloit
plus songer à executer de nouveaux projets
, mais qu'il falloit même pourvoir
à leur sûreté , crurent qu'il n'y avoit
rien de mieux à faire pour eux , dans
l'état où étoient les choses , que de se
sauver sur leurs chevaux à la faveur des
tenebres de la nuit suivante , ce qu'ils
executerent sur les huit heures avec beaucoup
de courage , s'étant fait jour le
sabre à la main à travers un détachement
de 500. Jannissaires , qui avoit été
commandé pour les aller forcer dans le
poste de la Mosquée. Ils traverserent la
Ville sans aucune oposition et gagnerent
la Campagne , au nombre d'environ 60,
Cavaliers , prenant la route du Saïd ou
de la haute Egypte , où l'on a sçû depuis
que Rizvan Bey et Salih- Kiaschefétoient
arrivés et faisoient beaucoup de désordres.
Pour le Teffterdar , on assure qu'il a
pris la route de Constantinople , où il a
pour Protecteur le Kizlar, Aga, ou Sur-
Intendant des femmes du G. S. lequel
avoit été Esclave de son Pere , et dont il
se
AVRIL. 1737 ૪૪૬
se promet beaucoup . Cependant les Jannissaires
voyant que les Conjurés avoient
abandonné la Mosquée de Sultan Hassan,
s'en emparerent, et après avoir pillé quelques
hardes que les Conjurés y avoient
laissées, pour n'être pas retardés dans leur
fuite , ils y mirent une Garde de leur
Corps et se retirerent à leur Odjeak. ( a)
Le lendemain 17. on envoya plusieurs
Partis à la poursuite des Fuyards , et le
Soubachi ou grand Prévôt du Caire ,
commença à faire une perquisition exacte
dans la Ville , non - seulement des Conjurés
, mais encore de toutes leurs Créatures
; on en årrêta plusieurs des uns et
des autres , du nombre desquels fut Suleiman-
Bey-el- Ferrache , que ses blessures
avoient empêché , comme il a été dit
de suivre ses Amis ; ils furent tous condamnés
à avoir la tête tranchée , ce qui
fut executé sur le champ .
D'un autre côté les Parens et les
Créatures de ceux qui avoient péri dans
cette catastrophe, voulant venger la mort
de leurs Parens ou de leurs Patrons , fon
dirent comme des furieux , le fils d'Aly-
Bey à leur tête, sur les Maisons des Conjurés
, et après y avoir exercé mille cruau-
(a ) On apelle de ce nom les Corps des differentes
Milices et les Endroits où elles demeurent.
τός
666 MERCURE DE FRANCE
Y
tés contre les Personnesde l'un et de l'autre
sexe qu'ils y trouverent, ils les pillerent
totalement ; il n'y eut que celle de
Rizvan Bey , dont le Pacha fut assés à
temps d'empêcher le pillage par la garde
qu'il y envoya , sous le prétexte que ce
Bey étoit redevable au Trésor du G. S.
car sans cela il n'auroit pas osé lui donner
cette marque de protection , à cause
des violens soupçons , qu'il avoit eû connoissance
du complot dont on parle
ce qui auroit pû dans la suite nuire au
Pacha et operer même sa déposition
après la pacification de ces troubles ;
comme cela est arrivé quelquefois.
Deux jours se passerent dans ce désordre
affreux , toutes les Boutiques de
la Ville étoient fermées et quelques - unes
des principales rues furent barricadées ;
on n'entendoit parler que d'executions ,
que d'emprisonnemens, que de Maisons
forcées ; que de vols , que d'assassinats
enfin les choses étoient dans une confu
sion , qu'il est plus facile d'imaginer que
de décrire , et telle qu'on apréhendoit
qu'elle ne dégenerât en un boulleversement
general.
Cependant le quatrième jour , qui
étoit le 19. du même mois , les choses paroissant
avoir un peu calmé , et les premiers
AVRIL.
667 4737.
miers mouvemens de
vengeance étant
passés , les Grands du Pays commencerent
à faire des refléxions sur le triste
état auquel lePays étoit réduit, et à la nécessité
qu'il y avoit d'obvier aux suites
d'un pareil désordre . Ils convinrent
de tenir incessamment une Assemblée
chés Osman- Bey , que le nombre de ses
Créatures rend maintenant le plus puissant
de son Corps. Il s'étoit lavé des
soupçons qu'on avoit contre lui par un
serment solemnel fait sur l'Alcoran. Les
principales choses qui furent arrêtées
dans cette Assemblée furent , 1 ° . qu'on
demanderoit au Pacha , qui n'avoit garde
de rien refuser dans la situation présente
, la place d'Aly Bey pour son fils , et
celle de Katamiche- Mehemed- Bey pour
le premier de ses Officiers , afin d'empêcher
par là la ruine de ces deux grandes
Maisons , et que tant de gens qui leur
étoient attachés ne prissent parti ailleurs.
2 °. Qu'on exileroit les principaux du
Parti contraire ( car tout ce Pays est depuis
long-temps divisé en deux Partis
dont l'un s'apelle des Zulfkiarlis , qui
est le dominant, et dont ces fameux Morts
étoient les piliers , et l'autre des Cassimlis
, qui est fort abattu depuis la mort
du fameux Tcherkes - Mehemed - Bey , si
C conn
;
668 MERCURE DE FRANCE
connu dans l'Europe , par les Nouvelles
publiques d'une précedente Révolution,
et cela de peur que ces derniers ne profi
tassent des conjonctures présentes pour
remuer et lever la tête , ce qui seroit un
nouveau et un plus grand malheur pour
le Pays . Et enfin qu'on envoyeroit un
Tedgride, ou Détachement de Troupes
qui est ordinairement de cinq cent hom
mes , sous la conduite d'un Bey contre
les fuyards , pour tâcher de se ren
dre maîtres de leurs personnes , et pour
les empêcher de susciter de nouvelles
affaires dans le Pays , ce qui ne peut guere
manquer d'arriver pour peu qu'ils y
ayent des intelligences , comme il y a
beaucoup d'aparence.
Ces trois articles ont déja été mis à
execution , et depuis les choses semblent
être un peu plus tranquilles ; il reste à
sçavoir si cette tranquillité durera longtemps
, et c'est ce que poura décider le
sort qu'aura le Détachement envoyé cons
tre les fuyards , car s'il vient à être battu
, comme on l'apréhende fort , n'étant
composé que de gens ramassés qui
vont plutôt pour piller que pour combattre
, il y a beaucoup à craindre que
les fuyards voyant augmenter leur parti
par cette défaite , n'ayent la hardiesse
de
A VRIL: 1737. 669
de se raprocher de cette Ville et n'y
causent des désordres semblables à ceux
dont on a entendu parler du temps de
Tcherkes - Mehemed - Bey , dont on a parlé
plus haut , dans la guerre civile qu'il y
eut entre lui et Zulfkiar- Bey, guerre dans
laquelle ce Pays pensa devenir la proye
de l'ambition et du ressentiment de ce.
premier; on craint fort d'ailleurs. que les
affaires ne puissent pas s'accommoder si
facilement par une autre raison considerable
, qui regarde les grands- interêts
qu'il y a à concilier entre tant de
Personnes puissantes , qui prétendent
toutes aux biens immenses de ces fameux
Rebelles ; personne n'ignore que
de toutes les Nations du Monde , la Turque
ne soit la plus sensible à l'interêt ;
en sorte que quelque grande que soit l'union
entre deux personnes , elle se rompt
aisément à la premiere occasion d'interêt
ainsi il n'y a point à douter
que le partage de ces biens immenses
ne suscite à l'Egypte des affaires peutêtre
encore plus sérieuses que celles que
peut lui attirer la mauvaise volonté de
ces fuyards.
,
Quoiqu'il en soit , la Porte Otomane
ne pour voir que d'un oeil fort content
dans les circonstances présentes , un sem
Cij blable
670 MERCURE DE FRANCE
blable évenement qui la débarasse sans
coup férir , de quatre Sujets qui étoient
montés à un tel degré de puissance , que
trente mille hommes de ses meilleures
Troupes auroient peut-être eû bien de la
peine à les mettre à la raison à force
ouverte ; et il y a tout lieu d'esperer qu'à
l'avenir ses ordres y seront plus respectés
et ses interêts mieux ménagés que
par le passé.
L'HYME N.
O D E.
TRiste Hymen , de tes justes plaintes
Vainement tu remplis les airs
La Terre chérit les atteintes
Du Dieu qui cause tes revers .
Ce Parjuré Enfant de Cithere ,
A profané le saint Mistere
D'un Temple autrefois réveré ;
Plus d'une Epouse abandonnée
Voit de sa Rivale effrenée
Le Triomphe trop assuré.
*
Tendres Epouses , tous vos charmes ,
Vos pleurs, vos vertus , le devoir ,
Deviennent
AVRIL 1737 371
Deviennent d'inutiles Armes
Contre un tyranique pouvoir.
D'Hymen le plus bel apanage
Ne fixe point un coeur volage ,
De nouvelles Beautés épris .
Yvre d'un poison' trop funeste ,
Du sacré lien qu'il déteste ,
Il ne reconnoît pas le prix .
*
O Ciel ! que de Palais en cendre !
Quel carnage ! quels cris confus !
Tous les maux qu'a prédits Cassandre
Accablent les Troyens vaincus .
N'en accuse point les Atrides ,
Enone , à ces traits homicides ,
Reconnois d'injustes amours ,
Ton infidele Epoux allume
Le feu dévorant qui consume
Ces murs , ces Temples et ces Tours.
*
Oui , de si noires perfidies ,
Et de si coupables ardeurs
Arment enfin des mains hardies
Pour percer de parjures coeurs ;
Tremblez , Amans illégitimes ;
Les crimes punissent les crimes
Des Imitateurs de Jason.
C iij Vous
872 MERCURE DE FRANCE
Vous trouvez encor des Médées ;
Par la rage ells sont guidées ;
Craignez le fer ou le poison
*
De quelle flamme injurieuse
Brûle Terée incestueux !
De Progné la Sour malheureuse
Cede à son Amant furieux.
L'Epouse à cet Epoux barbare ,
Des fruits de leur Hymen prépare
Le plus détestable Banquet.
Roy cruel ! deux soeurs outragées
Ne peuvent mieux être vengées
Que par l'horreur de ce forfait .
*
Que vois-je ô détestable trame į
Clytemnestre, suspends tes coups
D'Hymen ils éteignent la flamme
Dans le flanc d'une illustre Epoux ;
Dans tes bras une paix tranquille
Lui promettoit un sûr azile :
Dieux vengeurs , quel perfide accueil !
Un Rival usurpe sa place ,
Et portant plus loin son audace ,,
De son lit le traîne au cercueil.
AVRIL: 1737 673
1
Ah ! vous l'emportez sur les hommes
Par vos horribles attentats ;
Arbitres suspects que nous sommes ,
Beautés , ne nous en croyez pas ;
Mais que Pasiphaé vous dise
A quel Amant elle est soumise ,
Et vous verrez quels noirs désirs ....
Dieux ! que plutôt l'obscure enceinte
Du plus tortueux labyrinthe ,
Cache ses horribles plaisirs.
*
Loin de nous exemples terribles ,
Cessez vos tragiques leçons ;
Les Mortels seront plus sensibles
A de plus agréables sons.
Chaste Muse , élevé un Trophée
A la gloire du tendre Orphée ;
Il instruira mieux l'Univers .
Quel heureux transport nous inspire
Le son triomphant d'une Lyre
Qui scut attendrir les Enfers !
*
Fui , trop détestable adultere ;
Chaste Hymen , triomphe à jamais ;
Qu'une flamme impure et légere
Des coeurs ne trouble plus la paix !
Qu'une Epouse toujoursAmante
Ciiij No
774 MERCURE DEFRANCE
Nous rapelle Alceste mourante ,
Par ses héroïques efforts ;
Qu'elle ose au prix de son sang même
Enlever un Epoux qu'elle aime
A l'avare séjour des Morts.
*
Du vainqueur du cruel Cyclope
Imitons la fidelité ;
Son coeur charmé de Penelope
Dédaigna l'immortalité ;
En vain de séduisants prestiges
Des enchantemens , des prodiges
S'arment contre un lien si beau
Il redoute moins les Syrenes ,
Que l'horreur de briser des chaînes ,
Qu'il veut porter dans le tombeau.
3
MASSILIE Panegyricum dices
Orator Massiliensis in Aula Collegii
Massiliensis Presbyterorum Oratorii Demini
JESU, &c.
' Est le Programe et le Titre d'une
Carangue Latine , qui a pour Sujet
l'Eloge de Marseille , et qui a été pro
noncée , depuis peu , dans cette Ville
par le Professeur en Eloquence du College
AVRIL. 1737. 679
fe des RR. PP. de l'Oratoire. Voici
PExtrait de cette Piece , laquelle nous
avons avec assés de peine , obrenuë de la
modestie de son Auteur , & que nous
croyons cependant digne de l'attention
du Public.
Presque personne n'ignore que la Ville
de Marseille s'est rendue recommandable
par plus d'un endroit : car , sans parler
de son antiquité , dont les Historiens
et les Monumens
les plus respectables
font foi , en quoi elle ne cede qu'à un
fort petit nombre de Villes de l'Europe;
son vaste Commerce , ses Exploits guerriers
, la Sagesse de ses moeurs et de son
Gouvernement
, et sur tout son Amour
pour les Sciences , et pour la belle Litterature
, la font justement regarder par
tous ceux qui sont un peu versés dans
l'Histoire ancienne , comme une des plus
célebres Villes du monde .
L'Orateur fit de tous ces differens
Chefs , éffleurés seulement , le Préliminaire
ou l'Exorde de son Discours , dont
la longueur auroit excedé les bornes ordinaires,
s'il avoit entrepris de les traiter .
chacun en particulier .
Mais en se renfermant dans un objet
principal , qu'il a crû convenir davantage
à son état et à sa profession , il
Cv
676 MERCURE DE FRANCE
ne laissa pas , dans le même Exorde dẹ
dire en passant quelque chose des diffe
rens avantages que les Marseillois remporterent
sur les Carthaginois , les Gau
lois , les Liguriens , &c. Ce fut , dit il,
slon toutes les aparences , une victoire
remportée sur ces derniers , qui donna
son Nom à la Ville de Nice , Colonie
de Marseille , &c. Nice , en Grec vw,
signifie Victoire . Il dit aussi un mot de la
grande resistance que fit Marseille aux
Armes de César , et dans des temps bien
posterieurs,à celles de l'Empereur Charles
V.qui ne put jamais s'en rendre le Maître.
Reduit donc , par son Plan , à ne parler
dans ce Discours que de l'amour que
Marseille avoit anciennement , et qu'elle
a encore aujourd'hui pour les Lettres, et
de la Sagesse de son Gouvernement
l'Auteur le divisa en deux Parties.
Dans la premiere , il commença par
montrer que l'étude des belles Lettres net
contribue pas seulement à la gloire des
Particuliers qui les cultivent , mais eneore
à celle des Villes et des Nations enrieres
, parmi lesquelles on a soin de les
faire fleurir. Ce qu'il prouva par l'exemple
d'Athenes et de la Greces Athenes
qui ne s'est pas tant rendue fameuse par
seavictoires , et par l'étenduë de sa Do
mination ,
AVRIL
1737. 677
mination , que par son amour pour les
Sciences , & c.
L'Orateur fit ensuite l'aplication de ce
Principe à la Ville de Marseille , et prouva
qu'en ce genre elle n'a pas moins été
célebre qu'Athenes , puisque les Romains
même , qui desiroient de s'avancer dans les
Sciences , et d'acquerir des connoissances
plus parfaites , préferoient souvent le séjour
de Marseille à celui d'Athenes , pro
Auicâ peregrinatione Massiliensem amplectebantur,
parce qu'ils y trouvoient tous
les avantages qu'ils pouvoient trouver à
Athenes , sans rencontrer les mêmes défauts
. Marseille ayant sçû joindre à toute
la politesse des Grecs , ses Fondateurs ,
la gravité et la temperance des Gaulois.
Locum , dit Tacite dans la Vie d'Agricola
, Greca comitate , et Provincialium parcimoniâ
mistum, ac bene compositum , après
avoir apellé Marseille , Sedem ac Magistram
Studiorum .
Suit à cette occasion une Image bien
tracée des Gaules , telles qu'elles étoient
par raport aux Lettres , avant l'arrivée
des Phocéens , et la Fondation de Marseille.
La principale , et presque l'unique
Occupation des Gaulois , étoit la Chasse
er la Guerre. Pour ce qui est des Sciences
et des Lettres , ils n'en avoient pas
Ja
C vj moindre
678 MERCURE DE FRANCE
moindre teinture. Les Druides , à la ve
rité cultivoient l'Eloquence , et une certaine
Philosophie , mais il leur étoit dé
fendu d'écrire. Vouloient-ils par là , de
mande notre Auteur , cacher au Vulgai
re des connoissances qu'ils auroient crû
profanées , si elles lui avoient été com
muniquées ou leur dessein étoit - il de
cacher leur ignorance sous le voile d'un
beau prétexte ? L'Orateur sembla se déclarer
pour ce dernier sentiment . Quoiqu'il
en soit , ces prétendus Sçavans
avoient , par cette conduite , entretenu
des ténebres , qu'il étoit reservé aux
seuls Marseillois de dissiper entierement.
Le changement en effet , qui arriva
dans les Gaules peu après l'arrivée des
Phocéens d'Ionie , fut si grand, que , suivant
l'expression d'un Historien ,
on
auroit dit que les Gaules avoient été
transplantées au milieu de la Grece . Adeo
magnus et hominibus et rebus impositus est
nitor ut non Gracia in Galliam emigrasse,
sed Gallia in Graciam translata videretur.
Justin.
De Marseille le bon goût se répandit
dans tous les Pays voisins.Quemadmodum,
dit ici l'Orateur , è pectore in omnes corporis
partes dimanans sanguis , vitam membris
omnibus confert , gratiamque illam ,
qua
AVRIL: 1737;
679
que ex integra valetudine efflorescit ; ita
disciplinarum cognitio , quâ maximè mentes
bominum vigent, ex hac Urbe in omnem circum
Regionem se se effunden , Gallorum animis
novam quasi vitam impertut. Mais , ajoû
ta- t'il , comme les Eaux sont toûjours
beaucoup plus pures dans leur Source ,
que dans les Ruisseaux qui en sont dé
Fivés , les autres Villes des Gaules ne purent
jamais égaler le bon goût et la dé
licatesse qui regnoient dans Marseille.
Comme il n'y eut pas jusqu'à la Langue
des Phocéens qui ne devînt enfin
commune dans les Gaules , notre Auteur
saisit cette circonstance pour faire
en peu de mots l'Eloge de la Langue
Grecque , et pour exhorter les Marseil
fois à avoir pour le Langage de leurs Petes
la même ardeur qu'eurent les Gaulois
pour une Langue qui leur étoit tout - àfait
étrangere. Ici le Panegyriste fit briller
son Eloquence en introduisant dans
le Discours la Gaule même , la Gaule
reconnoissante, qui en attribuant à Marseille
l'heureux changement qui s'est
fait dans ce grand Pays depuis l'arrivée
des Phocéens avoue qu'elle lui doit
toute la gloire qu'elle s'est acquise dans
Ia suite des temps , par la douceur de ses
moeurs , et par son goût pour les Letthes
و
It
380 MERCURE DE FRANCE
Il
passa
de-là à l'ancienne Académie
de Marseille, à laquelle on attribuë , avec
raison , la conservation de cet Amour
pour les Sciences , qui rendit cette Ville
si célebre. Il parla sommairement des
principaux Personnages qui s'y distinguerent
le plus , sans oublier Petrone ,
que plusieurs Auteurs prétendent être
né à Marseille , en ajoûtant qu'à l'égard
des Ouvrages de ce Favori de Neron , il
seroit à souhaiter qu'il eût écrit avec
plus de modestie , où avec moins d'élegance
, afin qu'il pût plaire à tout le
Monde , ou qu'il ne plût à personne.
Fa
En laissant à l'Histoire le soin d'a
prendre les progrès , la décadence et
Pextinction entiere de cette fameuse
Académie , notre Orateur la fait enfin
renaître de ses cendres , la rétablit et
la represente ses Auditeurs dans le
nouvel Etablissement Académique qui
illustre aujourd'hui Marseille Moderne
et -Françoise ; Etablissement dû dans son
principe à quelques Marseillois Sçavans ,
car la Ville en a toûjours eu ) et dans
sa perfection aux bontés du Roy , sollicitées
par le Maréchal Duc de Villars
Protecteur et Bienfaiteur magnifique de
* Allusion au Phéniz renaissant , symbole que
s'et choisi la nouvelle Académie de Marseille.
9
La
AVRIL. 1737. 68
la Nouvelle Académie . Villars , dit il ,
en finissant cet Article , qui est l'un des
plus beaux du Discours ; ce Héros toûjours
Grand dans la Paix comme dans la
Guerre , qui ne sçavoit se délasser que
dans le sein des Muses , des fatigues
qu'il avoit essuyées dans les Champs de
Mars , & c.
Dans la seconde Partie , où il s'agit
de la Sagesse de l'ancien Gouvernement
de Marseille , l'Auteur refuta d'abord let
sentiment de ceux qui n'ayant qu'une
idée fausse de la veritable Grandeur
n'estiment que ces grands Empires , qui
ent envahi la plus grande Partie du Monde
, sans faire reflexion qu'on a vû de
petites Républiques admirées dans leur
Gouvernement , et mériter mieux l'attention
des Sages que les plus grands
Empires. Semblables , dit il , à ces petits
Corps animés qu'on ne peut guere bien
voir qu'avec un Microscope , dans les
quels il n'est cependant rien de confus ,
aucun membre qui ne soit parfaitement
distingué . Animaux enfin plus admirables
dans leur petite ftructure , et qui
marquent mieux la Sagesse infinie du
Créateur, que ne le sont les Elephans avec
Pénorme pesanteur de leur masse , & c .
Ce principe apliqué au Gouvernement
de
382 MERCURE DE FRANCE
de Marseille , fut suivi d'un Eloge para
ficulier de ce sage Gouvernement, au su
jer duquel Ciceron a dit qu'il préfere
Marseille , non - seulement à toutes les
Villes de la Grece , mais de tout le Mon
de entier. Cujus ego civitatis Disciplinam
arque gravitatem , non solum Grecia , sed
baud scio an cunctis Gentibus anteponendam
jure dicam. Ofat. pro Flacco.
Aristote voulant donner le modele
d'un sage Gouvernement , choisit la République
des Marseillois préferablement
à toutes celles de la Grece , et il crut
pouvoir l'oposer à la République de Platon
, qui n'avoit subsisté que dans les
sages idées de ce Philosophe..
pu
L'Orateur entra ensuite dans quelque
détail ; il parla d'abord du Conseil
blic , composé de six cent Sénateurs
parmi lesquels on en choisissoit quinze
pour regler les affaires courantes . La sagesse
de ce Sénat parut en plusieurs occasions
et sur tout par la réponse qu'il
fit à César lorsqu'il voulut obliger les
Marseillois à lui livrer leur Ville ; képonse
également sage et ftere , que César
n'a pas omise dans ses Commentaires
et qu'on peut lire , E. I. de la Guerre
Civile.
H passa de-là aux differentes Loix - e €
aux
AVRIE 1737. 683
aux Usages qui étoient observés dans
Marseille. Il n'étoit permis à personne
d'y entrer avec des Armees. On étoit obligé
de les quitter aux Portes , pour ne les
reprendre que lorsqu'on en devoit sor .
tir. On faisoit une garde exacte à ces
Portes et aux Remparts , en temps de
Paix comme en temps de guerre .
On avoit grand soin , ajoûta - t'il , d'és
loigner de la Ville tous ceux qui auroient
pû y introduire une vie molle , oisive et
sensuelle , on n'y souffroit pas non plus
ceux qui , sous prétexte de Religion, cherchoient
des aliments à leur paresse , suivant
l'expression de Valere- Maxime ,
qui a dit d'ailleurs de très - belles choses
en faveur de Marseille. Omnibus etiam
qui per aliquam Religionis simulationem
alimenta inertia quarunt , clausas Portas
habet. Juvenal dans sa VI . Satyre , dit que
les Prêtres d'Isis cherchoient ainsi à s'insinuer
dans les maisons des Femmes superstitieuses
; peut- être étoit- ce en parti
culier cette sorte de gens que l'on excluoit
de Marseille , suivant Valere - Maxime.
Mais en purgeant la Ville de mauvais
sujets , on avoit un soin particulier d'y
bien recevoir les Etrangers ; l'hospita
lité étoit la vertu favorite des Marseil
Lois ; ils regardoient tous les Etrangers ,
Suivant
684 MERCURE DE FRANCE
suivant la pensée d'Homere , comme leur
étant envoyés de la part de Jupiter , et
ils les recevoient avec tant d'humanité ,
que Marseille pouvoit être regardée comme
la Patrie commune du Genre humain,
Suivent quelques Remarques sur
les devoirs funebres rendus par les
Marseillois à leurs Parens , à leurs Amis ,
dont on voit encore quelques traces dans
des Monumens Grecs trouvés à Marseille
, qui ont échapé à l'injure des temps.
Une Loy particuliere de cette Ville ,
et qui fait honneur à l'antiquité , ne pou
voit pas être omise dans cet Eloge. C'est
celle qui excluoit de Marseille tous les
Comédiens , Histrions , Farceurs , Bâteleurs
, &c. depeur , dit l'Historien déja
cité , qu'en les admettant , on ne s'accoutumât
peu à peu aux débauches , dont
on auroit vu la Représentation sur le
Théatre : Ne turpia spectandi consuetudo
etiam imitandi licentiam afferret. Val . Max.
Ici l'Orateur introduit le fameux Mar
seillois PITHIAS , dont tant d'Auteurs
celebres ont parlé , lequel avec l'autorité
que lui donne sa reputation , exhorte
ses Compatriotes à rétablir , autant
que cela dépend d'eux , une Loy aussi
Importante à la pureté des Maurs , à
* Plutarque , Bolybe , Strabon , Pline &e,
chasser
AVRIL 1737 685
chasser de leur Ville tous les Gens d'une
Profession aussi suspecte , et à n'avoir
pour eux qu'un souverain mépris.
Le Discours finit par un court Eloge
des Echévins de Marseille , qui avec tout
le Corps de Ville étoient présens à ce
Panegyrique , et qui n'oublient rien , dit
F'Orateur , pour que le Gouvernement
présent de Marseille , aproche le plus
qu'il est possible , de cet ancien Gouvernement
, dont la sagesse a fait l'admiration
des plus grands Hommes de l'Antiquité.
TRAITS D'HISTOIRE.
UN
N Emperenr * que pressoit la vieillesse ,
Du Diadême encor soutenoit le fardeau
Et bien qu'il fût sur le bord du tombeau ,
Gouvernoit l'Univers par sa rare sagesse.
Un de ses Courtisans lui dit : Menagez mieux ,
Seigneur , des jours au monde précieux ;
Laissez en d'autres mains un poids qui vous ac
cable ;
Vous devez préferer votre repos à tout.
Le Prince , qui vouloit gouverner jusqu'au bout ,
Fit taire le flateur par ce mot admirable :
*Vespasien
L'Empereur
686 MERCURE DE FRANGE
L'Empereur doit mourir de bout ( a )
Réponse d'Auguste.
Un Envoyé de certain lieu ,
Où le Peuple adoroit Auguste comme un Dier;
Vient de climat lointain avec pompe lui dire
Qu'un Palmier est né sur l'Autel ,
Où le marbre aux regards offroit ce Dien
mortel.
Présage heureux , disoit- on , pour l'Empire.
Du compliment Auguste voulut rire ;
Je vois , dit-il , par - là, qu'on n'est pas empressé
Parmi vous à brûler de l'encens à ma gloire
Puisque sur cet Autel , que vos mains m'ont
dressé ,
Il y naît des Palmiers , si je veux vous en croire.
Telle fut sa réponse à cet Ambassadeur :
Le Prince délicat rejetta la fadeur
De cette basse flaterie ,
Et d'un servile encens , loin de gouter l'odeur ; -
Hle paya par fine raillerie.
Le Tableau fini par hazard.
Par cas plaisant , dit - on , un celebre pincean
D'un superbe Coursier acheva le Tableau ;
Sur la toile ce Bucephale
Paroissoit animé d'une ardeur martiale
a ) Oportet Imperatorem stantem mor
A peller
AVRIL. 1737. 687
Apeller le combat par fier hannissement ,
Il n'y manquoit pour finir le chef-d'oeuvre ,
Que sur la bouche , un frein d'écume blanchis
sant.
Le Peintre en vain cent fois remit la main à
l'oeuvre ;
Son art fut toujours impuissant ,
Pour en tracer une fidele image.
Hjetta de dépit son pinceau sur l'ouvrage ;
Le dépit acheva ce que n'avoit pû Part ;
Ce coup guidé par le hazard
Fut plus heureux que sage.
Que ce soit une Fable , ou non ,
Pareille chose au métier d'Apollon ,
( Métier ingrat , ) assés souvent se passe ;
Combien de fois la Muse lasse
D'avoir fait pour rimer cent efforts superflus ,
Jette là le crayon ? Quand on n'y pense plus
La Rime , au bout du vers , d'elle- même se place.
Ces trois Piéces sont de M. L' . Poncy
Neuville.
EXTRAIT
688 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de M. Des
barbalieres Commis au Bureau de la
Guerre , sur la Question de l'égalité des
Sexes , &c.
A discussion assés singuliere où sont
LAentrés M. Simonnet et Mlle Archambault
, a produit une Dissertation d'autant
plus interessante , qu'elle offre l'uti
le et l'agréable à chaque Lecteur ; mais
je me trompe , ou ces deux Défenseurs
des avantages et des qualités de leur Sexe;
soutiennent leurs interêts avec trop de
chaleur, et présentent des deux côtés un
Apologiste un peu partial. Je vais, avec
leur permission , en abandonnant tout préjugé
, tout esprit de partialité , et de précipitation
dans mon jugement , prendre
un juste milieu entre leurs deux theses
contradictoires , et en rendant justice à
notre Sexe , ainfi qu'à celui de Mlle Archambault
, leur donner cette égalité de
constance que refuse si injusternent M.
Simonnet; et reconnoître enfin que l'homme
, quant aux principes de l'ame et à
ses qualités , ne surpasse pas plus la femla
femme ne surpasse l'Homme. me, que
Je
AVRIL. 1737- 689
Je reconnois , dis- je , que même disposition
, même capacité , même aptitu
de , pour parvenir à un égal degré d'heroïsme
, en tout genre , sont requises
dans l'un et dans Pautre Sexe, Si on ne
compte pas autant d'Heroïnes que de He
ros, c'est , comme le dit avec raison Mlle
Archambault, qu'on n'a pas mis les femmes
en état de montrer ce qu'elles auroient
pû faire ; la difference des éduca
tions , est la seule cause de la difference
exterieure qu'il y a entre eux. Il n'est
pas étonnant en effet , qu'il y ait peu de
Guerrieres ; on n'a pas fait exercer aux
femmes le pouvoir qu'elles avoient de
le devenir comme les hommes , elles
n'ont point été élevées et nourries dans
les allarmes , versées dans l'Art Militai
re , dressées aux fatigues et au pénible
exercice de la Guerre ; elles ont eu un
tout autre objet , nos lex et nos coutumes
leur ont prescrit des occupations
differentes ; élevées et formées dans la
délicatesse, ou pour mieux dire , dans une
espece de mollesse qui leur est permise ;
on ne sçauroit en géneral trouver aujour
d'hui parmi elles , quelque soin qu'on prît
pour les former à ce genre d'exercice ,
un nombre égal à celui qui se rencontreroitpatmiles
hommes,mais si dans la suite
OR
690 MERCURE DE FRANCE
on commençoit à les y accoûtumer , pour
ainsi dire, dès le berceau , si nos coûtumes
changeoient , je crois , à n'en pouvoir douter
, qu'on trouveroit cette égalité que les
Femmes n'ont point à present , à propor
tion des Hommes , faute d'expérience et
d'habitude : car telle est la force de celleci,
que par l'empire qu'elle prend sur tout
Etre humain , elle lui donne quelle forme
il lui plaît.
Les Femmes cependant dans ce qui les
concerne , ne laissent pas d'avoir certai
nes violences à se faire , et qui sans
doute sont glorieuses pour elles ; escla
ves-de certaines bienséances , et d'une
austere vertu , qu'un penchant , qui est
condamné et qui paffe pour crime chés
elles , combat violemment , tout cela n'of、
fre-t'il pas une espece d'heroïsme continuel
qui demande la constance et la fer
meté d'ame ?
Entre toutes les femmes que d'anciennes
maximes admettoient à paroître dans
le champ de Mars , il s'est trouvé en effet
autant de veritables Heroïnes , qui ont
donné des marques de cette rare intrépldité
et de ce courage mâle , qu'on auroit
trouvé de Heros dans une égale quantité
d'hommes ; il ne faut donc que ces exemples
de constance et de fermeté des femmes
A V RIL. 1737. 691
mes , pour être persuadé que si dans tous
les tems on les y avoit formées et exercées
, elles auroient balancé la fermeté
des hommes.
Ce que je dis de l'heroisme militaire ;
je le dis de celui des Lettres ; plus d'un
siécle nous a fourni des Femmes Illustres
qui ont pénetré dans les Sciences les plus
hautes et les plus abstraites , avec autant de
fruit et de succès que nos premiers Sçavans
; et les Dames Sçavantes auroient été
en aussi grand nombre que les Hommes , si
elles avoient toutes eû les mêmes instructions
qu'on nous donne , mais nos Ecoles
leur sont fermées , on les exclut de nos
Académies , elles sont , dit on , incapables
d'y être admises , et de recevoir aucune
teinture d'Erudition : mais n'auroient-
elles pas raison de dire que ce
langage est dicté par l'orgueïl et par la
présomption ? En effet , n'est- ce pas les
condamner sans les entendre ? Au moins
devroit on se contenter de douter de leur
capacité , sans porter de pleine autorité
un jugement si injuste , dans l'ignorance
où l'on est de ce qu'elles auroient pû
faire , si on avoit cultivé leur génie : on
devroit au contraire en mieux présumer
par divers exemples marqués dans l'Histoire,
D Mais
692 MERCURE DE FRANCE
Mais , dira-t- on , les Femmes sont en
tout inferieures à l'Homme ; on les exclut
du Gouvernement , &c. A cela je
réponds que cette Loy et cet usage sont
moins établis à cause de leur insuffisance
que par un ordre et une politique bien
placés : on a vû cependant des Femmes
manier les Rênes d'un Etat avec cette
fermeté dont M. Sim. croit l'Homme
seul capable ; je pourois en citer assés
d'exemples , pour prouver que dans ce
genre comme dans les autres , en admettant
les Principes établis ci- dessus
l'Homme n'auroit rien à reprocher à la
Femme.
ร
Le Créateur , il est vrai , ordonna à
celle- ci d'être soumise à l'Homme , et
donna à celui - là la superiorité ; mais ce
n'est pas précisément que la Femme par
elle même en fût indigne , et n'eût pû la
mériter autant que l'Homme. Mais telle
fut la volonté de Dieu émanée de sa profonde
sagesse , pour mettre une subordination
nécessaire entre les deux espéces
qui devoient constituer tout le genre
humain . Il choisit l'Homme ; il eût pû
choisir la Femme. Ils sont tous deux un
même être , d'une égale proportion , un
même ouvrage d'une semblable construction
; mêmes attributs leur sont ace
cordés , &c .
AVRIL. T737. 693
La comparaison que fait sur cela Mlle
Ar. est des plus justes. Celle des deux
âges que fait M. Sim . ne me paroît pas
telle , & son Adversaire a raison de se
recrier sur son peu de justice . Il dit que
de la foiblesse du corps doit s'ensuivre
la foiblesse de l'esprit ; cette conséquence
est fausse. Ne voit-on pas en effet tous
les jours des hommes délicats , et d'un
foible temperament , avec une élevation
d'esprit , une constance et une fermeté
d'ame à toute épreuve , comme on en
voit également d'un tempérament fort
et robuste , avec beaucoup de foiblesse
d'esprit. Mile Archambault ne doit pas
non plus dire , avec sa permission , que
la délicatesse du corps et du tempérament
doit suivre celle de l'esprit ; elle
n'ignore pas , non plus que son Adversaire
, qu'elle consiste dans l'ordre , l'oeconomie
et l'arrangement des organes ,
et que ce qui fait la diférence du plus
et du moins , du foible et du fort de
l'esprit , est un plus ou moins juste
arrangement de ces mêmes organes & c.
A Versailles , le 10. Mars 1737 .
Dij VERS
694 MERCURE
DE FRANCE
VERS adressés à M. de Lamée , Auteur
de l'Ode sur la Paix , inserée dans le
Mercure de Janvier,
O Ui je l'avouë , ên lisant ton ouvrage ,
J'ai juré que l'Auteur devoit avoir trente ans ;
Tu dois me pardonner , en voyant tes talens
L'on peut bien aisément se tromper sur ton âge .
Par M. de F ....
•
***************
ACTES DE CESSION et de
Prise de possession du Duché de Lorraine.
Extrait des Registres de la Cour
Souveraine de Lorraine et Barrois. Procès
Verbal de Mrs les Commissaires nommés
par SON ALTESSE ROYALE , pour
l'execution de l'Acte de Cession du Duché
de LORRAINE.
Ujourdh'ui vingt- uniéme Mars dix-sept
cent trente- sept , Nous NICOLAS -FRANÇOIS
COMTE DE RENNEL , Chevalier , Seigneur de
Méhoncourt , Conseiller et Sécretaire d'Etat de
S. A. R. NICOLAS JOSEPH BARON DUBOIS DE
RIOCOURT , Chevalier , Baron de Damblain ,
Seigneur
AVRÍL. 1737. 695
Seigneur de Rémoncourt , Conseiller d'Etat de
sad. A. R. et de ses Finances , Maître des Requêtes
Ordinaires de son Hôtel , et JOSEPHCHARLES
LEFEBVRE , Conseiller de sad. A. R.
et son Avocat General en la Chambre des Comptes
de Lorraine , Commissaires nommés par
S. A. R. et fondés de ses pleins pouvoirs , donnés
à Presbourg le cinq du courant , dont la teneur
sera inserée à la suite des Présentes , pour
l'exécution de l'Acte de Cession du Duché de
Lorraine , du 13. Février dernier , par lequel
S. A. R. a cedé et abandonné , sous les clauses ,
conditions et charges portées tant audit Acte de
Cession , qu'ès Articles Préliminaires conclus à
Vienne le 3. Octobre dix - sept cent trente- cinq,
au Traité d'execution du 11. Avril suivant , et
à la convention du 28. Août dernier , pour elle
et ses Successeurs dès à présent au Sérenissime
Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie,
STANISLAS premier , le Duché de Lorraine ,
apartenances et dépendances , soit d'ancien Patrimoine
, Acquisitions ou Biens Allodiaux , à
quelque titre que ce puisse être , et après son
décès, à Sa Majesté Très - Chrétienne et à ses
Successeurs Rois de France , en tous droits de
proprieté et Souveraineté , ainsi et de- même que
sadite A. R. en a joui ou dû joüir jusqu'à présent
; nous sommes rendus en l'Hôtel de Ville
de Nancy , où nous étant fait annoncer
-
cn
notre qualité susdite , à Mrs les Présidens , Conseillers
et Gens tenans la Cour Souveraine de
Lorraine ; nous aurions été introduits dans la
Salle dite des Princes , où toutes les Chambres
de ladite Cour se sont trouvées assemblées avec
les Gens de S. A.R. en icelle , auxquels ayant fait
donner lecture de nosdits pleins pouvoirs et de
D jij Pordre
696 MERCURE DE FRANCE
1
l'ordre à nous adressé par sadite A. R. de nous
faire remettre les Sceaux de ladite Cour , de même
que ceux des Bailliages et autres Sieges er
Jurisdictions inferieures ; nous avons déclaré remettre
au nom de S. A. R. à S. M. T C. éventuellement
et à S. M. le Roy de Pologne , STANISLAS
Premier , actuellement , ledit Duché de
Lorraine et ses dépendances , ainsi qu'il étoit
possedé par S. A. R. et relativement aux Actes ,
Traités et Conventions susdites , et avons en son
nom délié et relevé Mrs les Présidens , Conseillers
et Gens tenaus ladite Cour Souveraine , ensemble
tous les Officiers des Bailliages et autres
Jurisdictions inférieures , ainsi que tous les Sujets
et Vassaux dudit Duché , du Serment de fidelité
auquel ils étoient attenus envers sadite
A. R. consentant qu'ils passent dès à présent sous
la domination desdits Sérénissimes Rois , qu'ils
auront désormais à reconnoître pour leurs vrais
et légitimes Souverains, et que Mrts les Commissaires
nommés de leur part , prennent possession
dudit Duché et dépendances relativement auxdits
Actes , Traités et Conventions ; et en execution
de l'ordre de S. A. R. dudit jour 5. du
présent mois , les Sceaux , dont ladite Cour avoit
accoûtumé de se servir , de même que ceux des
Bailliages et autres Sieges et Jurisdictions inférieures
, nous ont été remis , de tout quoi nous
avons dressé le présent Procès- verbal , dont lecture
ayant été faite, il a été sur les réquisitions de M.
le Procureur Géneral , ordonné par la Cour qu'il
seroit , ensemble nos pleins Pouvoirs et ordre
susdit , registrés en ses Greffes , et que copies duëment
collationnées en seront envoyées és Bailliages
et autres Sieges ressortissans nuëment à lad.Cour,
pour y être pareillement lûs , publiés et registrés
,
AVRIL. 697 1737.
trés, suivis et execurés ; en foi de quoi nous avons
signé et fait aposer le Cachet de nos Armes , leg
an et jour susdits , Signé , RENNEL . DUBOIS DÉ
RIOCOURT. J. C. LA FEBVRE .
Pleins Pouvoirs de Mrs les Commissaires.
RANÇOIS III. par la grace de Dieu , Duc
de Lorraine et de Bar , Roy de Jerusalem ,
Marchis , Duc de Calabre , de Gueldres , de
Montferrat , de Teschen en Silésie , Prince d'Arches
et Charleville , Marquis de Pont- à - Mousson
, et Nommeny , Comte de Provence , Vaudemont
, Blamont , Zutphen , Sarwerden, Salm ,
Falkestein. A nos très - chers et feaux les Sieurs
Comte de Rennel , Conseiller Secretaire d'Etat ,
le Baron Dubois de Riocourt , Conseiller d'Etat
et Maître des Requêtes de notre Hôtel , et Joseph-
Charles le Febvre , Avocat Géneral en notre
Chambre des Comptes de Lorraine : SALUT.
Les circonstances des affaires publiques nous
ayant nécessité , malgré la répugnance que nous
avons toujours eûë d'abandonner nos fideles Sujets,
dont nous et nos Ancêtres avons éprouvé en
tant d'occasions le zele et l'attachement , d'acceder
aux Articles Préliminaires conclus à Vienne
entre S. M. I. et C. et S. M. T. C. le 3. Octobre
1735. au Traité d'execution du 11. Avril
de l'année derniere, ensemble à la Convention du
28. Août de la même année , nous avons en conformité
, par Acte du 13. Février de là présente
année , cedé notre Duché de Lorraine au Sérenissime
Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie
STANISLAS Premier, et après lui à S. M.T.C.
pour être ensuite réuni à la Couronne de France;
et étant question en conséquence de proceder en
Diiij execution
698 MERCURE DEFRANCE
execution dudit Acte de cession , nous confiant
en votre zele , capacité et affection à notre service
, nous vous avons nommé , commis et député
, nommons , commettons et députons par
les Présentes , pour, en notre nom , remettre aux
Commissaires nommés , tant par le Sérenissime
Roy de Pologne STANISLAS Premier ,que par
S. M. T. C. notre Duché de Lorraine , relativement
audit Acte de cession et aux instructions
que nous vous avons données à cet égard .
En consequence , vous donnons pouvoir de
relever tous nos Sujets et Vassaux de notredit
Duché de Lorraine , du Serment de fidelité auquel
ils étoient attenus envers nous , et les ren-`
voyer aux ditsSérenissimes Rois de Pologne et de
France , qu'ils auront à l'avenir à reconnoître
pour leurs vrais et légitimes Souverains , et génuralement
faire tout ce qui conviendra pour
l'execution dudit Acte ; authorisant même , en cas
de maladie , absence on empêchement légitime de
l'un de vous , les deux autres d'agir comme si
tous trois étoient présens .
De ce faire nous vous avons donné tout pouvoir,
Commission et Mandement exprès et spécial. En
foi de quoi nous avons aux Présentes , signées
de notre main et contre-signées par l'un de nos
Conseillers Secretaires intimes , fait mettre et
aposer notre Scel secret. Donné à Presbourg ce
5. Mars 1737. Signé , FRANÇOIS . Et plus bas
contre - signé, TOUSSAINT , et scellé du Scel secret
de S. A. R.
Lettre de Cachet pour la remise des Sceaux:
TR
Rès chers et feaux , nous vous avons nommé
nos Commissaires pour l'execution de la
Cession de notre Duché de Lorraine , par nos
Lettres
AVRIL. 1757. 699
Lettres de ce jourd'hui ; avant d'y proceder vous
vous ferez remettre les Sceaux , tant de notre Cour
Souveraine , que de notre Chambre des Comptes
et autres Jurisdictions inferieures , lesquels
vous déposerez entre les mains de notre cher et
féal Conseiller Secretaire intime le sieur de Mo
litoris , ensemble ceux que vous avez par devers
vous de notre Duché de Bar. La présente n'étant
à autres fins , nous prions Dieu qu'il vous ait ,
très-chers et féaux , en sa sainte et digne garde.
Ecrit à Presbourg ces . Mars 1737. Signé ,
FRANÇOIS . Et plus bas contre- signé , PHUSTCHER .
Après la lecture et publication desdits Actes , de
Bourcier de Montureux , Procureur General, a dit :
Mrs dans l'Univers rien n'est à l'abri du chan
chement. Les Empires les plus vastes et dont la
puissance paroissoit établie sur des fondemens
inébranlables , sont devenus le jouet de la fortune
, et ont été anéantis sous le poids de leur
propre grandeur.
D'autres Monarchies s'étant élevées successi
vement sur leurs ruines , sont tombées à leur
tour en décadence , pour faire place à de nouvelles
Dominations.
C'est ainsi qu'anciennement les Etats de Lorraine
et de Bar dépendoient d'un Empire florissant
, dont l'étendue n'avoit presque d'autres
bornes que celles de l'Europe.
Dans la suite ils devinrent partie d'un Royaume
, lequel
ayant
encore
été démembré
, il se
forma
de la Lorraine
et du Barrois
deux
Duchés
, qui apartinrent
d'abord
à differens
Princes
; mais
qui , ensuite
, furent
réunis
sous
une
même
Autorité
.
Aujourd'hui , par une suite de cette viciscitu
de inséparablement attachée aux choses humai
D v Des
700 MERCURE DE FRANCE
nes , ces deux Etats vont être soumis à la Souveraineté
de Sa Majesté Polonoise , par un Evenement
qui n'a point d'exemple dans l'Histoire;
et ils doivent après son Regne , faire partie du
Royaume de France , comme autrefois ils ont
fait partie du Royaume d'Austrasie.
Il faut convenir que nous avons éte vivement
touchés d'une révolution si étonnante ; que toute
notre fermeté n'est point à l'abri de ce coup
qui nous frape , et que ce n'est qu'avec peine que
nous avons fait un sacrifice de nos coeurs à l'obéissance
et la soumission que l'on doit aux Dé.
crets impénetrables de la Providence.
Mais en même- temps nous avons lieu de croire
que les nouveaux Monarques que le Ciel nous
destine , ont trop de justice et trop d'humanité
pour blâmer des sentimens si convenables , et
même pour ne pas agréer les pleurs que nous fait
répandre l'éloignement et la dispersion de la
Maison regnante , dont nous avions le bonheur
de suivre les Loix depuis sept cent ans.
Aussi , comme un Peuple si fort affectionné ne
mérite pas d'être malheureux , le Seigneur , en
nous soumettant en ce jour au pouvoir d'un
Prince infiniment pieux , équitable et moderé , a
voulu d'abord calmer nos allarmes et adoucir
notre amertume.
Il nous fait esperer que nous ne changerons.
point de destinée en changeant de Maître , et que
son Gouvernement renouvellera l'image de no-,
tre premiere félicité.
En revanche, S. M. doit être persuadée qu'elle
éprouvera dans ses nouveaux Sujets , un zele inviolable
, et la même fidelité que celle qu'ils ont
cû constamment pour leurs Souverains et dont
ils ont donné en toute occasion des marques
plus
AVRIL. 1737. 701
plus éclatantes qu'aucun Peuple de l'Univers.
C'est dans ces dispositions qu'étant déliés du
Serment de fidelité qui nous attachoit à nos anciens
Maîtres , nous allons lui rendre nos premiers
hommages, et faire des voeux sinceres pour
la conservation de ses jours et pour la prosperité
de son Regne.
"
Nous nous acquitterons des mêmes devoirs
envers S. M. T. C. dans la juste esperance où
nous sommes , qu'ayant toujours vécu jusques à
présent sous les Loix d'une douce domination
et malgré le changement actuel , devant encore
continuer de vivre heureux , cet auguste Monarque
reconnoîtra qu'il est autant de sa justice que
de sa bonté , de nous faire joüir à jamais d'un
bonheur qu'il trouvera fondé sur une aussi longue
et aussi constante possession .
Nous avons déja cet avantage , que les deux
Puissances de concert , ont fait choix d'un Ministre
également éclairé , sage et bienfaisant.
Comme il est le Dépositaire de leur autorité,
il ne vient parmi nous que pour y seconder leurs
favorables intentions , qui se trouvent heureusement
conformes avec la bonté de son caractere ;
ily procurera la paix , la justice et l'abondance ;
et nous devons d'autant mieux augurer de son
Administration , que par son équité et par sa
prudence , il a déja sçû mériter Paplaudissement
et les regrets publics , en quittant une Province
dont l'intendance lui avoit été confiée par un
Roy qui n'éleve que de dignes Sujets et qui ne
récompense que la vertu .
A ces Causes nous requerons qu'Acte nous
soit donné de la lecture et publication des pleins
Pouvoirs, Lettre de Cachet et Procès verbal dont
il s'agit , ordonné qu'ils seront registrés ès Re-
Dvj gistres
702 MERCURE DE FRANCE
gistres de la Cour , pour être executés suivant
leur forme et teneur , et y avoir recours le cas
échéant ; et que copies d'iceux dûement collationnées
seront envoyées dans tous les Bailliages
et Sieges ressortissans nuëment à la Cour , pour
y être pareillement lûs , publiés, registrés et executés
; enjoint à nos Substituts sur les Lieux d'y
tenir la main et d'en certifier la Cour au mois,
Après les Requisitions prises par M. le Procureur
General , M. le Premier Président a dit :
Mrs , la lecture qu'on vient de vous donner des
pleins Pouvoirs que S. A.R. a donnés à ses Commissaires
, nous aprend bien que la Divine Providence
dispose comme il lui plaît des Sceptres
et des Couronnes ; elle nous a enlevé un Prince
que nous avons tant aimé et dont nous ne
sçaurions reconnoître les graces qu'il nous a
faites, qu'en conservant pour lui dans nos coeurs
un souvenir éternel.
La Cour , les Chambres assemblées , faisant
droit sur les Réquisitions du Procureur General,
a donné acte de la lecture des pleins Pouvoirs et
de l'ordre de S.A.R. ordonne qu'ils seront suivis
et executés selon leur forme et teneur et registrés
en son Greffe , ensemble le Procès verbal de
Mrs les Commissaires y dénommés , et qu'à la
diligence dudit Procureur General , copies dûëment
collationnées seront envoyées dans tous les
Bailliages , Prévôtés et autres Sieges du ressort
de la Cour, pour y être pareillement lûs, publiés,
registrés, suivis et executés ; enjoint aux Substituts
des Lieux de tenir la main à leur execution
et d'en certifier la Cour au mois . Fait à Nancy
le 21. Mars 1737. huit heures de matin . Signés,
DE HOFFELIZE , et Vaultrin , Greffier.
LETTRES
1
AVRIL.
1737. 703
LETTRES PATENTES du
Ry de Pologne , pour la prise de Possession
actuelle du Duché de Lorraine.
TANISLAS par la grace de Dieu , Roy de
Pologne,Grand Duc de Lithuanie , Russie,
Prusse , Mazovie , Samogitie , Kiovie , Volhinie,
Podolie , Podlachie , Livonie , Smolensko , Severie
, Czernickow , Duc de Lorraine et de Bar ;
A tous présens et à venir ; SA LU T. Les Traités
et Conventions qui ont été signés par les Ministres
Plénipotentiaires du Roy Très - Chrétien ,
notre très - cher et très - amé Frere et Gendre , er
par ceux de l'Empereur que nous avons acceptés ;
nous ayant transmis la Souveraineté et Proprie
té actuelle des Duchés de Lorraine et de Bar,Terres
, Fiefs et Seigneuries qui en dépendent , connoissant
le fidele attachement que nos nouveaux
Sujets ont eu jusques à présent pour les Ducs nos
Prédecesseurs , et esperant que Dieu , qui destine
à son gré les Sceptres et les Couronnes , disposera
les coeurs des Sujets qu'il nous a soumis ,
à nous rendre avec zele et fidelité l'obéissance
qu'ils nous doivent comme à leur seul et légitime
Souverain ; notre premier soin est de leur
donner des marques de notre affection paternelle,
en déclarant dès à présent que notre intention
est de conserver les Privileges de l'Eglise , de la'
Noblesse er du Tiers Etat , les Annoblissemens
Graduations et Concessions d'honneur faites par
les Ducs nos Prédecesseurs , le tout conformément
à la Convention du 28. Août de l'année
derniere ; A ces Causes , de l'avis de notre Conseil
, de notre certaine science , pleine puissance
et autorité Royale , voulant en vertu des Articles
préliminaires
704 MERCURE DE FRANCE
préliminaires de la Paix , arrêtés et signés le 3.
Octobre 1735. par les Ministres Plénipotentiaires
de notredit Frere et Gendre, et ceux de l'Empereur
, et les Traités et Actes faits en consequence
le 11. Avril et 28. Août de l'année derniere
, nous mettre en possession actuelle et
réelle , comme de fait , nous déclarons par ces
Frésentes,que nous prenons actuellement et réellement
possession du Duché de Lorraine et des
Terres , Fiefs et Seigneuries , Droits et Revenus
qui en dépendent , sans aucune exception , pour
les posseder en toute souveraineté, ainsi et de même
que les Princes de la Maison de Lorraine en
ont joui , pû et dû joüir , nous avons donné nos
pleins Pouvoirs au sieur de la Galaiziere , Conseiller
ès Conseils du Roy Très Chrétien notre
très- cher et très - amé Frere et Gendre , Maître
des Requêtes ordinaire de son Hôtel , et au sieur
de Meskeck , Maréchal de notre Cour , à l'effet
de se transporter incessamment en notre bonne
Ville de Nancy , pour y recevoir en notre nom
les Sermens de fidelité des Présidens , Conseillers
et Gens tenans notre Cour Souveraine de Lorraine
et Barrois , tant pour eux que pour les Of
ficiers des Jurisdictions inférieures , ressortissantes
en ladite Cour médiatement ou immédiatement
, et tous les autres Sujets desdits Duchés ,
ses Jurisdiciables , au jour qui leur sera indiqué
par nosdits Commissaires : voulons que quant à
présent les Officiers de notredite Cour , ceux des
Bailliages , Piévôtés , Grueries et autres Jurisdictions,
comme aussi les Receveurs Particuliers
des Finances , Notaires , Tabellions , Gardenotes
et tous autres Juges , Officiers actuellement
établis dans l'étendue du Ressort de ladite Cour
pour l'administration de la Justice , Police et Finances
AVRIL. -1737. 705.
nances en titre d'Office , ou par Commission ,
continuent d'exercer sous notre autorité les fonc
tions de leurs Charges , Offices ou Commissions
, jusqu'à- ce qu'il en soit autrement par
nous ordonné , et de jouir des honneurs, profits
et émolumens qui leur sont attribués , sans
être tenus de prendre de nouvelles Provisions ,
Commissions ou autres Lettres , dont nous les
dispensons quant à présent. Enjoignons aux Juges
et autres nos Officiers , dans tous les cas sur
lesquels nos intentions n'auront pas été expressément
déclarées par nos Edits , Déclarations et
Arrêts de notre Conseil , de se conformer aux
Ordonnances et Reglemens des Ducs nos Prédecesseurs
, notamment à ceux de notre très - cher
et très- amé Frere le Duc de Lorraine , et à ceux
du Duc Leopold son Pere , de glorieuse memoire
, Coûtumes , Stiles et Usages , jusques à présent
observés dans notredit Duché de Lorraine
er Barrois . Voulons au surplus que les Traités
et Concordats faits entre les Ducs nos Prédecesseurs
et les Princes et Etats voisins , soient ob.
servés et executés selon leur forme et teneur , et
que les differens Ordres de nosdits Duchés continuent
de jouir des Prérogatives , Immunités et
autres distinctions dans lesquelles il ont été jusques
à présent maintenus et gardés.
›
Si donnons en Mandement à nos amés et féaux
Conseillers et Gens renans notre Cour Souveraine
de Lorraine et Bar, ois , Baillifs , Prévôts, Gruyers,
et à tous autres Juges et Officiers , Hommes et
Sujets qu'il apartiendra , que les Presentes ils fassent
lire , publier , registrer et afficher par tout
où besoin sera , et leur contenu garder et obser
ver inviolablement , cessant et faisant cesser tous
troubles et empêchemens à ce contraires . Car
ainsi
6 MERCURE DE FRANCE
ainsi nous plaît. En for de quoi nous avons à ces
présentes Lettres signées de notre mains et contresignées
par le Secretaire de nos Commande
mens , fait aposer notre grand Sceau . Donné à
Meudon le 18. Janvier 1737. Signé , STANISLAS
Roy , Et plus bas , par le Roy , Signé Simon
Siruc. Vi au Conseil , signé, Chaumont , et scellé
du grand Sceau de Cire jaune de Sa Majesté au
Contrescel des Armes du Duché de Lorraine .
Après la lecture des Lettres Patentes , Toustain
de Viray , Avocat Géneral , pour le Procureur
general, a dit:
Mrs , nous demandons pour le Roy Acte de la
lecture et publication des Lettres , et requerons
qu'elles soient registrées sur les Registres de la
Cour , pour être suivies et executées selon leur
forme et teneur , et copies envoyées dans tous les
Sieges du Ressort , pour y être pareillement lûës,
publiées , enregistrées et executées ; enjoint aux
Substituts d'en certifier la Cour au mois.
M. le Premier Président , après avoir pris les
voix , a dit
Mrs , nous sommes instruits , comme toute
P'Europe , de l'amour que la Nation Polonoise a
cú pour son Roy , en sacrifiant leurs vies et leurs
biens pour se conserver un Roy dont elle connoissoit
les vertus et le mérite ; il nous fait annoncer
que la Divine Providence nous l'a destiné
pour gouverner les Peuples des deux Duchés
de Lorraine et de Bar ; nous ne sçaurions mieux
témoigner à Sa Majesté notre reconnoissance
que par la soumission et la fidelité qu'il demande
de pous. La Cour Souveraine , sans doute
s'y portera avec zele , ainsi que tous les Officiers
et Sujets , puisque nous trouvons dans l'auguste
Personne du Roy toutes les grandes quali-
"
lités
AVRIL. 1737. 707
lités qu'on peut désirer à un Souverain , et nous
devons faire des voeux pour la conservation de
Stanislas I. Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie
, Duc de Lorraine et de Bar , que nous
reconnoissons pour notre seul et légitime Souverain
actuel.
Faisant droit sur les Réquisitions des Gens du
Roy, la Cour ordonne que les Lettres seront enregistrées
sur le Registre de la Cour , pour être
suivies et executées suivant leur forme et teneur,
et Copies collationnées envoyées dans tous les
Sieges du Ressort , pour y être pareillement lûës,
publiées , régistrées et executées . Enjoint aux
Substituts d'en certifier la Cour au mois.
Ensuite M. le premier President aprêté le serment
de fidelité en ces termes .
Nous jurons et protestons devant Dieu et sur
les saints Evangiles , tant en nos nom et qualité
de premier Président de la Cour , que pour
tous les Officiers de cette Compagnie , tous ceux
des Siéges qui y ressortissent médiatement ou
immédiatement dans les Duchés de Lorraine
et de Bar , et generalement pour tous les Sujets
desdits Duchés nos Jurisdiciables de quelque
ordre et condition qu'ils soient, que nous reconnoissons
pour notre seul et légitime Souverain
actuel , Stanislas I. par la grace de Dieu , Roi de
Pologne, Grand Duc de Lithuanie , Due de Lorraine
et de Bar , auquel nous promettons fidelité
, obéissance et service envers tous et contre
tous,sans aucunes exceptions et restrictions quelconques
, étant déchargés de tout serment et
devoir de sujet envers le Duc François de Lorrai
ne ; promettons expressément d'avoir pour
ennemis tous ceux que Sa Majesté aura déclarés
tels , de n'avoir aucune intelligence avec
CH
708 MERCURE DE FRANCE
eux , ni leur prêter aucune aide et faveur di
rectement ni indirecsement ; au contraire , d'avertir
Sa Majesté et ceux qu'il lui plaira nous
donner pour Gouverneurs de sa part , de toutes
les intelligences , menées , intrigues et entreprises
qui pouroient , aller contre son service
, et de remplir loyalement à cet egard et
en toutes autres choses les devoirs de bons et
fideles Sujets .
Et M. le premier Président ayant dit ainsi ,
Dieu nous aide , et ses saints Evangiles , M. de
la Galaiziere a répété en lui prenant les mains ,
Ainsi Dieu vous aide.
Après quoi , M. de la Galaiziere tenant dans
sa main un Sceau d'argent aux Armes du Roi
et de la Province , et le présentant à M. le Premier
Président , a dit : Nous vous remettons le
Sceau du Roi pour les Arrêts et autres Expéditions
de la Cour en être scellés désormais .
M. le Procureur General a pareillement prêté le
Serment de fidelité en ces termes .
Nous jurons et protestons devant Dieu et sur
les saints Evangiles , tant en notre qualité de
Procureur General , qu'au nom de tous les Of
ficiers du Parquet de la Cour , et de tous nos
Substituts ès Jurisdictions qui y ressortissent
médiatement ou immédiatement , que nous reconnoissons
pour notre seul et legitime Souve
rain actuel , Stanislas I. par la grace de Dicu ,
Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie, Duc
de Lorraine et de Bar , auquel nous promettons
fidelité , obéissance et service envers tous et contre
tous sans aucunes restrictions ni exceptions
quelconques , étant dechargés de tour serment
et devoirs de Sujets envers le Duc François de
Lorraine ; promettons expressement d'avoir pour
enneAVRIL.
1737.
09
ennemis tous ceux que Sa Majesté aura déclarés
tels , de n'avoir aucune intelligence avec eux ,
ni leur prêter aucune aide et faveur directement
ni indirectement , au contraire , d'avertir
Sa Majesté et ceux qu'il lui plaira nous don
ner pour Gouverneurs de sa part , de toutes les
intelligences , menées , intrigues et entreprises
qui pouroient aller contre son service , et de
remplir loyalement à cet égard et en toutes autres
choses les devoirs de bons et fideles Sujets.
Ensuite M. le Procureur General ayant prononcé
ces mots, Ainsi Dieu nous aide et ses saints Evan.
giles , M. de la Galaiziere lui ayant pris les mains
a repété : Ainsi Dieu vous aide.
Ce fait , Toustain de l'iray , Avocat General ,
pour le Procureur General , a dit : Nous reque
rons pour le Roy , que le Serment prêté par
M. le Premier Président , et par M. le Procureur
General , soit registré sur les Registres de
la Cour ; et que Copies collationnées soient
envoyées dans tous les Sieges du ressort , en
suite des Lettres Patentes , pour y être pareillement
lûës, publiées et registrées , afin que ce soit
chose notoire à tous et à un chacun les sujets
desdits Duchés et dépendances enjoint aux
Substituts d'en certifier la Cour au mois ; et
que ses Arrêts et autres expéditions de la Cour
seront dès ce jour scellés du Sceau de Sa Majesté
, présentement remis par ses Commissaires
, à M. le Premier Président.
M. le Premier Président ayant repris les voix,
a dit : Faisant droit sur les Requisitions des
Gens du Roi ; la Cour ordonne que lesdits Sermens
seront registrés sur le Registre de la Cour ;
et que Copies collationnées en seront envoyées
dans tous les Sieges du ressort , ensuite des Let-
LICO
10 MERCURE DE FRANCÉ
tres Patentes, pour y être pateillement lûës, publiées
et registrées , afin que ce soit chose notoire
, à tous et un chacun les Sujets desdits
Duchés et dépendances : enjoint aux Substituts
d'en certifier la Cour au mois. Ordonne que
les Arrêts et autres Expeditions de la Cour
seront désormais scellés du Sceau du Roy , à
nous remis par les Commissaires de Sa Majesté.
>
Et à l'instant , Mrs. les Commissaires de Sa
Majesté , s'étant fait aporter le Registre , y ont
signé le présent Acte ainsi , Signé , CHAUMONT,
LA GALAIZIERE , et MEskak.
Et par un Acte separé , la Compagnie et les
Gens du Roi ont également signé ainsi ; signé,
de Hoffelize , Premier Président , Parizot Président
, Mahuet Conseiller Prélat , Bouzey Conseiller
Prelat , Hurault Doyen des Conseillers
de la Cour , de Malvoisin , de Lombillon , Baudinet
, Satazin , Abram , Henry de Pont , Viriet
de Remicourt, du Puy, Reboucher , Rouot ,
Kiecler , Roguier , Cueillet de Saffais , Anthoine
Conseiller Clerc , Feriet , Fisson du Monret
, de Lombillon , Serre , Grandemange , Flo
riot , Joly de Morey , de Maimbourg , Baudinet
de Courcelles , de Bourcier de Montureux
Procureur General , Toustain de Viray Avocat
General , Prugnon l'aîné Doyen des Substituts ,
Drouville , Marcol l'aîné , de Thomerot , Didier
l'aîné , Rheyne , Marcol le jeune , Didieg
le jeune , et Vaultrin Greffier
PLEIN
A VRI L. 1737 718
PLEIN- POUVOIR de M. DE
LA GALAIZIERE en qualité de Commissaire
du ROY Très - Chrétien pour la
Prise de Possession éventuelle du Duché
de Lorraine.
L
OUIS , par la grace de Dieu , Roy de
France er de Navarre : A tous ceux qui ces
Présentes Lettres verront : SALUT. Les mêmes
Traités et Conventions qui ont assuré à
notre très-cher et très - amé Frere et Beau - pere
le Roy de Pologne STANISLAS Premier , la
possession des Duchés de Lorraine et de Bar , en
ayant stipulé la reversion à Nous et à notre
Couronne en pleine Souveraineté , après le décès
de notredit Frete et Beau-pere ; et étant nécessaire
qu'en même tems que les Commissaires
de notredit Frere le Roy de Pologne , prendront
en son nom posssesion , soit du Duché
de Bar , soit aussi du Duché de Lorraine , et
qu'ils receveront pour lui le Serment actuel de
ses nouveaux sujets , le même Serment soit prêté
éventuellement à Nous et à notre Couronne .
voulant de notre part y pourvoir sans aucun
retardement ; pour ces Causes , et autres bonnes
considerations à ce Nous mouvant , Nous
avons choisi , commis et nommé , choisissons ,
commettons et nommons par ces Présentés signées
de notre main , nôtre amé et féal Conseiller
en nos Conseils , Maître des Requêtes
Ordinaire de Notre Hôtel , le Sieur de LA GALAIZIERE
, et lui avons donné et donnons plein
pouvoir , commission et mandement special de
recevoir en notre nom le Serment de Fidelité
éventuel
712 MERCURE DE FRANCE
éventuel des Sujets , soit du Duché de Bar , soir
aussi de celui de Lorraine , et de faire à ce sujet
tout ce qui sera nécessaire , voulant qu'il agisse
en cette occasion avec la même autorité que
Nous ferions et pourions faire, si nous y étions
presens en Personne , encore qu'il y eût quelque
chose qui requât un Mandement plus spécial
que ce qui est contenu en ces Présentes, Car
tel est notre Plaisir. En témoin de quoi Nous
avons fait sceller ces Présentes. Données à Versailles
le treiziéme jour de Janvia l'An de Grace
1737.et de notre Regne le vingt deux . Signé,
LOUIS , Et sur le repii , par le Roy , CHAUVELIN.
Scellé du grand Seau de Cire jaune.
Après la lecture des Pleins- Pouvoirs , Toustain
de Viray , Avocat Général , pour le Procureur Général
, a dit : Messieurs , Nous demandons pour
le Roy Acte de la lecture et publication des Lettres
, et requerons qu'elles soient registrées sur
les Registres de la Cour , pour être suivies et
exécutées suivant leur forme et teneur , et Copies
envoyées dans tous les Siéges du Ressort ,
pour y être pareillement lûes , publiées , enregistrées
et exécutées ; Enjoint aux Subsituts d'en
certifier la Cour au mois.
Mr le Premier Président après avoir pris les
voix, a dit : Ouies les Conclufions des Gens du
Roy et y faisant droit , la Cour ordonne que
lesdites Lettres seront enregistrées sur ses Registres
, pour être suivies et exécutées selon leur
forme et teneur , et Copies envoyées dans tous
les Siéges du Ressort de la Cour , pour y être
pareillement lûës , publiées , registrées et exécutées
Enjoint aux Substituts d'en certifier la
Cour au mois.
Ensuite M. le Premier Président a prété Sere
anent defidelité en ces termes.
AVRIL. : I ཏ 37 ; 713
Nous jurons et protestons devant Dieu , er
sur les saines Evangiles , tant en notre qualité
de Premier Président de la Cour Souveraine, que
pour tous ses Officiers , ceux des Siéges qui y
ressortissent, et généralement tous les sujets Jurisdiciables
des Duchés de Lorraine et de Bar, de
quelque ordre et condition qu'ils soient , que
Nous reconnoissons pour notre seul et légitime
Souverain éventuel Louis XV . par la grace de
Dieu , Roy de France et de Navarre , et ses Successeurs
auxdit's Royaumes , promettons dès - àpresent
comme pour- lors , qu'arrivant le décès
du Roy de Pologne , Duc de Lorraine & de
Bar , notre seul Souverain actuel , Nous garderons
et rendrons à Sa Majesté Très - Chrétienne
, la même fidelité , obéissance et service
dont nous sommes tenus envers notre Souverain
Seigneur actuel ; Nous promettons expressément
d'avoir pour ennemis tous ceux que
S. M. T. C. aura déclarés tels , de n'avoir au
cune intelligence avec eux , ni leur préter aucune
aide ou faveur , directement ni indirectement
; au contraire d'avertir S. M. et ceux qu'il
lui plaira nous donner pour Gouverneurs de
sa part , de toutes les intelligences , menées, intrigues
et entreprises qui pouroient aller contre
son service ; et de remplir loyalement à cet
égard et en toutes autres choses , les devoirs de
bons & fideles Sujets .
Et M. le Premier Président ayant die ensuite,
Ainsi Dieu Nous aide et ses saints Evangiles ,
le Commissaire du Roy , en lui tenant les
mains , a répeté : Ainsi Dieu vous aide .
M. le Procureur Général a pareillement prété
Serment de Fidelité en ces termes :
Nous jurons et protestons devant Dieu , et
1
sur
714 MERCURE DE FRANCE
sur les saints Evangiles , tant en notre qua
lité de Procureur Général , que pour tous les
autres Officiers du Parquet de la Cour , et pour
nos Subsituts ez Jurisdictions qui y ressortissent
, que Nous reconnoissons pour notre seul
et légitime Souverain éventuel Loüis XV . par
la grace de Dieu Roy de France et de Navarre
, et ses Successeurs aux dits Royaumes ; promettons
dès - à- present comme pour lors , qu'arrivant
le décès du Roy de Pologne , Duc de
Lorraine et de Bar , notre seul et légitime Souverain
actuel , Nous garderons et rendrons à S.
M. T. C. la même fidelité , obéissance et service
dont nous sommes tenus envers notredit
Souverain Seigneur actuel. Nous promettons
expressément d'avoir pour ennemis tous ceux
que S. M. T. C. aura déclarés tels , de n'avoir
aucune intelligence avec eux , ni leur préter aucune
aide ou faveur directement ni indirectement
, au contraire d'avertir S. M. et ceux qu'il
lui plaira nous donner pour Gouverneurs de sa
part de toutes les intelligences , menées , intrigues
et entreprises qui pouroient aller contre
son service ,. et de remplir loyalement à cet
égard , et en toutes autres choses , les devoirs
de bons et fideles Sujets.
Ensuite M. le Procureur Général ayant prononcé
ces mots : Ainsi Dieu Nous aide et ses
Saints Evangiles ;
Le Commissaire du Roy , lui ayant pris les
mains , a répeté : Ainsi Dieu Vous aide.
Ce fait , Toustaint de Viray , Avocat Général,
pour le Procureur General , a dit : Nous requerons
pour le Roy , que le Serment prété par M.
le Premier Président , et par M. le Procureur
Général , soit registré sur les Registres de la
Cour
AVRIL. 1737. 715
Cour ; et que Copies collationnées soient envoyées
dans tous les Siéges du Ressort , ensuite
des Lettres de Plein-pouvoir , pour y être pareillement
lûës , publiées et registrées , afin que
ce soit chose notoire à tous et un chacun les
Sujets desdits Duchés de Lorraine et de Bar , et
dépendances . Enjoint aux Substituts d'en certifier
la Cour au mois.
M. le Premier Président ayant pris les voix ,
dit : Faisant droit sur le Requisitoire des Gens
du Roi , La Cour ordonne que lesdits Sermens
seront enregistrés sur les Registres de la Cour ;
et que Copies collationnées seront envoyées
dans tous les Siéges du Ressort, ensuite des Leta
tres de Plein- Pouvoir ; pour y être pareillement
lues , publiées et registrées, afin que ce soit, chose
notoire à tous et un chacun les Sujets desdits
Duchés de Lorraine et de Bar , et dépendances.
Enjoint aux Substituts d'en certifier la Cour au
mois.
Et le Registre ayant été aporté à M. le Commissaire
de S. M. il a signé , CHAUMONT
LA GALAIZIERE.
Et par un Acte feparé , la Compagnie et les
Gens du Roy ont également signé . Ainsi Signés
DE HOF FELIZ E , Premier Président,
Parisot , Président , Mahuet , Conseiller Prélat
, Bouzey , Conseiller Prélat, Hurault, Doyen
des Conseillers de la Cour , de Malvoisin , de
Lombillon , Baudinet , Şarazin , Abram , Henry
de Pont , Viriet de Remicourt , du Puy , Rcboucher
, Roüot , Kiecler , Roguier , Cueillet
de Saffais , Anthoine , Conseiller Clerc , Feriet
de Fisson du Montet , de Lombillon le jeune
Serre , Grandemange , Floriot , Joly de Morey,
de Maimbourg . Baudinet de Courcelles ; de
E Bourcier
>
>
716 MERCURE
DE FRANCE
•
Bourcier de Montureux , Procureur Général ;
Toustain de Viray , Avocat Général , Prugnon
l'aîné , Doyen des Substituts , Drouville , Marcol
l'aîné , de Thomerot , Didier l'aîné , Rheyne,
Marcol le jeune, Didier le jeune, et Vaultrin,
Greffier.
Le signal avoit été donné par un coup de
canon , qui avertit les Troupes de se mettre en
marche pour occuper les postes destinés par
M. le Marquis de Brezé , Brigadier des Armées
du Roy , Colonel du Regiment de Guyenne ,
Grand Maître des Ceremonies , on fit aussi-tôt
une décharge de l'Artillerie , suivie de celle de la
Mousqueterie.
Toutes ces operations ayant été achevées à
onze heures , Mrs de la Galaiziere et Meckec ,
se rendirent dans l'Eglise Paroissiale de S. Sebastien
, où M. l'Evêque de Toul officiant Pontificalement
, entonna le Te Deum , qui fut chanté
par les Musiciens du Roi de Pologne avec
une brillante Symphonie ; on chanta aussi en
Musique , Domine salvum fac Regem & c. Outre
les Cours Souveraines et Subalternes , les Cha➡
pitres et les Communautés regulieres qui y assisterent
, il y eac un grand nombre de Personnes
de la haute Noblesse avec un concours inexprimable
de Peuple , criant , Vive le Roi.
Lorsque M. de la Galaiziere fut sorti de l'Eglise
pour retourner à la Cour , où il est logé ,
il trouva ses ordres executés pour un grand diné
, à plus de 100 couverts , qui fut donné à
tous les Officiers des deux Cours Souveraines ,
et à toute la Noblesse qualifiée comme toute
la Garnison avoit été long temps sous les armes
pendant ces ceremonies , on permit aux Soldats
de retourner chès leurs hôtes,et ils furent avertis
AVRIL. 1737.
717
de se rendre à six heures aux Lieux marqués ,
où ils devoient se mettre en Bataille .
A la nuit fermée , M. de la Galaiziere alluma
un grand feu de joye preparé sur la Place de
Carriere , lequel fut suivi d'un feu d'artifice très
bien executé : 3000. Lampions éclairoient tout e
la façade du Palais , et tous les habitans de
Nancy firent aussi des illuminations et des feux
de joye. M. de la Galaiziere repandit pendant
tout le jour beaucoup d'argent au Peuple , et fir
donner abondamment du vin à tous les Soldats
de la Garnison qui forment trois Bataillons
Le même jour 21. Mars , M. l'Evêque de
Toul rendit un Mandement dont voici la
teneur .
"
SCIPION JEROME , par la grace de Dieu et l'autorité
du Saint Siége Apostolique , Evêque Comte
de Toul , Prince du Saint Empire. Au Clergé
Seculier et Regulier , soi disant exempt et noa
exempt, et aux Fideles de la partie de notre Diocèse
située en Lorraine et Barrois , Salut et Benediction
en Notre Seigneur JESUS - CHRIST.
Un des plus riches présens que le Ciel puisse
faire aux hommes , c'est , nos très- chers Freres ,
de leur donner des Princes , qui plus attachés au
bonheur des Peuples , qu'à l'éclat de leurs' Couronnes
, ne se souviennent qu'ils sont les Maîtres
de leurs Sujets , que pour montrer qu'ils
en sont les Peres , et qui , joignant à la connoissance
de leurs devoirs une exacte fidelité à les
remplir , soient moins jaloux de regner , que de
faire regner avec eux la verité et la justice.
Telle est depuis long temps la felicité de vos
Provinces. Soumis à des Souverains qui étoient
tout ensemble selon le coeur de Dieu et selon
le coeur des homines , depuis combien d'années
E ij goutez
718 MERCURE
DE FRANCE
goutez-vous les douceurs du plus juste et du
plus tranquille gouvernement
? C'est par leur
bonté et par leur prudence que,preservés des fu- reurs de la guerre , et de tous les maux qu'elle entraîne comme necessairement
avec elle , vous
avez vécu jusqu'ici dans le repos et l'abondance
d'une paix si heureuse , que les Peuples de l'Eu- rope ont souvent plus envié votre bonheur
qu'ils n'estimoient
leur propre gloire . Aujourd'hui la divine Providence attentive
à vous continuer les mêmes faveurs , ne forme
au grand Prince qui vous a gouverné jusqu'ici
, d'autres destinées , que pour le remplacer
par un Souverain qui rassemble tout ce qu'il
faut pour être les délices des Peuples , et qui
avant même de vous avoir vûs , fait déja paroître
le plaisir qu'il aurà de vous rendre heureux .
Quelles graces ne devez- vous pas au Seigneur,qui , selon l'expression de l'Ecriture , transfere à son
gré les Royaumes et en établit de nouveaux
de vous avoir reservé un homme de sa droite, en qui il a répandu ces dons excellens de sagesse
et d'intelligence , qui sont le caractere
des grands Rois , et qui étant comme l'ame
du Gouvernement
legitime , deviennent une
source assurée de la felicité publique ?
Dès les premieres années de Sa Majesté , ses
exploits ont fait éclater sa valeur , et l'ont fait
paroître digne du Thrône : les dangers et les
obstacles ont signalé sa fermeté , et désormais
parmi vous il signalera sa sagesse à gouverner
et vous fera éprouver que les vertus douces et
tranquilles trouvent place dans un coeur courageux
.
"
Conservez , nos très- chers Freres , conservez
long- temps ce précieux don , l'effet des plus
signas
AVRIL. -1737. 719
signalées misericordes . Passez des jours heureux
et paisibles sous la protection d'un Roi ,
qui ne vous fait reconnoitre son autorité legi
time , que pour vous en faire sentir les douceurs
; et puisque Dieu veut que nous soyons
remplis de veneration , de fidelité et d'attackement
pour ceux qu'il a élevé au dessus de nous ,
efforcez-vous de mériter par une respectueuse
afection , qu'il vous honore de la sienne . Ces
sentimens ne sont pas étrangers à vos coeurs.
Jamais Peuple a - t- il plus aimé ses Souverains.
et porté plus loin le zele de leur gloire ?
Vous avez déja senti tout le prix de ce bienfait
, et vous y avez répondu par des acclamations
publiques , mais ce n'est pas assés . Ilest
un bonheur qui ne peut être aplaudi et
celebré autant qu'il le mérite , que par la voix
de l'Eglise. C'est le bonheur d'avoir en la Personne
Sacrée de Sa Majesté un Monarque qui
étant l'image de Dieu sur la terre par la participation
de sa puissance , lui ressemble encore
plus, par la participation de ses autres perfections
; un Souverain qui prenant la justice pour
regle de ses déliberations , la fera asseoir avec
lui sur le même Thrône , et présider à tous ses
Conseils ; un Roi Chrétien qui prendra en
main la cause de Dieu , et qui de la loi du
Seigneur en fera sa propre loi , qui protegera
la pieté , l'inspirera par ses exemples , et assitrera
à nos Eglises l'avantage d'offrir leurs voeux
et leurs Sacrifices dans le tranquille exercice du
culte de Dieu.
C'est pour cela , Seigneur , que vous multiplierez
les jours de cet Auguste Monarque , et
que vous le conserverez , autant pour l'honneur
de votre Saint Nom , que pour le bien
E iij de
720 MERCURE DE FRANCE
:
de son Peuple. Avec une ame aussi grande
une Religion aussi pure , un zele aussi ardent ,
que ne fera - t- il pas pour vous ? Qu'il vive
donc , ô mon Dieu , pour votre gloire et vos
interêts ; et puisque vous vous glorifiez dans
l'Ecriture d'être spécialemenr l'auteur du salut
des Rois , montrez que vous l'êtes en effet ,
en répandant sur lui l'abondance de ces benedictions
dont vous récompensâtes autrefois la
Religion de David. Etendez sur lui votre main
animez le de votre esprit : récompensez par
de nouvelles effusions de votre grace ce coeur
docile pour accomplir vos volontés , cette soumission
pour votre l'Eglise , ces entrailles de
Pere pour son Peuple , que vous lui avez déja
données. Associez à ces benedictions l'Auguste
Reine qui se trouve si parfaitement associée à
ses vertus , et qui , rapellant à l'Univers l'idée
de la femme forte supérieure à tous les événemens
, nous enseigne par son exemple à n'estimer
que les biens qui se puisent dans les sources
de la sagesse .
-
A CES CAUSES , Nous ordonnons qu'à l'avenir
en toutes les Eglises soi disant exemptes et
non exemptes de la partie de notre Diocèse située
en Lorraine et Barrois , on priera publiquement
et nommément pour le Roi dans les
diférentes parties du Service divin , où il est
d'usage de prier pour les Souverains en chantant
les Versets Domine falvum fac Regem , et autres
marqués dans le Rituel du Diocèse , l'Oraison
se dira ainsi : Quasumus omnipotens Deus, ut famulus
tuus Stanislaus Rex noster qui tuâ miferatione
suscepit Regni gubernacula , &c.
Dans les recommandations du Prône des Messes
de Paroisse , on dira pour la Personne Sacrée
AVRIL. 1737 . 721
trée du Roi , pour la Reine , et pour la Famille
Royale. Et dans le Canon de la Messe on dira ,
et Rege nostro Stanislao
Et sera notre présent Mandement lû et publié
aux Prônes des Messes Paroissiales et dans toutes
les Communautés Ecclésiastiques Séculiéres
et Régulieres , et affiché par tout où besoin sera .
Donné à Nancy.
COMPLIMENT fait par M. Hanus
Prevôt , Lieutenant Général de Police
de Nancy , le Vendredy 22. Mars
1737 , étant à la tête de la Députation
de l'Hôtel de Ville ; à leurs Excellences
MM. De la Galaiziere et de
Meckec , Commissaires nommés pour
la Prise de Possession du Duché de
Lorraine.
MESSEIGNEURS ,
Les Officiers de l'Hôtel de Ville de Nancy reconnoissans
en vos Personnes les Dépositaires de
P'Autorité Royale , qui commence à régner sur eux,
ont l'honneur de présenter à vos Excellences les
très - respectueux témoignages de leur soumission .
Pendant le siécle dernier elle fut , envers la
France , l'effet des troubles qui régnerent alors ,
la contrainte y eut part ; mais à présent que de
pacifiques accords transferent légitimement , et notre
amour pour nos Maîtres et la foy de nos
Sermens ; c'est , Messeigneurs , par ces mêmes caracteres
de l'amour et de la fidelité , qui nous
E iiij
,
ont
722 MERCURE DE FRANCE
ont toujours singulierement distingués de toutes les
Nations , que nous esperons mériter les graces de
nos Rois , et votre protection .
Aussi nous sentons très - vivement que par notre
union à la Monarchie Françoise , nous allons entrer
en participation de toute sa gloire ; nous sçavons
que , par-là , nous allons lui devenir comp -
tables , en quelque sorte , de toutes ces grandes actions
, par lesquelles Elle s'est acquis cette supériorité
generale , dont elle jouit sur toutes les
Nations de l'Univers ; & que pour nous acquiter
des avantages d'une telle association , il ne faut
rien moins que des coeurs vraiment dévoués à la
gloire de leur Prince , et au bien de la Patrie . Ce
sont là aussi , Messeigneurs , les talens que nous
aportons avec nous , et ce que l'Histoire d'un grand
nombre de siécles garentit.
d'une
Au surplus , nous nous felicitons , très-particulierement
, des augures heureux que nos nouvelles
destinées nous présentent dans le choix qui
a été fait de vos Excellences pour l'administration
de la Justice , Police et Finances des Etats ,
part ; et pour la direction de la Maison Royale
d'une autre. Deux Grands Rois vous ont en cela
honoré
par leur juste discernement ; et la renom—
mée , qui vous a précedés dans cette Province
nous a assuré que , par vos éminentes vertus
vous repondrez toujours parfaitement à leur attente.
Eux , Rois remplis de Religion & de magnanimité
; Vous , Ministres sages et habiles , tout
cela nous annonce dans notre changement
remplacement qui ayant déja fixé notre obéissance
fixera encore les mouvemens les plus affectionnés
de nos coeurs .
›
2
un
Fasse donc le Ciel qu'en répandant ses benedictions
les plus abondantes sur les nouveaux Maitres
A VRIL . 1737. 723
tres qu'il nous a successivement destinés ; qu'en
assistant toujours vos conseils de ceux de sa sagesse
, et qu'en dirigeant toujours nos actions par
les regles de notre devoir , nous puissions , à l'envi
de toutes les Nations , toujours trouver notre
bonheur dans celui de nos Rois . Que vous , Messeigneurs
, proches temoins de notre zele et de
notre fidelité , vous nous jugie dignes de votre
apui , que vous puissiez long- temps et heureusement
nous guider dans la voye de la justice ; et
qu'en perpétuant ainsi la felicité dont nous jouissions
, vous vous acquériez une gloire immortelle.
Ce sont- là , Messeigneurs , les Voeux de la Ca
pitale du Duché de Lorraine , conformes à ceux de
toute la Nation , dont la voix retentit déjajusqu'à
nous .
LE SINGE PHILOSOPHE ,
FABLE.
UN Singe hai des siens fut réduit aux abois ;
Il se retira dans les bois ,
Où couvrant sa misantropie
Du beau nom de Philosophie ,
Solitaire, pensif, de maints discours mocqueurs ,
Drapoit en se loüant les humaines erreurs ,
S'exemptant des défauts de la gent animale ;
Un Renard l'entendant débiter sa morale
Lui dit : Oui , Monsieur le Docteur ,
Le Monde est ur Théatre où le Sage en parole ,
Ev Qui
724 MERCURE DE FRANCE
Qui croit n'être que Spectateur ,
Joüe assés souvent un sot Rôle.
C. X. J. de Loiré.
ARREST BURLESQUE sur une
Lettre Philosophique pour rassurer
l'Univers , & c.
L
E Soleil , par la grace de Dieu , brillant
Pere de la Lumiere, Prince du jour, Seigneur
de la Terre et de l'Onde , Dispensateur souverain
des Nuages , de la Grêle et des Vents , Grand-
Maître de l'Artillerie des Cieux , Gouverneur
general des Saisons et de leurs dépendances , à
tous les Sujets de notre Empire , soit à ceux qui
habitent sous les Lieux de notre résidence , et que
nous favorisons de nos rayons directs , soit à
ceux qui , moins heureux , n'en reçoivent que
d'obliques , SALUT , LUMIERE ET CHALEUR .
Nous nous serions aperçus dans les voyages réguliers
que nous faisons pour le bonheur du Monde
, qu'un de nos Sujets auroit osé dans un Libelle
intitulé , Lettre Philosophique , e chercher
à nous dégrader , et auroit , au grand étonnement
de tous les Philosophes Phisiciens et des
divers Peuples qui nous sont soumis , voulu nous
dépouiller de nos plus beaux droits et des fonctions
, prérogatives et privileges dont nous jouis
sons depuis un temps immémorial , et dont la
pleine possession ne nous avoit jamais été contestée
ni par Platon , Aristote et autres que nous
aurions
AVRIL. 1737. 725
1
aurions créés les Connoisseurs et Spéculateurs de
nos vrais attributs , ni par Descartes , Newton
Leibnits et autres que nous aurions élevés dans
la suite aux mêmes Charges et Dignités. Cepen
dant , malgré des Titres si sûrs et si évidens , ledit
Auteur n'auroit pas laissé de s'en prendre à
nous , et de vouloir que nous ne fussions pas
cause des variations irrégulieres qui regnent dans
les Saisons pour le froid ou le chaud qui s'y fair
sentir ou plus tôt ou plus tard , suivant que nous
l'avons déterminé , sans que la régularité de notre
cours puisse nous priver de ce droit ; qu'il
ne nous fût pas permis non plus d'aller au delà
des Tropiques, quand bon nous semblera , et cela
parce que depuis six mille ans nous n'aurions pas
eû la curiosité d'y aller , n'aimant point , ainsi
que font tant d'autres Souverains , à nous écarter
trop du centre de nos Etats ; s'ingerant encore
ledit Auteur de fixer les bornes de notre
Empire à dix pieds de profondeur sous la surface
de la Terre , et voulant élever là les limites de
notre Puissance et activité , comme si ce n'étoit
pas nous qui allassions porter le feu jusques dans
le centre de la Terre et allumer ces Incendies
souterrains , dont nous nous plaisons à effrayer
nos Peuples Terriens , disant aussi que nous ne
faisons qu'ouvrir en nous aprochant , ou laisser
fermer en nous éloignant des issues ou comme
des especes de soupiraux , d'où s'exhalent des
vapeurs chaudes et fécondes , propres à animer
la Terre et ceux qui l'habitent ; faisant entendre
ainsi sourdement qu'elle contiendroit dans son
centre comme une autre espece de Soleil caché ,
quoique bien inférieur nous , qui seroit la
source de tous les biens qu'elle ne tient que de
nous ; voulant enfin , au grand scandale de tous
vi
nos
726 MERCURE DE FRANCE
1
étant
>
nos bons Sujets, ne nous faire passer auprés d'eux
que pour une Lanterne propre à les éclairer , et
pour une Pendule qui n'est destinée qu'à leur
les heures ; A CES CAUSES , marquer
nécessaire d'y pourvoir et d'arrêter des opinions
si nouvelles et si offensantes pour nous , oui le
raport qui nous auroit été fait de ladite Lettre
ensemble des observations et reflexions qui ont été
faites sur icelle , nous avons ordonné et ordonnons
audit Auteur de se rétracter incessamment
sous peine d'être enfermé dans nos froides prisons
de la Lune , les mêmes où fut détenu si
long- temps Copernic , ce fameux coupable qui
avoit osé prétendre que nous étions comme enchaînés
au centre de nos Etats ; mais voulant favoriser
de plus en plus ceux qui se montrent les
zelés défenseurs de nos droits et de nos privileges
, nous les invitons à se rendre au plutôt dans
les Lieux qui se trouvent situés sur nos routes ordinaires
, afin qu'ils y viennent couronner leurs
têtes de nos rayons perpendiculaires et recevoir
de no is les chaudes influences dont nous souhairons
de les honorer. Donné au Firmament dans
un de nos Palais d'Hyver , l'an 5737. de notre
Regue.
ACROS.
AVRIL. 1737. 727
ACROSTICHE.
riller par des talens , plaire par la figure
tre fidele ami , complaisant sans fadeur ,
Décider sagement , juger avec mesure ,
Obliger noblement , avoir de la douceur ,
nspirer avec art du goût pour la tendresse ,
mt la porter au coeur avec délicatesse ,
Passembler cent vèrtus qui le font admiter .-
st peindre trait pour trait Damis sans le flater.
****
J
Le Chevalier d'H✩ **
ENIGM E.
E suis communément d'une figure ronde ; -
Chacun se pique aujourd'hui dans le monde
De me parer fort richement ,
Bien que l'on me perde aisément.
Je suis commun par tout , et dans chaque Pro
vince
Je sers les Petits et les Grands ;
Chés l'Artisan et chés le Prince
Je ne sçaurois servir si j'ai ma liberté.
Une dure necessité
Veut
728 MERCURE DE FRANCE
Veut qu'on m'attache, et pour surcroît de peine
Une Compagne qui me gêne ,
Augmente ma captivité ,
Plus dans l'Hiver que dans l'Eté .
Vous , qui ne pouvez me connoître
Par ce recit de mon emploi,
Sçachez que
•
bien souvent , pour attaquer mon
Maître ,
D'un air audacieux on met la main sur moi.
LOGOGRYPHE.
Lecteur ,qui te plais à percer.
D'un Logogryphe obscur l'agréable Dédale ,
Celui qu'ici ma Muse étale
Poura quelque temps t'exercer.
Un mot composé de six Lettres
En renferme vingt neuf qu'il faut que tu pénétres
.
Trois d'abord , sans rien combiner ,
A tes yeux s'offrent tout de suite ;
Je ne veux point les désigner
Ce seroit te ravir trop vîte
Le plaisir de les deviner.
Mais démembre , si tu souhaites
Par les autres vingt six déveloper ceux - la ;
Tu rencontreras deux Prophetes ,
Ce
AVRIL. 1737. 729
Ce qu'au camp de Porsenne un Romain se brula.
Du Tenare un Juge sévere ;
Deux Monts fameux de l'ancienne Loy ;
Ce qui dans certains jeux est préférable au Roy.
Un Saint que l'Eglise révere.
Un trésor qu'en ce siécle on trouve rarement,
La graine qui chasse le vent.
Un Auteur connu dans la glose.
D'un Patriarche un Descendant.
Ce qui dénomme chaque chose.
Le plus dur du Corps animal.
La Vache qu'Argus garda mal.
Du Dieu du Thyrse la Nourrice.
Le Pere des quatre Saisons .
Ce que renferme l'Ecrevisse ,
Ou tel autre que l'on choisisse,
Du Belier jusques aux Poissons.
Poursuis : Tu verras une Ville
Dont fait mention l'Evangile.
Plus trois autres Cités ; d'Israël un des Rois.
Ce qu'un négligent fuit , et que prend l'Home
me sage.
De la Musique enfin deux Voix .
Adieu , Lecteur , pour cette fois
Je ne t'en dis pas davantage.
Ala Fere, par M. de Broglia
de Martigues .
AUTRE
730 MERCURE DE FRANCE
L
AUTRE.
Ecteur , je suis dans l'Homme , et dans tour
Animal .
Je suis dans l'un , commè dans l'autre ,
Dans Bourgeois , Païsan , dans Veau , Comme
Cheval .
Telle dans tout Climat , qu'on me voit dans le
notre.
Huit Lettres composent mon Nom ,
Dont 1. et 2. me font un Fleuve de renom :
1. 2. et 4. Une grande Mesure ,
Ou quelqu'autre Vaisseau souvent sans Cou
verture .
1. 2. 7. avec 4. Un Ouvrage sur l'eau
Qui fait passer voyageur sans bâteau :
1. 2. 5. avec 4. Un Abord désirable ,
Ou tend Navigateur ayant vent favorable
1. 2. 5. 4. et 8. Ce qui sera fermé
Dans le Ciel à tout Réprouvé :
I. 2. 3. 7. et 4. Une ronde Figure.
Qui fera reposer l'Homme dans sa lecture -
1. 2. 3. 7. 4. avec huit ,
C'est le faux brillant de l'esprit.
1. 2. 3. 5. et 8. Un gros Fruit agréable ,
Commun, et qu'on presente à Table :
1. 2. 5. 8. Un certain petit trou
Imperceptible , et devine ou :
Iv S. 2 To
AVRIL. 1737. 731
1. 5. 2. 7. et 8. Ce que fait dans l'Eglise
Un Curé le Dimanche , ou Personne commise
1. 3. 8. Un certain Oiseau
Qui chante mal et n'est beau
pas
:
1. 6. 7. Certain Arbre assés haut,dont la Pomme
N'a jamais dans Eden tenté le premier Homme;
I. 3. 7. 4. et 8. De deux la Portion
Dans Réguliere Pension :
1. 3. 4. avec 8. Une Monnoïe antique ,
Petite de valeur , petite de fabrique :
1. 6. 2. 7. Membre de certain Jeu ,
Qui , dans le temps present , n'a presque plus
de lieu :
1. 8. 3. 7. 4. 5. 8. Un Homme
Dont la Profession brilloit jadis à Rome :
1. 3. 8. 5. et 6. Un Canton Champenois ,
Qui , pour Vin excellent , l'emporte sur Ard
M
bois.
Par Duchemin , Musicien à Angers.
AUTRE.
On nom fait très souvent l'Epitheté d'un
Fat ,
Il est d'une syllabe , et retournant sa tête ,
C'est un Arbre sans fleurs , sans fruits , sans
odorat .
Je suis Note , et Métal .. J'en dis
m'arrête .
..
tropje
LOGOGRY
Desnoyers L. P. à Etampes.
732 MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHUS.
A Ures obtundo. Per partes , abdita signo ≤
Passio sum Juvenum , qua Senibus rèmanet z
Si totum invertas , Urbs famosissima dicor ;
Sum Pueris aptum , meque Senes redamant.
Les mots de l'Enigme et des deux derniers
Logogryphes du Mercure de Mars,
sont expliqués par les Vers ci-après . Le
mot du premier Logogryphe est Notaire ,
dans lequel on trouve , Air , et Note .
Dans le second , Pan , Pie , Re , Pape ,
Peau , Pré, Pair , Pere, Pipée , Eve , Rire,
Rape , Priape , Vire , Pipe , Pari et Ave;
et dans le troisième , Piper , Japer , Pair,
Pape, Pire, Pipe , Rape , Pari, Apre, Apre
au gain, Aire, Ipre , Pie , Air , Epi , Ire,
Pré , Ré , Air , et Priape.
VERS explicatifs de l'Enigme et des
deux derniers Logogryphes inserés dans
le Mercure du mois de Mars 1737.
J E n'ai , graces à Dieu , ni femme ni Procès ,
L'ardente soif du gain ne fait point mon yvresse,
J'abandonne au Chimiste et soufflet et richesse ,
Et dans mon repos seul je mets tout mon succès .
Je
A VRIL.
733
1737.
Je m'embarasse peu du boire et du manger ,
Tranquillement la nuit je ferme la Paupiere ,
Et quand le blond Phébus ramene la lumiere ,
Je m'amuse par fois à broüiller du Papier.
Fr. Mar. Nich. de Paris.
DASAALA
NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &c.
PITRE DE M. GRESSET , écrite
E de la Campagne au Pere ***. A
Paris , Quay de Gêvres , chés Prault ,
Pere , 1737. Brochure de 32. pages.
L'ingénieux Poëte commence par faire
un parallele agréable de la Solitude où
il est , au grand monde de Paris , et
poursuit ainsi :
C'est donc vous seul que sans contrainte ,
Et sans interêt et sans feinte ,
J'apelle en ces Bois enchantés ,
Moins reverend qu'aimable Pere ,
Vous dont l'esprit , le caractere ,
Et les airs ne sont point montés
Sur le ton sotement austere
De cent tristes Paternités ,
Qui
734 MER CURE DE FRANCE
Qui , manquant du talent de plaire ,
Et de toute legereté ,
Pour dissimuler la misere
D'un esprit sans amenité ,
D'une sagesse minaudiere ,
Affichent la severité ,
Et ne sortent de leur taniere
Que sous la lugubre banniere
De la grave Formalité , &c .
La Description qu'on va lire feray
sans doute , plaisir.
Imprimez , affichez sans cesse ,
Et s'entrechassant de la presse ,
Mille autres nous inonderont
D'un déluge d'Ecrits stériles
Et d'Opuscules puériles ,
Auxquels , sans doute , ils survivront ;
A cette abondance cruelle ,
Je veux toujours en verité
Et de la Fare et de Chapelle
Préferer la stérilité ;
J'aime bien moins ce Chêne énorme
Dont la tige toujours informe ,
S'épuise en Rameaux superflus ,
Que ce Myrthe tendre et docile ,
Qui croissant sous l'oeil de Venus ,
N'a pas une feuille inutile ,
S'épanouit
AVRIL. 1737.
735
S'épanouit négligemment ,
Et se couronne lentement.
Il est vrai qu'en quittant la Ville ,
J'avois promis que plus tranquille ,
Et dans moi-même enseveli ,
Je sçaurois , Disciple d'Horace ,
Unir les Nymphes du Parnasse
Aux Bergeres de Tivoli ,
J'avois promis , mais tu t'abuses
Si tu comptes sur nos Discours ,
Cher ami , les sermens des Muses
Ressemblent à ceux des Amours.
Sur un Projet que M. Gresset propose
à son Ami , il s'exprime ainsi :
Nous n'y choisirons point pour guide
Cette Raison froide er timide ,
Qui toise impitoyablement
Et la pensée et le langage
Et qui sur les pas de l'usage ,
Rampe Géométriquement .
Nous finirons par ce trait au sujet d'une
illustre Mort.
Dieux ! quelle nouvelle semée
Subitement dans l'Univers ,
Vient glacer mon ame allarmée ,
Et quelle main de feux armée ,
Lance
736 MERCURE DE FRANCE
Lance la foudre sur mes Vérs !
Sur un Chat funebre portée ,
Des Graces en deuil escortée ,
La Renommée en ce moment
M'aprend que la Parque inhumaine
Sur les tristes bords de la Seine
Vient de plonger au Monument ,
Des Mortels le plus adorable ,
L'ami de tout heureux talent
Et de tout ce qui vit d'aimable ,
Le Dieu même du sentiment ,
Et l'Oracle de l'Agrément !
Il paroît chés Prault , Pere , Quay de
Gêvres , une Epitre de M. B * * * à
M. Gresset , d'environ 80. Vers , qu'on
lit avec beaucoup de plaisir , l'Auteur de
l'Epitre dont on vient de lire l'Extrait ,
y est justemen et élégamment loüé.
DISSERTATIO de Ferri usu et abusu
in Medicina , Authore H. Gourraigne,
Doct. Medico Monspeliensi , Regia Societ.
Scientiarum Socio, Brochure in- 8 . de 40.
pp. imprimée à Montpellier chés F. Ro
chard.
Cette Dissertation , dont le sujet est
important dans la Médecine , est l'Ouvrage
d'un habile Homme , qui paroît
posseder
AVRIL. 1737.
737
posseder à fond la Matiere qu'il a entrepris
de traiter. Il l'a fait d'une maniere
claire , méthodique , et qui ne laisse rien
à désirer pour l'instruction .
Tout l'Ouvrage est divisé en cinq Paragraphes
, qui sont subdivisés chacun en
plusieurs Articles.
Le 1. Paragraphe , précedé d'un petit
Préliminaire , traite des Métaux en général.
Le II . de la Nature du Fer, et des
Médicamens qu'on tire du Fer. Le III.
des Vertus , et des diverses Préparations
du Fer , et de la maniere d'y procéder.
Le I V. du bon Usage du Fer , et des Remedes
qu'on tire de ce Métal. Le V. enfin
des Abus qu'on en peut faire.
LETTRE écrite à M. Gibert , Professeur
de Rhétorique au College Mazarin
, Sindic et Ancien Recteur de l'Université
de Paris , où l'on trouve un
Abregé de la Vie de M. GIBERT , Canoniste
, son Cousin . Brochure in 12. de
12. pp. A Paris , de l'Imprimerie de Jacques
Vincent , rue S. Severin à l'Ange.
M. D C C. XXXVII.
Le R. P. Bougerel de l'Oratoire , qui
travaille à l'Histoire des Hommes Illustres
de Provence , et qui vient de nous.
donner
738 MERCURE
DE FRANCE
donner un bon Livre en ce genre ( La
Vie de Gassendi ) n'a pû refuser à M. Gibert
, son Compatriote et son Ami , un
Précis de la Vie de feu M. Gibert , fameux
Canoniste, en attendant d'être placé
dans un rang distingué , et qui lui est
bien dû , parmi les Illustres de cette Province.
Il ne nous est guere possible de
dire ici autre chose de cet Abregé , si ce
n'est que l'Auteur a très-bien réussi à
nous faire connoître d'avance un de ces
Hommes rares , qui ne perdent rien à
être aprofondis , qu'il falloit étudier , et
dont on peut dire , avec le R. P. Bougerel
, que plus il étoit examiné de près ,
plus il étoit estimé ; et plus il étoit connû
, plus on vouloit le connoître. Une
Liste exacte des Ouvrages de M. Gibert,
inserée dans cet Abregé , et encore plus
les Ouvrages mêmes , justifient ces expressions.
HISTOIRE et Description Générale
du Japon , & c. Second Extrait.
Dans une des Isles du Japon , il y a
une Montagne de six lieuës de long ,
qui est toute couverte d'arbres , et où
l'on trouve un Animal fort singulier .
C'est un Quadrupede dont la peau est
veloutée et de couleur d'or ; sa figure
aproche
AVRIL. 17:37. 739
aproche de celle d'un Chien , mais ila
les pieds beaucoup plus courts ; sa chair
est très - délicate , et lorsqu'on le sert sur
la table des Grands , il est de la magnificence
de le servir tout entier avec sa
peau . Quand cet Animal est vieil , il se
jette dans la Mer , et devient Poisson,
Louis Almeyda , qui raporte cette singularité
dans ses Lettres , avoue que la
premiere fois qu'on lui en parla , il se
prit à rire ; mais qu'il fut bientôt convaincu
par ses propres yeux qu'on ne
lui en avoit point imposé . Un jour qu'il
étoit à Ocica , Capitale du Royaume
on aporta au Roy de Gotto un de ces
Animaux , qui n'étoit encore métamorphosé
qu'à demi . Comme le Roy lui en
fit present , il eut tout le moyen de le
considerer à loisir . Une de ses pates étoit
déja presque toute changée en nageoire
et l'on voyoit de pareilles naissances de
changement en plusieurs autres Partios
de son corps.
ir
>
A la page 10. du second Volume on
raporte , en ces termes , quelques Phénomenes
singuliers. Le 20. de Juillet il
tomba du Ciel à Fucimi et à Méaco quantité
de cendres , ce qui dura une demie
journée. Dans le même temps il plut du
sable rouge à Ozaca et à Sacai ; et peu
après
F
740 MERCURE
DE FRANCE
après des cheveux gris , comme d'une
personne âgée , avec cette difference ,
qu'ils étoient beaucoup plus doux que
les naturels , et qu'étant mis au feu , ils
ne rendoient point de mauvaise odeur .
Toutes les Provinces Septentrionales
pa
furent aussi couvertes de ces especes de
cheveux .
Trois semaines après , les Peuples ,
déja intimidés par de si étranges Phéno
menes , le furent bien davantage par un
autre , qui , tout naturel qu'il pouvoit
être , a toûjours passé , dans l'opinion du
Vulgaire , pour un présage sinistre. On
vit sur Meaco une Comete cheveluë
dont l'aspect sembloit avoir quelque cho
se d'affreux ; soit que cela fût veritablement
ainsi , soit que la frayeur le fît pa
roître tel aux yeux du Peuple épouvan
té. La position de ce Méteore étoit de
l'Occident au Septentrion , et l'on observa
que pendant quinze jours , qu'il
resta sur l'Horizon , il fut toûjours envitonné
de vapeurs fort noires. Enfin le
trentiéme d'Août sur les huit heures du
soir , il y eut presque par- tout le Japon
un tremblement de terre , qui causa de
furieux ravages . Il recommença le quatriéme
de Septembre , et redoubla d'une
si étrange maniere, qu'encore qu'il n'eût
duré
AVRIL. 1737.
741
duté qu'une demie heure à differentes reprises
, tous les Palais que l'Empereur
avoit fait construire à Oząca , où le tremblement
fut plus sensible , furent renversés
et ce qui augmenta considérablement
l'horreur de ce désastre , c'est
qu'en plusieurs endroits , on entendit
sous terre des mugissemens , des coups
semblables à ceux du Tonnerre, et comme
le bruit d'une Mer extraordinairement
agitée.
Le lendemain à onze heures de nuit ,
le Ciel étant fort serein , il survint un
troisiéme tremblement , dont les deux
premiers sembloient n'avoir été que les
préludes ; il fut aussi accompagné de
cris , de hurlemens , et d'un bruit semblable
à des décharges de canon . Il s'étendit
fort loin quantité de Villes furent
renversées toutes entieres , et surtout
celle de Fucimi , où il ne resta
presque rien sur pied de ces magnifiques
Edifices , que Tayco-Sama y avoit
fait construire ; pas même cette Montagne
factice ( dont l'Auteur a deja parlé.
En un mot , on prétend que la per
te que ce Prince fit en cette occasion ,
monta environ à 300. millions d'or. Il ne
resta dans son Palais que la cuisine , où
il se sauva presque nud , portant son
Fij Fils
742 MERCURE
DE FRANCE
Fils entre ses bras. Sept cent de ses Concubines
furent écrasées sous les ruines :
le nombre des autres personnes, qui eurent
le même sort dans toute l'étenduë
de l'Empire , est incroyable ; mais on
prétend qu'il n'y périt aucun Chrétien.
Ce qui est certain , c'est-que toutes
les maisons d'un côté d'une ruë étant
tombées à Sacai celle d'un Chrétien
nommé Roch , où l'on avoit coûtume
de s'assembler pour la Priere , et pour
traiter des affaires de Religion , resta
seule sur pied , et ne reçut aucun dommage.
La Description de Jedo , Ville Capitale,
et du Palais de l'Empereur , mérite
d'être lûë dans le Livre même. Tout ce
qui compose ce Palais Impérial est d'une
solidité extraordinaire , bâti de pierres
d'une grosseur énorme , posées les unes
sur les autres sans ciment , ce qui les met
plus en état de resister au tremblement
de terre, I dans le centre une Tour
à plusieurs étages d'une hauteur surpre
nante. Chaque étage à son toît , selon la
coûtume , et tout l'édifice est d'une beauté
et d'une richesse , qui passe tout ce
qu'on en peut
dire . Les autres Bâtimens
ont aussi leurs toîts recourbés avec des
Dragons dorés à tous les angles, ce qui
y a
produit
AVRIL. 1737. 743
produit un très-bel effet. Le Palais n'a
qu'un étage , ce qui ne l'empêche pas
d'être assés haut. Il est très- vaste ; on y
voit de longues galeries , et des Chamibres
spacieuses , que l'ón agrandit ou retrecit
avec des Paravents. Les façades des
Corps de Logis , et l'interieur des Apartemens
sont d'une beauté exquise dans
le goût de l'Architecture Japonoise ; les
Plafonds , les Solives , les Piliers sont de
Cedre , de Camphre , et de ce beau bois
de Jesery , dont les veines forment natu
rellement des fleurs et d'autres figures
très-variées. En quelques endroits on se
contente d'y jetter une simple couche de
vernis clair ; en d'autres tout est vernissé
en plein , et ciselé avec art. C'est aparemment
suivant la nature du bois qui
y est employé. Les bas - reliefs sont des
Oiseaux , des feuillages et des branches
d'arbres fort proprement dorées et bien
travaillées. Le plancher est par- tout couvert
de belles nattes blanches , avec un
bord ou une frange d'or ; mais dans tous
les Apartemens , où l'on a la liberté d'aller
, il n'y a aucun meuble.
On prétend que ce Palais , tel qu'il
est aujourd'hui , a un Apartement souterrain
, dont le Plafond soûtient un
grand Reservoir d'eau , et où l'Empe
Fiij reur
744 MERCURE DE FRANCE
reur se refugie quand il tonne. On assu
re que l'eau rompt tellement le bruit du
Tonnerre qu'on ne l'y entend point du
tout : il paroît au moins qu'on n'a rien
à craindre en ce lieu des effets de la Foudre.
On a aussi ménagé au même endroit
deux Chambres , où sont les Tresors du
Monarque , et où de bonnes portes de
fer , et des toîts de cuivre les mettent à
couvert des voleurs et du feu,
Au Livre 20. du second Volume , page
470. au sujet du Commerce des Chinois
au Japon , et particulierement de
celui des Habitans des Isles Liqueios ,
l'Auteur nous aprend que ces Insulaires
aportent aussi au Japon dé grandes Coquilles
plates et polies, et presque transparentes
, dont les Japonois se servent
au lieu de vitres , pour se défendre du
froid et de la pluye.
