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MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
JANVIER. 1734.
RYCOLLIGIT
CIT
SPARGIT
Papillo
A PARIS
GUILLAUME CAVELIEK
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXIV.
Avec Approbation & Privilege du Roy
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARYVILEGE
335483
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUDATIONS
•
DU ROr.
Quis par lagrace de Dieu , Roi de France & de
LNavarre à nos Amez & Feaux Confeillers , les
Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des
Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel , Grand- Confeil
Baillifs , Senéchaux , leurs Lieutenans Civils , & au
tres nos Officiers & Jufticiers qu'il appartiendra. SALUT
: l'applaudiffement que reçoit le MERCURE DE
FRANCE , cy - devant appellé le Mercure Galant ,
Compoſé depuis l'année 1672 , par le fieur de Vifé , &
L
tres Auteurs , nous fait croire que le fieur Dufreni ,
Titulaire du dernier Brevet étant decedé , il ne con
vient pas que le Public foit à l'avenir privé d'un ou
vrage auffi utile qu'agréable , tant à nos fujets qu'aux
étrangers ; c'est dans cette vue que bien informé des
talens , & de la fazeffe du fieur ANTOINE DE LA ROQUE ,
Ecuyer , ancien Gendarme dans la Compagnie des
Gendarmes de nôtre Garde ordinaire , & Chevalier
de notre Ordre Militaire de Saint Louis ; nous l'avons
choifi pour compofer à l'avenir exclufivement à tout
autre ledit Ouvrage , fous le titre de MERCURE DE
FRANCE , & nous lui en avons à cet effet accordé nôtre
Brevet le 17. Octobre dernier , pour l'execution duquel
ledit fieur de la Roque nous a fait fupplier de
fui accorder nos Lettres de Privilege fur ce neceſſaires
:A CES CAUSES , conformément audit Brevet , Nous
lui avons permis & permettons par ces Prefentes de
compofer & donner au Public l'avenir tous les mois .
alui feul exclufivement , ledit Mercure de Fran . e , quàÎ
pourra faire imprimer en tel volume , forme , marge ,
Cara&tere , conjointement , cu feparement , & autant
de fois que bon lui femblera , chaque mois , & de le
faire vendre & débiter par tout nôtre Royaume , & ce
pendant le temps de douze années confecutives ,
compter du jour de la carte des Prefentes ; à condi .
tion neanmoins que haque volume portera fon Appro
bation expreſſe de l'Examinateur , qui aura été com
à
mis
•
9
,
,
mis à cet effet . Faifons défenfes à toutes fortes de
perfonnes , de quelques qualitez & conditions qu'elles
foient , d'en introduire d'impreffions étrangeres dans
aucun lieu de nôtre obéiffance , comme auffi à tous
Libraires , Imprimeurs , Graveurs , & autres , d'im
primer , faire imprimer , graver , vendre , faire vendre,
débiter ni contrefaire ledit Livre, ou planches , en tour
ou en partie , ni d'en faire aucun Extrait , fous quelque
prétexte que ce foit , d'augmentation correc
tions , changement de titre , ou autrement fans la
permiffion expreffe & par écrit de l'Expofant , ou de
ceux qui auront droit de luis le tout à peine de confifcation
des exemplaires contrefaits , de tcoo . livres
d'amende payables fans déport par chacun des contrevenans
, dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-
Dieu de Paris , l'autre tiers à l'Expofant , ou à ceux
qui auront droit de lui , & de tous dépens , dommages
& interefts ; à la charge que ces Prefentes feront
enregistrées tout au long fur le Begiftre de la Com.
munauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , & ce
dans trois mois de la datte d'icelles ; que l'impreflion
de ce Livre fera faite dans nôtre Royaume , & non
ailleurs , en fin papier , & en beau caractere , conformément
aux Reglemens de la Librairie ; & qu'avant
de l'expofer en vente , le manuferit ou imprimé qui
aura fervi de copie à l'impreflion dudit Livre fera
remis dans le même état où les Approbations y auront
été données , ès mains de nôtre très- cher &
Feal Chevalier , Garde des Sceaux de France , le
fieur FLEURIAU D'ARMENON VILLE, Commandeur de nos
ordres , & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplai
res de chacun dans nôtre Bibliotheque publique , un
dans celle de nôtre Château du Louvre , & un dans
celle de notredit très - cher & feal Chevalier ,. Garde
des Sceaux de France ; le tout à peine de nullité des
Prefentes , du contenu defquelles Vous . enjoignons de
faire jouir ledit Expofant , ou fes ayans caufe pleine
ment & paisiblement , fans fouffrir qu'il leur foit fait
aucuns troubles & empêchemens , & à cet effet nous
avons revoqué & revoquons tous autres Privileges
qui pourroient avoir été donneż cy- devant à d'autres
qu'audic Expofant ; Voulons que la copie des Prefentes
qui fera imprimée tout au long au commencement ou
la fin dudit Livre foit tenuë pour duëment fignifiée ,
& qu'aux copies collationnées par l'un de nos Amez
& Feaux Confeiliers . Secretaires , foy foit ajoutée , &c.
A ij
CACATALOGUE
des Mercures de France,
depuis l'année 1721. jusqu'à present.
JA
Uin et Juillet 1721.
Août , Septembre , Octobre , Novembre
2. vol.
et Decembre ,
Janvier et Fevrier 1722.
s . vol.
Mars 1722 •
2. vol.
Avril ,
2. vol.
I. vol.
May,
2. vol.
Juin , Juillet et Août ,
Septembre ,
3. vol.
Octobre ,
2. vol.
Novembre ,
I, vol.
Decembre ,
2. vol.
Année 1723
Année 1724 . les mois de Juin et de Dele
mois de Decembre double , 13 . vol.
I. vol.
cembre doubles ,
Année 1725. les mois de Juin , de Sep-
14. vol.
tembre et Decembre doubles ,
Année 1726. les mois de Juin et de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
Année 1727. les mois de Juin et de De-
14. vol.
cembre doubles ,
Année 1728. les mois de Juin et de De-
14. vol .
cembre doubles ,
Année 1729. les mois de Juin , de Sep-
14. vol.
tembre et Decembre doubles ,
Année 1730. les mois de Juin et de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
Année 173i . les mois d'Avril , de Juin
14. vol.
et de Decembre doubles ,
cembre doubles ,
Année 1732. les mois de Juin et de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
Année 1733. les mois de Juin et de De-
14. vol.
14.
vol. Janvier 1734. 1. vol.
180. vel.
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume , &c.
A Toulouse , chez Henaut et Forest.
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , et chez
Chapui , fils , au Palais , et à la Poste.
Nantes , chez Julien Maillard , et chez du Verger."
Rennes chez Joseph Vatar , Julien Vatar , Guil
laume Jouanet Vatar et la veuve Garnier.
Blois , chez Masson .
Tours , chez Gripon.
Rouen , chez Herault.
Châlons-sur- Marne , chez Seneuze.
Amiens , chez la veuve François et Godard.
Arras , chez C. Duchamp.
Orleans , chez Rouzeaux .
Angers , chez Fourreau et à la Poste.
Chartres , chez Fetil , et chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil , et à la Poste.
Versailles , chez Monnier .
Besançon , chez Briffaut , à la Poste.
Saint Germain , chez Doré .
Lyon , à la Poste.
Reims , chez Disain.
A Vitry - le - François , chez Vitalis .
Beauvais , chez De Saint.
Douay , chez Willerval .
Charleville , chez P. Thesin.
Moulins , chez Faure.
Mâcon , chez De Saint , fils ,
Mets , chez la Veuve Barbier.
Boulogne-sur-Mer , chez Parasol.
Nancy, chez Nicolas.
A iij
C
AVERTISSEMEN T.
Voici Oici le cent quatre - vingtième volume
du Mercure de France , que nous avons
Phonneur de présenter au Roy et d'offrir au
Public , depuis le mois de Juin 1721. que
nous travaillons à cet Ouvrage , sans qu'il
ait souffert aucune interruption. Nous rendons
de nouvelles et très -humbles graces à
nos Lecteurs au commencement de cette Année
, de l'accueil favorable qu'ils continuent
de faire au Mercure. De notre
redoublerons nos soins et notre application
pour que sa lecture soit encore plus utile e
plus agréable.
En remerciant nos Lecteurs du cas qu'ils
daignent faire de ce Livre , nous leur demandons
toujours quelqu'indulgence pour les
Endroits qui leur paroîtront négligez et dons .
la diction ne paroîtra pas assez châtiée. Le
Lecteur judicieux , fera , s'il lui plaît , reflexion
que dans un.Quvrage comme celuicy;
il est très-aisé de manquer , même dans
les choses les plus communes , dont chacune
en particulier est facile mais qui ramassées,
font ensemble une multiplicité si grande.
AVERTISSEMENT.
de , qu'il est mal aisé de donner à toutes
la même attention , quelque soin qu'on
apporte sur tout quand une telle collection
est faite en si peu de temps Auteur du
&
Mercure , chargé du pénible et laborieux
employ de donner chaque mois un volume
au Public , ne peut jamais avoir le temps
de faire sur chaque Article les refléxions
qu'y feroit une Personne qui n'a que cet
Article en tête , le seul auquel elle s'inte
resse , et peut-être le seul qu'elle lit: Une
chose qui paroît un peu injuste , c'est qu'on
nous reproche quelquefois des inattentions
et qu'on ne nous scache aucun gré des cor
rections sans nombre qu'on fait et des fautes
qu'on évite.
Nous faisons de la part du Public de
nouvelles instances aux Libraires qui envoyent
des Livres pour les annoncer dans
le Mercure , d'en marquer le prix au justes
cela sert beaucoup dans les Provinces aux
personnes qui se déterminent là-dessus à les
acheter , et qui ne sont pas sûres de l'exactitude
des Messagers et des autres personnes
qu'elles chargent de leurs commissions
qui souvent les font surpayer.
On invite les Marchands et les Ouvriers
qui ont quelques nouvelles Modes , soit par
des Etoffes nouvelles , Habits , Ajustemens ,
Perruques, Coeffures, Ornemens de tête et au-
A iiij tres
AVERTISSEMENT.
tres Parures , ainsi
que de Meubles , Carosses
, Chaises et autres choses ; soit pour
Futilité , soit pour l'agrément , d'en donner
quelques Memoires pour en avertir le Public
, ce qui pourra faire plaisir à divers
Particuliers et procurer un débit avantageux
aux Marchands et aux Ouvriers.
Plusieurs Pieces en Prose et en Vers
envoyées pour le Mercure , sont souvent si
mal écrites , qu'on ne peut les déchiffrer ,
et elles sont pour cela rejettées ; d'autres
sont bonnes à quelques égards et défectueuses
en d'autres. Lorsqu'elles peuvent en valoir
la peine , nous les retouchons avec soin s
mais comme nous ne prenons ce parti qu'avec
répugnance , nous prions les Auteurs
pas trouver mauvais , et de travailter
leurs Ouvrages avec le plus d'attention
qu'il leur sera possible ; si on sçavoit leur
adresse on leur indiqueroit les défectuositez
et les corrections à faire.
de ne le
Les Sçavans et les Curieux sont priez
de vouloir bien concourir pour rendre ce
Livre encore plus utile , en nous communiquant
les Memoires et les Pieces en Prose
et en Vers , qui peuvent instruire et amuser.
Aucun genre de Litterature n'est exclus
de ce Recueil , où l'on tâche de faire regner
une agréable varieté , Poësie , Eloquence
, nouvelles Découvertes dans les Arts
AVERTISSEMENT.
et dans les Sciences , Morale , Antiquitez ,
Histoire Sacrée et Profane, Voyages , Historiettes
, Mythologie , Physique et Métaphysi
que, Pieces de Theatre , Jurisprudence, Anatomie
et Medecine , Botanique , Critique, Mathématique
, Memoires, Projets, Traductions,
Grammaires , Pieces amusantes et récréatives
, &c. Quand les Morceaux d'une
certaine consideration seront trop longs , on
les placera dans un volume extraordinaire
et on fera ensorte qu'on puisse les en detacher
facilement , pour la satisfaction des
Auteurs et des personnes qui ne veulent avoir
que certaines Pieces.
A l'égard de la Jurisprudence , nous continuerons
, autant que nous le pourrons , de
faire part au Public desQuestions importantes,
nouvelles ou singulieres qui se presenteront,
qui seront discutées et jugées dans les differens
Parlemens et autres Cours Superieures du
Royaume , en observvnt l'ordre et la mé
thode que nous avons déja tenus en pareille
matiere , sur quoi nous prions Messieurs
les Avocats et les Parties interessées , de
vouloir bien nous fournir les Memoires nécessaires.
Il n'est peut-être point d' Article dans
ce Livre qui regarde plus directement le
bien public que celui-là , et qui soit plus recherché
de la plupart des Lecteurs.
Quelques Morceaux de Prose et de Vers
A v
rejettez
AVERTISSEMENT
.
ر
ont souvenz
des
perrejettez
par bonnes raisons
donné lieu à des plaintes de la part
sonnes interessées
; mais on les prie de considerer
que
c'est toujours malgré nous que certaines Pieces sont rebutées ; nous a nous
en rapportons
pas toujours à notre jugement
dans le choix que nous faisons de celles qui
méritent l'impression
.
Quoiqu'on ait toujours la précaution de
faire mettre un Avis à la tête de chaque
Mercure pour avertir qu'on ne recevra point
de Lettres ni de Paquets par la Poste dont
le port ne soit affranchi , il en vient cependant
quelquefois qu'on est obligé de rebuter,
Ceux qui n'auront pas pris cette précaution
ne doivent pas être surpris de ne pas voir
paroître les Pieces qu'ils ont envoyées , lesquelles
sont d'ailleurs pèrdues pour eux s'ils
n'en ont point gardé de copie.
Les Personnes qui desireront avoir le Mercure
des premiers , soit dans les Provinces
on dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à
Commis au
sadresser à M. Moreau >
Mercure , vis-à- vis la Comédie Françoise
, à Paris , qui le leur envoyera par
la voye la plus convenable et avant qu'il
soit en vente icis les Amis à qui on s'adresse
pour cela , ne sont pas ordinairement
fort
exacts ; ils n'envoyent gueres acheter ce Livre
précisément dans le temps qu'il paroît.
IL
AVERTISSEMEN T.
•
Ils ne manquent pas de le lire , souvent ils
Le prêtent et ne l'envoyent enfin que fort
tard , sous le prétexte spécieux que le Mer
sure n'a pas paru plutôt.
Nous renouvellons la priere que nous
avons déja faite , quand on envoye des Pieces
, soit en Vers , soit en Prose , de les faire.
transcrire bien lisiblement chaque morceau.
sur des papiers séparez et d'une grandeur
raisonnable , avec des marges , pour y pla
cer las additions on corrections convenables
et
que les noms propres sur tout soient exactement
écrits.
>
Nous aurons toujours les mêmes égards ·
pour les Auteurs qui ne veulent pas se faire
connoître , mais il seroit bon qu'ils donnassent
une adresse , sur tout quand il s'agit de
quelque Ouvrage qui peut demander des
éclaircissemens car souvent , faute d'un
tel secours des Pieces nous restent entre
,
le: mains sans pouvoir les employer.
Nous prions ceux qui par le moyen de
leurs correspondances reçoivent des nouvelles
d'Asie , d'Afrique , du Levant , de
Perse , de Tartarie , du Japon , de la Chine,
des Indes Orientales et Occidentales et d'antres
Pais et Contrées éloignées ; les Capitaines
, Pilotes et Officiers des Navires et
Les Voyageurs , de vouloir nous faire part
de ces Nouvelles , à l'Adresse generale du
A vj Mercure
AVERTISSEMENT.
Mercure. Ces Matieres peuvent rouler sur
les Guerres présentes de ces Etats et de leurs
Voisins ; les Révolutions , les Traitez de Paix
on de Tréve ; les occupations des Souverains
, la Religion des Peuples , leurs Cerémonies
, Coûtumes et Usages , les Phénomenes
et les productions de la Nature et de
l'Art , & c. comme Pierres précieuses , Pierres
figurées , Marcasites rares , Pétrifications
et Crystallisations extraordinaires , Coquillages
, Edifices anciens et modernes , Ruines ,
Statues , Bas-Reliefs , Inscriptions , Pierres
gravées , Médailles , Tableaux , &c.
Nous serons plus attentifs que jamais à
apprendre au Public la mort des Sçavans
et de tous ceux qui se sont distinguez dans
les Arts et dans les Mécaniques ; on y joindra
le récit de leurs principales occupations ,
de leurs Ouvrages et des plus considerables
actions de leur vie. L'Histoire des Lettres
et des Arts , doit cette marque de reconnoissance
à la memoire de ceux qui s'y sont
rendus celebres , ou qui les ont cultivez avec
soin. Nous esperons que les Parens et les
Amis de ces illustres Morts , aideront volontiers
à leur rendre ce devoir , par les
instruction qu'ils voudront bien nous fournir.
Ce que nous venons de dire regarde
non-seulement Paris , mais encore toutes les
Provinces du Royaume et les Pays Etrangers.
qui
AVERTISSEMENT.
qui peuvent fournir des Evenemens conside
rables, Morts , Mariages , Actes solemnels
Fêtes et autres faits dignes d'être transmis
à la Posterité , en observant d'écrire éxactement
et lisiblement les noms propres .
On a fait au Mercure et même plus d'une
fois l'honneur de le critiquer s c'est une gloire
qui manquoit à ce Livre. On a beau dire
nous ne changerons rien à notre méthode ,
puisque nos Lecteurs la trouvent passablement
bonne. Un Ouvrage de la nature de
celui-cy , ne sçauroit plaire également à tout
le monde , à cause de la multiplicité et de
la varieté des matieres , dont quelques- unes
sont lues par certains Lecteurs avec plaisir
et avidité , et par d'autres avec des dispositions
contraires. M. du Fresni avoit bien
raison de dire que pour que le Mercure fut
generalement approuvé , il faudroit que comme
un autre Prothée , il pût prendre entre
les mains de chaque Lecteur , une forme convenable
à l'idée qu'il s'en est faite:
C'est assez pour ce Livre de contribuer
tous les mois en quelque chose à l'instruction
et à l'amusement des Citoïens , qui vivent
ensemble paisiblement et agréablement. Le
Mercure ne doitrienprétendre au - delà.Nous
sçavons, il est vrai , que la critique outrée ,
ou la médisance plus ou moins malignement
épicée , fut toujours un mets délicieux pour
beaucoup
AVERTISSEMENT.
beaucoup de Lecteurs ; mais outre que nous
n'y avons pas le moindre penchant , nous
renonçons et de très-bon coeur , à la dangereuse
gloire d'être lûs et applaudis aux
dépens de personne.
de la
Nous serons encore plus retenus sur les
Louanges que quelques Lecteurs n'ont pas
généralement approuvées , et en effet nous
nous sommes apperçus que nous y trouvions
peu d'avantage ; au contraire on s'est vù
exposé à des especes de reproches , au lieu
des témoignages de reconnoissance , sur tout
part des gens à Talens ; car souvent
tel qu'on lou: ne doute nullement que ce ne
soit une chose qui lui est absolument dûë ,
plus souvent même il trouve qu'on ne le
lone pas assez , et ceux qu'on ne louë point
ou qu'on loue moins , sont très-indisposez ,
et prétendant qu'on loue les autres à leurs
dépens , ils sont doublement fâchez .
Nous donnons ordinairement des Extraits
des Pieces nouvelles qui paroissent sur les
Théatres de Paris , et nous faisons quelques
Observations d'après le jugement du Public
sur les beautez. et sur les deffauts qu'on y
trouve la crainte de blesser la délicatesse
des Auteurs , nous retient quelquefois et nous
empêche d'aller plus loin ; et la crainte aussi
que voulant être plus sinceres , on ne nous
accuse de partialité. Si les Auteurs euxmêmes
AVERTISSEMENT.
mêmes vouloient bien prendre sur eux de
faire un Extrait ou Memoire de leurs On .
vrages , sans dissimuler les deffauts qu'ony
trouve , cela nous donneroit la hardiesse d'étre
un peu plus. séveres et le Lecteur leur
en sçauroit gré ; ils n'y perdroient rien par
Les remarques , à charge et à décharge , que
nous ne manquerions pas d'ajouter , sans oublier
de faire observer l'extrême difficulté
qu'il y a de plaire aujourd'hui au Public
et le péril que courent tous les Ouvrages
d'esprit , qu'on lui présente. Nous faisons
avec d'autant plus de confiance cette priere
aux Auteurs Dramatiques et à tous autres ,
que certainement Corneille , Quinault , Moliere
, Racine , &c. n'auroient pas rougi d'a
vouer des deffauts dans leurs Pieces.
Nous tâcherons de soutenir le caractere
de modération , de sincerité et d'impartialité,
qu'on nous a déja fait la justice de nous attribuer.
Les Pieces seront toujours placées .
sans préference de rang et sans distinction
pour le mérite et la primauté. Les premieres
reçuës seront toujours les premieres employées,
bors le cas qu'un Ouvrage soit tellement du
temps , qu'il mérite pour cela seulement la
préference.
Les honnêtes gens nous sçavent gré d'avoir
garanti ce Livre depuis près de 13 .
ans que nous y travaillons non-seulement
de
AVERTISSEMENT
.
de toute satyre , mais même de portraits trop
ironiques , trop ressemblans et trop susceptibles
d'applications . On aura toujours la
même délicatesse pour tout ce qui pourra
blesser ou désobliger , mais nous admettrons
très-volontiers les Ouvrages dans lesquels
une plume légere s'égaiera même vivement
contre divers caracteres bien incommodes et
souvent très-dangereux dans la Societé, tels ,
par exemple , que les Nouvellistes outrez
et trop crédules , les ennuyeux , les indifférens
, les grands parleurs , tyrans des Conversations
, les Fanfarons , les Opiniâtres
Disputeurs et Clabandeurs éternels , les Indolens
, les Glorieux , qui vous disent d'un
air important les plus petites choses , les
faux Connoisseurs et ceux qui ne croyent
se connoître à rien , pas même au temps
qu'il fait , les Complaisans et fades Louangeurs
, les Envieux , &c. encore y faut- il
mettre cette clause que le Lecteur n'y puisse
reconnoître une telle personne en particulier,
mais que chacun se puisse reconnoître en
quelque chose dans la peinture generale des
vices et des ridicules de son siecle.
Il nous reste à remercier au nom du Public
, plusieurs Sçavans du premier ordre ,
d'aimables Muses et quantité d'autres personnes
d'un grand mérite , dont les productions
enrichissent le Mercure et le font rechercher.
MERCURE
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
JANVIER . 1734 .
*************************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE.
Pour le commencement de PAnnée.
C
Omme la fleche empennée
Traverse les vastes Cieux ,
Ainsi la derniere année
S'est éclipsée à nos yeux.
Le flambeau qui nous éclaire ,
De retour sur l'Hemisphere
Nous retrace un nouveau cours ;
Et
2 MERCURE DE FRANCE
Et des Parques respectables ,
Les mains encor favorables ,
Nous fileront d'autres jours.
巍Tout change , tout se succede ,
L'Automne chasse l'Eté ,
Et la Balance précede
Le Sagittaire irrité.
Tout se passe , nos seuls vices ,
Nos détours , nos artifices ,
Ignorent le changement.
Dans sa route criminelle ,
L'homme à la vertu rebelle
Marche , helas ! torp constamment.
Quoi donc aveugle , insensible ,
Veut-il toujours prophaner
Les jours que le Ciel paisible ,
Daigne encore lui donner ?
Quel désordre plus funeste
De la clémence Celeste
Ne ressent-il les bienfaits ,.
Que pour mettre avec usure
La detestable mesure ,
A ses indignes fortfaits.
Celui
JANVIER. 1734.
པ
>
Celui chez qui la richesse
Tient lieu du solide honneur
Et qui dans sa donce yvresse ,
Fait consister son bonheur ,
De son seul repos prodigue ,
Sans relâche se fatigue
Dans d'inutiles travaux ,
Cherchant par mille cabales ,
Par cent ruses infernales
A supplanter ses Rivaux .
En vain le sort les moissonne ,
Au sein de la vanité ;
Ces coups n'ont rien dont s'étonne
Sa fausse sécurité ;-
De ces grandeurs passageres ,
Vers les flateuses chimeres ,
On le voit encor courir.
Où l'engage donc son faste ?
Dans ses desseins toujours vaste
Croit-il ne jamais mourir ?
VE
Pense-t'il que ce grand nombre
D'infames adulateurs ,
Que l'attrait d'une vaine ombre
Rendoit ses Adorateurs ;
Que cette splendeur , ce faîte ,
Pourront
MERCURE DE FRANCE
Pourront soustraire sa tête ,
Au ciel qui nous juge tous ?
Non , son séjour sur la Terre ,
Du formidable Tonnerre ,
Ne fait que hâter les coups .
M
L'Air siffle ; le Foudre horrible
Frappe ces ambitieux.
Moment funeste , terrible ,
Qui leur désille les yeux .
Je vois ces sombres tenebres ,
Des Grands , compagnes funebres ,
Fuir devant la Verité ,
Qui montre , non plus ses charmes ,
Mais les redoutables Armes ,
Du Ciel contre eux irrité.
Où sont de leurs coeurs perfides
Les tumultueux projets ?
Consternez , pâles , timides ,
Ils condamnent leurs forfaits.
L'éclat pompeux de leur vie
Leur paroît une folie ;
Mais , ô regrets superflus !
Semblable à l'eau fugitive .
Qui s'éloigne de la Rive ,
Le passé ne revient plus.
Ils
JANVIER 1734
3
Ils vécurent ces grands hommes.
Puissions- nous en profiter :
Ce qu'ils furent , nous le sommes
Et n'allons point nous flatter,
Frappez de leurs destinées ,
Ne comptons de nos années ,
Les jours que par nos bienfaits ,
Et que l'Astre de lumiere ,
Recommençant sa carriere ,
Nous retrouve plus parfaits,
De Genouilly en Berry.
***************
MEDAILLES de l'Empereur Gratien
surlesquelles il estnommé AVGG AVG.
Out le monde sçait les differentes
Texplications que les Antiquaires
ont données aux Médailles de Gratien
qui ont pour Legende du côté de la tête
D. N GRATIANVS AVGG AVG. aussi sans
vouloir les repeter ici , je me contenterai
de dire que ceux qui ont expliqué les
Lettres AVGG AVG. qui su vent le nom du
Prince , par AVGVSTORVM AVGVSTVS.
me paroissent avoir donné dans la verible
leçon .
En effet cette explication se presente
d'elle- même la premiere à l'esprit , par
la
MERCURE DE FRANCE
la conformité qu'elle a avec l'usage constant
des Antiquaires , qui ont toujours
rendu l'AVGG des monumens anciens par
le plurier du mot AVGVSTVS . quand les
deux GG sont suivis , ainsi qu'ils le sont
dans les Médailles de Gratien ; car ceux
qui les ont crû separez se sont trompeż,
et ont pris pour des points certaines petites
queües , ou cedilles attachées à ces G
en cette maniere Ç . c'est ainsi du moins
qu'ils sont formez sur la Médaille de
Gratien que j'ai parmi les miennes .
1
Ces & à queue, pour le dire en passant,
ne sont pas rares sur les Monumens anciens
, on les y rencontre dans tous les
temps. J'ai une Médaille d'argent d'Auguste
, avec le Capricorne au revers où
le & du mot AVGVSTVS qui en fait la Légende
est de cette façon ; et l'on en voit
un pareil sur un poids du temps d'Honorius
qui étoit à M. Foucault , * enfin
ils sont ordinaires sur les Monnoyes Gottiques
, si l'on s'en rapporte à l'Alphabet
que Bouteroüe nous a donné dans ses
Recherches curieuses des Monnoyes de France.
Mais en approuvant qu'on lise sur la
Médaille de Gratien , Augustorum Augustus
, je ne sçaurois être du sentiment de
L'Antiquité du P. Montfaucon. Planche XIV.
du Tome III.
ceux
JANVIER 1734. 7
ceux qui expliquent ces termes par Augus
te qui domine sur d'autres Augustes , cela par
rapport à Valentinien le jeune et à
Théodose , dont Gratien avoit genereusement
consenti à recevoir le premier
pour Collegue et s'étoit associé le second.
Ce n'est pas qu'on ne rencontre assez
souvent des dénominations semblables.
prises dans le sens qu'on donne à celle
que j'examine ici ; et sans en chercher des
preuves ailleurs que dans les Médailles ,
quelques Rois des Parthes , d'Armenie
et du Bosphore sont appellez sur leurs
Médailles , Rois des Rois . BAZIA ENE
و
ΒΑΣΙΛΕΩΝ . ΑΡΣΑΚΟΥ . ΤΙΓΡΑΝΟΥΣ ,
APNAKOY . Mais ces titres fastueux , en
longtems avant eux et qui subsistent enusage
core aujourd'hui parmi les Rois de
l'Orient, ne conviennent gueres à un Prince
sage et modeste , tel
l'Histoire
que
nous represente Gratien ; aussi de toutes
les Explications de la Médaille de ce
Prince , celle - ci a été la moins suivie.
Je ne sçai si je me trompe , mais il
me semble que pour donner un sens convenable
à Augustorum Augustus , il ne
faut que sous-entendre le mot de Filius
ce qui voudra dire alors que Gratien Auguste
lui-même est fils de Peres Augustes.Les
noms de Parenté et d'alliance , comme
chacun
MERCURE DE FRANCE
chacun çait , sont assez souvent negli
gez sur les Médailles . Témoins ces exemples
ΚΑΙΣΑΡ . ΣΕΒΑΣΤΟΣ ΣΕΒΑΣΤΟΥ.
·
DOMITIA . AVGVSTA . IMP. DOMIT. CLEOPATRAE,
REGINAE REGVM FILIORVM REGVM.
où les noms de Fils, de Femme et de Mere
sont sous -entendus.
Ceci posé , il s'agit d'examiner ce qui
peut avoir engagé Gratien à prendre un
titre pareil. Ce Prince étoit fils d'un
Empereur , mais d'une famille nouvelle.
Son Grand- pere étoit un Soldat de fortune
qui s'étoit élevé par son mérite jusqu'à
commander les Armées d'Angleterre
, et avoit par ses emplois applani
à Valentinien son fils le chemin de l'Empire
, où il parvint après la mort de
Jovien. Quelque brillante que soit la
pourpre,Gratien en épousant Constantia ,
fille posthume de l'Empereur Constantius,
et la derniere de la maison de Constantin
sembloit encore en rehausser
l'éclat. La famille des Flaves étoit alors
ce qu'avoient été autrefois celles des Cesars
et des Antonins ; aimée , respectée ,
adorée même , le nom en étoit précieux,
aussi le premier soin de Jovien après
avoir été revêtu de la pourpre , fut de se
donner le nom de Flavius , pour persuader
en quelque maniere qu'il étoit de
?
cette
JANVIER 1734.
cette famille , à laquelle cependant il étoit
étranger ; son exemple fut suivi par Valentinien
son successeur ; et Gratien , રે
leur exemple , se trouve avec le même
nom dans quelques Inscriptions qu'on
peut voir dans les Mélanges de Spon . Les
Empereurs suivans encherirent encore
sur cet usage , en ajoutant à leur nom
celui de Constantin . D. N. HERACLIO.
CONST.
Gratien par son mariage justifioit le
nom de Flavius qu'il avoit pris ; il lui
devenoit propre ; et son alliance l'attachant
à tout ce que Rome reconnoissoit
alors de plus grand , il étoit naturel de
publier ces avantages. Pouvoit- il donc le
faire d'une maniere plus noble, plus juste,
er en même temps plus convenable au
Monument que nous examinons , qu'en
s'appellant par une espece d'antonomase
Fils des Augustes. Cette façon indeterminée
de s'exprimer avoit encore cela de
propre , qu'elle sembloit égaler la famille
de Gratien à celle de Constantin , et en
confondre , pour ainsi dire , la Noblesse
AVGG. AVG .
C'est donc à ce Mariage de Gratien
avec Constantia qu'il faut fixer l'époque
de la Médaille , l'an 375. de J. C. immédiatement
après la mort de Valentinien
B avant
MERCURE DE FRANCE.
avant que Gratien eut consenti à parta
ger l'Empire avec son Frere , et long
temps avant qu'il songeât à Théodose .
Dans cette Hypothese , il est aisé de
donner l'explication des revers qu'on
trouve aux Medailles de Gratien où il est
appellé AVGG. AVG. Ce Prince , quoique
déja Auguste , commence un nouveau
Regne à la mort de son Pere ; ce nouveau
Kegne reçoit un éclat considerable par
l'alliance que l'Empereur vient de contracter
, GLORIA. NOVI . SAECVLI . la gloire
en rejaillit sur les peuples , charmez de
voir , pour ainsi dire , renaître la famille
de Constantin, et les commander GLORIA
ROMANORVM. Rien n'assure davantage la
tranquillité des Etats , que les Enfans qui
naissent à ceux qui les gouvernent ; on
en espere de la nouvelle Imperatrice
SECVRITAS REIPVBLICAE. Enfin la Ville
de Rome comme la Capitale de l'Empire,
congratule son Empereur sur cet évenement
, VRBS ROMA.
On me demandera peut -être pourquoi
Gratien ne s'appella pas toujours Augustorum
Augustus , je réponds que ce titre
une fois connu devenoit inutile dans la
suite. Outre que Gratien ayant peu de
temps après consenti à recevoir pour
Collégué son jeune Frere , il ne devoit
plus
JANVIER . 1734. 17
plus y avoir de différence dans les titres
de ces deux Augustes , qui devant être
égaux , ne pouvoient en prendre aucun
de distingué, quelque légitime qu'il fut,
qui ne devint en quelque façon injurieux
à l'autre.
A Orleans , ce 30.
Avril 1733 .
D. P.
D
ARMIDE ,
CANTATE.
Ans les Jardins fleuris des Isles enchantées ,
Armide et son Amant couloient des jours heureux
,
De nul espoir cruel leurs ames tourmentées
Se livroient tendrement aux plaisirs amoureux
.
Dans les bras du repos , au sein de la molesse
Ils goutoient les douceurs de cette aimable
yvresse ;
Que ressentent des coeurs par l'amour animez ;
Leurs yeux étoient baignez de ces heureuses
larmes ,
Que toujours font couler les désirs enflammez ;
L'un de l'autre charmez , ils vivoient sans allarmes,
Bij Er
12 MERCURE DE FRANCE
Et sentoient ces transports, ces doux saisissemens,
Qui font tous les plaisirs des plus tendres
Amans .
L'Amour ne va point sans les charmes
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Que sert contre ce Dieu terrible
D'armer une vaine rigueur ?
Par tout le titre d'invincible ,
Suit ce redoutable vainqueur,
;
L'Amour ne va point sans les charmes ,
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Dans cet agréable séjour ,
Des plus vives couleurs la terre est émaillée s
La Reine du Printemps , décemment habillée ,
Y tient sa florissante Cour.
Les Zéphirs réunis sur ce charmant rivage ,
D'un fouffle bienfaisant agitent le feuillage ;
Des Ruisseaux argentez arrosent ces beaux
lieux ;
Instruits par la seule nature
Mille
JANVIER. 1734 13
Mille Oyseaux de leur chants font retentir les
Cieux ;
Des Nymphes de riche Parure ,
Foulent d'un pied léger les verdoyans gazons ;
Et les Ris , et les Jeux, les Plaisirs , et les Graces,
Du Prince de Cythere accompagnant les traces ;
Récitent ces douces Chansons.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ;
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convie ;
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Comme un Zéphir la jeunesse s'envole ,
Nos plus beaux jours passent rapidement ;
Les ris fayans comme une ombre frivole
Se font , hélas ! regretter vainement.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ,
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convic ,
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Si-tôt que le Soleil eut dissipé les ombres ,
Armide descendit dans les Royaumes sombres ;
Pour exercer ses noirs enchantemens ;
Aux regards du Héros plongé dans la molesse ,
La gloire fait briller ses nobles agrémens ,
Il la voit , et cedant à ses puissans appas ,
B
Π
14 MERCURE DE FRANCE
Il s'éloigne soudain de cette Isle fatale ,
Et rapellant sa valeur sans égale ,
Pour signaler ses coups , il cherche les combats.
Déja la victoire
Vole sur ses pas ;
Guidé par la Gloire ,
Tout cede à son Bras.
L'horreur , le Carnage ,
Suivent ce vainqueur ;
Et par tout sa rage,
Répand la terreur .
Parmi les allarmes ,
Pallas le conduit ;
Jettant bas les armes
L'Ennemi s'enfuit.
Armide cependant revient dans son Boccage ;
Mais bien-tôt la pâleur couvre son beau visage,
Quand elle n'y voit plus son perfide Héros ,
Pleurant sa funeste disgrace ,
Elle gémit , elle menace ,
Et croit le rappeller par ses tristes sanglots,
Inutiles fureurs ! Amante inalheureuse !
Tes plaintes , tes soupirs ne pourront ramener
Celui qui , dédaignant ta beauté généreuse ,
Après tant de bienfaits a pu t'abandonner.
Um
JANVIER. 1734.
Un coeur épris de la gloire ,
D'amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire ,
Ont pour lui bien plus d'attraits.
Venus offre en vain ses charmes
Aux magnanimes Guerriers ,
Quand le puissant Dieu des Armes ,
Les couronne de Lauriers .
Un coeur épris de la gloire ,
D'Amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire
Ont pour lui bien plus d'attraits.
AUBRY DE TRUNGY.
DEFFENSE de la Géométrie de l'Infini ,
contre les Objections de M. le Gendre de
Saint Aubin.
C
E n'est pas d'aujourd'hui qu'on attaque
la Géométrie ; et l'on ne doit
pas croire que ce soit l'Infini qu'elle a
tout-à-fait embrassé dans ces derniers
siécles , qui l'ait rendue l'objet de ces attaques.
Les définitions mêmes d'Euclide
ont trouvé des contradictions dans les
siécles les plus reculez. Les Sceptiques ,
B iiij pour
16 MERCURE DE FRANCE
pour le moins , se sont joüez de l'évidence
, comme ils se jouoient de la clarté
même du jour.
On peut dire cependant que le gros du
public , sçavant , et même ignorant , a
toujours regardé la Géométrie comme
une science respectable sur la certitude ,
et sur la verités et loin qu'en dernier lieu
ce Public se soit défié de l'Infini qu'on
introduisoit dans cette science ; l'admiration
s'est jointe au respect , malgré la prorestation
des Geometres mêmes , peu
que
instruits , ont cru devoir faire contre
cette prétendue innovation.
Il faut l'avouer aussi : La Géométrie de
l'Infini , par là même qu'elle manie l'Infini
, est pleine , comme ledit fort bien
M. le Gendre , de conclusions vastes , de
veritez hardies , et paradoxes , de points
de vûë extrémement difficiles et escarpez
, qui paroissent même sortir du Géométrique
, et embrasser les sciences les
plus éloignées ; mais ce sçavant Auteur
a tort de vouloir retrouver icy les contradictions
qu'il a fort bien relevées dans
la plupart des Opinions Philosophiques
dont il a fait la matiere de l'Ouvrage
, qui porte ce titre De l'Opinion. Et
quand même il trouveroit quelques conclusions
hazardées , et plus Philosophiques
JANVIER : 1734. 17
ques que Mathématiques dans les Ouvrages
des Géometres modernes , comme
on en a trouvé , sans doute , dans les anciens
, il ne seroit jamais assez autorisé
par là à proscrire toute la Géometrie , ni
même toute la Géométrie moderne , comme
il le fait trop universellement dans
sa réponse du Mercure de Novembre.
Je dis toute la Géometrie en général s
car il est vrai que M.le Gendre sappe tout
en sappant cette premiere notion d'Euclide
, que le point est ce qui n'a point de
parties ; la ligne , ce qui n'a point de largeur
, &c. Notion qui ne semble rien ,
mais qui est pourtant
le fondement
unique
sur lequel toute la précision
, nonseulement
de la Géométrie
transcendante
,
mais de toute sorte de Géométrie
, est absolument
établie.
-
Car rien n'est plus lié , plus systématique
que la Géométrie , et la Transcendante
s'enchaine tres immédiatement
avec la plus simple, et en particulier avec
ces premieres Notions ; ce qui est si vrai
qu'on a remarqué que les plus hautes
spéculations de la nouvelle Géométrie
étoient communément établies sur les
propositions les plus simples des Elemens
d'Euclide ; témoin , par exemple , cette
admirable méthode de la transformation
Bv des
18 MERCURE DE FRANCE
des courbes qui dérive immédiatement
de l'égalité des Rectangles , qui ont leurs
côtez réciproquement proportionnels , et
bien d'autres pareilles dont on voit les
exemples chez les Géometres Anglois , et
en particulier , chez le célébre Neuton.
Une preuve encore de ce que je dis,
c'est qu'il est tres- singulier que tous ceux
qui , de même que M. le Gendre , ont attaqué
la Géométrie de l'Infini , ont tous
attaqué les Notions d'Euclide , sur le
point, la ligne, la surface ; comme si l'on
ne pouvoit secoüer le Faîte de l'Edifice
sans en ébranler les fondemens ; telle est
la correspondance et la liaison systématique
de cette admirable science.
Deux sortes de Sçavans parlent de Surfaces
, de Lignes , de Points ; les Philosophes
et les Géométres. Les Premiers
disputent s'il y a des Points et des Lignes.
proprement dites dans la nature ; et leur
dispute ayant mille et mille fois recommencé
, n'a pas encore fini une fois ;
les Géometres n'en disent qu'un mot , en
commençant ; et ce mot est celui d'Euclide
; le Point n'a aucune partie ; la Ligne
n'a point de largeur; la Surface,point
de profondeur ; cela une fois dit, ils vont
en avant , parce qu'ils sont tous d'accord
.
Et
JANVIER. 1734. 19
Et où vont - ils ? A un systême de véritez
merveilleuses qui se réalisent dans
la pratique de tous les Arts ; à mesurer la
Terre et les Cieux ; à prédire , à point
nommé , les Eclipses , à débrouiller, la
Chronologie et l'Histoire, à regler le Calandrier
, à naviger aux extrémitez des
Mers , à arpenter , à toiser , à fortifier
des Villes , à faire des Horloges , des Lunettes
, des Microscopes , des Machines
de toutes les sortes.
Et ce n'est pas là encore llee plus haut
point où ils arrivent : La Géométrie de
Î'Infini , au jugement de l'esprit , est encore
plus sublime et plus merveilleuse
que tout cela; mais pendant que les Géometres
s'élevent ainsi , les Philosophes
sont encore à disputer s'il y a des Points,
des Lignes et des Surfaces , et à chicaner
Euclide , la Géométrie et les Géomêtres.
Je demande de quel côté on oroit que se
trouve la verité , la réalité , ou la simple
abstraction de l'entendement , pour ne pas
dire l'illusion de l'esprit et la pure chimere.
Et voilà tout ce que j'avois à répondre
au Sçavant Aggresseur de la Géométrie
et des Géometres , auquel on peut
assurer que la Géométrie transcendante
seule offre autant de véritez incontestables
à recueillir pour l'honneur du genre humain
B vj
20 MERCURE DE FRANCE
main qu'il a pû recueillir d'opinions erronées
, pour constater les égaremens de
la Philosophie : ce seroit un second Ouvrage
digne de M. Saint-Aubin.
LE MANTEAU BLEU
De M. Ferré de Fougères , Brigadier dans
les Fermes Générales , au Croisic.
ETRENNES.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne , aux
Auteurs qui l'ont célébrée dans
leurs Ouvrages.
A
EP ITR E.
Utturs , dont le témoignage
Qui vole en cent lieux divers
Honore mes foibles Vers
De plus d'un brillant suffrage ,
Parlâtes vous franchement 3
Où fut-ce la politesse ,
Qui déduisit seulement
La fleurette enchanteresse' ,
Sur le ton du compliment e
Je ne suis point assez dupe ,
Pour tout croire bonnement ;
C'estde tout temps qu'à la jupe¿
Le
JANVIER . 1734. 23
Le Chapeau souple et matois ,
A fait un accueil courtois.
Un homme fut- il plus sage ,
Que Socrate , docte Grec ,
Que cet autre personnage , ( « )
Qui préferoit au potage ,
1
D'un Roy , dont au seul aspect , ( b )
L'Univers fut sans langage , ( c )
De l'eau claire et du pain sec .
Que David , son fils avec ,
Au beau sexe il est d'usage ,
Qu'il fasse Salamalec ,
Fut-il plus fort de corsage ,
Que Samson qui par respect ,
Pour un aimable visage
Laissa couper son plumage ,
Dont il reçut rudè échec ,
Puis son robuste courage , ( d )
Croissant sous son caudebec ,
Fit s'écrouler dans la cave ,
Sur gens assemblés illec ,
Le Lambris et l'Architrave ,
Tandis que dans leur Conclave ,
( a ) Diogéne.
(b ) Alexandre.
(c)Siluit terra in conspectu ejus . Machab.1.3 .
(d ) Jamque capilli ejus renasci caperent Judic.
eap. 16.
Bil
22 MERCURE DE FRANCE
Buvant au Fils de Lamech , ( » )
Ces gros nez de Béterave
Faisoient couler par leur bec ,
Vin meilleur que vin de Grave.
Oui , fut- il encor plus grave ,
Que deffunt Melchisedech ,
Plus orgueilleux et plus brave ,
Que n'étoit Abimelech ,
Dont en l'Antique Légende
Vous avez lû le Méchef;
Autrement qu'il appréhende ,
Que tout ainsi qu'à ce chef,
L'éclat d'une Meule grande , (b )
Ne lui tombe sur le chef.
Quant à moi , bien -fort je doute
De votre sincérité ,
Vos Vers sont comme un pâté
Que dore une belle Croute.
N'importe, je vous sçais gré
D'un badinage madré..
J'en rends graces à vos veines,
Et
vous donne pour Etrennes ,
Le Manteau bleu de Ferré ,
Que ma Muse folichonne
( a ) Noé fils de Lamech.
·
( b ) Et ecce una mulier fragmen mola desuper
jaciens illisit capiti Abimelech et confregit cerebrum
jus. Judic. ch. 9. V. Sza
Qui
JANVIER 1734. 23
Qui sur plus d'un ton fredonne ,
.
A plaisamment célébré .
Recevez- vous avec joïe ,
Le don que je vous envoïc ?
Nous voilà , me direz- vous ,
Payez en belle monnoye ;
J'en conviens , mais entre- nous
Vous sçavez que vos loüanges ,
Leurs sons fussent -ils plus doux ,
Que les doux concerts des Anges ,
Ne sont point argent comptant ;
Tant en ce siécle pesant ,
Les sentimens sont étranges.
Au surplus , de ce Manteau ,
Dont la forme est singuliere
Le fameux propriétaire ,
Le trouve cent fois plus beau ,
Que s'il étoit d'écarlate ;
D'or et d'argent tout chargé ;
Et croit qu'en Astre changé ,
Un jour , sans citer la date ,
Il reluira dans les Cieux ;
"
>
Non loin du moins il s'en flate );
(
Du Bavolet gracieux ,
De la Servante à Pilate ;
Astre un beau soir apperçu ,
Par un Sçavant d'Angleterre , *
*Voyez les Dissertations sur ce sujet , avec la
Don
24 MERCURE DE FRANCE:
Dont les
yeux ,
aidez du verre >
Ont tout le ciel parcouru ;
Mais que de l'Observatoire
,
Qui rend hommage à sa gloire ,
Aucun des Argus n'a vû.
EPITRE .
A M. Ferré , Brigadier , sur son Mantean
; par Mile de Malcrais de la Vigne.
B Rigadier non d'armée , ains d'un corps
Maitote ,
Malheureux Commandant , fragile Brigadier ,
Qu'un Directeur qu'il faut à genoux supplier
Et qui sur un bibus chipote ,
Eléve , abaisse , remet ,
ôte ,
Change et fait voler à son gré ,
Comme une légére balote ,
Que j'en veux au Destin , contre toi conjuré ,
Qui t'a par malice acoutré ,
D'une maniere si falote !
Tu méritois au moins d'être Auditeur de Rote.
de
Mais qu'y faire il faut vivre , et l'ame est bien
capote ,
Quand le corps n'est point restauré,
Traduction Françoise , qui a été imprimée à Ox
fort , 1733 chez Vvanecipsen , Libraire de l'Uni
versité , et la Planche gravée , fol. 132.
EI
JANVIER .
25 1734.
