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ARTES
1817
LIBRARY
VERITAS
SCIENTIA
OF THE UNIVERSITY
OF MICHIGAN
SPLURIBUS UNUM
TUEBOR
SIQUÆRIS-
PENINSULAM
-AMCENAM
CIRCUMSPICE
MERCURE
DE FRANCE ,
11
DEDIE AU ROY.
NOVEMBRE 1736.
UA
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
{
A PARIS ,
GUILLAUME CAVEL IER ,
ruë S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quayde Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XXXVI.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
AVIS.
840.6
M558
-1736
Nov.
L'ADRESSE generale est à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Françoise
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris ,peuventſe ſervirde cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- instamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Poſte , d'avoir
Soin d'en affranchirle Port , comme cela s'est
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaisir de les rebuter, &à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura ſoin de faire leurs Paquets fans
perie de temps , & de les faire porterfur
l'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS,
Coul
Gottschalk
88594
8.24:55
Gener
1736-1818 Escattered nos
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY,
NOVEMBRE. 1736 .
***********
PIECES FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
ORIGINE DE LA POESIE.
D
TRADUCTION.
Ans le premier âge du Monde
Les hommes n'avoient point de
loix;
Ils vivoient au milieu des bois
Dans une ignorance profonde ;
La Langue dans ces premiers temps ,
Sçavoit , sans être embarrassée ,
Peindre simplement la penséc
A ij EK
{
2380 MERCURE DE FRANCE
Et déclarer les sentimens.
On ignoroit cette éloquence
Qui part de ces divins accens
Dont l'harmonieuse cadence
Ravit , enchante tous les senss
Quand tout à coup la Poësie
De mille graces embellie ,
Vient se présenter aux Mortels ;
On la reconnoît pour Déesse ;
Chacun lui dresse des Autels.
Sur son front regne la noblesse;
Elle embrase tous les esprits ;
D'une douce et charmante yvresse
Déja tous les coeurs sont épris.
Une aimable douceur tempere
Le feu qui brille dans ses yeux,
Elle a le port majestueux ;
Sa démarche est vive et legere ;
Elle s'éleve jusqu'aux Cieux ;
C'est- là sa demeure éternelle ,
Qu'elle se plaît à contempler ;
Là , tout semble lui révéler
Que sa naissance est immortelle,
Les chaînes que portent ses pieds
Ne la rendent pas plus tardive,
Et sa course est d'autant plus vive ,
Qu'ils sont étroitement liés.
Ces liens sont pour la Déesse
UN
NOVEMBRE. 1736. 238
Un ornement qu'elle chérit ;
Elle veut les porter sans cesse ;
Ils lui donnent cette justesse
Qui de sa beauté fait le prix.
Sur ses pas le jeune Zéphire
Parfume l'air qu'elle respire.
Ason aspect tout s'embellit ;
Elle rajeunit la Nature ;
Déja la riante verdure
De naissantes fleurs s'enrichit .
Sur les arbres on voit éclore
Les plus rares présens de Flore.
Elle célebre dans ses chants
Les fruits dont Cérés se couronne ;
Les précieux dons de Pomone ,
Les Fleuves , les Bois et les Champs.
Bien-tôt elle monte sa Lyre
Sur des tons plus audacieux ;
Picine du beau feu qui l'inspire .
Alors elle chante les Dieux .
Ses accens pleins de mélodie
Ravissent les Hôtes des Bois;
Et pour entendre cette voix ,
On voit le Dieu de l'Arcadie
Sortir de ses Antres secrets ;
Les Faunes quitter leurs Forêts ,
Les Nymphes former mainte danse
Et marquer du pied la cadence.
A iij L'Fcho
2382 MERCURE DE FRANCE
L'Echo frapé de ses doux sons ,
Les fait répéter aux Valons.
On voit aussi les Néréides ,
Pour mieux entendre ses accords ,
Quitter leurs demeures humides •
Lever la tête sur leurs bords ;
Le Dieu du Fleuve , sur sa Rive ,
Suspend son Onde fugitive.
Tout cede au pouvoir de ses chants,
Et prêt à foudroyer la Terre ,
Jupiter suspend son Tonnerre ,
Fléchi par ses tendres accens.
1
A Sens , par L. G. de Bleville.
t
OBSERVATIONS de Chirurgie ,
adressées à M. Quesnay , de l'Académie
des Arts , Chirurgien de M. la
Duc de Villeroy , par le sieur Delaisse ,
Lieutenant de M.le Premier Chirurgien
du Roy à Montfort- Lamaury .
A
U commencement du mois de
Février dernier , le nommé Genisseau
, de la Paroisse des Menuls , âgé
de 73. ans , me consulta sur une Tumeur
qu'il avoit à la marge de l'Anus , dont
toute l'étendue étoit occupée par lat
grosseur
NOVEMBRE. 1736. 2383
grosseur de son volume ; il me dit que
depuis quatre mois elle lui causoit des
douleurs aussi vives que continuelles ;
mais qu'elles devenoient excessives, lorsqu'il
étoit obligé d'uriner ou d'aller à
la selle ; qu'il ne pouvoit satisfaire au
premier besoin , qu'en se mettant sur
les genouils et apuyé sur les deux mains,
et au second , qu'en dilatant le rectum
avec son doigt.
L'ayant mis dans une situation convenable
pour examiner cette tumeur , je
trouvai qu'elle étoit adhérente à l'intes
tin du côté droit , et qu'elle ne l'étoit
pas moins à toutes les chairs voisines ,
je reconnus que sa baze faisoit un poids
considérable sur la vessie,et qu'elle avoit
de fortes adhérences assés proches de
cette partle; j'observai encore que cette
excroissance étoit d'une consistance trèssolide
, et à l'exterieur d'une couleur de
pourpre foncé , sa position étoit horizontale
, ce qui faisoit que son extrémité
en dehors excedoit le niveau des
deux fesses de deux bons travers de
doigt.
Pour satisfaire aux vûës que j'eus d'as
bord, j'introduisis mon doigt assés avant
dans l'intestin , que je trouvai ouvert
jusque dans la tumeur. En sondant ainsi
A iiij cetto
2384 MERCURE DE FRANCE
cette profondeur , il sortit du pus très
fétide par son extrémité saillante , un
pareil écoulement se fit par l'Anus en
le retirant ; et ayant remarqué que la
chemise du Malade étoit teinte en plusieurs
endroits d'une matiere purulente,
je lui demandai s'il y avoit long- temps
qu'il s'apercevoit de cet écoulement , il
me dit que depuis quatre mois il étoit
habituel , et que souvent il perdoit beaucoup
de sang par les mêmes endroits.
Toute refléxion faire, je regardai cettemaladie
comme une Fistule complette , et je
jugeai que le pus ayant ròngé la plus grande
partie des graisses qui environnoient
l'intestin , sans détruire totalement les
pellicules celluleuses qui les contenoient;
des sucs propres à former , avec cet espece
de raizeau , la trame de ce corps
charnu , s'y étoient introduits , ensorte
que par l'arrivée continuelle des mêmes
sucs , ce sarcome s'étoit augmenté au
point qu'il remplissoit tout l'espace où
peut s'étendre une fistule très profonde.
Après avoir fait toutes ces observations
, je n'aperçûs d'autre moyen de
guérison que l'extirpation totale de cette
excroissance , aussi bien que la partie
de l'intestin qui lui étoit unie ; je proposai
au Malade cet unique remede qui
ne
NOVEMBRE. 1736. 2385
ne l'effraya point. Il avoit déja mis la
chose au pis. Une aussi prompte résolution
caracterise bien les souffrances des
malades ; l'espoir de la guérison est un
puissant contrepoids contre les terreurs
dont leur esprit ne peut manquer
d'être frapé , par l'idée de nos incisions,
et que ces deux motifs nous donnent
un grand ascendant sur l'esprit de ceux
qui sont obligés de s'y soumettre , c'est
à ces motifs que la Chirurgie est redevable
de ses succès , n'est-ce point aussi
aux succès de la Chirurgie que les Malades
doivent leur courage et leur fer
meté ?
Le jour de cette Opération fut fixé au
Samedi 11.du même mois , je me rendis
chés le Malade à deux heures après midy,
et quoique j'eusse déja dans ma tête tout
le plan de la manoeuvre que je devois
faire , j'examinai de nouveau l'exterieur
de la tumeur , pour connoître avec précision
l'endroit que je devois préferer
pour l'attaquer , afin que cette extirpation
se fit avec diligence et heureuses
ment , ayant à me précautionner contre
deux accidens qui méritoient d'être prévenus
; le voisinage de la vessie qu'il fal
loit éviter d'ouvrir , et l'hémoragie ; celui
-ci d'autant plus inevitable , qu'il
Av entroitt
2386 MERCURE DE FRANCE
entroit dans cette tumeur des branches
d'arteres , dont les battemens se faisoient
aisément sentir , sans compter les differents
rameaux que reçoit le rectum ( qu'il
falloit comprendre dans la section) très
capable de fournir beaucoup de sang.
Pour éviter le premier , je fis une ind
cision en demi- cercle , une ligne au-des
sous du coccis , où s'élevoitla partie su
périeure de la tumeur; je choisis cet en
droit , parce qu'elle n'y avoit point d'adhérence;
je me servis d'un bistoury courbe
et bien tranchant , dont je portai la
pointe assés avant pour la débrider entierement
de ce côté là , ce qui me faci
lita infiniment tout le reste del'opération
, car par ce moyen la tumeur devint
pendante et j'eus une prise commode
pour l'attirer vers moi , ensorte que par
ce mouvement j'allongeai les adhérences
qu'elle avoit proche de la vessie , que je
coupai à mesure que je l'en éloignois , et
queje continuaijusqu'à ce que je l'eusse
totalementdétachée en dessous; cela s'exécuta
assés vîre ,quoique ce fût à travers
beaucoup de sang , inconvénient souvent
capable d'embarrasser l'Opérateur , s'il
n'a pas dans l'esprit tout le plan de ce
qu'il va faire ; car le jugement doit ici
diriger la main les yeuxétant alors pres
qu'ins
NOVEMBRE. 1736. 2387
qu'inutiles : ensuite , et sans perdre un
instant , en continuant de tirer tout le
corps de la tumeur aussi bien que l'intestin
qui étoit forcé de la suivre, j'achevai
d'emporter la partie de l'un en la totalité
de l'autre d'un seul coup du même
instrument , de maniere que le Malade
fut tout à la fois délivré de cette tumeur
et d'une fistule.
A l'égard de l'hemoragie , deux choses
me rassurerent ; je compris bien qu'elle
seroit impétueuse dans le temps de l'opération
et immédiatement après , parce
que je suposai que les branches d'arteres
qui en fournissoient à la tumeur devoient
être fort tenduës, tant à cause de
l'irritation qu'excitoit la douleur brûlante
qui tourmentoit depuis longtemps
le malade , que parce qu'à raison de
cette irritation , le mouvement circulaire
du sang étant extrémement gêné dans
cette masse charnuë,devoit retarder l'arrivée
de celui qui de ses branches prin
cipales venoit s'y distribuer. De ce raisonnement
je tirai cette conséquence ,
que l'extirpation étant faite, ces vaisseaux
depuis biendu temps en contraction se
retireroient dans les chairs par un mouvement
de détente d'autant plus subit
qu'ils se seroientdégorgés plus abondam
Avj ment,
2388 MERCURE DE FRANCE
ment , et enfin que les chairs devenuës
elles-mêmes plus lâches par les mêmes
raisons , fermeroient en s'affaissant une
partie de leurs ouvertures ; à ce mécanisme
sur lequel je crus pouvoir compter ,
j'avois ajoûté le plan d'un apareil , que je
crus très-capable de concourir à la sûretédu
malade ..
Dans cette vûë j'avois disposé avant
l'opération , plusieurs tampons de charpie
, de différentes grosseurs et quatre
compresses fort épaisses , de la figure qui
convenoit à celle de la partie , mais plus:
larges et plus longues l'une que l'autre ,
avec le bandage ordinaire je portai dabord
un de ces tampons au fond de la
playe , sur l'endroit d'où le sang sortoit:
avec le plus de vivacité ; j'en mis un second
plus grand et plus épais pour apuyer
le premier et les autres de suite jusqu'à
ce qu'elle fût remplie et au-delà. Je plaçai
les compresses dans le même ordre
de gradation , ayant été attentif à former
une épaisseur au - dehors , sur laquelle
le bandage bien serré pût trouver un
point d'apuy capable de porter la compression
extérieure jusqu'au fond de la
playe , ce qui ne pouvoit manquer d'ar
river , chaque pièce de l'apareil se touchant
si intimément, que l'une comprimois
NOVEMBRE. 1736. 2389
moit nécessairement l'autre. Après avoir
achevé le pansement , je mesurai la tumeur
, elle avoir dans l'étenduë de sa
baze sept poûces de circonférence , et au
moins trois poûces vers son extrémité ,
qui se terminoit par une espece de mamelon
, à l'entour duquel l'extrémité de
la peau froncée d'environ deux lignes,
fermoit comme un prépuce.
Dans la crainte oùj'étois que pendant la
nuit le malade n'eût quelque besoin , qui
fit sortir l'apareil ,j'en tins un autre tout
prêt , j'allai le voir le lendemain de trèsgrand
matin , heureusement je trouvai
tout en bon état , mais toutes les compresses
et le bandage imbibés du sang
qui avoit coulé depuis le pansement; les
linges en étoient mastiqués , parce qu'il
s'étoit séché , ce qui me fit juger qu'il
avoit cessé de couler ; je pris sur cela le
parri de ne toucher à rien , pour ne pas
risquer sans nécessité ,d'exciter une nouvelle
hemoragie ; j'eus soin de recommander
au malade de ne vivre que de
boüillon fort léger et en petite quantité ,
et de rester tranquille jusqu'à l'immobi
lité autant que cela se pouvoit.
Je fus le revoir le jour suivant dans le
dessein de lever seulement les piéces ex
térieures de l'apareil , qui pouvoient le
blesser
}
2390 MERCURE DE FRANCE
blesser à cause de leur dureté , mais quel
ques précautions que je prisse , les tampons
vinrent avec le reste sans néanmoins
qu'il parût une seule goute de sang. Je
pansal mollement la playe avec des plu
maceaux couverts d'un digestif , composé
d'un tiers de Stirax sur le double
de Baume d'Arceus; la suite de la guérison
n'a été interrompuë par aucun accident
, elle a été complette le quinze de
ce mois.
Voici , M. encore une observation qui
peut au moins donner lieu de croire que
la matiere n'est pas épuisée au sujet de la
génération de ces chairs .
Il y a environ quinze ans qu'une Couturiere
de cette Ville , fut attaquée d'une
maladie catharale fort opiniâtre , qui se
termina par un dépôt assés subit dans
toutes les glandes salivaires , qui se trouverent
tellement gonflées , que sa bouche
qui resta ouverte , étoit en cet état remplie
par sa langue qui avoit acquis le
double de son épaisseur naturelle , et
comme le gonflementde ces glandes l'avoit
poussée en devant , elle touchoit de
tous côtés le dedans de la lévre inférieure
, qui se trouvoit elle-même si fort en .
Aée , qu'elle s'élevoit d'un travers de
doigt au delà de sa hauteur ordinaire.
La
NOVEMBRE. 1736. 2391
La malade resta dans cet état plus de
quinze jours , quelque secours qu'on lui
donnât, etdont le détail seroit ici inutile.
Pour la soutenir , on lui faisoit prendre
du boüillon goute à goute , et l'on en vint
jusqu'à le lui faire prendre en injection ,
on avoit soin d'arroser souvent le dedans
de cette bouche béante , avec un linge
imbibé d'un Gargarisme qu'on y portoit
avec une plume, à l'extrémité de laquelle
ce linge étoit attaché ; il en sortoit continuellement
une salive gluante et de
mauvaise odeur. Malgré la violence de
ces fâcheux symptômes , les principes de
la vie ne furent point assés attaqués pour
qu'on desesperât absolument de sa gué.
rison ; et dans le temps qu'on s'y attendoit
le moins , tout le danger disparut ,
mais la langue ne reprit point sa place
et la machoire resta au même étar. Je
cherchai la cause de cet accident ; en
examinant ces parties , je trouvai que la
langue étoit devenuë flexible , et qu'elle
étoit beaucoup moins enflée : je voulus
passer mon doigt dessous , ce qui me
fut impossible , parce qu'il se trouva
qu'elle étoit unie en dedans à toute la
lévre inférieure jusqu'aux deux commissures
des lévres par une chair fort solide.
Sur
2392 MERCURE DE FRANCE
Sur cette découverte , je pris le partt
qui convenoit en pareil cas , qui fut de
séparer la langue de la lévre par une opération
aussi simple que facile ; voici
comme je m'y pris. Je passai une sonde
sous la langue d'une commissure à l'autre,
j'en fis tenir une extrémité par un
Serviteur , je lui fis lever celle qu'il tenoit
en même temps que je levois l'autre
, de son autre main je lui fis tirer la
lévre en devant ; par cette manoeuvre je
me trouvai en état de séparer ses parties
avec la pointe du bistoury : comme ces
chairs étoient fort épaisses , il sortit
beaucoup de sang de cette section ; la
langue reprit aussi- tôt sa place
machoire inférieure son mouvement ordinaire.
Je suis , &c.
et la
AMonfort Lamaury ce 30. Mars 1736.
Extrait des Registres de l'Académie Royale
deChirurgie. Du 21. Août 1736.
Mrs Marsolan et Houstet , qui avoient
été nommés par l'Académie Royale de
Chirurgie , pour éxaminer deux Observations
envoyées par M. Delaisse , Lieutenant
du premier Chirurgien du Roy
à Monfort- Lamaury , ayant fait leur
Raport ; l'Académie a jugé que ces deux
Obser
NOVEMBRE. 1736. 2393
Observations , l'une sur une Tumeur
carcinomateuse à l'Anus , l'autre sur une
Adhérence de la langue à la lévre infé
rieure guéries par opération , méritoient
d'être inséréesdans ses Mémoires. En fol
de quoi j'ai donné le présent Certificat.
Fait à Paris , ce 27. Août 1736 .
※
Signé , MORAND , Sécretaire .
※※
LETTRE de Cornélie , veuve de Pompée
àfules César, pour l'engageràterminer
les Guerres Civiles.
TUtriomphes, César, ta coupable victoire
Vacouronner ton crime , et profaner ta gloire.
Rien ne s'oposeplus à ta noire fureur ;
Mon Epoux est sans vie, et Rome sans vengeurd
Sur les sanglans debris de notre République ,
Barbare , cours fonder ton pouvoir tyrannique
Du moins n'achete pas au prix de ton bonheur,
De ce vain nom de Roy le dangereux honneur.
Tu regneras , César , mais ta triste puissance
Ne verra qu'ennemis sous son obéïssance.
Peut- être esperes- tu que la faveur des Dieux
Secondera toûjours tes projets odieux :
Ton esperance , helas ! ne sera point trompée;.
Ils ont pû , les cruels , abandonner Pompée !
Ils
2394 MERCURE DEFRANCÉ
Ils serviront le crime, et pourront quelque tems
Enchaîner la Fortune à tes pas triomphans ;
Cependant , crains pour toi cetteLaveur trompeuse
,
Etde ce vain bonheur l'amorce dangereuse.
Si Rome dans son sein renferma des ingrats ,
Dont ton ambition suit les bruyans éclats ,
Rome vit des Héros armés pour sa vengeance
Punir de ces ingrats la coupable arrogance ;
Mon coeur brûle aujourd'hui d'imiter leurs ver
tus ,
Contre un nouveau Tarquin , crains un nouveau
Brutus.
Crains le funeste sort de ces enfans rehelles ,
Et ne suis qu'en tremblant leurs traces crimi
nelles.
Tous Ennemis des Rois sont Romains à mes
yeux ,
Et le crime pour lors devient vertu dans cux.
Ne compte pas non plus sur l'apui mercenaire
,
Que promit à tes voeux la faveur populaire ;
Le sort n'a pas encore épuisé son couroux ;
Crains les Romains vaincus , et Rome à tes
genoux.
Quand même la victoire à tes Drapeaux fidelle ,
Voûroit à nos projets une haine éternelle ,
Tu ne nous verrois pas , adorant tes exploits ,
Etouffer dans nos coeurs lahaine pour les Rois.
Kome
NOVEMBRE. 1736. 2395
Rome de tes fureurs malheureuse victime ,
Reproduira sans cesse un vengeur de ton crime
Et te fera trouver , en ton affreux destin
: Encore un ennemi dans le dernier Romain.
Voilà les sentimens que Rome oset'aprendre ,
Voilà l'unique paix que tu dois en attendre
Nous braverons la mort en vrais Républiquains.
La crainte du trépas peut toucher les Tarquins ,
Pour nous , nous aimons mieux mourir dans
,
Rome libre ,
Et scelleren mourant la liberté du Tibre ,
Tu ne me verras pas dans monjuste courroux ,
Accuser tous les Dieux de la mort d'un Epoux ;
Un plus juste sujet va consacrer inee farmes ,
Et toutes je les dois aux publiques allarmes.
Un grand homme peut seul mépriser les gran
deurs ,
Et d'un état privé préferer les douceurs.
La carriere où tu cours , César , est resserrée ;
Et la fortune en vain t'en aplanit l'entrée.
Situ sçais cependant profiter des bienfaits ,
Dont son prodigue amour a comblé tes forfaits
César , tu peux encor faire oublier ton crime ,
Et par ton repentir mériter notre estime.
Entre ton interêt et ta foi combattu ,
Le vice trop longtemps fit ceder la vertu ;
De ton coeur tu lui fis un entier sacrifice ,
Qu'à son tour la vertu fasse ceder le vice.
Rend
396 MERCURE DE FRANCE
Rends les Romains à Rome , et Rome aux
Citoyens;
Domine dans leurs coeurs plutôt que sur leurs
biens ,
Cet Empire est le seul ou peut tendre un grand
homme ,
Et c'est le seul enfin qui soit permis dans Rome.
Par Esprit J.B. J. Desforges.
OBSERVATIONS sur ce Passage
deM. Pope , Poëte celebre d'Angleterre.
Un double Déluge renversa toutes les
Sciences. Les Moines actievtient ce
que lesGots avoient commencé. Essai
de Critique , L. 3. p. 75. Tradution.
I
L étoit de l'interêt des Sectaires qui
attaquerent l'Eglise dans le XVIe sie
cle , de décrier l'Etat Monastique. En
Angleterre , sur tout , où les Moines
avoient porté la foi comment auroiton
réissi à effacer dans l'esprit des Peuples
la doctrine qu'ils y avoient prêchée,
sans ruiner leur réputation et les faire
passer pour ignorans ? Mais il paroît plus .
étrange de voir quelques sçavans Catholiques
donner en cela les mains aux ennemis
de l'Eglise Romaine et parler de
l'Ordre
NOVEMBRE. 1736. 2397
f'Ordre Monastique avec encore plus de
mépris que les Protestans les moins moderés.
En quel état étoit la Religion ? Quel
les étoient les Etudes dans l'Eglise Romaine
, lorsqu'attendrie sur l'aveugle
ment des Peuples de la Grande-Bretagne,
elle détacha un essain de Missionnaires
Benedictins pour aller travailler à sa con
version ? S. Grégoire occupoit alors le
S. Siege. Ce saint Pontife avoit été Moine
, et ce titre ne lui a pas enlevé l'es.
time et la vénération que l'Eglise Anglicane
a toujours eûë pour sa memoire. Les
plus judiceux parmi les prétendus Reformés
conviennent que sous ce Pape, la
Religion conservoit,à peude choses près,
la pureté des temps Apostoliques. Quant
aux Etudes elles n'avoient plus ce goût
exquis qu'on admira dans le siecle d'Aud
guste et dont on aperçoit quelques ves.
tiges dans les premiers Peres.
La premiere cause de leur décadence
fut que les Chrétiens ne cultiverent presque
plus que les Sciences qui avoient
quelque raport à la Religion ; ils crurent
que les moins corrompus d'entre les Auteurs
Payens , pouvoient inspirer je ne
sçai quoi de très- oposé à la simplicité
chrétienne,ils en négligerent la lecture ;
la
398 MERCURE DE FRANCE
la pureté du langage en souffrit, la bonne
Critique tomba , le vral goût commença
à se corrompre ; mais l'irruption
des Barbares lui porta le dernier coup.
On sçait que c'est dans ces temps funestes
aux Sciences et aux Beaux- Arts ,
c'est-à-dire dans le sixiéme siecle que
l'Ordre Monastique commença à éclore
ou plutôt à s'étendre en Occident. Les
Moines étudierent , mais ils formerent
leur goût sur celui qui regnoit alors , et
c'estpar conséquent à tort qu'on les accused'avoir
contribué à le corrompre ; mais
ce qui rend cette accusation plus injuste,
c'est que pour peu qu'on scache l'Histoire,
on sentque c'est aux Moines qu'on
est redevable du plus grand nombre de
ses connoissances ; que s'ils ne sont pas
venus à bout d'extirper la barbarie des
Pays où ils ont été reçûs , ils lui ont du
moins oposé quelques barrieres.
Je parlerai dans la suite de cet Ecrit
de differens Ouvrages qui sont sortis de
leurs plumes, Ouvrages qui dans des sié.
cles où les Ecrivains ne se trouvoient
gueres que dans les Cloîtres , nous ont
conservé une succession de Doctrine , et
sans le secours desquels tous les Peuples
de l'Europe ignoroient absolument leur
Histoire , Ouvrages qui ont leurs défauts
;
NOVEMBRE. 1736. 2399
fauts ; mais si ce sont ceux du temps où
les Auteurs ont vêcu , si ce sont ceux des
climats où ils sont nés , enfin s'ils montrent
plus de génie, plus de sçavoir que la
plupartde leursContemporains; avoiions
qu'on devroit être du moins aussi indulgent
à l'égard de leurs Ecrits , que les
Protestans le sont à l'égard des Ouvrages
de Luther; ( Cave, Bibl. Eccl. sac. ref.
pag. 164. ) en parlant des défauts qu'ils
yremarquent eux- mêmes, ils lui sçavent
gré de tous ceux qu'il a sçû éviter, n'imputant
ses fautes qu'aux malheurs des
temps , où ce fameux Hérésiarque écrivoit.
Laissons pour quelque temps leurs
Ecrits , pour parler des services qu'ils
ont rendus à la République des Lettres ,
par le moyen de leurs Bibliotheques et
par le grand nombre de leurs Ecoles. On
sçait que c'est des Monasteres que sont
sortis tous ces excellens Manuscrits et
tant de Monumens précieux de Litterature
que l'on voit aujourd'hui en Europe
, ( Praf. Angl. sacr. ) mais enmême
temps on ne sçauroit dissimuler qu'ils y
seroient beaucoup plus abondans sans la
destruction et le pillage qu'on a fait des
Monasteres dans les Pays qui se sont séparés
de l'Eglise Romaine. Dans la né
cessité
2400 MERCURE DE FRANCE
cessité loù l'on est de prouver que les
Moines étoient au moins de quelque utilité
par raport aux Lettres , on ne sçauroit
suprimer ici un trait d'Histoire qui
montre qu'au moins en Angleterre il n'y
avoit guéres qu'eux qui connussent le
prix des Livres. Edoüard VI. avoit don
né un Edit pour purger les Bibliotheques
d'Angleterre de ce qu'il apelloit Livres
superstitieux ; mais l'ignorance étoit si
grande qu'on ne peut en faire le discernement.
Un Livre étoit- il marqué de
rouge , il passoit pour Papiste , on le destinoit
aux usages les plus honteux. Trouvoit-
on dans quelques autres des cercles
et d'autres figures mathématiques ; c'étoient
autant d'Ouvrages de magie ; on
les condamnoit au feu. On méprisa les
Manuscrits jusqu'au point ( Bibl. Angloise
, tom. 1. pag. 160. ) de s'en servir
pour écurer des chandeliers et frotter des
bottes. On vendit pour deux livres sterlings
deux belles Bibliotheques à unMarchand
qui se servit des Livres pendant
plusde dix ans pour empaqueter sesMarchandises
; faits honteux et qu'on auroit
peine à croire , s'ils n'étoient attestés par
Jean Bâle , grand ennemi du Monachisme
, dans une Remontrance au Roy
Edoüard VI.
Mais
NOVEMBRE. 1736. 2401
Mais si ce sont les Moines qui ont
conservé avec plus de soin les Ouvrages
des Anciens , si ce sont eux qui
en ont transcrit le plus grand nombre
et avec le plus d'exactitude ; si ce
sont eux , qui de l'aveu d'un autre
sçavant Anglois ( ibid ) et de tous ceux
qui ont des yeux , qui en ont corrigé
le Texte , lorsqu'il étoit corrompu
par la négligence de quelque Copiste ,
qui en ont éclairci un grand nombre de
Passages difficiles ; comment concilier ces
traits avec cette ignorance crasse dont
on prétend que les Moines ont inondé
l'Europe Des Moines qui aimoient les
Livres , qui formoient de nombreuses
Bibliotheques , qui en faisoient l'usage
donton vient de parler, ne sçavoientdonc
ils rien ?
Qu'on remonte au quinziéme siecle ,
temps où se fit le renouvellement des
Etudes. Qu'on consulte la Bibliotheque
de Cave , Auteur non suspect , on y
verra que le nombre des Moines parmi
les Sçavans , égaloit du moins celui des
Séculiers ; que c'est aux Moines, que l'irruption
des Turcs chassa de Constantinople
, qu'on doit en Occident ( Du Pin ,
Bibl. Eccl. ) la connoissance des Langues
Grecque et Hébraïque ; qu'Ambroise le
B Camaldule
2402 MERCURE DE FRANCE
Camaldule étoit celui des Auteurs Latins
de son temps qui possedoit mieux
le Grec ; mais pour ne point sortir d'Angleterre
, quels éloges Cave ne donnet'il
pas à Boston , Moine de S. Edmond
d'Uske ? Ce Religieux celebre par son
érudition et plus encore par l'aplication
qu'il eut toute la vie à rétablir le goût
dans les Etudes , visita presque toutes les
Bibliotheques des Monasteres d'Angle
terre , il fit une Bibliotheque Historique
des Auteurs qui lui tomberent entre les
mains , Ouvrage que le sçavant Usserius
avoit manuscrit; l'estime singuliere qu'il
témoignoit faire de cet Ouvrage , peut
tenir lieu de cent autres éloges.
Quant aux Ecoles des Religieux,il sem
ble quedans ces siecles ténebreux où tout..
conspiroit également et contre la pureté
de la Religion et contre toute sorte de
Litterature , ( Prosper, Chron. cit. in Monast.
Angl. praf. ) les Monasteres en
étoient devenus l'azile. En effet l'ignorance
pouvoit bien être le partage de
quelques Moines ou même de quelques..
Monasteres ; mais elle ne pouvoit guéres
infecter tout l'Ordre Monastique , par
l'attention que toutes les Regles ancien
nes avoient cû de destiner chaque jour
un temps considerable pour la lecture.
Cette
NOVEMBRE. 1736. 2403
Cette lecture consistoit dans l'Ecriture
Sainte , ( Cod. Reg. Fortunat. Bibl. CI. )
dans les Peres de l'Eglise Grecs et Latins,
( les Moines étudioient conséquemment
le Grec ) dans les Historiens Ecclesiastiques
, dans les Poëtes Chrétiens ; elle
embrassoit même la Philosophie , com
me il est aisé de le prouver par l'exemple
et les Ecritsde Cassiodore. Or cette
lecture suffisoit pour former un certain
nombre de Moines sçavans et capables
d'instruire les autres. Aussi y avoit- il
dans un grand nombre de Maisons Religieuses
des Ecoles reglées où on élevoit
la jeunesse et où les Ecclesiastiques euxmêmes
venoient étudier. ( Soli Ecol. L.
I. C. 2. Mabillon, Act. B. tom. 3. n. 40. )
Ecoles néanmoins queje ne prétens pas
égaler à celles des premiers siecles ; elles
conserverent les Lettres dans le temps
de leur plus grand obscurcissement; sans
le secours qu'on en tira , on auroit en
vain entrepris dans le quinziéme siecle
de leur rendre leur premier lustre.
Ce n'est point dans les embarras de la
Préfecture de Rome ; ce fut dans le repos
du Cloître ( Mabill. Trait. des Etudes
Monast. pag. 179. ) que S. Grégoire puisa,
se remplit de ces lumieres admirables
dont il éclaira toute l'Eglise , et qui lui
Bij servirent
2404 MERCURE DE FRANCE
د
servirent à former tant d'illustres Disci
ples , un S Augustin , Apôtre d'Angleterre
et quantité d'autres.Chaque Royau
me adans son sein plusieurs Monasteres
où les Etudes ont été brillantes. La
France compte ceux de Luxeu, de Bobio,
de Lerins , de Fontenelles , du Bec , de
Corbie , de Fleury , de S. Victor de Marseille
, &c. L'Allemagne convertie à la
Fey par le Moine Boniface , compte les
Abbayes de fuldes , de S. Gal , de Fritislar
, Académies estimées pendant plusieurs
siecles. L'Angleterre en a eû un
très grand nombre et si cette Nation
fut redevable à deux Moines François
( Mabill. an. Bened. tom. 3. in
Prefat. ) du rétablissement des Etudes et
de la fondation de l'Université d'Oxford
sur la fin du neuviéme siecle , la France
avoit aussi quelque obligation à la Grande-
Bretagne ; Charlemagne avoit ( Idem
Etud. Mon. pag. 189. ) attiré dans ses
Etats Alcuin ,Moine Anglois ,et c'est de
l'Ecole de ce grand homme et de ses Disciples
, que sont sortis presque tous les
habiles gens qui se sont depuis distingués.
» C'est le premier canal par lequel les
>>Lettres se sont répanduës et rétablies en
> France et en Allemagnedans le neuvićme
etdixiéme siecle,
Disons
NOVEMBRE . 1736. 2405
Disons-le sans ostentation et uniquement
dans le dessein de combattre les
injustes préventions qu'on a contre le
Monachisme. Pourquoi pendant plusieurs
siecles sont- ce les Moines qui ont
éré promus à la meilleure partie des Evê
chés de l'Europe ? C'est qu'on remar
quoit en eux plus de pieté et plus de lumieres.
Pour donner quelque idée de tant de
grands Hommes qui ont été chargés du
Gouvernement de l'Eglise , en nommerai-
je un petit nombre des plus célebres ?
-Un S. Césaire d'Arles , dont le goût et
le sçavoir sont au-dessus de la plupart
des Auteurs de son siecle ; ses Contemporains
lui ont rendu justice , et il n'a
rien perdu de sa réputation dans les sie
cles suivans.
Remontons plus haut. Que penserd'un
"S. Epiphane , d'un S. Bazale , d'un S Serapion
, d'un S. Jean Chrisostôme , de
S. Grégoire de Nazianze , de S. Martin,
de Théodoret , de S. Fulgence, de S. Hilaire
d'Arles ? &c. On ne parle point
pour abreger , d'une infinité qui ont
cudans les siecles suivans ; mais ce n'est
point , on l'ose dire , trop les flater que
de faire à l'égard d'un très-grand nombre
le mêmejugement qu'un AuteurAn
Biij glican
vé..
2406 MERCURE DE FRANCE
glican ( De Antiq. Britan. Eccles. Praf. )
aporté des anciens Archevêques de Cantorbery
, qui presque tous ont été tirés
de l'Etat Monastique. A l'exception de
quelques défauts qui leur étoient communs
avec tout leur siecle. ( Il parle
des prétenduës superstitions de l'Eglise Romaine.
) On ne pouvoit gueres imaginer
rien de plus parfait , soit par raport à la
solidité du jugement , et à la sagacité ,
soit par raport à la temperance , à une
sage economie , et à la charité envers les
pauvres. Si plusieurs d'entre eux furent
apellés au Ministere , s'ils furent les dépositaires
de l'autorité des Rois, ils ne la
firent jamais servir qu'à la félicité des
Peuples.
Toutes les foisque les Hérétiques sont
venus troubler la paix de l'Eglise , à qui
lisons-nous qu'elle ait été redevable de
leurdéfaite et de ses victoires ? Si ce n'est
aux Moines, à ces hommes qu'une science
au- dessus du vulgaire avoit rendu maîtres
des Esprits. Je ne remonte plus jus
ques aux siecles les plus reculés , et je
trouve un Pascase Radbert à la tête des
Défenseurs du Dogme de l'Eucharistie ,
les Lanfrancs , les Anselmes , les Hincmars,
les Alcuins, les Loups de Ferrieres,
les Rabans Maurs , les Bernards , les Il.
defonses,
NOVEMBRE. 1736. 2407
defonses &c.tous ont la plume à la main
contre differens Ennemis de l'Eglise. Les
Lettres Saintes leur fournissent des armes,
et les Lettres Humaines leur aprennent
la maniere de s'en servir .
Citons encore en preuve quelques
exemples. Je trouve d'abord sous ma
main un Anglois à qui un autre Anglois,
mais dans des sentimens bien oposés aux
siens , donne des Eloges. C'est le vénerable
Bede à qui on est redevable de
'Histoire du Pays où il a vécu , et de
beaucoup d'autres Ouvrages qui lui don
nentun grand nom dans l'Eglise et dans
la République des Lettres. Cave , après
avoir raporté les témoignages honorables
qu'on a rendus à son érudition
dansdifferens temps , dit : Anno
circiter septingentesimo secundo Presbyter
factus est et lautissima jam omnifaria
doctrine suppellectile ac penitiore utriusque
lingua , optimarumque scientiarum
cognitione instructus ad scribendum se ac
cinxit. ( Cave , Sec. Eicon. pag. 404.
et seq. )
On ne sçauroit nommer S. Thomas
d'Aquin et l'Abbé Tritheme sans en
avoir une grande idée ; le premier encore
plus admirable par la solidité
de ses Ecrits , que par leur nombre , a
Biiij toujours
1408 MERCURE DE FRANCE
toujours été regardé dans l'Eglise coma
me une de ses colomnes. Il a mis les
preuves de la Religion dans un si haut
dégré d'évidence , que la seule lecture
de ses Ouvrages convertit un Juif.nommé
Paul , ( Ibid.) distingué parmi les
Restaurateurs des Lettres dans le quinziéme
siecle . Le second avoit une érudi
tion immense , que peu de Sçavans de
son temps égalerent , que personne ne
surpassa . C'est encore le témoignage de
Cave. $
Quels titres donner au fameux Erasme?
Les éloges que M. Pope lui prodigue ,
(Essay de Critique. ) rendroient les
miens moins suspects ; mais on ne voit
point à quel dessein ce sçavant Anglois
l'introduit sur la Scene de la Litterature ,
comme assés heureux pour en chasser
les Vandales Cloîtrés. Quoi ! point d'Arts,
point de Sciences, point de goût , si Erasme
n'eût parû ? Sans lui les Vandales
Cloîtres achevoient de renverser ce que
les Goths , aidés des mêmes Moines ,
avoient commencé. L'oüanges outrées pour
Erasme ; mais censure encore plus injuste
à l'égard des Moines de son temps.
Il l'étoit lui- même ( c'est un fait incontestable.
) Or si ce génie sublime séleva ,
comme on n'en sçauroit disconvenir ,
bien
NOVEMBRE. 1736. 2409
bien au dessus de ses Contemporains ,
en doit-on conclure qu'il fût le seul
homme de Lettres et de goût dans le
Cloître ? Ou plutôt croira - t'on qu'il
ne dût rien du tout aux bonnes Erudes
qu'il fit pendant l'espace de vingt
⚫ ans qu'il resta dans son état ? Heureux
s'il y eût perséveré. Heureux si moins
volage , ( Sponde , an. 1518. 1536. Huet ,
in Origenem. ) moins plein de lui-même,
Ecrivainplus circonspect et meilleur Cri.
tique, il n'eût point par ses jeux, ses railleries
, ses décisions hardies sur l'Ecriture
et les Saints Peres , fourni des Armes
aux Hérétiques mêmes qu'il combattit ,
et à tous les séditieux , le prétexte de
leur révolte !
On sent qu'on pouroit beaucoup plus
multiplier les exemples. Il faudroit sur
tout copier une bonne partie des Biblio.
theques Historiques , si l'on vouloit placer
ici les Historiens que l'Ordre Monastique
a donnés en differens temps.
M. Pope les connoît sans doute , et il
en est quelques-uns à qui je crois qu'il
ne sçauroit refuser son estime.
Quitrons ce celebre Ecrivain et remontons
aux sources des préventions que
bien d'autres que lui ont contre les
anciens Ouvrages des Moines. La pre-
Bv mierę
2410 MERCURE DE FRANCE
miere est qu'on se sent naturellement
porté à raporter tout aux moeurs et aux
usages du temps où l'on vit , au goût et
aux idées de sa Nation. La seconde est
que trouvant dans un grand nombre
d'Auteurs qui ont écrit depuis le 7e siecle
jusqu'au 17e des opinions singulieres
ou bizares , on est d'abord révolté et
hors d'état par conséquent de rendre justice
à ce qu'il y a de judicieux et d'utile
dans leurs Ecrits. Or voici , ce semble ,
le remede contre ces jugemens faux et
précipités ; c'est de poser d'abord pour
principe qu'il n'est point d'Ouvrage ( je
parle de ceux qui sont le plus génerale.
ment estimés) qui n'ait des défauts. Et
en second lieu de faire attention que
toutes les opinions ne sont gueres moins
sujetes aux révolutions des modes que
les habits , et que comme toutes les choses
humaines , elles ont leurs progrès et
leur décadence. En peut-on donner un
exemple plus sensible que celui- ci ? Le
Cartesianisme dont le triomphe a été si
brillant , dont les systêmes ont été reçus
avec un aplaudissement qui sembloit devoir
toujours durer ; le Cartesianisme
lui-même ne commence-t'il pas à tomber
? On s'en dégoûte , on paroît le com
battre avec succès dans plusieurs points;
et
NOVEMBRE. 1736. 241
et que sçait- on si les erreurs qu'on croit
y remarquer , ne sont point déja remplacées
par d'autres erreurs qui paroîtront
un jour encore moins suportables ?
Finissons , mais convenons auparavant
que tous les siecles n'ont pas été égale.
ment heureux pour les Lettres dans les
Monasteres , qu'on a accusé , et c'est avec
raison , plusieurs de leurs Ecrivains d'avoir
eû un penchant démesuré pour le
merveilleux et de s'être trop attaché à de
vaines subtilités ; que ce n'est les disculper
qu'en partie que de dire qu'ils ont
suivi le torrent , que c'étoit le goût de
leur siecle; que d'ailleurs la licence occasionnée
par les guerres , le relâche
mentdans la discipline , et l'oisiveté qui
en est une suite, ont plongé beaucoup
de Maisons Religieuses dans l'ignorance
la plus crasse ; mais le mal n'a jamais
été géneral , je crois l'avoir démontré
pardes exemples et par le témoignage
de leurs Ennemis mêmes, en un mot, si
le mauvais goût s'est quelquefois mon
tré dans leurs Ecrits , c'étoit alors un
mal épidémique ; qu'on fasse voir que
beaucoup de leurs Contemporains s'en
soient garantis , avant que de leur en faire
un crime particulier. ( De Antiq. Brit.
Ecclesia Praf. ) Uni hominum generi pra
2412 MERCURE DE FRANCE
cipuè vitio veru non debet quod perinde
omnes occupavu , nec privatim singulis ,
sed communiter accidit universis. C'est la
remarque judicieuse d'un Auteur Protestant
déja cité.
On n'ose presque parler ici du succès
que les Religieux ont eû dans leurs Etudes
dans le dernier siecle et dans celui- ci.
C'est au Public à en juger. Il n'est point
de genre de Litterature sur lequel ils
n'ayent écrit. Le bon goût qui domine
dans le siecle où ils vivent , éclate dans
le plus grand nombre de leurs Ouvrage
. L'ardeur avec laquelle on continue
d'crudier dans quelques Congrégations ,
tandis que l'amour des Lettres commen.
ce à s'éteindre en beaucoup d'Endroits,
donne lieu d'esperer qu'ils ne contribueront
point les premiers à ramener la
barbarie dans la République des Lettres.
AAAAAAAAAAAA
ODE
Tirée du Pseaume LXXVIII.
Deus venerunt gentes , c
A
Rme toi , Dieu vengeur des crimes de fa
Terre ,
Tes plus fiers ennemis défiant ton Tonnerre ,
Dan
NOVEMBRE. 1736. 2415
Dans les Murs de Sion osentporter leurs pas;
Ton nom à leur fureur ne met aucun obstacle
Israël prosterné dans ton saint Tabernacle
Reclame - t'il en vain le secours de ton brast
Jérusalem n'est plus qu'un funeste assemblage
De Palais renversés , de meurtre , de carnage.
Un Déluge de sang inonde ses Remparts ;
Et les Corps detes Saints privés de sépulture ,
Sont par leur soin cruel devenus la pature
Que disputent entre eux les avides Renards.
Echapés au tranchant de leur glaive homicide,
Victimes de l'orgueil d'un Tyran parricide ,
Nous servons de trophée à ses noirs attentats;
Nos plus vaillans guerriers que ton bras in
vincible
Sembloit avoir armés de la foudre terrible ,
Sont le triste joüet d'un Peuple de Soldats.
Jusques à quand , Seigneur, victime de ta haine
Israël gémira sous le poids de sa chaîne ?
Poursuivras-tu ses jours jusques dans le tome
beau ?
Verras-tu sans pitié sa honte et sa misere ?
N'est- ce que dans son sang que ta juste colere
Attend pour s'apaiser d'éteindre son flambeaut
Israd
2414 MERCURE DE FRANCE
Israël a peché , mais parmi les coupables
Israël compte encor dans ses murs redoutables
Des Elus dont les pleurs s'oposent à tes coups.
Le Tonnerre s'aprête à châtier nos crimes ,
Il va partir... Seigneur , cherche lui des victimes
Plus dignes qu'Israël de ton juste courroux.
Guide ses feux brulansdans ces climats sauvages;
Où l'orgueilleux Baal te ravit les hommages
Que te sendroient sans lui les aveugles Mortels;
Que la foudre sur eux au loin se fasse entendre ,
Qu'elle éclate , et soudain qu'elle réduise en
cendre
Les Prêtres de Baal , son Temple et ses Autels
Flatés du fol espoir de ternir ta mémoire ,
Ces vils Adorateurs du Bronze et de l'Yvoire ;
Sont entrés dans tes murs la vengeance à la main.
La mort étoit le prix dont ce Peuple infidele
Toujours couvert de sang , récompensoit le zele
De ceux qui s'oposoient à ce cruel dessein.
Ta Justice leur doit une prompte vengeance.
Que le seul Israël éprouvant ta clémence ,
Dans ses murs désolés ressente tes bienfaits.
Que nos fiers Ennemis de notre sang avides ,
Saisis
NOVEMBRE. 1736. 2415
Saisis d'étonnement , d'eux-mêmes homicides ,
Scachent qu'il est un Dieu vengeur de leurs
forfaits.
N'écoute plus, Seigneur, la voix deta Justice ,
Elle demande en vain que ton Peuple périsse ,
La force de ton nom s'interesse pour lui .
Ta gloire en sa faveur désarme ta colere.
Es-tu sourd à ses cris ,est-ce envain qu'il espere,
Ton bras dédaigne-t'il de lui servir d'apui ?
Tudors , et cependant notre Ennemi blaspheme,
Il ose défier ta puissance suprême ;
Israël , nous dit - il , qu'as-tu fait de ton Dieu ?
Sont- ce là les sermens qu'il fit de te défendre ,
N'est- il plus tout puissant , n'ose-t'il l'entre
prendre?
Ignore-t'il les maux que tu souffre en ce licu ?
Eveille- toi , confonds sa superbe arrogance ,
Fais à ses yeux surpris , éclater la vengeance
Du sang de tes Sujets dont il soüille sa main ;
Ce sang fumant encor, rejaillit sur ton Trône ,
Et lorsqu'en sa faveur ta bonté nous pardonne ,
Il force ta Justice à punir l'Assassin.
2416 MERCURE DE FRANCE
Brise nos fers honteux , ranime notre andace...
Sion, ton Dieu prévient le coup qui te menace, )
Tes Ennemis vaincus vont tomber dans tes fers.
Il vole à ton secours , leve ta tête altiere ,
Voi sortir tes remparts du sein de la poussiere,
C'estl'Ouvrage du Dieu qui régit l'Univers.
L'Airain se ramolit , le Marbre plus docile ,
Obéït au ciseau de l'Artisan habile.
L'Or brille d'un éclat que rien ne peut ternir.
Je vois d'un nouveau Temple élever les Por
tiques ,
Seigneur , ton nom sacré chanté dans nos Cantiques
,
Assure ta mémoire aux siecles à venir.
H. Billard de Marseille.
A Mrs les Eliteurs du Mercure Suiffe , à
Neufchatel , sur les Pilules Mercurielles.
V
Ous ne devez pas douter , Messieurs
, que parmi le grand nombre
des personnes qui fournissent des Mémoires
pour être imprimés dans votre
Mercure , iln'y en ait de temps en temps
quelqu'un qui surprenne votre bonne
foi et la crédulité du Public, en publiant
des
NOVEMBRE. 1736. 2417
desOuvrages , et annonçant des Remedes
, auxquels ils ne font que prêter leur
nom , sans en être les Auteurs.
L'Extrait de Dissertation de M. Bianchi
, premier Professeur d'Anatomie à Tu
rin , sur l'usagedu Mercure dans la Mede
cine, inséré dans votre Mercure du mois
de May 1735. en est une preuve trop
convaincante.
Si ce célebre Professeur s'étoit apliqué
à copier quelque Auteur , dont les Ouvrages
enterrés dans la poussiere , se fus
sent , par la longueur du temps , ou
pour être écrits dans une Langue morte,
dérobés à la connoissance du Public , ou
effacés entierement de la mémoire des
Sçavans ; encore auroit-on pû recevoir
un tel Ouvrage pour original : mais piller
en plein unAuteur mort seulement
depuis quelques années , et dont les Ouvrages
sont traduits dans presque toutes
les Langues de l'Europe , c'est agir, sans
contredit contre les regles du bon
sens et de la raison .
Le caraciere ,*dites-vous , franc et sincere
de M. le Professeur Bianchi ,le Poste
qu'il occupe si dignement , et la réputation
qu'il s'est acquise par sa pratique ,
Laisse soupçonner aucun artifice dans ce
qu'il dit. Pour prouver toutes ces belles
ne nous
qualités
2418 MERCURE DE FRANCE
د
5
qualités , et les mettre dans tout leur
jour, il est bon de raporter ici quelques
traits de la Préface du Livre intitulé
Joannis- Baptiste Morgagni Primarii Professoris
Patavini et Regia Londinensis
Societatis Sodalis Epistola Anatomica dua.
Cette Préface est adressée à M. Bianchi
comme Auteur de l'Histoire Hépatique.
On y voit que ce n'est pas d'aujourd'hui
que ce célebre Professeur s'en prend
à la gloire des Hommes illustres après
leur mort . Tunc enim verò , disent- ils
sua ista nobis confidentia visa est esse frangenda
, et publico scripto comprimenda ; ut
magis inposterum consideratum , minus inconstantem
esse difceres,et sin minus viventes
, at mortuos saltem celeberrimos viros ed
qua par est fide ac reverentia prosequereris.
La réputation qu'il s'est acquise est assés
connuë de tous les Sçavans, et les Auteursde
cette Préface n'ont pas obmis d'en
parler. Quicumque Anatomicam , poursuivent-
ils , ac Medicam cujufcumque par
tis Historiam mandareliueris perfectam instituat
, hunc oportet in utriusque Facultatis
Scriptoribus , ne quid fortè eorum quæjam
tradita sunt pratermittat , diligentissimè esse
versatum : deindè verò ipsum egregium Anatomicum
ac Medicum esse , ut que adhuc
desiderantur addere , atque absolvere de
SUO
NOVEMBRE. 1736. 2419
ouo possit : novissimè iis , quæ in Historiis
omnibus communiter requiruntur , scribendi
facultate , memoria , diligentia , judicio , fi
de,pollere. In te verò , Blance , quid tandem
horum esse dicemus ? Num ( ut à levioribus
incipiamus ) scribendi aliquam facul
tatem ? Hac quidem quanta sit demonstrabunt
doctorales Orationes tua, &c. Memoria
vero ea parte animi qua , ut præclarè ait
M.Tullius , custos est cæterarum ingenii
partium quam debilis sis atque infirmus
eadem II. Epistola ostendit , & c. Quamquam
negligentiæ tuæ nullum gravius quari
testimonium potest quam tui ipsius confuentis
te ad ea perneganda quæ nobiles Anatomici
certè docuerant que uni aut alteri ob
servationi impensius fisum fuisse , tua
verò properanter scripsisse , qua confessiones
the Art. 28.et 29.ejusd. Epistola II.
ac 53. 1. notata sunt. Judicio autem ut sis
acri et intelligente , etsi loca alia plura commonstrant
, ex Epistola tamen 1. Art. 78 .
70. et 11. Art. 33.69. 82. et sequentibus
apertissimè cognoscetur. Restat fides , qua
una dempia , quid tandem est quod in Historia
quæramus ? Ipse autem quam verax
sis, quam ea scribere metuas , in quibus deprehendi
manifesto ac teneri possis , satis
superque monstrat II. Epistola Art, 19. c.
Et certesjamais M. Bianchi n'auroit
entre1420
MERCURE DE FRANCE
entrepris d'écrire sa Dissertation sur le
Mercure , ni de publier ses Pilules , s'il
s'étoit attendu qu'on eût pris la résolution
de lui reprocher publiquement le
vol qu'il a fait de l'un et de l'autre dans
les Ouvrages de M. Belloste : mais il devoit
bien se figurer que si viventem illum
amavimus , mortuum non deseremus. Nous
pouvons donc lui dire avec Mrs les Editeurs
: Respice te aliquando Blance : quid
speraveris ,quid consecutus sis , vide. Tibi
plurimum , nihil ei obfuisti ; imo ut probarissimis
utilissimisque editis scriptis magis
magisque clareret occasionem prabuisti.
Après ces remarques qui nous ont
paru nécessaires , nous allons découvrir
l'artifice que vous n'avez pas crû devoir
soupçonner dans ce qu'il dit : il est même
assés grossier , puisqu'il ne faut que sça
voir lire pour être pleinement convaincu
qu'il y a des gens qui font trafic de leurs
tromperies , sans se promener de contrée
en contrée pour trouver des dupes. Car non
seulement ce fameux Professeurdonneau
jour sous des termes à peine changés une
Dissertation sur le Mercure qui n'est pas
de lui ;mais il fait en même temps annoncer
des Pilules contrefaites , dont la véritable
composition est du même Auteur
duTraité du Mercure , en leur donnant le
titre
NOVEMBRE. 1736. 2428
Bitre pompeux et métaphorique de Pilules
alexipharmaques ; gros mot qui remplit
l'oreille , mais qui n'est pas à la portée
du Public.
2 Un des amis , dites- vous , de M. le
Professeur Bianchi , homme très célebre dans
sa profession , et qui avoit beaucoup de sçavoir
et d'experience , faisoit un grand secret
de la composition de ces Pilules . Cet
emi étoit M. Augustin Belloste , Premier
Chirurgien de feuë Madame Royale de
Savoye, Auteur du Chirurgien d'Hôpital ,
Ouvrage en deux Tomes in 12. qui a
mérité l'aprobation universelle. C'est
dans le second Tome de ce même Quvrage
que l'on trouve le Traité du Mer
cure, dont M. Bianchi prétend nous faire
un présent , sous le titre de Dissertation .
C'est faire véritablement un bel usage
de l'amitié que de se parer des Ouvrages
de son ami et s'aproprier , dans la com
positiondeson remede , un bien qui n'as
partient qu'à sa famille.
Il estplus aisé de croire que cette Dissertation
a éré traduite du françois qu'au
trement , vû qu'en plusieurs endroits
M. Bianchi ne s'est pas seulement donné
la peine de changer les termes , ni de varier
les expressions qu'il a trouvé dans
Poriginal françois de son ami, Çe çélebre
1422 MERCURE DE FRANCE
bre Professeur trop occupé à ses leçons ,
et à ses Démonstrations Anatomiques ,
n'en avoit sans doute pas le loisir.
On peut assûrer , dit-il en parlant du
Mercure , que ce Fossileprécieux est leplus
salutaire présent que la Providence ait pû
faire à l'homme. Avant lui M.Belloste
avoit dit pag. 5. Le Mercure dontje publie
ici lesvertus est un miracle de la nature et
parmi les remedes , le plus rare présent de la
Providence.
Si quelque drogue , dit M. Bianchi , pouvoit
avoir ce caractere ( d'universelle) ce
seroit sans doute le Mercure. Et M. Belloste
pag. 114. Ce qui me fait croire que dans le
Mercure crud on peut trouver un remede
universel, s'il estpossible d'en trouver.
Les Voyageurs nous raportent , dit ailleurs
l'Auteur de la Dissertation , que les
femmes du Levant s'en servent avec succès
pour entretenir la fraîcheur et la vivacité de
Leurteint, pour se procurerde l'embonpoint,
et cet air de jeunesse qui semble embellir la
beautémême. On doit sçavoir bon gré à
M. Bianchi d'avoir orné en cet endroit le
stile laconique de son Original , où il est
dir tout simplementp. 75.M. leDuc,que
nous avons cité ci dessus, a vû à Smirne que
la plupart des femmes qui veulent paroître
belles etfraîches, etacquerirde l'embonpoint
avalent
NOVEMBRE. 1736. 2423
avalent souvent deux dragmes de Mercure
crud sans aucun mélange.
د
Après nous avoir fait part de ce que
M. Belloste a dit en général sur leMercure
,M. Bianchi entre dans le détail de
ses Pilules de nouvelle fabrique , auxquelles
il attribuë les vertus que ce fameux
Chirurgien a publié des siennes ,
de guérir les sciatiques , les rhumatismes
les écrouelles, les fistules, les polypes récens,
lespalpitationsde coeur, les maladies vénériennes
, les difficultés d'uriner , les douleurs
intestinales , la galle , les dartres , la lépre ,
les vertiges, les pâles couleurs , de tuer les
vers et les chasser du corps. On ose même
dire , ajoûte- il , qu'elles dissipent presque
àvûë d'oeil des tumeurs d'une grosseur con.
siderable et assés opiniatres. On avû des
tumeurs schirreuses les plus dures se résoudre
insensiblement par les selles ou par les urines
, et parvenirquelquefois , à l'aide de ce
remede , à une heureuse et très- salutaire supuration.
On l'a vû , il est vrai : mais
qui l'a vû ? C'est M. Belloste, ainsi qu'on
peut le voir p. 15. où il dit : L'an 1687 .
étant Chirurgien-Major de l'Hôpital de
Luserne dans la premiere Guerre des Barbets
,je m'en servis avec succès dans plu
sieurs tumeurs dures et schirreuses : je trouvai
que celles qui étoient d'une médiocre
grossenv
2424 MERCURE DE FRANCE
grosseur, et peu inveterées se dissipoient à
vûë d'oeil sans supurer ; que les grosses en
anciennes venoient à supuration. Dans les
pages suivantes cet Auteur détaille toute
laméchanique du Mercure et la maniere
d'operer de ce mineral dans le corps humain;
comme il divise les globules du
sang , et détruit les acides par ses frotemens
continuels et successifs , laquelle
M. Bianchi n'a pas oublié de transcrire
dans sa Dissertation. On voit aussi p 60.
que le mouvement du sang et de la limphe ,
àlaquelle il sejoint ,fait que ces petitsglobules
se heurient les uns contre les autres ;
parce choc reïteré , tous ces globules tant du
sang que du Mercure se brisent à l'infini en
se multipliani &c. Voilà l'Original qui a
fait dire à M. Bianchi , il secoue tous ces
sels , et les heurtant avec violence , il brise
leurs pointes , &c.
1
Il n'a pas manqué non plus d'y inserer
de quelle maniere le Mercure produit
quelquefois de grands desordres lorsqu'on le
fait entrer parforce à travers des poresde la
peau. Le raisonnement qu'il fait sur ce
sujet ne lui a pas coûté beaucoup d'aplication
, puisqu'en continuant à lire le
même Auteur qu'il a pris pour modele ,
il a dû y trouver p. 71. que le Mercure
que l'on fait entrer dans le corps par les
frictions,
NOVEMBRE. 1736. 2425
frictions , prend une partie des liqueurs à
contre- sens : ce coup de rétrogradation qui
pousse de la circonférence au centre , subtilise
la limphe , l'éleve en haut , lui donne
un mouvement violent et rapide , le porte
vers la tête et lagorge , &c.
On ne veut pointtomber ici dans le mê.
me inconvenient que l'on reproche à
M. Bianchi , de transcrire tout l'Ouvrage
de M. Belloste ; mais on compare seulementquelques
échantillons de l'Original
avec la Copie , pour soutenir l'honneur
de ce vieil Praticien qui a travaillé
toute sa vie pour le bien public , auquel
la Chirurgie a des obligations infinies ,
etdont la mémoire nous est très- précieuse
: renvoyant les Curieux àla lecture du
second Tome du Chirurgien d'Hôpital ,
pour leur plus ample et plus parfaite sa
tisfaction .
Je puis attester, dit M. Bianchi , que
depuis 40. ans d'une pratique assiduë , je
n'ai jamais remarqué que ces Pilules ayent
produit aucun effet mauvais et sinistre. Rien
n'est si aisé quede démontrer la fausseté
de ce qu'il avance dans cet Article , par
les remarques suivantes.
Premierement , après la mort de son
Ami , M. Bianchi a jugé à propos , à ce
qu'il dit , de faire quelques changemens à
C cette
2426 MERCURE DE FRANCE
cette composition. Il substitua au purgatif
acre et violent dont son ami se servoit
un purgatifplus doux et plus sûr. Cet ami
estmort le 15. Juillet 1730. où sont donc
les 40. ans d'une pratique assiduë ? à
moins qu'il ne veüille nous dire qu'il a
lû dans le Chirurgien d'Hôpital Tome 2.
p. 121. que M. Belloste avoit éprouvé ce
Remede pendant plus de43. ans,toujours
avec succès , et sans qu'il ait produit le
moindre accident.
د
Secondement si M. Bianchi avoit
éprouvé pendant 40. ans ce Remede sans
aucun effet sinistre et mauvais , pourquoi
y faire quelques changemens depuis 6. ans
seulement ?
Troisièmement , pour y faire les prétendus
changemens , il faut suposer que
son ami lui en a communiqué la composition;
et c'est ce que M. Bianchi même
n'ose avancer , pour plusieurs raisons.
1. Il se détruiroit lui-même , en disant ,
comme il fait , que son ami faisoit un
grand secret de sa composition. 2°. M.
Belloste dit p. 129. Mon âge de 70. années
qui rend tous les jours de ma vie criti
ques , et toutes mes années climateriques , me
devroit porter à ne pasfaire un secret de la
préparationet composition de ce Remedes vû
d'ailleurs que dans mon premier Ouvrage ,
j'avois
NOVEMBRE. 1736. 2427
.
j'avois flaté le Public de le donnerunjour
en lumiere : cejour n'est pas encore venus
la rigueur des tems l'a reculé , par les pertes
considerables que j'ai faites dans ma patrie.
Mafamille peut trouver dans son usage une
ressource qui la console et la dédommage en
même temps de l'injustice qui l'a privée de
plusieurs années de mon travail et de mes
fatigues; c'est à eux à qui je laisse le soinde
tenirma parole quand ils lejugeront àpropos
: je n'enprivepas le Public. Tout ceci
ne veut pas dire que M. Belloste ait communiqué
son secret à M. Bianchi . Bien
loin de là , il Pa légué par son Testament
à son fils aîné , Docteur en Médecine à
Turin , qui est à présent le seul dépositaire
, et véritable possesseur du secret
de ce Remede , à l'exclusion même de
son propre frere , et de son second fils.
Quatrièmement : Enfin pour substituer
un Purgatif plus doux et plus sûr , au Purgatifacre
et violent, n'ayant pas le secret
de la composition de ce Remede , ainsi
qu'on vient de le prouver; il faudroit du
moins que M. Bianchi aportâtdes preuvesde
l'acreté et de la violence du Purgarif
dont son Ami se servoit , et des bons
effets de ses Pilules , depuis la prétenduë
substitution du Purgatif plus doux et plus
sûre c'est ce qu'iln'estpas en état de faire.
Cij Que
2428 MERCURE DE FRANCE
Quedevons-nous conclure de-là ? Que
M. Bianchi a voulu mettre une Affiche
dans votre Mercure du Mois de May
dernier , pour faire sçavoir au Public
qu'il fait vendre à Genève les Pilules
contrefaites de M. Belloste :
Sicvos , non vobis , fertis aratra boves.
Je suis très-parfaitement , &c .
Turin ce 20. Septembre 1736.
LA CONSULTATION MAGIQUE.
EPITRE à Mlle De Ve ... ParleSr
Bouys de Nevers.
Uoique j'eusse promis de quitter le Pers
messe
D'abandonner Phebus , Pegase et les neufSoeurs,
Philis , je viens pour vous de romprema promesse
;
Mais que ne fait-on pas pour la Reine des
coeurs ?
Et peut- on refuser une rime au mérite ?
?
Le jour que je jurois par les Dieux du Cocyte ;
Qu'on ne me verroit plus dans le sacré vallon
Mandier avec peine un regardd'Apollon ,
Je ne prévoyois pas , Philis , je vous le jure,
Qu'Amour
NOVEMBRE. 1736. 2429
Qu'Amour se serviroit pour me rendre parjure;
Des beaux yeux dont ce Dieu fut lui-même
jaloux,
•Lorsque pour m'immoler à sonjuste courrout ;
Et pour mieux s'assurer une pleine victoire ,
Sur un coeur aujourd'hui victime de sa gloire ,
Philis , il eut recours à vos tendres apas ,
Aces traits enchantés qui ne cederoit pas ?
Ma Muse vous voilà dans le train de bien dire
Courage , l'on ne peut épuiser ce sujer.
Sçavez-vous cependant si ce charmant objet ,
Pour qui sans consulter , vous hazardez d'é
crire ,
Pour votre favori fait voir quelque retour ;
Je crains qu'à ses desirs , Philis ne soit rebelle.
Pour calmer les soupçons de cet Amant fidelle,
C'esttoi , puissant Merlin , que j'invoque enca
jour ,
Décide de mon sort , et sois moi favorable ,
Toi qui connois le coeur de Philis trop aimables
Dis-moi si de l'Amour elle a subi les loix ,
Et l'Amant fortuné dont elle a fait le choix.
Dis-moi puis-je esperer de toucher' l'inhu
,
maine ,
4
Et de voir en plaisirs bientôt changer ma peine,
Merlin entend ma voix ; du manoir ténébreux
Cegrand magicien vient seconder mes voeux ;
Il cede àma priere... il paroît... il s'avance ;
Ciij En
2430 MERCURE DE FRANCE
En vain pour l'écarter je garde le silence
Il se taît sur mon sort ... dans ses yeux égarés,
Je ne lis que trop bien, mes malheurs assurés.
Non , Philis n'a pour moi que de l'indifference,
Mon tendre aveu la choque , et mon amour
l'offense.
Ma Muse cessez donc à présent de rimer ,
Pour plaire c'est l'Amour qui doit vous animer.
Ovide n'auroit point avec délicatesse
Exprimé de l'amour les sentimens parfaits,
Si lui-même n'eût sçû faire usage des traits
De ce Dieu pour fixer le coeur de sa (a) mais
tresse ;
Etdu siècle présent le tendre Anacreon (6)
Seroit- il devenu du Dieu de l'Helicon
Le docte favori , si ce rare génie ,
Ne l'eût jamais été de la belle Uranic e
(a) Julie. (b) Rousseau.
(c) Sous le nom d'Uranie l'Auteur comprend
Venus , parce que les Habitans de Delos avoient
élevéun Temple en l'honneur de cette Déesse , sous
le nom de Venus Uranie.
LETTRE
NOVEMBRE: 1936. 2431
LETTRE de M. *** à M. Beneton
de Perrin , où l'on réfute un endroit de
sa Dissertation sur les Hôtelleries , con
cernant l'Eglise de S. Jacques de l'Hô
pital.
' Ai lû,M. votre Dissertation sur l'ori
gine et l'antiquité des Hôtelleries,&c.
inserée dans les Mercures de cette année,
etj'y ai vû de nouvelles preuves de votre
érudition qui m'étoit déja connuë. Mais,
permettez-moi de vous le dire , j'ai été
surpris de l'espece d'épisode que vous
y avez fait entrer , au sujet de l'Eglise
de S. Jacques de l'Hôpital. Outre que
cela n'apartenoit pas trop ce semble , à
votre sujet , tout ce que vous en dites
est hazardé et sans fondement : je me
flate que les observations suivantes vous
en convaincront.
Voici votre début : après avoir parlé
en peu de mots de quelques Sociétés séculieres
qui exerçoient l'hospitalité,vous
dites : » Les biens qui avoient été mis
>>dans ces Sociétés séculieres, ont passé
» à des Ecclésiastiques que ces Bourgeois
>>> avoient introduits parmi eux pour être
C iiij >>leurs
432 MERCURE DE FRANCE
leurs Aumôniers et leur conseil ; et ces
Ecclésiastiques prenant le rang au des-
>>sus de leurs Bienfaiteurs , se sont apliqués
les biens de ces Sociétés à leur
>propre usage. « Pour prouver votre
proposition vous n'aportez qu'un exemple;
c'est celui de S. Jacques de l'Hôpital.
D'où il suit nécessairement , afin que cet
exemple prouve , et que votre raisonnement
soit complet , 1 °. que , selon
vous , les Ecclésiastiques de S. Jacques
de l'Hôpital n'ont point eu dès leur origine
, ni de titre , ni de biens fondés . 2º .
Qu'ils ont été seulement introduits par les
Confreres Pelerins , pour être leurs Aumôniers
et leur conseil. 3 °.Que dans la suite ces
Ecclésiastiques ont pris rang au dessus de
leurs Bienfaiteurs. 4º. Enfin qu'ils en sont
venus jusqu'à s'aproprier des biens qui
ne leur avoient pas été destinés. Tout ce
que vous ajoutez , lorsque vous venez
à entrer dans le détail de ce qui regarde
l'Eglise et l'Hôpital de S.Jacques, prouve
évidemment que tel est votre systême ,
que telles sont les idées que vous avez
d'une compagnie de vingt Ecclésiastiques
qui ne se reconnoissent nullement
dans un tel portrait. Je ne vous impute
pas de vous être trompé volontairement :
imais êtes vous excusable d'avoir adopté
de
: NOVEMBRE. 1736.. 2433
de faux Mémoires , sans les avoir éxas
miné ! Ne deviez - vous pas consulter
vous même les titres de l'érection de
l'Eglise et de l'Hôpital dont vous parlez
? Ces titres sont publics , ils sont
clairs , et vous y auriez apris
1 °. Que l'Eglise et l'Hôpital de S. Jacquesdoivent
leur naissance à uneConfrairie
que plusieurs personnes pieuses formerent
à Paris sur la fin du xiije. Siécle , et
quieutpourpremier objet les Pélerinages
alors très-fréquens , et que ce fut par
cette raison qu'elle se mit sous la protection
de l'Apôtre S. Jacques. 2° . Que
dans la vûë d'exercer l'hospitalité envers
les passans , et en particulier ceux qui
iroient en pélerinage à S. Jacques enGalice
, ou qui en reviendroient , les Confreres
acheterent vers l'an 1319. quelques
places maisons et héritages sis
tués dans la ruë S. Denys , près la porte
aux Peintres : c'est ce que vous pouvez
voir dans les Lettres de l'Official de
Paris de l'an 1319. données à l'occasion
de cet établissement. 3 °. Que sur
les opositions que lesdits Confreres trouverent
de la part du Chapitre de S. Germain
l'Auxerrois , et du Curé de S. Eustache
, ils prirent le parti de s'adresser
au Pape Jean XXII. par une suplique
Cv dent
2434 MERCURE DE FRANCE
dont tous les termes sont remarquables.
Qu'y demandent- ils en effet ?Deux choses.
La premiére , d'achever la construc
tion de l'Hôpital qu'ils avoient commencé
: la seconde , de fonder dans le même
lieu une Chapelle et des Bénéfices. La suplique
admise , le Pape adressa le 18. de
Juillet 1321. un Brefdelegatoire à Jean,
Evêque de Beauvais , et à Geoffroi Duplessis
, Notaire Apostolique. Pésez les
termes de ce Bref , ou de cette Bulle ,
vous y verrez , que le Pape après avoir
fait le précis de la suplique des Confreres
, ne prononce réellement que sus
la Chapelle qu'ils devoient fonder, et sur
les Bénéficiers qu'ils désiroient doter
pour y celebrer un Office canonial , public
et solemnel. Il loüe, j'en conviens, le
zele des Suplians pour l'exercicede l'hospitalité
, mais l'établissement et la dotation
des quatre Titulaires , que les Con
freres désiroient fonder , fixe presque
toute son attention. Ce Pape veut que
ses Commissaires examinent avec soin
s'il y a des fonds suffisans , non pour
l'entretien de l'Hospice , mais pour celui
des Bénéficiers , et ce n'est qu'à cette
condition , et qu'après ce mûr examen,
que les Commissaires apliquerent pour la
dotation des quatre Titulaires , les 170
و
livo
NOVEMBRE. 1736. 2435
liv. de rente auxquels montoient tous
les fonds qui furent représentés : et cette
somme fut réellement partagée entre les
quatre Titulaires , du consentement des
Confreres Pelerins , et autres. Associés à
cette oeuvre , qui obligerent pour le
payement de ladite somme , leurs propres
biens, au cas que ceux qui avoient
été exhibés ne pussent pas en répondre.
Vous me demanderez quels furentdonc
les fonds de l'Hôpital ? La même Bulle ,
et la fulmination de cette Bulle , vont
vous répondre. Ily est dit que lorsqu'il
fut question d'examiner sur quoi on vouloit
l'établir , les Confreres et leurs Associés
convinrent qu'ils n'avoient aucun
fonds, et qu'ils n'aportoientpour former
cet établissement , que les Oblations et les
Aumônes journalieres des Fideles; et que
ce fut sur l'assurance que ces Confreres
donnerent , que ces Aumônes seroient
suffisantes pour en suporter les charges ,
que les Commissaires consentirent qu'il
fût fait. Comme les Confreres Pelerins
s'étoient rendus garands des fonds assignés
pour les Bénéficiers , ils se réserverent
l'administration de ces fonds, et ob
tinrent de plus à titre de Fondateurs , la
présentation des Bénéfices , sçavoir , de
Trésorerie à l'Evêque , et des Chapel
Cvj, lenies
2436 MERCURE DE FRANCE
lenies au Trésorier. Ce droit de présen
tation qui fut confirmé dans la suite par
une seconde Bulle de Jean XXII . de l'an
1326. et par une autre du Pape Clement
VI. de l'an 1342. montre encore évidem
ment qu'il s'agissoit de vrais Titres , et
de vrais Bénéficiers .
Vous voyez donc ici deux objets distincts
, deux Etablissemens differens en
tre-eux : l'un d'une Eglise où l'on fonde
àperpetuité des Ministres pour y célebrer
l'Office divin ; Ministres Titulaires
obligés à une résidence personnelle
et perpetuelle , chargés d'un Office canonial
, public et solemnel. L'autre , d'un
Hospice pour lequel la Confrairie ne
concede aucun fonds , mais se repose
uniquement sur la charité et la dévotion
des Fideles. Pour le premier Etablisse
ment , les Confreres donnent tous les
fonds qui étoient acquis , les partagent.
entre les quatre Titulaires , dont l'un
étoitTrésorier et en étoit tiré , et enga
gent leurs propres biens et ceux de leurs
heritiers et successeurs pour en assurer à
perpetuité le payement en faveur des
Bénéficiers. Pour le deuxième , ils ne
promettent que ce qu'ils esperent des
Aumônes des Fideles. Les quatreBénéficiers
ont donc été dès l'instant de la
FondaNOVEMBRE.
1736. 2437
Fondation de vrais Titulaires ; la proprieté
des fonds concedés à l'Eglise, ou
acquis de quelque maniere que ce fut ,
n'a apartenu qu'à eux. Il n'est donc pas
vrai qu'ils pussent être regardés comme
de simples Aumôniers , ni comme des
Ecclesiastiques destinés simplement à
donner des conseils : il n'est pas vrai qu'ils
se soient introduits eux- mêmes . Loin d'avoirpris
rang au-dessus de leurs Bienfaiteurs,
comme vous le dites ; ils l'ont toujours
eu , non seulement par leur qualité
de Prêtres , mais aussi par leur titre:
ce ne sont point eux qui ont pris
rang, c'est leur titre qui le leur a donné
dès l'instantde leur entrée : ce qu'il faut
dire aussi des autres Bénéficiers qui ont
été fondés depuis les quatre premiers.
