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MERCURE
DE FRANCE ,
DEEDDIIEE AU ROT.
SEPTEMBRE 1735.
SR
.
COLLIGIT
'/
SPARCIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
rue S. Jacques.
Chez La veuve PISSOT , Quay de Conty ,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais..
M. DCC. XXXV.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
UBLIC LIBRARY
686109
A VIS.
>
,
TILDEN SUNDALO RESSE generale eſt à
99 Monfieur MOREAU Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
+
On pris très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans'
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte, on aux Meffageries qu'on
lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS
1
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT.
SEPTEMBRE. 1735 .
*********************
PIECES FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
ALPHONSE DE GUSMAN ,
Gouverneur de Tarife, sous Don Sanche le
Brave , Roy de Castille. Turquet et Mariana
, Histoire d'Espagne .
C
POEM E.
Elebrons un Héros fidele à sa Patrie
,
Qui du Maure cruel arrêtant la
furie ,
Remplit avec éclat les devoirs de son rang,
A ij
Et
1894 MERCURE DE FRANCE
Er prefera l'honneur aux interêts du sang.
* Un Prince téméraire , un sujet parricide ,
Ose contre son Roy lever un bras perfide ,
Conduit par la discorde et la rébellion ,
Il veut tout immoler à son ambition.
Le farouche Afriquain nouri dans les allarmes ,
Seconde ses projets et lui prête ses armes ;
On voit déja courir leurs barbares Soldats ,
Le désordre et la mort volent devant leurs pas,
Semblables aux torrens qui tombent des monta
gnes ,
Leurs nombreux bataillons inondent les campagnes
;
Par tout ils ont semé l'épouvante et l'horreur ;
L'Espagne poura- t'elle éviter leur fureur
Alphonse va bientôt braver certe puissance ,
De Tarife assiegée il a pris la defense ,
Et sa vertu solide est l'apui des remparts ;
Il ranime les siens pressés de toutes parts :
Mille assauts repoussés augmentent son courage
,
Des Maures confondus il méprise la rage ;
Mais il leur reste encore un moyen plein d'horreur
,
Pour le vaincre lui même , ils attaquent son
coeur.
Le Fils de ce Héros , son unique esperance ,
Par un sort inhumain étoit en leur puissanee ,
Don Jean , Infant de Castille,
Et
SEPTEMBRE. 1735. 1895.
On traîne cet Enfant ; on l'expose à ses yeux ,
Et des cris de fureur s'élevent jusqu'aux Cieux .
Alphonse est agité , ses entrailles fremissent ,
Il reconnoît son Fils dont les pleurs l'atten
drissent ;
La cruauté s'aprête à terminer les jours ,
De ce Fils innocenr , captif et sans secours ,
L'Arrêt est prononcé , la foudre est suspenduë ,
Il perit si la Ville à l'instant n'est renduë .
La tendresse d'Alphonse ébranle son devoir ,
Mais sa -vertu l'emporte et reprend son pouvoirs
Son coeur est indigné d'un instant de foiblesse
Le devoir à son tour étouffe la tendresse
La honte et le couroux animent ses regards ,
Et la rébellion tremble aux pieds des remparts.
On prétend m'allarmer, c'est en vain qu'on l'espere
,
➡ J'étois sujet, dit- il, avant que d'être Pere ;
➡ Si je dois à mon sang,je dois plus à mon Roy;
Et vos lâches complots ne peuvent rien sur moy
» Je hairois mon Fils , conservé par le crime ,
» J'abandone à vos coups cette noble Victime ,
» Sa mort ne rendra point mon courage abatu ,
Et ma Posterité n'est que dans ma vertu ,
»Bien loin de plaindre un Fils qui meurt pour se
Patrie ,
20
Si je pouvois moi-même attenter à sa vie ,
J'irois aux yeux de tous le livrer au trépas , 1
Employez mon épée au défaut de mon bras,
Frapez
1896 MERCURE DE FRANCE
20
Frapez , percez son coeur et vengez-vous d'Alphonse
;
30 Que ce fer en vos mains confirme ma réponse.
Il s'éloigne à ces mots ; cette noble fierté
Etonne les esprits , suspend la cruauté ,
Les Maures sont émus , leur haine s'en offense,
Ils vont pour l'assouvir immoler l'innocence
Les coeurs par la pitié ne sont plus attendris
Du fer même d'Alphonse on va percer son Fils ?
Barbares arrêtez . . . . ô fureur obstinée :
11 tombé c'en est fait , victime infortunée ,
L'injustice et l'envie ont épuisé leurs traits :
Grand Dieu , souffrirez- vous de semblables for
faits :
Mille cris aussi-tôt apellent la vengeance ,
Alphonse les entend , il se trouble , il s'avance ,
Quel barbare spectacle arrête ses regards ,
De son Fils dechiré les membres sont épars,
Le sang qui fume encor semble se faire entendres
La nature gémit dans le coeur le moins tendre
Toute la Ville s'arme au bruit de ce trépas ,
Alphonse vengez - vous , nous marchons sur vos
pas :
Mais le Héros s'opose à ce noble courage;
Seul il paroît tranquille au milieu de l'orage ,
Intrepides guerriers moderez ce transport ;
» Et respectons , dit - il , une si belle mort ;
Cette ardeur indiscrete offense notre gloire ;
Rarement le tumulte assure la victoire ;
Un
SEPTEMBRE . 1735. 1897
* Un homme tel que moi , tesponsable à l'Etat ;
Doit moins agirenChef, qu'en Pere du soldat j
Ne precipitons rien , veillons à la défense ;
33
Craignons que la valeur n'aveugle la prudence ,
»Ne songeons qu'à lasser nos communs ennemis,
Qui me reprocheroient d'avoir vengé mon Fils;
Genereux Citoyens, c'est en vous que j'espere ;
» Vous étres mesEnfans,je vous tiens lieu de Pere;
» N'irritez point mon sort en exposant vos jours;
» Heureux si tout mon sang en prolongeoit le
cours.
Les soldats à regret abandonnent les armes
Ces tendres sentimens leur arrachent des larmes
Alphonse dans son sein renfermant ses douleurs ,
Agit , commande , ordonne , et condamne leurs
pleurs ;
L'orgueil est terrassé , la rage est confonduë ,
Par un bras plus puissant , la Ville est deffenduë,
Dieu même garantit ces remparts glorieux ;
La vengeance terrible enfin descend des Cieux ,
Les Maures sont frapés d'une crainte subite ,
Leur crime les poursuit , leur fureur les agite ;
Ils trainent en fuyant les remords et l'horreur ,
Vaincus et dissipez par leur propre terieur..
Favard.
A iiij
Les
1898
MERCURE DE
FRANCE
88888884
ののの23
L à la Societé
Es trois Mémoires suivans ont été
lûs en
differens temps
des Arts , par le Sieur Julien le Roy , Horloger
, et de la même Societé.
DESCRIPTION et usage d'un
nouveau
Cadran horisontal ,
universel , et propre
à tracerdes Meridiennes.
N des principaux objets de la Societé
, étant de
perfectionner les
Arts par le secours des Sciences , et par
ce moyen contribuer à l'utilité du Public,
à qui elle a consacré le fruit de ses travaux
; c'est en suivant ces vues que m'aidantde
quelques principes
d'Astronomic
et de Mécanique , j'ai imaginé les moyens.
de
perfectionner la construction et l'usage
des Cadrans horisontaux qui font le sujet
de ce Mémoire et de deux autres qui
le suivent .
Il n'est pas nécessaire d'être fort versé
dans la
Gnomonique , pour juger que les
meilleurs Cadrans horisontaux ne matquent
juste l'heure du Soleil , qu'autant
qu'ils sont bien orientés : cependant les
differens moyens que l'on employe pour
y parvenir, sont la plûpart si defectueux,
qu'on
SEPTEMBK D. 1735. 1899
qu'on ne peut s'en promettre toute la
justesse et toute la précision qui y est né
cessaire .
Par exemple , une Boussole ne peut indiquer
le vrai Midy , ou le vrai Nord
qu'imparfaitement ; se regler sur les Pendules
ou sur les Horloges , c'est suposer
ce qui est en question ; car il faudroit
être assuré qu'on les a mises à l'heure sur
un bon Cadran , ou sur une bonne Méridienne
, ce qui est rare même dans les Vil
les , et l'est encore plus à la Campagne.
D'ailleurs , pour marquer juste l'heure
du Soleil , il ne suffit pas qu'un Cadran
horisontal soit bien orienté , il faut encore
que son Axe soit éxactement paral
Lele à celui de la terre , de sorte qu'on ne
peut s'en servir avec succès , que sous le
parallele pour lequel il a été divisé , er
dès qu'on le transportera huit ou dix
lieuës au Nord ou au Sud , il ne marquera
plus l'heure avec la derniere précisions
ce qui est réellement un second inconvé
nient , qui joint au premier, forment ensemble
un double obstacle à l'usage et à
Ia justesse de ces sortes de Cadrans ..
Pour remedier totalement aux inconveniens
que je viens de remarquer , et
faire ensorte qu'on puisse placer aisément
et avec la derniere précision les Cadrans
A horisontaux
$35.00
1900 MERCURE DE FRANCE
horisontaux , j'ai fait à leur construction ,
plusieurs additions que je vais décrire ,
afin que laCompagnie puisse juger de leur
utilité.
Description du nouveau Cadran horisontal.
Ce nouveau Cadran a deux Méridiennes
qui sont distantes l'une de l'autre
d'environ dix lignes ; au milieu de l'intervalle
qui est entre elles est une autre ligne,
qui étant prolongée parallelement de part
et d'autre , sert à déterminer la ligne de
foi de deux portions d'Alidades fixes , qui
sont réservées Nord et Sud du Cadran.
La ligne dont je viens de parler , est
divisée à l'une de ses extremitez par d'autres
plus petites qui la traversent à Angle
droit , et sont numerotées 1. 2. 3 .
& c.
Je nommerai dans la suite Echelle Méridionale
la partie de cette ligne , qui est
divisée et numerotée.
A droite et à gauche de l'Echelle Méridionale
, sont deux autres Echelles ,
que je nommerai dans la suiteEchelles des
huteurs correspondantes, elles sont composées
chacune dedeux lignes , lesquelles
étant également éloignées des deux Méridiennes
, sont prolongées vers le centre
commun du Cadran , et divisées par des
Arcs décrits du même centre.
SEPTEMBR E. 1735. 1901
L'Echelle des hauteurs correspondantes
pour le matin , occupe sur le Cadran
l'intervalle qui est sur la ligne de neuf
heures jusqu'à celles de dix ; celle du soir
occupe l'intervalle qui lui est correspondant.
La largeur de l'Axe est égale à l'intervalle
qui est entre les deux Méridiennes ;
d'ailleurs il est creusé en goutiere par
dessous , et plus épais vers les bords que
vers le milieu .
Sur le milieu du dos de l'Axe qui est uni,
est tracée une ligne qui est parallele à ses
côtés , et divise en deux parties égales
le diametre de cinq trous qui y sont percés
de la
grosseur d'une épingle.
L'extrémité superieure de l'Axe soutient
un plomb formé d'une soye et d'un
petit poids dont la partie inferieure terminée
en pointe , sert d'Index à une quatriéme
Echelle gravée sur le plan du Cadran
, et que je nommerai dans la suite
Echelle des hauteurs de Pole ; l'usage de
ce plomb est de servir à mettre le Cadran
de niveau , ou à l'incliner suivant le degré
de latitude sous lequel il est placé.
Aux quatre coins du Cadran sont quatre
vis qui serviront tant à le mettre de
niveau qu'à l'incliner au Nord ou au Sud,
lorsqu'on s'en servira sous des paralleles
Cvj differens
1902 MERCURE DE FRANCE
differens de celui pour lequel il a été divisé.
Usage du nouveau Cadran horisontal.
AyantmisleCadran sur un plan deniveau
et l'ayant présenté le matin au Soleil , on
le tournera doucement , en attendant l'instant
où l'un des rayons de cet astre passant
au travers de l'un des trous de l'Axe
tombera juste sur l'une des divisions cruciales
de l'Echelle Méridionale ; alors
on apuyera la main sur le Cadran pour
l'affermir , et avec un canif ou un crayon
on tracera sur le plan deux lignes le long
des deux portions d'Alidades l'après
midi on placera le Cadran de maniere que
l'une des deux Alidades croise l'une des
lignes tracées le matin , et on tournera
encore le Cadran peu à peu jusqu'à ce
que la lumiere du Soleil tombe précisément
sur la même division , et au même
point que le matin , après quoi l'on tracera
encore deux lignes le long des deux
Alidades ; l'endroit où se croiseront ces
deux lignes sera l'un des points de la Méridienne
pour avoir l'autre on mettra la
pointe d'un compas sur leur point d'intersection
, et dans l'intervalle qui sera
entr'elle , on décrira un Arc de cercle
dont le milieu sera le second point par où
:
doit
SEPTEMBRE. 1735. 1995
doit passer la ligne Méridienne que l'on
tracera avec une tegle bien droite : ensuite
de cette operation on placera le Cadran
, de sorte que les côtés des Alidades
couvrent précisément la moitié de la
largeur de la Méridienne.
Pour verifier si la Méridienne est juste ,
et s'en assurer par les Echelles des hau
teurs correspondantes , on remarquera le
lendemain ou quelques jours après , l'instant
où l'image du Soleil passera précisement
sur l'une des sections de l'Echelle
du matin : l'après midy du même jour on
observera sur celle du soir , si elle passera
par une section correspondante à celle du
matin.
Si l'on a observé que les Rayons du
Soleil , en passant par le même trou de
l'Axe , ont tombé matin et soir au même
point des Echelles correspondantes , c'est
une preuve certaine que le Cadran est .
bien orienté : le contraire prouvera qu'il
l'est mal , et qu'il y a quelque chose à souhaiter
à la précision de la Méridienne ;
pour la rectifier , on tournera le Cadran
peu à peu , jusqu'à ce que l'on ait atteint
toute la précision souhaitée .
¡ Après avoir vu les moyens d'orienter
avec précision le nouveau Cadran , passons
à ceux de le rendre universel , en
Pinclinaut
1904 MERCURE DE FRANCE
l'inclinant au Nord ou au Sud , suivant
un Axiome de Gnomonique qui est si
clair , qu'il seroit inutile de démontrer
ici qu'en quelque lieu que soit placé un
Cadran horisontal , il y marquera toujours
juste l'heure du Soleil , pourvu que
son Axe soit parallele à celui de la terre ,
ou son plan parallele à l'horison pour lequel
il a été divisé , et que le nommerat
son horison propre , pour le distinguer
de tous ceux où il peut être successivement
placé , ainsi qu'on en va voir l'u
sage.
Je supose que le Cadran est placé sur
une Méridienne tracée sous un degré de
› latitude different de son horison propre ,
er qu'on veut l'incliner pour s'en servir ;
il faut pour cela tourner les vis , jusqu'à
ce que la pointe du plomb marque sur la
ligne de foi de l'Echelle des hauteurs de
Pole , le degré de latitude du lieu , alors
le Cadran sera placé à tous égards dans la
situation ou il doit être pour marquer
éxactement l'heure du Soleil .
EXEMPLE.
Suposons que le nouveau Cadran est
tracóour le parallefe de 48. d . § 1º : qui
est ,son horison propre , on veut s'en ervir
à 55 d. de fatitude , pour cela il faut
l'incliner
SEPTEMBRE. 1735. 1905
l'incliner , jusqu'à ce que la pointe du
plomb marque sur la ligne de foi de l'Echelle
des latitudes ce même nombre de
degrés.
REMARQUE.
Quand les rayons du Soleil passent par
les trous de l'Axe du Cadran , et peignent
son image sur son plan , elle y paroît peu
sensible , à moins à moins que le spectateur n'ait
l'attention de se placer de maniere que ses
rayons visuels soient dans la ligne de refléxion
de l'image du Soleil ; outre cette
précaution on peut se servir d'une chambre
obscure faite avec une carte à jouer ,
pliée en forme de pignon de maison , et
de maniere que sa peinture soit en dedans
son la posera sur le plan du Cadran ,
ensorte qu'elle obscurcisse le lieu où sera
peinte l'image du Soleil , qui par ce moyen
sera vûë très distinctement sous la carte
dans le temps même que cet astre sera
peu lumineux. Les Curieux pouront
avoir à leur Cadran une chambre obscure
en métal qui y sera attachée au moyen
d'une branche composée de deux ou trois
charnieres. Lu le 30. Mars 1733
Description
1906 MERCURE DE FRANCE
Description d'un nouveau Cadran universel
, portatif et à Boussole.
Deuxième Mémoire.
C
E nouveau Cadran est à peu près de
la grandeur d'une carte à jouer , et
formé de deux platines de laiton ou d'argent
, unies ensemble par le moyen d'une
charniere composée de deux tenons attachés
sur la platine infericure , et de deux
arbres artachés sur la superieure .
Le centre de mouvement de cette charniere
est dans le plan superieur de la platine
de dessus qui peut être élevée et abaissée
, parce qu'elle est à quatre lignes de
distance de celle de dessous.
La boëte de la Boussolle entre dans une
ouverture ronde faite à la platine de dessus
; d'ailleurs elle est mobile et porte un
Index de sept à huit lignes de longueur,
lequel sert à marquer la déclinaison de
P'Aiguille aimantée en parcourant les degrés
d'une portion de cercle , gravée sur
cette même platine.
L'Axe est formé d'une soye tendue par
une bascule , laquelle étant mobile et à
charniere , s'éleve et s'abaisse sur la platine
superieure par le moyen d'un ressort.
Une lame de laiton de la longueur du
Cadran , épaisse d'une demie ligne , et
large
SEPTEMBRE . 1735. 1907
"
large de trois , sert à former une Echelle
graduée pour les differentes hauteurs de
Poles ; elle est attachée à la platine inferieure
, et entre dans une ouverture faite
à la superieure , qui peut être élevée ou
abaissée le long de cette Echelle suivant
le degré de latitude où l'on doit se servir
du Cadran ; d'ailleurs l'Echelle est à
charniere dans sa partie inferieure , afin
qu'on puisse l'abaisser à plat sur le Ca
dran.
Au milieu du côté Méridional du Cadran
et sur la platine superieure , est ate
tachée une petite plaque de laiton qui a
quatre lignes en quarré ; elle a un trou
percé au milieu,de la grosseur d'une épingle
, lequel est exactement perpendiculaire
sur la Méridienne du Cadran ; dans
la suitelje nommerai cette plaque la Pinule.
La Pinule a une petite oreille dans laquelle
entre une vis qui répond à un tourniquet
, dont la pression sert à affermir la
platine superieure contre l'Echelle afin
qu'elle ne puisse s'abaisser ou s'élever
quand on se sert du Cadran .
Au milieu du côté septentrionnal du
Cadran , et sur sa platine superieure , est
attachée une petite plaque de métal semblable
, et vis à vis la Pinule ; sur cette
plaque , que je nommerai dans la suite le
Limbe
1905 MERCURE DE FRANCE
Limbe , sont deux lignes qui se croisent ,
l'une est horisontale ; l'autre qui est verticale
tombe perpendiculairement sur la
Méridienne du Cadran ; c'est le point où
s'entrecoupent ces deux lignes , que je
nommerai dans la suite section cruciale.
Sur la face des deux arbres de la charniere
, sont tracées deux autres sections
cruciales , dont on verra les proprietés
dans l'usage ci après.
Usage du nouveau Cadran universel
à Boussole , propre à tracer des
A
Méridiennes .
Vant que de se servir duCadran on
aura l'attention de l'éloigner des
grandes masses de fer , comme Grilles ,
Balcons ,Rampes , et autres ferrures , et cela
à cause que leur sphere d'activité sur l'Aiguille
aimantée étant , selon toutes les
aparences,comme le cube de leurs masses
respectives , elle pouroient la déranger
de la direction du Fluide magnetique jusqu'à
la distance de 4. à 5. toises , et peutêtre
plus .
Pour s'assurer qu'une Aiguille aimantée
est hors de la sphere d'activité d'une masse
de fer grande ou petite , il faut l'en
éloigner ou aprocher peu à peu jusqu'à
ce qu'on ait observé à differentes reprises
qu'elle
SEPTEMBRE . 1935. 1909
qu'elle ne change point de direction.
Pour tracer une Méridienne avec le
nouveau Cadran , on l'exposera le matin
au Soleil sur un Plan horizontal , et on
élevera la Platine superieure jusqu'à ce
que les Rayons de cet Astre , passant par
letrou de la Pinule , aillent projetter son
image un peu au dessus de la section cruciale
qui est au milieu du Limbe , alors
on fixera la Platine au moyen de la vis de
la Pinule ; et après l'avoir representé encore
au Soleil , on le tournera peu à peu
jusqu'à ce que les Rayons de cet Astre
tombent juste sur la section cruciale indiquée;
ensuite on apuyera le pouce sur la
charniere , et un des doigts sur le coin de
la Platine de dessous , lequel est oposé
à l'Echelle , et on se servira d'un canif
ou crayon pour tracer une ligne le long
du côté de la même Platine.
La Platine superieure restant fixée au
même point , on placera le Cadran l'après-
midy , de maniere que le côté de la
Platine inferieure croise l'une des extrê
mités de la ligne tracée le matin , et on
le tournera encore peu à peu , jusqu'à ce
que la lumiere du Soleil passant par le
trou de la Pinule , tombe précisément
sur la même section cruciale , après quoi
on tracera une seconde Ligne le long du
côté
1910 MERCURE DE FRANCE
côté de la Platine de dessous ; l'endroit
où se croiseront ces deux Lignes sera l'un
des points de la Méridienne ; pour avoir
l'autre , on mettra la pointe d'un compas
sur leur point d'intersection , et dans
l'intervalle qui sera entr'elles , on décrira
un Arc de Cercle dont le milieu sera
le second point de la Méridienne que l'on
tracera avec une regle.
Pour verifier si la Méridienne est juste ,
et s'en assûrer par l'observation des hauteurs
correspondantes , on placera sur elle
un des côtés de la Platine inferieure , et
on élevera ou abaissera la superieure jusqu'à
ce que les Rayons du Soleil, passant \
par le trou de la Pinule , aillent peindre
son image sur la section cruciale qui est
à la face d'un des arbres de la charniere
du côté des heures du matin : l'après -midy
du même jour on observera si l'image
du Soleil passera par la section cruciale
oposée ou correspondante , laquelle est
à la face de l'autre arbre de la charniere
du côté des heures du soir : par ce moyen
on verifiera si la Meridienne est juste ou
non ; car si l'image du Soleil ne passoit
pas matin et soir par les mêmes points des.
sections , ce seroit une preuve qu'elle ne
seroit pas juste , et qu'il en faudroit tracer
une autre.
Pour
SEPTEMBRE . 1735. 1918
Pour observer la déclinaison de l'Aimant
, on élevera la Platine superieure
du Cadran , et l'on placera un des côtez
de l'inferieure sur une Méridienne qu'on
aura tracée , ensuite on desserrera la vis
qui affermit l'index, et on la tournera jusqu'à
ce qu'il soit sous l'Aiguille aimantée;
alors sa pointe marquera sur la portion
du Cercle le degré de la déclinaison.
Pour trouver la variation de l'Aimant
sans se servir de Méridienne , on exposera
le Cadran au Soleil aux environs de
' heure de midy , et on le tournera peu à
peu jusqu'à ce qu'il marque l'heure d'un
atre Cadran Solaire , ou d'une Horloge
ont on sera sûr de la justesse , ensuite
on tournera l'index jusqu'à ce qu'il soit
récisément sous l'Aiguille ; alors il sera
au dégré où il doit être , et la déclinaison
de l'Aimant sera retrouvée,
Les proprietés qui rendent le nouveau
Cadran commode et utile pour trouver
aisément la variation de l'Aiguille aimantée
, paroîtront fort avantageuses, si l'on
fait attention que la déclinaison de l'Aimant
est variable en differens temps et en
differens lieux ; que d'ailleurs le Public
n'a pour la lui indiquer que le Livre
de la Connoissance des Temps , dans lequel
on trouve seulement la déclinaison
pour
1912 MERCURE DE FRANCE
pour Paris et pour l'année qui a precedé
celle où l'on en a besoin.
Le Cadran étant orienté , soit par une
Méridienne, soit par son Aiguille aimantée ,
peut marquer l'heure du midy fort distinctement
, et avec une grande précision ;
pour cela il faut abaisser la bascule qui
tend la soye , et avoir l'attention quel
ques minutes avant midy d'élever la Platine
superieure jusqu'à ce que les Rayons
du Soleil, passant par le trou de la Pinule,
aillent peindre son image sur un point
quelconque de la ligne verticale du Limbe.
Il y a deux choses à remarquer dans
cette operation : la premiere , qu'il est
indifferent que l'Image du Soleil tombe
au dessus et au dessous de la ligne horizontale
du Limbe , laquelle est inutile en
ce cas la seconde , que quand le Soleil est
aux environs du Tropique de Cancer , il
est trop élevé sur l'horison pour qu'on
puisse faire cette operation.
›
Pour se servir du Cadran sous differens
paralleles , il faut seulement arrêter le
bord superieur de la Platine de dessus
à l'endroit de l'Echelle où est gravé le
degré de la hauteur du pole du lieu où
l'on est.
Par les Articles précedens , il est aisé
de remarquer qu'il y a deux moyens d'orienter
SEPTEMBRE. 1735. 1913
rienter le nouveau Cadran , l'un en se
servant de son Aiguille aimantée , et
l'autre en se servant d'une Méridienne :
mais ce dernier étant absolument préferable
au premier , on en fera usage aussi
souvent qu'il sera possible.
Pour orienter le nouveau Cadran par
le moyen d'une Méridienne , on placera
sur elle un des côtés de sa Platine inferieure.
Pour indiquer l'horison de Paris sur
l'Echelle , on y a fait une petite marque
qui est entre les 48. et 49. Dégrez.
Remarques sur la construction des Cadrans ',
communément appellés Buterfiels .
Outre les proprietés qu'on vient de remarquer
au nouveau Cadran , il a plusieurs
avantages sur ceux de Buterfiel :
premierement , sa Boussolle placée au
milieu de la Platine superieure , permet
d'y faire les divisions aussi grandes qu'il
est possible,d'où il s'ensuit qu'on y doit
voir les parties des heures bien plus distinctement
qu'à ceux de Buterfiel , où le
centre du Cadran est toujours placé , de
maniere que les lignes horaires sont trop
courtes pour laisser entr'elles un intervalle
assés sensible pour voir distinctement
les parties des heures , même au Cadran
qui est interieur aux autres.
1914 MERCURE
DE FRANCE
Secondement , les dégrés marqués sur
l'Echelle du nouveau Cadran y sont si sensibles
, qu'on peut le mettre éxactement
à la hauteur du Pole ; dans ceux de Buterfiel
au contraire les dégrés marqués
sur la portion de Cercle de l'Axe y sont
si près les uns des autres , qu'il est difficile
de ne pas s'y méprendre ; d'ailleurs
leur Axe est composé de trois épaisseurs ,
lesquelles augmentent la largeur de l'om
bre , et empêchent qu'on ne voye sensiblement
l'heure de midy.
Enfin les Buterfiels sont ordinairement
composés de trois ou quatre Cadrans
concentriques , dont les interieurs sont
confus , parce qu'ils sont petits ; d'ailleurs
comme ils different ordinairement les uns
des autres de trois dégrés , ils laissent à
désirer une précision qu'on ne peut y
trouver , lorsqu'on s'en sert sous les paralleles
qui sont intermediaires à ceux
pour lesquels ils ont été tracés.
Avant de finir sur cette matiere , je fe
rai remarquer , que , quoique la variation
de l'Aimant ne soit pas fort grande
d'une année à l'autre , elle l'est cependant
assés pour conclure que la ligne de déclinaison
, étant fixée sur la plupart des
anciens Cadrans à Boussolle , elle les rend
plus ou moins défectueux , suivant qu'on
s'en
SEPTEMBRE . 1735. 1915
' en sert dans les années où la déclinaison
est plus ou moins aprochante de
celle où ils ont été faits.
Exemple.
La déclinaison de l'Aiguille aimantée est
actuellement d'environ 15. dégrés vers
l'Ouest et comme elle a augmenté depuis
l'année 1725. de deux dégrés 48. minutes
, il s'ensuit necessairement que les
Cadrans à Boussole , construits en ce temslà
, doivent avancer à present de 11. minutes
d'heure ou environ , et que ceux
qui sont plus anciens avancent encore
davantage ; ce défaut , joint à ceux qu'on
a remarqués , prouvent évidemment que
la construction de ces sortes de Cadrans
les rend peu propres , tant pour marquer
juste l'heure du Soleil , que pour s'en servir
à regler les Montres . Lû vers le commencement
de l'Année 1734.
MEMOIRE sur un nouveau moyen
de faire marquer juste l'heure du Soleil ,
aux Cadrans horisontaux, ordinaires on
anciens, en quelque lieu de la Terre qu'ils
soient placés. Dernier Memoire.
Uoique le moyen que Q moyen que j'ai l'honneur
de proposer à la Compagnie
sont assés simple , j'ai cependant une cer-
B titude
1916 MERCURE DE FRANCE
titude morale que personne n'y a encore
pensé.
:
Elle est fondée sur ce qu'on n'en voit
aucunes traces dans tous les Traités de
Gnomonique , dans la Tradition , ni ailleurs
et sur ce qu'on a toujours cru jusques
ici que les Cadrans horisontaux ne
marquoient juste l'heure du Soleil , que
lorsqu'ils étoient placés sous le parallele
pour lequel ils avoient été divisés : dans
ce Mémoire , je me propose d'établir le
contraire , et de montrer qu'en faisant
usage du nouveau moyen , on peut s'en
servir utilement par toute la Terre,
Je supose qu'on veut placer un Cadran,
et qu'on ne sçait ni pour quel parallele il a
été divisé , ni sous lequel on est ; pour
celà il faut commencer par le mettre de
niveau et l'orienter par les moyens connus
, ensuite on aura la précaution d'avoir
une montre bien reglée et de la
mettre juste lorsqu'il marquera midy ,
après quoi on observera vers les six heures
du soir , s'il la suit exacrement ,
car s'il retarde , on l'élevera du côté du
Nord ; si au contraire il avance , on l'élevera
du côté du Sud , et l'on repetera
cette operation autant de fois qu'il sera
necessaire , pour parvenir à l'incliner de
maniere qu'il suive la Montre pend ne
putes les heures du soir. Pour
SEPTEMBR E. 1735. 1917
Pour observer si les heures du matin.
sont aussi justes que celles du soir , on
metra après le lever du Soleil la Montre
sur le Cadran , et s'il la suit exactement
jusqu'à midy , alors on sera certain qu'il
continuera toujours a être fort juste ; tant
à cause qu'il sera très bien placé , qu'à
cause que son Plan er son Axe auront
P'inclinaison qu'ils doivent avoir , er la
même qu'ils auroient, si on y
avoir apliqué
l'Echelle des hauteurs de Pole , dont
j'ai parlé dans le Mémoire precedent , et
que j'ai imaginée pour la même fin.
On doit faire attention que la ligne des
six heures du Cadran sera tou ours parallele
à l'horison , et que celle de midy lui
sera inclinée , ce qui est le même que si
on disoit, son plan sera seulement incliné
vers le Nord ou vers le Sud , et ne le sera
point vers l'Orient ni vers l'Occident;
car s'il en étoit autrement , les heures
du matin avanceroient ou retarderoient
sur celles du soir.
Comme, les observations ne dureront
au plus que six ou sept heures , et que les
variations des Montres bien faites et bien
reglées , ne passent guere pour l'ordi
naire environ une minute par jour , il
s'ensuit que sans erreur sensible , on peut
négliger d'y avoir égard.
Bij Ja
1918 MERCURE DE FRANCE
J'ajouterai à ce qui vient d'être dit
que le nouveau moyen doit être mis en
usage , pour verifier indistinctement la
justesse de toutes sortes de Cadrans horisontaux
, et même celle de ceux qui
sont placés sous le parallele pour lequel
ils ont eté divisés : les raisons de cette
précaution sont qu'on peut ignorer au
juste la hauteur du Pole du lieu où l'on
est , que le Cadran peut être mal divisé¸
et son Axe trop ou trop peu incliné sur
son plan,
D'ailleurs il est comme impossible aux
Artistes qui font ces sortes d'ouvrages ,
d'avoir sur leurs plattes - formes , des divisions
pour toutes les latitudes ; et lorsqu'on
leur commande un Cadran , ils le
tracent au plus près qu'il leur est possible
du degré qu'on leur a indiqué , et
auquel ils conforment l'inclinaison de
l'Axe , qui , à la verité, corrige un peu l'erreur
, mais enfin c'en est toujours une
laquelle on aperçoit d'autant moins aiṣément
, quesouvent le Cadran est marqué
pour un degré , et divisé pour un autre
d'où il resulte des variations très diffici
les à demêler , et qu'on ne peut rectifier
par aucune maniere aussi sure et aussi aisée
que le nouveau moyen . Lû le 17. Juil
let 1735.
LETTRE
SEPTEMBRE. 1735. 1919
88888888888888888884
LETTRE écrite de Dreux le 6. Août.
1735. et Stances de P. Rotron.
J'Espere, que vous me
'Espere,Monsieur, que vous me sçaugré
de vous faire d'une Picce
du celebre M. Rotrou , Auteur de
Venceslas , & c. Ce rare génie étoit , comme
vous sçavez , Lieutenant Particulier
de cette Ville , il fit les Vers suivans pour
M. Veillard , qui étoit alors Médecin ,
et dont toute la science ne put prolonger
la vie de notre Auteur , qui mourut
à 35. ans , d'une maladie épidémique.
J'ai transcrit cette Piece d'après l'original
, écrit de la main de M. Rotrou .
STANCE S.
CHeres Campagnes de mes veilles ,
Charmeresses de l'Univers ,
Qui faites agréer nos Vers.
Aux plus délicates oreilles ;
Qui procurez à nos Ecrits
Les suffrages de tant d'esprits
Quittez ce superbe Théatre *
* Les Pieces de Rotrou , faisoient alors tout l'or
nement du Théatre François.
Biij
Où
1910 MERCURE DE FRANCE
Où votre éclat est si charmant ,
Et vous dérobez un moment
Au Peuple qui vous idolâtre.
Si de ces mains officieuses
Dont vous couronnez la vertu
Et dont tant d'Illustres ont eu
Des Guirlandes si précieuses ,
Vous sçavez composer encor ,
De ces Acurs plus riches que l'or ,
De ces Couronnes immortelles ;
Que le rare objet que j'ay pris
En obtienne une de tel prix ,
Qu'on n'en ait jamais vû de telles.
Jamais au séjour où nous sommes ,
Esprit si fort et si charmant ,
N'exerça plus utilement
Cet Art qui conserve les hommes.'
Jamais nuls dans nos Bois sacrés
Que le temps même a révérés ,
N'ont acquis son sçavoir extrême ,
Quelques Myres qu'on ait vantés
Et que vous ayez exaltés
Autant que votre frere même.
Le jugement le plus sévere ,
Admire en un esprit si beau ,
Le vivant et parfait Tableau Des
SEPTEMBRE . 1735. 1928
Des connnoissances qu'eut son Pere.
Son Art , par ses doctes efforts ,
A même pouvoir sur les corps
Que le vôtre sur la memoire ,
Et, comme il n'est point limité ,
Peut donner autant de santé
Que vous pouvez donner de gloire .
Par cet Art , l'hyver de notre âge ,
Sera doux comme son princems ;
Par lui nous aurons à cent ans
De la vigueur et du courage .
Par ses soins nous esperons tous
Voir nos Fils aussi vieux que nous ;
Et ce divin esprit nous pleige * ,
Que dessus leur même mènton ,
Où nous aurons vû le coton ,
Nous verrons paroître la neige.
Glorieux objet de ma veine
Grand homme , l'honneur de ces lieux ,
Docte VEILLARD , jette les yeux
Sur ces Vers que j'ai fait sans peine.
Ma Muse qui t'aima toujours ,
Voudroit en un plus long discours
Employer toute sa science ,
Pour rendre ton nom immortel ;
Nous est caution .
Biiij Mais
1922 MERCURE DE FRANCE
Mais on l'attend à son Hôtel
Avecque trop d'impatience.
*
LETTRE écrite d'Aix le 25. Juillet 1735 .
à Mademoiselle D ** , où l'on examine
si dans le Sexe l'esprit est préferable à
la beauté.
V
>
Ous me pressez , Mademoiselle , de
vous dire mon sentiment sur un
point assés délicat , il faut que je me
détermine pour ce que j'aime le mieux
dans une Fille ,de l'esprit, ou de la beauté;
cela n'est pas facile assurément. Si vous
me demandiés ce que peut faire une Demoiselle
pour plaire , ma réponse seroit
aisée , j'aurois I honneur de vous dire
qu'elle doit tâcher de vous ressembler
en quelque chose ; pour mal qu'elle y
réussit , elle seroit toujours aimable.
Vous êtes la seule qui ait proposé cette
question ; de quel côté que je me range ,
vous sçavez que vous ne risquez rien¸
ayant de l'esprit et de la beauté La plupart
des Dlles sont heureuses d'avoir un
de ces dons du Ciel ; quoiqu elles sen-
L'Hôtel de Rambouillet , le rendez - vous des
beaux Esprits.
blent
SEPTEMBRE . 1735 1923
blent en être contentes , elles ne veulent
pas renoncer à l'autre ; voilà en quoi ma
décision les fàcheroit. Vous me forcez à
m'expliquer , je vais obéïr.
Il semble qu'il n'y ait rien de si aimable
qu'une belle personne. Je parle
du Sexe , les hommes ne doivent pas être
jaloux de ce petit bonheur . Une Dile qui
a l'air noble , le port avantageux , une
démarche majestueuse , la taille fine , un
teint d'albâtre , les yeux beaux et tendres
, la bouche petite et vermeille , les
dents blanches , bien arrangées , qui a
tous les traits réguliers , la gorge bien
prise , le bras rond , la main potelée ;
en un mot une beauté , est quelque chose
de charmant ; une foule d'adorateurs
lui rend les armes ; chacun l'admire ;
ses attraits la font désirer par tout , on
la cite , on la veut voir , on la trouve
adorable ; ses regards sont éloquens ; les
graces accompagnent tout ce qu'elle faits
ce qu'elle dit n'est point absolument mal ,
sa bonne mine persuade presque qu'elle
ne manque pas d'esprit ; peut-on aimer
une plus belle personne ? Non . Y a- t'il
dans le Sexe quelque chose qui satisfasse
davantage , doit-on désirer un objet plus
charmant ? Oui . Il faut le chercher et
lui donner la préference.
By Si
1924 MERCURE DEFRANCE
Si je ne me trompe , j'ai découvert ce
qui vaut mieux qu'une belle personne ;
C'est une Dlle d'esprit . Ne vous persuadez
pas que j'entende parler d'une Sçavante
, je n'exige pas qu'elle le soir autant
que Mesdames Dacier , Deshoullieres
, de Scuderi , & c. cela n'est pas juste.
Je veux qu'une Dlle d'esprit sçache
vivre , qu'elle ait des sentimens , de la
douceur , un bon caractere , un air enjoué
et modeste ; qu'elle lise , qu'elle ait
une foible teinture des Sciences , qu'elle
parle galanterie , parure , histoire ; j'entends
qu'elle ait du discernement , qu'elle
ne soit pas muette , si la conversation
tombe sur la politique ; qu'elle connoisse
où est un Pays. Je veux qu'elle joigne
aux sentimens du coeur , ce que l'esprit
a de plus délicat , qu'elle le fasse briller
avec ceux qui en ont , qu'elle semble
n'en avoir point avec ceux qui n'en
ont pas ; qu'elle n'ignore pas sur tout
P'Art de se conduire. Voilà ce que j'apelle
le bon esprit dans le sexe , voilà
ce que je trouve veritablement aimable
et ce qui doit fixer un coeur .
Si c'est un avantage pour une Dlle d'avoir
de la beauté , n'en est- ce pas un
plus grand d'avoir beaucoup d'esprit ? La
beauté passe , se fane ; l'esprit s'embellit
et
SEPTEMBRE . 1735. 1925
et brille toujours davantage ; une belle
personne peut plaire du premier coup
d'oeil ; une fille d'esprit enchante dès qu'on
l'entend ; chacun quitte la belle pour
écouter l'autre ; ce qu'on peut faire pour
la premiere , c'est de la regarder quelquefois
, moins pour l'admirer , que pour
lui reprocher sa bêtise La premiere plaît
un moment , l'autre plaît sans cesse ; on
s'accoûtume à la beauté , l'esprit surprend
toujours , charme , ravit. Une jolie
chose que vous entendez fait plaisir ,
une plus jolie engage insensiblement
une certaine maniere douce , insinuante,
rend tout- à- fait amoureux . Je ne conseille
pas à un homme que la spirituelle
a vaincu , de vouloir briser ses fers , elle
lui tiendroit certains discours enchanteurs
, qui l'enchaîneroient pour toute
sa vie . Les conquêtes de la belle ne sont
pas sûres ; si elle en fait quelques unes ,
elle ne peut les conserver . C'est une
foible ressource de n'avoir pour soi qu'u
ne figure prévenante.
Je vais faire voir encore mieux combien
l'esprit est préferable à la beauté.
Une belle Dlle perdit quelque chose
de ses charmes par un accident , on disoit
qu'elle ne manquoit pas d'esprit ;
un joli minois semble en donner un
peu ; B vi
1926 MERCURE DE FRANCE
peu ; elle n'en avoit pourtant point.
Qu'arriva-t'il ? On ne trouva en elle
qu'une stupide , ses Adorateurs disparurent
avec ses apas
Une autre Dlle ,qui avoit infiniment de
l'esprit et qui étoit d'une figure assés gentille,
devint laide ; le croirez - vous ? On ne
se fût point aperçu de son changement, si
elle n'en eût parlé . Elle conserva les coeurs
qu'elle avoit soumis , elle triompha d'une
infinité d'autres ; tant il est vrai que l'esprit
est au - dessus de la beauté.
Une belle Dlle est rarement aimable.
Il semble què la Nature qui a donné à
tous les hommes quelque chose de different
pour plaire , ait toujours refusé aux
belles Personnes je ne sçai quoi d'engageant
qui charme et qu'on ne peut dé
finir.
Toute Beauté est prévenue en sa faveur
, celle qui croit en avoir , perd la
moitié de ce qu'elle vaut ; elle est fiere ,
hautaine , souvent inciviles elle se persua
de qu'on lui doit tout. Kien ne prévient
tant une jeune Agnès que d'entendre
vanter ses charmes. Une Dlle d'esprit
évite . ces défauts par discernement ou
par nécessité , si vous voulez , elle vaut
mieux On me dira qu'un beau visage est
du gout de tout le monde , que chacun
n'est
SEPTEMBRE. 1735. 1927
n'est pas en état de décider sur l'esprit.
On se trompe ; où trouver une beauté
parfaite ? Je la supose cependant ; on
peut être beau sans plaire. N'est - on pas
forcé d'avouer que ce qu'on apelle presque
une Divinité de notre siecle n'est
pas du gout , je ne dis pas des femmes
qui sont très- suspectes , mais des hommes
les plus désinteressez ; c'est pourtant
à eux que le Sexe veut paroître aimable.
L'esprit plaît à chacun ; sans en avoir ,
on le connoît, on l'admire dans les autres;
pouroit-on ne pas aimer ce qui est beau
en un certain dégré , ce qui est , si j'ose
le dire , divin ce qui rend l'homme audessus
de l'homme même ? .
Si le Berger Pâris donna la Pomme à
la Mere des Amours , c'est parce qu'il
ne s'agissoit que de la beauté ; s'il eût
falu décider si l'esprit valoit mieux , Venus
n'eût pas remporté le Prix .
Celui qui veut se mettre sous les étendarts
de l'Hymen , doit adopter mon
sentiment ; vous en sentez les consequences.
Après quelques mois de mariage on
est réduit à l'amitié et à l'estime , tout
le plaisir qu'on goute alors , n'est - ce pas
de posseder une femme d'esprit ? Elle
nous console , elle nous aide , elle nous.
amuse.
1928 MERCURE DE FRANCE
amuse. Si par hazard on étoit de complexion
jalouse , une belle compagne est
un pesant fardeau. Qu'il est triste de
voir couler ses jours auprès d'une jolie
Statu , qui ne sçait pas nous tromper
adroitement
.
J'ai tant de satisfaction de m'entretenir
avec vous , Mademoiselle , que je
ne m'aperçois pas que mi Lettre devient
longue ; elle vous ennuyera ; tantpis pour
vous , pourquoi me forcer d'écrire .
Avant que de finir ma Rapsolie , il
faut que j'ajoute encore quelque chose.
L'amour propre me dicte ce que je vais
avoir l'honneur de vous dire Il me semble
que bien des gens seront de mon avis ;
vous répondrés qu'il y en aura qui n'en
seront pas je me Ate d'avoir pour
moi le plus grand nombre. Que l'hom
me est présomptueux !
,
Avec une belle Personne j'aurai tort ,
c'est une forte parrie. Avec une spirituelle
j'aurai raison . Elles sont interessées
et suspectes ; vous seule qui ne l'êtes pas ,
décidez. Je ferai gloire d'être de votre
sentiment , le mien n'est pas un Arrêt.
N'allez pas , en montrant ma Lettre ,
me broüiller avec les jolies Diles , je la
désavouerois . J'aime la beauté ; tant que
je serai Amant , je chercherai une Maî
tresse
SEPTEMBRE . 1735. 192
tresse bien faite ; si je me fixe , je m'attacherai
à l'esprit . Voilà , je pense , le
vrai secret pour être heureux en amour.
Tenez- moi compte , je vous en suplie ,
Mademoiselle , de mon obéissance . En.
vous imaginant tout ce qu'on peut avoir
de respect , d'attachement , de considé
ration , d'estime pour quelqu'un , vous
ne penetrerez qu'en partie mes sentimens
à votre égard. J'ai l'honneur d'être , &c.
LE TEMPLE
DE LA FIDELITE.
U pied d'un Mont couvert de Rochers et de
A
Pins ,
En un Temple jadis réveré des Humains ,
Où les tendres Amans couronnés de Guirlandes
Alloient tous les matins présenter leurs offrandes
Cent victimes par jour inondoient le Parvis
coups de cent pieux Der-
Et tomboient sous les
vis ;
On n'y voyoit que paix , que douceur , qu'alle
gresse ,
Chacun y respiroit l'Esprit de la Déesse ;
Cependant dès long- temps ce Temple est dé
serté ,
Et de tous ces Dervis , un seul enfin resté ,
C'est
1830 MERCURE DE FRANCE
C'est unVieillard courbé sous le poids des années,
Qui déplore en secret ses tristes destinées ,
Le coeur plein de sanglots , les yeux grossis de
pleurs ,
Il raconte à chacun sa peine et ses malheurs.
Le hazard me mena dans ce lieu respectable ,
J'y rencontrai d'abord ce Dervis venerable ;
Je m'informai du nom de la Divinité ;
Hélas , répondit -il , c'est la Fidelité .
>
Viens tu la réverer ? Viens - tu lui rendre hom
mage ?
Ou bien lui faire encor quelque nouvel outrage ?
Elle en prouve assés , puisque tous les Mortels
S'éloignent pour jamais de ses sacrés Autels ;
Ils portent tous leurs voeux à l'indigne parjure ,
Qui n'a pour attribut que la vilci mposture ;
C'est lui seul aujourdhui , dans leur aveuglement
Que tous ces insensés servent fielment.
O trop fatal abus ! & folle préterence !
Pour l'aimable Can leur bizarre indifference !
Que je voudrois bientôt pour leur propre bon
heur ,
Pouvoir les arracher du sentier de l'erreur ;
Je verrois sans regret terminer ma carriere ,
Si je trouvois encor un Sacrifice à faire .
Va tu seras content , lui dis-je , et tous ces Lieux
Vont être parfumés d'un Encens précieux ;
Je viens ici rempli de respect et de zele ,
Attester
SEPTEMBRE. 1735. 1932
Attester tes Autels de l'ardeur éternelle ,
Que je conserverai pour la charmante Iris.
A ces mots le Vieillard ne put que par des cris
Exprimer à quel point son ame étoit ravie ,
Et bien-tôt dans mes bras il demeura sans vic.
JAIRSAIN.
MEMOIRE de M. D. P. où l'on
examine s'il est certain que la Ville
d'Orleans ait éé donnée en apanage
Philippe , fils de S. Louis , qui fut depuis
le Rey Philipe le Hardy.
M
Essieurs de Sainte Marthe (a) et
le Pere Daniel , dans leur Histoire
de France , aussi bien que le Maire
et Guion , dans celle d'Orleans , écrivent
que Philipe , fils de S. Louis , qui fut
depuis le Roy Philipe le Hardy , avoit
avant que de parvenir à la Couronne ,
possede la Ville d'Orleans , qui lui avoit
été donnée en apanage avec Montargis ,
Lorris , Boiscommun , Clery , Châteauneuf,
et quelques autres Terres en Gâ-
( a ) Sainte Marthe , Tome I. page $ 39. Pere
Daniel , T. IV. p. 246. Le Maire , T. I. p. 85.
Guion , T. II. p. 112.
tinois;
1932 MERCURE DE FRANCE
tinois ; et pour apuyer cette donation , les
premiers citent à la marge le Trésor des
Chartes du Roy , Layette des apinages .
Après des témoignages si bien circonstanciés
, il semble qu'il y ait de la témerité
à la révoquer en doute ; mais
com ne les frits historiques n'exigent pas
une sou nission aveugle , et qu'il a toujours
été permis de revendiquer la verité
contre le minque d'exictitude des
Ecrivains je crois pouvoir combattre cette
prétendue donation faite au Prince
Philipe de la Ville d'Orleans , car c'est
d'elle seule dont j'entends parler ici , y
ayint de la difference quant aux autres
Villes qui pour la ont la plupart fait partie
de son apinage.
Selon le Maire , la donation est de
l'an 1255. mais cette dite est insoutenable,
la preuve en résulte des ( 1 ) comp
tes rendus au Roy des Bailliages et Prévôtés
du Royaume dans les années 1255.
et 1257. dans lesquels Orleans , Lorris
Montargis , & c. sont employés conme
étant du Domaine du Roy. Le Maire
en cet endroit donne mal à propos le
titre de Duché à Orleans , qu'on sçait assés
ne l'avoir eu que long- temps après en
(a) Manuscrits de M.de Gives , à la Bibliotheque
publique , p. 15. et 18.
1344.
SEPTEMBRE. 1735. 1953
1344. (a) quand Philipe de Valois donna
cette Ville en apanage à Philipe
son second fils pour le récompenser et
en échange du Dauphiné , qui lui avoit
éré delaissé l'année précedente par le
dernier Dauphin Humbert , et qu'il ôta
à ce Prince pour en avantager Jean , son
ainé .
Pour revenir à la donation que Mrs de
Sainte Marthe ont négligé de dater , le
P. Daniel nous la marque avoir été faite
en 1265. mais cette date est encore prématurée
, et il faut absolument , comme
nous le verrons bientôr , la reculer jusqu'en
116. qui fut le temps où le Roy
S.Louis apanages de même ses autres Enfans
, Jean , du Comté de Valois , Pierre
, de celui d'Alençon , et Robert , du
Comté de Clermont. C'est aussi l'année
que du Tillet (6) lui assigne.
Cet Auteur , un des mieux informés
que nous ayons sur les apanages , se cortente
de dire d'une maniere négligée que
Philipe avoit eu pour son partage Lorris
et quelques autres Terres, La Ville d'Orleans
est trop considerable pour l'oublier , si
elle en avoit fait partie , et pour lui
( a ) . les Lettres de cet e érection dans le
Maire ,T I. p. 87 .
(b) Recueil des Rois de France , page 468.
sub1934
MERCURE DE FRANCE
substituer une Ville beaucoup inferieure
par toute sorte d'endroits ; mais du Tillet
avoit aparemment vû lesLettres de cet
apanage , où non- seulement il n'est nullement
fait mention de donation d'Orleans
, mais où même cette Ville en est
exceptée , et il a écrit en conséque nce.
Dans ces Lettres que je raporterai en
entier et qui furent données à Paris au
mois de Mars 1269. le Roy S. Louis
après avoir dit qu'il donne à Philipe
son fils aîné Lorris en Gâtinois , Castrum
Sincon . Boiscommun , Fay et Vitryaux
Loges , avec ce qu'il possedoit a
Cepoy , Paucourt et sa Forêt , et les
trois quarts de la Forêt -aux Loges , qui
touchent au Gitinois , ajoute que pour
ce qui est du quart restant de cette Forêt
, comme plus voisin d'Orleans , il se
le réserve et ne veut pas qu'il soit séparé
du Domaine de cette Ville. Quarta
parte istius Foreste Logii Aurelianensis propinquiore
nobis retenia ... que ab Aurelianis
nolumus separari.
En voilà , je crois plus que suffisamment
pour établir ce que j'ai prétendu
dire que Philipe , fils de S. Louis , n'avoit
jamais , du vivant de son Pere , possedé
Orleans , quoique les Auteurs que
j'ai cités écrivent le contraire , et je he
vois
SEPTEMBRE. 1735. 1935
vois qu'une seule objection qu'on me
pouroit faire , en disant qu'Orleans a
pû être donné par un Acte different de
celui - ci .
Je réponds à cela , 1 ° . que de la maniere
dont nos Auteurs se sont expliqués ,
et sur tout du Tillet , il paroît qu'ils ont
tous crû que l'apanage de Philipe avoit
été donné à une seule fois et parconsequent
par un même Acte ; qu'on lise
ces Auteurs et on s'en convaincra . 2º.
Que cet Acte qu'on voudroit m'oposer
doit être posterieur à celui que je viens
de raporter ; car avancer , comme a fait
M. Dupuy , (a) que la donation d'Orleans
a précedé d'une année celle de Lorris
, Montargis , & c. c'est un fait que
cette derniere détruit entierement ; il n'y
a donc que le raport de cette prétendue
seconde donation d'Orleans qui pouroit
donner atteinte à mon sentiment ,
mais jusqu'à ce qu'on la produise ,
il me sera toujours permis de la regar
der comme purement conjecturale.
·
Il ne me reste plus qu'à donner ent
entier les Lettres de l'apanage de Philipe
, je les dois à un Manuscrit (6) de
(a ) Domaine du Roy sur plusieurs Villes `du
Royaume, Article d'Orleans, Montargis, Lorris, &c.
( a ) C'est le X. Recueil in 4. du Titre Collecxiones,
1938 MERCURE DE FRANCE
que j'ai cités , font mention , et qui n'est
pas éloigné de Lorris , Fay , Vitry , &c.
mais ce n'est qu'une conjecture ; quant à
Clery dont parlent les mêmes , il n'y a
rien ici qui y puisse avoir raport ; en
recompense il ne font aucune mention de
Vitry et de Cepoy qui y sont nommés.
au-
2. Xante curia c'est Panceourie qu'il
faut lire. Pancourt est un Village à une
lieue de Montargis , et qui donnoit son
nom à la Forêt apellée aujourd'hui la Forêt
de Montargis. Sous le regne d'Henry
II. cette Forêt retenoit encore son ancien
nom ainsi qu'on le peut voir par des
Lettres de l'an 1550. citées ( a ) par le P.
Morin dans son Histoire de Gâtinois . Je
ne sçais si cette Forêt de Pancourt ,
jourd'hui Forêt de Montargis , et les Domaines
de Cepoy qui n'en est qu'à une
lieue , n'ont pas donné occasion à nos Auteurs
d'avancer que Montargis avoit été
donné au Prince Philipe , quoiqu'il ne
soit ici fait aucune mention de cette Ville
connue alors sous le nom de Mons Argi ,
comme le Testament du même ( b) Roy
S. Louis de l'an 1270. en fait foy , où
l'on voit qu'il donne Domui S. Dominici
juxta Montem Argi XXX, libras.
(a) L. 1. C. 3. P. 81 .
(b) Notitia Gall . Vales . 344. Col. 2.
SEPTEMBRE. 1735. 1939,
3. Foresta Logii. La Forêt aux Lo
ges , nom que portoit autrefois la Forêt
d'Orleans , apellée dans des Titres plus
anciens Leodia et Leodica Silva. Ce qui ,
selon M.de Valois ( a) , désigne une Forêt
publique et dépendante du Fisc ou Domaine
Royal , du mot Allemand Lend.
On doit donner la même signification à
Logium ,
formé aparemment de Leodium
, comme la Ville de Liége , Leodium
a été dite Legia, d'où le nom de Liége est
venu , et en ce cas l'étimologie de Forêt
aux Loges sera beaucoup plus naturelle
que celle que lui a donnée (b) le Maire ,
qui veut qu'elle ait été ainsi apellée des
Relais que nos Rois y entretenoient en
differens endroits où il étoit nécessaire de
construire des Loges pour les Chasseurs et
pour les Chiens. "
4. Anno M. CC. LXVI 11. Mense
Martio. Suivant l'ancienne maniere de
compter en France , le mois de Mars faisoit
encore partie de l'année 1268. le jour
de Pâque, qui commençoit la suivante
1269, n'étant arrivé que le 1. Avril. Du
Tillet a suivi l'ancien calcul en nous ra-
(a) Ibid. p. 282. c. 1. & 270. c. I.
(b) T. 1.p.36.
C portant
1940 MERCURE DE FRANCE
portant cette date , j'ai cru devoir suivre
le nouveau comme plus en usage.
A Orleans , le 20. Juillet 1735.
ODE SA CRE' E.
Imitation du premier Chapitre d'Isaie.
Ieux et Terre écoutez le Roy des Rois ,
C lui-même ;
Daigne parler à ses sujets ;
Vous dont le front porte ses traits
Princes , humiliez l'orgueil du Diademe :
Peuples, c'est un Dieu qui vous aime,
Mais c'est un Dieu jaloux qui punit les forfaits
Je comble mes Enfans de bonheur et de gloire.,
Je veille toujours sur leurs pas ; 2
Je les soutiens dans les combats ; 1 , }
Je rapelle en leur camp l'inconstante Victoire 1:02
Tant d'amour , qui pouroit le croire ? !
De ces Enfans cheris n'a fait que des ingrats.
HIT
L'animal suit l'instinct dont la force le guide ,
Connoit son Maître et le defend ()
Ma main prodigue en vain répand.; .T (1)
Les plus rares bienfaits sur un Peuple perfide ;
Ce
SEPTEMBRE . 1735. 1941
Ce Peuple , de crimes avide ,
N'écoute plus ma voix dès qu'il est triomphant.
Comment cette Cité'si fidele et si chere ,
Des soins que pour elle j'ai pris ,
A-t'elle méconnu le prix ?
Elle n'est à mes yeux qu'une vile Etrangere ,
C'est une profane adultere ;
Rebut de ses Amans , objet de mes mépris.
Son vin est mêlé d'eau , son or en plomb se
change ;
Du Riche , lâches partisans ,
Ses Princes cherchent les présens ;
Sous son indigne joug l'avarice les range ;
Par un renversement érrange ,
L'opulence triomphe , et reçoit leur encens.
Le pauvre est oprimé ; l'innocence timide ;
N'ose faire entendre sa voix
L'orphelin a perdu ses droits.
Ce n'est plus l'Equité , c'est l'interêt sordide ,
Qui juge , prononce , decide ;
Les plus saints Tribunaux reconnoissent ses loix .
Ah ! je les détruirai cesTribunaux iniques ;
O vous , qui m'osez outrager ,
A quoi m'allez vous obliger ?
Cij
Que
1942 MERCURE DE FRANCE
Que de sang ! que de morts aux ruines publiques
Je joindrai des maux domestiques ;
Faut-il donc que Jacob me force à me venger !
Vous m'offrez , mais en vain de sanglans sacrifices
›
J'abhore un encens criminel ,
Et sur les Fêtes d'Israël ,
Irrité , je ne puis tourner des yeux propices ,
Ce qui jadis fit mes délices ,
Est devenu l'objet d'un dégoût éternel .
Voulez- vous cependant que mon bras vous protêge
,
Soyez purs ; pleurez vos forfaits ,
Craignez l'abus de mes bienfaits ,
Du repentir sincere , aimable privilege !
Il vous rend plus blanc que la neige ;
Les pleurs qu'il fait couler sont des sources de
paix,
Profitez des revers ; un horrible tempête
Menace , gronde , fond sur vous ,
Adorez mon juste couroux ,
Et de vos ennemis vous briserez la tête .
Lorsqu'à fraper , ma main s'aprête ,
Esperez , c'est l'Amour qui seul conduit mescoups,
L'or
SEPTEMBRE.
1735: 1943
L'or devient plus brillant dans la fournaise are
dente ;
Le Rubis qu'on taille est plus beau ;
Le marbre , sous l'adroit ciseau ,
Se forme , et sa beauté par degrés lents aug
mente ;
Sion sous mes coups gémissante ,
Va reparoître enfin dans un éclat nouveau.
Par M. l'Abbé Ponci Neuville.
LETTRE de M. *** , Conseiller an
Parlement d'Aix , à M. *** à Paris ,
sur la Tragédie d'Aben - Saïd.
ne me mandez rien , Mon-
Vsieur ,de la Tragédie de M. l'Abbé
,
le Blanc , que je n'aye entendu dire à
tout le monde , et ce sont par tout les mêmes
éloges . Jugez de l'impatience que
nous avons de la voir imprimée pour
en pouvoir juger nous - mêmes , et j'ose
le dire , en dernier ressort ; car nous autres
Gens de Province , nous ne laissons.
pas de casser quelquefois vos Arrêts ; et
pour mettre le sceau de l'Aprobation publique
à un Ouvrage , il faut attendre le
jour de l'impression , et que le suffrage de
la Province se joigne à celui de Paris.
C iij
C'est1944
MERCURE DE FRANCE
C'est là ce qui a toujours fait la diference
des bons Ouvrages d'avec les
médiocres. Cependant , je vous l'avouë ,
nous sommes déja tous prévenus en faveur
d'Aben-Said ; et tant sur ce qu'en
ont dit les Journaux , que sur ce qu'on
nous en a écrit ; j'assurerois d'avance que
cette Tragédie obtiendra nos suffrages.
A l'égard des deux questions que vous
me faites , quelque connoissance que j'ai
des Auteurs et des Livres Orientaux
me met en état d'y répondre . Premierement
, vous me demandez qui est cet
Aben- Saïd , Empereur des Mogols , dont
cette Tragédie porte le titre ; je puis vous
assurer qu'aucun Empereur Mogol ne
s'est jamais apellé ainsi , et si le Mercure
de France ne nous eût pas donné
un petit Extrait de ce Poëme , je ne serois
pas encore en état de vous répondre
. Le Héros de cette Tragédie ne s'apelle
point du tout Aben- Said , mais
Abou-Said.
Je vois bien pourquoi M. l'Abbé le Blanc
a changé ce nom , il a craint , sans doute ,
de blesser les oreilles Françoises ; mais cette
complaisance me paroît ridicule ; je ne
trouve pas que ce nom soit si rude , et
le fût - il , il faut apeller chacun par son
nom , et dès que c'est un Héros dont le
nom
SEPTEMBRE. 1735 1945
nom est gravé dans les fastes de l'Histoire
, il n'est pas permis , si j'ose m'exprimer
ainsi , de le débatiser , d'autant
plus que ce changement fait un contresens
horrible. Said en Arabe signifie
heureux , Abou- Said , Pere de l'heureux ,
et Aben - Said , au contraire , signifie fils
de l'heureux. L'un dit blanc et l'autre
noir . Ebn - Sina ou Aben - Sina , car c'est
la même chose , et les Hebreux prononcent
Aben , qui signifie fils l'Ebn des Arabes
. Aben-Sina , Aben - Pace , Aben Rosch,
Aben-Zoar. D' Aben , les Espagnols ont
fait Aven. Aven Sina, Aven- Zoar. Aben-
Sina , c'est notre Avicenne .
Au contraire tous les mots Orientaux
qui commencent par Abou , signifient
Par d'un tel Abou - Nasser ; Abou- Mohammed
; Abou- Moslem , Abou - Sadek 3
Abou- Said enfin ; non que j'accuse M.
l'Abbé le Blanc d'avoir ignoré la difference
de ces deux significations ; je lui
reproche seulement de n'en avoir pas fait
assés de cas et d'avoir mieux aimé faire
un contre- sens de cette espece , que
de
s'exposer à quelques mauvaises critiques
qu'on auroit pû faire sur le titre de sa
Tragédie. Que diroit- on d'un Auteur ,
qui par de semblables égards , changeroit
le nom d'un Empereur Romain ?
La chose est égale . Ciiij Il
1946 MERCURE DE FRANCE
Il y a plusieurs autres Abou-Saïd , mais
après celui en question , l'unique fameux
que je connoisse dans l'Histoire Orientale
, c'est un autre Abou - Said , Empereur
des Tartares , arriere- petit- fils de
Tamerlan ; quelques Personnes m'écrivant
de Paris , l'ont confondu avec le
premier , et ont crû que c'étoit lui qui
étoit le Héros de la Tragédie de M. l'Abbé
le Blanc , et je ne sçai pourquoi ; car leur
Histoire n'a rien de commun . Et le fait
de la Tragédie se trouve tout entier dans
l'Histoire d'Abou- Said , descendant de
Genghis-Kan.
་ བ པ་ ་ པ ་ པ་
Pour l'autre question , votre scrupule
est mal fondé , et M. l'Abbé le Blanc a
entierement raison . Bien que la dignité
d'Emir soit subalterne chez les Turcs c'es
tout le contraire parmi tous les autres
Orientaux , les Persans , les Arabes , les
Tartares , les Mogols. Chés les Persans ,
Emir signifie Prince , Mirza ou Emir-
Zadeh , dont il est l'abregé , Fils de Prince.
Ce nom se donné aux Princes heritiers
de la Couronne , comme celui de
Cesar se donnoit chez les Romains . Par
succession de temps , ce nom a aussi
été donné à tous ceux qui étoient sensés
être de la lignée de Mahomet , par sa
fille Fatimah , et qui portent le Turban
vert ,
SEPTEMBRE. 1735. 1947
,
vert , pour être distingués et respectés.
Ce même titre , joint à quelqu'autre mot ,
signifie quelque charge. Emir al Moumenin
le Commandant des Fideles. Emir
al Omera , le Commandant des Commandants
, et c'est la dignité de l'Emir de
la Tragédie qui répond à celle de nos
anciens Connétables ; les derniers Sultans
Mogols en avoient tous un qui étoit
à la tête de leur Empire , et dont le pouvoir
étoit immense .
re ,
Au contraire , Vazir et Vezir , que
nous prononçons Vizir , ne signifie en
Arabe qu'un Portefaix , et par métaphocelui
qui porte le poids et la charge
d'un Etat ; en un mot , un Ministre ,
un Conseiller d'Etat , de la même façon
que de Bajulus , qui signifie aussi en
Latin un Portefaix , nous avons fait Bailli
, qui signifie Officier ou Juge d'un Pays.
L'autorité des Emirs étoit si grande chés
les Kalifes et chés les Sultans , qu'ils faisoient
faire la Charge de Vizir par leurs
propres Secretaires . Parmi les Turcs la
dignité de Vizir est communiquée à plusieurs
personnes , ce sont les Conseillers
d'Etat qui ont séance au Divan , et c'est
le premier d'entre eux qui porte le titre
de Vizir Azem , ou de Grand- Vizirs
tout au contraire le titre d'Emir- Alome-
Cv ra,
1948 MERCURE DE FRANCE
ra , si grand autrefois parmi les Tartares
et les Arabes , se donne chés les Turcs
à tous les Beglerbegs ou Gouverneurs Generaux
des Provinces. Voilà pourquoi
M. l'Abbé le Blanc mettant des Mogols
sur le Théatre , a eu raison de donner
par préférence le titre d'Emir au venerable
Vieillard de sa Piece , et de ne donner
que le titre de Vizir , qui est subalterne
à Nasser.
>
Je ne sçais pourquoi cette Tragédie
n'est pas encore imprimée , je vous recommande
de nouveau de m'en envoyer
deux Exemplaires dès qu'elle le sera ,
pour moi et pour notre ami. Je suis, & c.
D'Aix , ce 25. Juillet 1735 .
BOUTS - RIMEZ du Mercure de
Juin 1735. second Volume , remplis le 31 .
Juillet , par M. d'Orvilliers de Vernon .
SONNE T.
J'Ay lû , je pense , en un Pas- sage
Platon ,
Du docte et celebre
Qu'il faut s'armer d'un bon
bâton ,
Quand votre femme vous outrage
;
Qu
SEPTEMBRE . 1735. 1949
Que si la colere l'en-
A vous prendre par le
Fussiez-vous semblable à
gage
Bouton ,
Caton ,
Il est bon de la mettre en
Cage.
Pour moi je jure par
Jupin ,
Que moins alerte que
Crispin ,
Je veux faire une horrible Chute ,
Etre écorché comme un Lapin ;
Et puis habillé de
Sapin ,
Si jamais femme me rebutte.
EXTRAIT d'une Lettre de M. l'Abbé
M ..... sur la nouvelle Histoire du
Vicomte de Turenne , par M. de Ramsay.
V
Ous exigez de moi, Monsieur , un
compts sommaire d'un Ouvrage
qui fait ici beaucoup de bruit , et auquel
le Public a fait un accueil des plus favorables
; il faut tâcher de vous satisfaire
, en attendant que votre situation
vous mette en état de juger par vous
-même de ce Livre . En voici d'abord le
Titre : HISTOIRE de Henry de la Tour
d'Auvergne , Vicomte de Turenne , Ma-
C vj réchal
1950 MERCURE DE FRANCE
réchal General des Armées du Roy , deux
Volumes in 4. A Paris , chez la veuve
Mazieres et J. B Garnier , ruë S. Jacques,
à la Providence , M. DCC . XXXV.
Le Corps de l'Ouvrage est divisé en
deux Tomes. Le premier contient six
Livres . On voit à la tête le Portrait du
Héros qui fait le sujet de l'Histoire . Il
est gravé par Larmessin . On en estime
sur tout la tête . Les Vignettes et les
Culs - de - Lampes dont tout l'Ouvrage
est orné , sont d'un grand goût.
Pour donner d'abord une juste idée de
ce bel Ouvrage , il suffit de dire avec M.de
Fontenelle , qu'il est digne du Héros ;
en effet , si l'on considere la qualité du
stile , il est élégant , mais simple , naturel
, et répond parfaitement au principal
caractere de ce grand Homme .
Tout vain ornement en est écarté avec
soin , mais on n'y a rien oublié de ce
qui pouvoit contribuer à la beauté et
la perfection de l'entreprise ; l'ordre
de la narration y est admirable ; on y
fait voir d'un coup d'oeil les négociations
politiques , jointes avec les Expéditions
Militaires , dont les images sont
vives et les expressions fortes. On dévelope
en plusieurs endroits l'état géneral
de l'Europe , et particulierement
celui
SEPTEMBRE 1735. 1951
celui de la France , les intrigues de la
Cour , les interêts des Princes , et le
caractere des Generaux contemporains ,
dans le dessein de faire connoître l'ori
gine des Guerres où le Vicomte a montré
ses heureux talents .
L'Auteur , toujours scrupuleusement
attaché à la verité , n'a pas crû qu'il lui
fût permis , comme aux Poëtes , de créer
pour embellir , et par le même respect
pour les loix de l'Histoire , qui ne permettent
pas plus de suprimer le vrai ,
que de dire le faux ; il n'a point dissimulé
les fautes du Vicomte de Turenne.
La vertu , dit- il , trop parfaite , paroît inimitable
, elle décourage les uns , elle irrite
les autres ; elle est suspecte à tous , parce que
les hommes , quelque grands qu'ils soient ,
sont toujours marqués au coin de l'humanité.
Attentif à tout ce qui peut fixer
l'attention de son Lecteur et contribuer
à la parfaite intelligence de son Histoire ,
il a inseré dans son Ouvrage des Cartes
ou des Plans des differentes Actions dont
il nous donne le détail ; elles sont en
grand nombre et parfaitement bien executées.
Telle est en general l'idée qu'on doit
se former du premier Volume de ce magnifique
Ouvrage , qui comprend l'Histoire
1952 MERCURE DE FRANCE
toire du Vicomte de Turenne jusques à
sa mort . Si vous me demandiez quelques
morceaux détachés qui pussent vous faire
juger de sa beauté , je serois fort embarassé
, puisqu'elle s'y soutient par
tout également d'ailleurs comme cela
passeroit les bornes d'une Lettre , je me
contenterai de vous exposer le parallele
que l'Auteur fait de Turenne et de
Fabius , du Prince de Condé et d'Annibal.
Voici à quelle occasion ; dans le
temps que les troubles domestiques
avoient mis la France tout en feu , Turenne
à la tête des Armées du Roy , et
Condé commandant celle des Espagnols ,
se faisoient la guerre et atiroient sur eux
les yeux de tout l'Univers. Après plusieurs
combats , marches et contremarches
, l'Auteur conduit les Armées en
présence l'une de l'autre devant Peronne
, où le Vicomte s'étoit si bien posté ,
qu'on ne put l'engager à combattre , et
que les Ennemis furent obligés de quiter
la Picardie , après avoir tenté inutilement
de s'emparer de Guise. C'est à
ce sujet que M. de Ramsay parle ainsi
de ces deux Héros. Dans cette occasion ,
dit-il , le Vicomte de Turenne avec un nombre
inférieur de Troupes , semblable à Fabius
- Maximus , campa toujours sur des
hauteurs
SEPTEMBRE . 1735. 1953
bauteurs ou dans des lieux difficiles à aborder
; il s'arrêtoit quand l'Ennemi se tenoit
en repos , et quand l'Ennemi marchoit il
le suivoit et le côtoyoit toujours à une distance
assés grande et dans des postes assés
avantageux pour ne pouvoir être forcé de
combattre malgré lui . Condé , comme un autre
Annibal , employa tous les stratagêmes
qui pouvoient engager Turenne au combat;
tantôt il s'aprochoit des François et leur
donnoit des allarmes , tantôt il s'en éloignoit
pour les inviter à décamper et pour
les surprendre dans quelque mouvement dont
il put profiter , &c. Je ne finirois pas si
j'entreprenois de vous raporter tous les
beaux Endroits qu'on remarque dans cette
Histoire , que vous lirez , sans doute,
avec un grand plaisir dans le Livre même.
Le second Volume , destiné aux Preuves
et aux Piéces justificatives , fait voir
que les faits qu'on raporte sont apuyés
sur les témoignages les plus authentiques.
L'Auteur y donne pour garants de
son Histoire les Memoires mêmes du
Vicomte de Turenne , écrits de sa propre
main , qui comprennent l'Histoire
de ses Campagnes depuis l'an 1643. qu'il
fut fait Maréchal de France , jusques à
la Paix des Pyrenées en 1660. les Lettres
qu'il écrivoit à differentes Personnes
1954 MERCURE DE FRANCE
nes , et dont le témoignage est d'autant
moins suspect , qu'on sçait que , s'il parloit
de lui - même , ce n'étoit jamais qu'avec
cette modestie qui lui étoit propre.
Il raporte aussi les Memoires du Duc
d'Yorck , il se fonde sur le témoignage
d'Ablancourt , de l'Anglade , sur l'Histoire
de Deschamps , sur celle de l'Abbé
Raguenet ; en un mot , il n'a rien négligé
pour consulter tous les Auteurs qui
pouvoient l'instruire , et même les Personnes
vivantes capables de contribuer
à la perfection de son Ouvrage. Il est
inutile de vous en dire davantage. J'ai
l'honneur d'être , &c.
A Paris le 16. Août 1735.
Stutut
LE MOISSONNEUR.
EGLOGUE.
Lisis , Damom.
L'Isis, le plus prudent des Bergers du Hameau,
Lisis , qui de l'Amour sçut mépriser l'Empire ,
Quittant le soin de son Troupeau ,
S'occupe des beaux yeux de la jeune Delphire ;
Ses Brebis,autrefois son objet le plus doux,
Sea
SEPTEMBRE . 1735. 1955
Jes Brebis , qu'il menoit lui- même à la pâture,
Triste effet de l'Amour ! errent à l'avanture
Dans ces vastes Forêts à la merci des Loups ;
Ses Jardins sont déserts, ses Vignes sans culture,
Les Boeufs n'exercent plus ses fertiles Guerets ;
Les ouvrages d'ozier sont pour lui sans attraits.
Un jour avec Lisis les Bergers du Village
Moissonnoient chez Damon les présens de Cérès,
Lisis étoit pensif, et ses esprits distraits
Laissoient errer souvent sa main dans cet ou
vrage ;
Damon s'en aperçut ; eh quoi ! le Dieu du Jour
A peine , dit Damon , a commencé son tour ,
Et déja sans songer à l'honneur qui t'engage ,
Tu restes dans le champ sans force et sans cou→
rage !
Que sera-ce bien-tot , quand Phébus de ses feux'
Brulera sans pitié les Mortels malheureux ?
Les autres vont devant, tu ne les suis qu'à peine,
Ton bras s'apesantit , tu parois hors d'haleine ;
Ces épics mal coupés ou placés au hazard ,
Marquent un Moissonneur peu soigneux de son
Art ;
D'où vient ce changement ? Que Lisis nous l'explique
?
L'Amour , repond Lisis , en est la cause unique ;
Quoi ? dit Damon , Lisis l'ennemi des Amours
Devient leur partisan au milieu de ses jours !
Découvre-nous l'objet qui cause ton martyre,
J'aime
1956 MERCURE DE FRANCE
J'aime, reprend Lisis , l'adorable Delphire ;
Eh bien ! répond Damon , chante - nous ses beaux
yeux ,
Tu rendras ton travail plus doux , moins en⇒
nuyeux ;
Je chante , dit Lisis , une Beauté cruelle ,
Zephirs, remplissez l'air d'une douceur nouvelles
Delphire a le teint brun , mais elle a mille apas ,
Une Blonde à mes yeux ne l'égalera pas ;
Le Lys étale en vain une blancheur parfaite ,
On cueille avec plaisir la brune Violette ,
Chacun suit ce qu'il aime et cede à son penchant,
Delphire est pour mon coeur l'objet le plus tou
chant
;
Que ne suis- je Seigneur de toute la Contrée !
Je verrois ma Delphire en tous lieux honorée ;
Que n'ai - je les Troupeaux qu'eut autrefois
Tirsis ,
( Ce Berger posseda plus de mille Brebis ,
Battus les conduisoit sur les Monts de Sicile ,
Je n'en retrancherois une seule de mille ,
J'en ferois , ma Delphire , un don à tes apas ,
Et je croirois t'offrir encor un prix trop bas ;
Infortuné Berger , je n'ai pour mon partage
Qu'un coeur tendre , c'est - là mon plus bel hérí
tage ,
Mais ce bien , à mon sens , est le plus précieux
Qu'à Delphire jamais puissent donner les Dieux,
Tu chantes , dit Damon , d'une façon aimable ,
Mais
SEPTEMBRE . 1735. 1957
Mais écoute à ton tour un chant plus conve
nable ;
Quand Phébus de Thétis perce le vaste sein ,
Un Moissonneur paroît la faucille à la main ;
Lorsque ce Dieu brillant avance sa carriere ,
Un Moissonneur refuse au sommeil sa paupiere ;
Et restant dans le champ vigilant et dispos ,
Il voit enfin Phébus se cacher sous les eaux ;
Il ne rend à Bacchus qu'un passager hommage ,
Mais l'émulation , noble enfant du courage
Porte les Moissonneurs à qui fera le mieux ;
Sous ces conditions , adore deux beaux yeux ,
Lisis , sui ton désir , cultive ta Maîtresse ,
Je ne m'opose point à ta vive tendresse .
Pierre Defrainay .
ļ ƒ ƒ ƒ ƒ ṛ į į į
LETTRE de M. Maillart , ancien
Avocat au Parlement de Paris , à M. de
la R. au sujet d'un Manuscrit , &c.
E continue , Monsieur , de commu-
,
blic , curieux de choses interessantes , les
découvertes que j'ai faites sur la Province
de NORMANDIE .
Le 14. Avril 1670. M. Claude Pellot ,
fut installé Premier Président au Parlement
1958 MERCURE DE FRANCE
ment de Rouen ; il mourut à Paris le
3. Août 1683 ,
Ce Magistrat avoit exhorté les Avo
cats de Rouen à lui donner des Me
moires sur les matieres les plus fréquentes
de Normandie.
Ces Memoires furent dressés , et ils
sont au nombre de 136. M. Pellot les
remit à M. Louis Greard , fameux Avocat
à Rouen , décedé le
1686. qui y fit des Observations Criti
ques , mais très - succintes .
M. Louis FROLAND , premierement
Avocat à Rouen , puis Ex- Bâtonnier de
M M. les Avocats au Parlement de Paris
en 1734. nevcu de feu M. Greard ,
m'a communiqué , avec amitié , un Manuscrit
relié , au dos duquel j'ai trouvé
ce titre: Maximes de la Coûtume de Normandie.
Ce Recueil contient les 136. Memoires
que j'ai annoncés cy - dessus ; mais
dans un ordre different .
D'autre côté , les mêmes 136. Memoires
, rangés alphabetiquement , m'ont été
prêtés par le sçavant M. Oudart François
BRIDOU , Avocat au Parlement de
Paris , ancien Substitut de M. le Procu
reur General au Grand- Conseil , qui les
tenoit de feu M. Honoré- Antoine POILLE ,
reçû Avocat à Paris le 16. Novembre
1685 .
Il
SEPTEMBRE. 1735. 1959-
Il m'a paru , Monsieur , que le Manuscrit
de M. Poille avoit été écrit de
sa main , aussi l'a t'il signé à la page
258. et derniere de ce Manuscrit.
Suposé que le Public souhaite l'impression
de ce Monument , il convien
dra qu'elle soit faite sur celui de M.
Poille , à cause de son ordre alphabetique,
qui est, ce me semble , le meilleur.
Je vous observe , M. comme un point
très- considérable , 1 °. qu'un de ces Memoires
est intitulé , Des Nobles et des Roturiers.
Il a été rédigé par le même M.
Greard. 2 °. Que j'y ai lû ce qui suit au
No. 16. Mais le plus remarquable de tous
est l'Ennoblissement general qui se fit vers
l'an 1470. de tous ceux qui possedoient des
Fiefs nobles.
Cette vague indication m'a donné lieu
de chercher la source d'un Evenement
si singulier et si important à la Provin
ce de Normandie.
J'ai donc trouvé des Lettres Patentes
du Roy Louis XI. datées du mois de
Novembre 1470. par lesquelles moyennant
une Finance de 47250. livres , ce
Prince amortit tous les immeubles qui
étoient alors possedés par les Gens d'Eglise
, et annoblit tous les non- nobles
qui possedoient pour lors des Fiefs nobles
1962 MERCURE
DE FRANCE
proche au -dessous de 18. on doit avoir
4. pour entiers de la racine de 18. le
double de 4. plus 1. c'est- à- dire 9. pour
dénominateur
de la fraction , et pour
numerateur de ladite fraction , la difference
entre 16. et 18. c'est - à- dire 2 .
C'est sur ce fondement ruineux qu'est
bâti tout le nouveau Systême.
"
2
,
En vain représentera- t'on à l'Auteur
que cette racine multipliée par elle- même,
ne reproduit pas le quarré ; il répond
que les quarrés imparfaits ne se forment
pas comme les quarrés parfaits , et que
cela ne l'empêchera pas de faire du Cer
cle un quarré parfait.
Sur de tels raisonnemens ne seroit- on
pas en droit de condamner tout l'Ouvrage
sans autre examen ? M. B. dût-il
en apeller à la Posterité.
De plus , en prétendant toujours faire
abstraction des incommensurables
, il
Vous détermine en nombre la valeur et
le raport de plusieurs lignes très - certai
nement incommensurables
, par exemple,
de la diagonale et du côté. 2° préjugé
très - légitime contre sa Découverte,
Enfin il renverse tous les principes les
plus constans de l'Arithmétique et de la
Géométrie , il ne respecte ni les définitions
universellement reçûës , ni les axiô
mes les plus évidens. Quand
SEPTEMBRE. 1735. 1963
Quand un Sçavant prend de ces sortes
de libertez , il ne reste plus qu'à chercher
dans ses propres principes de quoi
le combattre ; heureusement on n'a pas
besoin de lire tout le Tra ité de M. B.
pour y trouver prise.
1. M. B. décrit trois Cercles , qui sont
entre eux, comme 1. 2. et 4.
2. Il en conclut , avec raison ,, que
rayon du Cercle 1. est au rayon du Cer
cle 4. comme 1. est à 2 .
le
3. Il prend pour rayon du Cercle
2. 10000000. dont le quarré est
100000000000000 .
4.Il en conclut fort bien que le quarré du
rayon du Cercle 1. est 50000000000000 .
moitié de 100000000000000.
5.Donc, par la même raison le quarré du
rayon du Cercle 4.est 200000000000000.
double de 100000ooooooooo. puisque le
Cercle 4. est double du Cercle 2. comme
le Cercle 2. est double du Cercle 1 .
6. Donc si j'extrais la racine de
Soooooooooongo . j'aurai le rayon du
Cercle 1. et si j'extrais la racine de
200000000000coo . j'aurai le
Cercle 4.
rayon du
7.Donc, si la racine de 50000000000000 .
' extraite suivant la regle de M. B. ne se
trouve pas précisément la moitié de la
D racine
1964 MERCURE DE FRANCE
racine de 2000c0000000000 . extraite de
même , la Regle qu'il établit est fausse
( par la seconde proposition cy- devant . )
*
8. La racine de sooooooooooooo . extraite
suivant les principes de M. B. ( et
I 1 4 8 15 II
par lui- même ) est 707106 ; 14142 1 3 5
et la racine de 20000000
suivant les mêmes
Oooo.
principes est 4.
or il y a
1 7 6 4 17 75
1 4 1 4 2 1 3 2 8 2 9 4 2 7 1
2 6 6 0 6 2 4 de difference entre ·
39 9 9 9 9 9 6 8 8 5 8 5 8 5
I 1 48 15 II
7.07106
7 1 4 1 4 2 1 35
I 7 6 4 2 275
et la moitié de
1414213 ) 28284271. donc la regle n'est
pas juste.
De peur qu'on ne doute que j'aye suivi
fidelement les préceptes de l'Auteur
en ces deux extractions de racines ; en
Voici la preuve.
Le quarré le plus proche au - dessous de
50000000000000. est 49999988518489 .
dont la racine est 7071067. le double ,
de cette racine plus 1. c'est-à dire
14142135. doit être le dénominateur de
la fraction , et 11481511. excès du quarré
imparfait sooooooooooooo . sur le quarré
parfait 49999988518489. est le numérateur
de cette même fraction .
De même le quarré parfait le plus proche
de 200000000000000. en dessous
est 199999982338225. dont la racine
est
SEPTEMBRE. 1735. 1965
est 14142135. le double de cette racine
plus 1. c'est - à - dire , 28284271. doit
être le dénominateur de la fraction , et
17641775. excès du quarré imparfait
200000000000000. sur le quarré parfait
199999982358225. est le numérateur de
cette même fraction.
J. B. D.
XXXXXXX :XX :XXXXXX
BOUTS - RIMEZ ,
J'Aimerois mieux passer pour l'oposé du Sage ,
Traduire en Allemand les OEuvres de Platon
Etre aveugle et marcher sans guide et sans Bâton,
Eprouver de l'Envie et les traits et la Rage.
De la faveur des Grands ne recevoir nul Gage ,
Suivre en me poignardant l'exemple de Caton ,
User mon juste-au-corps jusqu'au dernier Bouton,
Par mes durs créanciers me laisser mettre en Cage.
Essuyer le courroux du foudroyant
Jouer tragiquement le Rôle de
Du
pauvre Phaeton faire la triste
Jupin ,
Crispin ,
Chute ,
Brouter l'herbe des champs comme un chétif
Lapin ,
D ij Mc
1966 MERCURE DE FRANCE
Me-vétir,en un mot, d'un habit de
Sapin ,
Qu'aux fureurs d'une femme être toujour en
butte.
AUTRES Bouts - Rimez, remplis par
le même.
A Mi , j'aimerois mieux être à table sans Boira,
Etre au lit sans dormir , perdre au jeu mon Butin,
Retourner au College aprendre le
Me trouver sans argent au milieu de la
Latin ,
Foire,
Passer même à la nâge et la Seine et la
Loire
Lutin
Essyer chaque nuit tous les tours d'un
Ne porter tout l'hyver qu'un habit de Satin,
N'avoir à mes repas pour tout mets qu'uncPoire,
Prendre cent fois par jour la lime et le Rabot ,
Etre moqué de tous comme un petit Nabot
Passer pour aussi sot qu'une buche , une Souche ,
Bateau
Contre vent et marée aller dans un
Et marcher dans la rue au milieu du Ruisseau ,
Que de prendre une femme et si sote et si Louche,
RE:
SEPTEMBRE. 1735. 1987.
REFLEXIONS.
L'ablement
heureux 'Homme
qui peut être apellé veriest
celui qui
sçait se réjouir
sans dissipation
, s'atris
ter sans abatement
, desirer sans inquiétude
, acquerir
sans injustice
, posseder
sans orgueil
, et perdre
sans douleur
.
Les femmes sønt nées pour faire des
esclaves , et non pour l'être. L'homme
le plus feroce et le plus austere , s'adoucit
à la vûë d'une Beauté . Phriné
Courtisane d'Athênes , ayant été conduite
au Tribunal de l'Aréopage , la gravité
de ses Juges severes ne put tenir
un moment à la vûë de Phriné dévoilée
; mais comment des Sages de ce caractere
se laisserent- ils si -tôt corrompre ?
C'est , dit un ancien Philosophe , c'est
la question d'un aveugle.
Les charmes de Dalila triompherent
de la force de Samson' , les apas de Bersabée
engagerent David dans l'adultere
et dans le meurtre. Les douceurs d'une
belle Etrangere persuaderent au plus sa-
Diij ge
1968 MERCURE DE FRANCE
ge de tous les Rois de donner de l'encens
à l'ouvrage de ses mains.
Il est à propos dans un retour de for:
tune de faire connoître quelquefois qu'on
se souvient de sa premiere condition ;
loin de vous rendre méprisable par cet
endroit, vous vous rendez non- seulement
agréable à tout le monde , mais encore
vous fermez la bouche à vos ennemis.
Persuadé de cette Maxime , Agatocle ,
Roy de Sicile , faisoit vanité d'être fils
d'un Potier , et dans ses repas les plus
magnifiques , il ordonnoit toûjours à ses
Officiers de mettre plusieurs Services dans
des vases de terre.
Le Cardinal Baronius n'étoit pas moins
politique , il faisoit connoître à tout le
monde qu'il se souvenoit fort bien qu'il
avoit été autrefois dans la servitude ; et
pour conserver cette égalité d'esprit si
difficile dans l'élevation , il commandoit
quelquefois à ses domestiques de se mettre
à sa table et de manger avec lui comme
ses égaux.
C'est une grande faute de faire une
faute , sur tout une faute qui ne nous
tire point d'affaire.
Les
SEPTEMBRE. 1735. 1969
Les Souverains ne sçauroient être véritablement
parfaits , sans avoir trois
qualités éminentes , la Pieté d'un Saint ,
la Prudence d'un Politique et le Coura
ge d'un Heros .
Une Coquette s'abuse en voulant seulement
donner de l'amour aux autres ;
elle se met aussi dans le danger d'en
prendre , parce qu'il est bien mal- aisé de
porter la flamme chez ses voisins sans.se
bruler.
Les Grands de la Terre seront comptables
à Dieu , comme le reste des hommes
, de leurs obligations , ils ne pourront
se prévaloir d'artifice , puisqu'ils se
trouveront au Tribunal du Tout -Puissant
en un état où le déguisement n'environne
plus les objets , où la vanité n'a
plus de prise sur les esprits , où la complaisance
ne sçauroit même affoiblir la
verité.
C'est une finesse d'esprit qui n'est pas
commune , que de sçavoir desarmer ses
ennemis lorsqu'ils sont prêts de nous perdre
, en leur insinuant agréablement les
services qu'on leur a rendus . Scipion l'Affriquain
usa de cette adresse ; ayant été
D iiij déferé
1970 MERCURE DE FRANCE
déferé en justice par les Tribuns , pour
crime de Péculat , il ne proposa autre
chose pour sa justification , sinon qu'à
pareil jour il avoit gagné une fameuse
Bataille pour la République ; c'est pourquoi
il invitoit le Peuple de l'accompagner
au Capitole pour en remercier les
Dieux. Le Peuple le suivit aussi - tôt , les
Tribuns demeurerent seuls et confus
et cela lui tint lieu d'absolution .
Les Rois ne sont plus à eux dès qu'ils
sont une fois sur le Trône , parce qu'ils
n'ont plus d'autre interêt à ménager que
celui du Public , de repos à chercher que
la Paix de l'Etat , et de plaisir à désirer
que la félicité des Peuples.
La seule représentation des Héros , tous
morts qu'ils sont , ne laisse pas de donner
une idée de leur Majesté et des sentimens
de leur grandeur. Après la mort
d'Alexandre , étant survenu entre ses héritiers
un differend pour le partage de
ses biens , les Macédoniens qui avoient
suivi la fortune de ce Conquerant , furent
choisis pour Arbitres de cette celebre
contestation , avant que de rien déliberer
, afin que l'esprit d'Alexandre présidât
, pour ainsi-dire , à leurs Conseils,
et
SEPTEMBRE. 1735 1971
et prononçât par leur bouche , ils fitent
aporter au milieu de l'Assemblée le Corps.
de ce Prince , et ensuite ils donnerent
leur Jugement.
La vanité et le désir de paroître dans
les Femmes est quelque chose d'extraor
dinaire ; la soeur de Démocrite le Philosophe
, voyant que son frere étoit prêt
de rendre l'esprit , elle le suplia sérieu
sement de prolonger sa vie de quelques
jours , jusqu'à ce qu'elle eût celebré une
Fête publique , où ceux qui étoient en
deüil ne pouvoient assister . Le Philosophe
le voulut bien . Il prit , selon son
Histoire , l'odeur de certaines viandes ,
qui firent l'effet que sa soeur desiroit . Un
Ancien a dit sur ce sujet , que pendant
cette suspension de la mort , Démocrite
ne laissoit pas de la nourrir dans son sein
et de l'avoir toujours présente.
La Noblesse qui vient de la Naissance,
est un pur effet du hazard et un don de
la Nature ; mais celle qui s'acquiert par
le mérite et par la valeur , est une ré
compense légitime de la vertu.
Dans la justice distributive d'un Etat
bien policé , il faut
que le Peuple obéisse
Dy ан
1972 MERCURE DE FRANCE
7
au Magistrat ; mais le Magistrat doit
obéir aux Loix .
On se rend complice du mal qu'on
peut empêcher , et l'on est doublement
coupable en l'aprouvant.
Bis peccat qui peccanti obsequium accommodat
Seneq .
Souvent un Droit pris à la rigueur ,
est une extrême injustice . Summum jus
summa injuria .
La trop grande douceur des Magisą
trats nourrit et augmente le vice.
C'est faire tort aux bons , que de par
donner aux méchans.
Le meilleur ciment des Loix , est le
de sang ceux qui les méprisent.
Les mauvaises actions sont les meres .
des bonnes Loix.
On a comparé la Toile d'Araignée à la
Loy qui n'est jamais rompuë par les petits
car les petites Mouches demeurent
prises , mais les grandes passent au travers.
La
SEPTEMBRE. 1735. 1973
La falce dell' ugual Giustizia ne prati
degli uomini uguali , tagliano P erbe tutte,
ma l'accorto falciatore , che vede trà l'erbe
minute qualche sterpo , per non ispezzare
o gravemente intaccar la falce , l'alza.
.
On voit quelquefois des gens si ennemis
de tout acommodement , si scrupuleusement
attachés aux regles qu'ils se
prescrivent dans la plus grande rigueur
de l'exacte justice dont ils se piquent ,
qu'il est presque impossible de les ren
dre capables d'équité.
Il semble que ce soit un trait de prudence
que de laisser quelque petite chose
à l'envie et à la médisance , pour occuper
l'une et l'autre , afin qu'elles ne
fassent pas de grands maux . Alcibiade
voyant que ses amis le blâmoient de
ce qu'il avoit coupé la queue d'un chien
que tout le monde trouvoit très - belle ;
je l'ai fait exprès , dit-il , afin
que les
Athéniens s'entretenant de cela , ne di
sent pas pis de moi .
Maledicus à malefico nisi occasione non differt,
Quintil.
P
' L'innocence n'est pas toujours un Bou
clier bien sûr contre les coups de la ca
lomnie et de la perfidie.
D vj
Les
1976 MERCURE DE FRANCE
On donna autrefois le choix à deux
envieux , l'un de l'autre , de demander
chacun en particulier ce qu'il voudroit ,
à condition que sa demande accordée
l'autre auroit le double. Le premier ,
quoiqu'avare , ne demanda rien , craignant
de faire plaisir à celui qui étoit
F'objet de son envie. L'autre demanda
qu'un oeil lui fût arraché , afin qu'on
arrachât les deux à celui que l'envie faisoit
regarder comme son ennemi .
. L'Enyieux fait son malheur , non pas de
ses propres maux , mais des biens des autres;
comme, au contraire , il fait son bonheut,
non de son bien propre, mais du mal
d'autrui. Invidus non suis malis , sed alienis
bonis infelix est : et contra non suo bono ,
sed malis proximis felix . S. Greg. Niss.
L'amour même qu'on a pour nous ess
dangereux , parce qu'il excite l'envie.
Nihil invidia periculosius . Seneq.ď
L'envie est injuste et équitable tout
ensemble ; injuste , elle s'aigrir de la récompense
du mérite ; équitable , elle
punit elle-mê ne son chagrin , mais il
faut qu'elle soit bien enveņimée , si le
mal qu'elle souffre ne lui rend pas aimable
el bien qu'elle ne peut souffrir. "
L'ESEPTEMBRE.
1735. 1977
L'Enigme du Mercure du mois d'Août
a été faite sur le Fuseau , et les deux
Logogryphes , sur Avarice et Poulie. On
trouve dans le premier , Vice , Avarej
Cave , Varice , Vie , Ive , Varie , Ivre ,
Ave. Er dans le dernier , Pou , Lie ,
Lien , Poil , Po , Ou , Playe , Pole , Poli ,
Pile , Poule.
N
ENIG ME.
Ous sommes bien soumis , puisqu'un Valet
nous touche ;
Un Maître en est mauvais Marchand ;
Avec notre secours le Valet s'en défend ,
Puisqu'au Maître il ferme la bouche.
Si vous voulez sçavoir pourquoi ,
C'est que du Serviteur la suite est plus nombreuse,
Et ce Maître , fût- il un Roy ,
Se met à remotis comme Brebi galeuse.
Chacun au combat animé ,
Le plus fort est plus estimé ;
Combat Arithmétique , où l'on fait pour se
battre ,
Quatre, quinze, dix- neuf, avec quarante quatre...
J. Chevrier, Organiste de Chemillé
en Anjou. LO1978
MERCURE DE FRANCE
Q
LOGOGRYPHE.
Uatre Elemens de differente étoffe
Oat éte reconnus par plus d'un Philosophe
Quelqu'autre Secte , en rejettant le feu ,
N'admet que l'Air , la Terre et l'Onde :
Tout cela m'importe bien peu ,
7
Je suis plus riche que le Monde ;
Car j'en ai sept , mais dont , à beaucoup près ,
Moins spacieuse est l'etenduë ;
Et de quatre je fais chose bien entenduë ,
Risible assés souvent , dont l'inconstant progrès
Par un autre moi- même arrivant tout exprès ,
Tyrannise l'usage , et me voilà perduë ;
On ne voit pas par tout ce fréquent changemente
Ces quatre donc restés en même place ,
Otez le chef, sans l'aveu du Parnasse
On me fait mal avec bien du tourment.
Combinez et posez , dans certaine structure
Vous rencontrez un morceau d'écriture ;
Qui nous ayant bien mis l'esprit à la torture,
En tel et tel endroit , faute d'attention ,
Procure à l'Ecrivain la flagellation ;
Presque d'usage en toute Langue ;
Excitant quelquefois votre admiration ,
Par un charmant écrit , une belle harangue,
Et
SEPTEMBRE. 1735. 1979
Et dont , réduit à trois , je contiens chaque pare ,
Suivant, pour me placer , les préceptes de l'Art ;
Trois autres , un breuvage en apareil superbe ,
Et qui n'est composé que d'eau bouillie et d'herbe.
Rassemblez-moi , Lecteur , car il faut terminer.
Vous auriez peine à vous imaginer
Qu'on puisse montrer quelqu'ouvrage ,
Soit de corps, soit d'esprit , où je ne sois d'usage
Et comme le détail , à tout examiner •
Iroit à l'infini pour bien déterminer ,
Je n'en dirai pas davantage ,
Sinon que pour me deviner
Il ne faut pas perdre courage.
J. Chevrier , Organiste à Chemillé en
Anjou.
J
AUTRE.
E flate un de tes sens dans la saison nouvelles
Et fais plaisir à plus d'une Mortelle ,
L'hyver me nuit , mais je charme au Printemps ,
Ma derniere moitié partage tous les temps-
En moi se trouve un mal et son remede ,
Mal furieux à qui tout autre cede.
Plus un Sçavant, Philosophe ou grand Roy .
Plus ce qui pense , agit et meut chés toy ,
Plus d'un fameux Mortel la féconde Maîtresse ,
Un mot qui t'avertit crainte qu'on ne te blesse. ”
Tu trouveras aussi par la combinaison
Uw
1980 MERCURE DE FRANCE
Un Instrument fort long et court selon raison .
Ce n'est pas tout , dans ta cuisine
Les deux tiers de mon tout te font faire la mine,
Devine ce que c'est , c'est deux , trois , six et un.
Enfin selon l'avis commun ,
Trois , quatre , un , cinq et six , est nécessaire ,
Et se trouve chés- moi , comme en tout Exemplaire.
J
C. D. M. D. L. F. C.
AUTR E.
' Ai six pieds , dont trois fendent l'air ,
Les trois derniers vivent en Mer ;
Mon tout est homme allant sur terre
Bien moins utile en Paix qu'en Guerre.
Un , quatre et cinq , servent souvent
Près du quatriéme Element.
の
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , & c .
HISTOIRE GENERALE des Auteurs
Sacrés et Ecclesiastiques , qui
contient leur Vie , le Catalogue , la Critique
, le Jugement , la Chronologie
l'Analyse et le dénombrement des différentes
SEPTEMBRE . 1735. 1981.
férentes Editions de leurs Ouvrages ; ce
qu'ils renferment de plus interessant sur
le Dogme , sur la Morale et sur la Discipline
de l'Eglise ; l'Histoire des Conciles
, tant generaux que particuliers ,
et les Actes choisis des Martyrs . Par le
R. P. Dom Remy Ceillier , Benedictin
de la Congrégation de S. Vanne et de
Saint Hydulphe , Prieur Titulaire de
Flavigny. Tome V. A Paris , chés Paulus
du Mesnil , Imprimeur - Libraire ,
Grand'Sale du Palais , au Pilier des
Consultations , au Lion d'or , 1735. in 4.
de 718. pages .
CATALOGUE de la Bibliotheque de feu
M. Bourret, ancien Intendant de la Prin
cipauté de Neufchastel et de Vallengin
en Suisse , &c. I. Vol. in 8. A Paris ,
chés Jean Boudot et facques Guérin , Quay
des Augustins , M. DCC. XXX V.
Ce Catalogue , que nous avons reçû
un peu tard , nous a paru curieux et
parfaitement bien dressé. La vente des
Livres qu'il contient a dû , selon l'Indication
, être commencée dès le 18. du
mois de Juillet dernier , à l'Hôtel de
Luynes , Quay des Augustins , et nous
aprenons qu'elle dure encore. Le Catalogue
est de
523. pages , et mérite d'être
vû. RI
1982 MERCURE DE FRANCE
›
REFLEXIONS CRITIQUES , sur les His
toires des anciens Peuples Chaldéens
Hébreux , Phéniciens , Egyptiens, Grecs ,
&c. jusqu'au temps de Cyrus , en trois
Livres , &c. Par M. Fourmont l'aîné ,
Professeur en Langue Arabe au College
Royal de France , Associé de l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles-
Lettres , Interprete et Sous - Biblio
thecaire du Roy. A Paris , chés Musier ;
Pere , Fombert , Briasson , et Bullot , Li
braires , 1735. in 4.
LA PAYSANNE PARVENUE , OU Memoi
res de Madame la Marquise de L. V.
Par M. le Chevalier de M ... Premiere
Partic. A Paris , chés Prault , fils , Quay
de Conty , vis-à- vis la descente du Pont-
Neuf, à la Charité , in 8. de 135. pages ,
sans la Préface et une Lettre fort courte ,
mais pleine de sentimens de reconnoissance
à M. l'Abbé d'Opede , Aumônier
du Roy , sur une action aussi noble que
genereuse de cet Abbé. On aprend à la
fin de cette Préface , que l'Auteur de cet
Ouvrage a travaillé sur les Memoires
qui lui ont été remis par une femme
pleine d'esprit et de douceur , &c . Ce
sont ces Memoires , dit- il , que je donme
aujourd'hui au Public ; les Parties qui
suivent
SEPTEMBRE. 1735. 1983
suivent celle- ci seront très- interessantes ,
elles paroîtront de mois en mois . Je n'ai
que faire d'annoncer que le but de Madame
la Marquise de L. V. dans cet Ouvrage
, est d'instruire son Sexe en l'amusant
, de mettre la vertu dans son
jour , et de porter ceux qui écrivent à
orner leurs Ouvrages de ses beautés.
DESCRIPTION DE L'EGYPTE , contenant
plusieurs Remarques curieuses sur la
Géographie ancienne et moderne de ce
Pays , sur ses Monumens , sur les Moeurs,
les Coûtumes et la Religion des Habitans
, sur le Gouvernement et le Commerce
, sur les Animaux , les Arbres , les
Plantes , & c, composée sur les Memoires
de M. de Maillet , ancien Consul de
France au Caire , par M. l'Abbé le Mas
crier. Ouvrage enrichi de Cartes et de
Figures. A Paris , chés Louis Geneau et
Jacques Rollin , fils , Quay des Augus
tins , 1735. in 4.
TRAITE DE LA GOUTE dans son état
naturel , ou l'Art de connoître les vrais
principes des maladies ; avec plusieurs
Remedes conformes au Systême d'Hypocrate
, de Galien et de Vanhelmont , qui
se trouve dans son vrai jour , dévelopé
du faux langage et de la fausse opinion ,
\par
1984 MERCURE DE FRANCE
par M. Aignan , Medecin du Roy et de
S. A. S. M. le Prince de Condé , Docteur
en Médecine de la Faculté de Padoüe.
Dédié à S. A. S. M. le Duc de
Bourbon. A Paris , chés P. G. le Mercier,
ruë S. Jacques , au Livre d'or , in 12 .
1735. 1. livre 15. sols .
PARIS ou le Mentor à la mode , par
M. le Chevalier de M ... Premiere Partie.
A Paris , chés Pierre Ribou , vis- àvis
la Comédie Françoise , à l'Image S.
Louis , 1735. in 12. de 155. pages.
LE DEMESLE survenu à la sortie
de l'Opera , entre le Paysan Parvenu et
la Paysanne Parvenuë , imprimé à Nancy
, et se vend à Paris , chés Pierre
Ribon , vis- à- vis la Comédie Françoise ,
à l'Image S. Louis , 1735 .
4
LES VIES et les Miracles de S. Spire , et
de S. Leu , premier et troisiéme Evêques
de Bayeux en Normandie , avec l'Histoire
de la Tranflation de deurs Keliques
au Château de Palluau en Gâtinois
, et de-là en l'Eglise Royale et
Collégiale de Corbeil , où les nouveaux
Miracles y sont insérés . Dédiées à la Reine,
revûës, corrigées et augmentées , avec
figures
SEPTEMBRE . 1735. 1985
figures, et les Hymnes et Proses des Fêtes
marquées. L'abregé desdites Vies se vend
aussi séparément avec les mêmes Hymnes
et Proses Latines et Françoises et
mêmes figures . Par Messire Jean - François
Beaupied , Prêtre , Docteur en Théologie
, Abbé de S. Spire. A Paris , chés
André Cailleau , Quay des Augustins ,
au coin de la rue Gist - le- Coeur , à saint
André , 1. vol in 12. 1735.
Il a paru plusieurs Imprimés en divers
temps des Vies et Miracles de S. Spire
et de S. Leu , avec l'Histoire de la Translation
de leurs Reliques , en la Ville de
Corbeil , où elles sont présentement dans
l'Eglise Royale et Collégiale , qui en
porte le nom ; mais aucune n'a été plus
exacte ni plus recherchée que celle qu'on
donne maintenant , parce qu'on n'avoit
pas pris la peine d'examiner à fond une
très - ancienne Légende Latine qu'on a
découverte dans le Trésor du Chapitre
de S. Spire. Celles qui ont été imprimées
à Paris en 1658. par Erienne Pepingué,
et en 1708. par J. B- Christophe Ballard,
sont celles qui aprochent le plus de la
véritable Histoire de ces Saints ; les autres
qui peuvent avoir été imprimées ailleurs
, n'ont aucune vrai - semblance , et
même on ne craint point de dire qu'elles
1986 MERCURE DE FRANCE
les sont absolument fausses , contraires à
la Tradition, et à ce qui est contenu dans
la Légende dont on a parlé.
DICTIONNAIRE Italien , Latin et
François , contenant non- seulement un
Abregé du Dictionnaire de la Crusca
mais encore tout ce qu'il y a de plus
remarquable dans les meilleurs Léxicographes
, Etymologistes et Glossaires qui
ont paru en differentes Langues . Par
M. l'Abbé Antonini. A Paris , chés Jacques
Vincent , rue et vis - à- vis l'Eglise
de S. Severin , à l'Ange , 1735. in 4. de
658. pages , en trois colomnes , Caractere
de Petit Romain , sans la Préface ;
la Table des Auteurs et des Livres cités ,
la Table des Verbes irréguliers , & c. de
28. pages. Le Frontispice est orné d'une
belle Estampe ; l'impression sur de fort
bon papier est correcte , et la netteté des
Caracteres fait plaisir à la vûë.
Depuis plusieurs années que l'Abbé
Antonini est en France , il s'est continuellement
apliqué à nous rendre la
Langue de son Pays plus familiere , soit
par la maniere exacte , claire et précise
dont il l'enseigne , soit par des Méthodes
particulieres qu'il nous a données , et
par des nouvelles Editions des meilleurs
Poëtes
SEPTEMBRE . 1735. 1987
Poëtes Italiens qu'il a publiés. Il vient
d'accomplir ce que le Public exigeoit encore
de lui avec le plus d'empressement;
c'est-à- dire , le Dictionnaire qui donne
lieu à cet article , le plus complet , le
plus étendu , le plus exact et le plus
sçavant de cette espece qui ait encore
paru .
Il y a certaines sortes d'Ouvrages qui
sont d'une nécessité indispensable , et
l'on ne sçauroit être assés reconnoissant
envers ceux qui veulent bien. y travailler.
Peut- on entendre bien une Langue
sans un bon Dictionnaire ? Mais aussi
quelles peines , quels soins , quels temps
n'en coûte- t'il pas à un Autcur ? Celuici
commence sa Préface par montrer les
défauts qui se rencontrent dans les Dictionnaires
dont on se servoit en France
avant que le sien parût. On ne doute
pas que le Public ne lui rende justice
à tous égards ; le moindre avantage
de cet Ouvrage est de trouver dans la
seule lettre A. onze cent mots de plus
que dans celui de Veneroni , qui est le
seul Dictionnaire dont on se servoit auparavant
en France.
Sans relever ici le mérite et la capacité
de M. l'Abbé Antonini , les seuls
modeles qu'il a scrupuleusement suivis
E dans
1988 MERCURE DE FRANCE
dans la composition de son Ouvrage ,
peuvent lui répondre d'un entier succès.
L'Académie de la Crusca , dit notre Au-
>> teur , est si universellement estimée
» dans la République des Lettres , que
» tous les éloges que j'en pourrois faire
» n'ajoûteroient rien à son mérite , ni à
» celui de son Dictionnaire ,, imprimé
» d'abord in folio , et depuis en trois
» volumes en 1691. Cet excellent Ou-
» vrage a servi de base et de fondement
» à celui que je donne aujourd'hui au
» Public . Le mien renferme donc ge-
» neralement tous les mots employés
dans le Dictionnaire de la Crusca , soit
»pour le nombre , soit pour les ассер-
» tions differentes, C'est dans cette même
source que j'ai puisé toutes les déd
❤finitions des mots , leur explication La-
» tine ou Grecque , et les exemples que
j'ai raportés. Ce guide est trop sûr pour
» craindre de s'égarer en le suivant.
On voit par ce que notre Auteur vient
de dire , qu'il n'y a rien dans le fameux
Dictionnaire de la Crusca qui ne se trouye
dans le sien. Il ne s'en est pas même
tenu là ; quoiqu'il avoue que sans le Dictionnaire
de la Crusca il ne se seroit jamais
avisé d'entreprendre celui- ci Mais il
sçavoit en même-temps que quelquegrande
que
SEPTEMBRE. 1735. 1989 .
que puisse être la gloire des premiers Auteurs,
les derniers peuvent toujours donner leurs
Ouvrages plus complets. Voyons donc dans
le Projet que M. l'Abbé Antonini a fait
imprimer de son Dictionnaire , en quoi
ilea étendu ses idées.
J'ai même aspité , dit- il , à enchérir
sur le travail de tant d'illustres Génies
d'Italie . Dans cette vûë , j'ai ajoûté aux
mors employés dans le Dictionnaire de la
Crusca , plus de deux mille autres mots
tous tirés des Auteurs reconnus pour
faire autorité dans notre Langue : Il sera
facile d'en faire la distinction par la différence
du caractere. Les Italiens comptent
trois Dialectes , tous trois en usage,
tous trois reconnus , le Romain , le Florentin
et le Siènois . J'ai donc eu soin
d'avertir de quel Dialecte étoit un mot ,
dès qu'on ne s'en servoit pas également
à Rome , à Siène et à Florence. On trouvera
aussi dans mon Ouvrage la quantité
des syllabes marquée par les accens ;
la differente prononciation des E et des
O , qui emporte souvent dans les mêmes
mots une signification differente ;
les genres des Noms , les régimes des
Verbes et des Prépositions ; les irrégu
larités des Verbes , & c. J'ai observé à ›
l'égard des mots , ceux qui sont en usage
E ij et
1990 MERCURE DE FRANCE
*
et dont on peut se servir , et ceux qui ne
se trouvent plus que dans les anciens Auteurs
. J'ai distingué les termes uniquement
consacrés à la Poësie , de ceux qui
peuvent également servir pour la Prose.
Pour prévenir même le mauvais usage
qu'on pouroit faire d'une expression ,
j'ai marqué si elle est noble , familiere ,
basse , &c. Enfin dans la composition
de mon Ouvrage , je me suis servi de
tous les Lexicographes , Etymologistes
et Glossaires , qui ont été donnés en
differentes Langues. Je n'ai pas consulté
seulement les Gens de Lettres , j'ai eu
souvent recours à des Artisans même ,
pour mieux sçavoir les termes propres
de leur Art. Par toutes ces précautions
il est à présumer que j'aurois dû donner
le Dictionnaire Italien le plus complet
qui ait paru jusqu'à présent. En
suis-je véritablement venu à bout ? Le
Public en décidera.
Il semble que M. l'Abbé Antonini ait
oublié de parler dans ce Prospectus de
la Liste des Auteurs et des Ouvrages
Italiens , qu'il a ajoûtée à son - Livre . Elle
lui donne cependant un grand mérite.
On n'entrera pas dans Lexamen d'une
espece de Dissertation ou Parallele de la
Langue Italienne avec la Françoise , que
L'Auteur
SEPTEMBRE . 1735. 1991
l'Auteur ajoûte à la fin de sa Préface.
L'estime que nous avons pour un Auteur
qui a si heureusement executé un
si laborieux projet , nous y fait trouver
de l'esprit et de l'éloquence ; mais l'amour
que tout François doit avoir pour
sa Langue , empêchera , sans doute , de
goûter les raisons de M. Antonini . Peutêtre
qu'il n'en est pas lui - même entierement
convaincu , du moins après avoir
vanté par une espece de devoir, sa propre
Langue, il donne à connoître combien il
pense favorablement de la nôtre.
Que l'on ne s'imagine point , au reste ,
dit-il , page 16. de sa Préface , qu'en faisant
l'éloge de la Langue Italienne , j'aye
aucunement prétendu diminuer par là -le
prix de la Françoise. Mon unique but ,
je le réïtere , seroit de les faire aller
de pair et de les allier ensemble , s'il
étoit possible. Après avoir lû les Corneilles
, les Racines , les Molieres , les
Boileaux , les la Fontaines , et tant d'au
tres Auteurs du premier Ordre , peuton
, sans injustice , ne pas estimer et cherir
une Langue dans laquelle on a écrit
de si excellentes choses ? Les paroles d'un
célebre Académicien , dans son Discours
à l'Académie , sont remarquables . Si nous
nous apliquons , dit- il , à polir , à per-
E iij fectionner
1992 MERCURE DE FRANCE
fectionner le langage , ce n'est pas dans
la seule vûë de flater l'oreille par des sons
harmonieux , de donner plus de justesse
et de clarté à la Prose , un vol plus hardi
et moins témeraire à la Poësie ; c'est
principalement pour rendre les preuves
de la verité plus sensibles , les images
de la vertu plus respectables , et mériter
l'attention de la Posterité , autant
par la délicatesse du pinceau , que par
l'importance et la majesté du sujet . Le
conseil que cet illustre Académicien semble
donner , est un des principaux éloges
de la Langue Françoise. Je dirois
même volontiers aux Etrangers qui n'en
font pas tout le cas qu'elle mérite , que
c'est faute de la connoître. Pour moi ,
sans entrer dans un plus long détail ,
je déclare que chaque année que je reste
à Paris , ajoûte infiniment à l'estime que
j'ai pour cette Langue , aussi bien qu'à mon
respect et à ma vénération pour l'heureuse
Nation qui la parle . On trouve dans
la même Préface , qui est très - bien écrite,
sçavante , instructive et concise , le Plan
d'un Dictionnaire Italien universel ; Plan
qui nous a paru très méthodique et aussi
beau qu'utile. On ne peut sur ce projer
, que louer la capacité , le zele ardent
et la sagacité de l'Auteur , il n'y a pas
lieu
SEPTEMBRE . 1735. 1993
Hieu de douter que tous les Amateurs
des Lettres et des Arts , ne concourent
à l'encourager dans la pénible et vaste
entreprise de ses projets.
Il reste à raporter quelques mots
de ce Livre , pris au hazard , afin
qu'on puisse , par cet échantillon , juger
du reste de ce Dictionnaire.
ABBACCHIARE , Fior. Batter con bacchio
, cioè bastone , o pertica ; e dicesi
per lo più delle frutta , che hanno guscio
, quando sono in sù l'albero. ( Lat.
decutere. ) Gauler les fruits. Come i Toscani
dicono Abbacchiare da Bacchio ,
che significa Pertica , così i Franc . dicon
Gauler da Gaule , che vale lo stesso.
ASCIOLVERE, Sust . Colezion della mattina
. ( Lat . Jentaculum. ) Le déjeuner. ţigur.
Cinquanta ducati sono un'asciolvere :
cioè , una colezione ; cosa di poco rilievo.
Si direbbe anche in Franc. Ce n'est qu'un
déjeuner.
ASCIOLVERE , verbo . Mangiar la mattina
innanzi desinare . ( Lat . jentare . )
Déjeuner. Asciolvere , dal Lat. ( Solvere . )
Come ha detto Ovidio ( jejunia solvere . )
E Petrarca : Send' io tornato a solvere il
digiuno. Gl' Inglesi dicono anch'essi ,
Breakfast ; cioè , Rompere il digiuno :
maniera presa da' Greci.
E iiij
L'Ou1994
MERCURE DE FRANCE
L'Ouvrage que nous annonçons doit
être suivi d'une seconde Partie , qui contiendra
le Dictionnaire François - Italien .
Il paroîtra incessamment.
REFLEXIONS MILITAIRES ET POLITIQUES
, traduites de l'Espagnol de M. le
Marquis de Santa- Cruz de Marzenado. A
Paris , chés Rollin , fils , 1735. in 12.
DECISIONS NOTABLES sur diverses
Questions de Droit , conformément
aux Arrêts de la Cour du Parlement de
Toulouse , partagées en 6. Livres , et
recueillies par M. Jean de Cambolas , Président
au même Parlement. Cinquième
Edition , revûë , corrigée et augmentée
des Notes sur la Matiere des Donations ,
relativement à l'Ordonnance du Roy da
mois de Février 1731. A Paris , chés
Etienne et Louis Ganean , pere et fils .
On vient de donner au Public une
nouvelle Traduction de Virgile , avec le
Latin à côté et des Notes Historiques et
Géographiques , par M. l'Abbé de la Landelle
de S. Remy. 4. volumes in 8. A
Paris , rue S. Jacques , chés Gregoire
Dupuis , à la Couronne d'or , Barbou
aux Cigognes , et Louis Dupuis fils , à la
Fontaine d'or. On en parlera plus au long.
ARRESTS
SEPTEMBRE. 1735. 1995
ARRESTS NOTABLES du Parlement de Dijon
, recueillis par M. François Perrier ,
Substitut de M. le Procureur General
avec des Observations sur chaque question
, par Guillaume Raviot , Ecuyer ,
Avocat au Parlement et Conseil des Etats
de Bourgogne. A Dijon , chez Arnaud-
Jean-Baptiste Augé, 1735. in folio, deux
Volumes.
HISTOIRE DES SEQUANOIS et de la Province
Sequanoise , des Bourguignons et
du premier Royaume de Bourgogne , de
l'Eglise de Besançon jusques dans le VI.
siecle , et des Abbayes nobles du Comté
de Bourgogne , SS.. CCllaauuddee , Beaume ,
Gigny , Château - Châlons , Beaume -les
Dames , Lons-le- Saunier, Migette et Montigny
, depuis leur fondation jusqu'à présent.
Par M. F. J. Dunod , ancien Avocat
au Parlement , et Professeur Royal
en l'Université de Besançon. A Dijon
chés de Fay , Imprimeur des Etats , de
la Ville , et de l'Université , in 4.
EXPLICATION des sept Sacrements de
l'Eglise , par Messire Charles Evêque de
Tulle , pour l'utilité du Clergé et des Fideles
de son Diocèse .
Cet Ouvrage est divisé en trois Tomes,
in douze. E v Le
1996 MERCURE DE FRANCE
Le premier Tome contient le Traité
des Sacremens en general , du Baptême ,
de la Confirmation et de l'Eucharistie
La Controverse contre les Herétiques Protestants
sur la présence réelle du Corps
de Jesus Christ dans le Sacrement de
l'Eucharistie et sur la Transsubstantiation
y est traitée avec soin.
Le second Tome renferme le Traité de
la Penitence , de l'Extrême - Onction et de
l'Ordre .
Le troisième Tome tout entier est sur
le Sacrement de Mariage.
Le prix de chaque Tome en feüille est
de quarante sols , c'est - à - dire , six francs
pour les trois Tomes en feuilles , sans la
relicure. A Tulle chés J. Leonard
Dalvy , Imprimeur de M. l'Evêque et du
Clergé . 134 Ce Livre se vend aussi à
Paris,chés André Cailleau , Libraire ,Quay
des Augustins , à l'Image de S. André.
و
AURESOUN FUNEBRO de Messiro Cardin
Lebret , & c. c'est- à dire , Oraison
Funebre de M. Cardin Lebret , Conseiller
d'Etat , Premier President , Intendant de
Juice , Police , Finances , et du Commerce
, Commandant pour le Roy en Provence.
Prononcée le 12. May 1735. dans l'Eglise
Paroissiale de S. Laurent , en presence de
Messier us
SEPTEMBRE . 1735. 1997
, Messieurs Jacques Carles Reymond
Floux , Jean-Pierre Pons , et Louis Lombard
, Prud'hommes de Marseille. Par
M. Pourrieres , Curé de la Paroisse de S.
Ferreol. Brochure in 4. de 25. pp. A
Marseille , chés Dominique Sibié et Jean
Isnard , 1735 .
*
La mort du Maréchal de Villars ,Gouverneur
de Provence , et celle de M. Lebret
, Premier President , Intendant , & c.
de la même Province , arrivées presque
en même temps , ont donné lieu à plusieurs
Oraisons Funebres prononcées à
Aix , à Marseille , à Arles , à Toulon ,
à Lambesc , que nous avons toutes reçuës
imprimées , et dont nous aurions pû
donner des Extraits , si cette entreprise
avoit pû ne pas exceder les bornes auxquel
les nous sommes assujettis dans notreJournal
.Nous avons crû cependant devoir
dire quelque chose de celle dont on
vient de lire le titre , à cause de sa singularité
et de son merite particulier.
Nous ne l'avons reçûë que depuis peude
jours.
* Du Maréchal de Villars par le R. P. Sube ,
Mineur Conventuel , Docteur en Theologie , prononcée
avec succès devant les Etats de Provence
le 16. Novembre 1734. et imprimée à Aix , chés
J. David.
E vj Dans
1998 MERCURE DE FRANC
,
Dans une très- courte Preface , on nou
expose , en ces termes , l'occasion et la
singularité de ce Discours . » La Pro-
» vence a pleuré sincerement la mort de
» M.Lebret ;la France a reçu avec avidité les
» differens Eloges qu'on a fait de ce grand
» Magistrat. En voici un d'un genre nou-
» veau et tel qu'on n'avoit pas prévu .
» La Communauté des Pêcheurs de la
» Ville de Marseille a cru devoir laisser
» un monument de sa reconnoissance en-
>> vers cet illustre deffunt , auquel elle est
» redevable de sa conservation . Jaloux
» des moeurs et du langage de leurs ancê¬
» tres , les Pêcheurs ont souhaité que les
» vertus de leur Protecteur fussent pre-
» conisées dans la même langue , dont
» leurs Pasteurs se servent pour leur an-
» noncer les verités Evangeliques . La
>> Langue Provençale fut jadis recommandable
par les Ouvrages de nos an-
» ciens Troubadous ; elle est connue dans
> ces derniers temps par des Cantiques ,
» des Fables morales , et des Odes dont
le Public a admiré et l'élegance et l'é-
*
* Avant çes derniers temps il y a eu une Traduction
du Nouveau Testament en Langue Proven
fale , dont il y a un très- bel Exemplaire dans la
Bibliotheque de M. le President de Mazaugues
d'une Ecriture du XIII ouXIV , siecle,
nergie
SEPTEMBRE . 1735. 1999
» nergie , et elle est admise dans la chaire
» de verité pour toutes les Instructions
» qui sont adressées au Peuple. Les lê-
» cheurs versés dans cette Langue , ont
prié l'Orateur de ne se servir d'aucune
>> autre pour loüer M. Lebret : ils vou-
>> loient tout entendre ; tout est précieux
» en effet dans la vie de ce Grand Homme
, et le plus petit trait qui leur eut
» échapé auroit merité leurs regrets .
a Ainsi parle l'Editeur.
Au reste , si Mrs les Prud'hommes et le
Corps des Pêcheurs ont absolument voulu
un Eloge en Langue vulgaire , ils ont
eu soin de se choisir un Orateur qui
n'est rien moins que vulgaire ; nous aprenons
, en effet , que M. l'Abbé Pourrieres
est très distingué par le talent de la parole
, par sa capacité , et par un merite
personnel fort au dessus du commun .
Il prit pour texte de son Discours ",
ces belles et heureuses paroles du 21.
chap. des Proverbes V. 21. Qui sequitur
justitiam et misericordiam , inveniet vitam
et gloriam. Paroles dont la paraphrase lui
servit d'Exorde.
>> C'est le S. Esprit , dit il , qui pro-
» met la vie et la gloire à celui qui sait.
la justice et la misericorde. Les pro-
» messes les plus salides que les hommes:
puissent
2000 MERCURE DE FRANCE
€
>>
29
» puissent faire , sont toujours sujettes à
» beaucoup d'inconveniens , et souvent
» ce qui nous paroît le plus assuré et le
» moins perilleux , est ce qui nous manque
plutôt . Semblables à la Mer la
plus tranquille , au temps le plus se-
» rain , aux vents les plus favorables ,
qui font esperer un bon départ et une
» heureuse navigation , les Hommes font
» des promesses , et donnent des paro
» les qui sont aussi peu assurées , et aussi
» sujettes au changement que le temps ,
» la Mer , et les vents . Il n'en est pas
» de -même , continua- t'il , des promesses
» que nous fait l'Esprit Saint ; le Ciel et
» la Terre passeront ; mais les paroles de
la verité, et les promesses de Dieu sub-
>> sisteront éternellement , et voilà ce qui
doit faire aujourd'hui le sujet de notre
» consolation .
Ces mêmes paroles du Texte , suivies
d'un Portrait en racourci des vertus de
M. Lebret , et des louanges que meritent
Mrs les Prud'hommes par leurs regrets
et par les marques qu'ils donnent ici
d'une juste reconnoissance aménerent
naturellement la division du Discours en
deux parties : la Justice et la Misericorde
ayant toujours fait le veritable caractere
de M. le Premier President Lebret , & c .
L'O-
,
= SEPTEMBRE. 1735. 2001
›
L'Orateur dans les preuves de sa pre-.
miere partic , fit entrer habilement et
les services rendus à la Communauté des
Pêcheurs et le caractere de ceux qui
composent cette Communauté. » Per-.
» sonne , dit- il, n'a mieux éprouvé qu'elle.
» étoit son affabilité , que Mrs les Pru-
» d'hommes devant qui j'ai l'honneur de
» parler. Je le puis dire sans crainte de
les offenser. Ces Messieurs sont con-
" nus et distingués dans le Monde par
» leur probité , par leur bonne foy , par
" leur candeur et par leur aimable sim-
" plicité: car du reste ils vivent dans un si
» grand éloignement des autres Gens du
» monde , qu'ils n'en suivent ni les usa-
» ges , ni même presque les manieres de
» s'exprimer. Cependant quel accez n'a-
>> voient- ils pas aupres de M. Lebret ? 11
les recevoit , les écoutoit , les prote-
" geoit , les soutenoit , il se faisoit ins-
" truire de leurs affaires , il apuyoit leurs
» projets , après les avoir éxaminez ; il
" faisoit confirmer par les Arrêts des
» deliberations de la Communauté , et
» les faisoit authoriser de la Cour . Enfin
» par ses soins et par sa protection parti-
» culiere , cette Communauté qui étoit .
presque entierement ruinée,a payé pres-
» que toutes ses dettes , et retabli son
credit
2002 MERCURE DE FRANCE
» credit...... Je vois , Mrs les Pru-
» d'hommes , que je vous ai attendris en
vous parlant des bontés particulieres
» que M. Lebret avoit pour vous : mais
>> qui ne seroit touché au recit de ses ac-
> tions ? & c.
Dans les preuves de la seconde Partie ,
il fit un portrait touchant de ce temps
de peste et de calamité publique , pendant
lequel M. Lebret se distingua si fort
du côté de la pitié et de la misericorde
&c. Il n'oublia pas les secours spirituels ,
donnés alors par M. l'Evêque de Marseille
à son cher Troupeau , qui fût attaqué
le premier.
» Notre Saint Evêque , dit il , rempli
» de zele , de tendresse , d'amour et de
>> compassion pour son Peuple , avoit non-
» seulement distribué et établi des Minis-
» tres zelés et charitables pour le besoin
» de tous : mais il animoit lui - même ses
» Ouvriers au milieu des morts et des
» mourans ; et toujours à la tête des au-
» tres , comme le chef de tous , il expo-
» soit sa vie pour nous faire voir par cet
>> exemple que nous ne devions pas me-
» nager la notre . Le Peuple , graces à ses
» soins et à son zele , ne manquoit de rien
» de ce côté-là , et si le propre bien du
* Coumo lon Capouliè.
charitable
*
SEPTEMBRE. 1735. 2003
» charitable Prélat avoit pû suffire pour
» le bien de tous ; il le repandoit de st
» bon coeur , et si liberalement , qu'on' se
» seroit passé de secours étrangers pour
» les necessités publiques . Mais tout étoit
» épuisé , et le premier Pasteur après
>> avoir tout donné , fue reduit comme
les Pasteurs subalternes à l'ordinaire le
» plus mince , encore en faisoit - il part
>> aux malheureux , qui n'avoient rien du
» tour.
>
Il finit ses preuves , à l'egard de M.Lebret
, en disant qu'il ne faut pas croire
qu'on puisse exposer dans ce Discours
tout le bien qu'il a fait. Il en a tant fait ,
dit- il , qu'il faudroit la vie d'un Homme
pour le raconter.
Le Discours fut terminé par les paroles
qui suivent , lesquelles laisserent
tous les Auditeurs touchés , édifiés , et
fort contens de 1 Orateur. » J'en ai assés
» dit , Messieurs , pour augmenter vos
» regrets , mais non pas pour loüer dignement
le grand Magistrat que nous
»venons de perdre. Toutes ses actions ,
» tous ses sentimens , toute sa conduite
» ont toujours été si remplis de justice et
» de misericorde , que nous devons croire
» que Dieu lui aura donné la vie et la
gloire qu'il a meritée. Qui sequitur justitiam
2004 MERCURE DE FRANCE
ntitiam ,& c.Non , Messieurs , il n'est plus
» temps de verser des larmes , et nos larmes
» et nos genissemens sont trop interes-
» sés. Dieu nous l'a ravi cet illustre protec-
›
*
teur pour la punition de nos pechés.
" Apaisons sa colere par notre soumis-
» sion aux ordres de sa providence
unissons nos prieres à celles de notre
» Saint Evêque , qui va faire couler pour
lui sur l'Autel le Sang de J.C. et es-
>> perons fermement que ce grand hom-
» me , qui avoit travaillé avec tant de
» zele , d'aplication et d'assiduité à nous
>> rendre heureux sur la terre , aura trou
» vé la vie et la gloire éternelle.
Comme tout le monde n'est pas obligé
d'être au fait des usages particuliers d'une
Ville , nous ajouterons ici que les Prud'hommes
de Marseille , au nombre de
quatre annuellement élus , sont les Chefs
des Pêcheurs de la Ville , faisant ensemble
un Corps de Communauté d'environ
six cent Personnes qui habitent un
quartier particulier dans la Paroisse saint
Laurent. Ces Chefs jugent en derniér
- ressort , sans forme ni figure de Procés ,
tous les differends qui concernent la Pêche
, chaque particulier plaidant sa cause .
L'origine des Prud'hommes , et de leur
* M. l'Evêque de Marseille celebroit la Messé.
Jurisdiction
SEPTEMBRE. 1735. 2005
Jurisdiction est si ancienne , que les
Historiens n'ont pû encore la decouvrir.
Ils sont appellés dans les Chartes , Probi
Homines Piscatorum . Il y a plus de 400 .
ans que les Comtes de Provence
ensuite nos Rois ont confirmé leurs privileges.
Louis XIII . étant à Marseille en
1622.où il prit le plaisir de la Pêche des
Thons , en ajoûta de nouveaux ..
et
Cette Communauté a été de tout
temps considerable. On trouve , en effet,
qu'en l'année 1385. elle avoit une Con
frairie appellée l'Aumône des Pêcheurs ,
conduite par cinq Recteurs . Ces Recteurs
acheterent cette même année une Galere
armée , des deniers de la Confrairie , pour
se deffendre contre les Corsaires de Bar
barie. Elle leur couta deux mille florins
d'or de la Reine , comme parlent les
Titres.
Il ne faut pas oublier que les Prud'hommes
, en certains jours de ceremonie
, paroissent en public habillés d'une
maniere singuliere, avec des Toques , et de
larges Epées à l'antique. Amateurs des anciens
usages , eux et tous ceux qui leur sont
soumis ,ils nontet n'entendent d'autre langage
que celui de leurs ayeux , c'est à- dire,
le Marseillois, langage qui a d'ailleurs son
énergie , son élegance , et son harmonie
particuliere
2006 MERCURE DE FRANCE
*
particuliere. Sur quoi il est bon d'obser
ver que M. de Ruffy s'est trompé en
disant , qu'il ne reste plus aucun vestige
de la Langue qu'on parloit anciennement
à Marseille ; car encore aujourd'hui on
trouve des traces de cette Langue et de
l'origine de la Ville en quantité de mots
purement Grecs , et en d'autres qui sont
Latins , Gaulois , et Celtiques . A quoi
on peut ajouter qu'avant la réunion de
la Provence à la Couronne , et encore
quelque temps après , presque tous les
Actes , les Discours et les Ouvrages publics
, étoient écrits et prononcés en langue
Marseilloise , depuis perfectionnée ,
et telle à peu près que l'a heureusement
employée M. l'Abbé Pourrieres dans l'O
raison Funebre dont nous venons de rendre
compte au Public.
, En finissant cet article il nous est
tombé entre les mains un Mémoire au su
jet des Prud'hommes et des Pêcheurs do
Marseille , qui merite d'avoir ici sa place,
et qui interesse la Litterature. Qui croiroit
que les Prud'hommes et leur Corps,
* Histoire de Marseille , T. I. L. XIII. p.331.
Il se trompe encore quand il dit p. 332 que le
Langage qu'on parle à present à Marseille , a plus
de conformité avec la Langue Françoise qu'avec
Aucune autre,
tels
SEPTEMBRE . 1735. 2007
tels qu'ils sont ci - dessus dépeints , et la
Litterature , pussent avoir ensemble quelque
chose de commun . Il est cependant
vrai que M. le Comte de Marsigli , Seigneur
Italien , celebre dans la Republique
des Lettres , et le-même dont il est
parlé dans le II . Volume du Mercure de
Decembre 1733. p. 2824. étant venu à
Marseille pour y continuer ses recherches
sur l'Histoire naturelle , et sur tout
celles des Plantes marines , eut besoin de
nos Prud'hommes , qui concoururent utilement
à ce dessein , en se prêtant avec
zele à tout ce qui dépendoit de leur autorité
et de leur profession. Les Pêcheurs
aportoient éxactement au Comte de M.
toutes les Plantes qui s'accrochent ordinairement
à leurs filets , et qu'ils jettent
à la Mer , et encore plusieurs Coquillages
et Insectes Marins.
Les mêmes Chefs lui donnerent les
Pêcheurs les plus experimentés pour aller
faire en sa presence la Pêche du Corail
du côté de la Ciotat. C'est dans cette
Pêche que M. de Marsigli trouva pour
la premiere fois des branches de Corail
chargées de ce qu'on peut apeller la
Aeur de cette Plante Marine. Il fut si
content de sa decouverte , qui décidoit
une Question jusqu'alors indécise sur la
fleus
2008 MERCURE DE FRANCE
*
Ce
fleur du Corail , et si reconnoissant en
vers les Prud'hommes qui n'avoient rien
épargné pour faciliter ses recherches ,
qu'il leur envoya de Boulogne un magnifique
Tableau pour leur Chapelle. Če
Tableau represente S. Pierre pêchant du
Corail. Le Peintre a observé que toutes
les branches pêchées portent la fleur à
leurs extremités , suivant l'intention du
Donateur , qui a voulu caracteriser et sa
decouverte et sa reconnoissance par ce
Monument.
Le Comte de Marsigli n'en demeura
pas là : Comme
il avoit été reçû à Mar
seille avec tous les égards dûs à sa nais
sance et à son merite personnel
, il en- voya en même temps au Corps de Ville
un grand Tableau
d'environ
20 pieds de largeur
sur une hauteur
proportionnée
, d'une très belle ordonnance
,où Neptune
,
ou pour mieux dire M. le Regent
sous le
symbole
de cette Divinité
, est repre- senté sur un Char en coquille
, tenant
notre Auguste
Monarque
encore Enfant, et très - ressemblant
dans son Giron , le conduisant
à Marseille
. Le Char est attelé
de Chevaux
Marins
, entouré
de Syrenes
,
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , où il a
fondé une Académie, &c.
de
SEPTEMBRE. 1735. 2009
de Tritons , & c. tenant des branches de
Corail , des Conques remplies de Perles ,
& c.d'autres sonnant de la trompe marine .
Toute cette éclatante composition représente
une Entrée triomphale duRoy dans
le Port de Marseille , dont on voit la plus
belle partie avec la superbe façade de
l'Hôtel de Ville , & c . Tout cela s'est
passé dans les années 1716. et 1717. Ce
Tableau fair aujourd'hui le plus bel ornement
de la grande Sale de cette Hôtel .
"
→
Il paroît tout recemment une nouvelle
feuille , sous le titre de Nouveaux
Amusemens serieux et comiques. A Paris ,
à l'entrée du Quai des Augustins , du
côté du Pont S. Michel chés Charles
Guillaume , 1735. in 12. de 24. pages . On
promet deux semblables feuilles tous les
Lundis et Vendredis de chaque semaine.
Ce que nous venons de parcourir de ce
petit Ouvrage , dont le sujet est Eloge
des Miroirs , est bien écrit.
La suite des Cent Nouvelles Nouvelles
>
de Madame de Gomez , paroît exacte
ment , et a un grand cours . Let Ouvrage
, à mesure qu'il augmente , semble piquer
davantage la curiosité des Lecteurs.
On en est à la trentiéme partie , chés
Mauduit , Quay des Augustins.
L'Académie
2010 MERCURE DE FRANCE
L'Académie Françoise celebra le 25.
Août , la Fête de S. Louis , dans la Chapelle
du Louvre.Pendant la Messe, qui fut
celebrée par l'Evêque de Vence , l'un des
Membres de cette Académie, on chanta un
très- beau Motet en Musique de la composition
du sieur Dornel. L'Abbé Carrelet
de Rozey , Docteur de Sorbonne
Predicateur du Roy , Grand Archidiacre
de Soissons , et Académicien de l'Académie
de la même Ville , prononça le Panégyrique
du Saint avec beaucoup d'éloquence
. L'aplaudissement qu'il a eu nous
engagera à en donner un petit Extrait
dans le prochain Mercure .
L'Après -midy , l'Académie s'étant assemblée
pour la distribution des Prix , M.
l'Abbé d'Olivet ouvrit la Seance par un
Discours sur la chute dont- il semble
que l'Eloquence Françoise soit menacée ;
il fit voir les causes de sa décadence , et
exposa enfin les moyens les plus efficaces
pour la retablir et pour l'entretenir dans
son premier lustre . Ce Discours également
solide , pathetique , instructif, fut
fort aplaudi. On lût ensuite les deux Piécés,
qui, au jugement de l'Académie , ont
remporté les prix de cette année. Celuy
d'Eloquence fut adjugé à M. Pallas
Lieutenant General de Toul , et celui de
Poësie
SEPTEMBRE . 1735. 2011
Poësie à M. l'Abbé Clement de Provence ,
Aumônier de M. l'Archevêque de Paris .
La Séance finit par la lecture de deux Pieces
, l'une d'Eloquence , l'autre de Poësie ,
presentées à l'Académie de la part de l'Académie
de Soissons , par M. l'Abbé de
Rozey , le même qui avoit prononcé le
matin , avec beaucoup de succès le Panégirique
de Saint Louis. Le Poëme est de
sa composition , et fut fort aplaudi.
Le même jour l'Académie des Inscriptions
et Belles Lettres , et celle des Sciences
, celebrerent la même Fête dans l'Eglise
des PP . de l'Oratoire. Il y eut aussi
un beau Motet pendant la Messe , de la
composition du sieur du Bousset , après
laquelle M. l'Abbé Josset prononça avec
tout le succès possible , le Panegirique de
S. Louis.
L'Académie Royale des Belles Lettres
de Marseille s'assembla publiquement le
25. Août , Fête de S. Louis , pour la distribution
du Prix de Poësie fondé pár le
Maréchal Duc de Villars. M. Gerin
Lieutenant General de l'Amirauté , Directeur
, ouvrit la Séance par la lecture
d'un Discours sur les Desirs. On fit ensuite
la lecture de l'Ode qui a remporté le prix.
Elle est du R.P. CHAIS de Tarascon , de
F l'Ordre
2012 MERCURE DE FRANCE
l'Ordre des Grands Carmes, et Prieur du
Convent de Mazargues, dans leTerritoire
de Marseille, L'Auteur present à l'Assemblée
, fit son remerciment en Vers , qui
furent aplaudis.
M. de la Visclede , Secretaire perpetuel
de l'Académie , lut ensuite l'Eloge , de sa
composition , de M. le Chevalier de Ros
mieu , Académicien Associé , et decedé
depuis quelques mois .
M. Sinetry fit la lecture d'une Piece de
Poësie , qui a été envoyée cette année pour
tribut à l'Académie Françoise , c'est une
Allegorie qui a pour titre le Temple de
POrgueil.
M. Pellissery lat un Discours sur l'Amitié
, et M. Robinot termina la Séance
par la lecture d'une Fable.
Nous avons reçû en même temps une
petite brochure de 24. pages , imprimée
à Marseille chés Pierre Boy , intitulée
ODES et autres Pieces de Poësie qui ont été
presentées à l'Académie des Belles - Lettres de
Marseille , pour le prix de l'année 1735 .
L'Ode du R. P. Chais qui à remporté
le Prix , est la premiere Piece de ce Reeijcil
. Elle commence ainsi .
Quoi
SEPTEMBRE. 1735. 2013
Qu Uoi ? du Styx l'Onde divisée ,
M'ouvre un passage inusité !
Par quel charme dans l'Elisée ,
Vil Mortel , suis-je transporté ?
Le Messager des Dieux me guide :
Pretend-il que ma voix timide
Chante aux vivans surpris le triomphe des
Morts !
Quel Peuple d'Ombres magnanimes !
Mais parmi ces Heros sublimes
Ma Muse au seul VILLARS Consacre ses accords.
Encore une ou deux strophes , feront
juger du merite de cette Piece , que nos
bornes ne permettent pas de raporter ici
toute entiere.
Qu'aux traits du Heros que je chante ,
Qu'à ces traits à jamais nouveaux ,
L'Antiquité la plus brillante
Cesse d'opposer ses Heros.
Par la valeur brille un Achille ,
Par la prudence un Paul Emile ,
Un Mécene est fameux par l'amour des beaux
Arts.
Amour des Arts , Valeur , Prudence ,
Assemblage cher à la France ,
Tout l'Univers le sçait, tu ne fis qu'un VILLARS,
Fij
Grand
2014 MERCURE DEFRANCE
Grand dans sa mort , grand dans sa vie ,
Ce Heros s'éclipse à nos yeux ,
Son ame à nos besoins ravie ,
Va partager le sort des Dieux .
Il meurt , ô deüil ! ô perte extrême ! .
Mais que vois- je ? un autre lui-même
Fait revivre l'espoir dans nos coeurs abbatus .
bonheur ! quand ta loi severe
Parque , nous enleve le Pere ,
Nous voyons dans le Fils revivre ses vertus.
A la tête de ce Recueil est un Avertissement
dont nous raporterons ici les
termes.
L'Académie avertit le Public , que le 25 .
'Août de l'année prochaine , jour et Fête de saint
Louis , elle adjugera le Prix fondé par feu M. le
Maréchal Duc DE VILLARS , Son Protecteur , à
un Discours en Prose d'un quart d'heure ,
tout au plus d'une demi- heure de lecture , dont
le Sujet sera : Si l'imagination contribuë plus au
bonheur qu'au malheur de l'Homme.
ou
Ce Prix sera une Médaille d'Or de la valeur
de 300.
liv . 'portant d'un côté le Buste , et au
revers la Devise de M. le Maréchal DE VILLARS,
Protecteur de l'Académie .
On adressera, comme de coûtume , les Ouvrages
destinez au concours, à M. de Chalamont de
la Visclede , Secretaire perpetuel de l'Académie ,
rue de l'Evêché à Marseille. On affranchira les
Paquets à la Poste , sans quoi ils ne seront point
retirés. Il ne seront reçûs , que jusqu'au premier
May
SEPTEMBRE . 1925. 2015
May inclusivement ; les Auteurs n'y metront
point leur nom ; mais une Sentence de l'Ecriture
Sainte , des Peres de l'Eglise , ou des Auteurs
Profanes. Ils marqueront à M. le Secretaire
une adresse à laquelle il envoyera son Récepissé.
On les prie de prendre les mesures nécessaires
pour n'être point connus avant le jour de la
décision de l'Académie , de ne point signer les
Lettres qu'ils pouront écrire à M. le Secretaire,
de ne point lui presenter eux- mêmes leurs Ouvrages
, en feignant qu'ils n'en sont pas les Auteurs
, ni se faire connoître , ou à lui , ou à quelque
autre Académicien ; et on les avertit que
s'il sont connus par leur faute , leurs Ouvrages
seront exclus du concours. Tout Ouvrage en faveur
duquel on aura sollicité, en sera aussi exclu.
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra
le recevoir dans la Sale de l'Académie le jour de
la Séance publique , s'il est à Marseille ; et s'il
est absent, il envoyera à une Personne domiciliéc
En cette Ville le Recepissé de M. le Secretaire
moyennant lequel le Prix sera remis à cette
Personne .
DEPUTATION de l'Academie de Seville
à l'Académie Royale des Sciences de
Paris. Extrait d'une Lettre de M.D.S.J.
V
Ous craignez , Monsieur
avec
raison , qu'on n'ait outré les choses,
lorsqu'on vous a dit , et qu'on a même
publié depuis peu dans un Ecrit , que
les Sciences ne sont gueres cultivées en
Espagne , et que la Litterature de toute
Fiij espece
2016 MERCURE DE FRANCE
espece y est absolument negligée , malgré
l'Etat florissant de cette grande Monarchie.
Je vais vous rendre compte d'un
Fait propre à justifier votre crainte , et
qui , pour l'honneur des Sciences mêmes
et de la verité , merite d'être connu .
Seville , Ville ancienne et Capitale de
l'Andalousie , dont l'Eglise Metropolitaine
a long- temps disputé la Primatie des
Espagnes à celle de Tolede , Ville si ornée
par l'Art et par la Nature , partagée
d'ailleurs de tant d'avantages , qu'on dit
communement en proverbe Quien no a
visto Sevilla no a visto Maravilla . Seville ,
dis - je , a non seulement une grande et
florissante Université , mais encore une
Académie Royale des Sciences , qui peut
figurer avec les plus considerables de
P'Europe.
,
Cette Academie a pour premiereOrigine
la sagacité et l'émulation de quelques Medecins
et de quelques Physiciens , qui se
detacherent , pour ainsi dire , de ceux
de la Faculté de Medecine de Seville
pour se faire une nouvelle route dans la
Medecine et dans la Physique , dans le
dessein de perfectionner l'une et l'autre
de ces Sciences , par la voye des Experiences
et des nouvelles Decouvertes.
Dessein loüable , mais dont l'execution
ne
SEPTEMBRE. 1735. 2017
ne manqua pas d'essuyer d'abord des
contradictions , contre lesquelles on se
roidit. Enfin sous le regne de Charles II.
dernier Roy de la Maison d'Autriche
ceux qui formoient l'Académie naissante
obtintent des Lettres de ce Prince , qui
autorisoient leurs Assemblées et leurs
Exercices .
Il restoit cependant toujours un levain
de schisme entre l'Ecole et l'Académie ,
ce qui donna lieu à bien des contestations ,
même à plusieurs Procès en forme , qui
étoient portés au Conseil du Roy , et
jugés tantôt en faveur de l'Université
tantôt à l'avantage de l'Académie
qui dura jusqu'au regne de Philipe V.
>
>
ce
Alors l'Académie conçut de nouvelles
esperances , et crut pouvoir tout obtenir
d'unPrince, petit fils de Louis LE GRAND,
le Pere , le Restaurateur , le Protecteur
des Sciences et des Beaux Arts . Elle obtint
en effet du Roy heureusement regnant
, non- seulement une confirmation
authentique de son Etablissement , mais
encore des Privileges et d'autres avanta
ges qui ont aboli pour toujours les con
testations avec l'Université.
Un Evenement heureux a mis le comble
aux desirs et au lustre de cette Académie
, sçavoir le mariage du Prince des
Fiiij Asturies
2018
MERCURE DE FRANCE
Asturies avec l'Infante de Portugal , lequel
donna lieu au voyage que le Roy
d'Espagne fit en Andalousie. L'Academie
profita du séjour que S. M. fit à
Seville pour faire de
nouvelles representations
en faveur de son
Etablissement etde
son
accroissement. Elle obtint en effet
une nouvelle grace des bontés du Roi ,
et la plus essentielle , c'est à - dire , les fonds
nécessaires pour tous les frais des experiences
et des
correspondances ; en un
mot, pour toutes les depenses qui doivent
contribuer à sa perfection et à l'utilité
publique.
Elle reconnoît, au reste que cette faveur
est entierement dûë aux sollicitations , es
aux soins infatigables de M. le Docteur
, Cerni , ci-devant Professeur à Parme , et
aujourd'hui premier Medecin du Roy
et de la Reine d'Espagne , que l'Acadé
mie a élu President perpetuel de ses Assemblées
, et qu'elle regarde comme son
veritable Protecteur .
Enfin cette
Académie , composée de
Medecins , de
Pharmaciens , de Chirurgiens
habiles , de Botanistes , d'Anatomistes
, de Geometres et d'autres Mathema.
ticiens, & c. a jugé que pour remplir plus
sûrement et plus
parfaitement le principal
objet de son institution , elle devoit
reSEPTEMBRE.
1735. 2019
rechercher l'union , la correspondance
de l'Académie des Sciences de Paris , pour
profiter de ses lumieres et des heureuses
Decouvertes qu'elle fait tous les jours
dans toutes les Parties de la Physique et
dans les Arts utiles . C'est dans cette vûë
qu'elle vient de lui députer l'un de ses
principaux Membres, sçavoir ,M. Jacobé
Professeur d'Anatomie de l'Académie ,
et Docteur de la Faculté de Montpellier.
Ce Deputé , muni de Lettres et de tous
les pouvoirs nécessaires , se rendit à l'Assemblée
de l Académie des Sciences , qui
se tint le vingt - sept Aoust dernier , où
il exposa le sujet de sa commission , ce
qui fut parfaitement bien reçû de ces
Messieurs qui lui fitent l'honneur de
lui donner place durant toute la Séance
dans le rang des Associés de l'Académie.
Il doit , suivant ses instructions , faire
quelque séjour à Paris , toujours dans les
vûës de profit et d'utilité que l'Académie
de Seville a lieu de se promettre
d'une telle Deputation . On peut dire
au reste , qu'elle ne pouvoit pas être confiée
à un plus digne Su et.
"
Je finis , Monsieur , par une Remar
que en faveur de la Ville de Seville
c'est que presque de tout temps elle a
produit des Gens de Lettres , même dans
F V les
2020 MERCURE DE FRANCE
les temps qui peuvent paroître les plus
contraires à la culture des Sciences . Je
veux dire après la conquête que firent
les Arabes de l'Andalousie , qu'ils érigerent
en Royaume , dont Seville fut la'
Capitale. Plusieurs Enfans de ces Conquerans
, nés à Séville même , se signalerent
du côté des Lettres , et leurs Ouvrages
subsistent encore aujourd'hui et sont
estimés ; tels sont ceux des Docteurs
Ahmed Ben Omar , qui mourut l'an 401 .
ue l'Hégire 1010. de J. C. Ben Asfour ,
Ben Kharath , Ben Farah , Ben Jardoun ,
Ben Tarkhan , Ben Zeidoun , lesquels
portent tous le sur- nom d'Aschbili , ou
de Sevillans.
A Paris le 31. Aoûst 1735 .
On avertit le Public , que l'Académie de Soissons
adjugera le Mardy 10. Avril 1736.un Prix,
qui sera une Médaille d'or de la valeur de 300.
livres , proposé par M. l'Evêque de Soissons , à
'Auteur qui aura le mieux réussi dans une Dissertation
Historique de trois quarts d'heure ou
d'une heure de lecture , sur la veritable Epoque
de l'établissement fixe des Francs dans les Gaules
; sur la verité ou la fausseté de l'expulsion de
Childeric , de l'élevation d'Egidius en sa place , et
de son rétablissement sur le Trône par l'adresse de
Guyemans , sur l'espece et l'étenduë de l'autorité
Egydius et de Syagrius son fils , dans le Soissonnois
et Pays circonvoisins et sur le Lieu où s'est
donnée la fameuse Bataille de Soissons.