Et qu'il ne trouve à la Gargote ,
Ni pain, ni boeuf , ni gélinote ,
Ni Vin , ni Cidre , ni Poiré ,
Ni Choux , ni Rave , ni Carotte ,
Ni même la moindre Echalotte ;
C'est alors qu'un teint empourpre ,
Devient sec , pâle , ou sulphuré ,
Qu'en hyver sans cesse on grélote ,
Quand un habit tout délabré ,
Vaguement sur l'échine flote.
Loyal Garçon , pauvre Ferré ,
Si de la probité qui par tout t'accompagne ,
Les humains respectoient les droits ,
Tu choisirois sur les emplois ,
Dont nos riches Traitans disposent en Bretagne,
Certes , s'il dépendoit de moi ,
Je t'en donnerois un au païs de Cocagne.
Je considére et prise en toi ;
Cet esprit qui ne doit qu'à la seule nature
Les graces dont il est doté ,
Sans que l'étude ait ajoûté
Le moindre fard à sa parure.
Ton discours n'est point affecté ,
Il coule avec facilité ,
Amusant , badin , pathétique ,
Le véritable sel attique
S'y mêle avec aménité.
Tu sçais faire un conte à merveille ,
Ов
26 MERCURE DE FRANCE .
On croit voir tout ce que tu dis.
Il faut assurément que les jeux et les ris ,
Te parlent sans cesse à l'oreille ,
Aussi pour ton gentil esprit ,
Et non pour ton emploi petit ,
Tu vois la bonne compagnie ,
D'où par tes mots joyeux,la tristesse est bannie.
Que tu badines finement !
Que tu peins agréablement !
Mais voyons si ma Poësie
Sçaura peindre à son tour cet antique Manteau ,
Dont tu t'es par un tour nouveau ,
Attiré la galanterie ,
Un Railleur , s'il a bon cerveau
Doit entendre la raillerie ,
›
Approche , tire le Rideau ,
Regarde , voici le Tableau.
Ton Manteau jadis bleu , ne craint plus la vergette
.
Ses vieux ans qui l'ont annobli ,
Comme une Glace l'on poli.
Les subtils vermisseaux y trouvant leur cachette,
Broderent à points de chainette
Le drap et d'une et d'autre part.
L'adroite mitte encore y dessine avec art
Mainte délicate vignette.
FloJANVIER
. 1734. 、27
Flottant , garni de fleurs , sombrement azuré ,
L'ail s'y trompe , et le prend pour un satin
gaufré.
Ce Manteau dont ici tout le monde caquette
Suivant ce qu'un grand Clerc de ces cantons en
dit ,
Docteur mur et profond , Antiquaire en crédit ,
Fut le Manteau Royal de la Reine Gillette .
D'autres prétendent qu'il couvrit
Saint Antoine l'Anachotette ;
D'autres qu'il servit au Prophete
Qui sur un Char brulant fut en corps, en esprit ,
Porté du séjour de la Terre
Jusqu'aux lieux d'où part le Tonnerre.
De ce Manteau dont gens de poids
Ont à l'envi cherché l'origine secrette ,
Chacun jase , raisonne à sa guise . Or je crois ,
Que cette houpelande est faite .
De la grande moitié du Manteau qu'autrefois ,
Doué de charité parfaite ,
Monseigneur Saint Martin jetta sur le Sournois,
Le Truant déguisé qu'il trouva sans jacquette ,
Grelotant , soufflant dans ses doigts ,
Et qui cachoit un fin matois
Sous la mine la plus doucette .
Mais ce qui rend encore à tes yeux ce Manteau
Incomparablement plus beau ,
C'est que sans débourser , tu sçus en faire em-
· plette :
Enfin
28 MERCURE DE FRANCE
Enfin c'est un présent d'ami ,
Qui n'est point , comme on voit , libéral à demi.
Ce Manteau te sert de lorgnette ,
Par les trous dont il est rempli
De couverture à la couchette
A la Fenêtre de chassis ,
Housse sur ton Cheval , sur la table tapis ,
A la Cuisine il fait l'office
De passe purée ou coulis ,
Au plus fort de l'Eté le Zéphir qui s'y glisse
Folâtre en tapinois , et souleve ses plis ,
Dont quelques uns sont désunis.
On en fait , quand on veut , un Epervier pous
prendre
Les Poissons dans le sein des Eaux ,
Quelquefois au besoin, un Filet pour surprendre
La folle troupe des Oiseaux ;
Crible pour la récolte,il sert pendant l'Automner
A couvrir le panier , où coule du Pressoir
L'onde vineuse qui bouillonne ,
Ou bien le fond de l'Antonnoir ,
Pour empêcher les grains de passer dans la
tonne.
Manteau dont la posterité
Portera jusqu'aux Cieux le souvenir durable ,
O Manteau des Manteaux ! vêtement admirable
!
Qui , Ferré, ton Manteau , ce Manteau si vanté ,
Get Etendart de friperie ,
Dont
JANVIER 29 1734
Dont la possession a flatté ton envie ,
Peut-être , si tu veux , bon à tout , excepté
Pour garantir du froid , du vent et de la pluye,
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure , suivie d'un Memoire
qui répond à la question proposée dans
celui du mois de Juin dernier , au sujet
du Plainchant & c.
E vous prie d'agréer le Memoire que
je vous addresse vous , fidelement transcrit
sur l'original , qui me fut communiqué
l'année passée à Auxerre , où Mrs du
Clergé de Langres m'avoient envoyé
pour y déposer les Préjugez de la Musique
, et mettre en leur place le gout du
Plainchant , et la belle varieté qui doit
regner là - dessus dans une Eglise Cathedrale.
Il m'a parû que ce Memoire répond
décisivement au fond de la question
qui a été proposée , laquelle tend à prescrire
de justes limites aux Musiciens , et
à détromper le Public de la
trop bonne
opinion qu'il a d'eux. Je ne vous cellerai
point qu'avant mon voyage à Auxerre
, ( quoique Musicien et élevé dans
une célébre Maîtrise pendant plus de 12
ans , ) j'étois dans le Préjugé commun ,
mais
ཐབ MERCURE DE FRANCE
mais j'en suis entierement revenu , et je
reconnois aujourd'hui que le gout de la
Musique , et le gout du Plainchant sont
deux gouts bien differens ; que pour être
habile dans la composition de l'une on ne
l'est pas pour cela dans la composition
de l'autre , qu'il y a certains enchaînemens,
certaines manieres de traitter, certaine
tournure , en un mot une Mechanique
particuliere dans l'Art du Plainchant
, qui n'est reconnoissable que par
ceux qui ont étudié les Ecrits des anciens
Compilateurs comme de Guy
Aretin , ou par ceux qui ont conversé
quelque temps avec ceux qui les ont bien
lus ; laquelle mécanique n'est pas même
fort aisée à attraper après qu'on a reconnu
qu'elle existe.
Il est vrai que le Memoire cy joint ne
répond pas à tous les membres de la
question proposée dans le second volume
du Mercure de Juin 1733. parce qu'il y
a déja quatre ans qu'il est composé; mais
je ne doute pas que l'Auteur à qui on
renvoye l'affaire ne donne bientôt un
supplement , et ne rende aussi à chacun
ce qui lui appartient. Je suis &c.
ME.
JANVIER 1734 3x
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
JANVIER . 1734. 47
IMITATION de l'Ode d'Horace ,
qui commence par ces mots : Thyrrhena
Regum , &c.
R Ejetton de Roy qu'on honore ,
Chez moi je vous réserve un muid tout plein
encore
D'un vin dont la douceur peut répondre à vos
voeux ,
Et je me suis pourvû , Mécêne , entre autre chose,
De Parfums exquis et de Roses
Que je destine à vos cheveux.
Hâtez-vous d'être mon Convive .
Que votre coeur au moins pour quelque temps
se prive
Des transports ravissans dont il se sent pressé ,
A l'aspect de Tibur , des Campagnes d'Esule ,
Et du Mont où fonda Tuscule ,
Le fils d'Ulisse et de Circé .
Quittez , pour remplir mon attente ,
Des repas superflus la pompe dégoutante ;
Quittez ce haut Palais superbement construit ,
Er de l'heureuse Rome , objet de vos tendresses
Cessez d'admirer les richesses ,
L'éclat, la fumée et le bruit
Le
48 MERCURE DE FRANCE
Le changement d'air et de table ,
A l'homme le plus riche est souvent agreable ;
Souvent le toît du pauvre a des charmes pour
Souvent la propreté d'une humble nourriture
Sans pourpre , tapis , ni doruré ,
De son front a chassé l'ennui.
luia
Déja le temps , à qui tout cede ,
Fait sur notre horison du Père d'Andromede
Reparoître les feux depuis long- temps cachez
Déja de Procyon on ressent l'inclémence ,
Et l'âpre Lion recominence.
A brûler nos Champs dessechez .
Les Bergers , les Troupeaux débiles ,
Contre l'ardeur du jour vont chercher pour azile
Les buissons de Sylvain , l'Ombrage et les Ruisseaux.
Tout languit accablé d'une chaleur extrême ,
Le vent ne rafraichit pas même
Les lieux les plus voisins des Eaux.
Cependant votre ame inquiete
S'abandonne aux soucis , dans l'embarras so
jette ,
Toujours craignant pour Rome et veillant à son
bien ;
Vous redoutez toujours , guidé par votre zele ,
Ce
JANVIER. 49 1734
Ce que pourroient tramer contre elle ,
Bactres , * le Scythe et l'Indien .
Le prudent Arbitre du Monde
Nous cache l'avenir dans une nuit profonde ,
Et rit de nos frayeurs qui vont jusqu'à l'excès:
Il suffit de regler les affaires présentes ;
Grace à vos démarches prudentes ,
Tout leur assure un bon succès.
Tout le reste a la ressemblance ,
D'un Fleuve , qui tantôt s'écoule avec silence ,
Et tantôt furieux dans son débordement ,
Entraîne Arbres , Maisons , Rochers, Troupeaux,
Racines ;
Des Monts et des Forêts voisines
Excite le mugissement .
L'inquiétude et les allarmes.
De la vie aux Mortels -enlevent tous les charmes;
Heureux cent fois celui qu'elles n'ont point
vaincu ! .
Et qui toujours exempt d'une crainte effrenée ,
A la fin de chaque journée ,
Peut dire aujourd'hui j'ai vécu. :
Que du nuage le plus sombre ,
* Ville Capitale d'un Pays voisin de la Scyshie,
autrefois subjuguée par Cyrus .
Demain
so MERCURE DE FRANCE
Demain le Roi des Dieux sur nous répande
l'ombre ,
Qu'il fasse du Soleil triompher la clarté ;
Des accidens passez Jupiter n'est plus Maître ,
Et ce qu'une fois il fit être ,
Ne peut plus n'avoir pas été.
La Fortune aveugle et cruelle
Prend un plaisir malin à nous être infidelle ,
Aime à faire passer ses dons de main en main ;
Et tantôt ennemie et tantôt bienfaictrice ,
Selon les loix de son caprice ,
Change du soir au lendemain.
Tant qu'elle est ferme , je la loue ;
Mais dès qu'en s'envolant la perfide me joüe ,
Je lui rends volontiers ce qu'elle m'a prêté.
Des traits du désespoir ma vertu me délivre ,
Et je me tiens content de vivre
Dans une honnête pauvreté.
Sur le sein de l'Onde en colere ,
On ne me verra point , Suppliant , Mercenaire
Traiter avec le Ciel par mille voeux formez ,
Pour empêcher que l'or dont ma Barque ese
chargée ,
N'aille de l'inconstante Egée
Enrichir les Flots affamez.
Libre
JANVIER. 1734. st
Libre d'une telle manie ,
A l'aide d'un Esquif j'aurai soin de ma vie ;
Ma plus grande richesse et mon plus cher trésor
Et bornant tous mes voeux gagner le rivage ,
J'obtienderai ce doux avantage
Et de Pollux et de Castor.
F. M. F.
REPO NS E aux démonstrations du plus
qu'infini , et de ce principe : Que toute
grandeur qui peut être augmentée à l'infini,
peut être supposée augmentée à l'infini,
R de S. Aubin avoue que s'il y avoit
M différens ordres d'infinis , le plus
qu'infini exifteroit , mais il a prouvé que
les différens ordres d'infinis ne sont pas
moins contradictoires que le plus qu'infini
A l'égard de la seconde démonstration ,
voilà comment le Géométre anonyme
tourne l'objection de M. de S. Aubin :
C'est comme si l'on disoit qu'une grandeur qui
peut être augmentée à l'infini , ne peut être
augmentée à l'infini , par cette raison même
qu'elle peut être augmentée à l'infini . Mais il
ne s'agit que d'expliquer les termes , pour
rendre à l'objection toute sa force.
Une grandeur supposée toujours augmentable
ou divisible de plus en plus , ne
peut être supposée augmentés ou divisée
à l'infini , en sorte qu'elle ne soit plus
augmentable ou divisible.
* On
52
MERCURE
DE FRANCE
On ne peut pas supposer une grandeur
dans ces deux états différens , puisqu'on
suppose qu'il est impossible , qu'elle sorte
de son premier état , en la supposant toujours
divisible de plus en plus : ainsi il est
contradictoire de regarder l'espace asymprotique
, comme extensible à l'infini et terminé
, ou une progression géométrique
comme inépuisable et épuisée.
Le Géometre anonyme donne pour une
démonstration directe du principe , ce
raisonnement : qu'une grandeur qui peut
augmenter d'un pié d'étendue ne le peut , que
purce qu'il y a dans la nature des choses ,
un pie d'étenduë qui éxiste , que si elle
peut augmenter de deux piés , il y a donc
dans la nature une étendue de deux piés ;
&c. et qu'ainsi une grandeur pouvant
augmenter à l'infini , suppose nécessairement
unegrandeur à l'infini , c'est- à - dire , infinie,
actuellement subsistante.
M. de S. Aubin répond que rien ne fait
mieux sentir la contradiction du pricipe ,
qui régne dans la Géométrie transcendante
, que cette prétendüe démonstration .
Il est vrai qu'une grandeur n'est susceptible
de l'augmentation d'un pié , que parce
que l'étendue d'un pié subsiste dans la
natures mais prétendre que parce qu'une
grandeur est toujours augmentable ou divisible
de plus en plus , cette grandeur
est susceptible d'une augmentation actuellement
JANVIER 1734. 53
lement infinie , même de différens ordres
d'infinis , ou du plus qu'infini , et d'en
inférer que tout cela est nécessairement
subsistant dans la nature , d'une maniere
réelle et actuelle , comme l'étendue d'un
pié , de deux piés & c. c'est donner pour
démonstrations des suppositions contradictoires;
la contradiction la plus formelle
résultant de ce qu'une chose soit augmen
table ou divisible, et ne soit pas augmentable
ou divisible.
D'ailleurs on conçoit aisément , com
ment une grandeur augmentable d'un
pié ,, passe de cet état à celui d'être augmentée
d'un pié , mais le passage du fini à
l'infini , et le retour sont inconcevables ;
et une grandeur ne peut jamais être augmentée
d'un pié , si l'on y met la condition
d'un progression géométrique , suivant
laquelle l'augmentation soit de la
moitié d'un pié , d'un quart , d'un huitiéme
, & c. Les deux démonstrations du plus.
qu'infini et du principe , ne servent done
qu'à faire connoître que ces propositions
sont insoutenables.
Dans la seconde partie de la réponse au
Problême sur l'Essence de la Matiere
Mercur. de Décembr . dernier 2. vol . pag.
2850. lign . 4. Au lieu de ces mots , nombres
entiers & fractions du dessus et au dessous
de l'unité , lisez , nombres positifs et
négatifs au dessus et au dessous de zéro .
III.
$4 MERCURE DE FRANCE
III. Partie de la Réponse au Problême.
Lplus
A Réponse aux Démonstrations du
plus qu'infini , et du principe , s'est
présentée ici fort à propos , pour rappeller
les idées , dont l'évidence a été développée
dans les deux premieres Parties
de cette Dissertation .
Celle cy est la plus importante , non
que le Calcul puisse commander au raisonnement
: tous deux marchent de pair,
et doivent toujours concourir dans une
parfaite intelligence ; mais le Calcul est
plus d'usage que le raisonnement , dans
les trois especes de Géométrie , simple ,
composée et transcendante.
Les Observations suivantes , qui rou
lent sur le Calcul , ne sont proprement
convenables qu'à ceux qui sont versez
dans l'Algebre ; car je ne puis suppléer
ici aux principes du Calcul Algébrique
qui demandent des explications étenduës
et même quelque usage,pour être entendu .
Cependant ceux qui n'ont aucune teinture
d'Algebre , pourront entendre , sinon
le Calcul même , au moins les raisons sur
lesquelles je me fonde , et quel est l'usage
et l'esprit en géneral de la Géometrie de
l'infini, y
Soit le mouvement désigné par m ,
et le repos désigné par r . L'Auteur du
Problême prétend démontrer par le Cal-.
cul
JANVIER. 1734 55
eul suivant , qu'un mouvement infini est
égal à un parfait repos.
m plus t diminüe , plus m augmente
, sans que e varie ; de sorte que t
étant , alors moet em 。=r
- Ce Calcul se détruit premierement par
les conséquences qui en résultent,ainsi que
je l'ai démontré . Or la verité est une, et ce
qui est faux par le raisonnement , ne peut
être vrai le Calcul. Mais il y a plus 3
par
ce Calcul ne se détruit pas moins par
les principes du Calcul même.
Ce qui a causé l'erreur qui s'y trouve,
c'est que l'Auteur du Problême n'a pas
remonté aux principes , suivant l'exemple
de la plupart des Géométres plus attentifs
à calculer qu'à chercher les raisons
pour lesquelles il faut calculer ainsi , plus
occupez des regles du calcul que de la
source de ces regles . C'est neanmoins la
principale utilité de la Géometrie, de considerer
autant pourquoi chaque opération
se fait , que de quelle maniere elle doit sa
faire. C'est encore plus dans les causes des
préceptes , que dans les préceptes mêmes
de la Géométrie et de l'Algébre , que l'èsprit
peut trouver le plus grand avantage
qui en résulte, et acquerir cette précision
et cette étendue , qui sont les fruits les
plus précieux de ces deux Sciences . Je
passe à l'examen du Calcul en question .
Il est clair que par e l'Auteur entend
se
uno
56 MERCURE DE FRANCE
une quantité de mouvement constante et
finie ; par tune grandeur numérique variable
et décroissante à l'infini , et par r
le repos ou le mouvement nul : d'où il
suit que mest une quantité de
mouvement , finie lorsque t est un nombre
fini , et infinie , lorsque to , et
alors on a mte , ou moe , mettant
au lieu de t sa valeur o . Mais on n'a
pas mor , puisque r est le repos.ou
le mouvement nul , et que moe
quantité de mouvement constante et finie.
Il est vrai que c'est un principe reçû en
Géométrie , que toute grandeur multipliée
par o , donne un produit nul , et
qu'ainsi on doit avoir mxoo, ou
; mais cela prouve simplement que si
l'on a moe quantité constante , la
supposition est absurde et par conséquent
mabsurde, et parce que , suivant les prin-,
cipes des Géometres Infinitaires , m infinie
( , t étant o ) est une grandeur
qui multipliée par to , donne e grandeur
constante , il s'ensuit que m
est une grandeur absurde ; mais il ne s'ensuit
pas que mor mouvement nul; en
effet il seroit facile de démontrer géometriquement
que par la loi même qui donne
m , c'est- à- dire , une quantité finie
e , divisée par une grandeur t décroissante
à l'infini , il est absurde que t soit
L'infini
JANVIER 1734. 57
L'infini en grandeur est absurde , mais
par la raison qu'on peut concevoir qu'u
ne chose est absurde , on peut aussi l'exprimer
, et c'est ce qui faitou ∞ . De
plus on peut aussi se servir de l'expression
de l'absurdité dans la recherche du vrai ;
suivant la méthode des plus grands géometres
. Mais il y faut apporter beaucoup de
précaution, et il y a souvent lieu de craindre
que l'absurdité supposée dans le Calcul
ne passe dans le raisonnement, et ne
fasse prendre de fausses idées , ce qui peut
arriver sur tout , quand on donne trop
l'essort à son imagination .
C'estune magnifique invention d'avoir
par leCalcul differentiel les cxpressionsdes
grandeurs nulles, telles que, quoique nulles
, elles conservent leurs rapports primitifs,
en sorte que par là les Géometres Infinitaires
ont assujetti ces nullitez aux Calculs
, et qu'il operent aussi aisément sur les
grandeurs nulles , que sur les grandeurs
finies ; ce qui leur donne des voies beaucoup
plus abregées , et sert à découvrir
tous les Problêmes , où deux ou plusieurs
points se réunissent ; à trouver les tangentes,
les grandeurs négatives, les points d'in
flexion et de rebroussement, les caustiques
tant réflexion
par que par réfraction , et les
autres proprietez des courbes et de toutes
sortes de figures. Mais tous ceux qui ont la
véritable clef de la Géométrie , ne pren.
D nent
58 MERCURE DE FRANCE
nent ces nullitez que pour ce qu'elles sont ,
et il s'en faut bien qu'ils ne les regardent
comme réelles.
Il étoit important de justifier la Géométrie
des désordres dans le raisonnement
,
qui lui étoient Imputés.
De tout cecy il résulte qu'un corps ne
peut être à la fois à Paris et à Constantinople
, et que cette conséquence ne répugne
pas moins à la Géométrie qu'au raisonnement
. Je finirai par cette observation
, que le calcul , au lieu d'être l'instrument
, est quelquefois rendu le voile des
Sciences .
S
SONNE T.
I l'homme sur la terre avoit été sans femme
Qu'eut- il fait icy bas , privé de ce secours
Que les Graces , les Ris accompagnent toujours
Si doux , si nécessaire , et que pourtant il blâme
Une triste indolence eut régné dans son ame
Et l'ennui d'être seul troublant ses plus beaux,
jours ,
D'une vie immortelle , il eut haï le cours ;
Contre un sexe charmant , d'où vient donc qu'il
déclame !
Trop crédule , ébloui par un fuit deffendu ,
Il a dicté l'Arrêt contre l'homme rendu ;
Et par lui le Démon a fait mainte conquête.
Mais
JANVIER. 1734.
59
Mais du Serpent antique à la fin triomphant ,
N'a-t-il pas écrasé son orgueilleuse tête ,
Et séparé le mal dont nous nous plaignons tante
************** *
LETTRE à M *** au sujet d'un Livre
qui a pour titre : Réfléxions sur la Poësie
en général , sur l'Eglogue , sur la Fa
ble, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode,
et sur les autres petits Poëmes.
Vous
'Ous me demandés , Monsieur , ce
que c'est qu'un Livre nouveau , intitulé
: Réfléxions , &c ?C'est un Ouvrage
singulier, qui ne ressemble à rien de tout
ce que vous connoissez . L'Auteur tresdésinteressé
sur sa propre réputation
n'évite peut-être point assez le stile qu'il
condamne , il se tenoit en garde , mais
imperceptiblement et à son insçû, la contagion
l'aura gagné.
Le dessein de l'Auteur est de traitter
de la Poësie en général et des différens
genres de Poësie ; vous vous imaginez
peut- être qu'il se borne à en donner les
préceptes et les régles ; il va plus loin , il
remontejusqu'aux sources de notre plaisir. Se
flatte-t- il de les avoir découvertes ? Il s'égaye
en présentant toujours force images
Dij
et
to MERCURE DE FRANCE
et de temps à autre quelques idées qui lui
sont particulieres,
Le seul mot de Poësie le met d'abord .
en enthousiasme. Au nom de la Poësie
ne voyez vous pas s'animer tout ce qui
existe dans la nature ? L'Auteur qui croit
en devoir parler poëtiquement envoye
audevant de son Lecteur les Faunes et les
Dryades. Le murmure des Ruisseaux
vient se joindre à une autre sorte de concert
formé par les habitans des Airs . D'un
autre côté par respect et pour ne pas déplaire
, se retirent les Bêtes meurtrieres ,
qui ne veulent pas troubler nos plaisirs.
Tels sont les Privileges de la Poësie .
Ce n'étoit pas - là notre premier langage
; nous prîmes d'abord la forme de
nous exprimer la plus simple , mais il
nous falloit un langage de fête. La Poësie
nous en a servi . Elle devient pour nous
un plaisir de convention , que l'on ne goute
qu'à mesure que l'on se fait à la lecture
des Vers. Naissent en foule les images,
toujours agréables par deux endroits.
Elles servent à fixer nos idées , elles réveillent
nos passions ; la premiere de ces
raisons de notre plaisir , nous la sçavions;
la seconde , qui n'est pas connue de tout
le monde,est peut- être un peu trop aprofondie
par comparaison , avec le reste de
J'OuJANVIER.
1734
Zi
Ouvrage. Ne vous en étonnez pas ;
1'Auteur qui raporte tout au sentiment,
n'a voulu que sentir , et s'est moins sou
cié de raisonner.
Mais à l'égard de cet avantage de réveiller
les passions que l'on attribuë à la
Poësie et à ses images ; l'éloquence le partage
avec elle ; elle a ses peintures et ses
mouvemens. Quel est donc le grand plaisir
que produit la Poësie ? Celui de voir
la difficulté vaincuë. Un Poëte se gêne et
se contraint pour rendre ses idées , et malgré
la contrainte il parvient à les rendre ;
nous partageons avec lui cette petite victoire.
Que dis - je ? Petite victoire , c'est
une conquête importante , et c'étoit sagesse
de la part du Poëte de risquer à ce
prix le sacrifice de tout ce que l'imagi
nation et le génie pouvoient lui fournir.
Les Grands Poëtes ne perdront rien à la
gêne , l'Auteur s'en rend la caution. Mal
propos M. de la Motte se plaint- il de
ce que pour lui donner des Vers , on lui
enlève le plus souvent la justesse , la précision
, l'agrément , les convenances. L'Auteur
des Réfléxions veut des Vers à quelque
prix que ce soit , et sur sa parole vous
pouvez croire que c'est le propre du
grand Poëte de ne se ressentir en rien de
la gêne des Vers.
Diij Mais
62 MERCURE DE FRANCE!
Mais il y a Vers et Vers ; sa folie c'ese
l'Eglogue, et son malheur, c'est de n'en paint
trouver d'assez bonnes ; il aime les Prez ,
les Bois , les Fontaines ; il confesse sa foiblesse
, si vous en aviez envie , vous le séduiriez
avec le murmure d'une Fontaine.
Accourez Bergers et Bergeres , mais pre
nez bien garde au ton que vous allez
donner à vos Chalumeaux ; on ne veut
point de vos Airs rustiques, encore moins
de ces Airs rafinez que l'on chante dans
les Villes. Eloignez - vous également de
l'un et de l'autre ton , et vous aurez trouvé
le véritable . Rien que du sentiment ,
voilà tout ce qu'il nous faut. Si vous pouviez
ne faire que respirer , ce seroit encore
mieux; le fond de vos conversations ',
il est aisé de le regler . M. de Fontenelle
vous a fait parler de vos amours et de
votre tranquillité : ce ne sont point les
détails de la vie champêtre que nous aimons
; entretenez nous de votre bonheur
et de la paix profonde où vous vivez .
Quoique l'Auteur copie M. de Fontenelle
, ne croyez pas qu'il en soit trop épris,
il a fait l'anatomie de ses Eglogues ; ellos
lui avoient d'abord paru tendres , mais
il s'étoit trompé , ce n'est que le ton qui en
est tendre. Tout le monde en est la dupe,
l'Auteur en convient ; mais il nous avertit
JANVIER. 1734. 3
tit que nous nous méprenons, que nous
ne sentons point , que nous croyons sentir.
M. de Fontenelle va changer de
nom , ce n'est plus un grand Poëte , ce
n'est plus un esprit facile , tendre , naïf ,
délicat , sublime ; c'est un grand sorcier ,
qui a pris tous ces différens tons - là; l'Auteur
lui accorde seulement d'avoir dit des
choses fines et lui reproche de les avoir
dites trop fines pour l'Eglogue. Une chose
m'embarasse , c'est que la plupart des
femmes apprennent par coeur ces Eglogues
; elles qui se connoissent en sentiment
, pour le moins aussi bien que
nous, y sont trompées toutes les premiéres
; et loin de vouloir être désabusées ,
elles prient Messieurs les Auteurs de les
tromper toujours de la même façon.
De l'Eglogue , l'Auteur passe à la Fable,
c'est un genre de Poëme, où doit sur-tout
regner le naïf. Il faut choisir une verité
agréable, qui fasse un fond gay; que le récit
ne soit ni trop court, ni trop long. Semez-
le , si vous voulez , de réfléxions , mais
de réfléxions vives , et qui naissent du fond
du sujet.Sur tout, ayezgrand soin du choix
de vos personnages, car l'Auteur ne pardonne
point à M. de la Motte d'avoir fait parler
Dom Jugement , Dame Mémoire et
Demoiselle Imagination ; on ne sçait de
Diiij quelle
64 MERCURE DE FRANCE
quelle couleur les habiller. M. de la Motre
a eu grand tort de ne pas habiller Demoiselle
Imagination en couleur de Rose,
il auroit un procès de moins à essuyer
aussi l'Auteur aime t'il la Lime pour personnage
dans une Fable , parce qu'il connoît
la couleur d'une Lime . Pour ce qui est
de placer la Moralité , l'Auteur vous en
laisse le maître ; le commencement , la
fin de la Fable , toute place lui est également
bonne ; si vous placez la moralité
à la fin , chaque circonstance du fait sert
à l'annoncer ; si vous la placez au commencement
, au lieu de la deviner , on en
fait l'application à mesure que l'on avance
dans le fait , ce qui est une autre sorte
de plaisir . Par occasion , l'Auteur parle
des Contes , où il voudroit de la finesse,
mais ils en auroient plus de poison . A titre
de Philosophe , il nous conseille de
nous en passer.
C'est bien à regret que l'Auteur nous
parle de ces vilains petits Poëmes que l'on
appelle Elegies ; une bonne raison pour
laquelle il ne les goute point , c'est qu'il
veut vivre et qu'il ne veut point que les autres
meurent. La belle chanson que celle d'un
homme qui dit continuellement en vers qu'il
va mourir. Encore l'Elegie est- elle si courte
que l'on n'a pas le tems de faire connoisJANVIER
1734 65
noissance avec lui , et de devenir sensible
à ses maux ; du moins dans une Tragédie
où s'interresse davantage au sort de celui
qui gémit, parce qu'on le connoît et que
l'on a tout le cours de la piéce pour s'attendrir.
L'Auteur trouve un grand défaut
dans les Elegies , même les plus estimées
, c'est que l'on y répand des images
trop fortes et trop énergiques , il voudroit
plus de molesse dans le stile parce
qu'il présume que la douleur affoiblit le
plaignant.
,
L'Auteur glisse sur la Satyre , il y veut
du feu , du sel même des agrémens
étrangers,car peut s'en faut , dit l'Auteur,
qu'à l'égard de ce genre d'ouvrage , notre
inconstance ne l'emporte sur notre malignité
et que nous ne demandions des Satyres qui
ne soient plus satyres.
› Chemin faisant , il faut s'arrêter au sublime
avec l'Auteur , il en parle à propos
de l'Ode, et il n'en connoît que de deux
sortes , celui des Images et celui des Tours.
Ici il copie Boileau pendant plus de trois
pages pour le dédommager de ce qu'il
avoit dit de lui sur la Satyre , qu'il manquoit
de délicatesse. Le sublime des Images
c'est les differentes peintures qu'elles
présentent ; celui - ci ne lui paroît rien
par comparaison avec le sublime des Tours,
Dy 1212
66 MERCURE DE FRANCE
un qu'il mourût de Corneille lui paroît
un tour sublime,voyez ,je vous prie, comme
nous nous trompions . Vous croyez que'
lorsque l'on rapporte à Horace le pere la
fuite de son fils , que vous le voyez dans
l'indignation et qu'interrogé sur le parti'
qu'eut dû prendre le fils , le pere répond
qu'il mourut , vous croyez que c'est le
sentiment que vous admirez , point du
tout : c'est le tour. Que reste - t- il à dire
de l'Ode à présent , le sublime en fait
partie , on ne fait plus qu'attaquer les
Odes méthodiques , on y veut des écarts,
et ces écarts, au gré de l'Auteur, valent bien
tout ce que la raison peut produire avec tout
son orgueil ; à vous dire mon avis , j'avois
toujours crû l'imagination aussi orgüeilleuse
que la raison, mais que voulez vous ?
l'Auteur feint de se brouiller avec la raison.
Des écarts surtout, des écarts , voilà ce
qu'il demande à un Poëte lyrique. L'ordre
de l'Ode c'est le désordre, si M. de la Motte
revenoit , il auroit beau s'écrier , je voudrois
dans une Ode de la raison et du
feu. L'Auteur répondroit , je préfere mon
feu à toute votre raison. L'Auteur admet
par complaisance des Odes anacréontiques
, mais il y veut encore du désordre ,
il n'y a , selon lui , qu'une façon d'écrire
lans chaque genre , point d'Eglogue , si
elle
JANVIER 1734. 67
>
elle n'est simple , point de fable si elle
n'est naïve point d'Ode si vous n'y
mettez des écarts et si la foule des di
gressions n'y surpasse le fond de la chose .
D'un vol leger l'Auteur a couru sur
tous les genres ; voyez le se rabattre sur
les petits Poëmes , à commencer par le
Sonnet, et celui - ci c'est son favori , il a ,
si vous l'en croyez ,un raport parfait avec
Mlle Camargo ; comme elle , il est asservi
à la contrainte,et son mérite est d'être
libre comme elle. Vous craignez pour
l'Auteur et pour la Danseuse et l'un et
l'autre vous surprennent par les graces ;
par la même raison le Rondeau , la Ballade
et les Triolets lui plaisent infiniment , les
Stances ont le même avantage . Il est dif
ficile de réussir dans ces sortes d'ouvrages,
mais l'Auteur aimeroit mieux avoir fait
Pun des moindres d'entre ces petits Poëmes
que deux Ouvrages entiers de raisonnement ,
que quatre Tragédies. Il n'oublie le
Madrigal et l'Epigramme , et dans ces nouveaux
Poëmes- ci , l'Auteur veut encore
du naïf ; il nous surprend ce naïf , et il
n'est jamais l'effet de la colere ; par là il
porte des coups plus certains les Cantates
ne sont point du gout de l'Auteur
il passeroit les piéces marotiques , si elles
n'étoient pas en stile marotique.
D vj . Vous
pas
>
6.8 MERCURE DE FRANCE
६
Vous ne vous plaindrez pas , Monsieur,
d'être accablé par le grand nombre de
principes ; l'Auteur nous a instruit , le
voilà en droit de nous dire son avis sur
les causes de la corruption du gout.
Il en parle historiquement dans une
premiere lettre.Chez les Romains , comme
parmi nous la Paix a été l'époque de la
naissance et des progrez du gout ; et parmi
nous , comme chez les Romains , la
guerre a été le tombeau du gout . Mais
comme dit l'Auteur , après la décadence
du gout , l'ignorance est le grand remede
apparemment elle emporte les mauvaises
impressions de l'esprit , comme le grand
remede emporte le mauvais sang. Ne nous
chicannez pas, je vous prie , sur la comparaison
, car c'est ce que j'ai vû de plus
énergique dans l'ouvrage.
Dans une seconde lettre l'Auteur se
propose de parler philosophiquement ,
écoutez le Philosophe. Un homme a gâté
le gout chez les Romains , c'est Seneque,
et c'est parce qu'il avoit beaucoup d'esprit
qu'il a gâté le gout en fait d'éloquence ,
comme Ovide l'avoit gâté avant lui en
fait de Poësie ; les Seneques et les Ovides
de nôtre tems, c'est, dit- on , M. de Fontenelle
et M. de la Motte . M. de Fontenelle,
à ce que dit l'Auteur, a beaucoup de
délicatesse
JANVIER 17345 69
délicatesse dans l'imagination ; il ne dit pas
dans l'esprit. Vous me dites quelquefois
que M. de Fontenelle est sans contredit
un des plus grands Génies et un des plus
beaux Esprits que les siècles ayent produit
; l'Auteur ne lui en accorde pas tant,
il dit seulement que M. de Fontenelle est
capable de s'élever aux premiers principes ,
de mener à la verité par le chemin le plus
court et de semer ce chemin de fleurs . M. de
Fontenelle a de l'imagination et s'en rend le
maître , ce qui est un défaut selon l'Auteur
, car ce qui constitue le grand Génie ,
c'est de se laisser emporter par son imagination,
dès- là, point de chaleur chez M. de
Fontenelle et en supposant avec l'Auteur
que le sentiment dans un ouvrage doive
passer avant les vûës , on pourroit conclure
que tout ouvrage qui ne s'étayera
pas du sentiment, petilla t '-il de lumieres
philosophiques , ne doit pas tenir un
grand rang parmi les Ouvrages d'esprit.
Mais ce qui manque à M. de Fontenelle
du côté du désordre des idées , il le gagne du
côté de la précision , il surprend continuellement
et par ses idées et par le tour heureux
qu'il donne à ses idées : il en a de neuves et
de communes qu'il fait passer pour neuves ,
qu'il habille en paradoxes . L'Auteur a
jugé des paradoxes de M. de Fontenelle.
par
70
MERCURE
DE FRANCE
par comparaison
avec les siens . Ceux
qu'il a donnez au Public ont été trouvez
plus ingenieux que solides , et en lisant
ceux de M. de Fontenelle , on croit ne
faire qu'ouvrir les yeux sur un pays connu
; et vous entendez quel défaut c'est en
fait d'ouvrage d'esprit , de s'accorder avec
le Lecteur. Ce n'est pas là tout le merite
de M. de Fontenelle ; chez lui l'Art est
si caché, que quand vous attendez de lui
des ornemens , il vous donne des choses
simples qui vous surprennent
plus que
les ornemens n'eussent fait , et qu'en revanche
vous retrouvez avec la parure des
matieres qui sembloient ne la pas comporter.
En effet, quelle est l'idée de M. de
Fontenelle de badiner avec la Mort ? de
montrer de l'imagination
et même de la
plus enjouée dans une Oraison funebre ?
il a beau produire par son enjoument
l'effet qu'il lui demande , on seroit bien
plus content de voir M. de Fontenelle
gémir sur le sort d'un ami , cela feroit
preuve du bon coeur. Encore en matiere
de Géometrie les fleurs révoltent : M. de
Fontenelle réduit les Scavans au niveau
des autres hommes , qui, attirez par les
idées sensibles , se trouvent avoir recueilli
les principes comme les Géometres mêmes.
Tout le corps des Géometres devroit
s'élever
JANVIER 1734 71
s'élever contre un pareil attentat . M. de
Fontenelle a encore grand tort de tailler
une idée comme on taille un diamant ; on
l'aimeroit mieux brutte et moins brillante,
on le quitte de ses agrémens , c'est un
plaisir qu'il procure , à la verité , mais
c'est une illusion qu'il cause .
L'Auteur n'est pas plus favorable à M.
de la Motte , il ne manque pas d'esprit ,
mais l'Auteur trouve qu'il manque de
gout. Et il est à propos de faire une bonne
fois le procès à ce Public , qui a mis les
Odes de M. de la Motte à côté de celles
de Rousseau , qui a comparé ses Fables
à celles de la Fontaine , ses Tragédies à
celles des Corneilles et des Racines, et ses
Operas à ceux de Quinault , et qui a encore
assigné à ses discours l'éloquence et
à toute sa Frose une classe à part pour ne
le comparer en ce point qu'à lui - même .
Ce Public a le gout gâté, corrompu. Prenez
vous en à M. de Fontenelle que l'Auteur
compare à un Cuisinier. Et surquoi
fondée la comparaison? sur ce que M. de
Fontenelle a introduit dans le pays des
Lettres le gout de la précision , sur ce
qu'il a semé les Analises en tout genre.
d'ouvrages, et sur ce qu'il a réduit l'imagination
à n'aller jamais que de pair avec
la raison. M. de la Motte a aussi tourné
du
72
MERCURE DE FRANCE
›
du côté de cette Logique incommode , il
a été habile à tirer les conséquences , et c'étoit
sur le choix des principes qu'il falloit
l'être : éclairé par l'Auteur , il eut mieux
fait et n'eut cependant pas si bien réussi,
parce que le Public avoit le gout gâtẻ.
La conclusion de cet Ouvrage c'est
que nous devons consulter le sentiment ,
et ne pas nous en raporter à notre raison,
qui n'est par elle - même que sécheresse .
C'est dans notre coeur qu'est la source du
gout , et mal- à - propos à- t'on regardé
jusqu'ici le discernement comme une
qualité de l'esprit.
L'Auteur dans une troisiéme et derniere
Lettre observe heureusement qu'une des
causes de la corruption du gout , c'est
l'esprit de manege aujourd'hui , trop à la
mode parmi les gens de Lettres . Ce malheureux
talent énerve les qualitez de
Fame. Cette souplesse qui fait de bons
courtisans ne nous éleve point assez l'imagination
et nous rend au contraire incapables
de ces grandes et sublimes idées
qui n'appartiennent qu'à une imagination
indépendante. Je suis & c.
Je me propose de vous entretenir par
une seconde Lettre , des détails de l'Ouvrage
, et de rendre justice aux beautez
qui y sont répanduës, sans en dissimuler les
défauts
EPIJANVIER
1734. 7 手
Stabat
EPIGRAM ME imitée du Latin
de Muret.
Contre les Poëtes lascifs .
SE peut-il , obscénes Rimeurs ,
Que vous soyez au fond doüez de bonnes moeurs,
Tandis que vous chantez le vice sans scrupule ?
Si vous êtes des Saints , par où le connoît- on
Quiconque écrit comme Catulle ,
Vit rarement comme Caton.
LETTRE de M. D.L.C. à M. D.L.R.
sur quelques particularitez de la vie de
Topal Osman Pacha , cy-devant Grand
Visir de l'Empire Ottoman , et aujour
d'hui Séraskier de l'Armée Turque en
Perse . A Paris , ce 18 Janvier 1734.
V
Ous avez jugé , Monsieur , que
dans les circonstances présentes où
les affaires d'Asie ont plus de liaison que
jamais avec celles d'Europe , ce seroit
un objet interessant pour le Public , que
la
74 MERCURE DE FRANCE
la vie et les avantures de Topal Osman
qui jouë aujourd'hui un si grand rôle .
Je crois que l'Auteur de la Rela .
tion de la Révolution arrivée en 1730. à
Constantinople n'a pas abandonné le
dessein où je l'ai vu, d'écrire cette vie, véritablement
digne de la curiosité du Public
. Personne n'est plus capable que lui
de bien exécuter ce projet; et s'il est aussi
bien servi par ceux qui sont à portée de
lui procurer des Mémoires , que je le
connois exact et ami de la verité ; nous
verrons dans un même Ouvrage la singularité
du Roman , unie à la plus scru
puleuse fidelité dans les faits historiques.
En attendant , je me fais un vrai plaisir
, Monsieur , de vous faire part de
quelques traits de la vie du Général
Turc dont je suis exactement informé . Le
Sr Arniaud , celui-la même qui racheta
Topal Osman d'esclavage à Malte , il y
a environ trente- cinq ans , vint en 1732 .
à Constantinople avec son fils ,saluer son
ancien Esclave , devenu Grand Visir.J'ai
entendu plus d'une fois raconter au pete
et au Fils ce qu'ils sçavoient de son histoire.
Le Fils a même bien voulu , à ma
priere , mettre par écrit ce qu'il a pû s'en
rappeller, et m'en laisser le Mémoire que
je
JANVIER. 1734. 75
je conserve , écrit de sa main. Ce qui suit
est tiré de ce Mémoire. J'y ai joint
quelques circonstances que je lui ai entendu
conter , ou à son Pere, et j'ai ajouté
les faits dont j'ai eu connoissance
pendant mon séjour à Constantinople ,
concernant l'arrivée du Sr Arniaud , son
Audiance du Visir , la déposition de ce
Ministre , &c. tous faits qui se sont passez
presque sous mes yeux ; mais dont
je ne garantis cependant pas la verité
quelque attention que j'aye eu à consulter
les témoins oculaires autant que je
l'ai pû , et à ne rapporter icy que ce que
je trouve sur un Journal , écrit dans le
temps.
Osman avoit reçu dans le Sérail du
Grand Seigneur l'éducation qui n'étoit
autrefois destinée qu'aux Enfans de Tribut
, ( a ) Chrétiens de naissance . Les
Turcs ont depuis brigué ces Places pour
leurs propres Enfans , ensorte qu'aujour
d'hui presque tous les Eleves du Sérail
sont de race Turque .
En 1698 ou 99. à l'âge de 25 ans ou
environ, Osman Aga sortit du Sérail, où il
exerçoit l'emploi de (b) Martolos Bachi.
( a ) Voyez Ricaut, Etat présent de l'Empire Ot
toman.
(b ) Intendant des Voitures.
7
N
6 MERCURE DE FRANCE
Il étoit porteur d'un Ordre du Grand Sergneur
, et chargé d'une commission pour
aller remettre quelques Beys du Čaire
dans la possession de leurs biens , dont
ils avoient été destituez pendant ces troubles
qui sont si fréquents en Egypte. I
prit sa route par terre jusqu'à Seyde , où
pour éviter la rencontre des Arabes qui
infestoient le Païs , il fut obligé de s'embarquer
sur une ( a ) Saïque , qui passoit
à Damiette . Dans ce, court trajet la Saïque
fut malheureusement rencontrée par
une Barque Espagnole , armée en course
à Maïorque. Quoique la partie ne fut pas
égale , le désir de conserver leurs biens
et leur liberté , fit faire les derniers ef
fort aux Passagers et à l'équipage ; ils se
deffendirent en désesperez ; l'abordage
fut sanglant. Osman s'y signala par cette
intrépidité dont il a depuis donné des
preuves en tant de rencontres ; si la valeur
de tous eut été égale à la sienne
peut-être eussent ils évité l'esclavage . Enfin
il fallut céder au nombre . Osman
Aga , percé de coups , blessé dangereusement
au bras et à la cuisse , fut pris les
armes à la main . Le Corsaire , dont le Bâtiment
avoit souffert dans le combat
( a ) Sorte de Bâtiment de Levant , propre an
ransport des Marchandises,
soit
JANVIER . 1734.
77
soit qu'il eut besoin de se raccommoder ,
ou pour quelque autre raison , relâcha à
Malte .
-
Les marques de valeur qu'Osman avoit
données dans l'action, ou plutôt la déposition
que firent sans doute les autres Passagers
,qu'il étoit chargé d'une commission
secrete du Grand Seigneur , et l'espérance
d'en tirer une grosse rançon , le firent distinguer
parmi ses compagnons d'infortune;
cependant il n'étoit pas hors de danger
de ses blessures quand il arriva à Malte ;
celle de la Cuisse étoit la plus considérable
; il en est resté estropié ; et c'est delà
que lui est demeuré le nom ou le Sobriquet
de ( a ) Topal , suivant l'usage commun
des Turcs .
*
>
Aussi- tôt que le Corsaire fut entré dans
le Port , le Sr Vincent Arniaud dit
' Hardy , natif de Marseille , qui étoit
alors Capitaine de Port à Malte , se transporta
à bord du Bâtiment , suivant le devoir
de sa Charge. Il y vit le malheureux
Aga enchaîné , qui lui fit une proposision
bien singuliere,
Fais une belle action , lui dit Topal ,
rachette - moi , tu n'y perdras rien. Arniaud
surpris de la proposition , deman .
da au Capitaine Corsaire ce qu'il pré-
( a ) Boiteux,
ten8
MERCURE DE FRANCE
tendoit pour la rançon de cet Esclave. Il:
me faut mille Sequins ( a ) , répondit le
Corsaire . Arniaud se retournant vers
Osman , lui dit : Je te vois pour la premiere
fois de ma vie , je ne te connois
point , et tu me proposes de donner sur ,
ta parole mille Sequins pour ta rançon .
Nous faisons l'un et l'autre ce qu'il nous
convient de faire, reprit Osman . Quant à
moi je suis dans les fers , il est naturel
que je mette tout en usage pour obtenir
ma liberté ; pour toi , tu es en droit de te
défier de ma bonne foy ; je n'ai aucune
sureté à te donner que ma parole , et tu.
n'as aucune raison d'y conter ; cependant
si tu veux en courir les risques , je te le
répete encore , tu ne t'en repentiras pas.
Soit que l'air d'assurance , ou que la
Phisionomie du jeune Turc prévint Arniaud
en sa faveur, soit que la singularité
de l'avanture éloignât les soupçons qu'il.
auroit pû concevoir , le Capitaine de
Port sortit avec des dispositions favora
bles pour Topal Osman , et , ce qui est
peut être encore plus extraordinaire , la
réfléxion ne les détruisit pas.