Examinez la Fondation de chacun , vous
trouverez que dans l'intervalle depuis
1343. jusqu'en 1403. on dota et fonda
encore , d'abord deux Chapelains à l'instar
des quatre premiers , chargés comme
ceux- ci de faire et célebrer un Office canonial
; et ensuite dans le même intervalle,
14. autres Chapelains , qui furent
chargés par leur Fondation de dire certain
nombre de Messes par semaine ; obligés,
non de célebrer l'Office du Choeur
mais d'y assister , et de loger dans le
Cloitre;
2438 MERCURE DE FRANCE
Cloître ; que ce nombre fut peu après
réduit à 12. parce qu'on en tira deux
pour les unir aux six premiers ; et les
charger avec eux de la célébration de
l'Office : que tous ces Bénéficiers , tant
ceux qui devoient par eux- mêmes céle
brer l'Office , que ceux qui étoient seulement
obligés d'y assister , n'étoient
pointde simples Aumõniers , de simples
Ecclesiastiques amovibles ; mais de vrais
et réels Titulaires , qui avoient chacun
un revenu propre qui ne pouvoit ni être
aliené ni être engagé ; qui recevoient de
vraies et réelles Provisions selon la forme
requise pour tous les Bénéfices ; que
tel a toûjoursété depuis leur état,excepté
que tous sont depuis plusieurs années
également chargés de célebrer l'Office :
qu'il y eut encore un autre établissement
de neuf Chapelains , mais qui n'avoient
pointde logement dans le Cloître , ni de
séance au Choeur , et qui furent suprimés
en 1482. par un Rescrit duCardinal
Julien , Légat en France : qu'enfin longtemps
avant 1482. et depuis jusqu'aujourd'hui
il y a toûjours eu dans l'Eglise
de S. Jacques , vingt Titulaires , dont
chacun est réellement fondé et doré.
2º. Il est vrai que dans les trois Bulles
dont j'ai parlé plus haut , il n'est fait
mention
NOVEMBRE. 1736. 2439
mention que de Chapelains et de Chas
pellenies mais on voit par plusieurs Acres
autentiques , passés environ 30. ans
après la derniere , que les quatre premiers
Titulaires prenoient déja la qualité
de Chanoines , parce qu'ils en fai
soient l'office et qu'ils en portoient l'habit,
et dans les Titresde la Fondation dur
seetdu Ge Titulaire en 1377. et en 1403 .
on trouve expressément lesTitres de Chanoines
, et les dénominations de Prébendes
et de Chanoinies répetées un grand
nombre de fois. Je conviens que la qua
lité de Chanoines prise par les huit premiers
Titulaires,a donné lieu à plusieurs
instances commencées en differens temps
pardes Confreres Pelerins , sous prétexte
que lesdites Bulles et quelques Actes posterieurs
, ne leur donnent que celle de
Chapelains , et ne noniment leurs Bénéfices
que sous le titre de Chapellenies..
C'est , sans doute , M. ce qui vous a
donné lieude dire de tous les Bénéficiers
de S. Jacques que dans la suite ils s'érigerent
en Chanoines ; mais quoiqu'on ne
voye aucun jugement définitif sur cette
contestation , il n'est pas moins vrai que
ces Titulaires n'ont jamais cessé de prendre
cette qualité de Chanoines dans presque
tous les Arrêts,toutes les Sentences
et
2440 MERCURE DE FRANCE
et transactions et dans tous les autres
Actes qui ont paru jusqu'à présent , com
me il est aisé de vous en assurer pat
l'inspection des Pieces. Ces mêmes Pieces
, dont un grand nombre a été imprimé,
vous aprendront aussi que depuis
la Fondation de l'Eglise , l'administration
des biens n'a jamais été entre les
mains des Bénéficiers , et que c'est sans
aucun fondement que vous avez avancé
qu'ils se sont rendus les maîtres de l'Hôpipital
, pour avoir un plus juste prétexte de
sefaire des Prébendes de son revenu. Comment
l'auroient-pû faire , puisque nonseulement
ils n'ont jamais géré ce
qui pouvoit regarder l'Hôpital ni lui
apartenir , mais même qu'ils n'ont jamais
eû l'administration de leurs pro
pres biens ? Que les Confreres ont toujours
gouverné l'un et l'autre à leur gré ;
et qu'à l'égard des biens de l'Eglise les
Bénéficiers se sont trouvé une infinité
de fois obligés de se récrier contre
la mauvaise administration qu'ils en faisoient,
et d'en porter leurs plaintes. Vous
ne vous êtes pas moins trompé en disant
qu'après s'être rendus les maîtres de
l'Hôpital , ils continuerent , quoique foiblement
la pratique de l'hospitalité. On n'exerce
ni foiblement ni avec zele , ce
qu'on
NOVEMBRE. 1736. 244
qu'on n'a point. Si l'on vous demandoit
l'époque de ce fait , combien aduré cette
pratique de l'Hospitalité exercée par les
Bénéficiers de S. Jacques , quand elle a
commencé et fini , vous seriez assuré
ment bien embarrassé de répondre ;
comment en effet constater des faits
chimériques qui n'ont jamais été ? Vous
êtes même le premier qui avez avancé
celui-ci , et quoique les Bénéficiers de
S. Jacques n'ayent eû que trop d'adversaires
à combattre , vous ne trouverez
point qu'on leur ait jamais reproché de
s'être rendus les maîtres de l'Hôpital ,
d'y avoir foiblement exercé l'hospitalité,
d'avoir voulu se faire des Prébendes du
revenu dudit Hôpital. Depuis leur fondation
jusqu'en 1672. que le feu Roy
unit l'Hôpital de S. Jacques à l'Ordre
de Saint Lazare , les Confreres Pelerins
avoient seuls geré ce qui regardoit
l'Hospitalité , et jamais l'hospitalité n'y
fut exercée par les Bénéficiers qui n'en
ont jamais été chargés. Pendant tout
le temps que cet Arrêt de 1672. eut
son effet , l'hospitalité et l'administra
tion des biens de l'Eglise , furent exercés
par les Membres dudit Ordre de S. Lazare.
Il est vrai que ceux- ci qui étoient
entré dans la gestion d'un bien qui avoit
déja
442 MERCURE DE FRANCE
déja dépéri entre les mains de leurs prédécesseurs
, et qui fut assés mal géré par
eux-mêmes , se virent obligés d'admettre
par une Transaction du 30. d'Août 1686.
le Trésorier , deux Chanoines et deux
Chapelains pour faire , conjointement
avec eux , ladite administration . Mais
les Bénéficiers ne se mêlerent nullement
de l'hospitalité , et si par leurs soins et
leur attention , ils remirent les revenus
de l'Eglise en meilleur état , il est
constant qu'ils n'en profiterent pas pour
cux-mêmes , comme l'extrême modicité'
de leur revenu particulier en a toujours
étéune preuve. Il faut dire la même cho
se depuis que le feu Roy , par l'Edit du
mois de Mars 1693. eut désuni l'Ordre
de S.Lazare d'avec l'Eglise de S. Jacques.
Car après plusieurs contestations , formées
entre les Parties respectives au sujet
de l'administration , Sa Majesté ordonna
par son Arrêt du 3. de Septemdre
1698. qu'elle seroit continuée par
provision par le Trésorier , un Chanoine
et un Chapelain , trois Confreres Pelerins
et trois Créanciers , et que les délibérations
seroient faites à la pluralité des
voix. Ce qui montre évidemment que
les Bénéficiers ne pouvoient nullement
en de telles circonstances , s'aproprier ce
que
NOVEMBRE. 1736. 2445
que vous apellez le revenu de l'Hôpital,
ni pour se faire des Prébendes , dont ils
n'avoient pas besoin , puisque chacun
avoit la sienne , et l'avoit toujours eû
dès l'instant de la Fondation , ni pour
en former de nouvelles qui n'ont jamais
existé , ni pour augmenter le revenu
de celles qu'ils avoient , ce que ni les
Confreres ni les Créanciers n'auroient
point souffert. Les Bénéficiers ne firent
pas même sur cela la moindre tentative;
ils ne travaillerent que pour le bien de
l'Eglise en géneral , sans s'occuper de
leurs interêts particuliers ; et quoique
les revenus fussent augmentés de plus
de vingt mille livres de rente , et les
Charges diminuéesde cinq mille liv. par.
an en 1720. le revenu de chaque Prébende
n'en a pas été plus considerable.
Cependant , comme si le contraire de
ce que je viens de dire , et qui est fondé
sur les Actes les plus autentiques qu'il
ne tiendra qu'à vous d'examiner , étoit
certain , vous ajoûtez que cela , c'està-
dire , tout ce que vous imputez gra.
tuitement aux Bénéficiers de l'Eglise de
S.Jacques,a duré jusqu'à ces derniers temps,
que ces Chanoines , dites- vous
faits unir à l'Ordre de S. Lazare. Mais
c'est encore ici une nouvelle erreur de
د
se sont
votre
1
2444 MERCURE DE FRANCE
votre part. Jamais les Chanoines de saint
Jacques ne se sont fait unir à l'Ordre de
S. Lazaře La premiere union en 1672 .
fut faite du propre mouvement du Roy,
et fut défaite de- même. La seconde
faite au mois d'Avril 1722. par un Edit
du Roy , à présent regnant , fut si peu
demandée par les Chanoines , qu'elle
étoit directement contraite à leurs vûës
et à leurs démarches , que depuis longtemps
ils travailloient à se faire donner
un Reglement fixe et durable ; que des
le premier de Septembre 1721 le Parlement
, en renvoyant les Parties à l'Audience
pour leur être fait droit sur les
Requêtes, avoit ordonné que tout ce qui
concernoit le Spirituel dans ces Requêtes,
seroit jugé par l'Archevêque de Paris:
qu'en conséquence feu M. le Cardinal
de Noailles avoit fait dans l'Eglise de
S. Jacques une visite qu'ils avoient souhaitée
et demandée , et de laquelle ils
avoient tout lieu d'attendre un arrangement
convenable ; qu'enfin ce Prélatétoit
prêt de terminer cette visite , ce
qu'ils attendent de son Successeur , qui
est dans la disposition de la clôre , lors
que l'Edit de 1722. vint déranger tous
leurs projets et dissiper leurs esperances .
Lisez d'ailleurs cet Edit et vous verrez
NOVEMBRE. 1736. 2443
ši les Chanoines ont pû demander cette
union , et s'ils avoient lieu de fonder
sur elle des esperances bien avantageuses,
Vous ajoûtezvous- même qu'ils n'enfurent
pas contens,etvous avez raison; mais c'est
à tort que vous dites en finissant qu'ils
veulent aujourd'hui la rompre et que cela
fait présentement la matiere d'un procès.
Sa Majesté a révoqué d'elle- même cette
union par l'Arrêt rendu en son Conseil
le 26. de Septembre 1733. et depuis ce
temps-là il n'y a eû aucun procès sur ce
sujet.
Voilà , M. comme vous voyez ,un ré
cit bien different du vôtre ; mais le mien
est fondé sur les Actes les plus certains,
sur les Pieces les plus autentiques , que
vous examinerez quand il vous plaira.
Si les Benedictins , Auteurs de l'Histoire
de la Villede Paris en s . volumes infolio,
et leur Abréviateur , qui a donné depuis
peu cette Histoire en s. volumes in 12.
se fussent donnés la peine de les examiner
, ils eussent eux-mêmes parlé plus
exactement sur le sujet , qui fait la matiere
de cette Lettre , et leur récit eût
pû vous guider. Mais il ne paroît pas
même que vous ayez profité de ce qu'ils
ont dit , puisque vous êtes encore beaucoup
moins exact qu'eux . Ce que je dis ,
:
ς
h
2446 MERCURE DE FRANCE
au reste , de ces deux Ouvrages , n'est
pas pour en diminuer le mérite. L'Abregé,
sur tout , me paroît mieux Fait ,
et en géneral plus exact que la grande
Histoire , et augmenté même de Faits
importans qui ne se trouvent point dans
celle-ci . Mais pour revenir à l'Eglise de
S. Jacques de l'Hôpital , ceux qui ont travaillé
à cet Abregé se sont trompés dans
plusieurs dates et dans un assés grand
nombre de Faits qui méritoient plus d'exactitude
et qu'il leur auroit été facilede
rendre plus exacts , outre qu'ils parlent
deux fois d'un Ordre de S. Jacques , qui
est imaginaire , peut- être n'est-ce qu'une
fauted'impression.
J'ai l'honneur d'être , Monsieur , &c.
A Paris ce premier Octobre 1736.
*****
ODE.
Depuis le temps que je t'offense ,
Grand Dieu , par mon iniquité ,
Pourquoi suspens tu ta vengeance,
Aux dépens de ton équité.
Frape , et des éclars de ta foudre
Réduis ce miserable en poudre,
Mais
NOVEMBRE. 1736. 2447
Mais qui peut de tes traits vengeurs ,
Arrêter l'effet redoutable ,
T'attendris- tu pour un coupable
Qui connoît enfin ses erreurse
Méprisant de ma conscience
Les salutaires mouvemens ,
J'ai fatigué ta patience
Par mes affreux égaremens.
Mon coeur endurci par le crime,
T'apelle aujourd'hui de l'abîme
Où je me suis précipité ,
Hélas , je sçai que ta Justice
N'envisage que mon suplice ,
Mais n'écoute que ta bonté.
Le Berger quitte la Prairie
Et la conduite du Troupeau ,
Pour s'oposer à la furie
Du Loup qui ravit unAgneau.
Je suis la Brebis égarée ,
Sur le point d'être dévorée ;
Si tu ne vole à mon secours ;
Hâte-toi donc , Dieu de clémence;
Je brûle dans l'impatience
Debriser mes fers pour toujours,
Sans
$448 MERCURE DE FRANCE
Sans blesser ta délicatesse ,
Puis-je lever les yeux vers toi a
Malgré mes crimes ta tendresse
Te parle- t'elle encor pour moi ?
Mon coeur charmé de l'aparence ,
Ne doute plus que ta clémence
Ne fasse céder ta rigueur ;
Grand Dieu , si ta main vengeresse
S'aprête à punir ma foiblesse ,
Mon espoir est dans ta douceur,
*
Que vois-je , quelle est cette nue
Qui s'évanoüit à mes yeux ?
Aprésent , augré de ma vûë ,
Je puis parcourir tous les Cieux.
Quel bonheur , pour moi , quelle gloire
Sur le Démon j'ai la victoire ,
Je vois les Anges tour à tour
Pousser mille cris d'allegresse ,
Etdans de transports de tendresse ,
Se réjouir de mon retour.
*
Fuis loin de moi , plaisir profane ,
Cause de mon plus vif remord ,
Lorsque l'Eternel te condamne ,
Pourai-je te chérir encor ?
Dans mon coeur je sens que la Grace
TE
NOVEMBRE. 1736. 2449
Te dispute aujourd'hui la place ,
Cede, et laisse mon ame en paix.
Source en iniquités féconde ,
Poison chéri de tout le monde ,
Tu n'auras plus pour moi d'attraits,
*
O Dieu tout puissant , tendre Pere ,
Espoir unique des pécheurs ,
Puisque tu suspens ta colere ,
Laisse-toi fléchir par mespleurs.
Pour te servir , Dieu de clémence,
Avec plus de persévérance ,
Mon coeur va tout abandonner.
Pécheurs , redoutez sa colere ;
Mais revenez , ce Dieu sévére
Esttoujours prêt àpardonner.
Par M. J. T. de Marseille.
PLAINTE de la Ville de Moulins,
Lieude la Naissance de M.le Maréchal
Duc de Villars.
C
Ette Plainte fait le sujet d'une Let
tre que M. Amonnin des Granges ,
Avocat en Parlement et premier Echevin
deMoulins, nous a fait l'honneur de
D nous
2450 MERCURE DE FRANCE
د
nous écrire au nom de la Ville, pour réfus
ter publiquement une erreur qu'il a remarquéedans
un Livre nouveau,intitulé:
Memoires de M. le Maréchal de Villars .
L'Auteur de ces Memoires a écrit dans
le I I Ie Tome que le Maréchal de Villars
étoit né et mort à Turin ; erreur dit
M. Amonnin , qui interesse trop la Ville
de Moulins pour ne pas la relever. Il ne
pouvoit guéres le faire plus solidement
qu'en nous envoyant , comme il a fait,
avec sa Lettre , l'Extrait Baptistaire de
ce grand Homme , bien et dûëment légalisé
et dans toutes les formes , par lequel
il paroît qu'il a été baptisé à Mou
lins le 21. May 1653. ayant eû pour
Parrain le Comte de S. Géran , Sénéchal
Let Gouverneur du Bourbonnois , &c.
et pour Maraine Mademoiselle de Ventadour,
fille du Duc de Ventadour, qui le
nommerent Claude- Louis- Hector. L'Acte
porte que l'Enfant , lors du Baptême ,
avoit atteint l'âge de trois semaines.
Le Lieu de la Naissance d'un Héros ,
ajoûte M. le premier Echevin , dans sa
Lettre , n'étoit pas une circonstance assés
peu considérable dans son Histoire
pour qu'elle dût paroître indifférente à
l'Auteurdes Mémoires, qui portent son
nom. Si sept Villes , continue-t'il , se disputerent
NOVEMBRE. 1736. 245
puterent autrefois l'avantage d'avoir
donné la naissance à Homere , la Ville
de Moulins ne doit pas , sans se plaindre
, se laisser enlever l'honneur d'avoir
été l'Orient * de ce bel Astre, &c.
M. Amonnin nous a aussi envoyé des
Vers de sa façon , adressés à l'Auteur des
Memoires de M.le Maréchal de Villars ,
sur ce qu'il a écrit par erreur du Lieu
de sa mort et de sa naissance. Nos bornes
, qui ne nous permettent pas d'im.
primer ici tour du long l'Extrait Baptistaire
et les Actes qui en dépendent ,
nous permettent seulement de finir par
les quatre derniers Vers de la Piece de
Poësie dont nous venons de parler.
C'est Moulins qui fut son Berceau ;
Moulins ne porte point envie
A Turin qui fut son Tombeau ;
Son destin lui paroît plus beau
D'avoir ouvert le cours d'une si belle vie.
* Expression de M. l'Abbé Seguy dans l'Orai
son Funebre de M. de Villars.
Dij EX.
2452 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de Jean de
Montreuil , contenant une Description
de l'Abbaye de Chaalis , Ordre de Ci
teaux , adressée à M. * * *.
V
Ous m'avez parû , Monsieur , esa
timer la Description Latine que
Jean de Montreüil , Sécretaire du Roy
Charles V I. et Prévôt de l'Isle , a faite
de l'Abbaye de Chaalis , proche Senlis ,
dans la quarantiéme de ses Lettres Choisies
, (a) à l'occasion d'un voyage qu'il
y fit. J'ai entrevû que vous ne seriez
pas fâché que les Dames qui visitent
quelquefois cette célebre Maison , connussent
l'état où elle étoit il y a trois
cent cinquante ans , en même temps que
les Sçavans jugeront du génie singulier
et du stile de l'Auteur. Cet Ecrivain
passa pour un des beaux Esprits de son
temps. Il étoit grand ami de Nicolas de
Clamenges , fameux Docteur de Paris .
( a) Ampliss. Collect. Edmundi Martenne ,
T. 2. pag. 1388. Ce Religieux dit à la page 1311 .
qu'il a tiré ces Lettres d'un Manuscrit de la Reine
de Suede , et d'un autre de M. Chauvelin , Président
, &c.
La
:
NOVEMBRE. 1736. 2453
La Description dont je vais faire un
Extrait , est adressée à un Evêque de
ses amis.
Vous êtes plus en état que moi de
juger si ce ne seroit point Michel de Crea
nay , Evêque d'Auxerre , que je vous ai
oüi dire avoir été un homme de Lettres
sous le Regne de Charles VI. dont il
avoit été Confesseur. Il est sûr que c'é
toit à un Evêque plus jeune que lui .
J'aurois traduit en entier les cinq pages
in -folio qui la contiennent, si je n'a
vois apréhendé d'être trop long. On ne
se lasse point de préconiser les endroits
que l'on a vûs, et où l'on a été bien reçû.
Si Jean de Montreüil a été dans ce cas
vers l'an 1300. Je puis dire que tout
jeune que je suis, et bien inférieur en
tout à ce grand Personnage , j'ai eû le
même avantage cette présente année.
C'est pour en marquer ma reconnoissance
à M. le Prieur et à M. votre Parent
, que je n'oublierai aucune des circonstances
notables de cette ancienne
Description ; et pour rendre le Lecteur
plus attentif au stile de l'Auteur , bien
different de celui de nos jours , je me
servirai , autant que faire se poura , de
ses propres termes.
L'Abbaye de Chaalis , dit-il , est une
Diij espece
7454 MERCURE DE FRANCE
espece de Paradis Terrestre , habité par
des Saints. Elle est entourée de Fontaines
, de Ruisseaux et de petits Torrens ,
dont l'eau , qui est très claire, coule avec
un doux murmure pour subvenir aux
besoins de la Maison. On y voit dix
grandsEtangs d'un très- bon revenu, remplis
d'un nombre infini de Poissons d'un
goût si exquis,que je ne crois pas en avoir
jamais mangé de pareils. Que dirai- je-,
ajoûte- t'il, de ces belles Forêts qui nourrissent
une si grande quantité de Sangliers
, de Cerfs , de Lievres et de Lapins,
qui sortent en foule de leurs terriers
et semblent par leurs bondissemens et
par leurs sauts , vouloir s'élancer dans
les mains de ceux qui se promenent le
soir , ou les poursuivre après qu'ils sont
passés. Après avoir parle des fossés et
des murs de l'Abbaye , il vient à la description
de l'Eglise , sans obmettre même
le Portique par où l'on passe avant.
que d'y arriver , auquel dans une espece
d'enthousiasme il aplique ces beaux.
Vers d'Ovide.
Regia solis erat sublimibus , &c.
De ce Portique , dit- il , on entre dans
l'Eglise , laquelle paroît avoir environ
300 pieds de longueur , avec une hauteur
NOVEMBRE. 1736. 2455
reur et une largeur proportionnée. Elle
est soutenuë de très-belles colomnes , et
si bien parée et éclairée , qu'elle efface
toutes celles que je me souviens d'avoir
vů. Ce qui en releve encore le beauté ,
c'est qu'elle est environnée de 25. Chapelles
où l'on célebre tous les jours beaucoup
de Messes avec une grande dévo
tion. Notre Auteur n'oublie pas de parler
de ces beaux Apartemens qu'il apelle
Hôtelleries qua Hostellaria dicuntur, où
Pon reçoit encore à présent les Etrangers.
Il donne une grande idée de la
Maison de l'Abbé , en disant que , s'il en
faisoit la description on s'imagineroit
voir le Palais de quelque Prince du Sang
Royal. Il louë ensuite une Statuë réprésentant
la sainte Vierge , placée contre
la Chapelle Abbatiale , et il ne fait pas
difficulté de la comparer aux plus beaux
Ouvrages d'Apelles , de Lysippe et de
Praxiteles . Il parle après cela d'une Vigne
voisine , dont le vin , selon lui , étoit
aussi bon que celui deBeaune et de S.Gengou
. Notre Historien s'égaye quelquefois
en raportantdes passages des Auteurs anciens.
Je vous en ai déja fait voir un trait
dans un passage d'Ovide , en voici encore
ン
quelques- uns. Je ne vous entretiendrai
pas, dit-il , de ceux qui ont soin des
Diiij Tray
2456 MERCURE DE FRANCE
Troupeaux à qui un grand Poëte donne
ces avantages :
Dulces sub arbore somnes , &c.
On croit être avec notre Historien sur
quelque endroit élevé et apercevoir avec
lui les belles vûës du Monastere , lorsqu'il
en fait la description en ces termes :
On voit au loin , dit-il , des Collines ,
des Vallées , des Prés , des Fleuves , des
Montagnes, non pas de celles dont parle
Bocace , dont la hauteur effraye ; mais
de ces Montagnes médiocres , dont la
pente douce et facile , est bien exposée
au Soleil , dont la vûë égaye l'esprit et
les yeux et dont l'air est aussi pur qu'agréable.
Non , je ne crois pas , ajoûte t'il,
qu'il y ait sous notre Hémisphere un
lieu aussi propre à l'étude et à la refféxion
, ensorte qu'on pouroit croire que
les Muses ont fixé leur demeure dans
un Endroit que j'ai remarqué, et qu'elles
y ont plusieurs fois tenu leurs divines
Assemblées ; sous la conduite de celui
qui dit : Aonias deduxi vertice Musas.
Vous voyez, M. que notre Ecrivain aime
les Passages des Anciens. En voici encore
deux qu'il aplique à des Réservoirs bien
garnis de Poissons. Il tire le premier du
Pseaume 143. Promptuaria corum plena
cruciantia
NOVEMBRE. 1736. 2457
eructantia ex hoc in illud . Et l'autre deVirgile
:
Superabunt horrea messes.
En parlant du travail des Religieux,
Il leur donne ces avantages ,
Sunt nobis mitia poma;
Castanea molles , et pressi copia lactis.
Les Prunes de Chaalis , continuë no
tre Auteur , sont égales à celles de Damas
; puis il ajoûte : Si je ne disois la
même chose du pain , du boeuf , du mouton
, des pois , des féves , des choux , et
des autres légumes de Chaalis , on auroit
raison de m'accuser de taire la verité . Le
Jardinier de cette Abbaye ayant conduit
à son ordinaire à Paris dans des voitures,
de l'ail , des oignons , des poreaux , des
choux et autres légumes pareilles , nous
a assuréen avoir vendu en un seul voya
ge dans une seule Place , en une heure
pour 12. écus d'or. Ce Jardinier a toutes
sortes de mets exquis : ensorte que je
pourois le comparer à ce Vieillard de
Virgile , qui , ( Voici encore un passage )
Regum aquabat opes animis , seraque reversus
Nocte domum , dapibus mensas onerabat inempa
tis. (a)
(a ) L'Editeur donne à ce Vieillard le nom de
Dy. 11
2458 MERCURE DE FRANCE
Il est agréable , continuë- til , d'eng
tendre raconter aux Vieillards combien
de sortes de Moulins à Eau possedoit
l'Abbaye ; et surtout comment un Moulin
à Bled , par certains ressorts , jettoir
toutà la fois trois sortes de farines toutes
differentes. Il'y avoit un Moulin pour
fouler les Draps , un autre pour faire
differentes Boissons lorsqu'il n'y avoit
point de Vin et que l'année avoit été
mauvaise ; un pour faire de la Moutarde,
un pour le Tan , un pour faire de
PHuile , et un autre pour fendre du Bois
propre àbâtir.. Ces mêmes Religieux ,
ajoûte- t- il , sont aussi curieux d'élever
des Abeilles , que Virgile a été attentif à
prescriredes Regles pout leur gouverne
ment ; se conformant aussi au conseil du
même Poëte, qui ne veut pas qu'on mépri
se les chiens parce qu'ils sont utiles, ils en
ontde très-beaux pour la chasse, et c'est
un plaisir pour ceux qui aiment cet exercice,
de les voir courir après le gibier , et
d'entendre le concert que forme la confusion
de leurs abboyemens. Pour moi ,
continuë-t'il toûjours , j'ai trouvé en ce
Lieu un homme selon mon coeur et qui
sans avoir aucun grade, étoit très versé
Corinthius ; c'est unefaute, car dans Virgile Geor..
IV. v. 127. ilya Corycium vidisse senema
danss
NOVEMBRE. 1736. 2459
dans toutes sortes de Sciences. C'étoit un
homme doux et complaisant ; ensorte
que, si l'on mettoit à la place de la jeu
nesse de Pamphile la gravité de ce venerable
Religieux ( ce sont ses termes )
il seroit celui dont parle Terence :
Sic vita erat facile omnes perferre ac pati
Cum quibus erat , cumque una his se dedere ,
Eorum obsequi studiis adversus nemini.
Vous voyez en passantque notreAuteur
avoit aussi lû les Comiques. Parlant de la
Bibliotheque, il dit qu'en entrant il croïoit
voir les Docteurs de l'Eglise accompagnés
de leurs Ouvrages , inviter à la lecture
ceux qui entroient , et les obliger à
l'étude bon gré malgré qu'ils en eussent;
semblables , dit-il , à ces Marchandes du
Palais ou des Charniers des Innocens ,
qui prennent les Passans par les habits
et par les bras , pour les forcer à entrer
dans leurs Boutiques et à voir leurs marchandises.
(a) A' ce sujet et'sur la diversité
des Livres , il cite , pour faire l'éloge
(a)Cette idée est originale. Au reste , on peut
par laremarquer que l'installation des Marchands
au Palais et sous les Charniers des Innocens n'est
pas nouvelle. Il donne à ce dernier endroit le
nomde Campelli , qui étoit l'ancien nom de
tout le Quartier.
D-vj do
2460 MERCURE DE FRANCE
de la Bibliotheque de Chaalis , un endroit
du Phormion de Terence qu'il corrompt
un peu , mais dans lequel on entrevoit
qu'il en veut à celui- ci :
Cana dubia apponitur
Ubi tu dubites quid sumas potissimum.
Lorsqu'il vient auxOrnemens sacerdo
taux , il ne peut s'empêcher de s'exprimer
poëtiquement après Virgile :
Tyrio splendebat murice lana
Aurea purpuream subnectit fibula vestem.
Il y a , dit il encore , à Chaalis un Lieu
qu'on apelle le Trésor , non pas comme
celui dont parle Virgile :
Ignotum argenti pondus et auri.
Mais il renferme des Ornemens précieux
et des Vases sacrés dontje ne suis
pas capable de décrire le travail et la
beauté , puisque Carneade et Pindare
lui-même , ces génies sublimes , pouroient
à peine y suffire. Pour achever
l'éloge des Religieux ( c'est toûjours Jean
de Montreüil qui parle ) je dirai qu'ils
chantent les Loiianges de Dieu à haute
voix et avec les intervalles convenables
tous les jours à sept differentes reprises .
Vous ne devineriez peut être pas , Mr.
pourquoi
NOVEMBRE. 1736. 2461
pourquoi ce nombre de sept ? un endroit
de Virgile cité ici parJeande Montreüil
vous en instruira ; voici la raison
qu'il en donne avec son Poëte favori :
Numero Deus impare gaudet.
Il est beau , poursuit- il , et édifiantde
voir les Religieux de ce Monastere entrer
au Chapitre deux à deux comme des cos
lombes ; et là tous à genoux , le corps
prosterné , et le visage contre terre confesser
leurs fautes les uns aux autres ; et
ensuite les yeux baissés et dans un silence
profond , s'aprocher de l'Autel avec une
dévotion, telle que l'éloquence deCiceron
même ne pouroit assés dignement la
représenter.
د
Un beau passage tiré de S. Jerôme , et
que Jean de Montreüil aplique aux Religieux
dont il fait l'éloge , achevera de
vous en donner une grande idée. In
Christi villa tuta rusticitas , extra Psalmos
silentium est quocumque te verteris arator
stivam retinens Alleluia decantat , sudans
messor Psalmis se avocat , et curvam attondens
vitem falce vinitor aliquod Davidicum
canit : hæc sunt in hâc Provinciâ carmina
ut vulgo dicuntur amatorie cantationes .
J'oubliois , continue notre Auteur , de
parler d'une grande Salle très-ancienne ,
d'un
2462 MERCURE DE FRANCE
d'une hauteur prodigieuse , et qui n'est
habitée que par des hiboux et par de
semblables oiseaux nocturnes , quiservent
de compagnie à un pauvre Vieillard
séculier plus qu'octogenaire , qui méprisant
une bonne chambre , où il y a une
chéminée , et où il pouroit habiter à son
aise , ne veut cependant pas sortir de
cette Salle, toute incommode qu'elle est,
et même pendant l'hyver , lorsque la
neige , comme dit Virgile :
Septem assurgit in ulnas ,
Æraque dissiliunt vulgo vestesque rigescunt
Induta......
qui n'ayant pour habit qu'une méchante
tunique de laine , ne l'ôte jamais de dessus
son corps ; et qui après être révenu
de l'Eglise , où il ne manque pas d'aller
prier tous les jours vitdu travail de se
mains, suivant le conseil de l'Apôtre .
ses
Pour derniere piéce de bâtiment , il
parle du Réfectoire long de 74. pas,qu'il
croit mériter plûtôt le nom de irrefrigerium
permaximum que celui de Refectorium.
Les mets , dit-il , que l'on porte au Réfectoire,
ont beau être tout brûlans quand'
ils sortent de la cuisine , on peut les
manger aussi- tôt qu'ils sont posés sur la
able..On pouroit douter , ajoûte encorei
notrer
NOVEMBRE. 1736. 2463
notre Auteur , si c'est pour la nourriture
des oiseaux ou pour celle des Moines, que
le Roy de France a fondé des revenus :
car à l'heure du dîner , le Réfectoire est
rempli d'une infinité d'oiseaux qui man
gent familierement avec les Religieux.
Il y a entr'autres un Roitelet ( oiseau si
petit , que si on lui ôtoit ses plumes , il
ne seroit pas plus gros que le petit doigt).
qui accompagne toûjours les Moines
dans le Cloître. J'étois ravi de le voir
voltiger autour de nous , aller du Cloî
tre à l'Eglise et voler tout autour comme
pour faire la quête , et se reposer en.
suite sur la plus haute Stale du Choeur.
Là , par le battement de ses aîles , et par
son petit ramage , il paroissoit voulois
entonner le chant; semblable à ce Berger
qui disoit à un autre Berger :
Números memini , si verba tenerem.
Permettez - moi de ne pas achever ce
qu'il dit sur les mouvemens de ce Roitelet
dans l'Eglise de Chaalis , de crainte
dedonner une idée trop desavantageuse
ou des Religieux de ce temps - là , ou de
P'Historien. Les Curieux peuvent se contenter
à la colonne 1396. de l'Imprimé.
Ils y verront en même temps une description
de la Musique des oiseaux de la
vaste. Forest de.Chaalis.. Je
2464 MERCURE DE FRANCE
Je ne puis passer sous silence , ajoûte
encore Jean de Montreüil , un Vieillard
(a) non magna corpulentia , et qui est
prêtd'entrer dans sa 80. année: il a déja
60. ans de Profession ; il est très-droit
de corps , et très-vif. C'est un homme
doux , complaisant , aimé de tout le
monde , et tel , qu'on diroit qu'il veut
démentir celui qui a écrit que la vieillesse
n'étoit que dégoût et ennui , er
Ciceron même , qui a dit : At sunt morosi
senes , et anxii , et iracundi , et diffici
les , et avari ; car si quelqu'un le mettoit
sur cette matiere , voici ce qu'avoit coûtume
de répondre notre sage Vieillard :
Vitia sunt hac morum , dit le même Ciceron
, non senectutis. Ce qui augmente le
mérite de ce parfait Religieux , c'est que
quoiqu'il soit dispensé de la Regle , if
P'observe cependant à la lettre ; il dit la
Messe , il vient au Choeur tous les jours,
il chante il entonne quelquefois les
Antiennes et les Pseaumes , et il ne se
distingue des autres que par une plus
grande régularité, sans rien accorder à
son âge , et sans prétexter sa vieillesse .
,
J'ai l'honneur de connoître dans la
même Abbaye un Vieillard même plus
âgé , tout semblable à celui que Jean de
(a ) P. 1390
MonNOVEMBRE.
1736. 2468
Montreüil vient de dépeindre , et qui
peut être apellé la copie parfaite de l'original
que je viens de vous exposer.
Jene finirai pas cet Extrait sans vous
faire remarquer avec notre Historien que
le Roy Charles V. dit le Sage , venoit
souvent dans cette Maison ; qu'on y volt
dans le mur à côté de l'Autel les Tombeaux
de neuf Evêques , dont l'un a été
Archevêque d'Apamée , et deux ont été
Chanceliers de France ; que S. Guillau
me Archevêque de Bourges avoit été tiré
de cette Maison , et qu'il est sorti de la
plume d'un Religieux un Livre intitulé,
Des trois Pelerinages , qui est , dit- il , entre
les mains de tout le monde. Le fait
de l'Archevêque d'Apamée mérite d'être
éxaminé ; car étant dans le Lieu , je n'al
point entendu parler de sa sépulture ,
mais seulement de celle de huit ou neuf
Evêques de Senlis .
Je me suis pressé,M.de rendre Françoi
se cette Description de Chaalis,avec d'autant
plus de raison , que je viens d'aprendre
qu'on commence actuellement
à abbattre tous les Edifices de cette magnifique
Abbaye pour les refaire à neuf,
n'en réservant que l'Eglise seulement. Je
vous exhorte de les aller voir pour la
derniere fois , et de vous hâter. Ce sera
ид
2466 MERCURE DE FRANCE
un régal pour les Curieux et pour les
Amateurs de l'Antiquité , si on prend
le soin de copier les plus anciennes et
les plus courtes Epitaphes du Cloître ,
etde dessiner le grand Réfectoire , le
Dortoir , la Chapelle de l'Infirmerie , le
Cloître , le Chapitre , qui sont les principales
Pieces , de la beauté et délicatesse
desquelles je puis assurer par avance
que tout ce qu'on bâtira à la moderne ,
n'aprochera pas , ainsi que je l'ai oüi dire
de bons Connoisseurs.Je suis ,& c . N.A.
AParis , ce 1. Septembre 1736.
د
*****
LE HIBOU ET LA FAUVETTE .
U
FABLE.
N vieil Hibou , mari d'une Fauvette ,
La desoloit par ses soins rebutans ;
Ses lugubres discours fatiguoient la pauvrette,
Elle aimoit les douceurs des plus tendres Amans;
Comme un Argus jour et nuit auprès d'elle ,
U épioit ses moindres mouvemens ,
Et pour autoriser cette guerre cruelle ,
Toûjours il alléguoit les plus sots complimens.
L'Oiseau craintif; fatigué d'ainsi vivre ,
Eût
NOVEMBRE. 1736. 2467
Eût voulu seul se percher dans un Bois ;
Mais serviteur , il vouloit toujours suivre,
Et par tout promener son affligeantminois ;
Aprehendant toûjours pour l'honneur de sa tête
Deplausibles raisons coloroit ses desseins ,
Tantôt il redoutoit une maligne bête ;
N'allez - pas , disoit- il , affronter les destins
Trop de leçon aigrissoit la Fauvette ;
( Car la jeunesse hait tant de raisonnemens)
Ja connoissant Cipris elle aimoit la Acurette ,
Joyeux propos et tendres sentimens ;
Le triste Oiseau réduit sous la tutelle ,
Ne mangeant point, maigrissoit chaque jour.
Les assauts redoublés que souffroit cette Belle
En affligeant son coeur irritoient son amour..
1
Cen'étoit plus cette aimable Fauvette ,
Dont les charmans accords formés par la dous
ceur ,
Faisoient oublier sur l'herbette ,
D'une ingrate beauté la constante rigueur.
Dans ce sombre réduit nourissant sa tristesse,
Cet Oiseau malheureux mouroit à tout instant.
Quand un Dieu protecteur de l'aimable jeunesse,
A ses yeux presque éteints fit briller un Amant.
(L'oeil le plus obscurci par l'excès de ses
larmes ,
Sçait emprunter l'éclat d'un Astre si puissant )
La Fauvette aussi tôt oubliant ses allarmes ,
Pria
2468 MERCURE DE FRANCE
Pria le Dieu d'Amour de le rendre constant.
Un Rossignol fait au doux badinage
Chés le Hibou se trouva d'un repas ,
En gazoüillant il se mit sur la cage
Qui renfermoit l'Oiseau plein des plus doux
apas.
Ja déplorant le sort de la triste Fauvette ,
Il ordonne à ses yeux de lui parler d'amour.
Car il n'osoit jazer sornette ,
Sous les yeux du cruel Vautour.
Entendant de l'amour l'énergique langage ,
La Fauvette écoutoit , feignant de le chasser ;
Soyez , disoit- elle , très sage ,
Il faut être prudent afin d'en imposer.
Le Rossignol brûlant d'amour extrême,
Pour cacher ses ardeurs ,
Joüoit le stratagême
Qu'Amour aprend aux jeunes coeurs.
Le convive prudent pétri de politesse ,
Se prétoit aux humeurs du Hibou vigilant;
Toûjours le comblant de caresse ,
Pour pallier le nom d'Amant.
La follette à son tour instruite à la malice ,
Pour tromper son argus inventoit des raisons
Mais l'implacable Oiseau démêloit l'artifice.
Pour un mari jaloux tout est pures chansons ,
Ainsi tous deux cédoient à d'injustes caprices.
Quandarriva le temps de leur félicité ,
Tout
NOVEMBRE. 1736. 2469
Tout étoit épuisé , tours , feintes , artifices ;
Un heureux contre-temps les mit en liberté.
Un Moineau pourchassé volant avec vitesse ;
Pour prolonger ses jours se sauva dans un trou.
Un esprit allarmé craint toûjours la finesse ;
Ce gîte étoit bien près de celui du Hibou.
Le vieil Oiseau prompt aux allarmes ,
Entend crier sur son réduit.
Aussi-tôt aiguisant ses dévorantes armes ,
Ecoute , ouvre les yeux , bat de l'aîle , et pour
suit ;
Le beau couple d'Amans charmé de sa retraite ,
S'enyvra des transports si violens , si doux ;
Que l'ardent Rossignol possedant la Fauvette ,
Fit payer à l'Amour les rigueurs du jaloux.
Atravers les soupçons , les fureurs , le caprice,
Un Amant aux abois , se fait un heureux jour ;
Le forfait médité sous le nom de justice ,
Punissant le jaloux , satisfait mieux l'Amour.
Cette Fable doit vous aprendre ,
Peres cruels , Maris jaloux ,
Que l'Amour sçait tout entreprendre ;
Qu'il force grilles et verroux.
Il est unart divin pour former la jeunesse,
Dont un Pere , un Mari ne peuvent s'écarter ,
Toûjours les contre-temps irritent la sagesse.
Sans brusquer un penchant, il faut le surmonter;
Trop de Leçon attriste le bel âge ;
Les
$470 MERCURE DE FRANCE
Les jeux, les ris sontpour de jeunes coeurs,
Sans vouloir se prêter au criminel usage ,
Il faut obéir aux erreurs .
Il est des loix pour l'aimable prudence ,
On triomphe de tout par les ménagemens ;
Un sourire,un coup d'oeil,marquent la déference
Un avis déplacé blesse les sentimens.
J. B. C. C. de Figniers.
LETTRE de M. l'Abbé M..... à
M. Abbé .... Docteur de Sorbonne
au sujet d'une Instruction Pastorale de
M. l'Evêque de Marseille du 29 Juin
17.36.
L
E digne Prélat, Monsieur, qui secou
rut autrefois tantde personnes,et sauvatantd'ames
àJ.C. au milieu du feu dévorant
de la peste , dont on éprouvoit les
cruels ravages dans la Ville de Marseille ,
vient de nous donner une nouvelle preuve
de son zele & du soin qu'il prend du
Troupeau que Dieu lui a confié.
Il craint aujourd'hui plus que la peste
pour ce cher Troupeau l'hérésie semée
dans deux Ecrits imprimés àGenève; elle
fait
NOVEMBRE. 1736. 2478
fait le sujet de ses inquiétudes et de ses
allarmes.
L'un de ces Ecrits est sous le titre de
Sermon sur le Jubilé de la Réformation établie
il y a deux cens ans dans l'Eglise de
Genève , prononcé àGenève le 21. Août
1735. jour solemnel d'Actions de graces ,
par Jean-Alphonse Turretin , Pasteur et
Professeur en Théologie et en Histoire Ecclésiastique
. L'autre de Sermon sur le Jubile
de la Réformation de la République de Genève
, prononcé à S. Pierre le Dimanche 21 .
Août 1735. par Antoine - Maurice , Pas
teur& Professeur en Théologie à Genève,
c.
L'esprit d'orgueil etde révolte , le libertinage
de créance , l'irréligion et
l'impieté où elle conduit , qui se font
sentir dans ces deux Ecrits , font crain
dre avec raison à M. l'Evêque de Marseille
que les nouveaux convertis de son
Diocèse ne se laissent séduire par des
Ecrits si dangereux , et que l'hérésie ne
reprenne racine dans leurs coeurs . Pour
prévenir de si grands maux, il leur adresse
une Instruction Pastorale , où tout se
ressent de sa vigilance pour la conservation
de ses oüailles , et de son zéle pour
la conversion de ceux qui sont assis dans
les ténebres et lesombres de la mort.
Les
2472 MERCURE DE FRANCE
Les principaux traits qui caracterisent
les hérésies de Luther et de Calvin , sont ,
comme vous le sçavez , Monsieur , la
fausseté dans les principes et dans les maximes
, la noirceur des impostures et des
calomnies qui les deshonorent , et la force
des aveux qui les renversent; trois caracteresqui
dominent dans les deux Ecrits
en question , et que M. l'Evêque de Marseille
traite sçavamment dans son Instruction
Pastorale , qu'il divise pour cet effet
en trois parties.
Dans la premiere il sape les fondemens
de l'erreur , et détruit sans ressource les
faux principes sur lesquels elle s'apuye .
Je me bornerai à vous en raporter les
principaux endroits. M. de Belsunce com
mence par faire voir aux Hérétiques que
ledroit de commander aux consciences n'est
point une Tyrannie , puisque l'Eglise peut
faire des Loix qui obligent en conscience ;
ce qu'il prouve par l'Ecriture , qui abonde
en passages sur cette matiere. Il leur
montre ensuite l'absurdité de cette autre
maxime : Qu'en fait de Religion la voie d'examen
est permise àtout le monde. Il démontre
que ce n'est point une liberté adorable,
mais une vaine ombre , inventée
par les Séducteurs , propre à flater l'ora
güeil des Sectaires , incapable de les éclairer
2
NOVEMBRE. 1736. 2473
rer , puisque peu sont en état de s'en
servir , dangereuse d'ailleurs , comme il
parut autrefois par les divisions de Gomar
et d' Arminius , qui exciterent une
cruelle persécution entre les deux Partis ,
par le jugement des Magistrats de Genève
, qui bannirent Calvin et Farel , pour
n'avoir pas voulu souscrire au Synode de
Bernes enfin par la conduite de Calvin
lui même , Chef de cette Hérésie, qui en
1553. fit brûler le malheureux Michel
Servet , qui , croyant pouvoir user de la
liberté prétenduë adorable , débitoit une
doctrine contraire au mystere de l'adorable
Trinité . C'est ainsi que les Hérétiques
s'accordoient avec eux mêmes. Mais
il est beau d'entendre avec quelle force
M. de Belsunce fait voir combien peu
l'Hérésie de Calvin est conforme à la parole
de Dieu , autre principe des Ministres
de Genève. Je vais vous raporter ses
propres paroles : Est - ce donc la parole de
Dien , dit- t'il , qui se détruit elle même ,
qui ordonne de respecter et d'écouter lesApôtres
et leurs fuccesseurs , comme J. C. même
et qui aprend à les mépriser ? Qui assûre
L'infallibilné de leur enseignement commun
et qui veut qu'on le rejette ? qui donne à
Pierre les clefs du Royaume des Cieux , et
qui les brise ? Qui établit les Evêques pou,
E gouverne
2474 MERCURE DE FRANCE
1
gouverner l'Eglise de Dieu , & qui reprouve
leur autorité comme une tyrannie ? Qui
veut que l'on écoute l'Eglise sous peine d'être
regardé comme un Payen et comme un Publicain
, et qui veut que l'on s'en tienne à la
voye de l'examen , c'est-à- dire , à soi même
Qui prometà l'Eglise une infaillibilité éternelle,
contre laquelle les portesde l'Enfer ne
sçauroient prévaloir , et qui nous découvre
qu'avant Luther et Calvin les portes de
l'Enfer avoient prévalu contre elle , et les
promesses avoient manqué ? Qui donne au
Chefdes Apôtress premierement à lui seul ;
et ensuite à tous les Apôtres le pouvoir de
lier et de délier , et qui inspire de l'horreur
pour ceux qui sont revêtus de cepouvoir,
jusqu'à vouloir que l'on donneàleurCheflo
nom d'Ante- Christ? C'est ainsi qu'en peu
de mots , et en comparant la parolede
Dieu avec les dogmes des Hérétiques ,
cet habile Prélat en fait voir toute la
fausseté , et leur peu de conformité avec
cette divine parole.
Le reste de cette premiere Partie n'est
pas traité avec moins d'énergie ; mais
comme jene doute pas que je ne vous are
donné enviede la lire , je passe aux autres
Parties ,dont je ne vous raporterai que
succinctement le contenu , crainte de
passer les bornes que prescrit une Lettre.
Les
NOVEMBRE. 1736. 2475
Les calomnies sont nécessaires aux
Hérétiques pour répandre des nuages sur
la vérité prevenir les peuples contr'elle ,
rendre odieux ceux qui l'enseignent , et
la faire haïr elle même en lui prêtant les
couleurs du mensonge. C'est le moyen
dont se sont servis les Hérétiques de tous
les temps ; et M. l'Evêque de Marseille ,
après avoir remarqué que ceux de nos
jours n'ont pas oublié de le mettre en
pratique , fait voir la noirceur deleurs
calomnies.
Les Papes , disent - ils , s'arrogent le
droit de faire des articles de foi qu'on est
obligé de recevoir sous peine de damnation ;
M. l'Evêque de Marseille répond que ni
lePape,ni lesConciles , ni les Evêques
ne font pas de nouveaux articles de foi;
mais que leur attention est seulement de
maintenir les articles de notre foi dans
leur pureté , et de proscrire les erreurs
qui pouroient y donner atteinte , comme
celles de Luther et de Calvin , telle
atoujours été la conduite de l'Eglise Catholique
; mais l'Assemblée des Héréti
ques n'en agit pas de même. C'est elle
qui s'est arrogé le droit de faire des articles
que sa haine a fabriqués , et qui démentent
les oracles les plus formelsde l'Ecriture
; tel est entre les autres celui du Sy
Eij node
2476 MERCURE DE FRANCE
node National de Gap , renouvellé dans
celui de la Rochelle , où le Souverain Ponrife
, à qui dans la personne de S. Pierre ,
J. C. a fait de si magnifiques promesses ,
est traité d'Ante-Christ , d'Homme de péché
, qualifications si injustes et si horri
bles , que j'ai honte de vous les rapor
ter ; mais cette animosité contre le Pape ,
si ordinaire aux Hérétiques de tous les
temps , suffit pour faire connoître ceux
qu'on réfute ici.
On continuë de faire voir à Messieurs
les Ministres de Genève que l'obéissance
des Catholiqnes aux décisions des Pasteurs
légitimes , n'est point une obéissance
aveugle ; mais qu'elle est éclairée des
lumieres de la foi , et fondée sur l'ordre
de J. C. même. On leur montre , que de
même qu'ils employent auprès des Princes
morrels des intercessions , sans être
esclaves , de même aussi les Catholiques ,
sans tomber dans l'esclavage , ont recours
àl'intercessiondes Saints auprèsde Dieu
dont les Princes mortels sont l'image
ensuite on leur prouve que J. C. est le
paindes Anges , et qu'il est réellement
au S. Sacrement de l'Autel ; qu'en ne faisant
pas l'Office divin en Langue vulgaire ,
on suit plûtôt le bon sens qu'eux qui
déshonorent l'Ecriture , en le mettant en
Langu
NOVEMBRE. 1738. 2477
Langue vraiment vulgaire , et l'alterant
en mille endroits , comme on en peut
juger surtout par la version bizare des
Pseaumes en Vers , qu'ils reçoivent : après
quoi on les prie de remarquer qu'on ne
défend pas parmi les Catholiques de lire
P'Ecriture Sainte , mais de la lire autrementqu'elle
nedoit être lûë : que nos Légendes
authorisées , loin d'être impertinentes
, ne nous proposent à imiter que
des exemples saints et édifians : qu'on
doit plûtôt s'en tenir à la vénération que
toute l'antiquité a eue pour les Martyrs,
Héros du Christianisme qu'ils ont scellée
de leur sang , qu'au sentiment des Hérétiques
qui traitent leur ferveur d'excessive
et de mal réglée : que l'Eglise Romaine
ordonne à la vérité à ses Ministres de
garder le Célibat pour honorer le Sacerdoce
;mais qu'elle ne force personne d'y
entrer ,qu'au contraire elle éprouve longtemps
et avec grand soin ceux qui y aspirent
: que,regardant le Mariage comme
un grand Sacrement , elle honore aussi le
Célibat si recommandé dans la nouvelle
-Loi : qu'on ne peut concevoir comment
la retraite, la pénitence, l'humble aveu de ses
crimes ,favorisent le libertinage , comme
ils n'ont pas honte de l'avancer : qu'il
n'estpas surprenantqu'ils regardent com-
E iij me
1
2478 MERCURE DE FRANCE
me des usages frivoles ce quifatique le corps ,
cequi abat et humilie l'esprit, eux qui n'ont
jamais respiré que l'orgüeil et la révolte ,
qui sont ennemis du jeûne , de la continence,
et de tout ce qui mortifie la chair,
pratiques cependant qui ont toujours été
le chemin qui conduit au Ciel. Ce qui
estde plus surprenant , c'est de voir les
Novateurs nous reprocher faussement ,
comme on le leur fait voir , des dogmes
absurdes et desdivisions éclatantes , euxqui
ont défiguré la Religion par leurs dogmes
impies , et y ont semé de tout temps le
trouble et ladivision. Je passe le reste de
cette secondePartie , afin de pouvoir vous
entretenir un moment de la troisième.
C'est le propre des Hérétiques de ren
dre toujours , même malgré eux , quelqu'hommage
à la vérité dont ils s'écartent;
telle est sa force , que ses ennemis
même ne peuvent s'empêcher de la res
connoître. Les Hérétiques de Genève
l'ont fait sans y penser , et M. l'Evêque
de Marseille releve jusqu'à dix-huit de
leurs aveux en sa faveur. Ils reconnoissent
qu'ils ont tort de donner à leurs Adversaires
d'odieuses qualifications , etde prêcher
avec aigreur ; que leur coeur est livré
àdesmouvemenstrop vifs;que leurEglise
n'est pas celledeJ. C. puisque , la disant
réformée
NOVEMBRE. 1736. 2479
د
réformée , ils suposent que les portes de
l'Enfer ont prévalu contre elle , ce qui est
contraire aux promesses de notre divin
Législateur. Ils avouent que Farel etCalvin
ont fondé leurs Eglises , preuve de
sa nouveauté , puisqu'ils ne sçauroient
montrer la trace par laquelle une Eglise
fondée par de tels hommes , est venuë
des Apôtres jusqu'à eux ; ils adoptent les
dogmes des Vaudoiset des Albigeois : or
ces peuples reconnoissoient , aussi bien
que nous , la présence réelle , ils la reconnoissent
donc parmi eux et ne la condamnent
que parmi nous ; quelle contradiction
! Les Genevois , disent ils , lors
de la Réforme , étoient des peuples grossiers,
ignorans et superstitieux ; il ne fut donc
pas difficile de les séduire. Mais à quoi a
servi la Prétenduë Réforme , puisque les
Prédicateurs , dans les Sermons dont il
s'agit , reprochent aux mêmes Genevois
toutes sortes de vices? Ilsavouënt que leur
Eglise ne sçauroit subsister sans des ménagemens
humains ; si elle étoit fondée sur la
Pierre , elle subsisteroit d'elle même par
le secours de Dieu , et rien ne seroit capable
de prévaloir contre elle. Voilà , Monsieur
, une partie des aveux des Hérétiques
: c'est ainsi qu'ils se détruisent eux
mêmes.
E iiij M
2480 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque de Marseille finit en
exhortant ses oüailles avec une charité
digne des Pasteurs des premiers temps , à
demeurer fermes dans la voye du salut
où Dieu les conduit par sa grace , etsur
tout il avertit les nouveaux Convertis ;
qu'après être sortis d'un précipice par la
grace et par la misericorde de Dieu , ils
prennent garde de ne pas retomber dans
un autre par un aveugle indocilité , j'ai
l'honneur d'être , &c.
A Parisce 28. Octobre 1736 .
ききまきまきまきまきまきまきまきまきまきまき
L
******
AIR DE JOCONDE.
Nouveaux Couplets.
Isette est faite pour Colin ,
Et Colin pour Lisette ,
Il est volage , il est badin
Elle est vive et coquete ;
Colin tolere ses rivaux ,
Lisette ses rivales ;
Il prime parmi ses égaux ,
Elle entre ses égales.
Lisette
NOVEMBRE. 1736. 2481
Lisette amuse mille Amans ,
Colin toutes les Belles ,
Tous deux en Amour sont contens;
Et tous deux infideles ;
Il est le plus beau du Hameau ,
Comme elle est la plus belle ;
Colin ressemble au franc Moineau ,
Lisette à l'Hirondelle
Sans soupirer et sans languir ,
Hs amusent l'absence ,
Par les plaisirs du souvenir ,
Et ceux de l'esperance ;
Ou s'ils dissipent leur chagrin
Par quelqu'autre amourette ,
Lisette revient à Colin ,
Et Colin à Lisette.
S'il naît quelque dispute entr'eux ,
C'est un léger orage ,
Qui bien loin de briser leurs noeuds ,
Les serre davantage.
Quel tort pouroient- t'ils se donner
Egalement coupables ?
Ah ! pour ne pas se pardonner ,
Tous deux sont trop aimables.
Ev Exempts
2482 MERCURE DE FRANCE
Exempts de crainte et de soupirs ,
Ils cherissent leurs chaînes ;
D'Amour ils goûtent les plaisirs ,
Sans en sentir les peines ;
Amans , qui voulez être heureux
Prenez -les pour modele
Et n'imitez plus dans vos feux
La triste Tourterelle.
,
VERA GRAVITATIS CAUSA ,
Veraque figura terra Gallis dicata.
Α. Α. Ε. A. A. S. P. D. E. G. С.
Eleberrimus Hermannus
C
de causâ gravitatis
nondum inventâ Librum egregium et nimis
verum edidit. Galli , summo duce Cartesio
Causæ illi cruendæ soli fermè , nec sine subtilis
solertisque ingenii laude collaborarunt. Aded
ut primos Veri nascentis radios Gallicæ Genti
affulgere par sit. Propè illud attigerat Cartesius.
Viam certè inveniendi monstrarat quasi parallelam,
seu verius asymptoticam ; sed asymptoti
cam à Vero in infinitum , quamvis finite , obverso
tramite abeuntem. Vorticis leges secundasias
, planas , circulares , ad summum cylindricas
et axipetas , primævis naturæ legibus , solidis
, sphæricis , verèque centripetis planè confuderat.
Oblitus in condendo Mundo prima esse
Sphærarum centra , secunda , centra vel axes
potiùs vorticum ,et quamvis Terra , aliaque
NOVEMBRE. 1736. 2483
:
:
nongyrarent Celestia Corpora , fore tamen
partes illorum graves , centroque ad conservationem
totius , conspirantes et remeabiles. Propositio
unica et quidem simplicissima deliacum
tandem Problema , necnon celebre illud de figurâ
Terræ absolvet . Favete Galli , viri ingenio
et sublimioribus ausis totâ Europa , toto orbe
notissimi.
Propositio.
In spatio quocumque solidis fluidisque corpos
ribus ,corpusculis-ve permixtim pleno , fluide
sponte tendunt à centro quoquoversùm ad su
perficiem sphæricam , revocantque solida undecumque
ab hâc superficie ad centrum unicum,
etiam et præcipuè ante omnem motunt
Torticis.
Demonstratio.
1. Lex estcerta , corpora angusto loco mota,
tendere in omnem partem à centro ad superficiem
spatii et mundi totius ; scilicet ut sphæram
sui motus amplificent. Porrò ad movendum
, corpora solida plus requirunt spatii quam
ad quiescendum, Quiescunt illa quidem in eodem
semper spatio , arctè unita , seseque ultrò
contingentia. Moventia autem spatium amant
liberum ; mutuò impingunt , et se continuò extrorsus
pellunt ac repellunt. Pulvis certè è mediis
proterentium equorum pedibus ebulliens ,
fumus è camino eructans , aqua subjecto igne
exæstuans , vapor exhalans , sphæram affectant
continuò ampliorem. Atque in hoc gravitas tosa
fundatur , aut ego fallor.
2°. Primo intuitu viderat Cartesius crassa
corpora esse ad motum inertia , et ad quietem
Evj prona
2484 MERCURE DE FRANCE
,
,
prona. Fluida verò corpora et subti'ia , quò fluida
, quò subtilia magis , magis eò esse mobilia.
Hoc etiam viderat lynceus vir motum quasi
sponte transire à solidis ad fluida , tandemque ,
semper moventibus istis , illa quiescere. Nec
manifesta causâ caret quotidiana hæc experien
cia. Corpora crassa mut d sibi sunt impedimento
nè moveantur. Pars illorum una dum sistitur
hærent reliquæ , mutuos formant anfractus ,
mutuos causant circuitus mutuos opponunt
obices. Nullum autem superant obicem , nullam
patiuntur vim , nullam faciunt sine motûs sui
dispendio . Fluida divisibilia sunt , penetrantia et
penetrabilia sunt labilia sunt , Auxilia sunt.
Proteus est nulli spatio nulli figuræ , nulli
certæ dimensioni addictus : fluida cudunt facilè ,
cedentibusque accrescit motus. Sistuntur à fronre
, fluunt ad latera. Sparium fit angustius , mole
in velocitatem conversâ motum accelerant . Pars
una retardatur reliquæ illi vale dicunt , ac
"prorsum eunt. Ubi partes negant , pori viam
aperiunt. Uno verbo fluida mobilia sunt , atque
ad movendum aptissima : solida non item .
,
3º Constat itaque hic syllogismus simplicis
simus. Corpora mobilia tendunt ex se ad superficiem
spharicam spatii quo continentur En majorem
dicti syllogismi . Atqui fluida mobilia sunt , solida
inertia. En minorem. Ergo fluida ex se tendunt
in qualibet spharâ ad illius superficiem . Ergo
solida in centro relinquunt , imò et ad centrum repellunt.
Dum enim ad superficiem connituntur
Auida , nec contranituntur solida , manifestum
est patere ista allorum actioni ; pati ista , illaagere
et reagere.
4º Uno verbo nullum mobili corpori sufficit
spatium : inertisuum satis est. Mobilitatem fiuidi
NOVEMBRE. 1736. 2485
'dis subtilibusque convenire corporibus , inertiam
solidis et crassis certum est. Existere autem materiam
quamdam Auidissimam subtilissimamque ,
ideòque mobilissimam ,, et , ut ita dicam , motissimam
, seu semper motam ; non minus certum,
Gallis saltemet verè Cartesianis , verèque Philosophis
; materiamque illam totâ sphæra terrestri
, toto , quantus est , orbe regnare , moveri
scilicet , suumque adeò in qualibet splæra so
lidorum , terrestriumque corporum exerere nisum
à centro ad circumferentiam , ad superficiem
; quo nisu , non Cartesiano quidem , sed
effectivo et actuali solida hæc terrestriaque corpora
centro adhærent et positivè revocantur.
5º. Atque hoc ipsum nonne interspexerat Carresius
? Sed vorticis motus aliò illum abripuerat.
Perturbatus siquidem fluiditatis motus in omnem
sensum , totum illius systema perturbarat ;
explicanda nimirum gravitati motum sic perturbatum
inutilem esse planè intellexerat. Ex
illo tamen motu unico repetendam illam esse
doctissimus senserat Varignonus : felix nimium
certè , si Cartesio bis vale dicens magistro , fluiditatem
ex alio aliquo veriori motu , v. g. circulari
, sicut post Malebranchium ingeniosissimus
Moliarus , repetiisset , vel potius , quicum
que ille sit Auiditatis motus , si vim verè centri
fugam animadvertisset ex illo quocumque mot
Auentem , gravitatemque ex illâ vi nonulta
minus dimanantem .
6°. Nec minus telix Moliarus ille , in aliis benè
multis felicissimus Philosophus, si vorticibus
nimium adhuc serviens , gravitatem specifico
vortices motui minus addixisset ; ex quo motu
apprimè constituto vis quidem aliqua emergit
centrifuga , sed vaga ab axe ad circumferentiam
circuli .
2486 MERCURE DEFRANCE
circuli , vel ad superficiem cylindri , nunquam
autem à centro unico ad sphæræ superficiem ,
tamque ad polos magni Vorticis quam ad Aqua.
torem.
7°. Nec tamen vim illam vorticis dicamus
omninò inutilem gravitati explicandæ inutilis .
alterum de figurâ Terræ Problema celeberrimum
hodiè resolvet. Vis enim axifuga vorticis ,
ad Æquatorem maxima , ad Tropicos mediocris
, nulla ad Polos , vi centrifugæ gravitatis ex
simplici quocumque motu regnante exsurgenti
adjuncta , vim totam quâ ad Terram corpora
solida reflectuntur , faciet maximam ad Æquatorem
minorem ad Tropicos , minimam ad
Polos , Terramque ad Æquatorem depressam ,
ad Polos exuberantem , Ovo Ellipsoidico assimitabit
, et , quod miror non vidisse ipsum celeberrimum
Neutonum , graviora ad Æquatorem
efficiet Pendula , adeòque lentiora et consequens
terdecurtanda. Verum enim systema veritatem
omnem complectitur et conciliat facilè. Vestrum
,Galli , tuum præcipuè , Moliare , expecto
judicium. Valete,
Quastio.
Quæro in Pendulis , num idem sit diminuere
filum an Pendulum ?
Les mots de l'Enigme et des Logogryphes
du Mercure d'Octobre sont , Chenets
, Pavot , Laboureur , Rave , et Chardon.
On trouve dans le premier Logogryphe
, Tau ,Tu , Va ,Pot , Pau , Pô ,
dans
NOVEMBRE. 1736. 2487
dans le second , La , Labour , Boure , et
Vr; et dans le troisième , Charon, Char,
etDon.
AAAAAAAAAAA
J
ENIGME.
Esuisdetaille réguliere ,
Je n'ai, ni pieds, nimains, ni devant, ni derriere s
Mais changeant presqu'à chaque instant ,
D'assiette ainsi que de visage ,
Je rends joyeux ou mécontent ,
Celui qui me met en usage.
On me met dans une prison ,
On m'y maltraite sans raison ;
'Après de grands eris j'obtiens grace,
J'en sors , ou plutôt on m'en chasse
Alors j'attire les regards
Des Courtisans, d'une Volage ,
Qui par moi régle le partage
De ses faveurs , et sans avoir d'égards
Au mérite , au rang de personne ,
Ce qu'elle ôte de l'un, à l'autre elle le donne.
****
LOGOGRYPHE.
Dix membres font de moi le plus charmany
séjour,
Que
2488 MERCURE DE FRANCE
Que la Machine ronde enferme en son contour
Sans les quatre premiers on n'écriroit qu'en
Prose.
Au reste je compose
Deux des quatre Elemens ,
Les légers instrumens
Qui soutiennent l'Oiseau dans sa vaste carriere >
Une Plante , une Riviere.
Si ce n'est pas assés : Lecteur , pense à ton Roy
Tu penseras à moy.
AUTRE.
En Bouquet à une Dame qui l'avoit
demandé à l'Auteur.
VOus ne voulez pour votre Fête
Iris , ni Rose , ni Muguet ;
Les Fleurs vous portent à la tête ,
L'Amour , ce petit Dieu coquet ,
En vain voudroit faire votre conquête:
Si bien que pour votre Bouquet ,
Un Logogryphe est votre fait.
Vous l'ordonnez , il suffi , je m'aprête ....
Que dis-je , Iris ? j'en avois un tout fait :
Heureux si de vous plaire il trouve le secret.
Mon nom ne peut servir qu'aux Femmes;
Et quoiqu'on voye bien des Dames
Qui n'exercent pas monemploi ...
Nature
NOVEMBRE. 1736. 2489
Nature , hélas ! dis -moi pourquoi
Il en est pourtant une en cet emploi , qui brille?
Qui s'est acquis un grand renom ,
Faisant l'apuy de toute sa famille ,
Et dont les qualités se fondent sur mon nom
Enfin ce nom qui n'est pas rare ,
De sept membres est composé ,
Iris , vous voulez qu'on sépare
Le quatrième , il est aisé ,
Mais pourquoi donc cette sincope a
Ah ! j'entends , le tour est rusé :
De la vertu ce nom est l'envelope ,
Il est aussi l'apui de la pudeur ;
La remarque à bon droit, Iris, vous fait honneur.
Mais par un contraste elle biffe ,
Et renverse le Logogryphe.
N'importe , Iris , ce dernier mot trouvé
Nous va donner bien autre chose :
Deux Lettres bas , le reste conservé ,
La charmante métamorphose !
Agnés avec l'air réservé ,
Sourit lorsqu'on le lui propose.
Mais raprochant tous mes membres épars ;
Combien de mots s'offrent à mes regards !
En les subdivisant , je vois dans la Provence
Ville qui n'est au Roy de France ;
L'épithete qu'on donne au coeur d'une Beauté,
Qui résiste à l'Amour , et fuit la Volupté ;
D'un
2490 MERCURE DE FRANCE
D'un Bucephale on trouve la parure ;
Ce qui déplaît à l'ame pure ;
Del'Abeille on y voit la moitié du labeur ;
Matiere unic à ladouceur.
J'en pourois dire davantage ;
Mais , cher Lecteur en ce moment ,
Iris , pour qui j'ai fait l'ouvrage ,
L'abrége d'un commandement.
J.... deParis.
NOUVELLES LITTERAIRES,
T
DES BEAUX ARTS , &c.
RAITE' DOGMATIQUE ET HISTORIE
QUE , touchant l'obligation de faire
l'Aumône. Par Dom de Lisle , Abbé de
S. Leopold de Nanci. A Nanci , chés
Ronark, 1736. in 8 .
TRAITE' DU RETRAIT FEODAL , dans
lequel sont agitées les matieres les plus
curieuses du Retrait Lignager , et plusieurs
autres Questions importantes sur
différens sujets qui y ont raport. Par M.
François-Xavier Breyé , Avocat en la
Cour Souveraine de Lorraine et Barrois.
NOVEMBRE: 1736. 2451
ANanci , chés Lefevre , 1736.in-4. 20
vol.
CATALOGUE des plus excellens Fruits ,
les plus rares , et les plus estimés , qui se
cultivent dans les Pépinieres des RR.
PP. Chartreux de Paris ; avec leur description
, et le temps le plus ordinaire
de leur maturité. Brochure in- 12. de 40.
pp. A Paris , chés J. B. Delespine , ruë
S. Jacques , àS.Paul, M. DCC. XXXVI .
DICTIONNAIRE CHRONOLOGIQUE , Historique
etCritique , sur l'origine de l'Idolâtrie
, des Sectes des Samaritains , des
Juifs , des Hérésies , des Schismes , des
Anti-Papes , et de tous les principaux
Hérétiques et Fanatiques qui ont causé
quelque trouble dans l'Eglise. Chés
Pralard, Cloître S. Julien le Pauvre , à
l'Occasion. Didot , Quay des Augustins.
Quillan , Imprimeur Juré Libraire de
l'Université , ruë Galande. Par le P. Barthelemy
Pinchinat , Cordelier de l'Ordrede
S. François , de la Province de
S. Loüis , Prédicateur du Roy , Docteur
en Theologie , Lecteur Jubilé , et Ecris
vain de son Ordre. Volume in-4.
OEUVRES D'HORACE en Latin , tradui
2491 MERCURE DE FRANCE
tes en François par M. Dacier et le Pere
Sanadon,avec les Remarques Critiques,
Historiques , et Géographiques de l'un
et l'autre. Huit volumes, grand in - 12 .
AAmsterdam,chés Vestein et Smith. 1736.
RECUEIL de Jurisprudence du Pays du
Droit Ecrit et Coutumier , par ordre
Alphabetique. Par M. Guy du Rousseaudde
la Combe ,Avocat au Parlement.
A Paris , chés Mesnier , Libraire Impri
meur , ruë S. Severin , et Jean de Nully
Grande Salle du Palais , 1736.
Cet Ouvrage contient en abregé les
Décisions des Ordonnances , Edits et
Déclarations de nos Rois. Celles des
Loix Romaines, des Coûtumes ; et celles
des Arrêts et Reglemens raportés dans les
Arrétistes anciens et nouveaux du Parle
ment de Paris, sur le Droit Ecrit et Coûtumier.
Il rassemble de plus les differens
sentimens des plus célebres Interpretes
des Loix et des Coûtumes , et ceux des
Auteurs qui ont traité chaque Matiere
exprofesso. Non seulement tous les Principes
y sont avec leur aplication aux Pays
de Droit Ecrit du Parlementde Paris , et
aux Pays Coûtumiers , mais aussi les exceptionsdes
Principes ; et l'on y trouvera
plusde Décisions quedans une infinitéde
plus gros Volumes. LA
NOVEMBRE. 1736. 2493
LA VIE de M. Gilles Marie , Curé de
§. Saturnin de Chartres , et Supérieur
des Religieuses de la Visitation de la
même Ville. A Chartres , chés Nicolas
Besnard , Imprimeur- Libraire , ruë des
trois Maillets , au Soleil d'Or , 1736.
in- 12,
TRAITE DES BENEFICES ECCLESIASTIQUES
, dans lequel on concilie la Discia
pline de l'Eglise avec les Usages du
Royaume de France ; et le Recüeil des
Edits , Ordonnances et Arrêts de Reglement
concernant les Matieres Bénéficiales
, et autres qui y ont raport. Nouvelle
Edition revûë , corrigée et augmentée
d'un très-grand nombre de Piéces
qui n'avoient point encore paru ; avec
la Table Chronologique de leurs dates et
de leurs enregistremens dans les Cours
Souveraines. Par M. P.... G.... trois vol.
in 4. Prix 24. liv. A Paris , chés Langlois
, Imprimeur- Libraire , ruë S. Etien
ne des Grès , au bon Pasteur , et chés la
Veuve Mazieres , et J. B. Garnier , Imprimeurs-
Libraires de la Reine , ruë S. Jacques
, à la Providence. 1736.
DE L'USAGE et du choix des Livrespour
Etude des Belles- Lettres. Avec des Cata
logues
2494 MERCURE DE FRANCE
loguesraisonnés des Auteurs utiles ou nécessaires,
pour seformerdans les diverses Partiesde
la Litterature. Par M. l'Abbé Lenglet
du Fresnoy. Brochure in- 12. de 22.
pages.A. Paris , chés Musier , Rolin et de
Bure, Quaydes Augustins. M.DCC.XXXVI
M. l'Abbé Lenglet, connu dans la Ré
publique Litteraire par plusieurs beaux
etutiles Ouvrages , présente ici au Public
le Plan de ce qu'il a travaillé avec
soin sur les Belles Lettres. On nepeut
qu'aplaudir àune entreprise si digne de
son Auteur , et dont on ne sçauroit trop
tôt voir l'execution.
L'HEUREUSE FOIBLESSE , ou l'Entretien
'desTuilleries. Nouvelle Galante. ParM.
Coustelier. Brochure in- 12. de 72. pages!
AlaHaye,chés Jean Neaulme 1736.
REFLEXIONS sur les Ouvrages de Litto
rature , nouvelle Feüille Hebdomadaire ;
qui se distribuëra tous les Lundis de cha
que Semaine chés Pierre Gissey , ruë de
la vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jessé
1736.
Cours d'Opérations de Chirurgie,
démontrées au Jardin Royal par M. Dionis
, Premier Chirurgien de feuës Mesdames
les Dauphines ,etChirurgienJuré
à
NOVEMBRE. 1736. 249
Paris. Troisiéme Edition revûé et aug
mentée de Remarques importantes. Par
M.... Chirurgien Juré à Paris. A Pavis
, chés D'Houry , seul Imprimeur du
Duc d'Orleans , ruë S. Severin 1736.
in- 8 . de 252. pages pour les Operations,
et de 132. pour les Remarques.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des
Insectes par M. de Reaumur , de l'Académie
Royale des Sciences. Tome II.
contenant la suite de l'Histoire des Chenilles
et des Papillons , et l'Histoiredes
Insectes ennemis des Chenilles. Vol.in-4.
d'environ 600. pages avec un grand nom
bre de Planches. A Paris de l'Imprimerie
Royale. 1736.
NOUVELLE METHODE pour aprendre
facilement la Langue Latine, contenant
les Regles des Genres , des Déclinaisons,
des Préterits,de la Syntaxe , de la
Quantité , et des Accens Latins ; mises
en François avec un ordre très- clair et
très-abregé.Présentée auRoy.Augmentée
d'un grand nombre de Remarques trèssolides
, et non moins nécessaire pour la
parfaite connoissance de la Langue Lati
ne,que pourl'intelligence des bons Auteurs
: tirées de tous ceux qui ont travaillé
496 MERCURE DE FRANCE
vaillé sur cette Langue avec plus de soin
et de lumiere. Avec un Traité de la Poësie
Latine , et une breve Instruction sur
les Régles de la Poësie Françoise. Onzićme
Edition , revûë , corrigée , et augmentée
de nouveau. Vol. in 8. A Paris,
ruë S. Jacques , chés la veuve Delaulne ,
à l'Empereur , er Fr. Matthey , vis-à-vis
S. Yves , à S. Augustin.
Les mêmes Libraires donneront incessamment
une nouvelle Edition de la
Méthode Grecque du même Auteur.
HISTOIRE DU CONCILE DE TRENTE par
Fra-Paolo Sarpi , traduite en François ,
avec des Notes Critiques , Historiques ,
et Théologiques , par le P. Pierre François
Courayer , 2. vol. in 4. A Amster
dam , chés Westein et Smith. 1735 .
HISTOIRE du Prince Titi. A. R. Tome
second,A Paris, Quay de Conty , chés la
Veuve Pissot , in 12. de 387. pages .
La lecture de ce Livre , qui est bien
écrit et bien imprimé , est fort amysante.
ABREGE' Chronologique et Historique
'de l'Origine , du Progrès , et de l'Etat
actuel de la Maison duRoy , et de toutes
les
NOVEMBRE. 1736. 2497
les Troupes de France , tant d'Infanterie
que de Cavalerie et Dragons , avec des
Instructions pour servir à leur Histoire ;
et un Journal Historique des Siéges ,
Batailles , Combats et Attaques où ces
Corps se sont trouvés depuis leurs institutions
: le tout tiré des Livres des Gages
de la Chambre des Comptes , Extraordinaire
des Guerres , Manuscrits , tant
de la Bibliotheque du Roy que des Par
ticuliers. Par M. Simon Lamoralle Pippre
de la Neufville , Chanoine de la Collégiale
de Notre-Dame à Huy , Aumônier
de l'Ordre de S. Michel de S. A.S. E. de
Cologne Joseph Clement. Tome I. contenant
les Gardes du Corps et Gendarmes
de la Garde. Tome II. contenant les
Chevau - Legers de la Garde , les deux
Compagnies des Mousquetaires
Grenadiers à Cheval , et toute la Gendarmerie.