SEPTEMBRE. 1735. 2021
Dans l'examen des Ouvrages , on aura égard
non-seulement au nombre et à l'étendue des recherches
, mais encore à la pureté du stile et à
la beauté du langage .
Les Auteurs sont avertis de mettre à la marge
ou à la suite de leurs Ouvrages , les preuves des
Faits qu'ils auront avancés et les sources où ils
les auront puisés .
Ou adressera à M. de Beyne , Président au
Présidial de Soissons , et Secretaire perpetuel
de l'Académie , port franc , et avant le premier
Fevrier , les Ouvrages destinés au concours ,
sans quoi ils ne seront point. retirés .
Les Auteurs ne mettront point leurs noms aù
bas de leurs Ouvrages , mais seulement une Senrence
, et en les envoyant , ils indiqueront à M. le
Secretaire une adresse sous laquelle il leur fera
tenir son Récepissé .
Il sont priés de prendre les mesures necessaires
pour n'être point connus jusqu'au jour de la dés
cision , et de ne point signer les Lettres qu'ils
pouroient écrire à M. le Secretaire ou à tout
autre de Mrs les Académiciens ; on les avertit
que s'ils sont découverts par leur faute , ils seront
exclus du concours .
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra
le recevoir dans la Séance publique de l'Acadé ,
mie du 10. Avril 1736. sinon il envoyera à une
personne domiciliée à Soissons , une Procuration
qui sera remise à M. le Secretaire , avec le Recepissé
de l'Ouvrage.
Le 7. Juin dernier , la Societé des Sciences établic
à Toulouse par permission du Roy , tint
sa Séance publique. M. le Président de Resseguier
, Président de la Societé , en fit l'ouver-
F vj russ
2022 MERCURE DE FRANCE
ture par un Discours qui rouloit sur les motifs
d'encouragement qui pouvoient et devoient engager
sesCompatriotes à s'attacher à l'étude des
Sciences , il parla avec beaucoup de dignité , de
noblesse et de politesse.
M. Borrust donna un Discours Géométrique
sur les mesures, où il avoit employé la précision ,
l'exactitude et la clarté qui font son caractere.
Le R. P. Ricaut , de la Doctrine Chrétienne ,
parla ensuite , il essaya de rassurer les personnes
timides contre les frayeurs excessives du Tonnerre
, par des raisons physiques qu'il fit valoir
avec beaucoup d'art.
M. Garipuy donna trois Démonstrations fort
simples et fort subtiles , au sujet de la fameuse
Question, si la Terre est une Sphéroïdre allongée
ou aplatie vers les Poles. Il fit voir que la meil
leure méthode pour la décider , est justement celle
que nos Géométres et nos Astronômes vont
mettre en pratique au Perou , par ordre du Roy .
M. de Rabaudy , Viguier de Toulouse et Directeur
de la Societé , résuma tous ces Discours
avec tout l'ordre , la clarté et la précision qu'on
lui connoît, et que le Public attendoit de lui .
On écrit de Lisbonne , que Don Joseph de
Couto Pestana , Chevalier Profès de l'Ordre de
Christ , et Trésorier de la Trésorerie Generale ,
mourut le Août
7. 1735. à Lisbonne. Il étoit
Académicien de l'Académie Royale de l'Histoire
et de celle des Anonymes . Le Poëme Héroïque
intitulé : Quiterie la Sainte , et plusieurs autres
Ouvrages de Poesie qu'il avoit donnés au Public,
le faisoient regarder comme un des meilleurs
Poëtes du Royaume de Portugal , il avoit commencé
à écrire des Memoires pour servir à l'Histoire
SEPTEMBRE. 1735. 2023
toire des Regues de Don Denys et de Don Alfonse
IV .
Le 31. de Juillet , M. Charles Vanloo , connu
sous le nom de Carlo Van oo , Peintre d'Histoire
, fit apporter à l'Académie Royale de Peinture
et de Sculpture son Tableau de Reception ,
représentant Apollon qui fait écorcher Marsyas,
et il fut reçû Académicien . M. Vanloo est d'une
famille qui paroît se dévouer à la Peinture , y
ayant actuellement à l'Académie un Professeur
et un Aajoint à Professeur du même nom .
Le même jour M. Surugue , Graveur , fut aussi
reçû Académicien , sur les Portraits gravés de
M. Louis de Boulogne , l'un des vingt deux Anciens
qui ont commencé l'Académie , et de M.
Christophe , Professeur.
1
Le 27. Août la même Académie ayant jugé
Les Tableaux et Bas Reliefs , faits par ses Ele- ves pour les grands Prix de la Fête de S. Louis , M. Coustou , Directeur , fit la distribution
des
Médailles d'or pour les grands Prix , et des Mé- dailles d'argent pour les petits Prix des Académi
es * et des Modeles de l'Ecole.
Le même jour , M. Huilliot , Peintre da
Roy et de l'Académie , fit voir à la Com
pagnie deux grands Tableaux , l'un répresentant
un Buffet avec des Fruits des plus
3 * On apelle Académies les Desseins qui se font
par les Eleves d'après le Modele dans l'Ecole de
l'Académie.
beaux
2024 MERCURE DE FRANCE
beaux et des plus rares ; et l'autre un Repos de
Chasse , avec une Collation superbe ; c'est son
talent particulier ; les plus belles Maisons de
Plaisance sont décorées de ses Ouvrages , et l'on
en voit quantité dans les Pays Etrangers.
Il paroît deux petites , mais fort belles Estampes
en large , gravées par le sieur Beaumont ,
d'après deux fins Tableaux de Jean Miel , du Cabinet
de la Comtesse de Verruë . Elles sont de la
, même grandeur des Tableaux et se vendent
chés l'Auteur , rue S. Jacques , à la Ville d'Anvers.
Ce sont deux Paysages avec figures et animaux
ayant pour titre : Le Joueur de Musette
et Le Chirurgien sans étude.
Il paroît aussi une fort belle Estampe ; c'est un
Bain de Diane , gravé par L. Desplaces , d'après
un Tableau peint par N. Natoire. Elle se vend
chés L. Desplaces .
On a mis au jour depuis peu quatre Estampes en
demi Figures , nommées vulgairement Fantaisies,
gravées par le sieur Michel Aubert , d'après les Tableaux
originaux que M. Jacques Courtin , Peintre
ordinaire du Roy , dans son Académie Royale
de Peinture et Sculpture , a fait pour joindre
aux vingt six premieres qui ont été gravées d'après
lui par les sieurs Jean-Baptiste et François
Pouilly , freres , et Graveurs du Roy ; comme
ces Estampes ont é é assés bien reçûës dans leur
temps , et que même les Planches sont presque
toutes usées , l'Auteur a crû devoir continuer
l'oeuvre , en y aportant tous les soins possibles.
Il en paroîtra incessamment encore deux et toujours
ainsi successivement, le debit se fait chés les
sieurs
?
SEPTEMBRE . 1735. 2025
sieurs du Change et Surugue , Graveurs ordinaires
du Roy , et chés l'Auteur , rue de la grande
Truanderie , porte cochere, vis - à- vis la petite ruë
Réale.
La suite des Portraits des Grands Hommes et des
Personnes Illustres dans les Sciences et dans les
Arts , se continue toujours avec soin chés Odieuvre,
Marchands d'Estampes , sur le Quay de l'E
cole , vis - à- vis la Samaritaine. Il vient de mettre
en vente et toujours de la même grandeur.
Jean Locke , Philosophe , né en 1632. mort en
1704.
Jean Bernoüilli , Professeur de Mathématique
à Basle , de la Societé Royale de Londres , et des
Académies des Sciences de Paris et de Berlin .
Jean de la Fontaine , de l'Académie Françoise.
Pierre Corneille, de l'Académie Françoise .
Sébastien le Clerc , Chevalier Romain , Dessinateur
et Graveur ordinaire du Cabinet du Roy,
né le 26. Septembre 1637. et mort le 2.5. Octobre
1714.
Charles Simonneau , Dessinateur et Graveur
ordinaire du Cabinet du Roy , mort le 22. Mars
1728. âgé de 89 , ans..
Anna-Maria Vajani , Pittrice , et Intagliatrice
Fiorentina.
Virginia de Vezzo da Velletri , Pittrice .
On trouve chés le même un Christ en Croix ,
avec la Magdeleine au bas , d'après C. Mellan .
On avertit qu'on grave actuellement les Airs
chantans et , dansans du Ballet des Indes Galantes,
en Pieces de Clavecin , en sorte qu'on poura les
chanter et jouer sur toutes sortes d'Instrumens.
On
2025 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Londres , qu'on a placé depuis
peu avec beaucoup de solemnité dans la grande
Sale de la Banque , une magnifique Statue en
Marbre blanc , du Roy Guillaume III . par M.
Rysbrack , Sculpteur de réputation , qui s'est ,
dit- on , surpassé dans cet Ouvrage . Voici la
Traduction de l'Inscription qu'on lit sur le
Piédestal.
Pour avoir rendu leur force aux Loix ,
Leur autorité aux Cours de Justice ,
Sa Dignité au Parlement ,
A tous les Anglois leur Religion et leur liberté,
Etpour avoir assuré tous ces biens à la Posterité
Par la succession de l'illustre Maison d'Hanover
Au Trône d'Angleterre ;
Au meilleur de tous les Princes Guillaume III.
Fondateur de la Banque ,
Le Corps dont elle est composée , par un sentiment
de reconnoissance,
A élevé cette Statue >
Et l'a dédiée à sa memoire.
L'an de N. S. M. DCC . XXXV.
1
·
On mande en même temps que Sir John
Jennings , l'un des Amiraux d'Angleterre , Gouverneur
de l'Hôpital Royal de Greenwich , a
fait faire en Marbre d'après une des plus magnifiques
Figures Antiques,par le même Rysbrack
une très -belle Statue , à la tête près , qui a été
faite et heureusement executée d'après le Roy
Regnant George II . Ce Monument a été placé.
avec beaucoup de pompe et de solemnité, au
bruic
SEPTEMBRE . 1735. 1027
•
bruit de l'Artillerie, &c . dans la grande Cour de
Greenwich . Les Inscriptions prises avec choix
dans Horace, conviennent très - bien à un Lieu qui
sert de retraite aux Matelots qui ont merité cette
récompense par leurs services . On lit sur le Pié
destal , du côté de l'Orient :
Hic requies Senecta ,
Hic modus lasso Maris et viarum ,
Militiaque.
A l'Occident.
Hic ames dici Pater atque Princeps.
Au Nord .
Pelagi fessos tuto Placidissima porta
Accipit.
Au Midy.
Principi Potentissimo
GEORGIO II.
Britanniarum Regi, cujus auspiciis et patrocinio
augustissimum hoc Hospitium ad sublevandos militantium
in Classe Emeritorum labores , à Regiis
ipsius Antecessoribus fundatum , auctius in dies et
splendidius exurgit , Joannes Jennings , Eques
ejusdem Hospitii Prefectus , Iconem hanc pro debita
sua erga Principem reverentiâ et Patriam Charitate
posuit. A. D. M. DCC. XXXV .
On a apris par les mêmes avis , qu'on avoit
placé vers le commencement du mois dernier
dans la principale Cour du College d'Oxford ,
la Statue de la Reine de la Grande- Bretagne,
On aprend en même temps d'Angleterre, qu'un
Gentilhomme de
2028 MERCURE DE FRANCE
de Dallkeith en Ecosse, a fait transporter à Lon
dres une Machine de son invention , qui a été
aprouvée par la Societé Royale , et sur cette
Aprobation il a obtenu des Lettres Patentes exclusives
. C'est un * composé de plusieurs pieces
de bois , faciles à mouvoir , par le secours de
quelques ressorts , qui servent à battre toutes
sortes de Grains . Dans une minutte la Machine
donne 1320. coups , c'est - à - dire , de compte
fait , autant que 33. hommes vigoureux en peuvent
donner dans le même espace de temps , et
comme elle va toujours , et que les bras des
hommes sont quelquefois forcés de se reposer ,
on compte qu'en un jour elle peut faire l'ouvrage
de 40. hommes. Elle ne prend pas plus de place
que deux hommes qui battent suivant la metode
ordinaire ; et pour comble d'utilité , on a remarqué
qu'elle nettoye si parfaitement la gerbe ,
qu'elle en tire six pour cent plus que le fléau.
On se sert d'un cheval pour la faire agir , ou
d'une voile au vent , ou bien on en attache la manivelle
à une meule de Moulin qui lui commu
nique tout le mouvement dont elle a besoin
sans être retardée dans le sien . Mais la meilleure
preuve de son utilité est le succès avec lequel elle
se repand dans toutes les Provinces d'Angleterre.
Les Negotians des Provinces de France , ou
des Pays Etrangers qui font quelque commerce.
d'Instrumens de Mathematique , sont avertis de
s'adresser directement pour en avoir de bons
aux Maîtres de Paris , afin d'eviter d'être trom-
* Ceux qui voudront se la procurer , peuvent s'adresser
à Londres à M. Sylvanus Urban at S.
John'sgate.
pez
>
SEPTEMBRE . 1735: 2019
pés par un abus qui s'est pratiqué plusieurs fois
depuis quelque temps par l'infidelité et la mauvaise
foi de quelques Marchands commissionnaires
, qui étant chargés de faire emplette de ces
sortes d'Ouvrages de la façon de certains Maîtres
qui leur étoient designés , les ont fait faire
( aparemment dans le dessein d'y trouver un
benefice plus considerable que leur commission
) par de faux Ouvriers ou par des Maîtres
moins habiles , qu'ils ont engagés , et l'on
peut même dire forcés à mettre sur leurs ouvrages
contrefaits , les noms des plus habiles Maî
tres et qui sont en usage de fournir les meilleurs
marchandises de cette espece ; et cela au prejudice
de la volonté de leurs commettans et à leur
insçu
>
Cette pratique est non- seulement contraire à
la bonne foy qui doit regner dans toute sorte
de commerce mais elle est aussi également
préjudiciable aux bons Ouvriers dont on employe
les noms faussement , et aux Marchands
de Province et des Pays Etrangers qui se trouvent
lezés , ainsi que tout le Public , par cette
falsification de noms. Ceci doit servir d'avis
à tous ceux qui sont jaloux de n'avoir que de
bons Instrumens de Mathématique , et lorsqu'ils
en veront de mal fabriqués , ou qui
manquent de justesse , ou même de tant soit peu
negligés , ils n'en doivent point attribuer legerement
la mauvaise construction ou deffauts
aux principaux Maîtres de cette profession , quoi
que leurs noms soient gravés dessus ; car tous
ceux qui se trouveront tels auront certainement
été faits de la maniere qu'on vient de l'expliquer.
DES2032
MERCURE DE FRANCE
laquelle on a raporté l'extrait d'une de mes consultations
, d'où l'on a tiré une experience des gouttes
du General la Mothe , au sujet de Mlle Berthaufe
, de S. Omer , dans le Mercure de Juin dernier
; l'usage qu'elle en a fait en la maniere énoncée
, l'a soulagée infiniment , mais point guerie radicalement.
;
Le terme d'imbecillité de cerveau dont on s'est
servi dans l'énumeration des simptomes , estfaux
quoique ces accidens la laissassent dans unefoiblesse
qui ne lui permettoit pas de s'apliquer à la moindre
chose,ni de faire le moindre exercice, elle a toujours
conservé le jugement sain.Signé, Sens, Medecin.
LETTRE de M. le Normand , Directeur
du Potager du Roy , à M. le
C.D.L.R. écrite de Versailles le 25. Septembre
1735 .
'Ay, été d'une surprise extrême , Monsieur ,
Jlorsque j'ai trouvé dans le Mercure d'Août le
Catalogue de Fruits que le sieur Lefevre vous a
adressé comme nouveau et important. Il y a plus
de vingt ans que je le fis assés à la hâte dans un
cas particulier pour lequel il me parût alors suffisant.
Mais j'ai toujours été si éloigné de penser
qu'il meritât d'être rendu public , que je ne
l'ai jamais communiqué que sous le secret , à
deux ou trois amis de confiance , et au sieur
Lefevre qui me l'arracha il y a quelques années
à force d'instances , et à qui je ne le lâchai qu'après
qu'il m'eut donné sa parole qu'il ne seroit
communiqué de sa part à qui que ce soit . Vous
pouvez juger , Monsieur , combien j'ai lieu d'être
mecontent de l'irregularité de son procedé ,
et de ce qu'il a osé vous avancer que je ne le
trouverois pas mauvais . Je
THE NEW Y
PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
Jay
Soum
charmes
,mon
Je vous supplie très instamment,Mr,de vouloir
bien assurer le Public que je me suis toujours au
contraire vivement oposé à la publication de cet
écrit , parce que , bien loin de le regarder comme
important , je l'ai toujours reconnu peu digne
de paroître au grand jour. Une experience de
plus de vingt années depuis que je l'ai écrit , m'a
convaincu qu'il auroit même grand besoin de
corrections et de quelques additions pour être
donné au Public, J'ai l'honneur d'être , &c .
J
CHANSON A BOIRE.
'Ay soumis l'Amour à Bacchus ;
Toujours insensible à ses charmes ,
Mon coeur animé par ce jus ,
Sçait mepriser ses armes,
Je ne perce plus mon tonneau
Qu'avec les traits de l'Enfant de Cithere,
Quand je bois , son flambeau toute la nuit m'é,
claire ;
J'ai pris pour nape son bandeau , ちょ
Et son carquois me sert de verre,
MUSETTE
2034 ME
UC глANCE
MUSETTE.
La Musique est de M. Bailleul l'aîné.
A Mour , viens enfler ma musette ;
Viens m'inspirer des sons heureux.
Je sens une flamme parfaite ;
Favorise un coeur amoureux :
Que sans cesse l'Echo repete ;
Silvandre n'aime que Lisette.
Lorsque cette Bergere chante ,
Les Rossignols se taisent tous ;
Sa tendre voix est si touchante ,
Que l'Univers en est jaloux .
Que sans cesse l'Echo repete ,
Silvandre n'aime que Lisette.
Ses yeux sont si remplis de charmes ,
Qu'ils servent de trône à l'Amour ;
Ce Dieu charmant lance ses armes
De cette adorable séjour :
Que sans cesse l'Echo repete ,
Silvandre n'aime que Lisette.
C'est ainsi qu'assis sur l'herbette ,
Silvandre
SEPTEMBRE. 1735. 2035.
Silvandre gardant son troupeau ,
Chante ses feux sur sa musette
Assis au bord d'un clair ruisseau ;
Quand l'Echo tendrement repete ,
Silvandre est aimé de Lisette.
L'Affichard.
5.x
SPECTACLES.
LES INDES GALANTES , Ballet
Heroique , représenté pour la premiere fois
sur le Théatre de l Opera , le Mardy 23.
Aoust 1735. Les Paroles sont de M. Fuzelier
, la Musique est de M. Rameau .
ON
,
N donne l'Extrait de ce Ballet
tel qu'il a été représenté avant le
troisiéme Acte nouveau et conformement
aux corrections dues aux judicieuses
remarques du Public , qui a honoré
cet Ouvrage de beaucoup d'applaudissemens.
Le Prologue se passe dans les jardins
d'Hebé. Cette Déesse paroît d'abord , et
invite son aimable Cour à partager ses
plaisirs. Les Divertissemens de la jeunesse
sont interrompus par le bruit des tam-
G bours
2036 MERCURE DE FRANCE
bours et des trompettes. Bellone arive ,
suivie de Guerriers portant des Drapeaux,
et s'exprime ainsi .
La Gloire vous apelle ; écoutez ses trompettes ;
Hâtez vous armez- vous , et devenez Guerriers
>
Quittez ces paisibles retraites ,
Combattez ; il est temps de cueillir des Lauriers .
Les jeunes François , Espagnols , Italiens
et Polonois , épris des charmes de
la Gloire , quittent leurs Amantes
suivent les Drapeaux de Bellone.
Hebé.
>
et
Pour remplacer les coeurs que vous ravit Bellone,
Fils de Venus, lancez vos traits les plus certains;
Conduisez les Plaisirs dans les climats lointains ,
Quand l'Europe les abandonne.
Les Amours volent à la voix d'Hebé ,
et se dispersent loin de l'Europe , dans
les differens climats des Indes.
LES INCAS DU PEROU. Premiere Entrée.
et
Don Carlos , Officier Espagnol dans la
premiere Scene, presse Phani , NoblePeruvienne
, de quitter le culte des Incas ,
de couronner sa tendresse par un prompt
Hymenée ; Phani lui represente ses craintes
SEPTEMBRE: 1735 2037
tes au sujet de la foule des Incas qui se
preparent à celebrer la Fête du Soleil sur
des montagnes terminées par un Volcan;
Carlos la quitte pour se disposer à l'arra,
cher des mains de sesTirans.
Huascar Inca , Ordonnateur de la Fête
du Soleil, secretement amoureux de Phani
l'aborde , après avoir fait entendre dans
un à parte , qu'il va se servir du nom des
Dieux pour surprendre le coeur de la
jeune Princesse.
Huascar.
Le Dieu de ces climats , dans ce beau jour m'inspire
,
Princesse , le Soleil daigne veiller sur vous
Et lui - même dans notre Empire ,
Il prétend par ma voix vous nommer un Epoux .
Vous fremissés , . . . d'où vient que votre coeur
soupire ?
Obéissons sans balancer
Lorsque le Ciel commande.
Nous ne pouvons trop nous presser
D'accorder ce qu'il nous demande ;
Y reflechir , c'est l'offenser.
Phani.
Non , non , je ne crois pas tout ce que l'on assure
En attestant les Cieux ,
Gij C'est
2038 MERCURE DE FRANCE
C'est souvent l'imposture
Qui parle au nom des Dieux.
Huascar, prêt d'éclater, se modere pour
remplir ses fonctions à la Fête du Soleil.
Il declare bas ses intentions à un des complices
de sa fureur , et dit à part :
Je n'ai donc plus pour moi qu'un barbare ar
tifice ,
Qui de flamme et de sang peut inonder ces lieux.
Mais que ne risque point un amour furieux ?
Les Incas se rassemblent et celebrent la
Fête du Soleil.
Huascar.
Clair flambeau du monde ,
L'Air , la Terre et l'Onde ,
Ressentent tes bienfaits ;
Clair flambeau du monde ,
L'Air , la Terre et l'Onde ,
Te doivent leurs attraits.
Tu laisses l'Univers dans une nuit profonde
Lorsque tu disparois ;
?
Et nos yeux en perdant ta lumiere feconde ,
Perdent tous leurs plaisirs ; la beauté perd ses
traits.
Le Volcan s'allume , épouvante et fait
fuir les Incas ; Huascar arrête Phani qui
cherche
E
SEPTEMBRE. 1735. 2039
cherche à eviter le peril qui la menace ,
et dans le moment où son amour désesperé
éclate , il est intimidé par Carlos qui
survient.
Phanià Carlos .
Le Soleil jusqu'au fond des antres les plus
creux >
Vient d'allumer la Terre , et son courroux presage.
...
Carlos.
Princesse , quelle erreur ! c'est le Ciel qu'elle ou
trage .
Cet embrasement dangereux ,
Du Soleil n'est point l'ouvrage.
Montrant Huascar :
Il est celui de sa rage ; –
Un seul rocher jetté dans ces gouffres affreux ,
Y reveillant l'ardeur de ces terribles feux
Suffit pour exciter un si cruel ravage.
7
Le perfide esperoit vous tromper dans ce jour , -
votre terreur Er serviroit son amour :
que
Sur ces Monts , mes Guerriers punissent ses complices
;
Ils vont trouver dans ces noirs precipices ,
Des tombeaux dignes d'eux.
Phani s'éloigne avec Carlos ; et le desolé
Huascar court se precipiter dans les
flames renaissantes du Volcan .
G iij LA
2040 MERCURE DE FRANCE
LE TURC GENEREUX. Seconde Entrée.
و
L'Auteur a mis au Theatre , autant que
l'étenduë d'un seul Acte l'a pû permettre
, la generosisé singuliere du Grand´
Vizir Topal Osman dont l'Histoire
abregée se trouve dans le Mercure de
France du mois de Janvier 1734.On n'y a
rien ajouté de fabuleux , quant aux sentimens
,, que l'amour , passion nécessaire
sur la Scene Lirique.
La premiere Scene se passe entre Osman
Pacha & Emilie , aimable Provençale
son Esclave. Le tendre Mahometan la
presse de repondre à ses voeux. Emilie
pour lui prouver qu'elle n'est plus maîtresse
de son coeur , lui raconte ses tristes
avantures , et lui aprend qu'elle a été
enlevée par un Corsaire dans le temps où
se faisoit une Fête sur les côtes de Provence
qui annonçoit son mariage avec
Valere , Officier de Marine.
Dans la seconde Scene qui se passe
ainsi que la premiere et la suivante dans
les jardins d'Osman , terminés par la Mer,
une tempête subite et effroyable trouble
les Elemens ; on entend les cris des matelots
; ces cris attendrissent l'infortunée
Emilie ; la tempête finit , les vaisseaux
, victimes de l'orage échoüent , les
Provenceaux
SEPTEMBRE . 1735. 2041
Provenceaux qui les conduisent sont faits
Esclaves par les Turcs ; Valere qui les
commandoit paroît chargé de chaînes , est
reconnu par Emilie ; il se felicite d'abord
de porter les fers du même Maître ; cette
courte joye se dissipe en aprenant que ce
Maître est son Rival. Ah ! s'écrie Valere
à Emilie :
Ah ! sçait- on vous aimer dans ce fatal séjour ?
Sur ces bords une ame enflammée
Partage ses voeux les plus doux ;
Et vous meritez d'être aimée
Par un coeur qui n'aime que vous.
Osman les surprend ; Emilie tremble
en l'apercevant ; il la rassure ; la rend à
Valere qu'il comble de Richesses , et l'instruit
de la cause d'un évenement si rare .
C'est un miracle de la reconnoissance ;
Osman avoit été autrefois Esclave de Valere
, qui l'avoit mis en liberté en payant
sa rançon sur sa parole et sans le connoître
. Valere et Emilie reçoivent les adieux
du genereux Pacha , et disent :
1
Fút-il jamais un coeur plus genereux ¡
Digne de notre Eloge , il ne veut pas l'entendre ;
Au plus parfait bonheur il a droit de pretendre ,
Si la vertu peut rendre heureux.
ر
Giiij Cette
2042 MERCURE DE FRANCE
Cette Entrée finit par des Danses trèsvives
et très- brillantes , éxecutées par la
Dlle Mariette et le sieur Maltair.
#
LES FLEURS , Fête Persane . Troisième
Entrée.
Le Theatre represente les jardins du
Palais d'Ali,confident de Tachmas , Prince
de Perse , Roy dans les Indes ; ce Souverain,
déguisé en Marchande du Serail , se
presente aux yeux de son favori , qui lui demande
la raison de ce déguisement; Tachmas
lui répond qu'il est amoureux de la
jeune Zaire , Esclave d'Ali ; Ali fait connoître
par un à parte , qu'il est ravi de ce
que le Roy n'aime pas Fatime , Esclave de
Tachmas ; cela lui donne de l'esperance ;
il demande à Tachmas :
Pourquoi vous déguiser à l'aimable Zaïre ,
Quand vous lui preparez le plus parfait bonheurs.
Tachmas.
Je veux penetrer dans son coeur ,>
Avant que dans le mien ses beaux yeux puissent
lire
Les tendres sentimens de ma nouvelle ardeur.
Il ordonne à Ali d'aller embellir, s'il se
peut, la Fête , et reste avec Zaire qui survient,
et qui ne croit parler qu'à une Marchande
SEPTEMBRE 1735. 2043
chande du Serail ; dans la conversation
qu'elle a avec lui , d'après un Monologue
qu'il a entendu et qui l'a informé de sa
sensibilité , sans lui en nommer l'objet..
Tachmas se contraint pour tenter cette
découverte , et dit à part :
Montrons lui mon Portrait : dans ses regards
charmans
Je pourai sans soupçon lire ses sentimens.
Zaire interdite à la vue du Portrait de
Tachmas , s'éloigne ; le Prince préoccupé
prend ce trouble pour une marque d'aversion
, et sent redoubler sa jalousie.
Dans ce moment Fatime , déguisée en Esclave
Polonois , s'offre à ses yeux ; le Roy
croit rencontrer son Rival , et cependant
modere sa fureur , pour être pleinement
éclairci de la pretenduë intrigue de Zaire
avec cet inconnu . Zaire sé retire , Tachmas
la suit et est arrêté par Fatime en Polonois,
qui le croyant une Marchande du
Serail , veut lui confier l'amour qu'elle
ressent pour Ali. Cette situation ne se dénouë
que par l'arrivée d'Ali qui ramene
Zaire. Tachmas lui crie :
Un Rival jusqu'ici m'offense ,
Vois le perfide et ma vangeance
Il veut fraperFatime qui se jettant à ses
G v genoux
2044 MERCURE DE FRANCE
1
genoux , et le reconnoissant , ( car il jette
le voile qui lui couvroit le visage, ) s'écrie :
C'est le Prince ! frapez ; je merite la mort ;
Mais en me punissant , connoissez mieux mon
crime.
Ali reconnoissant alors Fatime , demande
si vivement grace pour
grace pour elle ,
que ce
transport décele son amour. Tachmas lui
accorde ce qu'il souhaite , et dit deZaire :
Poura - t'elle me voir , si mon Portrait l'allarme !
La belle Esclave repond ainsi à ce reproche
:
Que vous expliquez mal le trouble de mon coeur,
Ne se trouble- t'on pas en voyant son vainqueur!
Deviez vous vous méprendre
A mes sens agités ?
Un trouble que vous excitez ,
Ne peut être que tendre .
L'union des quatre Amans termine les
Scenes , et precede le Divertissement de la
Fête des Fleurs ; la Ferme s'ouvre , et alors
tout le fond du Theatre represente des
berceaux décorés de guirlandes de fleurs
et de lustres de cristal . Ces berceaux sont
à deux étages ; le premier est rempli de
jeunes Odaliques , de diverses Nations , et
le deuxième des Esclaves d'Ali chantans .
Ces
SEPTEMBRE. 1735. 2045 3
>
Ces arcades qui se joignent sur le devant
à une fontaine ornée , paroissent s'enfoncer
aux deux côtés dans un grand lointain.
Au milieu du Théatre est un Rosier
, qui en se séparant laisse voir l'illustre
Dlle Sallé sur un gazon , couronnée
par les Amours. Six jeunes Asiatiques
, representant d'autres fleurs , l'accompagnent
, et forment avec elle , et la
decoration qui l'environne , le plus brillant
spectacle qui ait jamais paru sur la
Scene Litique. Le Ballet represente pittoresquement
le sort des fleurs dans un
jardin. On les à personifiées ainsi que
Borée & Zéphire , pour donner de l'ame à
cette peinture galante. D'abord les fleurs
choisies dansent ensemble et forment un
parterre qui varie à chaque instant. La
Rose , leur Reine , danse seule ; sa danse
est interrompuë par un orage qu'amene
Borée ; les fleurs en éprouvent la colere.
La Rose resiste plus long temps à l'ennemi
qui la persécute ; les Pas de Borée expriment
son impetuosité et sa fureur.
Les attitudes de la Rose , peignent sa douceur
et ses craintes. Zephire arrive avec
la clarté renaissanté , il ranime et releve
les fleurs abatues par la tempête ; il termine
leur triomphe et le sien par les
hommages que sa tendresse rend à la
G vj Rose.
2046 MERCURE DE FRANCE
Rose . Avant cet agreable Ballet , le sieur
Dupré danse en Bostangi. Zephire est
dansé par le sieur D. Dumoulin , et
Borée par le sieur Javilliers , l'aîné.
L'intrigue de cette troisiéme Entrée
ayant paru trop compliquée pour l'Opera ,
on en doit donner incessament une plus
simple sur un plan d'interêt nouveau .
Nous en donnerons l'Extrait le mois prochain.
Ce Ballet dont on continue les Représentations
, est parfaitement bien executé
, soit pour le chant , soit pour la danse;
les principaux Kolles sont remplis par les
Demoiselles Antier , Erremens , Pelissier ,.
Petitpas , et Bourbonnois , et par les sieurs
Dun , Chassé et Jeliot ; les Divertissemens
sont très- bien caracterisés . La Dile Ma.
riette , et le sieur Maltair , dansent une
Entrée de Matelots dans le premier Acte,
qui fait un extrême plaisir. La Dlle Sallé ,
après une absence de près de deux ans , a
reparu dans ce Ballet au troisiéme Divertissement,
avec les sieurs Dumoulin et Javilliers
. Elle a été honorée des aplaudis.
semens reitcrés du Public.
La decoration du troisiéme Acte , où
la Fête des Fleurs ,faite sur les desseins du
Chevalier Servandoni , a été generalement
goûtée ; elle represente , comme on
l'a
SEPTEMBRE. 1735. 2047
l'a déja dit , des Berceaux illuminés ,
& c.
L'Opera nouveau de Scanderberg , dont
le Poëme est de feu M. de Lamotte , et la
Musique de Mrs Rebel et Francoeur , sera
donné après les Indes Galantes , on en va
commencer les repetitions.
Le 13. Juillet les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
d'une petite Comédie de M. Poisson, intitulée
le Mariage fait par Lettre de Change ,
en Vers , en un Acte , avec un Divertissement.
Cette Piece a été reçûë favorablement
du Public, et le Divertissement dont elle
est ornée , a fait souhaiter aux connoisseurs
que M. Grandval qui en a fait la
Musique , ne fut pas si avare de ses talens
, n'étant pas moins bon Musicien
que bon Poëte ; il a donné des preuves
que
de cette derniere qualité dans son fameux
Poëme de Cartouche et il ne tiendroit
qu'à lui de nous faire autant de
plaisir dans la premiere revenons à la
Piece.
,
La singularité du sujet a d'abord revolté
, ceux qui par une severité hors de
saison , semblent ne faire usage de leur
raison que pour diminuer leurs plaisirs
Un
2048 MERCURE DE FRANCE
Un Mariage par Lettre de Change leur a
paru d'une absurdité insoûtenable ; l'Auteur
a prevenu l'objection dès la seconde
Scene ; voici comment s'explique un des
Acteurs :
Moy , j'admire Cleon ;
Vit-on jamais Hymen d'une telle façon ?
Il traite d'une femme avec pleine franchise ,
Commeun Negotiant traite de marchandise.
La Lettre de ce Cleon que nous venons
de
nommer , n'a pas paru moins singu→
liere que le sujet qu'elle expose ; nous
avons cru que nos Lecteurs
la veroient
avec plaisir. La voici :
Attendu que j'ai besoin d'une femme , et
que je n'en trouve point ici qui soient d'assés
bonne fabrique , ne manquerez de m'envoyer
par le premierVaisseau une Fille de la
qualité, et figure qui suit : d'honnête famille,
entre vingt et vingt cinq ans ; d'humeur
douce ; de moeurs sans reproche ; d'un bon
usé , et de constitution assés forte pour resister
au changement de climat , et suporter l'état
du Mariage et qu'il ne soit besoin d'un
second envoy. Si le premier venoit à manquer
; à quoi il faut obvier autant qu'il se
poura , vû l'éloignement et les risques du
transport
Arrivant
SEPTEMBRE. 1735. 2049
Arrivant ici conditionnée comme ci-dessus ,
et raportant la presente Lettre endossée de
votre part , ou du moins copie d'icelle , marquée
au numero sept , bien et duëment legalisée
, à ce qu'il n'y ait erreur ou surprise ,
je m'oblige et m'engage à acquiter ladite
Lettre en épousant dans les six mois la personne
qui en sera chargée , en foy de quoi
j'ai signé la presente.
Au reste il ne faut pas juger de Cleon
par sa maniere d'écrire ; l'Auteur nous
prévient là- dessus par ces Vers ; c'est
Philinte un de ses plus chers amis qui
parle à son Valet :
La Lettre qu'il écrit ne doit pas te surprendre ;
Car à l'égard du stile , il est bon de t'aprendre
Que Cleon sur ce ton n'écrit uniquement
Que pour se faire entendre à son correspondant
;
Chés les gens de trafic ce style est en usage , &c.
Voici quela été le sort de cette premiere
Lettre de Change ; le correspondant y
a satisfait ; mais par malheur le Vaisseau
sur lequel il a mis la future a fait naufrage,
et Cleon en a demandé une seconde , qu'il
attend ,à son grand regret , parce qu'il est
devenu amoureux d'une troisiéme : cette
derniere n'est arrivée que depuis quelques
mɔ
2050 MERCURE DE FRANCE
mois en Canada , où est le lieu de la Scene
, elle s'apelle Hortance ; elle est auprès
d'une Tante ; et Philinte , intime ami de
Cleon , se dit son parent. Cleon prie
Philinte de le tirer d'affaire dans une
situation si embarrassante , et d'acquiter
sa seconde Lettre de Change ,en épousant
la Fille que son correspondant lui envoye ,
et qui doit arriver incessamment ; Philinte
qui sçait à quoi s'en tenir , parce
qu'il est mieux instruit que Cleon au sujet
d'Hortance , ne fait que plaisanter
sur la proposition qu'il lui fait ; et passant
enfin de la plaisanterie au serieux ,
il lui aprend que son coeur est engagé
avec un objet charmant , dont il n'a pû
obtenir la possession ; que les Parents de
cette aimable personne l'ayant soustraite
à ses yeux et enfermée dans un Convent,
il partit désesperé , et vint dans le Canada
, suivi d'un amour qui durera autant
que sa vie ; il porte un coup plus sensible
à son ami , en lui aprenant qu'Hortance
doit partir au premier jour pour un éta
blissement que sa Tante lui a menagé ; en
effet Hortance vient avec Olympe sa Tante
, comme pour prendre congé de lui ;
Cleon a beau lui faire entendre combien
sa perte lui sera sensible , elle prend cette
declaration d'amour pour une politesse ;
et lui dit :
Reservez
SEPTEMBRE. 1755. 2051
Reservez la tendresse à present , croyez - moi ,
Pour celle à qui bientôt vous donez votre foy.
Elle ajoûte, pour le jouer encore mieux,
de concert avec Olympe et Philinte ;
qu'elle s'interesse pour celle qu'il doit
épouser ; elle s'explique ainsi : -
Je veux que vous l'aimiés autant
Qu'elle prendra de joie à vous rendre content ;
Voir par vous aujourd'hui votre Epouse cherie,
Est le plus grand plaisir que j'aurai de ma vie.
Cleon qui n'entend rien à ces termes
équivoques , lui dit qu'elle lui perce le
coeur de mille coups ; pour surcroît de
douleur un Valet vient lui annoncer
qu'on voit paroître un Vaisseau , et que
c'est aparemment sa future Epouse qui va
arriver ; Cleon paye cette pretendue bonne
nouvelle d'un souflet dont Hortance
ne fait que rire ; enfin prête à prendre.
congé de lui , elle lui dit :
A propos , j'oubliois
Que je porte sur moi , parmi plusieurs billets ,
Une Lettre Monsieur , que j'ai sur vous à
prendre.
>
Cleon prêt à faire honneur à cette Leta
tre
2052 MERCURE DE FRANCE
tre de Change , la prend et la lit tout
haut ; en voici le contenu :
·
Gelle qui doit remettre
Dans vos mains cette Lettre ,
Est la personne en question ,
Dont je serai la caution ;
Vous pouvez l'épouser avec pleine assurance ;
Elle est sage , bien née , et son nom est Hor
tance .
Cleon s'abandonne à des transports de,
joye proportionnés à son amour. Hortance
lui aprend , qu'étant arrivée à son
insçu , elle avoit voulu le connoître avant
que de se donner à lui ; qu'Olympe qui
passe pour sa Tante , et Philinte son pretendu
parent , s'étoient prêtés de bonne
grace à cette innocente supercherie , et
qu'elle n'a voulu le détromper , que sûre
d'en être aimée autant qu'elle l'aime. Plus
d'un spectateur a pris le change dans cet
endroit de la Piece, et a cru qu'elle étoit finie
; mais les vrais connoisseurs n'y ont pas
: été trompés.Philinte devoit y entrer pour
quelque chose , et l'Auteur y avoit prepa
ré par le caractere d'Amant fidele qu'il
lui avoit donné . Une inconnue arrive ;
elle demande à parler à Cleon ; il se nomme
; elle lui dit en lui presentant une
Lettre :
Après
SEPTEMBRE. 1735. 2053
Après tous les perils d'un assés long voyage ,
A peine revenue encore de mon naufrage ,
Vous voulez bien , Monsieur , qu'avec ce passeport.
Cleon mortellement frapé de cet incident
, reconnoît par la lecture de la
Lettre , que celle qui vient se presenter
à lui est cette même infortunée dont on
lui avoit annoncé le naufrage ; Hortance
n'est pas moins troublée de trouver une
Rivale , premiere en date ; mais l'inconnuë
les rassure tous , en leur disant qu'elle
n'est venuë en Canada que pour obéir à
ses parents qui l'ont sacrifiée , et qu'ainsi
loin d'exiger que la Lettre de Change
soit acquitée , elle se croira trop heureuse
si l'on veut bien ne pas contraindre
un coeur dont elle n'a jamais pû disposer
au gré de ses désirs ; Philinte qui n'avoit
pas été present à l'arrivée de l'inconnue ,
vient dénouer la Piece ; il la reconnoit
pour celle à qui il a juré autrefois une
fidelité éternelle ; et par- là tous les
Amants se trouvent au comble de leurs
voeux ; ce double Mariage est celebré par
des danses et par des couplets ; en voici
quelques Vers :
Que2054
MERCURE DE FRANCE
Qu
Ue d'Amour les engagemens
De ceux d'Hymen sont differens !
Dures contraintes
Regrets , courroux ,
Reproches , plaintes ,
Transports jaloux ,
C'est le commerce des Epoux :
Doux soins de plaire ,
Empressemens ;
Dans le mystere ,
Transports charmans ;
C'est le commerce des Amans.
VAUDEVILLE,
Avec l'Amour on négocie ,
On s'associe ;
Et dans le siecle d'aujourd'huy
Chacun fait fortune avec lui :
Quand sur nos coeurs il s'exerce ;
Il donne pour quelques soupirs ,
En échange tous ses plaisirs :
Le joli commerce !
Ma Grand-Maman me dit sans cesse
Que rien ne presse
Pour donner mon coeur et ma foy ;
Mais quoi qui le sçait mieux que moi ?
De
SEPTEMBRE. 1735. 2055
De ces discours elle me berce ;
Ce sont contes de Mere- grand ;
Je suis dans l'âge où l'on aprend
Le joli commerce,
Au Parterre.
Faire ici notre unique affaire
De l'art de plaire ,
Messieurs , contenter vos esprits ;
Par l'heureux choix de nos Ecrits ;
Loin qu'ils tombent à la renverse ,
Vous y voir en foule venir ,
Vous entendre nous aplaudir
Le joli commerce,
Cette Piece est très bien imprimée chés
le Breton , Quay des Augustins , in 12 .
1735. prix 20. sols.
Le 17. Août , les mêmes Comédiens
donnerent la premiere Représentation de
la Comédie , intitulée l'Amante en Tutelle,
en trois Actes , en Vers , precedée d'un
Prologue qui ne roule presque que sur
le mystere que l'Auteur a fait de son nom ,
et sur la verité de l'avanture qu'on va
voir. Tout s'y passe entre Thalie , l'Auteur
et un Comédien . Voici en peu de mots
le sujet de la Piece. Lucile , jeune orpheline
aime , et croit être aimée , d'un
jeune
2056 MERCURE DE FRANCE
>
jeune homme à peu près de son âge ,apellé
Leandre. Elle s'apperçoit
que Celiante sa
Tante et sa Tutrice est sa Rivale , et
craignant que les grands biens de cette
riche veuve ne puissent ébloüir les yeux
de son Amant , elle se résout à tout entreprendre
pour lui laisser ignorer sa nouvelle
conquête . Dans son désespoir , et
dans sa vivacité elle pousse ses entreprises
au- delà de la vraisemblance
pour les
personnes qui ne connoissent
pas tout ce
que l'amour peut faire entreprendre
dans
un âge où les passions vont d'ordinaire
jusqu'à l'emportement
.
Elle se déguise en Cavalier , et sous le
nom de Leandre , elle a une conversation
avec sa Tante , qui trompée par Lisette sa
suivante, en qui elle se confioit, et qui favorisoit
sa niece , donne dans un paneau
que la prevention seule peut rendre excusable.
Enfin elle profite de la fausse delicatesse
de Celiante , qui voulant surprendre
agreablement Leandre par une
donation de tous ses biens , oblige le Notaire
à laisser le nom de Leandre en
blanc , pour qu'il ait le plaisir de le remplir
lui - même. Lucile se substitue donc
à la place de Leandre , que le Notaire
prend pour lui , ne le connoissant pas , et
elle remplit le blanc de la donation , du
nom
SEPTEMBRE. 1735. 2057
nom du Marquis son cousin , à qui elle
a de grandes obligations , et avec qui sa
Tante avoit déja pris quelque sorte d'engagement
. Ainsi non - seulement Lucile
oblige sa Tante à lui ceder Leandre , mais
encore elle la marie elle-même avec leMarquis
. Donnons quelques traits de cette Piece
pour faire juger du stile et de la versification
de l'Auteur .
Dans le Prologue , Thalie s'explique ain-
-si , au sujet des Auteurs qui par inconstance
s'adonnent à un autre genre de
Poësie que celui qui leur est propre.
:
Il n'est point d'esprit general i
Qui veut tout faire , fait tout mal .
Avons-nous jamais vu le naïf Lafontaine,
Quitter des Animaux le langage badin ,
Pour venir en ces lieux y chausser avec peine ,
Le Cothurne ou le Brodequin ?
Corneille , Aigle du Tragique ,
S'eleve avec éclat , et vôle jusqu'aux Cieux ,
Par tout il est pompeux , noble , grand , magnifique
,
Ses Héros sont des demi - Dieux.
Le tendre Racine au contraire ,
En vantant leur grandeur , met leur foiblesse au
jour :
Il frape , il attendrit , il émeut , il sçait plaire ,
Et l'on croit entendre l'Amour .
Et
2058 MERCURE DE FRANCE
Et le divin Moliere enfin qui sur la Scene ,
A pour jamais retabli mes apas ,
Lui qui leva le masque à la nature humaine ,
Qui pour la corriger la suivit pas à pas :
Toujours charmé de moi ne m'abandonna pas
Pour Clio ni pour Melpomene .
Oui, ces Maîtres de l'Art, dont les noms sont si
grands ,
N'auroient jamais brillé d'une gloire si pure ,
Si , pour avoir tous les talens ,
Ils avoient quitté la nature.
Lucile après avoir convaincu Lisette
que sa Tante est sa Rivale , dépeint par
ces Vers et son caractere et la délicatesse
de ses sentimens . Elle parle à Leandre :
ses bien-
Non , je ne pretends pas qu'il aprenne jamais
Un amour moins à craindre encor que
faits ,
Four empêcher l'aveu qu'en peut faire maTante,
Il n'est point de moyen qu'en secret je ne tente ;
De mes soupçons jaloux rien ne peut me guerir
Et le risque est trop grand pour oser le courir .
Peut-être s'il voyoit tout ce que ma Rivale
De richesse , à ses yeux , dans son billet étale ,
Il pouroit en sentir un peu d'émotion ,
Et je veux lui sauver cette tentation .
Il est loin d'être riche et je lui rends justice,
Je ne merite pas un pareil sacrifice ;
Il
SEPTEMBRE. 1735
2059
Il pouroit m'immoler , sans en être blâmé
Que de ce triste coeur dont il est trop aimé.
Lisette.
Quoi ! l'on vous troqueroit pour une ridicule !
Une capricieuse , entêtée et credule ,
Et l'on prefereroit à vos jeunes beautés
Sa grace surannée , et ses airs affectés ?
Cela ne se peut pas.
Lucile.
Dans le siecle où nous sommes
La Beauté , la Vertu n'engagent point les hommes
;
Si l'on veut de l'Hymen former les doux liens ,
Sans consulter les coeurs , on consulte les biens ,
On suit de vains desirs que l'interêt fait naître ,
Et l'on cherche à s'unir plutôt qu'à se connoître.
Tu peux voir tout mon coeur
ce jour
Lizette , et dans
Rien n'égale à mes yeux le soin de mon amour:
Leandre est comme moi , jeune , sincere , il
aime ,
Ah ! ne le gâtons point , il pensera de même.
Lucile conserve ce même caractere dans
le troisiéme Acte . Elle a si bien fait par
ses ruses , que sa Tante ne songe qu'à
H épouser
2
2060 MERCURE DE FRANCE
épouser Leandre dont elle se croit aimée,
tandis que Leandre est persuadé que Celiante
va le marier incessamment avec
Lucile. Voici comme cette derniere s'explique
à Lisette, qui lui conseille d'instrui
re son Amant de tout ce qui se passe.
Tandis que par mes soins leur ame prevenuë.
Croit avoir même objet , croit avoir même vuë
Quand chacun vers le sien marche d'un pas
égal ,
Et que croyant s'entendre , ils s'entendent si mal;
De ce noeud qu'a tissu ma main encor novice
Penses tu qu'ils pouront penetrer l'artifice ?
Avant que d'en venir aux éclaircissemens ,
J'espere profiter des premiers mouvemens
D'un coeur dont je connois l'amour et la constance
>
Et qui croit me devoir quelque reconnoissance,
En lui donnant le temps de la reflexion ,
Je pourois dans son coeur armer l'ambition ,
Peut - être elle n'auroit pour lui que trop de
charmes ;
Ici l'Amour la peut combatre par mes larmes.
It suffit à çeDieu du plus leger apui ,
Toutes les passions se taisent devant lui.
Le 19. de ce mois on donna sur ce Théatre la
premiere Représentation de la Tragédie nouvelle
de Teglis , de M. de Morand , qui tût goûtée et
fort aplaudie. Nous en reservons l'Extrait pour
le
SEPTEMBRE. 1735. 2068
le prochain Mercure , avec les Observations du
Public .
Le 17. Septembre , les Comediens Italiens
donnerent la premiere Représentation d'une petite
Piéce d'un Acte, en Vers et Vaudevilles qui a
pour titre , les Indes Chantantes, parodie du nouveau
Ballet des Indes Galantes . Cette Piece qui
est des sieurs Romagnesi & Riccoboni , est precedée
d'un Prologue dialogué par ces deux Auteurs ,
pour annoncer la nouvelle Parodie, qui est ornée.
de trois differens Divertissemens , mis en Musique
par M. Mouret , on en parlera plus au long.
***** :*** :*******
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERS E.
N mande de Constantinople, que le Grand-
Seigneur ,à la sollicitation de la Sultane
Mere de Sa Hutesse , avoit déposé le Grand
Visir ; qu'on avoit confisqué tous les biens de
ce Ministre , et qu'on croyoit sa place destinée
au Bassa de Bosnie ou au Bassa Ismaël , cydevant
Gouverneur de Bagdad.
Hij EX
2062 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT des dernieres Lettres
écrites deConstantinople, sur la Bataille
donnée en Georgie au mois de Juin
dernier.
D
Du 8. Juillet 1735.
Imanche dernier on reçut ici la premiere
nouvelle d'une Bataille , qui s'étoit donnée
le 17. du mois passé , entre les Turcs et les Perà
vingt lieues de la Ville de Cars , * du
côté de Guendgé , dans laquelle l'Armée Ottomane
avoit été défaite ; le Seraskier et un autre
Pacha à trois Queues , tuez.
sans ,
Cette nouvelle a répandu ici une grande consternation.
Ce qu'il y a de plus surprenant , c'est
qu'on n'a été informé de cet Evenement que par
quelques fuyards ,qui n'ont pu faire aucun détail,
sans qu'on ait encore reçû des Lettres d'aucun
Pacha , ni d'aucun Officier de l'Armée ,
Du 14. Juillet.
Depuis ma derniere Lettre il est arrivé un Officier
dépêché par Kara- Achmet, Pacha chargé
d'une Lettre pour le Grand- Seigneur , et d'une
autre pour le Grand- Visir , contenant le détail
de la Bataille qui s'est donnée dans la Georgie ,
entre l'Armée des Turcs et celle des Persans , au
mois de Juin dernier . Ce détail n'est pas encore
bien sçû du Public , mais il paroît certain que les
premières nouvelles ont été exagerées par raport
la perte des Turcs,
* Cats est la derniere Ville de Turquie , en allant
de Constantinople en Perse , par la Georgie.
L'Officier
SEPTEMBRE. 1735. 2063
L'Officier du Pacha Achmet ayant rendu ses
Dépêches au G. Visir , et ce premier Ministre
ayant lû la Lettre qui lui étoit adressée , se rendit
au Serail , et trouva le Sultan déja instruit er
mal prévenu contre lui , &c.
Le même jour, après la Priere du soir , un Officier
de la Cour vint de la part de S. H. lui demander
les Sceaux de l'Empire , et lui ordonner
de se rendre à l'Isle de Metelin , dans l'Archipel,
-lieu de son exil.
Après le départ de l'Officier , Porteur des Dépêches
dont je viens de parler , et chargé des ordres
convenables à la circonstance des affaires ,
on a reçû d'autres avis qui diminuent de beaucoup
la perte des Troupes Turques ; qui ajoûtent
même que les Persans , quoique victorieux , ont
perdu autant de monde de leur côté ; enfin qu'il
est déja arrivé à Cars autant de Troupes qu'il en
'faut pour former une nouvelle Armée .
Du 30. Fuillet.
On n'a pû sçavoir encore aucun détail assuré
de l'Action du 17. Juin , que l'on raconte ici de
plusieurs manieres differentes . Tout le Monde
convient cependant que le Seraskier Abdala Pacha
, qui commandoit l'Armée , est resté sur le
champ de Bataille , et que l'avantage remporté
par les Persans ne doit être attribué qu'à la mutinerie
des Troupes , lesquelles étant mécontentes
de leur General , se retirerent dès que l'Action
fut engagée , sans vouloir combattre , et laisserent
à la merci des Persans le Seraskier et quelques
autres Pachas qui furent tués. Ainsi la perte
des Turcs n'est pas , à beaucop près , si considerable
qu'on l'avoit crû d'abord .
Depuis on a publié que les Turcs avoient remporté
H iij
2064 MERCURE DE FRANCE
porté deux avantages sur les Persans , l'un auprès
de Guendgé et l'autre aux environs de Tiflis ,
avantages qui avoient obligé ces derniers , nonseulement
à lever le Blocus de ces deux Places ,mais
encore à abandonner toute la Georgie et à se retirer
dans la Perse. Ces nouvelles méritent cependant
d'être confirmées.
Je vous ai déja mandé la déposition du G.
Visir Aly Pacha, qui gouvernoir cet Empire depuis
trois ans. On l'avoit d'abord relegué à Metelin
, mais depuis il a été nommé Pacha de Candie.
Le Chaoux Bachi a été fait Kaimakamı , * et
chargé du Gouvernement en attendant l'arrivée
du nouveau Grand- Visir , qu'on dit être Ismaël
Pacha , cy - devant Aga des Janissaires , et actuellement
Pacha de Bagdad.
Le Capitaine d'un Vaisseau Anglois , arrivé sur
les Côtes d'Italie au commencement de ce mois ,
a raporté que le nouveau Dey , élû par les Rebelles
de Tunis , avoit été obligé d'abandonner la
Ville , parce que les Turcs qui étoient dans ses
Troupes avoient mis bas les Armes à l'aproche
des 7000. hommes de leur Nation , que la Régence
d'Alger avoit envoyés pour rétablir l'ancien
Dey.
On a apris que les équipages de quelques Vaisseaux
revenus depuis peu de l'Archipel , qu'Achmet
Pacha , cy - devant Gouverneur de Bagdad ,
qui commande actuellement l'Armée Ottomane
en Perse , avoit été déclaré G. Visir , que son
prédecesseur avoit obtenu le Gouvernement de
'Isle de Candie , et que Giadnum Coggia , Capitan
Pacha , avoit reçû ordre du G. S. d'aller
* Le Kaimakam est Gouverneur de Constantinople
et Lieutenant du G. Vișir.
dans
SEPTEMBRE. 1735. 2065
Jans la Mer Noire , avec une Escadre conside
rable pour s'oposer aux entreprises que les Moscovites
pouroient former contre les Places qui
sont sur les Côtes de cette Mer.
On vient d'aprendre de Lisbonne , qu'un des
Generaux des Troupes de Muley Abdala , Roy
'de Maroc , s'étant emparé de la Ville de Salé ,
s'y étoit fait proclamer Roy.
On a apris en dernier lien de Constantinople
que le 11. Août , M. Stadnicki , qui depuis qu'il
avoit embrassé le parti de l'Electeur de Saxe ,
avoit pris la qualité de Ministre de ce Prince à la
Porte , y avoit été arrêté par ordre du G. S. er
qu'il avoir été conduit à Andrinople.
Les mêmes Lettres marquent qu'un grand
nombre d'Officiers et de Soldats , qu'on croyoit
avoir été faits prisonniers de guerre par les Persans
dans le dernier Combat donné près de Revan
, avoient rejoint l'Armée Ottomane campée
actuellement près d'Erzerum , et que non- seule
ment Achmet Pacha qui la commandoit , étoit .
en état de s'oposer aux entreprises de Thamas
Kouli-Kan , mais qu'il avoit une Armée assés
considerable pour pouvoir attaquer les Persans.
RUSSIE.
Na sçu par un Courier venu de Constantinople
, qu'un Détachement considerable
des Troupes du Kan de Crimée s'étoit avancé
jusqu'à Bialazerkieu , et que quelques autres Détachemens
des mêmes Troupes faisoient des
courses le long du Dniester.
On a apris depuis que M. de Neplief , Mi
nistre de la Czarine à la Porte , a dépêché un
Courier à S. M. Cz. pour lui aprendre que le
Hiiij G.S.
2066 MERCURE DE FRANCE
et
G. S. continuoit de faire conduire à Asoph une
grande quantité de munitions de bouche
de guerre , et qu'il avoit rapellé le Pacha de
cette Place , pour y envoyer un Gouverneur
plus expérimenté dans l'Art Militaire .
La Czarine a sçû par le même Courier que les
nouvelles instances faites par M. de Neplief n'avoient
pû engager S. H. à révoquer l'ordre
qu'elle avoit donné auKan des Tartares de Crimée,
de passer par le Daghestan avec les Troupes qu'il
avoit assemblées , et que ce Kan étoit déja entré
dans la Cubardie , Province habitée par une Nation
de Tartares qui est sous la protection de
S. M. Cz.
Un Officier que Thamas Kouli Kan a envoyé
à la Czarine pour l'informer de la victoire remportée
depuis peu sur les Turcs par les Persans ,
est arrivé à Petersbourg avec une Relation détaillée
des circonstances de cet Evenement . 1
Selon la Lettre , dont le General Persan l'a
chargé pour S. M. Cz . le Pacha Abdala Kuperli
s'étant mis en marche pour attaquer les
Persans à Revan , et son avant- garde s'étant engagée
dans un défilé bordé d'un côté par un
bois , et de l'autre par une chaîne de Montagnes,
Thamas Kouli Kan fit sauter par le moyen de
quelques mines , qu'on avoit pratiquées par son
ordre dans ces Montagnes , plusieurs Rochers
qui accablerent sous leurs ruines un grand nom
bre de Turcs, et couperent la communication de
leur avant garde avec le reste de l'Armée. Comme
les Troupes qui composoient cette avant- gar
de , ne purent être secourues , elles furent obligées
, après une longue résistance , de ceder à la
superiorité du nombre des Ennemis , et il ne s'en
sauva que la plus petite partic.
Le
SEPTEMBRE . 1735. 2067
Le Corps de Bataille et l'arriere - garde des
Troupes Ottomanes n'ont point eu de part ni au
combat ni à la deroute , et Thamas Kouli - Kan
mande à S. M. Cz. que la perte des Turcs , en y
comprenant les prisonniers de guerre faits par les
Persans dans cette action , monte à 20000. hom.
mes; que le Pacha Kuperli a été tué dans le combat
, et qu'Achmet Pacha , cy - devant Gouverneur
de Bagdad , qui commande à présent l'Armée
, a près de 80000. hommes sous ses ordres.
Le General Persan ajoûte qu'il a reçû avis que
le G. S. avoit envoyé des pouvoirs à ce Pacha
pour renouer les négociations commencées avec
les Ministres du Roy de Perse.
On a apris par un Courier du Gouverneur de
Derbent , que la Garnison Turque qui défendoit
la Ville de Genscha , assiegée depuis long- temps
par les Persans , avoit été obligée de se rendre.
POLOGNE.
E Comte de Munich , avant son départ de
Warsovie, a fait publier une Lettre par la
quelle il déclare , au nom de la Czarine , que les
Moscovites traiteront comme ennemis tous ceux
dont les démarches pouroient tendre à troubler
l'Assemblée que l'Electeur de Saxe a convoquée
à Warsovic.
On a imprimé depuis peu , par ordre du Baron
de Keiserling , une ' Déclaration par laquelle la
Czarine renouvelle les assurances contenues dans
ses precedens Manifestes , et par laquelle elle
promet de ne jamais demander aucun dédommagement
pour les dépenses auxquelles la guerre
P'a engagée , et de retirer son Aimée de la Pologne
aussitôt après que la tranquillité y aura été
rétablie . Hv On
2068 MERCURE DE FRANCE
On mande de Konigsberg , que le Manifeste ,
composé par ordre du Roy de Pologne pour
protester contre toutes les résolutions qui seront
prises par les Partisans de l'Electeur de Saxe
dans l'Assemblée convoquée à Warsovie , a été
rendu public , et qu'il porte que la confederation
faite en faveur de Sa Majesté , ne s'est
maintenue jusqu'à present par aucun Acte de
violence , ni par aucun motif d'interêt ou de
faction ; que les Seigneurs et les Gentilshommes
qui la composent , et dont plusieurs ont été
contraints par la force des Armes étrangeres d'abandonner
leur Patrie , sont animés seulement
par l'amour du bien public et par le desir de
demeurer fideles au serment qu'ils ont fait dans
la Diette de convocation , de n'élire qu'un Polonois
pour leur Roy ; que rien ne sera capable
de les empêcher de perseverer jusqu'à la mort
dans leur attachement pour un Souverain qu'ils
ont choisi librement , et en observant toutes les
formalités prescrites par les Constitutions du
Royaume ; que toute l'Europe est interessée à
conserver aux Polonois la liberté dont ils jouissent
depuis si long temps ; que quand même la
Czarine seroit , comme elle le prétend , garante
de l'observation du Traité conclu en 1717. entre
le feu Roy Auguste et la Republique , ce titre ne
mettroit pas S M. Cz. en droit de donner atteinte
aux Privileges de la Nation ; que d'ailleurs ce
titre est usurpé ; qu'il est vrai que dans le Traité
dont il s'agit , la médiation du feu Czar Pierre I.
fut employée , mais qu'il n'y fut fait aucune
mention de garantie ; qu'on peut ajoûter que
ceux qui font les Loix sont maîtres de les abroger
; qu'ainsi la République assemblée dans la
Diette d'Election , avoit le pouvoir d'interpreter
ON
SEPTEMBRE. 1735. 2069
ر
ou d'annuler les prétenduës Loix aleguées contre
le Roy ; qu'il dépendoit d'elle de confirmer
la premiere Election de S. M. en vertu des Constitutions
des années 1567. 1576. 1607. et 1609 .
qu'on auroit dû être peu étonné de la voir tenir
cette conduite à l'égard du Roy , après que l'on
a vû le feu Roy Auguste , apuyé par une Armée
Moscovite , se faire rétablir dans une Diette ,
quoiqu'il eût renoncé à la Couronne par le Traité
d'Altranstadt ; qu'en vain l'Electeur de Saxe
promet que les Troupes étrangeres sortiront du
Royaume , et que la tranquillité sera bientôt rétablie;
que la sortie des Troupes étrangeres importe
peu à la République , si la Nation demeure
oprimée pour toujours , et que les Polonois ne
peuvent être tranquiles, s'ils ne sont libres.
On s'étend ensuite dans ce Manifeste sur le
peu de validité des résolutions d'une prétendue
Diette convoquée par un Prince , dont les prétentions
au Trône n'ont d'apui que la violence
et l'on proteste contre tous les Actes qui pouront
être faits dans cette Assemblée .
"
Ce Manifeste a été signé par 165. Seigneurs ,'
munis de pleins pouvoirs pour cet effet , par la
Noblesse de ss . Palatinats .
La Lettre que M. Poninski , Maréchal de la
Confederation faite en faveur de l'Electeur de
Saxe , a écrite au Palatin de Lublin et aux autres
Seigneurs Polonois qui sont auprès du Roy
à Konigsberg , n'a pas produit l'effet que l'Eleclécteur
en esperoit , et ces Seigneurs ont fait réponse
qu'ils demeureroient inviolablement attachés
aux interêts de S. M.
Les instances du Palatin de Trock , pour engager
son fils le Comte Sapieha , Grand- Trésorier de
Lithuanie , à embrasser le parti de l'Electeur ,
H vi n'ont
2070 MERCURE DE FRANCE
n'ont pas eû plus de succès. Ce Comte
qui s'est
retiré avec ses Troupes
en Valachie
d'où il continuë
de faire de fréquentes
courses
dans les Provinces
Frontieres
du Royaume
de Pologne
, a
fait publier
un Manifeste
, dans lequel il déclare
qu'il désire aussi ardemment
qu'aucun
autre Seigneur
Polonois
de voir la tranquillité
rétablie
dans le Royaume
, mais que la Noblesse
qui est
sous ses ordres , ne peut consentir
d'acheter
cette
tranquillité
aux dépens
de sa liberté.
Un Courier arrivé de Constantinople à Warsovie
, a raporté que M. Stadnicki , qui étoit
allé en Turquie , avec caractere de Ministre du
Roy et de la Republique de Pologne , aussitôt
après la séparation de la Diette d'Election , et
qui ayant depuis quelque temps embrassé le parti
de l'Electeur de Saxe , avoit été chargé des affaires
de ce Prince à la Porte , avoit demandé une
Audience au G. S. pour lui présenter ses nouvelles
Lettres de créance , mais que S. H. avoit refusé
de la lui accorder. Le même Courier a assuré
que lorsqu'il est parti de Constantinople, le bruit
y couroit que le G. S. avoit pris la résolution de
faire arrêter M. Stadnicki .
Les Seigneurs et les Gentilshommes de la
Prusse Polonoise, attachés aux interêts de l'Electeur
de Saxe , firent le 30. du mois dernier à Marienbourg
, l'ouverture de leur Assemblée ; mais
comme il ne s'y trouva que vingt- quatre personnes
, ils se séparerent sans prendre aucune résolution.
L'Assemblée de la Noblesse du Palatinat de
Russie a été très- tumultueuse , et les Gentilshommes
qui la composoient ont refusé de nommer
des Députés pour assister à la prétenduë
Diette de Pacification,
Le
SEPTEMBRE. 1735. 2075
Le succès de l'Assemblée tenue à Rosan , n'a
pas été plus heureux , et les Gentilshomines assemblés
à Brescz en Cujavie , attendent pour
nommer leurs Députés , que l'Electeur leur ait
accordé satisfaction sur plusieurs griefs dont ils
se sont plaints.
A
Les Assemblées de la Noblesse des Palatinats
de Kiovie , de Volhinie , de Trock , de Novogrod
et de Smolinsko, se sont passées assés tranquillement.
Les dernieres Lettres marquent que les Seigneurs
et les Gentilshommes Polonois , attachés
aux interêts de l'Electeur de Saxe , n'ont point
voulu admettre de Protestans dans l'Assemblée
qu'ils ont tenue à Szreda , et que ces derniers
pour prévenir les contestations auxquelles leur
presence auroit donné lieu , se sont retirés après
avoir protesté congre l'injustice et la violence
qu'on leur faisoit . Quoique le parti pris par les
Protestans dût suspendre les déliberations de
l'Assemblée , plusieurs des Gentilshommes qui
la composoient ont crû qu'elles pouvoient être
continuées ; et ayant entraîné le plus grand nombre
des autres Gentilshommes dans leur sentiment
, ils les ont engagés à déroger à l'usage établi
jusqu'à present dans la grande Pologne , de
composer les Députations de six Catholiques et
de six Protestans , et à élire douze Députés ,
Catholiques pour assister à l'Assemblée convoquée
à Warsovie.
tous
La difference de Religion cause beaucoup de
trouble dans les Assemblées de la Noblesse de la
Prusse Polonoise ; quelques - unes se sont séparées
sans prendre aucune résolution , et dans
celles qui ont élu les Députés , les Protestans ont.
presque tous cû l'exclusion.
A
2072 MERCURE DE FRANCE
>
ALLEMAGNE.
N aprend de Vienne , que le 15. du mois
dernier,tous les Ministres de l'Empereur
se rendirent chés le Comte de Sinzendorf, Grand
Chancelier de la Cour , et qu'il fut résolu dans
cette Conference à laquelle se trouverent le Comte
de Konigseg et le Prince de Saxe Hildburghausen
, qu'on envoyeroit ordre à la plus grande
partie des Troupes qui sont dans la Croatie, dans
l'Esclavonie , dans la Servie , d'aller joindre celles
qui sont cantonnées dans le Tirol , et qu'on prendroit
des mesures pour pouvoir y faire passer
quelques- uns des Régimens qui sont en Hongrie
et dans les autres Pays hereditaires de l'Empereur.
ITALIE.
Es Lettres de Rome assurent que la Congré-
Lgation deNonnullis a requ ordre de Sa Sainteté
de faire un second examen des informations
concernant le Procès de M. Coscia , Evêque de
Targa , et que le Trésorier de la Chambre Apostolique
, a demandé qu'on informât contre le
Cardinal Coscia , qu'il accuse d'empêcher par
des moyens indirects que les revenus des Abbayes
que ce Cardinal possede dans le Royaume de
Naples , ne soient touchés par la Chambre.
Le 26.du mois dernier , cette Congrégation
composée des Cardinaux Pic de la Mirandole ,
Corradini , Porcia et Corsini , et de M. Valenti,
s'assembla chés le Cardinal Firrao , Secretaire
d'Etat , et après avoir examiné de nouveau les
preuves des accusations formées contre M. Coscia
, Evêque de Targa , ils le condamnerent nonseule
SEPTEMBRE. 1735. 2073
seulement à être enfermé dans un Convent jusqu'à
ce qu'il plaise an Pape de lui rendre la li
berté , mais encore à dédommager les habitans
d'un Village auquel il a fait mettre le feu pendant
le Ministere du Cardinal son frere , et à
donner cinq Lampes d'argent chacune de la valeur
de 300. Ecus Romains , dont la Congregation
disposera en faveur de cinq Eglises.
On aprend de Rome , que le 13. Août on plaça
au bruit d'un grand nombre de Boëtes , les Armes
du Pape sur le frontispice du Palais , voisin
du Portail de l'Eglise de S. Jean de Latran , pour
la construction duquel S. S. a donné encore depuis
peu 10000. écus . On assure que le Pape a
dessein de faire construire aussi un nouveau Portail
à l'Eglise de sainte Marie Majeure , sur les
Desseins de M. Fuga , celebre Architecte , qui
aura la direction de cet Ouvrage .
On écrit de Genes , que les Rebelles de Corse ,
auxquels se sont joints depuis peu les habitans
de quelques Bourgs , mécontens du traitement
qu'ils ont reçû des Commissaires de la République
, se sont emparés du Fort de Serte , dans
lequel ils ont trouvé 300. fusils et une grande
quantité de poudre et de boulets .
NAPLES ET SICILE.
E Regiment d'Infanterie que le Prince de
Muranno a obtenu la permission de lever ,
a
s'est embarqué au commencement du mois passé
pour aller à Messine , où il doit être mis en
garnison .
La Garnison Imperiale qui a défendu Trapani,
en sortit le 27. du mois de Juillet avec les
honneurs de la guerre , suivant la Capitulation
qui
2074 MERCURE DE FRANCE
qui lui avoit été accordée le 12. du même mois
et le même jour elle se rendit à bord des Vaisseaux
qui doivent la transporter à Trieste , et
qui firent voile la nuit suivante.
Le Prince Spinelli de Cariari , est arrivé de
Vienne à Naples pour rendre son hommage au
Roy , qui l'a rétabli dans la possession de tous
ses biens.
Le Roy a fait publier à Naples un Decret qui
porte que ceux qui possedoient des Charges dans
le Royaume de Naples et dans celui de Sicile
avant que ces Etats eussent passé sous la domination
de l'Empereur , et qui en ont été privés ,
parce qu'ils n'ont pas voulu préter serment de
fidelité à S. M. I. peuvent s'adresser avec confiance
à S. M. pour recevoir la récompense de
leur zele , et qu'ils seront toujours préférés dans la
nomination des Emplois qui viendront à vaquer.
Toutes les munitions de guerre et 120. Pieces
de Canon , qui sont sur les Vaisseaux du Convoy
parti de Palerme pour Livourne , seront débar
qués à l'embouchure de la Riviere de Magra , et
on les transportera delà en Lombardie.
On a fait partir du Port de Melazzo un autre
Convoy de Bâtimens de Transport , sur les
quels on a embarqué huit Bataillons destinés
à aller joindre les Troupes Espagnoles commandées
par le Duc de Montemar.
Le Prince della Torella Caraccioli , Gentilhomme
de la Chambre du Roy et Capitaine de
la Compagnie des Hallebardiers de la Garde de
S. M. vient d'être nommé Ambassadeur du
Roy auprès de S. M. Très- Chrétienne ..
ESPAGNE
SEPTEMBRE . 1735. 2075
ESPAGNE.
N écrit de Madrid que M. Keene, Ministre
du Roy d'Angleterre en cette Cour , ayant
envoyé à S. M. Br. la lettre que M. Patinho lui
avoit écrite au sujet du depart de l'Escadre Angloise
pour se rendre à Lisbonne , le Roy d'Angleterre
a ordonné à M. Keene de faire à cette
Lettre une repouse qui a été renduë publique , et
qui porte que S. M. Br. pour prevenir toutes les
inquietudes que sa Flote pouroir donner aux Negocians
, et pour ne laisser au Roy et aux autres
Puissances aucun doute sur ses intentions , a
chargé M. Keene de réiterer et de confirmer par
écrit les assurances déja données , et de déclarer
en son nom que la protection du commerce de la
Nation Angloise est le seul motif qui l'ait engagée
à envoyer une Flote en Portugal ; que le
Roy d'Angleterre voit avec plaisir que S.M. est
dans la resolution de ne commettre aucun acte
d'hostilité contre le Portugal , si elle n'y est for
cée ; qu'il se trouvera par - là plus en état d'engager
le Roy de Portugal à contribuer de sa part
un accommodement,et qu'on a tout lieu d'esperer
que les instances faites par plusieurs Puissances ,
pour procurer cet accommodement , produiront
l'effet qu'on en attend ; que l'offre que S. M. Br.
a faite d'employer sa mediation , afin de terminer
les differends entre le Roy et le Roy de Portugal
, est une preuve convainquante du desir
qu'elle a de voir l'union retablie entre les deux
Puissances ; que le Roy peut être assuré que
pourvu qu'on ne trouble point le commerce des
Anglois en Europe ni aux Indes , la Flote Angloise
, tant qu'elle demeurera dans ces Mers ,
ne
2076 MERCURE DE FRANCE
ne donnera ni à S. M. ni à ses sujets aucun sujet
de se plaindre , et que S. M. Br. ne pense pas
qu'après une declaration si authentique et si souvent
réiterée , les mesures qu'elle a prises pour
assurer le commerce de ses sujets , puissent jamais
servir de pretexte legitime à aucune Puissance
pour entreprendre de le troubler.
On écrit de Madrid que les Régimens de la
Reine , de Lisbonne , de Tolede , d'Arragon , de
Cantabria , d'Espagne , de Braban , d'Arregger ,
de Beslar , d'Ultonie , et d'Irlande , Infanterie ,
ceux du Prince des Asturies , des Algarves , de
Monteza , de Seville , de Quantiosos , et Royal
Allemand , Cavalerie ; et ceux de Dragons de la
Reine , de Flandres , de Numance , d'Estramadoure
, de France , et de Batavia , ont reçû ordre
de se tenir prêts à inarcher , et le bruit court
que ces Troupes s'assembleront sur la Caja .
On croit que ce Corps de Troupes sera com
mandé par le Comte de Roydeville , qui aura
sous ses ordres Don Alexandre de la Mota
et le Comte de Lalain , Lieutenans Generaux ;
Don Joseph Vicaria , Don Philipe Ramires de
Azellanos , Don François Pignatelli , le Chevalier
d'Ytre , le Duc de Linares , et Don Alexandre
Gosnove , Maréchaux de Camp ; Don Joseph-
Antoine Tineo , Brigadier , Major General
et Inspecteur de l'Infanterie , et Don Riperto
Gabec , aussi Brigadier , Major General de la Cavalerie
et des Dragons.
HOLLANDE , PAYS - BAS.
E Prince Hereditaire de Modene , arriva à la
Haye deBruxelles le f. ce mois, il alla le
9. à Leyde pour y voir le Jardin des Plantes , et
les autres curiosités de la Ville .
To
SEPTEMBRE. 1735: 2077
Ce Prince donna le 16-une Fête à la Princesse
de Holstein Beeck , qui partit le 18. pour le
Texel où elle doit s'embarquer sur un Vaisseau
de Guerre , destiné à la transporter à Lisbonne.
P
GRANDE - BRETAGNE.
Lusieurs Familles se disposent à aller s'établir
dans la Nouvelle Georgie , et on les destine
à habiter la nouvelle Ville qu'on a dessein
de bâtir sur le bord de la riviere d'Atalamatha ,
environ à soixante dix milles de Savanah. Les
Commissaires chargés des affaires de cette Colonie,
doivent y envoyer douze pieces de canon, et
des munitions de guerre , afin d'assurer à la Nation
la possession de cet établissement qu'on regarde
comme très avantageux au commerce ,
et dont on tire de la soye qui n'est point inferieure
à celle de Piément.
- Le 25. du mois dernier , le Chevalier Thomas
Lombe , Directeur de la Manufacture de Derbys
Presenta à la Reine d'Angleterre une piece d'étoffe
qu'il y avoit fait fabriquer de cette soye
par ordre de S.M. sur un dessein qu'elle lui avoit
donné.
Le bruit court que le Prince de Galles doit
épouser la Princesse de Saxe Gotha ; et que
cette Princesse se rendra à la Haye où elle atten
dra le Roy pour passer à Londres avec S. M.
La Compagnie de Turquie a fait embarquer à
bord duVaisseau de Guerre destiné à transporter
à Constantinople les domestiques et les équipa
ges de M. Everard Fawlkener , nommé Ambassadeur
à la Porte , à la place du Comte de Kinnoul
, une caisse d'instrumens de Mathematique ,
trois Pendules à secondes , dont les boëtes sont
magnifiquement
2078 MERCURE DE FRANCE
magnifiquement ornées , plusieurs Montres d'or
à repetition , douze fusils , et un pareil nombre
de paires de pistolets garnis d'argent , et travaillés
avec beaucoup d'art , douze pieces d'écarlate,
et quelques vases de pierres precieuses , dont elle
a resolu de faire present au Grand Seigneur.
ARMEE D'ITALIE.
Es Ennemis ont continué sur la fin du mois
Ldernier ,de faire faire plusieurs mouvemens
aux Troupes qu'ils ont à la tête du Lac de
Garde. Ils ont augmenté de deux Bataillons et de
200. Grenadiers le detachement qu'ils avoient
mis à Riva , et pour faire croire qu'ils étoient
dans le dessein de se raprocher de l'Italie , ils
ont envoyé ordre aux Officiers de leurs Troupes
qui étoient à Veronne et à Vienne, de rejoindre
incessamment leurs Corps .
Les bruits qu'ils avoient repandus sur ce projet
ne se sont pas confirmés , et on a apris à Bozolo
le 18. du mois passé que les Imperiaux
s'étoient cantonnés dans le Trentin , et qu'ils y
demeureroient jusqu'au retour du Comte de Konigseg
, qu'on assure devoir revenir de Vienne
incessamment .
Les Deputés que les habitans du Tirol ont envoyés
à Vienne pour representer à l'Empereur
qu'il étoit impossible à ce Pays de fournir aux
Troupes Imperiales les fourages qu'elles demandoient
, n'ont pas reçu une reponse favorable , et
bien loin d'avoir égard à leurs Representations ,
on leur a fait entendre que les habitans du Tirol
seroient obligés de former des Magazins pour la
subsistance des Troupes de l'Empereur pendant
P'Hyver prochain.
SEPTEMBRE. 1735. 2079
A la fin du mois dernier , les Imperiaux étoient
encore dans les mêmes quartiers à la tête du Lac
de Garde , et on assure qu'ils ont beaucoup de
peine à y trouver des subsistances . *
Les Lettres du commencement de ce mois
portent , que les ordres que les Imperiaux ont
envoyés pour rassembler leurs Troupes , pour
ks travaux par lesquels ils veulent rendre les
chemins pratiquables pour leur passage , et le
partt qu'ils paroissent avoir pris de faire revenir
dans le Tirol les Corps de Cavalerie qu'ils
avoient envoyés dans l'Evêché d'Ausbourg font
juger que leur projet est de tenter de rentrer en Ita
he aussitôt après l'arrivée du Comte de Konigseg.
Les differens mouvemens des Ennemis ont
déterminé le Roy de Sardaigne et le Maréchal
de Noailles à se mettre plus à portée de s'oposer
aux entreprises des Imperiaux , et toutes
les Troupes de l'Armée des Alliés étoient prêtes
à marcher au commencement du mois celles
qui étoient les plus éloignées ont dû recevoir
leurs ordres le 6. et le Marquis de Maillebois
partit le 5. avec le Corps qu'il commande pour
arriver le lendemain à Maringo , d'où il a dû
s'avancer avec plusieurs detachemens qui ont dû
le joindre dans sa marche à Gussolingo , pendant
que d'autres Troupes se sont assurées des
differens postes dont les Ennemis auroient pû
s'emparer.
Toutes les Troupes qui avoient reçu ordre de
se tenir prêtes à marcher , quitterent leurs quartiers
le 7. de ce mois , celles qui étoient à Castiglione
del Stivere , en partirent le lendemain , et
elles arriverent le soir à Vallegio avec le Maréchal
de Noailles qui fut camper le 9. à Villafranca
: il ya laissé reposer les Troupes, et ayant
pris
zoto MERCURE DE FRANCE
pris avec lui le Régiment de Cavalerie de Fiennes
, et celui de Dragons de Nicolay , il arriva
au Camp de Zevio le 10. Il y trouva le Marquis
de Maulevrier , lequel étoit venu la veille avec
le Corps qu'il commande , s'assurer de ce poste,
pendant que le Marquis de Savines s'avançoit
avec ses Troupes du côté de Ronco.
Le Maréchal de Noailles en arrivant à ce
Camp , aprit que M. du Chillois , Brigadier et
Lieutenant Colonel du Regiment Dauphin , Cavalerie
, lequel avoit été envoyé le long de l'Adige
avec un détachement , s'étoit emparé de
12. Barques chargées de farines , de bled , et
d'orge , et d'environ 100. Bateaux garnis de
poutrelles et madriers propres à construire des
Ponts , que les Imperiaux faisoient remonter
par l'Adige.
Le Marquis de Maillebois qui étoit en marche
dès le 5. arriva le 8. à Gussolengo , et après y
avoir fait entrer des Troupes , il en détacha d'autres
pour s'emparer de la Ferrara , de la Corona
, et de Rivole , qui sont des postes importans
entre l'Adige et le Lac de Garde .
Depuis que les Troupes de l'Armée des Alliés
ont quitté leurs quartiers pour se mettre à portée
de s'opposer aux entreprises des Imperiaux ,
i ne paroît pas que les Ennemis ayent fait d'autres
mouvemens que celui de retirer quelques
Troupes qu'ils avoient à Riva et à Torbole pour
les faire passer à la droite des differens postes
qu'ils occupent à la tête du Lac de Garde.
La nuit du 9. au 10. les Imperiaux firent avancer
du côté de la Ferrara un Corps d'Infanterie ;
mais le Marquis de Maillebois ayant detaché
quelques Compagnies de Grenadiers,des Piquets
et des Dragons , pour soutenir les Troupes qui
étoient
SEPTEMBRE. 1735. 2081
étoient dans ce poste , les Ennemis se retirerent.
Les Troupes que le Maréchal de Noailles à
laissées dans le Camp de Vilia- Franca , ont dû
arriver à celui de Zevio le 12.
On a reçû avis que les Troupes Espagnoles ,
qui faisoient le Siége de la Mirandole , ayant
commencé , après avoir établi un logement dans
le chemin couvert , à battre le corps de la Place
le Baron Stenz, qui en étoit Gouverneur , avoit de
mandé à capituler aux mêmes conditions que les
Garnisonsdes Villes qui ont été prises par lesTrou
pes Françoises et Piémontoises, et que ces conditions
lui ayant été refusées , il s'étoit rendu lé
31. du mois passé prisonnier de guerre ainsi
que la garnison .
Il a été convenu par la Capitulation que les
Officiers de la garnison pouront garder leurs
armes et leurs chevaux , à l'exception de ceux
qui auroient été achetés des deserteurs.
Qu'on fournira aux malades et aux blessés
tous les secours dont ils auront besoin , mais
qu'ils seront obligés de payer toutes les depenses
qui seront faites pour leur subsistance où pour
leur soulagement.
Qu'on n'employera aucune violence pour engager
les prisonniers à prendre parti " dans les
Troupes de S. M. C.
Qu'il sera permis à chaque Capitaine d'emme
ner deux domestiques , et que chacun des Officiers
subalternes aura la liberté d'en emmener un.
Qu'on donnera des passeports aux Officiers
pour se retirer où ils jugeront à propos , à condition
de ne point porter les armes jusqu'à ce
qu'ils ayent été échangés .
Selon la Capitulation , la garnison devoit sor
tir de la Place le 2. de ce mois à neuf heures du
matin
2082 MERCURE DE FRANCE
matin. Le Baron Stenz avoit demandé qu'elle
ne fut pas conduite hors de la Lombardië , et
qu'on promit de conserver aux habitans de la
Ville leurs Privileges , et de ne rien changer à la
forme de leur Gouvernement Civil ; mais le Comte
de Maceda n'a voulu prendre aucun engagement
sur ces articles , dont il a renvoyé la accision
au Duc de Montemar.
On a apris de Livourne , qu'il étoit entré dans
ce Poft Vaisseaux du Convoy qui avoit fait
voile de Palerme , il y a quelque temps , et dont
une partie avoit été obligée par les vents contraires
de relâcher à Baye. Ces avis ajoûtent qu'on
y attendoit incessamment les autres Bâtimens de
ce Convoy, aussi - bien que ceux d'un autre Convoy
parti depuis peu de Melazzo , sur lesquels
son huir Bataillons qui doivent aller joindre les
Troupes Espagnoles, commandées par le Duc de
Montemar.
Selon les Lettres du 20.de ce mois , le Maréchal
de Noailles qui a été joint par toutes lesTroupes
qu'il avoit laissées, à Villa- Franca , a fait remonfer
à Zevio la plus grande partie des bateaux pris
sur les Innemis , et il les a fait employer à l'établissement
de plusieurs Touts sur l'Adige. Le
premier a été fini le 14 ; on en a construit depuis
trois autres en differens endroits , et on en a établi
un cinquième à Albaro .
Le Corps d'Infanterie que les Imperiaux
avoient fait avancer la nuit du 9. au 1o . du côté
de la Ferrara , est resté quelques jours dans un
Village qui est au pied de la Montagne , pour
tenter une seconde fois d'attaquer le detachement
que le Marquis de Maillebois a envoyé dans
ce poste ; mais ce Corps s'est retiré , et les Ennemis
ont fait en même- temps remonter vis - à - vis
d'Avio
SEPTEMBRE. 1735. 2083
'Avio , le Pont qu'ils avoient à Borghetto , où
ils ont cependant envoyé , ainsi qu'à Alla , un
nouveau renfort de Troupes.
Les Impériaux font travailler dans les Endroits
par lesquels on pouroit penetrer dans le Trentin,
et ils y forment
des retranchemens
avec
de gros
arbres garnis de pieux.
Le Duc de Montemar , qui arriva le 16. au
Camp de Zevio pour conferer avec le Maréchal
de Noailles , et qui est reparti le 18. au matin , a
apris pendant son séjour à Zevio , que les Espagnols
s'étoient rendus maîtres sur le bord de l'Adige
, d'un grand nombre de Barques qui apartenoient
aux Impériaux , et qui étoient chargées
de farines et de grains .
Les dernieres Lettres de Parme portent que la
garnison Impériale qui a defendu la Mirandole,
sortit de la Place le 2. de ce mois à 9. heures du
matin , après avoir été désarmée, et que le 6. elle
arriva à Parme , d'où elle doit être conduite à
Livourne. Le Baron Stenz et deux des principaux
Officiers de la garnison ont obtenu la permission
de se retirer sur leur parole où ils juge
ront à propos.
La plus grande partie des Troupes Espagnoles
qu'on avoit employées au Siége de la Mirandole,
ont déja passé le Po pour se rendre dans les environs
de la Ville de Mantouë.
L'A
ARME'E D'ALLEMAGNE.
'Armée du Roy , commandée par le Maréchal
de Coigny, quitta le 29. du mois dernier
le Camp deWeinolsheim , et elle arriva à celui de
Bermesheim le même jour. La marche s'est faite
sur 7.colones avec beaucoup d'ordre , et le Duc de
I Grammont
2084 MERCURE DE FRANCE
Grammont , Lieutenant General , a commandé
l'arriere - garde.
Les troupes qui étoient campées à Stadeck
sous les ordres du Marquis de Dreux , Lieutenant
General , rejoignirent le même jour le Maréchal
de Coigny.
Le Corps de Troupes commandé par le Com
te de Belleisle , Lieutenant General , s'étant mis
en marche le 29.il campa le même jour à Floersheim
, et il arriva le 30. à Gundersheim .
Par ces mouvemens , notre Armée , qui depuis
quelque temps étoit separée en trois corps , s'est
rassemblée sur le ruisseau de Westoffen, la droite
de l'Armée s'étend jusques vis- à vis Ostoffen , er
la gauche vers Gundersheim .
Le Maréchal de Coigny fit faire le 30.un fourage
dans les Villages qui sont à la gauche et sur
les derrieres de l'Armée , laquelle n'a fait aucun
mouvement depuis que toutes les Troupes qui
étoient sous les ordres du Maréchal de Coigny ,
et qu'il avoit jugé à propos de s arer pendant
quelque temps , se sont rassemblées dans le Camp
de Bermesheim , d'où l'on fait tous les trois ,
des fourages dans les Villages des environs.
+
4440
Le Corps le plus considerable des Troupes de
l'Empereur , et qui est composé de 56. Escadrons
et de 81. Bataillons , est toujours campé des deux
côtez du Necker , et le Prince Eugene est à Heidelberg
, où il a établi son quartier general. Il a
fait avancer à Mayence , sous les ordres du General
Seckendorf , un Corps de 25000. hommes
qui sont campés sous cette Place . Le reste de
l'Armée du Prince Eugene est separé en plusieurs .
petits Corps , dont une partie occupe les retranchemens
qui ont eté faits depuis Ettlinguen jus
qu'à Neckeran , et l'autre partie est dans la Forêt
noire ,
SEPTEMBRE . 1735. 2085
On a apris depuis que notre Armée quitta le
Camp de Bermesheim le 13. de ce mois , et qu'elle
arriva le même jour à celui d'Eppenheim. Le
Maréchal de Coigny la fit marcher sur huit Colonnes
dont quatre étoient composées des Troupes
, et les quatre autres de l'Artillerie, des vivres,
et des équipages. Le Marquis de Guerchy , le
Marquis de Dreux , le Duc de Chaulnes , et le
Marquis de Nangis, Lieutenans Generaux , étoient
à la tête des quatre Colonnes de Troupes , et M.
de la Billarderie , Lieutenant General , commaņ¬
doit l'arriere- garde.
L'armée est campée derriere le ruisseau d'Eise ,
la droite est à la hauteur duVillage d'Horcheim ,
la gauche s'étend jusques vis à vis d'Ofstein , et
le quartier general est à Eppenheim.
>
Le Maréchal de Coigny afait avancer à Horcheim
trois Bataillons qui couvrent ce Village
et qui établissent la communication avecWorms,
où on a mis 3. Baillons , et un detachement de
valerie il a fait passer en même temps 20.
Escada de Dragons au- delà du ruisseau pour
couvrir le Quartie general , et il a envoyé laBri➡
gade de Bourbonn
Ofstein.
Le Corps de rescive commandé par le Marquis
de Belleisle , Lieutenant General , est campé
à la gauche de l'Armée ; il a sa droite apuyée
un petit bois qui n'est qu'à 200. pas d'Ofstein,
sa gauche s'étend vers la Montagne, et le Quartier
general est à Obersultzheim
Le Maréchal de Coigny fit faire le 14. un fourage
general dans les Villages qui sont sur la
gauche de l'armée.
Le Corps de Troupes commandé par le General
Seckendorf n'a fait aucun mouvement depuis
qu'il est allé camper sous Mayence . Le Prince
I ij Eugene
2086 MERCURE DE FRANCE
Eugene est toûjours sur le Necker avec la plus
grande partie de son armée , et il a quelques
Troupes à Bruchsal.
L'Armée n'a fait aucun mouvement depuis le
13. de ce mois qu'elle arriva dans le Camp d'Eppenheim.
Le Prince Eugene , qui a toujours son
Quartier general à Heydelberg , a fait marcher
les Troupes Danoises qui étoient sur le Necker ,
et on croit qu'il leur a donné ordre de se rendre
áu Camp formé sous Mayence mais comme
les Troupes Prussiennes doivent repasser le Rhin
pour aller rejoindre le Prince Eugene , le Corps
de Troupes commandé par le Comte de Seckendorf
ne sera pas beaucoup plus nombreux qu'il
Pa été depuis qu'il est campé sous Mayence.
Le Comte de Belleisle qui est campé à Obersultzheim
avec le Corps de reserve , ayant été informé
que les Ennemis faisoient fortifier Bingen ,
a envoyé M. Galhau , Capitaine d'une Compagnie
détachée , pour aller reconnoître les travaux
que les Ennemis y avoient commencé , et
les mouvemens qu'ils pouvoient faire du côté de
ce poste. M. Galhau s'étant avancé le 21. avec
son détachement à une demie - lieuë de Bingen ,
aprit que le Commandant des Troupes de Hesse
campées à Rudesheim , faisoit passer tous les
jours un detachement de 300. hommes pour couvrir
les travailleurs employés à fortifier du côté
du Honsruck la tête d'un Pont sur la Naw , qui
n'est qu'à 5oo . pas de Bingen ; il resolut d'attaquer
ce detachement ; et ayant laissé IIso . hommes
d'Infanterie à portée de faciliter sa retraite ,
il marcha avec 80. Dragons , et il attaqua le détachement
des Ennemis qui soutenoit les travail-
Jeurs ; il le renversa entierement ; et ayant passé
le Pont , il le poursuivit jusqu'à la porte de Biugen,
SEPTEMBRE . 1735 2087
gen , pendant que les Paysans qu'il avoit rassem
blés dans sa marche , détruisirent les Pallissades
qui avoient été élevées et les brulerent , ainsi que
le Corps de Garde qui étoit à la tête de ces Travaux.
Après cette Action M. Galhau se retira en
si bon ordre , que les Ennemis qui avoient fait
passer plusieurs détachemens pour le poursuivre,
n'oserent l'attaquer,
par
›
PLAN de la Loterie Royale de Turin ,
accordée
octroi du Roy , le 18. Avril
1735. publié par ordre de Mrs le Marquis
Fontana Ministre et Secretaire.
d'Etat , le Comte de S. Laurent , Contrôleur
General des Finances , le Comte
de Salmour , Président de la Chambre du
Commerce , et les deux Syndics de la
Ville de Turin , en exercice ; Commissaires
Inspecteurs et Sur- Intendans de
ladite Loterie , à ce spécialement délegués
par Lettres Patentes de Sa Majesté
Données à le du mois d 1735.
I. Ette Loterie sera tirée dans l'Hôtel de
Cville de Turin tous les Lundis , à l'exception
des Fêtes , auquel cas le Tirage sera remis
au lendemain , et le premier Tirage sera indiqué
au Public aussi - tôt que la Loterie sera remplie.
2. Elle durera deux années , à compter du premier
Tirage jusqu'au dernier ; et pendant le cours
de ces deux années , les Interessés à ladite Loterie
gagneront les dix mille Lots , et les cinq mille
Primes , dont il sera parlé cy - après .
I iij 3.
2088 MERCURE DE FRANCE
3. Tous les Tirages seront faits sous l'inspection
des sus - nommés Inspecteurs , qui présideront
auxdits Tirages , veilleront à la conservation
des Droits des Interessés à la Loterie , et
deux d'entr'eux au moins assisteront à chaque Tirage,
avec le Secretaire du Bureau de l'inspection.
4. Ladite Loterie est composée de 50. mille
Billets , de dix mille Lots , et de cinq mille Primes.
5. Les 50. mille Billets depuis Ѻ . 1. jusques
et compris N. so mille , sont tous associés de
cinq en cinq , en nombres suivis , ensorte qu'ils
composent dix mille Societés .
6. Ces Societés sont des Societés de Billets et
non de Personnes , ensorte que les Lots et Primes
qui échéront à la Societé , quel que soit le
Billet de ladite Societé qui les ait gagnés , seront
partagés par portions égales entre les cing Billets
associés , et que nul ne sera tenu que pour le Billet
dont il est porteur ou proprietaire , les fautes
que commettront les porteurs ou proprietaires
des autres Billets ne pouvant lui être imputées ,
sous quelque pretexte que ce soit .
7. Chacun verra sur son Billet les Numeros des
quatre Billets auxquels il est associé , et lorsque
Fun des Billets de la Societé gagnera une Prime
ou un Lot , chacun des Associés sera payé de sa
portion de ladite Prime ou Lot , aussi-tôt qu'il
presentera son Billet avec les Recepissés de Nourriture.
8. Ces payemens seront faits à la présentation
des Billets et des Recepissés de nourriture en Argent
comptant et sans aucune retenuë , monnoye
de Piémont ou valeur d'icelle , et les Billets qui
auront été achetés et nourris en monnoye et valeur
de France , sur le pied de la réduction de la
monnoye de Piémont , cy- après indiquée , seront
payés
SEPTEMBRE. 1735. 2089
payés des Lots et Primes qui leur écheront, en la
même valeur et mounoye de France , et par les
mêmes Receveurs qui leur auront délivré les Billets
et Recepissés .
9. Chaque Societé gagnera un Lot ; quant aux
Primes le sort en distribuera cinquante à chaque
Tirage ; une Societé en peut gagner plusieurs , il
est même possible qu'elle en gagne plus de cent.
10. Pour gagner un Lot , il faut que les cinq
Billets associés sortent de la Roue en un ou plusieurs
Tirages , parce que desdits cinq Billets associés
, les quatre premiers qui sortiront de la
Roiie , ne peuvent gagner que des Primes , et que
c'est celui desdits cinq Billets qui sortira le dernier
de la Roue qui gagnera le Lot ; il peut gagner
une Prime en même temps .
11. Les Numeros des 50. mille Billets seront
mis dans une Roue avec les formalités ordinaires
; et après les avoir bien mêlés , l'on en sortira
mille l'un après l'autre , lesquels seront annoncés
à haute et intelligible voix aux Interessés et autres
qui voudront être presens .
deux
Il sera tenu un Registre sur lequel seront inscrits
tous les Billets sortis , suivant l'ordre de leur
sortie , et ce Registre sera à la fin de chaque Tirage
arrêté par un Procès verbal signé par
des Inspecteurs qui auront été presens , et contre-
signé par le Secretaire de l'Inspection ; chaque
Interessé aura communication dudit Registre
toutes les fois qu'il la demandera , et la Liste des
Numeros sortis sera imprimée , rendue publique
et distribuée de Tirage en Tirage à chaque Eureau
de Recette immediatement après qu'ils auront
été faits.
12. Outre cette grande Roue contenant les so .
mille Numeros , il y aura une petite Roue dans
I iiij laquelle
2090 MERCURE DEFRANCE
laquelle l'on mettra à chacun des cent premiers
Tirages 950. Billets blancs , et so. Billets noirs ,
lesquels contiendront le prix des so. Primes que
l'on distribue aux Interressés à chaque Tirage;
l'on sortira un Billet de chaque Roue à la fois, et
le Billet qui sortira de la grande Roue en même
temps qu'un Billet noir de la petite , gagnera la
Prime marquée sur ledit Billet .
13. Comme l'on sortira mille Billets de la grande
Rouë à chaque Tirage , et que la Loterie n'est
composée que de so. mille Billets , elle seroit finie
en so. Tirages, si aucun des Billets sortis aux Tirages
precedens n'y rentroit ; mais l'arrangement
de cette Loterie est tel , que pour gagner un Lot
il faut que les cinq Billets associés sortent de la
grande Roue en un ou plusieurs Tirages , et que
jusques alors les Billets sortis aux Tirages precedens
rentrent dans ladite Roue , et par ces rentrées
ils font durer la Loterie , et la portent à
plus de cent Tirages .
14. Les Billets rentrent dans la Roue jusqu'à ce
que les Billets associés soient sortis en un ou
plusieurs Tirages , et lorsque 4. des Billets d'une
Societé sont sortis de la Roue en un ou plusieurs
Tirages , aussi- tôt que le cinquième sort , ils sont
tous cinq mis dehors au Tirage suivant et ne
rentrent plus dans la Roue , parce que celui desdits
cinq Billets qui sort le dernier de la Roue
gagne necessairement un Lot par sa sortie , et éteint
par consequent la Societé , jusqu'à ce moment
les Billets de la Societé déja sortis rentrent dans
la Roue , et par cette rentrée ils courent le hazard
de gagner des Primes.
EXEM
SEPTEMBRE . 1735. 2091
EXEMPLE pour servir d'Explication de la
maniere dont les Lots et les Primes se gagneront.
Les Billets numerotés 1. 2. 3. 4. 5. forment
une Societé ; au premier Tirage No. 5 sort de la
grande Roue en même temps qu'un Billet noir est
sorti de la petite Roue , No.s gagne la Prime
marquée sur ce Billet noir , elle est de dix mille
livres , c'est deux mille livres pour la portion de
chaque Billet de la Societé , et cette Prime est
payée comptant immediatement après le Tirage.
No. 5. est remis dans la Roue pour le Tirage
suivant ; il en sort encore et ne gagne point de
Prime , on le reinet de nouveau dans la Roue.
Au se Tirage N° . 4. sort de la grande Roüe
en même temps qu'un Billet blanc sort de la petite
, il ne gagne point de Prime , et on le remet
dans la Roue pour le Tirage suivant.
Au 10e. Tirage No. 4. sort encore , et en sortant
il gagne une Prime de dix mille livres , c'est
encore deux mille livres pour chacun des Billets
associés, et Nº . 4 est remis dans la Roue pour le
Tirage suivant.
Au 15e . Tirage N°. 1. sort de la grande Roüe
en même temps qu'un Billet blanc sort de la petite
, il ne gagne point de Prime , et il est remis
dans la Roue pour le Tirage suivant .
Au 20. Tirage N °. 2. sort de la grande Roue
et gagne une Prime de cinq mille livres ,cette Prime
est partagée entre les cinq Billets associés, et
N°. 2. est remis dans la Roue.
Au 25. Tirage N ° . 3. sort de la grande Roüë
en même temps qu'un Billet blanc sort de la petite
; il ne gagne point de Prime , mais il gagne
un Lot , parce que les autres quatre Billets de la
Societé étoient déja sortis aux Tirages precedens.
IV Cer
2092 MERCURE DE FRANCE
Ce Lot est de soo . livres , parce qu'aussi longtemps
qu'il y en a à distribuer de 500. liv. l'on
n'en peut pas gagner d'autres , et qu'il n'est pas
possible que tous les Lots de foo . liv. soient distribués
au 25e. Tirage .
Ce Lot est partagé entre les cinq Billets associés
et ils sont tous cinq mis hors de la Roue pour
n'y plus rentrer , parce qu'ils n'ont plus aucun
interêt à la Loterie .
Et s'il arrivoit qu'à ce même Tirage l'un des
autres Billets de la Societé éteinte par la sortie du
Nº. 3. sortît après lui et gagnât une Prime , elle
seroit bien gagnée , parce que cette Societé a droit
sur tous les hazards de ce Tirage pour le gain
des Primes.
15. Le prix de chaque Billet est de cinq livres ,
monnoye de Piémont , qui fout six livres argent
de France.
16. Tous les Billets qui seront dans la Roüe ,
seront assujettis à payer une nourriture de Tirage
en Tirage , aussi long- temps qu'ils y demeu-
Ieront , jusques et compris le centiéme Tirage
après lequel il n'y aura plus de nourriture à faire
, et les Tirages suivans n'étant que pour décider
le sort des Interessés , seront faits de deux
jours en deux jours , et par ce moyen la Loterie
sera entierement finie au bout de deux années ,
17. La premiere nourriture coutera deux sols
et demi de Piémont , qui font trois sols de France;
la seconde coutera cinq sols ; la troisiéme sept
sols et demi ; et ainsi en augmentant toujours de
deux sols et demi chaque nourriture suivante jusques
au centiéme Tirage inclus , dont la nourriture
montera , par le moyen de cette augmentation
à 12. liv . 10. sols de Piémont.
18.Le Billet qui aura payé toutes les nourritures
>
SEPTEMBRE. 1735. 2093
res aura couté dans le cours de deux années à son
proprietaire tant d'achat que par les lites nourritures
636. livres cinq sols de Piémont ; mais
comme tous les gros Lots se gagneront à la fin de
la Loterie , comme on verra par l'état de distribution
ci-après , ce Billet par sa portion de
Lot , non seulement remboursera les 636. livres
cinq sols, mais encore il fera un gain très considerable
à celui qui en est Proprietaire ; car à cette
Loterie , ce sont les plus heureux qui payeront
toutes les nourritures.
19. Les nourritures seront faites de sept en
sept jours , dans l'intervale d'un Tirage à l'autre
, et avant que le Tirage se fasse , celle du
premier Tirage se fera en achetant les Billets ;
celle du second Tirage sera faite après le premier
Tirage , pendant les sept jours qui s'écouleront
jusqu'au second Tirage , et ainsi pour les
Tirages suivans, à peine par ceux qui auroient negligé
de faire lesdites nourritures dans ledit tems
de perdre leur Billet , et d'être déchus de tous
droits , titres et pretentions en resultans ; c'est
pourquoi ceux qui sont éloignés de Turin sont
exhortés à faire toujours quelques nourritures à
l'avance , et les nourritares qu'ils auront faites de
trop , leur seront rendues en leur payant leur
portion de Lot.
20. Les Billets et Recepissés seront coupés
d'un Registre parafé par le Secretaire de l'Inspection
de la Loterie , et les Talons desdits Registres
lui seront ensuite renvoyés ; et s'il arrivoit
que quelqu'un eut negligé de nourrir son
Billet d'un Tirage à l'autre , dans les délais cidevant
prescrits , il sera déchu du droit de le
nourrir dans la suite , et ce Billet sera de droit
et de fait dévolu à la Loterie , qui en continuera
1 vj
les
2094 MERCURE DE FRANCE
les nourritures , comme subrogée au droit da
proprietaire qui aura cessé de nourrir ledit Billet
, et le Recepissé de nourriture dudit Billet demeurera
attaché au Registre pour constarer du
deffaut de nourriture , et de la dévolution dudit
Billet à la Loterie , à laquelle apartiendront les
portions de Lots et de Primes qui pouront échoir
audit Billet , et elles seront payées sur la simple
presentation des Recepissés des nourritures par
elle faites .
21. Celui qui fera plusieurs nourritures à la
fois et à l'avance , en recevra les Recepissés , et
en raportant lesdits Recepissés , les nourritures
qu'il auroit fait de trop lui seront renduës ,comme
il a été dit ci - devant.
22. Chacun fera les nourritures entre les mains
du Receveur dont il aura acheté son Billet , et
ledit Receveur lui délivrera des Recepissés desdites
nourritures ; et pour toucher les portions
des Primes et des Lots échus aux Billets , il faudra
lui representer les Billets et les Recepissés de .
nourriture.
23. Pour faciliter lesdites nourritures , la Loterie
fera un Credit de 100. liv . de Piémont à
chaque Billet qui sera encore dans la Roue d'abord
après le quarantiéme Tirage, ce Credit sera
inscrit sur les Recepissés dudit quarantiéme Tirage
, afin que les Proprietaires des Billets ayent
une Reconnoissance dudit Credit.
24. Comme il sera distribué cinq mille Primes
aux Interessés à la Loterie, à raison de cinquante
par Tirage pendant les cent premiers Tirages , et
comme les Billets sortis de la Roüe y rentreront ,>
jusqu'à ce que la Societé soit éteinte par la sortie
en un ou plusieurs Tirages des f. N°. qui la
composent , il est évident qu'une même Societé
peut
SEPTEMBRE . 1735. 2095
peut gagner plus de cent Primes , le gain de ces
Primes n'excluroit point du gain d'un Lot , chaque
Societé en doit necessairement gagner un
la Societé qui auroit gagné cent Primes , pouroit
donc gagner encore l'un des deux gros Lots de
cinq cent mille livres argent de Piémont , qui
font deux cent mille écus de France.
2000 ·
7000 Lotsde
. de• 1000
·
3500000 liv.
2000000
ETAT DES
Argent de Piémont.
soo liv.
LOTS.
Argentde France.
600 liv. 4200cooliv.
• · 1200 · · 2400000
400
300
•
de
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800000
· · •
2400 ·
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900000 • · 3600
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1080000
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400000
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300000
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24000
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375000 30000 450000
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·500000 •
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600000
•500000
•
600000
1200000
14466000.
ETAT
2096 MERCURE DE FRANCE
ETAT GENERAL DES PRIMES .
Argent dePiémont .
4000 Primes de
: 009
de
Argent deFrance .
roo .2000000 liv .•600 .2400000 .
• .1000
· •
de
2000
• • •
de
5000°•
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•
de10000 .
600000 ..
400000 ..
500000
1200 . 720000
•
200
100
100
foco .Primes qui courent
10000. Lots comme dessus
1⚫•000000
4500000. liv .
12055000
15000 Pr.et Lots qui coutent 16555000
2400 ·480000
6000
•
.12000
• 600000
1200000
$490000
14466000
19866000
cing cent Primes , qui coutent deux millions.
liv.Total par Tirage , ro. Primnes qui coutent 40,
mille livres et pour les so. Tirages deux mille
mille liv. Une de cinq mille liv . et une de dix mille
il y aura quarante - six Primes de soo. liv . deux de
Etat de Distribution des cinq mille Primes.
25. A chacun des cinquante premiers Tirages
A chacun des trente Tirages suivans il y aura
quarante
SEPTEMBRE. 1735. 2097
·
quarante Primes de son. liv . , six de 1000. liv.
deux de coo. liv. une de 5000. liv. et une de
10. mille liv. Toral par . Tirage so. Primes qui
coutent 45 mille liv. et pour les trente Tirages
1500 Primes,qui coutent un million 350.mille liv.
A chacun des vingt Tirages suivans il y aura
vingt -cinq Primes de roo. liv . seize de 1000 .
liv.
sept de 2000. livres , une de 1000. liv . et une de
10000. liv . Total par Tirage so Primes qui
coutent 57. mille sco liv. et pour les vingt Tirages
1000. Primes qui coutent un million 150.
mille livres .
RECAPITULATION.
so prem. Tir.2 500 Prim.qui coutent 2000000 1.
30 Tir. suiv . 1500. Prim. qui coutent 1350000.
20 Tir. suiv . 1000 Prim . qui coutent 1150000 .
100 Tirages 5000 Primes 4500000 1.
26. Les Lots seront gagnés par ordre de sortie
, en telle sorte que les sept mille premieres Societés
qui s'éteindront par la sortie des cinq Billets
qui les composent , gagneront les sept mille
Lots de soo. liv. et aussi long - temps qu'il restera
desdits Lots , les Societés qui s'éteindront ne
pouront en gagne aucun autre.
Les 2000 Societés qui s'éteindront ensuite
gagneront les 2000, Lots de 1000. livres .
400 d'ensuite ceux de
les
les d'ensuite ceux de
300
2000 livres.
3000
les 100 d'ensuite ceux de 4000
les 76 d'ensuite ceux de
tes 60 d'ensuite ceux de 10000
5000
.
les
30 d'ensuite ceux de 20000
Ics
2098 MERCURE DE FRANCE
les 15 d'ensuite ceux de 25000 livres,
les 10 d'ensuite ceux de 50000
les d'ensuite ceux de 100000
les
S
2 d'ensuite ceux de 250000
Et les 2 derniers ceux de soo000
27. Toute la Recette de la Loterie sera distri
buée aux Interessés , à l'exception de douze pour
cent , qui seront prélevés sur ladite Recette en
faveur de ladite Loterie. A cet effet immédiatement
après le centiéme Tirage , que toutes
les nourritures seront finies , il sera fait par
le Bureau d'Inspection un Etat general de toute
la Recette de la Loterie , tant par la vente des
So. mille Billets, que par les nourritures ; et après
avoir prélevé sur la totalité douze pour cent et
déduit 16. millions 555. mille livres , cy-devant
promis en Lots et Primes , le surplus de ladite
Recette sera ajouté en augmentation de prix aux
Lots , qui demeureront à tirer
ensorte que
lesdits Lots pouront se trouver par ce moyen
beaucoup plus forts qu'ils ne sont indiqués par
le Tableau.
;
28. Les Billets étant au Porteur , les portions
de Primes et de Lots seront payées à vûë , er
sans nul examen , à ceux qui presenteront lesdits
Billets , avec les Recepissés de nourritures.
29. Chacun qui voudra rendre son Billet personnel
, n'aura pour cela qu'à faire écrire son
nom sur le Billet et sur le Registre ; alors les
Portions de Primes et de Lots ne seront payées
que sur les Quittances du Proprietaire , lequel
ne sera point exposé par la perte accidentelle de
son Billet , pourvû qu'il fasse exactement les
nourritures et qu'il en produise les recepissés .
30. Les Portions de Primes et de Lots qui
8.1 n'auront
SEPTEMBRE. 1735. 2099
n'auront point été reclamées six mois aprés le
dernier Tirage de la Loterie seront réputées
abandonnées , et en cette qualité adjugées à l'Hôpital
de la Charité de la Ville de Turin .
›
31. Les Portions de Primes et de Lots des Billets
rendus personnels, ainsi que de tous les autres
de la presente Lotterie , seront exemts de tous
Droits quelconques , d'Aubaine , Confiscation ,
Diminution , et autres tels qu'ils puissent être ;
et il ne poura être fait aucune saisie ni arrêt sur
lesdites Portions de Primes et Lots ; et les contestations
qui pouront naître entre les Interressés
à la Loterie , seront décidées sommairement
par les Inspecteurs sus- nommés .
32. Tous les Billets de la Loterie seront sigués
par le sieur
ou par le sieur
à ce proposés ; de plus i's seront signés en chaque
lieu par le Receveur qui distribuera lesdits
Billets , et delivrera les Recepissés , qui seront
signés par
l'un des sieurs
à ce preposés pour une plus grande expedition .
Ceux qui voudront acquerir des Billets s'adresseront
,
A TURIN , à M.
A Milan , à M.
A Genes , à M.
A Chambery , à M.
A Geneve , à M.
A Lyon , à M. Pignata , Banquier.
A Paris , à M. Silvestre , Notaire , ruë et vis- à-vis
S. Paul.
A Amsterdam , à M.
Et par correspondance de toutes les autres Villes
de l'Europe en l'une de celles - ey.
MO2100
MERCURE DE FRANCE
MODELE DES BILLETS :
Talon du Re- ANN L'E N°. I.
gistre contenant
les Nu
1735.
meros , Noms,
ét Devises.
No. I.
POUR DEVISE
S.
JACQUES .
BILLET de la Loterie
Royale de Turin , du Prix
de cinq livres de Piémont
No.Un Associé des Nos 2.3.4.5 .
Nom ou Devise
Pour Loterie par ordre du Roy,
UN TEL.
La Nourriture du premier Tirage
qui est deux sols et de demi de
Piémont , devant être payée avec
le prix du present Billet, il servira
de Recepissé de lad.nourriture.
Quant aux Nourritures du second
Tirage et des suivans , le
Receveur soussigné en délivrera
des Recepissés , et l'on sera obligé
, à peine de perdre la proprieté
dudit Billet ,et tout ce qu'il
auroit precedemment couté , de
faire lesdites nourritures entre les
mains dudit Receveur de sept en
sept jours et d'avance , ainsi
qu'il est plus amplement expliqué
dans le Plan de la Loterie , dont
il sera delivré un imprimé à
chacun qui prendra un Bilet .
Pour Visa du Receveur ;
UN TEL.
,
MOSEPTEMBR
E. 1735. 2101
MODELE DE RECEPISSE'S
de Nourriture.
Talon du Re -☀AN NE'E N. I.
gistre conte-
1735.
nant les Nude
Nouret
Devises.
meros, Noms, RECEPISSE
N°. I.
riture du second Tirage
de la Loterie Royale de
Turin de Cinq Sols de
Piémont.
POUR DEVISE Pour le Numero UN.
S. JACQUES. Pour Loterie , UN TEL
On commencera à distribuer les Billets de
cette Loterie sur la fin du mois d'Octobre 1735.
et le Public sera averti du jour du premier Tirage
aussi -tôt qu'elle sera remplic.
************** :*
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
LE Lee.Août ,Diestercules
E 6. Août , D. Hercules-Michel d'Aragona ,
des Ducs d'Alessano , dans le Royaume de
´Naples , Evêque d'Aversa , dans le même Royau→
me , mourut à Naples dans la 53. année de son
age , étant né le 7. Decembre 1682. Ce Prelat
avoit été autrefois Referendaire de l'une et l'autre
signature , et Gouverneur de differentes
Villes dans l'Etat Ecclesiastique , et en dernier
lie
2102 MERCURE DE FRANCE
lieu de Civita-Vecchia. Il fut fait Evêque de
Mileto en Calabre le 12. May 1723. et sacré le
30. du même mois dans l'Eglise de Ste Marie
sur la Minerve à Rome. Il fut fait aussi Archevêque
de Pirgi dans la Pamphilie in partibus infidelium
, le 26. Septembre 1725. ayant été déclaré
Evêque Assistant au Trône Pontifical le 28. Mars
précédent. Il fut transferé du Siege de Mileto à
celui d'Aversa le 27. Septembre de l'année derniere
1734.
Le 2. Septembre Ferdinand Albert , Duc Regent
de Brunsvvic - Lunebourg , et VVolffenbuttel,
Prince de Blanckenburg , et de Bevern , General
Feidt Maréchal des Armées de l'Empereur et de
l'Empire , et Chevalier de l'Ordre Danois , de
l'Elephant , mourut à Wolffenbuttel , apres une
maladie de 5. ou 6. jours , âgé de 55. ans , trois
mois 14 jours , étant né le 19. May 1680. Sa
mort a causé une consternation generale dans ses
Etats , où il étoit universellement aimé , à cause
des belles qualités qu'il possedoit , et sur lesquelles
ses sujets avoient fondé l'esperance d'un
gouvernement heureux . La Regence de ce Prince
n'a pas été longue , n'ayant succedé aux Etats de
Brunswic , et de Voffenbuttel que le premier
Mars dernier par la mort du Duc Louis Rodolfe ,
son cousin germain , qui avoit succedé au Duc
Auguste Guillaume son frere aîné , le 23. Mars
1731. Ainsi en moins de 5 ans voila 3. Ducs Regens
de cet Etat qui meurent. Le Duc Ferdinand
Albert , connu ci- devant sous le nom de Prince
de Bevern , avoit servi toute sa vie , et avoit encore
fait la Campagne en Allemagne l'année derniere
1734 en qualité d'un des premiers Generaux
de l'Armée Imperiale. Il avoit reçut un coup
de mousquet à la tête au Siege de la Citadelle de
Lille
SEPTEMBRE. 1735. 2103
Lille le 10. Novembre 1708. Ce Prince qui étoit
devenu l'aîné de la Maison de Brunswic , étoit
second fils de Ferdinand Albert , Duc de Brunswic-
Bevern, mort le 23. Avril 1687. et de Christine
de Hesse-Eschwegen , morte le 17. Mars
1702. et il avoit épousé le 15. Octobre 1712.
Antoinette Amélie de Brunswic- Volffenbuttel ,
née le 14. Avril 1696. troisiéme fille du Duc
son predecesseur , et soeur de l'Impératrice regnante
, comme on l'a marqué dans le Mercure
de Mars dernier , p . 585. Il a eu d'elle les Enfans
qui suivent.
i . Charles , Prince hereditaire , né le premier
Août 1713. à present Duc de Brunswic , et de
Wolffenbuttel par la mort de son Pere. I fut fait
Colonel actuel au service de l'Empereur au mois
de Novembre 1730. Il a été marié à Berlin le 2 .
Juillet 1733. avec Philippine Charlotte , née le
3. Mars 1716. troisiéme fille de Frederic Guillaume
, Roy de Prusse , actuellement regnant ,
Margrave de Brandebourg , et Electeur de l'Empire
, et de Sophie Dorothée , née Duchesse de
Brunswic- Lunebourg- Hanover. Ils avoient été
fiancé dés le 19. May 1730 .
2. Antoine- Ulric de Brunswic , né le 28. Août
1714. qui est à la Cour de la Czarine.
3. Elisabeth- Christine de Brunswic , née le 8.
Novembre 1715. fiancée le 10. Mars 1732. et
ensuite mariée le 2. Juin 1733. avec Charles
Frederic , Prince Royal de Prusse , et Electoral
de Brandebourg , né le 24. Janvier 1712 .
4. Louis - Ernest de Brunswic , né le 15. Septembre
1718.
5. Auguste de Brunswic , né le 23. Novembre
1719. mort le 26. Mars 1720 .
2
6. Ferdinand de Brunswic , né le 12 , Janvier
1721.
2104 MERCURE DE FRANCE
1
Louise- Amelie de Brunswic , née le 29.Jan. 7.
vier 1722 .
8. Sophie Antoinette de Brunswic , née le 23 .
Janvier 1724 .
9. Albert de Brunswic , né le 4. May 1725.
10. Chretienne- Charlotte Louise de Brunswic
, née le 3o . Novembre 1726.-
11. Térese- Natalie de Brunswic , née le 4.
Juin 1728.
12 Un Fils , né le 4. Septembre 1729 .
13. Frederic- Guillaume de Brunswic , né le
17. Janvier 1731 .
14. Frederic - François , né le 8. Juin 1732 .
の
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
LE
E Roy a accordé au Comte de Tessé , Premier
Ecuyer de la Reine , la permission de
se demettre de cette Charge en faveur duMarquis
de Tessé son fils aîné , Colonel du Regiment
d'Infanterie de la Reine.
Le 16. du mois dernier , Fête de S. Roch ,
le Corps de Musique de l'Eglise Metropolitaine ,
auquel se joignirent plusieurs autres Musiciens et
Simphonistes de la Ville, se rendit dans le Choeur
de la Chartreuse de Paris , et à la fin de Vêpres
des Religieux , chanta , en leur presence , un excellent
Motet en l'honneur du Saint , de la composition
de M. Homet , Maître de Musique de
Notre- Dame. Il y avoit une grande affluence de
monde qui remplissoit toute l'Eglise, et une partie
dụ
JEPIC MDNE. 1735. 2105
du Monastere. Les curieux et les connoisseurs en
parurent très satisfaits , et aplaudirent sur tout
au chant du Pseaume CXI . Beatus vir qui timet
Dominum , & c. On n'a , en effet , jamais rien entendu
de plus touchant , de plus heureusement
composé , et de mieux exécuté.
C'est un usage établi depuis plusieurs années ,
que ce Corps de Musique va quatre fois l'année,
dans la belle saison , en differentes Eglises par
maniere d'exercice pour les Enfans de Choeur
chanter de pareils Motets, se on les jours qui sonr
choisis pour cet exercice . Les Eglises où l'on
va ordinairement , sont celle de S. Denis , des
Chartreux, de S. Victor, et de Saint Martin des
Champs.
FESTE donnée à Meudon le Samedy trois
Septembre 1735. pour le Divertissement
de Monseigneur le Dauphin.
C
'Est sur le gazon circulaire de la hauteur en
face du Château neuf , que cette Fête a
été donnée . Elle avoit pour sujet le Jardin des
Hesperides, La decoration ceintrée comme le gazon
, occupoit de chaque côté onze toises ; et
rentrant dans l'allée en face , elle formoit un demi-
cercle de dix toises de diametre, tout le pour
tour étoit fermé par un apui de 43. toises de
circonference , sur quatre pieds et demi de haur,
en marbre blanc , on voyoir au dessus des compartimens
de Lampions , formant socle par bas,
Piedestaux , Panneaux et Cymaises . Dans le ceintre
rentrant de l'allée s'élevoient cinq arcades ;
celle du milieu plus haute et plus ouverte que les
autres , formée par quatre Piramides , aussi en
Marbre blanc , deux sur le devant et deux à celle
du
2166 MERCURE DE FRANCE
du fond , et entre ces Piramides un montant de
Charmille, formant les ceintres des cinq arcades.
On avoit placé sur l'extremité de chaque ceintre
une corbeille de fleurs , d'où tomboient des Festons.
qui se retroussoient à l'extremité des Piramides,
et au commencement du ceintre des Charmilles.
Sur le milieu de ces deux montans étoit posé
de chaque côté un morceau de Sculpture doré ,
composé d'un Soleil , et d'une Lyre , et au - dessus
un Globe entouré de Palmes , avec un Dauphin
au milieu ; chaque morceau formoit une Girandole
de 35. lumieres ; les quatre Piramides étoient
ornées de compartimens de Lampions, ayant sur
le milieu un ovale , dont la bordure de lumiere ,
enfermoit sur les deux du devant , les Armes de
Monseigneur le Dauphin , et ceux du fond , în
Dauphin sur un fond d'or ; les deux Piramides sur
le devant étoient bordées chacune de douze.Aleurs
artificielles transparantes , ainsi que leurs feuilles ;
sur l'apuy de l'arcade du milieu on voyoit
deux grands Vases en or terminés par une
Couronne , le tout garni de plusieurs lumieres ,
et dans les quatre arcades de côté , des Piramides
rondes à plans circulaires dans leurs élevations ,
diminuant jusqu'à la pointe et garnies de
quantité de lumieres.
>
Dans les deux parties, en retour du gazon , où
regnoit le même apuy,éclairé et orné de même,
s'élevoient à droite et à gauche quatre arcades
qui presentoient trois Piramides de chaque côté,
ornées de même que celles dont on vient de
parler , et deux manieres d'Ifs artificiels , transparents
de lumieres , de differentes couleurs ,
qui descendoient jusqu'au gazon , sur un Socle
de Marbre blanc , d'un pied de haut , ce qui faisoit
la distribution des arcades ; les huit ceintres
étoient
SEPTEMBRE. 1735. 2107
1
étoient uniformes,avec des Charmilles ,qui tombant
jusques sur l'apuy , faisoient des arrierecorps
, et la même Charmille servoit de fond aux
Piramides et aux Ifs artificiels , sur le milku
des ceintres il y avoit aussi des Corbeilles de
Fleurs avec des Festons , retroussés à l'extremité
des,Piramides et des Ifs. Au haut de chaque Piramide,
Ifs ou montans de Charmilles, on avoit
placé une grosse Fleur artificielle , transparente ,
de diverses couleurs ; et le milieu de chaque arcade
étoit occupé par une pareille Piramide
ronde comme les autres sur cinq plans circulaires
, diminuant jusqu'à la pointe , et garnis de
plusieurs lumieres.
Au milieu de toute la Decoration , à une toise
en déçà du ceintre du fond , sur un grand Socle
triangulaire , orné de differens Membres
d'Architecture , s'élevoient trois grandes consoles
qui se groupoient par le haut , ayant sept à huit
pieds de haut sur un plan de 12. à 13. pieds , le
tout peint en Marbre blanc.
Sur le Panneau en face , étoit peint en or une
Mer,d'où s'élevoit à l'horison un premier Rayon
du Soleil , faisant allusion au Fils du Roy , avec
ces mots ; UN SEUL DE MES RAYONS ECLIPSE
TOUS LES ASTRES . LesConsoles étoient enrichies
de differens ornemens en or ; tout ce morceau
étoit éclairé de Lampions placés avec art , suivant
les differens profils d'Architecture, et à l'extrémi➡
té du dernier morceau,qui servoit comme de caisse
, sortoit un arbre artificiel de vingt pieds de
haut , chargé de Pommes d'or , et dont les
feurs et les feuilles transparentes , étoient variées
d'une infinité de couleurs , aux côtés de cet arbre
paroissoient des Dragons qui en defendoient
l'aproche. Quand on cut joui quelque temps de
K
2108 MERCURE DE FRANCE
la vue de ce brillant et ingenieux Spectacle , on
vit paroître Hercule avec sa massue , attaquant
les deux monstres à la fois , lesquels lui resisterent
fierement, jettant feux et flammes par la gueulle
; l'action dura plus d'un quart d'heure , et fut
exécutée d'une maniere aussi vive que précise ,
après quoi les Dragons tomberent vaincus au
pied de l'arbre chargé des fruits précieux qu'ils
gardoient , les Hesperides mirent ensuite le feu
douze Gerbes en brillans , placées au pourtour
de la circonference , au bas du milieu de chaque
arcade , dont les bouts étoient terininés par une
nape de feu brillant à trois chutes , surmontées
d'un grand jet. En même- temps parut du derriere
de la Decoration , un Bouquet de fusées volantes
et de serpenteaux , formant une éventail , ce qui
termina tout l'artifice , aussi heureusement inventé
que parfaitement executé .
Hercule entra aussitôt dans le jardin des Hesperides
, et en cueillit les fruits pour les presenter
Monseigneur le Dauphin . Dans le même instant
le socle de l'arbre du milieu devint transparent
, et laissa voir ces quatre Vers.
Vos Dragons sont vaincus , aimables Hesperides ,
Un mortel peut s'offrir à vos regards timides .
Si notre demi Dieu veut vaincre vos rigueurs >
Vous gardez mal vos fruits , je crains bien pour vos
coeurs.
De jeunes Faunes sortirent en même- temps des
deux côtés du bois , qui inviterent à danser sur
le gazon , les Bergers et Bergeres qui étoient
venus rendre hommage à Monseigneur le Dauphin.
Cette Danse termina le Spectacle , lequel
fut honoré de la presence de la Reine, et de toute
Sa
SEPTEMBRE. 1735. 2109
sa Cour , qui a paru fort satisfaite d'une Fête si
bien ordonnée .
Tout le pourtour du gazon étoit éclairé d'un
filet de terrines de feu qui faisoit un effet admirable.
C'est sous les ordres de M.le Duc de Gesvres
, Pair de France , premier Gentilhomme de la
Chambre du Roy , que cette Fête a été inventée
et conduite par M. de Bonneval , Intendant et
Contrôleur general de l'argenterie , menus plaisirs
, et affaires de la Chambre du Roy.
PORTRAIT de S. A. S. M. le Duc
d'Orleans , Sujet d'une Fête donnée à
Montargis. Lettre écrite de cette Ville le
17. Aoust 1735.
Lion College de cette ville ,donnerent
Es RR. Peres Barnabites , qui ont la direchier
au Public un Fête magnifique. Honorés depuis
long- temps de l'auguste protection de la
Maison d'Orleans , ils viennent d'en recevoir une
nouvelle assurance , S. A. S. ayant bien voulu
leur envoyer son Portrait pour être placé dans
leur grande Sale d'Exercice . Ces Peres sensibles
à cette marque singuliere de sa protection et de
sa bienveillance , ont voulu placer leur illustre
Protecteur d'une maniere qui marquât également
et leur joye et leur reconnoissance.
C'est le sujet de la Ceremonie qui se fit hier, à
Jaquelle tous les Corps de la Ville s'empresserent
de se rendre . A peine le Portrait du Prince
placé sous un Dais magnifique , fut il exposé à
la vûë des Assistans , que le Professseur de Rhetorique
prononça un Discours Latin , dans lequel
il fit un fidele détail des graces que le College a
reçûës de S. A. S. dont ce Portrait est comme le
Kij sceau.
2110 MERCURE DE FRANCE
sceau . De ce que ce grand Prince a fait pour le
College , l'Orateur descendit à ce qu'il fait tous
les jours pour les peuples , et particulierement
pour ceux de son apanage : les vertus dont il
donne tant de beaux exemples ; cette charité sans
bornes , qu'il fait briller en tant d'occasions , lui
fournirent une vaste carriere. Son Discours qui
fut generalement aplaudi , fut suivi de differentes
Pieces de Poësie , et en dernier lieu d'une Pastorale
: tous ces Ouvrages furent très goûtés.
Les Peres n'en demeurerent pas là : les marques
de leur reconnoissance recommencerent à huit
heures du soir,on avoit preparé un grand bucher
dans la Cour du College. M.le Maire , à la tête des
Echevins et de tous les Pensionnaires du College
, y mit le feu au son des Violons , Tambours
et Trompettes ; cela fut suivi d'un feu d'artifice ,
accompagné de fusées volantes , & c. qui eut
beaucoup de succès. Pendant ce temps - là toute la
Maison étoit illuminée , et les acclamations reiterées
qui se faisoient entendre de moment à autre
, rapelloient encore mieux que les Armoiries
repandues en differens Endroits , quel étoit le
Prince Auguste , qui étoit l'objet d'une joye si
universelle. La Fête finit par un repas magnifiles
Barnabites donnerent à tout le Corps
que que
de Ville , pendant lequel le nom du Prince fut
souvent repeté avec de nouvelles demonstrations
de veneration et de reconnoissance .
Le 8.Sep.Fête de la Nativité de laVierge, on chan
ta au Concert Spirituel du Château des Tuilleries
, un Motet à grand Choeur du sieur Morel,
qui fut suivi d'un petit Motet du sieur du Bousset
très -bien chanté par la Dlle Erremens , les
sieurs Blavet et Guignon executerent deux Conserte
SEPTEMBRE. 1735 2111
certo avec autant de vivacité que de precision , le
Concert fut terminé par un excellent Motet à
grand Choeur du sieur Cheron , dont la composition
et l'execution furent generalement
aplaudies.
Le Dimanche II. de ce mois , M. l'abbé de
Grammoni, de Franche- Comté , nommé à l'Archevêché
de Besançon , fut sacré dans la Chapelle
du Seminaire de S. Sulpice. Le Cardinal de
Polignac en fit la ceremonie , assisté de l'Evêque
de Dijon et de l'Evêque de Mâcon , en presence
d'un grand nombre d'autres Evêques. Après la
ceremonie, son Eminence donna dans l'Hôtel de
Mezieres un repas splendide de so. couverts. La
compagnie étoit composée de 30. Prelats , parmi
lesquels étoient M. le Nonce,M. l'Archevêque de
Vienne et M. l'Archevêque de Sens. Et entre les
seculiers étoient le Duc de Tallard , le Marquis
d'Arpajon , le Marquis du Roure , le Vicomte
de Polignac , &c.Le 18.le nouvel Archevêque de
Besançon prêta serment de fidelité entre les mains
du Roy,
Le 15. de ce mois , la Reine vint entendre la
Messedans l'Eglise Metropolitaine de cetteVille.
S. M. accompagnée de Mile de Clermont , Surintendante
de sa Maison , des Dames de sa Cour,
et de ses principaux Officiers , arriva à midy à
la porte de l'Eglise Metropolitaine . où les Gardes
Françoises et Suisses étoient en hayé et sous
les armes , les Officiers à leur tête. L'Archevêque
de Paris , revêtu de ses habits Pontificaux , er
à la tête des Chanoines, reçût la Reine à la Porte
de l'Eglise avec les ceremonies accoutumées , et
après l'avoir complimentée , il la conduisit dans
Kij le
2112 MERCURE DE FRANCE
le Choeur. Après que la Reine y eut fait sa
priere , S. M. alla a l'Autel de la Vierge , et elle
y entendit la Messe qui fut dite par un de ses
Chapelains. Le Cardinal de Fleury , Grand Aumônier
de la Reine , et l'Archevêque de Rouen
son premier Aumônier , étoient à la droite du
Prie -Dieu de S M. La Reine en sortant de l'Eglise
fut reconduite avec les mêmes cérémonies
qui avoient été observées à son arrivée , et S. M.
étant remontée en carosse , elle se rendit au Palais
des Tuilleries , où elle dîna. L'après-midy
la Reine se promena dans le Jardin de ce Palais
et S. M. en retournant à Versailles , alla entendre
le Salut dans l'Eglise de la Communauté des
Filles du Bon Pasteur , où le Curé de S. Sulpice
officia. La Reine a été très touchée de l'empressement
avec lequel le Peuple a cherché à donner
des marques de son respect et de son amour
pour Sa Majesté.
>
LES COM PLI MEN S et les acelamations
du peuple de Paris , à l'arrivée
de la Reine dans cette Ville.
U afin de ranimer la Nature , ne causa jamais
N beau Soleil qui s'éleve du sein de l'Onde ,
tant de plaisir , Madame , que votre arrivée dans
cette Ville en cause à tous ses Citoyens vos fideles
sujets. Le bruit du Canon le son des Cloches,
le bel ordre de la Police , l'harmonie des Instrumens
, et le concours empressé d'une multitude
innombrable , ne sont que de foibles marques
de leur amour et de leur respect. La Majesté
qui emprunte de vos augustes qualités tout
l'éclat qu'elle donne à votre Personne Royale ,
les saisit de crainte et de respect ; votre pieté les
édifie >
SEPTEMBRE. 1735. 2113
difie , et la bonté que vous leur temoignez les
remplit de confiance et de satisfaction. Les Peuples
voyent enfin leurReine, les Pauvres leur Mere,
et lesCaptifs leur Liberatrice. Ils admirent toutes
les Vertus se disputer à l'envi l'empire de
votre coeur , sans qu'aucune puisse y regner seule
, parce qu'elles y ont toutes le même droit , et
que nulle ne s'en est emparée la premiere . Ce
sont ces hautes Vertus qui vous destinoient , depuis
long- temps au plus grand Monarque du
Monde , afin de partager avec lui son Coeur et
son Empire ; elles ont sçû fixer pour vous sa
Tendresse et ses Amours ; elles ont attiré des
marques de la protection de Dieu qui veille à la
conservation des Empires , et donné à vos Peuples
des Gages précieux de leur bonheur present
et futur.Que ne sommes-nous assés éloquens pour
relever dignement les trésors de grace et de benediction
que le Ciel répand sur Votre Majesté ! ou
plutôt que n'êtes- vous moins grande ou moins
modeste , et peut être serions-nous plus diserts !
Vivez donc , ô Grande Reine , et vivez heu--
reuse. Soyez les plus tendres delices de notre bon
Roy Louis , soyez celles de vos Peuples . Aimez
vos François , et sur tout les Parisiens ; protegez
les , et soyez assurée que s'ils n'eurent jamais
de meilleure Reine , vous n'aurez jamais de
plus fideles Sujets.
Le 17. Septembre , la Reine accompagnée des
Officiers et des Dames de sa Cour , alla avec sa
pompe ordinaire au Château de S. Cloud , et entra
par la grille qui donne sur le chemin de Seve. ,
S. M. s'arrêta au grand jet d'eau et aux casca- >
des. La Reine vint ensuite dans la Cour du Châpour
aller à l'apartement de S. A. R. Mada- tcau
me
2114 MERCURE DE FRANCE
me la Duchesse d'Orleans , qui alla recevoir la
Reine à son carosse , étant accompagnée du Duc
de Chartres son petit Fils , de la Princesse de
Conty sa Fille , et de ses Dames. M. le Duc
d'Orleans n'étoit pas à S. Cloud , la Reine lui
ayant expressement defendu de s'y trouver, pour
ne le
pas detourner de ses occupations ordinaires.
S. M. fut environ une heure en particulier avec
S.A.R. et trouva sur les Tables de Marbre de son
apartement , quantité de toutes sortes des plus
beaux fruits, de patisserie, de glaces , et autres rafraichissemens.
Ily eut le même jour à S Cloud
un concours de monde extraordinaire que l'arrivée
de la Reine y avoit attiré de Paris et des,
environs.
Le vingt- cinq, les Deputés des Etats d'Artois
eurent audience du Roy , étant presentés par
le Prince Charles de Lorraine , Gouverneur de la
Province en survivance du Duc d'Elboeuf, et par
M. d'Angervilliers , Ministre et Secretaire d'Etat.
Ils y furent conduits en la maniere accoutumée
par M. de Bourlamaque , Ayde des Cérémonies.
La deputation étoit composée de l'Abbé Boisor ,
Grand- Vicaire du Diocèse d'Arras , pour le Clergé
, qui porta la parole ; du Baron de Vaulx
pour la Noblesse ; et de M. Lagneau , Avocat
Deputé du Tiers- Etat.
SEPTEMBRE : 1735. 2115
A SON ALTESSE SERENISSIME
M. LE DUC DU MAINE ,
En lui demandant un petit Office de Substitut
des Gens du Roy , que le Pere du supliant
possedoit , et qu'en mourant il laissa
tomber à ses parties casuelles .
PLACET.
ON implore les Grands , chacun va les prier
De lui rendre quelque service.
Moi j'ose seulement , Prince , vous suplier
De me rendre un mauvais Office.
MORT'S
>
Signé , Du Châtel.
吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊
NAISSANCES
et Mariages.
Linose, Pridend & Corortier du Parlement
E 17. Août, Pierre de Coriolis , Marquis d'Es
de Provence , reçû en cette Charge le 12. Avril
1712. mourut à Aix d'une attaque d'Apoplexie ,
âgé de 60 ans. Il avoit épousé Renée - Charlotte-
Félicité de Vintimille du Luc, fille de Charles François
de Vintimille des Comtes de Marseille ,
Comte du Luc , Marquis des Arcs , & c , Chevalier
des Ordres du Roy , Conseiller d'Etat ordinaire
d'Epée , Lieutenant de Roy en Provence,
Gouverneur des Isles de Porqueirolles , et Lingoustier
, et de feue Marie-Louise - Charlotte de
Forbin
2116 MERCURE DE FRANCE
"
Forbin de la Marthe. Il en laisse entr'autres enfans
un fils , Conseiller au Parlement de Provence
, qui doit lui succeder dans sa Charge de
President , et qui a épousé en 1732. la Dile le
Bret , fille aînée de feu Cardin le Bret , Premier
President du Parlement d'Aix . Intendant de Provence,
mort le 14.Octobre 1734. et un autre fils
nommé Joseph- Jean Baptiste Gaspard-Hubert
de Coriolis d'Espinouse , reçû Chanoine de l'Eglise
Metropolitaine de Paris , le 15. Fevrier
1734. &c.
>
Le dix- neuf, Dlle Marie- Louise- Françoise de
la Cropte de S. Abre,fille de deffunts Jean- Isaac-
François de la Cropte , Marquis de S. Abre
ci - devant Gouverneur de Salces en Roussillon
, mort en 1727. et de Dame Marie- Anne
de la Rochefoucaud - Bayers , mourut à Paris
, âgée de s . ans , sans avoir été mariée.
Elle étoit soeur de D. Louise- Marie de la Cropte
de S. Abre , veuve depuis le 14. Août 1730. de
Charles Boucher , Seigneur d'Orçay ; Maître des
Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy , et Intendant
à Limoges
Le 27.mourut Magdeleine - Henriette de Bresseau,
Dame de Montfort près de la Ville du Mans ,
femme de Michel Procope Couteaux , Docteur
Regent de la Faculté de Medecine de Paris. Elle
étoit niece par sa Mere de feu Hubert de Courtarvel
, Marquis de Pezé , Lieutenant General des
Armées du Roy , et Colonel Lieutenant de son
Régiment , qui mourut le 23.
Novembre de l'année
derniere des blessures qu'il avoit reçûës à la
Bataille de Guastalla.
Le 29. Guillaume Julien le Doubre , Conseiller
du Roy en ses Conseils , Maître ordinaire en sa
Chambre des Comptes de Paris , ( reçû le 31 .
Mars
SEPTEMBRE. 1735. 2117
Mars 1685. ) et Doyen depuis le 8. Fevrier
dernier , mourut à Paris , âgé de 80. ans . Il
étoit veufdepuis le 5. Septembre 1708. de Marie
- Genevieve Langlois , qu'il avoit épousée au
mois de Septembre 1691. laquelle étoit veuve de
Leonard Renard , Seigneur de Clerbourg , Contrôleur
general du Marc d'or des Ordres du Roy,
mort le 10. Octobre 1686. Il en laisse un fils
unique nommé Julien- Gabriel le Doubre , Maître
ordinaire en la Chambre des Compres , ayant
été reçû çn survivance de son Pere le 7. Fevrier
1725. Il est an des Directeurs de l'Hôpital General
depuis 1733. et n'est point marié. Par cette
mort M. Pierre-Philippe Levesque , Seigneur de
Gravelle , devient Doyen de la Chambre des
Comptes , où il a été reçû Maître le 30. May
1686.
1. Le 12. Septembre, D. Marie- Rosalie de Broüilly
de Fiennes , ci- devant Dame d'Atours de la
Duchesse d'Orleans , et épouse d'Alexis- Henri , Marquis de Chastillon , Chevalier des Ordres
du Roi , et Brigadier de ses Armées , Premier ) Gentilhomme
de la Chambre du feu Duc d'Orleans
, frere du Roi Louis XIV . et auparavant
Capitaine de ses Gardes du Corps , mourut en
sa maison à Berci , près de Paris , âgée d'environ
70. ans. Elle avoit été mariée le 28. Mars
1685. Elle laisse seulement deux filles , qui sont Pulcherie de Chastillon , mariée au mois de
Juillet 1714. avec Jean- François Boyvin , Marquis
de Bacqueville et de Bonnetot , ci-devant
Colonel d'un Régiment d'Infanterie
de son nom , et Marie -Rosalie de Chastillon , mariée
le 27. Décembre 1714. avec Louis- Vuincent , Marquis de Goesbriant , Mestre de Camp , Lieutenant
du Régiment de Dragons de Condé , et
Brigadier
2118 MERCURE DE FRANCE
Brigadier des Armées du Roi. La Marquise de
Chastion étoit soeur puînée de feue Olimpe
de Brouilly , Marquise de Piennes , Duchesse
d'Aumontmorte le 23. Octobre 1723. en sa
62 année. Elles étoient toutes deux filles et seules
héritierès d'Antoine de Brouilly , Marquis
de Piennes et de Mesvilliers , Comte de Mondidier
et de Lannoy , &c. Chevalier des Ordres du
Roi , Lieutenant Géneral de ses Armées , Gouverneur
de la Ville et Citadelle de Pignerol ,
mort le premier Novembre 1676. et de Françoise
Godet des Marais , morte le 17. Avril
1678
Le 24. D. Marie - Jeanne - Nicole Belhomme ,
veuve de François Leber , Ecuyer , Seigneur des
Fossez , Conseiller Secretaire du Roi , Maison ,
Couronne de France et de ses Finances , mourut
à Sens , âgée de 64. ans. Elle ne laisse qu'un
fils, Chanoine de la Metropole de Sens.
Le 9. Juillet dernier , D. Anne- Catherine du
Canet , Epouse de Pierre de Salignac, Chevalier,
Seigneur des Brosses- le-Vignaud , de Bourdieu ,
de Varennes & c . accoucha au Château des Brosses
en Limousin , d'un fils qui fut tenu sur les
Fonts par Jean- Baptiste du Canet , grand - pere
maternel , et par D. Anne Dreux , Dame de
Lozille en Poitou , grand- Mere paternelle , qui
le nommerent Jean- Baptiste Marius.
La Maison de Salignac , ou de Salagnac , et
'dans les Chartes de Saleniaca , est si ancienne
qu'il n'est pas aisé d'en découvrir l'origine. Ceux
qui la mettent dans le Berry paroissent moins
fondés que ceux qui fixent cette origine dans le
Perigord , Province , ou dans l'Election de Sarlat
; on trouve les Paroisses de Salignac et de
Fenelon
SEPTEMBRE. 1735 2119
Fenelon , l'une et l'autre situées sur les confins
du Diocèse de Cahors.
Cette Maison est aujourd'hui divisée en plusieurs
branches , qui reconnoissent toutes pour
l'aînée celle du Marquis de Salignac , la Motte-
Fenelon , neveu du feu Archevêque Duc de Cambray
, dont le nom seul fait l'éloge , et Pere du
Marquis de Fenelon , Maréchal de Camp , Ambassadeur
en Hollande , à qui le Roi vient de
donner le Gouvernement du Quesnoy.
On feroit un juste volume , si on entreprenoit
d'entrer dans quelque détail historique sur la
Maison de Salignac , alliée avec les plus considerables
du Royaume , comme de la Tremoille,
de Laval , de Themines , de Sainte Maure , de
Gontault , de Maillé , de Crevant , d'Aubusson,
&c. à cause des grands hommes qui en sout sortis
, et de ses illustrations par les Charges et les
Dignités les plus considérables.
On se contentera de remarquer qu'elle a donné
de grands Sujets à l'Eglise , à la Religion et à
l'Etat , on doit mettre dans le premier rang
deux Archevêques de Bourdeaux , deux Evêques
de Sarlat , un Evêque de Comminges , et plusieurs
Abbesses d'un mérite distingué ; on omet
les Grands Sénechaux de Perigord et de Quercy,
les Chevaliers de l'Ordre du S. Esprit &c . de la
même Maison.
Mais on ne sçauroit passer sous silence le Baron
de Salignac , célebre par son Ambassade de
Constantinople sous le regne de Henri le Grand,
dont il reste un monument précieux dans un
Livre manuscrit de la Bibliotheque du Chancelier
Seguier , lequel est aujourd'hui avec tous les
autres Manuscrits de cette Bibliotheque , dans
selle de l'Abbaye de S. Germain des Prez.
Од
2120 MERCURE DE FRANCE
"
On peut joindre à l'Ambassade du Baron de
Salignac le Voyage de la Terre Sainte de Barthelemi
de Salignac , écrit par lui en Latin , et
imprimé à Lyon en l'année 1525. Il y a aparence
que c'est après sa mort ; car l'Editeur le
traite d'excellent génie , et lui donne d'autres
éloges. Le Livre contient plusieurs choses curieuses
, et sent fört la pieté du Voyageur : on y
voit que quand il passa par Rhodes en 1522. il
fut reçû et traité avec distinction par le Grand-
Maître Philippe de Villiers de l'Isle - Adam , qui
connoissoit , sans doute , son nom et son mérite
personnel. Ce Livre qui est devenu fort rare , est
dédié au Cardinal Jean de Lorraine.
M. de Salignac , dont le fils nouvellement né
donne lieu à cet article , a servi avec distinction
pendant la derniere guerre. Son Epouse est fille
de Jean- Baptiste du Canet , et de D. Anne de
Chalcornac de S. Brest. Salignac porte d'or , à
trois bandes de sinople.
P
TABLE.
IECES FUGITIVES ,. Alphonse de Gusman ,
Poëme , &c.
y
1893
Descript. d'un nouveau Cadran horisontal, 1898
Nouveau Moyen de faire marquer juste l'heure
au Soleil , 1915
Lettre écrite de Dreux , et Stances de Rotrou ,
1919
Lettre où l'on examine si dans le Sexe l'esprit est
préferable à la beauté ,
Le Temple de la Fidelité ,
1922
1929
Memoire sur la Ville d'Orleans , Apanage, 1931
Ode imitée du premier Chapitre d'Isaïe , 1940
Lettre sur la Tragédie d'Aben - Saïd ,
Bouts- Rimés ,
1943
1948
Extrait de Lettre sur la nouvelle Histoire du
Vicomte de Turenne ,
Le Moissonneur , Eglogue ,
Lettre au sujet d'un Manuscrit ,
Bouts - Rimés remplis , & c.
1949
1954
1957
1960
Objection sur un Traité démonstratif de la
Quadrature du Cercle ,
Bouts- Rimés ,
Reflexions ,
Enigme , Logogryphes , & c.
1961
1965
1967
1977
1980
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
& c.
t
Catalogue de la Biblioth.de feu M. Bouret , 1981
La Paysanne parvenuë ,
Les Vies et les Miracles de S.Spire et de S. Leu ,
&c .
1
1982
1984
Dictionnaire Italien , Latin et François , & c. 1986.
Explication des sept Sacremens de l'Eglise , 1995
Oraison Funebre de M. Lebret , 、1996
Nouveaux Amusemens sérieux et comiques, 2009
Distribution des Prix à l'Acad. Françoise 2010
Assemblée publique de l'Académie de Marseille er
Recueil des Pieces présentées à cette Acadé-
2011
2014
mie , & c.
Prix de la même Académie pour l'année prochaine
,
Députation de l'Académie de Séville à l'Académie
Royale des Sciences de Paris ,
Prix de l'Acad. de Soissons pour 1736.
2015
2020
Séance publique de la Societé des Sciences érablie
à Toulouse , 2021
2026
Acad. de Peinture , et Estampes nouvelles , 2023
Statues nouvelles en Angleterre ,
Nouvelle Machine à battre toute sorte de grains,
2028
Avis sur les Instrumens de Mathématique , 2029
Description de la Couronne du Roy de Naples ,
203
Airs notés , 2033
Spectacles , les Indes Galantes , Ballet , Extrait ,
2035
Le Mariage fait par Lettre de Change , Extrait ,
L'Amante en Tutelle , & c.
2047
2055
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse, 1062
Lettres de Constantinople, sur la Bataille donnée
en Georgie ,
De Russie et de Pologne ,
D'Allemagne , Italie , Naples et Sicile ,
D'Espagne , Hollande et Angleterre ,
Armée d'Italie ,
Armée d'Allemagne ,
2062
2065
2072
2075
2078
2083
Plan de la Loterie Royale de Turin , & c . 2087
Morts des Pays Etrangers , 2101
France, Nouvelles de la Cour , de Paris, & c . 2104
Fère donnée à Meudon ,
Portrait au sujet d'un Fête donnée à Montargis ,
2105
2109
2111
1
Voyage de la Reine à Paris , &c .
Voyage de la Reine à S. Cloud ,
Acclamations du Peuple et Compliment , 2112
Morts , Naissances , & c .
2113
2115
Errata d'Août.
P
Age 1692. ligne 4. Auteur , lisez , Acteur.
P. 1737 . 1. 27. nos , l. mes. P. 1739. l. 4.
que l'on , l. qu'on apelle. P. 1851. 1. 17. Vers ,
ajoûtés , intitulée l'Amante en Tutelle.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 1933. ligne 15. 169. lisex 1269. P. 2034. l. 18. cette , 1. cet.
P. 2053. ligne derniere , Vers , l. uns.
Les Airs notés doivent regarder la page 2033
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
OCTOBRE 1735 .
URICOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
Chez La veuve PISSOT , Quay de Conty ,
à la defcente du Pont Neuf.
2
EAN DE NULLY , au Palais..
M. DCC. XXXV.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
L
A VIS.
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cashetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très -inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
>
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaitevont
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porterfur
T'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera .
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTOBRE . 1735.
PIECES
**
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
O DE,
Tirée du Pseaume LXXVIII.
Deus venerunt Gentes , &c .
U suis -je ! quels affreux spectacles
Frapent tout à coup mes regards ?
Je ne vois devant moi qu'obstacles
Et qu'ennemis de toutes parts.
L'orgueil , la fureur et la rage ,
Avides de sang , de carnage ,
S'arment pour nous faire périr ;
A ij
Notny
2122 MERCURE DE FRANCE
"
Notre perte est inévitable ,
A moins qu'une main favorable
Ne s'arme pour nous secourir.
M
Seigneur , tu gardes le silence ;
Et ces Lions toujours ardents ,
Contre la timide innocence
Aiguisent leurs cruelles dents .
A nos maux loin d'être sensibles ;
Plus les attentats sont horribles ,
Plus ils flatent ces inhumains ;
Leurs bras , que le crime accompagne ;
Inondent la vaste Campagne
De l'illustre sang de tes Saints,
Tes Temples , ces sacrés Hospices ;
Ne font qu'allumer leur courroux ;
Bien tôt ces fameux Edifices ,
Tombent sous leurs funestes coups ;
Leur fureur encor mal éteinte
Penetre jusque dans l'enceinte
Des plus respectables Tombeaux ,
Et ceux à qui leur perfidie
Arrache une innocente vie ,
Sont la pâture des Corbeaux.