A la page 549. en faisant la Description
de laVille er du Port de Nangazaqui
, qu'on lit avec plaisir , l'Auteur
s'exprime en ces termes : » La bonté de
» l'air , l'agrément de la situation , et
>> les vûës sur la Ville , sur le Havre ,
» et sur tout le Pays d'alentour , ren-
» dent ces Endroits délicieux ; aussi le
» concours du Peuple y est- il toujours
très - grand.
מ
» 11
AVRIL: 1737 741
» Il ne l'est guere moins , continue
l'Auteur , dans un certain quartier de
» la Ville , nommé Kasiematz , c'es- à - di-
» re ,
la Demeure des Courtisanes . Il est
» au midi , sur une éminence nommée
» Mariam , et il consiste en deux gran
>> des rues , qui contiennent les plus jo-
» lies maisons de la Ville , toutes habi-
>> tées par des Filles publiques. Il n'y a
» dans tout le Ximo que ce Kasiematz ,
» et un autre moins renommé dans le
Chicugen . C'est-là que le petit Peuple,
qui produit les plus grandes Beau
tés de tout le Japon , sur tout dans le
» Figen , dont est Nangazaqui , peut pla
» cer ses filles, quand il n'a pas moyen
» de les nourrir , et ce commerce est fort
» lucratif par- tout , mais principalement
» à Nangazaqui , à cause du grand nom-
» bre d'Etrangers qui s'y trouvent en
» certains temps , outre que les Habitans
» de Nangazaqui passent pour les plus
» dissolus du Japon , après ceux de Méa-
» co , qui ont le plus fameux Kisiematz
>> de l'Empire.
>> Ceux qui tiennent ces lieux de dé-
>> bauche , achetent les Filles , quand el-
» les sont jeunes , les entretiennent
ab.
>> solument de tout , leur font aprendre
» à danser , à chanter , à jouer des ins
F iiij » trumens
746 MERCURE DE FRANCE
» trumens , à écrire des lettres . En un
mot , ils ne négligent rien pour per
» fectionner en elles les qualités et les
agrémens , que les Personnes de ce
Sexe sçavent si bien mettre en usage
>> pour séduire les cours. Les anciennes
» instruisent les plus jeunes dans ce dangereux
Art ; si cependant la nature
» corrompue n'en est pas le meilleur
» maître ; et pour prix de leurs leçons
» elles en reçoivent tous les services
» dont elles peuvent avoir besoin ; cel-
» les qui réussissent le mieux à accrédi-
» ter la maison où elles demeurent
» sont aussi mieux traitées que les au-
» tres ; mais quoiqu'il y ait des filles à
» tout prix , il est défendu , sous de
grosses peines , de rien exiger au- delà
» d'un certain prix marqué par le Ma .
>> gistrat.
» Plusieurs de ces Créatures, se ma-
» rient , lorsqu'elles sont lasses de mener
» une vie si déreglée , et non seulement
» elles trouvent des Epoux , mais on ne
» les estime pas moins , pour avoir fait
» un métier dont on réjette toute l'infamie
sur l'avarice , ou l'extrême indigence
de leurs parens . D'ailleurs el-
>> les ont reçû une éducation qui les rend
» estimables aux yeux de bien des Gens.
» Quant
AVRIL. 1737. 747
Quant à ceux qui exercent ce scanda
» leux commerce , quelques richesses
» qu'ils ayent acquises , ils ne sont ja-
» mais reçûs dans la compagnie des hon
» nêtes Gens ; on les a même obligés de
» prêter leurs domestiques , ou d'en louer
» pour aider aux exécutions des crimi
>> nels , & c .
» Les Chats du Japon sont d'une
» grande beauté ; leur couleur est blan-
» châtre , avec de grandes taches noires
» et jaunes; ils ont naturellement la queuë
>> fort courte : ils ne font point la guerre
> aux Souris , et on ne les garde que par
» amusement : ils aiment à être caressés
» et portés , et les Dames leur rendent
» volontiers ce service , & c.
Parmi les Papillons il y en a un fort
grand qu'on apelle Papillon de Montatagne.
Il est de diverses couleurs , qui
font un mêlange agréable , particulierement
sur ses aîles fourchuës : il est quelquefois
tout-à fait noir.
Le Comuri est une grosse Mouche de
nuit très belle , veluë , tachetée de differentes
couleurs . "
Les Cantarides du Japon sont communément
de même couleur que les nôtres
, et presque aussi grosses ; mais il y
en a d'une espece particuliere , un peu
Fy plus
748 MERCURE DE FRANCE
plus petites , qu'on apelle Fanmio ; elles
sont longues , déliées , bleues ou dorées,
avec des taches et des lignes d'un rouge
cramoisi , qui les rend très-belles.
Parmi les Mouches de nuit il y en a
une très rare , de la longueur du doigt ,
deliée , ronde , ayant quatre aîles , dont
deux sont transparentes et cachées sous
les deux autres , qui sont fort luisantes ,
et riches d'un mélange charmant de taches
et de lignes bleu et or . Cet Insecte
est d'une beauté si exquise , que les Dames
les mettent parmi leurs bijoux.
Les Côtes de la Mer abondent en
toutes sortes de Plantes marines , de
Poissons , d'Ecrevisses et de Coquillages
, et il n'y en a presque point qu'on
ne puisse manger , dont quelques uns
sont exquis , et servis sur les tables les
plus délicates ; sans parler de toutes sortes
d'Huîtres , Moules et autres Coquillages
, qui se mangent crus, marinés, salés
, bouillis ou frits.
ACTA SANCTORUM , & c. Actes
des Saints du mois d'Août , tirés des
Monumens Grecs , Latins , & c. fidelement
copiés sur les Originaux , et enrichis
de Notes et d'Observations , par le
P.P. Jean- Baptiste du Solier, Jean Pien
Guillaume
AVRIL 1737. 749
Guillaume Cuypers , et Pierre Vander
Bosch , de la Compagnie de Jesus . Tome
second , comprenant huit jours , à commencer
au cinquième. A Anvers , chés
Bernard Albert Plassche. 1735 , Vol. infol.
de 778. pages sans la Table.
TRADUCTION DE L'ORATEUR DE CICERON
, avec des Notes , par M. l'Abbé
Colin , in- 12. Paris , chés de Bure l'aî
né , Quay des Augustins à S. Paul , 1737.
Le petit Traité de l'Orateur de Cicefon
, Orator , a toujours passé pour le
Chef-d'oeuvre de ce grand Homme , le
plus éloquent de l'Antiquité Latine. Il
étoit lui - même si content de cet Ou-.
vrage , qu'il assure y avoir mis tout ce
qu'il avoit de goût , et que c'étoit le
fruit de son experience dans l'art de
parler.
Mais plus cet Ouvrage renfermoit de
perfection , plus il y avoit de difficulté à
le faire passer de la Langue Latine en
une autre Langue. C'est le caractere des
grands Originaux de pouvoir être difficilement
copiés . Ni Duryer , ce hardi
Traducteur de Ciceron , ni aucun autre
de ceux qui sont venus depuis , n'ont
osé entamer cet Ouvrage , quoique de
peu d'étenduë ; et M. l'Abbé Colin n'en
F vj est
750 MERCURE DEFRANCE
est venu lui même à bout , qu'après un
travail de plus de 20. années et après
avoir consulté tout ce qu'il y avoit de
Personnes également éclairées et polies.
L'on peut assurer qu'en aplanissant les
difficultés de cet excellent Traité , il ne
lui a rien ôté des graces que peut conserver
une Traduction , qui est presque
toujours inferieure à son original .
Le Traité de Ciceron est connu des
Sçavans , et la Traduction ne tardera
guere à l'être de tous ceux qui aspirent
à l'Eloquence ; on verra même avec plai
sir l'adresse et le talent qu'employe le
Traducteur pour rendre sensible ce que
Ciceron dit de l'harmonie des paroles ,
qui ne fait pas une des moindres parties
de l'Eloquence , et qu'il étoit extrémement
difficile de bien rendre en notre
Langue. Une Préface , ou plutôt une
Dissertation très -élégante sur les Régles
de l'Eloquence , précede la Traduction .
M. l'Abbé Colin , qui a lû éxactement
les plus habiles Rheteurs de l'Antiquité ,
sçait donner avec beaucoup d'éxactitude
un précis des Regles qu'ils ont prescrites.
La Traduction est accompagnée de
Remarques tantôt Critiques , tantôt
Dogmatiques , et quelquefois même Historiques.
Enfin l'Auteur , pour ne rien
per dres
AVRIL. 1737.
perdre de ce qu'il a produit en matiere
d'Eloquence , redonne trois Discours qui
lui ont fait remporter le prix de l'Académie
Françoise ' dans les années 17052
1714. et 1717.-
Nous terminons cette espece d'Extrait
, par où nous aurions dû le commencer
, en parlant d'une élegante Epitre
dédicatoire que M. l'Abbé Colin fait
de sa Traduction à Monseigneur le Dauphin.
Il donne adroitement de sages insructions
à ce jeune Prince , l'esperance
du Peuple François , et il sçait y employer
cette Eloquence dont il donne
des Regles dans sa Préface , et des modèles
dans ses trois Discours.
COURS DE CHYMIE. Le Public est avertt
que M. Paul Jacques Malouin , Docteur
Régent en la Faculté de Médecine de Paris
,fera un nouveau Cours de Chymie et
d'Expériences Phisiques , dans sa Maison
, rue des Prouvaires , près l'Eglise de
S. Eustache. Ce Cours sera de six semainės
, et commencéra le Lundy 29. Avril
1737. Il sera continué trois Jours de
chaque semaine , sçavoir , Lundy , Mercredy
et Samedy, à quatre heures après
midi. Nous avons parlé plus d'une fois
dans notre Journal , des Ouvrages de
M ..
2 MERCURE DE FRANCE
M. Malouin et de ses talens , toujours
consacrés à l'utilité publique.
INTRODUCTION à l'Histoire universelle,
contenant la fondation , les progrès , les
changemens , et la ruine des Monarchies,
des principaux Royaumes , et des Républiques
, depuis le commencement du
Monde, jusqu'à la décadence de l'Empire
Romain en Occident ; avec une supputation
Chronologique par Daniel Thienpont,
Prêtre , à Bruxelles , 1736. 2. vol. in- 4,
LES MEMOIRES et Avantures de M. de
P *** écrits par lui-même , et mis au
jour par M. E ... A Paris , chés Gregoire
Antoine Dupuis , Grand '- Salle du
Palais , au S. Esprit , 1736. 2. vol. in- 12 .
ODE sur la Guerre déclarée en l'année
1733. er sur la Paix dont elle est
suivie en 1737. A M. le Cardinal de
Fleury. Par F. C. A. Picquet , Logi,
cien du College de Beauvais. A Pa
ris , chés Prault , fils , Quay de Conty
vis - à vis la descente du Pont - Neuf , à
la Charité , 1737.
ESSAIS sur divers Sujets de Litterature
et de Morale , par M. l'Abbé Trublet
»
AVRIL. 1737. 753
blet , seconde Edition revûë et augmentée.
A Paris , chés Briasson , ruë S. Jacà
la Scienee. 1737.
ques ,
Il y a long- temps qu'il n'avoit paru
d'Ouvrage de ce genre aussi generalement
goûté que celui - ci , et on souhaite
que l'Auteur le continue. C'est un fond
inépuisable , sur tout pour un hommé
qui pense autant que lui.
' LE FORTUNE' FLORENTIN , ou les Mémoires
du Comte Della Vallé , par M.
le Marquis d'Argent. A la Haye , chés
J. Gallois , Libraire dans le Vlaming-
Straat.
LE PAYSAN GENTILHOMME , ou Avantures
de M. Ransav , avec son Voyage
aux Isles Jumelles , par M. de Catalde ,
2. vol . in 12. A Paris , chés Pierre
Prault Quay de Gêvres au Paradis
1737.
.
·
LA FELICITE DES CHIENS , Dialogue
par M. B. de S. Brochure de 27. pag,
A Paris , chés le même Libraire. 1737.
OEUVRES de feu M. Mathieu Terrasson
, Ecuyer , ancien Avocat au Parlement
, volume in- 4º A Paris , chés Fean
de
754 MERCURE
DE FRANCE
de Nully , Libraire au Palais , Grands
Salle du côté de la Cour des Aydes , à
l'Ecu de France , et à la Palme , priz
8. liv. relié.
Ce Livre contient dès Ouvrages de
quatre especes diferentes , sçavoir , des
Discours , des Plaidoyers , des Mémoires'
et des Consultations. Pour ce qui est d'abord
des Discours , cette Partie de l'Ou
vrage sera interessante pour le Public ;
1º . En ce qu'elle contient le Discours
que l'Auteur prononça à la Cour des
Aydes pour la présentation des Lettres
de M. le Chancelier : 20. En ce qu'elle
renferme plusieurs Discours sur diférents
Sujets , mais qui sont toujours ramenés
à la Magistrature où à la Profession d'Avocat.
L'Auteur les avoit composés dans '
ses moments de recréation , pour cultiver
le goût qu'il avoit pour l'Eloquen
ce. On croit qu'il s'étoit aussi proposé
de donner un modéle des Discours qui
se prononcent aux rentrées de Parlemeht
et autres Cours ou Jurisdictions
, parce qu'il avoit remarqué que
quoiqu'il y ait des modéles pour presque
tous les diférens genres de Discours
oratoires , il manquoit un modéle pour
ce genre particulier de Harangues , qui "
n'est peut- être pas le plus aisé . Les prin
cipaux
A VRÍL. 1737. 753
cipaux sujets de ces Discours , dont on
a perdu plusieurs , sont la Religion , l'Amour
du bien public , l'Esprit et la Science ,
la Profession d'Avocat et la Gloire.
La seconde Partie de l'Ouvrage contient
plusieurs Plaidoyers , dont les uns
sont Historiques et entremêlés de quelques
questions de Droit public , et dont
les autres contiennent des Avantures
singulieres , qui par leur nature et la
maniere dont elles sont racontées , sont
interessantes pour toutes sortes de personnes.
La troisiéme et la quatriéme Partie
de l'Ouvrage sont un peu plus sérieuses
, mais peut- être plus solides et
plus sçavantes . Elles renferment plusieurs
Mémoires et Consultations sur des questions
importantes du Droit écrit et du
Droit coûtumier. Il y a entre autres quel'
ques- unes de ces questions qui sont parfaitement
aprofondies . A la suite de chacun
des Plaidoyers et Mémoires, on a mis
les Arrêts intervenus , autant qu'il a été
possible de les recouvrer. Le Libraire
dans son Avis au Lecteur , semble insinuer
qu'il ne se bornera pas à ce Vo
lume.
LE MARE'CHAL DE POCHE d'un Cavalier
, qui enseigne comment il faut se
servir
756 MERCURE
DE FRANCE
servir de son Cheval en voyage , et les
Remedes qui conviennent dans les maladies
et accidens qui leur arrivent en
route, par le Capitaine William Burdon ;
traduit de l'Anglois par M. S. M. Officier
Suisse. in- 8. A la Haye , chés C. de
Rogissart.
AVANTURES DE DONA INE'S de las
Cisternas , qui d'Esclave à Alger en dévint
la Souveraine . Histoire veritable ,
in 8. A Virecht , chés E. Neaulme , Libraire.
CATALOGUE des Livres de M. *** dont'
la vente se fera en détail le Lundi 13. May 1737.
depuis deux heures de relevée jusqu'au soir
ruë de Joui , dans le cul - de - sac de Fourcy. A
Paris , rue S. Jacques , chés Gabriel Martin ,
in 12. de 161. pages.
L'accueil favorable que le Public a fait aux
huit volumes de Causes Celebres , dont le sieur
Gayot de Pitaval lui a fait présent , l'a engagé
de continuer son Ouvrage.
Le succès est un puissant attrait pour un Auteur.
Le ge et 10e volumes viennent de paroître.
La premiere Cause du ge volume est une des
plus compliquées qu'on ait encore vû ; c'est une
Histoire touchante de l'opression d'une famille
innocente , accusée d'un crime capital , elle succombe
au Tribunal du premier Juge , et est victorieuse
au Parlement de Dijon ; un tel Juge
ment
AVRIL. 17378 757
ment établit la nécessité des Cours Souveraines
qui jugent les premiers Jugemens. La multiplicité
des Arrêts qui furent rendus dans cette affaire
, donnent occasion à l'Auteur de parler de
ceux qui ont été rendus dans le Procès d'un celebre
voleur dont le nom a passé en proverbe. *
La seconde Cause est d'un très - bon exemple ,
c'est un Mari qui pouvant rompre son Mariage ,
en demande la réhabilitation , quoiqu'il eût demeuré
trois ans avec sa femme. Les Dames liront
cette Cause-là avec plaisir , puisqu'elle fait
un bel Eloge de la tendresse conjugale.
La troisiéme Cause nous représente un Libertin
qui a épousé deux femmes ; c'est un Tableau
qui donnera du relief à la Cause précedente .
On voit ensuite deux Ecclesiastiques déreglés
qui ont été punis . Cela fait la matiere d'une
Cause curieuse , ils présenterent après l'Arrêt
qui les condamna , une Requête au Clergé , pour
l'interesser dans une demande en cassation, qu'ils
avoient formée. La Requête est pleine d'érudi
tion , mais le Clergé crut que son honneur l'obligeoit
à abandonner les deux Ecclesiastiques
coupables
La derniere Cause renferme l'Histoire du Mariage
du Duc de Guise avec la Comtesse de Bossu,
elle est pleine de plusieurs Questions de Droit
singulieres , qui satisferont également ceux qui
possedent la science du Barreau et ceux qui l'ignorent.
Le 10e Tome commence par une Histoire qui
renferme une Avanture de Roman ; c'est une
femme , qui , pour se dérober à la tirannie de son
Mari, se déguise, dit- on , en homme ; elle change
seulement de quartier, et se fait apeller le Che
Cartouche. yalier
758 MERCURE DE FRANCE
valier de Morsant ; elle se dit fils naturel du Duè
de Baviere. On a prétendu qu'au bout de huit
ans , ayant été malade de la maladie dont elle
mourut , elle porta son déguisement jusque dans
le Tombeau ; tel est le Roman . Son Mari ayant
passé à de secondes Noces , a été accusé par så
seconde femme de bigamie ; pour se justifier , il
a accusé plusieurs Particulièrs d'avoir favorisé lé
déguisement de sa premiere femine , il a succom
bé dans cette accusation et a pourtant été absous
de la bigamie.
Si toutes les Causes contenoient des Histoires
aussi singulieres , on quitteroit la lecture des
Romans pour s'attacher à la science du Palais.
Je passerai rapidement au récit des Causes sul
vantes.
C'est une Liberalité imparfaite de l'Evêque
d'Evreux , qui avoit voulu donner sa Bibliothe
que à son Diocèse.
C'est une fille qui veut changer son état de
légitime contre celui de bâtarde , et qui succom
be dans son dessein .
C'est une fameuse demande en cassation de
Mariage.
C'est un Pere désavoüé par sa fille.
Ce sont des Arrêts rendus én faveur des Co
médiens François , contrè des Acteurs Forains
qui entreprenoient sur leurs droits .
Enfin l'Auteur termine le roe Volume par lå
réfutation de l'Apologie du Congrès , il entre en
lice avec un celebre Magistrat qui avoit entrepris
de ressusciter cette épreuve.
Pour bien juger du mérite de la Réponse , il
faut avoir lû la Dissertation en faveur du Con
grès. Ces matieres là sont en possession de reveiller
l'attention de tout le monde.
Rollin
AVRIL: 1737. 759
Rollin , fils , Libraire à Paris , Quay des Augustins
, à S. Athanase , donnera dans peu la
Suite du Recueil des Lettres de Madame la Marquise
de Sevigné, à Mad. la Comtesse de Grignan,
sa fille , 4. vol. in 12. imprimé en 1736. Cette
suite composera les Tomes V. et VI. qui
font le reste de ses Ouvrages. On a fait graver
le Portrait de Mad . de Grignan , en tailledouce
, pour être placé au Frontispice du Tome
V. afin que rien ne manque de ce qui peut rendre
l'Edition plus parfaite,
Le même Libraire donnera dans peu le Catalo
gue des Livres estimés par les Sçavans , provenant
du fond de feu Charles Robustel , qu'il a acquis
depuis peu.
Le même Libraire a reçû des Pays Etrangers
un Livre nouveau , intitulé : Traité Dogmatique
sur les faux Miracles du temps , en Réponse aux
differens Ecrits faits en leurfaveur , Broch. in 4 .
La 34e Partie des Cent Nouvelles Nouvelles de
Mad. de Gomez , paroît chés Maudouyt , Quay
des Augustins , à S. François.
On trouve aussi chés lui une petite Brochure
de 22. pages , qu'il vient d'imprimer, c'est un
Poëme intitulé, Les Adieux du Poëte aux Muses.
Cette Piece est Dramatique , en ce que c'est le
Poëte qui parle , et que ce sont les Muses qui
répondent.
LIVRES que Ganeau , Libraire , ruë
S.Jacques, vis à - vis S.Yves , à S.Louis,
a reçu des Pays Etrangers .
Facetia facetiarum , hoc est, Joco - seriorum fasciculus
, in - 12, 1715. Francofurti.
Histoire
60 MERCURE DE FRANCE
Histoire du 16e. Siècle , par M. Durand , in- 12 .
4. Vol. la Haye 1734.
Les Hommes illustres qui ont paru en France
pendant le 17e. Siécle , par M Perrault . 2. vol,
in-8. la Haye 1736.
Histoire naturelle du Cacao et du Sucre , 20.
Edition avec Figures. Amst. 1720.
Michaëlis Hospitalii Galliarum Cancellarii Car
mina , Editio aucta. Amst. 1732 .
Frederici Hoffmanni Consultationes et Responsa
Medicinalia , Francof, ad Monum . 1735. in-4.
2. vol.
Géographie moderne , naturelle , historique et
politique , dans une Methode nouvelle et aisée ,
par Abraham Dubois. A la Haye , 1736. in-4: 4. vol.
Le grand Dictionnaire Historique et Géogra
phique de M. Bruzen de la Martiniere , in-fol.
10. vol.
On trouve chés le même Libraire les derniers
volumes separés,
On mande de Petersbourg que les Russiens
se policent tous les jours de plus en plus , et
que les Lettres y font quelque progrès . Il paroît
depuis peu un Edit par lequel S. M. Cz.
ordonne à tous les Gentilshomines de ses Etats
de faire apprendre à leurs fils la Géographie ,
l'Histoire , l'Arithmétique , la Géométrie , et les
Fortifications. Elle déclare par le même Edit
qu'aucun jeune Moscovite ne poura obtenir de
Commission d'Officier dans ses Troupes , qu'après
avoir atteint l'âge de vingt ans , et après
avoir subi certain nombre d'éxamens sur ces
differentes parties,
LETTRE
AVRIL. 1737. 76.1
LETTRE de M. Regnauld , Horloger
de Châlons en Champagne , en datte du
20 Mars , sur ses nouvelles Pendules
à quart.
I
Ly a quelques temps que j'eus l'honneur de
vous écrire , M. au sujet de mes nouvelles
Pendules à quart ; je viens de donner la derniere
perfection à ces sortes d'ouvrages , et parti
culierement à une Pendule , qui avoit été cons .
truite pour ne fraper qu'un coup pour la demie ;
elle n'avoit qu'un timbre ; j'y en ai ajouté deux
petits qui servent pour les quarts , et sonnent
selon cet ordre.
2.
Pour le quart , la Pendule sonne un coup sur
chacun des deux petits timbres , c'est-à - dire
en tout. A la demie elle en sonne quatre , aux 3 .
quarts , six , et avant l'heure , quatre ,
le tour
alternativement.
Ces Pendules sont beaucoup simplifiées , en ce
qu'un seul mouvement fait l'effet de deux.
Elles ont un grand avantage sur celles qui ne
frapent qu'un coup pour la demie , puisqu'elles
en vont non seulement plus également , mais
encore se font entendre de façon à n'être pas
exposé à confondre pendant la nuit , les demies
avec les heures ; elles sont de plus moins sujettes
aux réparations , que celles à trois mouvemens
, étant moins composées , et coutent
moins , par la supression d'un tiers d'ouvrage,
J'ai quelques nouveautés sur notre Art , dont
j'aurai l'honneur de vous faire part dans la suite,
Je suis &c.
QUESTION
762 MERCURE DE FRANCE
QUESTION
.
On demande ce que deviendroit un corpuscule
globulaire plus pesant qu'un pareil volume
d'air , s'il se détachoit de la voute interieure
d'un Globe immense rempli d'air.
Mrs les Sçavans sont invités de faire part de
leurs sentimens dans le Mercure du mois prochain.
A M. Nattier , Peintre de l'Académie
Royale , sur un Tableau de sa main ,
qu'on voit depuis peu dans le Salon du
Temple , à Paris , représentant la Justice.
D
E force et de douceur , quel heureux asè
semblage
Fait briller ton Pinceau dans ce nouvel Ouvrage !
Themis en punissant ce monstre aux yeux ha
gards ,
Interesse mon ame , attache mes regards ;
De la Divinité j'y reconnois l'image ;
Elle frape mes sens , elle parle à mon coeur ;
Et pour tribut de mon premier hommage
Je sens qu'en ta faveur
Aujourd'hui son pouvoir vainqueur
A l'amitié dérobe mon suffrage .
Estampes nouvelles.
M. Ch . N. Cochin vient de mettre au jour
une des plus belles Estampes que son burin ait
pro
AVRIL. 1737. 763
produites ; elle est en hauteur , et fait pendant à
celle qu'il a gravée depuis quelques années , dont
le sujet est Jacob et Rachel , d'après M. le Moine.
Celle - ci est d'après M. Restout , Tableau
du Cabinet de la Comtesse de Verrue. On lit
au bas de l'Estampe. Laban s'excuse et dit à Jasob
que la coûtume du Pays étant de marier les
ainées avant les cadettes , il a dû lui donner Lia
avant Rackel , qu'il lui promet au bout de sept
jours , à condition qu'il le servira encore 7. ans.
Genese 29. Cette Estampe se vend , ruë S. Jacchés
le sieur Cochin.
ques ,
Voici quatre grandes nouvelles Estampes en
large sur lesquelles nous ne craignons pas qu'on
nous reproche l'excès de la loüange , en disant
qu'elles sont dessinées et gravées d'un goût exquis
et par une excellente main, pour la Figure, le Paysage,
l'Architecture et les Bâtimens de Mer, dont
Peffet dutout ensemble fait un extrême plaisir,par
la juste et parfaite distribution des lumieres et des
ombres , et par la précision et la finesse du Burin.
Ce sont des vues que M. Rigaud , de Marseille
, a dessinées et gravées à Londres , pendant
le long séjour qu'il y a fait , sçavoir , celle
de l'Hôpital de Greenvvich , du côté de la Tamise
; la même dessinée du côté de l'Observatoire.
La vûë du Parc de S. James , dessinée
de l'Hôtel de Bukingam , et celle du Château
Hampton-Court du côté du Jardin . De l'aveu
des Anglois même , l'intelligent Auteur a beaucoup
embelli , sans alterer la verité , les beaux
Lieux qu'il a représentés. Le debit de ces Estampes
se fait avec beaucoup de succès , chés
PAuteur , ruë S, Jacques , vis- à- vis le Plessis,
SUITS
764 MERCURE DE FRANCE
SUITE de Sujets dessinés d'après l'Antique
par Edme Bouchardon , Sculpteur du Roi , et
gravés à l'eau forte par M. le C. de C termi
nés au burin par J. P. le Bas , Graveur du Roi,
se vend à Paris , ruë de la Harpe , vis- à-vis le
Soleil d'or. 1737
7
Cette suite contient 12. Piéces en hauteur
compris le Titre , dont les Curieux les plus dif
ficiles et les sçavans Dessinateurs du plus grand
goût , font beaucoup de cas.
Nous avons annoncé au mois de Janvier
dernier, page 123. deux nouvelles Estampes , représentant
D. Quichotte qui se bat contre un troupeau
de moutons , et Sancho Berné &c. et nous
avons dit que les Srs Dupuis et Ravenet, ont entrepris
de graver un certain nombre de Sujets
de l'Histoire de Don Quichotte d'aprés divers
Maîtres. En voici quatre morceaux qui vien¬
nent de paroître , et tous de la même grandeur.
On voit dans le premier , Sancho qui reçoit
dans un étable l'ordre de Chevalier ; Don
Quichotte voulant faire la Céremonie de lui
fraper l'épaule de son épée , la tire avec tant
de violence , parce qu'elle étoit rouillée dans le
foureau , que le pauvre Sancho en reçoit un
cruel revers par les machoires , gravé, par S. F
Ravenet d'après M. Tremolieres.
On yoit dans le second , Sancho poursuivi
par les Marmitons du Duc , qui s'efforcent de
lui faire la barbe avec la lavûre de la Vais¬
selle & c. gravé par P. Aveline d'après M.
Boucher.
Le quatriéme morceau représente Dan Quichotte
dans un Bal chés Don Antonio ; il est
AVRIL . 1737. 765
si fatigué par deux Dames qui le font danset
tour à tour , qu'il est contraint de se coucher
par terre. L'amour quelles lui témoignent maficieusement
leur attire son indignation ; gravé
par S. F. Ravenet..
4. Don Quichotte est lavé par les Demois
selles de la Duchesse , qui lui laissent le savon
sur le visage ; gravé par N. Cochin.
Ces Estampes se vendent à Paris , chés le sieur
Dupuis , rue de la Vannerie,
La suite des Portraits des grands Hommes
et des Personnes illustrés , se continue toujours
avec succès , chés Odieuvre , Marchand d'Estampes
, Quay de l'Ecole , vis - à - vis la Samaritaine.
Il vient de mettre en vente , et toujours
de la même grandeur :
PHILIPPE DE FRANCE , V. du nom , Roy des
Espagnes et des Indes , né à Versailles le 19.
Décembre 1683. gravé par C. Simonneau,
PHILIPPE QUINAULT , de l'Académie Françoise
, mort à Paris le 26. Novembre 1688. âgé
de 3. ans , gravé par D. Sornique .
On verra aisément par la quantité de nouvelles
Estampes dont cet Article est rempli , que les
Presses en taille - douce ne sont pas moins occupées
à Paris que celles de la Librairie ; nous pou
vons même ajoûter que les Sciences trouvent
moins de profit à faire dans celles - ci , que les
Arts dans les autres ; parmi les Graveurs au burin
et à l'eau forte et les Marchands , nul ne fait
paroître tant d'Estampes nouvelles en tout genre
, que le sieur Huquier ; il en grave lui-même
avec intelligence et en fait un grand commerce;
en voici trois qu'on trouve chés lui , vis - à - vis
Gij le
766 MERCURE DE FRANCE
Le grand Châtelet , sans compter plusieurs Suites,
dont nous donnerons la Notice dans le Mercure
prochain , le temps et la place nous manquant
ici par l'abondance des matieres. La premiere
est en hauteur , elle a pour titre la Fontaine des
Graces , gravée par le sieur Huquier , d'après l'és
legant Dessein de M. Bouchardon.
La seconde représente la Folie , tenant sa Marotte
, excellemment gravée par le sieur Ave
line. On lit ces deux Vers au bas.
Combien de Curieux empressés à me voir
Pouront en me voyant se passer de Miroir.
Le sieur Huquier conserve précieusement chés
lui le Dessein original de cette Estampe , de la
main de C. Vischer, celebre Graveur Hollandois.
La troisiéme est un très-beau Crucifix , la Magde
Jaine au bas,des Têtes de Cherubins en haut, & c.
peint et gravé à l'eau forte par M. C. Natoire
et terminé par le sieur B, Audran.
le
N'oublions pas une très- jolie petite Estampe
qu'on trouve au même endroit , gravée par
sieur Soubeiran , d'après le même M. Natoire
c'est une aimable Personne tenant un Miroir
un Amour place une fleur sur sa coëffure.On lit
ces Vers au bas :
Cette glace insensible à tes yeux représente ,
Pour un leger instant ta beauté ravissante
Mais Iris , la main des Amours ,
D'une façon bien plus touchante ,
Dans mon coeur enflammé, tegrava pour toujours.
1.5
AVRIL. 767
1737.
On aprend de Rome , que le Pape a ordonné
de placer sous le nouveau Portique de l'Eglise de
S. Jean de Latran, la Statuë de l'Empereur Cons
tantin , à la place de laquelle on mettra dans le
Capitole celle du Gladiateur mourant , que Sa
Sainteté a achetée de la succession de la feue
Princesse de Piombino , moyennant la somme
de 6000. écus Romains .
Voici un Avis au Public qui paroîtra singu
lier à divers égards.
Le sieur Duval , de Richeville en Normandie,
avertit les Sçavans et les Curieux , qu'il se prépare
à démontrer plusieurs Découvertes qu'il a
faites dans la Physique et dans les Mathématiques
, le tout par des Démonstrations sensibles
et non équivoques.
1 °. Il fait voir les effets d'une Machine qui arrête
et qui casse le bras du voleur qui entrepren
droit d'ouvrir une porte, armoire ou coffre fort,
sur quoi elle seroit , apliquée . C'est sa premiere
Invention , laquelle s'est vûë à la Foire S. Germain
derniere. Il en démontrera plusieurs autres
dans la suite d'une maniere aussi certaine et
aussi claire.
2. Une autre Machine dont il a déja été parlé,
et que l'Auteur a proposé au Conseil , est une
Pompe , qui par sa construction singuliere , mais
cependant naturelle et simple , se met en mouvement
d'elle- même , sans aucune force érrangere
des Elemens , des hommes ou des animaux;
de façon que le mouvement , une fois commencé
, ne cessera jamais , si ce n'est par le dépérissement
des Piéces que l'on ne sçauroit éviter
mhais auquel on poura toujours remedier aisé
ment, d'autant que cette Machine n'est pas d'un
grand entretien.
G iij La
768 MERCURE DE FRANCE
La même force peut également s'apliquer à tous
tes les Machines qui ont besoin d'un puissant Moteur,
et par conséquent on en peut faire usage dans
les Moulins , Fabriques , Manufactures , Mines ,
Carrieres , &c. Elle peut être employée sur Ter,
re et sur Mer , sur les Montagnes et dans les
Valons. Du reste cette Machine , comme on l'a
dit , est fort simple et coûtera peu d'entretien.
3. Le même Auteur démontrera qu'un poids
d'une livre peut enlever un poids de dix livres,
et cela dans une balance dont les branches seront
parfaitement égales.
4. Il promet de faire contenir le tout dans sa
Partie , et il en fera la Démonstration sur des
corps solides.
5. Il fera voir que dans un Edifice quelconque
on peut suprimer les tenons et mortaises , trous
plats, chevilles, trous et queues d'aronde , et tout
usage ou emploi de matieres capables de donner
de la liaison et de la consistance aux differentes
Piéces que l'on veut assembler .
6. Il fera faire dans un corps solide quelcon
que , trois trous , un rond , un quarré , un au
tre triangulaire , et il fera passer un seul et mê
me bouchon solide dans ces trois trous , de maniere
que le bouchon remplisse exactement chacun
des trous.
7. Il percera une feuille de fer de deux lignes
d'épaisseur , avec un poinçon de plomb , qui emportera
la piece.
8. Il promet de faire ensorte par la simpathie
ét antipathie des Métaux et par la vertu de quelque
Simple , qu'une clef ne poura point ouvrir
sa serrure .
9. Il fera voir que d'un morceau de Métal
quelconque , il en poura tirer une partie , ensorte
neanmoins
AVRIL. 1737. 769
néanmoins que le morceau pesera plus qu'aupa
ravant , bien que l'Artiste n'y ait ajoûté aucune
chose , et qu'il ne se soit servi ni de feu ni d'eau.
ro. Il fera faire une Serrure par un habile
homme et la lui fera poser sur une porte , sans
clouds ni vis` , ni empatemens , ni trous au corps
de la Serrure , ni autour du corps , cependant
celui qui l'aura posée ne la poura retirer de ladite
porte sans la briser en morceaux .
Le même Auteur a beaucoup médité sur les
plus importantes questions de la Métaphysique, et
il espere un jour faire part au Public de ses Refléxions
sur cette matiere.
Il donnera son adresse incessammentnt , et if
tâchera de satisfaire les Sçavans sur la réalité
de ses Découvertes.
On nous prie d'avertir le Public que l'envie
ayant suscité des ennemis au sieur Arnould , qui
s'éforcent de décréditer son Spécifique contre
l'Apoplexie , et qui ont poussé la malignité jus
ques à faire inserer dans la Gazette d'Amsterdam
du 8. de Mars , un Avis aussi faux qu'injurieux
au sujet de la Dame de Rachon, Pensionnaire
au Convent des Benedictines de Conflans ;
s'est crû obligé, dit -il , pour son honneur et
pour l'utilité piblique de mettre ce fait dans un
degré d'évidence qui ne puisse laisser de doute ni
de scrupule à personne. S'étant transporté audit
Convent de Conflans , il s'est informé exactement
de toutes les circonstances de la mort de
Mad. de Rachon , et loin d'être morte avec le
Spécifique, il se trouve au contraire que pendant'
près de six mois qu'elle en fait a
point eû le moindre accident d'Apoplexie, et que,
Payant quitté, parce qu'elle ne le croyoit plus
G iiij nécessaire
usage ,
elle n'a
770 MERCURE DE FRANCE
、nécessaire , elle n'a été attaquée de ce mai que
plusieurs jours après ; ce détail est non - sculement
attesté et signé par les principales Religieuses
du Convent et par la fille même de Mad
Rachon , mais confirmé et légalisé par M. le
Lieutenant Civil de Paris ; nous avons vû toutes
ces Pieces et les seings de Dame Marie Armande
de Bellefond , Prieure perpetuelle de Conflans
; de Dame Marie- Magdelaine le Comte de
S. Helene , Infirmiere et soeur de la D. Rachon ; /
de Dame Louise de Pradine , Dépositaire ; de
Dlle Elizabeth Rachon , fille majeure , Pensionnaire
audit Convent , du sieur François Girardin,
Confesseur du Convent; et de M. Dargouges,
Lieutenant Civil de Paris .
On nous prie d'ajoûter que le Spécifique da
sieur Arnould continuë de produire d'excelens
effets contre l'Apoplexie , soit pour guérir
ceux qui ont eû le malheur d'en être attaqués ,
soit pour la prévenir dans ceux qui n'en sont
que menacés. Les Experiences et les témoignages
se multiplient tous les jours. Depuis
peu Madame la Comtesse de Sempill , après
avoir langui pendant quatre ans d'une attaque
d'Apoplexie et de Paralisie , se trouve enrierement
rétablie pour avoir fait usage du Spécifique
depuis le 15. de Février de cette année ;
elle permet au sieur Arnould de publier son témoignage,
qui est confirmé par celui de M. l'Abbé
de Sempill er de M. le Baron de Hooke.
Ceux qui demanderoient d'autres éclaircissemens
et la vue des Certificats , peuvent s'adresser
au sieur Arnould , qui demeure toûjours à Paris,
rue des Cinq Diamans , où il continuë de débites
son Specifique.
AVRIL. 17378 771
Vin Salifique.
On nous assuré que la Liqueur ainsi apellée ;
qui est une décoction de Simples , guérit la dou-
Leur des dents , sans retour , quoiqu'elles soient
gatées et cariées ; elle les blanchit en penetrant
et ôtant la crasse , les empêche de se gåter, gué
xit les chancres qui viennent dans la bouche, & c.
L'Experience fera bien mieux connoître les vertus
specifiques de ce Remede , qui se conserve longtemps.
M. le Beau de Villers , qui le distribuë ,
donne en même- temps la maniere de s'en servir.
If demeure ruë Dauphine , à l'Hôtel de Mouy.
Cette Liqueur se vend 24. sols la Boutei le. On
la vend aussi sur le petit Pont , à l'Y Grec , chés
le sieur Gaillard , Marchand d'Estampes .
On le trouve à Dijon , en son Bureau du Contrôle
de la marque de l'Etain . On le donne aux
Pauvres gratis.
Le Public est averti que le veritable Suc de
Reglisse et de Guimauve blanc , si estimé pour
toutes les maladies du Poulmon , inflammations ,
enroüemens , toux , rhumes , asthme , poulmonie
, pituite , continuë à se débiter depuis trente,
ans , de l'aveu et aprobation de M. le Premier
Médecin du Roi , chés Mile Desmoulins , qui est
la seule qui en a le Secret de défunte Mlle Guy.
On peut s'en servir en tout temps , le trans-
Porter par tout et le garder si long- temps que
Pon veut , sans jamais se gâter ni rien perdre de
sa qualité.
Mlle Desmoulins demeure ruë Mazarine, Fauxbourg
S. Germain , chés Mad. le Plaideur , entre
un Sellier et une Fruitiere , vis - à- vis la ruë Guee
Sand. MUSETTE
GY
772 MERCURE DE FRANCE
88888888
MUSEETTTTEE la
A deux voix égales , convenable pour deux
Vielles ou deux Musettes.
TU veux , mon aimable Lisette ,
Que je t'aprenne sur l'herbette ,
"A chanter de l'Amour les plus charmans plaisirs
Pour rendre la leçon parfaite ,
Réponds aux doux accents de ma tendre Musette,
Et mêlons si bien nos désirs ,
Que l'Echo jamais ne repete,
Que l'unisson de nos soupirs..
Les Paroles sont de M. le Commans
deur de V. *** et la Musique de M.
Fremeaux , Organiste de Melun.
SPEC
AVRI
Cendre Mu =
e jamais
e L'Echo
o denos desirs.
ansdenos desirs .
DE FRANCE
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
19-
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDA
AVRIL. 1737. 773
***************
SPECTACLES.
AGAPIT , Martyr , Tragédie représentée
par les Rhéoriciens du College de
LOUIS LE GRAND , le Mercredi 20.
Mars 1737.
ΑA
. SUJET.
Gapit n'étant âgé que de quinze
ans , fit voir une constance héroïque
dans l'affreux Martyre qu'il souffrit
à Palestrine , sous le Gouverneur Antiochus
, par le commandement de l'Em- i
pereur Aurelien , l'an de J. C. 275%
Baron. Ann. T. 2. Martyrolog. Rom .
éré
La Tragédie ne nous ayant pas
communiquée , nous ne parlerons dans
ce court Extrait que de ce qui est parvenu
jusqu'à nous , c'est- à- dire , du Prologue
qui a precedé la Piece et des Intermedes.
Dans le Prologue il s'agit d'une Statuë
de la Déesse Hébé , élevée par les
Idolâtres et renversée par les Chrétiens.
Scene premiere.
Un Idolâtre.
Puissante Hébe , Déesse aimable ,
Tu nous vois prosternés au pied de tes Autels ;
Gvj. Nous
774 MERCURE DE FRANCE
Nous ne fatiguons point les autres Immortels
Daigne jetter sur nous un regard favorable.
Un autre.
'Avare de mes voeux , je n'en offre qu'à toi .
Prodigue de tes dons, répands- les tous sur moi
Le Chaur
Puissante Hébé , &c.
Un Idolâtre.
Par l'éclat de ces Aeurs dont ma main te coưa
fonne ,
Conserve moi toujours la fleur des premiers ans
Un autre.
Par la douce vapeur qu'exhale cet encens ,
Parfume l'air qui m'environne , &c.
Scene 11. Un Chrétien , après avoir
renversé la Statuë.
Triomphe , victoire ;
C'est par nos foibles mains ;
Que sont brisés des Dieux qu'adorent les Ko
mains.
Triomphe , victoire ;
Mais ce n'est pas à nous qu'il faut donner la
gloire
De nos Combats.
Triomphe , victoire ;
Au nom de notre Dieu, de ce Dieu, dont le bras
Sans lancer la foudre ,
Peut
AVRIL. 1737. 779
Peut réduire en poudre
Ces Dieux qui sont, comme s'ils n'étoient pas.
Le Choeur.
Triomphe , victoire , &c.
Premier Intermede de la Tragédie.
Choeur de Jeunes Chrétiens , qui s'excitent
mutuellement à l'amour de Dieu.
Un Chrétien.
Pour chanter des Beautés mortelles
L'Amour épuise tous les Sons ,
Et nourrit dans les coeurs des flammes criminelles
,
Par de criminelles chansons ;
Brulez d'une flamme plus pure ,
D'un saint Amour suivons les loix ;
Chantons l'Auteur de la Nature ;
Consacrons- lui nos coeurs ; consacrons-lui nos
voix.
Le Choeur.
Chantons l'Auteur , &c.
II. Intermede. Choeur de Jeunes Chrétiens
qui s'animent à souffrir le Mar
tyre.
Courons , courons tous au Martyre &
Allons nous offrir aux Tyrans ;
Qu'ils scachent qu'après les tourmens
Un
776 MERCURE DE FRANCE
Un Coeur Chrétien soupire. : .
Courons , &c. ,
Un Chrétien.
Nos tourmens perdent leur rigueur
Ils ont même des charmes
Quand la main du Seigneur
Daigne essuyer nos larmes ;
Quand au milieu des allarmes ,
Sa grace dans un coeur
Fait couler sa douceur.
Epilogue. Trois Chrétiens ensemble.
Que les Trompettes , les Clairons ,
Par l'éclat de leurs sons
Imitent le bruit du Tonnerrë
Et faisant retentir les noms
De ces fiers Combattans , de ces Fondres de
guerre ,
Qui désolent la terre -
D'autres combats , d'autres exploits
Animent nos sons et nos voix , &c. ·
EXTRAIT de la Parodie de l'Ope
ra de Persée, intitulée le Mariage en l'Air,
representée sur le Théatre de l'Opera Comique
le 13. Mars dernier , et reçûë favorablement
du Public. Elle est de la
Composition de M. Carolet , qui s'est servi
des mêmes Noms que les Acteurs de
la
AVRIL 1737. 777
la Tragédie. L'exposition en est la même;
Cassiope et Cephée ouvrent la Scene : la
Reine chante le premier Couplet sur'
PAir : Nage toujours , et ne t'y fie pas.
A Junon offrons nos voeux ,
Nous fléchirons sa colere.
Cephée.
Oüi-da , m'Amour , je le veux ,
Mais nous ferons de l'eau claire.
Et va , va , va , tourlourette , va , &c.
Cephée , pour témoigner la crainte
fu'il a des effets de la Tête de Méduse
it sur l'Air , Quand le péril est agréable.
Moins encor qu'un Roy de Théatre ,
A qui donnerai-je la loy ?
Je ne serai bientôt plus Roy
Que d'un Peuple de Plâtre.
Cassiope , pour calmer le Roy , chante
r l'Ait : Dansons le nouveau Cotillon .
Avec un nouveau Cotillon
Nous aurons bientôt apaisé Junon;
Pour cette fête
Tout s'aprêté ;-
Les habits sont neufs ;
Les airs sont vieux j
Qu'est - il de mieux 2✨
Avec un nouveau , &c .
Merope
778 MERCURE DE FRANCE
Merope , pour critiquer la situation
de l'Actrice , qui , pendant cette Scene ,
ne dit mot dans l'Opera , interrompt
Cephée et Cassiopé , et dit sur l'Air ,
faut que je file.
Ma foy je m'impatiente ,
Mon Rôle n'est pas trop beau ,
Et j'en' suis très - mécontente ;
Me taire , est pour moi nouveau ;
H faut que je chante , chante.
Eh bien,
Cephée lui répond :
chantons un Trio.
H
Cassiope, dans la seconde Scene, aprend
à Merope qu'Andromede , qui avoit été
promise à Phinée , va épouser Persée , et
que ce Héros est de son goût ; et s'apercevant
par les discours de Merope, qu'elle'a
de l'amour pour Persée , elle l'engage
à cacher sa flamme. Merope lui ré
pond sur l'Air , Baisez- moi , ce me disoit
Blaise.
Vous en parlez bien à votre aise."
Cassiope.
Ma Soeur ( bis ) il faut , ne vous déplaise
Eteindre cet amour fatal
Qu'en cela le dépit vous aide.
Merops
SAVER I L. 1737.
Merope , brusquement.
Bon , ma Soeur ; j'aimerois mon mal
Beaucoup mieux que votre remede.
Cassiope la quitte ,en lui disant :
Laissez faire , lere lan lere ,
pera.
Laissez faire au temps.
Phinée arrive avec Andromede ; ils
font une Scene en présence de Merope ,
qui a le même interêt que celle de l'OLeur
Scene finie , Andromede dit
respectueusement : Pardon , ma Tante ,
și on ne vous laissejamais le temps de parler;
mais nos affaires sont sérieuses , comme
vous voyez. A quoi Merope répond
vivement : Encore un Trie , mes Enfans
c. Voici le Trio qu'ils chantent ensemble.
Air : J'ai du bon Tabac , &c.
L'amour pour nos coeurs auroit bien des
charmes
S'il offroit toujours les mêmes apás :
H promet ce qu'il ne tient pas ;
Il se rit de notre embarras.
L'amour pour , & c.
La Fête de Junon , annoncée par
Cas
siope , commence par l'Air : Ma Commere
, quandje danse , & c. Et Cassiope
chante.
*
Junon
78% MERCURE DE FRANCE
O Junon , grande Déesse ,
Qu'on ne peut trop réverer ,
Cette fringante Jeunesse
Vient ici vous célébrer
Plus de courroux ,
Nous allons tous
1
Chanter ici , caprioler , faire les foux.' :
LE CHUR repete le même Couplet
sur le même Air.
La Fête est interrompue par trois
Ethyopiens , qui annoncent comiquement
l'arrivée de Méduses on prend la
fuite ; le Théatre change , et represente
les Jardins de Cephée .
Cassiope , Merope et Phinée témoi
gnent leur frayeur sur l'Air: Laissez moi
m'enyorer en paix.
Junon , laissez- nous en paix
Ta haine , ta haine
Nous suit de trop près.
Cephée survient en disant : Bonne
nouvelle , ma Femme , et la flate de la
protection de Jupiter , par le secours que'
promet Persée. Phinée lui remontre
qu'Andromede lui est promise, et qu'on
veut la lui ôter , sur le refus que lui fait
Cephée en lui disant ;
An
AVRIL 1737. 781
Au Fils de Jupiter on peut céder ſans honte.
Phinée lui chante en raillant ce Cou
plet. Air. Suis -je, dans l'âge de raison.
Eh ! vous croyez donc bonnement
Que Jupiter subtilement ,
Pour voir une jeune Vestale ,
En or dans une Tour coula ?
Peut-on donner comme cela ,
Dans la Pierre Philosophale?
Cephée lui répond gravement sur
l'Air : Le Cabaret est mon réduit.
Sur ce Héros aparamment ,
Vous croyez que l'on vous abuse ;
Eh bien , pensez autrement ;
Il veut décoler Méduse .
Merope et Cassiope étonnées.
Il veut décoler. . . .
Phinée haussant les épaules.
Il veut décoler !
Cephée avec assurance acheve.
A veut décoler Méduse.
Andromede arrive en rêvant , et envie
le sort de ceux que Méduse a changés
en pierres, et se croyant seule , fait
Féloge de Persée. Merope , qui a tout
entendu
78 MERCURE DE FRANCE
entendu , lui dit , en la surprenant , Air:
Ab ! vous avez bon air.
Ah ! ah ! vous aimez Persée ;
Je connois votre pensée :
Ah ! ah! vous aimez Perséc.
Andromede.
C'est vous qui l'aimez
Merope
Ah ! c'est vous qui l'aimez.´
Andromede.
Ah ! c'est vous qui l'aimez.
Merope.
Ah ! vous aimez Persée .
Toutes Deux.
C'est vous qui l'aimez.
Merope , qui aime aussi Persée , com
patit à l'amour d'Andromede , et s'étant
accordées ensemble , elles finissent' la
Scene par ce Couplet , qu'Andromede
commence sur l'Air : C'est ce qu'on n'a
point vu de la vie , & c.
Oui , quand il devroit être à vous ,
Mon coeur n'en sera point jaloux ';
Je vous le sacrifié.
Merope répond.
Deux,Femmes sur ce point vivre en paix !
Cest
AVRIL 1737. 783
C'est ce qu'on n'a point vû de la vic ,
Et ce qu'on ne verrajamais.
Persée arrive tout joyeux . Merope sa
retire. Andromede le reçoit froidement,
La Scene se passe comme à l'Opera , et
finit par le Duo : sur l'Air : Ah! Man
dame Anroux.
Ah ! je crains pour vous,
Dieux , écoutez- nous ;
Sauvez ce que j'aime,
Ah ! je crains pour vous,
Sauvez ce que j'aime ;
Dieux , écoutez-nous.
Andromede.
Ton peril est le mien. (bis. )
Cher Amant , pour moi-même
Je ne demande rien.
Ensemble.
Ah! je crains , & c.
Andromede sort , Persée veut la suivre
; mais Mercure , qui survient , l'arrête
, lui aprend la volonté des Dieux,
et l'assure de la protection de Jupiter.
Il chante le Couplet suivant.
On veut choyer vos jours
Dans une affaire
784 MERCURE DE FRANCE
ANCE
Od le plus fort secours
Est nécessaire' ;
D'une Femme endormie
Il vous faut couper le cou ;
Une telle Ennemie
yous illustrera beaucoup,
Ta la la , &c.
Ensuite on aporte à Persée l'Epée , le
Casque , et le Bouclier dans le même or
dre qu'à l'Opera , et Persée s'arme comiquement.
Mercure ordonne une Fête en
l'honneur du nouveau Chevalier , après
laquelle il enleve Persée avec lui , pendant
que les Choeurs chantent :
{ Allez , allez ,
Allez droit à la gloire. Allez , &c.
Le Théatre change, et represente l'An
tre des Gorgones . Méduse chante sur
Air des Pelerins de S. Jacques.
En voyant ma tête je tremble ,
Helas ! grands Dieux !
Les Couleuvres qu'elle rassemble
Blessent les yeux ;
Est- ce-là ce chignon frisé
Qu'aimoit Neptune ?
Pallas , ce châtiment rusé
Prouve bien ta rancune,
Une
AVRIL: 1737 785
Une douce Symphonie, qui annonce
Mercure , surprend les Gorgones ; Méduse
lui offre son secours , et se plaint
des rigueurs de Pallas ;Mercure fui conseille
de faire un somme , &c. Mercure
apelle Persée , qui , sans doute , n'étoit
pas loin ; il arrive , et Mercure se retire .
Persée chante sur l'Air Je suis un Présepteur
d'amour.
..
:
Voici donc le moment fatal
Où je dois tirer cette lame ;
Juste Ciel , que l'on a de mal
Après la tête d'une Femme !
Persée surprend Méduse endormie, lul
coupe la tête , et revenant tout joyeux la
fait voir aux Spectateurs. Il chante :
Elle est morte la Vache à Panier.
Elle est morte , &c .
Mercure survient , et dit à Persée , au
sujet du Cheval Pégase , qu'il aperçoit
en l'air, sur l'air; Je ne suis pas si Diable.
Tu vois ici Pégase ,
Le Cheval des Auteurs ;
Ah ! que dans leur extase
Il aura de douleurs :
Bientôt mille Profanes
Monteront l'Animal ,
Ah !
786 MERCURE DE FRANCE
Ah! que l'on verra d'Asnes
Sur ce Cheval .
Le Théatre change ; an voit la Mer
dans l'éloignement. Cassiope survient ;
elle aprend du Roy le cruel destin de sa
Fille ; Merope en est touchée , mais Phinée
paroît fort indifferent à cette nous
velle , et chante :
Oui , Madame , j'aime mieux
Voir cette Fille parjure ,
De ce Monstre furieux , Tur lure ,
Etre à l'instant la pâture ;
Robin , tur , & c.
On amene Andromede , on l'attache
au Rocher: elle chante sur l'Air : Le Seis
gneur Turc a raison.
Junon qui voulez ma mort
Pour une vetille ,
En voyant finir mon sort ,
Pardonnez à ma famille ;
Mon coeur seroit satisfait ,
Si je n'avois le regret
Helas de mourir fille !
Les adieux se font comiquement. Andromede
s'étonne de ne point voir Persée
, et Cassiope dit tendrement sur
l'Air: Que Dieu benisse la besogne.
AVRIL.
1737. 787
On va dévorer votre Enfant ,
Que cet apareil est touchant !
Cephée tristement.
Pour apaiser votre colere ,
Dieux ! que ne prenez-vous sa mere.
Enfin Persée paroît en l'air à cheval
sur un Cerf-volant , et dit quil est arrivé
à point nommé , mais qu'avant de
délivrer Andromede , il veut faire ses
conventions ; on lui promet tout , et
chante sur l'Air : qui veut se mettre en
ménage.
Quand on se met en ménage ,
On n'y peut voir de trop près ,
Sçachons comme je m'engage ,
Et convenons de nos faits.
Cephée impatient.
Venez donc en diligence.
Persée .
Doucement , je veux voir clair ;
On risque plus qu'on ne pense
Dans un mariage en l'air.
Andromede effrayée , dit sur l'Air : Tur-
Lurette.
Le monstre avance à grands pas :
H Persée
788 MERCURE DE FRANCE
Persée.
Je l'aurai bien- tôt mis bas.
Il combat le monstre très- courageuse
ment , et après l'avoir vaincu , il dit en
descendant ,
Voilà votre affaire faite
Turlurette ,
Le Choeur.
Turlurette ,
Latanturlurette.
Quoique l'Auteur ait très-exactemena
parodié l'Opera jusqu'à la fin , il a cependant
jugé à propos de finir la Pa
rodie au combat du Monstre , parce que
l'Action finit en cet endroits aussi Per
sée dit- il au Roi : Oh ça , bean - pere ,
puisque vous ratifiez ici les promesses que
vous m'avezfaites , lorsque j'étois en l'air
voici ce qu'il fautfaire : il chante sur l'Air
Buvons à nous quatre.
Suprimons la suite ;
On sçait tout cela :
Ici finit l'Opera,
Car chacun le quite
En cet endroit-là.
Le 13. Avril , on fit la clôture de ce
·
Théatre
AVRI L. 1737.
789
3
Théatre par la Parodie dont on vient
de donner l'Extrait , de la petite Piéce.
de l'Assemblée des Acteurs , où est la Scén:
du Charbonnier , qui a fait tant de plaisir
, du Magasin des Modernes , et de
l'Industrie , Piéce nouvelle d'un Acte
suivie d'un Ballet qui a pour titre la
Découpure , ou la Contre -danse qui porte
ce nom, laquelle a été très- goûtée, et parfaitement
bien éxecutée par les meilleurs
Sujets de la Troupe. Un Danseur étran
ger a dansé diférentes Entrées avec beaucoup
d'aplaudissement. Tous ces Divertissemens
ont été terminés par le Compliment
qu'on fait ordinairement à la
clôture du Theatre , les principaux Acteurs
ayant chanté chacun diférens Vaudevilles
adressés au Public , qui les a
aplaudis.
Le Lundy , premier jour du mois d'Avril
, l'Académie Royale de Musique req
mit au Theatre pour la quatrième fois ,
la Tragédie de Jephté , qu'elle continua
le Samedy d'après, pour la Capitation des
Acteurs. Le Concours extraordinaire qui
s'est trouvé à ces deux Représentations ,
a determiné à en donner quelques Représentations
encore après Pâques , pour
la satisfaction de ceux qui n'ont pas pû
Hij
assister
790 MERCURE DE FRANCE
assister aux precédentes. Cette Piéce ;
- unique dans son espece pour le Théatre
Lyrique , a été très aplaudie : les Auteurs
, qui sont Mrs l'Abbé Pellegrin et
Monteclair , y ont fait quelques changemens
dans le cinquiéme Acte dont
nous nous croyons indispensablement
obligés d'instruire le Public .
,
Pour mieux mettre le Lecteur au fait
de ces changemens , nous remontons au
premier arrangement des Scénes de ce
dernier Acte , tel qu'il étoit la premiere
fois qu'on a mis cet Ouvrage au Théatre .
Almasie , Mere d'Iphise , ouvroit la
Scéne , l'Autel qu'elle voyoit dressé pour
le Sacrifice de sa Fille , faisoit le sujet de
son monologue , qui étoit presque tout
tiré de l'Ecriture Sainte : si l'on en croit
les Connoisseurs et les gens désintéressés
, cette Scéne étoit des plus pathétiques
; mais quelques Critiques mal intentionnés
l'ayant interrompuë , pour
faire sentir qu'elle étoit trop longue
on fut obligé de la suprimer toute entiere
, pour ôter tout prétexte à la cabale
.
Dans la Scéne suivante , Jephté ne
pouvant résister aux plaintes et aux larmes
d'une Mere si affligée , étoit obligé
de lui ordonner de sortir ; cette seconde
Scéne
$
AVRIL. 3737 791
Scéne , qui devoit nécessairement suposer
la premiere , fut aussi retranchée .
La Tragédie fut représentée avec ce
retranchement , dins les deux diférentes
reprises qu'on en fit consécutivement
dans les deux Carêmes suivans . Le même
arrangement de Scénes subsisteroit
encore , si des Critiques judicieux n'avoient
fait sentir à l'Auteur du Poëme ,
qu'il régnoit un peu de confusion dans
les Scénes , où Ammon , suivi de la Tribu
d'Ephraim , vient forcer le Temple pour
arracher Iphise à l'Autel qu'on a fait dresser
pour elle ; Jephté sortoit pour aller
combattre les Rebelles ; pendant ce tempslà
Ammon entroit suivi de ses complices
; Iphise se refusoit à son secours
sacrilege ; elle se jettoit dans le Sanċtuaire
; Ammon se reprochant son trop
timide respect, brisoit les portes du Sanctuaire
; Jephté rentroit dans la partie extérieure
du Temple , et voyant le Sanctuaire
forcé , se déterminoit à périr en
vengeant le Seigneur le Grand Prêtre
l'arrêtoit &c . Toutes ces allées et venues ,
ces sorties et rentrées répandoient de
l'obscurité ; c'est là ce qui a déterminé
les Auteurs à réformer ces défauts que
le Public vouloit bien leur passer , en faveur
des beautés répandues dans tout le
corps de l'Ouvrage. Hiij Voici
792 MERCURE DE FRANCE
Voici le cinquiéme Acte tel qu'il
vient d'être donné , et qu'il doit subsister.
Jephté ouvre la Scéne par la comparaison
de sa situation avec celle d'Abraham
.
Iphise vient se livrer à l'Autel , malgré
les soins du Peuple qui veut la
sauver.
On entend un bruit de Guerre qui
annonce l'entreprise d'Ammon et de ses
Complices ; Jephté ordonne à sa Fille
d'entrer dans le Temple ; voici comme
il parle , après avoir éloigné Iphise.
Quoi ! jusqu'aux saints Autels , Ammon porte
l'outrage !
Grand Dica , pouras-tu le souffiir ?
Les Prêtres.
Seigneur , daigne nous secourir & c.
Choeur derriere le Theatre.
Que rien n'arrête notre rage ;
Qu'on nous ouvre un passage.
Jephté.
Je verrois du Seigneur le saint Temple forcé !
A l'honneur de son choix il faut que je réponde .
Le reste subsiste tel qu'il étoit jusqu'au
moment que les Prêtres amenent
la
AVRIL. 1737. 793
la victime ; elle reste au fond du Theatre
, tandis que les Prêtres chantent :
Favorable et terrible jour & c.
Après ce Choeur , Almasie entre ; elle
s'exprime ainsi :
Enfin , Temple sacré , je puis te voir encore ;
De prophanes Mortels ne t'environnent plus ;
L'Ange Exterminateur les a tous confondus.
Dieu d'Israel , Dieu que j'implore ,
Acheve ; éxauce- nous ; mais qu'est - ce que je
voi ?
Ma Fille, ah ! Cet Autel est - il dressé pour toi ?
Jephté.
O Mere infortunée ! O déplorable Pere !
Choeur.
O Mere infortunée & c .
Almasie.
Qu'entends-je? Quels regrets ? Qu'ils allarment
mon coeur !
Tout parle ici de mon malheur .
Grand Dieu , n'as - tu point mis de terme à ta
colere ?
Ton redoutable bras sous ton brûlant Tonnere ,
A fait tomber tes ennemis ;
Mais pourquoi livres- tu la Guerre
A des coeurs qui te sont soumis ?
Hiiij
Le
1
794 MERCURE DE FR ANCE
Le Grand- Prêtre
·
Quel reproche ! Est ce ainsi qu'on calme la
vengeance
D'un Dieu justement irrité
Par une prompte obéïssance
Méritons que son coeur reprenne sa bonté.
Que la victime aproche ; il est temps qu'on ré
pande
Le sang que le Seigneur demande.
Les Prêtres chantent une seconde fois :
Favorable et terrible jour &c.
Ce dernier plan a paru plus simple et
par conséquent plus beau aux vrais Connoisseurs
; ils ont aprouvé que Dieu n'ai
pas permis à Ammon et à sa suite d'entrer
dans son Temple. D'ailleurs Almasie
qui n'étoit auparavant que simple
Spectatrice d'une action dans laquelle
son coeur prenoit tant d'interêt , agit ici
comme doit faire une Mere dont on va
immoler la Fille .
Le 30. Avril , L'Académie Royale de Musique
a fait l'ouverture de son Théatre par la Tragédie
de Jephté , qu'on doit continuer ju'qu'à la
premiere Représentation d'un Ballet nouveau ,
intitulé Le Triomphe de l'Harmonie, dont le Poëme
est de M. le Franc , et la Musique de M.
Grenet.
LC
AVRIL. 1737. 795
Le Samedy 6. de ce mois, les Comédiens François
donnerent pour la clôture du Théatre , la
Comédie nouvelle de l'Ecole des Amis , et pour
petite Piece , les Folies Amoureuses , avec un fort
grand concours. Le sieur du Bois , nouvellement
reçû au Théatre François , dont nous avons déja
parlé plusieurs fois , complimenta le Public , et
son Discours fut fort aplaudi.
Le z . les Comédiens Italiens donnerent une
petite Piece nouvelle , en Prose mêlée de Vers
et en un Acre , intitulée l'Amour Censeur des
Théatres , de la composition de M. Romagnesy,
laquelle a été reçûë très- favorablement du Public
C'est une Critique très- sensée des Comédies
nouvelles qui ont été jouées sur les Théatres
François et Italien sur la fin de l'année derniere
et au commencement de celle - ci . On poura par⇒
ler plus au long de cet Ouvrage , dont l'idée a
parû ingénieuse. Cette Piece est suivie d'un trèsjoli
Divertissement Pantomime , composé par le
sieur des Hayes , qui a été très aplaudi.
Le 6. les mêmes Comédiens donnerent pour
la clôture du Théatre , la Comédie des Amans
Réunis , dans laquelle le nouvel Acteur s'attira
de nouveaux aplaudissemens dans le Rôle d'Ar-
Jequia . Le sieur Sticotti fit le Compliment qu'on
fait ordinairement à la clôture, lequel fut aplaudi
du Public.
Le 29. les mêmes Comédiens firent Pouverture
de leur Théatre par la Tragi- Comédie de
Samson , qui fut suivie de la petite Piece d'Arle
quin voleur. Le même Acteur qui avoit fait le
Compliment à la clôture du Théatre a fait aussi
celui de l'ouverture et a été aplaudi du Public.
Le premier Avril ils représenterent à la Cour
HV
les
76 MERCURE DE FRANCE
les Amans Réunis et la Sylphide. Le nouvel Ac
reur joua dans la premiere Piece le Rôle d'Arle
quin , avec les mêmes suffrages dont le Pu
blic l'a honoré sur le Théatre de l'Hôtel de
Bourgogne.
+
Le 2. Avril , les Comédiens François joüerent
sur le même Théatre à Versailles , la Tragédie
du Comte d'Essex , et pour petite Piece , Attendez
- moi sous l'Orme.
Le
4.
29.
Le l'Ecole des Amis , et le Double Veuvage.
ils firent l'ouverture de leur Théatre par
la Tragédie de Zaire , de M. de Voltaire , et de
la petite Piece de Crispin Rival.
On donnera dans le Mercure prochain l'Analyse
de l'Ecole des Amis , avec quelques Observations.
Cette Piece paroît imprimée chés le
Breton , Quay des Augustins.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
Elon les Lettres de Constantinople , les avis
Sregus dePerseau commencementdu mois der
nier détruisent absolument les bruits qui ont cou
u qu'un Prince de la Maison des anciens Sophis
avoit excité les Usbecs à se révolter contre Thamas
Kouli- Kan , et qu'à la tête d'une armée
considerable il avoit remporté sur lui plusieurs
victoires.
Les Usbecs sont toujours soumis à Thamas
Kouli- Kan , ce le parti qui refuse de le reconnoftr
AVRIL. 1737. 797
noître pour Roi, est le même qui s'est déclaré
contre lui dans le temps de son élection . Le
Chef de ce parti , trop foible pour exciter une
nouvelle révolution , est Miry Ilam , frere uterin
de Miry Mahmoud , premier Usurpateur du
Trône de Perse . Bien loin d'avoir remporté aucun
avantage sur Thamas Kouli- Kan , il n'est
pas en état de tenir la Campagne , et il s'est retiré
dans les Montagnes de la Province de Candahar
, dans lesquelles il est difficile d'aller l'ate
taquer.
Thamas Koul Kan n'ayant pas jugé nécessaire
de marcher en personne contre Miry Islam ,
il s'est contenté de donner à un de ses plus habiles
Generaux le commandement du Corps de
Troupes qu'il a envoyé contre lui.
On soupçonne le Grand Mogol de fournir
des secours aux Rebelles , dans l'esperance de
profiter de leur révolte pour reprendre la Province
de Candahar , qui a été l'occasion de plu
sieurs guerres entre les Mogols et les Persans.
Les Lettres de Constantinople ajoutent que la
Réponse du Comte de Konigseg à la seconde
Lettre du Grand Visir , ne laissant plus lieu de
douter que l'Empereur ne soit déterminé à déclarer
la guerre au Grand Seigneur , si Sa Hautesse
ne consent point de ceder Asoph à la Czarine
; et la Porte ne jugeant pas qu'elle puisse
accepter la Paix à cette condition , le Diva est
occupé à prendre les mesures nécessaires pour
S'oposer aux entreprises de S. M. I.
On travaille en même-temps avec toute la diligence
possible aux préparatifs de l'ouverture
de la Campagne contre les Moscovites , et on a
envoyé ordre au Grand Visir de faire marcher
du côté d'Oczacow la plus grande partie des
Hvi Trouges
798 MER CURE DE FRANCE
Troupes qu'il commande , afin de couvrir cette
Place , et d'empêcher que le Comte de Munich
n'en forme le Siege.
Quoique la Porte et la Cour de Petersbourg:
paroissent également disposées à continuer la
guerre , les négociations pour la Paix n'ont pas
encore été interrompues, et le Chevalier Faulkener
, Ambassadeur du Roy d'Angleterre auprès:
du Grand Seigneur , est parti pour Zorocka , où
l'on attend les Ministres Plénipotentiaires de la
Czarine.
O
RUSSIE.
Na apris de Petersbourg , que l'Empereur
avoit envoyé ordre à M. Dahlman de déclarer
au Grand Visir , que la Ville d'Asoph
étant nécessaire à S. M. Cz. pour mettre ses
Etats à couvert des courses des Tartares, S. M. I.
ne pouvoit continuer d'employer sa médiation:
pour terminer les differens de cette Cour avec la
Porte , si le Grand Seigneur ne consentoit de
laisser cette Place aux Moscovites ; qu'à l'égard
de la proposition faite par quelques - unes des
Puissances Médiatrices , de stipuler dans les Articles
Préliminaires de Paix , que la Czarine accordera
à Sa Hautesse un dédommagement pour
Asoph , il n'y avoit pas d'aparence que S. M.Cz.
acceptât cette condition ; qu'on n'étoit pas mê--
me en droit de l'exiger d'elle , après les grandes
dépenses auxquelles l'avoit engagée une guerre ,
qu'elle avoit été forcée d'entreprendre , afin d'em
pêcher les Tartares de troubler le repos de ses
Sujets ; qu'au reste l'Empereur croyoir que la
Czarine ne s'oposeroit point au dessein que le
Grand Signeur paroissoit avoir formé de faire
construire une Forteresse dans les environs d'A~
soph
AVRIL. 1737. 799
soph , mais qu'il seroit temps de discuter cet article
, lorsque les Ministres Plénipotentiaires des
deux Puissances seroient assemblés dans le Lieu
du Congrès .
Le Comte de Wolinski , Grand Veneur ; le
Baron de Schaffiroff , Président du Conseil de
Commerce , et ci- devant Ambassadeur de la Czarine
à Ispahan , et M. de Neplief , Conseiller
Privé , qui a résidé à Constantinople avant M.
de Wisnakoff , en qualité de Ministre de la Czarine
, ont été nominés par S. M. Cz. Ministres
Plénipotentiaires pour regler avec ceux du Grand
Seigneur et ceux des Puissances Médiatrices , les
conditions de la Paix entre les Moscovites et les
Turcs. Le temps du départ de ces Ministres pour
le Lieu du Congrès n'est pas encore fixé , et le
bruit court qu'ils ne se rendront à Zoroka qu'après
que le Grand Seigneur aura accepté les Articles
préliminaires proposés par l'Empereur.
Cependant , comme le Roi d'Angleterre et la
République de Hollande ont fait déclarer à la
Czarine que leurs Ministres Plénipotentiaires
étoient déja partis de Constantinople pour la
Moldavie , et qu'on n'attendoit plus que les siens,
pour ouvrir le Congrès , il y a aparence qu'elle
les envoyera incessamment.
On assure que S. M. Cz. donnera ordre au
Comte de Munich de continuer les Actes d'hostilité
pendant qu'on tiendra les Conferences pour
la Paix , et que ce General cherchera à remporter
quelque avantage considerable sur les Turcs,
afin de les obliger à accorder à la Czarine une
partie de ses prétentions ..
La Czarine paroît être déterminée à renouveller
une Ordonnance par laquelle le Czar Pierre
I. avoit défendu qu'on ne reçût au Noviciat
dans
800 MERCURE DE FRANCE
dans les Maisons Religieuses personne au -dessous
de quarante ans. L'execution de cette Ordonnance
devant diminuer considérablement
le nombre des Religieux et des Religieuses , Sa
M. Cz. se propose d'employer à des établissemens
avantageux à ses Etats , les revenus qui se
ront inutiles aux Convents.
On a apris par un Exprès du General Lescy ,
qu'un Corps considerable de Tartares du Da
ghestan s'étant avancé sur la Frontiere , dans le
dessein de faire une irruption en Moscovie , a
d'aller joindre ensuite l'Armée Ottomane , commandée
par le Grand Visir , le Gouverneur de
Derbent avoit fait marcher fooo . hommes d'Infanterie
, 1500. de Cavalerie et 4000. Calmouques,
avec 25. pieces de Canon , et qu'au passage
d'un défilé , ces Troupes avoient attaqué les
Ennemis , qui avoient été entierement dissipés
après avoir perdu 4000. hommes dans le combat.
S. M. Cz. reçut au commencement du mois
dernier, un Courier de Donduck Ombro, qui lui
a mandé que sur la nouvelle de la marche d'un
Corps de rooo. Tartares de Cuban , il avoit détaché
quelques Troupes pour les empêcher de
passer la Riviere de ce nom , et que les Cosaques
ayant surpris les Ennemis dans le temps que ces
derniers se disposoient à la traverser , en avoient
tué la plus grande partie , avoient fait 1200. prisonniers
, et avoient pris zoco. Chevaux .
Ce General ajoûte que les Tartares du Cuban
se voyant resserrés dans les Montagnes , où leurs
Chevaux et leurs Bestiaux mouroient faute de
pâturages , ils avoient envoyé des Députés au
Kan de Crimée , pour lui demander la permis
sion de se retirer dans ses Etats ; mais que ce
Prince laleur avoit refusée , parce que depuis les
courses
A V RI L. 1737. 801
Courses des Moscovites , la plus grande partie de
la Crimée étoit réduite en une telle misere, qu'el
le pouvoit à peine fournir les subsistances nécessaires
aux Peuples qui l'habitent.
Le Comte de Munich a dépêché un Courier à
la Czarine , pour lui aprendre qu'un Corps con
siderable de Turcs et de Tartares , commande
par le Kan de Crimée , ayant passé le 24. Février
dernier le Boristhene près de Kaliberda , à
la faveur des glaces , et ayant fait une irruption
en Ukraine , 20000. hommes de l'Armée Moscovite
étoient sortis des lignes afin de couper la
retraite aux Ennemis ; que ces derniers craignant
d'être envelopes , avoient repassé promptement
le Fleuve sans avoir pû former aucune entreprise,
et qu'ils s'étoient contentés de piller quelques
Villages et quelques Fermes.
Le Lieutenant Colonel Swezin, que le Comte de
Munich avoit détaché à la tête de 300. hommes,
avec ordre de se retrancher à l'endroit par où les
Tartares avoient traversé le Boristhene , a été
attaqué par les Ennemis lorsqu'ils ont repassé ce
Fleuve , mais il s'est défendu avec tant de valeur,
que quelques Régimens envoyés à son secours
ayant câ le temps de le joindre , les Tartares
n'ont pu le forcer dans son retranchement. On
assure que les Moscovites n'ont eû dans cette
Occasion que 4. hommes de tués et 24 de bles
sés , du nombre desquels sont un Ayde- Major
et un Lieutenant.
"
Le même Courier par lequel on a reçû cette
nouvelle , a donné avis que le Major General
Leslie , en retournant à Perewolozna avec une
escorte de 30. Dragons , après avoir fait la visite
de quelques postes le long du Boristhene, étoir
tombé dans une embuscade de 200. Tartares , er
9
802 MERCURE DE FRANCE
qu'il avoit mieux aimé périr les Armes à la main
que de se rendre aux Ennemis.
La Czarine, qui étoit dans le dessein de ne
faire partir ses Ministres Plénipotentiaires pour
Zorocka , qu'après que le Grand Seigneur auroit
accepté les Articles préliminaires proposés
par l'Empereur , a changé de résolution depuis
qu'elle a apris que les Ministres Plénipotentiaires
du Roy de la Grande- Bretagne et des Etats
Generaux étoient partis de Constantinople pour
la Moldavie , et S. M. Cz. a donné ordre au
Comte Wolinski , au Baron de Schaffiroff er
à M. Neplief , de se rendre incessamment au
Lieu du Congrès , dont on compte que l'ouverture
se fera au commencement du mois de Juin.
Le dommage causé en Ukraine par les Tartares
, a été beaucoup plus considérable qu'on ne
l'avoit publié. Pour se venger des Cosaques de
Cziesk , qui avoient commis l'année derniere
beaucoup de désordres dans la Crimée , ils ont
ravagé entierement le Pays habité par cette Nation
, ils ont brûlé la Ville de Cziesk et les Villages
des environs , et ils ont passé au fil de l'épée
tous les Habitans . I's ont penetré ensuite
plus avant dans l'Ukraine , et ils y ont pillé plusieurs
Bourgs.
SE
POLOGNE .
Elon les Lettres écrites de Kaminieck , il s'y
est répandu une terreur presque generale parmi
le peuple , dont la plus grande partie est persuadée
qu'il y paroît toutes les nuits des Spectres
qui donnent la mort à ceux dont ils apro--
chent. Le Clergé et les Magistrats de la Ville
on fait inutilement plusieurs tentatives pour rassurer
les Habitans sur cette vaine frayeur.
ALLEMAGNE
AVRIL. 1737. 809
O
ALLEMAGNE.
N écrit de Vienne , que le Comte de Ko
nigseg a reçû une seconde Lettre du Grand
Visir , qui après lui avoir renouvellé les assuran
ces qu'il lui avoit données dans la premiere , lui
mande que le Grand Seigneur , afin de parvenit
plutôt à un accommodement avec la Ĉzarine ,
veut bien n'exiger d'elle aucun dédommagement.
Le Grand Visir ne s'étant point expliqué dans
cette Lettre sur la cession d'Asoph , et ce Mi
nistre se contentant de promettre que la Porte
Consentira , autant que cela sera possible , sans
blesser son honneur et sans nuire à ses interêts,
à toutes les conditions que les Puissances Médiatrices
pouront stipuler pour la sûreté de Sa
M. Cz. on doute que la Paix soit conclue aussitôt
qu'on l'auroit désiré.
D'autres avis reçus depuis , portent que le
Comte de Konigseg a répondu à cette Lettre du
Grand Visir , que la conduite tenuë jusqu'à présent
par la Porte , donnant lieu de conjecturer
que
les Turcs ne désirent pas de conclure la Paix
avec les Moscovites , l'Empereur se disposoit à
prendre les mesures nécessaires pour remplir ses
engagemens avec S. M. Cz .
Le Marquis Palavicini a inventé une Galiotre
de nouvelle forme , et le Gouvernement a résolu
d'en faire construire de semblables pour s'en ser
vir sur le Danube.
U
ITALIE.
1
N des Chevau-Legers de la Garde du Pape
a découvert une Mine de vif- argent , dans
la Terre de Santa Fiora , laquelle apartient au
Dug
804 MERCURE DE FRANCE
Duc de Sforza Cezarini , et l'on prétend qu'elle
raportera aux Entrepreneurs au moins trente
pour cent de profit.
Le grand nombre de personnes qui sont indis.
posées depuis quelque tems de rhumes et d'autres
maladies , a déterminé le Pape à permettre l'usage
des oeufs et du laitage pendant le Carême.
Le Charretier qui blessa dernierement d'un
Coup de couteau le Cheval- Barbe apartenant à M,
Banaja Florentin , a été condamné pour dix ans
aux Galeres, et on le conduisit le 12. Mars dernier
sur un âne dans les rues de Rome.
La Rose d'or , dont la Benediction a été faite
le quatrieme Dimanche de Carême , est destinée
par Sa Sainteté à l'Archiduchesse Epouse du Duc
de Lorraine , à laquelle elle sera présentée par
M. Tosquez.
Le 19. du mois passé , on publia le Decret
pour la Canonisation du Bienheureux François
Régis , Jesuite, et le bruit court que le Pape fera
le 16. du mois de Juin prochain la Ceremonie
de cette Canonisation et celle du Bienheureux
Vincent de Paule , Instituteur de l'Ordre des
Peres de la Mission .
On écrit de Venise, que le Conseil s'assembla le
23. du mois dernier , et que quelques Sénateurs
ayant donné avis que le Prince Pio avoit reçû
ordre de l'Empereur , de presser le Sénat de s'expliquer
sur les propositions de S. M. I. au sujet
de la guerre contre les Turcs , il fut décidé qu'on
répondroit au Mémoire qui doit être présenté
par cet Ambassadeur , que la République désiroit
de pouvoir seconder les vûës de la Cour de
Vienne , mais qu'elle étoit déterminée à ne contracter
aucun engagement avant que d'être conyenue
avec l'Empereur des entreprises que l'Arméc
AVRI L. 1737. 805
mée Venitienne formeroit et des avantages qu'el
le pouvoit esperer pour se dédommager des dé➡
penses de la guerre.
On a aussi résolu de déclarer au Prince
Pio , que le Gouvernement ne fourniroit des secours
à S. M. I. qu'après avoir obtenu des sûretés
suffisantes , et que les Venitiens ne vouloient
point être exposés dans cette occasion - ci aux
inconveniens de la précedente Guerre contre le
Grand Seigneur.
On écrit de Milan , que le Comte de Traun
devoit incessamment , en vertu des pleins pouvoirs
qu'il en a reçus de l'Empereur , prendre
possession des Etats de Parme et de Plaisance ,
au nom de S. M. Impériale .
On a apris de Naples , que le s . du mois dernier
le Roy des deux Siciles donna une Fête plus
magnifique encore que les précédentes , et à laquelle
toutes les Personnes de distinction furent
invitées. S. M. soupa avec 14. Dames , et on
servit plusieurs Tables pour les Seigneurs et les
Dames de la Cour qui n'avoient pu avoir place
à celle du Roy. Après le soupé il y eut un Bal .
pendant lequel on distribua une grande quantité
de rafraîchissemens , et qui dura jusqu'à quatre
heures du matin .
Les Lettres de Genes , portent qu'on y avoit
apris de l'Isle de Corse , qu'un Détachement des
Rebelles s'étant aproché de la Bastie jusqu'à une
très petite distance de la premiere Garde avancée
, avoit enlevé un Soldat qu'ils avoient renvoyé
après lui avoir ôté ses Armes et ses habits.
On a apris par les mêmes Lettres , que quoique
les Rebelles ayent perdu l'esperance de recevoir
les secours que leur principal Chef leur avoit
promis , ils paroissoient persister dans la résolu-.
tion de ne pas se soumettre, Depuis
866 MER CURE DE FRANCE
Depuis la publication du Decret par lequel le
Sénat permet à toutes les personnes baunies de
cer Etat , d'y revenir , à condition d'aller servir
en Corse contre les Rebelles , il en est arrivé à
Genes un très grand nombre , et l'on en a déja
formé quelques Compagnies qu'on doit embarquer
incessamment pour l'Isle de Corse .
On aprend en dernier lieu que la division s'étant
mise parmi les Rebelles et qu'une partie
d'entre eux paroissant disposée à se soumettre à
la République , si on veut leur accorder certaines
conditions , le Sénat a envoyé à M. Rivarola les
instructions et les pouvoirs nécessaires pour trai
ter avec eux. On espere qu'il sera d'autant plus
facile de les faire rentrer dans le devoir , qu'ils
ont perdu l'esperance de recevoir les secours que
leur principal Chef leur avoit promis.
L
ESPAGNE.
2
E 14. Mars , le Roy déclara Grand- Amiral
de ce Royaume l'Infant Don Philipe , qui
étant entré le 15. dans la 18e année de son âge
reçut les Complimens des Ministres Etrangers et
des Grands , tant à l'occasion de l'Anniversaire
de sa Naissance , que sur la Charge dont S. M.
l'a pourvû.
Don Bernard de Marimon , Maréchal des
Camps et Armées du Roy , doit se rendre incessamment
à Lisbonne en qualité d'Ambassadeur
de S. M. auprès du Roy de Portugal
Le Roy a déclaré le Duc de Montemar Ministre
de la Guerre , et S. M. a ordonné qu'il jouît
des mêmes prérogatives qui avoient été accordées
au feu Marquis de Bedmar,
FRANCE
AVRIL. 1737.. 807
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Let
E 21. Mars , M. de la Galaisiere , en
vertu des pleins Pouvoirs qu'il en
avoit reçû de S.M. et du Roy de Pologne,
prit possession du Duché de Lorraine ,
avec les mêmes formalités observées lorsque
le huit Février dernier , il avoit pris
possession du Duché de Bar,
Le 31. quatrième Dimanche de Ca
rême , le Roy entendit dans la Chapelle
duChâteau deVersailles la Messe, pendant
laquelle l'Evêque d'Uzés préta serment
de fidélité entre les mains de Sa Majesté,
L'après midi , le Roi accompagné du
Duc d'Orleans , du Prince de Dombes
et du Comte d'Eu , assista au Sermon du
Pere Julien , Religieux Recolet .
Le même jour , M. Orry , Ministre
d'Etat, et Controlleur Général des Finances
, que le Roy a nommé Directeur Gé
néral des Bâtimens , préta serment de 'fidélité
entre les mains de Sa Majesté.
S. M. a accordé le Regiment d'Infantexie
,
808 MERCURE DE FRANCE
rie , vacant par la mort du Marquis d'Ou
roy , au Chevalier d'Ouroy son Frere.
Le 9 , le Duc d'Ancenis auquel le Roy
a accordé la Charge de Capitaine d'une
des Compagnies des Gardes du Corps ,
en survivance du Duc de Bethune son
Pere , préta serment de fidélité entre les
mains de S. M.
Le Roy a donné au Duc de Chartres le
Regiment d'Infanterie , dont le Marquis
de la Ferté- Imbault étoit Colonel ,
et le Comte d'Estampes en a été nommé
Colonel - Lieutenant.
Le Roy de Pologne qui partit du Château
de Meudon le premier de ce mois
pour se rendre en Lorraine , arriva le 3 ,
au soir à Luneville. La Reine de Pologne
partit le 3. pour aller joindre le Roy son
Epoux ; et l'on a reçû avis de Luneville
qu'elle y étoit arrivée le 13. de ce mois .
Le Prince de Craon, que le Roy de Pologne
a envoyé au Roy pour lui donner
part de son arrivée en Lorraine , et qui
avoit eu l'honneur de voir S. M , le 9. de
ce mois , eut le 13. une Audience particuliere
, dans laquelle il prit congé du
Roy. Il fut conduit à cette Audience par
M. de Verneuil , Introducteur des Ambassadeurs
.
La
AVRIL. 1737. 809
La Reine de Sardaigne étant partie de
Luneville quelques jours après la célébration
de son Mariage , et S. M. ayant
pris sa route par la France , elle trouva
à Bourbonne M. Desgranges , Maître des
Cérémonies , que le Roy avoit envoyé
pour la faire recevoir dans toutes les
Villes de son passage avec les honneurs
qu'elle permettroit qu'on lui rendît. Cette
Princesse arriva à Lyon le 27. du mois
dernier , et elle en repartit le 30 pour se
rendre à Chambery , où le Roy de Sardaigne
devoit venir au devant d'elle. Le
jour que Sa Majesté arriva à Lyon , elle y
fut complimentée de la part du Roy par
le Duc de Villars.
31.
La Reine de Sardaigne étant arrivée le
du mois dernier au Pont- Beauvoisin ,
S. M. coucha dans la partie du Village
qui dépend de la France. Le lendemain
vers les neuf heures , la Reine se rendit
sur le Pont , au milieu duquel le Roi
de Sardaigne étoit venu au devant d'elle.
Le Roy et la Reine de Sardaigne s'étant
embrassés , monterent dans le Carosse
du Roy de Sardaigne , et leurs Majestés
arriverent le soir à Chambery. Le Roy et
la Reine descendirent à la Chapelle du
Château , où l'Archevêque de Turin
Grand Aumônier du Roy de Sardaigne ,
leur donna la Bénédiction Nuptiale,
810 MERCURE DE FRANCE
7.
Le de ce mois , Dimanche de la Passion , le
Roy et la Reine entendirent dans la Chapelle du
Chateau de Versailles la Messe chantée par la
Musique .
L'après midy , le Roy accompagné du Prince
de Dombes et du Comte d'Eu , assista à la Prédication
du Pere Julien , et S. M. entendit le Sermon
du même Prédicateur le
9. et le 11 .
Le 13. le Roy et la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château de Versailles , la Messe de
Requiem pour l'Anniversaire de Monseigneur le
Dauphin , Ayeul de Sa Majesté .
Le 14. Dimanche des Rameaux , le Roy accompagné
du Prince de Dombes et du Comte
d'Eu, assista dans la même Chapelle à la Benediction
des Palmes, qui fut faite l'Abbé Brospar
seau , Chapelain ordinaire de la Chapelle de Musique
, lequel en présenta une à S. M. Le Roy
assista à la Procession , et après l'Evangile adora
la Croix. S. M. entendit ensuite la Messe célebrée
par le même Chapelain et chantée par la
Musique. La Reine assista à la même Messe dans
la Tribune .
L'après midy , le Roy accompagné du Prince
de Dombes et du Comte d'Eu , entendit la Prédication
du Pere Julien , Recolet , et ensuite les
Vêpres , auxquelles la Reine assista dans la Tribune.
Le 15. la Reine communia dans la même Chapelle
par les mains du Cardinal de Fleury , son
Grand Aumônier.
Le 17. Mercredy- Saint , le Roy et la Reine
entendirent dans la même Chapelle , l'Office des
Tenebres , qui fut chanté par la Musique.
Le Jeudy Saint , le Roy entendit le Sermon de
la Çêne de l'Abbé Roustille , Chanoine de PEglise
AVRIL. 1737. Srt
•
glise Cathédrale d'Angers , après quoi l'Archevêque
d'Aix fit l'Absoute. Ensuite le Roy lava
les pieds à douze pauvres , et S. M. les servit à
table . Le Duc de Bourbon , Grand - Maître de la
Maison du Roy , à la tête des Maîtres d'Hôtel ,
précédoit le Service dont les plats étoient portés
par Monseigneur le Dauphin , par le Prince ce
Conty par le Prince de Dombes , par le Com e
d'Eu et par les principaux Officiers de S. M.
Après cette Ceremonie , le Roy se rendit à la
Chapelle , où S. M. entendit la grande Messe et
assista à la Procession et ensuite aux Vêpres . La
Reine et Monseigneur le Dauphin assisterent à
l'Office dans la Tribune.
•
L'aprés midy la Reine entendit le Sermon de
la Cêne de l'Abbé le Févre , Chanoine de l'Eglise
Cathédrale de Verdun , et l'Archevêque d'Aix
ayant fait l'Absoute , S. M. lava les pieds à douze
pauvres filles et les servit à table. Le Marquis de
Chalmazel, Premier Maître d'Hôtel de la Reine,
précedoit le Service , dont les plats étoient portés
par Mesdames de France , par Mademoiselle
de Clermont , par les Dames du Palais , et par
d'autres Dames de la Cour.
Le soir leurs Majestés entendirent dans la mê
me Chapelle l'Office des Tenebres.
Le Vendredy- Saint , le Roy , accompagné du
Duc de Bourbon , du Prince de Dombes , et du
Comte d'Eu , entendit dans la même Chapelle ,
le Sermon de la Passion du Pere Julien. S. M.
assista ensuite à l'Office et alla à l'Adoration de
la Croix. La Reine entendit l'Office dans la Tribune.
Le soir le Roy assista à l'Office des Tenebres .
Le 20. Samedy- Saint , le Roy revêtu du grand
Collier de l'Ordre du S. Esprit , se rendit à l'EI
glise
812 MERCURE DE FRANCE .
glise de la Paroisse du Château , où S. M. communia
par les mains du Cardinal de Rohan
Grand-Aumônier de France. Le Roy toucha ensuite
un grand nombre de malades.
?
"
Le soir , leurs Majestés assisterent dans la Chapelle
du Château , aux Complies et au Salut
pendant lequel l'O Filii fut chanté par la Musique.
Monseigneur le Dauphin et Mesdames de
France y assisterent.
Le 21. Fête de Pâques , le Roy , accompagné
du Prince de Dombes et du Comte d'Eu , entendit
la grande Messe , célebrée Pontificalement
par l'Archevêque d'Aix , et chantée par la Musique,
La Reine et Monseigneur le Dauphin entendirent
la même Messe dans la Tribune .
L'après midy , le Roy assista à la Prédication
du Pere Julien , et ensuite aux Vêpres , auxquelles
le même Prélat officia.
Le même jour S. M. fit rendre à l'Eglise de la
Paroisse de Versailles les Pains Benits , qui fu
rent présentés par l'Abbé de Choiseul , Aumônier
du Roy en quartier,
Le 28. Dimanche de Quasimodo , la Reine fit
rendre à l'Eglise de la Paroisse du Château , les
Pains benits , qui furent présentés par l'Abbé de
Sainte- Hermine , son Aumônier en quartier.
Le même jour, le Roy nomma M. d'Argen-
Conseiller d'Etat ordinaire , son Ambassadeur
en Portugal.
son ,
Le même jour , Don Louis d'Acunha notifia
que le Roy de Portugal l'avoit choisi pour être
son Ambassadeur auprès du Roy.
5. M. a donné la Place de Conseiller d'Etat
ordinaire
AVRIL. 1737.
813
ordinaire , vacante par la mort de M. de la Rochepot,
à M. Feydeau de Brou Intendant en
Alsace, et le Président Turgot , Prévôt des Marchands
, a été nommé Conseiller d'Etat.
Le 4. Avril , M. Claude Auvellier ,
troisiéme fils de feu Pierre Auvellier , Conseiller
Ecuyer
du Roy et Receveur General des Tailles des Diocèses
de Nîmes et Alais , et de feue Toinette de
Sartre , a ére reçû et prêté le Serment de fidelité
à la Jurisdiction du Siege general de la Table de
Marbre du Palais de la Connétablie de Nosseigneurs
les Maréchaux de France, à la Charge de
Grand- Prévôt Géneral de la Maréchaussée de la
Province du Roussillon et Comté de Foix , en la
Résidence de Perpignan.
> Le 7. Dimanche de la Passion l'Acadé
mie Royale de Musique fit donner le premier
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , lequel
a été continué pendant differens jours des
trois semaines de Pâques , jusques et compris le
Dimanche de Quasimodo. On y a executé les plus
beaux Motets à grand Choeur de feu M. de la
Lande , et plusieurs autres plus modernes de Mrs
Destouches et Blamont, Sur- Intendants de la Musique
du Roy , Gervais , Maître de Musique de
la Chapelle , Du Luc , Brice et Cheron. Les Diles
Erremens , Fel et Bourbonnois , ont chanté plusieurs
autres petits Motets à une et à deux voix , de
la composition de Mrs Mouret , le Maire et Cordelet.
La Dile Horteterre , jeune personne nouvellement
arrivée de Province, a executé plusieurs fois
sur le dessus de Violon , differentes Sonnares de la
composition du sieur le Clair , avec toute l'intelgence
, la vivacité et la précision imaginable.
I ij Le
814 MERCURE DE FRANCE
Le 13.
Le sieur Zuccarini , autre Virtuoso , Violon Ita
lien , s'est aussi distingué en joüant differens Concerto
de sa composition avec beaucoup d'aplau
dissement ; on termina le dernier Concert par un
de ses Concerto à deux Choeurs , qu'il executa
avec le sieur Guignon , dont l'execution parut
admirable à une très - nombreuse Assemblée.
les celebres Artistes , logés par
Brevet du Roy , dans la Galerie du Louvre , firent
une Députation de huit d'entre eux , pour
complimenter M. Orry , Ministre d'Etat , Contrôleur
General des Finances , lequel a été nommé
par le Roy , Directeur General des Bâtimens
de S. M. Ce Ministre , dont l'aplication et le
zele à cultiver les Arts , sont connus , les reçûr
avec bonté et leur témoigna combien il est porté
à favoriser ceux qui s'y distinguent.
VERS sur la Maladie de Madame
la DUCHESSE.
Q
Ue vos jours nous sont chers , jeune c
belle Duchesse !
Sur nos fronts consternés votre péril est peint ;
Petits et grands tremblent sans cesse :
De la façon dont on vous plaint ,
Il sembleroit que chacun craint
De perdre en vous une Maitresse.
O Grand Dieu ! voi du haut des Cieux
Les pleurs qui coulent de nos yeux.
Par l'excès de notre tristesse ,
Juge combien est précieux
T
AVRIL. 1737. 815
Le salut de cette Princesse.
Je n'oserois t'offrir mes jours
Pour voir de son destin prolonger l'heureux
cours ;
Ils ne méritent pas une faveur si grande ;
Mais écoute tout Paris ,
Qui plein de zele demande
Cette grace au même prix .
Ah ! si touché de nos cris ,
Tu daignois , Dieu de tendresse ,
Sur chacun des Habitans ,
Qui pour elle s'interesse
Ét t'offre tous ces instans ,
Prendre seulement une heure ;
Dussai- je vivre cent ans ,
Je n'aurois plus, hélas ! à craindre qu'elle meure.
Par un Rhetoricien du College d' Harcourt.
D
A M. SILVA.
Ans l'excès des transports et d'amour et de
joye
Où nous jette l'Enfant que le Ciel nous envoye ,
Permets , Docte Silva, qu'aux yeux de l'Univers ,
A tes heureux travaux je consacre ces Vers.
Quelstravaux plus heureux ! du sein de l'allegresse
Je me rapelle encor ces jours infortunés ,
Où déja nous pleurions notre auguste Maîtresse,
Quand ton Art rassura nos Esprits consternés.
I iij
La
816 MERCURE DE FRANCE
Le Captif délivré d'une longue souffrance ,
L'inquiéte Brebis qui revoit son Agneau ,
Ont bien moins de plaisir que n'en conçut la
France ,
De te voir triompher du funeste ciseau .
Tu rendis à Bourbon cette Moitié si chere ,
Par toi l'espoir renaît et la crainte s'enfuit ,
Par un double bonheur un Héros devient pere ;
Non , rien ne manque plus au beau jour qui nous
luit.
Quels succès plus flateurs auroient droit de to
plaire
Songe quelle est la Mere et quel sera l'Enfant ,
Silva , le sçavoir qui t'éclaire ,
Des Loix du sort est triomphant .
Ce n'est pas par ce rang digne du Diadême
Que certe aimable Mere a des droits sur nos coeurs,
Les respects ne sont pas de sûrs garants qu'on
aime ,
Mais on cede toûjours à des attraits vainqueurs,
Ses vertus , son esprit , sa beauté , sa sagesse
Sa douceur , sa bonté nous forcent à la fois
En révérant en elle une auguste Princesse
De chérir le bonheur d'executer ses Loix.
Perrin.
Nous avons gardé long- temps les deux Mor
ceaux de Poësie qu'on vient de lire , sans oser les
rendre publics , à cause de la longue et dangereuse
maladie de Madame la Duchesse , à laquelle
toute la France s'est interessée d'une maniers
AVRIL: 1737. 817
miere très - particuliere. Nous avons voulu attendre
que cette Princesse fût hors de tout danger et
dans une pleine et entiere convalescence.
MORTS , NAISSANCES ,
Et Mariages.
N aprend de Madrid qu'un Prêtre , nâtif
de Monsaraz , étoit ON mort à Olivença , âgễ
de 120. ans.
Le nommé Le Doux , Journalier , est mort
depuis quelques jours , dans la Paroisse de Saint
Martin de Bradiaucourt , Election de Lions en
Normandie , dans la 111. année de son âge. Il
laisse une femme âgée de 105. ans .
D.Marie Guyon,Veuve de M.Michel Durieux,
est morte à Paris dans la 103. année de son âge.
Le nommé Jean- Baptiste Cottel mourut il Y
a quelque temps , à Paris , âgé de 106. ans.
Le 26. Février mourut à Dijon Louis Betauld
de Chémauld , Chevalier de l'Ordre Royal et Militaire
de S. Louis , Colonel d'Infanterie , et ancien
Capitaine au Regiment d Orleanois. Il
étoit Fils de feu Hugues Betauld , Seigneur de
Chémauld , Monbarrois , Arcouville, & c , ci - devant
Maître des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel
du Roy , mort le 2. Mars 1712. âgé de 60. ans,
et de D. Antoinette - Louise - Therese de Beon de
Luxembourg , sa Veuve , qui se remaria avec
Jean Hipolite de Beaumont , Exempt des Gardes
du Corps du Roy.
Le 7 Mar , Guy, Comte de Stahrenberg , Commandeur
Provincial du Bailliage d'Autriche , de
I iiij P'Ordre
818 MERCURE DE FRANCE
l'Ordre Teutonique , Conseiller Intime actuel
d'Etat de l'Empereur , Général Feldt- Maréchal
de ses Armées , Gouverneur et Commandant du
Royaume d'Esclavonie , et Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , mourut à Vienne , dans la 80.
année de son âge , étant né le 11. Novembre
1657.il n'avoit point été marié. Ce Général , qui
avoit rendu de grands services à la Maison
d'Autriche , s'étoit toujours extrémement distingué
par sa valeur , et par sa prudence , et
avoit reçû , en differentes occasions , plus de 20 .
blessures . Ce fut lui qui , au mois de Décembre
1703. fut chargé de marcher au secours du Duc
de Savoye , qu'il joiguit le 14 Janvier 1704 .
après une longue et rude marche , qu'il ne pût
faire sans recevoir quelque échec , ayans toujours
été poursuivi de fort près par le Duc de
Vendôme. L'Empereur Leopold le nomma alors
Feldt- Maréchal de Camp Général ; et l'Empereur
Joseph lui donna au mois d'Avril 1707. le
Commandement de ses Troupes en Hongrie ;
et au mois de Janvier 1708. il le choisit pour
aller commander en Chef les Troupes des Alliés
en Catalogne. Il fit une entreprise sur Tortose
le 4 , Décembre de la même année , mais il
fut repoussé avec quelque perte. En 1710. il gagua
la Bataille de Saragosse le 20. Août , et il
marcha ensuite jusqu'à Madrid ; mais le 10. Décembre
suivant il perdit la Bataille de Villaviciosa
, après laquelle il eut beaucoup de peine à
regagner la Catalogne avec les débris de son
Armée. L'Empereur regnant , avant son départ
de Barcelonne, le nomma au mois de May 17.11.
Viceroy de Catalogne , et Généralissime de ses
Armées. Il se démit publiquement de cette Vieeroyauté
dans l'Eglise Cathédrale de Barcelonne
AVRIL. 1737. 819
he le 25. Mars 1713. Le Corps de ce Génér
ral , après avoir été exposé deux jours sur un
lit de Parade dans une Chambre de l'Hôtel Teutonique
, où il demeuróit , fut porté le 9. au
soir en grande pompe à la Chapelle de cette
Maison , où il a été inhumé sous le Tombeau
de Marbre qu'il y avoit fait élever de son vivant
avec son Portrait au naturel en bas relief ,
armé de toutes Pieces , le Manteau de l'Ordre
par-dessus , et l'Epée à la main , étant à genoux
dans l'attitude d'adorer le Dieu des Armées . Le
Comte de Stahremberg a fait , par son Testament
divers Legs et Fondations pieuses . Il a institué
l'Orde Teutonique son Héritier universel.
11 laisse à Joseph- Philipe , Comte d'Harrach ,
Feldt-Maréchal de Camp , son Successeur , et
aux Successeurs de celui - ci , dans sa Commanderie
du Bailliage d'Autriche , sa Croix de Diamans
, estimée 1o . à 12000. Florins , sa Vaisselle
d'argent et ses meubles. Il laisse 60000 1.Florins
pour une Fondation en faveur de 12. pauvres
Demoiselles de bonne Famille de Lintz , sa Patrie
, qui auront chacune un revenu annuel de
200. Florins , à condition que s'il se trouvoit
de pauvres Demoiselles de la Famille de Stahrenberg
, elles auront la préférence , et 100. Florins
de plus que les autres . Il a aussi fondé un Capital
de 30000. Florins pour l'entretien d'un Gentilhomme
de la Maison de Stharenberg , qui
pouroit en avoir besoin . Il a fait present à son
Regiment de tous les arrérages et autres prétentions
qui lui sont dûs , et que l'on fait monter
à plus de 60000 Florins , à condition que l'intérêt
de cet argent sera employé à l'entretien
d'une Apoticairerie pour le soulagement des
Soldats malades et blessés de ce Regiment , &c.
I v Ce
820 MERCURE DE FRANCE
Ce Seigneur étoit de la Branche Cadette de la
Maison de Stahrenberg, apellée la Branche Henrienne
, et second Fils de Richard- Bathelemi ,
Comte de Stahrenberg , et d'Esther d'Windischgraetz
, morte le 20. Juin 1697 ,
Le 11. Philipe - Charles d'Estampes , Scigneur
de la Ferté- Imbaut et de Sallebris
apellé le Comte d'Estampes , Brigadier des Armées
du Roy , mourut à Paris , dans la §3 . année
de son âge. Il avoit été , dans sa jeunesse ,
Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem.
Il fut d'abord Guidon de la Compagnie des Gend'Armes
d'Orleans , er ensuite Colonel du Regiment
de Chartres, Infanterie en 1709. Capitaine
des Gardes du Corps du feu Duc d'Orleans
Régent de France , au lieu de feu son Pere
, en 1716. ayant été reçû en survivance de cette
Charge dès 1707. et enfin fait Brigadier le
1. Février 1719. Il fit la Campagne la même
année sur les Frontieres d'Espagne , et servit aux
Siéges de Fontarabie et de S. Sebastien . Il quitta
le Service en 1731. Il étoit ze Fils de feuCharles
d'Estampes , Marquis de Mauny, Seigneur de
la Ferté- Imbaut, Sallebris , Droüé , & c. Chevalier
des Ordres du Roy , premier Capitaine des Gardes
du Corps du feu Duc d'Orleans , Régent, mort
le } Décembre 1716. et de feuë Marie de Raynier
de Droüé , morte le 14. Septembre 1726.
Le feu Comte d'Estampes avoit épousé au mois
de Juin 1709. Jeanne-Marie du Plessis Chastillon
de Nonant , Fille de feu Jacques du Plessis,
Marquis de Nonant et de Chastillon , et de
Jeanne- Marie Fradet de S. Aoûts , sa Veuve ,
encore vivante. Il en laisse , outre quelques Filles
, un Fils apellé le Marquis de la Ferté- Imbaut
, qui a été fait Colonel d'un Regiment
d'Infanterie
AVRIL. 1737. 821
d'Infanterie , par la démission de son Pere , le
Février 1731. et qui a épousé au mois de Février
1733. la Fille unique de François Geof
frin , Conseiller , Secretaire du Roy , Maison ,
Couronne de France et de ses Finances.
: Du même jour , Louis - Marie- Joseph - Georges
-Vvenceslas Jean Nepomucene Bernard Armand-
Adam , Fils unique de Guillaume- Georges-
Bernard- Sibert-Philipe- de - Neri , Margrave de
Bade Baden , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or , et de Marie - Anne , née Princesse de
Schwartzenberg , mourut à Rastat , âgé de 7.
mois , étant né le 11. Août 1736.
Le 12. Charles - Alexandre , Due Regent de
Vvirtemberg et de Tock , Prince et Comte de
Montbelliard , Seigneur de Heidenheim , &c .
Prince du S. Emp . Rom. Chevalier de l'Ordre
de la Toison d'Or , Feldt - Maréchal de Camp
Général des Armées de l'Empereur , et de l'Empire
, Commandant en Chef l'Armée Imperiale
Sur le Rhin , Gouverneur Général du Royaume
de Servie , et de la Ville et Forteresse de Belgrade
, Colonel d'un Regiment Imperial de
Dragons , &c. mourut en son Château de Eudwisbourg
, presque subitement ; âgé de 3. ans
1. mois et 17. jours , étant né le 24. Janvier
1684. Voici les circonstances de la mort de ce
Prince , telles qu'elles sont raportées dans les
Nouvelles d'Allemagne . Le Duc de Wirtemberg
ayant resolu d'aller visiter les Places de Philis
bourg et de Kell , pour voir en quel état les
Troupes Françoises les avoient laissées , partit
de Stuttgard le 12. Mars. Comme il auroit pa
arriver des circonstances qui l'eussent obligé de
se rendre en Hongrie , sans revenir dans ses
Etats , il laissa le soin de la Régence à la Du-
I vj chesse
822 MERCURE DE FRANCE
chesse , sa femine , à laquelle il dit , en presencen
de toute sa Cour , que retournant peut être à la
guerre , et Dieu pouvant l'apeller à lui à tout
moment , il la prioit , et lui recommandoir de
bien gouverner en son absence , et de traiter ses
sujets le mieux qu'il lui seroit possible. Il arriva
le même jour à son beau Château de Ludwisbourg
, accompagné de quelques Seigneurs et
Gentilshommes , qu'il avoit pris avec lui. Il- paroissoit
jouir d'une santé parfaite , et étoit d'une
humeur fort gaye. Pendant l'après - dinée il fit
executer un Concert de Musique dans son Apartement
, et se mit au jeu. Il le quitta à 8. heures
du soir , parcequ'il se sentit un peu opressé. Il
entra dans sa chambre à coucher , et se plaignit
que l'opression augmentoit. On le saigua d'abord.
Il n'en fut point soulagé ; au contraire, il
se trouva plus mal , et s'écria tout d'un coup
Jesus , mon Dieu , que sens-je ! je me meurs.
En prononçant ces paroles , il se paucha en avant
sur son fauteuil , tomba à terre et mourut. Ce
Prince étoit entré fort jeune au Service de l'Empereur
, s'étant trouvé le 2. Juillet 1704. à l'attaque
des Lignes de Schellenberg en Baviere, où
il fut blessé au pied . Il alla. servir l'année suivante
en Italie en qualité de Géneral de Bataille
, et il y fut encore blessé au pied gauche à la
Bataille de Cassano le 16 Août. Le feu Empe
reur Joseph le declara Général d'Artillerie au
mois de May 1708. Il abjura le Lutheranisme ,
fit Profession de la Religion Catholique dans
la Chapelle Imperiale de Vienne le 28. Octobre
1712. Ce fut lui qui soûtint en 1713. le Siege
de Landau contre l'Armée de France pendant
6. jours de tranchée ouverte , au bout desquels
fr obligé de capituler , et de se rendre prisonnier
AVRIL. 1737 823
sonnier de guerre avec la Garnison. En 1716
il fit la Campagne en Hongrie contre les Turcs,
se trouva le s . Août à la Bataille de Semlin , ou
l'Armée Ottomane fut entierement défaite , et
fut ensuite employé au Siege de Themeswar. Il
y fut chargé le 1. Octobre de l'attaque de la
Palangue , qu'il emporta après environ 4 heu
res de combat. Il reçût , dans cette occasion ;
une contusion au visage , mais sans danger.
Après la prise de cette Place le Gouvernement
lui en fut donné , et de tout son District . En
1717 il continua de servir en Hongrie . Il eut le
Commandement de la Tranchée au Siege de
Belgrade , et il commanda toute l'Infanterie à la
Bataille , qui fut livrée le 16. Août aux Turcs ,
qui étoient venus pour secourir cette Place , et
qui furent repoussés avec une grande perte . Le
Duc de Wirtemberg obtint au mois de Septembre
1720. le Gouvernement de la Servie , et de
Ja Ville de Belgrade , et le 23. Novembre 1721 .
P'Empereur le nomma Chevalier de l'Ordre de
la Toison d'Or , dont il reçût le Collier le 27%
Décembre suivant. Il succeda le 31. Oct. 1733 .
à la Régence des Etats de Wirtemberg , par la
mort du Duc Eberhard - Louis , son Cousin Germain
, et il reçût l'hommage de ses Sujets le 278
Janvier 1734. Il fut nommé au mois de Février
suivant par l'Empereur pour servir sur le
Rhin sous le Prince Eugene de Savoye , qui lui
laissa , à la fin de la Campagne , le Commandement
de l'Armée. Le Duc de Wirtemberg
étoit Fils aîné de feu Fréderic- Charles , Prince
de Wirtemberg , Feldt- Maréchal de Camp Gén.
des Armées de l'Emp. mort le Décembre
1698. et d'Eleonore-Julienne de Brandebourg-
Anspach , morte le 4. Mars 1724. et il avoit
20.
été
824 MERCURE DE FRANCE
été marié le r. May 1727. avec Marie- Auguste
de la Tour --Taxis , née le 11. Août 1706.