A Liege , chés Everard Kintz
Libraire et Imprimeur , présentement à
la nouvelle Imprimerie , en Souverain
Pont. 1734. in-4. Le I. vol. de 546. pag.
sans compter la Préface et la Table. Le
II. vol. de 643. pages sans la Table.
د
les
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres, &c. AParis, chésBriasson, rue
F S
2498 MERCURE DE FRANCE
S. Jacques , à la Science , M. DCC, XXXVI
Tomes XXXIII. et XXXIV.
Après la Table Alphabétique des Au
teurs dont il est parlé dans les trente
trois volumes de ces Memoires , suit une
Table particuliere qui contient les noms
des Sçavans dont l'Histoire se trouve
dans le XXXIIIe Tome. Ces Sçavans
sont:
F. Abbadie , C. Achillini , H. Albi ,
V. Aldrovandus , A. d' Amboise, F.d.Am
boise , F. d'Amboise , M. d'Amboise , J.
Boccace, H. Doneau , A. F. Doni , G.
Fournier , F. Habert , J. Hoornbeek, J. B.
Lalli , A. de Lebrixa , C. Leschassier,B.
Mallinkrot , M. Mersenne , C. du Moulin,
G.Paradin, C. Paradin J. Paradin, Cl.
Perrault, Ch. Perrault, C. Plumier ,D. de
Priezac , S. de Priezac , P. Quinault ,A.
Rivinus , G. Rondelet , F. Rosin , J. И.
Rossi , F. Ruysch , G. C. Schelhammer , A.
M. de Schurman , A. Sennert , B. Tagliacarne,
Fe. de la Taille, Fa. de la Taille , N.
Vedelius ,et N. Vernulaus.
Entre ces Sçavans nous avons choisi le
P. Plumier , dont l'Article nous a paru
curieux et convenir en même-temps aux
bornes que nous sommesobligés de nous
prescrire.
Charles Plumier naquit à Marseille le
20
NOVEMBRE. 1736. 2499
20. Avril 1646. d'une famille obscure.
Après avoir fini ses Etudes d'Humanités,
il entra dans l'Ordre des Minimes l'an
1662. à l'âge de 16. ans.
Pendant qu'il étudioit en Philosophie,
il reconnut qu'on ne pouvoit acquérir
uneconnoissance parfaitede cette Science
sans les Mathématiques , et demanda
à ses Supérieurs d'être envoyé à Toulouse
, pour s'y apliquer sous le P. Maignan,
qui les y enseignoit ;demande qui
lui fut accordée.
Lorsqu'il y eut fait assés de progrès,
il fut envoyé à Rome , où il s'adonna
particulierement aux Méchaniques , et
se rendit fort habile dans l'Optique , la
Peinture,la Sculpture et l'Art de tourner.
François de Onuphrüs et Silvio Bocconi,
grands Botanistes Italiens , avec qui il
fit alorsconnoissance , lui inspirerent du
goût pour l'étude des Plantes. Ainsi lorsqu'il
fut de retour en Provence , il accompagna
souvent Tournefort , qui revenoit
alors de visiter les Alpes , Garidel ,
Professeur en Botanique à Aix , et les
freres Bertier , Médecins de la même Ville,
dans les differentes courses qu'ils faisoient
dans la Provence , pour découvrir
de nouvelles Plantes .
L'ardeur qu'il témoignoit pour la per
Fij fection
2500 MERCURE DE FRANCE
fection de la Botanique, engagea Surian,
MédecinChimiste de Marseille , qui al
loit par ordre de la Cour, dans nos Isles
de l'Amérique , pour y faire l'Analyse
des Plantes qui leur étoient particulieres,
à le prendre pour compagnon de son
voyage et de ses recherches.
Le Roy LOUIS XIV. à qui il offrit
àson retour le premier fruit de ses tra
vaux , l'en récompensa par une pension,
et par le titre de son Botaniste et le renvoya
deux autres fois dans l'Amérique,
Le séjour qu'il y fit à ces differentes reprises
, lui fournit les occasions de satisfaire
sa curiosité , et d'acquérir une
grande connoissance des Plantes de ce
Pays .
M. Fagon , persuadé de son habileté,
l'envoya au Pérou avec le Marquis de
Los Rios , qui en avoit été nommé Vice
roy , pour s'instruire à fond des particularités
qui regardent le Quinquina ; mais
pendant qu'il attendoit au Port Sainte-
Marie en Espagne le départ de la Flotte,
et qu'il employoit son loisir à parcourir
les campagnes voisines , il fut attaqué
d'une pleurésie dont il mourut dans le
Convent de son Ordre , l'an 1704. âgé
de 58. ans,
Catalogue
NOVEMBRE. 1738. 250
Catalogue de ses Ouvrages.
i. Description desPlantes de l'Amérique,
avec leurs figures. Paris , Imprim. Royale
1693. in-folio. Le P. Plumier présente ici
près de 600. Plantes , qu'il a dessinées
et gravées lui-même dans leur grandeur
naturelle , et en donne une Description
suffisante pour les faire connoître.
2. Réponse du P. Plumier à M. Pomet,
Marchand Droguiste de Paris , sur la Cochenille,
dans le Journal des Sçavans, du 19.
Avril 1694. Il fait voir dans cette Lettre,
qui est curieuse , que la Cochenille est
un animal ; ce qu'il confirme dans la sui
vante , qui l'est encore davantage.
3. Réponse du P. Plumier àM. Fridéric
Richter, Docteur en Médecineà Leipsic,
sur la Cochenille. Dans les Memoires de
Trévoux du mois de Sept. 1703. p. 1671 .
L'Art de tourner , ou de faire en perfection
toutes sortes d'Ouvrages au Tour. En
Latin et en François. Ouvrage enrichi de
près de 80. Planches. Lyon , 1701. in-folio.
LeP. Plumier avoit reçû dans sa jeunesse
les premieres leçons de cet Art de son
Pere , et il s'y apliqua toujours depuis ,
autant que ses autres occupations le lui
permirent. Son Ouvrage est curieux et
singulier , et l'on n'avoit avant lui sur
Fiij cette
E502 MERCURE DE FRANCE
cette matiere rien que d'imparfait.
5.Réponsedu P. Plumier à une Leure de
M. Baulot , sur l'Organe de l'ouie de la
grande Tortuë de Mer. Dans les Memoires
de Trévoux des mois de Novembre et Désembre
1702. p. 112.
6. Nova Plantarum Americanarum.genera.
Paris 1703. in 4. pp. 73. Le P. Plumier
donne ici les Descriptions et les
Figuresde 106.nouveaux genres de Plane
tes qu'il a vûës dans les Iſles de l'Amérique.
Il y a joint un Catalogue de tou
tes les especes de Plantes qu'il a dessinées
dans ces Ifles , et dont les genres
sont déja marqués dans les Institutions
Botaniques de M. Tournefort.
7. Réponse du P. Plumier à diverses
questions d'un Curieux sur le Crocodile,
sur le Colubri et sur la Tortuë. Dans les
Memoires de Trévoux du mois de Janvier
1704. p. 165.
8. Traité de Fougeres de l'Amérique. En
François et en Latin. Paris , 1705. infolio.
L'Auteur a rassemblé ici sous le
nom de Fougeres , toutes les Plantes qui
ne poussent point de fleurs.
Tome XXXIV. Ce Volume contient
l'Histoire de 43. Scavans , dont
voici les noms. V. Alcidalius , P. Alegambe
, P. Allix , S. Amama , Arnaud
de
NOVEMBRE. 1736. 2505
de Villeneuve , M. Beroald , F. Beroald de
Verville , C. Besolde , P. Briet , J. C. Capaccio,
A. Catharin, R. Choppin, F. Chrétien
, G. Chrétien, J. Clarius, R. Dodonée,
A. Fusi , H. Golizius , J. O. de Gombauld
, R. de Graaf, P. Gringore , G.Gualdo
, J. Hessels , C. Malingre , P. Monet ,
R. Moreau , A. Morel , J. Murmellius ,
R. Nanni, V. Obrecht, A. d'Ossat , B. des
Periers, G. du F. de Pibrac , J. Pic , J. F.
Pic, J. Picot , C. de Pontoux , T. Porcacchi
, H. Sedulius , J. Tabureau , J. Vetus ,
A. Vieyra , et B. Vulcanius.
L'Article d'André Morel , que nous
raporterons ici dans son entier , est travalllé
avec soin , et sera , sans doute ,
du goût de tous ceux qui cultivent l'étude
des Médailles antiques.
André Morel naquit à Berne en Suisse.
Jamais homme n'eut une passion plus
forte pour l'étude des Médailles , et il
reconnoît lui-même que cette inclination
lui étoit naturelle. Aussi ne manqua-
t'elle pas à se découvrir de bonne
heure. Il doit avoir fait d'assés bonnes
études d'Humanités , et l'ardeur même
avec laquelle il recherchoit la connoissance
des Médailles , auroit suffi pour
l'engager à lire avec soin les anciens Auteurs
Grecs et Latins.Car il raportoit ,
Fiiij sans
2504 MERCURE DE FRANCE
1
'sans doute , toutes ses lectures aux Médailles
dont il fit ses délices dès sa premiere
jeunesse
Ce fut la même passion qui l'engagea
aparamment à aprendre le dessein , dans
lequel il se rendit fort habile. Tout jeune
encore il ramassoit des Médailles autant
qu'il pouvoit ; il les dessinoit et redressoit
sur les Originaux les copies qui
s'en voyoient dans les Livres. Il trouva
par là le moyen de grossir peu à peu
ses Recueils. Il acquit de nouvelles richesses
dans quelques voyages , y ayant
trouvé des Médailles très- rares , dont il
emporta des Desseins.
د
Les progrès qu'il faisoit dans cette étu
de augmenterent dans la suite , par
l'occasion qu'il eut de connoître parti
culierement le fameux Antiquaire Char
les Patin , qui étoit en 1673. à Basle , et
demeura quelque temps en Suisse. Il apric
de lui bien des choses sur ce qui regarde
la Science qui faisoit l'objet de leur at
tachement commun. Patin lui communiqua
aussi des Médailles très- rares , et
un grand Recueil de Desseins qu'il avoit
ramassés. Il lui envoya depuis d'Italie
un grand nombre d'Empreintes et lui
rendit d'autres semblables services , dont
Morel témoigna publiquement sa reconnoissance.
Mais
NOVEMBRE. 1736. 2505
Mais ce fut à Paris qu'il trouva la plus
riche moisson , et en même- temps l'occasion
la plus favorable pour executer
le grand dessein qu'il avoit conçû . Il
eut un libre accès au Cabinet des Médailles
du Roy , et il lui fut permis de
dessiner tout ce qu'il y avoit de plus
rare et de plus curieux. L'entrée des autres
Cabinets et des Bibliotheques publiques
et particulieres , lui fut aussi ouverte.
Il profita si bien de cet avantage ,
qu'il augmenta saCollection de plusieurs
milliers de Desseins , et qu'il corrigea
sur les Originaux un grand nombre de
ceux qui étoient déja dans ses papters.
Il se tenoit alors dans l'Hôtel du Duc
d'Aumont des Conférences entre quelques
Sçavans , qui travailloient à éclair
cir par les Médailles l'Histoire des Empereurs
Romains , et Morel y fut admis.
On l'exhorta fort à ne point envier au
Public tantde richesses litteraires , dont
il étoit en partie redevable à l'honnêteté
qu'on avoit eûë de les lui laisser recueillir,
et on fut secondé par le Baron de Spanheim
, qui étoit alors à Paris. De l'humeur
dont étoit Morel, il n'eut point de
peine à se rendre à ces sollicitations. Il
résolut donc de rassembler en un corps
toutes los Médailles antiques , ou déja
publiées
2506 MERCURE DE FRANCE
১
publiées dans les Livres ,ou renfermées
dans sa Collection particuliere.
Il se trouva cependant un peu arrêté
d'abord par la difficulté qu'il prévoyoit
à graver les Médailles , vû le grand travail
qu'il lui avoit fallu essuyer pour les
dessiner seulement. Mais ses amis lui
ayant conseillé de s'essayer dans cetArt,
il s'y apliqua et s'y perfectionna peu à
peu , tellement qu'il fut en état dedonner
au Public en 1683. un Essai de son
Ouvrage.
Peu de temps après que cet E ssai eut
paru,il fut retardé dans l'execution de
son dessein par une Commission honorable
que LOUIS XIV. lui donna, mais
qui lui coûta bien cher dans la suite.
د
Rainssant, Directeur du Cabinet des
Antiques du Roy , cut besoin d'un aide,
pour le mettre en ordre et faciliter la
connoissancedes raretés qu'il renfermoit.
Comme il étoit ami de Morel , et convaincu
de son habileté en ce genre d'étude,
il se l'associa et obtint aisément pour
ceļa l'agrément du Roy. Morel fut chargé
alors de dessiner toutes les Médailles
antiques , auxquelles Rainssant devoit
ajoûter ensuite des explications qui vérifiassent
leur raport à l Histoire ancienne.
Morel s'acquitta de cet employ avec
une
NOVEMBRE. 1736. 2507
une assiduité et une exactitude merveilleuse
, travaillant quelquefois sous les
yeux mêmes du Roy. Un jour qu'en prés
sence de ce Prince , il témoignoit une
attention particuliere à considerer quelques
Médailles , le Roy lui en demanda
la raison. Morel la lui dit , et lui fit en
même temps le plan du grand Ouvrage
qu'il projettoit. Ce Prince parut l'écouter
avec plaisir , et lui ordonna de faire
entrer dans ce Recüeil toutes les Médailles
de son Cabinet.
Lorsque Morel eut achevé sa tâche , il
eut le malheur de déplaire à M. de Louvois
; soit qu'il eût parlé trop librement
à ce Ministre , sur ce qu'il lui avoit refusé
le salaire dû à son travail , comme
il le dit lui-même , soit pour quelqu'autre
raison qu'on ignore , il fut mis à la
Bastille , où il demeura trois ans. Il n'eut
sa liberté qu'après la mort de M. de
Louvois , arrivée le 16. Juillet 1691. Encore
fallut-il que le Canton de Berne sollicitât
en sa faveur.
د
Le Roi reconnut qu'on lui avoit fait
une injustice
et lui donna audience
plusieurs fois depuis d'une maniere
gracieuse , et cela fut suivi de marques
réelles de sa liberalité que Morel en reçut
, depuis même qu'il fut retourné
F vj dans
2.508 MERCURE DE FRANCE
dans sa Patrie. Aussi a-t-il eu soin de
publier qu'il n'avoit , ni ne devoit avoir
aucun ressentiment contre Louis XIV.
puisqu'il n'avoit aucune part aux mau
vais traitemens qu'il avoit soufferts.
د
et
Lorsqu'il fut arrêté , on enleva tous ses
Papiers , ce qui lui fit perdre la Descrip
tion des Médailles , qu'il avoit achevée
poursongrandOuvrage , et tous lesDesseins
qui se trouverent chés lui ; mais par
bonheur il avoit eu la précaution d'envoyer
dans sa Patrie les Desseins des plus
belles , qui furent ainsi sauvées pour lui .
Lorsqu'il fut retourné en Suisse
qu'il s'y vit tranquile , il songea à reprendre
son premier dessein. Cependant ses
pertes passées , et les grandes dépenses
qu'il y avoit encore à faire pour l'execu
rer , l'embarrassoient , lorsque , contre
route attente , il reçut en 1693. des Lettres
qui releverent ses esperances. Le
Comte de Schwartzburg - Arnstad aimoit
beaucoup les Médailles , et s'y con
noissoit; et il en avoit un beau Cabinet,
qu'il enrichissoit tous les jours. Il apella
Morel auprès de lui , en qualité de son
Antiquaire , et lui offrit les secours né
cessaires pour le mettre en état de publier
le grand Ouvrage dont il avoit vû lé
projet..
:
Morel
" NOVEMBRE. 1936. 2509
Morel ne balança point à accepter ces
propositions. Il partit de Berne en 1694.
pour se rendre à Arnstad , lieu de la résidence
du Comte.
Le Baron de Spanheim étoit retourné à
la Cour de Berlin depuis le commence
ment de la guerre de 1689. Il n'eut pas
plutôt apris l'établissement de Morel
dans une Cour si peu éloignée , qu'il
souhaita de le revoir, et lui fournit luimême
une occasion des plus favorables
pour avancer ses affaires.
L'Electeur de Brandebourg , depuis premier
Roy de Prusse , avoit résolu de
fonder une nouvelle Université à Hall
en Saxe , et il devoit se rendre dans cette
Ville avec toute sa Cour , pour la solemnité
de cet Etablissement , qu'il fixa an
premier Juillet , jour de sa naissance .
Spanheim écrivit à Morel pour lui don.
ner rendez- vous à Halldans ce temps là
et celui-ci s'y rendit à point nommé.
Dans leur premiere entrevûë , après le
détail que Morel fit de ses malheurs pas
sés , et de son changement de fortune ,
àunAmi qui paroissoirs'y interesser beau
coup' , Spanheim lui demanda des nous
vellesde son ancien Projet , et fut ravi
d'aprendre qu'il se sentoit encore en état
de l'executer. Frederic Benedict Carpzo
vius
1
1
2510 MERCURE DE FRANCE
vius , Senateur de Leipsic , qui étoit présent
, lui offrit d'abord ses services pour
lui procurer dans cette Ville un Libraire
qui imprimât son Ouvrage. Tout cela ranimadeplus
enplus le couragede Morel.
Mais Spanheim avoit des vûës encore
plus utiles en faveur de son ami . Tout
Ministre d'Etat qu'il étoit , et estimé de
son Prince , ses recommandations ne suf
fisoient pas pour obtenir tout ce qu'il
auroit souhaité. M. Eberard Danckelman
gouvernoit alors toutes les affaires
et il falloit s'adresser à lui , ou ne rien
attendre. Spanheim lui présenta Morel ,
et lui parla si avantageusement de son
mérite , et de l'Ouvrage auquel il vouloit
travailler , que ce Ministre Favort
lui promit sa protection et ses bons offices
auprès de l'Electeur. Il lui tint paro-
Ie . Morel fut admis à l'audience du Prince
, qui témoigna beaucoup de plaisir de
voir les desseins de Médailles que notre
Antiquaire lui montra ; et il s'en retournapleindegrandes
esperances , après être
convenu avec Spanheim qu'il demanderoit
permission au Comte de Schwartzburg
, d'aller dans un ou deux mois à
Berlin , pour visiter le Cabinet de l'Electeur
, et sçavoir les mesures que l'on
auroit prises sur son sujet.
Morel
NOVEMBRE. 1736. 25
:
Morel ne manqua pas de partir vers
letemps marqué. En passant à Leipsic ,
il régla presque tout avec le Libraire ,
pour l'impression de son grand Reciüeil ;
etquand il fut arrivé à Berlin , l'Electeur
instruit plus au longde son Projet ,
lui fit esperer des effets de sa liberalité ,
et consentit que l'Ouvrage lui fût dédié ,
quand il paroîtroit.
y
Il reçut quelque argent , et il esperoic
entoucher davantage , lorsque M. Danckelman
vint à être disgracié de son
Prince. Ce fut un coup de foudre pour
notre Auteur. Destitué des secours , sur
lesquels il comptoit et souffrant une
grande perte par les dépenses qu'il avoit
déja faites , il perdit courage , et se relachade
plus en plus dans son travail. Accablédetristesse
, il fut par surcroît bientôt
après attaqué d'une paralysie du côté
droit , et par-là hors d'erat d'écrire , er
moins encore de dessiner. Ainsi l'Ouvrage
demeura entierement interrompu .
Cependant comme Morel se remit peu à
peu , sans recouvrer néanmoins l'usage
des membres que la paralysie avoit affectés
, le Comte de Schwartzburg luř
donna pour adjoint un habile homme
nommé Marc Chrétien Schlegel , à qui
il dictoit tout ce qu'il vouloit.
Avec
y
2512 MERCUREDE FRANCE
Avec ce secours il reprit courage , ct
recommença à travailler de la maniere
que son état le permettoit , mais iln'eut
point la consolation de finir son Ouvra
ge. Une attaque d'apoplexie l'enleva à
Arnstad le 10. Avril 1703. jour auquel il
fut trouvé mort dans son lir. Il laissa un
fils qui a été fait Ministre à Berne.
Tous ceux qui ont parlé de ce sçavant
Antiquaire , l'ont fait avec de grands
éloges. Il n'y a eu que Jean-Foy Vaillant,
qui par une jalousie d'Auteur , s'est
déchaîné contre lui après sa mort , sous
prétexte que Morel ne lui avoit pas fait
honneur de l'explicationdequelquesMédailles
, qu'il tenoit de lui , à ce qu'il
prétendoit. Il n'est pas cependant probable
que Morel se soit avisé de s'attribuer
une chose qui apartenoit à Vaillant
puisque dans une Lettre à Perizonius ,
écrite en 1701. il se reconnoît inferieur
à cet Antiquaire , et dit que personne ne
le surpasse dans la connoissance desMé
dailles antiques.
Au reste Morel , malgré tout son
amour pour les Médailles , sçavoit donner
un juste prix à cette Etude , et ne se
laissoit pointaller aux travers d'esprit de
quelques Sçavans , qui méprisent toute
autre connoissance , que celle qui fait
Pobjet
NOVEMBRE: 1736. 2513
l'objet de leur attachement. C'est ce qui
paroît pat une de ses Lettres où il parle
ainsi : >> J'ai undésir ardentde m'instruí-
>> re , et je me suis toujours gardé des il-
>> lusions de l'amour propre , ne cher
>>chant dans l'étude des Médailles qu'à
>> m'occuper agréablement, et qu'a apren-
>> dre l'Histoire . Les Médailles ne sont
>>que des monumensde la vanité des An-
>> ciens. Quand je les entendrois parfaite-
>>ment,je n'en serois ni plus grand , ni
> plus honnête homme : au lieu que si je
> m'enorgüeillissois de la connoissance
» que j'en ai , je serois un sot et une
»bête.
Cataloguede ses Ouvrages.
1. Specimen universa Rei Nummaria
Antique , quod Litteratorum Reipublica
proponit Andreas Morellus , Helvetiis. Paris.
1683. in - 8 . C'est un projet du grand
Ouvrage qu'il avoit entrepris , et qui
devoit contenir en dix volumes toutes
les Médailles anciennes. Il en avoit alors
déja 20000. exactementdessinées. It. Lipsia.
1695. in- 8 . Cette seconde Edition est
retouchée , augmentée , et accommodée
aux nouvelles vûës sur lesquelles Morel
avoit reglé son plan. Au lieu de
20000. Médailles qu'il promettoit dans
د
2514 MERCURE DE FRANCE
la premiere , il déclare dans celle-ci qu'il
endonnera un quart de plus. Il a joint à
cet essai quelques Lettres de Spanheim.
La premiere Edition n'en a que deux qui
ont reparu dans la seconde fort augmen
tées , avec trois autres , qui roulent presqu'entierement
sur l'explication de quelques
Médailles.
2. Epistola ad Jacobum Perizonium de
Nummis Consularibus 1701. in- 4 . Perizonius
a fait réimprimer cette Lettre avec
une autre que Morel lui avoit écrite un
peu auparavant , à la suite de sa dissertation
de Ære gravi. Lugd. Bat. 1713. in-
12. Elle se trouve aussi dans les Electa
Rei Nummarie , imprimés à Hambourg
en 1709.
3. Lettre écrite à M. le Chevalier Fontaine
, par André Morel , pour servir de
Réponse à un Extrait de Lettre que le Jour
nal de Paris dit avoir été écrite audit Morel
, par M. Galland , Antiquaire de M.
Foucault , Intendant du Roy en Normandie.
1703. in 4. Cette Lettre , que je ne
connois que par les Nova Litteraria Germania
anni 1703. p. 69. tend à réfuter -
celle de M. Galland à Morel , touchant
lesMédailles Consulaires , qui se trouve ,
non point dans le Journal des Sçavans de
Paris, commele titre que je viens de raporter
NOVEMBRE. 1736. 2519
porter pouroit le faire croire , mais dans
les Mémoires de Trevoux , année 1702. Fevrier
p. 102. et Juin p. 87. Morel prétend
qu'elle est suposée , et raporte à saplace
celle que M. Galland lui a effectivement .
écrire.
4. Thesaurus Morellianus , five Familiarum
Romanarum Numismata omnia , diligentissimè
undique conquisita , ad ipsorum
Nummorum fidem accuratissimè delineata ,
et juxta ordinem Fulvii Ursini , et Caroli
Patini disposita à celeberrimo Antiquario
Andrea Morello. Accedunt Nummi Miscelianei
Urbis Roma , Hispanici ,
etGoltziani
, dubia fidei omnes. Nunc primum
edidit , et Commentario perpetuo illustravit
Sigebertus Havercampus. Amstelodami ,
1734. in-fol. 2. vol. C'est un précieux
reste du vaste Recüeil que Morel avoit
entrepris. Onytrouve 3539. Médailles ,
gravées avec leurs revers , et accompa
gnéesdes explications deM. Havercamp .
Montalant , Libraire , Quay des Augustins ;
donne avis au Public qu'il distribuë le second
Volume de l'Histoire universelle deDomCalmet,
Bénédictin de la Congrégation de S. Vannes ,
vol. in-4. Que l'on trouve encore chés lui le
Tome 6. des Cérémonies Religieuses ,gravées par
Picart , en grand et petit Papier . Ce Volume
renferme les Cérémonies des Anglicans , des
Anabaptistes et des Quaquers. Il a aussi des
Exemplaires
2516 MERCURE DE FRANCE
Exemplaires de l'Ouvrage des deuxgrandeurs ,
complets. Il vend encore le Traité de la Coupe
des Pierres et des Bois pour la construction des
Vouteset autres parties des Bâtimens Civils et
Militaires . Par M. Frezier. vol. in - 4.
THEOLOGIA UNIVERSA , speculativa et dogmatica,
complectens omnia Dogmata et singulas
Quastiones Theologicas qua inScholis tractari solent
R. P. Paulo- Gabriele Antoine , Societatis Jesu
in- 12.7 Vol. A Paris,chés Ganeau, Fils, Libraire
ruë S. Jacques , vis-à - vis S. Yves , à S. Louis.
L'accueil favorable que le Public a fait àla
Théologie Morale du même Auteur , nous est
un sur garant pour sa Theologie dogmatique.
Le nombre de Prélats qui ont engagé les Séminaires
de leurs dépendances à s'en servir , nous
yconfirme davantage. Nous n'avons rien de
plus interressant que d'aprendre notre Religion,
etde nous mettre en état de la soûtenir , contre
lesdiverses sortes d'Hérétiques répandus dans
lemonde ; plus nous aurons d'Auteurs qui travailleront
sur la Theologie , plus nous serons
instruits. Le R. P. Antoine est unde ceux qui
est le plus goûté ; sans être abregé, il est con
cis. Les belles Lettres auxquelles nous sommes
principalement adonnés , ne nous permettent
pasd'entrer dans un détail circonstancié de ce
Livre. Nous nous contenterons d'annoncer les
differens Traités contenus dans cette Theologie
, sçavoir , de la Foy , de l'Unité de Dieu , de
laSainte Trinité , des Anges , des Péchés , de
l'Incarnation , des Actes humains , de la Grace ,
des Sacremens en général , des Sacremens en
particulier , du Sacrifice de la Messe.
On trouve chés le même Libraire les Livres
Ejusdem vaus,
NOMEMBRE. 1736. 2519
Ejusdem Theologia moralis , nova Editio , in-
12. 4. vol.
Compendiosa Institutiones Theologica , ad
usum Seminarii Pictaviensis , ultima Editio , in
12. 4. vol. de petit caractere.
Le même in-12. 5. vol.
Les Panegyriques des Martyrs , par S. Jean
Chrysostome , traduites du Grec , avec un Abregé
de la vie de ces mêmes Martyrs , in- 8 . Par le R.P.
DeBonrecueil de l'Oratoire.
Coummier général , ou Corps de Compilation
de tous les Commentateurs sur la Coûtume de
Poitou , avec les Conferences des autres Coûtumes,
Les Notes de Me Charles du Moulin et de Nouvelles
Observations. Par M. Boucheul , in- folio a
volumes.
Abregé Chronologique de l'Histoire de France ,
par M.le Comte de Boulainvilliers , in - 12. 30
volumes.
Abregé de l'Histoire des Plantes usuelles par
Chomel , in- 12 . 3. vol.
Oeuvres de Chirurgie traduites par M. Depaux
, Chirurgien , contenant un TraitédesMa
ladies qui arrivent aux Parties génitales des deux
sexes. De la nature , des causes , des symptômes ,
et de la curation des Maladies Vénériennes . De la
vertu des Médicamens . Des Maladies aiguës des
Enfans. Du Flux menstruel des Femmes , in-12.
5. volumes.
Le Parfait Notaire Apostolique et Procureur des
Officialités , parM. Brunet , Avocat , in. 4. 20
volumes.
Officina Latinitatis , seu Novum Dictionariu
Latino-Gallicum , nova Editio , in 8 .
CATA
2518 MERCURE DE FRANCE
j
CATALOGUE des Livres quele Sieur
Cavelier , Libraire , rue S. Jacques , a
nouvellement reçûs des Pays Eirangers.
Stephani ( Rob. ) Thesaurus Lingue Latine.
Editio nova , prioribus multò auctior et emendatior.
fol. 4. vol. Londini. 1734
Fabricii ( Jo. Alb.) Bibliotheca Latina , me
diæ et infimæ ætatis. Libri XV. s . vol. 8.Ham
burgi 1736.
Nota. L'on vend les volumes séparément.
Suvedenborgii ( Emm. ) Principia rerum na
turalium , sive novorum tentaminum Phænomenamundi
elementaris philosophice explicandi.
fol. 3. vol. cum figuris.
Funccii ( Jo. Nic. ) De origine et pueritia
Latinæ Linguæ accedit Spicilegium litterarium.
in- 4. Marburgi 1735 .
.......De imminenti Latina Linguæ senectute.
in- 4. Marburgi. 1736.
Stephani ( Hanr. ) De abusu Linguæ Græcæ ,
in quibusdam vocibus quos Latina usurpat.in-8.
Berolini. 1736.
Breitengeri ( Jo . )Artis cogitandi principia
admentem recentiorum Philosophorum, in-8.
Tiguri. 1736.
Grandcolas. Commentarius historicus in Romanum
Breviarium. in 4. Antuerpia. 1734.
Castel( Germ. ) Controversiæ Ecclesiasticohistoricæ
utiliter curiose , non compositæ , sed
dispositæ . in 4. Colonia . 1734 .
Mureti ( Aut. ) Opera. Orationes , Epistolæ ,
variæ Lectiones , Commentaria inAristotelem.
vol. in- 8. Verona. 1727.
Einem
NOVEMBRE. 1736. 2519
Einem ( Jo ) Animadversiones selectæ ad Jo.
Clerici scripta . in- 8 . Magdeburgi. 1735.
Mintert ( Petr. ) Lexicon Græco- Latinum in
N. J. C. Testamentum , in quo cujuslibet vocis
Etymol. datur , significationes variæ explicantur.
in- 4. Francofurti. 1728.
Eckart ( Georg. ) Commentarii de rebus
Franciæ Orientalis , et Ecclesiæ Wirceburg. fol.
2. vol. Vvirceburgi. 1729.
Vvolsii(Christ. ) Theologia naturalis methodo
scientificâ pertractata. in 4. Lipsia 1736 .
DeTerragosen Dissertationes VII. quibus de
situ ejus aliorum opiniones exhibentur , in-4.
Francofurti 1735.
Brucmanni ( Frid. ) Epistolæ itinerariæ de
Bibliothecis Undebonensibus , de Lapidibus , de
Polypo marino perrefacto , in-4. cum figuris.
Vvolfembutella. 1728.
Acta Eruditorum Lipsiensium ab anno 16820
ad 1735. inclusiv. Supplem. X. et IndicesV.
69. vol. in-4.
Nota. Chaque Volume se vend séparément.
Scriptores Rei rusticæ veteres Latini , quibus
aunc accedit Vegetius de Malo -Medicinæ , cum
Notis variorum , curante Gesnero. 2. vol. in-4.
cum figur. Lipsia. 1735.
Logique, ou Systême abregé deRéfléxions qui
peuvent contribuer à la netteté et à l'entendementde
nos connoissances. Par Crouzas. 2. vol.
in- 8 . Amsterdam. 1737 .
Menschenii ( Jo. ) Vitæ summorum dignitate
et eruditione virorum ex rarissimis monumentis
litterato orbi restitutæ. in 4. Coburgi 1735 .
Simson ( Rob. ) Sectionum conicarum Libri
V. in-4. cum figuris. Edimburgi 1735.
Miscellanea Observationes critica in Auctores
veteres
2520 MERCURE DE FRANCE
veteres et recentiores ab eruditis Britannis inchoate
, nunc in Belgio continuatæ , 7. vol. in
8. Amsterdam 1736.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Florence
le 15. Octobre 1736. contenant plusieurs
Nouvelles Litteraires.
On est fort occupé ici à donner le IVe Volu
me du Musaum Florentinum qui contiendra les
Médaillons , et on revoit avec un très-grand
soin les Epreuves des Planches pour les rendre
bien exactes. C'est le Docteur Gory qui est seul
chargé des explications depuis la mortdeBuonarotta
, qui a laissé ici un grand nom après
lui .
On donnera en même temps le Ve Volume ,
qui contiendra les Portraits des Peintres peints
pareux-mêmes.
M. Gory public un Ouvrage de Doni sur la
Musique des Anciens , qui est annoncé ainsi :
J. Bapt. Donii Patricii Florentini Lyra Barberina,
siveAmphicerdun, in quo Libro vetus Citharodia,
Lyraqueprasertim ac Citharaforma , usus , partes,
species , appellationes usurpantur. Opus nune primum
Editum. Accedunt ejusdem Donii , de prastantiâMusica
veteris, item Epistola clarorum virorum
ad Donium et Donii ad eosdem viros claros,
Adhuc sub pralo Opus , curanteAnt. Fr. Gorio
F.P.H. P. multisfiguris incisis areis Tabulis locupletatum
ex antiquis Monumentis qua Musica instrumenta
praferunt. in-fol .
Le même M. Gory travaille toûjours àsa
grandeCollection des Monumens Etrusques.
Le Travail du P. Politi sur l'Eustathe sur
Homere
NOVEMBRE. 1736. 2521
Homere , continuë . Le IVe Volume est sous
presse.
,
Je vous envoye deux Projets considerables
d'Ouvrages du Docteur Lami , avec qui j'ai fait
grande connoissance. Il a une extreme vivacité,
assés d'érudition et est grand Grec. On
fait encore plusde cas ici d'un Médecin nommé
Coqui , qui est fort versé dans les Belles Lettres .
Je ne l'ai encore vu qu'en passant. Il a publié à
Londres un Roman Grec d'un Xenophon , qui
n'étoit pas connu , intitulé Ephesiaca.
Le même Docteur Lami doit publier une Liste
Chronologique de Sçavans qui ont vécu jusqu'à
l'an 1500. in-8. Ce ne ddoit être qu'une simple
Table.
Je ne sçai si l'on connoît à Paris ce Livre- ci :
Sagge de Dissertazioni Accademiche publicamente
lette nella Nobile Accademia Etrusca dell' Antichissima
Citta di Cortona, Roma. 1735. in- 4.
Vous auriez grand plaisir de le voir avec le
goût que vous avez. Je pourai une autre fois
vous en parler plus au long. C'est un nouvel
•Etablissement. Il doitparoître un second Volume
de ces Dissertations .
Des deux Projets d'Ouvrages du Docteur
Lami , que nous avons reçus avec cette Lettres
le premier regarde une nouvelle Edition de toutes
les Jeuvres de Meursius . Nous n'en dirons
rien ici , parce que d'autres Journalistes ont déja
fait connoître cette Entreprise : mais nous nous
faisons un devoir de raporter dans son entier le
second Prospectus , qui concerne un ample Recueil
de Pieces Anecdotes , dignes de l'attention
de tous les Sçavans.
G PETRUS
2522 MERCURE DE FRANCE
PETRUS Cajet. Vivianius Typographus Viris
Litterarumet Eruditionis amantibus. S. D.
Quum eam , in qua temporibus hisce versa
mur, litterarum et eruditionis lucem illis præcipuè
debeamus , qui diligenti studio veterum
Scriptorum Commentationes , quæ diu situ
squallidæ , et cum blattis tincisque pugnantes ,
inBibliothecarum pluteis delituerant , colligentes
chalcographico opere descriptas ediderunt;
heinc visum est , quascumque doctorum hominum
lucubrationes , quæ ἀνέκδοτοι , hucusque
et pæne ignotæ jacuerunt , veluti sparsa Sybil
læ folia , colligere , et typis excusaiinnVViirroorruumm
eruditorum usum et commoditatem evulgare.
Hujus autem à me susceptæ Provinciæ notitiam
Viris litteratis, et eruditionis amantibus in antecessum
tradere operæ pretium esse existimavi , er
de editionis via ac ratione plane ac perspicuè
cos edocere. Universa igitur hæc collectio in
XXIV. plus minus, volumina , forma, ut vocant,
octava , distribuetur ; corumque quatuor anno
quolibet , optima charta , et egregiis characteribus
excudentur ; ita ut singulis trimestribus spa.
tiis singula volumina perfecta et absoluta in pu
blicum prodeant. Opuscula , quæ illis continebuntur
, cum diversi argumenti, ut Philosophiæ.
Theologiæ , Mathematicæ , Historiæ Ecclesiasticæ,
Profanæ et Naturalis , Antiquitatum eruditarum
, aliarumque id genus doctrinarum , tum
nonunius linguæ varietate voluptatem legentibus
afferent : nam et Græca in illis , et Latina, et
Italica , si qua suppetent , opera occurrent ; ex
quibus Græca non sine Latina interpretatione ,
emittentur. Nec tantum cordi erit , opuscula
eximia , et publica luce digna seligere , verum
etiam recensere , et castigare , et breves animadversiones
NOVEMBRE . 1736.2523 .
versiones,ubi opus fuerit,adscribere; quin et præs
fationes addam quibus et Scriptorum historiam
et Codicum MSS. præstantiam , et commentariorum
utilitatem ,et corum , qui Codices perhumaniter
commodaverunt , liberalitatem commemorare
fert animus. Quod quidem omne ut
præstare possem , usus sum peritia , et sedulitate
JO. LAMI , publici in Florentina Academia Ecclesiasticæ
Historiæ Professoris , et Riccardianæ
Bibliothecæ Præfecti , Viri alias ob lucubra
tiones ab eo publici juris factas , et ob iterande
operum celeberrimi Jo. MEURSI editionis curam
et ἐπιμέλειαν litterariæ Reipub. satis noti. Quum
vero laboris multum , et impensæ , in hoc opere
absolvendo mihi immineat , omnes bonarum artium
, et litterarum amantes Viros ad societatem
quamdam mecum ineundam invito utdum
mihi suppetias adveniunt , pretii minoris emolumentum
, et ἀντίδωρον , ipsi quoque à me referant.
Nam quum singula volumina quatuor
Juliis Romanis ceteris omnibus emptoribus
constituta sint , ii , qui nobiscum societatem
inierint , tres tantum Julios pro quolibet volumine
solvent ; ita tamen ut prima vice duplum
pretium primi voluminis tradant , ultimum tandem
volumen gratis habituri. Primum autem
volumen brevi me emissurum recipio .
Florentia Id. Jul. MDCCXXXVI .
,
Onavertit que le Sieur P. G. Destouches , mertra
au jour avant la fin de Decembre un Almanach
fort curieux et d'un grand secours , qui
comprend les années depuis 1700. jusqu'à 1799.
inclusivement. Il est d'environ 19. pouces de
haut sur 26. à 27. de large , dédié à M. Herault ,
Conseiller d'Etat , Lieutenant Général de Po-
Gij lice;
2524 MERCURE DE FRANCE
lice,gravéen Taille douce , dirigé en trois Tables
, au-dessous desquelles est le Calendrier ca
bon ordre , avec le lever et coucher du Soleil .
La premiere Table contient dabord les Cycles
des années Solaires avec leurs Lettres Dominicales
, pour trouver par le moyen de ces mêmes
Lettres répetées en tête de la Table , le Jour
par où doit commencer chaque Mois , en suivant
la ligne où se trouve le mois jusques sous
la Lettre Dominicale. Et si l'on ignore la date
dumois , sçachant par quel jour il a commencé,
ondescend au bas de cette Table où sont sept
petites Grilles timbrées des joursde la Semaines
et prenant celle dont le timbre estle premier
jour du mois on trouve ladate très-aisément.
1 Cette premiere vous renvoye à celle du milieu
, qui est la seconde , aux mêmes Lettres Do.
minicales,dans le carré desquelles on trouve absolument
l'année proposée, et en suivant la même
ligne , les Fêtes mobiles.
La troisième montre dabord les Cycles Lu
naires , et suivant la ligne où se rencontre l'année
proposée , on trouve le Nombre d'Or , les
Epactes et les nouvelles Lunes.
L'Auteur a fait son possible pour rendre cet
Almanach intelligible à toutes personnes ; il ne
faut que connoître les sept Lettres Dominicales
pour en faire usage : D'ailleurs il est fort utile
et propre àpouvoir orner un Cabinet.
On le trouvera à Paris chés le sieur Beaumont
, Graveur ordinaire de la Ville , ruë saint
Jacques , à saint Paul. Le prix sera de deux
livres.
L'AcadémieRoyaledesInscriptionsetBelles
Lettres
NOVEMBRE. 1736. 292
Lettres, reprit ses Exercices le Mardy 13. de ce
mois par une Assemblée publique , à laquello
M. le Cardinal de Polignac présida. La Séanse
fut ouverte par l'éloge de M. Quiqueran de
Beaujeu , Evêque de Castres , décedé au mois de
Juillet dernier , qui fut prononcé par M. de
Boze , Sécretaire perpetuel , et qui fut extrê
mement aplaudi.
M. Fourmont l'aîné parla ensuite sur les Sabisa
tes , ou Chrétiens de Saint Jean.
- Ce Discours fut suivi de la lecture que fit Ma
P'Abbé Sallier , d'une Dissertation sur l'antiquité
de l'usagedes signaux par le feu.
Et la Séance fut terminée par une autre Dis
sertation que lût M. l'Abbé Gedoyn , touchant
lapréferencedes Anciens sur les Modernes.
On avoit distribué dès le commencement un
Programme de l'Académie , dont M. le Sécre
taire fit la lecture , et dont voici la teneur
PRIX LITTERAIRE fondé dans
l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles-Lettres.
AcadémieRoyale desInscriptions et Belles-
LLettres, désirant que les Auteurs qui compo
sent pour le Prix , ayenttout le tems d'aprofondir
les matieres , et de travailler les sujets qu'elle leur
donne à traiter , a résolu de les publier beaucoup
plutôt , et elle annonce dès-à-présent que le sujet
qu'elle a arrêté pour le concours au Prix
qu'elle distribuera à Pâques 1738. consiste à
marquer quelles étoient les Loix de l'Isle de Crete,
si Lycurgue en fit usage dans celles qu'il donna à
Lacédémone, et quel raport il y a entre ces Loixi
Giij,
2526 MERCURE DE FRANCE
Le Prix sera toujours une Médaille d'Or , de
la valeur de quatre cent livres.
Toutes personnes , de quelque pays et condision
qu'elles soient , excepté celles qui composent
ladite Académie , seront admises à concourirpour
ce Prix , et leurs Ouvrages pouront être
écrits en François ou en Latin , à leur choix. II
faudra seulement les borner à une heure de lec
tureauplus. 1.
Les Auteurs mettront simplement une devise
àleurs Ouvrages ; mais , pour se faire connoître
, ils y joindront , dans un papier cacheté et
écrit de leur propre main, leurs noms, demeures
er qualités ; et ce papier ne sera ouvertqu'après
Fadjudication du Prix.
Les Piéces affranchies de tous ports seront remises
entre les mains du Sécretaire de l'Académie
, avant le premier Décembre 1737.
Le Mercredi 146 Novembre l'AcadémieRoyaledes
Sciences tint son Assemblée publique , à
laquelle présida M. le Marquis de Torci.
M. Cassini le fils, ouvrit la Séance par la lectured'un
Mémoire , dans lequel il rendit compte
du travail que lui et Mr Maraldi ont fait cette
année, pour continuer à décrire les Perpendiculaires
sur la Méridienne qui passe par l'Obser
toire Royal de Paris .
Mr Morand lût ensuite un Mémoire d'Anatomie
, dans lequel il explique , comment dans
les amputations , les arteres coupées se cicatrisent.
Mr Dufay lût après cela un Mémoire conte
nant beaucoup d'expériences nouvelles et curieuses
sur la Rosée .
M. Maraldi lut Pobservation qu'il a faite du
dernier passage de Mercure sur le Soleil. Mr
NOVEMBRE: 1736. 2527
Mr Jussieu finir la Séance par la lecture d'un
Mémoire sur la couleur de pourpre des Anciens.
On donnera des Extraits de ces Mémoires le
mois prochain.
OUVERTURE du College Royal.
L
Es Professeurs du College Royal de France,
fondé àParis par le Roy François 1. le Pere
et le Restaurateur des Lettres , reprirent leurs
Exercices , interrompus par les vacances ordinaires
, le Lundy 19. Novembre. Voici les noms
des Sçavans qui remplissent actuellement les
Chaires de ce fameux College, sous l'Inspection
deM.Lancelot , de l'Académie Royale des Inscriptionset
Belles Lettres , Censeur Royal .
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallieret Henry.
Pour la Langue Grecque.
Mrs Caperonnier et Vatry.
Pour les Mathématiques
Mrs Chevalier et Privat de Molieres.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres,
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollinet Souchay.
Pour la Médecine , la Chirurgie , la
Pharmacie et la Botanique.
Mrs Andry , Burette ,AstrucetDu Bois .
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete du Roy
Gin pour
2528 MERCURE DE FRANCE
pour les Langues Orientales ,et Fourmont.
Pourle Droit Canon.
Mrs Capon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque.
M. l'Abbé Fourmont.
Nous nous sommes chargés avec plaisir de
donner avis au Public curieux et intelligent ,
particulierement aux Antiquaires, que le Cabinet
de feu M. Lebret , Conseiller d'Etat , Premier
Président, Intendantde Justice et du Commerce,
et Commandant pour le Roy en Provence, a été
transporté à Paris , où il est actuellement à vendre.
Ce Cabinet contient de très belles et amples
Collections ou Suites de Médaillons et de
Médailles d'or , d'argent et de bronze , de toutes
les grandeurs , outre quantité d'Agathes , de
Pierres gravées, Bagues et autres rarctés précieuses
en ce genre.
Ceux qui auront dessein d'en faire l'acquisi
tion , pouront s'adresser à Mrs Lebret, héritiers,
chés M.Méliand,Conseiller d'Etat ordinaire, ruë
S. Louis au Marais , où ils trouveront tous les
éclaircissemens nécessaires. Les Etrangers avertis
par cette annonce , peuvent écrire à Paris , à
leurs Correspondans , pour prendre les mêmes
éclaircissemens.
CeCabinet est digne d'être mis en parallele
avec ceux qui contiennent les plus grandes et
les plus rares Collections dont on ait parlé depuis
long tems, soit pour la quantité des Pieces,
soit pour leur rareté, singularité et conservation.
Le nom de M. Lebret est assés connu , sur
tout dans la République des Lettres. On sçait
qu'il a employé plus de 30. années de soins et
de
NOVEMBRE. 1736. 2529
de peines pour rassembler toutes les Pieces rares
qui composent son Cabinet , et que sa connoissance
et songoût exquis les luiont toujours fait
rechercher avec beaucoup d'empressement.
Papillon ,Graveur en bois , de la Société des
Arts , demeurant au milieu du Pont S. Michel à
Paris, au Papillon,donne avis que le petit Almanach
de Paris pour l'année 1737.est augmenté de
plusieurs choses curieuses et qu'il se délivre
actuellement.
Le sieur le Bas , aussi facile qu'infatigable
et habile Graveur , vient de mettre au jour
les quatre Elemens , d'après quatre excellens
petits Tableaux en hauteur , de D. Teniers , du
Cabinet de la Comtesse de Verruë . La Terre est
désignée par des Paysans avec la bêche , &c.
l'Eau , par des Pêcheurs. Le Fen , par des Forgerons
; et l'Air , par un Chasseur à l'Oiseau.
Les fonds de Paysages sont admirables. Voici
les Vers qu'on lit au bas.
La Terre.
Quand la Terre nous donne et des fruits et des
fleurs ,
Elle me semble agir ainsi qu'une Maîtresse,
Qui pour faire présent de ses douces faveurs ,.
Veut qu'à la cultiver on travaille sans cesse..
L'Eau.
De dangereux filets ,de cruels hameçons ,
Jusqu'au milieu desMers poursuivent lesPoissons;,
Que ne diroient- ils point de cette violence ,
S'il leur étoit permis de rompre le silence ?
G L
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Feu.
Voici cet Elément dont la chaleur extrême
Peut amolir la pierre et les plus durs Métaux ;
Qui produit tantde biens,qui cause tant de maux;;
Et qui dévorant tout , se dévore lui-même.
L'Air.
Les aîlessont un don interdit aux Humains ;
Mais pour y supléer leur ruse est si subtile ,
Que l'Oiseau dans les Airs n'a point de sûr azile,,
Etne peut en volant se sauver de leursmains.
Ces quatre morceaux , qu'on vient de mettre
en vente , se débitent chés le sieur le Bas , ruë
de la Harpe , vis-à- vis la rue Percée.
Le mêmeAuteur a mis au jour enmême temps
une Estampe de sa composition , sous le titre de
Pierrot et sa progéniture. Ce petit Sujet est fort
ingénieusement traité..
Le sieur Charles - Nicolas Cochin, vient de graver
une très-belle Estampe d'après un Tableau
en largeur de M. J. Restout , où l'on voit un furieux
fracas et un feu admirable ; c'est la Destruction
du Palais d'Armide , après le Départ de
Renaud. L'Original de ce Tableau , de six pieds
de large , sur 4. de haut , est dans le Cabinet de
M. le Premier. L'Estampe qui vient de paroître
se vend ruë S. Jacques , chés Cochin , 1736 .
Le sieur Charles- Nicolas Cochin , le fils , a
fait paroître en même-temps une Estampe en
large , très heureusement gravée d'après un excellent
Tableaude M. C. Vanloo , de cinq pieds
de large , sur 4, de haut , du Cabinet de M. Sa..
valet
NOVEMBRE. 1736. 2537
Valet , 1736. Cette Estampe se vend au même
endroit.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres dans les Arts et dans les
Sciences , se continuë toujours avec beaucoup de
succès , chés Odieuvre , Marchand d'Estampes,
Quay de l'Ecole , vis- à-vis la Samaritaine. Il
vient de mettre en vente , et toujours de la mê
me grandeur :
JULIEN HAYNEUVE , Jésuite , né à Laval
en 1588. mort à Paris le 31, Janvier 1663 .
HIERONYMUS FRESCOBALDUS ,
Ferrariensis Organista Basilica S. Petri in Urbe
Roma , atatis sua 36. Dessiné et gravé par Cla
Mellan.
CHARLES - GASPARD -GUILLAUME
DE VINTIMILLE , des Comtes de Marseille
du Luc , Archevêque de Paris , dessiné par M.
Boissot, Peintre de l'Académie Royale , et gravé
par François Ravenet.
Dans le dernier Mercure, à l'article du Portrait
du Pere Savonarole , on a mis par méprise,
le nom du Marchand Odieuvre , pour le nom
duGraveur.
On écrit de Constantinople , que le 14. Août
dernier , à deux heures après midy , le Ciel se
couvrit de nuages épais , lesquels répandirentune
obscurité presque égale à celle de la nuit.
Peu de temps après il parut une Comete , dont
la queuë s'étendoit du côté de l'Occident , et qui
demeura environ 35. minutes sur l'horison .
L'obscurité se dissipa vers les 4.heures du soir et
fut suivie d'un broüillard d'une odeur sulfureuse,
lequel dura jusques à minuit
Gvj L'Aproa
2532 MERCURE DE FRANCE
L'Aprobation que les Médecins de la Faculté
de Paris ont donnée à un Remede de Mile de
Rezé , aujourd'hui Mad. de Lestrade, après avoir
vû la guérison des Dartres d'une Princesse qui
avoit employé quantité de Remedes , sans en
avoir reçû de soulagement , et une infinité de
personnes attaquées de la même maladie , qui
ont été guéries depuis , jusques dans les Pays les
plus éloignés , les Colonies et les Ports de Mer
étant tous remplis de Dartres , &c. M. Chicoyneau
, Conseiller d'Etat et Premier Médecin du
Roy , ayant vû la guérison d'un grand Prélat dos
Rougeurset Dartres qu'il avoit au visage depuis
plus de huit ans ,et ayant apris qu'elle traitoit
ces maladiesdepuis 40. ans avec succès et aplau
dissement , a bien voulu donner son Aprobation
à la bonté de ces Remedes , et la liberté de les débiter;
sçavoir, Eau contre les Dartres vives et farineuses
, boutons , rougeurs , taches de rousseurs
et autres Maladies de la peau ; et le Baume
blanc , en consistance de Pominade , qui ôte les
cavités et les rougeurs après la petite verole
les taches jaunes et le hâle , unit et blanchit le
teint , d'une maniere visible et naturelle. Lesdits
Remedes se gardent tant que l'on veut , et peuvent
se transporter par tout. Les Bouteilles de
cette Eau sont de 2. 3. 4. 6. liv. et au-dessus ,
selon la grandeur ; les Pois de Baume blanc , 3.
liv. 1o. sols , et les demi Pots 1. liv. 15. sols.
Mad. de l'Estrade demeure à Paris , rue de la
Comédie Françoise , entre un Mercier et un Grenetier
, au premier Apartement.
CHANSON
2533
Is.
※※
Curement pren travaillé
d'égards. Le récitatif en general fo
des Scenes très bien traitées, des Airs
bien faits et fort gais , des Choeurs ,
àcelui de la troisième Entrée , est extre
eudy
Fleu.
sonisé
2532
L'AP
de Pari
Rezé, a
vû la
avoit e
avoir t
person
ont été
plus él
étant to
neau ,
Roy ,
Rouge!
plus de
ces ma
dissemi
àlabo
biter; s
rineuse
seurs e
blanc ,
cavités
les tacl
teint ,
Remed
vent se
cetteE
selon 1
liv. 10
Mad.
Coméd
net
CHANSON
NOVEMBRE. 1736. 2533
CHANSON.
LE Dieu de la Tonne
Nous donne
Des Plaisirs ,
Que l'Amour assaisonne ,
Pour contenter nos désirs.
Aleurs voix soyons dociles;
Aimons , aimons toujours.
Sous leurs Loix , vivons tranquilles ;
Aimors, bûvons, nous aurons de beaux jours..
J. B. C ... d'Orleans.
***************
SPECTACLES.
L
ES GENIES , Balet , représenté le Jeudy
18. Octobre 1736. Le Poëme est de M. Fleu .
ry', et la Musique de Mlle Duval , jeune personne
qui a beaucoup de talens , comme il est aisé
de s'en convaincre par cet Ouvrage , qui est fort
varié et extrêmement bien travaillé àbeaucoup
d'égards. Le récitatif en general fort aplaudi ,
des Scenes très bien traitées, des Airs de Violon
bien faits et fort gais , des Choeurs ; sur tout
àcelui de la troisième Entrée , est extrêmement
goûté
2534 MERCURE DE FRANCE
goûté et fait grand plaisir par le dessein et par
Pexecution . Les sieurs Tribou et Chassé , et les
Diles Antier , Pelissier , Erremens , &c . y remplissent
les Caracteres qui leur conviennent et
sont fort aplaudis. Cette derniere est enCavalier
, et il n'y a rien àdésirer à son jeu .
Dans le Prologue , le Théatre représente und
Désert. Zoroastre s'annonce par ces Vers :
Il est temps que monArt instruise les Mortels;
Dans les secrets des Dieux ,le premierj'ai sçû lire;
Méritons comme eux des Autels ,
Et montrons mon pouvoir à tout ce qui respire.
Esprits soumis à mes commandemens ,
Venez remplir mon esperance ;
Rassemblez-vous des divers Elemens
Et signalez ma gloire et ma puissance.
Les Génies Elementaires obéïssent àla voix de
leur Maître , et se transportenten ces lieux, Zoroastre
leur prescrit de nouvelles loix par ces
Vers , qu'ils repetent en Choeur :
Que la Terre , le feu , que l'onde , que les Airs
Découvrent les trésors que mon Art fait éclore ,
Dispersez vous du Couchant à l'Aurore ;:
De vos bienfaits remplissez l'Univers
L'Amour, dont les droits s'étendent sur toute
låNature , descend des Cieux , suivi des plaisirs
et des jeux qui volent par tout sur ses traces ; les
Peuples Elémentaires se soumettent à sa douce
puissance,et finissent le Prologue par ces Vers :
Du
NOVEMBRE. 1736. 2535
Dudoux bruitde nos Chants , que ces lieux re-
* tentissent ,
LesAmourset lesJeux pour nos plaisirs s'unissent;
Aimons , goutons mille douceurss
:
L
L'Amour les promet à nos coeurs.
Dans la premiere Entrée qui a pour titre les
Nymphes , ou l'Amour Indiscret , le Théatre représente
un agréable Jardin sur le bord de la
Mer. Léandre ouvre la Scene ; il fait connoître à
Zerbin , son Valet , qu'il brule d'un nouveau feu
et qu'il n'en fait point mystere ; Zerbin , plussage
que lui , ne cesse de lui reprocher son in
discrétion , et lui parle ainsi :
Ah ! si l'Amour comble vos voeux,
Ne le faites jamais paroître ;
Un coeur dans l'Empire amoureux ,
Devroit , pour être plus heureux ,
Douter toujours de l'être.
Léandre , qui ne peut démentir son caractere,.
lui répond:
Lesplaisirs dont l'Amour sçait enchanter les sensy
Satisfont les désirs d'un Amant qui soupire ;
Pour moi , libre du soin de ces tendres Amans ,
Non , non , je ne les ressens ,
Qu'autant que je puis les redire.
Zerbin lui demande s'il vient attendre Lucile
dans ce Jardin ; il lui répond qu'il est épris dess
charmes de la Souveraine des Nymphes , don
2536 MERCURE DE FRANCE
il fait le portrait : il seretire à l'aproche de Lu
cile , laquelle aprend de Zerbin que Leandre lui
manque de foi ; il lui conseille de feindre une
inconstance pour le ramener à ses pieds. Lucile
aime trop constamment , pour se prêter au conseil
que Zerbin lui donne ; Leandre revient au
même endroit pour y attendre sa nouvelle conquête;
Lucile va se cacher , pour éclaircir les
soupçons que Zerbin vient de lui donner .
Après un court Monologue , par lequel Lean
dre invite sa nouvelle Maîtresse à venir auprès
de lui , l'objet de son amour , qui est la principale
Nymphe , sort du sein des flots ; ils se
jurent tous deux un amour qui ne doit jamais
finir , la Suite de la Nymphe célebre un amour
si parfait en apparence ; Lucile vient troubler
cette fêre ; elle accable Leandre de reproches ,
et lui défend de se présenter jamais à ses yeux ;
Leandre veut courir après elle , pour regagner
son coeur ; la principale Nymphe l'arrête en
vain; il ne veut perdre aucune de ses conquêtes
; sa derniere Maîtresse , pour venger cet ou
trage , ordonne aux Vents et aux Flots de servir
sa fureur : Cette premiere Entrée finit par
une' inondation génerale.
>
La seconde Entrée est intitulée les Gnomes ,
ou l'Amour Ambitieux ; le Theatre représente
une Solitude bornée par un Bosquet. Zaire ,
qui est l'Amante Ambitieuse , commence cette
Entrée par le récit d'un songe qu'elle a fait;
le voici :
Quel spectacle àmes yeux s'est-offert cette nuit !
Jamais rien de si beau n'avoit frapé mon ame ;
Malgré l'éclat du jour , cette image me suit.
Adolphe ... J'ai cru voir cet objet de ma flamme
Sur
NOVEMBRE. 1736. 2537
Sur un Trône , entouré d'une pompeuse Cour :
Tout trembloit devant lui dans un humble es
clavage ;
Je me trouvois moi-même en ce charmant séjour
Et lorsque tous les coeurs venoient lui rendre
hommage',
Je joüissois de l'avantage
De le voir à mes pieds , les offrir à l'Amour.
UnGnome , sous le nom d'Adolphe , vient se
présenter aux yeux de Zaire ; cette Amante
Ambitieuse le trouve moins aimable qu'elle ne
l'a vû en songe ; après quelques plaintes de part
et d'autre , Adolphe rassure Zaïre , et la met au
comble de ses voeux , en faisant paroître tout à
coup unsuperbe Palais ; il y joint une Fête , où
une troupe de Gnomes sous la forme de divers
Peuples Orientaux , se signalent par leurs
chants et par leurs danses; Zaïre est enchantée
de tout ce qu'elle voit : pour achever de remplir
son ambition , Adolphe la fait reconnoître Souveraine
des Gnomes; l'Entrée finit par ce choeur
adressé à l'Amante Ambitieuse :
,
Regnez dans nos Climats ; joüissez de la gloire
De faire triompher l'Amour ;
Vos yeux à chaque instant augmentent sa vic
toire ;
Qu'il vous enchaîne à votre tour.
Le titre de la troisième Entrée , c'est les Sala
mandres , ou l'Amour violent ; le Theatre repré
sente le Palais de Numapire , Souverain des Gé
nies du feu . Cette Entrée n'a pas été entenduë de
tous
2538 MERCURE DE FRANCE
tous les Spectateurs ; une ressemblance de traits
qu'on doit suposer , y a jetté de l'obscurité ; d'ail.
leurs ceux qui s'y sont prêtés auroient voulu ,
que celle qui a emprunté les traits de sa Rivale ,
nie l'eût fait que pour se venger de son infidele
Amant et non pour immoler cette Rivale ,
d'autant que cette transformation ne lui étoit
point du tout nécessaire pour exécuter son premier
projet. Voilà ce que les personnes intelligentes
ont reconnu de plus défectueux.
,
Ismenide ouvre la Scene en se plaignant de
Numapire , qui la ravit tyranniquement à un
Amant, qui fait son unique bonheur. Pircaride ,
sous les traits d'Ismenide , paroît sur un char de
feu , un poignard à la main , avant que d'immoler
sa Rivale , elle lui parleainsi :
Pour immoler une victime ,
Le désespoir me conduit en ces Lieux ;
Tu me vois sous ta propre image ,
Mais c'est pour mieux servir ma rage.
On ne comprend pas comment cette ressem
blance avec une Rivale à qui s'adressent ces qua--
tre premiers Vers , peut mieux servir la rage de
Pircaride.
Ismenide , sans faire aucune réflexion sur une
ressemblance si inutile , se justifie envers sa Rivale
, en lui aprenant qu'elle aime Idas , et que
c'est malgré elle qu'elle est aimée de Numapire ;
Pircaride est désarmée par cet avcu , et tourne
tous ses projets de vengeance contre Numapire.
C'est à cette occasion qu'on auroit voulu qu'elle
eut pris la ressemblance de sa Rivale ; les Spectateurs
l'auroient plus facilement comprise , et
P'utilité auroit redoublé leur attention. Pircaride.
Tassure Ismenide par ces vers Ne
NOVEMBRE. 1736. 2539
Ne craignez rien ; je vais vous rendre à votre
Amant ,
Et , s'il se peut , par mon déguisement
Tromper l'Ingrat qui sçait me plaire.
Ismenide , par l'ordre de Pircaride , est enle
vée par des Génies ; cette Souveraine des Salamandres
la prend sous sa protection aussi bien
que son Amant, avec qui elle entreprend de l'unir
pour se venger de Numapire ; cet Amant
infidele la voyant sous les traits d'Ismenide , l'assure
d'une amour éternelle , elle lui fait les mêmes
protestations ; elle porte la dissimulation
assés loin , pour laisser célebrer , sans éclater ,
toute la fête qui suit cette Scene. Les Sujets de
Numapire celebrent cette fête , laquelle étant finie
, Pircaride cesse de feindre ; elle réparoît sous
ses propres traits sur un char de fen ; elle annon
ee àson Infidele que cette Ismenide , dont elle
avoit pris la ressemblance , va épouser Idas sor
Rival; et pour lui faire voir qu'elle ne le craint
point , elle lui dit :
*
Ici , je brave ta vengeances
Mon Pouvoir égale le tien.
Numapire se livre à sa fureur ; et par-là , cette
troisiéme Entrée finit comme la premiere ; d'un
côté c'est une inondation , de l'autre un incendie.
Cette ressemblance de dénoiement a été
censurée des Connoisseurs , qui aiment la varieté
dans leDramatique; cela n'a pas empêché qu'on
n'ait extrêmement aplaudi le dernier choeur , ou
Mile Duval a fait connoître qu'elle est capable
des plus grands coups de Maître , quoique ce
Balet ne soitque son coup d'essay.
Le
2540 MERCURE DE FRANCE
Les Sylphes , ou l'Amour leger , sont le sujetde
Ja derniere Entrée. En voici un court extrait. Le
Theatre représente un lieu préparé pour y don
ner une fête galante. Un' Sylphe , ou le Souve
rain des Sylphes fait entendre qu'il a pris un.
nouvel amour pour une Belle , qui n'a fait que
paroître à ses yeux ; en attendant qu'il puisse
la revoir , il s'entretient avec une Sylphide aussi
volage que lui'; cette Seene a fait beaucoup de
plaisir par sa légereté.
,
Florise , qui est la Beauté dont le Roy des
Sylphes est devenu amoureux paroit travestie
en Cavalier , un masque à la main , et fait connoître
son projet par ces Vers :
C'est ici que l'Amourva m'offrir des hommages
Qui vont faire briller le pouvoir de ses traits;
Sous ce déguisement redouble mes attraits ,
Amour , je viens ici tromper deux coeurs volages .
La Sylphide volage rend son premier hommage
à Florise qu'elle prendpour un Cavalier ;
elle lui jure de lui être fidelle, malgré son in
constance naturelle.
Le Sylphe se plaint de l'absence de l'objet
qu'il adore; Florise,dont le masque lui dérobe ses
traits , lui demande quel est l'objet de son amour;
le Sylphe lui répondqu'il n'a vu cette belle Sylphide
qu'un instant ; je la connois , lui dit Florise;
cette jeune Beauté n'a point de goût pour
des Amans fideles ; le Sylphe lui fait entendre
qu'il est fidele et volage , comme il lui plaît ,
pour s'accommoder àl'humeur des Belles ; Florise
acheve de le déconcerter , en lui disant que
L'Amant de sa nouvelle Maîtresse est en ces lieux,
elle se démasque , et donne lamain à Dorante
qu'elle
NOVEMBRE . 1736. 2541
qu'elle démêle parmi les Danseurs , elle avoue au
Sylphe et à la Sylphide qu'elle les a trompés
tous deux , et les invite à devenir fideles , s'ils
veulent être parfaitement heureux. La fête de
cette derniere Entrée est un Bal , dont la danse
est aussi bien dessinée qu'elle est exécutée..
Le 4. Novembre on donna la neuvième et
derniere Représentation de ce Balet , et on reprit
celui de L'Europe Galante , qu'on ne se lasse pas
de voir , et qui fait toujours le même plaisir.
Le 13. la Dlle Petitpas , qui a été quelque temps
absente du Theatre , y reparut dans le rôle de
la Sultane Favorite , qu'elle joua parfaitement:
elle fut très-bien reçue du Public .
,
Le 11. Fête de S. Martin , on denna lepremier
Bal public qu'on donne tous les ans à pareil
jour sur le Theatre de l'Opera etqu'on
continuë pendant differens jours jusqu'à l'Avent.
On le reprend ordinairement à la Fête des Rois
jusqu'au Carême.
Le 21. l'Académie Royale remit au Theatre
la Tragédie de Medée et Jason , dont le Poëme
est de M. de la Roque , et la Musique de feu M.
Salomon , ordinaire de la Musique du Roy.
Cette Piece , qui est très-bien exécutée , et trèsfavorablement
reçûë du Public , avoit été donnée
dans sa nouveauté au mois d'Avril 1713. et
reprise dans le même mois de 1727. Nous en
avons donné un Extrait au mois de Juin de la
même année , page 1193. auquel nous renvoyons.
Au reste cet Opera est fort bien remis
au Theatre ; le plaisir que font les Représentations
généralement aplaudies , est égal à l'em-
"pressement
2542 MERCURE DE FRANCE
pressement que le Public a témoigné de le revoir:
lesRôles ensont très-bien remplis et exécutés
dans la grande perfection. Au Prologue ,
ceux de l'Europe , de Melpomene , et d'Apollorz
sont joüés par les Diles Erremens , Julie , et le
Sr Person; et dans la Piece , ceux de Medée et
de Creuse par les Dlles Antier et Pelissier ; et
ceux de Créon at de Jason par les Sieurs Chassé
et Tribou. Les Divertissemens et les Balets
composés par le Sr Blondi , sont aussi bien
dessinés que variés , et très-bien exécutés par les
meilleurs Sujets de l'Académie ; les Diles Sallé ,
Mariette et le Breton, les Sieurs Dumoulins ,
Dupré et Maltaires s'y distinguent. La Dile Fel
chante divers petits Airs détachés, Cantatilles er
Arrietes avec un art et un gout exquis , surtout
un Air Italien qui est universellement aplaudi.
Sur la Gigue du cinquième Acte de l'Opera
deMedée.
PARODIE.
DUPapillon mon Rival est l'image ;
Crois-tu fixer un Amant si volage a
Du Papillon , &c.
Il va de coeur en coeur.
Il paroît tendre,
Pour te surprendre.
Mais Quoi ? Dois-tu te rendre ?
Non; ce n'est qu'un trompeur.
N'aime plus ce Berger ;
Il t'aprend à changer :
N'oses-tu te venger
Rien
NOVEMBRE. 1736. 254
Rien n'est si doux.
Recompense
Ma constance , { bis.
Aime-moi tant qu'il en soit jaloux.
Le nouvel Acteur qui a paru sur le Theatre Ita
lien , et dont on a déja parlé , a joüé depuis le
même Rôle d'Arlequin dans d'autres Pieces avec
aplaudissement. Il fit un Compliment le jour de
sondébut qui parut fort ingénieux , dans lequel
il répondit pour le Public et pour lui aux objec
tions qu'on pouroit lui faire , et s'exprima en
ces termes.
Mrs , vous ne devez pas douter que je n'aye
grandepeur ;vous sçavez de reste les raisons qui
me la causent , elles ne sont que trop bien fondées ,
et si je n'en trouve d'autres pour m'encourager ,
vous ne verrez en moi qu'un Acteur craintif,et
par consequent très - ennuyeux ; cela ne vaudroit
pas le Diable.
Je débute aujourd'hui dans un Caractere où l'on
va mejuger par comparaison ; si cela est , ce n'est
pas la peine que je commence. En effet , Mrs , se
vous ne mettez à part lajuste prévention où vous
êtespour un Acteur qui a mérité et qui mérite tous
Les jours vos aplaudissemens par des graces toujours
nouvelles et un service de vingt années , que
vais-je devenir ?
,
Voici commeje voudrois que l'affaire s'accom
modât. Plus l'Acteur ( dont j'ai l'honneur de vous
parler) a de talens , de graces , de gentillesses , et
enfin tout ce qu'on rechercheroit en vain dans un
autre , plus il est difficile de lui ressembler ; ainsi
pour peu qu'un autre ne soit pas abſolument mauvais
, j'ose dire que vous ne devez pas le rebuter.
Mais
1344 MERCURE DE FRANCE
4
..
que
Mais , dira quelqu'un de mauvaise humeur , j'ai
bien affaire, moi,d'une pareille disparate) ... pourquoi
joüez-vous le Rôle d'Arlequin ? Ah ! Mrs ,
un peu d'indulgence , je ne le joue que pour l'aprendre
sous un si grand Maître . Jeneveux
point être la dupe de votre aprentissage .....
Eh ! Ne l'êtes- vous pas tous les jours de la plupart
des Débutans ? ... Pourquoi n'aurois-je pas le
même avantage que les autres f ... Cela est different
; on ne doit joüer l'Arlequin , lorsqu'on
est bien sûr de plaire et de faire rire ....
Eh bien ! Mrs , je vous promets de vous faire rive
dans une douzaine d'années. Songez s'il vous
plaît qu'on n'acquiert ce talent qu'avec l'exercice.
Encouragez-moi , s'il vous plaît , Bon, si
je vous encourage , vous prendrez mes aplaudissemens
au pied de la lettre , et vous croirez les
mériter. Non , Mrs , je vous promets de ne devenir
insolent , que lorsque je serai bien sûr de mon
fait. Eh bien ! Voyons donc ce que vous
sçavez faire.
...
...
La Comédie nouvelle de l'Enfant Prodigue au
Théatre François , se soutient toujours avec le
même succès et un fort grand concours. Cependant
elle n'a point encore de Pere déclaré ,
aucun des Poëtes à qui on la donne n'a voulu
P'accepter . L'Auteur du Pour et Contre ne veut
point reconnoître cette Piece pour l'ouvrage d'un
célebre Poëte , à qui une infinité de gens l'attribuënt
; je la crois , dit- il , de quelquejeuneAuteur
qui ne sera peut-être quelque jour inferieur à personne
; mais qui nejoint point encore à ses grands
talens l'art des Caracteres , et une connoissance
suffisante du Theatre. Nous instruirons le Public
de ce mystere quand il sera éclairci , et nous ne
manquerons
NOVEMBRE. 1736. 2545
manquerons pas de donner un Extrait de la Piéce,
dont la 21me Représentation fut encore fort
aplaudie le Jeudi 29. de ce mois.
:
Le 24 Septembre , la Reine étant allée au
Château de Meudon , le Roy de Pologne lui
< donna le divertissement de plusieurs Scenes exécutées
par la Troupe de l'Opera Comique , qui
représenta leMagazin des Modernes , et l'Impromptu
du Pont Neuf , Piéces en Vaudevilles ,
ornées de chants et de danses de la composition
de M. P. Cette derniere Piéce avoit été composée
erjoüée sur le Theatre de la Foire S. Laurent
au mois de Septembre 1729. àl'occasion de la
naissance de Monseigneur le Dauphin. Elle a fait
aujourd'hui le même plaisir qu'elle fit dans sa
nouveauté. Ces deux Piéces furent précedées d'un
Prologue du même Auteur , dialogué entre l'Europe
et la Paix.
:
L'Europe. Air , Pourla Baronne.
Est-il possible .
Que l'on vous rende à nos souhaits ?
Qu'à ce bonheur je suis sensible !
Je vous revois , aimable Paix
Est- il possible ?
La Paix.
,
Oüi , charmante Europe , c'est moi , c'est
cette Paix sidesirée , qui viens fermer le Temple
de Janus , et réparer les maux que mon absence
vous a causés.
H L'Europe.
2546 MERCURE DE FRANCE
L'Europe. Air. Pourquoi vous en
prendre à moi.
Pourquoi m'abandonniez- vous , Déesse,
Pourquoi m'abandonniez- vous ?
Tout meurt , lorsque la Paix cesse ,
Sans vous nous languissions tous.
Pourquoi m'abandonniez -vous ? &c.
La Paix .
Je ne vous quitteroisjamais , s'ilm'étoit per
mis de suivre mon penchant ; mais leDestin ma
soumise aux loix de la Politique ; il faut que je
lui obeisse. Au surplus deux ou trois ans d'ab
sence ne serviront qu'à me rendre plus agréable
à vos Peuples.
L'Europe.
Cela est vrai , et j'en juge par l'empressement
que l'on a de vous revoir ; quelle moisson de
gloire vous allez recücillir ! Air de Joconde
A vos genoux Bellone et Mars
Ont déposé leurs armes ,
Mille concerts de toutes parts
Vont succeder aux larmes ;
Le salpetre , dont les effets
Ont causé tant d'allarmes ,
Ne servira plus désormais
Qu'à célébrer vos charmes.
La Paix.
Cesmarques éclatantes de votrezele recevront
leur
NOVEMBRE. 1736. 2547
leur prix, Après avoir concilié les Peuples,sça
vez vous quel dessein j'ai conçu ?
L'Europe.
Je vous prie de m'en faire part.
La Paix. Air. On n'aime plus dans
nos forêts.
Mon Projet est de rétablir
Par tout une heureuse harmonie,
Je prétends , pour y parvenir ,
Qu'ici tout se réconcilie ,
Et que les plus grands ennemis
Par mes soins deviennent amis.
L'Europe.
Vous réconcilierez donc les Médecins avec les
Empiriques.
La Paix.
Ces sortes de querelles ne m'interessent pas
assés. Voyez mon idée. Il y a longtems que le
Commerce est broüillé avec la Bonne Foi ; la
Rime avec la Raison ; l'Opera avec le Bon Sens ;
le Sçavoir avec la Fortune , les Gascons avec la
Modestic ; les Normands avec la Vérité :
Eh bien !
L'Europe.
La Paix.
Je vais tâcher de les remettre ensemble au
jourd'hui.
L'Europe.