M
En vain nous répandons des larmes
Dage
OCTOBR E. 1735. 2123
Dans ce temps de calamité ,
Nous avons perdu tous les charmes
Que donne la Prosperité.
Tous les Peuples du voisinage ,
Lorsqu'on nous traîne en esclavage,
que rire de nos pleurs ; Ne font
Et pleins d'une maligne joye ,
Ils aiment à nous voir en proye
Aux plus déplorables malheurs.
裕
Grand Dieu , jusqu'à quand ta colore
S'enflammera- t'elle sur nous ?
Jusqu'à quand d'un Juge severe
Eprouverons-nous le courroux ?
Il en est temps ; venge ta gloire ;
Ne souffre point que ta memoire
Soit éteinte dans Israël .
Descends , Seigneur , viens nous défendre ,
Et que tes coups fassent comprendre
Ce que peut pour nous l'Eternel.
粥
C'est trop souffrir la tyrannic
Des Ennemis de la Vertu ;
Leur rage doit être assouvie
Dans le sang qu'ils ont répandu.
Nous confessons que notre offense
Indigne de ton assistance ,
A iij
No
2124 MERCURE DE FRANCE
Ne mérite que châtimens ;;
Mais à nos voeux rends- toi propice ;
Suspends le cours de ta justice ;
Ecoute nos gémissemens.
M
Rends tes oreilles attentives
A ces déplorables accens
Que forment les langues captives
De tes miserables Enfans ;
Le poids accablant de leur chaîne
L'image d'une mort prochaine ,
Les plongent dans l'affliction ;
Ta Jerusalem asservie ,
Cette Ville autrefois chérie
Implore ta compassion.
Arme ton bras de ton Tonnerre ;
Viens ; renverse nos ennemis ;
Rends à ces Tirans de la Terre
Sept fois les maux qu'ils ont commis.
Que sous leurs pieds se creuse un goufre
Qui rempli de flammes , de soufre ,
Dévore ces hommes pervers ;
Et que ces impures victimes
Détestent pour jamais leurs crimes
Dans le sein brulant des Enfers ,
Delivre
OCTOBR E. 1735. 2129
Délivre-nous du joug infame
De ces scelerats factieux ;
Daigne enfin arracher notre ame
Des dents de ces Loups furieux ;
Et faisant cesser leurs outrages ,
Conduis dans tes saints Pâturages
Tes Brebis , tes tendres Troupeaux ;
Fais que dans de fertiles Plaines ,
Sur le bord des claires Fontaines ,
Nous puissions oublier nous maux.
M
Dans un séjour si favorable ;
Nous releverons tes Autels ;
Pour un bienfait si mémorable
Nous ferons des voeux éternels ;
Şans cesse loüant ta clémence ,
Nous annoncerons ta Puissanee
A toute la Posterité.
Et nous unissant à tes Anges ,
Nous celebrerons tes louanges
Pendant toute l'Eternité .
F. C. A. PICQUET de Hesdin en Artois.
A iiij Quel
2126 MERCURE DE FRANCK
***
Uelques égards que nous ayons
pour la personne et pour le mérite
de Mlle Archambault , nous ne pourions
, sans injustice , suprimer la Réplique
que M. Simonnet , son veritable
Adversaire , nous a envoyée , et que nous
n'avons reçûë que dans le tems qu'une
autre Piece de même genre , étoit sous
la presse pour le Mercure de Juillet
dernier. Il ne seroit pas en effet équitable
de priver le Public de la Réplique
de l'Auteur même que Mlle A. attaque ,
et auquel on ne peut refuser d'exercer
le droit d'une juste Défense.
de REPLIQUE aux Reflexions
Mlle Archambault , sur la Réponse de
M. S. à la Question , Qui de l'Homme
ou de la Femme est plus capable
de constance ?
Epuis plus d'un an que j'avois pris
Die parti de l'Homme , le jugeant
plus capable de constance que la femme ,
je croyois qu'il pouvoit joüir paisiblement
de cet avantage , et que personne
ne penseroit à lui disputer une prérogative
OCTOBRE. 1735. 2127
tive qui le distingue du Sexe, qu'on a de
tout tems regardé comme le plus foible.
Une nouvelle Minerve a parû lorsqu'on
s'y attendoit le moins , et s'est de
clarée avec autant de modestie que de
courage pour le parti contraire . On ne
peut que louer ses intentions et son zela
pour la gloire de son sexe. Elle nous
croit dans l'erreur ; elle entreprend de
nous détromper . A ce qu'elle pense , un
faux préjugé nous aveugle , une agréable
illusion nous ébloüit ; elle prétend les
dissiper ; c'est un service et un service
des plus signalés qu'elle a en vûë de nous
rendre , lors même qu'elle paroît agir
contre nos interêts , et nous ne pouvons
assés lui en marquer notre reconnoissance.
Mais malgré ses lumieres et ses loüables
intentions , il se pouroit faire qu'elle
se trompât elle- même , et que nous fussions
de notre côté dans l'obligation d'é
carter les nuages qui obscurciroient à ses
yeux le grand jour de la verité. C'est ce
qui nous paroîr effectivement , et nous
croirions manquer aux justes égards
qu'elle a droit d'atendre de nous,si nous ne
nous acquitions envers elle du même bom
office dont nous lui sommes redevables.
Examinons donc de sang, froid et sans
A V
pré2128
MERCURE DE FRANCE
prévention ce qu'allegue Mlle Archambault
pour détruire le sentiment qu'elle
avoüe elle- même être reçù parmi les anciens
Auteurs et parmi les Sçavans de
nos jours. C'est déja pour nous un avantage
, mais il s'agit moins ici d'autorités
que de raisons .
, >> Si on a regardé , dit- elle comme
des prodiges , les femmes dont la cons-
>> tance étonnante a fait l'admiration de
» tous les siecles , ce ne devoit être que
>> parce qu'il étoit extraordinaire de voir
» une telle constance dans la Nature hu
>> maine , et non par raport à leur sexe ,
» puisque les femmes ont souvent sur-
» passé les hommes en ce qu'il y a de
plus grand et de plus heroïque .
Cela est aisé à dire ; mais où en est
la preuve ? Qu'on cite quelques exemples
de constance que l'on voudra pour
les femmes , je soutiens qu'il s'en trouvera
toujours au moins de semblables et
en bien plus grand nombre pour les
hommes. Si on a plus admiré et relevé
ceux- là , c'est parce qu'on en a toujours
jugé les femmes moins capables, et qu'on
a regardé comme un vrai prodige , que
quelques - unes pussent atteindre jusqu'à
a fermeté des plus grands hommes . Ceci
est fondé sur la nature et l'experience ,
dont
OCTOBR E. 1735. 2129
dont le plus sage de tous les Rois m'est
garant , lorsqu'il s'écrie : Qui trouvera
une femme forte? Son prix passe tout ce qui
vient des Pays les plus éloignés.
Mlle Arch. prétend que ce sage Roy
pe fait aucunement entendre par là qu'il
croye les femmes fortes plus rares que
les hommes courageux ; mais seulement
qu'il les regarde comme ce qu'il y a de
plus précieux et de plus excellent dans
Î'Univers . C'en est assés pour nous ; ce
qui fait le prix et l'excellence des choses
qu'on va chercher si loin, c'est la rareté.
Si de telles femmes n'étoient pas plus rares
que les hommes forts et constans, Salomon
auroit- il pû demander , qui en
trouvera une seule ? suposons que quel- ?
qu'un s'avisât de dire avec la même exclamation
: qui trouvera un homme for?
Sur le champ on lui en montreroit dix
mille pour un.
Il s'agit ici d'un Passage de l'Ecriture
que nous entendons , Mlle A. et moi differemments
convenons d'un Juge qui
décide en dernier ressort , si ce Passage
pe releve pas du moins autant la rareté
que le prix et l'excellence de la femme
forte. En voici un qu'on ne peut recuser,
et dont le jugement sera sans apel . C'est
l'illustre Exéque de Nîmes , qui dans ses
A vj éloquens
2130 MERCURE DE FRANCE
מ
éloquens Panégyriques , sçût allier la délicatesse
de l'Art avec toute la solidité
des preuves dans l'Oraison Funebre de
Madame la Duchesse de Montausier ; il
prend pour Texte le Passage qui fait le
sujet de notre controverse . Il l'explique ,
il en fait sentir toute l'énergie , et après
avoir fini de main de Maître le Portrait
de la femme forte sur celui qu'en a tracé
le sage Roy ; il ajoûte : » Mais avant
que de nous dépeindre cette femme
» forte et courageuse , Salomon nous
avertit qu'il est difficile de la rencon-
>> trer ; il nous en donne une idée , mais
ail semble qu'il n'en ait jamais trouvé
» d'exemple ; il la forme dans son imagination
, et doutant qu'elle se puisse
trouver dans la Nature , il s'écrie , qui
»est ce qui la trouvera ? H est donc vrai
que dans la pensée de Salomon , rien
n'est plus rare qu'une femme forte et
courageuse , et c'est ainsi que l'entendent
tous les Interpretes .
Lorsque ce Monarque si éclairé parle
de l'homme , il s'énonce bien d'un autre
ton ; il n'hésite point , il ne doute point,
il prononce absolument : ( a ) L'homme
sage est fort et courageux. Il montre le
principe de sa constance dans ce fonds
(a) Prov. Chap. 24. Vo se
d'une
OCTOBRE. 1735. 2131
d'une sagesse mâle , bien differente de
celle qui convient aux femmes et que
nous n'avons garde de leur disputer.
Preuve évidente que la force de l'homme
n'est pas seulement dans le corps
mais dans l'esprit ; et il n'en faudroit
pas davantage pour détruire tous les raisonnemens
par lesquels on s'efforce de
soutenir que l'homme du côté de l'esprit
est du moins aussi foible que la
femme , et même que celle.cy est la
mieux partagée à cet égard .
Il est vrai , et nous en convenons trèsvolontiers
, qu'elle a ordinairement plus
de facilité , d'aisance , de délicatesse ,
la mémoire plus heureuse , la parole
plus libre que l'homme ; mais pour
le discernement , la pénetration , la
solidité la force d'esprit , il faut
qu'elle lui cede , et elle n'y perdra rien s
il lui sera toûjours plus honorable de
se contenter des avantages que la Nature
lui a liberalement accordés , que
de vouloir usurper ceux de l'homme qui
ne lui apartiennent pas.
Mlle A. convient de la foiblesse et de
la fragilité du corps de la femme ; or
l'esprit dépend tellement de la constitution
du corps , qu'il ne manque gueres
d'être foible dans un corps foible , et
sujet
2132 MERCURE DE FRANCE
sujet aux infirmités ; c'est ce qui se voit
dans les Enfans , les Vieillards et les
Malades .
Si nous l'en voulons croire , le premier
homme eut autant de foiblesse dans
sa chute que la premiere femme ; il y
eut même en lui quelque chose de plus
foible et de plus bas , et elle en conclud ,
>> qu'il sied donc mal aux hommes de
>> reprocher aux femmes une foiblesse
qu'ils partagent avec elles et dont la
» plus grande partie retombe sur eux ...
» qu'ils s'exposent par là au danger d'êş
» tre humiliés.
Pourquoi se piquer si aisément ? Nous
sommes bien éloignés d'insulter à la foiblesse
des femmes , ou de leur en faire des
reproches qui seroient très- mal fondés ,
puisqu'il ne dépend pas d'elles d'être
plus fortes. C'est nous taxer sans sujet
d'impolitesse et d'injustice ; mais en même
temps que nous respectons leur sexe
, ne nous sera - t'il pas permis de dire
avec tous les égards et les ménagemens
qui lui sont dûs , qu'il a été le plus fragile
dans sa tige , et qu'aparemment les
branches s'en ressentent ? C'est une verité
incontestable, universellement reconnuë
; elle ne blesse personne en particulier
, elle n'a rien de choquant ni dans
le
OCTOBRE . 1735. 2133
le fonds ni dans l'expression , et il faut
avoir une extrême délicatesse pour s'en
offenser. Le danger d'être humilié n'est
pas pour les hommes qui ne font que
soutenir avec modération leurs justes prérogatives
; il seroit plutôt pour des personnes
qui voudroient prendre un ascendant
que la Nature ne leur a point accordé
.
*
Tenons-nous- en à l'Oracle Divin ; il
prononce expressement qu'Adam ne fut
point séduit , mais que la femme s'étant laissée
séduire , tomba dans la desobéissance. Et
l'Apôtre sur ce principe lui enjoint de
se tenir dans un modeste silence et une
juste soumission . Quel raisonnement peut
tenir contre une décision si formelle et
si autentique ? L'explication d'un celebre
Interprete ( M. de Sacy ) en fait sentir
toute la force : C'est - à- dire qu'Adam ne
fut pas trompé comme Eve , mais que vaincu
par l'amour qu'il portoit à sa femme
il mangea du fruit , sans considerer le malheur
, où il se jettoit avec elle.
En effet le Démon , cet esprit si malin
et qui prend si bien ses mesures , se seroit-
il adressé plutôt à la femme qu'à
l'homme , si par sa pénetration naturelle
il n'eût reconnu qu'elle étoit la plus foi-
* I. Ep . à Tim. Chap. 2. V. 14.
ble ,
2134 MERCURE DE FRANCE
ble , la plus facile à renverser ? Il n'osa
attaquer l'homme de front , il craignoit
sa résistance ; il jugea qu'Eve auroit
moins de fermeté , et il réüssit dans son
pernicieux dessein.
J'avoue qu'Adam eut trop de foiblepour
sa femme , mais ce foible étoit
moins étrange et en quelque sorte plus
pardonnable que celui d'Eve . Il étoit assés
naturel que l'homme eût de la complaisance
pour sa femme , qu'il se laissât
persuader à ses douces paroles et à
ses manieres engageantes. Le Serpent n'avoit
rien pour la femme de si attirant
ni de si persuasif , cependant elle l'écoute
sans peine , elle aûte foi à ses flateuses
promesses , elle agit en conséquence
; quelle énorme foiblesse !
Lorsque S. Augustin dit : » le Sexe les
distingue, l'orgueil les égale , il entend
que l'orgueil qui leur fit secouer le joug
de la Loy de Dieu , les rendit également
coupables à ses yeux et les envelopa
dans une égale condannation ; i
ne prononce point pour cela sur le degré
de foiblesse qui fit tomber l'un et
l'autre. Ils furent également orgueilleux,
mais dans le temps de leur chute avoientils
une égale force ? la femme n'eut - elle
point plus de foiblesse que l'homme ?
Sto
OCTOBRE. 1735. 2135
3. Augustin laisse la question indécise .
Ce qui est plus admirable , c'est que la
femme ne se contente pas de marcher
de pair avec l'homme , mais qu'elle prétende
même lui être superieure par les
qualités de l'esprit ; et la raison qu'on
en aporte est encore plus merveilleuse :
Dieu donna , dit- on , par la femme la
perfection à toute la Nature : or , ajoutet'on
, avec un peu de reflexion , il ne peut
tomber sous le bon sens que l'Auteur de la
Nature ... eût , pour ainsi dire , décliné en
finissant son ouvrage , & c. Il y a certainement
de la finesse dans cette pensée et
elle demande de la refléxion , mais y at'il
autant de solide ?
Que répondroit Mile A. si on lui oposoit
que
la femme n'est qu'un suplément
ou une addition à la Nature ? comme il
paroît assés clairement , puisque Dieu
ne créa la femme que parce qu'il ne trouvoit
rien dans cette Nature qui fût semblable
à l'homme et qui pût lui servir
d'aide et de compagnie. Que répondroitelle
si on lui objectoit que la femme ne
fut, pour ainsi dire, créée qu'après coup?
lorsque la Nature paroissoit avoir toute
sa perfection ? lorsque Dieu ayant fini
son ouvrage , commençoit à rentrer dans
son repos et que l'homme étoit déja ?
dans
2136 MERCURE DE FRANCE
,
dans le Paradis Terrestre ? Qui lui dis
roit,que tout ce que la femme a de perfection
, elle le tient en quelque sorte de
l'homme , puisqu'elle en a été tirée
qu'elle en fait partie , qu'elle est l'os de
ses os , la chair de sa chair, et qu'elle lui
doit jusqu'à son nom ? D'ailleurs n'ayant
été faite que pour l'homme , comment
auroit- elle plus ou même autant de perfection
que celui pour qui elle a été faite
? Que répondre à tout cela ? Peut- il
tomber sous le bon sens que le suplé
ment ait plus de perfection que l'ouvrage
même , et que l'homme soit moins.
parfait que ce qui n'est qu'une portion
de sa substance , ce qui a été fait sing
gulierement en sa faveur pour lui servir
d'aide et lui donner l'agrément d'une
societé convenable ? Non , et je me persuade
que Mlle A. a trop de bon sens pour
vouloir soutenir sérieusement un tel Paradoxe.
Quand elle se réduiroit à mettre communément
la femme au niveau de l'hom
me pour la force et la stabilité d'esprit ,
elle ne pouroit encore s'apuyer d'aucune
raison solide . Suposons que la femme
eût les mêmes passions à combattre et
à détruire , les mêmes vertus à pratiquer
au même degré , il ne s'ensuivroit pas
qu'il
"1
OCTOBRE . 1735. 2137
qu'il lui fallût nécessairement le même
degré de force et de solidité ; il suffiroit
que Dieu l'eût mise dans un état où
elle pût véritablement combattre ces pas- .
sions et pratiquer ces vertus , quoiqu'avec
moins de force et de courage que
l'homme. Les secours ne sont pas tou- ,
jours également puissans où il y a égalité
de passions à combattre et de vertus
à pratiquer ; nous voyons même tous les
jours des personnes naturellement sujettes
à de furieuses passions , qui les
désavoüent , qui les détestent et qui gémissent
cependant de leur foiblesse et de
la difficulté qu'elles sentent à les surmon.
ter , pendant que d'autres dans de pareilles
circonstances n'éprouvent pas la
même peine. D'ailleurs est - il bien vrai
que la femme ait à pratiquer toutes les
mêmes vertus que l'homme, et en même
degré ? L'homme , en qualité de chef ,
n'a-t'il pas des vertus qui lui sont propres
et necessaires pour le commandement
et le gouvernement ? Au lieu que
la femme n'a qu'à se tenir à son égard
dans une honnête subordination .
Mlle A. est contrainte d'avouer que dans
l'ordre naturel l'homme est le chef de
la femme , mais la raison qu'elle en donne
est singuliere ; c'est qu'il est venu le
premier
2138 MERCURE DE FRANCE
premier. Voilà donc l'unique privilege
qu'elle laisse à l'homme ; elle lui fait
bien de la grace. Au reste , à l'entendre ,
tout est égal de part et d'autre , même
nature , même condition , mêmes inclinations
, même capacité à se rendre des
services mutuels, et à soutenir les mêmes
interêts. La Nature n'a donc mis aucune
distinction entre l'homme et la femme?
Leur condition étant la même ,
l'homme ne sera plus en droit d'exiger
aucune soumission de sa femme ;
il seroit un injuste usurpateur s'il prenoit
sur elle la moindre autorité. On
aura eu tort jusques ici de faire honneur
à quelques Dames , d'avoir des inclinations
mâles et superieures à leur
sexe ; toutes les femmes les ont naturellement.
La femme a du moins aussi
bonne tête que l'homme , pour soutenir
les interêts de la famille , et les services
qu'elle lui rend , valent bien au
moins ceux qu'elle en peut attendre.
C'est à quoi se réduit tout le raisonnement
de Mlle A. mais qui l'en croira sur
sa parole ?
On convient assés dans le monde de la
legereté et de l'inconstance des femmes;
elles en fournissent tous les jours de nou.
velles preuves , n'y eût- il que la varieté
continuelle
OCTOBRE . 1735. 2139
Continuelle de leurs modes et de leurs
ajustemens. Il ne faut qu'avoir un peu
d'experience et ouvrir les yeux pour voir
et être persuadé que l'honime n'est pas si
sujet au changement, Cependant Mile A.
assure positivement que l'homme est aussi
muable que la femme , et la femme aussi
constante que l'homme .
Elle soutient que j'ai tort d'attribuer
aux hommes plus qu'aux femmes la capacité
de faire les actions les plus écla
tantes. » Toutes les Histoires nous prouvent
, ajoute- t'elle , que dans les occa-
» sions elles se sont acquittées aussi par-
» faitement qu'eux de toute sorte d'Em-
» plois , qu'elles les ont même surpassé.
Mais ces exemples ne prouvent que ce
que j'accorde sans difficulté , ou ils
prouvent
trop , et par là ils ne prouvent rien.
Je suis convenu d'abord qu'on a vû
des femmes d'une constance étonnante
et qui ont fait l'admiration de tous les
siecles; si c'est là tout ce que Mlle A. prétend
, nous sommes d'accord sur ce point;
mais ces exemples , assés clairement semés
dans l'Histoire , pendant qu'on y voit
par tout des millions de faits héroïques
des hommes , ne prouvent pas que naturellement
la femme soit aussi capable
de constance que l'homme. Ce qui n'arrive
2140 MERCURE DE FRANCE
*
, que ces
rive que rarement , passe pour prodige
et n'est point naturel. Si Mlle A. prétend
contre toute vrai semblance
exemples sont assez fréquens pour prou
ver que naturellement la femme est aussi
capable de constance que l'homme, et que
même elle le surpasse en ce point , elle
prouve trop ; de - là il s'ensuivroit que
les femmes devroient être communément
employées , du moins également , com.
me les hommes , dans les affaires les plus
importantes de l'Etat et du Gouvernement;
mais pour quelques exemples d'illustres
Princesses qui ont réussi avec gloire
, combien a - t'on vû de Royaumes
malheureux parce qu'ils étoient tombés
en quenoüille ? Et pourquoi admire- t'on
la sagesse de la Loy Salique , qui ne le
permet pas en France ?
» A la bonne heure , que les femmes
» renfermées dans le petit cercle de leur
» Sphere , n'en soient pas moins illustres;
» qu'il s'en trouve un grand nombre dont
l'humilité cache plus de mérite que la
» vanité des hommes n'en étale. Nous
ne leur disputons point ce mérite caché
qui les tient renfermées dans le petit cercle
de leur Sphere , et qui est en sûreté
sous la garde de l'humilité ; il seroit à
souhaiter qu'elles ne s'en écartassent jamais
OCTOBR E. 1735. 2141
mais , et qu'on n'en vit point qui voulusent
faire un pompeux étalage d'un
mérite superficiel , avec du moins autant
de vanité que les hommes.
Nous reconnoissons avec un vrai plaisir
le grand bien que procure une sage
Mere de famille , lorsqu'elle donne une
bonne et noble éducation à ses enfans ;
mais par malheur il s'en trouve bien peu
qui en soient capables , et qui s'y apli
quent sérieusement. Une funeste experience
ne montre que trop la plupart des
femmes livrées à la bagatelle , aux jeux ,
aux spectacles , ne respirant que le plaisir
et le divertissement , ou occupées de
tout autre chose que de ce qui regarde le
soin de leur famille. Eh ! quelle éducation
les enfans en reçoivent - ils ? Une éducation
lâche , molle , effeminée . C'est à
regret que nous le disons ; mais pourionsnous
le taire sans trahir la verité , puisqu'on
nous a mis sur ce Chapitre ? On
est si persuadé qu'il faut une autre éducation
aux hommes que celle qu'ils reçoivent
communément des femmes ,
qu'on les retire de leurs mains dans un
âge encore tendre , pour les confier à
des Maîtres , à des Gouverneurs , à des
Precepteurs d'une probité et d'une capaité
reconnue. L'éducation des Enfans
n'est
2142 MERCURE DE FRANCE
f
n'est donc pas tellement confiée aux fem
mes qu'elles puissent s'en glorifier au
préjudice des hommes .
Il en est à peu près de- même du Domestique
, la conduite n'en fait pas honneur
à beaucoup de Meres de famille et
l'ail du Maître y est bien nécessaire. On
seroit heureux dans le monde si toutes
étoient d'humeur à se former sur le beau
modele que leur présente Mlle Arch.
Véritablement on verroit se rétablir bien
des maisons délabrées , et dont la ruine
ne vient le plus souvent que du peu
de soin et d'oeconomie de la femme , qui,
comme on le dit communément , fait ou
défait le ménage.Mais quand même elles
réüssiroient mieux que les hommes dans
le menu détail du gouvernement interieur
de la maison , à quoi effectivement
elles sont destinées , cela ne prouveroit
pas qu'elles eussent en tout le reste plus
ou autant de capacité , de force d'esprit,
de constance , et qu'elles fussent pour
la plupart en état de soutenir comme
les hommes le poids des grandes affaires.
Finissons avec Mlle A. » Que l'on par-
>> coure enfin tous les siecles , dit- elle ,
qu'on lise exactement toutes les Histoires
, on conviendra que les femmes
» ont eu la plus grande part aux plus
>> grands
OCTOBR E. 1735. 2143
&
grands Evenemens . C'est une question de
sçavoir si elles ont eu la plus grande part ;
mais acordons - le liberalement; si elles ont
eu la plus grande part aux plus grands
Evenemens , certainement elles n'y ont
pás eu la meilleure . On l'a remarqué plus
d'une fois ; presque toutes les guerres les
plus sanglantes et les bouleversemens des
Empires , des Royaumes , des Etats les
plus florissants , n'ont eu d'autre origine
que l'ambition ou la jalousie et les se-
Crettes intrigues des femmes . Leurs passions
qui avoient suscité les guerres , les
ont perpétuées , et n'ont pû être assouvies
que dans le sang et la ruine
des Peuples ; ce n'est pas le plus beau
côté ni le plus favorable pour les femmes
. Mlle A. auroit pû , ce semble , nous
épargner la peine que nous ressentons
d'être forcés malgré nous à rapeller des
Evenemens si tristes , et qui ne peuvent
pas faire honneur au Sexe dont elle prend
la défense.
Au reste , quand je soutiens que l'homme
est naturellement plus capable de
constance que la femme , je ne dis pas
que celle- cy n'en soit point capable ; il
ne s'agit que du plus ou du moins , et
quand il seroit vrai , comme on ne peut
en disconvenir , que quelques femmes
B ont
2144 MERCURE DE FRANCE
ont donné des preuves d'une plus grande
constance que quelques hommes , ces
exemples particuliers ne prouvent rien.
contre la proposition generale qui tombe
précisement sur la nature et la destination
de l'homme et de la femme
pris dans l'universalité .
Après tout , pour soutenir ainsi les
droits de l'homme , je n'en reconnois pas
moins les grandes qualités de plusieurs
Dames illustres par leurs vertus , et d'un
mérite d'autant plus précieux qu'il est
moins commun. Mlle Archambault peut
s'assurer en particulier que la diversité
des sentimens et des opinions , ne diminuë
rien de la parfaite estime que j'ai
conçuë de ses talens et de sa personne.
DE
L'ENFER,
O DE.
E nos forfaits vengeur terrible ,
Dieu puissant , pour fraper mon coeur ,
Montre à mes yeux le gouffre horrible ,
Où tu déchaînes ta fureur .
Mais qu'entends -je ? l'affreux Tonnerie
Gronde , émeut , ébranle la Terre ,
OCTOBR E. 1735. 2145
It confond mes sens effrayés.
Ciel ! quelle étonnante secousse !
L'abîme infernal se trémousse ;
Je le vois déja sous mes pieds .
Ah! quelle vapeur enflammée ,
S'élevant de ces sombres lieux ,
D'une étincelante fumée
A couvert et troublé les Cieux !
Le Soleil hors de sa carriere ,
A déja perdu sa lumiere ,
Il s'enfuit saisi de terreur..
La Nature triste , éperduë ,
Tremble , frémit à cette vûë 3
Et l'Univers pâlit d'horreur.
潞
Mais quel profond et vaste gouffre ,
Que me découvrent les éclairs !
Où se lancent , de brulant souffre ,
Mille et mille Fleuves divers ;
De la rage la noire écume ,
S'y jette avec l'ardent bitume ,
En cent torrens impétueux.
D'affreuses vagues flamboyantes ,
Comme de Montagnes volantes ,
Remplissent l'Antre de leurs feux.
Bij Quet
2146 MERCURE DE FRANCE
Quel effroi ! les Cieux retentissent
De longs , de perçans hurlemens &
Les Rochers eux-mêmes gémissent ,
Sensibles aux gémissemens.
Quels pleurs ! quels acceus lamentables !
Quels soupirs ! quels cris pitoyables !
Quelles allarmes ! quels sanglots !
Quel mêlange de voix mourantes
De plaintes vives , désolantes ,
?
D'éclats de foudre et de carreaux !
蒎
Mais quels honteux , quels lâches crimes
Y sont assemblés et punis !
De combien de tristes victimes
Vois- je les tourmens infinis !
Hélas ! sans être consumées ,
Elles sont toutes enflammées ;
Leurs douleurs ne font que s'aigrir.
Combustibles , mais renaissantes ,
Leurs substances toujours mourantes ,
Vivent toujours pour tout souffrir.
L'horreur , le trouble impitoyable ,
La honte , les transports cruels ,
Animant leur rage intraitable ,
Irritent leurs maux éternels,
Du passé les vaines délices ,
OCTOBRE. 1735. 2147
Se changeant toutes en suplicès ,
Ne cessent de les déchirer.
Pareils à des Monstres féroces ,
Les remords des crimes atroces
S'attachent à les dévorer.
來
De leurs esprits incorruptibles ,
Les irrévocables Arrêts
Percent leurs coeurs toujours sensibles ,
De traits aigus , de vifs regrets.
De l'Eternité toute entiere
L'immense et fatale carriere
S'y déploye à tous les instans ;
Et sans relâche sa présence
Leur fait souffrir la violence
De tous les maux , de tous les temps :
Leur volonté toujours avide
De plaisirs toujours défendus ,
-S'y fait un tourment homicide
De ses voeux toujours confondus.
Toutes les douleurs irritées ,
Et les passions indomptées ,
Vomissent le fiel à grands flots.
La violence au regard louche ,
Guidant le désespoir farouche ,
Y met le comble à tous leurs maux.
Bij Que
2148 MERCURE DE FRANCE
Que dis-je ? Grand- Dieu , c'est toi- même!
Tu leur dérobes tes attraits ,
Par- là , de leur malheur extrême ;
Ils sentent les plus rudes traits ;
A leurs yeux voulant te soustraire .
De quel secours à ta colere
Sont tant de suplices divers ?
Un Dieu perdu ... Cette pensée ,
En leurs ames toujours tracée ,
Feroit pour elle mille Enfers.
De- là , sur tout , ces dures peines
Ces intolerables tourmens ;
De- là ces fureurs inhumaines ,
Ces forcenés emportemens.
De-là , vers toi toujours poussées
Et par toi toujours relancées ,
Elles redoublent tant d'efforts.
Plus ta colere les foudroye ,
Et plus à leur ardeur en proye ,
Elles suivent leurs vains transports.
Du Mont de Marsan le 20. Août 1735 .
LET
OCTOBRE. 1735. 2149
ht
LETTRE d'un Partisan du Bureau
Tipographique , à un Precepteur de ses
Amis.
Eux raisons , dites- vous , Monsieur , vous
empêchent de suivre la Méthode Tipographique
; la premiere , c'est qu'on en dit presque
autant de mal que de bien ; et que les Partisans
de ce Systême sont des gens du monde , moins
versés dans la maniere d'étudier et d'enseigner
les Belles - Lettres , que ne le sont les Maîtres da
Pays Latin. Ces gens du monde ne sont - ils pas
ces mêmes Juges , qui sans demander un Thême
ni l'explication des mots Supin et Gerondif, aux
Rhétoriciens de vos Colleges , les trouvent souvent
sots et stupides , lorsqu'ils ignorent ce que
sçavent nos Enfans Tipographes , et l'usage n'apelle
pas de leur jugement à celui du Pays Latin.
La seconde raison , qui vous paroît la plus forte
, c'est qu'un Enfant que l'on vantoit extraor
dinairement et qui expliquoit assés bien des Auteurs
Latins, tant qu'il a été conduit par un Maî
tre de Tipographie , cet Enfant , dites-v S - vous ,
pas plutôt été mis au College et en d'autres mains
qu'il a perdu toute sa réputation, parce que quand
il a fallu l'apliquer à la composition des Thêmes
classiques , on a trouvé qu'il n'y sçavoit
presque rien. Voilà vos deux difficultés , je tâcherai
d'y répondre en deux Lettres. Je m'atache
uniquement dans celle-cy à lever vos scrupules
sur le fait que vous allegués , et j'espere vous
convaincre dans la suivante , que si l'on dit du
B iiij mal
n'a
2150 MERCURE DE FRANCE
mal de notre Méthode , on en dit moins que de
la vôtre, et qu'on en dit même beaucoup de bien.
Y a- t'il d'ailleurs quelque chose dans le Monde
dont on ne puisse ou dont on ne veuille dire que
du bien ? On ne peut pas accuser les Philosophes
Partisans de cette Méthode, du préjugé qui aveugle
la plupart des Latinistes de la Méthode vulgaire,
ainsi qu'on l'a fait voir dans la Bibliotheque
des Enfans in 4.
Un Enfant qui passoit , dites - vous , pour un
petit prodige tant qu'il fut à son Bureau , se trouva
tout d'un coup déchû de sa science et de sa
réputation dès qu'il fut conduit d'une autre ma
niere , et d'où vient que l'Enfant du College est
si ignorant auprès d'un Bureau Tipographique ?
C'est justement cette difference qui doit faire
aprouver la nouvelle Méthode et condamner
l'ancienne ; l'Enfant réellement instruit et sçavant
pour l'âge , décide lui - même la question ,
en comparant le fruit de l'une aux effets de l'autre.
Examinons attentivement cet effet prodigieux
de la Méthode vulgaire , qui fait , dit - on , disparoître
ou qui rend inutile le sçavoir admiré d'un
Enfant Tipographe , et pour , cela voyons quelle
est la suite des exercices Tipographiques et ce
qui peut mériter à un Enfant de sept ans le titre
et la réputation d'enfant bien avancé.
Un Eleve de la Tipographie est censé faire
honneur à la nouvelle Méthode , lors qu'ayant
commencé de bonne heure et qu'ayant continué
quelques années , il est parvenu sans peine et sans
dégoût à bien posseder l'Orthographe de l'oreille
ou la connoissance des sons , à composer sous la
dictée les mots les plus difficiles en toute sorte
de Langues , à pouvoir lire avec une certaime
assurance et une certaine facilité, le François,
le
OCTOBRE . 1735. 2151
le Latin , le Grec et le Manuscrit ; à pouvoir déchiffrer
toute sorte de caracteres d'Arithmetique,
caracteres Arabes , Romains et Financiers , de
même que les signes de l'Algebre et tant d'autres
caracteres ou signes employés dans l'Imprimerie,
ce qui donne une lecture aisée , universelle et
sçavante , lecture ignorée , non- seulement de
tous les Enfans conduits à l'ordinaire , mais encore
de la plupart des Maîtres prévenus contre
la Tipographie ; et si c'est un défaut d'institution
dans un Enfant Tipographe d'être foible sur
la composition des Thêmes , est - ce un mérite
d'éducation dans les Maîtres Critiques d'ignorer
la science élementaire que possedent si bien les
Eleves qu'on leur confie trop tôt ? C'est un malheur
que les parens soient obligés de livrer et de
sacrifier leus Enfans Tipographes entre les mains
des Maîtres prévenus contre la Méthode qu'ils
ignorent.
L'Enfant dont il s'agit étoit ferme sur les premieres
notions élementaires , vous convenez vous
même qu'il a parû avec honneur sur toutes ces
notions et qu'il ne les a point oubliées , mais ce
n'est pas là,dites-vous,sur quoi on l'a le plus examiné;
tantpis ; cette conduite , quoiqu'autorisée
par l'usage ou le préjugé des Colleges , prouvebien
la nécessité de la réforme introduite par le
Systême du Bureau . Un Enfant de six à sept ans
ne peut pas tout sçavoir , il faut le louer de ce
qu'il sçait, et de ce qu'il sçait avec plus de choix et
de raison qu'on n'en suit dans la Méthode vulgaire,
sans le blâmer de ce qu'il ignore une doctrine
disproportionnée à l'âge et contraire à l'ordre des
études .On doit commencer l'éducation par ce qui
est le plus universellement utile et le plus à la
portée des Enfans ; telles sont les connoissances
By dons
2152 MERCURE DE FRANCE
dont on vient de parler et tant d'autres que l'on
y joint naturellement quand on possede bien la
nouvelle Méthode , qui doit préceder l'ancienne.
Continuons l'histoire de nos instructions.
Tandis qu'un Enfant de deux , trois à quatre
ans aprend à connoître les sons , les lettres et
leurs differentes combinaisons en composant sur
son Bureau les petits Thêmes qu'on lui dicte ou
qu'on lui donne à copier , on l'exerce par même
moyen sur les premieres operations de l'Arithmerique
; on lui aprend les principaux points de
la Chronologie et de l'Histoire Sainte et Profane,
on lui parle beaucoup de Mitologie et de Geographie
, enun mot, on éloigne de lui l'épouven
tail et le dégoût des Livres , on le rend attentif
on le familiarise avec toutes ces connoissances au
point qu'il prend bien - tôt du goût pour la lecture
et qu'on en voit plusieurs s'amuser d'euxmêmes
à lire plus que l'on ne veut et dans le
temps même de leurs petites indispositions. Ce
goût tant desiré par les parens connoisseurs ,
et ignoré , inconnu dans la Méthode vulgaire ,
est le premier que l'on voit dans la pratique du
Bureau , et ce premier fond de doctrine croît peu
à peu dans un Enfant , à mesure qu'on l'exerce à
la lecture et à l'Orthographe sonnante ou non
sonnante , des yeux et de l'oreille , en lui faisant
imprimer des cartes écrites à la main , cartes que
le Maître donne comme autant de récompenses
que le Disciple attend avec impatience et dont il
lit toujours l'original et les copies qu'il en a faites
plutôt et plus volontiers que les Livres des
autres. L'Enfant que vous avez vû étoit encore
très au fait de tous ces exercices , vous en avez
té plusieurs fois témoin et vous en ayez parû
harmé , sans doute qu'aujourd'hui tout cela ne
YOUS
OCTOBRE. 1735. 2153
vous paroît pas d'un grand prix en comparaison
d'un Thême qu'un Enfant ignorant sa propre
Langue, auroit fait en Latin selon la Méthode vulgaire
, c'est- à-dire , avec plus de fautes et de solecismes
qu'il n'y auroit de mots dans le Thême ;
mais achevons le détail de nos petits amusemens.
Pendant que l'on cultive toutes les parties de
la lecture élémentaire et sçavante et les élemens
de l'Histoire universelle , on exerce l'Enfant sur
les Rudimens de la Grammaire Françoise et de la
Grammaire Latine, toujours d'une maniere pratique,
sensible et agréable par le moyen des exemples
choisis relativement à l'âge et à l'état de l'Enfant,
et mis sur des cartes qu'on lui donne à lire
et à copier, ensorte que par la répetition et la révision
journaliere de ces mêmes cartes , il aprend
aisément par memoire tout ce qu'il y a d'essentiel
dans les déclinaisons et conjugaisons Françoises
et Latines . On lui fait faire aussi l'aplica
tion des principales Regles de la Syntaxe en composant
de petits Thêmes sur son Bureau longtemps
avant que de pouvoir écrire , avantage inexprimable
dont la Méthode vulgaire ne donnera
jamais l'équivalent , et qui seul devroit guérir
du préjugé les Maîtres bien intentionés et
qui ont à coeur l'honneur de la Profession ,
pour les autres qui ont , pour ainsi - dire , l'esprit
plié , replié , envelopé et cacheté , ils risquent de
mourir invincibles dans leur préjugé , après
avoir fait respecter le simple cachet .
car
On aprend donc à l'Enfant beaucoup de mots
isolés qui servent ensuite merveilleusement pour
l'explication des Auteurs , à laquelle on s'aplique
sans relâche dès que l'Enfant lit dans les Livres.
C'est pour lors que l'on reconnoît le fruit de toutes
les notions préliminaires dont on a muni la
B vj tête
2154 MERCURE DE FRANCE
têté de l'Enfant par les progrès sensibles qu'on
lui voit faire dans cette explication . Par cette Méthode,
le Disciple n'est point trop pressé sur son
écriture, il s'y fortifie tout à son aise, parce qu'on
a d'autres moyens de l'avancer ; cependant dès
qu'il en peut faire usage , on lui fait copier des
mots et des listes de mots qui facilitent de plus
en plus l'explication des Auteurs , et servent
à remplir les Logettes des cinq petits Dictionnaires
Tipographiques dont il est tant parlé
dans la Bibliotheque des Enfans in 4. après quoi
on lui donne de petites compositions dont il s'aquite
avec plus de goût et d'intelligence que les
Enfans de la Méthode vulgaire; enfin , on suit ici
autant qu'il est possible , l'ordre de la Nature et
de l'usage en fait de Langue maternelle , et cela
paroît si sensé et si raisonnable , qu'il n'y peut
avoir que le préjugé de contraire.
Voilà proprement où en étoit l'Enfant Tipographe
dont vous parlez , vous sçavez qu'avant
l'âge de sept ans il étoit ferme sur tous ses exercices
et vous l'avez vû expliquer joliment les
premiers Auteurs Latins , comment pouvez- vous
après cela lui refuser vos éloges par la raison seule
qu'il n'est pas fort sur la composition des
Themes Trouveriés- vous bon , Monsieur, qu'on
vous traitât de même, parce que vous ignorez la
doctrine des sons que possede cet Enfant à votre
âge cette notion élementaire est -elle plus indifferente
que ne l'est à l'égard de l'Enfant l'art
de faire des solecismes ? Si les parens suivoient
exactement les Statuts de l'Université , ils ne
mettroient point leurs enfans au College qu'à l'âge
de huit à neuf et à dix ans , sçachant pour
lors écrire et un peu la composition des Thêmes,
or il n'y a point d'Enfant Tipographe commen
OCTOBRE . 1735. 2155
cé de bonne heure , qui, à cet âgelà , n'en sçache
plus qu'il n'en faut pour répondre à vos questions
prématurées , ainsi vous ne devriés pas , ce me
semble , condamner un Enfant ni la Méthode
qu'il a suivie , tant qu'il sera plus avancé qu'un
autre par raport à son âge ; mais si les parens ,
direz-vous , veulent qu'on éleve et qu'on instrui
se leurs enfans selon la Méthode vulgaire , ne
doit-on pas en faire usage ? Il faut distinguer ;
quand le Maître sera vulgaire, lui - même , il ne
suivra pas d'autre Méthode , et si le Maître sçait
le Systême du Bureau ou qu'il veuille l'aprendre,
il tâchera de faire entendre raison aux parens ,
ou bien il ne se chargera pas de l'Eleve , et il en
cherchera d'autres. C'est - là où le Systême donne
une pierre de touche pour bien juger de la maniere
de penser , de parler et de raisonner des
Maîtres et des parens ; car on doit regarder comme
un fort mauvais Maître celui qui paroît indifferent
sur le choix de la Méthode à suivre ; les
parens , il est vrai , sont libres dans leur choix ;
heureux les Enfans dont les peres ont quelque
délicatesse sur cet article , et malheureux les Enfans
condamnés au foüet et à la ferule des féroces
et des mercenaires dont on a parlé dans la
Bibliotheque des Enfans , Article XIII . p . rof.
Le plus sçavant homme du monde pouroit en
même-temps être le plus mauvais Precepteur ,
faute de moeurs , de méthode , d'affection pour
l'Eleve et d'honneur pour le Métier . Un Maître
qui peche par le coeur est très dangereux ,
doit peut- être en penser autant de ceux qui pour
se mieux placer , promettent et jurent de suivre
le Systême , et qui ensuite faussant leur parole et
leurs sermens , tâchent de décrier la nouvelle Mé
thode qui les charge , pour publier les avantages
on
2156 MERCURE DE FRANCE
1
les douceurs de la Méthode vulgaire , qui aux
dépens de l'éducation des Enfans , laisse au Maître
plus de loisir pour jouir de la dissipation et
donne une plus grande liberté qu'on ne trouve
dans la Méthode du Bureau.
Le fait des Thêmes , des regles et des questions
, vous paroît mal - à - propos décisif contre
notre Méthode , vous suposez toujours ce qui
est en question , sçavoir que la Méthode vulgaire
est préferable à toute autre , que la voye de la
composition et des Thêmes doit préceder celle de
l'explication des Auteurs , et que la théorie dans
un Enfant doit préceder la pratique , &c. Je vous
renvoye là-dessus à la Bibliotheque des Enfans ,
Art XIV. XV. page 113. et pour vous faire
voir l'injustice ou l'aveuglement des Maîtres qui
au lieu de commencer par la pratique , accablent
les Enfans à force de leçons , de regles et de questions
de Sintaxe ; voici un fait qui paroît plus
décisif que le vôtre. J'ai demandé à plus de cent
Precepteurs , Regens , Professeurs , Principaux ,
&c. 1°. Quels sont les Verbes qui marchent avec
trois cas sans compter le Nominatif? aucun n'a
pú me le dire , j'ai demandé ensuite à ces
Maîtres , 29. Pourquoi ne pouvez-vous pas répon-
Are à cette question , puisque vous connoissez tous
ees Verbes , soit qu'il faille traduire ou composer ?
Aucun n'a pu répondre à cette seconde question
qu'aux dépens de la Méthode vulgaire. Je vous
prie, Monsieur, de faire bien attention à cette difficulté
ou à cette rétorsion , et de vous arrêter ici
ou de fermer le Livre pour voir si vous serez plus
heureux que les autres sur cette premiere ques➡
tion. Vous trouverez dans la Réponse de M. Perquis
au Professeur anonime ( M. G. ) page 37.
une question bien plus facile ; sçavoir ( Audire )
ne
OCTOBRE. 1735. 2157
me se trouve- t'il point en plus d'un ou de deux endroits
dans sa conjugaison ? En combien d'endroits
setrouve- t'il ? On a interrogé des Ecoliers de Logique
de Phisique , des Precepteurs , des Repetiteurs,
des Maîtres, des Auteurs et des Docteurs,
aucun n'a répondu sur le champ et sans varier
à ces petites questions , et l'on a conclu que
la voye élementaire de la pratique ou du Bureau
est plus sûre et plus courte que celle des preceptes
et de la simple théorie , on en a donné cent
et cent fois la raison dans la Bibliotheque des Enfans
in 4. Malgré cela le préjugé voudroit dominer
et tyranniser les bonnes Méthodes ; il faut
esperer qu'il n'en viendra pas à bout . Si s
n'avez pas pû répondre à la premiere question
ni à la seconde , peut- être répondrez - vous à la
troisiéme. Pourquoi met on au datif le mot pignus
dans la phrase, Do tibi hoc pignori ? En voilà
je pense , bien assés et peut-être trop pour convaincre
les bons esprits et leur persuader que la
pratique doit préceder , suivre ou accompagner
la théorie dans tous les Arts Liberaux , comme
dans les autres.
A l'égard du fait de notre Eleve de sept ans ,
il est bien facile de l'expliquer. L'Enfant dont il
s'agit n'est foible sur les Thêmes, que parce qu'il
n'a pas eu le temps ni l'occasion de s'y exercer ,
ne sçachant pas assés écrire pour cela , et parce
qu'enfin il y a plusieurs connoissances qui doivent
preceder , et auxquelles on a crâ devoir l'apliquer
préferablement par la raison et par l'esprit
du Systême. Mais dites - vous , cet enfant ne ^
méritoit donc pas tous les éloges dont on l'a
comblé , puisqu'il ne sçavoit guere que des choses
dont on peut se passer dans les Classes et qu'il
étoit reculé sur le reste. Mauvais raisonnement ,
permetter
2158 MERCURE DE FRANCE
permettez-moi , Monsieur , de le dire , tant que
la Méthode vulgaire ne prouvera pas que la route
de la composition est la plus simple , la plus
facile , et qu'il est plus aisé de parler et de composer
d'abord une Langue , qu'il n'est aisé de
commencer par la provision des mots et des idées
de cette même Langue ; car enfin est- il rien de
plus necessaire à un Enfant que l'on destine aux
Belles-Lettres est- il rien en même temps qui
doive lui faire plus d'honneur et qui puisse mieux
lui ouvrir la porte des Sciences que de sçavoir
lire couramment le François, le Latin, le Grec et
les Manuscrits , être au fait de l'élementaire du
distinctif des caracteres de l'écriture , et de l'Ofthographe
, connoître tous les caracteres employés
dans l'impression , sçavoir les premieres
operations d'Arithmetique , avoir dans la tête les
principales époques et tous les grands Evenemens
de l'Histoire et de la Fable , être versé dans la
Géographie et dans la Sphere , posseder son Rudiment
Tipographique et avoir déja fait dans ses
versions cent et cent fois l'aplication des principales
Regles de la Syntaxe, Sçavoir ; enfin une
quantité prodigieuse de mots François et Latins,
et entrer aisément dans l'explication des Auteurs?
Tout cela , dis - je , joint au goût de l'étude et des
Livres , ne fait- il point un commencement d'éducation
très- estimable dans un Eleve de septans?
Est-il d'ailleurs pour lors moins propre aux
études que l'Enfant de la Méthode vulgaire, vuide
de toutes ces connoissances ? Voilà , je le repete ,
où en étoit l'Enfant dont nous parlons ; il est
vrai qu'il n'en sçavoit pas davantage , aussi n'at'on
pas dit que ce fut un prodige classique , en-.
core moins qu'il dût tout sçavoir , mais on a
montré plusieurs fois qu'il étoit au fait de tous
Jes
OCTOBRE . 1735. 2159
Ics élemens que l'on jugeoit necessaires , et
que l'on vient d'exposer en gros , et l'on croit
que
cela méritoit bien les louanges qui lui ont
été prodiguées par ceux qui sans préjugé ont .
vû ses progrès litteraires. Si l'Enfant de sept ans
avoit continué encore un an selon le Systême
du Bureau ,il auroit été plus fort sur la composi-,
tion des Thêmes , et peut- être que pour lors vous
lui auriés pardonné de sçavoir tant d'autres cho
ses que vous convenez ignorer vous - même . C'est
donc la faute des parens , qui sans choix , et in .
differens sur l'éducation , sacrifient leurs Enfans
Tipographes entre les mains des Maîtres de la
Méthode vulgaire , que vous admettez toujours
pour premier principe contre nous qui n'en convenons
pas.
Je m'aperçois que ma Lettre devient longue ,
c'est pourquoi , Monsieur , je finis par vous dire
que la superiorité de notre Méthode consiste encore
en ce qu'il n'y a point d'Enfant si inepte, à
qui nous ne puissions aprendre avec le temps une
infinité de bonnes choses , et sur tout à qui nous
ne donnions du goût pour l'étude , au lieu que
les trois quarts des Enfans montrés à l'ordinaire
n'aprennent presque rien qui soit de quelque utilité
et n'aprennent qu'avec un affreux dégoût.
qu'ils conservent toute leur vie pour les Livres et
même pour les gens de Lettres .
Au , reste ce que je dis ici de l'avancement des
Enfans Tipographes , ne doit guere s'entendre
que de ceux qui commencent de bonne heure et
qui continuent au moins jusqu'à ce qu'ils sçachent
écrire; car après tout nous ne donnous
point la science par infusion , ce n'est que par
des opérations fréquentes et long- temps réiterées
; ainsi nous ne nous flatons point de faire.
des
2160 MERCURE DEFRANCE
des miracles , si ce n'est peut- être qu'en mettant
sur nous le poids du fardeau pour soulager les
Enfans que les Maîtres de la Méthode vulgaire
accablent ; qu'en prenant bien de la peine , et en
faisaint le métier en conscience et en honneur
n'agissant qu'avec beaucoup de circonspection ,
de patience et d'assiduité , nous venons à bout
d'amuser utilement des Enfans qui par leur legereté
naturelle et par la fatalité de mille circonstances
nuisibles et fàcheuses , dans lesquelles
ils se trouvent d'ordinaire au milieu des Domestiques
, n'ont toujours que trop d'éloignement
les exercices de la Litterature .
pour
1 J'espere , Monsieur , que ces raisonnemens
joints aux experiences que vous avez vûës et que
Vous pouvez aller voir chés M. Hebert , Introducteur
des Ambassadeurs , et chés M. Chompré
le cader , que ces experiences dissiperont vos
craintes et vous convertiront tout à- fait à laTipographis
Cependant si vous êtes de ces gens
qui se défient de leurs propres lumieres et qui
ne se déterminent que sur la multitude des
exemples et sur des autorités respectables , nous
avons encore sur cela de quoi vous satisfaire . Ce
sera pour une autre Lettre . Je suis en atten◄
dant , & c.
LE
E Poëme sur la Fayence , que nous
avons donné dans le Mercure de
Juillet dernier , a amusé agreablement ,
comme on nous le marque de plusieurs
Endroits . Il a fait plus , il a merité d'être.
traduit en Vers Latins par un Poëte du
premier
OCTOBRE. 1735. 216
premier ordre. Les connoisseurs et les
amateurs du Beau seront bien- aises de
trouver ici cette Traduction.
VASA FAVENTINA
VA
CARMEN.
Asa, faventinis orta olim in moenibus, aude
Musa , per ora virum læto diffundere versu ;
Mirum opus ! Italiæ pertæsum transiit Alpes
Attonitas , et se Nivernis contulit oris ,
Unde suas longe trans æquora vulgat honores
Divitiis gaudens atque auri cæcus amore ,
Carpebat Plutus dictis mordacibus Artes
Palladias ; alieni , inquit , non indiget aurum
Argentumve operis ; per se satis ipsa renident ,
Nec decoris quidquam labor aut industria possit
Adjicere ; at Pallas generoso concita fastu
Materiem serva ditem tibi ; non ego vilem
Desperem Argillam splendescere posse , peritis
Dum modo tractetur manibus ; quidve aurea
tantum
>
Dona juvant homines ? auri non indiget usus
Dixerat , et geminas coalescere cogit in unam
Solerter glebas ; totam in (4) proplasmate molem
Deinde locat , manibus que premit circum omnia
dextris
(a) Le Tour.
Dum
2162 MERCURE DE FRANCE
Dum famulante pede interea se machina torqueę
Continuo , et certos peragit versatilis orbes ,
Fervet opus ; docilis manibus parere magistris ,
Perficitur moles , habitusque exercita jussos
Induit ; ast ( oculos num ludit amabilis error ? }
Mille sibi rapido succedunt ordine vasa
Attonitam grato aspectu recreantia mentem .
Illa quidem primo fluitant infirma sub ortu ;
Lentus ubi vapor aufugit , consistere discunt ,
Deinde ollis justo sensim venit ignis ab æstu
Durities , crescitque decor ; sed vasa filignas
In species abiisse parum est , ni perlita dulci
Encausto (a ) niteant , ac demum picta , colores
Exhibeant varios ; formosi solis ab ipso
Sidere splendores Encaustum haussisse decoros
Credideris , tanta est formosæ gratia lucis !
Dum Pluti contemnit opes Industria , Pallas
Illud opus peragit ; plumbo, stannoque, perustis
Immiscet bene cauta sales , vilemque ( b ) saburram
.
Tota simul moles violento liquitur igne
Et latere aut saxo fit durior ; ictibus inde
Commolitur crebris , fluidi dum more Metalli
Lentescat , niveosque imitetur tota cremores ;
Singula tum medio merguntur vasa fluento.
Mox variâ solers illudit imagine Pictor ,
Encausto molles pueri , facilesque puella
(a ) L'Email.
(b) Le Sable blanc.
Stant
1
OCTOBRE. 1735. 2163
Stant medio , mixtosque jocis per gramen amores
Insultare solo videas , modo Templa Tonanti
Insurgunt, facilem eliciunt modo ludicra risum
Commenta ; hic variis pinguntur floribus horti ,
Porticibus longis illic augusta patescunt
Atria, priscorum Monumenta antiqua virorum ,
Pictorum ille Pater Raphaël , qui maxima quæj
qúe
Pingeret , et fragili varias in vase figuras
Interdum effinxit , tantosque peritus honores
Indidit , ut fieret limus pretiosior auro.
O legitis qui sacra viri vestigia tanti ,
Pictores , animis ardete recentibus ; artem
Parrhasiam incolite , et totis incumbite curis ;
Fors laudis veniet quoque pars aliquanta futuræ
Sat necdum suus est filignis vasibus omnis
Partus honor ; mediis iterum , Vulcane , caminis
Irrue ; continuos si non caluere per ignes ,
Encausto deerit sua forma , suumque colori
Cyaneo (4 ) decus ; at postquam conçoxit utruma
que
Ignis , et encausto infudit se cyanus ,
ô Dii ?
Ut blandum radiant , ut amicâ luce refulgent !
An memorem quam multiplici vas fictile cultu
Gaudeat ? an tenuis coner describere vates
Encausto ut vario , variâ ut vernigine Pallas
Tingere vas docuit ? num flavum , Musa , colos
rem
(a ) L'Azur.
Concrètum
2264 MERCURE DE FRANCE
Concretum è (a) stibio , quod , quanquam per
fida sæpe
Munera fert domino, Chimicus reclinis adorat
An viridem natum venere , an Mavorte creatum
Patre nigrum , rubeumve canam quem dulcibus
ipsa
Desuper infundens largitur Pallas alumnis ?
Sed quid ego hæc autem ? Mercator mille
labores
.....
Exigit , et nostris gaudens allabitur oris ,
Nivernas ut opes , et nostrum ( nostra reportang
Vasa ) ferat nomen latera usque per ultima
Mundi ;
Quis credat ? magnæ princeps Lutetia Gentis ,
Londinumque , jugi impatiens , afferre tributum
Niverno properant, et vectigalia sólvunt ;
Pastorumque Case , Regumque Palatia nos
tris
Muneribus decorata nitent ; his utitur ultro
Nobilis et dives , sapiensque , virentibus hortis ,
Seu nitidum placeat , mensis- ve dedisse lepo
rem ,
"
Et dites patinas et vasa argentea novit
Vincere Niverni simplex et munda supeller.
Invidus obliquo felices Palladis ausus
Lumine dum cernit Plutus , si plurima , dixit ,
Est operi , at saltem fragilisque et fluxa venus
tas.
Tum Pallas , facilem , fateor , mea vasa ruinam
(a) L'Antimoine.
Perpetiuntur
OCTOBRE . 1735. 2169
Perpetiuntur , ait , sed multo venditur auro
Cristallus , quanquam fragilis
blandis
cum lumina
Encaustum recreat radiis , pretiosius inde
Crediderim , quò sit diffringi promptius ; ipsa,
Artis opus tantæ ; vilescant ( a) sinica vasa
Si fiant solida , incassum tua , Plute , per auras
Probra volant, quanquam solido nec vasa tenore
Nostra carent ; non sic auro sua forma , decusve
Hæret ut Argillæ ; æternos Argilla colores
Concipit , et quamvis rupesque , metallaque
Tempus
Deterat, Encaustum et cyanum haud corrumpere
possit :
Sic olim ætheream finxit nova vasa per artem .
Sic ulta est Pallas contemptæ opprobria fama,
Mortales lucro coelestem apponitis iram ;
Diva suos peperit vobis irata labores
(a) La Porcelaine.
T. D. B. J.
LETTRE
2166 MERCURE DE FRANCE
患
LETTRE de M. Maillart , Avocat ,
à M. D. L. R. sur le Grand Voyage
de Jerusalem , & c. imprimé en 1517.
E vous communique , Monsieur , mes
Reflexions sur un Livre imprimé à
Paris en 1517.que j'ai acquis depuis peu.
Il commence par ces mots : Le Grant
Voyage de Jherusalem.
Au feuillet 3. commence le Prologue
de la maniere suivante.
› » A très haulte , très chrétienne , et
» très redoubtée Princesse , la ROYNE de
France , MARGUERITE , ma très souve-
» raine Dame , en notre Seigneur JHESUS:
» humble salut , et grace parfaite . NICOLE
" HUEN , humble Professeur en sainte
Theologie , Religieux à la Mere de Dieu,
>> Notre-Dame des Carmes du Couvent
» du Ponte- Audemer , et de la feu Roine
>> CHARLOTE , que Dieu absolve , Con-
>> fesseur , et devot Chapelain , et le vo
» tre perpetuel subject , et Orateur.
Au folio 3. verso , on lit ce qui suit.
>> Vray est , ma très honnorée , et sou-
» veraine Princesse , que j'ai ung petit
» Euvre composé du PELERINAGE très
sainct
OCTOBRE . 1735. 2167
» sainct , et le plus méritoire de notre foy
Catholique qui est de Jherusalem : le-
» quel , par la misericorde de nostre doulx
» ĴHESUS , ceste année passée ay accomply.
Au folio 4. cet Auteur finit en ces termes
:
» Par telle ordre que vous puissés regner
très longuement , et avoir géniture
» du Noble Roy le plus des fleurs de lis ,
» tout vertueux , et Recteur glorieux.
Reflexions sur ces Extraits.
1. MARGUERITE.C'estMarguerite d'Autriche
, née le 10. Janvier 1479. stile ancien
, du Mariage de Maximilien I. Duc
d'Autriche , puis Empereur , et de Marie
, heritiere de Bourgogne .
2. Après la mort de la Duchesse Mavie
, arrivée à Bruges en Flandres , le 27 .
Mars 1481 avant Pâques , les Flamans
envoyerent proposer au Roy Louis XI.
le Mariage de leur Princesse Marguerite,
avec le Dauphin Charles né le 30.
Juin 1475.
›
3. Ce Mariage fut arrêté par le Traité
de Paix fait à Arras , nommée alors
FRANCHISE , le 23. Decembre 1482.
4. En vertu de cette Paix , la Princesse
Marguerite fut élevée au Château d'Amboise.
C S.
2168 MERCURE DE FRANCE
·
5. Par le décès du Roy Louis XI . arrivé
au Château du Plessis lez Tours , le 30.
Aoust 1483. le Dauphin devint le Roy
Charles VIII.
Voila pourquoi , en 1488. l'Auteur du
Voyage de Jerusalem , nomme Reine , la
Princesse Marguerite.
6. Mais cette destination n'eut pas lieu ,
·puisque le 16. Decembre 1491. le Roy
Charles VIII, épousa à Langez en Touraine
, Anne , Heritiere de Bretagne.
7. La Princesse Marguerite d'Autriche
ne fut remise aux Deputés de son Pere
Maximilien I. et de son Frere l'Archiduc
Philipe , qu'en execution de la Paix
faite à Senlis le 23. May , 1493 .
8. La Princesse Marguerite fut promise
à Don JUAN d'Arragon , qui deceda le 4.
Octobre 1427.
voyage 9. Comme elle faisoit par Mer le
de Flandres en Espagne , une tempête
survint qui donna lieu de lui attribuer ce
distique.
CY GIST MARGOL , Noble Damoiselle
Deuxfois mariée , et morte Pucelle.
To. Neanmoins , le 27. Octobre 1501.
cette Princesse Marguerite d'Autriche
épousa Philibert II. Duc de Savoye , decedé
le 10. Septembre 1504.
11
OCTOBRE. 1735. 2169
11. Cette Princesse étant devenuë
veuve , prit possession du gouvernement
des Pays Bas te 18. May 1507. et elle
deceda à Malines le 1. Decembre 1530.
12. C'est la même Princesse qui conclut
leTraité entre la France et l'Espagne,
à Cambray le 5. Août 1529 .
13. Ce fut cette Princesse Marguerite ,
qui fit bâtir la belle Eglise de Notre-
Dame de Brou , auprès de la Ville de
Bourg en Bresse , laquelle fait l'admiration
des voyageurs .
14. Charlotte de Savoye étoit la seconde
femme du Roy Louis XI . et elle deceda à
Amboise le 1. Decembre 1483. c'étoit la
Mere du Roy Charles VIII.
15. Au folio 7. l'Auteur dit , qu'il a
fait le Voyage de la Terre Sainte , avec
Monseigneur l'Evêque de Cambray.
C'étoit alorsHenry de Berghes , qui prit
possession de cet Evêché en 1482 , et
mourut le 7. Octobre 1502.
16. Si l'Auteur du Grand Voyage de Ferusalem
eût caracterisé davantage les personnes
qu'il a énoncées dans son Prologue
, e ne me serois pas donné la peine
de les faire connoître au Public . De -là ,
je conclus que ceux qui écrivent ne devioient
pas avoir pour objet , le seul tems ,
où ils communiquent leurs Ouvrages au
Cij Public
2170 MERCURE DE FRANCE
Public , mais instruire les temps
futurs ,
dés évenemens qu'ils ont jugé dignes de
remarques .
Je suis Monsieur , & c.
A Paris le 17. Juin 1735 .
0.0.0.0.
LE PANIER ,
EG LOGUE.
POurgagner les faveurs d'une jeune Mai- tresse
Un Amant excité par sa folle tendresse ,
Presente à pleines mains l'argent et les rubis ;
Une Fille souvent met ses charmes à prix ;
Detestables presens , enfans de l'avarice
Et de la volupté sa fidel'e complice !
L'Amour n'exige point ces malheureux tributs ,
Il demande le coeur et ne veut rien de plus.
J'aime , disoit Tirsis , la charmante Lisette ,
Du present de mon coeur je la crois satisfaite ;
Que voudroit-elle encor ? mes troupeaux et mon
chien ?
Quand on donne son coeur , on ne reserve rien ;
Si je fais des presens , c'est pour suivre l'usage ,
Non,pour la meriter , mais pour lui rendre hommage
;
Je
OCTOBRE . 1735. 2271
Je lui donne des Vers , je presente un bouquer
Formé de violette ou de simple muguet ;
Je lui donne un oiseau que j'enleve à sa mere ,
Et que j'instruis exprès pour plaire à ma bergere;
Je lui donne des fruits , fruits cueillis de ma
main ,
Fruits où paroît encor la fraischeur du matin ;
Je presente aujourd'hui ce . Panier à Lisette ,
Si l'on regarde l'art cette Piece est parfaite ;
Mæris sur ce Panier plaça tout son sçavoir ,
Aminte de sa main croyoit le recevoir ,
Et même pour avoir du don la preference
Aminte lui promît un baiser par avance ;
Je ne lui promis rien ; sans espoir de retour j
Il me fit ce present et je l'ofre à mon tour.
Et de jonc et d'écorce un subtil assemblage
Fit ce Panier , la fleur des Paniers de notre âge ,
Sur ce galant Panier Mæris ingénieux
A tracé mille objets pour amuser les yeux ;
Ily peignit d'abord une jeune Bergere ,
Deux Bergers sont près d'elle assis sur la
fougere ,
Elle prête l'oreille à ces deux concurrens ,
Et reçoit de tous deux l'hommage en mêmetemps
,
Paye l'un d'un souris , et l'autre d'une oeillade
Cupidon cependant se tient en embuscade ,
Ce Dieu rit en secret de la credulité
De deux Amans que trompe une jeune beauté.
Ciij Sous
2172 MERCURE DE FRANCE
Sous ces ormes l'on voit une danse legere ;
Là, plus d'un Berger tient la main de sa Bergere ,
Et la danse et le chant croissent encor les feux ;
L'Amour dans cette fête entre - mêle ses jeux ;
On n'y rencontre point l'importune tristesse ;
On voit dans tous les yeux la joye et la tendresse
,
Les veux sont satisfaits ; ces voeux sont inno
cens ;
La pudeur ne craint rien dans ces doux passetemps.
Voyés ce Peuplier qui couvre une fontaine ;
J'aperçois tout auprès le malheureux Philene ,
Il pleure , mais ses pleurs ne lui servent de rien,
Amarillis en rit et caresse son chien.
Regardez ce Berger qui s'occupe à la chasse ;
Il suit avec ardeur un Lievre à la trace ;
Sa Cloris cependant par lui placée exprès
Dans le coin d'un buisson veille sur ses filets.
Dois -je expliquer ici la cinquiéme figure è
D. mon voisin Hilas elle peint l'avanture ,
Il surprend Philomele avec un autre amant ,
Vous voyez sa douleur et son étonnement ,
Hilas de son épicu veut percer Philomele ,
L'Amour retient son bras et sauve l'infidelle ;
Un Berger tout auprès joue à colin maillard ,
Conduit par son amour plutôt que par hazard
I saisit sa Bergere , elle fait la surprise ,
Elle auroit du regret qu'une autre eut été prise.
Mæris
OCTOBRE. 1735. 2173
Meris sur ce Panier peignit bien d'autres jeux ;
Les dépits insensés d'un amant malheureux ,
Le doux sort d'un Berger qui commence de
plaire ,
Les dégouts d'un amour qui n'a rien de contraire
;
Mais sur ce point , Mæris , je veux te corriger ,
Mæris , tu juges mal de l'amour d'un Berger ;
Crois- tu que les faveurs le rendent infidelle ?
Une fille qui m'aime en est- elle moins belle ?
Vois-tu le laboureur abandonner ses champs ,
Quand la blonde Çerés le comble de presens ?
Nous vois- tu des jardins degoûtés , quand Pomone
.
Enrichit dé son fruit celui qui les ordonne ?
Le dégout ne suit point les fidelles amours ,
Mæris , quand on nous aime il faut aimer toujours.
Pierre de Frasnay.
C ilij
LET
2174 MERCURE DE FRANCE
*****: *** : *******
, LETTRE à M. l'Abbé *** ¸ Auteur
de la Traduction Françoise des Cantiques
Armeniens , &c . inserée dans l'Article
LXXXIII. du Journal de Trévoux ,
mois d'Août 1735 .
J'Aisent
' Ai senti du premier abord, Monsieur,
que les Lettres
sacrées et profanes retireront incessamment
de la découverte de l'Arménic
Litteraire , dès que la Providence aura
bien voulu vous mettre en état de continuer
la pénible carriere que vous ouvrez
aujourd'hui ; et je suis persuadé que
les avantages seroient encore plus grands
si nous connoissions bien le Japon Litteraire
, les Terres inconnuës Litteraires,
et s'il est permis de le dire , toutes les
Planetes Litteraires . J'ai été agréablement
surpris de ce qu'une Nation que nous
avons regardée jusqu'ici comme un Peuple
barbare , a produit depuis le cinq
jusqu'au quinziéme siecle plus de gens
de Lettres à proportion que l'Europe
entiere n'en a fourni pendant cet espace
de temps. Notre surprise seroit bien plus
grande en aprenant que les Habitans de
la Lune commencent peut- être les études
OCTOBRE. 1735. 2175
des
par où nous les finissons ; on ne sçauroit
se former de trop grandes idées de
la moindre partie de l'Univers.
J'ai vu des Rois et des Princes de cette
sçavante Nation de l'Armenie , non - seulement
aimer et proteger les Lettres ,
mais les cultiver eux mêmes et ne dédaigner
ni la Théologie , ni la Poësie , ni la
Grammaire. J'ai été charmé d'apercevoir
en Arménie desThéologiens,desCommen
tateurs de l'Ecriture , des Controversistes
, des Philosophes, des Astronomes , des
Historiens, des Grammairiens, des Fabulistes
, des Sçavans versés dans la connoissance
des Langues Hebraïque , Caldaïque
, Siriaque , Arabe , Persanne , Ibérienne
, Albaniene , Grecque , Latine, & c.
Peut être que dans d'autres Planetes les
sciences sont diferentes des nôtres ,je veux
dire que leur Philosophie naturelle roule
sur des objets diférens des nôtres.
Par le mot de Poësie , comme vous
Monsieur , je ne crois pas que l'on doive
entendre ici ce langage qui tire une partie
de son merite d'une certaine mesure re
glée par la quantité , comme chés les Grecs
et chés les Latins , où cette sorte de vers
dont les graces consistent en partie dans
la rime , comme parmi les Barbares , les
Paysans et les Enfans.On doit donc pren-
ORTA
Cv dre
2178 MERCURE DE FRANCE
de
degrés de la voye insensible. Nos Poëtes
François dans le besoin n'augmentent - ils
pas les sillabes d'un mot comme lorsqu'ils
écrivent encore • avecque &c.
pour encor , avec , & c ? Cette espece
nombre et d'harmonie se forme , dites
vous , par le secours de la voyelle auxiliaire
i , qu'il a soin de placer en diferens
endroits pour donner du corps aux mots
et pour en rendre la prononciation plus
agreable. Or pour faire bien entendre en
quoi consiste cette sorte de nombre,vous
nous aprenés que dans les mots Arméniens
une grande partie des consonnes est
très- souvent destituée de voyelles ( que
l'on suplée pour la plupart quand on veut
les prononcer ) mais qui ne sont point
exprimées sur le papier quand on écrit en
Prose.
Pour faire comprendre cela , vous donez
l'exemple suivant dans le mot Hndstann
qui signifie le Païs de l'Inde , il ne
se trouve , comme on le voit , que la seule
voyelle a parmi sept consonnes. Le Poëte
peut d'abord laisser ce mot tel qu'il est ,
et ne le compter tout entier que pour
une seule sillabe , mais à l'aide d'un i auxiliaire
, il est le maître d'en faire un mot
de deux sillabes Hindstann ou de trois
Hindistann , ou enfin de quatre Hindistanine
,
OCTO BRE. 1735 2179
tanine , &c. Delà vient aux Poëtes d'Ar
menie la facilité de faire des Vers qui
prétent , qui s'alongent , ou se racourcissent
selon le besoin , avantage qui
donne avec poids et mesure la prononciation
douce , tendre et nombreuse , en
ajoutant une des plus delicates et des
plus riantes de toutes les voyelles qui est
au lieu que , s'ils veulent peindre des
objets tristes , éfrayans et terribles , ils
laissent leurs mots dans la rudesse et l'â
preté qui leur est naturelle. Cet avantage
me paroît considerable , et c'est peutêtre
de- là qu'est sorti l'ingénieux et fécond
Barbara celarent , Datisi , &c. et le
sistême des Vers redondans .
Un autre avantage que ces Poëtes trouverent
dans cette augmentation de sillabes
, fut de donner aux Musiciens une
plus grande facilité de placer les notes
nécessaires à la mesure , au mouvement ,
et au caractere de leurs compositions & c.
effectivement sans ce secret les Musiciens
étoient bien embarassés , car il semble
que la Musique ne roule que sur les
voyelles ; or comment marquer les notes
s'il n'y a point de voyelles dans une sillabe
et dans un mot , comme dans le mot ST ,
ou sur la lettre M. du mot Hyperm nestre
? on mettra la note sur la consonne
cela
2180 MERCURE DE FRANCE
cela se peut en écrivant sur une ligne horisontale
comme nous ou comme les
Hebreux ; mais si de temps en temps on
écrit en zigzac et en tout sens comme en
bien des langues , le Musicien doit être
aux expediens ; c'est aux Orientaux à
nous l'aprendre.
Croyez-vous , Monsieur , qu'on puisse
parler aucune langue du monde sans le
melange des sillabes longues ou breves ?
et sans le melange des sons graves ou ai
gus ? en un mot sans accens ? Ne peuton
pas déplaire à l'oreille par une pro-
?
>
nonciation douce et fade sur le même
ton, sur la même voyelle , autant er plus
que par une prononciation mâle , forte
mais variée ? quoiqu'une langue n'exprime
pas les voyelles sur le papier , en sontelles
plus muertes dans la prononciation ?
Qu'on prononce les voyelles aprises par
tradition ou autrement en sont elles
moins voyelles et ame du discours ?Peuton
prononcer les consonnes Armeniennes
sans le secours des voyelles sous entendues
et quelle regle a- t'on pour le
choix des voyelles non exprimées sur le
papier ? Dans votre mot Hndstadnn , par
exemple , peut on aspirer la lettre ↳ sans
voyelle peut- on distinguer sans voyelle
si le n est nasal ou consonne ? peut on
?
sans
OCTH BRE. 1735. 2181
sans voyelles faire entendre les lettres
d , s , t & n ? Pour lire ce mot à la françoise
et selon la Methode du Bureau Tipographique
, ne faudroit - il pas dire le
plus rapidement qu'il seroit possible ,
Hendesianne , ou Henedecetanne ? or pour
lors il seroit vrai de dire qu'on articule
cinq ou six sillabes phisiques et réellement
distinctes : comment concevoir
donc qu'un Armenien peut n'en faire
qu'une sillabe ? il semble y en avoir au
moins deux gramaticales puisque c'est
un mot composé de deux autres mots ,
sçavoir du mot Hnd et du mot Stann.
Comment pouvoir exprimer , prononcer
et chanter deux mots en une seule
sillabe on poura voir des mots plus rudes
à prononcer dans l'alphabet Latin et
dans l'alphabet François du Sistême Tipographique
, leçons 46. 47. 103. 104 .
107.
,
A propos d'alphabet Arménien je vous
suplie , Monsieur , de vouloir bien nous
dire dans la suite , d'où vient que pour
en donner la dénomination , on prodigue
à la plupart des lettres plusieurs
voyelles et plusieurs consonnes , pendant
que l'on est si retenu dans la pratique
des voyelles pour le discours écrit ?
Pourquoi, par exemple ,ajouter la sillabe
ib
2182 MERCURE DE FRANCE
ib à la denomination de l'A , en à la´ denomination
du B ; im à la denomination
du gh ? ioun pour le son du L ; ioun pour
le son du Hiour pour le son du pb , &c.
on doit dire la même chose des Alphabets
Hebreux , Arabes , Grecs , &c.pourquoi
depuis tant de siecles montrer si pen
de jugement sur les premiers élemens des
lettres l'Auteur de la Bibliotheque des
Enfans a déja répondu à ces sortes de
questions , et voici la reponse du R. P.
Castel sur les nouveautés. » Les principes
qui ont enfanté une decouverte ,
devroient sufire pour la démontrer ;
» mais une decouverte est une nouveau-
» té , elle se revele peu à peu à un Au-
» teur , au lieu qu'elle aparoît brusque-
» ment au Public ; elle a beau être mu
"
nie de tous ses passeports , certificats
» et attestations de verité , de certitude ,
» d'evidence même , c'est sa vraisemblance
, c'est sa possibilité qu'on commence
» par lui contester. Il lui faut donc rai-
»son et demi , et demonstration
sur de
monstration , pour passer. J'ai l'honneur
d'être , &c.
"
ESSA1
OCTOBR E. 1735 2183
ssssssssssssssssss
ESSAI sur les Bucoliques de Virgile.
Sujet de la seconde Eglague.
LE Poëte doit être sage ;
Pour ses Vers il importe peu ;
Ils n'auroient ni grace ni feu ,
Sans cet air de libertinage.
C'est par cette maxime , à la verité
fort relâchée , que Pline le jeune cherche
à se justifier d'avoir composé quelques
bagatelles sur des sujets un peu
trop libres ; et comme si les fautes
de ceux qui nous ont précedés , pouyoient
excuser celles que nous commettons
, il prie son ami de se ressouvenir
qu'avant lui les Grands Hommes et les
plus austeres, s'étoient quelquefois livrés
à de pareils amusemens et qu'ils n'avoient
pas toujours choisi leurs sujets au gré
d'une Lucrece . Pline lui - même n'étoit
pas moins recommandable par la pureté
de ses moeurs , que par la beauté de son
génie ; et pour avoir égayé son loisir par
des Vers tendres , il ne doit pas passer
pour un homme épris d'une passion dé
testable.
*
A Dieu
2184 MERCURE DE FRANCE
A Dieu ne plaise que nous jugions
Virgile plus coupable que lui . Nous regarderons
cette Eglogue, comme un libertinage
d'esprit . L'esprit Poëtique est
souvent libertin , mais un peu de folie
se pardonne aux Poëtes . Cet Ouvrage
est un des premiers que Virgile ait composés
dans le génie pastoral ; ce qui pou
roit le faire présumer , c'est que dans la
cinquième Eglogue , v. 85. où sous le
nom de Ménalque , il fait hommage de
sa Flute au Berger Mopsus , qui est Auguste
lui - même , il lui dit en la lui pré-
Daignez accepter cette Flute ;
elle m'aprit autrefois à chanter ; le Berger
Coridon aima passionnément le bel Alexis.
Virgile paroît avoir eu dessein en la composant
d'imiter Théocrite , et l'on peut
dire qu'il n'est point inferieus à son mo
dele .
sentant . ..
Il le suivit dans sa carriere ,
Et son Emule il se rendit
Sans se rendre son plagiaire.
Il regne par tout dans cette Pastorale
une délicatesse de sentimens charmans
et une beauté d'expression admirable.
Heureux si le choix de son sujet ne se
sentoit un peu trop de la corruption de
son siecle !
TRAOCTOBR
E. 1735. 2185
TRADUCTION.
Formosum Pastor.
Le Berger Coridon aimoit passionnément
le bel Alexis ; celui cy sentoit la
même ardeur pour Jolas. Ainsi l'infortuné
Coridon aimoit sans esperance . Son
seul soulagement étoit de venir souvent
à l'ombre de ces Hêtres'; là il aprenoit
aux Echos des Montagnes et des Forêts
le trouble de son ame , et il exhaloit sa
douleur en des plaintes inutiles .
O crudelis Alexi.
Cruel Alexis , disoit- il , vous n'êtes
point touché de mes tristes regrets , vous
êtes insensible à ma peine , votre cruauté
va me donner la mort. A cette heure
les Troupeaux sont à l'ombre et goûtent
le frais , les Lézards même se cachent dans
des buissons. Les Moissonneurs ne pouvant
plus résister à une chaleur si excessive
, prennent chés eux du repos , tandis
que Thestile aprête le dîné , et qu'elle
pile de l'ail et du serpolet pour leur en
faire un ragoût . Cependant pour vous
trouver , je ne crains point de m'exposer
aux ardeurs d'un Soleil brulant , je
cherche tout les traces de vos pas , et.
par
le silence des Bois n'est interrompu que
par le chant des Cigales et par mes gémissemens
2188 MERCURE DE FRANCE
•
vous des Violettes et des Pavots , elle
y joint le Narcisse et l'Anethe , dont
l'odeur est si douce ; les couleurs de ses
Bouquets sont agréablement diversifiées;
elle releve les Hyacinthes par le Souci ,
elle y entremêle du Romarin et des fleurs
d'un parfum agréable. Je vous servirai
aussi mon présent , ce seront des Coins
fraîchement cueillis , des Chataignes ,
fruit exquis au goût de mon Amaryllis ;
j'y joindrai des Prunes d'un jaune doré ;
pour donner plus de grace à ces fruits,
je les entrelasserai de branches de Laurier
et de Myrte , qui ne le cede en rien
au Laurier , et dont le mêlange répandra
une agréable odeur .
Rusticus es , Coridon.
Voeux impuissans ! infortuné Coridon ,
tu n'es qu'un Berger qu'on méprise
les présents ne touchent point Alexis ,
et quand tu ferois des efforts pour le
gagner , par - là Jolas l'emporteroit toujours
sur toi .Hélas ! Qu'ai je prétendu par
mes empressemens ? Le vent du Midi a
desseché mes fleurs , les Sangliers ont
troublé la clarté de mes Fontaines ; en
un mot j'ai tout gâté . Que faites vous ,
cher Alexis ? Quelle est votre folie de
m'éviter ? Les Dieux même ont habité les
Forêts ; Pâris , le beau Pâris a été Berger.
Que
OCTOBRE. 1735. 2189
Que Pallas se plaise dans les Villes , qu'elle
a élevées ; pour nous , préferons le séjour
des Forêts à tout autre séjour . Comme
on voit la Lionne après le Loup ,
le Loup poursuivre la Chevre , la Chevre
chercher le Citise ; avec la même are
deur je ne cherche , je ne veux que vous,
ainsi chacun cede au penchant qui l'entraîne
; vous le voyez , déja les Boufs fatigués
ramenent leur Charuë , le Soleil
se retire et fait croître les ombres de
moitié ; le Laboureur va goûter du repos
le Soleil va se reposer ; et moi je
me consume toujours en de vains désirs ,
je ne trouve point de relâche à ma peine
; hélas ! y en a t'il du repos pour un
Amant malheureux ?
}
Ah! Coridon , Coridon !
Ah ! Coridon , Coridon , quelle est ta
folie à quoi penses tu ?Les Ormeaux ne
sont point émondés , les Vignes ne sont
qu'à moitié taillées , et que ne m'occupai-
je plutôt à faire quelques ouvrages
de jonc ou d'ozier , dont chaque jour
j'ai besoin. Console toi , si Alexis te mé
prise , tu en trouveras un autre.
L. M. D. C
A Paris le 6. Septembre 1735.
La suite pour un autre Mercure.
2190 MERCURE DE FRANCE
L'Enigme de Septembre a été faite sur
la Quinte de Valet au jeu du Piquet , contre
une Quatrième de Roy . Les trois
Logogryphes doivent s'expliquer par
Méthode , Ramage , Pieton. On trouve
au premier Mode , Ode , Théme , Moi et
Thé. Au deuxième , Rage , Mer , Mage,
Ame , Agar, Rame , Amer , Marge ; et
au troisiéme , Pie , Ton , Pot.
P
ENIGM E.
Our tirer de moi du service ,
Il faut m'apliquer au suplice ;
On me brule la tête , et ce tourment nouveau
Me fait aussi tôt fondre en larmes ,
Il m'oblige à porter les Armes
Au gré de mon propre Boureau.
LOGO GR Y P HE.
D
Ans mon plein je suis fruit , par lambeaux
une Ville ;
Une Riviere , un lieu de rafraichissement.
Tel passera pour malhabile ,
1 : %
Qui
OCTOBRE. 1735. 2191
Qui de moi sur le champ ne fera dénouement.
Un nombre d'autres mots se donnent à la vûë
Qu'on doit voir clairement, si l'on n'a la berluë,
Une seconde Ville ; un Saint ; un Air cuisant ;
Une Province froide ; un Arbre haut et grand ;
Un terme de mépris , un autre d'arrogance ;
Un homme noir ; le nom de la Reine des Cieuxi
Une troisiéme Ville en France ;
Un nom Latin qui signifie deux ;
Une Vertu Théologale ;
Des filoux la grande moisson ;
Trois Lettres qu'un Puissant étale ;
Ce qu'Argenteuil conserve avec dévotion ,
Un agréable fruit ; un mot d'Architecture ,
De moi , Lecteur , te donnent l'ouverture.
AUTR E.
E sçavoir qui je suis , il est presque impossible
; DE
Cher Lecteur , ma figure est toujours invisible.'
1. 2. 3. 4. ainsi je suis Etre sans corps ,
Entre ceux qui jamais n'iront aux sombres bords;
Je suis d'un Souverain le Ministre fidelle;
Je conserve son oeuvre et l'ai sous ma tutelle.
2. 1 3. 4. alors j'ai l'Empire des Eaux ;
Je suis un naturel à tous les animaux ;
Tous se jettent sur moi , ce n'est que par adresse;
Si pour me posseder l'homme vainc sa foiblesse
D I'
2192 M ER CURE DE FRANCE
1. 2. 8 l'heureux tems des souhaits empressés ! -
Mais à peine ête vous que vous disparoissés .
1. 2. 4. je crains d'avoir ta ressemblance ;
Toujours honni , bartu , modele d'ignorance ,
Voilà comme on te traite , état triste et fâcheux;
On accable , dit - on , toujours le malheureux.
34. 1. 2. on peut croire que j'ai la forme
De ces Monstres anciens et de grandeur énorme,
I. 3. 4. je cours si vîte que le vent ;
Aussi tôt que je nais, je cherche le néant ;
Je vole avec plaisir pour la belle Jeunesse ;
D'un pas précipité j'emporte la vieillesse ;
Dans une affliction je suis trop ennuyeux ,
Je m'écoule trop tôt pour tout esprit joyeuz
2. 4. en bon Latin je sers de particule ;
Mais si l'on ajoûtoit espece de virgule ,
Je suis ce qui jadis n'avoit pas existé ;
Je vois enfin le jour pour un temps limité,
3. 1. 2. je me prête et remplis la mesure ,
Lorsque je suis gonflé , l'on connoît ma figure
Tel a voulu m'avoir qui n'est pas le premier,
Lecteur , pour deviner ne sois pas le dernier,
NOU
OCTOBRE 1735 2193
*****XX :XX :XXXX **
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &c.
MPOSTURES INNOCENTES , Ou
IRecueil d'Estampes d'après divers
Peintres illustres , tels que Raphaël , le
Guide , Carlo Maratti , le Poussin , Rembrandt
, &c. gravées à leur imitation
et selon le goût particulier de chacun
d'eux , et accompagnées d'un Discours
sur les Préjugés de certains Curieux
touchant la Gravûre ; par Bernard
Picart , Dessinateur et Graveur ; avec son
Eloge Historique , et le Catalogue de ses
Ouvrages. A Amsterdam , chés la veuve
de Bernard Picart , sur le Cingel , à l'Etoile
, 1734. in folio.
Ce Titre est suivi d'un Avertissement
de deux pages , dans lequel Madame la
veuve Picart s'exprime ainsi .
,
Les Estampes qui font la principale
partie de ce Volume ont été gravées
en divers temps par B. Picart , il rend
raison de ce qui l'a engagé à cet Ouvrage
dans le petit Dscours qui les précede
, il comptoit de le mettre au jour
Dij dans
2194 MERCURE DE FRANCE
dans le temps qu'il a plu à Dieu de disposer
de sa personne. On aprend par
une Note au bas de la page , qu'il y en a
quelques unes où il n'avoit point encore
mis la derniere main , par exemple , la Bacchanale
d'aprèsRaphaël , N ° .2.qui est son
dernier Ouvrage ; mais , par le conseil
de bons Connoisseurs , on a mieux aimé
les laisser ainsi , que de risquer d'en voir
ôter tout l'esprit , très - peu de personnes
étant au fait de cette Gravûre Pittoresque.
On a trouvé à propos d'y ajouter
son Eloge Historique , aussi - bien que
le Catalogue de ses Ouvrages .
La Vie des Hommes qui se sont rendus
celebres dans les Arts et dans les
Sciences, interesse toujours agréablement
la curiosité des habiles gens , en l'un ou
Pautre de ces genres ; et plus la Classe
dans laquelle ils se sont distingués est
petite et peu nombreuse , plus on est ravi
de la pouvoir augmenter de quelque
Sujet illustre. Qu'il me soit permis de
dire que c'est le cas particulier de celui
dont il s'agit ici . En effet , un Albert Durer
, un Goltzius , un Calot , un Melan ,'
un Chauveau , un le Clerc , sont les principaux
et peut- être les seuls de sa Classe ;
et j'ai quelque lieu de me flater que les
Amateurs du Dessein et de la Gravûre ,
me
OCTOBR E. 1735. 2155
me sçauront gré de la grossir d'un Su
jet qui n'en est nullement indigne , et
recevront avec plaisir l'Abregé que je leur
donne ici de la Vie et du caractere d'un
des plus celebres Dessinateurs et Graveurs
de notre temps.
Les questions embarassantes qui lui
ont très souvent été faites par les Curieux
d'Estampes , touchant les particu
larités de la Vie de leurs Auteurs , m'ont
particulierement déterminée ( c'est toujours
Mad . Picart qui parle ) à ne me
point attirer le reproche d'avoir laissé
périr celles qui m'étoient connues touchant
celui - ci , d'ailleurs je m'y trouvois
interessée par un endroit trop délicat et
trop sensible , pour me refuser à moimême
une consolation si naturelle et si
bien fondée , et j'espere qu'on voudra
bien user d'indulgence envers une personne
plus sensible à sa perte qu'à la
gloire de bien écrire , et beaucoup moins
dirigée par l'amour propre et la vaine
gloire , que par la tendresse et la reconnoissance.
J'ose même dire que le Public
me doit cette indulgence , puisqu'il
m'a l'obligation de presque la moitié des
belles productions de B. Picart , dans les
vingt dernieres années de sa vie , par les
soins que j'ai pris de le débarasser de
D iij toute
2196 MERCURE DE FRANCE
toute autre occupation que de celle de
son Art.
Pour ne rien oublier de ce qui pou
voit contribuer à la satisfaction du Public
, et pour honorer la memoire de ce
cher défunt , l'ai mis son Portrait à la
tête de son Eloge Historique . Ce Por
trait est très ressemblant . On acheva de
peindre M. Picart, environ un mois avant
qu'il tombât malade , et dans un temps
qu'il se portoit parfaitement bien .
L'Oeuvre , ou le Catalogue des Ouvrages
de l'Auteur , a été rangé selon l'ordre
des années dans lesquelles chacune
de ces Estampes a été faite ; mais pourtant
en cinq Classes differentes , selon
l'ordre que l'Auteur avoit tenu lui- même
dans le Catalogue qu'il en avoit publié
de son vivant , et dont on a crû ne
pas se devoir écarter ; et pour ce qui
regarde les Ouvrages finis avant sa mort
et qu'il n'a pû mettre au jour lui - même ,
à cause de sa longue maladie , on en a
fait un article séparé à la fin du Catalogue.
Madame Picart s'excuse sur de bonnes
raisons de n'avoir pas plutôt donné cet
Ouvrage , que les Curieux attendoient
avec tant d'empressement , et fait de
nouvelles excuses sur le retardement de
ce
OCTOBR E. " 1735. 2197
ée qui reste encore à publier . Nous sonimes
persuadés que , quelque ardeur que
l'on ait pour les Ouvrages du celebre
B. Picart , les Connoisseurs délicats seront
beaucoup plus contens d'attendre
un peu plus et qu'on leur donne ' des
Morceaux terminés avec soin , que si on
leur donnoit dès à- present des Pieces sans
goût , faites avec précipitation et peu
dignes du Crayon et du Burin de leur
premier Auteur.
Suit un Discours sur les préjugés de
certains Curieux touchant la Gravûre.
Dans ce petit Ouvrage , Bernard Picart
répond d'abord au sentiment de plusieurs
Curieux , dont l'opinion est , 1 ° .
qu'on pouvoit distinguer facilement les
Ouvrages gravés par les Peintres mê
mes ou par d'autres Peintres d'après eux.
2°. Qu'un Graveur de profession ne pouvoit
jamais attraper le goût Pittoresque ,
&c. 3 ° . Que les Graveurs modernes ne
pouvoient jamais rendre si bien les Tableaux
des anciens Peintres , que les Graveurs
qui vivoient de leur tems , &c.
Après un mûr examen de ces trois
opinions , il paroît à l'Auteur qu'il y a
en elles plus de prévention que de réalité
. A l'égard du premier sentiment ;
dit- il , j'ai trouvé qu'il y a des Estam-
Diiij pes
2198 MERCURE DE FRANCE
pes gravées par Simon Contarini , d'après
le Guide et d'après Louis Carrache , qui
étoient préferables à beaucoup d'autres
gravées incontestablement par le Guide
même.
Au second sentiment , l'Auteur opose
les Estampes gravées par Gerard Audran ;
elles sont touchées avec tant d'esprit ,
dit-il , que je doute qu'un Peintre y en
eût pû mettre davantage. Pour en être.
convaincu , il n'y a qu'à jetter les yeux
sur les Juges qui sont dans l'Estampe du
Martyre de S. Laurent , d'après le Sueur,
sur le Pyrrhus sauvé , d'après le Poussin
sur l'Enlevement de la Verité , d'après
le même ; sur le Passage de la Mer Rouge
, d'après Verdier , &c. Il est bien vrai ,
dit-il , qu'on pouroit m'objecter qu'il y
a dans les Figures de devant une fermeté
de gravûre que l'on ne trouvera
dans aucune Estampe gravée par des
Peintres ; mais c'est une perfection de
plus , et qui ne détruit pas mon opinion
, qui est , qu'il y a dans ces Estampes-
là autant d'esprit , et même plus ,
que dans plusieurs Estampes gravées par
des Peintres mêmes. Mais comme ces Estampes
sont trop connuës , je me suis
déterminé à en faire quelques -unes qu'ils
ne connoissent point , afin de voir s'ils
pouroient
OCTOBR E. 1735. 2199
pouroient effectivement connoître si el-
Les étoient gravées par un Graveur ou
par un Peintre.
A l'égard du troisiéme Sentiment, continuë
l'Auteur , ceux qui le soutiennent ne
prennent pas garde qu'ils confondent la
maniere de graver qu'ils sont acoutumés
de voir dans ces anciennes Estampes , avec
le goût du Peintre ; desorte que quand ils
voyent une composition de Raphaël,dont
tous les contours sont tracés d'un trait
tout égal et bien noir , et d'une gravûre
bien fine et bien maigre,sans dégradation ,
sans rondeur , telles que sont les Gravûres
de ces temps- là , ils aplaudissent
à cela, comme si c'étoit- là le goût de Raphaël,
ce qui est très - faux. Ceux qui sont
en lieu de le pouvoir faire , n'ont qu'à
confronter les Estampes de Marc- Antoine
, ou autre , contre les Desseins originaux
, comme j'ai eû occasion de le
faire à l'égard de plusieurs , et l'on verra
qu'ils n'ont rien moins qu'imité exactement.
Après avoir raporté des Faits histo
riques , aussi curieux qu'instructifs , au
sujet du celebre Graveur , Henry Goltzius
, qui de son tems voyant tous les
Curieux entêtés et comme enyvrés dus
mérite des Estampes des anciens Ma
DV CLES
2200 MERCURE DE FRANCE
tres , en grava six , dont les Desseins
étoient de son invention , dans le goût
des plus fameux : Deux entr'autres ; sçavoir
, l'Estampe de là Circoncision , dans
la maniere d'Albert Durer , et celle des
trois Rois , dans le goût de Lucas de Leyde.
Les meilleurs Connoisseurs qui eurent
l'habileté et le courage de reconnoître
le Burin de Goltzius , ne furent
point écoutés , et attirerent au celebre
et ruzé Graveur des discours méprisans ,
sur lesquels il avoit osé compter , qui faisoient
parfaitement son Eloge en le mettant
au niveau des plus grands Maîtres .
C'est à peu près dans la même pensée
, poursuit B. Picart , et pour me récréer
, que j'ai fait quelques- unes des Pieces
qui composent ce Recueil ; mais je
ne prétens pas mettre ces petites bagatelles
-là en comparaison avec les Pieces
de Goltzius , qui sont des Morceaux considerables
, tant pour la Gravûre , que
pour la Composition . J'ai choisi quelques
Desseins qui n'avoient pas encore été
gravés , et je les ai gravés sans les communiquer
à personne;j'en ai fait imprimer
quelques Epreuves sur de vieil papier
un peu roux ou sale , qui ont depuis été
produites et dispersées sous main ; et j'ai
cû le plaisir de voir qu'on ne doutoit
nullemenr
OCTOBR E. 1735. 2201
nullement que ce ne fussent des Estampes
gravées et imprimées en Italie.
La premiere de ces Estampes , qu'on
apelle ici Impostures innocentes , est gravée
d'après un Dessein du Poussin , qui
n'est que croqué et comme fait à la plume;
plusieurs personnes l'ont prise pour
un Dessein ; c'est le N° . 44. La seconde
N°. 41. est une petite Vierge ovale , de
Carle Marat , cy- devant gravée , presque
aussi grande que Nature , à Paris , chés
Etienne Picart , Pere de l'Auteur . Ceux
qui ne connoissent pas la grande Estampe
, ont crû celle- ci de quelque Eleve
du Guile , et d'après ce Maître ; et
ceux qui connoissoient la grande , ont pris
la petite pour un Original , gravé par
Carle Marat même , aussi- bien que la
Rebecca , No. 56.
pos-
En parlant des Pieces de ce Recueil ,
je les ai gravées , dit l'Auteur , sans m'arrêter
à imiter la maniere de graver de
qui que ce soit ; mon but a été seulement
de rendre les Desseins et d'en conserver
l'esprit , autant qu'il m'a été
sible. Ainsi je me flate , poursuit- il , que
ce que je donne ici au Public , poura
être d'autant plus agréable , que je ne
scache pas qu'aucune des Pieces de cet
Ouvrage , excepté huit, ait jamais été
gravée. Dvj Pour
2202 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est des Pieces d'après Rembrandi,
a oûte l'Auteur à la fin de ce Discours
il n'y en a que trois où j'ai cherché
à imiter sa gravûre , c'est- à - dire , en
tant qu'elle aproche de la Maniere noire.
Ce sont celles qui sont marquées L. K.
et H. parce qu'il me souvient d'avoir entendu
dire à M. de Piles , qu'il ne croyoit
pas que l'on pût imiter cette Maniere ,
qui ressemble à la Maniere noire , quoiqu'elle
ne la soit pas , puisqu'elle n'est
pas faite avec l'Outil à la Maniere noire ;
et que c'étoit une Maniere toute particuliere
à Rembrandt ; ce qui est vrai , car
sans se servir de cet Outil , il faisoit
pourtant à peu près le même effet.
On trouve dans ce Recueil huit Estam- .
pes gravées d'après Raphaël. 2. d'après
Jules Romain et André del Sarte . 2. d'aprés
le Parmesan. 4. d'après Louis Garrache. 4.
d'après Antoine Carrache. 12. d'après le
Guide.Une d'après le Dominiquain . 2. d'après
Cangiage. Une d'après le Guerchin.
2. d'après Salvator Rose. 3. d'après Pietre
Teste , Cirus Ferus , et Carle Marat. 4.
d'après le Poussin. 3. d'après le Sueur. 3 .
d'après le Brun. Une d'après Bourdon .
2. d'après la Fage. 2. dessinées et gravées
par l'Auteur. Dix Académies d'hommes
et femmes , par le même , et onze Morceaux
d'après Rembrandt, II
OCTOBRE. 1735. 2203
Il nous reste à parler de l'Eloge Historique
de Bernard Picart , c'est ce que
nous ne manquerons pas de faire incessamment
, et sa digne et tendre Epouse
ne sera pas oubliée .
ABREG de la vieille et nouvelle Géographie
augmentée d'une Introduction
profitable pour ceux qui commencent ,
par M. Jean Hubner , traduit de l'Allemand
, et augmenté de Cartes nécessaires
à cet Ouvrage , suivant les Observations
de M. de l'Académie Royale des
Sciences. A Amsterdam , chés R. et J.
Ottens , Libraires et Marchands de Cartes
, sur le Nieuwendyk , 2. vol. le prix.
est de trois florins.
On trouve chés les mêmes Marchands
UN NOUVEAU PLAN des Environs de la
Ville et Citadelle de Mantoue , et où
l'on voit tout le Seraglio. Le prix est de
8. sols , et enluminé 10. sols.
CODE DE LA VOYERIE , contenant le
Traité du Droit de la Voyerie , par M.
Mellier, l'Exposirion des Coûtumes sur la
largeur des Chemins , & c. La Dissertation
sur la garantie et la durée des Ouvrages
publics , le Memoire sur le Laminage
du Plomb , Tarif du prix des Quvrages
de
2204 MERCURE DE FRANCE
de Maçonnerie , &c. Reglement pour les
Chemins Royaux , &c. et la Table Generale
Chronologique de tous les Reglemens
, depuis 1275. jusques et compris
1735. A Paris , chés Prault , pere , Quay
de Gêvres , au Paradis , 1735. Tome I.
in 12. de 378. pages , sans l'Avertissement
, l'Epitre , la Préface , la Table particuliere
et la Table Chronologique de
84. pages.
TOME II . contenant le Recueil des
principaux Reglemens concernant les
Fonctions et les Droits des Officiers de
la Voyerie , la Police des Bâtimens , les
Limites de la Ville et Fauxbourgs de Paris
, l'élargissement des Grands Chemins
et l'entretien des Ponts et Chaussées du
Royaume , depuis 1270. jusques et compris
1735. in 12 de 640. pages.
Tout le monde sentira d'abord l'utilité
de cette Collection , qui interesse une
infinité de Personnes , sans qu'il soit nécessaire
d'entrer dans aucun détail des
Matieres de Droit concernant les Voyeries
, qui la feront rechercher ; pour l'agrément
du Lecteur et pour l'ornement
de ce Journal , nous emprunterons seulement
quelques traits historiques
Chapitre V. intitulé , Des Personnes
tres qui ont eu le soin des Ouvrages pu
OCTOBRE . 1735. 2205
Les Lacédemoniens ont remis à leurs
Rois le soin de faire réparer les Chemins
et les Ouvrages publics , ils ont estimé
que cette fonction étoit digne de
leur attention et de leur Majesté.
La Reine Semiramis , au retour de ses
Conquêtes , fit des dépenses considerables
pour aplanir les Chemins , selon Diodore
de Sicile.
Les Romains ont toujours confié le
soin des réparations publiques à des Personnes
d'un rang distingué. Numa Pomipilius
, second Roy de Kome , avoit ins .
titué les Pontifes pour avoir soin du
Culte des Dieux et des Ceremonies
des Sacrifices . Varron dit qu'ils ont été
nommés Pontifes , à Ponté faciendo , parce
que les premiers Pontifes avoient fait
bâtir le Pont Sublicius , par où ils passoient,
pour faire leurs Sacrifices , de l'un
et de l'autre côté du Tibre, Celui qui
présidoit au College des Pontifes s'apelloit
très- grand Pontife . Jules - Cesar ayant
été créé Souverain Pontife , eut pour
Successeur dans cet Emploi Lepidus et
Auguste , d'où les autres Empereurs ont
continué de prendre ce nom jusqu'à l'Empereur
Theodose , sous lequel la Relion
Chrétienne commença de fleurir ;
dans la suite l'Eglise a consacré le nom
de
2206 MERCURE DE FRANCE
9
:
de Pontife aux Papes et aux Evêques ,
dont les uns sont apellés Souverains Pontifes
et les autres du simple nom de
Pontifes.
Agrippa , Gendre et Favori d'Auguste,
a laissé dans la Ville de Lyon un Moniment
éternel de la Grandeur Romaine;
cet Homme si illustre par tant de victoires
, par tant de Consulats , par son amour
pour les Beaux Arts , fit faire pour la
commodité des Armées et pour celle du
Public , quatre grands Chemins qui traversoient
les Gaules. Il voulut que le
centre de ces Chemins fût dans Lyon ,
à cause de sa situation avantageuse et du
concours des Rivieres .
.
Le Pere Menestrier a raporté ce qui
suit dans l'Histoire Consulaire de la Ville
de Lyon , sur les indices de Strabon :
J'ai cherché avec toute la diligence possible
les vestiges de ces grands Che-
» mins , et j'ai été assés heureux pour les
trouver ; celui qui conduisoit à Nar
» bonne commençoit à la Porte S. Just ,
» et c'est celui que nous voyons depuis
»le Rempart d'Aisnay , au - dessus de la
>> Porte S. George , avec un double rang.
» d'Arcs pour soutenir les terres mouvan-
» tes et pour donner passage aux Eaux .
»Le Chemin qui menoit à l'Ocean par
le
OCTOBRE . 1735. 2207
le Beauvoisis et le Pays d'Amiens , a
sa naissance à la Porte de Vaise , sur
le grand Chemin de Paris , et il en reste
quelques n orceaux montant vers la
» la Tour et l'Arbrelle.
>> Le Chemin d'Aquitaine par l'Auver-
" gne , commence à S. Irenée , du côté
»de la Porte de Trion , et va à Fran-
» cheville , où reste encore la meilleure
» partie d'un Pont pour joindre les deux
Collines on Montagnes.
>> Le Chemin qui menoit au Rhin étoit
» triple , à cause de nos deux Rivieres ,
>> car j'en trouve un qui commence au-
» dessus de Vaise , au Tombeau des deux
» Amans .
»
·
Il y en a un autre de l'autre côté
» de la Saone , dont j'ai découvert
plu-
» sicurs vestiges depuis la Roche de l'lfle
» sur les Côteaux du Vernay ; et le troi-
» siéme est sur les bords du Rhône et
commence
au--delà du Boulevart
S.Clair.
» La construction
de tous ces Chemins
est la même , c'est à- dire , de cailloux
» de Riviere et de chaux vive , liés en-
» semble d'une maniere
si tenace , que
» le marteau
n'en sçauroit rompre les
» masses , aussi dures que les Rochers , & c.
Dans un autre Chapitre
, on raporte
que le Péage est un Droit Seigneurial
qu'on
2208 MERCURE DE FRANCE
E
qu'on prend sur les hommes , sur le Bétail
, sur les Chevaux , les Carosses , Chariots
et sur les autres Voitures qui passent
dans les lieux où ces Droits sont
établis . Les Seigneurs qui les levent sont
dans une obligation indispensable et imprescriptible
de faire travailler à la réfection
er aux réparations nécessaires à
l'entretien des Chemins , des Ponts et des
Chussées de leur Territoire.
On a porté cette obligation dans les
siecles précedens jusqu'à les assujettir à
veiller à h sûreté des Passans , et à répondre
civilement des vols et des meurtres
qui étoient com nis dans le Territoire
où les Droits de Péage étoient levés.
, LE ROMAN ESPAGNOL ou nouvelle
Traduction de la Diane , écrite en Espagnol
par Montemayor. A Paris , chés
Briasson , ruë S. Jacques , à la Science ,
1735. in 12.
TRAITE' de l'obeïssance des Chrétiens
aux Puissances Temporelles , où l'on
montre par l'Ecriture Sainte et par l'Histoire
de l'Eglise , en quoi les Chrétiens
doivent obéïr à leurs Souverains , en
quoi ils doivent refuser de leur obéir , et
quelle conduite ils doivent tenir dans leur
refus.
OCTOBRE. 1735. 2209
refus. A Virecht , chés Henry Corneille
le Fevre , 1735. et se vend à Paris , chés
Briasson , à la Science.
PANEGYRIQUE de S. Louis , prononcé
à l'Académie Françoise le 25. Août 1735.
par M. l'Abbé Carrelet de Rosay Doc
teur de Sorbonne , Prédicateur du Roy ,
Chanoine et Grand Archidiacre de l'Eglise
de Soissons . A Paris , de l'Impri
merie de J. B. Coignard.
Ce Discours qui a été fort aplaudi , a
pour Texte ces Paroles du III. Livre des
Rois , Chap. 3. Ecce dedi tibi cor Sapiens
... et gloriam , ita ut nemo fuerit similis
tui in Regibus . Paroles qui conviennent
parfaitement à l'Eloge de S. Louis ,
qui n'a regné plus glorieusement qu'aucun
autre Prince , que parce qu'il a rempli
plus saintement ce qu'il devoit à Dieu,
ce qu'il devoit à son Peuple et ce qu'il
devoit au Trône ; c'est -à- dire , qu'il fit
regner Dieu sur lui , qu'il regna sur les
coeurs de ses Sujets et qu'il regna sur
lui - même. Trois Propositions qui renferment
toute la division de ce Panégyrique
; mais avant que de l'entamer , l'Orateur
a orné son Exorde d'un bel Eloge
de l'Académie Françoise , il est habilement
touché et mérite d'être lû.
On
2210 MERCURE DE FRANCE
On voit dans la premiere Partie, que les
Peuples sont heureux quand ils sont gouvernés
par un Prince que la Religion
elle même gouverne ; ainsi s'exprime le
Panégyriste .
Sacrés engagemens du Diadême , devoirs
envers le suprême Dominateur
contractés par l'Onction sainte , vous fûtes
, dit il , le premier objet qui attira ses
regards ; plus frapé du compte terrible
qu'il lui faudra rendre un jour de l'usage.
de sa puissance , que du brillant apareil
de son Sacre , il vous démêla , il vous
étudia de bonne heure dans l'esprit du
Christianisme , il ne vous perdit jamais
de vûë dans la tumultueuse magnificence
du grand Monde. Né pour le Trône avec
un de ces caracteres Religieux qu'on
prendroit pour la Religion même , il sentit
vivement le poids de sa Couronne ,
dans un tems où il n'auroit dû être
sensible qu'à son éclat ; son premier soin
fut d'en faire hommage à celui de qui
relevent tous les Empires ; ses premieres
pensées furent dé reclamer la sagesse
et la grace dans une place si proche de
l'égarement ; le premier usage qu'il fit
de son autorité , fut de s'engager par un
serment solemnel à ne regner que pour
la gloire du Roy des Rois . Quel heureux
OCTOBRE . 1735. 2211
reux présage pour la suite d'un Regne
qui doit être celui de la Pieté , celui de
Dieu même !
Ne refusons point ici , continuë - t'il ,
à une vertueuse Princesse , également habile
à former un Héros pour le Trône
et à tenir les rênes d'un Etat , la justice
qui lui est dûë : Que la France , qui s'est
si bien acquittée depuis envers l'Espagne ,
se félicite à jamais de lui devoir cette
Femme forte , qui cultiva avec tant de
soin le riche fond que dans le jeune
Louis la Nature avoit préparé à la Grace
, &c .
pas
Des Leçons si salutaires ne tarderent
à faire fructifier dans ce Vase d'élection
le germe d'un Héroïsme Chrétien ,
que le Dieu des misericordes s'étoit hâté
d'y verser. Ce jeune , ce sage Josias regne
à peine , et déja il se montre aussi
sçavant dans la science des Saints , que
- dans la science des Rois ; déja tout entier
à ses obligations, il commence par où les
plus grands et les plus saints Rois finissent.
Dans la seconde Partie S. Louis est re
présenté comme le Pere de son Peuple
avec une éloquence digne du Sujet et de
l'Orateur. On en jugera par les traits
suivans,
Ce
2212 MERCURE DE FRANCE
Ce n'étoit pas assés pour un Prince
qui avoit pour le moindre de ses Sujets
des entrailles de Pere , de veiller aux besoins
generaux de son Royaume , il falloit
encore pour obéïr aux sollicitations
de sa tendresse , qu'il entrât dans le détail
des infortunes particulieres : Vous
dirai- je qu'il portoit toujours avec lui
une Liste des Familles Nobles que dévoroient
l'indigence et l'affliction , et
qu'il n'y en eut aucune dont il ne soulageât
les miseres , ou dont il ne tarît les larmes
par de prompts secours ? Vous le représenteray
- je dans le cours de ses Voyages
accompagné de coopérateurs de sa vigilante
génerosité? Et vous ferai- je reconnoître
sa marche à la trace de ses bienfaits
? Ajoûteray- je qu'après avoir parcouru
son Royaume , non avec le train
d'un Conquerant , qu'annonce la terreur
et que suit la désolation , mais comme
un grand Fleuve qui porte par tout l'abondance
, il craignoit encore que son
passage n'eût été à charge à ses Peuples ?
La nécessité des tems l'obligeoit - elle de
leur dernander des secours extraordinaires
, tout modérés qu'ils étoient , il n'avoit
qu'une inquietude , c'est qu'ils ne
leur fussent trop onereux . Aprenoit- il
que des Provinces frapées de quelque su
bite
OCTOBRE . 1735. 2213
bite calamité , n'avoient de ressource que
dans leurs gémissemens ? aussitôt par
toient par ses ordres des Ministres de sa
misericorde , chargés de réparer les ma
lignes influences du Ciel par les favorables
écoulemens du Trône Que vous diray
-je encore ? et que ne me resteroit il
pas vous dire ? Homme de Paix , il la
portoit au fond du coeur lors même qu'il
avoit à la main le glaive victorieux ;
Homme sans fiel et sans antipatie , il
honoroit , il récompensoit le mérite jusques
dans ses ennemis , et aussi jaloux de
changer leurs coeurs que de gagner ceux
de ses Sujets , il les con battoit moins pour
l'avantage de les soumettre , que pour le
plaisir de leur pardonrer.
Dans la troisième Partie , il est prouvé
que le Héros Chrétien ne s'est pas acquitté
avec moins de gloire de ce qu'il
devoit au Trône , qu'il s'est aquitté avec
succès de ce qu'il devoit à Dieu et aux
Hommes. L'Orateur continuë en ces
termes .
Hâtons nous de vous le peindre tout
entier ; je sens qu'il manqueroit quelque
chose au Portrait de mon Héros , si je n'y
faisois entrer des traits de cette ardeur
guerriere qu'il trouva comme hereditaire
dans sa Maison. Quand je parle de la
valeur
2214 MERCURE DE FRANCE
valeur de S. Louis , Mrs , ne vous figurez
pas une bravoure impetueuse , qui
dégenere en passion , qu'anime une orgueilleuse
soif de la gloire et qui se nourrit
des malheurs qu'elle cause ; vous avez
pû juger par tant de prodiges de désinteressement
, de modération , de détachement
, qu'il n'avoit point , * comme
parle l'Ecriture , cet esprit de Prince, qui
fait d'un Conquerant ambitieux , le Ty.
ran plutôt que le Maître des Peuples :
Non , sa vaillance toute Chrétienne n'avoit
rien des défauts des Héros vulgaires
; elle ne le captivoit point , il en étoit
le Maître , elle ne se déployoit qu'à la
voix de la justice et aux cris de la Religion
.
Je ne vous dirai pas que,Héros aussi - tôt
que Roy , et Roy dans un âge où il est
ordinaire de ne regner que par son nom,
il soutint la Monarchie chancelante à la
tête de ce qu'il trouva sous sa main de
fideles Sujets ; ne pensez pas que je m'arête
à vous faire remarquer parmi les
exploits prématurés de sa valeur , Belême
qui passoit alors pour imprenable ,
assiegé et pris au coeur de l'Hyver ; le
Comte de Bretagne qui avoit levé l'étendart
de la révolte , obligé de se rendre
Qui aufert spiritum Principum . Psalm. 75. 13 .
OCTOBRE . 1735. 2215
à discretion , et le fier Monarque des Anglois
, qui s'étoit avancé à son secours en
Conquérant , forcé de regagner son Ifle
en fugitif, avec les debris de son armée ;
envain l'infidele Comte de la Marche
poussé par le ressentiment d'une femme
imperieuse , les engage t'il de nouveau l'un
et l'autre avec le Roy de Navarre dans
une ligue formidable ; inutiles efforts ,
qui ne serviront qu'à aprendre aux rebelles
, quel est le maître auxquels ils
sont trop heureux d'obéir à peine se
donne t'il le temps d'assembler son armée,
il part précedé de la terreur de son nom ,
nous le verrons bientôt suivi de la Victoire
; déja il a forcé sur son passage , l'épée
à la main , Villers , Montreuil , S.
Gelais déja Frontenai , boulevard de la
Saintonge , cedant autant à la fierté de
sa presence qu'à la bravoure du soldat
qu'elle anime , ne fait que lui frayer un
chemin aux lauriers qui l'attendent dans
les pleines de Taillebourg .
Quel nom viens je de prononcer , Mrs ?
de quels miracles de valeur ne vous rapelle
t'il pas l'idée ? vous serez à jamais
consacré dans nos Annales , jour glorieux,
qui fites voir au siecle de Lours ce que
l'Antiquité Romaine n'a vû qu'une fois ,
et ce qu'elle a tant vante à une Posterité,
E
peut2216
MERCURE DE FRANCE
peut être trop admiratrice ; un hommé
secondé uniquement de son courage , et
de huit Guerriers , compagnons inséparables
de ses Exploits , qui attaque , qui
emporte un Pont deffendu par une armée
entiere ; un homme seul dont l'intrepidité
supléant au nombre , se fait jour à
travers les bataillons épais d'un monde
d'ennemis , et repousse sur les plus hardis
d'entre eux , la mort qu'il semble ne
pouvoir éviter...... Grand Roy , doublement
digne en cet état de comman
der les François , pardonnez à mon admiration
épuisée , si je suspens tout à
coup votre Eloge : le silence et l'étonnement
seuls me conviennent ici .
Il faudroit presque copier le Discours
entier , plutôt que d'en faire l'Extrait , si
on vouloit n'omettre aucune des beautés
dont il est rempli.
ORDONNANCES des Rois de France do
la troisiéme Race , recueillies par ordre
Chronologique. QUATRIEME VOLUME ,
contenant differents Suplements pour le
Regne du Roy Jean, et les Ordonnances
de Charles V. données pendant les années
1364. 1365. et 1366.Par M. SEÇOUSSE ,
Ancien Avocat au Parlement , et Associé
à l'Académie Royale des Inscriptions et
Belles
OCTOBR E. 1735
2217.
Belles - Lettres. In folio . A Paris , de l'Ima
primerie Royale , M. DCC. XXXIV.
PP. 732. sans la Preface et plusieurs Tables.
On ne repetera point ce qui a déja éré
dit du merite et de l'utilité de cette
grande compilation , on ne dira rien non
plus de l'érudition et de la sagacité du
nouvel Editeur ; les Sçavans s'en sont
apercus dans le III . Volume , qui est un
present que M. Secousse a fait au Public
de son propre fonds , après avoir eu ,
comme on l'a dit ailleurs , beaucoup de
part à l'Edition du II . Volume.
Le IV. dont il s'agit ici , de la même
main , n'est pas chargé d'une longue"
Preface par deux raisons. 1 °. La moitié
de ce Volume ne contient que des Suplémens
pour le Regne du Roy Jean' ; et
comme cette moitié étoit déja imprimée
lorsqu'on a imprimé la Preface du
III. Volume l'Auteur a tiré de cette
moitié tout ce qui regardoit les matieres
qu'il a traitées dans cette Preface , afin de
réunir sous un seul point de vue tout ce
qui concernoit le Regne du Roy Jean .
›
2º. La seconde moitié de ce IV. Volume
contient les Ordonnances qui ont
été données pendant les trois premieres
années du Regne de Charles V.La France
E ij étoit
218 MERCURE DE FRANCE
étoit alors en paix , et ce sage Prince n'étoit
occupé qu'à réparer les désordres
qu'avoient causé dans le Royaume une
guerre étrangere , longue et malheureuse,
et des divisions intestines encore plus
funestes.
La seule Charge extraordinaire de l'Etat
, étoit la rançon du Roy Jean , stipulée
par le Traité de Bretigny ; mais les
Impôts extraordinaires qu'on levoit pour
l'acquiter , avoient été reglés par l'Ordonnance
de ce Prince du cinq Decembre
1360. rapportée dans le III Volume
P. 436. Ainsi Charles V. dans les premieres
années de son Regne ne fut point
obligé de convoquer des Assemblées d'E
tat pour demander des subsides , ni d'avoir
recours à differentes mutations dans
les monnoyes ; remede quelquefois nécessaire
, mais toujours fâcheux . Ainsi les
Articles des Etats , soit Generaux , soit
particuliers , et des Mutations des Monnoyes
, qui ont rempli presque toute la.
Preface du III . Volume des Ordonnancę
, ne fournissent rien pour celle- ci .
C'est ainsi que notre Auteur , different
de ceux qui sont obligés d'excuser
la longueur de leurs Prefaces, rend compte
de la briéveté de son Discours préliminaire,
et qu'il donne en general le Plan de
CO
OCTOBRE. 1735. 2:19
ce IV. Volume. On se dispensera d'entrer
dans le détail des Ordonnances , qui
en font la matiere , cela pouroit mener
trop loin . Elles sont , comme dans le precedent
volume , toutes accompagnées de
Notes , ou plutôt deKemarques critiques au
bas des pages , sans compter celles qui se
trouvent dans les marges ; les unes et les
autres sont d'un grand secours pour la
parfaite intelligence du Texte , et don
nent souvent un fonds d'instruction sur
d'autres matieres qu'on est très aise de
trouver en chemin faisant. On se contentera
de faire sur ce sujet deux ou trois
observations.
Il y a dans ce IV . volume , comme dans
les precedens , plusieurs Ordonnances
qui concernent le Monastere Royal des
Dames Religieuses de Poissy , toujours
protegées et favorisées par les Rois , qui
ont succedé à leur Fondateur , sçavoir
Philipe le Bel , lequel leur accorda le
Privilege de ne pouvoir être jugées par
raport à leurs affaires que par le Roy ,
ou par des Juges deputés par lui. On
voit par ces Ordonnances que nos Rois
ne peuvent abdiquer la Garde de ces Religieuses
, et la Jurisdiction qu'ils ont sur
elles .
On trouve aussi dans ce même volume
E iij pusieurs
2220 MERCURE DE FRANCE
plusieurs Ordonnances et Reglemens ,
donnés par les Rois Jean et Charles V.
sur differentes matieres à la Ville même
de Poissy , où il y avoit une Maison Royale
, un Palais dès le temps de Philipe
Auguste , Palais où l'on croit communé
ment que S. Louis nâquit , quoique dans
toutes ces Ordonnances , ni dans aucune
autre Charte , où il y avoit occasion de
rapeller cette naissance en faveur de la
Ville et du Monastere de Poissy , il n'en
soit fait aucune mention .
On voit encore par plusieurs Ordonnances
du volume dont il s'agit ici , que
lorsque le Roy statuoit sur quelque matiere
qui concernoit l'Eglise ou la Religion
, l'Aumônier et le Confesseur du
Prince étoient consultés , et que l'Ordonnance
où l'Acte faisoit mention de
la presence de l'un et de l'autre au bas
de l'expedition . Per Regem , præsentibus
Confessore et Elemosinario. On voit cette
Formule à la page 365. où sont des Lettres
de Sauvegarde Royale , pour la Ste
Chapelle de Paris , données en 1360. Alors
les Confesseurs du Roy étoient des Religieux
de l'Ordre de S. Dominique , ( 4)
ce qui a duré long - temps.
(a ) Guill. de Rancé Dominiquain , Docteur de
Paris, a été Confesseur du Roy Jean , puis Evêque
de Séez en
1362.
Ceux
OCTOBRE. 1735. 2227
Ceux qui connoissent la Ville de Mar
seille, ou qui en ont lû l'Histoire, sçavent
que dans cette Ville il y a un Corps particulier
, c'est celui des Pêcheurs , lesquels
ont pour Chefs et pour Juge qua.
tre Prud'hommes , Membres de ce même
Corps et annuellement élus. (a) L'Historien
declare qu'il ignore l'époque de
leur établissement , mais qu'il y a plus
de 400. ans que les Comtes de Provence
ét les Rois de France ont confirmé leurs
Privileges , & c .
Dans ce IV. volume des Ordonnances,
il est parlé deux fois de Prud'hommes avec
des dates certaines et anterieures à ceux
de Marseille. Ce qui paroît meriter ici
une remarque particulieres on trouve d'abord
à la page 380. une confirmation des
Privileges accordés aux habitans de la
Ville de Chagny en Bourgogne , donnée
par le Roy Jean en l'année 1361. Dans
ces Lettres de confirmation sont raportées
tout du long d'autres Lettres de Robert
Duc de Bourgogne , du mois de Septembre
1282. qui contiennent en detail
les Privileges en question . Le premier
Article commence par ces mots ; Que comme
li Prod'hommes et li habitans de la Ville
( a ) De Ruffi , Histoire de Marseille , L. XII.
p. 232. Edit. de 1696.
D iiij
et
2222 MERCURE DE FRANCE
et de la Chastellenie de Chaigni , deissient,
et affermassent que , &c.
Dans le même volume sont d'autres
Lettres du Roy Jean de la même année
1361. qui confirment les Privileges de la
Ville d'Auxonne , ci - devant accordés par
le Comte Etienne de Bourgogne , & c.
dont les Lettres de l'année 1229. contenant
les Privileges en question , sont raportées.
On lit ce qui suit en l'Article VI . où il
s'agit des dommages causés par les habitans
, même par les enfans de la Ville
au dessous de 14. ans , dans les jardins et
enclos , &c. Et li lois des enfans quelque
forfait ilfacent , sera jugié au regart des
quatre Preud'omes , qui doivent être esleus
chascun an; par les Preud'omes de la Ville.
Et dans l'Article suivant , Cil quatre
Preud'ome qui seront appellés Conseillers,
auront telle puissance , que par leur conseil
doivent être fait li Jugement..
quatre doivent être esleu chascun an , au
loux du plus de la Ville , &c.
.... Et cil
Voila donc des Prud'hommes établis
pour juger principalement des Faits
de Police , anterieurs à l'établissement
connu de ceux de Marseille , qui jugent
Li Lois des Enfans , &c. C'est- à- dire , l'amende
, &c.
de
OCTOBRE . 1735. 2223
de la Police de la Pêche , les uns et les autres
annuellement élus . Le sçavant Editeur
sur le premier de ces deuxTextes et
la premiere fois qu'il est parlé de Prud'-
hommes ou de Prodomes , car c'est la même
chose , dans ce volume , entend par
ce terme les Bourgeois de la Ville de Cha
gay , terme qui est repeté dans tous les
Articles dont les Lettres du Duc Robert
en faveur de cette Ville sont composées.
Cette interpretation paroît juste ; mais
elle ne peut pas s'étendre jusqu'aux
Preud'omes dont-il est parlé dans les Lettres
du Comte Etienne , données en faveur
de la Ville d'Auxonne. Il ne s'agit
point là des Bourgeois en general , ou de
quelques Notables Bourgeois , mais de
quatre Personnes de leurs Corps , distinguées
par leur Prudhommie ou Probité ,
annuellement élûës pourjuger sommairement
et brièvement sur lesFaits mention ,
nés dans les mêmes Lettres .
" Les Prud'hommes de Marseille , Chefs
et Juges des Pêcheurs sont nommés *
dans les Chartes Probi Homines Piscatorum,
ce qui s'accorde parfaitement à cette denomination
et au sujet de leur Institution
l'Historien de cette Vile cite un seul Acte
où ces Juges sont nommés Consuls des
* Histoire de Marseille. Ibid .
E v Pêcheurs
2224 MERCURE DE FRANCE
Pêcheurs , et nous venons de voir que les
quatre Prud'hommes d'Auxonne , aussi
Juges d'une certaine Police , doivent être
appellés Conseillers , selon les Lettres du
Comte de Bourgogne , ce qui acheve de
faire un parfait raport des uns aux autres
de ces Prud'hommes.
Finissons par une remarque qui poura
aussi regarder la Ville de Marseille , du
moins son Territoire . On trouve à la page
44. de ce Volume des Lettres du Roy
Jean du mois de Fevrier 1350. dans lesquelles
sont raportées d'autres Lettres
données près de 180. ans auparavant , par
le Roy Philipe I. en faveur de la Ville
d'Aigues- Mortes . Par l'Article XXV.de
ces dernieres Lettres il est porté quen les
Habitans pouront transporter en tout
» temps , où ils le jugeront à propos , le
» bled , le vin , et les autres denrées qu'ils
» retireront de leurs terres : ce qui est
exprimé dans les termes que voici.
Item. Quilibet habitator Loci illius , possit
bladum , quod habebit de suis terris , et
Facheriis , per aquam et per terram portare
quocumque voluerit omni tempore , nec possit
et per nostram curiam interdici : et idem de
* Philippe I. est mort en 1-108. après avoir regné
48. ans.
vino
OCTOBRE . 1735. 2225
vino et aliis victualibus ex labore proprio
acquisitis .
Facheriis est le seul terme de cet Article
qui ne s'entend pas d'abord , et que
l'habile Editeur a pris soin déclaircir par
une Note qu'il est bon de raporter ici .
» Facheriis. Il y a , dit- il , dans * Ga
» land Sachariis . M. Du Cange a mis ce
» mot dans son Glossaire sans l'expliquer,
» et il a seulement raporté le passage tel
» qu'il est dans Galand ; mais il est cer-
» tain qu'il faut lire Facheriis , et les sça-
» vans Benedictins , qui travaillent à la
nouvelle Edition du Glossaire , ont
» bien voulu me communiquer l'Article
» Facheria qu'ils y ont ajouté. Facheria
» est un heritage donné à ferme , sous la
» condition que le produit se partagera
également entre le Proprietaire et le
Fermier. Ces heritages s'appellent Fami
» cherie à Marseille.Ils prouvent cette explication
par des Textes précis .
On peut bien s'en raporter là- dessus à
notre Editeur ; ajoûtons cependant avec
* M.Galand , dans son Traité du Franc-Aleu
a insere à la fin , les Privileges accordés à la Ville
d'Aigues -Mortes par S. Louis en 1246. et ces Privileges
sont presque entierement conformes à cele
que contiennent les Lettres de Philippe I. lesquelles
portent le terme en question.
E vj la
2226 MERCURE DEFRANCE
la permission des Auteurs du Nouveau
Glossaire que le terme de Facherie n'est
plus en usage aujourd'hui dans le Territoire
de Marseille , quoiqu'il soit expressif
pour la chose signifiée , qui y subsiste
toujours ; quoiqu'il soit ancien , puisqu'on
le trouve comme ils l'ont remarqué
dans des Chartes de la Cathedrale ,
de l'Abbaye S. Victor ; dans les Statuts
de la Ville dont les Textes sont rapor
tés par les sçavans . Editeurs .
Le seul nom de * Fachier ou Fachié est
resté en usage dans ceTerritoire , pour signifier
, non- seulement celui qui cultive la
terre ou heritage d'autrui , à condition
d'en partager le revenu ; mais encore tout
paysan qui est logé dans la Bastide ou-
Metairie d'un Proprietaire, qui travaille à
façonner les terres , &c. sous quelque
condition que ce soit . Ces Fachiers , &
Fachieres à l'égard de leurs Femmes , )
ignorent , sans doute , qu'ils ont aussi
l'honneur d'être mentionnés dans les anciennes
Chartes , comme on peut le voir
* On ne risquera rien de dire que Fachier , est
an diminutif de Préfachié , qui vient de Prefach
Prix fait. Massilienses vocant Préfachié , disens
les Auteurs du Glossaire , cum qui facto pretio
aliquid accepit,&c, ce qui fait une étimologie sûre.
dans
OCTOBR E. 1735. 2227
dans le nouveau glossaire T. III . au mot
FACHERIUS qui est à la suite de Facheria.
Au reste on doit sçavoir beaucoup de gré
à M. Secousse , d'avoir fait la découverte
desLettres dePhilippe I.et de les avoir imprimées
pour la premiere fois , après avoir
rétabli et éclairci leTexte en plusieurs endroits.
Ces Lettres qui sont , comme il
le dit lui- même , très importantes et très
curieuses en elles mêmes , reçoivent en-.
core un nouveau prix de leur ancienneté.
Elles prouvent, ajoute- t'il , avec beaucoup
de raison , que dès le XI. siecle, et presque
au commencement de la III. Race, on observoit
déja certains usages , sur l'origine
desquels les Auteurs Modernes ne sont
pas toujours d'accord.
On doit aussi la justice de reconnoître
que l'Imprimerie Royale, de tout tems superieure
aux plus celebres de l'Europe ,n'a
jamais été portée à un plus haut point de
perfection que dans ce temps- ci ; l'Edition
des Ordonnances de nos Rois en est
une preuve des plus distinguées ; tout y
repond du côté de l'Art à la grandeur du
sujet.
LE ROMAN DE LA ROSE , par Guillaume
de Lorris , et Jean de Meun dit Clopinel ,
revû sur plusieurs Editions et quelques
anciens
2228 MERCURE DE FRANCE
anciens Manuscrits , accompagné de plusieurs
autres Ouvrages , d'une Préface
Historique , de Notes et d'un Glossaire.
1735. A Paris chés la veuve Pissot
in 12. trois vol, Tome I. pp. 562. Tome
II, pp. 424. Tome III . pp. 384.
,
MEDITATIONS Sur les Evangiles des Dimanches
, des Fêtes et des principales Octaves
de toute l'année , de l'Avent , du
Carême , et des Quatre-Temps , composées
en Latin par le R. P. Busée Jesuite
et augmentées d'un grand-nombre de
Méditations .A Paris , chés P.G.le Mercier,
ruë S. Jacques, au Livre d'or , in 12. 2.vol.
1735.4.
livres .
MEDITATIONS sur les Verités Chrétiennes
et Ecclesiastiques , tirées des Epitres
et des Evangiles qui se lisent à la Ste
Messe , pour servir de disposition à la
celebrer , ou à communier dignement , à
faire des instructions utiles aux Ecclesiastiques
et au Peuple , et à remplir les autres
fonctions attachées au Sacré Ministere
des Autels ; pour tous les jours et
principales Fêtes de l'année. Par un Curé
du Diocèse. A Lyon , chés Deville freres.
1735. in 12. 4. volumes .
SENTI-
>
JUDA E. 1735. 2229
SENTIMENT de S. Thomas sur la
Crainte. A Paris , chés Philippe- Nico-
Ias Lottin. 1735. Brochure in 4.
LA PAYSANNE PARVENUE , ou Mémoi
res de Madame la Marquise de L. V.
Par M. le Chevalier de Mouhi , seconde
Partie. A Paris , chés Prault , fils , Quay
de Conty , 1735. in 12. de 153 pages ,
prix , 24.
sols.
LES FEMMES MILITAIRES , Relation
Historique d'une Isle nouvellement découverte,
enrichie de Figures , dediée à M.
le Chevalier d'Orleans , Grand - Prieur de
France. Par le C. D. *** A Paris , rue
des Maçons , et au Palais , chés Claude Simon
, et Pierre Debats , 1735. in 12. de
312. pages , prix 36. sols broché.
NOUVELLE GRAMMAIRE pour apren
dre l'Anglois . Par Mr G. Pell , natif de
Londres , in 8. Le Vocabulaire Anglois,
Flamand , François et Latin , où l'on
montre la grande convenance des trois
dernieres Langues avec la premiere , trèsutiles
à ceux qui entendent l'Hollandois,
le François , ou le Latin , et qui veulent
aprendre l'Anglois , aussi bien qu'à ceux
qui n'entendent que l'Anglois seul , et
quf
2230 MERCURE DE FRANCE
qui veulent aprendre l'Hollandois , le
François ou le Latin . Par le même Auteur.
A Utrecht , chés E. Neaulme.
DISSERTATION Sur un manquement de
plusieurs Muscles du pied . Par Jean Go
defroy Salszmann , Docteur en Medecine.
A Strasbourg , de l'Imprimerie de
Jean- Henry Heitzius , 1734. Brochure in
4. de 42. pages. L'Ouvrage est en Latin.
COMMENTAIRE sur le premier Livre
de Celse , de la maniere de conserver la
santé. Par M. Lommius , troisiéme Edition
et très correcte. A Leyde , chés
Jean Amand Langerak , 1734. in 12.
de 326. pages , sans les Tables. L'Onvrage
est en Latin.
HISTOIRE de l'Hôtel Royal des Invali
des , où l'on verra les secours que nos Rois ont
procurés dans tous les temps aux Officiers et Soldats
hors d'état de servir , enrichie d'Estampes
représentant les Plans , Coupes et Elevations
Géometrales de ce grand Edifice ; avec les excellentes
Peintures et Sculptures de l'Eglise , dessi
nées et gravées avec tous les soins et l'exactitude
possible par le sieur Cochin , Graveur du Roy ,
et de l'Aca lémie Royale de Peinture et Sculpture.
A Paris, chés Guillaume Desprez , Imorimeur
et Libraire ordinaire du Roy , rue S. Jac
ques , à S. Prosper et aux trois Vertus , 1735.-
3
On
OCTOBRE . 173. 2231
On donna en l'année 1683. une Description
de l'Hôtel Royal des Invalides ; mais cette Description
ne comprend en general que les Elevations
des principales parties de ce grand Edifice ,
et par cette raison elle n'a pas satisfait la curiosité
du Public .
La nouvelle Histoire que l'on donne aujour
d'hui rendra l'Ouvrage parfait. On y verra gravés
les Plans , les Coupes et les Elevations Géométrales
des parties qui n'avoient pas encore été
gravées. Les Curieux y trouveront avec plaisir
P'Architecture , la Peinture et la Sculpture de la
grande Eglise , qui est un Chef- d'oeuvre digne
des Maîtres qui y ont travaillé.
Si cet Edifice annonce dans toutes ses parties
la grandeur et la magnificence de LOUIS LE
GRAND , qui l'a fondé ; les motifs qui l'ont déterminé
à cet Etablissement , publient sa pieté et
sa Religion .
C'est donc un second hommage dû à la Religion
de ce grand Prince , de manifester les motifs
qu'il a eus , et de faire connoître les Loix
qu'il a données à cet Etablissement .
On verra d'abord dans cette Histoire , quelle
étoit dans les anciens temps la retraite des Officiers
et des Soldats , que leurs blessures et leurs
âges avancés avoient mis hors d'état de continuer
le Service. De - là on passera aux motifs qui déterminerent
à les réunir tous ensemble pour les
faire vivre en commun , et convertir en pension
l'entretien qu'ils avoient dans les Monasteres.
On expliquera ensuite les mesures qui ont été
prises par Louis XIV. pour rendre cet Etablissement
solide ; enfin la Police et la Discipline
exacte qui y sont observées , et qui serviront auant
que toute autre chose à le perpetuer .
AVIS
2232 MERCURE DE FRANCE
AVIS.
Cet Ouvrage , qui fait un Volume in folio , con
tient cent quatre Planches , sans y comprendre les
Vignettes , les Lettres grises et les Culs- de- lampes
nécessaires , dont soixante dix-sept sont simples
c'est -à-dire en une demi-feuille , et vingt sept en.
une feuille entiere dessinées et gravées par M. Cochin
, Graveur du Roy , outre vingt à vingt-cinq.
feuilles d'impression qui contiennent l'Histoire de
cet Hotel Royal , les Edits , Arrêts et les Ordonnances
du Roy , dont la plupart ne sont que par extrait
, qui feront connoitre l'ordre qui s'observe
dans ce magnifique Hotel.
Ce Livre sera imprimé sur du grand Raisinfin
pareil au Projet imprimé , et les Figures sur le même
papier double.
Ledit sieur Cochin a associé à cet Ouvrage le
sieur Desprez , Libraire et Imprimeur du Roy.
Ils donneront cette Histoire au Public au premier
Mars 1736. et la vendront 60. livres en feuilles .
Ceux qui voudront s'en assurer un ou plusieurs
Exemplaires jusqu'audit mois de Mars , on leur fera
une diminution raisonnable ; lequel temps passé, ils
n'en donneront pas un à moins de 60 livres enfeuilles
, qui sera le prixfixe.
On poura encore s'adresser aux personnes -
marquées ci -dessous .
A Paris , chés M. Cochin , Graveur du Roy ,
et de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture
, qui demeure rue S. Jacques , vis - à- vis les
Mathurins.
A la Haye, chés M. Neaume , Libraire.
A Londres , chés M. Baron , Graveur , ruë de
l'Orange , près le Carré de Leicester.
A
OCTOBR E. 1735. 2233
A Bruxelles , chés M. Leonard , Libraire .
A Amsterdam , chés M. Lhonnoré , Libraire .
La Feuille du Pour et Contre, continuë de paroî
tre et avec un succès heureux et fateur , la
pour
plume de l'habile Ecrivain qui le compose. Dans
le dernier , Nombre 92. à l'Article des nouvelles
de Londres , on raporte un Prix de so . livres
sterlings , proposé par les Anglois ; il sera a jugé
à celui des Poëtes de l'Europe qui voudra travailler
en Anglois ou en Latin . Le Sujet du Poëme
doit être sur la Vie , la Mort , le Jugement ,
l'Enfer. Sept Poëtes Saxons et Allemands ont déja
envoyé leurs Poemes , qu'on examine , et on
donne leurs noms.
"
Une idée en fait naître une autre , poursuit
P'Auteur , le Prix de Poësie a inspiré à un Gen.
tilhomme qui prend le nom de Whimsical
Worthy , d'en proposer un beaucoup plus conas
siderable pour la Peinture Mais quand il passeroit
les 200. Guinées dans lesquelles on m'écrit
qu'il consiste , le Fondateur ne risque pas
grand'chose , avec l'inclination qu'on lui supose
pour les Tableaux , s'il est vrai , comme
» on l'ajoûte , qu'il ait mis dans ses conditions ,"
» que toutes les Pieces qui entreront en concur-
» rence , doivent lui apartenir. Comme il se
»trouve peu de Peintres médiocres qui osent aspirer
à ces sortes de Prix, c'est un moyen hon-
» nête d'acquérir un grand nombre de bons Ouvrages
, dont la valeur réunie , sera fort au-
» dessus de la somme qui est proposée pour
» meilleur. Ce sera pour les Peintres une espece
de Loterie , mais qui tournera , comme il arrive
toujours , au profit de celui qui la propose
"
le
Le
2234 MERCURE DE FRANCE
Le Glaneur François , dont on a parlé dans le
Mercure d'Août , page 1800. vient de donner sa
deuxième Brochure , imprimée chés Prault , Quay
de Gesures ; on y trouve , comme dans la précedente
, plusieurs Pieces Fugitives en Vers et en
Prose. Pour continuer de donner quelque idée
de ce petit Ouvrage , on raportera ici une courte
Lettre en Prose et en Vers , écrite à l'illustre M.
de Fontenelles.
LETTRE à M. de Fontenelles , écrite
de Villars , le premier Septembre 1720.
il L
És Dames qui sont à Villars , Monsieur , se
sont gâtées par la lecture de vos Mondes ,
vaudroit mieux que ce fût
par vos Eglogues ; nous
les verrions plus volontiers ici Bergeres que Philosophes.
Elles mettent à observer les Astres , un
temps qu'elles pouroient beaucoup mieux em-.
ployer ; et comme leurs goûts décident des nôtres
, nous nous sommes tous faits Physiciens
pour l'amour d'elles.
Le soir sur des Lits de verdure ,
Lits , que de ses mains la Nature
Dans ces Jardins délicieux ,
Forma pour une autre avanture ,
Nous brouillons tout l'ordre des Cieux ;
Nous prenons Venus E Mercure ;
Car vous sçavez qu'ici l'on n'a ,
Pour examiner les Planettes
Au lieu de vos longues Lunettes ,
Que des Lorgaettes d'Opera.
Comme
OCTOBR E. 1735. 2235
Comme nous passons la nuit à observer les
Etoks , nous négligeons fort le Soleil , à qui
rous ne rendons visite que lorsqu'il a fait près
As deux tiers de son tour. Nous venons d'aprendre
, tout à l'heure , qu'il a parû couleur de
sang tout le matin , qu'ensuite , sans que l'air
tut obscurci d'aucun nuage , il a perdu sensiblement
de sa lumiere et de sa grandeur. Nous n'avons
sçû cette nouvelle que sur les cinq heures
da seir ; nous avons mis la tête à la fenêtre et
nous avons pris le Soleil pour la Lune , tant il
coit petit et pâle. Nous ne doutons point que
vous n'ayés vû là même chose à Paris .
C'est à vous que nous nous adressons comme
à notre Maître, et à celui de tous les Sçavans qui
sçait rendre aimables les choses que les autres
Philosophes rendent à peine intelligibles ; et la
Nature devoit à la France et à l'Europe, un homme
comme vous pour corriger les Sçavans , er
pour donner aux plus ignorans le gout des
sciences.
Or , dites-nous donc , Fontenelles ,
Vous , qui par un vol imprévû ,
De Dedale prenant les aîles ,
Dans les Cieux avez parcouru
Tant de carrieres immortelles ';
Du Soleil par vous si connu
Ne sçavez vous point defouvelles .
Pourquoi , sur un Char si sanglant
A- t'il commencé sa carrière ?
Pourquoi perd- il , pâle et tremblant ,
Et sa grandeur et sa lumiere !
Que
2238 MERCURE DE FRANCE
Tersuadé qu'il est par - là de son éloquence , emporté
de passion ou de zele , flate de l'amour
propre et du son enchanteur de ses paroles , dont
ses Auditeurs sont charmes , quelle peine et quelle
violence n'est il pas obligé de se faire pour se
retenir et pour ne rien dire de trop et plus qu'il
ne faut ? Incapable alors d'attention sur soi- même
, et de remarquer qu'on s'ennuye de l'écouter
, il s'abandonne au torrent qui l'entraîne , et ne
s'arrête qu'après s'être épuisé , et avoir fatigué
son Auditoire , & c .
Que cette Eloquence des yeux
Sur la parole a d'avantage !
Souvent en se taisant on s'explique bien mieux ,
Et le silence est le langage
Le plus propre à louer les Dieux.
Après ce que je viens de dire , poursuit l'Auteur
en finissant , faut - il s'étonner si les Poëtes
en ont fait une Divinité , et s'ils l'ont représenté
avec de si riches et de si magnifiques Descriptions
dans les Lieux où il tient son Empire , et
lorsqu'il préside aux grandes Assemblées ? Je
n'en citerai point d'exemples . Les Sçavans ont
la memoire chargée de ces beaux Endroits , et il
est temps de finir un discours que je consacre au
silence . Je pourois tomber moi - même dans le
défaut que je condamne ; car l'on n'off.nse pas
moins ce Dieu en écrivant qu'en parlant , et ma
plume seroit aussi coupable que ma langue , si je
poussois plus loin son éloge.
La troisiéme Feuille de ces Amusemens , présente
au Lecteur dès la premiere page , l'Eloge de
la main. De toutes les Parties dont la merveil
leuse
OCTOBR E. 1735. 2239
feuse Machine du Corps humain est composée ,
il n'en est aucune , dit l'Auteur , qui soit comparable
à la main . Pour faire concevoir une idée
sublime de la suprême intelligence de son Auteur,
c'est par elle qu'il a voulu ennoblir et distinguer
son plus parfait Ouvrage. C'est par elle seule
qu'il a compensé tous les avantages qu'il sembloit
avoir accordés sur l'homme au reste des
animaux ; avec la main l'homme surmonte
la férocité des Tigres et des Lions , assujettit la
masse énorme des Elephans , contraint les Chevaux
indomptés , et les farouches Taureaux de
servir à ses usages . C'est en vain que pour dérober
les Oyseaux à son Empire , la Nature leur a
donné le secours des aîles et les a fait habiter
dans un Element superieur ; la main leur dispose
des filets et leur lance des traits qu'ils ne peuvent
éviter. La main forme les plus courageux
de leur espèce à déclarer la guerre aux autres ,
pour servir à la nourriture ou aux divertissemens
des hommes.
La troisiéme Feuille contient l'Eloge de la
Fourmi , l'origine de l'Ordre de la Jarretiere ,
l'invention du Canon et de la Poudre , &c.
Le sieur Giffart , Libraire , rue S. Jacques ,
vient d'imprimer un Prospectus de 8. pages in 4.
au sujet d'une nouvelle Edition des Oraisons de
Ciceron , qui doit être executée chés lui . Voici
tout ce qu'il y a d'essentiel à sçavoir dans ce
Projet , exposé dans les mêmes termes.
On se propose
de donner une nouvelle Edition
de toutes les Oraisons de Ciceron , avec les accompagnemens
nécessaires
pour en faciliter l'intelligence
. L'Ouvrage
est fini ; mais avant que de
le remettre à l'Imprimeur
, on a crû devoir pres-
F sentig
2240 MERCURE DE FRANCE
sentir le goût du Public sur le Plan que l'on a
suivi . En voici une idée generale .
Tout l'Ouvrage comprendra 4. volumes in 4.
On n'épargnera rien pour donner une Edition
correcte et belle , on en peut juger par ce Prospectus
. L'Edition y sera conforme , quant au caractere
et au papier . On n'a point épargné le
travail pour la rendre utile. Le Texte sera le même
que celui de l'Edition de Grævius , à l'exception
de peu d'endroits où l'on a crû devoir prẻ-
ferer celui des anciennes Editions. Les Chapitres
seront marqués en chifies Romains et les Sections
en chifres Arabes,
Chaque Harangue sera précedée d'un Argument
Historique , où l'on s'attache à en expli
quer, le Sujet , à déveloper le caractere des principaux
Acteurs de la Piece , à marquer l'état présent
des affaires de la République , lorsque l'on a
cru cette précaution nécessaire pour répandre
plus de jour sur la Harangue,
Comme il n'est point possible de bien entendre
les Oraisons de Ciceron sans la connoissance
de l'Histoire , particulierement Anecdote de son
temps et de ce qu'on apelle les Antiquités Romaines
, on s'est attaché à éclaircir ces deux
points dans les Notes que l'on a mises au- dessous
du Texte de Ciceron , et que l'on a tâché de
rendre claires , exactes et précises . On n'a pensé
uniquement qu'à mettre Ciceron à la portée de
toutes sortes de Lecteurs. Ainsi on n'a eu garde
d'entasser dans ces Notes un fatras de Variantes
ou de Collections étrangeres au sujet , qui ne sont
pour l'ordinaire que de laborieuses bagatelles ,plus
propres à montrer les vastes lectures d'un Editeur
, qu'à éclaircir et fixer les doutes d'un Lecteur.
Un
OCTOBK E. 1735. 2241
Un faiseur de Notes ne doit point négliger
l'explication des mots , ni d'avertir son Lecteur
d's tours de phrases extraordinaires , à mesure
qu'ils se rencontrent dans un Auteur. Cela est de
son ressort. L Editeur croit n'avoir point à craindre
de reproche de ce côté- là.
Il y aune autre espece de Notes que l'on apelle
de goût , qui manquent souvent à des Ouvrages
de la nature de celui - cy. On a tâché sur ce point
de se mettre aussi à l'abri du reproche .
Enfin, comme certains sujets ne sont point susseptibles
de la briéveté , dont on n'a pas voulu
s'ecarter dans les Notes , ils seront traités dans
des Dissertations qui seront renvoyées à la fin
du Volume , où ces éclaircissemens seront nécessaires.
Il ne suffit pas pour quiconque veut se former
à l'Eloquence sur le modele de Ciceron , d'avoir
acquis une intelligence passable de ses expressions
et des tours qu'il employe , il faut encore
faire une étude profonde de la maniere dont il
compose un Discours ; examiner l'ordre et l'arrangement
qu'il donne à ses materiaux ; connoî
tre le ressort et le jeu des passions , dont l'Orateur
sçait toujours tirer parti si à propos. Cette
étude demande bien des méditations. C'est pour
en diminuer la peine que l'on a joint aux Notes
une Analyse exacte et suivie de chaque Oraison.
Personne n'ignore l'avantage de cette Méthode ,
qui en dépouillant un Discours de tous les ornemens
du langage, ne s'attache uniquement qu'à la
substance des choses pour mettre un Lecteur en
état de juger sûrement de la solidité d'un Ouvrage,
lui en découvrir la justesse,la beauté et la proportion
de toutes ses parties entre elles . Par l'Analyse,
mieux que par les leçons d'un Maître , un
Fij jeune
2242 MERCURE DE FRANCE
jeune homme aprend à former son goût pour
Péloquence , en comparant les pensées simples
qu'elle lui fournit avec les ornemens dont l'Ora
teur a sçû les embellir.
Chaque Volume aura deux Tables Alphabetiques.
L'une indiquera les choses les plus remarquables
dont il aura été parlé dans les Notes ;
T'autre, Géographique, présentera une Notice de
tous les Lieux dont il est parlé dans le Volume,
Cette seconde Table a demandé naturellement
plus de travail que la premiere , parce qu'on ne
s'est pas borné à dire sechement qu'une telle Ville
connue autrefois sous le nom de ... s'apelle
aujourd'hui .... , mais on a recherché le temps
de sa fondation , ses premiers habitans , ses Alliances
, ses differentes révolutions , sa fortune
présente. On sent assés que cette sorte de Recherches
n'est point de pure curiosité. Au reste
dans un champ si vaste on n'a pas crû devoir
recueillir tout ce qui s'offroit . On a dressé les articles
sans s'écarter de cette brieveté juste et raironnable
, que l'on s'est toujours proposée pour
regle , parce que la premiere vûë que l'on a eû en
formant une entreprise aussi pénible que celle- cy ,
a été uniquement d'être utile.
A la fin du quatriéme Tome on se propose de
reimprimer l'Histoire de Ciceron , écrite par
Fabricius , Il n'y a personne qui ne connoisse le
mérite , la rareté , l'utilité et la nécessité de cette
Histoire. On y joindra celle d'Hortensius , ce
celebre Rival de Ciceron en Eloquence.
A la tête du premier Volume il y aura une Préface
, dans laquelle l'Editeur rend un compte plus
étendu et plus circonstancié de son travail et de
P'usage qu'il a fait de celui des autres .
Les Scavans sont invités à donner leur avis sur
Geti
OCTOBRE. 1735. 2243
sette Edition , et priés de le faire remettre inces
samment à M. GIFFART , Libraire , ruë S. Jacques
, à l'Image sainteTherese.
Le Prospectus finit par un petit Morceau de
cette prochaine Edition , executé selon le Plan
que l'on vient de lire , pour servir d'échantillon
L'Auteur a chosi pour cela l'Oraison de Ciceron
contre Verrés , ainsi intitulée , M. T. CICERONIS
Accusationis in C. Verrem , Liber V. de Suppliciis.
On nous prie d'informer le Public qu'on va
mettre incessamment sous presse une Histoire
des Rois de Naples et de Sicile , pour servir d'introduction
et de suite à celle de M. Petrineau
des Noulis , ce qui renfermera un détail curieux
des Révolutions de ces deux Royaumes , depuis
leurs Princes Normands jusqu'à la guerre présente.
L'Auteur, qui ne se nomme point encore, re
cevra avec reconnoissance , par la voye des
Journaux jusqu'à la fin de cette année , les avis
des Gens de Lettres pour la perfection de son
Ouvrage.