Fille d'Anselme - François , Prince du S. Empire
Rom, de la Tour- Taxis , Seigneur d'Eglingen ,
Grand- Maître Héréditaire des Postes de l'Em →
pire et des Païs- Bas Autrichiens , Chevalier de
POrdre de la Toison d'Or , et de Louise- Anne
Françoise , née Princesse de Lobkowitz . De ce
mariage sont venus Charles - Auguste - Eugene -
Louis - François -Fréderic - Alexandre- Jean - Népomucene
, né à Bruxelles le 1r. Février 1728.
Eugene-Louis Adam - Jean - Népomucene - Joseph
Raphaël , né à Belgrade le 31. Août 1719-
mort au mois de Septembre suivant ; Louis- Eugene-
Jean- Gaspard-Melch or Balthazard - Adam,
né à Francfort le 6. Janvier 1731. Frederic- Eugene
, né à Ludwisbourg le 21. Janvier 1732 .
Un cinquième Fils , né à Francfort le 1. Août
1733. et un sixième , né le 30. Octobre 1734.
L'Aîné succede aux Etats de son Pere , sous Padministration
de Charles Rodolphe , Duc de
Wirtemberg Neustat , jusqu'à sa majorité.
Le Duc de Wirtemberg , qui vient de mourir ,
avoit perdu en 1734. deux freres , qui lui resroient
l'un Henri- Fréderic , Gén.Feldt- Maréch.
Lieutenant des Armées de l'Empereur , et Colonel
d'un Regiment de Cuirassiers , mourut de
dissenterie à Stuttgard le 26. Septembre à l'âge
de 47.-ans ; et l'autre Fréderic- Louis, aussi Gén.
Feldt-Maréch. Lieut. des Armées. de S. M. Imp.
avoit été tué le 19. du même mois de Septembre
à la Bataille de Guastalla , à l'âge de 44
ans. Ces deux Princes n'étoient point mariés.
Le 14. D. Anne - Claude Brulart de Puysieux,
âgée d'environ 58. ans , et Veuve depuis le 18.
Janvier 1733. de Pierre Brulart , Marquis de
Genlis
AVRIL. 17374 8:5
Genlis , Diocèse de Noyou , avec lequel elle
avoit été mariée au mois de Juillet 1705. mourut
d'un Cancer à S. Germain en Laye , où elle
s'étoit retirée depuis la mort de son Mari . Elle
étoit ze fille de feu Roger Brulart , Marquis de
Puysieux et de Sillery , Chevalier des Ordres du
Roy , Lieutenant Général de ses Armées , Conseiller
d'Etat ordinaire d'Epée , Gouverneur des
Villes de Huningue en Alsace , et d'Epernay en
Champagne, ci - devant Ambassadeur Extraordi
paire en Suisse , mort le 28. Mars 1719. et de
défunte Claude Godet de Renneville , morte le
24. May 1681. La Marquise de Genlis laisse
pour fils unique Charles Brulart , Marquis de
Genlis qui a épousé au mois de Novembre
1726. Louise Charlote - Françoise d'Hallencourt
de Drosmenil , qui est accouchée d'un fils
le 20. Janvier dernier, comme on l'a marqué
dans le Mercure de Février p . 408.
Le 28. Gabriel Taleyrand- Perigord,Comte de
Grignols, &c. mourut en son Château de Beauséjour
en Perigord , âgé d'environ 66. ans. M
avoit épousé en 1704. Marguerite de Taillefer ,
d'une ancienne Maison de Perigord,dont il avoit
eu deux Garçons. 1 ° . Daniel- Marie- Anne Ta-
Jeyran-Perigord , Marquis de Taleyrand , Colonel
du Regiment de Saintonge , né au mois
d'Août 1706.marié en premieres nôces le 4 Août
1725.avec Marie - Guionne Bordeaux de Rochefort-
Theobon , dont il a un fils né au mois d'Octobre
1726. nommé le Comte de Taleyrand ; et
en secondes nôces , le 3. Août 1732. avec Ma
rie-Elizabeth de Chamillart , fille de Michel de
Chamillart, Marquis de Cany, et de Marie-Françoise
de Rochechouart de Mortemart , aujour
d'hui épouse de Jean - Charles Taleyrand Perigord
825 MERCURE DEFRANCE
gord , Prince de Chalais , grand d'Espagne de
Ja premiere Classe , Gouverneur de Berry. Il y
a trois garçons de ce second mariage . 2 °. N...
Vicomte de Taleyrand , Capitaine dans le Regi
ment de S. Simon Cavalerie,ci -devant du Maine,
né en 1787.
Le 13 Avril , nâquit à Paris Paroisse S.
Roch Anne Paul- Benoit , fils premier né
du second mariage de Paul- Emile , Marquis de
Braque , Chevalier, Comte de Loches , Seigneur
du Luat , d'Omont , Bourdou , Piscop , Châ
teauvert , &c. et de D. Elizabeth de Lorimier ,
son épouse .
La Maison de Braque , qui est établie en l'Isle
de France , Vallée de Montmorency , il y a plus
de fix fiécles , est originaire du Duché de
Milan , et sortie de la Maison des Bracqua ou
Braccha , premiers Seigneurs de ce Pays.
Il paroît que dès l'an 1100. ceux de cette
Maison possedoient la Terre et Seigneurie de
Piscop , près Montmorency , où ils fonderent
une Paroisse en 1211. et 1214. Cette fondation
fut faite par Erimbert de Braque , Chevalier
Banneret , Pierre et Renault , ses enfans , Seigneurs
dudit Piscop , par deux Chartres qui
sont en l'Abbaye de S. Victor à Paris .
Depuis l'établissement de cette Maison en
France , elle a fourni à l'Etat plusieurs Personnes
de la premiere distinction , tant dans l'Eglise
que dans l'Epée et la Maison des Rois ;
entr'autres Nicolas de Braque , Ministre d'Etat,
Surintendant des Finances , l'un des Executeurs
Testamentaires du Roy Jean , et l'un des Tuteurs
de Charles VI . Autre Nicolas de Braque ,
Grand Maître d'Hôtel du Roy' , et Capitaine
General
AVRIL. 1737. 827
9
Général d'une de ses Armées , Chevalier Banneret
, qui fut fait prisonnier à la Bataille de
Poitiers avec le Roy Jean. Robert de Braque .
Chevalier Banneret , et Capitaine Général des
Armées de Charles V I. et plusieurs autres de
cette Maison , qui ont possecé les mêmes Di
gnités , tant dans les Armées que dans les Conseils
de nos Rois. ·
Cette Maison a eu aussi l'avantage de voir
dans l'Eglise S. Eliebert de Braque , Archevêque
de Cambray , et Jean de Braque , Evêque de
Troyes en Champagne . Elle a aussi celui d'être.
alliée à plusieurs Maisons Souveraines , et à la
plus haute Noblesse ; entr'autres aux Maisons de
Courtenay , de Stuart , aux Comtes Palatins du
Rhin, Electeurs de l'Empire , à celle de Nassau ,
Prince d'Orange , et à plusieurs autres Princes
Souverains , aux Maisons de Montmorency , de
Châtillon sur Marne , de Colligny , de S. Simon
Rouvroy , de l'Hospital Vitry , &c.
f
Le Marquis de Braque porte les Armes de sa
Maison , d'Azur à la Gerbe d'Or liée de Gueule
à la Bordure engrêlée d'Or ; elles sont écartelées
de Stuart d'Aubigny , et de Stuart d'Abanie
, à cause du Mariage de Philipe de Braque
Seigneur du Luat et de la Mothe , premier
Maître d'Hôtel des Rois Charles VII . et Louis
XII. Gouverneur des Villes de Harfleur et de
Montivilliers , avec Guionne Stuart ; fille de
Jean Stuart , Seigneur d'Aubigny , Duc de Terrenove
, Marquis Desquillazzo , Connêtable de
Sicile , Viceroy de Naples , et Chevalier de l'Ordre
du Roy , et de Guillemette de Boucart , sa
femme , soeur d'Anne Stuart , Dame d'Aubigny,
femme de Robert Stuart, son Cousin , Comte de
Beaumont, Chevalier de l'Ordre du Roy , et
Maréchal
$ 28 MERCURE DE FRANCE
"
Maréchal de France ; issus en ligne directe et
masculine , des anciens Rois d'Ecosse ; septiémes
Ayeuls paternels et maternels de l'Enfant
qui vient de naître,
Les Quartiers des Armes de Stuart , que le
Marquis de Braque porte , sont party de trois
Traits et coupé d'un , au premier d'Ecosse , qui
est d'Or au Lyon de Gueule , enfermé dans un
double Tresor fleurdelisé et conticfleurdelisé de
même ; au second d'Azur à la Harpe d'Or ,
cordée de même pour Irlande ; au troisième d'Or
à la Face Echiquetée d'Argent et de Sable de trois
Traits pour Stuart ancien ; au quatrième , d'Azur
trois Fleurs - de- Lys d'Or , à la Bordure de
Gueule , chargée de huit Fermoirs d'or , pour
d'Aruly Durgel ; au cinquième, d'Azur à la Face
Echiquetée d'Argent et de Gueule de trois
Traits pour Linsay ; au sixième de Gueule à
trois Houssettes , cantonnées , armées d'Hermi
nes , ésperonnées d'Or pour Stuart d'Abanie
au septième de Gueule , au Lyon d'Argent , à la
Bordure d'Argent , chargée de buit Roses de
Gueule , pour Stuart Lenox ; au huitiéme er
dernier , d'Or au Sautoir de Gueule pour Raphe,
Les Suports de Braque sont deux Salamandres
de Sinople , vomissans du feu , et derriere
l'Ecu des Armes sont deux Bannieres passées en
Sautoir , dans l'une desquelles sont representées
les Armes d'Ecosse , et dans l'autre les Armes
de Braque ; et au-dessous du Cartouche des
Armes , est une Salamandre couchée dans les
flammes et vomissant du feu , avec la Devise
de la Maison de Braque : Cateris terror , mihi
Solatium .
L'Enfant qui donne lieu à cet article , fut
batisé le même jour de sa Naissance ; le Parain
AVRIL. 1737. 829
zain , Paul- Benoît , Comte de Braque , Chevalier
, Seigneur de Boisrenault , Grandef , & c.
ancien Gouverneur d'Auxerre , Grand- pere paternel
; la Maraine , Dame Marie- Louise Boucher
, Femme d'Antoine- Charles de Lorimier ,
Ecuyer, Conseiller - Secretaire du Roy , Maison,
Couronne de France et de ses Finances , Grandmere
maternelle .
Le 4. Mars fut célebré dans la Chapelle de
PHôtel de la Rochefoucaud le Mariage de François
Joseph de Bethune , Marquis d'Ancenis.
nouvellement fait Duc à Brevet , et Capitaine
d'une Compagnie des Gardes du Corps du Roy,
né le 6. Janvier 1719. refté fils unique de Paul-
François de Bethune , Duc de Bethune - Charost,
Pair de France , Marquis d'Ancenis , Chevalier
des Ordres du Roy , Lieutenant General de ses
Armées , Capitaine d'une Compagnie de ses Gar
des du Corps en furvivance , Lieutenant Géneral
des Provinces de Picardie , Boulonnois , Anciennes
Conquêtes du Hainaut , Gravelines et
Pays reconquis , Gouverneur de Calais , aussi
en survivance , et Gouverneur en titre des Ville
et Citadelle de Dourlens et de D. Julie - Chris
tine- George d'Entraigues , son Epouse , avec D.
Murthe-Elizabeth de Roye de la Rochefoucaud
de Roucy , née le 13. Décembre 1720. fille aînée
de feu François de Roye de la Rochefoucaud,
Comte de Roucy et de Roye , Vidame de Laon,
Baron de Pierrepont , Marquis de Sevorac
Mestre de Camp d'un Regiment de Cavalerie et
Brigadier des Armées du Roy , mort le 24. Fevrier
1725. à l'âge de 36. ans , et de feuë D.
Marguerite Elizabeth Huguet , fon Epouse ,
morte le Décembre 1735. dans la
4.
année
de fon âge. La Mariée n'a qu'une Soeur qui eft
-
41.
30 MERCURE DE FRANCE
JayDile de Roye , nommée Françoise- Pauline de
Roye de la Rochefoucaud , et née le deux Mars
-1723 . Armand de Bethune de Charost , Pair de
France , Chevalier des Ordres du Roy , Capitai
ne de fes Gardes du Corps , Lieutenant Géneral
de ses Armées, et dans les Provinces de Picardie ,
Boulonnois, Pays conquis, et reconquis , Gouver
neur de Calais, Chef du Confeil Royal des Finan
ces, ci devant Gouverneur de la Perfonne du Roy,
Ayeul du nouveau Marié , a eû l'agrément de fe
déinettre en la faveur, de sa charge de Capitaine
des Gardes du Corps , dont le Duc de Bethune
fe referve la survivance , qu'il a obtenuë dès le
mois de Novembre 1715 .
Le 18. fut fait le Mariagé de Louis - Marie de
Créquy , Marquis d'Haimont , âgé d'environ 320
ans , fils de défunts Henry -Alexandre de Créquy
, Marquis d'Haimont , mort en 1917. et
de D. Marie- Charlotte de Mannay , morte en
1726. avec Dile Renée Charlotte de Froulay ,
âgée d'environ 22. ans , fille de Charles- Frans
çois de Froulay , Comte de Montflaux , Maré
chal des Camps et Armées du Roy , et son Ambassadeur
Ordinaire près de la République de
Venife , & de D. Marie - Anne-Jeanne -Françoise
de Sauvaget des Claux .
********:
ARRESTS NOTABLES.
L
ETTRES PATENTES SUR ARREST,
du 10. Octobre 1733. en faveur des Sieurs
Vanr bais & Neveux.
Louis , par la grace de Dieu , Roy de France
et de Navarre : A nos amés et féaux Confeillers
les
AVRIL. 1737. 831
de
les Gens tenans notre Cour de Parlement à Paris
, & autres nos Officiers et Justiciers qu'il
apartiendra ; Salut. Sur ce qui Nous a été reprefenté
en notre Conseil par les sieurs Vanrobais
, Entrepreneurs de la Manufacture Royale
de Draps fins , établie à Abbeville ; qu'ils étoient
informés qu'il se vendoit et débitoit fréquemment
des Draps de différentes Manufactures de
notre Royame , de qualités inférieures , pour
des Draps de leur fabrique , ce qui causoit un
égal préjudice au Public , et à la réputation de
leur Manufacture ; que le plus sûr` moyen
la soûtenir , d'empêcher que leurs Draps ne
soyent confondus avec ceux des autres fabriques ,
et qu'ils pussent en être facilement distinguez ,
feroit , qu'il Nous plût ordonner qu'à Pavenir
les Draps de leur Manufacture seroient
marqués d'une lisiere particuliere , avec défenses
à tous Entrepreneurs de Manufacture et
Maîtres Fabriquans , de contrefaire ladite lisiere
, à peine de confiscation , et de telle
amende qu'il Nous plairoit d'ordonner , Nous
aurions par Arrêt de notre Conseil du 15 .
Septembre dernier , ordonné qu'à l'avenir les
: Draps de la Manufacture defdits sieurs Vanrobais
auroient une lisiere bleue avec quatre fils
aurores, tissus entre la lisiere & le Drap , & ordonné
que pour l'execution dudit Arrêt , toutes
Lettres nécessaires feroient expediées , lesquelles
les Exposans Nous ont très - humblement fait
suplier de leur accorder. A ces causes , de l'avis
de notre Conseil, qui a vû ledit Arrêt du 1 ‹ .Septembre
dernier , dont extrait est cy- attaché ſous
le contre-scel de notre Chancellerie , Nous avons
ordonné & par ces Presentes , signées de notre
main , ordonnons qu'à l'avenir les Draps de la
Manufacture
832
MERCURE DE FRANCE
Manufacture desdits
sieursVanrobais auront une
lisiere bleue avec quatre fils aurores ,
tissus entre
: la lisiere & le drap Faisons très-expresses inhibitions
et défenses à tous
Entrepreneurs de Manufacture
& Maîtres
Fabriquans , d'imiter ou
contrefaire ladite lisiere , à peine de confiscation
des pieces de Draps auxquelles elle auroit
été mise , & de 100. livres d'amende ,
cables , un tiers à notre profit , un tiers au apliprofit
desdits sieurs Vanrobais , & l'autre tiers
au profit des Pauvres des Hôpitaux les plus prochains
des lieux où les
Jugemens auront été
rendus , sans que lesdites pines puiffent être
réputées
comminatoires. Si vous mandons que
cesdites Presentes vous ayez à faire registrer
& de leur contenu jouir et user les
Exposans
pleinement &
plaisiblement , cessant et faisant
cesser tous troubles et
empêchemens , et nonobstant
toutes choses à ce contraires . Car tel
est notre plaisir . Donné à
Fontainebleau , &c.
Il est à observer
qu'indépendamment des distinctions
énoncées au present Arrêt , les Draps de
cette fabrique portent au chef & à la queuë de
chaquepiece le nom des Vanrobais & Neveux à
Abbeville , avec des plombs aux Armes du Roy et
desdits Vanrobais.
A
TABLE.
IECES
FUGITIVES. Ode surla Paix , 621
Pouatrième Lettre sur
quelques sujets de
Litterature , & c.
627
Ode sur la Guerre ,
646
Révolution arrivée au Grand Caire , 654
L'Hymen
Hymen , Ode ; 670
Eloge de Marseille ,
Traits d'Histoire , &c.
674
685
Extrait d'une Lettre sur la Question de l'égalité
des deux Sexes , & c.
Vers à M. de Lamée ,
688
694
Acres de Cession et de prise de possession du
Duché de Lorraine , &c . ibid.
Pleins Pouvoirs du Duc de Lorraine , 697
Lettre de Cachet pour la remise des Sceaux , 698
Lettres Patentes du Roy de Pologne pour la prise
de Possession actuelle , & c. 703
lein Pouvoir de M. de la Galaiziere en qualité
de Commissaire du Roy ,pour la prise de possession
éventuelle du Duché de Lorraine, 711
Mandement de l'Evêque de Toul ,
Harrangue de M. Hanus , & c.
Le Singe Philosophe , Fable ,
Arrêt Burlesque ,
Acrostiche ,
Enigmes , Logogriphes , & c.
717
721
723
724
725 3
727
736
Nouvelles Litteraires , Epitre de M. Gresset, 733
Dissertation sur le fer , & c.
737
Lettre écrite à M. Gibert , &c . sur la vie de M.
Gibert , Canoniste
Histoire et Description générale du Japon, 738
Traduction de l'Orateur de Ciceron , &c. 749
Cours de Chimie , & c. 751
Oeuvres de feu M. Math. Terrasson , &c. 793
Les Causes Célébres , neuf et dixiéme Vol. 756
Lettre sur de nouvelles Pendules à quart ,
Question , & c.
761
Ibid .
762 Tableau représentant la Justice , Vers ,
Estampes nouvelles, QuatreVûes d'Angleterre .Ib.
Suite du sujet déssinés d'après l'antique , 764
Nouveaux morceaux de l'Hictoire de D. Gui-
Ibid.
chotte ,
Suite des Portraits des Hommes Illustres , 765
Muzette , air noté à deux voix ,
>
772
773
776
Spectacles. Agapit Tragedie
Parodie de l'Opera de Persée , Exrait ,"
Reprise l'Opera de Jephté et changemens , 789
Nouvelles Etrangeres , Turquie , et Perse , Rus
sie ,
Pologne , Allemagne , Italie et Espagne , 801
France. Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 807
Convalescence de la Duchesse de Bourbon ,
Vers & c.
Morts , Naissances , & c.
Arrêts Notables , &c .
Errata du second volume de Mars.
796
814
817
831
*Page liget
Age 596. ligne 11. sentari , lisés scutari.
P. 613.1. 32. et Amelie Impératrice, ôtés ca
mots et lisés Amelie fut.
P. 617 1. 19 d'Ausonis l, d'Ansouis , Ibid. 1. 2.
du bas , acs 1. arcs .
Fantes à corriger dans ce Livre.
PAge 635. ligne 24. ne seroit , ajoûtés , pas.
P. 647. ligne 20. point , l. plus.
P. 662. 1. 19. sous les , lisez , prendre les,
La Chanson notée doit regarder la page
77%
John
Bigelow
to the
Century
Association
*
DM
Mercure
*
IM
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROT.
MARS. 1737.
SPARGIT
URS
COLLIGITI
Pallior
Chés .
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
rue S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quay de Conty,
à la defcente du Pont, Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXVII.
५
Avec Aprobation & Privilege du Royi
THE NEW YORK
PUBLICHBRARY
ASTOR , LENOX AND
TILDEN UNDATIONS
LAD
AVIS.
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur com◄
modité voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.-
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'aurons
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porierfur
l'heure à la Pofte, on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
Prix XXX, SOLS.
MERCURE
. DE
FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
MARS. 1737.
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
+
OD E.
Tirée du Pseaume XLV. Deus noster
e
refugium et virtus , &c.
Ue l'Univers entier me déclare la
guerre ,
Que l'Enfer en courroux s'unisse
avec la Terre ,
Pour confondre mes jours dans la nuit da
tombeau ;
Le Seigneur est ma force; et desjours du coupable,
A ij
Dont
410 MERCURE DE FRANCE
Dont la haine à tout coup m'accable ,
Son bras éteindra le flambeau.
Que sur ses fondemens la Terre chancelante ,
S'abîme dans le sein de l'Onde mugissante ,
Que les Vents à la fois déchaînés sur les Mers
Poussent jusques aux Cieux les vagues irritées,
Que par leur haleine emportées ,
Elles brisent les durs Rochers.
Tranquille cependant aux pieds du Sanctuaire ,
Je redouterai peu l'impuissante colere ,
Des Elemens l'implacable fureur.
C'est dans Sion que Dieu renferma sa puissance
Son bras armé pour sa défense ,
En éloignera la terreur .
Mille Peuples jaloux de sa gloire nouvelle ;
En vain pour la détruire ont conspiré contre elle
La mort a renversé leurs funestes projets.
L'Univers a tremblé , frapé de son Tonnerre ,
Et les Monarques de la Terre
Sont mis au rang de ses Sujets.
來
Le Dieu Saint , le Dieu fort et le Dieu des Armées,
Animoit au combat nos Tribus allarmées ;
Juda
MAR S. 1737. 411
Juda sous ses Drapeaux portoit des coups mortels
Benjamin triomphoit d'une ligue fatale ,
Tandis qu'au son de la Timbale ,
Lévi lui dressoit des Autels.
Ouvre , Jerusalem' , tes celestes barrieres ;
Fais retentir au loin les Trompettes guerrieres
Le farouche Indien reconnoîtra ta voix ;
Le Scythe dans tes murs viendra fondre avec zele
Et du Nil le Peuple infidele ,
Viendra te demander des Loix..
ous , que ses fiers exploits avoient glacés de
crainte ,
Mortels , rassurez - vous , sa colere est éteinte ,
Du haut de ses ramparts elle vous tend les bras:
Le Dieu qui la protege a rempli sa vengeance a
La guerre a fui de sa présence
Dans les plus barbares climats
M
Les dards des Ennemis , leur fleche meurtriere
Sous ses pas éternels sont réduits en poussiere.
Leurs Chariots brisés périssent dans nos champs
La flamme a consumé leurs Beliers redoutables;
Leurs Boucliers impenetrables ,
Sont le jouet de pos enfans .
▲ iij DB
4 MERCURE DE FRANCE
Du sang de leurs Soldats la terre pénétrée ,
D'une double moisson dore cette Contrée ;
L'herbe croft à l'envi sur le bord des Ruisseaux;
La celeste rosée inonde nos Campagnes ;
Et loin de nos saintes Montagnes
Les Loups vont ravir les Troupeaux,
C'est ainsi que de Dieu la bonté paternelle
Protegera Sion , tant qu'à sa Loi fidelle ,
Sion fera fleurir son culte et son Autel ;
Et que les descendans que son sein verra naître
Ne reconnoîtront d'autre Maître
Que le Dieu vengeur d'Israël.
B. D. M.
XXXXX :XXXXXXX:XXX
REFUTAT TON des deux Ecrits du
R. P. Mathien Texte , Dominicain , au
sujet du Lieu de la Naissance de S.
LOUIS. Lettre écrite par M. l'Abbé
L. B. Chanoine D. L. C. D.
V
Otre Journal , Monsieur , est comme
un Dépôt public , dans lequel
on peut demander que les Pieces , qui
souffrent de la difficulté entre des Parties,
soyent remises pour y avoir recours ,
en
MARS. 1737 413
"
En cas de besoin , pour l'interêt de la ve
rité. Le R. P. Texte , dont les Ecrits sur
le sujet en question , ont déja occupé
deux places dans le Mercure, sans compter
ce qu'il a fait inserer , ou repeter d'a
près le Mercure, dans le Journal de Trévoux
du mois d'Août dernier , le P. T.
dis- je , s'obstine toûjours à soûtenir que
S. Louis est né à Poissy , par la raison
qu'il y a été baptisé de quoi tout le monde
convient , et parce que Bernard Guidonis
assure qu'il y est né ; car voilà ,
Monsieur , à quoi aboutissent toutes les
longues Ecritures de ce zelé Religieux .
Tous les autres Auteurs , tous les Ti
tres qu'il cite , où sont employés les termés
oriundus , et originis , par raport à S.
Louis, ne peuvent pas d'eux mêmes donner
à ces termes la force et la signification
qu'il veut ytrouver.Ils ontservi à tromper
des Lecteurs , qui n'ont pas jugé à
propos d'aprofondir ce sujet, ou qui n'ont
pas été en état de le faire : tels sont les
Rechat , les Pepin , les Dupleix , auxquels
on peut joindre Lasseré, car le P. T. nous
fait aussi valoir cet Auteur du XV I.
Siècle , dans ses Aditions en feuille volante
à l'Extrait du Mercure de Décembre
1736. Les Ouvrages de ces Auteurs
étant imprimés , tout le monde peut les
A iiij
avoir
•
414 MERCURE DE FRANCE
avoir entre les mains . Le Suplément
l'Histoire de Beauvoisis , par M. Simo!
Conseiller au Présidial de Beauvais , qui
a occasionné le dernier Ecrit du R. P.
est aussi un Ouvrage public ; mais il est
nécessaire d'avoir un éclaircissement sur
son sujet.
Et pour le faire avec un entier succès
, je vais donner plus au long qu'on
n'a encore fait , les Chartes , ou Lettres
Patentes, dont M. Simon s'est contenté
de faire mention . C'est le moyen de détruire
absolument l'avantage que le P.
Texte tire des contradictions qu'il trouve
dans les expressions de cet Historien .
Vous jugerez vous même , Monsieur , si
M. Maillart a eu tort de s'autoriser sur
des Chartes si formelles et si autentiques,
si le R. P. de Montfaucon a mal fait de
les adopter , et enfin si l'Extrait ou plûtôt
la Citation défectueuse que que M. Simon
en a faite , peut- être de mémoire , suffit
pour les décrier avec tant de hauteur et
avec si peu de ménagement à l'égard de
ceux qui ne pensent pas là- dessus comme
ce R. P. Voici la premiere de ces
Chartes.
LOUIS , par la grace de Dieu , Roy
de France : A nos Amés & Féaux les Généraux
& Conseillers
par
Nous ordonnés
sut
MARRS. 1737. 419
Sur le fait et Gouvernement de toutes nos
Finances. Aux Esleus sur le fait des Aides
en l'Election de Beauvais , ou à leurs Commis
: SALUT et Dilection. Sçavoir vous
faisons que Nous, ayant consideration à la
grande pauvreté en laquelle les Habitans
de la Paroiffe de la Neufville en Hays sont
present constitués à l'occasion des Guer
res qui ont par long - temps en cours en notre
Royaume , et par plusieurs autres tribulations
, fortunes et nécessités qui leur sont
survenues le temps passé en diverses manieres
, tellement que ladite Paroisse est trèsgrandement
apauvrie et diminuée d'Habitans
et de Chevances . Considerans aussi
qu'audit Lieu de Neufville , qui est situé
en Forests et Pays fort infertile , et où il ne
croît que très- peu de biens , Monseigneur
Saint Louis notre Predecesseur de glorieuse
mémoire FUT NE' ET Y PRINS SA NAISSAN
CE , ainsi qu'il nous a été affirmé Auxdits
Habitans de Neufville , qui sur ce nous
ont très humblement suplié et requis , pour
ces causes et pourl'honneur et reverence de
mondit Seigneur Saint Louis ; et à fin que
lesdits Habitans se puissent mieux resoudre
à mettre sus et repeupler ledit Village , et
pour autres considerations à ce nous mouvant
, Avons octroyé et octroyons , Voulons
et Nous plaît , de grace spéciale par ces
Av Presentes
,
416 MERCURE DE FRANCE
Presentes , que
de
cy
à
sept ans prochains
venans , ils soyent et demeurent francs, quitses
, et exempts de toutes les tailles qui seront
dorénavant mises sus et imposées de
par Nous en nôtre Royaume, soit pour le
fait et entretenement de nos Gens de
Guerre, ou autrement , pour quelques causes
que ce soit et de ce les avons exempiés ,
affranchis , exemptons et affranchissons le=
dit temps durant de nôtredite grace spéciale
par ces Presentes , et Nous vous mandons et
enjoignons , et à chacun de vous en commetsant
où il apartiendra , que lesd. Habitans
de la Neufville vous faites et souffrez jouir
et user paisiblement de nos presens Affranchissemens
, Graces et Octrois , sans leurfai
re , ne souffrir être fait , mis , ou donné durant
ledit temps aucuns Arrests des tourriers
ou empêchemens , au contraire , en corps
et biens , en aucunes manieres : CAR ainsi
Nous plait - il être fait , nonobstant que par
nos Lettres de Commissions , qui sont et seront
par Nous données pour mettre sus lesdites
Tailles , soit mandé imposer à icelles
toutes manieres de Gens exempts et non
exenpis , privilegiés et non privilegiés ; en
quoi ne voulons lesdits Habitans être compris
, ni entendons en aucune maniere et
quelconques Ordonnances , Mandemens ou
Défenses à ce contraires . DONNE' à Compiegne
MARS. 1737. 417
piegne l'An de Grace mil quatre cent soixan
te buit , et de nôtre Regne le huitième. Ainsi
signé , PAR LE ROY , M. le Duc de
Bourbon , le Vicomte de la Valliere , et autres
presens. Ainsi signé de la LOERE.
Je crois qu'il est inutile de joindre ict
à ce Titre les Mandemens des Juges com.
mis pour l'exécution de ces LettresRoïaur
mais je ne puis m'empêcher de faire ob
server que la simple lecture de cet Acte ,
fidelement ponctué , prouve qu'il y a
eu véritablement de l'erreur dans l'Extrait
que M. Simon en a donné dans son
Livre , qu'il n'est pas vrai que les Habitans
de la Neufville parloient sur des oži
dire , qu'on leur eût suggeré, et que c'est
mal à propos que son Imprimeur a mis,
ainsi qu'il a été affirmé auxdits Habitans
parceque ces deux derniers mots ne sont
point dans l'Acte à la fin d'une Phrase ,
mais au commencement d'une autre ,
comme on vient de le voir dans la Charte
fidelement transcrite d'après l'Origi
nal : de plus c'est une seconde faute contre
l'exactitude d'avoir suprimé le pro
nom Nous , dont le Roy se sert en disant
, qu'il nous a été affirmé. Si donc il
paroît quelque défaut ou quelque contradiction
dans les Extraits que M. Si
mon a donnés , il ne faut là dessus rien
A vj imputer
418 MERCURE EE FRANCE
imputer à M. Maillart ; il a raisonné sur
les Titres originaux , qu'il a eu entre les
mains , pris en leur entier , et il a raisonné
conséquemment. Vous avez vû le
premier de ces Titres , voici le second , je
ne le donnerai qu'en abregé , parceque
c'est une repetition du premier .
LOUIS , par la grace de Dieu , Roy
de France : A nos Amés et Feaux les Généraux
Conseillers par Nous ordonnés sur le
fait et Gouvernement de toutes nos Finan-
Ges ; et aux Eslûs sur le fait des Aides ordonnés
pour la Guerre en l'Election de Beauvais
, ou à leurs Lieutenans : SALUT et Dis
lection . Reçue avons humble Suplication des
Manans et Habitans de la Paroisse de la
Neufville , contenant que au mois d'Août
mil quatre cent soixante- huit, Nous leur
octroyâmes par nos autres Lettres Patentes
et pour les causes dedans contenues , et mesmement
pour consideration de leur pauvreté,
et aussi de ce que audit Lieu de la Neufville
Monsieur Saint Louis notre Préde-
3
cesseur de glorieuse mémoire , FUT NE' ET Y
PRINS SA NAISSANCE , que dès- lors en avant
jusqu'à sept ans consecutifs et entre-suivans,
ils fussent et demeurassent francs , quittes et
exempts de toutes les Tailles qui seroient mises
sus et imposées de par Nous en nôtre
Royaume , ainsi qu'il est plus à plein contenk
MARS, 1737. 413
enu en nosdites Lettres , & c.
Le reste de l'Acte porte une Proroga
tion d'exemption pour un an.
DONNE' à la Victoire près Senlis le treiziéme
jour d'Octobre , l'an de Grace mil
quatre cent soixante-quinze , et de nôtre
Regne le quinzième. Signé , PAR LE ROY,
Avrillot.
Le troisiéme Titre vous paroîtra plus
curieux.
ي ف
HENRY , par la grace de Dieu , Roy
de France et de Navarre : A tous presens
et à venir. Nos chers et bien Amés les Manans
et Habitans et Paroissiens de la Neuf
ville en Hays , Nous ont fait remontrer en
nôtre Conseil que les Rois de France , et
Ducs de Bourbon ; Comtes de Clermont
dés l'an mil deux cent , et depuis Rodolphe ,
aussi Comte de Clermont , ei Louis , aîné y
Fils , Succeffeur du Comte de Clermont, Seigneur
de Bourbon , Chambrier de France
en l'an mil trois cent quinze , veille de la
my- Aoust , pour bonnes considerations , leur
auroit donné , octroyé et confirmé plusieurs
beaux Droits d'usage , chauffage , pâturage
, et franchises en nôtre Forest de Hays ,
dite la Neufville , à cause duquel nom de
la Neufville , ladite Forest de toute ancienneté
est ainsi apellée , et tout de même ledit
Lieu de la Neufville se refere au nom
de
20 MERCURE DE FRANCE
de ladite Forest , en ces mots : La Neuf
ville en Hays , pour ce qu'il étoit de toutes
parts enclavé et environné de ladite Forest ,
comme il est encore de present en la plus
grande partie ; même le Roy Saint Louis ,
de bonne mémoire , en consideration de ce
qu'il E'TOIT NE' ET AVOIT PRIS SA NAIS
SANCE AU CHATEAU DE LA NEUFVILLE
outre le même Octroi et confirmation qu'tl
leur avoit fait des lits Privileges et Usages,
tes auroit afranchis , et rendus exempts de
routes Tailles et impositions , comme
exemple et imitation, auroit fait le Roy Louis
Onziéme.
C'est à sçavoir, droit d'aller en ladite Forest
de la Neufville, pour couper , lever, et
emporteren toutes manieres, hors la scie, & c.
On ô net ici le détail assés long de tour
ce que les Habitans peuvent prendre dans
cette Forest.
Avec pâturage en Communauté pour leurs
Bêtes aumailles , chevalines et autres , ès
Lieux et Marais proche de ladite Forest
notoirement apellés les Communes de Bresle
la rue Saint Pierre , et la Neufville.
Enpayan par chacun ménage tenant faisani
feu en sa maison , pour chacun an , le
jour de Noël , deux mines d' Avoine deux
Chapons , et six Deniers de Cens le jour S.
Remy, outre le droit de Fournage de deux
sols
MAR S. 1737. 4LF
sols Parisis ; laquelle redevance aucuns des
Ducs et Duchesses de Bourbon , Comtes de
Clermont , residens souvent audit Château
de la Neufville , voyant l'infertilité du Lien
et qu'il n'y croissoit que bien peu de grains
et pour autres bonnes considerations , auroient
moderé auxdus Habitans à la somme de buit
sols Parisis seulement pour chacun ménage
Payables auditjour de Noël à nôtre Recepte
de Clermont , & c. Suit un autre Détail
qu'on croit devoir ômettre à cause de sa
prolixité , et qui ne contient rien d'essentiel.
Sçavoirfaisons , que Nous défirant bien
favorablement traiter lesdits Habitans &
Paroiffiens de la Neufville à l'exemple de
nosdits Prédéceffeurs , les maintenir & conserver
en tous & chacuns leursdits privile
ges , usages , chaufages , pâturages , franchises
& exemptions. Après avoirfait voir
en notre Conseil plusieurs Extraits de leurs
Chartes & Titres , Arrêts , Sentences , C
Jugemens qu'ils ont obtenus , mêmement la
Sentence et Jugement donnés par les Gens
tenans les Grands Jours du Comié de Clermont
pour le Duc de Bourbonnois et d'Auvergne
, en l'an mil cinq cent sept , le 26.
d'Aoust. Quittance de Finance qu'ils Nous
ont payé pour le droit de Confirmation et autres
Pieces cy attachées sous le contre scel de
notre Chancellerie.
›
422 MERCURE DE FRANCE
Avons à iceux Habitans es Paroissiený
de la Neufville en Hays , et leurs Successeurs,
continué , confirmé, et aprouvé , et de Notre
grace spéciale , pleine puissance et autorité
Royale Continuons et confirmons tous
lesdits privileges , chauffages , pâturages ,
franchises et exemptions , &c.
SI DONNONS en Mandement à nos Amés
et feaux les Sur. Intendant , et Grand Maî
tre de nos Eaux et Forêts de France , ou son
Lieutenant audit Siege de la Table de Mar
bre de notre Palais à Paris , & c. Ils fassent
, soufrent , et laissent iceux Habitans
et Paroissiens de la Neufville et leursdits
Successeurs , jouir , user pleinement et pera
petuellement , quoi qu'ils ne fassent aparoir
de confirmation de nosdits Prédéces
seurs , et de plusieurs Originaux de leursdites
Chartes et Fitres , ou de partie d'iceux
pour avoir été perdus pendant ces derniers
troubles , et lors du Siege quifut mis devant
notre Château de la Neufville , qui tenoit
contre notre obéissance , et qui fût brûlé et
démoli : dont en ce que cela pouroit leur
nuire et préjudicier , nous les´en avons relevés
et dispensés , relevons et dispensons par
ces presentes. Cartel est notre plaisir. Et afin
de perpétuelle mémoire et que ce soit chose
ferme et stable et toûjours , Nous avons fait
mure notre Scel à cesdites Présentes , &c.
DONNE
MARS. 17378
423
DONNE' à Paris au mois d'Août , l'an
mil six cent un et de notre Regne
grace
,
" et sur
de
le treizième. Signé , HENRY
le reply par le Roy , POTIER. Signé en
queue , Clausse de FLEURY.
Ces trois Chartes sont soigneusement
conservées à la Neufville , dans le Coffre
des Titres et Papiers de la Communauté,
Les Personnes , qui , comme M. Maillart,
sont accoûtumées à lire et à examiner de
pareilles pieces , jugeront , sans doute , que
tout ce que le P. T. allegue dans le Mercure
de Décembre 1735. I. vol . tombe de
lui même, qu'il n'y a point eû de mauvai
se foi dans les Habitans de la Neufville ,
qu'il n'y a point de contradiction dans les
Chartres , qu'elles suposent toutes trois la
naissance de S.Louis à la Neufville, comme
un fait certain , dont l'exposition n'avoit
rien de révoltant , et qui ne fut point réfutée
par les Officiers de la Chancellerie ,
ni par les Secretaires d'Etat qui expédierent
ces Lettres, après avoir fait le raport
au Conseil du sujet pour lequel on les de
mandoit. Toutes ces Personnes ensemble
n'ignoroient pas le Baptême de S. Louis à
Poissy , parce qu'en effet il y a une véritable
difference entre la Naissance et la Bap-,
tême : on jugera , dis- je , enfin que c'est
une mauvaise chicane de la part du P. T ,
que
424 MERCURE DE FRANCE
que de tourner et retourner , comme il
fait , de tant de manieres les expressions
peu exactes de M. Simon , et de ceux qui
l'ont copié , dont on n'est point garant ,
pour y faire trouver du ridicule , &c .
N'oublions pas ici une idée assés singuliere
de ce R. P. il nous dit que les Habitans
de la Neufville se sont peut-être
trompés en prenant Louis Comte de Cler
mont, Petit fils de S. Louis pour S. Louis
même; mais cette idée est tout à- fait chimerique,
et le P. en conviendra de bonne
foi , s'il veut bien remarquer ici que ces
Habitans reconnoissent aussi ce Louis
Comte de Clermont pour l'un de leurs
Bienfaiteurs , et qu'indépendemment de
Cet aveu , ils publient que le Roy S.Louis
les a favorisés avant lui , en considération
de ce qu'il étoit né et avoit pris sa naissance
an Château de la Neufville . Lettres Patentes
de Henri IV.
de
Je n'entreprens pas ,
Monsieur ,
faire ici la Critique des Ouvrages histo
riques de Bernard Guidonis , dont l'autorité
est d'un si grand poids à notre Adversaire
je ne finirois point s'il falloit
relever tous les défauts de ces Ouvrages.
Ce sont sans doute ces défauts , et surtout
son peu d'exactitude , qui leur ont
attiré le mépris des Sçavans , et qui sont
la
MAR'S. 1737 423
la cause qu'ils restent oubliés dans la
poussiere des Biblioteques , sans que personne
ait jamais eû le courage de les rendre
publics par l'Impression.
Il est vrai que les Religieux de son
Ordre en firent faire des Copies dans le
Ive Siecle , dont quelques - unes furent
ornées de belles vignettes en miniature ,
ornemens qui font conserver ces dernie
res dans quelques Biblioteques avec plus
de soin que n'en merite le fonds de
l'Histoire. Par ce que j'ai vû de cet Ecrivain
sur les Saints du Limousin dans la
Biblioteque des Manuscrits du P. Labbe,
je puis bien assurer que jamais les Recüeils
de Guidonis n'auront un rang dis
tingué dans la bonne Litterature. En ef
fet , il se montre par tout un Compila
teur sans goût , sans critique , sans discernement
, presque semblable à l'Auteur
de la Legende dorée : témoin la
belle Vie d'un S. Justin d'Aquitaine , que
les Bollandistes n'ont pû s'empêcher de
traiter de Fable outrée , Fabulosissima ,
quoique publiée par un de leurs Confreres .
Le P. T. qui veut donner du poids à
Guidonis , nous citera des Vies de Papes,
écrites par cet Auteur , et publiées par M.
Baluze , mais ces Vies prétendues ne sont
que de simples Annales des Evenemens
de
428 MERCURE DE FRANCE
de son temps de toute espece : Ouvrage
pour lequel il ne faut aucune critique .
Il n'en est pas de même des faits qui lui
étoient antérieurs de plus de cent, ans ,
dont il n'a pû être témoin , non plus
qu'aucun de ses contemporains. Et quand
même il seroit venu une fois ou deux à
la Cour , vers 1320. ou environ , ainsi
que le prétend le P. T. par ses Additions
en feuille volante au Mercure de Decem
bre , il ne peut y avoir trouvé un témoin
qui eût vû naître S. Louis à Poissy. Il a
toujours tort d'avoir interpreté dans son
Cabinet Pissiacum originis sua locum... ha
bebat,par ces mots apud Pissiacum natus est
Le P. T. que je continuë de suivre
dans ses raisonnemens , s'obstine toujours
à ne vouloir pas distinguer le Lieu de la
Naissance , d'avec celui du Baptême , deux
Lieux qui souvent ont été et sont enco→
re aujourd'hui quelquefois bien differens .
Il est vrai qu'au bout d'un certain temps
ces differences sont difficiles à prouver ;
mais elles ne sont pas moins réelles dans
le fait. Plusieurs circonstances peuvent
y avoir donné lieu ; et pour me renfer
mer dans notre sujet , étoit- il deffendu à
La Princesse , mere de S. Louis , d'aller
sur la fin de sa grossesse à la Neufville
ou à Clermont , rendre visite à Cathe
rine ,
MARS. 1737.
427
rine , Comtesse de Blois , qui en étoit
Dame , et qui étoit alors Veuve ? Le
Voyage d'une journée étoit- il regardé
comme perilleux pour une Princesse qui
vivoit selon les Coûtumes et dans la simplicité
de son Siecle ? Qu'on se rapelle
Ici ce que l'Histoire raporte de la Naissance
de Jean Tristan , Fils de S. Louis ,
et du Voyage d'Outre- mer , où la Reine
se trouva. Qu'on se rapelle aussi l'exemple
d'Isabelle d'Arragon , qui revenant de
l'Expedition de Tunis , où elle avoit suivi
Philipe le Hardi son Epoux ; et traversant
la Calabre étant grosse , se blessa , dit
Mezerai , en tombant de cheval , et mourut
dans la Ville de ConZence . L'exemple enfin
de la Reine Marie de Luxembourg ,
Fille de l'Empereur Henri , et Epouse de
Charles le Bel . Ce Prince fit en 1323. un
Voyage en Languedoc , menant avec lui
la Reine , qui étoit enceinte , et qui accoucha
avant terme , ce qu'on attribua à
la fatigue de voyage. La Princesse mou .
rut peu de jours après , et fut inhumée
dans l'Eglise des Dominiquaines de Montargis
. En un mot quel inconvenient , ou
quelle impossibilité y a- t il , que la Princesse
Blanche soit accouchée subitement
à la Neufville , peut être au retour de
Clermont , et que l'Enfant ait été porté
à
428 MERCURE DE FRANCE
à Poissy , pour y recevoir avec plus de
décence et de cérémonie le Sacrement de
Baptême ?
Si malgré ce que je viens de dire, le P.
T. veut absolument que je lui donne la
raison du Voyage de la Reine Blanche à
la Neufville ou à Clermont , fait peu interessant
, dont aucun Historien n'a daigné
faire mention , je le prierai très -humblement
de me produire l'Extrait Baptis
taire de S. Louis , qui certainement a dû
être écrit en ce temps- là dans les Regis
tres de Poissy . Si dans cet Acte ' autentique
il me fait voir que S. Louis est né
au même Lieu où il a eté baptisé ; notre
contestation est finie , et sa Cause gagnée.
Quant à l'exemple qu'il cite de Catel ,
Historien de Toulouse , qui a traduit
Oriundus par natif , je pourois soûtenir
que la Traduction de cet Ecrivain n'est
pas ici une autorité suffisante, Catel n'en
sçavoit pas davantage. Mais voici un autre
exemple bien plus respectable ; sçavoir
, celui de Notre Seigneur J. Christ ;
qui quoique né à Béthleem , non Bethle
mites fed Nazarenus cognominatus est. Dit
Hincmar dans Frodoard , L. 3. p. 455.
Edit, de 1617. Observons encore là des
sus que l'un de nos meilleurs Traducteurs
, et qui scavoit assurément mieux
2
la
MARS. 1737- 429
la valeur des termes que Guidonis et que
Catel ; sçavoir , le P. Amelote a rendu le
3e Verset du 11e Chapitre de S, Luc, auk
sujet de l'Edit d'Auguste , &c. Et ibant
omnes ut profiterentur singuli in suam civitatem
, par ces paroles. Et parce que cha
cun se venoitfaire écrire dans la Ville d'où
il tiroit son origine. Joseph, continue- t- il ,
qui étoit de la Maison & de la Famille de
David , vint aussi de Nazareth Ville de
Galilée , dans la Ville de David , nom-.
mée Bethleem en Judée , pour y faire
enregistrer son nom , &c. Joseph , ná
dans la Galilée , tiroit donc son origine.
d'une Ville de Judée. L'origine & la
naissance étoient donc en lui deux cho
ses très distinctes. Personne n'en peut
disconvenir , & l'aplication au sujet que
nous traitons se présente d'elle- même.
Au reste je n'ai point hazardé à l'avan
ture , que Catherine , Comtesse de Blois ,
étoit Dame de la Neufville dans le temps :
de la grossesse de la Princesse , Mere de
S. Louis , & qu'une veuve de cette qua
* Chaque particulier , dit D. Calmet , dans
son Commentaire , devoit se trouver dans sa Vil
lè au lieu de son origine , pour y donner son
nom. •Joseph étoit donc , continue til , orig
ginaire de Beibléem et descendu de David , auffs
bien que Marie fon Epouse, &c.
· · •
lité
430 MERCURE DEFRANCE
lité pouvoit bien être visitée par cette
Princesse , dont l'Epoux Pere de notre
Saint étoit alors à la guerre . Je suis fondé
sur le Cartulaire de Clermont & de la
Neufville, où se trouve un titre traduit
en vieux François sur le Latin , de l'an
1208. Par lequel , « Catherine Comtesse de
» Blois & de Clermont , fonde dans les
Murs du Château de la Neufville en
Hays , une Chapelle en l'honneur de
sainte Catherine , & un Chapelain qui
» prieroit Dieu pour Raoul son Pere , Ade-
» line sa Mere , et Loys son Mari ; ce
qu'elle déclare être aprouvé par Thi-
» baud son Fils. On voit par ce titre que
cette Dame demeuroit souvent à la
Neufville. S. Loüis confirma les auga
mentations de Biens , faits à cette Chapelle
par le Roy Philipe son Ayeul , &
par Philipe Comte de Boulogne & de
Clermont son Oncle , & assigna la moitié
de ces revenus sur la Prevôté de
de Clermont , qu'il apelle Notre Prevôté
de Clermont. Cette confirmation est
datée de Compiegne au mois de Mars
1258. Jugez , M , si la Comtesse Catherine
n'étoit pas de qualité , à recevoir
chés elle l'Epouse du Fils de Philipe Auguste
, puisqu'elle engage le même Roy
à contribuer à la fondation de la Chapelle
MARS. 1737. 43P
pelle du Château de la Neufville.Et crain-!
te de quelque incident de la part du P.
Texte, au sujet du Cartulaire & du Titre
que je viens de citer ; ( car la Neufville ,
Honorée d'un Cartulaire , lui paroîtra
peut-être uunnee cchhoossee peu croyable ) il faut-
T'assurer ici qu'il trouvera ce Cartulai
re dans la Bibliothéque du Roy, on av
Le témoignage , que ce R. P. allégue
comme bien authentique , tiré du vi
trage d'une Chapelle de l'Eglise Paroissiale
et Collégiale de Poissy , me paroît
iei des plus foibles . Les Peintures d'Egli
se , comme vous le sçavez , M , ne sont
dun certain poids que lorsqu'elles apro .
chent du temps dont elles représentent .
Histoire, De ce gente sont l'ancienne
Tapisserie de la Cathédrale de Bayeux ,
et le vitrage de l'Eglise de l'Abbaye
S. Denis , dont les figures représentent ,
l'une l'Histoire de Guillaume le Conquerant
Duc de Normandie et l'autre cel
le d'une Croisade ; figures qui ont me .
rité d'entrer par la gravûre dans les Monumens
de la Monarchie , dont le P. de
Monfaucon a entrepris le Recueil. Mais
je vous prie , Monsieur , quel fonds peuton
faire sur le Vitrage et sur les Peintu
res de l'Eglise de Poissy , où l'on voit un
S. Ives habillé à peu près comme les
B Prêtres
432 MERCURE DE FRANCE
Prêtres de notre temps ? Et d'autres Représentations
qui décelent l'ignorance do
ceux qui les ont faites , et le temps à peu
près de leur fabrique. Je puis ajoûter
que dans des temps anterieurs , plusieurs
Peintres , Sculpteurs et Graveurs , ong
aussi erré grossiérement dans leurs ou
vrages : Témoin l'ouvrier qui , dans le
XIII. siécle , gravant les figures du Tombeau
, qui est dans le Choeur de la même
Eglise de Poissy , sur laquelle est l'Epi.
taphe , tant rebatue , Bustorum Comitum ;
&c. a representé d'égale grandeur deux
Enfans , dont l'un est mort âgé de neuf
ans , et l'autre âgé seulement de deux
mois, selon le premier Ecrit du P. T.
L'autorité de Dupleix , sur laquelle ce
R. P. fait aussi beaucoup de fonds , ne
mérite pas plus d'attention.Cet Autheur
prétend que le Grand Autel de l'Eglise
des Dames Religieuses de Poissy a été
bâti au même endroit où la Reine étoit
accouchée , et que c'est pour cela que le
fond de l'Eglise regarde le Midi , au lieu
de regarder l'Orient. Mais en premier
lieu Dupleix, est trop éloigné du XIII .
siécle, pour pouvoir garantir un tel Fait.
Dupleix ce même Autheur n'a point fait
usage de son raisonnement , et n'a pas
yu
MARS. 1737.
423
vi que cette disposition a été faite par
raport à la ruë qu'on n'a pas voulu boucher,
et par respect pour l'Eglise Paroissiale
, Eglise Matrice de Poissy , que la
Douvelle Eglise auroit cachée et entiere .
ment offusquée : Et c'est pour éviter cet
inconvenient, qu'on n'a pas jugé à propos
de l'orienter suivant l'usage ordinaire.
Dès le douzième siècle il y a des
exemples d'exceptions à cet usage , exceptions
fondées sur la situation des
Lieux , et sur d'autres bonnes raisons.
Telle est à Autun la nouvelle Eglise Cathedrale
de S. Lazare , qui regarde le
Midi , comme celle de Poissy ; parce que
tournée autrement elle auroit entierement
ôté le jour à l'ancienne Cathedrale
du titre de S. Nazaire . Telle est encore
à Dijon la Sainte Chapelle des Ducs de
Bourgogne , laquelle est tournée vers le
Septentrion , & c.
Mais achevons de démontrer que notre
sçavant Adversaire , un peu trop prévenu
en faveur de son sentiment , n'est
pas heureux en autorités. Il reclame pour
la troisième fois celle d'André du Chesne
; et vous allez voir M. que rien au
Mercure de Novembre 1735. p . 2412 .
1º. Journal de Trevoux d'Août 1736. p. 1899.
3. Mercure de Decembre 1736. P 2597,
Bij monde
484 MERCURE DE FRANCE
monde n'est plus frivole que cette pré
tenduë autorité.
Il y a dans presque toutes les Biblio
theques un peu fournies , un assés mauvais
Livre, intitulé : Les Antiquités et Rea
cherches des Villes , Châteaux , et Places remarquables
de toute la France , suivans
l'ordre des huit Parlemens , dont il y a cûей
plusieurs Editions à Paris , in - 8, et in - 12 .
La premiere est de l'Année 1609. et porte,
ainsi que les suivantes, le nom d'André
du Chesne. Artifice grossier dont s'est
servi l'Editeur pour accréditer un ouvrage
pitoyable , qui ne trompera jamaiş
quiconque le lira avec une médiocre attention
. Ouvrage , dis - je , bien éloigné
du génie et de la capacité de notre Du
Chesne . Ce sçavant Auteur s'en est
plaint lui- même et a donné là- dessus un
démenti formel , qui est attesté par un
témoin respectable. Voyez là - dessus le
Mercure de Fevrier 1730. p. 340. pour
m'épargner une répétition.
Je ne sçais, au reste , pourquoi le P.T,
en citant ce Livre , lui ôte son véritable
Titre , pour lui donner , tantôt celui
d'Antiquités de Paris et tantôt celui
d'Antiquités des Cités . Quoiqu'il en soit,
que resulte t'il de l'autorité de cet Ecri
vain Pseudonyme Rien du tout ; car de
MARS. 1737. 433
te que les Reines , selon cet Auteur , faísoient
leurs couches à la Maison Royale
de Poissy , où les Enfans de France prenoient
, dit-il , leur premiere nouriture,
&c. il ne s'ensuit nullement que S. Louis
y soit né , l'Auteur cité ne le dit pas , et
comment le diroit- il , puisque Nangis
lui - même , Historien de la vie de ce
grand Prince , et presque contemporain ,
ne le dit pas ?
L'Auteur de l'Ecrit intitulé Remarquès
Curieuses sur le Beauvoisis , inseré dans le
Mercure de Janvier 1733. a dit page 40.
que M. Baillet , qui étoit natif de la Neufville
, a ignoré le fait en question. Sçavoir
que S.Louis est né au Château de la Neufville
, et que trois Chartes , trois Chartes , conservées
dans le même Lieu attestent ce fait , ajoûtant
que , comme ce Sçavant quitta sa Patrie
de bonne beure , et qu'il s'informoit peu
de ce qui étoit contenu dans les Archives
séculieres , il n'est point étonnant qu'il n'en
ait pas eu connoissance , & c. Le P. Texte
n'a pas manqué de saisir ces paroles , et
d'en faire usage contre nous , avec un air
de confiance et de triomphe , qui lui fait
oublier son caractere ordinaire de douccur
et de politesse.
M. Baillet, dit- il , quoiqu'interessé à
faire valoir les Prérogatives de la Neuf
B iij ville
436 MERCURE DE FRANCE
»
» ville , sa Patrie , n'a pû se refuser à la
verité , et le peu de cas qu'il a fait de
» ces sortes de Chartes a parû un con-
» trecoup si fâcheux à ceux qui sont, M , de
» votre sentiment , que l'un d'eux a crû
» ne pouvoir mieux y répondre , qu'en
niant que cet Auteur en ait eu con-
> noissance.
» Si celui qui a inventé cette défaite, con-
» tinuë le P. Texte , avoit lû la Vie de S.
» Louis par M. Baillet T. II. p. 379, il Y
» auroit trouvé que bien loin qu'il air
ignoré ces trois Chartes , il les cite , et
» continuë à soûtenir que S. Loüis est né
à Poissy . T. IV. p. 292.
Tel est le doux compliment du P. T.
Mais montrons- lui qu'en nous accusant
d'inventer une défaite pour parer un con
tre-coup fâcheux , il ne nous donne luimême
qu'un Sophisme pour prouver que
Baillet étoit parfaitement instruit du fait
dont il s'agit , et qu'en le niant nous
nions une verité.
Deux mots vont débrouiller le Sophisme,
et démontrer qu'on a dit très - vrai
en soûtenant que Baillet a ignoré ce fait.
M. Baillet est mort le 21. Janvier 17c6.
après avoir fait imprimer lui- même en
1751. son Ouvrage sur la Vie des Saints
in-fol. et in- 8. Or c'est un fait certain
que
MARS.
1737. 437
tue dans la Vie de S. Louis , l'Auteur ne
dit pas un mot des Chartes de la Neufville
, et on a eu raison , et grande raison
de conclure , en consultant cette Edition,
que Baillet n'en a eu aucune connoissance.
Il est vrai que dans les deux Editions ,
qui ont été faites long tems après la mort
de cet Auteur , sçavoir en 1715. et 1724.
Hla plû à l'Editeur d'inserer de son chef
dans une Note aur bas du Texte original,
ce qu'il a trouvé à propos sur les Chartes
en question. Mais encore une fois , ce
n'est pas Baillet qui parle dans cette Note
: la chose saute aux yeux , et un plus
long raisonnement seroit inutile pour
prouver que le P. T. se fait illusion à luimême
sans y penser , dans le temps qu'il
nous fait un reproche assés aigre , et des
plus mal fondés.
Je ne dois pas oublier ici ,
oublier ici , à propos
de citations, qu'au lieu de Guill . de Nangis,
que ce R. P. a cité pour prouver que
S. Louis étant Roy , signoit simplement
Louis de Poissy ; iFauroit dû , ce me sem-
* Le P. Niceron dans le III. T. de ses Mémoi
res imprimé en 1727. a omis avec raison ces deux
Editions dans le Catalogue des Ouvrages de Baillet
, page 36, comme n'étant pas proprement de ces
Auteur , n'admettant que l'Edition de 1701.faisepar
lui-même , et où tout est de lui ,
Biiij
c.
ble ,
436 MERCURE DE FRANCE
» ville , sa Patrie , n'a pû se refuser à la
verité , et le peu de cas qu'il a fait de
» ces sortes de Chartes a parû un contrecoup
sifâcheux à ceux qui sont, M , de
» votre sentiment , que l'un d'eux a crû
» ne pouvoir mieux y répondre , qu'en
» niant que cet Auteur en ait eu con-
> noissance.
» Si celui qui a inventé cette défaite , con-
» tinuë le P. Texte , avoit lû la Vie de S.
» Loüis par M. Baillet T. II. p. 379, P. 379, il y
» auroit trouvé que bien loin qu'il air
» ignoré ces trois Chartes , il les cite , et
» continuë à soûtenir que S. Louis est né
à Poissy . T. IV. p. 292 .
Tel est le doux compliment du P. T.
Mais montrons- lui qu'en nous accusant
d'inventer une défaite pour parer un con
tre-coup fâcheux , il ne nous donne luimême
qu'un Sophisme pour prouver que
Baillet étoit parfaitement instruit du fait
dont il s'agit , et qu'en le niant nous
nions une verité.
Deux mots vont débrouiller le Sophisme
, et démontrer qu'on a dit très- vrai
en soûtenant que Baillet a ignoré ce fait .
M. Baillet est mort le 21. Janvier 1706.
après avoir fait imprimer lui - même en
1751. son Ouvrage sur la Vie des Saints
in-fol. et in- 8. Or c'est un fait certain
que
MARS. 1737: 437
que dans la Vie de S. Louis , l'Auteur ne
dit pas un mot des Chartes de la Neufville
, et on a eu raison , et grande raison
de conclure , en consultant cette Edition,
que Baillet n'en a eu aucune connoissance.
Il est vrai qué dans les deux Editions ,
qui ont été faites long tems après la mort
de cet Auteur , sçavoir en 1715. et 1724.
il a plû à l'Editeur d'inserer de son chef
dans une Note aur bas du Texte original,
ce qu'il a trouvé à propos sur les Char
tes en question. Mais encore une fois , ce
n'est pas Baillet qui parle dans cette Note
la chose saute aux yeux , et un plus
long raisonnement seroit inutile pour
prouver que le P. T. se fait illusion à luimême
sans y penser , dans le temps qu'il
nous fait un reproche assés aigre , et des
plus mal fondés.
Je ne dois
oublier ici , à
propos
de citations, qu'au lieu de Guill . de Nan
gis, que ce R. P. a cité pour prouver que
S. Louis étant Roy , signoit simplement
Louis de Poissy ; itauroit dû , ce me sempas
" Le P. Niceron dans le III. T. de ses Mémoires
imprimé en 1727. a omis avec raison ces deux
Editions dans le Catalogue des Ouvrages de Baillet
, page 36. comme n'étant pas proprement de ces
Auteur , n'admettant que l'Edition de 1701.fai
par lui-même , et où tout est de lui , ¿c.
B iiij
ble ,
438 MERCURE DE FRANCE
ble , produire un témoin plus ancien,
sçavoir , Geoffroy de Beaulieu , mais il
n'y auroit pas trouvé son compte , parce
que ce Dominiquain dit plus que Nangis
sur ce sujet . Voici les paroles , qu'il
ajoûte et qui me paroissent essentielles :
Potius eligens à loco baptismatis denominari
quam ab aliqua civitatefamosa. Qu'auroitil
coûté à cet Ecrivain de dire à loco nativitatis
et baptismatis ; s'il avoit pû le
dire dans la vérité ?
Mais refléchissons un peu sur le Texte
de Geoffroy de Beaulieu , dont voici à
peu près le sens. S. Louis étant un jour
à Poissy , dit à quelques- uns de ceux
qu'il aimoit plus particulierement , que
le plus grand honneur qu'il eût reçû en
ce Monde , c'étoit en ce Lieu qu'il l'avoit
reçû. Ces personnes crurent que c'étoit
à la Ville de Rheims qu'auroit plûtôt
convenu cette expression du Roy , à cause
de son Sacre. Ils comprirent si peu ce
qu'il vouloit leur dire , qu'il fût besoin
d'une explication . Ces Amis de S. Louis
étoient sans doute des Personnes de pieté
, qui n'ignoroient pas que le Bâtême
est au - dessus de tous les honneurs , & c.
Qu'ignoroient- ils donc ces pieux Courtisans
? ils ne sçavoient pas qu'ils étoient
dans le Lieu où leur Roy avoit été bâtisé .
་
Et
MARS. 1737. 439
Et comment l'ignoroient-ils ? Parce que
cette circonstance n'avoit pas été fort remarquée
, qu'elle étoit déjà un peu éloignée
du temps present , et qu'on en parloit
peu ? la seule pieté du Prince en rapelloit
la mémoire. Enfin il s'en falloit beaucoup
que Poissy fût , pour ainsi dire , le Ver
saillesde ce temps -là, suivant l'expression
du P. T. qui juge des usages du XIII .
Siécle par ceux de ce temps - ci .
Quoiqu'il en soit , il paroît hors de
doute que S. Louis ne signoit Louis de
Poissy que par esprit de Religion et dé
Christianisme , à cause de son Batême à
Poissy, c'est ce que sonHistorien Nangis a
expressément remarqué.Et il ne paroît pas
moins certain que l'expression de la Char
te de Fondation du Monastere de Poissy:
Villam ipsam Originis sue locum .... babebat
, a été employée dans ce même esprit,
et à cause que le S. Roy se qualifioiť
lui même Louis de Poissy , par la raison
qu'on vient de dire. ( a )
S'il est vrai , au reste , en suivant les
regles d'une Critique exacte , qu'il faut
regarder comme certain ce qui est mar-
(a) Ce Verbe habebat bien entendu fait plus
contre le sentiment du P. Texte , qu'il n'est ef
sa faveur.
By
qué
440 MERCURE DE FRANCE
qué positivement et uniformément par
les Auteurs contemporains , qui ont écrit
exprès la Vie de S. Louis ; il n'est pas
moins veritable , selon les mêmes regles,
qu'il faut regarder comme douteux , non
seulement les Articles que ces Ecrivains
n'ont pas marqués , mais encore ceux sur
lesquels ils ne s'accordent pas entr'eux .
Or ni Geoffroy de Beaulieu , ni Guill . de
Chartres , ni Joinville , ni Guill . de
Nangis , ni Guill. le Cordelier , Auteur
d'une Vie manuscrite en Langage du
temps , ni Guill. Guiart , Auteur d'une
autre Vie du S. Roy en Vers François ,
vers l'année 1300. ni enfin Louis le Blanc,
Auteur d'une Vie écrite en François au
XV. Siécle , que le P. le Long et M. l'Abbé
Lenglet indiquent comme une Piece
curieuse ; aucun , dis - je , de tous ces Autteurs
ne marque le Lieu de la Naissance
de S. Louis.
Ce Lieu n'étant donc point fixé à
Poissy par ceux à qui il convenoit d'en
être instruits , et à qui il apartenoit de le
déclarer dans l'Histoire; on ne doit avoir
aucun égard à ce que des Auteurs recens,
et du bas temps , ont écrit sans examen
et par des raisons de convenance en faveur
de Poissy, sur- tout quand il y a des
Titres qui en suposent d'autres plus an
ciens
MAR S. 1737. 44't
ciens , qui reclament contre cette nouvelle
opinion , que j'ose apeller Juneerreur
populaire , fondée sur l'abus et
l'équivoque des termes , comme on l'a
remarqué en son lieu . Il s'ensuit de ce
dernier raisonnement que le P. T. s'il ne
nous permet pas de croire que S. Louis
est né au Château de la Neufville , doir
au moins nous laisser douter , pour ne
pas dire nier, qu'il soit né à Poissy.
Il y a plus, par raport au silence des
Ecrivains du temps sur cette Naissance
c'est que de la varieté du témoignage
des six premiers que je viens de nommer,
Hl resulte qu'on ne sçait point au vrai
l'année que le Saint Roy vint au monde.
La Naissance de S. Loüis n'est pas marquée
dans Rigord, ni dans Guill . le Breton
, Ecrivains de l'Histoire de Philipe-
Auguste , sous lequel elle arriva . L'Anonyme
, Moine de S. Denis , qui écrivit
les Actions de Louis VIII . n'en fait non
plus aucune mention : il n'y en a rien.
dans l'Auteur du Fragment raporté par
Duchesne T. 5. p. 288. ni dans Nicolas
de Baye , Ecrivain plus récent , ibidem.
C'est à quoi le P. T. n'a peut- être pas
fait attention .
Quand on est frapé de la grandeur
du Héros , dont on a à parler , et sur
Bvj tout
442 MERCURE DE FRANCE
tout de sa fin glorieuse , on s'imagine or
dinairement que tout ce qui le regarde
a dû être remarqué par les Historiens , et
qu'il ne doit naître aucun doute sur le
Lieu , ni sur le temps de sa Naissance ;
en quoi on se trompe souvent. On peut
se tromper aussi en blâmant les Historiens
sur certaines omissions. Apliquons
ce que je viens de dire au sujet que nous
traitons.
Quand S. Louis vint au monde , son
Pere n'étoit pas Roy . Le Prince nouveau
né n'étoit pas non plus , l'Aîné des Enfans
du Fils de Philipe Auguste. On ne
pouvoit pas prévoir alors les differens
Evenemens qui , contre les aparences, le
mirent enfin sur le Trône. De plus les
Moines de S. Denis , chargés d'écrire la
Vie des Rois , comme l'a prouvé D. Luc
Dachery à la tête de son Edition de la
Chronique de Nangis , ne commençoient
à écrire qu'après la mort de chaque Roy.
Or si ces Ecrivains avoient ômis , dans le
temps , de s'informer du Lieu auquel
Blanche de Castille étoit accouchée de
son second Fils , lorsqu'elle n'étoit que
simple Princesse
soixante ans après un fait qui n'avoit pas
parû interesser le Royaume, lorsqu'il ar
riva, et que personne ne remarqua peuêtre
comment constater
04
MARS. 1737. 443
être , parce qu'on n'en prévoyoit pas les
suites ? D'ailleurs on sçait que les Annalistes
n'entroient pas alors dans un si
grand détail , témoin l'omission de l'amnée
de la Naissance du Prince dont nous
parlons ,ômission qui fait présumer qu'on
n'eût pas plus d'attention à observer le
Lieu où elle arriva.
Voici , M. e ncore une preuve de la
négligence des Historiens contemporains
au sujet de l'année de la Naissance de
S. Louis , preuve qui vaut une démonstr.
tion. Je la tire de l'année de son Sacré
, fait à Rheims par l'Evêque de Soissons.
Ils conviennent généralement tous
qu'il fut sacré en l'année 1226. à la
fin du mois de Novembre , Louis VIII
son Pere étant mort le 8. du même
mois. On est bien assuré de cette Epoque
et de celle de la Vacance du Siége det
L'Eglise de Rheims mais lorsqu'il est
question de fixer l'âge du Prince lors de
Son Sacre , les Ecrivains se partagent en
trois ou quatre sentimens. Les uns disent
qu'il avoit onze ans , les autres douze ;
quelques- uns assurent qu'il en avoit trelze
, d'autres quatorze.
Nangis , dans la Vie du S. Roy , dit
qu'il avoit onze ans complets , ou qu'il
souroit sa douzième, ce qui est le mêmes
néanmoins
444 MERCURE DE FRANCE
néanmoins dans sa Chronique il dir que
S. Louis couroit alors sa 14. année . L'Anonyme
de S. Denis dit qu'il avoit 13. ans :
Geoffroy de Beaulieu qu'il avoit environ
F2. ans : Nicolas de Trevet , Anglois , qui
écrivoit en 1307. marque qu'il avoit 14.
ans : Vincent de Beauvais 13. ans et demi.
On peut donc choisir arbitrairement
pour le temps de la Naissance entre les
années 1213. 1214. 1215. et par consé
quent rien de certain par toutes ces variations
; aucun point fixe , par lequel on
pût commencer à compter son âge.
J'ai été obligé de discuter cette discor .
dance dans les Historiens , quant à l'âge
de S. Louis au temps de son Sacre , afin
que par-là on puisse juger de l'incertitude
de l'année de sa naissance , et con
clure que s'il n'y a rien de certain quant
à cette année , parce qu'aucun Auteur
du temps n'a marqué le jour ni l'année,
on devroit pareillement rester dans une
espece de doute , quant au Lieu de la
Naissance , par la même raison qu'aucun
Ecrivain du temps ne l'a marqué.
Mais comme dans les choses douteu
ses on doit toujours prendre le parti le
plus conforme à la raison et au bon
sens , il me semble que c'est prendre ce
sage parti que de préferer l'autorité des
Chartes
MARS 1737. 445
Chartes de la Neufville au témoignage
de Bernard Guidonis et d'autres pareils
Ecrivains.
Nous venons de voir la variation des
Historiens au sujet du jour et de l'année
de la Naissance de S. Louis , et leur silence
sur le Lieu de cette Naissance . Ad
mirons là - dessus comment le P Texte a
pû trouver un garant qui lui certifie que
ce Prince est venu au monde dans le terme
ordinaire , comme il le dit affirmativement
dans son premier Ecrit. Cela est
seulement à présumer , mais le Royal En
fant peut être né dans le septième comme
dans le neufviéme mois , sans que cela
ait mérité Pattention des Annalistes.
S. François de Sales vint au monde dans
le septième mois de la grossesse de sa
Mere , ce qui n'a pas empêché qu'il n'ait
vécu plus de so. ans ; ce fait est marqué
dans l'Histoire de sa Vie. Celle de saint
Louis n'est pas entrée dans ce détail ni
dans bien d'autres , ainsi qu'on vient de
le voir.
Ce qu'il dit plus bas que les Tranflations
d'Enfans nouvellement nés sont
inoüies et sans exemples , que la seule
idée du péril de ces transports fait frémir,
&c. cela , dis je , exige une réponse.
Il faut d'abord accorder quelque chose
à
445 MERCURE DE FRANCE
à la pieté du P. T. mais il nous permet
tra de ne pas croire que les transports
en question soient sans exemple.
L'Impératrice Richilde , Femme de
Charles le Chauve , quoiqu'enceinte ,
suivoit ce Prince dans ses voyages . Etant
à Cologne en 876. il la renvoya à Hé
ristal, proche Liege elle y demeura jusqu'au
9. Octobre , que sur le bruit de
la déroute de l'Armée de l'Empereur ,
arrivée proche Andrenach, sur le Rhin ,
elle reprit le chemin de la France. Dés
le lendemain matin ' elle accoucha d'un
fils , qui ne fut ni baptisé ni ondoyé ,
quoiqu'elle eût ce jour là auprès d'elle
un Evêque et un Abbé. L'Enfant fut
porté jusqu'à Antenay , qui étoit alors
une Maison Royale à sept ou huit lieuës
de Rheims , proche Chastillon sur Marne.
Il resta , tant dans ce Château , que
dans celui de Verzenay , proche l'Ab
baye de S Bâle , ( a ) jusqu'à ce que l'Empereur
étant guéri de sa pleurésie , vint
par le Château de Quierzy sur Oize, à ce◄
lui de Compiegne. Il s'écoula environ
trois mois , et on fit faire à l'Enfant tous
ces trajets sans lui donner le Baptême ; il
(a )Voila deux Châteaux ou Maisons Royales
inconnues aux Auteurs de la Diplomatique et du
Glossaire de Du Cange
no
M -AR S. 1737. 447
ne le reçut qu'à Compiegne au commen--
cement de l'année 877. parce qu'il y
tomba malade. Ce sont des faits que le
Pere Texte peut vérifier dans les Annales
de France , écrites par un Auteur qui
vivoit alors dans ces Cantons là. ( a)
Il y a cû de pareils transports faits
de nos jours. Ils ont été plus communs
dans l'Antiquité , parce qu'on at
tendoit par une raison mystique , selon
S. Ambroise , jusqu'au huitième jour de
la naissance d'un Enfant pour le bap
tiser ; il y a quelques exemples de Princes
qui n'ont reçû le Baptême qu'au
bout de quarante jours après leur naissance
, ( b ) et selon les Capitulaires de
Charlemagne de l'an 789. on pouvoit
differer le Baptême une année entiere. St
au bout de ce temps on vouloit encore at
tendre il falloit obtenir la permission du
Curé ; et si on differoit davantage sans
permission , payer une amande.
Il est vrai que les délais du Baptême
( a ) Annal. Bertin. Duchesne , T. 3. page
250 et 251 .
(b) L'Extrait Baptistaire du Maréchal de Vil
lars , dont il est parlé dans le Mercure de Novembre
1736. porte que l'Enfant lors du Baptême
avoit atteint l'âge de trois semaines, ce qui même
peut faire présumer qu'ilfut porté d'ailleurs dans la
Ville de Moulins , où il reçut ce Sacrement , &c.
ont
448 MERCURE DE FRANCE
ont depuis été défendus ; mais le P. Mar
tene , sçavant Benedictin , qui a recherché
depuis quel temps les délais du Baptême
sont défendus , n'a pû remonter que jus
qu'à l'année 15 24. encore cite t'il un
Concile d'Auch de 1585. et le premier
Concile de Milan , tenu sous S. Charles ,
qui permettent & ou 9. jours de délai.
T. 1. de Sacramentis , p . 63. ) Ces délais
étoient souvent nécessaires pour donner
aux Parains et Maraines le temps de s'assembler
et de venir sur les Lieux. Le
nombre en étoit plus grand qu'il ne l'est
aujourd'hui en France ; et si quelque
Parain ou Maraine d'un rang distingué,
ne pouvoit pas se trouver au Lieu de la
naissance , on transportoit l'Enfant . Tant
If est vrai qu'il ne faut pas juger des an
ciens usages (a) par ceux de nos jours et
qu'il ne faut pas imaginer un imaginer péril extrême
où les Anciens n'en ont point
trouvé.
(a) L'usage du délai du Baptême étoit ancien
nement si commun , que plusieurs Enfans en reçurent
le sobriquet de Paganus, lorsqu'ils furent avancés
en âge sans avoir reçû ce Sacrement. Voyez
la-dessus les Notes de M. Du Cange , sur l'Alexiade
, le IV. T des Annales Benedict. du P.
Mabillon , &c. Il est vrai - semblable que le nom
de Payen , que portent plusieurs Familles , n'a
point d'autre origine.
Mais
MARS. 1737. 449
Mais que deviendra , me direz-vous ,
la gloire de Poissy , celle de l'illustre
Monastere , celle même de tout le S. Or
dre de S. Dominique , si attaché , se
lon les principes du P. T. à la Naissance
de S. Louis dans cette Ville , si le fait
n'est rien moins que certain , selon les
regles de la raison et du bon sens ? (a)
Car il ne faut jamais chercher la verité loin
du sens commun , disoit depuis peu l'un
de nos meilleurs Critiques : Que deviendra
, dis -je , cette gloire , si on est obligé
de la ceder au Château de la Neufville
?
Voici , M. ma Réponse . Que la Neufville
, en vertu de ses Titres , émanés
de l'autorité Royale et donnés avec une
entiere connoissance , se glorifie de la
Naissance de notre saint Roy . Mais que
Poissy se glorifie encore plus et à plus
juste titre , non pas de ses Privileges et
Exemptions , (b) mais pour être le Lieu
où cet auguste Prince est né à l'Eglise
(a) Le R. P. Tournemine établit cette maxime
et dit qu'elle est vraye dans les Sciences même qui
dépendent uniquement de la raison. Voyez sa Dis- .
sertation insérée dans le Journal de Trévour ,
II. Partie du mois d'Août 1735. P. 1595 .
(b) On ne voit pas que Poissy ait jamais joui
d'aucunes Exemptions par raport à S. Louis, &c.
et
450 MERCURE DE FRANCE
,
et à la Religion par le Sacrement de Baptême
, Lieu où il a passé son Enfance' ,
et d'où sa pieté lui a inspiré de se qualifier
Louis DE POISSY et encore
de suivre la Discipline Ecclesiastique da
Diocèse de Chartres , dont il étoit par
sa renaissance spirituelle , comme l'a remarqué
Guill. le Dominiquain, dans Du
chesne , Tome V.
Aussi les Historien's ne disent- ils pas
que S. Louis chérissoit Poissy pour 7
être venu au Monde , mais parce qu'il
y avoit été régeneré sur les sacrés Fonts.
Ils parlent selon l'esprit de ce saint Roy ,
qui étoit , sans doute , pénetré de cette
pensée , que tous les Hommes naissent
Enfans de colere , et que selon le Sage ,
il n'y en a aucun qui ne puisse dire ,
primam vocem similem omnibus emisi plo
rans .... nemo enim ex Regibus aliud ha
buit nativitatis initium. On ne doit donc
envier à aucun Lieu l'honneur d'avoir
donné la naissance.
Je ne doute pas que le R. P. Texte
ne goûte la conclusion de ma Lettre, ( la
derniere que j'écrirai sur cette matiere )
et qu'il ne mette fin à ses mouvemens
à la multiplication de ses Ecrits imprimés
et réimprimés dans differens Jourmaux,
distribués d'ailleurs si libéralement
>
en
MARS . 1737. 458
>
en feuilles volantes , avec des Additions.
La vérité est une et simple , et quoi
qu'on puisse dire et faire , elle a le pri
vilege de ne point souffrir de prescrip
tion. Je vous laisse avec cette pensée
d'un Ancien , qui l'a exprimée en ter
mes dignes de memoire : Veritati nemo
prescribere potest , non spatium temporum ,
non patrocinia personarum , non privilegiums
Regionum . Tertull .
Je suis , Monsieur , & c,
A Paris le 25. Janvier 1737,
***
L'INFIDELITE'.
O D E.
DE mille erreurs source fatalę ,
Cruelle fille des Enfers ,
Du poison que ta bouche exhale ,
Cesse d'infecter l'Univers.
Assés tes fraudes sacrileges
Ont conduit l'homme dans les pieges
Que lui préparoit ta fureur ; ·
Il est temps malgré tes caprices ,
Qu'éloigné du sentier des vices ,
L'amour du vrai guide son coeur,
Non
452 MERCURE DE FRANCE
Non , la vertu pure et sincere ,
Dédaigne ces honteux détours ,
Que ton adresse mensongere
Sçait apeller à son secours.
De cette équitable Déesse ,
Toujours la rigueur vengeresse
Poursuit les complots odieux .
Jamais la trompeuse imposture ,
Sous le masque de la droiture ,
N'a pu trouver grace
à ses yeux.
M
Rempli d'une héroïque audace ,
Mithridate dans son malheur ,
Veut-il au fort de sa disgrace
Etre de Rome le vainqueur ?
Sur le Rivage du Bosphore ,
La même ardeur qui le dévore
A rassemblé tous ses Guerriers
Il va donc rétablir sa gloire ,
Et dans une illustre victoire ,
Moissonner de nouveaux Lauriers,
Mais quelle valeur criminelle ,
Grand Roy , s'opose à tes desseins ?
Tu partois ... un Fils infidele
T'arrête et te livre aux Romains,
Par ce Rebelle, ton Armée
Car
MARS. 1737
453
Sun tes dangers trop allarmée ,
N'est plus qu'un Corps de Révoltés ;
Tu les combats ; leur perfidie
Te voit même en perdant la vie ,
Punir leurs infidelités .
老
Que vois- je ! Quel trait parricide
Frapa le Chef d'un grand Etat !
Par quelle main de sang avide
Est conduit cer assassinat !
Tremble , Cesar , Rome conspire ,
L'horreur que ton pouvoir inspire ,
Souleve un Peuple d'Eunemis ;
Mais au milieu de la tempête ,
Le coup qui tombe sur ta tête ,
Part du meilleur de tes amis.
粥
Ainsi victime d'un faux zele ,
Du devoir étouffant la voix ,
Vit-on le Romain infidele ,
Enfraindre les plus saintes Loix-
Ainsi la soeur avec le frere ,
Cedant aux feux de la colere ,
Trahirent- ils l'Humanité ;
Et pour se permettre des crimes
Adopterent- ils les maximes
Que dicte l'Infidelité ?
454 MERCURE DE FRANCE
De cette infernale Megere ,
Comment donc éviter les traits
L'aimable Reine de Cithere ,
De sa Cour m'offre les attraits
J'y cours , j'aime ; déja Thémire
Répond à l'ardeur qu'elle inspire ,
Sa tendresse me rend heureux "
Ciel ! mon bonheur fuit comme un songes
Et l'infidélité me plonge
Dans le malheur le plus affreux.
Contre ce Monstre impitoyable ,
C'est à toi seul que j'ai recours ,
Hymen ,ton flambeau sécourable
Fera le bonheur de mes jours ;
A la faveur de sa lumiere ',
Je te suis dans cette carriere ,
Où mes amours sont satisfaits z
Plaisirs trompeurs ! frivole attente !
L'infidelité plus puissante
Répand son fiel sur tes bienfaits.
爽
Arrête , Furie execrable !
Respecte des feux innocens ;
Mais quoi ! ta fureur implacable
Se plaît à croître mes tourmens ,
Déja par tes efforts séduite,
Moo
MARS.
450 1737.
Mon ingrate Epouse médite
De trahir nos chastes amours ;
Et pour changer de destinée ,
M'offre la Coupe empoisonnée
Qui tranche le fil de mes jours,
M
D'un si déplorable ravage ;
Mortels , ne nous étonnons plus
L'infidélité dans sa rage ,
Cherche à détruire les vertus ,
En est- ce assés ? Non. Ses maximes
Pour introduire tous les crimes ,
Attaquent le Maître des Cieux ;
C'est elle dont l'audace impie
Aprend à traiter de folie
L'existence du Dieu des Dieux-
C NOVE
456 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLE CONSTRUCTION
de Rouage de Sonnerie , de Reveil plus
simple et d'un meilleur usage que celles
dont on s'est servi jusqu'à present . Mémoire
lû à la Societé des Arts le 14,
Décembre 1732. par le S. Julien le Roy,
Horloger, et de la même Societé.
JUsquesici les Horlogers n'ont suivi en général que deux Constructions de
Rouages de Sonnerie de Reveil ; l'une
est fort ancienne , et connue sous le nom
de Rouage à Roue de rencontre ; l'autre
est moderne , et connue sous le nom
de Rouage à deux Marteaux.
Une troisiéme Construction que j'ai
imaginée , m'a paru meilleure que celles
dont je viens de parler , et l'ayant
apliquée , avec succès , à plusieurs Reveils
à timbre , qui font beaucoup de
bruit , la réussite m'a encouragé à l'apliquer
à un Reveil sans timbre que voici ,
et dont le Marteau en frapant sur la Boëtte
,y produit un bruit qui surpasse même
celui de la plupart des Reveils à timbre.
Une proprieté si avantageuse à la nou
velle Construction , me donne lieu d'en
attendre
MARS. 1737.
457
attendre quelque succès , et d'esperer ,
qu'aidé des conseils de ceux auxquels j'ai
Phonneur de parler , je pourai la rendre
encore plus digne d'être proposée au
Public.
Pour mettre sous les yeux la difference
essentielle qui est entre la nouvelle
Construction et les deux autres , je vais
les décrire, en commençant par celle à
Rouë de rencontre , qui eft la plus en
usage parmi les Horlogers.
DESCRIPTION du Roüage de la Sonnerie
d'un Reveil à Rouë de rencontre.
,
Toutes les anciennes Montres à Reweil
ont ordinairement quatre Roües
pour leur Sonnerie ; sçavoir, la Roue de
barillet , la Roüe moyenne celles de
champ et de rencontres les autres Pieces
sont la Potence , le Marteau , sa Verge, et
la Contre- potence. Quoique cette maniere
soit celle qui est la plus en usage ,
cependant elle est difficile à exécuter
, parceque les dernieres Roües sont
d'acier ; celle de rencontre sur- tout est
difficile à faire , à cause
cause qquu''eellllee est fort
petite , et encore plus difficile à placer , à
cause qu'elle est invariablement bornée
par le Timbre et le Barillet du mouve
ment.
C ij DESCRIP
458 MERCURE DE FRANCE
DESCRIPTION du Rouage de la Son
nerie d'un Reveil à deux Marteaux.
Le Roüage de Sonnerie de ces sortes
de Reveils , est ordinairement composé
de cinq Roues , et d'autant de Pignons.
La premiere de ces Roües se nomme
Rotie de Barillet ; les quatre autres se
nomment , Seconde , Troisiéme , Quatriéme
et derniere Roüe , laquelle engrenne
dans un Pignon qu'on nomme
Volant ou Delait.
A ces Rouages , sur la seconde Roue ,
est placé un Rochet dont l'usage est de
faire lever alternativement deux ou trois
Marteaux , lesquels , frapant sur le Timbre,
produisent un bruit moins désagréa
ble que n'est celui des Reveils à Roues
de rencontre, dont le cliquetis des Roües
se mêlant au Son du Timbre , produir
un bruit si désagréable , que la plûpart
des Horlogers , et sur-tout ceux de
Londres , préférent toûjours les Reveils
à deux Marteaux,
Nouvelle Construction.
Elle est composée de deux Roües ,
de deux Pignons , d'un Rochet rivé sur
Le dernier Pignon , et d'un Echapement à
deux Palettes , avec des portions de Pignon
MARS. 1737. 45.9
gnon , telles qu'on les faisoit autrefois.
Comme il est certain qu'un Reveil
fait du bruit à proportion de la grandeur
et de l'épaisseur de son Marteau ,
pour procurer cet avantage à la nouvelle
Construction , j'ai construit le Roüage
du mouvement de maniere que la petite
Koue moyenne du mouvement passe
entre la Roue de fusée et celle du centre
, celle - ci est noyée dans la Platine des
Piliers et à fleur de sa superficie , de sorte
qu'elle laisse un espace qui permet de
faire le Marteau fort épais et de toute la
grandeur possible pour un Roüage de
grandeur donnée . Cette circonstance avantageuse
est suivie d'une autre qui l'est encore
plus c'estque des trois Roues du roiiage
de Reveil , il y en a deux dans la quadrature
; sçavoir le Rochet et la seconde
Roue qui est noyée dans la Platine des
Piliers , et passe sous le Rochet : par le
moyen de ces deux Roues placées dans
la quadrature , il reste un vuide dans la
cage , qui permet de faire toutes les Roues
plus grandes , et les Barillets à
tion .
propor
Outre que ces avantages ne se rencontrent
point dans les Constructions que
j'ai décrites , la nouvelle leur est encore
préférable , tant parce qu'elle est moins
Ciij composée
460 MERCURE DE FRANCE
composée , que parceque ses pieces sont
fort aisées à travailler ; d'ailleurs sa
Quadrature que je vais décrire , et que
j'ai imaginée depuis peu est fort solide .
DESCRIPTION de la Quadrature
des Nouveaux Reveils.
Entre les avantages qu'elle réunit , en
voici un qui , selon toutes les aparences ,
sera aprouvé du Public. Je suprime le
Cadran de Reveil qu'on met aux Montres
de ce nom , et je substituë en
place une aiguille qui est placée sous celle
des heures, laquelle n'est mobile qu'au
doigt , et montre toûjours l'heure à la
quelle le Reveil doit sonner ; par là j'évite
deux inconveniens assés considérables
; l'un, de couper le milieu du Cadran
des heures pour y noyer celui du
Reveil ; l'autre est , qu'en mettant le
Cadran du Reveil à plat sur celui des
heures, il en couvre ordinairement presque
tout le milieu , ce qui le rend moins
agréable à la vûë , car il me paroît qu'en
général on aime à voir tout à découvert,
le Cadran de sa Montre , sur tout
quand il est bien peint et d'un bel émail ,
comme le sont ceux deM.Julien de cette
Societé, lesquels embellissent nos ouvrages
, et font l'admiration des Connoisseurs
qui les examinent de près .
REMARQUE
MARS.
1737 481
REMARQUE sur les Reveils
sans Timbre.
Plusieurs avantages suivent invaria
blement leur construction ; le premier,
que le mouvement étant plus grand de
tout l'espace qu'occuperoit le Timbre
dans la Boette , il s'ensuit qu'il est plus
aisé à faire , plus durable , à meilleur
marché , et d'un meilleur usage ; joint
à cela que leur Boëtte n'étant point percée ,
la poussiere n'entre point dans le mouvement,
et que l'on en ménage le prix du
Timbre , et celui de la gravûre et repa
ture.
D'ailleurs je crois n'avancer ici rien
de trop , en assurant que les nouveaux
Reveils sans Timbre font un bruit plus
que suffisant pour éveiller ceux dont le
sommeil n'est pas extraordinairement
profond , et que j'ai fait plusieurs expe.
riences qui confirment ce que j'en affirme
ici .
Mais pour augmenter encore le bruit
des Reveils sans Timbre , ne pouroit on
pas , au moyen d'une espece de Portevoix
, ou d'une concavité parabolique ,
déterminer tout leur son à se refléchir
d'un certain côté ? Et cette concavité ne
pouroit C iiij
432 MERCURE DE FRANCE
pouroit- elle pas être de bois sonore ou
de métail , et placée derriere le Reveil
quand il est suspendu près d'un Lit ?
Quoique cette recherche semble être d'une
utilité assés bornée , peut-être qu'on
trouveroit, en s'y amusa nt, de nouveaux
moyens propres à refléchir le son , qui seroient
aplicables à des usages auxquels
on n'a point encore pensé.
LE RAMIER ET LA TOURTERELLE
U
FABLE.
N Ramier embrasé de l'amour le plus
tendre ,
Comme les Vers suivans vont le faire com
prendre ,
S'y prenoit de toute façon
Pour toucher une Tourterelle ;
Veuve , d'âge assés mûr , et qui n'étoit plus
belle ;
Mais quand on aime fort, a - t- on de la raison ?
A force de se voir on se fait à la mine ,
L'habitude accoûtume à tout :
Il pouvoit la voir seule , elle étoit sa voisine ,
En faut-il davantage ? Et chacun a son goût.
Un jour de l'An , car c'est aussi l'usage
Parmi les Animaux d'aller se visitant
L'un
MARS. 1737 463
L'un l'autre , et se complimentant ;
Sans doute ils l'ont apris de l'homme bien peu
sage ;
Món Ramier , dis -je , en ce sot jour,
De bon matin , pour mieux faire sa coury
Vola chés sa chere Maîtresse.
Après les premiers complimens ,
Il lui témoigna sa tendresse ,
A peu près par ces sentimens.
Cher Objet , en t'aimant je commence l'année
Je veux en t'aimant la finir ,
Je t'aimerai toujours, telle est ma destinée ,
Je ne sçaurois m'en abstenir.
De bonne foi je t'aime , et qui pouroit le croire
Quoique je n'aye aucun retour "
Je t'aime constament , et veux avoir la gloire
De mourir fidele à l'Amour.
A ton âge t'aimer , diras- tu ? c'est foiblesse
Non , quand on a le coeur épris .
De tes beaux sentimens , des traits de ta sagesse
Ton corps , tes yeux tirent leur prix ,
Ainsi mon feu pour toi sera toûjours le même,
Quoique ton printemps soit passé ;
Quand c'est plus pour le coeur que pour le corps
qu'on aime ,
L'amour ne peut être effacé .
Tu détestes, sans doute , un amour Petit- maîtrež
Le mien sera toûjours prudent ,›
Gr Craintif
464 MERCURE DE FRANCE
Craintif, sage et discret , n'aimant point à pa
roître ,
Mais , si tu veux , le plus ardent.
Après un tel discours , que fit la Tourterelle
parut enfin sensible à ses tourmens Elle
Et lui sçur même gré de ses beaux sentimens,
Mais au premier Himen elle resta fidelle .
Le Ramier , plein d'honneur , touché de ses
raisons ,
Devint imitateur de sa chaste Maîtresse ,
Et changea son amour en d'honnêtes façons.
Oui, l'amitié vaut mieux qu'une folle tendresse,
Rien n'est plus vrai . Vous donc , & frivoles
Amans ,
Suivez ce Rainier beau modéle ;
Femmes folles , prenez les nobles sentimens
De cette sage Tourterelle
Fuyez dans la Viduité
g
Ce Dédale trompeur d'intrigues amoureuses
Imitez sa fidélité ,
Vous serez cent fois plus heureuses..
Bar ... d'Amiens au
Chat .. d'Au ....
LETTRE
MARS. 1737. 465
sikakakakakakakakakakakakakak
LETTRE de M. Howard , Docteur
en Médecine , à M. Hunaud , Médecin
de l'Hôtel- Dieu de Paris , Professeur
en Anatomie et en Chirurgie au Jardin
Royal , Membre de l'Académie Royale
des Sciences , et de la Societé Royale de .
Londres. Au sujet de la Fiévre vermineuse
, qui , dans les mois de Janvier et
Février , a fait beaucoup de ravage dans
le Village de Sannoy , et dans la Vallée
de Monmorency près Paris.
DEja plus d'une fois je vous al entre-
Ꭰ
tenu , Monsieur , de cette fâcheuse
maladie , qui , dans moins d'un mois , a
enlevé soixante Habitans d'un seul Village
, et qui auroit effrayé les environs , si
elle ne s'étoit fixée dans un petit Canton
qu'elle auroit peut être entierement dépeuplé
, si les soins du Ministere ne s'étoient
oposés à ses progrès. Persuadé qu'il
est très difficile , et en même temps très-
Important de s'assurer du génie particu
lier de ces sortes de maladies , qui different
entierement des constitutions dominantes
, ( c'est à- dire des maladies qui
alors ont le plus de cours ) et qui com-
#
Cvy
me
466 MERCURE DE FRANCE
me le remarque le grand Sydenham , paroissent
sous des formes si inconnues
que , malgré la sagacité du Médecin , elles
ne se démasquent qu'en portant le
coup mortel à ceux qui en sont les premiers
attaqués. Pouvois - je mieux faire ,
M. que de m'adresser à un homme qui
uniquement occupé du bien de la Méde
cine, répand dans le cours de chaque and
néede nouvelles lumières dans sa Théorie,
et semble en fixer la pratique? Je vais cependant
vous en faire un détail plus circonstanclé,
afin de vous instruire , et le
Public en même tems , de quelle façon
on est venu à bout d'assoupir si promp
tement une maladie , qui , dans son premier
abord , annonçoit des suites trèsfâcheuses.
Au mois de Janvier dernier les Ha
bitans du Village de Sannoy , étant ve
nus en Procession à N. Dame de Pontoise
, où je suis établi, pour implorer son
secours contre cette maladie , je crûs
qu'il étoit de mon devoir d'abandonner,
mes affaires ordinaires , pour me trans
porter dans l'endroit où elle faisoit son
ravage , afin de m'éclaircir de la nature
du mal , et d'être plus à portée de donner
du secours à ceux qui en avoient be
soin. Je visitai plusieurs malades , et je
m'aperçus
MARST 1737. 469
m'aperçûs aussi - tôt que quelques - unsn'étoient
point attaqués de cette maladie
, qui faisoit la constitution particu
liere. Je ne vous parlerai point de ces
maladies ordinaires qui se presentent
chaque instant à votre pratique.
Celui qui le premier paya le tribut *
la maladie nouvelle , étoit , dès le premier
instant que je le vis , hors d'état de
recevoir aucun secours de notre Art
D'abord il se mit à rire , des pleurs involontaires
succedoient à ses ris , son
poulx étoit petit , dur , concentré et
frequent. Un transport considerable l'avoit
mis hors d'état de me répondre . I
mourut le lendemain , qui étoit le septiéme
de sa maladie.
Cet évenement accompagné des ob
servations que je fis pendant quelques
jours sur l'allure de cette maladie ; obser
vations que je fis avec tout le soin possi
ble , parcequ'elles me paroissent nécessaires
pour qu'un Médedin puisse , dans
ces circonstances , reconnoître l'ennemi
qu'il a à combattre , me firent conclure
qu'elle portoit un caractere de malignité
Très -funeste.
En général les malades se plaignoient
d'abord d'un mal de tête sourd , et qui la
leur rendoit insoutenable. Aussi - tôt ils
étoient
468 MERCURE DE FRANCE
étoient pris d'une foiblesse aux jambes ,
d'une lassitude universelle , et d'un frissonnement
de tout leur corps. Ils sen
toient ensuite un peu de fremissement ;
une sueur se répandoit sur le visage , sur
la poitrine , et nulle part ailleurs ; diffe
rentes couleurs venoient se peindre sur
leur visage , en passant du pâle au rouge
- bleu , &c. Une tension considerable
se faisoit sentir au bas -ventre. Le poulx
étoit dur , petit et frequent , la respiration
fort gênée , entrecoupée , courte et
frequente ; la langue séche , rude et noire
dès les premiers jours ; les gencives
noirâtres , les urines couloient en petite
quantité , tantôt claires et tantôt blan
châtres. Les uns avoient un dévoïement
bilieux , les autres point tous rendolent
beaucoup de vers . Ils portoient
fort souvent leurs mains à la tête , et
malgré la sécheresse de leur langue , ne
se soucioient pas de boire . Alors des
pleurs et des ris involontaires , des inquiétudes
et des envies de s'habiller et
de sortir du lit , étoient les avant- cou
reurs d'un délire , qui le cinquième jour
devenoit considerable , et ils périssoient
le sept , le neuf , ou l'onze ; rarement
voyoient- ils le quatorziéme.
Sans attendre que trop d'évenemens
fâcheux
MARS. 1737. 469
fâcheux m'eussent déclaré tous les symptomes
que vous voyez ici rassemblés , et
que je n'ai connu que par la suite , je me
rendis promptement à Paris pour en faire
le raport à M. l'Intendant de la Généralité
de Paris , et pour oposer au pro
grès du mal la pratique que vous m'avez
si sagement conseillée, persuadé que,
si le retardement nous donne lieu de
nous éclaircir de bien des choses , il peut
aussi devenir pernicieux quand la maladie
devient populaire , et sur tout quand
les malades manquent des secours nécessaires.
Incontinent je reçûs ordre de retourner
sur les lieux promptement , et
d'y exercer mes fonctions ordinaires . Je
m'y rendis avec toute la diligence possible
, et deux jours après nous vîmes avec
plaisir un Officier de M. le Duc , chargé
du soin de fournir aux pauvres malades
ce qui leur étoit nécessaire pour la vie.
M. notre Intendant , sentant de quelle
importance il étoit d'étouffer ce mal naissant
, pria aussi - tôt M. Bailly , Chevalier
de l'Ordre de S. Michel , très - célebre
Praticien , et dont le zele pour le bien
public s'est fait connoître en plusieurs
occasions , de venir lui- même examiner
sette maladie. Ce Médecin , plus éclairé
que tout autre sur ces sortes de maux
lequel
470 MERCURE DE FRANCË
lequel dans toutes les maladies populai
res qui ont affligé 1.s environs de Paris
et dans la peste de Provence , a toûjours ,
avec beaucoup de justice , été chargé de
la part du Ministere , du soin d'exami
ner leur nature , et d'en diriger le trai
tement , jugea et décida du premier coup
d'oeil , que c'étoit une fiévre vermineuse
, et l'évenement n'a servi qu'à justifier
sa décision .
Il falloit un tel Médecin pour corriger
plusieurs abus contre lesquels je m'étois
presque inutilement récrié. Les Chirur
giens , peu acoûtumés à distinguer les
veritables causes de la force ou de la fofblesse
, ne faisant pas de difference entre
forces détruites , et forces seulement oprimées
, prodiguoient les cordiaux , en don
nant , dès les commencemens , le Lilium
à demi gros , ne saignoient point , ou ne le
faisoient que suivant leur caprice.M.Bail
ly dissipa tous ces mauvais préjugés qui
s'étoient glissés parmi ces pauvres Vi
gnerons , s'en retourna à Paris , après
avoir déterminé la methode la plus sûret
pour détruire cette maladie , et m'avoir
chargé de l'administration des Médica
mens , qui , par la vigilance de M. l'Intendant
, furent très- promptement apor
rés de l'Hôtel- Dieu de Paris .
Jo
MARS. 1737 47
Je faisois saigner mes malades plus ou
moins suivant les differentes indications.
Ensuite une Eau de Casse , aigui
sée d'Emétique, leur faisoit rendre beaucoup
de Vers ronds. Après avoir suffi
sament évacué , j'avois recours au Ker
més , que je faisois prendre par grains
dans une portion cordiale mineure . Vers
la chute de la fiévre , l'usage des Vermifuges
achevoit la guérison.
Voilà , M , l'Histoire que je m'étois
proposé de vous communiquer. La maladie
est heureusement finie, et nous ne
voyons presque plus que des Convales
cens. Quoiqu'elle m'ait entierement dérangé
dans ma pratique ordinaire , et
causé beaucoup d'inquiétude , je ressens
un vrai plaisir que mes soins , de concert
avec ceux du bon Pasteur de ce Canton,
qui dans tout le cours de la maladie , a
rempli tout à la fois les fonctions d'un
digne Curé et d'un Médecin charitable
ayent contribué à la sûreté de Sannoy
et des environs , et m'ayent donné lieu
de faire connoître au Public que vos leçons
bien entendues peuvent supléer à
plusieurs années de pratique . Je suis , &c.
MADRIGAL
472 MER CURE DE FRANCE
MADRIGAL.
D'une Nymphe de la Mer , métamorphosée
en Berger du Pays d'Asirée . Sur les
trois Dlles P **
SII l'Antiquité dans ses Fables ,
Vante trois Graces adorables ,
Elle n'avoit qu'une Vénus ,
Dont les apas de tout temps inconnus ,
Sont des chimeres agréables ;
Mais Montbrison nous fait voir en trois Soeurs
Trois Graces véritables ,
Et trois Vénus, Reines de tous les coeurs.
SUPLEMENT an Memoire Historique
concernant le Village de Bretignysous
Monilhery , inseré dans le Mercure
de Janvier 1737.
Quoique l'Auteur du Memoire sur
le Village de Bretigny n'ait mis
son nom qu'en Lettres initiales , je crois
avoir
MARS. 1737.
473
avoir deviné qu'il nous vient d'un Avocat
en Parlement , possedant du bien en
ce Pays là . Ce Memoire est fort instruc
tif et très- bien détaillé; il renferme , à ce
qu'il me paroît, tout ce qu'on peut dire
sur un aussi petit Lieu. Etymologie du
nom , situation , description de la nature'
du Territoire , changemens arrivés dans
le Licu , citation des Auteurs qui en ont
parlé , usages du Pays, Arrêts au sujet de
cette Seigneurie, découverte de Sépulture
singuliere : Il ne resteroit presque qu'une
découverte de Médailles ou d'autres Antiquités
à indiquer au Lecteur , pour
contenter pleinement sa curiosité.
J'ai admiré la Citation faite à propos
de la Grande Bible des Noëls : Chaillot ,
le fameux Chaillot , dont on a voulu dire
de si grandes choses , et sur lequel on
a badiné récemment pour ne rien aprendre,
n'a pas l'avantage d'être celebré parun
Auteur aussi grave que celui de ces Noëls,
faits du temps de nos trisayeuls. Quoiqu'il
en soit , l'experience nous aprend
qu'il n'est guère de témoignage plus
vrai et plus naturel que celui des Chansons
et des Vaudevilles . Heureux les Vik
lages de Bourgogne qui ont été nommés
dans les Noëls Bourguignons du celebre
M. de la Monnoye ; ils se trouvent par
là
474 MERCURE DE FRANCÉ
là immortalisés , et dans 300. ans on cia
tera ces Noëls avec la même gravité et
sûreté , qu'on cite aujourd'hui la Grande
Bible de Noëls , imprimée à Troyes ,
touchant Bretigny et tous les autres Lieux
voisins de Montlhery.
Raillerie à part , je ne puis m'empê
cher de souhaiter qu'entre tous ceux qui
ont du bien ou quelque Maison de Cam
pagne dans nos Paroisses de Village , il
se trouvât quelqu'un capable d'en faire
une semblable description , ou que quel
que personne portée à rendre service au
Public , fit de son propre mouvement
cette Description locale ; ce seroit le vrai
moyen d'avoir dans quelques années de
quoi refondre le Dictionaire Géographi
que Universel de la France , qui est si see
et si sterile sur la plupart de nos Villages.
M. de Valois a commencé quel
que chose sur ceux du Diocèse de Paris
dans sa Notice des Gaules . Mais cela
n'est pas assés étendu , ni dévelopé comme
il faut. Ce n'est proprement qu'un
canevas qu'il reste à orner de circons
tances qui réjouissent l'esprit du Lecteur.
Le celebre M. Huet a beaucoup
mieux fait dans ses Origines de Caën ,
sà Patrie . Je voudrois , par exemple , des
circonstances semblables à celles qu'on
lit
MARS. 1737 475
t dans les Epitres de Morisot de Dijon
, sur un certain Village de Bourgo
gne apellé Vernot. Centuria 1. Ep. 30.
J'aurois souhaité qu'on eût commencé
à prendre tous les Villages du Diocèse
de Paris l'un après l'autre , et que dans
chaque Mercure , par exemple , il y eût
un Memoire semblable à celui qui vient
de paroître sur Bretigny. Si on l'avoit
entrepris il y a quinze ans , nous aurions
à présent une pleine et parfaite Description
de tout le Diocèse de Paris.
Cet exemple auroit excité les Curieux
des autres Diocèses à en faire autant .
et par ce moyen nous aurions une Géographie
de France entiere et complette.
Cela auroit réveillé l'attention des Sei
gneurs , des Curés , des Particuliers natifs
de toutes sortes de Villages , dong
la Ville de Paris est remplie , et mille
circonstances dignes d'être transmises à
la Posterité , se trouveroient écrites , au
lieu qu'elles restent dans l'oubli.
J'aurois , au reste , souhaité que M. D.
nous cût aussi apris dans son Memoire
sur Bretigny , s'il n'est point sorti
de ce Lieu quelque Sujet qui se soit distingué
dans le Monde ou dans l'Eglise .
Quelquefois les Villages les plus obscurs
en produisent ; témoin le chétifHameau
de
476 MERCURE DE FRANCE
de Metzrobert , proche Chaourses , au
Diocèse de Langres , dont le celebre Edmond
Richer étoit natif ; le Village d'Archi
, en Bourgogne , où nâquit Pierre
Chastelain , Evêque de Mâcon , et ensuite
d'Orleans ; le Bourg de Verberie sur
Oyse , d'où étoit Pierre Oriol , Archevêque
d'Aix ; et la Neufville , proche
Beauvais , où naquit M. Baillet ; Lieu
déja assés illustre par la Naissance d'un
Prince devenu Roy et Saint.
1
Comme M. D. n'a pas pû tout sçavoir
sur son Bretigny , voici ce que j'ajoûterois
à sa Notice ; c'est que vers l'an 1268 .
Jean de Bretigny fit hommage pour sa
Terre à Etienne , Evêque de Paris , et
déclara en le faisant , qu'il étoit un de
ceux qui auroient dû le porter à son
Entrée solemnelle au Siege Episcopal . Ut
audivit , disoit- il, à predecessoribus suis. *
Dans l'énumération que j'ai vûë de ce
temps- là , il y a Mont - Saint Pere de Bretigny
... et les Roches qui sont entre Saint-
Pere et Saint Filebert, Remarquez qu'on
s'exprimoit alors comme on fait encore
à Chartres et à Auxerre , où l'on ne dit
pas S. Pierre , mais S. Pere , et qu'on n'écrivoit
pas Philebert , mais Filebert ; ce
qui est beaucoup mieux , parce que ce
2 Ex Cartulario Episc . Paris, in Biblioth. Reg.
mot
MARS. 1737.
477
mot ne vient pas du Grec. Dès le temps
d'Eudes de Sully , Herchembald de Villas,
d'auren , avoit déclaré tenir de l'Evêque
de Paris ce qu'il avoit à Bretigny,
J. L. B.
A Paris le 18. Février 1737 .
DEPIT
POETIQUE,
QUel feu me transporte et m'agite ?
Quels sont ces mouvemens divers ?
Est -ce encor toi , Démon des Vers ,
Dont la fureur me sollicite
De remonter sur l'Hélicon
J'en frémis. Eh quoi ! ne peut- on
S'affranchir de ta tyrannie ?
Joüet d'une étrange manie ,
Suivrai-je tes pas dangereux ?
Fuis loin de moi , fatal Génie ,
Fuis avec ton cortege affreux.
Je vois la Rime , la césure ,
La Cadence , l'Expression ,
La périlleuse fiction ,
Le Goût , la severe Mesure ;
Monstres , que pour nous tourmenter
Dan
478 MERCURE DE FRANCE
Dans la folle ardeur qui t'anime ,
Qn, t'a vu jadis enfanter ,
Et qui , cherchant une victime ,
Sont encor prêts de m'immoler ,
A cette idole de fumée ,
Que l'on apelle Renommée.
Non, non , ne crois pas m'ébranleg
Par tes promesses magnifiques ,
Par ces honneurs problématiques ,
Ce bruit , cet éclat , ce renom ,
Et ces Couronnes chimériques ,
Dont ta fausse prévention
Flate nos travaux poëtiques ,
Et nourit notre ambition.
Triomphes vains , gloire inutile ;
Qu'un Censeur en bons mots fertile,
A souvent l'art d'anéantir ;
Que le Public toujours volage ,
Révoquant son propre suffrage
Est le premier à démentir.
Plus ferme dans son témoignage
L'équitable Posterité ,
Dans le rang qu'il a mérité ,
Place un Ecrivain d'âge en âge ;
Mais pour jouir d'un pareil sort ,
Il faut voir l'infernale Plage ,
Et la gloire est un héritage
Qu'on
MAR S.
479 1737.
Qu'on ne recueille qu'à la mort .
Peu touché d'un Laurier stérile ,
Je prétends jouir en repos
Des jours que la Parque me file ,
Et qu'encor respecte Atropos .
Dis-moi dans quel genre d'escrime
Faudroit-il donc me signaler
Quel essor doit prendre ma Rime ,
Et sur quel Mont dois- je voler ?
Du Parnasse j'atteins la cime.
Sur l'aîle de l'Ode sublime ,
Je m'éleve jusques aux Cieux.
Je chante un Héros magnanime ,
Son nom , ses Exploits glorieux ;
Fort bien. J'ai trouvé l'art suprême
D'ennuyer jusqu'au Héros même
Que je veux mettre au rang des Dieux .
Plus humble , avec moins d'énergie ,
Soupire la triste Elegie ;
Elle peut déplorer son sort ;
1
Mais le ton plaintif nous endort, 94 no ditu
Tytire , assis sur cette 'Rive , "
Et laissant errer ses Troupeaux , 4 d'i
Rend Amarillis attentive
Au doux son de ses Chalumeaux ;
Qu'il chante seul au pied des Hêtres,
Est-ce dans ce siècle effronté 12xvil 175 ca£ 2
Que l'on goûté des thoeurs chaffi perfes
*
LA
480 MERCURE DE FRANCE
La charmante simplicité ?