Arniaud alla rendre compte au grand
( a ) Ily a plusieurs sortes de Sequins en Levant,
qui valent depuis six jusqu'à onze francs de notre
Monnoye.
MaîJANVIER.
1734. 79
Maître Perellos de ce qui concernoit son
ministere , revint à bord et convint de
600(a )Sequins Vénitiens avec le Corsaire,
pour le prix de la rançon de son Esclave ;
son nouveau Maître le fit aussi - tôt transporter
sur une Barque Françoise, à lui ар-
partenante,où il lui envoya un Médecin ,
un Chirurgien et tous les secours neces
saires.Osman se vit bien tôt hors de danger.
Il proposa alors à son bienfaicteur
d'écrire en Levant pour se faire rembourser
de ce qu'il lui devoit. Mais comblé
des bienfaits de son nouveau Patron , il
ne crut pas abuser de sa générosité en lui
demandant une nouvelle grace . C'étoit de
le renvoyer sur sa parole et de s'en remettre
pour le tout entierement à sa
bonne foy.
Arniaud ne fut pas genereux à demi
et rencherit encore sur la demande de son
Esclave ; après lui avoir fait toutes sortes
de bons traitemens , il lui donna cette
même Barque , sur laquelle il l'avoit fait
transporter, pour en disposer à sa volonté,
et se faire conduire où bon lui sembleroit.
Osman arrivé à Malte Esclave , et racheté
le jour même , en partit huit jours
après sur un Bâtiment à ses ordres . Le
(a ) Le Sequin Vénitien vaut aujourd'hui environ
11 liv. quelques sols, Monnoye de France.
Pa80
MERCURE DE FRANCE
Pavillon François le mettoit à l'abri
des Corsaires . Il arriva heureusement
à Damiette d'où il remonta le Nil jusqu'au
Caire . Le lendemain de son arrivée
il fit compter mille Sequins au Capitaine
au
de la Barque pour être remis à son libérateur,
il y joignit deux Pelisses ( a) dè la valeur
de soo piastres , ( b ) dont il fit présent
au Capitaine . Il exécuta la commission
du Grand Seigneur , repartit pour
en aller rendre compte, arriva à Constantinople
et fut lui - même le porteur de la
nouvelle de son Esclavage.
pas
à
La reconnoissance d'Osman ne se borna
ses premiers mouvements : pendant
plusieurs années de séjour qu'il fit du
côré de Larta en Albanie où ses emplois
l'appellerent, il continua d'en donner des
preuves à son bienfaicteur , et entretint
avec lui un commerce non interrompu
de lettres et de présents.
On peut même dire que sa reconnoissance
s'étendit sur toute la Nation Françoise
; puisque depuis son avanture il n'a
laissé échaper aucune rencontre où il n'ait
donné à tous les François , qui ont eu affaire
à lui, des marques d'une bienveillance
particuliere .
( a ) Robes Fourrées .
( b ) La Piastre courante du Levant , vaut aujourd'hui
3 livres quelques sols Monnoye de France.
Les
JANVIER 1734 81
Les occasions avoient manqué jusqu'a
lors à Osman de se faire connoître et de
pousser sa fortune . La Guerre s'étant depuis
declarée entre les Venitiens et les
Turcs , le Grand Visir Aly Pacha , qui
méditoit l'invasion de la Morée , assembla
son Armée dans le voisinage de
l'Isthme de Corinthe , qui joint la Morée
au continent et le seul passage qui
puisse donner entrée par terre dans cette
presqu'Isle.
>
Tous les differents corps de Troupes
qui devoient composer l'Armée Ottomane
, se rendirent de toutes les Provinces
de l'Empire au lieu et au jour marqués
le seul Cara Mustapha Pacha ,. qui commandoit
un Corps de trois mille hommes
, arriva trois jours trop tard au rendez-
vous de l'Armée : il lui en couta la
vie , le Visir lui ayant fait trancher la
tête.
Sur ces entrefaites , Topal-Osman brulant
du désir de se signaler , vint se présenter
au Visir à la tête de mille hommes
qu'il avoit levez et pris à sa solde sans
avoir reçu aucun ordre; et le jour destiné
à l'attaque du défilé du Pas de Corinthe ,
il s'offrit de marcher le premier, et se
chargea de forcer le passage avec sa troupe
; son offre fut acceptée. Peut être la
E terreur
82 MERCURE DE FRANCE
terreur et la consternation generale qui
s'étoient répandues à l'approche d'une
Armée formidable , ne laisserent- t'elle pas à
Topal-Osman tout le merite d'une victoi
re achetée cherement ; quoiqu'il en soit,il
força le défilé , et emporta d'emblée la
Ville de Corinthe. Il reçut du Grand
Visir pour récompense les deux queues
de Pacha , et tous les Equipages de l'infortuné
Cara Mustapha.
Osman ne resta pas en si beau chemin,
et les occasions ne manquant plus à son
courage , il se distingua par
de nouveaux
exploits dont le détail nous meneroit
trop loin. L'année suivante , au Siége de
Corfou il servit en second, et fit les fonctions
de Licutenant General.
Ce fut alors qu'il fit voir que sa prudence
égaloit sa valeur ; le Siége ayant
été abandonné , Osman demeura trois
jours devant la Place depuis le départ du
General , pour favoriser la retraite des
Troupes Ottomanes ; il donna les ordres
necessaires avec toute la présence d'esprit
possible , et ne se retira qu'après avoir mis
l'Armée en sûreté.
Il étoit tems qu'un homme de cette
trempe commandât à son tour ; adoré
des troupes , la voix publique l'appelloit
au Generalat ; mais plus il se distinguoit
entre
JANVIER 89 173 4.
entre ses pareils , plus il faisoit de jaloux ,
qui bientôt étoient autant d'ennemis.
Tel est , à la honte de l'humanité et en
tout Pays , l'effet ordinaire d'un merite
superieur , mais dont les conséquences ne
sont nulle part si dangereuses qu'en Turquic.
C'est à ce tems vrai-semblablement que
doit se raporter un évenement de la vie
d'Osman qui pensa le perdre , et dont
je ne retrouve qu'une note ; je l'ai entendu
raconter au Sr Arniaud fils , avec plusieurs
circonstances qui me sont échapées
; mais il est obmis dans le Mémoire
qu'il m'a laissé qui fut fait avec précipitation
et presque au moment de son départ.
,
se
Topal - Osman par des raisons qui ne
pouvoient que lui faire honneur
broüilla avec un Pacha plus puissant que
lui , peut-être avec ce même General
qu'il avoit si utilement remplacé au Siége
de Corfou . Sa tête fut proscrite et ses
biens confisquez : il fallut céder à l'orage,
il se déroba par la fuite à la fureur de son
ennemi ; déguisé et inconnu , abandonné
des siens , il se rendit à Salonique , où il
demeura caché quelque tems . Delà sous
l'habit et l'apparence d'un simple ( a ).
( a ) Soldat de Marine Turc.
E ij
Léventi
84 MERCURE DE FRANCE
Léventi , Il s'embarqua sur une Galere et
passa à Constantinople. Pendant qu'il
agissoit sous main , sans oser paroître , es
qu'il employoit ses amis pour obtenir sa
grace , son ennemi fut déposé. C'étoit le
plus grand obstacle à la justification
d'Osman : elle fut éclatante et solemnelle.
Il fut renvoyé dans la possession de tous
ses biens , et ce fut à peu près dans ce
tems qu'il fut nommé Seraskier ου
Generalissime en Morée.
›
Tous les Consuls étant venus le saluer
en cette qualité , il donna à la Nation
Françoise les témoignages les plus marquez
de bienvaillance et de protection .
chargea les Consuls François d'écrire à
Malte au Capitaine Arniaud , pour lui
faire part de sa nouvelle dignité , et le
prier de lui envoyer un de ses fils , dont
il se voyoit en état de faire la fortune.
Un des fils d'Arniaud , celui - la même
qui a fourni ces Mémoires , se rendit
effectivement en Morée ; et pendant deux
ou trois ans qu'il demeura auprès du
Seraskier, celui - ci, tant par les dons qu'il
lui fit , que par les facilitez et les avanta
ges qu'il lui procura pour son commerce,
le mit effectivement à portée de faire des
gains considérables dont les occasions furent
négligées par le jeune homme , alors
plus
JANVIER.
1734 83
plus occupé de ses plaisirs que du soin de
sa fortune.
Topal-Osman croissant en dignitez à
mesure que son mérite devenoit plus
connu , fut fait Pacha à trois queües , et
nommé Beglier-Bey de Romelie , un des
deux plus grands Gouvernements de
l'Empire , lequel par sa proximité de la
Frontiere de Hongrie est un poste encore
plus important.
་
En 1727. le Capitaine Arniaud , âgé
de soixante et sept ans , passa avec son
fils à Salonique , et alla voir le Beglier
Bey à Nysse où il faisoit sa résidence . Ils
en reçurent l'accueil le plus favorable et
le plus tendre ; il déposa en leur présen ,
ce le faste de sa dignité , les embrassa
leur fit servir le Sorbet et le Parfum , et
les fit asseoir sur le Sopha , faveur singuliere
de la part d'un Pacha du premier
ordre , sur tout quand elle est accordée à
un Chrétien. Il les combla d'honneurs et
de présents , et leur voyage leur valut
plus de 15000 livres. En prenant congé
du Pacha , son ancien Patron lui dit qu'il
esperoit bien avant que de mourir l'aller
saluer à Constantinople en qualité de
Grand Visir ; c'étoit plutôt alors un
souhait qu'une espérance , l'évenement
en a fait une prédiction.
E iij
Le
36 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Visir Ibrahim Pacha après
avoir joüi douze ou treize ans tranquillement
d'une dignité jusques - là si orageuse,
périt cruellement comme tout le monde
sçait dans la Révolution de 1730. ( a )
En moins d'un an il eut trois successeurs.
Au mois de Septembre 1731 , Topal-
Osman fut appellé pour remplir à son
tour un poste dangereux par lui- même ,
et devenu plus délicat dans les circonstances
présentes . Il ignoroit encore quelle
place lui étoit destinée ; lorsqu'étant
en chemin pour se rendre à Constantinople
, il fit écrire à Malte par le Consul
Francois de Salonique et mander au Capitaine
Arniaud qu'il pouvoit lui et ses
enfans venir trouver Topal-Osman en
quelque lieu du monde que la fortune
l'appellât. Après son arrivée à Constantinople
il fit prier l'Ambassadeur de
France d'écrire de nouveau et d'inviter
son ancien Patron à le venir voir ; lui
recommandant de ne point perdre de
tems, parce qu'un Grand Visir pour l'ordinaire
ne demeuroit pas long- tems en
place.
Arniaud profita de l'avis ; il vint à
Constantinople avec son fils au mois de
( a ) Voyez le Supplement du Mercure d'Avri
1731
JanJANVIER.
1734 87
Janvier 1732. Aussi - tôt que le Visir fut
informé de leur arrivée , il leur envoya
un Officier de confiance , leur dire qu'il
leur donneroit Audiance le lendemain.
après midi. On pensoit qu'il les recevroit
en particulier , pour ne point commettre
sa dignité en faisant à des Chrétiens
un accueil qui pourroit indisposer les
Grands de la Porte , sur tout dans un
tems où la fermentation des esprits se
ressentoit encore des troubles de la derniere
Révolution. Les deux François se
rendirent le lendemain au Palais du Grand
Visir, à l'heure marquée, avec les présents
qu'ils lui avoient aportés de Malte, consistant
en plusieurs Caisses d'Oranges ,
Citrons , Bergamotes , &c. diverses sor
tes de Confitures , des Orangers chargez
de feuilles et de fleurs , des Serins dé
Canarie dont les Turcs sont fort curieux ,
et ce qui l'emportoit sur tout le reste ,
en douze Turcs rachetez de l'esclavage à
Malte.
Tous ces présents , par ordre du Visir ,
furent rangez et exposez à la vûë. Le
vieux Arniaud âgé de soixante et douze
ans , accompagné de son fils , fut introduit
devant le Grand Visir. Il les reçût
en présence des plus grands Officiers de
l'Empire , avec les témoignages de la plus
E iiij
tendre
38 MERCURE DE FRANCE
tendre affection . Vous voyez , dit - il , en
adressant la parole aux Turcs qui l'environnoient
, et leur montrant les Esclaves
rachetez, vous voyez vos freres qui jouissent
de la liberté après avoir langui dans
l'esclavage : ce François est leur libérareur
. J'ai été esclave comme eux
ajouta-t'il , j'étois chargé de chaînes
percé de coups , couvert de blessures ,
voilà celui qui m'a racheté , qui m'a sauvé
; voilà mon Patron : liberté , vie
fortune , je lui dois tout. Il a payé sans
e connoître mille Sequins pour ma rançon.
Il m'a renvoyé sur ma parole ; il m'a
donné un Vaisseau pour me conduire ou
je voudrois :où est,même le Musulman ,capable
d'une pareille action de génerosité?
Tous les assistants avoient les yeux tournez
sur le vieillard qui tenoit les mains
du Grand Visir embrassées .Tous les Officiers
de ce Ministre , tous les gens de sa
maison se disoient les uns aux autres
voilà l'Aga ( a ) le Patron du Visir; voilà
celui qui a racheté notre Maître.
Cinq ans auparavant Osman étant Pacha
de Nysse , n'avoit pas voulu permettre
que son ancien Patron lui baisât
la main. Devenu Grand- Visir , il souf-
( a ) Les Esclavos Tures appellens leur Maître
tum Aga.
frit
JANVIER 1734 89
frit cette marque de respect et de soumission
, et crut devoir en agir ainsi
sur tout en présence des Grands de l'Empire
, pour qui c'eût été une faveur ,
eux qui se trouvent honorez de baiser
le bas de la veste d'un Grand Visir , et
dont plusieurs même murmuroient en
secret de l'honneur que celui- cy faisoit
à de vils Ghiaours . (a)
,
Le Visir fit ensuite au Pere et au Fils
diverses questions sur l'état présent de leur
fortune et sur les pertes qu'ils avoien
essuyées dans leur commerce. Après avoir
écouté leurs réponses avec bonté , il répliqua
par une Sentence Arabe Allah-
Kerim , qui signifie à la lettre , Dleu est
liberal , et dans un sens plus étendu , la
Providence de Dieu est grande ; elle m'a
mis en état , ajoûta - t'il , d'adoucir votre
situation. Il fit ensuite devant eux la
destination de leurs présents , dont il
envoya sur le champ la plus grande partie
au Grand- Seigneur , à la Validé ¯ ( b)
et au Kislar- Agă, ( c)
Les deux François , comblez des cares-
(a) Ghiaours est un terme de mépris dont les
Tures se servent pour désigner ceux qui ne sont pas
Musulmans.
(b) Sultane Mere.
(c) Chef des Eunuques noirs.
E v se
90 MERCURE DE FRANCE
•
ses du Grand-Visir , prirent congé de lui.
Il avoit donné ordre de leur préparer
un Appartement dans son Palais ; il leur
fit quelques reproches en apprenant qu'ils
retournoient au Palais de France ; il chargea
l'Interprete de les recommander de
sa part à M. l'Ambassadeur , en le faisant
assurer qu'il lui auroit obligation
de tout ce qu'il feroit pour eux.
Il y a assurément de la grandeur d'ame
dans la peinture que Topal- Osman fit
de son Esclavage et dans l'aveu public
de son humiliation et des obligations
qu'il avoit à son Libérateur ; mais il faudroit
connoître le profond mépris et le
fond d'éloignement que les préjugez de
la Religion et de l'éducation inspirent
aux Turcs pour tout ce qui n'est point
Musulman , et en particulier pour les
Chrétiens , pour sentir toute la beauté
et la noblesse de cette action , qui se passa
aux yeux de toute sa Cour.
Le Fils du Visir reçut ensuite le Pere et le
Fils en particulier dans son Appartement,
où il ne garda aucunes mesures. Il les
embrassa l'un et l'autre, les traita avec la
même familiarité qu'avoit fait son Pere
étant Pacha de Nysse , et leur fit promettre
de le venir voir souvent.
Ils eurent peu de temps avant leur départ
JANVIER. 1734- 91
part une autre Audiance particuliere du
Visir , où ce Ministre n'ayant plus de
bienséance à observer , oublia son rang
pour ne plus se souvenir que de ce qu'il
devoit à son Bienfaicteur. Il lui avoit
déja fait rembourser liberalement la rançon
des douze Esclaves , et procuré le
payement d'une ancienne dette regardée
comme perdue. Il y ajoûta de nouveaux
présents en argent , et un Commandement
ou permission expresse pour faire
gratis à Salonique , un chargement de
bled , sur lequel il y avoit un profit à
faire d'autant plus considerable que ce
commerce étoit interdit aux Etrangers
depuis plusieurs années. Cette gratifica
tion montoit à plus de dix mille écus .
Le Visir , qui eût voulu mesurer sa libé
ralité sur sa reconnoissance , qui étoit'sans
bornes, leur fit entendre qu'il ne pouvoit
pas faire tout ce qu'il vouloit, et peut - être
n'en faisoit- il déja que trop aux yeux de
ceux qui ne jugent des actions d'un Ministre
que par leur interêt particulier.
Il fit ressouvenir Arniaud le fils de son
voyage en Morée , et du temps où il n'avoit
tenu qu'à lui de faire une grande
fortune par les occasions qu'il lui avoit
procurées. Il finit par leur dire qu'un
Pacha étoit le Maître dans son Gouverne
E vi
ment
92 MERCURE DE FRANCE
ment , mais qu'un Visir à Constantinople
avoit un plus grand Maître que lui .
Topal- Osman , par sa vigilance et sæ
fermeté, avoit remis l'abondance , le bon
ordre et la Police dans Constantinople ,
où depuis la Révolution jusqu'à son Ministere
, la licence et le desordre n'avoient
pû être réprimez , et où la disette
et la cherté des vivres étoient excessives.
Quoiqu'on lui ait reproché une trop
grande séverité, il est de fait qu'il n'a condamné
à mort même les plus vils et les plus
séditieux des mutins , que sur le Fetfa (a)
du Mufti. Peut-être dans les conjonctures
présentes un homme de ce caractére étoitil
nécessaire pour prévenir une nouvelle
révolte et rétablir la tranquillité publique;
ce qu'il y a de certain , et qui est bien à
son honneur , c'est qu'il fut regretté de
tous les gens de bien et des bons Citoyens,
lorsqu'il fut ôté de place au mois de
Mars 1732.
On ne sçut pas bien , du moins alors ,
les véritables motifs de sa déposition .
Un mois auparavant les bruits publics
l'avoient annoncée pour le temps précis
où elle arriva : elle avoit été précedée de
quelques jours par celle du Mufti , qui
(a) Sorte de consultation du Mufti , qui décide
suivant la Loy , de la peine duë au coupable.
avoit
JANVIER. 1734. 93
avoit opiné pour la Paix , ainsi que le
Visir dans le Conseil extraordinaire, tenu
depuis peu au sujet des affaires de Perse ;
l'un et l'autre avoient insisté fortement sur
la nécessité de ratifier le Traité conclu par
Achmet-Pacha , Gouverneur de Bagdad,
en vertu de son plein pouvoir. La déposition
de ces deux Ministres fut regardée
, avec raison , comme un mistere de
politique ; car il faut avouer que tout
ce qu'on en dit dans le temps ne passoit
pas la conjecture.
Topal - Osman , qui avoit dès longtemps
prévû ce revers , le soutint avec
la plus parfaite tranquillité. En sortant
du Serrail , après avoir remis le Sceau de
l'Empire , il trouva toutes ses Créatures
et tous les Gens de sa Maison abatus et
consternez : de quoi vous affligez - vous ,
leur dit - il , ne vous ai-je pas dit qu'un
Visir ne restoit pas long- temps en place ?
Toute mon inquiétude étoit de sçavoir
comment j'en sortirois ; grace à Dieu on
n'a rien à me reprocher ; le Sultan est satisfait
de mes services ; je pars tranquille.
et content.
Il donna ensuite ses ordres pour un
Sacrifice (a) d'actions de graces , distri-
(a) Cette coûtume est pratiquée parmi les Turcs
en certaines occasions , comme pour obtenir un heureux
succès , &c.
94 MERCURE DE FRANCE
bua de l'argent à ses Domestiques et leur
ordonna de se réjouir . Il se ressouvint
aussi dans ce moment de son Bienfaicteur
, en prévoyant le chagrin que cet
évenement lui causeroit. Qu'on lui dise
qu'il se console , ajoûta- t'il , je ne désespere
pas de le revoir encore , dites lui
qu'il me retrouvera toujours; qu'on écrive
à Salonique, que l'on soit exact à lui donner
la quantité de bled que j'ai ordonné ;
si j'apprends qu'il en manque une mesure
, je ferai voir que je ne suis pas mort. Il
donna quelques autres ordres concernant
ses affaires domestiques et partit pour Trébisonde
, dont il avoit été nommé Pacha.
Si la reconnoissance , toute naturelle
qu'elle est aux coeurs genereux, passe pour
une vertu rare sur tout chez les Grands , il
faut convenir qu'elle reçoit ici un nouvel
éclat par la circonstance et le moment
où Topal - Osman rappella le souvenir de
son Bienfaicteur.
Jamais déposition de Visir n'eut moins
Fair d'une disgrace ; il n'y a point d'exemple
qu'un Ministre disgracié ait été
traité avec autant d'égards et de distinction.
Le Grand- Seigneur lui fit dire de
laisser son fils à Constantinople et qu'il
en prendroit soin ; et quatre jours après
ce même fils eut l'honneur de présenter
JANVIER 1734 99
à Sa Hautesse le présent qui lui avoit été
destiné par son Pere , pour le jour de Bayram.
(a) Il consistoit en un Harnois de
Cheval, enrichi de Pierreries , estimé 50000
Piastres ; c'est ce que Topal Osman avoit
en partant expressément recommandé à
son fils ; quoique , n'étant plus en place ,
il eût pû se dispenser de faire le présent
qu'il avoit fait préparer en qualité
de Grand- Visir.
•
Peu de jours après il reçut sur sa route
de nouveaux ordres pour aller commander
en Perse , à la Place d'Ali Pacha´, qui
venoit d'être nommé Grand- Visir à la
sienne. Osman alla tranquillement relever
son Successeur au Visiriat , dans
le poste de Séraskier , où il a rendu depuis
deux ans à sa Patrie des services
peut- être plus importants qu'il n'auroit
pû faire , s'il fût demeuré Grand - Visir ,
puisque non-seulement il a trouvé le secret
de soutenir une guerre difficile dans
un Pays désert et ruiné , à quatre cent
lieues de la Capitale , le plus souvent dénué
des secours d'argent , d'hommes , de
vivres et de munitions ; mais encore qu'il
a remporté une victoire complette (b)
(a ) Fête solemnelle des Turcs , pendant laquelle
ils se font des présens .
(b) Le 19. Juillet 1733 •
en
96 MERCURE DE FRANCE
en bataille rangée sur un Ennemi ( a) digne
de lui , battu les Persans en trois rencontres
, (b) et humilié l'orgueil de leur
fier General .
ENTRETIEN
DE DEUX PROCUREURS.
EPIGRAMM E.
AccCocommmmoodder les Plaideurs n'est mon vice ,
Disoit Pillard ; quand les gens ont du bien
Confrere , il faut laisser faire Justice :
C'est mon avis , mais chacun a le sien,
Maître Pillard , ce peut être le mien ,
Sans que pour ce je change de Méthode ,
Répond Griffon ; quand les gens n'ont plus rien,
La Charité veut qu'on les raccommode.
(a) Kouli-Kan , né Prince de Géorgie , Auteur
des derniers troubles de Perse , depuis le Traité de
Schaf-Thamas.
(b) En Octobre 1733.
LETJANVIER.
1734. 97
LETTRE de M. Du Breuil , à M. le
Marquis D *** contenant * l'Analyse
de la Dissertation sur la circulation de
la Séve dans les Plantes , qui a remporté
en 1733. le Prix , au jugement
de
Académie Royale des Belles Lettres ,
Sciences et Arts de Bordeaux . Par M. de
la Baisse.
E vous envoye , Monsieur , une Analyse
précise et exacte de la Dissertation
sur la circulation de la Séve , qui a
remporté cette année le Prix proposé
par l'Académie de Bordeaux. Je ne suis
entré dans aucun détail sur le mérite et
la bonté de l'Ouvrage ; l'Extrait même
suffita pour l'aprétier à sa juste valeurs
si cependant dans le cours de ma Lettre il
m'échappe quelques Refléxions ( ce que
j'éviterai autant qu'il me sera possible )
ce sera uniquement pour vous mettre en
état de juger si (a) les Physiciens trouveront,
ainsi que l'Académie de Bordeaux, que dans
* Je me servirai le plus souvent que je pourrai
des paroles de l'Auteur , pour ne point alterer la
• force de ses expressions.
(a) Tout ce qui est sousligné se trouve mot powr
mot dans l'Avertitsement de l'Académie de Bordeaux
, qui est à la tête de la Dissertation.
ľ hypon
98 MERCURE DE FRANCE
l'hypothese de la circulation de la Séve , qui
est , suivant ces Académiciens , une des
grandes entreprises de la nouvelle Philosophie
; M. de la Baisse paroît avoir pénetré
plus avant que ceux qui l'ont précedé,
et s'ils conviendront que ses Recherches laborieuses
, qu'il appelle par modestie des
tentatives et des conjectures , sont expliquées
avec netteté et solidité ; et qu'enfin cei Auteur
a mis dans un grand jour le Systême qui admet
dans les Plantes une méchanique approchante
de celle des Animaux.
ART. 1. pag. 3. M. d: 1 Baïsse commence
sa Dissertation par examiner quelles
sont les voyes par lesquelles s'insinue
le suc nourricier dans les Plant s. Il lui
paroît vrai en general que c'est par les racines
que les herbes , comme les arbres,
tirent leur nourriture , mais cette connoissance
étoit trop vague , il falloit quelque
chose de plus philosophique ; la racine
est composée de trois principales substances
, de la moëlle , du bois et de l'écorce
; l'écorce , comme tout le monde
sçait , recouvre les deux autres substances
et la moëlle est environnée du bois
et parconséquent de l'écorce ; il s'agissoit
de déterminer par laquelle de ces
trois substances entre le suc nourricier ;
le bois et la moëlle occupent la partic
interieure
JANVIER 1734. 99
interieure , c'est pourquoi elles ne paroissent
pas au premier coup d'oeil trop
à l'introduction de la séve , il ne
propres
reste plus que l'écorce à qui on puisse
naturellement accorder cet usage , son
tissu spongieux paroissoit à notre Auteur
propre à sucer les humiditez terrestres
ainsi voila bien des raisons qui peuvent
déterminer en faveur de l'écorce.
Mais M. de la Baïsse , en bon Physicien
, voulut s'en assurer et examiner par
quels endroits de l'écorce se fait particu
lierement cette suction ; il fit plusieurs
Experiences qui consistent à faire tremper
dans de l'eau ou dans quelque liqueur
colorée , differentes Plantes , tantôt il les
dépoüilla de l'éco , tantôt il leur laissa
leur écorce. Ces Experiences lui ont
paru prouver que l'écorce contribuoit
beaucoup à l'introduction du suc nourricier
, que la partie ligneuse pouvoit
elle seule recevoir la séve , mais en pe
tite quantité ; enfin , que les menües écor
ces du chevelu de la racine , tirent beaucoup
de nourriture , quoique les plus
épaisses ne laissent pas d'en recevoir.
Les Plantes ausquelles il avoit coupé
tous les menus filamens des racines , et
celles aux racines desquelles il avoit fait
des incisions , profiterent dans l'eau à
mer-
386187
100 MERCURE DE FRANCE
merveille . M. de la Baïsse compare ces
coupures à des bouches artificielles
par lesquelles la nourriture s'insinuë plus
aisément dans la substance de l'écorce ,
et il se sert de cette Experience pour
montrer l'utilité qu'on retire en coupant
tous les menus filamens des racines quand
on transplante. Toutes ces preuves rassemblées
font conclure à notre Auteur
que l'écorce est la voïe principale et naturelle
par laquelle les racines tirent les
sucs extérieurs dont les Plantes se nourrissent.
ART. 2. Il passe ensuite à l'examen des
routes que tient le suc nourricier , lorsqu'il
est introduit dans la Plante , parce
que le suc terrestre a dû , selon lui , recevoir
dans l'écorce une préparation qui
le dispose à s'élever jusqu'aux dernieres
extrémitez des feuilles et des branches.
C'est encore par la voïe sûre des expériences
que M. de la Baïsse cherche à reconnoître
le chemin de la séve ; il a mis
pour cela tremper
à différens
temps
, dans l'eau
teinte
par le suc de Phytolacca
, un
nombre
considérable
de Plantes
différen- tes , les unes avec leurs
racines
, les au- tres coupées
vers le pied
de la tige ; ses
observations
l'ont
porté
à croire
que le
suc nourricier
avant
que d'avoir
reçu les
derJANVIER.
1734. Iot .
dernieres préparations , s'éleve en partie
jusqu'au plus haut sommet des Plantes , et
qu'une autre partie de ce suc non encore
digéré , monte pour se répandre ensuite .
dans les branches et les feuilles .
Notre Auteur flaté de cette découverte
, voulut voir si les tuyaux des Plantes
par où monte le suc , ont quelque disposition
particuliere propre à en faciliter
l'afcension , ou s'ils sont indifférens à le
laisser monter ou descendre ; il observa
des Plantes qui trempoient dans une situation
renversée ; et il examina en même-
temps d'autres Plantes qui trempoient
dans leur situation naturelle; de ces
observations il conclut que les vaisseauz
pouvoient rirer de la nourriture par
leurs parties supérieures , quoique cependant
ces canaux soient plus disposez à
Jaisser monter le suc du pied vers le sommet
; on pourroit tres-aisément trouver
dans la Physique des Plantes , bien
des faits et des expériences , sans doute
, inconnuës à M. de la Baïsse , qui renverseroient
la seconde Partie de sa conclusion
et détruiroient les Observations
qui la soutiennent ; il suppose ensuite
qu'il se fait dans ces premières voies ' , lors
même que le suc y entre à contre- sens,
une digestion par laquelle la nourriture
102 MERCURE DE FRANCE.
ture se façonne en passant de ces canaux
dans d'autres , qui la distribuent
dans toute la substance de la Plante ;
cependant cette digestion qui se fait dans
la situation renversée n'a pas paru à notre
Auteur , ni aussi abondante, ni aussi parfaite
que celle qui se fait dans un état naturel;
c'est pourquoi il remarque que la maniere
dont les Plantes se nourrissent lorsqu'on
les fait tremper la tête en bas , paroît très
analogue à celle dont on prétend que des
hommes ont été nourris durant quelque tems
sans prendre que des clysteres delait ou de
liqueur succulente ; pour rendre l'analogic
complette M. de la Baïsse fait observer
que les orifices superieurs des canaux par
lesquels il a découvert que les Plantes
pouvoient tirer quelque nourriture , ne
seroient pour lors dans leur état naturel
que des ouvertures destinées aux ejections
excrementelles , il n'oublie point non plus
que ces canaux auront dèslors beaucoup
de ressemblance aux boyaux des animaux,
il semble que tout favorise les vuës de
notre Physicien , car sur des feuilles de
Tubereuse arrachées de la tige et plongées
par la pointe dans la teinture de Phytolacca
, il a observé des veines branchuës
et ondoyantes , et il a jugé que ces veines
pourroient bien avoir quelque rapport
aux
JANVIER . 1724. 103
aux veines lactées des animaux et être
des vaisseaux où se filtre la liqueur dont
les tuyaux sont remplis.
ART. 3. pag. 16. Après avoir décou
vert que le suc nourricier monte du pied
de la Plante vers le sommet , il falloit
rechercher par quelle partie de la tige se
fait plus particulierement cette ascension ;
parmi les Physiciens les uns ont crû que
la séve monte par l'écorce , d'autres ont
soutenu qu'elle s'éleve entre le bois et
l'écorce , quelques autres enfin ont voulu
que ce fût par la moëlle . Les expériences
rapportées par ces Auteurs pour deffendre
deux sentimens , n'ont nullement paru
décisives à M. de la Baïsse , c'est ce
qui l'a engagé à examiner par lui même
et à faire plusieurs expériences pour tâcher
de découvrir la verité. Il a mis tremper
dans la teinture dePhytolacca différen
tes tiges ou branches d'arbres et de plantes
. Au bout de quelque tems il a examiné
l'écorce et la portion ligneuse , plusieurs
amas de filets dans la substance du bois
lui ont paru rouges sans qu'il trouvât
rien de remarquable dans l'écorce , et sans
que
la moëlle en ait tiré aucune teinture
dans l'antirrhinum , l'écorce étoit devenuë
d'un verd foncé , le calice des fleurs,
lequel bien examiné , n'est , suivant la remar104
MERCURE DE FRANCE
marque de notre Auteur , qu'une production
de l'écorce avoit considérablement
rougi d'un rouge plus foncé vers
les bords. De toutes ces observations , il
conclut que les canaux destinez à porter
la séve dans le corps de la Plante, ne sont
ni dans la moëlle, ni dans l'écorce, ni entré
l'écorce et le bois ; mais dansla substance
ligneuse c.à.d. que ces canaux sont de vé
ritables fibres ligneuses renfermées entre
la moëlle et l'écorce M. de la Baïsse
s'appercevant sans doute de la foiblesse
de ces preuves et de la contradiction manifeste
de ses expériences, a voulu renforcir
sa conclusion par les observations
suivantes.
>
Il dit 1. qu'il est de notorieté publi
que que des arbres cariez dont le tronc
est entierement dépourvû de moëlle
ne laissent pas de vegeter on pourroit
ajouter, le Public n'est pas moins exactement
informé que les mêmes arbres vegetent
très bien sans portion ligneuse avec
la seule écorce , il avance . 2 ° . Que ce ne
peut pas être non plus par l'écorce que
la nourriture monte des racines aux branches
, puisqu'on a vû des arbres croître
et vegeter, quoique le tronc en fut entierement
dépouillé , témoin l'Ormeau des
Thuilleries et ceux du Luxembourg dont
•
il
JAN VIER. 734. 105
il est parlé dans l'Histoire de l'Académic
Royale des Sciences 1709. en 1711. témoins
les Oliviers de Languedoc dont il
a fait mention au même endroit ausquels
on cerne l'écorce , ( a ) au - dessus de l'endroit
où on vient de les enter, ce qui fait
porter plus de fruit aux vieilles branches
qu'on doit couper après la récolte.Je suis,
en verité, surpris que M. de la Baïsse qui
paroît instruit des preuves queM . Parent
proposa à l'Académie Royale des Sciences
, pour soutenir le sistême que notre
Auteur annonce aujourd'hui comme une
grande découverte etune découverte assurée
, ait ignoré combien les faits exposez
par M.Parent péchoient contre la verité,
et de quelle maniere ils furent relevez
par M. Reneaume qui se transporta au
Luxembourg et aux Thuilleries pour
examiner les arbres en question ; il auroit
dû sçavoir aussi ce que l'on répondit à
l'observation des Oliviers de Languedoc ,
communiquée à l'Académie des Sciences
par M. Magnol.
Mais notre Auteur,sans vouloir entrer
dans tout ce détail , soutient que ce qui
a été dit pour expliquer tous ces faits,en
supposant que c'est par l'écorce que mon-
( a ) L'Auteur auroit dû mestre deux doigts
d'écorce pour ne point faire prendre le change.
F te
16 MERCURE DE FRANCE
te la nourriture , est plus subtil que solides
et regardant son sentiment comme victotieux,
il se contente pour refuter l'opinion
des partisants de l'écorce , d'ajouter deux
nouveaux faits assez remarquables , selon
lui , mais qui ne paroîtront peut-être pas
plus frappans que les précedens , et qui
sont sujets aux - mêmes inconveniens . En
finissant cet article M. de la Baisse voyant
sa découverte hors de toute atteinte, veut
bien , en galant homme, avoir la complai
sance de relâcher de ses droits en faveur
de l'écorce ; il accorde que dans les arbres
faits dont le bois est fort compact , comme
chênes et ormeaux , la séve monte par
PAubier ou par la partie du bois la plus
voisine de l'écorce , il dit même qu'il s'est
assuré de cette observation par plusieurs
expériences qu'il passe sous silence.
La suite dans un autre Mercure.
l'Enigme et les Logogryphes du premier
Volume de Décembre, doivent s'expliquer
par le Tems , Crainte , Murmure
Lapin, dans lequel on trouve, Pain , Pin ,
La , Lin , Nil, Lia, et Gloire. On trouve
dans celui- ci , Loire , Orge , Eloi , Lire ,
Ogre, Loir, Gril, Loi , Roi , Ire , Oie , Or
On a dû expliquer les mots de l'Enigme
et des Logogryphes du deuxième Volu
me
JANVIER. 1734. 107
me du mois de Décembre , par la Bougie,
Vertu , Abeille . On trouve dans ce dernier
Bal , Ail , Lia , Lie , Bail , Elie ,
Bile , Abel , Albi ,
22222
ENIGM E.
N'Avez -vous jamais vû deux petites Armées ,
Qui l'une contre l'autre avec ordre animées
Se livrent de rudes combats
Rien n'y manque pour battre ou pour se bien
défendre.
Cavaliers , Généraux , Mousquetaires , Soldats
Enfin , ce qui va vous surprendre ,
La Reine suit son Roy ; sans craindre le danger,
Elle court à grands pas sur le Prince Etranger ;
Tous jusqu'aux Piétons, signalent leur courage;
Bientôt maint et maint personnage
Se livre à l'ennemi pour deffendre son Roy.
Tout se trouble , la Reine tombe
Le Roy fuit , mais envain , sous les coups il suc
combe ;;
Adieu , Lecteur , devinez- moi.
•
A. Th. . . J. J. J. J.
Fij LO108
MERCURE DE FRANCE
***************
LOGOGRYPHE
C Ing Lettres composent mon nomi
D'usage par toute la terre
J'attache , je retiens , je serre
Et fais souffrir quelquefois un Larron,
Ce n'est pas tout , prenez ma tête
Lecteur , sans être homme ni bête
Dans les vastes réduits d'un Bois ,
Je fais entendre une terrible voix ;
›
Otez mon coeur , pour sauver l'innocence,
Des Filets que lui tend , l'injuste violence
Dans un infolio , je renferme les loix ,
A ThJJ
AUTRE.
Six Lettres font mon nom , devinez , je vou pric ,
A ma couleur , en quel canton ,
Je nais , et d'où je suis sortie ,
Pour paroître en bonne maison ,
Combinez -moi de toute sorte ,
Par haut , ou par bas , il n'importe ,
Voici ce que je fournirai.
D'abord je vous rappellerai ,
JANVIER. 1734 109
Un Prince fameux dans l'Histoire ,
Qui de plus d'un François a fait l'heur et l
gloire ,
Et battu dans divers combats ,
Sçut conquerir de grands Etats.
Un grand esprit rempli de gloire ,'
L'art d'un mortel , lequel sans boire ;
Traverse un Fleuve sans Batteau ,
Un Métail , sans lequel ni le bon , ni le beau ,
Ne se voit nulle part, pas même chez un Prince?
Un timide animal , lequel en sa Province ,
Engendre un animal guerrier ;
Un grain qui plaît à cette bête ;
Un bruit qui fait mal à la tête
Et tres-capable d'effrayer ,
Soit dans la paix , soit dans la guerre ,
Fâcheux sur Mer , plus que sur terre ;
Le mal d'un Chien , qu'on nomme fou ,
Et qu'on craint plus qu'un Loup garou ;
Le nom d'une Ville d'Affrique :
Morceau d'instrument de Musique ;
Un cours parfait du blond Phoebus ,
Qui courant du Verseau jusques au Capricor
ne ,
Consomme un certain temps , pour atteindre à
la borne
Cherchez , comme on cherche un Rebus.
En moi l'on trouve un mot , en tout Pays conforme
>
Fiij Qui
110 MERCURE DE FRANCE
Qui conclud en latin un argument en forme.
P. M. L. M. D. S. Y.
AUTRE.
A Mon aspect , plus d'un mortel
De ses malheurs croit voir le terme ;
Il rend graces aux Dieux , leur dresse maintAutel
Mon nom est assez court , cependant il renferme
>
Un Mets exquis , un Fleave , un Métal adoré
Et ce qui fait plaisir au Buveur altéré .
NOUVELLES LITTERAIRES
H
DES BEAUX ARTS , &c.
ISTOIRE de l'Empire des Chérifs
en Afrique, sa Description Géogra-..
phique et Historique ; la Relation de la
prise d'Oran , par Philippe V. Roy d'Es
pagne , avec l'abrégé de la Vie de M. de
Sancta Cruz , & c . ornée d'un Plan tresexact
de la Ville d'Oran , et d'une Carte
de l'Empire des Chérifs . Par M. . . chez
Prault , Quai de Gévres , 1733. 2 vol. in
12.
HISTOIRE des Découvertes et Conquêtes
des Portugais dans le nouveau
mons
JANVIER 1734:
Monde , avec des figures en taille - douces
Par le R. P. Joseph- François l' Affitau , de
la Compagnie de Jesus . A Paris , chez
Saugrain pere, Quay des Augustins , et Jean-
Baptiste Coignard fils , rue S. Jacques , 20
vol. in 4.
HISTOIRE D'OSMAN , premier du nom ,
Empereur des Turcs , et de l'Impératri
ce Aphendina - Astuda. Par Madame de
Games ; chez le même, 2. vol.in 12. 1734.
HISTOIRE D'ESTEVANILLE GONZALES
surnommé le Garçon de bonne humeur,
tirée de l'Espagnol . Par M. le Sage. Chez
le même. 1734. in 12.
LES PETITS SOUPERS DE L'ETE',ou Avantures
Galantes , avec l'origine des Fées.
Par Madame Durand. 1733. chez le mê
me. in 12.
: DE LA CONNOISSANCE et de l'amour de
N. S. Jesus Christ. Par le R. P. J. B. de
Bélingan , de la Compagnie de Jesus . A
Paris , quay des Augustins , chez Roslin
fils. 1734. in 12.
TRAITE' du vrai mérite de l'Homme
considéré dans tous les âges , et dans toutès
les conditions; avec des Principes d'é-
F iiij ca
112 MERCURE DE FRANCE
ducation , propres à former les jeunes gens
à la vertu. Chez Saugrain , au Palais.
1734. in 12.
RE'FLEXIONS instructives et morales
sur l'Apocalypse. Par M.l'Abbé Genreau,
Curé de N. D. de Dijon . A Paris , ruë
S. Severin , chez d'Houri. in 12. de 636
pages.
PENSE'ES MORALES ET CHRE'TIENNES
sur le Texte de la Genéze , dédiées à M.
le Duc d'Orleans . Par M.l'Abbé le Mere.
A Rouen , chez Charles Frrrand , ruë et
vis- à- vis S.Lo. 1733. 2 vol.in 12. de plus
de 1000 pages.
ESSAY sur les erreurs populaires . Sulte
de l'Extrait de ce Livre , imprimé
dans le Mercure de Novembre.
Au Chapitre 8 , du 3 ° Livre , l'Auteur
refute la Fable qu'on débite par rapport
au Loup , comme il a fait celle du Basilic
: Si le Loup , dit - on , apperçoit un
homme avant qu'il en soit apperçu , incontinent
cet homme devient enroué ou
perd la voix ; d'où est venu le Proverbe,
Lupus in fabula. Cette opinion est née
de l'étonnement et du silence que cause
d'ordinaire aux Voyageurs la vûë inopinée
JANVIER : 1734." 113
née des Loups ; non qu'il sorte de ces
animaux avec une vapeur nuisible , comme
on le suppose ; mais c'est qu'alors on
est saisi de frayeur; et que la frayeur produit
ordinairement le silence.
Chapitre 16. C'est encore une tradition
fort ancienne , que la Vipere dans
l'accouplement , coupe , avec ses dents.
la tête du mâle , et que les Petits , à leur
tour , pour le vanger , déchirent le sein
de leur mere , et se font ainsi passage
avec leurs dents...... Et quoique cette
Tradition fut établie chez les Grecs , les
Latins ont voulu la fortifier , en donnant
à cet animal le nom de Vipere. Quasi vi
pariat. Et ce texte des Livres Saints : O
générations de Viperes , a trouvé des Interpretes
favorables à cette même tradition.
Cependant malgré ces autoritez ,
ces narrations , ces conjectures , nous pou
vons affirmer après un examen sérieux
que cela n'est conforme ni à la vérité , ni
à la raison .
Il n'y a peut- être point d'animal dont
on ait débité tant de Fables , que de la:
Vipere comme on l'a déja remarqué, et
ainsi que François Rédi l'a fait voir dans
ses Observations. Ce Sçavant Naturaliste
a prouvé par le raisonnement et par
l'expérience que la Vipere ne contient
F v au114
MERCURE DE FRANCE
aucune humeur pernicieuse ou mortelle;
que l'un et l'autre sexe n'ont que deux
dents canines ; que ces dents sont creuses
, que leur morsure n'empoisonne
point , et qu'elle ne fait autre chose
qu'une playe par où le venin peut s'insinuer
, et que ce poison n'est mortel
qu'autant qu'il entre dans quelque vaisseau
sanguin. Il prouve encore que la
Vipere ne contient d'autre poison que
cette liqueur presqu'insipide , qui ressemble
à de l'huile d'amandes , et qui s'arrête
dans ces especes de guaines , dont
ses dents sont couvertes ; que cette li
queur ne sort pas de la vésicule du fiel
mais qu'elle se produit plus vrai- sembla
blement dans la téte où les conduits sa
livaires ont leur origine.
Dans le chap. 25. du même liv. 3. du
choix des Viandes , & c. l'Auteur dit qu'il
paroît qu'Aristote et Albert , recommandoient
la chair des jeunes Faucons. Galien
, dit il , qui vante celle des Renards.
en Automne, quand ils mangent des Raisins,
condanne les Cailles et met les Öyes
au même rang que les Autruches ; cependant
aujourd'hui on sert des Cailles
sur les meilleurs Tables.
Ce n'est que dans les plus grandes extrémitez
que l'on mange aujourd'hui
des
JANVIER . 1734. IIS
-
des Chiens. Cependant Galien nous apprend
que plusieurs Nations s'en nourrissoient
; et Hippocrate en fait autant
de cas que des Öyseaux ; il en ordonne
même la chair comme un reméde excellent
contre les maladies de Ratte , et
pour faire concevoir les femmes. Du tems
de Pline et de Galien , continue l'Auteur,
on condamnoit l'usage de la chair de
Cheval, et l'on croyoit que le sarg de cet
animal étoit très nuisible , au lieu
qu'aujourd'hui c'est la nourriture des
Tartares, et que ces Peuples en boivent le
sang. On pourroit se persuader que c'est
une fantaisie des Peuples Septentrionaux ,
si Hérodote ne nous apprenoit que
Perses en servoient dans leurs Festins , et
qu'aux jours de leur naissance , ils apprê
toient des Chevaux , des Chameaux et des
Anes tous entiers ; blâmant en cela les
Grecs , qui , selon eux , n'en chargeoient
point assez leurs Tables.
les.
Il n'y a presque rien dont les hommes
en general ne se nourrissent. Ce qui est
inconnu dans une Région , est d'usage
dans une autre , et l'on prouveroit sang
peine , que des Peuples entiers mangent
des Tygres , des Elephans , des Rats , des
Chauves - Souris , & c. Lérins et d'autres.
assurent qu'il y a des Amériquains qui
F vj
man
116 MERCURE DE FRANCE
mangent de tout , sans excepter les Cra
paux et les Serpens. Il y a même des Nations,
qui au mépris de toutes les Loix ,
ont mangé et mangent encore de la chair
humaine .
Les anciens étoient dans une grande ,
superstition au sujet de l'éternûment.On
lit icy , aù ch.9. du 4 liv. qu'ils croyoient
qu'il annonçoit quelque chose de sinistre;
et cela paroît bien par ce trait de
l'Athénien,qui , parce qu'un des Bateliers
avoit éternué , voulut abandonner sonentreprise
; et par le témoignage de S. Augustin
, qui dit que les anciens se remettoient
au lit quand il leur arrivoit d'é
ternuer en se chaussant.
Aristote demande encore pourquoi if
est d'un bon augure d'éternuer depuis
midi jusqu'à minuit , et d'un mauvais
augure d'éternuer depuis minuit jusqu'à
midi.