La vingt-neuviéme Partie des Cent Nouvelles
Nouvelles , de Mad . de Gomez , paroît chés Maudouit
, Quay des Augustins , et contient l'Amant
malheureux , la Sage Précaution , et Bonne Repommée
vaut mieux que Ceinture dorée . On donnera
la trentiéme Partie au commencement du
mois prochain.
Nous aprenons par un Programme imprimé
Marseille , accompagné d'une Lettre , que le 3
st le 6.Septembre,on y représenta sur le Théatre
Fij du
2244 MERCURE DE FRANCE
du College de Belsunce , de la Compagnie de
Jesus , la Tragédie de CODRUS , devant une illustre
et nombreuse Assemblée , laquelle eut tout le
succès possible.
Il est peu de grands Hommes , dit l'Auteur ,
dans le Prologue , plus connus dans l'Histoire
ancienne , que celui dont nous avons fait le Sujet
de notre Tragédie. Mais il en est aussi bien
peu , dont le détail de la vie nous soit moins
connu , malgré le grand nombe d'Auteurs qui
en ont parlé. Le dernier Trait de son Regne est
le seul qu'ils nous ayent conservé : encore ne s'accordent-
ils pas entierement sur les circonstances.
Tout ce qui résulte à peu près de leurs Narxations
raprochées l'une de l'autre , c'est que
Codrus , Roy d'Athênes , voyant l'Attique ravagée
par ses Ennemis, qui lui oposoient une Armée beaucoup
superieure à la sienne , envoya consulter l'Oracle
de Delphes sur les moyens de délivrer sa Pátrie
de l'orage qui étoit sur le point de l'accabler.
Sur quoi l'Oracle répondit que la victoire demeureroit
à celui des deux Partis dont le Chef seroit tué
par les Ennemis. Nous croyons ,
continuè l'Auteur
de la Piece , devoir borner là le Récit , sans
raporter qu'elle fût la genereuse résolution du
Héros , pour laisser au Spectateur le plaisir et la
nouveauté de la Catastrophe.
Quant aux Caracteres , l'Histoire a fourni l'idée
des principaux . Celui de Codrus est sur tout
fondé sur son amour genereux pour la Patrie .
Le silence de cette même Histoire , dit notre Auteur
en finissant , la stérilité ou l'obscurité du
Sujet , auroient dû peut- être nous arrêter ; mais
nous avons mieux aimé prendre un sujet qui n'eut
encore été traité par aucun Auteur , ancien ou
moderne , que de travailler sur un fonds plus
riche ,
OCTOBRE. 1735. 2245
riche, mais moins nouveau . D'ailleurs nous avons
crû que n'ayant point eu de modele , le Public
seroit plus disposé à excuser ce qu'il y auroit de
défectueux dans notre Tragédie.
Cette derniere Reflexion est également sensée
et modeste , elle fait autant d'honneur que les
aplaudissemens en ont fait lors de la Représenta
tion . La Lettre qui nous a instruits ajoûte que les
Acteurs ont rempli leurs Rôles avec beaucoup
d'intelligence et de capacité.C'étoient Mrs Louis-
Gab. Henry de Villemandy , qui représentoit ce
Codrus, Gab. J. Antoine Cadiere, Louis Bousquet,
Joseph Isnard ; Pantaleon Charpuis ; Guill. de
Aigle ; Joseph Bermond , et Charles Joseph Cou-
Zinery.
On ne parle point du Sujet du Balet , dont les
Spectateurs furent aussi très - contens ; il est mar
qué seulement que les Danses ont été ordonnées
par M. DENIS , Maître à Danser des Pensionnaires
de ce College , lequel a montré en cette occasion
autant de bon goût que d'attention et de zele
pour ses jeunes Eleves . Les Acteurs du Balet étoient
Mrs Charles 1. Couzinery , Gab. J. Antoine Ca.
diere , Joseph Bermond , Joseph Isnard , Pierre-
François Dessables , Joseph-Elzear Isnard , Joseph
Marie Linchou , Jean- Pierre Isnard.
A la tête du Programme est un Compliment
en Vers , adressé à M. DE BELSUNCE , de Castelmoron
, Evêque de Marseille , & c. Fondateur du
College , lequel fut prononcé avec beaucoup de
grace par M.de Villemandy.Il lé commença ainsi.
Nous tenons tout ici de vos mains bienfaisantes ;
C'est dans leur Temple même élevé par vos dons ,
Que nos Muses reconnoissantes
Viennent vous présenter l'hommage de leurs sons.
Fij II
2246 MERCURE DE FRANCE
Il finit en disant :
Consultez votre amour pour nous
Plutôt qu'une Critique austere ,
Si la Piece paroît indigne de vous plaire ,
Le Sujet est digne de vous .
Nos esprits ne sçauroient vous tenir un langage
Qui soit digne de vos faveurs :
Mais pour juger du prix de notre hommage
N'écoutez d'autre témoignage ,
Que le langage de nos coeurs.
On vendra chés Barbou , ruë S. Jacques , et
Bullot , rue de la Parcheminerie , un Calendrier
Perpetuel , qui sera d'un très- grand secours pour
tous les Gens de Cabinet, où l'on trouvera,nonseulement
les années Grégoriennes , mais encore
les années Juliennes , tant pour le passé que pour
l'avenir , le tout d'une façon fore simple , les années
n'étant composées ni de Coulisses ni de
Roües, et n'ayant besoin que de sçavoir lire pour
s'en servir .
La difference qu'il y a de tous les Calendriers
qui ont paru jusqu'à présent , à celui - cy , est
que tous les Calendriers ont été faits ou pour
un temps ou pour être perpetuels ; ceux qui ont
été faits pour un temps , sont devenus promptement
de peu d'usage , par le trop peu d'années
qu'ils contenoient , par raport aux siecles , tant
écoulés qu'à écouler.
Ceux qui ont été faits pour être perpetuels , ne
renferment qu'une période , tant Solaire que Lunaire;
de sorte que quand on a besoin d'une anmée
avant ou après cette période , il faut entendre
OCTOBRE . 1735. 2247
dre le calcul du Calendrier pour y supléer ; de
plus la quantité des Roues ou des Coulisses qu'il
faut concilier pour pouvoir arranger une année
telle qu'elle est, en dégoûte tout le monde. Dans
celui - cy toutes les années , tant Juliennes que
Grégoriennes , y sont renfermées sans transposition
, sans Roues ni Coulisses , et d'une façon
fort simple . Ce Calendrier poura se mettre dans
une Bibliotheque. Il a été présenté à l'Académie
des Sciences , qui l'a trouvé d'une nouvelle in
vention fort simple , ingénieuse et commode..
Il est composé par M. Sauveur , fils de M.Sau
veur , Chevalier , Maître des Mathématiques des
Rois d'Espagne , d'Angleterre , des Enfans de:
France , de l'Académie Royale des Sciences , Exa
minateur des Ingénieurs..
On aprend de Vienne en Autriche, que le sieux
Briffaut , Libraire , débite avec succès une nouvelle
Edition in 4. 2. vol . du celebre Traité de:
POpinion , ou Memoires pour servir à l'Histoire
de l'Esprit Humain.
Le Caractère et le Papier sont d'une beauté à
faire honneur au Libraire ; les Citations y sont
placées dans un bel ordre , et l'on a entierement:
purgé cette nouvelle Edition de tous les Erratas
qui se sont glissés dans la premiere.
L'Assemblée Generale du Clergé de France
ayant Ani ses Séances , les Prélats et autres Dé
putés qui la composent , se rendirent à Versailles
le 14. de ce nois , et ils curent Audience du Roy
avec les honneurs qu'on rend au Clergé lors .
qu'il est en Corps , et avec les ceremonies obser--
vées lorsque les mêmes Députés allerent rendre:
leurs respects à S. M. le S. du mois de Juina
EW derniere.
2248 MERCURE DE FRANCE
dernier. Le Cardinal de Fleury , Ministre d'Etat
et Premier Président de l'Assemblée , étoit à leur
tête , et l'Evêque de Valence fit au Roy la Harangue
qui suit.
SIRE,
Ce ne sont point les Grands de la Terre et les
Puissances du siecle ; ce sont les Pasteurs du Troupeau
de JESUS - CHRIST , ses Ambassadeurs et ses
Pontifes , qui se présentent aujourd'hui devant le
Trône de VOTRE MAJESTE'.
Si la véneration des Peuples , si la magnificence
et la pieté des Rois vos Prédecesseurs se sont fait un
devoir de décorer nos personnes , et d'illustrer nos
Sieges ; c'est Dieu qui nous fait Evêques.
C'est sous ce Titre sacré que nous avons l'honneur
de paroître en votre présence : Nous n'y pa-
Toissons , SIRE , que plus soumis , plus fideles et
plus respectueux.
Notre consécration ne nous fait que mieux sentir
ce que nous devons en qualité de Sujets à la suprême
autorité établie de Dieu pour nous gouverner , et ce
que nous devons comme Evêques à un grand Roy ,
qui croit honorer sa Couronne en honorant notre ca
ractere ; à un Roy Chrétien , l'ornement de la Religion
, dont nous sommes les Ministres ; à un Roy
Puissant qui fait servir son pouvoir à nous proteger.
et
Voila , SIRE , ce qu'il convient à des Evêques
de rechercher et de louer dans leur Souverain ,
voilà ce que le Clergé de votre Royaume , en sé sé–
parant , vient admirer de nouveau dans V. M.
Le Monde attentif à votre destinée , vous avoit
vú d'abord, comme Josias , donner vos premiers soins
au gouvernement tranquille de vos Peuples ; il vous
voit aujourd'hui sur les traces de David , vainqueur
dos
OCTOBRE. 1735. 2249
des Nations jalouses de votre gloire , couronner la
valeur de vos Guerriers , après en avoir ranimé
l'héroïsme : Bien tôt il vous verra sur le modele de
Salomon , vous dérober aux charmes de la victoire,
leur preferer les biens solides de la Paix , et rendre
vos Peuples heureux , après les avoir rendus triomphans.
Pour nous , Ministres du Dieu Saint , seul juge
et Maitre des Rois , nous avons porté nos regards
sur des objets encore plus interessans ; nous avons
où la consolation de vous voir sur le premier Trône
de l'Univers , oposer constamment aux saillies de la
jeunesse , les bornes du devoir ; à la liberté de tout
faire , la moderation des desirs ; aufaste de la grandeur
, le goût de la modestie ; à l'éclat éblouissant
de la Couronne , les temperamens de la douceur ; à
tous les écüeils de la Royauté , les Regles du Chris
tianisme.
Nous vous voyons dans le cours d'une Guerre tou.
jours heureuse , rendre votre Empire formidable , et
n'enpas moins redouter celui de Dieu ; humilier vos
ennemis, et ne vous point élever; conquerir des Provinces
et ne vous point agrandir , cueillir des lau
viers et regretter le sang qui les arrose ; gagner des
Batailles , et desirer la Paix , content de vous faire
craindre , pour n'être plus forcé de vaincre , mais
pour gouter dans la suite de votre Regne le plaisir
de vous faire aimer de vos ennemis mêmes.
Ce que nous avons vû , nous ne cesserons point
de le voir Nos Successeurs vous en féliciteront après
nous. Plus fidele que Joas aux conseils de la sagesse,
vous serez toujours tel qu'on admiroit ce Prince ,
lorsqu'il étoit encore le restaurateur du Tabernacle,
les délices du Peuple et la gloire de Joiada.
Assemblés sous les auspices d'un Monarque si
sher à la Religion , que n'avons - nous pas dû faire
F vj рент
2250 MERCURE DE FRANCE
lui pour prouver notre dévouement ? Non , SIRE ,
nous ne trouvons rien de trop dans les efforts de notre
zele ; ils sont au -dessus de nos forces , et ils n'égalent
pas nos sentimens . Nous avons presque fait l'impossible
, et nous voudrions avoir pû davantage.
Douze millions accordés récemment sembloient:
nous avoir épuisés ; mais l'amour , animé par la Religion
, découvre des ressources , où la prévoyance ·
humaine n'en aperçoit pas.
Notre respectueuse tendresse , l'ardeur de vous ser
vir et de vous plaire ne nous ont point aveuglés sur
la nature et la destination de nos Biens .
C'est la Religion , SIRE , et la Religion la plus
éclairée qui nous a servi de guide ; c'est e.le qui nous
a apris que lorsqu'il s'agit de la gloire de l'Etat
l'Eglise qui en est le premier Corps , lui doit aussi
des secours plus abondans , et dans un temps sur tout
où les Autels reclament plus que jamais l'autorité.
du Trône , nous croirions , pour défendre le Trône,,
pouvoir dépouiller les Autels .
Si vos Ennemis vaincus vous obligent encore de
combattre , usez de nos dons pour vaincre : vainquez
pour nous donner la paix et nous employerons
les jours de la felicité publique , à faire refleurir.
nos Eglises.
;
Pacificateur de l'Europe , vous tournerez tous vos.
soins du côté de la Religion ; et tandis que la sagesse
de vos Conseils tiendra la Discorde enchainée , le
Sacerdoce et l'Empire s'uniront plus étroitement ;
nous verrons revivre dans le Sanctuaire cet esprit
de subordination que Dieu y a établi , et les divisions
qui nous affligent , viendront s'éteindre etfinir
vos pieds. Aux succès éclatans de vos Armes , qui
coûtent du sang même aux Vainqueurs , vous ferez
succeder les triomphes de l'Eglise , qui sont toujours
le salut et la gloire des Vaincus..
à
En
TILOS pig
!
1
CONVENTUS
CLERI
GALLICANI
MDCCXXX
PACEM
N
TRIUM
E
re
OCTOBRE. 173 225r
-
En attendant ces beaux jours , que les benedietions
du Ciel , et les sentimens de votre coeur nous
préparent ; vous nous permettrez de vous faire la
demande , depuis si long - temps renouvelléc , et toujours
nécessaire , des Conciles de nos Provinces ;
nous solliciterons votre pieté en faveur des interêts
sacrés de l'Eglise ; nous mettrons sous votre protection
la dignité sainte de ses Pontifes , et l'exercice
de leur divin Ministere . Ce sont- la les vrais biens:
des Evêques : vous en serez toujours le défenseur
et vous entendrez , SIRE , jusqu'à notre silence.
"T
Nous ne sçaurions mieux placer qu'en cet En
droit la Gravûre du Jetton qui a été frapé par
P'ordre du Clergé , pour désigner l'Assemblée generale
de cette Année .
On y voit d'un côté la Religion debout,
ayant à sa droite un Autel , sur lequel brule le-
Feu sacré , dont les étincelles répondent à une
Colombe qui plane dans les Airs , tenant à son
bec un Rameau d'Olivier. A gauche et plus en
arriere , est un Trophée d'Armes et de Drapeaux,
avec cette Legende : VOTIS PACEM DONIS
TRIUMPHOS.
1
L'autre côté du Jetton contient simplement
cette Inscription , entourée d'une branche d'O
livier : CONVENTUS CLERI GALLICANI
M. DCC. X X X V.
Les Coins sont de M. Duvivier , dont tout le
Monde connoît l'habileté .
On croit devoir donner avis aux Curieux qu'il
y a en vente depuis quelque temps chés la veuve
Chereau, rue S. Jacques, aux deux Pilliers d'or, ct :
ches Surugue, Graveur du Roy , rue des Noyers, une
Estampe en large gravée par le sieur Delarmessin
1252 MERCURE DE FRANCE
sin, d'après un des plus beaux Tableaux de feu
Antoine VVatteau , representant une Accordée de
Village. Ce Tableau est dans le cabinet de M. de
Julienne , et fait pendant à celui du même Auteur
qui est dans le Cabinet de la Comtesse de-
Verrue , representant une Mariée de Village
gravé depuis quelques années par M. Nicolas Cochin.
Il paroît aussi une grande Estampe en large
d'une grande , riche et ingenieuse composition
gravée par le sieur J. Moyreau , d'après un Tableau
de P. Wouvermans du Cabinet de la Comtesse
de Verrüe , de 4. pieds de large sur z . pieds
3. pouces de haut C'est le dixneuviéme morceau
que le sieur Moyreau grave d'après cet excellent
Maître. Le débit s'en fait chés lui , ruë
Galande , vis- à-vis S. Blaise.
La suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres dans les Sciences et dans les
Arts , se continue toujours chés Odieuvre , Marchand
d'Estampes , vis - à- vis la Samaritaine. I
vient de mettre en vente , et toujours de la même
grandeur.
Guillaume Cardinal du Bois , Archevêque Duc
de Cambray , Prince du S. Empire , Premier
Ministre.
François de Salignac ou Salagnac de la Mothe,
Archevêque Duc de Cambray.
Isaac Nevuton , gravé d'après la Medaille Ic.
Marin Mersenne , Religieux de l'ordre des Minimes
, Theologien , Philosophe , et Mathematicien
celebre , né à Oyse au Maine , mort à Paris
en 1648. âgé de 60. ans.
Jean Daillé , né à Chatelleraut le 6. Janvier
2594. Ministre à Charenton en 1626. mort à
Paris le 15. Avril 1670, âgé de 77. aus.
OCTOBRE. 1735. 2253
René Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police.
- François-Marie Arrouet de Voltaire, né à Paris:
Charles le Brun , Premier Peintre du Roy , né
à Paris en 1618. mort le 12. Janvier 1690. âgé
de 72. ans .
·Michel Baron , Comédien de la Troupe du
Roy , né à Paris en 1653. mort en 1729 .
Gerard Edelinck , natif d'Anvers , Graveur ordinaire
du Roy , Conseiller dans son Académic
Royale , mort le 2. Avril 1707 .
Le sieur Levet , qui fait les beaux Ouvrages en
Plumes dont nous avons fait mention dans le
Mercure de nous prie d'avertir le Pu→
blic qu'il vient de finir un graud morceau de Tapisserie
dans le même goût qui est d'une beauté
infinie et qui pour la vivacité des couleurs surpasse
tout ce qu'on peut dire. Les Curieux qui souhaiteront
voir cet Ouvrage , le pouront en payant
le prix modique de 24. sols. Il demeure presentement
chés un Apotiquaire, ruë S.Benoît, Fauxbourg
S. Germain à Paris.
Il paroît un Livre de Pieces de Clavecin par
M. de Mars , le cadet , Organiste de l'Eglise
Cathedrale de Vannes ; Qui se vend chés l'Auteur
à Vannes , et à Paris aux adresses ordinaires de la
Musique.
Remerciment
2254 MERCURE DE FRANCE
Remerciment de M. de Salis du Coudray à
M. Arnoult , Marchand Epicier Droguiste,
rue des cinq Diamans, qui lui avoit
envoyé deux paquets de son Specifique ,
qui l'ontgueri de l'Apoplexie, et preservé:
des rechutes.
Est-ce toi , divin Esculape ,
Qui m'affranchis d'un mal dont j'étois accablé &
L'étonnant succès qui me frape ,
Et qui guerit mon corps et mon esprit troublé ,
De toi seul peut être l'ouvrage ;
Toi seul as pû dompter la rage
De ce Monstre ciuel qui renaissant toûjours
D'une trop languissante vie
Eût bientôt terminé le cours.
Oui la lumiere enfin m'étoit ravie
Sans son favorable secours.
Mais
, que dis-je ? et quelle est cette fausse
pensée ,
Qui vient surprendre mon esprit !
Pardonne , cher Arnoult , à mon ame insensée ;-
Non ce ne fut qu'à toi qu'Apollon même
aprit
L'admirable secret par qui tu nous preserves ,
Des atteintes d'un mal toujours si dangereux
Euneste Apoplexic ! en vain tu nous reserves
Tes coups les plus affreux..
Avec
OCTOBR E. 1735. 2259
Avec un tel secours nous bravons ta furie ;
Tu ferois contre lui d'inutiles efforts .
Pour exercer ta barbarie ,
'Aux plus lointains climats va porter mille
morts :
Mais quitte pour toujours une heureuse Patrie.
Qui possede aujourd'hui ces précieux tresors.
ΕΝΓΟΥ.
Dans ces Vers , foible essai de ma reconnois
sance ,
Recevez mon remerciment :
Trop genereux ami que n'ai- je la puissance
De l'exprimer plus dignement !
Le sicur Rosa , Chirurgien , reçu à S. Cosme
pour la guerison radicale des Descentes de
boyaux sans faire aucune operation , par le moyen
de ses bandages très flexibles , constiuits sans fer
ni bois , et par le Remede Specifique qu'il apli
que exterieurement , fait sçavoir qu'il a fait une
très-grande quantité de Cures à Paris et ailleurs,
dont il a les Certificats , que tout le monde peut
voir chés lui , ruë de Bussi , à la Boëtte des Lettres,
fauxbourg S.Germain , et chés M. Prevost Notai--
re à Paris.
Il a inventé aussi d'autres bandages très uti
les , le premier , pour la Fistule du Periné , qui
empêche l'écoulement de l'urine , et contribue à
l'entiere guerison.
Le second , pour le Nombril tout different de
ecux dont on s'est servi jusqu'à present.
Le troisième , pour la descente de la Matrice ,
sans
1256 MERCURE DE FRANCE
sans fer ni bois , et qui n'incomode en aucune
maniere.
Le quatrié me est fort singulier et d'un grand
secours pour les Descentes les plus fâcheuses et les
plus désespérées. Ce Bandage les retient en bon
état et solidement , sans aucun embarras entre les
cuisses ; il le donne à l'epreuve et le garantit.
Le sieur Rosa a un autre talent moins important
, mais cependant très secourable , et dont
nous avons heureusement fait l'experience , c'est
d'ôter les Cors des pieds et la racine avec une
grande dexterité , et sans presque de douleur ,
ainsi que les ongles qui entrent dans la chair.
On avertit le Public que la veritable Pâte de
Guimauve blanche, et Suc de Reglisse , qui so :
très connus , et les meilleurs qui se fassent à Paris
et ailleurs , se debitent depuis plusieurs années
, dans la même boutique où ils ont été in➡
ventés , et c'est rue de la Huchette , à la Flote
Royalle de Canada à Paris ; mais comme depuis
quelques années , differentes personnes en debitent
sous ces noms- là , sans en sçavoir la veritable
composition , beaucoup de personnes y sont
trompées.
La Pâte de Guimauve , et Suc de Reglisse, sont
très-bons et connus, pour le soulagement de toutes
sortes de toux , rhumes , pituites âcres , er
maladies de poitrines de telles especes qu'elles
soient . Le Public par le long et perseverant usage
qu'il en a fait depuis si long- temps , en sçait
toutes les proprietés , il n'est pas besoin de les
repeter , par le grand debit qu'on en fait , il
y en atous les jours de nouvelles ; le prix est de
4. liv. la Livre.
Dans le même endroit se trouvent deux differens
OCTOBRE. 1735 2257
rens Febrifuges très éprouvés pour les fievres intermittentes,
et quartes , à une dose , et à trois ,
et très mediocres ; ils peuvent se transporter par
tout sans perdre rien de leur vertu , desquels Febrifuges
il n'y a à craindre aucune mauvaise
suite.
On y trouve aussi l'eau de Dannemarck pour
les dents , pour fortifier , nétoyer , ec mondifier
les gencives , raffermir les dents , en guerir et
soulager les douleurs , les chancres , thumeurs ,
petites ulceres , humeurs scorbutiques , et mauvaise
haleine , les bouteilles contiennent environ
le tiers d'une pinte , le prix est d'une pistole .
On y trouve aussi la veritable Eau de Miel
d'Angleterre pour embellir le teint .
Avis du sieur Masson , premier inventeur des
nouveaux Stors à la Françoise , très utiles et commodes
pour se garentir du Soleil et de la Poudre
, aux croisées des maisons , aux Carosses et
chaises de poste , ainsi qu'aux volets des cabinets
, bibliotheques et armoires , qui s'arêtent
deux mêmes à telle hauteur que l'on veut sans être
obligé de les arrêter , et sur lesquels il cole pro
prement des Cartes Géographiques et autres Estampes
instructives et agreables à la vûë. Il pose
aussi les sonettes de façon que les Tapissiers ne
sçauroient rien endommager quand ils tendent et
détendent les apartemens
Son adresse est ruë Betizy , derriere la Monnoye,
à côté d'un Menuisier ; il est fort employé
par les Géographes,
La Dame de Parisot privilegiée du Roy , pour
le Métail qui imite l'or , donne avis au Public
qu'elle tient son Magasin dans la ruë S. Honoré,
vis2258
MERCURE DE FRANCE
vis - à- vis la rue de Grenelle , chés un Chape
lier , au deuxième apartement ; il est composé
de très - beaux Flambeaux de toutes façons , Feux
et bras de cheminées , Girandoles , Bougeoirs ,
Ecritoires , Sonnettes de Bureaux , Cuillieres et
Fourchettes , Manches de couteaux ; Tabatieres,
Pommes de cannes , Etuits à curdens , Etuits à
cizeaux , Boëtes à savonettes
Boucles de souliers
, et Jarretieres , Boucles de manchons , Becsà
corbins; Garnitures de brides pour les chevaux
et carosses , Hausse- cols pour les Officiers , Garnitures
de commodes et pendules , Boëtes de
Montres , Epées , Garnitures de boutons pour les
habits . Elle donne aussi avis qu'elle fait des
Chandeliers d'Eglise , Croix , Tabernacles , &&C.
"
CHANSON.
Pour les coeurs delicats
Les plaisirs achetés ont seuls de vrais appas
Lorsque par un baiser , Climene ,
Je cherche à soulager ma peine ,
Défendez - vous assés pour ne pas me l'offrir ,
Mais trop peu pour m'oter l'espoir de le raviz
De Bignicourt.
SPEC
: DEN 0
CITOR
1
AND
I
plusTIONS
.
OCTOBR E. 1735. 2259.
SPECTACLES.
E Jeudy 11 du mois d'Août dernier, L
on représenta
sur
le Théatre
du
College d'Harcourt , pour la distribution
des Prix , LA MORT DE CESAR , Tragédie
nouvelle de M. de Voltaire . Il y eut
à cette Representation un grand concours
de Personnes de la premiere distinction
attirées par la nouveauté de la Piece , et
plus encore par la reputation de son Auteur.
On peut dire que l'Assemblée fût
également satisfaite et de la beauté de cet
Ouvrage , et de la maniere dont les Acteurs
s'acquitterent de leurs Personnages.
Les principaux Rôles étoient au nombre
de six . M. Bernard faisoit celui de Cesar ,
M. de Liria de Berwick celui d'Antoine ,
Bratus fût representé par M. de la Rivie
re ; Cassius par M. de Paris , Cimber , par
M. de S. Simon de Sandricourt , et Dolabella
par M. de Berulle . On fût extrêmement
content de tous ces Messieurs ;
mais Mrs Bernard et de la Riviere s'y
distinguerent d'une maniere particuliere
, et tout le monde convient qu'ils
atteignirent la perfection de l'Art , non
comme
2260 MERCURE DE FRANCE
comme des Ecoliers , mais comme les
Acteurs les plus parfairs.
Voici quel est le sujet de cette Tragé
die , dont la Scene est à Rome au Capitole.
L'an 710. de Rome , Jules Cesar
Dictateur , fut tué en plein Senat . 11
étoit Consul pour la cinquième fois ; il
avoit Marc Antoine pour Collegue ;
son ambition fut la cause de sa perte ;
il avoit fermé le dessein de changer l'Etat
Republicain en Monarchie ; on compte
parmi ses meurtriers , Cassius, Junits
Brutus , Trebonius , Minucius Basilus ,
et plusieurs autres .
La Piéce , vraiment digne de son Auteur
, est divisée en trois Actes . On tâ
chera d'en donner ici une idée , et on en
raportera quelques morceaux qui puissent
faire juger de sa beauté.
Au premier Acte , Cesar prêt à partir
pour l'Orient , aspirant toujours au pou
voir Monarchique , fait part à Antoine
d'un secret qu'il lui avoit caché jusqu'alors.
Il lui declare qu'Octavien n'est son
Fils que par adoption , que la nature lui
en a donné un autre ; que Brutus , ce fatal
ennemi du pouvoir arbitraire , et qui
par là même se rangea toujours du côté
de ses ennemis , est le fruit d'un Hymen
contracté secretement avec Servilie fille
de
OCTO BR F.
1725.
2261
de Caton. Antoine marque son étonnement
, et s'écrie :
Dieux faut- il que du sort la tirannique loy ,
Cesar te donne un fils si peu semblable à toy !
9 Cesar excuse son fils ; la nature parle.
il tâche de couvrir ses deffauts par l'énumeration
de ses vertus , en disant :
Il a d'autres vertus son superbe courage
Flate en secret le mien même alors qu'il m'outrage
;
2.
Il m'irrite , il me plaît , son coeur indépendant
Sur mes sens étonnés prend un fier ascendant
Sa fermeté m'impose , et je l'excuse même
De condamner en moi l'authorité suprême ;
Soit qu'etant homme et Pere , un charme séducteur
L'excusant à mes yeux , me trompe en sa faveur
Soit qu'étant né Romain , la voix de ma Patrie
Me parle malgré moi contre ma tirannie ,
Et que la Liberté que je viens d'oprimer ,
Plus forte encor que moi , me condamne à l'aimer
;
Te dirai je encor plus ? si Brutus me doit l'être,
S'il est fils de Cesar , il doit hair un maître :
J'ai pensé comme lui dans mes plus jeunes ans
J'ai detesté Sylla , j'ai hai les tirans.
Peusse été Citoyen si l'orgueilleux Pompée
N'eut voulu m'oprimer sous sa gloire usurpée ;
Et
2262 MERCURE DE FRANCE
Et né pour commander , mais né pour les vertus,
Si je n'étois Cesar , j'aurois été Brutus.
Il prie ensuite Antoine d'adoucir le
superbe courage de ce jeune Romain ;
de le flater de l'esperance de voir un jour
son front ceint du Bandeau Royal : il
ajoûte que peut - être cette consideration ,
la nature , le sang , ses bienfaits , les avis
d'Antoine , le devoir , l'interêt , tout lui
rendra son fils. Antoine lui repond en
>
ces termes :
J'en doute ; je connois sa fermeté farouche ,
La secte dont il est , n'admet rien qui la touche
Cette secte intraitable , et qui fait vanité
D'endurcir les esprits contre l'humanité ,
Qui dompte et foule aux pieds la nature irritée
Parle seule à Brutus , et seule est écoutée .
Ces prejugés affreux qu'ils apellent devoir ,
Ont sur ces coeurs de bronze un absolu pouvoir.
Caton même , Caton , ce malheureux Stoïque
Ce Heros forcené , la victime d'Utique ,
Qui fuyant un pardon qui l'eut humilié ,
Prefera la mort même à la tendre amitié ,
Caton fut moins altier , moins dur et moins à
craindre ,
Que l'ingrat qu'à t'aimer ta bonté veut contraindre,
Pendant
OCTOBRE. 1735. 2:63
!
Pendant qu'ils sont ensemble , Dolabella
vient anoncer les Deputés du Senat
que Cesar avoit mandés ; ils entrent. Cesar
demande à être honoré du Titre de
Roy ; mais il ne trouve que de la resistance
. On lui parle avec une fermeté
digne des premiers temps de la Republique
, Brutus sur tout fait éclater son
zele pour la liberté en ces termes :
Oui , que Cesar soit grand , mais que Rome soit
libre.
1
Dieux ! Maitresse de l'Inde , esclave au bord du
Tibre ,
Qu'importe que son nom commande à l'Univeis
,
Et qu'on l'appelle Rome alors qu'elle est aux
fers ?
Qu'importe à ma Patrie , aux Romains que tu
braves ,
D'aprendre que Cesar a de nouveaux esclaves ?
Les Persans ne sont point nos plus fiers ennemis
Il en est de plus grands , je n'ai point d'autre
avis,
Cesar , voyant la fermeté des Senateurs,
est obligé de les congedier avec les plus
vifs reproches ; cependant il arrête Brutus
, il fait tous ses efforts pour le gagner,
il lui prodigue les marques de la plus
grande tendresse mais il le trouve inflexi
G ble
2264 MERCURE DE FRANCE
ble. Antoine tâche de profiter de cette
occasion pour porter Cesar à quelque acte
de severité ; il lui cite l'exemple de Sylla ,
de Marius. Le Dictateur ne se rend point,
il veut regner sans violence. C'est ainsi
que finit le premier Acte.
Au second Acre , Antoine reproche à
Brutus la maniere trop haute dont il
parle à Cesar ; il lui dit qu'il ne connoit
pas celui qu'il ose hair , et qu'il en fremiroit
s'il pouvoit l'aprendre ; Brutus
lui repond ainsi :
Ah ! j'en fremis déjà, mais c'est de vous entendre,
Malheureux courtisan , qui vendez cet Etat,
Brutus à vos tirans ne parle qu'au Senat ,
Allez ramper sans moi sous la main qui vous
brave ;
Je sçais tous vos desseins , vous brulez d'être esclave
;
Vous voulez unMonarque et vous êtes Romains!
ques
Resté seul , il se répand en des plaintes
ameres pendant qu'il déplore le malheur
de sa Patrie , il aperçoit à terre quel-
Billets , il les ramasse , il les lit , il
est surpris des reproches qu'on lui fait ; il
promet à sa Patrie de ne point degenerer;
il est confirmé dans ces sentimens par
tous ses amis ; Cimber lui aprend ce qui
s'est passé au Capitole ; qu'Antoine fendang
OCTOBRE. 1735. 2265
dant la foule , a porté lâchement la Cou
ronne sur la tête de Cesar ; que Cesar a
paru vouloir refuser ce qu'il desiroit si
ardemment , et que les Romains ont
aplaudi generalement à ce refus . A ce
recit les conjurés forment le dessein de
hâter la perte du Tiran , ils s'y engagent
par les sermens les plus solemnels : Cesar
les surprend ; il ordonne à Brutus de rester
; il fait une seconde tentative pour le
détacher des conjurés ; il consent à l'entendre
, et dit qu'il se plaît à descendre
avec lui de son rang ; il lui demande ce
qu'il peut lui reprocher , Brutus lui repond
:
Le Monde ravagé ,
Le sang des Nations , ton Pays saccagé ,
Ton pouvoir , tes vertus , qui font tes injustices,
Qui de tes attentats sont en toi les complices ,
Ta funeste bonté qui fait aimer tes fers ,
Et qui n'est qu'un apas pour tromper l'Univers. "
Cesar rejette ce reproche sur Pompée ,
qui , s'il eut été vainqueur , auroit accablé
l'Etat sous un joug de fer, Brutus dit
qu'il l'eut immolé. Cesar lui demande si
c'est là ce qu'il lui destine , et pour lui faire
voir sur qui'il attenteroit , il lui declare
enfin qu'il est son Pere , et il l'en convainc
par un Billet qu'il lui donne à lire;
Gij Brutus
2266 MERCURE DE FRANCE
Brutus surpris , étonné , ne sçait que croire ,
que penser ; il veut parler ; la voix lui
manque ; enfin revenu à soi , il s'écrie !
O sort épouvantable ! et qui me désespere !
Ọ sermens , ô Patrie , ô Rome toujours chere ,
Cesar ... ah malheureux,j'ai trop long-tems vécu.
Il prie son Pere ou de lui donner la
mort sur l'heure , ou de renoncer à la
Couronne. Cesar se livre à la colere ; il
s'emporte ; il n'épargne point les termes
les plus durs ; il menace Brutus de le faire
perir le quitte en disant ; 2
:
On sçait ce que je puis , on verra ce que j'ose.,
Je deviendrai barbare et toi seul en es cause,
༣ ་ །།
Brutus , frapé de ces dernieres parales
, le suit ; mais dans le dessein de le
faire changer de resolution , de le sauver,
et en même temps de sauver les Romains ,
Au troisiéme Acte, les Conjurés se rendent
au lieu marqué, ils se rejouissent que
T'heure aproche ou la Maitresse du monde
va devenir sans Maître ; ils sont surpris
que Brutus se fasse attendre, ils craignent
d'être découverts; cette crainte augmente
lorsqu'ils le voyent paroître triste , abattus
il leur aprend son malheur ; illeur dit
qu'il est fils de Cesar et de Servilie ; ils
p'en
OCTOBR E. 1735. 2267
n'en veulent rien croire ; mais la chose
confirmée , ils lui demandent s'il ba
lance entre la Patrie et un Tiran ; Cassius,
lui parle ainsi :
Toi son fils, Rome enfin n'est- elle plus ta Mere,
Chacun des Conjurés n'est- il donc plus ton
Frere ?
Né daus nos murs sacrés , nourri par Scipion ,
Eleve de Pompée , adopté par Caton ,
Ami de Cassius , qué veux - tu davantage ?
Ces titres sont sacrés , tout autre les outrage.
Qu'importe qu'un Tiran , vil esclave demour ,
Ait seduit Servilie et t'ait donné le jour ?
Laisse là les erreurs et l'Hymen de ta Mere ;
Caton forma tes moeurs , Caton seul est ton Pere
Tu lui dois ta vertu ; ton ame est toute à lui ;
Brise l'indigne noeud que l'on t'offre aujourd'hui;
Qu'à nos sermens communs ta fermeté reponde,
Et tu n'as de Parens que les vengeurs du Monde.
Brutus se rend à ces raisons , il decide
en faveur de Rome ; mais il declare que
des larmes ont coulé de ses stoiques yeux;
que voyant dans Cesar , són Pere , un
coupable , un grand Homme , entrainé
par Cesar d'un côté , de l'autre retenu par
Rome , il a desiré la mort qu'ils preparent
aux Tirans ; il leur dit ensuite :
Giij Je
2268 MERCURE DE FRANCE
Je vous dirai bien plus , sçachez que je l'estimes
Son grand coeur me seduit au sein même du
crime ;
Et si sur les Romains quelqu'un pouvoit regner
Il est le seul Tiran que l'on dût épargner.
Il les assure de nouveau qu'il sera fidele
à la Patrie ; mais il demande qu'il
lui soit permis de donner quelque chose,
à la nature , au respect qu'il doit avoir
pour Cesar ; il declare qu'il ne peut souiller
ses mains du sang de son Pere ; que-
Rome demande un vengeur et non un
parricide ; enfin il desire qu'on lui laisse
faire des efforts pour flechir ce Heros ; les
Conjurés y consentent ; Brutus presse
Cesar de la maniere la plus vive , et lui
dit :
: Sçais-tu bien qu'il y va de ta vie ?
Sçais tu que le Senat n'a point de vrai Romain
*
Qui n'aspire en secret à te percer le sein ?
Que le salut de Rome et que le tien te touche :
Ton genie allarmé te parle par ma bouche ;
Il me pousse › il me presse , il me jette à tes
pieds ,
Cesar, au nom des Dieux ,dans ton coeur oubliés ,
Au nom de tes vertus, de Rome, et de toi- même,
Dirai - je au nom d'un Fils qui fremit et qui
t'aime ,
* Ici Brutus se jette aux genoux de Cesar.
Qui
OCTOBRE. 1735. 2269
Qui te prefere au Monde, et Rome seule à toi a
Ne me rebute pas.
Rien ne peut faire renoncer Cesar au
Diadême ; Brutus penetré de douleur ,
lui dit un éternel adieu , et cet adieu fut
dit par l'Acteur d'une maniere si touchante
, qu'il tira les larmes de toute
l'Assemblée . Dolabella entre ensuite suivi
de quelques Romains ; il vient dire à
Cesar que tout est prêt au Capitole , que
leTrône est élevé ; mais que toute la Nature
conspire contre lui , que le Ciel fait
voir les plus tristes presages : Cesar lui
replique :
Va ; Cesar n'est qu'un homme ;et je ne pense pas
Que le Ciel de mon sort à ce point s'inquiette ,
Qu'il anime pour moi la Nature muette ;
Et que les Elemens paroissent confondus ,
Pour qu'un Mortel ici respire un jour de plus .
Les Dieux du haut du Ciel ont compté nos années,
Suivons sans reculer nos hautes destinées ;
César n'a rien à craindre .
Enfin pressé par Dolabella , il déclare
qu'il aime mieux mourir que de craindre
la mort ; il n'est pas plutôt arrivé au
Capitole qu'assailli de toutes parts ,il perit
sous les
coups qu'on lui porte ; le bruit
G iiij le
,
2270 MERCURE DE FRANCE
le tumulte , les cris des Conjurés annoncent
sa defiite ; Cassius le poignard à la
main en aporte la nouvelle ; il aprend
aux Romains qu'ils n'ont plus deMaître ,
il les exhorte à défendre leur liberté ; ils
le lui promettent , mais ils ne tiennent
pas leur parole ; un moment après Antoine
leur tient un Discours touchant et
pathetique pour les déterminer à courir
à la vengeance.
Il fait paroître le corps de Cesar couvert
d'une Robe de Pourpre ; les Romains
frémissent ; Antoine saisit ce moment
et leur dit :
Du plus grand des humains voilà ce qui nous
reste ,
Voilà ce Dieu vengeur idolatré par vous ,
Que ses assassins même adoroient à genoux ,
Qui toujours votre apui dans la paix , dans la
guerre ,
Une heure auparavant faisoit trembler la Terre ,
Qui devoit enchaîner Babilone à son Char ;
'Amis , en cet état connoissez - vous Cesar ?
Les Romains attendris par des Discours
si touchants courent le venger ; Antoine
dit à Dolabella :
Ami , ne laissons pas leur fureur inutile ,
Précipitons ce Peuple inconstant et facile.
Que
OCTOBRE . 1735 2271
Que la guerre commence, et sans rien menager,
Succedons à Cesar en courant le venger.
C'est ainsi que finit cette Piece digne
des aplaudissemens qu'elle a eus sur le
Theatre, et qu'elle aura dans le Public.
On donna sur le Theatre du même
College pour petite Piece , les Plaideurs
de Racine. On ne peut trop louer chaque
Acteur en particulier de la maniere
dont il s'est acquité de son Personnage ;
on remarquera seulement que M. de
la Riviere n'excella pas moins dans le
Comique , qu'il avoit excellé dans le Tragique.
M. de Voltaire nous prie d'avertir le
Public qu'on a imprimé la Tragedie dont
on vient de parler , sur une copie très défectueuse,
dans laquelle on a inseré beaucoup
de Vers qui ne sont pas de lui , et
que cette Edition furtive est pleine de
fautes qui defigurent entierement l'Ou
vrage.
M. de Voltaire ajoute que c'est la seule
Piece Françoise que l'on connoisse où il
n'y ait point de Femmes. Elle avoit été
representée , dit- il , deux ans auparavant
à l'Hôtel de ****. Il y a près de dix
ans qu'elle est composée; de mauvais copistes
l'ont transcrite en partie pendant
Gv la
2272 MERCURE DE FRANCE
}
la Representation , et l'Editeur a suplée
le reste de sa tête ; de sorte que cet
Ouvrage paroît aujourd'hui imprimé furtivement
et entierement défiguré. Ceux
qui se connoissent en Poësie sçavent assés
que l'Auteur est incapable d'avoir fait
une partie des Vers de cette Piece auxquels
il manque jusques à la mesure . Cependant
, continue- t'il , les Auteurs d'une
brochure intitulée Observations sur les
Ecrits Modernes , attaquent l'Ouvrage
comme s'il étoit entierement de l'Auteur
, et accusent la Piece d'être contraire
aux regles de la Morale ; ils disent
que l'action et les sentimens de Brutus
sont plutôt d'un Quaker que d'un
Stoicien ; ils n'ont pas fait attention que
les Quake s font profession de ne jamais
porter l'épée , et que la douceur et
la patience sont leurs premiers principes ;
on avance dans cet Ecrit que les sentimens
de Brutus dans la Piece , sont monstrueux
, sans se souvenir que tel est le
caractére de Brutus dans l'Histoire , &c .
LA
OCTOBR E. 1735. 2273
LA
FEINTE INUTILE ;
Comédie en cinq Actes , par M. de Romagnesi
, Representée pour la premiere
fois par les Comédiens Italiens le 22.
Août 1735. Extrait. Cette Piece est très
bien imprimée , chés Briasson , ruë S.
Jacques , in 12. de 138. pages.
CE
Ette Comédie ayant fait un grand plaisir
sous le Titre des Menteurs embarassés , le
sieur Romagnesi a cru avec raison que le Public
la reverroit avec la même satisfaction , traduite
d'Italien en François , et de Prose en Vers. Son
attente n'a pas été trompée , et l'on a rendu jastice
à son travail . Comme c'est une Piece des
plus intriguées . on ne metra ici que très peu
de citations , quoique les beautés de détail y
soyent assés nombreuses. Nous suivrons pied
à pied l'action principale ; elle suffira toute seule.
à nous acquitter envers nos lecteurs . Deux
noms suposes, et un mariage feint produisent un
si grand nombre d'incidens , qu'on peut apeller
cette Piece l'Heraclius du Théatre Italien ; les
changemens de Théatre y sont necessaires , il
seroit à souhaiter que nos Piéces Françoises fussent
un peu moins asservies à l'unité de lieu ;
cela sauveroit bien des inconveniens ; mais il ne
faudroit pas abuser de cette liberté , qu'on a por
tée un peu trop loin dans la Feinte inutile.
Le Théatre represente au premier Acte , la Maison
de Madame Argante , et une porte au fond d
Théatre. Isabelle , Fille de Madame Argante , ouvre
la Scene avec Colombine sa suivante. Cette
derniere témoigne sa surprise à sa Maitresse par
ces Vers , qui commencent l'exposition .
G vj
Votre
2274 MERCURE DE FRANCE
Votre dessein est un peu témeraire ,
Et j'y refuserois ma voix ,
Si le Valet qui m'a sçu plaire
Ne me faisoit aprouver votre choix.
Son Maître me paroît un homme d'importance ;
On juge à ses discours, à son ajustement ,
Qu'il joint à de gros biens une illustre naissance;
Mais attendre un Epoux de moment en moment,
Et dans une telle occurrence
,
Flater les voeux d'un tendre Amant ,
C'est en agir assurement
Avec beaucoup de prevoyance.
Isabelle blâme Colombine de prendre le ton
railleur , dans une situation aussi facheuse que
la sienne ; Colombine continue son exposition
, et fait entendre aux Spectateurs que Leandre
est destiné pour Epoux à Isabelle , par le
choix de leurs communs Parens , et qu'il doit
de jour en jour arriver à Venise , lieu de la Scene.
Isabelle accuse de son malheur le sort qui lui a
offert son aimable inconnu dans un Bal , ce qui
donne lieu à cette judicieuse maxime :
Funeste liberté qu'authorise l'usage !
Pourquoi faut- il qu'au tems du Carnaval
Il soit permis aux filles de mon âge
De s'exposer au peril sans égal
De voir et de parler sans montrer leur visage ?
Notre pudeur , sous un masque fatal ,
En se cachant , perd tout son avantage.
>
Cette
OCTOBRE . 1735. 2275
Cette maxime convient mieux à Venise qu'à
aucune autre Ville . Isabelle avoue qu'elle n'a pû
refuser son coeur à un Amant qu'elle n'a point
vû , ct dont elle n'a pas laissé de se faire une
image toute charmante. Colombine lui dit qu'il
faudra bien qu'elle le voye enfin , puisqu'elle lui
a donné un rendez - vous dans le lieu où elles sont
actuellement ; Isabelle lui repond , qu'elle se
montrera à lui à visage découvert , mais sans lui
aprendre qui elle est ; voici la raison qu'elle en
donne :
Avant de me resoudre à ce pas dangereux ,
Il faut que l'inconnu m'assure
Du coeur le plus soumis et le plus amoureux ,
De la probité la plus pure ;
Qu'en lui je decouvre des moeurs
Qui le metent en droit de plaire ,
Et qu'en un mot ses vertus fassent taire
Mes scrupules et mes terreurs ;
Il faut du moins, quand l'Amour nous surmonte,
Qu'il impose de justes loix ;
Et c'est la noblesse du choix
Qui de l'égarement doit effacer la honte.
Comme ce peu de Vers qu'on vient de citer
suffisent pour faire voir que certe Piéce est bien
écrite , et qu'il y a des moeurs ; nous n'en mettrons
pas davantage dans cet Extrait , pour ne
pas faire trop de diversion à l'intrigue , qui a
besoin de toute l'attention du lecteur
toute notre exactitude .
>
et de
Isabelle voyant venir Madame Argante sa
Mere
2276 MERCURE DE FRANCE
Mere , et M. Oronte Pere de Leandre , se retire
pour aller prendre de nouveaux habits avec Colombine
, chés Angelique son amie dont la maison
communique à celle de Madame Argante ,
de maniere qu'on peut entrer de l'une dans l'autre.
Madame Argante se plaint à M. Oronte du
retardement de son fils Leandre , qui selon leurs
conventions , doit incessamment arriver à Venise
pour Epouser Isabelle . M. Oronte sort pour aller
S'informer du retardement de son fils . Madame
Argante s'aplaudit de la nouvelle alliance qu'elle
va faire avec M. Oronte .
Lelio fils de Madame Argante lui vient demander
une grace ; sa Mere qui a beaucoup de foiblesse
pour lui , l'enhardit par ses bontés à lui
avouer qu'il est amoureux d'Angelique soeur de
Damon, dont il a le bonheur de n'être point hai.
Madame Argante lui fait entendre que Damon
ne lui accordera jamais sa soeur Angelique , parce
qu'elle vient de lui refuser Isabelle qu'il aime ,
et dont elle ne peut plus disposer , attendu qu'elle
est promise au fils de M.Oronte ; Lelio la presse
au nom de toute la tendresse qu'elle a pour lui ,
de rompre un mariage si fatal à son amour. Madame
Argante est inébranlable dans sa parole ;
elle se retire , Lelio la suit pour tacher de se la
rendre plus favorable . Ici le Theatre represente
la rue et le devant de la Maison de Madame Argante
, vis à - vis la nouvelle Maison que M.
Oronte a achetée à l'occasion du Mariageprojetté.
Leandre suivi d'Arlequin son valet , vient en
se cachant le visage , au rendez-vous où Isabelle
doit se trouver avec Colombine. Leandre en attendant
sa Maitresse , forme le dessein de changer
de nom de peur que son inconnue , apremant
qu'il va être marié , ne rompe tout com-
>
merce
OCTOBRE . 1735.* 2277
merce avec lui ; il avertit Arlequin de ne l'apeller
que du nouveau nom sous lequel il se fera
connoître ; Arlequin doit aussi changer de nom ,
parce que celui du Valet suffiroit pour faire connoître
le Maître ; Leandre dit à Arlequin que
son inconnuë lui a donné un Bracelet qui lui servira
de signe pour lui prouver qu'il est le même
qu'elle a vû au Bal.
Isabelle et Colombine vienent au rendezvous
sous de nouveaux habits , mais à visage découvert,
Leandre est charmé de la beauté d'Isabelle
; il lui en fait compliment ; mais elle feint
de n'y rien entendre , et ne veut pas convenir
qu'elle soit celle qu'il a vûe au Bal ; Leandre
croit la convaincre par son Bracelet , elle feint de
méconnoître également et le signe et la personne
; mais touchée du désespoir de Leandre , et du
serment qu'il fait de n'avoir jamais d'autre
amour , elle l'arrête en lui disant tendrement
de rendre au moins le Bracelet ; Leandre
enchanté se jette à ses pieds ; elle veut sçavoir
qui est ; Leandre selon qu'il en est convenu
avec Arlequin , lui dit qu'il s'apelle Don
Pedre , Arlequin , selon la même convention, dit
à Colombine qu'il se nomme Narsisso . Ils sont
tous deux payés d'une même feinte et à peu
près pour les mêmes raisons ; Isabelle prend le
nom de Leonore , et Colombine celui de Lucrece,
au grand étonnement d'Arlequin .
›
Lelio , frere d'Isabelle survient et trouble un
si doux entretien , Isabelle qui n'a pas pris la
precaution de changer d'habit , dit à Leandre
qu'elle voit un Cavalier dont elle craint d'être
reconnue ; elle s'enfuit , après lui avoir ordonné
de ne la point suivre.
Leandre se doute que c'est quelque Rival ; Lelio
,
2278 MERCURE DEFRANCE
>
lio n'ayant pû suivre Isabelle sa soeur , par ce
qu'un de ses amis l'a arrêté assés mal à propos
vient prier Leandre de lui dire quelle est cette
Dile à qui il parloit ; Leandre lui repond brusquement
que c'est ce qu'il n'a garde de lui dire
Lelio lui demande raison de ce refus ; ils se battent
; mais voyant venir un Exempt et des Archers
, ils se sauvent l'un d'un côté , l'autre d'un
autre ,
;
Au second Acte , le Théatre represente l'interieur
de la Maison de Madame Argante , comme
à la premiere Scene du premier Acte. Isabelle
demande à Colombine si elle croit que Lelio son
frere l'ait reconnuë , Colombine lui dit que cela
se pouroit bien , et qu'elle auroit dû pren ire un
autre habit comme elle le lui avoit conseillé , & c.
Leandre sous le nom de Don Pedre , se presente
à ses yeux ; elle est très surprise de le trouver
chés elle ; le faux Don Pedre lui aprend par
quelle avanture ; sçavoir qu'il s'est battu contre
un Cavalier qu'il soupçonne d'être son Rival ,
et que s'étant séparés à l'aproche d'un Exempt ,
il étoit entré au hazard dans la premiere porte
qu'il avoit trouvée ouverte. Colombine veut lui
dire que ce Rival prétendu est le frere de sa Maitresse
, mais la fausse Leonore lui coupe la parole
Madame Argante apelle sa fille ; Isabelle
fait sauver Leandre par une porte qui conduit à
la maison voisine et va trouver sa Mere avec
Colombine. Ici le Théatre change encore
presente
>
et rela
ruë
Arlequin ne sçait ce que son Maître est devenu ;
il ne croit pas pourtant que les Archers l'ayent attrapé.
M. Oronte vient , il est fort étonné de
trouver Arlequin sans Leandre ; il lui demande
séson fils , Arlequin à de mi yvre lui
fais
OCTOBRE. 1-35. 2279
fait un recit auquel il ne comprend rien ; Oronte
lui dit d'aller cuver son vin dans sa maison qu'il
lui montre , et va chercher son fils. Le Theatre
represente l'appartement d'Angelique avec deux cabinets
enface.
Lelio , fils de Madame Argante , aprend à
Angelique le refus que sa Mere lui a fait de la
main d'Isabelle sa soeur pour Damon son frere ,
ce qui lui fait craindre que Damon irrité de ce
refus ne veuille pas l'accepter pour beau- frere ;
Angelique qui aime tendrement Lelio , est mortellement
affligée de ce contretemps .
Leandre ou le faux Don Pedre , qui vient de
sortir de chés Madame Argante d'où Isabelle la
fait sauver par une porte de communication , se
trouve, sans sçavoir où il va , dans l'appartement
d'Angelique , elle en est très étonnée , Lelio qui
le reconnoit pour celui avec qui il vient de se
battre, entre en fureur , Angelique les retient tous
deux , prets à sortir pour aller achever leur combat.
Leandre raconte son avanture d'une maniere
à donner de la jalousie à Angelique qui ne peut
croire que Lelio ait pris tant d'interêt à la Dame
qui a causé leur querelle , sans en être amoureux.
Lelio lui aprend qu'il a cru que cette Dame dont
on s'obstinoit à lui cacher le nom , étoit sa soeur.
Un Laquais vient avertir Angelique que son
Frere va monter dans son Apartement ; el'e ne
veut point qu'il la trouve avec deux Cavaliers ;
elle les fait cacher dans deux Cabinets. Damon
dit à sa Soeur de se préparer à quitter Venise ,
attendu qu'il y est trop maltraité par l'Amour.
Angelique tâche de lui faire changer de résolution
, et se retire sous prétexte de quelque indisposition
.
Leandre qui du cabinet où il s'étoit retiré ,
reconnu
2280 MERCURE DE FRANCE
reconnu Damon son ancien ami , vient l'embrasser
. Damon le reçoit à bras ouverts ; il veut faire
avertir Oronte qui est en peine de son cher fils ;
Leandre le prie de n'en rien faire , et pour cause.
Damon se doute que c'est une affaire de coeur ,
et le soupçonne d'aimer Angelique ; Leandre ,
pour le desabuser , lui conte par quelle avanture
il se trouve chés lui ; Lelio sort à son tour du
Cabinet où il s'étoit caché , il aprend avec surprise
que celui avec qui il s'est battu , est ce même
Leandre à qui Isabelle sa soeur est destinée ;
Damon ne peut l'aprendre sans émotion ; Leandre
a recours à un nouveau mensonge pour calmer
le trouble de son ami ; il lui fait croire
qu'il est marié depuis un an à l'insçu d'Oronte
son Pere ; ce mensonge charme également Damon
et Lelio ; Damon apelle sa soeur Angelique
pour lui faire part d'une nouvelle qui les rend
tous heureux ; Leandre marié , dégage la parole
de Madame Argante et la met en liberté de marier
sa fille Isabelle avec Damon , qui par reconnoissance
accordera sa Soeur Angelique à Lelio.
Ce dernier conseille à Leandre de prendre toutes
les mesures possibles pour empêcher Oronte de
faire casser son mariage; Leandre à qui les mensonges
ne coutent rien , lui dit qu'Oronte sera arrêté
tout court par un dedit considerab`e qu'il lui faudroit
payer ; cette nouvelle circonstance les rassure
tous.
Au troisiéme Acte le Théatre represente la
ruë , Madame Argante paroit fort agitée , M.
Oronte lui demande ce qui peut causer son trouble
, elle lui dit qu'on lui a apris que son fils s'est
battu avec un Cavalier étranger ; Lelio arrive
fort à propos pour la rassurer , elle lui demande
des nouvelles de son combat ; Lelio lui dit qu'elle
n'en
OCTOBRE . 1735. 2281
n'en doit point craindre les suites, et qu'il vient
de se raccommoder avec son ennemi , qui s'est fait
connoître à lui pour ce même Leandre qui devoit
être son Beau-frere , mais qui ne le sera pas,
attendu qu'il est marié . Oronte est très irrité d'a- .
prendre que son Fils s'est marié sans son consen
tement ; il jure de faire casser ce mariage.
Leandre se trouve enfin par hazard dans la
même ruë ; il ne peut se derober aux yeux de son
Pere qui l'accable de reproches , Arlequin a beau
dire que Leandre n'est pas marié , Leandre soutient
le mensonge avec une fermeté qui oblige
Oronte de le laisser après lui avoir protesté qu'il
ne donnerà jamais son consentement à un Hymen
si indigne d'un fils autrefois si soumis à
son Pere , &c. Leandre fait quelque excuse à a
Ma lame Argante , qui les reçoit avec fierté ; il
se retire avec Arlequin.
Lelio somme Madame Argante de lui tenir pa
role et de donner Isabelle à Damon , qui ne lui
a promis sa Soeur Angelique qu'à cette condition
Madame Argante lui demande du temps
pour s'arranger sur ce double mariage . Lelio ne
veut point de delai .
Damon vient ; Lelio lui dit que Madame Argante
consent à son bonheur ; mais qu'elle demande
du temps, quoi qu'il puisse lui dire , Damon
lui dit qu'il est trop heureux de pouvoir esperer
, et qu'il subira les loix que Madame Ar
gante lui impose ; il rend grace à sa future Belle-
Mere , avec des expressions si touchantes , qu'elle
consent à ne plus differer le bonheur d'un
Gendre si soumis à ses volontés Lelio apelle sa
Soeur Isabelle à qui il aprend que Leandre s'étant
marié , elle doit se preparer pour se venger
de cet affront à épouser Damon qui le vaut bien.
Isabelle
2284 MERCURE DE FRANCE
Femme se nomme Leonore. Ici le Theatre repré
sente la maison de Damon.
Damon à qui Leandre a confié Isabelle
masquée , comme étant sa Femme , croit reconnoître
à son profond silence qu'il luy
est suspect , il la rassure , & la fait entrer
avec Colombine dans la chambre de sa Soeur
Angelique, qui est sortie , dit- il , pour aller faire
quelques emplettes ; Isabelle et Colombine toûjours
masquées , luy font une profonde revé
rence ; et entrent dans la chambre d'Angeli
que.
Leandre vient remercier Damon du service
qu'il luy a rendu ; il luy demande où est sa
Femme ; Damon luy dit qu'il l'a enfermée avec
sa Suivante dans la chambre de sa Soeur Angeli
de surprise. que , de peur
Lelio vient chés Damon , et luy reproche son
peu d'assiduité auprês de la Beauté qu'il doit
épouser , Leandre sort , en disant que ce seroit
trop d'avoir deux Confidens. Lelio paroît surpris
de voir encore Leandre dans l'apartement
'Angelique ; Damon le rassure , en luy disant
que sa Soeur est en ville ; il ajoûte qu'il n'a plus
rien à craindre de la part de Leandre , qui a eu
le bonheur de faire aprouver à son Pere l'Hymen
dont il leur a fait confidence , et qu'il doit
luy présenter son Epouse , qui est actuellement
chés luy et dans l'apartement d'Angelique sa
Soeur.
Leandre revient pour demander une seconde
grace à Damon. Il luy dit que pour des frayeurs
frivoles , sa Femme voudroit sortir de chés
luy , & n'être point présentée à Mr Oronte
qu'elle ne fut sûre d'en être bien requë ; il le
prie de se retirer aussi-bien que Lelio , pour
laisser
OCTOBRE . 1735- 2285
laisser un champ libre à sa sortie ; Damon &
Lelio , sans pousser plus loin l'examen , font ce
que Leandre éxige d'eux . Isabelle & Colombine
sortent de la chambre où elles étoient entrées.
Le faux Don Pedre convient avec la fausse
Leonore que sa crainte étoit bien fondée , &
qu'elle auroit pû étre reconnue par Damon ,
dont elle est aimée , & qui se flate d'être bientôt
son Epoux. Il veut aller la présenter à son Pere ,
à qui il a fait entendre qu'ils étoient déja mariés
. Isabelle luy dit , que quoy qu'elle ne le
soupçonne pas de la tromper , elle sera bien aise
de se présenter elle- même à son Beaupere , sans
qu'il soit present , pour mieux s'assurer du consentement
qu'il donne à leur Hymen. Après
quelque résistance , Leandre est forcé d'obéir
& charge Arlequin de la conduire chés son Pere.
Leandre s'étant retiré , Isabelle , pour se défaire
d'Arlequin , luy dit de l'aller attendre dans la
rue ; Arlequin obéit , & dès qu'il a disparu ,
Isabelle fait connoitre à Colombine , qu'elle veut
aller se remettre entre les bras de sa Mere , et
qu'elle inventera quelque stratagême pour se débarasser
tout-à- fait d'Arlequin , que Leandre a
chargé de la conduire chés Mr Oroute,
Au cinquiéme Acte , Le Theatre represente la
ruë. Me Argante mortellement affligée , dit à son
Fils Lelio , que sa Soeur Isabelle vient de les
couvrir d'une honte éternelle ; qu'elle est sortie
masquée avec Colombine , & qu'on l'a rencon➡
trée avec un Etranger : Lelio jure de venger cet
affront.
Oronte vient & témoigne sa surprise sur le
retardement de son Fils Leandre , qui devoit luy
amener sa Femme. Me Argante luy fait part
du malheur qui vient de luy arriver, Oronte irrite
2286 MERCURE DE FRANCE
rite sa douleur par des plaisanteries à contretemps,
il reconnoît enfin qu'il a tort de la railler
dans une situation où elle a besoin d'un promt
secours ; il luy off: e ses soins pour faire les per
quisitions necessaires ; Lelio luy promet une seconde
fois de la venger , d'autant mieux que
son honneur & son amour y sont également interessés
, craignant avec raison qu'Isabelle étant
disparue , Damon ne veuille plus luy donner sa
Soeur Angelique.
Damon vient ; il fait des reproches à Lelio sur
le peu d'empressement qu'il marque pour informer
Angelique de leur prochain bonheur.
Lelio qui voit que tout ce bonheur prétendu est
renversé par l'enlevement d'Isabelle , dont sa
Mere vient de l'instruire , ne s'çait que répondre.
Damon surpris du desordre où il le voit , veut
entrer dans la maison de Me Argante ; Lelio
non - seulement l'arrête , mais il ferme la porte
à clef. Damon picqué de ce refus , croit que
Lelio a changé de sentiment , et qu'il ne veut
plus luy donner sa Soeur ; il se retire pour aller
s'éclaircir de ce mystere. Lelio se retire aussi.
Isabelle revient avec Colombine , sans avoir
pú se débarasser d'Arlequin , qui luy fair des
reproches de l'avoir tant fait courir ; il dit à Isabeile
, qu'enfin ils sont arrivés à la maison de
Mr Oronte son futur Beaupere , et qu'il n'y a
plus qu'à entrer pour terminer une si longue
course. Isabelle luy dit d'aller l'annoncer à Mr.
Oronte , Arlequin trouve que cette bienséance
est très - raisonnable , et il va exécuter ce der-.
nier ordre à peine est- il entré chés Mr. Oron- å
te , qu'Isabelle et Colombine se demasquent .
Mr. Oronte sortant de chés luy , ordonne
qu'on y respecte son Fils comme luy- même ,
lors
OCTOBRE. 1735. 228
a
lors qu'il viendra , et qu'on luy dise qu'il re
viendra bientôt luy même. Il trouve Isabelle
dans la rue ; il luy reproche son enlevement , et
luy dit qu'il va la remettre entre les mains de
Me Argante sa Mere. Isabelle ne sçait ce qu'il
luy veut dire . Me Argante vient ; Mr. Oronte
Juy rend sa Fille , qui essuye de nouveaux repro
ches qu'elle ne croit pas avoir merités.
Arlequin n'ayant pas trouvé Mr Oronte chés
luy , est très étonné de voir Me Argante enfer
mer Isabelle chés elle , en luy disant que pour
prévenir de pareils accidens , elle va la marier
sans plus de remise ; pour surcroît de douleur ,
il voit qu'on luy enleve aussi sa prétendue Lu
crece ; il en fait ses plaintes à Leandie qui survient;
il luy aprend qu'on vient d'enfermer et Lu-
Crece et Leonore , et qu'elles sont toutes deux
chés Me Argante. Leandre moitellement frapé
de ce que Arlequin luy annonce , soupçonne son
Pere de l'avoir trahi . Mr Oronte arrive ; il se
plaint à Leandre de ce qu'il l'a fait si long - tems
attendre il luy demande où est le cher objet
de ses voeux ; Leandre prend cela pour une ironie
; il se livre à des transports que son Pere
prend pour des accès de folie. Oronte demande
à Arlequin si son Maître a perdu l'esprit ; Arle
quin luy dit des injures . Leandre et Arlequin
s'étant retirés comme furieux , Oronte se retire
aussi , pour chercher du remede à des transports
dont il a tout à craindre. Ici le Theatre change
encore , et représente la maison de Me Argante .
Angelique et Damon entrent chés Me Argante
par la porte de communication ; Angelique ne
sçauroit comprendre que Lelio trahisse Damon
attendu qu'il n'a pas fait fermer la porte qui
rend l'accès libre d'une maison à l'autre . Lean-
H
·
dre
228 MERCURE DE FRANCE
dre vient un moment après plus furieux que ja
mais ; il apelle sa chere Leonore , et demande
à grands cris qu'on la luy rende.
Lelio vient aussi : Damon luy demande Isa
belle ; Leandre demande toujours Leonore. Lelio
répond à Damon , qu'il ne luy ôte point sa
chere Isabelle et que pour luy il brûle tou
jours d'épouser Angelique.
et
Isabelle vient enfin Leandre luy dit de se
tenir auprès de luy , et de ne point craindre
que personne ose l'arracher d'entre ses bras.
Mr Oronte se confirme de plus en plus dans la
pensée que son Fils est en démence : Me Argante
en convient ; Lelio et Damon n'en dou
tent point. Isabelle se jette aux pieds de sa Mere ,
et luy confesse qu'elle n'a pu refuser son coeur
à son cher Don Pedre. Leandre proteste à son
Pere qu'il ne sera jamais qu'à sa chere Leonore
; Oronte et Me Argante demandent où sont
donc ce Don Pedré et cette Leonore ; Leandre
et Isabelle leur répondent qu'ils sont devant
leurs yeux enfin le voile est écarté , ces deux
Amants declarent le chargement de noms ,
quel en a été le motif. Lelio est affligé de cet
éclaircissement , pour Damon et pour luy- même
; mais Damon prend son parti en galant
homme , il renonce à Isabelle , & n'en donne
pas moins sa Soeur à Lelio ; de sorte qu'après ce
grand imbroglio tous les Personnages se trouvent
parfaitement d'accord . Nous n'osons nous fla→
ter que cet Extrait soit bien entendu du premier
coup. Les divers incidens dont cette Comedie
est chargée , demandent une trop grande aplication
, nous avons râché de les mettre dans l'ardre
le plus suivi qu'il nous a été possible , et
nous esperons du moins qu'on nous tiendra
compte du soin que nous y avons aporté.
OCTOBRE . 1735. 2287
On a cessé les Représentations du Bilet des
Indes Galantes , pour donner le 28. de ce mois
l'Opera de Scanderberg , qui a été tort aplaudi.
On en parlera plus au long. On assure qu'on re
prendra le Balet des Indes Galantes cet Hyver ,
avec une quatriéme Entrée nouvelle , qui en fera
un Spectacle complet. Nous donnerons alors avec
l'Extrait de cette Entrée, celui du troisiéme Acte
nouveau.
La Décoration du troisiéme Acte de ce Balet ,
qui a fait tant de plaisir , et qui a attiré tant d'aplaudissemens
, représente un grand et magnifi
que Jardin , lequel offre d'abord aux yeux des
Spectateurs une Allée d'Arbres , entremêlés d'Ifs ,
et terminée par un grand Berceau , qui est aussi
formé par des Arbres extrémement élevés .
A travers ce Berceau on voit dans un grand
éloignement une Charmille , qui forme un Plan
demi hexagone.
A droite et à gauche de la face du milieu , se
forment des Portiques de cinq Arcades de chaque
côté , qui en suportent cinq autres , toutes ornées
de quantité de Vases et Festons de fleurs .
Ces Portiques hauts et bas , sont remplis de
Gradins à triple rang, pour placer des Musiciens,
et contiennent cent personnes ; les hommes sont
placés en haut et les femmes en bas .
Du milieu de chaque Arcade pend un Lustre
de cristal , et de chaque côté un Feston de fleurs.
De chaque Arbre , tant de l'Allée que du Berceau
, pend aussi un Lustre orné de Festons de
fleurs , tous alignés à ceux des Arcades d'en haut.
Les Ifs sont ornés de Girandoles qui s'alignent ·
aux Lustres des Arcades d'en bas .
Cette grande illumination fait un effet surprenant
, mais convenable à ce lieu , que l'on voit
Hij destiné
2288 MERCURE DE FRANCE
destiné pour une grande Fête , par la richesse des
fleurs et la charmante verdure qui regne dans
tout ce superbe Jardin . Ce Spectacle aussi brillant
que bien entendu , est l'Ouvrage du Chevalier
Servandoni.
On a cessé au Théatre François la Tragedie
'de Teglis,de M.de Morand,après onze Représentations
, ce qui est regardé comme un succès
dans une saison comme celle-cy, où les Spectacles
sont très- peu fréquentés. On assure que cettePiece
sera reprise cet hyver. Nous en donnerons l'Extrait
le mois prochain . Elle paroît imprimée in 8.
chés Ribou , vis - à- vis la Comédie Françoise , et
la lecture ne dément point les aplaudissemens
qu'elle a eu sur le Théatre. Un fragment de la
Préface qui est à la tête de ce Poëme ,
féra connoître
le caractere docile , reconnoissant et modeste
de l'Auteur, Persuadé , dit - il , que je ne
dois l'accueil favorable qu'on a fait à ma Tragédie
, qu'à l'indulgence qu'on a cue pour an
coup d'essay , et convaincu qu'on m'a tout passé
en faveur de quelque talent qu'on a crû reconnoître
en moi , je suis bien éloigné de penser
qu'on n'a fait que me rendre justice . Je ne
demandois au Public , poursuit il , que de n'être
pas rebuté ; il a fait plus , il m'a encouragé ;
top satisfait de ses bontés , je croirois m'en
rendre indigne , si je laissois échaper l'occasion
de l'assurer de ma reconnoissance , &c.
....
Le premier Septembre , l'Opera Comique donna
la premiere Représentation d'une Piece nouvelle
d'un Acte , en Vers et Vaudeville , ayant
pour titre Margeon et Katifé , ou le Muet par
amour. Le sujet de cette Piece est tiré du second
volume
OCTOBRE. 1735. 2289
volume des Contes Mogols , donnés au Public en
1732. par M. Gueulete .
Le 11. on donna sur le même Théatre les Eaux
de Merlin, Piece en un Acte, precedée d'un Prologue
, représentée dans sa nouveauté en 1715.
Cette Piece est suivie d'un Balet Coinique , qui
a pour titre , la Foire de Besons , et qui présente
aux Spectateurs un Tableau au vrai de tout ce
qui s'y passe par la multitude de monde qu'elle
attire , et des personnages de tout âge , de
sexe, et de toutes conditions. Ce Balet est coupé
par trois differentes Scenes. La premiere est remplie
par un Operateur et son Epouse , habillée en
Amazone ; ils vantent fort la bonté de leurs Remedes
et leurs effets miraculeux.Ils en distribuent
pour de l'argent , &c .
rout
La seconde Scene est remplie par un Sa
voyard , portant une espece de Coffre ou Bahu ,
qui renferme , dit il , tout un Opera , et qu'il
montre pour de l'argent , en criant comiquement
, La Rareta , la Curiosita ' , &c. Il fait remarquer
par des ouvertures doat le Coffre est
percé , tous les endroits du nouveau Balet des
Indes Galantes , qu'on a trouvé les plus singuliers
et les plus dignes d'attention .
La troisiéme Scene fait voir un Chanteur du
Pont-Neuf et sa Femme , montés sur des treteaux
, accompagués d'un Violon ; ils chantent
plusieurs Couplets de Chanson d'une maniere
aussi comique que plaisante et naïve. Tout ce
Divertissement a été très - bien executé , de même
que les Scenes dont on vient de parler.
Le 17. on donna encore un Acte nouveau intitulé
, Les Amours des Indes , premiere et seconde
partie , Parodie du nouveau Balet , dont on
poura parler plus au long .
H iij Le
2290 MERCURE DE FRANCE
1
Le 24. on ajoûta un nouveau Balet Comique,
intitulé La Mie Margot , qui fut precedé du Dé
guisement Postiche et du Bon Ture , Parodie du
même Balet des Indes Galantes.
Le 2. Octobre , jour de la clôture de la Foire
S. Laurent , l'Opera Comique donna la derniere
Représentation des Pieces dont on vient de par-
Jer , après lesquelles on fit un Compliment en
Prose et en Vaudeville , dialogué par deux Acteurs
et deux Actrices , qui fut très - aplaudi du
Public ; voici les Couplets du Vaudeville du Divertissement
de la Foire de Besons , mis en Musique
par M. Gilliers , dont les Ouvrages sont
toujours goutés.
VAUDEVILLE.
De la Foire de Besons, à l'Opera Comique.
ΑAu bon Papa d'une fillette U
Donner toujours du meilleur vin ,
Pour avoir à soi la Soubrette ,
De bons Louis remplir sa main ;
Caresser la Tante et la Mere
Pour voir à son gré la Fanfan ,
C'est le Tran tran tran tran tran tran ,
D'un Amant qui veut plaire.
Du Robin flater la tendresse ,
Four se ménager un apuy ,
Au Financier faire caresse
Pour
OCTOBRE . 1735. 2293
Pour trouver du comptant chés lui ;
Soutenir l'Amant qui veut plaire ,
Des deniers du vieux Partisan ,
C'est le Tran tran , &c.
D'un fine Commere.
Prôner les faveurs d'une Belle
Dont souvent on est rebuté ,
Se faire honneur d'être infidele ,
De son mérite être entêté
Juger sans voir et sans connoître,
De tout blâmer se faire un plan ,
C'est le Tran tran , &c.
D'un jeune Petit - Maître.
Feindre une ignorance profonde
Pour mieux endormir la Maman
Se dérober aux yeux du Monde ,
Pour lire à son aise un Roman ;
Rougir d'un mot à double entente ,
Puis en rire sous un Ecran ,
C'est le Tran tran , &c.……
2
Des Agnès qu'on nous vânte, / L
Paroître douce et prévenante ,
Pour amorcer un jeune Amant ,
Hiiij
Par
2294 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Seigneur , accompagné de ses Ministres
et de ses principaux Officiers , alla dans
tous les endroits où étoit le feu , afin de donner
ses ordres pour arrêter l'incendie. Pendant que
Sa Hautesse étoit occupée de ce soin , plusieurs
Détachemens de Janissaires gardoient les principales
rues pour empêcher la confusion et le pillage
, et ils obligeoient tous les habitans dont
on ne pouvoit attendre du secours , de rentrer
dans leurs maisons.
La même nuit il y eut aussi un incendie considerable
à Andrinople , et un autre au Château
d'Europe, situé à l'entrée du Bosphore, dont une
partie a été presque entierement réduite en cendres
. On a arrêté plusieurs personnes soupçonnées
d'avoir été les Auteurs de ces divers incendies.
On a apris par les Equipages de plusieurs Bâtimens
arrivés de Tunis sur les Côtes d'Italie , le
détail de la nouvelle révolution qui y est arrivée
, et ils ont raporté que la nuit du 3. au 4.
du mois dernier les Turcs envoyés par la Régence
d'Alger au secours de l'ancien Dey , étoient
sortis de leurs lignes, et qu'ayant profité de l'obscurité
de la nuit , ils s'étoient aprochés du Camp
de l'Usurpateur ; que ceux de leur Nation qui
étoient dans l'Armée des Rebelles , et qui composoient
la Garde avancée, avoient laissé passer,
ainsi qu'ils en étoient convenus , 2500. hommes
des Troupes Algeriennes , lesquels à la pointe du
jour attaquerent les Rebelles , pendant qu'un autre
Corps de 1500. hommes , qui étoit posté
derriere une Montagne , les chargea en flanc ;
que 4500. Turcs que l'Usurpateur avoit à sa
solde , avoient mis aussi - tôt les Armes bas ; que
sa Cavalerie se voyant abandonnée , avoit pris
la
OCTOBRE, 1735. 2295
la fuite ; que les seuls Couroulis avoient combattu
avec valeur , mais que leur résistance avoit
été inutile er qu'ils avoient été obligés de se-ren-.
dre , que l'Usurpateur avoit été blessé à la cuisse,
et qu'il avoit eu beaucoup de peine à se sauver
avec sa femme et ses trois fils.
Les Lettres qu'on a reçûës depuis de la même
Ville , marquent qu'il s'est retiré à Tripoli , et
que l'ancien Dey de Tunis étant entré dans la
Ville après sa victoire , s'y étoit fait reconnoître
et proclamer de nouveau par les Soldats et par
les habitans , et qu'il y avoit fait publier une
Amnistie generale , dont le seul cousin de l'Usurpateur
avoit été excepté , parce qu'il lui avoit
prêté une Barque pour favoriser sa fuite.
RUSSIE.
Kirilow , Conseiller d'état , que la Cza-
M'rine a chargé de faire bâtir une Ville dans
le Pays des Tartares Baschkirkys , afin de faciliter
le commerce avec l'Indostan , a écrit à la
Czarine que cette Nation avoit marqué beaucoup
d'empressement de voir l'execution de ce
dessein , et qu'elle paroissoit disposée à y contribuer
de tout son pouvoir. Cette nouvelle a été
reçue à Petersbourg avec d'autant plus de plaisir,
que le bruit couroit que ces Tartares n'avoient
point voulu souffrir qu'on bâtît une Ville chés
eux, mais même qu'ils avoient inassacré M. Ki❤
rilow.
On assure que le Roy de Suede n'a consenti
au renouvellement du Traité conclu le 22. Février
1724. entre la Suede et la Moscovie , qu'à
condition que Sa Majesté Suedoise demeurerà libre
par raport à la guerre présente et aux suites
qu'elle pouroit avoir,
H vj On
2296 MERCURE DE FRANCE
On mande de Turquie , que Giadnum Codgia,
Capitan -Pacha , étoit au commencement du mois
passé dans la Mer Noire avec une Escadre de dix
Vaisseaux de guerre et d'un pareil nombre de
Frégates , pour être à portée de secourir Asoph,
si les Troupes Moscovites que le Comte de Munich
assemble , en entreprennent le Siege.
Le bruit court que l'Armée des Tartares, commandée
par le Kan de Crimée , après avoir traversé
la Cubardie , étoit entrée dans le Daghestan.
D'autres Lettres continuent d'assurer que ce
Kan , à la tête d'une Armée de 80000. hommes
est entré dans le Daghestan , que ses Troupes, en
traversant la Cubardie , ont enlevé presque tous
les jeunes gens des lieux par lesquels elles ont
passé , et qu'elles ont exigé par tout de fortes
contributions.
S. M. Cz. reçut le 15. du mois dernier , un
Courier que lui avoit dépêché le Comte de Wies- -
bach , par lequel elle aprit que ce General avoit
fait prendre les Armes aux Cosaques et aux Calmuques
, Sujets de la Czarine , pour observer les
mouvemens du Corps des Tartares qui s'étoit
avancé sur les Frontieres de l'Ukraine , et qu'il
avoit fait occuper par les Troupes qui étoient en
quartiers dans son Gouvernement, les lignes faites
par ordre du feu Czar Pierre I. pour empêcher
les Tartares de faire des courses dans cette
Province. Depuis l'arrivée de ce Courier , on a
apris la nouvelle de la mort de ce General , qui
est extrémement regretté.
POLOGNE
OCTOBRE. 1735. 2297
S
POLOGNE.
Elon les Lettres de Konigsberg , le Roy a
reçûavis qu'environ 160. des Seigneurs et des
Gentilshommes , qui ont été obligés d'assister
aux Assemblées particulieres , tenues dans les Palatinats
par la Noblesse du parti de l'Electeur de
Saxe , avoient signé le Manifeste datté du 30. du
mois de Juillet dernier , par lequel le Roi et la
Noblesse Confederée en faveur de S. M. protestent
contre toutes les résolutions qui seront pri
ses dans l'Assemblée convoquée à Warsovie .
Le Roy a apris en même-temps que le Comte
Czawiczi , Grand- Maréchal de Lithuanie , lequel
est revenu depuis peu de Petersbourg , où il étoit
allé en qualité d'Envoyé Extraordinaire de l'E
lecteur , s'étoit soumis à S. M. et qu'il étoit atendu
incecsamment à Konigsberg.
Un grand nombre de Seigneurs et de Gentilshommes
de la Prusse Polonoise, ont refusé de se
trouver aux Assemblées particulieres que l'Electeur
avoit convoquées dans les principales Villes
de Pologne , et ceux qui y ont assisté ont chargé
les Députés qu'ils ont élus pour aller à celle
de Warsovie , de demander aussi- tôt après l'Election
du Maréchal , qu'on fasse sortir du Royau
me toutes les Troupes Etrangeres , tant Moscovites
que Saxones et de ne point consentir
qu'on délibere sur aucune autre affaire avant la
décision de cet article.
>
Le Castellan de Czersk s'est rendu à Neidembourg
, afin de conferer avec le Palatin de Lublin
au sujet de quelques affaires qui les regardent
personnellement , mais ce dernier n'a point voulu
se trouver au lieu que le Comte de Poniatouski
hui
2298 MERCURE DE FRANCE
lui avoit marqué pour lui faire quelques propositions
de la part de l'Electeur de Saxe , et il a
repondu à la Lettre que ce Comte lui avoit écrite
, qu'il ne souhaitoit rien avec plus d'ardeur´
que de voir la Noblesse reunie et la tranquillité
retablie dans le Royaume , pourvu qu'il ne fallut
pas acheter cet avantage en trahissant son honneur
et son devoir , et en sacrifiant la liberté et
les droits de la Nation , mais que malheureusement
une partie de la Noblesse Polonoise sembloit
déterminée à choisir , pour arriver au but
qu'elle devoit se proposer , les routes les plus propres
à l'en éloigner .
On aprend de Dantzick que les Magistrats s'assemblerent
le 15. et le 17. du mois dernier pour
deliberer sur la proposition que l'Electeur de Saxe
leur a faite de consentir qu'il établit dans cette
Ville un Commissaire General de Marine qui
eut droit de visiter tous les Vaisseaux lorsqu'ils
entreront dans le Port où qu'ils en sortiront , et
qu'ils ont resolu de charger M. de Behne, char--
gé des affaires de la Regence auprès de ce Prince ,
de lui déclarer que cette innovation étoit absolument
contraire aux Privileges des habitans et
nuisible au commerce.
>
Sur la fin du mois dernier , il parut à Dantzick
un Ecrit dans lequel l'Auteur entreprend de
prouver que les resolutions prises dans l'une des
dernieres Diettes generales ,tenues sous le regne du
feu Roy, ne peuvent être executées sans violer les
Privileges des habitans de la Curlande , et que les
Etats de ce Duché sont en droit , après la mort
du Duc regnant , de proceder à l'élection d'un
Souverain.
Le 27, du mois dernier , on fit à Warsovie ,
l'Assemblée generale, que l'Electeur de Saxe a convoquée
OCTOBRE. 1735. 2299
voquée en cette Ville , et M. Poninski , Marechal
de la Confederation faite en faveur de ce Prince,
proposa dans cette premiere Stance d'élire un
Marechal de l'Assemblée ; mais un grand nombre
de Deputés s'y oposa , et ils declarerent qu'ils
ne consentiroient point qu'on miît aucune af
faire en deliberation , avant qu'on eut donné des
assurances positives sur la sortie des troupes
trangeres. Ces Deputés ayant repeté la mêine
Declaration dans la seconde et la troisiéme Seance
qui se tinrent le 28. et le 30. les instances de M.
Poninski pour y
faire élire un Maréchal , furent
inutiles.
· Dans la quatrième Seance tenuë le 1. de ce
mois , M. Poninski ayant assuré les Deputés
qu'aprés l'Election du Maréchal , l'Electeur feroit
son possible pour que les Troupes étrangères sortissent
du Royaume , demanda de nouveau qu'on
procedat à cette Election . Comme il se disposoit
à recueillir les Suffrages de la Noblesse du Palade
tinat de Cracovie , les Deputés de Cujavie ,
Liva , et de Nur , renouvellerent leur oposition .
Quelques-uns d'entre-eux ayant representé qu'il
à faire des Loix pour ne convenoit de songer
pas
rétablir la tranquillité , pendant qu'on étoit environné
des Troupes Moscovites et Saxones . M.
Poninski repondit que l'Electeur n'avoit auprès
de sa Personne que le nombre de Troupes accordé
par la Constitution de 1717. et qu'il n'étoit
resté dans les environs de cette Ville que
Troupes Moscovites destinées à la garde du Ministre
de la Czarine. Il lut ensuite le Decret que
l'Electeur a envoyé à ses Generaux pour faire
cesser toutes les executions militaires , mais cette
lecture ne produisit pas plus d'effet les discours
de M. Poninski.
que
les
Lo
2302 MERCURE DE FRANCE
obligés de fournir pour le subside de 30. mois
Romains , accordé par la Diette , ou d'avoir envoyé
à l'Armée de l'Empire des contingents qui
n'étoient points compleis , et il ajoute que d'au
tres n'ont voulu accorder aucun secours ni d'hon..
mes ni d'argent . S. M. I. assure que si des obstacles
de cette nature ne s'étoient point rencontrés
, et si les exhortations que son attachement
au Corps Germanique lui ont dictées ,
avoient produit l'effet dont elles auroient dû être
suivies , kes armes de l'Empire auroient eu plus
de succès. L'Empereur finit en exhortant tous
les Princes d'Allemagne à s'unir sincerement à
lui , à fournir au plutôt ce qu'ils doivent encore
de leurs premiers contingents , et à payer sans
delai un nouveau subside de 60. mois Romains.
Le lendemain, la Diette s'étant assemblée pour
deliberer sur le Decret de S. M. I. plusieurs Ministies
ont declaré que leurs Souverains étoient
disposés à y satisfaire , mais ceux des Electeurs ,
et des autres Princes , dont les Etats sont le plus
exposés aux inconveniens de la guerre , ont representé
que les Princes leurs Maîtres ne pou
voient contribuer aux besoins presens de l'Empi
re, si on ne leur faisoit prêter les sommes nécessaires
pour la levée et pour l'entretien des Troupes
de leurs contingents , et ils ont allegué les
mêmes raisons qu'ils avoient déja données quelques
jours auparavant dans l'Assemblée du College
des Princes .
Plusieurs autres Ministres ont témoigré que les
Souverains qu'ils representoient se conforme-
Lolent , autant qu'il leur seroit possible , aux
resolutions qui seroient prises par la Diette, mais
qu'ils n'osoient promettre que les effets repondissent
à leurs intentions.
Le
OCTOBRE. 1735: 2303
•
Le Ministre de l'Electeur de Cologne , après
avoir rapellé à l'Assemblée que non seulement ce
Prince avoit envoyé à l'armée de l'Empire les
Contingents qu'il s'étoit engagé de fournir en
qualité d'Electeur , d'Evêque d'Hildesheim , de
Munster , d'Osnabruck , et de Paderborn , et de
Grand -Maître de l'Ordre Teutonique ; mais encore
qu'il avoit payé la plus grande partie du subside
de 30. mois Romains , ajoûta que le même
Prince , bien loin de pouvoir payer le nouveau
subside demandé , étoit absolument dans l'impuissance
d'acquitter ce qu'il devoit encore de
P'ancien , qu'il esperoit même que la Diëtte lui
accorderoit des dédommagemens pour le prejudice
causé à ses Etats , tant par les marches des
Troupes que par les quartiers d'hiver ; qu'il joi
gnoit en même- temps ses instances à celles que
les cinq Cercles associés ont faites pour qu'on les
indemnisat par raport aux magasins de fourages
établis à leurs dépens pour la subsistance de la
Cavalerie de l'Empire ; que l'Electeur de Colognene
feroit cependant tous ses efforts pour être
ucile à l'Empire , du moins en établissant de nou,
veaux magasins , mais qu'il demandoit que les
charges generales de l'Empire fu s : nt partagées
entre les Etats qui le composent , et que l'un n'en
fut pas exempté au prejudice de l'autre.
L'Electeur Palatin fit representer par son Ministre
que depuis le commencement de la guerre,
ses Etats en avoient été comme le siege ; que le
dommage causé à ses sujets par les fourages que
les Troupes Imperiales ont faits dans ses Etats ,
et par la grande quantité de chevaux et , de chariots
qu'il a fallu leur fournir , monte à plus de
1500000 florins , et que les mêmes Troupes ont
coupé des bois pour la valeur de sooooo . florins
dans
2304 MERCURE DE FRANCE
dans les Bailliages d'Heidelberg , de Britten , de
Mosbach , et de Schwetzingen ; que non -seule
ment ses peuples étoient épuisés , mais qu'ils
avoient éprouvé les plus cruels traitemens , tels
que les pillages et les meurtres ; que des circons
tances si fâcheuses les mettoient en droit de ne pas
accorder les secours demandés , et même d'éxi¬
ger des indemnités convenabies.
Le Ministre du Margrave de Bade Dourlach ;
demanda qu'on payat à ce Prince les materiaux
pris dans ses Etats pour la construction des lignes
d'Ettlingen , et il temoigna que le Margrave
comptoit qu'en consideration des contributions
que ses sujets avoient été contraints de païer,
la Ditete lui feroit avancer sur les fonds de la
Caisse de l'Empire les sommes dont il avoit besoin
pour rendre son contingent complet et pour
l'entretenir.
Le Ministre du Prince Theodore de Baviere ,
Evêque de Ratisbonne , et de Freysengen , dit
que son Maître se trouvant dans la même situation
que l'Electeur de Cologne , étoit dans les
mêmes dispositions.
Quelques Ministres , du nombre desquels fut
celui du Roy de Prusse, declarerent que les Princes
qu'ils representoient dans la Diette ayant fait
tout ce qui dependoit d'eux pour la cause commune
, ils ne pouvoient entrer dans de nouveaux .
engagemens .
Celui de l'Electeur de Baviere assura la Diette
que cet Electeur auroit envoyé à l'armée de l'Empire
le contingent de son Electorat et celui du
Cercle de Baviere, s'il n'en avoit été empêché par
divers obstacles , et s'il n'avoit été obligé d'ailleurs
de tenir ses forces assemblées pour la défense de
ses propres Etats ; que lorsque ces obstacles seroient
OCTOBRE . 1735. 2305
roient levés , il ne manqueroit pas de remplir les
engagemens qu'il avoit contractés en qualité de
Prince de l'Empire ; que pour marquer son desir
de contribuer aux besoins presens , il consentoit
d'assigner des quartiers d'hyver dans son
Electorat aux Troupes de son contingent ; qu'il
n'étoit point éloigné de concourir à un nouveau
secours d'argent pour les depenses de la guerre ,
mais qu'il pretendoit une indemnité pour les
frais que lui avoient occasionnés les quartiers
d'hyver , et le passage des troupes étrangères dans
ses Etats , et qu'il croyoit que les cinq Cercles
associés ne feroient point de difficulté de fournir
les fourages nécessaires pour les troupes de son
contingent.
ITALIE.
E 12. du mois dernier , le Cardinal Acqua-
>
à
l'audience qu'il eut le 9. de Sa Sainteté, que l'Infant
Don Louis avoit pris l'habit Ecclesiastique,
et avoit reçu les Ordres Mineurs , fit partir un
Courier pour porter çe Prince les Bulles de
l'Archevêché de Tolede . Le 13. le même Cardinal
après avoir eu une longue conference avec
le Cardinal Gentile , depêcha un second Courier
au Roy d'Espagne.
Le bruit court , que le Comte de Plettemberg
doit aller à Rome avec caractere d'Ambassadeur
de l'Empereur , et qu'en attendant qu'il puisse s'y
rendre , M. d'Arrach , Auditeur de Rote , sera
chargé en cette Cour des affaires de S. M. I. On
dit
que ce Prélat a reçu ordre de la Cour de
Vienne de faire delivrer au Cardinal Cienfuegos,
à compte sur ce qui peut lui être dû par l'Empeles
7000. ducats d'or que S. M. I , avoit
reur,
cnvoyés
2306 MERCURE DE FRANCE
envoyés au Prince de Sainte Croix ,et qui étoient ·
destinés à payer le tribut pour le Royaume de
Naples .
Le Cardinal Co‹ cia a obtenu la liberté d'aller
prendre les bains à Saint Cassien en Toscane , et
il partit le 4. de ce mois au matin pour s'y rendre.
L'Evêque de Targa son frere doit sortir du
Château Saint Ange , à condition de demeurer
cinq ans dans le Convent de S. François de Paule.
On mande de Sienne , que M. Pieri , frere du
Cardinal de ce nom , et Provediteur du Fort de
Radicofani , étant entré dans le magasin à poudre
de ce Fort , le feu avoit pris au magasin qui
avoit sauté en l'air ; que la plus grande partie
des maisons et des ouvrages de ce Fort avoit été
renversée , et que M. Pieri avoit été acablé sous
les ruines ainsi qu'un grand nombre d'autres
personnes.
>
On écrit de Florence que le Grand Duc a fait
present de six Fans blancs au Roy des deux Siciles
.
Ces Lettres ajoûtent que la nuit du 26. au 27.
du mois dernier , il passa par cette Ville deux voitures
escortées par un détachement de Cavalerie,
et chargées de l'argent que le Roy d'Espagne envoye
en Lombardie pour le payement de ses
Troupes.
On a apris de Venise que le Duc de Montemar
ayant été informé que les Marchands qui ont
coutume d'aller à la toire de Bolzano , n'osoient
s'exposer sur les chemins, daus la crainte d'ètre
inquietés par les Troupes Espagnoles , il leur a fair
delivrer des Passeports , et qu'il a donné des ordres
si severes pour la sureté de leuis personnes
et de leurs marchandises, qu'aucun d'eux n'a eu
sujet de seplaindre.
OCTOBRE. 1735. 2307
On aprend de Genes , que le Senat continue
d'envoyer des Troupes dans l'Isle de Corse pour
s'oposer aux entreprises des Rebelles dont le nombre
augmente tous les jours , et qui ont rempor
té depuis peu l'avantage dans plusieurs combats ,
dans l'un desquels ils ont fait prisonnier de guer
re le neveu du Gouverneur de la Bastie.
Suivant les avis reçus de Calabre , il y eut le
6. Septembre dernier dans cette Province plusieurs
violentes secousses de tremblement de
terre , qui ont causé un dommage considerable
dans les Villes de Monteleone, de Soriano , de
Pizza , et de Briatico , et ces secousses furent suivies
d'un Ouragan accompagné de pluye et de
grêle d'une telle grosseur,que quelques grains pé
soient six onçes.
GRANDE - BRETAGNE.
L'equipage d'unBâtiment revenu de la nouvelle
Yorck , a raporté que le 16. du mois
de Juillet dernier , le Gouverneur ayant donné une
Fête à l'occasion d'un nouvel Ouvrage qu'il avoit
fait construire , er sur lequel on avoit placé
plusieurs piéces de canon , un de ces canons
avoit crevé , et qu'il avoit tué le Grand Scheriff
de la Colonie , la Demoiselle Courtland , fille
unique du Colonel de ce nom , tt quelques au
tres personnes,
1
ARME'S
2308 MERCURE DE FRANCE
L
ARMEE D'ITALIE.
Es Lettres de la Mirandole du commencement
du mois dernier®, portent qu'après que
la Garnison Impériale en fut sortie , deux Bataillons
des Troupes Espagnoles qui avoient fait
le Siége , y étoient entrés pour y demeurer en
garnison. Ces Lettres ajoûtent qu'on avoit trouvé
27. canons , 4. mortiers , et une assés grande
quantité de munitions dans la Place , dont
les fortifications et les maisons ont été considerablement
endommagées par le canon des Assiegeans
, sur- tout du côté du rempart de Servi.
On ajoûte que la garnison faite prisonniere dans
cette Place , étant arrivée le 6. Septembre à
Parme sous l'escorte du Régiment de Cavalerie
de Barcelone , et de 4. Compagnies de Grenadiers
, chacune de 100. hommes , les Soldats
avoient été conduits dans la Citadelle , et qu'on
avoit laissé aux Officiers la liberté de prendre
leur logement dans la Ville. Selon les mêmes
avis cette Garnison partit lë 8. sous la même
escorte , pour se rendre par Rivalta et par Ponremoli
à Livourne , où l'on compte qu'elle sera
embarquée , afin d'étre transportée en Espagne .
Pendant le séjour qu'elle a fait à Parme , 250.
des Soldats dont elle est composée , ont pris
parti dans les Troupes Espagnoles.
Le Maréchal de Noailles partit du Camp de
Zevio le 2. Septembre , pour se rendre auprès
du Roi de Sardaigne. Il donna ses ordres avant
son départ pour faire construire sur l'Adige au
Lazareto , vis- à-vis de Saint Michel , un sixiéme
Pont , qui fut fini le 23 .
Les ennemis ont publié qu'il leur étoit arrivé
des
OCTOBRE. 1735.
2309
des secours considerables , et qu'ils avoient été
joints par quelques Régimens de leur Cavalerie ,
mais ces bruits qu'ils ont fait répandre ne se
confirment pas , et il paroft que les Imperiaux
songent toûjours à se retrancher dans les gorges
des Montagnes , et principalement vers la source
de la Brenta.
Ils ont laissé entre le Lac de Garde et l'Adige
le détachement qu'ils avoient fait avancer
du côté de la Ferrara , et ils employent ces
Troupes à former des retranchemens. Ils ont
voulu dopner quelque inquiétude du côté du Val
Canonica , en envoyant demander passage par
Ponte de Legno , qui est le premier Village sur
l'Oglio , vers le Mont Tonale , sur lequel ils
ont 300. hommes ; mais ils n'ont pas marché
de ce côté là , et ils y ont seulement envoyé
quelques détachemens.
On écrit du Camp de Zevio , que les ennemis
ont retiré la plus grande partie des Troupes qui
étoient à Trente et à Roveredo ; qu'ils se sont
avancés à la tête du Val de Ledée , qu'ils ont
étendu leur droite jusqu'à la Rocca d'Anfo , qui
est à la droite du Lac d'Idro , et qu'ils y font
travailler.
Le General Botta qui s'étoit avancé avec un
détachement de 600. hommes dans le Val Panthena
jusqu'à Podestaria , s'est retiré depuis vers
Pery , au- delà de l'Adige.
D'autres Lettres du Camp de Zevio , portent
que la nuit du 2. au 3. de ce mois , le Bataillon
d'Arquebusiers de Bellair , l'un des quatre qu'on
a fait venir du Roussillon , s'étant avancé audelà
de la Ferrara , attaqua un poste dans lequel
les ennemis avoient des Grenadiers , qu'il les
força de se retirer sur un second poste d'infan-
I teric
2210 MERCURE DE FRANCE
terie qui les soutenoit , et qu'il obligea ces deux
Corps de rejoindre le Camp duquel ils avoient
été détachés .
Le Marquis de Savines , Lieutenant-General;
qui passa l'Adige le 3. avec 18. Bataillons et 23.
Escadrons , est campé avec ces Troupes à Saint
Boniface.
>
Le Duc de Montemar qui n'a fait passer l'Adige
le 3. qu'à 1o. Bataillons et à ro. Escadrons,
sous les ordres du Marquis de la Mina , a depuis
envoyé à Montagnána 4. Bataillons et 4.
Escadrons qui étoient du côté de Badia , et qui
sont commandés par le Marquis de Castelar.
Le Duc de Montemar est campé à Menerbe
avec 11. Bataillons et e . Escadrons ; et le reste
des Troupes Espagnoles , à l'exception de celles
qu'on a laissées à Revere , à Ostiglia et à Gouvernolo
, est à Bevilagna et à Lonigo.
Les Impériaux ont fait avancer au Schio près
de Thiene , au déboucher des Montagnes du
Vicentin , un Corps d'Infanterie d'environ 5000.
hommes , . Régimens de Cavalerie , et 2. de
Hussards , et ils ont publié qu'ils vouloient y
rassembler toutes leurs Troupes.
Sur la nouvelle de ce mouvement des enne,
mis , le Maréchal de Noailles a fait marcher une
des Brigades d'Infanterie et une des Dragons
qui étoient à Zevio , pour aller joindre au Camp
de Saint Boniface les Troupes qui y étoient sous
les ordres du Marquis de Savines , et il s'y rendit
le 13. après avoir passé à Linago , où il eut
une conférence avec le Duc de Montemar , lequel
a fait avancer au-delà de l'Adige quelques
détachemens qu'il avoit laissés sur cette Riviere,
Le Marquis de Maillebois a quitté le poste
de
OCTOBRE. 1735: 2371
de Gussolengo , et il a marché avec 8. Bataillons
et 2. Régimens de Dragons , pour aller
joindre les Troupes qui étoient dans le Camp
de Saint Boniface , où il y a actuellement 30.
Bataillons et 40. Escadrens . Depuis que le Maréchal
de Noailles a augmenté le nombre des
Troupes qui étoient dans ce même Camp , les
Impériaux ont décampé de Schio , et ils se sont
retirés derriere la Riviere de la Brenta.
On a apris que les Espagnols avoient fait
une nouvelle prise de plusieurs grosses Barques
apartenantes aux Impériaux , et chargées de
grains et de farines , et qu'ils avoient trouvé
des dépôts de foin considérables sur le Canal
Blanc , entre le Tartaro et le Pô.
Selon les Lettres du Mantouan , le Commandant
de Mantouë a obtenu du Roi de Sardaigne
la permission de faire entrer dans la Ville une
certaine quantité de vin , pour le soulagement
des malades.
ARME'E D'ALLEMAGNE.
La
'Armée du Roi commandée par le Maré
chal de Coigny , partit du Camp d'Eppenheim
le 24. du mois passé , et elle arriva a celui
d'Oguersheim le même jour. Elle marcha
sur huit colonnes , les quatre composées des
Troupes commandées par le Duc de Chaulnes
, le Marquis de Nangis , le Marquis de Ra
vignan , et le Duc de Duras , Lieutenans Géne
raux.
La plus grande partie de l'Infanterie fue
campée sur deux lignes , ayant la droite en avant
de Stadenheim , et la gauche vers Oguersheim .
M. de Varennes , Maréchal de Camp , et Capi
1 ij
D.
taing
23T2 MERCURE DE FRANCE
taine d'une des Compagnies de Grenadiers de
Régiment des Gardes Françoises , est à Worms
avec dix Compagnies de Grenadiers , 1000,
Fusiliers ; et un Détachement de Cavalerie.
Les Brigades de la Marine et de Bourbonnois
sont à la gauche de l'Armée , le long du Ravin
d'Oguersheim , celle des Vaisseaux , et les Régimens
du Perche et d'Appelgrin forment dans
le même endroit une seconde ligne , et la Brigade
de Gondrin est en deçà de Frankendal , ou
elle a sa droite , et sa gauche vers Stadenheim :
la Cavalerie campe sa droite à Bill , et la gauche
à Haslock .
# Le Comte de Belleifle , Lieutenant Géneral ,
qui étoit venu à Durkheim , en est reparti pour
S'avancer à Kesserflouter , où il arriva le 27.
avec le Corps de réserve qu'il commande. Le
Maréchal de Coigny y a envoyé les Brigades de
Cavalerie du Régiment Royal , et de Dauphin
Etranger , et il a donné ordre aux Régimens
Royal des Cravates , de Bretagne , de Chatellesaud
, et au Régiment de Dragons d'Harcourt,
d'aller joindre le Comte de Belleisle ; ces Troupes
de Cavalerie sont commandées par le Duc
de Bethune , Lieutenant Géneral , et par le
Comte de Chastelux , Maréchal de Camp , qui
ont été détachés de l'armée pour servir au Corps
de reserve,
Les nouvelles reçûès au Camp d'Oguersheim
des différens mouvemens des Ennemis , marquent
qu'ils ont fait arrêter les batteaux qui étoient
sur la Mozelle ; qu'ils ont commandé tous les
chevaux du Pays pour le 2. de ce mois ; qu'ils
prennent toutes les précautions nécessaires pour
être en état de faire passer sur cette Riviere un
Corps de Troupes considérable , et qu'ils publicat
OCTOBRE . 1735. 2313
blient qu'ils veulent s'avancer à Treves.
Les Troupes de Hesse qui étoient à Rudesheim
, passerent le Rhin le 28. du mois passé ,
pour aller camper près de Bingen , le long de la
Naw , et le même jour un détachement du
Corps de Troupes commandé par le Comte de
Seckendorf alla marquer un Camp entre Creutz→
nack et Bingen .
Le Maréchal de Coigny campé au commencement
de ce mois à Oguersheim, en détacha le 7.
le Régiment de Bourbonnois, ceux de Brendle er
de Diceback , et il les fit marcher pour joindre
le Corps de réserve commandé par le Comte de
*Belieisle.
Le Comte de Belleisle , qui partit le z . de Kesserslouter
pour se rendre à Treves , y arriva le
f . au soir avec toute l'Infanterie et les Dragons.
La Cavalerie qui étoit à Kesserslouter , marcha
en même- rems , et elle arriva à portée du Camp
du Comte de Belleisle .
Suivant les nouvelles qu'on a cuës au Camp
d'Oguersheim de la marche du Comte de Seckendorf
, ce Géneral qui partit de Mayence le
30. Septembre dernier , passa la Naw à Bingen,
et il arriva le 2. de ce mois à Simmeren , avec la
tête du Corps qu'il commande . Il n'avoit encore
pû le 6. y rassembler toutes ses Troupes ,
parce qu'elles ont été inquietées dans leur marche
par nos Partis , qui ont en même tems empêché
ou retardé l'arrivée de leurs fourages.
Les Lettres du Camp de Saint Wendel , por
tent que le Comte de Belleisle étant arrivé àTre
ves le 5. de ce mois , rassembla sous cette Place
les Troupes qui ont marché avec lui de Kesserslouter
, et celles qui étoient campées depuis
quelque tems à Andel , sous les ordres du Marquis
d'Aubigné.
I iij Toutes
1314 MERCURE DE FRANCE
Toutes ces Troupes , consistant en 30. Bataillons
et 66. Escadrons , sont campées , la droite
au Bois de Summeraw , et la gauche appuyée
sur les hauteurs vis - à - vis le Village de Rouvre ,
dont le ruisseau forme dans la plus grande
partie de ce terrain des ravines impraticables.
> Le Régiment de Bourbonnois et ceux de
Brendle er de Diesback , que le Maréchal de
Coigny a détachés du Camp d'Oguersheim pour
aller joindre le Corps de réserve , ont marché
avec tant d'ardeur et de diligence , qu'ils sont
arrivés le 15. au Camp du Comte de Belleisle ,
lequel a pris toutes les précautions nécessaires.
pour être en état de s'oposer à l'exécution des
projets du Comte de Seckendorf.
Ce Géneral qui est resté à Simmeren depuis
le 2. jusqu'au 6. pour attendre qu'il pût être
joint par toutes les Troupes avec lesquelles il
étoit parti de Mayence , se remit en marche le
7. Il passa par Hursel et par Stumbenturn , et le
13. il établit deux Ponts sur la Mozelle , l'un à
Traerback , et l'autre à Berncastel . Le lendemaia
il fit avancer l'avant- garde de son armée sur les
hauteurs de Berick , et il donna ordre qu'on travaillat
à raccommoder le chemin de Budelick.
La marche du Comte de Seckendorf avec un
Corps de Troupes aussi considérable que celui
qu'il commande , pouvant avoir différens objets ,
le Maréchal de Coigny pour être plus à portée
de reconnoître les mouvemens des Ennemis , partit
le 11. du Camp d'Oguersheim avec 40. Bataillons
et 36. Escadrons.
Ce Géneral a laissé sur le Spireback so . Bataillons
et autant d'Escadrons , sous les ordres de
M. de Quadt , Lieutenant Géneral , et après avoir
campé à Neustadt, à Hochspire et à Kessers
louter ,
OCTOBRE. 1735. 2315
loater , il arriva le 15. au Camp de Saint Wendel.
La Gendarmerie qui étoit partie d'Oguersheim
pour aller à Wissembourg , a reçû ordre depuis
de marcher sur Hombourg , pour venir joindre
le Maréchal de Coigny dans ce Camp .
La Maison du Roi qui étoit en marche depuis
le s . pour se rendre à Haguenau , a dû retourner
à Minfeldt.
Le Régiment des Gardes Françoises , parti de
l'armée le 6. pour aller aussi à Haguenau , a reçû
ordre de marcher à Bergen , et celui des Gar
des Suisses d'aller du côté de Rhinau.
Depuis les que le Prince Eugene a quitté
l'armée pour retourner à Vienne , le Duc de
Wirtemberg à qui il a laissé le commandement
des Troupes Impériales , est resté à Lousheim.
La position du Comte de Belleisle et la marthe
du Maréchal de Coigny , ont dérangé les
projets du Comte de Seckendorf. Ce Général a
paru abandonner le projet de s'emparer de Treves
, et il s'est déterminé le 20. de ce mois à
passer la Mozelle sur les ponts qu'il avoit sur
cette Riviere à Mulen et à Traerback . Il s'avança
le 21. aux environs d'Esch , où il campa avec
la plus grande partie de ses Troupes , et il fir
Occuper par des détachemens , Runick et le
Pont sur la Salm , qui est près de ce Village.
Le Maréchal de Coigny partit de Saint
Wendel le 17. de ce mois , et ayant ordonné à
l'Infanterie de s'arrêter à Mettelick , il alla camper
avec les Grenadiers , la Cavalerie et les Dragons
à Waderne, et il y fut joint par la Gendarmerie.
Le 18. ces Troupes s'avancerent à Cerff, od
l'Infanterie devoit se rendre , et le même jour.
I iiij
10%
2316 MERCURE DE FRANCE
le Maréchal de Coigny arriva à Treves.
Lorsqu'il y eut appris le 19. que le Comte
de Seckendorf se disposoit à faire passer la Mozelle
à son armée , il détacha M. Philippes , Maréchal
de Camp , avec 36. Compagnies de Grenadiers
et 5oo. chevaux , pour aller du côté de
Fhor.
Le 20. le Maréchal de Coigny marcha avec
le reste des Compagnies de Grenadiers du Corps
de réserve , et avec celles qu'il avoit amenées
avec lui ; il s'avança vers Heyzordt , et il fit attaquer
par le Marquis de Nangis , avec un détachement
de Grenadiers et la Compagnie de
Kleinholt , le Village de Runick , dont nos
Troupes s'emparerent , ainsi que du Pont.
Le Maréchal de Coigny qui n'avoit pas encore
été joint par l'Infanterie , dont la pluye et
les mauvais chemins avoient retardé la marche ,
jugea par les mouvemens des Ennemis postés
sur les hauteurs , qu'ils alloient se porter en
grand nombre sur le poste de M. Philippes et
sur Runick ; il envoya dire aussi - tôt au Marquis
de Nangis , qui s'étoit avancé au - delà dụ
Village de Runick , d'y ramener son Détachement
, et ayant fait marcher en même- tems les
Piquets sous les ordres du Duc de Bouflers , il
les mit à portée de soûtenir le Corps de Troupes
commandé par M. Philippes . Ces Troupes
ayant été exposées au feu de cinq piéces de ca-.
non que les Ennemis avoient fait avancer ,
qui commencerent à tirer une heure avant la
nuit , nous avons eu environ 80. hommes tués
ou blessés.
et
Le soir , le Comte de Secxendorf ayant envoyé
du côté d'Esch un Corps de Dragons , leur
mouvement donna lieu à un feu de mousquete-
Lis
OCTOBRE. 1935. 2317
rie entre nos Troupes et la ligne des Ennemis
qui étoient restés en bataille.
M. Corberon , Capitaine de Grenadiers dans
le Régiment de Navarre , fut tué dans cette dé
charge de mousqueterie ; le Chevalier de Mareicu
, Maréchal de Camp , y fut blessé legerement
, et le Marquis de Charost , Colonel du
Régiment de la Couronne , le fut très dangereusement.
Le Maréchal de Coigny , qui n'avoit marché
avec les Grenadiers que pour découvrir les dispositions
des Ennemis , ayant reconnu qu'ils
étoient postés très- avantageusement , et son Infanterie
ne pouvant le joindre aussi - tôt qu'il l'a
voit compté , il se détermina à aller camper le
21. à Bicong , d'où il se rendit le 22. à Erring
Les Troupes restées dans le Spireback et le
long du Rhin sous les ordres de M. de Quadt ,
sont encore dans les postes qu'elles occupoient
Celles des Ennemis destinées à demeurer sur le
Rhin , sont cantonnées..
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E Roy a nommé Grand - Croix de l'Ordre:
Royal et Militaire de Saint Louis ,le Mare
quis de Bonas Gondrin , Licutenant Generall
de ses Armées..
La Maréchale de Boufflers, Dame d'honneur de
La Reine, ayant demandé au Roy la permission
K
2318 MERCURE DE FRANCE
de remettre cette Place , S. M. a nommé pour
lui succeder la Duchesse de Luynes . Elle prêta
serment de fidelité pour cette Charge entre les
mains de la Reine le 3.1. de ce mois.
Le 2. de ce mois , pendant la Messe du Roy ,
l'Evêque de S. Papoul prêta serment de fidélité .
entre les mains de Sa Majesté.
Le même jour l'Evêque d'Oleron fut sacré
dans la Chapelle du Séminaire de S: Sulpice par
Je Cardinal de Polignac , assisté de l'Evêque de
Tarbes et de l'Evêque de Couserans , et le 9. le
même Prélat prêta serment de fidelité entre les
mains du Roy , pendant la Messe de S. M.
Le 10. le Roy partit de Versailles vars les on
ze heures du matin pour aller à Fontainebleau
ou S. M. arriva le même jour.
Le Roy a accordé le Gouvernement de Saint
Omer au Comte de Beuil, Lieutenant General
de ses Armées , et S. M. a donné sa place de Dis
secteur General de l'Infanterie au Comte de
Gramniont , Maréchal de Camp..
Le Mardi 11. Octobre , les Comédiens Fran
gois représenterem à Versailles la Surprise de l'Amour
et Crispin Medecin.
Le 13. Alcibiade et la Comtesse d'Escarbagnas.
Le 18. Les Femmes Sçavantes et le Dédit.
Le 20. le Comte d'Essex , Tragédie , et les trois
Freres Rivaux.
Le 25. Crispin Musicien , cola Comédie nouvelle
des Acteurs Déplacés , qui fit beaucoup de
plaisir.
Le 27.la Tragédie nouvelle de Téglis,de M. de
Morand , qui fut fort goutée, et PAvocat Patelin...
Le
OCTOBRE . 1735. 23.19
Le 15. Octobre les Comédiens Italiens représenterent
à Versailles la Comédie des Quatre
Semblables, qui fut suivie de celle des Billets Doux.
Le 22. la Surprise de la Haine , et Arlequin
toujours Arlequin.
Le 29. la Feinte inutile , Piece nouvelle , trèsgoutée
à la Cour et à la Ville , qui fut suivie du
Retour de Tendresse.
BENEFICES DONNE'S
Par le Roy.
'Abbé de Brissac , Aumônier de S. M. a été
L'homme àl'Evêché de Condom.
L'Evêque d'Agen , à l'Evêché de Rodez.
L'Abbé de Chabannes, cy- devant et Agent Ge
neral du Clergé, Docteur en Théologie et de la
Maison de Sorbonne , cy - devant Grand- Vicaire
de l'Archevêque de Tours , à l'Evêché d'Agen.
L'Abbé de Bellefond , Aumônier du Roy ,
T'Evêché de Bayonne.
L'Abbé de Fenncion Salignac , Grand- Vicaire
de l'Evêché de Saintes , à l'Evêché de Pamiers.
L'Abbé de Gaujac , à l'Evêché d'Aire.
L'Archevêque de Toulouse , à l'Abbaye de
Charlieu, Ordre de Cîteaux, Diocèse de Besançon..
L'Abbé le Blond , à celle de Bardoue , même
Ordre , Diocèse d'Auch.
L'Evêque de Valence , à celle de Valsecret,
Ordre de Prémontré , Diocèse de Soissons.
L'Evêque de Dijon , à celle de S. Romain de
Blaye , Ordre de S. Augustin , Diocèse de Bourdeaux
.
L'Abbé de Saint Aubin , Professeur en Sorbonne
, à celle de S. Walmer , même Ordre, Diocè
se de Boulogne-
I vj
L'Abbé
2320 MERCURE DE FRANCE
" L'Abbé de Narbonne Pelet , Grand-Vicaire de
l'Archevêché d'Arles , à celle de Trisay , Ordre
de Citeaux , Diocèse de Luçon.
L'Abbé de Laubrieres,Grand - Vicaire de l'Evêché
de Soissons , à celle de S. Marian d'Auxerre,
Ordre de Prémontré.
Et l'Abbé de Lifle- du- Gast , à celle de Prebenoist
, Ordre de Cîteaux , Diocèse de Limoges...
On a annoncé dans le Mois d'Août dernier la
mort de Jean - Baptiste- Pierre Bothentuit l'Anglois
, Chirurgien pour les Fractures , arrivée le
5. dudit mois d'Août , en marquant que son
Pere vit et travaille encore dans la même Profession
, quoiqu'âgé de 90. ans ; mais on a obmis
d'avertir le Public que le défunt sieur Bothentuit
est remplacé par Louis Bothentuit , son Frere
cadet , qui a fait les Campagnes en Italie de 1733 .
et 1734. en qualité de Chirurgien Ayde - Major
de l'Armée du Roy , dans ce Pays , et qui est
très - capable et experimenté dans les mêmes Ope
rations. Ildemeure dans la même maison que feu
son Frere , ruë Montmartre , au coin de la
ruë du Jour.
MORTS , NAISSANCES
Li
et Mariages.
E 20. Août Jean-Baptiste de Vassal , Comte:
de Montvi , connu cy- devant sous le nom
de Chevalier , Gentilhomme de Perigord , Ma,
réchal de Camp des Armées du Roy , Inspecteur
General d'Infanterie, mourut à Caussade en Age,
mois, âgé d'environ 62. ans. Il avoit été autrefois
CaOCTOBR
E. 1735. 2325
Capitaine et ensuite Major du Régiment de la
vieille Marine , aussi Major General de l'Armée
de France en Lombardie , puis Colonel du Regis
ment de Dauphiné , par Commission du 5. Septembre
1706. et Inspecteur d'Infanterie le 25-
May 1716. Il avoit été élevé au Grade de
Brigadier le premier Fevrier 1719. et à celui
de Maréchal de Camp le 20. Fevrier 1734. Ik
étoit frere puîné de Jacques de Vassal , Marquis
de Montviel , Lieutenant General des Armées
du Roy , de la Promotion du 20. Février
1734 Un de leurs freres , apellé de Sardiny-
Montviel , Lieutenant - Colonel du Regiment de
la Marine , qui étoit un Officier très - estimé , ens
le 4. Septembre 1714. une jambe emportée d'un
boulet de Canon et l'autre fort maltraitée au Siege
de Barcelone en descendant la tranchée , dont :
il mourut peu après
Le 3. Septembre , Jean Bonnet , Supérieur Géneral
de la Congrégation des Prêtres de la Mist
sion , mourut à Paris en leur Maison de S. Lazare
, dans la 72. année de son âge. Il avoit été
élú Supérieur Géneral de sa Congrégation le 10.
Mai 1711. à la place de feu François Vatel
dono il avoit été Assistant , et après la mort
duquel il fut désigné Vicaire Géneral pendant
la vacance.
Le 6. D. Charlotte - Antoinette de la Porte-
Mazarin de Ruzé , épouse d'Emmanuel- Felicité
de Durfort , Duc de Duras , appellé le Duc de
Durfort , Colonel du Régiment d'Infanterie de
Duras , son cousin , ayant le germain sur elle
avec lequel elle avoit été mariée le premier Juin
1733. mourut à Paris en couches d'une fille , son
premier enfant , dans la 18. année de son âge
étant née le 24. Mars 1718. Elle étoit fille uni¬
que
2322 MERCURE DE FRANC:
que et présomptive héritiere de Guy- Paul-Jule:
Mazarin de la Porte de Ruzé , Duc de Rethefois
sous le nom de Mazarin , de la Meilleraye,
et de Mayenne , Pair de France , Prince de Chateau
- Portien & c. et de Dame Loüise - Françoise
de Rohan-Soubise .
Le 16 D. Felicité Jubert de Bouville , épouse .
de Jean-François Guyot de Chenisot de Villers
Receveur General des Finances de la Géneralité
de Rouen , avec lequel elle avoit été mariée au
mois de Juillet 1733 mourut à Paris en six heu
res de tems d'un colera morbus , âgée de 22.
ans. Elle étoit fille de Louis - Guillaume Jubert
de Bouville , Marquis de Clere- Panilleuse , Bazon
de Dangu , Seigneur de Saint Martin aus
Buneaux , et de Vinemerville , Conseiller d'Etat,
ey-devant Intendant de la Géneralité d'Orleans,
et de Marie- Gabrielle Martin .
Le 23. M. Martin Canaulle, Curé de Besplas,
Diocèse de S. Papoul , y mourut âgé de 1091
ans passés , étant né le 15. Septembre 1626. :
Le 23. D. Claude-Marguerite Hallé , Epouse
de Michel Bouvard , Seigneur de Eourqueux ,
Conseiller du Roy en ses Conseils , et Honoraire
en sa Cour de Parlement , Procureur General de
de S. M. en sa Chambre des Comptes de Paris ,
mourut , âgée de 34 ans , un mois et 12. jours,
Elle avoit été mariée au mois de Fevrier 1715.
elle laissedes enfans , et entr'autres une fille Agnès
Bouvard de Fourqueux , mariée le 23. Jauvies
dernier avec Alexandre - Jacques de Pomereu , cydevant
Capitaine, dans le Regiment du Roy. La
D. de Fourqueux étoit fille unique de feu Charles
Hallé , Seigneur de Thouy , mort le 7. Juin
1701. âgé de 18 ans , et de feue Marie- Therese
Tartasin , more en couches d'elle le 2-2- Aoûc
1705
OCTOBRE . 1735. 2123
:
1701. âgée de 19. ans . Charles Hallé et Pierre
Halléses ayoul et bi - yeul , étoient Conseillers
au Parlement de Paris .
Le 24. D. Marie-Jeanne- Nicole Belhomme ,
yeuve de François Lebert , Ecuyer , Seigneur
Desfossez , Conseiller - Secretaire du Roy , Maison
Couronne de France et de ses Finances , mourut
à Sens , âgée de 64. ans , elle ne laisse qu'un
fis , Chanoine de la Métropole de Sens.
Le premier Octobre , mourut à Paris D Anne-
Maris-Henriette de Rosnay , veuve d'Alexandre
- René de Grimaudet , Seigneur de Grandmai
son , Conseiller du Roy , Commissaire General,
ayant la conduite et police du Regiment des
Gardes Erançoises,
Le 3. Gaspard de Contade , Lieutenant Gencs
ral des Armées da Roy , Chevalier , Grand
Croix de l'Ordre Royal et Militaire de S. Louis ,
et Gouverneur de Guise , mourut aux Eaux de
Bourbon , dans la 70. année de son âge , étant né
le 17. Juin 1666. Il avoit été reçu Page du Roy
en sa petite Ecurie au mois de Janvier 1683. ensuite
il entra en 1687. dans le Régiment des Gar
des Françoises, où il fut successivement Enseigne
Sous- Lieutenant, Lieutenant en 1692. Capitaine le
7. Mars 1697.Major le 16. Juin 1706, et enfin Lieus
tenant Colonel le 4.Janvier 1730.Il fut fait Chevalier
de l'Ordre de S. Louis en 1704. Brigadier
d'Infanterie les 20. Juin 1708. et Maréchal de
Camp le 30 May 171 ;. Il fic la même année la
Campagne en Allemagne en qualité de Major
General de l'Armée. Ilse trouva le 14, Octobre
à l'attaque du chemin-couvert de Fribourg , où
il fut renversé par de la terre enlevée par un
Bouler de Canon , et blessé de plusieurs pierres
au visage. Après la prise de cette place le feu Ma
néchall
2324 MERCURE DE FRANCE
rucial de Villars le depêcha pour en porter la
nouvelle au feu Roy. Il eut en 1715. le Gouvernement
de Schelestadt , et le 13. Avril 1719.
la Grand Croix de l'Ordre de Saint Louis avec
ooo. liv. de pension. Il fut élevé au Grade de
Lieutenant General le - 20. Mars 1720 , ec le Gou
vernement de Guise lui fut donné le 14. Juillet
1727. Il fut nominé au mois de Septembre 1733..
pour être employé en qualité de Lieutenant General
dans l'Armée qui fut envoyée en Italie . Il
servit aux Sieges de Gerra d'Adda et de Pisighithone
, d'où il fut detaché le 2. Decembre avec
un Corps de Troupes , pour se rendre maître du
Château de Cremone , qui se rendit à lui le 4.
suivant. Il fut encore nommé au mois d'Avril
17'34. pour faire la Campagne en Italie , mais le
mauvais état de sa santé l'obligea de quitter et dè
revenir en France. Havoit obtenu le 29. Mars
dernier la permission de quitter le service avec:
pension de 6000. liv . et l'agrément de vendre sa
Compagnie. Il étoit fils de feu Erasme de Contade
, Seigneur de Montgeofroi en Anjou , Sous-
Lieutenant au Regiment des Gardes Françoises ,
pendant sa jeunesse , mort au mois d'Octobre-
1713. et d'Anne Hullin , Dame de la Corbiere
et il avoit épousé au mois de Novembre 1697%-
Madeleine Françoise Crespin , fille de Pierre
Crespin , Seigneur de la Chabosselaye en Anjouet
de Madeleine Neven. Il en laisse Erasine de
Contade , aujourd'hui . Colonel du Régiment:
d'Auvergne , et Brigadier des Armées du Roy ,
des services duquel il est fait mention dans le
Mercure de Janvier dernier p. 155. dans la Listedes
Officiers Generaux du 18. Octobre 1734: La:
famille de Contade originaire de Narbonne en
Languedoc , et depuis transplantée en Anjou ,.
perta
OCTOBRE . 1725. 2325
porte d'Or à l'Aigle éployé d'azur , becqué et ar
mé de Gueules.
Le s . D. Magdeleine - Elizabeth Potier , Epouse
de René-Louis d'Escoubleau , Marquis de Sourdis,
Seigneus de la Chapelle. Bertrand , Courtery ,
& c. mourut à Paris dans la 36. année de son âge.
Elle avoit été mariée en 1724. et étoit fille . de
feu Anne Potier , Ecuyer , Seigneur de Notre-
Dame du Parc , Neufmoulin , &c. mort en 1704
er de feuë Magdeleine de Seve , Dame de Villefalier
et de Villarson , morte le Octobre 1729.
âgée de 1. ans , et femme alors en secondes Noces
de Joseph Sevin de Quincy , Chevalier de
P'Ordre Militaire de S. Louis , et Lieutenant de
Roy des Provinces d'Orleanois et d'Auvergne.
2.
Le 7 mourut à Paris Pierre Debonnaire , Ecuyer
Seigneur de Forges , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , Commandant pour le Roy au
Château de Bayonne.
Le 9.་་ mourut à Paris Pierre-Robert le Prevost
Prêtre , Chanoine de l'Eglise Cathedrale de Chartres
, Conseiller , Prédicateur ordinaire du Roy
qui s'étoit fait connoître à la Cour et à la Ville
par ses talens pour la Chaire.
Le g. Dame Bonne Courtin , veuve depuis le 31.
May 1723. de Claude Feydeau , Seigneur de
Marville , Maître de la Garderobe de Charlotte
Elisabeth de Baviere, Duchesse d'Orleans , qu'elle
avoit épousé le 30. Janvier 1702. mourut au
Château de Dampierre près de Gien en Beauce
âgée d'environ 72. ans laissant un fils et une
fille qui sont Claude- Henry Feydeau , Seigneur
de Marville , Conseiller au Parlement de Paris en
la quatrième Chambre des Enquêtes , où il a été
reçu le 30. Août 1726. et Claude- Angelique Feydeau
, non mariée , et un petit-fils , fils de fe
>
Louis2326
MERCURE DE FRANCE
Louis - Alexandre Croiset , Marquis d'Estrau
Conseiller et Commissaire aux Requêtes du Parfement
de Paris , mort le 9. Septembre 1719 et
de Bonne- Louise Feydeau , sa fille aînée , morte
le 14. Septembre 1725. à l'âge de 22. ans. La D.
de Marville étoit fille de Louis Courtin , Seigneur
de la Beuvriere , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roy mort le 12. Novembre 1693 .
âgé de 75. ans , et de Bonne Moussu de la Huraudiere.
•
Le 11. D. Marie - Hyacinte Poisson , Epouse et
Cousine de Jean- Marie de Vougny de Folleny ,
Conseiller du Roy en ses Conseils , Secretaire de
S. M. et Secretaire ordinaire du Conseil d'Etat ,
Direction et Finances , mourut après être acouchée
le 4. precedent d'un fils son premier enfant,
âgée de 37. à 38. ans . Elle avoit été mariée
le 17. Decembré dernier , et elle étoit fille de
deffunt Jean Poisson,Seigneur de Souzy près d'Es
tampes , Medecin ordinaire du feu Roy , et pre
mier Medecin des Ducs de Bourgogne et de Berry
, mort le 29. Janvier 1708. Elle étoit la seconde
femme du sieur de Folieny qui avoit épou
sé en premieres nôces Marie-Madelaine Robin
de la Peschelletie , morte aussi en couches d'un
fils , son premier enfant , le rs . Juin 1734
Le 14. François de Villemeur de Rieutort ;
Gentilhomme de la Province de Languedoc ,
Seigneur de la Martiniere , Saclay , Limon , Vauhalan
, &c. Lieutenant General des Armées du
Roy , mourut en son Château de la Martiniere ,
agé de plus de 90. ans Il étoit fils de feu Louis
de Villemeur , Gouverneur du Pont S. Esprit , ee
de feue Jeanne de la Motte. Il avoit succedé en
1691. à son frere dans la Charge de Capitaine
Commandant la Compagnie des Grenadiers à
Cheval
OCTOBRE. 1735. 2327
Cheval de la Maison du Roy , dont il s'étoit dé
mis à cause de son grand age au mois de Septembre
1730. après l'avoir commandé 39 ; ans.
Il avoit été fait Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis en 1694. et successivement Briga
dier le 29. Janvier 1701. Maréchal de Camp le
16. Octobre 1704. et Lieutenant General le huit
Mars 1718. Il avoit eu deux chevaux tués
sous lui à la Bataille de Ramillies le · 223. May
1706. Il avoit été marié le 3. Janvier 1695. avec
Eleonore- Susanne Passart , veuve d'Etienne - Michel
Jehannot de Bartillat , Mestre de Camp d'un
Régiment de Cavalerie tué à la Bataille de Fleurus
le 1. Juillet 1690. et fille de François Passart
, Seigneur de Saclay , la Martiniere , Vauhalan
, Limon , &c. Conseiller Secretaire du Roi
et de ses Finances , et d'André Lucas. Elle mourut
le 8. Juin 1712. âgée de 47. ans. Il laisse
d'elle Jean - Baptiste -François de Ville meur, cydevant
Sous- Lieutenant de la Compagnie des
Grenadiers à cheval , et à present Colonel du Régiment
de Bassigny par commission du 5. Octobre
1730. et Brigadier des Armées du Roy de
la Promotion du 18. Octobre 1734. qui avoit
été blessé d'un coup de fusil dans la cuisse à la
"Bataille de Guastalla le 19. Septembre precedent.
Susanne-Eleonore de Villemeur, mariée au mois
de Mars 1722. avec Philipe Florimond de Fltvigny,
Seigneur de Liés , Remigny , & c. Lieatenant
de la Compagnie des Grenadiers à cheval
de la Maison du Roy , et une autre fille .
Le même jour , D. Marie - Jeanne Fleuriau →
d'Armenonville , Epouse de Jean Marquis de
Gassion et d'Alluye , premier Baron Doyen du
Perche- Goüet , Comte de Montboyer , Baron
d'Audaux et d'Arbus , Lieutenant General des
Armées
2328 MERCURE DE FRANCE
Armées du Roy , et Gouverneur de Dix et de
S. Sever en Gascogne , avec lequel elle avoit été
mariée le 16. Avril 1708. mourut d'Hydropisie
à Pau en Bearn , dans la 48. année de son âge ,
étant née le 20. Mars 1688. elle laisse pour enfans
Pierre de Gassion,né le 18. Septembre 1715. Capitaine
dans le Régiment de Cavalerie du Comte
de Peyre , son Beau- frere Jeanne de Gassion ,
mariée le 22. Fevrier 1723. avec Joseph Henry
de Mauret de Pagas de Grolée , Comte de Peyre,
Mestre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
par Commission du 17. Janvier 1724, et Magdeleine
Angelique de Gassion, mariée le 26. May
1732. avec Louis - François Damas , Comte de
Thianges d'Anlezy , cy-devant Guidon de la
Compagnie des Gendarmes de la Garde du Roy.
La Marquise de Gassion , leur Mere , étoit fille
aînée de feu Joseph - Jean-Baptiste Fleuriau , Seigneur
d'Armenonville , ancien Garde des Sceaux
de France , Commandeur des Ordres du Roy ,
Doyen du Conseil d'Etat, Gouverneur et Grand-
Billy de Chartres , Capitaine des Châteaux de
Madrid , la Muette et Parc du Bois de Boulogne,
mort le 27. Novembre 1718. et de D. Jeanne
Gilbert , morte le 26. Novembre 1716.
'
Le 17. Louis- Auguste Scipion , Chevalier de
l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , fils de feu Louis
Robert Hyacinthe de Brean , Comte de Pielo
Ambasssadeur en Dannemarc , et de D. Louise
Françoise Phelippeaux de la Vrilliere , mourut
âgé seulement de deux ans et quatre mois .
Le vingt un , Dame Susanne d'Argouges ,
yeuve depuis le vingt- un Janvier 1709. de
Jean de Creil , Marquis de Bournezeau , Maî
tre des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy ,
et Intendant dans les Generalités de Moulins et
d'OxOCTOBRE.
1735. 2329
Orleans , avec lequel elle avoit été mariée le
23. Septembre 1681. mourut à Charenton , près
Paris , chés M. d'Argouges , Lieutenant Civil ,
son Gendre , dans la 76. année de son âge , laissant
un fils et une fille , qui sont Jean -François
de Creil , Marquis de Bournezeau, Baron de Buil
Jac , Seigneur du Châtelix , de la Boissiere , &c.
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy
Et actuellement Intendant à Metz , depuis 1721.
veuf de Marie- Claude- Therese Turgot de Soumont,
morte le 15. Fevrier 1719. et Marie- Fran
çoise- Adelaide de Creil , mariée le 10. Avril
1710. avec Jérôme d'Argouges de Ranes , Seigneur
de Fleury , Maître des Requêtes Honorai
re de l'Hôtel du Roy , et Lieutenant Civil de la
Prévôté et Vicomté de Paris , qui en a deux fils
et deux filles. La Dame de Creil étoit fille de
François d'Argouges , Seigneur , Baron des Baronies
du Plessis- Pâté , Montpipault , Fontaine
et Bondoufle , le Fay - Billot , Gland, le Tillevaut,
les Greves , &c . Conseiller d'Etat Ordinaire et
au Conseil Royal des Finances , et ancien Premier
Président du Parlement de Bretagne , mort
le 16 : Août 1695. et d'Anne de Hodic , sa femme
, morte le
Novembre 1705 .
29.
Le 15. du mois de Juillet dernier les cérémo
nies de Baptême qui avoient été differées par la
permission de l'Evêque du Mans , furent administrées
aux deux fils de René François de Maillé,
Chevalier Seigneur Marquis de Benehart , la Jaille,
Chahaigné , le Loroer , Ruillé , & c . Et de Dame
Anne Madelaine Françoise de la Luzerne de
Beuzeville son Epouse L'aîné apellé le Marquis ,
qui avoit été ondoyé le 27. May 1722. fut nommé
Philipe- François par Philipe de Montboissier-
Beaufort
-
2330 MERCURE DE FRANCE
Beaufort- Canillac , Chevalier , Seigneur , Marquis
de Montboissier , Maréchal des Camps er
Armées du Roy , et Capitaine- Lieutenant Com
mandant de la seconde Compagnie des Mousqueraires
de sa garde , et par Dame Marie- Elisabeth
de Lamoignon , épouse de Cesar- Antoine
de la Luzerne Chevalier Seigneur Comte de Beu
zeville , Moulin , Chapelle , &c. Maréchal des
Camps et Armées du Roy.Le Seigneur de Montboissier
representé par M. Mathurin - François-
Pintart , Chanoine Regulier , Prieur de S Pierre
du Bois , et Chapelain de Chambort ; la Dame
de Lamoignon , representée par Damoiselle Marie-
Marthe Catherine- Rachel-Josephine Percheron
de Crousille, en vertu des Procurations desdits
Seigneur et Dame. Le cadet apellé le Chevalier
, qui avoit été ondoyé le 28. Decembre
1727. fut nommé René- Cesar par René Herault ,
Chevalier , Seigneur de Fontaine - l'Abbé , de
Vaucresson , &c. Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police de la Ville Prevôté et Vicomté
de Paris , et par Dame Marie- Anne Vippart ,
Marquise de Silly. Ledit sieur Herault , repre
senté par Maître Claude Huger de Montilly ,
Avocat en Parlement , Bailli de Ruillé , et la D,
de Silly , representée par Dlle Françoise Hersan,
épouse du sieur Huger , en vertu des Procurations
desdits Sieur et Dame. Certe double cere
monie se fit avec toute la magnificence et la diguité
convenable dans l'Eglise de Chahaigne ;
Paroisse du Château de Benehart , en presence du
Marquis et de la Marquise de Maillé et d'une
partie de la principale Noblesse du canton . Tous
les habitans sous les armes , vinrent chercher la
compagnie au Château , où il se fit plusieurs décharges
, de même que durant la ceremonie. Le
sicur
OCTOBRE. 2795. 2331
sieur Darays , Curé de la Paroisse qui avoit consenti
que M. Hersant , Prêtre de l'Oratoire , fir
la ceremonie , la termina par une Exhortation
des plus touchantes , dans laquelle les Eloges de
Mr et de Me de Maillé , de Mrs de Montboissier
et Herault , de Mesdames de Beuzeville et de
Silly , furent delicatement maniés et proposés
pour modeles aux deux jeunes Seigneurs qui pendant
le Te Deum , chanté processionnellement ,
allumerent le feu de joye dressé dans la place au
bruit de la mousqueterie et des violons qui reconduisirent
la compagnie au Château , où l'on
servit un magnifique soupé.
Il est né à Paris depuis deux mois an assés
grand-nombre de personnes de nom . Voici celles
qui sont venues à notre connoissance .
Le21 . Juillet D. Marguerite - Pauline de Roye de
La Rochefoucaud , Epouse d'Alexandre- Maximilien
- Balthasar de Gand-Willain,Comte de Middelbourg
, Maréchal des Camps et Armées du
Roy , et Gouverneur de Bouchains , dont le mariage
a été raporté dans le Mercure du mois
d'Août 1733. p. 1897. accoucha d'un premier fils
qui fut ondoyé en naissant.
Le même jour D. Marie - Françoise Talon ,
Soeur de Louis- Denis Talon , Marquis du Boulay
, President du Parlement de Paris , et épouse
de Louis- François de la Bourdonnaye , Seigneur
de Coüetyon , Gassilly , &c. Maître des Requêtes
Ordinaire de l'Hôtel du Roy , et Intendant de
la Généralité de Caën , mariés depuis 10. ans ,
est aussi acouchée d'un fils qui a été nommé
Mathieu- Louis.
Le 10. Août D. Marie - Elizabeth Chamillart,
Epouse de Daniel-Marie- Anne de Talleyrand Periced
Maronis de Talleyrand , Colonel du
Begignent.
2332 MERCURE DE FRANCE
Régiment de Saintonge , accoucha d'un second
fils qui a été nommé Louis. 7
Le quinze D.Adelaide- Genevieve- Felicité d'O ,
Epouse de Louis de Brancas , Duc de Lauraguais,
Pair de France , Marquis de Manicamp , Colo
nel du Régiment d'Artois , accoucha pareillement
de son second fils , qui fut nommé Antoine Bufile
, mais elle mourut le 26. du même mois ,
comme on l'a marqué dans le dernier Mercure.
Le 17. naquit Jean - Louis, fils d'Urbain Aubert ,
Marquis de Tourny , Baron de Nully, Seigneur de
Pressigny , de Bernieres , de Mercey , & c. Maî
tre des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy , et
Intendant de la Generalité de Limoges , et déD.
Jeanne - Claude Cherouvrier des Grassieres , son
épouse , mariés dès 1721 .
›
Le 19. a été baptisée dans l'Eglise de l'Hôtel
Royal desInvalides , Charlotte - Jaqueline- Joseph, née
le jour precedent , fille de Charles de Marnais de
S. André,Seigneur Comte de Uercel, Exempt des
Gardes du Corps du Roy , Mestre de Camp de
Cavalerie , et Gouverneur de la Ville de Dole en
Comté , et de Dame Claude- Françoise Jaqueline
Petit de Passy mariés le 3. Novembre de
PAnnée derniere . Elle a été tenue sur les fonts
baptismaux par Joseph de Marnais de S. André
de la Bastie son grand Oncle Paternel , Maréchal
de Camp des Armées du Roy , Inspecteur
General de Cavalerie , Gouverneur de Die en
Dauphiné , et Lieutenant de Roy de l'Hôtel
Royal des Invalides ; et par D. Jaqueline - Marguerite
Richer son Ayeule Maternelle , veuve de
François- Nicolas Petit , Seigneur de Passy , Lieutenant
General d'Epée au Bailliage Royal , et
Siege Presidial de Sens .
Le 2. Septembre , D. Catherine-Françoise de
Dreux
OCTOBRE . 1735 2333
Dreux , Epouse de Jean- Baptiste Poussard , Marquis
de Vigean , Capitaine de Cavalerie , acoucha
d'un fils , qui fut nommé Anne Bertrand.
Le 6. naquit Renaud- Marie de Pons , fils de
Louis-Henry Marquis de Pons , aîné de sa maison
, assez connue dans la Province de Xaintonge
, où elle a possedé la Sirauté de Pons
plus de quatre cens ans. Et d'Angelique - Hentiette-
Marie de Turcelin de Brosses , ses Pere et
Mere. La maison de Turcelin est très ancienne ,
fort illustre par ces Alliances et par les grands
Emplois qu'elle a eu à la Guerre et à la Cour ,
principalement sous le regne de Valois. L'Enfant
fut baptisé le jour de sa naissance à la Paroisse
de S. Sulpice , et tenu par Renaud Constant de
Pons son Grand- Pere, et par Marie - Anne Roüillé
, Marquise de Dastellane , sa Grand -Mere .
Le 12 fut baptisé Louis Anne , né le jour precedent
, fils de Gui - Auguste de Roan- Chabot
apellé le Comte de Chabot , Lieutenant General
des Armées du Roy , et de D. Yvone Silvie de
Breil de Raiz , mariés le 8 Fevrier 1729.
Le 13. Julie- Hortense Colbert , Epouse de
Charles Louis Auguste Comte de Maridor , Ba
ron de Bourleroy , &c. accoucha d'une fille qui
fut nommée Louise-Julie Silvie.
Le 22. Août , Charles -François de Cuissotte ;
Comte de Gizancourt , Lieutenant de Roi au
Gouvernement de la Province de Champagne
fils de feu Philibert de Cuissotte , Comte de
Gizaucourt , aussi Lieutenant de Roi au Gouvernement
de Champagne , et auparavant Sous-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes de
la Reine , mort le 3. Mars 1715. et de Dame
Marie- Charlotte du Val de Dampierre , sa veus
K
ve ,
2334 MERCURE DE FRANCE
ve , épousa à Paris Dlle Elizabeth de Beaurepaire
des Barres Dame de la Terre de Champigny
en Champagne , fille de défunt Edouard--
Joachim.de Beaurepaire , Seigneur Comte des
Barres et de Champigny , et de Dame Marie-
Elizabeth de Bourges , sa veuve. La Mariée est
seur puînée de Dame Louise de Beaurepaire des
Barres , qui a été mariée le 22. Λούτ 1724. avec
Claude- Hubert le Clerc de Fleurigny , Baron de
Fleurigny , frere puîné d'Antoine - Jean - Baptiste
de Fleurigny , Chevalier de l'Ordre de S. Jean
de Jerusalem , Commandeur de la Croix en
Brie . 1
> 30.
Le 14. Septembre Jean- Baptiste de Baral ,
Conseiller au Parlement de Dauphiné ,, épousa
à Paris Dile Marie- Dominique Peirenc de Saint
Cyr , âgée de 14. ans étant née le Août
1721. file unique de Louis Peirenc de S. Cyr ,
Ecuyer , Gentilhomme ordinaire de la Maison
du Roi , et de défunte D. Marie-Jeanne Barberie
de Courteille , vivante sa femme , morte le
17. Juin 1723. âgée de 24. ans .
Le 13. Octobre , Jean- Pierre Marquis de Fontanges
, fils de feu Antoine de Fontanges , Seigneur
du Chambon , &c . et de D. Julliett :fide
Soupiac , épousa D. Marie - Anne de Heere , -
file de défunt Claude- Denis de Heere , Seigneur
de Barneville , & c. Gouverneur de Brie- Contre-
Robert , Lieutenant au Régiment des Gardes
Françoises, et de Dame Marie Anne de la Motte.
S. A. S. Mademoiselle de Sens a honoré la célebration
de sa présence.
A
OCTOBRE . 1735. 2335
A Madame la Duchesse de B ... accou
chée d'un troisiéme fils le ... jour d'Oc
tobre 1735. tandis que M. le Duc son
mari eft à l'armée.
MADRIGAL.
B Elle et jeune Duchesse , Epouse fortunée ,
Lucine avoit prédit pour vous dans cette année
Un troisiéme héritier par Mercure annoncé : *
Vas voeux sont satisfaits . O l'heureuse journée !
C'est ainsi que le Ciel paroît interessé
Dans votre destinée .
Tandis que votre Epoux pour la gloire combat
Yous mettés à profit les fruits de l'hymenée
Pour le bien de l'Etat.
M D. M.
* Raport aux vers d'un Mercure de cette an
née sur le départ de M. le Duc de B .... pour
l'armée du Rhin.
ARRESTS NOTABLES.
A 1733.qui décharge dil du 17.Novembre 1733. qui décharge du Droit de Contrôle
les Déliberations des Communautez de la Province
de Languedoc , portant nomination de
Collecteurs forcés.
K ij LET336
MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES du Roy , données à
Versailles le 6. Mars 1735. Registrées en la
Chambre des Comptes le 25. May de la même
année , sur Arrêts des 11 , Janvier et 8. Février
dernier , qui dispensent les Receveurs Generaux
des Domaines et Bois , et le sieur Biberon de
Cormery , de compter des quatorze deniers pour
livre des sur-mesures , tant des Bois du Roy que
de ceux des Ecclesiastiques et Communautés ,
depuis 1715. jusques et compris 1723.
ARREST du 19. Avril qui maintient les Chanoines
et Chapitre de Notre- Dame de Poissy ,
dans la possession et jouissance du dixiéme dans
le Droit de péage qui se perçoit dessus le Pont
dePoissy et sur les Bateaux chargés de Marchandises
passant sur la Riviere de Seine sous ledit Pont,
ARREST de la Cour des Aydes du 11. May ,
qui condamne les nommés Henry Bichois et
Laurent Collet , Voituriers , habitans de la Paroisse
de Fleurant , à une demie lieue du Clermontois
, Pays reputé étranger , au payement
du double des droits de sortie de quatorze muids
de vin par eux enlevés du Bourg de Ricey- lebas,
Pays de l'interieur de la Ferme , et Conduits
dans ladite Paroisse de Fleurant , sous acquit
à caution, faute par lesdits Bichois et Collet,
d'avoir representé les acquits des droits de sortie
ou les futailles vuides , lors de la visite faite
chés eux par les Employés des Fermes au poste
de Sainte Menehould , en conformité du Tirre
VII. de l'Ordonnance de 1687.
ARREST de la Cour du Parlement du 13 .
May , qui condamne solidairement les Religieux
de
7
OCTOBRE. 1735. 2337
de S.Vincent du Mans , avec deux de leurs domestiques
qui avoient chassé ; et infirme le Jugement
de la Table de Maibre , qui avoit déclargé
lesdits Religieux de la solidité prononcée par
la Sentence de la Maîtrise du Château du Loir ,
lequel Jugement est à la suite dudit Arrệt.
AUTRE du 10. Juin confirmatif d'une
Sentence de Police du 22. Avril 1735 renduë en
faveur de la Communauté des Maîtres Brossiers-
Vergetiers, portant défenses au nommé François
Aumont , valet d'écurie , et à toutes autres Personnes
, de vendre des Plumes de queues de Chapon
, ni d'en faire des entrepôts ches eux , à peine
de confiscation et d'amende ; et declare la saisie
faite sur ledit Aumont , bonne et valable , les Plumes
confisquées , et le condamne en l'amende et
en tous les dépens .
2
ARREST du 18. Juin , qui ordonne la su
pression des Bureaux de fabrique établis à Blicourt
& à Luchy, & fixe l'étendue des Bureaux
de Crevecoeur d'Hardivilliers et de Thillois ,
pour la visite et la marque des serges et autres
étoffes qui s'y fabriquent , &c. par lequel S. M.
ordonne l'éxecution des neuf Articles contenus
audit Arrêt.
ARREST du 21. Juin , qui fait deffenses aux
Marchands , Voituriers , ou Particuliers qui tireront
des grains par la Bourgogne , en franchise
des droits d'octrois , de les voiturer ailleurs qu'en
Provence , et ordonne qu'ils feront leurs decla
rations à Tarascon pardevant le sieur Denis , que
S. M. a commis à cet effet.
ARREST
2338 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 28. Juin , qui accorde un délay
jusqu'au dernier Decembre de l'année prochaine
1736.pour le Contrôle des Actes de foy et hommage
, declarations et reconnoissances aux papiers
terriers et autres.
AUTRE du même jour , qui ordonné que les
particuliers qui seront compris dans les Etats de
repartition de la Capitation pour l'année 1736.
seront tenus de payer , outre la portée de leur taxe
, les deux sols pour livre d'icelle.
AUTRE du même jour , qui proroge jusqu'au
premier Octobre 1736. le pouvoir accordé à
Messieurs lesIntendans desGeneralités où la taille
est personelle , de faire proceder pardevant eux
ou ceux qu'ils commettront, à la confection des
Rôles des Tailles des Villes , Bourgs et Paroisses
où ils le jugeront à propos.
SENTENCE de Police du même jour, qui renouvelle
les défenses faites aux Laboureurs et aux
'Meuniers d'acheter aucuns Grains sur le Carreau
de la Halle ; et condamne à l'amende le noin mé
de la Marre , Laboureur , pour y avoir con-
*trevenu .
ORDONNANCE DU ROY , du 4. Juiller ,
pour faire détacher quarante- huit hommes de
chacun des Bataillons de Milice ,pour servir dans
les Régimens d'Infanterie de l'Armée d'Italie .
ARREST du 19. Juillet , qui déboute les Maire
et Echevins , Habitans et Communauté de
S. Malo , de leur demande ; et ordonne que les
droirs
OCTOBRE. 1735. 2339
droits de Brieux continueront d'être perçus dans
les Ports de Bretagne , suivant l'usage , et ainsi
qu'ils l'ont été jusqu'à présent.
TABLE.
FUGITIVES , Ode , 2121
PRéplique sur la Question , Qui de Phon
ou de la femme est plus capable de constance,2126
L'Enfer , Ode ,
Lettre sur le Bureau Tipographique ,
Poëme sur la Fayence ,
2144
2149
2161
Lettre sur le grand Voyage de Jerusalem , &c.
Le Panier , Eglogue ,
2166
2170
Lettre sur la Traduction des Cantiques Armé
niens ,
Essay sur les Bucoliques de Virgile ,
Enigme , Logogryphes , & c.
2174
2183
2190
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS,
Impostures innocentes , de Bern . Picart , 2193
Code de la Voyerie , &c.
Panegyrique de S. Louis ,
2203
2209
Ordonnances des Rois de France , & c. 2216
Histoire de l'Hôtel Royal des Invalides , &c.
2230
Le Pour et Contre , Prix proposé , &c . 2233
Le Glaneur François, Lettre écrite à M. de Fontenelles,
Amusemens sérieux et Comiques , &c .
2234
2237
Les Oraisons de Ciceron , nouvelle Edition ,
2239
Tragédie de Codrus , représentée à Marseille ,
Calendrier Perpetuel ,
2243
2246
Assem'
Assemblée du Clergé , Harangue et Jetton gra
vé , & c.
Chanson notée ,
2248
2258
Spectacles , La Mort de Cesar , Tragedie , 2259
La Feinte inutile , Comédie , Extrait , 2273
Décoration du troisiéme Acte des Indes Galantes
,
L'Opera Comique , Couplets , & c.
2287
2290
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , Perse , et
Barbarie ,
De Russie , Pologne et Allemagne ,
D'Italie et Grande-Bretagne ,
Armée d'Italie ,
Armée d'Allemagne ,
2293
2295
2305
2308
2311
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
2317
Benefices donnés , 2319
Morts , Naissances et Mariages , 2320
A Madame la Duchesse de B ...
Madrigal ,
2335
Arrêts Notables , ibid.
Errata de Septembre.
Past 1929.ligne
ture.
postu
lisez , est un,
P. 1930. l . 14. vilci mposture , l. vide impos-
P. 1965. l. 9. essyer ; l. Essuyer.
P. 1967. 1. 4. d'en bas , Bersabée , l. Bethsabée. *
Le Jetton gravé doit regarder la page
Les Chansons notées , la page
2251
2258
DE FRANCE ,
DEEDDIIEE AU ROT.
SEPTEMBRE 1735.
SR
.
COLLIGIT
'/
SPARCIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
rue S. Jacques.
Chez La veuve PISSOT , Quay de Conty ,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais..
M. DCC. XXXV.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
UBLIC LIBRARY
686109
A VIS.
>
,
TILDEN SUNDALO RESSE generale eſt à
99 Monfieur MOREAU Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
+
On pris très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui ſouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans'
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte, on aux Meffageries qu'on
lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS
1
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT.