Rempli de la liqueur vermeille
Le Vaudeville en belle humeur ,
Tenant son verre et sa bouteille ,
Entraîne aisément un Rimeur ;
Sa vivacité nous réveille ,
Son enjoûment chasse l'ennui ;
J'irois volontiers sous la treille ,
Rire , chanter , boire avec lui ;
Mais qu'il bannisse la licence....
Dont nous allarme son ardeur ,
Et que ses Vers pleins d'innocence , a'st !
Du moins respectent la pudeur.
Que vois- je ? Qu suis-je ? La Satyre
M'aborde le masque à la main ;
Malgré le penchant inhumain
L'attrait qui nous porte à médire,
Elle n'a point sur moi d'empire ,
La perfide dans notre sein
Répand le fiel et l'amertume
Jamais on ne verra ma plume
Se souiller de son noir venin.
Si l'homme en erreurs est fertile ;
J'ai de l'indulgence pour lui.
Eh ! pourquoi les vices d'autrui
Allumeroient- ils notre bile?
Sans leur livrer de yains assauts ,
Songeons à combattre les nôtres,
་ ། id
5 eng
C
16 11 29105 :
Plus
MARS. 1737.
481
*
Plus nous connoissons nos défauts ,
Moins nous en trouvons chés les autres.
N'es-tu point las , Démon pervers ,
De m'offrir tant d'objets divers ??
Non ; ton orgueil encor m'amene
La respectable Melpomene ,
Son cortege est noble et nombreux ,
Elle paroît environnée
De Rois , de Héros malheureux ,
De qui la Troupe infortunée
L'attendrit et nourit ses pleurs ,
Du récit des plus grands malheurs.
De ses Disciples qu'on outrage ,
Je craindrois de subir le sort ,
Et si je puis , je veux du Port
Contempler toujours leur nauffrage.
Hélas ! je le dis ; mais Sethos , *
Séthos , tendre fruit de ma veine ,
Voudra-t'il , respectant sa chaîne ,
Me laisser goûter ce repos ?
Devois-tu lui servir d'organe ?
Si la Scene offre un jour ses traits ,
Quel bruit affreux ! que de sifflets !
J'en perds déja la tramontane ;
Mais quoi ! je suis à ta merci ,
Ton ascendant me tyrannise ,
* Tragédie de l'Auteur , qui n'a point encore
paru.Skan
Dij Et
482 MERCURE DE FRANCE
Et je sens bien , quoi que je dise
Que mon destin le veut ainsi ;
Car c'est enfin où se termine
La crainte de tous ces revers .
On se dépite , on se mutine ,
On tonne , et puis on fait des Vers.
EXPLICATION des Effets d'ung
Pendule extraordinaire.
1
Ette Pendule marque les Secondes;
Celle sonne les quarts ; elle est à
Equation , c'est- à- dire , qu'elle marque
l'heure vraye et l'heure moyenne par
deux aiguilles des minutes qui sont au
centre du Cadran des heures.
Celle qui montre l'heure vraye est
de cuivre doré avec une espece de
rayon pour la distinguer. Elle suit le
Soleil dans toutes ses variations , minutte
pour minutte et fait sonner l'heure vraye.
Celle qui montre l'heure moyenne
est d'acier ; celle - là suit le mouvement
reglé de la Pendule et s'accorde avec celle
des secondes et de l'heure .
Au- dessous du Cadran des heures , est
sun demi cercle où sont marqués les jours
des mois par une aiguille qui rétrograde
MAR 9. 1737. 483
de le dernier jour de chaque mois à minuit
et se remet au premier d'elle - même.
Dans la partie interieure de ce demi
cercle des jours des mois , est un cours
de Lune qui marque ses phases et son
âge , et qui ne differe au plus que de,
deux secondes du cours Astronomique
par chaque mois Sinodique.
49
La roue annuelle fait son tour en
365. jours , cinq heures 48. minutes 58 .
secondes de seconde , ce qui ne differe
qu'en très- peu de chose de l'année
Solaire , qui a quelquefois 365. jours
5. heures 45. 45. jusqu'à so . 51. minutés
et quelques secondes , plus ou moins .
Ainsi la roue annuelle fait à peu près
son tour dans le milieu des differentes
longueurs des années Solaires , ce qui
doit faire juger qu'il faudroit un temps
considérable pour s'apercevoir de la di
férence des mouvemens de la Pendule
et du cours du Soleil,
*
Cette roue fait varier l'aiguille du
temps vrai , par le moyen d'une courbe,
marque l'heure du lever et du coucher
du Soleil et le degré du Signe dans lequel
il est marque les jours et les mois
de l'année ; marque les 4. années communes
, d'où procede l'année Bissextile
qui fait que l'aiguille des jours des mois
D iij marque
484 MERCURE DE FRANCE
marque tous les 4 ans un mois de Février
de 29. jours.
İl y a indépendamment de cela une
sourdine , pour qu'elle ne sonne qu'à volonté
, sans que cela interrompe en aucune
façon le cours de la Pendule.
Tous ces effets se font sans charger le
roüage du mouvement , qui n'agit que
sur les aiguilles de l'heure , comme dans
une Pendule simple , c'est le rouage de
la sonnerie qui est le mobile de tous ces
effets et qui les produit toutes les fois
qu'elle sonne, c'est - à- dire de quart d'heure
en quart d'heure.
Ce qu'il y a de singulier et d'avantageux
dans l'Ouvrage , c'est que la Mécanique
en est si simple , que le moindre
Ouvrier , en la démontant , en connoîtra
sur le champ tous les ressorts ; au
lieu que quelques Pendules , faites à peu
près dans ce goût , sont si composées
qu'il n'y a souvent que l'Auteur qui
puisse y toucher ; article très- important
pour la durée et la solidité d'une Pendule
de quelque espece qu'elle soit.
•
Celle- ci se trouve chés le sieur Bastien
Horloger , à l'Abbaye S. Germain des Prés:
à Paris.
STANCES
MAR S. 1737. 489
Atetetett it Aetatetett
STANCES CHRETIENNES,
Tirées des Paroles de Saint Augustin :
Sero te amavi , &c.
ETTeerrnneellllee beauté , vive source de flamme ,
Dont la splendeur remplit et la Terre et les Cieux,
Digne objet des transports où se livre mon ame ,
Hélas ! pourquoi si tard brillez- vous à mes yeux ?
Que faisois-je , ô mon Dieu , dans quelle nuit
profonde ,
Esclave de mes sens , étois - je enseveli
Coupable adorateur des Idoles du Monde ,
Je mestois votre Nom et ma gloire en oubli.
De séduisantes fleurs couvroient le précipice ,
Où le coeur et l'esprit voloient aveuglement ,
Tous mes pas imprimés dans la fange du vice
Etoient pour moi, Seigneur, un long égarement.
Le bandeau sur le front , déplorable victime ,
Puis je encor y penser sans en frémir d'horreur
? )
Je croyois vous chercher au fond de cet abyme ;
Je me cherchois moi - même et j'aimois mon
erreur."
D iiij Dans
484 MERCURE DE FRANCE
marque tous les 4 ans un mois de Février
de 29. jours.
íl
y a indépendamment de cela une
sourdine , pour qu'elle ne sonne qu'à volonté
, sans que cela interrompe en aucune
façon le cours de la Pendule.
Tous ces effets se font sans charger le
roüage du mouvement , qui n'agit que
sur les aiguilles de l'heure , comme dans
une Pendule simple , c'est le rouage de
la sonnerie qui est le mobile de tous ces
effets et qui les produit toutes les fois
qu'elle sonne, c'est- à- dire de quart d'heu
re en quart d'heure.
Ce qu'il y a de singulier et d'avantageux
dans l'Ouvrage , c'est que la Mécanique
en est si simple , que le moindre
Ouvrier , en la démontant , en connoîtra
sur le champ tous les ressorts ; au
lieu que quelques Pendules , faites à peu
près dans ce goût , sont si composées
qu'il n'y a souvent que l'Auteur qui
puisse y toucher ; article très - important
pour la durée et la solidité d'une Pendule
de quelque espece qu'elle soit .
" Celle-ci se trouve chés le sieur Bastien
Horloger, à l'Abbaye S. Germain des Prés:
à Paris.
STANCES
MAR S. 1737. 489
Atetettet
STANCES CHRETIENNES,
Tirées des Paroles de Saint Augustin :
Sero te amavi , &c.
E-Ternelle Ternelle beauté , vive source de flamme ,
Dont la splendeur remplit et la Terre et les Cieux,
Digne objet des transports où se livre mon ame ,
Hélas ! pourquoi si tard brillez-vous à mes yeux ?
Que faisois- je , ô mon Dieu , dans quelle nuit
profonde ,
Esclave de mes sens , étois - je enseveli ?
Coupable adorateur des Idoles du Monde ,
Je mertois votre Nom et ma gloire en oubli
De séduisantes fleurs couvroient le précipice ,
Où le coeur et l'esprit voloient aveuglement ,
Tous mes pas imprimés dans la fange du vice
Etoient pour moi, Seigneur, un long égarement.
Le bandeau sur le front , déplorable victime ,
Puis je encor y penser sans en frémir d'hor◄
reur ? ).
Je croyois vous chercher au fond de cet abymez
Je me cherchois moi - même et j'aimois mon
erreur. "
D iiij
Dans
486 MERCURE DE FRANCE
Dans cette affreuse nuit quelques éclairs funebres
Venoient de temps en temps vous offrir à mes
yeux ;
Courbé sous mes liens, errant dans mes ténebres,
Mes timides regards se tournoient vers les Cieux.
Qu'un coeur est malheureux ! quand la Loi qui
le dompte
Etouffe les remords dont il est combattu ;
Quand il suit un penchant dont il connoît la
honte ,
Et qu'il se livre au vice en aimant la vertu !
Les plaisirs retenoient ma volonté captive ,
Et sans cesse m'offrant leurs charmes les plus
doux , 1
M'arrêtoient dans ma fuite, et d'une voix plaintive
.
Me crioient,. Augustin, peux-tu vivre sans nous?
Vous triomphez , Seigneur , je rends enfin les
armes ;
Je suis environné des plus vives clartés ,
Quel heureux changement ! mes yeux versent
des larmes ;
Je reconnois , j'adore et bénis vos bontés.
Dans mon coeur éclairé détruisez les Idoles
Qui ne vous ont que trop disputé mon encens ,
AviezMARS.
487 1737:
Aviez-vous donc formé leurs agrémens frivoles
Pour séduire ce coeur par l'organe des sens'?'
Non , mais des dons reçus , ces Idoles parées,
Ont armé contre vous leurs perfides attraits ,
Eh ! que sont leurs beautés aux vôtres comparées,
Que de foibles crayons de vos augustes traits !
Ces Ruisseaux échapés dont vous êtes la source ,
Etoient purs en sortant de la Divinité ;
Les ramener à vous , c'est fixer dans leur course
Le rapide torrent de leur fragilité.
C'est rendre avec usure au cristal de leur Onde
La pureté sans art qu'il tenoit de vos mains ;
Dans ces jours fortunés de l'enfance du Monde ,
Od tout rendoit hommage à vos droits sou
verains.'
Sacrifiez , Mortels , à ce Maître suprême
Les objets inconstans qui faisoient votre apui.
Allez à ses Autels vous immoler vous - même ;
L'Homme retrouve en Dieu tout ce qu'il perd
pour lui.
Par M. Poncy Neuville.
Ce 7. Mars 1737.
Ď V QUES
488 MERCURE DE FRANCE
QUESTION importante , jugée an
Parlement de Paris le 18. Janvier 1737.
' Il est dû des droits de vente aus
Seigneur , lorsqu'un Proprietaire >
qui n'est pas le Seigneur , donne à rente
fonciere stipulée non rachetable , une
Maison située dans la Ville et Faubourgs
de Paris ?
FAIT
T
Le 22 , Mars 1711. Charles Raisin ,
Maître Serrurier à Ressorts à Paris , et
Marie le Febvre , sa femme , acquirent
conjointement des Sieur et Dame Prévost
de la Prévostiere , une Maison sise
à Paris , rue du Fauxbourg S. Antoine ,
étant en la Censive du Roy , à cause de
sa grande Ghambrerie.
Dans le Contrat de vente plusieurss
conditions furent stipulées , entre autres ,
1º. de payer à l'avenir par les Acquereurs
, les Cens et Droits Seigneuriaux
qui pouroient être dûs. 2º . de payer
solidairement aux Vendeurs à perpétuité
aux quatre quartiers de l'àn accoûtumés
également scolivres de rente foncieres
MAR S. 1737. 489*
re de bail d'héritage amortie et non rachetable.
Pendant 21. ans ce Contrat échapa
aux recherches des Préposés au recouvrement
des Droits censiers et féodaux
apartenans au Roy. Quelque temps après
le sieur Jacques le Riche ayant acquis
la Charge de Receveur General des Domaines
, il fit assigner le 31. Décembre
1732. à sa requête Raisin et sa femme
en la Chambre du Domaine de Paris
pour se voir condamner à lui exhiber
feur Contrat d'acquisition , payer la
somme de 2533. liv . 15. sols pour les
Droits d'ensaisinement , lods et ventes ,
amende qui en pouvoient être dûs , aux
interêts de cette somme et aux dépens .
Par Sentence contradictoire , renduë
en la Chambre du Domaine le 13. May
173.3 . conformément aux Conclusions
de M. Dugué , Avocat du Roy , la veuve
Raisin fut condamnée au payement
de la somme à elle demandée , aux interêts
du jour de la demande , et aux
dépens.
La veuve Raisin interjetta apel de
Sentence au Parlement , et sur cet apel
les Parties ayant pris un apointement au
Conseil , l'affaire fut discutée avec beau
coup d'attention de part et d'autre.
D vj On
490 MERCURE DE FRANCE
On voit dans un Memoire imprimé ,
fait par M. Bellot , Avocat pour le sieur
le Riche , Receveur du Domaine , qu'il
réduisoit ses Moyens à deux proposi
tions generales.
La premiere consistoit à dire, que la
Rente dont il s'agissoit n'ayant ni la natu
re ni le privilege du surcens ou de la premiere
Rente Seigneuriale après le Cens,
étant au contraire créée et imposée sur
une Maison d'un des Fauxbourgs de Pa
ris , par un étranger à la Censive , étoit
sujette à rachat , quoique premiere après
le Cens , et stipulée non rachetable.
La seconde proposition étoit que la fa
culté qu'avoit la veuve Raisin de pouvoir
toujours racheter cette Rente , opéroit
une mutation dans la proprieté qui donnoit
ouverture aux Droits Seigneuriaux .
Pour démontrer la premiere proposition
, le sieur le Riche observoit d'abord
qu'il n'étoit question que de prendre le
vrai sens de la seconde partie de l'Article
121. de la Coûtume de Paris ; que
cet Article contient deux dispositions
l'une generale , qui en dérogeant à l'Article
120. assujettit indistinctement au
rachat toutes Rentes de bail d'héritages
sur les maisons de la Ville et Fauxbourgs
de Paris.
Ce
MARS. 1737. 495
Ce que dessus n'a lieu ( dit cet Article )
ès Rentes de Bail d'héritages sur maisons
assises en la Ville et Fauxbourgs de Paris
lesquelles sont à toujours rachetables.
L'autre disposition particuliere , qui
excepte de cette Loy generale du rachat
les premieres Rentes après le cens et
fond de Terre ; si elles ne sont ( ajoûte le
même Article ) les premieres après le cens
et fond de Terre.
Desorte que ( disoit le Receveur du Do
maine ) quiconque voudra servilement
s'attacherà la lettre de cette derniere dis
position , s'égarera au point de se figu-
Fer que c'est assés qu'une Rente assise
sur une maison de la Ville et Faubourgs
de Paris , ait été stipulée fonciere et non
rachetable , et se trouve par hazard la premiere
qui soit dûë après le Cens , pour
qu'elle soit dans le cas de l'exception de
la seconde partie de cet Article , et être
affranchie de la Loi generale du rachat;
mais , dit- il , il faut concilier l'esprit de
cet Article avec la Léttre.
Lorsque cet Article a été ajoûté par
les Réformateurs de la Coûtume , leur
objet a été de graver dans cette Coûtu
me les dispositions des anciennes Ordonnances
de nos Rois et la jurisprudence
des Arrêts intervenus depuis , et
de
492 MERCURE DE FRANCE
de pourvoir à l'ornement et à la décora
tion de la Ville Capitale du Royaume ,
en donnant aux Proprietaires de Maisons
une voye pour se liberer des Rentes imposées
sur leurs Maisons,et qui pouroient
les en dégoûter , ne aspectus urbis ruinis
deformetur.
Les Réformateurs n'ont excepté de
cette Loy generale du rachat les premieres
Rentes après le Cens , qu'à cause de la faveur
des Rentes Seigneuriales qui s'im
posent avec le Cens par le Seigneur direct
, pro reditu et emolumento dans le bail!
à Cens , et dont la modicité ne peut jamais
détruire le principe sur lequel las
Loy generale du rachat est fondée.
Or , disoit le Receveur du Domaine ,
la Rente dont la veuve Raisin s'est chargée
, n'est point imposée dans le bail a
Cens par le Seigneur direct du fond ;;
sa quotité n'est point assés modique ni
son objet assés favorable , pour qu'on
puisse l'assimiler à la premiere Rente
Seigneuriale et ne la pas regarder comme
étrangere à la Censive.
Celui qui l'a imposée n'étoit que simi
ple Proprietaire utile , chargé lui-même
du Cens envers le Seigneur direct ; la
Rente , loin d'être modique , comme la
premiere Rente Seigneuriale , est exorbitantes
MARS. 1737 .
493
bitante et onereuse , elle surpasse même
la valeur de la maison sur laquelle elle
est imposée ; les Acquereurs sont chargés
en outre de bâtir à neuf incessamment
à leurs frais et de leurs propres deniers un
des corps de logis de la maison , toutes
ces circonstances ne donnent d'autre idée
que celle d'une vraye vente , déguisée
sous le nom d'un bail à rente , abso
lument étranger à la Censive ; enfin elle
est , à la verité , stipulée non rachetable,
mais par une convention prohibée par
V'Ordonnance et la Coûtume , contraire
à un droit public , qui , malgré cette
stipulation , la rend perpetuellement sujette
à rachat , dès qu'elle est imposée
sur une maison des Fauxbourgs de Paris ,
assujettissement qui opere une mutation
de Proprietaire d'autant plus certaine ,
que le Vendeur s'est dessaisi lui - même de
rous ses droits de proprieté , en les cédant
par une clause expresse et en con
sentant que les Acquereurs en fussent
saisis et mis en possession .
: Pour établir la seconde proposition que
la faculté de pouvoir racheter la Rente fait
ouverture aux Droits Seigneuriaux , le Receveur
du Domaine disoit que de quelque
maniere que la mutation de Vassal ou
de Censitaire arrive dans la proprieté
d'un
494 MERCURE DE FRANCE
d'un fond sujet à la Directe du Seigneur,
soit par vente ou par Contrat équipollent
à vente , tel que le bail à rente rachetable
, le Droit du Seigneur est ouvert
et qu'il peut aussi - tôt exiger le payement
des droits de vente , sans être obligé
d'attendre que la rente soit rachetée.
Que le bail à rente dont il s'agissoit étoit
une véritable vente , et que la rente étoit
perpétuellement rachetable de sa nature,
nonobstant la stipulation contraire
qu'ainsi les droits de vente étoient dûs
pour cette mutation sans attendre le rachat
de la Rente,
M. Grifon , Avocat de la veuve Raisin,
dans le Memoire imprimé qu'il fit pour
elle , renferma sa défense dans deux propositions
La premiere , qu'il n'est pas dû de lods'
et ventes à cause d'un bail à Rente fonciere.
La seconde , que la Rente fonciere
dûë par la veuve Raisin , 'est la premiere
après le Cens:
Pour l'établissement de la premiere
proposition , la veuve Raisin disoit que
le bail d'un immeuble à la charge d'une
rente qui n'est pas stipulée rachetable ,
ne produit pas de lods et ventes au Seigneur
Direct dans la Coûtume de Paris ,
parce que ce Contrat n'est pas une vente
es
MARS. 1737. 495
et n'équipolie point à une vente , la rente
fonciere ne tenant point lieu de prix lors
qu'elle n'est pas stipulée non rachetable .
Il est seulement dû des Lods et Ventes
dans la Coûtume de Paris , à cause du
Bail d'un immeuble , à la charge d'une
rente , stipulée rachetable , suivant les
articles 13. et 78. parceque la stipulation
du rachat fait que la rente tient lieu de
prix , et que le Contrat équipolle à une
vente .
Le S. le Riche, ajoûtoit la Veuve Raisin
, n'a pû contester ces principes ; il
opose seulement que , suivant l'article
121. de la Coûtume de Paris , les rentes
de Bail d'heritages sur les maisons situées
dans la Ville et Fauxbourgs de Paris
, sont à toûjours rachetables ; d'où il
induit qu'il est dû des Lods et Ventes ,
à cause du Bail à rente d'une maison située
dans la Ville , ou dans un Fauxbourg
de Paris, quoique , par le Contrat,
la rente ait été stipulee non rachetable.
Mais cette prétention est mal fondée ;
les Baux à rentes foncieres , non rachetables
, n'ont été rendus sujets par la pas
disposition des Ordonnances et de la
Coûtume , aux droits de Lods et Ventes :
le Privilege accordé aux Habitans de Paris
de pouvoir racheter leurs rentes , ne
concerne
456 MERCURE DE FRANCE
concerne pas les droits des Seigneurs ,et
né doit pas tourner au préjudice des Habitans
, ni les assujettir à des droits Seigneuriaux
qui ne sont pas dûs , suivant
la nature des Contrats qu'ils ont faits .
Pour établir la seconde Proposition que
la rente en question n'étoit pas rachetable
, nonobstant la faculté accordée par
l'article 121. de la Coûtume , la Veuve
Kaisin observoit que cet article excepte
de la Loy générale du rachat les rentes
qui sont les premieres après le Cens ;
que dans l'espece , la rente dont il s'agissoit
étoit constamment la premiere après
le Cens , la maison n'étant chargée que
du Cens et de cette rente; que la Coûtume
, en exceptant de la faculté du rachat
les rentes qui sont les premieres après le
Cens , n'a pas limité cette exception aux
seules rentes dûës au Seigneur direct ,
qu'elle ne distingue point , et parle en
général de toutes sortes de rentes foncieres,
qui sont les premieres après le
Cens.
Les moyens respectifs des Parties
étoient encore soûtenus de beaucoup
d'autres reflexions , et de plusieurs préjugés
et autorités .
Les raisons de la veuve Raisin ont pré
valu sur celles du Receveur du Domai
ne
MARS. 1737. 497
ne , et par Arrest rendu en la Grand'
Chambre , au raport de M. Coste de
Champeron , Conseiller , le 18 Janvier
1737. La Cour a mis l'apellation , et ce
dont étoit apel au néant , émendant a déchargé
la Veuve Raisin des condamna
tions prononcées contr'elle , a débouté le
Receveur du Domaine de sa demande ,
et l'a condamné aux dépens.
Ceux qui ont cherché à pénétrer les
motifs de cet Arrest , ont pensé que la
Cour , en déboutant le Receveur du Domaine
de sa demande , n'avoit pas pour
cela jugé per consequentias que la rente
fut réellement non rachetable , mais seu
lement que le Seigneur ne pouvoit en ce
cas demander des Lods et Ventes , du
moins quant à present.
Mais l'opinion la plus générale du Pa
lais est que le Receveur du Domaine n'a
été débouté de sa demande , que parce
que la rente a été considerée comme non
rachetable , étant veritablement la premiere
après le Cens , et qu'autrement la
Cour n'auroit pas débouté le Receveur
du Domaine purement et simplement de
sa demande , qu'elle l'auroit seulement
declaré non recevable, ou débouté quant
present.
के
Ainsi cet Arrêt juge que le Seigneur
ne
98 MERCURE DE FRANCE
ne peut prétendre de droits de Lods et
Ventes lorsqu'une maison située dans la
Ville et Fauxbourg de Paris , est donnée
à rente fonciere, stipulée non rachetable,
et que la maison n'est chargée que du
Cens ordinaire et de cette rente.
****
L
CANTATE
Sur un Songe , imitée d'une Ode
d'Anacreon!
E Dieu qui des Amans seul adoucit là
peine ,
Morphée avoit sur moi répandu ses Pavots ,
Leur douceur suspèndoit les maux
Que me fait souffrir l'Inhumaine
apas divins m'ont ravi le repos. Dont les
Si ce Dieu que j'implore
N'étoit sensible à mes malheurs ,›
La Nuit , comme l'Aurore ,
Seroit témoin des pleurs
Que me font verser les rigueurs
De celle que j'adore.
Dieux ! quel objet ! Que vois-je ! Iris n'est
plus cruelle ;
Elle entend mes soupirs ; j'embrasse ses genoux.
Seg
MARS.
499
1737.
Ses yeux déposant leur couroux
Semblent annoncer à mon zele
Un fortuné moment .. Mais quelle voix m'ag
pelle ?
Cruels, pourquoi m'éveillez vous ?
Depuis que sous son empire
Iris me tient enchaîné ,
Mon amour d'un seul sourire
Ne fut jamais couronné.
De sa longue indifference ;
Un songe alloit me venger.
J'esperois . Un bruit leger
A détruit mon esperance,
Dieux , pouvez - vous envier
Un bonheur imaginaire
Ou croyez -vous trop payer
Les rigueurs de ma Bergere ?"
Des Essars.
LETTRE de M..... écrite à M.
l'Abbé Papillon , Chanoine de Dijon ,
au sujet d'un Ouvrage sur les Pseaumes
, &c.
R de réveiller , de piquer , de satis-
$ 3000.2
Ien n'est plus capable , Monsieur ;
faire la curiosité des Gens de Lettres, rien
de
Soo MERCURE DE FRANCE
de plus propre à faire honneur à votr
Patrie , que la Bibliotheque des Ecrivain
de Bourgogne , que vous nous faites es
perer depuis long temps , et que le Public
attend avec impatience . Cet Ouvra
est de soi- même interessant , et votre
réputation le fait desirer avec ardeur.
ge
Cependant , comme il est très difficile
que vous connoissiez tous les Livres composés
par des Bourguignons ; agréez , M.
que j'aye l'honneur de vous en indiquer
un , dont l'Auteur a dérobé la connois
sance à ses sçavans Confreres même , qui
se seroient faits un mérite de l'annoncer
dans leurs Mémoires . Voici comme il est
intitulé.
SCHOĻIĄ , seu breves Elucidationes
in Librum Psalmorum , ad usum et commodum
omnium qui Psalmos cantant vel reci
tant , ut que difficilia sunt intelligant. Adduntur
Scholia in Cantica Breviarii Roma
ni. Auctore Stephano Tiroux , Societatis
Fesu , Sacerdote. Lugduni , apud Marcel-
Jinum Duplain. M. DCC. XXVII
in- 8. pag. 455. sans l'Epître Dédicatoi
re , la Préface et les Tables.
L'Epître à M. Jean Bouhier , nommé
à l'Evêché de Dijon , est d'une grande
beauté , et le Lecteur auroit de la peine
se déterminer à qui cette Piece d'éloquence
MAR S.
1737. 3or
quence fait plus d'honneur , ou à l'Au
teur , ou à son illustre Mécene , et à la
docte Famille des Bouhiers.
. Dans la Préface l'Auteur fait sentir
Futilité de son Ouvrage , qui épargne
aux Sçavans , et à tous ceux qui sont
pour ainsi dire , accablés par leurs fonctions
ecclesiastiques , la peine de lire de
gros Commentaires, qui bien loin de donner
du goût pour la recitation du Pseautier
, sont capables de causer de l'ennui
et de la tiédeur à ceux même qui sont
les plus zelés pour l'Office Divin.
L'éloge que fait le Censeur de ce Livre
, exprime en deux mots tout ce que
je pourois dire de plus fort pour en conseiller
la lecture. Scholia hac digna mihi
visa sunt , quæ vel inter prastantissima lo
cum haud infimum obtineant. Après un pareil
témoignage , porté par un Docteur ,
dont le discernement , la probité et la
droiture sont universellement reconnus ,
peut- on encherir sur l'excellence de ce
Livre ? Il suffit de dire que c'est M. Ro
buste , de la Societé de Sorbonne.
Après la Préface on trouve un Abregé
de la Vie du R. P, Etienne Thiroux
a laquelle vous pouvez ajoûter , si vous
le jugez à propos, que ce sçavant et pieux
Jesuite , né en 1647, étoit Fils de Denis
Thi
302 MERCURE
DE FRANCE
ce
Thiroux et de N. Saulnier , alliée à la
Famille de Cipiere. Denis fut cinq fois
Vierg d'Autun , et Claude , son Fils , fut
honoré trois fois de cette Charge , qui
est ancienne et illustre dans Autun
qui est un témoignage authentique de
Festime et de l'amitié qu'avoient pour
MM . Thiroux , les Habitans qui font
l'élection du Vierg. Le Dictionaire Universel
ne fait point mention de cette Magistrature
, qui répond à celle de Maire ,
qu'on apelle Viguier en Languedoc . César
en parle honorablement au premier
et au septiéme Livre de la Guerre des
Gaules, et il donne à ce Magistrat le nom
de Vergobretus , d'où est venu celui de
Vierg , et peut être celui de Viguier, qu'on
fait dériver de Vicarius. Quelques - uns
disent que Vergobretus signifie Virgå fres
tus , mais cette étymologie n'est pas na
turelle . Paradin la prend de ces deux mots
Celtiques Verg et Bret , qui désignent le
Haut Exécuteur. D'autres la tirent d'un
ancien mot Gaulois qui signifie la Pourpre
, dont les Maires de Ville étoient revêtus
, commele sont encore aujourd'hui
les six Consuls du Puy en Velay. Ils
apuïent leur sentiment étymologique sur
un passage de Strabon au Livre iv. de sa
Géographie. Qui honores gestant , vestes
tinctas
MARS. 1737. 503
tinctas atque auro variegatas gestant .
Quoiqu'il en soit , il est constant que
du temps de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Citeïens , quoiqu'il ne fut qu'annuel .
A present on l'élit pour deux ans , et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Président
du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 .
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy
, et après avoir fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cir
constances de la Vie de ce pieux Jesuite,
E et
104 MERCURE
DE FRANCE
et en état de faire une Analyse de son
Commentaire sur les Pseaumes. Person
ne ne le peut mieux que vous , Monsieur
.
Outre cet Ouvrage si utile au Public ;
le pieux Auteur lui en a donné un autre
qui est très - édifiant . En voici le titre ;
DIRECTION
Spirituelle pour servir
de Regle à tous les Chrétiens qui veulent
sincerement leur salut , et acquerir la
perfection. A Lyon , chés Marcellin Duplain
1730. in- 8. de 379. pages.
Cet Ouvrage est divisé en cinq Parties
. Le P. Thiroux , après avoir prou
vé solidement que les Chrétiens sont
obligés de tendre à la Perfection Evangelique
, en expose les Principes et les
Maximes dans la premiere Partie de son
Livre.
Dans la seconde il traite de la Priere
que les Fidéles doivent faire chaque jour
de leur vie , et pour en faciliter la pra
tique, il ajoûte des Méditations pour tous
les jours de la Semaine .
Dans la troisiéme il parle de la Sainte
Messe , dont il explique les Paroles et
les Cérémonies . Il enseigne la maniere
d'y assister pour en retirer le fruit qui
Convient à une action aussi sainte.
Dans la quatriéme Partie il traite de
la
MARS. 1737.
505
la Confession et de la Communion et
dans la cinquiéme , des Retraites spirituelles
, qui sont de la derniere importance
pour ceux qui veulent acquerir la
perfection. On trouve dans cette derniere
Partie des Méditations pour une Recollection
, que ce sage Directeur conseille
de faire au commencement et à la
fin de l'année , et pour une Retraite annuelle
de huit ou dix jours.
Outre ces deux Ouvrages imprimés
le P. E. Thiroux en a laissé cinq autres ,
qui méritent de l'être .
1. La Vie de JESUS- CHRIST , tirée des
Quatre Evangelistes, avec des Reflexions
extraites des SS. Peres. En Latin.
2. Méditations pour tous les jours de
l'année. En François.
3. Methode d'une Retraite annuelle ,
conforme aux Exercices spirituels de S.
Ignace. En Latin.
4. Traité des Questions de Controverse
contre les Hérétiques. En François .
5. Commentaire sur le Nouveau Testament
, trois Volumes in fol. Chaque
page est partagée en neufcolonnes . Dans
la premiere, on voit le Texte Sacré Dans
la seconde , une Paraphrase très- exacte.
'Dans la troisiéme , diverses Leçons du
Texte. Dans la quatrième , des Senten-
E ij
ces
506 MERCURE DE FRANCE
ces choisies des SS. PP. sur chaque Ver
set de l'Ecriture. Dans la cinquiéme des
Notes Historiques . Dans la sixième, Chro
nologiques . Dans la septième , Critiques.
Dans la huitième, Théologiques , Dans la
neuvième enfin , une Table des Matieres à
l'usage des Prédicateurs. Ce grand Ouvrag
geest en Latin, et on peut dire que l'Auteur
s'est surpassé lui- même dans le Commentaire
sur les Epîtres de S. Paul. Le P.
Thiroux a employé trente ans à cet Ouvrage
immense , qu'on regarde comme
son chef d'oeuvre.
Nous sommes redevables de l'Edition
des deux premiers , imprimés à Lyon , au
R.P.Gabriël Thiroux , Jesuite , Neveu de
l'Auteur , qui auroit enrichi la Republique
des Lettres de l'Edition des cinq
Livres qu'on vient d'indiquer , sans les
Occupations indispensables dont sa Com
pagnie l'a chargé. Il a enseigné la Théologie
pendant plus de trente ans ; et M.
l'Evêque de Langres , convaincu de son
profond sçavoir , l'a enlevé au College
de Moulins en Bourbonnois , pour attirer
un plus grand nombre de Disciples
dans son Seminaire , qu'il vient d'établir
chés les Jesuites , par la réputation de ce
fameux Professeur.
C'est le P. Gabriel Thiroux qui est
Auteur
MARS. 1737. 507
Auteur de l'Epître Dédicatoire et de la
Préface , qui sont à la tête du Commentaire
sur les Pseaumes. C'est encore lui
qui a donné la Vie de son digne Oncle ;
et je vous crois , M , trop judicieux et
trop équitable pour que vous ayez la
pensée que ce Pere ait eu la moindre part.
à l'Eloge qu'on trouve à la fin de cette
Vie. Il n'a jamais demeuré à Lyon où
l'on a imprimé le Commentaite . Le P.
Deperier , qui s'étoit chargé de la révision
de cet Ouvrage , crût qu'il ne pouvoit
refuser un éloge au Neveu , qui
marchoit si rapidement sur les traces de
l'Oncle , et il l'ajoûta au bout de la Vie
du P. Etienne Thiroux , malgré la vio
lence qu'il prévoïoit devoir faire à la modestie
du P. Gabriel , dont je pourai vous
entretenir plus amplement . En attendant
j'ai l'honneur d'être avec respect , & c .
On a dû expliquer le Sonnet Enigmatique
et les Logogryphes du Mercure de
Février , par la Mappemonde , Rhinoceros,
Lazare , et Sanguis. On trouve dans le
premier Logogryphe, Rhin, Rhôni , Noir,
Rose , Rosier, Eche , Cône , Chien , Cire,
Heron, Honoré , Enoch, Noé , Sorin , Ino ,
Sorcier, Rhône , Oison , Ciron , Rein , Coré ,
E iij Cor
508 MERCURE DE FRANCE
> Car, Roc , Noier, Nice , Serin , Soie, Ire
Rien, Roi, Or , Soir , Nôce, cri , Sire , hoc ,
Crin . Et dans le troisième, Anguis , Sus ,
et Asinus.
S¹x
**********
ENIGM E.
Ix membres font mon nom , je suis de tout
Pays
L'injustice souvent préside à ma naissance ;
Si par un sort heureux, quelques- uns j'enrichis
J'en reduis un grand nombre à l'extrême indi
gence.
Redoute-moi , Lecteur , autant que le décès :
J'altere la santé , le repos et la bourse :
Et si tu ne m'éteins dans mon premier accès ;
Rarement pouras tu m'arrêter dans ma course.
LOGOGRYPHE.
J'Ai
'Ai dans mon ventre un air :
A mes deux côtés j'ai la note .
Lecteur , dois -je en être plus fier #
Solfier et chanter ne sont point ma marote.
AUTRE
MARS.
1737. 509
AUTRE.
Rois membres font mon tout . Voici leur
difference ;
Le premier vous designe une Ville de France ;
L'autre est un adjectif , un Saint , un Animal ;
Et le troisième enfin est un Ton musical.
En huit lettres un mot tous les trois les rassemble.
Pour vous faire trouver plus aisément inon nom ,
Je vous donne , Lecteur , ma définition.
Ma Soeur unique et moi marchons toujours ensemble.
Nous sommes de même âge et de même grandeur
;
Nos moindres mouvemens expriment la pudeurs
En tout l'une à l'autre ressemble ;
Chacune, nous avons à garder un bijou ,
Qui ne peut s'acheter de tout l'or du Perou ;
Dés qu'il est menacé de quelque coup perfide ,
Plus promptes que l'éclair nous lui servons
d'Egide.
Qui voudra maintenant nous anatomiser
Va trouver de quoi s'amuser.
D'abord le Successeur du premier des Apôtres
Ce qui sert d'envelope à tous les Animaux ,
A l'Homme même comme aux autres.
La Terre qui nourrit les Boeufs et les Chevaux .
E iiij Titre
510 MERCURE DEFRANCE
Titre de grand honneur en France , en Angleterre
.
Le nom que la Loy donne au mari de la mere.
L'innocente chasse aux Oiseaux.
La premiere femme gourmande.
L'endroit de la Riviere où s'arrête le Bac.
Un instrument utile aux Preneurs de Tabac.
Un Dieu du Paganisme : Une Ville Normande.
Ce qui charme l'ennui du Soldat , du Marin ,
Item , une grande Mesure.
J
Le
synonime de gageure.
Enfin le bon jour en Latin.
Par M. de B.... de Chartres.
AUTR E.
E parle sans avoir langue , ni voix , ni bouche
,
Pour cet effet, souvent il faut que l'on me touche,
Mais on ne le peut sans me voir
Et que je sois gris , rouge ou noir ,
Au monde nécessaire , utile ,
Je sers aux champs, comme à la Ville ;
Pour abreger , venons au fait ,
Afin
que tu sois satisfait',
Six pieds font mon allégorie ;
Avec cinq je suis tromperie ;
De plus un avertissement
D'un
MARS . Ski 1737.
B'an domestique surveillant .
En quatre je fais voir un rang sublime en France;
Dans un certain Païs , une haute Puissance;
Garactere au-delà de la perversité ;
Un instrument qui peut conserver la santé ;
Un second qui reduit en poudre
Ce que l'autre en fumée a pû faire resoudre;
Plus , contradiction , faisant un mécontent ;-
Qualité d'un mortel qui parle dureinent ,
Ou bien d'un autre encor recherchant la fortune ;'
De ces combinaisons , il en reste plus d'une .
Trois Villes j'entrevois , deux , portant même
nom ,
L'une au Comté d'Artois, l'autre au Païs Gascon,
En Flandres la derniere est Ville Episcopale ,
Et la troisiéme principale.
En combinant par trois on découvre aisément
Un Oiseau babillard ; un subtil élement ;
Le gardien d'un fruit nécessaire à la vie ;
L'extrême passion d'un mortel en furie ;
A quelques animaux je fournis d'aliment ;
Tu te lasses, peut- être , & Lecteur complaisant ,.
Patience un moment,en deux mots je m'explique :
Deux et trois pieds enfin, sont d'usage en Musique
;
Et combinant le tout avec facilité ,
De la Fable je montre une Divinité.
• Par M. de Glat.
E v NOUVEL
512 MERCURE DE FRANCE
*****:*******: ***
NOUVELLES LITTERAIRES,
R
DES BEAUX ARTS , &c.
ECUEIL DE LETTRES , Me
moires , et autres Pieces , pour servir à
l'Histoire de l'Académie des Sciences et
Belles Lettres de la Ville de Beziers. 1 , Vol.
in 4. A Beziers , chés la Veuve d'Etienne
Barbut. M. DCC . XXX VI
Joindre l'étude des Belles Lettres à
celle des Sciences , qui ont pour objet
toutes les Parties de la Physique , comme
font M M. de l'Académie de Beziers
, c'est travailler doublement à l'utilité
publique , et c'est à ce dernier objet
que devroient , ce semble , s'attacher
particulierement les Académies établies
dans differentes Provinces du Royaume,
sur- tout celles des Villes Maritimes , lesquelles
, par leur situation , sont plus à
portée que les autres de faire certaines
experiences , de sçavoir ce qui se passe
dans les Pays étrangers , par raport aux
Recherches de Physique , de travailler à
la perfection de la Navigation , &c.
L'Académie de Beziers , sans avoir
cet
MARS. 1737. 513
cet avantage particulier , n'est inferieure
à aucune des Académics de Provinces ,
qui cultivent les mêmes Sciences , et elle
mérite autant qu'une autre d'avoir un
Historien fidele , et une Histoire exacte
de ses travaux.
Le Public éclairé en jugera par les
Pieces curieuses qui composent ce Recueil
. Nous en aurions volontiers donné
un Extrait , si nous n'avions été prévenus
par MM. les Auteurs du Journal
de Trevoux , ce qui est un gain pour
le Public ; car on ne peut rien ajoûter ni
désirer sur ce sujet , après ce qui en est
dit dans l'Article C X X I. de leur Journal
du mois de Décembre dernier , premiere
Partie , page 2525.
,
LA PROMENADE de Saint Cloud , troisiéme
et derniere Partie. A Paris chés
Dupuis , Grand'Salle du Palais ; au Saint
Esprit. Brochure de 8. feüilles in- 12 .
MEMOIRES et Avantures de M. de P.
écrits par lui - même , et mis au jour par
M. Emery de Lifle , in- 12 . Brochure de
dix feuilles , en 2. Part, chés le même.
LA SECONDE et troisiéme Partie des
Mémoires Posthumes du Comte de D.B.
E vj avant
496 MERCURE DE FRANCE
concerne pas les droits des Seigneurs , et
né doit pas tourner au préjudice des Habitans
, ni les assujettir à des droits Seigneuriaux
qui ne sont pas dûs , suivans
la nature des Contrats qu'ils ont faits .
Pour établir la seconde Proposition que
la rente en question n'étoit pas rachetable
, nonobstant la faculté accordée par
l'article 121. de la Coûtume , la Veuve
Kaisin observoit que cet article excepte
de la Loy générale du rachat les rentes
qui sont les premieres après le Cens ;
que dans l'espece , la rente dont il s'agissoit
étoit constamment la premiere après
le Cens , la maison n'étant chargée que
du Cens et de cette rente ; que la Coûtume
, en exceptant de la faculté du rachat
les rentes qui sont les premieres après le
Cens , n'a pas limité cette exception aux
seules rentes dûes au Seigneur direct ,
qu'elle ne distingue point , et parle en
général de toutes sortes de rentes foncieres,
qui sont les premieres après le
Cens .
Les moyens respectifs des Parties
étoient encore soûtenus de beaucoup
d'autres reflexions , et de plusieurs préjugés
et autorités.
Les raisons de la veuve Raisin ont pré
valu sur celles du Receveur du Domaine
,
MARS. 1737 319
LETTRE d'un Mathématicien à un
'Abbé , où l'on fait voir 1 ° . que la matiere
n'est pas divisible à l'infini , 2º.Que
parmi les Etres créés, il ne sçauroit y
avoir d'infinis en nombre ni en grandeur.
3º. enfin , que les Métaphysiciens , qui
pensent autrement , abusent des Mathématiques
, et de leurs démonstrations ,
lorsqu'ils s'en servent pour apuyer leurs
opinions . A Paris , chés C. A. Jombert ,
Fue S. Jacques , au coin de la rue des
Mathurins. 1737. Brochure in 12.
DISSERTATION sur l'Hydropisie de
Poitrine , dans laquelle on s'attache à
prouver qu'il est toujours bon de prati
quer la ponction dans cette maladie , et
alle fest susceptible dans certains cas
de guérison radicale A Paris , chés Jacques
Guerin, Quay des Augustins, 1737.
in .- 1-2,
و ت
L'ART DE CONSERVER LES DENTS ,
Ouvrage utile et nécessaire , non seule
ment aux jeunes Gens qui se destinent.
à la Profession de Chirurgien Dentiste
mais encore à toutes les personnes qui
veulent avoir les Dents belles et nettes,
Par lo S. Geraudly , Chirurgien Dentiste
Valet de Chambre de S. A. S. M. le Du
d'Orleanc
$ 16 MERCURE DEFRANCE
d'Orleans , et seul Privilégié du Roy.
A Paris , chés Pierre G. Le Mercier ,
Imprimeur Libraire ordinaire de la Ville
, rue S. Jacques , au Livre d'or. 1737.
in.12 . de 161. pages, sans compter l'Epi
tre Dedicatoire , la Préface et la Table
des Chapitres.
>
La premiere feuille du second Tome
des Reflexions sur les Ouvrages de Littera
ture paroît chés P. Gissey , ruë de la
Vieille Bouclerie . On y distingue avanta .
geusement une nouvelle main . Cette
Feuille commence par quelques Reflexions
sur la Critique , pour faire connoître
le caractere de celle qui regnera
dans cet Ouvrage . La nécessité de la Cri
tique n'est point un Problême. pour les
Lecteurs judicieux . Elle est uniquement
contestée par un certain nombre d'Ecri
vains excessivement jaloux de leur ré
putation litteraire , et qui traitent de
crime tout ce qui peut y donner atteinre
.... A l'égard du ton qu'il faut
dre en critiquant , si l'on s'en raporte au
bon sens , qui est l'oeil de l'esprit, poursuit
l'Auteur , il faut proportionner le
ton à l'Ouvrage qu'on discute ; s'il est
sérieux ou dogmatique , les graces austeres
, le stile ferme et grave sont alors
prende
MARS. $737. 517
de saison , et rien ne seroit plus ridicule
que la démangeaison de plaisanter . Veuton
aprétier le mérite d'un Ouvrage d'esprit?
Les tours vifs et ingenieux , le seb
attique et les jeux de l'imagination doivent
assaissonner la Critique et les Louanges
. Mais le fiel et l'envie d'élever sa réputation
sur les ruines de celle d'autrui
ne doivent jamais se faire sentir. La probité
, la droiture du coeur , et la politesse
sont les plus beaux ornemens de la Critique.
Quelle étrange situation , continuë
Auteur , pour celui qui se livre à ce
dangereux métier ! La plupart des Lecteurs
veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et
hardis , des ironies legeres , des tours figurés
et expressifs , des saillies heureuses
, et même des parodies courtes , mais
fines , du Ridicule. Au contraire , l'Aureur
crie à l'injustice , se plaint qu'on
cherche à divertir le Public à ses dépens
, et vomit un torrent d'injures . Fautil
que , pour lui plaire , le Critique laisse
dormir son imagination , et s'expose au
danger certain d'ennuyer ses Lecteurs
par de tristes et froides reflexions ? En
vain donneroit- on ce conseil au Critique
s'il ne le suivroit pas , sçachant combien
18 MERCURE DE FRANCE
bien il est de son interêt d'égayer son'
discours. Mais on a droit de lui prescrire
une impartialité rigide , l'observation
des regles de l'honnêteté et de la bienséance
, et une sincerité qui ne se démentejamais.
Heureux , dit-on enfin , le
Critique qui ne fait jamais briller son
esprit aux dépens de son coeur!
TRAITE' du vrai Mérite de l'Homme,
consideré dans tous les Ages et dans toutes
les Conditions , avec des Principes
d'Education propres à former les jeunes
Gens à la vertu. Par M. le Maître de
Claville. Ancien Doyen du Bureau des
Finances de Koüen: 2. Vol. in - 12 . A Paris
, chés Saugrain , au Palais, à la Providence.
Voici la troisiéme Edition d'un Què
vrage que le Public a estimé dans les
précédentes. C'est cette estime qui a
engagél'Auteur de le refondre et del'aug
menter considérablement , ce qui fait
qu'au lieu de 542. pages d'impression
que la derniere Edition contenoit , celleci
en a 750. et pour ne pas la confondre
avec les précédentes , on la reconnoîtra
à un Paraphe qui a été mis au bas de la
premiere page de la Préface , parce , diton
dans l'Avis Préliminaire , que ce Li-
VIO
MARS. 1737.
rig
vre a été contrefait en plusieurs Villes
sur la premiere Edition . Celle - ci se vend
quatre livres reliée en deux Volumes.
Nous n'avons rien à dire sur un Ouvrage
déja si connu , si ce n'est que la
lecture de cette derniere Edition nous a
fait un nouveau plaisir , et que nous le
croyons très propre à former les moeurs ,
à orner l'esprit , et à concilier une agréable
Litterature , avec la connoissance et
la pratique des plus importantes verités
de la Religion . Ce n'est pas , au reste, un
petit éloge pour le Livre dont nous parlons
, que d'avoir mérité l'aprobation
d'un Sçavant Académicien , qui n'en a
donné lui-même que d'excellens.
*
CHILDERIC , Tragédie dédiée à la
REINE , representée à Paris pour la premierefois
le 19. Décembre 1736. par M.
de Morand, A Paris , chés Prault , fils ,
Quay de Conty , à la descente du Pont neuf,
la Charité. 1737.
Quoique nous ayons déja rendu compre
au Public de cet Ouvrage , nous nous
croyons cependant obligés d'avouer qu'il
nous est échapé quelques fautes dans .
*M. de Fontenelle.
l'Extrait
520 MERCURE DE FRANCE
l'Extrait que nous en avons donné . Com
me nous parlons ordinairement des Pieces
de Théatre avant qu'elles soient imprimées
et sur les Représentations que nous
en voyons , il n'est pas surprenant que ,
lorsque leur sujet et leur action sont un
peu chargés , nous ne les saisissions pas
aussi parfaitement qu'on peut le faire à
la lecture. Aussi nous nous flatons que
nos excuses doivent paroître plus que
légitimes à nos Lecteurs : il seroit à souhaiter
que les Auteurs s'en payassent de
même ; mais ces Messieurs ne sont pas ,
pour l'ordinaire si faciles à contenter ;
les plus legeres fautes deviennent trèsgraves
à leurs yeux , et , fussent elles
indifferentes pour leur Ouvrage , ils le
croyent aussi - tôt entierement dégradé.
Qu'ils nous permettent pourtant de leur
dire ici qu'ils ne doivent s'en prendre
qu'à eux mêmes , si nous n'offrons pas
PExtrait de leurs Pieces aussi parfaitement
qu'ils le souhaiteroient : nous les
avons souvent priés de nous le donner
eux-mêmes , nous chargeant seulement
d'y ajoûter les reflexions du Public. S'ils
vouloient bien prendre cette peine , nous
serions à couvert de leurs injustes reproches
, et leurs Ouvrages n'y perdroient
rien.
La
MARS. 1737. 503
tinctas atque auro variegatas gestant.
Quoiqu'il en soit , il est constant que
du temps de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Citons , quoiqu'il ne fut qu'annuel.
A present on l'élit pour deux ans , et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Prési¬
dent du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 .
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy
, et après avoir . fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cir
constances de la Vie de ce pieux Jesuite,
E et
490 MERCURE DE FRANCE
1
On voit dans un Memoire imprimé ,
fait par M. Bellot , Avocat pour le sieur
le Riche , Receveur du Domaine , qu'il
réduisoit ses Moyens à deux proposi
tions generales.
La premiere consistoit à dire, que la
Rente dont il s'agissoit n'ayant ni la natu
re ni le privilege du surcens ou de la premiere
Rente Seigneuriale après le Cens ,
étant au contraire créée et imposée sur
une Maison d'un des Fauxbourgs de Paris
, par un étranger à la Censive , étoit
sujette à rachat , quoique premiere après
le Cens , et stipulée non rache table.
! La seconde proposition étoit que la fa
culté qu'avoit la veuve Raisin de pouvoir
toujours racheter cette Rente , opéroit
une mutation dans la proprieté qui -donnoit
ouverture aux Droits Seigneuriaux.
Pour démontrer la premiere proposition
, le sieur le Riche observoit d'abord
qu'il n'étoit question que de prendre le
vrai sens de la seconde partie de l'Article
121 , de la Coûtume de Paris ; que
cet Article contient deux dispositions
l'une generale , qui en dérogeant à l'Article
120. assujettit indistinctement au
rachat toutes Rentes de bail d'héritages
sur les maisons de la Ville et Fauxbourgs
de Paris.
f }
Ca
MARS. 1737. 49T
Ce que dessus n'a lien ( dit cet Article )
ès Rentes de Bail d'héritages sur maisons
assises en la Ville et Fauxbourgs de Paris ;
lesquelles sont à toujours rachetables.
L'autre disposition particuliere , qui
excepte de cette Loy generale du rachat
les premieres Rentes après le cens et
fond de Terre ; si elles ne sont ( ajoûte le
même Article ) les premieres après le cens
et fond de Terré..
Desorte que ( disoit le Receveur du Do
maine ) quiconque voudra servilement
s'attacherà la lettre de cette derniere dis
position , s'égarera au point de se figu-
Fér que c'est assés qu'une Rente assise
sur une maison de la Ville et Faubourgs
de Paris , ait été stipulée fonciere et non
rachetable, et se trouve par hazard la premiere
qui soit dûe après le Cens , pour
qu'elle soit dans le cas de l'exception de
la seconde partie de cet Article , et être
affranchie de la Loi generale du rachat;
mais , dit- il , il faut concilier l'esprit de
cet Article avec la Léttre.
Lorsque cet Article a été ajoûté par
les Réformateurs de la Coûtume , leur
objet a été de graver dans cette Coûtu
me les dispositions des anciennes Ordonnances
de nos Rois et la jurisprudence
des Arrêts intervenus depuis , et
de
$ 24 MERCURE DE FRANCE
1
Jesus , nous a donné un excellent Livre
intitulé l'Importance du Salut . L'Abbé de
Villiers un autre Ouvrage , qui a pour
titre Les Egaremens des Hommes dans la
Voye du Salut.. Il ne restoit plus pour
achever de traiter une Matiere si im.
portante à la Religion , que de publier
les Obstacles de la Penitence , excellent
Traité , composé originairement en An
le glois , et traduit en notre Langue par
R.P. de Mareuil , de la même Compagnie
, avec cette habileté dont il a déja
donné plus d'une preuve.
Afin que le Lecteur puisse tirer un
plus grand fruit des lectures qu'on lui
presente ici , le pieux Traducteur a jugé
à propos de terminer chaque Chapitre
par un Entretien intérieur qui en renferme
le précis , avec une Prière conforme
à ce qu'il contient. C'est , dit- il , en
joignant ainsi la Priere à la lecture , que
nous engageons Dieu à verser sur nous
l'abondance de ses graces.
A l'égard des Lettres de S. Eucher et
de S. Augustin , et des Soupirs d'une Ame
Penitente , &c. Ouvrages annexés par
nôtre Auteur aux Obstacles de la Peniten
ce , ils tendent tous au même but , et il a
grande raison d'esperer , pour nous ser
vir de ses termes , qu'ils produiront les
mêmes
MARS . 1737. 525
mêmes fruits de bénediction : d'autant
plus que les Auteurs de ces Ouvrages
consommés dans la science des Saints
ont été eux mêmes des Modéles de la
Sainteté Evangelique.
Il est inutile de s'étendte sur le mé
rite de ce Livre. M. de Marcilly , qui lui
a donné son Aprobation , dit beaucoup
en peu de paroles , en déclarant que
POuvrage lui a paru solidement composé
, et capable de faire de vives impressions
sur les Pécheurs les plus éloignés
du salut.
ABEN MUSLU , ou les vrais Amis. Histoire
Turque , qui renferme un détail
interessant des Intrigues du Sérail , sous
le Regne d'Ibrahim , et les veritables
causes de sa mort ; le Couronnement de
Mahomet IV. les motifs de la Guerre
de Candie , et le Siége mémorable de
cette Ville . 2. Vol. in- 12 . A Paris , chés
Prault , Pere , Quay de Gêvres au Pa-j
radis. 1737 .
LAMEKIS , ou les Voyages extraordi
naires d'un Egyptien dans la Terre inrérieure,
avec la découverte de l'isle des
Silphides , par M. le Chevalier de Monby.
4. Volumes in - 12 . A Paris , chés
Poilly
484 MERCURE DE FRANCE
marque tous les 4 ans un mois de Février
de 29. jours.
il y
indépendamment de cela une
sourdine , pour qu'elle ne sonne qu'à volonté
, sans que cela interrompe en aucune
façon le cours de la Pendule .
Tous ces effets se font sans charger le
roüage du mouvement , qui n'agit que
sur les aiguilles de l'heure , comme dans
une Pendule simple , c'est le rouage de
la sonnerie qui est le mobile de tous ces
effets et qui les produit toutes les fois
qu'elle sonne, c'est- à- dire de quart d'heu
re en quart d'heure.
Ce qu'il y a de singulier et d'avantageux
dans l'Ouvrage , c'est que la Mécanique
en est si simple , que le moindre
Ouvrier , en la démontant , en connoîtra
sur le champ tous les ressorts ; au
lieu que quelques Pendules , faites à рец
près dans ce goût , sont si composées
qu'il n'y a souvent que l'Auteur qui
puisse y toucher ; article très - important
pour la durée et la solidité d'une Pendule
de quelque espece qu'elle soit.
Celle-ci se trouve chés le sieur Bastien
Horloger , à l'Abbaye S.Germain des Prés
à Paris.
STANCES
MARS. 1737. 527
les regler avec justesse . Par M. Henry Sully
, Horloger de M. le Duc d'ORLEANS ,
de la Societé des Arts. Nouvelle Edition ,
et augmentée de quelques Mémoires sur
Horlogerie. Par M. Julien le Roy , de la
même Societé. 1. Vol. in 8. A Paris , chés
Greg. Dupuis , ruë S. Jacques , à la Cou
ronne d'Or. M. DCC. XXXVII, avec
plusieurs Figures.
AVANTURES de Don Ramire de
Roxas et de Dona Leonor de Mendoce ,
tirées de l'Espagnol , par Madame L. G.
D. R. 2. vol. in 12. A Paris , chés André
Cailleau , Quay des Augustins , au
coin de la ruë Gist-le- coeur , 1737•
SECONDE LETTRE du R. P. Pois
SON , Provincial des R R. P P. Cordedeliers
de la Grande Province de France .
aux Convents , Abbayes et Monasteres de
sadite Province , sur la Mort du REVE
RENDISSIME P. GENERAL.
, Sous le titre modeste de Lettre le
R. P. Poisson nous présente ici un grand
Ouvrage , non- seulement à cause de son
étendue , car la Lettre est divisée en deux
Parties assés considérables , mais encore
à cause des grands détails d'une rare érudition
, dans lesquels l'Auteur a trouvé
F à
$ 28 MERCURE
DE FRANCE
, à propos d'entrer. Le sujet le comportoit
assés , car que ne peut- on pas dire , et
que ne devoit pas dire un Religieux
aussi sçavant que pieux , chargé d'ailleurs
par la Supériorité
de son Ministere , de
ne laisser échaper aucune occasion d'instruire
sur la nécessité de la mort et sur
la réalité de l'autre vie ? Nous sommes
fâchés que les bornes qui nous sont pres
crites ne nous permettent
pas de donner
un Extrait suivi d'un Ouvrage , qui
est comme inondé de ce grand fleuve de
Littérature , dont nous avons déja parlé ,
au sujet d'une autre composition
du R.P.
Poisson . D'ailleurs nous avons été prévenus
par d'autres Journalistes
qui ne
nous laissent presque rien à dire sur celleci.
Kemercions
cependant
l'Auteur de
nous avoir apris bien des Particularités
Litteraires , qu'il est bon de ne pas igno
rer ; par exemple , p. 41. que la Capitale
de l'Espagne étoit autrefois apellée
Mantone , et que quand les Maures y eu
rent établi leurs plus celebres Ecoles , ils
lui donnerent le nom de Madrid , qui en
leur Langue , dit le P. Poisson , d'après
Tirin , sur le 1. Ch . du Liv . des Juges
v. 11. signifie la Ville des Lettres, on la
Mere des Sciences. Il faut , pour le dire
en passant , que ce nom moderne ait été
étrangè
MARS.
529
1737-
étrangement corrompu de l'Arabe , puisqu'on
n'y voitaucun vestige de cette Langue.
Mais Tirin ne s'est - il point trompé ?
Notre Auteur accable d'un torrent
d'Erudition et de Citations , ceux qui seroient
assés malheureux pour ne pas croire
l'Ame immortelle et les suites de cette
immortalité . L'autorité de Marsile - Ficin
, entre autres , est très- bien employée
à la page 53. mais on a omis l'expression
singuliere et énergique de ce Sçavant au
sujet de l'Ame , qu'il apelle Caracter_expressus
ex matrice Divinitatis.
ERASMI FRELICH, Societatis Jesu,
Quatuor Tentamina in re Nummaria vetere
, & c. Essais du P. E. Frelich , sur les
Médailles. A Vienne en Autriche , in 4.
HISTOIRE et Description generale
du Japon , où l'on trouvera tout ce qu'on
a pû aprendre de la Nature et des Productions
du Pays , du Caractere et des
Coûtumes des Habitans , du Gouverne
ment et du Commerce , des Révolutions
arrivées dans l'Empire et dans la Religion
; et l'examen de tous les Auteurs
qui ont écrit sur le même sujet ; avec les
Fastes Chronologiques de la Découverte
du nouveau Monde , enrichie de figures
Fij en
536 MERCURE DE FRANCE
1
enTaille-douce. Par le R.P.de Charlevoix,
de la Compagnie de Jesus. 2. vol . in 4.
de plus de 600. pages chacun. A Paris ,
chés Julien Michel Gandonin , Quay de
Conty , J. B. Lamesle , ruë de la vieille
Bouclerie , P. F. Giffart , rue S. Jacques ,
Rollin , fils , et Nyon , fils , rue du Hurs
poix 1736.
Après l'Epitre Dédicatoire au Cardinal
de Fleury , suit un Avertissement , dans
lequel l'Auteur s'exprime ainsi : J'ai peu
de chose à dire en particulier au sujet de
cette Histoire , qui n'est pas mon premier
Essai sur le Japon , si ce n'est que
j'ai éprouvé en y travaillant , combien
il est malaisé de refondre et de perfectionner
un Livre qu'on a fait dans sa jeunesse
, et dont on aime jusqu'aux défauts
qui se ressentent le plus de cet âge , 11
semble que les Auteurs ont pour les
premieres Productions de leur esprit les
mêmes foiblesses qu'on remarque dans
les Peres pour les Enfans qui leur sont
nés dans un âge avancé . S'ils conviennent
en general de leurs imperfections ,
ils ne les trouvent pas toujours telles ,
quand on vient au particulier et au détail
. Seroit- ce que par un effet de cet
amour propre qui naît avec nous, et qui
ne meurt qu'avec nous, les uns sont flatés
d'être
MARR S. 1737.
331
d'être encore Peres , et les autres d'être
déja Auteurs dans un âge où il n'est pas
ordinaire de l'être ? Mon dessein est ,
poursuit- il plus bis , qu'on trouve ici de
quoi s'édifier et de quoi s'instruire , de
quoi nourrir sa pieté , et de quoi se remplir
l'esprit de connoissances utiles ; j'y
ai même de temps en temps ménagé de
quoi se délasser de l'attention que demande
une lecture sérieuse.
Cet Ouvrage est déja fort connu par
les Extraits très- bien détaillés que les
Journalistes en ont donné, sur tout pour
ce qui regarde la Découverte du Japon ,
les Révolutions arrivées dans cet Empire
, dans la Religion , &c. Nous allons
tâcher de raporter quelques Morceaux
qui puissent interesser le Lecteur
Gurieux sur l'Histoire Naturelle le
Commerce et les Arts . Au reste rien
n'est épargné pour l'impression de ce
Livre , papier , Caracteres , Planches en
Taille douce ingénieusement dessinées ,
proprement gravées et en grand nombre,
tout répond à la beauté , à la solidité de
F'Ouvrage.
On trouve dans les Montagnes de
Tisugar ou de Tisugaru , situées à une des
extrémités Septentrionales du Japon , des
Agates de differentes especes . Il y en a sur
Fij tour
$32 MERCURE DE FRANCE
tout de fort belles , d'une couleur bleuâtre
et assés semblables au Saphir. Il y a
au même endroit des Cornalines et du
Faspe. Les Côtes de l'Isle de Xicoco , sont
remplies d'Huîtres et de Coquillages qui
renferment des Perles , dont les Japonnois
ont été long- temps sans faire aucun
usage. Ce sont les Chinois , qui en les
achetant fort cher , leur en ont fait connoître
le prix , on en trouve encore ailleurs.
Les plus grosses et les plus belles
sont renfermées dans une Huitre apellée
Akoja , qui ressemble assés aux Coquilles
de Perse. Elle est à peu près de
la largeur de la main , mince , frêle ,
unie et luisante en dehors ; un peu´ raboteuse
et inégale en dedans ; d'une couleur
blanchâtre , éclatante comme la Nacre
de Perle ordinaire , et difficile à ouvrir
. On ne voit de ces Coquilles qu'aux
environs de Saxuma et dans le Golfe
d'Omura , où les Chinois et les Tunquinois
en achetent tous les ans pour 300.
taëls. On assure qu'elles ont une qualité
prolifique , et que si l'on met quelques- .
unes des plus grosses dans une boëte avec
un certain fard du Japon , fait d'une
autre sorte de Coquille apellée Takaraga,
on voir naître une ou deux petites Peres
à côté de chacune , et que quand elles
sont
MARS.
533
1737
sont parvenuës à maturité , ce qui arrive
au bout de trois ans , elles se détachent
d'elles-mêmes. Mais ces Perles sont fort
fares , et ceux qui en ont les gardent
précieusement. J'ai vu dans plusieurs Relations
, continuë l'Auteur , qu'un trèsgrand
nombre de Perles du Japon sont
rouges. Les Auteurs les plus récens ne
parlent point de leur couleur ; mais Marc
Paul de Venise dit positivement qu'on
ý en voit de rouges de figure ronde , qui
sont très- estimées .
Les Mers du Japon produisent une
très-grande quantité de Plantes Marines ,
d'Arbrisseaux , de Coraux , de Pierres
singulieres , d'Eponges et de Coquillages
de toutes les sortes , qui ne le cedent
point en beauté à tout ce qu'on voit en ce
genre dans l'Isle d'Amboine et dans les
Moluques , mais les Japonnois en font
si peu d'estime qu'ils ne veulent pas même
se donner la peine de les chercher ;
et s'il s'en rencontre par hazard dans
les filets des Pêcheurs , ils les portent au
plus proche Temple de Febis , qui est le
Neptune du Japon , comme une offrande
qu'ils jugent lui être agréable , ou
comme un tribut qu'ils s'imaginent lui
devoir rendre des productions les plus
rares de l'Element auquel il préside .
Fiiij On
334 MERCURE DE FRANCE
On avoit assuré l'Auteur qu'il ne se
faisoit point de Porcelaine au Japon et
que celle qu'on connoît en Europe
sous ce nom , et qui est si estimée , se
faisoit à la Chine pour les Japonnois qui
l'y venoient acheter. Il est certain , ajoûte-
t'il , qu'ils y en achetent beaucoup ,
mais il ne l'est pas moins , que celle qui
porte le nom du Japon , se fabrique dans
le Figen , la plus grande des neuf Provinces
du Ximo. La matiere dont on la
forme est une argile blanchâtre , qui se
tire en grande quantité du voisinage d'U
risiino et de Suwota , sur les Montagnes
qui n'en sont pas fort éloignées , er en
quelques autres Endroits de cette même
Province. Quoique cette argile soit naturellement
fort nette , il faut encore la
pétrir et la bien laver avant que de la
rendre transparente , et l'on assure que
ce travail est si pénible , qu'il a fondé
un Proverbe , qui dit que les os humains
sont un des ingrédiens qui entrent dans
la Porcelaine. Je n'ai pu rien aprendre
davantage sur la fabrique de cette précieuse
Vaisselle. Elle ne differe pas beaucoup
de celle de la Chine.
On convient que l'ancienne Porcelaine
du Japon est plus estimée que celle de
la Chine , et mérite cette préference ,
sur
MARS. 1737. 535
sur tout par ce blanc de lait , qui lui est
particulier. Celle d'aujourd'hui a un peu
dégeneré. On croit que le secret de préparer
la matiere s'est perdu en partic.
Les Maisons sont fort basses , elles ont
rarement deux étages ; ce sont les tremblemens
de terre , si fréquens au Japon ,'
qui obligent de bâtir ainsi , mais si ces
Maisons ne sont pas comparables aux
nôtres pour la solidité ni pour l'élevation
, elles ne leur sont inférieures ni
pour la propreté ni pour la commodité ,
ni pour un certain agrément que les Japonnois
donnent à tout ce qu'ils font.
Presque toutes sont bâties de bois . Le
premier plan ou le rez - de - chaussée
est élevé de quatre ou cinq pieds , pour
éviter l'humidité ; car il paroît qu'en ce
Pays -là on ne connoît point l'usage des
caves , & c.
Les plus belles Vaisselles de Porcelaine;
ces Cabinets , ces Coffres si estimés et si
précieux , qui se transportent avec tant
de soin , ne servent point pour orner lest
Apartemens où tout le monde est reçû ;
on les tient dans des lieux sûrs construits
exprès contre les accidens du feu
et les incendies , où l'on n'admet que les
Curieux et les meilleurs amis .
Les deux Apartemens qui divisent le
corpss Fv
536 MERCURE DE, FRANCE
corps de la Maison , consistent en plu
sieurs Chambres séparées par de simples
cloisons , ou plutôt par des especes de
paravents , qu'on peut avancer ou recu-
Jer comme l'on veut ; ensorte que les
Chambres s'élargissent ou se retrécissent
selon le besoin . Les portes des Chambres
et les cloisons sont couvertes de papier ,
même dans les Maisons les plus magnifiques
; mais ce papier est orné de fleurs
d'or ou d'argent , quelquefois de peintu
res , dont le plafond est toujours embelli
; en un mot il n'y a pas un coin dans
la Maison qui n'offre quelque chose de
riant et de gracieux ; aussi peut- on dire
qu'en cela , comme en toute autre chose,
ces Insulaires ont conservé plus que tous.
les autres Peuples , le vrai goût de la
Nature , et qu'ils ont bien plus songé à
l'embellir , qu'à lui substituer l'Art , ou
la rendre méconnoissable par l'artifice
au reste , toute cette amenité coûte
peu ;
on ne se sert d'aucuns matériaux qui ne se
trouvent sur les lieux et qui ne soient
à un prix fort modique .
Cette maniere de disposer les Apar
temens , rend les Maisons plus saines ;
premierement , parce que tout est bâti
de bois de Sapin et de Cédre ; en second
lieu les fenêtres sont ouver
> parce que
tes
MARS. 1737. 537
tes de telle façon , qu'en changeant les
cloisons de place , on y donne un passage
libre à l'air . Le toît , qu'on couvre de
planches ou de bardeau , est soutenu de
grosses poutres; et quand la Maison a deux
étages , le second est , pour l'ordinaire, bâti
plus solidement que le premier. On a
reconnu par experience que l'Edifice en
résiste mieux aux tremblemens de terre.
On répand sur tout le dehors de la Maison
plusieurs couches de vernis ; les toits
même en sont couverts. Ce vernis est
relevé de Dorures et de Peintures . Les
fenêtres sont chargées de Pots de fleurs, et
il y en a pour toutes les Saisons , sion en
croit François Caron : mais quand les
naturelles manquent , on y suplée par
les artificielles. Tout cela fait un effet
qui charme l'oeil , s'il ne le contente pas
autant que feroit une belle Architecture.
Les Maisons sont encore ornées de
Pots de fleurs , qu'on a soin de changer
selon la saison , d'entrelasser avec des
branches , et de disposer avec un art et
un goût infini ; de Cassolettes d'airain ,
ou de cuivre , jettées en moule dans la
forme d'une Grue , d'un Lion , ou de
quelqu'autre Animal rare , et toûjours
d'un travail exquis ; et de quelques pie-
F vj
ces
38 , MERCURE DE FRANCE
ces d'un bois rare , dont les veines et les
couleurs sont admirables , et disposées
d'une maniere qui surprend , soit qu'el
les soient une production de la nature, ou
un effet de l'art. Quelquefois ces pieces
de bois n'ont de remarquable que leur
et quelque jeu bizarre de la
figure ,
Nature.
La Vaisselle , les Porcelaines et les au
tres ustencilles , rangées sur le plancher
dans un très - bel ordre , font un ornement
considérable .
Mais ce qu'on trouve dans les grandes
Maisons , et dans les plus belles Hôtelleries
de plus curieux , et de plus frapant,
ce sont les Jardins. Il n'est personne de
tous ceux qui en ont parlé , qui ne convienne
qu'on ne se lasse jamais d'en admirer
la beauté , là magnificence et le
goût. Ils occupent tout l'espace qui est
derriere la maison , et ils sont de la même
longueur , ordinairement quarrés , et
murés à la maniere des Citernes ; ce qui
donne lieu de croire que le terrain en est
creusé à quelque profondeur. On y-descend
par une galerie , au bout de laquel
le il y a un Bain et une Etuve ; car les
Japonnois ont la coutume de se baigner,
ou de se faire suer tous les soirs.
Une partie du Jardin est pavée de
pierres
MARS. 1737. 497
é , et par Arrest rendu en la Grand'
Chambre , au raport de M. Coste de
Champeron , Conseiller , le 18 Janvier
1737. La Cour a mis l'apellation , et ce
dont étoit apel au néant,émendant a déchargé
la Veuve Raisin des condamna
tions prononcées contr'elle , a débouté le
Receveur du Domaine de sa demande ,
et l'a condamné aux dépens.
›
Ceux qui ont cherché à pénétrer les
motifs de cet Arrest , ont pensé que la
Cour , en déboutant le Receveur du Domaine
de sa demande , n'avoit pas pour
cela jugé per consequentias que la rente
fut réellement non rachetable , mais seu
lement que le Seigneur ne pouvoit en ce
cas demander des Lods et Ventes , du
moins quant à present.
Mais l'opinion la plus générale du Pa
lais est que le Receveur du Domaine n'a
été débouté de sa demande , que parce
que la rente a été considérée comme non
rachetablę , étant veritablement la premiere
après le Cens , et qu'autrement la
Cour n'auroit pas débouté le Receveur
du Domaine purement et simplement de
sa demande , qu'elle l'auroit seulement
declaré non recevable , ou débouté quant
present.
के
Ainsi cet Arrêt juge que le Seigneur
ne
340 MERCURE DE FRANCE
Ponce , sans qu'il y ait dessus aucune
terre , pourvû que la racine soit toûjours
dans l'eau . Le petit Peuple en plante souvent
de cette espece devant les portes
des Maisons.
par
Les chemins , et jusqu'aux plus petites
routes , sont plantés des deux côtés
de Sapins , ou d'autres pareils arbres , qui ,
leur ombre , sont pour les Voyageurs
d'une grande commodité , et d'un grand
agrément : à quoi il faut ajoûter qu'il se
rencontre par- tout des Fontaines , qui
entretiennent l'air dans une grande fraî
cheur. Pour ce qui regarde la propreté
des chemins , on y aporte des soins qui
passent tout ce qui se pratique en cela
dans les Païs le mieux policés. On y a
creusé des fossés et des canaux pour en
faire écouler les eaux dans les terres basses
, qu'elles fertilisent , et on y a élevé
des digues , pour arrêter celles qui , tombant
des montagnes , ou des autres lieux
élevés , pouroient causer des inonda
tions.
Tous les jours on netoye les chemins ,
et lorsque quelque Personne de grande
considération doit y passer , des hommes
gagés vont devant pour voir st
tout est en bon état . Les Seigneurs trouvent
toûjours , de trois en trois lieuës ,
des
MARS. 1737. 548
des Cabinets de verdure dressés exprès
pour eux , où l'on a ménagé de petits
réduits pour leur commodité et pour
leur besoin.
Outre les Hôtelleries , on rencontre
par-tout , jusqu'au milieu des Bois , de
petits cabarets où l'on trouve tout ce
qui est nécessaire à la vie , &c. Mais tous
les gîtes , dit l'Auteur , sont infectés d'une
vermine , dont il n'est pas aisé de se
garantir. Ce sont des Courtisannes , qui
font presque autant de lieux de débauches
, de tous les Cabarets et de toutes
les Hôtelleries , sur tout dans les petits
- Bourgs , et les Villages de l'Isle Nipon
-sur le midi ; lorsque ces malheureuses
ont achevé de s'habiller et de se peindre,
elles vont se mettre aux portes des mai-
-sons , ou sur les parapets couverts , elles
invitent effrontément les passans à préférer
leur Hôtellerie aux autres ; il arrive
même souvent qu'à force de crier et
de se quereller , elles font un tintamare ,
dont toutes les campagnes voisines retentissent.
On raporte l'origine de cet
affreux désordre à forithomo , le premier
des Cubo - Samas , qui usurpa sur les
Dairys la souveraine puissance. Ce Général
, dit - on , craignant que ses Soldars
, fatigués de ses longues et pénibles
expéditions
542 MERCURE DE FRANCE
expéditions , ne l'abandonnassent , songea
à les retenir sous ses Enseignes , › en
leur procurant par tout le passage de ses
Armées , de quoi adoucir leurs fatigues' ,
et les dédommager des plaisirs légitimes ,
dont il les retenoit si long- tems privés ,
et il imagina cet infame commerce. Il
y en a encore un autre établi dans des
maisons publiques , plus infames que
celui- ci , dont nous n'osons parler.
Les Querelleurs , les mauvaises Lan
gues , les grands Parleurs sont au Japon
dans un souverain mépris. On les y regarde
comme gens sans courage , ou qui
pensent peu.
On n'y souffre point les Jeux de hazard
, ils passent dans l'esprit de ces Insulaires
, comme un trafic sordide , et
une occupation indigne de gens d'honneur.
Les Japonnois sont sensibles aux plai
sirs de la societé , ils se regalent souvent
, et ils le font avec une propreté et
une sorte de magnificence qui ne préju
dicie pourtant point à la sobrieté , dont
ils s'oublient rarement. Ce que nous
trouverions plus à redire dans ces festins,
c'est un Cérémonial qui ne finit point ;
il est vrai qu'ils s'en acquittent avec une
aisance et un ordre qui ne se peut expri
mer,
MARS. 1737.
543'
mer. Parmi un grand nombre de Domestiques
et d'Officiers de toutes les
sortes , on n'entend pas une parole ,
et on ne remarque pas la moindre confusion.
Les plats sont ornés de rubans
de soye , et on ne sert pas une Perdrix ,
ni aucun autre oiseau , qui n'ait le bec et
les pattes dorées : tout le reste est orné à
proportion ; la Musique accompagne ordinairement
le festin en un mot , les
yeux et les oreilles ont de quoi se repaî
tre , mais il n'y a point d'excès à craindre
du côté de la bonne chere.
La délicatesse des petits ouvrages du
Japon n'est pas la moindre preuve de leur
adresse dans les Arts Méchaniques. Ona
vû à Paris , il y a environ 30. ans , un
de ces ouvrages qui y fut admiré comme
an prodige , et comme digne d'être mis,
dans son genre , en parallele ou en contraste
, avec le fameux Colosse de Rhodes.
C'étoit une Idole toute entiere, bien
proportionnée , distincte en toutes ses
parties , assise dans une Niche ; le tout
fait avec la moitié d'un grain de ris ; l'autre
moitié faisant une espece de Piedestal
, sur quoi la Niche et la Divinité
étoient posées
MEMOIRES
344 MERCURE DE FRANCE
MEMOIRES concernant le Droit de Tiers
et Danger sur les Bois de la Province de Normandie.
Par M. Louis Greard , Ecuyer , ancien
Avocat au Parlement de Rouen , avec les Preuves,
Notes et Observations de M. Louis Froland,
ancien Bâtonnier de Mrs les Avocats du Parlement
de Paris. A Rouen , chés Abraham Viret
et Pierre le Boucher , 1737. in 4.
1
LA FAMILLE , Comédie en un Acte , re
présentée par les Comédiens Italiens le 17. Septembre
1736. A Paris , tuë S. Jacques , chés
Pierre Ribou, 1737. Brochure in 12. de 57. pag.
HISTOIRE du Fanatisme de notre temps . Par
M. de Brueys . A Utrecht , chés Henry Corn . le
Fevre , et se trouve à Paris , chés Briasson , ruë
S. Jacques , 3. volumes in 12 .
ESSAY PHILOSOPHIQUE sur l'Ame des
Bêtes , où l'on trouve diverses Refléxions sur la
Nature de la Liberté, sur celle de nos sensations,
sur l'union de l'Ame et du corps , sur l'immortalité
de l'Ame. Seconde Edition , revûë et augmentée,
à laquelle on a joint un Traité des vrais
Principes qui servent de fondement à la certitude
morale. A Amsterdam , chés Fr. Changuion ,
1737. 2. vol. in 12. Le premier de 434. pages ;
le second de 432. sans compter l'Epitre Dédicatoire
à M. de Fontenelle ; la Table et deux Pré-
-faces.
TECSERION , Conte de Fées . Par M. B. de
S. A Paris , chés Prault , Pere , Quay de Gêvres,
1737. in 12.
LA
MARS .
1737. 503
du temps
tinctas atque auro variegatas gestant.
Quoiqu'il en soit , il est constant que
de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Citcions , quoiqu'il ne fut qu'annuel.
A present on l'élit pour deux ans, et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Prési
dent du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 ,
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy
, et après avoir . fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cir
constances de la Vie de ce pieux Jesuite,
E et
346 MERCURE DE FRANCE
qui a découvert que le Concile National qui dés
puta ces deux Saints pour aller dans la Grande»
Bretagne, fut tenu à Troyes. Voyez leurs Notes
sur la premiere Vie de S. Loup de Troyes , T.
Julii.
Je me réjouissois donc , Mon R. P. de pouvoir
enfin lire , au moins quelques lignes sorties
de la plume de ce grand Evêque des Gaules .Pour
'y parvenir , j'ai fait chercher , suivant votre
conseil , parmi les papiers de Dom le Nourry ,
Editeur de S. Ambroise , pour y lire de quelle
maniere cet Evêque y parle de son voyage de la
Grande- Bretagne, puisque c'est tout ce que Dom
le Nourry en a raporté dans la Préface. Dom Le
meraud, Bibliothequaire de S. Germain des Prés,
qui a bien voulu prendre cette peine , m'ayant
assuré que le Discours cité par Dom le Nourry,
ne se retrouvoit plus parmi les papiers de l'Edi
teur de S. Ambroise , et Dom Edmond Martenne
m'ayant certifié qu'il ne l'avoit jamais vû par
mi ceux de Dom Mabillon , j'ai pris le parti de
suplier M-le Marquis de Bonnac , Ambassadeur
de France en Suisse , de vouloir bien en faire tirer
une nouvelle copie à l'Abbaye de S. Gal ; ce
que les Religieux de ce célebre Monastere ont
fait de la meilleure grace du monde.
Dom le Nourry a marqué après Dom Mabillon
, que le Manuscrit de S. Gal a mille ans
d'antiquité pour le caractere . La composition de
POuvrage est bien plus ancienne , puisqu'elle est
de la fin du quatrième siècle .
Il est bien vrai , au reste , que cet Ouvrage n'est
pas de S. Ambroise , qu'il est d'un Evêque des
Gaules , mais il n'est pas de S. Germain, Evêque
d'Auxerre , comme vous l'aviez conjecturé . Il
est de S. Victrice, Evêque de Rouen . Votre Hisroite
MARS. 1737. 547
toire n'y perd rien. C'est toujours également un
Auteur que les Gaules acquerent , lequel seroit
resté dans l'oubli sans la remarque de Dom
le Nourry. Vous verrez ce que j'en dis dans une
Lettre que j'écris à ce sujet à M. Clérot , Avocat
au Parlement de Rouen , et homme de Lettres
, dont vous avez pû lire quelques Disserta
tions dans les Mercures . J'ai crû lui devoir envoyer
promptement mes Remarques , à cause de .
elles que j'attends de lui. Il est én état d'en faire
par sa sagacité et parce qu'il est sur les Lieux,
prenant d'ailleurs fort à coeur tout ce qui regar
de la Ville de Rouen.
A Paris le premier Mars 1737 .
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Rome
le 14 Février 1737. contenant plusieurs
Nouvelles Litteraires..
'Ai d'abord à vous parler d'un Livre nouveau
qui fait ici du bruit , et qui nous interesse ;
C'est un Ouvrage posthume de M. Fontanini
publié par Dominique Fontanini , son Neveu. Il
a pour Titre , Della Eloquenza Italiana di Monsignor
Giusto Fontanini , Arcivescovo d'Ancira.
Lib. III. 1736. in 4. Il avoit publié en 1706,
an Essai de cet Ouvrage ; mais celui - ci est fort
augmenté et presque different. On y traite à fond
Torigine et le progrès de la Langue Italienne , et
on y trouve bien des Recherches sur l'ancienne
Langue Romana , sur l'Idiome Provençal , et sur
les anciens Romans. Le troisiéme Livre , qui fait
les deux tiers de l'Ouvrage , contient une Bibliotheque
des meilleurs Livres Italiens , sur tout
des anciens , avec des Remarques pleines de
grands
494 MERCURE DE FRANCE
d'un fond sujet à la Directe du Seigneur,
soit par vente ou par Contrat équipollent
à vente , tel que le bail à rente rachetable
, le Droit du Seigneur est ouvert
et qu'il peut aussi-tôt exiger le payement
des droits de vente, sans être obligé
d'attendre que la rente soit rachetée.
Que le bail à rente dont il s'agissoit étoit
une véritable vente , et que la rente étoit
perpétuellement rachetable de sa nature,
nonobstant la stipulation contraire ;
qu'ainsi les droits de vente étoient dûs
pour cette mutation sans attendre le rachat
de la Rente.
M. Grifon , Avocat de la veuve Raisin ,
dans le Memoire imprimé qu'il fit pour
elle , renferma sa défense dans deux propositions.
La premiere , qu'il n'est pas dû de lods
et ventes à cause d'un bail à Rente fon.
ciere. La seconde , que la Rente fonciere
dûë par la veuve Raisin , ' est la premiere
après le Cens:
Pour
l'établissement de la premiere
proposition , la veuve Raisin disoit que
le bail d'un immeuble à la charge d'une
rente qui n'est pas stipulée rachetable ,
ne produit pas de lods et ventes au Seigneur
Direct dans la Coûtume de Paris
parce que ce Contrat n'est pas une vente
er
MAR S. 1737 495
et n'équipolie point à une vente , la rente
fonciere ne tenant point lieu de prix lors
qu'elle n'est pas stipulée non rachetable .
Il est seulement dû des Lods et Ventes
dans la Coûtume de Paris , à cause du
Bail d'un immeuble , à la charge d'une
rente , stipulée rachetable , suivant les
articles 13. et 78. parceque la stipulation
du rachat fait que la rente tient lieu de
prix , et que le Contrat équipolle à uno
vente .
Le S. le Riche, ajoûtoit la Veuve Raisin
, n'a pû contester ces principes ; il
opose seulement que , suivant l'article
121. de la Coûtume de Paris , les rentes
de Bail d'heritages sur les maisons situées
dans la Ville et Fauxbourgs de Paris
, sont à toûjours rachetables ; d'où il
induit qu'il est dû des Lods et Ventes ,
à cause du Bail à rente d'une maison située
dans la Ville , ou dans un Fauxbourg
de Paris, quoique, par le Contrat,
la rente ait été stipulee non rachetable.
糯
Mais cette prétention.est mal fondée ,
les Baux à rentes foncieres , non rachetables
, n'ont pas été rendus sujets par la
disposition des Ordonnances et de la
Coûtume , aux droits de Lods et Ventes :
le Privilege accordé aux Habitans de Paris
de pouvoir racheter leurs rentes , ne
concerne
Jo2 MERCURE DE FRANCE
fice
Thiroux et de N. Saulnier , alliée à Ta
Famille de Cipiere. Denis fut cinq fois
Vierg d'Autun , et Claude , son Fils , fut
honoré trois fois de cette Charge , qui
est ancienne et illustre dans Autun ce
qui est un témoignage authentique de
l'estime et de l'amitié qu'avoient pour
MM . Thiroux , les Habitans qui font
l'élection du Vierg. Le Dictionaire Universel
ne fait point mention de cette Magistrature
, qui répond à celle de Maire
qu'on apelle Viguier en Languedoc . César
en parle honorablement au premier
et au septiéme Livre de la Guerre des
Gaules, et il donne à ce Magistrat le nom
de Vergobretus , d'où est venu celui de
Vierg , et peut être celui de Viguier, qu'on
fait dériver de Vicarius. Quelques - uns
disent que Vergobretus signifie Virgå fres
tus , mais cette étymologie n'est pas na
turelle. Paradin la prend de ces deux mots
Celtiques Verg et Bret , qui désignent le
Haut Exécuteur. D'autres la tirent d'un
ancien mot Gaulois qui signifie la Pourpre
, dont les Maires de Ville étoient revêtus
, commele sont encore aujourd'hui
les six Consuls du Puy en Velay. Ils
apuïent leur sentiment étymologique sur
un passage de Strabon au Livre IV. de sa
Géographie. Qui honores gestant , gestant , vestes
tinctas
MARS. 1737. 503
inctas atque auro variegatas gestant.
Quoiqu'il en soit , il est constant que
du temps de César , le Vierg , ou Souve
rain Magistrat d'Autun avoit une puissance
absoluë de vie et de mort sur tous
les Ciccions , quoiqu'il ne fut qu'annuel.
A present on l'élit pour deux ans , et il a
encore de grands Privileges. Il est toûjours
le premier des Maires aux Etats
de Bourgogne , et si celui de Dijon le
précede , ce n'est pas proprement comme
Maire de la Capitale , mais comme
Elû des Etats ; qualité qui le rend Prési
dent du Tiers Etat de la Province.
Le P. E. Thiroux , Fils et Frere des
deux Viergs d'Autun , dont nous avons
fait mention , se fit Jesuite à l'âge de 17 .
ans en 1664. Il fit son Noviciat à Nancy,
et après avoir . fait ses voeux solemnels
en 1682. sa santé ne lui ayant pas
permis d'exercer long temps l'emploi
de Prédicateur , pour lequel il avoit un
talent merveilleux , on lui donna celui
de Ministre. Il fut ensuite Recteur du
College de Charleville en Champagne ,
et de celui dEnsishem en Alsace . Il est
mort dans celui de Dijon le 26. Avril
1727.
Vous êtes à portée de sçavoir les cirs
constances de la Vie de ce pieux Jesuire,
E et
504 MERCURE DE FRANCE
et en état de faire une Analyse de son
Commentaire sur les Pseaumes. Person
ne ne le peut mieux que vous , Monsieur
.
Outre cet Ouvrage si utile au Public ;
le pieux Auteur lui en a donné un autre
qui est très édifiant. En voici le titre :
DIRECTION Spirituelle pour servir
de Regle à tous les Chrétiens qui veulent
sincerement leur salut , et acquerir la
perfection. A Lyon , chés Marcellin Duplain
1730. in- 8. de 379. pages.
Cet Ouvrage est divisé en cinq Parties.
Le P. Thiroux , après avoir prou
vé solidement que les Chrétiens sont
obligés de tendre à la Perfection Evangelique
, en expose les Principes et les
Maximes dans la premiere Partie de son
Livre.
Dans la seconde il traite de la Priere
que les Fidéles doivent faire chaque jour
de leur vie , et pour en faciliter la pratique,
il ajoûte des Méditations pour tous
les jours de la Semaine .
Dans la troisiéme il parle de la Sainte
Messe , dont il explique les Paroles et
les Cérémonies . Il enseigne la maniere
d'y assister pour en retirer le fruit qui
Convient à une action aussi sainte .
Dans la quatriéme Partie il traite de.
la
MARS. 1737. 505
la Confession et de la Communion : et
dans la cinquième , des Retraites spirituelles
, qui sont de la derniere importance
pour ceux qui veulent acquerir la
perfection. On trouve dans cette derniete
Partie des Méditations pour une Recollection
, que ce sage Directeur conseille
de faire au commencement et à la
fin de l'année , et pour une Retraite annuelle
de huit ou dix jours.
Outre ces deux Ouvrages imprimés ,
le P. E. Thiroux en a laissé cinq autres ,
qui méritent de l'être .
1. La Vie de JESUS - CHRIST , tirée des
Quatre Evangelistes , avec des Reflexions
extraites des SS. Peres. En Latin.
2. Méditations pour tous les jours de
l'année. En François.
3. Methode d'une Retraite annuelle,
conforme aux Exercices spirituels de S.
Ignace. En Latin.
4. Traité des Questions de Controverse
contre les Hérétiques. En François.
5. Commentaire sur le Nouveau Testament
, trois Volumes in fol. Chaque
page est partagée en neufcolonnes. Dans
la premiere , on voit le Texte Sacré Dans
la seconde , une Paraphrase très - exacte.
'Dans la troisiéme , diverses Leçons du
Texte. Dans la quatrième , des Senten-
E ij
ces
506 MERCURE DE FRANCE
ces choisies des SS. PP. sur chaque Ver
set de l'Ecriture. Dans la cinquiéme des
Notes Historiques . Dans la sixième , Chro
nologiques . Dans la septième , Critiques.
Dans la huiciéme, Théologiques , Dans la
neuvième enfin , une Table des Matieres à
l'usage des Prédicateurs. Ce grand Ouvrag
geest en Latin, et on peut dire que l'Auteur
s'est surpassé lui -même dans le Commentaire
sur les Epîtres de S. Paul. Le P.
Thiroux a employé trente ans à cet Ouvrage
immense , qu'on regarde comme
son chef d'oeuvre.
Nous sommes redevables de l'Edition'
des deux premiers, imprimés à Lyon , au
R.P.Gabriël Thiroux, Jesuite , Neveu de
l'Auteur , qui auroit enrichi la Republique
des Lettres de l'Edition des cinq
Livres qu'on vient d'indiquer , sans les
Occupations indispensables dont sa Com
pagnie l'a chargé . Il a enseigné la Théologie
pendant plus de trente ans ; et M.
l'Evêque de Langres , convaincu de son
profond sçavoir , l'a enlevé au College
de Moulins en Bourbonnois , pour attirer
un plus grand nombre de Disciples
dans son Seminaire , qu'il vient d'établir
chés les Jesuites , par la réputation de ce
fameux Professeur.
C'est le P. Gabriel Thiroux qui est
Auteur
MARS. 1737. 507
Auteur de l'Epître Dédicatoire et de la
Préface , qui sont à la tête du Commentaire
sur les Pseaumes . C'est encore lui
qui a donné la Vie de son digne Oncle ;
et je vous crois , M , trop judicieux et
trop équitable pour que vous ayez la
pensée que ce Pere ait eu la moindre part
à l'Eloge qu'on trouve à la fin de cette
Vie. Il n'a jamais demeuré à Lyon où
l'on a imprimé le Commentaite . Le P.
Deperier , qui s'étoit chargé de la révision
de cet Ouvrage , crût qu'il ne pouvoit
refuser un éloge au Neveu , qui
marchoit si rapidement sur les traces de
l'Oncle , et il l'ajoûra au bout de la Vie
du P. Etienne Thiroux , malgré la vio
lence qu'il prévoïoit devoir faire à la modestie
du P. Gabriel , dont je pourai vous
entretenir plus amplement . En attendant
j'ai l'honneur d'être avec respect , & c .
On a dû expliquer le Sonnet Enigmatique
et les Logogryphes du Mercure de
Février , par la Mappemonde , Rhinoceros,
Lazare , et Sanguis . On trouve dans le
premier Logogryphe, Rhin, Rhôni, Noir,
Rose , Rosier , Echo , Cône , Chien , Cire,
Heron, Honoré , Enoch, Noé , Sorin , Ino ,
Sorcier, Rhône , Oison , Ciron, Rein , Coré ,
E iij
Cor
508 MERCURE DE FRANCE
>
Cor, Roc , Noier, Nice , Serin , Soie, Ire
Rien, Roi, Or , Soir , Nôce , cri , Sire , hoc ,
Crin. Et dans le troisiéme, Anguis , Sus ,
et Asinus.
*** ********
ENIGM E.
Ix membres font mon nom
S' Pays
>
味
je suis de tout
L'injustice souvent préside à ma naissance ;
Si par un sort heureux , quelques - uns j'enrichis
J'en reduis un grand nombre à l'extrême indigence.
Redoute-moi , Lecteur , autant que le décès :
J'altere la santé , le repos et la bourse :
Et si tu ne m'éteins dans mon premier accès;
Rarement pouras tu m'arrêter dans ma course.
LOGOGRYPHE.
J'Ai
'Ai dans mon ventre un air
A mes deux côtés j'ai la note .
Lecteur , dois -je en être plus fier ?
Solfier et chanter ne sont point ma marote.
AUTRE
MARS. 1737 509
AUTRE.
TRois membres font mon tout. Voici leur
difference ;
Le premier vous designe une Ville de Frances
L'autre est un adjectif , un Saint , un Animal ;
Et le troisième enfin est un Ton musical.
En huit lettres un mot tous les trois les rassem
ble.
Pour vous faire trouver plus aisément mon nom ,
Je vous donne , Lecteur , ma définition , 7
Ma Soeur unique et moi marchons toujours ensemble.
Nous sommes de même âge et de même grandeur
;
Nos moindres mouvemens expriment la pudeurs
En tout l'une à l'autre ressemble ;
Chacune , nous avons à garder un bijou ,
Qui ne peut s'acheter de tout l'or du Perou ;
Dés qu'il est menacé de quelque coup perfide ,
Plus promptes que l'éclair nous lui servons
d'Egide .
Qui voudra maintenant nous anatomiser
Va trouver de quoi s'amuser.
D'abord le Successeur du premier des Apôtres ?
Ce qui sert d'envelope à tous les Animaux ,
A l'Homme même comme aux autres.
La Terre qui nourrit les Boeufs et les Chevaux.
E iiij Titre
510 MERCURE DEFRANCE
Titre de grand honneur en France , en Angleterre.
Le nom que la Loy donne au mari de la mere.
L'innocente chasse aux Oiseaux . "
La premiere femme gourmande .
L'endroit de la Riviere où s'arrête le Bac .
Un instrument utile aux Preneurs de Tabac.
Un Dieu du Paganisme : Une Ville Normande.
Ce qui charme l'ennui du Soldat , du Marin
Item , une grande Mesure.
J
Le
synonime de
gageure.
Enfin le bon jour en Latin.
Par M. de B.... de Chartres.
AUTRE
E parle sans avoir langue , ni voix , ni bout
che ,
Pour cet effet, souvent il faut que l'on me touche,
Mais on ne le peut sans me voir ,
Et que je sois gris , rouge ou noir ,
Au monde nécessaire , utile ,
Je sers aux champs, comme à la Ville ;
Pour abreger , venons au fait ,
Afin que tu sois satisfait ,
Six pieds font mon allégorie
Avec cinqje suis tromperie ;
De plus un avertissement
D'un
MARS. Str 1737.
En
B'an domestique surveillant .
quatre je fais voir un rang sublimé en France;
Dans un certain Païs , une haute Puissance;
Garactere au- delà de la perversité ;
Un instrument qui peut conserver la santé
Un second qui reduit en poudre
Ce que l'autre en fumée a pû faire resoudre;
Plus , contradiction , faisant un mécontent ;
Qualité d'un mortel qui parle dureinent ,
Ou bien d'un autre encor recherchant la fortune ;'
De ces combinaisons , il en reste plus d'une.
Trois Villes j'entrevois , deux, portant même
nom ,
L'une au Comté d'Artois,l'autre au Païs Gascon,
En Flandres la derniere est Ville Episcopale ,
Et la troisiéme principale.
En combinant par trois on découvre aisément
Un Oiseau babillard ; un subtil élement ;
Le gardien d'un fruit nécessaire à la vie ;
L'extrême passion d'un mortel en furie ;
A quelques animaux je fournis d'aliment ;
Tu te lasses, peut- être , ô Lecteur complaisant ,
Patience un moment,en deux mots je m'explique:
Deux et trois pieds enfin, sont d'asage en Musique
;
Et combinant le tout avec facilité ,
De la Fable je montre une Divinité.
• Par M. de Glat .
Ev NOUVEL
512 MERCURE DE FRANCE
*****:******* : ***
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &c.
DE LETTRES , Med
Rmoires ,et autres Pieces ,pour servir à
Histoire de l'Académie des Sciences et
Belles Lettres de la Ville de Beziers. 1 , Vol.
in-4. A Beziers , chés la Veuve d'Etienne
Barbut. M. DCC. XXX VI
Joindre l'étude des Belles Lettres à
celle des Sciences , qui ont pour objer
toutes les Parties de la Physique , comme
font M M. de l'Académie de Beziers
, c'est travailler doublement à l'utilité
publique , et c'est à ce dernier objet
que devroient , ce semble , s'attacher
particulierement les Académies établies
dans differentes Provinces du Royaume,
sur- tout celles des Villes Maritimes , lesquelles
, par leur situation , sont plus à
portée que les autres de faire certaines
experiences , de sçavoir ce qui se passe
dans les Pays étrangers , par raport aux
Recherches de Physique , de travailler à
la perfection de la Navigation , &c.
L'Académie de Beziers , sans avoir
cet
MAR S. 1737.
513
tet avantage particulier , n'est inferieure
à aucune des Académies de Provinces ,
qui cultivent les mêmes Sciences , et elle
mérite autant qu'une autre d'avoir un
Historien fidele , et une Histoire exacte
de ses travaux.
Le Public éclairé en jugera par les
Pieces curieuses qui composent ce Recueil
. Nous en aurions volontiers donné
un Extrait , si nous n'avions été prévenus
par MM . les Auteurs du Journal
de Trevoux , ce qui est un gain pour
le Public ; car on ne peut rien ajoûter ni
désirer sur ce sujet , après ce qui en est
dit dans l'Article C X X I. de leur Journal
du mois de Décembre dernier , premiere
Partie , page 2525.
LA PROMENADE de Saint Cloud , troisiéme
et derniere Partie. A Paris , chés
Dupuis , Grand'Salle du Palais ; au Saint
Esprit. Brochure de 8. feuilles in-12.
MEMOIRES et Avantures de M. de P.
écrits par lui - même , et mis au jour par
M. Emery de Lifle , in- 12 . Brochure de
dix feuilles , en 2. Part, chés le même.
LA SECONDE et troisiéme Partie des
Mémoires Posthumes du Comte de D.B.
E vj avant
f14 MERCURE DE FRANCE
avant son retour à Dieu , fondé sur l'ex
perience des vanités du monde . Brochu
re in- 8.
LETTRE de Madame de *** à M:
de *** avec la Réponse de M. de ****
sur le Goût et le Genie , et sur l'utilité
dont peuvent être les Regles. A Paris ,
chés Prault , Fils , Quay de Conti, vis-àvis
la Descente du Pont Neuf, à la Charité.
Brochure de 58. pages in- 12.
HISTOIRE DU CONCILE DE TRENTE
écrite en Italien par Fra-Paolo Sarpi , do
l'Ordre des Servites , et traduite de nouveau
en François , avec des Notes Critiques
, Historiques et Théologiques , par
Pierre-François le Courayer , Docteu
Théologie de l'Université d'Oxford , et
Chanoine Kegulier, ancien Bibliothequaire
de l'Abbaye de Ste Géneviève de Paris,
A Amsterdam , chés J.Wetstein , et G.Smith.
1736. 2. Vol. in- 4. chacun d'environ
800. pages.
LETTRE de M. *** à Madame la
Princ. *** au sujet des Essais Historiqués
et Critiques sur le Goût . A Paris ,
chés Prault , Pete . 1736. in- 12. Brochu
ce de 26. pages ..
LETTRE
MARS. 1737 315
LETTRE d'un Mathématicien à un
'Abbé , où l'on fait voir 1º . que la matiere
n'est pas divisible à l'infini , 2º.Que
parmi les Etres créés, il ne sçauroit y
avoir d'infinis en nombre ni en grandeur.
3. enfin , que les Métaphysiciens , qui
pensent autrement , abusent des Mathématiques
, et de leurs démonstrations ,
lorsqu'ils s'en servent pour apuyer leurs
opinions . A Paris , chés C. A. Jombert ,
Fue S. Jacques , au coin de la rue des Fuë
Mathurins. 1737. Brochure in 12.
DISSERTATION sur l'Hydropisie de
Poitrine , dans laquelle on s'attache à
prouver qu'il est toujours bon de prati
quer la ponction dans cette maladie , et
24'elle fest susceptible dans certains cas
de guérison radicale A Paris , chés Jacques
Guerin, Quay des Augustins , 1737
in - 1-2.
L'ART DE CONSERVER LES DENTS ,
Ouvrage utile et nécessaire , non seule
ment aux jeunes Gens qui se destinent.
à la Profession de Chirurgien Dentiste ,
mais encore à toutes les personnes qui
veulent avoir les Dents belles et nettes,
Par lo S. Geraudly , Chirurgien Dentiste,
Valet de Chambre de S. A. S. M. le Du
d'Orleanc
$ 16 MERCURE DEFRANCE
d'Orleans , et seul Privilegié du Roy.
A Paris , chés Pierre G. Le Mercier ,
Imprimeur Libraire ordinaire de la Ville
, rue S. Jacques , au Livre d'or . 1737.
in.12 . de 161. pages, sans compter l'Epi
tre Dedicatoire , la Préface et la Table
des Chapitres.
La premiere feuille du second Tome
des Reflexions sur les Ouvrages de Littera
ture , paroît chés P. Gissey , ruë de la
Vieille Bouclerie . On y distingue avanta
geusement une nouvelle main . Cette
Feuille commence par quelques Reflexions
sur la Critique , pour faire connoître
le caractere de celle qui regnera
dans cet Ouvrage . La nécessité de la Cri
tique n'est point un Problême pour les
Lecteurs judicieux . Elle est uniquement
contestée par un certain nombre d'Ecrivains
excessivement jaloux de leur ré
putation litteraire , et qui traitent de
crime tout ce qui peut y donner atteinte
.... A l'égard du ton qu'il faut prendre
en critiquant , si l'on s'en raporte au
bon sens , qui est l'oeil de l'esprit , poursuit
l'Auteur , il faut proportionner le
ton à l'Ouvrage qu'on discute ; s'il est
sérieux ou dogmatique , les graces austeres
, le stile ferme et grave sont alors
de
MARS. ¥737. S17
de saison , et rien ne seroit plus ridicule
que la démangeaison de plaisanter. Veuton
aprétier le mérite d'un Ouvrage d'esprit
? Les tours vifs et ingenieux , le seb
attique et les jeux de l'imagination doivent
assaissonner la Critique et les Louanges.
Mais le fiel et l'envie d'élever sa réputation
sur les ruines de celle d'autrui ,
ne doivent jamais se faire sentir. La probité
, la droiture du coeur , et la politesse
sont les plus beaux ornemens de la Critique.
Quelle étrange situation , continuë
Auteur , pour celui qui se livre à ce
dangereux métier ! La plupart des Lecteurs
veulent être instruits d'une maniere
agréable ; ils exigent des traits vifs et
hardis , des ironies legeres , des tours figurés
et expressifs , des saillies heureuses
, et même des parodies courtes , mais
fines , du Ridicule. Au contraire , l'Aureur
crie à l'injustice , se plaint qu'on
cherche à divertir le Public à ses dépens
, et vomit un torrent d'injures . Fautil
que , pour lui plaire , le Critique laisse
dormir son imagination , et s'expose au
danger certain d'ennuyer ses Lecteurs
par
de tristes et froides reflexions ? En
vain donneroit- on ce conseil au Critique
il ne le suivroit pas , sçachant combien
18 MERCURE DE FRANCE
bien il est de son interêt d'égayer son'
discours. Mais on a droit de lui'prescrire
une impartialité rigide , l'observationdes
regles de l'honnêteté et de la bienséance
, et une sincerité qui ne se démente
jamais. Heureux , dit- on enfin , le
Critique qui ne fait jamais briller sonesprit
aux dépens de son coeur!
TRAITE' du vrai Mérite de l'Homme ,
consideré dans tous les Ages et dans toutes
les Conditions , avec des Principes
d'Education propres à former les jeunes
Gens à la vertu . Par M. le Maître de
Claville . Ancien Doyen du Bureau des
Finances de Rouen . 2. Vol . in- 12 . A Paris
, chés Saugrain , au Palais, à la Providence.
Voici la troisiéme Edition d'un Ou
vrage que le Public a estimé dans les
précédentes. C'est cerre estime qui a
engagél'Auteur de le refondre et del'aug
menter considérablement , ce qui fait
qu'au lieu de 542. pages d'impression ·
que la derniere Edition contenoit , celleei
en a 750. et pour ne pas la confondreavec
les précédentes , on la reconnoîtra
à un Paraphe qui a été mis au bas de la
premiere page de la Préface , parce , diton
dans l'Avis Préliminaire , que ce Li-
VIC
MARS. 1737.
vre a été contrefait en plusieurs Villes
sur la premiere Edition. Celle - ci se vend
quatre livres , reliée en deux Volumes.
Nous n'avons rien à dire sur un Ouvrage
déja si connu , si ce n'est que la
lecture de cette derniere Edition nous a
fait un nouveau plaisir , et que nous le
croyons très - propre à former les moeurs,
à orner l'esprit , et à concilier une agréable
Litterature , avec la connoissance et
la pratique des plus importantes verités
de la Religion . Ce n'est pas , au reste , un
petit éloge pour le Livre dont nous parlons
, que d'avoir mérité l'aprobation
d'un Sçavant Académicien , qui n'en a
donné lui-même que d'excellens.
*
CHILDERIC , Tragédie dédiée à la
REINE , representée à Paris pour la premiere
fois le 19. Décembre 1736. par M.
de Morand, A Paris , chés Prault , fils ,
Quay de Conty , à la descente du Pont neuf,
ala Charité. 1737.
Quoique nous ayons déja rendu compre
au Public de cet Ouvrage , nous nous
croyons cependant obligés d'avouer qu'il
nous est échapé quelques fautes dans
M. de Fontenelle.
l'Extrait
520 MERCURE DE FRANCE
l'Extrait que nous en avons donné. Come
me nous parlons ordinairement des Pieces
de Théatre avant qu'elles soient imprimées
et sur les Représentations que nous
en voyons , il n'est pas surprenant que ,
lorsque leur sujet et leur action sont un
peu chargés , nous ne les saisissions pas
aussi parfaitement qu'on peut le faire à
la lecture. Aussi nous nous fatons que
nos excuses doivent paroître plus que
légitimes à nos Lecteurs : il seroit à souhaiter
que les Auteurs s'en payassent de
même ; mais ces Messieurs ne sont pas ,
pour l'ordinaire si faciles à contenter ;
les plus legeres fautes deviennent trèsgraves
à leurs yeux , et , fussent- elles
Indifferentes pour leur Ouvrage , ils le
croyent aussi - tôt entierement dégradé.
Qu'ils nous permettent pourtant de leur
dire ici qu'ils ne doivent s'en prendre
qu'à eux-mêmes , si nous n'offrons pas.
Extrait de leurs Pieces aussi parfaitement
qu'ils le souhaiteroient : nous les
avons souvent priés de nous le donner
eux-mêmes , nous chargeant seulement
d'y ajoûter les reflexions du Public. S'ils
vouloient bien prendre cette peine, nous
serions à couvert de leurs injustes reproches
, et leurs Ouvrages n'y perdroient
rien.
La
MAR S. 1737. 527
La Tragédie qui nous donne occasion
de leur renouveller cette priere , gagne"
beaucoup à la lecture , au raport de tous
ceux qui l'ont lûe on y découvre
des beautés qu'on n'a pas saisies au
Théatre , et l'on n'y trouve point cette
obscurité qu'on lui a tant reprochée. Il
paroît même que le cinquième Acte n'a
pû être tourné autrement , et que
les
critiques qu'on en a faites , et que nous
avons raportées nous- mêmes , n'étoient
pas aussi justes qu'elles ont paru d'abord.
Il y avoit des difficultés dans les divers
expédiens qu'on proposoit à l'Auteur ,
qui les rendoient impossibles à exécuter:
et c'est ce qui l'avoit empêché de les suivre
en travaillant à cette Piece.
Enfin , la Versification de cette Tragé
die qu'on avoit accusée d'être un peu foible
, paroît sur le papier plus exacte ,
plus soûtenue et même plus nerveuse qu'au
Théatre. C'est la l'effet que produit une
Versification simple ,mais noble . Les Vers
qui éblouissent au Théatre sont , pour
Fordinaire , ceux qui frapent le moins à
la lecture. La verité et la justesse n'étant
pas le plus souvent le partage de ces sortes
de Vers , il ne faut pas s'étonner si
le Lecteur s'aperçoit mieux de leur défaut
que le Spectateur , que l'action du
Comédien
522 MERCURE DE FRANCE
Comédien et le prestige de la Représenta
tion concourent à séduire.
C'est , sans doute , pour mieux faire
sentir que la Tragédie de Childeric n'étoit
pas susceptible d'un autre genre de Versification
, que l'Auteur a pris pour Devise
ces Vers de l'Art Poëtique d'Ho
race.
Et tragicus plerumque dolet fermone pedestri ;
Telephus et Peleus cum pauper et exul uteerrque
Projicit ampullas et sesqui pedalia verba.
En effet , jamais allusion ne fut plus
juste ne semble t il pas que Childeric est
le Telephe ou le Pelée dont parle le Poëte
Latin? L'Auteur de Childeric nous sçaura
, sans doute , bon gré d'avertir le Public
que son Imprimeur a fait dans le
premier de ces Vers une faute énorme
ayant mis gaudet pour dolet.
Cette Piece est suivie d'une Lettre
adressée à Made : Berthelot par M. P...
qui est très-bien écrite ; elle répond parfaitement
à la plupart des objections que
F'on a faites contre cet Ouvrage, qui en releve
les beautés , et fait encore mieux
sentir l'invention , l'art et la connoissance
du Théatre , qu'on ne peut refuser à
son Auteur.