Voilà un ouvrage digne de vous , mais dans
grand nombre d'Ennemis que vous venez de
Hij citer
2548 MERCURE DE FRANCE
citer , je m'étonne que vous n'ayez point compris
deux freres qui s'en veulent mortellement.
Air , Du Bois de Boulogne .
Si vous pouviez faire leur paix ,
On vous béniroit à jamais ,
Pour vous ce seroit un chef- d'oeuvre
Et la fin couronneroit l'oeuvre,
La Paix .
Qui sont ces deux freres ?
L'Europe.
,
L'Hymen et l'Amour, je ne sçai point d'union
plus nécessaire au bien public.
La Paix.
Allez , allez , l'affaire en est faite. Air : Je ne
veux plus troubler votre ignorance.
J'ai rétabli chés eux l'intelligence ,
Et leurs débats pour jamais sont finis ,
Au même endroit ils font leur résidence ;
Je n'ai point vû de freres plus unis.
:
L'Europe.
Où demeurent- ils , s'il vous plaît e
La Paix.
A quatre lieuës de Paris .
:.
Dans un Palais délicieux ,
Séjour de deux Epoux illustres ,
Depuis près de deux lustres
Ils habitent tous deux.
C'estNOVEMBRE.
1736. 2549
C'est-là que la grandeur , l'éclat et la richesse ,
Bien loin d'altérer la sagesse
Dans son jour le plus beau, la font apercevoir ,
C'est dans ce lieu que l'on peut voir
Ce qui doit à toute la France
Servir d'exemple et de miroir ;
La Jeunesse avec la Constance ,
Le Plaisir avec le Devoir ,
Et par une heureuse alliance ,
La Justice s'unir au suprême pouvoir.
L'Europe.
Je connois les personnes augustes dont vous
parlez. Air , la Ceinture :
Tous les coeurs qu'ils sçavent charmer,
Suivent leurs loix sans se contraindre ;
Leurs Vertus les font plus aimer
Que leur pouvoir ne les fait craindre.
La Paix.
J'entends du bruit.
L'Europe .
Ce sont mes Peuples qui viennent célébres
votre retour .
La Paix.
Prenons part à leur Fête ; quand elle sera finie
, nous nous unirons vous et moi pour l'execution
du projet que je viens de vous communiquer.
Ce petit Prologue fut suivi d'un Divertisse-
Hiij ment
2550 MERCURE DE FRANCE
ment et d'un Vaudeville , dont les paroles sont
du même Auteur, mises en Musique par M. Gilliers
; en voici quelques Couplets On en trouyera
l'Air noté avec laChanson , page 2533-
Premier Couplet , chanté par la Paix.
Paris va revoir dans ses murs
Les Plaisirs , mes Enfans aimables
La bonne foi les rendra purs ,
Le repos les rendra durables ;
Et bon , bon , vous aurez encor
Des momens agréables ;
Et bon , bon , vous verrez encor
Les beaux jours de l'âge d'or.
On ne verra plus désormais ,
Entre Amis de compliment fade
On préferera les effets ,
A tous ces discours de parade ;
Et bon , bon , nous verrons encor
Quelqu'Oreste et Pylade ,
Et bon , bon , nous verrons encor
L'amitié de l'âge d'or .
Ies Amans par leur vive ardeur ,
Seront dignes de récompense ;
Ils auront , malgré leur bonheur ,
Du secret et de la Constance
Er
NOVEMBRE. 1736. 2558
Et bon , bon , nous verrons encor
Des Amadis en France ;
Et bon , bon , nous verrons encor
Des Amans de l'âge d'or.
De sa méprisante froideur ,
L'Epoux connoîtra l'injustice ;
Chés lui complaisance et douceur
Prendront la place du caprice.
Et bon , bon , nous verrons encor
Le siecle d'Euridice ,
Et bon , bon , nous verrons encor
Des Maris de l'âge d'or.
Moins par devoir que par plaisir ,
Une Epouse sera soumise ;
Son coeur jusqu'au dernier soupir
Sçaura garder la foi promise.
Et bon , bon , nous verrons encor
La vertu d'Artemise ;
Et bon , bon , nous verrons encor
Des femmes de l'âge d'or .
La Reine , qui parut très-satisfaite de ce Dia
vertissement, eut la bonté d'accorder à la Trous
pe une prolongation de huit jours pour la coninuation
de la Foire.
La Dlle le Févre , Eleve de la Dlle Sallé , s'est
Hiij forg
2552 MERCURE DE FRANCE
fort distinguée dans la danse , ainsi que la Díle
Grognet, la Dile Angélique , et le sieur Tabary,
dans une Entrée Allemande.
Le 8. Octobre jour de la clôture de la Foire,
on représenta l'Amant Maître de Musique, et le
Magasin des Modernes. Ces deux Pieces furent
suivies d'un nouveau Ballet pantomime , intitulé ,
l'Amour et l'Innocence , de la composition de
M. de Verriere ; il fut aussi bien executé , qu'il
fut géneralement aplaudi. On fit ensuite le Compliment
qu'on fait d'ordinaire à la fin de la Foire,
par des Vaudevilles , chantés par chacun des
Acteurs.
AAAAAAAAAA گننا
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE .
N a apris , selon les Lettres de Constanti.
,
retiré de l'interieur de la Crimée , et qu'il étoit
retourné ve s Orkapy où il avoit séparé son
Armée en deux corps , et le Capitan-Pacha a
dépêché depuis peu Mustapha Bey , son petitfils
, au Grand Seigneur , pour lui donner avis
que les Moscovites avoient entierement- abandonné
la Crimée. Cette nouvelle a répandu à
Constantinople une grande joye , et l'on a fait
à cette occasion , par ordre du Grand Seigneur ,"
une salve génerale de l'Artillerie du Serrail , de
Top-Hana , de l'Arsenal , de la Tour de Léandre
et des quatre Châteaux situés sur le Canal de
laMer Noire.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2553
Le 28. Août le G. S. donna une Audience pablique
à Baki-Kan , lequel après avoir reglé à
Erzerum avec Gentch-Aly- Pacha , les principales
conditions de la Paix entre les Turcs et les
Persans , est arrivé à Constantinople , avec caractere
d'Ambassadeur Extraordinaire du Roy de
Perse.
Le 12. Septembre S. H. reçut avis que le
Sultan Islam-Ghiray , Séraskier des Tartares de
Budziac , étoit arrivé dans l'Ukraine , et s'étoit
avancé jusqu'aux environs de Czehrin ; qu'il
avoir ravagé presqu'entierement cette Province,
d'où il avoit emmené près de 30000. Esclaves :
et qu'en retournant dans son Pays , il avoit défait
un Corps de sooo. Moscovites et enlevé un
Convoy de 400. Chariots, que ces Troupes conduisoient
à l'Armée du Comte de Munich .
Les . Septembre , le Kaimacan déclara que le
G. S. mécontent de la conduite que le Kan des
Tartares avoit tenuë depuis qu'il étoit en guerre
avec les Moscovites , avoit jugé à propos de le
déposer , et de lui donner le SultanKalga pour
successeur.
RUSSIE.
Ulifa-Mirza - Caffa , Ambassadeur de Perse,
Kcontinuë d'assurer que si la Czarine n'a
pas été apellée comme Partie contractante à la
conclusion du Traité entre les Turcs et les Persans
, Thamas Kouli-Kan a fait du moins en
sorte , non seulement qu'il n'y fût rien stipulé
de contraire aux interêts de la Moscovie , mais
encore que S. M.Cz. conservât la tranquille possession
du Daghestan et des Provinces voisines.
Il ajoute qu'outre les assurances données plu-
Hv sieurs
2554 MERCURE DEFRANCE
sieurs fois par Thamas Kouli-Kan , lesquelles
sont des cautions suffisantes de la conduite qu'il
a tenuë à cet égard , la nécessité dans laquelle
étoit ce Prince de tenir sa promesse , répond de
la fidélité qu'il a euë à remplir ses engagemens,
que si les Provincespossedées par les Moscovites
du côté de la Perse , passoient sous la domination
des Turcs, le commerce des Persans avec la
Moscovie seroit bien - tôt entierement ruiné ; que
d'ailleurs Thamas Kouli- Kan a interêt de ne
point souffrir qu'on ôte à la Perse la communication
avec la Moscovie,et qu'il lui importe d'être
toujours à portée d'en recevoir des secours ,
tant pour se défendre des Ennemis du dehors
que pour soumettre ceux des Persans qui refusent
de se soumettre à son autorité.
Le Grand Seigneur étant convenu d'une sus
pension d'armes avec la Czarine , le Comte de
Munich a reçû ordre de distribuer des quartiers
d'hyver aux Troupes qu'il commande , et de
revenir ensuite à Pétersbourg .
Ce Général a mandé à S. M. Cz . qu'une par
tie de l'Armée Otthomane avoit pris des quartiers
de l'autre côté du Danube ; que le Grand
Visir ayant passé ce Fleuve avec l'autre partie de
ses Troupes , il marchoit vers Bender pour aller
joindre l'Armée des Tartares , laquelle étoit arrivée
sous le Canon de cette Place, qu'après avoir
déliberé avec le Kan de Crimée sur les entreprises
que les Turcs et les Tartares pouroient former
dans la campagne prochaine,si la Paix n'étoit pas
concluë avant le Printemps,il feroit entrer le reste
des Troupes Othomanes en quartier dans les
Provinces voisines du Dnieper , et qu'il iroit ensuite
passer l'hyver à Isalicza.
Quoiqu'on travaille avec toute la diligence possible
NOVEMBRE . 1735. 2555
sible aux préparatifs nécessaires pour une seconde
campagne , on ne doute pas que la Paix ne
soit bien- tôt conclue , et l'on croit qu'elle le
seroit déja , si le G. S. avoit voulu consentir de
céder Asoph à la Czarine , et de lui rendre une
partie du Pays que les Moscovites ont été obligésd'abandonner
au G. S. par le Traité de Pruth.
Donduck-Ombro , Kan des Tartares Calmouques
, qui sont sous la protection de la Czarine ,
a dépêché un de ses principaux Officiers à S. M.
Cz. pour l'informer que le 19. du mois dernier
il se mettroit en marche pour attaquer les Tartares
du Cuban , et qu'il devoit être joint sur la
route par un Corps considérable de Tartares du
Cubardin. La Czarine a renvoyé cet Officier avec
des présens considérables pour le Prince son
Maître , et l'on assure qu'elle a mandé à Donduck
- Ombro , que le Grand Seigneur étant
convenu avec elle d'une suspension d'armes , les
circonstances présentes exigeoient qu'on ne
commît aucun acte d'hostilité contre des Peu
ples Tributaires de Sa Hautesse.
Il arriva le 1s . Octobre un Courier , par lequel
le Général Lasci donna avis à S. M. Cz.
qu'un Corps de Cosaques qu'il avoit détaché le
26. du mois de Septembre , pour empêcher les
Tartarés de Crimée de faire des courses du côté
d'Irzum , en ayant rencontré environ 200. entre
les Rivieres de Conskiewodi et de Molocznywodi
, les avoit envelopés et les avoit presque tous
tués ou faits prisonniers ; que sur la nouvelle de
la marche de 600. autres Tartares qui s'étoient
avancés sur les Frontieres de l'Ukraine Mosco
vite, le même Corps étoit allé les artaquer'; qu'il
les avoit surpris avant qu'ils pussent se mettre en
défense , que près de 300. Tartares avoient été
Hvj taillés
2556 MERCURE DE FRANCE
taillés en pieces ; qu'on en avoit pris so du nombre
desquels étoient trois Turcs , et que le reste
avoit été mis en fuite.
SUEDE.
Lettres de Stockolm , marquent que le
LRoy de Suede ne voulant riennégligerpour
augmenter le Commerce de la Compagnie des
Indes Orientales , établie sous sa protection , a
défendu qu'aucun autre Vaisseau que ceux de
cette Compagnie, portât en Suede des Marchan .
dises des Indes . Ces Lettres ajoûtent que la même
Compagnie ayant fait depuis peu l'acquisition
d'une Isle située sur les Côtes de la Chine
les Directeurs ont résolu d'y faire creuser un
Bassin qui sera défendu par deux Forts , afin
que les Vaisseaux puissent y être en sûreté; qu'ils
mettront une forte Garnison dans cette Isle et
qu'ils y feront construire des Magasins.
Οa
ALLEMAGNE.
,
N aprend de Dresde , que leRoyAuguste
créé Chevaliers du nouvel Ordre de Saint
Henry , Empereur , le Prince Charles de Saxe ;
le Prince de Holstein ; les Généraux Bauditz , de
Lutzelbourg de Milckaw , de Bose , de Friese ,
de Saint Paul,et les Lieutenans Feldt - Maréchaux,
de Castell , de Friese et de Stutterheim .
On mande de Stutgard , que M. Imberti, cidevant
Ministre de la République de Venise auprès
du Roy de la Grande,Bretagne , étoit depuis
quelque temps à la Cour du Duc de Wirtemberg
, et qu'il avoit conclu avec ce Prince
un Traité par lequel le Duc de Wirtemberg
s'engage
NOVEMBRE . 1736. 2557
s'engage à fournir un certain nombre de Troupes
à la République , qui lui payera joooo écus
par an autant de temps qu'elle gardera ces
Troupes à son service .
Il y a eû à Erfort un grand Incendie qui commença
le 21. du mois d'Octobre , entre 8. et 9 .
heures du matin , et qui dura jusqu'à six heures
du soir du lendemain; 180. maisons , outre plusieurs
Edifices considérables , du nombre des
quels sont quelques Eglises , ont été entierement
consumées par les flammes.
On a découvert que les Auteurs de cet Incendie
étoient quelques Soldats de Recruë, qui ayant
pris querelle avec le Maître de l'Hôtellerie où ils
étoient logés , avoient mis le feu à la chambre
qu'ils avoient occupée , ainsi que dans l'Ecurie er
dans uneGrange.Les flammes gagnerent bien-tôt
toute la maison et se communiquerent aux maisons
voisines. Le Duc de Saxe Weimar , dont
la Résidence n'est qu'à quatre lieües d'Erfort, ne
fut pas plutôt informé de cet accident, qu'il y envoya
400.hommes de ses Troupes , afin de prêter
du secours aux Habitans.Le Duc de Saxe Gotha a
fait distribuer des vivres pendant plusieurs jours
à ceux que cet incendie a réduits dans l'indigence.
M. Dahiman a mandé à S. M. I. par ses dernieres
Lettres , qu'aussi-tôt que les Troupes seroient
séparées , le G. S. consentiroit à s'en raporter
à la médiation de l'Empereur pour terminer
ses différends avec la Czarine. Il ajoute dans
ces Lettres , que l'accommodement avec les
Turcs et les Moscovites , rencontreroit de grandes
difficultés , si S. M.Cz. persistoit à prétendre
que ses Sujets eussent le droit de naviger librement
sur le Tanais et sur la Mer Noire.
Selon les Lettres du même Ministre, le Traité
conclu
2558 MERCURE DE FRANCE
conclu entre le G. S. et Thamas Kouli-K an porte
que S.H. reconnoîtra ce Prince Roy de Perse,
et qu'elle s'engagera à le maintenir sur leTrône,
et à le secourir contre ceux qui voudroient lui
endisputer la possession ; que la Turquie et la
Perse auroient les mêmes limites qu'elles avoient
avant la derniere guerre ; que les Turcs conserveroient
Bagdad et leurs anciennes Conquêtes ;
que les prisonniers qui ont été faits de part er
d'autre , seront rendus immédiatement après la
ratification du Traité ; que les Persans qui iront
en pelerinage à la Mecque , seront exempts des
droits qu'on leur faisoit payer auparavant comme
Etrangers , et que la Porte leur laissera la liberté
d'observer les cérémonies de leur Secte sur les
Terres de l'Empire Otthoman.
L
ITALIE.
E Roy d'Espagne n'ayant pas voulu consen
tir qu'on mît les Armes du Sénat Romain
sur la porte de l'Eglise de Notre-Dame della
Scala , le Prieur et les Conservateurs du Peuple
se sont dispensés cette année d'y aller présenter
P'offrande du Calice et des quatre Torches, qu'ils
ont coûtume d'y porter tous les ans le jour de
la Fête de sainte Thérèse.
Les Religieux Gapucins de cette Province ont.
élu le Pere Charles- Philipe de Civita-Vecchia.
pour leur Provincial .
Depuis plusieurs jours , le Duc de Berwick est
Albano , auprès du Chevalier de S. George.
D'ESPAGNE.
E Roy a nommé le Duc deVillars , Cheva
lier de l'Ordre de la Toison d'or ,
L
du feu Maréchal de ce nom,
àla place
Lie
NOVEMBRE . 1736. 2559
Le Gouvernement a ordonné qu'on arrêtât
une Dame Portugaise , qui est sortie il y a quel
que temps du Royaumede Portugal , et qu'on
croit être dans le Royaume d'Espagne.
PORTUGAL.
Na aprisde Lisbonne , que depuis peu
l'Infant Don Emanuel , frere du Roy de
Portugal , étoit parti secretement de cette Ville,
et qu'on ne sçavoit pas encore s'il s'étoit embarqué,
ou s'il avoit pris la route d'Espagne. Le
bruit s'est répandu depuis que ce Prince étoit
arrivé à Bayonne.
On mande de la Province de Tras -los-Montes
en Portugal, qu'il y a eû depuis peu un Ouragan
violent qui a causé des dommages considérables;
que toutes les vignes ont été arrachées ; que la
plupart des arbres ont été déracinés ; qu'un grand
nombre de maisons ont été renversées, et que la
grêle a tué beaucoup de personnes et de bestiaux
dans la campagne.
FRANCE .
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E3r . Octobre , la Reine entendit laMesse
dans la Chapelle du Château deVersailles,et
communia par les mains du Cardinal de Fleury,
son Grand Aumônier.
Le même jour , veille de la Fête de tous les
Saints, le Roy et la Reine assisterent dans la
Chapella
:
2560 MERCURE DE FRANCE
Chapelle du Château de Versailles , aux premieres
Vêpres , qui furent chantées par la Musique,
et auxquelles l'Evêque de Tournay officia pontificalement.
Le premier Novembre , jour de la Fête , le
Roy revêtu du Grand Colher de l'Ordre du
S. Esprit , se rendit dans la même Chapelle , où
S. M. entendit la Messe , et communia par les
mains de l'Abbé de Fourbin d'Opede , Aumônier
du Roy en quartier. Le Roy toucha ensuite
un grand nombre de malades.
Le même jour , le Roy et la Reine assisterent
à la grande Messe , célebrée pontificalement par
l'Evêque de Tournay, et chantée par laMusique.
L'après midy , Leurs Majestés entendirent le
Sermon du Pere d'Héricourt , Religieux Théatin
et ensuite les Vêpres , auxquelles le même Prélat
officia . Le Roy et la Reine assisterent aussi aux
Vêpres des Morts.
Le Roy a nommé Ministre d'Etat M. Orry ,
Conseiller d'Etat et Contrôleur General des Fi--
nances .
Le Marquis de Crenay , Capitaine dans le Régiment
du Roy , Cavalerie , a été nommé par
S. M. Mestre de Camp Lieutenant du Régiment
de Toulouze.
M.Venier , Ambassadeur ordinaire de la République
de Venise , arrivé depuis quelques jours à
Paris , alla à Versailles le 6. de ce mois avec M.
Zéno , Ambassadeur de la même République ,
auquel il succede , et il eut Audience particuliere
du Roy , de la Reine , de Monseigneur le
Dauphin et de Mesdames de France,étant conduit
par le Chevalier de Saintot , Introducteur des
Ambassadeurs.
NOVEMBRE. 1736. 2561
Le 12. de ce mois , l'ouverture du Parlement
se fit avec les cérémonies accoûtumées , par une
Messe solemnelle , célebrée dans la grande Salle
du Palais par l'Abbé de Sailly , Chantre de la
Sainte Chapelle , et à laquelle M. le Pelletier ,
Premier Président et les Chambres assisterent.
Le 11. Octobre , les Comédiens François réprésenterent
à Versailles la Tragédie de Zaire ,
et la petite Comédie de la Pupille.
Le 16. l'Obstacle imprévû et la Métamorphose
amoureuse.
Le 18. Athenaïs et la Foire S. Laurent .
Le 25. Alcibiade , Comédie en 3. Actes , et le
Mariage faitet rompu , aussi en trois Actes .
Le 30. la Tragédie de Pharamond.
Le 6. Novembre, l'Ecole des Amans,et Scapin
Le 8. Inès de Castro et les Folies amoureuses.
Le 13. l'Enfant Prodigue et les Précieuses.
Le 15. Andronic et le François à Londres.
Le 20. le Glorieux et l'Epreuve réciproque.
Le 22. Pharamond et ie Leg.
Le 27. le Préjugé à la mode et le Baron de
la Crasse.
29. lesHoraces et le Mariage forcé.
Le 13. Octobre , les Comédiens Italiens représenterent
à la Cour la Comédie de la Surprise de
laHaine , qui fut suivie de la petite Piece des
Enfans trouvés , Parodie de Zaïre , Tragédie de
M. de Voltaire.
Le 20 les Fées , et la petite Piece de la Folle
Raisonnable , dont le principal Rôle fut joüé par
P'Actrice nouvelle.
Le 27. Timon le Misantrope , et les Mascarades
Amoureuses.
Le
2562 MERCURE DE FRANCE
Le to. Novembre , les Quatre semblables et les
Billets doux .
Le 17. les Amans réunis et la Sylphide .
Le 24. la Surprise de l'Amour , le nouvel Ac
teur y a joué le Rôle d'Arlequin avec aplaudis
sement. Cette Piece fut suivie de celle des Gau
lois , Parodie de Pharamond , qui a été trèsgoûtée
à la Cour , de même que le Pas de trois,
dansé par le Sieur des Hayes et les DilesTho
massin.
Le 29. Octobre , il y eut Concert chés la
Reine , oà M. de Blamont , Surintendant de la
Musique du Roy , fit chanter sa PastoraleHéroïque
d'Endimian , qu'on continua le s. et le
12. Novembre. Les principaux Rôles furent
remplis par les Dlles Mathieu , Lenner , et d'Aigremont
, et par les Sieurs d'Angerville et Petillor.
L'execution de cette Piece fit beaucoup
deplaisir.
Le re on donna l'Impromptu , ou les Fêtesda
Labyrinthe , du même Auteur , les Diles Erremens
et Minier chanterent les Rôles de la Fée
et de l'Amour , et les. Diles Deschamps et du
Hamel les Airs du Divertissement : les autres
furent remplis par les Sieurs du Bourg , le
Bigue et le Prince .
Le 19. le 21. et le 26. on concerta l'Opera
d'Hesione , dont les principaux Rôles furent
faits par les meilleurs Sujets de la Musique du
Roy. La Dlie Lenner chanta deux Cantates de'
M. de Blamont , intitulées La Toilette de Venus
et Didon , dont l'execution fut très - aplaudie.
Le même Auteur avoit fait chanter au mois
de Septembre dernier aux Messes du Royet
de laReine ,son Motet Exaltabo te Deus , dont
les
NOVEMBRE. 1736. 2563
Jes Récits furent chantés par les Sieurs du Bourg,
Boutelou et Jerôme , avec beaucoup de précision.
Ce Motet fut très-goûté et parfaitement
bien executé.
Le premier Novembre , Fête de la Toussaints,
on chanta au Concert spirituel des Thuilleries .
le Quemadmodum , Motet de M. de la Lande ,
qui fut suivi d'une très-belle suite de Symphonie
du Sieur Aubert , et d'un grand Motet à grand
Choeur du Sieur Bordier. La Dile Fel chanta
ensuite le petit Motet Usquequo de M. Mouret
avec beaucoup de précision. Le Concert finit
par un autre grand Moter qui fut précedé de
plusieurs Pieces de Symphonie parfaitement
bien executées par les Srs Guignon et Blavet.
LeDimanche zo. Septembre 1736. à 7. heu
res du soir , le Coeur de la Princesse de Conty ,
fut porté au Val de Grace , Sépulture ordinaire
de la Maisond'Orleans , dans l'ordre qui suit.
M. l'Abbé Cecile , Chanoine de Luzarche;
Aumonier ordinaire de cette Princesse , accom
pagné du Curé d'Issy , et des deux Gentilshom
mes de la Princesse , porta le Coeur dans une
Boëte de vermeil , couverte d'un crêpe sur un
carreau de velours noir , dans un carrosse drapé
à 8. chevaux caparaçonnés avec 4. Pages à cheval
portant des flambeaux , et arriva sur les 8.
heures du soir à la Porte de l'Eglise du Val de
Grace . L'Aumônier de la Communauté , suivi
d'un Clergé nombreux , conduisit le Convoy
jusqu'à la Grille de la Porte du Tombeau , od
Madame l'Abbesse à la tête de ses Religieuses ,
toutes un cierge à la main , fut complimentée
par M. l'Abbé Cecile en lui présentant le Coeur,
dans les termes suivans, MA
2564 MERCURE DE FRANCE
MADAME ,
Votre Eglise , accoûtumée à recevoir les Corps et
les Cooeurs de l' Auguste Maison d'Orleans, recevra
sans doute avec la même venération le Coeur de
P'Illustre Princesse Madame Louise- Diane d'Orleans,
Princesse du sang,très- digne Epouse de S.A.S.
Monseigneur Loüis François de Bourbon, Prince de
Conty, Prince du Sang, décedée à Issy le 26. de
ce mois , que j'ai l'honneur de vous présenter .
Ce Coeur , Madame , est un trésor précieux que
nous vous mettons en depôt avec d'autant plus de
confiance que le même amour pour Dieu qui l'a enflammé
anime vos actions et sanctifie votre respectable
Communauté : il étoit sur la Terre l'Autel où ce
feu sacré consumoit l'Holocauste d'une vie pure et
innocente : la Re'igion y avoit établi son regne : la
violence du Fort armé n'a jamais pú l'affoiblir ; es
les vertus sembloient s'y disputer à l'envy la premiereplace
Piété tendre et solide : sincere amour conjugal :
respectueux attachement pour sa Famille , issuë du
Sang de nos Rois : charité chrétienne pour les malheureux
: bontébienfaisante pour ceux de sa Maison
: douceur inalterable répandue dans ses actions
et dans ses paroles : toutes ces vertus qui composens
le portrait de la Femme forte , selon l'Ecriture ,
caracterisent parfaitement le Coeur de notre AugustePrincesse.
Mais , helas ! Dieu , pour couronner de bonne
heure tant de vertus , nous l'a enlevée à la fleur
de son âge, au regret de toute la France , de peur,
dit la Sagesse , que la perversité du siècle ne corrompît
l'innocence de ses moeurs.
Nous pleurerons longtemps la perte que nous faisons,
et nous ne pourions nous consoler ,
si nous
n'esperions
NOVEMBRE. 1736. 25653
n'esperions , Madame , que par les suffrages de
votre picuse Communauté , vous obtiendrezduDieu
des miséricordes ,que ce Coeur qui dans le temps l'a
aimé de l'amour des Justes , joint sur la Terre à
ceux de ses Illustres Ancêtres dans le centre même
de la vertu , l'aimera parfaitement de l'amour des
Saints dans le centre de l'éternelle charité.
Réponse de Madame l'Abbesse.
Les grandes et respectables qualités de la Prinsesse
que nous perdons , et dont vous nous présentez
le Coeur , Monsieur , pour être réuni a ceux
de son Auguste Maison , nous étoient connuës.
Une douceur dans l'esprit qui ne lui laissoit de
goût que pour la docilité et qui l'éloignoit de toute
contradiction : une égalité d'ame, que ne troublerent
jamais ni les saillies de l'humeur, ni l'impétuosité
des passions : une fidelle aplication à remplir
les devoirs les plus communs ; qualité rare
dans les Grands, qui n'aiment dans la vertu même,
que ce qui peut les distinguer. Ce sont , Monsieur,
les vertus que nous avons toûjours admirées en elle :
mais ce qui a été, à plus juste titre l'objet de notre
admiration et ce qui fonde principalement nos
esperances sur son sort éternel ; c'est cet esprit de
Religion et ce respect pour les saintes Maximes de
l'Evangile qui ont toûjours paru en Elle. Nous
sçavons que sa conduite irrépréhensible aux yeux
des hommes ne la rassuroit pas devant Dieu ; que
la voix de sa conscience et celle d'un Dieu jaloux
de son Coeur , parloient toûjours assés haut au
fondde son ame pour la rendre insensible aux vaines
loŭanges de ses admirateurs et lui faire regarder
comme suspecte, toute aprobation humaine .
Quelfruit n'auroient pas produit des dispositions
,
1566 MERCURE DE FRANCE
si salutaires qui la faisoient marcher sur les traces
d'un Prince auquel elle étoit si étroitement unie
par les liens du Sang! Quelle force n'auroient point
eu de si grands exemples réunis contre le libertinage
et le déreglement de nos jours ! Dieu ne l'a pas
voulu : notre siecle n'en étoit pas digne. Le Toutpuissant,
ceDieu terrible aux Rois de la Terre , et
maître absolu de la vie des Princes , a exercé son
redoutablepouvoir sur la Princesse que nous regretons
; soumettons - nous et tremblons ; c'est dans ces
dispositions mélées de confiance , que nous allons
offrir nos Prieres au Dieu des misericordes . Que ne
devons- nous pas faire pour une Princesse , arrierepetite
Fille de la grande Reine à qui nous sommes
redevables de l'azile que nous trouvons contre la
corruption du siecle dans ce Monastere , monument
de sa magnificence et de sa pieté ?
Ensuite le Coeur fut porté au milieu du Sanc
tuaire sur une Crédence préparée ; et les Prieres
accoûtumées finies , M. l'Abbé Cécile remit le
Coeur à l'Aumônier de la Communauté, qui le
porta dans le Caveац.
AAAAAAAAAAA
MORTS , NAISSANCES
L
et Mariages.
E 19.Sept. Sophie Marie,née Comtesse deLoev
venstein , Vvertheim , veuve depuis le 9. Sept.
1720. de Philipe Marquis de Courcillon , et de
Dangeau , Comte de Civray , Melle et Usson ,
Baron de sainte Hermine , de Bressaire et de
Château du Loir, Seigneur de Chausserais, Che -
valier
NOVEMBRE. 1736. 2567
valier des Ordres du Roy , Conseiller d'Etat d'Epée
, Grand-Maître des Ordres Royaux Militai
res et Hospitaliers de N. D. du Mont Carmel et
de S. Lazare de Jérusalem , tant deçà , que delà
les Mers , Gouverneur et Lieutenant- General
pour S. M. de la Province de Touraine , Gouverneur
particulier des Ville et Château deTours,
Doyen de l'Académie Françoise, cy-devant Che.
valier d'Honneur de Mesdames les Dauphines
Mere et Ayeule de S. M. mourut à Paris , âgée
de 72. ans , étant née en 1664. elle avoit été
dans sa jeunesse Chanoinesse de Thoren , près
de Francfort- sur-le-Mein, elle étoit Fille d'honneur
de Madame la Dauphine lorsqu'elle fut mariée
le 26 Mars 1686. au Marquis de Dangeau,
dont elle fut la seconde femme . Elle a été depuis
Dame du Palais de Madame la Dauphine
Marie-Adelaide de Savoye. Elle étoit fille de
Ferdinand-Charles Comte du S. Empire , et de
Loewenstein-Wertheim , Chambellan de l'Empereur
, et Conseiller du Conseil Aulique , mort
le 24. Janvier 1672. et d'Anne- Marie , née Comtesse
de Furstenberg , morte en 1705. elle ne
laisse pour heritiere que Marie-Sophie de Courcillon
de Dangeau , sa petite-fille , qui étant
veuve de Charles- François d'Albert d'Ailly, Duc
de Pequigny , s'est remariée le 2. Septembre
1732. avec Hercules Meriadec de Rohan , Duc
de Rohan-Rohan , Pair de France , Lieutenant
Général des Armées du Roy , Gouverneur de
Champagne et Brie. La Marquise de Dangeau
étoit grande tante de Charlotte de Hesse- Rheinfels
, Duchesse de Bourbon , petite - fille de
Guillaume Landgrave de Hesse- Rheinfels-Rothembourg
, et de Marie-Anne de Loewenstein-
Wertheim,son Epouse. François Ernest , Com2568
MERCURE DE FRANCE
te de Salm- Reifferscheid , Evêque de Tournay ,
qui se trouve actuellement à Paris, est aussi petit-
neveu de feuë la Marquise de Dangeau , par
Ernerstine Barbe de Loewenstein-Vertheim, son
Ayeule.
Le 20. Anne-Marguerite de S. Amant, veuve
depuis le 9. Octobre 1704. de Louis Provence
Adhemar de Monteil de Castelane , Marquis de
Grignan , Mestre de Camp d'un Régiment de
Cavalerie , et Brigadier des Armées du Roy ,
avec lequel elle avoit été mariée au mois de Décembre
1694. mourut à Paris après de longues
infirmités , dans la 63e année de son âge , étant
née le premier Juillet 1674. elle ne laissepoint
d'enfans : ses héritiers sont Louis Arnoul Garnier
, Marquis de Salins , et Anne Garnier de Salins
, sa soeur , Marquise de Blenac , ses neveu er
niece , et enfans de feu Arnoul Jean-Baptiste
Garnier , Marquis de Salins, Lieutenant de Vaisseau,
mort le 16. Mars 1705. à l'âge de 35. ans,
et de défunte Catherine de S. Amant , morte le
9. du même mois de Mars 1705. âgée de 29 .
ans. La Marquise de Grignan et la Dame de Sa
lins , sa soeur , étoient filles d'Arnaud de Saint
Amant , Conseiller , Secretaire du Roy , Maison
Couronne de France et de ses Finances , et Fermier
General de S. M. mort le 9 Novembre
1707. et d'Anne Racine, morte le 2. Août 1715 .
Le 21. Dlle Huberte-Renée de Choiseul , restée
fille unique de feu François - Eleonor de
Choiseul , Comte de Chevigny , mort le 6. Novembre
1710. à l'âge de 36. ans , et de D. Renée-
Minerve de Chanlecy de Pleuvault saveuve,
mourut de la petite vérole à Paris , âgée
d'environ 28. ans , étant née en 1708. cette Demoiselle
étoit un riche parti.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2569
Le 27. René Troüin , Ecuyer , Seigneur du
Guay , Lieutenant General des Armées Navales
du Roy , Commandeur de l'Ordre Royal et
Militaire de S. Louis , et qui s'étoit rendu fort
célebre par ses Expéditions sur Mer , mourut à
Paris , après une longue maladie , âgé de 63 .
ans , dont il en avoit passé 47. au service de
S. M. Il étoit entré dans la Marine à l'âge de
16. ans en 1689. Après avoir passé par les Grades
d'Enseigne et de Lieutenant de Vaisseau , il
fut fait en 1696. Capitaine de Frégate , puis Capitaine
de Vaisseau le 21. Avril 1705. Chefd'Escadre
le s . Août 1715. Commandeur de l'Ordre
de S. Louis le s . Mars 1728. et enfin Lieutenant
Général des Armées Navales le 27. du même
mois de Mars 1728. Le feu Roi Louis XIV . en
considération de ses services lui avoit accordé
des Lettres de Noblesse en 1709. ainsi qu'au Sieur
de la Barbinays , son frere aîné. Celui- ci , qui
avoit été Consul de la Nation Françoise à Malgue
ou Malaga , ayant été obligé de revenir en
France à la déclaration de la guerre qui fut faite
en 1689. s'apliqua à faire des Armemens en
course pour donner de l'occupation à trois freres
qu'il avoit ; le Sieur du Guay étoit l'aîné des
trois ; les deux autres furent tués sur Mer , le
premier à l'âge de 20. ans en 1695.commandant
alors une Fregate de l'Armement de son
frere à une descente qu'il fit près de Vigo ; et
l'autre à l'âge de 22. ans , commandant une Fregate
du Roy , nommée la Valeur , fut blessé en
1705. en soutenant l'abordage contre un Bâtiment
Flessingois , et mourut quatre jours après.
Le Sieur de la Barbinays continua pendant tout
le cours des deux dernieres guerres du regne du
feuRoyd'entreprendre par le moyen de son cré-
I dir
2570 MERCURE DE FRANCE
dittous les Arnemens du Sieur du Guay Trouin ,
son frere. Feu le sieur de la Barbinays , leur
pere , Capitaine de Vaisseau particulier , avoit
fait pendant 25. ans le commerce de Cadix , et
étoit mort dans l'exercice du Consulat de Malgue.
Leur grand pere avoit été pendant 20. ans
pareillement Consul de la Nation Françoise au
même lieu , et Etienne Trouin, leur oncie , ayant
succedé dans cet emploi , l'avoit exercé pendant
30. ans. Le Sicur du Guay Trouin , qui vient
de mourir , a fait des Mémoires de sa vie , continués
jusqu'en 1712.et qui lui ayant été volés,ont
eté imprunés sans sa participation en Hollande
en 1730 .
こLe 30. D. Angelique- Françoise- Josephine de
Thyard de Bissy , Epouse de Louis-Antoine du
Prat , marquis de Barbanson , Mestre de Camp
d'un Régiment de Cavalerie , avec lequel elle
avoit été mariée le 22. Février 1735. mourut à
Paris, après être accouchée le 26. précedent d'un
fils, son premier enfant. Elle étoit dans la 176
année de son âge , et fille de Claude,Anne de
Thyard , Marquis de Bissy , d'H raucourt ,
de Fauquelmont,Gouverneur des Ville etChâteau
d'Auxonne , et Lieutenant Général des Armées
du Roy , ( Neveu du Cardinal de Bissy , Evêque
de Meaux ) et de D. Angelique Henriette-Therese
Chauvelin , son Epouse , Soeur de Germain
Louis Chauvelin , Garde des Sceaux de France ,
Ministre et Secretaire d'Etat , Commandeur des
Ordres du Roi , et Président à Mortier du Parlement
de Paris.
Le rer Octobre Alexandre le Rebours , Seigneur
de Bertrand Fosse , mourut à Paris âgé de
74. ans et demi , sans posterité. Il y avoit 14.
ans qu'il étoit resté paralitique avec perte de la
parole i
NOVEMBRE.
1736. 2571
parole d'une chute de cheval qu'il avoit faite. Il
avoit été successivement Substitut du Procureur
Général du Parlement de Paris , Conseiller au
Grand-Conseil, et grand Raporteur en la Chancellerie
de France , premier Commis des Finances
sous feu Micher Chamillart , son cousin à
cause de sa femme et enfin Conseiller d'Etat
ordinaire , et Intendant des Finances au mois
d'Août 1704. jusqu'au mois de Septembre 1715 .
que ces Charges furent suprimées. Il avoit épous
sé le 27. Janvier 1693. Susanne Ticquet , veuve
dePierre- François Jacques , Seigneur de Vitrysur-
Seine , Conseiller au Parlement de Paris . Il
n'en a point eu d'enfans . Il laisse pour unique
héritiere D. Marie-Elisabeth le Rebours, sa
Soeur , veuve d'Etienne-Hyacinthe Foullé de
Martangis , ci devant Maître des Requêtes , et
Intendant en Berri. Il étoit fils de Thierui le
Rebours , Seigneur de Bertrand Fosse , Maître
des Requêtes honoraire de l'Hôtel du Roy , et
ancien Président au Grand Conseil , mort à l'âge
de 83. ans , le 6. Octobre 1706. et de Marie
Malet du Luzard , morte le 29. Janvier 1708.
Le 10. Pierre- Antoine de Jaucourt , Chevalier
Marquis d'Espeuilles , mourut à Paris âgé d'environ.
80. ans. Il étoit veuf de D. Marie de
Montginot , morte le 27. Novembre 1732. à
l'âge de 73. ans . Il en laisse plusieurs enfans ,
dont l'aîné Pierre-Antoine de Jaucourt , Baron
d'Huban , a épousé au mois de Janvier 1726.
Susanne Marie de Vivant , fille de feu Jean de
Vivant , Marquis de Noaillac , Seigneur de Pus
ches,Montluc , &c. Lieutenant Général des A
mées du Roy ,et de feuë D. Louise de Meuves ,
et en laisse des enfans
Le 15. D. Marie-Therese Martin
10
i
veuve de
I ij Pu
is
2572 MERCURE DE FRANCE
anpuis
le 28. Fevrier 1728. de Louis de Bethune
Marquisde Chabris , Sire de Chastillon
cien Mestre de Camp de Cavalerie , et ci- devant
Gouverneur d'Ardres , qu'elle avoit épousé le
29 Juin 1707. mourut à sa Terre de Chabris
âgéed'environ 58. ans sans posterité, les deux
garçons qu'elle avoit eusdu Marquis deBethune
étant morts enbas âge. Elle étoit soeur puînée
de Gabrielle Martin , épouse de Louis-Guillau
me Jubert de Bouville , Conseiller d'Etat, et ci
devant Intendant à Orleans , et de feuë Catheri
ne Martin , Epouse de Bernard Chauvelin , Conseiller
d'Etat , ci-devant Intendant de Picardie ee
Artois , morte le 21. Juilletde l'année derniere
x735. etaînéede feuë Marie-Anne Martin , femme
de Philipe de Baylens , Marquis de Poyanne
et de Castelnau , morte le 4. May 1716. Ces
quatre Dames étoient filles de feu Jean - Louis
Martin , seigneur d'Auzielles, ancienCapitoulde
Toulouse , et Fermier général des Fermes du
Roy , et de Marie- Madeleine Demas.
,
La nuit du 18. au 19. Anne Louis du Plessis
Duc de Fronsac , fils aîné de Louis-François-
Armand duPPlleessssiiss--VVignerod, Duc deRichelieu,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roy ,
Brigadier de ses Armées , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie et ci-devant Ambassadeur à
la Cour de Vienne , et d'Elisabeth-Sophie de
Lorraine de Guise , son épouse , mourut après
une longue maladie d'une ulcere scorbutique qui
lui avoit carié l'os. Il étoit dans le 21e mois de
son âge , étant né le 30. Décembre 1734. Son
corps fut porté le 20. en l'Eglise de Sorbonne ,
où il a été inhumé. Par cette mort il ne reste plus
auDuc de Richelieu qu'un fils né le s. Août
dernier.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2573
,
Le 22. Soeur Catherine de Menou , Abbesse du
Monastere de Notre-Dame de la Bourdilliere ,
près de Loches , Diocèse de Tours , Ordre de
Citeaux , mourut dans cette Maison âgée de 85.
ans , après l'avoir gouvernée avec beaucoup de
sagesse depuis 1692. Elle étoit fille de feu Louis
de Menou Seigneur de Boussay , Genilly ,
Chambons, &c. qui étant devenu veuf , embrassa
'Etat Ecclésiassique en 1662ter fut fait Diacre.11
mourut en 1752. à Kage de 74. ans. Ce fut lui
qui fonda le Monastere de la Bourdilliere dans
sa Paroisse de Genilly. Il obtint en 1688. des
Lettres Patentes pour la confirmation de ce nou
vel Etablissement , et remit au Roy le droit de
nommer la Supérieure , qu'il s'étoit réservé par
le contrat de fondation. Par ces Lettres Patentes
leRoy accorda àcette Maison naissante les mêmes
priviléges et droits qu'aux Monasteres de
fondation royale , et donna alors la Coadjuto
rerie de cette Maison à l'Abbesse qui vient de
mourir , et qui devintTitulaire en 1692. par le
décès de Claude de Menou , sa Tante , premiere
Sapérieure de cette Maison , et Soeur du Fondateur,
dont la petite fille Catherine de Menou ;
2e du nom , vient de succeder à sa Tante , dont
elle avoit été nominée Coadjutrice le 8. Septembre
1714. Il a déja été parlé de la fondation et
de l'établissement de ce Monastere , ainsi que de
Pancienneré et noblesse de la Maison de Menou ,
dans les Mercures galans des mois de Juin 1692 .
et May 1702. C'est pourquoi nous n'employons
point ici ce qui nous en a été envoyé dans un
Mémoire anonyme à l'occasion de la mort de
l'Abbesse de la Bourdilliore , d'autant plus qu'on
trouve la généalogie de cette Maison imprimée
dans les Mémoires de Michel de Marolles, Abbé
de Villeloin,
Iiij Le
2574 MERCURE DE FRANCE
Lc 26. D. Marie Claire Magdeleine de Guiry ,
veuve de Jean- Louis Guillemin d'Igny, Seigneur,
Vicomte de Passy sur Marne , Courcelles , Rosoy
, Violennes , S. Aignan , Saconnay , et la
Chapelle -Mondon , Doyen des Maîtres d'Hô
tel du Roy ; et ancien Coloneldu Régiment de
Touraine , mourut au Château de S. Brice , chés
Christophe de Braque , Comte de Loches
Beaufrere , âgée de 66. ans. On a marque de qui
elle étoit file dans le Mercure de Mars 17390
P. 615. en raportant la mort de son Mari.
1
1
""
,
SOD
Le 31. D. Marie - Jeanne Guyon , Duchesse
*r de Sully , Dame du Marquisat de
, qui avoit souffert le 11. précédent
onpour l'extirpation d'uneglande au
tà Paris âgée d'environ 63. ans.
e de Jacques Guyon , Ecuyer , Sei-
Chesnoy de Champoulet , et en partie
du Canal de Briare , mort le 21. Juillet 1676..
et de D. Jeanne Bouvier de la Motte , sa veuve,
fortconnuë de son temps sous le nom deMadame
Guyon , et morte le 9 Juin 1717. La Duchesse
de Sully avoit eté mariee deux fois ; 1.
Je 25. Août 1689. avec Louis Nicolas Fouquet ,
Comte de Vaux , Vicomte de Melun , Signeur
de Mancy , Marquis de Beilenste en mer
lexer Juin 1705. et 20. le 14. Fevrier 1719. avec
Maximilien Henri de Bethune , Duc de Suily ,
Pair de France , Prince Henrichemont et de
Boisble Marquis d Conti , Comte de Gien ,
Vicomte de Meaux , Breteüil , Francastel , &c.
Chevalier des Ordres du Roy , Brigadier de
ses Armées , Lieutenant pour S M. au Vexin
François, Gouverneur des Villes et Châteaux de
Gien et de Mantes , mort le 2. Fevrier 1729.
Elle ne laisse point d'enfans ni de l'un ni de l'au
mort
tres
NOVEMBRE . 1736. 2575
tre. Elle a fait sa légataire universelle Jeanne-
Marie JosepheGuyon, sa Niece, femme d'Anne
Gabriel de Cugnac-Dampierre,Baron deVeuilly,
et laisse à Arnaud- Jacques Guyon , Seigneur de
Diziers son neveu , frere de la Dame de Cugnac
, sa Terre de Guercheville, qu'elle a chargée
de 7500. liv. de pensions viageres , et qu'elle
substitue à l'aîné male des enfans du Sieur de
Diziers et successivement de mâle en mâle. Elle a
aussi légué au Sicur de Diziers son neveu une belle
Tapissere de Psiché , relevée en or , avec le lit
et l'ameublement complet brodé en or , qui ve.
noit de feuë Marguerite Louise de Bethune-
Sully , Duchesse du Lude.
Lerer Novembre mourut à Paris âgée de 66 .
ans D. Anastasie Dillon , ci-devant Sousgouvernante
de S. A. S le Duc de Chartres , et veu
ve d'Alexandre de Barneval , Lieutenant Colonel
d'Infanterie.
,
Le 2. Nicolas Soulet , Conseiller en la Grand'
Chambre du Parlement de Paris mourut dans
la 64e année de son âge. Il avoit été reçû Conseiller
le 13. Mars 1697 , et étoit monté à la
Grand Chambre de 12. Janvier 1730. Il étoit
fils de feu Nicolas Soulet , Conseiller- Secretaire
du Roy , Maison Couronne de France et de ses
Finances , mort le s. Fevrier 1720. âgé de 80 .
ans , et d'Agnès Gaillard , sa femme , morte le
et il avoit été 21. Mars 1714. âgée de 63. ans ,
marié, le 18. Janvier 1792. avec Françoise le
Tessier de Montarsy , fille de feu Pierre le Tessier
de Montarsy , Conseiller , Secretaire du
Roy , et Garde des Pierreries de la Couronne
'et d'Anne Minot de Mérille. Il en laisse des enfans
, entr'autres une fille mariée au mois de Février
1729. avec Joseph- Pierre du Fort , Maître
I iiij ordinaire
,
25-6 MERCURE DE FRANCE
ordinaire en la Chambre des Comptes de Paris..
Par la mort de Nicolas Soulet , Jean-Auguste
le Rebours , reçu Conseiller au Parlement le 7 .
Mars 1708. et Doyen de la ge Chambre des Enquêtes
, monte à la Grand Chambre .
Le même jour , Robert-Henri de Tourmont
Conseiller Clerc en la Grand' Chambre du Parlement
de Paris , qui étoit devenu paralytique
depuis environ un an, et qui avoit perdu la vúë ,
mourut âgé de 56. ans Il avoit été reçu Conseiller
Laï le 17. Janvier 1703. et étant devenu
veuf , il fut reçû en 1719. en un Office de Conseiller
Clerc . Il monta à la Grand Chambre le
6. Mars 1728. Il étoit fils de fu Pierre de Tour
mont , Trésorier de France en la généralité de
Montauban , l'un des premiers Commmis des
Marquis de Pomponne , de Louvois , et de Barbezieux
, et du Sieur Chamillart , Ministres et
Secretaires d'Etat , et Trésorier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , mort le per Décembre. 1715 .
àl'âge de 75. ans , et de Catherine Therese de
la Baune. Robert Henri de Tourmont , qui vient
de mourir , avoit épousé au mois de Fevrier
1707. Marie-Anne le Vacher , fille de feu Nicolas
le Vacher , Payeur des Rentes de l'Hôtel de
Ville de Paris , et de feuë Marie Anne Héron .
Elle mourut à l'âge de 27. ans le 17. Octobre
1713. Il laisse d'eile Jean- Marc de Tourmont ,
né le 12. Juin 1709. et reçû Conseiller au Parlement
de Paris le 12. Août 1729 .
Par cette mort Elie Bochard de Saron , Conseiller
Clerc au Parlement, où il a été reçû le 18.
Août 1724. monte à la Grand Chambre.
,
Le même jour Louis-Antoine de Pardaillan de
Gondrin , Duc d'Antin, Pair de France Seigneur
des Duchés d'Epernon et de Bellegarde ,
Marquis
NOVEMBRE. 1736. 2577
Marquis de Montespan , de Gondrin et de Mezieres
, Vicomte de Murat , Baron de Cursé , de
Moncontour, et de Langion, Seigneur d'Oryon,
&c. Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
général de ses Armées, Gouverneuret Lieutenant
General pour S. M. des Ville et Duché
Orleans, Pays Orleannois, Chartrain, Perchegoüet,
Sologne, Dunois, Vendômois , Blésois , et
dépendances d'iceux , et de la Ville et Château
d'Amboise , Lieutenant General de la haute er
basse Alsace , Ministre d'Etat depuis le mois de
Novembre 1733. Directeur général des Bâtimens
et Jardins du Roy , Academies , Arts , et Manufactures
Royales, dont il a été ci-devant Surintendantet
Ordonnateur Général , Protecteur de
l'Académie Royale de Peinture et Sculpture ,
zussi ci - devant Président du Conseil du dedans
du Royaume , et Conseiller au Conseil de Régence
, mourut à Paris', après quelques jours de
maladie , âgé de 71. ans. On ne raportera point
ici la suite des Services et des Emplois tant Militaires
que Politiques de ce Seigneur , non plus
que ses Allianceet Posterité. On ne feroit que
répeter ce qui se trouve dans l'Histoire dest
Grands Officiers de la Couronne , Tom.s.dans'
le Dictionaire Historique , dans le nouveau Suplément
de ce Dictionaire , dans les Etats de la
France , &c.
Le 3. Michel Celse Roger de Rabutin , Comte
de Bussy , Evêque et Baron de Luçon , Abbé:
Commandataire des Abbayes de Bellevaux , Ordre
de Prémontré , Diocèse de Nevers , et des
S. Pierre de Flavigny , Ordre de S. Benoît ,
Diocése d'Autun , et Prieur de N. D. de Lespau,
Ordre du Val des Choux , Diocèse d'Auxerre ,
P'un des Quarante de l'Académie Françoise,
Ly mourut
2578 MERCURE DE FRANCE
mourut à Paris d'une apoplexie , dont il avoit
été frapé le 31 , du mois précedent après midy.
Il étoit âgé d'environ 67. ans . Il avoit été autrefois
Vicaire Géneral du Diocèse d'Arles , et
il fut Dépuré de cette Province à l'Assemblée
génerale du Clergé , tenue à Paris en 1705. Le
Doyenné de l'Eglise Collegiale de Tarascon lui
futdonné par le Roy le 23. Décembre 1706.et
il fut nommé à l'Evêché de Luçon , Suffragant
deBourdeaux le 17. Octobre 1723. et sacré le
20. Février 1724. Il assista l'annee suivante en
qualité de Député de la Province de Bourdeaux
àl'Assemblée génerale du Clergé , et ce fut lui
qui harangua le Roy le 10. Septembre sur son
mariage à la tête des Députés de l'Assemblée. Il
fut reçu à l'Académie Françoise le 1o. Mars
1732. Il étoit fils deRoger de Rabutin,Conte de
Bussy,Mestre de Camp General de la Cavalerie-
Légere de France , Lieutenant General des Armées
du Roy , et son Lieutenant en Nivernois ,
aussi l'un des Quarante de l'Académie Françoise
, et célebre par ses Ecrits , mort le 9.
Avril 1693. et de Louise de Rouville , sa seconde
femme , morte au mois d'Août 1703. L'Evêque
de Luçon avoit eu un frere aîné , par la mort
duquel sans enfans , il étoit devenu Comte de
Bussy. Il laisse pour heritiers Marie-François
Roger de Langhac , Comte de Toulongton ,
Seigneur de Chaceu , son neveu , fils de feuGilbert
de Langhac , Marquis de Coligny en Auvergne
, et de Louise Françoise de Rabutin de
Bussy; et D. Reine de Madaillan de Lesparre ,
aussi sa niéce , femme de Leon de Madaillan de
Lesparre , Comte de Lassay , son neveu , et fille
de feu Louis de Madaillan de Lesparre , Marquis
deMontataire et de Lassay,et de feuë Anne-Marie-
Theresede RabutindeBussy.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2579
Le même jour , Maximilien - Henry de la
Baume le Blanc, Chevalier de la Valliere , Mestre
de Camp de Cavalerie , et Lieutenant de Roy
de la Ville et Château d'Amboise , frere puîné
de Charles François de la Baume le Blanc , Duc
de la Valliere , Pair de France , Gouverneur et
Sénéchal de Bourbonnois , et Lieutenant Géné.
ral des Armées du Roy , mourut aux Vertus ,
chés des Prêtres de l'Oratoire , où il s'étoit retiré.
Il avoit été autrefois d'abord Guidon de la
Compagnie des Gendarmes Bourguignons en
1698. ensuite Enseigne de celle des Gendarmes
de la Reine en 1700. et enfin Sous- Lieutenant
de la même Compagnie des Gendarmes Bourguignons
en 1702. jusqu'en 1706. s'étant alors
démis de cette Charge , et ayant obtenu une
Commission de Mestre de Camp incorporédans
le Régiment Commissaite Général de la Cava
lerie.
Le 4. D. Françoise- Claudine du Fresne , femme
de Charles - François Michel , Conseiller-
Secretaire du Roy , Maison , Couronne de France
et de ses Finances , Receveur General des Finances
de la Généralité de Montauban , mourut
à Paris , après une longue maladie de langueur ,
âgée d'environ 36. ans , laissant deux garçons.
,
Le François Genoud , Seigneur de Chestainville
, Conseiller-Clerc en la Grand Chambre
du Parlement de Paris où il avoit été reçu le
4. Avril 1691. mourut en sa Terre de Chastainville
entre Chastres et Estampes , dansun âge
très-avancé. Il étoit fils de Philipe Genoud ,
Seigneur de Guibeville et de Toulongeon , mort
Conseiller de la Grand - Chambre du Parlement
de Paris le premier Decembre 1684. et de Geneviève
le Brun , morte le 27. Décembre 1687 .
I vj 11
2580 MERCURE DE FRANCE
Il a laissé par son Testament sa Terre de Chestainville
à ses neveux , enfans de défunts François
Vedeau de Grammont , ci-devant Conseiller
au Parlement de Paris , et d'Anne-Claude
Genoud , avec Substitution au cas qu'ils meurent
sans enfans , en faveur du fils de François
de Baussan , son neveu à la mode de Bretagne ,
Maître des Requêtes de l'Hôtel du Roy , et Intendant
à Orleans. Ildonne au même sa Maison
de Paris , située dans la Place Royale , avec les
glaces et les marbres dont elle est ornée ; et au
cas qu'il vienne à mourir sans enfans , il lui
substituë tant pour cette Maison que pour la
Terre de Chestainville , sa soeur , sortie , ainsi
que lui , du second mariage du Sieur de Baussan,
leur pere , &c..
Par la mort de François Genoud , Claude-
Jean Macé , Conseiller Clerc en la Quatrième
des Enquêtes , reçu le premier Septembre 17244
monte à la Grand Chambre .
*Le 6. D. Marie-Françoise-Edmée Manseau
femme de François de Clairval , Chevalier
Seigneur de Passy , mourut à Paris âgée de
26. ans.
Le 15. François Joseph d'Hautefort , Comte
d'Ajac en Perigord , Mestre de Camp Lieutenant
du Régiment de Toulouse , Cavalerie , et
marié le 13. Février de cette année avec la fille
du Président de Mers , ainsi qu'on l'a raporté
dans le Mercure du même mois , p. 394. mourut
d'une maladie de poitrine à Paris , âgé de
26. ans 8. mois.
Le même jour , Jean-Etienne de Varennes ,
Seigneur deGournay , Marigny , &c. Maréchal
de Campdes Armées du Roy , de la Promotion,
dupremier Août 1734, mourut à Paris , âgé de .
49%
NOVEMBRE. 1726. 258
49.ans. Il avoit été Colonel du Régiment de
Lorraine par Commission du II. Janvier 1708
et élevé au grade de Brigadier le premier Février
1719. 11 avoit épousé Marie Bontemps ,
seconde fille de Louis-Alexandre Bontemps ,
Premier Valet de Chambre ordinaire du Roy ,
Commandeur , Prévőt et Maître des Cérémonies
des Ordres de N. D. du Mont Carmel , et
de S. Lazare de Jerusalem , Gouverneur de Rennes
, Bailli et Capitaine des Chasses de la Varenne
du Louvre, et de feuë D. Charlotte le Vasseur
de S. Urain , sa premiere femme.
Le ..... • deBattefort de l'Aubesſpin , Bailli ,
Grand-Croix de l'Ordre de S. Jean de Jerusa→
lem , Chef d'Escadre des Galeres de France du
17. Septembre 1733. mourut à Marseille , âgé
de74. à 75. ans.
Le 2. Septmbre nâquit Judith , Fille de Louis
de Bauscher , Marquis de Sourches , Seigneur
du Quesnel , Obry , &c. Mestre de Camp de
Cavalerie , Cornette de la Compagnie des Chevau-
Legers de la Garde ordinaire du Roy
Grand Prévôt de France et Prévôt de l'Hôtel
de S. M. et de D. Charlotte-Antoinette de Gon- .
taut de Biron , son épouse , fille du Maréchal
Duc de Biron ..
,
Le 3. nâquit Anne- Charlotte , fille de Fran
çois Charles de Levis , Marquis de Châteaumorand
, Lieutenant General pour le Roy , de la'
Province de Bourbonnois , et Mestre de Camp
du Régiment de Levis , Cavaleric , etde D. Philiberte
Languet- Robelin de Rochefort , son
épouse , et niéce de Joseph-Jean-Baptiste Languetde
Gergy , Curé de la Paroisse de S. Sul-
Rice.
Le
2582 MERCURE DE FRANCE
Le s. fut baptisé Hector- Joseph , fils de. Louis
Roger d'Estampes , Baron , Seigneur Haut-
Justicier de Mauny , en Normandie , apellé le
Marquis d'Estampes , et de D. Marguerite Lidie
de Bec-de-Liévre de Cany , sa femme.
Le zs. nâquit Louis-Camille , second fils d'Alexandre-
Maximilien-Baltasar de Gand-Willain,
Comte de Midelbourg , Maréchal des Camps er
Armées du Roy , Gouverneur de Bouchain , et
deD. Louise-Pauline- Marguerite Erançoise de
Roye de la Rochefoucaud de Roucy , son
épouse. -
Le 29. sur les 10. heures du soir , Charlotte
Aglaé d'Orleans , Princesse du Sang de France ,
Epouse de François-Marie d'Este , Prince Héréditaire
de Modene , accoucha heureusement à
Paris d'un Prince , qui fut ondomé par le Curé
de la Paroisse de S. Jacques du Haut-Pas.
Le 17. Octobre nâquit Alexandre-Angelique ,
fils de Daniel Marie-Anne de Talleyrand de
Perigord , apellé le Marquis de Talleyrand ,
Colonel du Régiment de Saintonge ,et de Da
Marie-Elizabeth Chamillart , sa femme.
Le 9. Novembre naquit le premier fils
de Charles de Beziade Comte d'Avarey , Colonel
du Régiment de Nivernois Infanterie , et de
D. Elizabeth Marguerite Megret son épouse ,
mariés le 30. Décembre de l'année derniere .
Le 19. nâquit Louis- Hypolite , fils de Jean-
Baptiste-Joachim Colbert , Marquis de Croissi ,
Baron de Nogent , Conseiller du Roy en ses
Conseils , Capitaine des Gardes de la Porte de
S.M. Brigadier de ses Armées , Colonel du Régiment
Royal Infanterie , et de D. Henriette-
Bibienne de Franquetot de Coignies, son épouse.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2583.
Le 3. Octobre a été fait le mariage de Louis
Joseph de Montcalm de Gozon , Marquis de Sainvran
, Capitaine au Régiment de Hainault , âgé -
de 2.5. ans , et fils de Louis-Daniel de Montcalm
de Gozon , Marquis de Sainvran , et de
D.Marie- Louise Therese de Lauris de Castellane.
d'Ampus , avec Dile Angelique- Louise Talon
fille posthume de feu Omer Talon , Marquis du
Boulay , Colonel du Régiment d'Orleanois ,
mott le 10. Juillet 1709. à l'âge de 33. ans , et
de D. Marie- Louise Molé de Champlatreux , sa
veuve . La nouvelle mariée est soeur de Louis-
Denis Talon , Marquis du Boulay , Président
du Parlement de Paris , où il avoit été auparavant
AvocatGénéral , et de D. Marie Françoise
Talon , épouse de Louis-François de la Bourdonnaye,
Seigneur de Coüetyon Maître des
Requêtes ordinaires de l'Hôtel du Roy , et Intendant
de Roüen .
Le 17. Jean- François-Joseph de Toulongeon ,
Comte de Champlite , Mestre de Camp de Ca.
valerie , Cornette de la Compagnie des Chevau-
Legers de laGarde du Roy, épousa à Paris
Dile Anne-Prospere Cordier de Launay ,
troisième fille de Jacques-René Cordier de Lau
nay , Ecuyer , Conseiller du Roy , et Trésorier
Général de l'Extraordinaire des Guerres , et de
D. Annede Croezer.
Le 29. M. Jean Rigoley , Premier Président
de la Chambre des Comptes de Bourgogne , fils
de défunt Claude Rigoley , Premier Président
de la même Chambre , et de D. Therese Languer,
épousa à Paris , Paroisse S.Paul,Dlle. Phia
liberte-Françoise de Sery, fille de François-
Hugues de Sery , Baron de Couches , &c . Président
au Parlement de Paris , et de D. Jeanne-
FrançoiseDurand. Dans
2584 MERCURE DE FRANCE
on
Dans le Mercure du mois de Septembre dernier,
p. 2150. à l'Article du Chevalier de Nogent ,
le qualifis Chevalier de l'Ordre de S. Michel ,
c'est une méprise , il falloit dire de S. Lazare. Il
fuut lire aussi au même Article Bautru , et non
Beautru .
ARRESTS NOTABLES.
ECLARATION DU ROY ser
Dvant de Reglement sur la Jurisdiction du
Parlement de Toulouse , et sur celle de la Cour
des Comptes , Aydes et Finances de Montpellier
et auttes Tribunaux et Siégés de Languedoc.
Donnée à Versailles le 20. Janvier 1736. Regis
trée au Parlement de Toulouse le 28. et en la
CourdesComptes ,Aydes et Finances de Montpellier
le 3. Juillet suivant , par laquelle S. M.
ordonne l'execution des 72. Articles contenus en
ladite Déclaration.
ARREST dù 26. Juin , portant reglement
pour assurer la distinction des Tapisseries des
Manufactures d'Aubusson et de Feüilletin . Et
qui prescrit ce qui doit être observé à l'égard
des Tapisseries de Feüilletin, fabriquées avant les
Lettres Patentes du 28. May 1732 .
AUTRE du 27. dont la teneur suit.
Le Roy aïant été informéque des esprits inquiets
et ennemis de la paix , commencent à faire paroître
un Ouvrage imprimé sans nom d'Imprimour
, sansPrivilege ni Permission , sous le titre
de
NOVEMBRE. 1736. 2585
deMandement de M. l'Evêque Duc de Laon ...
au sujet de trois Imprimés qui se répandent dans
son Diocèse. Sa Majesté auroit jugé à propos de
se faire représenser ce prétendu Mandement , et
quoiqu'on ait affecté de le publier sous le nom
d'un Evêque , les traits injurieux dont il est- rempli
, et les odieuses extrénités auxquelles l'Auteur
se porte sans aucun ménagement , ne permettent
pas à S.M. de regarder cet Ecrit comme
l'Ouvrage d'un Evêque ; elle ne sçauroit croire
qu'il y en ait aucun dans son Royaume , qui
soit capable de vouloir prêter à la Cause de PEglise,
des Armes si indignes d'elle,annoncer un
schisme dont le nom seul fait horreur à tous
ceux qui aiment la Religion , et proposer comme
un remede , ce qui doit être consideré com
me le plus grand de tous les maux. Mais comme
les differens Ecrits qui paroissent avoir été le
premier objet de l'Auteur , demeurent toujours
également répréhensibles en eux-mêmes , malgré
les excès de ceux qui les attaquent , et qu'il
seroit à craindre que le Roy ne parût les autho
riser indirectement , en ordonnant la supression
de l'Ouvrage qui les condamne , S. M. a jugé à
propos de proscrire des Ecrits si dangereux par
L'esprit de révolte et d'indépendance qui y domine,
en même- temps qu'elle fera cesser tout ce
qui peut être un signal de discorde ; et elle continuëra
de montrer par-là qu'en maintenant avec
un zele constant et invariable, l'authorité de l'Eglise,
elle ne se sert de la sienne que pour réprimer
sans distinction , toutes les entreprises de
ceux qui tendent également , quoique par des
vûës et par des moyens differens , àtroubler la
tranquillité publique. A quoi désirant pourvoir
S. M. a ordonné et ordonne que ledit Ouvrage
imprimé
2586 MERCURE DE FRANCE
imprimé sous le titre de Mandement de M. l'Eveque
Duc de Laon , second Pair de France Comted'Anisy
, au sujet de trois Imprimés qui se répandent
depuis peu dans son Diocèse ; ensemble
trous Ecrits , dont le premier est intitulé , Instruction
Pastorale de M. l'Evêque d'Auxerre , au
sujet de quelques Libelles répandus dans le Public
contre son Mandement du 26. Octobre 1733. à
Poccasion d'un Miracle opére dans la Ville de Seignelay
: le second a pour titre , Lettre de M.l'Evêque
de Montpellier à N.S P.le Pape Clement
XII. au sujet d'un Decret de Sa Sainteté , en date
du 23 May 1735 qui condamne au feu un prétendu
Mandement de ce Prélat , du 24. Mars de
la méme année: et le troisième est intitulé, Deux
Lettres de M. l'Evêque de Senez; l'une à M. l'Evêque
de Babylone , avec la Réponse de ce Prélat ;
l'autre à M. le Gros , seront et demeureront suprimés,
comme tendants à émouvoir les esprits,
ettroubler la tranquillité publique.Enjoint à tous
ceux qui ont des exemplaires desdits Ecrits , de
les remettre incessamment au Greffe du Conseil,
pour y être suprimés ; fait défense à tous Imprimeurs
, Libraires, Colporteurs et autres , de quelque
état , qualité et condition qu'ils soient, d'en
imprimer, vendre , debiter , ou autrement distribuer,
a peine de punition exemplaire.
:
ORDONNANCE DU ROY , du premier
Juillet , pour faire executer la convention arrêrée
à Kevrain le 21. Avril 1718. concernant la
restitution réciproque des Déserteurs des Troupes
de Sa Majesté ,de l'Empereur et de Hollande
, sur la frontiere des Pays -Bas .
AUTRE de Police, concernant les Marchés
de
NOVEMBRE. 1726. 2587
de Sceaux et de Poissy , du 3. Juillet , par la
quelle il est ordonné que le premier avertis
sement pour faire avancer 1 s moutons aux Mar.
chés , se fera au son de la Cloche qui est à cet
effet posée dans chacun desdits Marchés de
Sceaux et de Poissy; sçavoir , à huit heures et
demie du matin , depuis Pâques jusqu'à la S. Remy
, et à neuf heures et demie du matin, depuis
la S. Remi jusqu'à la fin des jours gas.
Que le second avertissement se fera de même
à onze heures précises , pour faire mettre les
montons aux râteliers .
Et que le tro siéme et dernier coup de Cloche
se fera àmidi précis , pour indiquer l'heure de
la vente desdits moutons.
Et à l'égard des Bestiaux qui entrent dans lesdits
Marchés , et dont la vente ne se fait point ,
le renvoi en sera indiqué également au son de
Cloche , à trois heures de relevée en hyver , depuis
la S. Remy jusqu'au Carême , et à quatre
heures en été ,depuis Pâques jusqu'à la S Remy.
ARREST du 17. qui proroge pour un an , a
compter du 15. Octob. dernier au 15.Oct.1737 .
l'exemption des droits , portée par l'Arrêt du 23 .
Septembre 1732 sur les Bleds, Froments , et autres
Grains, Farines et Légumes qui seront transportes
des Provinces des cinq grosses Fermes ,
dans les Provinces réputées Etrangeres , et des
Provinces réputées Etrangeres , dans celles des
cinq grosses Fermes,
AUTRE du même jour : qui exempte des
droits dûs au Roy ou à ses Fermiers , et des droits
de peage et autres , les grains qui seront transportés
des Provinces du Royaume dans celle de
Provence
2588 MERCUREDE FRANCE
Provence , pendant un , an à compter du
Septembre 1736.
ORDONNANCE de Po'ice , du même jour ,
qui condamneplusieurs Particuliers en six mille
livres d'amende chacun , et leur interdit pour
toujours l'entrée de la Bourse , pour s'être immiscé
dans les fonctions d Agens de Change .
ORDONNANCE DUROY , du 21. portant
que les Capitaines , Maîtres et Patrons des Bâtimens
François , seront tenus à l'avenir de payer
les droits Consulaires et Nationaux, aux Con
suls de France établis dans les Ports d'Espagne.
ARREST du 18. par lequel il est dit que le
Roy s'étant fait représenter un Livre qui a pour
titre l'Ordre de l'Eglise , ou la Primauté et la
subordination Ecclesiastique, selon S. Thomas, par
le Pere Bernard d'Arras , Capucin, ancien Lecteur
en Théologie , imprimé à Paris en 1735. avec
Aprobation et Privilege du Roy , Sa Majesté auroit
reconnu que cet Ouvrage est si rempli d'expressions
équivoques ou dangereuses, et de propositions
qui ne s'accordent pas avec les maximes
du Royaume , que S.M. ne sçauroit se porter
trop promptement à révoquer le Privilege en
vertu duquel il a été impriné , et à ordonner la
supression de ce Livre, pour empêcher le mauvais
erfet qu'il pouroit produire , si l'on continuoit
de le répandre dans le public. A quoi voulant
pourvoir, Sa Majesté a révoqué et révoque
ledit Privilege ; et en conséquence , a ordonnéer
ordonne que ledit Livre sera et demeurera suprimé;
ordonne à tous ceux qui en ont des
Exemplaires , de les raporter incessamment au
Greffe
NOVEMBRE. 1926. 2589
Greffe du sieur Herault, Conseiller d'Etat, Lieu
tenant General de Police , pour y être suprimés.
Fait défenses à tous Libraires , Imprimeurs ,
Colporteurs , et à tous autres ,de quelque état,
qualité et condition qu'ils soient , d'imprimer ,
vendre , débiter ou autrement distribuer ledic
Livre , à peine de punition exemplaire.
ORDONNANCE DU ROY , du 28. par la
quelle il est dit que S. M. voulant donner des
marques de son attention pour tout ce qui peut
interesser la République de Genes, et empêcher
que les révoltés reçoivent par les Bâtimens François,
aucunes Armes et munitions ni autres secours
quelconques ; elle a ordonné et ordonne
enrenouvellantce qui est prescrit par son Ordonnance
du 18. Août 1731. à tous Capitaines ,
Maîtres et Patrons de Navires François', de ne se
pas noliser , sous quelque prétexte que ce soit ,
pour le service des Révoltés de l'Iſle de Corse ,
leur défendant très - expressément d'admettre ni
de permettre qu'il soit embarqué sur leur bord ,
dans les Ports du Royaume , ni en ceux des Pays
Etrangers , des Canons , Armes , Poudres et autres
munitions de guerre , ni aucun secours pour
lesdits Révoltés; son intention étant qu'ils s'abs
tiennent absolument de leur en porter , à peine
dedésobéissance. Défendant S. M. l'entrée dans
les Ports de France , à tous Bâtimens Corses
dont les Capitaines , Maîtres et Patrons ne seront
point munis des Passeports , Congés et au
tres.Expéditions ordinaires de la République de
Genes ou de ses Commissaires , &c.
ARREST du 31. pour l'ouverture de l'An
nuel de l'année 1737. laquelle commencera le
premier
2590 MERCURE DE FRANCE
premier Novembre , et continuëra jusqu'au dernier
Décembre suivant inclusivement.
AUTRE dus . Août , qui regle celles des
dépenses de la Marine et des Galeres , sur lesquelles
le Dixiéme ordonné par la Déclaration
du 17. Novembre 1733. doit être levé , et celles
qui en sont exemptées.
ORDONNANCES DU ROY , du 10. pour
réformer la Compagnie d'Ouvriers de Pampelonne
, et l'incorporer dans les cinq anciennes
Compagnies du même Corps.
ARREST du 15. portant Reglement pour les
Peluches qui se fabriquent dans la Ville d'Amiens
et autres lieux de la Province de Picardie,
par lequel S. M. ordonne l'execution des 29 .
Articles contenus audit Arrêt.
On donnera deux Volumes du Mercure
de France le mois prochain pour avoir leu
d'employer les Pieces qui n'ont pû trouver
place dans le cours de l'année.
TABLE.
IECES FUGITIVES. Origine de la Poësie
P Traduction ,
Observations de Chirurgie , &c.
Lettre de Cornelie à Jules Cesar , &c.
2370
2382
2393
Observations sur un Passage de M. Pope , 2396
Ode
Odo tirée du Pseaume 78. &c. 2412
Lettre sur les Pilules Mercurielles , &c. 2416 7
La Consultation Magique, Epitre en Vers , 2428
Lettre de M. *** à M. Beneton de Perrin , sur
les Hôtelleries , &c. 2431
Ode, &c. 2446
Plainte de la Ville de Moulins , sur la naissance
duMaréchal de Villars , 2449
Description de l'Abbaye de Chaalis , &c . Extrait
de Lettre deJean de Montreuil , 1502452
LeHibou et la Fauvette , Fable ,.. : 2466
Lettre au sujet d'une Instruction Pastorale , &c.
2470
Nouveaux Couplets , sur l'Air de Joconde , 2480
Vera gravitatis Causa , &c. 2482
Enigine , Logogryphes , &c. 2487
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX ARTS,
&c.
2490
Recueil de Jurisprudence du Pays de DroitEcrir,
2492
De l'usage et du choix des Livres , &c, 2493
Memoires pour servir à l'Histoire des Homines
Illustres , &c. 2497
Theologia universa , &c . 2516
Livres nouveaux ,Catalogue , & c. 2518
Nouvelle de Litterature , Lettre écrite de Flo
rence , & c, 2520
Nouveaux Almanachs , 2523
Assemblée publique de l'Académie des Belles-
,
Lettres et Prix Litteraire proposé l'année
1738 . 2525
Ouverture de l'Académie Royale des Sciences ,
&c. 2526
Ouverture du College Royal , 2527
Antiques à vendre , Cabinet de M. Lebret , 2528
Estampes nouvelles , 2529
Chanson
Chanson notée , 2533
Spectacles , les Génies , Ballet , ibid,
Medée et Jason , Tragédie , Parodie , 2542
L'Impromptu du Pont Neuf, représenté à Meuden,&
c. 2545
Couplets nouveaux, 2550
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Russie ,
2552
De Suede et Allemagne , 2556
D'Italie , d'Espagne et Portugal , 2558
France,Nouvelles de la Cour,de Paris, &c. 2558
Discours prononcés à l'occasion du coeur de la
Princesse de Conti , 2563
Morts, Naissances et Mariages , &c. 2566
Arrêts Notables , 2584
Errata d'Octobre.
P
gloire lisez
Age 2302. ligne 15. , s
gloire.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 2453. ligne 17. 1300, lisez 1390.
LaChansonnotéedoit regarder la page 2535
1817
LIBRARY
VERITAS
SCIENTIA
OF THE UNIVERSITY
OF MICHIGAN
SPLURIBUS UNUM
TUEBOR
SIQUÆRIS-
PENINSULAM
-AMCENAM
CIRCUMSPICE
MERCURE
DE FRANCE ,
11
DEDIE AU ROY.