SEPTEMBRE. 1735 .
*********************
PIECES FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
ALPHONSE DE GUSMAN ,
Gouverneur de Tarife, sous Don Sanche le
Brave , Roy de Castille. Turquet et Mariana
, Histoire d'Espagne .
C
POEM E.
Elebrons un Héros fidele à sa Patrie
,
Qui du Maure cruel arrêtant la
furie ,
Remplit avec éclat les devoirs de son rang,
A ij
Et
1894 MERCURE DE FRANCE
Er prefera l'honneur aux interêts du sang.
* Un Prince téméraire , un sujet parricide ,
Ose contre son Roy lever un bras perfide ,
Conduit par la discorde et la rébellion ,
Il veut tout immoler à son ambition.
Le farouche Afriquain nouri dans les allarmes ,
Seconde ses projets et lui prête ses armes ;
On voit déja courir leurs barbares Soldats ,
Le désordre et la mort volent devant leurs pas,
Semblables aux torrens qui tombent des monta
gnes ,
Leurs nombreux bataillons inondent les campagnes
;
Par tout ils ont semé l'épouvante et l'horreur ;
L'Espagne poura- t'elle éviter leur fureur
Alphonse va bientôt braver certe puissance ,
De Tarife assiegée il a pris la defense ,
Et sa vertu solide est l'apui des remparts ;
Il ranime les siens pressés de toutes parts :
Mille assauts repoussés augmentent son courage
,
Des Maures confondus il méprise la rage ;
Mais il leur reste encore un moyen plein d'horreur
,
Pour le vaincre lui même , ils attaquent son
coeur.
Le Fils de ce Héros , son unique esperance ,
Par un sort inhumain étoit en leur puissanee ,
Don Jean , Infant de Castille,
Et
SEPTEMBRE. 1735. 1895.
On traîne cet Enfant ; on l'expose à ses yeux ,
Et des cris de fureur s'élevent jusqu'aux Cieux .
Alphonse est agité , ses entrailles fremissent ,
Il reconnoît son Fils dont les pleurs l'atten
drissent ;
La cruauté s'aprête à terminer les jours ,
De ce Fils innocenr , captif et sans secours ,
L'Arrêt est prononcé , la foudre est suspenduë ,
Il perit si la Ville à l'instant n'est renduë .
La tendresse d'Alphonse ébranle son devoir ,
Mais sa -vertu l'emporte et reprend son pouvoirs
Son coeur est indigné d'un instant de foiblesse
Le devoir à son tour étouffe la tendresse
La honte et le couroux animent ses regards ,
Et la rébellion tremble aux pieds des remparts.
On prétend m'allarmer, c'est en vain qu'on l'espere
,
➡ J'étois sujet, dit- il, avant que d'être Pere ;
➡ Si je dois à mon sang,je dois plus à mon Roy;
Et vos lâches complots ne peuvent rien sur moy
» Je hairois mon Fils , conservé par le crime ,
» J'abandone à vos coups cette noble Victime ,
» Sa mort ne rendra point mon courage abatu ,
Et ma Posterité n'est que dans ma vertu ,
»Bien loin de plaindre un Fils qui meurt pour se
Patrie ,
20
Si je pouvois moi-même attenter à sa vie ,
J'irois aux yeux de tous le livrer au trépas , 1
Employez mon épée au défaut de mon bras,
Frapez
1896 MERCURE DE FRANCE
20
Frapez , percez son coeur et vengez-vous d'Alphonse
;
30 Que ce fer en vos mains confirme ma réponse.
Il s'éloigne à ces mots ; cette noble fierté
Etonne les esprits , suspend la cruauté ,
Les Maures sont émus , leur haine s'en offense,
Ils vont pour l'assouvir immoler l'innocence
Les coeurs par la pitié ne sont plus attendris
Du fer même d'Alphonse on va percer son Fils ?
Barbares arrêtez . . . . ô fureur obstinée :
11 tombé c'en est fait , victime infortunée ,
L'injustice et l'envie ont épuisé leurs traits :
Grand Dieu , souffrirez- vous de semblables for
faits :
Mille cris aussi-tôt apellent la vengeance ,
Alphonse les entend , il se trouble , il s'avance ,
Quel barbare spectacle arrête ses regards ,
De son Fils dechiré les membres sont épars,
Le sang qui fume encor semble se faire entendres
La nature gémit dans le coeur le moins tendre
Toute la Ville s'arme au bruit de ce trépas ,
Alphonse vengez - vous , nous marchons sur vos
pas :
Mais le Héros s'opose à ce noble courage;
Seul il paroît tranquille au milieu de l'orage ,
Intrepides guerriers moderez ce transport ;
» Et respectons , dit - il , une si belle mort ;
Cette ardeur indiscrete offense notre gloire ;
Rarement le tumulte assure la victoire ;
Un
SEPTEMBRE . 1735. 1897
* Un homme tel que moi , tesponsable à l'Etat ;
Doit moins agirenChef, qu'en Pere du soldat j
Ne precipitons rien , veillons à la défense ;
33
Craignons que la valeur n'aveugle la prudence ,
»Ne songeons qu'à lasser nos communs ennemis,
Qui me reprocheroient d'avoir vengé mon Fils;
Genereux Citoyens, c'est en vous que j'espere ;
» Vous étres mesEnfans,je vous tiens lieu de Pere;
» N'irritez point mon sort en exposant vos jours;
» Heureux si tout mon sang en prolongeoit le
cours.
Les soldats à regret abandonnent les armes
Ces tendres sentimens leur arrachent des larmes
Alphonse dans son sein renfermant ses douleurs ,
Agit , commande , ordonne , et condamne leurs
pleurs ;
L'orgueil est terrassé , la rage est confonduë ,
Par un bras plus puissant , la Ville est deffenduë,
Dieu même garantit ces remparts glorieux ;
La vengeance terrible enfin descend des Cieux ,
Les Maures sont frapés d'une crainte subite ,
Leur crime les poursuit , leur fureur les agite ;
Ils trainent en fuyant les remords et l'horreur ,
Vaincus et dissipez par leur propre terieur..
Favard.
A iiij
Les
1898
MERCURE DE
FRANCE
88888884
ののの23
L à la Societé
Es trois Mémoires suivans ont été
lûs en
differens temps
des Arts , par le Sieur Julien le Roy , Horloger
, et de la même Societé.
DESCRIPTION et usage d'un
nouveau
Cadran horisontal ,
universel , et propre
à tracerdes Meridiennes.
N des principaux objets de la Societé
, étant de
perfectionner les
Arts par le secours des Sciences , et par
ce moyen contribuer à l'utilité du Public,
à qui elle a consacré le fruit de ses travaux
; c'est en suivant ces vues que m'aidantde
quelques principes
d'Astronomic
et de Mécanique , j'ai imaginé les moyens.
de
perfectionner la construction et l'usage
des Cadrans horisontaux qui font le sujet
de ce Mémoire et de deux autres qui
le suivent .
Il n'est pas nécessaire d'être fort versé
dans la
Gnomonique , pour juger que les
meilleurs Cadrans horisontaux ne matquent
juste l'heure du Soleil , qu'autant
qu'ils sont bien orientés : cependant les
differens moyens que l'on employe pour
y parvenir, sont la plûpart si defectueux,
qu'on
SEPTEMBK D. 1735. 1899
qu'on ne peut s'en promettre toute la
justesse et toute la précision qui y est né
cessaire .
Par exemple , une Boussole ne peut indiquer
le vrai Midy , ou le vrai Nord
qu'imparfaitement ; se regler sur les Pendules
ou sur les Horloges , c'est suposer
ce qui est en question ; car il faudroit
être assuré qu'on les a mises à l'heure sur
un bon Cadran , ou sur une bonne Méridienne
, ce qui est rare même dans les Vil
les , et l'est encore plus à la Campagne.
D'ailleurs , pour marquer juste l'heure
du Soleil , il ne suffit pas qu'un Cadran
horisontal soit bien orienté , il faut encore
que son Axe soit éxactement paral
Lele à celui de la terre , de sorte qu'on ne
peut s'en servir avec succès , que sous le
parallele pour lequel il a été divisé , er
dès qu'on le transportera huit ou dix
lieuës au Nord ou au Sud , il ne marquera
plus l'heure avec la derniere précisions
ce qui est réellement un second inconvé
nient , qui joint au premier, forment ensemble
un double obstacle à l'usage et à
Ia justesse de ces sortes de Cadrans ..
Pour remedier totalement aux inconveniens
que je viens de remarquer , et
faire ensorte qu'on puisse placer aisément
et avec la derniere précision les Cadrans
A horisontaux
$35.00
1900 MERCURE DE FRANCE
horisontaux , j'ai fait à leur construction ,
plusieurs additions que je vais décrire ,
afin que laCompagnie puisse juger de leur
utilité.
Description du nouveau Cadran horisontal.
Ce nouveau Cadran a deux Méridiennes
qui sont distantes l'une de l'autre
d'environ dix lignes ; au milieu de l'intervalle
qui est entre elles est une autre ligne,
qui étant prolongée parallelement de part
et d'autre , sert à déterminer la ligne de
foi de deux portions d'Alidades fixes , qui
sont réservées Nord et Sud du Cadran.
La ligne dont je viens de parler , est
divisée à l'une de ses extremitez par d'autres
plus petites qui la traversent à Angle
droit , et sont numerotées 1. 2. 3 .
& c.
Je nommerai dans la suite Echelle Méridionale
la partie de cette ligne , qui est
divisée et numerotée.
A droite et à gauche de l'Echelle Méridionale
, sont deux autres Echelles ,
que je nommerai dans la suiteEchelles des
huteurs correspondantes, elles sont composées
chacune dedeux lignes , lesquelles
étant également éloignées des deux Méridiennes
, sont prolongées vers le centre
commun du Cadran , et divisées par des
Arcs décrits du même centre.
SEPTEMBR E. 1735. 1901
L'Echelle des hauteurs correspondantes
pour le matin , occupe sur le Cadran
l'intervalle qui est sur la ligne de neuf
heures jusqu'à celles de dix ; celle du soir
occupe l'intervalle qui lui est correspondant.
La largeur de l'Axe est égale à l'intervalle
qui est entre les deux Méridiennes ;
d'ailleurs il est creusé en goutiere par
dessous , et plus épais vers les bords que
vers le milieu .
Sur le milieu du dos de l'Axe qui est uni,
est tracée une ligne qui est parallele à ses
côtés , et divise en deux parties égales
le diametre de cinq trous qui y sont percés
de la
grosseur d'une épingle.
L'extrémité superieure de l'Axe soutient
un plomb formé d'une soye et d'un
petit poids dont la partie inferieure terminée
en pointe , sert d'Index à une quatriéme
Echelle gravée sur le plan du Cadran
, et que je nommerai dans la suite
Echelle des hauteurs de Pole ; l'usage de
ce plomb est de servir à mettre le Cadran
de niveau , ou à l'incliner suivant le degré
de latitude sous lequel il est placé.
Aux quatre coins du Cadran sont quatre
vis qui serviront tant à le mettre de
niveau qu'à l'incliner au Nord ou au Sud,
lorsqu'on s'en servira sous des paralleles
Cvj differens
1902 MERCURE DE FRANCE
differens de celui pour lequel il a été divisé.
Usage du nouveau Cadran horisontal.
AyantmisleCadran sur un plan deniveau
et l'ayant présenté le matin au Soleil , on
le tournera doucement , en attendant l'instant
où l'un des rayons de cet astre passant
au travers de l'un des trous de l'Axe
tombera juste sur l'une des divisions cruciales
de l'Echelle Méridionale ; alors
on apuyera la main sur le Cadran pour
l'affermir , et avec un canif ou un crayon
on tracera sur le plan deux lignes le long
des deux portions d'Alidades l'après
midi on placera le Cadran de maniere que
l'une des deux Alidades croise l'une des
lignes tracées le matin , et on tournera
encore le Cadran peu à peu jusqu'à ce
que la lumiere du Soleil tombe précisément
sur la même division , et au même
point que le matin , après quoi l'on tracera
encore deux lignes le long des deux
Alidades ; l'endroit où se croiseront ces
deux lignes sera l'un des points de la Méridienne
pour avoir l'autre on mettra la
pointe d'un compas sur leur point d'intersection
, et dans l'intervalle qui sera
entr'elle , on décrira un Arc de cercle
dont le milieu sera le second point par où
:
doit
SEPTEMBRE. 1735. 1995
doit passer la ligne Méridienne que l'on
tracera avec une tegle bien droite : ensuite
de cette operation on placera le Cadran
, de sorte que les côtés des Alidades
couvrent précisément la moitié de la
largeur de la Méridienne.
Pour verifier si la Méridienne est juste ,
et s'en assurer par les Echelles des hau
teurs correspondantes , on remarquera le
lendemain ou quelques jours après , l'instant
où l'image du Soleil passera précisement
sur l'une des sections de l'Echelle
du matin : l'après midy du même jour on
observera sur celle du soir , si elle passera
par une section correspondante à celle du
matin.
Si l'on a observé que les Rayons du
Soleil , en passant par le même trou de
l'Axe , ont tombé matin et soir au même
point des Echelles correspondantes , c'est
une preuve certaine que le Cadran est .
bien orienté : le contraire prouvera qu'il
l'est mal , et qu'il y a quelque chose à souhaiter
à la précision de la Méridienne ;
pour la rectifier , on tournera le Cadran
peu à peu , jusqu'à ce que l'on ait atteint
toute la précision souhaitée .
¡ Après avoir vu les moyens d'orienter
avec précision le nouveau Cadran , passons
à ceux de le rendre universel , en
Pinclinaut
1904 MERCURE DE FRANCE
l'inclinant au Nord ou au Sud , suivant
un Axiome de Gnomonique qui est si
clair , qu'il seroit inutile de démontrer
ici qu'en quelque lieu que soit placé un
Cadran horisontal , il y marquera toujours
juste l'heure du Soleil , pourvu que
son Axe soit parallele à celui de la terre ,
ou son plan parallele à l'horison pour lequel
il a été divisé , et que le nommerat
son horison propre , pour le distinguer
de tous ceux où il peut être successivement
placé , ainsi qu'on en va voir l'u
sage.
Je supose que le Cadran est placé sur
une Méridienne tracée sous un degré de
› latitude different de son horison propre ,
er qu'on veut l'incliner pour s'en servir ;
il faut pour cela tourner les vis , jusqu'à
ce que la pointe du plomb marque sur la
ligne de foi de l'Echelle des hauteurs de
Pole , le degré de latitude du lieu , alors
le Cadran sera placé à tous égards dans la
situation ou il doit être pour marquer
éxactement l'heure du Soleil .
EXEMPLE.
Suposons que le nouveau Cadran est
tracóour le parallefe de 48. d . § 1º : qui
est ,son horison propre , on veut s'en ervir
à 55 d. de fatitude , pour cela il faut
l'incliner
SEPTEMBRE. 1735. 1905
l'incliner , jusqu'à ce que la pointe du
plomb marque sur la ligne de foi de l'Echelle
des latitudes ce même nombre de
degrés.
REMARQUE.
Quand les rayons du Soleil passent par
les trous de l'Axe du Cadran , et peignent
son image sur son plan , elle y paroît peu
sensible , à moins à moins que le spectateur n'ait
l'attention de se placer de maniere que ses
rayons visuels soient dans la ligne de refléxion
de l'image du Soleil ; outre cette
précaution on peut se servir d'une chambre
obscure faite avec une carte à jouer ,
pliée en forme de pignon de maison , et
de maniere que sa peinture soit en dedans
son la posera sur le plan du Cadran ,
ensorte qu'elle obscurcisse le lieu où sera
peinte l'image du Soleil , qui par ce moyen
sera vûë très distinctement sous la carte
dans le temps même que cet astre sera
peu lumineux. Les Curieux pouront
avoir à leur Cadran une chambre obscure
en métal qui y sera attachée au moyen
d'une branche composée de deux ou trois
charnieres. Lu le 30. Mars 1733
Description
1906 MERCURE DE FRANCE
Description d'un nouveau Cadran universel
, portatif et à Boussole.
Deuxième Mémoire.
C
E nouveau Cadran est à peu près de
la grandeur d'une carte à jouer , et
formé de deux platines de laiton ou d'argent
, unies ensemble par le moyen d'une
charniere composée de deux tenons attachés
sur la platine infericure , et de deux
arbres artachés sur la superieure .
Le centre de mouvement de cette charniere
est dans le plan superieur de la platine
de dessus qui peut être élevée et abaissée
, parce qu'elle est à quatre lignes de
distance de celle de dessous.
La boëte de la Boussolle entre dans une
ouverture ronde faite à la platine de dessus
; d'ailleurs elle est mobile et porte un
Index de sept à huit lignes de longueur,
lequel sert à marquer la déclinaison de
P'Aiguille aimantée en parcourant les degrés
d'une portion de cercle , gravée sur
cette même platine.
L'Axe est formé d'une soye tendue par
une bascule , laquelle étant mobile et à
charniere , s'éleve et s'abaisse sur la platine
superieure par le moyen d'un ressort.
Une lame de laiton de la longueur du
Cadran , épaisse d'une demie ligne , et
large
SEPTEMBRE . 1735. 1907
"
large de trois , sert à former une Echelle
graduée pour les differentes hauteurs de
Poles ; elle est attachée à la platine inferieure
, et entre dans une ouverture faite
à la superieure , qui peut être élevée ou
abaissée le long de cette Echelle suivant
le degré de latitude où l'on doit se servir
du Cadran ; d'ailleurs l'Echelle est à
charniere dans sa partie inferieure , afin
qu'on puisse l'abaisser à plat sur le Ca
dran.
Au milieu du côté Méridional du Cadran
et sur la platine superieure , est ate
tachée une petite plaque de laiton qui a
quatre lignes en quarré ; elle a un trou
percé au milieu,de la grosseur d'une épingle
, lequel est exactement perpendiculaire
sur la Méridienne du Cadran ; dans
la suitelje nommerai cette plaque la Pinule.
La Pinule a une petite oreille dans laquelle
entre une vis qui répond à un tourniquet
, dont la pression sert à affermir la
platine superieure contre l'Echelle afin
qu'elle ne puisse s'abaisser ou s'élever
quand on se sert du Cadran .
Au milieu du côté septentrionnal du
Cadran , et sur sa platine superieure , est
attachée une petite plaque de métal semblable
, et vis à vis la Pinule ; sur cette
plaque , que je nommerai dans la suite le
Limbe
1905 MERCURE DE FRANCE
Limbe , sont deux lignes qui se croisent ,
l'une est horisontale ; l'autre qui est verticale
tombe perpendiculairement sur la
Méridienne du Cadran ; c'est le point où
s'entrecoupent ces deux lignes , que je
nommerai dans la suite section cruciale.
Sur la face des deux arbres de la charniere
, sont tracées deux autres sections
cruciales , dont on verra les proprietés
dans l'usage ci après.
Usage du nouveau Cadran universel
à Boussole , propre à tracer des
A
Méridiennes .
Vant que de se servir duCadran on
aura l'attention de l'éloigner des
grandes masses de fer , comme Grilles ,
Balcons ,Rampes , et autres ferrures , et cela
à cause que leur sphere d'activité sur l'Aiguille
aimantée étant , selon toutes les
aparences,comme le cube de leurs masses
respectives , elle pouroient la déranger
de la direction du Fluide magnetique jusqu'à
la distance de 4. à 5. toises , et peutêtre
plus .
Pour s'assurer qu'une Aiguille aimantée
est hors de la sphere d'activité d'une masse
de fer grande ou petite , il faut l'en
éloigner ou aprocher peu à peu jusqu'à
ce qu'on ait observé à differentes reprises
qu'elle
SEPTEMBRE . 1935. 1909
qu'elle ne change point de direction.
Pour tracer une Méridienne avec le
nouveau Cadran , on l'exposera le matin
au Soleil sur un Plan horizontal , et on
élevera la Platine superieure jusqu'à ce
que les Rayons de cet Astre , passant par
letrou de la Pinule , aillent projetter son
image un peu au dessus de la section cruciale
qui est au milieu du Limbe , alors
on fixera la Platine au moyen de la vis de
la Pinule ; et après l'avoir representé encore
au Soleil , on le tournera peu à peu
jusqu'à ce que les Rayons de cet Astre
tombent juste sur la section cruciale indiquée;
ensuite on apuyera le pouce sur la
charniere , et un des doigts sur le coin de
la Platine de dessous , lequel est oposé
à l'Echelle , et on se servira d'un canif
ou crayon pour tracer une ligne le long
du côté de la même Platine.
La Platine superieure restant fixée au
même point , on placera le Cadran l'après-
midy , de maniere que le côté de la
Platine inferieure croise l'une des extrê
mités de la ligne tracée le matin , et on
le tournera encore peu à peu , jusqu'à ce
que la lumiere du Soleil passant par le
trou de la Pinule , tombe précisément
sur la même section cruciale , après quoi
on tracera une seconde Ligne le long du
côté
1910 MERCURE DE FRANCE
côté de la Platine de dessous ; l'endroit
où se croiseront ces deux Lignes sera l'un
des points de la Méridienne ; pour avoir
l'autre , on mettra la pointe d'un compas
sur leur point d'intersection , et dans
l'intervalle qui sera entr'elles , on décrira
un Arc de Cercle dont le milieu sera
le second point de la Méridienne que l'on
tracera avec une regle.
Pour verifier si la Méridienne est juste ,
et s'en assûrer par l'observation des hauteurs
correspondantes , on placera sur elle
un des côtés de la Platine inferieure , et
on élevera ou abaissera la superieure jusqu'à
ce que les Rayons du Soleil, passant \
par le trou de la Pinule , aillent peindre
son image sur la section cruciale qui est
à la face d'un des arbres de la charniere
du côté des heures du matin : l'après -midy
du même jour on observera si l'image
du Soleil passera par la section cruciale
oposée ou correspondante , laquelle est
à la face de l'autre arbre de la charniere
du côté des heures du soir : par ce moyen
on verifiera si la Meridienne est juste ou
non ; car si l'image du Soleil ne passoit
pas matin et soir par les mêmes points des.
sections , ce seroit une preuve qu'elle ne
seroit pas juste , et qu'il en faudroit tracer
une autre.
Pour
SEPTEMBRE . 1735. 1918
Pour observer la déclinaison de l'Aimant
, on élevera la Platine superieure
du Cadran , et l'on placera un des côtez
de l'inferieure sur une Méridienne qu'on
aura tracée , ensuite on desserrera la vis
qui affermit l'index, et on la tournera jusqu'à
ce qu'il soit sous l'Aiguille aimantée;
alors sa pointe marquera sur la portion
du Cercle le degré de la déclinaison.
Pour trouver la variation de l'Aimant
sans se servir de Méridienne , on exposera
le Cadran au Soleil aux environs de
' heure de midy , et on le tournera peu à
peu jusqu'à ce qu'il marque l'heure d'un
atre Cadran Solaire , ou d'une Horloge
ont on sera sûr de la justesse , ensuite
on tournera l'index jusqu'à ce qu'il soit
récisément sous l'Aiguille ; alors il sera
au dégré où il doit être , et la déclinaison
de l'Aimant sera retrouvée,
Les proprietés qui rendent le nouveau
Cadran commode et utile pour trouver
aisément la variation de l'Aiguille aimantée
, paroîtront fort avantageuses, si l'on
fait attention que la déclinaison de l'Aimant
est variable en differens temps et en
differens lieux ; que d'ailleurs le Public
n'a pour la lui indiquer que le Livre
de la Connoissance des Temps , dans lequel
on trouve seulement la déclinaison
pour
1912 MERCURE DE FRANCE
pour Paris et pour l'année qui a precedé
celle où l'on en a besoin.
Le Cadran étant orienté , soit par une
Méridienne, soit par son Aiguille aimantée ,
peut marquer l'heure du midy fort distinctement
, et avec une grande précision ;
pour cela il faut abaisser la bascule qui
tend la soye , et avoir l'attention quel
ques minutes avant midy d'élever la Platine
superieure jusqu'à ce que les Rayons
du Soleil, passant par le trou de la Pinule,
aillent peindre son image sur un point
quelconque de la ligne verticale du Limbe.
Il y a deux choses à remarquer dans
cette operation : la premiere , qu'il est
indifferent que l'Image du Soleil tombe
au dessus et au dessous de la ligne horizontale
du Limbe , laquelle est inutile en
ce cas la seconde , que quand le Soleil est
aux environs du Tropique de Cancer , il
est trop élevé sur l'horison pour qu'on
puisse faire cette operation.
›
Pour se servir du Cadran sous differens
paralleles , il faut seulement arrêter le
bord superieur de la Platine de dessus
à l'endroit de l'Echelle où est gravé le
degré de la hauteur du pole du lieu où
l'on est.
Par les Articles précedens , il est aisé
de remarquer qu'il y a deux moyens d'orienter
SEPTEMBRE. 1735. 1913
rienter le nouveau Cadran , l'un en se
servant de son Aiguille aimantée , et
l'autre en se servant d'une Méridienne :
mais ce dernier étant absolument préferable
au premier , on en fera usage aussi
souvent qu'il sera possible.
Pour orienter le nouveau Cadran par
le moyen d'une Méridienne , on placera
sur elle un des côtés de sa Platine inferieure.
Pour indiquer l'horison de Paris sur
l'Echelle , on y a fait une petite marque
qui est entre les 48. et 49. Dégrez.
Remarques sur la construction des Cadrans ',
communément appellés Buterfiels .
Outre les proprietés qu'on vient de remarquer
au nouveau Cadran , il a plusieurs
avantages sur ceux de Buterfiel :
premierement , sa Boussolle placée au
milieu de la Platine superieure , permet
d'y faire les divisions aussi grandes qu'il
est possible,d'où il s'ensuit qu'on y doit
voir les parties des heures bien plus distinctement
qu'à ceux de Buterfiel , où le
centre du Cadran est toujours placé , de
maniere que les lignes horaires sont trop
courtes pour laisser entr'elles un intervalle
assés sensible pour voir distinctement
les parties des heures , même au Cadran
qui est interieur aux autres.
1914 MERCURE
DE FRANCE
Secondement , les dégrés marqués sur
l'Echelle du nouveau Cadran y sont si sensibles
, qu'on peut le mettre éxactement
à la hauteur du Pole ; dans ceux de Buterfiel
au contraire les dégrés marqués
sur la portion de Cercle de l'Axe y sont
si près les uns des autres , qu'il est difficile
de ne pas s'y méprendre ; d'ailleurs
leur Axe est composé de trois épaisseurs ,
lesquelles augmentent la largeur de l'om
bre , et empêchent qu'on ne voye sensiblement
l'heure de midy.
Enfin les Buterfiels sont ordinairement
composés de trois ou quatre Cadrans
concentriques , dont les interieurs sont
confus , parce qu'ils sont petits ; d'ailleurs
comme ils different ordinairement les uns
des autres de trois dégrés , ils laissent à
désirer une précision qu'on ne peut y
trouver , lorsqu'on s'en sert sous les paralleles
qui sont intermediaires à ceux
pour lesquels ils ont été tracés.
Avant de finir sur cette matiere , je fe
rai remarquer , que , quoique la variation
de l'Aimant ne soit pas fort grande
d'une année à l'autre , elle l'est cependant
assés pour conclure que la ligne de déclinaison
, étant fixée sur la plupart des
anciens Cadrans à Boussolle , elle les rend
plus ou moins défectueux , suivant qu'on
s'en
SEPTEMBRE . 1735. 1915
' en sert dans les années où la déclinaison
est plus ou moins aprochante de
celle où ils ont été faits.
Exemple.
La déclinaison de l'Aiguille aimantée est
actuellement d'environ 15. dégrés vers
l'Ouest et comme elle a augmenté depuis
l'année 1725. de deux dégrés 48. minutes
, il s'ensuit necessairement que les
Cadrans à Boussole , construits en ce temslà
, doivent avancer à present de 11. minutes
d'heure ou environ , et que ceux
qui sont plus anciens avancent encore
davantage ; ce défaut , joint à ceux qu'on
a remarqués , prouvent évidemment que
la construction de ces sortes de Cadrans
les rend peu propres , tant pour marquer
juste l'heure du Soleil , que pour s'en servir
à regler les Montres . Lû vers le commencement
de l'Année 1734.
MEMOIRE sur un nouveau moyen
de faire marquer juste l'heure du Soleil ,
aux Cadrans horisontaux, ordinaires on
anciens, en quelque lieu de la Terre qu'ils
soient placés. Dernier Memoire.
Uoique le moyen que Q moyen que j'ai l'honneur
de proposer à la Compagnie
sont assés simple , j'ai cependant une cer-
B titude
1916 MERCURE DE FRANCE
titude morale que personne n'y a encore
pensé.
:
Elle est fondée sur ce qu'on n'en voit
aucunes traces dans tous les Traités de
Gnomonique , dans la Tradition , ni ailleurs
et sur ce qu'on a toujours cru jusques
ici que les Cadrans horisontaux ne
marquoient juste l'heure du Soleil , que
lorsqu'ils étoient placés sous le parallele
pour lequel ils avoient été divisés : dans
ce Mémoire , je me propose d'établir le
contraire , et de montrer qu'en faisant
usage du nouveau moyen , on peut s'en
servir utilement par toute la Terre,
Je supose qu'on veut placer un Cadran,
et qu'on ne sçait ni pour quel parallele il a
été divisé , ni sous lequel on est ; pour
celà il faut commencer par le mettre de
niveau et l'orienter par les moyens connus
, ensuite on aura la précaution d'avoir
une montre bien reglée et de la
mettre juste lorsqu'il marquera midy ,
après quoi on observera vers les six heures
du soir , s'il la suit exacrement ,
car s'il retarde , on l'élevera du côté du
Nord ; si au contraire il avance , on l'élevera
du côté du Sud , et l'on repetera
cette operation autant de fois qu'il sera
necessaire , pour parvenir à l'incliner de
maniere qu'il suive la Montre pend ne
putes les heures du soir. Pour
SEPTEMBR E. 1735. 1917
Pour observer si les heures du matin.
sont aussi justes que celles du soir , on
metra après le lever du Soleil la Montre
sur le Cadran , et s'il la suit exactement
jusqu'à midy , alors on sera certain qu'il
continuera toujours a être fort juste ; tant
à cause qu'il sera très bien placé , qu'à
cause que son Plan er son Axe auront
P'inclinaison qu'ils doivent avoir , er la
même qu'ils auroient, si on y
avoir apliqué
l'Echelle des hauteurs de Pole , dont
j'ai parlé dans le Mémoire precedent , et
que j'ai imaginée pour la même fin.
On doit faire attention que la ligne des
six heures du Cadran sera tou ours parallele
à l'horison , et que celle de midy lui
sera inclinée , ce qui est le même que si
on disoit, son plan sera seulement incliné
vers le Nord ou vers le Sud , et ne le sera
point vers l'Orient ni vers l'Occident;
car s'il en étoit autrement , les heures
du matin avanceroient ou retarderoient
sur celles du soir.
Comme, les observations ne dureront
au plus que six ou sept heures , et que les
variations des Montres bien faites et bien
reglées , ne passent guere pour l'ordi
naire environ une minute par jour , il
s'ensuit que sans erreur sensible , on peut
négliger d'y avoir égard.
Bij Ja
1918 MERCURE DE FRANCE
J'ajouterai à ce qui vient d'être dit
que le nouveau moyen doit être mis en
usage , pour verifier indistinctement la
justesse de toutes sortes de Cadrans horisontaux
, et même celle de ceux qui
sont placés sous le parallele pour lequel
ils ont eté divisés : les raisons de cette
précaution sont qu'on peut ignorer au
juste la hauteur du Pole du lieu où l'on
est , que le Cadran peut être mal divisé¸
et son Axe trop ou trop peu incliné sur
son plan,
D'ailleurs il est comme impossible aux
Artistes qui font ces sortes d'ouvrages ,
d'avoir sur leurs plattes - formes , des divisions
pour toutes les latitudes ; et lorsqu'on
leur commande un Cadran , ils le
tracent au plus près qu'il leur est possible
du degré qu'on leur a indiqué , et
auquel ils conforment l'inclinaison de
l'Axe , qui , à la verité, corrige un peu l'erreur
, mais enfin c'en est toujours une
laquelle on aperçoit d'autant moins aiṣément
, quesouvent le Cadran est marqué
pour un degré , et divisé pour un autre
d'où il resulte des variations très diffici
les à demêler , et qu'on ne peut rectifier
par aucune maniere aussi sure et aussi aisée
que le nouveau moyen . Lû le 17. Juil
let 1735.
LETTRE
SEPTEMBRE. 1735. 1919
88888888888888888884
LETTRE écrite de Dreux le 6. Août.
1735. et Stances de P. Rotron.
J'Espere, que vous me
'Espere,Monsieur, que vous me sçaugré
de vous faire d'une Picce
du celebre M. Rotrou , Auteur de
Venceslas , & c. Ce rare génie étoit , comme
vous sçavez , Lieutenant Particulier
de cette Ville , il fit les Vers suivans pour
M. Veillard , qui étoit alors Médecin ,
et dont toute la science ne put prolonger
la vie de notre Auteur , qui mourut
à 35. ans , d'une maladie épidémique.
J'ai transcrit cette Piece d'après l'original
, écrit de la main de M. Rotrou .
STANCE S.
CHeres Campagnes de mes veilles ,
Charmeresses de l'Univers ,
Qui faites agréer nos Vers.
Aux plus délicates oreilles ;
Qui procurez à nos Ecrits
Les suffrages de tant d'esprits
Quittez ce superbe Théatre *
* Les Pieces de Rotrou , faisoient alors tout l'or
nement du Théatre François.
Biij
Où
1910 MERCURE DE FRANCE
Où votre éclat est si charmant ,
Et vous dérobez un moment
Au Peuple qui vous idolâtre.
Si de ces mains officieuses
Dont vous couronnez la vertu
Et dont tant d'Illustres ont eu
Des Guirlandes si précieuses ,
Vous sçavez composer encor ,
De ces Acurs plus riches que l'or ,
De ces Couronnes immortelles ;
Que le rare objet que j'ay pris
En obtienne une de tel prix ,
Qu'on n'en ait jamais vû de telles.
Jamais au séjour où nous sommes ,
Esprit si fort et si charmant ,
N'exerça plus utilement
Cet Art qui conserve les hommes.'
Jamais nuls dans nos Bois sacrés
Que le temps même a révérés ,
N'ont acquis son sçavoir extrême ,
Quelques Myres qu'on ait vantés
Et que vous ayez exaltés
Autant que votre frere même.
Le jugement le plus sévere ,
Admire en un esprit si beau ,
Le vivant et parfait Tableau Des
SEPTEMBRE . 1735. 1928
Des connnoissances qu'eut son Pere.
Son Art , par ses doctes efforts ,
A même pouvoir sur les corps
Que le vôtre sur la memoire ,
Et, comme il n'est point limité ,
Peut donner autant de santé
Que vous pouvez donner de gloire .
Par cet Art , l'hyver de notre âge ,
Sera doux comme son princems ;
Par lui nous aurons à cent ans
De la vigueur et du courage .
Par ses soins nous esperons tous
Voir nos Fils aussi vieux que nous ;
Et ce divin esprit nous pleige * ,
Que dessus leur même mènton ,
Où nous aurons vû le coton ,
Nous verrons paroître la neige.
Glorieux objet de ma veine
Grand homme , l'honneur de ces lieux ,
Docte VEILLARD , jette les yeux
Sur ces Vers que j'ai fait sans peine.
Ma Muse qui t'aima toujours ,
Voudroit en un plus long discours
Employer toute sa science ,
Pour rendre ton nom immortel ;
Nous est caution .
Biiij Mais
1922 MERCURE DE FRANCE
Mais on l'attend à son Hôtel
Avecque trop d'impatience.
*
LETTRE écrite d'Aix le 25. Juillet 1735 .
à Mademoiselle D ** , où l'on examine
si dans le Sexe l'esprit est préferable à
la beauté.
V
>
Ous me pressez , Mademoiselle , de
vous dire mon sentiment sur un
point assés délicat , il faut que je me
détermine pour ce que j'aime le mieux
dans une Fille ,de l'esprit, ou de la beauté;
cela n'est pas facile assurément. Si vous
me demandiés ce que peut faire une Demoiselle
pour plaire , ma réponse seroit
aisée , j'aurois I honneur de vous dire
qu'elle doit tâcher de vous ressembler
en quelque chose ; pour mal qu'elle y
réussit , elle seroit toujours aimable.
Vous êtes la seule qui ait proposé cette
question ; de quel côté que je me range ,
vous sçavez que vous ne risquez rien¸
ayant de l'esprit et de la beauté La plupart
des Dlles sont heureuses d'avoir un
de ces dons du Ciel ; quoiqu elles sen-
L'Hôtel de Rambouillet , le rendez - vous des
beaux Esprits.
blent
SEPTEMBRE . 1735 1923
blent en être contentes , elles ne veulent
pas renoncer à l'autre ; voilà en quoi ma
décision les fàcheroit. Vous me forcez à
m'expliquer , je vais obéïr.
Il semble qu'il n'y ait rien de si aimable
qu'une belle personne. Je parle
du Sexe , les hommes ne doivent pas être
jaloux de ce petit bonheur . Une Dile qui
a l'air noble , le port avantageux , une
démarche majestueuse , la taille fine , un
teint d'albâtre , les yeux beaux et tendres
, la bouche petite et vermeille , les
dents blanches , bien arrangées , qui a
tous les traits réguliers , la gorge bien
prise , le bras rond , la main potelée ;
en un mot une beauté , est quelque chose
de charmant ; une foule d'adorateurs
lui rend les armes ; chacun l'admire ;
ses attraits la font désirer par tout , on
la cite , on la veut voir , on la trouve
adorable ; ses regards sont éloquens ; les
graces accompagnent tout ce qu'elle faits
ce qu'elle dit n'est point absolument mal ,
sa bonne mine persuade presque qu'elle
ne manque pas d'esprit ; peut-on aimer
une plus belle personne ? Non . Y a- t'il
dans le Sexe quelque chose qui satisfasse
davantage , doit-on désirer un objet plus
charmant ? Oui . Il faut le chercher et
lui donner la préference.
By Si
1924 MERCURE DEFRANCE
Si je ne me trompe , j'ai découvert ce
qui vaut mieux qu'une belle personne ;
C'est une Dlle d'esprit . Ne vous persuadez
pas que j'entende parler d'une Sçavante
, je n'exige pas qu'elle le soir autant
que Mesdames Dacier , Deshoullieres
, de Scuderi , & c. cela n'est pas juste.
Je veux qu'une Dlle d'esprit sçache
vivre , qu'elle ait des sentimens , de la
douceur , un bon caractere , un air enjoué
et modeste ; qu'elle lise , qu'elle ait
une foible teinture des Sciences , qu'elle
parle galanterie , parure , histoire ; j'entends
qu'elle ait du discernement , qu'elle
ne soit pas muette , si la conversation
tombe sur la politique ; qu'elle connoisse
où est un Pays. Je veux qu'elle joigne
aux sentimens du coeur , ce que l'esprit
a de plus délicat , qu'elle le fasse briller
avec ceux qui en ont , qu'elle semble
n'en avoir point avec ceux qui n'en
ont pas ; qu'elle n'ignore pas sur tout
P'Art de se conduire. Voilà ce que j'apelle
le bon esprit dans le sexe , voilà
ce que je trouve veritablement aimable
et ce qui doit fixer un coeur .
Si c'est un avantage pour une Dlle d'avoir
de la beauté , n'en est- ce pas un
plus grand d'avoir beaucoup d'esprit ? La
beauté passe , se fane ; l'esprit s'embellit
et
SEPTEMBRE . 1735. 1925
et brille toujours davantage ; une belle
personne peut plaire du premier coup
d'oeil ; une fille d'esprit enchante dès qu'on
l'entend ; chacun quitte la belle pour
écouter l'autre ; ce qu'on peut faire pour
la premiere , c'est de la regarder quelquefois
, moins pour l'admirer , que pour
lui reprocher sa bêtise La premiere plaît
un moment , l'autre plaît sans cesse ; on
s'accoûtume à la beauté , l'esprit surprend
toujours , charme , ravit. Une jolie
chose que vous entendez fait plaisir ,
une plus jolie engage insensiblement
une certaine maniere douce , insinuante,
rend tout- à- fait amoureux . Je ne conseille
pas à un homme que la spirituelle
a vaincu , de vouloir briser ses fers , elle
lui tiendroit certains discours enchanteurs
, qui l'enchaîneroient pour toute
sa vie . Les conquêtes de la belle ne sont
pas sûres ; si elle en fait quelques unes ,
elle ne peut les conserver . C'est une
foible ressource de n'avoir pour soi qu'u
ne figure prévenante.
Je vais faire voir encore mieux combien
l'esprit est préferable à la beauté.
Une belle Dlle perdit quelque chose
de ses charmes par un accident , on disoit
qu'elle ne manquoit pas d'esprit ;
un joli minois semble en donner un
peu ; B vi
1926 MERCURE DE FRANCE
peu ; elle n'en avoit pourtant point.
Qu'arriva-t'il ? On ne trouva en elle
qu'une stupide , ses Adorateurs disparurent
avec ses apas
Une autre Dlle ,qui avoit infiniment de
l'esprit et qui étoit d'une figure assés gentille,
devint laide ; le croirez - vous ? On ne
se fût point aperçu de son changement, si
elle n'en eût parlé . Elle conserva les coeurs
qu'elle avoit soumis , elle triompha d'une
infinité d'autres ; tant il est vrai que l'esprit
est au - dessus de la beauté.
Une belle Dlle est rarement aimable.
Il semble què la Nature qui a donné à
tous les hommes quelque chose de different
pour plaire , ait toujours refusé aux
belles Personnes je ne sçai quoi d'engageant
qui charme et qu'on ne peut dé
finir.
Toute Beauté est prévenue en sa faveur
, celle qui croit en avoir , perd la
moitié de ce qu'elle vaut ; elle est fiere ,
hautaine , souvent inciviles elle se persua
de qu'on lui doit tout. Kien ne prévient
tant une jeune Agnès que d'entendre
vanter ses charmes. Une Dlle d'esprit
évite . ces défauts par discernement ou
par nécessité , si vous voulez , elle vaut
mieux On me dira qu'un beau visage est
du gout de tout le monde , que chacun
n'est
SEPTEMBRE. 1735. 1927
n'est pas en état de décider sur l'esprit.
On se trompe ; où trouver une beauté
parfaite ? Je la supose cependant ; on
peut être beau sans plaire. N'est - on pas
forcé d'avouer que ce qu'on apelle presque
une Divinité de notre siecle n'est
pas du gout , je ne dis pas des femmes
qui sont très- suspectes , mais des hommes
les plus désinteressez ; c'est pourtant
à eux que le Sexe veut paroître aimable.
L'esprit plaît à chacun ; sans en avoir ,
on le connoît, on l'admire dans les autres;
pouroit-on ne pas aimer ce qui est beau
en un certain dégré , ce qui est , si j'ose
le dire , divin ce qui rend l'homme audessus
de l'homme même ? .
Si le Berger Pâris donna la Pomme à
la Mere des Amours , c'est parce qu'il
ne s'agissoit que de la beauté ; s'il eût
falu décider si l'esprit valoit mieux , Venus
n'eût pas remporté le Prix .
Celui qui veut se mettre sous les étendarts
de l'Hymen , doit adopter mon
sentiment ; vous en sentez les consequences.
Après quelques mois de mariage on
est réduit à l'amitié et à l'estime , tout
le plaisir qu'on goute alors , n'est - ce pas
de posseder une femme d'esprit ? Elle
nous console , elle nous aide , elle nous.
amuse.
1928 MERCURE DE FRANCE
amuse. Si par hazard on étoit de complexion
jalouse , une belle compagne est
un pesant fardeau. Qu'il est triste de
voir couler ses jours auprès d'une jolie
Statu , qui ne sçait pas nous tromper
adroitement
.
J'ai tant de satisfaction de m'entretenir
avec vous , Mademoiselle , que je
ne m'aperçois pas que mi Lettre devient
longue ; elle vous ennuyera ; tantpis pour
vous , pourquoi me forcer d'écrire .
Avant que de finir ma Rapsolie , il
faut que j'ajoute encore quelque chose.
L'amour propre me dicte ce que je vais
avoir l'honneur de vous dire Il me semble
que bien des gens seront de mon avis ;
vous répondrés qu'il y en aura qui n'en
seront pas je me Ate d'avoir pour
moi le plus grand nombre. Que l'hom
me est présomptueux !
,
Avec une belle Personne j'aurai tort ,
c'est une forte parrie. Avec une spirituelle
j'aurai raison . Elles sont interessées
et suspectes ; vous seule qui ne l'êtes pas ,
décidez. Je ferai gloire d'être de votre
sentiment , le mien n'est pas un Arrêt.
N'allez pas , en montrant ma Lettre ,
me broüiller avec les jolies Diles , je la
désavouerois . J'aime la beauté ; tant que
je serai Amant , je chercherai une Maî
tresse
SEPTEMBRE . 1735. 192
tresse bien faite ; si je me fixe , je m'attacherai
à l'esprit . Voilà , je pense , le
vrai secret pour être heureux en amour.
Tenez- moi compte , je vous en suplie ,
Mademoiselle , de mon obéissance . En.
vous imaginant tout ce qu'on peut avoir
de respect , d'attachement , de considé
ration , d'estime pour quelqu'un , vous
ne penetrerez qu'en partie mes sentimens
à votre égard. J'ai l'honneur d'être , &c.
LE TEMPLE
DE LA FIDELITE.
U pied d'un Mont couvert de Rochers et de
A
Pins ,
En un Temple jadis réveré des Humains ,
Où les tendres Amans couronnés de Guirlandes
Alloient tous les matins présenter leurs offrandes
Cent victimes par jour inondoient le Parvis
coups de cent pieux Der-
Et tomboient sous les
vis ;
On n'y voyoit que paix , que douceur , qu'alle
gresse ,
Chacun y respiroit l'Esprit de la Déesse ;
Cependant dès long- temps ce Temple est dé
serté ,
Et de tous ces Dervis , un seul enfin resté ,
C'est
1830 MERCURE DE FRANCE
C'est unVieillard courbé sous le poids des années,
Qui déplore en secret ses tristes destinées ,
Le coeur plein de sanglots , les yeux grossis de
pleurs ,
Il raconte à chacun sa peine et ses malheurs.
Le hazard me mena dans ce lieu respectable ,
J'y rencontrai d'abord ce Dervis venerable ;
Je m'informai du nom de la Divinité ;
Hélas , répondit -il , c'est la Fidelité .
>
Viens tu la réverer ? Viens - tu lui rendre hom
mage ?
Ou bien lui faire encor quelque nouvel outrage ?
Elle en prouve assés , puisque tous les Mortels
S'éloignent pour jamais de ses sacrés Autels ;
Ils portent tous leurs voeux à l'indigne parjure ,
Qui n'a pour attribut que la vilci mposture ;
C'est lui seul aujourdhui , dans leur aveuglement
Que tous ces insensés servent fielment.
O trop fatal abus ! & folle préterence !
Pour l'aimable Can leur bizarre indifference !
Que je voudrois bientôt pour leur propre bon
heur ,
Pouvoir les arracher du sentier de l'erreur ;
Je verrois sans regret terminer ma carriere ,
Si je trouvois encor un Sacrifice à faire .
Va tu seras content , lui dis-je , et tous ces Lieux
Vont être parfumés d'un Encens précieux ;
Je viens ici rempli de respect et de zele ,
Attester
SEPTEMBRE. 1735. 1932
Attester tes Autels de l'ardeur éternelle ,
Que je conserverai pour la charmante Iris.
A ces mots le Vieillard ne put que par des cris
Exprimer à quel point son ame étoit ravie ,
Et bien-tôt dans mes bras il demeura sans vic.
JAIRSAIN.
MEMOIRE de M. D. P. où l'on
examine s'il est certain que la Ville
d'Orleans ait éé donnée en apanage
Philippe , fils de S. Louis , qui fut depuis
le Rey Philipe le Hardy.
M
Essieurs de Sainte Marthe (a) et
le Pere Daniel , dans leur Histoire
de France , aussi bien que le Maire
et Guion , dans celle d'Orleans , écrivent
que Philipe , fils de S. Louis , qui fut
depuis le Roy Philipe le Hardy , avoit
avant que de parvenir à la Couronne ,
possede la Ville d'Orleans , qui lui avoit
été donnée en apanage avec Montargis ,
Lorris , Boiscommun , Clery , Châteauneuf,
et quelques autres Terres en Gâ-
( a ) Sainte Marthe , Tome I. page $ 39. Pere
Daniel , T. IV. p. 246. Le Maire , T. I. p. 85.
Guion , T. II. p. 112.
tinois;
1932 MERCURE DE FRANCE
tinois ; et pour apuyer cette donation , les
premiers citent à la marge le Trésor des
Chartes du Roy , Layette des apinages .
Après des témoignages si bien circonstanciés
, il semble qu'il y ait de la témerité
à la révoquer en doute ; mais
com ne les frits historiques n'exigent pas
une sou nission aveugle , et qu'il a toujours
été permis de revendiquer la verité
contre le minque d'exictitude des
Ecrivains je crois pouvoir combattre cette
prétendue donation faite au Prince
Philipe de la Ville d'Orleans , car c'est
d'elle seule dont j'entends parler ici , y
ayint de la difference quant aux autres
Villes qui pour la ont la plupart fait partie
de son apinage.
Selon le Maire , la donation est de
l'an 1255. mais cette dite est insoutenable,
la preuve en résulte des ( 1 ) comp
tes rendus au Roy des Bailliages et Prévôtés
du Royaume dans les années 1255.
et 1257. dans lesquels Orleans , Lorris
Montargis , & c. sont employés conme
étant du Domaine du Roy. Le Maire
en cet endroit donne mal à propos le
titre de Duché à Orleans , qu'on sçait assés
ne l'avoir eu que long- temps après en
(a) Manuscrits de M.de Gives , à la Bibliotheque
publique , p. 15. et 18.
1344.
SEPTEMBRE. 1735. 1953
1344. (a) quand Philipe de Valois donna
cette Ville en apanage à Philipe
son second fils pour le récompenser et
en échange du Dauphiné , qui lui avoit
éré delaissé l'année précedente par le
dernier Dauphin Humbert , et qu'il ôta
à ce Prince pour en avantager Jean , son
ainé .
Pour revenir à la donation que Mrs de
Sainte Marthe ont négligé de dater , le
P. Daniel nous la marque avoir été faite
en 1265. mais cette date est encore prématurée
, et il faut absolument , comme
nous le verrons bientôr , la reculer jusqu'en
116. qui fut le temps où le Roy
S.Louis apanages de même ses autres Enfans
, Jean , du Comté de Valois , Pierre
, de celui d'Alençon , et Robert , du
Comté de Clermont. C'est aussi l'année
que du Tillet (6) lui assigne.
Cet Auteur , un des mieux informés
que nous ayons sur les apanages , se cortente
de dire d'une maniere négligée que
Philipe avoit eu pour son partage Lorris
et quelques autres Terres, La Ville d'Orleans
est trop considerable pour l'oublier , si
elle en avoit fait partie , et pour lui
( a ) . les Lettres de cet e érection dans le
Maire ,T I. p. 87 .
(b) Recueil des Rois de France , page 468.
sub1934
MERCURE DE FRANCE
substituer une Ville beaucoup inferieure
par toute sorte d'endroits ; mais du Tillet
avoit aparemment vû lesLettres de cet
apanage , où non- seulement il n'est nullement
fait mention de donation d'Orleans
, mais où même cette Ville en est
exceptée , et il a écrit en conséque nce.
Dans ces Lettres que je raporterai en
entier et qui furent données à Paris au
mois de Mars 1269. le Roy S. Louis
après avoir dit qu'il donne à Philipe
son fils aîné Lorris en Gâtinois , Castrum
Sincon . Boiscommun , Fay et Vitryaux
Loges , avec ce qu'il possedoit a
Cepoy , Paucourt et sa Forêt , et les
trois quarts de la Forêt -aux Loges , qui
touchent au Gitinois , ajoute que pour
ce qui est du quart restant de cette Forêt
, comme plus voisin d'Orleans , il se
le réserve et ne veut pas qu'il soit séparé
du Domaine de cette Ville. Quarta
parte istius Foreste Logii Aurelianensis propinquiore
nobis retenia ... que ab Aurelianis
nolumus separari.
En voilà , je crois plus que suffisamment
pour établir ce que j'ai prétendu
dire que Philipe , fils de S. Louis , n'avoit
jamais , du vivant de son Pere , possedé
Orleans , quoique les Auteurs que
j'ai cités écrivent le contraire , et je he
vois
SEPTEMBRE. 1735. 1935
vois qu'une seule objection qu'on me
pouroit faire , en disant qu'Orleans a
pû être donné par un Acte different de
celui - ci .
Je réponds à cela , 1 ° . que de la maniere
dont nos Auteurs se sont expliqués ,
et sur tout du Tillet , il paroît qu'ils ont
tous crû que l'apanage de Philipe avoit
été donné à une seule fois et parconsequent
par un même Acte ; qu'on lise
ces Auteurs et on s'en convaincra . 2º.
Que cet Acte qu'on voudroit m'oposer
doit être posterieur à celui que je viens
de raporter ; car avancer , comme a fait
M. Dupuy , (a) que la donation d'Orleans
a précedé d'une année celle de Lorris
, Montargis , & c. c'est un fait que
cette derniere détruit entierement ; il n'y
a donc que le raport de cette prétendue
seconde donation d'Orleans qui pouroit
donner atteinte à mon sentiment ,
mais jusqu'à ce qu'on la produise ,
il me sera toujours permis de la regar
der comme purement conjecturale.
·
Il ne me reste plus qu'à donner ent
entier les Lettres de l'apanage de Philipe
, je les dois à un Manuscrit (6) de
(a ) Domaine du Roy sur plusieurs Villes `du
Royaume, Article d'Orleans, Montargis, Lorris, &c.
( a ) C'est le X. Recueil in 4. du Titre Collecxiones,
1938 MERCURE DE FRANCE
que j'ai cités , font mention , et qui n'est
pas éloigné de Lorris , Fay , Vitry , &c.
mais ce n'est qu'une conjecture ; quant à
Clery dont parlent les mêmes , il n'y a
rien ici qui y puisse avoir raport ; en
recompense il ne font aucune mention de
Vitry et de Cepoy qui y sont nommés.
au-
2. Xante curia c'est Panceourie qu'il
faut lire. Pancourt est un Village à une
lieue de Montargis , et qui donnoit son
nom à la Forêt apellée aujourd'hui la Forêt
de Montargis. Sous le regne d'Henry
II. cette Forêt retenoit encore son ancien
nom ainsi qu'on le peut voir par des
Lettres de l'an 1550. citées ( a ) par le P.
Morin dans son Histoire de Gâtinois . Je
ne sçais si cette Forêt de Pancourt ,
jourd'hui Forêt de Montargis , et les Domaines
de Cepoy qui n'en est qu'à une
lieue , n'ont pas donné occasion à nos Auteurs
d'avancer que Montargis avoit été
donné au Prince Philipe , quoiqu'il ne
soit ici fait aucune mention de cette Ville
connue alors sous le nom de Mons Argi ,
comme le Testament du même ( b) Roy
S. Louis de l'an 1270. en fait foy , où
l'on voit qu'il donne Domui S. Dominici
juxta Montem Argi XXX, libras.
(a) L. 1. C. 3. P. 81 .
(b) Notitia Gall . Vales . 344. Col. 2.
SEPTEMBRE. 1735. 1939,
3. Foresta Logii. La Forêt aux Lo
ges , nom que portoit autrefois la Forêt
d'Orleans , apellée dans des Titres plus
anciens Leodia et Leodica Silva. Ce qui ,
selon M.de Valois ( a) , désigne une Forêt
publique et dépendante du Fisc ou Domaine
Royal , du mot Allemand Lend.
On doit donner la même signification à
Logium ,
formé aparemment de Leodium
, comme la Ville de Liége , Leodium
a été dite Legia, d'où le nom de Liége est
venu , et en ce cas l'étimologie de Forêt
aux Loges sera beaucoup plus naturelle
que celle que lui a donnée (b) le Maire ,
qui veut qu'elle ait été ainsi apellée des
Relais que nos Rois y entretenoient en
differens endroits où il étoit nécessaire de
construire des Loges pour les Chasseurs et
pour les Chiens. "
4. Anno M. CC. LXVI 11. Mense
Martio. Suivant l'ancienne maniere de
compter en France , le mois de Mars faisoit
encore partie de l'année 1268. le jour
de Pâque, qui commençoit la suivante
1269, n'étant arrivé que le 1. Avril. Du
Tillet a suivi l'ancien calcul en nous ra-
(a) Ibid. p. 282. c. 1. & 270. c. I.
(b) T. 1.p.36.
C portant
1940 MERCURE DE FRANCE
portant cette date , j'ai cru devoir suivre
le nouveau comme plus en usage.
A Orleans , le 20. Juillet 1735.
ODE SA CRE' E.
Imitation du premier Chapitre d'Isaie.
Ieux et Terre écoutez le Roy des Rois ,
C lui-même ;
Daigne parler à ses sujets ;
Vous dont le front porte ses traits
Princes , humiliez l'orgueil du Diademe :
Peuples, c'est un Dieu qui vous aime,
Mais c'est un Dieu jaloux qui punit les forfaits
Je comble mes Enfans de bonheur et de gloire.,
Je veille toujours sur leurs pas ; 2
Je les soutiens dans les combats ; 1 , }
Je rapelle en leur camp l'inconstante Victoire 1:02
Tant d'amour , qui pouroit le croire ? !
De ces Enfans cheris n'a fait que des ingrats.
HIT
L'animal suit l'instinct dont la force le guide ,
Connoit son Maître et le defend ()
Ma main prodigue en vain répand.; .T (1)
Les plus rares bienfaits sur un Peuple perfide ;
Ce
SEPTEMBRE . 1735. 1941
Ce Peuple , de crimes avide ,
N'écoute plus ma voix dès qu'il est triomphant.
Comment cette Cité'si fidele et si chere ,
Des soins que pour elle j'ai pris ,
A-t'elle méconnu le prix ?
Elle n'est à mes yeux qu'une vile Etrangere ,
C'est une profane adultere ;
Rebut de ses Amans , objet de mes mépris.
Son vin est mêlé d'eau , son or en plomb se
change ;
Du Riche , lâches partisans ,
Ses Princes cherchent les présens ;
Sous son indigne joug l'avarice les range ;
Par un renversement érrange ,
L'opulence triomphe , et reçoit leur encens.
Le pauvre est oprimé ; l'innocence timide ;
N'ose faire entendre sa voix
L'orphelin a perdu ses droits.
Ce n'est plus l'Equité , c'est l'interêt sordide ,
Qui juge , prononce , decide ;
Les plus saints Tribunaux reconnoissent ses loix .
Ah ! je les détruirai cesTribunaux iniques ;
O vous , qui m'osez outrager ,
A quoi m'allez vous obliger ?
Cij
Que
1942 MERCURE DE FRANCE
Que de sang ! que de morts aux ruines publiques
Je joindrai des maux domestiques ;
Faut-il donc que Jacob me force à me venger !
Vous m'offrez , mais en vain de sanglans sacrifices
›
J'abhore un encens criminel ,
Et sur les Fêtes d'Israël ,
Irrité , je ne puis tourner des yeux propices ,
Ce qui jadis fit mes délices ,
Est devenu l'objet d'un dégoût éternel .
Voulez- vous cependant que mon bras vous protêge
,
Soyez purs ; pleurez vos forfaits ,
Craignez l'abus de mes bienfaits ,
Du repentir sincere , aimable privilege !
Il vous rend plus blanc que la neige ;
Les pleurs qu'il fait couler sont des sources de
paix,
Profitez des revers ; un horrible tempête
Menace , gronde , fond sur vous ,
Adorez mon juste couroux ,
Et de vos ennemis vous briserez la tête .
Lorsqu'à fraper , ma main s'aprête ,
Esperez , c'est l'Amour qui seul conduit mescoups,
L'or
SEPTEMBRE.
1735: 1943
L'or devient plus brillant dans la fournaise are
dente ;
Le Rubis qu'on taille est plus beau ;
Le marbre , sous l'adroit ciseau ,
Se forme , et sa beauté par degrés lents aug
mente ;
Sion sous mes coups gémissante ,
Va reparoître enfin dans un éclat nouveau.
Par M. l'Abbé Ponci Neuville.
LETTRE de M. *** , Conseiller an
Parlement d'Aix , à M. *** à Paris ,
sur la Tragédie d'Aben - Saïd.
ne me mandez rien , Mon-
Vsieur ,de la Tragédie de M. l'Abbé
,
le Blanc , que je n'aye entendu dire à
tout le monde , et ce sont par tout les mêmes
éloges . Jugez de l'impatience que
nous avons de la voir imprimée pour
en pouvoir juger nous - mêmes , et j'ose
le dire , en dernier ressort ; car nous autres
Gens de Province , nous ne laissons.
pas de casser quelquefois vos Arrêts ; et
pour mettre le sceau de l'Aprobation publique
à un Ouvrage , il faut attendre le
jour de l'impression , et que le suffrage de
la Province se joigne à celui de Paris.
C iij
C'est1944
MERCURE DE FRANCE
C'est là ce qui a toujours fait la diference
des bons Ouvrages d'avec les
médiocres. Cependant , je vous l'avouë ,
nous sommes déja tous prévenus en faveur
d'Aben-Said ; et tant sur ce qu'en
ont dit les Journaux , que sur ce qu'on
nous en a écrit ; j'assurerois d'avance que
cette Tragédie obtiendra nos suffrages.
A l'égard des deux questions que vous
me faites , quelque connoissance que j'ai
des Auteurs et des Livres Orientaux
me met en état d'y répondre . Premierement
, vous me demandez qui est cet
Aben- Saïd , Empereur des Mogols , dont
cette Tragédie porte le titre ; je puis vous
assurer qu'aucun Empereur Mogol ne
s'est jamais apellé ainsi , et si le Mercure
de France ne nous eût pas donné
un petit Extrait de ce Poëme , je ne serois
pas encore en état de vous répondre
. Le Héros de cette Tragédie ne s'apelle
point du tout Aben- Said , mais
Abou-Said.
Je vois bien pourquoi M. l'Abbé le Blanc
a changé ce nom , il a craint , sans doute ,
de blesser les oreilles Françoises ; mais cette
complaisance me paroît ridicule ; je ne
trouve pas que ce nom soit si rude , et
le fût - il , il faut apeller chacun par son
nom , et dès que c'est un Héros dont le
nom
SEPTEMBRE. 1735 1945
nom est gravé dans les fastes de l'Histoire
, il n'est pas permis , si j'ose m'exprimer
ainsi , de le débatiser , d'autant
plus que ce changement fait un contresens
horrible. Said en Arabe signifie
heureux , Abou- Said , Pere de l'heureux ,
et Aben - Said , au contraire , signifie fils
de l'heureux. L'un dit blanc et l'autre
noir . Ebn - Sina ou Aben - Sina , car c'est
la même chose , et les Hebreux prononcent
Aben , qui signifie fils l'Ebn des Arabes
. Aben-Sina , Aben - Pace , Aben Rosch,
Aben-Zoar. D' Aben , les Espagnols ont
fait Aven. Aven Sina, Aven- Zoar. Aben-
Sina , c'est notre Avicenne .
Au contraire tous les mots Orientaux
qui commencent par Abou , signifient
Par d'un tel Abou - Nasser ; Abou- Mohammed
; Abou- Moslem , Abou - Sadek 3
Abou- Said enfin ; non que j'accuse M.
l'Abbé le Blanc d'avoir ignoré la difference
de ces deux significations ; je lui
reproche seulement de n'en avoir pas fait
assés de cas et d'avoir mieux aimé faire
un contre- sens de cette espece , que
de
s'exposer à quelques mauvaises critiques
qu'on auroit pû faire sur le titre de sa
Tragédie. Que diroit- on d'un Auteur ,
qui par de semblables égards , changeroit
le nom d'un Empereur Romain ?
La chose est égale . Ciiij Il
1946 MERCURE DE FRANCE
Il y a plusieurs autres Abou-Saïd , mais
après celui en question , l'unique fameux
que je connoisse dans l'Histoire Orientale
, c'est un autre Abou - Said , Empereur
des Tartares , arriere- petit- fils de
Tamerlan ; quelques Personnes m'écrivant
de Paris , l'ont confondu avec le
premier , et ont crû que c'étoit lui qui
étoit le Héros de la Tragédie de M. l'Abbé
le Blanc , et je ne sçai pourquoi ; car leur
Histoire n'a rien de commun . Et le fait
de la Tragédie se trouve tout entier dans
l'Histoire d'Abou- Said , descendant de
Genghis-Kan.
་ བ པ་ ་ པ ་ པ་
Pour l'autre question , votre scrupule
est mal fondé , et M. l'Abbé le Blanc a
entierement raison . Bien que la dignité
d'Emir soit subalterne chez les Turcs c'es
tout le contraire parmi tous les autres
Orientaux , les Persans , les Arabes , les
Tartares , les Mogols. Chés les Persans ,
Emir signifie Prince , Mirza ou Emir-
Zadeh , dont il est l'abregé , Fils de Prince.
Ce nom se donné aux Princes heritiers
de la Couronne , comme celui de
Cesar se donnoit chez les Romains . Par
succession de temps , ce nom a aussi
été donné à tous ceux qui étoient sensés
être de la lignée de Mahomet , par sa
fille Fatimah , et qui portent le Turban
vert ,
SEPTEMBRE. 1735. 1947
,
vert , pour être distingués et respectés.
Ce même titre , joint à quelqu'autre mot ,
signifie quelque charge. Emir al Moumenin
le Commandant des Fideles. Emir
al Omera , le Commandant des Commandants
, et c'est la dignité de l'Emir de
la Tragédie qui répond à celle de nos
anciens Connétables ; les derniers Sultans
Mogols en avoient tous un qui étoit
à la tête de leur Empire , et dont le pouvoir
étoit immense .
re ,
Au contraire , Vazir et Vezir , que
nous prononçons Vizir , ne signifie en
Arabe qu'un Portefaix , et par métaphocelui
qui porte le poids et la charge
d'un Etat ; en un mot , un Ministre ,
un Conseiller d'Etat , de la même façon
que de Bajulus , qui signifie aussi en
Latin un Portefaix , nous avons fait Bailli
, qui signifie Officier ou Juge d'un Pays.
L'autorité des Emirs étoit si grande chés
les Kalifes et chés les Sultans , qu'ils faisoient
faire la Charge de Vizir par leurs
propres Secretaires . Parmi les Turcs la
dignité de Vizir est communiquée à plusieurs
personnes , ce sont les Conseillers
d'Etat qui ont séance au Divan , et c'est
le premier d'entre eux qui porte le titre
de Vizir Azem , ou de Grand- Vizirs
tout au contraire le titre d'Emir- Alome-
Cv ra,
1948 MERCURE DE FRANCE
ra , si grand autrefois parmi les Tartares
et les Arabes , se donne chés les Turcs
à tous les Beglerbegs ou Gouverneurs Generaux
des Provinces. Voilà pourquoi
M. l'Abbé le Blanc mettant des Mogols
sur le Théatre , a eu raison de donner
par préférence le titre d'Emir au venerable
Vieillard de sa Piece , et de ne donner
que le titre de Vizir , qui est subalterne
à Nasser.
>
Je ne sçais pourquoi cette Tragédie
n'est pas encore imprimée , je vous recommande
de nouveau de m'en envoyer
deux Exemplaires dès qu'elle le sera ,
pour moi et pour notre ami. Je suis, & c.
D'Aix , ce 25. Juillet 1735 .
BOUTS - RIMEZ du Mercure de
Juin 1735. second Volume , remplis le 31 .
Juillet , par M. d'Orvilliers de Vernon .
SONNE T.
J'Ay lû , je pense , en un Pas- sage
Platon ,
Du docte et celebre
Qu'il faut s'armer d'un bon
bâton ,
Quand votre femme vous outrage
;
Qu
SEPTEMBRE . 1735. 1949
Que si la colere l'en-
A vous prendre par le
Fussiez-vous semblable à
gage
Bouton ,
Caton ,
Il est bon de la mettre en
Cage.
Pour moi je jure par
Jupin ,
Que moins alerte que
Crispin ,
Je veux faire une horrible Chute ,
Etre écorché comme un Lapin ;
Et puis habillé de
Sapin ,
Si jamais femme me rebutte.
EXTRAIT d'une Lettre de M. l'Abbé
M ..... sur la nouvelle Histoire du
Vicomte de Turenne , par M. de Ramsay.
V
Ous exigez de moi, Monsieur , un
compts sommaire d'un Ouvrage
qui fait ici beaucoup de bruit , et auquel
le Public a fait un accueil des plus favorables
; il faut tâcher de vous satisfaire
, en attendant que votre situation
vous mette en état de juger par vous
-même de ce Livre . En voici d'abord le
Titre : HISTOIRE de Henry de la Tour
d'Auvergne , Vicomte de Turenne , Ma-
C vj réchal
1950 MERCURE DE FRANCE
réchal General des Armées du Roy , deux
Volumes in 4. A Paris , chez la veuve
Mazieres et J. B Garnier , ruë S. Jacques,
à la Providence , M. DCC . XXXV.
Le Corps de l'Ouvrage est divisé en
deux Tomes. Le premier contient six
Livres . On voit à la tête le Portrait du
Héros qui fait le sujet de l'Histoire . Il
est gravé par Larmessin . On en estime
sur tout la tête . Les Vignettes et les
Culs - de - Lampes dont tout l'Ouvrage
est orné , sont d'un grand goût.
Pour donner d'abord une juste idée de
ce bel Ouvrage , il suffit de dire avec M.de
Fontenelle , qu'il est digne du Héros ;
en effet , si l'on considere la qualité du
stile , il est élégant , mais simple , naturel
, et répond parfaitement au principal
caractere de ce grand Homme .
Tout vain ornement en est écarté avec
soin , mais on n'y a rien oublié de ce
qui pouvoit contribuer à la beauté et
la perfection de l'entreprise ; l'ordre
de la narration y est admirable ; on y
fait voir d'un coup d'oeil les négociations
politiques , jointes avec les Expéditions
Militaires , dont les images sont
vives et les expressions fortes. On dévelope
en plusieurs endroits l'état géneral
de l'Europe , et particulierement
celui
SEPTEMBRE 1735. 1951
celui de la France , les intrigues de la
Cour , les interêts des Princes , et le
caractere des Generaux contemporains ,
dans le dessein de faire connoître l'ori
gine des Guerres où le Vicomte a montré
ses heureux talents .
L'Auteur , toujours scrupuleusement
attaché à la verité , n'a pas crû qu'il lui
fût permis , comme aux Poëtes , de créer
pour embellir , et par le même respect
pour les loix de l'Histoire , qui ne permettent
pas plus de suprimer le vrai ,
que de dire le faux ; il n'a point dissimulé
les fautes du Vicomte de Turenne.
La vertu , dit- il , trop parfaite , paroît inimitable
, elle décourage les uns , elle irrite
les autres ; elle est suspecte à tous , parce que
les hommes , quelque grands qu'ils soient ,
sont toujours marqués au coin de l'humanité.
Attentif à tout ce qui peut fixer
l'attention de son Lecteur et contribuer
à la parfaite intelligence de son Histoire ,
il a inseré dans son Ouvrage des Cartes
ou des Plans des differentes Actions dont
il nous donne le détail ; elles sont en
grand nombre et parfaitement bien executées.
Telle est en general l'idée qu'on doit
se former du premier Volume de ce magnifique
Ouvrage , qui comprend l'Histoire
1952 MERCURE DE FRANCE
toire du Vicomte de Turenne jusques à
sa mort . Si vous me demandiez quelques
morceaux détachés qui pussent vous faire
juger de sa beauté , je serois fort embarassé
, puisqu'elle s'y soutient par
tout également d'ailleurs comme cela
passeroit les bornes d'une Lettre , je me
contenterai de vous exposer le parallele
que l'Auteur fait de Turenne et de
Fabius , du Prince de Condé et d'Annibal.
Voici à quelle occasion ; dans le
temps que les troubles domestiques
avoient mis la France tout en feu , Turenne
à la tête des Armées du Roy , et
Condé commandant celle des Espagnols ,
se faisoient la guerre et atiroient sur eux
les yeux de tout l'Univers. Après plusieurs
combats , marches et contremarches
, l'Auteur conduit les Armées en
présence l'une de l'autre devant Peronne
, où le Vicomte s'étoit si bien posté ,
qu'on ne put l'engager à combattre , et
que les Ennemis furent obligés de quiter
la Picardie , après avoir tenté inutilement
de s'emparer de Guise. C'est à
ce sujet que M. de Ramsay parle ainsi
de ces deux Héros. Dans cette occasion ,
dit-il , le Vicomte de Turenne avec un nombre
inférieur de Troupes , semblable à Fabius
- Maximus , campa toujours sur des
hauteurs
SEPTEMBRE . 1735. 1953
bauteurs ou dans des lieux difficiles à aborder
; il s'arrêtoit quand l'Ennemi se tenoit
en repos , et quand l'Ennemi marchoit il
le suivoit et le côtoyoit toujours à une distance
assés grande et dans des postes assés
avantageux pour ne pouvoir être forcé de
combattre malgré lui . Condé , comme un autre
Annibal , employa tous les stratagêmes
qui pouvoient engager Turenne au combat;
tantôt il s'aprochoit des François et leur
donnoit des allarmes , tantôt il s'en éloignoit
pour les inviter à décamper et pour
les surprendre dans quelque mouvement dont
il put profiter , &c. Je ne finirois pas si
j'entreprenois de vous raporter tous les
beaux Endroits qu'on remarque dans cette
Histoire , que vous lirez , sans doute,
avec un grand plaisir dans le Livre même.
Le second Volume , destiné aux Preuves
et aux Piéces justificatives , fait voir
que les faits qu'on raporte sont apuyés
sur les témoignages les plus authentiques.
L'Auteur y donne pour garants de
son Histoire les Memoires mêmes du
Vicomte de Turenne , écrits de sa propre
main , qui comprennent l'Histoire
de ses Campagnes depuis l'an 1643. qu'il
fut fait Maréchal de France , jusques à
la Paix des Pyrenées en 1660. les Lettres
qu'il écrivoit à differentes Personnes
1954 MERCURE DE FRANCE
nes , et dont le témoignage est d'autant
moins suspect , qu'on sçait que , s'il parloit
de lui - même , ce n'étoit jamais qu'avec
cette modestie qui lui étoit propre.
Il raporte aussi les Memoires du Duc
d'Yorck , il se fonde sur le témoignage
d'Ablancourt , de l'Anglade , sur l'Histoire
de Deschamps , sur celle de l'Abbé
Raguenet ; en un mot , il n'a rien négligé
pour consulter tous les Auteurs qui
pouvoient l'instruire , et même les Personnes
vivantes capables de contribuer
à la perfection de son Ouvrage. Il est
inutile de vous en dire davantage. J'ai
l'honneur d'être , &c.
A Paris le 16. Août 1735.
Stutut
LE MOISSONNEUR.
EGLOGUE.
Lisis , Damom.
L'Isis, le plus prudent des Bergers du Hameau,
Lisis , qui de l'Amour sçut mépriser l'Empire ,
Quittant le soin de son Troupeau ,
S'occupe des beaux yeux de la jeune Delphire ;
Ses Brebis,autrefois son objet le plus doux,
Sea
SEPTEMBRE . 1735. 1955
Jes Brebis , qu'il menoit lui- même à la pâture,
Triste effet de l'Amour ! errent à l'avanture
Dans ces vastes Forêts à la merci des Loups ;
Ses Jardins sont déserts, ses Vignes sans culture,
Les Boeufs n'exercent plus ses fertiles Guerets ;
Les ouvrages d'ozier sont pour lui sans attraits.
Un jour avec Lisis les Bergers du Village
Moissonnoient chez Damon les présens de Cérès,
Lisis étoit pensif, et ses esprits distraits
Laissoient errer souvent sa main dans cet ou
vrage ;
Damon s'en aperçut ; eh quoi ! le Dieu du Jour
A peine , dit Damon , a commencé son tour ,
Et déja sans songer à l'honneur qui t'engage ,
Tu restes dans le champ sans force et sans cou→
rage !
Que sera-ce bien-tot , quand Phébus de ses feux'
Brulera sans pitié les Mortels malheureux ?
Les autres vont devant, tu ne les suis qu'à peine,
Ton bras s'apesantit , tu parois hors d'haleine ;
Ces épics mal coupés ou placés au hazard ,
Marquent un Moissonneur peu soigneux de son
Art ;
D'où vient ce changement ? Que Lisis nous l'explique
?
L'Amour , repond Lisis , en est la cause unique ;
Quoi ? dit Damon , Lisis l'ennemi des Amours
Devient leur partisan au milieu de ses jours !
Découvre-nous l'objet qui cause ton martyre,
J'aime
1956 MERCURE DE FRANCE
J'aime, reprend Lisis , l'adorable Delphire ;
Eh bien ! répond Damon , chante - nous ses beaux
yeux ,
Tu rendras ton travail plus doux , moins en⇒
nuyeux ;
Je chante , dit Lisis , une Beauté cruelle ,
Zephirs, remplissez l'air d'une douceur nouvelles
Delphire a le teint brun , mais elle a mille apas ,
Une Blonde à mes yeux ne l'égalera pas ;
Le Lys étale en vain une blancheur parfaite ,
On cueille avec plaisir la brune Violette ,
Chacun suit ce qu'il aime et cede à son penchant,
Delphire est pour mon coeur l'objet le plus tou
chant
;
Que ne suis- je Seigneur de toute la Contrée !
Je verrois ma Delphire en tous lieux honorée ;
Que n'ai - je les Troupeaux qu'eut autrefois
Tirsis ,
( Ce Berger posseda plus de mille Brebis ,
Battus les conduisoit sur les Monts de Sicile ,
Je n'en retrancherois une seule de mille ,
J'en ferois , ma Delphire , un don à tes apas ,
Et je croirois t'offrir encor un prix trop bas ;
Infortuné Berger , je n'ai pour mon partage
Qu'un coeur tendre , c'est - là mon plus bel hérí
tage ,
Mais ce bien , à mon sens , est le plus précieux
Qu'à Delphire jamais puissent donner les Dieux,
Tu chantes , dit Damon , d'une façon aimable ,
Mais
SEPTEMBRE . 1735. 1957
Mais écoute à ton tour un chant plus conve
nable ;
Quand Phébus de Thétis perce le vaste sein ,
Un Moissonneur paroît la faucille à la main ;
Lorsque ce Dieu brillant avance sa carriere ,
Un Moissonneur refuse au sommeil sa paupiere ;
Et restant dans le champ vigilant et dispos ,
Il voit enfin Phébus se cacher sous les eaux ;
Il ne rend à Bacchus qu'un passager hommage ,
Mais l'émulation , noble enfant du courage
Porte les Moissonneurs à qui fera le mieux ;
Sous ces conditions , adore deux beaux yeux ,
Lisis , sui ton désir , cultive ta Maîtresse ,
Je ne m'opose point à ta vive tendresse .
Pierre Defrainay .
ļ ƒ ƒ ƒ ƒ ṛ į į į
LETTRE de M. Maillart , ancien
Avocat au Parlement de Paris , à M. de
la R. au sujet d'un Manuscrit , &c.
E continue , Monsieur , de commu-
,
blic , curieux de choses interessantes , les
découvertes que j'ai faites sur la Province
de NORMANDIE .
Le 14. Avril 1670. M. Claude Pellot ,
fut installé Premier Président au Parlement
1958 MERCURE DE FRANCE
ment de Rouen ; il mourut à Paris le
3. Août 1683 ,
Ce Magistrat avoit exhorté les Avo
cats de Rouen à lui donner des Me
moires sur les matieres les plus fréquentes
de Normandie.
Ces Memoires furent dressés , et ils
sont au nombre de 136. M. Pellot les
remit à M. Louis Greard , fameux Avocat
à Rouen , décedé le
1686. qui y fit des Observations Criti
ques , mais très - succintes .
M. Louis FROLAND , premierement
Avocat à Rouen , puis Ex- Bâtonnier de
M M. les Avocats au Parlement de Paris
en 1734. nevcu de feu M. Greard ,
m'a communiqué , avec amitié , un Manuscrit
relié , au dos duquel j'ai trouvé
ce titre: Maximes de la Coûtume de Normandie.
Ce Recueil contient les 136. Memoires
que j'ai annoncés cy - dessus ; mais
dans un ordre different .
D'autre côté , les mêmes 136. Memoires
, rangés alphabetiquement , m'ont été
prêtés par le sçavant M. Oudart François
BRIDOU , Avocat au Parlement de
Paris , ancien Substitut de M. le Procu
reur General au Grand- Conseil , qui les
tenoit de feu M. Honoré- Antoine POILLE ,
reçû Avocat à Paris le 16. Novembre
1685 .
Il
SEPTEMBRE. 1735. 1959-
Il m'a paru , Monsieur , que le Manuscrit
de M. Poille avoit été écrit de
sa main , aussi l'a t'il signé à la page
258. et derniere de ce Manuscrit.
Suposé que le Public souhaite l'impression
de ce Monument , il convien
dra qu'elle soit faite sur celui de M.
Poille , à cause de son ordre alphabetique,
qui est, ce me semble , le meilleur.
Je vous observe , M. comme un point
très- considérable , 1 °. qu'un de ces Memoires
est intitulé , Des Nobles et des Roturiers.
Il a été rédigé par le même M.
Greard. 2 °. Que j'y ai lû ce qui suit au
No. 16. Mais le plus remarquable de tous
est l'Ennoblissement general qui se fit vers
l'an 1470. de tous ceux qui possedoient des
Fiefs nobles.
Cette vague indication m'a donné lieu
de chercher la source d'un Evenement
si singulier et si important à la Provin
ce de Normandie.
J'ai donc trouvé des Lettres Patentes
du Roy Louis XI. datées du mois de
Novembre 1470. par lesquelles moyennant
une Finance de 47250. livres , ce
Prince amortit tous les immeubles qui
étoient alors possedés par les Gens d'Eglise
, et annoblit tous les non- nobles
qui possedoient pour lors des Fiefs nobles
1962 MERCURE
DE FRANCE
proche au -dessous de 18. on doit avoir
4. pour entiers de la racine de 18. le
double de 4. plus 1. c'est- à- dire 9. pour
dénominateur
de la fraction , et pour
numerateur de ladite fraction , la difference
entre 16. et 18. c'est - à- dire 2 .
C'est sur ce fondement ruineux qu'est
bâti tout le nouveau Systême.
"
2
,
En vain représentera- t'on à l'Auteur
que cette racine multipliée par elle- même,
ne reproduit pas le quarré ; il répond
que les quarrés imparfaits ne se forment
pas comme les quarrés parfaits , et que
cela ne l'empêchera pas de faire du Cer
cle un quarré parfait.
Sur de tels raisonnemens ne seroit- on
pas en droit de condamner tout l'Ouvrage
sans autre examen ? M. B. dût-il
en apeller à la Posterité.
De plus , en prétendant toujours faire
abstraction des incommensurables
, il
Vous détermine en nombre la valeur et
le raport de plusieurs lignes très - certai
nement incommensurables
, par exemple,
de la diagonale et du côté. 2° préjugé
très - légitime contre sa Découverte,
Enfin il renverse tous les principes les
plus constans de l'Arithmétique et de la
Géométrie , il ne respecte ni les définitions
universellement reçûës , ni les axiô
mes les plus évidens. Quand
SEPTEMBRE. 1735. 1963
Quand un Sçavant prend de ces sortes
de libertez , il ne reste plus qu'à chercher
dans ses propres principes de quoi
le combattre ; heureusement on n'a pas
besoin de lire tout le Tra ité de M. B.
pour y trouver prise.
1. M. B. décrit trois Cercles , qui sont
entre eux, comme 1. 2. et 4.
2. Il en conclut , avec raison ,, que
rayon du Cercle 1. est au rayon du Cer
cle 4. comme 1. est à 2 .
le
3. Il prend pour rayon du Cercle
2. 10000000. dont le quarré est
100000000000000 .
4.Il en conclut fort bien que le quarré du
rayon du Cercle 1. est 50000000000000 .
moitié de 100000000000000.
5.Donc, par la même raison le quarré du
rayon du Cercle 4.est 200000000000000.
double de 100000ooooooooo. puisque le
Cercle 4. est double du Cercle 2. comme
le Cercle 2. est double du Cercle 1 .
6. Donc si j'extrais la racine de
Soooooooooongo . j'aurai le rayon du
Cercle 1. et si j'extrais la racine de
200000000000coo . j'aurai le
Cercle 4.
rayon du
7.Donc, si la racine de 50000000000000 .
' extraite suivant la regle de M. B. ne se
trouve pas précisément la moitié de la
D racine
1964 MERCURE DE FRANCE
racine de 2000c0000000000 . extraite de
même , la Regle qu'il établit est fausse
( par la seconde proposition cy- devant . )
*
8. La racine de sooooooooooooo . extraite
suivant les principes de M. B. ( et
I 1 4 8 15 II
par lui- même ) est 707106 ; 14142 1 3 5
et la racine de 20000000
suivant les mêmes
Oooo.
principes est 4.
or il y a
1 7 6 4 17 75
1 4 1 4 2 1 3 2 8 2 9 4 2 7 1
2 6 6 0 6 2 4 de difference entre ·
39 9 9 9 9 9 6 8 8 5 8 5 8 5
I 1 48 15 II
7.07106
7 1 4 1 4 2 1 35
I 7 6 4 2 275
et la moitié de
1414213 ) 28284271. donc la regle n'est
pas juste.
De peur qu'on ne doute que j'aye suivi
fidelement les préceptes de l'Auteur
en ces deux extractions de racines ; en
Voici la preuve.
Le quarré le plus proche au - dessous de
50000000000000. est 49999988518489 .
dont la racine est 7071067. le double ,
de cette racine plus 1. c'est-à dire
14142135. doit être le dénominateur de
la fraction , et 11481511. excès du quarré
imparfait sooooooooooooo . sur le quarré
parfait 49999988518489. est le numérateur
de cette même fraction .
De même le quarré parfait le plus proche
de 200000000000000. en dessous
est 199999982338225. dont la racine
est
SEPTEMBRE. 1735. 1965
est 14142135. le double de cette racine
plus 1. c'est - à - dire , 28284271. doit
être le dénominateur de la fraction , et
17641775. excès du quarré imparfait
200000000000000. sur le quarré parfait
199999982358225. est le numérateur de
cette même fraction.
J. B. D.
XXXXXXX :XX :XXXXXX
BOUTS - RIMEZ ,
J'Aimerois mieux passer pour l'oposé du Sage ,
Traduire en Allemand les OEuvres de Platon
Etre aveugle et marcher sans guide et sans Bâton,
Eprouver de l'Envie et les traits et la Rage.
De la faveur des Grands ne recevoir nul Gage ,
Suivre en me poignardant l'exemple de Caton ,
User mon juste-au-corps jusqu'au dernier Bouton,
Par mes durs créanciers me laisser mettre en Cage.
Essuyer le courroux du foudroyant
Jouer tragiquement le Rôle de
Du
pauvre Phaeton faire la triste
Jupin ,
Crispin ,
Chute ,
Brouter l'herbe des champs comme un chétif
Lapin ,
D ij Mc
1966 MERCURE DE FRANCE
Me-vétir,en un mot, d'un habit de
Sapin ,
Qu'aux fureurs d'une femme être toujour en
butte.
AUTRES Bouts - Rimez, remplis par
le même.
A Mi , j'aimerois mieux être à table sans Boira,
Etre au lit sans dormir , perdre au jeu mon Butin,
Retourner au College aprendre le
Me trouver sans argent au milieu de la
Latin ,
Foire,
Passer même à la nâge et la Seine et la
Loire
Lutin
Essyer chaque nuit tous les tours d'un
Ne porter tout l'hyver qu'un habit de Satin,
N'avoir à mes repas pour tout mets qu'uncPoire,
Prendre cent fois par jour la lime et le Rabot ,
Etre moqué de tous comme un petit Nabot
Passer pour aussi sot qu'une buche , une Souche ,
Bateau
Contre vent et marée aller dans un
Et marcher dans la rue au milieu du Ruisseau ,
Que de prendre une femme et si sote et si Louche,
RE:
SEPTEMBRE. 1735. 1987.
REFLEXIONS.
L'ablement
heureux 'Homme
qui peut être apellé veriest
celui qui
sçait se réjouir
sans dissipation
, s'atris
ter sans abatement
, desirer sans inquiétude
, acquerir
sans injustice
, posseder
sans orgueil
, et perdre
sans douleur
.
Les femmes sønt nées pour faire des
esclaves , et non pour l'être. L'homme
le plus feroce et le plus austere , s'adoucit
à la vûë d'une Beauté . Phriné
Courtisane d'Athênes , ayant été conduite
au Tribunal de l'Aréopage , la gravité
de ses Juges severes ne put tenir
un moment à la vûë de Phriné dévoilée
; mais comment des Sages de ce caractere
se laisserent- ils si -tôt corrompre ?
C'est , dit un ancien Philosophe , c'est
la question d'un aveugle.
Les charmes de Dalila triompherent
de la force de Samson' , les apas de Bersabée
engagerent David dans l'adultere
et dans le meurtre. Les douceurs d'une
belle Etrangere persuaderent au plus sa-
Diij ge
1968 MERCURE DE FRANCE
ge de tous les Rois de donner de l'encens
à l'ouvrage de ses mains.
Il est à propos dans un retour de for:
tune de faire connoître quelquefois qu'on
se souvient de sa premiere condition ;
loin de vous rendre méprisable par cet
endroit, vous vous rendez non- seulement
agréable à tout le monde , mais encore
vous fermez la bouche à vos ennemis.
Persuadé de cette Maxime , Agatocle ,
Roy de Sicile , faisoit vanité d'être fils
d'un Potier , et dans ses repas les plus
magnifiques , il ordonnoit toûjours à ses
Officiers de mettre plusieurs Services dans
des vases de terre.
Le Cardinal Baronius n'étoit pas moins
politique , il faisoit connoître à tout le
monde qu'il se souvenoit fort bien qu'il
avoit été autrefois dans la servitude ; et
pour conserver cette égalité d'esprit si
difficile dans l'élevation , il commandoit
quelquefois à ses domestiques de se mettre
à sa table et de manger avec lui comme
ses égaux.
C'est une grande faute de faire une
faute , sur tout une faute qui ne nous
tire point d'affaire.
Les
SEPTEMBRE. 1735. 1969
Les Souverains ne sçauroient être véritablement
parfaits , sans avoir trois
qualités éminentes , la Pieté d'un Saint ,
la Prudence d'un Politique et le Coura
ge d'un Heros .
Une Coquette s'abuse en voulant seulement
donner de l'amour aux autres ;
elle se met aussi dans le danger d'en
prendre , parce qu'il est bien mal- aisé de
porter la flamme chez ses voisins sans.se
bruler.
Les Grands de la Terre seront comptables
à Dieu , comme le reste des hommes
, de leurs obligations , ils ne pourront
se prévaloir d'artifice , puisqu'ils se
trouveront au Tribunal du Tout -Puissant
en un état où le déguisement n'environne
plus les objets , où la vanité n'a
plus de prise sur les esprits , où la complaisance
ne sçauroit même affoiblir la
verité.
C'est une finesse d'esprit qui n'est pas
commune , que de sçavoir desarmer ses
ennemis lorsqu'ils sont prêts de nous perdre
, en leur insinuant agréablement les
services qu'on leur a rendus . Scipion l'Affriquain
usa de cette adresse ; ayant été
D iiij déferé
1970 MERCURE DE FRANCE
déferé en justice par les Tribuns , pour
crime de Péculat , il ne proposa autre
chose pour sa justification , sinon qu'à
pareil jour il avoit gagné une fameuse
Bataille pour la République ; c'est pourquoi
il invitoit le Peuple de l'accompagner
au Capitole pour en remercier les
Dieux. Le Peuple le suivit aussi - tôt , les
Tribuns demeurerent seuls et confus
et cela lui tint lieu d'absolution .
Les Rois ne sont plus à eux dès qu'ils
sont une fois sur le Trône , parce qu'ils
n'ont plus d'autre interêt à ménager que
celui du Public , de repos à chercher que
la Paix de l'Etat , et de plaisir à désirer
que la félicité des Peuples.
La seule représentation des Héros , tous
morts qu'ils sont , ne laisse pas de donner
une idée de leur Majesté et des sentimens
de leur grandeur. Après la mort
d'Alexandre , étant survenu entre ses héritiers
un differend pour le partage de
ses biens , les Macédoniens qui avoient
suivi la fortune de ce Conquerant , furent
choisis pour Arbitres de cette celebre
contestation , avant que de rien déliberer
, afin que l'esprit d'Alexandre présidât
, pour ainsi-dire , à leurs Conseils,
et
SEPTEMBRE. 1735 1971
et prononçât par leur bouche , ils fitent
aporter au milieu de l'Assemblée le Corps.
de ce Prince , et ensuite ils donnerent
leur Jugement.
La vanité et le désir de paroître dans
les Femmes est quelque chose d'extraor
dinaire ; la soeur de Démocrite le Philosophe
, voyant que son frere étoit prêt
de rendre l'esprit , elle le suplia sérieu
sement de prolonger sa vie de quelques
jours , jusqu'à ce qu'elle eût celebré une
Fête publique , où ceux qui étoient en
deüil ne pouvoient assister . Le Philosophe
le voulut bien . Il prit , selon son
Histoire , l'odeur de certaines viandes ,
qui firent l'effet que sa soeur desiroit . Un
Ancien a dit sur ce sujet , que pendant
cette suspension de la mort , Démocrite
ne laissoit pas de la nourrir dans son sein
et de l'avoir toujours présente.
La Noblesse qui vient de la Naissance,
est un pur effet du hazard et un don de
la Nature ; mais celle qui s'acquiert par
le mérite et par la valeur , est une ré
compense légitime de la vertu.
Dans la justice distributive d'un Etat
bien policé , il faut
que le Peuple obéisse
Dy ан
1972 MERCURE DE FRANCE
7
au Magistrat ; mais le Magistrat doit
obéir aux Loix .
On se rend complice du mal qu'on
peut empêcher , et l'on est doublement
coupable en l'aprouvant.
Bis peccat qui peccanti obsequium accommodat
Seneq .
Souvent un Droit pris à la rigueur ,
est une extrême injustice . Summum jus
summa injuria .
La trop grande douceur des Magisą
trats nourrit et augmente le vice.
C'est faire tort aux bons , que de par
donner aux méchans.
Le meilleur ciment des Loix , est le
de sang ceux qui les méprisent.
Les mauvaises actions sont les meres .
des bonnes Loix.
On a comparé la Toile d'Araignée à la
Loy qui n'est jamais rompuë par les petits
car les petites Mouches demeurent
prises , mais les grandes passent au travers.
La
SEPTEMBRE. 1735. 1973
La falce dell' ugual Giustizia ne prati
degli uomini uguali , tagliano P erbe tutte,
ma l'accorto falciatore , che vede trà l'erbe
minute qualche sterpo , per non ispezzare
o gravemente intaccar la falce , l'alza.
.
On voit quelquefois des gens si ennemis
de tout acommodement , si scrupuleusement
attachés aux regles qu'ils se
prescrivent dans la plus grande rigueur
de l'exacte justice dont ils se piquent ,
qu'il est presque impossible de les ren
dre capables d'équité.
Il semble que ce soit un trait de prudence
que de laisser quelque petite chose
à l'envie et à la médisance , pour occuper
l'une et l'autre , afin qu'elles ne
fassent pas de grands maux . Alcibiade
voyant que ses amis le blâmoient de
ce qu'il avoit coupé la queue d'un chien
que tout le monde trouvoit très - belle ;
je l'ai fait exprès , dit-il , afin
que les
Athéniens s'entretenant de cela , ne di
sent pas pis de moi .
Maledicus à malefico nisi occasione non differt,
Quintil.
P
' L'innocence n'est pas toujours un Bou
clier bien sûr contre les coups de la ca
lomnie et de la perfidie.
D vj
Les
1976 MERCURE DE FRANCE
On donna autrefois le choix à deux
envieux , l'un de l'autre , de demander
chacun en particulier ce qu'il voudroit ,
à condition que sa demande accordée
l'autre auroit le double. Le premier ,
quoiqu'avare , ne demanda rien , craignant
de faire plaisir à celui qui étoit
F'objet de son envie. L'autre demanda
qu'un oeil lui fût arraché , afin qu'on
arrachât les deux à celui que l'envie faisoit
regarder comme son ennemi .
. L'Enyieux fait son malheur , non pas de
ses propres maux , mais des biens des autres;
comme, au contraire , il fait son bonheut,
non de son bien propre, mais du mal
d'autrui. Invidus non suis malis , sed alienis
bonis infelix est : et contra non suo bono ,
sed malis proximis felix . S. Greg. Niss.
L'amour même qu'on a pour nous ess
dangereux , parce qu'il excite l'envie.
Nihil invidia periculosius . Seneq.ď
L'envie est injuste et équitable tout
ensemble ; injuste , elle s'aigrir de la récompense
du mérite ; équitable , elle
punit elle-mê ne son chagrin , mais il
faut qu'elle soit bien enveņimée , si le
mal qu'elle souffre ne lui rend pas aimable
el bien qu'elle ne peut souffrir. "
L'ESEPTEMBRE.
1735. 1977
L'Enigme du Mercure du mois d'Août
a été faite sur le Fuseau , et les deux
Logogryphes , sur Avarice et Poulie. On
trouve dans le premier , Vice , Avarej
Cave , Varice , Vie , Ive , Varie , Ivre ,
Ave. Er dans le dernier , Pou , Lie ,
Lien , Poil , Po , Ou , Playe , Pole , Poli ,
Pile , Poule.
N
ENIG ME.
Ous sommes bien soumis , puisqu'un Valet
nous touche ;
Un Maître en est mauvais Marchand ;
Avec notre secours le Valet s'en défend ,
Puisqu'au Maître il ferme la bouche.
Si vous voulez sçavoir pourquoi ,
C'est que du Serviteur la suite est plus nombreuse,
Et ce Maître , fût- il un Roy ,
Se met à remotis comme Brebi galeuse.
Chacun au combat animé ,
Le plus fort est plus estimé ;
Combat Arithmétique , où l'on fait pour se
battre ,
Quatre, quinze, dix- neuf, avec quarante quatre...
J. Chevrier, Organiste de Chemillé
en Anjou. LO1978
MERCURE DE FRANCE
Q
LOGOGRYPHE.
Uatre Elemens de differente étoffe
Oat éte reconnus par plus d'un Philosophe
Quelqu'autre Secte , en rejettant le feu ,
N'admet que l'Air , la Terre et l'Onde :
Tout cela m'importe bien peu ,
7
Je suis plus riche que le Monde ;
Car j'en ai sept , mais dont , à beaucoup près ,
Moins spacieuse est l'etenduë ;
Et de quatre je fais chose bien entenduë ,
Risible assés souvent , dont l'inconstant progrès
Par un autre moi- même arrivant tout exprès ,
Tyrannise l'usage , et me voilà perduë ;
On ne voit pas par tout ce fréquent changemente
Ces quatre donc restés en même place ,
Otez le chef, sans l'aveu du Parnasse
On me fait mal avec bien du tourment.
Combinez et posez , dans certaine structure
Vous rencontrez un morceau d'écriture ;
Qui nous ayant bien mis l'esprit à la torture,
En tel et tel endroit , faute d'attention ,
Procure à l'Ecrivain la flagellation ;
Presque d'usage en toute Langue ;
Excitant quelquefois votre admiration ,
Par un charmant écrit , une belle harangue,
Et
SEPTEMBRE. 1735. 1979
Et dont , réduit à trois , je contiens chaque pare ,
Suivant, pour me placer , les préceptes de l'Art ;
Trois autres , un breuvage en apareil superbe ,
Et qui n'est composé que d'eau bouillie et d'herbe.
Rassemblez-moi , Lecteur , car il faut terminer.
Vous auriez peine à vous imaginer
Qu'on puisse montrer quelqu'ouvrage ,
Soit de corps, soit d'esprit , où je ne sois d'usage
Et comme le détail , à tout examiner •
Iroit à l'infini pour bien déterminer ,
Je n'en dirai pas davantage ,
Sinon que pour me deviner
Il ne faut pas perdre courage.
J. Chevrier , Organiste à Chemillé en
Anjou.
J
AUTRE.
E flate un de tes sens dans la saison nouvelles
Et fais plaisir à plus d'une Mortelle ,
L'hyver me nuit , mais je charme au Printemps ,
Ma derniere moitié partage tous les temps-
En moi se trouve un mal et son remede ,
Mal furieux à qui tout autre cede.
Plus un Sçavant, Philosophe ou grand Roy .
Plus ce qui pense , agit et meut chés toy ,
Plus d'un fameux Mortel la féconde Maîtresse ,
Un mot qui t'avertit crainte qu'on ne te blesse. ”
Tu trouveras aussi par la combinaison
Uw
1980 MERCURE DE FRANCE
Un Instrument fort long et court selon raison .
Ce n'est pas tout , dans ta cuisine
Les deux tiers de mon tout te font faire la mine,
Devine ce que c'est , c'est deux , trois , six et un.
Enfin selon l'avis commun ,
Trois , quatre , un , cinq et six , est nécessaire ,
Et se trouve chés- moi , comme en tout Exemplaire.
J
C. D. M. D. L. F. C.
AUTR E.
' Ai six pieds , dont trois fendent l'air ,
Les trois derniers vivent en Mer ;
Mon tout est homme allant sur terre
Bien moins utile en Paix qu'en Guerre.
Un , quatre et cinq , servent souvent
Près du quatriéme Element.
の
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , & c .
HISTOIRE GENERALE des Auteurs
Sacrés et Ecclesiastiques , qui
contient leur Vie , le Catalogue , la Critique
, le Jugement , la Chronologie
l'Analyse et le dénombrement des différentes
SEPTEMBRE . 1735. 1981.
férentes Editions de leurs Ouvrages ; ce
qu'ils renferment de plus interessant sur
le Dogme , sur la Morale et sur la Discipline
de l'Eglise ; l'Histoire des Conciles
, tant generaux que particuliers ,
et les Actes choisis des Martyrs . Par le
R. P. Dom Remy Ceillier , Benedictin
de la Congrégation de S. Vanne et de
Saint Hydulphe , Prieur Titulaire de
Flavigny. Tome V. A Paris , chés Paulus
du Mesnil , Imprimeur - Libraire ,
Grand'Sale du Palais , au Pilier des
Consultations , au Lion d'or , 1735. in 4.
de 718. pages .
CATALOGUE de la Bibliotheque de feu
M. Bourret, ancien Intendant de la Prin
cipauté de Neufchastel et de Vallengin
en Suisse , &c. I. Vol. in 8. A Paris ,
chés Jean Boudot et facques Guérin , Quay
des Augustins , M. DCC. XXX V.
Ce Catalogue , que nous avons reçû
un peu tard , nous a paru curieux et
parfaitement bien dressé. La vente des
Livres qu'il contient a dû , selon l'Indication
, être commencée dès le 18. du
mois de Juillet dernier , à l'Hôtel de
Luynes , Quay des Augustins , et nous
aprenons qu'elle dure encore. Le Catalogue
est de
523. pages , et mérite d'être
vû. RI
1982 MERCURE DE FRANCE
›
REFLEXIONS CRITIQUES , sur les His
toires des anciens Peuples Chaldéens
Hébreux , Phéniciens , Egyptiens, Grecs ,
&c. jusqu'au temps de Cyrus , en trois
Livres , &c. Par M. Fourmont l'aîné ,
Professeur en Langue Arabe au College
Royal de France , Associé de l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles-
Lettres , Interprete et Sous - Biblio
thecaire du Roy. A Paris , chés Musier ;
Pere , Fombert , Briasson , et Bullot , Li
braires , 1735. in 4.
LA PAYSANNE PARVENUE , OU Memoi
res de Madame la Marquise de L. V.
Par M. le Chevalier de M ... Premiere
Partic. A Paris , chés Prault , fils , Quay
de Conty , vis-à- vis la descente du Pont-
Neuf, à la Charité , in 8. de 135. pages ,
sans la Préface et une Lettre fort courte ,
mais pleine de sentimens de reconnoissance
à M. l'Abbé d'Opede , Aumônier
du Roy , sur une action aussi noble que
genereuse de cet Abbé. On aprend à la
fin de cette Préface , que l'Auteur de cet
Ouvrage a travaillé sur les Memoires
qui lui ont été remis par une femme
pleine d'esprit et de douceur , &c . Ce
sont ces Memoires , dit- il , que je donme
aujourd'hui au Public ; les Parties qui
suivent
SEPTEMBRE. 1735. 1983
suivent celle- ci seront très- interessantes ,
elles paroîtront de mois en mois . Je n'ai
que faire d'annoncer que le but de Madame
la Marquise de L. V. dans cet Ouvrage
, est d'instruire son Sexe en l'amusant
, de mettre la vertu dans son
jour , et de porter ceux qui écrivent à
orner leurs Ouvrages de ses beautés.
DESCRIPTION DE L'EGYPTE , contenant
plusieurs Remarques curieuses sur la
Géographie ancienne et moderne de ce
Pays , sur ses Monumens , sur les Moeurs,
les Coûtumes et la Religion des Habitans
, sur le Gouvernement et le Commerce
, sur les Animaux , les Arbres , les
Plantes , & c, composée sur les Memoires
de M. de Maillet , ancien Consul de
France au Caire , par M. l'Abbé le Mas
crier. Ouvrage enrichi de Cartes et de
Figures. A Paris , chés Louis Geneau et
Jacques Rollin , fils , Quay des Augus
tins , 1735. in 4.
TRAITE DE LA GOUTE dans son état
naturel , ou l'Art de connoître les vrais
principes des maladies ; avec plusieurs
Remedes conformes au Systême d'Hypocrate
, de Galien et de Vanhelmont , qui
se trouve dans son vrai jour , dévelopé
du faux langage et de la fausse opinion ,
\par
1984 MERCURE DE FRANCE
par M. Aignan , Medecin du Roy et de
S. A. S. M. le Prince de Condé , Docteur
en Médecine de la Faculté de Padoüe.
Dédié à S. A. S. M. le Duc de
Bourbon. A Paris , chés P. G. le Mercier,
ruë S. Jacques , au Livre d'or , in 12 .
1735. 1. livre 15. sols .
PARIS ou le Mentor à la mode , par
M. le Chevalier de M ... Premiere Partie.
A Paris , chés Pierre Ribou , vis- àvis
la Comédie Françoise , à l'Image S.
Louis , 1735. in 12. de 155. pages.
LE DEMESLE survenu à la sortie
de l'Opera , entre le Paysan Parvenu et
la Paysanne Parvenuë , imprimé à Nancy
, et se vend à Paris , chés Pierre
Ribon , vis- à- vis la Comédie Françoise ,
à l'Image S. Louis , 1735 .
4
LES VIES et les Miracles de S. Spire , et
de S. Leu , premier et troisiéme Evêques
de Bayeux en Normandie , avec l'Histoire
de la Tranflation de deurs Keliques
au Château de Palluau en Gâtinois
, et de-là en l'Eglise Royale et
Collégiale de Corbeil , où les nouveaux
Miracles y sont insérés . Dédiées à la Reine,
revûës, corrigées et augmentées , avec
figures
SEPTEMBRE . 1735. 1985
figures, et les Hymnes et Proses des Fêtes
marquées. L'abregé desdites Vies se vend
aussi séparément avec les mêmes Hymnes
et Proses Latines et Françoises et
mêmes figures . Par Messire Jean - François
Beaupied , Prêtre , Docteur en Théologie
, Abbé de S. Spire. A Paris , chés
André Cailleau , Quay des Augustins ,
au coin de la rue Gist - le- Coeur , à saint
André , 1. vol in 12. 1735.
Il a paru plusieurs Imprimés en divers
temps des Vies et Miracles de S. Spire
et de S. Leu , avec l'Histoire de la Translation
de leurs Reliques , en la Ville de
Corbeil , où elles sont présentement dans
l'Eglise Royale et Collégiale , qui en
porte le nom ; mais aucune n'a été plus
exacte ni plus recherchée que celle qu'on
donne maintenant , parce qu'on n'avoit
pas pris la peine d'examiner à fond une
très - ancienne Légende Latine qu'on a
découverte dans le Trésor du Chapitre
de S. Spire. Celles qui ont été imprimées
à Paris en 1658. par Erienne Pepingué,
et en 1708. par J. B- Christophe Ballard,
sont celles qui aprochent le plus de la
véritable Histoire de ces Saints ; les autres
qui peuvent avoir été imprimées ailleurs
, n'ont aucune vrai - semblance , et
même on ne craint point de dire qu'elles
1986 MERCURE DE FRANCE
les sont absolument fausses , contraires à
la Tradition, et à ce qui est contenu dans
la Légende dont on a parlé.
DICTIONNAIRE Italien , Latin et
François , contenant non- seulement un
Abregé du Dictionnaire de la Crusca
mais encore tout ce qu'il y a de plus
remarquable dans les meilleurs Léxicographes
, Etymologistes et Glossaires qui
ont paru en differentes Langues . Par
M. l'Abbé Antonini. A Paris , chés Jacques
Vincent , rue et vis - à- vis l'Eglise
de S. Severin , à l'Ange , 1735. in 4. de
658. pages , en trois colomnes , Caractere
de Petit Romain , sans la Préface ;
la Table des Auteurs et des Livres cités ,
la Table des Verbes irréguliers , & c. de
28. pages. Le Frontispice est orné d'une
belle Estampe ; l'impression sur de fort
bon papier est correcte , et la netteté des
Caracteres fait plaisir à la vûë.
Depuis plusieurs années que l'Abbé
Antonini est en France , il s'est continuellement
apliqué à nous rendre la
Langue de son Pays plus familiere , soit
par la maniere exacte , claire et précise
dont il l'enseigne , soit par des Méthodes
particulieres qu'il nous a données , et
par des nouvelles Editions des meilleurs
Poëtes
SEPTEMBRE . 1735. 1987
Poëtes Italiens qu'il a publiés. Il vient
d'accomplir ce que le Public exigeoit encore
de lui avec le plus d'empressement;
c'est-à- dire , le Dictionnaire qui donne
lieu à cet article , le plus complet , le
plus étendu , le plus exact et le plus
sçavant de cette espece qui ait encore
paru .
Il y a certaines sortes d'Ouvrages qui
sont d'une nécessité indispensable , et
l'on ne sçauroit être assés reconnoissant
envers ceux qui veulent bien. y travailler.
Peut- on entendre bien une Langue
sans un bon Dictionnaire ? Mais aussi
quelles peines , quels soins , quels temps
n'en coûte- t'il pas à un Autcur ? Celuici
commence sa Préface par montrer les
défauts qui se rencontrent dans les Dictionnaires
dont on se servoit en France
avant que le sien parût. On ne doute
pas que le Public ne lui rende justice
à tous égards ; le moindre avantage
de cet Ouvrage est de trouver dans la
seule lettre A. onze cent mots de plus
que dans celui de Veneroni , qui est le
seul Dictionnaire dont on se servoit auparavant
en France.
Sans relever ici le mérite et la capacité
de M. l'Abbé Antonini , les seuls
modeles qu'il a scrupuleusement suivis
E dans
1988 MERCURE DE FRANCE
dans la composition de son Ouvrage ,
peuvent lui répondre d'un entier succès.
L'Académie de la Crusca , dit notre Au-
>> teur , est si universellement estimée
» dans la République des Lettres , que
» tous les éloges que j'en pourrois faire
» n'ajoûteroient rien à son mérite , ni à
» celui de son Dictionnaire ,, imprimé
» d'abord in folio , et depuis en trois
» volumes en 1691. Cet excellent Ou-
» vrage a servi de base et de fondement
» à celui que je donne aujourd'hui au
» Public . Le mien renferme donc ge-
» neralement tous les mots employés
dans le Dictionnaire de la Crusca , soit
»pour le nombre , soit pour les ассер-
» tions differentes, C'est dans cette même
source que j'ai puisé toutes les déd
❤finitions des mots , leur explication La-
» tine ou Grecque , et les exemples que
j'ai raportés. Ce guide est trop sûr pour
» craindre de s'égarer en le suivant.
On voit par ce que notre Auteur vient
de dire , qu'il n'y a rien dans le fameux
Dictionnaire de la Crusca qui ne se trouye
dans le sien. Il ne s'en est pas même
tenu là ; quoiqu'il avoue que sans le Dictionnaire
de la Crusca il ne se seroit jamais
avisé d'entreprendre celui- ci Mais il
sçavoit en même-temps que quelquegrande
que
SEPTEMBRE. 1735. 1989 .
que puisse être la gloire des premiers Auteurs,
les derniers peuvent toujours donner leurs
Ouvrages plus complets. Voyons donc dans
le Projet que M. l'Abbé Antonini a fait
imprimer de son Dictionnaire , en quoi
ilea étendu ses idées.
J'ai même aspité , dit- il , à enchérir
sur le travail de tant d'illustres Génies
d'Italie . Dans cette vûë , j'ai ajoûté aux
mors employés dans le Dictionnaire de la
Crusca , plus de deux mille autres mots
tous tirés des Auteurs reconnus pour
faire autorité dans notre Langue : Il sera
facile d'en faire la distinction par la différence
du caractere. Les Italiens comptent
trois Dialectes , tous trois en usage,
tous trois reconnus , le Romain , le Florentin
et le Siènois . J'ai donc eu soin
d'avertir de quel Dialecte étoit un mot ,
dès qu'on ne s'en servoit pas également
à Rome , à Siène et à Florence. On trouvera
aussi dans mon Ouvrage la quantité
des syllabes marquée par les accens ;
la differente prononciation des E et des
O , qui emporte souvent dans les mêmes
mots une signification differente ;
les genres des Noms , les régimes des
Verbes et des Prépositions ; les irrégu
larités des Verbes , & c. J'ai observé à ›
l'égard des mots , ceux qui sont en usage
E ij et
1990 MERCURE DE FRANCE
*
et dont on peut se servir , et ceux qui ne
se trouvent plus que dans les anciens Auteurs
. J'ai distingué les termes uniquement
consacrés à la Poësie , de ceux qui
peuvent également servir pour la Prose.
Pour prévenir même le mauvais usage
qu'on pouroit faire d'une expression ,
j'ai marqué si elle est noble , familiere ,
basse , &c. Enfin dans la composition
de mon Ouvrage , je me suis servi de
tous les Lexicographes , Etymologistes
et Glossaires , qui ont été donnés en
differentes Langues. Je n'ai pas consulté
seulement les Gens de Lettres , j'ai eu
souvent recours à des Artisans même ,
pour mieux sçavoir les termes propres
de leur Art. Par toutes ces précautions
il est à présumer que j'aurois dû donner
le Dictionnaire Italien le plus complet
qui ait paru jusqu'à présent. En
suis-je véritablement venu à bout ? Le
Public en décidera.
Il semble que M. l'Abbé Antonini ait
oublié de parler dans ce Prospectus de
la Liste des Auteurs et des Ouvrages
Italiens , qu'il a ajoûtée à son - Livre . Elle
lui donne cependant un grand mérite.
On n'entrera pas dans Lexamen d'une
espece de Dissertation ou Parallele de la
Langue Italienne avec la Françoise , que
L'Auteur
SEPTEMBRE . 1735. 1991
l'Auteur ajoûte à la fin de sa Préface.
L'estime que nous avons pour un Auteur
qui a si heureusement executé un
si laborieux projet , nous y fait trouver
de l'esprit et de l'éloquence ; mais l'amour
que tout François doit avoir pour
sa Langue , empêchera , sans doute , de
goûter les raisons de M. Antonini . Peutêtre
qu'il n'en est pas lui - même entierement
convaincu , du moins après avoir
vanté par une espece de devoir, sa propre
Langue, il donne à connoître combien il
pense favorablement de la nôtre.
Que l'on ne s'imagine point , au reste ,
dit-il , page 16. de sa Préface , qu'en faisant
l'éloge de la Langue Italienne , j'aye
aucunement prétendu diminuer par là -le
prix de la Françoise. Mon unique but ,
je le réïtere , seroit de les faire aller
de pair et de les allier ensemble , s'il
étoit possible. Après avoir lû les Corneilles
, les Racines , les Molieres , les
Boileaux , les la Fontaines , et tant d'au
tres Auteurs du premier Ordre , peuton
, sans injustice , ne pas estimer et cherir
une Langue dans laquelle on a écrit
de si excellentes choses ? Les paroles d'un
célebre Académicien , dans son Discours
à l'Académie , sont remarquables . Si nous
nous apliquons , dit- il , à polir , à per-
E iij fectionner
1992 MERCURE DE FRANCE
fectionner le langage , ce n'est pas dans
la seule vûë de flater l'oreille par des sons
harmonieux , de donner plus de justesse
et de clarté à la Prose , un vol plus hardi
et moins témeraire à la Poësie ; c'est
principalement pour rendre les preuves
de la verité plus sensibles , les images
de la vertu plus respectables , et mériter
l'attention de la Posterité , autant
par la délicatesse du pinceau , que par
l'importance et la majesté du sujet . Le
conseil que cet illustre Académicien semble
donner , est un des principaux éloges
de la Langue Françoise. Je dirois
même volontiers aux Etrangers qui n'en
font pas tout le cas qu'elle mérite , que
c'est faute de la connoître. Pour moi ,
sans entrer dans un plus long détail ,
je déclare que chaque année que je reste
à Paris , ajoûte infiniment à l'estime que
j'ai pour cette Langue , aussi bien qu'à mon
respect et à ma vénération pour l'heureuse
Nation qui la parle . On trouve dans
la même Préface , qui est très - bien écrite,
sçavante , instructive et concise , le Plan
d'un Dictionnaire Italien universel ; Plan
qui nous a paru très méthodique et aussi
beau qu'utile. On ne peut sur ce projer
, que louer la capacité , le zele ardent
et la sagacité de l'Auteur , il n'y a pas
lieu
SEPTEMBRE . 1735. 1993
Hieu de douter que tous les Amateurs
des Lettres et des Arts , ne concourent
à l'encourager dans la pénible et vaste
entreprise de ses projets.
Il reste à raporter quelques mots
de ce Livre , pris au hazard , afin
qu'on puisse , par cet échantillon , juger
du reste de ce Dictionnaire.
ABBACCHIARE , Fior. Batter con bacchio
, cioè bastone , o pertica ; e dicesi
per lo più delle frutta , che hanno guscio
, quando sono in sù l'albero. ( Lat.
decutere. ) Gauler les fruits. Come i Toscani
dicono Abbacchiare da Bacchio ,
che significa Pertica , così i Franc . dicon
Gauler da Gaule , che vale lo stesso.
ASCIOLVERE, Sust . Colezion della mattina
. ( Lat . Jentaculum. ) Le déjeuner. ţigur.
Cinquanta ducati sono un'asciolvere :
cioè , una colezione ; cosa di poco rilievo.
Si direbbe anche in Franc. Ce n'est qu'un
déjeuner.
ASCIOLVERE , verbo . Mangiar la mattina
innanzi desinare . ( Lat . jentare . )
Déjeuner. Asciolvere , dal Lat. ( Solvere . )
Come ha detto Ovidio ( jejunia solvere . )
E Petrarca : Send' io tornato a solvere il
digiuno. Gl' Inglesi dicono anch'essi ,
Breakfast ; cioè , Rompere il digiuno :
maniera presa da' Greci.
E iiij
L'Ou1994
MERCURE DE FRANCE
L'Ouvrage que nous annonçons doit
être suivi d'une seconde Partie , qui contiendra
le Dictionnaire François - Italien .
Il paroîtra incessamment.
REFLEXIONS MILITAIRES ET POLITIQUES
, traduites de l'Espagnol de M. le
Marquis de Santa- Cruz de Marzenado. A
Paris , chés Rollin , fils , 1735. in 12.
DECISIONS NOTABLES sur diverses
Questions de Droit , conformément
aux Arrêts de la Cour du Parlement de
Toulouse , partagées en 6. Livres , et
recueillies par M. Jean de Cambolas , Président
au même Parlement. Cinquième
Edition , revûë , corrigée et augmentée
des Notes sur la Matiere des Donations ,
relativement à l'Ordonnance du Roy da
mois de Février 1731. A Paris , chés
Etienne et Louis Ganean , pere et fils .
On vient de donner au Public une
nouvelle Traduction de Virgile , avec le
Latin à côté et des Notes Historiques et
Géographiques , par M. l'Abbé de la Landelle
de S. Remy. 4. volumes in 8. A
Paris , rue S. Jacques , chés Gregoire
Dupuis , à la Couronne d'or , Barbou
aux Cigognes , et Louis Dupuis fils , à la
Fontaine d'or. On en parlera plus au long.
ARRESTS
SEPTEMBRE. 1735. 1995
ARRESTS NOTABLES du Parlement de Dijon
, recueillis par M. François Perrier ,
Substitut de M. le Procureur General
avec des Observations sur chaque question
, par Guillaume Raviot , Ecuyer ,
Avocat au Parlement et Conseil des Etats
de Bourgogne. A Dijon , chez Arnaud-
Jean-Baptiste Augé, 1735. in folio, deux
Volumes.
HISTOIRE DES SEQUANOIS et de la Province
Sequanoise , des Bourguignons et
du premier Royaume de Bourgogne , de
l'Eglise de Besançon jusques dans le VI.
siecle , et des Abbayes nobles du Comté
de Bourgogne , SS.. CCllaauuddee , Beaume ,
Gigny , Château - Châlons , Beaume -les
Dames , Lons-le- Saunier, Migette et Montigny
, depuis leur fondation jusqu'à présent.
Par M. F. J. Dunod , ancien Avocat
au Parlement , et Professeur Royal
en l'Université de Besançon. A Dijon
chés de Fay , Imprimeur des Etats , de
la Ville , et de l'Université , in 4.
EXPLICATION des sept Sacrements de
l'Eglise , par Messire Charles Evêque de
Tulle , pour l'utilité du Clergé et des Fideles
de son Diocèse .
Cet Ouvrage est divisé en trois Tomes,
in douze. E v Le
1996 MERCURE DE FRANCE
Le premier Tome contient le Traité
des Sacremens en general , du Baptême ,
de la Confirmation et de l'Eucharistie
La Controverse contre les Herétiques Protestants
sur la présence réelle du Corps
de Jesus Christ dans le Sacrement de
l'Eucharistie et sur la Transsubstantiation
y est traitée avec soin.
Le second Tome renferme le Traité de
la Penitence , de l'Extrême - Onction et de
l'Ordre .
Le troisième Tome tout entier est sur
le Sacrement de Mariage.
Le prix de chaque Tome en feüille est
de quarante sols , c'est - à - dire , six francs
pour les trois Tomes en feuilles , sans la
relicure. A Tulle chés J. Leonard
Dalvy , Imprimeur de M. l'Evêque et du
Clergé . 134 Ce Livre se vend aussi à
Paris,chés André Cailleau , Libraire ,Quay
des Augustins , à l'Image de S. André.
و
AURESOUN FUNEBRO de Messiro Cardin
Lebret , & c. c'est- à dire , Oraison
Funebre de M. Cardin Lebret , Conseiller
d'Etat , Premier President , Intendant de
Juice , Police , Finances , et du Commerce
, Commandant pour le Roy en Provence.
Prononcée le 12. May 1735. dans l'Eglise
Paroissiale de S. Laurent , en presence de
Messier us
SEPTEMBRE . 1735. 1997
, Messieurs Jacques Carles Reymond
Floux , Jean-Pierre Pons , et Louis Lombard
, Prud'hommes de Marseille. Par
M. Pourrieres , Curé de la Paroisse de S.
Ferreol. Brochure in 4. de 25. pp. A
Marseille , chés Dominique Sibié et Jean
Isnard , 1735 .
*
La mort du Maréchal de Villars ,Gouverneur
de Provence , et celle de M. Lebret
, Premier President , Intendant , & c.
de la même Province , arrivées presque
en même temps , ont donné lieu à plusieurs
Oraisons Funebres prononcées à
Aix , à Marseille , à Arles , à Toulon ,
à Lambesc , que nous avons toutes reçuës
imprimées , et dont nous aurions pû
donner des Extraits , si cette entreprise
avoit pû ne pas exceder les bornes auxquel
les nous sommes assujettis dans notreJournal
.Nous avons crû cependant devoir
dire quelque chose de celle dont on
vient de lire le titre , à cause de sa singularité
et de son merite particulier.
Nous ne l'avons reçûë que depuis peude
jours.
* Du Maréchal de Villars par le R. P. Sube ,
Mineur Conventuel , Docteur en Theologie , prononcée
avec succès devant les Etats de Provence
le 16. Novembre 1734. et imprimée à Aix , chés
J. David.
E vj Dans
1998 MERCURE DE FRANC
,
Dans une très- courte Preface , on nou
expose , en ces termes , l'occasion et la
singularité de ce Discours . » La Pro-
» vence a pleuré sincerement la mort de
» M.Lebret ;la France a reçu avec avidité les
» differens Eloges qu'on a fait de ce grand
» Magistrat. En voici un d'un genre nou-
» veau et tel qu'on n'avoit pas prévu .
» La Communauté des Pêcheurs de la
» Ville de Marseille a cru devoir laisser
» un monument de sa reconnoissance en-
>> vers cet illustre deffunt , auquel elle est
» redevable de sa conservation . Jaloux
» des moeurs et du langage de leurs ancê¬
» tres , les Pêcheurs ont souhaité que les
» vertus de leur Protecteur fussent pre-
» conisées dans la même langue , dont
» leurs Pasteurs se servent pour leur an-
» noncer les verités Evangeliques . La
>> Langue Provençale fut jadis recommandable
par les Ouvrages de nos an-
» ciens Troubadous ; elle est connue dans
> ces derniers temps par des Cantiques ,
» des Fables morales , et des Odes dont
le Public a admiré et l'élegance et l'é-
*
* Avant çes derniers temps il y a eu une Traduction
du Nouveau Testament en Langue Proven
fale , dont il y a un très- bel Exemplaire dans la
Bibliotheque de M. le President de Mazaugues
d'une Ecriture du XIII ouXIV , siecle,
nergie
SEPTEMBRE . 1735. 1999
» nergie , et elle est admise dans la chaire
» de verité pour toutes les Instructions
» qui sont adressées au Peuple. Les lê-
» cheurs versés dans cette Langue , ont
prié l'Orateur de ne se servir d'aucune
>> autre pour loüer M. Lebret : ils vou-
>> loient tout entendre ; tout est précieux
» en effet dans la vie de ce Grand Homme
, et le plus petit trait qui leur eut
» échapé auroit merité leurs regrets .
a Ainsi parle l'Editeur.
Au reste , si Mrs les Prud'hommes et le
Corps des Pêcheurs ont absolument voulu
un Eloge en Langue vulgaire , ils ont
eu soin de se choisir un Orateur qui
n'est rien moins que vulgaire ; nous aprenons
, en effet , que M. l'Abbé Pourrieres
est très distingué par le talent de la parole
, par sa capacité , et par un merite
personnel fort au dessus du commun .
Il prit pour texte de son Discours ",
ces belles et heureuses paroles du 21.
chap. des Proverbes V. 21. Qui sequitur
justitiam et misericordiam , inveniet vitam
et gloriam. Paroles dont la paraphrase lui
servit d'Exorde.
>> C'est le S. Esprit , dit il , qui pro-
» met la vie et la gloire à celui qui sait.
la justice et la misericorde. Les pro-
» messes les plus salides que les hommes:
puissent
2000 MERCURE DE FRANCE
€
>>
29
» puissent faire , sont toujours sujettes à
» beaucoup d'inconveniens , et souvent
» ce qui nous paroît le plus assuré et le
» moins perilleux , est ce qui nous manque
plutôt . Semblables à la Mer la
plus tranquille , au temps le plus se-
» rain , aux vents les plus favorables ,
qui font esperer un bon départ et une
» heureuse navigation , les Hommes font
» des promesses , et donnent des paro
» les qui sont aussi peu assurées , et aussi
» sujettes au changement que le temps ,
» la Mer , et les vents . Il n'en est pas
» de -même , continua- t'il , des promesses
» que nous fait l'Esprit Saint ; le Ciel et
» la Terre passeront ; mais les paroles de
la verité, et les promesses de Dieu sub-
>> sisteront éternellement , et voilà ce qui
doit faire aujourd'hui le sujet de notre
» consolation .
Ces mêmes paroles du Texte , suivies
d'un Portrait en racourci des vertus de
M. Lebret , et des louanges que meritent
Mrs les Prud'hommes par leurs regrets
et par les marques qu'ils donnent ici
d'une juste reconnoissance aménerent
naturellement la division du Discours en
deux parties : la Justice et la Misericorde
ayant toujours fait le veritable caractere
de M. le Premier President Lebret , & c .
L'O-
,
= SEPTEMBRE. 1735. 2001
›
L'Orateur dans les preuves de sa pre-.
miere partic , fit entrer habilement et
les services rendus à la Communauté des
Pêcheurs et le caractere de ceux qui
composent cette Communauté. » Per-.
» sonne , dit- il, n'a mieux éprouvé qu'elle.
» étoit son affabilité , que Mrs les Pru-
» d'hommes devant qui j'ai l'honneur de
» parler. Je le puis dire sans crainte de
les offenser. Ces Messieurs sont con-
" nus et distingués dans le Monde par
» leur probité , par leur bonne foy , par
" leur candeur et par leur aimable sim-
" plicité: car du reste ils vivent dans un si
» grand éloignement des autres Gens du
» monde , qu'ils n'en suivent ni les usa-
» ges , ni même presque les manieres de
» s'exprimer. Cependant quel accez n'a-
>> voient- ils pas aupres de M. Lebret ? 11
les recevoit , les écoutoit , les prote-
" geoit , les soutenoit , il se faisoit ins-
" truire de leurs affaires , il apuyoit leurs
» projets , après les avoir éxaminez ; il
" faisoit confirmer par les Arrêts des
» deliberations de la Communauté , et
» les faisoit authoriser de la Cour . Enfin
» par ses soins et par sa protection parti-
» culiere , cette Communauté qui étoit .
presque entierement ruinée,a payé pres-
» que toutes ses dettes , et retabli son
credit
2002 MERCURE DE FRANCE
» credit...... Je vois , Mrs les Pru-
» d'hommes , que je vous ai attendris en
vous parlant des bontés particulieres
» que M. Lebret avoit pour vous : mais
>> qui ne seroit touché au recit de ses ac-
> tions ? & c.
Dans les preuves de la seconde Partie ,
il fit un portrait touchant de ce temps
de peste et de calamité publique , pendant
lequel M. Lebret se distingua si fort
du côté de la pitié et de la misericorde
&c. Il n'oublia pas les secours spirituels ,
donnés alors par M. l'Evêque de Marseille
à son cher Troupeau , qui fût attaqué
le premier.
» Notre Saint Evêque , dit il , rempli
» de zele , de tendresse , d'amour et de
>> compassion pour son Peuple , avoit non-
» seulement distribué et établi des Minis-
» tres zelés et charitables pour le besoin
» de tous : mais il animoit lui - même ses
» Ouvriers au milieu des morts et des
» mourans ; et toujours à la tête des au-
» tres , comme le chef de tous , il expo-
» soit sa vie pour nous faire voir par cet
>> exemple que nous ne devions pas me-
» nager la notre . Le Peuple , graces à ses
» soins et à son zele , ne manquoit de rien
» de ce côté-là , et si le propre bien du
* Coumo lon Capouliè.
charitable
*
SEPTEMBRE. 1735. 2003
» charitable Prélat avoit pû suffire pour
» le bien de tous ; il le repandoit de st
» bon coeur , et si liberalement , qu'on' se
» seroit passé de secours étrangers pour
» les necessités publiques . Mais tout étoit
» épuisé , et le premier Pasteur après
>> avoir tout donné , fue reduit comme
les Pasteurs subalternes à l'ordinaire le
» plus mince , encore en faisoit - il part
>> aux malheureux , qui n'avoient rien du
» tour.
>
Il finit ses preuves , à l'egard de M.Lebret
, en disant qu'il ne faut pas croire
qu'on puisse exposer dans ce Discours
tout le bien qu'il a fait. Il en a tant fait ,
dit- il , qu'il faudroit la vie d'un Homme
pour le raconter.
Le Discours fut terminé par les paroles
qui suivent , lesquelles laisserent
tous les Auditeurs touchés , édifiés , et
fort contens de 1 Orateur. » J'en ai assés
» dit , Messieurs , pour augmenter vos
» regrets , mais non pas pour loüer dignement
le grand Magistrat que nous
»venons de perdre. Toutes ses actions ,
» tous ses sentimens , toute sa conduite
» ont toujours été si remplis de justice et
» de misericorde , que nous devons croire
» que Dieu lui aura donné la vie et la
gloire qu'il a meritée. Qui sequitur justitiam
2004 MERCURE DE FRANCE
ntitiam ,& c.Non , Messieurs , il n'est plus
» temps de verser des larmes , et nos larmes
» et nos genissemens sont trop interes-
» sés. Dieu nous l'a ravi cet illustre protec-
›
*
teur pour la punition de nos pechés.
" Apaisons sa colere par notre soumis-
» sion aux ordres de sa providence
unissons nos prieres à celles de notre
» Saint Evêque , qui va faire couler pour
lui sur l'Autel le Sang de J.C. et es-
>> perons fermement que ce grand hom-
» me , qui avoit travaillé avec tant de
» zele , d'aplication et d'assiduité à nous
>> rendre heureux sur la terre , aura trou
» vé la vie et la gloire éternelle.
Comme tout le monde n'est pas obligé
d'être au fait des usages particuliers d'une
Ville , nous ajouterons ici que les Prud'hommes
de Marseille , au nombre de
quatre annuellement élus , sont les Chefs
des Pêcheurs de la Ville , faisant ensemble
un Corps de Communauté d'environ
six cent Personnes qui habitent un
quartier particulier dans la Paroisse saint
Laurent. Ces Chefs jugent en derniér
- ressort , sans forme ni figure de Procés ,
tous les differends qui concernent la Pêche
, chaque particulier plaidant sa cause .
L'origine des Prud'hommes , et de leur
* M. l'Evêque de Marseille celebroit la Messé.
Jurisdiction
SEPTEMBRE. 1735. 2005
Jurisdiction est si ancienne , que les
Historiens n'ont pû encore la decouvrir.
Ils sont appellés dans les Chartes , Probi
Homines Piscatorum . Il y a plus de 400 .
ans que les Comtes de Provence
ensuite nos Rois ont confirmé leurs privileges.
Louis XIII . étant à Marseille en
1622.où il prit le plaisir de la Pêche des
Thons , en ajoûta de nouveaux ..
et
Cette Communauté a été de tout
temps considerable. On trouve , en effet,
qu'en l'année 1385. elle avoit une Con
frairie appellée l'Aumône des Pêcheurs ,
conduite par cinq Recteurs . Ces Recteurs
acheterent cette même année une Galere
armée , des deniers de la Confrairie , pour
se deffendre contre les Corsaires de Bar
barie. Elle leur couta deux mille florins
d'or de la Reine , comme parlent les
Titres.
Il ne faut pas oublier que les Prud'hommes
, en certains jours de ceremonie
, paroissent en public habillés d'une
maniere singuliere, avec des Toques , et de
larges Epées à l'antique. Amateurs des anciens
usages , eux et tous ceux qui leur sont
soumis ,ils nontet n'entendent d'autre langage
que celui de leurs ayeux , c'est à- dire,
le Marseillois, langage qui a d'ailleurs son
énergie , son élegance , et son harmonie
particuliere
2006 MERCURE DE FRANCE
*
particuliere. Sur quoi il est bon d'obser
ver que M. de Ruffy s'est trompé en
disant , qu'il ne reste plus aucun vestige
de la Langue qu'on parloit anciennement
à Marseille ; car encore aujourd'hui on
trouve des traces de cette Langue et de
l'origine de la Ville en quantité de mots
purement Grecs , et en d'autres qui sont
Latins , Gaulois , et Celtiques . A quoi
on peut ajouter qu'avant la réunion de
la Provence à la Couronne , et encore
quelque temps après , presque tous les
Actes , les Discours et les Ouvrages publics
, étoient écrits et prononcés en langue
Marseilloise , depuis perfectionnée ,
et telle à peu près que l'a heureusement
employée M. l'Abbé Pourrieres dans l'O
raison Funebre dont nous venons de rendre
compte au Public.
, En finissant cet article il nous est
tombé entre les mains un Mémoire au su
jet des Prud'hommes et des Pêcheurs do
Marseille , qui merite d'avoir ici sa place,
et qui interesse la Litterature. Qui croiroit
que les Prud'hommes et leur Corps,
* Histoire de Marseille , T. I. L. XIII. p.331.
Il se trompe encore quand il dit p. 332 que le
Langage qu'on parle à present à Marseille , a plus
de conformité avec la Langue Françoise qu'avec
Aucune autre,
tels
SEPTEMBRE . 1735. 2007
tels qu'ils sont ci - dessus dépeints , et la
Litterature , pussent avoir ensemble quelque
chose de commun . Il est cependant
vrai que M. le Comte de Marsigli , Seigneur
Italien , celebre dans la Republique
des Lettres , et le-même dont il est
parlé dans le II . Volume du Mercure de
Decembre 1733. p. 2824. étant venu à
Marseille pour y continuer ses recherches
sur l'Histoire naturelle , et sur tout
celles des Plantes marines , eut besoin de
nos Prud'hommes , qui concoururent utilement
à ce dessein , en se prêtant avec
zele à tout ce qui dépendoit de leur autorité
et de leur profession. Les Pêcheurs
aportoient éxactement au Comte de M.
toutes les Plantes qui s'accrochent ordinairement
à leurs filets , et qu'ils jettent
à la Mer , et encore plusieurs Coquillages
et Insectes Marins.
Les mêmes Chefs lui donnerent les
Pêcheurs les plus experimentés pour aller
faire en sa presence la Pêche du Corail
du côté de la Ciotat. C'est dans cette
Pêche que M. de Marsigli trouva pour
la premiere fois des branches de Corail
chargées de ce qu'on peut apeller la
Aeur de cette Plante Marine. Il fut si
content de sa decouverte , qui décidoit
une Question jusqu'alors indécise sur la
fleus
2008 MERCURE DE FRANCE
*
Ce
fleur du Corail , et si reconnoissant en
vers les Prud'hommes qui n'avoient rien
épargné pour faciliter ses recherches ,
qu'il leur envoya de Boulogne un magnifique
Tableau pour leur Chapelle. Če
Tableau represente S. Pierre pêchant du
Corail. Le Peintre a observé que toutes
les branches pêchées portent la fleur à
leurs extremités , suivant l'intention du
Donateur , qui a voulu caracteriser et sa
decouverte et sa reconnoissance par ce
Monument.
Le Comte de Marsigli n'en demeura
pas là : Comme
il avoit été reçû à Mar
seille avec tous les égards dûs à sa nais
sance et à son merite personnel
, il en- voya en même temps au Corps de Ville
un grand Tableau
d'environ
20 pieds de largeur
sur une hauteur
proportionnée
, d'une très belle ordonnance
,où Neptune
,
ou pour mieux dire M. le Regent
sous le
symbole
de cette Divinité
, est repre- senté sur un Char en coquille
, tenant
notre Auguste
Monarque
encore Enfant, et très - ressemblant
dans son Giron , le conduisant
à Marseille
. Le Char est attelé
de Chevaux
Marins
, entouré
de Syrenes
,
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , où il a
fondé une Académie, &c.
de
SEPTEMBRE. 1735. 2009
de Tritons , & c. tenant des branches de
Corail , des Conques remplies de Perles ,
& c.d'autres sonnant de la trompe marine .
Toute cette éclatante composition représente
une Entrée triomphale duRoy dans
le Port de Marseille , dont on voit la plus
belle partie avec la superbe façade de
l'Hôtel de Ville , & c . Tout cela s'est
passé dans les années 1716. et 1717. Ce
Tableau fair aujourd'hui le plus bel ornement
de la grande Sale de cette Hôtel .
"
→
Il paroît tout recemment une nouvelle
feuille , sous le titre de Nouveaux
Amusemens serieux et comiques. A Paris ,
à l'entrée du Quai des Augustins , du
côté du Pont S. Michel chés Charles
Guillaume , 1735. in 12. de 24. pages . On
promet deux semblables feuilles tous les
Lundis et Vendredis de chaque semaine.
Ce que nous venons de parcourir de ce
petit Ouvrage , dont le sujet est Eloge
des Miroirs , est bien écrit.
La suite des Cent Nouvelles Nouvelles
>
de Madame de Gomez , paroît exacte
ment , et a un grand cours . Let Ouvrage
, à mesure qu'il augmente , semble piquer
davantage la curiosité des Lecteurs.
On en est à la trentiéme partie , chés
Mauduit , Quay des Augustins.
L'Académie
2010 MERCURE DE FRANCE
L'Académie Françoise celebra le 25.
Août , la Fête de S. Louis , dans la Chapelle
du Louvre.Pendant la Messe, qui fut
celebrée par l'Evêque de Vence , l'un des
Membres de cette Académie, on chanta un
très- beau Motet en Musique de la composition
du sieur Dornel. L'Abbé Carrelet
de Rozey , Docteur de Sorbonne
Predicateur du Roy , Grand Archidiacre
de Soissons , et Académicien de l'Académie
de la même Ville , prononça le Panégyrique
du Saint avec beaucoup d'éloquence
. L'aplaudissement qu'il a eu nous
engagera à en donner un petit Extrait
dans le prochain Mercure .
L'Après -midy , l'Académie s'étant assemblée
pour la distribution des Prix , M.
l'Abbé d'Olivet ouvrit la Seance par un
Discours sur la chute dont- il semble
que l'Eloquence Françoise soit menacée ;
il fit voir les causes de sa décadence , et
exposa enfin les moyens les plus efficaces
pour la retablir et pour l'entretenir dans
son premier lustre . Ce Discours également
solide , pathetique , instructif, fut
fort aplaudi. On lût ensuite les deux Piécés,
qui, au jugement de l'Académie , ont
remporté les prix de cette année. Celuy
d'Eloquence fut adjugé à M. Pallas
Lieutenant General de Toul , et celui de
Poësie
SEPTEMBRE . 1735. 2011
Poësie à M. l'Abbé Clement de Provence ,
Aumônier de M. l'Archevêque de Paris .
La Séance finit par la lecture de deux Pieces
, l'une d'Eloquence , l'autre de Poësie ,
presentées à l'Académie de la part de l'Académie
de Soissons , par M. l'Abbé de
Rozey , le même qui avoit prononcé le
matin , avec beaucoup de succès le Panégirique
de Saint Louis. Le Poëme est de
sa composition , et fut fort aplaudi.
Le même jour l'Académie des Inscriptions
et Belles Lettres , et celle des Sciences
, celebrerent la même Fête dans l'Eglise
des PP . de l'Oratoire. Il y eut aussi
un beau Motet pendant la Messe , de la
composition du sieur du Bousset , après
laquelle M. l'Abbé Josset prononça avec
tout le succès possible , le Panegirique de
S. Louis.
L'Académie Royale des Belles Lettres
de Marseille s'assembla publiquement le
25. Août , Fête de S. Louis , pour la distribution
du Prix de Poësie fondé pár le
Maréchal Duc de Villars. M. Gerin
Lieutenant General de l'Amirauté , Directeur
, ouvrit la Séance par la lecture
d'un Discours sur les Desirs. On fit ensuite
la lecture de l'Ode qui a remporté le prix.
Elle est du R.P. CHAIS de Tarascon , de
F l'Ordre
2012 MERCURE DE FRANCE
l'Ordre des Grands Carmes, et Prieur du
Convent de Mazargues, dans leTerritoire
de Marseille, L'Auteur present à l'Assemblée
, fit son remerciment en Vers , qui
furent aplaudis.
M. de la Visclede , Secretaire perpetuel
de l'Académie , lut ensuite l'Eloge , de sa
composition , de M. le Chevalier de Ros
mieu , Académicien Associé , et decedé
depuis quelques mois .
M. Sinetry fit la lecture d'une Piece de
Poësie , qui a été envoyée cette année pour
tribut à l'Académie Françoise , c'est une
Allegorie qui a pour titre le Temple de
POrgueil.
M. Pellissery lat un Discours sur l'Amitié
, et M. Robinot termina la Séance
par la lecture d'une Fable.
Nous avons reçû en même temps une
petite brochure de 24. pages , imprimée
à Marseille chés Pierre Boy , intitulée
ODES et autres Pieces de Poësie qui ont été
presentées à l'Académie des Belles - Lettres de
Marseille , pour le prix de l'année 1735 .
L'Ode du R. P. Chais qui à remporté
le Prix , est la premiere Piece de ce Reeijcil
. Elle commence ainsi .
Quoi
SEPTEMBRE. 1735. 2013
Qu Uoi ? du Styx l'Onde divisée ,
M'ouvre un passage inusité !
Par quel charme dans l'Elisée ,
Vil Mortel , suis-je transporté ?
Le Messager des Dieux me guide :
Pretend-il que ma voix timide
Chante aux vivans surpris le triomphe des
Morts !
Quel Peuple d'Ombres magnanimes !
Mais parmi ces Heros sublimes
Ma Muse au seul VILLARS Consacre ses accords.
Encore une ou deux strophes , feront
juger du merite de cette Piece , que nos
bornes ne permettent pas de raporter ici
toute entiere.
Qu'aux traits du Heros que je chante ,
Qu'à ces traits à jamais nouveaux ,
L'Antiquité la plus brillante
Cesse d'opposer ses Heros.
Par la valeur brille un Achille ,
Par la prudence un Paul Emile ,
Un Mécene est fameux par l'amour des beaux
Arts.
Amour des Arts , Valeur , Prudence ,
Assemblage cher à la France ,
Tout l'Univers le sçait, tu ne fis qu'un VILLARS,
Fij
Grand
2014 MERCURE DEFRANCE
Grand dans sa mort , grand dans sa vie ,
Ce Heros s'éclipse à nos yeux ,
Son ame à nos besoins ravie ,
Va partager le sort des Dieux .
Il meurt , ô deüil ! ô perte extrême ! .
Mais que vois- je ? un autre lui-même
Fait revivre l'espoir dans nos coeurs abbatus .
bonheur ! quand ta loi severe
Parque , nous enleve le Pere ,
Nous voyons dans le Fils revivre ses vertus.
A la tête de ce Recueil est un Avertissement
dont nous raporterons ici les
termes.
L'Académie avertit le Public , que le 25 .
'Août de l'année prochaine , jour et Fête de saint
Louis , elle adjugera le Prix fondé par feu M. le
Maréchal Duc DE VILLARS , Son Protecteur , à
un Discours en Prose d'un quart d'heure ,
tout au plus d'une demi- heure de lecture , dont
le Sujet sera : Si l'imagination contribuë plus au
bonheur qu'au malheur de l'Homme.
ou
Ce Prix sera une Médaille d'Or de la valeur
de 300.
liv . 'portant d'un côté le Buste , et au
revers la Devise de M. le Maréchal DE VILLARS,
Protecteur de l'Académie .
On adressera, comme de coûtume , les Ouvrages
destinez au concours, à M. de Chalamont de
la Visclede , Secretaire perpetuel de l'Académie ,
rue de l'Evêché à Marseille. On affranchira les
Paquets à la Poste , sans quoi ils ne seront point
retirés. Il ne seront reçûs , que jusqu'au premier
May
SEPTEMBRE . 1925. 2015
May inclusivement ; les Auteurs n'y metront
point leur nom ; mais une Sentence de l'Ecriture
Sainte , des Peres de l'Eglise , ou des Auteurs
Profanes. Ils marqueront à M. le Secretaire
une adresse à laquelle il envoyera son Récepissé.
On les prie de prendre les mesures nécessaires
pour n'être point connus avant le jour de la
décision de l'Académie , de ne point signer les
Lettres qu'ils pouront écrire à M. le Secretaire,
de ne point lui presenter eux- mêmes leurs Ouvrages
, en feignant qu'ils n'en sont pas les Auteurs
, ni se faire connoître , ou à lui , ou à quelque
autre Académicien ; et on les avertit que
s'il sont connus par leur faute , leurs Ouvrages
seront exclus du concours. Tout Ouvrage en faveur
duquel on aura sollicité, en sera aussi exclu.
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra
le recevoir dans la Sale de l'Académie le jour de
la Séance publique , s'il est à Marseille ; et s'il
est absent, il envoyera à une Personne domiciliéc
En cette Ville le Recepissé de M. le Secretaire
moyennant lequel le Prix sera remis à cette
Personne .
DEPUTATION de l'Academie de Seville
à l'Académie Royale des Sciences de
Paris. Extrait d'une Lettre de M.D.S.J.
V
Ous craignez , Monsieur
avec
raison , qu'on n'ait outré les choses,
lorsqu'on vous a dit , et qu'on a même
publié depuis peu dans un Ecrit , que
les Sciences ne sont gueres cultivées en
Espagne , et que la Litterature de toute
Fiij espece
2016 MERCURE DE FRANCE
espece y est absolument negligée , malgré
l'Etat florissant de cette grande Monarchie.
Je vais vous rendre compte d'un
Fait propre à justifier votre crainte , et
qui , pour l'honneur des Sciences mêmes
et de la verité , merite d'être connu .
Seville , Ville ancienne et Capitale de
l'Andalousie , dont l'Eglise Metropolitaine
a long- temps disputé la Primatie des
Espagnes à celle de Tolede , Ville si ornée
par l'Art et par la Nature , partagée
d'ailleurs de tant d'avantages , qu'on dit
communement en proverbe Quien no a
visto Sevilla no a visto Maravilla . Seville ,
dis - je , a non seulement une grande et
florissante Université , mais encore une
Académie Royale des Sciences , qui peut
figurer avec les plus considerables de
P'Europe.
,
Cette Academie a pour premiereOrigine
la sagacité et l'émulation de quelques Medecins
et de quelques Physiciens , qui se
detacherent , pour ainsi dire , de ceux
de la Faculté de Medecine de Seville
pour se faire une nouvelle route dans la
Medecine et dans la Physique , dans le
dessein de perfectionner l'une et l'autre
de ces Sciences , par la voye des Experiences
et des nouvelles Decouvertes.
Dessein loüable , mais dont l'execution
ne
SEPTEMBRE. 1735. 2017
ne manqua pas d'essuyer d'abord des
contradictions , contre lesquelles on se
roidit. Enfin sous le regne de Charles II.
dernier Roy de la Maison d'Autriche
ceux qui formoient l'Académie naissante
obtintent des Lettres de ce Prince , qui
autorisoient leurs Assemblées et leurs
Exercices .
Il restoit cependant toujours un levain
de schisme entre l'Ecole et l'Académie ,
ce qui donna lieu à bien des contestations ,
même à plusieurs Procès en forme , qui
étoient portés au Conseil du Roy , et
jugés tantôt en faveur de l'Université
tantôt à l'avantage de l'Académie
qui dura jusqu'au regne de Philipe V.
>
>
ce
Alors l'Académie conçut de nouvelles
esperances , et crut pouvoir tout obtenir
d'unPrince, petit fils de Louis LE GRAND,
le Pere , le Restaurateur , le Protecteur
des Sciences et des Beaux Arts . Elle obtint
en effet du Roy heureusement regnant
, non- seulement une confirmation
authentique de son Etablissement , mais
encore des Privileges et d'autres avanta
ges qui ont aboli pour toujours les con
testations avec l'Université.
Un Evenement heureux a mis le comble
aux desirs et au lustre de cette Académie
, sçavoir le mariage du Prince des
Fiiij Asturies
2018
MERCURE DE FRANCE
Asturies avec l'Infante de Portugal , lequel
donna lieu au voyage que le Roy
d'Espagne fit en Andalousie. L'Academie
profita du séjour que S. M. fit à
Seville pour faire de
nouvelles representations
en faveur de son
Etablissement etde
son
accroissement. Elle obtint en effet
une nouvelle grace des bontés du Roi ,
et la plus essentielle , c'est à - dire , les fonds
nécessaires pour tous les frais des experiences
et des
correspondances ; en un
mot, pour toutes les depenses qui doivent
contribuer à sa perfection et à l'utilité
publique.
Elle reconnoît, au reste que cette faveur
est entierement dûë aux sollicitations , es
aux soins infatigables de M. le Docteur
, Cerni , ci-devant Professeur à Parme , et
aujourd'hui premier Medecin du Roy
et de la Reine d'Espagne , que l'Acadé
mie a élu President perpetuel de ses Assemblées
, et qu'elle regarde comme son
veritable Protecteur .
Enfin cette
Académie , composée de
Medecins , de
Pharmaciens , de Chirurgiens
habiles , de Botanistes , d'Anatomistes
, de Geometres et d'autres Mathema.
ticiens, & c. a jugé que pour remplir plus
sûrement et plus
parfaitement le principal
objet de son institution , elle devoit
reSEPTEMBRE.
1735. 2019
rechercher l'union , la correspondance
de l'Académie des Sciences de Paris , pour
profiter de ses lumieres et des heureuses
Decouvertes qu'elle fait tous les jours
dans toutes les Parties de la Physique et
dans les Arts utiles . C'est dans cette vûë
qu'elle vient de lui députer l'un de ses
principaux Membres, sçavoir ,M. Jacobé
Professeur d'Anatomie de l'Académie ,
et Docteur de la Faculté de Montpellier.
Ce Deputé , muni de Lettres et de tous
les pouvoirs nécessaires , se rendit à l'Assemblée
de l Académie des Sciences , qui
se tint le vingt - sept Aoust dernier , où
il exposa le sujet de sa commission , ce
qui fut parfaitement bien reçû de ces
Messieurs qui lui fitent l'honneur de
lui donner place durant toute la Séance
dans le rang des Associés de l'Académie.
Il doit , suivant ses instructions , faire
quelque séjour à Paris , toujours dans les
vûës de profit et d'utilité que l'Académie
de Seville a lieu de se promettre
d'une telle Deputation . On peut dire
au reste , qu'elle ne pouvoit pas être confiée
à un plus digne Su et.
"
Je finis , Monsieur , par une Remar
que en faveur de la Ville de Seville
c'est que presque de tout temps elle a
produit des Gens de Lettres , même dans
F V les
2020 MERCURE DE FRANCE
les temps qui peuvent paroître les plus
contraires à la culture des Sciences . Je
veux dire après la conquête que firent
les Arabes de l'Andalousie , qu'ils érigerent
en Royaume , dont Seville fut la'
Capitale. Plusieurs Enfans de ces Conquerans
, nés à Séville même , se signalerent
du côté des Lettres , et leurs Ouvrages
subsistent encore aujourd'hui et sont
estimés ; tels sont ceux des Docteurs
Ahmed Ben Omar , qui mourut l'an 401 .
ue l'Hégire 1010. de J. C. Ben Asfour ,
Ben Kharath , Ben Farah , Ben Jardoun ,
Ben Tarkhan , Ben Zeidoun , lesquels
portent tous le sur- nom d'Aschbili , ou
de Sevillans.
A Paris le 31. Aoûst 1735 .
On avertit le Public , que l'Académie de Soissons
adjugera le Mardy 10. Avril 1736.un Prix,
qui sera une Médaille d'or de la valeur de 300.
livres , proposé par M. l'Evêque de Soissons , à
'Auteur qui aura le mieux réussi dans une Dissertation
Historique de trois quarts d'heure ou
d'une heure de lecture , sur la veritable Epoque
de l'établissement fixe des Francs dans les Gaules
; sur la verité ou la fausseté de l'expulsion de
Childeric , de l'élevation d'Egidius en sa place , et
de son rétablissement sur le Trône par l'adresse de
Guyemans , sur l'espece et l'étenduë de l'autorité
Egydius et de Syagrius son fils , dans le Soissonnois
et Pays circonvoisins et sur le Lieu où s'est
donnée la fameuse Bataille de Soissons.
SEPTEMBRE. 1735. 2021
Dans l'examen des Ouvrages , on aura égard
non-seulement au nombre et à l'étendue des recherches
, mais encore à la pureté du stile et à
la beauté du langage .
Les Auteurs sont avertis de mettre à la marge
ou à la suite de leurs Ouvrages , les preuves des
Faits qu'ils auront avancés et les sources où ils
les auront puisés .