Eustathe , dans ses Commentaires sur
Homere , a remarqué qu'éternuer à sa
gauche , c'étoit un signe malheureux ; et
qu'éternuer à sa droite , c'étoit un signe
favorable. Aussi Plutarque nous apprend
qu'avant la Bataille contre Xerxes , Thémistocle
sacrifiant sur son Vaisseau
et un des assistans ayant éternué à sa
droite , l'Augure Euphrantides prédig
à
JANVIER 1734 117
`
à l'instant la Victoire des Grecs et la Dé
faite des Perses.
L'usage de saluer quand on éternuë ,
est donc beaucoup plus ancien qu'on ne
le croit ordinairement , et il ne tire point
son origine de quelque maladie particuliere
; mais bien qu'il soit né de l'idée
qu'on s'étoit faite sur cette violente agitation
, qui surprenoit les assistans ; d'autres
ayant remarqué quelques événemens
qui n'y étoient liez que par hazard , on
est enfin parvenu à faire ces formules ,
par lesquelles on souhaitoit que le mal
fut détourné , et que le bien arrivât.
HISTOIRES DES EMPIRES , et des Républiques
, depuis le Déluge jusqu'à
JESUS - CHRIST , où l'on voit dans celle
d'Egypte et d'Asie , la liaison de l'Histoi
re Sainte avec la Prophane , &c. Chez
Simart , Rouan , Bullot et Nully. 1733. 4
vol. in 12.
Le Volume de l'Histoire et des Mémoires de
PAcadémie Royale des Sciences,pour l'année 173r.
in 4. et le Traité Physique et Historique de l'Auvore
Boreale , par M. de Mairan , et une suite des
Mémoires de cette Academie , pour la même année
1731. se débitent à l'Imprimerie Royale .
Les Libraires associez pour l'impression des
Memoires de la même Academie des Sciences
avant
18 MERCURE DE FRANCE
#vant 1699. viennent de proposer une nou
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dans le courant de la présente année 1734. Le
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c. se vend chez Pierre Simon , Imprimeur du
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premiere , de 28 feuilles , contient le Systême du
Bureau Typographique. La seconde , en 15 feüilles
, contient les leçons du nouvel A b , c , la
tin , pour les Maîtres et pour les Enfans . La troisiéme
, en 31 feuilles , contient les 106 leçons.
du nouvel A, b , c ,françois , et du supplément
sur l'Arithmétique , sur le Calendrier et sur l'Ecriture.
Ces trois volumes se vendront ensemble,
comme faisant un seul Ouvrage de Litterature.
On vendra séparément le 4 volume , qui est
zo feuillets , feuilles in 4. contient le Rudiment
pratique de la Langue Latine , pour les Garçons,
et une Introduction à la Langue Françoise , pour
les Filles . On vendra aussi séparément et en pe
tit , pour l'exemplaire de chaque Enfant , le
nouvel A , b , c , Latin , le nouvel A, b , c , François
, et le Rudiment pratique de la Langue La
tine..
On
JANVIER. 1734 119
On vend chez De Saint , Libraire, rue S.Jean
de Beauvais : LES DONS DES ENFANS DE LA
TONE ; la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes.
dédiez au Roy. C'est un Ouvrage qui contient
plus de 4000 Vers , vol . in 8. ( nrichi de Tailles.
douces , dessinées par M. Oudry , er gravées par
le Sr Lebas , avec plusieurs autres gravures de
Musique .
L'Ouvrage est divisé en deux parties , la pre
miere regarde la Musique , et contient deux Poëmes
de 4 Chants chacun. Le premier a pour ti
tre: Apollon ou l'Origine des Spectacles , en Mu
sique ; et le second est une Epître qui parut avec
succès en 1714.contenant aussi 4 chants , revuë,
corrigée et augmentée. Ces deux Poëmes sont
suivis d'une Table Cronologique de tous les .
Opéra qui ont paru en France depuis l'année
1645. jusqu'à present, avec le nom des Auteurs ,
des Paroles et de la Musique..
La seconde Partie de l'Ouvrage est intimulée :
Diane ou les Loix de la Chasse du Cerf; Traduction
tirée d'un Poëme Latin, de Jacques Savary,
imprimé à Caen l'année 1659. accommodé à la
maniere de chasser le Cerf aujourd'hui .
Le Poëme est divisé en 6 chants, et peut contenir
1700 Vers,sans la Préface ; il est suivi d'un Dictionnaire
de tous les termes usitez à la Chasse du
Cerf , tirez de tous les Auteurs qui en ont écrit ,
et de l'usage present.
Pour reünir plus parfaitement les Dons , dés
Enfans de Latone , l'Auteur a jugé à propos d'y
joindre les Paroles d'une nouvelle Chasse du
Cerf , mise en Musique , qu'il compte apparem
ment donner au public, entierement Parodiées , à
ce qu'il dit,sur des Airs choisis des Opéra d'An◄
gleterre , de la composition du Sr Hendel , fameux
120 MERCURE DE FRANCE
meux compositeur , avec des Simphonies étran
geres des meilleurs Auteurs Italiens .
L'Ouvrage enfin est terminé par un Recueil
gravé de toutes les Fanfares connues à la Cour ,
sous différens noms , et composez par M. de
Dampierre , Gentilhomme des plaisirs du Roy ,
imaginés par lui pour servir de signaux à la
Chasse , et faire entendre aux Veneurs la nature
du Cerf que l'on court , ses mouvemens , et toutes
les differentes opérations de la Chasse , avec
tous les tons qu'il y a affectez; ces Fanfares sont
suivies de plusieurs autres nouvelles Fanfares ,
avec les Parodies qui en ont été faites par différentes
personnes; et le tout est réuni sous le titre
commun des Dons des Enfans de Latone.
Nous rendrons compte au public du détail de
chacun de ces Poëmes , dont la lecture fait un
extréme plaisir .
LIVRES NOUVEAUX qui se trouvent
à Paris chez André Cailleau , Libraire,
Quay des Augustins , au coin de la rue
Gist- le- Coeur, à S. André.
Histoire du Peuple de Dieu depuis son orí
gine jusqu'à la Naissance du Messie & c . Nouvelle
Edition , revûë , corrigée et augmentée de
l'Histoire de Job , avec des Cartes , Vignettes ,
Tables Geographiques , et des Matieres. Par le
R. P. Berruyer D. L. C. de Jesus. 8. Vol. 4.
grand et petit papier. On donnera le huitiéme
Volume des augmentations pour ceux qui ont
la premiere Edition , in 4. grand et petit papier.
La même Histoire in 12, et en dix Volumes,
est sous la presse.
Histoire naturelle de Pnivers , dans laquelle
en rapporte des raisons Physiques sur les effets
ks
JANVIER. 1734. 227
les plus curieux et les plus extraordinaires de la
nature,par M. Colonne, Gentilhomme Romain .
2. Vol. 12. avec Figures. On donnera la suite
incessamment.
La Bibliotheque des Philosophes et des Sçavans,
tant Anciens que Modernes , avec les merveilles
de la Nature &c. Par M. Gantier , Architecte et
Ingenieur , in 8. Tome 3. Les deux premiers-
Volumes 8. se trouvent chez le même Libraire.
L'Esprit de l'Eglise dans la Récitation de cette
Partie de l'Office , qu'on appelle Complies , en
forme de Dialogue entre le Maître et le Disciple,
Vol. in 12. Ce Livre sous un titre simple , renferme
les plus beaux traits et les points les plus
essentiels de la Morale Chrétienne , tirez pour la
plupart de l'Ecriture Sainte. Le Disciple est instruit
et édifié par l'éloquence solide de Saing
Chrysostome , par les lumieres profondes de S
Augustin , et par la Dévotion éclairée de S. Bernard
, qu'on a choisis pour les interpretes des
quatre Pseaumes qui composent l'Office de Complies.
Penséss sur divers sujets de Religion et de Morals,
avec un Essai de Sermons par le R. P. Bourda
loue , de L. C. de Jesus, 2 Vol . 8. et 3. Vol. 12.
Le Zodiaque de la vie humaine & c. divisé en
12. Livres , sous les 12. Signes. Traduit du
Poëme Latin de Marcel Palingene, célébre Poëte.
Nouvelle Edit. revûë corrigée et augmentée, avec
des Notes Historiques et Critiques , Politiques
et Morales , par M. de la Moinerie.
Vol. 12. 2 .
Histoire des Rois de Pologne , et du Gouvernement
de ce Royaume , &c. 3. Vol. 8. Amster¬
dam ,
Nouvelles découvertes en Médecine &c. par le
Sr de Marconnay, Docteur en Médecine. 1. Vo-
Jume 12, L'Ar
22 MERCURE DE FRANCE
L'Argenis de Barclay , Traduction nouvelle
par M. l'Abbé Josse , Chanoine de Chartres
3. Vol. 12.
Supplement du Dictionnaire de Bayle 1. Volu
me. fol ,
Il paroît depuis peu un nouveau Calendrier
perpetuel qui ne déplaira peut- être pas aux con
noisseurs, et dont on espere que le Public retirera
des grands avantages , il n'est point d'années
passées ou à venir ,qa'on ne place tout d'un coup
sur ce Calendrier et de la façon la moins composée.
Tout son artifice ne consiste qu'à raporter
les jours et les Fêtes mobiles , aux jours et Fêtes
fixes de l'année , ce qu'on fait en plaçant la Pâque
vis- à- vis le jour du mois qui lui convient
et par cette simple opération on trouve facilement
pour tous les jours , celui du mois , de la
semaine , la Fête du même jour avec les Vigiles ,
les Quatre-Tems, de même que l'beure du lever
et du coucher du Soleil , calculée pour la latitu
de des 43 dégrez 31 minutes .
Ce Calendrier est disposé en rond et composé
de plusieurs circonférences concentriques , done
les extérieures présentent l'année commune ; les
intérieures sont chargées des Lettres Dominicales
, des Epactes , du Nombre d'or , servans
connoître la Pâque pour quelque année que ce
soit avant comme après la réformation.
* Il renferme encore l'Indiction Romaine , et n'a
qu'un pied de hauteur. On le place fort commodément
sur un Bureau , et il ne peut manquer
d'être d'un grand secours, tant dans la Chronologie
que dans les affaires Civiles ; les Gens de
Palais et autres qui seront bien - aises de vérifier
dans certains cas , les titres anciens et les dates
les
JANVIER. 1734 123
les plus reculées , le pourront faire par le secours
de ce Calendrier avec une facilité surprenante.
On a eu soin d'en donner une explication fort
étendue , qui contient la description de toutes
les circonférences qui le composent , avec leur
usage ; et pour une plus grande intelligence on
à raporté plusieurs exemples qui conduiront
comme par la main ceux qui à la premiere lecture
n'entendront point cette explication qui est
jointe au Calendrier même.
On le trouve à Aix , chez Antoine Choquel ,
Libraire, à la place des Precheurs.
Simart , Libraire , donnera dans le mois de
Mars prochain un Recueil des Lettres de Madame
la Marquire de Sevigné , en quatre Volumes in
12. Il y a à la tête un beau Portrait de cette
Illustre Auteur. On n'a rien oublié pour rendre
cette Edition parfaite , soit par rapport aux
Caracteres et au papier , soit par le soin qu'on a
pris de collationner exactement chaque Lettre
sur l'original.
Il a paru au commencement de l'Année deraiere
un nouveau Recueil des Piéces de Poësie et
d'Eloquence , présentées à l'Académie des Jeux
Floraux les Prix des Années 1729. et 1730. pour
imprimé à Toulouze , chez le Camus . On trouve
à la page 231. une Imitation en vers François
de la premiere Elégie des Tristes d'Ovide , commençant
par ce vers : Ouvrage infortuné , fruis
amer de mes larmes , &c . Mais ce qui a surpris le
plus , c'est qu'on lit dans l'Avertissement qui est
au-devant , que M. F.... Conseiller du Roy
Commissaire de la Marine au Département de
Toulon, s'est déclaré l'Auteur de cette Piéce. Il y
>
lic
224 MERCURE DE FRANCE
lieu de croire que cet Article y a été inseré sang
sa participation . Car on sçait que la même imisation
avoit déja paru dès 1727. au Tome III.
Pag. 363. de la continuation des Mémoires de
Littérature , qui s'imprime à Paris chez Simart
laquelle y avoit été donnée sous le nom de M.
Le P. B. L'Auteur de ces Mémoires l'appelle un
des plus grands et des plus sçavans Magistrats du
Royaume; et l'on a appris qu'en effet c'étoit M.
le Président Bouhier qui fut reçu la même année
à l'Académie Françoise. Dans cette nouvelle
Edition il y a quelques changemens , mais de peu
d'importance , qui n'empêchent pas qu'on ne
reconnoisse aisément que c'est la même Piéce
qu'on auroit mieux fait de laisser dans l'état où
l'Auteur l'avoit mise.
Le Pere Regnault J. qui a donné ici une nou
velle Edition de ses Entretiens Physiques , ou de
la Physique nouvelle en Dialogues , réimprimée à
Amsterdam , et traduite en Anglois à Londres ,
va donner l'origine ancienne de la Physique nouvelle.
L'Ouvrage est fait en forme d'entretiens par
Lettres ; et il s'imprime chez Jacques Clousier.
C'est un parallele de l'ancienne Physique et de la
Physique nouvelle , où l'on se propose de montrer
, sur tout , trois choses.
1. Ce que la Physique nouvelle a de la Physique
ancienne.
2. Le dégré de perfection de la Physique nouvelle
sur la Physique ancienne .
3. Comment la Physique est parvenue à ce
dégré de perfection .
Il a paru au commencement de cet année un
Rouvel Ouvrage de M. Claude-Joseph De Ferriere,
Doyca
JANVIER 1734. 125
,
Doyen des Docteurs Régens de la Faculté de
Droits de Paris . Ce Livre à pour titre : Nouvelle
Introduction à la Pratique ou Dictionnaire des
termes de Pratique , de Droit , d'Ordonnances et do
Coutumes , avec les Jurisdictions de France. Il est
en deux Volumes in quarto , et se vend à Paris ;
ehez Michel Brunet , et Claude Prudhomme , en la
grande Salle du Palais . Cet Ouvrage avoit déja
paru sous le titre d'Introduction à la Pratique ,
en deux Volumes in douze. Les réimpressions
qui en ont été faites , dans les tems qu'il n'étoit
qu'un simple projet , font assez connoître de
quelle utilité doit être celui qui paroît aujourd'hui
avec des augmentations si considérables ,
que l'Auteur a crû devoir faire ajouter à son titre
celui de Dictionnaire ; ensorte que c'est plutôt
un nouvel Ouvrage qu'une réimpression de celui
qui avoit paru jusqu'à présent.
On a réimprimé depuis peu à Londres , avec
un Apendix d'Edouard Baynard , Membre du
College des Médecins , l'Histoire des Bains froids.
tant anciens que modernes ; par le Chevalieg
Jean Floyer, 2 Vol . in 8.
Ambroise Haude , Libraire du Roy de Prusse
et de l'Académie des Sciences à Berlin, avertit les
Gens de Lettres qu'il imprime par souscription
un Ouvrage important , qui a pour titre La
Chronologie de l'Histoire Sainte et des Historiens
Profanes , qui la concernent , depuis la sortie d'Eypte
jusqu'à la Captivité de Babylone. Par Alphonse
de Vignoles , 2. Vol. 4. On distribue le
Programme dans plusieurs grandes Villes de
l'Europe, chez les principaux Libraires, et à Paris
chez Briasson , lesquels recevront les Souscrip
cione
126 MERCURE DE FRANCE
tions jusqu'à la fin d'Avril 1734. On promet que
l'Ouvrage sera achevé d'imprimer au commencement
d'Octobre de cette même année 1734. Le
prix pour le papier ordinaire sera de huit florins
de Hollande , et pour le grand papier de
onze florins.
&
Le 31. de Décembre dernier M. Pellegrini .
Peintre Venitien, fut reçu de l'Académie Royale
de Peinture et de Sculpture , sur un Tableau
qu'il lui a envoyé. Le Sujet est allégorique: c'est
la Modestie qui présente l'Ouvrage de ce Peintre
à l'Académie , sous la figure de la Peinture , avee
le Génie de la France qui écrit le jugemeut
qu'elle en fait. M.Pellegrini avoit été agréé dès le
tems qu'il vint à Paris , où il peignit la Galerie de
la Banque.
Le même jour M. Cars de Paris , un de nos
meilleurs Graveurs , Graveur en Taille - douce
ayant presenté les Portraits de Mrs Sebastien
Bourdon Peintre , et Michel Anguier , Sculpteur,
tous deux de l'Académie, qu'il a gravez d'après
Mrs Rigaud et Revel, fut aussi reçu Académicien,
Le 30 Janvier M. Boucher , Peintre , digne
Eleve de M. le Moine , déja connu par quantité
d'Ouvrages qui font honneur à la feinture et à
ses heureux talens , fut reçu à l'Académie d'une
voix unanime sur un Tableau en large , représentant
Renaud et Armide dans les plaisirs , avec
un fond de Paysage , orné d'Architecture , les
figures sont demi nature.
Un autre excellent Sujet fut reçu le même
jour , sur les Portraits en hauteur jusqu'aux genoux
, de Mrs Galoche Peintre , et le Moine pere,
Sculpteur , c'est M. Tocquet qui a de grands talens
pour le Portrait.
JANVIER.
127 1724.
Eleve de feu M. Boul- M. Verdot , Peintre
longne Paîné , étant mort depuis peu Professeur
ałe l'Académie , M. Noël Coypel a été nommé
par l'Academie pour remplir cette place , er
M. du Mont le Romain , a été nommé Adjoin
Professeur .
La perte que cette Académie à faite depuis
peu de M. de Boullongne son Directeur , et premier
Peintre du Roy , n'a apporté aucun changement
; il n'a pas plû à S. M. de nommer de
Premier Peintre , et l'Académie n'a point éû dẹ
Directeur. Sur l'avis de M. Rigault , un des plus
dignes de remplir cette place , l'Académie a délibéré
que les quatre Recteurs feroient chacun
pendant trois mois les fonctions de Directeur.
Ce que cette Illustre Académie vient de faire
et qui a encore été generalement approuvé , c'est
l'Election d'Academicien Honoraire et Amateur,
de M. de Boullogne , Conseiller au Parlement
de Metz , Premier Commis des Finances , et fils
de feu M. de Boullongne , Premier Peintre du
Roy , dont nous avons parlé dans le premier
Volume du Mercure de Décembre dernier
page 2663.
•
JETTONS FRAPPEZ pour
le premier jour de Janvier 1734. avec
Explication des Types , &c.
I. TRESOR ROY AL.
Jason , tenant la Toison d'or . Legende : Ne
desunt nec Amer.
*11.
#18 MERCURE DE FRANCE
II. PARTIES CASUELLES .
Un Cocq qui chante et bat des aîles à l'aspecs
de l'Etoile du matin. Legende : Sopitos suscitat.
II . CHAMBRE AUX DENIERS.
La Déesse de la Terre. Légende : Sua dona
rependit.
IV. ORDINAIRE DES GUERRES.
Des Aigles qui s'élevent vers le Soleil. Légen
de: Animis et viribus aquis.
V. EXTRAORDINAIRE DES GUERRES.
Des Foudres en l'air. Légende , Jussa volant,
V I. BATIMENS DU ROY.
Pallas debout tenant d'une main un Javelot, et
de l'autre une Equierre. Legende : Ad utrumqua
parata.
VII. ARTILLERIE .
Une Pallas , la main appuyée sur un Bouclier ,
dans un Parc d'Artilleric. Légende : Si vis pacem,
para bellum.
VIII. MARINE.
Des Oyseaux de Proye , revenant du Nord an
Midy. Légende : Non terruit Auster euntes.
IX.
GALERES,
Des Tritons qui embouchent la Trompette .
comme pour sortir du Port . Légende : Non jan
Littora tardant.
X. MAISON DE LA REINE.
Un Oranger chargé de fleurs et de fruits . Lo
gende : Non sterilis commendat honos.
LET
JETTONS DE 1 LANNEE 1734
11
SUSCITAT
REX
PES
DE
TRES OR ROYAL
1734 .
CHRIS
S UNT
NEC
AMOR
SUA
DON
III
REPENDIE
PARTIES CASUELLIS
IV
1734 .
ARIBUS
ANIMIS
QUIS
VII
PA
ORDINAIRE
DIS GUERRES
1734
CEN
PARA
STA15
αν
BELLUN
ARTILLERIE
VIII
I 734 .
TERRUTT
AUS
NON
MQUE VI
CHAMBRE
AUX DENIEKS
1734
JUSSA
OLANT
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
1734 .
PARATA
BATIMENS DUROY
1734.
ON
JAM
TER
EUNTE
MARINE
173 4.
LITTORA
TARDANT
GALERES
1734.
IX
ERILIS
ET NAVKEVINA
COMNENDA
MAT SON DE
LA REINI
1734
CONOR
JANVIER 1734. 129
LETTRE écrite de Bonaventure, Ile de
Amerique à sept lienes au Sud de l'Embouchure
du Fleuve de S. Laurens , le
25. Fuillet 1733 sur une Eclipse.
E Mardi 26. de May , sur les 7. heures du
Lmatin, leSoleil se fit voir de couleur de feu ,
et couvert de petites taches et barres ; le temps
s'obscurcit peu à peu , je crus que c'étoit l'effer
de quelque brouillard à venir , ce qui ne manqua
pas d'arriver , mais qui ne dura pas long- temps ,
car à dix heures on voyoit des Etoiles , et il
faisoit si nuit que nous ne nous reconnoissions
pas sur le Gaillard .
J'étois alors à 3. lieues dans le Sud d'ici , je
demeurai bien surpris , parce que la Lune étoit
sous notre horison.
Vers les onze heures le jour recommença , et
je croyois le tout passé ; il faisoit beau jour à
midi , quand je fus derechef étonné de voir la
nuit revenir aussi obscure qu'auparavant ; cela
me fit prendre le parti de faire route pour la
Baye de Penouille , à 6. lieues au Nord de Bo-
Maventure.
Cependant sur les deux à trois heures , le temps
commença à s'éclaircir , et à sept heures , étant à
l'ouvert de la Baye , je vis le Soleil . Je fis apporter
un miroir où j'apperçûs cet Astre et deux
petits Globes à ses côtez ; et sans miroir je vis un
troisiéme Globe qui n'étoit pas fort lumineux ,
environ de la grandeur du Soleil , et qui sembloit
s'y joindre droit au - dessus ; mais nous ne pûmes
pas voir long- temps ce Parelie , parce que
nuages en empêcherent , et que le Soleil se couchoir.
les
G Je
130
MERCURE DE FRANCE
au
Je laisse aux Astronomes à deviner la cause de
cette sorte d'Eclipse surprenante qui a duré
moins dix heures , pendant trois desquelles
nous fumes obligez d'avoir de la chandelle
allumée dans l'Habitacle * Je crois que
cette Eclipse est causée par quelque corps inconnu
jusqu'à présent,
PRIX proposé par l'Académie de
Chirurgie pour l'année 1734.
L
'Académie de Chirurgie , établie à Paris sous
la protection du Roy , desirant contribuer
au progrès de cet Art et à l'utilité publique, proprose
pour le Prix de l'année 1734. le sujet
suivant.
Déterminer dans chaque genre de maladies Chirurgicales
, les cas dans lesquels il convient de panser
fréquemment , et ceux dans lesquels il convient
de panser rarement.
On demande à ceux qui travailleront pour le
Prix , des raisonnemens fondez sur la pratique ;
on les prie d'écrire en François ou en Latin ,
autant qu'il se pourra , et d'avoir attention que
leurs écrits soient fort lisibles.
Ils mettront à leur Memoire une marque distinctive
, comme Sentence , Devise , Paraphe ou
Signature ; et cette marque sera couverte d'un
papier blanc collé ou cacheté , qui ne sera levé
qu'en cas que la Piece ait remporté le Prix .
Ils adresseront leurs Ouvrages francs de port
à M. Morand , Secretaire de l'Académie de
Chirurgie à Paris , où on les lui fera remettre
entre les mains .
* Lieu où sont les Boussoles.
Les
JANVIER. 1734. 231
Les Chiurgiens de tous pays seront admis à
concourir le Prix ; on n'en excepte que les
Membres de l'Académie .
pour
Le Prix est une Médaille d'or de la valeur de
deux cens livres, qui sera donnée à celui qui , au
jugement de l'Académie , aura fait le meilleur
Memoire sur le sujet proposé.
La Médaille sera délivrée à l'Auteur même qui
se fera connoître , ou au Porteur d'une Procuration
de sa part ; l'un ou l'autre réprésenteront
la marque distinctive , avec une copie nette du
Memoire.
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au dernier
jour de l'année 1734. inclusivement .
L'Académie , à son Assemblée publique de
1735. qui se tiendra le Mardi d'après la Trinité,
proclamera la Piece qui aura remporté le Prix.
REPONSE à M. le Gendre de Saint
Aubin , par l'Auteur du Problême proposé
aux Métaphysiciens Géometres.
Mqu'indirectement en attaquant M. de Fonvous
n'attaquez mon Problême
tenelle , M. Wallis , le P. Castel , tous les Géométres
, et toute la Géométrie , principalement
la moderne , et que vous dites même en propres
termes que cette Géometrie n'est pas plus solide
que le Problême en question , je crois que sans
perdre le temps en longues discussions , il me
convient , après vous avoir remercié de l'honneur
que vous faites à ce Problême , de prendre
acte de sa solidité constatée par un Adversaire
de votre réputation et de votre mérite . Je suis
avec respect , & c.
Cij I
•
132 MERCURE DE FRANCE
LETTRE de Clermont en Auvergne
sur le Systême du Bureau Typographique.
'Ay vá , Monsieur , avec plaisir par les derniers
Mercures, que l'Auteur de Bureau Typographique
n'étoit pas encore mort , puisqu'on
lui faisoit des objections contre cette nouvelle
invention ; et comme vous avez bien voulu les
faire paroître , souffrez aussi , Monsieur , que
j'expose en peu de mots les refléxions que j'ai
faites sur le même sujet .
Il m'a paru par tout ce que j'ai vû et entendu
de cette nouvelle façon d'instruire la premiere
enfance , que le but essentiel de l'Auteur étoit
de rendre sensible et de mettre à la portée des
enfans de deux à trois ans les premiers exercices
de la Litterature ; et même , comme il le dit en
quelque endroit , les premiers elémens des Arts
et des Sciences ; en un mot , de faire ensorte
qu'un enfant prêt de lui-même un certain goût
pour les Livres , et qu'il sçût presque à six et à
sept ans ce qu'il ne peut sçavoir d'ordinaire qu'à
neuf et dix ans.
Je ne m'amuserai point à disputer à l'Auteur
la possibilité du fait ; je ne trouve point cela impossible
dans son Sistême , d'autant plus que j'ai
vû quelques experiences qui lui sont très -favorables
, mais voici ma difficulté. A quoi bon
commencer de bonne heure l'institution des enfans
? A quoi bon tant de sollicitudes et de peines
pour les endoctriner presque en naissant , si
toute leur éducation se réduit ensuite à faire le
cours ordinaire des Classes et à sçavoir un peu
'e Latin ? Est-il nécessaire pour en venir là de
te tant de préparatifs et de dépenses ? Non , sans
douJANVIER.
1734. 133
doute,et peut-être que l'Auteur lui-même ne voudroit
pas contester cette verité. J'avoue que si l'on
faisoit entrer dans le cours des éducations publiques
des notions exactes et détaillées des Arts ou
des Sciences utiles et -pratiquées , on ne pourroit
commencer trop tôt , ni trop faciliter les premiers
élemens de la Litterature et de toutes les
Sciences ; mais puisque l'on ne vise proprement
qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le reste
dans les meilleurs Colleges , il me paroît qu'il
est inutile de s'empresser si fort pour aboutir
à la simple connoissance d'une Langue morte ;
les enfans y sont bien venus jusqu'ici et ils y
viendront toujours d'une maniere ou d'autre
sans tant d'exercices prématurez et sans tout
l'attirail du Bureau Typographique. Mon raisonnement
semble être appuié par la pratique même
des Princes et des grands Seigneurs , qui ne donnent
ordinairement des Précepteurs à leurs enfans
qu'à sept ans , et qui se contentent de leur
faire un peu apprendre à lire tant qu'ils sont entre
les mains des femmes.
Quoiqu'il en soit voilà ce que j'avois à représenter
touchant la nouvelle maniere d'instruire
les enfans , maniere que je ne trouve pas mauvaise
en elle- même , mais qui paroit inutile dans
le Sistême vulgaire. Je suis , Monsieur , &c.
REPONSE à la Lettre de Clermont
en Auvergne , sur le Systême du Burens
Typographique.
Q
Uand il seroit vrai , M. que l'éducation
des Enfans se réduiroit à faire le cours ordinaire
des Classes et à sçavoir un peu le Latin
et de Grec , il ne s'ensuivroit pas qu'il fût inutile
G iij
de
134 MERCURE DE FRANCE
commencer de bonne heure l'institution de la
premiere enfance . Je vous prie de lire dans le
premier volume de la Bibliotheque des Enfans ,
Particle premier et l'article second ; qui traitent
cette question . Les préparatifs et les dépenses
que l'on fait de bons Sujets aux Régens des basses
Classes , influent , n'en doutez pas , dans les
plus hautes , dans tous les exercices et dans toute
la vie . Ne contez - vous pour rien , M. de pouvoir
briller parmi ses Camarades , de pouvoir
remporter les premiers Prix , d'obtenir les premieres
places , et d'avoir ensuite du goût pour
tout ce que l'on fait ? Or un enfant qui aura
appris de bonne heure les élemens des Lettres par
le Systême du Bureau Typographique , cet enfant
sera plutôt en état d'acquerir ce goût , il sera
moins exposé à l'ennui et au dégoût de la plupart
des autres Ecoliers enseignez d'abord par la
Méthode ordinaire , cet enfant instruit de bonne
heure et jeune , sera en état , si les parens les
souhaitent , de doubler quelques Classes pour se
rendre encore plus fort dans tous ses exercices.
On pourra pour lors s'appliquer à bien d'autres
choses qu'à son Latin , et il n'y a point de parens
qui n'en soient bien aises.
Un Ecolier fort et diligent , trouve dans les
basses Classes le temps d'apprendre à écrire et
P'Arithmetique ; dans d'autres Classes le Dessein
le Blason et la Géographie viennent à propos
pour perfectionner l'étude de l'Histoire et de la
Chronologie , qu'on fera dans toutes les Classes ;
les Méchaniques et la Physique experimentale ,
pourront instruire et amuser les enfans, il ne s'agit
que de choisir à propos le temps et les matieres.
Dans le cours de Philosophie le moral conduic
au Droit des Gens et au Droit Public ; l'on trou-
C
20
V
E
ye
JANVIER.
135
1734.
Semaine
ve sur ces matieres et sur les interêts des Princes, >
des Textes Latins et François , propres à occuper,
à instruire et à former un jeune homme pendant
dix ans de College . Vous verrez , M. dans
le premier volume , article XIV . pag. 119.
qu'une Gazette de France , préparée par
est le meilleur Texte François que l'on puisse
donner à un jeune Seigneur. Ce Texte vivant est
le plus instructif , le plus varié et le plus agrable
que l'on puisse trouver pour la réunion et la
complication des idées philosophiques . On passe
peu à peu à la Gazette d'Hollande , au Mercure
Historique , au Mercure de France , au Journal de
Verdun , au Journal des Sçavans , et à tous les
Ouvrages périodiques , que l'on apprendra à par
courir chaque mois , afin que le jeune homme, se
fortifiant peu à peu sur cet exercice , se mette on
état d'en tirer avantage pour toute sa vie . Il est
vrai que puur lors en élevant les enfans on leur
donneroit les premieres notions des Arts et des
Sciences et vous convenez , M. en ce cas là de
toute la bonté du Systême Typographique. Vous
pourrez voir plus au long dans l'article XI. du
premier vol . p . 91. le détail des avantages du
Systême Typographique , vous y trouverez N°.
38. que l'enfant du Bureau Typographique est
mis en état d'aller plutôt et plus sçavant au College
, et parconsequent d'entrer plutôt à l'Académie
pour y faire tous ses exercices ; avantage
considerable pour la jeunesse destinée et appellée
au noble et glorieux métier des Armes. Ce seul
motifpourra déterminer les gens de guerre en fa
veur du nouveau Systême. J'ajoûterai que si les
Ecoles , comme vous le dites , ne visent proprement
.qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le
reste dans les meilleurs Colleges , on ne doit pas
G iiij être
136 MERCURE DE FRANCE
être surpris de trouver si peu de science et de sçavoir
dans le grand nombre des Etudians , mais à
qui en est la faute ? N'est - ce pas le préjugé de la
Méthode vulgaire qui cause ce malheur ? Il seroit
donc mieux de faire étudier un peu plus les,
choses en faisant étudier les mois , et nous sommes
encore d'accord là - dessus .
A l'égard des Princes et des grands Seigneurs ,
on peut dire qu'ils sentent aujourd'hui plus que
jamais , l'importance de la premieré éducation .
L'esprit méthodique et philosophique a ses Partisans
à la Cour et à la Ville , l'on n'attend plus
l'âge de sept ans pour apprendre aux jeunes Princes
les premiers élemens des Lettres et de l'Histoire
. Il reste au surplus une question importante
à examiner , sçavoir si le choix d'un Précep
teur pour la premiere enfance jusqu'à l'âge de
à 14. 15. ans, est de plus grande importance que
le choix d'un Gouverneur pour unjeune homme
de Is. à 20. ans ; je vous prie d'agréer que ce
soit pour une autre fois, et de me croire avec, & c.
Suites
M. de B✶✶ vient de donner un premier Livre
de Pieces la Viole , contenant pour quatre
avec la Basse chifrée en partition . L'Epitre Dédicatoire
fait connoître qu'il a eu pour Maître
M.de Caix d'Hervelois , celebre aujourd'hui,tant
pour la composition , que pour l'execution. Ce
Livre qui est en grand papier , pour éviter l'interruption
des Pieces , se vend à Paris , chez la
veuve Boivin , r■ ë S. Honoré , et le Clerc , ruë
du koule .
On apprend de Vienne en Autriche , que la
nuit du 6. au 7. Janvier , il s'éleva un vent trèsviolent
, qui a causé beaucoup de dommages ;
plusieurs
JANVIER. 1734 .. 137
plusieurs maisons ont été renversées dans la
campagne , et quelques personnes ont été écra
sées par leur chute. On a senti la même nuit
une secousse de tremblement de terre à Gumpol
dokirchen et dans les environs.
On mande de Lisbonne , que l'Académic Royale,
de l'Histoire , y tint le 19. Decembre la derniere
Assemblée publique de 1733. qui est la treiziéme
depuis son établissement , et le Roy y assista
aussi- bien que le Prince du Brésil . Le Pere Don
Manuel Gaëtan de Souza , Directeur , prononça ,
un Discours fort éloquent , après lequel on proceda
à l'Election des Officiers de cette Compa-,,
gnie. On continua dans l'Employ de Directeur le
même Pere Don Manuel Gaëtan , et les Marquis
de Valenca et d'Allegrette , le Comte d'Ericeira,
et le Comte d'Assumar , furent élus Censeurs.
Le Roy , accompagné des Académiciens , se
rendit ensuite dans la Chapelle de l'Académic ;
après la Messe qui fut celebrée par D. Nuno de
Silva Telles , Conseiller au Conseil General du
S. Office , et un Panegirique de la sainte Vierge ,
que prononça lePere Don Manuel de Rocha General
de la Congrégation des Benedictins , établie
en Portugal ; D. François de Tlles da Silva ,
Secretaire de l'Académie , lût la formule du Serment
par lequel cette Compagnie s'engage à reconnoître
et à soutenir le Mistere de la Conc ption
immaculée , et que S. M. prêta à genoux ,
ainsi que tous les Académiciens.
Le sieur Briart , demeurant Cour Abbatiale de
S. Germain des Prez , ruë Cardinale , vis - à- vis
le Baillage à Paris , fait depuis peu une Essence
d'Ogni Fieri , ou de tontes Fleurs , d'une odeur
V agréables
T
128 MERCURE DE FRANCE.
agréable ; on en met quelques goutes dans l'eau
dont on se lave après avoir été rasé , elle
blanchit l'eau . Les Dames s'en servent pour se
décrasser , elle rend la peau douce et unie , et ne
nuit point au teint , elle se conserve long-temps.
Les plus petites bouteilles sont d'environ cinq
onces , on la vend 15. sols l'once .
Il continue à faire la veritable Essence de Savon
dont à la Bergamotte , et autres odeurs douces ,
on se sert pour la barbe , au heu de Savonnette; les
Dames s'en servent aussi pour se laver le visage
et les mains . Il en a de deux prix , à s . et à 8 .
sols l'once. Il avertit que ses Bouteilles on toujours
été cachetées , et qu'autour du cachet on y
lit son nom et sa demeure , dans le milieu il y a
une Bouteille avec le nom de la Liqueur.
Il fait aussi de bons Cuirs à repasser les Ra-'
soirs , avec lesquels il ne faut point de Pierre à
égniser. Il les vend depuis 40. sols jusqu'à . liyres
; il donne la maniere de s'en servir.
Qu
DUO.
おおぬるぬ
U'une même ardeur nous enflamme,
Qu'elle fasse notre bonheur !
ruisse le tendre Amour qui regne dans mon ame,
Regner toujours dans votre coeur.
SPEC
"}
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
YORK
LIC LIBRARY
ABTOR, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
JANVIER. 1734. 139
のののお
SPECTACLE S.
L
›
>
E 14 de ce mois les Comédiens
François remirent au Theatre la
Tragédie de Bajazet , dans laquelle la
Dlle Grandval, épouse du Sr Grandval
Comédien du Roy , joia pour la
premiere
fois le rôle d'Atalide et le joua
fort naturellement et avec intelligence .
Elle fut fort applaudie ; ce n'est cependant
que son coup d'essai. Les rôles Comiques
qu'elle a joués depuis, ont encore,
confirmé la bonne opinion qu'on a de ses,
talens , sur tout dans le rôle d'Hortense
dans la petite Comédie du Florentin.
. Le Lundi 18 , on donna sur le Theatre
François la premiere représentation d'Adelaide
Tragédie de M. de Voltaire :
elle fut aussi extraordinairement applaudie
و
que sevérement critiquée par une très
nombreuse assemblée , et peut- être à
l'excès ; car le Public, ne se contient
gueres dans de justes bornes sur les premieres
impressions qu'il reçoit d'un Ouvrage
d'esprit. Celui - ci fut beaucoup
mieux entendu , plus goûté et plus applaudi
à la seconde représentation qu'on
en donna le Mercredy 27. après quelques
Gvj chan
140 MERCURE DE FRANCE
changemens
faits par l'Auteur sur les
observations
du Public. Nous parlerons.
plus au long de cette Tragédie , dont
tous les Personnages
portent des noms
illustres
connus dans l'Histoire de
France .
>
On doit donner sur le même Theatre
au commencement de Février, une petite
Comédie nouvelle en un Acte , en Prose
de M. Fagan , sous le titre de la Grondense.
Le 14. les Comédiens Italiens donnerent
la premiere représentation d'une Comédie
nouvelle en Prose , en trois Actes , ornée
de trois Divertissements de Chant et de
Danses , ayant pour titre , Arlequin
Grand Mogo'. Elle est de la composition
de M. Delisle , Auteur de Timon le Misantrope,
et d'autres Piéces qu'il a données
au Theatre Italien .
Le 5. de ce mois les Comédiens François
représenterent à Versailles la Comédie
du Misantrope et la petite Piéce du
Tuteur. Le Sr Fiet ville joua avec applaudissement
le principal rôle dans la premiere
, et celui de Lucas dans l'autre.
Le 28. Andronic , et l'Impromptu de
Campagne.
Le 30. Janvier les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour la Comédie
JANVIER . 1734. 141
Arlequin Sauvage , et celle d'Arlequin
Poli par l'Amour.
On continue sur le Theatre de l'Opera
les représentations d'Issé , et de Hypolite
et Aricie. On remettra au commencement
du mois prochain, le Ballet des Fêtes Grecques
etRomaines , avec une nouvelleEntrée,
Les paroles sont de M. Fuzelier , et la
Musique de M. de Blamont.
le 9
L'Opera de Fabrice en Italien,a été représenté
depuis peu à Londres , en présence
du Roy , de la Reine et de la Famille
Royale , avec beaucoup de succès.
On a appris de la même Ville que
de ce mois , on représenta en présence
du Roy et de la Reine sur le Theatre de
Lincols Innfiglds , le nouvel Opera
d'Ariadne. C'est le premier qu'on ait representé
sur ce Theâtre.
-
Le 16. on représenta à Londres , sur le
Theatre du Marché au Foin l'Opera
d'Arbaces. Et le même jour on joüa sur
le Theatre de Lincolns Innfields , celui
d'Ariadne.
On représenta le même jour pour l'ouverturedu
Carnaval à Rome , on donna sur le Theatre
de Florence , la premiere représentation d'une
Piéce intitulée Neron , ou le Mariage par interests:
42 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT de l'Impromptu de Campagne,
ou l'Amant déguisé . Petite Comédie
nouvelle de M. Poisson l'aîné.
Loh
A Scene de cette Piece est dans le
Château d'un Comte ; Lucas , Jardinier
de cette Terre , et Lisette , Suivante
d'Isabelle , fille unique du Seigneur , ouvrent
la Scene ; Lisette veut sçavoir de
lui , s'il n'a point découvert quel peut
être un jeune Cavalier , qu'on a vû roder
autour du Château ; Lucas lui apprend
que le Valet de ce Cavalier lui a paru
apartenir à bonMaître , parce qu'il l'a bien
fait boire sans exiger de retour. Lisette
l'a traité d'animal. Ils se retirent tous
deux , parce qu'ils entendent du bruit.
Eraste qui est le Cavalier , dont le Jardinier
vient de parler à Lisette , et Frontin
, son valet , commencent la seconde
Scene ; c'est par leur entretien qu'on apprend
qu'Eraste est un fils de famille, lequel
n'ayant pas voulu consentir à un
mariage que son pere avoit conclu sans
lui , s'est enfui de la maison paternelle ,
après avoir volé trois cent Louis à ce même
Pere , qui vouloit l'engager dans le
mariage. Son valet lui fait entendre sagement
qu'avant que ses finances fussent
tout- à - fait épuisées , il feroit bien de retour
JANVIER. 1734. 143
tourner à Paris , où son pere voudroit
bien encore le recevoir , malgré le vol
qu'il lui fit en partant. Eraste rejette ce
conseil, et lui dit qu'il est trop amoureux
d'une aimable personne qu'il croit habiter
ce Château ; il lui demande s'il n'a
point appris du Jardinier de ce Château
quel en est le Maître ; Frontin lui répond
que c'est un Comte d'une humeur assez
particuliere, qui passe sa vie avec sa femme
et sa fille , à faire des Concerts et à
jouer des Comédies ; Eraste est charmé
de ce que son valet lui apprend et se flate
de s'introduire dans ce Château , sous
le nom de Comédien de Campagne ;
Frontin ne se prête pas d'abord à un
stratagéme ? qui lui paroît un peu dangereux;
mais il consent enfin à jouer à son
tour lé Rôle de Comédien ; il ne laisse
pas de faire entendre à son Maître , qu'il
ne convient pas trop à un homme de condition
comme lui , de jouer la Comédie;
ce qui donne lieu à l'Auteur qui l'a joüée
autrefois, de faire l'apologie de cette profession
par ccs Vers :
La Comédie est belle ,
Et je ne trouve rien de condamnable en elle ;.
Elle est du ridicule , un si parfait miroir ,
Qu'on peut devenir sage , à force de s'y voir ;
Elle
144 MERCURE DE FRANCE
Elle forme les moeurs et donne à la jeunesse ,
L'ornement de l'esprit , le goût , la politesse ;
Tel même qui la fait avec habileté ,
Peut , quoiqu'on puisse dire , en tirer vanité ;
La Comédie enfin , par d'heureux artifices ,
Fait aimer les vertus , et détester les vices ,
Dans les ames excite un noble sentiment ,
Corrige les défauts , instruit en amusant ,
En morale agréable , en mille endroits abonde ;
Et pour dire le vrai , c'est l'éxile du monde.
Ils se retirent tous deux pour aller concerter
une Scene, dont ils veulent regaler
à leur tour le Comte.
Isabelle er Lisette font une Scene qui a
paru tres- fine ; la Suivante se doute que
sa Maîtresse ne hait pas le Cavalier qu'on
a vû roder autour du Château , elle sonde
Isabelle ; mais voyant qu'elle dissimu
le , elle prend le parti de feindre à son
tour , et c'est en blâmant le Cavalier en
faveur duquel il la croit secretement prévenue
; cette maniere d'arracher un secret
n'est pas nouvelle au Théatre ; mais
le tour que l'Auteur a mis dans sa Scène
ne laisse pas d'avoir quelque chose de
neuf, sur tout dans les Vers par où elle
fini. Les voici ;
LiJANVIER.
1734- 145
Lisette.
Mais il a l'air commun ; l'air d'un homme ordinaire
.
Isabelle.
Tu t'es trompée , il a l'air tres- noble au contraire.
Lisette.
J'ai cependant bien vâ , sa figure au grand jour ;
A est vouté , je croi ,
Isabelle.
Que dis- tu Fait au tour.
Lisette.
Fort- bien , je ne suis pas contre lui prévenuë ,
Mais je le vis sur vous , tenir long- tems la vue ;
Ses yeux ne disent rien du tout.
Isabelle,
·
Ah ! quelle erreur !
Il les a vifs , perçans , ils vont jusques au coeur.
Lisette.
Ah ! vous l'avoüez donc , &c.
Lisette ayant tiré le secret d'Isabelle ,
l'afflige en lui apprenant qu'elle croit
qu'on veut la marier. Elles se retirent
toutes deux à l'approche du Comte et
de la Comtesse. La
146 MERCURE DE FRANCE
La Scene entre ce vieux Seigneur , et sa
femme , n'a n'a pas paru la plus amusante ;
elle est interrompue par l'arrivée d'Isabelle
et de Lisette ; et bien- tôt après par
celle des prétendus Comédiens de Campagne.
La Scene qu'ils jouent devant le
Comte et toute sa fimille , convient à la
situation présente de nos Amants ; la Pićce
est intitulée : l'Amant déguisé.
r
Le Comte est tres satisfait de cette
Scene , et prie Eraste et Frontin de rester
quelques jours dans son Château pour
le divertir.
Eraste qui ne demande pas mieux,trouve
le secret d'avoir un entretien avec Isabelle
; il lui déclare son amour , et cette
déclaration est reçue au gré de ses souhaits
, sur tout lorsqu'il a fait connoître .
à Isabelle qu'il est d'une condition à pouvoir
aspirer à son Hymen ; mais le Jar
dinier vient troubler leur joïe , il leur
apprend qu'il vient d'arriver un M² qui
a parlé de mariage à M. le Comte ; Isabelle
tremble d'être arrachée à sonAmant ;
Eraste la rassures et se jettant à ses pieds ,
il est surpris dans cette situation , par le
Comte qui ne sçait ce que cela veut dire .
Frontin lui fait entendre que c'est une
Scene d'Amphitrion , qu'Erate montre à
Isabelle.
Enfin
JANVIER. 7134 147
Enfin le Monsieur dont le Jardinier a
parlé , vient faire le dénouement ; c'est le
Pere d'Eraste ; le Pere et le Fils sont également
surpris; le Comte ni la Comtesse
n'y comprennent rien ; Frontin dit en
plaisantant ; que c'est une Scene de reconnoissance
entre un Pere et son Fils ; le
Pere fait connoître que c'est une réalité
et consent au mariage d'Eraste et d'Isabelle
, que ces deux vieux amis avoient
résolu depuis long - temps pour se lier
d'un noeud plus fort.
Dans l'article des Spectacles , les Vers
qu'on va lire sur les Dlles d'Angeville et
Gaussin , deux Actrices chéries du Théatre
François , peuvent trouver heureusement
leur place . Ce qui y a donné licu
est une contestation entre Madame ***
et M. de Royaucourt , de Soissons , Auteur
des Vers .
PARALLELE.
LE croiriez- vous ? votre suffrage ,
Charmante Iris , n'entraîne pas le mien ;
Votre choix dédommage bien ,
D'un si foible désavantage ;
Approuvez ina témérité ,
aime mieux , au péril d'une légere offense ,
J'aime
Vous prouver ma sincerité ,
Que
148 MERCURE DE FRANCE
Que vous marquer ma complaisance .