NOVEMBRE 1736.
UA
COLLIGIT
SPARGIT
Chez
{
A PARIS ,
GUILLAUME CAVEL IER ,
ruë S. Jacques.
La veuve PISSOT , Quayde Conty,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XXXVI.
Avec Aprobation & Privilege du Roy.
AVIS.
840.6
M558
-1736
Nov.
L'ADRESSE generale est à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Françoise
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris ,peuventſe ſervirde cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- instamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Poſte , d'avoir
Soin d'en affranchirle Port , comme cela s'est
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaisir de les rebuter, &à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura ſoin de faire leurs Paquets fans
perie de temps , & de les faire porterfur
l'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS,
Coul
Gottschalk
88594
8.24:55
Gener
1736-1818 Escattered nos
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY,
NOVEMBRE. 1736 .
***********
PIECES FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
ORIGINE DE LA POESIE.
D
TRADUCTION.
Ans le premier âge du Monde
Les hommes n'avoient point de
loix;
Ils vivoient au milieu des bois
Dans une ignorance profonde ;
La Langue dans ces premiers temps ,
Sçavoit , sans être embarrassée ,
Peindre simplement la penséc
A ij EK
{
2380 MERCURE DE FRANCE
Et déclarer les sentimens.
On ignoroit cette éloquence
Qui part de ces divins accens
Dont l'harmonieuse cadence
Ravit , enchante tous les senss
Quand tout à coup la Poësie
De mille graces embellie ,
Vient se présenter aux Mortels ;
On la reconnoît pour Déesse ;
Chacun lui dresse des Autels.
Sur son front regne la noblesse;
Elle embrase tous les esprits ;
D'une douce et charmante yvresse
Déja tous les coeurs sont épris.
Une aimable douceur tempere
Le feu qui brille dans ses yeux,
Elle a le port majestueux ;
Sa démarche est vive et legere ;
Elle s'éleve jusqu'aux Cieux ;
C'est- là sa demeure éternelle ,
Qu'elle se plaît à contempler ;
Là , tout semble lui révéler
Que sa naissance est immortelle,
Les chaînes que portent ses pieds
Ne la rendent pas plus tardive,
Et sa course est d'autant plus vive ,
Qu'ils sont étroitement liés.
Ces liens sont pour la Déesse
UN
NOVEMBRE. 1736. 238
Un ornement qu'elle chérit ;
Elle veut les porter sans cesse ;
Ils lui donnent cette justesse
Qui de sa beauté fait le prix.
Sur ses pas le jeune Zéphire
Parfume l'air qu'elle respire.
Ason aspect tout s'embellit ;
Elle rajeunit la Nature ;
Déja la riante verdure
De naissantes fleurs s'enrichit .
Sur les arbres on voit éclore
Les plus rares présens de Flore.
Elle célebre dans ses chants
Les fruits dont Cérés se couronne ;
Les précieux dons de Pomone ,
Les Fleuves , les Bois et les Champs.
Bien-tôt elle monte sa Lyre
Sur des tons plus audacieux ;
Picine du beau feu qui l'inspire .
Alors elle chante les Dieux .
Ses accens pleins de mélodie
Ravissent les Hôtes des Bois;
Et pour entendre cette voix ,
On voit le Dieu de l'Arcadie
Sortir de ses Antres secrets ;
Les Faunes quitter leurs Forêts ,
Les Nymphes former mainte danse
Et marquer du pied la cadence.
A iij L'Fcho
2382 MERCURE DE FRANCE
L'Echo frapé de ses doux sons ,
Les fait répéter aux Valons.
On voit aussi les Néréides ,
Pour mieux entendre ses accords ,
Quitter leurs demeures humides •
Lever la tête sur leurs bords ;
Le Dieu du Fleuve , sur sa Rive ,
Suspend son Onde fugitive.
Tout cede au pouvoir de ses chants,
Et prêt à foudroyer la Terre ,
Jupiter suspend son Tonnerre ,
Fléchi par ses tendres accens.
1
A Sens , par L. G. de Bleville.
t
OBSERVATIONS de Chirurgie ,
adressées à M. Quesnay , de l'Académie
des Arts , Chirurgien de M. la
Duc de Villeroy , par le sieur Delaisse ,
Lieutenant de M.le Premier Chirurgien
du Roy à Montfort- Lamaury .
A
U commencement du mois de
Février dernier , le nommé Genisseau
, de la Paroisse des Menuls , âgé
de 73. ans , me consulta sur une Tumeur
qu'il avoit à la marge de l'Anus , dont
toute l'étendue étoit occupée par lat
grosseur
NOVEMBRE. 1736. 2383
grosseur de son volume ; il me dit que
depuis quatre mois elle lui causoit des
douleurs aussi vives que continuelles ;
mais qu'elles devenoient excessives, lorsqu'il
étoit obligé d'uriner ou d'aller à
la selle ; qu'il ne pouvoit satisfaire au
premier besoin , qu'en se mettant sur
les genouils et apuyé sur les deux mains,
et au second , qu'en dilatant le rectum
avec son doigt.
L'ayant mis dans une situation convenable
pour examiner cette tumeur , je
trouvai qu'elle étoit adhérente à l'intes
tin du côté droit , et qu'elle ne l'étoit
pas moins à toutes les chairs voisines ,
je reconnus que sa baze faisoit un poids
considérable sur la vessie,et qu'elle avoit
de fortes adhérences assés proches de
cette partle; j'observai encore que cette
excroissance étoit d'une consistance trèssolide
, et à l'exterieur d'une couleur de
pourpre foncé , sa position étoit horizontale
, ce qui faisoit que son extrémité
en dehors excedoit le niveau des
deux fesses de deux bons travers de
doigt.
Pour satisfaire aux vûës que j'eus d'as
bord, j'introduisis mon doigt assés avant
dans l'intestin , que je trouvai ouvert
jusque dans la tumeur. En sondant ainsi
A iiij cetto
2384 MERCURE DE FRANCE
cette profondeur , il sortit du pus très
fétide par son extrémité saillante , un
pareil écoulement se fit par l'Anus en
le retirant ; et ayant remarqué que la
chemise du Malade étoit teinte en plusieurs
endroits d'une matiere purulente,
je lui demandai s'il y avoit long- temps
qu'il s'apercevoit de cet écoulement , il
me dit que depuis quatre mois il étoit
habituel , et que souvent il perdoit beaucoup
de sang par les mêmes endroits.
Toute refléxion faire, je regardai cettemaladie
comme une Fistule complette , et je
jugeai que le pus ayant ròngé la plus grande
partie des graisses qui environnoient
l'intestin , sans détruire totalement les
pellicules celluleuses qui les contenoient;
des sucs propres à former , avec cet espece
de raizeau , la trame de ce corps
charnu , s'y étoient introduits , ensorte
que par l'arrivée continuelle des mêmes
sucs , ce sarcome s'étoit augmenté au
point qu'il remplissoit tout l'espace où
peut s'étendre une fistule très profonde.
Après avoir fait toutes ces observations
, je n'aperçûs d'autre moyen de
guérison que l'extirpation totale de cette
excroissance , aussi bien que la partie
de l'intestin qui lui étoit unie ; je proposai
au Malade cet unique remede qui
ne
NOVEMBRE. 1736. 2385
ne l'effraya point. Il avoit déja mis la
chose au pis. Une aussi prompte résolution
caracterise bien les souffrances des
malades ; l'espoir de la guérison est un
puissant contrepoids contre les terreurs
dont leur esprit ne peut manquer
d'être frapé , par l'idée de nos incisions,
et que ces deux motifs nous donnent
un grand ascendant sur l'esprit de ceux
qui sont obligés de s'y soumettre , c'est
à ces motifs que la Chirurgie est redevable
de ses succès , n'est-ce point aussi
aux succès de la Chirurgie que les Malades
doivent leur courage et leur fer
meté ?
Le jour de cette Opération fut fixé au
Samedi 11.du même mois , je me rendis
chés le Malade à deux heures après midy,
et quoique j'eusse déja dans ma tête tout
le plan de la manoeuvre que je devois
faire , j'examinai de nouveau l'exterieur
de la tumeur , pour connoître avec précision
l'endroit que je devois préferer
pour l'attaquer , afin que cette extirpation
se fit avec diligence et heureuses
ment , ayant à me précautionner contre
deux accidens qui méritoient d'être prévenus
; le voisinage de la vessie qu'il fal
loit éviter d'ouvrir , et l'hémoragie ; celui
-ci d'autant plus inevitable , qu'il
Av entroitt
2386 MERCURE DE FRANCE
entroit dans cette tumeur des branches
d'arteres , dont les battemens se faisoient
aisément sentir , sans compter les differents
rameaux que reçoit le rectum ( qu'il
falloit comprendre dans la section) très
capable de fournir beaucoup de sang.
Pour éviter le premier , je fis une ind
cision en demi- cercle , une ligne au-des
sous du coccis , où s'élevoitla partie su
périeure de la tumeur; je choisis cet en
droit , parce qu'elle n'y avoit point d'adhérence;
je me servis d'un bistoury courbe
et bien tranchant , dont je portai la
pointe assés avant pour la débrider entierement
de ce côté là , ce qui me faci
lita infiniment tout le reste del'opération
, car par ce moyen la tumeur devint
pendante et j'eus une prise commode
pour l'attirer vers moi , ensorte que par
ce mouvement j'allongeai les adhérences
qu'elle avoit proche de la vessie , que je
coupai à mesure que je l'en éloignois , et
queje continuaijusqu'à ce que je l'eusse
totalementdétachée en dessous; cela s'exécuta
assés vîre ,quoique ce fût à travers
beaucoup de sang , inconvénient souvent
capable d'embarrasser l'Opérateur , s'il
n'a pas dans l'esprit tout le plan de ce
qu'il va faire ; car le jugement doit ici
diriger la main les yeuxétant alors pres
qu'ins
NOVEMBRE. 1736. 2387
qu'inutiles : ensuite , et sans perdre un
instant , en continuant de tirer tout le
corps de la tumeur aussi bien que l'intestin
qui étoit forcé de la suivre, j'achevai
d'emporter la partie de l'un en la totalité
de l'autre d'un seul coup du même
instrument , de maniere que le Malade
fut tout à la fois délivré de cette tumeur
et d'une fistule.
A l'égard de l'hemoragie , deux choses
me rassurerent ; je compris bien qu'elle
seroit impétueuse dans le temps de l'opération
et immédiatement après , parce
que je suposai que les branches d'arteres
qui en fournissoient à la tumeur devoient
être fort tenduës, tant à cause de
l'irritation qu'excitoit la douleur brûlante
qui tourmentoit depuis longtemps
le malade , que parce qu'à raison de
cette irritation , le mouvement circulaire
du sang étant extrémement gêné dans
cette masse charnuë,devoit retarder l'arrivée
de celui qui de ses branches prin
cipales venoit s'y distribuer. De ce raisonnement
je tirai cette conséquence ,
que l'extirpation étant faite, ces vaisseaux
depuis biendu temps en contraction se
retireroient dans les chairs par un mouvement
de détente d'autant plus subit
qu'ils se seroientdégorgés plus abondam
Avj ment,
2388 MERCURE DE FRANCE
ment , et enfin que les chairs devenuës
elles-mêmes plus lâches par les mêmes
raisons , fermeroient en s'affaissant une
partie de leurs ouvertures ; à ce mécanisme
sur lequel je crus pouvoir compter ,
j'avois ajoûté le plan d'un apareil , que je
crus très-capable de concourir à la sûretédu
malade ..
Dans cette vûë j'avois disposé avant
l'opération , plusieurs tampons de charpie
, de différentes grosseurs et quatre
compresses fort épaisses , de la figure qui
convenoit à celle de la partie , mais plus:
larges et plus longues l'une que l'autre ,
avec le bandage ordinaire je portai dabord
un de ces tampons au fond de la
playe , sur l'endroit d'où le sang sortoit:
avec le plus de vivacité ; j'en mis un second
plus grand et plus épais pour apuyer
le premier et les autres de suite jusqu'à
ce qu'elle fût remplie et au-delà. Je plaçai
les compresses dans le même ordre
de gradation , ayant été attentif à former
une épaisseur au - dehors , sur laquelle
le bandage bien serré pût trouver un
point d'apuy capable de porter la compression
extérieure jusqu'au fond de la
playe , ce qui ne pouvoit manquer d'ar
river , chaque pièce de l'apareil se touchant
si intimément, que l'une comprimois
NOVEMBRE. 1736. 2389
moit nécessairement l'autre. Après avoir
achevé le pansement , je mesurai la tumeur
, elle avoir dans l'étenduë de sa
baze sept poûces de circonférence , et au
moins trois poûces vers son extrémité ,
qui se terminoit par une espece de mamelon
, à l'entour duquel l'extrémité de
la peau froncée d'environ deux lignes,
fermoit comme un prépuce.
Dans la crainte oùj'étois que pendant la
nuit le malade n'eût quelque besoin , qui
fit sortir l'apareil ,j'en tins un autre tout
prêt , j'allai le voir le lendemain de trèsgrand
matin , heureusement je trouvai
tout en bon état , mais toutes les compresses
et le bandage imbibés du sang
qui avoit coulé depuis le pansement; les
linges en étoient mastiqués , parce qu'il
s'étoit séché , ce qui me fit juger qu'il
avoit cessé de couler ; je pris sur cela le
parri de ne toucher à rien , pour ne pas
risquer sans nécessité ,d'exciter une nouvelle
hemoragie ; j'eus soin de recommander
au malade de ne vivre que de
boüillon fort léger et en petite quantité ,
et de rester tranquille jusqu'à l'immobi
lité autant que cela se pouvoit.
Je fus le revoir le jour suivant dans le
dessein de lever seulement les piéces ex
térieures de l'apareil , qui pouvoient le
blesser
}
2390 MERCURE DE FRANCE
blesser à cause de leur dureté , mais quel
ques précautions que je prisse , les tampons
vinrent avec le reste sans néanmoins
qu'il parût une seule goute de sang. Je
pansal mollement la playe avec des plu
maceaux couverts d'un digestif , composé
d'un tiers de Stirax sur le double
de Baume d'Arceus; la suite de la guérison
n'a été interrompuë par aucun accident
, elle a été complette le quinze de
ce mois.
Voici , M. encore une observation qui
peut au moins donner lieu de croire que
la matiere n'est pas épuisée au sujet de la
génération de ces chairs .
Il y a environ quinze ans qu'une Couturiere
de cette Ville , fut attaquée d'une
maladie catharale fort opiniâtre , qui se
termina par un dépôt assés subit dans
toutes les glandes salivaires , qui se trouverent
tellement gonflées , que sa bouche
qui resta ouverte , étoit en cet état remplie
par sa langue qui avoit acquis le
double de son épaisseur naturelle , et
comme le gonflementde ces glandes l'avoit
poussée en devant , elle touchoit de
tous côtés le dedans de la lévre inférieure
, qui se trouvoit elle-même si fort en .
Aée , qu'elle s'élevoit d'un travers de
doigt au delà de sa hauteur ordinaire.
La
NOVEMBRE. 1736. 2391
La malade resta dans cet état plus de
quinze jours , quelque secours qu'on lui
donnât, etdont le détail seroit ici inutile.
Pour la soutenir , on lui faisoit prendre
du boüillon goute à goute , et l'on en vint
jusqu'à le lui faire prendre en injection ,
on avoit soin d'arroser souvent le dedans
de cette bouche béante , avec un linge
imbibé d'un Gargarisme qu'on y portoit
avec une plume, à l'extrémité de laquelle
ce linge étoit attaché ; il en sortoit continuellement
une salive gluante et de
mauvaise odeur. Malgré la violence de
ces fâcheux symptômes , les principes de
la vie ne furent point assés attaqués pour
qu'on desesperât absolument de sa gué.
rison ; et dans le temps qu'on s'y attendoit
le moins , tout le danger disparut ,
mais la langue ne reprit point sa place
et la machoire resta au même étar. Je
cherchai la cause de cet accident ; en
examinant ces parties , je trouvai que la
langue étoit devenuë flexible , et qu'elle
étoit beaucoup moins enflée : je voulus
passer mon doigt dessous , ce qui me
fut impossible , parce qu'il se trouva
qu'elle étoit unie en dedans à toute la
lévre inférieure jusqu'aux deux commissures
des lévres par une chair fort solide.
Sur
2392 MERCURE DE FRANCE
Sur cette découverte , je pris le partt
qui convenoit en pareil cas , qui fut de
séparer la langue de la lévre par une opération
aussi simple que facile ; voici
comme je m'y pris. Je passai une sonde
sous la langue d'une commissure à l'autre,
j'en fis tenir une extrémité par un
Serviteur , je lui fis lever celle qu'il tenoit
en même temps que je levois l'autre
, de son autre main je lui fis tirer la
lévre en devant ; par cette manoeuvre je
me trouvai en état de séparer ses parties
avec la pointe du bistoury : comme ces
chairs étoient fort épaisses , il sortit
beaucoup de sang de cette section ; la
langue reprit aussi- tôt sa place
machoire inférieure son mouvement ordinaire.
Je suis , &c.
et la
AMonfort Lamaury ce 30. Mars 1736.
Extrait des Registres de l'Académie Royale
deChirurgie. Du 21. Août 1736.
Mrs Marsolan et Houstet , qui avoient
été nommés par l'Académie Royale de
Chirurgie , pour éxaminer deux Observations
envoyées par M. Delaisse , Lieutenant
du premier Chirurgien du Roy
à Monfort- Lamaury , ayant fait leur
Raport ; l'Académie a jugé que ces deux
Obser
NOVEMBRE. 1736. 2393
Observations , l'une sur une Tumeur
carcinomateuse à l'Anus , l'autre sur une
Adhérence de la langue à la lévre infé
rieure guéries par opération , méritoient
d'être inséréesdans ses Mémoires. En fol
de quoi j'ai donné le présent Certificat.
Fait à Paris , ce 27. Août 1736 .
※
Signé , MORAND , Sécretaire .
※※
LETTRE de Cornélie , veuve de Pompée
àfules César, pour l'engageràterminer
les Guerres Civiles.
TUtriomphes, César, ta coupable victoire
Vacouronner ton crime , et profaner ta gloire.
Rien ne s'oposeplus à ta noire fureur ;
Mon Epoux est sans vie, et Rome sans vengeurd
Sur les sanglans debris de notre République ,
Barbare , cours fonder ton pouvoir tyrannique
Du moins n'achete pas au prix de ton bonheur,
De ce vain nom de Roy le dangereux honneur.
Tu regneras , César , mais ta triste puissance
Ne verra qu'ennemis sous son obéïssance.
Peut- être esperes- tu que la faveur des Dieux
Secondera toûjours tes projets odieux :
Ton esperance , helas ! ne sera point trompée;.
Ils ont pû , les cruels , abandonner Pompée !
Ils
2394 MERCURE DEFRANCÉ
Ils serviront le crime, et pourront quelque tems
Enchaîner la Fortune à tes pas triomphans ;
Cependant , crains pour toi cetteLaveur trompeuse
,
Etde ce vain bonheur l'amorce dangereuse.
Si Rome dans son sein renferma des ingrats ,
Dont ton ambition suit les bruyans éclats ,
Rome vit des Héros armés pour sa vengeance
Punir de ces ingrats la coupable arrogance ;
Mon coeur brûle aujourd'hui d'imiter leurs ver
tus ,
Contre un nouveau Tarquin , crains un nouveau
Brutus.
Crains le funeste sort de ces enfans rehelles ,
Et ne suis qu'en tremblant leurs traces crimi
nelles.
Tous Ennemis des Rois sont Romains à mes
yeux ,
Et le crime pour lors devient vertu dans cux.
Ne compte pas non plus sur l'apui mercenaire
,
Que promit à tes voeux la faveur populaire ;
Le sort n'a pas encore épuisé son couroux ;
Crains les Romains vaincus , et Rome à tes
genoux.
Quand même la victoire à tes Drapeaux fidelle ,
Voûroit à nos projets une haine éternelle ,
Tu ne nous verrois pas , adorant tes exploits ,
Etouffer dans nos coeurs lahaine pour les Rois.
Kome
NOVEMBRE. 1736. 2395
Rome de tes fureurs malheureuse victime ,
Reproduira sans cesse un vengeur de ton crime
Et te fera trouver , en ton affreux destin
: Encore un ennemi dans le dernier Romain.
Voilà les sentimens que Rome oset'aprendre ,
Voilà l'unique paix que tu dois en attendre
Nous braverons la mort en vrais Républiquains.
La crainte du trépas peut toucher les Tarquins ,
Pour nous , nous aimons mieux mourir dans
,
Rome libre ,
Et scelleren mourant la liberté du Tibre ,
Tu ne me verras pas dans monjuste courroux ,
Accuser tous les Dieux de la mort d'un Epoux ;
Un plus juste sujet va consacrer inee farmes ,
Et toutes je les dois aux publiques allarmes.
Un grand homme peut seul mépriser les gran
deurs ,
Et d'un état privé préferer les douceurs.
La carriere où tu cours , César , est resserrée ;
Et la fortune en vain t'en aplanit l'entrée.
Situ sçais cependant profiter des bienfaits ,
Dont son prodigue amour a comblé tes forfaits
César , tu peux encor faire oublier ton crime ,
Et par ton repentir mériter notre estime.
Entre ton interêt et ta foi combattu ,
Le vice trop longtemps fit ceder la vertu ;
De ton coeur tu lui fis un entier sacrifice ,
Qu'à son tour la vertu fasse ceder le vice.
Rend
396 MERCURE DE FRANCE
Rends les Romains à Rome , et Rome aux
Citoyens;
Domine dans leurs coeurs plutôt que sur leurs
biens ,
Cet Empire est le seul ou peut tendre un grand
homme ,
Et c'est le seul enfin qui soit permis dans Rome.
Par Esprit J.B. J. Desforges.
OBSERVATIONS sur ce Passage
deM. Pope , Poëte celebre d'Angleterre.
Un double Déluge renversa toutes les
Sciences. Les Moines actievtient ce
que lesGots avoient commencé. Essai
de Critique , L. 3. p. 75. Tradution.
I
L étoit de l'interêt des Sectaires qui
attaquerent l'Eglise dans le XVIe sie
cle , de décrier l'Etat Monastique. En
Angleterre , sur tout , où les Moines
avoient porté la foi comment auroiton
réissi à effacer dans l'esprit des Peuples
la doctrine qu'ils y avoient prêchée,
sans ruiner leur réputation et les faire
passer pour ignorans ? Mais il paroît plus .
étrange de voir quelques sçavans Catholiques
donner en cela les mains aux ennemis
de l'Eglise Romaine et parler de
l'Ordre
NOVEMBRE. 1736. 2397
f'Ordre Monastique avec encore plus de
mépris que les Protestans les moins moderés.
En quel état étoit la Religion ? Quel
les étoient les Etudes dans l'Eglise Romaine
, lorsqu'attendrie sur l'aveugle
ment des Peuples de la Grande-Bretagne,
elle détacha un essain de Missionnaires
Benedictins pour aller travailler à sa con
version ? S. Grégoire occupoit alors le
S. Siege. Ce saint Pontife avoit été Moine
, et ce titre ne lui a pas enlevé l'es.
time et la vénération que l'Eglise Anglicane
a toujours eûë pour sa memoire. Les
plus judiceux parmi les prétendus Reformés
conviennent que sous ce Pape, la
Religion conservoit,à peude choses près,
la pureté des temps Apostoliques. Quant
aux Etudes elles n'avoient plus ce goût
exquis qu'on admira dans le siecle d'Aud
guste et dont on aperçoit quelques ves.
tiges dans les premiers Peres.
La premiere cause de leur décadence
fut que les Chrétiens ne cultiverent presque
plus que les Sciences qui avoient
quelque raport à la Religion ; ils crurent
que les moins corrompus d'entre les Auteurs
Payens , pouvoient inspirer je ne
sçai quoi de très- oposé à la simplicité
chrétienne,ils en négligerent la lecture ;
la
398 MERCURE DE FRANCE
la pureté du langage en souffrit, la bonne
Critique tomba , le vral goût commença
à se corrompre ; mais l'irruption
des Barbares lui porta le dernier coup.
On sçait que c'est dans ces temps funestes
aux Sciences et aux Beaux- Arts ,
c'est-à-dire dans le sixiéme siecle que
l'Ordre Monastique commença à éclore
ou plutôt à s'étendre en Occident. Les
Moines étudierent , mais ils formerent
leur goût sur celui qui regnoit alors , et
c'estpar conséquent à tort qu'on les accused'avoir
contribué à le corrompre ; mais
ce qui rend cette accusation plus injuste,
c'est que pour peu qu'on scache l'Histoire,
on sentque c'est aux Moines qu'on
est redevable du plus grand nombre de
ses connoissances ; que s'ils ne sont pas
venus à bout d'extirper la barbarie des
Pays où ils ont été reçûs , ils lui ont du
moins oposé quelques barrieres.
Je parlerai dans la suite de cet Ecrit
de differens Ouvrages qui sont sortis de
leurs plumes, Ouvrages qui dans des sié.
cles où les Ecrivains ne se trouvoient
gueres que dans les Cloîtres , nous ont
conservé une succession de Doctrine , et
sans le secours desquels tous les Peuples
de l'Europe ignoroient absolument leur
Histoire , Ouvrages qui ont leurs défauts
;
NOVEMBRE. 1736. 2399
fauts ; mais si ce sont ceux du temps où
les Auteurs ont vêcu , si ce sont ceux des
climats où ils sont nés , enfin s'ils montrent
plus de génie, plus de sçavoir que la
plupartde leursContemporains; avoiions
qu'on devroit être du moins aussi indulgent
à l'égard de leurs Ecrits , que les
Protestans le sont à l'égard des Ouvrages
de Luther; ( Cave, Bibl. Eccl. sac. ref.
pag. 164. ) en parlant des défauts qu'ils
yremarquent eux- mêmes, ils lui sçavent
gré de tous ceux qu'il a sçû éviter, n'imputant
ses fautes qu'aux malheurs des
temps , où ce fameux Hérésiarque écrivoit.
Laissons pour quelque temps leurs
Ecrits , pour parler des services qu'ils
ont rendus à la République des Lettres ,
par le moyen de leurs Bibliotheques et
par le grand nombre de leurs Ecoles. On
sçait que c'est des Monasteres que sont
sortis tous ces excellens Manuscrits et
tant de Monumens précieux de Litterature
que l'on voit aujourd'hui en Europe
, ( Praf. Angl. sacr. ) mais enmême
temps on ne sçauroit dissimuler qu'ils y
seroient beaucoup plus abondans sans la
destruction et le pillage qu'on a fait des
Monasteres dans les Pays qui se sont séparés
de l'Eglise Romaine. Dans la né
cessité
2400 MERCURE DE FRANCE
cessité loù l'on est de prouver que les
Moines étoient au moins de quelque utilité
par raport aux Lettres , on ne sçauroit
suprimer ici un trait d'Histoire qui
montre qu'au moins en Angleterre il n'y
avoit guéres qu'eux qui connussent le
prix des Livres. Edoüard VI. avoit don
né un Edit pour purger les Bibliotheques
d'Angleterre de ce qu'il apelloit Livres
superstitieux ; mais l'ignorance étoit si
grande qu'on ne peut en faire le discernement.
Un Livre étoit- il marqué de
rouge , il passoit pour Papiste , on le destinoit
aux usages les plus honteux. Trouvoit-
on dans quelques autres des cercles
et d'autres figures mathématiques ; c'étoient
autant d'Ouvrages de magie ; on
les condamnoit au feu. On méprisa les
Manuscrits jusqu'au point ( Bibl. Angloise
, tom. 1. pag. 160. ) de s'en servir
pour écurer des chandeliers et frotter des
bottes. On vendit pour deux livres sterlings
deux belles Bibliotheques à unMarchand
qui se servit des Livres pendant
plusde dix ans pour empaqueter sesMarchandises
; faits honteux et qu'on auroit
peine à croire , s'ils n'étoient attestés par
Jean Bâle , grand ennemi du Monachisme
, dans une Remontrance au Roy
Edoüard VI.
Mais
NOVEMBRE. 1736. 2401
Mais si ce sont les Moines qui ont
conservé avec plus de soin les Ouvrages
des Anciens , si ce sont eux qui
en ont transcrit le plus grand nombre
et avec le plus d'exactitude ; si ce
sont eux , qui de l'aveu d'un autre
sçavant Anglois ( ibid ) et de tous ceux
qui ont des yeux , qui en ont corrigé
le Texte , lorsqu'il étoit corrompu
par la négligence de quelque Copiste ,
qui en ont éclairci un grand nombre de
Passages difficiles ; comment concilier ces
traits avec cette ignorance crasse dont
on prétend que les Moines ont inondé
l'Europe Des Moines qui aimoient les
Livres , qui formoient de nombreuses
Bibliotheques , qui en faisoient l'usage
donton vient de parler, ne sçavoientdonc
ils rien ?
Qu'on remonte au quinziéme siecle ,
temps où se fit le renouvellement des
Etudes. Qu'on consulte la Bibliotheque
de Cave , Auteur non suspect , on y
verra que le nombre des Moines parmi
les Sçavans , égaloit du moins celui des
Séculiers ; que c'est aux Moines, que l'irruption
des Turcs chassa de Constantinople
, qu'on doit en Occident ( Du Pin ,
Bibl. Eccl. ) la connoissance des Langues
Grecque et Hébraïque ; qu'Ambroise le
B Camaldule
2402 MERCURE DE FRANCE
Camaldule étoit celui des Auteurs Latins
de son temps qui possedoit mieux
le Grec ; mais pour ne point sortir d'Angleterre
, quels éloges Cave ne donnet'il
pas à Boston , Moine de S. Edmond
d'Uske ? Ce Religieux celebre par son
érudition et plus encore par l'aplication
qu'il eut toute la vie à rétablir le goût
dans les Etudes , visita presque toutes les
Bibliotheques des Monasteres d'Angle
terre , il fit une Bibliotheque Historique
des Auteurs qui lui tomberent entre les
mains , Ouvrage que le sçavant Usserius
avoit manuscrit; l'estime singuliere qu'il
témoignoit faire de cet Ouvrage , peut
tenir lieu de cent autres éloges.
Quant aux Ecoles des Religieux,il sem
ble quedans ces siecles ténebreux où tout..
conspiroit également et contre la pureté
de la Religion et contre toute sorte de
Litterature , ( Prosper, Chron. cit. in Monast.
Angl. praf. ) les Monasteres en
étoient devenus l'azile. En effet l'ignorance
pouvoit bien être le partage de
quelques Moines ou même de quelques..
Monasteres ; mais elle ne pouvoit guéres
infecter tout l'Ordre Monastique , par
l'attention que toutes les Regles ancien
nes avoient cû de destiner chaque jour
un temps considerable pour la lecture.
Cette
NOVEMBRE. 1736. 2403
Cette lecture consistoit dans l'Ecriture
Sainte , ( Cod. Reg. Fortunat. Bibl. CI. )
dans les Peres de l'Eglise Grecs et Latins,
( les Moines étudioient conséquemment
le Grec ) dans les Historiens Ecclesiastiques
, dans les Poëtes Chrétiens ; elle
embrassoit même la Philosophie , com
me il est aisé de le prouver par l'exemple
et les Ecritsde Cassiodore. Or cette
lecture suffisoit pour former un certain
nombre de Moines sçavans et capables
d'instruire les autres. Aussi y avoit- il
dans un grand nombre de Maisons Religieuses
des Ecoles reglées où on élevoit
la jeunesse et où les Ecclesiastiques euxmêmes
venoient étudier. ( Soli Ecol. L.
I. C. 2. Mabillon, Act. B. tom. 3. n. 40. )
Ecoles néanmoins queje ne prétens pas
égaler à celles des premiers siecles ; elles
conserverent les Lettres dans le temps
de leur plus grand obscurcissement; sans
le secours qu'on en tira , on auroit en
vain entrepris dans le quinziéme siecle
de leur rendre leur premier lustre.
Ce n'est point dans les embarras de la
Préfecture de Rome ; ce fut dans le repos
du Cloître ( Mabill. Trait. des Etudes
Monast. pag. 179. ) que S. Grégoire puisa,
se remplit de ces lumieres admirables
dont il éclaira toute l'Eglise , et qui lui
Bij servirent
2404 MERCURE DE FRANCE
د
servirent à former tant d'illustres Disci
ples , un S Augustin , Apôtre d'Angleterre
et quantité d'autres.Chaque Royau
me adans son sein plusieurs Monasteres
où les Etudes ont été brillantes. La
France compte ceux de Luxeu, de Bobio,
de Lerins , de Fontenelles , du Bec , de
Corbie , de Fleury , de S. Victor de Marseille
, &c. L'Allemagne convertie à la
Fey par le Moine Boniface , compte les
Abbayes de fuldes , de S. Gal , de Fritislar
, Académies estimées pendant plusieurs
siecles. L'Angleterre en a eû un
très grand nombre et si cette Nation
fut redevable à deux Moines François
( Mabill. an. Bened. tom. 3. in
Prefat. ) du rétablissement des Etudes et
de la fondation de l'Université d'Oxford
sur la fin du neuviéme siecle , la France
avoit aussi quelque obligation à la Grande-
Bretagne ; Charlemagne avoit ( Idem
Etud. Mon. pag. 189. ) attiré dans ses
Etats Alcuin ,Moine Anglois ,et c'est de
l'Ecole de ce grand homme et de ses Disciples
, que sont sortis presque tous les
habiles gens qui se sont depuis distingués.
» C'est le premier canal par lequel les
>>Lettres se sont répanduës et rétablies en
> France et en Allemagnedans le neuvićme
etdixiéme siecle,
Disons
NOVEMBRE . 1736. 2405
Disons-le sans ostentation et uniquement
dans le dessein de combattre les
injustes préventions qu'on a contre le
Monachisme. Pourquoi pendant plusieurs
siecles sont- ce les Moines qui ont
éré promus à la meilleure partie des Evê
chés de l'Europe ? C'est qu'on remar
quoit en eux plus de pieté et plus de lumieres.
Pour donner quelque idée de tant de
grands Hommes qui ont été chargés du
Gouvernement de l'Eglise , en nommerai-
je un petit nombre des plus célebres ?
-Un S. Césaire d'Arles , dont le goût et
le sçavoir sont au-dessus de la plupart
des Auteurs de son siecle ; ses Contemporains
lui ont rendu justice , et il n'a
rien perdu de sa réputation dans les sie
cles suivans.
Remontons plus haut. Que penserd'un
"S. Epiphane , d'un S. Bazale , d'un S Serapion
, d'un S. Jean Chrisostôme , de
S. Grégoire de Nazianze , de S. Martin,
de Théodoret , de S. Fulgence, de S. Hilaire
d'Arles ? &c. On ne parle point
pour abreger , d'une infinité qui ont
cudans les siecles suivans ; mais ce n'est
point , on l'ose dire , trop les flater que
de faire à l'égard d'un très-grand nombre
le mêmejugement qu'un AuteurAn
Biij glican
vé..
2406 MERCURE DE FRANCE
glican ( De Antiq. Britan. Eccles. Praf. )
aporté des anciens Archevêques de Cantorbery
, qui presque tous ont été tirés
de l'Etat Monastique. A l'exception de
quelques défauts qui leur étoient communs
avec tout leur siecle. ( Il parle
des prétenduës superstitions de l'Eglise Romaine.
) On ne pouvoit gueres imaginer
rien de plus parfait , soit par raport à la
solidité du jugement , et à la sagacité ,
soit par raport à la temperance , à une
sage economie , et à la charité envers les
pauvres. Si plusieurs d'entre eux furent
apellés au Ministere , s'ils furent les dépositaires
de l'autorité des Rois, ils ne la
firent jamais servir qu'à la félicité des
Peuples.
Toutes les foisque les Hérétiques sont
venus troubler la paix de l'Eglise , à qui
lisons-nous qu'elle ait été redevable de
leurdéfaite et de ses victoires ? Si ce n'est
aux Moines, à ces hommes qu'une science
au- dessus du vulgaire avoit rendu maîtres
des Esprits. Je ne remonte plus jus
ques aux siecles les plus reculés , et je
trouve un Pascase Radbert à la tête des
Défenseurs du Dogme de l'Eucharistie ,
les Lanfrancs , les Anselmes , les Hincmars,
les Alcuins, les Loups de Ferrieres,
les Rabans Maurs , les Bernards , les Il.
defonses,
NOVEMBRE. 1736. 2407
defonses &c.tous ont la plume à la main
contre differens Ennemis de l'Eglise. Les
Lettres Saintes leur fournissent des armes,
et les Lettres Humaines leur aprennent
la maniere de s'en servir .
Citons encore en preuve quelques
exemples. Je trouve d'abord sous ma
main un Anglois à qui un autre Anglois,
mais dans des sentimens bien oposés aux
siens , donne des Eloges. C'est le vénerable
Bede à qui on est redevable de
'Histoire du Pays où il a vécu , et de
beaucoup d'autres Ouvrages qui lui don
nentun grand nom dans l'Eglise et dans
la République des Lettres. Cave , après
avoir raporté les témoignages honorables
qu'on a rendus à son érudition
dansdifferens temps , dit : Anno
circiter septingentesimo secundo Presbyter
factus est et lautissima jam omnifaria
doctrine suppellectile ac penitiore utriusque
lingua , optimarumque scientiarum
cognitione instructus ad scribendum se ac
cinxit. ( Cave , Sec. Eicon. pag. 404.
et seq. )
On ne sçauroit nommer S. Thomas
d'Aquin et l'Abbé Tritheme sans en
avoir une grande idée ; le premier encore
plus admirable par la solidité
de ses Ecrits , que par leur nombre , a
Biiij toujours
1408 MERCURE DE FRANCE
toujours été regardé dans l'Eglise coma
me une de ses colomnes. Il a mis les
preuves de la Religion dans un si haut
dégré d'évidence , que la seule lecture
de ses Ouvrages convertit un Juif.nommé
Paul , ( Ibid.) distingué parmi les
Restaurateurs des Lettres dans le quinziéme
siecle . Le second avoit une érudi
tion immense , que peu de Sçavans de
son temps égalerent , que personne ne
surpassa . C'est encore le témoignage de
Cave. $
Quels titres donner au fameux Erasme?
Les éloges que M. Pope lui prodigue ,
(Essay de Critique. ) rendroient les
miens moins suspects ; mais on ne voit
point à quel dessein ce sçavant Anglois
l'introduit sur la Scene de la Litterature ,
comme assés heureux pour en chasser
les Vandales Cloîtrés. Quoi ! point d'Arts,
point de Sciences, point de goût , si Erasme
n'eût parû ? Sans lui les Vandales
Cloîtres achevoient de renverser ce que
les Goths , aidés des mêmes Moines ,
avoient commencé. L'oüanges outrées pour
Erasme ; mais censure encore plus injuste
à l'égard des Moines de son temps.
Il l'étoit lui- même ( c'est un fait incontestable.
) Or si ce génie sublime séleva ,
comme on n'en sçauroit disconvenir ,
bien
NOVEMBRE. 1736. 2409
bien au dessus de ses Contemporains ,
en doit-on conclure qu'il fût le seul
homme de Lettres et de goût dans le
Cloître ? Ou plutôt croira - t'on qu'il
ne dût rien du tout aux bonnes Erudes
qu'il fit pendant l'espace de vingt
⚫ ans qu'il resta dans son état ? Heureux
s'il y eût perséveré. Heureux si moins
volage , ( Sponde , an. 1518. 1536. Huet ,
in Origenem. ) moins plein de lui-même,
Ecrivainplus circonspect et meilleur Cri.
tique, il n'eût point par ses jeux, ses railleries
, ses décisions hardies sur l'Ecriture
et les Saints Peres , fourni des Armes
aux Hérétiques mêmes qu'il combattit ,
et à tous les séditieux , le prétexte de
leur révolte !
On sent qu'on pouroit beaucoup plus
multiplier les exemples. Il faudroit sur
tout copier une bonne partie des Biblio.
theques Historiques , si l'on vouloit placer
ici les Historiens que l'Ordre Monastique
a donnés en differens temps.
M. Pope les connoît sans doute , et il
en est quelques-uns à qui je crois qu'il
ne sçauroit refuser son estime.
Quitrons ce celebre Ecrivain et remontons
aux sources des préventions que
bien d'autres que lui ont contre les
anciens Ouvrages des Moines. La pre-
Bv mierę
2410 MERCURE DE FRANCE
miere est qu'on se sent naturellement
porté à raporter tout aux moeurs et aux
usages du temps où l'on vit , au goût et
aux idées de sa Nation. La seconde est
que trouvant dans un grand nombre
d'Auteurs qui ont écrit depuis le 7e siecle
jusqu'au 17e des opinions singulieres
ou bizares , on est d'abord révolté et
hors d'état par conséquent de rendre justice
à ce qu'il y a de judicieux et d'utile
dans leurs Ecrits. Or voici , ce semble ,
le remede contre ces jugemens faux et
précipités ; c'est de poser d'abord pour
principe qu'il n'est point d'Ouvrage ( je
parle de ceux qui sont le plus génerale.
ment estimés) qui n'ait des défauts. Et
en second lieu de faire attention que
toutes les opinions ne sont gueres moins
sujetes aux révolutions des modes que
les habits , et que comme toutes les choses
humaines , elles ont leurs progrès et
leur décadence. En peut-on donner un
exemple plus sensible que celui- ci ? Le
Cartesianisme dont le triomphe a été si
brillant , dont les systêmes ont été reçus
avec un aplaudissement qui sembloit devoir
toujours durer ; le Cartesianisme
lui-même ne commence-t'il pas à tomber
? On s'en dégoûte , on paroît le com
battre avec succès dans plusieurs points;
et
NOVEMBRE. 1736. 241
et que sçait- on si les erreurs qu'on croit
y remarquer , ne sont point déja remplacées
par d'autres erreurs qui paroîtront
un jour encore moins suportables ?
Finissons , mais convenons auparavant
que tous les siecles n'ont pas été égale.
ment heureux pour les Lettres dans les
Monasteres , qu'on a accusé , et c'est avec
raison , plusieurs de leurs Ecrivains d'avoir
eû un penchant démesuré pour le
merveilleux et de s'être trop attaché à de
vaines subtilités ; que ce n'est les disculper
qu'en partie que de dire qu'ils ont
suivi le torrent , que c'étoit le goût de
leur siecle; que d'ailleurs la licence occasionnée
par les guerres , le relâche
mentdans la discipline , et l'oisiveté qui
en est une suite, ont plongé beaucoup
de Maisons Religieuses dans l'ignorance
la plus crasse ; mais le mal n'a jamais
été géneral , je crois l'avoir démontré
pardes exemples et par le témoignage
de leurs Ennemis mêmes, en un mot, si
le mauvais goût s'est quelquefois mon
tré dans leurs Ecrits , c'étoit alors un
mal épidémique ; qu'on fasse voir que
beaucoup de leurs Contemporains s'en
soient garantis , avant que de leur en faire
un crime particulier. ( De Antiq. Brit.
Ecclesia Praf. ) Uni hominum generi pra
2412 MERCURE DE FRANCE
cipuè vitio veru non debet quod perinde
omnes occupavu , nec privatim singulis ,
sed communiter accidit universis. C'est la
remarque judicieuse d'un Auteur Protestant
déja cité.
On n'ose presque parler ici du succès
que les Religieux ont eû dans leurs Etudes
dans le dernier siecle et dans celui- ci.
C'est au Public à en juger. Il n'est point
de genre de Litterature sur lequel ils
n'ayent écrit. Le bon goût qui domine
dans le siecle où ils vivent , éclate dans
le plus grand nombre de leurs Ouvrage
. L'ardeur avec laquelle on continue
d'crudier dans quelques Congrégations ,
tandis que l'amour des Lettres commen.
ce à s'éteindre en beaucoup d'Endroits,
donne lieu d'esperer qu'ils ne contribueront
point les premiers à ramener la
barbarie dans la République des Lettres.
AAAAAAAAAAAA
ODE
Tirée du Pseaume LXXVIII.
Deus venerunt gentes , c
A
Rme toi , Dieu vengeur des crimes de fa
Terre ,
Tes plus fiers ennemis défiant ton Tonnerre ,
Dan
NOVEMBRE. 1736. 2415
Dans les Murs de Sion osentporter leurs pas;
Ton nom à leur fureur ne met aucun obstacle
Israël prosterné dans ton saint Tabernacle
Reclame - t'il en vain le secours de ton brast
Jérusalem n'est plus qu'un funeste assemblage
De Palais renversés , de meurtre , de carnage.
Un Déluge de sang inonde ses Remparts ;
Et les Corps detes Saints privés de sépulture ,
Sont par leur soin cruel devenus la pature
Que disputent entre eux les avides Renards.
Echapés au tranchant de leur glaive homicide,
Victimes de l'orgueil d'un Tyran parricide ,
Nous servons de trophée à ses noirs attentats;
Nos plus vaillans guerriers que ton bras in
vincible
Sembloit avoir armés de la foudre terrible ,
Sont le triste joüet d'un Peuple de Soldats.
Jusques à quand , Seigneur, victime de ta haine
Israël gémira sous le poids de sa chaîne ?
Poursuivras-tu ses jours jusques dans le tome
beau ?
Verras-tu sans pitié sa honte et sa misere ?
N'est- ce que dans son sang que ta juste colere
Attend pour s'apaiser d'éteindre son flambeaut
Israd
2414 MERCURE DE FRANCE
Israël a peché , mais parmi les coupables
Israël compte encor dans ses murs redoutables
Des Elus dont les pleurs s'oposent à tes coups.
Le Tonnerre s'aprête à châtier nos crimes ,
Il va partir... Seigneur , cherche lui des victimes
Plus dignes qu'Israël de ton juste courroux.
Guide ses feux brulansdans ces climats sauvages;
Où l'orgueilleux Baal te ravit les hommages
Que te sendroient sans lui les aveugles Mortels;
Que la foudre sur eux au loin se fasse entendre ,
Qu'elle éclate , et soudain qu'elle réduise en
cendre
Les Prêtres de Baal , son Temple et ses Autels
Flatés du fol espoir de ternir ta mémoire ,
Ces vils Adorateurs du Bronze et de l'Yvoire ;
Sont entrés dans tes murs la vengeance à la main.
La mort étoit le prix dont ce Peuple infidele
Toujours couvert de sang , récompensoit le zele
De ceux qui s'oposoient à ce cruel dessein.
Ta Justice leur doit une prompte vengeance.
Que le seul Israël éprouvant ta clémence ,
Dans ses murs désolés ressente tes bienfaits.
Que nos fiers Ennemis de notre sang avides ,
Saisis
NOVEMBRE. 1736. 2415
Saisis d'étonnement , d'eux-mêmes homicides ,
Scachent qu'il est un Dieu vengeur de leurs
forfaits.
N'écoute plus, Seigneur, la voix deta Justice ,
Elle demande en vain que ton Peuple périsse ,
La force de ton nom s'interesse pour lui .
Ta gloire en sa faveur désarme ta colere.
Es-tu sourd à ses cris ,est-ce envain qu'il espere,
Ton bras dédaigne-t'il de lui servir d'apui ?
Tudors , et cependant notre Ennemi blaspheme,
Il ose défier ta puissance suprême ;
Israël , nous dit - il , qu'as-tu fait de ton Dieu ?
Sont- ce là les sermens qu'il fit de te défendre ,
N'est- il plus tout puissant , n'ose-t'il l'entre
prendre?
Ignore-t'il les maux que tu souffre en ce licu ?
Eveille- toi , confonds sa superbe arrogance ,
Fais à ses yeux surpris , éclater la vengeance
Du sang de tes Sujets dont il soüille sa main ;
Ce sang fumant encor, rejaillit sur ton Trône ,
Et lorsqu'en sa faveur ta bonté nous pardonne ,
Il force ta Justice à punir l'Assassin.
2416 MERCURE DE FRANCE
Brise nos fers honteux , ranime notre andace...
Sion, ton Dieu prévient le coup qui te menace, )
Tes Ennemis vaincus vont tomber dans tes fers.
Il vole à ton secours , leve ta tête altiere ,
Voi sortir tes remparts du sein de la poussiere,
C'estl'Ouvrage du Dieu qui régit l'Univers.
L'Airain se ramolit , le Marbre plus docile ,
Obéït au ciseau de l'Artisan habile.
L'Or brille d'un éclat que rien ne peut ternir.
Je vois d'un nouveau Temple élever les Por
tiques ,
Seigneur , ton nom sacré chanté dans nos Cantiques
,
Assure ta mémoire aux siecles à venir.
H. Billard de Marseille.
A Mrs les Eliteurs du Mercure Suiffe , à
Neufchatel , sur les Pilules Mercurielles.
V
Ous ne devez pas douter , Messieurs
, que parmi le grand nombre
des personnes qui fournissent des Mémoires
pour être imprimés dans votre
Mercure , iln'y en ait de temps en temps
quelqu'un qui surprenne votre bonne
foi et la crédulité du Public, en publiant
des
NOVEMBRE. 1736. 2417
desOuvrages , et annonçant des Remedes
, auxquels ils ne font que prêter leur
nom , sans en être les Auteurs.
L'Extrait de Dissertation de M. Bianchi
, premier Professeur d'Anatomie à Tu
rin , sur l'usagedu Mercure dans la Mede
cine, inséré dans votre Mercure du mois
de May 1735. en est une preuve trop
convaincante.
Si ce célebre Professeur s'étoit apliqué
à copier quelque Auteur , dont les Ouvrages
enterrés dans la poussiere , se fus
sent , par la longueur du temps , ou
pour être écrits dans une Langue morte,
dérobés à la connoissance du Public , ou
effacés entierement de la mémoire des
Sçavans ; encore auroit-on pû recevoir
un tel Ouvrage pour original : mais piller
en plein unAuteur mort seulement
depuis quelques années , et dont les Ouvrages
sont traduits dans presque toutes
les Langues de l'Europe , c'est agir, sans
contredit contre les regles du bon
sens et de la raison .
Le caraciere ,*dites-vous , franc et sincere
de M. le Professeur Bianchi ,le Poste
qu'il occupe si dignement , et la réputation
qu'il s'est acquise par sa pratique ,
Laisse soupçonner aucun artifice dans ce
qu'il dit. Pour prouver toutes ces belles
ne nous
qualités
2418 MERCURE DE FRANCE
د
5
qualités , et les mettre dans tout leur
jour, il est bon de raporter ici quelques
traits de la Préface du Livre intitulé
Joannis- Baptiste Morgagni Primarii Professoris
Patavini et Regia Londinensis
Societatis Sodalis Epistola Anatomica dua.
Cette Préface est adressée à M. Bianchi
comme Auteur de l'Histoire Hépatique.
On y voit que ce n'est pas d'aujourd'hui
que ce célebre Professeur s'en prend
à la gloire des Hommes illustres après
leur mort . Tunc enim verò , disent- ils
sua ista nobis confidentia visa est esse frangenda
, et publico scripto comprimenda ; ut
magis inposterum consideratum , minus inconstantem
esse difceres,et sin minus viventes
, at mortuos saltem celeberrimos viros ed
qua par est fide ac reverentia prosequereris.
La réputation qu'il s'est acquise est assés
connuë de tous les Sçavans, et les Auteursde
cette Préface n'ont pas obmis d'en
parler. Quicumque Anatomicam , poursuivent-
ils , ac Medicam cujufcumque par
tis Historiam mandareliueris perfectam instituat
, hunc oportet in utriusque Facultatis
Scriptoribus , ne quid fortè eorum quæjam
tradita sunt pratermittat , diligentissimè esse
versatum : deindè verò ipsum egregium Anatomicum
ac Medicum esse , ut que adhuc
desiderantur addere , atque absolvere de
SUO
NOVEMBRE. 1736. 2419
ouo possit : novissimè iis , quæ in Historiis
omnibus communiter requiruntur , scribendi
facultate , memoria , diligentia , judicio , fi
de,pollere. In te verò , Blance , quid tandem
horum esse dicemus ? Num ( ut à levioribus
incipiamus ) scribendi aliquam facul
tatem ? Hac quidem quanta sit demonstrabunt
doctorales Orationes tua, &c. Memoria
vero ea parte animi qua , ut præclarè ait
M.Tullius , custos est cæterarum ingenii
partium quam debilis sis atque infirmus
eadem II. Epistola ostendit , & c. Quamquam
negligentiæ tuæ nullum gravius quari
testimonium potest quam tui ipsius confuentis
te ad ea perneganda quæ nobiles Anatomici
certè docuerant que uni aut alteri ob
servationi impensius fisum fuisse , tua
verò properanter scripsisse , qua confessiones
the Art. 28.et 29.ejusd. Epistola II.
ac 53. 1. notata sunt. Judicio autem ut sis
acri et intelligente , etsi loca alia plura commonstrant
, ex Epistola tamen 1. Art. 78 .
70. et 11. Art. 33.69. 82. et sequentibus
apertissimè cognoscetur. Restat fides , qua
una dempia , quid tandem est quod in Historia
quæramus ? Ipse autem quam verax
sis, quam ea scribere metuas , in quibus deprehendi
manifesto ac teneri possis , satis
superque monstrat II. Epistola Art, 19. c.
Et certesjamais M. Bianchi n'auroit
entre1420
MERCURE DE FRANCE
entrepris d'écrire sa Dissertation sur le
Mercure , ni de publier ses Pilules , s'il
s'étoit attendu qu'on eût pris la résolution
de lui reprocher publiquement le
vol qu'il a fait de l'un et de l'autre dans
les Ouvrages de M. Belloste : mais il devoit
bien se figurer que si viventem illum
amavimus , mortuum non deseremus. Nous
pouvons donc lui dire avec Mrs les Editeurs
: Respice te aliquando Blance : quid
speraveris ,quid consecutus sis , vide. Tibi
plurimum , nihil ei obfuisti ; imo ut probarissimis
utilissimisque editis scriptis magis
magisque clareret occasionem prabuisti.
Après ces remarques qui nous ont
paru nécessaires , nous allons découvrir
l'artifice que vous n'avez pas crû devoir
soupçonner dans ce qu'il dit : il est même
assés grossier , puisqu'il ne faut que sça
voir lire pour être pleinement convaincu
qu'il y a des gens qui font trafic de leurs
tromperies , sans se promener de contrée
en contrée pour trouver des dupes. Car non
seulement ce fameux Professeurdonneau
jour sous des termes à peine changés une
Dissertation sur le Mercure qui n'est pas
de lui ;mais il fait en même temps annoncer
des Pilules contrefaites , dont la véritable
composition est du même Auteur
duTraité du Mercure , en leur donnant le
titre
NOVEMBRE. 1736. 2428
Bitre pompeux et métaphorique de Pilules
alexipharmaques ; gros mot qui remplit
l'oreille , mais qui n'est pas à la portée
du Public.
2 Un des amis , dites- vous , de M. le
Professeur Bianchi , homme très célebre dans
sa profession , et qui avoit beaucoup de sçavoir
et d'experience , faisoit un grand secret
de la composition de ces Pilules . Cet
emi étoit M. Augustin Belloste , Premier
Chirurgien de feuë Madame Royale de
Savoye, Auteur du Chirurgien d'Hôpital ,
Ouvrage en deux Tomes in 12. qui a
mérité l'aprobation universelle. C'est
dans le second Tome de ce même Quvrage
que l'on trouve le Traité du Mer
cure, dont M. Bianchi prétend nous faire
un présent , sous le titre de Dissertation .
C'est faire véritablement un bel usage
de l'amitié que de se parer des Ouvrages
de son ami et s'aproprier , dans la com
positiondeson remede , un bien qui n'as
partient qu'à sa famille.
Il estplus aisé de croire que cette Dissertation
a éré traduite du françois qu'au
trement , vû qu'en plusieurs endroits
M. Bianchi ne s'est pas seulement donné
la peine de changer les termes , ni de varier
les expressions qu'il a trouvé dans
Poriginal françois de son ami, Çe çélebre
1422 MERCURE DE FRANCE
bre Professeur trop occupé à ses leçons ,
et à ses Démonstrations Anatomiques ,
n'en avoit sans doute pas le loisir.
On peut assûrer , dit-il en parlant du
Mercure , que ce Fossileprécieux est leplus
salutaire présent que la Providence ait pû
faire à l'homme. Avant lui M.Belloste
avoit dit pag. 5. Le Mercure dontje publie
ici lesvertus est un miracle de la nature et
parmi les remedes , le plus rare présent de la
Providence.
Si quelque drogue , dit M. Bianchi , pouvoit
avoir ce caractere ( d'universelle) ce
seroit sans doute le Mercure. Et M. Belloste
pag. 114. Ce qui me fait croire que dans le
Mercure crud on peut trouver un remede
universel, s'il estpossible d'en trouver.
Les Voyageurs nous raportent , dit ailleurs
l'Auteur de la Dissertation , que les
femmes du Levant s'en servent avec succès
pour entretenir la fraîcheur et la vivacité de
Leurteint, pour se procurerde l'embonpoint,
et cet air de jeunesse qui semble embellir la
beautémême. On doit sçavoir bon gré à
M. Bianchi d'avoir orné en cet endroit le
stile laconique de son Original , où il est
dir tout simplementp. 75.M. leDuc,que
nous avons cité ci dessus, a vû à Smirne que
la plupart des femmes qui veulent paroître
belles etfraîches, etacquerirde l'embonpoint
avalent
NOVEMBRE. 1736. 2423
avalent souvent deux dragmes de Mercure
crud sans aucun mélange.
د
Après nous avoir fait part de ce que
M. Belloste a dit en général sur leMercure
,M. Bianchi entre dans le détail de
ses Pilules de nouvelle fabrique , auxquelles
il attribuë les vertus que ce fameux
Chirurgien a publié des siennes ,
de guérir les sciatiques , les rhumatismes
les écrouelles, les fistules, les polypes récens,
lespalpitationsde coeur, les maladies vénériennes
, les difficultés d'uriner , les douleurs
intestinales , la galle , les dartres , la lépre ,
les vertiges, les pâles couleurs , de tuer les
vers et les chasser du corps. On ose même
dire , ajoûte- il , qu'elles dissipent presque
àvûë d'oeil des tumeurs d'une grosseur con.
siderable et assés opiniatres. On avû des
tumeurs schirreuses les plus dures se résoudre
insensiblement par les selles ou par les urines
, et parvenirquelquefois , à l'aide de ce
remede , à une heureuse et très- salutaire supuration.
On l'a vû , il est vrai : mais
qui l'a vû ? C'est M. Belloste, ainsi qu'on
peut le voir p. 15. où il dit : L'an 1687 .
étant Chirurgien-Major de l'Hôpital de
Luserne dans la premiere Guerre des Barbets
,je m'en servis avec succès dans plu
sieurs tumeurs dures et schirreuses : je trouvai
que celles qui étoient d'une médiocre
grossenv
2424 MERCURE DE FRANCE
grosseur, et peu inveterées se dissipoient à
vûë d'oeil sans supurer ; que les grosses en
anciennes venoient à supuration. Dans les
pages suivantes cet Auteur détaille toute
laméchanique du Mercure et la maniere
d'operer de ce mineral dans le corps humain;
comme il divise les globules du
sang , et détruit les acides par ses frotemens
continuels et successifs , laquelle
M. Bianchi n'a pas oublié de transcrire
dans sa Dissertation. On voit aussi p 60.
que le mouvement du sang et de la limphe ,
àlaquelle il sejoint ,fait que ces petitsglobules
se heurient les uns contre les autres ;
parce choc reïteré , tous ces globules tant du
sang que du Mercure se brisent à l'infini en
se multipliani &c. Voilà l'Original qui a
fait dire à M. Bianchi , il secoue tous ces
sels , et les heurtant avec violence , il brise
leurs pointes , &c.
1
Il n'a pas manqué non plus d'y inserer
de quelle maniere le Mercure produit
quelquefois de grands desordres lorsqu'on le
fait entrer parforce à travers des poresde la
peau. Le raisonnement qu'il fait sur ce
sujet ne lui a pas coûté beaucoup d'aplication
, puisqu'en continuant à lire le
même Auteur qu'il a pris pour modele ,
il a dû y trouver p. 71. que le Mercure
que l'on fait entrer dans le corps par les
frictions,
NOVEMBRE. 1736. 2425
frictions , prend une partie des liqueurs à
contre- sens : ce coup de rétrogradation qui
pousse de la circonférence au centre , subtilise
la limphe , l'éleve en haut , lui donne
un mouvement violent et rapide , le porte
vers la tête et lagorge , &c.
On ne veut pointtomber ici dans le mê.
me inconvenient que l'on reproche à
M. Bianchi , de transcrire tout l'Ouvrage
de M. Belloste ; mais on compare seulementquelques
échantillons de l'Original
avec la Copie , pour soutenir l'honneur
de ce vieil Praticien qui a travaillé
toute sa vie pour le bien public , auquel
la Chirurgie a des obligations infinies ,
etdont la mémoire nous est très- précieuse
: renvoyant les Curieux àla lecture du
second Tome du Chirurgien d'Hôpital ,
pour leur plus ample et plus parfaite sa
tisfaction .
Je puis attester, dit M. Bianchi , que
depuis 40. ans d'une pratique assiduë , je
n'ai jamais remarqué que ces Pilules ayent
produit aucun effet mauvais et sinistre. Rien
n'est si aisé quede démontrer la fausseté
de ce qu'il avance dans cet Article , par
les remarques suivantes.
Premierement , après la mort de son
Ami , M. Bianchi a jugé à propos , à ce
qu'il dit , de faire quelques changemens à
C cette
2426 MERCURE DE FRANCE
cette composition. Il substitua au purgatif
acre et violent dont son ami se servoit
un purgatifplus doux et plus sûr. Cet ami
estmort le 15. Juillet 1730. où sont donc
les 40. ans d'une pratique assiduë ? à
moins qu'il ne veüille nous dire qu'il a
lû dans le Chirurgien d'Hôpital Tome 2.
p. 121. que M. Belloste avoit éprouvé ce
Remede pendant plus de43. ans,toujours
avec succès , et sans qu'il ait produit le
moindre accident.
د
Secondement si M. Bianchi avoit
éprouvé pendant 40. ans ce Remede sans
aucun effet sinistre et mauvais , pourquoi
y faire quelques changemens depuis 6. ans
seulement ?
Troisièmement , pour y faire les prétendus
changemens , il faut suposer que
son ami lui en a communiqué la composition;
et c'est ce que M. Bianchi même
n'ose avancer , pour plusieurs raisons.
1. Il se détruiroit lui-même , en disant ,
comme il fait , que son ami faisoit un
grand secret de sa composition. 2°. M.
Belloste dit p. 129. Mon âge de 70. années
qui rend tous les jours de ma vie criti
ques , et toutes mes années climateriques , me
devroit porter à ne pasfaire un secret de la
préparationet composition de ce Remedes vû
d'ailleurs que dans mon premier Ouvrage ,
j'avois
NOVEMBRE. 1736. 2427
.
j'avois flaté le Public de le donnerunjour
en lumiere : cejour n'est pas encore venus
la rigueur des tems l'a reculé , par les pertes
considerables que j'ai faites dans ma patrie.
Mafamille peut trouver dans son usage une
ressource qui la console et la dédommage en
même temps de l'injustice qui l'a privée de
plusieurs années de mon travail et de mes
fatigues; c'est à eux à qui je laisse le soinde
tenirma parole quand ils lejugeront àpropos
: je n'enprivepas le Public. Tout ceci
ne veut pas dire que M. Belloste ait communiqué
son secret à M. Bianchi . Bien
loin de là , il Pa légué par son Testament
à son fils aîné , Docteur en Médecine à
Turin , qui est à présent le seul dépositaire
, et véritable possesseur du secret
de ce Remede , à l'exclusion même de
son propre frere , et de son second fils.
Quatrièmement : Enfin pour substituer
un Purgatif plus doux et plus sûr , au Purgatifacre
et violent, n'ayant pas le secret
de la composition de ce Remede , ainsi
qu'on vient de le prouver; il faudroit du
moins que M. Bianchi aportâtdes preuvesde
l'acreté et de la violence du Purgarif
dont son Ami se servoit , et des bons
effets de ses Pilules , depuis la prétenduë
substitution du Purgatif plus doux et plus
sûre c'est ce qu'iln'estpas en état de faire.
Cij Que
2428 MERCURE DE FRANCE
Quedevons-nous conclure de-là ? Que
M. Bianchi a voulu mettre une Affiche
dans votre Mercure du Mois de May
dernier , pour faire sçavoir au Public
qu'il fait vendre à Genève les Pilules
contrefaites de M. Belloste :
Sicvos , non vobis , fertis aratra boves.
Je suis très-parfaitement , &c .
Turin ce 20. Septembre 1736.
LA CONSULTATION MAGIQUE.
EPITRE à Mlle De Ve ... ParleSr
Bouys de Nevers.
Uoique j'eusse promis de quitter le Pers
messe
D'abandonner Phebus , Pegase et les neufSoeurs,
Philis , je viens pour vous de romprema promesse
;
Mais que ne fait-on pas pour la Reine des
coeurs ?
Et peut- on refuser une rime au mérite ?
?
Le jour que je jurois par les Dieux du Cocyte ;
Qu'on ne me verroit plus dans le sacré vallon
Mandier avec peine un regardd'Apollon ,
Je ne prévoyois pas , Philis , je vous le jure,
Qu'Amour
NOVEMBRE. 1736. 2429
Qu'Amour se serviroit pour me rendre parjure;
Des beaux yeux dont ce Dieu fut lui-même
jaloux,
•Lorsque pour m'immoler à sonjuste courrout ;
Et pour mieux s'assurer une pleine victoire ,
Sur un coeur aujourd'hui victime de sa gloire ,
Philis , il eut recours à vos tendres apas ,
Aces traits enchantés qui ne cederoit pas ?
Ma Muse vous voilà dans le train de bien dire
Courage , l'on ne peut épuiser ce sujer.
Sçavez-vous cependant si ce charmant objet ,
Pour qui sans consulter , vous hazardez d'é
crire ,
Pour votre favori fait voir quelque retour ;
Je crains qu'à ses desirs , Philis ne soit rebelle.
Pour calmer les soupçons de cet Amant fidelle,
C'esttoi , puissant Merlin , que j'invoque enca
jour ,
Décide de mon sort , et sois moi favorable ,
Toi qui connois le coeur de Philis trop aimables
Dis-moi si de l'Amour elle a subi les loix ,
Et l'Amant fortuné dont elle a fait le choix.
Dis-moi puis-je esperer de toucher' l'inhu
,
maine ,
4
Et de voir en plaisirs bientôt changer ma peine,
Merlin entend ma voix ; du manoir ténébreux
Cegrand magicien vient seconder mes voeux ;
Il cede àma priere... il paroît... il s'avance ;
Ciij En
2430 MERCURE DE FRANCE
En vain pour l'écarter je garde le silence
Il se taît sur mon sort ... dans ses yeux égarés,
Je ne lis que trop bien, mes malheurs assurés.
Non , Philis n'a pour moi que de l'indifference,
Mon tendre aveu la choque , et mon amour
l'offense.
Ma Muse cessez donc à présent de rimer ,
Pour plaire c'est l'Amour qui doit vous animer.
Ovide n'auroit point avec délicatesse
Exprimé de l'amour les sentimens parfaits,
Si lui-même n'eût sçû faire usage des traits
De ce Dieu pour fixer le coeur de sa (a) mais
tresse ;
Etdu siècle présent le tendre Anacreon (6)
Seroit- il devenu du Dieu de l'Helicon
Le docte favori , si ce rare génie ,
Ne l'eût jamais été de la belle Uranic e
(a) Julie. (b) Rousseau.
(c) Sous le nom d'Uranie l'Auteur comprend
Venus , parce que les Habitans de Delos avoient
élevéun Temple en l'honneur de cette Déesse , sous
le nom de Venus Uranie.
LETTRE
NOVEMBRE: 1936. 2431
LETTRE de M. *** à M. Beneton
de Perrin , où l'on réfute un endroit de
sa Dissertation sur les Hôtelleries , con
cernant l'Eglise de S. Jacques de l'Hô
pital.
' Ai lû,M. votre Dissertation sur l'ori
gine et l'antiquité des Hôtelleries,&c.
inserée dans les Mercures de cette année,
etj'y ai vû de nouvelles preuves de votre
érudition qui m'étoit déja connuë. Mais,
permettez-moi de vous le dire , j'ai été
surpris de l'espece d'épisode que vous
y avez fait entrer , au sujet de l'Eglise
de S. Jacques de l'Hôpital. Outre que
cela n'apartenoit pas trop ce semble , à
votre sujet , tout ce que vous en dites
est hazardé et sans fondement : je me
flate que les observations suivantes vous
en convaincront.
Voici votre début : après avoir parlé
en peu de mots de quelques Sociétés séculieres
qui exerçoient l'hospitalité,vous
dites : » Les biens qui avoient été mis
>>dans ces Sociétés séculieres, ont passé
» à des Ecclésiastiques que ces Bourgeois
>>> avoient introduits parmi eux pour être
C iiij >>leurs
432 MERCURE DE FRANCE
leurs Aumôniers et leur conseil ; et ces
Ecclésiastiques prenant le rang au des-
>>sus de leurs Bienfaiteurs , se sont apliqués
les biens de ces Sociétés à leur
>propre usage. « Pour prouver votre
proposition vous n'aportez qu'un exemple;
c'est celui de S. Jacques de l'Hôpital.
D'où il suit nécessairement , afin que cet
exemple prouve , et que votre raisonnement
soit complet , 1 °. que , selon
vous , les Ecclésiastiques de S. Jacques
de l'Hôpital n'ont point eu dès leur origine
, ni de titre , ni de biens fondés . 2º .
Qu'ils ont été seulement introduits par les
Confreres Pelerins , pour être leurs Aumôniers
et leur conseil. 3 °.Que dans la suite ces
Ecclésiastiques ont pris rang au dessus de
leurs Bienfaiteurs. 4º. Enfin qu'ils en sont
venus jusqu'à s'aproprier des biens qui
ne leur avoient pas été destinés. Tout ce
que vous ajoutez , lorsque vous venez
à entrer dans le détail de ce qui regarde
l'Eglise et l'Hôpital de S.Jacques, prouve
évidemment que tel est votre systême ,
que telles sont les idées que vous avez
d'une compagnie de vingt Ecclésiastiques
qui ne se reconnoissent nullement
dans un tel portrait. Je ne vous impute
pas de vous être trompé volontairement :
imais êtes vous excusable d'avoir adopté
de
: NOVEMBRE. 1736.. 2433
de faux Mémoires , sans les avoir éxas
miné ! Ne deviez - vous pas consulter
vous même les titres de l'érection de
l'Eglise et de l'Hôpital dont vous parlez
? Ces titres sont publics , ils sont
clairs , et vous y auriez apris
1 °. Que l'Eglise et l'Hôpital de S. Jacquesdoivent
leur naissance à uneConfrairie
que plusieurs personnes pieuses formerent
à Paris sur la fin du xiije. Siécle , et
quieutpourpremier objet les Pélerinages
alors très-fréquens , et que ce fut par
cette raison qu'elle se mit sous la protection
de l'Apôtre S. Jacques. 2° . Que
dans la vûë d'exercer l'hospitalité envers
les passans , et en particulier ceux qui
iroient en pélerinage à S. Jacques enGalice
, ou qui en reviendroient , les Confreres
acheterent vers l'an 1319. quelques
places maisons et héritages sis
tués dans la ruë S. Denys , près la porte
aux Peintres : c'est ce que vous pouvez
voir dans les Lettres de l'Official de
Paris de l'an 1319. données à l'occasion
de cet établissement. 3 °. Que sur
les opositions que lesdits Confreres trouverent
de la part du Chapitre de S. Germain
l'Auxerrois , et du Curé de S. Eustache
, ils prirent le parti de s'adresser
au Pape Jean XXII. par une suplique
Cv dent
2434 MERCURE DE FRANCE
dont tous les termes sont remarquables.
Qu'y demandent- ils en effet ?Deux choses.
La premiére , d'achever la construc
tion de l'Hôpital qu'ils avoient commencé
: la seconde , de fonder dans le même
lieu une Chapelle et des Bénéfices. La suplique
admise , le Pape adressa le 18. de
Juillet 1321. un Brefdelegatoire à Jean,
Evêque de Beauvais , et à Geoffroi Duplessis
, Notaire Apostolique. Pésez les
termes de ce Bref , ou de cette Bulle ,
vous y verrez , que le Pape après avoir
fait le précis de la suplique des Confreres
, ne prononce réellement que sus
la Chapelle qu'ils devoient fonder, et sur
les Bénéficiers qu'ils désiroient doter
pour y celebrer un Office canonial , public
et solemnel. Il loüe, j'en conviens, le
zele des Suplians pour l'exercicede l'hospitalité
, mais l'établissement et la dotation
des quatre Titulaires , que les Con
freres désiroient fonder , fixe presque
toute son attention. Ce Pape veut que
ses Commissaires examinent avec soin
s'il y a des fonds suffisans , non pour
l'entretien de l'Hospice , mais pour celui
des Bénéficiers , et ce n'est qu'à cette
condition , et qu'après ce mûr examen,
que les Commissaires apliquerent pour la
dotation des quatre Titulaires , les 170
و
livo
NOVEMBRE. 1736. 2435
liv. de rente auxquels montoient tous
les fonds qui furent représentés : et cette
somme fut réellement partagée entre les
quatre Titulaires , du consentement des
Confreres Pelerins , et autres. Associés à
cette oeuvre , qui obligerent pour le
payement de ladite somme , leurs propres
biens, au cas que ceux qui avoient
été exhibés ne pussent pas en répondre.
Vous me demanderez quels furentdonc
les fonds de l'Hôpital ? La même Bulle ,
et la fulmination de cette Bulle , vont
vous répondre. Ily est dit que lorsqu'il
fut question d'examiner sur quoi on vouloit
l'établir , les Confreres et leurs Associés
convinrent qu'ils n'avoient aucun
fonds, et qu'ils n'aportoientpour former
cet établissement , que les Oblations et les
Aumônes journalieres des Fideles; et que
ce fut sur l'assurance que ces Confreres
donnerent , que ces Aumônes seroient
suffisantes pour en suporter les charges ,
que les Commissaires consentirent qu'il
fût fait. Comme les Confreres Pelerins
s'étoient rendus garands des fonds assignés
pour les Bénéficiers , ils se réserverent
l'administration de ces fonds, et ob
tinrent de plus à titre de Fondateurs , la
présentation des Bénéfices , sçavoir , de
Trésorerie à l'Evêque , et des Chapel
Cvj, lenies
2436 MERCURE DE FRANCE
lenies au Trésorier. Ce droit de présen
tation qui fut confirmé dans la suite par
une seconde Bulle de Jean XXII . de l'an
1326. et par une autre du Pape Clement
VI. de l'an 1342. montre encore évidem
ment qu'il s'agissoit de vrais Titres , et
de vrais Bénéficiers .
Vous voyez donc ici deux objets distincts
, deux Etablissemens differens en
tre-eux : l'un d'une Eglise où l'on fonde
àperpetuité des Ministres pour y célebrer
l'Office divin ; Ministres Titulaires
obligés à une résidence personnelle
et perpetuelle , chargés d'un Office canonial
, public et solemnel. L'autre , d'un
Hospice pour lequel la Confrairie ne
concede aucun fonds , mais se repose
uniquement sur la charité et la dévotion
des Fideles. Pour le premier Etablisse
ment , les Confreres donnent tous les
fonds qui étoient acquis , les partagent.
entre les quatre Titulaires , dont l'un
étoitTrésorier et en étoit tiré , et enga
gent leurs propres biens et ceux de leurs
heritiers et successeurs pour en assurer à
perpetuité le payement en faveur des
Bénéficiers. Pour le deuxième , ils ne
promettent que ce qu'ils esperent des
Aumônes des Fideles. Les quatreBénéficiers
ont donc été dès l'instant de la
FondaNOVEMBRE.
1736. 2437
Fondation de vrais Titulaires ; la proprieté
des fonds concedés à l'Eglise, ou
acquis de quelque maniere que ce fut ,
n'a apartenu qu'à eux. Il n'est donc pas
vrai qu'ils pussent être regardés comme
de simples Aumôniers , ni comme des
Ecclesiastiques destinés simplement à
donner des conseils : il n'est pas vrai qu'ils
se soient introduits eux- mêmes . Loin d'avoirpris
rang au-dessus de leurs Bienfaiteurs,
comme vous le dites ; ils l'ont toujours
eu , non seulement par leur qualité
de Prêtres , mais aussi par leur titre:
ce ne sont point eux qui ont pris
rang, c'est leur titre qui le leur a donné
dès l'instantde leur entrée : ce qu'il faut
dire aussi des autres Bénéficiers qui ont
été fondés depuis les quatre premiers.