Ou adressera à M. de Beyne , Président au
Présidial de Soissons , et Secretaire perpetuel
de l'Académie , port franc , et avant le premier
Fevrier , les Ouvrages destinés au concours ,
sans quoi ils ne seront point. retirés .
Les Auteurs ne mettront point leurs noms aù
bas de leurs Ouvrages , mais seulement une Senrence
, et en les envoyant , ils indiqueront à M. le
Secretaire une adresse sous laquelle il leur fera
tenir son Récepissé .
Il sont priés de prendre les mesures necessaires
pour n'être point connus jusqu'au jour de la dés
cision , et de ne point signer les Lettres qu'ils
pouroient écrire à M. le Secretaire ou à tout
autre de Mrs les Académiciens ; on les avertit
que s'ils sont découverts par leur faute , ils seront
exclus du concours .
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra
le recevoir dans la Séance publique de l'Acadé ,
mie du 10. Avril 1736. sinon il envoyera à une
personne domiciliée à Soissons , une Procuration
qui sera remise à M. le Secretaire , avec le Recepissé
de l'Ouvrage.
Le 7. Juin dernier , la Societé des Sciences établic
à Toulouse par permission du Roy , tint
sa Séance publique. M. le Président de Resseguier
, Président de la Societé , en fit l'ouver-
F vj russ
2022 MERCURE DE FRANCE
ture par un Discours qui rouloit sur les motifs
d'encouragement qui pouvoient et devoient engager
sesCompatriotes à s'attacher à l'étude des
Sciences , il parla avec beaucoup de dignité , de
noblesse et de politesse.
M. Borrust donna un Discours Géométrique
sur les mesures, où il avoit employé la précision ,
l'exactitude et la clarté qui font son caractere.
Le R. P. Ricaut , de la Doctrine Chrétienne ,
parla ensuite , il essaya de rassurer les personnes
timides contre les frayeurs excessives du Tonnerre
, par des raisons physiques qu'il fit valoir
avec beaucoup d'art.
M. Garipuy donna trois Démonstrations fort
simples et fort subtiles , au sujet de la fameuse
Question, si la Terre est une Sphéroïdre allongée
ou aplatie vers les Poles. Il fit voir que la meil
leure méthode pour la décider , est justement celle
que nos Géométres et nos Astronômes vont
mettre en pratique au Perou , par ordre du Roy .
M. de Rabaudy , Viguier de Toulouse et Directeur
de la Societé , résuma tous ces Discours
avec tout l'ordre , la clarté et la précision qu'on
lui connoît, et que le Public attendoit de lui .
On écrit de Lisbonne , que Don Joseph de
Couto Pestana , Chevalier Profès de l'Ordre de
Christ , et Trésorier de la Trésorerie Generale ,
mourut le Août
7. 1735. à Lisbonne. Il étoit
Académicien de l'Académie Royale de l'Histoire
et de celle des Anonymes . Le Poëme Héroïque
intitulé : Quiterie la Sainte , et plusieurs autres
Ouvrages de Poesie qu'il avoit donnés au Public,
le faisoient regarder comme un des meilleurs
Poëtes du Royaume de Portugal , il avoit commencé
à écrire des Memoires pour servir à l'Histoire
SEPTEMBRE. 1735. 2023
toire des Regues de Don Denys et de Don Alfonse
IV .
Le 31. de Juillet , M. Charles Vanloo , connu
sous le nom de Carlo Van oo , Peintre d'Histoire
, fit apporter à l'Académie Royale de Peinture
et de Sculpture son Tableau de Reception ,
représentant Apollon qui fait écorcher Marsyas,
et il fut reçû Académicien . M. Vanloo est d'une
famille qui paroît se dévouer à la Peinture , y
ayant actuellement à l'Académie un Professeur
et un Aajoint à Professeur du même nom .
Le même jour M. Surugue , Graveur , fut aussi
reçû Académicien , sur les Portraits gravés de
M. Louis de Boulogne , l'un des vingt deux Anciens
qui ont commencé l'Académie , et de M.
Christophe , Professeur.
1
Le 27. Août la même Académie ayant jugé
Les Tableaux et Bas Reliefs , faits par ses Ele- ves pour les grands Prix de la Fête de S. Louis , M. Coustou , Directeur , fit la distribution
des
Médailles d'or pour les grands Prix , et des Mé- dailles d'argent pour les petits Prix des Académi
es * et des Modeles de l'Ecole.
Le même jour , M. Huilliot , Peintre da
Roy et de l'Académie , fit voir à la Com
pagnie deux grands Tableaux , l'un répresentant
un Buffet avec des Fruits des plus
3 * On apelle Académies les Desseins qui se font
par les Eleves d'après le Modele dans l'Ecole de
l'Académie.
beaux
2024 MERCURE DE FRANCE
beaux et des plus rares ; et l'autre un Repos de
Chasse , avec une Collation superbe ; c'est son
talent particulier ; les plus belles Maisons de
Plaisance sont décorées de ses Ouvrages , et l'on
en voit quantité dans les Pays Etrangers.
Il paroît deux petites , mais fort belles Estampes
en large , gravées par le sieur Beaumont ,
d'après deux fins Tableaux de Jean Miel , du Cabinet
de la Comtesse de Verruë . Elles sont de la
, même grandeur des Tableaux et se vendent
chés l'Auteur , rue S. Jacques , à la Ville d'Anvers.
Ce sont deux Paysages avec figures et animaux
ayant pour titre : Le Joueur de Musette
et Le Chirurgien sans étude.
Il paroît aussi une fort belle Estampe ; c'est un
Bain de Diane , gravé par L. Desplaces , d'après
un Tableau peint par N. Natoire. Elle se vend
chés L. Desplaces .
On a mis au jour depuis peu quatre Estampes en
demi Figures , nommées vulgairement Fantaisies,
gravées par le sieur Michel Aubert , d'après les Tableaux
originaux que M. Jacques Courtin , Peintre
ordinaire du Roy , dans son Académie Royale
de Peinture et Sculpture , a fait pour joindre
aux vingt six premieres qui ont été gravées d'après
lui par les sieurs Jean-Baptiste et François
Pouilly , freres , et Graveurs du Roy ; comme
ces Estampes ont é é assés bien reçûës dans leur
temps , et que même les Planches sont presque
toutes usées , l'Auteur a crû devoir continuer
l'oeuvre , en y aportant tous les soins possibles.
Il en paroîtra incessamment encore deux et toujours
ainsi successivement, le debit se fait chés les
sieurs
?
SEPTEMBRE . 1735. 2025
sieurs du Change et Surugue , Graveurs ordinaires
du Roy , et chés l'Auteur , rue de la grande
Truanderie , porte cochere, vis - à- vis la petite ruë
Réale.
La suite des Portraits des Grands Hommes et des
Personnes Illustres dans les Sciences et dans les
Arts , se continue toujours avec soin chés Odieuvre,
Marchands d'Estampes , sur le Quay de l'E
cole , vis - à- vis la Samaritaine. Il vient de mettre
en vente et toujours de la même grandeur.
Jean Locke , Philosophe , né en 1632. mort en
1704.
Jean Bernoüilli , Professeur de Mathématique
à Basle , de la Societé Royale de Londres , et des
Académies des Sciences de Paris et de Berlin .
Jean de la Fontaine , de l'Académie Françoise.
Pierre Corneille, de l'Académie Françoise .
Sébastien le Clerc , Chevalier Romain , Dessinateur
et Graveur ordinaire du Cabinet du Roy,
né le 26. Septembre 1637. et mort le 2.5. Octobre
1714.
Charles Simonneau , Dessinateur et Graveur
ordinaire du Cabinet du Roy , mort le 22. Mars
1728. âgé de 89 , ans..
Anna-Maria Vajani , Pittrice , et Intagliatrice
Fiorentina.
Virginia de Vezzo da Velletri , Pittrice .
On trouve chés le même un Christ en Croix ,
avec la Magdeleine au bas , d'après C. Mellan .
On avertit qu'on grave actuellement les Airs
chantans et , dansans du Ballet des Indes Galantes,
en Pieces de Clavecin , en sorte qu'on poura les
chanter et jouer sur toutes sortes d'Instrumens.
On
2025 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Londres , qu'on a placé depuis
peu avec beaucoup de solemnité dans la grande
Sale de la Banque , une magnifique Statue en
Marbre blanc , du Roy Guillaume III . par M.
Rysbrack , Sculpteur de réputation , qui s'est ,
dit- on , surpassé dans cet Ouvrage . Voici la
Traduction de l'Inscription qu'on lit sur le
Piédestal.
Pour avoir rendu leur force aux Loix ,
Leur autorité aux Cours de Justice ,
Sa Dignité au Parlement ,
A tous les Anglois leur Religion et leur liberté,
Etpour avoir assuré tous ces biens à la Posterité
Par la succession de l'illustre Maison d'Hanover
Au Trône d'Angleterre ;
Au meilleur de tous les Princes Guillaume III.
Fondateur de la Banque ,
Le Corps dont elle est composée , par un sentiment
de reconnoissance,
A élevé cette Statue >
Et l'a dédiée à sa memoire.
L'an de N. S. M. DCC . XXXV.
1
·
On mande en même temps que Sir John
Jennings , l'un des Amiraux d'Angleterre , Gouverneur
de l'Hôpital Royal de Greenwich , a
fait faire en Marbre d'après une des plus magnifiques
Figures Antiques,par le même Rysbrack
une très -belle Statue , à la tête près , qui a été
faite et heureusement executée d'après le Roy
Regnant George II . Ce Monument a été placé.
avec beaucoup de pompe et de solemnité, au
bruic
SEPTEMBRE . 1735. 1027
•
bruit de l'Artillerie, &c . dans la grande Cour de
Greenwich . Les Inscriptions prises avec choix
dans Horace, conviennent très - bien à un Lieu qui
sert de retraite aux Matelots qui ont merité cette
récompense par leurs services . On lit sur le Pié
destal , du côté de l'Orient :
Hic requies Senecta ,
Hic modus lasso Maris et viarum ,
Militiaque.
A l'Occident.
Hic ames dici Pater atque Princeps.
Au Nord .
Pelagi fessos tuto Placidissima porta
Accipit.
Au Midy.
Principi Potentissimo
GEORGIO II.
Britanniarum Regi, cujus auspiciis et patrocinio
augustissimum hoc Hospitium ad sublevandos militantium
in Classe Emeritorum labores , à Regiis
ipsius Antecessoribus fundatum , auctius in dies et
splendidius exurgit , Joannes Jennings , Eques
ejusdem Hospitii Prefectus , Iconem hanc pro debita
sua erga Principem reverentiâ et Patriam Charitate
posuit. A. D. M. DCC. XXXV .
On a apris par les mêmes avis , qu'on avoit
placé vers le commencement du mois dernier
dans la principale Cour du College d'Oxford ,
la Statue de la Reine de la Grande- Bretagne,
On aprend en même temps d'Angleterre, qu'un
Gentilhomme de
2028 MERCURE DE FRANCE
de Dallkeith en Ecosse, a fait transporter à Lon
dres une Machine de son invention , qui a été
aprouvée par la Societé Royale , et sur cette
Aprobation il a obtenu des Lettres Patentes exclusives
. C'est un * composé de plusieurs pieces
de bois , faciles à mouvoir , par le secours de
quelques ressorts , qui servent à battre toutes
sortes de Grains . Dans une minutte la Machine
donne 1320. coups , c'est - à - dire , de compte
fait , autant que 33. hommes vigoureux en peuvent
donner dans le même espace de temps , et
comme elle va toujours , et que les bras des
hommes sont quelquefois forcés de se reposer ,
on compte qu'en un jour elle peut faire l'ouvrage
de 40. hommes. Elle ne prend pas plus de place
que deux hommes qui battent suivant la metode
ordinaire ; et pour comble d'utilité , on a remarqué
qu'elle nettoye si parfaitement la gerbe ,
qu'elle en tire six pour cent plus que le fléau.
On se sert d'un cheval pour la faire agir , ou
d'une voile au vent , ou bien on en attache la manivelle
à une meule de Moulin qui lui commu
nique tout le mouvement dont elle a besoin
sans être retardée dans le sien . Mais la meilleure
preuve de son utilité est le succès avec lequel elle
se repand dans toutes les Provinces d'Angleterre.
Les Negotians des Provinces de France , ou
des Pays Etrangers qui font quelque commerce.
d'Instrumens de Mathematique , sont avertis de
s'adresser directement pour en avoir de bons
aux Maîtres de Paris , afin d'eviter d'être trom-
* Ceux qui voudront se la procurer , peuvent s'adresser
à Londres à M. Sylvanus Urban at S.
John'sgate.
pez
>
SEPTEMBRE . 1735: 2019
pés par un abus qui s'est pratiqué plusieurs fois
depuis quelque temps par l'infidelité et la mauvaise
foi de quelques Marchands commissionnaires
, qui étant chargés de faire emplette de ces
sortes d'Ouvrages de la façon de certains Maîtres
qui leur étoient designés , les ont fait faire
( aparemment dans le dessein d'y trouver un
benefice plus considerable que leur commission
) par de faux Ouvriers ou par des Maîtres
moins habiles , qu'ils ont engagés , et l'on
peut même dire forcés à mettre sur leurs ouvrages
contrefaits , les noms des plus habiles Maî
tres et qui sont en usage de fournir les meilleurs
marchandises de cette espece ; et cela au prejudice
de la volonté de leurs commettans et à leur
insçu
>
Cette pratique est non- seulement contraire à
la bonne foy qui doit regner dans toute sorte
de commerce mais elle est aussi également
préjudiciable aux bons Ouvriers dont on employe
les noms faussement , et aux Marchands
de Province et des Pays Etrangers qui se trouvent
lezés , ainsi que tout le Public , par cette
falsification de noms. Ceci doit servir d'avis
à tous ceux qui sont jaloux de n'avoir que de
bons Instrumens de Mathématique , et lorsqu'ils
en veront de mal fabriqués , ou qui
manquent de justesse , ou même de tant soit peu
negligés , ils n'en doivent point attribuer legerement
la mauvaise construction ou deffauts
aux principaux Maîtres de cette profession , quoi
que leurs noms soient gravés dessus ; car tous
ceux qui se trouveront tels auront certainement
été faits de la maniere qu'on vient de l'expliquer.
DES2032
MERCURE DE FRANCE
laquelle on a raporté l'extrait d'une de mes consultations
, d'où l'on a tiré une experience des gouttes
du General la Mothe , au sujet de Mlle Berthaufe
, de S. Omer , dans le Mercure de Juin dernier
; l'usage qu'elle en a fait en la maniere énoncée
, l'a soulagée infiniment , mais point guerie radicalement.
;
Le terme d'imbecillité de cerveau dont on s'est
servi dans l'énumeration des simptomes , estfaux
quoique ces accidens la laissassent dans unefoiblesse
qui ne lui permettoit pas de s'apliquer à la moindre
chose,ni de faire le moindre exercice, elle a toujours
conservé le jugement sain.Signé, Sens, Medecin.
LETTRE de M. le Normand , Directeur
du Potager du Roy , à M. le
C.D.L.R. écrite de Versailles le 25. Septembre
1735 .
'Ay, été d'une surprise extrême , Monsieur ,
Jlorsque j'ai trouvé dans le Mercure d'Août le
Catalogue de Fruits que le sieur Lefevre vous a
adressé comme nouveau et important. Il y a plus
de vingt ans que je le fis assés à la hâte dans un
cas particulier pour lequel il me parût alors suffisant.
Mais j'ai toujours été si éloigné de penser
qu'il meritât d'être rendu public , que je ne
l'ai jamais communiqué que sous le secret , à
deux ou trois amis de confiance , et au sieur
Lefevre qui me l'arracha il y a quelques années
à force d'instances , et à qui je ne le lâchai qu'après
qu'il m'eut donné sa parole qu'il ne seroit
communiqué de sa part à qui que ce soit . Vous
pouvez juger , Monsieur , combien j'ai lieu d'être
mecontent de l'irregularité de son procedé ,
et de ce qu'il a osé vous avancer que je ne le
trouverois pas mauvais . Je
THE NEW Y
PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
Jay
Soum
charmes
,mon
Je vous supplie très instamment,Mr,de vouloir
bien assurer le Public que je me suis toujours au
contraire vivement oposé à la publication de cet
écrit , parce que , bien loin de le regarder comme
important , je l'ai toujours reconnu peu digne
de paroître au grand jour. Une experience de
plus de vingt années depuis que je l'ai écrit , m'a
convaincu qu'il auroit même grand besoin de
corrections et de quelques additions pour être
donné au Public, J'ai l'honneur d'être , &c .
J
CHANSON A BOIRE.
'Ay soumis l'Amour à Bacchus ;
Toujours insensible à ses charmes ,
Mon coeur animé par ce jus ,
Sçait mepriser ses armes,
Je ne perce plus mon tonneau
Qu'avec les traits de l'Enfant de Cithere,
Quand je bois , son flambeau toute la nuit m'é,
claire ;
J'ai pris pour nape son bandeau , ちょ
Et son carquois me sert de verre,
MUSETTE
2034 ME
UC глANCE
MUSETTE.
La Musique est de M. Bailleul l'aîné.
A Mour , viens enfler ma musette ;
Viens m'inspirer des sons heureux.
Je sens une flamme parfaite ;
Favorise un coeur amoureux :
Que sans cesse l'Echo repete ;
Silvandre n'aime que Lisette.
Lorsque cette Bergere chante ,
Les Rossignols se taisent tous ;
Sa tendre voix est si touchante ,
Que l'Univers en est jaloux .
Que sans cesse l'Echo repete ,
Silvandre n'aime que Lisette.
Ses yeux sont si remplis de charmes ,
Qu'ils servent de trône à l'Amour ;
Ce Dieu charmant lance ses armes
De cette adorable séjour :
Que sans cesse l'Echo repete ,
Silvandre n'aime que Lisette.
C'est ainsi qu'assis sur l'herbette ,
Silvandre
SEPTEMBRE. 1735. 2035.
Silvandre gardant son troupeau ,
Chante ses feux sur sa musette
Assis au bord d'un clair ruisseau ;
Quand l'Echo tendrement repete ,
Silvandre est aimé de Lisette.
L'Affichard.
5.x
SPECTACLES.
LES INDES GALANTES , Ballet
Heroique , représenté pour la premiere fois
sur le Théatre de l Opera , le Mardy 23.
Aoust 1735. Les Paroles sont de M. Fuzelier
, la Musique est de M. Rameau .
ON
,
N donne l'Extrait de ce Ballet
tel qu'il a été représenté avant le
troisiéme Acte nouveau et conformement
aux corrections dues aux judicieuses
remarques du Public , qui a honoré
cet Ouvrage de beaucoup d'applaudissemens.
Le Prologue se passe dans les jardins
d'Hebé. Cette Déesse paroît d'abord , et
invite son aimable Cour à partager ses
plaisirs. Les Divertissemens de la jeunesse
sont interrompus par le bruit des tam-
G bours
2036 MERCURE DE FRANCE
bours et des trompettes. Bellone arive ,
suivie de Guerriers portant des Drapeaux,
et s'exprime ainsi .
La Gloire vous apelle ; écoutez ses trompettes ;
Hâtez vous armez- vous , et devenez Guerriers
>
Quittez ces paisibles retraites ,
Combattez ; il est temps de cueillir des Lauriers .
Les jeunes François , Espagnols , Italiens
et Polonois , épris des charmes de
la Gloire , quittent leurs Amantes
suivent les Drapeaux de Bellone.
Hebé.
>
et
Pour remplacer les coeurs que vous ravit Bellone,
Fils de Venus, lancez vos traits les plus certains;
Conduisez les Plaisirs dans les climats lointains ,
Quand l'Europe les abandonne.
Les Amours volent à la voix d'Hebé ,
et se dispersent loin de l'Europe , dans
les differens climats des Indes.
LES INCAS DU PEROU. Premiere Entrée.
et
Don Carlos , Officier Espagnol dans la
premiere Scene, presse Phani , NoblePeruvienne
, de quitter le culte des Incas ,
de couronner sa tendresse par un prompt
Hymenée ; Phani lui represente ses craintes
SEPTEMBRE: 1735 2037
tes au sujet de la foule des Incas qui se
preparent à celebrer la Fête du Soleil sur
des montagnes terminées par un Volcan;
Carlos la quitte pour se disposer à l'arra,
cher des mains de sesTirans.
Huascar Inca , Ordonnateur de la Fête
du Soleil, secretement amoureux de Phani
l'aborde , après avoir fait entendre dans
un à parte , qu'il va se servir du nom des
Dieux pour surprendre le coeur de la
jeune Princesse.
Huascar.
Le Dieu de ces climats , dans ce beau jour m'inspire
,
Princesse , le Soleil daigne veiller sur vous
Et lui - même dans notre Empire ,
Il prétend par ma voix vous nommer un Epoux .
Vous fremissés , . . . d'où vient que votre coeur
soupire ?
Obéissons sans balancer
Lorsque le Ciel commande.
Nous ne pouvons trop nous presser
D'accorder ce qu'il nous demande ;
Y reflechir , c'est l'offenser.
Phani.
Non , non , je ne crois pas tout ce que l'on assure
En attestant les Cieux ,
Gij C'est
2038 MERCURE DE FRANCE
C'est souvent l'imposture
Qui parle au nom des Dieux.
Huascar, prêt d'éclater, se modere pour
remplir ses fonctions à la Fête du Soleil.
Il declare bas ses intentions à un des complices
de sa fureur , et dit à part :
Je n'ai donc plus pour moi qu'un barbare ar
tifice ,
Qui de flamme et de sang peut inonder ces lieux.
Mais que ne risque point un amour furieux ?
Les Incas se rassemblent et celebrent la
Fête du Soleil.
Huascar.
Clair flambeau du monde ,
L'Air , la Terre et l'Onde ,
Ressentent tes bienfaits ;
Clair flambeau du monde ,
L'Air , la Terre et l'Onde ,
Te doivent leurs attraits.
Tu laisses l'Univers dans une nuit profonde
Lorsque tu disparois ;
?
Et nos yeux en perdant ta lumiere feconde ,
Perdent tous leurs plaisirs ; la beauté perd ses
traits.
Le Volcan s'allume , épouvante et fait
fuir les Incas ; Huascar arrête Phani qui
cherche
E
SEPTEMBRE. 1735. 2039
cherche à eviter le peril qui la menace ,
et dans le moment où son amour désesperé
éclate , il est intimidé par Carlos qui
survient.
Phanià Carlos .
Le Soleil jusqu'au fond des antres les plus
creux >
Vient d'allumer la Terre , et son courroux presage.
...
Carlos.
Princesse , quelle erreur ! c'est le Ciel qu'elle ou
trage .
Cet embrasement dangereux ,
Du Soleil n'est point l'ouvrage.
Montrant Huascar :
Il est celui de sa rage ; –
Un seul rocher jetté dans ces gouffres affreux ,
Y reveillant l'ardeur de ces terribles feux
Suffit pour exciter un si cruel ravage.
7
Le perfide esperoit vous tromper dans ce jour , -
votre terreur Er serviroit son amour :
que
Sur ces Monts , mes Guerriers punissent ses complices
;
Ils vont trouver dans ces noirs precipices ,
Des tombeaux dignes d'eux.
Phani s'éloigne avec Carlos ; et le desolé
Huascar court se precipiter dans les
flames renaissantes du Volcan .
G iij LA
2040 MERCURE DE FRANCE
LE TURC GENEREUX. Seconde Entrée.
و
L'Auteur a mis au Theatre , autant que
l'étenduë d'un seul Acte l'a pû permettre
, la generosisé singuliere du Grand´
Vizir Topal Osman dont l'Histoire
abregée se trouve dans le Mercure de
France du mois de Janvier 1734.On n'y a
rien ajouté de fabuleux , quant aux sentimens
,, que l'amour , passion nécessaire
sur la Scene Lirique.
La premiere Scene se passe entre Osman
Pacha & Emilie , aimable Provençale
son Esclave. Le tendre Mahometan la
presse de repondre à ses voeux. Emilie
pour lui prouver qu'elle n'est plus maîtresse
de son coeur , lui raconte ses tristes
avantures , et lui aprend qu'elle a été
enlevée par un Corsaire dans le temps où
se faisoit une Fête sur les côtes de Provence
qui annonçoit son mariage avec
Valere , Officier de Marine.
Dans la seconde Scene qui se passe
ainsi que la premiere et la suivante dans
les jardins d'Osman , terminés par la Mer,
une tempête subite et effroyable trouble
les Elemens ; on entend les cris des matelots
; ces cris attendrissent l'infortunée
Emilie ; la tempête finit , les vaisseaux
, victimes de l'orage échoüent , les
Provenceaux
SEPTEMBRE . 1735. 2041
Provenceaux qui les conduisent sont faits
Esclaves par les Turcs ; Valere qui les
commandoit paroît chargé de chaînes , est
reconnu par Emilie ; il se felicite d'abord
de porter les fers du même Maître ; cette
courte joye se dissipe en aprenant que ce
Maître est son Rival. Ah ! s'écrie Valere
à Emilie :
Ah ! sçait- on vous aimer dans ce fatal séjour ?
Sur ces bords une ame enflammée
Partage ses voeux les plus doux ;
Et vous meritez d'être aimée
Par un coeur qui n'aime que vous.
Osman les surprend ; Emilie tremble
en l'apercevant ; il la rassure ; la rend à
Valere qu'il comble de Richesses , et l'instruit
de la cause d'un évenement si rare .
C'est un miracle de la reconnoissance ;
Osman avoit été autrefois Esclave de Valere
, qui l'avoit mis en liberté en payant
sa rançon sur sa parole et sans le connoître
. Valere et Emilie reçoivent les adieux
du genereux Pacha , et disent :
1
Fút-il jamais un coeur plus genereux ¡
Digne de notre Eloge , il ne veut pas l'entendre ;
Au plus parfait bonheur il a droit de pretendre ,
Si la vertu peut rendre heureux.
ر
Giiij Cette
2042 MERCURE DE FRANCE
Cette Entrée finit par des Danses trèsvives
et très- brillantes , éxecutées par la
Dlle Mariette et le sieur Maltair.
#
LES FLEURS , Fête Persane . Troisième
Entrée.
Le Theatre represente les jardins du
Palais d'Ali,confident de Tachmas , Prince
de Perse , Roy dans les Indes ; ce Souverain,
déguisé en Marchande du Serail , se
presente aux yeux de son favori , qui lui demande
la raison de ce déguisement; Tachmas
lui répond qu'il est amoureux de la
jeune Zaire , Esclave d'Ali ; Ali fait connoître
par un à parte , qu'il est ravi de ce
que le Roy n'aime pas Fatime , Esclave de
Tachmas ; cela lui donne de l'esperance ;
il demande à Tachmas :
Pourquoi vous déguiser à l'aimable Zaïre ,
Quand vous lui preparez le plus parfait bonheurs.
Tachmas.
Je veux penetrer dans son coeur ,>
Avant que dans le mien ses beaux yeux puissent
lire
Les tendres sentimens de ma nouvelle ardeur.
Il ordonne à Ali d'aller embellir, s'il se
peut, la Fête , et reste avec Zaire qui survient,
et qui ne croit parler qu'à une Marchande
SEPTEMBRE 1735. 2043
chande du Serail ; dans la conversation
qu'elle a avec lui , d'après un Monologue
qu'il a entendu et qui l'a informé de sa
sensibilité , sans lui en nommer l'objet..
Tachmas se contraint pour tenter cette
découverte , et dit à part :
Montrons lui mon Portrait : dans ses regards
charmans
Je pourai sans soupçon lire ses sentimens.
Zaire interdite à la vue du Portrait de
Tachmas , s'éloigne ; le Prince préoccupé
prend ce trouble pour une marque d'aversion
, et sent redoubler sa jalousie.
Dans ce moment Fatime , déguisée en Esclave
Polonois , s'offre à ses yeux ; le Roy
croit rencontrer son Rival , et cependant
modere sa fureur , pour être pleinement
éclairci de la pretenduë intrigue de Zaire
avec cet inconnu . Zaire sé retire , Tachmas
la suit et est arrêté par Fatime en Polonois,
qui le croyant une Marchande du
Serail , veut lui confier l'amour qu'elle
ressent pour Ali. Cette situation ne se dénouë
que par l'arrivée d'Ali qui ramene
Zaire. Tachmas lui crie :
Un Rival jusqu'ici m'offense ,
Vois le perfide et ma vangeance
Il veut fraperFatime qui se jettant à ses
G v genoux
2044 MERCURE DE FRANCE
1
genoux , et le reconnoissant , ( car il jette
le voile qui lui couvroit le visage, ) s'écrie :
C'est le Prince ! frapez ; je merite la mort ;
Mais en me punissant , connoissez mieux mon
crime.
Ali reconnoissant alors Fatime , demande
si vivement grace pour
grace pour elle ,
que ce
transport décele son amour. Tachmas lui
accorde ce qu'il souhaite , et dit deZaire :
Poura - t'elle me voir , si mon Portrait l'allarme !
La belle Esclave repond ainsi à ce reproche
:
Que vous expliquez mal le trouble de mon coeur,
Ne se trouble- t'on pas en voyant son vainqueur!
Deviez vous vous méprendre
A mes sens agités ?
Un trouble que vous excitez ,
Ne peut être que tendre .
L'union des quatre Amans termine les
Scenes , et precede le Divertissement de la
Fête des Fleurs ; la Ferme s'ouvre , et alors
tout le fond du Theatre represente des
berceaux décorés de guirlandes de fleurs
et de lustres de cristal . Ces berceaux sont
à deux étages ; le premier est rempli de
jeunes Odaliques , de diverses Nations , et
le deuxième des Esclaves d'Ali chantans .
Ces
SEPTEMBRE. 1735. 2045 3
>
Ces arcades qui se joignent sur le devant
à une fontaine ornée , paroissent s'enfoncer
aux deux côtés dans un grand lointain.
Au milieu du Théatre est un Rosier
, qui en se séparant laisse voir l'illustre
Dlle Sallé sur un gazon , couronnée
par les Amours. Six jeunes Asiatiques
, representant d'autres fleurs , l'accompagnent
, et forment avec elle , et la
decoration qui l'environne , le plus brillant
spectacle qui ait jamais paru sur la
Scene Litique. Le Ballet represente pittoresquement
le sort des fleurs dans un
jardin. On les à personifiées ainsi que
Borée & Zéphire , pour donner de l'ame à
cette peinture galante. D'abord les fleurs
choisies dansent ensemble et forment un
parterre qui varie à chaque instant. La
Rose , leur Reine , danse seule ; sa danse
est interrompuë par un orage qu'amene
Borée ; les fleurs en éprouvent la colere.
La Rose resiste plus long temps à l'ennemi
qui la persécute ; les Pas de Borée expriment
son impetuosité et sa fureur.
Les attitudes de la Rose , peignent sa douceur
et ses craintes. Zephire arrive avec
la clarté renaissanté , il ranime et releve
les fleurs abatues par la tempête ; il termine
leur triomphe et le sien par les
hommages que sa tendresse rend à la
G vj Rose.
2046 MERCURE DE FRANCE
Rose . Avant cet agreable Ballet , le sieur
Dupré danse en Bostangi. Zephire est
dansé par le sieur D. Dumoulin , et
Borée par le sieur Javilliers , l'aîné.
L'intrigue de cette troisiéme Entrée
ayant paru trop compliquée pour l'Opera ,
on en doit donner incessament une plus
simple sur un plan d'interêt nouveau .
Nous en donnerons l'Extrait le mois prochain.
Ce Ballet dont on continue les Représentations
, est parfaitement bien executé
, soit pour le chant , soit pour la danse;
les principaux Kolles sont remplis par les
Demoiselles Antier , Erremens , Pelissier ,.
Petitpas , et Bourbonnois , et par les sieurs
Dun , Chassé et Jeliot ; les Divertissemens
sont très- bien caracterisés . La Dile Ma.
riette , et le sieur Maltair , dansent une
Entrée de Matelots dans le premier Acte,
qui fait un extrême plaisir. La Dlle Sallé ,
après une absence de près de deux ans , a
reparu dans ce Ballet au troisiéme Divertissement,
avec les sieurs Dumoulin et Javilliers
. Elle a été honorée des aplaudis.
semens reitcrés du Public.
La decoration du troisiéme Acte , où
la Fête des Fleurs ,faite sur les desseins du
Chevalier Servandoni , a été generalement
goûtée ; elle represente , comme on
l'a
SEPTEMBRE. 1735. 2047
l'a déja dit , des Berceaux illuminés ,
& c.
L'Opera nouveau de Scanderberg , dont
le Poëme est de feu M. de Lamotte , et la
Musique de Mrs Rebel et Francoeur , sera
donné après les Indes Galantes , on en va
commencer les repetitions.
Le 13. Juillet les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
d'une petite Comédie de M. Poisson, intitulée
le Mariage fait par Lettre de Change ,
en Vers , en un Acte , avec un Divertissement.
Cette Piece a été reçûë favorablement
du Public, et le Divertissement dont elle
est ornée , a fait souhaiter aux connoisseurs
que M. Grandval qui en a fait la
Musique , ne fut pas si avare de ses talens
, n'étant pas moins bon Musicien
que bon Poëte ; il a donné des preuves
que
de cette derniere qualité dans son fameux
Poëme de Cartouche et il ne tiendroit
qu'à lui de nous faire autant de
plaisir dans la premiere revenons à la
Piece.
,
La singularité du sujet a d'abord revolté
, ceux qui par une severité hors de
saison , semblent ne faire usage de leur
raison que pour diminuer leurs plaisirs
Un
2048 MERCURE DE FRANCE
Un Mariage par Lettre de Change leur a
paru d'une absurdité insoûtenable ; l'Auteur
a prevenu l'objection dès la seconde
Scene ; voici comment s'explique un des
Acteurs :
Moy , j'admire Cleon ;
Vit-on jamais Hymen d'une telle façon ?
Il traite d'une femme avec pleine franchise ,
Commeun Negotiant traite de marchandise.
La Lettre de ce Cleon que nous venons
de
nommer , n'a pas paru moins singu→
liere que le sujet qu'elle expose ; nous
avons cru que nos Lecteurs
la veroient
avec plaisir. La voici :
Attendu que j'ai besoin d'une femme , et
que je n'en trouve point ici qui soient d'assés
bonne fabrique , ne manquerez de m'envoyer
par le premierVaisseau une Fille de la
qualité, et figure qui suit : d'honnête famille,
entre vingt et vingt cinq ans ; d'humeur
douce ; de moeurs sans reproche ; d'un bon
usé , et de constitution assés forte pour resister
au changement de climat , et suporter l'état
du Mariage et qu'il ne soit besoin d'un
second envoy. Si le premier venoit à manquer
; à quoi il faut obvier autant qu'il se
poura , vû l'éloignement et les risques du
transport
Arrivant
SEPTEMBRE. 1735. 2049
Arrivant ici conditionnée comme ci-dessus ,
et raportant la presente Lettre endossée de
votre part , ou du moins copie d'icelle , marquée
au numero sept , bien et duëment legalisée
, à ce qu'il n'y ait erreur ou surprise ,
je m'oblige et m'engage à acquiter ladite
Lettre en épousant dans les six mois la personne
qui en sera chargée , en foy de quoi
j'ai signé la presente.
Au reste il ne faut pas juger de Cleon
par sa maniere d'écrire ; l'Auteur nous
prévient là- dessus par ces Vers ; c'est
Philinte un de ses plus chers amis qui
parle à son Valet :
La Lettre qu'il écrit ne doit pas te surprendre ;
Car à l'égard du stile , il est bon de t'aprendre
Que Cleon sur ce ton n'écrit uniquement
Que pour se faire entendre à son correspondant
;
Chés les gens de trafic ce style est en usage , &c.
Voici quela été le sort de cette premiere
Lettre de Change ; le correspondant y
a satisfait ; mais par malheur le Vaisseau
sur lequel il a mis la future a fait naufrage,
et Cleon en a demandé une seconde , qu'il
attend ,à son grand regret , parce qu'il est
devenu amoureux d'une troisiéme : cette
derniere n'est arrivée que depuis quelques
mɔ
2050 MERCURE DE FRANCE
mois en Canada , où est le lieu de la Scene
, elle s'apelle Hortance ; elle est auprès
d'une Tante ; et Philinte , intime ami de
Cleon , se dit son parent. Cleon prie
Philinte de le tirer d'affaire dans une
situation si embarrassante , et d'acquiter
sa seconde Lettre de Change ,en épousant
la Fille que son correspondant lui envoye ,
et qui doit arriver incessamment ; Philinte
qui sçait à quoi s'en tenir , parce
qu'il est mieux instruit que Cleon au sujet
d'Hortance , ne fait que plaisanter
sur la proposition qu'il lui fait ; et passant
enfin de la plaisanterie au serieux ,
il lui aprend que son coeur est engagé
avec un objet charmant , dont il n'a pû
obtenir la possession ; que les Parents de
cette aimable personne l'ayant soustraite
à ses yeux et enfermée dans un Convent,
il partit désesperé , et vint dans le Canada
, suivi d'un amour qui durera autant
que sa vie ; il porte un coup plus sensible
à son ami , en lui aprenant qu'Hortance
doit partir au premier jour pour un éta
blissement que sa Tante lui a menagé ; en
effet Hortance vient avec Olympe sa Tante
, comme pour prendre congé de lui ;
Cleon a beau lui faire entendre combien
sa perte lui sera sensible , elle prend cette
declaration d'amour pour une politesse ;
et lui dit :
Reservez
SEPTEMBRE. 1755. 2051
Reservez la tendresse à present , croyez - moi ,
Pour celle à qui bientôt vous donez votre foy.
Elle ajoûte, pour le jouer encore mieux,
de concert avec Olympe et Philinte ;
qu'elle s'interesse pour celle qu'il doit
épouser ; elle s'explique ainsi : -
Je veux que vous l'aimiés autant
Qu'elle prendra de joie à vous rendre content ;
Voir par vous aujourd'hui votre Epouse cherie,
Est le plus grand plaisir que j'aurai de ma vie.
Cleon qui n'entend rien à ces termes
équivoques , lui dit qu'elle lui perce le
coeur de mille coups ; pour surcroît de
douleur un Valet vient lui annoncer
qu'on voit paroître un Vaisseau , et que
c'est aparemment sa future Epouse qui va
arriver ; Cleon paye cette pretendue bonne
nouvelle d'un souflet dont Hortance
ne fait que rire ; enfin prête à prendre.
congé de lui , elle lui dit :
A propos , j'oubliois
Que je porte sur moi , parmi plusieurs billets ,
Une Lettre Monsieur , que j'ai sur vous à
prendre.
>
Cleon prêt à faire honneur à cette Leta
tre
2052 MERCURE DE FRANCE
tre de Change , la prend et la lit tout
haut ; en voici le contenu :
·
Gelle qui doit remettre
Dans vos mains cette Lettre ,
Est la personne en question ,
Dont je serai la caution ;
Vous pouvez l'épouser avec pleine assurance ;
Elle est sage , bien née , et son nom est Hor
tance .
Cleon s'abandonne à des transports de,
joye proportionnés à son amour. Hortance
lui aprend , qu'étant arrivée à son
insçu , elle avoit voulu le connoître avant
que de se donner à lui ; qu'Olympe qui
passe pour sa Tante , et Philinte son pretendu
parent , s'étoient prêtés de bonne
grace à cette innocente supercherie , et
qu'elle n'a voulu le détromper , que sûre
d'en être aimée autant qu'elle l'aime. Plus
d'un spectateur a pris le change dans cet
endroit de la Piece, et a cru qu'elle étoit finie
; mais les vrais connoisseurs n'y ont pas
: été trompés.Philinte devoit y entrer pour
quelque chose , et l'Auteur y avoit prepa
ré par le caractere d'Amant fidele qu'il
lui avoit donné . Une inconnue arrive ;
elle demande à parler à Cleon ; il se nomme
; elle lui dit en lui presentant une
Lettre :
Après
SEPTEMBRE. 1735. 2053
Après tous les perils d'un assés long voyage ,
A peine revenue encore de mon naufrage ,
Vous voulez bien , Monsieur , qu'avec ce passeport.
Cleon mortellement frapé de cet incident
, reconnoît par la lecture de la
Lettre , que celle qui vient se presenter
à lui est cette même infortunée dont on
lui avoit annoncé le naufrage ; Hortance
n'est pas moins troublée de trouver une
Rivale , premiere en date ; mais l'inconnuë
les rassure tous , en leur disant qu'elle
n'est venuë en Canada que pour obéir à
ses parents qui l'ont sacrifiée , et qu'ainsi
loin d'exiger que la Lettre de Change
soit acquitée , elle se croira trop heureuse
si l'on veut bien ne pas contraindre
un coeur dont elle n'a jamais pû disposer
au gré de ses désirs ; Philinte qui n'avoit
pas été present à l'arrivée de l'inconnue ,
vient dénouer la Piece ; il la reconnoit
pour celle à qui il a juré autrefois une
fidelité éternelle ; et par- là tous les
Amants se trouvent au comble de leurs
voeux ; ce double Mariage est celebré par
des danses et par des couplets ; en voici
quelques Vers :
Que2054
MERCURE DE FRANCE
Qu
Ue d'Amour les engagemens
De ceux d'Hymen sont differens !
Dures contraintes
Regrets , courroux ,
Reproches , plaintes ,
Transports jaloux ,
C'est le commerce des Epoux :
Doux soins de plaire ,
Empressemens ;
Dans le mystere ,
Transports charmans ;
C'est le commerce des Amans.
VAUDEVILLE,
Avec l'Amour on négocie ,
On s'associe ;
Et dans le siecle d'aujourd'huy
Chacun fait fortune avec lui :
Quand sur nos coeurs il s'exerce ;
Il donne pour quelques soupirs ,
En échange tous ses plaisirs :
Le joli commerce !
Ma Grand-Maman me dit sans cesse
Que rien ne presse
Pour donner mon coeur et ma foy ;
Mais quoi qui le sçait mieux que moi ?
De
SEPTEMBRE. 1735. 2055
De ces discours elle me berce ;
Ce sont contes de Mere- grand ;
Je suis dans l'âge où l'on aprend
Le joli commerce,
Au Parterre.
Faire ici notre unique affaire
De l'art de plaire ,
Messieurs , contenter vos esprits ;
Par l'heureux choix de nos Ecrits ;
Loin qu'ils tombent à la renverse ,
Vous y voir en foule venir ,
Vous entendre nous aplaudir
Le joli commerce,
Cette Piece est très bien imprimée chés
le Breton , Quay des Augustins , in 12 .
1735. prix 20. sols.
Le 17. Août , les mêmes Comédiens
donnerent la premiere Représentation de
la Comédie , intitulée l'Amante en Tutelle,
en trois Actes , en Vers , precedée d'un
Prologue qui ne roule presque que sur
le mystere que l'Auteur a fait de son nom ,
et sur la verité de l'avanture qu'on va
voir. Tout s'y passe entre Thalie , l'Auteur
et un Comédien . Voici en peu de mots
le sujet de la Piece. Lucile , jeune orpheline
aime , et croit être aimée , d'un
jeune
2056 MERCURE DE FRANCE
>
jeune homme à peu près de son âge ,apellé
Leandre. Elle s'apperçoit
que Celiante sa
Tante et sa Tutrice est sa Rivale , et
craignant que les grands biens de cette
riche veuve ne puissent ébloüir les yeux
de son Amant , elle se résout à tout entreprendre
pour lui laisser ignorer sa nouvelle
conquête . Dans son désespoir , et
dans sa vivacité elle pousse ses entreprises
au- delà de la vraisemblance
pour les
personnes qui ne connoissent
pas tout ce
que l'amour peut faire entreprendre
dans
un âge où les passions vont d'ordinaire
jusqu'à l'emportement
.
Elle se déguise en Cavalier , et sous le
nom de Leandre , elle a une conversation
avec sa Tante , qui trompée par Lisette sa
suivante, en qui elle se confioit, et qui favorisoit
sa niece , donne dans un paneau
que la prevention seule peut rendre excusable.
Enfin elle profite de la fausse delicatesse
de Celiante , qui voulant surprendre
agreablement Leandre par une
donation de tous ses biens , oblige le Notaire
à laisser le nom de Leandre en
blanc , pour qu'il ait le plaisir de le remplir
lui - même. Lucile se substitue donc
à la place de Leandre , que le Notaire
prend pour lui , ne le connoissant pas , et
elle remplit le blanc de la donation , du
nom
SEPTEMBRE. 1735. 2057
nom du Marquis son cousin , à qui elle
a de grandes obligations , et avec qui sa
Tante avoit déja pris quelque sorte d'engagement
. Ainsi non - seulement Lucile
oblige sa Tante à lui ceder Leandre , mais
encore elle la marie elle-même avec leMarquis
. Donnons quelques traits de cette Piece
pour faire juger du stile et de la versification
de l'Auteur .
Dans le Prologue , Thalie s'explique ain-
-si , au sujet des Auteurs qui par inconstance
s'adonnent à un autre genre de
Poësie que celui qui leur est propre.
:
Il n'est point d'esprit general i
Qui veut tout faire , fait tout mal .
Avons-nous jamais vu le naïf Lafontaine,
Quitter des Animaux le langage badin ,
Pour venir en ces lieux y chausser avec peine ,
Le Cothurne ou le Brodequin ?
Corneille , Aigle du Tragique ,
S'eleve avec éclat , et vôle jusqu'aux Cieux ,
Par tout il est pompeux , noble , grand , magnifique
,
Ses Héros sont des demi - Dieux.
Le tendre Racine au contraire ,
En vantant leur grandeur , met leur foiblesse au
jour :
Il frape , il attendrit , il émeut , il sçait plaire ,
Et l'on croit entendre l'Amour .
Et
2058 MERCURE DE FRANCE
Et le divin Moliere enfin qui sur la Scene ,
A pour jamais retabli mes apas ,
Lui qui leva le masque à la nature humaine ,
Qui pour la corriger la suivit pas à pas :
Toujours charmé de moi ne m'abandonna pas
Pour Clio ni pour Melpomene .
Oui, ces Maîtres de l'Art, dont les noms sont si
grands ,
N'auroient jamais brillé d'une gloire si pure ,
Si , pour avoir tous les talens ,
Ils avoient quitté la nature.
Lucile après avoir convaincu Lisette
que sa Tante est sa Rivale , dépeint par
ces Vers et son caractere et la délicatesse
de ses sentimens . Elle parle à Leandre :
ses bien-
Non , je ne pretends pas qu'il aprenne jamais
Un amour moins à craindre encor que
faits ,
Four empêcher l'aveu qu'en peut faire maTante,
Il n'est point de moyen qu'en secret je ne tente ;
De mes soupçons jaloux rien ne peut me guerir
Et le risque est trop grand pour oser le courir .
Peut-être s'il voyoit tout ce que ma Rivale
De richesse , à ses yeux , dans son billet étale ,
Il pouroit en sentir un peu d'émotion ,
Et je veux lui sauver cette tentation .
Il est loin d'être riche et je lui rends justice,
Je ne merite pas un pareil sacrifice ;
Il
SEPTEMBRE. 1735
2059
Il pouroit m'immoler , sans en être blâmé
Que de ce triste coeur dont il est trop aimé.
Lisette.
Quoi ! l'on vous troqueroit pour une ridicule !
Une capricieuse , entêtée et credule ,
Et l'on prefereroit à vos jeunes beautés
Sa grace surannée , et ses airs affectés ?
Cela ne se peut pas.
Lucile.
Dans le siecle où nous sommes
La Beauté , la Vertu n'engagent point les hommes
;
Si l'on veut de l'Hymen former les doux liens ,
Sans consulter les coeurs , on consulte les biens ,
On suit de vains desirs que l'interêt fait naître ,
Et l'on cherche à s'unir plutôt qu'à se connoître.
Tu peux voir tout mon coeur
ce jour
Lizette , et dans
Rien n'égale à mes yeux le soin de mon amour:
Leandre est comme moi , jeune , sincere , il
aime ,
Ah ! ne le gâtons point , il pensera de même.
Lucile conserve ce même caractere dans
le troisiéme Acte . Elle a si bien fait par
ses ruses , que sa Tante ne songe qu'à
H épouser
2
2060 MERCURE DE FRANCE
épouser Leandre dont elle se croit aimée,
tandis que Leandre est persuadé que Celiante
va le marier incessamment avec
Lucile. Voici comme cette derniere s'explique
à Lisette, qui lui conseille d'instrui
re son Amant de tout ce qui se passe.
Tandis que par mes soins leur ame prevenuë.
Croit avoir même objet , croit avoir même vuë
Quand chacun vers le sien marche d'un pas
égal ,
Et que croyant s'entendre , ils s'entendent si mal;
De ce noeud qu'a tissu ma main encor novice
Penses tu qu'ils pouront penetrer l'artifice ?
Avant que d'en venir aux éclaircissemens ,
J'espere profiter des premiers mouvemens
D'un coeur dont je connois l'amour et la constance
>
Et qui croit me devoir quelque reconnoissance,
En lui donnant le temps de la reflexion ,
Je pourois dans son coeur armer l'ambition ,
Peut - être elle n'auroit pour lui que trop de
charmes ;
Ici l'Amour la peut combatre par mes larmes.
It suffit à çeDieu du plus leger apui ,
Toutes les passions se taisent devant lui.
Le 19. de ce mois on donna sur ce Théatre la
premiere Représentation de la Tragédie nouvelle
de Teglis , de M. de Morand , qui tût goûtée et
fort aplaudie. Nous en reservons l'Extrait pour
le
SEPTEMBRE. 1735. 2068
le prochain Mercure , avec les Observations du
Public .
Le 17. Septembre , les Comediens Italiens
donnerent la premiere Représentation d'une petite
Piéce d'un Acte, en Vers et Vaudevilles qui a
pour titre , les Indes Chantantes, parodie du nouveau
Ballet des Indes Galantes . Cette Piece qui
est des sieurs Romagnesi & Riccoboni , est precedée
d'un Prologue dialogué par ces deux Auteurs ,
pour annoncer la nouvelle Parodie, qui est ornée.
de trois differens Divertissemens , mis en Musique
par M. Mouret , on en parlera plus au long.
***** :*** :*******
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERS E.
N mande de Constantinople, que le Grand-
Seigneur ,à la sollicitation de la Sultane
Mere de Sa Hutesse , avoit déposé le Grand
Visir ; qu'on avoit confisqué tous les biens de
ce Ministre , et qu'on croyoit sa place destinée
au Bassa de Bosnie ou au Bassa Ismaël , cydevant
Gouverneur de Bagdad.
Hij EX
2062 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT des dernieres Lettres
écrites deConstantinople, sur la Bataille
donnée en Georgie au mois de Juin
dernier.
D
Du 8. Juillet 1735.
Imanche dernier on reçut ici la premiere
nouvelle d'une Bataille , qui s'étoit donnée
le 17. du mois passé , entre les Turcs et les Perà
vingt lieues de la Ville de Cars , * du
côté de Guendgé , dans laquelle l'Armée Ottomane
avoit été défaite ; le Seraskier et un autre
Pacha à trois Queues , tuez.
sans ,
Cette nouvelle a répandu ici une grande consternation.
Ce qu'il y a de plus surprenant , c'est
qu'on n'a été informé de cet Evenement que par
quelques fuyards ,qui n'ont pu faire aucun détail,
sans qu'on ait encore reçû des Lettres d'aucun
Pacha , ni d'aucun Officier de l'Armée ,
Du 14. Juillet.
Depuis ma derniere Lettre il est arrivé un Officier
dépêché par Kara- Achmet, Pacha chargé
d'une Lettre pour le Grand- Seigneur , et d'une
autre pour le Grand- Visir , contenant le détail
de la Bataille qui s'est donnée dans la Georgie ,
entre l'Armée des Turcs et celle des Persans , au
mois de Juin dernier . Ce détail n'est pas encore
bien sçû du Public , mais il paroît certain que les
premières nouvelles ont été exagerées par raport
la perte des Turcs,
* Cats est la derniere Ville de Turquie , en allant
de Constantinople en Perse , par la Georgie.
L'Officier
SEPTEMBRE. 1735. 2063
L'Officier du Pacha Achmet ayant rendu ses
Dépêches au G. Visir , et ce premier Ministre
ayant lû la Lettre qui lui étoit adressée , se rendit
au Serail , et trouva le Sultan déja instruit er
mal prévenu contre lui , &c.
Le même jour, après la Priere du soir , un Officier
de la Cour vint de la part de S. H. lui demander
les Sceaux de l'Empire , et lui ordonner
de se rendre à l'Isle de Metelin , dans l'Archipel,
-lieu de son exil.
Après le départ de l'Officier , Porteur des Dépêches
dont je viens de parler , et chargé des ordres
convenables à la circonstance des affaires ,
on a reçû d'autres avis qui diminuent de beaucoup
la perte des Troupes Turques ; qui ajoûtent
même que les Persans , quoique victorieux , ont
perdu autant de monde de leur côté ; enfin qu'il
est déja arrivé à Cars autant de Troupes qu'il en
'faut pour former une nouvelle Armée .
Du 30. Fuillet.
On n'a pû sçavoir encore aucun détail assuré
de l'Action du 17. Juin , que l'on raconte ici de
plusieurs manieres differentes . Tout le Monde
convient cependant que le Seraskier Abdala Pacha
, qui commandoit l'Armée , est resté sur le
champ de Bataille , et que l'avantage remporté
par les Persans ne doit être attribué qu'à la mutinerie
des Troupes , lesquelles étant mécontentes
de leur General , se retirerent dès que l'Action
fut engagée , sans vouloir combattre , et laisserent
à la merci des Persans le Seraskier et quelques
autres Pachas qui furent tués. Ainsi la perte
des Turcs n'est pas , à beaucop près , si considerable
qu'on l'avoit crû d'abord .
Depuis on a publié que les Turcs avoient remporté
H iij
2064 MERCURE DE FRANCE
porté deux avantages sur les Persans , l'un auprès
de Guendgé et l'autre aux environs de Tiflis ,
avantages qui avoient obligé ces derniers , nonseulement
à lever le Blocus de ces deux Places ,mais
encore à abandonner toute la Georgie et à se retirer
dans la Perse. Ces nouvelles méritent cependant
d'être confirmées.
Je vous ai déja mandé la déposition du G.
Visir Aly Pacha, qui gouvernoir cet Empire depuis
trois ans. On l'avoit d'abord relegué à Metelin
, mais depuis il a été nommé Pacha de Candie.
Le Chaoux Bachi a été fait Kaimakamı , * et
chargé du Gouvernement en attendant l'arrivée
du nouveau Grand- Visir , qu'on dit être Ismaël
Pacha , cy - devant Aga des Janissaires , et actuellement
Pacha de Bagdad.
Le Capitaine d'un Vaisseau Anglois , arrivé sur
les Côtes d'Italie au commencement de ce mois ,
a raporté que le nouveau Dey , élû par les Rebelles
de Tunis , avoit été obligé d'abandonner la
Ville , parce que les Turcs qui étoient dans ses
Troupes avoient mis bas les Armes à l'aproche
des 7000. hommes de leur Nation , que la Régence
d'Alger avoit envoyés pour rétablir l'ancien
Dey.
On a apris que les équipages de quelques Vaisseaux
revenus depuis peu de l'Archipel , qu'Achmet
Pacha , cy - devant Gouverneur de Bagdad ,
qui commande actuellement l'Armée Ottomane
en Perse , avoit été déclaré G. Visir , que son
prédecesseur avoit obtenu le Gouvernement de
'Isle de Candie , et que Giadnum Coggia , Capitan
Pacha , avoit reçû ordre du G. S. d'aller
* Le Kaimakam est Gouverneur de Constantinople
et Lieutenant du G. Vișir.
dans
SEPTEMBRE. 1735. 2065
Jans la Mer Noire , avec une Escadre conside
rable pour s'oposer aux entreprises que les Moscovites
pouroient former contre les Places qui
sont sur les Côtes de cette Mer.
On vient d'aprendre de Lisbonne , qu'un des
Generaux des Troupes de Muley Abdala , Roy
'de Maroc , s'étant emparé de la Ville de Salé ,
s'y étoit fait proclamer Roy.
On a apris en dernier lien de Constantinople
que le 11. Août , M. Stadnicki , qui depuis qu'il
avoit embrassé le parti de l'Electeur de Saxe ,
avoit pris la qualité de Ministre de ce Prince à la
Porte , y avoit été arrêté par ordre du G. S. er
qu'il avoir été conduit à Andrinople.
Les mêmes Lettres marquent qu'un grand
nombre d'Officiers et de Soldats , qu'on croyoit
avoir été faits prisonniers de guerre par les Persans
dans le dernier Combat donné près de Revan
, avoient rejoint l'Armée Ottomane campée
actuellement près d'Erzerum , et que non- seule
ment Achmet Pacha qui la commandoit , étoit .
en état de s'oposer aux entreprises de Thamas
Kouli-Kan , mais qu'il avoit une Armée assés
considerable pour pouvoir attaquer les Persans.
RUSSIE.
Na sçu par un Courier venu de Constantinople
, qu'un Détachement considerable
des Troupes du Kan de Crimée s'étoit avancé
jusqu'à Bialazerkieu , et que quelques autres Détachemens
des mêmes Troupes faisoient des
courses le long du Dniester.
On a apris depuis que M. de Neplief , Mi
nistre de la Czarine à la Porte , a dépêché un
Courier à S. M. Cz. pour lui aprendre que le
Hiiij G.S.
2066 MERCURE DE FRANCE
et
G. S. continuoit de faire conduire à Asoph une
grande quantité de munitions de bouche
de guerre , et qu'il avoit rapellé le Pacha de
cette Place , pour y envoyer un Gouverneur
plus expérimenté dans l'Art Militaire .
La Czarine a sçû par le même Courier que les
nouvelles instances faites par M. de Neplief n'avoient
pû engager S. H. à révoquer l'ordre
qu'elle avoit donné auKan des Tartares de Crimée,
de passer par le Daghestan avec les Troupes qu'il
avoit assemblées , et que ce Kan étoit déja entré
dans la Cubardie , Province habitée par une Nation
de Tartares qui est sous la protection de
S. M. Cz.
Un Officier que Thamas Kouli Kan a envoyé
à la Czarine pour l'informer de la victoire remportée
depuis peu sur les Turcs par les Persans ,
est arrivé à Petersbourg avec une Relation détaillée
des circonstances de cet Evenement . 1
Selon la Lettre , dont le General Persan l'a
chargé pour S. M. Cz . le Pacha Abdala Kuperli
s'étant mis en marche pour attaquer les
Persans à Revan , et son avant- garde s'étant engagée
dans un défilé bordé d'un côté par un
bois , et de l'autre par une chaîne de Montagnes,
Thamas Kouli Kan fit sauter par le moyen de
quelques mines , qu'on avoit pratiquées par son
ordre dans ces Montagnes , plusieurs Rochers
qui accablerent sous leurs ruines un grand nom
bre de Turcs, et couperent la communication de
leur avant garde avec le reste de l'Armée. Comme
les Troupes qui composoient cette avant- gar
de , ne purent être secourues , elles furent obligées
, après une longue résistance , de ceder à la
superiorité du nombre des Ennemis , et il ne s'en
sauva que la plus petite partic.
Le
SEPTEMBRE . 1735. 2067
Le Corps de Bataille et l'arriere - garde des
Troupes Ottomanes n'ont point eu de part ni au
combat ni à la deroute , et Thamas Kouli - Kan
mande à S. M. Cz. que la perte des Turcs , en y
comprenant les prisonniers de guerre faits par les
Persans dans cette action , monte à 20000. hom.
mes; que le Pacha Kuperli a été tué dans le combat
, et qu'Achmet Pacha , cy - devant Gouverneur
de Bagdad , qui commande à présent l'Armée
, a près de 80000. hommes sous ses ordres.
Le General Persan ajoûte qu'il a reçû avis que
le G. S. avoit envoyé des pouvoirs à ce Pacha
pour renouer les négociations commencées avec
les Ministres du Roy de Perse.
On a apris par un Courier du Gouverneur de
Derbent , que la Garnison Turque qui défendoit
la Ville de Genscha , assiegée depuis long- temps
par les Persans , avoit été obligée de se rendre.
POLOGNE.
E Comte de Munich , avant son départ de
Warsovie, a fait publier une Lettre par la
quelle il déclare , au nom de la Czarine , que les
Moscovites traiteront comme ennemis tous ceux
dont les démarches pouroient tendre à troubler
l'Assemblée que l'Electeur de Saxe a convoquée
à Warsovic.
On a imprimé depuis peu , par ordre du Baron
de Keiserling , une ' Déclaration par laquelle la
Czarine renouvelle les assurances contenues dans
ses precedens Manifestes , et par laquelle elle
promet de ne jamais demander aucun dédommagement
pour les dépenses auxquelles la guerre
P'a engagée , et de retirer son Aimée de la Pologne
aussitôt après que la tranquillité y aura été
rétablie . Hv On
2068 MERCURE DE FRANCE
On mande de Konigsberg , que le Manifeste ,
composé par ordre du Roy de Pologne pour
protester contre toutes les résolutions qui seront
prises par les Partisans de l'Electeur de Saxe
dans l'Assemblée convoquée à Warsovie , a été
rendu public , et qu'il porte que la confederation
faite en faveur de Sa Majesté , ne s'est
maintenue jusqu'à present par aucun Acte de
violence , ni par aucun motif d'interêt ou de
faction ; que les Seigneurs et les Gentilshommes
qui la composent , et dont plusieurs ont été
contraints par la force des Armes étrangeres d'abandonner
leur Patrie , sont animés seulement
par l'amour du bien public et par le desir de
demeurer fideles au serment qu'ils ont fait dans
la Diette de convocation , de n'élire qu'un Polonois
pour leur Roy ; que rien ne sera capable
de les empêcher de perseverer jusqu'à la mort
dans leur attachement pour un Souverain qu'ils
ont choisi librement , et en observant toutes les
formalités prescrites par les Constitutions du
Royaume ; que toute l'Europe est interessée à
conserver aux Polonois la liberté dont ils jouissent
depuis si long temps ; que quand même la
Czarine seroit , comme elle le prétend , garante
de l'observation du Traité conclu en 1717. entre
le feu Roy Auguste et la Republique , ce titre ne
mettroit pas S M. Cz. en droit de donner atteinte
aux Privileges de la Nation ; que d'ailleurs ce
titre est usurpé ; qu'il est vrai que dans le Traité
dont il s'agit , la médiation du feu Czar Pierre I.
fut employée , mais qu'il n'y fut fait aucune
mention de garantie ; qu'on peut ajoûter que
ceux qui font les Loix sont maîtres de les abroger
; qu'ainsi la République assemblée dans la
Diette d'Election , avoit le pouvoir d'interpreter
ON
SEPTEMBRE. 1735. 2069
ر
ou d'annuler les prétenduës Loix aleguées contre
le Roy ; qu'il dépendoit d'elle de confirmer
la premiere Election de S. M. en vertu des Constitutions
des années 1567. 1576. 1607. et 1609 .
qu'on auroit dû être peu étonné de la voir tenir
cette conduite à l'égard du Roy , après que l'on
a vû le feu Roy Auguste , apuyé par une Armée
Moscovite , se faire rétablir dans une Diette ,
quoiqu'il eût renoncé à la Couronne par le Traité
d'Altranstadt ; qu'en vain l'Electeur de Saxe
promet que les Troupes étrangeres sortiront du
Royaume , et que la tranquillité sera bientôt rétablie;
que la sortie des Troupes étrangeres importe
peu à la République , si la Nation demeure
oprimée pour toujours , et que les Polonois ne
peuvent être tranquiles, s'ils ne sont libres.
On s'étend ensuite dans ce Manifeste sur le
peu de validité des résolutions d'une prétendue
Diette convoquée par un Prince , dont les prétentions
au Trône n'ont d'apui que la violence
et l'on proteste contre tous les Actes qui pouront
être faits dans cette Assemblée .
"
Ce Manifeste a été signé par 165. Seigneurs ,'
munis de pleins pouvoirs pour cet effet , par la
Noblesse de ss . Palatinats .
La Lettre que M. Poninski , Maréchal de la
Confederation faite en faveur de l'Electeur de
Saxe , a écrite au Palatin de Lublin et aux autres
Seigneurs Polonois qui sont auprès du Roy
à Konigsberg , n'a pas produit l'effet que l'Eleclécteur
en esperoit , et ces Seigneurs ont fait réponse
qu'ils demeureroient inviolablement attachés
aux interêts de S. M.
Les instances du Palatin de Trock , pour engager
son fils le Comte Sapieha , Grand- Trésorier de
Lithuanie , à embrasser le parti de l'Electeur ,
H vi n'ont
2070 MERCURE DE FRANCE
n'ont pas eû plus de succès. Ce Comte
qui s'est
retiré avec ses Troupes
en Valachie
d'où il continuë
de faire de fréquentes
courses
dans les Provinces
Frontieres
du Royaume
de Pologne
, a
fait publier
un Manifeste
, dans lequel il déclare
qu'il désire aussi ardemment
qu'aucun
autre Seigneur
Polonois
de voir la tranquillité
rétablie
dans le Royaume
, mais que la Noblesse
qui est
sous ses ordres , ne peut consentir
d'acheter
cette
tranquillité
aux dépens
de sa liberté.
Un Courier arrivé de Constantinople à Warsovie
, a raporté que M. Stadnicki , qui étoit
allé en Turquie , avec caractere de Ministre du
Roy et de la Republique de Pologne , aussitôt
après la séparation de la Diette d'Election , et
qui ayant depuis quelque temps embrassé le parti
de l'Electeur de Saxe , avoit été chargé des affaires
de ce Prince à la Porte , avoit demandé une
Audience au G. S. pour lui présenter ses nouvelles
Lettres de créance , mais que S. H. avoit refusé
de la lui accorder. Le même Courier a assuré
que lorsqu'il est parti de Constantinople, le bruit
y couroit que le G. S. avoit pris la résolution de
faire arrêter M. Stadnicki .
Les Seigneurs et les Gentilshommes de la
Prusse Polonoise, attachés aux interêts de l'Electeur
de Saxe , firent le 30. du mois dernier à Marienbourg
, l'ouverture de leur Assemblée ; mais
comme il ne s'y trouva que vingt- quatre personnes
, ils se séparerent sans prendre aucune résolution.
L'Assemblée de la Noblesse du Palatinat de
Russie a été très- tumultueuse , et les Gentilshommes
qui la composoient ont refusé de nommer
des Députés pour assister à la prétenduë
Diette de Pacification,
Le
SEPTEMBRE. 1735. 2075
Le succès de l'Assemblée tenue à Rosan , n'a
pas été plus heureux , et les Gentilshomines assemblés
à Brescz en Cujavie , attendent pour
nommer leurs Députés , que l'Electeur leur ait
accordé satisfaction sur plusieurs griefs dont ils
se sont plaints.
A
Les Assemblées de la Noblesse des Palatinats
de Kiovie , de Volhinie , de Trock , de Novogrod
et de Smolinsko, se sont passées assés tranquillement.
Les dernieres Lettres marquent que les Seigneurs
et les Gentilshommes Polonois , attachés
aux interêts de l'Electeur de Saxe , n'ont point
voulu admettre de Protestans dans l'Assemblée
qu'ils ont tenue à Szreda , et que ces derniers
pour prévenir les contestations auxquelles leur
presence auroit donné lieu , se sont retirés après
avoir protesté congre l'injustice et la violence
qu'on leur faisoit . Quoique le parti pris par les
Protestans dût suspendre les déliberations de
l'Assemblée , plusieurs des Gentilshommes qui
la composoient ont crû qu'elles pouvoient être
continuées ; et ayant entraîné le plus grand nombre
des autres Gentilshommes dans leur sentiment
, ils les ont engagés à déroger à l'usage établi
jusqu'à present dans la grande Pologne , de
composer les Députations de six Catholiques et
de six Protestans , et à élire douze Députés ,
Catholiques pour assister à l'Assemblée convoquée
à Warsovie.
tous
La difference de Religion cause beaucoup de
trouble dans les Assemblées de la Noblesse de la
Prusse Polonoise ; quelques - unes se sont séparées
sans prendre aucune résolution , et dans
celles qui ont élu les Députés , les Protestans ont.
presque tous cû l'exclusion.
A
2072 MERCURE DE FRANCE
>
ALLEMAGNE.
N aprend de Vienne , que le 15. du mois
dernier,tous les Ministres de l'Empereur
se rendirent chés le Comte de Sinzendorf, Grand
Chancelier de la Cour , et qu'il fut résolu dans
cette Conference à laquelle se trouverent le Comte
de Konigseg et le Prince de Saxe Hildburghausen
, qu'on envoyeroit ordre à la plus grande
partie des Troupes qui sont dans la Croatie, dans
l'Esclavonie , dans la Servie , d'aller joindre celles
qui sont cantonnées dans le Tirol , et qu'on prendroit
des mesures pour pouvoir y faire passer
quelques- uns des Régimens qui sont en Hongrie
et dans les autres Pays hereditaires de l'Empereur.
ITALIE.
Es Lettres de Rome assurent que la Congré-
Lgation deNonnullis a requ ordre de Sa Sainteté
de faire un second examen des informations
concernant le Procès de M. Coscia , Evêque de
Targa , et que le Trésorier de la Chambre Apostolique
, a demandé qu'on informât contre le
Cardinal Coscia , qu'il accuse d'empêcher par
des moyens indirects que les revenus des Abbayes
que ce Cardinal possede dans le Royaume de
Naples , ne soient touchés par la Chambre.
Le 26.du mois dernier , cette Congrégation
composée des Cardinaux Pic de la Mirandole ,
Corradini , Porcia et Corsini , et de M. Valenti,
s'assembla chés le Cardinal Firrao , Secretaire
d'Etat , et après avoir examiné de nouveau les
preuves des accusations formées contre M. Coscia
, Evêque de Targa , ils le condamnerent nonseule
SEPTEMBRE. 1735. 2073
seulement à être enfermé dans un Convent jusqu'à
ce qu'il plaise an Pape de lui rendre la li
berté , mais encore à dédommager les habitans
d'un Village auquel il a fait mettre le feu pendant
le Ministere du Cardinal son frere , et à
donner cinq Lampes d'argent chacune de la valeur
de 300. Ecus Romains , dont la Congregation
disposera en faveur de cinq Eglises.
On aprend de Rome , que le 13. Août on plaça
au bruit d'un grand nombre de Boëtes , les Armes
du Pape sur le frontispice du Palais , voisin
du Portail de l'Eglise de S. Jean de Latran , pour
la construction duquel S. S. a donné encore depuis
peu 10000. écus . On assure que le Pape a
dessein de faire construire aussi un nouveau Portail
à l'Eglise de sainte Marie Majeure , sur les
Desseins de M. Fuga , celebre Architecte , qui
aura la direction de cet Ouvrage .
On écrit de Genes , que les Rebelles de Corse ,
auxquels se sont joints depuis peu les habitans
de quelques Bourgs , mécontens du traitement
qu'ils ont reçû des Commissaires de la République
, se sont emparés du Fort de Serte , dans
lequel ils ont trouvé 300. fusils et une grande
quantité de poudre et de boulets .
NAPLES ET SICILE.
E Regiment d'Infanterie que le Prince de
Muranno a obtenu la permission de lever ,
a
s'est embarqué au commencement du mois passé
pour aller à Messine , où il doit être mis en
garnison .
La Garnison Imperiale qui a défendu Trapani,
en sortit le 27. du mois de Juillet avec les
honneurs de la guerre , suivant la Capitulation
qui
2074 MERCURE DE FRANCE
qui lui avoit été accordée le 12. du même mois
et le même jour elle se rendit à bord des Vaisseaux
qui doivent la transporter à Trieste , et
qui firent voile la nuit suivante.
Le Prince Spinelli de Cariari , est arrivé de
Vienne à Naples pour rendre son hommage au
Roy , qui l'a rétabli dans la possession de tous
ses biens.
Le Roy a fait publier à Naples un Decret qui
porte que ceux qui possedoient des Charges dans
le Royaume de Naples et dans celui de Sicile
avant que ces Etats eussent passé sous la domination
de l'Empereur , et qui en ont été privés ,
parce qu'ils n'ont pas voulu préter serment de
fidelité à S. M. I. peuvent s'adresser avec confiance
à S. M. pour recevoir la récompense de
leur zele , et qu'ils seront toujours préférés dans la
nomination des Emplois qui viendront à vaquer.
Toutes les munitions de guerre et 120. Pieces
de Canon , qui sont sur les Vaisseaux du Convoy
parti de Palerme pour Livourne , seront débar
qués à l'embouchure de la Riviere de Magra , et
on les transportera delà en Lombardie.
On a fait partir du Port de Melazzo un autre
Convoy de Bâtimens de Transport , sur les
quels on a embarqué huit Bataillons destinés
à aller joindre les Troupes Espagnoles commandées
par le Duc de Montemar.
Le Prince della Torella Caraccioli , Gentilhomme
de la Chambre du Roy et Capitaine de
la Compagnie des Hallebardiers de la Garde de
S. M. vient d'être nommé Ambassadeur du
Roy auprès de S. M. Très- Chrétienne ..
ESPAGNE
SEPTEMBRE . 1735. 2075
ESPAGNE.
N écrit de Madrid que M. Keene, Ministre
du Roy d'Angleterre en cette Cour , ayant
envoyé à S. M. Br. la lettre que M. Patinho lui
avoit écrite au sujet du depart de l'Escadre Angloise
pour se rendre à Lisbonne , le Roy d'Angleterre
a ordonné à M. Keene de faire à cette
Lettre une repouse qui a été renduë publique , et
qui porte que S. M. Br. pour prevenir toutes les
inquietudes que sa Flote pouroir donner aux Negocians
, et pour ne laisser au Roy et aux autres
Puissances aucun doute sur ses intentions , a
chargé M. Keene de réiterer et de confirmer par
écrit les assurances déja données , et de déclarer
en son nom que la protection du commerce de la
Nation Angloise est le seul motif qui l'ait engagée
à envoyer une Flote en Portugal ; que le
Roy d'Angleterre voit avec plaisir que S.M. est
dans la resolution de ne commettre aucun acte
d'hostilité contre le Portugal , si elle n'y est for
cée ; qu'il se trouvera par - là plus en état d'engager
le Roy de Portugal à contribuer de sa part
un accommodement,et qu'on a tout lieu d'esperer
que les instances faites par plusieurs Puissances ,
pour procurer cet accommodement , produiront
l'effet qu'on en attend ; que l'offre que S. M. Br.
a faite d'employer sa mediation , afin de terminer
les differends entre le Roy et le Roy de Portugal
, est une preuve convainquante du desir
qu'elle a de voir l'union retablie entre les deux
Puissances ; que le Roy peut être assuré que
pourvu qu'on ne trouble point le commerce des
Anglois en Europe ni aux Indes , la Flote Angloise
, tant qu'elle demeurera dans ces Mers ,
ne
2076 MERCURE DE FRANCE
ne donnera ni à S. M. ni à ses sujets aucun sujet
de se plaindre , et que S. M. Br. ne pense pas
qu'après une declaration si authentique et si souvent
réiterée , les mesures qu'elle a prises pour
assurer le commerce de ses sujets , puissent jamais
servir de pretexte legitime à aucune Puissance
pour entreprendre de le troubler.
On écrit de Madrid que les Régimens de la
Reine , de Lisbonne , de Tolede , d'Arragon , de
Cantabria , d'Espagne , de Braban , d'Arregger ,
de Beslar , d'Ultonie , et d'Irlande , Infanterie ,
ceux du Prince des Asturies , des Algarves , de
Monteza , de Seville , de Quantiosos , et Royal
Allemand , Cavalerie ; et ceux de Dragons de la
Reine , de Flandres , de Numance , d'Estramadoure
, de France , et de Batavia , ont reçû ordre
de se tenir prêts à inarcher , et le bruit court
que ces Troupes s'assembleront sur la Caja .
On croit que ce Corps de Troupes sera com
mandé par le Comte de Roydeville , qui aura
sous ses ordres Don Alexandre de la Mota
et le Comte de Lalain , Lieutenans Generaux ;
Don Joseph Vicaria , Don Philipe Ramires de
Azellanos , Don François Pignatelli , le Chevalier
d'Ytre , le Duc de Linares , et Don Alexandre
Gosnove , Maréchaux de Camp ; Don Joseph-
Antoine Tineo , Brigadier , Major General
et Inspecteur de l'Infanterie , et Don Riperto
Gabec , aussi Brigadier , Major General de la Cavalerie
et des Dragons.
HOLLANDE , PAYS - BAS.
E Prince Hereditaire de Modene , arriva à la
Haye deBruxelles le f. ce mois, il alla le
9. à Leyde pour y voir le Jardin des Plantes , et
les autres curiosités de la Ville .
To
SEPTEMBRE. 1735: 2077
Ce Prince donna le 16-une Fête à la Princesse
de Holstein Beeck , qui partit le 18. pour le
Texel où elle doit s'embarquer sur un Vaisseau
de Guerre , destiné à la transporter à Lisbonne.
P
GRANDE - BRETAGNE.
Lusieurs Familles se disposent à aller s'établir
dans la Nouvelle Georgie , et on les destine
à habiter la nouvelle Ville qu'on a dessein
de bâtir sur le bord de la riviere d'Atalamatha ,
environ à soixante dix milles de Savanah. Les
Commissaires chargés des affaires de cette Colonie,
doivent y envoyer douze pieces de canon, et
des munitions de guerre , afin d'assurer à la Nation
la possession de cet établissement qu'on regarde
comme très avantageux au commerce ,
et dont on tire de la soye qui n'est point inferieure
à celle de Piément.
- Le 25. du mois dernier , le Chevalier Thomas
Lombe , Directeur de la Manufacture de Derbys
Presenta à la Reine d'Angleterre une piece d'étoffe
qu'il y avoit fait fabriquer de cette soye
par ordre de S.M. sur un dessein qu'elle lui avoit
donné.
Le bruit court que le Prince de Galles doit
épouser la Princesse de Saxe Gotha ; et que
cette Princesse se rendra à la Haye où elle atten
dra le Roy pour passer à Londres avec S. M.
La Compagnie de Turquie a fait embarquer à
bord duVaisseau de Guerre destiné à transporter
à Constantinople les domestiques et les équipa
ges de M. Everard Fawlkener , nommé Ambassadeur
à la Porte , à la place du Comte de Kinnoul
, une caisse d'instrumens de Mathematique ,
trois Pendules à secondes , dont les boëtes sont
magnifiquement
2078 MERCURE DE FRANCE
magnifiquement ornées , plusieurs Montres d'or
à repetition , douze fusils , et un pareil nombre
de paires de pistolets garnis d'argent , et travaillés
avec beaucoup d'art , douze pieces d'écarlate,
et quelques vases de pierres precieuses , dont elle
a resolu de faire present au Grand Seigneur.
ARMEE D'ITALIE.
Es Ennemis ont continué sur la fin du mois
Ldernier ,de faire faire plusieurs mouvemens
aux Troupes qu'ils ont à la tête du Lac de
Garde. Ils ont augmenté de deux Bataillons et de
200. Grenadiers le detachement qu'ils avoient
mis à Riva , et pour faire croire qu'ils étoient
dans le dessein de se raprocher de l'Italie , ils
ont envoyé ordre aux Officiers de leurs Troupes
qui étoient à Veronne et à Vienne, de rejoindre
incessamment leurs Corps .
Les bruits qu'ils avoient repandus sur ce projet
ne se sont pas confirmés , et on a apris à Bozolo
le 18. du mois passé que les Imperiaux
s'étoient cantonnés dans le Trentin , et qu'ils y
demeureroient jusqu'au retour du Comte de Konigseg
, qu'on assure devoir revenir de Vienne
incessamment .
Les Deputés que les habitans du Tirol ont envoyés
à Vienne pour representer à l'Empereur
qu'il étoit impossible à ce Pays de fournir aux
Troupes Imperiales les fourages qu'elles demandoient
, n'ont pas reçu une reponse favorable , et
bien loin d'avoir égard à leurs Representations ,
on leur a fait entendre que les habitans du Tirol
seroient obligés de former des Magazins pour la
subsistance des Troupes de l'Empereur pendant
P'Hyver prochain.
SEPTEMBRE. 1735. 2079
A la fin du mois dernier , les Imperiaux étoient
encore dans les mêmes quartiers à la tête du Lac
de Garde , et on assure qu'ils ont beaucoup de
peine à y trouver des subsistances . *
Les Lettres du commencement de ce mois
portent , que les ordres que les Imperiaux ont
envoyés pour rassembler leurs Troupes , pour
ks travaux par lesquels ils veulent rendre les
chemins pratiquables pour leur passage , et le
partt qu'ils paroissent avoir pris de faire revenir
dans le Tirol les Corps de Cavalerie qu'ils
avoient envoyés dans l'Evêché d'Ausbourg font
juger que leur projet est de tenter de rentrer en Ita
he aussitôt après l'arrivée du Comte de Konigseg.
Les differens mouvemens des Ennemis ont
déterminé le Roy de Sardaigne et le Maréchal
de Noailles à se mettre plus à portée de s'oposer
aux entreprises des Imperiaux , et toutes
les Troupes de l'Armée des Alliés étoient prêtes
à marcher au commencement du mois celles
qui étoient les plus éloignées ont dû recevoir
leurs ordres le 6. et le Marquis de Maillebois
partit le 5. avec le Corps qu'il commande pour
arriver le lendemain à Maringo , d'où il a dû
s'avancer avec plusieurs detachemens qui ont dû
le joindre dans sa marche à Gussolingo , pendant
que d'autres Troupes se sont assurées des
differens postes dont les Ennemis auroient pû
s'emparer.
Toutes les Troupes qui avoient reçu ordre de
se tenir prêtes à marcher , quitterent leurs quartiers
le 7. de ce mois , celles qui étoient à Castiglione
del Stivere , en partirent le lendemain , et
elles arriverent le soir à Vallegio avec le Maréchal
de Noailles qui fut camper le 9. à Villafranca
: il ya laissé reposer les Troupes, et ayant
pris
zoto MERCURE DE FRANCE
pris avec lui le Régiment de Cavalerie de Fiennes
, et celui de Dragons de Nicolay , il arriva
au Camp de Zevio le 10. Il y trouva le Marquis
de Maulevrier , lequel étoit venu la veille avec
le Corps qu'il commande , s'assurer de ce poste,
pendant que le Marquis de Savines s'avançoit
avec ses Troupes du côté de Ronco.
Le Maréchal de Noailles en arrivant à ce
Camp , aprit que M. du Chillois , Brigadier et
Lieutenant Colonel du Regiment Dauphin , Cavalerie
, lequel avoit été envoyé le long de l'Adige
avec un détachement , s'étoit emparé de
12. Barques chargées de farines , de bled , et
d'orge , et d'environ 100. Bateaux garnis de
poutrelles et madriers propres à construire des
Ponts , que les Imperiaux faisoient remonter
par l'Adige.
Le Marquis de Maillebois qui étoit en marche
dès le 5. arriva le 8. à Gussolengo , et après y
avoir fait entrer des Troupes , il en détacha d'autres
pour s'emparer de la Ferrara , de la Corona
, et de Rivole , qui sont des postes importans
entre l'Adige et le Lac de Garde .
Depuis que les Troupes de l'Armée des Alliés
ont quitté leurs quartiers pour se mettre à portée
de s'opposer aux entreprises des Imperiaux ,
i ne paroît pas que les Ennemis ayent fait d'autres
mouvemens que celui de retirer quelques
Troupes qu'ils avoient à Riva et à Torbole pour
les faire passer à la droite des differens postes
qu'ils occupent à la tête du Lac de Garde.
La nuit du 9. au 10. les Imperiaux firent avancer
du côté de la Ferrara un Corps d'Infanterie ;
mais le Marquis de Maillebois ayant detaché
quelques Compagnies de Grenadiers,des Piquets
et des Dragons , pour soutenir les Troupes qui
étoient
SEPTEMBRE. 1735. 2081
étoient dans ce poste , les Ennemis se retirerent.
Les Troupes que le Maréchal de Noailles à
laissées dans le Camp de Vilia- Franca , ont dû
arriver à celui de Zevio le 12.
On a reçû avis que les Troupes Espagnoles ,
qui faisoient le Siége de la Mirandole , ayant
commencé , après avoir établi un logement dans
le chemin couvert , à battre le corps de la Place
le Baron Stenz, qui en étoit Gouverneur , avoit de
mandé à capituler aux mêmes conditions que les
Garnisonsdes Villes qui ont été prises par lesTrou
pes Françoises et Piémontoises, et que ces conditions
lui ayant été refusées , il s'étoit rendu lé
31. du mois passé prisonnier de guerre ainsi
que la garnison .
Il a été convenu par la Capitulation que les
Officiers de la garnison pouront garder leurs
armes et leurs chevaux , à l'exception de ceux
qui auroient été achetés des deserteurs.
Qu'on fournira aux malades et aux blessés
tous les secours dont ils auront besoin , mais
qu'ils seront obligés de payer toutes les depenses
qui seront faites pour leur subsistance où pour
leur soulagement.
Qu'on n'employera aucune violence pour engager
les prisonniers à prendre parti " dans les
Troupes de S. M. C.
Qu'il sera permis à chaque Capitaine d'emme
ner deux domestiques , et que chacun des Officiers
subalternes aura la liberté d'en emmener un.
Qu'on donnera des passeports aux Officiers
pour se retirer où ils jugeront à propos , à condition
de ne point porter les armes jusqu'à ce
qu'ils ayent été échangés .
Selon la Capitulation , la garnison devoit sor
tir de la Place le 2. de ce mois à neuf heures du
matin
2082 MERCURE DE FRANCE
matin. Le Baron Stenz avoit demandé qu'elle
ne fut pas conduite hors de la Lombardië , et
qu'on promit de conserver aux habitans de la
Ville leurs Privileges , et de ne rien changer à la
forme de leur Gouvernement Civil ; mais le Comte
de Maceda n'a voulu prendre aucun engagement
sur ces articles , dont il a renvoyé la accision
au Duc de Montemar.
On a apris de Livourne , qu'il étoit entré dans
ce Poft Vaisseaux du Convoy qui avoit fait
voile de Palerme , il y a quelque temps , et dont
une partie avoit été obligée par les vents contraires
de relâcher à Baye. Ces avis ajoûtent qu'on
y attendoit incessamment les autres Bâtimens de
ce Convoy, aussi - bien que ceux d'un autre Convoy
parti depuis peu de Melazzo , sur lesquels
son huir Bataillons qui doivent aller joindre les
Troupes Espagnoles, commandées par le Duc de
Montemar.
Selon les Lettres du 20.de ce mois , le Maréchal
de Noailles qui a été joint par toutes lesTroupes
qu'il avoit laissées, à Villa- Franca , a fait remonfer
à Zevio la plus grande partie des bateaux pris
sur les Innemis , et il les a fait employer à l'établissement
de plusieurs Touts sur l'Adige. Le
premier a été fini le 14 ; on en a construit depuis
trois autres en differens endroits , et on en a établi
un cinquième à Albaro .
Le Corps d'Infanterie que les Imperiaux
avoient fait avancer la nuit du 9. au 1o . du côté
de la Ferrara , est resté quelques jours dans un
Village qui est au pied de la Montagne , pour
tenter une seconde fois d'attaquer le detachement
que le Marquis de Maillebois a envoyé dans
ce poste ; mais ce Corps s'est retiré , et les Ennemis
ont fait en même- temps remonter vis - à - vis
d'Avio
SEPTEMBRE. 1735. 2083
'Avio , le Pont qu'ils avoient à Borghetto , où
ils ont cependant envoyé , ainsi qu'à Alla , un
nouveau renfort de Troupes.
Les Impériaux font travailler dans les Endroits
par lesquels on pouroit penetrer dans le Trentin,
et ils y forment
des retranchemens
avec
de gros
arbres garnis de pieux.
Le Duc de Montemar , qui arriva le 16. au
Camp de Zevio pour conferer avec le Maréchal
de Noailles , et qui est reparti le 18. au matin , a
apris pendant son séjour à Zevio , que les Espagnols
s'étoient rendus maîtres sur le bord de l'Adige
, d'un grand nombre de Barques qui apartenoient
aux Impériaux , et qui étoient chargées
de farines et de grains .
Les dernieres Lettres de Parme portent que la
garnison Impériale qui a defendu la Mirandole,
sortit de la Place le 2. de ce mois à 9. heures du
matin , après avoir été désarmée, et que le 6. elle
arriva à Parme , d'où elle doit être conduite à
Livourne. Le Baron Stenz et deux des principaux
Officiers de la garnison ont obtenu la permission
de se retirer sur leur parole où ils juge
ront à propos.
La plus grande partie des Troupes Espagnoles
qu'on avoit employées au Siége de la Mirandole,
ont déja passé le Po pour se rendre dans les environs
de la Ville de Mantouë.
L'A
ARME'E D'ALLEMAGNE.
'Armée du Roy , commandée par le Maréchal
de Coigny, quitta le 29. du mois dernier
le Camp deWeinolsheim , et elle arriva à celui de
Bermesheim le même jour. La marche s'est faite
sur 7.colones avec beaucoup d'ordre , et le Duc de
I Grammont
2084 MERCURE DE FRANCE
Grammont , Lieutenant General , a commandé
l'arriere - garde.
Les troupes qui étoient campées à Stadeck
sous les ordres du Marquis de Dreux , Lieutenant
General , rejoignirent le même jour le Maréchal
de Coigny.
Le Corps de Troupes commandé par le Com
te de Belleisle , Lieutenant General , s'étant mis
en marche le 29.il campa le même jour à Floersheim
, et il arriva le 30. à Gundersheim .
Par ces mouvemens , notre Armée , qui depuis
quelque temps étoit separée en trois corps , s'est
rassemblée sur le ruisseau de Westoffen, la droite
de l'Armée s'étend jusques vis- à vis Ostoffen , er
la gauche vers Gundersheim .
Le Maréchal de Coigny fit faire le 30.un fourage
dans les Villages qui sont à la gauche et sur
les derrieres de l'Armée , laquelle n'a fait aucun
mouvement depuis que toutes les Troupes qui
étoient sous les ordres du Maréchal de Coigny ,
et qu'il avoit jugé à propos de s arer pendant
quelque temps , se sont rassemblées dans le Camp
de Bermesheim , d'où l'on fait tous les trois ,
des fourages dans les Villages des environs.
+
4440
Le Corps le plus considerable des Troupes de
l'Empereur , et qui est composé de 56. Escadrons
et de 81. Bataillons , est toujours campé des deux
côtez du Necker , et le Prince Eugene est à Heidelberg
, où il a établi son quartier general. Il a
fait avancer à Mayence , sous les ordres du General
Seckendorf , un Corps de 25000. hommes
qui sont campés sous cette Place . Le reste de
l'Armée du Prince Eugene est separé en plusieurs .
petits Corps , dont une partie occupe les retranchemens
qui ont eté faits depuis Ettlinguen jus
qu'à Neckeran , et l'autre partie est dans la Forêt
noire ,
SEPTEMBRE . 1735. 2085
On a apris depuis que notre Armée quitta le
Camp de Bermesheim le 13. de ce mois , et qu'elle
arriva le même jour à celui d'Eppenheim. Le
Maréchal de Coigny la fit marcher sur huit Colonnes
dont quatre étoient composées des Troupes
, et les quatre autres de l'Artillerie, des vivres,
et des équipages. Le Marquis de Guerchy , le
Marquis de Dreux , le Duc de Chaulnes , et le
Marquis de Nangis, Lieutenans Generaux , étoient
à la tête des quatre Colonnes de Troupes , et M.
de la Billarderie , Lieutenant General , commaņ¬
doit l'arriere- garde.
L'armée est campée derriere le ruisseau d'Eise ,
la droite est à la hauteur duVillage d'Horcheim ,
la gauche s'étend jusques vis à vis d'Ofstein , et
le quartier general est à Eppenheim.
>
Le Maréchal de Coigny afait avancer à Horcheim
trois Bataillons qui couvrent ce Village
et qui établissent la communication avecWorms,
où on a mis 3. Baillons , et un detachement de
valerie il a fait passer en même temps 20.
Escada de Dragons au- delà du ruisseau pour
couvrir le Quartie general , et il a envoyé laBri➡
gade de Bourbonn
Ofstein.
Le Corps de rescive commandé par le Marquis
de Belleisle , Lieutenant General , est campé
à la gauche de l'Armée ; il a sa droite apuyée
un petit bois qui n'est qu'à 200. pas d'Ofstein,
sa gauche s'étend vers la Montagne, et le Quartier
general est à Obersultzheim
Le Maréchal de Coigny fit faire le 14. un fourage
general dans les Villages qui sont sur la
gauche de l'armée.
Le Corps de Troupes commandé par le General
Seckendorf n'a fait aucun mouvement depuis
qu'il est allé camper sous Mayence . Le Prince
I ij Eugene
2086 MERCURE DE FRANCE
Eugene est toûjours sur le Necker avec la plus
grande partie de son armée , et il a quelques
Troupes à Bruchsal.
L'Armée n'a fait aucun mouvement depuis le
13. de ce mois qu'elle arriva dans le Camp d'Eppenheim.
Le Prince Eugene , qui a toujours son
Quartier general à Heydelberg , a fait marcher
les Troupes Danoises qui étoient sur le Necker ,
et on croit qu'il leur a donné ordre de se rendre
áu Camp formé sous Mayence mais comme
les Troupes Prussiennes doivent repasser le Rhin
pour aller rejoindre le Prince Eugene , le Corps
de Troupes commandé par le Comte de Seckendorf
ne sera pas beaucoup plus nombreux qu'il
Pa été depuis qu'il est campé sous Mayence.
Le Comte de Belleisle qui est campé à Obersultzheim
avec le Corps de reserve , ayant été informé
que les Ennemis faisoient fortifier Bingen ,
a envoyé M. Galhau , Capitaine d'une Compagnie
détachée , pour aller reconnoître les travaux
que les Ennemis y avoient commencé , et
les mouvemens qu'ils pouvoient faire du côté de
ce poste. M. Galhau s'étant avancé le 21. avec
son détachement à une demie - lieuë de Bingen ,
aprit que le Commandant des Troupes de Hesse
campées à Rudesheim , faisoit passer tous les
jours un detachement de 300. hommes pour couvrir
les travailleurs employés à fortifier du côté
du Honsruck la tête d'un Pont sur la Naw , qui
n'est qu'à 5oo . pas de Bingen ; il resolut d'attaquer
ce detachement ; et ayant laissé IIso . hommes
d'Infanterie à portée de faciliter sa retraite ,
il marcha avec 80. Dragons , et il attaqua le détachement
des Ennemis qui soutenoit les travail-
Jeurs ; il le renversa entierement ; et ayant passé
le Pont , il le poursuivit jusqu'à la porte de Biugen,
SEPTEMBRE . 1735 2087
gen , pendant que les Paysans qu'il avoit rassem
blés dans sa marche , détruisirent les Pallissades
qui avoient été élevées et les brulerent , ainsi que
le Corps de Garde qui étoit à la tête de ces Travaux.
Après cette Action M. Galhau se retira en
si bon ordre , que les Ennemis qui avoient fait
passer plusieurs détachemens pour le poursuivre,
n'oserent l'attaquer,
par
›
PLAN de la Loterie Royale de Turin ,
accordée
octroi du Roy , le 18. Avril
1735. publié par ordre de Mrs le Marquis
Fontana Ministre et Secretaire.
d'Etat , le Comte de S. Laurent , Contrôleur
General des Finances , le Comte
de Salmour , Président de la Chambre du
Commerce , et les deux Syndics de la
Ville de Turin , en exercice ; Commissaires
Inspecteurs et Sur- Intendans de
ladite Loterie , à ce spécialement délegués
par Lettres Patentes de Sa Majesté
Données à le du mois d 1735.
I. Ette Loterie sera tirée dans l'Hôtel de
Cville de Turin tous les Lundis , à l'exception
des Fêtes , auquel cas le Tirage sera remis
au lendemain , et le premier Tirage sera indiqué
au Public aussi - tôt que la Loterie sera remplie.
2. Elle durera deux années , à compter du premier
Tirage jusqu'au dernier ; et pendant le cours
de ces deux années , les Interessés à ladite Loterie
gagneront les dix mille Lots , et les cinq mille
Primes , dont il sera parlé cy - après .
I iij 3.
2088 MERCURE DE FRANCE
3. Tous les Tirages seront faits sous l'inspection
des sus - nommés Inspecteurs , qui présideront
auxdits Tirages , veilleront à la conservation
des Droits des Interessés à la Loterie , et
deux d'entr'eux au moins assisteront à chaque Tirage,
avec le Secretaire du Bureau de l'inspection.
4. Ladite Loterie est composée de 50. mille
Billets , de dix mille Lots , et de cinq mille Primes.
5. Les 50. mille Billets depuis Ѻ . 1. jusques
et compris N. so mille , sont tous associés de
cinq en cinq , en nombres suivis , ensorte qu'ils
composent dix mille Societés .
6. Ces Societés sont des Societés de Billets et
non de Personnes , ensorte que les Lots et Primes
qui échéront à la Societé , quel que soit le
Billet de ladite Societé qui les ait gagnés , seront
partagés par portions égales entre les cing Billets
associés , et que nul ne sera tenu que pour le Billet
dont il est porteur ou proprietaire , les fautes
que commettront les porteurs ou proprietaires
des autres Billets ne pouvant lui être imputées ,
sous quelque pretexte que ce soit .
7. Chacun verra sur son Billet les Numeros des
quatre Billets auxquels il est associé , et lorsque
Fun des Billets de la Societé gagnera une Prime
ou un Lot , chacun des Associés sera payé de sa
portion de ladite Prime ou Lot , aussi-tôt qu'il
presentera son Billet avec les Recepissés de Nourriture.
8. Ces payemens seront faits à la présentation
des Billets et des Recepissés de nourriture en Argent
comptant et sans aucune retenuë , monnoye
de Piémont ou valeur d'icelle , et les Billets qui
auront été achetés et nourris en monnoye et valeur
de France , sur le pied de la réduction de la
monnoye de Piémont , cy- après indiquée , seront
payés
SEPTEMBRE. 1735. 2089
payés des Lots et Primes qui leur écheront, en la
même valeur et mounoye de France , et par les
mêmes Receveurs qui leur auront délivré les Billets
et Recepissés .
9. Chaque Societé gagnera un Lot ; quant aux
Primes le sort en distribuera cinquante à chaque
Tirage ; une Societé en peut gagner plusieurs , il
est même possible qu'elle en gagne plus de cent.
10. Pour gagner un Lot , il faut que les cinq
Billets associés sortent de la Roue en un ou plusieurs
Tirages , parce que desdits cinq Billets associés
, les quatre premiers qui sortiront de la
Roiie , ne peuvent gagner que des Primes , et que
c'est celui desdits cinq Billets qui sortira le dernier
de la Roue qui gagnera le Lot ; il peut gagner
une Prime en même temps .
11. Les Numeros des 50. mille Billets seront
mis dans une Roue avec les formalités ordinaires
; et après les avoir bien mêlés , l'on en sortira
mille l'un après l'autre , lesquels seront annoncés
à haute et intelligible voix aux Interessés et autres
qui voudront être presens .
deux
Il sera tenu un Registre sur lequel seront inscrits
tous les Billets sortis , suivant l'ordre de leur
sortie , et ce Registre sera à la fin de chaque Tirage
arrêté par un Procès verbal signé par
des Inspecteurs qui auront été presens , et contre-
signé par le Secretaire de l'Inspection ; chaque
Interessé aura communication dudit Registre
toutes les fois qu'il la demandera , et la Liste des
Numeros sortis sera imprimée , rendue publique
et distribuée de Tirage en Tirage à chaque Eureau
de Recette immediatement après qu'ils auront
été faits.
12. Outre cette grande Roue contenant les so .
mille Numeros , il y aura une petite Roue dans
I iiij laquelle
2090 MERCURE DEFRANCE
laquelle l'on mettra à chacun des cent premiers
Tirages 950. Billets blancs , et so. Billets noirs ,
lesquels contiendront le prix des so. Primes que
l'on distribue aux Interressés à chaque Tirage;
l'on sortira un Billet de chaque Roue à la fois, et
le Billet qui sortira de la grande Roue en même
temps qu'un Billet noir de la petite , gagnera la
Prime marquée sur ledit Billet .
13. Comme l'on sortira mille Billets de la grande
Rouë à chaque Tirage , et que la Loterie n'est
composée que de so. mille Billets , elle seroit finie
en so. Tirages, si aucun des Billets sortis aux Tirages
precedens n'y rentroit ; mais l'arrangement
de cette Loterie est tel , que pour gagner un Lot
il faut que les cinq Billets associés sortent de la
grande Roue en un ou plusieurs Tirages , et que
jusques alors les Billets sortis aux Tirages precedens
rentrent dans ladite Roue , et par ces rentrées
ils font durer la Loterie , et la portent à
plus de cent Tirages .
14. Les Billets rentrent dans la Roue jusqu'à ce
que les Billets associés soient sortis en un ou
plusieurs Tirages , et lorsque 4. des Billets d'une
Societé sont sortis de la Roue en un ou plusieurs
Tirages , aussi- tôt que le cinquième sort , ils sont
tous cinq mis dehors au Tirage suivant et ne
rentrent plus dans la Roue , parce que celui desdits
cinq Billets qui sort le dernier de la Roue
gagne necessairement un Lot par sa sortie , et éteint
par consequent la Societé , jusqu'à ce moment
les Billets de la Societé déja sortis rentrent dans
la Roue , et par cette rentrée ils courent le hazard
de gagner des Primes.
EXEM
SEPTEMBRE . 1735. 2091
EXEMPLE pour servir d'Explication de la
maniere dont les Lots et les Primes se gagneront.
Les Billets numerotés 1. 2. 3. 4. 5. forment
une Societé ; au premier Tirage No. 5 sort de la
grande Roue en même temps qu'un Billet noir est
sorti de la petite Roue , No.s gagne la Prime
marquée sur ce Billet noir , elle est de dix mille
livres , c'est deux mille livres pour la portion de
chaque Billet de la Societé , et cette Prime est
payée comptant immediatement après le Tirage.
No. 5. est remis dans la Roue pour le Tirage
suivant ; il en sort encore et ne gagne point de
Prime , on le reinet de nouveau dans la Roue.
Au se Tirage N° . 4. sort de la grande Roüe
en même temps qu'un Billet blanc sort de la petite
, il ne gagne point de Prime , et on le remet
dans la Roue pour le Tirage suivant.
Au 10e. Tirage No. 4. sort encore , et en sortant
il gagne une Prime de dix mille livres , c'est
encore deux mille livres pour chacun des Billets
associés, et Nº . 4 est remis dans la Roue pour le
Tirage suivant.
Au 15e . Tirage N°. 1. sort de la grande Roüe
en même temps qu'un Billet blanc sort de la petite
, il ne gagne point de Prime , et il est remis
dans la Roue pour le Tirage suivant .
Au 20. Tirage N °. 2. sort de la grande Roue
et gagne une Prime de cinq mille livres ,cette Prime
est partagée entre les cinq Billets associés, et
N°. 2. est remis dans la Roue.
Au 25. Tirage N ° . 3. sort de la grande Roüë
en même temps qu'un Billet blanc sort de la petite
; il ne gagne point de Prime , mais il gagne
un Lot , parce que les autres quatre Billets de la
Societé étoient déja sortis aux Tirages precedens.
IV Cer
2092 MERCURE DE FRANCE
Ce Lot est de soo . livres , parce qu'aussi longtemps
qu'il y en a à distribuer de 500. liv. l'on
n'en peut pas gagner d'autres , et qu'il n'est pas
possible que tous les Lots de foo . liv. soient distribués
au 25e. Tirage .
Ce Lot est partagé entre les cinq Billets associés
et ils sont tous cinq mis hors de la Roue pour
n'y plus rentrer , parce qu'ils n'ont plus aucun
interêt à la Loterie .
Et s'il arrivoit qu'à ce même Tirage l'un des
autres Billets de la Societé éteinte par la sortie du
Nº. 3. sortît après lui et gagnât une Prime , elle
seroit bien gagnée , parce que cette Societé a droit
sur tous les hazards de ce Tirage pour le gain
des Primes.
15. Le prix de chaque Billet est de cinq livres ,
monnoye de Piémont , qui fout six livres argent
de France.
16. Tous les Billets qui seront dans la Roüe ,
seront assujettis à payer une nourriture de Tirage
en Tirage , aussi long- temps qu'ils y demeu-
Ieront , jusques et compris le centiéme Tirage
après lequel il n'y aura plus de nourriture à faire
, et les Tirages suivans n'étant que pour décider
le sort des Interessés , seront faits de deux
jours en deux jours , et par ce moyen la Loterie
sera entierement finie au bout de deux années ,
17. La premiere nourriture coutera deux sols
et demi de Piémont , qui font trois sols de France;
la seconde coutera cinq sols ; la troisiéme sept
sols et demi ; et ainsi en augmentant toujours de
deux sols et demi chaque nourriture suivante jusques
au centiéme Tirage inclus , dont la nourriture
montera , par le moyen de cette augmentation
à 12. liv . 10. sols de Piémont.
18.Le Billet qui aura payé toutes les nourritures
>
SEPTEMBRE. 1735. 2093
res aura couté dans le cours de deux années à son
proprietaire tant d'achat que par les lites nourritures
636. livres cinq sols de Piémont ; mais
comme tous les gros Lots se gagneront à la fin de
la Loterie , comme on verra par l'état de distribution
ci-après , ce Billet par sa portion de
Lot , non seulement remboursera les 636. livres
cinq sols, mais encore il fera un gain très considerable
à celui qui en est Proprietaire ; car à cette
Loterie , ce sont les plus heureux qui payeront
toutes les nourritures.
19. Les nourritures seront faites de sept en
sept jours , dans l'intervale d'un Tirage à l'autre
, et avant que le Tirage se fasse , celle du
premier Tirage se fera en achetant les Billets ;
celle du second Tirage sera faite après le premier
Tirage , pendant les sept jours qui s'écouleront
jusqu'au second Tirage , et ainsi pour les
Tirages suivans, à peine par ceux qui auroient negligé
de faire lesdites nourritures dans ledit tems
de perdre leur Billet , et d'être déchus de tous
droits , titres et pretentions en resultans ; c'est
pourquoi ceux qui sont éloignés de Turin sont
exhortés à faire toujours quelques nourritures à
l'avance , et les nourritares qu'ils auront faites de
trop , leur seront rendues en leur payant leur
portion de Lot.
20. Les Billets et Recepissés seront coupés
d'un Registre parafé par le Secretaire de l'Inspection
de la Loterie , et les Talons desdits Registres
lui seront ensuite renvoyés ; et s'il arrivoit
que quelqu'un eut negligé de nourrir son
Billet d'un Tirage à l'autre , dans les délais cidevant
prescrits , il sera déchu du droit de le
nourrir dans la suite , et ce Billet sera de droit
et de fait dévolu à la Loterie , qui en continuera
1 vj
les
2094 MERCURE DE FRANCE
les nourritures , comme subrogée au droit da
proprietaire qui aura cessé de nourrir ledit Billet
, et le Recepissé de nourriture dudit Billet demeurera
attaché au Registre pour constarer du
deffaut de nourriture , et de la dévolution dudit
Billet à la Loterie , à laquelle apartiendront les
portions de Lots et de Primes qui pouront échoir
audit Billet , et elles seront payées sur la simple
presentation des Recepissés des nourritures par
elle faites .
21. Celui qui fera plusieurs nourritures à la
fois et à l'avance , en recevra les Recepissés , et
en raportant lesdits Recepissés , les nourritures
qu'il auroit fait de trop lui seront renduës ,comme
il a été dit ci - devant.
22. Chacun fera les nourritures entre les mains
du Receveur dont il aura acheté son Billet , et
ledit Receveur lui délivrera des Recepissés desdites
nourritures ; et pour toucher les portions
des Primes et des Lots échus aux Billets , il faudra
lui representer les Billets et les Recepissés de .
nourriture.
23. Pour faciliter lesdites nourritures , la Loterie
fera un Credit de 100. liv . de Piémont à
chaque Billet qui sera encore dans la Roue d'abord
après le quarantiéme Tirage, ce Credit sera
inscrit sur les Recepissés dudit quarantiéme Tirage
, afin que les Proprietaires des Billets ayent
une Reconnoissance dudit Credit.
24. Comme il sera distribué cinq mille Primes
aux Interessés à la Loterie, à raison de cinquante
par Tirage pendant les cent premiers Tirages , et
comme les Billets sortis de la Roüe y rentreront ,>
jusqu'à ce que la Societé soit éteinte par la sortie
en un ou plusieurs Tirages des f. N°. qui la
composent , il est évident qu'une même Societé
peut
SEPTEMBRE . 1735. 2095
peut gagner plus de cent Primes , le gain de ces
Primes n'excluroit point du gain d'un Lot , chaque
Societé en doit necessairement gagner un
la Societé qui auroit gagné cent Primes , pouroit
donc gagner encore l'un des deux gros Lots de
cinq cent mille livres argent de Piémont , qui
font deux cent mille écus de France.
2000 ·
7000 Lotsde
. de• 1000
·
3500000 liv.
2000000
ETAT DES
Argent de Piémont.
soo liv.
LOTS.
Argentde France.
600 liv. 4200cooliv.
• · 1200 · · 2400000
400
300
•
de
·2000 · •
800000
· · •
2400 ·
•· •
de
· 3000 •
900000 • · 3600
· ·
960000
1080000
100 ·
76
60•
· ·
gg
de
·4000 ·
de
5•000
400000
380000
•· · 4800
6000
· 480000
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• 10000•· 600000 • •
· ·
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20000
·
de25000 ·
de
50000
de
100000 ·
•
30
10
S
2
•
·
·
de
250000
2
soooodoe
• · •
1000000
co1u501Lt02oqel00tuni05sitv..
300000
600000
•
600000 · •
I 2000
24000
·720000
• 720000
375000 30000 450000
·500000·
•
60000 • 600000
·500000 •
120000 ·
600000
•500000
•
600000
1200000
14466000.
ETAT
2096 MERCURE DE FRANCE
ETAT GENERAL DES PRIMES .
Argent dePiémont .
4000 Primes de
: 009
de
Argent deFrance .
roo .2000000 liv .•600 .2400000 .
• .1000
· •
de
2000
• • •
de
5000°•
· •
•
de10000 .
600000 ..
400000 ..
500000
1200 . 720000
•
200
100
100
foco .Primes qui courent
10000. Lots comme dessus
1⚫•000000
4500000. liv .
12055000
15000 Pr.et Lots qui coutent 16555000
2400 ·480000
6000
•
.12000
• 600000
1200000
$490000
14466000
19866000
cing cent Primes , qui coutent deux millions.
liv.Total par Tirage , ro. Primnes qui coutent 40,
mille livres et pour les so. Tirages deux mille
mille liv. Une de cinq mille liv . et une de dix mille
il y aura quarante - six Primes de soo. liv . deux de
Etat de Distribution des cinq mille Primes.
25. A chacun des cinquante premiers Tirages
A chacun des trente Tirages suivans il y aura
quarante
SEPTEMBRE. 1735. 2097
·
quarante Primes de son. liv . , six de 1000. liv.
deux de coo. liv. une de 5000. liv. et une de
10. mille liv. Toral par . Tirage so. Primes qui
coutent 45 mille liv. et pour les trente Tirages
1500 Primes,qui coutent un million 350.mille liv.
A chacun des vingt Tirages suivans il y aura
vingt -cinq Primes de roo. liv . seize de 1000 .
liv.
sept de 2000. livres , une de 1000. liv . et une de
10000. liv . Total par Tirage so Primes qui
coutent 57. mille sco liv. et pour les vingt Tirages
1000. Primes qui coutent un million 150.
mille livres .
RECAPITULATION.
so prem. Tir.2 500 Prim.qui coutent 2000000 1.
30 Tir. suiv . 1500. Prim. qui coutent 1350000.
20 Tir. suiv . 1000 Prim . qui coutent 1150000 .
100 Tirages 5000 Primes 4500000 1.
26. Les Lots seront gagnés par ordre de sortie
, en telle sorte que les sept mille premieres Societés
qui s'éteindront par la sortie des cinq Billets
qui les composent , gagneront les sept mille
Lots de soo. liv. et aussi long - temps qu'il restera
desdits Lots , les Societés qui s'éteindront ne
pouront en gagne aucun autre.
Les 2000 Societés qui s'éteindront ensuite
gagneront les 2000, Lots de 1000. livres .
400 d'ensuite ceux de
les
les d'ensuite ceux de
300
2000 livres.
3000
les 100 d'ensuite ceux de 4000
les 76 d'ensuite ceux de
tes 60 d'ensuite ceux de 10000
5000
.
les
30 d'ensuite ceux de 20000
Ics
2098 MERCURE DE FRANCE
les 15 d'ensuite ceux de 25000 livres,
les 10 d'ensuite ceux de 50000
les d'ensuite ceux de 100000
les
S
2 d'ensuite ceux de 250000
Et les 2 derniers ceux de soo000
27. Toute la Recette de la Loterie sera distri
buée aux Interessés , à l'exception de douze pour
cent , qui seront prélevés sur ladite Recette en
faveur de ladite Loterie. A cet effet immédiatement
après le centiéme Tirage , que toutes
les nourritures seront finies , il sera fait par
le Bureau d'Inspection un Etat general de toute
la Recette de la Loterie , tant par la vente des
So. mille Billets, que par les nourritures ; et après
avoir prélevé sur la totalité douze pour cent et
déduit 16. millions 555. mille livres , cy-devant
promis en Lots et Primes , le surplus de ladite
Recette sera ajouté en augmentation de prix aux
Lots , qui demeureront à tirer
ensorte que
lesdits Lots pouront se trouver par ce moyen
beaucoup plus forts qu'ils ne sont indiqués par
le Tableau.
;
28. Les Billets étant au Porteur , les portions
de Primes et de Lots seront payées à vûë , er
sans nul examen , à ceux qui presenteront lesdits
Billets , avec les Recepissés de nourritures.
29. Chacun qui voudra rendre son Billet personnel
, n'aura pour cela qu'à faire écrire son
nom sur le Billet et sur le Registre ; alors les
Portions de Primes et de Lots ne seront payées
que sur les Quittances du Proprietaire , lequel
ne sera point exposé par la perte accidentelle de
son Billet , pourvû qu'il fasse exactement les
nourritures et qu'il en produise les recepissés .
30. Les Portions de Primes et de Lots qui
8.1 n'auront
SEPTEMBRE. 1735. 2099
n'auront point été reclamées six mois aprés le
dernier Tirage de la Loterie seront réputées
abandonnées , et en cette qualité adjugées à l'Hôpital
de la Charité de la Ville de Turin .
›
31. Les Portions de Primes et de Lots des Billets
rendus personnels, ainsi que de tous les autres
de la presente Lotterie , seront exemts de tous
Droits quelconques , d'Aubaine , Confiscation ,
Diminution , et autres tels qu'ils puissent être ;
et il ne poura être fait aucune saisie ni arrêt sur
lesdites Portions de Primes et Lots ; et les contestations
qui pouront naître entre les Interressés
à la Loterie , seront décidées sommairement
par les Inspecteurs sus- nommés .
32. Tous les Billets de la Loterie seront sigués
par le sieur
ou par le sieur
à ce proposés ; de plus i's seront signés en chaque
lieu par le Receveur qui distribuera lesdits
Billets , et delivrera les Recepissés , qui seront
signés par
l'un des sieurs
à ce preposés pour une plus grande expedition .
Ceux qui voudront acquerir des Billets s'adresseront
,
A TURIN , à M.
A Milan , à M.
A Genes , à M.
A Chambery , à M.
A Geneve , à M.
A Lyon , à M. Pignata , Banquier.
A Paris , à M. Silvestre , Notaire , ruë et vis- à-vis
S. Paul.
A Amsterdam , à M.
Et par correspondance de toutes les autres Villes
de l'Europe en l'une de celles - ey.
MO2100
MERCURE DE FRANCE
MODELE DES BILLETS :
Talon du Re- ANN L'E N°. I.
gistre contenant
les Nu
1735.
meros , Noms,
ét Devises.
No. I.
POUR DEVISE
S.
JACQUES .
BILLET de la Loterie
Royale de Turin , du Prix
de cinq livres de Piémont
No.Un Associé des Nos 2.3.4.5 .
Nom ou Devise
Pour Loterie par ordre du Roy,
UN TEL.
La Nourriture du premier Tirage
qui est deux sols et de demi de
Piémont , devant être payée avec
le prix du present Billet, il servira
de Recepissé de lad.nourriture.
Quant aux Nourritures du second
Tirage et des suivans , le
Receveur soussigné en délivrera
des Recepissés , et l'on sera obligé
, à peine de perdre la proprieté
dudit Billet ,et tout ce qu'il
auroit precedemment couté , de
faire lesdites nourritures entre les
mains dudit Receveur de sept en
sept jours et d'avance , ainsi
qu'il est plus amplement expliqué
dans le Plan de la Loterie , dont
il sera delivré un imprimé à
chacun qui prendra un Bilet .
Pour Visa du Receveur ;
UN TEL.
,
MOSEPTEMBR
E. 1735. 2101
MODELE DE RECEPISSE'S
de Nourriture.
Talon du Re -☀AN NE'E N. I.
gistre conte-
1735.
nant les Nude
Nouret
Devises.
meros, Noms, RECEPISSE
N°. I.
riture du second Tirage
de la Loterie Royale de
Turin de Cinq Sols de
Piémont.
POUR DEVISE Pour le Numero UN.
S. JACQUES. Pour Loterie , UN TEL
On commencera à distribuer les Billets de
cette Loterie sur la fin du mois d'Octobre 1735.
et le Public sera averti du jour du premier Tirage
aussi -tôt qu'elle sera remplic.
************** :*
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
LE Lee.Août ,Diestercules
E 6. Août , D. Hercules-Michel d'Aragona ,
des Ducs d'Alessano , dans le Royaume de
´Naples , Evêque d'Aversa , dans le même Royau→
me , mourut à Naples dans la 53. année de son
age , étant né le 7. Decembre 1682. Ce Prelat
avoit été autrefois Referendaire de l'une et l'autre
signature , et Gouverneur de differentes
Villes dans l'Etat Ecclesiastique , et en dernier
lie
2102 MERCURE DE FRANCE
lieu de Civita-Vecchia. Il fut fait Evêque de
Mileto en Calabre le 12. May 1723. et sacré le
30. du même mois dans l'Eglise de Ste Marie
sur la Minerve à Rome. Il fut fait aussi Archevêque
de Pirgi dans la Pamphilie in partibus infidelium
, le 26. Septembre 1725. ayant été déclaré
Evêque Assistant au Trône Pontifical le 28. Mars
précédent. Il fut transferé du Siege de Mileto à
celui d'Aversa le 27. Septembre de l'année derniere
1734.
Le 2. Septembre Ferdinand Albert , Duc Regent
de Brunsvvic - Lunebourg , et VVolffenbuttel,
Prince de Blanckenburg , et de Bevern , General
Feidt Maréchal des Armées de l'Empereur et de
l'Empire , et Chevalier de l'Ordre Danois , de
l'Elephant , mourut à Wolffenbuttel , apres une
maladie de 5. ou 6. jours , âgé de 55. ans , trois
mois 14 jours , étant né le 19. May 1680. Sa
mort a causé une consternation generale dans ses
Etats , où il étoit universellement aimé , à cause
des belles qualités qu'il possedoit , et sur lesquelles
ses sujets avoient fondé l'esperance d'un
gouvernement heureux . La Regence de ce Prince
n'a pas été longue , n'ayant succedé aux Etats de
Brunswic , et de Voffenbuttel que le premier
Mars dernier par la mort du Duc Louis Rodolfe ,
son cousin germain , qui avoit succedé au Duc
Auguste Guillaume son frere aîné , le 23. Mars
1731. Ainsi en moins de 5 ans voila 3. Ducs Regens
de cet Etat qui meurent. Le Duc Ferdinand
Albert , connu ci- devant sous le nom de Prince
de Bevern , avoit servi toute sa vie , et avoit encore
fait la Campagne en Allemagne l'année derniere
1734 en qualité d'un des premiers Generaux
de l'Armée Imperiale. Il avoit reçut un coup
de mousquet à la tête au Siege de la Citadelle de
Lille
SEPTEMBRE. 1735. 2103
Lille le 10. Novembre 1708. Ce Prince qui étoit
devenu l'aîné de la Maison de Brunswic , étoit
second fils de Ferdinand Albert , Duc de Brunswic-
Bevern, mort le 23. Avril 1687. et de Christine
de Hesse-Eschwegen , morte le 17. Mars
1702. et il avoit épousé le 15. Octobre 1712.
Antoinette Amélie de Brunswic- Volffenbuttel ,
née le 14. Avril 1696. troisiéme fille du Duc
son predecesseur , et soeur de l'Impératrice regnante
, comme on l'a marqué dans le Mercure
de Mars dernier , p . 585. Il a eu d'elle les Enfans
qui suivent.
i . Charles , Prince hereditaire , né le premier
Août 1713. à present Duc de Brunswic , et de
Wolffenbuttel par la mort de son Pere. I fut fait
Colonel actuel au service de l'Empereur au mois
de Novembre 1730. Il a été marié à Berlin le 2 .
Juillet 1733. avec Philippine Charlotte , née le
3. Mars 1716. troisiéme fille de Frederic Guillaume
, Roy de Prusse , actuellement regnant ,
Margrave de Brandebourg , et Electeur de l'Empire
, et de Sophie Dorothée , née Duchesse de
Brunswic- Lunebourg- Hanover. Ils avoient été
fiancé dés le 19. May 1730 .
2. Antoine- Ulric de Brunswic , né le 28. Août
1714. qui est à la Cour de la Czarine.
3. Elisabeth- Christine de Brunswic , née le 8.
Novembre 1715. fiancée le 10. Mars 1732. et
ensuite mariée le 2. Juin 1733. avec Charles
Frederic , Prince Royal de Prusse , et Electoral
de Brandebourg , né le 24. Janvier 1712 .
4. Louis - Ernest de Brunswic , né le 15. Septembre
1718.
5. Auguste de Brunswic , né le 23. Novembre
1719. mort le 26. Mars 1720 .
2
6. Ferdinand de Brunswic , né le 12 , Janvier
1721.
2104 MERCURE DE FRANCE
1
Louise- Amelie de Brunswic , née le 29.Jan. 7.
vier 1722 .
8. Sophie Antoinette de Brunswic , née le 23 .
Janvier 1724 .
9. Albert de Brunswic , né le 4. May 1725.
10. Chretienne- Charlotte Louise de Brunswic
, née le 3o . Novembre 1726.-
11. Térese- Natalie de Brunswic , née le 4.
Juin 1728.
12 Un Fils , né le 4. Septembre 1729 .
13. Frederic- Guillaume de Brunswic , né le
17. Janvier 1731 .
14. Frederic - François , né le 8. Juin 1732 .
の
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
LE
E Roy a accordé au Comte de Tessé , Premier
Ecuyer de la Reine , la permission de
se demettre de cette Charge en faveur duMarquis
de Tessé son fils aîné , Colonel du Regiment
d'Infanterie de la Reine.
Le 16. du mois dernier , Fête de S. Roch ,
le Corps de Musique de l'Eglise Metropolitaine ,
auquel se joignirent plusieurs autres Musiciens et
Simphonistes de la Ville, se rendit dans le Choeur
de la Chartreuse de Paris , et à la fin de Vêpres
des Religieux , chanta , en leur presence , un excellent
Motet en l'honneur du Saint , de la composition
de M. Homet , Maître de Musique de
Notre- Dame. Il y avoit une grande affluence de
monde qui remplissoit toute l'Eglise, et une partie
dụ
JEPIC MDNE. 1735. 2105
du Monastere. Les curieux et les connoisseurs en
parurent très satisfaits , et aplaudirent sur tout
au chant du Pseaume CXI . Beatus vir qui timet
Dominum , & c. On n'a , en effet , jamais rien entendu
de plus touchant , de plus heureusement
composé , et de mieux exécuté.
C'est un usage établi depuis plusieurs années ,
que ce Corps de Musique va quatre fois l'année,
dans la belle saison , en differentes Eglises par
maniere d'exercice pour les Enfans de Choeur
chanter de pareils Motets, se on les jours qui sonr
choisis pour cet exercice . Les Eglises où l'on
va ordinairement , sont celle de S. Denis , des
Chartreux, de S. Victor, et de Saint Martin des
Champs.
FESTE donnée à Meudon le Samedy trois
Septembre 1735. pour le Divertissement
de Monseigneur le Dauphin.
C
'Est sur le gazon circulaire de la hauteur en
face du Château neuf , que cette Fête a
été donnée . Elle avoit pour sujet le Jardin des
Hesperides, La decoration ceintrée comme le gazon
, occupoit de chaque côté onze toises ; et
rentrant dans l'allée en face , elle formoit un demi-
cercle de dix toises de diametre, tout le pour
tour étoit fermé par un apui de 43. toises de
circonference , sur quatre pieds et demi de haur,
en marbre blanc , on voyoir au dessus des compartimens
de Lampions , formant socle par bas,
Piedestaux , Panneaux et Cymaises . Dans le ceintre
rentrant de l'allée s'élevoient cinq arcades ;
celle du milieu plus haute et plus ouverte que les
autres , formée par quatre Piramides , aussi en
Marbre blanc , deux sur le devant et deux à celle
du
2166 MERCURE DE FRANCE
du fond , et entre ces Piramides un montant de
Charmille, formant les ceintres des cinq arcades.
On avoit placé sur l'extremité de chaque ceintre
une corbeille de fleurs , d'où tomboient des Festons.
qui se retroussoient à l'extremité des Piramides,
et au commencement du ceintre des Charmilles.
Sur le milieu de ces deux montans étoit posé
de chaque côté un morceau de Sculpture doré ,
composé d'un Soleil , et d'une Lyre , et au - dessus
un Globe entouré de Palmes , avec un Dauphin
au milieu ; chaque morceau formoit une Girandole
de 35. lumieres ; les quatre Piramides étoient
ornées de compartimens de Lampions, ayant sur
le milieu un ovale , dont la bordure de lumiere ,
enfermoit sur les deux du devant , les Armes de
Monseigneur le Dauphin , et ceux du fond , în
Dauphin sur un fond d'or ; les deux Piramides sur
le devant étoient bordées chacune de douze.Aleurs
artificielles transparantes , ainsi que leurs feuilles ;
sur l'apuy de l'arcade du milieu on voyoit
deux grands Vases en or terminés par une
Couronne , le tout garni de plusieurs lumieres ,
et dans les quatre arcades de côté , des Piramides
rondes à plans circulaires dans leurs élevations ,
diminuant jusqu'à la pointe et garnies de
quantité de lumieres.
>
Dans les deux parties, en retour du gazon , où
regnoit le même apuy,éclairé et orné de même,
s'élevoient à droite et à gauche quatre arcades
qui presentoient trois Piramides de chaque côté,
ornées de même que celles dont on vient de
parler , et deux manieres d'Ifs artificiels , transparents
de lumieres , de differentes couleurs ,
qui descendoient jusqu'au gazon , sur un Socle
de Marbre blanc , d'un pied de haut , ce qui faisoit
la distribution des arcades ; les huit ceintres
étoient
SEPTEMBRE. 1735. 2107
1
étoient uniformes,avec des Charmilles ,qui tombant
jusques sur l'apuy , faisoient des arrierecorps
, et la même Charmille servoit de fond aux
Piramides et aux Ifs artificiels , sur le milku
des ceintres il y avoit aussi des Corbeilles de
Fleurs avec des Festons , retroussés à l'extremité
des,Piramides et des Ifs. Au haut de chaque Piramide,
Ifs ou montans de Charmilles, on avoit
placé une grosse Fleur artificielle , transparente ,
de diverses couleurs ; et le milieu de chaque arcade
étoit occupé par une pareille Piramide
ronde comme les autres sur cinq plans circulaires
, diminuant jusqu'à la pointe , et garnis de
plusieurs lumieres.
Au milieu de toute la Decoration , à une toise
en déçà du ceintre du fond , sur un grand Socle
triangulaire , orné de differens Membres
d'Architecture , s'élevoient trois grandes consoles
qui se groupoient par le haut , ayant sept à huit
pieds de haut sur un plan de 12. à 13. pieds , le
tout peint en Marbre blanc.
Sur le Panneau en face , étoit peint en or une
Mer,d'où s'élevoit à l'horison un premier Rayon
du Soleil , faisant allusion au Fils du Roy , avec
ces mots ; UN SEUL DE MES RAYONS ECLIPSE
TOUS LES ASTRES . LesConsoles étoient enrichies
de differens ornemens en or ; tout ce morceau
étoit éclairé de Lampions placés avec art , suivant
les differens profils d'Architecture, et à l'extrémi➡
té du dernier morceau,qui servoit comme de caisse
, sortoit un arbre artificiel de vingt pieds de
haut , chargé de Pommes d'or , et dont les
feurs et les feuilles transparentes , étoient variées
d'une infinité de couleurs , aux côtés de cet arbre
paroissoient des Dragons qui en defendoient
l'aproche. Quand on cut joui quelque temps de
K
2108 MERCURE DE FRANCE
la vue de ce brillant et ingenieux Spectacle , on
vit paroître Hercule avec sa massue , attaquant
les deux monstres à la fois , lesquels lui resisterent
fierement, jettant feux et flammes par la gueulle
; l'action dura plus d'un quart d'heure , et fut
exécutée d'une maniere aussi vive que précise ,
après quoi les Dragons tomberent vaincus au
pied de l'arbre chargé des fruits précieux qu'ils
gardoient , les Hesperides mirent ensuite le feu
douze Gerbes en brillans , placées au pourtour
de la circonference , au bas du milieu de chaque
arcade , dont les bouts étoient terininés par une
nape de feu brillant à trois chutes , surmontées
d'un grand jet. En même- temps parut du derriere
de la Decoration , un Bouquet de fusées volantes
et de serpenteaux , formant une éventail , ce qui
termina tout l'artifice , aussi heureusement inventé
que parfaitement executé .
Hercule entra aussitôt dans le jardin des Hesperides
, et en cueillit les fruits pour les presenter
Monseigneur le Dauphin . Dans le même instant
le socle de l'arbre du milieu devint transparent
, et laissa voir ces quatre Vers.
Vos Dragons sont vaincus , aimables Hesperides ,
Un mortel peut s'offrir à vos regards timides .
Si notre demi Dieu veut vaincre vos rigueurs >
Vous gardez mal vos fruits , je crains bien pour vos
coeurs.
De jeunes Faunes sortirent en même- temps des
deux côtés du bois , qui inviterent à danser sur
le gazon , les Bergers et Bergeres qui étoient
venus rendre hommage à Monseigneur le Dauphin.
Cette Danse termina le Spectacle , lequel
fut honoré de la presence de la Reine, et de toute
Sa
SEPTEMBRE. 1735. 2109
sa Cour , qui a paru fort satisfaite d'une Fête si
bien ordonnée .
Tout le pourtour du gazon étoit éclairé d'un
filet de terrines de feu qui faisoit un effet admirable.
C'est sous les ordres de M.le Duc de Gesvres
, Pair de France , premier Gentilhomme de la
Chambre du Roy , que cette Fête a été inventée
et conduite par M. de Bonneval , Intendant et
Contrôleur general de l'argenterie , menus plaisirs
, et affaires de la Chambre du Roy.
PORTRAIT de S. A. S. M. le Duc
d'Orleans , Sujet d'une Fête donnée à
Montargis. Lettre écrite de cette Ville le
17. Aoust 1735.
Lion College de cette ville ,donnerent
Es RR. Peres Barnabites , qui ont la direchier
au Public un Fête magnifique. Honorés depuis
long- temps de l'auguste protection de la
Maison d'Orleans , ils viennent d'en recevoir une
nouvelle assurance , S. A. S. ayant bien voulu
leur envoyer son Portrait pour être placé dans
leur grande Sale d'Exercice . Ces Peres sensibles
à cette marque singuliere de sa protection et de
sa bienveillance , ont voulu placer leur illustre
Protecteur d'une maniere qui marquât également
et leur joye et leur reconnoissance.
C'est le sujet de la Ceremonie qui se fit hier, à
Jaquelle tous les Corps de la Ville s'empresserent
de se rendre . A peine le Portrait du Prince
placé sous un Dais magnifique , fut il exposé à
la vûë des Assistans , que le Professseur de Rhetorique
prononça un Discours Latin , dans lequel
il fit un fidele détail des graces que le College a
reçûës de S. A. S. dont ce Portrait est comme le
Kij sceau.
2110 MERCURE DE FRANCE
sceau . De ce que ce grand Prince a fait pour le
College , l'Orateur descendit à ce qu'il fait tous
les jours pour les peuples , et particulierement
pour ceux de son apanage : les vertus dont il
donne tant de beaux exemples ; cette charité sans
bornes , qu'il fait briller en tant d'occasions , lui
fournirent une vaste carriere. Son Discours qui
fut generalement aplaudi , fut suivi de differentes
Pieces de Poësie , et en dernier lieu d'une Pastorale
: tous ces Ouvrages furent très goûtés.
Les Peres n'en demeurerent pas là : les marques
de leur reconnoissance recommencerent à huit
heures du soir,on avoit preparé un grand bucher
dans la Cour du College. M.le Maire , à la tête des
Echevins et de tous les Pensionnaires du College
, y mit le feu au son des Violons , Tambours
et Trompettes ; cela fut suivi d'un feu d'artifice ,
accompagné de fusées volantes , & c. qui eut
beaucoup de succès. Pendant ce temps - là toute la
Maison étoit illuminée , et les acclamations reiterées
qui se faisoient entendre de moment à autre
, rapelloient encore mieux que les Armoiries
repandues en differens Endroits , quel étoit le
Prince Auguste , qui étoit l'objet d'une joye si
universelle. La Fête finit par un repas magnifiles
Barnabites donnerent à tout le Corps
que que
de Ville , pendant lequel le nom du Prince fut
souvent repeté avec de nouvelles demonstrations
de veneration et de reconnoissance .
Le 8.Sep.Fête de la Nativité de laVierge, on chan
ta au Concert Spirituel du Château des Tuilleries
, un Motet à grand Choeur du sieur Morel,
qui fut suivi d'un petit Motet du sieur du Bousset
très -bien chanté par la Dlle Erremens , les
sieurs Blavet et Guignon executerent deux Conserte
SEPTEMBRE. 1735 2111
certo avec autant de vivacité que de precision , le
Concert fut terminé par un excellent Motet à
grand Choeur du sieur Cheron , dont la composition
et l'execution furent generalement
aplaudies.
Le Dimanche II. de ce mois , M. l'abbé de
Grammoni, de Franche- Comté , nommé à l'Archevêché
de Besançon , fut sacré dans la Chapelle
du Seminaire de S. Sulpice. Le Cardinal de
Polignac en fit la ceremonie , assisté de l'Evêque
de Dijon et de l'Evêque de Mâcon , en presence
d'un grand nombre d'autres Evêques. Après la
ceremonie, son Eminence donna dans l'Hôtel de
Mezieres un repas splendide de so. couverts. La
compagnie étoit composée de 30. Prelats , parmi
lesquels étoient M. le Nonce,M. l'Archevêque de
Vienne et M. l'Archevêque de Sens. Et entre les
seculiers étoient le Duc de Tallard , le Marquis
d'Arpajon , le Marquis du Roure , le Vicomte
de Polignac , &c.Le 18.le nouvel Archevêque de
Besançon prêta serment de fidelité entre les mains
du Roy,
Le 15. de ce mois , la Reine vint entendre la
Messedans l'Eglise Metropolitaine de cetteVille.
S. M. accompagnée de Mile de Clermont , Surintendante
de sa Maison , des Dames de sa Cour,
et de ses principaux Officiers , arriva à midy à
la porte de l'Eglise Metropolitaine . où les Gardes
Françoises et Suisses étoient en hayé et sous
les armes , les Officiers à leur tête. L'Archevêque
de Paris , revêtu de ses habits Pontificaux , er
à la tête des Chanoines, reçût la Reine à la Porte
de l'Eglise avec les ceremonies accoutumées , et
après l'avoir complimentée , il la conduisit dans
Kij le
2112 MERCURE DE FRANCE
le Choeur. Après que la Reine y eut fait sa
priere , S. M. alla a l'Autel de la Vierge , et elle
y entendit la Messe qui fut dite par un de ses
Chapelains. Le Cardinal de Fleury , Grand Aumônier
de la Reine , et l'Archevêque de Rouen
son premier Aumônier , étoient à la droite du
Prie -Dieu de S M. La Reine en sortant de l'Eglise
fut reconduite avec les mêmes cérémonies
qui avoient été observées à son arrivée , et S. M.
étant remontée en carosse , elle se rendit au Palais
des Tuilleries , où elle dîna. L'après-midy
la Reine se promena dans le Jardin de ce Palais
et S. M. en retournant à Versailles , alla entendre
le Salut dans l'Eglise de la Communauté des
Filles du Bon Pasteur , où le Curé de S. Sulpice
officia. La Reine a été très touchée de l'empressement
avec lequel le Peuple a cherché à donner
des marques de son respect et de son amour
pour Sa Majesté.
>
LES COM PLI MEN S et les acelamations
du peuple de Paris , à l'arrivée
de la Reine dans cette Ville.
U afin de ranimer la Nature , ne causa jamais
N beau Soleil qui s'éleve du sein de l'Onde ,
tant de plaisir , Madame , que votre arrivée dans
cette Ville en cause à tous ses Citoyens vos fideles
sujets. Le bruit du Canon le son des Cloches,
le bel ordre de la Police , l'harmonie des Instrumens
, et le concours empressé d'une multitude
innombrable , ne sont que de foibles marques
de leur amour et de leur respect. La Majesté
qui emprunte de vos augustes qualités tout
l'éclat qu'elle donne à votre Personne Royale ,
les saisit de crainte et de respect ; votre pieté les
édifie >
SEPTEMBRE. 1735. 2113
difie , et la bonté que vous leur temoignez les
remplit de confiance et de satisfaction. Les Peuples
voyent enfin leurReine, les Pauvres leur Mere,
et lesCaptifs leur Liberatrice. Ils admirent toutes
les Vertus se disputer à l'envi l'empire de
votre coeur , sans qu'aucune puisse y regner seule
, parce qu'elles y ont toutes le même droit , et
que nulle ne s'en est emparée la premiere . Ce
sont ces hautes Vertus qui vous destinoient , depuis
long- temps au plus grand Monarque du
Monde , afin de partager avec lui son Coeur et
son Empire ; elles ont sçû fixer pour vous sa
Tendresse et ses Amours ; elles ont attiré des
marques de la protection de Dieu qui veille à la
conservation des Empires , et donné à vos Peuples
des Gages précieux de leur bonheur present
et futur.Que ne sommes-nous assés éloquens pour
relever dignement les trésors de grace et de benediction
que le Ciel répand sur Votre Majesté ! ou
plutôt que n'êtes- vous moins grande ou moins
modeste , et peut être serions-nous plus diserts !
Vivez donc , ô Grande Reine , et vivez heu--
reuse. Soyez les plus tendres delices de notre bon
Roy Louis , soyez celles de vos Peuples . Aimez
vos François , et sur tout les Parisiens ; protegez
les , et soyez assurée que s'ils n'eurent jamais
de meilleure Reine , vous n'aurez jamais de
plus fideles Sujets.
Le 17. Septembre , la Reine accompagnée des
Officiers et des Dames de sa Cour , alla avec sa
pompe ordinaire au Château de S. Cloud , et entra
par la grille qui donne sur le chemin de Seve. ,
S. M. s'arrêta au grand jet d'eau et aux casca- >
des. La Reine vint ensuite dans la Cour du Châpour
aller à l'apartement de S. A. R. Mada- tcau
me
2114 MERCURE DE FRANCE
me la Duchesse d'Orleans , qui alla recevoir la
Reine à son carosse , étant accompagnée du Duc
de Chartres son petit Fils , de la Princesse de
Conty sa Fille , et de ses Dames. M. le Duc
d'Orleans n'étoit pas à S. Cloud , la Reine lui
ayant expressement defendu de s'y trouver, pour
ne le
pas detourner de ses occupations ordinaires.
S. M. fut environ une heure en particulier avec
S.A.R. et trouva sur les Tables de Marbre de son
apartement , quantité de toutes sortes des plus
beaux fruits, de patisserie, de glaces , et autres rafraichissemens.
Ily eut le même jour à S Cloud
un concours de monde extraordinaire que l'arrivée
de la Reine y avoit attiré de Paris et des,
environs.
Le vingt- cinq, les Deputés des Etats d'Artois
eurent audience du Roy , étant presentés par
le Prince Charles de Lorraine , Gouverneur de la
Province en survivance du Duc d'Elboeuf, et par
M. d'Angervilliers , Ministre et Secretaire d'Etat.
Ils y furent conduits en la maniere accoutumée
par M. de Bourlamaque , Ayde des Cérémonies.
La deputation étoit composée de l'Abbé Boisor ,
Grand- Vicaire du Diocèse d'Arras , pour le Clergé
, qui porta la parole ; du Baron de Vaulx
pour la Noblesse ; et de M. Lagneau , Avocat
Deputé du Tiers- Etat.
SEPTEMBRE : 1735. 2115
A SON ALTESSE SERENISSIME
M. LE DUC DU MAINE ,
En lui demandant un petit Office de Substitut
des Gens du Roy , que le Pere du supliant
possedoit , et qu'en mourant il laissa
tomber à ses parties casuelles .
PLACET.
ON implore les Grands , chacun va les prier
De lui rendre quelque service.
Moi j'ose seulement , Prince , vous suplier
De me rendre un mauvais Office.
MORT'S
>
Signé , Du Châtel.
吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊吊
NAISSANCES
et Mariages.
Linose, Pridend & Corortier du Parlement
E 17. Août, Pierre de Coriolis , Marquis d'Es
de Provence , reçû en cette Charge le 12. Avril
1712. mourut à Aix d'une attaque d'Apoplexie ,
âgé de 60 ans. Il avoit épousé Renée - Charlotte-
Félicité de Vintimille du Luc, fille de Charles François
de Vintimille des Comtes de Marseille ,
Comte du Luc , Marquis des Arcs , & c , Chevalier
des Ordres du Roy , Conseiller d'Etat ordinaire
d'Epée , Lieutenant de Roy en Provence,
Gouverneur des Isles de Porqueirolles , et Lingoustier
, et de feue Marie-Louise - Charlotte de
Forbin
2116 MERCURE DE FRANCE
"
Forbin de la Marthe. Il en laisse entr'autres enfans
un fils , Conseiller au Parlement de Provence
, qui doit lui succeder dans sa Charge de
President , et qui a épousé en 1732. la Dile le
Bret , fille aînée de feu Cardin le Bret , Premier
President du Parlement d'Aix . Intendant de Provence,
mort le 14.Octobre 1734. et un autre fils
nommé Joseph- Jean Baptiste Gaspard-Hubert
de Coriolis d'Espinouse , reçû Chanoine de l'Eglise
Metropolitaine de Paris , le 15. Fevrier
1734. &c.
>
Le dix- neuf, Dlle Marie- Louise- Françoise de
la Cropte de S. Abre,fille de deffunts Jean- Isaac-
François de la Cropte , Marquis de S. Abre
ci - devant Gouverneur de Salces en Roussillon
, mort en 1727. et de Dame Marie- Anne
de la Rochefoucaud - Bayers , mourut à Paris
, âgée de s . ans , sans avoir été mariée.
Elle étoit soeur de D. Louise- Marie de la Cropte
de S. Abre , veuve depuis le 14. Août 1730. de
Charles Boucher , Seigneur d'Orçay ; Maître des
Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy , et Intendant
à Limoges
Le 27.mourut Magdeleine - Henriette de Bresseau,
Dame de Montfort près de la Ville du Mans ,
femme de Michel Procope Couteaux , Docteur
Regent de la Faculté de Medecine de Paris. Elle
étoit niece par sa Mere de feu Hubert de Courtarvel
, Marquis de Pezé , Lieutenant General des
Armées du Roy , et Colonel Lieutenant de son
Régiment , qui mourut le 23.
Novembre de l'année
derniere des blessures qu'il avoit reçûës à la
Bataille de Guastalla.
Le 29. Guillaume Julien le Doubre , Conseiller
du Roy en ses Conseils , Maître ordinaire en sa
Chambre des Comptes de Paris , ( reçû le 31 .
Mars
SEPTEMBRE. 1735. 2117
Mars 1685. ) et Doyen depuis le 8. Fevrier
dernier , mourut à Paris , âgé de 80. ans . Il
étoit veufdepuis le 5. Septembre 1708. de Marie
- Genevieve Langlois , qu'il avoit épousée au
mois de Septembre 1691. laquelle étoit veuve de
Leonard Renard , Seigneur de Clerbourg , Contrôleur
general du Marc d'or des Ordres du Roy,
mort le 10. Octobre 1686. Il en laisse un fils
unique nommé Julien- Gabriel le Doubre , Maître
ordinaire en la Chambre des Compres , ayant
été reçû çn survivance de son Pere le 7. Fevrier
1725. Il est an des Directeurs de l'Hôpital General
depuis 1733. et n'est point marié. Par cette
mort M. Pierre-Philippe Levesque , Seigneur de
Gravelle , devient Doyen de la Chambre des
Comptes , où il a été reçû Maître le 30. May
1686.
1. Le 12. Septembre, D. Marie- Rosalie de Broüilly
de Fiennes , ci- devant Dame d'Atours de la
Duchesse d'Orleans , et épouse d'Alexis- Henri , Marquis de Chastillon , Chevalier des Ordres
du Roi , et Brigadier de ses Armées , Premier ) Gentilhomme
de la Chambre du feu Duc d'Orleans
, frere du Roi Louis XIV . et auparavant
Capitaine de ses Gardes du Corps , mourut en
sa maison à Berci , près de Paris , âgée d'environ
70. ans. Elle avoit été mariée le 28. Mars
1685. Elle laisse seulement deux filles , qui sont Pulcherie de Chastillon , mariée au mois de
Juillet 1714. avec Jean- François Boyvin , Marquis
de Bacqueville et de Bonnetot , ci-devant
Colonel d'un Régiment d'Infanterie
de son nom , et Marie -Rosalie de Chastillon , mariée
le 27. Décembre 1714. avec Louis- Vuincent , Marquis de Goesbriant , Mestre de Camp , Lieutenant
du Régiment de Dragons de Condé , et
Brigadier
2118 MERCURE DE FRANCE
Brigadier des Armées du Roi. La Marquise de
Chastion étoit soeur puînée de feue Olimpe
de Brouilly , Marquise de Piennes , Duchesse
d'Aumontmorte le 23. Octobre 1723. en sa
62 année. Elles étoient toutes deux filles et seules
héritierès d'Antoine de Brouilly , Marquis
de Piennes et de Mesvilliers , Comte de Mondidier
et de Lannoy , &c. Chevalier des Ordres du
Roi , Lieutenant Géneral de ses Armées , Gouverneur
de la Ville et Citadelle de Pignerol ,
mort le premier Novembre 1676. et de Françoise
Godet des Marais , morte le 17. Avril
1678
Le 24. D. Marie - Jeanne - Nicole Belhomme ,
veuve de François Leber , Ecuyer , Seigneur des
Fossez , Conseiller Secretaire du Roi , Maison ,
Couronne de France et de ses Finances , mourut
à Sens , âgée de 64. ans. Elle ne laisse qu'un
fils, Chanoine de la Metropole de Sens.
Le 9. Juillet dernier , D. Anne- Catherine du
Canet , Epouse de Pierre de Salignac, Chevalier,
Seigneur des Brosses- le-Vignaud , de Bourdieu ,
de Varennes & c . accoucha au Château des Brosses
en Limousin , d'un fils qui fut tenu sur les
Fonts par Jean- Baptiste du Canet , grand - pere
maternel , et par D. Anne Dreux , Dame de
Lozille en Poitou , grand- Mere paternelle , qui
le nommerent Jean- Baptiste Marius.
La Maison de Salignac , ou de Salagnac , et
'dans les Chartes de Saleniaca , est si ancienne
qu'il n'est pas aisé d'en découvrir l'origine. Ceux
qui la mettent dans le Berry paroissent moins
fondés que ceux qui fixent cette origine dans le
Perigord , Province , ou dans l'Election de Sarlat
; on trouve les Paroisses de Salignac et de
Fenelon
SEPTEMBRE. 1735 2119
Fenelon , l'une et l'autre situées sur les confins
du Diocèse de Cahors.
Cette Maison est aujourd'hui divisée en plusieurs
branches , qui reconnoissent toutes pour
l'aînée celle du Marquis de Salignac , la Motte-
Fenelon , neveu du feu Archevêque Duc de Cambray
, dont le nom seul fait l'éloge , et Pere du
Marquis de Fenelon , Maréchal de Camp , Ambassadeur
en Hollande , à qui le Roi vient de
donner le Gouvernement du Quesnoy.
On feroit un juste volume , si on entreprenoit
d'entrer dans quelque détail historique sur la
Maison de Salignac , alliée avec les plus considerables
du Royaume , comme de la Tremoille,
de Laval , de Themines , de Sainte Maure , de
Gontault , de Maillé , de Crevant , d'Aubusson,
&c. à cause des grands hommes qui en sout sortis
, et de ses illustrations par les Charges et les
Dignités les plus considérables.
On se contentera de remarquer qu'elle a donné
de grands Sujets à l'Eglise , à la Religion et à
l'Etat , on doit mettre dans le premier rang
deux Archevêques de Bourdeaux , deux Evêques
de Sarlat , un Evêque de Comminges , et plusieurs
Abbesses d'un mérite distingué ; on omet
les Grands Sénechaux de Perigord et de Quercy,
les Chevaliers de l'Ordre du S. Esprit &c . de la
même Maison.
Mais on ne sçauroit passer sous silence le Baron
de Salignac , célebre par son Ambassade de
Constantinople sous le regne de Henri le Grand,
dont il reste un monument précieux dans un
Livre manuscrit de la Bibliotheque du Chancelier
Seguier , lequel est aujourd'hui avec tous les
autres Manuscrits de cette Bibliotheque , dans
selle de l'Abbaye de S. Germain des Prez.
Од
2120 MERCURE DE FRANCE
"
On peut joindre à l'Ambassade du Baron de
Salignac le Voyage de la Terre Sainte de Barthelemi
de Salignac , écrit par lui en Latin , et
imprimé à Lyon en l'année 1525. Il y a aparence
que c'est après sa mort ; car l'Editeur le
traite d'excellent génie , et lui donne d'autres
éloges. Le Livre contient plusieurs choses curieuses
, et sent fört la pieté du Voyageur : on y
voit que quand il passa par Rhodes en 1522. il
fut reçû et traité avec distinction par le Grand-
Maître Philippe de Villiers de l'Isle - Adam , qui
connoissoit , sans doute , son nom et son mérite
personnel. Ce Livre qui est devenu fort rare , est
dédié au Cardinal Jean de Lorraine.
M. de Salignac , dont le fils nouvellement né
donne lieu à cet article , a servi avec distinction
pendant la derniere guerre. Son Epouse est fille
de Jean- Baptiste du Canet , et de D. Anne de
Chalcornac de S. Brest. Salignac porte d'or , à
trois bandes de sinople.
P
TABLE.
IECES FUGITIVES ,. Alphonse de Gusman ,
Poëme , &c.
y
1893
Descript. d'un nouveau Cadran horisontal, 1898
Nouveau Moyen de faire marquer juste l'heure
au Soleil , 1915
Lettre écrite de Dreux , et Stances de Rotrou ,
1919
Lettre où l'on examine si dans le Sexe l'esprit est
préferable à la beauté ,
Le Temple de la Fidelité ,
1922
1929
Memoire sur la Ville d'Orleans , Apanage, 1931
Ode imitée du premier Chapitre d'Isaïe , 1940
Lettre sur la Tragédie d'Aben - Saïd ,
Bouts- Rimés ,
1943
1948
Extrait de Lettre sur la nouvelle Histoire du
Vicomte de Turenne ,
Le Moissonneur , Eglogue ,
Lettre au sujet d'un Manuscrit ,
Bouts - Rimés remplis , & c.
1949
1954
1957
1960
Objection sur un Traité démonstratif de la
Quadrature du Cercle ,
Bouts- Rimés ,
Reflexions ,
Enigme , Logogryphes , & c.
1961
1965
1967
1977
1980
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
& c.
t
Catalogue de la Biblioth.de feu M. Bouret , 1981
La Paysanne parvenuë ,
Les Vies et les Miracles de S.Spire et de S. Leu ,
&c .
1
1982
1984
Dictionnaire Italien , Latin et François , & c. 1986.
Explication des sept Sacremens de l'Eglise , 1995
Oraison Funebre de M. Lebret , 、1996
Nouveaux Amusemens sérieux et comiques, 2009
Distribution des Prix à l'Acad. Françoise 2010
Assemblée publique de l'Académie de Marseille er
Recueil des Pieces présentées à cette Acadé-
2011
2014
mie , & c.
Prix de la même Académie pour l'année prochaine
,
Députation de l'Académie de Séville à l'Académie
Royale des Sciences de Paris ,
Prix de l'Acad. de Soissons pour 1736.
2015
2020
Séance publique de la Societé des Sciences érablie
à Toulouse , 2021
2026
Acad. de Peinture , et Estampes nouvelles , 2023
Statues nouvelles en Angleterre ,
Nouvelle Machine à battre toute sorte de grains,
2028
Avis sur les Instrumens de Mathématique , 2029
Description de la Couronne du Roy de Naples ,
203
Airs notés , 2033
Spectacles , les Indes Galantes , Ballet , Extrait ,
2035
Le Mariage fait par Lettre de Change , Extrait ,
L'Amante en Tutelle , & c.
2047
2055
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse, 1062
Lettres de Constantinople, sur la Bataille donnée
en Georgie ,
De Russie et de Pologne ,
D'Allemagne , Italie , Naples et Sicile ,
D'Espagne , Hollande et Angleterre ,
Armée d'Italie ,
Armée d'Allemagne ,
2062
2065
2072
2075
2078
2083
Plan de la Loterie Royale de Turin , & c . 2087
Morts des Pays Etrangers , 2101
France, Nouvelles de la Cour , de Paris, & c . 2104
Fère donnée à Meudon ,
Portrait au sujet d'un Fête donnée à Montargis ,
2105
2109
2111
1
Voyage de la Reine à Paris , &c .
Voyage de la Reine à S. Cloud ,
Acclamations du Peuple et Compliment , 2112
Morts , Naissances , & c .
2113
2115
Errata d'Août.
P
Age 1692. ligne 4. Auteur , lisez , Acteur.
P. 1737 . 1. 27. nos , l. mes. P. 1739. l. 4.
que l'on , l. qu'on apelle. P. 1851. 1. 17. Vers ,
ajoûtés , intitulée l'Amante en Tutelle.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 1933. ligne 15. 169. lisex 1269. P. 2034. l. 18. cette , 1. cet.
P. 2053. ligne derniere , Vers , l. uns.
Les Airs notés doivent regarder la page 2033
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
OCTOBRE 1735 .
URICOLLIGIT
SPARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
Chez La veuve PISSOT , Quay de Conty ,
à la defcente du Pont Neuf.
2
EAN DE NULLY , au Palais..
M. DCC. XXXV.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
L
A VIS.
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cashetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très -inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
>
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaitevont
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porterfur
T'heure à la Pofte , on aux Meſſageries qu'on
lui indiquera .
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTOBRE . 1735.
PIECES
**
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
O DE,
Tirée du Pseaume LXXVIII.
Deus venerunt Gentes , &c .
U suis -je ! quels affreux spectacles
Frapent tout à coup mes regards ?
Je ne vois devant moi qu'obstacles
Et qu'ennemis de toutes parts.
L'orgueil , la fureur et la rage ,
Avides de sang , de carnage ,
S'arment pour nous faire périr ;
A ij
Notny
2122 MERCURE DE FRANCE
"
Notre perte est inévitable ,
A moins qu'une main favorable
Ne s'arme pour nous secourir.
M
Seigneur , tu gardes le silence ;
Et ces Lions toujours ardents ,
Contre la timide innocence
Aiguisent leurs cruelles dents .