Entre deux illustres vainqueurs ,
Souffrez que d'une main fidelle ,
En Plutarque nouveau je trace un Parallele ,
Et que j'ose peser tous leurs droits sur nos
coeurs.
L'heureux (a) objet de votre complaisance
'Arme un air noble et doux contre notre raison ;
Celle ( b ) pour qui je panche la balance i
A l'oeil mutin , l'air Papillon ,
L'une est belle , l'autre est jolie ;
C'est une Rose épanouïe ,
Comparée avec son bouton;
Celle-ci de Paphos paroît avoir l'Empire ,
L'autre paroît Hébé dans ses riants attraits,
1
Je t'admire , belle Zaïre ,
Folatre amour , que tu me plais !
L'une nous presente les Graces ,
L'autre les Ris et l'enjoument ;
Libérale nature , ainsi tu te surpasses ,
Ou dans un tout parfait , ou dans un rien charmant
>
Aux trésors éclatans que Gossain nous étale ,
Enfin si la raison doit adjuger le prix ,"
Ha ! je ne sçai quoi , belle Iris ,
Parle chez nous pour sa rivale.
( a ) Mlle Gossain.
(b ) Mlle d'Angeville,
NOVJANVIER
. 1734. 149
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE .
Na publié à Dantzik un Mandement du
Roy , adressé aux Palatinats et Territoires
du Royaume , pour les exhorter de ne point assister
aux Diettes convoquées par M. Poninski ,
Instigateur du Royaume , dont voici l'Extrait.
Après avoir représenté aux Palatinats et Territoires
respectifs , les calamitez ausquelles la
République se trouve exposée par la malice de
eux qui, mettant leur confiance dans les forces
des Puissances Etrangeres , ne cherchent qu'à
renverser entierement la liberté des Polonois . Le
Roy y fait une récapitulation de tout ce qui s'est
passé pendant et après son Election , et S. M dit
à ce sujet , que quelque droit qu'elle eût à la
Couronne , incontestablement mieux fondé que
celui de ceux qui la disputent à présent par la
force des Armes , elle ne s'est point renduë dans
le Royaume pour disputer ce droit , mais uniquement
pour maintenir la liberté de la Nation ,
en se soumettant aux Loix et Constitutions du
Royaume :J'ai abandonné le Sceptre , ajoûte le
Roy dans son Mandement, je me suis dépouillé de
La dignité Royale, et je me suis mis entre vos mains
comme unsimple Particulier , afin que vous puissiez
proceder avec une entiere liberté à l'Election d'un
Roy : Vous m'avez élû , et Dieu a visiblement prategé
cette Election , en inspirant dans le coeur de
tant de milliers de personnes une unanimité si génerale.
Je ne suis pas venu à main arméo dans le
Royaume
150 MERCURE DE FRANCE
Royaume pour attaquer la République , détruire
ses droits et regner malgré vous et quoiqu'au
moyen de l'amitié étroite qui m'unit avec le très-“.
illustre Roy de France , j'eusse pú me servir d'une
partie de ses Troupes pour me frayer le chemin au
Trône , je n'ai jamais eu la moindre pensée d'acquérir
avec violence la Couronne , comma font actuellement
les Partisans des Factions Etrangeres ;
conduite si contraire aux Constitutions du Royaume,
et qui tend si ouvertement à la ruine totale de la
liberté de la Nation , acheptée par nos Ancêtres au
prix de tant de sang.
Le Roy passe ensuite à l'Election qui s'est faite
à Praage , d'un Prince Etranger , sous la protection
d'une Armée ennemie , et après avoir fait
voir l'irrégularité et l'invalidité de cette Election ,
il insinue que les Cours de Vienne et de Russie
étoient convenues depuis long- temps que ce
Prince ni nul autre , ne seroit élevé au Trône de
Pologne ; il y insinue encore que la Cour de
Vienne , jalouse de la liberté dont jouit la Nation
Polonoise , n'a jamais perdu de vûë le dessein de
la détruire et de lui imposer le même joug sous
lequel gémissent les Bohémiens et les Hongrois;
il ajoûte que cette Cour se couvrant du Manteau
des Moscovites , avec lesquels elle est d'accord ,
fait semblant de n'avoir aucune part aux maux
de la République , commis par d'autres , pendant
qu'en effet elle fait jouer tous les ressorts
imaginables pour renverser la liberté de la Nation
, et emporter la Couronne par la force des
Armes : Sijamais elle parvient à son but , poursuit
le Roy , c'en est fait de notre chere Patrie,
c'en est fait de notre liberté et nous ne serons jamais
affranchis du joug de la Nation Allemande.
Après avoir exhorté les Palatinats et Distries
respectifs
JANVIER . 1734.
ISI
respectifs du Royaume , à n'avoir aucun
égard aux Universaux publiez par le Parti contraire
, se confiant à la genereuse émulation de la
Noblesse Po onoise, qui ne permettra jamais que
qui que ce soit empiete sur ses droits , il finit en
disant : Quelque grande que soit la puissance de nos
Ennemis , elle ne doit en aucune maniere nous intimider
, nos forces augmentent tous les jours et
nous recevrons sans doute , un puissant secours
d'ailleurs ; diverses Puissances s'interposent en notre
faveur ; elles combattent pour notre konneur et
pour la liberté de la République ; nous en voyons
des preuves dans les opérations qui se font sur le
Rhin et en Italie , par les Armes des François ,
Espagne et de Sardaigne ; quoique nous ne soyons
pas alliez avec ces deux dernieres Puissances , elles
ne peuvent neantmoins souffrir qu'on employe
la force pour mettre sur le Trône de Pologne un
Prince que toute la Nation a abjuré ; ces Rois s'allieront
avec d'autres Puissances pour la conservation
de l'honneur de notre Royaume ; nous ne manquerons
pas d'autres moyens favorables . Une puissante
diversion se manifestera en notrefaveur plutôt
qu'on ne pense ; elle nous mettra à l'abri des
machinations de nos Ennemis, et ceux qui nous ont
dressé des embuches y seront pris eux mêmes , &c,
LETTRE du Roy de France , écrite
au Magistrat de Dantzick
TRES -C RES- CHERS ET BONS AMIS ,
Nous voyons avec plaisir par votre Lettre du 18
du mois dernier , aussi - bien que par les Relations
de notre Ambassadeur le Marquis de Monti ,
toutes les marques que vous donnez de votre fidelité
152 MERCURE DE FRANCE
delité et de votre zele pour le Roy de Pologne,
Les menaces que vous font ses Ennemis et les
nôtres , n'ont pas été capables de diminuer les
sentimens qui feront passer votre gloire jusques
dans les siecles à venir , et qui vous endent si
chers à nos yeux. Plusieurs Puissances donnent
déja des marques de l'interêt qu'elles prennent à
votre conservation , mais aucune ne pourra porter
les témoignages si loin que nous desirons de le
faire , puisque nous regardons vos interêts comme
les nôtres propres , et que nous nous proposons
de ne rien négliger de ce qul peut dépendre
de notre Puissance et de notre Bienveillance ;
sur ce , nous prions Dieu qu'il vous tienne, Trèschers
et bons Amis , en sa sainte garde . A Versailles
, le 15. Décembre 1733. Signê LOUIS.
Le Catelan de Czersk , qui commande un
Corps de Troupes aux environs de Thorn , a
écrit au Roy , pour apprendre à S. M. qu'il avoit
attaqué près de cette Ville , un Détachement de
l'Armée Moscovite , que plusieurs des Ennemis
avoient été faits prisonniers et que le reste avoir
été tué ou mis en fuite.
Le Roy a fait distribuer des Armes aux Régimens
que le Comte Poniatowski , le Prince Czartorinski
, les Palatins de Livonie et de Cujavie et
M. Ozarowski , on fait lever depuis peu , et on
doit incessamment leur donner des habits uniformes.
Plusieurs Officiers étrangers sont venus
à Dantzick pour demander d'entrer au service
de S M.
Le Comte Pocci a écrit au Roy , qu'une partie
de la Noblesse de Lithuanie étoit entrée dans la
confédération faite par les Palatinats de laGrande
Pologne et de la Prusse Polonoise , et que le
Corps des Troupes qu'il commande étoit augmenté
JANVIER. 1734. 153
オー
menté considerablement par l'arrivée d'un grand
nombre de Gentilshommes Lithuaniens qui s'étoient
rendus dans son Camp avec la plupart de
curs Vassaux ,
S. M. a reçû avis que le Comte Potocki , Régimentaire
de la Couronne , qui s'étoit avancé
depuis peu avec son Armée sur les bords de la
Riviere de Pilckza , s'étoit mis en marche pour
s'approcher des Frontieres de Mariembourg.
Le bruit court que le General Lesci , ne pouvant
plus faire subsister son Armée dans les en
virons de Lowitz , malgré les violences avec lesquelles
il a exigé des contributions des habitans
de tous les Lieux voisins , en est décampé , et
qu'il a divisé ses Troupes en deux corps , dont
Pun marche sous ses ordres du côté de Thorn ,
et l'autre est allé se poster entre Warsovie.et
Cracovie , pour être à portée de se joindre aux
Troupes Saxones , si cela est nécessaire.
La Ville de Thorn n'étant pas en état de soutenir
un siege , la Garnison qui y étoit a reçû
ordre du Roy d'abandonner cette Place . Elle en
sortit le 15. de ce mois pour se retirer à Grandentz.
On assure que le Comte Potocki , qui s'étoit
avancé depuis peu sur les bords de la Riviere de
Pilckza,dans le dessein de marcher avec l'Armée
de la Couronne du côté de Mariembourg , étoit
allé joindre le Palatin de Lublin , qui est campé
à Opatow.
Le Roy a reçu avis que ce dernier faisoit des
Courses jusqu'aux portes de Cracovie , qu'il en
avoit rainé presque tous les environs , qu'il avoit
enlevé tous les chevaux et les fourages des Terres
de l'Evêque de cette Ville et de celles du
Comte de Braniki; qu'il fatiguoit par des com-
H bats
154 MERCURE DE FRANCE
bats continuels les Troupes Saxones , et qu'un
Détachement de ses Troupes avoit enlevé M. Poppelman
, Lieutenant- Colonel au Service de l'Electeur
de Saxe , et quelques autres personnes de
distinction, attachées au parti de ce Prince .
La Noblesse du Palatinat de Siradie a envoyé
un Gentilhomme au Roy, pour l'informer qu'elle
étoit entrée dans la conféderation faite par les
Palatinats de la Grande -Pologne , de la Prusse
Polonoise et de la Lithuanie , et que cette conféderation
avoit été signée par tous les Seigneurs
et les Gentilshommes de la Province , à l'exception
du Palatin qui ayant été surpris dans son
Château par 300. Cosaques des Ennemis , avoit
été conduit de force à Cracovie .
Les Lettres de cette Ville marquent que L'Electeur
et l'Electrice de Saxe , y étoient arrivez
le 12. Janvier ; que le 17. ils s'étoient fait couronner
; qu'il ne s'étoit trouvé à cette ceremonie
que les Evêques de Cracovie et de Cujavie. Le
Prince Wienovieski , les Palatins de Foldachie ,
de Culm et de Czernichow , le Comte de Cerner
et un très - petit nombre de Gentilshommes , et
qu'on croyoit que l'Electeur , pour ne pas découvrir
la foiblesse de son parti , avoit abandonné
le dessein de convoquer une Assemblée de la Now
blesse qui s'est déclarée en sa faveur.
L
ALLEMAGNE.
Es Lettres de Vienne du 14. de ce mois ,
portent que le Conseil de guerre prend les
mesures nécessaires pour faire transporter en Italie
une grande quantité de grains et beaucoup de
munitions de guerre ; cependant malgré la résolution
qui paroît avoir été prise , d'y avoir cette anaée
une Armée considerable,il n'y a jusqu'à present
JANVIER 1734. ISS
sent que sept Régimens de Cavalerie , dix d'Infanterie
et un de Hussarts , qui ayent reçû ordre
de se rendre dans ce Pays.
L'Empereur a nommé pour servir dans
Armé d'Italie , le Prince Louis de Wirtemberg,
General d'Infanterie , le Prince Frederic de Wir
temberg , General de Cavalerie , le Prince de
Culmbach , le Comte de Lewestein , Mrs de
Valparaso , de Diesbach et Darnaw , Lieutenang
Generaux d'Infanterie , le Comte Philippi , et les
Barons de Kevenhaller et de Ckurganik , Lieutenans-
Generaux de Cavalerie ; les Princes de
Lichtenstein et de Saxe Gotha , le Comte Palfi ;
le Baron de Wachtendonch , le Comte de Welseck
, Mrs de la Tour , de Furstenbusch , de
Neilan , de Fin et de Ligneville , Majors Génet
raux . i
Les Officiers Generaux qui doivent servir dans
P'Armée du Rhin , sont le Duc d'Aremberg et
le Comte de Wallis , Generaux d'Infanterie , le
Comte de Huttois , General de la Cavalerie , le
Prince Ferdinand de Baviere , le Prince de Hesse,
le Prince Hohenzollern , le Baron de Schmetaw ,
Mrs de Mussing , Vasquez et de Scho , Lieute
nans-Generaux ; Mrs Haslinger , Bolla , Mutzeldiosch
, Wallis et Orelli , Majors- Generaux
d'Infanterie , le Comte de Soissons , Mrs Choviretz
, Wurmbrand , Miglio , Petrasch et Badian
, Majors Generaux de Cavalerie.
ITALIE.
E 16. de ce mois , les Expeditionnaires Apos
toliques présenterent au Pape , suivant l'usage
, cent écus d'or dans un Calicé , étant conduits
à l'Audiance par le Cardinal Gentille , Prodataire,
et ils complimenterent S. S. par un Dis-
Hij cours
156 MERCURE DE FRANCE
cours Latin , que M. Pierre Bernardini prononça,
Le Pape , à la sollicitation de M Akovrandi
a ordonné que les rues de Rome fussent éclairées
pendant la nuit , et l'on prétend que la Chambre
Apostolique est chargée de fournir les fonds
nécessaires pour cette dépense.
Le Chevalier de S. Georges a donné à l'Eglise.
des douze Apôtres et à celle de S. Georges , les
Actions que la Duchesse de Modêne , son Ayeu
le , lui avoit laissées sur le Mont dé Pieté ,
condition que l'on dira tous les ans douze Mes
ses dans la premiere de ces deux .. Eglises le 31 .
Décembre , jour de la Naissance du Prince son
Fils Aîné, et un pareil nombre dans la seconde, le
23. Avril , jour de la Fête du Saint , à laquelle elle
a été dédiée , pour attirer sur les Princes ses en
fans , les benedictions du Ciel .
On écrit de Sicile , que le Comte de Sastago
Vice. Roy de cette Ifle , doit prendre les mesures
nécesaires pour mettre en état de deffense les
Villes de Messine.de Siracuse et de Trapana ,
et qu'il étoit dans la résolution d'abandonner le
reste de l'fle en cas que les Troupes des Puissancs
Alliées y fassent une descente.
Les Lettres de Livourne du 19. Janvier , por
tent que le Comte de Charni devoit marcher le
lendemain avec un corps considerable de Trou
pes Espagnoles , pour mettre des Garnisons dans
quelques Places de la Principauté de Piambino ,et
pour s'assurer d'Orbitello et du Fort de S Philippe
, dans le Sienois. Ces Lettres ajoûtent que
le Comte de Montemar se disposoit à le suivrs
avec le reste de l'Armée pour entrer dans le
Royaume de Naples.
GRANT
JANVIER 1734 157
i
GRANDE BRETAGNE.
7
N append de Londres , que le 28. de ce
mois , vers les deux heures après midi , lė
Roi s'étoit rendu à la Chambre des Pairs avec les
ceremonies accoûtumées , et S. M. après avoir
mandé la Chambre des Communes , à fait le
Discours suivant.
MYLORDS ET MISSIEURS.
La guerre commencée depuis peu, et qui est poussée
avec tant de vigueur contre l'Empereur par les
Puissances réunies de France , d'Espagne et de Sardaigne
, est devenue l'objet de l'attenion de l'Europ
.Quoique je ne m'y sois engagé en aucune maniere,
et que je n'y aye de part que par mes bons officesdans
les négociations qu'on a citées comme les principales
causes et les motifs de cette guerre , je ne peus
me dispenser sur cet évenement , ni être indifferent
sur les conséquences d'une guerre entreprise es
soutenuepar des Alliez si puissants . Si jamais une
occasion a demandé quelque chose de plus qu'une
prudence et une circonspection ordinaire , c'est celle
qui se présente , et nous force d'user de la derniere
précaution , pour ne nous pas déterminer trop précipitamment
dans une conjoncture si critique et si
importante : elle demande que nous examinions à
fond ce que l'honneur et la dignité de ma Couronne
et de mes Royaumes , le veritable interét de
mon Peuple , et les engagemens que nous avons pris
avec diverses puissances dont nous sommes alliez .
peuvent exiger de nous avec justice . C'est par cette
raison que j'ai crû qu'il convenoit de prendre du
temps pour examiner les faits alleguez de part et
d'autre , et d'attendre le résultat des Conseils des
Puissances qui sont le plus interessées à cette guerre,
Hij
158 MERCURE DE FRANCE
et de concert avec celles qui ont des engagemens
avec moi, et qui n'ont point pris part à la guerre ,
plus ( particulierement avec les Etats generaux des
Provinces- Unies ) les mesures qui paroîtront les plus
convenables à notre sûreté commune et les plus propres
à rétablir la paix daus l'Europe. Les résolutions
du Parlement de la Grande-Bretagne sont
d'une trop grande importance dans une conjoncture
si délicate, pour ne pas exciter l'attention et l'impatience
de ceux qui esperent tirer avantage de nos
résolutions , et de s'en servir au préjudice de ce
Royaume ; ainsi nous devons déliberer avec une
grande précaution, et examiner avec toute la prudence
imaginable toutes les circonstances , avant que
de nous déterminer à prendre un parti . Comme dans
toutes mes reflexions sur cette importante affaire ,
J'aurai principalement égard à l'honneur de ma
Couronne et à l'interêt de mon Peuple , et que je ne
me gouvernerai que par ces vûës , je ne doute pas
que je ne puisse compter entierement sur l'appui et
assistance de mon Parlement , sans m'exposer par
gtune Déclaration précipuée à des inconveniens
op'on deix éviter autant qu'il est possible . En attendivot
je suis persuadé que vous prendrez les précautions
nécessaires pour mettre mes Royaumes , mes
droits et mes possessions à couvert de tous dangers et
de toute insulte , et pour conserver à la Nation Bri
tannique les égards qui lui sont dûs.Quel que soit le
parti auquel nous nous déterminerons , il est très-raisonnable
de nous mettre en état de deffense, sur tout
dans le temps que toute l'Europe est armée . Par la
nous conserverons mieux la paix dans ce Royaume ,
et nous donnerons plus de poids aux mesures qu'il
conviendra de prendre avec nos Alliez ; sans cette
précaution nous nous ferioms mépriser au- dehors ,
et nousferions naître la tentation et l'encouragement
AUX
JANVIER 1734 159
Bux ves dangereuses de ceux qui se flatttent toujours
de tirer quelque avantage des troubles et des
désordres publics.
MESSIEURS de la Chambre des Communes.
Je ferai remettre devant vous l'état des dépenses
qui exigent de vous une attention actuelle et immé
diate ; l'augmentation qu'on vous proposera pour te
service de Mer , sera tres - considerable , mais je suis
assuré qu'elle vous paroîtra raisonnable et necessaire.
Je dois particulierement recommander à vos
soins les Dettes de la Marine , qui vous ont été présentées
tous les ans . La circonstance présente me
fait croire que vous penserez qu'il est nécessaire d'y
pourvoir , et que le service public souffriroit d'un plus
long retardement à prendre une résolution sur cette
affaire. Comme ces Charges et dépenses sont inévi
tables , je ne fais aucun doute que vous ne leviez les
secours d'argent qui sont nécessaires, avec beaucoup
de diligence et avec le zéle que ce Parlement a
marqué dans toutes les occasions pour les véritables
interêts de mon penple.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Si on a toujours souhaité que les affaires du Parlementy
fussent traitées sans chaleur et sans animosité
, mais avec la modération qui fait connoître
la justice de la sagesse de la Nation ; c'est à present
qu'on doit le desirer plus particulierement, afin
que cette session ne soit point prolongée par des dér
fais inutiles , lorsque tout le Royaume paroît préparé
par l'élection d'un nouveau Parlement , évenement
quifait l'attention de toute l'Europe. Je suis tressatisfait
que le choix des nouveaux Deputez soit
une occasion pour moi de connoître les veritables
sentimens de mon Peuple, et de faire voir qu'ils ont
Hiiij été
1 MERCURE DE FRANCE
été mal rendus et déguisez. On peut aisement en
imposer à ceux qui ne voient et n'entendent les choses
que de loin , et les exposer à concevoir defausses
esperances ou à se livrer à des craintes peu fondées ;
mais j'espere qu'un peu de temps détruira ces opiniens
et qu'on reconnoîtra que la Grande Bretagne
est toujours disposée à faire ce que l'honneur et l'in
terêt de la Nation exigent d'elle.
Le Roy s'étant retiré de la Chambre des Pairs,
après que le Grand Chancelier eut prononcé au
nom de S. M. la Harangue aux deux Chambres;
les Seigneurs résolurent de présenter une adresse
au Roy pour le remercier , ils s'assemblerent le
lendemain , et après s'être ajournez au 30 , ils se
rendirent au Palais de Saint James , où ils présenterent
leur adresse , par laquelle ils assurerent
le Roy qu'ils entreroient avec autant de zéle que
de confiance dans toutes les vûës que S. M. leur
avoit expliquées dans sa Harangue . Le Roy leas
répondit :
MYLORDS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele
adresse ; la satisfaction que vous me témoignez de
mon attention et de mes efforts continuels à conserver
la paix et la tranquillité publique , m'est_extrémement
agreable, et comme je n'ai autre chose en vuë
que l'honneur et la dignité de ma Couronne et lø
bien de mes Royaumes , vous pouvez être assurez
de la continuation de mes soins et de ma vigilance
pour parvenir à ces fins desirables , et de la ferme
resolution où je suis , quelques evenemens qui_arrivent
de prendre les mesures les plus capables de repondre
à la confiance que vous avez en moi , et de
procurer la sureté et le bonheur de la Nation.
La
JANVIER . 1734. 161
La Chambre des Communes a aussi présenté
son adresse au Roy , qui y a fait la réponse suivante.
MESSIEURS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele adres
se et de la confiance que vous avez en moi , vous
pouvez être assurez que je ne m'en servirai quepour
Phonneur de la Couronne et le veritable interét de
mon peuple.
Li
AR ME'E D'ITALIE
Prise de Novarre , & c.
A Garnison du Château de Milan en sortit
le 2. de ce mois avec les honneurs de la
Guerre. Le Maréchal Visconti qui étoit à la
tête , l'a conduite à Mantouë , au nombre d'environ
800 hommes.
•
Les Troupes qui avoient été commandées
après cette expedition pour aller sous les ordres
du Marquis de Coigny , Lieutenant General
' faire le Siége de Novarre , étant arrivées devant
cette Place , la Tranchée fut ouverte la nuit du
sau 6 de ce mois : on y employa deux mille
Travailleurs , soutenus par les deux Bataillons
du Regiment Dauphin , et par six Compagnies
de Grenadiers et les Troupes furent commandées
par M. d'Affry Maréchal de Camp. On
forma pendant cette nuit une parallele d'environ
300 toises , sans perdre un seul homme , quoique
les assiégez se fussent apperçus des travaux,
parce qu'un brouillard très épais joint à l'obscu
rité de la nuit , avoir obligé d'allumer des méches
de distance en distance pour être en état de traouvrages.
ser les
>
H▾
2
Le
162 MERCURE DE FRANCE
1
Le 6 le Marquis de Fervaques Maréchal de
Camp , releva la Tranchée avec deux Bataillons
des Troupes du Roy de Sardaigne , et quatre
Compagnies de Grenadiers de celles du Roy ;
on perfectionna les travaux commencez la
veille , et on établit deux Batteries de quatre
Mortiers chacune , lesquelles commencerent à
tirer le lendemain : pendant la nuit on fit une
seconde parallele et plusieurs communications
avec la premiere.
On travailloit le à placer les Batteries de
Canon lorsque les assiégez demanderent à capituler.
Il leur fut accordé de sortir avec les
honneurs de la Guerre et deux pièces de Canon ,
et le Gouverneur s'obligea par la capitulation
de faire sortir sans Canon ni Artillerie le Détachement
de la Garnison qui etoit dans le Fort
d'Arrona.
Le Maréchal de Villars ayant appris à Milan
le 8 de ce mois par un Courier que lui dépêcha
le Marquis de Coigny, la Prise de Novarre et du
Fort d'Arrona il fit partir sur le champ le
Marquis de Firmacon , pour en aller porter la
nouvelle au Roy .
,
La Garnison de Novarre qui étoit de 1300
hommes , en est sortie le 10 pour se retirer à
Mantouë.
Le Marquis de Maillebois, Lieutenant General ,
arriva le s devant le Château de Sarravale , et le
même jour le Commandant qui avoit été sommé
de se rendre , demanda à capituler vers les
huit heures du soir.
Le Marquis de la Chatre qui commandoit la
Tranchée , entra à la tête des Troupes dans le
Château , où il fit exécuter ce qui avoit été convenu
avec le Commandant la Garnison : été
faite Prisonniere de Guerre , les Officiers ont été
envoyez à Alexandrie , et les Soldats à Asti .
JANVIER 1734 163
*
LETTRE du Camp devant Novarre ,
écrite le 14 Janvier , contenant quelque
détail du Siége de la Citadelle de Milan
, & c. et de Novarre.
A Tranchée fut ouverte devant la Citadelle
Lde Milan la nuit du 15 au 16 de Decembre
deux mille travailleurs , et l'on fit cette
pár
même nuit une Parallele à 120 toises de la Pla
ce , et de 580 toises de longueur , et deux communications
pour arriver à cette Parallele de
630 toises les deux , ce qui fut perfectionné durant
la journée du 16. La nuit du 16 au 17 on
fit trois Zigzags vis - à - vis les Angles Saillans des
deux Bastions ou de la Demi - Lune de l'attaque .
La nuit du 17 au 18 l'on fit une Parallele au
pied du Glacis de 316 toises de longueur.
La nuit du 18 au 19 on prolongea la premiere
Parallele , et l'on travailla aux Batteries de
30 pieces de Canon qui ont ruiné les deffenses ,
et aux communications pour arriver aux Batteries.
La nuit du 19 au 20, on travailla à la Sape volante
, pour continuer les débouchez des Zigzags
, sur les Capitales.
La nuit du 20 au 21 , on prolongea , encore à
la Sappe , les débouchez des Zigzags .
La nuit du 21 au 22 , on fit la troisiéme Parallele
à moitié du Glacis .
La nuit du 22 au 23 , on continua cette Parallele
et l'on prolongea la premiere Parallele jusqu'à
la Porte Verccilline , pour la commodité
des Troupes.
La même nuit du 22 au 23 , les Mineurs com-
H vj
men164
MERCURE DE FRANCE.
mencerent neuf Puits ou descentes pour chercher
les Mines des Ennemis , et l'on commença en
même-temps trois Zigzags à la Sappe, pour s'approcher
des Angles saillans,
La nuit du 23 au 24 , on fit le logement du
Chemin couvert , sur les Angles saillans , avec
des communications pour y arriver .
La nuit du 24 au 25, on continua le logement
du Chemin couvert.
La nuit du 25 au 26, on perfectionna le logegement
du Chemin couvert , de mêine que les
communications; et la même nuit on commença
les Batteries sur le Chemin couvert; sçavoir,deux
de 4 Pieces chacune , pour battre les faces de la
Demi - Lune , deux autres Batteries , de 6 Pieces
chacune , pour battre les deux faces des Bastions
du front de l'attaque.
Pendant le jour du 26 , on commença.
bouchez des descentes du Fossé.
six. dé-
La nuit du 26 au 27 , on fit les logemens dans
les deux Places d'armes rentrantes , et cette
même nuit on commença deux Batteries de qua,
tre Pieces chacune , pour ruiner les Flancs des
deux Bastions de l'attaque.
La nuit du 27 au 28 , on perfectionna les lodes
Places d'armes rentrantes , et l'on con- gemens
tinua les Batteries , et prolongea les descentes dy
Fossé , près de la Contrescarpe.
La nuit du 28 au 29 , on fit un Epaulement
sur le Chemin couvert de l'attaque de la droite ,
pour couvrir les Batteries qui étoient de ce côtélà.
Les & Pieces de Canon pour battre les faces
de la Demi- Lune , commencerent à tirer le 27 ,
et le 29 la Bréche à la face gauche étoit praticable
. Les 12 Piéces destinées pour faire Bréche
aux faces des Bastions , commencerent à tixer ,
parJANVIER
1734- IGS
partie le 27 , et l'autre partie tira le 28, et tou
tes ces Pieces faisoient beaucoup d'effet . Les &
Pieces destinées pour ruiner les Flancs , commencerent
à tirer le 29 au matin , et ce même
jour à deux heures après midi , les Ennemis demanderent
à capituler , et arborerent le Drapeau
blanc , la Garnison étoit composée de
1500 hommes d'Infanterie , on leur a accordé
les honneurs de la Guerre , et sont sortis le a
Janvier , , pour être conduits à Mantouë.
M. le Maréchal de Visconti commandoit en
Chef dans cette Citadelle ; la Garnison s'est assez
bien deffendue ; elle pouvoit néanmoins encore
tenir 3 à 4 jours , mais on l'auroit fait Prisonniere
de Guerre. Nous avons perdu dans le courant
de ce Siége 60 hommes de tuez , et 116
blessez. Les Troupes y ont servi avec beaucoup
de valeur et de distinction .
La Tranchée fut ouverte devant Novarre la nuit
du s at 6 Janvier , par 2000 travailleurs , sourenus
en avant par cinq Compagnies de Grena
diers , et sur le derriere , par 2 Bataillons. L'on
fit une Parallele à 130 toises de la Place , et de
540 toises de longueur , et deux communications
pour arriver à cette Parallele , le tout s'est perfectionné
durant la journée du 6 , par les deux
Bataillons de la tranchée , 1000 Soldats travailn
leurs et 500 Paysans.
La nuit du 6 au 7 on fit une seconde Parallele
â la Sappe volante , avec trois communications
en zigzags ; cette Parallele étoit à 60 toises
de la premiere , et à 70 toises du Chemin
Couvert. L'on travailla dès le 6 , à deux Batteries
de 8 Mortiers , quatre dans chaque Batteries ,
qui jetterent des Bombes le 7 au matin , et l'on
commença la nuit du 6 au 7 , six Batterics de
Садом
166 MERCURE DE FRANCE
Canon ; sçavoir , deux de chacune 8 Pieces ,
pour battre les deux faces des Bastions de l'attaque
; deux de chacune trois Pieces , pour ruiner
les deux Flancs et les deffenses de la Demi-
Lune , et deux Batteries sur la gauche , et la
droite entre les deux Paralleles , pour tirer à
Ricochets et enfiler les deux faces des Bastions
du côté de l'attaque ; ces 30 Pieces de Canon
devoient tirer le 9 au matin ; mais les Bombes
ayant , dis-je, fait beaucoup de frayeur aux habitans
de la Ville ; ils allerent trouver M. Paul
Durand, Gouverneur , pour le prier de capituler,
ce qu'il accepta ; et le 7 , à 4 heures après midi
il fit rappeller et arborer le Drapeau blanc.
La Capitulation fut signé le même jour , et le
lendemain 8. on nous ceda une des Portes de la
Ville. La Garnison en sortit le onze au matin
au nombre de 1300 hommes d'Infanterie , et 40
Chevaux, deux Pieces de Canon , et 90 Chariots,
pour porter leurs Equipages , et on les escorta
jusqu'à Mantouë.
M. de la Blottiere a commandé en chef à ces
deux Siéges , de même qu'à celui de Pizighitone,
à cause que M.de Salmon son ancien, a toujours
été inalade.
Il y a eu à tous ces Siéges quatre Brigades
d'Ingénieurs,faisant en tout 32.et 16 Ingénieurs
Piémontois qui monterent avec nos Brigades.
Dans moins de deux mois de temps l'armée
bien fait des Conquêtes. Les voici : Pizzighitone
, la Citadelle de Milan , Novarre , le Château
de Crémone, et le Fort de Lecs , Tresso, Fuentes,
Arona , et Saravats. Il y avoit dans toutes ces
Places du Canon, des Garnisons , et beaucoup de
Munitions de Guerre et de Bouche .
Il y a dans Novarre 44 Piéces de Canons , &
Mor-
X
JANVIER. 1734 167
$4
Mortiers , le tout de Bronze ; 4300 Barils de
Poudre,chaque Baril de cent liv. pesant , et beaud'autres
munitions. coup
que
,
Il y a dans Pizzighitone et dans la Citadelle de
Milan beaucoup plus d'Artillerie et de Poudre
dans Novarre si le temps nous permet de
faire le Siége de Tortonne toute la Lombardie
, depuis l'Oglio jusqu'à la Sesia , près de
Verceille , sera libre ; c'est -à-dire que toutes les
Places seront soumises . On s'est même emparé
de Gouestella et de Borgoforte , cette derniere
Place qui ne vaut rien , n'est qu'à deux lieuës de
Mantoue. Je suis , &c.
Quelques avis reçus de plusieurs endroits
portent , que la Ville de Mantouë étoit menacée
de manquer de vivres, parce qu'on avoit été obligé
de jetter une grande quantité de Provisions
qui avoient été gâtées.
Le 1s de ce mois le Roy de Sardaigne fit publier
à Milan un Edit,par lequel il est ordonné à
tous ceux qui possedent des Terres dans le Milanès
, et qui sont dans les Pays de la nomination
de l'Empereur , de revenir dans deux mois
dans ce Duché , sous peine de la confiscation de
leurs biens
rez
On a appris que les Espagnols se sont empa
des Forts d'Ulla et de Brunetto , et que les
Garnisons de ces deux Places avoient été faites
Prisonnieres de Guerre
On apprend aussi de l'Armée d'Italie , que
le Marquis de Maillebois , Lieutenant General
des Armées de S. M. avoit été choisi pour faire
le Siége de Tortone , avec douze Bataillons des
Troupes du Roy , et cinq de celles du Roy de
Sardaigne.
Le
168 MERCURE DE FRANCE
Le Marquis de Maillebois ayant fait ouvrir
la Tranchée devant cette Place le 26 de ce mois,
le Gouverneur se retira dans le Château avec ses
Troupes le 28 , et le même jour les Habitants
après avoir essuyé dix coups de Canon , apporterent
les Clefs de la Ville , où ils reçurent le
détachement des Troupes qui avoient monté la
Tranchée , et qui étoit composée de trois Compagnies
de Grenadiers , de 200 hommes d'Infanterie
, et de 60 Dragons.
La nuit du 29 au 30 , on ouvrit la Tranchée
devant le Château sur la droite de la Ville , et
on forma une parallele d'environ 2 fo toises
devant la Courtine qui fait face au Couvent des
Bernardins , situé hors de la Ville.
Le 30 , on perfectionna cet Ouvrage , et on
commença l'établissement d'une Batrerie de
20 piéces de Canon , avec laquelle on compte
battre en bréche le Poligone qui fait face à la
Ville on travailla le même jour à construire
deux autres Batteries de Canon et de Mortiers
pour battre la Courtine.
Les Maréchaux de Camp des Troupes da
Roy qui servent au Siége , sont M. d'Afry , le
Comte de Chatillon et le Marquis de l'Isle .
LA COCARDE ,
Remerciment de M * * * à Mlle * * * qui
lui avoit envoyé une Cocarde à l'Armée.
J Ai fait briller au champ de Mars
L'Ornement galant et terrible ,
Par qui désormais invincible
Je puis affronter les hazards :
JANVIER. 1734.
169
Préferable aux Lauriers que donne la victoire ,
Ce panache éclatant va sous nos Etendarts
Accroître ma valeur comme il accroît ma gloire;
Formez pour des Guerriers , ces militaires dons ,
Jusqu'à ce que la Paix repeuplant nos retraites ,
Vous puissiez couronner nos fronts ,
Du mirthe qui croît où vous êtes.
Ainsi la Mere des Amours ,
Paroit le fils d'Anchise et lui prétoit des
armes ;
En couragé par elle au milieu des allarmes.
Les regards de Venus l'accompagnoient
toujours :
J'aurai la même destinée ,
Armé par d'aussi belles mains ,
Et si du Héros des Troyens
La valeur ne m'est pas donnée ,
Pour suppléer au moins à ses exploite
vantez ,
J'imite le pieux Enée
Dans le respect qu'il eut pour les Divinite
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.;
L
E premier Janvier les Princes et
Princesses du Sang et les Seigneurs
et Dames de la Cour , curent l'honneur
de complimenter le Roy et la Reine sur
la nouvelle année.
170 MERCURE DE FRANCE
,
Le même jour le Roy accompagné du
Duc d'Orleans , du Duc de Bourbon
du Comte de Charolois , du Comte de
Clermont , du Prince de Conty du
Duc du Maine , du Prince de Dombes
du Comte d'Eu , du Comte de Toulouse,
et des Chevaliers Commandeurs et Officiers
des ordres qui s'étoient assemblez
dans le Cabinet de S. M. se rendit à la
Chapelle du Château de Versailles . Le
Roy devant lequel les deux Huissiers de
la Chambre portoient leurs Masses , étoit
en Manteau , le Collier de l'Ordre par
dessus , ainsi que les Chevaliers. Le Roy
entendit la Gran P'Messe chantée par la
Musique à laquelle l'Archevêque de
Vienne , Prélat Commandeur de l'Ordre
officia pontificalement. Après la Messe
$. M. fut reconduite dans son Appartement
avec les Cérémonies accoutumées.
,
Le 2 le Roy accompagné comme le
jour précédent , se rendit à la Chipelle
vers les onze heures : S. M. étoit en
Habit violet er en Manteau court ,
la
Collier de l'Ordre par - dessus, et les Chevaliers
en Habits noirs et Manteau court,
le Roy assista à la Grand'Messe qui fut
célébrée par le même Prélat , pour le repos
des Ames des Chevaliers et Commandeurs
de l'Ordre, morts depuis le Service
solemJANVIER
1734 171
solemnel fait pour le même sujet le 5 Juin
1724, Ce Service ordonné par les Statuts
de l'Ordre , et qui depuis quelque tems
n'avoit été célébré , le sera dans la
pas
suite tous les ans le 2 Janvier où le lendemain
de la Fête de la Purification .
Le 3 la Reine communia par les mains
du Cardinal de Fleury son Grand Aumonier.
Le 3 de ce mois les Députez des Etats
de Bretagne curent audiance publique du
Roy , étant présentez par le Comte de
Toulouze , Gouverneur de la Province ,
et par le Comte de S. Florentin , Sécretaire
d'Etat , et conduits par le Grand
Maître et par le Maître des Cérémonies.
Ils eurent le même jour audiance de la
Reine , de Monseigneur le Dauphin er
de Mesdames de France. La Députation
étoit composée pour le Clergé de l'Evêque
de Tréguier qui porta la parole , du
Sr Baillon Sénéchal de la Ville de Rennes
pour le Tiers - Etar et du Comte de
Coëtlogon , Syndic de la Province. Le
Député pour la Noblesse étoit le Marquis
de Lannion , Maréchal de Camp , qui ne
s'eft point trouvé à l'audiance de S. M.
parce qu'il est actuellement employê à
l'Armée d'Italie.
172 MERCURE DE FRANCE
Le Roy a accordé au Comte de Tous
louze , Amiral de France , la Survivance
de cette Charge pour le Duc de Penthiévre
son fils , qui prêta serment le 4. entre
les mains de S. M.
Le Marquis de Villars qui étoit parti
e Milan le 30. Décembre après midi,
arriva àVersailles le 4. de ce mois au soir,
et apporta au Roy la nouvelle de la prise
du Château de Milan .
Le 14 après midi , le Roy reçut par le
Marquis de Firmarcon que le Maréchal
de Villars a dépêché à S. M. la nouvelle
de la prise de Novarre et du Fort
d'Arrona.
La Duchesse d'Alincourt ayant demandé
à S. M. la permission de remettre sa
place de Dame du Palais de la Réine
le Roy a nommé pour la remplacer la
Duchesse de Bouflers.
François de Franquetot , Marquis de
Coigny , Chevalier des Ordres du Roy ,
Lieutenant General de ses Armées , servant
actuellement en son Armée d'Italie,
et Gouverneur de la Ville , Château et
Principauté de Sédan , a obtenu l'agrément
du Roy de se démettre de la Charge
JANVIER. 1734 175
ge
de Colonel Generai des Dragons , en
faveur de Jean Antoine-François de Franqu
tot , Comte de Coigry , son fils , né
le 27 Septembre 1702. Grand Bailli et
Gouverneur de la Ville et Château de
Caën Le Marquis de Coigny avoit été
pourvû de cette Charge de Colonel General
le 7 Décembre 1704 .
Le Régiment de Cavalerie vacant par
la mort du Marquis d'Urfé , a été donné
à François Bernardin du Chastelet, Marquis
d'Aubigny , Comte de Clémont ,
connu sous le nom de Marquis du Chastelet
, Brigadier des Armées du Roy , du
premier Février 1719 , et Gouverneur du
Château de Vincennes.
Le premier jour de l'An le Roy entendit
à son lever les Hautbois de sa Chambre,
et pendant son diner les vingt- quatre
exécuterent une suite d'Airs de la composition
de M. Destouches , Sur- Inten
dant de la Musique du Roy , en semestre,
Le 4 , la Reine entendit dans son Salon
de Versailles , le Prologue et le premier
Acte de l'Opéra d'Omphale , du
même M. Destouches. Il fut continué
à Marly le 9 par le second et le troisiéme,
les deux derniers furent chantez le Lundi
suivant.Les Dlles Courvasieret Duhamel,
de
174 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy ,firent les rolles des
deux Graces dans le Prologue ; la Dlle
Antier et le Sr Chassé ceux d'Argine et
d'Alcide avec beaucoup de succès , de
méme que la Dlle Lenner et le Sr Petillot,
dans les rolles d'Omphale et d'Iphis . Les
Choeurs de la Simphonie furent rendus
dans tout le gout et la précision qu'on
pouvoit désirer.
Le 13 , la Reine ordonna pour Concert
le Prologue et le premier Acte du Ballet
des Elemens , dont le second et le troisiéme
furent continuez le 16 , et le 18 on chanta
le dernier Acte , précédé du Prologue
de Marthesie . La Dlle Antier fit le rolle
d'Emilie , le Sr d'Angerville , celui de
Valere et d'Ixion , et ceux de Pomoncet ,
de Vertumne , furent chantez par la Dlle
Lenner et par le Sr Petillot , lequel remplit
aussi le rolle d'Arion. La Dlle Courvafier
exécuta les rôlles de Junon et de
Leucosie. La Dlle Lenner et le Sr d'Angerville
remplirent dans le Prologue ceux
de Venus et du Destin qui furent très
bien rendus. On applaudit beaucoup le
Prologue de Marthesie , dont les rolles ,
la Simphonie et les Choeurs parurent
très brillans. Les Auteurs de cet Opéra
sont , feu M. de la Mothe , et M. Destouches
; le Public auroit souhaité que
le
JANVIER
+
1734. 175
le Poëte eut bien voulu retoucher ce
Poëme , l'Auteur de la Musique avoüe
qu'il auroit de son cô é réparé beaucoup
de négligences qu'il convient qui lui sont
échapées , si des paroles plus interressantesl'avoient
excité à ce travail .
,
Le 20 , on chanta devant la Reine , le
Prologue et le premier Acte d'Amadis
de Grece , lequel fut continué le 23 , et
le 25 la Dile Antier fit le rolle de
Zirphée dans le Prologue , et celui
d'Argine dans la Piéce ; ce dernier rolle
a aussi été rempli avec succès par la Dile
Courvasier. La Dlie Lenner , chanta celui
de Niquée , et ceux d'Amadis et idu
Prince de Thrace, par les Srs d'Angerville
et le Prince. On louia infiniment l'exécution
de cet Opéra , et sur tout la vivacité
des Airs et des Choeurs de la Magie dans
le troisiéme Acte.
›
On a appris de Metz que le 3 de ce
-mois on avoit licentié par ordre du Roy,
la Compagnie des 600 Cadets que S. M.
entretenoit, le Roy donne au Lieutenant
decette Compagnie 800 livres de pension ,
400 livres au Sous Lieutenant et 200
livres à chaque Sergent à qui S. M. permet
d'entrer dans la Milice en qualité de
Capitaines. Les Cadets qui seront pro-
,
pres
17% MERCURE DE FRANCE
pres à remplir les po tes de Lieutenant et
de Sous - Lieutenant dans les Régiments
de M.fce , y seront admis.
REPONSE à la Lettre d'un Evêque sur
la nomination de l'Abbé de la Motte à
l'Evêché d'Amiens,
MONSEIGNEUR ,
que
Jamais empressement ne fut ni plus
juste , ni plus loü ble
celui
> que
vous avez , de connoître le sujet que la
Providence vient de vous associer à l'Episcopat.
Messire Louis - François Gabriel d'Or
leans la Motte nâquit à Carpentras le 13 .
Janvier de l'an 1683. de Joseph d'Orleans ,
Chevalier , Seigneur de la Motte , et de
Dame Marthe- Ursule de Blégiers - d'Antelon.
( a) La nature et la grace s'unirent
en lui pour en faire un modéle dans l'Etat
qu'il embrassa. Né de parents également
distinguez par leur noblesse et par leur
vertu, il en fit d'abord les délices. L'Education
qu'on lui donna fut digne de lui
(a) La Maison d'Orleans la Mothe originaire de
Vicence eft transplantée depuis plus de 300. ans dans
le Comté Venaissin , où elle a toujours tenu rang
parmi la principale Noblesse.
et
JANVIER: 1734: 177
et toûjours soutenue par des progrès préle
maturez en science et en vertu . Parvenu
de bonne heure au dégré de Docteur en
Theologie , Clement XI. ce grand Pape ,
nomma pour être Chanoine Theologal
de l'Eglise Cathedrale de Carpentras.'
(a ) M. l'Abbé de la Motte en voye d'instruire
et d'édifier , s'y porta dès- lors avec
cette application et ce zele qui lui acquirent
l'estime et la veneration publique .
Les Conferences en forme d'instructions
qu'il fit dans son Eglise , lui attirerent des
auditeurs en foule de tous les Ordres de
la Ville : à ces Conferences familieres , il
en fit succeder sur la Theologie qu'il donna
chez lui aux Ecclefiastiques du Diocese.
Dans les intervalles que la Chaire et
le Choeur lui laissoient , M. l'Abbé de la
Motte ouvroit sa maison à tout le monde.
L'orphelin et la veuve y trouvoient un
pere et un protecteur , les affligez un consolateur
, les riches de sages conseils , les
pauvres des charitez en abondance et sans
reserve ; on le vit souvent s'épuiser et se
dépouiller lui- même pour revêtir J. C.
dans la personne de ses Pauvres.
il a ra
Eloquent jusques à convaincre ,
mené au sein de l'Eglise des personnes in-
( a ) Cefut en 1708. qu'ilfucceda à Louis Anif
Son
I fectées
MERCURE DE FRANCE
1
fectées du Calvinisme, ( a ) Des personnes
du monde et du cloître , des Communautez
entieres lui doivent leur établissement
et leur perfection ( b )
Par cette confiance que des jours fi
remplis lui mériterent , M. l'Abbé de la
Motte devint le reconciliateur des familles
divisées , et l'arbitre de leurs differends ;
il fut député par son Chapitre en qualité
de Theologien au Concile Provincial d'Avignon
tenu en 1725. il fut cheri , il fue
respecté des siens , de ses confreres ; deses
compatriotes et si l'occasion d'operer
un plus grand bien hors de sa parrie , l'en
fit éloigner ; que de larmes , que de regrets
ont suivi cette absence ! M. l'Archevêque
d'Arles , ce Prélat fi recommandable
par sa pieté voulu partager avec lui
les soins de l'Episcopat , il le fit son Grand
Vicaire et Official Métropolitain , il le
nomma pour assister en qualité de son
Theologien au Concile d'Ambrun , où
M. l'Abbé de la Motte donna des preu.
ves de son sçavoir et de son zele . Le Roi
ayant nommé M. de Salcon à l'Evêché
d'Agen , M. de la Motte fur choisi pour
lui succeder en l'administration du Diocese
de Senez . Ses travaux , ses heureux
( a )Des Dames de condition du Diocèse d'Apt.