Examinez la Fondation de chacun , vous
trouverez que dans l'intervalle depuis
1343. jusqu'en 1403. on dota et fonda
encore , d'abord deux Chapelains à l'instar
des quatre premiers , chargés comme
ceux- ci de faire et célebrer un Office canonial
; et ensuite dans le même intervalle,
14. autres Chapelains , qui furent
chargés par leur Fondation de dire certain
nombre de Messes par semaine ; obligés,
non de célebrer l'Office du Choeur
mais d'y assister , et de loger dans le
Cloitre;
2438 MERCURE DE FRANCE
Cloître ; que ce nombre fut peu après
réduit à 12. parce qu'on en tira deux
pour les unir aux six premiers ; et les
charger avec eux de la célébration de
l'Office : que tous ces Bénéficiers , tant
ceux qui devoient par eux- mêmes céle
brer l'Office , que ceux qui étoient seulement
obligés d'y assister , n'étoient
pointde simples Aumõniers , de simples
Ecclesiastiques amovibles ; mais de vrais
et réels Titulaires , qui avoient chacun
un revenu propre qui ne pouvoit ni être
aliené ni être engagé ; qui recevoient de
vraies et réelles Provisions selon la forme
requise pour tous les Bénéfices ; que
tel a toûjoursété depuis leur état,excepté
que tous sont depuis plusieurs années
également chargés de célebrer l'Office :
qu'il y eut encore un autre établissement
de neuf Chapelains , mais qui n'avoient
pointde logement dans le Cloître , ni de
séance au Choeur , et qui furent suprimés
en 1482. par un Rescrit duCardinal
Julien , Légat en France : qu'enfin longtemps
avant 1482. et depuis jusqu'aujourd'hui
il y a toûjours eu dans l'Eglise
de S. Jacques , vingt Titulaires , dont
chacun est réellement fondé et doré.
2º. Il est vrai que dans les trois Bulles
dont j'ai parlé plus haut , il n'est fait
mention
NOVEMBRE. 1736. 2439
mention que de Chapelains et de Chas
pellenies mais on voit par plusieurs Acres
autentiques , passés environ 30. ans
après la derniere , que les quatre premiers
Titulaires prenoient déja la qualité
de Chanoines , parce qu'ils en fai
soient l'office et qu'ils en portoient l'habit,
et dans les Titresde la Fondation dur
seetdu Ge Titulaire en 1377. et en 1403 .
on trouve expressément lesTitres de Chanoines
, et les dénominations de Prébendes
et de Chanoinies répetées un grand
nombre de fois. Je conviens que la qua
lité de Chanoines prise par les huit premiers
Titulaires,a donné lieu à plusieurs
instances commencées en differens temps
pardes Confreres Pelerins , sous prétexte
que lesdites Bulles et quelques Actes posterieurs
, ne leur donnent que celle de
Chapelains , et ne noniment leurs Bénéfices
que sous le titre de Chapellenies..
C'est , sans doute , M. ce qui vous a
donné lieude dire de tous les Bénéficiers
de S. Jacques que dans la suite ils s'érigerent
en Chanoines ; mais quoiqu'on ne
voye aucun jugement définitif sur cette
contestation , il n'est pas moins vrai que
ces Titulaires n'ont jamais cessé de prendre
cette qualité de Chanoines dans presque
tous les Arrêts,toutes les Sentences
et
2440 MERCURE DE FRANCE
et transactions et dans tous les autres
Actes qui ont paru jusqu'à présent , com
me il est aisé de vous en assurer pat
l'inspection des Pieces. Ces mêmes Pieces
, dont un grand nombre a été imprimé,
vous aprendront aussi que depuis
la Fondation de l'Eglise , l'administration
des biens n'a jamais été entre les
mains des Bénéficiers , et que c'est sans
aucun fondement que vous avez avancé
qu'ils se sont rendus les maîtres de l'Hôpipital
, pour avoir un plus juste prétexte de
sefaire des Prébendes de son revenu. Comment
l'auroient-pû faire , puisque nonseulement
ils n'ont jamais géré ce
qui pouvoit regarder l'Hôpital ni lui
apartenir , mais même qu'ils n'ont jamais
eû l'administration de leurs pro
pres biens ? Que les Confreres ont toujours
gouverné l'un et l'autre à leur gré ;
et qu'à l'égard des biens de l'Eglise les
Bénéficiers se sont trouvé une infinité
de fois obligés de se récrier contre
la mauvaise administration qu'ils en faisoient,
et d'en porter leurs plaintes. Vous
ne vous êtes pas moins trompé en disant
qu'après s'être rendus les maîtres de
l'Hôpital , ils continuerent , quoique foiblement
la pratique de l'hospitalité. On n'exerce
ni foiblement ni avec zele , ce
qu'on
NOVEMBRE. 1736. 244
qu'on n'a point. Si l'on vous demandoit
l'époque de ce fait , combien aduré cette
pratique de l'Hospitalité exercée par les
Bénéficiers de S. Jacques , quand elle a
commencé et fini , vous seriez assuré
ment bien embarrassé de répondre ;
comment en effet constater des faits
chimériques qui n'ont jamais été ? Vous
êtes même le premier qui avez avancé
celui-ci , et quoique les Bénéficiers de
S. Jacques n'ayent eû que trop d'adversaires
à combattre , vous ne trouverez
point qu'on leur ait jamais reproché de
s'être rendus les maîtres de l'Hôpital ,
d'y avoir foiblement exercé l'hospitalité,
d'avoir voulu se faire des Prébendes du
revenu dudit Hôpital. Depuis leur fondation
jusqu'en 1672. que le feu Roy
unit l'Hôpital de S. Jacques à l'Ordre
de Saint Lazare , les Confreres Pelerins
avoient seuls geré ce qui regardoit
l'Hospitalité , et jamais l'hospitalité n'y
fut exercée par les Bénéficiers qui n'en
ont jamais été chargés. Pendant tout
le temps que cet Arrêt de 1672. eut
son effet , l'hospitalité et l'administra
tion des biens de l'Eglise , furent exercés
par les Membres dudit Ordre de S. Lazare.
Il est vrai que ceux- ci qui étoient
entré dans la gestion d'un bien qui avoit
déja
442 MERCURE DE FRANCE
déja dépéri entre les mains de leurs prédécesseurs
, et qui fut assés mal géré par
eux-mêmes , se virent obligés d'admettre
par une Transaction du 30. d'Août 1686.
le Trésorier , deux Chanoines et deux
Chapelains pour faire , conjointement
avec eux , ladite administration . Mais
les Bénéficiers ne se mêlerent nullement
de l'hospitalité , et si par leurs soins et
leur attention , ils remirent les revenus
de l'Eglise en meilleur état , il est
constant qu'ils n'en profiterent pas pour
cux-mêmes , comme l'extrême modicité'
de leur revenu particulier en a toujours
étéune preuve. Il faut dire la même cho
se depuis que le feu Roy , par l'Edit du
mois de Mars 1693. eut désuni l'Ordre
de S.Lazare d'avec l'Eglise de S. Jacques.
Car après plusieurs contestations , formées
entre les Parties respectives au sujet
de l'administration , Sa Majesté ordonna
par son Arrêt du 3. de Septemdre
1698. qu'elle seroit continuée par
provision par le Trésorier , un Chanoine
et un Chapelain , trois Confreres Pelerins
et trois Créanciers , et que les délibérations
seroient faites à la pluralité des
voix. Ce qui montre évidemment que
les Bénéficiers ne pouvoient nullement
en de telles circonstances , s'aproprier ce
que
NOVEMBRE. 1736. 2445
que vous apellez le revenu de l'Hôpital,
ni pour se faire des Prébendes , dont ils
n'avoient pas besoin , puisque chacun
avoit la sienne , et l'avoit toujours eû
dès l'instant de la Fondation , ni pour
en former de nouvelles qui n'ont jamais
existé , ni pour augmenter le revenu
de celles qu'ils avoient , ce que ni les
Confreres ni les Créanciers n'auroient
point souffert. Les Bénéficiers ne firent
pas même sur cela la moindre tentative;
ils ne travaillerent que pour le bien de
l'Eglise en géneral , sans s'occuper de
leurs interêts particuliers ; et quoique
les revenus fussent augmentés de plus
de vingt mille livres de rente , et les
Charges diminuéesde cinq mille liv. par.
an en 1720. le revenu de chaque Prébende
n'en a pas été plus considerable.
Cependant , comme si le contraire de
ce que je viens de dire , et qui est fondé
sur les Actes les plus autentiques qu'il
ne tiendra qu'à vous d'examiner , étoit
certain , vous ajoûtez que cela , c'està-
dire , tout ce que vous imputez gra.
tuitement aux Bénéficiers de l'Eglise de
S.Jacques,a duré jusqu'à ces derniers temps,
que ces Chanoines , dites- vous
faits unir à l'Ordre de S. Lazare. Mais
c'est encore ici une nouvelle erreur de
د
se sont
votre
1
2444 MERCURE DE FRANCE
votre part. Jamais les Chanoines de saint
Jacques ne se sont fait unir à l'Ordre de
S. Lazaře La premiere union en 1672 .
fut faite du propre mouvement du Roy,
et fut défaite de- même. La seconde
faite au mois d'Avril 1722. par un Edit
du Roy , à présent regnant , fut si peu
demandée par les Chanoines , qu'elle
étoit directement contraite à leurs vûës
et à leurs démarches , que depuis longtemps
ils travailloient à se faire donner
un Reglement fixe et durable ; que des
le premier de Septembre 1721 le Parlement
, en renvoyant les Parties à l'Audience
pour leur être fait droit sur les
Requêtes, avoit ordonné que tout ce qui
concernoit le Spirituel dans ces Requêtes,
seroit jugé par l'Archevêque de Paris:
qu'en conséquence feu M. le Cardinal
de Noailles avoit fait dans l'Eglise de
S. Jacques une visite qu'ils avoient souhaitée
et demandée , et de laquelle ils
avoient tout lieu d'attendre un arrangement
convenable ; qu'enfin ce Prélatétoit
prêt de terminer cette visite , ce
qu'ils attendent de son Successeur , qui
est dans la disposition de la clôre , lors
que l'Edit de 1722. vint déranger tous
leurs projets et dissiper leurs esperances .
Lisez d'ailleurs cet Edit et vous verrez
NOVEMBRE. 1736. 2443
ši les Chanoines ont pû demander cette
union , et s'ils avoient lieu de fonder
sur elle des esperances bien avantageuses,
Vous ajoûtezvous- même qu'ils n'enfurent
pas contens,etvous avez raison; mais c'est
à tort que vous dites en finissant qu'ils
veulent aujourd'hui la rompre et que cela
fait présentement la matiere d'un procès.
Sa Majesté a révoqué d'elle- même cette
union par l'Arrêt rendu en son Conseil
le 26. de Septembre 1733. et depuis ce
temps-là il n'y a eû aucun procès sur ce
sujet.
Voilà , M. comme vous voyez ,un ré
cit bien different du vôtre ; mais le mien
est fondé sur les Actes les plus certains,
sur les Pieces les plus autentiques , que
vous examinerez quand il vous plaira.
Si les Benedictins , Auteurs de l'Histoire
de la Villede Paris en s . volumes infolio,
et leur Abréviateur , qui a donné depuis
peu cette Histoire en s. volumes in 12.
se fussent donnés la peine de les examiner
, ils eussent eux-mêmes parlé plus
exactement sur le sujet , qui fait la matiere
de cette Lettre , et leur récit eût
pû vous guider. Mais il ne paroît pas
même que vous ayez profité de ce qu'ils
ont dit , puisque vous êtes encore beaucoup
moins exact qu'eux . Ce que je dis ,
:
ς
h
2446 MERCURE DE FRANCE
au reste , de ces deux Ouvrages , n'est
pas pour en diminuer le mérite. L'Abregé,
sur tout , me paroît mieux Fait ,
et en géneral plus exact que la grande
Histoire , et augmenté même de Faits
importans qui ne se trouvent point dans
celle-ci . Mais pour revenir à l'Eglise de
S. Jacques de l'Hôpital , ceux qui ont travaillé
à cet Abregé se sont trompés dans
plusieurs dates et dans un assés grand
nombre de Faits qui méritoient plus d'exactitude
et qu'il leur auroit été facilede
rendre plus exacts , outre qu'ils parlent
deux fois d'un Ordre de S. Jacques , qui
est imaginaire , peut- être n'est-ce qu'une
fauted'impression.
J'ai l'honneur d'être , Monsieur , &c.
A Paris ce premier Octobre 1736.
*****
ODE.
Depuis le temps que je t'offense ,
Grand Dieu , par mon iniquité ,
Pourquoi suspens tu ta vengeance,
Aux dépens de ton équité.
Frape , et des éclars de ta foudre
Réduis ce miserable en poudre,
Mais
NOVEMBRE. 1736. 2447
Mais qui peut de tes traits vengeurs ,
Arrêter l'effet redoutable ,
T'attendris- tu pour un coupable
Qui connoît enfin ses erreurse
Méprisant de ma conscience
Les salutaires mouvemens ,
J'ai fatigué ta patience
Par mes affreux égaremens.
Mon coeur endurci par le crime,
T'apelle aujourd'hui de l'abîme
Où je me suis précipité ,
Hélas , je sçai que ta Justice
N'envisage que mon suplice ,
Mais n'écoute que ta bonté.
Le Berger quitte la Prairie
Et la conduite du Troupeau ,
Pour s'oposer à la furie
Du Loup qui ravit unAgneau.
Je suis la Brebis égarée ,
Sur le point d'être dévorée ;
Si tu ne vole à mon secours ;
Hâte-toi donc , Dieu de clémence;
Je brûle dans l'impatience
Debriser mes fers pour toujours,
Sans
$448 MERCURE DE FRANCE
Sans blesser ta délicatesse ,
Puis-je lever les yeux vers toi a
Malgré mes crimes ta tendresse
Te parle- t'elle encor pour moi ?
Mon coeur charmé de l'aparence ,
Ne doute plus que ta clémence
Ne fasse céder ta rigueur ;
Grand Dieu , si ta main vengeresse
S'aprête à punir ma foiblesse ,
Mon espoir est dans ta douceur,
*
Que vois-je , quelle est cette nue
Qui s'évanoüit à mes yeux ?
Aprésent , augré de ma vûë ,
Je puis parcourir tous les Cieux.
Quel bonheur , pour moi , quelle gloire
Sur le Démon j'ai la victoire ,
Je vois les Anges tour à tour
Pousser mille cris d'allegresse ,
Etdans de transports de tendresse ,
Se réjouir de mon retour.
*
Fuis loin de moi , plaisir profane ,
Cause de mon plus vif remord ,
Lorsque l'Eternel te condamne ,
Pourai-je te chérir encor ?
Dans mon coeur je sens que la Grace
TE
NOVEMBRE. 1736. 2449
Te dispute aujourd'hui la place ,
Cede, et laisse mon ame en paix.
Source en iniquités féconde ,
Poison chéri de tout le monde ,
Tu n'auras plus pour moi d'attraits,
*
O Dieu tout puissant , tendre Pere ,
Espoir unique des pécheurs ,
Puisque tu suspens ta colere ,
Laisse-toi fléchir par mespleurs.
Pour te servir , Dieu de clémence,
Avec plus de persévérance ,
Mon coeur va tout abandonner.
Pécheurs , redoutez sa colere ;
Mais revenez , ce Dieu sévére
Esttoujours prêt àpardonner.
Par M. J. T. de Marseille.
PLAINTE de la Ville de Moulins,
Lieude la Naissance de M.le Maréchal
Duc de Villars.
C
Ette Plainte fait le sujet d'une Let
tre que M. Amonnin des Granges ,
Avocat en Parlement et premier Echevin
deMoulins, nous a fait l'honneur de
D nous
2450 MERCURE DE FRANCE
د
nous écrire au nom de la Ville, pour réfus
ter publiquement une erreur qu'il a remarquéedans
un Livre nouveau,intitulé:
Memoires de M. le Maréchal de Villars .
L'Auteur de ces Memoires a écrit dans
le I I Ie Tome que le Maréchal de Villars
étoit né et mort à Turin ; erreur dit
M. Amonnin , qui interesse trop la Ville
de Moulins pour ne pas la relever. Il ne
pouvoit guéres le faire plus solidement
qu'en nous envoyant , comme il a fait,
avec sa Lettre , l'Extrait Baptistaire de
ce grand Homme , bien et dûëment légalisé
et dans toutes les formes , par lequel
il paroît qu'il a été baptisé à Mou
lins le 21. May 1653. ayant eû pour
Parrain le Comte de S. Géran , Sénéchal
Let Gouverneur du Bourbonnois , &c.
et pour Maraine Mademoiselle de Ventadour,
fille du Duc de Ventadour, qui le
nommerent Claude- Louis- Hector. L'Acte
porte que l'Enfant , lors du Baptême ,
avoit atteint l'âge de trois semaines.
Le Lieu de la Naissance d'un Héros ,
ajoûte M. le premier Echevin , dans sa
Lettre , n'étoit pas une circonstance assés
peu considérable dans son Histoire
pour qu'elle dût paroître indifférente à
l'Auteurdes Mémoires, qui portent son
nom. Si sept Villes , continue-t'il , se disputerent
NOVEMBRE. 1736. 245
puterent autrefois l'avantage d'avoir
donné la naissance à Homere , la Ville
de Moulins ne doit pas , sans se plaindre
, se laisser enlever l'honneur d'avoir
été l'Orient * de ce bel Astre, &c.
M. Amonnin nous a aussi envoyé des
Vers de sa façon , adressés à l'Auteur des
Memoires de M.le Maréchal de Villars ,
sur ce qu'il a écrit par erreur du Lieu
de sa mort et de sa naissance. Nos bornes
, qui ne nous permettent pas d'im.
primer ici tour du long l'Extrait Baptistaire
et les Actes qui en dépendent ,
nous permettent seulement de finir par
les quatre derniers Vers de la Piece de
Poësie dont nous venons de parler.
C'est Moulins qui fut son Berceau ;
Moulins ne porte point envie
A Turin qui fut son Tombeau ;
Son destin lui paroît plus beau
D'avoir ouvert le cours d'une si belle vie.
* Expression de M. l'Abbé Seguy dans l'Orai
son Funebre de M. de Villars.
Dij EX.
2452 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de Jean de
Montreuil , contenant une Description
de l'Abbaye de Chaalis , Ordre de Ci
teaux , adressée à M. * * *.
V
Ous m'avez parû , Monsieur , esa
timer la Description Latine que
Jean de Montreüil , Sécretaire du Roy
Charles V I. et Prévôt de l'Isle , a faite
de l'Abbaye de Chaalis , proche Senlis ,
dans la quarantiéme de ses Lettres Choisies
, (a) à l'occasion d'un voyage qu'il
y fit. J'ai entrevû que vous ne seriez
pas fâché que les Dames qui visitent
quelquefois cette célebre Maison , connussent
l'état où elle étoit il y a trois
cent cinquante ans , en même temps que
les Sçavans jugeront du génie singulier
et du stile de l'Auteur. Cet Ecrivain
passa pour un des beaux Esprits de son
temps. Il étoit grand ami de Nicolas de
Clamenges , fameux Docteur de Paris .
( a) Ampliss. Collect. Edmundi Martenne ,
T. 2. pag. 1388. Ce Religieux dit à la page 1311 .
qu'il a tiré ces Lettres d'un Manuscrit de la Reine
de Suede , et d'un autre de M. Chauvelin , Président
, &c.
La
:
NOVEMBRE. 1736. 2453
La Description dont je vais faire un
Extrait , est adressée à un Evêque de
ses amis.
Vous êtes plus en état que moi de
juger si ce ne seroit point Michel de Crea
nay , Evêque d'Auxerre , que je vous ai
oüi dire avoir été un homme de Lettres
sous le Regne de Charles VI. dont il
avoit été Confesseur. Il est sûr que c'é
toit à un Evêque plus jeune que lui .
J'aurois traduit en entier les cinq pages
in -folio qui la contiennent, si je n'a
vois apréhendé d'être trop long. On ne
se lasse point de préconiser les endroits
que l'on a vûs, et où l'on a été bien reçû.
Si Jean de Montreüil a été dans ce cas
vers l'an 1300. Je puis dire que tout
jeune que je suis, et bien inférieur en
tout à ce grand Personnage , j'ai eû le
même avantage cette présente année.
C'est pour en marquer ma reconnoissance
à M. le Prieur et à M. votre Parent
, que je n'oublierai aucune des circonstances
notables de cette ancienne
Description ; et pour rendre le Lecteur
plus attentif au stile de l'Auteur , bien
different de celui de nos jours , je me
servirai , autant que faire se poura , de
ses propres termes.
L'Abbaye de Chaalis , dit-il , est une
Diij espece
7454 MERCURE DE FRANCE
espece de Paradis Terrestre , habité par
des Saints. Elle est entourée de Fontaines
, de Ruisseaux et de petits Torrens ,
dont l'eau , qui est très claire, coule avec
un doux murmure pour subvenir aux
besoins de la Maison. On y voit dix
grandsEtangs d'un très- bon revenu, remplis
d'un nombre infini de Poissons d'un
goût si exquis,que je ne crois pas en avoir
jamais mangé de pareils. Que dirai- je-,
ajoûte- t'il, de ces belles Forêts qui nourrissent
une si grande quantité de Sangliers
, de Cerfs , de Lievres et de Lapins,
qui sortent en foule de leurs terriers
et semblent par leurs bondissemens et
par leurs sauts , vouloir s'élancer dans
les mains de ceux qui se promenent le
soir , ou les poursuivre après qu'ils sont
passés. Après avoir parle des fossés et
des murs de l'Abbaye , il vient à la description
de l'Eglise , sans obmettre même
le Portique par où l'on passe avant.
que d'y arriver , auquel dans une espece
d'enthousiasme il aplique ces beaux.
Vers d'Ovide.
Regia solis erat sublimibus , &c.
De ce Portique , dit- il , on entre dans
l'Eglise , laquelle paroît avoir environ
300 pieds de longueur , avec une hauteur
NOVEMBRE. 1736. 2455
reur et une largeur proportionnée. Elle
est soutenuë de très-belles colomnes , et
si bien parée et éclairée , qu'elle efface
toutes celles que je me souviens d'avoir
vů. Ce qui en releve encore le beauté ,
c'est qu'elle est environnée de 25. Chapelles
où l'on célebre tous les jours beaucoup
de Messes avec une grande dévo
tion. Notre Auteur n'oublie pas de parler
de ces beaux Apartemens qu'il apelle
Hôtelleries qua Hostellaria dicuntur, où
Pon reçoit encore à présent les Etrangers.
Il donne une grande idée de la
Maison de l'Abbé , en disant que , s'il en
faisoit la description on s'imagineroit
voir le Palais de quelque Prince du Sang
Royal. Il louë ensuite une Statuë réprésentant
la sainte Vierge , placée contre
la Chapelle Abbatiale , et il ne fait pas
difficulté de la comparer aux plus beaux
Ouvrages d'Apelles , de Lysippe et de
Praxiteles . Il parle après cela d'une Vigne
voisine , dont le vin , selon lui , étoit
aussi bon que celui deBeaune et de S.Gengou
. Notre Historien s'égaye quelquefois
en raportantdes passages des Auteurs anciens.
Je vous en ai déja fait voir un trait
dans un passage d'Ovide , en voici encore
ン
quelques- uns. Je ne vous entretiendrai
pas, dit-il , de ceux qui ont soin des
Diiij Tray
2456 MERCURE DE FRANCE
Troupeaux à qui un grand Poëte donne
ces avantages :
Dulces sub arbore somnes , &c.
On croit être avec notre Historien sur
quelque endroit élevé et apercevoir avec
lui les belles vûës du Monastere , lorsqu'il
en fait la description en ces termes :
On voit au loin , dit-il , des Collines ,
des Vallées , des Prés , des Fleuves , des
Montagnes, non pas de celles dont parle
Bocace , dont la hauteur effraye ; mais
de ces Montagnes médiocres , dont la
pente douce et facile , est bien exposée
au Soleil , dont la vûë égaye l'esprit et
les yeux et dont l'air est aussi pur qu'agréable.
Non , je ne crois pas , ajoûte t'il,
qu'il y ait sous notre Hémisphere un
lieu aussi propre à l'étude et à la refféxion
, ensorte qu'on pouroit croire que
les Muses ont fixé leur demeure dans
un Endroit que j'ai remarqué, et qu'elles
y ont plusieurs fois tenu leurs divines
Assemblées ; sous la conduite de celui
qui dit : Aonias deduxi vertice Musas.
Vous voyez, M. que notre Ecrivain aime
les Passages des Anciens. En voici encore
deux qu'il aplique à des Réservoirs bien
garnis de Poissons. Il tire le premier du
Pseaume 143. Promptuaria corum plena
cruciantia
NOVEMBRE. 1736. 2457
eructantia ex hoc in illud . Et l'autre deVirgile
:
Superabunt horrea messes.
En parlant du travail des Religieux,
Il leur donne ces avantages ,
Sunt nobis mitia poma;
Castanea molles , et pressi copia lactis.
Les Prunes de Chaalis , continuë no
tre Auteur , sont égales à celles de Damas
; puis il ajoûte : Si je ne disois la
même chose du pain , du boeuf , du mouton
, des pois , des féves , des choux , et
des autres légumes de Chaalis , on auroit
raison de m'accuser de taire la verité . Le
Jardinier de cette Abbaye ayant conduit
à son ordinaire à Paris dans des voitures,
de l'ail , des oignons , des poreaux , des
choux et autres légumes pareilles , nous
a assuréen avoir vendu en un seul voya
ge dans une seule Place , en une heure
pour 12. écus d'or. Ce Jardinier a toutes
sortes de mets exquis : ensorte que je
pourois le comparer à ce Vieillard de
Virgile , qui , ( Voici encore un passage )
Regum aquabat opes animis , seraque reversus
Nocte domum , dapibus mensas onerabat inempa
tis. (a)
(a ) L'Editeur donne à ce Vieillard le nom de
Dy. 11
2458 MERCURE DE FRANCE
Il est agréable , continuë- til , d'eng
tendre raconter aux Vieillards combien
de sortes de Moulins à Eau possedoit
l'Abbaye ; et surtout comment un Moulin
à Bled , par certains ressorts , jettoir
toutà la fois trois sortes de farines toutes
differentes. Il'y avoit un Moulin pour
fouler les Draps , un autre pour faire
differentes Boissons lorsqu'il n'y avoit
point de Vin et que l'année avoit été
mauvaise ; un pour faire de la Moutarde,
un pour le Tan , un pour faire de
PHuile , et un autre pour fendre du Bois
propre àbâtir.. Ces mêmes Religieux ,
ajoûte- t- il , sont aussi curieux d'élever
des Abeilles , que Virgile a été attentif à
prescriredes Regles pout leur gouverne
ment ; se conformant aussi au conseil du
même Poëte, qui ne veut pas qu'on mépri
se les chiens parce qu'ils sont utiles, ils en
ontde très-beaux pour la chasse, et c'est
un plaisir pour ceux qui aiment cet exercice,
de les voir courir après le gibier , et
d'entendre le concert que forme la confusion
de leurs abboyemens. Pour moi ,
continuë-t'il toûjours , j'ai trouvé en ce
Lieu un homme selon mon coeur et qui
sans avoir aucun grade, étoit très versé
Corinthius ; c'est unefaute, car dans Virgile Geor..
IV. v. 127. ilya Corycium vidisse senema
danss
NOVEMBRE. 1736. 2459
dans toutes sortes de Sciences. C'étoit un
homme doux et complaisant ; ensorte
que, si l'on mettoit à la place de la jeu
nesse de Pamphile la gravité de ce venerable
Religieux ( ce sont ses termes )
il seroit celui dont parle Terence :
Sic vita erat facile omnes perferre ac pati
Cum quibus erat , cumque una his se dedere ,
Eorum obsequi studiis adversus nemini.
Vous voyez en passantque notreAuteur
avoit aussi lû les Comiques. Parlant de la
Bibliotheque, il dit qu'en entrant il croïoit
voir les Docteurs de l'Eglise accompagnés
de leurs Ouvrages , inviter à la lecture
ceux qui entroient , et les obliger à
l'étude bon gré malgré qu'ils en eussent;
semblables , dit-il , à ces Marchandes du
Palais ou des Charniers des Innocens ,
qui prennent les Passans par les habits
et par les bras , pour les forcer à entrer
dans leurs Boutiques et à voir leurs marchandises.
(a) A' ce sujet et'sur la diversité
des Livres , il cite , pour faire l'éloge
(a)Cette idée est originale. Au reste , on peut
par laremarquer que l'installation des Marchands
au Palais et sous les Charniers des Innocens n'est
pas nouvelle. Il donne à ce dernier endroit le
nomde Campelli , qui étoit l'ancien nom de
tout le Quartier.
D-vj do
2460 MERCURE DE FRANCE
de la Bibliotheque de Chaalis , un endroit
du Phormion de Terence qu'il corrompt
un peu , mais dans lequel on entrevoit
qu'il en veut à celui- ci :
Cana dubia apponitur
Ubi tu dubites quid sumas potissimum.
Lorsqu'il vient auxOrnemens sacerdo
taux , il ne peut s'empêcher de s'exprimer
poëtiquement après Virgile :
Tyrio splendebat murice lana
Aurea purpuream subnectit fibula vestem.
Il y a , dit il encore , à Chaalis un Lieu
qu'on apelle le Trésor , non pas comme
celui dont parle Virgile :
Ignotum argenti pondus et auri.
Mais il renferme des Ornemens précieux
et des Vases sacrés dontje ne suis
pas capable de décrire le travail et la
beauté , puisque Carneade et Pindare
lui-même , ces génies sublimes , pouroient
à peine y suffire. Pour achever
l'éloge des Religieux ( c'est toûjours Jean
de Montreüil qui parle ) je dirai qu'ils
chantent les Loiianges de Dieu à haute
voix et avec les intervalles convenables
tous les jours à sept differentes reprises .
Vous ne devineriez peut être pas , Mr.
pourquoi
NOVEMBRE. 1736. 2461
pourquoi ce nombre de sept ? un endroit
de Virgile cité ici parJeande Montreüil
vous en instruira ; voici la raison
qu'il en donne avec son Poëte favori :
Numero Deus impare gaudet.
Il est beau , poursuit- il , et édifiantde
voir les Religieux de ce Monastere entrer
au Chapitre deux à deux comme des cos
lombes ; et là tous à genoux , le corps
prosterné , et le visage contre terre confesser
leurs fautes les uns aux autres ; et
ensuite les yeux baissés et dans un silence
profond , s'aprocher de l'Autel avec une
dévotion, telle que l'éloquence deCiceron
même ne pouroit assés dignement la
représenter.
د
Un beau passage tiré de S. Jerôme , et
que Jean de Montreüil aplique aux Religieux
dont il fait l'éloge , achevera de
vous en donner une grande idée. In
Christi villa tuta rusticitas , extra Psalmos
silentium est quocumque te verteris arator
stivam retinens Alleluia decantat , sudans
messor Psalmis se avocat , et curvam attondens
vitem falce vinitor aliquod Davidicum
canit : hæc sunt in hâc Provinciâ carmina
ut vulgo dicuntur amatorie cantationes .
J'oubliois , continue notre Auteur , de
parler d'une grande Salle très-ancienne ,
d'un
2462 MERCURE DE FRANCE
d'une hauteur prodigieuse , et qui n'est
habitée que par des hiboux et par de
semblables oiseaux nocturnes , quiservent
de compagnie à un pauvre Vieillard
séculier plus qu'octogenaire , qui méprisant
une bonne chambre , où il y a une
chéminée , et où il pouroit habiter à son
aise , ne veut cependant pas sortir de
cette Salle, toute incommode qu'elle est,
et même pendant l'hyver , lorsque la
neige , comme dit Virgile :
Septem assurgit in ulnas ,
Æraque dissiliunt vulgo vestesque rigescunt
Induta......
qui n'ayant pour habit qu'une méchante
tunique de laine , ne l'ôte jamais de dessus
son corps ; et qui après être révenu
de l'Eglise , où il ne manque pas d'aller
prier tous les jours vitdu travail de se
mains, suivant le conseil de l'Apôtre .
ses
Pour derniere piéce de bâtiment , il
parle du Réfectoire long de 74. pas,qu'il
croit mériter plûtôt le nom de irrefrigerium
permaximum que celui de Refectorium.
Les mets , dit-il , que l'on porte au Réfectoire,
ont beau être tout brûlans quand'
ils sortent de la cuisine , on peut les
manger aussi- tôt qu'ils sont posés sur la
able..On pouroit douter , ajoûte encorei
notrer
NOVEMBRE. 1736. 2463
notre Auteur , si c'est pour la nourriture
des oiseaux ou pour celle des Moines, que
le Roy de France a fondé des revenus :
car à l'heure du dîner , le Réfectoire est
rempli d'une infinité d'oiseaux qui man
gent familierement avec les Religieux.
Il y a entr'autres un Roitelet ( oiseau si
petit , que si on lui ôtoit ses plumes , il
ne seroit pas plus gros que le petit doigt).
qui accompagne toûjours les Moines
dans le Cloître. J'étois ravi de le voir
voltiger autour de nous , aller du Cloî
tre à l'Eglise et voler tout autour comme
pour faire la quête , et se reposer en.
suite sur la plus haute Stale du Choeur.
Là , par le battement de ses aîles , et par
son petit ramage , il paroissoit voulois
entonner le chant; semblable à ce Berger
qui disoit à un autre Berger :
Números memini , si verba tenerem.
Permettez - moi de ne pas achever ce
qu'il dit sur les mouvemens de ce Roitelet
dans l'Eglise de Chaalis , de crainte
dedonner une idée trop desavantageuse
ou des Religieux de ce temps - là , ou de
P'Historien. Les Curieux peuvent se contenter
à la colonne 1396. de l'Imprimé.
Ils y verront en même temps une description
de la Musique des oiseaux de la
vaste. Forest de.Chaalis.. Je
2464 MERCURE DE FRANCE
Je ne puis passer sous silence , ajoûte
encore Jean de Montreüil , un Vieillard
(a) non magna corpulentia , et qui est
prêtd'entrer dans sa 80. année: il a déja
60. ans de Profession ; il est très-droit
de corps , et très-vif. C'est un homme
doux , complaisant , aimé de tout le
monde , et tel , qu'on diroit qu'il veut
démentir celui qui a écrit que la vieillesse
n'étoit que dégoût et ennui , er
Ciceron même , qui a dit : At sunt morosi
senes , et anxii , et iracundi , et diffici
les , et avari ; car si quelqu'un le mettoit
sur cette matiere , voici ce qu'avoit coûtume
de répondre notre sage Vieillard :
Vitia sunt hac morum , dit le même Ciceron
, non senectutis. Ce qui augmente le
mérite de ce parfait Religieux , c'est que
quoiqu'il soit dispensé de la Regle , if
P'observe cependant à la lettre ; il dit la
Messe , il vient au Choeur tous les jours,
il chante il entonne quelquefois les
Antiennes et les Pseaumes , et il ne se
distingue des autres que par une plus
grande régularité, sans rien accorder à
son âge , et sans prétexter sa vieillesse .
,
J'ai l'honneur de connoître dans la
même Abbaye un Vieillard même plus
âgé , tout semblable à celui que Jean de
(a ) P. 1390
MonNOVEMBRE.
1736. 2468
Montreüil vient de dépeindre , et qui
peut être apellé la copie parfaite de l'original
que je viens de vous exposer.
Jene finirai pas cet Extrait sans vous
faire remarquer avec notre Historien que
le Roy Charles V. dit le Sage , venoit
souvent dans cette Maison ; qu'on y volt
dans le mur à côté de l'Autel les Tombeaux
de neuf Evêques , dont l'un a été
Archevêque d'Apamée , et deux ont été
Chanceliers de France ; que S. Guillau
me Archevêque de Bourges avoit été tiré
de cette Maison , et qu'il est sorti de la
plume d'un Religieux un Livre intitulé,
Des trois Pelerinages , qui est , dit- il , entre
les mains de tout le monde. Le fait
de l'Archevêque d'Apamée mérite d'être
éxaminé ; car étant dans le Lieu , je n'al
point entendu parler de sa sépulture ,
mais seulement de celle de huit ou neuf
Evêques de Senlis .
Je me suis pressé,M.de rendre Françoi
se cette Description de Chaalis,avec d'autant
plus de raison , que je viens d'aprendre
qu'on commence actuellement
à abbattre tous les Edifices de cette magnifique
Abbaye pour les refaire à neuf,
n'en réservant que l'Eglise seulement. Je
vous exhorte de les aller voir pour la
derniere fois , et de vous hâter. Ce sera
ид
2466 MERCURE DE FRANCE
un régal pour les Curieux et pour les
Amateurs de l'Antiquité , si on prend
le soin de copier les plus anciennes et
les plus courtes Epitaphes du Cloître ,
etde dessiner le grand Réfectoire , le
Dortoir , la Chapelle de l'Infirmerie , le
Cloître , le Chapitre , qui sont les principales
Pieces , de la beauté et délicatesse
desquelles je puis assurer par avance
que tout ce qu'on bâtira à la moderne ,
n'aprochera pas , ainsi que je l'ai oüi dire
de bons Connoisseurs.Je suis ,& c . N.A.
AParis , ce 1. Septembre 1736.
د
*****
LE HIBOU ET LA FAUVETTE .
U
FABLE.
N vieil Hibou , mari d'une Fauvette ,
La desoloit par ses soins rebutans ;
Ses lugubres discours fatiguoient la pauvrette,
Elle aimoit les douceurs des plus tendres Amans;
Comme un Argus jour et nuit auprès d'elle ,
U épioit ses moindres mouvemens ,
Et pour autoriser cette guerre cruelle ,
Toûjours il alléguoit les plus sots complimens.
L'Oiseau craintif; fatigué d'ainsi vivre ,
Eût
NOVEMBRE. 1736. 2467
Eût voulu seul se percher dans un Bois ;
Mais serviteur , il vouloit toujours suivre,
Et par tout promener son affligeantminois ;
Aprehendant toûjours pour l'honneur de sa tête
Deplausibles raisons coloroit ses desseins ,
Tantôt il redoutoit une maligne bête ;
N'allez - pas , disoit- il , affronter les destins
Trop de leçon aigrissoit la Fauvette ;
( Car la jeunesse hait tant de raisonnemens)
Ja connoissant Cipris elle aimoit la Acurette ,
Joyeux propos et tendres sentimens ;
Le triste Oiseau réduit sous la tutelle ,
Ne mangeant point, maigrissoit chaque jour.
Les assauts redoublés que souffroit cette Belle
En affligeant son coeur irritoient son amour..
1
Cen'étoit plus cette aimable Fauvette ,
Dont les charmans accords formés par la dous
ceur ,
Faisoient oublier sur l'herbette ,
D'une ingrate beauté la constante rigueur.
Dans ce sombre réduit nourissant sa tristesse,
Cet Oiseau malheureux mouroit à tout instant.
Quand un Dieu protecteur de l'aimable jeunesse,
A ses yeux presque éteints fit briller un Amant.
(L'oeil le plus obscurci par l'excès de ses
larmes ,
Sçait emprunter l'éclat d'un Astre si puissant )
La Fauvette aussi tôt oubliant ses allarmes ,
Pria
2468 MERCURE DE FRANCE
Pria le Dieu d'Amour de le rendre constant.
Un Rossignol fait au doux badinage
Chés le Hibou se trouva d'un repas ,
En gazoüillant il se mit sur la cage
Qui renfermoit l'Oiseau plein des plus doux
apas.
Ja déplorant le sort de la triste Fauvette ,
Il ordonne à ses yeux de lui parler d'amour.
Car il n'osoit jazer sornette ,
Sous les yeux du cruel Vautour.
Entendant de l'amour l'énergique langage ,
La Fauvette écoutoit , feignant de le chasser ;
Soyez , disoit- elle , très sage ,
Il faut être prudent afin d'en imposer.
Le Rossignol brûlant d'amour extrême,
Pour cacher ses ardeurs ,
Joüoit le stratagême
Qu'Amour aprend aux jeunes coeurs.
Le convive prudent pétri de politesse ,
Se prétoit aux humeurs du Hibou vigilant;
Toûjours le comblant de caresse ,
Pour pallier le nom d'Amant.
La follette à son tour instruite à la malice ,
Pour tromper son argus inventoit des raisons
Mais l'implacable Oiseau démêloit l'artifice.
Pour un mari jaloux tout est pures chansons ,
Ainsi tous deux cédoient à d'injustes caprices.
Quandarriva le temps de leur félicité ,
Tout
NOVEMBRE. 1736. 2469
Tout étoit épuisé , tours , feintes , artifices ;
Un heureux contre-temps les mit en liberté.
Un Moineau pourchassé volant avec vitesse ;
Pour prolonger ses jours se sauva dans un trou.
Un esprit allarmé craint toûjours la finesse ;
Ce gîte étoit bien près de celui du Hibou.
Le vieil Oiseau prompt aux allarmes ,
Entend crier sur son réduit.
Aussi-tôt aiguisant ses dévorantes armes ,
Ecoute , ouvre les yeux , bat de l'aîle , et pour
suit ;
Le beau couple d'Amans charmé de sa retraite ,
S'enyvra des transports si violens , si doux ;
Que l'ardent Rossignol possedant la Fauvette ,
Fit payer à l'Amour les rigueurs du jaloux.
Atravers les soupçons , les fureurs , le caprice,
Un Amant aux abois , se fait un heureux jour ;
Le forfait médité sous le nom de justice ,
Punissant le jaloux , satisfait mieux l'Amour.
Cette Fable doit vous aprendre ,
Peres cruels , Maris jaloux ,
Que l'Amour sçait tout entreprendre ;
Qu'il force grilles et verroux.
Il est unart divin pour former la jeunesse,
Dont un Pere , un Mari ne peuvent s'écarter ,
Toûjours les contre-temps irritent la sagesse.
Sans brusquer un penchant, il faut le surmonter;
Trop de Leçon attriste le bel âge ;
Les
$470 MERCURE DE FRANCE
Les jeux, les ris sontpour de jeunes coeurs,
Sans vouloir se prêter au criminel usage ,
Il faut obéir aux erreurs .
Il est des loix pour l'aimable prudence ,
On triomphe de tout par les ménagemens ;
Un sourire,un coup d'oeil,marquent la déference
Un avis déplacé blesse les sentimens.
J. B. C. C. de Figniers.
LETTRE de M. l'Abbé M..... à
M. Abbé .... Docteur de Sorbonne
au sujet d'une Instruction Pastorale de
M. l'Evêque de Marseille du 29 Juin
17.36.
L
E digne Prélat, Monsieur, qui secou
rut autrefois tantde personnes,et sauvatantd'ames
àJ.C. au milieu du feu dévorant
de la peste , dont on éprouvoit les
cruels ravages dans la Ville de Marseille ,
vient de nous donner une nouvelle preuve
de son zele & du soin qu'il prend du
Troupeau que Dieu lui a confié.
Il craint aujourd'hui plus que la peste
pour ce cher Troupeau l'hérésie semée
dans deux Ecrits imprimés àGenève; elle
fait
NOVEMBRE. 1736. 2478
fait le sujet de ses inquiétudes et de ses
allarmes.
L'un de ces Ecrits est sous le titre de
Sermon sur le Jubilé de la Réformation établie
il y a deux cens ans dans l'Eglise de
Genève , prononcé àGenève le 21. Août
1735. jour solemnel d'Actions de graces ,
par Jean-Alphonse Turretin , Pasteur et
Professeur en Théologie et en Histoire Ecclésiastique
. L'autre de Sermon sur le Jubile
de la Réformation de la République de Genève
, prononcé à S. Pierre le Dimanche 21 .
Août 1735. par Antoine - Maurice , Pas
teur& Professeur en Théologie à Genève,
c.
L'esprit d'orgueil etde révolte , le libertinage
de créance , l'irréligion et
l'impieté où elle conduit , qui se font
sentir dans ces deux Ecrits , font crain
dre avec raison à M. l'Evêque de Marseille
que les nouveaux convertis de son
Diocèse ne se laissent séduire par des
Ecrits si dangereux , et que l'hérésie ne
reprenne racine dans leurs coeurs . Pour
prévenir de si grands maux, il leur adresse
une Instruction Pastorale , où tout se
ressent de sa vigilance pour la conservation
de ses oüailles , et de son zéle pour
la conversion de ceux qui sont assis dans
les ténebres et lesombres de la mort.
Les
2472 MERCURE DE FRANCE
Les principaux traits qui caracterisent
les hérésies de Luther et de Calvin , sont ,
comme vous le sçavez , Monsieur , la
fausseté dans les principes et dans les maximes
, la noirceur des impostures et des
calomnies qui les deshonorent , et la force
des aveux qui les renversent; trois caracteresqui
dominent dans les deux Ecrits
en question , et que M. l'Evêque de Marseille
traite sçavamment dans son Instruction
Pastorale , qu'il divise pour cet effet
en trois parties.
Dans la premiere il sape les fondemens
de l'erreur , et détruit sans ressource les
faux principes sur lesquels elle s'apuye .
Je me bornerai à vous en raporter les
principaux endroits. M. de Belsunce com
mence par faire voir aux Hérétiques que
ledroit de commander aux consciences n'est
point une Tyrannie , puisque l'Eglise peut
faire des Loix qui obligent en conscience ;
ce qu'il prouve par l'Ecriture , qui abonde
en passages sur cette matiere. Il leur
montre ensuite l'absurdité de cette autre
maxime : Qu'en fait de Religion la voie d'examen
est permise àtout le monde. Il démontre
que ce n'est point une liberté adorable,
mais une vaine ombre , inventée
par les Séducteurs , propre à flater l'ora
güeil des Sectaires , incapable de les éclairer
2
NOVEMBRE. 1736. 2473
rer , puisque peu sont en état de s'en
servir , dangereuse d'ailleurs , comme il
parut autrefois par les divisions de Gomar
et d' Arminius , qui exciterent une
cruelle persécution entre les deux Partis ,
par le jugement des Magistrats de Genève
, qui bannirent Calvin et Farel , pour
n'avoir pas voulu souscrire au Synode de
Bernes enfin par la conduite de Calvin
lui même , Chef de cette Hérésie, qui en
1553. fit brûler le malheureux Michel
Servet , qui , croyant pouvoir user de la
liberté prétenduë adorable , débitoit une
doctrine contraire au mystere de l'adorable
Trinité . C'est ainsi que les Hérétiques
s'accordoient avec eux mêmes. Mais
il est beau d'entendre avec quelle force
M. de Belsunce fait voir combien peu
l'Hérésie de Calvin est conforme à la parole
de Dieu , autre principe des Ministres
de Genève. Je vais vous raporter ses
propres paroles : Est - ce donc la parole de
Dien , dit- t'il , qui se détruit elle même ,
qui ordonne de respecter et d'écouter lesApôtres
et leurs fuccesseurs , comme J. C. même
et qui aprend à les mépriser ? Qui assûre
L'infallibilné de leur enseignement commun
et qui veut qu'on le rejette ? qui donne à
Pierre les clefs du Royaume des Cieux , et
qui les brise ? Qui établit les Evêques pou,
E gouverne
2474 MERCURE DE FRANCE
1
gouverner l'Eglise de Dieu , & qui reprouve
leur autorité comme une tyrannie ? Qui
veut que l'on écoute l'Eglise sous peine d'être
regardé comme un Payen et comme un Publicain
, et qui veut que l'on s'en tienne à la
voye de l'examen , c'est-à- dire , à soi même
Qui prometà l'Eglise une infaillibilité éternelle,
contre laquelle les portesde l'Enfer ne
sçauroient prévaloir , et qui nous découvre
qu'avant Luther et Calvin les portes de
l'Enfer avoient prévalu contre elle , et les
promesses avoient manqué ? Qui donne au
Chefdes Apôtress premierement à lui seul ;
et ensuite à tous les Apôtres le pouvoir de
lier et de délier , et qui inspire de l'horreur
pour ceux qui sont revêtus de cepouvoir,
jusqu'à vouloir que l'on donneàleurCheflo
nom d'Ante- Christ? C'est ainsi qu'en peu
de mots , et en comparant la parolede
Dieu avec les dogmes des Hérétiques ,
cet habile Prélat en fait voir toute la
fausseté , et leur peu de conformité avec
cette divine parole.
Le reste de cette premiere Partie n'est
pas traité avec moins d'énergie ; mais
comme jene doute pas que je ne vous are
donné enviede la lire , je passe aux autres
Parties ,dont je ne vous raporterai que
succinctement le contenu , crainte de
passer les bornes que prescrit une Lettre.
Les
NOVEMBRE. 1736. 2475
Les calomnies sont nécessaires aux
Hérétiques pour répandre des nuages sur
la vérité prevenir les peuples contr'elle ,
rendre odieux ceux qui l'enseignent , et
la faire haïr elle même en lui prêtant les
couleurs du mensonge. C'est le moyen
dont se sont servis les Hérétiques de tous
les temps ; et M. l'Evêque de Marseille ,
après avoir remarqué que ceux de nos
jours n'ont pas oublié de le mettre en
pratique , fait voir la noirceur deleurs
calomnies.
Les Papes , disent - ils , s'arrogent le
droit de faire des articles de foi qu'on est
obligé de recevoir sous peine de damnation ;
M. l'Evêque de Marseille répond que ni
lePape,ni lesConciles , ni les Evêques
ne font pas de nouveaux articles de foi;
mais que leur attention est seulement de
maintenir les articles de notre foi dans
leur pureté , et de proscrire les erreurs
qui pouroient y donner atteinte , comme
celles de Luther et de Calvin , telle
atoujours été la conduite de l'Eglise Catholique
; mais l'Assemblée des Héréti
ques n'en agit pas de même. C'est elle
qui s'est arrogé le droit de faire des articles
que sa haine a fabriqués , et qui démentent
les oracles les plus formelsde l'Ecriture
; tel est entre les autres celui du Sy
Eij node
2476 MERCURE DE FRANCE
node National de Gap , renouvellé dans
celui de la Rochelle , où le Souverain Ponrife
, à qui dans la personne de S. Pierre ,
J. C. a fait de si magnifiques promesses ,
est traité d'Ante-Christ , d'Homme de péché
, qualifications si injustes et si horri
bles , que j'ai honte de vous les rapor
ter ; mais cette animosité contre le Pape ,
si ordinaire aux Hérétiques de tous les
temps , suffit pour faire connoître ceux
qu'on réfute ici.
On continuë de faire voir à Messieurs
les Ministres de Genève que l'obéissance
des Catholiqnes aux décisions des Pasteurs
légitimes , n'est point une obéissance
aveugle ; mais qu'elle est éclairée des
lumieres de la foi , et fondée sur l'ordre
de J. C. même. On leur montre , que de
même qu'ils employent auprès des Princes
morrels des intercessions , sans être
esclaves , de même aussi les Catholiques ,
sans tomber dans l'esclavage , ont recours
àl'intercessiondes Saints auprèsde Dieu
dont les Princes mortels sont l'image
ensuite on leur prouve que J. C. est le
paindes Anges , et qu'il est réellement
au S. Sacrement de l'Autel ; qu'en ne faisant
pas l'Office divin en Langue vulgaire ,
on suit plûtôt le bon sens qu'eux qui
déshonorent l'Ecriture , en le mettant en
Langu
NOVEMBRE. 1738. 2477
Langue vraiment vulgaire , et l'alterant
en mille endroits , comme on en peut
juger surtout par la version bizare des
Pseaumes en Vers , qu'ils reçoivent : après
quoi on les prie de remarquer qu'on ne
défend pas parmi les Catholiques de lire
P'Ecriture Sainte , mais de la lire autrementqu'elle
nedoit être lûë : que nos Légendes
authorisées , loin d'être impertinentes
, ne nous proposent à imiter que
des exemples saints et édifians : qu'on
doit plûtôt s'en tenir à la vénération que
toute l'antiquité a eue pour les Martyrs,
Héros du Christianisme qu'ils ont scellée
de leur sang , qu'au sentiment des Hérétiques
qui traitent leur ferveur d'excessive
et de mal réglée : que l'Eglise Romaine
ordonne à la vérité à ses Ministres de
garder le Célibat pour honorer le Sacerdoce
;mais qu'elle ne force personne d'y
entrer ,qu'au contraire elle éprouve longtemps
et avec grand soin ceux qui y aspirent
: que,regardant le Mariage comme
un grand Sacrement , elle honore aussi le
Célibat si recommandé dans la nouvelle
-Loi : qu'on ne peut concevoir comment
la retraite, la pénitence, l'humble aveu de ses
crimes ,favorisent le libertinage , comme
ils n'ont pas honte de l'avancer : qu'il
n'estpas surprenantqu'ils regardent com-
E iij me
1
2478 MERCURE DE FRANCE
me des usages frivoles ce quifatique le corps ,
cequi abat et humilie l'esprit, eux qui n'ont
jamais respiré que l'orgüeil et la révolte ,
qui sont ennemis du jeûne , de la continence,
et de tout ce qui mortifie la chair,
pratiques cependant qui ont toujours été
le chemin qui conduit au Ciel. Ce qui
estde plus surprenant , c'est de voir les
Novateurs nous reprocher faussement ,
comme on le leur fait voir , des dogmes
absurdes et desdivisions éclatantes , euxqui
ont défiguré la Religion par leurs dogmes
impies , et y ont semé de tout temps le
trouble et ladivision. Je passe le reste de
cette secondePartie , afin de pouvoir vous
entretenir un moment de la troisième.
C'est le propre des Hérétiques de ren
dre toujours , même malgré eux , quelqu'hommage
à la vérité dont ils s'écartent;
telle est sa force , que ses ennemis
même ne peuvent s'empêcher de la res
connoître. Les Hérétiques de Genève
l'ont fait sans y penser , et M. l'Evêque
de Marseille releve jusqu'à dix-huit de
leurs aveux en sa faveur. Ils reconnoissent
qu'ils ont tort de donner à leurs Adversaires
d'odieuses qualifications , etde prêcher
avec aigreur ; que leur coeur est livré
àdesmouvemenstrop vifs;que leurEglise
n'est pas celledeJ. C. puisque , la disant
réformée
NOVEMBRE. 1736. 2479
د
réformée , ils suposent que les portes de
l'Enfer ont prévalu contre elle , ce qui est
contraire aux promesses de notre divin
Législateur. Ils avouent que Farel etCalvin
ont fondé leurs Eglises , preuve de
sa nouveauté , puisqu'ils ne sçauroient
montrer la trace par laquelle une Eglise
fondée par de tels hommes , est venuë
des Apôtres jusqu'à eux ; ils adoptent les
dogmes des Vaudoiset des Albigeois : or
ces peuples reconnoissoient , aussi bien
que nous , la présence réelle , ils la reconnoissent
donc parmi eux et ne la condamnent
que parmi nous ; quelle contradiction
! Les Genevois , disent ils , lors
de la Réforme , étoient des peuples grossiers,
ignorans et superstitieux ; il ne fut donc
pas difficile de les séduire. Mais à quoi a
servi la Prétenduë Réforme , puisque les
Prédicateurs , dans les Sermons dont il
s'agit , reprochent aux mêmes Genevois
toutes sortes de vices? Ilsavouënt que leur
Eglise ne sçauroit subsister sans des ménagemens
humains ; si elle étoit fondée sur la
Pierre , elle subsisteroit d'elle même par
le secours de Dieu , et rien ne seroit capable
de prévaloir contre elle. Voilà , Monsieur
, une partie des aveux des Hérétiques
: c'est ainsi qu'ils se détruisent eux
mêmes.
E iiij M
2480 MERCURE DE FRANCE
M. l'Evêque de Marseille finit en
exhortant ses oüailles avec une charité
digne des Pasteurs des premiers temps , à
demeurer fermes dans la voye du salut
où Dieu les conduit par sa grace , etsur
tout il avertit les nouveaux Convertis ;
qu'après être sortis d'un précipice par la
grace et par la misericorde de Dieu , ils
prennent garde de ne pas retomber dans
un autre par un aveugle indocilité , j'ai
l'honneur d'être , &c.
A Parisce 28. Octobre 1736 .
ききまきまきまきまきまきまきまきまきまきまき
L
******
AIR DE JOCONDE.
Nouveaux Couplets.
Isette est faite pour Colin ,
Et Colin pour Lisette ,
Il est volage , il est badin
Elle est vive et coquete ;
Colin tolere ses rivaux ,
Lisette ses rivales ;
Il prime parmi ses égaux ,
Elle entre ses égales.
Lisette
NOVEMBRE. 1736. 2481
Lisette amuse mille Amans ,
Colin toutes les Belles ,
Tous deux en Amour sont contens;
Et tous deux infideles ;
Il est le plus beau du Hameau ,
Comme elle est la plus belle ;
Colin ressemble au franc Moineau ,
Lisette à l'Hirondelle
Sans soupirer et sans languir ,
Hs amusent l'absence ,
Par les plaisirs du souvenir ,
Et ceux de l'esperance ;
Ou s'ils dissipent leur chagrin
Par quelqu'autre amourette ,
Lisette revient à Colin ,
Et Colin à Lisette.
S'il naît quelque dispute entr'eux ,
C'est un léger orage ,
Qui bien loin de briser leurs noeuds ,
Les serre davantage.
Quel tort pouroient- t'ils se donner
Egalement coupables ?
Ah ! pour ne pas se pardonner ,
Tous deux sont trop aimables.
Ev Exempts
2482 MERCURE DE FRANCE
Exempts de crainte et de soupirs ,
Ils cherissent leurs chaînes ;
D'Amour ils goûtent les plaisirs ,
Sans en sentir les peines ;
Amans , qui voulez être heureux
Prenez -les pour modele
Et n'imitez plus dans vos feux
La triste Tourterelle.
,
VERA GRAVITATIS CAUSA ,
Veraque figura terra Gallis dicata.
Α. Α. Ε. A. A. S. P. D. E. G. С.
Eleberrimus Hermannus
C
de causâ gravitatis
nondum inventâ Librum egregium et nimis
verum edidit. Galli , summo duce Cartesio
Causæ illi cruendæ soli fermè , nec sine subtilis
solertisque ingenii laude collaborarunt. Aded
ut primos Veri nascentis radios Gallicæ Genti
affulgere par sit. Propè illud attigerat Cartesius.
Viam certè inveniendi monstrarat quasi parallelam,
seu verius asymptoticam ; sed asymptoti
cam à Vero in infinitum , quamvis finite , obverso
tramite abeuntem. Vorticis leges secundasias
, planas , circulares , ad summum cylindricas
et axipetas , primævis naturæ legibus , solidis
, sphæricis , verèque centripetis planè confuderat.
Oblitus in condendo Mundo prima esse
Sphærarum centra , secunda , centra vel axes
potiùs vorticum ,et quamvis Terra , aliaque
NOVEMBRE. 1736. 2483
:
:
nongyrarent Celestia Corpora , fore tamen
partes illorum graves , centroque ad conservationem
totius , conspirantes et remeabiles. Propositio
unica et quidem simplicissima deliacum
tandem Problema , necnon celebre illud de figurâ
Terræ absolvet . Favete Galli , viri ingenio
et sublimioribus ausis totâ Europa , toto orbe
notissimi.
Propositio.
In spatio quocumque solidis fluidisque corpos
ribus ,corpusculis-ve permixtim pleno , fluide
sponte tendunt à centro quoquoversùm ad su
perficiem sphæricam , revocantque solida undecumque
ab hâc superficie ad centrum unicum,
etiam et præcipuè ante omnem motunt
Torticis.
Demonstratio.
1. Lex estcerta , corpora angusto loco mota,
tendere in omnem partem à centro ad superficiem
spatii et mundi totius ; scilicet ut sphæram
sui motus amplificent. Porrò ad movendum
, corpora solida plus requirunt spatii quam
ad quiescendum, Quiescunt illa quidem in eodem
semper spatio , arctè unita , seseque ultrò
contingentia. Moventia autem spatium amant
liberum ; mutuò impingunt , et se continuò extrorsus
pellunt ac repellunt. Pulvis certè è mediis
proterentium equorum pedibus ebulliens ,
fumus è camino eructans , aqua subjecto igne
exæstuans , vapor exhalans , sphæram affectant
continuò ampliorem. Atque in hoc gravitas tosa
fundatur , aut ego fallor.
2°. Primo intuitu viderat Cartesius crassa
corpora esse ad motum inertia , et ad quietem
Evj prona
2484 MERCURE DE FRANCE
,
,
prona. Fluida verò corpora et subti'ia , quò fluida
, quò subtilia magis , magis eò esse mobilia.
Hoc etiam viderat lynceus vir motum quasi
sponte transire à solidis ad fluida , tandemque ,
semper moventibus istis , illa quiescere. Nec
manifesta causâ caret quotidiana hæc experien
cia. Corpora crassa mut d sibi sunt impedimento
nè moveantur. Pars illorum una dum sistitur
hærent reliquæ , mutuos formant anfractus ,
mutuos causant circuitus mutuos opponunt
obices. Nullum autem superant obicem , nullam
patiuntur vim , nullam faciunt sine motûs sui
dispendio . Fluida divisibilia sunt , penetrantia et
penetrabilia sunt labilia sunt , Auxilia sunt.
Proteus est nulli spatio nulli figuræ , nulli
certæ dimensioni addictus : fluida cudunt facilè ,
cedentibusque accrescit motus. Sistuntur à fronre
, fluunt ad latera. Sparium fit angustius , mole
in velocitatem conversâ motum accelerant . Pars
una retardatur reliquæ illi vale dicunt , ac
"prorsum eunt. Ubi partes negant , pori viam
aperiunt. Uno verbo fluida mobilia sunt , atque
ad movendum aptissima : solida non item .
,
3º Constat itaque hic syllogismus simplicis
simus. Corpora mobilia tendunt ex se ad superficiem
spharicam spatii quo continentur En majorem
dicti syllogismi . Atqui fluida mobilia sunt , solida
inertia. En minorem. Ergo fluida ex se tendunt
in qualibet spharâ ad illius superficiem . Ergo
solida in centro relinquunt , imò et ad centrum repellunt.
Dum enim ad superficiem connituntur
Auida , nec contranituntur solida , manifestum
est patere ista allorum actioni ; pati ista , illaagere
et reagere.
4º Uno verbo nullum mobili corpori sufficit
spatium : inertisuum satis est. Mobilitatem fiuidi
NOVEMBRE. 1736. 2485
'dis subtilibusque convenire corporibus , inertiam
solidis et crassis certum est. Existere autem materiam
quamdam Auidissimam subtilissimamque ,
ideòque mobilissimam ,, et , ut ita dicam , motissimam
, seu semper motam ; non minus certum,
Gallis saltemet verè Cartesianis , verèque Philosophis
; materiamque illam totâ sphæra terrestri
, toto , quantus est , orbe regnare , moveri
scilicet , suumque adeò in qualibet splæra so
lidorum , terrestriumque corporum exerere nisum
à centro ad circumferentiam , ad superficiem
; quo nisu , non Cartesiano quidem , sed
effectivo et actuali solida hæc terrestriaque corpora
centro adhærent et positivè revocantur.
5º. Atque hoc ipsum nonne interspexerat Carresius
? Sed vorticis motus aliò illum abripuerat.
Perturbatus siquidem fluiditatis motus in omnem
sensum , totum illius systema perturbarat ;
explicanda nimirum gravitati motum sic perturbatum
inutilem esse planè intellexerat. Ex
illo tamen motu unico repetendam illam esse
doctissimus senserat Varignonus : felix nimium
certè , si Cartesio bis vale dicens magistro , fluiditatem
ex alio aliquo veriori motu , v. g. circulari
, sicut post Malebranchium ingeniosissimus
Moliarus , repetiisset , vel potius , quicum
que ille sit Auiditatis motus , si vim verè centri
fugam animadvertisset ex illo quocumque mot
Auentem , gravitatemque ex illâ vi nonulta
minus dimanantem .
6°. Nec minus telix Moliarus ille , in aliis benè
multis felicissimus Philosophus, si vorticibus
nimium adhuc serviens , gravitatem specifico
vortices motui minus addixisset ; ex quo motu
apprimè constituto vis quidem aliqua emergit
centrifuga , sed vaga ab axe ad circumferentiam
circuli .
2486 MERCURE DEFRANCE
circuli , vel ad superficiem cylindri , nunquam
autem à centro unico ad sphæræ superficiem ,
tamque ad polos magni Vorticis quam ad Aqua.
torem.
7°. Nec tamen vim illam vorticis dicamus
omninò inutilem gravitati explicandæ inutilis .
alterum de figurâ Terræ Problema celeberrimum
hodiè resolvet. Vis enim axifuga vorticis ,
ad Æquatorem maxima , ad Tropicos mediocris
, nulla ad Polos , vi centrifugæ gravitatis ex
simplici quocumque motu regnante exsurgenti
adjuncta , vim totam quâ ad Terram corpora
solida reflectuntur , faciet maximam ad Æquatorem
minorem ad Tropicos , minimam ad
Polos , Terramque ad Æquatorem depressam ,
ad Polos exuberantem , Ovo Ellipsoidico assimitabit
, et , quod miror non vidisse ipsum celeberrimum
Neutonum , graviora ad Æquatorem
efficiet Pendula , adeòque lentiora et consequens
terdecurtanda. Verum enim systema veritatem
omnem complectitur et conciliat facilè. Vestrum
,Galli , tuum præcipuè , Moliare , expecto
judicium. Valete,
Quastio.
Quæro in Pendulis , num idem sit diminuere
filum an Pendulum ?
Les mots de l'Enigme et des Logogryphes
du Mercure d'Octobre sont , Chenets
, Pavot , Laboureur , Rave , et Chardon.
On trouve dans le premier Logogryphe
, Tau ,Tu , Va ,Pot , Pau , Pô ,
dans
NOVEMBRE. 1736. 2487
dans le second , La , Labour , Boure , et
Vr; et dans le troisième , Charon, Char,
etDon.
AAAAAAAAAAA
J
ENIGME.
Esuisdetaille réguliere ,
Je n'ai, ni pieds, nimains, ni devant, ni derriere s
Mais changeant presqu'à chaque instant ,
D'assiette ainsi que de visage ,
Je rends joyeux ou mécontent ,
Celui qui me met en usage.
On me met dans une prison ,
On m'y maltraite sans raison ;
'Après de grands eris j'obtiens grace,
J'en sors , ou plutôt on m'en chasse
Alors j'attire les regards
Des Courtisans, d'une Volage ,
Qui par moi régle le partage
De ses faveurs , et sans avoir d'égards
Au mérite , au rang de personne ,
Ce qu'elle ôte de l'un, à l'autre elle le donne.
****
LOGOGRYPHE.
Dix membres font de moi le plus charmany
séjour,
Que
2488 MERCURE DE FRANCE
Que la Machine ronde enferme en son contour
Sans les quatre premiers on n'écriroit qu'en
Prose.
Au reste je compose
Deux des quatre Elemens ,
Les légers instrumens
Qui soutiennent l'Oiseau dans sa vaste carriere >
Une Plante , une Riviere.
Si ce n'est pas assés : Lecteur , pense à ton Roy
Tu penseras à moy.
AUTRE.
En Bouquet à une Dame qui l'avoit
demandé à l'Auteur.
VOus ne voulez pour votre Fête
Iris , ni Rose , ni Muguet ;
Les Fleurs vous portent à la tête ,
L'Amour , ce petit Dieu coquet ,
En vain voudroit faire votre conquête:
Si bien que pour votre Bouquet ,
Un Logogryphe est votre fait.
Vous l'ordonnez , il suffi , je m'aprête ....
Que dis-je , Iris ? j'en avois un tout fait :
Heureux si de vous plaire il trouve le secret.
Mon nom ne peut servir qu'aux Femmes;
Et quoiqu'on voye bien des Dames
Qui n'exercent pas monemploi ...
Nature
NOVEMBRE. 1736. 2489
Nature , hélas ! dis -moi pourquoi
Il en est pourtant une en cet emploi , qui brille?
Qui s'est acquis un grand renom ,
Faisant l'apuy de toute sa famille ,
Et dont les qualités se fondent sur mon nom
Enfin ce nom qui n'est pas rare ,
De sept membres est composé ,
Iris , vous voulez qu'on sépare
Le quatrième , il est aisé ,
Mais pourquoi donc cette sincope a
Ah ! j'entends , le tour est rusé :
De la vertu ce nom est l'envelope ,
Il est aussi l'apui de la pudeur ;
La remarque à bon droit, Iris, vous fait honneur.
Mais par un contraste elle biffe ,
Et renverse le Logogryphe.
N'importe , Iris , ce dernier mot trouvé
Nous va donner bien autre chose :
Deux Lettres bas , le reste conservé ,
La charmante métamorphose !
Agnés avec l'air réservé ,
Sourit lorsqu'on le lui propose.
Mais raprochant tous mes membres épars ;
Combien de mots s'offrent à mes regards !
En les subdivisant , je vois dans la Provence
Ville qui n'est au Roy de France ;
L'épithete qu'on donne au coeur d'une Beauté,
Qui résiste à l'Amour , et fuit la Volupté ;
D'un
2490 MERCURE DE FRANCE
D'un Bucephale on trouve la parure ;
Ce qui déplaît à l'ame pure ;
Del'Abeille on y voit la moitié du labeur ;
Matiere unic à ladouceur.
J'en pourois dire davantage ;
Mais , cher Lecteur en ce moment ,
Iris , pour qui j'ai fait l'ouvrage ,
L'abrége d'un commandement.
J.... deParis.
NOUVELLES LITTERAIRES,
T
DES BEAUX ARTS , &c.
RAITE' DOGMATIQUE ET HISTORIE
QUE , touchant l'obligation de faire
l'Aumône. Par Dom de Lisle , Abbé de
S. Leopold de Nanci. A Nanci , chés
Ronark, 1736. in 8 .
TRAITE' DU RETRAIT FEODAL , dans
lequel sont agitées les matieres les plus
curieuses du Retrait Lignager , et plusieurs
autres Questions importantes sur
différens sujets qui y ont raport. Par M.
François-Xavier Breyé , Avocat en la
Cour Souveraine de Lorraine et Barrois.
NOVEMBRE: 1736. 2451
ANanci , chés Lefevre , 1736.in-4. 20
vol.
CATALOGUE des plus excellens Fruits ,
les plus rares , et les plus estimés , qui se
cultivent dans les Pépinieres des RR.
PP. Chartreux de Paris ; avec leur description
, et le temps le plus ordinaire
de leur maturité. Brochure in- 12. de 40.
pp. A Paris , chés J. B. Delespine , ruë
S. Jacques , àS.Paul, M. DCC. XXXVI .
DICTIONNAIRE CHRONOLOGIQUE , Historique
etCritique , sur l'origine de l'Idolâtrie
, des Sectes des Samaritains , des
Juifs , des Hérésies , des Schismes , des
Anti-Papes , et de tous les principaux
Hérétiques et Fanatiques qui ont causé
quelque trouble dans l'Eglise. Chés
Pralard, Cloître S. Julien le Pauvre , à
l'Occasion. Didot , Quay des Augustins.
Quillan , Imprimeur Juré Libraire de
l'Université , ruë Galande. Par le P. Barthelemy
Pinchinat , Cordelier de l'Ordrede
S. François , de la Province de
S. Loüis , Prédicateur du Roy , Docteur
en Theologie , Lecteur Jubilé , et Ecris
vain de son Ordre. Volume in-4.
OEUVRES D'HORACE en Latin , tradui
2491 MERCURE DE FRANCE
tes en François par M. Dacier et le Pere
Sanadon,avec les Remarques Critiques,
Historiques , et Géographiques de l'un
et l'autre. Huit volumes, grand in - 12 .
AAmsterdam,chés Vestein et Smith. 1736.
RECUEIL de Jurisprudence du Pays du
Droit Ecrit et Coutumier , par ordre
Alphabetique. Par M. Guy du Rousseaudde
la Combe ,Avocat au Parlement.
A Paris , chés Mesnier , Libraire Impri
meur , ruë S. Severin , et Jean de Nully
Grande Salle du Palais , 1736.
Cet Ouvrage contient en abregé les
Décisions des Ordonnances , Edits et
Déclarations de nos Rois. Celles des
Loix Romaines, des Coûtumes ; et celles
des Arrêts et Reglemens raportés dans les
Arrétistes anciens et nouveaux du Parle
ment de Paris, sur le Droit Ecrit et Coûtumier.
Il rassemble de plus les differens
sentimens des plus célebres Interpretes
des Loix et des Coûtumes , et ceux des
Auteurs qui ont traité chaque Matiere
exprofesso. Non seulement tous les Principes
y sont avec leur aplication aux Pays
de Droit Ecrit du Parlementde Paris , et
aux Pays Coûtumiers , mais aussi les exceptionsdes
Principes ; et l'on y trouvera
plusde Décisions quedans une infinitéde
plus gros Volumes. LA
NOVEMBRE. 1736. 2493
LA VIE de M. Gilles Marie , Curé de
§. Saturnin de Chartres , et Supérieur
des Religieuses de la Visitation de la
même Ville. A Chartres , chés Nicolas
Besnard , Imprimeur- Libraire , ruë des
trois Maillets , au Soleil d'Or , 1736.
in- 12,
TRAITE DES BENEFICES ECCLESIASTIQUES
, dans lequel on concilie la Discia
pline de l'Eglise avec les Usages du
Royaume de France ; et le Recüeil des
Edits , Ordonnances et Arrêts de Reglement
concernant les Matieres Bénéficiales
, et autres qui y ont raport. Nouvelle
Edition revûë , corrigée et augmentée
d'un très-grand nombre de Piéces
qui n'avoient point encore paru ; avec
la Table Chronologique de leurs dates et
de leurs enregistremens dans les Cours
Souveraines. Par M. P.... G.... trois vol.
in 4. Prix 24. liv. A Paris , chés Langlois
, Imprimeur- Libraire , ruë S. Etien
ne des Grès , au bon Pasteur , et chés la
Veuve Mazieres , et J. B. Garnier , Imprimeurs-
Libraires de la Reine , ruë S. Jacques
, à la Providence. 1736.
DE L'USAGE et du choix des Livrespour
Etude des Belles- Lettres. Avec des Cata
logues
2494 MERCURE DE FRANCE
loguesraisonnés des Auteurs utiles ou nécessaires,
pour seformerdans les diverses Partiesde
la Litterature. Par M. l'Abbé Lenglet
du Fresnoy. Brochure in- 12. de 22.
pages.A. Paris , chés Musier , Rolin et de
Bure, Quaydes Augustins. M.DCC.XXXVI
M. l'Abbé Lenglet, connu dans la Ré
publique Litteraire par plusieurs beaux
etutiles Ouvrages , présente ici au Public
le Plan de ce qu'il a travaillé avec
soin sur les Belles Lettres. On nepeut
qu'aplaudir àune entreprise si digne de
son Auteur , et dont on ne sçauroit trop
tôt voir l'execution.
L'HEUREUSE FOIBLESSE , ou l'Entretien
'desTuilleries. Nouvelle Galante. ParM.
Coustelier. Brochure in- 12. de 72. pages!
AlaHaye,chés Jean Neaulme 1736.
REFLEXIONS sur les Ouvrages de Litto
rature , nouvelle Feüille Hebdomadaire ;
qui se distribuëra tous les Lundis de cha
que Semaine chés Pierre Gissey , ruë de
la vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jessé
1736.
Cours d'Opérations de Chirurgie,
démontrées au Jardin Royal par M. Dionis
, Premier Chirurgien de feuës Mesdames
les Dauphines ,etChirurgienJuré
à
NOVEMBRE. 1736. 249
Paris. Troisiéme Edition revûé et aug
mentée de Remarques importantes. Par
M.... Chirurgien Juré à Paris. A Pavis
, chés D'Houry , seul Imprimeur du
Duc d'Orleans , ruë S. Severin 1736.
in- 8 . de 252. pages pour les Operations,
et de 132. pour les Remarques.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des
Insectes par M. de Reaumur , de l'Académie
Royale des Sciences. Tome II.
contenant la suite de l'Histoire des Chenilles
et des Papillons , et l'Histoiredes
Insectes ennemis des Chenilles. Vol.in-4.
d'environ 600. pages avec un grand nom
bre de Planches. A Paris de l'Imprimerie
Royale. 1736.
NOUVELLE METHODE pour aprendre
facilement la Langue Latine, contenant
les Regles des Genres , des Déclinaisons,
des Préterits,de la Syntaxe , de la
Quantité , et des Accens Latins ; mises
en François avec un ordre très- clair et
très-abregé.Présentée auRoy.Augmentée
d'un grand nombre de Remarques trèssolides
, et non moins nécessaire pour la
parfaite connoissance de la Langue Lati
ne,que pourl'intelligence des bons Auteurs
: tirées de tous ceux qui ont travaillé
496 MERCURE DE FRANCE
vaillé sur cette Langue avec plus de soin
et de lumiere. Avec un Traité de la Poësie
Latine , et une breve Instruction sur
les Régles de la Poësie Françoise. Onzićme
Edition , revûë , corrigée , et augmentée
de nouveau. Vol. in 8. A Paris,
ruë S. Jacques , chés la veuve Delaulne ,
à l'Empereur , er Fr. Matthey , vis-à-vis
S. Yves , à S. Augustin.
Les mêmes Libraires donneront incessamment
une nouvelle Edition de la
Méthode Grecque du même Auteur.
HISTOIRE DU CONCILE DE TRENTE par
Fra-Paolo Sarpi , traduite en François ,
avec des Notes Critiques , Historiques ,
et Théologiques , par le P. Pierre François
Courayer , 2. vol. in 4. A Amster
dam , chés Westein et Smith. 1735 .
HISTOIRE du Prince Titi. A. R. Tome
second,A Paris, Quay de Conty , chés la
Veuve Pissot , in 12. de 387. pages .
La lecture de ce Livre , qui est bien
écrit et bien imprimé , est fort amysante.
ABREGE' Chronologique et Historique
'de l'Origine , du Progrès , et de l'Etat
actuel de la Maison duRoy , et de toutes
les
NOVEMBRE. 1736. 2497
les Troupes de France , tant d'Infanterie
que de Cavalerie et Dragons , avec des
Instructions pour servir à leur Histoire ;
et un Journal Historique des Siéges ,
Batailles , Combats et Attaques où ces
Corps se sont trouvés depuis leurs institutions
: le tout tiré des Livres des Gages
de la Chambre des Comptes , Extraordinaire
des Guerres , Manuscrits , tant
de la Bibliotheque du Roy que des Par
ticuliers. Par M. Simon Lamoralle Pippre
de la Neufville , Chanoine de la Collégiale
de Notre-Dame à Huy , Aumônier
de l'Ordre de S. Michel de S. A.S. E. de
Cologne Joseph Clement. Tome I. contenant
les Gardes du Corps et Gendarmes
de la Garde. Tome II. contenant les
Chevau - Legers de la Garde , les deux
Compagnies des Mousquetaires
Grenadiers à Cheval , et toute la Gendarmerie.