A nos maux loin d'être sensibles ;
Plus les attentats sont horribles ,
Plus ils flatent ces inhumains ;
Leurs bras , que le crime accompagne ;
Inondent la vaste Campagne
De l'illustre sang de tes Saints,
Tes Temples , ces sacrés Hospices ;
Ne font qu'allumer leur courroux ;
Bien tôt ces fameux Edifices ,
Tombent sous leurs funestes coups ;
Leur fureur encor mal éteinte
Penetre jusque dans l'enceinte
Des plus respectables Tombeaux ,
Et ceux à qui leur perfidie
Arrache une innocente vie ,
Sont la pâture des Corbeaux.
M
En vain nous répandons des larmes
Dage
OCTOBR E. 1735. 2123
Dans ce temps de calamité ,
Nous avons perdu tous les charmes
Que donne la Prosperité.
Tous les Peuples du voisinage ,
Lorsqu'on nous traîne en esclavage,
que rire de nos pleurs ; Ne font
Et pleins d'une maligne joye ,
Ils aiment à nous voir en proye
Aux plus déplorables malheurs.
裕
Grand Dieu , jusqu'à quand ta colore
S'enflammera- t'elle sur nous ?
Jusqu'à quand d'un Juge severe
Eprouverons-nous le courroux ?
Il en est temps ; venge ta gloire ;
Ne souffre point que ta memoire
Soit éteinte dans Israël .
Descends , Seigneur , viens nous défendre ,
Et que tes coups fassent comprendre
Ce que peut pour nous l'Eternel.
粥
C'est trop souffrir la tyrannic
Des Ennemis de la Vertu ;
Leur rage doit être assouvie
Dans le sang qu'ils ont répandu.
Nous confessons que notre offense
Indigne de ton assistance ,
A iij
No
2124 MERCURE DE FRANCE
Ne mérite que châtimens ;;
Mais à nos voeux rends- toi propice ;
Suspends le cours de ta justice ;
Ecoute nos gémissemens.
M
Rends tes oreilles attentives
A ces déplorables accens
Que forment les langues captives
De tes miserables Enfans ;
Le poids accablant de leur chaîne
L'image d'une mort prochaine ,
Les plongent dans l'affliction ;
Ta Jerusalem asservie ,
Cette Ville autrefois chérie
Implore ta compassion.
Arme ton bras de ton Tonnerre ;
Viens ; renverse nos ennemis ;
Rends à ces Tirans de la Terre
Sept fois les maux qu'ils ont commis.
Que sous leurs pieds se creuse un goufre
Qui rempli de flammes , de soufre ,
Dévore ces hommes pervers ;
Et que ces impures victimes
Détestent pour jamais leurs crimes
Dans le sein brulant des Enfers ,
Delivre
OCTOBR E. 1735. 2129
Délivre-nous du joug infame
De ces scelerats factieux ;
Daigne enfin arracher notre ame
Des dents de ces Loups furieux ;
Et faisant cesser leurs outrages ,
Conduis dans tes saints Pâturages
Tes Brebis , tes tendres Troupeaux ;
Fais que dans de fertiles Plaines ,
Sur le bord des claires Fontaines ,
Nous puissions oublier nous maux.
M
Dans un séjour si favorable ;
Nous releverons tes Autels ;
Pour un bienfait si mémorable
Nous ferons des voeux éternels ;
Şans cesse loüant ta clémence ,
Nous annoncerons ta Puissanee
A toute la Posterité.
Et nous unissant à tes Anges ,
Nous celebrerons tes louanges
Pendant toute l'Eternité .
F. C. A. PICQUET de Hesdin en Artois.
A iiij Quel
2126 MERCURE DE FRANCK
***
Uelques égards que nous ayons
pour la personne et pour le mérite
de Mlle Archambault , nous ne pourions
, sans injustice , suprimer la Réplique
que M. Simonnet , son veritable
Adversaire , nous a envoyée , et que nous
n'avons reçûë que dans le tems qu'une
autre Piece de même genre , étoit sous
la presse pour le Mercure de Juillet
dernier. Il ne seroit pas en effet équitable
de priver le Public de la Réplique
de l'Auteur même que Mlle A. attaque ,
et auquel on ne peut refuser d'exercer
le droit d'une juste Défense.
de REPLIQUE aux Reflexions
Mlle Archambault , sur la Réponse de
M. S. à la Question , Qui de l'Homme
ou de la Femme est plus capable
de constance ?
Epuis plus d'un an que j'avois pris
Die parti de l'Homme , le jugeant
plus capable de constance que la femme ,
je croyois qu'il pouvoit joüir paisiblement
de cet avantage , et que personne
ne penseroit à lui disputer une prérogative
OCTOBRE. 1735. 2127
tive qui le distingue du Sexe, qu'on a de
tout tems regardé comme le plus foible.
Une nouvelle Minerve a parû lorsqu'on
s'y attendoit le moins , et s'est de
clarée avec autant de modestie que de
courage pour le parti contraire . On ne
peut que louer ses intentions et son zela
pour la gloire de son sexe. Elle nous
croit dans l'erreur ; elle entreprend de
nous détromper . A ce qu'elle pense , un
faux préjugé nous aveugle , une agréable
illusion nous ébloüit ; elle prétend les
dissiper ; c'est un service et un service
des plus signalés qu'elle a en vûë de nous
rendre , lors même qu'elle paroît agir
contre nos interêts , et nous ne pouvons
assés lui en marquer notre reconnoissance.
Mais malgré ses lumieres et ses loüables
intentions , il se pouroit faire qu'elle
se trompât elle- même , et que nous fussions
de notre côté dans l'obligation d'é
carter les nuages qui obscurciroient à ses
yeux le grand jour de la verité. C'est ce
qui nous paroîr effectivement , et nous
croirions manquer aux justes égards
qu'elle a droit d'atendre de nous,si nous ne
nous acquitions envers elle du même bom
office dont nous lui sommes redevables.
Examinons donc de sang, froid et sans
A V
pré2128
MERCURE DE FRANCE
prévention ce qu'allegue Mlle Archambault
pour détruire le sentiment qu'elle
avoüe elle- même être reçù parmi les anciens
Auteurs et parmi les Sçavans de
nos jours. C'est déja pour nous un avantage
, mais il s'agit moins ici d'autorités
que de raisons .
, >> Si on a regardé , dit- elle comme
des prodiges , les femmes dont la cons-
>> tance étonnante a fait l'admiration de
» tous les siecles , ce ne devoit être que
>> parce qu'il étoit extraordinaire de voir
» une telle constance dans la Nature hu
>> maine , et non par raport à leur sexe ,
» puisque les femmes ont souvent sur-
» passé les hommes en ce qu'il y a de
plus grand et de plus heroïque .
Cela est aisé à dire ; mais où en est
la preuve ? Qu'on cite quelques exemples
de constance que l'on voudra pour
les femmes , je soutiens qu'il s'en trouvera
toujours au moins de semblables et
en bien plus grand nombre pour les
hommes. Si on a plus admiré et relevé
ceux- là , c'est parce qu'on en a toujours
jugé les femmes moins capables, et qu'on
a regardé comme un vrai prodige , que
quelques - unes pussent atteindre jusqu'à
a fermeté des plus grands hommes . Ceci
est fondé sur la nature et l'experience ,
dont
OCTOBR E. 1735. 2129
dont le plus sage de tous les Rois m'est
garant , lorsqu'il s'écrie : Qui trouvera
une femme forte? Son prix passe tout ce qui
vient des Pays les plus éloignés.
Mlle Arch. prétend que ce sage Roy
pe fait aucunement entendre par là qu'il
croye les femmes fortes plus rares que
les hommes courageux ; mais seulement
qu'il les regarde comme ce qu'il y a de
plus précieux et de plus excellent dans
Î'Univers . C'en est assés pour nous ; ce
qui fait le prix et l'excellence des choses
qu'on va chercher si loin, c'est la rareté.
Si de telles femmes n'étoient pas plus rares
que les hommes forts et constans, Salomon
auroit- il pû demander , qui en
trouvera une seule ? suposons que quel- ?
qu'un s'avisât de dire avec la même exclamation
: qui trouvera un homme for?
Sur le champ on lui en montreroit dix
mille pour un.
Il s'agit ici d'un Passage de l'Ecriture
que nous entendons , Mlle A. et moi differemments
convenons d'un Juge qui
décide en dernier ressort , si ce Passage
pe releve pas du moins autant la rareté
que le prix et l'excellence de la femme
forte. En voici un qu'on ne peut recuser,
et dont le jugement sera sans apel . C'est
l'illustre Exéque de Nîmes , qui dans ses
A vj éloquens
2130 MERCURE DE FRANCE
מ
éloquens Panégyriques , sçût allier la délicatesse
de l'Art avec toute la solidité
des preuves dans l'Oraison Funebre de
Madame la Duchesse de Montausier ; il
prend pour Texte le Passage qui fait le
sujet de notre controverse . Il l'explique ,
il en fait sentir toute l'énergie , et après
avoir fini de main de Maître le Portrait
de la femme forte sur celui qu'en a tracé
le sage Roy ; il ajoûte : » Mais avant
que de nous dépeindre cette femme
» forte et courageuse , Salomon nous
avertit qu'il est difficile de la rencon-
>> trer ; il nous en donne une idée , mais
ail semble qu'il n'en ait jamais trouvé
» d'exemple ; il la forme dans son imagination
, et doutant qu'elle se puisse
trouver dans la Nature , il s'écrie , qui
»est ce qui la trouvera ? H est donc vrai
que dans la pensée de Salomon , rien
n'est plus rare qu'une femme forte et
courageuse , et c'est ainsi que l'entendent
tous les Interpretes .
Lorsque ce Monarque si éclairé parle
de l'homme , il s'énonce bien d'un autre
ton ; il n'hésite point , il ne doute point,
il prononce absolument : ( a ) L'homme
sage est fort et courageux. Il montre le
principe de sa constance dans ce fonds
(a) Prov. Chap. 24. Vo se
d'une
OCTOBRE. 1735. 2131
d'une sagesse mâle , bien differente de
celle qui convient aux femmes et que
nous n'avons garde de leur disputer.
Preuve évidente que la force de l'homme
n'est pas seulement dans le corps
mais dans l'esprit ; et il n'en faudroit
pas davantage pour détruire tous les raisonnemens
par lesquels on s'efforce de
soutenir que l'homme du côté de l'esprit
est du moins aussi foible que la
femme , et même que celle.cy est la
mieux partagée à cet égard .
Il est vrai , et nous en convenons trèsvolontiers
, qu'elle a ordinairement plus
de facilité , d'aisance , de délicatesse ,
la mémoire plus heureuse , la parole
plus libre que l'homme ; mais pour
le discernement , la pénetration , la
solidité la force d'esprit , il faut
qu'elle lui cede , et elle n'y perdra rien s
il lui sera toûjours plus honorable de
se contenter des avantages que la Nature
lui a liberalement accordés , que
de vouloir usurper ceux de l'homme qui
ne lui apartiennent pas.
Mlle A. convient de la foiblesse et de
la fragilité du corps de la femme ; or
l'esprit dépend tellement de la constitution
du corps , qu'il ne manque gueres
d'être foible dans un corps foible , et
sujet
2132 MERCURE DE FRANCE
sujet aux infirmités ; c'est ce qui se voit
dans les Enfans , les Vieillards et les
Malades .
Si nous l'en voulons croire , le premier
homme eut autant de foiblesse dans
sa chute que la premiere femme ; il y
eut même en lui quelque chose de plus
foible et de plus bas , et elle en conclud ,
>> qu'il sied donc mal aux hommes de
>> reprocher aux femmes une foiblesse
qu'ils partagent avec elles et dont la
» plus grande partie retombe sur eux ...
» qu'ils s'exposent par là au danger d'êş
» tre humiliés.
Pourquoi se piquer si aisément ? Nous
sommes bien éloignés d'insulter à la foiblesse
des femmes , ou de leur en faire des
reproches qui seroient très- mal fondés ,
puisqu'il ne dépend pas d'elles d'être
plus fortes. C'est nous taxer sans sujet
d'impolitesse et d'injustice ; mais en même
temps que nous respectons leur sexe
, ne nous sera - t'il pas permis de dire
avec tous les égards et les ménagemens
qui lui sont dûs , qu'il a été le plus fragile
dans sa tige , et qu'aparemment les
branches s'en ressentent ? C'est une verité
incontestable, universellement reconnuë
; elle ne blesse personne en particulier
, elle n'a rien de choquant ni dans
le
OCTOBRE . 1735. 2133
le fonds ni dans l'expression , et il faut
avoir une extrême délicatesse pour s'en
offenser. Le danger d'être humilié n'est
pas pour les hommes qui ne font que
soutenir avec modération leurs justes prérogatives
; il seroit plutôt pour des personnes
qui voudroient prendre un ascendant
que la Nature ne leur a point accordé
.
*
Tenons-nous- en à l'Oracle Divin ; il
prononce expressement qu'Adam ne fut
point séduit , mais que la femme s'étant laissée
séduire , tomba dans la desobéissance. Et
l'Apôtre sur ce principe lui enjoint de
se tenir dans un modeste silence et une
juste soumission . Quel raisonnement peut
tenir contre une décision si formelle et
si autentique ? L'explication d'un celebre
Interprete ( M. de Sacy ) en fait sentir
toute la force : C'est - à- dire qu'Adam ne
fut pas trompé comme Eve , mais que vaincu
par l'amour qu'il portoit à sa femme
il mangea du fruit , sans considerer le malheur
, où il se jettoit avec elle.
En effet le Démon , cet esprit si malin
et qui prend si bien ses mesures , se seroit-
il adressé plutôt à la femme qu'à
l'homme , si par sa pénetration naturelle
il n'eût reconnu qu'elle étoit la plus foi-
* I. Ep . à Tim. Chap. 2. V. 14.
ble ,
2134 MERCURE DE FRANCE
ble , la plus facile à renverser ? Il n'osa
attaquer l'homme de front , il craignoit
sa résistance ; il jugea qu'Eve auroit
moins de fermeté , et il réüssit dans son
pernicieux dessein.
J'avoue qu'Adam eut trop de foiblepour
sa femme , mais ce foible étoit
moins étrange et en quelque sorte plus
pardonnable que celui d'Eve . Il étoit assés
naturel que l'homme eût de la complaisance
pour sa femme , qu'il se laissât
persuader à ses douces paroles et à
ses manieres engageantes. Le Serpent n'avoit
rien pour la femme de si attirant
ni de si persuasif , cependant elle l'écoute
sans peine , elle aûte foi à ses flateuses
promesses , elle agit en conséquence
; quelle énorme foiblesse !
Lorsque S. Augustin dit : » le Sexe les
distingue, l'orgueil les égale , il entend
que l'orgueil qui leur fit secouer le joug
de la Loy de Dieu , les rendit également
coupables à ses yeux et les envelopa
dans une égale condannation ; i
ne prononce point pour cela sur le degré
de foiblesse qui fit tomber l'un et
l'autre. Ils furent également orgueilleux,
mais dans le temps de leur chute avoientils
une égale force ? la femme n'eut - elle
point plus de foiblesse que l'homme ?
Sto
OCTOBRE. 1735. 2135
3. Augustin laisse la question indécise .
Ce qui est plus admirable , c'est que la
femme ne se contente pas de marcher
de pair avec l'homme , mais qu'elle prétende
même lui être superieure par les
qualités de l'esprit ; et la raison qu'on
en aporte est encore plus merveilleuse :
Dieu donna , dit- on , par la femme la
perfection à toute la Nature : or , ajoutet'on
, avec un peu de reflexion , il ne peut
tomber sous le bon sens que l'Auteur de la
Nature ... eût , pour ainsi dire , décliné en
finissant son ouvrage , & c. Il y a certainement
de la finesse dans cette pensée et
elle demande de la refléxion , mais y at'il
autant de solide ?
Que répondroit Mile A. si on lui oposoit
que
la femme n'est qu'un suplément
ou une addition à la Nature ? comme il
paroît assés clairement , puisque Dieu
ne créa la femme que parce qu'il ne trouvoit
rien dans cette Nature qui fût semblable
à l'homme et qui pût lui servir
d'aide et de compagnie. Que répondroitelle
si on lui objectoit que la femme ne
fut, pour ainsi dire, créée qu'après coup?
lorsque la Nature paroissoit avoir toute
sa perfection ? lorsque Dieu ayant fini
son ouvrage , commençoit à rentrer dans
son repos et que l'homme étoit déja ?
dans
2136 MERCURE DE FRANCE
,
dans le Paradis Terrestre ? Qui lui dis
roit,que tout ce que la femme a de perfection
, elle le tient en quelque sorte de
l'homme , puisqu'elle en a été tirée
qu'elle en fait partie , qu'elle est l'os de
ses os , la chair de sa chair, et qu'elle lui
doit jusqu'à son nom ? D'ailleurs n'ayant
été faite que pour l'homme , comment
auroit- elle plus ou même autant de perfection
que celui pour qui elle a été faite
? Que répondre à tout cela ? Peut- il
tomber sous le bon sens que le suplé
ment ait plus de perfection que l'ouvrage
même , et que l'homme soit moins.
parfait que ce qui n'est qu'une portion
de sa substance , ce qui a été fait sing
gulierement en sa faveur pour lui servir
d'aide et lui donner l'agrément d'une
societé convenable ? Non , et je me persuade
que Mlle A. a trop de bon sens pour
vouloir soutenir sérieusement un tel Paradoxe.
Quand elle se réduiroit à mettre communément
la femme au niveau de l'hom
me pour la force et la stabilité d'esprit ,
elle ne pouroit encore s'apuyer d'aucune
raison solide . Suposons que la femme
eût les mêmes passions à combattre et
à détruire , les mêmes vertus à pratiquer
au même degré , il ne s'ensuivroit pas
qu'il
"1
OCTOBRE . 1735. 2137
qu'il lui fallût nécessairement le même
degré de force et de solidité ; il suffiroit
que Dieu l'eût mise dans un état où
elle pût véritablement combattre ces pas- .
sions et pratiquer ces vertus , quoiqu'avec
moins de force et de courage que
l'homme. Les secours ne sont pas tou- ,
jours également puissans où il y a égalité
de passions à combattre et de vertus
à pratiquer ; nous voyons même tous les
jours des personnes naturellement sujettes
à de furieuses passions , qui les
désavoüent , qui les détestent et qui gémissent
cependant de leur foiblesse et de
la difficulté qu'elles sentent à les surmon.
ter , pendant que d'autres dans de pareilles
circonstances n'éprouvent pas la
même peine. D'ailleurs est - il bien vrai
que la femme ait à pratiquer toutes les
mêmes vertus que l'homme, et en même
degré ? L'homme , en qualité de chef ,
n'a-t'il pas des vertus qui lui sont propres
et necessaires pour le commandement
et le gouvernement ? Au lieu que
la femme n'a qu'à se tenir à son égard
dans une honnête subordination .
Mlle A. est contrainte d'avouer que dans
l'ordre naturel l'homme est le chef de
la femme , mais la raison qu'elle en donne
est singuliere ; c'est qu'il est venu le
premier
2138 MERCURE DE FRANCE
premier. Voilà donc l'unique privilege
qu'elle laisse à l'homme ; elle lui fait
bien de la grace. Au reste , à l'entendre ,
tout est égal de part et d'autre , même
nature , même condition , mêmes inclinations
, même capacité à se rendre des
services mutuels, et à soutenir les mêmes
interêts. La Nature n'a donc mis aucune
distinction entre l'homme et la femme?
Leur condition étant la même ,
l'homme ne sera plus en droit d'exiger
aucune soumission de sa femme ;
il seroit un injuste usurpateur s'il prenoit
sur elle la moindre autorité. On
aura eu tort jusques ici de faire honneur
à quelques Dames , d'avoir des inclinations
mâles et superieures à leur
sexe ; toutes les femmes les ont naturellement.
La femme a du moins aussi
bonne tête que l'homme , pour soutenir
les interêts de la famille , et les services
qu'elle lui rend , valent bien au
moins ceux qu'elle en peut attendre.
C'est à quoi se réduit tout le raisonnement
de Mlle A. mais qui l'en croira sur
sa parole ?
On convient assés dans le monde de la
legereté et de l'inconstance des femmes;
elles en fournissent tous les jours de nou.
velles preuves , n'y eût- il que la varieté
continuelle
OCTOBRE . 1735. 2139
Continuelle de leurs modes et de leurs
ajustemens. Il ne faut qu'avoir un peu
d'experience et ouvrir les yeux pour voir
et être persuadé que l'honime n'est pas si
sujet au changement, Cependant Mile A.
assure positivement que l'homme est aussi
muable que la femme , et la femme aussi
constante que l'homme .
Elle soutient que j'ai tort d'attribuer
aux hommes plus qu'aux femmes la capacité
de faire les actions les plus écla
tantes. » Toutes les Histoires nous prouvent
, ajoute- t'elle , que dans les occa-
» sions elles se sont acquittées aussi par-
» faitement qu'eux de toute sorte d'Em-
» plois , qu'elles les ont même surpassé.
Mais ces exemples ne prouvent que ce
que j'accorde sans difficulté , ou ils
prouvent
trop , et par là ils ne prouvent rien.
Je suis convenu d'abord qu'on a vû
des femmes d'une constance étonnante
et qui ont fait l'admiration de tous les
siecles; si c'est là tout ce que Mlle A. prétend
, nous sommes d'accord sur ce point;
mais ces exemples , assés clairement semés
dans l'Histoire , pendant qu'on y voit
par tout des millions de faits héroïques
des hommes , ne prouvent pas que naturellement
la femme soit aussi capable
de constance que l'homme. Ce qui n'arrive
2140 MERCURE DE FRANCE
*
, que ces
rive que rarement , passe pour prodige
et n'est point naturel. Si Mlle A. prétend
contre toute vrai semblance
exemples sont assez fréquens pour prou
ver que naturellement la femme est aussi
capable de constance que l'homme, et que
même elle le surpasse en ce point , elle
prouve trop ; de - là il s'ensuivroit que
les femmes devroient être communément
employées , du moins également , com.
me les hommes , dans les affaires les plus
importantes de l'Etat et du Gouvernement;
mais pour quelques exemples d'illustres
Princesses qui ont réussi avec gloire
, combien a - t'on vû de Royaumes
malheureux parce qu'ils étoient tombés
en quenoüille ? Et pourquoi admire- t'on
la sagesse de la Loy Salique , qui ne le
permet pas en France ?
» A la bonne heure , que les femmes
» renfermées dans le petit cercle de leur
» Sphere , n'en soient pas moins illustres;
» qu'il s'en trouve un grand nombre dont
l'humilité cache plus de mérite que la
» vanité des hommes n'en étale. Nous
ne leur disputons point ce mérite caché
qui les tient renfermées dans le petit cercle
de leur Sphere , et qui est en sûreté
sous la garde de l'humilité ; il seroit à
souhaiter qu'elles ne s'en écartassent jamais
OCTOBR E. 1735. 2141
mais , et qu'on n'en vit point qui voulusent
faire un pompeux étalage d'un
mérite superficiel , avec du moins autant
de vanité que les hommes.
Nous reconnoissons avec un vrai plaisir
le grand bien que procure une sage
Mere de famille , lorsqu'elle donne une
bonne et noble éducation à ses enfans ;
mais par malheur il s'en trouve bien peu
qui en soient capables , et qui s'y apli
quent sérieusement. Une funeste experience
ne montre que trop la plupart des
femmes livrées à la bagatelle , aux jeux ,
aux spectacles , ne respirant que le plaisir
et le divertissement , ou occupées de
tout autre chose que de ce qui regarde le
soin de leur famille. Eh ! quelle éducation
les enfans en reçoivent - ils ? Une éducation
lâche , molle , effeminée . C'est à
regret que nous le disons ; mais pourionsnous
le taire sans trahir la verité , puisqu'on
nous a mis sur ce Chapitre ? On
est si persuadé qu'il faut une autre éducation
aux hommes que celle qu'ils reçoivent
communément des femmes ,
qu'on les retire de leurs mains dans un
âge encore tendre , pour les confier à
des Maîtres , à des Gouverneurs , à des
Precepteurs d'une probité et d'une capaité
reconnue. L'éducation des Enfans
n'est
2142 MERCURE DE FRANCE
f
n'est donc pas tellement confiée aux fem
mes qu'elles puissent s'en glorifier au
préjudice des hommes .
Il en est à peu près de- même du Domestique
, la conduite n'en fait pas honneur
à beaucoup de Meres de famille et
l'ail du Maître y est bien nécessaire. On
seroit heureux dans le monde si toutes
étoient d'humeur à se former sur le beau
modele que leur présente Mlle Arch.
Véritablement on verroit se rétablir bien
des maisons délabrées , et dont la ruine
ne vient le plus souvent que du peu
de soin et d'oeconomie de la femme , qui,
comme on le dit communément , fait ou
défait le ménage.Mais quand même elles
réüssiroient mieux que les hommes dans
le menu détail du gouvernement interieur
de la maison , à quoi effectivement
elles sont destinées , cela ne prouveroit
pas qu'elles eussent en tout le reste plus
ou autant de capacité , de force d'esprit,
de constance , et qu'elles fussent pour
la plupart en état de soutenir comme
les hommes le poids des grandes affaires.
Finissons avec Mlle A. » Que l'on par-
>> coure enfin tous les siecles , dit- elle ,
qu'on lise exactement toutes les Histoires
, on conviendra que les femmes
» ont eu la plus grande part aux plus
>> grands
OCTOBR E. 1735. 2143
&
grands Evenemens . C'est une question de
sçavoir si elles ont eu la plus grande part ;
mais acordons - le liberalement; si elles ont
eu la plus grande part aux plus grands
Evenemens , certainement elles n'y ont
pás eu la meilleure . On l'a remarqué plus
d'une fois ; presque toutes les guerres les
plus sanglantes et les bouleversemens des
Empires , des Royaumes , des Etats les
plus florissants , n'ont eu d'autre origine
que l'ambition ou la jalousie et les se-
Crettes intrigues des femmes . Leurs passions
qui avoient suscité les guerres , les
ont perpétuées , et n'ont pû être assouvies
que dans le sang et la ruine
des Peuples ; ce n'est pas le plus beau
côté ni le plus favorable pour les femmes
. Mlle A. auroit pû , ce semble , nous
épargner la peine que nous ressentons
d'être forcés malgré nous à rapeller des
Evenemens si tristes , et qui ne peuvent
pas faire honneur au Sexe dont elle prend
la défense.
Au reste , quand je soutiens que l'homme
est naturellement plus capable de
constance que la femme , je ne dis pas
que celle- cy n'en soit point capable ; il
ne s'agit que du plus ou du moins , et
quand il seroit vrai , comme on ne peut
en disconvenir , que quelques femmes
B ont
2144 MERCURE DE FRANCE
ont donné des preuves d'une plus grande
constance que quelques hommes , ces
exemples particuliers ne prouvent rien.
contre la proposition generale qui tombe
précisement sur la nature et la destination
de l'homme et de la femme
pris dans l'universalité .
Après tout , pour soutenir ainsi les
droits de l'homme , je n'en reconnois pas
moins les grandes qualités de plusieurs
Dames illustres par leurs vertus , et d'un
mérite d'autant plus précieux qu'il est
moins commun. Mlle Archambault peut
s'assurer en particulier que la diversité
des sentimens et des opinions , ne diminuë
rien de la parfaite estime que j'ai
conçuë de ses talens et de sa personne.
DE
L'ENFER,
O DE.
E nos forfaits vengeur terrible ,
Dieu puissant , pour fraper mon coeur ,
Montre à mes yeux le gouffre horrible ,
Où tu déchaînes ta fureur .
Mais qu'entends -je ? l'affreux Tonnerie
Gronde , émeut , ébranle la Terre ,
OCTOBR E. 1735. 2145
It confond mes sens effrayés.
Ciel ! quelle étonnante secousse !
L'abîme infernal se trémousse ;
Je le vois déja sous mes pieds .
Ah! quelle vapeur enflammée ,
S'élevant de ces sombres lieux ,
D'une étincelante fumée
A couvert et troublé les Cieux !
Le Soleil hors de sa carriere ,
A déja perdu sa lumiere ,
Il s'enfuit saisi de terreur..
La Nature triste , éperduë ,
Tremble , frémit à cette vûë 3
Et l'Univers pâlit d'horreur.
潞
Mais quel profond et vaste gouffre ,
Que me découvrent les éclairs !
Où se lancent , de brulant souffre ,
Mille et mille Fleuves divers ;
De la rage la noire écume ,
S'y jette avec l'ardent bitume ,
En cent torrens impétueux.
D'affreuses vagues flamboyantes ,
Comme de Montagnes volantes ,
Remplissent l'Antre de leurs feux.
Bij Quet
2146 MERCURE DE FRANCE
Quel effroi ! les Cieux retentissent
De longs , de perçans hurlemens &
Les Rochers eux-mêmes gémissent ,
Sensibles aux gémissemens.
Quels pleurs ! quels acceus lamentables !
Quels soupirs ! quels cris pitoyables !
Quelles allarmes ! quels sanglots !
Quel mêlange de voix mourantes
De plaintes vives , désolantes ,
?
D'éclats de foudre et de carreaux !
蒎
Mais quels honteux , quels lâches crimes
Y sont assemblés et punis !
De combien de tristes victimes
Vois- je les tourmens infinis !
Hélas ! sans être consumées ,
Elles sont toutes enflammées ;
Leurs douleurs ne font que s'aigrir.
Combustibles , mais renaissantes ,
Leurs substances toujours mourantes ,
Vivent toujours pour tout souffrir.
L'horreur , le trouble impitoyable ,
La honte , les transports cruels ,
Animant leur rage intraitable ,
Irritent leurs maux éternels,
Du passé les vaines délices ,
OCTOBRE. 1735. 2147
Se changeant toutes en suplicès ,
Ne cessent de les déchirer.
Pareils à des Monstres féroces ,
Les remords des crimes atroces
S'attachent à les dévorer.
來
De leurs esprits incorruptibles ,
Les irrévocables Arrêts
Percent leurs coeurs toujours sensibles ,
De traits aigus , de vifs regrets.
De l'Eternité toute entiere
L'immense et fatale carriere
S'y déploye à tous les instans ;
Et sans relâche sa présence
Leur fait souffrir la violence
De tous les maux , de tous les temps :
Leur volonté toujours avide
De plaisirs toujours défendus ,
-S'y fait un tourment homicide
De ses voeux toujours confondus.
Toutes les douleurs irritées ,
Et les passions indomptées ,
Vomissent le fiel à grands flots.
La violence au regard louche ,
Guidant le désespoir farouche ,
Y met le comble à tous leurs maux.
Bij Que
2148 MERCURE DE FRANCE
Que dis-je ? Grand- Dieu , c'est toi- même!
Tu leur dérobes tes attraits ,
Par- là , de leur malheur extrême ;
Ils sentent les plus rudes traits ;
A leurs yeux voulant te soustraire .
De quel secours à ta colere
Sont tant de suplices divers ?
Un Dieu perdu ... Cette pensée ,
En leurs ames toujours tracée ,
Feroit pour elle mille Enfers.
De- là , sur tout , ces dures peines
Ces intolerables tourmens ;
De- là ces fureurs inhumaines ,
Ces forcenés emportemens.
De-là , vers toi toujours poussées
Et par toi toujours relancées ,
Elles redoublent tant d'efforts.
Plus ta colere les foudroye ,
Et plus à leur ardeur en proye ,
Elles suivent leurs vains transports.
Du Mont de Marsan le 20. Août 1735 .
LET
OCTOBRE. 1735. 2149
ht
LETTRE d'un Partisan du Bureau
Tipographique , à un Precepteur de ses
Amis.
Eux raisons , dites- vous , Monsieur , vous
empêchent de suivre la Méthode Tipographique
; la premiere , c'est qu'on en dit presque
autant de mal que de bien ; et que les Partisans
de ce Systême sont des gens du monde , moins
versés dans la maniere d'étudier et d'enseigner
les Belles - Lettres , que ne le sont les Maîtres da
Pays Latin. Ces gens du monde ne sont - ils pas
ces mêmes Juges , qui sans demander un Thême
ni l'explication des mots Supin et Gerondif, aux
Rhétoriciens de vos Colleges , les trouvent souvent
sots et stupides , lorsqu'ils ignorent ce que
sçavent nos Enfans Tipographes , et l'usage n'apelle
pas de leur jugement à celui du Pays Latin.
La seconde raison , qui vous paroît la plus forte
, c'est qu'un Enfant que l'on vantoit extraor
dinairement et qui expliquoit assés bien des Auteurs
Latins, tant qu'il a été conduit par un Maî
tre de Tipographie , cet Enfant , dites-v S - vous ,
pas plutôt été mis au College et en d'autres mains
qu'il a perdu toute sa réputation, parce que quand
il a fallu l'apliquer à la composition des Thêmes
classiques , on a trouvé qu'il n'y sçavoit
presque rien. Voilà vos deux difficultés , je tâcherai
d'y répondre en deux Lettres. Je m'atache
uniquement dans celle-cy à lever vos scrupules
sur le fait que vous allegués , et j'espere vous
convaincre dans la suivante , que si l'on dit du
B iiij mal
n'a
2150 MERCURE DE FRANCE
mal de notre Méthode , on en dit moins que de
la vôtre, et qu'on en dit même beaucoup de bien.
Y a- t'il d'ailleurs quelque chose dans le Monde
dont on ne puisse ou dont on ne veuille dire que
du bien ? On ne peut pas accuser les Philosophes
Partisans de cette Méthode, du préjugé qui aveugle
la plupart des Latinistes de la Méthode vulgaire,
ainsi qu'on l'a fait voir dans la Bibliotheque
des Enfans in 4.
Un Enfant qui passoit , dites - vous , pour un
petit prodige tant qu'il fut à son Bureau , se trouva
tout d'un coup déchû de sa science et de sa
réputation dès qu'il fut conduit d'une autre ma
niere , et d'où vient que l'Enfant du College est
si ignorant auprès d'un Bureau Tipographique ?
C'est justement cette difference qui doit faire
aprouver la nouvelle Méthode et condamner
l'ancienne ; l'Enfant réellement instruit et sçavant
pour l'âge , décide lui - même la question ,
en comparant le fruit de l'une aux effets de l'autre.
Examinons attentivement cet effet prodigieux
de la Méthode vulgaire , qui fait , dit - on , disparoître
ou qui rend inutile le sçavoir admiré d'un
Enfant Tipographe , et pour , cela voyons quelle
est la suite des exercices Tipographiques et ce
qui peut mériter à un Enfant de sept ans le titre
et la réputation d'enfant bien avancé.
Un Eleve de la Tipographie est censé faire
honneur à la nouvelle Méthode , lors qu'ayant
commencé de bonne heure et qu'ayant continué
quelques années , il est parvenu sans peine et sans
dégoût à bien posseder l'Orthographe de l'oreille
ou la connoissance des sons , à composer sous la
dictée les mots les plus difficiles en toute sorte
de Langues , à pouvoir lire avec une certaime
assurance et une certaine facilité, le François,
le
OCTOBRE . 1735. 2151
le Latin , le Grec et le Manuscrit ; à pouvoir déchiffrer
toute sorte de caracteres d'Arithmetique,
caracteres Arabes , Romains et Financiers , de
même que les signes de l'Algebre et tant d'autres
caracteres ou signes employés dans l'Imprimerie,
ce qui donne une lecture aisée , universelle et
sçavante , lecture ignorée , non- seulement de
tous les Enfans conduits à l'ordinaire , mais encore
de la plupart des Maîtres prévenus contre
la Tipographie ; et si c'est un défaut d'institution
dans un Enfant Tipographe d'être foible sur
la composition des Thêmes , est - ce un mérite
d'éducation dans les Maîtres Critiques d'ignorer
la science élementaire que possedent si bien les
Eleves qu'on leur confie trop tôt ? C'est un malheur
que les parens soient obligés de livrer et de
sacrifier leus Enfans Tipographes entre les mains
des Maîtres prévenus contre la Méthode qu'ils
ignorent.
L'Enfant dont il s'agit étoit ferme sur les premieres
notions élementaires , vous convenez vous
même qu'il a parû avec honneur sur toutes ces
notions et qu'il ne les a point oubliées , mais ce
n'est pas là,dites-vous,sur quoi on l'a le plus examiné;
tantpis ; cette conduite , quoiqu'autorisée
par l'usage ou le préjugé des Colleges , prouvebien
la nécessité de la réforme introduite par le
Systême du Bureau . Un Enfant de six à sept ans
ne peut pas tout sçavoir , il faut le louer de ce
qu'il sçait, et de ce qu'il sçait avec plus de choix et
de raison qu'on n'en suit dans la Méthode vulgaire,
sans le blâmer de ce qu'il ignore une doctrine
disproportionnée à l'âge et contraire à l'ordre des
études .On doit commencer l'éducation par ce qui
est le plus universellement utile et le plus à la
portée des Enfans ; telles sont les connoissances
By dons
2152 MERCURE DE FRANCE
dont on vient de parler et tant d'autres que l'on
y joint naturellement quand on possede bien la
nouvelle Méthode , qui doit préceder l'ancienne.
Continuons l'histoire de nos instructions.
Tandis qu'un Enfant de deux , trois à quatre
ans aprend à connoître les sons , les lettres et
leurs differentes combinaisons en composant sur
son Bureau les petits Thêmes qu'on lui dicte ou
qu'on lui donne à copier , on l'exerce par même
moyen sur les premieres operations de l'Arithmerique
; on lui aprend les principaux points de
la Chronologie et de l'Histoire Sainte et Profane,
on lui parle beaucoup de Mitologie et de Geographie
, enun mot, on éloigne de lui l'épouven
tail et le dégoût des Livres , on le rend attentif
on le familiarise avec toutes ces connoissances au
point qu'il prend bien - tôt du goût pour la lecture
et qu'on en voit plusieurs s'amuser d'euxmêmes
à lire plus que l'on ne veut et dans le
temps même de leurs petites indispositions. Ce
goût tant desiré par les parens connoisseurs ,
et ignoré , inconnu dans la Méthode vulgaire ,
est le premier que l'on voit dans la pratique du
Bureau , et ce premier fond de doctrine croît peu
à peu dans un Enfant , à mesure qu'on l'exerce à
la lecture et à l'Orthographe sonnante ou non
sonnante , des yeux et de l'oreille , en lui faisant
imprimer des cartes écrites à la main , cartes que
le Maître donne comme autant de récompenses
que le Disciple attend avec impatience et dont il
lit toujours l'original et les copies qu'il en a faites
plutôt et plus volontiers que les Livres des
autres. L'Enfant que vous avez vû étoit encore
très au fait de tous ces exercices , vous en avez
té plusieurs fois témoin et vous en ayez parû
harmé , sans doute qu'aujourd'hui tout cela ne
YOUS
OCTOBRE. 1735. 2153
vous paroît pas d'un grand prix en comparaison
d'un Thême qu'un Enfant ignorant sa propre
Langue, auroit fait en Latin selon la Méthode vulgaire
, c'est- à-dire , avec plus de fautes et de solecismes
qu'il n'y auroit de mots dans le Thême ;
mais achevons le détail de nos petits amusemens.
Pendant que l'on cultive toutes les parties de
la lecture élémentaire et sçavante et les élemens
de l'Histoire universelle , on exerce l'Enfant sur
les Rudimens de la Grammaire Françoise et de la
Grammaire Latine, toujours d'une maniere pratique,
sensible et agréable par le moyen des exemples
choisis relativement à l'âge et à l'état de l'Enfant,
et mis sur des cartes qu'on lui donne à lire
et à copier, ensorte que par la répetition et la révision
journaliere de ces mêmes cartes , il aprend
aisément par memoire tout ce qu'il y a d'essentiel
dans les déclinaisons et conjugaisons Françoises
et Latines . On lui fait faire aussi l'aplica
tion des principales Regles de la Syntaxe en composant
de petits Thêmes sur son Bureau longtemps
avant que de pouvoir écrire , avantage inexprimable
dont la Méthode vulgaire ne donnera
jamais l'équivalent , et qui seul devroit guérir
du préjugé les Maîtres bien intentionés et
qui ont à coeur l'honneur de la Profession ,
pour les autres qui ont , pour ainsi - dire , l'esprit
plié , replié , envelopé et cacheté , ils risquent de
mourir invincibles dans leur préjugé , après
avoir fait respecter le simple cachet .
car
On aprend donc à l'Enfant beaucoup de mots
isolés qui servent ensuite merveilleusement pour
l'explication des Auteurs , à laquelle on s'aplique
sans relâche dès que l'Enfant lit dans les Livres.
C'est pour lors que l'on reconnoît le fruit de toutes
les notions préliminaires dont on a muni la
B vj tête
2154 MERCURE DE FRANCE
têté de l'Enfant par les progrès sensibles qu'on
lui voit faire dans cette explication . Par cette Méthode,
le Disciple n'est point trop pressé sur son
écriture, il s'y fortifie tout à son aise, parce qu'on
a d'autres moyens de l'avancer ; cependant dès
qu'il en peut faire usage , on lui fait copier des
mots et des listes de mots qui facilitent de plus
en plus l'explication des Auteurs , et servent
à remplir les Logettes des cinq petits Dictionnaires
Tipographiques dont il est tant parlé
dans la Bibliotheque des Enfans in 4. après quoi
on lui donne de petites compositions dont il s'aquite
avec plus de goût et d'intelligence que les
Enfans de la Méthode vulgaire; enfin , on suit ici
autant qu'il est possible , l'ordre de la Nature et
de l'usage en fait de Langue maternelle , et cela
paroît si sensé et si raisonnable , qu'il n'y peut
avoir que le préjugé de contraire.
Voilà proprement où en étoit l'Enfant Tipographe
dont vous parlez , vous sçavez qu'avant
l'âge de sept ans il étoit ferme sur tous ses exercices
et vous l'avez vû expliquer joliment les
premiers Auteurs Latins , comment pouvez- vous
après cela lui refuser vos éloges par la raison seule
qu'il n'est pas fort sur la composition des
Themes Trouveriés- vous bon , Monsieur, qu'on
vous traitât de même, parce que vous ignorez la
doctrine des sons que possede cet Enfant à votre
âge cette notion élementaire est -elle plus indifferente
que ne l'est à l'égard de l'Enfant l'art
de faire des solecismes ? Si les parens suivoient
exactement les Statuts de l'Université , ils ne
mettroient point leurs enfans au College qu'à l'âge
de huit à neuf et à dix ans , sçachant pour
lors écrire et un peu la composition des Thêmes,
or il n'y a point d'Enfant Tipographe commen
OCTOBRE . 1735. 2155
cé de bonne heure , qui, à cet âgelà , n'en sçache
plus qu'il n'en faut pour répondre à vos questions
prématurées , ainsi vous ne devriés pas , ce me
semble , condamner un Enfant ni la Méthode
qu'il a suivie , tant qu'il sera plus avancé qu'un
autre par raport à son âge ; mais si les parens ,
direz-vous , veulent qu'on éleve et qu'on instrui
se leurs enfans selon la Méthode vulgaire , ne
doit-on pas en faire usage ? Il faut distinguer ;
quand le Maître sera vulgaire, lui - même , il ne
suivra pas d'autre Méthode , et si le Maître sçait
le Systême du Bureau ou qu'il veuille l'aprendre,
il tâchera de faire entendre raison aux parens ,
ou bien il ne se chargera pas de l'Eleve , et il en
cherchera d'autres. C'est - là où le Systême donne
une pierre de touche pour bien juger de la maniere
de penser , de parler et de raisonner des
Maîtres et des parens ; car on doit regarder comme
un fort mauvais Maître celui qui paroît indifferent
sur le choix de la Méthode à suivre ; les
parens , il est vrai , sont libres dans leur choix ;
heureux les Enfans dont les peres ont quelque
délicatesse sur cet article , et malheureux les Enfans
condamnés au foüet et à la ferule des féroces
et des mercenaires dont on a parlé dans la
Bibliotheque des Enfans , Article XIII . p . rof.
Le plus sçavant homme du monde pouroit en
même-temps être le plus mauvais Precepteur ,
faute de moeurs , de méthode , d'affection pour
l'Eleve et d'honneur pour le Métier . Un Maître
qui peche par le coeur est très dangereux ,
doit peut- être en penser autant de ceux qui pour
se mieux placer , promettent et jurent de suivre
le Systême , et qui ensuite faussant leur parole et
leurs sermens , tâchent de décrier la nouvelle Mé
thode qui les charge , pour publier les avantages
on
2156 MERCURE DE FRANCE
1
les douceurs de la Méthode vulgaire , qui aux
dépens de l'éducation des Enfans , laisse au Maître
plus de loisir pour jouir de la dissipation et
donne une plus grande liberté qu'on ne trouve
dans la Méthode du Bureau.
Le fait des Thêmes , des regles et des questions
, vous paroît mal - à - propos décisif contre
notre Méthode , vous suposez toujours ce qui
est en question , sçavoir que la Méthode vulgaire
est préferable à toute autre , que la voye de la
composition et des Thêmes doit préceder celle de
l'explication des Auteurs , et que la théorie dans
un Enfant doit préceder la pratique , &c. Je vous
renvoye là-dessus à la Bibliotheque des Enfans ,
Art XIV. XV. page 113. et pour vous faire
voir l'injustice ou l'aveuglement des Maîtres qui
au lieu de commencer par la pratique , accablent
les Enfans à force de leçons , de regles et de questions
de Sintaxe ; voici un fait qui paroît plus
décisif que le vôtre. J'ai demandé à plus de cent
Precepteurs , Regens , Professeurs , Principaux ,
&c. 1°. Quels sont les Verbes qui marchent avec
trois cas sans compter le Nominatif? aucun n'a
pú me le dire , j'ai demandé ensuite à ces
Maîtres , 29. Pourquoi ne pouvez-vous pas répon-
Are à cette question , puisque vous connoissez tous
ees Verbes , soit qu'il faille traduire ou composer ?
Aucun n'a pu répondre à cette seconde question
qu'aux dépens de la Méthode vulgaire. Je vous
prie, Monsieur, de faire bien attention à cette difficulté
ou à cette rétorsion , et de vous arrêter ici
ou de fermer le Livre pour voir si vous serez plus
heureux que les autres sur cette premiere ques➡
tion. Vous trouverez dans la Réponse de M. Perquis
au Professeur anonime ( M. G. ) page 37.
une question bien plus facile ; sçavoir ( Audire )
ne
OCTOBRE. 1735. 2157
me se trouve- t'il point en plus d'un ou de deux endroits
dans sa conjugaison ? En combien d'endroits
setrouve- t'il ? On a interrogé des Ecoliers de Logique
de Phisique , des Precepteurs , des Repetiteurs,
des Maîtres, des Auteurs et des Docteurs,
aucun n'a répondu sur le champ et sans varier
à ces petites questions , et l'on a conclu que
la voye élementaire de la pratique ou du Bureau
est plus sûre et plus courte que celle des preceptes
et de la simple théorie , on en a donné cent
et cent fois la raison dans la Bibliotheque des Enfans
in 4. Malgré cela le préjugé voudroit dominer
et tyranniser les bonnes Méthodes ; il faut
esperer qu'il n'en viendra pas à bout . Si s
n'avez pas pû répondre à la premiere question
ni à la seconde , peut- être répondrez - vous à la
troisiéme. Pourquoi met on au datif le mot pignus
dans la phrase, Do tibi hoc pignori ? En voilà
je pense , bien assés et peut-être trop pour convaincre
les bons esprits et leur persuader que la
pratique doit préceder , suivre ou accompagner
la théorie dans tous les Arts Liberaux , comme
dans les autres.
A l'égard du fait de notre Eleve de sept ans ,
il est bien facile de l'expliquer. L'Enfant dont il
s'agit n'est foible sur les Thêmes, que parce qu'il
n'a pas eu le temps ni l'occasion de s'y exercer ,
ne sçachant pas assés écrire pour cela , et parce
qu'enfin il y a plusieurs connoissances qui doivent
preceder , et auxquelles on a crâ devoir l'apliquer
préferablement par la raison et par l'esprit
du Systême. Mais dites - vous , cet enfant ne ^
méritoit donc pas tous les éloges dont on l'a
comblé , puisqu'il ne sçavoit guere que des choses
dont on peut se passer dans les Classes et qu'il
étoit reculé sur le reste. Mauvais raisonnement ,
permetter
2158 MERCURE DE FRANCE
permettez-moi , Monsieur , de le dire , tant que
la Méthode vulgaire ne prouvera pas que la route
de la composition est la plus simple , la plus
facile , et qu'il est plus aisé de parler et de composer
d'abord une Langue , qu'il n'est aisé de
commencer par la provision des mots et des idées
de cette même Langue ; car enfin est- il rien de
plus necessaire à un Enfant que l'on destine aux
Belles-Lettres est- il rien en même temps qui
doive lui faire plus d'honneur et qui puisse mieux
lui ouvrir la porte des Sciences que de sçavoir
lire couramment le François, le Latin, le Grec et
les Manuscrits , être au fait de l'élementaire du
distinctif des caracteres de l'écriture , et de l'Ofthographe
, connoître tous les caracteres employés
dans l'impression , sçavoir les premieres
operations d'Arithmetique , avoir dans la tête les
principales époques et tous les grands Evenemens
de l'Histoire et de la Fable , être versé dans la
Géographie et dans la Sphere , posseder son Rudiment
Tipographique et avoir déja fait dans ses
versions cent et cent fois l'aplication des principales
Regles de la Syntaxe, Sçavoir ; enfin une
quantité prodigieuse de mots François et Latins,
et entrer aisément dans l'explication des Auteurs?
Tout cela , dis - je , joint au goût de l'étude et des
Livres , ne fait- il point un commencement d'éducation
très- estimable dans un Eleve de septans?
Est-il d'ailleurs pour lors moins propre aux
études que l'Enfant de la Méthode vulgaire, vuide
de toutes ces connoissances ? Voilà , je le repete ,
où en étoit l'Enfant dont nous parlons ; il est
vrai qu'il n'en sçavoit pas davantage , aussi n'at'on
pas dit que ce fut un prodige classique , en-.
core moins qu'il dût tout sçavoir , mais on a
montré plusieurs fois qu'il étoit au fait de tous
Jes
OCTOBRE . 1735. 2159
Ics élemens que l'on jugeoit necessaires , et
que l'on vient d'exposer en gros , et l'on croit
que
cela méritoit bien les louanges qui lui ont
été prodiguées par ceux qui sans préjugé ont .
vû ses progrès litteraires. Si l'Enfant de sept ans
avoit continué encore un an selon le Systême
du Bureau ,il auroit été plus fort sur la composi-,
tion des Thêmes , et peut- être que pour lors vous
lui auriés pardonné de sçavoir tant d'autres cho
ses que vous convenez ignorer vous - même . C'est
donc la faute des parens , qui sans choix , et in .
differens sur l'éducation , sacrifient leurs Enfans
Tipographes entre les mains des Maîtres de la
Méthode vulgaire , que vous admettez toujours
pour premier principe contre nous qui n'en convenons
pas.
Je m'aperçois que ma Lettre devient longue ,
c'est pourquoi , Monsieur , je finis par vous dire
que la superiorité de notre Méthode consiste encore
en ce qu'il n'y a point d'Enfant si inepte, à
qui nous ne puissions aprendre avec le temps une
infinité de bonnes choses , et sur tout à qui nous
ne donnions du goût pour l'étude , au lieu que
les trois quarts des Enfans montrés à l'ordinaire
n'aprennent presque rien qui soit de quelque utilité
et n'aprennent qu'avec un affreux dégoût.
qu'ils conservent toute leur vie pour les Livres et
même pour les gens de Lettres .
Au , reste ce que je dis ici de l'avancement des
Enfans Tipographes , ne doit guere s'entendre
que de ceux qui commencent de bonne heure et
qui continuent au moins jusqu'à ce qu'ils sçachent
écrire; car après tout nous ne donnous
point la science par infusion , ce n'est que par
des opérations fréquentes et long- temps réiterées
; ainsi nous ne nous flatons point de faire.
des
2160 MERCURE DEFRANCE
des miracles , si ce n'est peut- être qu'en mettant
sur nous le poids du fardeau pour soulager les
Enfans que les Maîtres de la Méthode vulgaire
accablent ; qu'en prenant bien de la peine , et en
faisaint le métier en conscience et en honneur
n'agissant qu'avec beaucoup de circonspection ,
de patience et d'assiduité , nous venons à bout
d'amuser utilement des Enfans qui par leur legereté
naturelle et par la fatalité de mille circonstances
nuisibles et fàcheuses , dans lesquelles
ils se trouvent d'ordinaire au milieu des Domestiques
, n'ont toujours que trop d'éloignement
les exercices de la Litterature .
pour
1 J'espere , Monsieur , que ces raisonnemens
joints aux experiences que vous avez vûës et que
Vous pouvez aller voir chés M. Hebert , Introducteur
des Ambassadeurs , et chés M. Chompré
le cader , que ces experiences dissiperont vos
craintes et vous convertiront tout à- fait à laTipographis
Cependant si vous êtes de ces gens
qui se défient de leurs propres lumieres et qui
ne se déterminent que sur la multitude des
exemples et sur des autorités respectables , nous
avons encore sur cela de quoi vous satisfaire . Ce
sera pour une autre Lettre . Je suis en atten◄
dant , & c.
LE
E Poëme sur la Fayence , que nous
avons donné dans le Mercure de
Juillet dernier , a amusé agreablement ,
comme on nous le marque de plusieurs
Endroits . Il a fait plus , il a merité d'être.
traduit en Vers Latins par un Poëte du
premier
OCTOBRE. 1735. 216
premier ordre. Les connoisseurs et les
amateurs du Beau seront bien- aises de
trouver ici cette Traduction.
VASA FAVENTINA
VA
CARMEN.
Asa, faventinis orta olim in moenibus, aude
Musa , per ora virum læto diffundere versu ;
Mirum opus ! Italiæ pertæsum transiit Alpes
Attonitas , et se Nivernis contulit oris ,
Unde suas longe trans æquora vulgat honores
Divitiis gaudens atque auri cæcus amore ,
Carpebat Plutus dictis mordacibus Artes
Palladias ; alieni , inquit , non indiget aurum
Argentumve operis ; per se satis ipsa renident ,
Nec decoris quidquam labor aut industria possit
Adjicere ; at Pallas generoso concita fastu
Materiem serva ditem tibi ; non ego vilem
Desperem Argillam splendescere posse , peritis
Dum modo tractetur manibus ; quidve aurea
tantum
>
Dona juvant homines ? auri non indiget usus
Dixerat , et geminas coalescere cogit in unam
Solerter glebas ; totam in (4) proplasmate molem
Deinde locat , manibus que premit circum omnia
dextris
(a) Le Tour.
Dum
2162 MERCURE DE FRANCE
Dum famulante pede interea se machina torqueę
Continuo , et certos peragit versatilis orbes ,
Fervet opus ; docilis manibus parere magistris ,
Perficitur moles , habitusque exercita jussos
Induit ; ast ( oculos num ludit amabilis error ? }
Mille sibi rapido succedunt ordine vasa
Attonitam grato aspectu recreantia mentem .
Illa quidem primo fluitant infirma sub ortu ;
Lentus ubi vapor aufugit , consistere discunt ,
Deinde ollis justo sensim venit ignis ab æstu
Durities , crescitque decor ; sed vasa filignas
In species abiisse parum est , ni perlita dulci
Encausto (a ) niteant , ac demum picta , colores
Exhibeant varios ; formosi solis ab ipso
Sidere splendores Encaustum haussisse decoros
Credideris , tanta est formosæ gratia lucis !
Dum Pluti contemnit opes Industria , Pallas
Illud opus peragit ; plumbo, stannoque, perustis
Immiscet bene cauta sales , vilemque ( b ) saburram
.
Tota simul moles violento liquitur igne
Et latere aut saxo fit durior ; ictibus inde
Commolitur crebris , fluidi dum more Metalli
Lentescat , niveosque imitetur tota cremores ;
Singula tum medio merguntur vasa fluento.
Mox variâ solers illudit imagine Pictor ,
Encausto molles pueri , facilesque puella
(a ) L'Email.
(b) Le Sable blanc.
Stant
1
OCTOBRE. 1735. 2163
Stant medio , mixtosque jocis per gramen amores
Insultare solo videas , modo Templa Tonanti
Insurgunt, facilem eliciunt modo ludicra risum
Commenta ; hic variis pinguntur floribus horti ,
Porticibus longis illic augusta patescunt
Atria, priscorum Monumenta antiqua virorum ,
Pictorum ille Pater Raphaël , qui maxima quæj
qúe
Pingeret , et fragili varias in vase figuras
Interdum effinxit , tantosque peritus honores
Indidit , ut fieret limus pretiosior auro.
O legitis qui sacra viri vestigia tanti ,
Pictores , animis ardete recentibus ; artem
Parrhasiam incolite , et totis incumbite curis ;
Fors laudis veniet quoque pars aliquanta futuræ
Sat necdum suus est filignis vasibus omnis
Partus honor ; mediis iterum , Vulcane , caminis
Irrue ; continuos si non caluere per ignes ,
Encausto deerit sua forma , suumque colori
Cyaneo (4 ) decus ; at postquam conçoxit utruma
que
Ignis , et encausto infudit se cyanus ,
ô Dii ?
Ut blandum radiant , ut amicâ luce refulgent !
An memorem quam multiplici vas fictile cultu
Gaudeat ? an tenuis coner describere vates
Encausto ut vario , variâ ut vernigine Pallas
Tingere vas docuit ? num flavum , Musa , colos
rem
(a ) L'Azur.
Concrètum
2264 MERCURE DE FRANCE
Concretum è (a) stibio , quod , quanquam per
fida sæpe
Munera fert domino, Chimicus reclinis adorat
An viridem natum venere , an Mavorte creatum
Patre nigrum , rubeumve canam quem dulcibus
ipsa
Desuper infundens largitur Pallas alumnis ?
Sed quid ego hæc autem ? Mercator mille
labores
.....
Exigit , et nostris gaudens allabitur oris ,
Nivernas ut opes , et nostrum ( nostra reportang
Vasa ) ferat nomen latera usque per ultima
Mundi ;
Quis credat ? magnæ princeps Lutetia Gentis ,
Londinumque , jugi impatiens , afferre tributum
Niverno properant, et vectigalia sólvunt ;
Pastorumque Case , Regumque Palatia nos
tris
Muneribus decorata nitent ; his utitur ultro
Nobilis et dives , sapiensque , virentibus hortis ,
Seu nitidum placeat , mensis- ve dedisse lepo
rem ,
"
Et dites patinas et vasa argentea novit
Vincere Niverni simplex et munda supeller.
Invidus obliquo felices Palladis ausus
Lumine dum cernit Plutus , si plurima , dixit ,
Est operi , at saltem fragilisque et fluxa venus
tas.
Tum Pallas , facilem , fateor , mea vasa ruinam
(a) L'Antimoine.
Perpetiuntur
OCTOBRE . 1735. 2169
Perpetiuntur , ait , sed multo venditur auro
Cristallus , quanquam fragilis
blandis
cum lumina
Encaustum recreat radiis , pretiosius inde
Crediderim , quò sit diffringi promptius ; ipsa,
Artis opus tantæ ; vilescant ( a) sinica vasa
Si fiant solida , incassum tua , Plute , per auras
Probra volant, quanquam solido nec vasa tenore
Nostra carent ; non sic auro sua forma , decusve
Hæret ut Argillæ ; æternos Argilla colores
Concipit , et quamvis rupesque , metallaque
Tempus
Deterat, Encaustum et cyanum haud corrumpere
possit :
Sic olim ætheream finxit nova vasa per artem .
Sic ulta est Pallas contemptæ opprobria fama,
Mortales lucro coelestem apponitis iram ;
Diva suos peperit vobis irata labores
(a) La Porcelaine.
T. D. B. J.
LETTRE
2166 MERCURE DE FRANCE
患
LETTRE de M. Maillart , Avocat ,
à M. D. L. R. sur le Grand Voyage
de Jerusalem , & c. imprimé en 1517.
E vous communique , Monsieur , mes
Reflexions sur un Livre imprimé à
Paris en 1517.que j'ai acquis depuis peu.
Il commence par ces mots : Le Grant
Voyage de Jherusalem.
Au feuillet 3. commence le Prologue
de la maniere suivante.
› » A très haulte , très chrétienne , et
» très redoubtée Princesse , la ROYNE de
France , MARGUERITE , ma très souve-
» raine Dame , en notre Seigneur JHESUS:
» humble salut , et grace parfaite . NICOLE
" HUEN , humble Professeur en sainte
Theologie , Religieux à la Mere de Dieu,
>> Notre-Dame des Carmes du Couvent
» du Ponte- Audemer , et de la feu Roine
>> CHARLOTE , que Dieu absolve , Con-
>> fesseur , et devot Chapelain , et le vo
» tre perpetuel subject , et Orateur.
Au folio 3. verso , on lit ce qui suit.
>> Vray est , ma très honnorée , et sou-
» veraine Princesse , que j'ai ung petit
» Euvre composé du PELERINAGE très
sainct
OCTOBRE . 1735. 2167
» sainct , et le plus méritoire de notre foy
Catholique qui est de Jherusalem : le-
» quel , par la misericorde de nostre doulx
» ĴHESUS , ceste année passée ay accomply.
Au folio 4. cet Auteur finit en ces termes
:
» Par telle ordre que vous puissés regner
très longuement , et avoir géniture
» du Noble Roy le plus des fleurs de lis ,
» tout vertueux , et Recteur glorieux.
Reflexions sur ces Extraits.
1. MARGUERITE.C'estMarguerite d'Autriche
, née le 10. Janvier 1479. stile ancien
, du Mariage de Maximilien I. Duc
d'Autriche , puis Empereur , et de Marie
, heritiere de Bourgogne .
2. Après la mort de la Duchesse Mavie
, arrivée à Bruges en Flandres , le 27 .
Mars 1481 avant Pâques , les Flamans
envoyerent proposer au Roy Louis XI.
le Mariage de leur Princesse Marguerite,
avec le Dauphin Charles né le 30.
Juin 1475.
›
3. Ce Mariage fut arrêté par le Traité
de Paix fait à Arras , nommée alors
FRANCHISE , le 23. Decembre 1482.
4. En vertu de cette Paix , la Princesse
Marguerite fut élevée au Château d'Amboise.
C S.
2168 MERCURE DE FRANCE
·
5. Par le décès du Roy Louis XI . arrivé
au Château du Plessis lez Tours , le 30.
Aoust 1483. le Dauphin devint le Roy
Charles VIII.
Voila pourquoi , en 1488. l'Auteur du
Voyage de Jerusalem , nomme Reine , la
Princesse Marguerite.
6. Mais cette destination n'eut pas lieu ,
·puisque le 16. Decembre 1491. le Roy
Charles VIII, épousa à Langez en Touraine
, Anne , Heritiere de Bretagne.
7. La Princesse Marguerite d'Autriche
ne fut remise aux Deputés de son Pere
Maximilien I. et de son Frere l'Archiduc
Philipe , qu'en execution de la Paix
faite à Senlis le 23. May , 1493 .
8. La Princesse Marguerite fut promise
à Don JUAN d'Arragon , qui deceda le 4.
Octobre 1427.
voyage 9. Comme elle faisoit par Mer le
de Flandres en Espagne , une tempête
survint qui donna lieu de lui attribuer ce
distique.
CY GIST MARGOL , Noble Damoiselle
Deuxfois mariée , et morte Pucelle.
To. Neanmoins , le 27. Octobre 1501.
cette Princesse Marguerite d'Autriche
épousa Philibert II. Duc de Savoye , decedé
le 10. Septembre 1504.
11
OCTOBRE. 1735. 2169
11. Cette Princesse étant devenuë
veuve , prit possession du gouvernement
des Pays Bas te 18. May 1507. et elle
deceda à Malines le 1. Decembre 1530.
12. C'est la même Princesse qui conclut
leTraité entre la France et l'Espagne,
à Cambray le 5. Août 1529 .
13. Ce fut cette Princesse Marguerite ,
qui fit bâtir la belle Eglise de Notre-
Dame de Brou , auprès de la Ville de
Bourg en Bresse , laquelle fait l'admiration
des voyageurs .
14. Charlotte de Savoye étoit la seconde
femme du Roy Louis XI . et elle deceda à
Amboise le 1. Decembre 1483. c'étoit la
Mere du Roy Charles VIII.
15. Au folio 7. l'Auteur dit , qu'il a
fait le Voyage de la Terre Sainte , avec
Monseigneur l'Evêque de Cambray.
C'étoit alorsHenry de Berghes , qui prit
possession de cet Evêché en 1482 , et
mourut le 7. Octobre 1502.
16. Si l'Auteur du Grand Voyage de Ferusalem
eût caracterisé davantage les personnes
qu'il a énoncées dans son Prologue
, e ne me serois pas donné la peine
de les faire connoître au Public . De -là ,
je conclus que ceux qui écrivent ne devioient
pas avoir pour objet , le seul tems ,
où ils communiquent leurs Ouvrages au
Cij Public
2170 MERCURE DE FRANCE
Public , mais instruire les temps
futurs ,
dés évenemens qu'ils ont jugé dignes de
remarques .
Je suis Monsieur , & c.
A Paris le 17. Juin 1735 .
0.0.0.0.
LE PANIER ,
EG LOGUE.
POurgagner les faveurs d'une jeune Mai- tresse
Un Amant excité par sa folle tendresse ,
Presente à pleines mains l'argent et les rubis ;
Une Fille souvent met ses charmes à prix ;
Detestables presens , enfans de l'avarice
Et de la volupté sa fidel'e complice !
L'Amour n'exige point ces malheureux tributs ,
Il demande le coeur et ne veut rien de plus.
J'aime , disoit Tirsis , la charmante Lisette ,
Du present de mon coeur je la crois satisfaite ;
Que voudroit-elle encor ? mes troupeaux et mon
chien ?
Quand on donne son coeur , on ne reserve rien ;
Si je fais des presens , c'est pour suivre l'usage ,
Non,pour la meriter , mais pour lui rendre hommage
;
Je
OCTOBRE . 1735. 2271
Je lui donne des Vers , je presente un bouquer
Formé de violette ou de simple muguet ;
Je lui donne un oiseau que j'enleve à sa mere ,
Et que j'instruis exprès pour plaire à ma bergere;
Je lui donne des fruits , fruits cueillis de ma
main ,
Fruits où paroît encor la fraischeur du matin ;
Je presente aujourd'hui ce . Panier à Lisette ,
Si l'on regarde l'art cette Piece est parfaite ;
Mæris sur ce Panier plaça tout son sçavoir ,
Aminte de sa main croyoit le recevoir ,
Et même pour avoir du don la preference
Aminte lui promît un baiser par avance ;
Je ne lui promis rien ; sans espoir de retour j
Il me fit ce present et je l'ofre à mon tour.
Et de jonc et d'écorce un subtil assemblage
Fit ce Panier , la fleur des Paniers de notre âge ,
Sur ce galant Panier Mæris ingénieux
A tracé mille objets pour amuser les yeux ;
Ily peignit d'abord une jeune Bergere ,
Deux Bergers sont près d'elle assis sur la
fougere ,
Elle prête l'oreille à ces deux concurrens ,
Et reçoit de tous deux l'hommage en mêmetemps
,
Paye l'un d'un souris , et l'autre d'une oeillade
Cupidon cependant se tient en embuscade ,
Ce Dieu rit en secret de la credulité
De deux Amans que trompe une jeune beauté.
Ciij Sous
2172 MERCURE DE FRANCE
Sous ces ormes l'on voit une danse legere ;
Là, plus d'un Berger tient la main de sa Bergere ,
Et la danse et le chant croissent encor les feux ;
L'Amour dans cette fête entre - mêle ses jeux ;
On n'y rencontre point l'importune tristesse ;
On voit dans tous les yeux la joye et la tendresse
,
Les veux sont satisfaits ; ces voeux sont inno
cens ;
La pudeur ne craint rien dans ces doux passetemps.
Voyés ce Peuplier qui couvre une fontaine ;
J'aperçois tout auprès le malheureux Philene ,
Il pleure , mais ses pleurs ne lui servent de rien,
Amarillis en rit et caresse son chien.
Regardez ce Berger qui s'occupe à la chasse ;
Il suit avec ardeur un Lievre à la trace ;
Sa Cloris cependant par lui placée exprès
Dans le coin d'un buisson veille sur ses filets.
Dois -je expliquer ici la cinquiéme figure è
D. mon voisin Hilas elle peint l'avanture ,
Il surprend Philomele avec un autre amant ,
Vous voyez sa douleur et son étonnement ,
Hilas de son épicu veut percer Philomele ,
L'Amour retient son bras et sauve l'infidelle ;
Un Berger tout auprès joue à colin maillard ,
Conduit par son amour plutôt que par hazard
I saisit sa Bergere , elle fait la surprise ,
Elle auroit du regret qu'une autre eut été prise.
Mæris
OCTOBRE. 1735. 2173
Meris sur ce Panier peignit bien d'autres jeux ;
Les dépits insensés d'un amant malheureux ,
Le doux sort d'un Berger qui commence de
plaire ,
Les dégouts d'un amour qui n'a rien de contraire
;
Mais sur ce point , Mæris , je veux te corriger ,
Mæris , tu juges mal de l'amour d'un Berger ;
Crois- tu que les faveurs le rendent infidelle ?
Une fille qui m'aime en est- elle moins belle ?
Vois-tu le laboureur abandonner ses champs ,
Quand la blonde Çerés le comble de presens ?
Nous vois- tu des jardins degoûtés , quand Pomone
.
Enrichit dé son fruit celui qui les ordonne ?
Le dégout ne suit point les fidelles amours ,
Mæris , quand on nous aime il faut aimer toujours.
Pierre de Frasnay.
C ilij
LET
2174 MERCURE DE FRANCE
*****: *** : *******
, LETTRE à M. l'Abbé *** ¸ Auteur
de la Traduction Françoise des Cantiques
Armeniens , &c . inserée dans l'Article
LXXXIII. du Journal de Trévoux ,
mois d'Août 1735 .
J'Aisent
' Ai senti du premier abord, Monsieur,
que les Lettres
sacrées et profanes retireront incessamment
de la découverte de l'Arménic
Litteraire , dès que la Providence aura
bien voulu vous mettre en état de continuer
la pénible carriere que vous ouvrez
aujourd'hui ; et je suis persuadé que
les avantages seroient encore plus grands
si nous connoissions bien le Japon Litteraire
, les Terres inconnuës Litteraires,
et s'il est permis de le dire , toutes les
Planetes Litteraires . J'ai été agréablement
surpris de ce qu'une Nation que nous
avons regardée jusqu'ici comme un Peuple
barbare , a produit depuis le cinq
jusqu'au quinziéme siecle plus de gens
de Lettres à proportion que l'Europe
entiere n'en a fourni pendant cet espace
de temps. Notre surprise seroit bien plus
grande en aprenant que les Habitans de
la Lune commencent peut- être les études
OCTOBRE. 1735. 2175
des
par où nous les finissons ; on ne sçauroit
se former de trop grandes idées de
la moindre partie de l'Univers.
J'ai vu des Rois et des Princes de cette
sçavante Nation de l'Armenie , non - seulement
aimer et proteger les Lettres ,
mais les cultiver eux mêmes et ne dédaigner
ni la Théologie , ni la Poësie , ni la
Grammaire. J'ai été charmé d'apercevoir
en Arménie desThéologiens,desCommen
tateurs de l'Ecriture , des Controversistes
, des Philosophes, des Astronomes , des
Historiens, des Grammairiens, des Fabulistes
, des Sçavans versés dans la connoissance
des Langues Hebraïque , Caldaïque
, Siriaque , Arabe , Persanne , Ibérienne
, Albaniene , Grecque , Latine, & c.
Peut être que dans d'autres Planetes les
sciences sont diferentes des nôtres ,je veux
dire que leur Philosophie naturelle roule
sur des objets diférens des nôtres.
Par le mot de Poësie , comme vous
Monsieur , je ne crois pas que l'on doive
entendre ici ce langage qui tire une partie
de son merite d'une certaine mesure re
glée par la quantité , comme chés les Grecs
et chés les Latins , où cette sorte de vers
dont les graces consistent en partie dans
la rime , comme parmi les Barbares , les
Paysans et les Enfans.On doit donc pren-
ORTA
Cv dre
2178 MERCURE DE FRANCE
de
degrés de la voye insensible. Nos Poëtes
François dans le besoin n'augmentent - ils
pas les sillabes d'un mot comme lorsqu'ils
écrivent encore • avecque &c.
pour encor , avec , & c ? Cette espece
nombre et d'harmonie se forme , dites
vous , par le secours de la voyelle auxiliaire
i , qu'il a soin de placer en diferens
endroits pour donner du corps aux mots
et pour en rendre la prononciation plus
agreable. Or pour faire bien entendre en
quoi consiste cette sorte de nombre,vous
nous aprenés que dans les mots Arméniens
une grande partie des consonnes est
très- souvent destituée de voyelles ( que
l'on suplée pour la plupart quand on veut
les prononcer ) mais qui ne sont point
exprimées sur le papier quand on écrit en
Prose.
Pour faire comprendre cela , vous donez
l'exemple suivant dans le mot Hndstann
qui signifie le Païs de l'Inde , il ne
se trouve , comme on le voit , que la seule
voyelle a parmi sept consonnes. Le Poëte
peut d'abord laisser ce mot tel qu'il est ,
et ne le compter tout entier que pour
une seule sillabe , mais à l'aide d'un i auxiliaire
, il est le maître d'en faire un mot
de deux sillabes Hindstann ou de trois
Hindistann , ou enfin de quatre Hindistanine
,
OCTO BRE. 1735 2179
tanine , &c. Delà vient aux Poëtes d'Ar
menie la facilité de faire des Vers qui
prétent , qui s'alongent , ou se racourcissent
selon le besoin , avantage qui
donne avec poids et mesure la prononciation
douce , tendre et nombreuse , en
ajoutant une des plus delicates et des
plus riantes de toutes les voyelles qui est
au lieu que , s'ils veulent peindre des
objets tristes , éfrayans et terribles , ils
laissent leurs mots dans la rudesse et l'â
preté qui leur est naturelle. Cet avantage
me paroît considerable , et c'est peutêtre
de- là qu'est sorti l'ingénieux et fécond
Barbara celarent , Datisi , &c. et le
sistême des Vers redondans .
Un autre avantage que ces Poëtes trouverent
dans cette augmentation de sillabes
, fut de donner aux Musiciens une
plus grande facilité de placer les notes
nécessaires à la mesure , au mouvement ,
et au caractere de leurs compositions & c.
effectivement sans ce secret les Musiciens
étoient bien embarassés , car il semble
que la Musique ne roule que sur les
voyelles ; or comment marquer les notes
s'il n'y a point de voyelles dans une sillabe
et dans un mot , comme dans le mot ST ,
ou sur la lettre M. du mot Hyperm nestre
? on mettra la note sur la consonne
cela
2180 MERCURE DE FRANCE
cela se peut en écrivant sur une ligne horisontale
comme nous ou comme les
Hebreux ; mais si de temps en temps on
écrit en zigzac et en tout sens comme en
bien des langues , le Musicien doit être
aux expediens ; c'est aux Orientaux à
nous l'aprendre.
Croyez-vous , Monsieur , qu'on puisse
parler aucune langue du monde sans le
melange des sillabes longues ou breves ?
et sans le melange des sons graves ou ai
gus ? en un mot sans accens ? Ne peuton
pas déplaire à l'oreille par une pro-
?
>
nonciation douce et fade sur le même
ton, sur la même voyelle , autant er plus
que par une prononciation mâle , forte
mais variée ? quoiqu'une langue n'exprime
pas les voyelles sur le papier , en sontelles
plus muertes dans la prononciation ?
Qu'on prononce les voyelles aprises par
tradition ou autrement en sont elles
moins voyelles et ame du discours ?Peuton
prononcer les consonnes Armeniennes
sans le secours des voyelles sous entendues
et quelle regle a- t'on pour le
choix des voyelles non exprimées sur le
papier ? Dans votre mot Hndstadnn , par
exemple , peut on aspirer la lettre ↳ sans
voyelle peut- on distinguer sans voyelle
si le n est nasal ou consonne ? peut on
?
sans
OCTH BRE. 1735. 2181
sans voyelles faire entendre les lettres
d , s , t & n ? Pour lire ce mot à la françoise
et selon la Methode du Bureau Tipographique
, ne faudroit - il pas dire le
plus rapidement qu'il seroit possible ,
Hendesianne , ou Henedecetanne ? or pour
lors il seroit vrai de dire qu'on articule
cinq ou six sillabes phisiques et réellement
distinctes : comment concevoir
donc qu'un Armenien peut n'en faire
qu'une sillabe ? il semble y en avoir au
moins deux gramaticales puisque c'est
un mot composé de deux autres mots ,
sçavoir du mot Hnd et du mot Stann.
Comment pouvoir exprimer , prononcer
et chanter deux mots en une seule
sillabe on poura voir des mots plus rudes
à prononcer dans l'alphabet Latin et
dans l'alphabet François du Sistême Tipographique
, leçons 46. 47. 103. 104 .
107.
,
A propos d'alphabet Arménien je vous
suplie , Monsieur , de vouloir bien nous
dire dans la suite , d'où vient que pour
en donner la dénomination , on prodigue
à la plupart des lettres plusieurs
voyelles et plusieurs consonnes , pendant
que l'on est si retenu dans la pratique
des voyelles pour le discours écrit ?
Pourquoi, par exemple ,ajouter la sillabe
ib
2182 MERCURE DE FRANCE
ib à la denomination de l'A , en à la´ denomination
du B ; im à la denomination
du gh ? ioun pour le son du L ; ioun pour
le son du Hiour pour le son du pb , &c.
on doit dire la même chose des Alphabets
Hebreux , Arabes , Grecs , &c.pourquoi
depuis tant de siecles montrer si pen
de jugement sur les premiers élemens des
lettres l'Auteur de la Bibliotheque des
Enfans a déja répondu à ces sortes de
questions , et voici la reponse du R. P.
Castel sur les nouveautés. » Les principes
qui ont enfanté une decouverte ,
devroient sufire pour la démontrer ;
» mais une decouverte est une nouveau-
» té , elle se revele peu à peu à un Au-
» teur , au lieu qu'elle aparoît brusque-
» ment au Public ; elle a beau être mu
"
nie de tous ses passeports , certificats
» et attestations de verité , de certitude ,
» d'evidence même , c'est sa vraisemblance
, c'est sa possibilité qu'on commence
» par lui contester. Il lui faut donc rai-
»son et demi , et demonstration
sur de
monstration , pour passer. J'ai l'honneur
d'être , &c.
"
ESSA1
OCTOBR E. 1735 2183
ssssssssssssssssss
ESSAI sur les Bucoliques de Virgile.
Sujet de la seconde Eglague.
LE Poëte doit être sage ;
Pour ses Vers il importe peu ;
Ils n'auroient ni grace ni feu ,
Sans cet air de libertinage.
C'est par cette maxime , à la verité
fort relâchée , que Pline le jeune cherche
à se justifier d'avoir composé quelques
bagatelles sur des sujets un peu
trop libres ; et comme si les fautes
de ceux qui nous ont précedés , pouyoient
excuser celles que nous commettons
, il prie son ami de se ressouvenir
qu'avant lui les Grands Hommes et les
plus austeres, s'étoient quelquefois livrés
à de pareils amusemens et qu'ils n'avoient
pas toujours choisi leurs sujets au gré
d'une Lucrece . Pline lui - même n'étoit
pas moins recommandable par la pureté
de ses moeurs , que par la beauté de son
génie ; et pour avoir égayé son loisir par
des Vers tendres , il ne doit pas passer
pour un homme épris d'une passion dé
testable.
*
A Dieu
2184 MERCURE DE FRANCE
A Dieu ne plaise que nous jugions
Virgile plus coupable que lui . Nous regarderons
cette Eglogue, comme un libertinage
d'esprit . L'esprit Poëtique est
souvent libertin , mais un peu de folie
se pardonne aux Poëtes . Cet Ouvrage
est un des premiers que Virgile ait composés
dans le génie pastoral ; ce qui pou
roit le faire présumer , c'est que dans la
cinquième Eglogue , v. 85. où sous le
nom de Ménalque , il fait hommage de
sa Flute au Berger Mopsus , qui est Auguste
lui - même , il lui dit en la lui pré-
Daignez accepter cette Flute ;
elle m'aprit autrefois à chanter ; le Berger
Coridon aima passionnément le bel Alexis.
Virgile paroît avoir eu dessein en la composant
d'imiter Théocrite , et l'on peut
dire qu'il n'est point inferieus à son mo
dele .
sentant . ..
Il le suivit dans sa carriere ,
Et son Emule il se rendit
Sans se rendre son plagiaire.
Il regne par tout dans cette Pastorale
une délicatesse de sentimens charmans
et une beauté d'expression admirable.
Heureux si le choix de son sujet ne se
sentoit un peu trop de la corruption de
son siecle !
TRAOCTOBR
E. 1735. 2185
TRADUCTION.
Formosum Pastor.
Le Berger Coridon aimoit passionnément
le bel Alexis ; celui cy sentoit la
même ardeur pour Jolas. Ainsi l'infortuné
Coridon aimoit sans esperance . Son
seul soulagement étoit de venir souvent
à l'ombre de ces Hêtres'; là il aprenoit
aux Echos des Montagnes et des Forêts
le trouble de son ame , et il exhaloit sa
douleur en des plaintes inutiles .
O crudelis Alexi.
Cruel Alexis , disoit- il , vous n'êtes
point touché de mes tristes regrets , vous
êtes insensible à ma peine , votre cruauté
va me donner la mort. A cette heure
les Troupeaux sont à l'ombre et goûtent
le frais , les Lézards même se cachent dans
des buissons. Les Moissonneurs ne pouvant
plus résister à une chaleur si excessive
, prennent chés eux du repos , tandis
que Thestile aprête le dîné , et qu'elle
pile de l'ail et du serpolet pour leur en
faire un ragoût . Cependant pour vous
trouver , je ne crains point de m'exposer
aux ardeurs d'un Soleil brulant , je
cherche tout les traces de vos pas , et.
par
le silence des Bois n'est interrompu que
par le chant des Cigales et par mes gémissemens
2188 MERCURE DE FRANCE
•
vous des Violettes et des Pavots , elle
y joint le Narcisse et l'Anethe , dont
l'odeur est si douce ; les couleurs de ses
Bouquets sont agréablement diversifiées;
elle releve les Hyacinthes par le Souci ,
elle y entremêle du Romarin et des fleurs
d'un parfum agréable. Je vous servirai
aussi mon présent , ce seront des Coins
fraîchement cueillis , des Chataignes ,
fruit exquis au goût de mon Amaryllis ;
j'y joindrai des Prunes d'un jaune doré ;
pour donner plus de grace à ces fruits,
je les entrelasserai de branches de Laurier
et de Myrte , qui ne le cede en rien
au Laurier , et dont le mêlange répandra
une agréable odeur .
Rusticus es , Coridon.
Voeux impuissans ! infortuné Coridon ,
tu n'es qu'un Berger qu'on méprise
les présents ne touchent point Alexis ,
et quand tu ferois des efforts pour le
gagner , par - là Jolas l'emporteroit toujours
sur toi .Hélas ! Qu'ai je prétendu par
mes empressemens ? Le vent du Midi a
desseché mes fleurs , les Sangliers ont
troublé la clarté de mes Fontaines ; en
un mot j'ai tout gâté . Que faites vous ,
cher Alexis ? Quelle est votre folie de
m'éviter ? Les Dieux même ont habité les
Forêts ; Pâris , le beau Pâris a été Berger.
Que
OCTOBRE. 1735. 2189
Que Pallas se plaise dans les Villes , qu'elle
a élevées ; pour nous , préferons le séjour
des Forêts à tout autre séjour . Comme
on voit la Lionne après le Loup ,
le Loup poursuivre la Chevre , la Chevre
chercher le Citise ; avec la même are
deur je ne cherche , je ne veux que vous,
ainsi chacun cede au penchant qui l'entraîne
; vous le voyez , déja les Boufs fatigués
ramenent leur Charuë , le Soleil
se retire et fait croître les ombres de
moitié ; le Laboureur va goûter du repos
le Soleil va se reposer ; et moi je
me consume toujours en de vains désirs ,
je ne trouve point de relâche à ma peine
; hélas ! y en a t'il du repos pour un
Amant malheureux ?
}
Ah! Coridon , Coridon !
Ah ! Coridon , Coridon , quelle est ta
folie à quoi penses tu ?Les Ormeaux ne
sont point émondés , les Vignes ne sont
qu'à moitié taillées , et que ne m'occupai-
je plutôt à faire quelques ouvrages
de jonc ou d'ozier , dont chaque jour
j'ai besoin. Console toi , si Alexis te mé
prise , tu en trouveras un autre.
L. M. D. C
A Paris le 6. Septembre 1735.
La suite pour un autre Mercure.
2190 MERCURE DE FRANCE
L'Enigme de Septembre a été faite sur
la Quinte de Valet au jeu du Piquet , contre
une Quatrième de Roy . Les trois
Logogryphes doivent s'expliquer par
Méthode , Ramage , Pieton. On trouve
au premier Mode , Ode , Théme , Moi et
Thé. Au deuxième , Rage , Mer , Mage,
Ame , Agar, Rame , Amer , Marge ; et
au troisiéme , Pie , Ton , Pot.
P
ENIGM E.
Our tirer de moi du service ,
Il faut m'apliquer au suplice ;
On me brule la tête , et ce tourment nouveau
Me fait aussi tôt fondre en larmes ,
Il m'oblige à porter les Armes
Au gré de mon propre Boureau.
LOGO GR Y P HE.
D
Ans mon plein je suis fruit , par lambeaux
une Ville ;
Une Riviere , un lieu de rafraichissement.
Tel passera pour malhabile ,
1 : %
Qui
OCTOBRE. 1735. 2191
Qui de moi sur le champ ne fera dénouement.
Un nombre d'autres mots se donnent à la vûë
Qu'on doit voir clairement, si l'on n'a la berluë,
Une seconde Ville ; un Saint ; un Air cuisant ;
Une Province froide ; un Arbre haut et grand ;
Un terme de mépris , un autre d'arrogance ;
Un homme noir ; le nom de la Reine des Cieuxi
Une troisiéme Ville en France ;
Un nom Latin qui signifie deux ;
Une Vertu Théologale ;
Des filoux la grande moisson ;
Trois Lettres qu'un Puissant étale ;
Ce qu'Argenteuil conserve avec dévotion ,
Un agréable fruit ; un mot d'Architecture ,
De moi , Lecteur , te donnent l'ouverture.
AUTR E.
E sçavoir qui je suis , il est presque impossible
; DE
Cher Lecteur , ma figure est toujours invisible.'
1. 2. 3. 4. ainsi je suis Etre sans corps ,
Entre ceux qui jamais n'iront aux sombres bords;
Je suis d'un Souverain le Ministre fidelle;
Je conserve son oeuvre et l'ai sous ma tutelle.
2. 1 3. 4. alors j'ai l'Empire des Eaux ;
Je suis un naturel à tous les animaux ;
Tous se jettent sur moi , ce n'est que par adresse;
Si pour me posseder l'homme vainc sa foiblesse
D I'
2192 M ER CURE DE FRANCE
1. 2. 8 l'heureux tems des souhaits empressés ! -
Mais à peine ête vous que vous disparoissés .
1. 2. 4. je crains d'avoir ta ressemblance ;
Toujours honni , bartu , modele d'ignorance ,
Voilà comme on te traite , état triste et fâcheux;
On accable , dit - on , toujours le malheureux.
34. 1. 2. on peut croire que j'ai la forme
De ces Monstres anciens et de grandeur énorme,
I. 3. 4. je cours si vîte que le vent ;
Aussi tôt que je nais, je cherche le néant ;
Je vole avec plaisir pour la belle Jeunesse ;
D'un pas précipité j'emporte la vieillesse ;
Dans une affliction je suis trop ennuyeux ,
Je m'écoule trop tôt pour tout esprit joyeuz
2. 4. en bon Latin je sers de particule ;
Mais si l'on ajoûtoit espece de virgule ,
Je suis ce qui jadis n'avoit pas existé ;
Je vois enfin le jour pour un temps limité,
3. 1. 2. je me prête et remplis la mesure ,
Lorsque je suis gonflé , l'on connoît ma figure
Tel a voulu m'avoir qui n'est pas le premier,
Lecteur , pour deviner ne sois pas le dernier,
NOU
OCTOBRE 1735 2193
*****XX :XX :XXXX **
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , &c.
MPOSTURES INNOCENTES , Ou
IRecueil d'Estampes d'après divers
Peintres illustres , tels que Raphaël , le
Guide , Carlo Maratti , le Poussin , Rembrandt
, &c. gravées à leur imitation
et selon le goût particulier de chacun
d'eux , et accompagnées d'un Discours
sur les Préjugés de certains Curieux
touchant la Gravûre ; par Bernard
Picart , Dessinateur et Graveur ; avec son
Eloge Historique , et le Catalogue de ses
Ouvrages. A Amsterdam , chés la veuve
de Bernard Picart , sur le Cingel , à l'Etoile
, 1734. in folio.
Ce Titre est suivi d'un Avertissement
de deux pages , dans lequel Madame la
veuve Picart s'exprime ainsi .
,
Les Estampes qui font la principale
partie de ce Volume ont été gravées
en divers temps par B. Picart , il rend
raison de ce qui l'a engagé à cet Ouvrage
dans le petit Dscours qui les précede
, il comptoit de le mettre au jour
Dij dans
2194 MERCURE DE FRANCE
dans le temps qu'il a plu à Dieu de disposer
de sa personne. On aprend par
une Note au bas de la page , qu'il y en a
quelques unes où il n'avoit point encore
mis la derniere main , par exemple , la Bacchanale
d'aprèsRaphaël , N ° .2.qui est son
dernier Ouvrage ; mais , par le conseil
de bons Connoisseurs , on a mieux aimé
les laisser ainsi , que de risquer d'en voir
ôter tout l'esprit , très - peu de personnes
étant au fait de cette Gravûre Pittoresque.
On a trouvé à propos d'y ajouter
son Eloge Historique , aussi - bien que
le Catalogue de ses Ouvrages .
La Vie des Hommes qui se sont rendus
celebres dans les Arts et dans les
Sciences, interesse toujours agréablement
la curiosité des habiles gens , en l'un ou
Pautre de ces genres ; et plus la Classe
dans laquelle ils se sont distingués est
petite et peu nombreuse , plus on est ravi
de la pouvoir augmenter de quelque
Sujet illustre. Qu'il me soit permis de
dire que c'est le cas particulier de celui
dont il s'agit ici . En effet , un Albert Durer
, un Goltzius , un Calot , un Melan ,'
un Chauveau , un le Clerc , sont les principaux
et peut- être les seuls de sa Classe ;
et j'ai quelque lieu de me flater que les
Amateurs du Dessein et de la Gravûre ,
me
OCTOBR E. 1735. 2155
me sçauront gré de la grossir d'un Su
jet qui n'en est nullement indigne , et
recevront avec plaisir l'Abregé que je leur
donne ici de la Vie et du caractere d'un
des plus celebres Dessinateurs et Graveurs
de notre temps.
Les questions embarassantes qui lui
ont très souvent été faites par les Curieux
d'Estampes , touchant les particu
larités de la Vie de leurs Auteurs , m'ont
particulierement déterminée ( c'est toujours
Mad . Picart qui parle ) à ne me
point attirer le reproche d'avoir laissé
périr celles qui m'étoient connues touchant
celui - ci , d'ailleurs je m'y trouvois
interessée par un endroit trop délicat et
trop sensible , pour me refuser à moimême
une consolation si naturelle et si
bien fondée , et j'espere qu'on voudra
bien user d'indulgence envers une personne
plus sensible à sa perte qu'à la
gloire de bien écrire , et beaucoup moins
dirigée par l'amour propre et la vaine
gloire , que par la tendresse et la reconnoissance.
J'ose même dire que le Public
me doit cette indulgence , puisqu'il
m'a l'obligation de presque la moitié des
belles productions de B. Picart , dans les
vingt dernieres années de sa vie , par les
soins que j'ai pris de le débarasser de
D iij toute
2196 MERCURE DE FRANCE
toute autre occupation que de celle de
son Art.
Pour ne rien oublier de ce qui pou
voit contribuer à la satisfaction du Public
, et pour honorer la memoire de ce
cher défunt , l'ai mis son Portrait à la
tête de son Eloge Historique . Ce Por
trait est très ressemblant . On acheva de
peindre M. Picart, environ un mois avant
qu'il tombât malade , et dans un temps
qu'il se portoit parfaitement bien .
L'Oeuvre , ou le Catalogue des Ouvrages
de l'Auteur , a été rangé selon l'ordre
des années dans lesquelles chacune
de ces Estampes a été faite ; mais pourtant
en cinq Classes differentes , selon
l'ordre que l'Auteur avoit tenu lui- même
dans le Catalogue qu'il en avoit publié
de son vivant , et dont on a crû ne
pas se devoir écarter ; et pour ce qui
regarde les Ouvrages finis avant sa mort
et qu'il n'a pû mettre au jour lui - même ,
à cause de sa longue maladie , on en a
fait un article séparé à la fin du Catalogue.
Madame Picart s'excuse sur de bonnes
raisons de n'avoir pas plutôt donné cet
Ouvrage , que les Curieux attendoient
avec tant d'empressement , et fait de
nouvelles excuses sur le retardement de
ce
OCTOBR E. " 1735. 2197
ée qui reste encore à publier . Nous sonimes
persuadés que , quelque ardeur que
l'on ait pour les Ouvrages du celebre
B. Picart , les Connoisseurs délicats seront
beaucoup plus contens d'attendre
un peu plus et qu'on leur donne ' des
Morceaux terminés avec soin , que si on
leur donnoit dès à- present des Pieces sans
goût , faites avec précipitation et peu
dignes du Crayon et du Burin de leur
premier Auteur.
Suit un Discours sur les préjugés de
certains Curieux touchant la Gravûre.
Dans ce petit Ouvrage , Bernard Picart
répond d'abord au sentiment de plusieurs
Curieux , dont l'opinion est , 1 ° .
qu'on pouvoit distinguer facilement les
Ouvrages gravés par les Peintres mê
mes ou par d'autres Peintres d'après eux.
2°. Qu'un Graveur de profession ne pouvoit
jamais attraper le goût Pittoresque ,
&c. 3 ° . Que les Graveurs modernes ne
pouvoient jamais rendre si bien les Tableaux
des anciens Peintres , que les Graveurs
qui vivoient de leur tems , &c.
Après un mûr examen de ces trois
opinions , il paroît à l'Auteur qu'il y a
en elles plus de prévention que de réalité
. A l'égard du premier sentiment ;
dit- il , j'ai trouvé qu'il y a des Estam-
Diiij pes
2198 MERCURE DE FRANCE
pes gravées par Simon Contarini , d'après
le Guide et d'après Louis Carrache , qui
étoient préferables à beaucoup d'autres
gravées incontestablement par le Guide
même.
Au second sentiment , l'Auteur opose
les Estampes gravées par Gerard Audran ;
elles sont touchées avec tant d'esprit ,
dit-il , que je doute qu'un Peintre y en
eût pû mettre davantage. Pour en être.
convaincu , il n'y a qu'à jetter les yeux
sur les Juges qui sont dans l'Estampe du
Martyre de S. Laurent , d'après le Sueur,
sur le Pyrrhus sauvé , d'après le Poussin
sur l'Enlevement de la Verité , d'après
le même ; sur le Passage de la Mer Rouge
, d'après Verdier , &c. Il est bien vrai ,
dit-il , qu'on pouroit m'objecter qu'il y
a dans les Figures de devant une fermeté
de gravûre que l'on ne trouvera
dans aucune Estampe gravée par des
Peintres ; mais c'est une perfection de
plus , et qui ne détruit pas mon opinion
, qui est , qu'il y a dans ces Estampes-
là autant d'esprit , et même plus ,
que dans plusieurs Estampes gravées par
des Peintres mêmes. Mais comme ces Estampes
sont trop connuës , je me suis
déterminé à en faire quelques -unes qu'ils
ne connoissent point , afin de voir s'ils
pouroient
OCTOBR E. 1735. 2199
pouroient effectivement connoître si el-
Les étoient gravées par un Graveur ou
par un Peintre.
A l'égard du troisiéme Sentiment, continuë
l'Auteur , ceux qui le soutiennent ne
prennent pas garde qu'ils confondent la
maniere de graver qu'ils sont acoutumés
de voir dans ces anciennes Estampes , avec
le goût du Peintre ; desorte que quand ils
voyent une composition de Raphaël,dont
tous les contours sont tracés d'un trait
tout égal et bien noir , et d'une gravûre
bien fine et bien maigre,sans dégradation ,
sans rondeur , telles que sont les Gravûres
de ces temps- là , ils aplaudissent
à cela, comme si c'étoit- là le goût de Raphaël,
ce qui est très - faux. Ceux qui sont
en lieu de le pouvoir faire , n'ont qu'à
confronter les Estampes de Marc- Antoine
, ou autre , contre les Desseins originaux
, comme j'ai eû occasion de le
faire à l'égard de plusieurs , et l'on verra
qu'ils n'ont rien moins qu'imité exactement.
Après avoir raporté des Faits histo
riques , aussi curieux qu'instructifs , au
sujet du celebre Graveur , Henry Goltzius
, qui de son tems voyant tous les
Curieux entêtés et comme enyvrés dus
mérite des Estampes des anciens Ma
DV CLES
2200 MERCURE DE FRANCE
tres , en grava six , dont les Desseins
étoient de son invention , dans le goût
des plus fameux : Deux entr'autres ; sçavoir
, l'Estampe de là Circoncision , dans
la maniere d'Albert Durer , et celle des
trois Rois , dans le goût de Lucas de Leyde.
Les meilleurs Connoisseurs qui eurent
l'habileté et le courage de reconnoître
le Burin de Goltzius , ne furent
point écoutés , et attirerent au celebre
et ruzé Graveur des discours méprisans ,
sur lesquels il avoit osé compter , qui faisoient
parfaitement son Eloge en le mettant
au niveau des plus grands Maîtres .
C'est à peu près dans la même pensée
, poursuit B. Picart , et pour me récréer
, que j'ai fait quelques- unes des Pieces
qui composent ce Recueil ; mais je
ne prétens pas mettre ces petites bagatelles
-là en comparaison avec les Pieces
de Goltzius , qui sont des Morceaux considerables
, tant pour la Gravûre , que
pour la Composition . J'ai choisi quelques
Desseins qui n'avoient pas encore été
gravés , et je les ai gravés sans les communiquer
à personne;j'en ai fait imprimer
quelques Epreuves sur de vieil papier
un peu roux ou sale , qui ont depuis été
produites et dispersées sous main ; et j'ai
cû le plaisir de voir qu'on ne doutoit
nullemenr
OCTOBR E. 1735. 2201
nullement que ce ne fussent des Estampes
gravées et imprimées en Italie.
La premiere de ces Estampes , qu'on
apelle ici Impostures innocentes , est gravée
d'après un Dessein du Poussin , qui
n'est que croqué et comme fait à la plume;
plusieurs personnes l'ont prise pour
un Dessein ; c'est le N° . 44. La seconde
N°. 41. est une petite Vierge ovale , de
Carle Marat , cy- devant gravée , presque
aussi grande que Nature , à Paris , chés
Etienne Picart , Pere de l'Auteur . Ceux
qui ne connoissent pas la grande Estampe
, ont crû celle- ci de quelque Eleve
du Guile , et d'après ce Maître ; et
ceux qui connoissoient la grande , ont pris
la petite pour un Original , gravé par
Carle Marat même , aussi- bien que la
Rebecca , No. 56.
pos-
En parlant des Pieces de ce Recueil ,
je les ai gravées , dit l'Auteur , sans m'arrêter
à imiter la maniere de graver de
qui que ce soit ; mon but a été seulement
de rendre les Desseins et d'en conserver
l'esprit , autant qu'il m'a été
sible. Ainsi je me flate , poursuit- il , que
ce que je donne ici au Public , poura
être d'autant plus agréable , que je ne
scache pas qu'aucune des Pieces de cet
Ouvrage , excepté huit, ait jamais été
gravée. Dvj Pour
2202 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est des Pieces d'après Rembrandi,
a oûte l'Auteur à la fin de ce Discours
il n'y en a que trois où j'ai cherché
à imiter sa gravûre , c'est- à - dire , en
tant qu'elle aproche de la Maniere noire.
Ce sont celles qui sont marquées L. K.
et H. parce qu'il me souvient d'avoir entendu
dire à M. de Piles , qu'il ne croyoit
pas que l'on pût imiter cette Maniere ,
qui ressemble à la Maniere noire , quoiqu'elle
ne la soit pas , puisqu'elle n'est
pas faite avec l'Outil à la Maniere noire ;
et que c'étoit une Maniere toute particuliere
à Rembrandt ; ce qui est vrai , car
sans se servir de cet Outil , il faisoit
pourtant à peu près le même effet.
On trouve dans ce Recueil huit Estam- .
pes gravées d'après Raphaël. 2. d'après
Jules Romain et André del Sarte . 2. d'aprés
le Parmesan. 4. d'après Louis Garrache. 4.
d'après Antoine Carrache. 12. d'après le
Guide.Une d'après le Dominiquain . 2. d'après
Cangiage. Une d'après le Guerchin.
2. d'après Salvator Rose. 3. d'après Pietre
Teste , Cirus Ferus , et Carle Marat. 4.
d'après le Poussin. 3. d'après le Sueur. 3 .
d'après le Brun. Une d'après Bourdon .
2. d'après la Fage. 2. dessinées et gravées
par l'Auteur. Dix Académies d'hommes
et femmes , par le même , et onze Morceaux
d'après Rembrandt, II
OCTOBRE. 1735. 2203
Il nous reste à parler de l'Eloge Historique
de Bernard Picart , c'est ce que
nous ne manquerons pas de faire incessamment
, et sa digne et tendre Epouse
ne sera pas oubliée .
ABREG de la vieille et nouvelle Géographie
augmentée d'une Introduction
profitable pour ceux qui commencent ,
par M. Jean Hubner , traduit de l'Allemand
, et augmenté de Cartes nécessaires
à cet Ouvrage , suivant les Observations
de M. de l'Académie Royale des
Sciences. A Amsterdam , chés R. et J.
Ottens , Libraires et Marchands de Cartes
, sur le Nieuwendyk , 2. vol. le prix.
est de trois florins.
On trouve chés les mêmes Marchands
UN NOUVEAU PLAN des Environs de la
Ville et Citadelle de Mantoue , et où
l'on voit tout le Seraglio. Le prix est de
8. sols , et enluminé 10. sols.
CODE DE LA VOYERIE , contenant le
Traité du Droit de la Voyerie , par M.
Mellier, l'Exposirion des Coûtumes sur la
largeur des Chemins , & c. La Dissertation
sur la garantie et la durée des Ouvrages
publics , le Memoire sur le Laminage
du Plomb , Tarif du prix des Quvrages
de
2204 MERCURE DE FRANCE
de Maçonnerie , &c. Reglement pour les
Chemins Royaux , &c. et la Table Generale
Chronologique de tous les Reglemens
, depuis 1275. jusques et compris
1735. A Paris , chés Prault , pere , Quay
de Gêvres , au Paradis , 1735. Tome I.
in 12. de 378. pages , sans l'Avertissement
, l'Epitre , la Préface , la Table particuliere
et la Table Chronologique de
84. pages.
TOME II . contenant le Recueil des
principaux Reglemens concernant les
Fonctions et les Droits des Officiers de
la Voyerie , la Police des Bâtimens , les
Limites de la Ville et Fauxbourgs de Paris
, l'élargissement des Grands Chemins
et l'entretien des Ponts et Chaussées du
Royaume , depuis 1270. jusques et compris
1735. in 12 de 640. pages.
Tout le monde sentira d'abord l'utilité
de cette Collection , qui interesse une
infinité de Personnes , sans qu'il soit nécessaire
d'entrer dans aucun détail des
Matieres de Droit concernant les Voyeries
, qui la feront rechercher ; pour l'agrément
du Lecteur et pour l'ornement
de ce Journal , nous emprunterons seulement
quelques traits historiques
Chapitre V. intitulé , Des Personnes
tres qui ont eu le soin des Ouvrages pu
OCTOBRE . 1735. 2205
Les Lacédemoniens ont remis à leurs
Rois le soin de faire réparer les Chemins
et les Ouvrages publics , ils ont estimé
que cette fonction étoit digne de
leur attention et de leur Majesté.
La Reine Semiramis , au retour de ses
Conquêtes , fit des dépenses considerables
pour aplanir les Chemins , selon Diodore
de Sicile.
Les Romains ont toujours confié le
soin des réparations publiques à des Personnes
d'un rang distingué. Numa Pomipilius
, second Roy de Kome , avoit ins .
titué les Pontifes pour avoir soin du
Culte des Dieux et des Ceremonies
des Sacrifices . Varron dit qu'ils ont été
nommés Pontifes , à Ponté faciendo , parce
que les premiers Pontifes avoient fait
bâtir le Pont Sublicius , par où ils passoient,
pour faire leurs Sacrifices , de l'un
et de l'autre côté du Tibre, Celui qui
présidoit au College des Pontifes s'apelloit
très- grand Pontife . Jules - Cesar ayant
été créé Souverain Pontife , eut pour
Successeur dans cet Emploi Lepidus et
Auguste , d'où les autres Empereurs ont
continué de prendre ce nom jusqu'à l'Empereur
Theodose , sous lequel la Relion
Chrétienne commença de fleurir ;
dans la suite l'Eglise a consacré le nom
de
2206 MERCURE DE FRANCE
9
:
de Pontife aux Papes et aux Evêques ,
dont les uns sont apellés Souverains Pontifes
et les autres du simple nom de
Pontifes.
Agrippa , Gendre et Favori d'Auguste,
a laissé dans la Ville de Lyon un Moniment
éternel de la Grandeur Romaine;
cet Homme si illustre par tant de victoires
, par tant de Consulats , par son amour
pour les Beaux Arts , fit faire pour la
commodité des Armées et pour celle du
Public , quatre grands Chemins qui traversoient
les Gaules. Il voulut que le
centre de ces Chemins fût dans Lyon ,
à cause de sa situation avantageuse et du
concours des Rivieres .
.
Le Pere Menestrier a raporté ce qui
suit dans l'Histoire Consulaire de la Ville
de Lyon , sur les indices de Strabon :
J'ai cherché avec toute la diligence possible
les vestiges de ces grands Che-
» mins , et j'ai été assés heureux pour les
trouver ; celui qui conduisoit à Nar
» bonne commençoit à la Porte S. Just ,
» et c'est celui que nous voyons depuis
»le Rempart d'Aisnay , au - dessus de la
>> Porte S. George , avec un double rang.
» d'Arcs pour soutenir les terres mouvan-
» tes et pour donner passage aux Eaux .
»Le Chemin qui menoit à l'Ocean par
le
OCTOBRE . 1735. 2207
le Beauvoisis et le Pays d'Amiens , a
sa naissance à la Porte de Vaise , sur
le grand Chemin de Paris , et il en reste
quelques n orceaux montant vers la
» la Tour et l'Arbrelle.
>> Le Chemin d'Aquitaine par l'Auver-
" gne , commence à S. Irenée , du côté
»de la Porte de Trion , et va à Fran-
» cheville , où reste encore la meilleure
» partie d'un Pont pour joindre les deux
Collines on Montagnes.
>> Le Chemin qui menoit au Rhin étoit
» triple , à cause de nos deux Rivieres ,
>> car j'en trouve un qui commence au-
» dessus de Vaise , au Tombeau des deux
» Amans .
»
·
Il y en a un autre de l'autre côté
» de la Saone , dont j'ai découvert
plu-
» sicurs vestiges depuis la Roche de l'lfle
» sur les Côteaux du Vernay ; et le troi-
» siéme est sur les bords du Rhône et
commence
au--delà du Boulevart
S.Clair.
» La construction
de tous ces Chemins
est la même , c'est à- dire , de cailloux
» de Riviere et de chaux vive , liés en-
» semble d'une maniere
si tenace , que
» le marteau
n'en sçauroit rompre les
» masses , aussi dures que les Rochers , & c.
Dans un autre Chapitre
, on raporte
que le Péage est un Droit Seigneurial
qu'on
2208 MERCURE DE FRANCE
E
qu'on prend sur les hommes , sur le Bétail
, sur les Chevaux , les Carosses , Chariots
et sur les autres Voitures qui passent
dans les lieux où ces Droits sont
établis . Les Seigneurs qui les levent sont
dans une obligation indispensable et imprescriptible
de faire travailler à la réfection
er aux réparations nécessaires à
l'entretien des Chemins , des Ponts et des
Chussées de leur Territoire.
On a porté cette obligation dans les
siecles précedens jusqu'à les assujettir à
veiller à h sûreté des Passans , et à répondre
civilement des vols et des meurtres
qui étoient com nis dans le Territoire
où les Droits de Péage étoient levés.
, LE ROMAN ESPAGNOL ou nouvelle
Traduction de la Diane , écrite en Espagnol
par Montemayor. A Paris , chés
Briasson , ruë S. Jacques , à la Science ,
1735. in 12.
TRAITE' de l'obeïssance des Chrétiens
aux Puissances Temporelles , où l'on
montre par l'Ecriture Sainte et par l'Histoire
de l'Eglise , en quoi les Chrétiens
doivent obéïr à leurs Souverains , en
quoi ils doivent refuser de leur obéir , et
quelle conduite ils doivent tenir dans leur
refus.
OCTOBRE. 1735. 2209
refus. A Virecht , chés Henry Corneille
le Fevre , 1735. et se vend à Paris , chés
Briasson , à la Science.
PANEGYRIQUE de S. Louis , prononcé
à l'Académie Françoise le 25. Août 1735.
par M. l'Abbé Carrelet de Rosay Doc
teur de Sorbonne , Prédicateur du Roy ,
Chanoine et Grand Archidiacre de l'Eglise
de Soissons . A Paris , de l'Impri
merie de J. B. Coignard.
Ce Discours qui a été fort aplaudi , a
pour Texte ces Paroles du III. Livre des
Rois , Chap. 3. Ecce dedi tibi cor Sapiens
... et gloriam , ita ut nemo fuerit similis
tui in Regibus . Paroles qui conviennent
parfaitement à l'Eloge de S. Louis ,
qui n'a regné plus glorieusement qu'aucun
autre Prince , que parce qu'il a rempli
plus saintement ce qu'il devoit à Dieu,
ce qu'il devoit à son Peuple et ce qu'il
devoit au Trône ; c'est -à- dire , qu'il fit
regner Dieu sur lui , qu'il regna sur les
coeurs de ses Sujets et qu'il regna sur
lui - même. Trois Propositions qui renferment
toute la division de ce Panégyrique
; mais avant que de l'entamer , l'Orateur
a orné son Exorde d'un bel Eloge
de l'Académie Françoise , il est habilement
touché et mérite d'être lû.
On
2210 MERCURE DE FRANCE
On voit dans la premiere Partie, que les
Peuples sont heureux quand ils sont gouvernés
par un Prince que la Religion
elle même gouverne ; ainsi s'exprime le
Panégyriste .
Sacrés engagemens du Diadême , devoirs
envers le suprême Dominateur
contractés par l'Onction sainte , vous fûtes
, dit il , le premier objet qui attira ses
regards ; plus frapé du compte terrible
qu'il lui faudra rendre un jour de l'usage.
de sa puissance , que du brillant apareil
de son Sacre , il vous démêla , il vous
étudia de bonne heure dans l'esprit du
Christianisme , il ne vous perdit jamais
de vûë dans la tumultueuse magnificence
du grand Monde. Né pour le Trône avec
un de ces caracteres Religieux qu'on
prendroit pour la Religion même , il sentit
vivement le poids de sa Couronne ,
dans un tems où il n'auroit dû être
sensible qu'à son éclat ; son premier soin
fut d'en faire hommage à celui de qui
relevent tous les Empires ; ses premieres
pensées furent dé reclamer la sagesse
et la grace dans une place si proche de
l'égarement ; le premier usage qu'il fit
de son autorité , fut de s'engager par un
serment solemnel à ne regner que pour
la gloire du Roy des Rois . Quel heureux
OCTOBRE . 1735. 2211
reux présage pour la suite d'un Regne
qui doit être celui de la Pieté , celui de
Dieu même !
Ne refusons point ici , continuë - t'il ,
à une vertueuse Princesse , également habile
à former un Héros pour le Trône
et à tenir les rênes d'un Etat , la justice
qui lui est dûë : Que la France , qui s'est
si bien acquittée depuis envers l'Espagne ,
se félicite à jamais de lui devoir cette
Femme forte , qui cultiva avec tant de
soin le riche fond que dans le jeune
Louis la Nature avoit préparé à la Grace
, &c .
pas
Des Leçons si salutaires ne tarderent
à faire fructifier dans ce Vase d'élection
le germe d'un Héroïsme Chrétien ,
que le Dieu des misericordes s'étoit hâté
d'y verser. Ce jeune , ce sage Josias regne
à peine , et déja il se montre aussi
sçavant dans la science des Saints , que
- dans la science des Rois ; déja tout entier
à ses obligations, il commence par où les
plus grands et les plus saints Rois finissent.
Dans la seconde Partie S. Louis est re
présenté comme le Pere de son Peuple
avec une éloquence digne du Sujet et de
l'Orateur. On en jugera par les traits
suivans,
Ce
2212 MERCURE DE FRANCE
Ce n'étoit pas assés pour un Prince
qui avoit pour le moindre de ses Sujets
des entrailles de Pere , de veiller aux besoins
generaux de son Royaume , il falloit
encore pour obéïr aux sollicitations
de sa tendresse , qu'il entrât dans le détail
des infortunes particulieres : Vous
dirai- je qu'il portoit toujours avec lui
une Liste des Familles Nobles que dévoroient
l'indigence et l'affliction , et
qu'il n'y en eut aucune dont il ne soulageât
les miseres , ou dont il ne tarît les larmes
par de prompts secours ? Vous le représenteray
- je dans le cours de ses Voyages
accompagné de coopérateurs de sa vigilante
génerosité? Et vous ferai- je reconnoître
sa marche à la trace de ses bienfaits
? Ajoûteray- je qu'après avoir parcouru
son Royaume , non avec le train
d'un Conquerant , qu'annonce la terreur
et que suit la désolation , mais comme
un grand Fleuve qui porte par tout l'abondance
, il craignoit encore que son
passage n'eût été à charge à ses Peuples ?
La nécessité des tems l'obligeoit - elle de
leur dernander des secours extraordinaires
, tout modérés qu'ils étoient , il n'avoit
qu'une inquietude , c'est qu'ils ne
leur fussent trop onereux . Aprenoit- il
que des Provinces frapées de quelque su
bite
OCTOBRE . 1735. 2213
bite calamité , n'avoient de ressource que
dans leurs gémissemens ? aussitôt par
toient par ses ordres des Ministres de sa
misericorde , chargés de réparer les ma
lignes influences du Ciel par les favorables
écoulemens du Trône Que vous diray
-je encore ? et que ne me resteroit il
pas vous dire ? Homme de Paix , il la
portoit au fond du coeur lors même qu'il
avoit à la main le glaive victorieux ;
Homme sans fiel et sans antipatie , il
honoroit , il récompensoit le mérite jusques
dans ses ennemis , et aussi jaloux de
changer leurs coeurs que de gagner ceux
de ses Sujets , il les con battoit moins pour
l'avantage de les soumettre , que pour le
plaisir de leur pardonrer.
Dans la troisième Partie , il est prouvé
que le Héros Chrétien ne s'est pas acquitté
avec moins de gloire de ce qu'il
devoit au Trône , qu'il s'est aquitté avec
succès de ce qu'il devoit à Dieu et aux
Hommes. L'Orateur continuë en ces
termes .
Hâtons nous de vous le peindre tout
entier ; je sens qu'il manqueroit quelque
chose au Portrait de mon Héros , si je n'y
faisois entrer des traits de cette ardeur
guerriere qu'il trouva comme hereditaire
dans sa Maison. Quand je parle de la
valeur
2214 MERCURE DE FRANCE
valeur de S. Louis , Mrs , ne vous figurez
pas une bravoure impetueuse , qui
dégenere en passion , qu'anime une orgueilleuse
soif de la gloire et qui se nourrit
des malheurs qu'elle cause ; vous avez
pû juger par tant de prodiges de désinteressement
, de modération , de détachement
, qu'il n'avoit point , * comme
parle l'Ecriture , cet esprit de Prince, qui
fait d'un Conquerant ambitieux , le Ty.
ran plutôt que le Maître des Peuples :
Non , sa vaillance toute Chrétienne n'avoit
rien des défauts des Héros vulgaires
; elle ne le captivoit point , il en étoit
le Maître , elle ne se déployoit qu'à la
voix de la justice et aux cris de la Religion
.
Je ne vous dirai pas que,Héros aussi - tôt
que Roy , et Roy dans un âge où il est
ordinaire de ne regner que par son nom,
il soutint la Monarchie chancelante à la
tête de ce qu'il trouva sous sa main de
fideles Sujets ; ne pensez pas que je m'arête
à vous faire remarquer parmi les
exploits prématurés de sa valeur , Belême
qui passoit alors pour imprenable ,
assiegé et pris au coeur de l'Hyver ; le
Comte de Bretagne qui avoit levé l'étendart
de la révolte , obligé de se rendre
Qui aufert spiritum Principum . Psalm. 75. 13 .
OCTOBRE . 1735. 2215
à discretion , et le fier Monarque des Anglois
, qui s'étoit avancé à son secours en
Conquérant , forcé de regagner son Ifle
en fugitif, avec les debris de son armée ;
envain l'infidele Comte de la Marche
poussé par le ressentiment d'une femme
imperieuse , les engage t'il de nouveau l'un
et l'autre avec le Roy de Navarre dans
une ligue formidable ; inutiles efforts ,
qui ne serviront qu'à aprendre aux rebelles
, quel est le maître auxquels ils
sont trop heureux d'obéir à peine se
donne t'il le temps d'assembler son armée,
il part précedé de la terreur de son nom ,
nous le verrons bientôt suivi de la Victoire
; déja il a forcé sur son passage , l'épée
à la main , Villers , Montreuil , S.
Gelais déja Frontenai , boulevard de la
Saintonge , cedant autant à la fierté de
sa presence qu'à la bravoure du soldat
qu'elle anime , ne fait que lui frayer un
chemin aux lauriers qui l'attendent dans
les pleines de Taillebourg .
Quel nom viens je de prononcer , Mrs ?
de quels miracles de valeur ne vous rapelle
t'il pas l'idée ? vous serez à jamais
consacré dans nos Annales , jour glorieux,
qui fites voir au siecle de Lours ce que
l'Antiquité Romaine n'a vû qu'une fois ,
et ce qu'elle a tant vante à une Posterité,
E
peut2216
MERCURE DE FRANCE
peut être trop admiratrice ; un hommé
secondé uniquement de son courage , et
de huit Guerriers , compagnons inséparables
de ses Exploits , qui attaque , qui
emporte un Pont deffendu par une armée
entiere ; un homme seul dont l'intrepidité
supléant au nombre , se fait jour à
travers les bataillons épais d'un monde
d'ennemis , et repousse sur les plus hardis
d'entre eux , la mort qu'il semble ne
pouvoir éviter...... Grand Roy , doublement
digne en cet état de comman
der les François , pardonnez à mon admiration
épuisée , si je suspens tout à
coup votre Eloge : le silence et l'étonnement
seuls me conviennent ici .
Il faudroit presque copier le Discours
entier , plutôt que d'en faire l'Extrait , si
on vouloit n'omettre aucune des beautés
dont il est rempli.
ORDONNANCES des Rois de France do
la troisiéme Race , recueillies par ordre
Chronologique. QUATRIEME VOLUME ,
contenant differents Suplements pour le
Regne du Roy Jean, et les Ordonnances
de Charles V. données pendant les années
1364. 1365. et 1366.Par M. SEÇOUSSE ,
Ancien Avocat au Parlement , et Associé
à l'Académie Royale des Inscriptions et
Belles
OCTOBR E. 1735
2217.
Belles - Lettres. In folio . A Paris , de l'Ima
primerie Royale , M. DCC. XXXIV.
PP. 732. sans la Preface et plusieurs Tables.
On ne repetera point ce qui a déja éré
dit du merite et de l'utilité de cette
grande compilation , on ne dira rien non
plus de l'érudition et de la sagacité du
nouvel Editeur ; les Sçavans s'en sont
apercus dans le III . Volume , qui est un
present que M. Secousse a fait au Public
de son propre fonds , après avoir eu ,
comme on l'a dit ailleurs , beaucoup de
part à l'Edition du II . Volume.
Le IV. dont il s'agit ici , de la même
main , n'est pas chargé d'une longue"
Preface par deux raisons. 1 °. La moitié
de ce Volume ne contient que des Suplémens
pour le Regne du Roy Jean' ; et
comme cette moitié étoit déja imprimée
lorsqu'on a imprimé la Preface du
III. Volume l'Auteur a tiré de cette
moitié tout ce qui regardoit les matieres
qu'il a traitées dans cette Preface , afin de
réunir sous un seul point de vue tout ce
qui concernoit le Regne du Roy Jean .
›
2º. La seconde moitié de ce IV. Volume
contient les Ordonnances qui ont
été données pendant les trois premieres
années du Regne de Charles V.La France
E ij étoit
218 MERCURE DE FRANCE
étoit alors en paix , et ce sage Prince n'étoit
occupé qu'à réparer les désordres
qu'avoient causé dans le Royaume une
guerre étrangere , longue et malheureuse,
et des divisions intestines encore plus
funestes.
La seule Charge extraordinaire de l'Etat
, étoit la rançon du Roy Jean , stipulée
par le Traité de Bretigny ; mais les
Impôts extraordinaires qu'on levoit pour
l'acquiter , avoient été reglés par l'Ordonnance
de ce Prince du cinq Decembre
1360. rapportée dans le III Volume
P. 436. Ainsi Charles V. dans les premieres
années de son Regne ne fut point
obligé de convoquer des Assemblées d'E
tat pour demander des subsides , ni d'avoir
recours à differentes mutations dans
les monnoyes ; remede quelquefois nécessaire
, mais toujours fâcheux . Ainsi les
Articles des Etats , soit Generaux , soit
particuliers , et des Mutations des Monnoyes
, qui ont rempli presque toute la.
Preface du III . Volume des Ordonnancę
, ne fournissent rien pour celle- ci .
C'est ainsi que notre Auteur , different
de ceux qui sont obligés d'excuser
la longueur de leurs Prefaces, rend compte
de la briéveté de son Discours préliminaire,
et qu'il donne en general le Plan de
CO
OCTOBRE. 1735. 2:19
ce IV. Volume. On se dispensera d'entrer
dans le détail des Ordonnances , qui
en font la matiere , cela pouroit mener
trop loin . Elles sont , comme dans le precedent
volume , toutes accompagnées de
Notes , ou plutôt deKemarques critiques au
bas des pages , sans compter celles qui se
trouvent dans les marges ; les unes et les
autres sont d'un grand secours pour la
parfaite intelligence du Texte , et don
nent souvent un fonds d'instruction sur
d'autres matieres qu'on est très aise de
trouver en chemin faisant. On se contentera
de faire sur ce sujet deux ou trois
observations.
Il y a dans ce IV . volume , comme dans
les precedens , plusieurs Ordonnances
qui concernent le Monastere Royal des
Dames Religieuses de Poissy , toujours
protegées et favorisées par les Rois , qui
ont succedé à leur Fondateur , sçavoir
Philipe le Bel , lequel leur accorda le
Privilege de ne pouvoir être jugées par
raport à leurs affaires que par le Roy ,
ou par des Juges deputés par lui. On
voit par ces Ordonnances que nos Rois
ne peuvent abdiquer la Garde de ces Religieuses
, et la Jurisdiction qu'ils ont sur
elles .
On trouve aussi dans ce même volume
E iij pusieurs
2220 MERCURE DE FRANCE
plusieurs Ordonnances et Reglemens ,
donnés par les Rois Jean et Charles V.
sur differentes matieres à la Ville même
de Poissy , où il y avoit une Maison Royale
, un Palais dès le temps de Philipe
Auguste , Palais où l'on croit communé
ment que S. Louis nâquit , quoique dans
toutes ces Ordonnances , ni dans aucune
autre Charte , où il y avoit occasion de
rapeller cette naissance en faveur de la
Ville et du Monastere de Poissy , il n'en
soit fait aucune mention .
On voit encore par plusieurs Ordonnances
du volume dont il s'agit ici , que
lorsque le Roy statuoit sur quelque matiere
qui concernoit l'Eglise ou la Religion
, l'Aumônier et le Confesseur du
Prince étoient consultés , et que l'Ordonnance
où l'Acte faisoit mention de
la presence de l'un et de l'autre au bas
de l'expedition . Per Regem , præsentibus
Confessore et Elemosinario. On voit cette
Formule à la page 365. où sont des Lettres
de Sauvegarde Royale , pour la Ste
Chapelle de Paris , données en 1360. Alors
les Confesseurs du Roy étoient des Religieux
de l'Ordre de S. Dominique , ( 4)
ce qui a duré long - temps.
(a ) Guill. de Rancé Dominiquain , Docteur de
Paris, a été Confesseur du Roy Jean , puis Evêque
de Séez en
1362.
Ceux
OCTOBRE. 1735. 2227
Ceux qui connoissent la Ville de Mar
seille, ou qui en ont lû l'Histoire, sçavent
que dans cette Ville il y a un Corps particulier
, c'est celui des Pêcheurs , lesquels
ont pour Chefs et pour Juge qua.
tre Prud'hommes , Membres de ce même
Corps et annuellement élus. (a) L'Historien
declare qu'il ignore l'époque de
leur établissement , mais qu'il y a plus
de 400. ans que les Comtes de Provence
ét les Rois de France ont confirmé leurs
Privileges , & c .
Dans ce IV. volume des Ordonnances,
il est parlé deux fois de Prud'hommes avec
des dates certaines et anterieures à ceux
de Marseille. Ce qui paroît meriter ici
une remarque particulieres on trouve d'abord
à la page 380. une confirmation des
Privileges accordés aux habitans de la
Ville de Chagny en Bourgogne , donnée
par le Roy Jean en l'année 1361. Dans
ces Lettres de confirmation sont raportées
tout du long d'autres Lettres de Robert
Duc de Bourgogne , du mois de Septembre
1282. qui contiennent en detail
les Privileges en question . Le premier
Article commence par ces mots ; Que comme
li Prod'hommes et li habitans de la Ville
( a ) De Ruffi , Histoire de Marseille , L. XII.
p. 232. Edit. de 1696.
D iiij
et
2222 MERCURE DE FRANCE
et de la Chastellenie de Chaigni , deissient,
et affermassent que , &c.
Dans le même volume sont d'autres
Lettres du Roy Jean de la même année
1361. qui confirment les Privileges de la
Ville d'Auxonne , ci - devant accordés par
le Comte Etienne de Bourgogne , & c.
dont les Lettres de l'année 1229. contenant
les Privileges en question , sont raportées.
On lit ce qui suit en l'Article VI . où il
s'agit des dommages causés par les habitans
, même par les enfans de la Ville
au dessous de 14. ans , dans les jardins et
enclos , &c. Et li lois des enfans quelque
forfait ilfacent , sera jugié au regart des
quatre Preud'omes , qui doivent être esleus
chascun an; par les Preud'omes de la Ville.
Et dans l'Article suivant , Cil quatre
Preud'ome qui seront appellés Conseillers,
auront telle puissance , que par leur conseil
doivent être fait li Jugement..
quatre doivent être esleu chascun an , au
loux du plus de la Ville , &c.
.... Et cil
Voila donc des Prud'hommes établis
pour juger principalement des Faits
de Police , anterieurs à l'établissement
connu de ceux de Marseille , qui jugent
Li Lois des Enfans , &c. C'est- à- dire , l'amende
, &c.
de
OCTOBRE . 1735. 2223
de la Police de la Pêche , les uns et les autres
annuellement élus . Le sçavant Editeur
sur le premier de ces deuxTextes et
la premiere fois qu'il est parlé de Prud'-
hommes ou de Prodomes , car c'est la même
chose , dans ce volume , entend par
ce terme les Bourgeois de la Ville de Cha
gay , terme qui est repeté dans tous les
Articles dont les Lettres du Duc Robert
en faveur de cette Ville sont composées.
Cette interpretation paroît juste ; mais
elle ne peut pas s'étendre jusqu'aux
Preud'omes dont-il est parlé dans les Lettres
du Comte Etienne , données en faveur
de la Ville d'Auxonne. Il ne s'agit
point là des Bourgeois en general , ou de
quelques Notables Bourgeois , mais de
quatre Personnes de leurs Corps , distinguées
par leur Prudhommie ou Probité ,
annuellement élûës pourjuger sommairement
et brièvement sur lesFaits mention ,
nés dans les mêmes Lettres .
" Les Prud'hommes de Marseille , Chefs
et Juges des Pêcheurs sont nommés *
dans les Chartes Probi Homines Piscatorum,
ce qui s'accorde parfaitement à cette denomination
et au sujet de leur Institution
l'Historien de cette Vile cite un seul Acte
où ces Juges sont nommés Consuls des
* Histoire de Marseille. Ibid .
E v Pêcheurs
2224 MERCURE DE FRANCE
Pêcheurs , et nous venons de voir que les
quatre Prud'hommes d'Auxonne , aussi
Juges d'une certaine Police , doivent être
appellés Conseillers , selon les Lettres du
Comte de Bourgogne , ce qui acheve de
faire un parfait raport des uns aux autres
de ces Prud'hommes.
Finissons par une remarque qui poura
aussi regarder la Ville de Marseille , du
moins son Territoire . On trouve à la page
44. de ce Volume des Lettres du Roy
Jean du mois de Fevrier 1350. dans lesquelles
sont raportées d'autres Lettres
données près de 180. ans auparavant , par
le Roy Philipe I. en faveur de la Ville
d'Aigues- Mortes . Par l'Article XXV.de
ces dernieres Lettres il est porté quen les
Habitans pouront transporter en tout
» temps , où ils le jugeront à propos , le
» bled , le vin , et les autres denrées qu'ils
» retireront de leurs terres : ce qui est
exprimé dans les termes que voici.
Item. Quilibet habitator Loci illius , possit
bladum , quod habebit de suis terris , et
Facheriis , per aquam et per terram portare
quocumque voluerit omni tempore , nec possit
et per nostram curiam interdici : et idem de
* Philippe I. est mort en 1-108. après avoir regné
48. ans.
vino
OCTOBRE . 1735. 2225
vino et aliis victualibus ex labore proprio
acquisitis .
Facheriis est le seul terme de cet Article
qui ne s'entend pas d'abord , et que
l'habile Editeur a pris soin déclaircir par
une Note qu'il est bon de raporter ici .
» Facheriis. Il y a , dit- il , dans * Ga
» land Sachariis . M. Du Cange a mis ce
» mot dans son Glossaire sans l'expliquer,
» et il a seulement raporté le passage tel
» qu'il est dans Galand ; mais il est cer-
» tain qu'il faut lire Facheriis , et les sça-
» vans Benedictins , qui travaillent à la
nouvelle Edition du Glossaire , ont
» bien voulu me communiquer l'Article
» Facheria qu'ils y ont ajouté. Facheria
» est un heritage donné à ferme , sous la
» condition que le produit se partagera
également entre le Proprietaire et le
Fermier. Ces heritages s'appellent Fami
» cherie à Marseille.Ils prouvent cette explication
par des Textes précis .
On peut bien s'en raporter là- dessus à
notre Editeur ; ajoûtons cependant avec
* M.Galand , dans son Traité du Franc-Aleu
a insere à la fin , les Privileges accordés à la Ville
d'Aigues -Mortes par S. Louis en 1246. et ces Privileges
sont presque entierement conformes à cele
que contiennent les Lettres de Philippe I. lesquelles
portent le terme en question.
E vj la
2226 MERCURE DEFRANCE
la permission des Auteurs du Nouveau
Glossaire que le terme de Facherie n'est
plus en usage aujourd'hui dans le Territoire
de Marseille , quoiqu'il soit expressif
pour la chose signifiée , qui y subsiste
toujours ; quoiqu'il soit ancien , puisqu'on
le trouve comme ils l'ont remarqué
dans des Chartes de la Cathedrale ,
de l'Abbaye S. Victor ; dans les Statuts
de la Ville dont les Textes sont rapor
tés par les sçavans . Editeurs .
Le seul nom de * Fachier ou Fachié est
resté en usage dans ceTerritoire , pour signifier
, non- seulement celui qui cultive la
terre ou heritage d'autrui , à condition
d'en partager le revenu ; mais encore tout
paysan qui est logé dans la Bastide ou-
Metairie d'un Proprietaire, qui travaille à
façonner les terres , &c. sous quelque
condition que ce soit . Ces Fachiers , &
Fachieres à l'égard de leurs Femmes , )
ignorent , sans doute , qu'ils ont aussi
l'honneur d'être mentionnés dans les anciennes
Chartes , comme on peut le voir
* On ne risquera rien de dire que Fachier , est
an diminutif de Préfachié , qui vient de Prefach
Prix fait. Massilienses vocant Préfachié , disens
les Auteurs du Glossaire , cum qui facto pretio
aliquid accepit,&c, ce qui fait une étimologie sûre.
dans
OCTOBR E. 1735. 2227
dans le nouveau glossaire T. III . au mot
FACHERIUS qui est à la suite de Facheria.
Au reste on doit sçavoir beaucoup de gré
à M. Secousse , d'avoir fait la découverte
desLettres dePhilippe I.et de les avoir imprimées
pour la premiere fois , après avoir
rétabli et éclairci leTexte en plusieurs endroits.
Ces Lettres qui sont , comme il
le dit lui- même , très importantes et très
curieuses en elles mêmes , reçoivent en-.
core un nouveau prix de leur ancienneté.
Elles prouvent, ajoute- t'il , avec beaucoup
de raison , que dès le XI. siecle, et presque
au commencement de la III. Race, on observoit
déja certains usages , sur l'origine
desquels les Auteurs Modernes ne sont
pas toujours d'accord.
On doit aussi la justice de reconnoître
que l'Imprimerie Royale, de tout tems superieure
aux plus celebres de l'Europe ,n'a
jamais été portée à un plus haut point de
perfection que dans ce temps- ci ; l'Edition
des Ordonnances de nos Rois en est
une preuve des plus distinguées ; tout y
repond du côté de l'Art à la grandeur du
sujet.
LE ROMAN DE LA ROSE , par Guillaume
de Lorris , et Jean de Meun dit Clopinel ,
revû sur plusieurs Editions et quelques
anciens
2228 MERCURE DE FRANCE
anciens Manuscrits , accompagné de plusieurs
autres Ouvrages , d'une Préface
Historique , de Notes et d'un Glossaire.
1735. A Paris chés la veuve Pissot
in 12. trois vol, Tome I. pp. 562. Tome
II, pp. 424. Tome III . pp. 384.
,
MEDITATIONS Sur les Evangiles des Dimanches
, des Fêtes et des principales Octaves
de toute l'année , de l'Avent , du
Carême , et des Quatre-Temps , composées
en Latin par le R. P. Busée Jesuite
et augmentées d'un grand-nombre de
Méditations .A Paris , chés P.G.le Mercier,
ruë S. Jacques, au Livre d'or , in 12. 2.vol.
1735.4.
livres .
MEDITATIONS sur les Verités Chrétiennes
et Ecclesiastiques , tirées des Epitres
et des Evangiles qui se lisent à la Ste
Messe , pour servir de disposition à la
celebrer , ou à communier dignement , à
faire des instructions utiles aux Ecclesiastiques
et au Peuple , et à remplir les autres
fonctions attachées au Sacré Ministere
des Autels ; pour tous les jours et
principales Fêtes de l'année. Par un Curé
du Diocèse. A Lyon , chés Deville freres.
1735. in 12. 4. volumes .
SENTI-
>
JUDA E. 1735. 2229
SENTIMENT de S. Thomas sur la
Crainte. A Paris , chés Philippe- Nico-
Ias Lottin. 1735. Brochure in 4.
LA PAYSANNE PARVENUE , ou Mémoi
res de Madame la Marquise de L. V.
Par M. le Chevalier de Mouhi , seconde
Partie. A Paris , chés Prault , fils , Quay
de Conty , 1735. in 12. de 153 pages ,
prix , 24.
sols.
LES FEMMES MILITAIRES , Relation
Historique d'une Isle nouvellement découverte,
enrichie de Figures , dediée à M.
le Chevalier d'Orleans , Grand - Prieur de
France. Par le C. D. *** A Paris , rue
des Maçons , et au Palais , chés Claude Simon
, et Pierre Debats , 1735. in 12. de
312. pages , prix 36. sols broché.
NOUVELLE GRAMMAIRE pour apren
dre l'Anglois . Par Mr G. Pell , natif de
Londres , in 8. Le Vocabulaire Anglois,
Flamand , François et Latin , où l'on
montre la grande convenance des trois
dernieres Langues avec la premiere , trèsutiles
à ceux qui entendent l'Hollandois,
le François , ou le Latin , et qui veulent
aprendre l'Anglois , aussi bien qu'à ceux
qui n'entendent que l'Anglois seul , et
quf
2230 MERCURE DE FRANCE
qui veulent aprendre l'Hollandois , le
François ou le Latin . Par le même Auteur.
A Utrecht , chés E. Neaulme.
DISSERTATION Sur un manquement de
plusieurs Muscles du pied . Par Jean Go
defroy Salszmann , Docteur en Medecine.
A Strasbourg , de l'Imprimerie de
Jean- Henry Heitzius , 1734. Brochure in
4. de 42. pages. L'Ouvrage est en Latin.
COMMENTAIRE sur le premier Livre
de Celse , de la maniere de conserver la
santé. Par M. Lommius , troisiéme Edition
et très correcte. A Leyde , chés
Jean Amand Langerak , 1734. in 12.
de 326. pages , sans les Tables. L'Onvrage
est en Latin.
HISTOIRE de l'Hôtel Royal des Invali
des , où l'on verra les secours que nos Rois ont
procurés dans tous les temps aux Officiers et Soldats
hors d'état de servir , enrichie d'Estampes
représentant les Plans , Coupes et Elevations
Géometrales de ce grand Edifice ; avec les excellentes
Peintures et Sculptures de l'Eglise , dessi
nées et gravées avec tous les soins et l'exactitude
possible par le sieur Cochin , Graveur du Roy ,
et de l'Aca lémie Royale de Peinture et Sculpture.
A Paris, chés Guillaume Desprez , Imorimeur
et Libraire ordinaire du Roy , rue S. Jac
ques , à S. Prosper et aux trois Vertus , 1735.-
3
On
OCTOBRE . 173. 2231
On donna en l'année 1683. une Description
de l'Hôtel Royal des Invalides ; mais cette Description
ne comprend en general que les Elevations
des principales parties de ce grand Edifice ,
et par cette raison elle n'a pas satisfait la curiosité
du Public .
La nouvelle Histoire que l'on donne aujour
d'hui rendra l'Ouvrage parfait. On y verra gravés
les Plans , les Coupes et les Elevations Géométrales
des parties qui n'avoient pas encore été
gravées. Les Curieux y trouveront avec plaisir
P'Architecture , la Peinture et la Sculpture de la
grande Eglise , qui est un Chef- d'oeuvre digne
des Maîtres qui y ont travaillé.
Si cet Edifice annonce dans toutes ses parties
la grandeur et la magnificence de LOUIS LE
GRAND , qui l'a fondé ; les motifs qui l'ont déterminé
à cet Etablissement , publient sa pieté et
sa Religion .
C'est donc un second hommage dû à la Religion
de ce grand Prince , de manifester les motifs
qu'il a eus , et de faire connoître les Loix
qu'il a données à cet Etablissement .
On verra d'abord dans cette Histoire , quelle
étoit dans les anciens temps la retraite des Officiers
et des Soldats , que leurs blessures et leurs
âges avancés avoient mis hors d'état de continuer
le Service. De - là on passera aux motifs qui déterminerent
à les réunir tous ensemble pour les
faire vivre en commun , et convertir en pension
l'entretien qu'ils avoient dans les Monasteres.
On expliquera ensuite les mesures qui ont été
prises par Louis XIV. pour rendre cet Etablissement
solide ; enfin la Police et la Discipline
exacte qui y sont observées , et qui serviront auant
que toute autre chose à le perpetuer .
AVIS
2232 MERCURE DE FRANCE
AVIS.
Cet Ouvrage , qui fait un Volume in folio , con
tient cent quatre Planches , sans y comprendre les
Vignettes , les Lettres grises et les Culs- de- lampes
nécessaires , dont soixante dix-sept sont simples
c'est -à-dire en une demi-feuille , et vingt sept en.
une feuille entiere dessinées et gravées par M. Cochin
, Graveur du Roy , outre vingt à vingt-cinq.
feuilles d'impression qui contiennent l'Histoire de
cet Hotel Royal , les Edits , Arrêts et les Ordonnances
du Roy , dont la plupart ne sont que par extrait
, qui feront connoitre l'ordre qui s'observe
dans ce magnifique Hotel.
Ce Livre sera imprimé sur du grand Raisinfin
pareil au Projet imprimé , et les Figures sur le même
papier double.
Ledit sieur Cochin a associé à cet Ouvrage le
sieur Desprez , Libraire et Imprimeur du Roy.
Ils donneront cette Histoire au Public au premier
Mars 1736. et la vendront 60. livres en feuilles .
Ceux qui voudront s'en assurer un ou plusieurs
Exemplaires jusqu'audit mois de Mars , on leur fera
une diminution raisonnable ; lequel temps passé, ils
n'en donneront pas un à moins de 60 livres enfeuilles
, qui sera le prixfixe.
On poura encore s'adresser aux personnes -
marquées ci -dessous .
A Paris , chés M. Cochin , Graveur du Roy ,
et de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture
, qui demeure rue S. Jacques , vis - à- vis les
Mathurins.
A la Haye, chés M. Neaume , Libraire.
A Londres , chés M. Baron , Graveur , ruë de
l'Orange , près le Carré de Leicester.
A
OCTOBR E. 1735. 2233
A Bruxelles , chés M. Leonard , Libraire .
A Amsterdam , chés M. Lhonnoré , Libraire .
La Feuille du Pour et Contre, continuë de paroî
tre et avec un succès heureux et fateur , la
pour
plume de l'habile Ecrivain qui le compose. Dans
le dernier , Nombre 92. à l'Article des nouvelles
de Londres , on raporte un Prix de so . livres
sterlings , proposé par les Anglois ; il sera a jugé
à celui des Poëtes de l'Europe qui voudra travailler
en Anglois ou en Latin . Le Sujet du Poëme
doit être sur la Vie , la Mort , le Jugement ,
l'Enfer. Sept Poëtes Saxons et Allemands ont déja
envoyé leurs Poemes , qu'on examine , et on
donne leurs noms.
"
Une idée en fait naître une autre , poursuit
P'Auteur , le Prix de Poësie a inspiré à un Gen.
tilhomme qui prend le nom de Whimsical
Worthy , d'en proposer un beaucoup plus conas
siderable pour la Peinture Mais quand il passeroit
les 200. Guinées dans lesquelles on m'écrit
qu'il consiste , le Fondateur ne risque pas
grand'chose , avec l'inclination qu'on lui supose
pour les Tableaux , s'il est vrai , comme
» on l'ajoûte , qu'il ait mis dans ses conditions ,"
» que toutes les Pieces qui entreront en concur-
» rence , doivent lui apartenir. Comme il se
»trouve peu de Peintres médiocres qui osent aspirer
à ces sortes de Prix, c'est un moyen hon-
» nête d'acquérir un grand nombre de bons Ouvrages
, dont la valeur réunie , sera fort au-
» dessus de la somme qui est proposée pour
» meilleur. Ce sera pour les Peintres une espece
de Loterie , mais qui tournera , comme il arrive
toujours , au profit de celui qui la propose
"
le
Le
2234 MERCURE DE FRANCE
Le Glaneur François , dont on a parlé dans le
Mercure d'Août , page 1800. vient de donner sa
deuxième Brochure , imprimée chés Prault , Quay
de Gesures ; on y trouve , comme dans la précedente
, plusieurs Pieces Fugitives en Vers et en
Prose. Pour continuer de donner quelque idée
de ce petit Ouvrage , on raportera ici une courte
Lettre en Prose et en Vers , écrite à l'illustre M.
de Fontenelles.
LETTRE à M. de Fontenelles , écrite
de Villars , le premier Septembre 1720.
il L
És Dames qui sont à Villars , Monsieur , se
sont gâtées par la lecture de vos Mondes ,
vaudroit mieux que ce fût
par vos Eglogues ; nous
les verrions plus volontiers ici Bergeres que Philosophes.
Elles mettent à observer les Astres , un
temps qu'elles pouroient beaucoup mieux em-.
ployer ; et comme leurs goûts décident des nôtres
, nous nous sommes tous faits Physiciens
pour l'amour d'elles.
Le soir sur des Lits de verdure ,
Lits , que de ses mains la Nature
Dans ces Jardins délicieux ,
Forma pour une autre avanture ,
Nous brouillons tout l'ordre des Cieux ;
Nous prenons Venus E Mercure ;
Car vous sçavez qu'ici l'on n'a ,
Pour examiner les Planettes
Au lieu de vos longues Lunettes ,
Que des Lorgaettes d'Opera.
Comme
OCTOBR E. 1735. 2235
Comme nous passons la nuit à observer les
Etoks , nous négligeons fort le Soleil , à qui
rous ne rendons visite que lorsqu'il a fait près
As deux tiers de son tour. Nous venons d'aprendre
, tout à l'heure , qu'il a parû couleur de
sang tout le matin , qu'ensuite , sans que l'air
tut obscurci d'aucun nuage , il a perdu sensiblement
de sa lumiere et de sa grandeur. Nous n'avons
sçû cette nouvelle que sur les cinq heures
da seir ; nous avons mis la tête à la fenêtre et
nous avons pris le Soleil pour la Lune , tant il
coit petit et pâle. Nous ne doutons point que
vous n'ayés vû là même chose à Paris .
C'est à vous que nous nous adressons comme
à notre Maître, et à celui de tous les Sçavans qui
sçait rendre aimables les choses que les autres
Philosophes rendent à peine intelligibles ; et la
Nature devoit à la France et à l'Europe, un homme
comme vous pour corriger les Sçavans , er
pour donner aux plus ignorans le gout des
sciences.
Or , dites-nous donc , Fontenelles ,
Vous , qui par un vol imprévû ,
De Dedale prenant les aîles ,
Dans les Cieux avez parcouru
Tant de carrieres immortelles ';
Du Soleil par vous si connu
Ne sçavez vous point defouvelles .
Pourquoi , sur un Char si sanglant
A- t'il commencé sa carrière ?
Pourquoi perd- il , pâle et tremblant ,
Et sa grandeur et sa lumiere !
Que
2238 MERCURE DE FRANCE
Tersuadé qu'il est par - là de son éloquence , emporté
de passion ou de zele , flate de l'amour
propre et du son enchanteur de ses paroles , dont
ses Auditeurs sont charmes , quelle peine et quelle
violence n'est il pas obligé de se faire pour se
retenir et pour ne rien dire de trop et plus qu'il
ne faut ? Incapable alors d'attention sur soi- même
, et de remarquer qu'on s'ennuye de l'écouter
, il s'abandonne au torrent qui l'entraîne , et ne
s'arrête qu'après s'être épuisé , et avoir fatigué
son Auditoire , & c .
Que cette Eloquence des yeux
Sur la parole a d'avantage !
Souvent en se taisant on s'explique bien mieux ,
Et le silence est le langage
Le plus propre à louer les Dieux.
Après ce que je viens de dire , poursuit l'Auteur
en finissant , faut - il s'étonner si les Poëtes
en ont fait une Divinité , et s'ils l'ont représenté
avec de si riches et de si magnifiques Descriptions
dans les Lieux où il tient son Empire , et
lorsqu'il préside aux grandes Assemblées ? Je
n'en citerai point d'exemples . Les Sçavans ont
la memoire chargée de ces beaux Endroits , et il
est temps de finir un discours que je consacre au
silence . Je pourois tomber moi - même dans le
défaut que je condamne ; car l'on n'off.nse pas
moins ce Dieu en écrivant qu'en parlant , et ma
plume seroit aussi coupable que ma langue , si je
poussois plus loin son éloge.
La troisiéme Feuille de ces Amusemens , présente
au Lecteur dès la premiere page , l'Eloge de
la main. De toutes les Parties dont la merveil
leuse
OCTOBR E. 1735. 2239
feuse Machine du Corps humain est composée ,
il n'en est aucune , dit l'Auteur , qui soit comparable
à la main . Pour faire concevoir une idée
sublime de la suprême intelligence de son Auteur,
c'est par elle qu'il a voulu ennoblir et distinguer
son plus parfait Ouvrage. C'est par elle seule
qu'il a compensé tous les avantages qu'il sembloit
avoir accordés sur l'homme au reste des
animaux ; avec la main l'homme surmonte
la férocité des Tigres et des Lions , assujettit la
masse énorme des Elephans , contraint les Chevaux
indomptés , et les farouches Taureaux de
servir à ses usages . C'est en vain que pour dérober
les Oyseaux à son Empire , la Nature leur a
donné le secours des aîles et les a fait habiter
dans un Element superieur ; la main leur dispose
des filets et leur lance des traits qu'ils ne peuvent
éviter. La main forme les plus courageux
de leur espèce à déclarer la guerre aux autres ,
pour servir à la nourriture ou aux divertissemens
des hommes.
La troisiéme Feuille contient l'Eloge de la
Fourmi , l'origine de l'Ordre de la Jarretiere ,
l'invention du Canon et de la Poudre , &c.
Le sieur Giffart , Libraire , rue S. Jacques ,
vient d'imprimer un Prospectus de 8. pages in 4.
au sujet d'une nouvelle Edition des Oraisons de
Ciceron , qui doit être executée chés lui . Voici
tout ce qu'il y a d'essentiel à sçavoir dans ce
Projet , exposé dans les mêmes termes.
On se propose
de donner une nouvelle Edition
de toutes les Oraisons de Ciceron , avec les accompagnemens
nécessaires
pour en faciliter l'intelligence
. L'Ouvrage
est fini ; mais avant que de
le remettre à l'Imprimeur
, on a crû devoir pres-
F sentig
2240 MERCURE DE FRANCE
sentir le goût du Public sur le Plan que l'on a
suivi . En voici une idée generale .
Tout l'Ouvrage comprendra 4. volumes in 4.
On n'épargnera rien pour donner une Edition
correcte et belle , on en peut juger par ce Prospectus
. L'Edition y sera conforme , quant au caractere
et au papier . On n'a point épargné le
travail pour la rendre utile. Le Texte sera le même
que celui de l'Edition de Grævius , à l'exception
de peu d'endroits où l'on a crû devoir prẻ-
ferer celui des anciennes Editions. Les Chapitres
seront marqués en chifies Romains et les Sections
en chifres Arabes,
Chaque Harangue sera précedée d'un Argument
Historique , où l'on s'attache à en expli
quer, le Sujet , à déveloper le caractere des principaux
Acteurs de la Piece , à marquer l'état présent
des affaires de la République , lorsque l'on a
cru cette précaution nécessaire pour répandre
plus de jour sur la Harangue,
Comme il n'est point possible de bien entendre
les Oraisons de Ciceron sans la connoissance
de l'Histoire , particulierement Anecdote de son
temps et de ce qu'on apelle les Antiquités Romaines
, on s'est attaché à éclaircir ces deux
points dans les Notes que l'on a mises au- dessous
du Texte de Ciceron , et que l'on a tâché de
rendre claires , exactes et précises . On n'a pensé
uniquement qu'à mettre Ciceron à la portée de
toutes sortes de Lecteurs. Ainsi on n'a eu garde
d'entasser dans ces Notes un fatras de Variantes
ou de Collections étrangeres au sujet , qui ne sont
pour l'ordinaire que de laborieuses bagatelles ,plus
propres à montrer les vastes lectures d'un Editeur
, qu'à éclaircir et fixer les doutes d'un Lecteur.
Un
OCTOBK E. 1735. 2241
Un faiseur de Notes ne doit point négliger
l'explication des mots , ni d'avertir son Lecteur
d's tours de phrases extraordinaires , à mesure
qu'ils se rencontrent dans un Auteur. Cela est de
son ressort. L Editeur croit n'avoir point à craindre
de reproche de ce côté- là.
Il y aune autre espece de Notes que l'on apelle
de goût , qui manquent souvent à des Ouvrages
de la nature de celui - cy. On a tâché sur ce point
de se mettre aussi à l'abri du reproche .
Enfin, comme certains sujets ne sont point susseptibles
de la briéveté , dont on n'a pas voulu
s'ecarter dans les Notes , ils seront traités dans
des Dissertations qui seront renvoyées à la fin
du Volume , où ces éclaircissemens seront nécessaires.
Il ne suffit pas pour quiconque veut se former
à l'Eloquence sur le modele de Ciceron , d'avoir
acquis une intelligence passable de ses expressions
et des tours qu'il employe , il faut encore
faire une étude profonde de la maniere dont il
compose un Discours ; examiner l'ordre et l'arrangement
qu'il donne à ses materiaux ; connoî
tre le ressort et le jeu des passions , dont l'Orateur
sçait toujours tirer parti si à propos. Cette
étude demande bien des méditations. C'est pour
en diminuer la peine que l'on a joint aux Notes
une Analyse exacte et suivie de chaque Oraison.
Personne n'ignore l'avantage de cette Méthode ,
qui en dépouillant un Discours de tous les ornemens
du langage, ne s'attache uniquement qu'à la
substance des choses pour mettre un Lecteur en
état de juger sûrement de la solidité d'un Ouvrage,
lui en découvrir la justesse,la beauté et la proportion
de toutes ses parties entre elles . Par l'Analyse,
mieux que par les leçons d'un Maître , un
Fij jeune
2242 MERCURE DE FRANCE
jeune homme aprend à former son goût pour
Péloquence , en comparant les pensées simples
qu'elle lui fournit avec les ornemens dont l'Ora
teur a sçû les embellir.
Chaque Volume aura deux Tables Alphabetiques.
L'une indiquera les choses les plus remarquables
dont il aura été parlé dans les Notes ;
T'autre, Géographique, présentera une Notice de
tous les Lieux dont il est parlé dans le Volume,
Cette seconde Table a demandé naturellement
plus de travail que la premiere , parce qu'on ne
s'est pas borné à dire sechement qu'une telle Ville
connue autrefois sous le nom de ... s'apelle
aujourd'hui .... , mais on a recherché le temps
de sa fondation , ses premiers habitans , ses Alliances
, ses differentes révolutions , sa fortune
présente. On sent assés que cette sorte de Recherches
n'est point de pure curiosité. Au reste
dans un champ si vaste on n'a pas crû devoir
recueillir tout ce qui s'offroit . On a dressé les articles
sans s'écarter de cette brieveté juste et raironnable
, que l'on s'est toujours proposée pour
regle , parce que la premiere vûë que l'on a eû en
formant une entreprise aussi pénible que celle- cy ,
a été uniquement d'être utile.
A la fin du quatriéme Tome on se propose de
reimprimer l'Histoire de Ciceron , écrite par
Fabricius , Il n'y a personne qui ne connoisse le
mérite , la rareté , l'utilité et la nécessité de cette
Histoire. On y joindra celle d'Hortensius , ce
celebre Rival de Ciceron en Eloquence.
A la tête du premier Volume il y aura une Préface
, dans laquelle l'Editeur rend un compte plus
étendu et plus circonstancié de son travail et de
P'usage qu'il a fait de celui des autres .
Les Scavans sont invités à donner leur avis sur
Geti
OCTOBRE. 1735. 2243
sette Edition , et priés de le faire remettre inces
samment à M. GIFFART , Libraire , ruë S. Jacques
, à l'Image sainteTherese.
Le Prospectus finit par un petit Morceau de
cette prochaine Edition , executé selon le Plan
que l'on vient de lire , pour servir d'échantillon
L'Auteur a chosi pour cela l'Oraison de Ciceron
contre Verrés , ainsi intitulée , M. T. CICERONIS
Accusationis in C. Verrem , Liber V. de Suppliciis.
On nous prie d'informer le Public qu'on va
mettre incessamment sous presse une Histoire
des Rois de Naples et de Sicile , pour servir d'introduction
et de suite à celle de M. Petrineau
des Noulis , ce qui renfermera un détail curieux
des Révolutions de ces deux Royaumes , depuis
leurs Princes Normands jusqu'à la guerre présente.