(b ) A Carpentras , à l'Isle , ¿c,
succès
JANVIER. 1734- 179
> succès sont connus de vous Monseigneur
, et le sont de toute l'Eglise de
France. Jusqu'ici , Monseigneur , vous
reconnoissés une conduite sur laquelle
Dieu a versé ses benedictions , une conduite
digne de l't piscopat , il ne manquoit
à Monsieur l'Abbé de la Motte que d'en
être revetu. Digne du Diocèse auquel Sa
Majefté , ( par le juste discernement qui
l'a guidé par tout , ) vient de le donner ;
il ne nous reste qu'à souhaitter , qu'il vive
long tems pour la consolation d'un Eglise
illustre par sa foi et par sa régularité ,
et pour l'édification du Clergé de Franc .
J'ai l'honneur d'être avec respect , etc.
P. C.
De Paris 25. Octobre 1733 .
LETTRE DU ROY , dattée de
Marly le 10. Janvier 1734. écrite à
M. l'Archevêque de Paris , pour faire
chanter le Te Deum , en actions de
graces de la Prise du Château de Milan.
Mc
ON COUSIN, la conquête du Châ→
teau de Milan , augmente encore la gloire
de mes Armes en Italie , cette Place connue dans
toute l'Europe pour une des mieux fortifiées ,
s'est rendue le 30. du mois dernier , après 13 .
jours de tranchée ouverte , en six semaines de
temps tout le Pays qui est entre des Rivieres du
Tesin et de l'Oglio a été soumis par mes Trou
I ij pes
180 MERCURE DE FRANCE
pes unies à celles de mon Frere et Oncle le Roy
de Sardaigne . C'est à Dieu que je dois rapporter
des succès si rapides ; c'est lui qui a donné à
mes Soldats la force de surmonter les obstacles
des chemins et de la saison , et qui les soutient
encore dans une nouvelle entreprise qui est commencée.
Tant de faveurs exigent que je continue
à lui rendre des actions de graces des marques
de la Protection qu'il ne cesse de m'accorder. Je
yous écris donc cette Lettre pour vous dire que
mon intention est que vous fassiez chanter le
Te Deum dans votre Eglise Métropolitaine et
autres de votre Diocèse , avec les solemnitez requises,
et que vous y invitiez tous ceux à qui il
Conviendra d'y assister . Sur ce je prie Dieu qu'il
yous ait , mon Cousin , en sa sainte et digne
garde , &c.
Le 12. M. l'Archevêque destina sur ce sujet
un Mandement , dont yoici la teneur.
Harles-Gaspard - Guillaume de Vintimille
séricorde Divine , et par la grace du S. Siége
Apostolique , Archevêque de Paris , Duc de Saint
Cloud , Fair de France , Commandeur de l'Ordre
du S. Esprit, &c. Aux Archiprêtres de Sainte
Marie Magdelaine et de Saint Severin , et aux
Doyens Ruraux de notre Diocèse : Salut et Benedition
. Dieų , mes très- chers Freres , par la
prise du Château de Milan , vient encore de se
déclarer en faveur du Roy et de ses Alliez.
-
Quelques louanges qui soient dûes à la valeur
des Troupes , à la capacité des Generaux de Sa
Majesté , au courage et à l'activité de ses Alliez ;
ce n'est point aux moiens humains , mais à la
Providence de celui qui regle à son gré le sort
des
JANVIER 1734. 181
des Armes et des Empires , qui éleve et qui abbaisse
les Thrones , comme il lui plaît , que le
Roy attribue tant de succès inesperez ; et quelques
glorieux que soient ces évenemens, ils n'affoiblissent
point son amour pour la paix.
Entrez donc dans les sentimens de Religion et
dans les vues pacifiques d'un Roy , selon le coeur
de Dieu , qui rend hommage à la Majesté Divine
, de tout ce qui lui arrive d'heureux , et qui
tout occupé du bonheur de ses Peuples, sera toujours
prêt à préferer leur repos à sa propre gloire.
Venez , à son exemple , reconnoître au pied
des Autels , les graces et les bienfaits du Dieu qui
protege la France : * Demandez - lui ardemment
que les succès d'une Guerre juste et necessaire
nous conduisent à une prompte paix , plus dési
rable que les victoires , et pour laquelle Dieu
nous ordonne de recourir à lui , parce que c'est
de la paix de l'Etat que dépendent notre paix et
notre tranquillité.
A ces causes , après en avoir conféré avec nos
venrables Freres les Doyen , Chanoines et Cha
pitre de notre Eglise Metropolitaine : Nous or
donnons qu'après demain Jeudi , 14 du present
mois , le Te Deum sera chanté dans notredite
Eglise Métropolitaine , en actions de graces de la
prise du Château de Milan : Dimanche 17 da
courant dans toutes les Abbayes , Chapitres, Pa
roisses et Couvens , exempts et non exempts , de
la Ville et Fauxbourgs ; et dans toutes les autres
Eglises de notre Diocèse , le Dimanche après la reception
du present Mandement . Si mandons aux
* Quarite pacem civitatis ad quam transmigrare
vos feci , et orate pro ea ad Dominum, quia in pace
illius erit pax vobis. Jerem. 29.7·
I iij
Ar❤
182 MERCURE DE FRANCE
Archiprêtres de sainte Marie- Magdelaine et S.Severin
de notifier notre present Mandement à tous
Abbez Prieurs , Curez , Superieurs et Superieures
de la Ville et desdirs Fauxbourgs ; et aux Doyens
Ruraux de l'envoyer aux Curez de la Campagne ,
Superieurs et Superieures des Communautez ,
exemptes et et non exemptes , à ce qu'ils n'en
ignorent , et qu'ils l'observent et fassent observer
par les personnes qui leur sont soumises.
Donné à Paris , en notre Palais Archiepiscopal
le 12 Janvier 1734. Signé, CHARLES , Archevêque
de Paris , c.
Le 14 , après midi , on chanta dans
l'Eglise Métropolitaine , le Te Deum , en
actions de graces de la prise du Château
de Milan, et l'Archevêque de Paris y of
ficia pontificalement. Le Chancelier de
France et le Garde des Sceaux , accompa
gnez de plusieurs Conseillers d'Etat et
Maîtres des Requêtes , y assisterent , ainsi
que le Parlement , la Chambre des
Comptes , la Cour des Aydes, et le Corps
de Ville , qui y avoient été invitez en la
maniere accoutumée .
Le soir il y eur des Feux de joïe et d'autres
marques de réjouissances dans toutes
les rues de la Ville.
Le 15.on chanta pareillement le Te Deum ,
avec beaucoup de solemnité , dans l'Eglise
de l'Abbaye Royale de S. Germain , en
con
JANVIER. 1734
183
conséquence d'un Mandement du Cardinal
de Bissy , dont voici la teneur :
Henry de Thiard de Bissy , par le grace de
Dieu , et du S. Siege Apostolique, Cardinal de la
farnte Eglise Romaine , du Titre de S. Bernard,
Evêque de Meaux , Commandeur de l'Orûre du
S. Esprit , Abbé Commandataire de l'Abbaye
Royale de S. Germain des Prez : A tous ceux qui
sont soumis à notre Jurisdiction : Salut e Benediction
. Le Seigneur , Dieu des Armées , a répandu
ses nouvelles Benedictions sur les Armes
du Roy , et sur celles de ses Augustes Alliez.
Milan , une des principales Villes d'Italie ,
ouvert ses Portes aux approches de l'Armée
Royale Son Château , après 13 -jours de tranchées
, a été forcé de se rendre, Tout le Païs
renfermé entre les Rivieres du Tessin et de l'Oglio
est à present soumis à la Puissance de Sa
Majesté. Un cours si heureux et si rapide de tant
de succès , exige de nous la plus vive reconnoissance
envers le Souverain Arbitre des Etats qui
fait pancher la Victoire où il lui plaît , et qui
dispose de tout l'Univers avec poids , sagesse et
mesure. Continuons à faire des voeux les plus ardens
pnur la prosperité de notre auguste Monarque
, qui n'attaque ses ennimis que pour procurer
à l'Europe une Paix solide , et pour maintenir
les différens Princes qui y regnent dans leurs
juftes et légitimes droits. A ces causes : Nous
ordonnons que Vendredy , 15 du présent mois ,
à l'issue des Vêpres , le Te Deum sera chanté
dans notre Eglise Abbatiale , en actions de graces
des Benedictions que Dieu a répandues sur les
Armes du Roy. Donné à Paris , dans notre Pa-
Tais Abbatial , ce 13 Janvier 1734.
Signê, HENRY , Cardinal de Bissy.
184 MERCURE DE FRANCE
LES DAMES de la Ville du Sains
Esprit à Madame la Contesse du R.....
IL paroît , aimable Comtesse ,
Aux Vers qui de ta part nous ont été rendus
Que les pas que tu fais sur les bords du Permesse
Ne furent jamais pas perdus.
On y reconnoît le génie ,
Qui préside au sacré vallon ;
Le Tour , la Raison , l'Harmonie ;
Tout semble partir d'Apollon.
C'est lui qui te prête sa Lire
Pour former des Accords si remplis de douceurs
' est de lui que vient le délire
D'où naissent ces Enfans avoüez de neuf Soeurs
Si comme toi nous avions l'avantage
De parler dignement le langage des Dieux ,
Cent fois en ta faveur nous aurions fait usage
D'un talent aussi précieux .
Cent fois sur pegaze montées ,
Nous aurions trouvé aux yeux
grace
du Dic
des Vers ;
Tes Louanges par nous auroient été chantées ,
Et sur l'aîle des Vents portées,
Auroient parcouru l'Univers
C'est
JANVIER . 1734. 185
>
C'est ainsi , Madame , que tâchant
d'imiter votre stile , car nous ne sçaurions
nous proposer un plus parfait modele
, et nous appropriant même quel
ques-uns de vos Vers , nous prônerions
par tout votre Beauté , votre Esprit et
la nature a si ces graces sans nombre que
libéralement répandues sur votre personne
; nous joindrions à votre Eloge
célui de M. le Comte votre illustre
Epoux moins recommandable par sa
naissance et par son rang que par
les rares
qualitez que le Ciel lui a départies.
Nous aurions sur tout plaisir , Madame ,
à nous étendre sur la bonté de vos coeurs,
qui se sont attirez tous les nôtres : mais
comme les routes du Parnasse nous sont
peu connuës , nous laisserons aux nonrrissons
des Muses à traiter cette nobit
matiere ; nous contentant de vous témoi
gner en Langue vulgaire que nous sommes
fort sensibles à l'honneur de vetre
souvenir , que nous supportons impatiemment
votre absence , et qu'il nous
tarde extrémement de vous revoir en ce
Pays , pour vous faire notre cour ; c'est
avec ses sentimens accompagnés de beaucoup
de respect et de zele , que nous
sommes & c.
I v RES
186 MERCURE DE FRANC'E
REMERCIMENTde Madame la
Comtesse du R..... Gouvernante de la
Ville du S. Esprit.
S Ensible à votre politesse ,
Que ne puis-je grimpant au séjour de Phebus ;
Emprunter son secours ; mais aux bords de
Permesse
Les pas que nous faisons sont souvent pas
perdus.
Ah ! si ce Dieu daignoit me confier sa Lyre :
Pour célébrer vos rares qualitez ,
Mes Vers enfans heureux du plus noble délire
Sur les aîles des vents nous seroient apportez ,
Castellane d'abord se présente à ma vûë ,
Et cette Mere aux charmes les plus doux
Ne peut être mieux reconnuë 群
Qu'au digne fruit des feux de son Epour ,
Cazeneuve avec Prat partageront ensemble
Ces Eloges qui leur sont dûs ;
Le Ciel en toutes deux avec éclat rassemble
Ce qu'il a de plus rare , esprit , attraits , vertus ¿
Parmi la troupe respectable
Par le mérite et par le sang ,
La Perdris peut ainsi qu'à table
Occuper noblement son rang.
• Madame de Villeperdrix ,fille de M. le Mar.
quis de Lachaux de Montauban .
Je
JANVIER. 1734. 187
Je chanterois sur même note ,
Mille objets enchanteurs , sources de l'agrément,
Cavaillon et Piolene , Vanel , Bernard , Lamotte ,
Lirac et Lysleroy , Pourcet également ;
Mais Ciel ! je vois Phebus sur un Trône de nues
Les doctes Soeurs parfument sts Autels;
Autour de lui les jeux , les graces ingenuës
Forment des Concerts immortels ;
J'approuve, me dit - il,le zele qui t'inspire ,
Mais donne le Bouquet au galant Bonnefons
Ii est connu dans mon Empire ;
Il te servira ; j'en répons.
C'est ainsi qu'a parlé le Maître du Parnasse :
Bonnefons voudroit-il faire mentir ce Dieu ?
Non , sans doute , il sçait trop que de pareille
audace
On se souvient en temps et lieu ;
Déja sa veine est animée ,
Il nous chante , j'entens les sons harmonieux
De cette Lyre accoutumée
A célébrer les Belles et les Dieux ;
Quoiqu'il fasse pour vous , oui, j'ose ici le dire ,
Ce que vous méritez est encore au- dessus :
Et pour le bien d'écrire
Ce ne seroit pas trop que d'implorer Phébus.
I vj
MORTS
188 MERCURE DE FRANCE
MORTS NAISSANCES
311
et Mariages.
E nommé Nicolas - François Petit
Gagne deniers ,mourut à Paris , rue
Cadet , le 2. Novembre 1733. dans la
centiéme année de son âge , et fit inhumé
dans le cimetiere de S. Joseph , annexe
de la Paroisse S. Eustache,
M. Thomas Honoré de Francini , Prê
tre- Docteur en Theologie de la Faculté de
Paris , de la Maison Royale de Navarre
et Doyen de la même Faculté , mourut le
5. Janvier 1734 au College de Boncours ,
dans la 78. année de son âge. Son corps
fût transporté à S. Germain en Laye pour
être inhumé dans l'Eglise des Recollets Y
lieu de la sépulture de sa famille , qui est
originaire de la Ville de Florence , et com
prise au nombre de celles qui étoient admises
aux dignitez de la République dès
l'an 1318. Elle vint s'établir en France
sous le regne de Henry IV. et fut naturalisée
en 1500. Jean Nicolas de Francini,
ancien Maître d'Hôtel du Roy qui
avoit épousé en 1684. Magdelaine Catherine
de Lully , morte en 1703. fille du
celebre Jean- Baptiste Lulli , est de cette
>
famille.
JANVIER. 1734. 189
famille. Francini porte d'Azur à une main
gantelée d'argent mouvante du flanc seneftre
de l'Ecu , tenant une pomme de pin d'or surmontée
d'une étoile de même , & accompagnée
de trois fleurs de Lys d'or, deux en chef
une en pointe.
Louis- Christophe de la Rochefoucaud
de Lascaris , Marquis d'Urfé , Grand Bailly
du Pays et Comté de Forez , Mestre de
Camp de Cavalerie , mourut le 7. Janvier
près de Tortonne dans le Milanez , dans
la trentiéme année de son âge . Il étoit fils
aîné de Jean Antoine de la Rochefou
caud , Marquis de Langheac , & c. et
de Dame Marie-Therese de Guerin de Lugeac.
Il avoit succedé aux biens de la Maison
d'Urfé en vertu d'anciennes substitutions
, par la mort de Joseph Marie de
Lascaris , Marquis d'Urfé , le dernier de
cette illustre Maison , arrivé le 13. Octobre
1724. celui qui vient de mourir avoit
été marié le 11. Septembre 1724. avec.
Dame Jeanne Camus de Pontcarré , fille
de Nicolas- Pierre Camus , Seigneur de
Pontcarré Premier Président du Parlement
de Normandie , et de feuë Dame
Marie -Michelle de Bragelongne sa scconde
femme . Il en a laissé des enfans.
Bernard du Mas de la Vergne , Maréchal
190 MERCURE DE FRANCE
chal des Logis de la premiere Compagnie
des Mousquetaires de la Garde du Roy ,
Mestre de Camp de Cavalerie , et Chevalier
de S. Louis , mourut le 16. Janvier
âgé d'environ 76. ans Il avoit été marié
le 30. Avril 1697. avec Anne Geneviève
Portier , fille de François Portier , Ecuyer
sieur de Compiegne et de Maillezais , Secretaire
des Commandemens , et Intendant
des Maisons et affaires du Duc de
Longueville , et de Catherine Cantot.
Armand François de Bretagne , premier
Baron de Bretagne , Baron d'Avangour ,
Comte de Vertus et de Goello , &c. Maréchal
des Camps et Armées du Roy ,
Chevalier de S. Louis , mourut à Paris le
12. Janvier , âgé de 52. ans . Il avoit été
successivement Guidon et Enseigne de la
Compagnie des Gendarmes de la Garde dur
Roy . Il n'a point été marié , laissant seulement
un frere et une soeur , qui sont
Henry François de Bretagne , Colonel
d'Infanterie , qu'il a institué son légataire
universel , et Dame Marie-Claire - Geneviéve
de Bretagne , veuve de Charles Roger
, Prince de Courtenay , mort en
1730.
Dame Louise de Montguillon , veuve
en premieres nôces d'Alexandre leMazier,
Auditeur en la Chambre des Comtes ; et
en
JANVIER 1734 191
en secondes de Claude- Auguste Vitart de
Passy , Ecuyer , Seigneur de Barzy , Capitaine
de Dragons , mourut le 14. Janvier
dans un âge avancé , laissant des enfans
de ses deux mariages.
M. Pierre Renard , Prêtre Superieur de
la Maison et Hôpital Royal de la Trinité
à Paris , mourut le même jour 14. âgé de
85. ans.
Dame Marie Angelique Cadeau , veuve
de Guillaume Fremin , Comte de Moras,
et Président à Mortier au Parlement de
Metz , mourut le 16. âgée de 87. ans . Elle
a laissé pour fille unique Marie Angelique
Fremin de Moras , qui a été mariée
le 17. Décembre 1709. avec Louis Antoine
de Brancas , Duc de Villars , Pair de
France , Chevalier des Ordres du Roy' ,
& c.
Guillaume Stafford Howard , Comte
de Stafford , Pair de la Grande Bretagne ,
mourut le 18. Janvier en la Maison des
Religieuses Chanoinesses Angloises , ruë
des Fossez S. Victor , d'une apoplexie
dont il fût attaqué étant à la grille . Il
étoit âgé d'environ 49. ans. Ses obseques
ont été celebrées le 20. dans l'Eglise Paroissiale
de S. Nicolas du Chardonnet ,
et il a été inhumé dans l'Eglise des mêmes
Chanoinesses Angloises, La Maison Howard
192 MERCURE DE FRANCE
ward est une des plus anciennes et des
plus illustres d'Angleterre. Guillaume
Howard , ayeul de celui qui vient de
mourir , étoit cadet des Ducs de Norfolck
, Aînez de toute la Maison Howard,
qui est fort nombreuse. Il prit le nom de
Stafford ; dont il avoit épousé l'heritiere.
Ce Seigneur , qui avoit embrassé la Religion
Catholique , ayant été accusé faussement
par deux scelerats de tremper dans
une prétendue conspiration des Catholiques
contre le Roy Charles II. eût la tête
tranchée à Londres le 8. Janvier 1681 .
à l'âge de 70. ans . Son fils , pere de celui
qui donne lieu à cet article , avoit suivi la
fortune du Roy Jacques II . en France , et
faisoit aussi profession de la Religion Catholique.
>
Charles de Creil , ancien Capitaine de
Cavalerie , ci devant Gentilhomme ordinaire
de la Maison du Roy , mourut le
24. Janvier âgé de 68. ans . Il étoit Fils de
feu Pierre de Creil , Seigneur de Grand-
Mesnil , Maître ordinaire en la Chambre
des Comtes , et de Jeanne Crié sa seconde
femme .
On apprend de Bretagne que Messirǝ
Jofeph- Hyacinte de Kersulguen , Chevalier
Seigneur , Marquis de Klorec , mourut le
19. de ce mois , en son Chasteau de Chefdu-
Bois
JANVIER 1734 193
du- Bois , où il avoit fixé depuis long- tems
sa demeure , mais où il ne s'est pas moins
rendu utile aux interêts du Roy , qu'à ceux
de sa Province ; tous les Officiers Generaux
qu'il recevoit chez lui avec une magnificence
et une noblesse qui l'auroient
distingué à la Cour , l'honoroient de leur
confiance et de leur amitié , et abandon
noient entierement à sa prudence ce qu'ils
ne pouvoient ou connoître ou executer
par eux mêmes , et l'associoient toûjours
à leur conseil . Il fut sur tout l'ami intime
du feu Maréchal de Vauban .
Egalement estimé de la Noblesse de
Bretagne , et connu par son zele pour les
interêts de la Province. Il fût élu deux
fois d'une voix unanime Président de
l'Assemblée des Etats de 1731. en l'absen
ce du Duc de la Tremouille .
Outre un esprit élevé , pénétrant , vif
plein d'un enjoüement noble et délicat ; il
possedoit à un si haut dégré le don de la
parole , qu'on le regardoit comme l'oracle
de la Province. Le caractere de son
coeur honoroit encore les qualitez supé
rieures de son esprit. Il alloit au- levant de
tous lei démêlez . Il calmoit toutes les querelles
, et la décision de tous les interêts
lui étoit confiée , sans que qui que ce soit.
ait jamais été tenté d'en appeller à un autie
Tribunal. Sa
194 MERCURE DE FRANCE.
ne
Sa tendresse pour les
pauvres , et sur
tout , pour les pauvres de ses terres ,
peut être mieux publiée que par les larmes
qu'ils ont répandues à sa mort ; moment
qu'il a rendu précieux aux hommes
et aux yeux de Dieu , par les sentimens
de religion , de paix , et de tranquillité ,
que le témoignage seul de la bonne conscience
peut donner.
,
Il laissa deux fils , l'aisné aujourd'hui
Marquis de Klorec , que la longue interruption
de la guerre où il s'étoit distingué
dans le service de la Marine , a fixé à la
tête de sa famille , et le Chevalier de
Klorec , Lieutenant de Vais eaux , fort
connu par ses services et son mérit . personnel
, l'un et l'autre Chevaliers de Saint
Louis .
Cet illustre Mort étoit de la Maison
de Kersulguen , l'une des plus anciennes
Maisons de Bretagne , et alliée de tout
tems à ce qu'il y a de plus considerable.
Jamais homme ne fut plus aimé
pendant sa vie , ni plus regretté après sa
mort.
Dame Marie-Helene Moreau de Se
chelles , épouse de M. René Herault
Chevalier , Seigneur de Fontaine- Labbé,
et de Vaucresson , Conseiller d'Etat , et
Lieutenant
JANVIER 1734. 195
> Lieutenant General de Police de la Ville
Prévôté et Vicomté de Paris , mariez le
30. Décembre 1732., accoucha le 23. Janvier
d'un fils , son premier enfant ,
quifut
nommé Jean René , ayant été tenu șur
les Fonts par M. Jean Moreau , Cheva
lier , Seigneur de Sechelles , Maistre des
Requestes , et Intendant du Haynault ,
son ayeul maternel , et par Dame Jeanne-
Charlotte Guillard , veuve de Louis Herault
, Seigneur d'Epone , et Mazieres , da
grande belle-mere paternelle.
Guy de Chartraire , Seigneur de Rugny
, de Montreal , & c. fils d'Emilien de
Chartraire de Romilly , Conseiller honofaire
au Parlement de Metz , et de Dame
Jeanne- Marie Girard , épousa le 20. Janvier
Dame Marie- Reine Chauvelin , fille
de M. Chauvelin , Seigneur de Beausejour
, &c. Conseiller d'Etat , et de Dame
Catherine Martin .
A
ARRESTS NOTABLES.
RREST du 8. Décembre , par lequel
S. M. proroge jusqu'au dernier Décembre
1734. le prix des anciennes Especes et matieres
d'or et d'argent.
OR196
MERCURE DE FRANCE
ORDONNANCE DU ROY , du 14. Décem
bre , portant augmentation de quinze hommes
dans chacune des quinze Compagnies franches
des Galeres , par laquelle S. M. ordonne qu'à
commencer du premier Janvier prochain , lesdites
Compagnies soient augmentées de quinze
hommes chacune , et composées de soixante- cinq
hommes ; sçavoir , un Capitaine d'armes , deux
Sergens , deux Caporaux , deux Anspessades , un
Tambour , un Fifre , dix Grenadiers et quarantesix
Soldats. Et pour faciliter aux Capitaines la
levée de ces quinze Soldats , avant le mois de
Mars de l'année prochaine . S. M. veut qu'il leur
soit payé vingt livres pour chacun de ceux qu'ils
présenteront , et qui seront reçûs .
DECLARATION du Roy , du 20. Décembre
, en interprétation de l'Edit du mois de No
vembre dernier , qui rétablit les Offices Municipaux.
Registrée en Parlement le 22. dudit mois.
ARREST du 22. Décembre , qui ordonne
que la perception de la levée du Dixiéme des
biens , ne commencera qu'au premier Janvier
1734. au lieu du premier Octobre 1733 .
AUTRE du 29. Décembre , qui ordonne
que toutes les déclarations que les Proprietaires
des biens-fonds voudront passer devant Notaires
seront faites sur du papier non timbré, et sans aucun
contrôle, et qui permet ausdits Notaires d'énoncer
dans lesdites déclarations , les Baux et
autres Actes sous seing privé , qui serviront à les
constater sans pouvoir encourir l'amende prononcée
par les Reglemens.
AU
JANVIER. 1734
197
'AUTRE du 2. Janvier , qui ordonne que le
recouvrement du Dixiéme des gages , appointe
mens des Commis , tant generaux que particuliers
, ou autres Employez à la régie des Fermes
et Sous- Fermes , soit en titre ou par commission,
cera fait à la requête du sieur de Ternantes.
*
AUTRE du même jour , qui ordonne que toutes
les déclarations , rôles qui seront arrêtez en
conséquence , les Extraits desdits rôles , les quit .
tances , exploits , assignations et autres expeditions
et procedures qui se feront pour la levée
du Dixième , pourront être faites sur papier
non timbré , et décharge du contrôle des exploits
toutes les significations qui seront faites en conséquence,
AUTRE du 5. Janvier, qui accorde un délai
jusqu'au premier Juillet prochain , pour le contrôle
des Actes de foi et hommage , déclarations
et reconnoissances aux Papiers terriers et autres ,
le-
ARREST DU CONSEIL D'ETAT , du 26
Janvier , qui ordonne l'exécution des Arrêts du
Conseil , du 10 Mars, et du 5 Septembre 1731 .
et la suppression de plusieurs Ouvrages , par
quel S.M.ordonne que lesdits Arrêts du 10 Mars
et dus Septembre 1731 , soient exécutez selon
leur forme et teneur , et en conséquence , ordonne
que les Ecrits intitulez ; Instruction Pastorale
de M. l'Illustrissime et Reverendissime Evêque de
Marseille , sur les libertez de l'Eglise Gallicane.
A Marseille, de l'Imprimerie de Jean - Pierre Brebion
, &c. Le droit des Souverains , dans l'administration
de l'Eglise , & c . A Paris , 1734. ou ,
suivant une autre Edition du même Ouvrage :
Traité des bornes de la puissance ecclesiastique , et
de la puissance civile , avec un sommai Chronologia
198 MERCURE DE FRANCE
logique des entreprises des Papes , pour étendre la
puissance spirituelle , et du succès que ses entreprises
ont eu , surtout en France , comme aussi des faits :
concernant les disputes du temps . A Amsterdam .
chez François Changuion . 1734.Anecdotes ou Mémoires
secrets sur la Constitution Unigenitus ,
I partie, 1730. 2partie . A Utrech, 1732. Tom. 3.
A Trevoux, 1733. Réfutation des Anecdotes, adressée
à leur Auteur , par M. Pierre - François Lafi
tau , Eveque de Sisteron , cy devant chargé des af
faires du Roy auprès du S. Siége. A Aix , chez
Joseph David, Imprimeur du Roy , 1734. Disser–
tation , dans laquelle on explique en quel sens on
peut dire qu'un ugement de l'Eglise Catholique ,
qui condamne plusieurs Propositions de quelque écrit
dogmatique , sous une multitude de qualifications.
respectives , est une regle de foy , et en quel sens ce
n'est pas une regle de foy ; par M. Charles, Evéque
de Tulle , pour l'instruction du Clergé et des Fidelles
de son Diocèse . A Tulle , chez Jean - Léonard
Dalvy , &c. 1733. seront et demeureront suppri
mez , comme contraires à la disposition des Arrêts
, des 10 Mars et 5 Septembre 1731. Enjoint
S.M à tous ceux qui en ont des Exemplaires
, de les remettre incessamment au Greffe du
Conseil , pour y être supprimez . Fait deffenses à
tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs , et
autres , de quelque état , qualité et condition
qu'ils soient , d'en imprimer , vendre , débiter ,
ou autrement distribuer , à peine de punition
exemplaire , &c.
TABLE
Rivilege du Roy ,
Paralogue des Mercures depuis 1721 , jusqu'à
present ,
Liste des Libraires qui debitent le Mercure dana
les Villes de Province ,
Avertissement de 11 pages.
PIECES FUGITIVES Ode , pour le commencement
de l'année ,
Médales de l'Empereur Gratien ,
Armide , Cantate ,
Deffense de la Géométrie de l'Infini ,
Le Manteau bleu , Epître , Etrennes , & c.
Lettre au sujet du Plainchant ,
Imitation d'une Ode d'Horace ,
I
S
II
IS
20
29
47- Troisiéme partic de la Réponse sur l'essence de
la matiere
Sonnet ,
".. Sx
18
Lettre au sujet des Réfléxions sur la Poësie , 19
Epigramme , 73
Lettre sur la vie de Topal - Osman , & c. ibid.
Epigramme sur deux Procureurs > 96
Lettre sur la circulation de la Séve dans les
Plantes , & c.
Enigme , Logogryphes , &c.
97
107
NOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts , 110
Essay sur les erreurs populaires , &c.
112
Histoires et Memoires de l'Académie Royale des
Sciences ,
La Bibliotheque des Enfans ,
Les Dons des Enfans de Latone ,
Livres nouveaux 9
Nouveau Calenarier ,
117
118
119
120
122
Jettons nouvellement frappez, gravez au burin ,
127
Lettre écrite de l'Amérique, sur une Eclipse , 129
Prix proposé par l'Académie de Chirurgie, 130
Réponse à M. de S. Aubin , par l'Auteur au Problême
, &c. 131
Lettre sur le systême du Bureau Typographis
que,
132
1
Réponse à cette Lettre ,
Duo , noté ,
Spectacles ,
L'Impromptu de Campagne , Comédie ,
133
138
139
142
149
ISI
154
Parallele des Diles d'Angeville et Gaussin, 147
Nouvelles Etrangeres , de Pologne ,
Lettre du Roy au Magistrat de Dantzik ,
D'Allemagne , d'Italie , de Londres , &c .
Harangue du Roy d'Angleterre , &c,
Armée d'Italie . Prise de Novarre , &c.
Lettre crite de l'Armée d'Italie ,
La Cocarde , Poëme ,
157
161
163
168
France , Nouvelles de la Cour, de Paris, &c. 169
Lettre sur l'Evêque d'Amiens , 176
Lettre du Roy a l'Archevêque de Paris , sur la
Prise du Château de Milan ,
Mandement sur ce sujet ,
179
180
Mandement du Cardinal de Bissi , et Te Deum
sur le même sujet ,
183
Remerciment en Vers , &c,
184
186
Réponse ,
Morts , Naissances et Mariages , &c .
189
Arrêts Notables. 195
Errata du 2. volume de Décembre.
Page 2924. ligne 4. du bas , le Maréchal , lisez la
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 9. ligne 16. de l'Avertissement , plus ,
lisez le plus. P. 118 , 1. 27. feuillets , ôtez ce
mot. P. 126. l . 18. Graveur , ôtez ce mot. P. 141
1. 3. du bas , on donna , ôtez ces mots . P. 142. l .
15. l'a traité , l. le traite. P. 143. 1. 7. de ce Châreau
, ôtezces mots . P. 144. 1. 3. fait , l. suit . Ibid.
1. 10. P'exile , l . l'azile .
Les Jettons gravez doivent regarder la page 127
La Chanson notée doit regarder la page
138
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
FEVRIER. 1734.
COLLIGIT
SPARGIT
A PARISIR
GUILLAUME CAVELIER.
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXIV.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , ou aux . Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS..
,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY.
FEVRIER. 1734.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
IMITATION
De l'Ode d'Horace , qui commence
T
Qualem ministrum , &c .
El que le noble Oyseau , Ministre
du Tonnere ,
Que pour avoir ravi Ganimede
à la terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des habitans de l'air;
Quitte son nid , jaloux des forces paternelles ,
A ij
Et
200 MERCURE DE FRANCE
Et surpasse déja par l'effort de ses aîles,
Les paisiblés Zéphirs , successeurs de l'Hyver .
Bien-tôt l'expérience, augment ant son audace
Il va , fier ennemi d'une timide race ,
Jusqu'en leur Bergerie , attaquer les Agneaux ;
it bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim , et transporté de haine
Leur livrer constamment les plus rudes assauts.
> Tel encor, que , sur soi , dans un Vallon
champêtre ,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vû fondre un Lion , nouvellement sevré ,
Tel , au combat , donné près des Alpes altieres ,
Drusus , qu'accompagnoient mille vertus guer
rieres ,
Aux Vindéliciens , aux Rhetes s'est montré.
Leurs cruels Escadrons , jaloux de notre gloire,
Ayant long-temps volé de victoire en victoire
Vaincus par un jeune homme ont senti le pouvoir
3
D'un instinct vertueux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la nature ,
Le soin que des Nerons , Auguste daigne avoir
Des forts naissent les forts ; la vigueur , le
Courage ,
Aux
FEVRIER. 1734. 201
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage,
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais un heureux exemple est ce qui vivifie ;
Toujours un coeur bien né par lui se fortifie ,
par lui la vertu conserve son éclat. Et
Rome, grace aux Nérons, tu subsistes encore;
Au vainqueur d'Asdrubal , défait près du Métaure
;
Tu dûs le premier jour de tes félicitez ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel qu'un vent orageux , ou tel qu'un incendie
Le superbe Affricain ravagent nos Citez .
Après ce jour heureux que nous fit luire Claude
,
La jeunesse Romaine , à la force , à la fraude ;
Sçut opposer des bras toujours victorieux ;
Et ceuillant de Lauriers les moissons les plus
amples ,
Sa vertu rétablit et le culte et les Temples ,
Que la rage Punique avoit ravis aux Dieux.
Le perfide Annibal , à cet aspect s'écrie ,
» C'est trop d'avides Loups ' provoquer la furie ,
Foibles Cerfs tant de fois vaincus et dispersez ;
» C'en est trop , c'en est trop , par une fuite
prompte ,
» D'une défaite entiere épargnons- nous la honte,
A iij Les ""
102 MERCURE DE FRANCE
» Les tromper en fuyant , c'est triompher assez-
Le Peuple , qui porta dans les Champs Italiques
Ses Enfans , ses Vieillards et ses Dieux domestiques
,
Sauvez des feux de Troye, et des flots de la Mer,
( Semblable au Chêne altier , qui , sur l'Algide
sombre ,
Jadis tondu , pullule en rejettons sans nombre )
Doit son accroissement aux outrages du fer.
L'Hydre fort de sa playe , étoit moins redoutable
:
Jamais Thebe ou Colchos n'eut un Monstre semblable
.
Qu'on le plonge dans l'Onde, il n'en sort que plus
beau ,
Proposer-lui la Lutte , il vous jette par terre ,
Et les femmes de ceux qui lui livrent la guerre ,
Chaque jour de pleurer ont un sujet nouveau.
C'est fait de notre honneur : Qu'esperer davans .
tage ?
Puisque Asdrubal est mort , que desormais Carthage
N'attende plus de moi de superbes Courriers ,
Aux forces des Nérons,tous succès sont possibles ,
Et Jupiter a mis , pour les rendre invincibles ,
Leur prudence au dessus de tout l'art des Gues
aiers.
F. M. F.
ELO.
FEVRIER 1734. 201
ELOGE de Madame de Bethune d'Or
val , Abbesse de l'Abbaye Royale de N.
D. du Val de Giff , Diocèse de Paris.
D nous
Epuis que nous avons publié la
mort de cette illustre Dame dans
le premier volume du Mercure de Décembre
dernier , nous avons eu communication
d'une Lettre , qui a été écrite
sur ce sujet par la Dame Prieure et Communauté
de la même Abbaye . Cette
Lettre nous a paru si édifiante et si digne
de considération en toute maniere ,
que nous avons crû devoir en raporter
du moins les traits les plus marquez , pour
rendre à la mémoire d'une Personne si
respectable une partie des devoirs que le
Public est en droit d'exiger de nous en
certaines occasions.
D. Anne Eleonor - Marie de Bethune
d'Orval, étoit fille de François de Bethu-
* Duc d'Orval , Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de ses Armées , et du Pays Charne
,
"
* Le Duc d'Orval êtoit fils de Maximilien de
Bethune , Duc du Sully Pair et Maréchal de
France &c. Ministre d'Etat &c. et de Rachel de
Cachefilet , sa seconde femme.
A iiij train ,
204 MERCURE DE FRANCE
train , Premier Ecuyer de la Reine Anne
d'Autriche , et de Dame Anne de Harville
de Palaiseau .
Ce fut une de ces Ames privilegiées
sur lesquelles une Providence attentive
veille dès le berceau , et dont elle dirige
tous les pas vers le terme heureux qu'elle
leur a destiné dès l'Eternité . Elle fut
dérobée au monde avant qu'elle pût en
éprouver la corruption : dès l'âge de trois
ans,le Seigneur prit soin de la cacher dans
l'Abbaye de Royal- Lieu , comme dans
un azile assuré pour son innocence. Elle
y fut élevée sous les yeux de Madame
deVaucelas sa Tante qui en étoit Abbesse ;
et la premiere attention qu'on cut sur
cette jeune Plante , fût de lui interdire
avec une severité qui pouvoit paroître
excessive , toute délicatesse , toute marque
extérieure de distinction , tout ce
qui peut flater ce fond d'orgueil et d'amour
de nous-mêmes avec lequel nous
naissons tous et que nous portons jusqu'au
tombeau. Mais on ne négligea pas
de cultiver les heureuses dispositions
qu'on trouva dans son esprit , et on eût
soin de l'orner de toutes les connoissances
qui convenoient à son sexe , en même
tems qu'on s'appliquoit à répandre dans
son coeur les semences d'une pieté d'autant
FEVRIER 1734. 205
cant plus solide qu'elle seroit plus éclairée.
Elle n'hésita point sur le parti qu'elle
devoit prendre dès qu'elle en fût
en fût capable.
Tout ce que l'éclat de sa naissance
et plus encore ses qualitez personnelles ,
pouvoient lui promettre dans le monde ,
devint pour elle la matiere d'un sacrifice
très volontaire , et coûta peu à son coeur
déja détaché de tout.
Dès l'âge de quatorze ans elle entra au
Noviciat , et elle prit l'habit de Novice,
à quinze. Son année d'épreuve n'étoit pas
achevée lorsque Madame de Vaucelas fût
transferée à une autre Abbaye. Elle se
sépara de sa chere Tante sans s'ébranler,
et pouvant la suivre par toute sorte de
raisons , elle se fixa à Royal - Lieu , Maison
où Dieu l'avoit prévenuë de ses Bénédictions
, par la Profession Religieuse qu'elle
fit à seize ans entre les mains de la nouvelle
Abbesse.
Elle ne pensoit qu'à se sanctifier dans
l'état de simple Religieuse , ne prévoyant
rien qui peut l'obliger d'en sortir, Mais
Dieu avoit d'autres desseins sur elle . Son
mérite lui fit tort , quelque soin qu'elle
prit de le cacher: elle fut mise à de grandes
épreuves ; il fallut l'arracher enfin
d'une Maison qu'elle avoit choisie par
préférence à tout et de laquelle elle étoit
tendrement aimée. AT
1
206 MERCURE DE FRANCE
Elle se retira dans l'Abbaye de S. Pierre
de Reims auprès de Madame sa Soeur
qui en étoit Abbesse . Elle Y porta l'édiy
fication et l'exemple de toutes les vertus
Chrétiennes et Religieuses. Sa retraite
dans cette Abbaye fût de cinq années.
Cependant Madame de Clermont
Monglat , Abbesse de * Giff , voulant se
décharger d'un fardeau sous lequel ses
infirmitez et encore plus son humilité
la faisoient gémir , chercha avec soin un
sujet propre à la remplacer , et à affermir
l'ouvrage de l'étroite Observance de la
Regle de S. Bencft ,'elle le trouva dans
Madame de Bethune d'Orval ,
Teile fut la vocation de cette digne
Religieuse , âgée alors de vingt- neuf ans .
Nulle considération humaine n'y eût part;
et il parut bien - tôt que Dieu avoit béni
des veues aussi pures que celles de Madame
de Monglat , et que la nouvelle
Abbesse étoit pour le Monastere de Giff
un don de sa Miséricorde .
La mort de Madame de Monglat , qui
survecût près de quinze ans à sa demis-
Cette Abaye est nommée dans les anciens
Titres. Beata Maria Valis de Giffo . Maurice de
Sully Evêque de Paris , la fonda vers l'an 1140 .
sur la petite Riviere d'Yvette , à cinq lieues de
Paris. sion ,
FEVRIER 1734. 207
sion , ne fit que mettre dans un plus
grand jour le merite deMadame d'Orval,
er justifier de plus en plus le choix qu'elle
en avoit fait pour la remplacer. Il faudroit
entreprendre d'écrire un volume
entier pour donner l'Histoire de sa vie
et de son gouvernement avec le détail
qu'elle merite ce gouvernement a été
de quarante sept ans , pendant lesquels
la résidence de la pieuse Abbesse dans
son Monastere , n'a été interrompuë
qu'une seule fois pour peu de tems , et par
ordre exprès de M. l'Archevêque de
Paris.
4
Qu'il nous soit permis du moins pour
ne point excéder nos bornes , de tracer
ici en deux mots son caractere . Une pieté
tendre , mais éclairée et sans petitesse ;
une humilité profonde mais sans pussillanimité
, un amour universel de la penitence,
mais sans ostentation ; une charité
inépuisable , mais sins acception de
personnes ; un amour de l'Ordre et de
la Regle ferme , mais sans dureté une
regularité toujours égale et toujours
sourenue , un don d'exhorter et d'instruire
peu communj appuyé d'un exemple
encore plus éloquent er plus efficace :
ajoûtons qu'une politesse simple et
noble accompagnoit toutes ces grandes
vertus.
,
A vj
Arri
208 MERCURE DE FRANCE
Arrive à la fin de sa carriere , et étant
au lit de la mort , elle dit à ses filles
qu'elle pouvoit s'appliquer ce que S. Jean
dit de J. C. que les ayant aimées pendant
sa vie , elle les aimoit jusqu'à la fin , surquoi
elle leur fit un Discours digne de sa
grande pieté et de sa parfaite charité.
Elle a conservé jusqu'au dernier soupir
tout son jugement et sa présence d'esprit,
et elle en a fait un excellent usage, pour
mettre à profit ces momens d'autant plus
précieux qu'ils touchent à l'Eternité . Son
extréme patience dans une oppression longue
et très penible, la pieté avec laquelle
elle reçut encore une fois le S. Viatique ,
quelques heures avant sa mort, et un dernier
effort qu'elle fit après cette action
ne pouvant presque plus parler , pour
demander que la Communauté récitât
Hymne d'Actions de graces , pour celle
qu'elle venoit de recevor ,
terminerent
enfin une vie sainte et riche en vertus et
enbonnes oeuvres. Elle expira doucement
au milieu de ses Filles le soir du 28 de
Novembre dernier dans la soixanteseizième
année de son âge, la soixantiéme
de sa Profession Religieuse , et la qua
rante-septiéme de son gouvernement.
L'HEU
FEVRIER. 1733. 200
•
L'HEUREUX ASTROLOGUE.
JA
CONT E.
Adis en France un certain Aftrologue
Si bien se mit en réputation ,
Que jamais onc plus ne furent en vogue
Fausse croyance et superstition ;
Mais à la Cour plus que dans les Province
Fallaciant Comtes , Marquis et Princes
Sçût par son art le Negromancien
En imposer à plusieurs gens de bien:
Quoique ne dit que pares rêveries ,
Les faisoit croire ainsi que propheties ;
Vint même à bout de répandre l'éffroy.:
Comme vais dire , en l'ame de son Roy.
A Dame jeune et de haut étalage
Qu'aimoit le Roy pour son joly corsage
Avoit prédit ce méchant que dix jours
De ses beaux ans termineroient le cours
De quoi si fort fut la Dame frappée ,
Qu'one du depuis ne songea qu'à la mort
De deuil amer nuit et jour occupée
Au temps prescrit elle accomplit son sort.
Le Roy chagrin de si triste avanture
A son Palais fait le Mage venir >
Et
210 MERCURE DE FRANCE
J
Et contant bien dévoiler l'imposture
Jà se prépare à le faire punir :
Toi , lui dit- il d'une voix formidable ,
Mage fameux , dont le regard certain
Dans l'avenir le plus impenetrable
Sçait d'un chacun débrouiller le destin ,
Du tien toi même annonce moi l'histoire ,
Quand mourras- tu ? ... point ne dirai , grand
Roy ,
...
Répondit- il , quand verrai l'onde noire ;
Mais la verrez quatre jours après inoy
Epouvanté, plus n'eut le Prince envie
De le livrer à mort ; mais au rebours
Bien ordonna qu'on veillât sur sa vie
Et comme siens , qu'on respectât ses jours.
>
****************
LETTRE de M. L. B.Ch. & Souchantre
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
A
FEVRIER. 1734. 219
**
A MLLE DE MALCRAIS.
EPITRE.
Une plume plus délicate
Que n'est celle qui vous écrit ,
Et dont l'encens chatouille et flate
Le coeur , et satisfait l'esprit .
Cette plume à jamais celebre
Depuis la Seine jusqu'à l'Ebre ,
Depuis l'Ebre jusques aux bords
Qu'arrose la Tamise altiere ;
Enfin dont les nobles essors ,
Jusqu'aux lieux où naît la lumiere
Bientôt se feront admirer ;
Cette plume ajoute à sa gloire
La gloire de vous célébrer ;
Par-là croyant mieux s'assurer
Un nom d'éternelle mémoire
Voltaire en tous lieux si vanté
Unit son nom avec le vôtre ,
Et vous charmerez l'un et l'autre
La derniere posterité,
Touché de cet exemple illustre ,
Malcrais , que ne puis -je à mon nom
Assurer un aussi beau lustre
En
220 MERCURE DE FRANCE
C
En celebrant votre renom ?
Jusques-ici dans le silence ,
Content d'admirer vos Ecrits ,
Et charmé que toute la France
Vous en donnât le juste prix ,
J'ai sçû résister à l'envie ,
A l'ardeur de vous exalter ,
Mais enfin mon ame ravie
Ne sçauroit plus y résister.
Je veux d'une Muze nouvelle
Chanter les admirables traits ;
Et la Déesse la plus belle
Pour mon coeur auroit moins d'attrain ,
Que n'en à l'illustre Immortelle
Qui porte le nom de Malcrais.
Son esprit me la represente
Vive , gracieuse , amusante ;
De ses beaux yeux le feu charmant
Fenetre jusqu'au fond de l'ame s
Qui la voit , l'entend un moment ,
Ressent la plus ardente flame ,
Et fait en soi-même serment
De l'aimer éternellement.
Il fait ce serment en soi- même,
Non à l'objet de son ardeur ;
C'est en secret qu'il faut qu'on l'aime ,
Renonçant au bonheur extrême
De
FEVRIER 1734 . 228
De triompher de sa rigueur ;
Sa raison est saloy suprême ,
Et son esprit défend son coeur.
Oui , telle est l'adorable idée
Que je me fais de vous, Malcrais ,
Et ma plume s'est hazardée
A vous en tracer tous les traits.
Je jurerois qu'ils vous ressemblent ;
Vos charmants Ecrits les rassemblent,
Par-là , justement admirez ;
C'est d'eux que je les ai tirez.
Un Auteur a beau se contraindre :
Digne d'estime ou de mépris ,
La nature dans ses Ecrits
Le force toûjours à se peindre.