M. de
MARS. 1737. 523
M. de M .... dans une espece d'Avertissement
qui précéde cette Lettre , dit
qu'il ne croit pas mériter tous les éloges
que M. P.... donne à sa Tragédie , mais
aussi qué , comme il ne croit pas mériter
tout le mal que ses ennemis en ont
dit , il se flate que le Lecteur sensé , prenant
le milieu entre l'excès de loüange , et
Pexcès de blâme , lui rendra , par ce sage
temperamment , lajustice qui lui est dûe ;
et reduira par là son Ouvrage à sa veritable
valeur. C'est annoncer modestement
son Apologie.
, OBSTACLES DE LA PENITENCE , ou Ré
futation des Prétextes qui font illusion
au Pécheur , et l'empêchent de se convertir
. Ouvrage traduit de l'Anglois par
le P. Pierre de Mareuil , de la Compagnie
de Jesus . Le Traducteur y a joint
la Lettre de S. Eucher à Valerien ; celle
de S. Augustin à Licentius ; et les Soupirs
d'une Ame pénitente , tirés des Opuscules
de l'Auteur de l'Imitation de J. C.
Le tout traduit en François. A Paris
ruë de la Harpe , vis à - vis la ruë des
Deux-Portes , au Bon Pasteur. 1736. in-
12. de 379. pages sans la Préface et la
Table des Matieres.
Le R. P. Rapin , de la Compagnie de
Jesus
$ 24 MERCURE DE FRANCE
Jesus , nous a donné un excellent Livre
intitulé l'Importance du Salut . L'Abbé de
Villiers un autre Ouvrage , qui a pour
titre Les Egaremens des Hommes dans la
Voye du Salut.. Il ne restoit plus pour
achever de traiter une Matiere si importante
à la Religion , que de publier
les Obstacles de la Penitence , excellent
Traité , composé originairement en Anglois
, et traduit en notre Langue par le
R.P. de Mareuil , de la même Compagnie
, avec cette habileté dont il a déja
donné plus d'une preuve .
Afin que le Lecteur puisse tirer un
plus grand fruit des lectures qu'on lui
presente ici , le pieux Traducteur a jugé
à propos de terminer chaque Chapitre
par un Entretien intérieur qui en renferme
le précis , avec une Priere conforme
à ce qu'il contient. C'est , dit- il , en
joignant ainsi la Priere à la lecture, que
nous engageons Dieu à verser sur nous
l'abondance de ses graces.
,
A l'égard des Lettres de S. Eucher et
de S. Augustin, et des Soupirs d'une Ame
Penitente c. Ouvrages annexés par
nôtre Auteur aux Obstacles de la Peniten .
ils tendent tous au même but , et il a
grande raison d'esperer , pour nous servir
de ses termes , qu'ils produiront les
ce ,
mêmes
MARS. 1737. 525
mêmes fruits de bénediction ; d'autant
plus que les Auteurs de ces Ouvrages ,
consommés dans la science des Saints
ont été eux mêmes des Modéles de la
Sainteté Evangelique.
Il est inutile de s'étendte sur le mé
rite de ce Livre. M. de Marcilly , qui lui
a donné son Aprobation , dit beaucoup
en peu de paroles , en déclarant que
POuvrage lui a paru solidement composé
, et capable de faire de vives impressions
sur les Pécheurs les plus éloignés
du salut.
ABEN MUSLU , ou les vrais Amis . His
toire Turque , qui renferme un détail
interessant des Intrigues du Sérail , sous
le Regne d'Ibrahim , et les veritables
causes de sa mort ; le Couronnement de
Mahomet IV . les motifs de la Guerre
de Candie , et le Siége mémorable de
cette Ville. 2. Vol. in- 12 . A Paris , chés
Prault , Pere , Quay de Gêvres au Pa
radis . 1737.
LAMEKIS , ou les Voyages extraordi
naires d'un Egyptien dans la Terre inrérieure,
avec la découverte de l'isle des
Silphides , par M. le Chevalier de Mouby.
4. Volumes in - 12 . A Paris , chés
Poilly
326 MERCURE DE FRANCE
Poilly, Quay de Conty , au coin de la ruë
Guenegaud , aux Armes d'Angleterre,
1737.
On trouve chés le même Libraire LA
MOUCHE , ou les Avantures de M. Bigand
, traduites de l'Italien par le mème
Auteur. in 12. 4. Parties.
LES HOMMES , quatrième Edition , rez
vie et corrigée par l'Auteur. 2. Vol. in- 8.
A Paris , chés Ganeau , Fils , rue S. Jacques
, vis-à- vis S. Yves , à Saint Louis.
M. DCC. XXXVIL
On ne sçauroit trop multiplier les bons
Livres , et les Editions des bons Livres.
Nous avons déja fait connoître ailleurs
( Mercure de Septembre 1734. ) le mérite
de celui-ci , qu'on vient de réimprimer ,
et dont on ne sçauroit trop recommander
la lecture , puisqu'au sentiment d'un
sçavant Aprobateur , il contient une étude
profonde de ce que les Hommes ignorent
le plus , et de ce qu'ils devroient le
plus sçavoir.
REGLE Artificielle du Temps . Traité de
la Division naturelle du Temps , des Horloges
et des Montres de differentes Constructions
; de la maniere de les connoître et de
Les
MARS. 1737. 527
›
les regler avec justesse . Par M. Henry Sully
, Horloger de M. le Duc d'ORLEANS
de la Societé des Arts. Nouvelle Edition ,
et augmentée de quelques Mémoires sur
Horlogerie. Par M. Julien le Roy , de la
même Societé. 1. Vol. in 8. A Paris , chés
Greg. Dupuis , rue S. Jacques , à la Cou
ronne d'Or. M. DCC. XXXVII, avec
plusieurs Figures.
AVANTURES de Don Ramire de
Roxas et de Dona Leonor de Mendoce
tirées de l'Espagnol , par Madame L. G.
D. R. 2. vol. in 12. A Paris , chés André
Cailleau , Quay des Augustins , au
coin de la rue Gist-le- coeur , 1737.
SECONDE LETTRE du R. P. Pois
SON , Provincial des RR. P.P. Cordedeliers
de la Grande Province de France ,
aux Convents , Abbayes et Monasteres de
sadite Province , sur la Mort du REVE
RENDISSIME P. GENERAL .
Sous le titre modeste de Lettre , le
R. P. Poisson nous présente ici un grand
Ouvrage , non- seulement à cause de son
étenduë , car la Lettre est divisée en deux
Parties assés considérables , mais encore
à cause des grands détails d'une rare érudition
, dans lesquels l'Auteur a trouvé
F
528 MERCURE
DE FRANCE
à propos d'entrer. Le sujet le comportoie
assés , car que ne peut - on pas dire , et
que ne devoit pas dire un Religieux
aussi sçavant que pieux , chargé d'ailleurs
par
la Supériorité de son Ministere , de
ne laisser échaper aucune occasion d'instruire
sur la nécessité de la mort et sur
la réalité de l'autre vie ? Nous sommes
fâchés les bornes qui nous sont pres que
crites ne nous permettent pas de donner
un Extrait suivi d'un Ouvrage , qui
est comme inondé de ce grand fleuve de
Littérature, dont nous avons déja parlé ,
au sujet d'une autre composition du R.P.
Poisson . D'ailleurs nous avons été prévenus
par d'autres Journalistes
qui ne
nous laissent presque rien à dire sur celleci.
Kemercions
cependant l'Auteur de
nous avoir apris bien des Particularités
Litteraires , qu'il est bon de ne pas igno
rer ; par exemple , p . 41. que la Capitale
de l'Espagne étoit autrefois apellée
Mantone , et que quand les Maures y eurent
établi leurs plus celebres Ecoles , ils
lui donnerent le nom de Madrid , qui en
leur Langue , dit le P. Poisson , d'après
Tirin , sur le 1. Ch . du Liv . des Juges
v. 11. signifie la Ville des Lettres , ou la
Mere des Sciences. Il faut , pour le dire
en passant , que ce nom moderne ait été
étrange
MARS.
1737. 529
étrangement corrompu de l'Arabe , puisqu'on
n'y voitaucun vestige de cette Langue.
Mais Tirin ne s'est - il point trompé ?
Notre Auteur accable d'un torrent
d'Erudition et de Citations , ceux qui seroient
assés malheureux pour ne pas croire
l'Ame immortelle et les suites de cette
immortalité. L'autorité de Marsile - Ficin
,, entre autres , est très- bien employée
à la page 53. mais on a omis l'expression
singuliere et énergique de ce Sçavant au
sujet de l'Ame , qu'il apelle Caracter expressus
ex matrice Divinitatis .
ERASMI FRELICH , Societatis Fesu ,
Quatuor Tentamina in re Nummaria vetere
, & c. Essais du P. E. Frelich , sur les
Médailles. A Vienne en Autriche , in 4.
HISTOIRE et Description generale
du Japon , où l'on trouvera tout ce qu'on
a pû aprendre de la Nature et des Pro
ductions du Pays , du Caractere et des
Coûtumes des Habitans , du Gouverne
ment et du Commerce , des Révolutions
arrivées dans l'Empire et dans la Religion
; et l'examen de tous les Auteurs
qui ont écrit sur le même sujet ; avec les
Fastes Chronologiques de la Découverte
du nouveau Monde , enrichie de figures
Fij en
530 MERCURE DE FRANCE
enTaille- douce. Par le R.P.de Charlevoix,
de la Compagnie de Jesus. 2. vol. in 4.
de plus de 600. pages chacun. A Paris ,
chés Julien Michel Gandonin , Quay de
Conty , J. B. Lamesle , rue de la vieille
Bouclerie , P. F. Giffart , rue S. Jacques ,
Rollin , fils , et Nyon , fils , rue du Hurs
poix 1736.
Après l'Epitre Dédicatoire au Cardinal
de Fleury , suit un Avertissement , dans
lequel l'Auteur s'exprime ainsi : J'ai peu
de chose à dire en particulier au sujet de
cette Histoire , qui n'est pas mon premier
Essai sur le Japon , si ce n'est que
jai éprouvé en y travaillant , combien
il est malaisé de refondre et de perfectionner
un Livre qu'on a fait dans sa jeunesse
, et dont on aime jusqu'aux défauts
qui se ressentent le plus de cet âge, 11
semble que les Auteurs ont pour les
premieres Productions de leur esprit les
mêmes foiblesses qu'on remarque dans
les Peres pour les Enfans qui leur sont
nés dans un âge avancé. S'ils conviennent
en general de leurs imperfections ,
ils ne les trouvent pas toujours telles
quand on vient au particulier et au détail.
Seroit- ce que par un effet de cet
amour propre qui naît avec nous , et qui
ne meurt qu'avec nous , les uns sont flatés
d'être
MARR S. 1737.
$ 31
d'être encore Peres , et les autres d'être
déja Auteurs dans un âge où il n'est pas
ordinaire de l'être ? Mon dessein est ,
poursuit- il plus bas , qu'on trouve ici de
quoi s'édifier et de quoi s'instruire , de
quoi nourrir sa pieté , et de quoi se remplir
l'esprit de connoissances utiles ; j'y
ai même de temps en temps ménagé de
quoi se délasser de l'attention que des
mande une lecture sérieuse.
Cet Ouvrage est déja fort connu par
les Extraits très- bien détaillés que les
Journalistes en ont donné, sur tout pour
ce qui regarde la Découverte du Japon ,
les Révolutions arrivées dans cet Empire
, dans la Religion , & c. Nous allons
tâcher de raporter quelques Morceaux
qui puissent interesser le Lecteur
curieux sur l'Histoire Naturelle le
Commerce et les Arts. Au reste rien
n'est épargné pour l'impression de ce
Livre , papier , Caracteres , Planches en
Taille douce ingénieusement dessinées ,
proprement gravées et en grand nombre,
tout répond à la beauté , à la solidité de
l'Ouvrage .
On trouve dans les Montagnes de
Tisugar ou de Tisugaru , situées à une des
extrémités Septentrionales du Japon , des
Agates de differentes especes . Il y en a sur
Fiij tout
$32 MERCURE DE FRANCE
tout de fort belles , d'une couleur bleuatre
et assés semblables au Saphir. Il y a
au même endroit des Cornalines et du
Faspe. Les Côtes de l'Isle de Xicoco , sont
remplies d'Huîtres et de Coquillages qui
renferment des Perles , dont les Japonnois
ont été long- temps sans faire aucun
usage. Ce sont les Chinois , qui en les
achetant fort cher , leur en ont fait connoître
le prix ; on en trouve encore ailleurs.
Les plus grosses et les plus belles
sont renfermées dans une Huitre apellée
Akoja , qui ressemble assés aux Coquilles
de Perse. Elle est à peu près de
la largeur de la main , mince , frêle
unie et luisante en dehors ; un peu¨ raboteuse
et inégale en dedans ; d'une couleur
blanchâtre , éclatante comme la Nacre
de Perle ordinaire , et difficile à ouvrir.
On ne voit de ces Coquilles qu'aux
environs de Saxuma et dans le Golfe
d'Omura , où les Chinois et les Tunquinois
en achetent tous les ans pour 300.
taëls. On assure qu'elles ont une qualité
prolifique , et que si l'on met quelques- .
unes des plus grosses dans une boëte avec
un certain fard du Japon , fait d'une
autre sorte de Coquille apellée Takaraga,
on voit naître une ou deux petites Peres
à côté de chacune , et que quand elles
sont
MARS.
17373 533
sont parvenuës à maturité , ce qui arrive
au bout de trois ans , elles se détachent
d'elles-mêmes. Mais ces Perles sont fort
fares , et ceux qui en ont les gardent
précieusement. J'ai vu dans plusieurs Relations
, continuë l'Auteur , qu'un trèsgrand
nombre de Perles du Japon sont
rouges. Les Auteurs les plus récens ne
parlent point de leur couleur; mais Marc
Paul de Venise dit positivement qu'on
ý en voit de rouges de figure ronde, qui
sont très-estimées .
Les Mers du Japon produisent une
très- grande quantité de Plantes Marines,
d'Arbrisseaux , de Coraux , de Pierres
singulieres , d'Eponges et de Coquillages
de toutes les sortes , qui ne le cedent
point en beauté à tout ce qu'on voit en ce
genre dans l'Isle d'Amboine et dans les
Moluques , mais les Japonnois en font
si
peu
d'estime
qu'ils
ne veulent
pas même
se donner
la peine
de les chercher
;
et s'il
s'en
rencontre
par
hazard
dans
les filets
des
Pêcheurs
, ils les
portent
au
plus
proche
Temple
de Febis
, qui est le
Neptune
du Japon
, comme
une
offrande
qu'ils
jugent
lui
être
agréable
, ou
comme
un tribut
qu'ils
s'imaginent
lui
devoir
rendre
des
productions
les
plus
rares
de l'Element
auquel
il préside
.
Fiiij On
134 MERCURE DE FRANCE
g
On avoit assuré l'Auteur qu'il ne se
faisoit point de Porcelaine au Japon et
que celle qu'on connoît en Europe
sous ce nom , et qui est si estimée se
faisoit à la Chine pour les Japonnois qui
l'y venoient acheter. Il est certain , ajoûte-
t'il , qu'ils y en achetent beaucoup ,
mais il ne l'est pas moins , que celle qui
porte le nom du Japon , se fabrique dans
le Figen , la plus grande des neuf Provinces
du Ximo. La matiere dont on la
forme est une argile blanchâtre , qui se
tire en grande quantité du voisinage d'U
risiino et de Suwota , sur les Montagnes
qui n'en sont pas fort éloignées , et en
quelques autres Endroits de cette même
Province. Quoique cette argile soit naturellement
fort nette , il faut encore la
pétrir et la bien laver avant que de la
rendre transparente , et l'on assure que
ce travail est si pénible , qu'il a fondé
un Proverbe , qui dit que les os humains
sont un des ingrédiens qui entrent dans
la Porcelaine. Je n'ai pû rien aprendre
davantage sur la fabrique de cette précieuse
Vaisselle. Elle ne differe pas beaucoup
de celle de la Chine.
On convient que l'ancienne Porcelaine
du Japon est plus estimée que celle de
la Chine , et mérite cette préference
sur
MARS. 1737. 535
sur tout par ce blanc de lait , qui lui est
particulier. Celle d'aujourd'hui a un peu
dégeneré. On croit que le secret de préparer
la matiere s'est perdu en partic.
Les Maisons sont fort basses , elles ont
rarement deux étages ; ce sont les tremblemens
de terre , si fréquens au Japon ,'
qui obligent de bâtir ainsi , mais si ces
Maisons ne sont pas comparables aux
nôtres pour la solidité ni pour l'élevation
, elles ne leur sont inférieures ni
pour la propreté ni pour la commodité ,
ni pour un certain agrément que les Japonnois
donnent à tout ce qu'ils font.
Presque toutes sont bâties de bois . Le
premier plan ou le rez - de - chaussée
est élevé de quatre ou cinq pieds , pour
éviter l'humidité ; car il paroît qu'en ce
Pays-là on ne connoît point l'usage des
caves , & c.
Les plus belles Vaisselles de Porcelaine;
ces Cabinets , ces Coffres si estimés et si
précieux , qui se transportent avec tant
de soin , ne servent point pour orner les
Apartemens où tout le monde est reçû ;
on les tient dans des lieux sûrs construits
exprès contre les accidens du feu
et les incendies , où l'on n'admet que les
Curieux et les meilleurs amis.
Les deux Apartemens qui divisent le
Fv corpss
136 MERCURE DE, FRANCE
corps de la Maison , consistent en plusieurs
Chambres séparées par de simples
cloisons , ou plutôt par des especes de
paravents , qu'on peut avancer ou recu-
Jer comme l'on veut ; ensorte que les
Chambres s'élargissent ou se retrécissent
selon le besoin . Les portes des Chambres
et les cloisons sont couvertes de papier ,
même dans les Maisons les plus magnifiques
; mais ce papier est orné de fleurs
d'or ou d'argent , quelquefois de peintu
res , dont le plafond est toujours embelli
; en un mot il n'y a pas un coin dans
la Maison qui n'offre quelque chose de
riant et de gracieux ; aussi peut- on dire
qu'en cela , comme en toute autre chose,
ces Insulaires ont conservé plus que tous .
les autres Peuples , le vrai goût de la
Nature , et qu'ils ont bien plus songé à
l'embellir , qu'à lui substituer l'Art , ou
la rendre méconnoissable par l'artifice
au reste , toute cette amenité coûte peu ;
on ne se sert d'aucuns matériaux qui ne se
trouvent sur les lieux et qui ne soient
à un prix fort modique.
Cette maniere de disposer les Apar
temens , rend les Maisons plus saines ;
premierement , parce que tout est bâti
de bois de Sapin et de Cédre ; en second
, parce que les fenêtres sont ouver- lieu
tes
MARS. 1737. $37
ge
tes de telle façon , qu'en changeant les
cloisons de place , on y donne un passalibre
à l'air . Le toît , qu'on couvre de
planches ou de bardeau , est soutenu de
grosses poutres; et quand la Maison a deux
étages , le second est , pour l'ordinaire, bâti
plus solidement que le premier. On a
reconnu par experience que l'Edifice en
résiste mieux aux tremblemens de terre . "
On répand sur tout le dehors de la Maison
plusieurs couches de vernis ; les toits
même en sont couverts. Ce vernis est
relevé de Dorures et de Peintures. Les
fenêtres sont chargées de Pots de fleurs , et
il y en a pour toutes les Saisons , si on en
croit François Caron : mais quand les
naturelles manquent , on y suplée par
les artificielles . Tout cela fait un effet
qui charme l'oeil , s'il ne le contente pas
autant que feroit une belle Architecture.
Les Maisons sont encore ornées de
Pots de fleurs , qu'on a soin de changer
selon la saison , d'entrelasser avec des
branches , et de disposer avec un art et
un goût infini ; de Cassolettes d'airain ,
ou de cuivre , jettées en moule dans la
forme d'une Grue , d'un Lion , ou de
quelqu'autre Animal rare , et toûjours
d'un travail exquis ; et de quelques pie-
F vj
ces
538 MERCURE DE FRANCE
ces d'un bois rare , dont les veines et les
couleurs sont admirables , et disposées
d'une maniere qui surprend , soit qu'el
les soient une production de la nature, ou
un effet de l'art. Quelquefois ces pieces
de bois n'ont de remarquable que leur
figure , et quelque jeu bizarre de la
Nature.
La Vaisselle , les Porcelaines et les au
tres ustencilles , rangées sur le plancher
dans un très - bel ordre , font un ornement
considérable.
Mais ce qu'on trouve dans les grandes
Maisons , et dans les plus belles Hôtelleries
de plus curieux , et de plus frapant,
ce sont les Jardins. Il n'est personne de
tous ceux qui en ont parlé , qui ne convienne
qu'on ne se lasse jamais d'en admirer
la beauté , là magnificence et le
goût. Ils occupent tout l'espace qui est
derriere la maison , et ils sont de la même
longueur , ordinairement quarrés , et
murés à la maniere des Citernes ; ce qui
donne lieu de croire que le terrain en est
creusé à quelque profondeur. On y- descend
par une galerie , au bout de laquelle
il y a un Bain et une Etuve ; car les
Japonnois ont la coutume de se baigner,
ou de se faire suer tous les soirs.
Une partie du Jardin est pavée de
pierres
MARS. 1737. 539
"
pierres rondes de diverses couleurs , qu'on
prend au fond des Rivieres ou au bord de
la Mer ; le reste est couvert de gravier ,
qu'on a soin de nettoyer tous les jours :
le tout est dans un desordre aparent , qui
a un agrément infini. Les plus grandes
pierres occupent le milieu et forment
une allée dans laquelle on peut se promener
: des Plantes qui portent des fleurs,
et dont il y a toûjours quelqu'une de rare
, sont disposées d'espace en espace , et
forment une agréable varieté. A un des
coins du Jardin il y a un petit Rocher ou
Côteau , parfaitement imité sur la Natu
re , orné d'Oiseaux , ou d'Insectés d'airain
, jettés au moule , et placés avec
art. Souvent un petit Ruisseau se précipite
du haut du Rocher avec un doux
murmure ; et tout cela est exécuté avec
une perfection qui ne laisse rien à désirer.
A côté du Rocher il y a un petit
Bois , planté à la main , et composé d'arbres
, qui peuvent croître fort près les
uns des autres : enfin on trouve dans un
autre endroit un petit Vivier environné
d'arbres , et rempli de Poissons , dont
quelques- uns ont la queue dorée ou argentée.
On y ajoûte des Pots de fleurs ,
ou bien on plante certains Arbres nains,
qui croissent aisément sur la Pierre de
Poncé ,
540 MERCURE DE FRANCE
Ponce , sans qu'il y ait dessus aucune
terre , pourvû que la racine soit toûjours
dans l'eau. Le petit Peuple en plante souvent
de cette espece devant les portes
des Maisons.
Les chemins , et jusqu'aux plus petites
routes , sont plantés des deux côtés
de Sapins, ou d'autres pareils arbres, qui,
par leur ombre , sont pour les Voyageurs
d'une grande commodité , et d'un grand
agrément : à quoi il faut ajoûter qu'il se
rencontre par- tout des Fontaines , qui
entretiennent l'air dans une grande fraîcheur.
Pour ce qui regarde la propreté
des chemins , on y aporte des soins qui
passent tout ce qui se pratique en cela
dans les Païs le mieux policés. On y a
creusé des fossés et des canaux pour en
faire écouler les eaux dans les terres basses
, qu'elles fertilisent , et on y a élevé
des digues , pour arrêter celles qui , tombant
des montagnes , ou des autres lieux
élevés , pouroient causer des inonda
tions.
•
Tous les jours on netoye les chemins,
et lorsque quelque Personne de grande
considération doit y passer , des hommes
gagés vont devant pour voir st
tout est en bon état . Les Seigneurs trouvent
toûjours , de trois en trois lieuës ,
des
MARS. 1737. 54T
des Cabinets de verdure dressés exprès
pour eux , où l'on a ménagé de petits
réduits leur commodité et pour
pour
leur besoin .
Outre les Hôtelleries , on rencontre
par- tout , jusqu'au milieu des Bois , de
petits cabarets où l'on trouve tout ce
qui est nécessaire à la vie , &c. Mais tous
les gîtes , dit l'Auteur , sont infectés d'une
vermine , dont il n'est pas aisé de se
garantir. Ce sont des Courtisannes, qui
font presque autant de lieux de débauches
, de tous les Cabarets et de toutes
les Hôtelleries , sur tout dans les petits
Bourgs , et les Villages de l'Isle Nipon
-sur le midi ; lorsque ces malheureuses
ont achevé de s'habiller et de se peindre,
elles vont se mettre aux portes des mai-
-sons , ou sur les parapets couverts , elles
invitent effrontément les passans à préférer
leur Hôtellerie aux autres ; il arrive
même souvent qu'à force de crier et
de se quereller , elles font un tintamare ,
dont toutes les campagnes voisines retentissent.
On raporte l'origine de cet
affreux désordre à forithomo , le premier
des Cubo - Samas , qui usurpa sur les
Dairys la souveraine puissance. Ce Général
, dit- on , craignant que ses Soldars
, fatigués de ses longues et pénibles
expéditions
542 MERCURE DE FRANCE
expéditions , ne l'abandonnassent , songea
à les retenir sous ses Enseignes` ,› en
leur procurant par tout le passage de ses
Armées , de quoi adoucir leurs fatigues',
et les dédommager des plaisirs légitimes ,
dont il les retenoit si long- tems privés ,
et il imagina cet infame commerce. Il
y en a encore un autre établi dans des
maisons publiques , plus infames que
celui- ci , dont nous n'osons parler.
Les Querelleurs , les mauvaises Lan
gues , les grands Parleurs sont au Japon
dans un souverain mépris . On les y regarde
comme gens sans courage , ou qui
pensent peu .'
On n'y souffre point les Jeux de ha
zard , ils passent dans l'esprit de ces Insulaires
, comme un trafic sordide , et
une occupation indigne de gens d'honneur.
Les Japonnois sont sensibles aux plai
sirs de la societé , ils se regalent souvent
, et ils le font avec une propreté et
une sorte de magnificence qui ne préju
dicie pourtant point à la sobrieté , dont
ils s'oublient rarement. Ce que nous
trouverions plus à redire dans ces festins,
c'est un Cérémonial qui ne finit point ;
il est vrai qu'ils s'en acquittent avec une
aisance et un ordre qui ne se peut expri
mer
MARS: 1737.
548
,
mer. Parmi un grand nombre de Domestiques
et d'Officiers de toutes les
sortes , on n'entend pas une parole ,
et on ne remarque pas la moindre confusion.
Les plats sont ornés de rubans
de soye , ct on ne sert pas une Perdrix
ni aucun autre oiseau , qui n'ait le bec et
les pattes dorées tout le reste est orné à
proportion ; la Musique accompagne ordinairement
le festin en un mot , les
yeux et les oreilles ont de quoi se repai
tre , mais il n'y a point d'excès à craindre
du côté de la bonne chere.
La délicatesse des petits ouvrages du
Japon n'est pas la moindre preuve de leur
adresse dans les Arts Méchaniques. On
a vû à Paris , il y a environ 30. ans , un
de ces ouvrages qui y fut admiré comme
un prodige , et comme digne d'être mis ,
dans son genre , en parallele ou en contraste
, avec le fameux Colosse de Rhodes.
C'étoit une Idole toute entiere , bien
proportionnée
, distincte en toutes ses
parties , assise dans une Niche ; le tout
fait avec la moitié d'un grain de ris ; l'autre
moitié faisant une espece de Piedestal
, sur quoi la Niche et la Divinité
étoient posées.
MEMOIRES
344 MERCURE DE FRANCE
MEMOIRES concernant le Droit de Tiers
et Danger sur les Bois de la Province de Normandie.
Par M. Louis Greard , Ecuyer. , ancien
Avocat au Parlement de Rouen ; avec les Preuves,
Notes et Observations de M. Louis Froland,
ancien Bâtonnier de Mrs les Avocats du Parlement
de Paris. A Rouen , chés Abraham Viret
et Pierre le Boucher , 1737. in 4.•
1
LA FAMILLE , Comédie en un Acte , représentée
par les Comédiens Italiens le 17. Septembre
1736. A Paris , tuë S. Jacques , chés
Pierre Ribou, 1737. Brochure in 12. de 57. pag.
HISTOIRE du Fanatisme de notre temps. Par
M. de Brueys. A Utrecht , chés Henry Corn . le
Fevre , et se trouve à Paris , chés Briasson , ruë
S. Jacques , 3. volumes in 12.
ESSAY PHILOSOPHIQUE sur l'Ame des
Bêtes , où l'on trouve diverses Refléxions sur la
Nature de la Liberté, sur celle de nos sensations,
sur l'union de l'Ame et du corps , sur l'immortalité
de l'Ame . Seconde Edition , revûë et augmentée,
à laquelle on a joint un Traité des vrais
Principes qui servent de fondement à la certitude
morale. A Amsterdam , chés Fr. Changuion ,
1737. 2. vol. in 12. Le premier de 434. pages ;
le second de 432. sans compter l'Epitre Dédicatoire
à M. de Fontenelle ; la Table et deux Préfaces
.
TECSERFON , Conte de Fées. Par M. B. de
S.A Paris , chés Prault , Pere , Quay de Gêvres,
1737. in 120
LA
MARS.
545
1
1737.
LA PROMENADE de S. Cloud , ou la
Confidence réciproque , troisiéme et derniete
Partie. A Paris , chés Gregoire - Antoine
Dupuis , Grand'Salle du Palais , au S. Esprit ,
1737. in 1 .
EXTRAIT d'une Lettre , écrite par M.
l'Abbé le Beuf, Chanoine d'Auxerre
au R. P. Dom A. Rivet , Benedictin
Auteur de l'Histoire Litteraire de France.
·
Il estasses naturel d'aimer sa Patrie;l'amour
que j'ai conçu pour la mienne , m'avoit
fait remarquer avec bien de la joye ce que
vous avez écrit dans votre second volume de
'Histoire Litteraire de la France , à la page 261.
S. Germain , Evêque d'Auxerre , parmi les Auteurs
Ecclesiastiques , m'a paru un trait frapant
en fait de Découverte. J'avois lû autrefois que
quelques Auteurs lui attribuoient un Commentaire
sur les Pseaumes , conservé à l'Abbaye de
S. Thierry , proche Rheims , mais après les
Eclaircissemens pris , il s'est trouvé que c'est la
Commentaire de Remi , Moine de S. Germain
d'Auxerre , qu'on lui a attribué mal- à- propos.
J'ai cherché en vain jusqu'ici l'Histoire de la
Mission de ce Saint et de S. Loup de Troyes ,
dans la Grande Bretagne , que M. de Tillemont,
T. XV. . p. 16. lui attribuë , et qu'il dit être entre
les mains d'une Personne celebre , qu'il ne
nomme pas. Si j'avois fait cette Découverte , je
me serois tenu aussi heureux que je regarde
celui des Reverends Peres Jesuites d'Anvers ,
* Le R. P. Vanden Bosch , apellé dans l'Ou
vrage Acta Sanctorum , du nom de Petrus Boschius.
qui
346 MERCURE DE FRANCE
qui a découvert que le Concile National qui dé→
puta ces deux Saints pour aller dans la Grande
Bretagne, fut tenu à Troyes. Voyez leurs Notes:
sur la premiere Vie de S. Loup de Troyes , T.
Julii.
Je me réjouissois donc , Mon R. P. de pou
voir enfin lire , au moins quelques lignes sorties
de la plume de ce grand Evêque des Gaules .Pour
'y parvenir , j'ai fait chercher , suivant votre
conseil , parmi les papiers de Dom le Nourry
Editeur de S. Ambroise , pour y lire de quelle
maniere cet Evêque y parle de son voyage de la
Grande- Bretagne , puisque c'est tout ce que Dom
le Nourry en a raporté dans la Préface . Dom Le
meraud, Bibliothequaire de S. Germain des Prés,
qui a bien voulu prendre cette peine , m'ayant
assuré que le Discours cité par Dom le Nourry,
ne se retrouvoit plus parmi les papiers de l'Edi
teur de S. Ambroise , et Dom Edmond Martenne
m'ayant certifié qu'il ne l'avoit jamais vû par
mi ceux de Dom Mabillon , j'ai pris le parti de
suplier M- le Marquis de Bonnac , Ambassadeur
de France en Suisse , de vouloir bien en faire tirer
une nouvelle copie à l'Abbaye de S. Gal ; ce
les Religieux de ce célebre Monastere ont
fait de la meilleure grace du monde.
que
Dom le Nourry a marqué après Dom Mabillon
, que le Manuscrit de S. Gal a mille ans
d'antiquité pour le caractere. La composition de
POuvrage est bien plus ancienne , puisqu'elle est
de la fin du quatrième siècle .
Il est bien vrai , au reste, que cet Ouvrage n'est
pas de S. Ambroise , qu'il est d'un Evêque des
Gaules; mais il n'est pas de S. Germain, Evêque
d'Auxerre , comme vous l'aviez conjecturé . II
est de S. Victrice, Evêque de Rouen . Votre Histoire
MARS. 1737. 547
roire n'y perd rien . C'est toujours également un
Auteur que les Gaules acquerent , lequel seroit
resté dans l'oubli sans la remarque de Dom
le Nourry. Vous verrez ce que j'en dis dans une
Lettre que j'écris à ce sujet à M. Clérot , Avocat
au Parlement de Rouen , et homme de Let
tres , dont vous avez pû lire quelques Disserta➡
tions dans les Mercures. J'ai crû lui devoir envoyer
promptement mes Remarques , à cause de,
elles que j'attends de fui. Il est én état d'en faire
par sa sagacité et parce qu'il est sur les Lieux,
prenant
d'ailleurs fort à coeur tout ce qui regar
de la Ville de Rouen.
A Paris le premier Mars 1737.
EXTRAIT dune Lettre écrite de Rome
le 14 Février 1737. contenant plusieurs
Nouvelles Litteraires..
' Ai d'abord à vous parler d'un Livre nouveau
qui fait ici du bruit , et qui nous interesse ;
C'est un Ouvrage posthume de M. Fontanini ,
publié par Dominique Fontanini , son Neveu. Il
a pour Titre , Della Eloquenza Italiana di Monsignor
Giusto Fontanini , Arcivescovo d'Ancira.
Lib. III. 1736. in 4. Il avoit publié en 1706,
un Essai de cet Ouvrage , mais celui- ci est fort
augmenté et presque different. On y traite à fond
Porigine et le progrès de la Langue Italienne , et
on y trouve bien des Recherches sur l'ancienne
Langue Romana , sur l'Idiome Provençal , et sur
les anciens Romans . Le troisiéme Livre , qui fait
les deux tiers de l'Ouvrage , contient une Bibliotheque
des meilleurs Livres Italiens, sur tout
des anciens avec des Remarques pleines de
?
grands
548 MERCURE DE FRANCE
grands détails pour la connoissance des Auteurs .
et de tout ce qui regarde la Litterature Italienne.
Voici un autre Livre que je ne crois pas être
encore. connû en France. Epitome Graca Paleographia
, et de recta graci sermonis pronunciatione
Dissertatio Aut. D. Gregorio Placentinio Hieromonacho
Crypto serratensi, ordinis S.BasilüMagni,
Roma , 1735. in 4. La premiere Partie contient
un Abregé clair et méthodique de la Paleographie
Grecque du R. P. de Montfaucon ; on y
trouve , page 121. une Inscription qui aura pour
vous l'agrément de la nouveauté. Elle fut déter
rée au commencement d'Avril 1735. près de
Tusculum. Voici ce qu'elle contient.
D. M.
FANIO PRI
MITI ( a ) BO
QV I. B. (b) A. XII.
ALVMNO. IN
2
COMPARABILI
FANIVS
CORINTVS
ET SOFIAS
FECERVNT.
M. Botari , qui est Bibliothequaire du Pape er
de la Bibliotheque Corsini , Homme de mérite ,
&c. travaille à un grand Ouvrage sur Roma Subterranea
, en 2. vol . in -fol. Ce n'est point unę
nouvelle Edition du premier , comme on avoir
annoncé, mais il doit redonner toutes les figures
et antiquités de ce Livre , dont le Pape a acheté
(a) Pour Primitivo, ( b ) Bixit pour Vixit .
les
MARS. 1737: 549
les .Cuivres , avec des Explications nouvelles .
Dans un Ouvrage Latin de Guyet sur les Fêtes,
qu'on a réïmprimé depuis peu à Venise , 1. vol.
in-fol. On a mis à la fin le Traité du P. Thomassin
sur l'Ọffice Divin , traduit en Latin . Tous
les Ouvrages de ce Pere sont ici fort estimés des
Sçavans.
Le P. Sala , Feuillant , travaille à donner un
Corps de toutes les Euvres du Cardinal Bona ,
où il y aura bien du nouveau.
Vous me demandez des nouvelles de M. Assemanni
, Illustre et sçavant Maronite , pour lequel
vous vous interessez. Il y en a de toutes récentes.
Le Pape , comme vous sçavez , l'a envoyé
au Mont Liban en qualité de Nonce Apostoli-'
que , pour regler quelques differends survenus
dans l'Eglise et parmi la Nation Maronite , à
quoi il a parfaitement réussi par la tenuë d'un
Synode , qui a tout pacifié . On est ici très content
de sa gestion. On n'avoit point tenu de Synode
chés les Maronites depuis le Pontificat de
Clement VIII, mort en 1695. lequel avoit envoyé
pour le même sujet le P. Jérôme Dandini ,
Jésuite , dont on a une Relation exacte , traduite
en François , avec des Remarques ou plutôt une
Critique outrée de M. Simon.
Jacques Frey , qui a épousé la fille du fameux
Carlo Marata , passe, avec raison , pour le meil
leur Graveur de Rome ; ses Estampes sont trèsrecherchées
. Je vous en envoye la Liste imprimée
, qui contient les noms des grands Maîtres
dont il a gravé les Tableaux , avec le prix de
chaque Estampe . Il demeure toujours près l'Eglise
dite la Madona di Constantinopoli , en al-
Tant à la Place Barberine,
LETTRE
350 MERCURE DE FRANCE
LETTRE de M. Verguin , datée de
Quito, le 20. Juillet 1736.
N
Ous sommes partis , M. le 3. May de
Goyaquil , en remontant la Riviere dans
une Châte , sur laquelle nous avons resté 8. jours
pour arriver à Carracol , qui a été le 11. dudit ,
où les Mules que le Président de Quito avoit
donné,ordre qu'on tint prêtes, nous attendoients
cette Riviere est fort navigable , ses courans ne
sont pas si rapides que ceux de la Riviere de
Chagre ; on trouve tout le long des Cases d'Indiens
, dans lesquelles on peut coucher ; il y a
des Canards en quantité , des Gallipaves ( espece
de Cocqs d'Inde qui sont très- bonnes à man
ger; des plantations de Bananiers, ce qui a fait
la plus grande partie de notre nourriture ; de-
Sorte que pour toute provision , partant de Goyaquil
pour aller au Carracol , on n'auroit besoin
que d'un fusil , de poudre et de plomb
on ne manqueroit jamais de rien.
Nous avons vu au bord de ladite Riviere des
quantités prodigieuses de Caymans , qui avoient
jusqu'à 18. et 20. pieds de long et gros à proportion
; nous y avons beaucoup souffert à cause
des Maringouins , qui ne nous permettoient point
de prendre aucun repos ni la nuit ni le jour.
Le 14. May , nous avons commencé notre
marche par terre pour nous rendre à Quito avec
80. Mules de charge , ayant laissé là une grande
partie de nos Equipages et Instrumens,et trois Domestiques
pour en avoir soin,faute de Mules ; après
une heure de marche, nous avons passé à gué la
Riviere d'Oyiva 4. fois en deux minutes , et 9. fois
en moins de trois quarts d'heure. Cette Riviere
CSE
MARS. 1737.
SSE
est très-rapide , le fond en est raboteux , on y
perd très- souvent des Mules , il y avoit de l'eau
jusqu'au poitrail , le chemin a été fort mauvais
à cause des boues , nous avons campé au bord
de la Riviere pour y passer la nuit , pendant laquelle
les Maringoüins y ont fait leur dernier
effort ; on nous a assuré que nous n'en trouverions
plus , nous avons ainsi marché par des
Montagnes qui paroissoient inaccessibles , des
chemins très-mauvais , y ayant de la boue jusqu'aux
sangles des Mules , et quantité de bran
ches d'arbres qui traversoient les chemins, contre
lesquelles on se creveroit à tous momens les
yeuxpour peu qu'on n'y fit pas une grande attention
, passant par des sentiers de 7. à 8. pouces
de large , ayant d'un côté une hauteur fort roide
et de l'autre un précipice de plus de 200. toises
de profondeur , au moindre faux pas de la Mule ,
il n'y auroit pas d'espoir d'en revenir . Après
cinq jours de marche aussi pénible et couchant
à la belle étoile toutes les nuits , nous sommes
enfin arrivés le 18. dudit à Goarenda ( Pueblo ,
habité par les Indiens et quelques Familles Espagnoles
) le Corregidor est venu au-devant de
nous avec six des Principaux , à deux lieues de
distance, il nous a conduit à sa Maison de Campagne
, qui est à une petite licue de Goarenda ,
où il nous avoir fait préparer à dîner , nous
avons continué notre marche vers le Pueblo, avec
ce cortege, et à un quart de lieue de Pueblo, nous
avons rencontré une douzaine de Cavaliers qui venoient
au-devant de nous pour nous complimenfer
; ils se sont joints à nous et nous avons poursuivi
ainsi notre chemin , le long duquel le menu
Peuple avoit bordé la haye de chaque côté , et
quatre jeunes Indiens , habillés de bleu , avec une
G ceinture
552 MERCURE DE FRANCE
ceinture blanche, et un mouchoir blanc à la tête,
tenant un long bâton à la main au bout duquel
il y avoit une espece de banniere , venoient autour
de nous, faisant des cris de joye à leur mode
; à l'aproche de Pueblo , nous avons entendu
les Cloches et des especes de Trompettes , dont
ils sonnoient , nous avons été ainsi conduits à
la Maison du Roy , où loge le Corregidor , qui
nous y avoit fait préparer des Logemens ; on
avoit fait des festons de verdure autour des piliers
qui regnent le long d'une Galerie. Nous
avons bû à la glace, et pendant le soupé il y eut de
la Symphonic, composée de Harpes et de Violons .
Nous n'avions vû jusques ici de notre marche
par terre , que des Forêts , des Montagnes
inaccessibles et des lieux déserts , mais à l'endroit
où nous avons rencontré le Corregidor , nous
avons crû être dans un nouveau Monde , par
l'aspect agréable de la Campagne , étant variée
d'un côté par la verdure des bleds qui étoient
naissants , d'un autre par les Chaumes et les terres
préparées à recevoir la semence , les légumes
en fur , comme des pois , des féves , &c. des
troupeaux de Moutons, paissants sur des Côteaux ,
des Vaches et autres Bestiaux dans les savanes
des fonds et des habitations éparses d'un côté et
d'autre , nous avons commencé à sentir l'air un
peu plus froid , quoique nous fussions plus proches
de la Ligne qu'à Goayaguil , Goarenda
n'étant que par un degré 35. minutes de latitude
Sud , ce qui vient de la hauteur que le terrain a
au dessus du niveau de la Mer. Nous avons fait
pendant la route plusieurs Observations de Barometre
à differens endroits , j'aurai l'honneur
de vous en faire part lorsque je les aurai rédigées .
Le 21. à Goarenda , le Thermometre de M.
de
MARS.
553
1737.
de ... marquoit 1004. parties n'étant éloigné
du terme de la glace que de 4. parties ; pendant
notre séjour dans.ce Lieu , nous y avons
pris plusieurs hauteurs d'Etoiles , passant par le
Meridien le Corregidor a continué de nous y
régaler jusques au 21. midi trois quarts , que
nous avons poursuivi notre chemin vers Quite,
ayant changé de Mules ; le second jour de notre
départ nous avons cotoyé la Montagne de Chimborasso
, couverte de neige toute l'année , nous
y avons ressenti un froid aussi cuisant qu'au
mois de Janvier en France , étant toujours dans
la Brume , nous avons couché à la belle étoile
fort près de cette Montagne , à S. heures trois
quarts du matin , le Thermometre marquoit
loop qui est le terme de la glace , ce qui a été
-justifié par un peu d'eau qu'un Domestique avoit
laissé dans un Gobelet, laquelle cau j'ai trouvée
glacée , quoiqu'elle ne fût éloignée que d'environ
6. pieds d'un feu que nous avions fait auprès de
nous et qui avoit brulé toute la nuit.
>
Nous avons eû 8. jours de marche pour nous
rendre à Quito et passé par plusieurs Pueblo
où les Corregidors et Principaux des Lieux nous
ont comblé de politesse ; les chemins ont été assés
beaux , et nous n'y avons pas couru les mêmes
risques qu'à celui du Caracol à Goarenda.
La veille de notre arrivée M. le Président nous
a écrit , c'étoit pour sçavoir le jour de notre arrivée,,
ayant dessein de venir au-devant de nous
à cheval , accompagné des Principaux du Lieu ,
on lui a fait réponse le lendemain matin par le
même Porteur , qui ne nous avoit devancé que
d'une heure.
Le 29. May , comme nous étions à l'entrée de
Gij la
554 MERCURE DE FRANCE
Ja Ville , il est venu deux Cavaliers pour nous
dire de la part du Président et de sa Suite , d'attendre
, qu'ils alloient venir pour nous recevoir,
après les avoir remerciés, nous avons été descen
dre au Palais du Président , pour lui épargner la
peine d'en sortir, il nous a fait un fort bon accueil
et offert tout ce qui dépendoit de lui , demie heure
après , il nous a conduit au Palais Royal , où il
nous avoit destiné un logement. Je ne parle
point de l'affluence du monde qui étoit après
nous ou qui paroissoient aux fenêtres , on auroit
dit que nous n'étions pas des hommes faits comme
les autres. Nous avons été servis pendant
trois jours par les Officiers du Président , qui
nous préparoient à manger chés lui ; le Dimang
che ensuite il a donné à dîner à toute la Compagnie
chés lui ; mais point de femmes ( à l'Espagnolle
quoiqu'il en ait une fort jeune et fort
aimable.
Toute la Ville en general , le Corps de Justice
en Robes de ceremonie , et les Corps de Communautés
nous ont fait visite et offre de service,
à quoi nous avons répondu de notre mieux.
Le 11. du mois
de Juin
je suis
sorti
de Quito
pour
aller
reconnoître
le Pays
au- dessous
de la
Ligne
par le Méridien
de Quito
; et de- là à l'Est
,
et voir
s'il n'y
auroit
point
de Plaine
qui
put
nous
servir
de base
aux
Opérations
que
nous
devions
faire
J'ai
levé
la Carte
du Pays
jusques
à
environ
9.licües
au Nord
et 10. à 12.licies
à l'Est
,
avec
la position
des Montagnes
,qui nous
serviront
pour
former
les Triangles
, je n'ai
trouvé
que
la Plaine
de Pueblo
de Cayembé
, qui
aura
environ
6000.
Toises
, et que
nous
serons
forcés
de
prendie
, n'y
en ayant
pas d'autres
dans
l'inteleur
des
Terres
, le Pays
étant
fort
montagneux
.
"
Jai
MARS. 1737.
555
Pai resté douze jours dans mon voyage.
La Ville de Quito est une des plus anciennes
du Pérou , où les principaux Juges faisoient leur
résidence , elle est située dans une Vallée par les
14. minutes de Latitude Sud , et à environ 5 .
heures 21. minutes de difference au Méridien
dont elle est plus Occidentale que Paris , par
l'experience du Barometre faite à Goyaquil er
comparée à celle faite ici , la difference des hau
teurs du Mercure donne 1691. toises d'élevation
à Quito , au- dessus du niveau de la Mer ; la
Ville a environ 1200 , toises de long , sur 700 .
à 800. de large , il y a un Evêque , une Paroisse ,
des Chanoines , une Audience Royale , compo
sée du Président , de trois oydons , d'un Pro- .
cureur Fiscal ; il y a plusieurs Communautés
de Religieux ; sçavoir, les Jesuites , les Jacobins,
les Franciscains , les Augustins , les Peres de la
Mercy et trois Convens de Filles Religieuses ;
les Eglises y sont fort belles , un peu trop sur
chargées de Dorure , Sculpture et Architecture
, desorte qu'on en feroit d'un meilleur goût
en France à moindre prix , cependant elles ont
ún air riche , on y compte en tout , compris les
Indiens , environ 30000. ames. La température
de l'air y est à peu près comme le Mois de May
en France ; hors le matin et le soir qu'il fait un
peu plus de froid ici ; il y pleut depuis le mois
d'Octobre jusques au mois de May, desorte qu'on
n'a que quatre mois de l'année où le temps y
soit un peu plus sûr , quoique nous n'ayons pas
encore vû un seul jour où le Ciel ait été serein et
sans nuages , ce qui n'est gueres propre pour de's
Astronomes ; le terroir est très - fertile , en tout
temps de l'année on seme et on moissonne le Bled;
on y trouve les mêmes fruits à peu près qu'en
Gj Euroge
556 MERCURE DE FRANCE
Europé et quelques -uns de particuliers au Pays
hors des Raisins .
La longueur du Pendule simple à seconde a été
trouvée après plusieurs Experiences, de 36. pouces
6. lignes
gent
80
10
Le 23. Février , M. Frémond , Docteur Réde
la Faculté de Médecine et Professeur des
Ecoles , commença un Cours d'Anatomie dans
l'Amphitéatre des mêmes Ecoles de Médecine
rue de la Bucherie.
Le premier Mars , les Bacheliers de cette Faculté
commencerent les Dissections et Démonstrations
Anatomiques , en présence des Docteurs,
qui interrogeoient , &c. ce qui a été continué
les jours suivans .
Le sieur Jean Rudolphe Im-Hoff, Libraire à
Bâle , ayant apris que plusieurs Personnes, quoique
très- curieuses d'avoir l'Edition de l'Histoire
de M. de Thou . imprimée. à Londres en sept
volumes , en sont cependant détournées par la
cherté du prix , fait sçavoir qu'il se propose de
réïmprimer en entier cet Ouvrage par souscription
, conformément à l'Edition de Londres , en
beau papier et beaux caracteres , dont il a envoyé
le modele à Paris et chés differens Libraires
du Royaume.
Il avertit qu'il fera entrer les Notes , mises
dans l'Edition d'Angleterre , à la fin du dernier
Tome , chacune en la place convenable , selon
le Texte auquel elles auront raport . Il enrichira
aussi cette Edition d'une Table Latine - Françoise
des noms propres , comme le Public a paru la
souhaiter, et d'un plus ample détail de la Vie de
l'Auteur.
L'Ouvrage
MARS.
557 1737.
L'Ouvrage en sept Tomes, reviendra à soixante
cinq livres , argent de France. En souscrivant on
payera vingt livres. On réïterera le même payement
en recevant les trois 1ers Tomes ; et enfin
on achevera le payement de vingt - cinq livres en
recevant les quatre derniersTomes . On ne recevra
les Souscriptions que jusqu'à la fin du mois de
Mars 1737. Elles se font à Paris , chés Montalant
, Mariette et Cavelier ; à Lyon , chés les
Freres de Tourne , de Ville et Chalmette ; à Marseille
, chés Carry ; à Nancy , chés la veuve Cusson
et Antoine ; à Besançon , chés Charmet ; à
Louvain , chés Denique ; à Luxembourg , chés
Chevalier.
M. Joseph Bimard , Baron de la Bastie - Monsaleon
en Dauphiné , né à Carpentras le 6. Juin
1703. fut reçû Membre de l'Académie Royale
des Inscriptions et Belles- Lettres le 12. Février
dernier. Quoique dans un âge peu avancé,M. de
la Bastie est déja fort connu et distingué dans le
Monde Litteraire par des Ouvrages remplis d'une
belle Erudition et de Recherches curieuses.
Voici les Sujets de ceux qui sont venus à notre
connoissance .
De Vita, Rebus, Gestis , et Nummis T. DIDII
Consulis , et Gente Didia Parergon. 1. vol. in 4.
Geneva , 1730.
Deux Lettres sur l'Arc de Triomphe d'Orange
, adressées à M. de Valbonnois , P. Président,
&c. et inserées dans le Journal de Trévoux ,
Juillet et Août 1730.
M. le Président Bouhier lui ayant écrit sur une
Médaille de Valballathus , M. de la Bastie lui
répondit sçavamment . Les deux Pieces se trouvent
dans les Memoires d'Histoire et de Litterature
, T. IX, Part. I I. Giiij On
560 MERCURE DE FRANCE
ailleurs dans la Basse -Normandie , où l'on a
trouvé jusqu'à des Medailles Grecques et Pu
niques.
Les Lettres de Lisbonne , portent qu'on y
avoit apris de Guimaraens , que l'Académie des
Belles- Lettres qui y est établie , ayant proposé
des Prix pour les trois meilleurs Poemes écrits
en Vers Latins , Portugais et Castillans , qu'on
lui présenteroit sur la Naissance de l'Infante
Dona Marie- Anne- Françoise - Josephine , elle
s'étoit assemblée extraordinairement au mois de
Janvier dernier pour distribuer ces Prix ; que le
Docteur Manuël Lopes de Araujo , avoit remporté
celui de Poësie Latine ; que celui de Poësie
Portugaise avoit été donné à Don François de
Pinta de Mello , et que Don Juan Egas de Bulhoens
et Sousa , avoit eû celui de Poesie Castilane.
Après l'Assemblée dans laquelle se fit la
distribution de ces Prix, il y cut un Concert dans
la Salle de l'Académie, et le soir les Académiciens
firent tirer un magnifique Feu d'Artifice,
On a imprimé l'année derniere à Bologne ,
chés Lelio della Volpe , in 4. Bertoldo con Bertoldino
e Cacasene , in ottava rıma , con Argomenti
, Allegorie , Annotazioni e figure in rame.
Jules Cesar Croce , Maréchal de Boulogne
est l'Auteur original de ce facétieux Ouvrage. Il
vivoit sur la fin du r6e siecle ; son Livre , qui ne
contenoit d'abord que les Avantures de Bertolde
et de Bertoldin , son fils , fut augmenté dans la
suite par Camille Scaliger , qui y ajoûta celles de
Cacaseno , fils de Bertoldin , et le Peintre Joseph--
Marie Crespi , enbellit le tout de Planches gravées
, lesquelles furent extrémement recherchées
des
de
Mile
Mairer
39
ce vin vin aan
11
TI
MARS. 1737. 561
'des Curieux. Ces Planches étant usées , non - seulement
on doit aux soins de l'Imprimeur Lelio
della Volpe , d'en voir paroître à présent de
nouvelles , dessinées et gravées par Louis Mattioli
, celebre Peintre de Boulogne , mais encore
d'avoir engagé une Compagnie d'habiles gens à
mettre en Vers l'Ouvrage de Croce , et d'en avoir
donné une Edition où rien n'est épargné soit par
raport au papier et aux caracteres, soit par raport
ala beauté des Estampes , qui sont en grand
nombre.
La Suite des Portraits desGrands Hommes et des
Personnes Illustres , se continue toujours avec succès
, chés Odieuvre, Marchand d'Estampes, Quay
de l'Ecole , vis - à- vis la Samaritaine . Il vient de
mettre en vente et toujours de la même grandeur :
LOUISE FRANÇOISE DE LA BAUME
LE BLANC , Duchesse de la Valliere , morte à
Paris le 6 Juin 1710. âgée de 66. ans, moins 2.
mois , peinte par P. Mignard , et gravée par
Chaulet.
JEAN BAPTISTE LULLI , né à Florence
, mort à Paris en Mars 1687. âgé de 54. ans ,
gravé par Sornique .
AIR A BOIRE.
Après avoir tant bu de ce vin agréable ,
11 est temps , Amis , de chanter à table ,
Et vous me blâmeriez si je ne chantois pas ;
Car enfin vous pouvez bien croire
Qu'on chante mieux un Air à boire ,
Quand on a bú vingt coups dans un repas.
G vj
SPEC
562 MERCURE DE FRANCE.
L
SPECTACLES.
'Académie Royale de Musique remit
sur son Théatre le 14. de Février
l'Opera de Persée . Cette Tragédie fut reçûë
du Public avec une satisfaction ineprimable
; le succès éclatant et continu
de cette Piece fait voir tous les jours à
ceux même qui se sont le plus laissé entraîner
au charme de la nouveauté , que
ce qui est veritablement beau. ne vieillit
jamais , et rentre tôt ou tard dans
ses droits ; personne ne doit ignorer que
ce Chef d'oeuvre est sorti des mains du
plus grand Musicien et du plus célebré.
Poëte que la France ait jamais eu . On
doit encore moins ignorer que ces titres
glorieux n'apartiennent qu'à Lully et à
Quinault dont les noms ne mourront
jamais. Après un si juste éloge , il ner.
nous reste qu'à remplir nos engagemens
avec le Public , par un Extrait que nous
abregerons autant qu'il nous sera possible.
L'union de la Fortune et de la Pertu
dans la Personne du Héros de la France ,
est le sujet du Prologue. Le Théatre re-
Presente
MARS. 1737. 568
presente d'abord un simple Bocage , retraite
ordinaire de la Vertu . Les Suivan
tes de cette modeste Divinité célebrent
la douceur de ses Loix par ces Vers :
La Grandeur brillante ,,
Qui fait tant de bruit ,
N'a rien qui nous tente ;,
Le repos la fuit ,
Malheureux qui la suit..
Fortune volage ,
Laissez-nous en paix';
Vous ne donnez jamais
Qu'un pompeux esclavage ;
Tous vos biens n'ont que de faux attraits-
Dans un doux azile
Nous bornons nos voeux ;
Notre sort est tranquile ;
C'est un bien qui doit nous rendre heureux-
Le Théatre change et represente un
Brillant Palais ; ce superbe embellissement
annonce la Fortune. La Vertu est
surprise de voir que cette inconstante
Déesse , qui lui fut toujours contraire ,
vienne la chercher dans son obscure Retraite
, qu'elle prend soin d'embellir. La
Fortune lui répond qu'elle exécute les
ordres du Héros de la France ; elle s'ex-
Prime ainsi ::
Effaçons.
564 MERCURE DE FRANCE
Effaçons du passé la mémoire importune ;
J'ai toujours contre vous vainement combattu
Un Auguste Héros ordonne à la Fortune
D'être en paix avec la Vertu .
Cette Scene , à laquelle on n'avoit jamais
rendu assés de justice , a paru une
des plus ingenieuses de l'Auteur En voi
ci quelques fragmens , c'est la Vertu qui
parle à la Fortune.
Mes biens brillent moins que les votres ;
Vous trouvez tant de coeurs qui n'adorent que
vous ;
Vous les enchantez presque tous.
La Fortune lui répond :
Vous regnez sur un coeur qui vaut seul tous les
autres !
Ah ! s'il m'eut voulu suivre , il cût tout sur
monté ;
Tout trembloit , tout cédoit à l'ardeur qui l'a~
nime" ;
C'est- vous , Vertu trop magnànime,
C'est- vous qui l'avez arrêté.
Certe noble contestation entre la Ver
tu et la Fortune finit par un très - beau '
Duo qui les réunit ; en voici les Vers :
Sans cesse combattons à qui fervira mieux
Ge Héros glorieux.
Les
M-AR S.
17378 565
Les Dieux ne l'ont donné que pour le bien die
monde , & c.
Les Suivantes de la Vertu et de la For
fune chantent les mêmes Vers en Choeur.
La Fortune annonce le Sujet de la Tragédie
par ces derniers Vers , apliqués au
Héros de la France.
Que jusque dans les Jeux tout nous parlé de
lui
Les Dieux qui méditoient leur plus parfait on ™
vrage ,
Autrefois dans Persée en tracerent l'Image ,-
Jobtiendrai qu'Apollon le ranime aujourd'hui.
La Suite de la Vertu er de la Fortune
fo ment le Divertissement de ce Prologue.
Le Théatre represente au premier Aca
re une Place publique , ornée pour céle-
Brer les Jeux Junoniens Cephée , Roy
d'Ethiopie , expose le sujet de la Tragé
die par ces Vers , qu'il adresse à Cassio
pe , son Epouse.
Je crains que Junon ne refuse
D'apaiser sa haine pour nous.
Je crains , malgré nos voeux que l'affreuse Me
duse
Ne revienne servir son funesté couroux .
L'Ethiopio
566 MERCURE DE FRANCE
L'Ethiopie en vain à mes Loix est soumise
Quelle esperance m'est permise' ,
Si le Ciel contre nous veut toujours être armë g
Que me sert toute ma puissance ?
Contre ce Monstre affreux mon Peuple est sans
défense
jt
Qui le voit est soudain en rocher transformés
Et si Junon , que votre orguëil offense ,
N'arrête sa vengeance,
Je serai bientôt Roy d'un Peuple inanimé .
Cassiope acheve l'exposition par l'aveu
de son crime, et par le desir ardent qu'el
le a de le réparer ; voici comment elle
s'exprime.
Heureuse Epouse , heureuse Mere ,
Trop vaine d'un rang glorieux ,
Je n'ai pû m'empêcher d'exciter la colere
De l'Epouse du Dieu de la Terre et des Cieux
J'ai comparé ma gloire à sa gloire immortelle
La Déesse punit ma fierté criminelle ;
Mais j'efpere calmer son courroux, rigoureux.
C'est par les Jeux qu'on va célébrer
en l'honneur de Junon que Cassiope est
pere expier le crime de sa vanité. Cephée
la quitte pour aller de son côté implorer
le secours de Jupiter avec Persée , à qui
ce Souverain de tous les Dieux a dorinė
la naissance..
Cassiope
MARS. ·1737. 567
1
Cassiope fait connoître à Merope , sa
Soeur , qu'elle craint de ne pouvoir ache
ver l'hymen qu'elle avoit projetté entre
elle et Persée , attendu que ce Héros aime
Andromede ; elle l'exhorte à cacher
l'amour qu'elle a pour lui ; Merope lui
répond.
Mon Vainqueur encore aujourd'hui
Ignore de mon coeur le funeste esclavage ;
Je mourrois de honte et de rage ,
Si l'ingrat connoissoit l'amour que j'ai pour lui.
Quoique le Rôle de Merope soit purement
épisodique , et qu'il ne
et qu'il ne tienne
presque point à l'action principale , il
devient très-interessant dans la bouche
de l'Actrice qui le chante ; on avoüe généralement
que la Demoiselle Antier n'a
jamais fait tant de plaisir , que sa voix
n'a reçû aucune diminution , et que son
jeu se perfectionne tous les jours.
Après un dialogue entre Phinée et Andromede
lequel a de grandes beautés, on
vient célébrer les Jeux Junoniens , mais ,
la Déesse , à qui ils sont consacrés , n'en
est pas moins inflexible. Les Peuples,
éperdus viennent annoncer le retour
de Méduse . Ainsi ce premier Acte qui
avoit commencé par l'esperance d'un
•
SOLE
568 MERCURE DE FRANCE
sort plus heureux , finit par une cons
ternation générale .
Au second Acte , le Théatre represen
te les Jardins du Palais de Cephée : Cas
siope , Phinée et Merope ouvrent la Scene
; Cassiope fait entendre à Phinée et à
Merope que Meduse s'est retirée , mais
qu'elle peut revenir , attendu que Junon
persiste dans sa vengeance ; elle ajoûte
qu'elle n'a plus d'esperance que dans les
secours que Jupiter lui peut donner ent
faveur de Persée ; cette resolution interesse
trop Phinée , pour le laisser sans
réponse ; il reproche , paravance , à Cassiope
l'infidelité qu'on est prêt àlui faire,
Merope se joint à lui pour prier cette
Reine irrésoluë d'achever l'Hymen dont
on l'a flaté. Cephée vient ; Phinée luf
fait le même reproche qu'il vient de faire
à son Epouse; Cephée lui répond qu'on
peut céder sans honte au fils du plus
grand des Dieux , d'autant plus que ce
Héros offre de couper la tête de Meduse;
Phinée revoque en doute la Fable adoppar
le crédule Vulgaire , et quitte le
Roy en lui disant :
tée
Le succès n'est pas sûr ; souffrez que je l'at
tende ;
Souffrez que cependant mon amour se défende
D'aban
.*
569
MARS. 1737-
D'abandonner un bien si précieux ;
Persée encor n'est pas victorieux.
Quoique Merope ait autant d'amour
pour Persée , que Phinée en a pour Andromede,
ils'en faut bien qu'elle soit aussi
emportée que ce Prince ; elle s'occupe
tout entiere du péril où Persée va s'exposer
, dans le dessein qu'il a formé de
couper la tête de Meduse, pendant qu'el
le est plongée dans une douleur profonde
, Andromede vient faire connoître
dans un Monologue très pathétique et
très ingenieux l'amour dont elle brule
secretement pour le Fils de Jupiter ;
elle s'adresse ainsi aux malheureux que
Meduse vient de changer en rochers.
·
Infortunés , qu'un Monstre affreux
A changés en rochers , par ses regards terribles ,
Vous ne ressentez plus vos destins rigoureux ,
Et vos coeurs endurcis sont pour jamais pai
sibles ;
Helas les cours sensibles
Sont mille fois plus malheureur,
Ce Monologue est suivi d'une Scene
qu'on a trouvée un peu trop longue ,
quoique parfaitement bien écrite ; elle
est entre les deux généreuses Rivales
sçavoir , Andromede et Merope; elles pé
nétrent
70 MERCURE DE FRANCE
nétrent l'une et l'autre ce qui se passe
dans leurs coeurs , et comme elles doivent
également perdre Persée , elles souhaitent
toutes deux qu'il vive , fût- ce pour une
Rivale ; Merope voyant venir Persée , le
laisse avec Andromede pour n'être pas
témoin de leurs adieux .
Cette Scene est aussi ingenieuse que
pathétique ; Persée fait entendre à Andromede
qu'il est trop payé de la mort
qu'il va chercher pour elle , par le plaisir
qu'il sent à la voir ; Andromede feint
d'aimer Phinée , pour détourner sof
Amant du peril affreux où il va se livrer;
mais voyant que Persée n'en est pas moins
déterminé à se perdre pour elle , elle luk
déclare son amour par ces Vers
Voyez à quoi j'avois recours,
Pour vous ôter l'ardeur qui vous fait entre
prendre
Un combat funeste à vos jours.
Helas ! que n'ai - je pû me rendre
Indigne de votre secours !
L'Acteur et l'Actrice qui jouent cette
Scene , s'en acquittent d'une maniere à
n'y laisser rien à désirer. On n'en doit pas
être surpris en aprenant que le Sieur
Tribou et la Demoiselle Pelissier joüent ,
Pur
MARS. 1737. 571
f'un le Rôle de Persée , et l'autre celul
d'Andromede .
Après les plus tendres adieux , Mer.
cure sort des Enfers , où il est allé , par
l'ordre de Jupiter, chercher des secours
pour Persée ; il dit à ce Héros que ce
n'est pas en téméraire qu'un grand coeur
doit affronter le peril ; il ajoûte que toute
la nature s'interesse pour lui , et que
les armes qu'on va lui offrir le feront
triompher. Rien n'est si ingenieux de la
parr du Poëte que le sens allégorique
qu'il a donné aux differentes armes qu'on
aporte à Persée. Le voici :
Un Cyclope à Persée.
C'est pour vous que Vulcain de ses mains im
mortelles ,
A forgé cette épée et préparé ces aîles.
Hâtez-vous de vous signaler
Par une éclatante victoire ,
Chacun doit aller à la gloire ;
Mais un Héros y doit vôler.
Une Nymphe guerriere
Le plus vaillant Guerrier s'abuse
D'oser tout esperer de l'effort de son bras ;
Si vous voulez vaincre Meduse ,
Portez le Bouclier de la sage Pallas.
Que la valeur et la prudence ,
Quand
572 MERCURE DE FRANCE
Quand elles sont d'intelligence ,
Achevent d'exploits glorieux !
Le Monstre le plus furieux
Leur fait vainement resistance ;
La paix ne peut regner que par leur assistance ;
L'Univers leur doit son bonheur ;
Rien ne peut mieux donner un immortel hone
neur
Que la valeur et la prudence ,
Quand elles sont d'intelligence .
Une Divinité Infernale.
Ce Casque vous est presenté
Au nom du Souverain de l'Empire des Ombres à
Au milieu du peril , pour votre sûreté ,
Il répandra sur vous l'épaisse obfcurité
Qui regne en nos demeures sombres.
Ce don mysterieux doit aprendre aux Humains
Comme on peut s'assurer d'un succès favorable ;
Il faut cacher de grands desseins
Sous un secret impénétrable.
Après ces differens secours qui occasionnent
un Balet des plus brillans , Mercure
sert de guide à Persée au milieu des
airs , pour aller chercher Meduse dans
les lieux où elle fait sa demeure ordinaire.
Nous suprimerons les citations dans
les Actes suivans , pour ne pas aller audelà
MARS. 1737.
573
delà des bornes que nous nous sommes
prescrites; et nous nous en tiendrons uniquement
à ce qui regarde la Marche de
Paction théatrale .
Actes II. IV. et v. Les trois Gorgones
, sçavoir , Meduse , Eurgale et Stenone
paroissent sortant de leur Antre ; Meduse
fait connoître que c'est Pallas qui l'a
renduë aussi affreuse qu'elle étoit belle
autrefois , quand elle enflamma le coeur
de Neptune . Elle triomphe des maux
qu'elle cause à tout l'Univers , pour se
venger de cette jalouse Déesse ; ses deux
Compagnes, non moins barbares qu'elle,
la confirment dans ce funeste dessein .
Mercure vient interrompre leur cruel
entretien ; il les convie à goûter les douceurs
du sommeil ; elles y resistent longtemps
, mais le Caducée acheve ce que
la force de l'harmonie n'a fait que commencer.
Les Gorgones étant endormies ,
Mercure invite Persée à couper la tête de
Meduse ; Persée ayant executé les ordres
de Mercure , les deux autres Gorgones
veulent le tuer , pour venger la mort de
leur Soeur ; Persée devient invisible à
la faveur du Casque dont Pluton lui a
fait present. Cet Acte est le plus beau
de tous par l'excellence de la Musi-
Le de Meduse fait naître mil-.
que. sang
le
$ 74 MERCURE DE FRANCE
le monstres divers , entre lesquels sont
Chrysaor et Pegase. Mercure précipite
Euryale et Stenone dans les enfers .
:
Le quatrième Acte commence par des
chants qui se font entendre, derriere le
Théatre les Peuples aplaudissent à la
derniere victoire et à l'heureux retour
de Persée. Phinée et Merope s'abandonnent
à leur desespoir . Tout à coup la mer
s'agite ; on vient annoncer à Phinée et à
Merope que l'implacable Junon vient
d'interesser Neptune dans sa vengeance ,
que ce Dieu des Flots veut qu'Andromede
soit attachée à un rocher pour être
dévorée par un Monstre affreux . L'ordre
de Neptune est executé ; des Tritons
se saisissent d'Andromede et l'attachent
au rocher, où elle doit subir la rigueur
du sort où le Dieu des Eaux l'a destinée;,
Cette triste Victime de la vengeance de
Junon soutient son malheur avec une
constance héroïque elle ne regrette que
Persée ; ce Héros par le secours des ailes
qu'on lui a données de la part de Vulcain,
fond du milieu des airs sur le Monstre
Marin et le tuë ; cette heureuse victoire
suivie des acclamations du Peuple , donne
lieu à la Fête de cet Acte , qui a paru
le plus interessant , et par lequel on au-
Foit souhaité que la Piece cût finit.Ce vol
de
MARS. 1737. 575
de Persée , au reste , est très- hardi ; le
Héros aîlé parcourt très rapidement et
en sens contraires , diverses directions
en lignes, spirales , diagonales et perpendiculaires.
Phinée et Merope commencent le dernier
Acte ; Phinée aprend à Merope que
Junon , toûjours inflexible , lui a fait
dire par Iris qu'elle secondera sa vengeance
, et qu'il va se mettre à la tête
des Conjurés pour troubler l'Hymen de
Persée et d'Andromede ; Merope se livre
à son tour au plaisir de la vengeance ,
qui fait le seul bonheur des malheureux.
Ils se retirent à l'aproche du Grand Prêtre
qui doit unir Andromede à Persée ;
cet Hymen est troublé par la nouvelle
que Merope vient annoncer de la conspiration
de Phinée , à laquelle elle se
répent d'avoir prêté son consentement.
Phinée vient suivi d'en grand nombre
de Conjurés ; Persée le poursuit derriere
le Théatre,
Le Roy vient annoncer que Merope
a été percée d'un trait parti de la main
d'un des Conjurés ; et qu'elle a reçû une
mort qu'elle n'avoit gueres méritée ; c'est
ainsi que les Auteurs charitables tuënt
les plus innocens , pour leur égargner
une douleur pire que la mort même ;
H Perséc
576 MERCURE DE FRANCE
Persée reparoît sur la Scene, et se voyant
réduit à mettre à profit tous ses avantages
, après avoir dit à Cephée , et à tous
te sa suite de fermer les yeux ; il montre
la tête de Meduse , avec laquelle il petrifie
tous ses ennemis . Venus descend des
Cieux , elle dit que Junon est calmée
et assiste à l'Hymen de Persée et d'Ang
dromede , qui doivent être changés en
Constellations.
L'Académie continue toujours, avec un très
grand succès , cet Opera. Elle donna , par ex
traordinaire , le dernier Dimanche de Carnaval ,
et le Mardi Gras , deux Représentations de l'Europe
Galante , suivies du Divertissement de Pourceaugnac
, Piece très comique et très -convenable
pour le temps qu'on l'a donnée. Le Sieur Tribou
y a joué le principal Rolle avec de grands
aplaudissemens , et très - bien mérités du Public ,
qui ne connoissoit pas encore tous ses talens ,
Il sçavoit très bien qu'il est le plus parfait modele
de la Déclamation Lyrique dans le grand
Cothurne ; mais il ne croyoit pas, que dans le
genre comique et badin , on pût porter la précision
et la finesse de l'action aussi loin.
Les Comédiens François joüent toujours la
Comédie de l'Ecole des Amis avec beaucoup de
succès , qu'ils viennent d'interrompre cependant
par la maladie d'un Acteur.
Le 16. Mars les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Représentation d'une Piece nouvelle
en
MARS. 1737.
<77
en Prose , et en trois Actes , intitulée la Fausse
Confidence , de laquelle nous parlerons plus au
long , ayant été reçûe favorablement du Public.
Le 21. les mêmes Comédiens remirent au
Théatre la Comédie des Sauvages , Parodie d'Al
zire , dans laquelle le Sieur Riccoboni le fils ,
qui avoit quitté le Théatre l'année passée , y a
reparu au gré du Public dans le même Rolle de
Bonhomès qu'il y joüoir.
Le 26. un jeune Acteur débuta , pour la premiere
fois , dans la Comédie des Amuſemens à la
mode , et joiia le Rolle de Valet avec aplaudissement.
Le 28. le sieur Toscan nouvel Acteur , Originaire
d'Italie , débuta aussi dans la Comédie des
Amans réunis , et y joua le Rolle d'Arlequin au
gré du Public.
Le premier Mars l'Opera Comique donna
deux Pieces nouvelles d'un Acte chacune la premiere
intitulée le Rien , et l'autre l'Eclipse , précédées
du Ballet de l'Art et de la Nature , dont
on a deja parlé.
Le 13. on donna une Parodie nouvelle de
l'Opera de Persée , intitulée le Mariage en l'air ,
précédée des deux petites Pieces dont on vient
de parler. On donnera une petite Análise de
cette Parodie.
Le 21. on joua un nouveau Prologue , qui a
pour Titre l'Assemblée des Acteurs , qui a été
très goûté, il fut suivi d'une autre petite Piece
en un Acte , intitulée l'Abondance
Hij
NOU:
$78 MERCURE DE FRANCE
bath
NOUVELLES ETRANGERES,
RUSSIE,
4
Qus les Gentilshommes Russiens étang
lorsque
guerre aux Turcs , d'envoyer à l'Armée dans la
seconde Campagne leurs fils au - dessus de vingt
ans et au-dessous de vingt-cinq , S. M. Cz. a
jugé à propos d'adoucir la rigueur de cette Loy
et de permettre aux Gentilshommes de garder
un de leurs fils auprès d'eux , à condition de
fournir à la place un Cavalier armé et monté.
La Czarine a apris par des dépêches du Gouverneur
d'Asoph , que les Tartares du Cuban ,
après la victoire remportée sur eux par Donduck
Ombro et par le Prince Jefremow , avoient
mis eux-mêmes le feu à leurs habitations ; qu'ils
avoient conduit leurs vieillards , leurs femmes et
leurs enfans dans des Montagnes inaccessibles
et qu'ils s'étoient retirés ensuite sous le Canon de
Bender,
ALLEMAGNE.
N écrit de Vienne , que M. Dahlman , Ambassadeur
de l'Empereur à la Porte, a donne
avis que les trois Ministres Plénipotentiaires
nommés par le Grand Seigneur , pour regler
avec ceux de la Czarine les Conditions de la
Paix entre Sa Hautesse et S. M. Cz . étoient Aly-
Mustapha-Effendi , Grand- Tefterdar de l'Empire
Othoman , Mustapha- Effendi , l'un des Visirs
du
MARS. 1737. 573
du Banc , et Zeid - Effendi , Secretaire de la Chancellerie
, ci- devant Envoyé Extraordinaire de Sa
Hautesse en Pologne et en Suede, et que le Grand
Seigneur avoit choisi la Ville de Soroka en Mol .
davie pour le Lieu où se tiendroit le Congrès.
L'Empereur a envoyé ordre à M. Dahlman
de s'y rendre incessamment et d'employer tous
ses efforts pour procurer un accommodement
entre les deux Puissances..
Le 17. Février , P'Empereur déclara que les difficultés
qui avoient empêché jusqu'à présent que
les Troupes Françoises n'évacuassent l'Electorat
de Treves , la Ville de Philisbourg et le Fort de
Kell , étoient entierement levées.
Les derniers avis reçûs des Pays voisins de la
Moselle et du Rhin , portent , que les Troupes
Françoises qui étoient restées dans l'Electorat de
Tréves , s'en étoient retirées , et que les Garnisons
que le Roy de France tenoit dans Philis
bourg et dans Kell , en étoient sorties .
Le 27. du mois dernier , il arriva de Bender à
Vienne un Courier , qui a aporté la réponse du
Grand Visir à la Lettre que le Comte de Konigseg
lui avoit écrite . Cette Réponse porte que le
G. S. désire sincerement d'entretenir une parfaite
intelligence avec l'Empereur, qu'on ne doit point
imputer à Sa Hautesse les commencemens de la
guerre entre la Porte et la Moscovie ; que les
Moscovites ont commis les premiers Actes d'hostilité
, sur des prétextes frivoles qui ont été suffisamment
détruits , mais qu'en considération de
l'offre que fait S. M. I. de sa médiation pour
procurer un accommodement entre les deux Puissances
, le Grand Seigneur veut bien consentir à
la Paix , malgré les sujets qu'il a de se plaindre
de la Czarine, à condition cependant qu'on puis
se
58 MERCURE DE FRANCE
se parvenir à conclure un Traité dans lequel
P'honneur de la Porte ne soit point blessé.
LORRAINE.
PLEIN POUVOIR du Roy , donné
à Versailles le 13. Janvier 1737• pour
faire recevoir en son nom le Serment de
fidelité éventuel des Sujets du Duché de
Bar.
1France et de Navarre, à tous ceux qui ces
OUIs , par la grace de Dieu , Roy de
présentes Lettres verront. LALU T. Les mêmes
Traités et Conventions qui ont assuré à notre
très cher et très-amé Frere et Beaupere le Roy
de Pologne , STANISLAS Premier , la Possession
des Duchés de Lorraine et de Bar , en
ayant stipulé la réversion à Nous et à notre
Couronne en pleine souveraineté , après le décès
de notredit Frère et Beaupere , et étant nécessaire
qu'en même temps que les Commissaires de
notredit Frere le Roy de Pologne prendront en
son Nom Possession , soit du Duché de Bar, soit
aussi du Duché de Lorraine , et qu'ils recevront
pour lui le Serment actuel de ses nouveaux Sujets
, le même Serment soit prêté éventuellement
à Nous et à notre Couronne , voulant de norre
part y pourvoir sans aucun retardement . Pour
ces causes et autres bonnes considérations à ce
Nous mouvans , Nous avons choisi , commis et
nommé , choisissons , commettons et nommons
par ces Présentes signées de notre main , no
tre amé et féal Conseiller en nos Conseils
Maître de Requêtes ordinaire de notre Hôtel le
sieur de la Galaiziere , et lui avons donné et donnons
MARS. 1737. 581
nons plein Pouvoir , Commission et Mande
ment special de recevoir en notre nom le Serment
de fidelité éventuel dès Sujets , soit du Duché
de Bar , soit aussi de celui de Lorraine , et de
faire à ce sujet ce qui sera nécessaire ; voulant
qu'il agisse en cette occasion avec la même autorité
que Nous ferions et pourions faire si Nous
y étions en personne , encore qu'il y eût quelque
chose qui requît un Mandement plus spécial que
ce qui est contenu en ces Présentes. Car- tel est
notre plaisir, en témoin de quoi Nous avons fait
sceller ces Présentes . Donné à Versailles le treiziéme
jour de Janvier , l'an de grace mil sept
cent trente- sept , et de notre Regne le vingtdeux
. Signé Louis , et sur le repli , par le
Roy , Chauvelin , et scellé du grand Sceau de
cire jaune.
Lú , publié et registré en la Chambre du Con
seil et des Comptes du Duché de Bar , ensemble
les Sermens de fidelité éventuels , prêtés par les
Président et Procureur General du Roy en ladite
Chambre , oui et ce requérant ledit Procureur
General , pour y être suivis et executés selon
leur forme et teneur , et Copies envoyées
dans tous les Sieges du Ressort , pour y être pa.
reillement lûës , publiées , registrées et executées,
afin que ce soit chose notoire à un chacun les Sujers
dudit Duché de Bar . Enjoint aux Substituts
dudit Procureur General d'en certifier la Chambre
au mois , suivant l'Arrêt de ce jour. Fait en la
Chambre le huitième jour de Février mil sept
cent trente-sept . Signé Millot.
Lú , publié et affiché à son de Tambour dans tous
les Carrefours de la Ville de Bar et Lieux accoûtumés
à faire affiches et cris publics , par moi Etiense
Milavaux , demeurant à Bar , Huissier soussi-
Hiiij gné
582 MERCURE DE FRANCE
gné en ladite Chambre , cejourd'hui treize Fé♣
vrier 1737. Signé E. Milavaux .
EXTRAIT des Registres de la Chambre
du Conseil et des Comptes du Duché
de Bar.
CE
EJOURDHUY huit Février dix sept cent
trente - sept , Nous Nicolas- Joseph Baron
de Damblain , Seigneur de Remoncourt , Conseiller
d'Etat de Son Altesse Royale , et de ses
Finances , Maître des Requêtes , ordinaire de son
Hôtel,Nicolas- François Comte de Rennel, Chevalier
Seigneur de Mehoncourt , Conseiller et
Secretaire d'Etat de sadite Altesse Royale , et Jo.
seph - Charles le Febvre , Conseiller de sadite Altesse
Royale, et son Avocat General en la Chambre
des Comptes de Lorraine , Commissaires
nommés par Son Altesse Royale pour l'execution
des Articles Préliminaires arrêtés à Vienne
le trois Octobre dix - sept cent trente - cinq , entre
Sa Majesté Imperiale et Catholique , d'une
part , et Sa Majesté très - Chrétienne , d'autre ,
des Actes et Conventions des onze Avril et vingthuit
Août derniers , et de l'Acte de Cession de
S.A.R. de son Duché de Bar, donné à Vienne le
24. Septembre aussi dernier , portant que sadite
A Royale a cedé et abandonné, cede et abandonne
sous les clauses et conditions portées tant par
ledit Articles Préliminaires , que par les Conventions
mentionnées cy- dessus, pour elle et ses
Successeurs dès à présent au Serenissime Roy de
Pologne , Grand Duc de Lithuanie , STANISLAS
Premier , Beaupere de S. M. T. C. le Duché de
Bar , tant apellé Barrois mouvant que non mouvant
, Apartenances et Dépendances , soit d'ancien
MARS. 1737. 583
eien patrimoine, acquisitions ou biens allodiaux,
à quelque titre que ce puisse être , et après son
décès à S. M T. C. et à ses Successeurs Rois
de France ,en tous droits de proprieté et Souveraineté
, ainsi et de - même que sadite Altesse Royale
en a joui ou dû joüir jusqu'à présent ; Nous
nous sommes rendus en la Chambre du Conseil
et des Comptes de Bar , en vertu de nos pleins
Pouvoirs et Commissions du 20. Décembre dernier
, dont la teneur sera insérée à la fin des Présentes
, dans lequel Lieu nous avons fait convoquer
Messieurs les Président , Gonseillers , Maîtres
, Auditeurs et Gens tenans la Chambre du
Conseil et des Comptes dudit Duché de Bar ,
auxquels nous avons fait donner lecture par le
Secretaire de la Commission , de nosdits pleins
Pouvoirs, en conformité desquels nous avons , au
nom de sadite Altesse Royale , remis à S. M. T.
C. éventuellememt , et à Sa Majesté Polonoise
actuellement , le Duché de Bar et ses Dépendan
ces , ainsi qu'il étoit possedé par sadite Altesse
Royale , en conséquence avons déclaré et déclarons
au nom de S. A. R. délier et relever tous ,
les Sujets et Vassaux dudit Duché , du Serment
de fidélité auquel ils étoient attenus envers sadite
Altesse Royale , consentant qu'ils passent dès à
présent sous la Domniation et Souveraineté desdits
Sérénissimes Rois, et que Messieurs les Com .
missaires nommés de leur part prennent possession'
dudit Duché et dépendances , le tout relativement
auxdits Actes et Conventions , pour
en jouir à commencer dès cejourd'hui , aux
mêmes droits et charges dont Son Altesse Royale
en jouissoit , en conséquence de quoi Liquidation
sera faite entre les Commissaires respectifs,
des revenus échus à S. A. R. jusqu'à ce jour , de-
Hy même
584 MERCURE DE FRANCE .
même que du montant de dettes hipothequées en
capitaux , qui demeureront avec les interêts à
courir de cejourd'hui à la charge du Duché de
Bar , de tout quoi nous avons dressé le présent
Procès verbal , lequel nous avons fait enregistrer
au Greffe de la Chambre du Conseil et des Comptes
du Duché de Bar ; et de suite nous étant
transportés dans la Salle du Château , nous y
avons pareillement fait convoquer Mrs les Baillifs
de Bar , S. Mihiel , du Bassigny , Pont- à- Mousson
et Etain , auxquels nous avons fait donner
lecture , tant de nosdits pleins Pouvoirs , que
du contenu au Procès verbal cy-dessus , et en
conséquence leur avons déclaré que nous les relevions
et délions , ensemble tous les Sujets et
Vassaux desdits Bailliages , du Serment de fidelité
auxquels ils étoient attenus envers S. A. R. et
pour le notifier dans lesdits Bailliages, avons fait
remettre à chacun desdits sieurs Baillifs , Copie
collationnée du préseni Procès verbal pour le faire
publier et registrer aux Greffes desdits Bailliages,
Copies envoyées dans tous les Sieges y ressortissans
, pour y être pareillement lûës , publiées
et registrées ; Fait à Bar les jour et an susdits , en
foi de quoi nous avons signé et fait aposer le
Cachet de nos Armes. Signé Du Bois de Rio
court , de Rennel et le Febvre , et cacheté du Cacher
de leurs Armes.
F
Suit la Teneur des pleins Pouvoirs.
RANÇOIS , par la grace de Dieu , Duc de
Lorraine et de Bar , Roy de Jerusalem , Marchis
, Duc de Calabre et de Gueldres de Montferrat
et de Teschen en Silésie , Prince Souverain
Arches et Charleville , Marquis de Pont-à-
Mousson
MARS. 1737. 585
Mousson et de Nommeni , Comte de Provence ;
Vaudemont , Blamont , Zutphen , Sarwerden ,
Salm , Falkenstein , &c . A nos très - chers et
feaux les sieurs Baron Du Bois de Riocourt ,
Conseiller d'Etat et Maître des Requêtes de notre
Hôtel , le Comte de Rennel , Conseiller Secretaire
d'Etat , Joseph Charles le Febvre , Avocat
General à notre Chambre des Comptes de
Lorraine , SALUT. Les circonstances des affaires
publiques , nous ayant nécessité , malgré la
répugnance que nous avons toujours cû d'abandonner
nos fideles Sujets , dont nous et nos Ancêtres
avons éprouvé en tant d'occasions le zele
et l'attachement , d'acceder aux Articles Préliminaires
conclus à Vienne entre S. M I. et Catholique
, et S. M. T. C. le 3. Octobre 1735. au
Traité d'Execution du onze Avril de la présente
année , ensemble à la Convention du 28. Août
dernier , nous avons en conformité , par Acte
du 24. Septembre 1736. dont copie est cy join-
Be , cedé dès à présent notre Duché de Bar , au
Sérénissime Roy de Pologne, Grand Duc de Lithuanie
, Stanislas Premier , et après lui à S. M.
T. C. pour être ensuite réuni à la Couronne de
France. Et étant question en conséquence de
proceder en l'execution , tant dudit Acte de Ces
sion que dudit Traité, nous confians en votre ze-
Je,capacité et affection à notre service . Nous vous
avons nommés , commis et députés , nommons ,
commettons et députons, pour en notre Nom, remettre
aux Commissaires nommés,tant par le Sé
rénissime Roy de Pologne Stanislas Premier, que
par S.M.T.C. notre Duché de Bar , relativement
audit Acte de Cession et Traité , et aux instructions
que nous vous avons donné à cet égard ;
En conséquence vous donnons pouvoir de relever
H vi tous
586 MERCURE DE FRANCE
^
tous nos Sajets et Vassaux de notredit Duché de
Bar du Serment de fidelité auquel ils étoient atte
nus envers nous, et les renvoyer auxdits Sérénissi
mes Rois de Pologne et de Francé , qu'ils auront
à l'avenir à reconnoître pour leurs vrais et légitimes
Souverains , et generalement faire tout ce
qu'il conviendra pour l'entiere execution dudit
Acte. Autorisant même en cas de maladie , absence
ou empêchement légitime de l'un de vous,
les deux autres d'agir comme si tous trois étoient
présens ; de ce faire nous vous avons donné tout
pouvoir, commission et mandement exprès et spécial
, en foi de quoi nous avons aux Présentes signées
de notre main et contresignées par l'un de
nos Conseillers Secretaire intime , fait mettre
notre Scel secret . Donné à Vienne le vingt Décembre
mil sept cent trente six , Signé, FRANÇOIS ,
et plus bas contresigné , Toussaint , et scellé du
Scel secret de sadite Altesse Royale .
Le présent Procès verbal , ensemble les pleins
Pouvoirs y énoncés , ont été lûs et enregistrés , en
execution de l'Ordonnance de Messieurs les Commissaires
, cejourdhui huit Février 1737. et en
Leur présence , la Chambre étant assemblée. Signé,
De Rouyn et C. Millot , Greffier .
la
Les Lettres Patentes en forme d'Edit pour
prise de possession du Duché de Bar , données à
Meudon le 18. Janvier 1737. ont été imprimées
dans le Mercure de Février , page 381..
MARIAGE du Ry de Sardaigne
avec la Princesse aînée de Lorraine.
E Dimanche 3. Mars , il y eut à la Cour de
Lunevile , grande affluence de monde, toute
la Noblesse de la Province s'y étant renduë ainsi
que beaucoup d'Etrangers.
A
MARS. 1737 589
A onze heures et demie , les Princesses enten
dirent la Messe dans la Chapelle Ducale , pendant
laquelle on executa une très - belle Musique,
et à une heure et demie on servit deux Tables de
60. couverts chacune, dans deux Salles differentes
, l'une pour les Dames , l'autre pour les Ca
valiers.
A trois heures , la Cour entendit les Vêpres ,
à la fin desquelles on chanta un Motet , composé
par le fameux Desmarets, executé sous ses ordrespar
les Diles David et Mercier , premieres Musiciennes
du Concert de Nancy.
Le même jour à cinq heures, on exposa dans le
grand Cabinet de la Cour , à la curiosité du Public
, sur trois grandes tables de 40. pieds cha
cune , le Trousseau de la future Reine , qui étoit
composé , sçavoir ,
De 10. habits de Cour complets , très riches ,
f.en or et f . en argent, dont un brodé d'argent
en plein , avec les jupons et paniers richement
brodés , assortis à chaque habit.
8. habits de Ville , manteaux , jupes et jupons,,
4. en or et 4. en argent , le tout très riche et
du dernier bon goût.
6. robes de chambre , trois d'étoffes très ri
ches , et trois brodées en or et argent , avec leurs
jupons .
Il y avoit entre autres , un dessus de Toilette
de drap d'or , chargé d'une Cartisanne de même,
et bordé d'une crêpine d'or à graine d'épinars
d'un quart de haut , du poids de 130. marcs .
On exposa aussi le Linge, consistant en douze
douzaines de chemises garnies de dentelles , &c.
8. garnitures de robe de Cour , dont quelques
unes ont coûté dix mille livres piece .
12. garnitures de jour , qui sont tout ce que
Poni
388 MERCURE DE FRANCE
Fon peut voir de plus superbe en Points de Bru
elle et d'Angleterre.
12. garnitures demi jour , aussi très- magnifiques
24. garnitures de nuit , dont une pour la pre
miere nuit , est de Points d'Angleterre , très
magnifiques , avec la camisolle chamarée , et le
bas de la jupe de même.
4. Toilettes de dentelle en plein , et 4, autres
garnies seulement de leurs peignoirs et linges
assortis pour mettre sur les genoux.
24, Corsets et 24. camisolles de nuit de toille
de Hollande , garnis de dentelles , et generalement
tous les linges de garderobe et de commo
dités , en grand nombre et des plus beaux .
Le même jour 3. à 6. heures , on donna pour
Comédie la FausseAgnès, représentée par la Princesse
Charlotte et d'autres Dames et Cavaliers
de la Cour , qui executerent parfaitement bien
chacun leur Rôle , et sur tout la Princesse celui
de la fausse Agnès .
Il y eut ensuite à soupé comme à dîné , deux
tables de 60. couverts chacune et un grand Bal
après.
Le Lundi 4 la Cour étoit encore plus brillante
que le jour précédent ; te Prince de Carignan y
fit son Entrée à midy trois quarts . Il étoit précedé
du Chevalier de Serinchamp , l'un des
Chambellans de Son Altesse Royale la Duchesse
Douairiere de Lorraine, et suivi de 6.Gentilhommes
, en habits fort riches , de quatre Pages , et
d'une nombreuse Livrée , dont le fond des habits-
'est d'Ecarlatte , ornée sur toutes les tailles , les
poches et les manches , d'un galon bleu velouté
, brodé en argent en plein , avec des vestés
bleues galonnées d'argent .
M -ARS. 17376 $89
Ce Prince fat reçû à la porte de la Salle des
Gardes par M de Maxeville , Capitaine des Gardes
du Corps , et à la grande Salle , par M. de
Spada , Chevalier d'honneur de S. A. R.
•
La Marquise de Lenoncourt , premiere Dame
d'Atours , suivie de toutes les Filles d'honneur
et du reste des Dames de la Cour , s'avança jusques
dans la seconde Antichambre de l'Apartement,
pour y recevoir aussi le Prince que Madame
attendoit à la porte de son grand Cabinet,
où elle le salua , de- même que les Princesses ses
filles , après les civilités ordinaires en pareil cas,
Je Prince de Carignan suivit S. A. R. dans son
Apartement , où is restorent quelque temps ensemble
avec la Princesse aînée.
Pendant ce temps on servit , au son des Timballes
et des Trompettes , deux Tables de 80 %
couverts chacune , l'une pour les Dames , et l'autre
pour les Cava iers , dans les deux mêmes Salles,
et dès que la Cour fut à table , on cominença
une très - belle Symphonie qui dura pendant le
dîné.
La Table de S. A. R. étoit en fer à cheval
cette Princesse placée dans le centre , et en
face , avoit à sa droite la Reine future , Madame
d'Armagnac , Epouse du Prince Charles de Lorraine,
Grand Ecuyer de France, chargée de con
duire la Princesse à Turin; le Prince de Carignan
et toutes les autres Dames de suite , sans ordre
ni distinction le
pour rang.
A la gauche étoient placées la Princesse Charlotte,
la Duchesse de Richelieu , et le Prince de
Guise , et vis - à-vis S. A. R. le Prince de Craon.
A l'issue du dîné la Duchesse de Lorraine
étant retournée dans son Apartement , le Prince
de Carignan l'y accompagna , et lui fit voir les
Présens
590 MERCURE DE FRANCE
Présens dont il étoit chargé pour la future Rei
* ne ,à laquelle il les remit en même- temps ; ces
Présens consistent en une aigrette , une piece de
corps , une attache et un noeud de diamans , si
beaux et si parfaits , que S. A. R. et les Princesses
s'écrierent plusieurs fois qu'elles n'avoient ja
mais rien vû d'aussi magnifique , de si riche et
de si parfait.
A 4. heures S. A. R. et les Princesses, suivies
de toute la Cour , se rendirent dans la grande
Salle , où l'on executa une Cantate , dont le Sujet
allégorique étoit le Mariage du Roy de Sar
daigne et de la Princesse de Lorraine. La Mu
sique en fut très-aplaudie.
A 6. heures la Cour fut à la Comédie , et le
soupé fut servi dans le même ordre que le dînés
il y eut ensuite grand Bal , qui fut ouvert par là
Future Reine et par le Prince de Carignan.
Le Mardi f. la Cour fur encore plus nombreu
se que les jours précedens , les Salles étoient tellement
pleines , qu'on ne pouvoit s'y tourner.
Fous les Seigneurs et Dames étoient en habits de
Gall d'une magnificence et d'une richesse qui ne
peuvent s'exprimer . Les Officiers des Cours Sou
veraines du Parlement et de la Chambre des
Comptes y étoient aussi en Kabits de ceremonie,.
er il y avoit un si grand concours de peuple
qu'on avoit de la peine à aprocher du Palais.
A onze heures un quart le Prince de Carignan
se rendit chés S. A. R. qui le reçut sur la porte
de son Cabinet , dans lequel il resta environ un'
quart d'heure.
A onze heures et demie l'Evêque de Toul
précedé d'un Clergé nombreux , se rendit par la
Cour à la Chapelle , et à midi un quart la future
Reine descendit de son Apartement pour aller
dans
MARS. 1737.
597
dans celui de S. A. R. Cette Princesse étoit précedée
des Officiers des Gardes du Corps , et avoit
à ses côtés le Prince de Guise, à droite , et M. de
Spada , Chevalier d'honneur , à gauche.
Un demi quart d'heure après , les Officiers de
la Garde Suisse , et ceux des Gardes du Corps ,
commencerent la marche pour aller à la Chapelio,
où toute la Cour se rendit dans l'ordre suivant.
Mrs de Mouchy et Porcelet , Ecuyers , M. de
Spada , Chevalier d'honneur , précedoient la Duchesse
de Lorraine ; la Princesse Charlotte , sa
fille , conduite par le Prince de Guise , qui étoit
suivi de Mrs Duhan et de Ludres , Chambellans
de S. A. K. après lesquels vint la future Reine ,
vétuë d'un habit de Cour d'un drap d'argent ,
brodé de - même en pelin , chargé de pierreries ;
elle étoit conduite par le Prince de Carignan ,
Premier Prince du Sang de la Maison de Savoye
, représentant le Roy de Sardaigne ) qui
lui donnoit la main , et la queue de l'habit de la
Princesse étoit portée par la Marquise de Lenoncour
, Dame d'atours.
Après la fucure Reine , marchoit la Princesse
d'Armagnac , conduite par un de ses Gentilshommes
, et après cette Princesse suivoient deux
Filles d'honneur en habits de Cour.
: La Duchesse de Richelieu marchoit ensuite ,
conduite par son Ecuyer , et suivie de toutes les
Filles d'honneur et Dames de la Cour , toutes superbement
vétuës ; le Prince de Craon , Grand- 、
Ecuyer , le Maréchal d'Hunolstein , M. de Lenoncourt
, et M. de Vidampierre , fermoient la
marche .
La future Reine et le Prince de Carignan ,
dont l'habit se faisoit remarquer par le goût et
la richesse , se mirent à genoux sur un marche
picd
592 MERCURE DE FRANCE
pied en face de l'Autel , et à la gauche dúquel
étoit un autre marche- pied pour S. A. R. et pour
la Princesse caderte . Au - dessus étoit le Prince de
Guise , et au dessous la Princesse d'Armagnac
et la Duchesse de Richelieu .
Tout le monde placé , l'Evêque de Toul , qui
étoit à l'Autel , ouvrit la Cerémonie par un petit
Discours sur la génerosisé et la tendresse de
5. A. R. sur les grandes qualités du Roy de Sardaigne
, et sur celles de la Princesse future Reine .
On fit ensuite la Céremonie des Fiançailles , après
laquelle les Fiancés retournés à leurs places ,
le Prélat Officiant fit un autre Discours encore
plus Apostolique que le premier , et avec toute
P'onction qu'exige une Ceremonie Chrétienne
après quoi les Fiancés retournerent à l'Autel pour
y recevoir la Benediction du Mariage .
;
A l'instant on entonna le Te Deum en Musique
de la composition de M. Desmarets , qui fur
parfaitement executé. Pendant le Te Deum , l'Evêque
célebra la Messe , et les Epoux allerent
comme les Particuliers , à l'Autel pour y rece
voir le baiser de paix et se mirent sous le Poële,
tenu par les Princes de Guise et de Craon.
Pendant la Céremonie , differens mouvemens
de joye et de tristesse parurent sur le visage de
la Princesse , qui ne diminuerent rien des graces
et de la majesté avec laquelle elle soutint toute
la Céremonie.
Après la Messe , la Reine , conduite par le
Marquis de Spada , alla derriere l'Autel , où l'on
signa sur le Registre des Mariages ; les Témoins
étoient les Princes cy- dessus nommés , et Mrs de
Vidampierre , d'Hunolstein et de Spada.
Enfin , la Cour retourna aux Apartemens dans
le même ordre qu'elle en étoit sortie ,
L'exception
MARS.
1737 593
l'exception neanmoins que la Reine précedoir
S. A. R. sa Mere.
S. M. conduite par le Prince de Carignan ,
entra dans le grand Cabinet , où l'on avoit préparé
un Trône , sur lequel elle s'assit , ayant
derriere elle Madame d'Armagnac à droite , et
Madame de Richelieu à gauche.
Le Prince de Carignan rendit alors ses hommages
à la Reine de Sardaigne , et les autres Princes
et Princesses en firent autant ; M. Alliot , Maître
des Céremonies , introduisit le Comte le Be
gue , qui complimenta la Reine en qualité d'Envoyé
Extraordinaire de la part de S. A. R. de
Lorraine. 3
Le Parlement , la Chambre des Comptes , le
Supérieur des Antonistes , l'Evêque de Toul er
son Clergé , complimenterent aussi , les uns
après les autres , S. M. qui leur fit à tous de
très-gracieuses réponses.
Cette ceremonie faite , S. M. alla changer d'habits
dans son Apartement , et dîna à trois heu
res au petit couvert , dans la Salle de la Machine
, avec S. A. R. les Princes et Princesses , au
nombre de huit , et soupa de même.
Le Prince de Carignan donna à l'Evêque de
Toul , de la part du Roy de Sardaigne , une
Croix Episcopale de Pierreries d'un prix consi
derable.
ADDITION
394 MERCURE DE FRANCE
ADDITION
Aux Nouvelles Etrangeres.
LETTRE écrite de Constantinople
le 25. Octobre 1736.
Na tant parlé , et si diversement , Mona
sieur,de Porigine de Thamas - Kouly- Kan ,
et du Pays où il a pris naissance , que j'ai cru
vous faire plaisir de vous informer de ce qu'on
en a apris ici de la propre bouche d'un Marchand
Arménien , venu nouvellement de Tifflis,
qui a connu personne Hement ce Conquerant ,
même pendant les premieres années de sa vie. ( ~)
>
Voilà , Monsieut , tout ce qu'a raporté le
Marchand Arménien ; j'ai cru devoir mettre à
la suite de sa Relation la Copie d'une Lettre arrivée
aujourd'hui de Perse , qui poura servir à
rectifier ce qui n'est pas exactement vrai dans
cette même Relation. Il y a lieu de croire que
Schah- Thamas n'est pas mort , comme le bruit
en avoit fort couru.
COPIE d'une Lettre écrite de Kelakane
près de Chamakié le 3. Fuillet 1736.
L
E nouveau Roy de Perse a fait transporter
lés Habitans de Chamakié à une nouveHe
Ville qu'il a fait bâtir à 4. ou 5. lieuës d'ici
f a ) La Relation Historique sur l'Origine et la
Vie de Thamas- Kouly - Kan , contenuës dans cette
Lettre , est imprimée dans le Mercure de Décembre
dernier , tom. 1. page 2759.
dans
MARS. 1737. 595
dans un endroit nommé Aghson ; non content
de cela , il a fait démenteler la Ville de Chamakié
, il l'a fait détruire pour la plus grande par
ie , et même y mettre le feu ; l'on ne peut pas
pénétrer les raisons qui ont porté Thamas-
Kouly- Kan à détruire cette Ville qui étoit trèsconsiderable
, grande , bien peuplée , fort marchande
, et abondante en toutes choses ; à l'arrivée
de Thamas - Kouly - Kan la Ville se rendit
sans coup ferir ; on alla au devant de lui , et on
lui donna ensuite tout ce qu'il demanda : outre
cela la situation de l'ancienne Chamakié vaut
mieux , sans comparaison , que celle de la nouvelle
Ville , qui est dans une plaine où les cha
leurs sont insuportables et les eaux mauvaises
et en petite quantité ; d'ailleurs , au cas qu'il
survint des ennemis , il seroit beaucoup plus aisé
de se défendre dans la vieille Ville que dans
la nouvelle .
Thamas Kouly-Kan a donné un emplacement
aux Peres Jesuites dans cette nouvelle Ville.
Il n'y a rien de nouveau ici , sinon qu'on assure
qu'un Officier Persien de consideration
que Thamas- Kouly Kan , après son Couron
nement , ayoit envoyé avec ordre d'aveugler le
Roy de Perse dans sa prison , loin d'executer
les ordres de Thamas- Kouly Kan, a tiré le Roy
de sa prison , lequel , dit - on , rassemble des
Troupes pour tâcher de faire tête à Thamas-
Kouly-Kan , qui est actuellement à Casbin avec
son Armée. Je suis , &c.
AUTRE Lettre de Constantinople du 4.
Fanvier 1737.
Près la conclusion de la paix entre les Turcs
deur de Thamas- Kouly- Kan plusieurs Fêtes ,
tant
596 MERCURE DE FRANCE
>
tant par le Kaimakan que par les autres Mi
nistres de la Porte dans diverses Maisons de
Plaisance du Canal de la Mer Noire , et des environs
de Constantinople. Il eut le 16 Octobre
dernier son Audience de Congé du Grand Seigneur
, et le 10. Novembre celle du Kaïmakan ,
et fit le 14 sa Sortie de Constantinople sur deux
Galeres, qui furent saluées , en traversant le Port
par le Canon de la Douane de Constantinople ,
de Galata , de Tophana , et de la Tour de Leandre
, qui le conduisirent à Sentary , d'où il se
mit en marche pour retourner en Perse.
Le 24. du même mois de Novembre , cet Am→
bassadeur envoya , avant son départ , son Kiaya
et son Secretaire faire compliment à M. l'Ambassadeur
de France , lui offrir ses services en
Perse , et l'assurer qu'il entretiendroit , lorsqu'll
y seroit arrivé , Thamas- Kouly- Kan dans les
sentimens favorables qu'il avoit naturellement
pour la Nation Françoise . Son Excellence reçût
ces Officiers avec les cérémonies usitées parmi
les Orientaux , et leur fit voir les Jardins et les
differens Apartemens du Palais de France , dont
ils parurent satisfaits ; ils le furent encore plus à
Ja vûë d'un Portrait du Roy en Estampe , gravé
par M. Simonneau , d'après le Tableau de Mrs
Vanloo et Parossel ; ils prierent avec beaucoup
d'instance M. l'Ambassadeur de la leur donner
en l'assûrant qu'ils ne pouroient faire un present
plus agréable à leur Souverain, et son Excellence
la leur fit remettre sur le champ.
Le Grand Seigneur a envoyé en Perse le Buyuk
Ibrahor , ou Grand Ecuyer , en qualité d'Ambassadeur
; Sa Hautesse envoye par lui à Tha
mas-Kouly Kan les presens suivans.
Une Pelisse fourrée de Renard noir , avec des
Agraffes
MARS. 1737.
597
Agraffes de Diamans , estimée quarante mille
Piastres , un Sabre garni de Pierreries .
Un Cheval dont les Harnois sont enrichis de
Diamans et autres Pierreries précieuses.
On a aussi remis à cet Ambassadeur soixante
Plats d'or , garnis de Pierreries , tirés du Tresor
du Grand Seigneur , pour s'en servir dans le repas
de Cérémonie , que l'on croit qu'il pouroit
donner au Roy de Perse , mais qu'il a ordre de
raporter lorsqu'il reviendra .
Dgianum Codgia , Capitan Pacha , arriva ici,
le 5. Octobre avec toute sa Flotte ; il fut dé➡
posé dans le moment , et envoyé à Kutaya dans
la Natolie , où il est encore détenu comme prisonnier
d'Etat, on dit cependant qu'on pouroit bien
Ji donner quelque Gouvernement ; c'est de quoi
le temps nous eclaircira . Sa place de Capitan
Pacha fut remplie quelques jours après par Laz
Capitan , qui a commandé autrefois les Forces
Maritimes d'Alger ; c'étoit un homme fort âgé
et extremément cassé , et qui vient de mourir
dans le moment ; on ne sçait encore à qui cette
Charge sera donnée. M. l'Ambassadeur de Fran
ce avoit fait sa visite de Cerémonie à ce Capitan
Pacha le 24. Octobre.
M. Dalhman, Ambassadeur- Plenipotentiaire de
l'Empereur , eut le 18 Octobre son Audience du
Kaimakan , et le 30 , celle du Grand Seigneur ,
il partit d'ici le 21. Décembre pour se rendre
au Camp du Grand Visir ; Madame son Epouse
a dû se séparer de lui à Andrinople , et prendre
la route de Vienne.
Le 22
Novembre
quatre
Vaisseaux
de Guerre
du Grand Seigneur , construits à Metelin, entrerent
dans le Port de Constantinople .
Le 8. Décembre M. l'Ambassadeur de Fran
398 MERCURE DE FRANCE
ce eut une Audience du Kaïmakan.
Le 17. Messieurs les Barons de Hopken et
Calson furent aussi admis à l'Audience du Kaimakan
, en qualité de Ministres Plenipotentiaires
de Suede , et le premier de ce mois à celle du
Grand Seigneur.
Le 23. il y eut une incendie assés considera
ble à Saint Dimitré , Village contigu aux Fauxbourgs
de Constantinople.
Le 31. une Salve du Canon du Serrail an
nonça les avantages que le nouveau Kan des
Tartares , à la tête d'une Armée de soooo . hommes
, a remportés en Ukraine , où l'on prétend
qu'il a brulé cinq ou six Villes, ravagé la Campagne
, et enlevé plus de 20000. personnes de tour
Sexe.
Il a été donné ordre à tous ceux qui ont des
Timars , Ziamets et Solde du Grand Seigneur
de se rendre au Camp du Grand Visir dans tout
le courant du mois de Mars prochain , sous pei
ne d'être privés de leurs Timars , &c.
Le Grand Visir est toujours campé à Babada.
La dissenterie qui s'est mise parmi ses Trou !
pes y cause une grande mortalité ; on dit même
que la contagion est dans le Camp.
M. de Visnakoff , Resident de Russie , qui
avoit suivi l'Armée Turque , a eu la permission:
de retourner à Petersbourg , et il est actuelle
ment en route pour s'y rendre.
Le Reys Effendy s'est demis volontairement
de sa Charge , et a accepté celle de Nitchangi ,
quoique beaucoup inferieure à l'autre , le Beyli
kchi , ou Vice- Chancelier , a été nommé Reys
Effendy,
FRANCE
MARS. 1737. 599
***************
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
E 6. de ce mois , le Roy entendit la Messe
dans la Chapelle du Château de Versailles ,
après avoir reçû les Cendres des mains du Cardinal
de Rohan , Grand Aumônier de France.
La Reine reçût les Cendres des mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Premier Aumônier ,
et S. M. assista ensuite à la Messe dans la même
Chapelle.
Le même jour le Roy prit le deüil pour la
mort de l'Evêque d'Ausbourg , que S. M. quitta
le 14.
Le 2. Mars le Cadrihal de Rohan posa la premiere
Pierre du Sanctuaire de la nouvelle Eglise
des Benedictines du Cherche-Midi , Fauxbourg
S. Germain , au son des Trompettes et des
Tmballes. Ce Cardinal , neveu de défunte Madame
de Rohan , Abbesse de Malnouë , Fondatrice
et premiere Prieure de cette Maison , donna
en cette occasion des marques éclatantes de
sa générosité , et fut reçû dans ce Monastere.
par l'Abbé Lebeuf , Chapellain de la Chapelle
er Oratoire du Roy , Superieur de cette Communauté,
Le ro. de ce mois , premier Dimanche de
Carême , le Roy et la Reine entendirent dans
la Chapelle du Château de Versailles la Messe
chantée par la Musique. Pendant la Messe du
I Roy
600 MERCURE
DE FRANCE
Roy , l'Evêque de Castres prêta serment de fidelité
entre les mains de S. M.
L'après midi , le Roy , accompagné
du Duc d'Orleans , du Prince de Dómbes et du Comte
d'Eu , assista , dans la même Chapelle , au Sermon
du P. Julien , Religieux
Recolet. Le 19. l'Evêque , Comte de Châlons , Pair de France , fut reçû au Parlement
, et y prit séan- ce avec les cérémonies
accoutumées
.
dans
Le 24. de ce mois , troisiéme
Dimanche
du
Carême , le Roy et la Reine entendirent
, la Chapelle du Château de Versailles
, la Messe, qui fut chantée par la Musique ; l'après- midi , le Roy , accompagné
du Prince de Dombes
et du Comte d'Eu , entendit le Sermon du Pere
Julien. Le 25. Fête de l'Annonciation
de la Sainte
Vierge , le Roy entendit dans la même Chapel- le , la Messe et les Vêpres , qui furent chantées
par la Musique. L'après midi, le Roy , accom- pagné du Duc d'Orleans et du Comte d'Eu , as- sista au Sermon du même Prédicateur
, et S. M ,
l'entendit le 28.