A Liege , chés Everard Kintz
Libraire et Imprimeur , présentement à
la nouvelle Imprimerie , en Souverain
Pont. 1734. in-4. Le I. vol. de 546. pag.
sans compter la Préface et la Table. Le
II. vol. de 643. pages sans la Table.
د
les
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres, &c. AParis, chésBriasson, rue
F S
2498 MERCURE DE FRANCE
S. Jacques , à la Science , M. DCC, XXXVI
Tomes XXXIII. et XXXIV.
Après la Table Alphabétique des Au
teurs dont il est parlé dans les trente
trois volumes de ces Memoires , suit une
Table particuliere qui contient les noms
des Sçavans dont l'Histoire se trouve
dans le XXXIIIe Tome. Ces Sçavans
sont:
F. Abbadie , C. Achillini , H. Albi ,
V. Aldrovandus , A. d' Amboise, F.d.Am
boise , F. d'Amboise , M. d'Amboise , J.
Boccace, H. Doneau , A. F. Doni , G.
Fournier , F. Habert , J. Hoornbeek, J. B.
Lalli , A. de Lebrixa , C. Leschassier,B.
Mallinkrot , M. Mersenne , C. du Moulin,
G.Paradin, C. Paradin J. Paradin, Cl.
Perrault, Ch. Perrault, C. Plumier ,D. de
Priezac , S. de Priezac , P. Quinault ,A.
Rivinus , G. Rondelet , F. Rosin , J. И.
Rossi , F. Ruysch , G. C. Schelhammer , A.
M. de Schurman , A. Sennert , B. Tagliacarne,
Fe. de la Taille, Fa. de la Taille , N.
Vedelius ,et N. Vernulaus.
Entre ces Sçavans nous avons choisi le
P. Plumier , dont l'Article nous a paru
curieux et convenir en même-temps aux
bornes que nous sommesobligés de nous
prescrire.
Charles Plumier naquit à Marseille le
20
NOVEMBRE. 1736. 2499
20. Avril 1646. d'une famille obscure.
Après avoir fini ses Etudes d'Humanités,
il entra dans l'Ordre des Minimes l'an
1662. à l'âge de 16. ans.
Pendant qu'il étudioit en Philosophie,
il reconnut qu'on ne pouvoit acquérir
uneconnoissance parfaitede cette Science
sans les Mathématiques , et demanda
à ses Supérieurs d'être envoyé à Toulouse
, pour s'y apliquer sous le P. Maignan,
qui les y enseignoit ;demande qui
lui fut accordée.
Lorsqu'il y eut fait assés de progrès,
il fut envoyé à Rome , où il s'adonna
particulierement aux Méchaniques , et
se rendit fort habile dans l'Optique , la
Peinture,la Sculpture et l'Art de tourner.
François de Onuphrüs et Silvio Bocconi,
grands Botanistes Italiens , avec qui il
fit alorsconnoissance , lui inspirerent du
goût pour l'étude des Plantes. Ainsi lorsqu'il
fut de retour en Provence , il accompagna
souvent Tournefort , qui revenoit
alors de visiter les Alpes , Garidel ,
Professeur en Botanique à Aix , et les
freres Bertier , Médecins de la même Ville,
dans les differentes courses qu'ils faisoient
dans la Provence , pour découvrir
de nouvelles Plantes .
L'ardeur qu'il témoignoit pour la per
Fij fection
2500 MERCURE DE FRANCE
fection de la Botanique, engagea Surian,
MédecinChimiste de Marseille , qui al
loit par ordre de la Cour, dans nos Isles
de l'Amérique , pour y faire l'Analyse
des Plantes qui leur étoient particulieres,
à le prendre pour compagnon de son
voyage et de ses recherches.
Le Roy LOUIS XIV. à qui il offrit
àson retour le premier fruit de ses tra
vaux , l'en récompensa par une pension,
et par le titre de son Botaniste et le renvoya
deux autres fois dans l'Amérique,
Le séjour qu'il y fit à ces differentes reprises
, lui fournit les occasions de satisfaire
sa curiosité , et d'acquérir une
grande connoissance des Plantes de ce
Pays .
M. Fagon , persuadé de son habileté,
l'envoya au Pérou avec le Marquis de
Los Rios , qui en avoit été nommé Vice
roy , pour s'instruire à fond des particularités
qui regardent le Quinquina ; mais
pendant qu'il attendoit au Port Sainte-
Marie en Espagne le départ de la Flotte,
et qu'il employoit son loisir à parcourir
les campagnes voisines , il fut attaqué
d'une pleurésie dont il mourut dans le
Convent de son Ordre , l'an 1704. âgé
de 58. ans,
Catalogue
NOVEMBRE. 1738. 250
Catalogue de ses Ouvrages.
i. Description desPlantes de l'Amérique,
avec leurs figures. Paris , Imprim. Royale
1693. in-folio. Le P. Plumier présente ici
près de 600. Plantes , qu'il a dessinées
et gravées lui-même dans leur grandeur
naturelle , et en donne une Description
suffisante pour les faire connoître.
2. Réponse du P. Plumier à M. Pomet,
Marchand Droguiste de Paris , sur la Cochenille,
dans le Journal des Sçavans, du 19.
Avril 1694. Il fait voir dans cette Lettre,
qui est curieuse , que la Cochenille est
un animal ; ce qu'il confirme dans la sui
vante , qui l'est encore davantage.
3. Réponse du P. Plumier àM. Fridéric
Richter, Docteur en Médecineà Leipsic,
sur la Cochenille. Dans les Memoires de
Trévoux du mois de Sept. 1703. p. 1671 .
L'Art de tourner , ou de faire en perfection
toutes sortes d'Ouvrages au Tour. En
Latin et en François. Ouvrage enrichi de
près de 80. Planches. Lyon , 1701. in-folio.
LeP. Plumier avoit reçû dans sa jeunesse
les premieres leçons de cet Art de son
Pere , et il s'y apliqua toujours depuis ,
autant que ses autres occupations le lui
permirent. Son Ouvrage est curieux et
singulier , et l'on n'avoit avant lui sur
Fiij cette
E502 MERCURE DE FRANCE
cette matiere rien que d'imparfait.
5.Réponsedu P. Plumier à une Leure de
M. Baulot , sur l'Organe de l'ouie de la
grande Tortuë de Mer. Dans les Memoires
de Trévoux des mois de Novembre et Désembre
1702. p. 112.
6. Nova Plantarum Americanarum.genera.
Paris 1703. in 4. pp. 73. Le P. Plumier
donne ici les Descriptions et les
Figuresde 106.nouveaux genres de Plane
tes qu'il a vûës dans les Iſles de l'Amérique.
Il y a joint un Catalogue de tou
tes les especes de Plantes qu'il a dessinées
dans ces Ifles , et dont les genres
sont déja marqués dans les Institutions
Botaniques de M. Tournefort.
7. Réponse du P. Plumier à diverses
questions d'un Curieux sur le Crocodile,
sur le Colubri et sur la Tortuë. Dans les
Memoires de Trévoux du mois de Janvier
1704. p. 165.
8. Traité de Fougeres de l'Amérique. En
François et en Latin. Paris , 1705. infolio.
L'Auteur a rassemblé ici sous le
nom de Fougeres , toutes les Plantes qui
ne poussent point de fleurs.
Tome XXXIV. Ce Volume contient
l'Histoire de 43. Scavans , dont
voici les noms. V. Alcidalius , P. Alegambe
, P. Allix , S. Amama , Arnaud
de
NOVEMBRE. 1736. 2505
de Villeneuve , M. Beroald , F. Beroald de
Verville , C. Besolde , P. Briet , J. C. Capaccio,
A. Catharin, R. Choppin, F. Chrétien
, G. Chrétien, J. Clarius, R. Dodonée,
A. Fusi , H. Golizius , J. O. de Gombauld
, R. de Graaf, P. Gringore , G.Gualdo
, J. Hessels , C. Malingre , P. Monet ,
R. Moreau , A. Morel , J. Murmellius ,
R. Nanni, V. Obrecht, A. d'Ossat , B. des
Periers, G. du F. de Pibrac , J. Pic , J. F.
Pic, J. Picot , C. de Pontoux , T. Porcacchi
, H. Sedulius , J. Tabureau , J. Vetus ,
A. Vieyra , et B. Vulcanius.
L'Article d'André Morel , que nous
raporterons ici dans son entier , est travalllé
avec soin , et sera , sans doute ,
du goût de tous ceux qui cultivent l'étude
des Médailles antiques.
André Morel naquit à Berne en Suisse.
Jamais homme n'eut une passion plus
forte pour l'étude des Médailles , et il
reconnoît lui-même que cette inclination
lui étoit naturelle. Aussi ne manqua-
t'elle pas à se découvrir de bonne
heure. Il doit avoir fait d'assés bonnes
études d'Humanités , et l'ardeur même
avec laquelle il recherchoit la connoissance
des Médailles , auroit suffi pour
l'engager à lire avec soin les anciens Auteurs
Grecs et Latins.Car il raportoit ,
Fiiij sans
2504 MERCURE DE FRANCE
1
'sans doute , toutes ses lectures aux Médailles
dont il fit ses délices dès sa premiere
jeunesse
Ce fut la même passion qui l'engagea
aparamment à aprendre le dessein , dans
lequel il se rendit fort habile. Tout jeune
encore il ramassoit des Médailles autant
qu'il pouvoit ; il les dessinoit et redressoit
sur les Originaux les copies qui
s'en voyoient dans les Livres. Il trouva
par là le moyen de grossir peu à peu
ses Recueils. Il acquit de nouvelles richesses
dans quelques voyages , y ayant
trouvé des Médailles très- rares , dont il
emporta des Desseins.
د
Les progrès qu'il faisoit dans cette étu
de augmenterent dans la suite , par
l'occasion qu'il eut de connoître parti
culierement le fameux Antiquaire Char
les Patin , qui étoit en 1673. à Basle , et
demeura quelque temps en Suisse. Il apric
de lui bien des choses sur ce qui regarde
la Science qui faisoit l'objet de leur at
tachement commun. Patin lui communiqua
aussi des Médailles très- rares , et
un grand Recueil de Desseins qu'il avoit
ramassés. Il lui envoya depuis d'Italie
un grand nombre d'Empreintes et lui
rendit d'autres semblables services , dont
Morel témoigna publiquement sa reconnoissance.
Mais
NOVEMBRE. 1736. 2505
Mais ce fut à Paris qu'il trouva la plus
riche moisson , et en même- temps l'occasion
la plus favorable pour executer
le grand dessein qu'il avoit conçû . Il
eut un libre accès au Cabinet des Médailles
du Roy , et il lui fut permis de
dessiner tout ce qu'il y avoit de plus
rare et de plus curieux. L'entrée des autres
Cabinets et des Bibliotheques publiques
et particulieres , lui fut aussi ouverte.
Il profita si bien de cet avantage ,
qu'il augmenta saCollection de plusieurs
milliers de Desseins , et qu'il corrigea
sur les Originaux un grand nombre de
ceux qui étoient déja dans ses papters.
Il se tenoit alors dans l'Hôtel du Duc
d'Aumont des Conférences entre quelques
Sçavans , qui travailloient à éclair
cir par les Médailles l'Histoire des Empereurs
Romains , et Morel y fut admis.
On l'exhorta fort à ne point envier au
Public tantde richesses litteraires , dont
il étoit en partie redevable à l'honnêteté
qu'on avoit eûë de les lui laisser recueillir,
et on fut secondé par le Baron de Spanheim
, qui étoit alors à Paris. De l'humeur
dont étoit Morel, il n'eut point de
peine à se rendre à ces sollicitations. Il
résolut donc de rassembler en un corps
toutes los Médailles antiques , ou déja
publiées
2506 MERCURE DE FRANCE
১
publiées dans les Livres ,ou renfermées
dans sa Collection particuliere.
Il se trouva cependant un peu arrêté
d'abord par la difficulté qu'il prévoyoit
à graver les Médailles , vû le grand travail
qu'il lui avoit fallu essuyer pour les
dessiner seulement. Mais ses amis lui
ayant conseillé de s'essayer dans cetArt,
il s'y apliqua et s'y perfectionna peu à
peu , tellement qu'il fut en état dedonner
au Public en 1683. un Essai de son
Ouvrage.
Peu de temps après que cet E ssai eut
paru,il fut retardé dans l'execution de
son dessein par une Commission honorable
que LOUIS XIV. lui donna, mais
qui lui coûta bien cher dans la suite.
د
Rainssant, Directeur du Cabinet des
Antiques du Roy , cut besoin d'un aide,
pour le mettre en ordre et faciliter la
connoissancedes raretés qu'il renfermoit.
Comme il étoit ami de Morel , et convaincu
de son habileté en ce genre d'étude,
il se l'associa et obtint aisément pour
ceļa l'agrément du Roy. Morel fut chargé
alors de dessiner toutes les Médailles
antiques , auxquelles Rainssant devoit
ajoûter ensuite des explications qui vérifiassent
leur raport à l Histoire ancienne.
Morel s'acquitta de cet employ avec
une
NOVEMBRE. 1736. 2507
une assiduité et une exactitude merveilleuse
, travaillant quelquefois sous les
yeux mêmes du Roy. Un jour qu'en prés
sence de ce Prince , il témoignoit une
attention particuliere à considerer quelques
Médailles , le Roy lui en demanda
la raison. Morel la lui dit , et lui fit en
même temps le plan du grand Ouvrage
qu'il projettoit. Ce Prince parut l'écouter
avec plaisir , et lui ordonna de faire
entrer dans ce Recüeil toutes les Médailles
de son Cabinet.
Lorsque Morel eut achevé sa tâche , il
eut le malheur de déplaire à M. de Louvois
; soit qu'il eût parlé trop librement
à ce Ministre , sur ce qu'il lui avoit refusé
le salaire dû à son travail , comme
il le dit lui-même , soit pour quelqu'autre
raison qu'on ignore , il fut mis à la
Bastille , où il demeura trois ans. Il n'eut
sa liberté qu'après la mort de M. de
Louvois , arrivée le 16. Juillet 1691. Encore
fallut-il que le Canton de Berne sollicitât
en sa faveur.
د
Le Roi reconnut qu'on lui avoit fait
une injustice
et lui donna audience
plusieurs fois depuis d'une maniere
gracieuse , et cela fut suivi de marques
réelles de sa liberalité que Morel en reçut
, depuis même qu'il fut retourné
F vj dans
2.508 MERCURE DE FRANCE
dans sa Patrie. Aussi a-t-il eu soin de
publier qu'il n'avoit , ni ne devoit avoir
aucun ressentiment contre Louis XIV.
puisqu'il n'avoit aucune part aux mau
vais traitemens qu'il avoit soufferts.
د
et
Lorsqu'il fut arrêté , on enleva tous ses
Papiers , ce qui lui fit perdre la Descrip
tion des Médailles , qu'il avoit achevée
poursongrandOuvrage , et tous lesDesseins
qui se trouverent chés lui ; mais par
bonheur il avoit eu la précaution d'envoyer
dans sa Patrie les Desseins des plus
belles , qui furent ainsi sauvées pour lui .
Lorsqu'il fut retourné en Suisse
qu'il s'y vit tranquile , il songea à reprendre
son premier dessein. Cependant ses
pertes passées , et les grandes dépenses
qu'il y avoit encore à faire pour l'execu
rer , l'embarrassoient , lorsque , contre
route attente , il reçut en 1693. des Lettres
qui releverent ses esperances. Le
Comte de Schwartzburg - Arnstad aimoit
beaucoup les Médailles , et s'y con
noissoit; et il en avoit un beau Cabinet,
qu'il enrichissoit tous les jours. Il apella
Morel auprès de lui , en qualité de son
Antiquaire , et lui offrit les secours né
cessaires pour le mettre en état de publier
le grand Ouvrage dont il avoit vû lé
projet..
:
Morel
" NOVEMBRE. 1936. 2509
Morel ne balança point à accepter ces
propositions. Il partit de Berne en 1694.
pour se rendre à Arnstad , lieu de la résidence
du Comte.
Le Baron de Spanheim étoit retourné à
la Cour de Berlin depuis le commence
ment de la guerre de 1689. Il n'eut pas
plutôt apris l'établissement de Morel
dans une Cour si peu éloignée , qu'il
souhaita de le revoir, et lui fournit luimême
une occasion des plus favorables
pour avancer ses affaires.
L'Electeur de Brandebourg , depuis premier
Roy de Prusse , avoit résolu de
fonder une nouvelle Université à Hall
en Saxe , et il devoit se rendre dans cette
Ville avec toute sa Cour , pour la solemnité
de cet Etablissement , qu'il fixa an
premier Juillet , jour de sa naissance .
Spanheim écrivit à Morel pour lui don.
ner rendez- vous à Halldans ce temps là
et celui-ci s'y rendit à point nommé.
Dans leur premiere entrevûë , après le
détail que Morel fit de ses malheurs pas
sés , et de son changement de fortune ,
àunAmi qui paroissoirs'y interesser beau
coup' , Spanheim lui demanda des nous
vellesde son ancien Projet , et fut ravi
d'aprendre qu'il se sentoit encore en état
de l'executer. Frederic Benedict Carpzo
vius
1
1
2510 MERCURE DE FRANCE
vius , Senateur de Leipsic , qui étoit présent
, lui offrit d'abord ses services pour
lui procurer dans cette Ville un Libraire
qui imprimât son Ouvrage. Tout cela ranimadeplus
enplus le couragede Morel.
Mais Spanheim avoit des vûës encore
plus utiles en faveur de son ami . Tout
Ministre d'Etat qu'il étoit , et estimé de
son Prince , ses recommandations ne suf
fisoient pas pour obtenir tout ce qu'il
auroit souhaité. M. Eberard Danckelman
gouvernoit alors toutes les affaires
et il falloit s'adresser à lui , ou ne rien
attendre. Spanheim lui présenta Morel ,
et lui parla si avantageusement de son
mérite , et de l'Ouvrage auquel il vouloit
travailler , que ce Ministre Favort
lui promit sa protection et ses bons offices
auprès de l'Electeur. Il lui tint paro-
Ie . Morel fut admis à l'audience du Prince
, qui témoigna beaucoup de plaisir de
voir les desseins de Médailles que notre
Antiquaire lui montra ; et il s'en retournapleindegrandes
esperances , après être
convenu avec Spanheim qu'il demanderoit
permission au Comte de Schwartzburg
, d'aller dans un ou deux mois à
Berlin , pour visiter le Cabinet de l'Electeur
, et sçavoir les mesures que l'on
auroit prises sur son sujet.
Morel
NOVEMBRE. 1736. 25
:
Morel ne manqua pas de partir vers
letemps marqué. En passant à Leipsic ,
il régla presque tout avec le Libraire ,
pour l'impression de son grand Reciüeil ;
etquand il fut arrivé à Berlin , l'Electeur
instruit plus au longde son Projet ,
lui fit esperer des effets de sa liberalité ,
et consentit que l'Ouvrage lui fût dédié ,
quand il paroîtroit.
y
Il reçut quelque argent , et il esperoic
entoucher davantage , lorsque M. Danckelman
vint à être disgracié de son
Prince. Ce fut un coup de foudre pour
notre Auteur. Destitué des secours , sur
lesquels il comptoit et souffrant une
grande perte par les dépenses qu'il avoit
déja faites , il perdit courage , et se relachade
plus en plus dans son travail. Accablédetristesse
, il fut par surcroît bientôt
après attaqué d'une paralysie du côté
droit , et par-là hors d'erat d'écrire , er
moins encore de dessiner. Ainsi l'Ouvrage
demeura entierement interrompu .
Cependant comme Morel se remit peu à
peu , sans recouvrer néanmoins l'usage
des membres que la paralysie avoit affectés
, le Comte de Schwartzburg luř
donna pour adjoint un habile homme
nommé Marc Chrétien Schlegel , à qui
il dictoit tout ce qu'il vouloit.
Avec
y
2512 MERCUREDE FRANCE
Avec ce secours il reprit courage , ct
recommença à travailler de la maniere
que son état le permettoit , mais iln'eut
point la consolation de finir son Ouvra
ge. Une attaque d'apoplexie l'enleva à
Arnstad le 10. Avril 1703. jour auquel il
fut trouvé mort dans son lir. Il laissa un
fils qui a été fait Ministre à Berne.
Tous ceux qui ont parlé de ce sçavant
Antiquaire , l'ont fait avec de grands
éloges. Il n'y a eu que Jean-Foy Vaillant,
qui par une jalousie d'Auteur , s'est
déchaîné contre lui après sa mort , sous
prétexte que Morel ne lui avoit pas fait
honneur de l'explicationdequelquesMédailles
, qu'il tenoit de lui , à ce qu'il
prétendoit. Il n'est pas cependant probable
que Morel se soit avisé de s'attribuer
une chose qui apartenoit à Vaillant
puisque dans une Lettre à Perizonius ,
écrite en 1701. il se reconnoît inferieur
à cet Antiquaire , et dit que personne ne
le surpasse dans la connoissance desMé
dailles antiques.
Au reste Morel , malgré tout son
amour pour les Médailles , sçavoit donner
un juste prix à cette Etude , et ne se
laissoit pointaller aux travers d'esprit de
quelques Sçavans , qui méprisent toute
autre connoissance , que celle qui fait
Pobjet
NOVEMBRE: 1736. 2513
l'objet de leur attachement. C'est ce qui
paroît pat une de ses Lettres où il parle
ainsi : >> J'ai undésir ardentde m'instruí-
>> re , et je me suis toujours gardé des il-
>> lusions de l'amour propre , ne cher
>>chant dans l'étude des Médailles qu'à
>> m'occuper agréablement, et qu'a apren-
>> dre l'Histoire . Les Médailles ne sont
>>que des monumensde la vanité des An-
>> ciens. Quand je les entendrois parfaite-
>>ment,je n'en serois ni plus grand , ni
> plus honnête homme : au lieu que si je
> m'enorgüeillissois de la connoissance
» que j'en ai , je serois un sot et une
»bête.
Cataloguede ses Ouvrages.
1. Specimen universa Rei Nummaria
Antique , quod Litteratorum Reipublica
proponit Andreas Morellus , Helvetiis. Paris.
1683. in - 8 . C'est un projet du grand
Ouvrage qu'il avoit entrepris , et qui
devoit contenir en dix volumes toutes
les Médailles anciennes. Il en avoit alors
déja 20000. exactementdessinées. It. Lipsia.
1695. in- 8 . Cette seconde Edition est
retouchée , augmentée , et accommodée
aux nouvelles vûës sur lesquelles Morel
avoit reglé son plan. Au lieu de
20000. Médailles qu'il promettoit dans
د
2514 MERCURE DE FRANCE
la premiere , il déclare dans celle-ci qu'il
endonnera un quart de plus. Il a joint à
cet essai quelques Lettres de Spanheim.
La premiere Edition n'en a que deux qui
ont reparu dans la seconde fort augmen
tées , avec trois autres , qui roulent presqu'entierement
sur l'explication de quelques
Médailles.
2. Epistola ad Jacobum Perizonium de
Nummis Consularibus 1701. in- 4 . Perizonius
a fait réimprimer cette Lettre avec
une autre que Morel lui avoit écrite un
peu auparavant , à la suite de sa dissertation
de Ære gravi. Lugd. Bat. 1713. in-
12. Elle se trouve aussi dans les Electa
Rei Nummarie , imprimés à Hambourg
en 1709.
3. Lettre écrite à M. le Chevalier Fontaine
, par André Morel , pour servir de
Réponse à un Extrait de Lettre que le Jour
nal de Paris dit avoir été écrite audit Morel
, par M. Galland , Antiquaire de M.
Foucault , Intendant du Roy en Normandie.
1703. in 4. Cette Lettre , que je ne
connois que par les Nova Litteraria Germania
anni 1703. p. 69. tend à réfuter -
celle de M. Galland à Morel , touchant
lesMédailles Consulaires , qui se trouve ,
non point dans le Journal des Sçavans de
Paris, commele titre que je viens de raporter
NOVEMBRE. 1736. 2519
porter pouroit le faire croire , mais dans
les Mémoires de Trevoux , année 1702. Fevrier
p. 102. et Juin p. 87. Morel prétend
qu'elle est suposée , et raporte à saplace
celle que M. Galland lui a effectivement .
écrire.
4. Thesaurus Morellianus , five Familiarum
Romanarum Numismata omnia , diligentissimè
undique conquisita , ad ipsorum
Nummorum fidem accuratissimè delineata ,
et juxta ordinem Fulvii Ursini , et Caroli
Patini disposita à celeberrimo Antiquario
Andrea Morello. Accedunt Nummi Miscelianei
Urbis Roma , Hispanici ,
etGoltziani
, dubia fidei omnes. Nunc primum
edidit , et Commentario perpetuo illustravit
Sigebertus Havercampus. Amstelodami ,
1734. in-fol. 2. vol. C'est un précieux
reste du vaste Recüeil que Morel avoit
entrepris. Onytrouve 3539. Médailles ,
gravées avec leurs revers , et accompa
gnéesdes explications deM. Havercamp .
Montalant , Libraire , Quay des Augustins ;
donne avis au Public qu'il distribuë le second
Volume de l'Histoire universelle deDomCalmet,
Bénédictin de la Congrégation de S. Vannes ,
vol. in-4. Que l'on trouve encore chés lui le
Tome 6. des Cérémonies Religieuses ,gravées par
Picart , en grand et petit Papier . Ce Volume
renferme les Cérémonies des Anglicans , des
Anabaptistes et des Quaquers. Il a aussi des
Exemplaires
2516 MERCURE DE FRANCE
Exemplaires de l'Ouvrage des deuxgrandeurs ,
complets. Il vend encore le Traité de la Coupe
des Pierres et des Bois pour la construction des
Vouteset autres parties des Bâtimens Civils et
Militaires . Par M. Frezier. vol. in - 4.
THEOLOGIA UNIVERSA , speculativa et dogmatica,
complectens omnia Dogmata et singulas
Quastiones Theologicas qua inScholis tractari solent
R. P. Paulo- Gabriele Antoine , Societatis Jesu
in- 12.7 Vol. A Paris,chés Ganeau, Fils, Libraire
ruë S. Jacques , vis-à - vis S. Yves , à S. Louis.
L'accueil favorable que le Public a fait àla
Théologie Morale du même Auteur , nous est
un sur garant pour sa Theologie dogmatique.
Le nombre de Prélats qui ont engagé les Séminaires
de leurs dépendances à s'en servir , nous
yconfirme davantage. Nous n'avons rien de
plus interressant que d'aprendre notre Religion,
etde nous mettre en état de la soûtenir , contre
lesdiverses sortes d'Hérétiques répandus dans
lemonde ; plus nous aurons d'Auteurs qui travailleront
sur la Theologie , plus nous serons
instruits. Le R. P. Antoine est unde ceux qui
est le plus goûté ; sans être abregé, il est con
cis. Les belles Lettres auxquelles nous sommes
principalement adonnés , ne nous permettent
pasd'entrer dans un détail circonstancié de ce
Livre. Nous nous contenterons d'annoncer les
differens Traités contenus dans cette Theologie
, sçavoir , de la Foy , de l'Unité de Dieu , de
laSainte Trinité , des Anges , des Péchés , de
l'Incarnation , des Actes humains , de la Grace ,
des Sacremens en général , des Sacremens en
particulier , du Sacrifice de la Messe.
On trouve chés le même Libraire les Livres
Ejusdem vaus,
NOMEMBRE. 1736. 2519
Ejusdem Theologia moralis , nova Editio , in-
12. 4. vol.
Compendiosa Institutiones Theologica , ad
usum Seminarii Pictaviensis , ultima Editio , in
12. 4. vol. de petit caractere.
Le même in-12. 5. vol.
Les Panegyriques des Martyrs , par S. Jean
Chrysostome , traduites du Grec , avec un Abregé
de la vie de ces mêmes Martyrs , in- 8 . Par le R.P.
DeBonrecueil de l'Oratoire.
Coummier général , ou Corps de Compilation
de tous les Commentateurs sur la Coûtume de
Poitou , avec les Conferences des autres Coûtumes,
Les Notes de Me Charles du Moulin et de Nouvelles
Observations. Par M. Boucheul , in- folio a
volumes.
Abregé Chronologique de l'Histoire de France ,
par M.le Comte de Boulainvilliers , in - 12. 30
volumes.
Abregé de l'Histoire des Plantes usuelles par
Chomel , in- 12 . 3. vol.
Oeuvres de Chirurgie traduites par M. Depaux
, Chirurgien , contenant un TraitédesMa
ladies qui arrivent aux Parties génitales des deux
sexes. De la nature , des causes , des symptômes ,
et de la curation des Maladies Vénériennes . De la
vertu des Médicamens . Des Maladies aiguës des
Enfans. Du Flux menstruel des Femmes , in-12.
5. volumes.
Le Parfait Notaire Apostolique et Procureur des
Officialités , parM. Brunet , Avocat , in. 4. 20
volumes.
Officina Latinitatis , seu Novum Dictionariu
Latino-Gallicum , nova Editio , in 8 .
CATA
2518 MERCURE DE FRANCE
j
CATALOGUE des Livres quele Sieur
Cavelier , Libraire , rue S. Jacques , a
nouvellement reçûs des Pays Eirangers.
Stephani ( Rob. ) Thesaurus Lingue Latine.
Editio nova , prioribus multò auctior et emendatior.
fol. 4. vol. Londini. 1734
Fabricii ( Jo. Alb.) Bibliotheca Latina , me
diæ et infimæ ætatis. Libri XV. s . vol. 8.Ham
burgi 1736.
Nota. L'on vend les volumes séparément.
Suvedenborgii ( Emm. ) Principia rerum na
turalium , sive novorum tentaminum Phænomenamundi
elementaris philosophice explicandi.
fol. 3. vol. cum figuris.
Funccii ( Jo. Nic. ) De origine et pueritia
Latinæ Linguæ accedit Spicilegium litterarium.
in- 4. Marburgi 1735 .
.......De imminenti Latina Linguæ senectute.
in- 4. Marburgi. 1736.
Stephani ( Hanr. ) De abusu Linguæ Græcæ ,
in quibusdam vocibus quos Latina usurpat.in-8.
Berolini. 1736.
Breitengeri ( Jo . )Artis cogitandi principia
admentem recentiorum Philosophorum, in-8.
Tiguri. 1736.
Grandcolas. Commentarius historicus in Romanum
Breviarium. in 4. Antuerpia. 1734.
Castel( Germ. ) Controversiæ Ecclesiasticohistoricæ
utiliter curiose , non compositæ , sed
dispositæ . in 4. Colonia . 1734 .
Mureti ( Aut. ) Opera. Orationes , Epistolæ ,
variæ Lectiones , Commentaria inAristotelem.
vol. in- 8. Verona. 1727.
Einem
NOVEMBRE. 1736. 2519
Einem ( Jo ) Animadversiones selectæ ad Jo.
Clerici scripta . in- 8 . Magdeburgi. 1735.
Mintert ( Petr. ) Lexicon Græco- Latinum in
N. J. C. Testamentum , in quo cujuslibet vocis
Etymol. datur , significationes variæ explicantur.
in- 4. Francofurti. 1728.
Eckart ( Georg. ) Commentarii de rebus
Franciæ Orientalis , et Ecclesiæ Wirceburg. fol.
2. vol. Vvirceburgi. 1729.
Vvolsii(Christ. ) Theologia naturalis methodo
scientificâ pertractata. in 4. Lipsia 1736 .
DeTerragosen Dissertationes VII. quibus de
situ ejus aliorum opiniones exhibentur , in-4.
Francofurti 1735.
Brucmanni ( Frid. ) Epistolæ itinerariæ de
Bibliothecis Undebonensibus , de Lapidibus , de
Polypo marino perrefacto , in-4. cum figuris.
Vvolfembutella. 1728.
Acta Eruditorum Lipsiensium ab anno 16820
ad 1735. inclusiv. Supplem. X. et IndicesV.
69. vol. in-4.
Nota. Chaque Volume se vend séparément.
Scriptores Rei rusticæ veteres Latini , quibus
aunc accedit Vegetius de Malo -Medicinæ , cum
Notis variorum , curante Gesnero. 2. vol. in-4.
cum figur. Lipsia. 1735.
Logique, ou Systême abregé deRéfléxions qui
peuvent contribuer à la netteté et à l'entendementde
nos connoissances. Par Crouzas. 2. vol.
in- 8 . Amsterdam. 1737 .
Menschenii ( Jo. ) Vitæ summorum dignitate
et eruditione virorum ex rarissimis monumentis
litterato orbi restitutæ. in 4. Coburgi 1735 .
Simson ( Rob. ) Sectionum conicarum Libri
V. in-4. cum figuris. Edimburgi 1735.
Miscellanea Observationes critica in Auctores
veteres
2520 MERCURE DE FRANCE
veteres et recentiores ab eruditis Britannis inchoate
, nunc in Belgio continuatæ , 7. vol. in
8. Amsterdam 1736.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Florence
le 15. Octobre 1736. contenant plusieurs
Nouvelles Litteraires.
On est fort occupé ici à donner le IVe Volu
me du Musaum Florentinum qui contiendra les
Médaillons , et on revoit avec un très-grand
soin les Epreuves des Planches pour les rendre
bien exactes. C'est le Docteur Gory qui est seul
chargé des explications depuis la mortdeBuonarotta
, qui a laissé ici un grand nom après
lui .
On donnera en même temps le Ve Volume ,
qui contiendra les Portraits des Peintres peints
pareux-mêmes.
M. Gory public un Ouvrage de Doni sur la
Musique des Anciens , qui est annoncé ainsi :
J. Bapt. Donii Patricii Florentini Lyra Barberina,
siveAmphicerdun, in quo Libro vetus Citharodia,
Lyraqueprasertim ac Citharaforma , usus , partes,
species , appellationes usurpantur. Opus nune primum
Editum. Accedunt ejusdem Donii , de prastantiâMusica
veteris, item Epistola clarorum virorum
ad Donium et Donii ad eosdem viros claros,
Adhuc sub pralo Opus , curanteAnt. Fr. Gorio
F.P.H. P. multisfiguris incisis areis Tabulis locupletatum
ex antiquis Monumentis qua Musica instrumenta
praferunt. in-fol .
Le même M. Gory travaille toûjours àsa
grandeCollection des Monumens Etrusques.
Le Travail du P. Politi sur l'Eustathe sur
Homere
NOVEMBRE. 1736. 2521
Homere , continuë . Le IVe Volume est sous
presse.
,
Je vous envoye deux Projets considerables
d'Ouvrages du Docteur Lami , avec qui j'ai fait
grande connoissance. Il a une extreme vivacité,
assés d'érudition et est grand Grec. On
fait encore plusde cas ici d'un Médecin nommé
Coqui , qui est fort versé dans les Belles Lettres .
Je ne l'ai encore vu qu'en passant. Il a publié à
Londres un Roman Grec d'un Xenophon , qui
n'étoit pas connu , intitulé Ephesiaca.
Le même Docteur Lami doit publier une Liste
Chronologique de Sçavans qui ont vécu jusqu'à
l'an 1500. in-8. Ce ne ddoit être qu'une simple
Table.
Je ne sçai si l'on connoît à Paris ce Livre- ci :
Sagge de Dissertazioni Accademiche publicamente
lette nella Nobile Accademia Etrusca dell' Antichissima
Citta di Cortona, Roma. 1735. in- 4.
Vous auriez grand plaisir de le voir avec le
goût que vous avez. Je pourai une autre fois
vous en parler plus au long. C'est un nouvel
•Etablissement. Il doitparoître un second Volume
de ces Dissertations .
Des deux Projets d'Ouvrages du Docteur
Lami , que nous avons reçus avec cette Lettres
le premier regarde une nouvelle Edition de toutes
les Jeuvres de Meursius . Nous n'en dirons
rien ici , parce que d'autres Journalistes ont déja
fait connoître cette Entreprise : mais nous nous
faisons un devoir de raporter dans son entier le
second Prospectus , qui concerne un ample Recueil
de Pieces Anecdotes , dignes de l'attention
de tous les Sçavans.
G PETRUS
2522 MERCURE DE FRANCE
PETRUS Cajet. Vivianius Typographus Viris
Litterarumet Eruditionis amantibus. S. D.
Quum eam , in qua temporibus hisce versa
mur, litterarum et eruditionis lucem illis præcipuè
debeamus , qui diligenti studio veterum
Scriptorum Commentationes , quæ diu situ
squallidæ , et cum blattis tincisque pugnantes ,
inBibliothecarum pluteis delituerant , colligentes
chalcographico opere descriptas ediderunt;
heinc visum est , quascumque doctorum hominum
lucubrationes , quæ ἀνέκδοτοι , hucusque
et pæne ignotæ jacuerunt , veluti sparsa Sybil
læ folia , colligere , et typis excusaiinnVViirroorruumm
eruditorum usum et commoditatem evulgare.
Hujus autem à me susceptæ Provinciæ notitiam
Viris litteratis, et eruditionis amantibus in antecessum
tradere operæ pretium esse existimavi , er
de editionis via ac ratione plane ac perspicuè
cos edocere. Universa igitur hæc collectio in
XXIV. plus minus, volumina , forma, ut vocant,
octava , distribuetur ; corumque quatuor anno
quolibet , optima charta , et egregiis characteribus
excudentur ; ita ut singulis trimestribus spa.
tiis singula volumina perfecta et absoluta in pu
blicum prodeant. Opuscula , quæ illis continebuntur
, cum diversi argumenti, ut Philosophiæ.
Theologiæ , Mathematicæ , Historiæ Ecclesiasticæ,
Profanæ et Naturalis , Antiquitatum eruditarum
, aliarumque id genus doctrinarum , tum
nonunius linguæ varietate voluptatem legentibus
afferent : nam et Græca in illis , et Latina, et
Italica , si qua suppetent , opera occurrent ; ex
quibus Græca non sine Latina interpretatione ,
emittentur. Nec tantum cordi erit , opuscula
eximia , et publica luce digna seligere , verum
etiam recensere , et castigare , et breves animadversiones
NOVEMBRE . 1736.2523 .
versiones,ubi opus fuerit,adscribere; quin et præs
fationes addam quibus et Scriptorum historiam
et Codicum MSS. præstantiam , et commentariorum
utilitatem ,et corum , qui Codices perhumaniter
commodaverunt , liberalitatem commemorare
fert animus. Quod quidem omne ut
præstare possem , usus sum peritia , et sedulitate
JO. LAMI , publici in Florentina Academia Ecclesiasticæ
Historiæ Professoris , et Riccardianæ
Bibliothecæ Præfecti , Viri alias ob lucubra
tiones ab eo publici juris factas , et ob iterande
operum celeberrimi Jo. MEURSI editionis curam
et ἐπιμέλειαν litterariæ Reipub. satis noti. Quum
vero laboris multum , et impensæ , in hoc opere
absolvendo mihi immineat , omnes bonarum artium
, et litterarum amantes Viros ad societatem
quamdam mecum ineundam invito utdum
mihi suppetias adveniunt , pretii minoris emolumentum
, et ἀντίδωρον , ipsi quoque à me referant.
Nam quum singula volumina quatuor
Juliis Romanis ceteris omnibus emptoribus
constituta sint , ii , qui nobiscum societatem
inierint , tres tantum Julios pro quolibet volumine
solvent ; ita tamen ut prima vice duplum
pretium primi voluminis tradant , ultimum tandem
volumen gratis habituri. Primum autem
volumen brevi me emissurum recipio .
Florentia Id. Jul. MDCCXXXVI .
,
Onavertit que le Sieur P. G. Destouches , mertra
au jour avant la fin de Decembre un Almanach
fort curieux et d'un grand secours , qui
comprend les années depuis 1700. jusqu'à 1799.
inclusivement. Il est d'environ 19. pouces de
haut sur 26. à 27. de large , dédié à M. Herault ,
Conseiller d'Etat , Lieutenant Général de Po-
Gij lice;
2524 MERCURE DE FRANCE
lice,gravéen Taille douce , dirigé en trois Tables
, au-dessous desquelles est le Calendrier ca
bon ordre , avec le lever et coucher du Soleil .
La premiere Table contient dabord les Cycles
des années Solaires avec leurs Lettres Dominicales
, pour trouver par le moyen de ces mêmes
Lettres répetées en tête de la Table , le Jour
par où doit commencer chaque Mois , en suivant
la ligne où se trouve le mois jusques sous
la Lettre Dominicale. Et si l'on ignore la date
dumois , sçachant par quel jour il a commencé,
ondescend au bas de cette Table où sont sept
petites Grilles timbrées des joursde la Semaines
et prenant celle dont le timbre estle premier
jour du mois on trouve ladate très-aisément.
1 Cette premiere vous renvoye à celle du milieu
, qui est la seconde , aux mêmes Lettres Do.
minicales,dans le carré desquelles on trouve absolument
l'année proposée, et en suivant la même
ligne , les Fêtes mobiles.
La troisième montre dabord les Cycles Lu
naires , et suivant la ligne où se rencontre l'année
proposée , on trouve le Nombre d'Or , les
Epactes et les nouvelles Lunes.
L'Auteur a fait son possible pour rendre cet
Almanach intelligible à toutes personnes ; il ne
faut que connoître les sept Lettres Dominicales
pour en faire usage : D'ailleurs il est fort utile
et propre àpouvoir orner un Cabinet.
On le trouvera à Paris chés le sieur Beaumont
, Graveur ordinaire de la Ville , ruë saint
Jacques , à saint Paul. Le prix sera de deux
livres.
L'AcadémieRoyaledesInscriptionsetBelles
Lettres
NOVEMBRE. 1736. 292
Lettres, reprit ses Exercices le Mardy 13. de ce
mois par une Assemblée publique , à laquello
M. le Cardinal de Polignac présida. La Séanse
fut ouverte par l'éloge de M. Quiqueran de
Beaujeu , Evêque de Castres , décedé au mois de
Juillet dernier , qui fut prononcé par M. de
Boze , Sécretaire perpetuel , et qui fut extrê
mement aplaudi.
M. Fourmont l'aîné parla ensuite sur les Sabisa
tes , ou Chrétiens de Saint Jean.
- Ce Discours fut suivi de la lecture que fit Ma
P'Abbé Sallier , d'une Dissertation sur l'antiquité
de l'usagedes signaux par le feu.
Et la Séance fut terminée par une autre Dis
sertation que lût M. l'Abbé Gedoyn , touchant
lapréferencedes Anciens sur les Modernes.
On avoit distribué dès le commencement un
Programme de l'Académie , dont M. le Sécre
taire fit la lecture , et dont voici la teneur
PRIX LITTERAIRE fondé dans
l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles-Lettres.
AcadémieRoyale desInscriptions et Belles-
LLettres, désirant que les Auteurs qui compo
sent pour le Prix , ayenttout le tems d'aprofondir
les matieres , et de travailler les sujets qu'elle leur
donne à traiter , a résolu de les publier beaucoup
plutôt , et elle annonce dès-à-présent que le sujet
qu'elle a arrêté pour le concours au Prix
qu'elle distribuera à Pâques 1738. consiste à
marquer quelles étoient les Loix de l'Isle de Crete,
si Lycurgue en fit usage dans celles qu'il donna à
Lacédémone, et quel raport il y a entre ces Loixi
Giij,
2526 MERCURE DE FRANCE
Le Prix sera toujours une Médaille d'Or , de
la valeur de quatre cent livres.
Toutes personnes , de quelque pays et condision
qu'elles soient , excepté celles qui composent
ladite Académie , seront admises à concourirpour
ce Prix , et leurs Ouvrages pouront être
écrits en François ou en Latin , à leur choix. II
faudra seulement les borner à une heure de lec
tureauplus. 1.
Les Auteurs mettront simplement une devise
àleurs Ouvrages ; mais , pour se faire connoître
, ils y joindront , dans un papier cacheté et
écrit de leur propre main, leurs noms, demeures
er qualités ; et ce papier ne sera ouvertqu'après
Fadjudication du Prix.
Les Piéces affranchies de tous ports seront remises
entre les mains du Sécretaire de l'Académie
, avant le premier Décembre 1737.
Le Mercredi 146 Novembre l'AcadémieRoyaledes
Sciences tint son Assemblée publique , à
laquelle présida M. le Marquis de Torci.
M. Cassini le fils, ouvrit la Séance par la lectured'un
Mémoire , dans lequel il rendit compte
du travail que lui et Mr Maraldi ont fait cette
année, pour continuer à décrire les Perpendiculaires
sur la Méridienne qui passe par l'Obser
toire Royal de Paris .
Mr Morand lût ensuite un Mémoire d'Anatomie
, dans lequel il explique , comment dans
les amputations , les arteres coupées se cicatrisent.
Mr Dufay lût après cela un Mémoire conte
nant beaucoup d'expériences nouvelles et curieuses
sur la Rosée .
M. Maraldi lut Pobservation qu'il a faite du
dernier passage de Mercure sur le Soleil. Mr
NOVEMBRE: 1736. 2527
Mr Jussieu finir la Séance par la lecture d'un
Mémoire sur la couleur de pourpre des Anciens.
On donnera des Extraits de ces Mémoires le
mois prochain.
OUVERTURE du College Royal.
L
Es Professeurs du College Royal de France,
fondé àParis par le Roy François 1. le Pere
et le Restaurateur des Lettres , reprirent leurs
Exercices , interrompus par les vacances ordinaires
, le Lundy 19. Novembre. Voici les noms
des Sçavans qui remplissent actuellement les
Chaires de ce fameux College, sous l'Inspection
deM.Lancelot , de l'Académie Royale des Inscriptionset
Belles Lettres , Censeur Royal .
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallieret Henry.
Pour la Langue Grecque.
Mrs Caperonnier et Vatry.
Pour les Mathématiques
Mrs Chevalier et Privat de Molieres.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres,
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollinet Souchay.
Pour la Médecine , la Chirurgie , la
Pharmacie et la Botanique.
Mrs Andry , Burette ,AstrucetDu Bois .
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete du Roy
Gin pour
2528 MERCURE DE FRANCE
pour les Langues Orientales ,et Fourmont.
Pourle Droit Canon.
Mrs Capon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque.
M. l'Abbé Fourmont.
Nous nous sommes chargés avec plaisir de
donner avis au Public curieux et intelligent ,
particulierement aux Antiquaires, que le Cabinet
de feu M. Lebret , Conseiller d'Etat , Premier
Président, Intendantde Justice et du Commerce,
et Commandant pour le Roy en Provence, a été
transporté à Paris , où il est actuellement à vendre.
Ce Cabinet contient de très belles et amples
Collections ou Suites de Médaillons et de
Médailles d'or , d'argent et de bronze , de toutes
les grandeurs , outre quantité d'Agathes , de
Pierres gravées, Bagues et autres rarctés précieuses
en ce genre.
Ceux qui auront dessein d'en faire l'acquisi
tion , pouront s'adresser à Mrs Lebret, héritiers,
chés M.Méliand,Conseiller d'Etat ordinaire, ruë
S. Louis au Marais , où ils trouveront tous les
éclaircissemens nécessaires. Les Etrangers avertis
par cette annonce , peuvent écrire à Paris , à
leurs Correspondans , pour prendre les mêmes
éclaircissemens.
CeCabinet est digne d'être mis en parallele
avec ceux qui contiennent les plus grandes et
les plus rares Collections dont on ait parlé depuis
long tems, soit pour la quantité des Pieces,
soit pour leur rareté, singularité et conservation.
Le nom de M. Lebret est assés connu , sur
tout dans la République des Lettres. On sçait
qu'il a employé plus de 30. années de soins et
de
NOVEMBRE. 1736. 2529
de peines pour rassembler toutes les Pieces rares
qui composent son Cabinet , et que sa connoissance
et songoût exquis les luiont toujours fait
rechercher avec beaucoup d'empressement.
Papillon ,Graveur en bois , de la Société des
Arts , demeurant au milieu du Pont S. Michel à
Paris, au Papillon,donne avis que le petit Almanach
de Paris pour l'année 1737.est augmenté de
plusieurs choses curieuses et qu'il se délivre
actuellement.
Le sieur le Bas , aussi facile qu'infatigable
et habile Graveur , vient de mettre au jour
les quatre Elemens , d'après quatre excellens
petits Tableaux en hauteur , de D. Teniers , du
Cabinet de la Comtesse de Verruë . La Terre est
désignée par des Paysans avec la bêche , &c.
l'Eau , par des Pêcheurs. Le Fen , par des Forgerons
; et l'Air , par un Chasseur à l'Oiseau.
Les fonds de Paysages sont admirables. Voici
les Vers qu'on lit au bas.
La Terre.
Quand la Terre nous donne et des fruits et des
fleurs ,
Elle me semble agir ainsi qu'une Maîtresse,
Qui pour faire présent de ses douces faveurs ,.
Veut qu'à la cultiver on travaille sans cesse..
L'Eau.
De dangereux filets ,de cruels hameçons ,
Jusqu'au milieu desMers poursuivent lesPoissons;,
Que ne diroient- ils point de cette violence ,
S'il leur étoit permis de rompre le silence ?
G L
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Feu.
Voici cet Elément dont la chaleur extrême
Peut amolir la pierre et les plus durs Métaux ;
Qui produit tantde biens,qui cause tant de maux;;
Et qui dévorant tout , se dévore lui-même.
L'Air.
Les aîlessont un don interdit aux Humains ;
Mais pour y supléer leur ruse est si subtile ,
Que l'Oiseau dans les Airs n'a point de sûr azile,,
Etne peut en volant se sauver de leursmains.
Ces quatre morceaux , qu'on vient de mettre
en vente , se débitent chés le sieur le Bas , ruë
de la Harpe , vis-à- vis la rue Percée.
Le mêmeAuteur a mis au jour enmême temps
une Estampe de sa composition , sous le titre de
Pierrot et sa progéniture. Ce petit Sujet est fort
ingénieusement traité..
Le sieur Charles - Nicolas Cochin, vient de graver
une très-belle Estampe d'après un Tableau
en largeur de M. J. Restout , où l'on voit un furieux
fracas et un feu admirable ; c'est la Destruction
du Palais d'Armide , après le Départ de
Renaud. L'Original de ce Tableau , de six pieds
de large , sur 4. de haut , est dans le Cabinet de
M. le Premier. L'Estampe qui vient de paroître
se vend ruë S. Jacques , chés Cochin , 1736 .
Le sieur Charles- Nicolas Cochin , le fils , a
fait paroître en même-temps une Estampe en
large , très heureusement gravée d'après un excellent
Tableaude M. C. Vanloo , de cinq pieds
de large , sur 4, de haut , du Cabinet de M. Sa..
valet
NOVEMBRE. 1736. 2537
Valet , 1736. Cette Estampe se vend au même
endroit.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres dans les Arts et dans les
Sciences , se continuë toujours avec beaucoup de
succès , chés Odieuvre , Marchand d'Estampes,
Quay de l'Ecole , vis- à-vis la Samaritaine. Il
vient de mettre en vente , et toujours de la mê
me grandeur :
JULIEN HAYNEUVE , Jésuite , né à Laval
en 1588. mort à Paris le 31, Janvier 1663 .
HIERONYMUS FRESCOBALDUS ,
Ferrariensis Organista Basilica S. Petri in Urbe
Roma , atatis sua 36. Dessiné et gravé par Cla
Mellan.
CHARLES - GASPARD -GUILLAUME
DE VINTIMILLE , des Comtes de Marseille
du Luc , Archevêque de Paris , dessiné par M.
Boissot, Peintre de l'Académie Royale , et gravé
par François Ravenet.
Dans le dernier Mercure, à l'article du Portrait
du Pere Savonarole , on a mis par méprise,
le nom du Marchand Odieuvre , pour le nom
duGraveur.
On écrit de Constantinople , que le 14. Août
dernier , à deux heures après midy , le Ciel se
couvrit de nuages épais , lesquels répandirentune
obscurité presque égale à celle de la nuit.
Peu de temps après il parut une Comete , dont
la queuë s'étendoit du côté de l'Occident , et qui
demeura environ 35. minutes sur l'horison .
L'obscurité se dissipa vers les 4.heures du soir et
fut suivie d'un broüillard d'une odeur sulfureuse,
lequel dura jusques à minuit
Gvj L'Aproa
2532 MERCURE DE FRANCE
L'Aprobation que les Médecins de la Faculté
de Paris ont donnée à un Remede de Mile de
Rezé , aujourd'hui Mad. de Lestrade, après avoir
vû la guérison des Dartres d'une Princesse qui
avoit employé quantité de Remedes , sans en
avoir reçû de soulagement , et une infinité de
personnes attaquées de la même maladie , qui
ont été guéries depuis , jusques dans les Pays les
plus éloignés , les Colonies et les Ports de Mer
étant tous remplis de Dartres , &c. M. Chicoyneau
, Conseiller d'Etat et Premier Médecin du
Roy , ayant vû la guérison d'un grand Prélat dos
Rougeurset Dartres qu'il avoit au visage depuis
plus de huit ans ,et ayant apris qu'elle traitoit
ces maladiesdepuis 40. ans avec succès et aplau
dissement , a bien voulu donner son Aprobation
à la bonté de ces Remedes , et la liberté de les débiter;
sçavoir, Eau contre les Dartres vives et farineuses
, boutons , rougeurs , taches de rousseurs
et autres Maladies de la peau ; et le Baume
blanc , en consistance de Pominade , qui ôte les
cavités et les rougeurs après la petite verole
les taches jaunes et le hâle , unit et blanchit le
teint , d'une maniere visible et naturelle. Lesdits
Remedes se gardent tant que l'on veut , et peuvent
se transporter par tout. Les Bouteilles de
cette Eau sont de 2. 3. 4. 6. liv. et au-dessus ,
selon la grandeur ; les Pois de Baume blanc , 3.
liv. 1o. sols , et les demi Pots 1. liv. 15. sols.
Mad. de l'Estrade demeure à Paris , rue de la
Comédie Françoise , entre un Mercier et un Grenetier
, au premier Apartement.
CHANSON
2533
Is.
※※
Curement pren travaillé
d'égards. Le récitatif en general fo
des Scenes très bien traitées, des Airs
bien faits et fort gais , des Choeurs ,
àcelui de la troisième Entrée , est extre
eudy
Fleu.
sonisé
2532
L'AP
de Pari
Rezé, a
vû la
avoit e
avoir t
person
ont été
plus él
étant to
neau ,
Roy ,
Rouge!
plus de
ces ma
dissemi
àlabo
biter; s
rineuse
seurs e
blanc ,
cavités
les tacl
teint ,
Remed
vent se
cetteE
selon 1
liv. 10
Mad.
Coméd
net
CHANSON
NOVEMBRE. 1736. 2533
CHANSON.
LE Dieu de la Tonne
Nous donne
Des Plaisirs ,
Que l'Amour assaisonne ,
Pour contenter nos désirs.
Aleurs voix soyons dociles;
Aimons , aimons toujours.
Sous leurs Loix , vivons tranquilles ;
Aimors, bûvons, nous aurons de beaux jours..
J. B. C ... d'Orleans.
***************
SPECTACLES.
L
ES GENIES , Balet , représenté le Jeudy
18. Octobre 1736. Le Poëme est de M. Fleu .
ry', et la Musique de Mlle Duval , jeune personne
qui a beaucoup de talens , comme il est aisé
de s'en convaincre par cet Ouvrage , qui est fort
varié et extrêmement bien travaillé àbeaucoup
d'égards. Le récitatif en general fort aplaudi ,
des Scenes très bien traitées, des Airs de Violon
bien faits et fort gais , des Choeurs ; sur tout
àcelui de la troisième Entrée , est extrêmement
goûté
2534 MERCURE DE FRANCE
goûté et fait grand plaisir par le dessein et par
Pexecution . Les sieurs Tribou et Chassé , et les
Diles Antier , Pelissier , Erremens , &c . y remplissent
les Caracteres qui leur conviennent et
sont fort aplaudis. Cette derniere est enCavalier
, et il n'y a rien àdésirer à son jeu .
Dans le Prologue , le Théatre représente und
Désert. Zoroastre s'annonce par ces Vers :
Il est temps que monArt instruise les Mortels;
Dans les secrets des Dieux ,le premierj'ai sçû lire;
Méritons comme eux des Autels ,
Et montrons mon pouvoir à tout ce qui respire.
Esprits soumis à mes commandemens ,
Venez remplir mon esperance ;
Rassemblez-vous des divers Elemens
Et signalez ma gloire et ma puissance.
Les Génies Elementaires obéïssent àla voix de
leur Maître , et se transportenten ces lieux, Zoroastre
leur prescrit de nouvelles loix par ces
Vers , qu'ils repetent en Choeur :
Que la Terre , le feu , que l'onde , que les Airs
Découvrent les trésors que mon Art fait éclore ,
Dispersez vous du Couchant à l'Aurore ;:
De vos bienfaits remplissez l'Univers
L'Amour, dont les droits s'étendent sur toute
låNature , descend des Cieux , suivi des plaisirs
et des jeux qui volent par tout sur ses traces ; les
Peuples Elémentaires se soumettent à sa douce
puissance,et finissent le Prologue par ces Vers :
Du
NOVEMBRE. 1736. 2535
Dudoux bruitde nos Chants , que ces lieux re-
* tentissent ,
LesAmourset lesJeux pour nos plaisirs s'unissent;
Aimons , goutons mille douceurss
:
L
L'Amour les promet à nos coeurs.
Dans la premiere Entrée qui a pour titre les
Nymphes , ou l'Amour Indiscret , le Théatre représente
un agréable Jardin sur le bord de la
Mer. Léandre ouvre la Scene ; il fait connoître à
Zerbin , son Valet , qu'il brule d'un nouveau feu
et qu'il n'en fait point mystere ; Zerbin , plussage
que lui , ne cesse de lui reprocher son in
discrétion , et lui parle ainsi :
Ah ! si l'Amour comble vos voeux,
Ne le faites jamais paroître ;
Un coeur dans l'Empire amoureux ,
Devroit , pour être plus heureux ,
Douter toujours de l'être.
Léandre , qui ne peut démentir son caractere,.
lui répond:
Lesplaisirs dont l'Amour sçait enchanter les sensy
Satisfont les désirs d'un Amant qui soupire ;
Pour moi , libre du soin de ces tendres Amans ,
Non , non , je ne les ressens ,
Qu'autant que je puis les redire.
Zerbin lui demande s'il vient attendre Lucile
dans ce Jardin ; il lui répond qu'il est épris dess
charmes de la Souveraine des Nymphes , don
2536 MERCURE DE FRANCE
il fait le portrait : il seretire à l'aproche de Lu
cile , laquelle aprend de Zerbin que Leandre lui
manque de foi ; il lui conseille de feindre une
inconstance pour le ramener à ses pieds. Lucile
aime trop constamment , pour se prêter au conseil
que Zerbin lui donne ; Leandre revient au
même endroit pour y attendre sa nouvelle conquête;
Lucile va se cacher , pour éclaircir les
soupçons que Zerbin vient de lui donner .
Après un court Monologue , par lequel Lean
dre invite sa nouvelle Maîtresse à venir auprès
de lui , l'objet de son amour , qui est la principale
Nymphe , sort du sein des flots ; ils se
jurent tous deux un amour qui ne doit jamais
finir , la Suite de la Nymphe célebre un amour
si parfait en apparence ; Lucile vient troubler
cette fêre ; elle accable Leandre de reproches ,
et lui défend de se présenter jamais à ses yeux ;
Leandre veut courir après elle , pour regagner
son coeur ; la principale Nymphe l'arrête en
vain; il ne veut perdre aucune de ses conquêtes
; sa derniere Maîtresse , pour venger cet ou
trage , ordonne aux Vents et aux Flots de servir
sa fureur : Cette premiere Entrée finit par
une' inondation génerale.
>
La seconde Entrée est intitulée les Gnomes ,
ou l'Amour Ambitieux ; le Theatre représente
une Solitude bornée par un Bosquet. Zaire ,
qui est l'Amante Ambitieuse , commence cette
Entrée par le récit d'un songe qu'elle a fait;
le voici :
Quel spectacle àmes yeux s'est-offert cette nuit !
Jamais rien de si beau n'avoit frapé mon ame ;
Malgré l'éclat du jour , cette image me suit.
Adolphe ... J'ai cru voir cet objet de ma flamme
Sur
NOVEMBRE. 1736. 2537
Sur un Trône , entouré d'une pompeuse Cour :
Tout trembloit devant lui dans un humble es
clavage ;
Je me trouvois moi-même en ce charmant séjour
Et lorsque tous les coeurs venoient lui rendre
hommage',
Je joüissois de l'avantage
De le voir à mes pieds , les offrir à l'Amour.
UnGnome , sous le nom d'Adolphe , vient se
présenter aux yeux de Zaire ; cette Amante
Ambitieuse le trouve moins aimable qu'elle ne
l'a vû en songe ; après quelques plaintes de part
et d'autre , Adolphe rassure Zaïre , et la met au
comble de ses voeux , en faisant paroître tout à
coup unsuperbe Palais ; il y joint une Fête , où
une troupe de Gnomes sous la forme de divers
Peuples Orientaux , se signalent par leurs
chants et par leurs danses; Zaïre est enchantée
de tout ce qu'elle voit : pour achever de remplir
son ambition , Adolphe la fait reconnoître Souveraine
des Gnomes; l'Entrée finit par ce choeur
adressé à l'Amante Ambitieuse :
,
Regnez dans nos Climats ; joüissez de la gloire
De faire triompher l'Amour ;
Vos yeux à chaque instant augmentent sa vic
toire ;
Qu'il vous enchaîne à votre tour.
Le titre de la troisième Entrée , c'est les Sala
mandres , ou l'Amour violent ; le Theatre repré
sente le Palais de Numapire , Souverain des Gé
nies du feu . Cette Entrée n'a pas été entenduë de
tous
2538 MERCURE DE FRANCE
tous les Spectateurs ; une ressemblance de traits
qu'on doit suposer , y a jetté de l'obscurité ; d'ail.
leurs ceux qui s'y sont prêtés auroient voulu ,
que celle qui a emprunté les traits de sa Rivale ,
nie l'eût fait que pour se venger de son infidele
Amant et non pour immoler cette Rivale ,
d'autant que cette transformation ne lui étoit
point du tout nécessaire pour exécuter son premier
projet. Voilà ce que les personnes intelligentes
ont reconnu de plus défectueux.
,
Ismenide ouvre la Scene en se plaignant de
Numapire , qui la ravit tyranniquement à un
Amant, qui fait son unique bonheur. Pircaride ,
sous les traits d'Ismenide , paroît sur un char de
feu , un poignard à la main , avant que d'immoler
sa Rivale , elle lui parleainsi :
Pour immoler une victime ,
Le désespoir me conduit en ces Lieux ;
Tu me vois sous ta propre image ,
Mais c'est pour mieux servir ma rage.
On ne comprend pas comment cette ressem
blance avec une Rivale à qui s'adressent ces qua--
tre premiers Vers , peut mieux servir la rage de
Pircaride.
Ismenide , sans faire aucune réflexion sur une
ressemblance si inutile , se justifie envers sa Rivale
, en lui aprenant qu'elle aime Idas , et que
c'est malgré elle qu'elle est aimée de Numapire ;
Pircaride est désarmée par cet avcu , et tourne
tous ses projets de vengeance contre Numapire.
C'est à cette occasion qu'on auroit voulu qu'elle
eut pris la ressemblance de sa Rivale ; les Spectateurs
l'auroient plus facilement comprise , et
P'utilité auroit redoublé leur attention. Pircaride.
Tassure Ismenide par ces vers Ne
NOVEMBRE. 1736. 2539
Ne craignez rien ; je vais vous rendre à votre
Amant ,
Et , s'il se peut , par mon déguisement
Tromper l'Ingrat qui sçait me plaire.
Ismenide , par l'ordre de Pircaride , est enle
vée par des Génies ; cette Souveraine des Salamandres
la prend sous sa protection aussi bien
que son Amant, avec qui elle entreprend de l'unir
pour se venger de Numapire ; cet Amant
infidele la voyant sous les traits d'Ismenide , l'assure
d'une amour éternelle , elle lui fait les mêmes
protestations ; elle porte la dissimulation
assés loin , pour laisser célebrer , sans éclater ,
toute la fête qui suit cette Scene. Les Sujets de
Numapire celebrent cette fête , laquelle étant finie
, Pircaride cesse de feindre ; elle réparoît sous
ses propres traits sur un char de fen ; elle annon
ee àson Infidele que cette Ismenide , dont elle
avoit pris la ressemblance , va épouser Idas sor
Rival; et pour lui faire voir qu'elle ne le craint
point , elle lui dit :
*
Ici , je brave ta vengeances
Mon Pouvoir égale le tien.
Numapire se livre à sa fureur ; et par-là , cette
troisiéme Entrée finit comme la premiere ; d'un
côté c'est une inondation , de l'autre un incendie.
Cette ressemblance de dénoiement a été
censurée des Connoisseurs , qui aiment la varieté
dans leDramatique; cela n'a pas empêché qu'on
n'ait extrêmement aplaudi le dernier choeur , ou
Mile Duval a fait connoître qu'elle est capable
des plus grands coups de Maître , quoique ce
Balet ne soitque son coup d'essay.
Le
2540 MERCURE DE FRANCE
Les Sylphes , ou l'Amour leger , sont le sujetde
Ja derniere Entrée. En voici un court extrait. Le
Theatre représente un lieu préparé pour y don
ner une fête galante. Un' Sylphe , ou le Souve
rain des Sylphes fait entendre qu'il a pris un.
nouvel amour pour une Belle , qui n'a fait que
paroître à ses yeux ; en attendant qu'il puisse
la revoir , il s'entretient avec une Sylphide aussi
volage que lui'; cette Seene a fait beaucoup de
plaisir par sa légereté.
,
Florise , qui est la Beauté dont le Roy des
Sylphes est devenu amoureux paroit travestie
en Cavalier , un masque à la main , et fait connoître
son projet par ces Vers :
C'est ici que l'Amourva m'offrir des hommages
Qui vont faire briller le pouvoir de ses traits;
Sous ce déguisement redouble mes attraits ,
Amour , je viens ici tromper deux coeurs volages .
La Sylphide volage rend son premier hommage
à Florise qu'elle prendpour un Cavalier ;
elle lui jure de lui être fidelle, malgré son in
constance naturelle.
Le Sylphe se plaint de l'absence de l'objet
qu'il adore; Florise,dont le masque lui dérobe ses
traits , lui demande quel est l'objet de son amour;
le Sylphe lui répondqu'il n'a vu cette belle Sylphide
qu'un instant ; je la connois , lui dit Florise;
cette jeune Beauté n'a point de goût pour
des Amans fideles ; le Sylphe lui fait entendre
qu'il est fidele et volage , comme il lui plaît ,
pour s'accommoder àl'humeur des Belles ; Florise
acheve de le déconcerter , en lui disant que
L'Amant de sa nouvelle Maîtresse est en ces lieux,
elle se démasque , et donne lamain à Dorante
qu'elle
NOVEMBRE . 1736. 2541
qu'elle démêle parmi les Danseurs , elle avoue au
Sylphe et à la Sylphide qu'elle les a trompés
tous deux , et les invite à devenir fideles , s'ils
veulent être parfaitement heureux. La fête de
cette derniere Entrée est un Bal , dont la danse
est aussi bien dessinée qu'elle est exécutée..
Le 4. Novembre on donna la neuvième et
derniere Représentation de ce Balet , et on reprit
celui de L'Europe Galante , qu'on ne se lasse pas
de voir , et qui fait toujours le même plaisir.
Le 13. la Dlle Petitpas , qui a été quelque temps
absente du Theatre , y reparut dans le rôle de
la Sultane Favorite , qu'elle joua parfaitement:
elle fut très-bien reçue du Public .
,
Le 11. Fête de S. Martin , on denna lepremier
Bal public qu'on donne tous les ans à pareil
jour sur le Theatre de l'Opera etqu'on
continuë pendant differens jours jusqu'à l'Avent.
On le reprend ordinairement à la Fête des Rois
jusqu'au Carême.
Le 21. l'Académie Royale remit au Theatre
la Tragédie de Medée et Jason , dont le Poëme
est de M. de la Roque , et la Musique de feu M.
Salomon , ordinaire de la Musique du Roy.
Cette Piece , qui est très-bien exécutée , et trèsfavorablement
reçûë du Public , avoit été donnée
dans sa nouveauté au mois d'Avril 1713. et
reprise dans le même mois de 1727. Nous en
avons donné un Extrait au mois de Juin de la
même année , page 1193. auquel nous renvoyons.
Au reste cet Opera est fort bien remis
au Theatre ; le plaisir que font les Représentations
généralement aplaudies , est égal à l'em-
"pressement
2542 MERCURE DE FRANCE
pressement que le Public a témoigné de le revoir:
lesRôles ensont très-bien remplis et exécutés
dans la grande perfection. Au Prologue ,
ceux de l'Europe , de Melpomene , et d'Apollorz
sont joüés par les Diles Erremens , Julie , et le
Sr Person; et dans la Piece , ceux de Medée et
de Creuse par les Dlles Antier et Pelissier ; et
ceux de Créon at de Jason par les Sieurs Chassé
et Tribou. Les Divertissemens et les Balets
composés par le Sr Blondi , sont aussi bien
dessinés que variés , et très-bien exécutés par les
meilleurs Sujets de l'Académie ; les Diles Sallé ,
Mariette et le Breton, les Sieurs Dumoulins ,
Dupré et Maltaires s'y distinguent. La Dile Fel
chante divers petits Airs détachés, Cantatilles er
Arrietes avec un art et un gout exquis , surtout
un Air Italien qui est universellement aplaudi.
Sur la Gigue du cinquième Acte de l'Opera
deMedée.
PARODIE.
DUPapillon mon Rival est l'image ;
Crois-tu fixer un Amant si volage a
Du Papillon , &c.
Il va de coeur en coeur.
Il paroît tendre,
Pour te surprendre.
Mais Quoi ? Dois-tu te rendre ?
Non; ce n'est qu'un trompeur.
N'aime plus ce Berger ;
Il t'aprend à changer :
N'oses-tu te venger
Rien
NOVEMBRE. 1736. 254
Rien n'est si doux.
Recompense
Ma constance , { bis.
Aime-moi tant qu'il en soit jaloux.
Le nouvel Acteur qui a paru sur le Theatre Ita
lien , et dont on a déja parlé , a joüé depuis le
même Rôle d'Arlequin dans d'autres Pieces avec
aplaudissement. Il fit un Compliment le jour de
sondébut qui parut fort ingénieux , dans lequel
il répondit pour le Public et pour lui aux objec
tions qu'on pouroit lui faire , et s'exprima en
ces termes.
Mrs , vous ne devez pas douter que je n'aye
grandepeur ;vous sçavez de reste les raisons qui
me la causent , elles ne sont que trop bien fondées ,
et si je n'en trouve d'autres pour m'encourager ,
vous ne verrez en moi qu'un Acteur craintif,et
par consequent très - ennuyeux ; cela ne vaudroit
pas le Diable.
Je débute aujourd'hui dans un Caractere où l'on
va mejuger par comparaison ; si cela est , ce n'est
pas la peine que je commence. En effet , Mrs , se
vous ne mettez à part lajuste prévention où vous
êtespour un Acteur qui a mérité et qui mérite tous
Les jours vos aplaudissemens par des graces toujours
nouvelles et un service de vingt années , que
vais-je devenir ?
,
Voici commeje voudrois que l'affaire s'accom
modât. Plus l'Acteur ( dont j'ai l'honneur de vous
parler) a de talens , de graces , de gentillesses , et
enfin tout ce qu'on rechercheroit en vain dans un
autre , plus il est difficile de lui ressembler ; ainsi
pour peu qu'un autre ne soit pas abſolument mauvais
, j'ose dire que vous ne devez pas le rebuter.
Mais
1344 MERCURE DE FRANCE
4
..
que
Mais , dira quelqu'un de mauvaise humeur , j'ai
bien affaire, moi,d'une pareille disparate) ... pourquoi
joüez-vous le Rôle d'Arlequin ? Ah ! Mrs ,
un peu d'indulgence , je ne le joue que pour l'aprendre
sous un si grand Maître . Jeneveux
point être la dupe de votre aprentissage .....
Eh ! Ne l'êtes- vous pas tous les jours de la plupart
des Débutans ? ... Pourquoi n'aurois-je pas le
même avantage que les autres f ... Cela est different
; on ne doit joüer l'Arlequin , lorsqu'on
est bien sûr de plaire et de faire rire ....
Eh bien ! Mrs , je vous promets de vous faire rive
dans une douzaine d'années. Songez s'il vous
plaît qu'on n'acquiert ce talent qu'avec l'exercice.
Encouragez-moi , s'il vous plaît , Bon, si
je vous encourage , vous prendrez mes aplaudissemens
au pied de la lettre , et vous croirez les
mériter. Non , Mrs , je vous promets de ne devenir
insolent , que lorsque je serai bien sûr de mon
fait. Eh bien ! Voyons donc ce que vous
sçavez faire.
...
...
La Comédie nouvelle de l'Enfant Prodigue au
Théatre François , se soutient toujours avec le
même succès et un fort grand concours. Cependant
elle n'a point encore de Pere déclaré ,
aucun des Poëtes à qui on la donne n'a voulu
P'accepter . L'Auteur du Pour et Contre ne veut
point reconnoître cette Piece pour l'ouvrage d'un
célebre Poëte , à qui une infinité de gens l'attribuënt
; je la crois , dit- il , de quelquejeuneAuteur
qui ne sera peut-être quelque jour inferieur à personne
; mais qui nejoint point encore à ses grands
talens l'art des Caracteres , et une connoissance
suffisante du Theatre. Nous instruirons le Public
de ce mystere quand il sera éclairci , et nous ne
manquerons
NOVEMBRE. 1736. 2545
manquerons pas de donner un Extrait de la Piéce,
dont la 21me Représentation fut encore fort
aplaudie le Jeudi 29. de ce mois.
:
Le 24 Septembre , la Reine étant allée au
Château de Meudon , le Roy de Pologne lui
< donna le divertissement de plusieurs Scenes exécutées
par la Troupe de l'Opera Comique , qui
représenta leMagazin des Modernes , et l'Impromptu
du Pont Neuf , Piéces en Vaudevilles ,
ornées de chants et de danses de la composition
de M. P. Cette derniere Piéce avoit été composée
erjoüée sur le Theatre de la Foire S. Laurent
au mois de Septembre 1729. àl'occasion de la
naissance de Monseigneur le Dauphin. Elle a fait
aujourd'hui le même plaisir qu'elle fit dans sa
nouveauté. Ces deux Piéces furent précedées d'un
Prologue du même Auteur , dialogué entre l'Europe
et la Paix.
:
L'Europe. Air , Pourla Baronne.
Est-il possible .
Que l'on vous rende à nos souhaits ?
Qu'à ce bonheur je suis sensible !
Je vous revois , aimable Paix
Est- il possible ?
La Paix.
,
Oüi , charmante Europe , c'est moi , c'est
cette Paix sidesirée , qui viens fermer le Temple
de Janus , et réparer les maux que mon absence
vous a causés.
H L'Europe.
2546 MERCURE DE FRANCE
L'Europe. Air. Pourquoi vous en
prendre à moi.
Pourquoi m'abandonniez- vous , Déesse,
Pourquoi m'abandonniez- vous ?
Tout meurt , lorsque la Paix cesse ,
Sans vous nous languissions tous.
Pourquoi m'abandonniez -vous ? &c.
La Paix .
Je ne vous quitteroisjamais , s'ilm'étoit per
mis de suivre mon penchant ; mais leDestin ma
soumise aux loix de la Politique ; il faut que je
lui obeisse. Au surplus deux ou trois ans d'ab
sence ne serviront qu'à me rendre plus agréable
à vos Peuples.
L'Europe.
Cela est vrai , et j'en juge par l'empressement
que l'on a de vous revoir ; quelle moisson de
gloire vous allez recücillir ! Air de Joconde
A vos genoux Bellone et Mars
Ont déposé leurs armes ,
Mille concerts de toutes parts
Vont succeder aux larmes ;
Le salpetre , dont les effets
Ont causé tant d'allarmes ,
Ne servira plus désormais
Qu'à célébrer vos charmes.
La Paix.
Cesmarques éclatantes de votrezele recevront
leur
NOVEMBRE. 1736. 2547
leur prix, Après avoir concilié les Peuples,sça
vez vous quel dessein j'ai conçu ?
L'Europe.
Je vous prie de m'en faire part.
La Paix. Air. On n'aime plus dans
nos forêts.
Mon Projet est de rétablir
Par tout une heureuse harmonie,
Je prétends , pour y parvenir ,
Qu'ici tout se réconcilie ,
Et que les plus grands ennemis
Par mes soins deviennent amis.
L'Europe.
Vous réconcilierez donc les Médecins avec les
Empiriques.
La Paix.
Ces sortes de querelles ne m'interessent pas
assés. Voyez mon idée. Il y a longtems que le
Commerce est broüillé avec la Bonne Foi ; la
Rime avec la Raison ; l'Opera avec le Bon Sens ;
le Sçavoir avec la Fortune , les Gascons avec la
Modestic ; les Normands avec la Vérité :
Eh bien !
L'Europe.
La Paix.
Je vais tâcher de les remettre ensemble au
jourd'hui.
L'Europe.