Quelque sujet que vous traitiez ,
Par tout on vous trouve admirable ,
Et quelque ton que vous preniez ,
Vous paroissez toûjours aimable.
Que l'on celebre vos talens
Du Couchant jusques à l'Aurore ;
Qu'on vous admire , j'y consens ;
Moi , je faisplus , je vous adore.
De mon coeur acceptez le don.
Pour que votre gloire y consente ,
De celui qui vous le présente ,
Je prétends vous cacher le nom .
L'ignorant , vous croirez peut-être
2
B Que
ނ
222 MERCURE DE FRANCE
Que ce don pourroit vous flater ,
Au lieu que me faisant connoître ,
Il pourroit bien vous irriter.
Ne pressez donc point ma disgrace ,
Et contentez-vous de sçavoir
Que se prêtant à mon audace ,
Vos neuf Soeurs sur le Mont Parnassé
Daignent par fois me recevoir.
Calliope ni Melpomene
N'ont jamais élevé mes sons ,
Quoique parmi ses nourriçons
Phoebus m'ait placé sur la Scene.
Voltaire plein d'un feu divin
Chausse le Cothurne tragique :
Ma Muse naïve et comique ,
Ne chausse que le Brodequin.
N. D.
*
SUITE de la Lettre de M. D. B. ***
contenant l'Analyse de la Dissertation
sur la Circulation de la Séve dans les
Plantes , &c.
ART. 4.
pag. 24
R de la Baïsse avoit résolu
Mde suivre, s'il étoit
possible,
dans les Plantes le cours de la Séve d'une
maniere
FEVRIER 1734. 223
>
maniere aussi précise qu'on fait le cours
du Chyle dans les animaux , il vouloit en
déterminer les visieres , les veines , les ar--
teres , les glandes , et les vaisseaux , parce
qu'il avoit cru les voir distinctement
dans quelques Plantes ; il entreprit pour
executer ce projet plusieurs dissections ;
mais comme il ne retiroit de ce travail
aucun fruit , il jugea l'entreprise impossible
, du moins de la maniere dont il avoit
arrangé son plan , c'est pourquoi il l'abandonna
entierement , et il se contenta
d'examiner en general comment et ent
quelles parties de la Plante se dégorgent
les premiers tuyaux par lesquels monte
d'abord le suc nourricier ; notre Auteur
a toûjours mis tremper dans une liqueur.
colorée les parties des Plantes qu'il a voulu
examiner , et cette voye lui a paru suffisante
pour découvrir la route de la
séve.
La premiere partie de la Plante dans laquelle
il a observé le cours de la liqueur, a
été les fleurs ; il a jugé par ses observations
que le suc monte fort vîte et fort aisément
jusqu'au sommet des tiges , mais qu'il se
trouve ensuite arrêté aux plis et extrê
mitez des fleurs ; il pense que c'est peutêtre
en ces Endroits que le suc dépose ce
qu'il a de plus grossier ; il a aussi remar-
Bij qué
224 MERCURE DE FRANCE.
qué que le suc passe de ces premiers canaux
dans les parties charnues de la fleur
comme au travers d'un filtre , ce qui fait
qu'il n'y a que la portion du suc la plus
subtile qui y puisse être ; il prétend que les
sacs , ( il entend par sacs les utricules de
Malpighi ) tirent le suc immédiatement
de ces vaisseaux le long desquels ils sont
apparemment attachez ; peut- être bien ,
ajoûte-t'il , le suc nourricier se filtre par
côté , et passe dans de petits canaux collateraux
qui servent de communication
pour le porter dans les Kistes charnus , les
mêmes que ce qui vient d'être appellez
sacs. M. de la Baïsse seroit fort embarrassé
de trouver ces vaisseaux de communication
, même avec le secours du microscope.
.ART. 5. p. 30. Art . 6. ibid. Notre Auteur
n'ayant pû observer la route du suc
dans les fruits , passa la distribution de la
liqueur dans les feuilles , il a découvert
que les canaux destinez à porter la premiere
nourriture dans les feuilles sont situez
dans les nervures , que ces canaux ne
sont qu'une continuation des fibres de la
portion Higneuse , que le suc passe de
ces tuyaux dans les parties charnuës des
feuilles de la même maniere que dans celles
des fleurs , enfin qu'à mesure que le
Suc
FEVRIER. 1734. 225
suc monte dans les nervures , il s'y débarasse
de sa portion la plus grossiere. Pour
ne rien avancer gratis , voici la preuve de
cette derniere proposition , mettant une
feuille tremper par le pidicale dans une liqueur
colorée , la teinture devenoit moins
chargée à proportion qu'elle montoit plus
haut dans les tuyaux de la feiiille ; il falloit
donc qu'elle se dépoüillât de ses parties
heterogenes , par consequent la même
députation doit arriver à la seve qui
se meut dans ces canaux . Il faut avouer
qu'il est impossible de se refuser à de telles
preuves
.
ART. 7. p. 34. M. de la Baïsse mit pendant
deux ou trois jours en experience
dans la liqueur colorée l'écorce de quelques
Plantes , il observa que dans la partie
superieure et inferieure de l'écorce , la
teinture s'étoit répandue , et que la couleur
étoit très- visible vers le bas environ
jusqu'à la hauteur où s'élevoient en dedans
de la Plante des veines sensiblement rouges
, et vers le haut dans l'endroit où le suc
continuellement poussé avoit eu le loisir
de se ramasser jusqu'à répandre une couleur
rougeâtre dans presque tout l'interieur
de la plante ; il n'apperçût aucune
alteration de couleur au milieu de la tige,
et il conclut que ce n'est que quand la
B iij partie
226 MERCURE DE FRANCE
partie ligneuse de la plante a été imbuë de
la couleur du suc dont elle s'est nourrie ,
que l'écorce s'en est aussi trouvée colorée
quelque temps après , et par consequent
que c'est immédiatement du bois que l'écorce
tire sa premiere nourriture ; enfin
comme notre Auteur n'a pû distinguer
de rameaux rouges dans la substance de
l'écorce comme dans celle du bois , quoique
la teinture se répandit dans l'écorce toujours
assez uniformement , il lui a paru démontré
que la seve qui nourrit l'écorce passe immédiatement
des fibres de la portion ligneuse
dans les utricules de l'écorce.
Ordinairement le signe caracteriastique
d'un systême vrai est la facilité qu'il donne
pour expliquer tous les faits qui se présentent
, c'est pourquoi M. de la Baïsse
tâchá de rendre raison selon ses principes
de plusieurs phénomenes qui appartiennent
à la Physique des Plantes. Comme
je crois , Monsieur , que vous ne serez pas
fâché de voir un essai des applications de
son systême à differens cas particuliers , je
vais vous en rendre compte en peu de
mots.
P. 35. M. de la Baïsse se propose d'abord
d'examiner d'où vient cette abondance
de suc qu'on trouve au Printems
entre l'écorce et le bois des Arbres , et
l'explication
FEVRIER 1734 227
l'explication de ce fait lui paroît plutôt
une consequence qu'une nouvelle preuve
de son sentiment , tant elle est ( selon
lui ) naturelle ; au renouvellement de la saison
les premiers canaux situez dans la portion
ligneuse de l'arbre abondent en sucs,
dont ils se déchargent par tous leurs dégorgemens
; bientôt les vessicules de l'écorce
en sont remplies ; et ne pouvant plus
contenir celui qui survient , il faut de necessité
qu'il sorte hors de ses vaisseaux , et
qu'il se jette entre l'écorce et le bois dans
les endroits où l'écorce est trop adhérente
au bois , les fibres ligneuses se replient sur
elles -mêmes, et poussées au dehors par l'effort
continuel des sucs nouveaux , elles
fendent l'écorce et forment de nouveaux
jes. Notre auteur ajoûte que s'il est permis
de se livrer aux conjectures , il dira
encore que cet excès de séve venant à
rompre , les petites attaches qui lioient
les utricules de l'écorce aux fibres les plus
voisines de l'écorce , presse par dehors
ces letricules et les force à s'étendre suivant
la direction la plus facile , c'est- à dire
, selon la longueur de l'Arbre , bientôt
ces utricules ainsi pressez et étendus
en longueur s'ouvrent les uns dans les autres
et deviennent par - là des canaux
longs et contigus ; en un mot , de vrayes
و
B iiij
fibres
228 MERCURE DE FRANCE
fibres ligneuses , c'est aux approches de
l'hyver que le froid doit le presser ,
assez pour les faire coller au corps de
l'Arbre.
et
M. de la Baïsse après cette explication
qui est certainement toute neuve , employe
encore une preuve de fait qui lui
paroît décisive pour démontrer que le
nouveau bois se forme de l'écorce , et il
termine cet article par une question qu'il
se propose , et qu'il résout ensuite ; on lui
demandera peut être , dit-il , comment
l'écorce répare la perte qu'elle fait chaque
année de la portion de substance qui devient
partie ligneuse , il répond qu'il se
travaille dans l'interieur même de l'écorce
une substance propre à reparer ses pertes
et il appuye cette réponse par une obser
vation à peu près aussi juste et aussi concluante
que la réponse elle -même est instructive.
ART. 8. p. 41. La moëlle , selon notre
Auteur , tire sa nourriture de la partie
superieure de la portion ligneuse , et un
de ses usages lui paroît être de filtrer et de
préparer les sucs qui doivent nourrir l'embryon
, parce que dans la dissection des
fruits de plusieurs Arbres on voit une
communication sensible du coeur du jeune
fruit avec la moëlle du nouveau jet.
ART.
FEVRIER. 1734. 229
ART. 9. p. 43. ART. 10. p. 44. Il ne
suffit pas de connoître que la séve monte
jusqu'aux extrêmitez des Plantes , il faut
sçavoir encore si cette séve redescend , les
Plantes poussent des racines de la même
maniere qu'elles poussent des feuilles et
des branches ; ainsi comme il y a un suc
•qui en montant fait rejetter les plantes par
le haut , il doit y en avoir un autre qui en
descendant les fasse croître par le bas . M.
de la Baïsse n'a regardé ce Phénomene que
.comme une simple indication , et afin de
découvrir la verité il s'est engagé dans
plusieurs experiences que je vais rappor
ter dans le même ordre qu'il les a exposées.
1 °. Dans les fleurs et branches opposées
qui ont trempé dans la liqueur de
Phytolaus par une de leurs extrêmitez superieures
et dans une situation renversée
le premier suc ne s'est élevé que très- peu ,
quoique les parties inferieures , les bran
ches et les fleurs collaterales se soient bien
conservées , ce qui fait penser à M. de la
Baisse( et qui peut le penser que lui ? )qu'il
faut qu'il se fasse dans les feuilles et
sommitez où s'arrête ce premier suc une
digestion qui donne naissance à un suc - secondaire
, propre à porter en descendant
la fraîcheur dans les parties inferieures et
collaterales de la fleur ou de la branche
By
230 MERCURE DE FRANCE
-2 ° . Il monte du suc des racines des jeunes
Plantes aux feuilles seminales , et il en
descend des feuilles seminales aux racines,
comme il est facile de le prouver par les
experiences de Malpighi qui démontrent
la nécessité de ses feuilles seminales pour
la vegetation de la tige et des racines naissantes.
3 ° . Si on fait une ligature à une
tige de titrimale , il se forme un bourelet
au dessus de la ligature. Preuve sensible .
d'un suc descendant , et de la verité de
cette experience faite par M. Perrault. 4° .
Dans un gros tronc de noyer vers le couronnement
, sous une des plus considerables
branches , M. de la Baïsse a vû une
grande carité du milieu de laquelle sortoit
une racine de quatre lignes de diametre
à sa naissance , et longue de huit
ces , cette racine n'a pû être formée que
par un suc descendant . 5 ° . Dans les Greffes
la direction des fibres ligneuses est irréguliere
, du moins suivant notre Auteur ,
et à la pluspart il se forme des bourelets ,
les fibres du sujet au contraire ne sont
que peu ou point dérangées , ce qui lut
paroît prouver qu'il descend de la greffe
au sujet un suc qui ne pouvant passer alsement
dans le sujet est repoussé dans la
greffe , où il se replie sur lui même . M. Du
amel a avancé dans les Memoires de l'A
poucadémi
FEVRIER. 1734. 231
cadémie Royale des Sciences 1728. que la
qualité des fruits se perfectionne par la
greffe , parce que le suc se travaille dans
les plis et replis qui se forment au-dessus
de la jonction , M. de la Baïsse pensant
que les observations de cet Academicien
pourroient faire contre son sentiment une
obection assez forte , du moins en apparence
, a jugé à propos pour y répondre
de faire observer que le premier suc montant
se façonne très peu dans les tuyaux
par lesquels il passe et qu'il faut de necessité
que ce suc ait fait plusieurs circulations
dans la Plante , ce qui est alors supposer
un suc descendant. M. de la Bisse
pour prouver que ce n'est pas sans fondement
qu'il prétend qu'il y a des fibres voisines
, dont les unes portent le suc montant
, et les autres le descendant , se sert
de l'experience suivante qu'il croit bien
écisive dans le cas present ; il mit au
Printemps dans la teinture de Phytolacca
une branche de Tilleul longue d'environ
trois pieds la cinture s' leva jusqu'au
haut de la branche , il coupa cette bran
che obliquement en differens endroits , il
en regard less ctions avec une loupe , et
il distingua dans toutes des cercles concentriques
alternativement rouges et
blancs. 6. Si on coupe l'éclaire,le suc jau-
B vj
ne
232 MERCURE DE FRANCE
ne , suivant notre Auteur , sort en plus
grande abondance de la partie superieure
que
de l'inferieure , souvent même il n'en
découle pas une seule goutte de la section
inferieure , ce qui lui semble prouver que
ce suc vient des parties superieures de la
Plante , et par consequent que c'est au suc
descendant . M. de la Baïsse avoue que cette
experience ne lui a pas toujours également
réussi. 7. Enfin notre Auteur a fait
les mêmes observations sur le suc des tithimales
que sur celui de l'éclaire .
ART. II . p. 55. Il s'agit présentement
de déterminer d'où vient ce suc descendant
, et de découvrir si c'est la séve de
la Plante , ou un suc fourni par l'air , M.
de la Baïsse adopte le premier sentiment
et dit que le dernier ne mérite pas qu'on
s'arrête à le refuter par de longs raisonnemens
, et en consequence il conclut qu'il
ya dans les Plantes une vraye circulatio
de la séve ; au reste , s'il entre à rebours
par les extrêmitez des fibres ligneuses des
feuilles ou des tiges , quelques sucs étrangers
, notre Auteur pense qu'ils y reçoivent
bientôt une digestion, qui en les faisant
passer dans d'autres canaux , les réduit
au cours naturel des liquides ordinaires.
L'HYVER.
FEVRIER. 1734- 233
L
L'HY VER.
SONNET.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne
Es champs étoient glacez : le jour n'osoit
encore
Sortir d'entre les bras du tranquille sommeil.
Le matin n'avoit plus cet éclat sans pareil ,
Qui redonne la vie aux Eleves de Flore.
Les Ruisseaux enchaînez faisoient frémir
l'Aurore ,
L'air negeux s'opposoit au retour du Soleil .
Malgré ce temps affreux , Tircis leste et vermeil
Près d'un Mirthe attendoit Aminte qu'il adore .
Elle arrive ; et Vénus la menant par la main ,
L'Amour avec un Trait lui montre le chemin.
Quel abord pour l'Amant ! que de feux l'embraserent
!
Aux Rayons de ses yeux l'Orient s'alluma ;
La glace se fondit ; les eaux se ranimerent ;
Et la nege en tombanr aussi- tôt s'enflamma.
· LET
234 MERCURE
DE FRANCE
LETTRE du P. Castel , en Réponse
à M. le Gendre de S. Aubin , sur l'Existence
des Points inégaux .
J'Ay lit ,M. ce que vous m'avez faitl'honneur d'écrire pour et contre quelques- unes de mes
Pensées. Là - dessus et sur vos autres Ouvrages
j'ai conçu une grande idée de votre Erudition
philosophique et de la maniere nette et débarassée
dont vous maniez la plupart des questions
que votre sujet vous présente. Mais , avec la même
candeur , je vous avoue que je voudrois que
yous n'eussiez point touché , au moins si fortement
, à la Géométrie moderne , qui est tout aussi
certaine que la Géométrie ancienne , lorsqu'elle
est en bonne main .
Pour ce qui me regarde , je ne me formalise
point que vous soyez un peu révolté contre mes
Points inégaux, et même, si vous voulez . incommensurables
. Il est bon d'éclaircir les nouveautéz.
Et croyez vous que la premiere fois que ces
Points se présenterent à moi , je fus fort docile
à m'y ren ire , et que je m'y fusse jamais rendu,
si la suite invariable des conclusions géométriques
qui m'y avoient conduit , ne m'avoient
enfin entraîné malgré moi ?
Car vous insinuez dans votre Réponse qu'on
aime la nouveauté et qu'on court après , comme
s'il n'y avoit qu'à courir . Croyez - moy , M. ceux
qui y donnent , le font tout bonnement sans y
penser , sans le sçavoir , et parce qu'apparamment
ils sont faits pour y donner ; au lieu que
je.
FEVRIER. 7134. 235
je meferois bien fort de montrer que ce sont ceux
qui n'y donnent pas , qui souvent y courent le
plus . Peu importe , chacun fait comme il veut,
Comme il sçait et comme il peut.
Pour mes Points ils sont démontrez , puisqu'ils
le sont géométriquement et par la Géometrie
même d'Euclide, sans aucun excès de raisonnement
ou de discours , dont on puisse se défier.
Car c'est Euclide même qui dit qu'un cercle ne
touche une ligne qu'en un point , et que l'intersection
de deux lignes droites n'est jamais qu'un
point. Or le contact d'un plus grand cercle est
un plus grand point , aussi bien que l'intersection
plus oblique de deux lignes ; cela se voit
dans le Physique, et se conçoit très-bien dans le
Géometrique ; et voilà tout.
La chose est si vraye au reste , qu'après avoir
rapporté une de mes Démonstrations , vous n'avez
pas jugé à propos de l'entamer . Vous avez
pris un autre tour , selon l'ancienne maniere philosophique
, dont vous deviez pourtant vous défier
, après avoir si bien montré dans votre Traité
qu'elle n'est bonne qu'à former des opinions
frivoles.
Vous concevez une partie de matiere et vous
la concevez , dites - vous , aussi petite qu'elle peut
être. C'est beaucoup ,je n'en veux pas davantage.
Mais c'est en Géométre qu'il faut prendre desormais
cette supposition avec précision , avec
force , sans la rétracter par aucune contre supposition
secrette.
Une partie de matiere aussi petite qu'elle peut
être , n'est ni d'un pied de diametre , ni d'un demi
pied , ni d'un pouce , ni d'une ligne , ni a'une
demi ligne , ni d'un centiéme , ni d'un miliémo ,
&c. de ligne , ni d'une mesure, en un mot, qu'on
puisse
236 MERCURE DE FRANCE
puisse partager ni en deux , ni en trois , ni en
aucun nombre imaginable. Cette partie ainsi di
minuée est une partie en effet et non un tout.
Elle est une , elle est indivisible c . q. f. d. même
par votre supposition.
Comment donc, M. y distinguez - vous tout de
suite deux parties , dont l'une touche à un plan ,
l'autre ne le touche pas , l'une étant en dessus et
l'autre en dessous ? C'est que vous n'avez pas
suivi le fil géometrique de votre propre hypothese.
Mais ce que vous n'avez pas fait , c'est
à moi de le faire pour éluder votre objection . Je
le ferai donc , ma coûtume , lorque j'ai un principe
, étant de le laisser aller tout droit , me réservant
à juger de sa valeur par le but où il va
aboutir.
Comme celui- cy n'aboutit qu'à dire avec Euclide
, que le Point est ce qui n'a point de parties
, punctum est cujus pars nulla mais je ne
sçaurois m'en défier.
›
Les Points que j'admets sont de vrais Points
physiques autant que géométriques . Leur donnez-
vous un dessous ? Je leur ôte donc le dessus.
J'étois jeune lorsqu'un Maître m'amusoit de ce
raisonnement. S'il y avoit un Point quelque part
au milieu de l'air , il regarderoit l'Orient et l'Occident
, le Septentrion et le Midi , le Zénith et le
Nadir. Je trouvois cela évident ; je ne connoissois
encore que des corps , et le Point que je concevois
étoit un corps.
Mais un Point , ai - je dit enfin , est un Point
et n'a par conséquent qu'un aspect. Six Points
cardinaux qui ont six aspects , sont six points.
Celui de l'Orient n'est pas celui de l'Occident.
Est -ce qu'un angle qui tourne la pointe au Midy,
la tourne aussi au Nord Est-ce que dans une
Place
FEVRIER . 1734. 237
Place de guerre , le même angle est saillant et
rentrant Est- ce qu'une pointe pique en dedans
comme en dehors.
Le Point , dites- vous , est une abstraction de
l'entendement. J'avois prévenu cette objection
dans l'endroit de ma Mathématique que vous at
taquez . Le Point , la ligne , la surface . appartiennent
à l'étendue , sont dans l'étenduë , indépendamment
de notre entendement ; et s'ils sont
dans notre entendement , ils sont donc aussi dans
l'étenduë qui en est l'objet . Il seroit ridicule que
la Géomerie , tant pratique que speculative , ne
fut fondée que sur une abstraction de l'entendement.
Ce seroit une Géometrie toute fantastique
à laquelle il n'y a nul doute que l'etenduë ne se
refusât ; au lieu que dans la pratique , l'étenduë
se prête à la Géométrie avec un concert qu'on
ne peut trop admirer .
Il est réel et très- réel que les corps sont terminez
par
des surfaces , par des lignes , par des
points. Y a- t'il rien de plus réel que les bornes
qui terminent toutes choses ? Or ces bornes sont
indivisibles et n'ont chacune qu'un côté . La surface
n'est surface que du côté qu'elle présente ,
en dehors et non en dedans . On voit ce côté ,
mais on ne voit que ce côté ; on fait plus , on le
touche et on ne touche que lui . Bien surement
ce qu'on voit et ce qu'on touche est réel hors
de notre entendement.
Quoi ! je puis par une operation aussi grossiere
que l'est le toucher , faire le discernement
de la surface et du corps ; toucher la surface ,
longueur et largeur , sans toucher la profondeur?
Et vous me direz que ces choses là ne sont pas
réellement distinctes , et qu'elles ne le sont que
par une operation de l'esprit , tandis qu'elles le
sont
228 MERCURE DE FRANCE
sont par une operation de l'oeil , et même de la
main.
Car absolument ce que je vois , ce que je tou
che, n'a point de profondeur. Au - dessous , je sçai
bien qu'il y a une profondeur ; mais elle appartient
au corps et non à la surface.
Je vois ce qui vous embarasse et ce qui a de
tout temps embarassé ceux qui ont agité cette
question pour et contre. Si le Point n'est pas la
ligne , si la longueur n'est pas la largeur ou la
profondeur , vous voudriez qu'on séparât tout
cela et qu'on laissât - là la matiere sans largeur ,
sans longueur , &c .
Quand je dirois que cela est impossible , je ne
dirois autre chose , si ce n'est que les modification
ne se séparent pas des choses modifiées , ni
les accidens des substances . Mais qui suis - je pour
dire que cela est impossible ? Il est impossible
aux hommes de faire des Points indivisibles.
Mais je n'oserois dire que cela fût impossible à
Dieu , et c'est , j'ose le dire , la Géometrie même
qui de concert avec la Religion , m'inspire ce respect
, depuis sur tout qu'elle m'a fourni cette expression
simple d'une chose bien sublime 1 :
I dont j'ai donné ailleurs l'explication.
LES
FEVRIER. 1734. 239
LES QUATRE SAISONS.
LE PRINTEMPS.
Tircis. Iris.
Tircis.
Tout s'anime dans la Nature.
Iris , allons revoir nos champs ;
Allons voir naître la verdure ,
Que nous redonne le Printemps.
Ensemble.
Que le Printemps est agréable !
Qu'il a pour nous de douceurs !
Plus l'Hyver a de rigueurs ,
Plus le Printemps paroît aimable.
Iris.
L'Aquilon avec ses frimats
Ne désole plus nos Montagnes.
Zéphir , vole dans nos campagnes ,
Et Flore marche sur ses pas.
Tircis.
Nos Genisses impatientes ,
Brulent de retourner aux champs:
Bien-tôt dans les Prez renaissants ,
Nous les allons voir bondissantes,
3
Iris.
240 MERCURE DE FRANCE
Iris.
Du Ruisseau que je chéris ,
La glace arrêtoit l'Onde pure.
Déja sur un gason de ses charmes épris ,
Elle coule , elle murmure.
Tircis.
Le Rossignol et la Fauvette
Reprennent leurs tendres Concerts,
Du Dieu qui chasse les hyvers ,
Ils chantent la gloire parfaite.
Tous deux.
Pour reconnoître ses faveurs ,
Offrons lui le tribut de nos premieres fleurs ,
Des dons des Immortels peut- on mieux faire
usage ,
Qu'en leur en présentant l'hommage ?
L'ETE.
Licidas. Aglé.
Hâtons- nous , recueillons les présens de Cerés
Chantons , celebrons ses bienfaits.
Ægié.
Jamais moissons plus abondantes
N'ont comblé nos ardens desirs ,
Des Epis les têtes flottantes
Cedent aux amoureux Zéphirs .
Lycidas.
De l'Art, qui rend un champ fertile ,
Тц
FEVRIER. 247 1734.
Tu nous a donné des leçons ,
Cerès ; à tes soins la Sicile
A dû ses premieres moissons.
La Terre pour toi soupire ,
Tu soutiens tout l'Univers.
On t'adore au sombre Empire ,
Ta fille regne aux Enfers.
Æglé.
Que Phébus perde sa vitesse ,
Quand Proserpine est avec toi ;
Mais que ce Dieu vole et s'empresse ,
Quand Pluton la tient sous sa Loy.
Lycidas.
Nous avons appris de nos Peres
Ces illustres évenemens ;
A notre tour à nos enfans
Nous raconterons ces Mysteres.
Ensemble,
Accourez jeunes Moissonneurs ,
C'est peu de profiter d'une utile abondance.
Il faut marquer par la reconnoissance
A qui vous devez ces faveurs.
L'AUTOMNE.
Philis. Coridon.
Sujvons
Fuyons
Bacchus et sa Liqueur ;
Aimons
242 MERCURE DE FRANCE
S Aimons
Craignons
les présens qu'il nous donne.
C'est dans le doux jus de l'Automne
Ce n'est point le jus de l'Automne ,
Que l'on trouve un parfait bonheur ,
Qui peut faire notre bonheur,
Coridon,
Est-il une Fête agréable ,
Si Bacchus n'en fait l'ornement ?
La gayeté , l'enjoüment aimable ,
Coulent de son Nectar charmant.
Philis.
Trop souvent la raison s'égare ;
En voulant suivre ses pas ,
Souvent la discorde barbare
Trouble ses plus doux appas.
Coridon.
Toujours la fortune inconstante
Nous fait sentir quelque malheur,
Bacchus par sa Liqueur puissante
Sçait endormir notre douleur.
Philis.
Pour calmer une peine extrême ,
Bacchus offre un trompeur secours.
Fuyons ce Dieu ; son secours même ,
Empoisonne et finit nos jours.
Coridon.
FEVRIER.
1734. 243
Coridon.
Mais, aimable Philis , de son charmant breuvage
Ne peut- on faire un juste usage ?
C'est l'excès qui rend dangereux ,
Les doux présens des Dieux.
A
2'
Tous deux.
Buvons sans boire à tasse pleine ;
N'écoutons qu'un sage desir ,
Buvons assez pour le plaisir ,
Buvons sobrement pour la peine.
L'HY V E R.
Ismene. Corylas.
Corylas.
Ismene , quel temps rigoureux
Consterne toute la Nature !
Quels frimats ! quelle froidure ,
Trouble la paix de ces Lieux !
Tous deux.
O toi dont les soins secourables ,
Veillent sur le sort des Bergers ,
Pan , jette sur nous tes regards favorables ;
Deffends-nous , deffends tes Vergers.
Corylas.
Déja le tendre Sylvanire
A suspendu ses Chalumeaux ;
Déja
244 MERCURE DE FRANCE
Déja la charmante Thémire ,
Prend moins de soin de ses Troupeaux.
Ismene.
Mille Oiseaux chaque jour chantoient dans ces
Boccages ; .
J'y venois écouter le murmure des eaux ;
Oiseaux , vous avez donc oublié vos ramages ,
Vous ne murmurez plus , agréables Ruisseaux,
Corylas.
Mais , Ciel ! quel bonheur extrême !
L'Hyver croit en vain nous troubler.
Auprès de nos foyers je vois Bacchus lui-même
Les jeux et les plaisirs viennent s'y rassembler.
Tous deux.
Triompheż, triomphez , Divinitez charmantes
Regnez toujours avec nous.
Rendez nos Fêtes brillantes ;
Rendez de notre sort les Rois mêmes jaloux.
L. D.
ELOGE Historique de M. l'Abbé le
Grand ; par le R. Per: Bougerel , Prêtre
de l'Oratoire. Abregé de cet Eloge .
Ji
Oachim le Grand, nâquit à Saint Lo ,
Diocèse de Coutances , en Basse Normandie
, le 6 Février 1653. Il étudia la
Philo- [
FEVRIER. 1734. 245
Philosophie à Caen , sous le celebre Pierre
Cailly, et eut pour condisciple Pierre-
François de la Tour , mort depuis peu
General de l'Oratoire ; leur union a duré
autant que leur vie.
Il entra dans cette Congrégation en
1671. Il y étudia les Belles-Lettres et la
Théologie. Il en sortit en 1676. et s'attacha
à l'étude de l'Histoire par le conseil
du Pere le Cointe , et par la facilité
qu'il eut de consulter les Manuscrits
de la Bibliotheque du Roy, dont M.Thevenot
avoit alors la garde .
Le P. le Cointe étant décédé en 1681 .
il fit son Eloge , et ensuite celui de l'Abbé
de Maroles. Ces Eloges parurent dans
le Journal des Sçavans , Février et Avril
de la même année. L'Abbé le Grand fut
ensuite chargé successivement de l'éducation
du Marquis de Vins , et de celle
du Duc d'Etrées , sans aucun dérangement
dans le Plan de ses études d'Histoire
et de Critique.
Il eut en 1685. une conférence avec le
Docteur Burnet , depuis Evêque de Salisburi
, qui étoit venu à Paris , au sujet
de son Histoire de la Reformation d'Angletere
; dans laquelle l'Abbé le Grand
fit paroître beaucoup de capacité et beaucoup
d'amour pour la verité . Cette ma-
C tie246
MERCURE DE FRANCE
tiere l'engagea depuis à composer un
Ouvrage considérable sous ce titre : Histoire
du Divorce d'Henry VIII. Roy d'Angleterre
, et de Catherine d'Aragon ; la Def
fense de Sanderus , et la Réfutation des deux
premiers Livres de l'Histoire de la Réforma
tion de M. Burnet , et les Preuves. 3. vol
in 12.Paris , chez Martin et Boudot, 1688 .
Le Docteur Burnet ayant fait une courte
Critique en forme de Lettre de cette
Histoire, mais peu mesurée , par rapport
à son Auteur , l'Abbé le Grand se contenta
de publier de nouveau cette Lettre
avec un Avertissement à la tête , et quelques
Remarques au bas des pages .
L'année suivante 1689. le même Docteur
B... publia une Critique de l'Histoire
des Variations,ce qui donna lieu à l'Abbé
le Grand de lui adresser trois Lettres ,
sur les Variations , sur la Réformation et sur
l'Histoire du Divorce , lesquelles furent
imprimées à Paris en 1691. précédées
d'une Préface remplie d'Observations.
sur l'Histoire des Eglises Réformées , de
M. Basnage .
L'année suivante l'Abbé d'Estrées ayant
été nommé Ambassadeur en Portugal , il
choisit l'Abbé le Grand pour Secretairede
l'Ambassade . Celui- cy profita de l'occasion
pour acquerir de grandes connoissanFEVRIER.
1734. 247
sances sur les vastes Païs que les Portugais
appellent leurs Conquêtes.
De retour en France en 1697. il fit un
voyage en Bourgogne et en Dauphiné ,
pour recueillir les Memoires necessaires à
la composition de l'Histoire de ces Provinces.
Il fit imprimer en 1701. sa Traduction
de l'Histoire de l'Isle de Ceylan , du Capitaine
Jean de Ribeyro , à laquelle il ajouta
beaucoup de choses de son propre fonds:
Ouvrage qu'il dédia à la Comtesse d'Ericeyra.
En 1702 , 1703 et 1794 , notre Sçavant
fut encore employé en qualité de Secre
taire d'Ambassade , sous celles du Cardinal
et de l'Abbé d'Estrées en Espagne.Sur
la fin de la même année 1704. il fut choisi
pour être Secretaire general des Ducs et
Pairs de France , Emploi qui n'avoit point
été rempli depuis la mort de M. le Laboureur
, arrivée en 1675.
Sa profonde capacité dans l'Histoire et
dans le Droit Public , la justesse et la solidité
de ses vûës , dont il avoit donné .
des preuves en différentes occasions , déterminerent
M. le Marquis de Torcy , Ministre
d'Etat , de l'attacher au travail des
Affaires Etrangeres , dès l'année 1705. en
quoi il réussit si - bien que pendant les 10
Cij ang
248 MERCURE DE FRANCE .
années qui s'écoulerent jusqu'à la mort
du feu Roy , il n'y eut point d'Affaires
de conséquence , ausquelles l'Abbé le
Grand n'ait eu part , et sur lesquelles il
n'ait écrit. Voici les titres de quelquesuns
de ces Ecrits qui ont paru dans le
public.
Memoire , touchant la succession à la
Couronne d'Espagne . 1711. Reflexions sur
la Lettre à un Milord , sur la necessité et la
justice de l'entiere restitution de la Monarchie
d'Espagne , &c. 1711. Discours sur ce
qui s'est passé dans l'Empire , au sujet de
la succession d'Espagne . L'Allemagne menacée
d'être bientôt réduite en Monarchie
absoluë. Lettre de M. D. à M. le Docteur
M. touchant le Royaume de Bohéme.
Les autres Ouvrages sur ces matieres ;
qui n'ont pas été imprimez , concernent
Les Assemblées des Etats Generaux. Les
Régences. L'habileté à succeder à la Couronne;
et toutes les grandes Questions que
les Evenemens du dedans et du dehors du
Royaume lui ont donné lieu d'examiner
pendant plus de trente ans.
Il fut choisi en 172c . pour travailler à
l'Inventaire du Trésor des Chartres , travail
lié naturellement avec ses Etudes , et
auquel il se livra avec tout le zele possible
, ce qui ne l'empêcha pas de mettre
la
FEVRIER. 1734. 249
la derniere main à l'Histoire de Louis
XI. son Ouvrage favori ; il est intitulé :
Histoire et Vie de Louis XI.Roy de France,
avec les Preuves , et est resté Manuscrit
tout approuvé.
Il publia en 1728. la Relation Historique
d' Abissinie , du R. P. Jérôme Lobo , de
la Compagnie de Jesus , traduite du Portugais
en François , &c. 1. vol . 4. Paris ,chez
la veuve Coutelier . Il y en a un fort bel
Extrait dans le Journal des Sçavans , des
mois de Septembre et d'Octobre de la
même année 1728. ce qui dispense d'entrer
là - dessus dans aucun détail .
Il publia presque en même temps un
autre Ouvrage , qui a pour titre : De la
Succession à la Couronne de France , pour
les Agnats , ( c'est- à dire , pour la succession
Masculine directe. ) vol . 12. Paris ,
chez Martin et Guérin.
Le Marquis de Vins étant mort au mois
de Février 1732. l'Abbé le Grand , qui
lui étoit particulierement attaché , et qui
connoissoit son mérite , fit imprimer son
éloge dans le Mercure du mois de Mars
suivant.Il ne lui survécut pas long- tems ;
une seconde attaque d'Apoplexie l'enleva
le 1 de May 1733. chez Mrs Clairambault
, Généalogistes des Ordres du
Roy , ses anciens Amis et ses Exécuteurs
C iij tes250
MERCURE DE FRANCE
testamentaires. Il étoit âgé de 80 ans et 3
mois. Il fut inhumé simplement et sans
cérémonie , dans le Cimetiere de S. Joseph
, Paroisse de S. Eustache , ainsi qu'il
l'avoit ordonné .
Tous ceux qui l'ont particulierement
connu , conviennent que c'étoit un Homme
plein d'honneur , de probité , et de
religion , et des plus habiles du Royaume
sur le Droit Public, d'une vaste érudition
et d'une sagacité admirable.
›
****************
A MADEMOISELLE D ***
I
Sur la mort d'un Serin de Canarie.
L n'est plus ce Serin , si joli , si charmant ,
Ce Serin , dont le sort étoit digne d'envie .
Il fut l'objet des soins de l'aimable Silvie ,
Il en fut aimé tendrement .
Il étoit jeune encor , mais un Enfant perfide
A suscité contre ses jours ,
Un Chat cruel , un Chat avide ,
Qui vient d'en terminer le cours.
Quel est donc,direz- vous, cet Enfant téméraires
Connoissez-le , Silvie , et craignez sa colere ;
Il peut vous porter d'autres coups ,
C'est un Dieu terrible et jaloux ,
On
1
FEVRIER 1734 251
On l'adore à Paphos , et Venus est sa mere ;
A ces traits , le connoissez - vous ?
Quoi , l'Amour ? ..... Oüi , l'Amour luimême
.
Calmez cette surprise extrême ,
Silvie , écoutez -moi , vous ne douterëz pas ,
Que lui seul , du Serin , n'ait causé le trépas ,
Je vais en peu de mots ,
éclairer ce mistère ;
Ce Serin étoit né dans les Bois de Cithere ,
Dans son nid l'Amour l'avoit pris ,
Il le destinoit à Cipris ;
Il vous vit par hazard , et touché de vos charmes,
Il change d'abord de dessein ,
Il veut vous offrir le Serin.
Sa présence auroit pû vous causer des allarmes ,
Peut-être auriez - vous craint ses traits .
Il se présente à vous , sans aîles , et sans armes ;
Dépouillé de tous ses attraits ,
D'une Prude il emprunte et la taille et les traits ›
Le Serin est offert , on l'accepte , une cage
Le retient près de vous dans la captivité.
On dit qu'il témoigna d'abord par son rámage,
Que son premier état n'étoit pas regretté ,
Il préferoit cet esclavage ,
A la plus grande liberté .
Que son sort étoit doux ! de la belle Silvie
Le voilà devenu l'unique amusement ;
Ses soins le rendirent charmant .
C iiij
Hélas !
252 MERCURE DE FRANCE
Hélas ! il méritoit une plus longue vie.
Par mille tours vifs , gracieux ,
Par son ramage harmonieux ,
Il invitoit souvent son aimable Maîtresse ,
A le reposer sur sa main ;
Mais il s'en échappoit bien-tôt avec adresse
Et d'une aîle légere , il voloit sur son sein.
L'Amour voyoit ce badinage ,
Il en devint bien- tôt jaloux ,
?
Voilà donc , dit- il , mon ouvrage ;
Si ce Serin jouit des plaisirs les plus doux ,
C'est à moi seul qu'il doit un si rare avantage ;
Mais cependant Silvie , au Printems de son âge ,
Perd avec lui trop de momens
Il est temps qu'elle fasse usage ,
De ces traits , de ces agrémens
Qu'elle reçut
de la nature ;
>
Soumettons- lui les coeurs d'une foule d'Amans.
Il dit , il tente l'avanture ,
Autant de traits qu'il lance , autant de coeurs
blessez ,
Parmi ces triomphes passez ,
Il n'en voyoit aucun qui fut si mémorable ;
Il conduit à vos pieds cette foule innombrable
Et croit que docile à ses loix ,
Vous allez faire enfin un choix.
Cupidon se trompa : Quelle fut sa colere ,
Quand il vit ces mortels de vos charmes
épris ,
S'etFEVRIER.
1734. 253
S'efforcer envain de vous plaire ;
L'indifférence , ou le mépris ,
De leur vive tendresse étoit l'indigne prix ,
Ainsi donc, dit l'Amour, le plaisir d'être aimée ,
Ne fatte point son jeune coeur !
Elle est de son Serin uniquement charmée !
Eh bien ! sur ce Serin exerçons ma fureur .
Pour l'amour outragé, la vangeance a des charmes
Que sa mort va couter de larmès !
Qu'il périsse... Il alloit le percer de ses Dards,
Quand un Chat frappe ses regards ;
Sois le Ministre de ma rage ;
Viens , dit-il , il le guide à l'instant vers la cage,
Il en ouvre l'entrée , et le Chat furieux ,
Şaisit le beau Serin , le devore à ses yeux.
Tel fut de ce Serin aimable ,
Le sort tragique et déplorable.
C'est un Char qui commit ce forfait odieux ,
Mais Cupidon fut son complice ;
Vous voyez de ce Dieu , jusqu'où va la malice ,
Quand il veut se vanger d'un coeur audacieux ,
Qui brave de ses traits les terribles atteintes.
Pardonnez-lui , Silvie , et retenez vos plaintes ,
Elles aigriroient son couroux ;
Qu'à ses loix votre coeur daigne enfin se soumettre
;
De sa part j'ose vous promettre ,
Le sort le plus heureux , les plaisirs les plus doux.
Par M. de la T... d'Aix.
RE254
MERCURE DE FRANCE
REFLEXIONS de M. Simonnet
Prieur d'Heurgeville , sur la Question
proposée dans le Mercure d'Août 1733 .
Quel est l'état le plus propre à acquerir la
Sagesse , de la Richesse ou de la Pauvreté.
I
و
L est une vraye et une fausse Sagesse ,
et les hommes sont si aveugles ou si
pervers , qu'il est très - rare qu'ils ne recherchent
et n'estiment plutôt ce vain
fantôme de Sagesse que la Sagesse
même , qu'ils traitent de foiblesse et de
simplicité ; tant le déreglement du coeur
a répandu de profondes ténébres dans
l'esprit. Ce seroit donc " bâtir en l'air et
établir des principes sans fondement, que
de vouloir assigner l'état le plus favora
ble à la Sagesse , sans avoir auparavant
défini ce que l'on entend ordinairement,
et ce que l'on doit entendre par ce terme
si commun , mais dont on a des idées și
peu justes et si confuses.
En quoi le monde fait-il consister la
Sagesse ? Dans un extérieur de probité
que le coeur dément ; dans l'art de dissimuler
ses sentimens ; à parler d'une
façon et penser d'une autre ; à donner à
la fausseté, des couleurs de la verité; et à
couvrir
FEVRIER. 1734. 255
couvrir celle - ci des apparences odieuses
du mensonge ; à faire jouer mille ressorts
et mille machines pour venir à ses fins ;
et à engager les hommes droits dans les
piéges qu'on leur tend : c'est ce qu'on
nomme fine politique , Sagesse consommée.
Paroître avec un visage riant et un
visage ouvert , lorsque l'on est rongé intérieurement
d'envie , de jalousie , d'animosité
faire obligeamment mille offres
de services à ceux même que l'on verroit
avec joye perir et abîmer, parce que l'interêt
et l'ambition le demandent; sçavoir
prendre des souterrains qui cachent le
crime et l'injustice , pour se pousser et
faire son chemin à quelque prix que ce
soit ; se deffendre des vices grossiers ,
énormes et infamans , sans se mettre en
peine de toutes les horreurs qui se cachent
sous le voile des ténébres et du silence
; c'est ce qui s'appelle être Sage :
en un mot, certe Sagesse du monde n'est
que le déguisement des passions criminelles
dont on est l'esclave ; au lieu que
la vraie Sagesse en est la victoire et le
triomphe, ou du moins elle apprend à les
regler , à les moderer , à les maîtriser.
Il y en a qui mettent la Sagesse dans
une humeur sombre, mélancolique , austere
; dans un air triste et morne ; dans
C vj
une
256 MERCURE DE FRANCE
une certaine pesanteur ennuyeuse et à
charge à tout le monde ; mais ils se
trompent: la vraye sagesse n'a rien de farouche
ni de rebutant , c'est une vertu
de societé qui lie les hommes par la bonté
, la douceur , l'amitié sincere , qui les
instruit et les corrige , sans les choquer
ni les aigrir , elle s'insinue dans les coeurs
par des charmes dont ils ne peuvent se
deffendre. Quoiqu'elle soit ennemie du
déguisement et de la duplicité , elle
sçait dissimuler à propos, et semble ne pas
appereevoit ce qu'elle ne peut rectifier.
Elle fait valoir agréablement les interêts
de la justice et de la verité , et elle a le
secret de les rendre aimables ; si elle est
obligée de combattre vigoureusement
ou de souffrir pour les deffendre , elle le
fait avec joye , sans fiel , sans animosité.
Sa constance la soutient dans tous les
maux et dans les disgraces : quoiqu'elle
n'y soit pas insensible , elle aime mieux en
étre la victime que de les susciter, quand
elle le pourroit , à ceux qui se déclarent
ses ennemis .
Les Stoïciens se sont rendus ridicules,
par l'idée extravagante qu'ils donnoient
de leur Sage. A les entendre il étoit aussi
insensible qu'un rocher contte lequel
viennent se briser les flots de la Mer. Les
inforFEVRIER
. 1734. 257
infortunes , les pertes , les afflictions les
plus accablantes ne lui causoient pas la
moindre émotion. Il étoit à l'épreuve des
douleurs les plus cuisantes , des playes les
plus profondes , des plus terribles coups,
dont un homme puisse être frappé . Il n'y
avoit ni peines ni tourmens si affreux qui
pussent troubler la severité de son ame,
et l'empêcher d'être heureux. Voilà à
quelle outrance le feu de l'imagination
a porté des hommes , d'ailleurs éclairez
, qui faisoient l'admiration de leur
tems , et qui s'appliquoient uniquement
à la recherche de la Sagesse ; telle étoit
l'idée fausse et chimerique qu'ils en
avoient conçue , et qu'ils vouloient en faire
concevoir aux autres . Il falloit qu'ils connussent
bien peu l'Homme naturellement
si sensible et si délicat , pour le croire
capable d'une telle insensibilité , d'une
telle dureté , qui seroit contre sa nature
et qui dégenereroit en vice. Ils ne sçavoient
gueres ce que c'étoit que la vertu
pour en forger une de cette trempe. La
vertu ne consiste pas à être insensible
mais à vaincre la sensibilité par une fermeté
et une constance inébranlable qui
tienne inviolablement attaché au devoir.
C'est ainsi que de tout tems chacun
s'est figuré une Sagesse à son gré , et selon
258 MERCURE DE FRANCE;
,
lon son caprice; on est tombé tantôt dans
un excès, tantôt dans un autre . On a consulté
ses vûës , ses desseins , ses intérêts
pour paroître Sage sans l'être effectivement
, les passions se sont travesties et
ont voulu se montrer sous l'habillement
de la Sagesse ; mais si elles ont trompé
quelque tems les yeux des hommes peu
éclairez , on les a enfin reconnues pour
ce qu'elles étoient , et elles ont été honteu
sement dépouillées de ce vain ornement
dont elles avoient eu l'audace de se parer.
La parole du sage : rien de trop , est
peut-être la notion la plus juste , la plus
précise , la plus exacte que l'on puisse
donner de la vraie Sagesse. La difficulté
est de trouver et de garder ce juste milieu
en quoi elle consiste. Le sentier est extrémement
étroit et glissant ; il n'est pas
aisé de l'appercevoir , et il est presque
impossible de n'y pas broncher : delà
vient qu'il y a si peu de personnes qui
y entrent et qui s'y soutiennent. Les uns
sont trop promps , trop vifs , trop ardens ;
les autres trop flegmatiques , trop indolens
: vous en verrez qui affectent un
sérieux et une gravité qui glace : its
veulent paroître Sages et ce sont de vrais
Pedants; d'autres, pour éviter ce travers,
sont sottement folâtres et badins sans
>
rien
FEVRIER. 1734. 259
›
rien rabattre de la bonne opinion qu'ils
ont d'eux - mêmes ; beaucoup ont des manieres
trop libres et peu décentes , d'autres
sont trop resserrez , trop pointilleux .