Le 25. la Reine communia dans la Chapelle
du Château , par les mains du Cardinal de Fleury
, son Grand Aumônier.
Le Marquis de Boufflers , Capitaine dans le
Regiment de Dragons d'Harcourt , a été nom- mé par le Roy Mestre de Camp Lieutenant du
Regiment de Dragons d'Orleans . Le 24. de ce mois , l'Evêque d'Uzés fut sacré
dans la Chapelle de l'Archevêché
par l'Archevêque
de Paris, assisté des Evêques de Châlons sur
Marne , et de Castres .
Le 4. Mars on fit chanter au Concert de la
Reine
MARS. 1737. 6c1
Reine ; le Prologue et le premier Acte d'Amadis
de Grece , de la composition de M. Destouches,
Surintendant de la Musique du Roy . On continua
de concerter le même Opera le 9. & le 11 .
Le 16. la Reine entendit le Prologue , et deux
Entrées du Ballet des Romans , intitulées la Feerie
et la Chevalerie , et le 18 on chanta les deux
autres , le Merveilleux et la Bergerie , la Musique
de ce Ballet , qui est de M. Niel , fut executée
avec beaucoup de précision , et reçût des aplaudissemens
, ainsi que le Poëme , dont l'Auteur
ne s'est pas fait connoître.
Le 23. et le 30. on chanta l'Opera de Jephté ,
dont le Poëme est de M. l'Abbé Pellegrin , et la
Musique de M. de Monteclair. Cet Ouvrage
reçoit toujours , sans variation , les louanges
qu'il a mérité à si bon titre , dès qu'il a paru
sur la Scene.
Le 25. Fête de l'Annonciation de la Vierge,
on chanta au Concert Spirituel du Château des
Tuilleries le Nisi Dominus , Motet de M. de la
Lande , qui fut suivi d'un très beau Concerto du
Sieur le Clair , après lequel on executa un Motet
à grand Choeur de M. de Blamont , Surintendant
de la Musique du Rey, il fut suivi d'un
petit Motet , à voix seule , du Sicur du Bousset ;
Te Concert fut terminé par le Motet Exultate
justi de M. de la Lande , précédé de plusieurs
Pieces de Simphonies , executées par les Sieurs
Guignon et Blavet , et d'un Air Italien.
Le 5. Mars Les Comédiens François representerent
à la Cour l'Andrienne et Crispin , Médecin.
Lé 7. Alzire , et l'Eté des Coquettes .
Le 12. Le Jaloux désabusé , et l'Esprit de Contradiction.
I ij
Le 14
602 MERCURE DE FRANCE
Le 14. Gustave , et la Surprise de l'Amour.
Le 19.L'Avare , et la Métamorphose amoureuse,
Le 11. Polyeucte , et l'Aveugle Clairvoyant.
Le 26. Les Bourgeoises à la mode, et le Mariage
fait et rompu.
Le 18. Héraclius , et le Deüil.
Le 13. Mars , les Comédiens Italiens repre
senterent à la Cour la Comédie des Quatre Sem-
Hables , et celle des Billets Doux.
Le 20. La Piece nouvelle de la Fausse Confi
dence , et le Bouquet.
;
Le 27. Les Amusemens à la Mode, les Débuts,
et la Parodie du Joueur et de la Femme Bigote
le Nouvel Acteur joüa le Rôle de Valet dans la
premiere Piece.
Promotion faite dans l'Ordre Royal et
Militaire de S. Louis.
2 . Grands Croix, Joseph de Mesmes , Marquis
de Ravignan, Lieutenant Général des Armées du
Roy , du 8. Mars 1718. Directeur Général
d'Infanterie , du 4. Juillet 1719. et Gouverneur
de Guise , du mois de Septembre 1736. Il étoit
Commandeur de l'Ordre du 20. Avril 1719 .
Pons de Rosset , Chevalier de Rocozel , Com
mandeur de cet Ordre du 14. May 1732 , Lieutenant
Général des Armées du Roy, du premier
Août 1734. et Lieutenant Général au Gouver
nement de la Province de Roussillon et Cerdaigne,
et Gouverneur de Montlouis , du mois d'Avril
1736. Il est parlé de lui dans le Mercure de
Décembre 1734. vol . 1. p. 2730. à l'occafion de
sa Promotion au grade de Lieutenant Général.
5. Commandeurs ..... de Quadt , Mestre de
Camp du Regiment Royal - Allemand Cavale
rie
MARS. 1737 603
die , depuis 1713. Lieutenant Général des Armées
du Roy , du premier Octobre 1718. et Gouver
neur de la Citadelle de Marseille , du mois
d'Août 1734.
Jean - François de Creil , Marquis de Nancré ,
Seigneur de Soisy et de Chemault , Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Grenadiers à
Cheval de la Garde du Roy , du 17. Septembre
1730 ct Maréchal de Camp de ses Armées , du
20. Février 1734 auparavant Colonel du Regi
ment de Bassigny Infanterie .
André Jean Lalouette de Vernicourt , Maréchal
de Camp de la Promotion du premier Août
1734. déclarée le 20. Octobre suivant , ci - devant
Inspecteur de Cavalerie.
de Contade , Brigadier des Armées
du Roi , du 18. Octobre 1734. ci- devant Maréchal
General des Logis de l'Armée d'Italie ,
dans la derniere guerre.
...... de Kleinholtt , Brigadier des Armées
du Roy, du 18 Février 1719 ci- devant Lieutenant-
Colonel du Regiment de Dragons d'Orleans,
et ensuite Capitaine- Commandant d'une Compagnie
franche de Dragons pendant la derniere
guerre.
Le Carnaval a été fort célébré cette année à
Paris , et avec unordre et une tranquillité admirable
, la nuit et le jour , malgré la multitu
de , et la gayeté permise et autorisée alors. Le
concours des Carosses et des Masques a été prodigieux
au Fauxbourg Saint Antoine . On n'avoit
point vú, depuis long - temps , tant d'assemblées
de Jeux , de Concerts, de Festins , de Bals :
Tous les Spectacles ont été remplis , et la joye
a éte universelle , sans qu'on ait entendu parler
kiųj d'aucun
604 MERCURE DE FRANCE
d'aucun accident fâcheux . Les Bals publics qu'on
donne dans la Salle de l'Opera , n'ont jamais été
si frequentés ; on y a vû même des Masques de
la plus haute distinction.
On a apris de Naples que l'ouverture du Carnaval
s'y fit le 14. du mois dernier à la Cour
par un Bal , qui fut aussi magnifique par la décoration
de la Salle , que par la diversité des
habits de Masques . Dès que le Roy fut entre
dans la Salle , la Simphonie , composée de deux
Bandes de Musiciens , chacune de vingt -six , tous
habillés de couleur de rose , commença à jouer
quelques Concerto , après lesquels le Roy ouvrit
le Bal avec la Marquise de Solera . Cette
Dame alla prendre ensuite le Marquis de
Puisieux , Ambassadeur de France en cette
Cour , lequel prit la Princesse de Stigliano. S.
M. dansa le quatriéme menuet avec la File du
Comte de San Istevan , et le Bal dura jusqu'à
deux heures du matin. Le 17. le 21. et le 24. il
y eut Bal à la Cour , et le Roy ne fit inviter à
chacun que quatorze Dames & leurs Epoux
mais on y laissa entrer les Personnes de distinction
qui s'y presenterent en habits de Masques.
A tous les Bals que le Roy a donné , non seulement
il y avoit dans plusieurs Salles voisines de
celle où l'on dansoit , des Tables sur lesquelles
étoient des rafraîchissemens de toute espece ,
anais encore on avoit dressé dans une Chambre
particuliere une Toilette garnie de Gans , de
Rubans , d'Eventails, et de plusieurs autres ajustemens.
MORTS
MARS. 17378 605
MORTS , NAISSANCES ,
& Mariages.
L
A nommée Marguerite Gravet est morte à
Sommereux en Picardie , dans la roseannée
de son âge.
Le 14. Janvier, Joseph- René Imperiali , Genois
, Cardinal de l'Eglise Romaine , premier
Prêtre du Titre de S. Laurent in Lucina , Prefet
des Congrégations du bon Gouvernement, et de
la Discipline réguliere, Membre de la plus grande
Partie des autres Congrégations , Protecteur
du Royaume d'Irlande , de la Religion de Saint
Jean de ferusalem , de tout l'Ordre de S. Augustin
, de la Congrégation du Mont- Vierge ,
du College Germanique Hongrois , de l'Acadé
mie des Ecclesiastiques Nobles du College Apostolique
des Piêtres , des Religieuses de la Pénitence
, et de plusieurs autres Communautés et
Eglises de Rome, mourut âgé de 85. ans 8. mois
Avril 1651 .
15. jours , étant né à Gencs le 29.
et de Cardinalat 46. ans 11. mois . et 1. jour ,
ayant été élevé à la Pourpre par le Pape Alexandre
VIII. le 13. Février 1690. Il étoit alors
Trésorier Général de la Chambre Apostolique ,
et avoit été auparavant Général des Monnoies.
Le 10. Avril de la même anaće 1690. il fut déclaré
Legat de Feriare . Le feu Pape Clement
XI. le nomma le 14. Octobre 1711. son Legat
à Latere pour aller complimenter l'Empereur
regnant à son passage à Milan , ce qu'il executa
le 8. Novembre suivant. Le Cardinal Imperiali
I j quitta 4
606 MERCURE DE FRANCE
>
quitta son Titre de Diacre de S. Georges in Ve-
Tabro , et opta celui de premier Prêtre de S. Lau-
Jent in Lucina le 20 Janvier 1927. Dans le Conclave
de 1730. il ne lui manqua le 21. Mars
qu'une voix pour être élû Pape . Mais comme
son Parti augmentoit de jour en jour , le Cardinal
Bentivoglio , Ministre d'Espagne , lui donna
ouvertement l'exclusion de la part de cette
Couronne. Ce Cardinal a été fort regretté à cause
de ses belles qualités , et des grandes aumônes
qu'il faisoit aux Pauvres , auxquels il ordonna
en mourant , qu'on distribuât 8000. écus. Son
Corps fut porté le 16. au soir en l'Eglise de S.
Augustin , où le 17. ses obseques furent célé→
brées dans la matinée avec l'assistance de vington
Cardinaux et de toute la Prélature Romaine ,
er le soir il y fut inhumé. Le défunt, par son Testament
Olographe , a institué Héritier universel
le Prince de Francavilla Imperiali , son Neveu
, et a nommé ses Executeurs Testamentaires
Je Cardinal Spinelli , aussi son Neveu , Archevêque
de Naples , le Cardinal Georges Spinola ,
et le Prelat Valenti. Il fait des legs et pensions
à tous ses Officiers et Domestiques , et il ordonne
aussi , par son Testament , à son Héritier
institué d'acheter un Palais à Rome , pour y
placer , à l'usage du Public , sa Bibliotheque , qui
a éré commencée par Laurent Imperiali , Cardinal
, son Oncle mort en 1673. et pour l'Augmentation
de laquelle il laisse aussi un fond considerable.
Le 17. le Pape disposa des Places vacantes par
la mort du Cardinal Imperiali . Il nomma Prefet
de la Congrégation de la Discipline Réguliere
, et Protecteur du College Apostolique des
Prêtres des Religieuses de la Pénitence , Jean- Antoine
MARS. 1737. 607
toine Guadagni , Cardinal , son Neveu.
Prefet de la Congrégation du bon Gouverne
ment , Dominique Riviera , Cardinal
Protecteur de l'Académie des Ecclesiastiques
Nobles , Leandre Porzia , Cardinal.
Protecteur de tout l'Ordre de S. Augustin ,
Joseph Firrao , Cardinal."
Protecteur de la Congrégation du Mont-Vier
ge . Marcel Passeri , Cardinal .
Protecteur du College Germanique- Hongrois ,
Barthelemi Ruspoli , Cardinal.
Protecteur du Royaume d'Irlande, Neri- Ma
tie Corsini , Cardinal , Neveu de S. S.
Le 19. Janvier Jacques de Montagnac , Chevalier
de l'Ordre de N. D. du Mont - Carmel , er
de S. Lazare de Jerusalem , dans lequel il a été
reçû le 2. Février 1720. Consul Général de la
Nation Françoise en Portugal , et chargé des
affaires de S. M. Très Ch . auprès de S.M. Port.
mourut à Lisbonne à l'âge de 62. ans. Il a été
inhumé dans l'Eglise de S. Louis de la Nation
Françoise .
Le 4. Février , Guillaume Wake , Archevêque
de Canterbury , Primat , et Métropolitain
de toute l'Angleterre , mourut à son Palais de
Lambeth , près de la Ville de Londres , âgé de
79. ans , presque accomplis , étant né le 6. Février
1658. Ce Prélat , qui étoit en grande vénération
en Angleterre , étoit fils d'un Gentithomme
, qui possedoit un bien d'environ 5oo.
livres Sterlings de rente. Il fut envoïé en 1671.
dans l'Université d'Oxford , où il fut reçû Docteur
en Théologie en 1680. Ensuite son frere
aíné étant mort , son pere le rapella auprès de
lui, et lui ayant fait entendre qu'il avoit un bien
assés considérable à lui laisser , il voulut l'enga
I v g
608 MERCURE DE FRANCE
ger à quiter l'Etat Ecclesiastique , et à se rendre
à la campagne pour y vivre en Gentilhomme
mais n'ayant pû le déterminer à prendre ce parti
, il résolut de l'en faire repentir en le deshéritant.
Il envoya , sur le champ , chercher un Notaire
pour changer son Testament , mais il perdit
la parole avant l'arrivée du Notaire , et mourut
peu de temps après , ensorte que son Fils
succeda à ses biens , qui lui apartenoient de droit.
C'est ce que portent les Lettres de Londres
qui annoncent la mort de ce Prélat. Quoiqu'il
en soit , il fut nommé , au mois d'Avril 1705.
à l'Evêché de Lincoln , d'où il fut transferé par
le feu Roi Georges I. sur le Siége de Canterbury
au mois de Décembre 1715. On loue son
grand zéle pour l'interêt de la Religion , pour
l'avancement de laquelle il envoyoit annuellement
des sommes considérables , non seulement
dans les Pays Protestans , mais inême dans les
Pays Catholiques , et jusques dans la Russie
l'Asie et la Grece . On ajoûte que , nonobstant
toutes ses grandes charités , il est mort riche de
plus de 1ococo.Sterlings. Son Corps et celui de
feuë sa Femme , morte en 1731. après avoir été
exhumé de l'Eglise de Lambeth , ont été transportés
à Croydon dans le Comté de Surrey, pour
y être inhumés l'un auprès de l'autre.
Le 10. Février , le Docteur Potter , Evêque
d'Oxford , qui passe pour un des plus sçavans
Prélats d'Angleterre , et dont on loue la grande
pieté , fut déclaré dans un Conseil tenu au Palais
de S. James Archevêque de Carterbury.
3. Et le Docteur Cony bear fut nommé pour son
Successeur à l'Evêché d'Oxford.
a . Le 9. Georges Hamilton , Comte d'Orkney ,
(crée le 3. janvier 1696, ) l'un des 16. Pairs
d'Ecosse
MARS. 1737. 609
d'Ecosse, ayant séance au Parlement de la Grande
Bretagne , Gouverneur de la Virginie , Connétable
, Gouverneur et Capitaine du Château
d'Edimbourg, Chevalier de l'Ordre du Chardon ,
Lord- Lieutenant du Comité de Chydesdale , un
des deux Maréchaux de Camp Généraux de
toutes les Troupes du Roy, de la Grande Bretagne
, tant Cavalerie qu'Infanterie , et Colonel
d'un Regiment d'Infanterie , mourut à Londres,
âgé de 70. ans. C'étoit un Général fort experimenté
, et très- connu par ses grands exploits ,
s'étant glorieusement distingué dans plusieurs
Batailles et Sieges , en Irlande , Allemagne et en
Flandres , entr'autres aux Batailles de la Boyne ,
d'Aghrim , de Steinkerque , de Landin , et de
Blenhein , et aux Sieges d'Athlone , de Limerick
et de Namur. Il avoit été fait Maréchal de Camp
au mois de Juin 1702. et Lieutenant General au
mois d'Avril 1704. Le Gouvernement du Château
d'Edimbourg lui fut donné au mois d'Avril
1714. et en dernier lieu il avoit été déclaré Maréchal
de Camp Général le 2. Février 1736. Il
étoit le quatriéme Fils de Guillaume Douglas ,
Comte de Selkirk, puis premier Duc d'Hamilton ,
Chevalier de l'Ordre de la Jaretiere , Président du
Conseil , et Grand Amiral du Royaume d'Ecosse
, mort le 18. Avril 1694. qui avoit pris et
laissé à ses Descendans le nom d'Hamilton , à
cause de son mariage avec Anne Héritiere d'Hamilton
. Cette Maison d'Hamilton est à present
la premiere Branche cadette de la Maison de
Douglas , que les Anglois mettent au dessus de
toutes celles de l'Europe , excepté les Maisons
Souveraines ; mais ils trouveront en France des
Contradicteurs , quelque grande que soit cette
Maison , dont la Généalogie est raportée dans
I vj le
610 MERCURE DE FRANCE
le ge Tom. des Grands Officiers de la Couron
ne de France p . 399. On y voit p . 411. que le
Comte d'Orkney , qui vient de mourir , avoit
épousé Elizabeth Villers , soeur d'Edouard Villers
, Comte de Jersey , dont il n'a eu que des
Filles , ainsi son Titre est éteint par sa mort
mais il laisse des biens considerables à ses Héritiers.
Le 3. Mars , Dame Loüise-Françoise Phelypeaux
de laVrilliere, Veuve de Loüis- Robert- Hippolite
de Brehand ,Comte de Pleslo , Ambassadeur
Extraordinaire de France en Dannemarc , qui
fut tué devant Dantzick le 27. May 1734. et
avec lequel clie avoit été mariée le 21. May
1722. mourut de la petite verole le ge jour de
sa maladie , dans la Communauté du bon Pasteur
à Paris , où elle occupoit un Apartement.
elle étoit âgée de 29. ans , et étoit Fille de feu
Louis Phelypeaux Marquis de la Vrilliere , Ministre
et Secretaire d'Etat , Commandeur des
Ordres du Roy , mort le 17. Septembre 1725.
et de D. Françoise de Mailly , sa Veuve , aujourd'hui
Duchesse Doüariere de Mazarin , et
Dame d'Atours de la Reine . La Comtesse de
Pleslo laisse des enfans en bas âge.
Le 7. Charles Des Chiens de la Neuville, Seigneur
de Layon , Broize , et Mouligné , Intendant
des Ordres du Roy , Charge dont il avoit
été pourvû sur la démission de François Morizet
de la Cour , son Oncle maternel , le 30.
Octobre 1709. mourut à Paris , après quelques
jours de maladie , dans la 70e année de son âge.
Il avoit été successivement President à Mortier
du Parlement de Pau le . Septembre 1697.
Maître des R quêtes Ordinaire de l'Hôtel du
Koy le 12. Février 1707. et Intendant en Bearn
212
MARS. J 611
1737.
au mois de Juillet 1710, d'où il fut transferé au
mois de Mars 1711. à l'Intendance de Roussillon
et Cerdaigne. Il fut rapellé de celle - ci en
1716. et en dernier lieu il fut nommé au mois
d'Avril 1718. à l'Intendance de Franche-Comté
, qu'il exerça jusqu'au mois de Juillet 1734 .
Il étoit Fils puîné de feu Pierre Des Chiens
Seigneur de Valcourt , Vicomte de Verneuil ,
Conseiller- Secretaire du Roi , et de ses Finances
, Interessé dans les affaires de S. M. mort en
1704 et de Marie Morizet , et Veuf de Jeanne
des Bordes , morte le 8. Décembre 171 8. Il
laisse d'elle 2. Filles , qui sont Marie Des Chiens,
mariée le 12. Février 1720. avec Louis -Marie
de Sainte Maure , Marquis de Chaux et d'Archiac
, Premier Ecuyer , Commandant la Giande
Ecurie du Roy , Brigadier de ses Armées ,
et Mestre de Camp du Regiment Royal Etranger
; et Marie - Anne Des Chiens , mariée en
1725. avec Jean-Baptiste , Marquis de Fresnoy ,
Seigneur d'Arcuy , le Memen , Montpereux
Coulombier , & c .
Le même jour , D. Anne Baillet de la Cour ,
veuve depuis le 25. Octobre 1720. d'Antoine-
Charles , Duc de Gramont , Pair de France ,
Souverain de Bidache , Sire de Lespare , Chevavalier
des Ordres du Roy , et de celui de la Toison
d'or , Gouverneur et Lieutenant General
pour S. M. en ses Royaume et Pays de Navarre
, Gouverneur particulier des Ville , Château
et Citadelle de Bayonne et de S. Jean- Pied - de-
Fort , Commandant en Soulle , ci - devant Ambassadeur
Extraordinaire auprès du Roy d'Espagne
, mourut à Paris , âgée de 73. ans sans laisser
d'enfans. Son corps fat transporté le 10 : aur
soir de l'Eglise de 3. Sulpice, sa Paroisse, en celle
de
612 MERCURE DE FRANCE
de S. Roch , pour y être inhumé auprès du feu
Duc de Gramont , qui étant veuf de Marie.
Charlotte de Castelnau , morte le 29. Janvier
1694. l'épousa le 18. Avril 1704. elle étoit fille
de Nicolas Baillet , Sieur de la Cour, et de Jeanne
Godefroy , et elle avoit eû pour soeur feuë Aimée-
Françoise Baillet de la Cour , femme de
Nicolas Regnault , Seigneur du Repaire et de
Massignat , Lieutenant Colonel du Régiment de
l'Aigle , puis Colonel de celui de Beausse , morte
sans enfans .
Le même jour Rolland Barrin , Marquis de
la Galissonniere , Chevalier de l'Ordre Royal et
Militaire de S. Louis , de la Promotion du 8.
Février 1694. et Lieutenant Général des Armées
Navales du Roy , qui s'étoit retiré depuis quelques
années à Poitiers , y mourut , âgé de 90 .
ans 8. mois et 5. jours. Il avoit commencé à
servir en 1663. dans la seconde Compagnie des
Mousquetaires du Roy , d'où étant entré dans
le Regiment de Navarre , il se trouva à l'entreprise
de Gigery sur les Côtes d'Afrique en 1664.
ensuite il passa à Malthe, pour y faire ses Caravannes
, étant alors Chevalier de l'Ordre de S.
Jean de Jerusalem. Il y fut fait Officier dans le
Bataillon que la Religion envoya en 1668. à
Candie , où il resta un an , c'est- à-dire jusqu'à
la fin du Siege . Etant repassé en France il fut
fait Lieutenant de Vaisseaux en 1672. et Capitaine
en 1677. Depuis il commanda un grand
nombre de Navires , et quelques Escadres , et
se trouva depuis 1672. à presque toutes les
actions considérables qui se passerent sur Mer
de son temps . Il commandoit l'un des 2. Vaisseaux
qui défendirent l'Estacade de Vigo en Espagne
, qui fut attaquée le 22. Octobre 1702 .
par
M. AR S. 1737. 613
par les Troupes Angloises et Hollandoises. I
fut fait prisonnier en cette occasion , et mené en
Angleterre , mais son Vaisseau ne tomba point
au pouvoir des Ennemis . Il fut fait Chef d'Escadre
le 13. Décembre de la même année 1702 .
Depuis ayant été échangé , il eut le Commandement
de la Marine à Rochefort . Il quitta le
Service en 1720. et obtint alors le grade de
Lieutenant Général . Il étoit Fils de Jacques Barrin
, Marquis de la Galissonniere , Conseiller
d'Etat Ordinaire , Maître des Requêtes Honoraire
, ci - devant Intendant successivement de
Moulins , de Bourges , d'Orleans et de Rouen ,
mort le 5. Octobre 1683. âgé de 70. ans , et
d'Elisabeth le Boulanger , sa premiere femme.
Il avoit épousé en premieres nôces , en 1686.
Catherine Begon , Fille de Michel Begon , Intendant
des Galeres à Marseille , et depuis Intendant
de la Marine du Ponant à Rochefort , ct
de Justice à la Rochelle , et de Marie- Madeleine
Druilhon . Elle mourut le 7. Août 1708. âgée
de 37. ans , laissant un Fils et deux Filles . Le
Marquis de la Galissonniere s'étoit remarié avec
une Veuve , dont le Comte de la Galissonniere
son Fils a épousé la Fille, de laquelle il n'a point
d'enfans.
L'Archiduchesse , Epouse du Duc de Lorraine,
accoucha à Vienne le 5. Février vers les 1. heures
du matin d'une Princesse qui fut baptisée le même
jour par le Nonce du Pape, La jeune Princesse , qui
eut pour Parain l'Empereur et pour Maraines
I'Imperatrice etAmélie l'Imperatrice fut nommée
Marie Elizabeth Amelie JosephineGabrielle Jeanne-
Agathe. Après cette Ceremonie , l'Empereur
se rendit avec les deux Imperatrices chés l'Archiduchesse
614 MERCURE DE FRANCE
duchesse , et étant retourné ensuite dans son
Apartement , il reçut les complimens des Minis
tresEtrangers, des Ministres d'Etat et de la principale
Noblesse.
Le 6.Fevrier, naquit Charles Guillaume- Louis
Marquis de Broglio , Seigneur du Mesnil - Voisin ,
et de D. Elisabeth Theodore de Besenval - Bronstatt
, son épouse , mariés le 12. Septembre 1733 .
Le même jour , est aussi née Bonne Félicité
Louise , fille de Mathieu François Molé , Seia
gneur de Champlatreux , Luzarches , & c . Prési
dent du Parlement de Paris, et de D.Bonne Félicité
Bernard son épouse. C'est leur premier enfant.
Ils ont été mariés le 22. Septembre 1733 .
Le 23 est né Cezar- Henride la Luzerne de Beusseville
, fils de Cezar- Antoine de la Luzerne ,
Comte de Beusseville , Seigneur de Houllebec et
du Moulin-Chapelle , cy- devant Mestre de Camp
du Régiment des Cuirassiers du Roy , à présent
Maréchal des Camps et Armées de Sa Majesté ,
et d'Elizabeth de Lamoignon de Blancmenil,fille
aînée de Guillaume de Lamoignon , Seigneur de
Blancmenil et de Malesherbes , cy-devant Président
du Parlemenr de Paris , et de feuë D. Anne
Elizabeth Roujault , sa seconde femme, le Parain
Henry Paul de la Luzerne de Beusseville , Chevalier
de Malthe et Capitaine dans le Régiment
des Cuirassiers du Roy, oncle paternel , et la Maraine
D. Barbe- Magdeleine Maynon , veuve de
Nicolas Etienne Roujault Seigneur de Villemain,
Maître des Requêtes et Intendant de la Genera
lité de Berry et de Rouen suscessivement, ayeule
maternelle .
Le 24. fut baptisée à Paris Anne- Magdeleine-
Françoise , née le même jour , fille de Jacques-
Charles de Craquy , Chef du nom et Armes de sa
Maison
MARS. 1727. 619
Maison , Marquis de Hémond , Mestre de Camp
commandant une Brigade du Régiment Royal
des Carabiniers et Chambellan du Duc d'Orleans
, et de D. Marie -Louise de Monceaux ,
d'Auxy , son pouse , mariés le 9. Mars 1720 .
le Parain Jacques de Monceaux , Marquis d'Auxy,
Seigneur de S. Sensons , Hanvoille , Martincourt
, & c. cy- devant Colonel du Régiment
Royal Comtois , et auparavant Capitaine au Régiment
des Gardes Françoises , cousin germain
de la Mere de la Baptisée . La Maraine Anne-Magdelaine-
Françoise de Monceaux d'Auay , fille du
Parain et Epouse d'André- Hercules de Rosset de
Rocozel , Duc de Fleury , Pair de France , Seigneur
de Florange , Gouverneur d'Aiguesmortes
en survivance , Sénéchal de Carcassonne , Limoux
et Beziers , Mestre de Camp du Régiment
Royal de Dragons.
Le 13. Mars , naquit à Paris Charles-Joseph-
Gaston , fils premier né de François Philogene ,
Marquis de Blanchefort , Baron d'Asnois , Gou
verneur des Pays , Ville et Châteaux de Geix ,
et de Marie-Joseph Pierquet , son Epouse.
Le 25. Février fut celebré dans la Chapelle
domestique de l'Hôtel de Brissac, le Mariage de
Louis de Noailles , Due d'Ayen , Capitaine de
la premiere Compagnie des Gardes du Corps du
Roy , Gouverneur General des Comtés et Vigneries
de Roussillon , Conflans et Cerdaigne
Gouverneur particulier des Ville , Châteaux et Citadelle
de Perpignan , et Gouverneur et Capitaine
de S. Germain en Laye, le tout en survivance;
Mestre de Camp d'us Régiment de Cavalerie
né je 21 .1.Avril 1713. fils aîné d'Adrien Maurice,
Duc de Noailles , Pair et Maréchal de
•
France ,
616 MER CURE DE FRANCE
France , Grand d'Espagne de la premiere Classe ,
Chevalier des Ordres du Roy et de celui de la
Toison d'or , Capitaine de la premiere Compagnie
des Gardes du Corps de S. M. Gouverneur
et Capitaine General des Comtés et Vigueries de
Roussillon , Conflans et Cerdaigne . Gouverneur
particulier des Ville ,Château et Citadelle de Perpignan
, Capitaine et Gouverneur des Châteaux,
Parc , Forets et Chasses de S. Germain en Laye,
&c. et de D Françoise . Charlotte- Amable d'Au .
bi né , son Epouse , avec Dlle Catherine Françoise
- Char otte de Cossé de Brissac, âgée de 132
ans fille un que et seule heritiere de feu Charles
Timo con Louis de Cossé , Duc de Brissac , Pair et
Grand Panet er de France, Marquis de Thouarcé,
Comte de Changé Baron de Lugny , Seigneur de
Martigny, Briant , Bregné, Vaucretien , la Lande,
& c. mort le 18. Avril 1732. dans lá 40e année de
son âge,et de D.Catherine M gd Pecoil , sa veuve .
Le 27 a été fait le Mariage de Joseph Dalegre
, Seigneur , Marquis de Lauvoir , Mestre de
Camp de Cavalerie et Exempt des Gardes du
Corps du Roy , âgé de 35. ans , fils de Louis
Daleggre , Marquis de Bauvoir , Capitaine de
Vaisseaux du Roy , et de D. Claire d'Artigues
avec Dile Magdelaine Geneviève de Sainte Hermine
, âge de 39 ans , fille de deffunts Louis-
Henry de Sainte Hermine , Seigneur de la Laigne
, Capitaine de Vaisseaux du Roy , et de D.
Marie- Marguerite-Genevieve Morel de Putanges.
Le même jour Michel Comte d'Arcussia , Capitaine
au Régiment de Piemont Infanterie , fils
de Michel , Marquis d'Arcussia du Revest , et de
D. Marie- Magdelaine de l'Isle, épousa D. Louise
de Sabran,premiere Filleule du Roy , fille d'Honoré
, Comte de Sabran , des Comtes de Forcal-
J
quier
MARS. 1737. 617
her , premier Chambellan de S. A. R. feu M. le
uc d'Orleans , Régent du Royaume , et de D.
harlotte de Foix. La celebration du Mariage se
t au Château de la Norville , près Paris , aparenant
au Comte de Sabran.
Le 12. de Mars la Comtesse de Sabran fut
présentée au Roy et à la Reine , à Mons igneur
le Dauphin et à Mesdames de France , par Madame
la Duchesse de Duras , sa parente , Mesdames
les Duchesses de Lorges , de Lauzun et
de Kandan, et par les Comtesses de Lorges et de
Sabran
C'est pour la troisième fois que la Maison
d'Arcussia a pris alliance avec celle de Sabr n ; à
commencer par le Mariage de Catherine d'Arcussia
avec Elzear de Sabran , Comte d'Arian ,
fils de Guillaume de Sabran , et neveu de
S. Elzear de Sabran Comte d'Arian , Baron
d'Ausouis , dont on a écrit la Vie , ainsi que celle
de sain e Delphine , son Epouse.
La Maison d'Arcussia est originaire du Royaume
de Naples , où elle est mise au nombre des
plus anciennes. Elisée d'Arcussia étoit General
des Gal res de l'Empereur Fréderic Barberousse
en 1191. Jacques d'Arcussia , un de ses Descendans
Grand-Chambellan du Royaume de Sicile,
readit des Services si importans à la Reine Jeanne,
que par Lettres de 1375. et. 1377. elle lui fit
don de plusieurs Terres et Châteaux considerables
, situés dans sa Comté de Provence. La même
Princesse lui permit de faire fraper une Monnoye
d'argent , où d'un côté étoient le Buste et
les Armes de la Reine et de l'autre les Armes
d'Arcussia , qui sont d'or , à la face d'Azur ,
compagnée de trois Acs de fleches de Gueules , cordes
de même et posés en Pal , deux et un . Ce
Seigneur
ac618
MERCURE DE FRANCE
Seigneur mourut à Naples l'an 1386. et fut in
humé à la Chartreuse de cette Ville , en qualité
de Fondateur , ainsi que le porte son Epitaphe
qu'on lit dans l'Eglise de ce Monastere. Hujus
sacri Monasterii Fundator , & c.
François d'Arcussia , son fils puîné , qui eût en
partage les biens situés en Provence , se retira
dans cette Province avec sa Famille, dont la Posterité
est aujourd'hui divisée en trois branches ,
connues sous les noms des Seigneurs d'Esparron
et du Revest. Catherine d'Arcussia étoit soeur de
ce François d'Arcussia ; c'est la même Dame
dont il est parlé cy - dessus , au sujet de son alliance
avec Elzear de Sabran. Jean d'Arcussia',
son frere aîné , heritier des biens situés dans le
Royaume de Naples , fut marié avec Laudune de
Sabran , Comtesse d'Anglon , et c'est la seconde
des trois Alliances dont on a parlé entre les deux
Maisons.
René d'Anjou , Roy de Naples et de Sicile ,
Comte de Provence , l'un des meilleurs et des
plus spirituels Princes de son temps , qui connoissoit
à fond la haute noblesse de ses Etats ,
avoit donné à chaque Maison l'Epithete ou le sobriquet
qui convenoit à son caractere particulier.
La Maison d'Arcussia a eût pour le sien GRAVITE
DE ARCUSSIA.
A l'égard de la Maison de Sabran , elle est si
ancienne et si illustrée , tant par les Grands Hommes
qui en sont sortis , et qui se sont distingués
dans les Dignités de l'Eglise et dans le Service de
P'Etat , que par ses grandes Alliances , qu'il fau
droit un volume entier pour lui rendre justice et
pour contenter entierement le Lecteur , qui pou
ra se dédommager par l'Histoire de Provence ,
par l'Ouvrage du Pere Anselme et par d'autres
Monumens publics.
MARS. 1737. 619
Nous ne dirons rien par la même raison de la
Maison de Foix , dont est Madame la Comtesse
de Sabran. Tout le Monde sçait d'ailleurs qu'elle
ne cede à aucune des grandes Maisons du Royaume
par son origine , par ses illustrat ons , par ses
Alliances avec plusieurs Maisons Souveraines, & c .
Sabran porte de Gueule au Lion d'Argent. Pour
suports deux Lions d'or. Cimier un Lion naissanı
avec cette Devise : NOLI IRRITARE LEONEM .
On a annoncé à l'article des Mariages du mois
de Janvier dernier , page 173. celui de M. Fran
çois- Gabriel- Benigne Chartraire , Marquis de
Bourbonne , Président à Mortier au Parlement
de Dijon , avec Mlle Bouhier , fille de M. Jean
Bouhier , Président à Mortier honoraire au même
Parlement , l'un des Quarante de l'Académie
Françoise , et Marquis de Lantenay ; cet endroit
n'est pas exact, en donnant à ce Président la qualité
de Marquis de Lantenai , qu'il faut donner
à M. Antoine 'Bouhier , Conseiller au même
Parlement , qui est Marquis de Bouhier et de
Lantenay , et Ayeul maternel de la Demoiselle.
On a aussi oublié en parlant de M. François
Chartraire , Conseiller honoraire au même Parlement
, Comte de Bierre et de Montigny , Pere
du nouveau Marié , de dire qu'il étoit en même
temps Lieutenant de Roy des Ville et Château
de Semur , en Auxois , Intendant de S. A. S. M.
le Duc , Gouverneur de Bourgogne et Bresse, et
Trésorier General des Etats de cette Province ,
places que Mrs Bazin , Seigneur de Bierre , et
Antoine Chartraire , Seigneur de la Cosme , de
Marcelois, de Bierré, et Conseiller au Parlement
de Mets , grand oncle et grand pere de M. le
Président de Bourbonne , ont remplies , et que
M.Marc- Antoine Chartraire, Comte de Montigai
620 MERCURÉ DE FRANCE
gni et de Bierre , frere aîné de ce nouveau Marié,
remplit encore aujourd'hui . Cette Famille est
la même que celle de M. l'Abbé Chartraire , Seigneur
de Givry , Conseiller veteran au même
Parlement de Dijon , et cy-devant Doyen de
PEglise de Vezelay , dont on a parlé à la page
155. du même Mercure de Janvier , au sujet des
Réjouissances faites à Avalon en Bourgogne , à
l'occasion de la Naissance du Prince de Condé .
Le 4. de ce mois . M. N. Du Sauzey , Chevalier
Seigneur d'Arenar et de la Venerie, Grand
Baillif du Beaujollois , épousa à Trevoux , Capitale
de la Souveraineté de Dombes , Damoiselle
Marie Aubret , troisiéme fille de M. Louis
Aubret Ecuyer , Seigneur de Belver , Conseiller
honoraire au Parlement , et de deffunte N. de
Joux.
TABLE.
IECES FUGITIVES . Ode Sacrée , 409
PRefutation au sujet du Lieu de la Naissance
de S. Louis ,
L'Infidélité , Ode ,
rie , & c.
412
45 I
Nouvelle Construction de Rouage de Sonne-
Le Ramier et la Tourrerelle . Fable.
Lettre au Sujet de la Fiévre Vermineuse.
- Madrigal.
456
462
465
472
Sup ément au Mémoire Historique sur Bretigny:
Dépit Poëtique .
Ibid.
477
482
Explication des effets d'une Pendule extraordinaire,
Stances Chrétiennes . 485
Question importante jugée au Parlement. 1488
Cantate sur un Songe.
498
Lettre au Sujet d'un Ouvrage sur les Pseaumes
.
499
508
Enigme , Logogryphes , & c.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . Recueil
de Lettres et Mémoires pour servir à
l'Histoire de l'Académie de Beziers . 512
Reflexions sur les Ouvrages de Litterature. 516
Traité du Vrai Mérite de l'Homme,
Childeric , Tragédie.
Obstacles de la Pénitence.
Les Hommes , 4. Edition .
518
519
523
526
527 Seconde Lettre du P. Poisson , &c.
Histoire et Description générale du Japon . 529
Extrait de Lettre à l'Auteur de l'Histoire Litteraire
de France. 545
547
Lettre de Rome contenant plusieurs Nouvelles
Litteraires.
Lettre datée de Quito le 20. Juillet dernier. ss0
L'Histoire de M. deThou par souscription . 556
M. Bimard de la Bastie , reçû à l'Académie des
Belles Lettres. 557
Médailles antiques trouvées prés de Bayeux . 558
Bartholdo ceu Bartoldino , &c . imprimé à Bologne.
Suite des Portraits des Grands Hommes.
Air à boire noté.
Spectables. Persée , Tragédie.
560
161
Ibid.
562
Nouvelles Etrangeres , de Russie et d'Allema-
1
gne.
578
De Lorraine. Plein- pouvoir du Roy , & c . pour
recevoir , en son nom , le Serment de Fide-
Lité éventuel des sujets du Duché de Bar . 580
Extrait des Registres de la Chambre du Conseil
du Duché de Bar.
Plein-pouvoir du Duc de Lorraine.
582
584
Mariage du Roy de Sardaigne avec la Princesse
de Lorraine.
5.86
Addition aux Nouvelles Etrangeres . Lettre de
Constantinople . 194
France. Nouvelles de la Cour , de Paris & c . 599
Promotion faite dans l'Ordre Royal et Militaire
de Saint Louis.
Morts , Naissances et Mariages.
Errata du second volume de Février.
602
605
Page 276. ligne 1. après ce Vers. Sacrifices
de l'homme , &c. Ajoutez celui - ci :
Et non des passions à notre vanité.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 427. ligne 15. dit mezerai , ajoûtex,
après Nangis.
P. 471.1. 8. portion , lisez , potion.
La Chanson notée doit regarder la page
MERCURE
DE
FRANCE ,
1
I
1
DEDIE AU ROT
AVRIL . 1737.
OR
COLLIGTIN
SPARC
Pallo
int
Chés
A PARIS ,
GUILLAUME
CAVELIER,
ruë S, Jacques.
La veuve PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
' ADRESSE generale eft
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à- vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaitevont
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'aurons
qu'à donner leurs adreffes à M. Morean ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps, & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS
MERCURE
DE
FRANCE ,
DEDIE
AU
ROT.
AVRIL
1737 .
*************
PIECES
FUGITIVES.
en Vers et en Prose.
S
ODE
POUR LA PAIX.
1
Eigneur , tu punis nos offenses ;
Mais n'es-tu point las de tonner?
N'es- tu que le Dieu des vengeancese
N'aimes-tu plus à pardonner à
Te plais-tu parmi les batailles ?
Les pleurs , le sang , les funérailles
Réjouissent- ils tes regards ?
A ij
Etcing
622 MERCURE DE FRANCE
Eteins les flambeaux de la guerre.
Et de la face de la Terre
Bannis les funestes hazards.
De la peine due à nos crimes ,
Chargés par ton juste courroux
Mille Héros , nobles victimes ,
Ont subi tes plus rudes coups .
Qu'attend encore ta justice ?
Veux-tu que ton Peuple périsse ,
Proscrit par ses iniquités ?
Sommes-nous faits pour ta colere è
Grand Dieu , n'es - tu pas notre Pere ,
Ne nous as- tu pas rachetés ?
Détourne ce Fleau terrible ,
Qui te venge de nos forfaits,
A nos cris montre - toi sensible ;
Dieu de Sion , rends-nous la Paix ...
O toi , Ministre redoutable ,
De sa colere inévitable ,
Ange , suspends ton bras vengeur,
·· ·
Chrétiens , votre Dieu vous pardonne ;
J'entens sa voix , il te l'ordonne
Cessez de craindre sa rigueur,
AVRIL. 624
1737
Pere tendre , quand il châtie ,
Il n'attend que notre retour ;
Alors sa main apesantie
Cede à la voix de son amour.
Sa foudre s'éteint dans nos larmes ,
Elles ont pour lui mille charmes
Et ne coulent pas vainement.
Un repentir prompt et sincere ,
Plus fort que toute sa colere ,
Change en bienfait le châtiment.
L'Ange de la Paix va descendre ;
Je le vois ... quel éclat le suit !
La discorde n'ose l'attendre .
La Guerre en désordre s'enfuit ;
La fureur , l'envie et la rage ,
La soif du sang et du carnage ,
Vont se cacher dans les Enfers.
J'entends leurs plaintes , leurs murmures ;
Au fond de ces prisons obscures ,
On les charge de pesants fers .
讚
Les Germains ont plié leurs tentes
Par mille pertes rebutés ;
Et nos cohortés triomphantes
Se retirent dans nos Cités ;
Elles vont au sein de la gloire
A iij Jouis
1
624 MERCURE DE FRANCE
Jouir des fruits de leur victoire ,
Couler en paix des jours serains.
Prêtes à lancer le Tonnerre ,
Quand on leur offrira la guerre
Ou qu'on troublera nos desseins
M
LOUI's , Dieu protege la France ,,
Il forme à ton gré tes Sujets ;
Rien ne borneroit ta puissance
Si tu ne bornois tes projets.
Commande , et d'un seul coup de foudre
Tu réduis cent Villes en poudre.
Nous volons par tout où tu veux ...
Mais non , Roy Chrétien , pacifique ,,
Ta main puissante ne s'aplique
Qu'à faire des Peuples heureux.
茶
Pourquoi dans le sang de nos freress
Tremper de parricides mains ?
Tu hais ces duels sanguinaires ;
Tu fuis ces combats inhumains.
Ah ! s'il faut reprendre les Armes ,
S'il faut faire verser des larmes ,
Il est des Peuples odieux..
Périsse le Scythe barbare ,
Que le Persan et le Tartare
1
S'évanouissent à nos yeux..
Que
AVRIL 1737.
31
Que les jours de ce Peuple impie ,
S'écoulent comme les torrents ;
Ils couvrent aujourd'hui l'Asie ,
Bien- tôt qu'ils ne soient plus vivants }'
Qu'ils soient en proye à nos épées ,
Et que leurs profanes Mosquées
Servent d'azile à nos Coursiers .
Voilà le chemin de la gloire ,
Chrétiens , voilà quelle victoire
yous doit couronner de Lauriers.
M.
Mais , 6 Dieu puissant , ta sagesse
Nous épargne de longs travaux.
Tu les livres à leur yvresse ,
Eux-mêines produisent leurs maux.
L'envie et l'orgueil les domine ,
Ils s'acharnent à leur ruine ,
Conduits par la férocité ...
De vos mains promptes au carnage .
Barbares , c'est le seul ouvrage
Où vous montrez de l'équité,
De vos Legions témeraires
Vous punissez les attentats 3
Vous nous vengez , et de nos peres
Vous payez l'injuste trépas .
C'est peu sévir contre vous - mêmes ,
A iiij Achevez
626 MERCURE DE FRANCE
7
Achevez , aux fureurs extrêmes ,
Excitez vos farouches coeurs.
Que Thamas détruise Bisance ,
Que
l'Othoman ait sa
vengeance ,
Qu'ils soient et vaincus et vainqueurs
M
Pour nous , Peuple saint et fidele
Nous , ses Favoris , ses Enfans ,
Au Très - Haut , penetrés de zele ,
Nous offrirons un doux encens.
Au pied de ses Autels paisibles ,
Nos coeurs à ses bienfaits sensibles
L'enflammeront de son amour ;
Er, par un Mystere sublime ,
L'offrant lui- même pour victime ,
Nous l'invoquerons chaque jour.
DUFAU , Etud. en Th. à Bordeaux-
YI
AVRI L. 1737. 627
VI. LETTRE de M. D. L. R.
écrite à M. Maillart , Ancien Avocat
au Parlement sur quelques sujets de
Litterature.
›
Ous avez vû , Monsieur , dans ma
précédente Lettre le jugement peu
favorable que portoit M. Desroches de
l'Histoire de Charles XI I. Roy de Suede
, par M. de Voltaire , en marquant
pour l'Auteur toute l'estime qu'il peut
mériter. Vous allez voir dans celle.ci le
même Critique s'interesser pour ce Livre
avec autant de chaleur que si c'étoit
son propre Ouvrage , et voici comment
eela doit s'expliquer. Comme M. Desroches
avoit communiqué ses pensées à
plusieurs personnes sur le Livre en question
, M. de V. ne fût pas long- temps à
ignorer que son Ouvrage péchoit par
l'endroit le plus essentiel , faute d'avoir
travaillé sur de bons Mémoires , et à
être persuadé que mon ami étoit plus en
état que personne de lui procurer la gloire
d'une Edition à laquelle il n'y eut
rien à désirer .
M.de la Condamine , de l'Academie
A W Royale:
628 MERCURE DE FRANCE
Royale des Sciences , Personne habile :
et de mérite , fut , à son retour de Constantinople
, le noeud et le canal du commerce
qu'il y eut bientôt entre M. de
V .... et M. D. R.... Commerce dans
lequel je fus aussi mêlé . » J'attens avec
» une impatience extrême ( m'écrivit ce
dernier le 4. Janvier 1734 ) l'Exem4-
plaire de l'Histoire de Charles XII.
» que M. le Chevalier de la Condamine
» vous a remis pour moi , et sans lequel
je ne puis travailler aux Recherches
» que M. de Voltaire me prie de faire
» par une Lettre aussi spirituelle que po
>>-lie , dont il m'a honoré , en m'annon
» çant qu'il m'envoyoit aussi son Poëme
Did HENRI IV..
Le 20. Mars suivant il me donna
avis qu'il avoit reçû ce dernier Livre
des mains de M. Otter , Gentilhomme
Suedois , qui alloit faire le Voyage du
Levant , à qui je l'avois -remis , et que je
prenois la liberté de lui recommander.
Sa Lettre est pleine de politesses sur cette
recommandation ; elles finissent par une
éloge du vertueux Gentilhomme recom
mandé.
་
Enfin M. D. R. m'écrivit le 2 : Août
1734. ce qui suit au sujet de l'Histoire"
de Charles XII. qu'il venoit de rece--
>> voir
AVRIL. 1730. 629
voir. J'ai effectivement reçû l'His-
» toire de Charles XI I. mais avec vo-
» tre derniere Lettre du 19. May seule.
» ment ; vous ne devez pas être surpris
» de mon impatience pour ce Livre, par-
» ce que je ne l'avois jamais eu en mon
» propre. Dans le dessein où j'étois d'aprofondir
davantage la matiere , et de
» conférer sur certains Faits avec des Per-
» sonnes de ce Pays- ci , qui en. ont
» une parfaite connoissance , il m'étoit
» absolument nécessaire d'avoir cette His-
» toire en mon entiere disposition. Au
» reste, il y a quelque temps que M. de V.-
» m'en a envoyé en present un Exem-
» plaire de la derniere Edition , que je
» n'ai point encore lû , un Ministre étran-
» ger m'ayant prié de le lui communiquer
dès le lendemain que je l'eus re-
>> çû mais on m'assure que l'Auteur
» n'a fait dans cette Edition que de très-
» médiocres changemens . J'ose continuer
>> d'assurer pourtant qu'elle en auroit
demandé de fort considérables pour
» que cette Histoire fût aussi bonne pour
» le fonds , qu'elle est belle pour la for
&c.
» me ,
Je ne vous dirai point , M , quel suc
cès ont eu les dispositions de M. D. R.-
en faveur de M. de V. par raport à ce
A vj
Livres
630 MERCURE DE FRANCE
Livre , ni ce que pensoit M. D. R. au
sujet de la Henriade , qu'il avoit eu tout
le temps de lire . Il est vrai que la Lettre
du 2. Août 1734. dont j'ai parlé ci · dessus
, est la derniere qu'il m'a écrite . Mon
ami étoit alors peu éloigné de son terme
fatal.
Je ne vous parlerai point non plus de
ses sentimens au sujet de quelques autres
Ouvrages attribués à M. de V. sur lesquels
il m'a écrit avec beaucoup de liberté
, de sagesse et d'édification , se montrant
toûjours fidele ami de la vertu , et
l'ennemi déclaré de l'irreligion et du libertinage
de l'esprit . On en peut juger
par plusieurs endroits de ses Lettres , et
en particulier par celle du 22. Juin 1733 .
qui contient l'Article que vous allez
lire.
"2
39
» Je vous remercie pareillement dư
beau Poëme que vous m'avez aussi envoyé.
Il y avoit déja quelque temps
» qu'on m'avoit mandé de Paris , que l'Epitre
à Uranie , auquel çet Ouvrage
répond , étoit une Piece encore plus
» forte pour le bon et pour le mauvais ,
» que la célebre M.... de R. . . . et
qu'elle partoit effectivement de M. de
Voltaire. Je vous avoue que je serois
* curieux de la voir. Je ne sçais si mes
» amis
AVRIL. 1737 63x
amis ont craint de charger leur conscien-
>> ce en me l'envoyant , par raport à l'im-
>> pression dangereuse que sa lecture pouroit
me faire : ils ne me connoissent pas
» bien ; il y a trop long- temps que j'ai
» pris le parti de préferer la qualité de
» Chrétien à celle d'esprit fort, pour que
» desVers , quelque séduisans qu'ils puissent
être , soyent capables de me faire
» varier dans mes sentimens à cet égard.
» Quant au Poëme que vous m'en-
• voyez et qu'un zele estimable a produit
dans la vûë de refuter cette per-
» nicieuse Epitre , la Versification m'en
» paroît noble et coulante ; j'y ai trouvé
plusieurs endroits qui m'ont frapé; en
un mot, beaucoup de fort beaux traits;
» mais avec tout cela je le crois plus pro-
A confirmer dans la Religion ceux
» qui en ont déja , qu'à en donner à ceux-
» qui n'en ont point . Il me conviendroit
» moins qu'à un autre de prendre le ton
» décisif , mais j'ai toujours pensé que la
>> Poësieen général n'étoit pas faite pour ex-
» poser,avec succès , les Points et les Mis-
» teres de notre Foy, et que nôtre Poësie ,
>> en particulier , étoit asservie à des Regles
LA RELIGION DEFENDUE , & c , dont il y a
* Extrait dans le Mercure du mois de Mars
1733. page $ 23.0
» trop
632 MERCURE DE FRANCE
>> trop génantes, pour qu'on pût être à la³
>> fois excellent Poëte et profond Théolo-
» gien , en dogmatisant en Vers Fran-
» çois. La discussion de ces Matieres
» épineuses , me paroît devoir être re-
» servée à la Prose : avec celle - ci on a ses
>> coudées franches : on peut dire ce que
» l'on veut , et de la maniere qu'on le
>> veut , encore ne persuade- t'on , par son
moyen , que ceux dont le coeur et l'es
» prit sont déja secretement disposés à
» se rendre à la force du raisonnement.
» Ces refléxions que je ne fais que vous
»'exposer à la hâte , et qui auroient be
» soin d'être plus dévelopées , ne m'em-
»pêchent pas cependant de loüer infini-
» ment l'Auteur du Poëme ; j'ajoûterai
» même que j'aimerais beaucoup mieux
l'avoir fait que l'Epitre , quoiqu'il y
wait peut- être plus de feu et de genie
dans celle-ci .
Voici encore le jugement de M. D. R.
sur le Temple du Goût , contenu dans sa
Lettre du 20. Août 1733 .
» Le Temple du Goût de M. de Vol-
» taire est si agréablement écrit, qu'on ne
» peut le lire sans se laisser entraîner au
plaisir : Ce plaisir cependant a quelque-
» fois été troublé chés moi par de petits
mouvemens d'indignation contre la
>> personne
1
AVRIL. 17377 6334
>>>personne qui me les causoit. En effet ,
» c'est dommage que la présomption et
» la jalousie de métier ayent souvent con-
» duit avec si peu de ménagement l'es-
> prit et la main de l'Auteur. Je doute
entr'autres choses que son déchaînement
marqué contre R .....
lui
fasse autant d'honneur qu'il se l'ima
wine , auprès des Gens éclairés et équi
tables , et que ceux-ci aplaudissent à
l'injurieuse Epithete de Pédant , dans
» laquelle il prétend renfermer tout le
mérite du respectable Saumaise . Je ne
» sçais si je me trompe , je n'aime point à
» trancher , mais il me semble que M..
» de V. n'est pas moins Zoile passionné
> en bien des endroits de cet Ouvrage ,
qu'il est Aristarque judicieux en beau-
» coup d'autres. La Critique , que l'Au-
* teur Anonime en a faite , me paroît
>>fort sage et fort sensée . J'aurois seule
» ment voulu qu'elle entrât un peu plus
» dans le détail , et qu'elle relevât M. de
» V. avec plus de feu . Il y regne un certain
froid , à mon avis , qui contraste
trop avec l'Ouvrage critiqué.
Passons à une matiere plus sérieuse , et
qui est entrée bien avant , et pendant un
temps bien consid'rable , dans notre
commerce Litteraire. Vous sçavez, Monsieur
634 MERCURE DE FRANCE
sicur , les liaisons d'amitié , et le com
merce de Litterature qu'il y a eu pendant
plusieurs années entre le feu P. le Quien ,
Sçavant Dominiquain , et moi. Il étoit
naturel que je prisse interêt au plus ima
portant de tous ses Ouvrages ; je veux
dire à son Histoire Ecclesiastique de l'Orient
&c. Ce Pere avoit déja écrit plu- *
sieurs fois dans le Levant pour se procu
rer les Mémoires et les Instructions nécessaires
, mais avec peu de succès : Un
Patriarche de Jerusalem étoit entré avec
lui en quelque commerce , et lui avoit
envoyé un Livre Grec , dont je parleral
dans la suite. Cela ne suffisoit pas mais
la Providence disposa les choses à souhait
pour l'avancement et pour la perfection
de cette Entreprise . Rien , en effet ,
ne pouvoit mieux se rencontrer que l'Ambassade
de M. le Marquis de Villeneuve
à la Porte , et le zele éclairé de M. D. R.
pour être pleinement et exactement instruit
de tout ce qui concerne l'Etat áncien
et moderne des Eglises Orientales.
:
Le P. le Quien me donna differens Mémoires,
contenans ses demandes sur tout
ce qui lui manquoit de plus importar.t
à sçavoir au sujet de l'Orient Chrétien.
J'envoyai ces Mémoires à M. D. R. et
dans la mênie dépêche , je me donnai
l'honneu
AVRIL 1737. 635
l'honneur de demander sur le tout l'autorité
de M. le Marquis de Villeneuve ,
par une Lettre particuliere. Elle ne pou
voit manquer d'avoir son effet , par la
seule importance du sujet , qui avoit dé
ja mérité la protection du Roy ; M.
l'Ambassadeur aimant d'ailleurs les Lettres
et les Sçavans , et étant toûjours
porté à les favoriser.
à
Ces Mémoires revûs , et mis dans un nouveau
jour par M.D.R.partirent bientôt de
Constantinople pour les differens Lieux
de leur destination , avec les recommandations
, ou plûtôt les ordres précis de
M. l'Ambassadeur , aux Consuls et aux
autres Personnes qui pouvoient en procurer
les Réponses, Elles arriverert presque
toutes , et en assés peu de temps
Constantinople. Je les reçûs enfin par
les soins , et avec les Remarques de M.-
D. R. à la grande satisfaction du Sçavant
Auteur et à la mienne . Le P. le
Quien m'écrivit là - dessus une Lettre
qu'il ne seroit inutile de raporter ici .
Sa longueur m'en empêche , mais je
compte
vous la communiquer en
temps et lieu. Vous y verrez des senti-
* S. M. avoit trouvé bon que l'Ouvrage fut
imprimé dans fon Imprimerie Royale , sous le Titre
de Oriens Christianus et Affrica.
meng
73 MERCURE DE FRANCE
mens de reconnoissance bien exprimés ,
et une grande modestie , jointe à une
profonde capacité. Comme cette Lettre,
en un sens , regardoit encore plus M. D.
R. que moi , je crus devoir lui en envoyer
l'Original même , qui contenoit
aussi de nouvelles Instructions. Mon ami,
après avoir profité de sa lecture , crut
devoir me renvoyer cet Original ; il le
fit dans une circonstance bien triste.
» J'ai apris , avec beaucoup de chagrin ,
» me dit - il dans sa Lettre du 22. Juin
» 1733 la mort du R. P. le Quien par
votre Mercure. La parfaite estime que
» la réputation de ce Sçavant Domini-
» quain m'avoit inspirée pour lui , me le
» fit d'abord regretter presque aussi sensiblement
, que si j'eusse été honoré de
'sa connoissance et de son amitié : Mes
regrets sont encore augmentés depuis
que j'ai vû la Lettre pleine de po-
» litesses qu'il vous avoit écrite à mon
sujet , que vous m'avez envoyée , et
que je vous renvoye,
Après la mort du P. le Quien , je re
çus encore des Réponses à d'autres Mémoires,
envoyés depuis les premiers . Ces
Réponses contenoient des détails impor
rans, et en particulier l'Etat ancien et moderne
de toute l'Eglise de l'Isle de Chy
pre
AVRIL: 1737. 637
pre. La Lettre qui contenoit cette Piece ,
datée du 17.Novembre 1733.en parloit en
ces termes. » Vous trouverez ici la Ré-
» ponse que j'ai reçûë à un Memoire que
j'avois fait passer à Chypre sous les
wauspices de M. l'Ambassadeur. Je crois
que vous serez content des éclaircissemens
qu'elle renferme , et vous prie'
d'être persuadé qu'il ne tiendra pas
» mes soins que vous n'ayez la même’
» satisfaction sur tout le reste .
a
De toutes les Recherches qu'il fallut
faire , aucune ne donna tant de peine
que celle qui concernoit le Patriarchat
de Constantinople , sur tout à l'égard
de l'état présent , par raport aux fréquentes
mutations , et par des difficul
tés particulieres , qu'il est inutile de rapeller
ici d'après les Lettres de M. D. R.
Je vous dirai seulement que loin d'être
rebuté par les contradictions et par les
longueurs qu'il lui fallut essuyer dans ses
Recherches , il n'en étoit que plus ani
mé à nous rendre service ; et comme
il sçavoit répandre la joye et l'agrément
sur tous les sujets qu'il manioit , il s'exprimoit
quelquefois assés plaisamment
dans ses Réponses.
>> Sans doute , Monsieur , qu'il faut
s'armer de patience , me disoit- il dans
:
2-12
338 MERCURE DE FRANCE
•
>> la même Lettre. Vraiment vous ne
>> nous aprenez rien de nouveau ! Qui
» peut mieux le sçavoir qu'un homme
» qui est depuis près de dix ans en Tur
» quie , et qui avec cela n'est pas né heu-
» reux ? Votre Oriens Christianus , &c.
m'auroit déja fait tourner la cervelle ,
»si Job , de patiente memoire , n'étoit
» toujours présent à mon esprit. Imagi
» nez - vous que la derniere personne , qui,
» comme je vous l'ai marqué par ma Let-
» tre du 20. Août , avoit entrepris de
» m'obtenir un Catalogue des Prélats
» Grecs du Patriarchat de Constantinople
, avoit fort avancé cet Ouvrage ,
» lorsque quelques accidents de peste ar
» rivés à Pera , lui ont fait prendre la
» fuite sans me voir , ni même sans m'é-
» crire de la Cavale dans la Macédoine,
» à 60. lieues d'ici , où j'ai apris par
ha
» zard ces jours passés qu'il étoit allé se
» réfugier. Je lui ai décoché sur le champ
» une Epitre aigre douce, dont je ne puis
» avoir encore réponse , mais je crois que
nous ne perdrons rien pour attendre
>> encore un peu.
Mon ami ne se trompoit point , l'état
du Patriarchat de
Constantinople lui fut
enfin remis , et il me l'envoya aussi - tôt
avec ses Observations , Eclaircissemens,
& c.
AVRIL : 639 1737.
&c. ce qui donnoit à l'Ouvrage un nou̟-
veau mérite. Je ne manquai pas de remettre
cet Etat aux RR . PP. Dominiquains
, chargés de l'Edition qui se continuoit
toujours au Louvre, ainsi que j'en
avois usé de tout ce qui m'étoit venu
du Levant depuis la mort du P. le Quien.
J'ai omis de dire en son lieu , que j'avois
remis personnellement à ce Pere ,
tout ce qui concerne l'Eglise Maronite
comprise dans le Patriarchat d'Antioche ,
et principalement établie sur le Mont-
Liban , suivant la Notice que j'en avois
prise moi- même sur les Lieux, et suivant
une autre Notice Latine , qui contenoit
l'Etat actuel de cette Eglise , laquelle me
fut donnée à Paris en l'année 170г. par
le Secretaire du Patriarche Etienne. Il
étoit envoyé à la Cour pour les affaires
de la même Eglise , et de la Nation Maronite
, que nos Rois ont toujours honorée
de leur protection.
J'ai eû l'honneur de vous dire , Monsieur
, que le P. le Quien avoit été en
quelque commerce de Lettres avec un
Patriarche Grec de Jerusalem , lequel lui
avoit envoyé un Livre de sa composition
qui regardoit ce même sujet. J'ai reçû de
puis moi même un Exemplaire de ce Livre
, de la maniere et à l'occasion que je
yais vous dire ,
Dans
640 MERCURE DE FRANCE
#
Dans ma Dissertation sur une Médail
le rare de la Ville de Troade , inserée
dans le Mercure de Juin 1732. II Vol.
page 1334. après avoir exposé en peu
de mots l'Etat de Troade Chrétienne, et
honorée plus d'une fois de la présence de
S.Paul , je dis que dans la distribution des
Provinces Ecclesiastiques , l'Evêque de
Troade devint suffragant du Métropo
litain de Cysique ; j'ajoûtai qu'il y a tout
lieu de croire que malgré la désolation
de cette ancienne Ville , qui n'est , diton
, aujourd'hui presque qu'un amas de
ruines , son Siege Episcopal subsiste toujours
avec la même dépendance ; de quoi
je raportai quelques preuves , laissant le
soin d'une plus ample discussion sur
Troade Chrétienne à notre sçavant Historien
de l'Orient Chrétien , &c.
C'est à cette occasion que M. D. R
dans sa Lettre du 12. Novembre 1732.
me parla pour la premiere fois du Livre
en question , composé par un Patriarche
de Jerusalem. Ce Patriarche , dit- il ,
» étoit un Prélat fort éclairé , et, à moins
d'être Pyrrhonien déterminé , on ne
sçauroit douter qu'il n'ait dit vrai dans
ce qu'il a écrit de l'Evêché de Troade.
» Son Livre , au reste , petit infolio , imprimé
à Tergowitz en Valachie , est en
» Grec
AVRIL. 1737. 641
Grec vulgaire , mais si pur et si élegant
, que plus des deux tiers sont du
Grec litteral. J'ai déja fait quelques ten-
» tatives pour l'acheter , me persuadant
» qu'il pouroit être de quelque utilité au
» R. P. le Quien pour la perfection de
son Ouvrage , mais il est fort rare ;
» l'Auteur en avoit retiré tous les Exemplaires,
dont il faisoit présent à ses Amis.
M. D. R. ignoroit alors que ce Livre
étoit déja entre les mains du P. le Quien.
Il m'en envoya enfin un Exemplaire que
je reçus avec autant de plaisir que de
reconnoissance ; car quoique cet Ouvrage
soit assés sommaire par raport à la vaste
matiere qu'il embrasse, il me paroît exact,
instructif, et je le conserve cherement
par plus d'une raison . La Lettre qui accompagnoit
cet Envoy est du 26. Juin
1734 et marque l'empressement de mon
Ami à nous faire plaisir. » Quoique vous
ne m'ayez point encore apris , dit- il,
» si les Continuateurs de l'Oriens Christianus
, &c. avoient besoin du Livre
» dont je vous ai déja parlé , écrit en Grec
vulgaire par le feu Patriarche de Je-
» rusalem , un Grec de mérite , avec lequel
j'ai fait connoissance depuis peu ,
m'ayant fait présent de cet Ouvrage
je vous l'envoye par le canal de M.
» l'Abbé
642 MERCURE DE FRANCE
» l'Abbé de L. R. à qui je l'adresse à
Marseille , et je vous prie de le rece-
» voir d'aussi bon coeur que je vous l'of-
» fre , et qu'il m'a parû qu'on me l'a-
» voit donné .
Ce Livre est intitulé , ΧΡΥΣΑΝΘΟΥ
ΤΟΥ ΜΑΚΑΡΙΩΤΑΤΟΥ ΠΑΤΡΙΑΡΧΟΥ
ΤΩΝ ΙΕΡΟΣΟΛΥΜΩΝ ΣΥΝΤΑΓ
MATION , & c . C'est- à - dire OUVRAGE
de Chrysante , Patriarche de Jerusalem , sur
les differentes Charges on Offices , tant du.
Clergé que des Seculiers de l'Eglise de J. C.
de leurs Assemblées , et de ce qui s'y
fait , tiré , tant de ce qui se pratiquoit.anciennement
, que de ce qui se pratique aujourd'hui
par les Ecclesiastiques et Seculiers.
Sur les cing grands Sieges des très - saints
Patriarches , des Archevêques et des Evêques
, selon ce qui a été déterminé par les
Conciles.
Sur les Prérogatives particulieres des Archevêques
etEvêques , comme ceux de l'Isle
de Chypre , & c.
Sur la maniere dont on doit se comporter
dans les Eglises , fondé fur ce qui en a été
écrit
par
les Anciens.
Sur les sept Sacremens de l'Eglise , et
sur tout celui de l'Eucharistie, selon les sentimens
et les Remarques de Gabriel de Philadelphie
, de Fob le Pécheur , et de Gennade
AVRIL
1737.
643
nade ,
Patriarche de
Constantinople.
ETIENNE , Prince de Valachie , afait
la dépense de l'impression de ce Livre.
Et il a été imprimé et corrigé par les
soins du Moine
Metrophane , à TERGOWITZ,
au mois de Mars de l'année MDCCXV.
Suit une Dédicace en Vers Grecs , au même
Prince de Valachie , dont on voit les
Armes gravées au commencement , avec le
nom du Moine Editeur , au bas de la Dédicace.
Quelque temps après la réception de
ce Livre , je reçûs encore une Lettre de
M. D. R. datée du 2. Août 1734. qui
fut la derniere de notre commerce Lit--
teraire , et que je trouvai la plus remplie
de probité et de Religion que j'eusse
encore reçûë de lui. Je ne croyois pas
alors sa fin si
prochaine ; j'avois au contraire
tout lieu de le croire muni d'u
ne parfaite santé, par la maniere dont
il finissoit sa dépêche. » Je me trouve
» entraîné , dit - il , par un tourbillon
" d'affaires si rapide , que je ne puis plus
» rien ajoûter à tout ce que je viens
» d'écrire , que de nouvelles assurances
» de l'estime , & c.
Mais quelle fut ma surprise , ou plu
tôt ma douleur ! quand je reçûs au com
mencement de l'année 1735. une Lettre
B datée
644 MERCURE DE FRANCE
datée de Constantinople le 17. Novem
bre 1734. qui commençoit ainsi :
M. la perte que vous avez faite de
M. Desroches, que nous cûmes le mal-
» heur de perdre le 27.Septembre dernier,
» en me procurant l'honneur d'entrer en
» correspondance avec vous , m'engage à
» vous annoncer cette triste nouvelle , à
laquelle je ne doute pas que vous no
» soyez très-sensible , & c .
Sea
Cette Lettre étoit de M. Thomas ,
cretaire de M. le Marquis de Villeneuve,
qui voulut bien le charger de continuer
la correspondance qu'il y avoit eû entre
M. D. R. et moi pour les affaires du
Levant , &c. En répondant à cette triste
Lettre , je priai M. T. de vouloir bien
me marquer quelque détail sur cette
mort , &c. Voici ce que M. T. m'écrivit
le 14. Avril 1736.
» M. Des Roches mourut le 27. Sep
» tembre 1734. à quatre heures du ma-
» tin au Village de Buyuckderé , situé sur
» les bords du Canal de la Mer Noire ,
» où il étoit allé voir M. Emo , Bayle
ou Ambassadeur de Venise . Voilà tout
» ce que je puis vous dire là - dessus quant
à présent , il étoit âgé de 48. ans . Je
chercherai parmi ses Papiers de plus
» grands éclaircissemens sur son sujet et
je vous en ferai part
Enfin
AVRIL.
1737. 645
Enfin M. l'Ambassadeur voulut bien
me parler aussi de la Mort de mon Ami
dans une Lettre dont il m'honora quelque
temps après , et dont voici les termes
:
Vous aurez été déja informé de la mort
du pauvre Desroches , que nous perdimes
dans le mois de Sept. de l'année derniere
bien brusquement. J'ai été touché de sa perte
au- delà de ce que je pourois vous exprimer :
il n'y a pas dejour que mes regrets ne se renouvellent
par raport à ses talens , à son
caractere et à sa probité.
Avoüez, Monsieur, que nous avons de
longues Oraisons funebres qui ne valent
pas ce court Eloge , dont je connois
mieux qu'un autre tout le poids. C'est
par là aussi que je finirai ma Lettre ; car
que pourois-je ajoûter de plus énergique
pour vous bien peindre le mérite de
M. D. R. et pour achever de rendre à
sa memoire , en qualité d'ami intime ,
les honneurs qui sont en usage dans la
République des Lettres. Je suis , & c.
A Paris le premier Octobre 1736.
P. S. Après plus de deux années qui
se sont écoulées depuis le décès de M.
D. R. je ne comptois gueres recevoir
d'autres éclaircissemens sur son sujet , lors
Bij qu'en
646 MERCURE DE FRANCE
qu'en finissant cette Lettre , j'ai rez
çu une bonne partie des Papiers qui se
sont trouvés dans son Cabinet , tous
Papiers de Litterature , dont j'espere
profiter et vous faire part. Je les dois
à l'amitié et à la politesse de M. l'Abbé
Poncy de Neuville , son Neveu , à qui
ils ont été envoyés depuis peu de Constantinople.
Vous connoissez , sans doute,
de réputation M. l'Abbé de Neuville et
ses heureux talens ; c'est le même qui
a prononcé cette année le Panegyrique
de S. Louis à l'Oratoire , en présence de
deux Académies , et qui prêche actuel
lement dans l'Eglise de notre Paroisse
de S. Sulpice , avec beaucoup de succès,
ODE
SUR LA GUERRE ;
Composée lors de la Prise de Philisbourg,
Q
Uel Dieu de mon ame s'empare !
Où suis-je ! Quels soudains transports !
Mons esprit agité s'égare ! -
Je vois l'affreux séjour des Morts ↓
D'un pied que la Discorde anime ,
Alecton
AVRIL.
1737. 647
Alecton repoussant l'abîme
Soudain s'élance dans les airs :
Du Stix qui s'ouvre à son passage
La vapeur éleve un nuage ;
Son souffle infecte l'Univers.
De ses serpens elle secoüe
L'horrible Démon des combats ;
L'Europe entiere se dévoüe
A servir ses noirs attentats :
Telle une Comete fatale
Du Soleil superbe rivale ,
Fille et Ministre du Destin ,
En secoüant sa chevelure ,
Fait tomber de sa tê : e impure
La guerre ,
la peste et la faim .
Tu fuis , loin de nous exilée ,
Heureuse Paix , Mere des Arts ;
Tu fuis ; leur Troupé désolée
Reste en proye aux fureurs de Mars.
Beaux -Arts ne versez point de larmes ♬
Au sein du tumulte et des Armes
FLEURY Vous promet de beaux jours ;
Bien-tôt rapellant votre Mere ,
Ce Sage , que le Ciel revere
En éternisera le cours.
Biij Sur
348 MER CURE DE FRANCE
Sur qui va tomber ce tonnerre ?
O pleurs ! 8 regrets superflus !
Quel coup le démon de la Guerre
Vient de fraper ! BERVICK n'est plus
Brave Défenseur de l'Iberé ,
Le coup qui t'enleve à la Terre ,
Enleve aux Lys un ferme apui ;
Tu meurs pour la gloire d'Eugene
Mais tu vécus comme Turenne ,
Tu devois mourir comme lui.
酪
Toi , (a ) qui changeant nos destinées
Du sort expias les forfaits
Nestor , qui comptes moins d'années
Que tu ne comptes de hauts faits ;
Toi , dont l'ame toujours active
A tes Lauriers mêlant l'Olive ,
Nous rendis l'honneur et la Paix ;
BERVICK excite ton envie
Trop grand pour envier sa vie ,
Sa mort eût comblé tes souhaits.
諾
Sur un Char conduit par l'Audace .
Et precedé de la Terreur ,
L'implacable Dieu de la Thrace ,
Seme l'épouvente et l'horreur ;
(a ) M. le Maréchal de Villars vivoit alors.
La
AVRIL
642 17376
La Déesse de sang avide ,
Aux yeux hagards , au teint livide ,
Bellone court de rang en rangi
Et les barbares Eumenides ,
Dressant leurs serpens homicides ,
Teignent leurs robes dans le sang.-
Guerchois , (4) Cadrieux et Savine ,
Héros blanchis dans les Emplois !
Est-ce ici que le sort termine
Le cours brillant de vos exploits
Crussol ! J'admire ton audace s
Ta perds un oeil ; nouvel Horace ,
Ton coeur n'en est point abattu ;
Ce trait que la Gloire t'imprime ,"
Est un trait de beauté sublime ,
Qui sert de lustre à ta vertu.
O
que
d'Epouses et de Meres
Dont les voeux seront impuissans
Vont pousser de plaintes ameres
Et pleurer de Héros naissans !
Le ciseau des Parques cruelles
S'attache aux trames les plus belles ;
triste fatalité !
Du
sort ,
( a ) Ils furent tous blessés dangereusement à lø
Parma.
Biiij Consolez
550 MERCURE DE FRANCE
Consolez - vous , Ombres illustres ,
Vous ne perdez que quelques lastres,
Vous gagnez l'immortalité. Po
Ainsi que cet Oiseau célebre ,
Qui naît des regards du Soleil ;
Préparant sa Pompe funebre ,
Lui-même en dresse l'apareil ;
Bien-tôt de sa cendre féconde
Il renaît , et du sein de l'Onde
Phébus se leve moins paré ,
Quand chassant devant lui l'Aurore
De ses rayons naissans encore
Il paroît le front entouré.
De-même les coeurs magnanimes
Qui du solide honneur épris ,
De Mars volontaires victimes .
Donnent leurs jours à leur Pays ;
Renaissent au sein de la gloire ; '
Les doctes Filles de Memoire
Célebrent leurs faits éclatans ;
Tandis que le torrent qui roule
Des Mortels engloutit la foule
Dans l'Eternelle nuit des temps.
Cermains ,
AVRIL. 1737.
Bermains , votre ardeur diminuë !
François , redoublez vos efforts ;
Merci , (a) l'heure est enfin venue ;
Descends sur la rive des Morts.
J'entends une voix qui t'apelle ,
Er déja la nuit éternelle.
Environne tes yeux mourans ;
FRANCE , tes Destins sont fideles ;
Et la victoire étend ses aîles
Sur tes Bataillons triomphans
Mais quelle lumiere imprévue
Etonne mes foibles regards ?
O Gloire , que n'ai-je la vûë
Ou des C o N D E's ou des Césars
Mais qui pouroit te méconnoître
A l'éclat que tu fais paroître ,
A ces Lauriers toujours nouveaux :
Ranime les sons de ma Lyre ;
Reine immortelle , dont l'Empire
N'a pour Sujets que des Héros.
Déesse ! quels sont tes Miracles ?
Les François sous ton Etendart
(a ) Géneral de l'Empereur en Italie , tué à la
Bataille de Parme , où les François , commandés
par le Maréchal de Coigni , remporterent la victoire.
Forçant B
852 MERCURE DE FRANCE
Forçant d'invincibles obstacles ,
Soumettent la Nature et l'Art.
Le Dieu du Rhin à leur courage ,
De ses flots opose la rage ,
Toujours de plus en plus fougueux
Ces Héros guidés par la gloire ,
Surmontent tout et la Victoire
"
Dans Philisbourg entre avec eux.
*
Tel jadis parut Alexandre
Devant la superbe Cité (*)
Que l'Océan ne put défendre
Contre ce Vainqueur irrité ;
Tel incapable d'épouvante ,
Achille poursuivi du Xante ,
Fond sur les Troyens éperdus ;
Tout cede à sa fureur extrême ,
pour lui le Dieu Mars lui - même
Ne seroit qu'un Troyen de plus.
Et
*
CONDI ! CONTI , Manes celebres
Dont la memoire a des Autels ,
Si vous daignez sur nos ténebres
Baisser vos regards immortels ;
Si dans le séjour de la Gloire
Yous occupez votre memoire
( a ) Tyr
AVRIL:
1737. 653
Du soin des choses d'ici bas ;
enez admirer votre audace
En deux Héros de votre Race ,
L'exemple et l'amour des Soldats
Er vous
*
de ces fameux modeles
Noble et digne posterité !
La Gloire vous préte ses aîles
Volez à l'immortalité.
Ainsi le sang le plus illustre
Prit dans Alcide un nouveau lustre
De ses héroïques travaux ;
Ainsi vous braverez les Parques ;
La naissance fait les Monarques ,
La Gloire seule les Héros.
Dieu du Rhin ! tes superbes Ondes
Pour notre gloire ont combattu ;
Au fond de tes grottes profondes
Pleure ton orgueil abattu ,
Ou plutôt pour calmer la rage
Qu'excite en toi plus d'un outrage ,
Cours rendre hommage à l'Ocean gi
Tu verras au sein de Neptune ,
Gémir de la même infortune
Le triste Dieu de l'Eridan .
La Conquête de l'Italie.
B vj RELA
54 MERCURE DE FRANCE
RELATION de la Révolution arrivée
au Grand Caire.
GYPTE , ce Pays si sujet aux Ré-
L'olutions , depuis qu'il a passé au
pouvoir des Empereurs Ottomans , par
la conquête qu'en fit Selim I. en 1517.
sembloit avoir changé de constitution
par la longue administration de ceux qui
s'étoient emparés de son Gouvernement,
et la puissance de ses Commandans paroissoit
être montée au point de n'avoir
rien à aprehender de la force humaine ,
quand son étoile la replongea dans de
nouveaux troubles , par la sanglante catastrophe
qui arriva en cette Ville le 15 .
Novembre 1736. et dont on va raportes
les principales circonstances , après avoir
fait connoître quels étoient les fameux
Personnages dont elle termina la vie.
Le premier et le plus puissant étoit
Katamiche Mehemmed Bey , ( a ) le plus
ancien , et le plus accrédité Seigneur du
Corps des Beys , qui joignoit à un esprit
fourbe et impérieux de grandes richesses,
( a ) Bey ,
Titre d'honneur que l'on donne aux
·Gouverneurs des petites Provinces. Il y en a ordinairement
vingt- quatre en Egypte.
ct
AVRIL 1737. 655
et un grand nombre de Créatures ; quálité
requise dans un Pays , où la principale
Loy est la Loy du plus Fort.
Le second étoit Aly Bey , Seigneur fott
estimé à cause de sa bravoure , et de sa
magnificence , mais qui cachoit , sous ces
qualités , un grand fond d'ambition . Il
étoit fort bien intentionné pour la Nation
Françoise de cette Echelle , et il avoit
donné en plusieurs occasions à M. Martin
Damirat , son Consul , des marques
particulieres de son estime , et de sa considération.
Le troisième étoit le fameux Osman
Kiaya ( b) des Janissaires , assés connu
dans plusieurs endroits de la Chrétienté
, par les differentes avanies qu'il a
faites aux Nations Franques établies en
Egypte. C'étoit un homme de tête , mais
d'une avidité insatiable ; il s'étoit attité
le grand crédit qu'il avoit dans ce Pays
par son aplication à y faire observer la
Police , et à le purger de personnes suspectes.
Le quatrième enfin étoit YussoufKiaya
(b )Kiaya , Titre qui se donne au second Offieier
du Corps des Janissaires , et des Azaps ,
que ceux qui ont passé par ce Poste conservent par
honneur.
des
356 MERCURE DE FRANCE
•
des ( * ) Azaps , homme qui étoit devenu
absolu dans son Corps , par ses
grandes largesses , et qui auroit été fort
estimable par cet endroit , s'il ne se fût
pas servi de toutes sortes de moyens
pour avoir de quoi y survenir.
Ces quatre Hommes avoient tous été
Esclaves , qualité sans laquelle il semble
qu'on ne puisse parvenir dans ce Pays - ci.
aux premieres Charges ; ce qui est sans
doute un reste de l'ancien Gouvernement
de l'Egypte.
La maniere despotique avec laquelle
ces quatre Seigneurs gouvernoient ce
Pays , depuis près de neuf ans , et s'aproprioient
, à l'exclusion de toute autre
personne , les revenus immenses de
ces fertiles contrées , jointe aux injures
particulieres qu'ils avoient faites à quel
ques Grands , fit concevoir à ces derniers
le dessein de mettre fin à cette quadru
ple Puissance,en servant leur ressentie
ment particulier.
*
Ils firent, pour cela, un complot , dans
lequel entrerent Mehemmed Bey Teffierdar
, ou Surintendant des Finances de
ce Royaume , Personne généralement
estimée par son naturel bien -faisant ,
et par sa droiture , qui fut sans dou
(* ) L'un des trois Corps de Milice d'Egypte.
te
AVRIL: 1737 657
te , surprise , dans cette occasion , par
ceux dont je vais parler ci -après. Rizvan
Bey , qui avoit commandé la Caravane
de la Mecque l'année derniere, Suleiman
Bey el Ferrache , Surintendant des Greniers
pour les Grains de la Mecque , et
Salih Kiaschef, ( c) Homme d'un coura
ge intrépide , et qui étoit un des principaux
Officiers d'Osman Bey , Seigneur
fort puissant aussi par le grand nombre
de ses Créatures , et que ses frequens
démêlés avec Katamiche et Aly Bey , ont
fait croire avoir été aussi de la partie ,
mais qui se justifia de ces soupçons.comme
il sera dit dans la suite.
Après que ces quatre Conjurés eurent
consulté ensemble sur les moyens les
plus sûrs de se défaire des quatre Com-
.mandans , ils n'en trouverent point de
plus expedient que de les maffacrer tous
quatre à la fois dans quelqu'une des Assemblés
, qui se tiennent de temps ent
temps chés les Grands , tantôt chés l'un
et tantôt chés l'autre, pour conférer des
affaires publiques ; mais l'occasion n'en
étoit pas si facile à trouver , parce qu'ils
ob ervoient de ne se jamais trouver tous.
A
: ( c ) Kiaschef. On apelle de ce nom les Offi
eiers que les Beys de ce Pays tiennent à leur place
dans leurs Gouvernemens.
les .
5S MERCURE DE FRANCE
les quatre à la fois à de semblables Assem
blées , dans la crainte, bien fondée , d'un
accident pareil à celui qui leur arriva :
mais il étoit écrit sur leur front , comme
le dit cette Nation , qu'ils devoient périr
de cette maniere . Il se passa done prés
d'un an , sans que les Conjurés pussent
executer leur projet,faute d'une occasion
telle qu'ils la souhaitoient ; mais enfin
elle se presenta le 15. de ce mois après midi
, et voici comment.
1
Le Pacha , ou Gouverneur du Pays
pour le GS. ayant ordonné que l'on
tint ce jour là Assemblée des Grands du
Pays chés Mehemmed Bey Teffterdar, pour
conferer en son absence ( d ) sur l'affaire
des quarante Bourses que le G. S. a coûrtume
de donner tous les ans au Bey qu'il
honore de la Charge d' Emir Hadgi , on
de la conduite de la Caravane de la Mecque
, pour survenir aux frais de son
voyage. Le Teffierdar , comme Personne
principalement chargée des interêts da
G. S. ne manqua pas de faire inviter les
quatre Commandans de se trouver à
cette Assemblée , et en ayant en même
temps donné avis aux autres Conjurés ,
ils disposerent tout pour executer le pro-
( d ) C'est- à - dire sans le Pacha , qui n'affiste
point à de semblables Assemblées .
jee
AVRIL. 1737. 659
jet qu'ils avoient formé depuis si longtemps.
Ils posterent pour cela dans une
Chambre voisine de la Salle où devoit se
tenir l'Assemblée , une vingtaine d'Hommes
armés et déguisés , et leur donnerent
pour Signal de l'exécution le Sorbet
que les Grands ont coûtume de faire
présenter avant que la compagnie sorte
de chés eux .
Les quatre Commandans , que la confiance
et leur estime pour leTeffterdar empêchoient
de se méfier de rien , ne firent
aucune difficulté de se rendre chés lui ,
acompagnés seulement des personnes qui
leur étoient le plus attachées dès qu'ils farent
arrivés , on servit le Caffe , selon
la coûtume , après quoi on parla d'Affaires
. Celle dont il s'agissoit principalement
ayant été reglée , le Teffterdar, qui
n'étoit pas autrement Homme de combat
, et qui craignoit un peu la mêlée
feignit d'avoir quelque besoin pressant ,
et se leva pour sortir de la Salle: en même
tems deux des Commandans, ( soit qu'ils
eussent été avertis , comme on l'a crû, par
des Billets reçûs pendant la tenue de
l'Assemblée , soit qu'un secret pressentiment
les avertît du peril qui les menaçoit
) voulurent aussi s'en aller , sans attendre
la cérémonie du Sorbet ; mais le
Teffterdan
760 MERCURE DE FRANCE
Teffterdar , qui ne vouloit pas manquer
une occasion qu'il ne retrouveroit peutêtre
jamais , les arrêta , en disant qu'il
ne souffriroit pas qu'ils lui fissent un
semblable affront ; et en même temps
commanda qu'on aportât le Sorbet.
A ce mot , les Gens qui étoient cachés
dans la Chambre voisine , sortant
brusquement le Sabre d'une main et le
Pistolet de l'autre , fondirent sur ces
malheureux assemblés , parmi lesquels
il y avoit des amis et des ennemis , et
sans faire de distinction , ils en firent
un massacre effroyable, secondés de Rize
van Bey, de Suleiman Bey el Ferrache, et
de Salih Kiaschef. Ce dernier étoit le
plus acharné de tous , parce qu'il préten
doit avoir de plus grands sujets de plainre
contre les Commandans. Ils en curent
bon marché , n'ayant sur eux que
leurs Poignards , ou Ganjiars ordinai
res : il n'y eut que Tussouf Kiaya des
Azaps , qui ayant , par hazard , un de
mi Sabre sur lui , se défendit long - temps
avec beaucoup de valeur , jusques là même
qu'il abattit un bras à Suleiman Bey
el Ferrache ; mais à la fin , accablé par le
nombre , il succomba , et subit le mê
me sort que ses Compagnons , et environ
soixante- dix de leurs principalescréa
tures ou amis. Osman
AVRIL. 1737. 661
Osman Bey, qui se trouvoit aussi dans
Cette Assemblée on ne sçait pas en
quelle qualité , pensa ,
, pensa , dans la confu-
,
,
sion , avoir un même sort , mais il en
fut quitte pour une blessure à la main
par la protection que lui donna Salik
Kiaschef, qui étoit sa Créature , et qui
lui facilita le moyen de se sauver chés
lui. Il y eut outre ces onze Personnes
distinguées , plusieurs autres Personnes
de moindre consideration de tuées , et
de blessées dans le reste de la maison
pendant cette sanglante expedition , laquelle
arriva une heure avant le cou
cher du Soleil , ou vers les cinq heures
du soir.
Les Conjurés , qui croyoient qu'après
un semblable coup , personne n'oseroit
tenir contr'eux dans le Caire , et qu'ils
n'auroient qu'à parler pour être obéis ,
ne se presserent pas de se montrer au
Peuple , et au lieu de monter sur le
champ à Cheval , et de s'aller présenter
à la Porte ( e ) des Janissaires , ou à celle
des ( e ) Azaps , pour s'emparer de l'une
des deux , avant que les Troupes de ces
deux Corps , qui étoient presque tou-
(e) Ces deux endroits , qui font une partie dis
Château du Caire , dominent tellement toute la
Ville , qu'ils peuvent lafoudroyer de tous côtés.
Les
662 MERCURE DE FRANCE
tes dans les interêts de ces fameux Morts,
fussent revenuës de leur étonnement ;
les Meurtriers , dis je , s'amuserent à la
dépouille des Morts jusques bien avant
dans la nuit. Enfin ayant mis les princi
pales Têtes dans un sac , et fait jetter
les cadavres dans la rue , ils monterent
à cheval ( à l'exception de Suleiman Bey
el Ferrache , que ses blessures empêche
rent d'en faire autant , et obligerent de
se retirer chés un ami , pour attendre
l'issue de cette affaire ) et s'allerent presenter
à la Porte des Azaps , mais il n'en
étoit plus temps.
Le Kiaya en charge de ce Corps , homme
de tête et Créature de Tussouf- Kiaya,
avoit eû soin de la faire fermer sur le
premier bruit qu'il avoit entendu , et de
faire mettre sous les Armes le peu de
monde qui s'étoit trouvé auprès de lui ,
ce qu'avoit aussi fait de son côté le Kiaya
en charge des Jannissaires , homme dé
voüé à Osman- Kiaya, de sorte que quand
les Conjurés se présenterent pour entrer,
on les reçut à grands coups de fusil , ce
qui leur faisant connoître qu'il n'y avoit
rien à faire de ce côté- là , ils tournerent du
côté de la Mosquée de Sultan Hassan
bâtiment en forme de Forteresse , situé
vis- à- vis la Perte des Azaps, et poste
d'autanı
AVRIL. 1737. 663
d'autant plus important , qu'il command
de cette Porte et domine sur la plus
grande partie de la Ville . Ils trouverent
aussi la Mosquée fermée ; mais comme
elle n'étoit gardée que par un petit nombre
d'Azaps qui n'osoient se montrer ,
ils prirent le parti de mettre le feu aux
Portes, pour obliger ceux qui étoient dedans
à l'abandonner , ce qui leur réüssit.
Maîtres de ce poste , le premier soin
qu'ils eurent fut d'exposer au-devant de
la Mosquée les têtes qu'ils avoient coupées
, afin que le Peuple , qui ne pouvoit
croire ce qu'on publioit sur ce sujet ,
venant à reconnoître ces têtes , ne remuât
plus en faveur des Morts et de
leur Parti. Ensuite ils disposerent entre
eux des Places des Beys et des autres
Charges vacantes ; enfin ils écrivirent à
la plupart des Grands et aux Personnes
les plus accréditées du Pays , des Lettres
pleines d'amitié , pour les engager
à se rendre auprès d'eux , afin de conferer
ensemble sur les moyens de remet
tre les choses sur le pied qu'elles devoient
être ; mais , soit par le peu de confiance
qu'ils trouverent auprès des Grands ,
soit par les bonnes ' mesures que prirent
les Commandans des Jannissaires et des
Azaps , auprès desquels la plupart des
Troupes
664 MERCURE DE FRANCE
Troupes de ces deux Corps s'étoient retirées
, très- peu de mondej se rendit au
près des Conjurés cette nuit là , et encore
moins le lendemain.
Ceux- ci voyant leurs esperances trompées
, et que non- seulement il ne falloit
plus songer à executer de nouveaux projets
, mais qu'il falloit même pourvoir
à leur sûreté , crurent qu'il n'y avoit
rien de mieux à faire pour eux , dans
l'état où étoient les choses , que de se
sauver sur leurs chevaux à la faveur des
tenebres de la nuit suivante , ce qu'ils
executerent sur les huit heures avec beaucoup
de courage , s'étant fait jour le
sabre à la main à travers un détachement
de 500. Jannissaires , qui avoit été
commandé pour les aller forcer dans le
poste de la Mosquée. Ils traverserent la
Ville sans aucune oposition et gagnerent
la Campagne , au nombre d'environ 60,
Cavaliers , prenant la route du Saïd ou
de la haute Egypte , où l'on a sçû depuis
que Rizvan Bey et Salih- Kiaschefétoient
arrivés et faisoient beaucoup de désordres.
Pour le Teffterdar , on assure qu'il a
pris la route de Constantinople , où il a
pour Protecteur le Kizlar, Aga, ou Sur-
Intendant des femmes du G. S. lequel
avoit été Esclave de son Pere , et dont il
se
AVRIL. 1737 ૪૪૬
se promet beaucoup . Cependant les Jannissaires
voyant que les Conjurés avoient
abandonné la Mosquée de Sultan Hassan,
s'en emparerent, et après avoir pillé quelques
hardes que les Conjurés y avoient
laissées, pour n'être pas retardés dans leur
fuite , ils y mirent une Garde de leur
Corps et se retirerent à leur Odjeak. ( a)
Le lendemain 17. on envoya plusieurs
Partis à la poursuite des Fuyards , et le
Soubachi ou grand Prévôt du Caire ,
commença à faire une perquisition exacte
dans la Ville , non - seulement des Conjurés
, mais encore de toutes leurs Créatures
; on en årrêta plusieurs des uns et
des autres , du nombre desquels fut Suleiman-
Bey-el- Ferrache , que ses blessures
avoient empêché , comme il a été dit
de suivre ses Amis ; ils furent tous condamnés
à avoir la tête tranchée , ce qui
fut executé sur le champ .
D'un autre côté les Parens et les
Créatures de ceux qui avoient péri dans
cette catastrophe, voulant venger la mort
de leurs Parens ou de leurs Patrons , fon
dirent comme des furieux , le fils d'Aly-
Bey à leur tête, sur les Maisons des Conjurés
, et après y avoir exercé mille cruau-
(a ) On apelle de ce nom les Corps des differentes
Milices et les Endroits où elles demeurent.
τός
666 MERCURE DE FRANCE
Y
tés contre les Personnesde l'un et de l'autre
sexe qu'ils y trouverent, ils les pillerent
totalement ; il n'y eut que celle de
Rizvan Bey , dont le Pacha fut assés à
temps d'empêcher le pillage par la garde
qu'il y envoya , sous le prétexte que ce
Bey étoit redevable au Trésor du G. S.
car sans cela il n'auroit pas osé lui donner
cette marque de protection , à cause
des violens soupçons , qu'il avoit eû connoissance
du complot dont on parle
ce qui auroit pû dans la suite nuire au
Pacha et operer même sa déposition
après la pacification de ces troubles ;
comme cela est arrivé quelquefois.
Deux jours se passerent dans ce désordre
affreux , toutes les Boutiques de
la Ville étoient fermées et quelques - unes
des principales rues furent barricadées ;
on n'entendoit parler que d'executions ,
que d'emprisonnemens, que de Maisons
forcées ; que de vols , que d'assassinats
enfin les choses étoient dans une confu
sion , qu'il est plus facile d'imaginer que
de décrire , et telle qu'on apréhendoit
qu'elle ne dégenerât en un boulleversement
general.
Cependant le quatrième jour , qui
étoit le 19. du même mois , les choses paroissant
avoir un peu calmé , et les premiers
AVRIL.
667 4737.
miers mouvemens de
vengeance étant
passés , les Grands du Pays commencerent
à faire des refléxions sur le triste
état auquel lePays étoit réduit, et à la nécessité
qu'il y avoit d'obvier aux suites
d'un pareil désordre . Ils convinrent
de tenir incessamment une Assemblée
chés Osman- Bey , que le nombre de ses
Créatures rend maintenant le plus puissant
de son Corps. Il s'étoit lavé des
soupçons qu'on avoit contre lui par un
serment solemnel fait sur l'Alcoran. Les
principales choses qui furent arrêtées
dans cette Assemblée furent , 1 ° . qu'on
demanderoit au Pacha , qui n'avoit garde
de rien refuser dans la situation présente
, la place d'Aly Bey pour son fils , et
celle de Katamiche- Mehemed- Bey pour
le premier de ses Officiers , afin d'empêcher
par là la ruine de ces deux grandes
Maisons , et que tant de gens qui leur
étoient attachés ne prissent parti ailleurs.
2 °. Qu'on exileroit les principaux du
Parti contraire ( car tout ce Pays est depuis
long-temps divisé en deux Partis
dont l'un s'apelle des Zulfkiarlis , qui
est le dominant, et dont ces fameux Morts
étoient les piliers , et l'autre des Cassimlis
, qui est fort abattu depuis la mort
du fameux Tcherkes - Mehemed - Bey , si
C conn
;
668 MERCURE DE FRANCE
connu dans l'Europe , par les Nouvelles
publiques d'une précedente Révolution,
et cela de peur que ces derniers ne profi
tassent des conjonctures présentes pour
remuer et lever la tête , ce qui seroit un
nouveau et un plus grand malheur pour
le Pays . Et enfin qu'on envoyeroit un
Tedgride, ou Détachement de Troupes
qui est ordinairement de cinq cent hom
mes , sous la conduite d'un Bey contre
les fuyards , pour tâcher de se ren
dre maîtres de leurs personnes , et pour
les empêcher de susciter de nouvelles
affaires dans le Pays , ce qui ne peut guere
manquer d'arriver pour peu qu'ils y
ayent des intelligences , comme il y a
beaucoup d'aparence.
Ces trois articles ont déja été mis à
execution , et depuis les choses semblent
être un peu plus tranquilles ; il reste à
sçavoir si cette tranquillité durera longtemps
, et c'est ce que poura décider le
sort qu'aura le Détachement envoyé cons
tre les fuyards , car s'il vient à être battu
, comme on l'apréhende fort , n'étant
composé que de gens ramassés qui
vont plutôt pour piller que pour combattre
, il y a beaucoup à craindre que
les fuyards voyant augmenter leur parti
par cette défaite , n'ayent la hardiesse
de
A VRIL: 1737. 669
de se raprocher de cette Ville et n'y
causent des désordres semblables à ceux
dont on a entendu parler du temps de
Tcherkes - Mehemed - Bey , dont on a parlé
plus haut , dans la guerre civile qu'il y
eut entre lui et Zulfkiar- Bey, guerre dans
laquelle ce Pays pensa devenir la proye
de l'ambition et du ressentiment de ce.
premier; on craint fort d'ailleurs. que les
affaires ne puissent pas s'accommoder si
facilement par une autre raison considerable
, qui regarde les grands- interêts
qu'il y a à concilier entre tant de
Personnes puissantes , qui prétendent
toutes aux biens immenses de ces fameux
Rebelles ; personne n'ignore que
de toutes les Nations du Monde , la Turque
ne soit la plus sensible à l'interêt ;
en sorte que quelque grande que soit l'union
entre deux personnes , elle se rompt
aisément à la premiere occasion d'interêt
ainsi il n'y a point à douter
que le partage de ces biens immenses
ne suscite à l'Egypte des affaires peutêtre
encore plus sérieuses que celles que
peut lui attirer la mauvaise volonté de
ces fuyards.
,
Quoiqu'il en soit , la Porte Otomane
ne pour voir que d'un oeil fort content
dans les circonstances présentes , un sem
Cij blable
670 MERCURE DE FRANCE
blable évenement qui la débarasse sans
coup férir , de quatre Sujets qui étoient
montés à un tel degré de puissance , que
trente mille hommes de ses meilleures
Troupes auroient peut-être eû bien de la
peine à les mettre à la raison à force
ouverte ; et il y a tout lieu d'esperer qu'à
l'avenir ses ordres y seront plus respectés
et ses interêts mieux ménagés que
par le passé.
L'HYME N.
O D E.
TRiste Hymen , de tes justes plaintes
Vainement tu remplis les airs
La Terre chérit les atteintes
Du Dieu qui cause tes revers .
Ce Parjuré Enfant de Cithere ,
A profané le saint Mistere
D'un Temple autrefois réveré ;
Plus d'une Epouse abandonnée
Voit de sa Rivale effrenée
Le Triomphe trop assuré.
*
Tendres Epouses , tous vos charmes ,
Vos pleurs, vos vertus , le devoir ,
Deviennent
AVRIL 1737 371
Deviennent d'inutiles Armes
Contre un tyranique pouvoir.
D'Hymen le plus bel apanage
Ne fixe point un coeur volage ,
De nouvelles Beautés épris .
Yvre d'un poison' trop funeste ,
Du sacré lien qu'il déteste ,
Il ne reconnoît pas le prix .
*
O Ciel ! que de Palais en cendre !
Quel carnage ! quels cris confus !
Tous les maux qu'a prédits Cassandre
Accablent les Troyens vaincus .
N'en accuse point les Atrides ,
Enone , à ces traits homicides ,
Reconnois d'injustes amours ,
Ton infidele Epoux allume
Le feu dévorant qui consume
Ces murs , ces Temples et ces Tours.
*
Oui , de si noires perfidies ,
Et de si coupables ardeurs
Arment enfin des mains hardies
Pour percer de parjures coeurs ;
Tremblez , Amans illégitimes ;
Les crimes punissent les crimes
Des Imitateurs de Jason.
C iij Vous
872 MERCURE DE FRANCE
Vous trouvez encor des Médées ;
Par la rage ells sont guidées ;
Craignez le fer ou le poison
*
De quelle flamme injurieuse
Brûle Terée incestueux !
De Progné la Sour malheureuse
Cede à son Amant furieux.
L'Epouse à cet Epoux barbare ,
Des fruits de leur Hymen prépare
Le plus détestable Banquet.
Roy cruel ! deux soeurs outragées
Ne peuvent mieux être vengées
Que par l'horreur de ce forfait .
*
Que vois-je ô détestable trame į
Clytemnestre, suspends tes coups
D'Hymen ils éteignent la flamme
Dans le flanc d'une illustre Epoux ;
Dans tes bras une paix tranquille
Lui promettoit un sûr azile :
Dieux vengeurs , quel perfide accueil !
Un Rival usurpe sa place ,
Et portant plus loin son audace ,,
De son lit le traîne au cercueil.
AVRIL: 1737 673
1
Ah ! vous l'emportez sur les hommes
Par vos horribles attentats ;
Arbitres suspects que nous sommes ,
Beautés , ne nous en croyez pas ;
Mais que Pasiphaé vous dise
A quel Amant elle est soumise ,
Et vous verrez quels noirs désirs ....
Dieux ! que plutôt l'obscure enceinte
Du plus tortueux labyrinthe ,
Cache ses horribles plaisirs.
*
Loin de nous exemples terribles ,
Cessez vos tragiques leçons ;
Les Mortels seront plus sensibles
A de plus agréables sons.
Chaste Muse , élevé un Trophée
A la gloire du tendre Orphée ;
Il instruira mieux l'Univers .
Quel heureux transport nous inspire
Le son triomphant d'une Lyre
Qui scut attendrir les Enfers !
*
Fui , trop détestable adultere ;
Chaste Hymen , triomphe à jamais ;
Qu'une flamme impure et légere
Des coeurs ne trouble plus la paix !
Qu'une Epouse toujoursAmante
Ciiij No
774 MERCURE DEFRANCE
Nous rapelle Alceste mourante ,
Par ses héroïques efforts ;
Qu'elle ose au prix de son sang même
Enlever un Epoux qu'elle aime
A l'avare séjour des Morts.
*
Du vainqueur du cruel Cyclope
Imitons la fidelité ;
Son coeur charmé de Penelope
Dédaigna l'immortalité ;
En vain de séduisants prestiges
Des enchantemens , des prodiges
S'arment contre un lien si beau
Il redoute moins les Syrenes ,
Que l'horreur de briser des chaînes ,
Qu'il veut porter dans le tombeau.
3
MASSILIE Panegyricum dices
Orator Massiliensis in Aula Collegii
Massiliensis Presbyterorum Oratorii Demini
JESU, &c.
' Est le Programe et le Titre d'une
Carangue Latine , qui a pour Sujet
l'Eloge de Marseille , et qui a été pro
noncée , depuis peu , dans cette Ville
par le Professeur en Eloquence du College
AVRIL. 1737. 679
fe des RR. PP. de l'Oratoire. Voici
PExtrait de cette Piece , laquelle nous
avons avec assés de peine , obrenuë de la
modestie de son Auteur , & que nous
croyons cependant digne de l'attention
du Public.
Presque personne n'ignore que la Ville
de Marseille s'est rendue recommandable
par plus d'un endroit : car , sans parler
de son antiquité , dont les Historiens
et les Monumens
les plus respectables
font foi , en quoi elle ne cede qu'à un
fort petit nombre de Villes de l'Europe;
son vaste Commerce , ses Exploits guerriers
, la Sagesse de ses moeurs et de son
Gouvernement
, et sur tout son Amour
pour les Sciences , et pour la belle Litterature
, la font justement regarder par
tous ceux qui sont un peu versés dans
l'Histoire ancienne , comme une des plus
célebres Villes du monde .
L'Orateur fit de tous ces differens
Chefs , éffleurés seulement , le Préliminaire
ou l'Exorde de son Discours , dont
la longueur auroit excedé les bornes ordinaires,
s'il avoit entrepris de les traiter .
chacun en particulier .
Mais en se renfermant dans un objet
principal , qu'il a crû convenir davantage
à son état et à sa profession , il
Cv
676 MERCURE DE FRANCE
ne laissa pas , dans le même Exorde dẹ
dire en passant quelque chose des diffe
rens avantages que les Marseillois remporterent
sur les Carthaginois , les Gau
lois , les Liguriens , &c. Ce fut , dit il,
slon toutes les aparences , une victoire
remportée sur ces derniers , qui donna
son Nom à la Ville de Nice , Colonie
de Marseille , &c. Nice , en Grec vw,
signifie Victoire . Il dit aussi un mot de la
grande resistance que fit Marseille aux
Armes de César , et dans des temps bien
posterieurs,à celles de l'Empereur Charles
V.qui ne put jamais s'en rendre le Maître.
Reduit donc , par son Plan , à ne parler
dans ce Discours que de l'amour que
Marseille avoit anciennement , et qu'elle
a encore aujourd'hui pour les Lettres, et
de la Sagesse de son Gouvernement
l'Auteur le divisa en deux Parties.
Dans la premiere , il commença par
montrer que l'étude des belles Lettres net
contribue pas seulement à la gloire des
Particuliers qui les cultivent , mais eneore
à celle des Villes et des Nations enrieres
, parmi lesquelles on a soin de les
faire fleurir. Ce qu'il prouva par l'exemple
d'Athenes et de la Greces Athenes
qui ne s'est pas tant rendue fameuse par
seavictoires , et par l'étenduë de sa Do
mination ,
AVRIL
1737. 677
mination , que par son amour pour les
Sciences , & c.
L'Orateur fit ensuite l'aplication de ce
Principe à la Ville de Marseille , et prouva
qu'en ce genre elle n'a pas moins été
célebre qu'Athenes , puisque les Romains
même , qui desiroient de s'avancer dans les
Sciences , et d'acquerir des connoissances
plus parfaites , préferoient souvent le séjour
de Marseille à celui d'Athenes , pro
Auicâ peregrinatione Massiliensem amplectebantur,
parce qu'ils y trouvoient tous
les avantages qu'ils pouvoient trouver à
Athenes , sans rencontrer les mêmes défauts
. Marseille ayant sçû joindre à toute
la politesse des Grecs , ses Fondateurs ,
la gravité et la temperance des Gaulois.
Locum , dit Tacite dans la Vie d'Agricola
, Greca comitate , et Provincialium parcimoniâ
mistum, ac bene compositum , après
avoir apellé Marseille , Sedem ac Magistram
Studiorum .
Suit à cette occasion une Image bien
tracée des Gaules , telles qu'elles étoient
par raport aux Lettres , avant l'arrivée
des Phocéens , et la Fondation de Marseille.
La principale , et presque l'unique
Occupation des Gaulois , étoit la Chasse
er la Guerre. Pour ce qui est des Sciences
et des Lettres , ils n'en avoient pas
Ja
C vj moindre
678 MERCURE DE FRANCE
moindre teinture. Les Druides , à la ve
rité cultivoient l'Eloquence , et une certaine
Philosophie , mais il leur étoit dé
fendu d'écrire. Vouloient-ils par là , de
mande notre Auteur , cacher au Vulgai
re des connoissances qu'ils auroient crû
profanées , si elles lui avoient été com
muniquées ou leur dessein étoit - il de
cacher leur ignorance sous le voile d'un
beau prétexte ? L'Orateur sembla se déclarer
pour ce dernier sentiment . Quoiqu'il
en soit , ces prétendus Sçavans
avoient , par cette conduite , entretenu
des ténebres , qu'il étoit reservé aux
seuls Marseillois de dissiper entierement.
Le changement en effet , qui arriva
dans les Gaules peu après l'arrivée des
Phocéens d'Ionie , fut si grand, que , suivant
l'expression d'un Historien ,
on
auroit dit que les Gaules avoient été
transplantées au milieu de la Grece . Adeo
magnus et hominibus et rebus impositus est
nitor ut non Gracia in Galliam emigrasse,
sed Gallia in Graciam translata videretur.
Justin.
De Marseille le bon goût se répandit
dans tous les Pays voisins.Quemadmodum,
dit ici l'Orateur , è pectore in omnes corporis
partes dimanans sanguis , vitam membris
omnibus confert , gratiamque illam ,
qua
AVRIL: 1737;
679
que ex integra valetudine efflorescit ; ita
disciplinarum cognitio , quâ maximè mentes
bominum vigent, ex hac Urbe in omnem circum
Regionem se se effunden , Gallorum animis
novam quasi vitam impertut. Mais , ajoû
ta- t'il , comme les Eaux sont toûjours
beaucoup plus pures dans leur Source ,
que dans les Ruisseaux qui en sont dé
Fivés , les autres Villes des Gaules ne purent
jamais égaler le bon goût et la dé
licatesse qui regnoient dans Marseille.
Comme il n'y eut pas jusqu'à la Langue
des Phocéens qui ne devînt enfin
commune dans les Gaules , notre Auteur
saisit cette circonstance pour faire
en peu de mots l'Eloge de la Langue
Grecque , et pour exhorter les Marseil
fois à avoir pour le Langage de leurs Petes
la même ardeur qu'eurent les Gaulois
pour une Langue qui leur étoit tout - àfait
étrangere. Ici le Panegyriste fit briller
son Eloquence en introduisant dans
le Discours la Gaule même , la Gaule
reconnoissante, qui en attribuant à Marseille
l'heureux changement qui s'est
fait dans ce grand Pays depuis l'arrivée
des Phocéens avoue qu'elle lui doit
toute la gloire qu'elle s'est acquise dans
Ia suite des temps , par la douceur de ses
moeurs , et par son goût pour les Letthes
و
It
380 MERCURE DE FRANCE
Il
passa
de-là à l'ancienne Académie
de Marseille, à laquelle on attribuë , avec
raison , la conservation de cet Amour
pour les Sciences , qui rendit cette Ville
si célebre. Il parla sommairement des
principaux Personnages qui s'y distinguerent
le plus , sans oublier Petrone ,
que plusieurs Auteurs prétendent être
né à Marseille , en ajoûtant qu'à l'égard
des Ouvrages de ce Favori de Neron , il
seroit à souhaiter qu'il eût écrit avec
plus de modestie , où avec moins d'élegance
, afin qu'il pût plaire à tout le
Monde , ou qu'il ne plût à personne.