L'Auteur, qui ne se nomme point encore, re
cevra avec reconnoissance , par la voye des
Journaux jusqu'à la fin de cette année , les avis
des Gens de Lettres pour la perfection de son
Ouvrage.
La vingt-neuviéme Partie des Cent Nouvelles
Nouvelles , de Mad . de Gomez , paroît chés Maudouit
, Quay des Augustins , et contient l'Amant
malheureux , la Sage Précaution , et Bonne Repommée
vaut mieux que Ceinture dorée . On donnera
la trentiéme Partie au commencement du
mois prochain.
Nous aprenons par un Programme imprimé
Marseille , accompagné d'une Lettre , que le 3
st le 6.Septembre,on y représenta sur le Théatre
Fij du
2244 MERCURE DE FRANCE
du College de Belsunce , de la Compagnie de
Jesus , la Tragédie de CODRUS , devant une illustre
et nombreuse Assemblée , laquelle eut tout le
succès possible.
Il est peu de grands Hommes , dit l'Auteur ,
dans le Prologue , plus connus dans l'Histoire
ancienne , que celui dont nous avons fait le Sujet
de notre Tragédie. Mais il en est aussi bien
peu , dont le détail de la vie nous soit moins
connu , malgré le grand nombe d'Auteurs qui
en ont parlé. Le dernier Trait de son Regne est
le seul qu'ils nous ayent conservé : encore ne s'accordent-
ils pas entierement sur les circonstances.
Tout ce qui résulte à peu près de leurs Narxations
raprochées l'une de l'autre , c'est que
Codrus , Roy d'Athênes , voyant l'Attique ravagée
par ses Ennemis, qui lui oposoient une Armée beaucoup
superieure à la sienne , envoya consulter l'Oracle
de Delphes sur les moyens de délivrer sa Pátrie
de l'orage qui étoit sur le point de l'accabler.
Sur quoi l'Oracle répondit que la victoire demeureroit
à celui des deux Partis dont le Chef seroit tué
par les Ennemis. Nous croyons ,
continuè l'Auteur
de la Piece , devoir borner là le Récit , sans
raporter qu'elle fût la genereuse résolution du
Héros , pour laisser au Spectateur le plaisir et la
nouveauté de la Catastrophe.
Quant aux Caracteres , l'Histoire a fourni l'idée
des principaux . Celui de Codrus est sur tout
fondé sur son amour genereux pour la Patrie .
Le silence de cette même Histoire , dit notre Auteur
en finissant , la stérilité ou l'obscurité du
Sujet , auroient dû peut- être nous arrêter ; mais
nous avons mieux aimé prendre un sujet qui n'eut
encore été traité par aucun Auteur , ancien ou
moderne , que de travailler sur un fonds plus
riche ,
OCTOBRE. 1735. 2245
riche, mais moins nouveau . D'ailleurs nous avons
crû que n'ayant point eu de modele , le Public
seroit plus disposé à excuser ce qu'il y auroit de
défectueux dans notre Tragédie.
Cette derniere Reflexion est également sensée
et modeste , elle fait autant d'honneur que les
aplaudissemens en ont fait lors de la Représenta
tion . La Lettre qui nous a instruits ajoûte que les
Acteurs ont rempli leurs Rôles avec beaucoup
d'intelligence et de capacité.C'étoient Mrs Louis-
Gab. Henry de Villemandy , qui représentoit ce
Codrus, Gab. J. Antoine Cadiere, Louis Bousquet,
Joseph Isnard ; Pantaleon Charpuis ; Guill. de
Aigle ; Joseph Bermond , et Charles Joseph Cou-
Zinery.
On ne parle point du Sujet du Balet , dont les
Spectateurs furent aussi très - contens ; il est mar
qué seulement que les Danses ont été ordonnées
par M. DENIS , Maître à Danser des Pensionnaires
de ce College , lequel a montré en cette occasion
autant de bon goût que d'attention et de zele
pour ses jeunes Eleves . Les Acteurs du Balet étoient
Mrs Charles 1. Couzinery , Gab. J. Antoine Ca.
diere , Joseph Bermond , Joseph Isnard , Pierre-
François Dessables , Joseph-Elzear Isnard , Joseph
Marie Linchou , Jean- Pierre Isnard.
A la tête du Programme est un Compliment
en Vers , adressé à M. DE BELSUNCE , de Castelmoron
, Evêque de Marseille , & c. Fondateur du
College , lequel fut prononcé avec beaucoup de
grace par M.de Villemandy.Il lé commença ainsi.
Nous tenons tout ici de vos mains bienfaisantes ;
C'est dans leur Temple même élevé par vos dons ,
Que nos Muses reconnoissantes
Viennent vous présenter l'hommage de leurs sons.
Fij II
2246 MERCURE DE FRANCE
Il finit en disant :
Consultez votre amour pour nous
Plutôt qu'une Critique austere ,
Si la Piece paroît indigne de vous plaire ,
Le Sujet est digne de vous .
Nos esprits ne sçauroient vous tenir un langage
Qui soit digne de vos faveurs :
Mais pour juger du prix de notre hommage
N'écoutez d'autre témoignage ,
Que le langage de nos coeurs.
On vendra chés Barbou , ruë S. Jacques , et
Bullot , rue de la Parcheminerie , un Calendrier
Perpetuel , qui sera d'un très- grand secours pour
tous les Gens de Cabinet, où l'on trouvera,nonseulement
les années Grégoriennes , mais encore
les années Juliennes , tant pour le passé que pour
l'avenir , le tout d'une façon fore simple , les années
n'étant composées ni de Coulisses ni de
Roües, et n'ayant besoin que de sçavoir lire pour
s'en servir .
La difference qu'il y a de tous les Calendriers
qui ont paru jusqu'à présent , à celui - cy , est
que tous les Calendriers ont été faits ou pour
un temps ou pour être perpetuels ; ceux qui ont
été faits pour un temps , sont devenus promptement
de peu d'usage , par le trop peu d'années
qu'ils contenoient , par raport aux siecles , tant
écoulés qu'à écouler.
Ceux qui ont été faits pour être perpetuels , ne
renferment qu'une période , tant Solaire que Lunaire;
de sorte que quand on a besoin d'une anmée
avant ou après cette période , il faut entendre
OCTOBRE . 1735. 2247
dre le calcul du Calendrier pour y supléer ; de
plus la quantité des Roues ou des Coulisses qu'il
faut concilier pour pouvoir arranger une année
telle qu'elle est, en dégoûte tout le monde. Dans
celui - cy toutes les années , tant Juliennes que
Grégoriennes , y sont renfermées sans transposition
, sans Roues ni Coulisses , et d'une façon
fort simple . Ce Calendrier poura se mettre dans
une Bibliotheque. Il a été présenté à l'Académie
des Sciences , qui l'a trouvé d'une nouvelle in
vention fort simple , ingénieuse et commode..
Il est composé par M. Sauveur , fils de M.Sau
veur , Chevalier , Maître des Mathématiques des
Rois d'Espagne , d'Angleterre , des Enfans de:
France , de l'Académie Royale des Sciences , Exa
minateur des Ingénieurs..
On aprend de Vienne en Autriche, que le sieux
Briffaut , Libraire , débite avec succès une nouvelle
Edition in 4. 2. vol . du celebre Traité de:
POpinion , ou Memoires pour servir à l'Histoire
de l'Esprit Humain.
Le Caractère et le Papier sont d'une beauté à
faire honneur au Libraire ; les Citations y sont
placées dans un bel ordre , et l'on a entierement:
purgé cette nouvelle Edition de tous les Erratas
qui se sont glissés dans la premiere.
L'Assemblée Generale du Clergé de France
ayant Ani ses Séances , les Prélats et autres Dé
putés qui la composent , se rendirent à Versailles
le 14. de ce nois , et ils curent Audience du Roy
avec les honneurs qu'on rend au Clergé lors .
qu'il est en Corps , et avec les ceremonies obser--
vées lorsque les mêmes Députés allerent rendre:
leurs respects à S. M. le S. du mois de Juina
EW derniere.
2248 MERCURE DE FRANCE
dernier. Le Cardinal de Fleury , Ministre d'Etat
et Premier Président de l'Assemblée , étoit à leur
tête , et l'Evêque de Valence fit au Roy la Harangue
qui suit.
SIRE,
Ce ne sont point les Grands de la Terre et les
Puissances du siecle ; ce sont les Pasteurs du Troupeau
de JESUS - CHRIST , ses Ambassadeurs et ses
Pontifes , qui se présentent aujourd'hui devant le
Trône de VOTRE MAJESTE'.
Si la véneration des Peuples , si la magnificence
et la pieté des Rois vos Prédecesseurs se sont fait un
devoir de décorer nos personnes , et d'illustrer nos
Sieges ; c'est Dieu qui nous fait Evêques.
C'est sous ce Titre sacré que nous avons l'honneur
de paroître en votre présence : Nous n'y pa-
Toissons , SIRE , que plus soumis , plus fideles et
plus respectueux.
Notre consécration ne nous fait que mieux sentir
ce que nous devons en qualité de Sujets à la suprême
autorité établie de Dieu pour nous gouverner , et ce
que nous devons comme Evêques à un grand Roy ,
qui croit honorer sa Couronne en honorant notre ca
ractere ; à un Roy Chrétien , l'ornement de la Religion
, dont nous sommes les Ministres ; à un Roy
Puissant qui fait servir son pouvoir à nous proteger.
et
Voila , SIRE , ce qu'il convient à des Evêques
de rechercher et de louer dans leur Souverain ,
voilà ce que le Clergé de votre Royaume , en sé sé–
parant , vient admirer de nouveau dans V. M.
Le Monde attentif à votre destinée , vous avoit
vú d'abord, comme Josias , donner vos premiers soins
au gouvernement tranquille de vos Peuples ; il vous
voit aujourd'hui sur les traces de David , vainqueur
dos
OCTOBRE. 1735. 2249
des Nations jalouses de votre gloire , couronner la
valeur de vos Guerriers , après en avoir ranimé
l'héroïsme : Bien tôt il vous verra sur le modele de
Salomon , vous dérober aux charmes de la victoire,
leur preferer les biens solides de la Paix , et rendre
vos Peuples heureux , après les avoir rendus triomphans.
Pour nous , Ministres du Dieu Saint , seul juge
et Maitre des Rois , nous avons porté nos regards
sur des objets encore plus interessans ; nous avons
où la consolation de vous voir sur le premier Trône
de l'Univers , oposer constamment aux saillies de la
jeunesse , les bornes du devoir ; à la liberté de tout
faire , la moderation des desirs ; aufaste de la grandeur
, le goût de la modestie ; à l'éclat éblouissant
de la Couronne , les temperamens de la douceur ; à
tous les écüeils de la Royauté , les Regles du Chris
tianisme.
Nous vous voyons dans le cours d'une Guerre tou.
jours heureuse , rendre votre Empire formidable , et
n'enpas moins redouter celui de Dieu ; humilier vos
ennemis, et ne vous point élever; conquerir des Provinces
et ne vous point agrandir , cueillir des lau
viers et regretter le sang qui les arrose ; gagner des
Batailles , et desirer la Paix , content de vous faire
craindre , pour n'être plus forcé de vaincre , mais
pour gouter dans la suite de votre Regne le plaisir
de vous faire aimer de vos ennemis mêmes.
Ce que nous avons vû , nous ne cesserons point
de le voir Nos Successeurs vous en féliciteront après
nous. Plus fidele que Joas aux conseils de la sagesse,
vous serez toujours tel qu'on admiroit ce Prince ,
lorsqu'il étoit encore le restaurateur du Tabernacle,
les délices du Peuple et la gloire de Joiada.
Assemblés sous les auspices d'un Monarque si
sher à la Religion , que n'avons - nous pas dû faire
F vj рент
2250 MERCURE DE FRANCE
lui pour prouver notre dévouement ? Non , SIRE ,
nous ne trouvons rien de trop dans les efforts de notre
zele ; ils sont au -dessus de nos forces , et ils n'égalent
pas nos sentimens . Nous avons presque fait l'impossible
, et nous voudrions avoir pû davantage.
Douze millions accordés récemment sembloient:
nous avoir épuisés ; mais l'amour , animé par la Religion
, découvre des ressources , où la prévoyance ·
humaine n'en aperçoit pas.
Notre respectueuse tendresse , l'ardeur de vous ser
vir et de vous plaire ne nous ont point aveuglés sur
la nature et la destination de nos Biens .
C'est la Religion , SIRE , et la Religion la plus
éclairée qui nous a servi de guide ; c'est e.le qui nous
a apris que lorsqu'il s'agit de la gloire de l'Etat
l'Eglise qui en est le premier Corps , lui doit aussi
des secours plus abondans , et dans un temps sur tout
où les Autels reclament plus que jamais l'autorité.
du Trône , nous croirions , pour défendre le Trône,,
pouvoir dépouiller les Autels .
Si vos Ennemis vaincus vous obligent encore de
combattre , usez de nos dons pour vaincre : vainquez
pour nous donner la paix et nous employerons
les jours de la felicité publique , à faire refleurir.
nos Eglises.
;
Pacificateur de l'Europe , vous tournerez tous vos.
soins du côté de la Religion ; et tandis que la sagesse
de vos Conseils tiendra la Discorde enchainée , le
Sacerdoce et l'Empire s'uniront plus étroitement ;
nous verrons revivre dans le Sanctuaire cet esprit
de subordination que Dieu y a établi , et les divisions
qui nous affligent , viendront s'éteindre etfinir
vos pieds. Aux succès éclatans de vos Armes , qui
coûtent du sang même aux Vainqueurs , vous ferez
succeder les triomphes de l'Eglise , qui sont toujours
le salut et la gloire des Vaincus..
à
En
TILOS pig
!
1
CONVENTUS
CLERI
GALLICANI
MDCCXXX
PACEM
N
TRIUM
E
re
OCTOBRE. 173 225r
-
En attendant ces beaux jours , que les benedietions
du Ciel , et les sentimens de votre coeur nous
préparent ; vous nous permettrez de vous faire la
demande , depuis si long - temps renouvelléc , et toujours
nécessaire , des Conciles de nos Provinces ;
nous solliciterons votre pieté en faveur des interêts
sacrés de l'Eglise ; nous mettrons sous votre protection
la dignité sainte de ses Pontifes , et l'exercice
de leur divin Ministere . Ce sont- la les vrais biens:
des Evêques : vous en serez toujours le défenseur
et vous entendrez , SIRE , jusqu'à notre silence.
"T
Nous ne sçaurions mieux placer qu'en cet En
droit la Gravûre du Jetton qui a été frapé par
P'ordre du Clergé , pour désigner l'Assemblée generale
de cette Année .
On y voit d'un côté la Religion debout,
ayant à sa droite un Autel , sur lequel brule le-
Feu sacré , dont les étincelles répondent à une
Colombe qui plane dans les Airs , tenant à son
bec un Rameau d'Olivier. A gauche et plus en
arriere , est un Trophée d'Armes et de Drapeaux,
avec cette Legende : VOTIS PACEM DONIS
TRIUMPHOS.
1
L'autre côté du Jetton contient simplement
cette Inscription , entourée d'une branche d'O
livier : CONVENTUS CLERI GALLICANI
M. DCC. X X X V.
Les Coins sont de M. Duvivier , dont tout le
Monde connoît l'habileté .
On croit devoir donner avis aux Curieux qu'il
y a en vente depuis quelque temps chés la veuve
Chereau, rue S. Jacques, aux deux Pilliers d'or, ct :
ches Surugue, Graveur du Roy , rue des Noyers, une
Estampe en large gravée par le sieur Delarmessin
1252 MERCURE DE FRANCE
sin, d'après un des plus beaux Tableaux de feu
Antoine VVatteau , representant une Accordée de
Village. Ce Tableau est dans le cabinet de M. de
Julienne , et fait pendant à celui du même Auteur
qui est dans le Cabinet de la Comtesse de-
Verrue , representant une Mariée de Village
gravé depuis quelques années par M. Nicolas Cochin.
Il paroît aussi une grande Estampe en large
d'une grande , riche et ingenieuse composition
gravée par le sieur J. Moyreau , d'après un Tableau
de P. Wouvermans du Cabinet de la Comtesse
de Verrüe , de 4. pieds de large sur z . pieds
3. pouces de haut C'est le dixneuviéme morceau
que le sieur Moyreau grave d'après cet excellent
Maître. Le débit s'en fait chés lui , ruë
Galande , vis- à-vis S. Blaise.
La suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres dans les Sciences et dans les
Arts , se continue toujours chés Odieuvre , Marchand
d'Estampes , vis - à- vis la Samaritaine. I
vient de mettre en vente , et toujours de la même
grandeur.
Guillaume Cardinal du Bois , Archevêque Duc
de Cambray , Prince du S. Empire , Premier
Ministre.
François de Salignac ou Salagnac de la Mothe,
Archevêque Duc de Cambray.
Isaac Nevuton , gravé d'après la Medaille Ic.
Marin Mersenne , Religieux de l'ordre des Minimes
, Theologien , Philosophe , et Mathematicien
celebre , né à Oyse au Maine , mort à Paris
en 1648. âgé de 60. ans.
Jean Daillé , né à Chatelleraut le 6. Janvier
2594. Ministre à Charenton en 1626. mort à
Paris le 15. Avril 1670, âgé de 77. aus.
OCTOBRE. 1735. 2253
René Herault , Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police.
- François-Marie Arrouet de Voltaire, né à Paris:
Charles le Brun , Premier Peintre du Roy , né
à Paris en 1618. mort le 12. Janvier 1690. âgé
de 72. ans .
·Michel Baron , Comédien de la Troupe du
Roy , né à Paris en 1653. mort en 1729 .
Gerard Edelinck , natif d'Anvers , Graveur ordinaire
du Roy , Conseiller dans son Académic
Royale , mort le 2. Avril 1707 .
Le sieur Levet , qui fait les beaux Ouvrages en
Plumes dont nous avons fait mention dans le
Mercure de nous prie d'avertir le Pu→
blic qu'il vient de finir un graud morceau de Tapisserie
dans le même goût qui est d'une beauté
infinie et qui pour la vivacité des couleurs surpasse
tout ce qu'on peut dire. Les Curieux qui souhaiteront
voir cet Ouvrage , le pouront en payant
le prix modique de 24. sols. Il demeure presentement
chés un Apotiquaire, ruë S.Benoît, Fauxbourg
S. Germain à Paris.
Il paroît un Livre de Pieces de Clavecin par
M. de Mars , le cadet , Organiste de l'Eglise
Cathedrale de Vannes ; Qui se vend chés l'Auteur
à Vannes , et à Paris aux adresses ordinaires de la
Musique.
Remerciment
2254 MERCURE DE FRANCE
Remerciment de M. de Salis du Coudray à
M. Arnoult , Marchand Epicier Droguiste,
rue des cinq Diamans, qui lui avoit
envoyé deux paquets de son Specifique ,
qui l'ontgueri de l'Apoplexie, et preservé:
des rechutes.
Est-ce toi , divin Esculape ,
Qui m'affranchis d'un mal dont j'étois accablé &
L'étonnant succès qui me frape ,
Et qui guerit mon corps et mon esprit troublé ,
De toi seul peut être l'ouvrage ;
Toi seul as pû dompter la rage
De ce Monstre ciuel qui renaissant toûjours
D'une trop languissante vie
Eût bientôt terminé le cours.
Oui la lumiere enfin m'étoit ravie
Sans son favorable secours.
Mais
, que dis-je ? et quelle est cette fausse
pensée ,
Qui vient surprendre mon esprit !
Pardonne , cher Arnoult , à mon ame insensée ;-
Non ce ne fut qu'à toi qu'Apollon même
aprit
L'admirable secret par qui tu nous preserves ,
Des atteintes d'un mal toujours si dangereux
Euneste Apoplexic ! en vain tu nous reserves
Tes coups les plus affreux..
Avec
OCTOBR E. 1735. 2259
Avec un tel secours nous bravons ta furie ;
Tu ferois contre lui d'inutiles efforts .
Pour exercer ta barbarie ,
'Aux plus lointains climats va porter mille
morts :
Mais quitte pour toujours une heureuse Patrie.
Qui possede aujourd'hui ces précieux tresors.
ΕΝΓΟΥ.
Dans ces Vers , foible essai de ma reconnois
sance ,
Recevez mon remerciment :
Trop genereux ami que n'ai- je la puissance
De l'exprimer plus dignement !
Le sicur Rosa , Chirurgien , reçu à S. Cosme
pour la guerison radicale des Descentes de
boyaux sans faire aucune operation , par le moyen
de ses bandages très flexibles , constiuits sans fer
ni bois , et par le Remede Specifique qu'il apli
que exterieurement , fait sçavoir qu'il a fait une
très-grande quantité de Cures à Paris et ailleurs,
dont il a les Certificats , que tout le monde peut
voir chés lui , ruë de Bussi , à la Boëtte des Lettres,
fauxbourg S.Germain , et chés M. Prevost Notai--
re à Paris.
Il a inventé aussi d'autres bandages très uti
les , le premier , pour la Fistule du Periné , qui
empêche l'écoulement de l'urine , et contribue à
l'entiere guerison.
Le second , pour le Nombril tout different de
ecux dont on s'est servi jusqu'à present.
Le troisième , pour la descente de la Matrice ,
sans
1256 MERCURE DE FRANCE
sans fer ni bois , et qui n'incomode en aucune
maniere.
Le quatrié me est fort singulier et d'un grand
secours pour les Descentes les plus fâcheuses et les
plus désespérées. Ce Bandage les retient en bon
état et solidement , sans aucun embarras entre les
cuisses ; il le donne à l'epreuve et le garantit.
Le sieur Rosa a un autre talent moins important
, mais cependant très secourable , et dont
nous avons heureusement fait l'experience , c'est
d'ôter les Cors des pieds et la racine avec une
grande dexterité , et sans presque de douleur ,
ainsi que les ongles qui entrent dans la chair.
On avertit le Public que la veritable Pâte de
Guimauve blanche, et Suc de Reglisse , qui so :
très connus , et les meilleurs qui se fassent à Paris
et ailleurs , se debitent depuis plusieurs années
, dans la même boutique où ils ont été in➡
ventés , et c'est rue de la Huchette , à la Flote
Royalle de Canada à Paris ; mais comme depuis
quelques années , differentes personnes en debitent
sous ces noms- là , sans en sçavoir la veritable
composition , beaucoup de personnes y sont
trompées.
La Pâte de Guimauve , et Suc de Reglisse, sont
très-bons et connus, pour le soulagement de toutes
sortes de toux , rhumes , pituites âcres , er
maladies de poitrines de telles especes qu'elles
soient . Le Public par le long et perseverant usage
qu'il en a fait depuis si long- temps , en sçait
toutes les proprietés , il n'est pas besoin de les
repeter , par le grand debit qu'on en fait , il
y en atous les jours de nouvelles ; le prix est de
4. liv. la Livre.
Dans le même endroit se trouvent deux differens
OCTOBRE. 1735 2257
rens Febrifuges très éprouvés pour les fievres intermittentes,
et quartes , à une dose , et à trois ,
et très mediocres ; ils peuvent se transporter par
tout sans perdre rien de leur vertu , desquels Febrifuges
il n'y a à craindre aucune mauvaise
suite.
On y trouve aussi l'eau de Dannemarck pour
les dents , pour fortifier , nétoyer , ec mondifier
les gencives , raffermir les dents , en guerir et
soulager les douleurs , les chancres , thumeurs ,
petites ulceres , humeurs scorbutiques , et mauvaise
haleine , les bouteilles contiennent environ
le tiers d'une pinte , le prix est d'une pistole .
On y trouve aussi la veritable Eau de Miel
d'Angleterre pour embellir le teint .
Avis du sieur Masson , premier inventeur des
nouveaux Stors à la Françoise , très utiles et commodes
pour se garentir du Soleil et de la Poudre
, aux croisées des maisons , aux Carosses et
chaises de poste , ainsi qu'aux volets des cabinets
, bibliotheques et armoires , qui s'arêtent
deux mêmes à telle hauteur que l'on veut sans être
obligé de les arrêter , et sur lesquels il cole pro
prement des Cartes Géographiques et autres Estampes
instructives et agreables à la vûë. Il pose
aussi les sonettes de façon que les Tapissiers ne
sçauroient rien endommager quand ils tendent et
détendent les apartemens
Son adresse est ruë Betizy , derriere la Monnoye,
à côté d'un Menuisier ; il est fort employé
par les Géographes,
La Dame de Parisot privilegiée du Roy , pour
le Métail qui imite l'or , donne avis au Public
qu'elle tient son Magasin dans la ruë S. Honoré,
vis2258
MERCURE DE FRANCE
vis - à- vis la rue de Grenelle , chés un Chape
lier , au deuxième apartement ; il est composé
de très - beaux Flambeaux de toutes façons , Feux
et bras de cheminées , Girandoles , Bougeoirs ,
Ecritoires , Sonnettes de Bureaux , Cuillieres et
Fourchettes , Manches de couteaux ; Tabatieres,
Pommes de cannes , Etuits à curdens , Etuits à
cizeaux , Boëtes à savonettes
Boucles de souliers
, et Jarretieres , Boucles de manchons , Becsà
corbins; Garnitures de brides pour les chevaux
et carosses , Hausse- cols pour les Officiers , Garnitures
de commodes et pendules , Boëtes de
Montres , Epées , Garnitures de boutons pour les
habits . Elle donne aussi avis qu'elle fait des
Chandeliers d'Eglise , Croix , Tabernacles , &&C.
"
CHANSON.
Pour les coeurs delicats
Les plaisirs achetés ont seuls de vrais appas
Lorsque par un baiser , Climene ,
Je cherche à soulager ma peine ,
Défendez - vous assés pour ne pas me l'offrir ,
Mais trop peu pour m'oter l'espoir de le raviz
De Bignicourt.
SPEC
: DEN 0
CITOR
1
AND
I
plusTIONS
.
OCTOBR E. 1735. 2259.
SPECTACLES.
E Jeudy 11 du mois d'Août dernier, L
on représenta
sur
le Théatre
du
College d'Harcourt , pour la distribution
des Prix , LA MORT DE CESAR , Tragédie
nouvelle de M. de Voltaire . Il y eut
à cette Representation un grand concours
de Personnes de la premiere distinction
attirées par la nouveauté de la Piece , et
plus encore par la reputation de son Auteur.
On peut dire que l'Assemblée fût
également satisfaite et de la beauté de cet
Ouvrage , et de la maniere dont les Acteurs
s'acquitterent de leurs Personnages.
Les principaux Rôles étoient au nombre
de six . M. Bernard faisoit celui de Cesar ,
M. de Liria de Berwick celui d'Antoine ,
Bratus fût representé par M. de la Rivie
re ; Cassius par M. de Paris , Cimber , par
M. de S. Simon de Sandricourt , et Dolabella
par M. de Berulle . On fût extrêmement
content de tous ces Messieurs ;
mais Mrs Bernard et de la Riviere s'y
distinguerent d'une maniere particuliere
, et tout le monde convient qu'ils
atteignirent la perfection de l'Art , non
comme
2260 MERCURE DE FRANCE
comme des Ecoliers , mais comme les
Acteurs les plus parfairs.
Voici quel est le sujet de cette Tragé
die , dont la Scene est à Rome au Capitole.
L'an 710. de Rome , Jules Cesar
Dictateur , fut tué en plein Senat . 11
étoit Consul pour la cinquième fois ; il
avoit Marc Antoine pour Collegue ;
son ambition fut la cause de sa perte ;
il avoit fermé le dessein de changer l'Etat
Republicain en Monarchie ; on compte
parmi ses meurtriers , Cassius, Junits
Brutus , Trebonius , Minucius Basilus ,
et plusieurs autres .
La Piéce , vraiment digne de son Auteur
, est divisée en trois Actes . On tâ
chera d'en donner ici une idée , et on en
raportera quelques morceaux qui puissent
faire juger de sa beauté.
Au premier Acte , Cesar prêt à partir
pour l'Orient , aspirant toujours au pou
voir Monarchique , fait part à Antoine
d'un secret qu'il lui avoit caché jusqu'alors.
Il lui declare qu'Octavien n'est son
Fils que par adoption , que la nature lui
en a donné un autre ; que Brutus , ce fatal
ennemi du pouvoir arbitraire , et qui
par là même se rangea toujours du côté
de ses ennemis , est le fruit d'un Hymen
contracté secretement avec Servilie fille
de
OCTO BR F.
1725.
2261
de Caton. Antoine marque son étonnement
, et s'écrie :
Dieux faut- il que du sort la tirannique loy ,
Cesar te donne un fils si peu semblable à toy !
9 Cesar excuse son fils ; la nature parle.
il tâche de couvrir ses deffauts par l'énumeration
de ses vertus , en disant :
Il a d'autres vertus son superbe courage
Flate en secret le mien même alors qu'il m'outrage
;
2.
Il m'irrite , il me plaît , son coeur indépendant
Sur mes sens étonnés prend un fier ascendant
Sa fermeté m'impose , et je l'excuse même
De condamner en moi l'authorité suprême ;
Soit qu'etant homme et Pere , un charme séducteur
L'excusant à mes yeux , me trompe en sa faveur
Soit qu'étant né Romain , la voix de ma Patrie
Me parle malgré moi contre ma tirannie ,
Et que la Liberté que je viens d'oprimer ,
Plus forte encor que moi , me condamne à l'aimer
;
Te dirai je encor plus ? si Brutus me doit l'être,
S'il est fils de Cesar , il doit hair un maître :
J'ai pensé comme lui dans mes plus jeunes ans
J'ai detesté Sylla , j'ai hai les tirans.
Peusse été Citoyen si l'orgueilleux Pompée
N'eut voulu m'oprimer sous sa gloire usurpée ;
Et
2262 MERCURE DE FRANCE
Et né pour commander , mais né pour les vertus,
Si je n'étois Cesar , j'aurois été Brutus.
Il prie ensuite Antoine d'adoucir le
superbe courage de ce jeune Romain ;
de le flater de l'esperance de voir un jour
son front ceint du Bandeau Royal : il
ajoûte que peut - être cette consideration ,
la nature , le sang , ses bienfaits , les avis
d'Antoine , le devoir , l'interêt , tout lui
rendra son fils. Antoine lui repond en
>
ces termes :
J'en doute ; je connois sa fermeté farouche ,
La secte dont il est , n'admet rien qui la touche
Cette secte intraitable , et qui fait vanité
D'endurcir les esprits contre l'humanité ,
Qui dompte et foule aux pieds la nature irritée
Parle seule à Brutus , et seule est écoutée .
Ces prejugés affreux qu'ils apellent devoir ,
Ont sur ces coeurs de bronze un absolu pouvoir.
Caton même , Caton , ce malheureux Stoïque
Ce Heros forcené , la victime d'Utique ,
Qui fuyant un pardon qui l'eut humilié ,
Prefera la mort même à la tendre amitié ,
Caton fut moins altier , moins dur et moins à
craindre ,
Que l'ingrat qu'à t'aimer ta bonté veut contraindre,
Pendant
OCTOBRE. 1735. 2:63
!
Pendant qu'ils sont ensemble , Dolabella
vient anoncer les Deputés du Senat
que Cesar avoit mandés ; ils entrent. Cesar
demande à être honoré du Titre de
Roy ; mais il ne trouve que de la resistance
. On lui parle avec une fermeté
digne des premiers temps de la Republique
, Brutus sur tout fait éclater son
zele pour la liberté en ces termes :
Oui , que Cesar soit grand , mais que Rome soit
libre.
1
Dieux ! Maitresse de l'Inde , esclave au bord du
Tibre ,
Qu'importe que son nom commande à l'Univeis
,
Et qu'on l'appelle Rome alors qu'elle est aux
fers ?
Qu'importe à ma Patrie , aux Romains que tu
braves ,
D'aprendre que Cesar a de nouveaux esclaves ?
Les Persans ne sont point nos plus fiers ennemis
Il en est de plus grands , je n'ai point d'autre
avis,
Cesar , voyant la fermeté des Senateurs,
est obligé de les congedier avec les plus
vifs reproches ; cependant il arrête Brutus
, il fait tous ses efforts pour le gagner,
il lui prodigue les marques de la plus
grande tendresse mais il le trouve inflexi
G ble
2264 MERCURE DE FRANCE
ble. Antoine tâche de profiter de cette
occasion pour porter Cesar à quelque acte
de severité ; il lui cite l'exemple de Sylla ,
de Marius. Le Dictateur ne se rend point,
il veut regner sans violence. C'est ainsi
que finit le premier Acte.
Au second Acre , Antoine reproche à
Brutus la maniere trop haute dont il
parle à Cesar ; il lui dit qu'il ne connoit
pas celui qu'il ose hair , et qu'il en fremiroit
s'il pouvoit l'aprendre ; Brutus
lui repond ainsi :
Ah ! j'en fremis déjà, mais c'est de vous entendre,
Malheureux courtisan , qui vendez cet Etat,
Brutus à vos tirans ne parle qu'au Senat ,
Allez ramper sans moi sous la main qui vous
brave ;
Je sçais tous vos desseins , vous brulez d'être esclave
;
Vous voulez unMonarque et vous êtes Romains!
ques
Resté seul , il se répand en des plaintes
ameres pendant qu'il déplore le malheur
de sa Patrie , il aperçoit à terre quel-
Billets , il les ramasse , il les lit , il
est surpris des reproches qu'on lui fait ; il
promet à sa Patrie de ne point degenerer;
il est confirmé dans ces sentimens par
tous ses amis ; Cimber lui aprend ce qui
s'est passé au Capitole ; qu'Antoine fendang
OCTOBRE. 1735. 2265
dant la foule , a porté lâchement la Cou
ronne sur la tête de Cesar ; que Cesar a
paru vouloir refuser ce qu'il desiroit si
ardemment , et que les Romains ont
aplaudi generalement à ce refus . A ce
recit les conjurés forment le dessein de
hâter la perte du Tiran , ils s'y engagent
par les sermens les plus solemnels : Cesar
les surprend ; il ordonne à Brutus de rester
; il fait une seconde tentative pour le
détacher des conjurés ; il consent à l'entendre
, et dit qu'il se plaît à descendre
avec lui de son rang ; il lui demande ce
qu'il peut lui reprocher , Brutus lui repond
:
Le Monde ravagé ,
Le sang des Nations , ton Pays saccagé ,
Ton pouvoir , tes vertus , qui font tes injustices,
Qui de tes attentats sont en toi les complices ,
Ta funeste bonté qui fait aimer tes fers ,
Et qui n'est qu'un apas pour tromper l'Univers. "
Cesar rejette ce reproche sur Pompée ,
qui , s'il eut été vainqueur , auroit accablé
l'Etat sous un joug de fer, Brutus dit
qu'il l'eut immolé. Cesar lui demande si
c'est là ce qu'il lui destine , et pour lui faire
voir sur qui'il attenteroit , il lui declare
enfin qu'il est son Pere , et il l'en convainc
par un Billet qu'il lui donne à lire;
Gij Brutus
2266 MERCURE DE FRANCE
Brutus surpris , étonné , ne sçait que croire ,
que penser ; il veut parler ; la voix lui
manque ; enfin revenu à soi , il s'écrie !
O sort épouvantable ! et qui me désespere !
Ọ sermens , ô Patrie , ô Rome toujours chere ,
Cesar ... ah malheureux,j'ai trop long-tems vécu.
Il prie son Pere ou de lui donner la
mort sur l'heure , ou de renoncer à la
Couronne. Cesar se livre à la colere ; il
s'emporte ; il n'épargne point les termes
les plus durs ; il menace Brutus de le faire
perir le quitte en disant ; 2
:
On sçait ce que je puis , on verra ce que j'ose.,
Je deviendrai barbare et toi seul en es cause,
༣ ་ །།
Brutus , frapé de ces dernieres parales
, le suit ; mais dans le dessein de le
faire changer de resolution , de le sauver,
et en même temps de sauver les Romains ,
Au troisiéme Acte, les Conjurés se rendent
au lieu marqué, ils se rejouissent que
T'heure aproche ou la Maitresse du monde
va devenir sans Maître ; ils sont surpris
que Brutus se fasse attendre, ils craignent
d'être découverts; cette crainte augmente
lorsqu'ils le voyent paroître triste , abattus
il leur aprend son malheur ; illeur dit
qu'il est fils de Cesar et de Servilie ; ils
p'en
OCTOBR E. 1735. 2267
n'en veulent rien croire ; mais la chose
confirmée , ils lui demandent s'il ba
lance entre la Patrie et un Tiran ; Cassius,
lui parle ainsi :
Toi son fils, Rome enfin n'est- elle plus ta Mere,
Chacun des Conjurés n'est- il donc plus ton
Frere ?
Né daus nos murs sacrés , nourri par Scipion ,
Eleve de Pompée , adopté par Caton ,
Ami de Cassius , qué veux - tu davantage ?
Ces titres sont sacrés , tout autre les outrage.
Qu'importe qu'un Tiran , vil esclave demour ,
Ait seduit Servilie et t'ait donné le jour ?
Laisse là les erreurs et l'Hymen de ta Mere ;
Caton forma tes moeurs , Caton seul est ton Pere
Tu lui dois ta vertu ; ton ame est toute à lui ;
Brise l'indigne noeud que l'on t'offre aujourd'hui;
Qu'à nos sermens communs ta fermeté reponde,
Et tu n'as de Parens que les vengeurs du Monde.
Brutus se rend à ces raisons , il decide
en faveur de Rome ; mais il declare que
des larmes ont coulé de ses stoiques yeux;
que voyant dans Cesar , són Pere , un
coupable , un grand Homme , entrainé
par Cesar d'un côté , de l'autre retenu par
Rome , il a desiré la mort qu'ils preparent
aux Tirans ; il leur dit ensuite :
Giij Je
2268 MERCURE DE FRANCE
Je vous dirai bien plus , sçachez que je l'estimes
Son grand coeur me seduit au sein même du
crime ;
Et si sur les Romains quelqu'un pouvoit regner
Il est le seul Tiran que l'on dût épargner.
Il les assure de nouveau qu'il sera fidele
à la Patrie ; mais il demande qu'il
lui soit permis de donner quelque chose,
à la nature , au respect qu'il doit avoir
pour Cesar ; il declare qu'il ne peut souiller
ses mains du sang de son Pere ; que-
Rome demande un vengeur et non un
parricide ; enfin il desire qu'on lui laisse
faire des efforts pour flechir ce Heros ; les
Conjurés y consentent ; Brutus presse
Cesar de la maniere la plus vive , et lui
dit :
: Sçais-tu bien qu'il y va de ta vie ?
Sçais tu que le Senat n'a point de vrai Romain
*
Qui n'aspire en secret à te percer le sein ?
Que le salut de Rome et que le tien te touche :
Ton genie allarmé te parle par ma bouche ;
Il me pousse › il me presse , il me jette à tes
pieds ,
Cesar, au nom des Dieux ,dans ton coeur oubliés ,
Au nom de tes vertus, de Rome, et de toi- même,
Dirai - je au nom d'un Fils qui fremit et qui
t'aime ,
* Ici Brutus se jette aux genoux de Cesar.
Qui
OCTOBRE. 1735. 2269
Qui te prefere au Monde, et Rome seule à toi a
Ne me rebute pas.
Rien ne peut faire renoncer Cesar au
Diadême ; Brutus penetré de douleur ,
lui dit un éternel adieu , et cet adieu fut
dit par l'Acteur d'une maniere si touchante
, qu'il tira les larmes de toute
l'Assemblée . Dolabella entre ensuite suivi
de quelques Romains ; il vient dire à
Cesar que tout est prêt au Capitole , que
leTrône est élevé ; mais que toute la Nature
conspire contre lui , que le Ciel fait
voir les plus tristes presages : Cesar lui
replique :
Va ; Cesar n'est qu'un homme ;et je ne pense pas
Que le Ciel de mon sort à ce point s'inquiette ,
Qu'il anime pour moi la Nature muette ;
Et que les Elemens paroissent confondus ,
Pour qu'un Mortel ici respire un jour de plus .
Les Dieux du haut du Ciel ont compté nos années,
Suivons sans reculer nos hautes destinées ;
César n'a rien à craindre .
Enfin pressé par Dolabella , il déclare
qu'il aime mieux mourir que de craindre
la mort ; il n'est pas plutôt arrivé au
Capitole qu'assailli de toutes parts ,il perit
sous les
coups qu'on lui porte ; le bruit
G iiij le
,
2270 MERCURE DE FRANCE
le tumulte , les cris des Conjurés annoncent
sa defiite ; Cassius le poignard à la
main en aporte la nouvelle ; il aprend
aux Romains qu'ils n'ont plus deMaître ,
il les exhorte à défendre leur liberté ; ils
le lui promettent , mais ils ne tiennent
pas leur parole ; un moment après Antoine
leur tient un Discours touchant et
pathetique pour les déterminer à courir
à la vengeance.
Il fait paroître le corps de Cesar couvert
d'une Robe de Pourpre ; les Romains
frémissent ; Antoine saisit ce moment
et leur dit :
Du plus grand des humains voilà ce qui nous
reste ,
Voilà ce Dieu vengeur idolatré par vous ,
Que ses assassins même adoroient à genoux ,
Qui toujours votre apui dans la paix , dans la
guerre ,
Une heure auparavant faisoit trembler la Terre ,
Qui devoit enchaîner Babilone à son Char ;
'Amis , en cet état connoissez - vous Cesar ?
Les Romains attendris par des Discours
si touchants courent le venger ; Antoine
dit à Dolabella :
Ami , ne laissons pas leur fureur inutile ,
Précipitons ce Peuple inconstant et facile.
Que
OCTOBRE . 1735 2271
Que la guerre commence, et sans rien menager,
Succedons à Cesar en courant le venger.
C'est ainsi que finit cette Piece digne
des aplaudissemens qu'elle a eus sur le
Theatre, et qu'elle aura dans le Public.
On donna sur le Theatre du même
College pour petite Piece , les Plaideurs
de Racine. On ne peut trop louer chaque
Acteur en particulier de la maniere
dont il s'est acquité de son Personnage ;
on remarquera seulement que M. de
la Riviere n'excella pas moins dans le
Comique , qu'il avoit excellé dans le Tragique.
M. de Voltaire nous prie d'avertir le
Public qu'on a imprimé la Tragedie dont
on vient de parler , sur une copie très défectueuse,
dans laquelle on a inseré beaucoup
de Vers qui ne sont pas de lui , et
que cette Edition furtive est pleine de
fautes qui defigurent entierement l'Ou
vrage.
M. de Voltaire ajoute que c'est la seule
Piece Françoise que l'on connoisse où il
n'y ait point de Femmes. Elle avoit été
representée , dit- il , deux ans auparavant
à l'Hôtel de ****. Il y a près de dix
ans qu'elle est composée; de mauvais copistes
l'ont transcrite en partie pendant
Gv la
2272 MERCURE DE FRANCE
}
la Representation , et l'Editeur a suplée
le reste de sa tête ; de sorte que cet
Ouvrage paroît aujourd'hui imprimé furtivement
et entierement défiguré. Ceux
qui se connoissent en Poësie sçavent assés
que l'Auteur est incapable d'avoir fait
une partie des Vers de cette Piece auxquels
il manque jusques à la mesure . Cependant
, continue- t'il , les Auteurs d'une
brochure intitulée Observations sur les
Ecrits Modernes , attaquent l'Ouvrage
comme s'il étoit entierement de l'Auteur
, et accusent la Piece d'être contraire
aux regles de la Morale ; ils disent
que l'action et les sentimens de Brutus
sont plutôt d'un Quaker que d'un
Stoicien ; ils n'ont pas fait attention que
les Quake s font profession de ne jamais
porter l'épée , et que la douceur et
la patience sont leurs premiers principes ;
on avance dans cet Ecrit que les sentimens
de Brutus dans la Piece , sont monstrueux
, sans se souvenir que tel est le
caractére de Brutus dans l'Histoire , &c .
LA
OCTOBR E. 1735. 2273
LA
FEINTE INUTILE ;
Comédie en cinq Actes , par M. de Romagnesi
, Representée pour la premiere
fois par les Comédiens Italiens le 22.
Août 1735. Extrait. Cette Piece est très
bien imprimée , chés Briasson , ruë S.
Jacques , in 12. de 138. pages.
CE
Ette Comédie ayant fait un grand plaisir
sous le Titre des Menteurs embarassés , le
sieur Romagnesi a cru avec raison que le Public
la reverroit avec la même satisfaction , traduite
d'Italien en François , et de Prose en Vers. Son
attente n'a pas été trompée , et l'on a rendu jastice
à son travail . Comme c'est une Piece des
plus intriguées . on ne metra ici que très peu
de citations , quoique les beautés de détail y
soyent assés nombreuses. Nous suivrons pied
à pied l'action principale ; elle suffira toute seule.
à nous acquitter envers nos lecteurs . Deux
noms suposes, et un mariage feint produisent un
si grand nombre d'incidens , qu'on peut apeller
cette Piece l'Heraclius du Théatre Italien ; les
changemens de Théatre y sont necessaires , il
seroit à souhaiter que nos Piéces Françoises fussent
un peu moins asservies à l'unité de lieu ;
cela sauveroit bien des inconveniens ; mais il ne
faudroit pas abuser de cette liberté , qu'on a por
tée un peu trop loin dans la Feinte inutile.
Le Théatre represente au premier Acte , la Maison
de Madame Argante , et une porte au fond d
Théatre. Isabelle , Fille de Madame Argante , ouvre
la Scene avec Colombine sa suivante. Cette
derniere témoigne sa surprise à sa Maitresse par
ces Vers , qui commencent l'exposition .
G vj
Votre
2274 MERCURE DE FRANCE
Votre dessein est un peu témeraire ,
Et j'y refuserois ma voix ,
Si le Valet qui m'a sçu plaire
Ne me faisoit aprouver votre choix.
Son Maître me paroît un homme d'importance ;
On juge à ses discours, à son ajustement ,
Qu'il joint à de gros biens une illustre naissance;
Mais attendre un Epoux de moment en moment,
Et dans une telle occurrence
,
Flater les voeux d'un tendre Amant ,
C'est en agir assurement
Avec beaucoup de prevoyance.
Isabelle blâme Colombine de prendre le ton
railleur , dans une situation aussi facheuse que
la sienne ; Colombine continue son exposition
, et fait entendre aux Spectateurs que Leandre
est destiné pour Epoux à Isabelle , par le
choix de leurs communs Parens , et qu'il doit
de jour en jour arriver à Venise , lieu de la Scene.
Isabelle accuse de son malheur le sort qui lui a
offert son aimable inconnu dans un Bal , ce qui
donne lieu à cette judicieuse maxime :
Funeste liberté qu'authorise l'usage !
Pourquoi faut- il qu'au tems du Carnaval
Il soit permis aux filles de mon âge
De s'exposer au peril sans égal
De voir et de parler sans montrer leur visage ?
Notre pudeur , sous un masque fatal ,
En se cachant , perd tout son avantage.
>
Cette
OCTOBRE . 1735. 2275
Cette maxime convient mieux à Venise qu'à
aucune autre Ville . Isabelle avoue qu'elle n'a pû
refuser son coeur à un Amant qu'elle n'a point
vû , ct dont elle n'a pas laissé de se faire une
image toute charmante. Colombine lui dit qu'il
faudra bien qu'elle le voye enfin , puisqu'elle lui
a donné un rendez - vous dans le lieu où elles sont
actuellement ; Isabelle lui repond , qu'elle se
montrera à lui à visage découvert , mais sans lui
aprendre qui elle est ; voici la raison qu'elle en
donne :
Avant de me resoudre à ce pas dangereux ,
Il faut que l'inconnu m'assure
Du coeur le plus soumis et le plus amoureux ,
De la probité la plus pure ;
Qu'en lui je decouvre des moeurs
Qui le metent en droit de plaire ,
Et qu'en un mot ses vertus fassent taire
Mes scrupules et mes terreurs ;
Il faut du moins, quand l'Amour nous surmonte,
Qu'il impose de justes loix ;
Et c'est la noblesse du choix
Qui de l'égarement doit effacer la honte.
Comme ce peu de Vers qu'on vient de citer
suffisent pour faire voir que certe Piéce est bien
écrite , et qu'il y a des moeurs ; nous n'en mettrons
pas davantage dans cet Extrait , pour ne
pas faire trop de diversion à l'intrigue , qui a
besoin de toute l'attention du lecteur
toute notre exactitude .
>
et de
Isabelle voyant venir Madame Argante sa
Mere
2276 MERCURE DE FRANCE
Mere , et M. Oronte Pere de Leandre , se retire
pour aller prendre de nouveaux habits avec Colombine
, chés Angelique son amie dont la maison
communique à celle de Madame Argante ,
de maniere qu'on peut entrer de l'une dans l'autre.
Madame Argante se plaint à M. Oronte du
retardement de son fils Leandre , qui selon leurs
conventions , doit incessamment arriver à Venise
pour Epouser Isabelle . M. Oronte sort pour aller
S'informer du retardement de son fils . Madame
Argante s'aplaudit de la nouvelle alliance qu'elle
va faire avec M. Oronte .
Lelio fils de Madame Argante lui vient demander
une grace ; sa Mere qui a beaucoup de foiblesse
pour lui , l'enhardit par ses bontés à lui
avouer qu'il est amoureux d'Angelique soeur de
Damon, dont il a le bonheur de n'être point hai.
Madame Argante lui fait entendre que Damon
ne lui accordera jamais sa soeur Angelique , parce
qu'elle vient de lui refuser Isabelle qu'il aime ,
et dont elle ne peut plus disposer , attendu qu'elle
est promise au fils de M.Oronte ; Lelio la presse
au nom de toute la tendresse qu'elle a pour lui ,
de rompre un mariage si fatal à son amour. Madame
Argante est inébranlable dans sa parole ;
elle se retire , Lelio la suit pour tacher de se la
rendre plus favorable . Ici le Theatre represente
la rue et le devant de la Maison de Madame Argante
, vis à - vis la nouvelle Maison que M.
Oronte a achetée à l'occasion du Mariageprojetté.
Leandre suivi d'Arlequin son valet , vient en
se cachant le visage , au rendez-vous où Isabelle
doit se trouver avec Colombine. Leandre en attendant
sa Maitresse , forme le dessein de changer
de nom de peur que son inconnue , apremant
qu'il va être marié , ne rompe tout com-
>
merce
OCTOBRE . 1735.* 2277
merce avec lui ; il avertit Arlequin de ne l'apeller
que du nouveau nom sous lequel il se fera
connoître ; Arlequin doit aussi changer de nom ,
parce que celui du Valet suffiroit pour faire connoître
le Maître ; Leandre dit à Arlequin que
son inconnuë lui a donné un Bracelet qui lui servira
de signe pour lui prouver qu'il est le même
qu'elle a vû au Bal.
Isabelle et Colombine vienent au rendezvous
sous de nouveaux habits , mais à visage découvert,
Leandre est charmé de la beauté d'Isabelle
; il lui en fait compliment ; mais elle feint
de n'y rien entendre , et ne veut pas convenir
qu'elle soit celle qu'il a vûe au Bal ; Leandre
croit la convaincre par son Bracelet , elle feint de
méconnoître également et le signe et la personne
; mais touchée du désespoir de Leandre , et du
serment qu'il fait de n'avoir jamais d'autre
amour , elle l'arrête en lui disant tendrement
de rendre au moins le Bracelet ; Leandre
enchanté se jette à ses pieds ; elle veut sçavoir
qui est ; Leandre selon qu'il en est convenu
avec Arlequin , lui dit qu'il s'apelle Don
Pedre , Arlequin , selon la même convention, dit
à Colombine qu'il se nomme Narsisso . Ils sont
tous deux payés d'une même feinte et à peu
près pour les mêmes raisons ; Isabelle prend le
nom de Leonore , et Colombine celui de Lucrece,
au grand étonnement d'Arlequin .
›
Lelio , frere d'Isabelle survient et trouble un
si doux entretien , Isabelle qui n'a pas pris la
precaution de changer d'habit , dit à Leandre
qu'elle voit un Cavalier dont elle craint d'être
reconnue ; elle s'enfuit , après lui avoir ordonné
de ne la point suivre.
Leandre se doute que c'est quelque Rival ; Lelio
,
2278 MERCURE DEFRANCE
>
lio n'ayant pû suivre Isabelle sa soeur , par ce
qu'un de ses amis l'a arrêté assés mal à propos
vient prier Leandre de lui dire quelle est cette
Dile à qui il parloit ; Leandre lui repond brusquement
que c'est ce qu'il n'a garde de lui dire
Lelio lui demande raison de ce refus ; ils se battent
; mais voyant venir un Exempt et des Archers
, ils se sauvent l'un d'un côté , l'autre d'un
autre ,
;
Au second Acte , le Théatre represente l'interieur
de la Maison de Madame Argante , comme
à la premiere Scene du premier Acte. Isabelle
demande à Colombine si elle croit que Lelio son
frere l'ait reconnuë , Colombine lui dit que cela
se pouroit bien , et qu'elle auroit dû pren ire un
autre habit comme elle le lui avoit conseillé , & c.
Leandre sous le nom de Don Pedre , se presente
à ses yeux ; elle est très surprise de le trouver
chés elle ; le faux Don Pedre lui aprend par
quelle avanture ; sçavoir qu'il s'est battu contre
un Cavalier qu'il soupçonne d'être son Rival ,
et que s'étant séparés à l'aproche d'un Exempt ,
il étoit entré au hazard dans la premiere porte
qu'il avoit trouvée ouverte. Colombine veut lui
dire que ce Rival prétendu est le frere de sa Maitresse
, mais la fausse Leonore lui coupe la parole
Madame Argante apelle sa fille ; Isabelle
fait sauver Leandre par une porte qui conduit à
la maison voisine et va trouver sa Mere avec
Colombine. Ici le Théatre change encore
presente
>
et rela
ruë
Arlequin ne sçait ce que son Maître est devenu ;
il ne croit pas pourtant que les Archers l'ayent attrapé.
M. Oronte vient , il est fort étonné de
trouver Arlequin sans Leandre ; il lui demande
séson fils , Arlequin à de mi yvre lui
fais
OCTOBRE. 1-35. 2279
fait un recit auquel il ne comprend rien ; Oronte
lui dit d'aller cuver son vin dans sa maison qu'il
lui montre , et va chercher son fils. Le Theatre
represente l'appartement d'Angelique avec deux cabinets
enface.
Lelio , fils de Madame Argante , aprend à
Angelique le refus que sa Mere lui a fait de la
main d'Isabelle sa soeur pour Damon son frere ,
ce qui lui fait craindre que Damon irrité de ce
refus ne veuille pas l'accepter pour beau- frere ;
Angelique qui aime tendrement Lelio , est mortellement
affligée de ce contretemps .
Leandre ou le faux Don Pedre , qui vient de
sortir de chés Madame Argante d'où Isabelle la
fait sauver par une porte de communication , se
trouve, sans sçavoir où il va , dans l'appartement
d'Angelique , elle en est très étonnée , Lelio qui
le reconnoit pour celui avec qui il vient de se
battre, entre en fureur , Angelique les retient tous
deux , prets à sortir pour aller achever leur combat.
Leandre raconte son avanture d'une maniere
à donner de la jalousie à Angelique qui ne peut
croire que Lelio ait pris tant d'interêt à la Dame
qui a causé leur querelle , sans en être amoureux.
Lelio lui aprend qu'il a cru que cette Dame dont
on s'obstinoit à lui cacher le nom , étoit sa soeur.
Un Laquais vient avertir Angelique que son
Frere va monter dans son Apartement ; el'e ne
veut point qu'il la trouve avec deux Cavaliers ;
elle les fait cacher dans deux Cabinets. Damon
dit à sa Soeur de se préparer à quitter Venise ,
attendu qu'il y est trop maltraité par l'Amour.
Angelique tâche de lui faire changer de résolution
, et se retire sous prétexte de quelque indisposition
.
Leandre qui du cabinet où il s'étoit retiré ,
reconnu
2280 MERCURE DE FRANCE
reconnu Damon son ancien ami , vient l'embrasser
. Damon le reçoit à bras ouverts ; il veut faire
avertir Oronte qui est en peine de son cher fils ;
Leandre le prie de n'en rien faire , et pour cause.
Damon se doute que c'est une affaire de coeur ,
et le soupçonne d'aimer Angelique ; Leandre ,
pour le desabuser , lui conte par quelle avanture
il se trouve chés lui ; Lelio sort à son tour du
Cabinet où il s'étoit caché , il aprend avec surprise
que celui avec qui il s'est battu , est ce même
Leandre à qui Isabelle sa soeur est destinée ;
Damon ne peut l'aprendre sans émotion ; Leandre
a recours à un nouveau mensonge pour calmer
le trouble de son ami ; il lui fait croire
qu'il est marié depuis un an à l'insçu d'Oronte
son Pere ; ce mensonge charme également Damon
et Lelio ; Damon apelle sa soeur Angelique
pour lui faire part d'une nouvelle qui les rend
tous heureux ; Leandre marié , dégage la parole
de Madame Argante et la met en liberté de marier
sa fille Isabelle avec Damon , qui par reconnoissance
accordera sa Soeur Angelique à Lelio.
Ce dernier conseille à Leandre de prendre toutes
les mesures possibles pour empêcher Oronte de
faire casser son mariage; Leandre à qui les mensonges
ne coutent rien , lui dit qu'Oronte sera arrêté
tout court par un dedit considerab`e qu'il lui faudroit
payer ; cette nouvelle circonstance les rassure
tous.
Au troisiéme Acte le Théatre represente la
ruë , Madame Argante paroit fort agitée , M.
Oronte lui demande ce qui peut causer son trouble
, elle lui dit qu'on lui a apris que son fils s'est
battu avec un Cavalier étranger ; Lelio arrive
fort à propos pour la rassurer , elle lui demande
des nouvelles de son combat ; Lelio lui dit qu'elle
n'en
OCTOBRE . 1735. 2281
n'en doit point craindre les suites, et qu'il vient
de se raccommoder avec son ennemi , qui s'est fait
connoître à lui pour ce même Leandre qui devoit
être son Beau-frere , mais qui ne le sera pas,
attendu qu'il est marié . Oronte est très irrité d'a- .
prendre que son Fils s'est marié sans son consen
tement ; il jure de faire casser ce mariage.
Leandre se trouve enfin par hazard dans la
même ruë ; il ne peut se derober aux yeux de son
Pere qui l'accable de reproches , Arlequin a beau
dire que Leandre n'est pas marié , Leandre soutient
le mensonge avec une fermeté qui oblige
Oronte de le laisser après lui avoir protesté qu'il
ne donnerà jamais son consentement à un Hymen
si indigne d'un fils autrefois si soumis à
son Pere , &c. Leandre fait quelque excuse à a
Ma lame Argante , qui les reçoit avec fierté ; il
se retire avec Arlequin.
Lelio somme Madame Argante de lui tenir pa
role et de donner Isabelle à Damon , qui ne lui
a promis sa Soeur Angelique qu'à cette condition
Madame Argante lui demande du temps
pour s'arranger sur ce double mariage . Lelio ne
veut point de delai .
Damon vient ; Lelio lui dit que Madame Argante
consent à son bonheur ; mais qu'elle demande
du temps, quoi qu'il puisse lui dire , Damon
lui dit qu'il est trop heureux de pouvoir esperer
, et qu'il subira les loix que Madame Ar
gante lui impose ; il rend grace à sa future Belle-
Mere , avec des expressions si touchantes , qu'elle
consent à ne plus differer le bonheur d'un
Gendre si soumis à ses volontés Lelio apelle sa
Soeur Isabelle à qui il aprend que Leandre s'étant
marié , elle doit se preparer pour se venger
de cet affront à épouser Damon qui le vaut bien.
Isabelle
2284 MERCURE DE FRANCE
Femme se nomme Leonore. Ici le Theatre repré
sente la maison de Damon.
Damon à qui Leandre a confié Isabelle
masquée , comme étant sa Femme , croit reconnoître
à son profond silence qu'il luy
est suspect , il la rassure , & la fait entrer
avec Colombine dans la chambre de sa Soeur
Angelique, qui est sortie , dit- il , pour aller faire
quelques emplettes ; Isabelle et Colombine toûjours
masquées , luy font une profonde revé
rence ; et entrent dans la chambre d'Angeli
que.
Leandre vient remercier Damon du service
qu'il luy a rendu ; il luy demande où est sa
Femme ; Damon luy dit qu'il l'a enfermée avec
sa Suivante dans la chambre de sa Soeur Angeli
de surprise. que , de peur
Lelio vient chés Damon , et luy reproche son
peu d'assiduité auprês de la Beauté qu'il doit
épouser , Leandre sort , en disant que ce seroit
trop d'avoir deux Confidens. Lelio paroît surpris
de voir encore Leandre dans l'apartement
'Angelique ; Damon le rassure , en luy disant
que sa Soeur est en ville ; il ajoûte qu'il n'a plus
rien à craindre de la part de Leandre , qui a eu
le bonheur de faire aprouver à son Pere l'Hymen
dont il leur a fait confidence , et qu'il doit
luy présenter son Epouse , qui est actuellement
chés luy et dans l'apartement d'Angelique sa
Soeur.
Leandre revient pour demander une seconde
grace à Damon. Il luy dit que pour des frayeurs
frivoles , sa Femme voudroit sortir de chés
luy , & n'être point présentée à Mr Oronte
qu'elle ne fut sûre d'en être bien requë ; il le
prie de se retirer aussi-bien que Lelio , pour
laisser
OCTOBRE . 1735- 2285
laisser un champ libre à sa sortie ; Damon &
Lelio , sans pousser plus loin l'examen , font ce
que Leandre éxige d'eux . Isabelle & Colombine
sortent de la chambre où elles étoient entrées.
Le faux Don Pedre convient avec la fausse
Leonore que sa crainte étoit bien fondée , &
qu'elle auroit pû étre reconnue par Damon ,
dont elle est aimée , & qui se flate d'être bientôt
son Epoux. Il veut aller la présenter à son Pere ,
à qui il a fait entendre qu'ils étoient déja mariés
. Isabelle luy dit , que quoy qu'elle ne le
soupçonne pas de la tromper , elle sera bien aise
de se présenter elle- même à son Beaupere , sans
qu'il soit present , pour mieux s'assurer du consentement
qu'il donne à leur Hymen. Après
quelque résistance , Leandre est forcé d'obéir
& charge Arlequin de la conduire chés son Pere.
Leandre s'étant retiré , Isabelle , pour se défaire
d'Arlequin , luy dit de l'aller attendre dans la
rue ; Arlequin obéit , & dès qu'il a disparu ,
Isabelle fait connoitre à Colombine , qu'elle veut
aller se remettre entre les bras de sa Mere , et
qu'elle inventera quelque stratagême pour se débarasser
tout-à- fait d'Arlequin , que Leandre a
chargé de la conduire chés Mr Oroute,
Au cinquiéme Acte , Le Theatre represente la
ruë. Me Argante mortellement affligée , dit à son
Fils Lelio , que sa Soeur Isabelle vient de les
couvrir d'une honte éternelle ; qu'elle est sortie
masquée avec Colombine , & qu'on l'a rencon➡
trée avec un Etranger : Lelio jure de venger cet
affront.
Oronte vient & témoigne sa surprise sur le
retardement de son Fils Leandre , qui devoit luy
amener sa Femme. Me Argante luy fait part
du malheur qui vient de luy arriver, Oronte irrite
2286 MERCURE DE FRANCE
rite sa douleur par des plaisanteries à contretemps,
il reconnoît enfin qu'il a tort de la railler
dans une situation où elle a besoin d'un promt
secours ; il luy off: e ses soins pour faire les per
quisitions necessaires ; Lelio luy promet une seconde
fois de la venger , d'autant mieux que
son honneur & son amour y sont également interessés
, craignant avec raison qu'Isabelle étant
disparue , Damon ne veuille plus luy donner sa
Soeur Angelique.
Damon vient ; il fait des reproches à Lelio sur
le peu d'empressement qu'il marque pour informer
Angelique de leur prochain bonheur.
Lelio qui voit que tout ce bonheur prétendu est
renversé par l'enlevement d'Isabelle , dont sa
Mere vient de l'instruire , ne s'çait que répondre.
Damon surpris du desordre où il le voit , veut
entrer dans la maison de Me Argante ; Lelio
non - seulement l'arrête , mais il ferme la porte
à clef. Damon picqué de ce refus , croit que
Lelio a changé de sentiment , et qu'il ne veut
plus luy donner sa Soeur ; il se retire pour aller
s'éclaircir de ce mystere. Lelio se retire aussi.
Isabelle revient avec Colombine , sans avoir
pú se débarasser d'Arlequin , qui luy fair des
reproches de l'avoir tant fait courir ; il dit à Isabeile
, qu'enfin ils sont arrivés à la maison de
Mr Oronte son futur Beaupere , et qu'il n'y a
plus qu'à entrer pour terminer une si longue
course. Isabelle luy dit d'aller l'annoncer à Mr.
Oronte , Arlequin trouve que cette bienséance
est très - raisonnable , et il va exécuter ce der-.
nier ordre à peine est- il entré chés Mr. Oron- å
te , qu'Isabelle et Colombine se demasquent .
Mr. Oronte sortant de chés luy , ordonne
qu'on y respecte son Fils comme luy- même ,
lors
OCTOBRE. 1735. 228
a
lors qu'il viendra , et qu'on luy dise qu'il re
viendra bientôt luy même. Il trouve Isabelle
dans la rue ; il luy reproche son enlevement , et
luy dit qu'il va la remettre entre les mains de
Me Argante sa Mere. Isabelle ne sçait ce qu'il
luy veut dire . Me Argante vient ; Mr. Oronte
Juy rend sa Fille , qui essuye de nouveaux repro
ches qu'elle ne croit pas avoir merités.
Arlequin n'ayant pas trouvé Mr Oronte chés
luy , est très étonné de voir Me Argante enfer
mer Isabelle chés elle , en luy disant que pour
prévenir de pareils accidens , elle va la marier
sans plus de remise ; pour surcroît de douleur ,
il voit qu'on luy enleve aussi sa prétendue Lu
crece ; il en fait ses plaintes à Leandie qui survient;
il luy aprend qu'on vient d'enfermer et Lu-
Crece et Leonore , et qu'elles sont toutes deux
chés Me Argante. Leandre moitellement frapé
de ce que Arlequin luy annonce , soupçonne son
Pere de l'avoir trahi . Mr Oronte arrive ; il se
plaint à Leandre de ce qu'il l'a fait si long - tems
attendre il luy demande où est le cher objet
de ses voeux ; Leandre prend cela pour une ironie
; il se livre à des transports que son Pere
prend pour des accès de folie. Oronte demande
à Arlequin si son Maître a perdu l'esprit ; Arle
quin luy dit des injures . Leandre et Arlequin
s'étant retirés comme furieux , Oronte se retire
aussi , pour chercher du remede à des transports
dont il a tout à craindre. Ici le Theatre change
encore , et représente la maison de Me Argante .
Angelique et Damon entrent chés Me Argante
par la porte de communication ; Angelique ne
sçauroit comprendre que Lelio trahisse Damon
attendu qu'il n'a pas fait fermer la porte qui
rend l'accès libre d'une maison à l'autre . Lean-
H
·
dre
228 MERCURE DE FRANCE
dre vient un moment après plus furieux que ja
mais ; il apelle sa chere Leonore , et demande
à grands cris qu'on la luy rende.
Lelio vient aussi : Damon luy demande Isa
belle ; Leandre demande toujours Leonore. Lelio
répond à Damon , qu'il ne luy ôte point sa
chere Isabelle et que pour luy il brûle tou
jours d'épouser Angelique.
et
Isabelle vient enfin Leandre luy dit de se
tenir auprès de luy , et de ne point craindre
que personne ose l'arracher d'entre ses bras.
Mr Oronte se confirme de plus en plus dans la
pensée que son Fils est en démence : Me Argante
en convient ; Lelio et Damon n'en dou
tent point. Isabelle se jette aux pieds de sa Mere ,
et luy confesse qu'elle n'a pu refuser son coeur
à son cher Don Pedre. Leandre proteste à son
Pere qu'il ne sera jamais qu'à sa chere Leonore
; Oronte et Me Argante demandent où sont
donc ce Don Pedré et cette Leonore ; Leandre
et Isabelle leur répondent qu'ils sont devant
leurs yeux enfin le voile est écarté , ces deux
Amants declarent le chargement de noms ,
quel en a été le motif. Lelio est affligé de cet
éclaircissement , pour Damon et pour luy- même
; mais Damon prend son parti en galant
homme , il renonce à Isabelle , & n'en donne
pas moins sa Soeur à Lelio ; de sorte qu'après ce
grand imbroglio tous les Personnages se trouvent
parfaitement d'accord . Nous n'osons nous fla→
ter que cet Extrait soit bien entendu du premier
coup. Les divers incidens dont cette Comedie
est chargée , demandent une trop grande aplication
, nous avons râché de les mettre dans l'ardre
le plus suivi qu'il nous a été possible , et
nous esperons du moins qu'on nous tiendra
compte du soin que nous y avons aporté.
OCTOBRE . 1735. 2287
On a cessé les Représentations du Bilet des
Indes Galantes , pour donner le 28. de ce mois
l'Opera de Scanderberg , qui a été tort aplaudi.
On en parlera plus au long. On assure qu'on re
prendra le Balet des Indes Galantes cet Hyver ,
avec une quatriéme Entrée nouvelle , qui en fera
un Spectacle complet. Nous donnerons alors avec
l'Extrait de cette Entrée, celui du troisiéme Acte
nouveau.
La Décoration du troisiéme Acte de ce Balet ,
qui a fait tant de plaisir , et qui a attiré tant d'aplaudissemens
, représente un grand et magnifi
que Jardin , lequel offre d'abord aux yeux des
Spectateurs une Allée d'Arbres , entremêlés d'Ifs ,
et terminée par un grand Berceau , qui est aussi
formé par des Arbres extrémement élevés .
A travers ce Berceau on voit dans un grand
éloignement une Charmille , qui forme un Plan
demi hexagone.
A droite et à gauche de la face du milieu , se
forment des Portiques de cinq Arcades de chaque
côté , qui en suportent cinq autres , toutes ornées
de quantité de Vases et Festons de fleurs .
Ces Portiques hauts et bas , sont remplis de
Gradins à triple rang, pour placer des Musiciens,
et contiennent cent personnes ; les hommes sont
placés en haut et les femmes en bas .
Du milieu de chaque Arcade pend un Lustre
de cristal , et de chaque côté un Feston de fleurs.
De chaque Arbre , tant de l'Allée que du Berceau
, pend aussi un Lustre orné de Festons de
fleurs , tous alignés à ceux des Arcades d'en haut.
Les Ifs sont ornés de Girandoles qui s'alignent ·
aux Lustres des Arcades d'en bas .
Cette grande illumination fait un effet surprenant
, mais convenable à ce lieu , que l'on voit
Hij destiné
2288 MERCURE DE FRANCE
destiné pour une grande Fête , par la richesse des
fleurs et la charmante verdure qui regne dans
tout ce superbe Jardin . Ce Spectacle aussi brillant
que bien entendu , est l'Ouvrage du Chevalier
Servandoni.
On a cessé au Théatre François la Tragedie
'de Teglis,de M.de Morand,après onze Représentations
, ce qui est regardé comme un succès
dans une saison comme celle-cy, où les Spectacles
sont très- peu fréquentés. On assure que cettePiece
sera reprise cet hyver. Nous en donnerons l'Extrait
le mois prochain . Elle paroît imprimée in 8.
chés Ribou , vis - à- vis la Comédie Françoise , et
la lecture ne dément point les aplaudissemens
qu'elle a eu sur le Théatre. Un fragment de la
Préface qui est à la tête de ce Poëme ,
féra connoître
le caractere docile , reconnoissant et modeste
de l'Auteur, Persuadé , dit - il , que je ne
dois l'accueil favorable qu'on a fait à ma Tragédie
, qu'à l'indulgence qu'on a cue pour an
coup d'essay , et convaincu qu'on m'a tout passé
en faveur de quelque talent qu'on a crû reconnoître
en moi , je suis bien éloigné de penser
qu'on n'a fait que me rendre justice . Je ne
demandois au Public , poursuit il , que de n'être
pas rebuté ; il a fait plus , il m'a encouragé ;
top satisfait de ses bontés , je croirois m'en
rendre indigne , si je laissois échaper l'occasion
de l'assurer de ma reconnoissance , &c.
....
Le premier Septembre , l'Opera Comique donna
la premiere Représentation d'une Piece nouvelle
d'un Acte , en Vers et Vaudeville , ayant
pour titre Margeon et Katifé , ou le Muet par
amour. Le sujet de cette Piece est tiré du second
volume
OCTOBRE. 1735. 2289
volume des Contes Mogols , donnés au Public en
1732. par M. Gueulete .
Le 11. on donna sur le même Théatre les Eaux
de Merlin, Piece en un Acte, precedée d'un Prologue
, représentée dans sa nouveauté en 1715.
Cette Piece est suivie d'un Balet Coinique , qui
a pour titre , la Foire de Besons , et qui présente
aux Spectateurs un Tableau au vrai de tout ce
qui s'y passe par la multitude de monde qu'elle
attire , et des personnages de tout âge , de
sexe, et de toutes conditions. Ce Balet est coupé
par trois differentes Scenes. La premiere est remplie
par un Operateur et son Epouse , habillée en
Amazone ; ils vantent fort la bonté de leurs Remedes
et leurs effets miraculeux.Ils en distribuent
pour de l'argent , &c .
rout
La seconde Scene est remplie par un Sa
voyard , portant une espece de Coffre ou Bahu ,
qui renferme , dit il , tout un Opera , et qu'il
montre pour de l'argent , en criant comiquement
, La Rareta , la Curiosita ' , &c. Il fait remarquer
par des ouvertures doat le Coffre est
percé , tous les endroits du nouveau Balet des
Indes Galantes , qu'on a trouvé les plus singuliers
et les plus dignes d'attention .
La troisiéme Scene fait voir un Chanteur du
Pont-Neuf et sa Femme , montés sur des treteaux
, accompagués d'un Violon ; ils chantent
plusieurs Couplets de Chanson d'une maniere
aussi comique que plaisante et naïve. Tout ce
Divertissement a été très - bien executé , de même
que les Scenes dont on vient de parler.
Le 17. on donna encore un Acte nouveau intitulé
, Les Amours des Indes , premiere et seconde
partie , Parodie du nouveau Balet , dont on
poura parler plus au long .
H iij Le
2290 MERCURE DE FRANCE
1
Le 24. on ajoûta un nouveau Balet Comique,
intitulé La Mie Margot , qui fut precedé du Dé
guisement Postiche et du Bon Ture , Parodie du
même Balet des Indes Galantes.
Le 2. Octobre , jour de la clôture de la Foire
S. Laurent , l'Opera Comique donna la derniere
Représentation des Pieces dont on vient de par-
Jer , après lesquelles on fit un Compliment en
Prose et en Vaudeville , dialogué par deux Acteurs
et deux Actrices , qui fut très - aplaudi du
Public ; voici les Couplets du Vaudeville du Divertissement
de la Foire de Besons , mis en Musique
par M. Gilliers , dont les Ouvrages sont
toujours goutés.
VAUDEVILLE.
De la Foire de Besons, à l'Opera Comique.
ΑAu bon Papa d'une fillette U
Donner toujours du meilleur vin ,
Pour avoir à soi la Soubrette ,
De bons Louis remplir sa main ;
Caresser la Tante et la Mere
Pour voir à son gré la Fanfan ,
C'est le Tran tran tran tran tran tran ,
D'un Amant qui veut plaire.
Du Robin flater la tendresse ,
Four se ménager un apuy ,
Au Financier faire caresse
Pour
OCTOBRE . 1735. 2293
Pour trouver du comptant chés lui ;
Soutenir l'Amant qui veut plaire ,
Des deniers du vieux Partisan ,
C'est le Tran tran , &c.
D'un fine Commere.
Prôner les faveurs d'une Belle
Dont souvent on est rebuté ,
Se faire honneur d'être infidele ,
De son mérite être entêté
Juger sans voir et sans connoître,
De tout blâmer se faire un plan ,
C'est le Tran tran , &c.
D'un jeune Petit - Maître.
Feindre une ignorance profonde
Pour mieux endormir la Maman
Se dérober aux yeux du Monde ,
Pour lire à son aise un Roman ;
Rougir d'un mot à double entente ,
Puis en rire sous un Ecran ,
C'est le Tran tran , &c.……
2
Des Agnès qu'on nous vânte, / L
Paroître douce et prévenante ,
Pour amorcer un jeune Amant ,
Hiiij
Par
2294 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Seigneur , accompagné de ses Ministres
et de ses principaux Officiers , alla dans
tous les endroits où étoit le feu , afin de donner
ses ordres pour arrêter l'incendie. Pendant que
Sa Hautesse étoit occupée de ce soin , plusieurs
Détachemens de Janissaires gardoient les principales
rues pour empêcher la confusion et le pillage
, et ils obligeoient tous les habitans dont
on ne pouvoit attendre du secours , de rentrer
dans leurs maisons.
La même nuit il y eut aussi un incendie considerable
à Andrinople , et un autre au Château
d'Europe, situé à l'entrée du Bosphore, dont une
partie a été presque entierement réduite en cendres
. On a arrêté plusieurs personnes soupçonnées
d'avoir été les Auteurs de ces divers incendies.
On a apris par les Equipages de plusieurs Bâtimens
arrivés de Tunis sur les Côtes d'Italie , le
détail de la nouvelle révolution qui y est arrivée
, et ils ont raporté que la nuit du 3. au 4.
du mois dernier les Turcs envoyés par la Régence
d'Alger au secours de l'ancien Dey , étoient
sortis de leurs lignes, et qu'ayant profité de l'obscurité
de la nuit , ils s'étoient aprochés du Camp
de l'Usurpateur ; que ceux de leur Nation qui
étoient dans l'Armée des Rebelles , et qui composoient
la Garde avancée, avoient laissé passer,
ainsi qu'ils en étoient convenus , 2500. hommes
des Troupes Algeriennes , lesquels à la pointe du
jour attaquerent les Rebelles , pendant qu'un autre
Corps de 1500. hommes , qui étoit posté
derriere une Montagne , les chargea en flanc ;
que 4500. Turcs que l'Usurpateur avoit à sa
solde , avoient mis aussi - tôt les Armes bas ; que
sa Cavalerie se voyant abandonnée , avoit pris
la
OCTOBRE, 1735. 2295
la fuite ; que les seuls Couroulis avoient combattu
avec valeur , mais que leur résistance avoit
été inutile er qu'ils avoient été obligés de se-ren-.
dre , que l'Usurpateur avoit été blessé à la cuisse,
et qu'il avoit eu beaucoup de peine à se sauver
avec sa femme et ses trois fils.
Les Lettres qu'on a reçûës depuis de la même
Ville , marquent qu'il s'est retiré à Tripoli , et
que l'ancien Dey de Tunis étant entré dans la
Ville après sa victoire , s'y étoit fait reconnoître
et proclamer de nouveau par les Soldats et par
les habitans , et qu'il y avoit fait publier une
Amnistie generale , dont le seul cousin de l'Usurpateur
avoit été excepté , parce qu'il lui avoit
prêté une Barque pour favoriser sa fuite.
RUSSIE.
Kirilow , Conseiller d'état , que la Cza-
M'rine a chargé de faire bâtir une Ville dans
le Pays des Tartares Baschkirkys , afin de faciliter
le commerce avec l'Indostan , a écrit à la
Czarine que cette Nation avoit marqué beaucoup
d'empressement de voir l'execution de ce
dessein , et qu'elle paroissoit disposée à y contribuer
de tout son pouvoir. Cette nouvelle a été
reçue à Petersbourg avec d'autant plus de plaisir,
que le bruit couroit que ces Tartares n'avoient
point voulu souffrir qu'on bâtît une Ville chés
eux, mais même qu'ils avoient inassacré M. Ki❤
rilow.
On assure que le Roy de Suede n'a consenti
au renouvellement du Traité conclu le 22. Février
1724. entre la Suede et la Moscovie , qu'à
condition que Sa Majesté Suedoise demeurerà libre
par raport à la guerre présente et aux suites
qu'elle pouroit avoir,
H vj On
2296 MERCURE DE FRANCE
On mande de Turquie , que Giadnum Codgia,
Capitan -Pacha , étoit au commencement du mois
passé dans la Mer Noire avec une Escadre de dix
Vaisseaux de guerre et d'un pareil nombre de
Frégates , pour être à portée de secourir Asoph,
si les Troupes Moscovites que le Comte de Munich
assemble , en entreprennent le Siege.
Le bruit court que l'Armée des Tartares, commandée
par le Kan de Crimée , après avoir traversé
la Cubardie , étoit entrée dans le Daghestan.
D'autres Lettres continuent d'assurer que ce
Kan , à la tête d'une Armée de 80000. hommes
est entré dans le Daghestan , que ses Troupes, en
traversant la Cubardie , ont enlevé presque tous
les jeunes gens des lieux par lesquels elles ont
passé , et qu'elles ont exigé par tout de fortes
contributions.
S. M. Cz. reçut le 15. du mois dernier , un
Courier que lui avoit dépêché le Comte de Wies- -
bach , par lequel elle aprit que ce General avoit
fait prendre les Armes aux Cosaques et aux Calmuques
, Sujets de la Czarine , pour observer les
mouvemens du Corps des Tartares qui s'étoit
avancé sur les Frontieres de l'Ukraine , et qu'il
avoit fait occuper par les Troupes qui étoient en
quartiers dans son Gouvernement, les lignes faites
par ordre du feu Czar Pierre I. pour empêcher
les Tartares de faire des courses dans cette
Province. Depuis l'arrivée de ce Courier , on a
apris la nouvelle de la mort de ce General , qui
est extrémement regretté.
POLOGNE
OCTOBRE. 1735. 2297
S
POLOGNE.
Elon les Lettres de Konigsberg , le Roy a
reçûavis qu'environ 160. des Seigneurs et des
Gentilshommes , qui ont été obligés d'assister
aux Assemblées particulieres , tenues dans les Palatinats
par la Noblesse du parti de l'Electeur de
Saxe , avoient signé le Manifeste datté du 30. du
mois de Juillet dernier , par lequel le Roi et la
Noblesse Confederée en faveur de S. M. protestent
contre toutes les résolutions qui seront pri
ses dans l'Assemblée convoquée à Warsovie .
Le Roy a apris en même-temps que le Comte
Czawiczi , Grand- Maréchal de Lithuanie , lequel
est revenu depuis peu de Petersbourg , où il étoit
allé en qualité d'Envoyé Extraordinaire de l'E
lecteur , s'étoit soumis à S. M. et qu'il étoit atendu
incecsamment à Konigsberg.
Un grand nombre de Seigneurs et de Gentilshommes
de la Prusse Polonoise, ont refusé de se
trouver aux Assemblées particulieres que l'Electeur
avoit convoquées dans les principales Villes
de Pologne , et ceux qui y ont assisté ont chargé
les Députés qu'ils ont élus pour aller à celle
de Warsovie , de demander aussi- tôt après l'Election
du Maréchal , qu'on fasse sortir du Royau
me toutes les Troupes Etrangeres , tant Moscovites
que Saxones et de ne point consentir
qu'on délibere sur aucune autre affaire avant la
décision de cet article.
>
Le Castellan de Czersk s'est rendu à Neidembourg
, afin de conferer avec le Palatin de Lublin
au sujet de quelques affaires qui les regardent
personnellement , mais ce dernier n'a point voulu
se trouver au lieu que le Comte de Poniatouski
hui
2298 MERCURE DE FRANCE
lui avoit marqué pour lui faire quelques propositions
de la part de l'Electeur de Saxe , et il a
repondu à la Lettre que ce Comte lui avoit écrite
, qu'il ne souhaitoit rien avec plus d'ardeur´
que de voir la Noblesse reunie et la tranquillité
retablie dans le Royaume , pourvu qu'il ne fallut
pas acheter cet avantage en trahissant son honneur
et son devoir , et en sacrifiant la liberté et
les droits de la Nation , mais que malheureusement
une partie de la Noblesse Polonoise sembloit
déterminée à choisir , pour arriver au but
qu'elle devoit se proposer , les routes les plus propres
à l'en éloigner .
On aprend de Dantzick que les Magistrats s'assemblerent
le 15. et le 17. du mois dernier pour
deliberer sur la proposition que l'Electeur de Saxe
leur a faite de consentir qu'il établit dans cette
Ville un Commissaire General de Marine qui
eut droit de visiter tous les Vaisseaux lorsqu'ils
entreront dans le Port où qu'ils en sortiront , et
qu'ils ont resolu de charger M. de Behne, char--
gé des affaires de la Regence auprès de ce Prince ,
de lui déclarer que cette innovation étoit absolument
contraire aux Privileges des habitans et
nuisible au commerce.
>
Sur la fin du mois dernier , il parut à Dantzick
un Ecrit dans lequel l'Auteur entreprend de
prouver que les resolutions prises dans l'une des
dernieres Diettes generales ,tenues sous le regne du
feu Roy, ne peuvent être executées sans violer les
Privileges des habitans de la Curlande , et que les
Etats de ce Duché sont en droit , après la mort
du Duc regnant , de proceder à l'élection d'un
Souverain.
Le 27, du mois dernier , on fit à Warsovie ,
l'Assemblée generale, que l'Electeur de Saxe a convoquée
OCTOBRE. 1735. 2299
voquée en cette Ville , et M. Poninski , Marechal
de la Confederation faite en faveur de ce Prince,
proposa dans cette premiere Stance d'élire un
Marechal de l'Assemblée ; mais un grand nombre
de Deputés s'y oposa , et ils declarerent qu'ils
ne consentiroient point qu'on miît aucune af
faire en deliberation , avant qu'on eut donné des
assurances positives sur la sortie des troupes
trangeres. Ces Deputés ayant repeté la mêine
Declaration dans la seconde et la troisiéme Seance
qui se tinrent le 28. et le 30. les instances de M.
Poninski pour y
faire élire un Maréchal , furent
inutiles.
· Dans la quatrième Seance tenuë le 1. de ce
mois , M. Poninski ayant assuré les Deputés
qu'aprés l'Election du Maréchal , l'Electeur feroit
son possible pour que les Troupes étrangères sortissent
du Royaume , demanda de nouveau qu'on
procedat à cette Election . Comme il se disposoit
à recueillir les Suffrages de la Noblesse du Palade
tinat de Cracovie , les Deputés de Cujavie ,
Liva , et de Nur , renouvellerent leur oposition .
Quelques-uns d'entre-eux ayant representé qu'il
à faire des Loix pour ne convenoit de songer
pas
rétablir la tranquillité , pendant qu'on étoit environné
des Troupes Moscovites et Saxones . M.
Poninski repondit que l'Electeur n'avoit auprès
de sa Personne que le nombre de Troupes accordé
par la Constitution de 1717. et qu'il n'étoit
resté dans les environs de cette Ville que
Troupes Moscovites destinées à la garde du Ministre
de la Czarine. Il lut ensuite le Decret que
l'Electeur a envoyé à ses Generaux pour faire
cesser toutes les executions militaires , mais cette
lecture ne produisit pas plus d'effet les discours
de M. Poninski.
que
les
Lo
2302 MERCURE DE FRANCE
obligés de fournir pour le subside de 30. mois
Romains , accordé par la Diette , ou d'avoir envoyé
à l'Armée de l'Empire des contingents qui
n'étoient points compleis , et il ajoute que d'au
tres n'ont voulu accorder aucun secours ni d'hon..
mes ni d'argent . S. M. I. assure que si des obstacles
de cette nature ne s'étoient point rencontrés
, et si les exhortations que son attachement
au Corps Germanique lui ont dictées ,
avoient produit l'effet dont elles auroient dû être
suivies , kes armes de l'Empire auroient eu plus
de succès. L'Empereur finit en exhortant tous
les Princes d'Allemagne à s'unir sincerement à
lui , à fournir au plutôt ce qu'ils doivent encore
de leurs premiers contingents , et à payer sans
delai un nouveau subside de 60. mois Romains.
Le lendemain, la Diette s'étant assemblée pour
deliberer sur le Decret de S. M. I. plusieurs Ministies
ont declaré que leurs Souverains étoient
disposés à y satisfaire , mais ceux des Electeurs ,
et des autres Princes , dont les Etats sont le plus
exposés aux inconveniens de la guerre , ont representé
que les Princes leurs Maîtres ne pou
voient contribuer aux besoins presens de l'Empi
re, si on ne leur faisoit prêter les sommes nécessaires
pour la levée et pour l'entretien des Troupes
de leurs contingents , et ils ont allegué les
mêmes raisons qu'ils avoient déja données quelques
jours auparavant dans l'Assemblée du College
des Princes .
Plusieurs autres Ministres ont témoigré que les
Souverains qu'ils representoient se conforme-
Lolent , autant qu'il leur seroit possible , aux
resolutions qui seroient prises par la Diette, mais
qu'ils n'osoient promettre que les effets repondissent
à leurs intentions.
Le
OCTOBRE. 1735: 2303
•
Le Ministre de l'Electeur de Cologne , après
avoir rapellé à l'Assemblée que non seulement ce
Prince avoit envoyé à l'armée de l'Empire les
Contingents qu'il s'étoit engagé de fournir en
qualité d'Electeur , d'Evêque d'Hildesheim , de
Munster , d'Osnabruck , et de Paderborn , et de
Grand -Maître de l'Ordre Teutonique ; mais encore
qu'il avoit payé la plus grande partie du subside
de 30. mois Romains , ajoûta que le même
Prince , bien loin de pouvoir payer le nouveau
subside demandé , étoit absolument dans l'impuissance
d'acquitter ce qu'il devoit encore de
P'ancien , qu'il esperoit même que la Diëtte lui
accorderoit des dédommagemens pour le prejudice
causé à ses Etats , tant par les marches des
Troupes que par les quartiers d'hiver ; qu'il joi
gnoit en même- temps ses instances à celles que
les cinq Cercles associés ont faites pour qu'on les
indemnisat par raport aux magasins de fourages
établis à leurs dépens pour la subsistance de la
Cavalerie de l'Empire ; que l'Electeur de Colognene
feroit cependant tous ses efforts pour être
ucile à l'Empire , du moins en établissant de nou,
veaux magasins , mais qu'il demandoit que les
charges generales de l'Empire fu s : nt partagées
entre les Etats qui le composent , et que l'un n'en
fut pas exempté au prejudice de l'autre.
L'Electeur Palatin fit representer par son Ministre
que depuis le commencement de la guerre,
ses Etats en avoient été comme le siege ; que le
dommage causé à ses sujets par les fourages que
les Troupes Imperiales ont faits dans ses Etats ,
et par la grande quantité de chevaux et , de chariots
qu'il a fallu leur fournir , monte à plus de
1500000 florins , et que les mêmes Troupes ont
coupé des bois pour la valeur de sooooo . florins
dans
2304 MERCURE DE FRANCE
dans les Bailliages d'Heidelberg , de Britten , de
Mosbach , et de Schwetzingen ; que non -seule
ment ses peuples étoient épuisés , mais qu'ils
avoient éprouvé les plus cruels traitemens , tels
que les pillages et les meurtres ; que des circons
tances si fâcheuses les mettoient en droit de ne pas
accorder les secours demandés , et même d'éxi¬
ger des indemnités convenabies.
Le Ministre du Margrave de Bade Dourlach ;
demanda qu'on payat à ce Prince les materiaux
pris dans ses Etats pour la construction des lignes
d'Ettlingen , et il temoigna que le Margrave
comptoit qu'en consideration des contributions
que ses sujets avoient été contraints de païer,
la Ditete lui feroit avancer sur les fonds de la
Caisse de l'Empire les sommes dont il avoit besoin
pour rendre son contingent complet et pour
l'entretenir.
Le Ministre du Prince Theodore de Baviere ,
Evêque de Ratisbonne , et de Freysengen , dit
que son Maître se trouvant dans la même situation
que l'Electeur de Cologne , étoit dans les
mêmes dispositions.
Quelques Ministres , du nombre desquels fut
celui du Roy de Prusse, declarerent que les Princes
qu'ils representoient dans la Diette ayant fait
tout ce qui dependoit d'eux pour la cause commune
, ils ne pouvoient entrer dans de nouveaux .
engagemens .
Celui de l'Electeur de Baviere assura la Diette
que cet Electeur auroit envoyé à l'armée de l'Empire
le contingent de son Electorat et celui du
Cercle de Baviere, s'il n'en avoit été empêché par
divers obstacles , et s'il n'avoit été obligé d'ailleurs
de tenir ses forces assemblées pour la défense de
ses propres Etats ; que lorsque ces obstacles seroient
OCTOBRE . 1735. 2305
roient levés , il ne manqueroit pas de remplir les
engagemens qu'il avoit contractés en qualité de
Prince de l'Empire ; que pour marquer son desir
de contribuer aux besoins presens , il consentoit
d'assigner des quartiers d'hyver dans son
Electorat aux Troupes de son contingent ; qu'il
n'étoit point éloigné de concourir à un nouveau
secours d'argent pour les depenses de la guerre ,
mais qu'il pretendoit une indemnité pour les
frais que lui avoient occasionnés les quartiers
d'hyver , et le passage des troupes étrangères dans
ses Etats , et qu'il croyoit que les cinq Cercles
associés ne feroient point de difficulté de fournir
les fourages nécessaires pour les troupes de son
contingent.
ITALIE.
E 12. du mois dernier , le Cardinal Acqua-
>
à
l'audience qu'il eut le 9. de Sa Sainteté, que l'Infant
Don Louis avoit pris l'habit Ecclesiastique,
et avoit reçu les Ordres Mineurs , fit partir un
Courier pour porter çe Prince les Bulles de
l'Archevêché de Tolede . Le 13. le même Cardinal
après avoir eu une longue conference avec
le Cardinal Gentile , depêcha un second Courier
au Roy d'Espagne.
Le bruit court , que le Comte de Plettemberg
doit aller à Rome avec caractere d'Ambassadeur
de l'Empereur , et qu'en attendant qu'il puisse s'y
rendre , M. d'Arrach , Auditeur de Rote , sera
chargé en cette Cour des affaires de S. M. I. On
dit
que ce Prélat a reçu ordre de la Cour de
Vienne de faire delivrer au Cardinal Cienfuegos,
à compte sur ce qui peut lui être dû par l'Empeles
7000. ducats d'or que S. M. I , avoit
reur,
cnvoyés
2306 MERCURE DE FRANCE
envoyés au Prince de Sainte Croix ,et qui étoient ·
destinés à payer le tribut pour le Royaume de
Naples .
Le Cardinal Co‹ cia a obtenu la liberté d'aller
prendre les bains à Saint Cassien en Toscane , et
il partit le 4. de ce mois au matin pour s'y rendre.
L'Evêque de Targa son frere doit sortir du
Château Saint Ange , à condition de demeurer
cinq ans dans le Convent de S. François de Paule.
On mande de Sienne , que M. Pieri , frere du
Cardinal de ce nom , et Provediteur du Fort de
Radicofani , étant entré dans le magasin à poudre
de ce Fort , le feu avoit pris au magasin qui
avoit sauté en l'air ; que la plus grande partie
des maisons et des ouvrages de ce Fort avoit été
renversée , et que M. Pieri avoit été acablé sous
les ruines ainsi qu'un grand nombre d'autres
personnes.
>
On écrit de Florence que le Grand Duc a fait
present de six Fans blancs au Roy des deux Siciles
.
Ces Lettres ajoûtent que la nuit du 26. au 27.
du mois dernier , il passa par cette Ville deux voitures
escortées par un détachement de Cavalerie,
et chargées de l'argent que le Roy d'Espagne envoye
en Lombardie pour le payement de ses
Troupes.
On a apris de Venise que le Duc de Montemar
ayant été informé que les Marchands qui ont
coutume d'aller à la toire de Bolzano , n'osoient
s'exposer sur les chemins, daus la crainte d'ètre
inquietés par les Troupes Espagnoles , il leur a fair
delivrer des Passeports , et qu'il a donné des ordres
si severes pour la sureté de leuis personnes
et de leurs marchandises, qu'aucun d'eux n'a eu
sujet de seplaindre.
OCTOBRE. 1735. 2307
On aprend de Genes , que le Senat continue
d'envoyer des Troupes dans l'Isle de Corse pour
s'oposer aux entreprises des Rebelles dont le nombre
augmente tous les jours , et qui ont rempor
té depuis peu l'avantage dans plusieurs combats ,
dans l'un desquels ils ont fait prisonnier de guer
re le neveu du Gouverneur de la Bastie.
Suivant les avis reçus de Calabre , il y eut le
6. Septembre dernier dans cette Province plusieurs
violentes secousses de tremblement de
terre , qui ont causé un dommage considerable
dans les Villes de Monteleone, de Soriano , de
Pizza , et de Briatico , et ces secousses furent suivies
d'un Ouragan accompagné de pluye et de
grêle d'une telle grosseur,que quelques grains pé
soient six onçes.
GRANDE - BRETAGNE.
L'equipage d'unBâtiment revenu de la nouvelle
Yorck , a raporté que le 16. du mois
de Juillet dernier , le Gouverneur ayant donné une
Fête à l'occasion d'un nouvel Ouvrage qu'il avoit
fait construire , er sur lequel on avoit placé
plusieurs piéces de canon , un de ces canons
avoit crevé , et qu'il avoit tué le Grand Scheriff
de la Colonie , la Demoiselle Courtland , fille
unique du Colonel de ce nom , tt quelques au
tres personnes,
1
ARME'S
2308 MERCURE DE FRANCE
L
ARMEE D'ITALIE.
Es Lettres de la Mirandole du commencement
du mois dernier®, portent qu'après que
la Garnison Impériale en fut sortie , deux Bataillons
des Troupes Espagnoles qui avoient fait
le Siége , y étoient entrés pour y demeurer en
garnison. Ces Lettres ajoûtent qu'on avoit trouvé
27. canons , 4. mortiers , et une assés grande
quantité de munitions dans la Place , dont
les fortifications et les maisons ont été considerablement
endommagées par le canon des Assiegeans
, sur- tout du côté du rempart de Servi.
On ajoûte que la garnison faite prisonniere dans
cette Place , étant arrivée le 6. Septembre à
Parme sous l'escorte du Régiment de Cavalerie
de Barcelone , et de 4. Compagnies de Grenadiers
, chacune de 100. hommes , les Soldats
avoient été conduits dans la Citadelle , et qu'on
avoit laissé aux Officiers la liberté de prendre
leur logement dans la Ville. Selon les mêmes
avis cette Garnison partit lë 8. sous la même
escorte , pour se rendre par Rivalta et par Ponremoli
à Livourne , où l'on compte qu'elle sera
embarquée , afin d'étre transportée en Espagne .
Pendant le séjour qu'elle a fait à Parme , 250.
des Soldats dont elle est composée , ont pris
parti dans les Troupes Espagnoles.
Le Maréchal de Noailles partit du Camp de
Zevio le 2. Septembre , pour se rendre auprès
du Roi de Sardaigne. Il donna ses ordres avant
son départ pour faire construire sur l'Adige au
Lazareto , vis- à-vis de Saint Michel , un sixiéme
Pont , qui fut fini le 23 .
Les ennemis ont publié qu'il leur étoit arrivé
des
OCTOBRE. 1735.
2309
des secours considerables , et qu'ils avoient été
joints par quelques Régimens de leur Cavalerie ,
mais ces bruits qu'ils ont fait répandre ne se
confirment pas , et il paroft que les Imperiaux
songent toûjours à se retrancher dans les gorges
des Montagnes , et principalement vers la source
de la Brenta.
Ils ont laissé entre le Lac de Garde et l'Adige
le détachement qu'ils avoient fait avancer
du côté de la Ferrara , et ils employent ces
Troupes à former des retranchemens. Ils ont
voulu dopner quelque inquiétude du côté du Val
Canonica , en envoyant demander passage par
Ponte de Legno , qui est le premier Village sur
l'Oglio , vers le Mont Tonale , sur lequel ils
ont 300. hommes ; mais ils n'ont pas marché
de ce côté là , et ils y ont seulement envoyé
quelques détachemens.
On écrit du Camp de Zevio , que les ennemis
ont retiré la plus grande partie des Troupes qui
étoient à Trente et à Roveredo ; qu'ils se sont
avancés à la tête du Val de Ledée , qu'ils ont
étendu leur droite jusqu'à la Rocca d'Anfo , qui
est à la droite du Lac d'Idro , et qu'ils y font
travailler.
Le General Botta qui s'étoit avancé avec un
détachement de 600. hommes dans le Val Panthena
jusqu'à Podestaria , s'est retiré depuis vers
Pery , au- delà de l'Adige.
D'autres Lettres du Camp de Zevio , portent
que la nuit du 2. au 3. de ce mois , le Bataillon
d'Arquebusiers de Bellair , l'un des quatre qu'on
a fait venir du Roussillon , s'étant avancé audelà
de la Ferrara , attaqua un poste dans lequel
les ennemis avoient des Grenadiers , qu'il les
força de se retirer sur un second poste d'infan-
I teric
2210 MERCURE DE FRANCE
terie qui les soutenoit , et qu'il obligea ces deux
Corps de rejoindre le Camp duquel ils avoient
été détachés .
Le Marquis de Savines , Lieutenant-General;
qui passa l'Adige le 3. avec 18. Bataillons et 23.
Escadrons , est campé avec ces Troupes à Saint
Boniface.
>
Le Duc de Montemar qui n'a fait passer l'Adige
le 3. qu'à 1o. Bataillons et à ro. Escadrons,
sous les ordres du Marquis de la Mina , a depuis
envoyé à Montagnána 4. Bataillons et 4.
Escadrons qui étoient du côté de Badia , et qui
sont commandés par le Marquis de Castelar.
Le Duc de Montemar est campé à Menerbe
avec 11. Bataillons et e . Escadrons ; et le reste
des Troupes Espagnoles , à l'exception de celles
qu'on a laissées à Revere , à Ostiglia et à Gouvernolo
, est à Bevilagna et à Lonigo.
Les Impériaux ont fait avancer au Schio près
de Thiene , au déboucher des Montagnes du
Vicentin , un Corps d'Infanterie d'environ 5000.
hommes , . Régimens de Cavalerie , et 2. de
Hussards , et ils ont publié qu'ils vouloient y
rassembler toutes leurs Troupes.
Sur la nouvelle de ce mouvement des enne,
mis , le Maréchal de Noailles a fait marcher une
des Brigades d'Infanterie et une des Dragons
qui étoient à Zevio , pour aller joindre au Camp
de Saint Boniface les Troupes qui y étoient sous
les ordres du Marquis de Savines , et il s'y rendit
le 13. après avoir passé à Linago , où il eut
une conférence avec le Duc de Montemar , lequel
a fait avancer au-delà de l'Adige quelques
détachemens qu'il avoit laissés sur cette Riviere,
Le Marquis de Maillebois a quitté le poste
de
OCTOBRE. 1735: 2371
de Gussolengo , et il a marché avec 8. Bataillons
et 2. Régimens de Dragons , pour aller
joindre les Troupes qui étoient dans le Camp
de Saint Boniface , où il y a actuellement 30.
Bataillons et 40. Escadrens . Depuis que le Maréchal
de Noailles a augmenté le nombre des
Troupes qui étoient dans ce même Camp , les
Impériaux ont décampé de Schio , et ils se sont
retirés derriere la Riviere de la Brenta.
On a apris que les Espagnols avoient fait
une nouvelle prise de plusieurs grosses Barques
apartenantes aux Impériaux , et chargées de
grains et de farines , et qu'ils avoient trouvé
des dépôts de foin considérables sur le Canal
Blanc , entre le Tartaro et le Pô.
Selon les Lettres du Mantouan , le Commandant
de Mantouë a obtenu du Roi de Sardaigne
la permission de faire entrer dans la Ville une
certaine quantité de vin , pour le soulagement
des malades.
ARME'E D'ALLEMAGNE.
La
'Armée du Roi commandée par le Maré
chal de Coigny , partit du Camp d'Eppenheim
le 24. du mois passé , et elle arriva a celui
d'Oguersheim le même jour. Elle marcha
sur huit colonnes , les quatre composées des
Troupes commandées par le Duc de Chaulnes
, le Marquis de Nangis , le Marquis de Ra
vignan , et le Duc de Duras , Lieutenans Géne
raux.
La plus grande partie de l'Infanterie fue
campée sur deux lignes , ayant la droite en avant
de Stadenheim , et la gauche vers Oguersheim .
M. de Varennes , Maréchal de Camp , et Capi
1 ij
D.
taing
23T2 MERCURE DE FRANCE
taine d'une des Compagnies de Grenadiers de
Régiment des Gardes Françoises , est à Worms
avec dix Compagnies de Grenadiers , 1000,
Fusiliers ; et un Détachement de Cavalerie.
Les Brigades de la Marine et de Bourbonnois
sont à la gauche de l'Armée , le long du Ravin
d'Oguersheim , celle des Vaisseaux , et les Régimens
du Perche et d'Appelgrin forment dans
le même endroit une seconde ligne , et la Brigade
de Gondrin est en deçà de Frankendal , ou
elle a sa droite , et sa gauche vers Stadenheim :
la Cavalerie campe sa droite à Bill , et la gauche
à Haslock .
# Le Comte de Belleifle , Lieutenant Géneral ,
qui étoit venu à Durkheim , en est reparti pour
S'avancer à Kesserflouter , où il arriva le 27.
avec le Corps de réserve qu'il commande. Le
Maréchal de Coigny y a envoyé les Brigades de
Cavalerie du Régiment Royal , et de Dauphin
Etranger , et il a donné ordre aux Régimens
Royal des Cravates , de Bretagne , de Chatellesaud
, et au Régiment de Dragons d'Harcourt,
d'aller joindre le Comte de Belleisle ; ces Troupes
de Cavalerie sont commandées par le Duc
de Bethune , Lieutenant Géneral , et par le
Comte de Chastelux , Maréchal de Camp , qui
ont été détachés de l'armée pour servir au Corps
de reserve,
Les nouvelles reçûès au Camp d'Oguersheim
des différens mouvemens des Ennemis , marquent
qu'ils ont fait arrêter les batteaux qui étoient
sur la Mozelle ; qu'ils ont commandé tous les
chevaux du Pays pour le 2. de ce mois ; qu'ils
prennent toutes les précautions nécessaires pour
être en état de faire passer sur cette Riviere un
Corps de Troupes considérable , et qu'ils publicat
OCTOBRE . 1735. 2313
blient qu'ils veulent s'avancer à Treves.
Les Troupes de Hesse qui étoient à Rudesheim
, passerent le Rhin le 28. du mois passé ,
pour aller camper près de Bingen , le long de la
Naw , et le même jour un détachement du
Corps de Troupes commandé par le Comte de
Seckendorf alla marquer un Camp entre Creutz→
nack et Bingen .
Le Maréchal de Coigny campé au commencement
de ce mois à Oguersheim, en détacha le 7.
le Régiment de Bourbonnois, ceux de Brendle er
de Diceback , et il les fit marcher pour joindre
le Corps de réserve commandé par le Comte de
*Belieisle.
Le Comte de Belleisle , qui partit le z . de Kesserslouter
pour se rendre à Treves , y arriva le
f . au soir avec toute l'Infanterie et les Dragons.
La Cavalerie qui étoit à Kesserslouter , marcha
en même- rems , et elle arriva à portée du Camp
du Comte de Belleisle .
Suivant les nouvelles qu'on a cuës au Camp
d'Oguersheim de la marche du Comte de Seckendorf
, ce Géneral qui partit de Mayence le
30. Septembre dernier , passa la Naw à Bingen,
et il arriva le 2. de ce mois à Simmeren , avec la
tête du Corps qu'il commande . Il n'avoit encore
pû le 6. y rassembler toutes ses Troupes ,
parce qu'elles ont été inquietées dans leur marche
par nos Partis , qui ont en même tems empêché
ou retardé l'arrivée de leurs fourages.
Les Lettres du Camp de Saint Wendel , por
tent que le Comte de Belleisle étant arrivé àTre
ves le 5. de ce mois , rassembla sous cette Place
les Troupes qui ont marché avec lui de Kesserslouter
, et celles qui étoient campées depuis
quelque tems à Andel , sous les ordres du Marquis
d'Aubigné.
I iij Toutes
1314 MERCURE DE FRANCE
Toutes ces Troupes , consistant en 30. Bataillons
et 66. Escadrons , sont campées , la droite
au Bois de Summeraw , et la gauche appuyée
sur les hauteurs vis - à - vis le Village de Rouvre ,
dont le ruisseau forme dans la plus grande
partie de ce terrain des ravines impraticables.
> Le Régiment de Bourbonnois et ceux de
Brendle er de Diesback , que le Maréchal de
Coigny a détachés du Camp d'Oguersheim pour
aller joindre le Corps de réserve , ont marché
avec tant d'ardeur et de diligence , qu'ils sont
arrivés le 15. au Camp du Comte de Belleisle ,
lequel a pris toutes les précautions nécessaires.
pour être en état de s'oposer à l'exécution des
projets du Comte de Seckendorf.
Ce Géneral qui est resté à Simmeren depuis
le 2. jusqu'au 6. pour attendre qu'il pût être
joint par toutes les Troupes avec lesquelles il
étoit parti de Mayence , se remit en marche le
7. Il passa par Hursel et par Stumbenturn , et le
13. il établit deux Ponts sur la Mozelle , l'un à
Traerback , et l'autre à Berncastel . Le lendemaia
il fit avancer l'avant- garde de son armée sur les
hauteurs de Berick , et il donna ordre qu'on travaillat
à raccommoder le chemin de Budelick.
La marche du Comte de Seckendorf avec un
Corps de Troupes aussi considérable que celui
qu'il commande , pouvant avoir différens objets ,
le Maréchal de Coigny pour être plus à portée
de reconnoître les mouvemens des Ennemis , partit
le 11. du Camp d'Oguersheim avec 40. Bataillons
et 36. Escadrons.
Ce Géneral a laissé sur le Spireback so . Bataillons
et autant d'Escadrons , sous les ordres de
M. de Quadt , Lieutenant Géneral , et après avoir
campé à Neustadt, à Hochspire et à Kessers
louter ,
OCTOBRE. 1735. 2315
loater , il arriva le 15. au Camp de Saint Wendel.
La Gendarmerie qui étoit partie d'Oguersheim
pour aller à Wissembourg , a reçû ordre depuis
de marcher sur Hombourg , pour venir joindre
le Maréchal de Coigny dans ce Camp .
La Maison du Roi qui étoit en marche depuis
le s . pour se rendre à Haguenau , a dû retourner
à Minfeldt.
Le Régiment des Gardes Françoises , parti de
l'armée le 6. pour aller aussi à Haguenau , a reçû
ordre de marcher à Bergen , et celui des Gar
des Suisses d'aller du côté de Rhinau.
Depuis les que le Prince Eugene a quitté
l'armée pour retourner à Vienne , le Duc de
Wirtemberg à qui il a laissé le commandement
des Troupes Impériales , est resté à Lousheim.
La position du Comte de Belleisle et la marthe
du Maréchal de Coigny , ont dérangé les
projets du Comte de Seckendorf. Ce Général a
paru abandonner le projet de s'emparer de Treves
, et il s'est déterminé le 20. de ce mois à
passer la Mozelle sur les ponts qu'il avoit sur
cette Riviere à Mulen et à Traerback . Il s'avança
le 21. aux environs d'Esch , où il campa avec
la plus grande partie de ses Troupes , et il fir
Occuper par des détachemens , Runick et le
Pont sur la Salm , qui est près de ce Village.
Le Maréchal de Coigny partit de Saint
Wendel le 17. de ce mois , et ayant ordonné à
l'Infanterie de s'arrêter à Mettelick , il alla camper
avec les Grenadiers , la Cavalerie et les Dragons
à Waderne, et il y fut joint par la Gendarmerie.
Le 18. ces Troupes s'avancerent à Cerff, od
l'Infanterie devoit se rendre , et le même jour.
I iiij
10%
2316 MERCURE DE FRANCE
le Maréchal de Coigny arriva à Treves.
Lorsqu'il y eut appris le 19. que le Comte
de Seckendorf se disposoit à faire passer la Mozelle
à son armée , il détacha M. Philippes , Maréchal
de Camp , avec 36. Compagnies de Grenadiers
et 5oo. chevaux , pour aller du côté de
Fhor.
Le 20. le Maréchal de Coigny marcha avec
le reste des Compagnies de Grenadiers du Corps
de réserve , et avec celles qu'il avoit amenées
avec lui ; il s'avança vers Heyzordt , et il fit attaquer
par le Marquis de Nangis , avec un détachement
de Grenadiers et la Compagnie de
Kleinholt , le Village de Runick , dont nos
Troupes s'emparerent , ainsi que du Pont.
Le Maréchal de Coigny qui n'avoit pas encore
été joint par l'Infanterie , dont la pluye et
les mauvais chemins avoient retardé la marche ,
jugea par les mouvemens des Ennemis postés
sur les hauteurs , qu'ils alloient se porter en
grand nombre sur le poste de M. Philippes et
sur Runick ; il envoya dire aussi - tôt au Marquis
de Nangis , qui s'étoit avancé au - delà dụ
Village de Runick , d'y ramener son Détachement
, et ayant fait marcher en même- tems les
Piquets sous les ordres du Duc de Bouflers , il
les mit à portée de soûtenir le Corps de Troupes
commandé par M. Philippes . Ces Troupes
ayant été exposées au feu de cinq piéces de ca-.
non que les Ennemis avoient fait avancer ,
qui commencerent à tirer une heure avant la
nuit , nous avons eu environ 80. hommes tués
ou blessés.
et
Le soir , le Comte de Secxendorf ayant envoyé
du côté d'Esch un Corps de Dragons , leur
mouvement donna lieu à un feu de mousquete-
Lis
OCTOBRE. 1935. 2317
rie entre nos Troupes et la ligne des Ennemis
qui étoient restés en bataille.
M. Corberon , Capitaine de Grenadiers dans
le Régiment de Navarre , fut tué dans cette dé
charge de mousqueterie ; le Chevalier de Mareicu
, Maréchal de Camp , y fut blessé legerement
, et le Marquis de Charost , Colonel du
Régiment de la Couronne , le fut très dangereusement.
Le Maréchal de Coigny , qui n'avoit marché
avec les Grenadiers que pour découvrir les dispositions
des Ennemis , ayant reconnu qu'ils
étoient postés très- avantageusement , et son Infanterie
ne pouvant le joindre aussi - tôt qu'il l'a
voit compté , il se détermina à aller camper le
21. à Bicong , d'où il se rendit le 22. à Erring
Les Troupes restées dans le Spireback et le
long du Rhin sous les ordres de M. de Quadt ,
sont encore dans les postes qu'elles occupoient
Celles des Ennemis destinées à demeurer sur le
Rhin , sont cantonnées..
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E Roy a nommé Grand - Croix de l'Ordre:
Royal et Militaire de Saint Louis ,le Mare
quis de Bonas Gondrin , Licutenant Generall
de ses Armées..
La Maréchale de Boufflers, Dame d'honneur de
La Reine, ayant demandé au Roy la permission
K
2318 MERCURE DE FRANCE
de remettre cette Place , S. M. a nommé pour
lui succeder la Duchesse de Luynes . Elle prêta
serment de fidelité pour cette Charge entre les
mains de la Reine le 3.1. de ce mois.
Le 2. de ce mois , pendant la Messe du Roy ,
l'Evêque de S. Papoul prêta serment de fidélité .
entre les mains de Sa Majesté.
Le même jour l'Evêque d'Oleron fut sacré
dans la Chapelle du Séminaire de S: Sulpice par
Je Cardinal de Polignac , assisté de l'Evêque de
Tarbes et de l'Evêque de Couserans , et le 9. le
même Prélat prêta serment de fidelité entre les
mains du Roy , pendant la Messe de S. M.
Le 10. le Roy partit de Versailles vars les on
ze heures du matin pour aller à Fontainebleau
ou S. M. arriva le même jour.
Le Roy a accordé le Gouvernement de Saint
Omer au Comte de Beuil, Lieutenant General
de ses Armées , et S. M. a donné sa place de Dis
secteur General de l'Infanterie au Comte de
Gramniont , Maréchal de Camp..
Le Mardi 11. Octobre , les Comédiens Fran
gois représenterem à Versailles la Surprise de l'Amour
et Crispin Medecin.
Le 13. Alcibiade et la Comtesse d'Escarbagnas.
Le 18. Les Femmes Sçavantes et le Dédit.
Le 20. le Comte d'Essex , Tragédie , et les trois
Freres Rivaux.
Le 25. Crispin Musicien , cola Comédie nouvelle
des Acteurs Déplacés , qui fit beaucoup de
plaisir.
Le 27.la Tragédie nouvelle de Téglis,de M. de
Morand , qui fut fort goutée, et PAvocat Patelin...
Le
OCTOBRE . 1735. 23.19
Le 15. Octobre les Comédiens Italiens représenterent
à Versailles la Comédie des Quatre
Semblables, qui fut suivie de celle des Billets Doux.
Le 22. la Surprise de la Haine , et Arlequin
toujours Arlequin.
Le 29. la Feinte inutile , Piece nouvelle , trèsgoutée
à la Cour et à la Ville , qui fut suivie du
Retour de Tendresse.
BENEFICES DONNE'S
Par le Roy.
'Abbé de Brissac , Aumônier de S. M. a été
L'homme àl'Evêché de Condom.
L'Evêque d'Agen , à l'Evêché de Rodez.
L'Abbé de Chabannes, cy- devant et Agent Ge
neral du Clergé, Docteur en Théologie et de la
Maison de Sorbonne , cy - devant Grand- Vicaire
de l'Archevêque de Tours , à l'Evêché d'Agen.
L'Abbé de Bellefond , Aumônier du Roy ,
T'Evêché de Bayonne.
L'Abbé de Fenncion Salignac , Grand- Vicaire
de l'Evêché de Saintes , à l'Evêché de Pamiers.
L'Abbé de Gaujac , à l'Evêché d'Aire.
L'Archevêque de Toulouse , à l'Abbaye de
Charlieu, Ordre de Cîteaux, Diocèse de Besançon..
L'Abbé le Blond , à celle de Bardoue , même
Ordre , Diocèse d'Auch.
L'Evêque de Valence , à celle de Valsecret,
Ordre de Prémontré , Diocèse de Soissons.
L'Evêque de Dijon , à celle de S. Romain de
Blaye , Ordre de S. Augustin , Diocèse de Bourdeaux
.
L'Abbé de Saint Aubin , Professeur en Sorbonne
, à celle de S. Walmer , même Ordre, Diocè
se de Boulogne-
I vj
L'Abbé
2320 MERCURE DE FRANCE
" L'Abbé de Narbonne Pelet , Grand-Vicaire de
l'Archevêché d'Arles , à celle de Trisay , Ordre
de Citeaux , Diocèse de Luçon.
L'Abbé de Laubrieres,Grand - Vicaire de l'Evêché
de Soissons , à celle de S. Marian d'Auxerre,
Ordre de Prémontré.
Et l'Abbé de Lifle- du- Gast , à celle de Prebenoist
, Ordre de Cîteaux , Diocèse de Limoges...
On a annoncé dans le Mois d'Août dernier la
mort de Jean - Baptiste- Pierre Bothentuit l'Anglois
, Chirurgien pour les Fractures , arrivée le
5. dudit mois d'Août , en marquant que son
Pere vit et travaille encore dans la même Profession
, quoiqu'âgé de 90. ans ; mais on a obmis
d'avertir le Public que le défunt sieur Bothentuit
est remplacé par Louis Bothentuit , son Frere
cadet , qui a fait les Campagnes en Italie de 1733 .
et 1734. en qualité de Chirurgien Ayde - Major
de l'Armée du Roy , dans ce Pays , et qui est
très - capable et experimenté dans les mêmes Ope
rations. Ildemeure dans la même maison que feu
son Frere , ruë Montmartre , au coin de la
ruë du Jour.
MORTS , NAISSANCES
Li
et Mariages.
E 20. Août Jean-Baptiste de Vassal , Comte:
de Montvi , connu cy- devant sous le nom
de Chevalier , Gentilhomme de Perigord , Ma,
réchal de Camp des Armées du Roy , Inspecteur
General d'Infanterie, mourut à Caussade en Age,
mois, âgé d'environ 62. ans. Il avoit été autrefois
CaOCTOBR
E. 1735. 2325
Capitaine et ensuite Major du Régiment de la
vieille Marine , aussi Major General de l'Armée
de France en Lombardie , puis Colonel du Regis
ment de Dauphiné , par Commission du 5. Septembre
1706. et Inspecteur d'Infanterie le 25-
May 1716. Il avoit été élevé au Grade de
Brigadier le premier Fevrier 1719. et à celui
de Maréchal de Camp le 20. Fevrier 1734. Ik
étoit frere puîné de Jacques de Vassal , Marquis
de Montviel , Lieutenant General des Armées
du Roy , de la Promotion du 20. Février
1734 Un de leurs freres , apellé de Sardiny-
Montviel , Lieutenant - Colonel du Regiment de
la Marine , qui étoit un Officier très - estimé , ens
le 4. Septembre 1714. une jambe emportée d'un
boulet de Canon et l'autre fort maltraitée au Siege
de Barcelone en descendant la tranchée , dont :
il mourut peu après
Le 3. Septembre , Jean Bonnet , Supérieur Géneral
de la Congrégation des Prêtres de la Mist
sion , mourut à Paris en leur Maison de S. Lazare
, dans la 72. année de son âge. Il avoit été
élú Supérieur Géneral de sa Congrégation le 10.
Mai 1711. à la place de feu François Vatel
dono il avoit été Assistant , et après la mort
duquel il fut désigné Vicaire Géneral pendant
la vacance.
Le 6. D. Charlotte - Antoinette de la Porte-
Mazarin de Ruzé , épouse d'Emmanuel- Felicité
de Durfort , Duc de Duras , appellé le Duc de
Durfort , Colonel du Régiment d'Infanterie de
Duras , son cousin , ayant le germain sur elle
avec lequel elle avoit été mariée le premier Juin
1733. mourut à Paris en couches d'une fille , son
premier enfant , dans la 18. année de son âge
étant née le 24. Mars 1718. Elle étoit fille uni¬
que
2322 MERCURE DE FRANC:
que et présomptive héritiere de Guy- Paul-Jule:
Mazarin de la Porte de Ruzé , Duc de Rethefois
sous le nom de Mazarin , de la Meilleraye,
et de Mayenne , Pair de France , Prince de Chateau
- Portien & c. et de Dame Loüise - Françoise
de Rohan-Soubise .
Le 16 D. Felicité Jubert de Bouville , épouse .
de Jean-François Guyot de Chenisot de Villers
Receveur General des Finances de la Géneralité
de Rouen , avec lequel elle avoit été mariée au
mois de Juillet 1733 mourut à Paris en six heu
res de tems d'un colera morbus , âgée de 22.
ans. Elle étoit fille de Louis - Guillaume Jubert
de Bouville , Marquis de Clere- Panilleuse , Bazon
de Dangu , Seigneur de Saint Martin aus
Buneaux , et de Vinemerville , Conseiller d'Etat,
ey-devant Intendant de la Géneralité d'Orleans,
et de Marie- Gabrielle Martin .
Le 23. M. Martin Canaulle, Curé de Besplas,
Diocèse de S. Papoul , y mourut âgé de 1091
ans passés , étant né le 15. Septembre 1626. :
Le 23. D. Claude-Marguerite Hallé , Epouse
de Michel Bouvard , Seigneur de Eourqueux ,
Conseiller du Roy en ses Conseils , et Honoraire
en sa Cour de Parlement , Procureur General de
de S. M. en sa Chambre des Comptes de Paris ,
mourut , âgée de 34 ans , un mois et 12. jours,
Elle avoit été mariée au mois de Fevrier 1715.
elle laissedes enfans , et entr'autres une fille Agnès
Bouvard de Fourqueux , mariée le 23. Jauvies
dernier avec Alexandre - Jacques de Pomereu , cydevant
Capitaine, dans le Regiment du Roy. La
D. de Fourqueux étoit fille unique de feu Charles
Hallé , Seigneur de Thouy , mort le 7. Juin
1701. âgé de 18 ans , et de feue Marie- Therese
Tartasin , more en couches d'elle le 2-2- Aoûc
1705
OCTOBRE . 1735. 2123
:
1701. âgée de 19. ans . Charles Hallé et Pierre
Halléses ayoul et bi - yeul , étoient Conseillers
au Parlement de Paris .
Le 24. D. Marie-Jeanne- Nicole Belhomme ,
yeuve de François Lebert , Ecuyer , Seigneur
Desfossez , Conseiller - Secretaire du Roy , Maison
Couronne de France et de ses Finances , mourut
à Sens , âgée de 64. ans , elle ne laisse qu'un
fis , Chanoine de la Métropole de Sens.
Le premier Octobre , mourut à Paris D Anne-
Maris-Henriette de Rosnay , veuve d'Alexandre
- René de Grimaudet , Seigneur de Grandmai
son , Conseiller du Roy , Commissaire General,
ayant la conduite et police du Regiment des
Gardes Erançoises,
Le 3. Gaspard de Contade , Lieutenant Gencs
ral des Armées da Roy , Chevalier , Grand
Croix de l'Ordre Royal et Militaire de S. Louis ,
et Gouverneur de Guise , mourut aux Eaux de
Bourbon , dans la 70. année de son âge , étant né
le 17. Juin 1666. Il avoit été reçu Page du Roy
en sa petite Ecurie au mois de Janvier 1683. ensuite
il entra en 1687. dans le Régiment des Gar
des Françoises, où il fut successivement Enseigne
Sous- Lieutenant, Lieutenant en 1692. Capitaine le
7. Mars 1697.Major le 16. Juin 1706, et enfin Lieus
tenant Colonel le 4.Janvier 1730.Il fut fait Chevalier
de l'Ordre de S. Louis en 1704. Brigadier
d'Infanterie les 20. Juin 1708. et Maréchal de
Camp le 30 May 171 ;. Il fic la même année la
Campagne en Allemagne en qualité de Major
General de l'Armée. Ilse trouva le 14, Octobre
à l'attaque du chemin-couvert de Fribourg , où
il fut renversé par de la terre enlevée par un
Bouler de Canon , et blessé de plusieurs pierres
au visage. Après la prise de cette place le feu Ma
néchall
2324 MERCURE DE FRANCE
rucial de Villars le depêcha pour en porter la
nouvelle au feu Roy. Il eut en 1715. le Gouvernement
de Schelestadt , et le 13. Avril 1719.
la Grand Croix de l'Ordre de Saint Louis avec
ooo. liv. de pension. Il fut élevé au Grade de
Lieutenant General le - 20. Mars 1720 , ec le Gou
vernement de Guise lui fut donné le 14. Juillet
1727. Il fut nominé au mois de Septembre 1733..
pour être employé en qualité de Lieutenant General
dans l'Armée qui fut envoyée en Italie . Il
servit aux Sieges de Gerra d'Adda et de Pisighithone
, d'où il fut detaché le 2. Decembre avec
un Corps de Troupes , pour se rendre maître du
Château de Cremone , qui se rendit à lui le 4.
suivant. Il fut encore nommé au mois d'Avril
17'34. pour faire la Campagne en Italie , mais le
mauvais état de sa santé l'obligea de quitter et dè
revenir en France. Havoit obtenu le 29. Mars
dernier la permission de quitter le service avec:
pension de 6000. liv . et l'agrément de vendre sa
Compagnie. Il étoit fils de feu Erasme de Contade
, Seigneur de Montgeofroi en Anjou , Sous-
Lieutenant au Regiment des Gardes Françoises ,
pendant sa jeunesse , mort au mois d'Octobre-
1713. et d'Anne Hullin , Dame de la Corbiere
et il avoit épousé au mois de Novembre 1697%-
Madeleine Françoise Crespin , fille de Pierre
Crespin , Seigneur de la Chabosselaye en Anjouet
de Madeleine Neven. Il en laisse Erasine de
Contade , aujourd'hui . Colonel du Régiment:
d'Auvergne , et Brigadier des Armées du Roy ,
des services duquel il est fait mention dans le
Mercure de Janvier dernier p. 155. dans la Listedes
Officiers Generaux du 18. Octobre 1734: La:
famille de Contade originaire de Narbonne en
Languedoc , et depuis transplantée en Anjou ,.
perta
OCTOBRE . 1725. 2325
porte d'Or à l'Aigle éployé d'azur , becqué et ar
mé de Gueules.
Le s . D. Magdeleine - Elizabeth Potier , Epouse
de René-Louis d'Escoubleau , Marquis de Sourdis,
Seigneus de la Chapelle. Bertrand , Courtery ,
& c. mourut à Paris dans la 36. année de son âge.
Elle avoit été mariée en 1724. et étoit fille . de
feu Anne Potier , Ecuyer , Seigneur de Notre-
Dame du Parc , Neufmoulin , &c. mort en 1704
er de feuë Magdeleine de Seve , Dame de Villefalier
et de Villarson , morte le Octobre 1729.
âgée de 1. ans , et femme alors en secondes Noces
de Joseph Sevin de Quincy , Chevalier de
P'Ordre Militaire de S. Louis , et Lieutenant de
Roy des Provinces d'Orleanois et d'Auvergne.
2.
Le 7 mourut à Paris Pierre Debonnaire , Ecuyer
Seigneur de Forges , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , Commandant pour le Roy au
Château de Bayonne.
Le 9.་་ mourut à Paris Pierre-Robert le Prevost
Prêtre , Chanoine de l'Eglise Cathedrale de Chartres
, Conseiller , Prédicateur ordinaire du Roy
qui s'étoit fait connoître à la Cour et à la Ville
par ses talens pour la Chaire.
Le g. Dame Bonne Courtin , veuve depuis le 31.
May 1723. de Claude Feydeau , Seigneur de
Marville , Maître de la Garderobe de Charlotte
Elisabeth de Baviere, Duchesse d'Orleans , qu'elle
avoit épousé le 30. Janvier 1702. mourut au
Château de Dampierre près de Gien en Beauce
âgée d'environ 72. ans laissant un fils et une
fille qui sont Claude- Henry Feydeau , Seigneur
de Marville , Conseiller au Parlement de Paris en
la quatrième Chambre des Enquêtes , où il a été
reçu le 30. Août 1726. et Claude- Angelique Feydeau
, non mariée , et un petit-fils , fils de fe
>
Louis2326
MERCURE DE FRANCE
Louis - Alexandre Croiset , Marquis d'Estrau
Conseiller et Commissaire aux Requêtes du Parfement
de Paris , mort le 9. Septembre 1719 et
de Bonne- Louise Feydeau , sa fille aînée , morte
le 14. Septembre 1725. à l'âge de 22. ans. La D.
de Marville étoit fille de Louis Courtin , Seigneur
de la Beuvriere , Maître des Requêtes ordinaire
de l'Hôtel du Roy mort le 12. Novembre 1693 .
âgé de 75. ans , et de Bonne Moussu de la Huraudiere.
•
Le 11. D. Marie - Hyacinte Poisson , Epouse et
Cousine de Jean- Marie de Vougny de Folleny ,
Conseiller du Roy en ses Conseils , Secretaire de
S. M. et Secretaire ordinaire du Conseil d'Etat ,
Direction et Finances , mourut après être acouchée
le 4. precedent d'un fils son premier enfant,
âgée de 37. à 38. ans . Elle avoit été mariée
le 17. Decembré dernier , et elle étoit fille de
deffunt Jean Poisson,Seigneur de Souzy près d'Es
tampes , Medecin ordinaire du feu Roy , et pre
mier Medecin des Ducs de Bourgogne et de Berry
, mort le 29. Janvier 1708. Elle étoit la seconde
femme du sieur de Folieny qui avoit épou
sé en premieres nôces Marie-Madelaine Robin
de la Peschelletie , morte aussi en couches d'un
fils , son premier enfant , le rs . Juin 1734
Le 14. François de Villemeur de Rieutort ;
Gentilhomme de la Province de Languedoc ,
Seigneur de la Martiniere , Saclay , Limon , Vauhalan
, &c. Lieutenant General des Armées du
Roy , mourut en son Château de la Martiniere ,
agé de plus de 90. ans Il étoit fils de feu Louis
de Villemeur , Gouverneur du Pont S. Esprit , ee
de feue Jeanne de la Motte. Il avoit succedé en
1691. à son frere dans la Charge de Capitaine
Commandant la Compagnie des Grenadiers à
Cheval
OCTOBRE. 1735. 2327
Cheval de la Maison du Roy , dont il s'étoit dé
mis à cause de son grand age au mois de Septembre
1730. après l'avoir commandé 39 ; ans.
Il avoit été fait Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis en 1694. et successivement Briga
dier le 29. Janvier 1701. Maréchal de Camp le
16. Octobre 1704. et Lieutenant General le huit
Mars 1718. Il avoit eu deux chevaux tués
sous lui à la Bataille de Ramillies le · 223. May
1706. Il avoit été marié le 3. Janvier 1695. avec
Eleonore- Susanne Passart , veuve d'Etienne - Michel
Jehannot de Bartillat , Mestre de Camp d'un
Régiment de Cavalerie tué à la Bataille de Fleurus
le 1. Juillet 1690. et fille de François Passart
, Seigneur de Saclay , la Martiniere , Vauhalan
, Limon , &c. Conseiller Secretaire du Roi
et de ses Finances , et d'André Lucas. Elle mourut
le 8. Juin 1712. âgée de 47. ans. Il laisse
d'elle Jean - Baptiste -François de Ville meur, cydevant
Sous- Lieutenant de la Compagnie des
Grenadiers à cheval , et à present Colonel du Régiment
de Bassigny par commission du 5. Octobre
1730. et Brigadier des Armées du Roy de
la Promotion du 18. Octobre 1734. qui avoit
été blessé d'un coup de fusil dans la cuisse à la
"Bataille de Guastalla le 19. Septembre precedent.
Susanne-Eleonore de Villemeur, mariée au mois
de Mars 1722. avec Philipe Florimond de Fltvigny,
Seigneur de Liés , Remigny , & c. Lieatenant
de la Compagnie des Grenadiers à cheval
de la Maison du Roy , et une autre fille .
Le même jour , D. Marie - Jeanne Fleuriau →
d'Armenonville , Epouse de Jean Marquis de
Gassion et d'Alluye , premier Baron Doyen du
Perche- Goüet , Comte de Montboyer , Baron
d'Audaux et d'Arbus , Lieutenant General des
Armées
2328 MERCURE DE FRANCE
Armées du Roy , et Gouverneur de Dix et de
S. Sever en Gascogne , avec lequel elle avoit été
mariée le 16. Avril 1708. mourut d'Hydropisie
à Pau en Bearn , dans la 48. année de son âge ,
étant née le 20. Mars 1688. elle laisse pour enfans
Pierre de Gassion,né le 18. Septembre 1715. Capitaine
dans le Régiment de Cavalerie du Comte
de Peyre , son Beau- frere Jeanne de Gassion ,
mariée le 22. Fevrier 1723. avec Joseph Henry
de Mauret de Pagas de Grolée , Comte de Peyre,
Mestre de Camp d'un Regiment de Cavalerie
par Commission du 17. Janvier 1724, et Magdeleine
Angelique de Gassion, mariée le 26. May
1732. avec Louis - François Damas , Comte de
Thianges d'Anlezy , cy-devant Guidon de la
Compagnie des Gendarmes de la Garde du Roy.
La Marquise de Gassion , leur Mere , étoit fille
aînée de feu Joseph - Jean-Baptiste Fleuriau , Seigneur
d'Armenonville , ancien Garde des Sceaux
de France , Commandeur des Ordres du Roy ,
Doyen du Conseil d'Etat, Gouverneur et Grand-
Billy de Chartres , Capitaine des Châteaux de
Madrid , la Muette et Parc du Bois de Boulogne,
mort le 27. Novembre 1718. et de D. Jeanne
Gilbert , morte le 26. Novembre 1716.
'
Le 17. Louis- Auguste Scipion , Chevalier de
l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , fils de feu Louis
Robert Hyacinthe de Brean , Comte de Pielo
Ambasssadeur en Dannemarc , et de D. Louise
Françoise Phelippeaux de la Vrilliere , mourut
âgé seulement de deux ans et quatre mois .
Le vingt un , Dame Susanne d'Argouges ,
yeuve depuis le vingt- un Janvier 1709. de
Jean de Creil , Marquis de Bournezeau , Maî
tre des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy ,
et Intendant dans les Generalités de Moulins et
d'OxOCTOBRE.
1735. 2329
Orleans , avec lequel elle avoit été mariée le
23. Septembre 1681. mourut à Charenton , près
Paris , chés M. d'Argouges , Lieutenant Civil ,
son Gendre , dans la 76. année de son âge , laissant
un fils et une fille , qui sont Jean -François
de Creil , Marquis de Bournezeau, Baron de Buil
Jac , Seigneur du Châtelix , de la Boissiere , &c.
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy
Et actuellement Intendant à Metz , depuis 1721.
veuf de Marie- Claude- Therese Turgot de Soumont,
morte le 15. Fevrier 1719. et Marie- Fran
çoise- Adelaide de Creil , mariée le 10. Avril
1710. avec Jérôme d'Argouges de Ranes , Seigneur
de Fleury , Maître des Requêtes Honorai
re de l'Hôtel du Roy , et Lieutenant Civil de la
Prévôté et Vicomté de Paris , qui en a deux fils
et deux filles. La Dame de Creil étoit fille de
François d'Argouges , Seigneur , Baron des Baronies
du Plessis- Pâté , Montpipault , Fontaine
et Bondoufle , le Fay - Billot , Gland, le Tillevaut,
les Greves , &c . Conseiller d'Etat Ordinaire et
au Conseil Royal des Finances , et ancien Premier
Président du Parlement de Bretagne , mort
le 16 : Août 1695. et d'Anne de Hodic , sa femme
, morte le
Novembre 1705 .
29.
Le 15. du mois de Juillet dernier les cérémo
nies de Baptême qui avoient été differées par la
permission de l'Evêque du Mans , furent administrées
aux deux fils de René François de Maillé,
Chevalier Seigneur Marquis de Benehart , la Jaille,
Chahaigné , le Loroer , Ruillé , & c . Et de Dame
Anne Madelaine Françoise de la Luzerne de
Beuzeville son Epouse L'aîné apellé le Marquis ,
qui avoit été ondoyé le 27. May 1722. fut nommé
Philipe- François par Philipe de Montboissier-
Beaufort
-
2330 MERCURE DE FRANCE
Beaufort- Canillac , Chevalier , Seigneur , Marquis
de Montboissier , Maréchal des Camps er
Armées du Roy , et Capitaine- Lieutenant Com
mandant de la seconde Compagnie des Mousqueraires
de sa garde , et par Dame Marie- Elisabeth
de Lamoignon , épouse de Cesar- Antoine
de la Luzerne Chevalier Seigneur Comte de Beu
zeville , Moulin , Chapelle , &c. Maréchal des
Camps et Armées du Roy.Le Seigneur de Montboissier
representé par M. Mathurin - François-
Pintart , Chanoine Regulier , Prieur de S Pierre
du Bois , et Chapelain de Chambort ; la Dame
de Lamoignon , representée par Damoiselle Marie-
Marthe Catherine- Rachel-Josephine Percheron
de Crousille, en vertu des Procurations desdits
Seigneur et Dame. Le cadet apellé le Chevalier
, qui avoit été ondoyé le 28. Decembre
1727. fut nommé René- Cesar par René Herault ,
Chevalier , Seigneur de Fontaine - l'Abbé , de
Vaucresson , &c. Conseiller d'Etat , Lieutenant
General de Police de la Ville Prevôté et Vicomté
de Paris , et par Dame Marie- Anne Vippart ,
Marquise de Silly. Ledit sieur Herault , repre
senté par Maître Claude Huger de Montilly ,
Avocat en Parlement , Bailli de Ruillé , et la D,
de Silly , representée par Dlle Françoise Hersan,
épouse du sieur Huger , en vertu des Procurations
desdits Sieur et Dame. Certe double cere
monie se fit avec toute la magnificence et la diguité
convenable dans l'Eglise de Chahaigne ;
Paroisse du Château de Benehart , en presence du
Marquis et de la Marquise de Maillé et d'une
partie de la principale Noblesse du canton . Tous
les habitans sous les armes , vinrent chercher la
compagnie au Château , où il se fit plusieurs décharges
, de même que durant la ceremonie. Le
sicur
OCTOBRE. 2795. 2331
sieur Darays , Curé de la Paroisse qui avoit consenti
que M. Hersant , Prêtre de l'Oratoire , fir
la ceremonie , la termina par une Exhortation
des plus touchantes , dans laquelle les Eloges de
Mr et de Me de Maillé , de Mrs de Montboissier
et Herault , de Mesdames de Beuzeville et de
Silly , furent delicatement maniés et proposés
pour modeles aux deux jeunes Seigneurs qui pendant
le Te Deum , chanté processionnellement ,
allumerent le feu de joye dressé dans la place au
bruit de la mousqueterie et des violons qui reconduisirent
la compagnie au Château , où l'on
servit un magnifique soupé.
Il est né à Paris depuis deux mois an assés
grand-nombre de personnes de nom . Voici celles
qui sont venues à notre connoissance .
Le21 . Juillet D. Marguerite - Pauline de Roye de
La Rochefoucaud , Epouse d'Alexandre- Maximilien
- Balthasar de Gand-Willain,Comte de Middelbourg
, Maréchal des Camps et Armées du
Roy , et Gouverneur de Bouchains , dont le mariage
a été raporté dans le Mercure du mois
d'Août 1733. p. 1897. accoucha d'un premier fils
qui fut ondoyé en naissant.
Le même jour D. Marie - Françoise Talon ,
Soeur de Louis- Denis Talon , Marquis du Boulay
, President du Parlement de Paris , et épouse
de Louis- François de la Bourdonnaye , Seigneur
de Coüetyon , Gassilly , &c. Maître des Requêtes
Ordinaire de l'Hôtel du Roy , et Intendant de
la Généralité de Caën , mariés depuis 10. ans ,
est aussi acouchée d'un fils qui a été nommé
Mathieu- Louis.
Le 10. Août D. Marie - Elizabeth Chamillart,
Epouse de Daniel-Marie- Anne de Talleyrand Periced
Maronis de Talleyrand , Colonel du
Begignent.
2332 MERCURE DE FRANCE
Régiment de Saintonge , accoucha d'un second
fils qui a été nommé Louis. 7
Le quinze D.Adelaide- Genevieve- Felicité d'O ,
Epouse de Louis de Brancas , Duc de Lauraguais,
Pair de France , Marquis de Manicamp , Colo
nel du Régiment d'Artois , accoucha pareillement
de son second fils , qui fut nommé Antoine Bufile
, mais elle mourut le 26. du même mois ,
comme on l'a marqué dans le dernier Mercure.
Le 17. naquit Jean - Louis, fils d'Urbain Aubert ,
Marquis de Tourny , Baron de Nully, Seigneur de
Pressigny , de Bernieres , de Mercey , & c. Maî
tre des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roy , et
Intendant de la Generalité de Limoges , et déD.
Jeanne - Claude Cherouvrier des Grassieres , son
épouse , mariés dès 1721 .
›
Le 19. a été baptisée dans l'Eglise de l'Hôtel
Royal desInvalides , Charlotte - Jaqueline- Joseph, née
le jour precedent , fille de Charles de Marnais de
S. André,Seigneur Comte de Uercel, Exempt des
Gardes du Corps du Roy , Mestre de Camp de
Cavalerie , et Gouverneur de la Ville de Dole en
Comté , et de Dame Claude- Françoise Jaqueline
Petit de Passy mariés le 3. Novembre de
PAnnée derniere . Elle a été tenue sur les fonts
baptismaux par Joseph de Marnais de S. André
de la Bastie son grand Oncle Paternel , Maréchal
de Camp des Armées du Roy , Inspecteur
General de Cavalerie , Gouverneur de Die en
Dauphiné , et Lieutenant de Roy de l'Hôtel
Royal des Invalides ; et par D. Jaqueline - Marguerite
Richer son Ayeule Maternelle , veuve de
François- Nicolas Petit , Seigneur de Passy , Lieutenant
General d'Epée au Bailliage Royal , et
Siege Presidial de Sens .
Le 2. Septembre , D. Catherine-Françoise de
Dreux
OCTOBRE . 1735 2333
Dreux , Epouse de Jean- Baptiste Poussard , Marquis
de Vigean , Capitaine de Cavalerie , acoucha
d'un fils , qui fut nommé Anne Bertrand.
Le 6. naquit Renaud- Marie de Pons , fils de
Louis-Henry Marquis de Pons , aîné de sa maison
, assez connue dans la Province de Xaintonge
, où elle a possedé la Sirauté de Pons
plus de quatre cens ans. Et d'Angelique - Hentiette-
Marie de Turcelin de Brosses , ses Pere et
Mere. La maison de Turcelin est très ancienne ,
fort illustre par ces Alliances et par les grands
Emplois qu'elle a eu à la Guerre et à la Cour ,
principalement sous le regne de Valois. L'Enfant
fut baptisé le jour de sa naissance à la Paroisse
de S. Sulpice , et tenu par Renaud Constant de
Pons son Grand- Pere, et par Marie - Anne Roüillé
, Marquise de Dastellane , sa Grand -Mere .
Le 12 fut baptisé Louis Anne , né le jour precedent
, fils de Gui - Auguste de Roan- Chabot
apellé le Comte de Chabot , Lieutenant General
des Armées du Roy , et de D. Yvone Silvie de
Breil de Raiz , mariés le 8 Fevrier 1729.
Le 13. Julie- Hortense Colbert , Epouse de
Charles Louis Auguste Comte de Maridor , Ba
ron de Bourleroy , &c. accoucha d'une fille qui
fut nommée Louise-Julie Silvie.
Le 22. Août , Charles -François de Cuissotte ;
Comte de Gizancourt , Lieutenant de Roi au
Gouvernement de la Province de Champagne
fils de feu Philibert de Cuissotte , Comte de
Gizaucourt , aussi Lieutenant de Roi au Gouvernement
de Champagne , et auparavant Sous-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes de
la Reine , mort le 3. Mars 1715. et de Dame
Marie- Charlotte du Val de Dampierre , sa veus
K
ve ,
2334 MERCURE DE FRANCE
ve , épousa à Paris Dlle Elizabeth de Beaurepaire
des Barres Dame de la Terre de Champigny
en Champagne , fille de défunt Edouard--
Joachim.de Beaurepaire , Seigneur Comte des
Barres et de Champigny , et de Dame Marie-
Elizabeth de Bourges , sa veuve. La Mariée est
seur puînée de Dame Louise de Beaurepaire des
Barres , qui a été mariée le 22. Λούτ 1724. avec
Claude- Hubert le Clerc de Fleurigny , Baron de
Fleurigny , frere puîné d'Antoine - Jean - Baptiste
de Fleurigny , Chevalier de l'Ordre de S. Jean
de Jerusalem , Commandeur de la Croix en
Brie . 1
> 30.
Le 14. Septembre Jean- Baptiste de Baral ,
Conseiller au Parlement de Dauphiné ,, épousa
à Paris Dile Marie- Dominique Peirenc de Saint
Cyr , âgée de 14. ans étant née le Août
1721. file unique de Louis Peirenc de S. Cyr ,
Ecuyer , Gentilhomme ordinaire de la Maison
du Roi , et de défunte D. Marie-Jeanne Barberie
de Courteille , vivante sa femme , morte le
17. Juin 1723. âgée de 24. ans .
Le 13. Octobre , Jean- Pierre Marquis de Fontanges
, fils de feu Antoine de Fontanges , Seigneur
du Chambon , &c . et de D. Julliett :fide
Soupiac , épousa D. Marie - Anne de Heere , -
file de défunt Claude- Denis de Heere , Seigneur
de Barneville , & c. Gouverneur de Brie- Contre-
Robert , Lieutenant au Régiment des Gardes
Françoises, et de Dame Marie Anne de la Motte.
S. A. S. Mademoiselle de Sens a honoré la célebration
de sa présence.
A
OCTOBRE . 1735. 2335
A Madame la Duchesse de B ... accou
chée d'un troisiéme fils le ... jour d'Oc
tobre 1735. tandis que M. le Duc son
mari eft à l'armée.
MADRIGAL.
B Elle et jeune Duchesse , Epouse fortunée ,
Lucine avoit prédit pour vous dans cette année
Un troisiéme héritier par Mercure annoncé : *
Vas voeux sont satisfaits . O l'heureuse journée !
C'est ainsi que le Ciel paroît interessé
Dans votre destinée .
Tandis que votre Epoux pour la gloire combat
Yous mettés à profit les fruits de l'hymenée
Pour le bien de l'Etat.
M D. M.
* Raport aux vers d'un Mercure de cette an
née sur le départ de M. le Duc de B .... pour
l'armée du Rhin.
ARRESTS NOTABLES.
A 1733.qui décharge dil du 17.Novembre 1733. qui décharge du Droit de Contrôle
les Déliberations des Communautez de la Province
de Languedoc , portant nomination de
Collecteurs forcés.
K ij LET336
MERCURE DE FRANCE
LETTRES PATENTES du Roy , données à
Versailles le 6. Mars 1735. Registrées en la
Chambre des Comptes le 25. May de la même
année , sur Arrêts des 11 , Janvier et 8. Février
dernier , qui dispensent les Receveurs Generaux
des Domaines et Bois , et le sieur Biberon de
Cormery , de compter des quatorze deniers pour
livre des sur-mesures , tant des Bois du Roy que
de ceux des Ecclesiastiques et Communautés ,
depuis 1715. jusques et compris 1723.
ARREST du 19. Avril qui maintient les Chanoines
et Chapitre de Notre- Dame de Poissy ,
dans la possession et jouissance du dixiéme dans
le Droit de péage qui se perçoit dessus le Pont
dePoissy et sur les Bateaux chargés de Marchandises
passant sur la Riviere de Seine sous ledit Pont,
ARREST de la Cour des Aydes du 11. May ,
qui condamne les nommés Henry Bichois et
Laurent Collet , Voituriers , habitans de la Paroisse
de Fleurant , à une demie lieue du Clermontois
, Pays reputé étranger , au payement
du double des droits de sortie de quatorze muids
de vin par eux enlevés du Bourg de Ricey- lebas,
Pays de l'interieur de la Ferme , et Conduits
dans ladite Paroisse de Fleurant , sous acquit
à caution, faute par lesdits Bichois et Collet,
d'avoir representé les acquits des droits de sortie
ou les futailles vuides , lors de la visite faite
chés eux par les Employés des Fermes au poste
de Sainte Menehould , en conformité du Tirre
VII. de l'Ordonnance de 1687.
ARREST de la Cour du Parlement du 13 .
May , qui condamne solidairement les Religieux
de
7
OCTOBRE. 1735. 2337
de S.Vincent du Mans , avec deux de leurs domestiques
qui avoient chassé ; et infirme le Jugement
de la Table de Maibre , qui avoit déclargé
lesdits Religieux de la solidité prononcée par
la Sentence de la Maîtrise du Château du Loir ,
lequel Jugement est à la suite dudit Arrệt.
AUTRE du 10. Juin confirmatif d'une
Sentence de Police du 22. Avril 1735 renduë en
faveur de la Communauté des Maîtres Brossiers-
Vergetiers, portant défenses au nommé François
Aumont , valet d'écurie , et à toutes autres Personnes
, de vendre des Plumes de queues de Chapon
, ni d'en faire des entrepôts ches eux , à peine
de confiscation et d'amende ; et declare la saisie
faite sur ledit Aumont , bonne et valable , les Plumes
confisquées , et le condamne en l'amende et
en tous les dépens .
2
ARREST du 18. Juin , qui ordonne la su
pression des Bureaux de fabrique établis à Blicourt
& à Luchy, & fixe l'étendue des Bureaux
de Crevecoeur d'Hardivilliers et de Thillois ,
pour la visite et la marque des serges et autres
étoffes qui s'y fabriquent , &c. par lequel S. M.
ordonne l'éxecution des neuf Articles contenus
audit Arrêt.
ARREST du 21. Juin , qui fait deffenses aux
Marchands , Voituriers , ou Particuliers qui tireront
des grains par la Bourgogne , en franchise
des droits d'octrois , de les voiturer ailleurs qu'en
Provence , et ordonne qu'ils feront leurs decla
rations à Tarascon pardevant le sieur Denis , que
S. M. a commis à cet effet.
ARREST
2338 MERCURE DE FRANCE
ARREST du 28. Juin , qui accorde un délay
jusqu'au dernier Decembre de l'année prochaine
1736.pour le Contrôle des Actes de foy et hommage
, declarations et reconnoissances aux papiers
terriers et autres.
AUTRE du même jour , qui ordonné que les
particuliers qui seront compris dans les Etats de
repartition de la Capitation pour l'année 1736.
seront tenus de payer , outre la portée de leur taxe
, les deux sols pour livre d'icelle.
AUTRE du même jour , qui proroge jusqu'au
premier Octobre 1736. le pouvoir accordé à
Messieurs lesIntendans desGeneralités où la taille
est personelle , de faire proceder pardevant eux
ou ceux qu'ils commettront, à la confection des
Rôles des Tailles des Villes , Bourgs et Paroisses
où ils le jugeront à propos.
SENTENCE de Police du même jour, qui renouvelle
les défenses faites aux Laboureurs et aux
'Meuniers d'acheter aucuns Grains sur le Carreau
de la Halle ; et condamne à l'amende le noin mé
de la Marre , Laboureur , pour y avoir con-
*trevenu .
ORDONNANCE DU ROY , du 4. Juiller ,
pour faire détacher quarante- huit hommes de
chacun des Bataillons de Milice ,pour servir dans
les Régimens d'Infanterie de l'Armée d'Italie .
ARREST du 19. Juillet , qui déboute les Maire
et Echevins , Habitans et Communauté de
S. Malo , de leur demande ; et ordonne que les
droirs
OCTOBRE. 1735. 2339
droits de Brieux continueront d'être perçus dans
les Ports de Bretagne , suivant l'usage , et ainsi
qu'ils l'ont été jusqu'à présent.
TABLE.
FUGITIVES , Ode , 2121
PRéplique sur la Question , Qui de Phon
ou de la femme est plus capable de constance,2126
L'Enfer , Ode ,
Lettre sur le Bureau Tipographique ,
Poëme sur la Fayence ,
2144
2149
2161
Lettre sur le grand Voyage de Jerusalem , &c.
Le Panier , Eglogue ,
2166
2170
Lettre sur la Traduction des Cantiques Armé
niens ,
Essay sur les Bucoliques de Virgile ,
Enigme , Logogryphes , & c.
2174
2183
2190
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS,
Impostures innocentes , de Bern . Picart , 2193
Code de la Voyerie , &c.
Panegyrique de S. Louis ,
2203
2209
Ordonnances des Rois de France , & c. 2216
Histoire de l'Hôtel Royal des Invalides , &c.
2230
Le Pour et Contre , Prix proposé , &c . 2233
Le Glaneur François, Lettre écrite à M. de Fontenelles,
Amusemens sérieux et Comiques , &c .
2234
2237
Les Oraisons de Ciceron , nouvelle Edition ,
2239
Tragédie de Codrus , représentée à Marseille ,
Calendrier Perpetuel ,
2243
2246
Assem'
Assemblée du Clergé , Harangue et Jetton gra
vé , & c.
Chanson notée ,
2248
2258
Spectacles , La Mort de Cesar , Tragedie , 2259
La Feinte inutile , Comédie , Extrait , 2273
Décoration du troisiéme Acte des Indes Galantes
,
L'Opera Comique , Couplets , & c.
2287
2290
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , Perse , et
Barbarie ,
De Russie , Pologne et Allemagne ,
D'Italie et Grande-Bretagne ,
Armée d'Italie ,
Armée d'Allemagne ,
2293
2295
2305
2308
2311
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
2317
Benefices donnés , 2319
Morts , Naissances et Mariages , 2320
A Madame la Duchesse de B ...
Madrigal ,
2335
Arrêts Notables , ibid.
Errata de Septembre.
Past 1929.ligne
ture.
postu
lisez , est un,
P. 1930. l . 14. vilci mposture , l. vide impos-
P. 1965. l. 9. essyer ; l. Essuyer.
P. 1967. 1. 4. d'en bas , Bersabée , l. Bethsabée. *
Le Jetton gravé doit regarder la page
Les Chansons notées , la page
2251
2258
Qualité de la reconnaissance optique de caractères