Voilà un ouvrage digne de vous , mais dans
grand nombre d'Ennemis que vous venez de
Hij citer
2548 MERCURE DE FRANCE
citer , je m'étonne que vous n'ayez point compris
deux freres qui s'en veulent mortellement.
Air , Du Bois de Boulogne .
Si vous pouviez faire leur paix ,
On vous béniroit à jamais ,
Pour vous ce seroit un chef- d'oeuvre
Et la fin couronneroit l'oeuvre,
La Paix .
Qui sont ces deux freres ?
L'Europe.
,
L'Hymen et l'Amour, je ne sçai point d'union
plus nécessaire au bien public.
La Paix.
Allez , allez , l'affaire en est faite. Air : Je ne
veux plus troubler votre ignorance.
J'ai rétabli chés eux l'intelligence ,
Et leurs débats pour jamais sont finis ,
Au même endroit ils font leur résidence ;
Je n'ai point vû de freres plus unis.
:
L'Europe.
Où demeurent- ils , s'il vous plaît e
La Paix.
A quatre lieuës de Paris .
:.
Dans un Palais délicieux ,
Séjour de deux Epoux illustres ,
Depuis près de deux lustres
Ils habitent tous deux.
C'estNOVEMBRE.
1736. 2549
C'est-là que la grandeur , l'éclat et la richesse ,
Bien loin d'altérer la sagesse
Dans son jour le plus beau, la font apercevoir ,
C'est dans ce lieu que l'on peut voir
Ce qui doit à toute la France
Servir d'exemple et de miroir ;
La Jeunesse avec la Constance ,
Le Plaisir avec le Devoir ,
Et par une heureuse alliance ,
La Justice s'unir au suprême pouvoir.
L'Europe.
Je connois les personnes augustes dont vous
parlez. Air , la Ceinture :
Tous les coeurs qu'ils sçavent charmer,
Suivent leurs loix sans se contraindre ;
Leurs Vertus les font plus aimer
Que leur pouvoir ne les fait craindre.
La Paix.
J'entends du bruit.
L'Europe .
Ce sont mes Peuples qui viennent célébres
votre retour .
La Paix.
Prenons part à leur Fête ; quand elle sera finie
, nous nous unirons vous et moi pour l'execution
du projet que je viens de vous communiquer.
Ce petit Prologue fut suivi d'un Divertisse-
Hiij ment
2550 MERCURE DE FRANCE
ment et d'un Vaudeville , dont les paroles sont
du même Auteur, mises en Musique par M. Gilliers
; en voici quelques Couplets On en trouyera
l'Air noté avec laChanson , page 2533-
Premier Couplet , chanté par la Paix.
Paris va revoir dans ses murs
Les Plaisirs , mes Enfans aimables
La bonne foi les rendra purs ,
Le repos les rendra durables ;
Et bon , bon , vous aurez encor
Des momens agréables ;
Et bon , bon , vous verrez encor
Les beaux jours de l'âge d'or.
On ne verra plus désormais ,
Entre Amis de compliment fade
On préferera les effets ,
A tous ces discours de parade ;
Et bon , bon , nous verrons encor
Quelqu'Oreste et Pylade ,
Et bon , bon , nous verrons encor
L'amitié de l'âge d'or .
Ies Amans par leur vive ardeur ,
Seront dignes de récompense ;
Ils auront , malgré leur bonheur ,
Du secret et de la Constance
Er
NOVEMBRE. 1736. 2558
Et bon , bon , nous verrons encor
Des Amadis en France ;
Et bon , bon , nous verrons encor
Des Amans de l'âge d'or.
De sa méprisante froideur ,
L'Epoux connoîtra l'injustice ;
Chés lui complaisance et douceur
Prendront la place du caprice.
Et bon , bon , nous verrons encor
Le siecle d'Euridice ,
Et bon , bon , nous verrons encor
Des Maris de l'âge d'or.
Moins par devoir que par plaisir ,
Une Epouse sera soumise ;
Son coeur jusqu'au dernier soupir
Sçaura garder la foi promise.
Et bon , bon , nous verrons encor
La vertu d'Artemise ;
Et bon , bon , nous verrons encor
Des femmes de l'âge d'or .
La Reine , qui parut très-satisfaite de ce Dia
vertissement, eut la bonté d'accorder à la Trous
pe une prolongation de huit jours pour la coninuation
de la Foire.
La Dlle le Févre , Eleve de la Dlle Sallé , s'est
Hiij forg
2552 MERCURE DE FRANCE
fort distinguée dans la danse , ainsi que la Díle
Grognet, la Dile Angélique , et le sieur Tabary,
dans une Entrée Allemande.
Le 8. Octobre jour de la clôture de la Foire,
on représenta l'Amant Maître de Musique, et le
Magasin des Modernes. Ces deux Pieces furent
suivies d'un nouveau Ballet pantomime , intitulé ,
l'Amour et l'Innocence , de la composition de
M. de Verriere ; il fut aussi bien executé , qu'il
fut géneralement aplaudi. On fit ensuite le Compliment
qu'on fait d'ordinaire à la fin de la Foire,
par des Vaudevilles , chantés par chacun des
Acteurs.
AAAAAAAAAA گننا
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE .
N a apris , selon les Lettres de Constanti.
,
retiré de l'interieur de la Crimée , et qu'il étoit
retourné ve s Orkapy où il avoit séparé son
Armée en deux corps , et le Capitan-Pacha a
dépêché depuis peu Mustapha Bey , son petitfils
, au Grand Seigneur , pour lui donner avis
que les Moscovites avoient entierement- abandonné
la Crimée. Cette nouvelle a répandu à
Constantinople une grande joye , et l'on a fait
à cette occasion , par ordre du Grand Seigneur ,"
une salve génerale de l'Artillerie du Serrail , de
Top-Hana , de l'Arsenal , de la Tour de Léandre
et des quatre Châteaux situés sur le Canal de
laMer Noire.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2553
Le 28. Août le G. S. donna une Audience pablique
à Baki-Kan , lequel après avoir reglé à
Erzerum avec Gentch-Aly- Pacha , les principales
conditions de la Paix entre les Turcs et les
Persans , est arrivé à Constantinople , avec caractere
d'Ambassadeur Extraordinaire du Roy de
Perse.
Le 12. Septembre S. H. reçut avis que le
Sultan Islam-Ghiray , Séraskier des Tartares de
Budziac , étoit arrivé dans l'Ukraine , et s'étoit
avancé jusqu'aux environs de Czehrin ; qu'il
avoir ravagé presqu'entierement cette Province,
d'où il avoit emmené près de 30000. Esclaves :
et qu'en retournant dans son Pays , il avoit défait
un Corps de sooo. Moscovites et enlevé un
Convoy de 400. Chariots, que ces Troupes conduisoient
à l'Armée du Comte de Munich .
Les . Septembre , le Kaimacan déclara que le
G. S. mécontent de la conduite que le Kan des
Tartares avoit tenuë depuis qu'il étoit en guerre
avec les Moscovites , avoit jugé à propos de le
déposer , et de lui donner le SultanKalga pour
successeur.
RUSSIE.
Ulifa-Mirza - Caffa , Ambassadeur de Perse,
Kcontinuë d'assurer que si la Czarine n'a
pas été apellée comme Partie contractante à la
conclusion du Traité entre les Turcs et les Persans
, Thamas Kouli-Kan a fait du moins en
sorte , non seulement qu'il n'y fût rien stipulé
de contraire aux interêts de la Moscovie , mais
encore que S. M.Cz. conservât la tranquille possession
du Daghestan et des Provinces voisines.
Il ajoute qu'outre les assurances données plu-
Hv sieurs
2554 MERCURE DEFRANCE
sieurs fois par Thamas Kouli-Kan , lesquelles
sont des cautions suffisantes de la conduite qu'il
a tenuë à cet égard , la nécessité dans laquelle
étoit ce Prince de tenir sa promesse , répond de
la fidélité qu'il a euë à remplir ses engagemens,
que si les Provincespossedées par les Moscovites
du côté de la Perse , passoient sous la domination
des Turcs, le commerce des Persans avec la
Moscovie seroit bien - tôt entierement ruiné ; que
d'ailleurs Thamas Kouli- Kan a interêt de ne
point souffrir qu'on ôte à la Perse la communication
avec la Moscovie,et qu'il lui importe d'être
toujours à portée d'en recevoir des secours ,
tant pour se défendre des Ennemis du dehors
que pour soumettre ceux des Persans qui refusent
de se soumettre à son autorité.
Le Grand Seigneur étant convenu d'une sus
pension d'armes avec la Czarine , le Comte de
Munich a reçû ordre de distribuer des quartiers
d'hyver aux Troupes qu'il commande , et de
revenir ensuite à Pétersbourg .
Ce Général a mandé à S. M. Cz . qu'une par
tie de l'Armée Otthomane avoit pris des quartiers
de l'autre côté du Danube ; que le Grand
Visir ayant passé ce Fleuve avec l'autre partie de
ses Troupes , il marchoit vers Bender pour aller
joindre l'Armée des Tartares , laquelle étoit arrivée
sous le Canon de cette Place, qu'après avoir
déliberé avec le Kan de Crimée sur les entreprises
que les Turcs et les Tartares pouroient former
dans la campagne prochaine,si la Paix n'étoit pas
concluë avant le Printemps,il feroit entrer le reste
des Troupes Othomanes en quartier dans les
Provinces voisines du Dnieper , et qu'il iroit ensuite
passer l'hyver à Isalicza.
Quoiqu'on travaille avec toute la diligence possible
NOVEMBRE . 1735. 2555
sible aux préparatifs nécessaires pour une seconde
campagne , on ne doute pas que la Paix ne
soit bien- tôt conclue , et l'on croit qu'elle le
seroit déja , si le G. S. avoit voulu consentir de
céder Asoph à la Czarine , et de lui rendre une
partie du Pays que les Moscovites ont été obligésd'abandonner
au G. S. par le Traité de Pruth.
Donduck-Ombro , Kan des Tartares Calmouques
, qui sont sous la protection de la Czarine ,
a dépêché un de ses principaux Officiers à S. M.
Cz. pour l'informer que le 19. du mois dernier
il se mettroit en marche pour attaquer les Tartares
du Cuban , et qu'il devoit être joint sur la
route par un Corps considérable de Tartares du
Cubardin. La Czarine a renvoyé cet Officier avec
des présens considérables pour le Prince son
Maître , et l'on assure qu'elle a mandé à Donduck
- Ombro , que le Grand Seigneur étant
convenu avec elle d'une suspension d'armes , les
circonstances présentes exigeoient qu'on ne
commît aucun acte d'hostilité contre des Peu
ples Tributaires de Sa Hautesse.
Il arriva le 1s . Octobre un Courier , par lequel
le Général Lasci donna avis à S. M. Cz.
qu'un Corps de Cosaques qu'il avoit détaché le
26. du mois de Septembre , pour empêcher les
Tartarés de Crimée de faire des courses du côté
d'Irzum , en ayant rencontré environ 200. entre
les Rivieres de Conskiewodi et de Molocznywodi
, les avoit envelopés et les avoit presque tous
tués ou faits prisonniers ; que sur la nouvelle de
la marche de 600. autres Tartares qui s'étoient
avancés sur les Frontieres de l'Ukraine Mosco
vite, le même Corps étoit allé les artaquer'; qu'il
les avoit surpris avant qu'ils pussent se mettre en
défense , que près de 300. Tartares avoient été
Hvj taillés
2556 MERCURE DE FRANCE
taillés en pieces ; qu'on en avoit pris so du nombre
desquels étoient trois Turcs , et que le reste
avoit été mis en fuite.
SUEDE.
Lettres de Stockolm , marquent que le
LRoy de Suede ne voulant riennégligerpour
augmenter le Commerce de la Compagnie des
Indes Orientales , établie sous sa protection , a
défendu qu'aucun autre Vaisseau que ceux de
cette Compagnie, portât en Suede des Marchan .
dises des Indes . Ces Lettres ajoûtent que la même
Compagnie ayant fait depuis peu l'acquisition
d'une Isle située sur les Côtes de la Chine
les Directeurs ont résolu d'y faire creuser un
Bassin qui sera défendu par deux Forts , afin
que les Vaisseaux puissent y être en sûreté; qu'ils
mettront une forte Garnison dans cette Isle et
qu'ils y feront construire des Magasins.
Οa
ALLEMAGNE.
,
N aprend de Dresde , que leRoyAuguste
créé Chevaliers du nouvel Ordre de Saint
Henry , Empereur , le Prince Charles de Saxe ;
le Prince de Holstein ; les Généraux Bauditz , de
Lutzelbourg de Milckaw , de Bose , de Friese ,
de Saint Paul,et les Lieutenans Feldt - Maréchaux,
de Castell , de Friese et de Stutterheim .
On mande de Stutgard , que M. Imberti, cidevant
Ministre de la République de Venise auprès
du Roy de la Grande,Bretagne , étoit depuis
quelque temps à la Cour du Duc de Wirtemberg
, et qu'il avoit conclu avec ce Prince
un Traité par lequel le Duc de Wirtemberg
s'engage
NOVEMBRE . 1736. 2557
s'engage à fournir un certain nombre de Troupes
à la République , qui lui payera joooo écus
par an autant de temps qu'elle gardera ces
Troupes à son service .
Il y a eû à Erfort un grand Incendie qui commença
le 21. du mois d'Octobre , entre 8. et 9 .
heures du matin , et qui dura jusqu'à six heures
du soir du lendemain; 180. maisons , outre plusieurs
Edifices considérables , du nombre des
quels sont quelques Eglises , ont été entierement
consumées par les flammes.
On a découvert que les Auteurs de cet Incendie
étoient quelques Soldats de Recruë, qui ayant
pris querelle avec le Maître de l'Hôtellerie où ils
étoient logés , avoient mis le feu à la chambre
qu'ils avoient occupée , ainsi que dans l'Ecurie er
dans uneGrange.Les flammes gagnerent bien-tôt
toute la maison et se communiquerent aux maisons
voisines. Le Duc de Saxe Weimar , dont
la Résidence n'est qu'à quatre lieües d'Erfort, ne
fut pas plutôt informé de cet accident, qu'il y envoya
400.hommes de ses Troupes , afin de prêter
du secours aux Habitans.Le Duc de Saxe Gotha a
fait distribuer des vivres pendant plusieurs jours
à ceux que cet incendie a réduits dans l'indigence.
M. Dahiman a mandé à S. M. I. par ses dernieres
Lettres , qu'aussi-tôt que les Troupes seroient
séparées , le G. S. consentiroit à s'en raporter
à la médiation de l'Empereur pour terminer
ses différends avec la Czarine. Il ajoute dans
ces Lettres , que l'accommodement avec les
Turcs et les Moscovites , rencontreroit de grandes
difficultés , si S. M.Cz. persistoit à prétendre
que ses Sujets eussent le droit de naviger librement
sur le Tanais et sur la Mer Noire.
Selon les Lettres du même Ministre, le Traité
conclu
2558 MERCURE DE FRANCE
conclu entre le G. S. et Thamas Kouli-K an porte
que S.H. reconnoîtra ce Prince Roy de Perse,
et qu'elle s'engagera à le maintenir sur leTrône,
et à le secourir contre ceux qui voudroient lui
endisputer la possession ; que la Turquie et la
Perse auroient les mêmes limites qu'elles avoient
avant la derniere guerre ; que les Turcs conserveroient
Bagdad et leurs anciennes Conquêtes ;
que les prisonniers qui ont été faits de part er
d'autre , seront rendus immédiatement après la
ratification du Traité ; que les Persans qui iront
en pelerinage à la Mecque , seront exempts des
droits qu'on leur faisoit payer auparavant comme
Etrangers , et que la Porte leur laissera la liberté
d'observer les cérémonies de leur Secte sur les
Terres de l'Empire Otthoman.
L
ITALIE.
E Roy d'Espagne n'ayant pas voulu consen
tir qu'on mît les Armes du Sénat Romain
sur la porte de l'Eglise de Notre-Dame della
Scala , le Prieur et les Conservateurs du Peuple
se sont dispensés cette année d'y aller présenter
P'offrande du Calice et des quatre Torches, qu'ils
ont coûtume d'y porter tous les ans le jour de
la Fête de sainte Thérèse.
Les Religieux Gapucins de cette Province ont.
élu le Pere Charles- Philipe de Civita-Vecchia.
pour leur Provincial .
Depuis plusieurs jours , le Duc de Berwick est
Albano , auprès du Chevalier de S. George.
D'ESPAGNE.
E Roy a nommé le Duc deVillars , Cheva
lier de l'Ordre de la Toison d'or ,
L
du feu Maréchal de ce nom,
àla place
Lie
NOVEMBRE . 1736. 2559
Le Gouvernement a ordonné qu'on arrêtât
une Dame Portugaise , qui est sortie il y a quel
que temps du Royaumede Portugal , et qu'on
croit être dans le Royaume d'Espagne.
PORTUGAL.
Na aprisde Lisbonne , que depuis peu
l'Infant Don Emanuel , frere du Roy de
Portugal , étoit parti secretement de cette Ville,
et qu'on ne sçavoit pas encore s'il s'étoit embarqué,
ou s'il avoit pris la route d'Espagne. Le
bruit s'est répandu depuis que ce Prince étoit
arrivé à Bayonne.
On mande de la Province de Tras -los-Montes
en Portugal, qu'il y a eû depuis peu un Ouragan
violent qui a causé des dommages considérables;
que toutes les vignes ont été arrachées ; que la
plupart des arbres ont été déracinés ; qu'un grand
nombre de maisons ont été renversées, et que la
grêle a tué beaucoup de personnes et de bestiaux
dans la campagne.
FRANCE .
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E3r . Octobre , la Reine entendit laMesse
dans la Chapelle du Château deVersailles,et
communia par les mains du Cardinal de Fleury,
son Grand Aumônier.
Le même jour , veille de la Fête de tous les
Saints, le Roy et la Reine assisterent dans la
Chapella
:
2560 MERCURE DE FRANCE
Chapelle du Château de Versailles , aux premieres
Vêpres , qui furent chantées par la Musique,
et auxquelles l'Evêque de Tournay officia pontificalement.
Le premier Novembre , jour de la Fête , le
Roy revêtu du Grand Colher de l'Ordre du
S. Esprit , se rendit dans la même Chapelle , où
S. M. entendit la Messe , et communia par les
mains de l'Abbé de Fourbin d'Opede , Aumônier
du Roy en quartier. Le Roy toucha ensuite
un grand nombre de malades.
Le même jour , le Roy et la Reine assisterent
à la grande Messe , célebrée pontificalement par
l'Evêque de Tournay, et chantée par laMusique.
L'après midy , Leurs Majestés entendirent le
Sermon du Pere d'Héricourt , Religieux Théatin
et ensuite les Vêpres , auxquelles le même Prélat
officia . Le Roy et la Reine assisterent aussi aux
Vêpres des Morts.
Le Roy a nommé Ministre d'Etat M. Orry ,
Conseiller d'Etat et Contrôleur General des Fi--
nances .
Le Marquis de Crenay , Capitaine dans le Régiment
du Roy , Cavalerie , a été nommé par
S. M. Mestre de Camp Lieutenant du Régiment
de Toulouze.
M.Venier , Ambassadeur ordinaire de la République
de Venise , arrivé depuis quelques jours à
Paris , alla à Versailles le 6. de ce mois avec M.
Zéno , Ambassadeur de la même République ,
auquel il succede , et il eut Audience particuliere
du Roy , de la Reine , de Monseigneur le
Dauphin et de Mesdames de France,étant conduit
par le Chevalier de Saintot , Introducteur des
Ambassadeurs.
NOVEMBRE. 1736. 2561
Le 12. de ce mois , l'ouverture du Parlement
se fit avec les cérémonies accoûtumées , par une
Messe solemnelle , célebrée dans la grande Salle
du Palais par l'Abbé de Sailly , Chantre de la
Sainte Chapelle , et à laquelle M. le Pelletier ,
Premier Président et les Chambres assisterent.
Le 11. Octobre , les Comédiens François réprésenterent
à Versailles la Tragédie de Zaire ,
et la petite Comédie de la Pupille.
Le 16. l'Obstacle imprévû et la Métamorphose
amoureuse.
Le 18. Athenaïs et la Foire S. Laurent .
Le 25. Alcibiade , Comédie en 3. Actes , et le
Mariage faitet rompu , aussi en trois Actes .
Le 30. la Tragédie de Pharamond.
Le 6. Novembre, l'Ecole des Amans,et Scapin
Le 8. Inès de Castro et les Folies amoureuses.
Le 13. l'Enfant Prodigue et les Précieuses.
Le 15. Andronic et le François à Londres.
Le 20. le Glorieux et l'Epreuve réciproque.
Le 22. Pharamond et ie Leg.
Le 27. le Préjugé à la mode et le Baron de
la Crasse.
29. lesHoraces et le Mariage forcé.
Le 13. Octobre , les Comédiens Italiens représenterent
à la Cour la Comédie de la Surprise de
laHaine , qui fut suivie de la petite Piece des
Enfans trouvés , Parodie de Zaïre , Tragédie de
M. de Voltaire.
Le 20 les Fées , et la petite Piece de la Folle
Raisonnable , dont le principal Rôle fut joüé par
P'Actrice nouvelle.
Le 27. Timon le Misantrope , et les Mascarades
Amoureuses.
Le
2562 MERCURE DE FRANCE
Le to. Novembre , les Quatre semblables et les
Billets doux .
Le 17. les Amans réunis et la Sylphide .
Le 24. la Surprise de l'Amour , le nouvel Ac
teur y a joué le Rôle d'Arlequin avec aplaudis
sement. Cette Piece fut suivie de celle des Gau
lois , Parodie de Pharamond , qui a été trèsgoûtée
à la Cour , de même que le Pas de trois,
dansé par le Sieur des Hayes et les DilesTho
massin.
Le 29. Octobre , il y eut Concert chés la
Reine , oà M. de Blamont , Surintendant de la
Musique du Roy , fit chanter sa PastoraleHéroïque
d'Endimian , qu'on continua le s. et le
12. Novembre. Les principaux Rôles furent
remplis par les Dlles Mathieu , Lenner , et d'Aigremont
, et par les Sieurs d'Angerville et Petillor.
L'execution de cette Piece fit beaucoup
deplaisir.
Le re on donna l'Impromptu , ou les Fêtesda
Labyrinthe , du même Auteur , les Diles Erremens
et Minier chanterent les Rôles de la Fée
et de l'Amour , et les. Diles Deschamps et du
Hamel les Airs du Divertissement : les autres
furent remplis par les Sieurs du Bourg , le
Bigue et le Prince .
Le 19. le 21. et le 26. on concerta l'Opera
d'Hesione , dont les principaux Rôles furent
faits par les meilleurs Sujets de la Musique du
Roy. La Dlie Lenner chanta deux Cantates de'
M. de Blamont , intitulées La Toilette de Venus
et Didon , dont l'execution fut très - aplaudie.
Le même Auteur avoit fait chanter au mois
de Septembre dernier aux Messes du Royet
de laReine ,son Motet Exaltabo te Deus , dont
les
NOVEMBRE. 1736. 2563
Jes Récits furent chantés par les Sieurs du Bourg,
Boutelou et Jerôme , avec beaucoup de précision.
Ce Motet fut très-goûté et parfaitement
bien executé.
Le premier Novembre , Fête de la Toussaints,
on chanta au Concert spirituel des Thuilleries .
le Quemadmodum , Motet de M. de la Lande ,
qui fut suivi d'une très-belle suite de Symphonie
du Sieur Aubert , et d'un grand Motet à grand
Choeur du Sieur Bordier. La Dile Fel chanta
ensuite le petit Motet Usquequo de M. Mouret
avec beaucoup de précision. Le Concert finit
par un autre grand Moter qui fut précedé de
plusieurs Pieces de Symphonie parfaitement
bien executées par les Srs Guignon et Blavet.
LeDimanche zo. Septembre 1736. à 7. heu
res du soir , le Coeur de la Princesse de Conty ,
fut porté au Val de Grace , Sépulture ordinaire
de la Maisond'Orleans , dans l'ordre qui suit.
M. l'Abbé Cecile , Chanoine de Luzarche;
Aumonier ordinaire de cette Princesse , accom
pagné du Curé d'Issy , et des deux Gentilshom
mes de la Princesse , porta le Coeur dans une
Boëte de vermeil , couverte d'un crêpe sur un
carreau de velours noir , dans un carrosse drapé
à 8. chevaux caparaçonnés avec 4. Pages à cheval
portant des flambeaux , et arriva sur les 8.
heures du soir à la Porte de l'Eglise du Val de
Grace . L'Aumônier de la Communauté , suivi
d'un Clergé nombreux , conduisit le Convoy
jusqu'à la Grille de la Porte du Tombeau , od
Madame l'Abbesse à la tête de ses Religieuses ,
toutes un cierge à la main , fut complimentée
par M. l'Abbé Cecile en lui présentant le Coeur,
dans les termes suivans, MA
2564 MERCURE DE FRANCE
MADAME ,
Votre Eglise , accoûtumée à recevoir les Corps et
les Cooeurs de l' Auguste Maison d'Orleans, recevra
sans doute avec la même venération le Coeur de
P'Illustre Princesse Madame Louise- Diane d'Orleans,
Princesse du sang,très- digne Epouse de S.A.S.
Monseigneur Loüis François de Bourbon, Prince de
Conty, Prince du Sang, décedée à Issy le 26. de
ce mois , que j'ai l'honneur de vous présenter .
Ce Coeur , Madame , est un trésor précieux que
nous vous mettons en depôt avec d'autant plus de
confiance que le même amour pour Dieu qui l'a enflammé
anime vos actions et sanctifie votre respectable
Communauté : il étoit sur la Terre l'Autel où ce
feu sacré consumoit l'Holocauste d'une vie pure et
innocente : la Re'igion y avoit établi son regne : la
violence du Fort armé n'a jamais pú l'affoiblir ; es
les vertus sembloient s'y disputer à l'envy la premiereplace
Piété tendre et solide : sincere amour conjugal :
respectueux attachement pour sa Famille , issuë du
Sang de nos Rois : charité chrétienne pour les malheureux
: bontébienfaisante pour ceux de sa Maison
: douceur inalterable répandue dans ses actions
et dans ses paroles : toutes ces vertus qui composens
le portrait de la Femme forte , selon l'Ecriture ,
caracterisent parfaitement le Coeur de notre AugustePrincesse.
Mais , helas ! Dieu , pour couronner de bonne
heure tant de vertus , nous l'a enlevée à la fleur
de son âge, au regret de toute la France , de peur,
dit la Sagesse , que la perversité du siècle ne corrompît
l'innocence de ses moeurs.
Nous pleurerons longtemps la perte que nous faisons,
et nous ne pourions nous consoler ,
si nous
n'esperions
NOVEMBRE. 1736. 25653
n'esperions , Madame , que par les suffrages de
votre picuse Communauté , vous obtiendrezduDieu
des miséricordes ,que ce Coeur qui dans le temps l'a
aimé de l'amour des Justes , joint sur la Terre à
ceux de ses Illustres Ancêtres dans le centre même
de la vertu , l'aimera parfaitement de l'amour des
Saints dans le centre de l'éternelle charité.
Réponse de Madame l'Abbesse.
Les grandes et respectables qualités de la Prinsesse
que nous perdons , et dont vous nous présentez
le Coeur , Monsieur , pour être réuni a ceux
de son Auguste Maison , nous étoient connuës.
Une douceur dans l'esprit qui ne lui laissoit de
goût que pour la docilité et qui l'éloignoit de toute
contradiction : une égalité d'ame, que ne troublerent
jamais ni les saillies de l'humeur, ni l'impétuosité
des passions : une fidelle aplication à remplir
les devoirs les plus communs ; qualité rare
dans les Grands, qui n'aiment dans la vertu même,
que ce qui peut les distinguer. Ce sont , Monsieur,
les vertus que nous avons toûjours admirées en elle :
mais ce qui a été, à plus juste titre l'objet de notre
admiration et ce qui fonde principalement nos
esperances sur son sort éternel ; c'est cet esprit de
Religion et ce respect pour les saintes Maximes de
l'Evangile qui ont toûjours paru en Elle. Nous
sçavons que sa conduite irrépréhensible aux yeux
des hommes ne la rassuroit pas devant Dieu ; que
la voix de sa conscience et celle d'un Dieu jaloux
de son Coeur , parloient toûjours assés haut au
fondde son ame pour la rendre insensible aux vaines
loŭanges de ses admirateurs et lui faire regarder
comme suspecte, toute aprobation humaine .
Quelfruit n'auroient pas produit des dispositions
,
1566 MERCURE DE FRANCE
si salutaires qui la faisoient marcher sur les traces
d'un Prince auquel elle étoit si étroitement unie
par les liens du Sang! Quelle force n'auroient point
eu de si grands exemples réunis contre le libertinage
et le déreglement de nos jours ! Dieu ne l'a pas
voulu : notre siecle n'en étoit pas digne. Le Toutpuissant,
ceDieu terrible aux Rois de la Terre , et
maître absolu de la vie des Princes , a exercé son
redoutablepouvoir sur la Princesse que nous regretons
; soumettons - nous et tremblons ; c'est dans ces
dispositions mélées de confiance , que nous allons
offrir nos Prieres au Dieu des misericordes . Que ne
devons- nous pas faire pour une Princesse , arrierepetite
Fille de la grande Reine à qui nous sommes
redevables de l'azile que nous trouvons contre la
corruption du siecle dans ce Monastere , monument
de sa magnificence et de sa pieté ?
Ensuite le Coeur fut porté au milieu du Sanc
tuaire sur une Crédence préparée ; et les Prieres
accoûtumées finies , M. l'Abbé Cécile remit le
Coeur à l'Aumônier de la Communauté, qui le
porta dans le Caveац.
AAAAAAAAAAA
MORTS , NAISSANCES
L
et Mariages.
E 19.Sept. Sophie Marie,née Comtesse deLoev
venstein , Vvertheim , veuve depuis le 9. Sept.
1720. de Philipe Marquis de Courcillon , et de
Dangeau , Comte de Civray , Melle et Usson ,
Baron de sainte Hermine , de Bressaire et de
Château du Loir, Seigneur de Chausserais, Che -
valier
NOVEMBRE. 1736. 2567
valier des Ordres du Roy , Conseiller d'Etat d'Epée
, Grand-Maître des Ordres Royaux Militai
res et Hospitaliers de N. D. du Mont Carmel et
de S. Lazare de Jérusalem , tant deçà , que delà
les Mers , Gouverneur et Lieutenant- General
pour S. M. de la Province de Touraine , Gouverneur
particulier des Ville et Château deTours,
Doyen de l'Académie Françoise, cy-devant Che.
valier d'Honneur de Mesdames les Dauphines
Mere et Ayeule de S. M. mourut à Paris , âgée
de 72. ans , étant née en 1664. elle avoit été
dans sa jeunesse Chanoinesse de Thoren , près
de Francfort- sur-le-Mein, elle étoit Fille d'honneur
de Madame la Dauphine lorsqu'elle fut mariée
le 26 Mars 1686. au Marquis de Dangeau,
dont elle fut la seconde femme . Elle a été depuis
Dame du Palais de Madame la Dauphine
Marie-Adelaide de Savoye. Elle étoit fille de
Ferdinand-Charles Comte du S. Empire , et de
Loewenstein-Wertheim , Chambellan de l'Empereur
, et Conseiller du Conseil Aulique , mort
le 24. Janvier 1672. et d'Anne- Marie , née Comtesse
de Furstenberg , morte en 1705. elle ne
laisse pour heritiere que Marie-Sophie de Courcillon
de Dangeau , sa petite-fille , qui étant
veuve de Charles- François d'Albert d'Ailly, Duc
de Pequigny , s'est remariée le 2. Septembre
1732. avec Hercules Meriadec de Rohan , Duc
de Rohan-Rohan , Pair de France , Lieutenant
Général des Armées du Roy , Gouverneur de
Champagne et Brie. La Marquise de Dangeau
étoit grande tante de Charlotte de Hesse- Rheinfels
, Duchesse de Bourbon , petite - fille de
Guillaume Landgrave de Hesse- Rheinfels-Rothembourg
, et de Marie-Anne de Loewenstein-
Wertheim,son Epouse. François Ernest , Com2568
MERCURE DE FRANCE
te de Salm- Reifferscheid , Evêque de Tournay ,
qui se trouve actuellement à Paris, est aussi petit-
neveu de feuë la Marquise de Dangeau , par
Ernerstine Barbe de Loewenstein-Vertheim, son
Ayeule.
Le 20. Anne-Marguerite de S. Amant, veuve
depuis le 9. Octobre 1704. de Louis Provence
Adhemar de Monteil de Castelane , Marquis de
Grignan , Mestre de Camp d'un Régiment de
Cavalerie , et Brigadier des Armées du Roy ,
avec lequel elle avoit été mariée au mois de Décembre
1694. mourut à Paris après de longues
infirmités , dans la 63e année de son âge , étant
née le premier Juillet 1674. elle ne laissepoint
d'enfans : ses héritiers sont Louis Arnoul Garnier
, Marquis de Salins , et Anne Garnier de Salins
, sa soeur , Marquise de Blenac , ses neveu er
niece , et enfans de feu Arnoul Jean-Baptiste
Garnier , Marquis de Salins, Lieutenant de Vaisseau,
mort le 16. Mars 1705. à l'âge de 35. ans,
et de défunte Catherine de S. Amant , morte le
9. du même mois de Mars 1705. âgée de 29 .
ans. La Marquise de Grignan et la Dame de Sa
lins , sa soeur , étoient filles d'Arnaud de Saint
Amant , Conseiller , Secretaire du Roy , Maison
Couronne de France et de ses Finances , et Fermier
General de S. M. mort le 9 Novembre
1707. et d'Anne Racine, morte le 2. Août 1715 .
Le 21. Dlle Huberte-Renée de Choiseul , restée
fille unique de feu François - Eleonor de
Choiseul , Comte de Chevigny , mort le 6. Novembre
1710. à l'âge de 36. ans , et de D. Renée-
Minerve de Chanlecy de Pleuvault saveuve,
mourut de la petite vérole à Paris , âgée
d'environ 28. ans , étant née en 1708. cette Demoiselle
étoit un riche parti.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2569
Le 27. René Troüin , Ecuyer , Seigneur du
Guay , Lieutenant General des Armées Navales
du Roy , Commandeur de l'Ordre Royal et
Militaire de S. Louis , et qui s'étoit rendu fort
célebre par ses Expéditions sur Mer , mourut à
Paris , après une longue maladie , âgé de 63 .
ans , dont il en avoit passé 47. au service de
S. M. Il étoit entré dans la Marine à l'âge de
16. ans en 1689. Après avoir passé par les Grades
d'Enseigne et de Lieutenant de Vaisseau , il
fut fait en 1696. Capitaine de Frégate , puis Capitaine
de Vaisseau le 21. Avril 1705. Chefd'Escadre
le s . Août 1715. Commandeur de l'Ordre
de S. Louis le s . Mars 1728. et enfin Lieutenant
Général des Armées Navales le 27. du même
mois de Mars 1728. Le feu Roi Louis XIV . en
considération de ses services lui avoit accordé
des Lettres de Noblesse en 1709. ainsi qu'au Sieur
de la Barbinays , son frere aîné. Celui- ci , qui
avoit été Consul de la Nation Françoise à Malgue
ou Malaga , ayant été obligé de revenir en
France à la déclaration de la guerre qui fut faite
en 1689. s'apliqua à faire des Armemens en
course pour donner de l'occupation à trois freres
qu'il avoit ; le Sieur du Guay étoit l'aîné des
trois ; les deux autres furent tués sur Mer , le
premier à l'âge de 20. ans en 1695.commandant
alors une Fregate de l'Armement de son
frere à une descente qu'il fit près de Vigo ; et
l'autre à l'âge de 22. ans , commandant une Fregate
du Roy , nommée la Valeur , fut blessé en
1705. en soutenant l'abordage contre un Bâtiment
Flessingois , et mourut quatre jours après.
Le Sieur de la Barbinays continua pendant tout
le cours des deux dernieres guerres du regne du
feuRoyd'entreprendre par le moyen de son cré-
I dir
2570 MERCURE DE FRANCE
dittous les Arnemens du Sieur du Guay Trouin ,
son frere. Feu le sieur de la Barbinays , leur
pere , Capitaine de Vaisseau particulier , avoit
fait pendant 25. ans le commerce de Cadix , et
étoit mort dans l'exercice du Consulat de Malgue.
Leur grand pere avoit été pendant 20. ans
pareillement Consul de la Nation Françoise au
même lieu , et Etienne Trouin, leur oncie , ayant
succedé dans cet emploi , l'avoit exercé pendant
30. ans. Le Sicur du Guay Trouin , qui vient
de mourir , a fait des Mémoires de sa vie , continués
jusqu'en 1712.et qui lui ayant été volés,ont
eté imprunés sans sa participation en Hollande
en 1730 .
こLe 30. D. Angelique- Françoise- Josephine de
Thyard de Bissy , Epouse de Louis-Antoine du
Prat , marquis de Barbanson , Mestre de Camp
d'un Régiment de Cavalerie , avec lequel elle
avoit été mariée le 22. Février 1735. mourut à
Paris, après être accouchée le 26. précedent d'un
fils, son premier enfant. Elle étoit dans la 176
année de son âge , et fille de Claude,Anne de
Thyard , Marquis de Bissy , d'H raucourt ,
de Fauquelmont,Gouverneur des Ville etChâteau
d'Auxonne , et Lieutenant Général des Armées
du Roy , ( Neveu du Cardinal de Bissy , Evêque
de Meaux ) et de D. Angelique Henriette-Therese
Chauvelin , son Epouse , Soeur de Germain
Louis Chauvelin , Garde des Sceaux de France ,
Ministre et Secretaire d'Etat , Commandeur des
Ordres du Roi , et Président à Mortier du Parlement
de Paris.
Le rer Octobre Alexandre le Rebours , Seigneur
de Bertrand Fosse , mourut à Paris âgé de
74. ans et demi , sans posterité. Il y avoit 14.
ans qu'il étoit resté paralitique avec perte de la
parole i
NOVEMBRE.
1736. 2571
parole d'une chute de cheval qu'il avoit faite. Il
avoit été successivement Substitut du Procureur
Général du Parlement de Paris , Conseiller au
Grand-Conseil, et grand Raporteur en la Chancellerie
de France , premier Commis des Finances
sous feu Micher Chamillart , son cousin à
cause de sa femme et enfin Conseiller d'Etat
ordinaire , et Intendant des Finances au mois
d'Août 1704. jusqu'au mois de Septembre 1715 .
que ces Charges furent suprimées. Il avoit épous
sé le 27. Janvier 1693. Susanne Ticquet , veuve
dePierre- François Jacques , Seigneur de Vitrysur-
Seine , Conseiller au Parlement de Paris . Il
n'en a point eu d'enfans . Il laisse pour unique
héritiere D. Marie-Elisabeth le Rebours, sa
Soeur , veuve d'Etienne-Hyacinthe Foullé de
Martangis , ci devant Maître des Requêtes , et
Intendant en Berri. Il étoit fils de Thierui le
Rebours , Seigneur de Bertrand Fosse , Maître
des Requêtes honoraire de l'Hôtel du Roy , et
ancien Président au Grand Conseil , mort à l'âge
de 83. ans , le 6. Octobre 1706. et de Marie
Malet du Luzard , morte le 29. Janvier 1708.
Le 10. Pierre- Antoine de Jaucourt , Chevalier
Marquis d'Espeuilles , mourut à Paris âgé d'environ.
80. ans. Il étoit veuf de D. Marie de
Montginot , morte le 27. Novembre 1732. à
l'âge de 73. ans . Il en laisse plusieurs enfans ,
dont l'aîné Pierre-Antoine de Jaucourt , Baron
d'Huban , a épousé au mois de Janvier 1726.
Susanne Marie de Vivant , fille de feu Jean de
Vivant , Marquis de Noaillac , Seigneur de Pus
ches,Montluc , &c. Lieutenant Général des A
mées du Roy ,et de feuë D. Louise de Meuves ,
et en laisse des enfans
Le 15. D. Marie-Therese Martin
10
i
veuve de
I ij Pu
is
2572 MERCURE DE FRANCE
anpuis
le 28. Fevrier 1728. de Louis de Bethune
Marquisde Chabris , Sire de Chastillon
cien Mestre de Camp de Cavalerie , et ci- devant
Gouverneur d'Ardres , qu'elle avoit épousé le
29 Juin 1707. mourut à sa Terre de Chabris
âgéed'environ 58. ans sans posterité, les deux
garçons qu'elle avoit eusdu Marquis deBethune
étant morts enbas âge. Elle étoit soeur puînée
de Gabrielle Martin , épouse de Louis-Guillau
me Jubert de Bouville , Conseiller d'Etat, et ci
devant Intendant à Orleans , et de feuë Catheri
ne Martin , Epouse de Bernard Chauvelin , Conseiller
d'Etat , ci-devant Intendant de Picardie ee
Artois , morte le 21. Juilletde l'année derniere
x735. etaînéede feuë Marie-Anne Martin , femme
de Philipe de Baylens , Marquis de Poyanne
et de Castelnau , morte le 4. May 1716. Ces
quatre Dames étoient filles de feu Jean - Louis
Martin , seigneur d'Auzielles, ancienCapitoulde
Toulouse , et Fermier général des Fermes du
Roy , et de Marie- Madeleine Demas.
,
La nuit du 18. au 19. Anne Louis du Plessis
Duc de Fronsac , fils aîné de Louis-François-
Armand duPPlleessssiiss--VVignerod, Duc deRichelieu,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roy ,
Brigadier de ses Armées , Colonel d'un Régiment
d'Infanterie et ci-devant Ambassadeur à
la Cour de Vienne , et d'Elisabeth-Sophie de
Lorraine de Guise , son épouse , mourut après
une longue maladie d'une ulcere scorbutique qui
lui avoit carié l'os. Il étoit dans le 21e mois de
son âge , étant né le 30. Décembre 1734. Son
corps fut porté le 20. en l'Eglise de Sorbonne ,
où il a été inhumé. Par cette mort il ne reste plus
auDuc de Richelieu qu'un fils né le s. Août
dernier.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2573
,
Le 22. Soeur Catherine de Menou , Abbesse du
Monastere de Notre-Dame de la Bourdilliere ,
près de Loches , Diocèse de Tours , Ordre de
Citeaux , mourut dans cette Maison âgée de 85.
ans , après l'avoir gouvernée avec beaucoup de
sagesse depuis 1692. Elle étoit fille de feu Louis
de Menou Seigneur de Boussay , Genilly ,
Chambons, &c. qui étant devenu veuf , embrassa
'Etat Ecclésiassique en 1662ter fut fait Diacre.11
mourut en 1752. à Kage de 74. ans. Ce fut lui
qui fonda le Monastere de la Bourdilliere dans
sa Paroisse de Genilly. Il obtint en 1688. des
Lettres Patentes pour la confirmation de ce nou
vel Etablissement , et remit au Roy le droit de
nommer la Supérieure , qu'il s'étoit réservé par
le contrat de fondation. Par ces Lettres Patentes
leRoy accorda àcette Maison naissante les mêmes
priviléges et droits qu'aux Monasteres de
fondation royale , et donna alors la Coadjuto
rerie de cette Maison à l'Abbesse qui vient de
mourir , et qui devintTitulaire en 1692. par le
décès de Claude de Menou , sa Tante , premiere
Sapérieure de cette Maison , et Soeur du Fondateur,
dont la petite fille Catherine de Menou ;
2e du nom , vient de succeder à sa Tante , dont
elle avoit été nominée Coadjutrice le 8. Septembre
1714. Il a déja été parlé de la fondation et
de l'établissement de ce Monastere , ainsi que de
Pancienneré et noblesse de la Maison de Menou ,
dans les Mercures galans des mois de Juin 1692 .
et May 1702. C'est pourquoi nous n'employons
point ici ce qui nous en a été envoyé dans un
Mémoire anonyme à l'occasion de la mort de
l'Abbesse de la Bourdilliore , d'autant plus qu'on
trouve la généalogie de cette Maison imprimée
dans les Mémoires de Michel de Marolles, Abbé
de Villeloin,
Iiij Le
2574 MERCURE DE FRANCE
Lc 26. D. Marie Claire Magdeleine de Guiry ,
veuve de Jean- Louis Guillemin d'Igny, Seigneur,
Vicomte de Passy sur Marne , Courcelles , Rosoy
, Violennes , S. Aignan , Saconnay , et la
Chapelle -Mondon , Doyen des Maîtres d'Hô
tel du Roy ; et ancien Coloneldu Régiment de
Touraine , mourut au Château de S. Brice , chés
Christophe de Braque , Comte de Loches
Beaufrere , âgée de 66. ans. On a marque de qui
elle étoit file dans le Mercure de Mars 17390
P. 615. en raportant la mort de son Mari.
1
1
""
,
SOD
Le 31. D. Marie - Jeanne Guyon , Duchesse
*r de Sully , Dame du Marquisat de
, qui avoit souffert le 11. précédent
onpour l'extirpation d'uneglande au
tà Paris âgée d'environ 63. ans.
e de Jacques Guyon , Ecuyer , Sei-
Chesnoy de Champoulet , et en partie
du Canal de Briare , mort le 21. Juillet 1676..
et de D. Jeanne Bouvier de la Motte , sa veuve,
fortconnuë de son temps sous le nom deMadame
Guyon , et morte le 9 Juin 1717. La Duchesse
de Sully avoit eté mariee deux fois ; 1.
Je 25. Août 1689. avec Louis Nicolas Fouquet ,
Comte de Vaux , Vicomte de Melun , Signeur
de Mancy , Marquis de Beilenste en mer
lexer Juin 1705. et 20. le 14. Fevrier 1719. avec
Maximilien Henri de Bethune , Duc de Suily ,
Pair de France , Prince Henrichemont et de
Boisble Marquis d Conti , Comte de Gien ,
Vicomte de Meaux , Breteüil , Francastel , &c.
Chevalier des Ordres du Roy , Brigadier de
ses Armées , Lieutenant pour S M. au Vexin
François, Gouverneur des Villes et Châteaux de
Gien et de Mantes , mort le 2. Fevrier 1729.
Elle ne laisse point d'enfans ni de l'un ni de l'au
mort
tres
NOVEMBRE . 1736. 2575
tre. Elle a fait sa légataire universelle Jeanne-
Marie JosepheGuyon, sa Niece, femme d'Anne
Gabriel de Cugnac-Dampierre,Baron deVeuilly,
et laisse à Arnaud- Jacques Guyon , Seigneur de
Diziers son neveu , frere de la Dame de Cugnac
, sa Terre de Guercheville, qu'elle a chargée
de 7500. liv. de pensions viageres , et qu'elle
substitue à l'aîné male des enfans du Sieur de
Diziers et successivement de mâle en mâle. Elle a
aussi légué au Sicur de Diziers son neveu une belle
Tapissere de Psiché , relevée en or , avec le lit
et l'ameublement complet brodé en or , qui ve.
noit de feuë Marguerite Louise de Bethune-
Sully , Duchesse du Lude.
Lerer Novembre mourut à Paris âgée de 66 .
ans D. Anastasie Dillon , ci-devant Sousgouvernante
de S. A. S le Duc de Chartres , et veu
ve d'Alexandre de Barneval , Lieutenant Colonel
d'Infanterie.
,
Le 2. Nicolas Soulet , Conseiller en la Grand'
Chambre du Parlement de Paris mourut dans
la 64e année de son âge. Il avoit été reçû Conseiller
le 13. Mars 1697 , et étoit monté à la
Grand Chambre de 12. Janvier 1730. Il étoit
fils de feu Nicolas Soulet , Conseiller- Secretaire
du Roy , Maison Couronne de France et de ses
Finances , mort le s. Fevrier 1720. âgé de 80 .
ans , et d'Agnès Gaillard , sa femme , morte le
et il avoit été 21. Mars 1714. âgée de 63. ans ,
marié, le 18. Janvier 1792. avec Françoise le
Tessier de Montarsy , fille de feu Pierre le Tessier
de Montarsy , Conseiller , Secretaire du
Roy , et Garde des Pierreries de la Couronne
'et d'Anne Minot de Mérille. Il en laisse des enfans
, entr'autres une fille mariée au mois de Février
1729. avec Joseph- Pierre du Fort , Maître
I iiij ordinaire
,
25-6 MERCURE DE FRANCE
ordinaire en la Chambre des Comptes de Paris..
Par la mort de Nicolas Soulet , Jean-Auguste
le Rebours , reçu Conseiller au Parlement le 7 .
Mars 1708. et Doyen de la ge Chambre des Enquêtes
, monte à la Grand Chambre .
Le même jour , Robert-Henri de Tourmont
Conseiller Clerc en la Grand' Chambre du Parlement
de Paris , qui étoit devenu paralytique
depuis environ un an, et qui avoit perdu la vúë ,
mourut âgé de 56. ans Il avoit été reçu Conseiller
Laï le 17. Janvier 1703. et étant devenu
veuf , il fut reçû en 1719. en un Office de Conseiller
Clerc . Il monta à la Grand Chambre le
6. Mars 1728. Il étoit fils de fu Pierre de Tour
mont , Trésorier de France en la généralité de
Montauban , l'un des premiers Commmis des
Marquis de Pomponne , de Louvois , et de Barbezieux
, et du Sieur Chamillart , Ministres et
Secretaires d'Etat , et Trésorier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , mort le per Décembre. 1715 .
àl'âge de 75. ans , et de Catherine Therese de
la Baune. Robert Henri de Tourmont , qui vient
de mourir , avoit épousé au mois de Fevrier
1707. Marie-Anne le Vacher , fille de feu Nicolas
le Vacher , Payeur des Rentes de l'Hôtel de
Ville de Paris , et de feuë Marie Anne Héron .
Elle mourut à l'âge de 27. ans le 17. Octobre
1713. Il laisse d'eile Jean- Marc de Tourmont ,
né le 12. Juin 1709. et reçû Conseiller au Parlement
de Paris le 12. Août 1729 .
Par cette mort Elie Bochard de Saron , Conseiller
Clerc au Parlement, où il a été reçû le 18.
Août 1724. monte à la Grand Chambre.
,
Le même jour Louis-Antoine de Pardaillan de
Gondrin , Duc d'Antin, Pair de France Seigneur
des Duchés d'Epernon et de Bellegarde ,
Marquis
NOVEMBRE. 1736. 2577
Marquis de Montespan , de Gondrin et de Mezieres
, Vicomte de Murat , Baron de Cursé , de
Moncontour, et de Langion, Seigneur d'Oryon,
&c. Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
général de ses Armées, Gouverneuret Lieutenant
General pour S. M. des Ville et Duché
Orleans, Pays Orleannois, Chartrain, Perchegoüet,
Sologne, Dunois, Vendômois , Blésois , et
dépendances d'iceux , et de la Ville et Château
d'Amboise , Lieutenant General de la haute er
basse Alsace , Ministre d'Etat depuis le mois de
Novembre 1733. Directeur général des Bâtimens
et Jardins du Roy , Academies , Arts , et Manufactures
Royales, dont il a été ci-devant Surintendantet
Ordonnateur Général , Protecteur de
l'Académie Royale de Peinture et Sculpture ,
zussi ci - devant Président du Conseil du dedans
du Royaume , et Conseiller au Conseil de Régence
, mourut à Paris', après quelques jours de
maladie , âgé de 71. ans. On ne raportera point
ici la suite des Services et des Emplois tant Militaires
que Politiques de ce Seigneur , non plus
que ses Allianceet Posterité. On ne feroit que
répeter ce qui se trouve dans l'Histoire dest
Grands Officiers de la Couronne , Tom.s.dans'
le Dictionaire Historique , dans le nouveau Suplément
de ce Dictionaire , dans les Etats de la
France , &c.
Le 3. Michel Celse Roger de Rabutin , Comte
de Bussy , Evêque et Baron de Luçon , Abbé:
Commandataire des Abbayes de Bellevaux , Ordre
de Prémontré , Diocèse de Nevers , et des
S. Pierre de Flavigny , Ordre de S. Benoît ,
Diocése d'Autun , et Prieur de N. D. de Lespau,
Ordre du Val des Choux , Diocèse d'Auxerre ,
P'un des Quarante de l'Académie Françoise,
Ly mourut
2578 MERCURE DE FRANCE
mourut à Paris d'une apoplexie , dont il avoit
été frapé le 31 , du mois précedent après midy.
Il étoit âgé d'environ 67. ans . Il avoit été autrefois
Vicaire Géneral du Diocèse d'Arles , et
il fut Dépuré de cette Province à l'Assemblée
génerale du Clergé , tenue à Paris en 1705. Le
Doyenné de l'Eglise Collegiale de Tarascon lui
futdonné par le Roy le 23. Décembre 1706.et
il fut nommé à l'Evêché de Luçon , Suffragant
deBourdeaux le 17. Octobre 1723. et sacré le
20. Février 1724. Il assista l'annee suivante en
qualité de Député de la Province de Bourdeaux
àl'Assemblée génerale du Clergé , et ce fut lui
qui harangua le Roy le 10. Septembre sur son
mariage à la tête des Députés de l'Assemblée. Il
fut reçu à l'Académie Françoise le 1o. Mars
1732. Il étoit fils deRoger de Rabutin,Conte de
Bussy,Mestre de Camp General de la Cavalerie-
Légere de France , Lieutenant General des Armées
du Roy , et son Lieutenant en Nivernois ,
aussi l'un des Quarante de l'Académie Françoise
, et célebre par ses Ecrits , mort le 9.
Avril 1693. et de Louise de Rouville , sa seconde
femme , morte au mois d'Août 1703. L'Evêque
de Luçon avoit eu un frere aîné , par la mort
duquel sans enfans , il étoit devenu Comte de
Bussy. Il laisse pour heritiers Marie-François
Roger de Langhac , Comte de Toulongton ,
Seigneur de Chaceu , son neveu , fils de feuGilbert
de Langhac , Marquis de Coligny en Auvergne
, et de Louise Françoise de Rabutin de
Bussy; et D. Reine de Madaillan de Lesparre ,
aussi sa niéce , femme de Leon de Madaillan de
Lesparre , Comte de Lassay , son neveu , et fille
de feu Louis de Madaillan de Lesparre , Marquis
deMontataire et de Lassay,et de feuë Anne-Marie-
Theresede RabutindeBussy.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2579
Le même jour , Maximilien - Henry de la
Baume le Blanc, Chevalier de la Valliere , Mestre
de Camp de Cavalerie , et Lieutenant de Roy
de la Ville et Château d'Amboise , frere puîné
de Charles François de la Baume le Blanc , Duc
de la Valliere , Pair de France , Gouverneur et
Sénéchal de Bourbonnois , et Lieutenant Géné.
ral des Armées du Roy , mourut aux Vertus ,
chés des Prêtres de l'Oratoire , où il s'étoit retiré.
Il avoit été autrefois d'abord Guidon de la
Compagnie des Gendarmes Bourguignons en
1698. ensuite Enseigne de celle des Gendarmes
de la Reine en 1700. et enfin Sous- Lieutenant
de la même Compagnie des Gendarmes Bourguignons
en 1702. jusqu'en 1706. s'étant alors
démis de cette Charge , et ayant obtenu une
Commission de Mestre de Camp incorporédans
le Régiment Commissaite Général de la Cava
lerie.
Le 4. D. Françoise- Claudine du Fresne , femme
de Charles - François Michel , Conseiller-
Secretaire du Roy , Maison , Couronne de France
et de ses Finances , Receveur General des Finances
de la Généralité de Montauban , mourut
à Paris , après une longue maladie de langueur ,
âgée d'environ 36. ans , laissant deux garçons.
,
Le François Genoud , Seigneur de Chestainville
, Conseiller-Clerc en la Grand Chambre
du Parlement de Paris où il avoit été reçu le
4. Avril 1691. mourut en sa Terre de Chastainville
entre Chastres et Estampes , dansun âge
très-avancé. Il étoit fils de Philipe Genoud ,
Seigneur de Guibeville et de Toulongeon , mort
Conseiller de la Grand - Chambre du Parlement
de Paris le premier Decembre 1684. et de Geneviève
le Brun , morte le 27. Décembre 1687 .
I vj 11
2580 MERCURE DE FRANCE
Il a laissé par son Testament sa Terre de Chestainville
à ses neveux , enfans de défunts François
Vedeau de Grammont , ci-devant Conseiller
au Parlement de Paris , et d'Anne-Claude
Genoud , avec Substitution au cas qu'ils meurent
sans enfans , en faveur du fils de François
de Baussan , son neveu à la mode de Bretagne ,
Maître des Requêtes de l'Hôtel du Roy , et Intendant
à Orleans. Ildonne au même sa Maison
de Paris , située dans la Place Royale , avec les
glaces et les marbres dont elle est ornée ; et au
cas qu'il vienne à mourir sans enfans , il lui
substituë tant pour cette Maison que pour la
Terre de Chestainville , sa soeur , sortie , ainsi
que lui , du second mariage du Sieur de Baussan,
leur pere , &c..
Par la mort de François Genoud , Claude-
Jean Macé , Conseiller Clerc en la Quatrième
des Enquêtes , reçu le premier Septembre 17244
monte à la Grand Chambre .
*Le 6. D. Marie-Françoise-Edmée Manseau
femme de François de Clairval , Chevalier
Seigneur de Passy , mourut à Paris âgée de
26. ans.
Le 15. François Joseph d'Hautefort , Comte
d'Ajac en Perigord , Mestre de Camp Lieutenant
du Régiment de Toulouse , Cavalerie , et
marié le 13. Février de cette année avec la fille
du Président de Mers , ainsi qu'on l'a raporté
dans le Mercure du même mois , p. 394. mourut
d'une maladie de poitrine à Paris , âgé de
26. ans 8. mois.
Le même jour , Jean-Etienne de Varennes ,
Seigneur deGournay , Marigny , &c. Maréchal
de Campdes Armées du Roy , de la Promotion,
dupremier Août 1734, mourut à Paris , âgé de .
49%
NOVEMBRE. 1726. 258
49.ans. Il avoit été Colonel du Régiment de
Lorraine par Commission du II. Janvier 1708
et élevé au grade de Brigadier le premier Février
1719. 11 avoit épousé Marie Bontemps ,
seconde fille de Louis-Alexandre Bontemps ,
Premier Valet de Chambre ordinaire du Roy ,
Commandeur , Prévőt et Maître des Cérémonies
des Ordres de N. D. du Mont Carmel , et
de S. Lazare de Jerusalem , Gouverneur de Rennes
, Bailli et Capitaine des Chasses de la Varenne
du Louvre, et de feuë D. Charlotte le Vasseur
de S. Urain , sa premiere femme.
Le ..... • deBattefort de l'Aubesſpin , Bailli ,
Grand-Croix de l'Ordre de S. Jean de Jerusa→
lem , Chef d'Escadre des Galeres de France du
17. Septembre 1733. mourut à Marseille , âgé
de74. à 75. ans.
Le 2. Septmbre nâquit Judith , Fille de Louis
de Bauscher , Marquis de Sourches , Seigneur
du Quesnel , Obry , &c. Mestre de Camp de
Cavalerie , Cornette de la Compagnie des Chevau-
Legers de la Garde ordinaire du Roy
Grand Prévôt de France et Prévôt de l'Hôtel
de S. M. et de D. Charlotte-Antoinette de Gon- .
taut de Biron , son épouse , fille du Maréchal
Duc de Biron ..
,
Le 3. nâquit Anne- Charlotte , fille de Fran
çois Charles de Levis , Marquis de Châteaumorand
, Lieutenant General pour le Roy , de la'
Province de Bourbonnois , et Mestre de Camp
du Régiment de Levis , Cavaleric , etde D. Philiberte
Languet- Robelin de Rochefort , son
épouse , et niéce de Joseph-Jean-Baptiste Languetde
Gergy , Curé de la Paroisse de S. Sul-
Rice.
Le
2582 MERCURE DE FRANCE
Le s. fut baptisé Hector- Joseph , fils de. Louis
Roger d'Estampes , Baron , Seigneur Haut-
Justicier de Mauny , en Normandie , apellé le
Marquis d'Estampes , et de D. Marguerite Lidie
de Bec-de-Liévre de Cany , sa femme.
Le zs. nâquit Louis-Camille , second fils d'Alexandre-
Maximilien-Baltasar de Gand-Willain,
Comte de Midelbourg , Maréchal des Camps er
Armées du Roy , Gouverneur de Bouchain , et
deD. Louise-Pauline- Marguerite Erançoise de
Roye de la Rochefoucaud de Roucy , son
épouse. -
Le 29. sur les 10. heures du soir , Charlotte
Aglaé d'Orleans , Princesse du Sang de France ,
Epouse de François-Marie d'Este , Prince Héréditaire
de Modene , accoucha heureusement à
Paris d'un Prince , qui fut ondomé par le Curé
de la Paroisse de S. Jacques du Haut-Pas.
Le 17. Octobre nâquit Alexandre-Angelique ,
fils de Daniel Marie-Anne de Talleyrand de
Perigord , apellé le Marquis de Talleyrand ,
Colonel du Régiment de Saintonge ,et de Da
Marie-Elizabeth Chamillart , sa femme.
Le 9. Novembre naquit le premier fils
de Charles de Beziade Comte d'Avarey , Colonel
du Régiment de Nivernois Infanterie , et de
D. Elizabeth Marguerite Megret son épouse ,
mariés le 30. Décembre de l'année derniere .
Le 19. nâquit Louis- Hypolite , fils de Jean-
Baptiste-Joachim Colbert , Marquis de Croissi ,
Baron de Nogent , Conseiller du Roy en ses
Conseils , Capitaine des Gardes de la Porte de
S.M. Brigadier de ses Armées , Colonel du Régiment
Royal Infanterie , et de D. Henriette-
Bibienne de Franquetot de Coignies, son épouse.
Le
NOVEMBRE. 1736. 2583.
Le 3. Octobre a été fait le mariage de Louis
Joseph de Montcalm de Gozon , Marquis de Sainvran
, Capitaine au Régiment de Hainault , âgé -
de 2.5. ans , et fils de Louis-Daniel de Montcalm
de Gozon , Marquis de Sainvran , et de
D.Marie- Louise Therese de Lauris de Castellane.
d'Ampus , avec Dile Angelique- Louise Talon
fille posthume de feu Omer Talon , Marquis du
Boulay , Colonel du Régiment d'Orleanois ,
mott le 10. Juillet 1709. à l'âge de 33. ans , et
de D. Marie- Louise Molé de Champlatreux , sa
veuve . La nouvelle mariée est soeur de Louis-
Denis Talon , Marquis du Boulay , Président
du Parlement de Paris , où il avoit été auparavant
AvocatGénéral , et de D. Marie Françoise
Talon , épouse de Louis-François de la Bourdonnaye,
Seigneur de Coüetyon Maître des
Requêtes ordinaires de l'Hôtel du Roy , et Intendant
de Roüen .
Le 17. Jean- François-Joseph de Toulongeon ,
Comte de Champlite , Mestre de Camp de Ca.
valerie , Cornette de la Compagnie des Chevau-
Legers de laGarde du Roy, épousa à Paris
Dile Anne-Prospere Cordier de Launay ,
troisième fille de Jacques-René Cordier de Lau
nay , Ecuyer , Conseiller du Roy , et Trésorier
Général de l'Extraordinaire des Guerres , et de
D. Annede Croezer.
Le 29. M. Jean Rigoley , Premier Président
de la Chambre des Comptes de Bourgogne , fils
de défunt Claude Rigoley , Premier Président
de la même Chambre , et de D. Therese Languer,
épousa à Paris , Paroisse S.Paul,Dlle. Phia
liberte-Françoise de Sery, fille de François-
Hugues de Sery , Baron de Couches , &c . Président
au Parlement de Paris , et de D. Jeanne-
FrançoiseDurand. Dans
2584 MERCURE DE FRANCE
on
Dans le Mercure du mois de Septembre dernier,
p. 2150. à l'Article du Chevalier de Nogent ,
le qualifis Chevalier de l'Ordre de S. Michel ,
c'est une méprise , il falloit dire de S. Lazare. Il
fuut lire aussi au même Article Bautru , et non
Beautru .
ARRESTS NOTABLES.
ECLARATION DU ROY ser
Dvant de Reglement sur la Jurisdiction du
Parlement de Toulouse , et sur celle de la Cour
des Comptes , Aydes et Finances de Montpellier
et auttes Tribunaux et Siégés de Languedoc.
Donnée à Versailles le 20. Janvier 1736. Regis
trée au Parlement de Toulouse le 28. et en la
CourdesComptes ,Aydes et Finances de Montpellier
le 3. Juillet suivant , par laquelle S. M.
ordonne l'execution des 72. Articles contenus en
ladite Déclaration.
ARREST dù 26. Juin , portant reglement
pour assurer la distinction des Tapisseries des
Manufactures d'Aubusson et de Feüilletin . Et
qui prescrit ce qui doit être observé à l'égard
des Tapisseries de Feüilletin, fabriquées avant les
Lettres Patentes du 28. May 1732 .
AUTRE du 27. dont la teneur suit.
Le Roy aïant été informéque des esprits inquiets
et ennemis de la paix , commencent à faire paroître
un Ouvrage imprimé sans nom d'Imprimour
, sansPrivilege ni Permission , sous le titre
de
NOVEMBRE. 1736. 2585
deMandement de M. l'Evêque Duc de Laon ...
au sujet de trois Imprimés qui se répandent dans
son Diocèse. Sa Majesté auroit jugé à propos de
se faire représenser ce prétendu Mandement , et
quoiqu'on ait affecté de le publier sous le nom
d'un Evêque , les traits injurieux dont il est- rempli
, et les odieuses extrénités auxquelles l'Auteur
se porte sans aucun ménagement , ne permettent
pas à S.M. de regarder cet Ecrit comme
l'Ouvrage d'un Evêque ; elle ne sçauroit croire
qu'il y en ait aucun dans son Royaume , qui
soit capable de vouloir prêter à la Cause de PEglise,
des Armes si indignes d'elle,annoncer un
schisme dont le nom seul fait horreur à tous
ceux qui aiment la Religion , et proposer comme
un remede , ce qui doit être consideré com
me le plus grand de tous les maux. Mais comme
les differens Ecrits qui paroissent avoir été le
premier objet de l'Auteur , demeurent toujours
également répréhensibles en eux-mêmes , malgré
les excès de ceux qui les attaquent , et qu'il
seroit à craindre que le Roy ne parût les autho
riser indirectement , en ordonnant la supression
de l'Ouvrage qui les condamne , S. M. a jugé à
propos de proscrire des Ecrits si dangereux par
L'esprit de révolte et d'indépendance qui y domine,
en même- temps qu'elle fera cesser tout ce
qui peut être un signal de discorde ; et elle continuëra
de montrer par-là qu'en maintenant avec
un zele constant et invariable, l'authorité de l'Eglise,
elle ne se sert de la sienne que pour réprimer
sans distinction , toutes les entreprises de
ceux qui tendent également , quoique par des
vûës et par des moyens differens , àtroubler la
tranquillité publique. A quoi désirant pourvoir
S. M. a ordonné et ordonne que ledit Ouvrage
imprimé
2586 MERCURE DE FRANCE
imprimé sous le titre de Mandement de M. l'Eveque
Duc de Laon , second Pair de France Comted'Anisy
, au sujet de trois Imprimés qui se répandent
depuis peu dans son Diocèse ; ensemble
trous Ecrits , dont le premier est intitulé , Instruction
Pastorale de M. l'Evêque d'Auxerre , au
sujet de quelques Libelles répandus dans le Public
contre son Mandement du 26. Octobre 1733. à
Poccasion d'un Miracle opére dans la Ville de Seignelay
: le second a pour titre , Lettre de M.l'Evêque
de Montpellier à N.S P.le Pape Clement
XII. au sujet d'un Decret de Sa Sainteté , en date
du 23 May 1735 qui condamne au feu un prétendu
Mandement de ce Prélat , du 24. Mars de
la méme année: et le troisième est intitulé, Deux
Lettres de M. l'Evêque de Senez; l'une à M. l'Evêque
de Babylone , avec la Réponse de ce Prélat ;
l'autre à M. le Gros , seront et demeureront suprimés,
comme tendants à émouvoir les esprits,
ettroubler la tranquillité publique.Enjoint à tous
ceux qui ont des exemplaires desdits Ecrits , de
les remettre incessamment au Greffe du Conseil,
pour y être suprimés ; fait défense à tous Imprimeurs
, Libraires, Colporteurs et autres , de quelque
état , qualité et condition qu'ils soient, d'en
imprimer, vendre , debiter , ou autrement distribuer,
a peine de punition exemplaire.
:
ORDONNANCE DU ROY , du premier
Juillet , pour faire executer la convention arrêrée
à Kevrain le 21. Avril 1718. concernant la
restitution réciproque des Déserteurs des Troupes
de Sa Majesté ,de l'Empereur et de Hollande
, sur la frontiere des Pays -Bas .
AUTRE de Police, concernant les Marchés
de
NOVEMBRE. 1726. 2587
de Sceaux et de Poissy , du 3. Juillet , par la
quelle il est ordonné que le premier avertis
sement pour faire avancer 1 s moutons aux Mar.
chés , se fera au son de la Cloche qui est à cet
effet posée dans chacun desdits Marchés de
Sceaux et de Poissy; sçavoir , à huit heures et
demie du matin , depuis Pâques jusqu'à la S. Remy
, et à neuf heures et demie du matin, depuis
la S. Remi jusqu'à la fin des jours gas.
Que le second avertissement se fera de même
à onze heures précises , pour faire mettre les
montons aux râteliers .
Et que le tro siéme et dernier coup de Cloche
se fera àmidi précis , pour indiquer l'heure de
la vente desdits moutons.
Et à l'égard des Bestiaux qui entrent dans lesdits
Marchés , et dont la vente ne se fait point ,
le renvoi en sera indiqué également au son de
Cloche , à trois heures de relevée en hyver , depuis
la S. Remy jusqu'au Carême , et à quatre
heures en été ,depuis Pâques jusqu'à la S Remy.
ARREST du 17. qui proroge pour un an , a
compter du 15. Octob. dernier au 15.Oct.1737 .
l'exemption des droits , portée par l'Arrêt du 23 .
Septembre 1732 sur les Bleds, Froments , et autres
Grains, Farines et Légumes qui seront transportes
des Provinces des cinq grosses Fermes ,
dans les Provinces réputées Etrangeres , et des
Provinces réputées Etrangeres , dans celles des
cinq grosses Fermes,
AUTRE du même jour : qui exempte des
droits dûs au Roy ou à ses Fermiers , et des droits
de peage et autres , les grains qui seront transportés
des Provinces du Royaume dans celle de
Provence
2588 MERCUREDE FRANCE
Provence , pendant un , an à compter du
Septembre 1736.
ORDONNANCE de Po'ice , du même jour ,
qui condamneplusieurs Particuliers en six mille
livres d'amende chacun , et leur interdit pour
toujours l'entrée de la Bourse , pour s'être immiscé
dans les fonctions d Agens de Change .
ORDONNANCE DUROY , du 21. portant
que les Capitaines , Maîtres et Patrons des Bâtimens
François , seront tenus à l'avenir de payer
les droits Consulaires et Nationaux, aux Con
suls de France établis dans les Ports d'Espagne.
ARREST du 18. par lequel il est dit que le
Roy s'étant fait représenter un Livre qui a pour
titre l'Ordre de l'Eglise , ou la Primauté et la
subordination Ecclesiastique, selon S. Thomas, par
le Pere Bernard d'Arras , Capucin, ancien Lecteur
en Théologie , imprimé à Paris en 1735. avec
Aprobation et Privilege du Roy , Sa Majesté auroit
reconnu que cet Ouvrage est si rempli d'expressions
équivoques ou dangereuses, et de propositions
qui ne s'accordent pas avec les maximes
du Royaume , que S.M. ne sçauroit se porter
trop promptement à révoquer le Privilege en
vertu duquel il a été impriné , et à ordonner la
supression de ce Livre, pour empêcher le mauvais
erfet qu'il pouroit produire , si l'on continuoit
de le répandre dans le public. A quoi voulant
pourvoir, Sa Majesté a révoqué et révoque
ledit Privilege ; et en conséquence , a ordonnéer
ordonne que ledit Livre sera et demeurera suprimé;
ordonne à tous ceux qui en ont des
Exemplaires , de les raporter incessamment au
Greffe
NOVEMBRE. 1926. 2589
Greffe du sieur Herault, Conseiller d'Etat, Lieu
tenant General de Police , pour y être suprimés.
Fait défenses à tous Libraires , Imprimeurs ,
Colporteurs , et à tous autres ,de quelque état,
qualité et condition qu'ils soient , d'imprimer ,
vendre , débiter ou autrement distribuer ledic
Livre , à peine de punition exemplaire.
ORDONNANCE DU ROY , du 28. par la
quelle il est dit que S. M. voulant donner des
marques de son attention pour tout ce qui peut
interesser la République de Genes, et empêcher
que les révoltés reçoivent par les Bâtimens François,
aucunes Armes et munitions ni autres secours
quelconques ; elle a ordonné et ordonne
enrenouvellantce qui est prescrit par son Ordonnance
du 18. Août 1731. à tous Capitaines ,
Maîtres et Patrons de Navires François', de ne se
pas noliser , sous quelque prétexte que ce soit ,
pour le service des Révoltés de l'Iſle de Corse ,
leur défendant très - expressément d'admettre ni
de permettre qu'il soit embarqué sur leur bord ,
dans les Ports du Royaume , ni en ceux des Pays
Etrangers , des Canons , Armes , Poudres et autres
munitions de guerre , ni aucun secours pour
lesdits Révoltés; son intention étant qu'ils s'abs
tiennent absolument de leur en porter , à peine
dedésobéissance. Défendant S. M. l'entrée dans
les Ports de France , à tous Bâtimens Corses
dont les Capitaines , Maîtres et Patrons ne seront
point munis des Passeports , Congés et au
tres.Expéditions ordinaires de la République de
Genes ou de ses Commissaires , &c.
ARREST du 31. pour l'ouverture de l'An
nuel de l'année 1737. laquelle commencera le
premier
2590 MERCURE DE FRANCE
premier Novembre , et continuëra jusqu'au dernier
Décembre suivant inclusivement.
AUTRE dus . Août , qui regle celles des
dépenses de la Marine et des Galeres , sur lesquelles
le Dixiéme ordonné par la Déclaration
du 17. Novembre 1733. doit être levé , et celles
qui en sont exemptées.
ORDONNANCES DU ROY , du 10. pour
réformer la Compagnie d'Ouvriers de Pampelonne
, et l'incorporer dans les cinq anciennes
Compagnies du même Corps.
ARREST du 15. portant Reglement pour les
Peluches qui se fabriquent dans la Ville d'Amiens
et autres lieux de la Province de Picardie,
par lequel S. M. ordonne l'execution des 29 .
Articles contenus audit Arrêt.
On donnera deux Volumes du Mercure
de France le mois prochain pour avoir leu
d'employer les Pieces qui n'ont pû trouver
place dans le cours de l'année.
TABLE.
IECES FUGITIVES. Origine de la Poësie
P Traduction ,
Observations de Chirurgie , &c.
Lettre de Cornelie à Jules Cesar , &c.
2370
2382
2393
Observations sur un Passage de M. Pope , 2396
Ode
Odo tirée du Pseaume 78. &c. 2412
Lettre sur les Pilules Mercurielles , &c. 2416 7
La Consultation Magique, Epitre en Vers , 2428
Lettre de M. *** à M. Beneton de Perrin , sur
les Hôtelleries , &c. 2431
Ode, &c. 2446
Plainte de la Ville de Moulins , sur la naissance
duMaréchal de Villars , 2449
Description de l'Abbaye de Chaalis , &c . Extrait
de Lettre deJean de Montreuil , 1502452
LeHibou et la Fauvette , Fable ,.. : 2466
Lettre au sujet d'une Instruction Pastorale , &c.
2470
Nouveaux Couplets , sur l'Air de Joconde , 2480
Vera gravitatis Causa , &c. 2482
Enigine , Logogryphes , &c. 2487
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX ARTS,
&c.
2490
Recueil de Jurisprudence du Pays de DroitEcrir,
2492
De l'usage et du choix des Livres , &c, 2493
Memoires pour servir à l'Histoire des Homines
Illustres , &c. 2497
Theologia universa , &c . 2516
Livres nouveaux ,Catalogue , & c. 2518
Nouvelle de Litterature , Lettre écrite de Flo
rence , & c, 2520
Nouveaux Almanachs , 2523
Assemblée publique de l'Académie des Belles-
,
Lettres et Prix Litteraire proposé l'année
1738 . 2525
Ouverture de l'Académie Royale des Sciences ,
&c. 2526
Ouverture du College Royal , 2527
Antiques à vendre , Cabinet de M. Lebret , 2528
Estampes nouvelles , 2529
Chanson
Chanson notée , 2533
Spectacles , les Génies , Ballet , ibid,
Medée et Jason , Tragédie , Parodie , 2542
L'Impromptu du Pont Neuf, représenté à Meuden,&
c. 2545
Couplets nouveaux, 2550
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Russie ,
2552
De Suede et Allemagne , 2556
D'Italie , d'Espagne et Portugal , 2558
France,Nouvelles de la Cour,de Paris, &c. 2558
Discours prononcés à l'occasion du coeur de la
Princesse de Conti , 2563
Morts, Naissances et Mariages , &c. 2566
Arrêts Notables , 2584
Errata d'Octobre.
P
gloire lisez
Age 2302. ligne 15. , s
gloire.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 2453. ligne 17. 1300, lisez 1390.
LaChansonnotéedoit regarder la page 2535
Qualité de la reconnaissance optique de caractères