Fa
En laissant à l'Histoire le soin d'a
prendre les progrès , la décadence et
Pextinction entiere de cette fameuse
Académie , notre Orateur la fait enfin
renaître de ses cendres , la rétablit et
la represente ses Auditeurs dans le
nouvel Etablissement Académique qui
illustre aujourd'hui Marseille Moderne
et -Françoise ; Etablissement dû dans son
principe à quelques Marseillois Sçavans ,
car la Ville en a toûjours eu ) et dans
sa perfection aux bontés du Roy , sollicitées
par le Maréchal Duc de Villars
Protecteur et Bienfaiteur magnifique de
* Allusion au Phéniz renaissant , symbole que
s'et choisi la nouvelle Académie de Marseille.
9
La
AVRIL. 1737. 68
la Nouvelle Académie . Villars , dit il ,
en finissant cet Article , qui est l'un des
plus beaux du Discours ; ce Héros toûjours
Grand dans la Paix comme dans la
Guerre , qui ne sçavoit se délasser que
dans le sein des Muses , des fatigues
qu'il avoit essuyées dans les Champs de
Mars , & c.
Dans la seconde Partie , où il s'agit
de la Sagesse de l'ancien Gouvernement
de Marseille , l'Auteur refuta d'abord let
sentiment de ceux qui n'ayant qu'une
idée fausse de la veritable Grandeur
n'estiment que ces grands Empires , qui
ent envahi la plus grande Partie du Monde
, sans faire reflexion qu'on a vû de
petites Républiques admirées dans leur
Gouvernement , et mériter mieux l'attention
des Sages que les plus grands
Empires. Semblables , dit il , à ces petits
Corps animés qu'on ne peut guere bien
voir qu'avec un Microscope , dans les
quels il n'est cependant rien de confus ,
aucun membre qui ne soit parfaitement
distingué . Animaux enfin plus admirables
dans leur petite ftructure , et qui
marquent mieux la Sagesse infinie du
Créateur, que ne le sont les Elephans avec
Pénorme pesanteur de leur masse , & c .
Ce principe apliqué au Gouvernement
de
382 MERCURE DE FRANCE
de Marseille , fut suivi d'un Eloge para
ficulier de ce sage Gouvernement, au su
jer duquel Ciceron a dit qu'il préfere
Marseille , non - seulement à toutes les
Villes de la Grece , mais de tout le Mon
de entier. Cujus ego civitatis Disciplinam
arque gravitatem , non solum Grecia , sed
baud scio an cunctis Gentibus anteponendam
jure dicam. Ofat. pro Flacco.
Aristote voulant donner le modele
d'un sage Gouvernement , choisit la République
des Marseillois préferablement
à toutes celles de la Grece , et il crut
pouvoir l'oposer à la République de Platon
, qui n'avoit subsisté que dans les
sages idées de ce Philosophe..
pu
L'Orateur entra ensuite dans quelque
détail ; il parla d'abord du Conseil
blic , composé de six cent Sénateurs
parmi lesquels on en choisissoit quinze
pour regler les affaires courantes . La sagesse
de ce Sénat parut en plusieurs occasions
et sur tout par la réponse qu'il
fit à César lorsqu'il voulut obliger les
Marseillois à lui livrer leur Ville ; képonse
également sage et ftere , que César
n'a pas omise dans ses Commentaires
et qu'on peut lire , E. I. de la Guerre
Civile.
H passa de-là aux differentes Loix - e €
aux
AVRIE 1737. 683
aux Usages qui étoient observés dans
Marseille. Il n'étoit permis à personne
d'y entrer avec des Armees. On étoit obligé
de les quitter aux Portes , pour ne les
reprendre que lorsqu'on en devoit sor .
tir. On faisoit une garde exacte à ces
Portes et aux Remparts , en temps de
Paix comme en temps de guerre .
On avoit grand soin , ajoûta - t'il , d'és
loigner de la Ville tous ceux qui auroient
pû y introduire une vie molle , oisive et
sensuelle , on n'y souffroit pas non plus
ceux qui , sous prétexte de Religion, cherchoient
des aliments à leur paresse , suivant
l'expression de Valere- Maxime ,
qui a dit d'ailleurs de très - belles choses
en faveur de Marseille. Omnibus etiam
qui per aliquam Religionis simulationem
alimenta inertia quarunt , clausas Portas
habet. Juvenal dans sa VI . Satyre , dit que
les Prêtres d'Isis cherchoient ainsi à s'insinuer
dans les maisons des Femmes superstitieuses
; peut- être étoit- ce en parti
culier cette sorte de gens que l'on excluoit
de Marseille , suivant Valere - Maxime.
Mais en purgeant la Ville de mauvais
sujets , on avoit un soin particulier d'y
bien recevoir les Etrangers ; l'hospita
lité étoit la vertu favorite des Marseil
Lois ; ils regardoient tous les Etrangers ,
Suivant
684 MERCURE DE FRANCE
suivant la pensée d'Homere , comme leur
étant envoyés de la part de Jupiter , et
ils les recevoient avec tant d'humanité ,
que Marseille pouvoit être regardée comme
la Patrie commune du Genre humain,
Suivent quelques Remarques sur
les devoirs funebres rendus par les
Marseillois à leurs Parens , à leurs Amis ,
dont on voit encore quelques traces dans
des Monumens Grecs trouvés à Marseille
, qui ont échapé à l'injure des temps.
Une Loy particuliere de cette Ville ,
et qui fait honneur à l'antiquité , ne pou
voit pas être omise dans cet Eloge. C'est
celle qui excluoit de Marseille tous les
Comédiens , Histrions , Farceurs , Bâteleurs
, &c. depeur , dit l'Historien déja
cité , qu'en les admettant , on ne s'accoutumât
peu à peu aux débauches , dont
on auroit vu la Représentation sur le
Théatre : Ne turpia spectandi consuetudo
etiam imitandi licentiam afferret. Val . Max.
Ici l'Orateur introduit le fameux Mar
seillois PITHIAS , dont tant d'Auteurs
celebres ont parlé , lequel avec l'autorité
que lui donne sa reputation , exhorte
ses Compatriotes à rétablir , autant
que cela dépend d'eux , une Loy aussi
Importante à la pureté des Maurs , à
* Plutarque , Bolybe , Strabon , Pline &e,
chasser
AVRIL 1737 685
chasser de leur Ville tous les Gens d'une
Profession aussi suspecte , et à n'avoir
pour eux qu'un souverain mépris.
Le Discours finit par un court Eloge
des Echévins de Marseille , qui avec tout
le Corps de Ville étoient présens à ce
Panegyrique , et qui n'oublient rien , dit
F'Orateur , pour que le Gouvernement
présent de Marseille , aproche le plus
qu'il est possible , de cet ancien Gouvernement
, dont la sagesse a fait l'admiration
des plus grands Hommes de l'Antiquité.
TRAITS D'HISTOIRE.
UN
N Emperenr * que pressoit la vieillesse ,
Du Diadême encor soutenoit le fardeau
Et bien qu'il fût sur le bord du tombeau ,
Gouvernoit l'Univers par sa rare sagesse.
Un de ses Courtisans lui dit : Menagez mieux ,
Seigneur , des jours au monde précieux ;
Laissez en d'autres mains un poids qui vous ac
cable ;
Vous devez préferer votre repos à tout.
Le Prince , qui vouloit gouverner jusqu'au bout ,
Fit taire le flateur par ce mot admirable :
*Vespasien
L'Empereur
686 MERCURE DE FRANGE
L'Empereur doit mourir de bout ( a )
Réponse d'Auguste.
Un Envoyé de certain lieu ,
Où le Peuple adoroit Auguste comme un Dier;
Vient de climat lointain avec pompe lui dire
Qu'un Palmier est né sur l'Autel ,
Où le marbre aux regards offroit ce Dien
mortel.
Présage heureux , disoit- on , pour l'Empire.
Du compliment Auguste voulut rire ;
Je vois , dit-il , par - là, qu'on n'est pas empressé
Parmi vous à brûler de l'encens à ma gloire
Puisque sur cet Autel , que vos mains m'ont
dressé ,
Il y naît des Palmiers , si je veux vous en croire.
Telle fut sa réponse à cet Ambassadeur :
Le Prince délicat rejetta la fadeur
De cette basse flaterie ,
Et d'un servile encens , loin de gouter l'odeur ; -
Hle paya par fine raillerie.
Le Tableau fini par hazard.
Par cas plaisant , dit - on , un celebre pincean
D'un superbe Coursier acheva le Tableau ;
Sur la toile ce Bucephale
Paroissoit animé d'une ardeur martiale
a ) Oportet Imperatorem stantem mor
A peller
AVRIL. 1737. 687
Apeller le combat par fier hannissement ,
Il n'y manquoit pour finir le chef-d'oeuvre ,
Que sur la bouche , un frein d'écume blanchis
sant.
Le Peintre en vain cent fois remit la main à
l'oeuvre ;
Son art fut toujours impuissant ,
Pour en tracer une fidele image.
Hjetta de dépit son pinceau sur l'ouvrage ;
Le dépit acheva ce que n'avoit pû Part ;
Ce coup guidé par le hazard
Fut plus heureux que sage.
Que ce soit une Fable , ou non ,
Pareille chose au métier d'Apollon ,
( Métier ingrat , ) assés souvent se passe ;
Combien de fois la Muse lasse
D'avoir fait pour rimer cent efforts superflus ,
Jette là le crayon ? Quand on n'y pense plus
La Rime , au bout du vers , d'elle- même se place.
Ces trois Piéces sont de M. L' . Poncy
Neuville.
EXTRAIT
688 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de M. Des
barbalieres Commis au Bureau de la
Guerre , sur la Question de l'égalité des
Sexes , &c.
A discussion assés singuliere où sont
LAentrés M. Simonnet et Mlle Archambault
, a produit une Dissertation d'autant
plus interessante , qu'elle offre l'uti
le et l'agréable à chaque Lecteur ; mais
je me trompe , ou ces deux Défenseurs
des avantages et des qualités de leur Sexe;
soutiennent leurs interêts avec trop de
chaleur, et présentent des deux côtés un
Apologiste un peu partial. Je vais, avec
leur permission , en abandonnant tout préjugé
, tout esprit de partialité , et de précipitation
dans mon jugement , prendre
un juste milieu entre leurs deux theses
contradictoires , et en rendant justice à
notre Sexe , ainfi qu'à celui de Mlle Archambault
, leur donner cette égalité de
constance que refuse si injusternent M.
Simonnet; et reconnoître enfin que l'homme
, quant aux principes de l'ame et à
ses qualités , ne surpasse pas plus la femla
femme ne surpasse l'Homme. me, que
Je
AVRIL. 1737- 689
Je reconnois , dis- je , que même disposition
, même capacité , même aptitu
de , pour parvenir à un égal degré d'heroïsme
, en tout genre , sont requises
dans l'un et dans Pautre Sexe, Si on ne
compte pas autant d'Heroïnes que de He
ros, c'est , comme le dit avec raison Mlle
Archambault, qu'on n'a pas mis les femmes
en état de montrer ce qu'elles auroient
pû faire ; la difference des éduca
tions , est la seule cause de la difference
exterieure qu'il y a entre eux. Il n'est
pas étonnant en effet , qu'il y ait peu de
Guerrieres ; on n'a pas fait exercer aux
femmes le pouvoir qu'elles avoient de
le devenir comme les hommes , elles
n'ont point été élevées et nourries dans
les allarmes , versées dans l'Art Militai
re , dressées aux fatigues et au pénible
exercice de la Guerre ; elles ont eu un
tout autre objet , nos lex et nos coutumes
leur ont prescrit des occupations
differentes ; élevées et formées dans la
délicatesse, ou pour mieux dire , dans une
espece de mollesse qui leur est permise ;
on ne sçauroit en géneral trouver aujour
d'hui parmi elles , quelque soin qu'on prît
pour les former à ce genre d'exercice ,
un nombre égal à celui qui se rencontreroitpatmiles
hommes,mais si dans la suite
OR
690 MERCURE DE FRANCE
on commençoit à les y accoûtumer , pour
ainsi dire, dès le berceau , si nos coûtumes
changeoient , je crois , à n'en pouvoir douter
, qu'on trouveroit cette égalité que les
Femmes n'ont point à present , à propor
tion des Hommes , faute d'expérience et
d'habitude : car telle est la force de celleci,
que par l'empire qu'elle prend sur tout
Etre humain , elle lui donne quelle forme
il lui plaît.
Les Femmes cependant dans ce qui les
concerne , ne laissent pas d'avoir certai
nes violences à se faire , et qui sans
doute sont glorieuses pour elles ; escla
ves-de certaines bienséances , et d'une
austere vertu , qu'un penchant , qui est
condamné et qui paffe pour crime chés
elles , combat violemment , tout cela n'of、
fre-t'il pas une espece d'heroïsme continuel
qui demande la constance et la fer
meté d'ame ?
Entre toutes les femmes que d'anciennes
maximes admettoient à paroître dans
le champ de Mars , il s'est trouvé en effet
autant de veritables Heroïnes , qui ont
donné des marques de cette rare intrépldité
et de ce courage mâle , qu'on auroit
trouvé de Heros dans une égale quantité
d'hommes ; il ne faut donc que ces exemples
de constance et de fermeté des femmes
A V RIL. 1737. 691
mes , pour être persuadé que si dans tous
les tems on les y avoit formées et exercées
, elles auroient balancé la fermeté
des hommes.
Ce que je dis de l'heroisme militaire ;
je le dis de celui des Lettres ; plus d'un
siécle nous a fourni des Femmes Illustres
qui ont pénetré dans les Sciences les plus
hautes et les plus abstraites , avec autant de
fruit et de succès que nos premiers Sçavans
; et les Dames Sçavantes auroient été
en aussi grand nombre que les Hommes , si
elles avoient toutes eû les mêmes instructions
qu'on nous donne , mais nos Ecoles
leur sont fermées , on les exclut de nos
Académies , elles sont , dit on , incapables
d'y être admises , et de recevoir aucune
teinture d'Erudition : mais n'auroient-
elles pas raison de dire que ce
langage est dicté par l'orgueïl et par la
présomption ? En effet , n'est- ce pas les
condamner sans les entendre ? Au moins
devroit on se contenter de douter de leur
capacité , sans porter de pleine autorité
un jugement si injuste , dans l'ignorance
où l'on est de ce qu'elles auroient pû
faire , si on avoit cultivé leur génie : on
devroit au contraire en mieux présumer
par divers exemples marqués dans l'Histoire,
D Mais
692 MERCURE DE FRANCE
Mais , dira-t- on , les Femmes sont en
tout inferieures à l'Homme ; on les exclut
du Gouvernement , &c. A cela je
réponds que cette Loy et cet usage sont
moins établis à cause de leur insuffisance
que par un ordre et une politique bien
placés : on a vû cependant des Femmes
manier les Rênes d'un Etat avec cette
fermeté dont M. Sim. croit l'Homme
seul capable ; je pourois en citer assés
d'exemples , pour prouver que dans ce
genre comme dans les autres , en admettant
les Principes établis ci- dessus
l'Homme n'auroit rien à reprocher à la
Femme.
ร
Le Créateur , il est vrai , ordonna à
celle- ci d'être soumise à l'Homme , et
donna à celui - là la superiorité ; mais ce
n'est pas précisément que la Femme par
elle même en fût indigne , et n'eût pû la
mériter autant que l'Homme. Mais telle
fut la volonté de Dieu émanée de sa profonde
sagesse , pour mettre une subordination
nécessaire entre les deux espéces
qui devoient constituer tout le genre
humain . Il choisit l'Homme ; il eût pû
choisir la Femme. Ils sont tous deux un
même être , d'une égale proportion , un
même ouvrage d'une semblable construction
; mêmes attributs leur sont ace
cordés , &c .
AVRIL. T737. 693
La comparaison que fait sur cela Mlle
Ar. est des plus justes. Celle des deux
âges que fait M. Sim . ne me paroît pas
telle , & son Adversaire a raison de se
recrier sur son peu de justice . Il dit que
de la foiblesse du corps doit s'ensuivre
la foiblesse de l'esprit ; cette conséquence
est fausse. Ne voit-on pas en effet tous
les jours des hommes délicats , et d'un
foible temperament , avec une élevation
d'esprit , une constance et une fermeté
d'ame à toute épreuve , comme on en
voit également d'un tempérament fort
et robuste , avec beaucoup de foiblesse
d'esprit. Mile Archambault ne doit pas
non plus dire , avec sa permission , que
la délicatesse du corps et du tempérament
doit suivre celle de l'esprit ; elle
n'ignore pas , non plus que son Adversaire
, qu'elle consiste dans l'ordre , l'oeconomie
et l'arrangement des organes ,
et que ce qui fait la diférence du plus
et du moins , du foible et du fort de
l'esprit , est un plus ou moins juste
arrangement de ces mêmes organes & c.
A Versailles , le 10. Mars 1737 .
Dij VERS
694 MERCURE
DE FRANCE
VERS adressés à M. de Lamée , Auteur
de l'Ode sur la Paix , inserée dans le
Mercure de Janvier,
O Ui je l'avouë , ên lisant ton ouvrage ,
J'ai juré que l'Auteur devoit avoir trente ans ;
Tu dois me pardonner , en voyant tes talens
L'on peut bien aisément se tromper sur ton âge .
Par M. de F ....
•
***************
ACTES DE CESSION et de
Prise de possession du Duché de Lorraine.
Extrait des Registres de la Cour
Souveraine de Lorraine et Barrois. Procès
Verbal de Mrs les Commissaires nommés
par SON ALTESSE ROYALE , pour
l'execution de l'Acte de Cession du Duché
de LORRAINE.
Ujourdh'ui vingt- uniéme Mars dix-sept
cent trente- sept , Nous NICOLAS -FRANÇOIS
COMTE DE RENNEL , Chevalier , Seigneur de
Méhoncourt , Conseiller et Sécretaire d'Etat de
S. A. R. NICOLAS JOSEPH BARON DUBOIS DE
RIOCOURT , Chevalier , Baron de Damblain ,
Seigneur
AVRÍL. 1737. 695
Seigneur de Rémoncourt , Conseiller d'Etat de
sad. A. R. et de ses Finances , Maître des Requêtes
Ordinaires de son Hôtel , et JOSEPHCHARLES
LEFEBVRE , Conseiller de sad. A. R.
et son Avocat General en la Chambre des Comptes
de Lorraine , Commissaires nommés par
S. A. R. et fondés de ses pleins pouvoirs , donnés
à Presbourg le cinq du courant , dont la teneur
sera inserée à la suite des Présentes , pour
l'exécution de l'Acte de Cession du Duché de
Lorraine , du 13. Février dernier , par lequel
S. A. R. a cedé et abandonné , sous les clauses ,
conditions et charges portées tant audit Acte de
Cession , qu'ès Articles Préliminaires conclus à
Vienne le 3. Octobre dix - sept cent trente- cinq,
au Traité d'execution du 11. Avril suivant , et
à la convention du 28. Août dernier , pour elle
et ses Successeurs dès à présent au Sérenissime
Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie,
STANISLAS premier , le Duché de Lorraine ,
apartenances et dépendances , soit d'ancien Patrimoine
, Acquisitions ou Biens Allodiaux , à
quelque titre que ce puisse être , et après son
décès, à Sa Majesté Très - Chrétienne et à ses
Successeurs Rois de France , en tous droits de
proprieté et Souveraineté , ainsi et de- même que
sadite A. R. en a joui ou dû joüir jusqu'à présent
; nous sommes rendus en l'Hôtel de Ville
de Nancy , où nous étant fait annoncer
-
cn
notre qualité susdite , à Mrs les Présidens , Conseillers
et Gens tenans la Cour Souveraine de
Lorraine ; nous aurions été introduits dans la
Salle dite des Princes , où toutes les Chambres
de ladite Cour se sont trouvées assemblées avec
les Gens de S. A.R. en icelle , auxquels ayant fait
donner lecture de nosdits pleins pouvoirs et de
D jij Pordre
696 MERCURE DE FRANCE
1
l'ordre à nous adressé par sadite A. R. de nous
faire remettre les Sceaux de ladite Cour , de même
que ceux des Bailliages et autres Sieges er
Jurisdictions inferieures ; nous avons déclaré remettre
au nom de S. A. R. à S. M. T C. éventuellement
et à S. M. le Roy de Pologne , STANISLAS
Premier , actuellement , ledit Duché de
Lorraine et ses dépendances , ainsi qu'il étoit
possedé par S. A. R. et relativement aux Actes ,
Traités et Conventions susdites , et avons en son
nom délié et relevé Mrs les Présidens , Conseillers
et Gens tenaus ladite Cour Souveraine , ensemble
tous les Officiers des Bailliages et autres
Jurisdictions inférieures , ainsi que tous les Sujets
et Vassaux dudit Duché , du Serment de fidelité
auquel ils étoient attenus envers sadite
A. R. consentant qu'ils passent dès à présent sous
la domination desdits Sérénissimes Rois , qu'ils
auront désormais à reconnoître pour leurs vrais
et légitimes Souverains, et que Mrts les Commissaires
nommés de leur part , prennent possession
dudit Duché et dépendances relativement auxdits
Actes , Traités et Conventions ; et en execution
de l'ordre de S. A. R. dudit jour 5. du
présent mois , les Sceaux , dont ladite Cour avoit
accoûtumé de se servir , de même que ceux des
Bailliages et autres Sieges et Jurisdictions inférieures
, nous ont été remis , de tout quoi nous
avons dressé le présent Procès- verbal , dont lecture
ayant été faite, il a été sur les réquisitions de M.
le Procureur Géneral , ordonné par la Cour qu'il
seroit , ensemble nos pleins Pouvoirs et ordre
susdit , registrés en ses Greffes , et que copies duëment
collationnées en seront envoyées és Bailliages
et autres Sieges ressortissans nuëment à lad.Cour,
pour y être pareillement lûs , publiés et registrés
,
AVRIL. 697 1737.
trés, suivis et execurés ; en foi de quoi nous avons
signé et fait aposer le Cachet de nos Armes , leg
an et jour susdits , Signé , RENNEL . DUBOIS DÉ
RIOCOURT. J. C. LA FEBVRE .
Pleins Pouvoirs de Mrs les Commissaires.
RANÇOIS III. par la grace de Dieu , Duc
de Lorraine et de Bar , Roy de Jerusalem ,
Marchis , Duc de Calabre , de Gueldres , de
Montferrat , de Teschen en Silésie , Prince d'Arches
et Charleville , Marquis de Pont- à - Mousson
, et Nommeny , Comte de Provence , Vaudemont
, Blamont , Zutphen , Sarwerden, Salm ,
Falkestein. A nos très - chers et feaux les Sieurs
Comte de Rennel , Conseiller Secretaire d'Etat ,
le Baron Dubois de Riocourt , Conseiller d'Etat
et Maître des Requêtes de notre Hôtel , et Joseph-
Charles le Febvre , Avocat Géneral en notre
Chambre des Comptes de Lorraine : SALUT.
Les circonstances des affaires publiques nous
ayant nécessité , malgré la répugnance que nous
avons toujours eûë d'abandonner nos fideles Sujets,
dont nous et nos Ancêtres avons éprouvé en
tant d'occasions le zele et l'attachement , d'acceder
aux Articles Préliminaires conclus à Vienne
entre S. M. I. et C. et S. M. T. C. le 3. Octobre
1735. au Traité d'execution du 11. Avril
de l'année derniere, ensemble à la Convention du
28. Août de la même année , nous avons en conformité
, par Acte du 13. Février de là présente
année , cedé notre Duché de Lorraine au Sérenissime
Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie
STANISLAS Premier, et après lui à S. M.T.C.
pour être ensuite réuni à la Couronne de France;
et étant question en conséquence de proceder en
Diiij execution
698 MERCURE DEFRANCE
execution dudit Acte de cession , nous confiant
en votre zele , capacité et affection à notre service
, nous vous avons nommé , commis et député
, nommons , commettons et députons par
les Présentes , pour, en notre nom , remettre aux
Commissaires nommés , tant par le Sérenissime
Roy de Pologne STANISLAS Premier ,que par
S. M. T. C. notre Duché de Lorraine , relativement
audit Acte de cession et aux instructions
que nous vous avons données à cet égard .
En consequence , vous donnons pouvoir de
relever tous nos Sujets et Vassaux de notredit
Duché de Lorraine , du Serment de fidelité auquel
ils étoient attenus envers nous , et les ren-`
voyer aux ditsSérenissimes Rois de Pologne et de
France , qu'ils auront à l'avenir à reconnoître
pour leurs vrais et légitimes Souverains , et génuralement
faire tout ce qui conviendra pour
l'execution dudit Acte ; authorisant même , en cas
de maladie , absence on empêchement légitime de
l'un de vous , les deux autres d'agir comme si
tous trois étoient présens .
De ce faire nous vous avons donné tout pouvoir,
Commission et Mandement exprès et spécial. En
foi de quoi nous avons aux Présentes , signées
de notre main et contre-signées par l'un de nos
Conseillers Secretaires intimes , fait mettre et
aposer notre Scel secret. Donné à Presbourg ce
5. Mars 1737. Signé , FRANÇOIS . Et plus bas
contre - signé, TOUSSAINT , et scellé du Scel secret
de S. A. R.
Lettre de Cachet pour la remise des Sceaux:
TR
Rès chers et feaux , nous vous avons nommé
nos Commissaires pour l'execution de la
Cession de notre Duché de Lorraine , par nos
Lettres
AVRIL. 1757. 699
Lettres de ce jourd'hui ; avant d'y proceder vous
vous ferez remettre les Sceaux , tant de notre Cour
Souveraine , que de notre Chambre des Comptes
et autres Jurisdictions inferieures , lesquels
vous déposerez entre les mains de notre cher et
féal Conseiller Secretaire intime le sieur de Mo
litoris , ensemble ceux que vous avez par devers
vous de notre Duché de Bar. La présente n'étant
à autres fins , nous prions Dieu qu'il vous ait ,
très-chers et féaux , en sa sainte et digne garde.
Ecrit à Presbourg ces . Mars 1737. Signé ,
FRANÇOIS . Et plus bas contre- signé , PHUSTCHER .
Après la lecture et publication desdits Actes , de
Bourcier de Montureux , Procureur General, a dit :
Mrs dans l'Univers rien n'est à l'abri du chan
chement. Les Empires les plus vastes et dont la
puissance paroissoit établie sur des fondemens
inébranlables , sont devenus le jouet de la fortune
, et ont été anéantis sous le poids de leur
propre grandeur.
D'autres Monarchies s'étant élevées successi
vement sur leurs ruines , sont tombées à leur
tour en décadence , pour faire place à de nouvelles
Dominations.
C'est ainsi qu'anciennement les Etats de Lorraine
et de Bar dépendoient d'un Empire florissant
, dont l'étendue n'avoit presque d'autres
bornes que celles de l'Europe.
Dans la suite ils devinrent partie d'un Royaume
, lequel
ayant
encore
été démembré
, il se
forma
de la Lorraine
et du Barrois
deux
Duchés
, qui apartinrent
d'abord
à differens
Princes
; mais
qui , ensuite
, furent
réunis
sous
une
même
Autorité
.
Aujourd'hui , par une suite de cette viciscitu
de inséparablement attachée aux choses humai
D v Des
700 MERCURE DE FRANCE
nes , ces deux Etats vont être soumis à la Souveraineté
de Sa Majesté Polonoise , par un Evenement
qui n'a point d'exemple dans l'Histoire;
et ils doivent après son Regne , faire partie du
Royaume de France , comme autrefois ils ont
fait partie du Royaume d'Austrasie.
Il faut convenir que nous avons éte vivement
touchés d'une révolution si étonnante ; que toute
notre fermeté n'est point à l'abri de ce coup
qui nous frape , et que ce n'est qu'avec peine que
nous avons fait un sacrifice de nos coeurs à l'obéissance
et la soumission que l'on doit aux Dé.
crets impénetrables de la Providence.
Mais en même- temps nous avons lieu de croire
que les nouveaux Monarques que le Ciel nous
destine , ont trop de justice et trop d'humanité
pour blâmer des sentimens si convenables , et
même pour ne pas agréer les pleurs que nous fait
répandre l'éloignement et la dispersion de la
Maison regnante , dont nous avions le bonheur
de suivre les Loix depuis sept cent ans.
Aussi , comme un Peuple si fort affectionné ne
mérite pas d'être malheureux , le Seigneur , en
nous soumettant en ce jour au pouvoir d'un
Prince infiniment pieux , équitable et moderé , a
voulu d'abord calmer nos allarmes et adoucir
notre amertume.
Il nous fait esperer que nous ne changerons.
point de destinée en changeant de Maître , et que
son Gouvernement renouvellera l'image de no-,
tre premiere félicité.
En revanche, S. M. doit être persuadée qu'elle
éprouvera dans ses nouveaux Sujets , un zele inviolable
, et la même fidelité que celle qu'ils ont
cû constamment pour leurs Souverains et dont
ils ont donné en toute occasion des marques
plus
AVRIL. 1737. 701
plus éclatantes qu'aucun Peuple de l'Univers.
C'est dans ces dispositions qu'étant déliés du
Serment de fidelité qui nous attachoit à nos anciens
Maîtres , nous allons lui rendre nos premiers
hommages, et faire des voeux sinceres pour
la conservation de ses jours et pour la prosperité
de son Regne.
"
Nous nous acquitterons des mêmes devoirs
envers S. M. T. C. dans la juste esperance où
nous sommes , qu'ayant toujours vécu jusques à
présent sous les Loix d'une douce domination
et malgré le changement actuel , devant encore
continuer de vivre heureux , cet auguste Monarque
reconnoîtra qu'il est autant de sa justice que
de sa bonté , de nous faire joüir à jamais d'un
bonheur qu'il trouvera fondé sur une aussi longue
et aussi constante possession .
Nous avons déja cet avantage , que les deux
Puissances de concert , ont fait choix d'un Ministre
également éclairé , sage et bienfaisant.
Comme il est le Dépositaire de leur autorité,
il ne vient parmi nous que pour y seconder leurs
favorables intentions , qui se trouvent heureusement
conformes avec la bonté de son caractere ;
ily procurera la paix , la justice et l'abondance ;
et nous devons d'autant mieux augurer de son
Administration , que par son équité et par sa
prudence , il a déja sçû mériter Paplaudissement
et les regrets publics , en quittant une Province
dont l'intendance lui avoit été confiée par un
Roy qui n'éleve que de dignes Sujets et qui ne
récompense que la vertu .
A ces Causes nous requerons qu'Acte nous
soit donné de la lecture et publication des pleins
Pouvoirs, Lettre de Cachet et Procès verbal dont
il s'agit , ordonné qu'ils seront registrés ès Re-
Dvj gistres
702 MERCURE DE FRANCE
gistres de la Cour , pour être executés suivant
leur forme et teneur , et y avoir recours le cas
échéant ; et que copies d'iceux dûement collationnées
seront envoyées dans tous les Bailliages
et Sieges ressortissans nuëment à la Cour , pour
y être pareillement lûs , publiés, registrés et executés
; enjoint à nos Substituts sur les Lieux d'y
tenir la main et d'en certifier la Cour au mois,
Après les Requisitions prises par M. le Procureur
General , M. le Premier Président a dit :
Mrs , la lecture qu'on vient de vous donner des
pleins Pouvoirs que S. A.R. a donnés à ses Commissaires
, nous aprend bien que la Divine Providence
dispose comme il lui plaît des Sceptres
et des Couronnes ; elle nous a enlevé un Prince
que nous avons tant aimé et dont nous ne
sçaurions reconnoître les graces qu'il nous a
faites, qu'en conservant pour lui dans nos coeurs
un souvenir éternel.
La Cour , les Chambres assemblées , faisant
droit sur les Réquisitions du Procureur General,
a donné acte de la lecture des pleins Pouvoirs et
de l'ordre de S.A.R. ordonne qu'ils seront suivis
et executés selon leur forme et teneur et registrés
en son Greffe , ensemble le Procès verbal de
Mrs les Commissaires y dénommés , et qu'à la
diligence dudit Procureur General , copies dûëment
collationnées seront envoyées dans tous les
Bailliages , Prévôtés et autres Sieges du ressort
de la Cour, pour y être pareillement lûs, publiés,
registrés, suivis et executés ; enjoint aux Substituts
des Lieux de tenir la main à leur execution
et d'en certifier la Cour au mois . Fait à Nancy
le 21. Mars 1737. huit heures de matin . Signés,
DE HOFFELIZE , et Vaultrin , Greffier.
LETTRES
1
AVRIL.
1737. 703
LETTRES PATENTES du
Ry de Pologne , pour la prise de Possession
actuelle du Duché de Lorraine.
TANISLAS par la grace de Dieu , Roy de
Pologne,Grand Duc de Lithuanie , Russie,
Prusse , Mazovie , Samogitie , Kiovie , Volhinie,
Podolie , Podlachie , Livonie , Smolensko , Severie
, Czernickow , Duc de Lorraine et de Bar ;
A tous présens et à venir ; SA LU T. Les Traités
et Conventions qui ont été signés par les Ministres
Plénipotentiaires du Roy Très - Chrétien ,
notre très - cher et très - amé Frere et Gendre , er
par ceux de l'Empereur que nous avons acceptés ;
nous ayant transmis la Souveraineté et Proprie
té actuelle des Duchés de Lorraine et de Bar,Terres
, Fiefs et Seigneuries qui en dépendent , connoissant
le fidele attachement que nos nouveaux
Sujets ont eu jusques à présent pour les Ducs nos
Prédecesseurs , et esperant que Dieu , qui destine
à son gré les Sceptres et les Couronnes , disposera
les coeurs des Sujets qu'il nous a soumis ,
à nous rendre avec zele et fidelité l'obéissance
qu'ils nous doivent comme à leur seul et légitime
Souverain ; notre premier soin est de leur
donner des marques de notre affection paternelle,
en déclarant dès à présent que notre intention
est de conserver les Privileges de l'Eglise , de la'
Noblesse er du Tiers Etat , les Annoblissemens
Graduations et Concessions d'honneur faites par
les Ducs nos Prédecesseurs , le tout conformément
à la Convention du 28. Août de l'année
derniere ; A ces Causes , de l'avis de notre Conseil
, de notre certaine science , pleine puissance
et autorité Royale , voulant en vertu des Articles
préliminaires
704 MERCURE DE FRANCE
préliminaires de la Paix , arrêtés et signés le 3.
Octobre 1735. par les Ministres Plénipotentiaires
de notredit Frere et Gendre, et ceux de l'Empereur
, et les Traités et Actes faits en consequence
le 11. Avril et 28. Août de l'année derniere
, nous mettre en possession actuelle et
réelle , comme de fait , nous déclarons par ces
Frésentes,que nous prenons actuellement et réellement
possession du Duché de Lorraine et des
Terres , Fiefs et Seigneuries , Droits et Revenus
qui en dépendent , sans aucune exception , pour
les posseder en toute souveraineté, ainsi et de même
que les Princes de la Maison de Lorraine en
ont joui , pû et dû joüir , nous avons donné nos
pleins Pouvoirs au sieur de la Galaiziere , Conseiller
ès Conseils du Roy Très Chrétien notre
très- cher et très - amé Frere et Gendre , Maître
des Requêtes ordinaire de son Hôtel , et au sieur
de Meskeck , Maréchal de notre Cour , à l'effet
de se transporter incessamment en notre bonne
Ville de Nancy , pour y recevoir en notre nom
les Sermens de fidelité des Présidens , Conseillers
et Gens tenans notre Cour Souveraine de Lorraine
et Barrois , tant pour eux que pour les Of
ficiers des Jurisdictions inférieures , ressortissantes
en ladite Cour médiatement ou immédiatement
, et tous les autres Sujets desdits Duchés ,
ses Jurisdiciables , au jour qui leur sera indiqué
par nosdits Commissaires : voulons que quant à
présent les Officiers de notredite Cour , ceux des
Bailliages , Piévôtés , Grueries et autres Jurisdictions,
comme aussi les Receveurs Particuliers
des Finances , Notaires , Tabellions , Gardenotes
et tous autres Juges , Officiers actuellement
établis dans l'étendue du Ressort de ladite Cour
pour l'administration de la Justice , Police et Finances
AVRIL. -1737. 705.
nances en titre d'Office , ou par Commission ,
continuent d'exercer sous notre autorité les fonc
tions de leurs Charges , Offices ou Commissions
, jusqu'à- ce qu'il en soit autrement par
nous ordonné , et de jouir des honneurs, profits
et émolumens qui leur sont attribués , sans
être tenus de prendre de nouvelles Provisions ,
Commissions ou autres Lettres , dont nous les
dispensons quant à présent. Enjoignons aux Juges
et autres nos Officiers , dans tous les cas sur
lesquels nos intentions n'auront pas été expressément
déclarées par nos Edits , Déclarations et
Arrêts de notre Conseil , de se conformer aux
Ordonnances et Reglemens des Ducs nos Prédecesseurs
, notamment à ceux de notre très - cher
et très- amé Frere le Duc de Lorraine , et à ceux
du Duc Leopold son Pere , de glorieuse memoire
, Coûtumes , Stiles et Usages , jusques à présent
observés dans notredit Duché de Lorraine
er Barrois . Voulons au surplus que les Traités
et Concordats faits entre les Ducs nos Prédecesseurs
et les Princes et Etats voisins , soient ob.
servés et executés selon leur forme et teneur , et
que les differens Ordres de nosdits Duchés continuent
de jouir des Prérogatives , Immunités et
autres distinctions dans lesquelles il ont été jusques
à présent maintenus et gardés.
›
Si donnons en Mandement à nos amés et féaux
Conseillers et Gens renans notre Cour Souveraine
de Lorraine et Bar, ois , Baillifs , Prévôts, Gruyers,
et à tous autres Juges et Officiers , Hommes et
Sujets qu'il apartiendra , que les Presentes ils fassent
lire , publier , registrer et afficher par tout
où besoin sera , et leur contenu garder et obser
ver inviolablement , cessant et faisant cesser tous
troubles et empêchemens à ce contraires . Car
ainsi
6 MERCURE DE FRANCE
ainsi nous plaît. En for de quoi nous avons à ces
présentes Lettres signées de notre mains et contresignées
par le Secretaire de nos Commande
mens , fait aposer notre grand Sceau . Donné à
Meudon le 18. Janvier 1737. Signé , STANISLAS
Roy , Et plus bas , par le Roy , Signé Simon
Siruc. Vi au Conseil , signé, Chaumont , et scellé
du grand Sceau de Cire jaune de Sa Majesté au
Contrescel des Armes du Duché de Lorraine .
Après la lecture des Lettres Patentes , Toustain
de Viray , Avocat Géneral , pour le Procureur
general, a dit:
Mrs , nous demandons pour le Roy Acte de la
lecture et publication des Lettres , et requerons
qu'elles soient registrées sur les Registres de la
Cour , pour être suivies et executées selon leur
forme et teneur , et copies envoyées dans tous les
Sieges du Ressort , pour y être pareillement lûës,
publiées , enregistrées et executées ; enjoint aux
Substituts d'en certifier la Cour au mois.
M. le Premier Président , après avoir pris les
voix , a dit
Mrs , nous sommes instruits , comme toute
P'Europe , de l'amour que la Nation Polonoise a
cú pour son Roy , en sacrifiant leurs vies et leurs
biens pour se conserver un Roy dont elle connoissoit
les vertus et le mérite ; il nous fait annoncer
que la Divine Providence nous l'a destiné
pour gouverner les Peuples des deux Duchés
de Lorraine et de Bar ; nous ne sçaurions mieux
témoigner à Sa Majesté notre reconnoissance
que par la soumission et la fidelité qu'il demande
de pous. La Cour Souveraine , sans doute
s'y portera avec zele , ainsi que tous les Officiers
et Sujets , puisque nous trouvons dans l'auguste
Personne du Roy toutes les grandes quali-
"
lités
AVRIL. 1737. 707
lités qu'on peut désirer à un Souverain , et nous
devons faire des voeux pour la conservation de
Stanislas I. Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie
, Duc de Lorraine et de Bar , que nous
reconnoissons pour notre seul et légitime Souverain
actuel.
Faisant droit sur les Réquisitions des Gens du
Roy, la Cour ordonne que les Lettres seront enregistrées
sur le Registre de la Cour , pour être
suivies et executées suivant leur forme et teneur,
et Copies collationnées envoyées dans tous les
Sieges du Ressort , pour y être pareillement lûës,
publiées , régistrées et executées . Enjoint aux
Substituts d'en certifier la Cour au mois.
Ensuite M. le premier President aprêté le serment
de fidelité en ces termes .
Nous jurons et protestons devant Dieu et sur
les saints Evangiles , tant en nos nom et qualité
de premier Président de la Cour , que pour
tous les Officiers de cette Compagnie , tous ceux
des Siéges qui y ressortissent médiatement ou
immédiatement dans les Duchés de Lorraine
et de Bar , et generalement pour tous les Sujets
desdits Duchés nos Jurisdiciables de quelque
ordre et condition qu'ils soient, que nous reconnoissons
pour notre seul et légitime Souverain
actuel , Stanislas I. par la grace de Dieu , Roi de
Pologne, Grand Duc de Lithuanie , Due de Lorraine
et de Bar , auquel nous promettons fidelité
, obéissance et service envers tous et contre
tous,sans aucunes exceptions et restrictions quelconques
, étant déchargés de tout serment et
devoir de sujet envers le Duc François de Lorrai
ne ; promettons expressément d'avoir pour
ennemis tous ceux que Sa Majesté aura déclarés
tels , de n'avoir aucune intelligence avec
CH
708 MERCURE DE FRANCE
eux , ni leur prêter aucune aide et faveur di
rectement ni indirecsement ; au contraire , d'avertir
Sa Majesté et ceux qu'il lui plaira nous
donner pour Gouverneurs de sa part , de toutes
les intelligences , menées , intrigues et entreprises
qui pouroient , aller contre son service
, et de remplir loyalement à cet egard et
en toutes autres choses les devoirs de bons et
fideles Sujets .
Et M. le premier Président ayant dit ainsi ,
Dieu nous aide , et ses saints Evangiles , M. de
la Galaiziere a répété en lui prenant les mains ,
Ainsi Dieu vous aide.
Après quoi , M. de la Galaiziere tenant dans
sa main un Sceau d'argent aux Armes du Roi
et de la Province , et le présentant à M. le Premier
Président , a dit : Nous vous remettons le
Sceau du Roi pour les Arrêts et autres Expéditions
de la Cour en être scellés désormais .
M. le Procureur General a pareillement prêté le
Serment de fidelité en ces termes .
Nous jurons et protestons devant Dieu et sur
les saints Evangiles , tant en notre qualité de
Procureur General , qu'au nom de tous les Of
ficiers du Parquet de la Cour , et de tous nos
Substituts ès Jurisdictions qui y ressortissent
médiatement ou immédiatement , que nous reconnoissons
pour notre seul et legitime Souve
rain actuel , Stanislas I. par la grace de Dicu ,
Roy de Pologne , Grand Duc de Lithuanie, Duc
de Lorraine et de Bar , auquel nous promettons
fidelité , obéissance et service envers tous et contre
tous sans aucunes restrictions ni exceptions
quelconques , étant dechargés de tour serment
et devoirs de Sujets envers le Duc François de
Lorraine ; promettons expressement d'avoir pour
enneAVRIL.
1737.
09
ennemis tous ceux que Sa Majesté aura déclarés
tels , de n'avoir aucune intelligence avec eux ,
ni leur prêter aucune aide et faveur directement
ni indirectement , au contraire , d'avertir
Sa Majesté et ceux qu'il lui plaira nous don
ner pour Gouverneurs de sa part , de toutes les
intelligences , menées , intrigues et entreprises
qui pouroient aller contre son service , et de
remplir loyalement à cet égard et en toutes autres
choses les devoirs de bons et fideles Sujets.
Ensuite M. le Procureur General ayant prononcé
ces mots, Ainsi Dieu nous aide et ses saints Evan.
giles , M. de la Galaiziere lui ayant pris les mains
a repété : Ainsi Dieu vous aide.
Ce fait , Toustain de l'iray , Avocat General ,
pour le Procureur General , a dit : Nous reque
rons pour le Roy , que le Serment prêté par
M. le Premier Président , et par M. le Procureur
General , soit registré sur les Registres de
la Cour ; et que Copies collationnées soient
envoyées dans tous les Sieges du ressort , en
suite des Lettres Patentes , pour y être pareillement
lûës, publiées et registrées , afin que ce soit
chose notoire à tous et à un chacun les sujets
desdits Duchés et dépendances enjoint aux
Substituts d'en certifier la Cour au mois ; et
que ses Arrêts et autres expéditions de la Cour
seront dès ce jour scellés du Sceau de Sa Majesté
, présentement remis par ses Commissaires
, à M. le Premier Président.
M. le Premier Président ayant repris les voix,
a dit : Faisant droit sur les Requisitions des
Gens du Roi ; la Cour ordonne que lesdits Sermens
seront registrés sur le Registre de la Cour ;
et que Copies collationnées en seront envoyées
dans tous les Sieges du ressort , ensuite des Let-
LICO
10 MERCURE DE FRANCÉ
tres Patentes, pour y être pateillement lûës, publiées
et registrées , afin que ce soit chose notoire
, à tous et un chacun les Sujets desdits
Duchés et dépendances : enjoint aux Substituts
d'en certifier la Cour au mois. Ordonne que
les Arrêts et autres Expeditions de la Cour
seront désormais scellés du Sceau du Roy , à
nous remis par les Commissaires de Sa Majesté.
>
Et à l'instant , Mrs. les Commissaires de Sa
Majesté , s'étant fait aporter le Registre , y ont
signé le présent Acte ainsi , Signé , CHAUMONT,
LA GALAIZIERE , et MEskak.
Et par un Acte separé , la Compagnie et les
Gens du Roi ont également signé ainsi ; signé,
de Hoffelize , Premier Président , Parizot Président
, Mahuet Conseiller Prélat , Bouzey Conseiller
Prelat , Hurault Doyen des Conseillers
de la Cour , de Malvoisin , de Lombillon , Baudinet
, Satazin , Abram , Henry de Pont , Viriet
de Remicourt, du Puy, Reboucher , Rouot ,
Kiecler , Roguier , Cueillet de Saffais , Anthoine
Conseiller Clerc , Feriet , Fisson du Monret
, de Lombillon , Serre , Grandemange , Flo
riot , Joly de Morey , de Maimbourg , Baudinet
de Courcelles , de Bourcier de Montureux
Procureur General , Toustain de Viray Avocat
General , Prugnon l'aîné Doyen des Substituts ,
Drouville , Marcol l'aîné , de Thomerot , Didier
l'aîné , Rheyne , Marcol le jeune , Didieg
le jeune , et Vaultrin Greffier
PLEIN
A VRI L. 1737 718
PLEIN- POUVOIR de M. DE
LA GALAIZIERE en qualité de Commissaire
du ROY Très - Chrétien pour la
Prise de Possession éventuelle du Duché
de Lorraine.
L
OUIS , par la grace de Dieu , Roy de
France er de Navarre : A tous ceux qui ces
Présentes Lettres verront : SALUT. Les mêmes
Traités et Conventions qui ont assuré à
notre très-cher et très - amé Frere et Beau - pere
le Roy de Pologne STANISLAS Premier , la
possession des Duchés de Lorraine et de Bar , en
ayant stipulé la reversion à Nous et à notre
Couronne en pleine Souveraineté , après le décès
de notredit Frete et Beau-pere ; et étant nécessaire
qu'en même tems que les Commissaires
de notredit Frere le Roy de Pologne , prendront
en son nom posssesion , soit du Duché
de Bar , soit aussi du Duché de Lorraine , et
qu'ils receveront pour lui le Serment actuel de
ses nouveaux sujets , le même Serment soit prêté
éventuellement à Nous et à notre Couronne .
voulant de notre part y pourvoir sans aucun
retardement ; pour ces Causes , et autres bonnes
considerations à ce Nous mouvant , Nous
avons choisi , commis et nommé , choisissons ,
commettons et nommons par ces Présentés signées
de notre main , nôtre amé et féal Conseiller
en nos Conseils , Maître des Requêtes
Ordinaire de Notre Hôtel , le Sieur de LA GALAIZIERE
, et lui avons donné et donnons plein
pouvoir , commission et mandement special de
recevoir en notre nom le Serment de Fidelité
éventuel
712 MERCURE DE FRANCE
éventuel des Sujets , soit du Duché de Bar , soir
aussi de celui de Lorraine , et de faire à ce sujet
tout ce qui sera nécessaire , voulant qu'il agisse
en cette occasion avec la même autorité que
Nous ferions et pourions faire, si nous y étions
presens en Personne , encore qu'il y eût quelque
chose qui requât un Mandement plus spécial
que ce qui est contenu en ces Présentes, Car
tel est notre Plaisir. En témoin de quoi Nous
avons fait sceller ces Présentes. Données à Versailles
le treiziéme jour de Janvia l'An de Grace
1737.et de notre Regne le vingt deux . Signé,
LOUIS , Et sur le repii , par le Roy , CHAUVELIN.
Scellé du grand Seau de Cire jaune.
Après la lecture des Pleins- Pouvoirs , Toustain
de Viray , Avocat Général , pour le Procureur Général
, a dit : Messieurs , Nous demandons pour
le Roy Acte de la lecture et publication des Lettres
, et requerons qu'elles soient registrées sur
les Registres de la Cour , pour être suivies et
exécutées suivant leur forme et teneur , et Copies
envoyées dans tous les Siéges du Ressort ,
pour y être pareillement lûes , publiées , enregistrées
et exécutées ; Enjoint aux Subsituts d'en
certifier la Cour au mois.
Mr le Premier Président après avoir pris les
voix, a dit : Ouies les Conclufions des Gens du
Roy et y faisant droit , la Cour ordonne que
lesdites Lettres seront enregistrées sur ses Registres
, pour être suivies et exécutées selon leur
forme et teneur , et Copies envoyées dans tous
les Siéges du Ressort de la Cour , pour y être
pareillement lûës , publiées , registrées et exécutées
Enjoint aux Substituts d'en certifier la
Cour au mois.
Ensuite M. le Premier Président a prété Sere
anent defidelité en ces termes.
AVRIL. : I ཏ 37 ; 713
Nous jurons et protestons devant Dieu , er
sur les saines Evangiles , tant en notre qualité
de Premier Président de la Cour Souveraine, que
pour tous ses Officiers , ceux des Siéges qui y
ressortissent, et généralement tous les sujets Jurisdiciables
des Duchés de Lorraine et de Bar, de
quelque ordre et condition qu'ils soient , que
Nous reconnoissons pour notre seul et légitime
Souverain éventuel Louis XV . par la grace de
Dieu , Roy de France et de Navarre , et ses Successeurs
auxdit's Royaumes , promettons dès - àpresent
comme pour- lors , qu'arrivant le décès
du Roy de Pologne , Duc de Lorraine & de
Bar , notre seul Souverain actuel , Nous garderons
et rendrons à Sa Majesté Très - Chrétienne
, la même fidelité , obéissance et service
dont nous sommes tenus envers notre Souverain
Seigneur actuel ; Nous promettons expressément
d'avoir pour ennemis tous ceux que
S. M. T. C. aura déclarés tels , de n'avoir au
cune intelligence avec eux , ni leur préter aucune
aide ou faveur , directement ni indirectement
; au contraire d'avertir S. M. et ceux qu'il
lui plaira nous donner pour Gouverneurs de
sa part , de toutes les intelligences , menées, intrigues
et entreprises qui pouroient aller contre
son service ; et de remplir loyalement à cet
égard et en toutes autres choses , les devoirs de
bons & fideles Sujets .
Et M. le Premier Président ayant die ensuite,
Ainsi Dieu Nous aide et ses saints Evangiles ,
le Commissaire du Roy , en lui tenant les
mains , a répeté : Ainsi Dieu vous aide .
M. le Procureur Général a pareillement prété
Serment de Fidelité en ces termes :
Nous jurons et protestons devant Dieu , et
1
sur
714 MERCURE DE FRANCE
sur les saints Evangiles , tant en notre qua
lité de Procureur Général , que pour tous les
autres Officiers du Parquet de la Cour , et pour
nos Subsituts ez Jurisdictions qui y ressortissent
, que Nous reconnoissons pour notre seul
et légitime Souverain éventuel Loüis XV . par
la grace de Dieu Roy de France et de Navarre
, et ses Successeurs aux dits Royaumes ; promettons
dès - à- present comme pour lors , qu'arrivant
le décès du Roy de Pologne , Duc de
Lorraine et de Bar , notre seul et légitime Souverain
actuel , Nous garderons et rendrons à S.
M. T. C. la même fidelité , obéissance et service
dont nous sommes tenus envers notredit
Souverain Seigneur actuel. Nous promettons
expressément d'avoir pour ennemis tous ceux
que S. M. T. C. aura déclarés tels , de n'avoir
aucune intelligence avec eux , ni leur préter aucune
aide ou faveur directement ni indirectement
, au contraire d'avertir S. M. et ceux qu'il
lui plaira nous donner pour Gouverneurs de sa
part de toutes les intelligences , menées , intrigues
et entreprises qui pouroient aller contre
son service ,. et de remplir loyalement à cet
égard , et en toutes autres choses , les devoirs
de bons et fideles Sujets.
Ensuite M. le Procureur Général ayant prononcé
ces mots : Ainsi Dieu Nous aide et ses
Saints Evangiles ;
Le Commissaire du Roy , lui ayant pris les
mains , a répeté : Ainsi Dieu Vous aide.
Ce fait , Toustaint de Viray , Avocat Général,
pour le Procureur General , a dit : Nous requerons
pour le Roy , que le Serment prété par M.
le Premier Président , et par M. le Procureur
Général , soit registré sur les Registres de la
Cour
AVRIL. 1737. 715
Cour ; et que Copies collationnées soient envoyées
dans tous les Siéges du Ressort , ensuite
des Lettres de Plein-pouvoir , pour y être pareillement
lûës , publiées et registrées , afin que
ce soit chose notoire à tous et un chacun les
Sujets desdits Duchés de Lorraine et de Bar , et
dépendances . Enjoint aux Substituts d'en certifier
la Cour au mois.
M. le Premier Président ayant pris les voix ,
dit : Faisant droit sur le Requisitoire des Gens
du Roi , La Cour ordonne que lesdits Sermens
seront enregistrés sur les Registres de la Cour ;
et que Copies collationnées seront envoyées
dans tous les Siéges du Ressort, ensuite des Leta
tres de Plein- Pouvoir ; pour y être pareillement
lues , publiées et registrées, afin que ce soit, chose
notoire à tous et un chacun les Sujets desdits
Duchés de Lorraine et de Bar , et dépendances.
Enjoint aux Substituts d'en certifier la Cour au
mois.
Et le Registre ayant été aporté à M. le Commissaire
de S. M. il a signé , CHAUMONT
LA GALAIZIERE.
Et par un Acte feparé , la Compagnie et les
Gens du Roy ont également signé . Ainsi Signés
DE HOF FELIZ E , Premier Président,
Parisot , Président , Mahuet , Conseiller Prélat
, Bouzey , Conseiller Prélat, Hurault, Doyen
des Conseillers de la Cour , de Malvoisin , de
Lombillon , Baudinet , Şarazin , Abram , Henry
de Pont , Viriet de Remicourt , du Puy , Rcboucher
, Roüot , Kiecler , Roguier , Cueillet
de Saffais , Anthoine , Conseiller Clerc , Feriet
de Fisson du Montet , de Lombillon le jeune
Serre , Grandemange , Floriot , Joly de Morey,
de Maimbourg . Baudinet de Courcelles ; de
E Bourcier
>
>
716 MERCURE
DE FRANCE
•
Bourcier de Montureux , Procureur Général ;
Toustain de Viray , Avocat Général , Prugnon
l'aîné , Doyen des Substituts , Drouville , Marcol
l'aîné , de Thomerot , Didier l'aîné , Rheyne,
Marcol le jeune, Didier le jeune, et Vaultrin,
Greffier.
Le signal avoit été donné par un coup de
canon , qui avertit les Troupes de se mettre en
marche pour occuper les postes destinés par
M. le Marquis de Brezé , Brigadier des Armées
du Roy , Colonel du Regiment de Guyenne ,
Grand Maître des Ceremonies , on fit aussi-tôt
une décharge de l'Artillerie , suivie de celle de la
Mousqueterie.
Toutes ces operations ayant été achevées à
onze heures , Mrs de la Galaiziere et Meckec ,
se rendirent dans l'Eglise Paroissiale de S. Sebastien
, où M. l'Evêque de Toul officiant Pontificalement
, entonna le Te Deum , qui fut chanté
par les Musiciens du Roi de Pologne avec
une brillante Symphonie ; on chanta aussi en
Musique , Domine salvum fac Regem & c. Outre
les Cours Souveraines et Subalternes , les Cha➡
pitres et les Communautés regulieres qui y assisterent
, il y eac un grand nombre de Personnes
de la haute Noblesse avec un concours inexprimable
de Peuple , criant , Vive le Roi.
Lorsque M. de la Galaiziere fut sorti de l'Eglise
pour retourner à la Cour , où il est logé ,
il trouva ses ordres executés pour un grand diné
, à plus de 100 couverts , qui fut donné à
tous les Officiers des deux Cours Souveraines ,
et à toute la Noblesse qualifiée comme toute
la Garnison avoit été long temps sous les armes
pendant ces ceremonies , on permit aux Soldats
de retourner chès leurs hôtes,et ils furent avertis
AVRIL. 1737.
717
de se rendre à six heures aux Lieux marqués ,
où ils devoient se mettre en Bataille .
A la nuit fermée , M. de la Galaiziere alluma
un grand feu de joye preparé sur la Place de
Carriere , lequel fut suivi d'un feu d'artifice très
bien executé : 3000. Lampions éclairoient tout e
la façade du Palais , et tous les habitans de
Nancy firent aussi des illuminations et des feux
de joye. M. de la Galaiziere repandit pendant
tout le jour beaucoup d'argent au Peuple , et fir
donner abondamment du vin à tous les Soldats
de la Garnison qui forment trois Bataillons
Le même jour 21. Mars , M. l'Evêque de
Toul rendit un Mandement dont voici la
teneur .
"
SCIPION JEROME , par la grace de Dieu et l'autorité
du Saint Siége Apostolique , Evêque Comte
de Toul , Prince du Saint Empire. Au Clergé
Seculier et Regulier , soi disant exempt et noa
exempt, et aux Fideles de la partie de notre Diocèse
située en Lorraine et Barrois , Salut et Benediction
en Notre Seigneur JESUS - CHRIST.
Un des plus riches présens que le Ciel puisse
faire aux hommes , c'est , nos très- chers Freres ,
de leur donner des Princes , qui plus attachés au
bonheur des Peuples , qu'à l'éclat de leurs' Couronnes
, ne se souviennent qu'ils sont les Maîtres
de leurs Sujets , que pour montrer qu'ils
en sont les Peres , et qui , joignant à la connoissance
de leurs devoirs une exacte fidelité à les
remplir , soient moins jaloux de regner , que de
faire regner avec eux la verité et la justice.
Telle est depuis long temps la felicité de vos
Provinces. Soumis à des Souverains qui étoient
tout ensemble selon le coeur de Dieu et selon
le coeur des homines , depuis combien d'années
E ij goutez
718 MERCURE
DE FRANCE
goutez-vous les douceurs du plus juste et du
plus tranquille gouvernement
? C'est par leur
bonté et par leur prudence que,preservés des fu- reurs de la guerre , et de tous les maux qu'elle entraîne comme necessairement
avec elle , vous
avez vécu jusqu'ici dans le repos et l'abondance
d'une paix si heureuse , que les Peuples de l'Eu- rope ont souvent plus envié votre bonheur
qu'ils n'estimoient
leur propre gloire . Aujourd'hui la divine Providence attentive
à vous continuer les mêmes faveurs , ne forme
au grand Prince qui vous a gouverné jusqu'ici
, d'autres destinées , que pour le remplacer
par un Souverain qui rassemble tout ce qu'il
faut pour être les délices des Peuples , et qui
avant même de vous avoir vûs , fait déja paroître
le plaisir qu'il aurà de vous rendre heureux .
Quelles graces ne devez- vous pas au Seigneur,qui , selon l'expression de l'Ecriture , transfere à son
gré les Royaumes et en établit de nouveaux
de vous avoir reservé un homme de sa droite, en qui il a répandu ces dons excellens de sagesse
et d'intelligence , qui sont le caractere
des grands Rois , et qui étant comme l'ame
du Gouvernement
legitime , deviennent une
source assurée de la felicité publique ?
Dès les premieres années de Sa Majesté , ses
exploits ont fait éclater sa valeur , et l'ont fait
paroître digne du Thrône : les dangers et les
obstacles ont signalé sa fermeté , et désormais
parmi vous il signalera sa sagesse à gouverner
et vous fera éprouver que les vertus douces et
tranquilles trouvent place dans un coeur courageux
.
"
Conservez , nos très- chers Freres , conservez
long- temps ce précieux don , l'effet des plus
signas
AVRIL. -1737. 719
signalées misericordes . Passez des jours heureux
et paisibles sous la protection d'un Roi ,
qui ne vous fait reconnoitre son autorité legi
time , que pour vous en faire sentir les douceurs
; et puisque Dieu veut que nous soyons
remplis de veneration , de fidelité et d'attackement
pour ceux qu'il a élevé au dessus de nous ,
efforcez-vous de mériter par une respectueuse
afection , qu'il vous honore de la sienne . Ces
sentimens ne sont pas étrangers à vos coeurs.
Jamais Peuple a - t- il plus aimé ses Souverains.
et porté plus loin le zele de leur gloire ?
Vous avez déja senti tout le prix de ce bienfait
, et vous y avez répondu par des acclamations
publiques , mais ce n'est pas assés . Ilest
un bonheur qui ne peut être aplaudi et
celebré autant qu'il le mérite , que par la voix
de l'Eglise. C'est le bonheur d'avoir en la Personne
Sacrée de Sa Majesté un Monarque qui
étant l'image de Dieu sur la terre par la participation
de sa puissance , lui ressemble encore
plus, par la participation de ses autres perfections
; un Souverain qui prenant la justice pour
regle de ses déliberations , la fera asseoir avec
lui sur le même Thrône , et présider à tous ses
Conseils ; un Roi Chrétien qui prendra en
main la cause de Dieu , et qui de la loi du
Seigneur en fera sa propre loi , qui protegera
la pieté , l'inspirera par ses exemples , et assitrera
à nos Eglises l'avantage d'offrir leurs voeux
et leurs Sacrifices dans le tranquille exercice du
culte de Dieu.
C'est pour cela , Seigneur , que vous multiplierez
les jours de cet Auguste Monarque , et
que vous le conserverez , autant pour l'honneur
de votre Saint Nom , que pour le bien
E iij de
720 MERCURE DE FRANCE
:
de son Peuple. Avec une ame aussi grande
une Religion aussi pure , un zele aussi ardent ,
que ne fera - t- il pas pour vous ? Qu'il vive
donc , ô mon Dieu , pour votre gloire et vos
interêts ; et puisque vous vous glorifiez dans
l'Ecriture d'être spécialemenr l'auteur du salut
des Rois , montrez que vous l'êtes en effet ,
en répandant sur lui l'abondance de ces benedictions
dont vous récompensâtes autrefois la
Religion de David. Etendez sur lui votre main
animez le de votre esprit : récompensez par
de nouvelles effusions de votre grace ce coeur
docile pour accomplir vos volontés , cette soumission
pour votre l'Eglise , ces entrailles de
Pere pour son Peuple , que vous lui avez déja
données. Associez à ces benedictions l'Auguste
Reine qui se trouve si parfaitement associée à
ses vertus , et qui , rapellant à l'Univers l'idée
de la femme forte supérieure à tous les événemens
, nous enseigne par son exemple à n'estimer
que les biens qui se puisent dans les sources
de la sagesse .
-
A CES CAUSES , Nous ordonnons qu'à l'avenir
en toutes les Eglises soi disant exemptes et
non exemptes de la partie de notre Diocèse située
en Lorraine et Barrois , on priera publiquement
et nommément pour le Roi dans les
diférentes parties du Service divin , où il est
d'usage de prier pour les Souverains en chantant
les Versets Domine falvum fac Regem , et autres
marqués dans le Rituel du Diocèse , l'Oraison
se dira ainsi : Quasumus omnipotens Deus, ut famulus
tuus Stanislaus Rex noster qui tuâ miferatione
suscepit Regni gubernacula , &c.
Dans les recommandations du Prône des Messes
de Paroisse , on dira pour la Personne Sacrée
AVRIL. 1737 . 721
trée du Roi , pour la Reine , et pour la Famille
Royale. Et dans le Canon de la Messe on dira ,
et Rege nostro Stanislao
Et sera notre présent Mandement lû et publié
aux Prônes des Messes Paroissiales et dans toutes
les Communautés Ecclésiastiques Séculiéres
et Régulieres , et affiché par tout où besoin sera .
Donné à Nancy.
COMPLIMENT fait par M. Hanus
Prevôt , Lieutenant Général de Police
de Nancy , le Vendredy 22. Mars
1737 , étant à la tête de la Députation
de l'Hôtel de Ville ; à leurs Excellences
MM. De la Galaiziere et de
Meckec , Commissaires nommés pour
la Prise de Possession du Duché de
Lorraine.
MESSEIGNEURS ,
Les Officiers de l'Hôtel de Ville de Nancy reconnoissans
en vos Personnes les Dépositaires de
P'Autorité Royale , qui commence à régner sur eux,
ont l'honneur de présenter à vos Excellences les
très - respectueux témoignages de leur soumission .
Pendant le siécle dernier elle fut , envers la
France , l'effet des troubles qui régnerent alors ,
la contrainte y eut part ; mais à présent que de
pacifiques accords transferent légitimement , et notre
amour pour nos Maîtres et la foy de nos
Sermens ; c'est , Messeigneurs , par ces mêmes caracteres
de l'amour et de la fidelité , qui nous
E iiij
,
ont
722 MERCURE DE FRANCE
ont toujours singulierement distingués de toutes les
Nations , que nous esperons mériter les graces de
nos Rois , et votre protection .
Aussi nous sentons très - vivement que par notre
union à la Monarchie Françoise , nous allons entrer
en participation de toute sa gloire ; nous sçavons
que , par-là , nous allons lui devenir comp -
tables , en quelque sorte , de toutes ces grandes actions
, par lesquelles Elle s'est acquis cette supériorité
generale , dont elle jouit sur toutes les
Nations de l'Univers ; & que pour nous acquiter
des avantages d'une telle association , il ne faut
rien moins que des coeurs vraiment dévoués à la
gloire de leur Prince , et au bien de la Patrie . Ce
sont là aussi , Messeigneurs , les talens que nous
aportons avec nous , et ce que l'Histoire d'un grand
nombre de siécles garentit.
d'une
Au surplus , nous nous felicitons , très-particulierement
, des augures heureux que nos nouvelles
destinées nous présentent dans le choix qui
a été fait de vos Excellences pour l'administration
de la Justice , Police et Finances des Etats ,
part ; et pour la direction de la Maison Royale
d'une autre. Deux Grands Rois vous ont en cela
honoré
par leur juste discernement ; et la renom—
mée , qui vous a précedés dans cette Province
nous a assuré que , par vos éminentes vertus
vous repondrez toujours parfaitement à leur attente.
Eux , Rois remplis de Religion & de magnanimité
; Vous , Ministres sages et habiles , tout
cela nous annonce dans notre changement
remplacement qui ayant déja fixé notre obéissance
fixera encore les mouvemens les plus affectionnés
de nos coeurs .
›
2
un
Fasse donc le Ciel qu'en répandant ses benedictions
les plus abondantes sur les nouveaux Maitres
A VRIL . 1737. 723
tres qu'il nous a successivement destinés ; qu'en
assistant toujours vos conseils de ceux de sa sagesse
, et qu'en dirigeant toujours nos actions par
les regles de notre devoir , nous puissions , à l'envi
de toutes les Nations , toujours trouver notre
bonheur dans celui de nos Rois . Que vous , Messeigneurs
, proches temoins de notre zele et de
notre fidelité , vous nous jugie dignes de votre
apui , que vous puissiez long- temps et heureusement
nous guider dans la voye de la justice ; et
qu'en perpétuant ainsi la felicité dont nous jouissions
, vous vous acquériez une gloire immortelle.
Ce sont- là , Messeigneurs , les Voeux de la Ca
pitale du Duché de Lorraine , conformes à ceux de
toute la Nation , dont la voix retentit déjajusqu'à
nous .
LE SINGE PHILOSOPHE ,
FABLE.
UN Singe hai des siens fut réduit aux abois ;
Il se retira dans les bois ,
Où couvrant sa misantropie
Du beau nom de Philosophie ,
Solitaire, pensif, de maints discours mocqueurs ,
Drapoit en se loüant les humaines erreurs ,
S'exemptant des défauts de la gent animale ;
Un Renard l'entendant débiter sa morale
Lui dit : Oui , Monsieur le Docteur ,
Le Monde est ur Théatre où le Sage en parole ,
Ev Qui
724 MERCURE DE FRANCE
Qui croit n'être que Spectateur ,
Joüe assés souvent un sot Rôle.
C. X. J. de Loiré.
ARREST BURLESQUE sur une
Lettre Philosophique pour rassurer
l'Univers , & c.
L
E Soleil , par la grace de Dieu , brillant
Pere de la Lumiere, Prince du jour, Seigneur
de la Terre et de l'Onde , Dispensateur souverain
des Nuages , de la Grêle et des Vents , Grand-
Maître de l'Artillerie des Cieux , Gouverneur
general des Saisons et de leurs dépendances , à
tous les Sujets de notre Empire , soit à ceux qui
habitent sous les Lieux de notre résidence , et que
nous favorisons de nos rayons directs , soit à
ceux qui , moins heureux , n'en reçoivent que
d'obliques , SALUT , LUMIERE ET CHALEUR .
Nous nous serions aperçus dans les voyages réguliers
que nous faisons pour le bonheur du Monde
, qu'un de nos Sujets auroit osé dans un Libelle
intitulé , Lettre Philosophique , e chercher
à nous dégrader , et auroit , au grand étonnement
de tous les Philosophes Phisiciens et des
divers Peuples qui nous sont soumis , voulu nous
dépouiller de nos plus beaux droits et des fonctions
, prérogatives et privileges dont nous jouis
sons depuis un temps immémorial , et dont la
pleine possession ne nous avoit jamais été contestée
ni par Platon , Aristote et autres que nous
aurions
AVRIL. 1737. 725
1
aurions créés les Connoisseurs et Spéculateurs de
nos vrais attributs , ni par Descartes , Newton
Leibnits et autres que nous aurions élevés dans
la suite aux mêmes Charges et Dignités. Cepen
dant , malgré des Titres si sûrs et si évidens , ledit
Auteur n'auroit pas laissé de s'en prendre à
nous , et de vouloir que nous ne fussions pas
cause des variations irrégulieres qui regnent dans
les Saisons pour le froid ou le chaud qui s'y fair
sentir ou plus tôt ou plus tard , suivant que nous
l'avons déterminé , sans que la régularité de notre
cours puisse nous priver de ce droit ; qu'il
ne nous fût pas permis non plus d'aller au delà
des Tropiques, quand bon nous semblera , et cela
parce que depuis six mille ans nous n'aurions pas
eû la curiosité d'y aller , n'aimant point , ainsi
que font tant d'autres Souverains , à nous écarter
trop du centre de nos Etats ; s'ingerant encore
ledit Auteur de fixer les bornes de notre
Empire à dix pieds de profondeur sous la surface
de la Terre , et voulant élever là les limites de
notre Puissance et activité , comme si ce n'étoit
pas nous qui allassions porter le feu jusques dans
le centre de la Terre et allumer ces Incendies
souterrains , dont nous nous plaisons à effrayer
nos Peuples Terriens , disant aussi que nous ne
faisons qu'ouvrir en nous aprochant , ou laisser
fermer en nous éloignant des issues ou comme
des especes de soupiraux , d'où s'exhalent des
vapeurs chaudes et fécondes , propres à animer
la Terre et ceux qui l'habitent ; faisant entendre
ainsi sourdement qu'elle contiendroit dans son
centre comme une autre espece de Soleil caché ,
quoique bien inférieur nous , qui seroit la
source de tous les biens qu'elle ne tient que de
nous ; voulant enfin , au grand scandale de tous
vi
nos
726 MERCURE DE FRANCE
1
étant
>
nos bons Sujets, ne nous faire passer auprés d'eux
que pour une Lanterne propre à les éclairer , et
pour une Pendule qui n'est destinée qu'à leur
les heures ; A CES CAUSES , marquer
nécessaire d'y pourvoir et d'arrêter des opinions
si nouvelles et si offensantes pour nous , oui le
raport qui nous auroit été fait de ladite Lettre
ensemble des observations et reflexions qui ont été
faites sur icelle , nous avons ordonné et ordonnons
audit Auteur de se rétracter incessamment
sous peine d'être enfermé dans nos froides prisons
de la Lune , les mêmes où fut détenu si
long- temps Copernic , ce fameux coupable qui
avoit osé prétendre que nous étions comme enchaînés
au centre de nos Etats ; mais voulant favoriser
de plus en plus ceux qui se montrent les
zelés défenseurs de nos droits et de nos privileges
, nous les invitons à se rendre au plutôt dans
les Lieux qui se trouvent situés sur nos routes ordinaires
, afin qu'ils y viennent couronner leurs
têtes de nos rayons perpendiculaires et recevoir
de no is les chaudes influences dont nous souhairons
de les honorer. Donné au Firmament dans
un de nos Palais d'Hyver , l'an 5737. de notre
Regue.
ACROS.
AVRIL. 1737. 727
ACROSTICHE.
riller par des talens , plaire par la figure
tre fidele ami , complaisant sans fadeur ,
Décider sagement , juger avec mesure ,
Obliger noblement , avoir de la douceur ,
nspirer avec art du goût pour la tendresse ,
mt la porter au coeur avec délicatesse ,
Passembler cent vèrtus qui le font admiter .-
st peindre trait pour trait Damis sans le flater.
****
J
Le Chevalier d'H✩ **
ENIGM E.
E suis communément d'une figure ronde ; -
Chacun se pique aujourd'hui dans le monde
De me parer fort richement ,
Bien que l'on me perde aisément.
Je suis commun par tout , et dans chaque Pro
vince
Je sers les Petits et les Grands ;
Chés l'Artisan et chés le Prince
Je ne sçaurois servir si j'ai ma liberté.
Une dure necessité
Veut
728 MERCURE DE FRANCE
Veut qu'on m'attache, et pour surcroît de peine
Une Compagne qui me gêne ,
Augmente ma captivité ,
Plus dans l'Hiver que dans l'Eté .
Vous , qui ne pouvez me connoître
Par ce recit de mon emploi,
Sçachez que
•
bien souvent , pour attaquer mon
Maître ,
D'un air audacieux on met la main sur moi.
LOGOGRYPHE.
Lecteur ,qui te plais à percer.
D'un Logogryphe obscur l'agréable Dédale ,
Celui qu'ici ma Muse étale
Poura quelque temps t'exercer.
Un mot composé de six Lettres
En renferme vingt neuf qu'il faut que tu pénétres
.
Trois d'abord , sans rien combiner ,
A tes yeux s'offrent tout de suite ;
Je ne veux point les désigner
Ce seroit te ravir trop vîte
Le plaisir de les deviner.
Mais démembre , si tu souhaites
Par les autres vingt six déveloper ceux - la ;
Tu rencontreras deux Prophetes ,
Ce
AVRIL. 1737. 729
Ce qu'au camp de Porsenne un Romain se brula.
Du Tenare un Juge sévere ;
Deux Monts fameux de l'ancienne Loy ;
Ce qui dans certains jeux est préférable au Roy.
Un Saint que l'Eglise révere.
Un trésor qu'en ce siécle on trouve rarement,
La graine qui chasse le vent.
Un Auteur connu dans la glose.
D'un Patriarche un Descendant.
Ce qui dénomme chaque chose.
Le plus dur du Corps animal.
La Vache qu'Argus garda mal.
Du Dieu du Thyrse la Nourrice.
Le Pere des quatre Saisons .
Ce que renferme l'Ecrevisse ,
Ou tel autre que l'on choisisse,
Du Belier jusques aux Poissons.
Poursuis : Tu verras une Ville
Dont fait mention l'Evangile.
Plus trois autres Cités ; d'Israël un des Rois.
Ce qu'un négligent fuit , et que prend l'Home
me sage.
De la Musique enfin deux Voix .
Adieu , Lecteur , pour cette fois
Je ne t'en dis pas davantage.
Ala Fere, par M. de Broglia
de Martigues .
AUTRE
730 MERCURE DE FRANCE
L
AUTRE.
Ecteur , je suis dans l'Homme , et dans tour
Animal .
Je suis dans l'un , commè dans l'autre ,
Dans Bourgeois , Païsan , dans Veau , Comme
Cheval .
Telle dans tout Climat , qu'on me voit dans le
notre.
Huit Lettres composent mon Nom ,
Dont 1. et 2. me font un Fleuve de renom :
1. 2. et 4. Une grande Mesure ,
Ou quelqu'autre Vaisseau souvent sans Cou
verture .
1. 2. 7. avec 4. Un Ouvrage sur l'eau
Qui fait passer voyageur sans bâteau :
1. 2. 5. avec 4. Un Abord désirable ,
Ou tend Navigateur ayant vent favorable
1. 2. 5. 4. et 8. Ce qui sera fermé
Dans le Ciel à tout Réprouvé :
I. 2. 3. 7. et 4. Une ronde Figure.
Qui fera reposer l'Homme dans sa lecture -
1. 2. 3. 7. 4. avec huit ,
C'est le faux brillant de l'esprit.
1. 2. 3. 5. et 8. Un gros Fruit agréable ,
Commun, et qu'on presente à Table :
1. 2. 5. 8. Un certain petit trou
Imperceptible , et devine ou :
Iv S. 2 To
AVRIL. 1737. 731
1. 5. 2. 7. et 8. Ce que fait dans l'Eglise
Un Curé le Dimanche , ou Personne commise
1. 3. 8. Un certain Oiseau
Qui chante mal et n'est beau
pas
:
1. 6. 7. Certain Arbre assés haut,dont la Pomme
N'a jamais dans Eden tenté le premier Homme;
I. 3. 7. 4. et 8. De deux la Portion
Dans Réguliere Pension :
1. 3. 4. avec 8. Une Monnoïe antique ,
Petite de valeur , petite de fabrique :
1. 6. 2. 7. Membre de certain Jeu ,
Qui , dans le temps present , n'a presque plus
de lieu :
1. 8. 3. 7. 4. 5. 8. Un Homme
Dont la Profession brilloit jadis à Rome :
1. 3. 8. 5. et 6. Un Canton Champenois ,
Qui , pour Vin excellent , l'emporte sur Ard
M
bois.
Par Duchemin , Musicien à Angers.
AUTRE.
On nom fait très souvent l'Epitheté d'un
Fat ,
Il est d'une syllabe , et retournant sa tête ,
C'est un Arbre sans fleurs , sans fruits , sans
odorat .
Je suis Note , et Métal .. J'en dis
m'arrête .
..
tropje
LOGOGRY
Desnoyers L. P. à Etampes.
732 MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHUS.
A Ures obtundo. Per partes , abdita signo ≤
Passio sum Juvenum , qua Senibus rèmanet z
Si totum invertas , Urbs famosissima dicor ;
Sum Pueris aptum , meque Senes redamant.
Les mots de l'Enigme et des deux derniers
Logogryphes du Mercure de Mars,
sont expliqués par les Vers ci-après . Le
mot du premier Logogryphe est Notaire ,
dans lequel on trouve , Air , et Note .
Dans le second , Pan , Pie , Re , Pape ,
Peau , Pré, Pair , Pere, Pipée , Eve , Rire,
Rape , Priape , Vire , Pipe , Pari et Ave;
et dans le troisième , Piper , Japer , Pair,
Pape, Pire, Pipe , Rape , Pari, Apre, Apre
au gain, Aire, Ipre , Pie , Air , Epi , Ire,
Pré , Ré , Air , et Priape.
VERS explicatifs de l'Enigme et des
deux derniers Logogryphes inserés dans
le Mercure du mois de Mars 1737.
J E n'ai , graces à Dieu , ni femme ni Procès ,
L'ardente soif du gain ne fait point mon yvresse,
J'abandonne au Chimiste et soufflet et richesse ,
Et dans mon repos seul je mets tout mon succès .
Je
A VRIL.
733
1737.
Je m'embarasse peu du boire et du manger ,
Tranquillement la nuit je ferme la Paupiere ,
Et quand le blond Phébus ramene la lumiere ,
Je m'amuse par fois à broüiller du Papier.
Fr. Mar. Nich. de Paris.
DASAALA
NOUVELLES LITTERAIRES,
DES BEAUX ARTS , &c.
PITRE DE M. GRESSET , écrite
E de la Campagne au Pere ***. A
Paris , Quay de Gêvres , chés Prault ,
Pere , 1737. Brochure de 32. pages.
L'ingénieux Poëte commence par faire
un parallele agréable de la Solitude où
il est , au grand monde de Paris , et
poursuit ainsi :
C'est donc vous seul que sans contrainte ,
Et sans interêt et sans feinte ,
J'apelle en ces Bois enchantés ,
Moins reverend qu'aimable Pere ,
Vous dont l'esprit , le caractere ,
Et les airs ne sont point montés
Sur le ton sotement austere
De cent tristes Paternités ,
Qui
734 MER CURE DE FRANCE
Qui , manquant du talent de plaire ,
Et de toute legereté ,
Pour dissimuler la misere
D'un esprit sans amenité ,
D'une sagesse minaudiere ,
Affichent la severité ,
Et ne sortent de leur taniere
Que sous la lugubre banniere
De la grave Formalité , &c .
La Description qu'on va lire feray
sans doute , plaisir.
Imprimez , affichez sans cesse ,
Et s'entrechassant de la presse ,
Mille autres nous inonderont
D'un déluge d'Ecrits stériles
Et d'Opuscules puériles ,
Auxquels , sans doute , ils survivront ;
A cette abondance cruelle ,
Je veux toujours en verité
Et de la Fare et de Chapelle
Préferer la stérilité ;
J'aime bien moins ce Chêne énorme
Dont la tige toujours informe ,
S'épuise en Rameaux superflus ,
Que ce Myrthe tendre et docile ,
Qui croissant sous l'oeil de Venus ,
N'a pas une feuille inutile ,
S'épanouit
AVRIL. 1737.
735
S'épanouit négligemment ,
Et se couronne lentement.
Il est vrai qu'en quittant la Ville ,
J'avois promis que plus tranquille ,
Et dans moi-même enseveli ,
Je sçaurois , Disciple d'Horace ,
Unir les Nymphes du Parnasse
Aux Bergeres de Tivoli ,
J'avois promis , mais tu t'abuses
Si tu comptes sur nos Discours ,
Cher ami , les sermens des Muses
Ressemblent à ceux des Amours.
Sur un Projet que M. Gresset propose
à son Ami , il s'exprime ainsi :
Nous n'y choisirons point pour guide
Cette Raison froide er timide ,
Qui toise impitoyablement
Et la pensée et le langage
Et qui sur les pas de l'usage ,
Rampe Géométriquement .
Nous finirons par ce trait au sujet d'une
illustre Mort.
Dieux ! quelle nouvelle semée
Subitement dans l'Univers ,
Vient glacer mon ame allarmée ,
Et quelle main de feux armée ,
Lance
736 MERCURE DE FRANCE
Lance la foudre sur mes Vérs !
Sur un Chat funebre portée ,
Des Graces en deuil escortée ,
La Renommée en ce moment
M'aprend que la Parque inhumaine
Sur les tristes bords de la Seine
Vient de plonger au Monument ,
Des Mortels le plus adorable ,
L'ami de tout heureux talent
Et de tout ce qui vit d'aimable ,
Le Dieu même du sentiment ,
Et l'Oracle de l'Agrément !
Il paroît chés Prault , Pere , Quay de
Gêvres , une Epitre de M. B * * * à
M. Gresset , d'environ 80. Vers , qu'on
lit avec beaucoup de plaisir , l'Auteur de
l'Epitre dont on vient de lire l'Extrait ,
y est justemen et élégamment loüé.
DISSERTATIO de Ferri usu et abusu
in Medicina , Authore H. Gourraigne,
Doct. Medico Monspeliensi , Regia Societ.
Scientiarum Socio, Brochure in- 8 . de 40.
pp. imprimée à Montpellier chés F. Ro
chard.
Cette Dissertation , dont le sujet est
important dans la Médecine , est l'Ouvrage
d'un habile Homme , qui paroît
posseder
AVRIL. 1737.
737
posseder à fond la Matiere qu'il a entrepris
de traiter. Il l'a fait d'une maniere
claire , méthodique , et qui ne laisse rien
à désirer pour l'instruction .
Tout l'Ouvrage est divisé en cinq Paragraphes
, qui sont subdivisés chacun en
plusieurs Articles.
Le 1. Paragraphe , précedé d'un petit
Préliminaire , traite des Métaux en général.
Le II . de la Nature du Fer, et des
Médicamens qu'on tire du Fer. Le III.
des Vertus , et des diverses Préparations
du Fer , et de la maniere d'y procéder.
Le I V. du bon Usage du Fer , et des Remedes
qu'on tire de ce Métal. Le V. enfin
des Abus qu'on en peut faire.
LETTRE écrite à M. Gibert , Professeur
de Rhétorique au College Mazarin
, Sindic et Ancien Recteur de l'Université
de Paris , où l'on trouve un
Abregé de la Vie de M. GIBERT , Canoniste
, son Cousin . Brochure in 12. de
12. pp. A Paris , de l'Imprimerie de Jacques
Vincent , rue S. Severin à l'Ange.
M. D C C. XXXVII.
Le R. P. Bougerel de l'Oratoire , qui
travaille à l'Histoire des Hommes Illustres
de Provence , et qui vient de nous.
donner
738 MERCURE
DE FRANCE
donner un bon Livre en ce genre ( La
Vie de Gassendi ) n'a pû refuser à M. Gibert
, son Compatriote et son Ami , un
Précis de la Vie de feu M. Gibert , fameux
Canoniste, en attendant d'être placé
dans un rang distingué , et qui lui est
bien dû , parmi les Illustres de cette Province.
Il ne nous est guere possible de
dire ici autre chose de cet Abregé , si ce
n'est que l'Auteur a très-bien réussi à
nous faire connoître d'avance un de ces
Hommes rares , qui ne perdent rien à
être aprofondis , qu'il falloit étudier , et
dont on peut dire , avec le R. P. Bougerel
, que plus il étoit examiné de près ,
plus il étoit estimé ; et plus il étoit connû
, plus on vouloit le connoître. Une
Liste exacte des Ouvrages de M. Gibert,
inserée dans cet Abregé , et encore plus
les Ouvrages mêmes , justifient ces expressions.
HISTOIRE et Description Générale
du Japon , & c. Second Extrait.
Dans une des Isles du Japon , il y a
une Montagne de six lieuës de long ,
qui est toute couverte d'arbres , et où
l'on trouve un Animal fort singulier .
C'est un Quadrupede dont la peau est
veloutée et de couleur d'or ; sa figure
aproche
AVRIL. 17:37. 739
aproche de celle d'un Chien , mais ila
les pieds beaucoup plus courts ; sa chair
est très - délicate , et lorsqu'on le sert sur
la table des Grands , il est de la magnificence
de le servir tout entier avec sa
peau . Quand cet Animal est vieil , il se
jette dans la Mer , et devient Poisson,
Louis Almeyda , qui raporte cette singularité
dans ses Lettres , avoue que la
premiere fois qu'on lui en parla , il se
prit à rire ; mais qu'il fut bientôt convaincu
par ses propres yeux qu'on ne
lui en avoit point imposé . Un jour qu'il
étoit à Ocica , Capitale du Royaume
on aporta au Roy de Gotto un de ces
Animaux , qui n'étoit encore métamorphosé
qu'à demi . Comme le Roy lui en
fit present , il eut tout le moyen de le
considerer à loisir . Une de ses pates étoit
déja presque toute changée en nageoire
et l'on voyoit de pareilles naissances de
changement en plusieurs autres Partios
de son corps.
ir
>
A la page 10. du second Volume on
raporte , en ces termes , quelques Phénomenes
singuliers. Le 20. de Juillet il
tomba du Ciel à Fucimi et à Méaco quantité
de cendres , ce qui dura une demie
journée. Dans le même temps il plut du
sable rouge à Ozaca et à Sacai ; et peu
après
F
740 MERCURE
DE FRANCE
après des cheveux gris , comme d'une
personne âgée , avec cette difference ,
qu'ils étoient beaucoup plus doux que
les naturels , et qu'étant mis au feu , ils
ne rendoient point de mauvaise odeur .
Toutes les Provinces Septentrionales
pa
furent aussi couvertes de ces especes de
cheveux .
Trois semaines après , les Peuples ,
déja intimidés par de si étranges Phéno
menes , le furent bien davantage par un
autre , qui , tout naturel qu'il pouvoit
être , a toûjours passé , dans l'opinion du
Vulgaire , pour un présage sinistre. On
vit sur Meaco une Comete cheveluë
dont l'aspect sembloit avoir quelque cho
se d'affreux ; soit que cela fût veritablement
ainsi , soit que la frayeur le fît pa
roître tel aux yeux du Peuple épouvan
té. La position de ce Méteore étoit de
l'Occident au Septentrion , et l'on observa
que pendant quinze jours , qu'il
resta sur l'Horizon , il fut toûjours envitonné
de vapeurs fort noires. Enfin le
trentiéme d'Août sur les huit heures du
soir , il y eut presque par- tout le Japon
un tremblement de terre , qui causa de
furieux ravages . Il recommença le quatriéme
de Septembre , et redoubla d'une
si étrange maniere, qu'encore qu'il n'eût
duré
AVRIL. 1737.
741
duté qu'une demie heure à differentes reprises
, tous les Palais que l'Empereur
avoit fait construire à Oząca , où le tremblement
fut plus sensible , furent renversés
et ce qui augmenta considérablement
l'horreur de ce désastre , c'est
qu'en plusieurs endroits , on entendit
sous terre des mugissemens , des coups
semblables à ceux du Tonnerre, et comme
le bruit d'une Mer extraordinairement
agitée.
Le lendemain à onze heures de nuit ,
le Ciel étant fort serein , il survint un
troisiéme tremblement , dont les deux
premiers sembloient n'avoir été que les
préludes ; il fut aussi accompagné de
cris , de hurlemens , et d'un bruit semblable
à des décharges de canon . Il s'étendit
fort loin quantité de Villes furent
renversées toutes entieres , et surtout
celle de Fucimi , où il ne resta
presque rien sur pied de ces magnifiques
Edifices , que Tayco-Sama y avoit
fait construire ; pas même cette Montagne
factice ( dont l'Auteur a deja parlé.
En un mot , on prétend que la per
te que ce Prince fit en cette occasion ,
monta environ à 300. millions d'or. Il ne
resta dans son Palais que la cuisine , où
il se sauva presque nud , portant son
Fij Fils
742 MERCURE
DE FRANCE
Fils entre ses bras. Sept cent de ses Concubines
furent écrasées sous les ruines :
le nombre des autres personnes, qui eurent
le même sort dans toute l'étenduë
de l'Empire , est incroyable ; mais on
prétend qu'il n'y périt aucun Chrétien.
Ce qui est certain , c'est-que toutes
les maisons d'un côté d'une ruë étant
tombées à Sacai celle d'un Chrétien
nommé Roch , où l'on avoit coûtume
de s'assembler pour la Priere , et pour
traiter des affaires de Religion , resta
seule sur pied , et ne reçut aucun dommage.
La Description de Jedo , Ville Capitale,
et du Palais de l'Empereur , mérite
d'être lûë dans le Livre même. Tout ce
qui compose ce Palais Impérial est d'une
solidité extraordinaire , bâti de pierres
d'une grosseur énorme , posées les unes
sur les autres sans ciment , ce qui les met
plus en état de resister au tremblement
de terre, I dans le centre une Tour
à plusieurs étages d'une hauteur surpre
nante. Chaque étage à son toît , selon la
coûtume , et tout l'édifice est d'une beauté
et d'une richesse , qui passe tout ce
qu'on en peut
dire . Les autres Bâtimens
ont aussi leurs toîts recourbés avec des
Dragons dorés à tous les angles, ce qui
y a
produit
AVRIL. 1737. 743
produit un très-bel effet. Le Palais n'a
qu'un étage , ce qui ne l'empêche pas
d'être assés haut. Il est très- vaste ; on y
voit de longues galeries , et des Chamibres
spacieuses , que l'ón agrandit ou retrecit
avec des Paravents. Les façades des
Corps de Logis , et l'interieur des Apartemens
sont d'une beauté exquise dans
le goût de l'Architecture Japonoise ; les
Plafonds , les Solives , les Piliers sont de
Cedre , de Camphre , et de ce beau bois
de Jesery , dont les veines forment natu
rellement des fleurs et d'autres figures
très-variées. En quelques endroits on se
contente d'y jetter une simple couche de
vernis clair ; en d'autres tout est vernissé
en plein , et ciselé avec art. C'est aparemment
suivant la nature du bois qui
y est employé. Les bas - reliefs sont des
Oiseaux , des feuillages et des branches
d'arbres fort proprement dorées et bien
travaillées. Le plancher est par- tout couvert
de belles nattes blanches , avec un
bord ou une frange d'or ; mais dans tous
les Apartemens , où l'on a la liberté d'aller
, il n'y a aucun meuble.
On prétend que ce Palais , tel qu'il
est aujourd'hui , a un Apartement souterrain
, dont le Plafond soûtient un
grand Reservoir d'eau , et où l'Empe
Fiij reur
744 MERCURE DE FRANCE
reur se refugie quand il tonne. On assu
re que l'eau rompt tellement le bruit du
Tonnerre qu'on ne l'y entend point du
tout : il paroît au moins qu'on n'a rien
à craindre en ce lieu des effets de la Foudre.
On a aussi ménagé au même endroit
deux Chambres , où sont les Tresors du
Monarque , et où de bonnes portes de
fer , et des toîts de cuivre les mettent à
couvert des voleurs et du feu,
Au Livre 20. du second Volume , page
470. au sujet du Commerce des Chinois
au Japon , et particulierement de
celui des Habitans des Isles Liqueios ,
l'Auteur nous aprend que ces Insulaires
aportent aussi au Japon dé grandes Coquilles
plates et polies, et presque transparentes
, dont les Japonois se servent
au lieu de vitres , pour se défendre du
froid et de la pluye.
A la page 549. en faisant la Description
de laVille er du Port de Nangazaqui
, qu'on lit avec plaisir , l'Auteur
s'exprime en ces termes : » La bonté de
» l'air , l'agrément de la situation , et
>> les vûës sur la Ville , sur le Havre ,
» et sur tout le Pays d'alentour , ren-
» dent ces Endroits délicieux ; aussi le
» concours du Peuple y est- il toujours
très - grand.
מ
» 11
AVRIL: 1737 741
» Il ne l'est guere moins , continue
l'Auteur , dans un certain quartier de
» la Ville , nommé Kasiematz , c'es- à - di-
» re ,
la Demeure des Courtisanes . Il est
» au midi , sur une éminence nommée
» Mariam , et il consiste en deux gran
>> des rues , qui contiennent les plus jo-
» lies maisons de la Ville , toutes habi-
>> tées par des Filles publiques. Il n'y a
» dans tout le Ximo que ce Kasiematz ,
» et un autre moins renommé dans le
Chicugen . C'est-là que le petit Peuple,
qui produit les plus grandes Beau
tés de tout le Japon , sur tout dans le
» Figen , dont est Nangazaqui , peut pla
» cer ses filles, quand il n'a pas moyen
» de les nourrir , et ce commerce est fort
» lucratif par- tout , mais principalement
» à Nangazaqui , à cause du grand nom-
» bre d'Etrangers qui s'y trouvent en
» certains temps , outre que les Habitans
» de Nangazaqui passent pour les plus
» dissolus du Japon , après ceux de Méa-
» co , qui ont le plus fameux Kisiematz
>> de l'Empire.
>> Ceux qui tiennent ces lieux de dé-
>> bauche , achetent les Filles , quand el-
» les sont jeunes , les entretiennent
ab.
>> solument de tout , leur font aprendre
» à danser , à chanter , à jouer des ins
F iiij » trumens
746 MERCURE DE FRANCE
» trumens , à écrire des lettres . En un
mot , ils ne négligent rien pour per
» fectionner en elles les qualités et les
agrémens , que les Personnes de ce
Sexe sçavent si bien mettre en usage
>> pour séduire les cours. Les anciennes
» instruisent les plus jeunes dans ce dangereux
Art ; si cependant la nature
» corrompue n'en est pas le meilleur
» maître ; et pour prix de leurs leçons
» elles en reçoivent tous les services
» dont elles peuvent avoir besoin ; cel-
» les qui réussissent le mieux à accrédi-
» ter la maison où elles demeurent
» sont aussi mieux traitées que les au-
» tres ; mais quoiqu'il y ait des filles à
» tout prix , il est défendu , sous de
grosses peines , de rien exiger au- delà
» d'un certain prix marqué par le Ma .
>> gistrat.
» Plusieurs de ces Créatures, se ma-
» rient , lorsqu'elles sont lasses de mener
» une vie si déreglée , et non seulement
» elles trouvent des Epoux , mais on ne
» les estime pas moins , pour avoir fait
» un métier dont on réjette toute l'infamie
sur l'avarice , ou l'extrême indigence
de leurs parens . D'ailleurs el-
>> les ont reçû une éducation qui les rend
» estimables aux yeux de bien des Gens.
» Quant
AVRIL. 1737. 747
Quant à ceux qui exercent ce scanda
» leux commerce , quelques richesses
» qu'ils ayent acquises , ils ne sont ja-
» mais reçûs dans la compagnie des hon
» nêtes Gens ; on les a même obligés de
» prêter leurs domestiques , ou d'en louer
» pour aider aux exécutions des crimi
>> nels , & c .
» Les Chats du Japon sont d'une
» grande beauté ; leur couleur est blan-
» châtre , avec de grandes taches noires
» et jaunes; ils ont naturellement la queuë
>> fort courte : ils ne font point la guerre
> aux Souris , et on ne les garde que par
» amusement : ils aiment à être caressés
» et portés , et les Dames leur rendent
» volontiers ce service , & c.
Parmi les Papillons il y en a un fort
grand qu'on apelle Papillon de Montatagne.
Il est de diverses couleurs , qui
font un mêlange agréable , particulierement
sur ses aîles fourchuës : il est quelquefois
tout-à fait noir.
Le Comuri est une grosse Mouche de
nuit très belle , veluë , tachetée de differentes
couleurs . "
Les Cantarides du Japon sont communément
de même couleur que les nôtres
, et presque aussi grosses ; mais il y
en a d'une espece particuliere , un peu
Fy plus
748 MERCURE DE FRANCE
plus petites , qu'on apelle Fanmio ; elles
sont longues , déliées , bleues ou dorées,
avec des taches et des lignes d'un rouge
cramoisi , qui les rend très-belles.
Parmi les Mouches de nuit il y en a
une très rare , de la longueur du doigt ,
deliée , ronde , ayant quatre aîles , dont
deux sont transparentes et cachées sous
les deux autres , qui sont fort luisantes ,
et riches d'un mélange charmant de taches
et de lignes bleu et or . Cet Insecte
est d'une beauté si exquise , que les Dames
les mettent parmi leurs bijoux.
Les Côtes de la Mer abondent en
toutes sortes de Plantes marines , de
Poissons , d'Ecrevisses et de Coquillages
, et il n'y en a presque point qu'on
ne puisse manger , dont quelques uns
sont exquis , et servis sur les tables les
plus délicates ; sans parler de toutes sortes
d'Huîtres , Moules et autres Coquillages
, qui se mangent crus, marinés, salés
, bouillis ou frits.
ACTA SANCTORUM , & c. Actes
des Saints du mois d'Août , tirés des
Monumens Grecs , Latins , & c. fidelement
copiés sur les Originaux , et enrichis
de Notes et d'Observations , par le
P.P. Jean- Baptiste du Solier, Jean Pien
Guillaume
AVRIL 1737. 749
Guillaume Cuypers , et Pierre Vander
Bosch , de la Compagnie de Jesus . Tome
second , comprenant huit jours , à commencer
au cinquième. A Anvers , chés
Bernard Albert Plassche. 1735 , Vol. infol.
de 778. pages sans la Table.
TRADUCTION DE L'ORATEUR DE CICERON
, avec des Notes , par M. l'Abbé
Colin , in- 12. Paris , chés de Bure l'aî
né , Quay des Augustins à S. Paul , 1737.
Le petit Traité de l'Orateur de Cicefon
, Orator , a toujours passé pour le
Chef-d'oeuvre de ce grand Homme , le
plus éloquent de l'Antiquité Latine. Il
étoit lui - même si content de cet Ou-.
vrage , qu'il assure y avoir mis tout ce
qu'il avoit de goût , et que c'étoit le
fruit de son experience dans l'art de
parler.
Mais plus cet Ouvrage renfermoit de
perfection , plus il y avoit de difficulté à
le faire passer de la Langue Latine en
une autre Langue. C'est le caractere des
grands Originaux de pouvoir être difficilement
copiés . Ni Duryer , ce hardi
Traducteur de Ciceron , ni aucun autre
de ceux qui sont venus depuis , n'ont
osé entamer cet Ouvrage , quoique de
peu d'étenduë ; et M. l'Abbé Colin n'en
F vj est
750 MERCURE DEFRANCE
est venu lui même à bout , qu'après un
travail de plus de 20. années et après
avoir consulté tout ce qu'il y avoit de
Personnes également éclairées et polies.
L'on peut assurer qu'en aplanissant les
difficultés de cet excellent Traité , il ne
lui a rien ôté des graces que peut conserver
une Traduction , qui est presque
toujours inferieure à son original .
Le Traité de Ciceron est connu des
Sçavans , et la Traduction ne tardera
guere à l'être de tous ceux qui aspirent
à l'Eloquence ; on verra même avec plai
sir l'adresse et le talent qu'employe le
Traducteur pour rendre sensible ce que
Ciceron dit de l'harmonie des paroles ,
qui ne fait pas une des moindres parties
de l'Eloquence , et qu'il étoit extrémement
difficile de bien rendre en notre
Langue. Une Préface , ou plutôt une
Dissertation très -élégante sur les Régles
de l'Eloquence , précede la Traduction .
M. l'Abbé Colin , qui a lû éxactement
les plus habiles Rheteurs de l'Antiquité ,
sçait donner avec beaucoup d'éxactitude
un précis des Regles qu'ils ont prescrites.
La Traduction est accompagnée de
Remarques tantôt Critiques , tantôt
Dogmatiques , et quelquefois même Historiques.
Enfin l'Auteur , pour ne rien
per dres
AVRIL. 1737.
perdre de ce qu'il a produit en matiere
d'Eloquence , redonne trois Discours qui
lui ont fait remporter le prix de l'Académie
Françoise ' dans les années 17052
1714. et 1717.-
Nous terminons cette espece d'Extrait
, par où nous aurions dû le commencer
, en parlant d'une élegante Epitre
dédicatoire que M. l'Abbé Colin fait
de sa Traduction à Monseigneur le Dauphin.
Il donne adroitement de sages insructions
à ce jeune Prince , l'esperance
du Peuple François , et il sçait y employer
cette Eloquence dont il donne
des Regles dans sa Préface , et des modèles
dans ses trois Discours.
COURS DE CHYMIE. Le Public est avertt
que M. Paul Jacques Malouin , Docteur
Régent en la Faculté de Médecine de Paris
,fera un nouveau Cours de Chymie et
d'Expériences Phisiques , dans sa Maison
, rue des Prouvaires , près l'Eglise de
S. Eustache. Ce Cours sera de six semainės
, et commencéra le Lundy 29. Avril
1737. Il sera continué trois Jours de
chaque semaine , sçavoir , Lundy , Mercredy
et Samedy, à quatre heures après
midi. Nous avons parlé plus d'une fois
dans notre Journal , des Ouvrages de
M ..
2 MERCURE DE FRANCE
M. Malouin et de ses talens , toujours
consacrés à l'utilité publique.
INTRODUCTION à l'Histoire universelle,
contenant la fondation , les progrès , les
changemens , et la ruine des Monarchies,
des principaux Royaumes , et des Républiques
, depuis le commencement du
Monde, jusqu'à la décadence de l'Empire
Romain en Occident ; avec une supputation
Chronologique par Daniel Thienpont,
Prêtre , à Bruxelles , 1736. 2. vol. in- 4,
LES MEMOIRES et Avantures de M. de
P *** écrits par lui-même , et mis au
jour par M. E ... A Paris , chés Gregoire
Antoine Dupuis , Grand '- Salle du
Palais , au S. Esprit , 1736. 2. vol. in- 12 .
ODE sur la Guerre déclarée en l'année
1733. er sur la Paix dont elle est
suivie en 1737. A M. le Cardinal de
Fleury. Par F. C. A. Picquet , Logi,
cien du College de Beauvais. A Pa
ris , chés Prault , fils , Quay de Conty
vis - à vis la descente du Pont - Neuf , à
la Charité , 1737.
ESSAIS sur divers Sujets de Litterature
et de Morale , par M. l'Abbé Trublet
»
AVRIL. 1737. 753
blet , seconde Edition revûë et augmentée.
A Paris , chés Briasson , ruë S. Jacà
la Scienee. 1737.
ques ,
Il y a long- temps qu'il n'avoit paru
d'Ouvrage de ce genre aussi generalement
goûté que celui - ci , et on souhaite
que l'Auteur le continue. C'est un fond
inépuisable , sur tout pour un hommé
qui pense autant que lui.
' LE FORTUNE' FLORENTIN , ou les Mémoires
du Comte Della Vallé , par M.
le Marquis d'Argent. A la Haye , chés
J. Gallois , Libraire dans le Vlaming-
Straat.
LE PAYSAN GENTILHOMME , ou Avantures
de M. Ransav , avec son Voyage
aux Isles Jumelles , par M. de Catalde ,
2. vol . in 12. A Paris , chés Pierre
Prault Quay de Gêvres au Paradis
1737.
.
·
LA FELICITE DES CHIENS , Dialogue
par M. B. de S. Brochure de 27. pag,
A Paris , chés le même Libraire. 1737.
OEUVRES de feu M. Mathieu Terrasson
, Ecuyer , ancien Avocat au Parlement
, volume in- 4º A Paris , chés Fean
de
754 MERCURE
DE FRANCE
de Nully , Libraire au Palais , Grands
Salle du côté de la Cour des Aydes , à
l'Ecu de France , et à la Palme , priz
8. liv. relié.
Ce Livre contient dès Ouvrages de
quatre especes diferentes , sçavoir , des
Discours , des Plaidoyers , des Mémoires'
et des Consultations. Pour ce qui est d'abord
des Discours , cette Partie de l'Ou
vrage sera interessante pour le Public ;
1º . En ce qu'elle contient le Discours
que l'Auteur prononça à la Cour des
Aydes pour la présentation des Lettres
de M. le Chancelier : 20. En ce qu'elle
renferme plusieurs Discours sur diférents
Sujets , mais qui sont toujours ramenés
à la Magistrature où à la Profession d'Avocat.
L'Auteur les avoit composés dans '
ses moments de recréation , pour cultiver
le goût qu'il avoit pour l'Eloquen
ce. On croit qu'il s'étoit aussi proposé
de donner un modéle des Discours qui
se prononcent aux rentrées de Parlemeht
et autres Cours ou Jurisdictions
, parce qu'il avoit remarqué que
quoiqu'il y ait des modéles pour presque
tous les diférens genres de Discours
oratoires , il manquoit un modéle pour
ce genre particulier de Harangues , qui "
n'est peut- être pas le plus aisé . Les prin
cipaux
A VRÍL. 1737. 753
cipaux sujets de ces Discours , dont on
a perdu plusieurs , sont la Religion , l'Amour
du bien public , l'Esprit et la Science ,
la Profession d'Avocat et la Gloire.
La seconde Partie de l'Ouvrage contient
plusieurs Plaidoyers , dont les uns
sont Historiques et entremêlés de quelques
questions de Droit public , et dont
les autres contiennent des Avantures
singulieres , qui par leur nature et la
maniere dont elles sont racontées , sont
interessantes pour toutes sortes de personnes.
La troisiéme et la quatriéme Partie
de l'Ouvrage sont un peu plus sérieuses
, mais peut- être plus solides et
plus sçavantes . Elles renferment plusieurs
Mémoires et Consultations sur des questions
importantes du Droit écrit et du
Droit coûtumier. Il y a entre autres quel'
ques- unes de ces questions qui sont parfaitement
aprofondies . A la suite de chacun
des Plaidoyers et Mémoires, on a mis
les Arrêts intervenus , autant qu'il a été
possible de les recouvrer. Le Libraire
dans son Avis au Lecteur , semble insinuer
qu'il ne se bornera pas à ce Vo
lume.
LE MARE'CHAL DE POCHE d'un Cavalier
, qui enseigne comment il faut se
servir
756 MERCURE
DE FRANCE
servir de son Cheval en voyage , et les
Remedes qui conviennent dans les maladies
et accidens qui leur arrivent en
route, par le Capitaine William Burdon ;
traduit de l'Anglois par M. S. M. Officier
Suisse. in- 8. A la Haye , chés C. de
Rogissart.
AVANTURES DE DONA INE'S de las
Cisternas , qui d'Esclave à Alger en dévint
la Souveraine . Histoire veritable ,
in 8. A Virecht , chés E. Neaulme , Libraire.
CATALOGUE des Livres de M. *** dont'
la vente se fera en détail le Lundi 13. May 1737.
depuis deux heures de relevée jusqu'au soir
ruë de Joui , dans le cul - de - sac de Fourcy. A
Paris , rue S. Jacques , chés Gabriel Martin ,
in 12. de 161. pages.
L'accueil favorable que le Public a fait aux
huit volumes de Causes Celebres , dont le sieur
Gayot de Pitaval lui a fait présent , l'a engagé
de continuer son Ouvrage.
Le succès est un puissant attrait pour un Auteur.
Le ge et 10e volumes viennent de paroître.
La premiere Cause du ge volume est une des
plus compliquées qu'on ait encore vû ; c'est une
Histoire touchante de l'opression d'une famille
innocente , accusée d'un crime capital , elle succombe
au Tribunal du premier Juge , et est victorieuse
au Parlement de Dijon ; un tel Juge
ment
AVRIL. 17378 757
ment établit la nécessité des Cours Souveraines
qui jugent les premiers Jugemens. La multiplicité
des Arrêts qui furent rendus dans cette affaire
, donnent occasion à l'Auteur de parler de
ceux qui ont été rendus dans le Procès d'un celebre
voleur dont le nom a passé en proverbe. *
La seconde Cause est d'un très - bon exemple ,
c'est un Mari qui pouvant rompre son Mariage ,
en demande la réhabilitation , quoiqu'il eût demeuré
trois ans avec sa femme. Les Dames liront
cette Cause-là avec plaisir , puisqu'elle fait
un bel Eloge de la tendresse conjugale.
La troisiéme Cause nous représente un Libertin
qui a épousé deux femmes ; c'est un Tableau
qui donnera du relief à la Cause précedente .
On voit ensuite deux Ecclesiastiques déreglés
qui ont été punis . Cela fait la matiere d'une
Cause curieuse , ils présenterent après l'Arrêt
qui les condamna , une Requête au Clergé , pour
l'interesser dans une demande en cassation, qu'ils
avoient formée. La Requête est pleine d'érudi
tion , mais le Clergé crut que son honneur l'obligeoit
à abandonner les deux Ecclesiastiques
coupables
La derniere Cause renferme l'Histoire du Mariage
du Duc de Guise avec la Comtesse de Bossu,
elle est pleine de plusieurs Questions de Droit
singulieres , qui satisferont également ceux qui
possedent la science du Barreau et ceux qui l'ignorent.
Le 10e Tome commence par une Histoire qui
renferme une Avanture de Roman ; c'est une
femme , qui , pour se dérober à la tirannie de son
Mari, se déguise, dit- on , en homme ; elle change
seulement de quartier, et se fait apeller le Che
Cartouche. yalier
758 MERCURE DE FRANCE
valier de Morsant ; elle se dit fils naturel du Duè
de Baviere. On a prétendu qu'au bout de huit
ans , ayant été malade de la maladie dont elle
mourut , elle porta son déguisement jusque dans
le Tombeau ; tel est le Roman . Son Mari ayant
passé à de secondes Noces , a été accusé par så
seconde femme de bigamie ; pour se justifier , il
a accusé plusieurs Particulièrs d'avoir favorisé lé
déguisement de sa premiere femine , il a succom
bé dans cette accusation et a pourtant été absous
de la bigamie.
Si toutes les Causes contenoient des Histoires
aussi singulieres , on quitteroit la lecture des
Romans pour s'attacher à la science du Palais.
Je passerai rapidement au récit des Causes sul
vantes.
C'est une Liberalité imparfaite de l'Evêque
d'Evreux , qui avoit voulu donner sa Bibliothe
que à son Diocèse.
C'est une fille qui veut changer son état de
légitime contre celui de bâtarde , et qui succom
be dans son dessein .
C'est une fameuse demande en cassation de
Mariage.
C'est un Pere désavoüé par sa fille.
Ce sont des Arrêts rendus én faveur des Co
médiens François , contrè des Acteurs Forains
qui entreprenoient sur leurs droits .
Enfin l'Auteur termine le roe Volume par lå
réfutation de l'Apologie du Congrès , il entre en
lice avec un celebre Magistrat qui avoit entrepris
de ressusciter cette épreuve.
Pour bien juger du mérite de la Réponse , il
faut avoir lû la Dissertation en faveur du Con
grès. Ces matieres là sont en possession de reveiller
l'attention de tout le monde.
Rollin
AVRIL: 1737. 759
Rollin , fils , Libraire à Paris , Quay des Augustins
, à S. Athanase , donnera dans peu la
Suite du Recueil des Lettres de Madame la Marquise
de Sevigné, à Mad. la Comtesse de Grignan,
sa fille , 4. vol. in 12. imprimé en 1736. Cette
suite composera les Tomes V. et VI. qui
font le reste de ses Ouvrages. On a fait graver
le Portrait de Mad . de Grignan , en tailledouce
, pour être placé au Frontispice du Tome
V. afin que rien ne manque de ce qui peut rendre
l'Edition plus parfaite,
Le même Libraire donnera dans peu le Catalo
gue des Livres estimés par les Sçavans , provenant
du fond de feu Charles Robustel , qu'il a acquis
depuis peu.
Le même Libraire a reçû des Pays Etrangers
un Livre nouveau , intitulé : Traité Dogmatique
sur les faux Miracles du temps , en Réponse aux
differens Ecrits faits en leurfaveur , Broch. in 4 .
La 34e Partie des Cent Nouvelles Nouvelles de
Mad. de Gomez , paroît chés Maudouyt , Quay
des Augustins , à S. François.
On trouve aussi chés lui une petite Brochure
de 22. pages , qu'il vient d'imprimer, c'est un
Poëme intitulé, Les Adieux du Poëte aux Muses.
Cette Piece est Dramatique , en ce que c'est le
Poëte qui parle , et que ce sont les Muses qui
répondent.
LIVRES que Ganeau , Libraire , ruë
S.Jacques, vis à - vis S.Yves , à S.Louis,
a reçu des Pays Etrangers .
Facetia facetiarum , hoc est, Joco - seriorum fasciculus
, in - 12, 1715. Francofurti.
Histoire
60 MERCURE DE FRANCE
Histoire du 16e. Siècle , par M. Durand , in- 12 .
4. Vol. la Haye 1734.
Les Hommes illustres qui ont paru en France
pendant le 17e. Siécle , par M Perrault . 2. vol,
in-8. la Haye 1736.
Histoire naturelle du Cacao et du Sucre , 20.
Edition avec Figures. Amst. 1720.
Michaëlis Hospitalii Galliarum Cancellarii Car
mina , Editio aucta. Amst. 1732 .
Frederici Hoffmanni Consultationes et Responsa
Medicinalia , Francof, ad Monum . 1735. in-4.
2. vol.
Géographie moderne , naturelle , historique et
politique , dans une Methode nouvelle et aisée ,
par Abraham Dubois. A la Haye , 1736. in-4: 4. vol.
Le grand Dictionnaire Historique et Géogra
phique de M. Bruzen de la Martiniere , in-fol.
10. vol.
On trouve chés le même Libraire les derniers
volumes separés,
On mande de Petersbourg que les Russiens
se policent tous les jours de plus en plus , et
que les Lettres y font quelque progrès . Il paroît
depuis peu un Edit par lequel S. M. Cz.
ordonne à tous les Gentilshomines de ses Etats
de faire apprendre à leurs fils la Géographie ,
l'Histoire , l'Arithmétique , la Géométrie , et les
Fortifications. Elle déclare par le même Edit
qu'aucun jeune Moscovite ne poura obtenir de
Commission d'Officier dans ses Troupes , qu'après
avoir atteint l'âge de vingt ans , et après
avoir subi certain nombre d'éxamens sur ces
differentes parties,
LETTRE
AVRIL. 1737. 76.1
LETTRE de M. Regnauld , Horloger
de Châlons en Champagne , en datte du
20 Mars , sur ses nouvelles Pendules
à quart.
I
Ly a quelques temps que j'eus l'honneur de
vous écrire , M. au sujet de mes nouvelles
Pendules à quart ; je viens de donner la derniere
perfection à ces sortes d'ouvrages , et parti
culierement à une Pendule , qui avoit été cons .
truite pour ne fraper qu'un coup pour la demie ;
elle n'avoit qu'un timbre ; j'y en ai ajouté deux
petits qui servent pour les quarts , et sonnent
selon cet ordre.
2.
Pour le quart , la Pendule sonne un coup sur
chacun des deux petits timbres , c'est-à - dire
en tout. A la demie elle en sonne quatre , aux 3 .
quarts , six , et avant l'heure , quatre ,
le tour
alternativement.
Ces Pendules sont beaucoup simplifiées , en ce
qu'un seul mouvement fait l'effet de deux.
Elles ont un grand avantage sur celles qui ne
frapent qu'un coup pour la demie , puisqu'elles
en vont non seulement plus également , mais
encore se font entendre de façon à n'être pas
exposé à confondre pendant la nuit , les demies
avec les heures ; elles sont de plus moins sujettes
aux réparations , que celles à trois mouvemens
, étant moins composées , et coutent
moins , par la supression d'un tiers d'ouvrage,
J'ai quelques nouveautés sur notre Art , dont
j'aurai l'honneur de vous faire part dans la suite,
Je suis &c.
QUESTION
762 MERCURE DE FRANCE
QUESTION
.
On demande ce que deviendroit un corpuscule
globulaire plus pesant qu'un pareil volume
d'air , s'il se détachoit de la voute interieure
d'un Globe immense rempli d'air.
Mrs les Sçavans sont invités de faire part de
leurs sentimens dans le Mercure du mois prochain.
A M. Nattier , Peintre de l'Académie
Royale , sur un Tableau de sa main ,
qu'on voit depuis peu dans le Salon du
Temple , à Paris , représentant la Justice.
D
E force et de douceur , quel heureux asè
semblage
Fait briller ton Pinceau dans ce nouvel Ouvrage !
Themis en punissant ce monstre aux yeux ha
gards ,
Interesse mon ame , attache mes regards ;
De la Divinité j'y reconnois l'image ;
Elle frape mes sens , elle parle à mon coeur ;
Et pour tribut de mon premier hommage
Je sens qu'en ta faveur
Aujourd'hui son pouvoir vainqueur
A l'amitié dérobe mon suffrage .
Estampes nouvelles.
M. Ch . N. Cochin vient de mettre au jour
une des plus belles Estampes que son burin ait
pro
AVRIL. 1737. 763
produites ; elle est en hauteur , et fait pendant à
celle qu'il a gravée depuis quelques années , dont
le sujet est Jacob et Rachel , d'après M. le Moine.
Celle - ci est d'après M. Restout , Tableau
du Cabinet de la Comtesse de Verrue. On lit
au bas de l'Estampe. Laban s'excuse et dit à Jasob
que la coûtume du Pays étant de marier les
ainées avant les cadettes , il a dû lui donner Lia
avant Rackel , qu'il lui promet au bout de sept
jours , à condition qu'il le servira encore 7. ans.
Genese 29. Cette Estampe se vend , ruë S. Jacchés
le sieur Cochin.
ques ,
Voici quatre grandes nouvelles Estampes en
large sur lesquelles nous ne craignons pas qu'on
nous reproche l'excès de la loüange , en disant
qu'elles sont dessinées et gravées d'un goût exquis
et par une excellente main, pour la Figure, le Paysage,
l'Architecture et les Bâtimens de Mer, dont
Peffet dutout ensemble fait un extrême plaisir,par
la juste et parfaite distribution des lumieres et des
ombres , et par la précision et la finesse du Burin.
Ce sont des vues que M. Rigaud , de Marseille
, a dessinées et gravées à Londres , pendant
le long séjour qu'il y a fait , sçavoir , celle
de l'Hôpital de Greenvvich , du côté de la Tamise
; la même dessinée du côté de l'Observatoire.
La vûë du Parc de S. James , dessinée
de l'Hôtel de Bukingam , et celle du Château
Hampton-Court du côté du Jardin . De l'aveu
des Anglois même , l'intelligent Auteur a beaucoup
embelli , sans alterer la verité , les beaux
Lieux qu'il a représentés. Le debit de ces Estampes
se fait avec beaucoup de succès , chés
PAuteur , ruë S, Jacques , vis- à- vis le Plessis,
SUITS
764 MERCURE DE FRANCE
SUITE de Sujets dessinés d'après l'Antique
par Edme Bouchardon , Sculpteur du Roi , et
gravés à l'eau forte par M. le C. de C termi
nés au burin par J. P. le Bas , Graveur du Roi,
se vend à Paris , ruë de la Harpe , vis- à-vis le
Soleil d'or. 1737
7
Cette suite contient 12. Piéces en hauteur
compris le Titre , dont les Curieux les plus dif
ficiles et les sçavans Dessinateurs du plus grand
goût , font beaucoup de cas.
Nous avons annoncé au mois de Janvier
dernier, page 123. deux nouvelles Estampes , représentant
D. Quichotte qui se bat contre un troupeau
de moutons , et Sancho Berné &c. et nous
avons dit que les Srs Dupuis et Ravenet, ont entrepris
de graver un certain nombre de Sujets
de l'Histoire de Don Quichotte d'aprés divers
Maîtres. En voici quatre morceaux qui vien¬
nent de paroître , et tous de la même grandeur.
On voit dans le premier , Sancho qui reçoit
dans un étable l'ordre de Chevalier ; Don
Quichotte voulant faire la Céremonie de lui
fraper l'épaule de son épée , la tire avec tant
de violence , parce qu'elle étoit rouillée dans le
foureau , que le pauvre Sancho en reçoit un
cruel revers par les machoires , gravé, par S. F
Ravenet d'après M. Tremolieres.
On yoit dans le second , Sancho poursuivi
par les Marmitons du Duc , qui s'efforcent de
lui faire la barbe avec la lavûre de la Vais¬
selle & c. gravé par P. Aveline d'après M.
Boucher.
Le quatriéme morceau représente Dan Quichotte
dans un Bal chés Don Antonio ; il est
AVRIL . 1737. 765
si fatigué par deux Dames qui le font danset
tour à tour , qu'il est contraint de se coucher
par terre. L'amour quelles lui témoignent maficieusement
leur attire son indignation ; gravé
par S. F. Ravenet..
4. Don Quichotte est lavé par les Demois
selles de la Duchesse , qui lui laissent le savon
sur le visage ; gravé par N. Cochin.
Ces Estampes se vendent à Paris , chés le sieur
Dupuis , rue de la Vannerie,
La suite des Portraits des grands Hommes
et des Personnes illustrés , se continue toujours
avec succès , chés Odieuvre , Marchand d'Estampes
, Quay de l'Ecole , vis - à - vis la Samaritaine.
Il vient de mettre en vente , et toujours
de la même grandeur :
PHILIPPE DE FRANCE , V. du nom , Roy des
Espagnes et des Indes , né à Versailles le 19.
Décembre 1683. gravé par C. Simonneau,
PHILIPPE QUINAULT , de l'Académie Françoise
, mort à Paris le 26. Novembre 1688. âgé
de 3. ans , gravé par D. Sornique .
On verra aisément par la quantité de nouvelles
Estampes dont cet Article est rempli , que les
Presses en taille - douce ne sont pas moins occupées
à Paris que celles de la Librairie ; nous pou
vons même ajoûter que les Sciences trouvent
moins de profit à faire dans celles - ci , que les
Arts dans les autres ; parmi les Graveurs au burin
et à l'eau forte et les Marchands , nul ne fait
paroître tant d'Estampes nouvelles en tout genre
, que le sieur Huquier ; il en grave lui-même
avec intelligence et en fait un grand commerce;
en voici trois qu'on trouve chés lui , vis - à - vis
Gij le
766 MERCURE DE FRANCE
Le grand Châtelet , sans compter plusieurs Suites,
dont nous donnerons la Notice dans le Mercure
prochain , le temps et la place nous manquant
ici par l'abondance des matieres. La premiere
est en hauteur , elle a pour titre la Fontaine des
Graces , gravée par le sieur Huquier , d'après l'és
legant Dessein de M. Bouchardon.
La seconde représente la Folie , tenant sa Marotte
, excellemment gravée par le sieur Ave
line. On lit ces deux Vers au bas.
Combien de Curieux empressés à me voir
Pouront en me voyant se passer de Miroir.
Le sieur Huquier conserve précieusement chés
lui le Dessein original de cette Estampe , de la
main de C. Vischer, celebre Graveur Hollandois.
La troisiéme est un très-beau Crucifix , la Magde
Jaine au bas,des Têtes de Cherubins en haut, & c.
peint et gravé à l'eau forte par M. C. Natoire
et terminé par le sieur B, Audran.
le
N'oublions pas une très- jolie petite Estampe
qu'on trouve au même endroit , gravée par
sieur Soubeiran , d'après le même M. Natoire
c'est une aimable Personne tenant un Miroir
un Amour place une fleur sur sa coëffure.On lit
ces Vers au bas :
Cette glace insensible à tes yeux représente ,
Pour un leger instant ta beauté ravissante
Mais Iris , la main des Amours ,
D'une façon bien plus touchante ,
Dans mon coeur enflammé, tegrava pour toujours.
1.5
AVRIL. 767
1737.
On aprend de Rome , que le Pape a ordonné
de placer sous le nouveau Portique de l'Eglise de
S. Jean de Latran, la Statuë de l'Empereur Cons
tantin , à la place de laquelle on mettra dans le
Capitole celle du Gladiateur mourant , que Sa
Sainteté a achetée de la succession de la feue
Princesse de Piombino , moyennant la somme
de 6000. écus Romains .
Voici un Avis au Public qui paroîtra singu
lier à divers égards.
Le sieur Duval , de Richeville en Normandie,
avertit les Sçavans et les Curieux , qu'il se prépare
à démontrer plusieurs Découvertes qu'il a
faites dans la Physique et dans les Mathématiques
, le tout par des Démonstrations sensibles
et non équivoques.
1 °. Il fait voir les effets d'une Machine qui arrête
et qui casse le bras du voleur qui entrepren
droit d'ouvrir une porte, armoire ou coffre fort,
sur quoi elle seroit , apliquée . C'est sa premiere
Invention , laquelle s'est vûë à la Foire S. Germain
derniere. Il en démontrera plusieurs autres
dans la suite d'une maniere aussi certaine et
aussi claire.
2. Une autre Machine dont il a déja été parlé,
et que l'Auteur a proposé au Conseil , est une
Pompe , qui par sa construction singuliere , mais
cependant naturelle et simple , se met en mouvement
d'elle- même , sans aucune force érrangere
des Elemens , des hommes ou des animaux;
de façon que le mouvement , une fois commencé
, ne cessera jamais , si ce n'est par le dépérissement
des Piéces que l'on ne sçauroit éviter
mhais auquel on poura toujours remedier aisé
ment, d'autant que cette Machine n'est pas d'un
grand entretien.
G iij La
768 MERCURE DE FRANCE
La même force peut également s'apliquer à tous
tes les Machines qui ont besoin d'un puissant Moteur,
et par conséquent on en peut faire usage dans
les Moulins , Fabriques , Manufactures , Mines ,
Carrieres , &c. Elle peut être employée sur Ter,
re et sur Mer , sur les Montagnes et dans les
Valons. Du reste cette Machine , comme on l'a
dit , est fort simple et coûtera peu d'entretien.
3. Le même Auteur démontrera qu'un poids
d'une livre peut enlever un poids de dix livres,
et cela dans une balance dont les branches seront
parfaitement égales.
4. Il promet de faire contenir le tout dans sa
Partie , et il en fera la Démonstration sur des
corps solides.
5. Il fera voir que dans un Edifice quelconque
on peut suprimer les tenons et mortaises , trous
plats, chevilles, trous et queues d'aronde , et tout
usage ou emploi de matieres capables de donner
de la liaison et de la consistance aux differentes
Piéces que l'on veut assembler .
6. Il fera faire dans un corps solide quelcon
que , trois trous , un rond , un quarré , un au
tre triangulaire , et il fera passer un seul et mê
me bouchon solide dans ces trois trous , de maniere
que le bouchon remplisse exactement chacun
des trous.
7. Il percera une feuille de fer de deux lignes
d'épaisseur , avec un poinçon de plomb , qui emportera
la piece.
8. Il promet de faire ensorte par la simpathie
ét antipathie des Métaux et par la vertu de quelque
Simple , qu'une clef ne poura point ouvrir
sa serrure .
9. Il fera voir que d'un morceau de Métal
quelconque , il en poura tirer une partie , ensorte
neanmoins
AVRIL. 1737. 769
néanmoins que le morceau pesera plus qu'aupa
ravant , bien que l'Artiste n'y ait ajoûté aucune
chose , et qu'il ne se soit servi ni de feu ni d'eau.
ro. Il fera faire une Serrure par un habile
homme et la lui fera poser sur une porte , sans
clouds ni vis` , ni empatemens , ni trous au corps
de la Serrure , ni autour du corps , cependant
celui qui l'aura posée ne la poura retirer de ladite
porte sans la briser en morceaux .
Le même Auteur a beaucoup médité sur les
plus importantes questions de la Métaphysique, et
il espere un jour faire part au Public de ses Refléxions
sur cette matiere.
Il donnera son adresse incessammentnt , et if
tâchera de satisfaire les Sçavans sur la réalité
de ses Découvertes.
On nous prie d'avertir le Public que l'envie
ayant suscité des ennemis au sieur Arnould , qui
s'éforcent de décréditer son Spécifique contre
l'Apoplexie , et qui ont poussé la malignité jus
ques à faire inserer dans la Gazette d'Amsterdam
du 8. de Mars , un Avis aussi faux qu'injurieux
au sujet de la Dame de Rachon, Pensionnaire
au Convent des Benedictines de Conflans ;
s'est crû obligé, dit -il , pour son honneur et
pour l'utilité piblique de mettre ce fait dans un
degré d'évidence qui ne puisse laisser de doute ni
de scrupule à personne. S'étant transporté audit
Convent de Conflans , il s'est informé exactement
de toutes les circonstances de la mort de
Mad. de Rachon , et loin d'être morte avec le
Spécifique, il se trouve au contraire que pendant'
près de six mois qu'elle en fait a
point eû le moindre accident d'Apoplexie, et que,
Payant quitté, parce qu'elle ne le croyoit plus
G iiij nécessaire
usage ,
elle n'a
770 MERCURE DE FRANCE
、nécessaire , elle n'a été attaquée de ce mai que
plusieurs jours après ; ce détail est non - sculement
attesté et signé par les principales Religieuses
du Convent et par la fille même de Mad
Rachon , mais confirmé et légalisé par M. le
Lieutenant Civil de Paris ; nous avons vû toutes
ces Pieces et les seings de Dame Marie Armande
de Bellefond , Prieure perpetuelle de Conflans
; de Dame Marie- Magdelaine le Comte de
S. Helene , Infirmiere et soeur de la D. Rachon ; /
de Dame Louise de Pradine , Dépositaire ; de
Dlle Elizabeth Rachon , fille majeure , Pensionnaire
audit Convent , du sieur François Girardin,
Confesseur du Convent; et de M. Dargouges,
Lieutenant Civil de Paris .
On nous prie d'ajoûter que le Spécifique da
sieur Arnould continuë de produire d'excelens
effets contre l'Apoplexie , soit pour guérir
ceux qui ont eû le malheur d'en être attaqués ,
soit pour la prévenir dans ceux qui n'en sont
que menacés. Les Experiences et les témoignages
se multiplient tous les jours. Depuis
peu Madame la Comtesse de Sempill , après
avoir langui pendant quatre ans d'une attaque
d'Apoplexie et de Paralisie , se trouve enrierement
rétablie pour avoir fait usage du Spécifique
depuis le 15. de Février de cette année ;
elle permet au sieur Arnould de publier son témoignage,
qui est confirmé par celui de M. l'Abbé
de Sempill er de M. le Baron de Hooke.
Ceux qui demanderoient d'autres éclaircissemens
et la vue des Certificats , peuvent s'adresser
au sieur Arnould , qui demeure toûjours à Paris,
rue des Cinq Diamans , où il continuë de débites
son Specifique.
AVRIL. 17378 771
Vin Salifique.
On nous assuré que la Liqueur ainsi apellée ;
qui est une décoction de Simples , guérit la dou-
Leur des dents , sans retour , quoiqu'elles soient
gatées et cariées ; elle les blanchit en penetrant
et ôtant la crasse , les empêche de se gåter, gué
xit les chancres qui viennent dans la bouche, & c.
L'Experience fera bien mieux connoître les vertus
specifiques de ce Remede , qui se conserve longtemps.
M. le Beau de Villers , qui le distribuë ,
donne en même- temps la maniere de s'en servir.
If demeure ruë Dauphine , à l'Hôtel de Mouy.
Cette Liqueur se vend 24. sols la Boutei le. On
la vend aussi sur le petit Pont , à l'Y Grec , chés
le sieur Gaillard , Marchand d'Estampes .
On le trouve à Dijon , en son Bureau du Contrôle
de la marque de l'Etain . On le donne aux
Pauvres gratis.
Le Public est averti que le veritable Suc de
Reglisse et de Guimauve blanc , si estimé pour
toutes les maladies du Poulmon , inflammations ,
enroüemens , toux , rhumes , asthme , poulmonie
, pituite , continuë à se débiter depuis trente,
ans , de l'aveu et aprobation de M. le Premier
Médecin du Roi , chés Mile Desmoulins , qui est
la seule qui en a le Secret de défunte Mlle Guy.
On peut s'en servir en tout temps , le trans-
Porter par tout et le garder si long- temps que
Pon veut , sans jamais se gâter ni rien perdre de
sa qualité.
Mlle Desmoulins demeure ruë Mazarine, Fauxbourg
S. Germain , chés Mad. le Plaideur , entre
un Sellier et une Fruitiere , vis - à- vis la ruë Guee
Sand. MUSETTE
GY
772 MERCURE DE FRANCE
88888888
MUSEETTTTEE la
A deux voix égales , convenable pour deux
Vielles ou deux Musettes.
TU veux , mon aimable Lisette ,
Que je t'aprenne sur l'herbette ,
"A chanter de l'Amour les plus charmans plaisirs
Pour rendre la leçon parfaite ,
Réponds aux doux accents de ma tendre Musette,
Et mêlons si bien nos désirs ,
Que l'Echo jamais ne repete,
Que l'unisson de nos soupirs..
Les Paroles sont de M. le Commans
deur de V. *** et la Musique de M.
Fremeaux , Organiste de Melun.
SPEC
AVRI
Cendre Mu =
e jamais
e L'Echo
o denos desirs.
ansdenos desirs .
DE FRANCE
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
19-
ASTOR
, LENOX
AN TILDEN
FOUNDA
AVRIL. 1737. 773
***************
SPECTACLES.
AGAPIT , Martyr , Tragédie représentée
par les Rhéoriciens du College de
LOUIS LE GRAND , le Mercredi 20.
Mars 1737.
ΑA
. SUJET.
Gapit n'étant âgé que de quinze
ans , fit voir une constance héroïque
dans l'affreux Martyre qu'il souffrit
à Palestrine , sous le Gouverneur Antiochus
, par le commandement de l'Em- i
pereur Aurelien , l'an de J. C. 275%
Baron. Ann. T. 2. Martyrolog. Rom .
éré
La Tragédie ne nous ayant pas
communiquée , nous ne parlerons dans
ce court Extrait que de ce qui est parvenu
jusqu'à nous , c'est- à- dire , du Prologue
qui a precedé la Piece et des Intermedes.
Dans le Prologue il s'agit d'une Statuë
de la Déesse Hébé , élevée par les
Idolâtres et renversée par les Chrétiens.
Scene premiere.
Un Idolâtre.
Puissante Hébe , Déesse aimable ,
Tu nous vois prosternés au pied de tes Autels ;
Gvj. Nous
774 MERCURE DE FRANCE
Nous ne fatiguons point les autres Immortels
Daigne jetter sur nous un regard favorable.
Un autre.
'Avare de mes voeux , je n'en offre qu'à toi .
Prodigue de tes dons, répands- les tous sur moi
Le Chaur
Puissante Hébé , &c.
Un Idolâtre.
Par l'éclat de ces Aeurs dont ma main te coưa
fonne ,
Conserve moi toujours la fleur des premiers ans
Un autre.
Par la douce vapeur qu'exhale cet encens ,
Parfume l'air qui m'environne , &c.
Scene 11. Un Chrétien , après avoir
renversé la Statuë.
Triomphe , victoire ;
C'est par nos foibles mains ;
Que sont brisés des Dieux qu'adorent les Ko
mains.
Triomphe , victoire ;
Mais ce n'est pas à nous qu'il faut donner la
gloire
De nos Combats.
Triomphe , victoire ;
Au nom de notre Dieu, de ce Dieu, dont le bras
Sans lancer la foudre ,
Peut
AVRIL. 1737. 779
Peut réduire en poudre
Ces Dieux qui sont, comme s'ils n'étoient pas.
Le Choeur.
Triomphe , victoire , &c.
Premier Intermede de la Tragédie.
Choeur de Jeunes Chrétiens , qui s'excitent
mutuellement à l'amour de Dieu.
Un Chrétien.
Pour chanter des Beautés mortelles
L'Amour épuise tous les Sons ,
Et nourrit dans les coeurs des flammes criminelles
,
Par de criminelles chansons ;
Brulez d'une flamme plus pure ,
D'un saint Amour suivons les loix ;
Chantons l'Auteur de la Nature ;
Consacrons- lui nos coeurs ; consacrons-lui nos
voix.
Le Choeur.
Chantons l'Auteur , &c.
II. Intermede. Choeur de Jeunes Chrétiens
qui s'animent à souffrir le Mar
tyre.
Courons , courons tous au Martyre &
Allons nous offrir aux Tyrans ;
Qu'ils scachent qu'après les tourmens
Un
776 MERCURE DE FRANCE
Un Coeur Chrétien soupire. : .
Courons , &c. ,
Un Chrétien.
Nos tourmens perdent leur rigueur
Ils ont même des charmes
Quand la main du Seigneur
Daigne essuyer nos larmes ;
Quand au milieu des allarmes ,
Sa grace dans un coeur
Fait couler sa douceur.
Epilogue. Trois Chrétiens ensemble.
Que les Trompettes , les Clairons ,
Par l'éclat de leurs sons
Imitent le bruit du Tonnerrë
Et faisant retentir les noms
De ces fiers Combattans , de ces Fondres de
guerre ,
Qui désolent la terre -
D'autres combats , d'autres exploits
Animent nos sons et nos voix , &c. ·
EXTRAIT de la Parodie de l'Ope
ra de Persée, intitulée le Mariage en l'Air,
representée sur le Théatre de l'Opera Comique
le 13. Mars dernier , et reçûë favorablement
du Public. Elle est de la
Composition de M. Carolet , qui s'est servi
des mêmes Noms que les Acteurs de
la
AVRIL 1737. 777
la Tragédie. L'exposition en est la même;
Cassiope et Cephée ouvrent la Scene : la
Reine chante le premier Couplet sur'
PAir : Nage toujours , et ne t'y fie pas.
A Junon offrons nos voeux ,
Nous fléchirons sa colere.
Cephée.
Oüi-da , m'Amour , je le veux ,
Mais nous ferons de l'eau claire.
Et va , va , va , tourlourette , va , &c.
Cephée , pour témoigner la crainte
fu'il a des effets de la Tête de Méduse
it sur l'Air , Quand le péril est agréable.
Moins encor qu'un Roy de Théatre ,
A qui donnerai-je la loy ?
Je ne serai bientôt plus Roy
Que d'un Peuple de Plâtre.
Cassiope , pour calmer le Roy , chante
r l'Ait : Dansons le nouveau Cotillon .
Avec un nouveau Cotillon
Nous aurons bientôt apaisé Junon;
Pour cette fête
Tout s'aprêté ;-
Les habits sont neufs ;
Les airs sont vieux j
Qu'est - il de mieux 2✨
Avec un nouveau , &c .
Merope
778 MERCURE DE FRANCE
Merope , pour critiquer la situation
de l'Actrice , qui , pendant cette Scene ,
ne dit mot dans l'Opera , interrompt
Cephée et Cassiopé , et dit sur l'Air ,
faut que je file.
Ma foy je m'impatiente ,
Mon Rôle n'est pas trop beau ,
Et j'en' suis très - mécontente ;
Me taire , est pour moi nouveau ;
H faut que je chante , chante.
Eh bien,
Cephée lui répond :
chantons un Trio.
H
Cassiope, dans la seconde Scene, aprend
à Merope qu'Andromede , qui avoit été
promise à Phinée , va épouser Persée , et
que ce Héros est de son goût ; et s'apercevant
par les discours de Merope, qu'elle'a
de l'amour pour Persée , elle l'engage
à cacher sa flamme. Merope lui ré
pond sur l'Air , Baisez- moi , ce me disoit
Blaise.
Vous en parlez bien à votre aise."
Cassiope.
Ma Soeur ( bis ) il faut , ne vous déplaise
Eteindre cet amour fatal
Qu'en cela le dépit vous aide.
Merops
SAVER I L. 1737.
Merope , brusquement.
Bon , ma Soeur ; j'aimerois mon mal
Beaucoup mieux que votre remede.
Cassiope la quitte ,en lui disant :
Laissez faire , lere lan lere ,
pera.
Laissez faire au temps.
Phinée arrive avec Andromede ; ils
font une Scene en présence de Merope ,
qui a le même interêt que celle de l'OLeur
Scene finie , Andromede dit
respectueusement : Pardon , ma Tante ,
și on ne vous laissejamais le temps de parler;
mais nos affaires sont sérieuses , comme
vous voyez. A quoi Merope répond
vivement : Encore un Trie , mes Enfans
c. Voici le Trio qu'ils chantent ensemble.
Air : J'ai du bon Tabac , &c.
L'amour pour nos coeurs auroit bien des
charmes
S'il offroit toujours les mêmes apás :
H promet ce qu'il ne tient pas ;
Il se rit de notre embarras.
L'amour pour , & c.
La Fête de Junon , annoncée par
Cas
siope , commence par l'Air : Ma Commere
, quandje danse , & c. Et Cassiope
chante.
*
Junon
78% MERCURE DE FRANCE
O Junon , grande Déesse ,
Qu'on ne peut trop réverer ,
Cette fringante Jeunesse
Vient ici vous célébrer
Plus de courroux ,
Nous allons tous
1
Chanter ici , caprioler , faire les foux.' :
LE CHUR repete le même Couplet
sur le même Air.
La Fête est interrompue par trois
Ethyopiens , qui annoncent comiquement
l'arrivée de Méduses on prend la
fuite ; le Théatre change , et represente
les Jardins de Cephée .
Cassiope , Merope et Phinée témoi
gnent leur frayeur sur l'Air: Laissez moi
m'enyorer en paix.
Junon , laissez- nous en paix
Ta haine , ta haine
Nous suit de trop près.
Cephée survient en disant : Bonne
nouvelle , ma Femme , et la flate de la
protection de Jupiter , par le secours que'
promet Persée. Phinée lui remontre
qu'Andromede lui est promise, et qu'on
veut la lui ôter , sur le refus que lui fait
Cephée en lui disant ;
An
AVRIL 1737. 781
Au Fils de Jupiter on peut céder ſans honte.
Phinée lui chante en raillant ce Cou
plet. Air. Suis -je, dans l'âge de raison.
Eh ! vous croyez donc bonnement
Que Jupiter subtilement ,
Pour voir une jeune Vestale ,
En or dans une Tour coula ?
Peut-on donner comme cela ,
Dans la Pierre Philosophale?
Cephée lui répond gravement sur
l'Air : Le Cabaret est mon réduit.
Sur ce Héros aparamment ,
Vous croyez que l'on vous abuse ;
Eh bien , pensez autrement ;
Il veut décoler Méduse .
Merope et Cassiope étonnées.
Il veut décoler. . . .
Phinée haussant les épaules.
Il veut décoler !
Cephée avec assurance acheve.
A veut décoler Méduse.
Andromede arrive en rêvant , et envie
le sort de ceux que Méduse a changés
en pierres, et se croyant seule , fait
Féloge de Persée. Merope , qui a tout
entendu
78 MERCURE DE FRANCE
entendu , lui dit , en la surprenant , Air:
Ab ! vous avez bon air.
Ah ! ah ! vous aimez Persée ;
Je connois votre pensée :
Ah ! ah! vous aimez Perséc.
Andromede.
C'est vous qui l'aimez
Merope
Ah ! c'est vous qui l'aimez.´
Andromede.
Ah ! c'est vous qui l'aimez.
Merope.
Ah ! vous aimez Persée .
Toutes Deux.
C'est vous qui l'aimez.
Merope , qui aime aussi Persée , com
patit à l'amour d'Andromede , et s'étant
accordées ensemble , elles finissent' la
Scene par ce Couplet , qu'Andromede
commence sur l'Air : C'est ce qu'on n'a
point vu de la vie , & c.
Oui , quand il devroit être à vous ,
Mon coeur n'en sera point jaloux ';
Je vous le sacrifié.
Merope répond.
Deux,Femmes sur ce point vivre en paix !
Cest
AVRIL 1737. 783
C'est ce qu'on n'a point vû de la vic ,
Et ce qu'on ne verrajamais.
Persée arrive tout joyeux . Merope sa
retire. Andromede le reçoit froidement,
La Scene se passe comme à l'Opera , et
finit par le Duo : sur l'Air : Ah! Man
dame Anroux.
Ah ! je crains pour vous,
Dieux , écoutez- nous ;
Sauvez ce que j'aime,
Ah ! je crains pour vous,
Sauvez ce que j'aime ;
Dieux , écoutez-nous.
Andromede.
Ton peril est le mien. (bis. )
Cher Amant , pour moi-même
Je ne demande rien.
Ensemble.
Ah! je crains , & c.
Andromede sort , Persée veut la suivre
; mais Mercure , qui survient , l'arrête
, lui aprend la volonté des Dieux,
et l'assure de la protection de Jupiter.
Il chante le Couplet suivant.
On veut choyer vos jours
Dans une affaire
784 MERCURE DE FRANCE
ANCE
Od le plus fort secours
Est nécessaire' ;
D'une Femme endormie
Il vous faut couper le cou ;
Une telle Ennemie
yous illustrera beaucoup,
Ta la la , &c.
Ensuite on aporte à Persée l'Epée , le
Casque , et le Bouclier dans le même or
dre qu'à l'Opera , et Persée s'arme comiquement.
Mercure ordonne une Fête en
l'honneur du nouveau Chevalier , après
laquelle il enleve Persée avec lui , pendant
que les Choeurs chantent :
{ Allez , allez ,
Allez droit à la gloire. Allez , &c.
Le Théatre change, et represente l'An
tre des Gorgones . Méduse chante sur
Air des Pelerins de S. Jacques.
En voyant ma tête je tremble ,
Helas ! grands Dieux !
Les Couleuvres qu'elle rassemble
Blessent les yeux ;
Est- ce-là ce chignon frisé
Qu'aimoit Neptune ?
Pallas , ce châtiment rusé
Prouve bien ta rancune,
Une
AVRIL: 1737 785
Une douce Symphonie, qui annonce
Mercure , surprend les Gorgones ; Méduse
lui offre son secours , et se plaint
des rigueurs de Pallas ;Mercure fui conseille
de faire un somme , &c. Mercure
apelle Persée , qui , sans doute , n'étoit
pas loin ; il arrive , et Mercure se retire .
Persée chante sur l'Air Je suis un Présepteur
d'amour.
..
:
Voici donc le moment fatal
Où je dois tirer cette lame ;
Juste Ciel , que l'on a de mal
Après la tête d'une Femme !
Persée surprend Méduse endormie, lul
coupe la tête , et revenant tout joyeux la
fait voir aux Spectateurs. Il chante :
Elle est morte la Vache à Panier.
Elle est morte , &c .
Mercure survient , et dit à Persée , au
sujet du Cheval Pégase , qu'il aperçoit
en l'air, sur l'air; Je ne suis pas si Diable.
Tu vois ici Pégase ,
Le Cheval des Auteurs ;
Ah ! que dans leur extase
Il aura de douleurs :
Bientôt mille Profanes
Monteront l'Animal ,
Ah !
786 MERCURE DE FRANCE
Ah! que l'on verra d'Asnes
Sur ce Cheval .
Le Théatre change ; an voit la Mer
dans l'éloignement. Cassiope survient ;
elle aprend du Roy le cruel destin de sa
Fille ; Merope en est touchée , mais Phinée
paroît fort indifferent à cette nous
velle , et chante :
Oui , Madame , j'aime mieux
Voir cette Fille parjure ,
De ce Monstre furieux , Tur lure ,
Etre à l'instant la pâture ;
Robin , tur , & c.
On amene Andromede , on l'attache
au Rocher: elle chante sur l'Air : Le Seis
gneur Turc a raison.
Junon qui voulez ma mort
Pour une vetille ,
En voyant finir mon sort ,
Pardonnez à ma famille ;
Mon coeur seroit satisfait ,
Si je n'avois le regret
Helas de mourir fille !
Les adieux se font comiquement. Andromede
s'étonne de ne point voir Persée
, et Cassiope dit tendrement sur
l'Air: Que Dieu benisse la besogne.
AVRIL.
1737. 787
On va dévorer votre Enfant ,
Que cet apareil est touchant !
Cephée tristement.
Pour apaiser votre colere ,
Dieux ! que ne prenez-vous sa mere.
Enfin Persée paroît en l'air à cheval
sur un Cerf-volant , et dit quil est arrivé
à point nommé , mais qu'avant de
délivrer Andromede , il veut faire ses
conventions ; on lui promet tout , et
chante sur l'Air : qui veut se mettre en
ménage.
Quand on se met en ménage ,
On n'y peut voir de trop près ,
Sçachons comme je m'engage ,
Et convenons de nos faits.
Cephée impatient.
Venez donc en diligence.
Persée .
Doucement , je veux voir clair ;
On risque plus qu'on ne pense
Dans un mariage en l'air.
Andromede effrayée , dit sur l'Air : Tur-
Lurette.
Le monstre avance à grands pas :
H Persée
788 MERCURE DE FRANCE
Persée.
Je l'aurai bien- tôt mis bas.
Il combat le monstre très- courageuse
ment , et après l'avoir vaincu , il dit en
descendant ,
Voilà votre affaire faite
Turlurette ,
Le Choeur.
Turlurette ,
Latanturlurette.
Quoique l'Auteur ait très-exactemena
parodié l'Opera jusqu'à la fin , il a cependant
jugé à propos de finir la Pa
rodie au combat du Monstre , parce que
l'Action finit en cet endroits aussi Per
sée dit- il au Roi : Oh ça , bean - pere ,
puisque vous ratifiez ici les promesses que
vous m'avezfaites , lorsque j'étois en l'air
voici ce qu'il fautfaire : il chante sur l'Air
Buvons à nous quatre.
Suprimons la suite ;
On sçait tout cela :
Ici finit l'Opera,
Car chacun le quite
En cet endroit-là.
Le 13. Avril , on fit la clôture de ce
·
Théatre
AVRI L. 1737.
789
3
Théatre par la Parodie dont on vient
de donner l'Extrait , de la petite Piéce.
de l'Assemblée des Acteurs , où est la Scén:
du Charbonnier , qui a fait tant de plaisir
, du Magasin des Modernes , et de
l'Industrie , Piéce nouvelle d'un Acte
suivie d'un Ballet qui a pour titre la
Découpure , ou la Contre -danse qui porte
ce nom, laquelle a été très- goûtée, et parfaitement
bien éxecutée par les meilleurs
Sujets de la Troupe. Un Danseur étran
ger a dansé diférentes Entrées avec beaucoup
d'aplaudissement. Tous ces Divertissemens
ont été terminés par le Compliment
qu'on fait ordinairement à la
clôture du Theatre , les principaux Acteurs
ayant chanté chacun diférens Vaudevilles
adressés au Public , qui les a
aplaudis.
Le Lundy , premier jour du mois d'Avril
, l'Académie Royale de Musique req
mit au Theatre pour la quatrième fois ,
la Tragédie de Jephté , qu'elle continua
le Samedy d'après, pour la Capitation des
Acteurs. Le Concours extraordinaire qui
s'est trouvé à ces deux Représentations ,
a determiné à en donner quelques Représentations
encore après Pâques , pour
la satisfaction de ceux qui n'ont pas pû
Hij
assister
790 MERCURE DE FRANCE
assister aux precédentes. Cette Piéce ;
- unique dans son espece pour le Théatre
Lyrique , a été très aplaudie : les Auteurs
, qui sont Mrs l'Abbé Pellegrin et
Monteclair , y ont fait quelques changemens
dans le cinquiéme Acte dont
nous nous croyons indispensablement
obligés d'instruire le Public .
,
Pour mieux mettre le Lecteur au fait
de ces changemens , nous remontons au
premier arrangement des Scénes de ce
dernier Acte , tel qu'il étoit la premiere
fois qu'on a mis cet Ouvrage au Théatre .
Almasie , Mere d'Iphise , ouvroit la
Scéne , l'Autel qu'elle voyoit dressé pour
le Sacrifice de sa Fille , faisoit le sujet de
son monologue , qui étoit presque tout
tiré de l'Ecriture Sainte : si l'on en croit
les Connoisseurs et les gens désintéressés
, cette Scéne étoit des plus pathétiques
; mais quelques Critiques mal intentionnés
l'ayant interrompuë , pour
faire sentir qu'elle étoit trop longue
on fut obligé de la suprimer toute entiere
, pour ôter tout prétexte à la cabale
.
Dans la Scéne suivante , Jephté ne
pouvant résister aux plaintes et aux larmes
d'une Mere si affligée , étoit obligé
de lui ordonner de sortir ; cette seconde
Scéne
$
AVRIL. 3737 791
Scéne , qui devoit nécessairement suposer
la premiere , fut aussi retranchée .
La Tragédie fut représentée avec ce
retranchement , dins les deux diférentes
reprises qu'on en fit consécutivement
dans les deux Carêmes suivans . Le même
arrangement de Scénes subsisteroit
encore , si des Critiques judicieux n'avoient
fait sentir à l'Auteur du Poëme ,
qu'il régnoit un peu de confusion dans
les Scénes , où Ammon , suivi de la Tribu
d'Ephraim , vient forcer le Temple pour
arracher Iphise à l'Autel qu'on a fait dresser
pour elle ; Jephté sortoit pour aller
combattre les Rebelles ; pendant ce tempslà
Ammon entroit suivi de ses complices
; Iphise se refusoit à son secours
sacrilege ; elle se jettoit dans le Sanċtuaire
; Ammon se reprochant son trop
timide respect, brisoit les portes du Sanctuaire
; Jephté rentroit dans la partie extérieure
du Temple , et voyant le Sanctuaire
forcé , se déterminoit à périr en
vengeant le Seigneur le Grand Prêtre
l'arrêtoit &c . Toutes ces allées et venues ,
ces sorties et rentrées répandoient de
l'obscurité ; c'est là ce qui a déterminé
les Auteurs à réformer ces défauts que
le Public vouloit bien leur passer , en faveur
des beautés répandues dans tout le
corps de l'Ouvrage. Hiij Voici
792 MERCURE DE FRANCE
Voici le cinquiéme Acte tel qu'il
vient d'être donné , et qu'il doit subsister.
Jephté ouvre la Scéne par la comparaison
de sa situation avec celle d'Abraham
.
Iphise vient se livrer à l'Autel , malgré
les soins du Peuple qui veut la
sauver.
On entend un bruit de Guerre qui
annonce l'entreprise d'Ammon et de ses
Complices ; Jephté ordonne à sa Fille
d'entrer dans le Temple ; voici comme
il parle , après avoir éloigné Iphise.
Quoi ! jusqu'aux saints Autels , Ammon porte
l'outrage !
Grand Dica , pouras-tu le souffiir ?
Les Prêtres.
Seigneur , daigne nous secourir & c.
Choeur derriere le Theatre.
Que rien n'arrête notre rage ;
Qu'on nous ouvre un passage.
Jephté.
Je verrois du Seigneur le saint Temple forcé !
A l'honneur de son choix il faut que je réponde .
Le reste subsiste tel qu'il étoit jusqu'au
moment que les Prêtres amenent
la
AVRIL. 1737. 793
la victime ; elle reste au fond du Theatre
, tandis que les Prêtres chantent :
Favorable et terrible jour & c.
Après ce Choeur , Almasie entre ; elle
s'exprime ainsi :
Enfin , Temple sacré , je puis te voir encore ;
De prophanes Mortels ne t'environnent plus ;
L'Ange Exterminateur les a tous confondus.
Dieu d'Israel , Dieu que j'implore ,
Acheve ; éxauce- nous ; mais qu'est - ce que je
voi ?
Ma Fille, ah ! Cet Autel est - il dressé pour toi ?
Jephté.
O Mere infortunée ! O déplorable Pere !
Choeur.
O Mere infortunée & c .
Almasie.
Qu'entends-je? Quels regrets ? Qu'ils allarment
mon coeur !
Tout parle ici de mon malheur .
Grand Dieu , n'as - tu point mis de terme à ta
colere ?
Ton redoutable bras sous ton brûlant Tonnere ,
A fait tomber tes ennemis ;
Mais pourquoi livres- tu la Guerre
A des coeurs qui te sont soumis ?
Hiiij
Le
1
794 MERCURE DE FR ANCE
Le Grand- Prêtre
·
Quel reproche ! Est ce ainsi qu'on calme la
vengeance
D'un Dieu justement irrité
Par une prompte obéïssance
Méritons que son coeur reprenne sa bonté.
Que la victime aproche ; il est temps qu'on ré
pande
Le sang que le Seigneur demande.
Les Prêtres chantent une seconde fois :
Favorable et terrible jour &c.
Ce dernier plan a paru plus simple et
par conséquent plus beau aux vrais Connoisseurs
; ils ont aprouvé que Dieu n'ai
pas permis à Ammon et à sa suite d'entrer
dans son Temple. D'ailleurs Almasie
qui n'étoit auparavant que simple
Spectatrice d'une action dans laquelle
son coeur prenoit tant d'interêt , agit ici
comme doit faire une Mere dont on va
immoler la Fille .
Le 30. Avril , L'Académie Royale de Musique
a fait l'ouverture de son Théatre par la Tragédie
de Jephté , qu'on doit continuer ju'qu'à la
premiere Représentation d'un Ballet nouveau ,
intitulé Le Triomphe de l'Harmonie, dont le Poëme
est de M. le Franc , et la Musique de M.
Grenet.
LC
AVRIL. 1737. 795
Le Samedy 6. de ce mois, les Comédiens François
donnerent pour la clôture du Théatre , la
Comédie nouvelle de l'Ecole des Amis , et pour
petite Piece , les Folies Amoureuses , avec un fort
grand concours. Le sieur du Bois , nouvellement
reçû au Théatre François , dont nous avons déja
parlé plusieurs fois , complimenta le Public , et
son Discours fut fort aplaudi.
Le z . les Comédiens Italiens donnerent une
petite Piece nouvelle , en Prose mêlée de Vers
et en un Acre , intitulée l'Amour Censeur des
Théatres , de la composition de M. Romagnesy,
laquelle a été reçûë très- favorablement du Public
C'est une Critique très- sensée des Comédies
nouvelles qui ont été jouées sur les Théatres
François et Italien sur la fin de l'année derniere
et au commencement de celle - ci . On poura par⇒
ler plus au long de cet Ouvrage , dont l'idée a
parû ingénieuse. Cette Piece est suivie d'un trèsjoli
Divertissement Pantomime , composé par le
sieur des Hayes , qui a été très aplaudi.
Le 6. les mêmes Comédiens donnerent pour
la clôture du Théatre , la Comédie des Amans
Réunis , dans laquelle le nouvel Acteur s'attira
de nouveaux aplaudissemens dans le Rôle d'Ar-
Jequia . Le sieur Sticotti fit le Compliment qu'on
fait ordinairement à la clôture, lequel fut aplaudi
du Public.
Le 29. les mêmes Comédiens firent Pouverture
de leur Théatre par la Tragi- Comédie de
Samson , qui fut suivie de la petite Piece d'Arle
quin voleur. Le même Acteur qui avoit fait le
Compliment à la clôture du Théatre a fait aussi
celui de l'ouverture et a été aplaudi du Public.
Le premier Avril ils représenterent à la Cour
HV
les
76 MERCURE DE FRANCE
les Amans Réunis et la Sylphide. Le nouvel Ac
reur joua dans la premiere Piece le Rôle d'Arle
quin , avec les mêmes suffrages dont le Pu
blic l'a honoré sur le Théatre de l'Hôtel de
Bourgogne.
+
Le 2. Avril , les Comédiens François joüerent
sur le même Théatre à Versailles , la Tragédie
du Comte d'Essex , et pour petite Piece , Attendez
- moi sous l'Orme.
Le
4.
29.
Le l'Ecole des Amis , et le Double Veuvage.
ils firent l'ouverture de leur Théatre par
la Tragédie de Zaire , de M. de Voltaire , et de
la petite Piece de Crispin Rival.
On donnera dans le Mercure prochain l'Analyse
de l'Ecole des Amis , avec quelques Observations.
Cette Piece paroît imprimée chés le
Breton , Quay des Augustins.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
Elon les Lettres de Constantinople , les avis
Sregus dePerseau commencementdu mois der
nier détruisent absolument les bruits qui ont cou
u qu'un Prince de la Maison des anciens Sophis
avoit excité les Usbecs à se révolter contre Thamas
Kouli- Kan , et qu'à la tête d'une armée
considerable il avoit remporté sur lui plusieurs
victoires.
Les Usbecs sont toujours soumis à Thamas
Kouli- Kan , ce le parti qui refuse de le reconnoftr
AVRIL. 1737. 797
noître pour Roi, est le même qui s'est déclaré
contre lui dans le temps de son élection . Le
Chef de ce parti , trop foible pour exciter une
nouvelle révolution , est Miry Ilam , frere uterin
de Miry Mahmoud , premier Usurpateur du
Trône de Perse . Bien loin d'avoir remporté aucun
avantage sur Thamas Kouli- Kan , il n'est
pas en état de tenir la Campagne , et il s'est retiré
dans les Montagnes de la Province de Candahar
, dans lesquelles il est difficile d'aller l'ate
taquer.
Thamas Koul Kan n'ayant pas jugé nécessaire
de marcher en personne contre Miry Islam ,
il s'est contenté de donner à un de ses plus habiles
Generaux le commandement du Corps de
Troupes qu'il a envoyé contre lui.
On soupçonne le Grand Mogol de fournir
des secours aux Rebelles , dans l'esperance de
profiter de leur révolte pour reprendre la Province
de Candahar , qui a été l'occasion de plu
sieurs guerres entre les Mogols et les Persans.
Les Lettres de Constantinople ajoutent que la
Réponse du Comte de Konigseg à la seconde
Lettre du Grand Visir , ne laissant plus lieu de
douter que l'Empereur ne soit déterminé à déclarer
la guerre au Grand Seigneur , si Sa Hautesse
ne consent point de ceder Asoph à la Czarine
; et la Porte ne jugeant pas qu'elle puisse
accepter la Paix à cette condition , le Diva est
occupé à prendre les mesures nécessaires pour
S'oposer aux entreprises de S. M. I.
On travaille en même-temps avec toute la diligence
possible aux préparatifs de l'ouverture
de la Campagne contre les Moscovites , et on a
envoyé ordre au Grand Visir de faire marcher
du côté d'Oczacow la plus grande partie des
Hvi Trouges
798 MER CURE DE FRANCE
Troupes qu'il commande , afin de couvrir cette
Place , et d'empêcher que le Comte de Munich
n'en forme le Siege.
Quoique la Porte et la Cour de Petersbourg:
paroissent également disposées à continuer la
guerre , les négociations pour la Paix n'ont pas
encore été interrompues, et le Chevalier Faulkener
, Ambassadeur du Roy d'Angleterre auprès:
du Grand Seigneur , est parti pour Zorocka , où
l'on attend les Ministres Plénipotentiaires de la
Czarine.
O
RUSSIE.
Na apris de Petersbourg , que l'Empereur
avoit envoyé ordre à M. Dahlman de déclarer
au Grand Visir , que la Ville d'Asoph
étant nécessaire à S. M. Cz. pour mettre ses
Etats à couvert des courses des Tartares, S. M. I.
ne pouvoit continuer d'employer sa médiation:
pour terminer les differens de cette Cour avec la
Porte , si le Grand Seigneur ne consentoit de
laisser cette Place aux Moscovites ; qu'à l'égard
de la proposition faite par quelques - unes des
Puissances Médiatrices , de stipuler dans les Articles
Préliminaires de Paix , que la Czarine accordera
à Sa Hautesse un dédommagement pour
Asoph , il n'y avoit pas d'aparence que S. M.Cz.
acceptât cette condition ; qu'on n'étoit pas mê--
me en droit de l'exiger d'elle , après les grandes
dépenses auxquelles l'avoit engagée une guerre ,
qu'elle avoit été forcée d'entreprendre , afin d'em
pêcher les Tartares de troubler le repos de ses
Sujets ; qu'au reste l'Empereur croyoir que la
Czarine ne s'oposeroit point au dessein que le
Grand Signeur paroissoit avoir formé de faire
construire une Forteresse dans les environs d'A~
soph
AVRIL. 1737. 799
soph , mais qu'il seroit temps de discuter cet article
, lorsque les Ministres Plénipotentiaires des
deux Puissances seroient assemblés dans le Lieu
du Congrès .
Le Comte de Wolinski , Grand Veneur ; le
Baron de Schaffiroff , Président du Conseil de
Commerce , et ci- devant Ambassadeur de la Czarine
à Ispahan , et M. de Neplief , Conseiller
Privé , qui a résidé à Constantinople avant M.
de Wisnakoff , en qualité de Ministre de la Czarine
, ont été nominés par S. M. Cz. Ministres
Plénipotentiaires pour regler avec ceux du Grand
Seigneur et ceux des Puissances Médiatrices , les
conditions de la Paix entre les Moscovites et les
Turcs. Le temps du départ de ces Ministres pour
le Lieu du Congrès n'est pas encore fixé , et le
bruit court qu'ils ne se rendront à Zoroka qu'après
que le Grand Seigneur aura accepté les Articles
préliminaires proposés par l'Empereur.
Cependant , comme le Roi d'Angleterre et la
République de Hollande ont fait déclarer à la
Czarine que leurs Ministres Plénipotentiaires
étoient déja partis de Constantinople pour la
Moldavie , et qu'on n'attendoit plus que les siens,
pour ouvrir le Congrès , il y a aparence qu'elle
les envoyera incessamment.
On assure que S. M. Cz. donnera ordre au
Comte de Munich de continuer les Actes d'hostilité
pendant qu'on tiendra les Conferences pour
la Paix , et que ce General cherchera à remporter
quelque avantage considerable sur les Turcs,
afin de les obliger à accorder à la Czarine une
partie de ses prétentions ..
La Czarine paroît être déterminée à renouveller
une Ordonnance par laquelle le Czar Pierre
I. avoit défendu qu'on ne reçût au Noviciat
dans
800 MERCURE DE FRANCE
dans les Maisons Religieuses personne au -dessous
de quarante ans. L'execution de cette Ordonnance
devant diminuer considérablement
le nombre des Religieux et des Religieuses , Sa
M. Cz. se propose d'employer à des établissemens
avantageux à ses Etats , les revenus qui se
ront inutiles aux Convents.
On a apris par un Exprès du General Lescy ,
qu'un Corps considerable de Tartares du Da
ghestan s'étant avancé sur la Frontiere , dans le
dessein de faire une irruption en Moscovie , a
d'aller joindre ensuite l'Armée Ottomane , commandée
par le Grand Visir , le Gouverneur de
Derbent avoit fait marcher fooo . hommes d'Infanterie
, 1500. de Cavalerie et 4000. Calmouques,
avec 25. pieces de Canon , et qu'au passage
d'un défilé , ces Troupes avoient attaqué les
Ennemis , qui avoient été entierement dissipés
après avoir perdu 4000. hommes dans le combat.
S. M. Cz. reçut au commencement du mois
dernier, un Courier de Donduck Ombro, qui lui
a mandé que sur la nouvelle de la marche d'un
Corps de rooo. Tartares de Cuban , il avoit détaché
quelques Troupes pour les empêcher de
passer la Riviere de ce nom , et que les Cosaques
ayant surpris les Ennemis dans le temps que ces
derniers se disposoient à la traverser , en avoient
tué la plus grande partie , avoient fait 1200. prisonniers
, et avoient pris zoco. Chevaux .
Ce General ajoûte que les Tartares du Cuban
se voyant resserrés dans les Montagnes , où leurs
Chevaux et leurs Bestiaux mouroient faute de
pâturages , ils avoient envoyé des Députés au
Kan de Crimée , pour lui demander la permis
sion de se retirer dans ses Etats ; mais que ce
Prince laleur avoit refusée , parce que depuis les
courses
A V RI L. 1737. 801
Courses des Moscovites , la plus grande partie de
la Crimée étoit réduite en une telle misere, qu'el
le pouvoit à peine fournir les subsistances nécessaires
aux Peuples qui l'habitent.
Le Comte de Munich a dépêché un Courier à
la Czarine , pour lui aprendre qu'un Corps con
siderable de Turcs et de Tartares , commande
par le Kan de Crimée , ayant passé le 24. Février
dernier le Boristhene près de Kaliberda , à
la faveur des glaces , et ayant fait une irruption
en Ukraine , 20000. hommes de l'Armée Moscovite
étoient sortis des lignes afin de couper la
retraite aux Ennemis ; que ces derniers craignant
d'être envelopes , avoient repassé promptement
le Fleuve sans avoir pû former aucune entreprise,
et qu'ils s'étoient contentés de piller quelques
Villages et quelques Fermes.
Le Lieutenant Colonel Swezin, que le Comte de
Munich avoit détaché à la tête de 300. hommes,
avec ordre de se retrancher à l'endroit par où les
Tartares avoient traversé le Boristhene , a été
attaqué par les Ennemis lorsqu'ils ont repassé ce
Fleuve , mais il s'est défendu avec tant de valeur,
que quelques Régimens envoyés à son secours
ayant câ le temps de le joindre , les Tartares
n'ont pu le forcer dans son retranchement. On
assure que les Moscovites n'ont eû dans cette
Occasion que 4. hommes de tués et 24 de bles
sés , du nombre desquels sont un Ayde- Major
et un Lieutenant.
"
Le même Courier par lequel on a reçû cette
nouvelle , a donné avis que le Major General
Leslie , en retournant à Perewolozna avec une
escorte de 30. Dragons , après avoir fait la visite
de quelques postes le long du Boristhene, étoir
tombé dans une embuscade de 200. Tartares , er
9
802 MERCURE DE FRANCE
qu'il avoit mieux aimé périr les Armes à la main
que de se rendre aux Ennemis.
La Czarine, qui étoit dans le dessein de ne
faire partir ses Ministres Plénipotentiaires pour
Zorocka , qu'après que le Grand Seigneur auroit
accepté les Articles préliminaires proposés
par l'Empereur , a changé de résolution depuis
qu'elle a apris que les Ministres Plénipotentiaires
du Roy de la Grande- Bretagne et des Etats
Generaux étoient partis de Constantinople pour
la Moldavie , et S. M. Cz. a donné ordre au
Comte Wolinski , au Baron de Schaffiroff er
à M. Neplief , de se rendre incessamment au
Lieu du Congrès , dont on compte que l'ouverture
se fera au commencement du mois de Juin.
Le dommage causé en Ukraine par les Tartares
, a été beaucoup plus considérable qu'on ne
l'avoit publié. Pour se venger des Cosaques de
Cziesk , qui avoient commis l'année derniere
beaucoup de désordres dans la Crimée , ils ont
ravagé entierement le Pays habité par cette Nation
, ils ont brûlé la Ville de Cziesk et les Villages
des environs , et ils ont passé au fil de l'épée
tous les Habitans . I's ont penetré ensuite
plus avant dans l'Ukraine , et ils y ont pillé plusieurs
Bourgs.
SE
POLOGNE .
Elon les Lettres écrites de Kaminieck , il s'y
est répandu une terreur presque generale parmi
le peuple , dont la plus grande partie est persuadée
qu'il y paroît toutes les nuits des Spectres
qui donnent la mort à ceux dont ils apro--
chent. Le Clergé et les Magistrats de la Ville
on fait inutilement plusieurs tentatives pour rassurer
les Habitans sur cette vaine frayeur.
ALLEMAGNE
AVRIL. 1737. 809
O
ALLEMAGNE.
N écrit de Vienne , que le Comte de Ko
nigseg a reçû une seconde Lettre du Grand
Visir , qui après lui avoir renouvellé les assuran
ces qu'il lui avoit données dans la premiere , lui
mande que le Grand Seigneur , afin de parvenit
plutôt à un accommodement avec la Ĉzarine ,
veut bien n'exiger d'elle aucun dédommagement.
Le Grand Visir ne s'étant point expliqué dans
cette Lettre sur la cession d'Asoph , et ce Mi
nistre se contentant de promettre que la Porte
Consentira , autant que cela sera possible , sans
blesser son honneur et sans nuire à ses interêts,
à toutes les conditions que les Puissances Médiatrices
pouront stipuler pour la sûreté de Sa
M. Cz. on doute que la Paix soit conclue aussitôt
qu'on l'auroit désiré.
D'autres avis reçus depuis , portent que le
Comte de Konigseg a répondu à cette Lettre du
Grand Visir , que la conduite tenuë jusqu'à présent
par la Porte , donnant lieu de conjecturer
que
les Turcs ne désirent pas de conclure la Paix
avec les Moscovites , l'Empereur se disposoit à
prendre les mesures nécessaires pour remplir ses
engagemens avec S. M. Cz .
Le Marquis Palavicini a inventé une Galiotre
de nouvelle forme , et le Gouvernement a résolu
d'en faire construire de semblables pour s'en ser
vir sur le Danube.
U
ITALIE.
1
N des Chevau-Legers de la Garde du Pape
a découvert une Mine de vif- argent , dans
la Terre de Santa Fiora , laquelle apartient au
Dug
804 MERCURE DE FRANCE
Duc de Sforza Cezarini , et l'on prétend qu'elle
raportera aux Entrepreneurs au moins trente
pour cent de profit.
Le grand nombre de personnes qui sont indis.
posées depuis quelque tems de rhumes et d'autres
maladies , a déterminé le Pape à permettre l'usage
des oeufs et du laitage pendant le Carême.
Le Charretier qui blessa dernierement d'un
Coup de couteau le Cheval- Barbe apartenant à M,
Banaja Florentin , a été condamné pour dix ans
aux Galeres, et on le conduisit le 12. Mars dernier
sur un âne dans les rues de Rome.
La Rose d'or , dont la Benediction a été faite
le quatrieme Dimanche de Carême , est destinée
par Sa Sainteté à l'Archiduchesse Epouse du Duc
de Lorraine , à laquelle elle sera présentée par
M. Tosquez.
Le 19. du mois passé , on publia le Decret
pour la Canonisation du Bienheureux François
Régis , Jesuite, et le bruit court que le Pape fera
le 16. du mois de Juin prochain la Ceremonie
de cette Canonisation et celle du Bienheureux
Vincent de Paule , Instituteur de l'Ordre des
Peres de la Mission .
On écrit de Venise, que le Conseil s'assembla le
23. du mois dernier , et que quelques Sénateurs
ayant donné avis que le Prince Pio avoit reçû
ordre de l'Empereur , de presser le Sénat de s'expliquer
sur les propositions de S. M. I. au sujet
de la guerre contre les Turcs , il fut décidé qu'on
répondroit au Mémoire qui doit être présenté
par cet Ambassadeur , que la République désiroit
de pouvoir seconder les vûës de la Cour de
Vienne , mais qu'elle étoit déterminée à ne contracter
aucun engagement avant que d'être conyenue
avec l'Empereur des entreprises que l'Arméc
AVRI L. 1737. 805
mée Venitienne formeroit et des avantages qu'el
le pouvoit esperer pour se dédommager des dé➡
penses de la guerre.
On a aussi résolu de déclarer au Prince
Pio , que le Gouvernement ne fourniroit des secours
à S. M. I. qu'après avoir obtenu des sûretés
suffisantes , et que les Venitiens ne vouloient
point être exposés dans cette occasion - ci aux
inconveniens de la précedente Guerre contre le
Grand Seigneur.
On écrit de Milan , que le Comte de Traun
devoit incessamment , en vertu des pleins pouvoirs
qu'il en a reçus de l'Empereur , prendre
possession des Etats de Parme et de Plaisance ,
au nom de S. M. Impériale .
On a apris de Naples , que le s . du mois dernier
le Roy des deux Siciles donna une Fête plus
magnifique encore que les précédentes , et à laquelle
toutes les Personnes de distinction furent
invitées. S. M. soupa avec 14. Dames , et on
servit plusieurs Tables pour les Seigneurs et les
Dames de la Cour qui n'avoient pu avoir place
à celle du Roy. Après le soupé il y eut un Bal .
pendant lequel on distribua une grande quantité
de rafraîchissemens , et qui dura jusqu'à quatre
heures du matin .
Les Lettres de Genes , portent qu'on y avoit
apris de l'Isle de Corse , qu'un Détachement des
Rebelles s'étant aproché de la Bastie jusqu'à une
très petite distance de la premiere Garde avancée
, avoit enlevé un Soldat qu'ils avoient renvoyé
après lui avoir ôté ses Armes et ses habits.
On a apris par les mêmes Lettres , que quoique
les Rebelles ayent perdu l'esperance de recevoir
les secours que leur principal Chef leur avoit
promis , ils paroissoient persister dans la résolu-.
tion de ne pas se soumettre, Depuis
866 MER CURE DE FRANCE
Depuis la publication du Decret par lequel le
Sénat permet à toutes les personnes baunies de
cer Etat , d'y revenir , à condition d'aller servir
en Corse contre les Rebelles , il en est arrivé à
Genes un très grand nombre , et l'on en a déja
formé quelques Compagnies qu'on doit embarquer
incessamment pour l'Isle de Corse .
On aprend en dernier lieu que la division s'étant
mise parmi les Rebelles et qu'une partie
d'entre eux paroissant disposée à se soumettre à
la République , si on veut leur accorder certaines
conditions , le Sénat a envoyé à M. Rivarola les
instructions et les pouvoirs nécessaires pour trai
ter avec eux. On espere qu'il sera d'autant plus
facile de les faire rentrer dans le devoir , qu'ils
ont perdu l'esperance de recevoir les secours que
leur principal Chef leur avoit promis.
L
ESPAGNE.
2
E 14. Mars , le Roy déclara Grand- Amiral
de ce Royaume l'Infant Don Philipe , qui
étant entré le 15. dans la 18e année de son âge
reçut les Complimens des Ministres Etrangers et
des Grands , tant à l'occasion de l'Anniversaire
de sa Naissance , que sur la Charge dont S. M.
l'a pourvû.
Don Bernard de Marimon , Maréchal des
Camps et Armées du Roy , doit se rendre incessamment
à Lisbonne en qualité d'Ambassadeur
de S. M. auprès du Roy de Portugal
Le Roy a déclaré le Duc de Montemar Ministre
de la Guerre , et S. M. a ordonné qu'il jouît
des mêmes prérogatives qui avoient été accordées
au feu Marquis de Bedmar,
FRANCE
AVRIL. 1737.. 807
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Let
E 21. Mars , M. de la Galaisiere , en
vertu des pleins Pouvoirs qu'il en
avoit reçû de S.M. et du Roy de Pologne,
prit possession du Duché de Lorraine ,
avec les mêmes formalités observées lorsque
le huit Février dernier , il avoit pris
possession du Duché de Bar,
Le 31. quatrième Dimanche de Ca
rême , le Roy entendit dans la Chapelle
duChâteau deVersailles la Messe, pendant
laquelle l'Evêque d'Uzés préta serment
de fidélité entre les mains de Sa Majesté,
L'après midi , le Roi accompagné du
Duc d'Orleans , du Prince de Dombes
et du Comte d'Eu , assista au Sermon du
Pere Julien , Religieux Recolet .
Le même jour , M. Orry , Ministre
d'Etat, et Controlleur Général des Finances
, que le Roy a nommé Directeur Gé
néral des Bâtimens , préta serment de 'fidélité
entre les mains de Sa Majesté.
S. M. a accordé le Regiment d'Infantexie
,
808 MERCURE DE FRANCE
rie , vacant par la mort du Marquis d'Ou
roy , au Chevalier d'Ouroy son Frere.
Le 9 , le Duc d'Ancenis auquel le Roy
a accordé la Charge de Capitaine d'une
des Compagnies des Gardes du Corps ,
en survivance du Duc de Bethune son
Pere , préta serment de fidélité entre les
mains de S. M.
Le Roy a donné au Duc de Chartres le
Regiment d'Infanterie , dont le Marquis
de la Ferté- Imbault étoit Colonel ,
et le Comte d'Estampes en a été nommé
Colonel - Lieutenant.
Le Roy de Pologne qui partit du Château
de Meudon le premier de ce mois
pour se rendre en Lorraine , arriva le 3 ,
au soir à Luneville. La Reine de Pologne
partit le 3. pour aller joindre le Roy son
Epoux ; et l'on a reçû avis de Luneville
qu'elle y étoit arrivée le 13. de ce mois .
Le Prince de Craon, que le Roy de Pologne
a envoyé au Roy pour lui donner
part de son arrivée en Lorraine , et qui
avoit eu l'honneur de voir S. M , le 9. de
ce mois , eut le 13. une Audience particuliere
, dans laquelle il prit congé du
Roy. Il fut conduit à cette Audience par
M. de Verneuil , Introducteur des Ambassadeurs
.
La
AVRIL. 1737. 809
La Reine de Sardaigne étant partie de
Luneville quelques jours après la célébration
de son Mariage , et S. M. ayant
pris sa route par la France , elle trouva
à Bourbonne M. Desgranges , Maître des
Cérémonies , que le Roy avoit envoyé
pour la faire recevoir dans toutes les
Villes de son passage avec les honneurs
qu'elle permettroit qu'on lui rendît. Cette
Princesse arriva à Lyon le 27. du mois
dernier , et elle en repartit le 30 pour se
rendre à Chambery , où le Roy de Sardaigne
devoit venir au devant d'elle. Le
jour que Sa Majesté arriva à Lyon , elle y
fut complimentée de la part du Roy par
le Duc de Villars.
31.
La Reine de Sardaigne étant arrivée le
du mois dernier au Pont- Beauvoisin ,
S. M. coucha dans la partie du Village
qui dépend de la France. Le lendemain
vers les neuf heures , la Reine se rendit
sur le Pont , au milieu duquel le Roi
de Sardaigne étoit venu au devant d'elle.
Le Roy et la Reine de Sardaigne s'étant
embrassés , monterent dans le Carosse
du Roy de Sardaigne , et leurs Majestés
arriverent le soir à Chambery. Le Roy et
la Reine descendirent à la Chapelle du
Château , où l'Archevêque de Turin
Grand Aumônier du Roy de Sardaigne ,
leur donna la Bénédiction Nuptiale,
810 MERCURE DE FRANCE
7.
Le de ce mois , Dimanche de la Passion , le
Roy et la Reine entendirent dans la Chapelle du
Chateau de Versailles la Messe chantée par la
Musique .
L'après midy , le Roy accompagné du Prince
de Dombes et du Comte d'Eu , assista à la Prédication
du Pere Julien , et S. M. entendit le Sermon
du même Prédicateur le
9. et le 11 .
Le 13. le Roy et la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château de Versailles , la Messe de
Requiem pour l'Anniversaire de Monseigneur le
Dauphin , Ayeul de Sa Majesté .
Le 14. Dimanche des Rameaux , le Roy accompagné
du Prince de Dombes et du Comte
d'Eu, assista dans la même Chapelle à la Benediction
des Palmes, qui fut faite l'Abbé Brospar
seau , Chapelain ordinaire de la Chapelle de Musique
, lequel en présenta une à S. M. Le Roy
assista à la Procession , et après l'Evangile adora
la Croix. S. M. entendit ensuite la Messe célebrée
par le même Chapelain et chantée par la
Musique. La Reine assista à la même Messe dans
la Tribune .
L'après midy , le Roy accompagné du Prince
de Dombes et du Comte d'Eu , entendit la Prédication
du Pere Julien , Recolet , et ensuite les
Vêpres , auxquelles la Reine assista dans la Tribune.
Le 15. la Reine communia dans la même Chapelle
par les mains du Cardinal de Fleury , son
Grand Aumônier.
Le 17. Mercredy- Saint , le Roy et la Reine
entendirent dans la même Chapelle , l'Office des
Tenebres , qui fut chanté par la Musique.
Le Jeudy Saint , le Roy entendit le Sermon de
la Çêne de l'Abbé Roustille , Chanoine de PEglise
AVRIL. 1737. Srt
•
glise Cathédrale d'Angers , après quoi l'Archevêque
d'Aix fit l'Absoute. Ensuite le Roy lava
les pieds à douze pauvres , et S. M. les servit à
table . Le Duc de Bourbon , Grand - Maître de la
Maison du Roy , à la tête des Maîtres d'Hôtel ,
précédoit le Service dont les plats étoient portés
par Monseigneur le Dauphin , par le Prince ce
Conty par le Prince de Dombes , par le Com e
d'Eu et par les principaux Officiers de S. M.
Après cette Ceremonie , le Roy se rendit à la
Chapelle , où S. M. entendit la grande Messe et
assista à la Procession et ensuite aux Vêpres . La
Reine et Monseigneur le Dauphin assisterent à
l'Office dans la Tribune.
•
L'aprés midy la Reine entendit le Sermon de
la Cêne de l'Abbé le Févre , Chanoine de l'Eglise
Cathédrale de Verdun , et l'Archevêque d'Aix
ayant fait l'Absoute , S. M. lava les pieds à douze
pauvres filles et les servit à table. Le Marquis de
Chalmazel, Premier Maître d'Hôtel de la Reine,
précedoit le Service , dont les plats étoient portés
par Mesdames de France , par Mademoiselle
de Clermont , par les Dames du Palais , et par
d'autres Dames de la Cour.
Le soir leurs Majestés entendirent dans la mê
me Chapelle l'Office des Tenebres.
Le Vendredy- Saint , le Roy , accompagné du
Duc de Bourbon , du Prince de Dombes , et du
Comte d'Eu , entendit dans la même Chapelle ,
le Sermon de la Passion du Pere Julien. S. M.
assista ensuite à l'Office et alla à l'Adoration de
la Croix. La Reine entendit l'Office dans la Tribune.
Le soir le Roy assista à l'Office des Tenebres .
Le 20. Samedy- Saint , le Roy revêtu du grand
Collier de l'Ordre du S. Esprit , se rendit à l'EI
glise
812 MERCURE DE FRANCE .
glise de la Paroisse du Château , où S. M. communia
par les mains du Cardinal de Rohan
Grand-Aumônier de France. Le Roy toucha ensuite
un grand nombre de malades.
?
"
Le soir , leurs Majestés assisterent dans la Chapelle
du Château , aux Complies et au Salut
pendant lequel l'O Filii fut chanté par la Musique.
Monseigneur le Dauphin et Mesdames de
France y assisterent.
Le 21. Fête de Pâques , le Roy , accompagné
du Prince de Dombes et du Comte d'Eu , entendit
la grande Messe , célebrée Pontificalement
par l'Archevêque d'Aix , et chantée par la Musique,
La Reine et Monseigneur le Dauphin entendirent
la même Messe dans la Tribune .
L'après midy , le Roy assista à la Prédication
du Pere Julien , et ensuite aux Vêpres , auxquelles
le même Prélat officia.
Le même jour S. M. fit rendre à l'Eglise de la
Paroisse de Versailles les Pains Benits , qui fu
rent présentés par l'Abbé de Choiseul , Aumônier
du Roy en quartier,
Le 28. Dimanche de Quasimodo , la Reine fit
rendre à l'Eglise de la Paroisse du Château , les
Pains benits , qui furent présentés par l'Abbé de
Sainte- Hermine , son Aumônier en quartier.
Le même jour, le Roy nomma M. d'Argen-
Conseiller d'Etat ordinaire , son Ambassadeur
en Portugal.
son ,
Le même jour , Don Louis d'Acunha notifia
que le Roy de Portugal l'avoit choisi pour être
son Ambassadeur auprès du Roy.
5. M. a donné la Place de Conseiller d'Etat
ordinaire
AVRIL. 1737.
813
ordinaire , vacante par la mort de M. de la Rochepot,
à M. Feydeau de Brou Intendant en
Alsace, et le Président Turgot , Prévôt des Marchands
, a été nommé Conseiller d'Etat.
Le 4. Avril , M. Claude Auvellier ,
troisiéme fils de feu Pierre Auvellier , Conseiller
Ecuyer
du Roy et Receveur General des Tailles des Diocèses
de Nîmes et Alais , et de feue Toinette de
Sartre , a ére reçû et prêté le Serment de fidelité
à la Jurisdiction du Siege general de la Table de
Marbre du Palais de la Connétablie de Nosseigneurs
les Maréchaux de France, à la Charge de
Grand- Prévôt Géneral de la Maréchaussée de la
Province du Roussillon et Comté de Foix , en la
Résidence de Perpignan.
> Le 7. Dimanche de la Passion l'Acadé
mie Royale de Musique fit donner le premier
Concert Spirituel au Château des Tuilleries , lequel
a été continué pendant differens jours des
trois semaines de Pâques , jusques et compris le
Dimanche de Quasimodo. On y a executé les plus
beaux Motets à grand Choeur de feu M. de la
Lande , et plusieurs autres plus modernes de Mrs
Destouches et Blamont, Sur- Intendants de la Musique
du Roy , Gervais , Maître de Musique de
la Chapelle , Du Luc , Brice et Cheron. Les Diles
Erremens , Fel et Bourbonnois , ont chanté plusieurs
autres petits Motets à une et à deux voix , de
la composition de Mrs Mouret , le Maire et Cordelet.
La Dile Horteterre , jeune personne nouvellement
arrivée de Province, a executé plusieurs fois
sur le dessus de Violon , differentes Sonnares de la
composition du sieur le Clair , avec toute l'intelgence
, la vivacité et la précision imaginable.
I ij Le
814 MERCURE DE FRANCE
Le 13.
Le sieur Zuccarini , autre Virtuoso , Violon Ita
lien , s'est aussi distingué en joüant differens Concerto
de sa composition avec beaucoup d'aplau
dissement ; on termina le dernier Concert par un
de ses Concerto à deux Choeurs , qu'il executa
avec le sieur Guignon , dont l'execution parut
admirable à une très - nombreuse Assemblée.
les celebres Artistes , logés par
Brevet du Roy , dans la Galerie du Louvre , firent
une Députation de huit d'entre eux , pour
complimenter M. Orry , Ministre d'Etat , Contrôleur
General des Finances , lequel a été nommé
par le Roy , Directeur General des Bâtimens
de S. M. Ce Ministre , dont l'aplication et le
zele à cultiver les Arts , sont connus , les reçûr
avec bonté et leur témoigna combien il est porté
à favoriser ceux qui s'y distinguent.
VERS sur la Maladie de Madame
la DUCHESSE.
Q
Ue vos jours nous sont chers , jeune c
belle Duchesse !
Sur nos fronts consternés votre péril est peint ;
Petits et grands tremblent sans cesse :
De la façon dont on vous plaint ,
Il sembleroit que chacun craint
De perdre en vous une Maitresse.
O Grand Dieu ! voi du haut des Cieux
Les pleurs qui coulent de nos yeux.
Par l'excès de notre tristesse ,
Juge combien est précieux
T
AVRIL. 1737. 815
Le salut de cette Princesse.
Je n'oserois t'offrir mes jours
Pour voir de son destin prolonger l'heureux
cours ;
Ils ne méritent pas une faveur si grande ;
Mais écoute tout Paris ,
Qui plein de zele demande
Cette grace au même prix .
Ah ! si touché de nos cris ,
Tu daignois , Dieu de tendresse ,
Sur chacun des Habitans ,
Qui pour elle s'interesse
Ét t'offre tous ces instans ,
Prendre seulement une heure ;
Dussai- je vivre cent ans ,
Je n'aurois plus, hélas ! à craindre qu'elle meure.
Par un Rhetoricien du College d' Harcourt.
D
A M. SILVA.
Ans l'excès des transports et d'amour et de
joye
Où nous jette l'Enfant que le Ciel nous envoye ,
Permets , Docte Silva, qu'aux yeux de l'Univers ,
A tes heureux travaux je consacre ces Vers.
Quelstravaux plus heureux ! du sein de l'allegresse
Je me rapelle encor ces jours infortunés ,
Où déja nous pleurions notre auguste Maîtresse,
Quand ton Art rassura nos Esprits consternés.
I iij
La
816 MERCURE DE FRANCE
Le Captif délivré d'une longue souffrance ,
L'inquiéte Brebis qui revoit son Agneau ,
Ont bien moins de plaisir que n'en conçut la
France ,
De te voir triompher du funeste ciseau .
Tu rendis à Bourbon cette Moitié si chere ,
Par toi l'espoir renaît et la crainte s'enfuit ,
Par un double bonheur un Héros devient pere ;
Non , rien ne manque plus au beau jour qui nous
luit.
Quels succès plus flateurs auroient droit de to
plaire
Songe quelle est la Mere et quel sera l'Enfant ,
Silva , le sçavoir qui t'éclaire ,
Des Loix du sort est triomphant .
Ce n'est pas par ce rang digne du Diadême
Que certe aimable Mere a des droits sur nos coeurs,
Les respects ne sont pas de sûrs garants qu'on
aime ,
Mais on cede toûjours à des attraits vainqueurs,
Ses vertus , son esprit , sa beauté , sa sagesse
Sa douceur , sa bonté nous forcent à la fois
En révérant en elle une auguste Princesse
De chérir le bonheur d'executer ses Loix.
Perrin.
Nous avons gardé long- temps les deux Mor
ceaux de Poësie qu'on vient de lire , sans oser les
rendre publics , à cause de la longue et dangereuse
maladie de Madame la Duchesse , à laquelle
toute la France s'est interessée d'une maniers
AVRIL: 1737. 817
miere très - particuliere. Nous avons voulu attendre
que cette Princesse fût hors de tout danger et
dans une pleine et entiere convalescence.
MORTS , NAISSANCES ,
Et Mariages.
N aprend de Madrid qu'un Prêtre , nâtif
de Monsaraz , étoit ON mort à Olivença , âgễ
de 120. ans.
Le nommé Le Doux , Journalier , est mort
depuis quelques jours , dans la Paroisse de Saint
Martin de Bradiaucourt , Election de Lions en
Normandie , dans la 111. année de son âge. Il
laisse une femme âgée de 105. ans .
D.Marie Guyon,Veuve de M.Michel Durieux,
est morte à Paris dans la 103. année de son âge.
Le nommé Jean- Baptiste Cottel mourut il Y
a quelque temps , à Paris , âgé de 106. ans.
Le 26. Février mourut à Dijon Louis Betauld
de Chémauld , Chevalier de l'Ordre Royal et Militaire
de S. Louis , Colonel d'Infanterie , et ancien
Capitaine au Regiment d Orleanois. Il
étoit Fils de feu Hugues Betauld , Seigneur de
Chémauld , Monbarrois , Arcouville, & c , ci - devant
Maître des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel
du Roy , mort le 2. Mars 1712. âgé de 60. ans,
et de D. Antoinette - Louise - Therese de Beon de
Luxembourg , sa Veuve , qui se remaria avec
Jean Hipolite de Beaumont , Exempt des Gardes
du Corps du Roy.
Le 7 Mar , Guy, Comte de Stahrenberg , Commandeur
Provincial du Bailliage d'Autriche , de
I iiij P'Ordre
818 MERCURE DE FRANCE
l'Ordre Teutonique , Conseiller Intime actuel
d'Etat de l'Empereur , Général Feldt- Maréchal
de ses Armées , Gouverneur et Commandant du
Royaume d'Esclavonie , et Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , mourut à Vienne , dans la 80.
année de son âge , étant né le 11. Novembre
1657.il n'avoit point été marié. Ce Général , qui
avoit rendu de grands services à la Maison
d'Autriche , s'étoit toujours extrémement distingué
par sa valeur , et par sa prudence , et
avoit reçû , en differentes occasions , plus de 20 .
blessures . Ce fut lui qui , au mois de Décembre
1703. fut chargé de marcher au secours du Duc
de Savoye , qu'il joiguit le 14 Janvier 1704 .
après une longue et rude marche , qu'il ne pût
faire sans recevoir quelque échec , ayans toujours
été poursuivi de fort près par le Duc de
Vendôme. L'Empereur Leopold le nomma alors
Feldt- Maréchal de Camp Général ; et l'Empereur
Joseph lui donna au mois d'Avril 1707. le
Commandement de ses Troupes en Hongrie ;
et au mois de Janvier 1708. il le choisit pour
aller commander en Chef les Troupes des Alliés
en Catalogne. Il fit une entreprise sur Tortose
le 4 , Décembre de la même année , mais il
fut repoussé avec quelque perte. En 1710. il gagua
la Bataille de Saragosse le 20. Août , et il
marcha ensuite jusqu'à Madrid ; mais le 10. Décembre
suivant il perdit la Bataille de Villaviciosa
, après laquelle il eut beaucoup de peine à
regagner la Catalogne avec les débris de son
Armée. L'Empereur regnant , avant son départ
de Barcelonne, le nomma au mois de May 17.11.
Viceroy de Catalogne , et Généralissime de ses
Armées. Il se démit publiquement de cette Vieeroyauté
dans l'Eglise Cathédrale de Barcelonne
AVRIL. 1737. 819
he le 25. Mars 1713. Le Corps de ce Génér
ral , après avoir été exposé deux jours sur un
lit de Parade dans une Chambre de l'Hôtel Teutonique
, où il demeuróit , fut porté le 9. au
soir en grande pompe à la Chapelle de cette
Maison , où il a été inhumé sous le Tombeau
de Marbre qu'il y avoit fait élever de son vivant
avec son Portrait au naturel en bas relief ,
armé de toutes Pieces , le Manteau de l'Ordre
par-dessus , et l'Epée à la main , étant à genoux
dans l'attitude d'adorer le Dieu des Armées . Le
Comte de Stahremberg a fait , par son Testament
divers Legs et Fondations pieuses . Il a institué
l'Orde Teutonique son Héritier universel.
11 laisse à Joseph- Philipe , Comte d'Harrach ,
Feldt-Maréchal de Camp , son Successeur , et
aux Successeurs de celui - ci , dans sa Commanderie
du Bailliage d'Autriche , sa Croix de Diamans
, estimée 1o . à 12000. Florins , sa Vaisselle
d'argent et ses meubles. Il laisse 60000 1.Florins
pour une Fondation en faveur de 12. pauvres
Demoiselles de bonne Famille de Lintz , sa Patrie
, qui auront chacune un revenu annuel de
200. Florins , à condition que s'il se trouvoit
de pauvres Demoiselles de la Famille de Stahrenberg
, elles auront la préférence , et 100. Florins
de plus que les autres . Il a aussi fondé un Capital
de 30000. Florins pour l'entretien d'un Gentilhomme
de la Maison de Stharenberg , qui
pouroit en avoir besoin . Il a fait present à son
Regiment de tous les arrérages et autres prétentions
qui lui sont dûs , et que l'on fait monter
à plus de 60000 Florins , à condition que l'intérêt
de cet argent sera employé à l'entretien
d'une Apoticairerie pour le soulagement des
Soldats malades et blessés de ce Regiment , &c.
I v Ce
820 MERCURE DE FRANCE
Ce Seigneur étoit de la Branche Cadette de la
Maison de Stahrenberg, apellée la Branche Henrienne
, et second Fils de Richard- Bathelemi ,
Comte de Stahrenberg , et d'Esther d'Windischgraetz
, morte le 20. Juin 1697 ,
Le 11. Philipe - Charles d'Estampes , Scigneur
de la Ferté- Imbaut et de Sallebris
apellé le Comte d'Estampes , Brigadier des Armées
du Roy , mourut à Paris , dans la §3 . année
de son âge. Il avoit été , dans sa jeunesse ,
Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem.
Il fut d'abord Guidon de la Compagnie des Gend'Armes
d'Orleans , er ensuite Colonel du Regiment
de Chartres, Infanterie en 1709. Capitaine
des Gardes du Corps du feu Duc d'Orleans
Régent de France , au lieu de feu son Pere
, en 1716. ayant été reçû en survivance de cette
Charge dès 1707. et enfin fait Brigadier le
1. Février 1719. Il fit la Campagne la même
année sur les Frontieres d'Espagne , et servit aux
Siéges de Fontarabie et de S. Sebastien . Il quitta
le Service en 1731. Il étoit ze Fils de feuCharles
d'Estampes , Marquis de Mauny, Seigneur de
la Ferté- Imbaut, Sallebris , Droüé , & c. Chevalier
des Ordres du Roy , premier Capitaine des Gardes
du Corps du feu Duc d'Orleans , Régent, mort
le } Décembre 1716. et de feuë Marie de Raynier
de Droüé , morte le 14. Septembre 1726.
Le feu Comte d'Estampes avoit épousé au mois
de Juin 1709. Jeanne-Marie du Plessis Chastillon
de Nonant , Fille de feu Jacques du Plessis,
Marquis de Nonant et de Chastillon , et de
Jeanne- Marie Fradet de S. Aoûts , sa Veuve ,
encore vivante. Il en laisse , outre quelques Filles
, un Fils apellé le Marquis de la Ferté- Imbaut
, qui a été fait Colonel d'un Regiment
d'Infanterie
AVRIL. 1737. 821
d'Infanterie , par la démission de son Pere , le
Février 1731. et qui a épousé au mois de Février
1733. la Fille unique de François Geof
frin , Conseiller , Secretaire du Roy , Maison ,
Couronne de France et de ses Finances.
: Du même jour , Louis - Marie- Joseph - Georges
-Vvenceslas Jean Nepomucene Bernard Armand-
Adam , Fils unique de Guillaume- Georges-
Bernard- Sibert-Philipe- de - Neri , Margrave de
Bade Baden , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or , et de Marie - Anne , née Princesse de
Schwartzenberg , mourut à Rastat , âgé de 7.
mois , étant né le 11. Août 1736.
Le 12. Charles - Alexandre , Due Regent de
Vvirtemberg et de Tock , Prince et Comte de
Montbelliard , Seigneur de Heidenheim , &c .
Prince du S. Emp . Rom. Chevalier de l'Ordre
de la Toison d'Or , Feldt - Maréchal de Camp
Général des Armées de l'Empereur , et de l'Empire
, Commandant en Chef l'Armée Imperiale
Sur le Rhin , Gouverneur Général du Royaume
de Servie , et de la Ville et Forteresse de Belgrade
, Colonel d'un Regiment Imperial de
Dragons , &c. mourut en son Château de Eudwisbourg
, presque subitement ; âgé de 3. ans
1. mois et 17. jours , étant né le 24. Janvier
1684. Voici les circonstances de la mort de ce
Prince , telles qu'elles sont raportées dans les
Nouvelles d'Allemagne . Le Duc de Wirtemberg
ayant resolu d'aller visiter les Places de Philis
bourg et de Kell , pour voir en quel état les
Troupes Françoises les avoient laissées , partit
de Stuttgard le 12. Mars. Comme il auroit pa
arriver des circonstances qui l'eussent obligé de
se rendre en Hongrie , sans revenir dans ses
Etats , il laissa le soin de la Régence à la Du-
I vj chesse
822 MERCURE DE FRANCE
chesse , sa femine , à laquelle il dit , en presencen
de toute sa Cour , que retournant peut être à la
guerre , et Dieu pouvant l'apeller à lui à tout
moment , il la prioit , et lui recommandoir de
bien gouverner en son absence , et de traiter ses
sujets le mieux qu'il lui seroit possible. Il arriva
le même jour à son beau Château de Ludwisbourg
, accompagné de quelques Seigneurs et
Gentilshommes , qu'il avoit pris avec lui. Il- paroissoit
jouir d'une santé parfaite , et étoit d'une
humeur fort gaye. Pendant l'après - dinée il fit
executer un Concert de Musique dans son Apartement
, et se mit au jeu. Il le quitta à 8. heures
du soir , parcequ'il se sentit un peu opressé. Il
entra dans sa chambre à coucher , et se plaignit
que l'opression augmentoit. On le saigua d'abord.
Il n'en fut point soulagé ; au contraire, il
se trouva plus mal , et s'écria tout d'un coup
Jesus , mon Dieu , que sens-je ! je me meurs.
En prononçant ces paroles , il se paucha en avant
sur son fauteuil , tomba à terre et mourut. Ce
Prince étoit entré fort jeune au Service de l'Empereur
, s'étant trouvé le 2. Juillet 1704. à l'attaque
des Lignes de Schellenberg en Baviere, où
il fut blessé au pied . Il alla. servir l'année suivante
en Italie en qualité de Géneral de Bataille
, et il y fut encore blessé au pied gauche à la
Bataille de Cassano le 16 Août. Le feu Empe
reur Joseph le declara Général d'Artillerie au
mois de May 1708. Il abjura le Lutheranisme ,
fit Profession de la Religion Catholique dans
la Chapelle Imperiale de Vienne le 28. Octobre
1712. Ce fut lui qui soûtint en 1713. le Siege
de Landau contre l'Armée de France pendant
6. jours de tranchée ouverte , au bout desquels
fr obligé de capituler , et de se rendre prisonnier
AVRIL. 1737 823
sonnier de guerre avec la Garnison. En 1716
il fit la Campagne en Hongrie contre les Turcs,
se trouva le s . Août à la Bataille de Semlin , ou
l'Armée Ottomane fut entierement défaite , et
fut ensuite employé au Siege de Themeswar. Il
y fut chargé le 1. Octobre de l'attaque de la
Palangue , qu'il emporta après environ 4 heu
res de combat. Il reçût , dans cette occasion ;
une contusion au visage , mais sans danger.
Après la prise de cette Place le Gouvernement
lui en fut donné , et de tout son District . En
1717 il continua de servir en Hongrie . Il eut le
Commandement de la Tranchée au Siege de
Belgrade , et il commanda toute l'Infanterie à la
Bataille , qui fut livrée le 16. Août aux Turcs ,
qui étoient venus pour secourir cette Place , et
qui furent repoussés avec une grande perte . Le
Duc de Wirtemberg obtint au mois de Septembre
1720. le Gouvernement de la Servie , et de
Ja Ville de Belgrade , et le 23. Novembre 1721 .
P'Empereur le nomma Chevalier de l'Ordre de
la Toison d'Or , dont il reçût le Collier le 27%
Décembre suivant. Il succeda le 31. Oct. 1733 .
à la Régence des Etats de Wirtemberg , par la
mort du Duc Eberhard - Louis , son Cousin Germain
, et il reçût l'hommage de ses Sujets le 278
Janvier 1734. Il fut nommé au mois de Février
suivant par l'Empereur pour servir sur le
Rhin sous le Prince Eugene de Savoye , qui lui
laissa , à la fin de la Campagne , le Commandement
de l'Armée. Le Duc de Wirtemberg
étoit Fils aîné de feu Fréderic- Charles , Prince
de Wirtemberg , Feldt- Maréchal de Camp Gén.
des Armées de l'Emp. mort le Décembre
1698. et d'Eleonore-Julienne de Brandebourg-
Anspach , morte le 4. Mars 1724. et il avoit
20.
été
824 MERCURE DE FRANCE
été marié le r. May 1727. avec Marie- Auguste
de la Tour --Taxis , née le 11. Août 1706.
Fille d'Anselme - François , Prince du S. Empire
Rom, de la Tour- Taxis , Seigneur d'Eglingen ,
Grand- Maître Héréditaire des Postes de l'Em →
pire et des Païs- Bas Autrichiens , Chevalier de
POrdre de la Toison d'Or , et de Louise- Anne
Françoise , née Princesse de Lobkowitz . De ce
mariage sont venus Charles - Auguste - Eugene -
Louis - François -Fréderic - Alexandre- Jean - Népomucene
, né à Bruxelles le 1r. Février 1728.
Eugene-Louis Adam - Jean - Népomucene - Joseph
Raphaël , né à Belgrade le 31. Août 1719-
mort au mois de Septembre suivant ; Louis- Eugene-
Jean- Gaspard-Melch or Balthazard - Adam,
né à Francfort le 6. Janvier 1731. Frederic- Eugene
, né à Ludwisbourg le 21. Janvier 1732 .
Un cinquième Fils , né à Francfort le 1. Août
1733. et un sixième , né le 30. Octobre 1734.
L'Aîné succede aux Etats de son Pere , sous Padministration
de Charles Rodolphe , Duc de
Wirtemberg Neustat , jusqu'à sa majorité.
Le Duc de Wirtemberg , qui vient de mourir ,
avoit perdu en 1734. deux freres , qui lui resroient
l'un Henri- Fréderic , Gén.Feldt- Maréch.
Lieutenant des Armées de l'Empereur , et Colonel
d'un Regiment de Cuirassiers , mourut de
dissenterie à Stuttgard le 26. Septembre à l'âge
de 47.-ans ; et l'autre Fréderic- Louis, aussi Gén.
Feldt-Maréch. Lieut. des Armées. de S. M. Imp.
avoit été tué le 19. du même mois de Septembre
à la Bataille de Guastalla , à l'âge de 44
ans. Ces deux Princes n'étoient point mariés.
Le 14. D. Anne - Claude Brulart de Puysieux,
âgée d'environ 58. ans , et Veuve depuis le 18.
Janvier 1733. de Pierre Brulart , Marquis de
Genlis
AVRIL. 17374 8:5
Genlis , Diocèse de Noyou , avec lequel elle
avoit été mariée au mois de Juillet 1705. mourut
d'un Cancer à S. Germain en Laye , où elle
s'étoit retirée depuis la mort de son Mari . Elle
étoit ze fille de feu Roger Brulart , Marquis de
Puysieux et de Sillery , Chevalier des Ordres du
Roy , Lieutenant Général de ses Armées , Conseiller
d'Etat ordinaire d'Epée , Gouverneur des
Villes de Huningue en Alsace , et d'Epernay en
Champagne, ci - devant Ambassadeur Extraordi
paire en Suisse , mort le 28. Mars 1719. et de
défunte Claude Godet de Renneville , morte le
24. May 1681. La Marquise de Genlis laisse
pour fils unique Charles Brulart , Marquis de
Genlis qui a épousé au mois de Novembre
1726. Louise Charlote - Françoise d'Hallencourt
de Drosmenil , qui est accouchée d'un fils
le 20. Janvier dernier, comme on l'a marqué
dans le Mercure de Février p . 408.
Le 28. Gabriel Taleyrand- Perigord,Comte de
Grignols, &c. mourut en son Château de Beauséjour
en Perigord , âgé d'environ 66. ans. M
avoit épousé en 1704. Marguerite de Taillefer ,
d'une ancienne Maison de Perigord,dont il avoit
eu deux Garçons. 1 ° . Daniel- Marie- Anne Ta-
Jeyran-Perigord , Marquis de Taleyrand , Colonel
du Regiment de Saintonge , né au mois
d'Août 1706.marié en premieres nôces le 4 Août
1725.avec Marie - Guionne Bordeaux de Rochefort-
Theobon , dont il a un fils né au mois d'Octobre
1726. nommé le Comte de Taleyrand ; et
en secondes nôces , le 3. Août 1732. avec Ma
rie-Elizabeth de Chamillart , fille de Michel de
Chamillart, Marquis de Cany, et de Marie-Françoise
de Rochechouart de Mortemart , aujour
d'hui épouse de Jean - Charles Taleyrand Perigord
825 MERCURE DEFRANCE
gord , Prince de Chalais , grand d'Espagne de
Ja premiere Classe , Gouverneur de Berry. Il y
a trois garçons de ce second mariage . 2 °. N...
Vicomte de Taleyrand , Capitaine dans le Regi
ment de S. Simon Cavalerie,ci -devant du Maine,
né en 1787.
Le 13 Avril , nâquit à Paris Paroisse S.
Roch Anne Paul- Benoit , fils premier né
du second mariage de Paul- Emile , Marquis de
Braque , Chevalier, Comte de Loches , Seigneur
du Luat , d'Omont , Bourdou , Piscop , Châ
teauvert , &c. et de D. Elizabeth de Lorimier ,
son épouse .
La Maison de Braque , qui est établie en l'Isle
de France , Vallée de Montmorency , il y a plus
de fix fiécles , est originaire du Duché de
Milan , et sortie de la Maison des Bracqua ou
Braccha , premiers Seigneurs de ce Pays.
Il paroît que dès l'an 1100. ceux de cette
Maison possedoient la Terre et Seigneurie de
Piscop , près Montmorency , où ils fonderent
une Paroisse en 1211. et 1214. Cette fondation
fut faite par Erimbert de Braque , Chevalier
Banneret , Pierre et Renault , ses enfans , Seigneurs
dudit Piscop , par deux Chartres qui
sont en l'Abbaye de S. Victor à Paris .
Depuis l'établissement de cette Maison en
France , elle a fourni à l'Etat plusieurs Personnes
de la premiere distinction , tant dans l'Eglise
que dans l'Epée et la Maison des Rois ;
entr'autres Nicolas de Braque , Ministre d'Etat,
Surintendant des Finances , l'un des Executeurs
Testamentaires du Roy Jean , et l'un des Tuteurs
de Charles VI . Autre Nicolas de Braque ,
Grand Maître d'Hôtel du Roy' , et Capitaine
General
AVRIL. 1737. 827
9
Général d'une de ses Armées , Chevalier Banneret
, qui fut fait prisonnier à la Bataille de
Poitiers avec le Roy Jean. Robert de Braque .
Chevalier Banneret , et Capitaine Général des
Armées de Charles V I. et plusieurs autres de
cette Maison , qui ont possecé les mêmes Di
gnités , tant dans les Armées que dans les Conseils
de nos Rois. ·
Cette Maison a eu aussi l'avantage de voir
dans l'Eglise S. Eliebert de Braque , Archevêque
de Cambray , et Jean de Braque , Evêque de
Troyes en Champagne . Elle a aussi celui d'être.
alliée à plusieurs Maisons Souveraines , et à la
plus haute Noblesse ; entr'autres aux Maisons de
Courtenay , de Stuart , aux Comtes Palatins du
Rhin, Electeurs de l'Empire , à celle de Nassau ,
Prince d'Orange , et à plusieurs autres Princes
Souverains , aux Maisons de Montmorency , de
Châtillon sur Marne , de Colligny , de S. Simon
Rouvroy , de l'Hospital Vitry , &c.
f
Le Marquis de Braque porte les Armes de sa
Maison , d'Azur à la Gerbe d'Or liée de Gueule
à la Bordure engrêlée d'Or ; elles sont écartelées
de Stuart d'Aubigny , et de Stuart d'Abanie
, à cause du Mariage de Philipe de Braque
Seigneur du Luat et de la Mothe , premier
Maître d'Hôtel des Rois Charles VII . et Louis
XII. Gouverneur des Villes de Harfleur et de
Montivilliers , avec Guionne Stuart ; fille de
Jean Stuart , Seigneur d'Aubigny , Duc de Terrenove
, Marquis Desquillazzo , Connêtable de
Sicile , Viceroy de Naples , et Chevalier de l'Ordre
du Roy , et de Guillemette de Boucart , sa
femme , soeur d'Anne Stuart , Dame d'Aubigny,
femme de Robert Stuart, son Cousin , Comte de
Beaumont, Chevalier de l'Ordre du Roy , et
Maréchal
$ 28 MERCURE DE FRANCE
"
Maréchal de France ; issus en ligne directe et
masculine , des anciens Rois d'Ecosse ; septiémes
Ayeuls paternels et maternels de l'Enfant
qui vient de naître,
Les Quartiers des Armes de Stuart , que le
Marquis de Braque porte , sont party de trois
Traits et coupé d'un , au premier d'Ecosse , qui
est d'Or au Lyon de Gueule , enfermé dans un
double Tresor fleurdelisé et conticfleurdelisé de
même ; au second d'Azur à la Harpe d'Or ,
cordée de même pour Irlande ; au troisième d'Or
à la Face Echiquetée d'Argent et de Sable de trois
Traits pour Stuart ancien ; au quatrième , d'Azur
trois Fleurs - de- Lys d'Or , à la Bordure de
Gueule , chargée de huit Fermoirs d'or , pour
d'Aruly Durgel ; au cinquième, d'Azur à la Face
Echiquetée d'Argent et de Gueule de trois
Traits pour Linsay ; au sixième de Gueule à
trois Houssettes , cantonnées , armées d'Hermi
nes , ésperonnées d'Or pour Stuart d'Abanie
au septième de Gueule , au Lyon d'Argent , à la
Bordure d'Argent , chargée de buit Roses de
Gueule , pour Stuart Lenox ; au huitiéme er
dernier , d'Or au Sautoir de Gueule pour Raphe,
Les Suports de Braque sont deux Salamandres
de Sinople , vomissans du feu , et derriere
l'Ecu des Armes sont deux Bannieres passées en
Sautoir , dans l'une desquelles sont representées
les Armes d'Ecosse , et dans l'autre les Armes
de Braque ; et au-dessous du Cartouche des
Armes , est une Salamandre couchée dans les
flammes et vomissant du feu , avec la Devise
de la Maison de Braque : Cateris terror , mihi
Solatium .
L'Enfant qui donne lieu à cet article , fut
batisé le même jour de sa Naissance ; le Parain
AVRIL. 1737. 829
zain , Paul- Benoît , Comte de Braque , Chevalier
, Seigneur de Boisrenault , Grandef , & c.
ancien Gouverneur d'Auxerre , Grand- pere paternel
; la Maraine , Dame Marie- Louise Boucher
, Femme d'Antoine- Charles de Lorimier ,
Ecuyer, Conseiller - Secretaire du Roy , Maison,
Couronne de France et de ses Finances , Grandmere
maternelle .
Le 4. Mars fut célebré dans la Chapelle de
PHôtel de la Rochefoucaud le Mariage de François
Joseph de Bethune , Marquis d'Ancenis.
nouvellement fait Duc à Brevet , et Capitaine
d'une Compagnie des Gardes du Corps du Roy,
né le 6. Janvier 1719. refté fils unique de Paul-
François de Bethune , Duc de Bethune - Charost,
Pair de France , Marquis d'Ancenis , Chevalier
des Ordres du Roy , Lieutenant General de ses
Armées , Capitaine d'une Compagnie de ses Gar
des du Corps en furvivance , Lieutenant Géneral
des Provinces de Picardie , Boulonnois , Anciennes
Conquêtes du Hainaut , Gravelines et
Pays reconquis , Gouverneur de Calais , aussi
en survivance , et Gouverneur en titre des Ville
et Citadelle de Dourlens et de D. Julie - Chris
tine- George d'Entraigues , son Epouse , avec D.
Murthe-Elizabeth de Roye de la Rochefoucaud
de Roucy , née le 13. Décembre 1720. fille aînée
de feu François de Roye de la Rochefoucaud,
Comte de Roucy et de Roye , Vidame de Laon,
Baron de Pierrepont , Marquis de Sevorac
Mestre de Camp d'un Regiment de Cavalerie et
Brigadier des Armées du Roy , mort le 24. Fevrier
1725. à l'âge de 36. ans , et de feuë D.
Marguerite Elizabeth Huguet , fon Epouse ,
morte le Décembre 1735. dans la
4.
année
de fon âge. La Mariée n'a qu'une Soeur qui eft
-
41.
30 MERCURE DE FRANCE
JayDile de Roye , nommée Françoise- Pauline de
Roye de la Rochefoucaud , et née le deux Mars
-1723 . Armand de Bethune de Charost , Pair de
France , Chevalier des Ordres du Roy , Capitai
ne de fes Gardes du Corps , Lieutenant Géneral
de ses Armées, et dans les Provinces de Picardie ,
Boulonnois, Pays conquis, et reconquis , Gouver
neur de Calais, Chef du Confeil Royal des Finan
ces, ci devant Gouverneur de la Perfonne du Roy,
Ayeul du nouveau Marié , a eû l'agrément de fe
déinettre en la faveur, de sa charge de Capitaine
des Gardes du Corps , dont le Duc de Bethune
fe referve la survivance , qu'il a obtenuë dès le
mois de Novembre 1715 .
Le 18. fut fait le Mariagé de Louis - Marie de
Créquy , Marquis d'Haimont , âgé d'environ 320
ans , fils de défunts Henry -Alexandre de Créquy
, Marquis d'Haimont , mort en 1917. et
de D. Marie- Charlotte de Mannay , morte en
1726. avec Dile Renée Charlotte de Froulay ,
âgée d'environ 22. ans , fille de Charles- Frans
çois de Froulay , Comte de Montflaux , Maré
chal des Camps et Armées du Roy , et son Ambassadeur
Ordinaire près de la République de
Venife , & de D. Marie - Anne-Jeanne -Françoise
de Sauvaget des Claux .
********:
ARRESTS NOTABLES.
L
ETTRES PATENTES SUR ARREST,
du 10. Octobre 1733. en faveur des Sieurs
Vanr bais & Neveux.
Louis , par la grace de Dieu , Roy de France
et de Navarre : A nos amés et féaux Confeillers
les
AVRIL. 1737. 831
de
les Gens tenans notre Cour de Parlement à Paris
, & autres nos Officiers et Justiciers qu'il
apartiendra ; Salut. Sur ce qui Nous a été reprefenté
en notre Conseil par les sieurs Vanrobais
, Entrepreneurs de la Manufacture Royale
de Draps fins , établie à Abbeville ; qu'ils étoient
informés qu'il se vendoit et débitoit fréquemment
des Draps de différentes Manufactures de
notre Royame , de qualités inférieures , pour
des Draps de leur fabrique , ce qui causoit un
égal préjudice au Public , et à la réputation de
leur Manufacture ; que le plus sûr` moyen
la soûtenir , d'empêcher que leurs Draps ne
soyent confondus avec ceux des autres fabriques ,
et qu'ils pussent en être facilement distinguez ,
feroit , qu'il Nous plût ordonner qu'à Pavenir
les Draps de leur Manufacture seroient
marqués d'une lisiere particuliere , avec défenses
à tous Entrepreneurs de Manufacture et
Maîtres Fabriquans , de contrefaire ladite lisiere
, à peine de confiscation , et de telle
amende qu'il Nous plairoit d'ordonner , Nous
aurions par Arrêt de notre Conseil du 15 .
Septembre dernier , ordonné qu'à l'avenir les
: Draps de la Manufacture defdits sieurs Vanrobais
auroient une lisiere bleue avec quatre fils
aurores, tissus entre la lisiere & le Drap , & ordonné
que pour l'execution dudit Arrêt , toutes
Lettres nécessaires feroient expediées , lesquelles
les Exposans Nous ont très - humblement fait
suplier de leur accorder. A ces causes , de l'avis
de notre Conseil, qui a vû ledit Arrêt du 1 ‹ .Septembre
dernier , dont extrait est cy- attaché ſous
le contre-scel de notre Chancellerie , Nous avons
ordonné & par ces Presentes , signées de notre
main , ordonnons qu'à l'avenir les Draps de la
Manufacture
832
MERCURE DE FRANCE
Manufacture desdits
sieursVanrobais auront une
lisiere bleue avec quatre fils aurores ,
tissus entre
: la lisiere & le drap Faisons très-expresses inhibitions
et défenses à tous
Entrepreneurs de Manufacture
& Maîtres
Fabriquans , d'imiter ou
contrefaire ladite lisiere , à peine de confiscation
des pieces de Draps auxquelles elle auroit
été mise , & de 100. livres d'amende ,
cables , un tiers à notre profit , un tiers au apliprofit
desdits sieurs Vanrobais , & l'autre tiers
au profit des Pauvres des Hôpitaux les plus prochains
des lieux où les
Jugemens auront été
rendus , sans que lesdites pines puiffent être
réputées
comminatoires. Si vous mandons que
cesdites Presentes vous ayez à faire registrer
& de leur contenu jouir et user les
Exposans
pleinement &
plaisiblement , cessant et faisant
cesser tous troubles et
empêchemens , et nonobstant
toutes choses à ce contraires . Car tel
est notre plaisir . Donné à
Fontainebleau , &c.
Il est à observer
qu'indépendamment des distinctions
énoncées au present Arrêt , les Draps de
cette fabrique portent au chef & à la queuë de
chaquepiece le nom des Vanrobais & Neveux à
Abbeville , avec des plombs aux Armes du Roy et
desdits Vanrobais.
A
TABLE.
IECES
FUGITIVES. Ode surla Paix , 621
Pouatrième Lettre sur
quelques sujets de
Litterature , & c.
627
Ode sur la Guerre ,
646
Révolution arrivée au Grand Caire , 654
L'Hymen
Hymen , Ode ; 670
Eloge de Marseille ,
Traits d'Histoire , &c.
674
685
Extrait d'une Lettre sur la Question de l'égalité
des deux Sexes , & c.
Vers à M. de Lamée ,
688
694
Acres de Cession et de prise de possession du
Duché de Lorraine , &c . ibid.
Pleins Pouvoirs du Duc de Lorraine , 697
Lettre de Cachet pour la remise des Sceaux , 698
Lettres Patentes du Roy de Pologne pour la prise
de Possession actuelle , & c. 703
lein Pouvoir de M. de la Galaiziere en qualité
de Commissaire du Roy ,pour la prise de possession
éventuelle du Duché de Lorraine, 711
Mandement de l'Evêque de Toul ,
Harrangue de M. Hanus , & c.
Le Singe Philosophe , Fable ,
Arrêt Burlesque ,
Acrostiche ,
Enigmes , Logogriphes , & c.
717
721
723
724
725 3
727
736
Nouvelles Litteraires , Epitre de M. Gresset, 733
Dissertation sur le fer , & c.
737
Lettre écrite à M. Gibert , &c . sur la vie de M.
Gibert , Canoniste
Histoire et Description générale du Japon, 738
Traduction de l'Orateur de Ciceron , &c. 749
Cours de Chimie , & c. 751
Oeuvres de feu M. Math. Terrasson , &c. 793
Les Causes Célébres , neuf et dixiéme Vol. 756
Lettre sur de nouvelles Pendules à quart ,
Question , & c.
761
Ibid .
762 Tableau représentant la Justice , Vers ,
Estampes nouvelles, QuatreVûes d'Angleterre .Ib.
Suite du sujet déssinés d'après l'antique , 764
Nouveaux morceaux de l'Hictoire de D. Gui-
Ibid.
chotte ,
Suite des Portraits des Hommes Illustres , 765
Muzette , air noté à deux voix ,
>
772
773
776
Spectacles. Agapit Tragedie
Parodie de l'Opera de Persée , Exrait ,"
Reprise l'Opera de Jephté et changemens , 789
Nouvelles Etrangeres , Turquie , et Perse , Rus
sie ,
Pologne , Allemagne , Italie et Espagne , 801
France. Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 807
Convalescence de la Duchesse de Bourbon ,
Vers & c.
Morts , Naissances , & c.
Arrêts Notables , &c .
Errata du second volume de Mars.
796
814
817
831
*Page liget
Age 596. ligne 11. sentari , lisés scutari.
P. 613.1. 32. et Amelie Impératrice, ôtés ca
mots et lisés Amelie fut.
P. 617 1. 19 d'Ausonis l, d'Ansouis , Ibid. 1. 2.
du bas , acs 1. arcs .
Fantes à corriger dans ce Livre.
PAge 635. ligne 24. ne seroit , ajoûtés , pas.
P. 647. ligne 20. point , l. plus.
P. 662. 1. 19. sous les , lisez , prendre les,
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