Franchement à regarder les hommes tels
qu'ils sont , il n'y en a point dont on
puisse prononcer absolument qu'ils sont
Sages. Ils ont tous leurs défauts
et la
vraye Sagesse n'en souffre point , parce
que les défauts sont autant de dérangemens
de la raison , d'accès de folie , moins
durables , à la verité , et moins sensibles
mais aussi réels qu'une folie déclarée et
perseverante. La parfaite Sagesse est plutôt
dans le Ciel que sur la terre ; notre
partage est d'y tendre et d'en approcher
autant que la foiblesse humaine le permet
, en réprimant et retranchant lesdéfauts
que nous remarquons en nous : ( et
heureux qui les connoît ! c'est un commencement
de Sagesse , ) mais il ne faut
pas être assez vain pour s'imaginer jamais
de l'avoir acquise dans toute sa perfection.
·
Cette sublime vertu consiste donc dans
une certaine force , une certaine vigueur,
qui tient l'ame comme sur un point fixe
dans un exact équilibre entre l'excès.de
joye et de tristesse , de fermeté et de sensibilité,
d'amour et d'indifférence, de lentear
260 MERCURE DE FRANCE
>
teur et de vivacité , de bravoure et de
retenuë , de crainte et d'intrépidité ; qui
la rend maîtresse de tous ses mouvemens ,
qu'elle regle et qu'elle modere selon les
loix d'une raison éclairée qui la met audessus
de toute révolte des sens , de tout
déreglement des passions qu'elle gouverne
et qu'elle réduit avec un empire absolu.
Telle est la vraye Sagesse , qui convient
à l'homme,à laquelle il peut et doit
aspirer , mais dont, foible comme il est ,
il s'écartera toujours de quelque degré
à proportion de sa foiblesse ; s'il ne lus
est pas donné de parvenir au comble de
la perfection , où réside la Sagesse dans
son plein , il n'est pas moins obligé de
travailler à en approcher et à mesure qu'il
fera du progrès , on pourra dire qu'il
augmente en Sagesse .
у
Or en ce sens y a- t- il un état plus
propre que l'autre à l'acquerir ? la fausse
Sagesse est fort asservie à la situation des
personnes, et dépendante des circonstances
, des erreurs , des passions qui la favorisent
et qui la soutiennent. Il n'en est
pas ainsi de la vraie Sagesse ; elle est libre
et indépendante ; comme une puissante
Reine elle domine souverainement sur
tous les Etats , sur toutes les conditions;
Elle brille dans la prosperité , elle triomphe
FEVRIER 1734. 261
phe dans l'adversité les Richesses ne
peuvent la corrompre ; les miseres de la
Pauvreté ne peuvent l'avilir ; Elle habite
noblement dans la chaumière et s'assie
modestement sur le trône ; son éclat et
sa force se font sentir sous de vils haillons
, comme sous la pourpre
des Rois.
Elle appelle , elle invite tous les peuples ,
toutes les nations , tous les hommes jeunes
et vieux , grands et petits , riches et
pauvres ; mais qu'il y en a peu qui l'écoutent
! presque tous aiment mieux se laisser
entraîner par la passion , que conduire
par la Sagesse. C'est une lumiere bienfaisante
et universelle qui luit dans les ténébres
, mais les ténébres ne la com
prennent pas ; l'erreur , les préjugez ,
les passions dominantes du coeur humain
forment dans l'ame des nuages épais qui
empêchent ordinairement ses rayons d'y
pénétrer. Ainsi, quoique la Sagesse d'ellemême
soit indépendante , et que par sa
force elle puisse absolument surmonter
tous les obstacles et triompher de tous ses
ennemis ; il faut cependant avouer que
comme elle n'agit point avec violence ,
les oppositions qu'elle rencontre dans
certains états l'en éloignent ; il est
vrai que celui là est plus propre à l'acquerir
où elle trouve moins de résistance
et
262 MERCURE DE FRANCE
et où elle s'insinue avec plus de facilité.
Il s'agit donc ici d'exantiner lequel des
deux Etats de Richesse ou de Pauvreté
présente à la Sagesse plus ou moins de
difficultés et d'obstacles à surmonter: Ces
obstacles se réduisent , comme je l'ai déja
insinué, aux erreurs, aux préjugez , aux
passions .
Il est constant que dans l'état de Pauvreté
les erreurs et les préjugez sont en
plus petit nombre et moins difficiles à
vaincre. La verité s'y fait jour beaucoup
plus aisément chez les grands et les riches
dont elle ne peut presque aborder. Une
troupe de flatteurs les assiegent : on a
interêt de les menager ; on n'ose choquer
leurs préjugez et leur parler avec franchise
dans la crainte de s'attirer quelque
facheuse affaire . Si on leur annonce la verité
, ce n'est qu'avec des ménagemens
et des adoucissemens qui l'énervent et la
défigurent : rarement ils la reconnoissent
sous les déguisemens dont on la couvre
et encore plus rarement ils se l'appliquent.
Un homme qui se mêle d'instruire
ou de reprendre, quelque précaution qu'il
prenne pour le faire honnêtement , devient
importun et passe pour incivil
chez les personnes d'un certain rang : on
craint de le voir et il est trop heureux si
on
FEVRIER. 1734 263
on ne le chasse pas honteusement , si
même on ne lance pas contre lui quelques
traits d'indignation et de vengeance .
Les Petits et les pauvres sont plus dociles
et moins délicats , on en approche sans
peine ; on leur fait voir la verité dans
tout son jour ; on ne craint point de les
fatiguer de remontrances ; si quelquefois
ils ne les reçoivent pas bien , on en est
quitte pour avoir perdu sa peine ; du
moins ils ne sont pas redoutables. On
voit par expérience qu'ils ne tiennent pas
beaucoup aux erreurs et aux préjugez ,
quand on veut se donner le soin de les
instruire. D'ailleurs ils en ont moins que
les riches les faux principes du monde
ne leur ont pas si fort gâté l'esprit et cor.
rompu le jugement .
:
Il y a parmi les personnes du commun
plus de droiture , de simplicité , de candeur
; excellentes dispositions pour donner
entrée à la Sagesse . Ils n'ont pas de
si grands interêts qui les dominent et qui
les aveuglent ; ils ne sont pas étourdis
par tout ce tumulte , ces intrigues , ces
grands mouvemens qui agitent les riches
et qui étouffent la voix de la Sagesse . Les
passions les plus vives, les plus flatteuses,
ou les plus turbulentes qui dévorent
coux-ci , et qui ferment toutes les ave-
: nues
264 MERCURE DE FRANCE
و
nuës à la Sagesse , sont bien amorties
dans la Pauvreté , parce qu'elles n'y trouvent
presque point d'amorce . Ces dangereuses
maîtresses du coeur humain ne
font que languis dans un état où elles
manquent d'aliment , où rien ne les favorise
, où tout semble conjuré pour
leur perte. L'amour propre , ce tyran des
grandes fortunes est presque anéanti
dans les humiliations de la Pauvreté ;
l'ambition toujours inquiéte inquiéte et jamais
contente, n'y voit point de jour à se produire
et demeure sans action , sans mouvement
, dans une espece de l'éthargie,
l'attachement aux Richesses qui suit la
possession , cette honteuse ct insatiable
avarice n'a gueres lieu où elle ne sent rien
qui l'attire et qui puisse la contenter.
S'il y a quelques exemples du contraire,
ce sont des prodiges qui ne tirent pas
conséquence. Pour peu qu'on connoisse
de Pauvre , on le voit plus satisfait dans
les bornes étroites de sa condition , et
moins avide des biens périssables , que la
plupart des riches du siécle ; la volupté ,
des délices qui corrompent le coeur , qui
empoisonnent l'ame , et qui étouffent la
Sagesse , ces funestes syrenes qui attirent,
qui chatment, qui enchantent, pour donner
la mort , trouvent peu d'ouverture
dans
FEVRIER 1734. 265
dans un état dont la peine et le travail
sont inséparables , où l'on gagne difficilement
son pain à la sueur de son front,
où le corps est masté par de rudes et de
continuelles fatigues , où l'on ne voit aucune
des douceurs et des commoditez
qui engendrent et qui fomentent la mollesse.
La vie dure et laborieuse n'est pas
compatible avec les délicatesses de la sensualité
, dont les Richesses et l'abondance
sont le pernicieux aliment. Le Pauvre est
donc plus libre , plus dégagé , moins
esclave des passions.
Il faut avouer que ces veritez sont désolantes
pour les Riches , qui n'ont pas
perdu tout sentiment d'honneur et de
probité, et qui conservent encore du gout
pour la vertu. Tel est le danger de leur
état , qu'à moins qu'ils ne soient continuellement
en garde , et qu'ils n'ayent
le courage de rompre toutes ces barrieres,
de dissiper tous ces nuages , d'écarter
tous ces obstacles , la vraie Sagesse ne
peut avoir accès auprès d'eux . Rien n'est
plus propre à rabattre la présomption
trop ordinaire aux personnes distinguées
dans le monde par les faveurs de la fortune
, et à leur faire sentir combien est
injuste le mépris qu'ils font de la Pauvreté
, qui , à ne consulter même que les
lumieres
266 MERCURE DE FRANCE
lumieres naturelles , est préferable à l'affluence
des richesses , parce qu'elle est
plus favorable à la sagesse et à la vertu .
Les hommes les plus éclairez du Paganisme
, ces anciens Philosophes si cebres
dans l'Antiquité , s'accordent en
ce point avec les Chrétiens. Ils regardent
la pauvreté jointe à la frugalité et
à la vie dure , qui en sont les suites naturelles
, comme l'Ecole de la vertu . Au
contraire tout le soin , l'attirail , les agitations
qui accompagnent les richesses ,
leur paroissent un veritable esclavage, qui
entraîne celui de toutes les passions qu'elles
font naître et qu'elles nourrissent . Lycurgue
, ce fameux Législateur de Sparte ,
netrouva pas de moïen plus sûr et plus
puissant pour former les Laccdémoniensà
la sagesse et à la vertu , que de leur deffendre
l'usage de l'or et de l'argent.Jamais les
anciens Romains ne parurent si sages et si:
vertueux que lorsqu'ils témoignerent un
souverain mépris pour les richesses , et.
dès que l'abondance et le luxe s'y furent
introduits , ils tomberent dans les folies,
er les extravagances des passions les plus
effienées. Socrate , déclaré par l'Oracle ,,
l'homme le plus sage de la Grece , n'étoit
que le fils d'un simple Artisan , et
quoique l'éclat de son mérite eût pû le
mettre
FEVRIER 1734. 267
mettre au large et lui procurer les graces
de la fortune , il méprisa constammant
les richesses , et témoigna en toute
Occasion l'estime qu'il faisoit de la Pauvreté.
A la vûë de tout ce que la pompe
et le luxe pouvoient étaler de plus brillant
, il se félicitoit lui- même de pouvoir
s'en passer ; que de choses , disoit- il,
dont je n'ai pas besoin .
Que les Riches ne fassent donc point
si fort les hommes importans ; qu'ils ne
se flattent point tant des avantages d'une
florissante prosperité ; qu'ils ne regar
dent pas d'un air si méprisant ; qu'ils
ne traitent pas avec tant de hauteur et
de dureté le Pauvre qui les fait vivre de
son travail , de son industrie et qui les
aide de ses services , plus necessaires.
que ceux qu'ils peuvent eux mêmes lui
rendre . En vain possederoient- ils tous les
trésors du monde , sans le Laboureur ,
le Vigneron , le Jardinier qui cultivens
la terre ; avec tout leur or et leur
argent
ils n'auroient pas de quoi fournir aux
besoins les plus pressants de la vie ; sans
P'Artisan qui travaille utilement pour
cux , sans les Serviteurs qui sont à leurs .
gages ; malgré l'abondance de leurs richesses
, ils manqueroient d'habits pour
se couvrir , et seroient privez de toutes
les
268 MERCURE DE FRANCE
1
les commoditez et les délices qu'ils recherchent
avec tant d'empressement.
Quoique les Riches disent et pensent ,
ils ne peuvent se passer du Pauvre , et
le Pauvre pourroit absolument se passer
d'eux. Accoutumé à se contenter de peu
et à vivre frugalement du travail de ses
mais , il subsisteroit sans l'usage de l'or
et de l'argent ; il tireroit toujours de la
fécondité de la terre , les vrayes richesses
qu'elle renferme dans son sein et qu'elle
reproduit chaque année ; il vivroit tranquille,
sans les injustes vexations des Riches
qui s'engraissent de sa substance
qui lui ravissent trop souvent , par fraude
ou à force ouverte , le juste fruit de
ses travaux et le modique heritage de
ses peres . La sagesse et la vertu , quand
il a le bonheur de les posseder , sont les
seuls biens solides qu'on ne peut lui ôter;
ils lui appartiennent préferablement au
Riche,qui s'en rend indigne par le choix
qu'il fait des biens périssables ; les heureuses
dispositions qu'il y apporte par
son état même le dédommagent bien de
ce qui lui manque du côté de la fortune.
Nonobstant les préjugez contraires, on
ne peut disconvenir que naturellement
la prosperité n'aveugle et l'adversité ne
donne d'excellentes leçons de sagesse . Il
est
FEVRIER 1734. 269
est donc prouvé que la Richesse qui est
un état de prosperité , est moins propre
à l'acquerir que la Pauvreté , dont l'Adversité
est la fidelle Compagne .
La suite pour le Mercure prochain.
***************
.F
LES FOUR MIS.
IDYLLE ,
Ourmis , que j'aime en vous cette rare prus
dence ,
Qui vous fait en tout tems jouir de l'abondance,
Et qui servant de guide au moindre de vos pas ,
Fait regner la Concorde au sein de vos Etats !
A peine le néant pour vous se change en Etre ,
Que vous songez d'abord à joüir, à connoître,
Votre instinct n'attend pas la fougueuse saison
Où vient s'offrir à nous l'inutile raison .
Hélas ! vos premiers jours sont des jours de sagesse
,.
Exemts des passions de l'humaine foiblesse.
Vous ne connoissez pas ce gouffre de malheurs,
Que nos yeux en s'ouvrant inondent de leurs
pleurs.
Contentes du bonheur de vivre sans contrainte ,
Vous n'aimez point par art , vous haïssez sans
feinte .
Et quoique dans vos coeurs l'amour soit encensé,
D 1
270 MERCURE DE FRANCE
Il n'y reçoit jamais un culte interessé .
Vous ne consacrez point le feu de la jeunesse
A de fréles plaisirs enfans de la molesse ;
Et l'on ne vous voit pas après le tems des fleurs
Regreter dans l'Hyver vos coupables erreurs .
Tous les âges pour vous sont prudents , sont
semblables.
Toujours dans vos travaux sages, infatigables,
Vous montrez que l'on peut , sans prévoir l'ave
nir ,
Par un heureux instinct du moins le prévenir
Vous n'immolez jamais à l'espérance vaine ,
Pour un bien qui vous fuit , l'abondance certaine
.
Et le Dieu de la Mer ne voit point sur son sein
Floter vos Pavillons déployez par le gain.
Tous ces divers détours , où la raison s'égare ,
Ces Sciences , ces Arts , dont notre orgueil se
pare ,
•
Et veut sonder envain l'obscure immensité ,
N'ont point encor troublé votre tranquillité.
La fiére ambition qu'anime la Fortune ,
Que plus nous encensons, plus elle est inportune,
A votre sage instinct ne donne point de loix ,
Et lui seul dans vos coeurs fait entendre sa voix,
Aimables Animaux , que votre destinée
Me paroît à la fois et douce et fortunée !
Vous coulez d'heureux jours que rien ne peuz
troubler.
FEVRIER.. 1734. 271
Et nous n'en passons point sans craind re , sans
trembler :
Mais ce que plus en vous je contemple et j'ad
mire ,
C'est votre petit corps qui se meat, qui respire
Entasse , marche , creuse et traîne sans effort ,
De quoi se préserver des dures loix du sort ;
Qui toujours ennemi de la molle paresse
Dans un travail constant trouve-son allegresse ;
Et ne perd pas le jour qui se passe et qui luit ,
Pour donner des regrets à celui qui le suit.
Lorsque Flore en nos champs étale ses parures,
Pour embellir l'éclat de leurs tendres verdures
Vous quittez à pas lents vos paisibles Maisons
Pour nous venir montrer l'Art divin des moist
sons ,
Que ne faites-vous pas dans cette conjoncture
Que d'efforts ! de travaux ! dont la raison murmure
!
Que de sages projets , que de faits merveilleux
Surprennent tour à tour , et ravissent nos yeux !
Envain l'affreux Hyver vient couronné de Glace
A l'Univers entier faire changer de face ;
Il n'a jamais pour vous ni rigueurs, ni frimats.
Vos Antres sont plus chauds , quand tout tremble
ici bas
Et méprisant les Tours qu'habitent les Monarques
Tristes jouets du Tems , et des cruelles Parques,
Loin d'une Pompe vaïne , et du Luxe odieux ,
Dij Vous
272 MERCURE DE FRANCE
the
・
Vous y vivez en paix sans offenser les Dieux ;
C'est là qu'ayant prévû cette saison sévere ,
Votre instinct a conduit un heureux nécessaire ,
Vous jouissez ainsi par vos travaux divers ,
Du fruit de nos Printems au milieu des Hyvers,
Que nous imitons mal votre sage conduite !
Dès nos plus tendres jours notre raison nous
quitte ,
Et quand elle revient pour joüir de ses droits ,
Nous sommes hors d'état d'obéïr à sa voix .
De ce présent des Dieux n'ayez jamais d'envie ,
C'est l'esclave des maux , tyrans de notre vie ,
Et, quoiqu'on nous la peigne un Sceptre dans la
main ,
Son pouvoir sur nos coeurs n'est jamais souverain.
En tout tems nous n'avons pour guide , et pour
Pilote ,
Qu'un torrent de desirs qui dans notre ame flote;
Et qui sans prévenir l'Orage ni l'Ecueil
Conduit ainsi nos jours dans l'horreur du cercueil.
Je ne crois pas,Fourmis, que ce sort déplorable
A vorre sage intinct paroisse désirable :
Allez ; contentez vous de montrer aux humains
L'Art de passer des jours tranquilles et sereins .
Ne nous enviez pas une raison funeste ,
Que l'on aime trop tard , que trop- tôt l'on déteste.
Adies
FEVRIER. 273
1734.
Adieu , jusqu'au Printems trop prudentes Fourmis
,
Vous reviendrez alors augmenter mes soucis.
Par M. de S. R.
ののののののの雨ののののののみお
3
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Orleans ,
le 14 Novembre 1733. Par M. Beauvais
l'Ainé ; contenant quelques Réfléxions sur
des Médailles Romaines , nouvellement
découvertes.
V
Ers le commencement du mois
-d'Octobre dernier , des Massons
travaillant dans une Maison de Campagne
, auprès du Bourg de Paté , en Beauce
, à cinq lieues d'Orleans , trouverent
dans la démolition d'un Mur , un Pot de
terre qu'ils briserent , et qui se trouva
rempli de Médailles Impériales de Grand
Bronze , lequel y avoit été mis vers l'an-
244. de Jesus- Christ , suivant les conjectures
que j'exposerai plus bas.
Le Maître de la Maison s'en étant emparé
les apporta
à Orleans
, et les vendit au poids à un Artisan
, qui les auroit
fon- duës , comme
il est arrivé
à tant d'autres
pareilles
découvertes
; mais en ayant
été
averti
, j'ai sauvé
tout ce qui pouvoit
y avoir
de bon , pour le faire entrer
en par-
D iij tie
174 MERCURE DE FRANCE
tie dans une suite de Médailles de Grand
Bronze.
Il y avoit dans cette quantité de Médailles
, des Têtes , depuis Galba jusqu'à
Philippe inclusivement , ce qui fait à peu
près le milieu du haut Empire. Le nombre
en étoit de vingt- cinq ; sçavoir : Galba
, Vespasien, Titus , Domitien , Nerva,
Trajan , Adrien , Sabine, Elius , Antonin
, M. Aurele, les deux Faustines Verus,
Lucille , Commode , Crispine , Albin , Sept.
Severe, Julie , Alexandre , Mammée , Max.
Casar , Gordien le jeune et Philippe le pere.
Je remarquai que ces Médailles du
haut Empire jusqu'à Severe , étoient bien
plus usées que les dernieres , non par le
verni , ou les autres altérations que la rerre
peut causer ; mais par l'usage qu'on en
avoit,sans doute , fait dans le commerce
ce qui pourroit prouver , ce me semble,
assez bien que sous un Empereur toutes
les monnoyes de ses Prédecesseurs avoient
également cours , comme celles qui étoient
frappées à son coin , et fabriquées sous son
Regne ; en effet, quels interêts les Peuples
auroient ils eus dans des temps de Guerre
ou d'autres calamite z publiques , de
cacher dans la terre ou ailleurs , de, Pićces
qui ne leur auroient été d'aucun usage
, et dont la perte qu'ils craignoient
sans
FEV VIER 1734 275
sans doute ) leur devoit être indifférente ?
On pourra m'objecter que si dans tous
les temps du Haut Empire , les Piéces fabriquées
sous le Regne d'Auguste , ont
eu le même cours ; ( cela s'entend , avec
les augmentations et les diminutions que
les contre marques nous font sentir )
pourquoi trouve -t on aujourd'hui dans
les Cabinets tant de Médailles d'une
beauté et d'un relief si parfait, qu'il semble
qu'elles ne viennent que d'être frapples
? C'est donc une preuve , du moins
un fort indice qu'elles n'ont pas toujours
été dans le commerce , sur tout pendant
plusieurs siecles.
Cette objection ne peut , à mon avis ,
rien faire contre le sentiment que la nouvelle
découverte favorise ; on peut fortbien
y répondre , en disant que chez les
Romains et chez les autres Peuples de
leur Domination , il s'est trouvé dans
tous les temps des Curieux , qui ont pris
soin de conserver les Piéces,quoique souvent
fabriquées de leurs temps , qui étoient
d'un travail parfait ; ainsi que bien des
Gens conservent aujourd'hui des Monnoyes
parfaites de Varin et d'autres habiles
Maîtres . En effet , ce n'étoit pas seulement
à Rome où se fabriquoient des Médailles
achevées ; il y avoit dans les Gau-
D iiij
lcs
276 MERCURE DE FRANCE
les , sous Gallien , les plus grands Maitres
qui ayent jamais été , et on peut voir dans
la belle suite d'or de M. du Vau , à Paris ,
des Postumes , des Victorius et des Tetricus
d'un travail si exquis , que les plus belles
Médailles du Haut Empire n'en approchent
pas. C'est , je crois , cette perfection
de l'Art , qui a engagé les Curieux
de tous les temps à nous transmettre ce
qu'ils ont jugé de plus beau , et à nous le
faire passer, pour ainsi dire , de main en
main.
Je reviens à notre découverte , sur laquelle
j'ai déja remarqué que plus les Médailles
approchent du Regne de Philippe
et plus elles ont de conservation. Les
Sept. Severe , les Alexandre , et les Têtes
suivantes sont d'une grande beauté ; et
comme il ne s'est trouvé qu'une Médaille
de Philippe le Pere , qui a encore co
que nous appellons le Rude du Coin , on
peut conjecturer que ce petit trésor avoit
été caché au commencement de son Empire
; et cela avec d'autant plus de vraisemblance
, que le revers , qui est ANNONA
AUG. est une des premieres Médailles
que le Sénat lui ait fait frapper , après
qu'il eût reconnu ce Ménotrier du jeune
Gordien pour Empereur.
LE
FEVRIER. 1734. 277
LE CHESNE ET L'ORMEAU .
C
FABL E.
Ertain Chêne orgueilleux , qui se disoit
cousin
Des nobles Chênes de Dodône ,
Prit le ton imposant d'un Sultan sur son Trône,
Pour tancer en ces mots un Ormeau son voisin
Misérable avorton , Arbre ignoble et débile ,
Voi combien je te suis utile ;
Je te mets à couvert des vents et des frimats ,
De l'orage et de la tempête ;
Tu fais pourtant si peu de cas ,
De mon attention à conserver ta tête ,
Qu'à regret tu me rends l'hommage qui m'est
dû ;
Toi , qui par ton exemple et ton zélê assidu ,
Devrois me procurer Phommage
م
De tous les Arbres du Village ;
Mais parle , vil Ormean ; sans moi , que seroistu
?
Quelque chose moins qu'un fêtu.
L'Ormeau reprit en son langage ;
Votre protection me fait beaucoup d'honneur
Mais il est pourtant vrai , Seigneur ,
Que j'aurois loin de vous profité davantaged
Dv Vous
278 MERCURE DE FRANCE
Vous m'offusquez par votre ombrage ;
Presque de tous côtez j'en suis envelopé ,
Vos rameaux quelquefois jusqu'au vif m'ong
frappé ,
Et m'ont causé plus de dommage ,
Que n'auroient fait les vents , la tempête et l'e
rage ;
Mais que veut dire ce courroux ,
Contre mon peu de complaisance ? "
Vous voulez des honneurs ? Quoi ! vous les avez
tous ;
Le Soleil ne luit que pour vous ;
Ay-je jamais frondé votre prééminence ?
Je vous entends , Seigneur. Un Esclave , entre
nous ,
Conviendroit à votre Excellence ,
Mais moi , j'aime ma liberté.
S'il plaisoit à la Providence ,
.
Bien- tôt quelque autre part je serais transplanté
Et je vous le dis net , tandis qu'aucun n'écoute
Cet Entretien ,
Votre voisinage , sans doute,
M'a fait plus de mal que de bien.
Je sçais, hélas ! ce qu'il m'en coute !
Ainsi par-là l'Ormeau . S'il eut été flateur
Il eut beni sa servitude ,
Vous devinez , ami Lecteur ,
Qu'il fut taxé d'ingratitude ;
>
L'orL'orgueil
n'est pas content d'un pareil Orateur.
Quiconque se parant du nom de Protecteur ;
N'est en effet qu'un fâcheux Maître ,
Sera facile à reconnoître
Aux traits du Chêne altier marquez dans ce
tableau ;
Quiconque est un ingrat , n'auroit jamais da
naître ;
Mais être ingrat comme l'Ormeau ,
Lecteur , tout de bon , est - ce l'être ?
F. M. F.
***************
ELOGE de M. l'Abbé de Longuernë.
Ouis du Four de Longueruë nâquit
La Charleville en 1692. de Pierre du
n'a-
Four , Se gneur de Longuerue et de Goisel
, Gentilhomme de Normandie , Lieutenant
pour le Roy au Gouvernement de
Charleville et de Montolimpe , et de Dame
Barbe le Blanc de Clois. Son
pere
voit rien épargné pour son éducation , il
lui donna Richelet pour Précepteur ; et
Perrot d'Ablancourt , si connu dans le
monde litteraire , lequel étoit son parent ;
voulut aussi contribuer à l'instruction
d'un Enfant qui étoit un prodige à l'âge de
quatre ans. La réputation de cet Enfant
Dvj étoit
204
étoit si grande , que le feu Roy passant à
Charleville demanda à le voir , et le jeune
Longuerue présenté à S. M. augmenta
encore par ses réponses aux diverses questions
qui lui furent faites , la grande idée
qu'on avoit déja de lui.
Son ardeur pour l'étude dès l'âge de
quinze ans , étoit si grande qu'à peine se
donnoit- il le temps de manger et de dormir.
Il ne connois oit d'autre recréation
que le changement de travail ; aussi fit - il
des progrès si surprenans , qu'il se trouva
bien- tôt en état d'être consulté par
tous les Sçavans , et en tout genre de Littérature
.
•
Il étudia à fond les Langues , tant
les mortes que les vivantes , et il n'y
en a eu aucune qu'il n'ait sçu parfaitement.
Avec ce secours il avoit penetré
dans l'Histoire de tous les Peuples , et de
tous les siecles . Il étoit si heureusement
servi par sa Memoire , que rarement il se
méprenoit d'une date , il ne confondoit
presque jamais un fait avec un autre.
L'Histoire étoit la partie de la Litterature
à laquelle il s'étoit le plus particulierement
appliqué , mais il n'avoit pas négligé
pour cela la Theologie , la Philosophie
ancienne et moderne , la Geographie,
la Chronologie , les Antiquitez et les Bel-
Lettres. Cette
FEVRIER. 1734. 281
Cette vaste étenduë de connoissance ne
l'énorgueillissoit point. Il étoit extrêmement
communicatif , et son sçavoir étoit
sans ostentation . Il est vrai qu'il n'aimoit
point à être contredit , et que son amour
pour la verité ne le rendoit pas toûjours
maître de ses expressions dans la chaleur
de la dispute ; mais quand on étoit accoutumé
à lui , sa franchise n'avoit plus rien
de rebutant , et on ne lui sçavoit aucun
mauvais gré de ses vivacitez.
Il a composé une infinité d'ouvrages qui
n'ont point été imprimez . Il avoit extrêmement
aidé le R. P. Pagi dans sa Critique
des Annales de Baronius Il a com-
Folé un grand nombre de Dissertations
tant sur l'Histoire Ecclesiastique que suz
celles de France , d'Espagne , des Arabes
& c.
Le seul Ouvrage qu'il a donné sous son
nom est la Description Historique et
Geographique de la France ancienne et
moderne , en deux Parties , imprimée à
Paris chez Jacques- Henry Praflard en
1719. Ce Livre , qui dans sa premiere
destination n'avoit été fait que pour l'instruction
d'un de ses amis , n'avoit pas acquis,
quand il fut rendu public , le dégré
de perfection que la réputation de son
Auteur sembloit exiger, L'Abbé de Longuerue
282 MERCURE DE FRANCE
gueruë n'avoit pû résister aux pressantes
sollicitations de gens plus occupez de leur
propre interêt , que de ce qui pouvoit
contribuer ou nuire à la réputation de ce
sçavant Homme. La complaisance qu'il
cût de livrer trop tôt son Ouvrage , lui a
causé des chagrins qu'il a ressentis jusqu'à
la fin de sa vie .
Le Journal des Sçavans du mois de Jan-
» vier 1733 m'apprend page 61. » Que M.
» Schoepflin a publié à Strasbourg chez
» Doulssecker , pere ; une édition in - 4°..
» ds Annales des Arsacides dont M.
» l'Abbé de Longueruë est , ( dit le Jour-
» nal ) l'Auteur , Annales Arsacidarum
» Auctore Ludovico du Four de Longueruë ,
"
Abbate S. Joann . de Jardo , & c. 1732 .
» On ajoute que cette Edition est préfera-
» ble à celle du même Ouvrage qui a été
imprimé à Paris il y a long -temps , en
» ce que M. Schoepflin l'a donné sur
» un Exemplaire corrigé et augmenté par
l'Illustre Aureur , qui a bien voulu le
» lui communiquer et en permettre l'im-
» pression. C'est tout ce que je puis dire
ici de cet Ouvrage , que je ne connoîs
point d'ailleurs.
>
Mais l'amour de la verité , et la reconnoissance
m'engagent à profiter de cette
occasion , pour déclarer qu'un autre Ou.
vrage
FEVREK 1734. 203
vrage rempli de Recherches historiques , et
d'une solide érudition , dont j'ai enrichi
ma dixiéme et onzième Lettre du Voyage
de Normandie , inserées dans le Mercure
de France des mois d'Avril et May
derniers , que cet Ouvrage , dis je , est
tout entier du sçavant Abbé de Longueruë.
Il joüissoit pour tout bien de deux Abbayes
, sçavoir Sept Fontaines , Diocèse
de Kheims depuis 1674. et le Jard ,-Diocèse
de Sens , depuis 1684. cependant
avec un revenu mediocre , il avoit sçû
former une Bibliotheque très - bien choisie,
qui seroit fâcheux de voir disperser,
L'Abbé de Longuerue mourut à Paris
le 22. Novembre 1733. laissant un Frere
qui est Mestre de Camp de Cavalerie , et
Chevalier de Saint Louis . Il avoit eu un
autre Frere qui fut tué à la Bataille de
Ramilliez le 23. May 1796. et qui étoit
Lieutenant des Gardes du Corps , Maréchal
de Camp , et Chevalier de Saint
Loüis.
RONDEAU
284 MERCURE DE FRANCE
ON
RONDE AU
Aux Plaideurs.
N n'a pas tort de repousser les coups ,
D'un ennemi cauteleux et jaloux ,
Qui dans le champ d'autrui met sa faucille ,
Mais de plaider pour la moindre vetille ,
C'est un abus : Il vaut mieux filer doux.
Nos Bas- Normands n'en conviendront pas tous.
Pour de vrais riens on chicane chez nous ;
Et toutefois de l'air qu'on en babille ,
On n'a pas toit.
Hé! pauvres gens ! vous êtes de grands fous ,
De vous livrer à la gueule des Loups !
Le Juge prend , le Procureur étrille ,
L'Avocat piace , et le petit Clerc pille :
Au bout du compte , on se mocque de vous.
On n'a pas tort,
F. M. F.
LETTRE
FEVRIER. 1734 . 285
LETTRE écrite à M. D. L. R. sur les
Pendules à quadran mobile , par le sieur
Julien le Roy , A. D. de la Societé des
Arts.
J'ai remarqué , Monsieur , deux choses
J'ai remarqué , la 2 deue deM.
Thiou , inserée dans le Mercure de Décembre
1733. pag. 2668. l'une qu'il donne
des idées désavantageuses des Pendules
à cercle d'Equation , et l'autre , qu'il y
avance que c'est M. Dufay qui les a perfectionnées.
Comme j'ai vendu plusieurs de ces
Pendules , dont j'ai loué la justesse et l'utilité
; et que je me suis déclaré le seul
Auteur de la disposition avantageuse de
leurs Cadrans , pour marquer le tems vrai ,
et le tems moyen : ces deux motifs m'obligent
, Monsieur , à vous adresser cette
Lettre , pour me justifier dans le Public
du reproche qu'il auroit droit de me faire ,
si M. Th . accusoit juste dans toute la critique
qu'il fait de la Pendule de M. Pierre
le Roy , mon frere : c'est ce que je vais
faire le plus succinctement qu'il me sera
possible.
Dans i
186 MERCURE DE FRANCE
Dans le même Mercure pag. 2669. M.
Th . dit : « Cette me hode , quoique très
bonne , a des difficultez qui empêchent
» que le public n'en tire tout l'avantage
» qu'il désireroit , parce qu'il est difficile
d'en faire prendre connoissance aux
» personnes même intelligentes , et en ce
» qu'il faut s'approcher du Cadran toutes
>> les fois qu'on veut voir l'heure , et avoir
» toûjours égard aux nouvelles positions
»du Cercle après l'avoir misau quantiéme,
» ce qui nest guerre utile pourun usage ordinaire
, mais très - bon pour un sçavant ,
» comme étoit l'Inventeur , feu M. Dela-
» hire ,, et comme est M. Dufay , qui l'a
» si bien perfectionné.
29
Qui ne croiroit après avoir lû cet article
, que M. Th. n'a jamais voulu faire
de ces Pendules à cercle , parce qu'il les
a trouvées défectueuses ? Cependant il n'y
a peut -être pas d'Horlogeur à Paris qui en
ait fait un aussi grand nombre que lui ;
j'en appelle à témoins tous ceux qui en
ont de sa façon ; auroit- t'il vendu des ouvrages
qu'il n'estimoit pas?Ou voudroit- il
inspirer du mépris pour ceux qu'il n'a
point fait ? On en jugera par ce qui suit .
Lui- même a répandu dans le public en
1735. un Ecrit , imprimé chez la veuve
Knapen , qui a pour titre Instruction sur
l'usage
FEVRIER. 1734 287
Pusage du cercle d'Equation , que le sieur
Th. ajoûte à ses Pendules. Cet imprimé de
trois
pages commence par ces termes.
»Ce Cercle , nouvellement inventé , est
placé à la circonference du Cadran de la
» Pendule , où il est mobile , et divisé
» suivant la table du tems moyen au midy
» vrai , &c. & plus bas , par le cercle
dit il , on a non seulement l'heure du
» Soleil pour tous les jours de l'année
>> mais aussi la facilité d'y vérifier sa Pen-
> dule , &c. -
Comment M. Th. accordera- t'il ses
propres contradictions ? en 1730. il fait
imprimer , et donne au public un usage
pour regler les Pendules qu'il fait à Cercle
d'équation , et en 1733. il avance dans le
Mercu e qu'elles ne sontgueres utiles pour un
usage ordinaire.
En 1730. ce même Cercle lui a paru
nouvellement inventé. Si une invention
qu'il dattoit de huit années et plus , pou
voit alors passer pour nouvelle , il a eu
raison ; car c'est en 1722. que je fis pour
M. de Marian , de l'Académie des Sciences
, la premiere de ces Pendules à Cercle
d'Equation , et peu après une autre , que
M. Dufay me demanda pour M. Landais.
M. Th. veut faire entendre au public
que
288 MERCURE DE FRANCE
que ces Pendules ne sont gueres utiles pour un
usage ordinaire , mais très - bonnes pour un
Sçavant.
.
En effet ne faut -il pas l'être beaucoup
pour sçavoir le quantiéme du mois ? Et
pour tourner avec la main unCadran où il
est gravé , et le mettre vis-à-vis un Index
qui est fixe ? Cela est à peu près aussi difficile
d'ouvrir une montre pour
que
mettre à l'heure .
la
Pour montrer que M. Th. se trompe
totalement , quand il avance que M. Dufay
a perfectionné les Pendules .en questión
, je vais rapporter mot à mot l'Extrait
du Memoire de cet Académicien
qui est inseré dans ceux de l'Académie
Royale des Sciences , année 1725. page 72 .
«Nous avons vû les changemens qu'y
a fait le sieurJulien le Roy : il ne s'en est
» pas tenu - là ; il a imaginé de couper en
»deux la Courbe de M. Delahyre, qui re-
»venoit quatre fois sur elle- même en ser
»pentant, et par ce moyen il l'a tracée sur
» un cercle de laiton mobile , qui entoure
» le Cadran de la Pendule ; ayant placé ex-
» terieurement sur la fausse plaque deux
alidades fixes, l'une à l'heure de midy , et
l'autre à six heures , il ne reste plus qu'à
» tourner avec la main ce Cercle qui porte
» aussi un Cadran de minutes , et placer le
» jour
FEVRIER. 1734 . 289
» jour dont on veut sçavoir l'équation
»sous celle des alidades à laquelle le mois
répond par ce moyer l'aiguille des
» minutes qui marque sur le Cadran fixe
» de la Pendule l'heure moyenne et regu-
» liere , marquera sur le Cadran mobile
>> l'heure du Soleil ; je crois qu'il est difficile
de rien imaginer de plus simple , de
» plus exact , de plus commode , &c.
Peut- on rien dire de plus précis , de
plus clair , et de plus juste que ce que dit
M. Dufay dans cet article ? Il y rend avec
la derniere équité ce qui est dû à M. Delahire
, Inventeur de cette Courbe , et à
moi qui ai imaginé les changemens avantageux
qui l'ont rendue utile ; cette façon
dont je l'ai appliquée aux Pendules, a même
fourni à M. Dufay l'idée d'une machine
de carton , qui est analogue au Cadran
mobile , et qu'il a imaginé pour l'utilité
de ceux qui n'ont point de Cercle d'équation
à leur Pendule .
Si M. Th. avoit lû le Memoire de
M. du Fay , on doit penser qu'il auroit
équitablement suivi son exemple , et ne se
seroit nullement exposé à laisser entrevoir
qu'il ne lui a attribué le mérite de cette
production , qu'à dessein d'en dépoüiller
celui qui en est le veritable Auteur.
Voilà , M. ce que j'avois à vous écrire
sur
"
20 MERCURE DE FRANCE
sur un article de la Lettre de M. Th.
à l'égard de ce qu'elle contient d'ailleurs,
mon frere est très - capable d'y répondre.
Mais pendant que j'ai la plume à la main,
je suis bien aise , M. d'avoir l'honneur
de vous dire un mot sur un autre petit
démêlé d'Horlogerie que j'ai à finir avec
M. Th. au sujet d'un Echappement de
Montre qu'il a voulu mettre en usage
à Paris , deux ans après que ce même
Echappement avoit été abandonné et reconnu
pour mauvais à Londres. Voici
de quoi il s'agit.
Dans le Mercure d'Avril 1729. page
746. j'écrivis à M. Th . une Lettre dont
voici le premier article .
>> Lorsque vous vous êtes déterminé ;
» M. à donner au Public , par la voye du
» Mercure du mois dernier , page 544.
» une idée avantageuse de l'Echappement
de M. de Flamanville , vous ignoriez
» apparemment que la pluspart des Hor-
» logers de Londres l'ont mis en usage
» dès le commencement de l'année 17.7 .
» et l'ont totalement abandonné vers la
» fin de la même année .
Le Mercure de May suivant contient
une Réponse de M. Th. je n'en donnerai
point ici l'Extrait , parce qu'elle mérite
d'être lûë en entier , afin d'y voir
avec
FEVRIER. 1734 291
avec quelle confiance il y annonce le
succès du nouvel Echappement qu'il appliquoit
pour lors à ses Montres. Comme
cette Lettre fit impression sur l'esprit
de quelques personnes , et que je
fis refléxion alors combien il est difficile
au Public de juger sainement de la bonté
des Montres par leur construction ; je me
déterminai à differer ma réplique , prévoyant
que l'usage du nouvel Echappement
seroit aussi défectueux à Paris qu'il
avoit été trouvé deux ans auparavant à
Londres . A présent que mes conjectures
sont confirmées , je vous fais part , M. de
de ce que j'ay appris sur ce sujet.
Les Ouvriers de M. Th. ont publié il
y a environ deux ans , que j'avois prévû
dans ma Lettre tout ce qui lui étoit
arrivé , et qu'il avoit été obligé de remettre
à l'ordinaire toutes les Montres où
il avoit appliqué le nouvel Echappement
qu'il avoit adopté ; mais si on suppose
que ces discours ont été tenus sans fondement
, je demanderai pourquoi il n'a
pas appliqué ce merveilleux Echappement
à la Montre d'or à quantiéme
à secondes et à répetition , qu'il a eu
l'honneur de faire depuis environ un
an pour M. le Comte de Clermont ?
et pourquoi il n'en a pas fait usage en
travail-
1
292 MERCURE DE FRANCE
travaillant pour un Prince aussi respectable
par ses lumieres , que par la protection
éclatante qu'il accorde aux Arts,
et à ceux qui les professent ?
qui
En attendant que M. Th. nous rende
raison de ses variations , concluons , M.
qu'il seroit avantageux aux Horlogers
nous succederont , et aux progrès
de l'Horlogerie , qu'il nous instruisit- des
raisons qui l'ont déterminé , tant à ne
plus faire de ces Montres- là , qu'à ne
plus dorer les roues de rencontres , comme
il le marque dans sa Lettre du même
Mercure , page 980. Se seroit - il enfin
apperçu que le feu , le Mercure ,
l'eau forte , et les gratteboises , sont des
agents qui détruisent la dureté , la forme
et l'égalité que doivent avoir les dents
d'une roue de rencontre ? Faites- moi la
grace , M. d'être persuadé que je n'ai ici
principalement en vûe que de soutenir
l'usage d'une sorte de Pendule qui est
géneralement approuvée des Sçavans et
des Horlogers , parce que sa construction
est aussi simple qu'elle est commode
et utile au Public. Je suis , &c.
Le Memoire de M. de la Hire , dont
il est question dans ma Lettre , est inseré
dans ceux de l'Académie Royale des
Sciences , année 1717. page 242 .
La
FEVRIER 1734- 293
Le mot de l'Enigme du mois de Janvier
est l'Echiquier. Ceux des Logogryghes
, sont Corde , Orange , Port. On trouve
dans celui- cy , Rot , Po , Or , Pot ,
et dans le précedent , Guillaume de Nassau
, Ange , Nage , Or , Ane , Oran ,
Organe d'une Flute , &c. Ergo.
J
ENIGM E.
E suis une Androgine , aimant peu le grand
jour ;
D'un Monstre ancienne fille ,
Plus mes traits sont obscurs , plus je plaîs , plus
je brille ,
N'inspirant jamais plus d'Amour ,
Que lorsque je suis moins commune.
J'enchante tellement et l'esprit et les yeux
De mes Amants curieux ,
Que lorsque je suis même exposée à leur vûë ,
Ils me cherchent à qui mieux mieux.
Je leur parle avec fard et grande retenuë ;
D'agir ainsi , jugez si j'ai raison ?
Sur un lit blanc à l'écart étenduë ,
Si j'allois à leurs yeux me montrer toute nuë ,
lis perdroient leur amour et je perdrois mon
mom.
E LO294
MERCURE DE FRANCE
*************** ! *******
L'on a
LOGOGRYPHE.
vû s'écouler deux fois mille ans et plus,
Depuis qu'à Rome on m'a vû naître ,
Et cependant en moi l'on voit encor paroître ,
Malgré vingt siecles révolus ,
Cet air , qui du nouveau pore le caractere .
Pour quelques gens si je suis plein d'appas ,
D'autres en moi ne trouvent. pas
Le même attrait , et beaucoup au contraire ,
Pensent qu'à mon usage on devroit se soustraire.
•
Huit Lettres composent mon nom ;
Voisi comment on les combine.
1. 2. et 4. offrent une saison ,
Joignez 5. 3. autre combinaison ,
Vous donne le produit que promet la Tontine
6. 7. telle est la rigueur de mon sort ,
Que je ne puis échapper à la mort.
3. 1. 2. 8. je suis ce que mit en usage
Jadis un Dieu ( pour son honneur peu sage )
Mais peu sage à faire pitié ,
Qui de sa galante moitié ,
Revelant l'amoureux mystere ,
Auroit bien mieux fait de se taire .
De tout mon corps , deux Membres abbatez ;
Ville de l'Armorique aussi- tôt se présente;
En
FEVRIER
1734. 295
Ec
En cet état , si vous m'ôtez
que l'on trouve au milieu d'une Tente ,
Je dompre un fougueux animal ;
Alors , ma tête à bas , prenez-moi par la queue ,
L'on me dit fort utile à l'Art médecinal ;
Mais sans moi l'on ne peut achever une lieuë ,
Si l'on m'arrache encor le nez;
Tant pis pour vous si vous l'entreprenez.
Je puis, par un autre assemblage ,
A qui veut calculer offrir plus d'un objet .
6.7. et 2. me voilà net.
x. 5. 2. 4. ct 3. terme de jardinage ;
Au travail des Vergers je borne mon usage.
Tournez- moi d'une autre façon ,
D'un coup de dez je vous donne le nom .
4. 5. 7. et 1. si j'eusse eu moins de charmes ,
Pour la malheureuse Didon ,
Elle n'eut pas pour moi répandu tant de larmes.
3. 4. par la Mer , borné de tous côtez ,
L'on n'aborde chez moi qu'à l'aide du Pilote.
Pris dans un autre sens , je ne suis qu'une note ,
Joignez 5. 7. un Saint en moi vous réverez ,
Que le Calendrier vous indique en Novembre.
Posez avant mon deux mon quatriéme membre,
En deux lettres je suis une conjonction ,
Renversez- moi , je suis pronom.
1. 2. 3. 4. à l'esprit je présente
Nombre infini d'objets d'espece differente ,
E ij
Rica
256 MERCURE DE FRANCE
Rien n'existe ici bas ni même dans les Cieux ,
Soit qu'il respire ou non , que je ne signifie .
Retranchez 2. mon nom dans la Chronologic ,
Indique quelque trait fameux .
2. 4.3.1.7. fils d'un Dieu , Roy de Thrace ,
En malheureux oiseau , dans la Fable j'ai place ;
Le 5. au lieu du 2. Divinité des Eaux ,
Aux Nymphes de la Mer j'ai donné la naissance.
7.8. et 2. je suis un des Vents Cardinaux.
En voilà bien assez , je pense ,
Devine , si tu peux , mais tu n'es pas bien sûr
De m'avoir cette année , à moins d'heureuse
chance ;
Le temps est devenu bien dur
Par Mile Oladele du Londel.
AUTRE.
Quoique de basse extraction ,
De nul métier , et de nom méprisable ,
Mercure par compassion ,
Me va rendre recommandable ;
On verra là maint Curieux ,
Exercer à l'envi son esprit et ses yeux ,
M'examinant des pieds jusqu'à la tête
Pour deviner si je suis homme ou bête ,
Chacun y fera de son mieux.
Je donne avis entre autres choses ,
De ne mettre d'abord la patience au free ,
Je
FEVRIER. 1734 297
Parmi bien des métamorphoses ,
Que renferme mon nom , vous trouverez un Ros,
Cherchez autour et prenez garde au choc,
Un instrument que l'on porte en écharpe ,
Qui n'est ni Luth , ni Tambourin ni Harpe ,
Viendra se présenter , n'en doutez , c'est un hoc,
Ce hoc diminutif augmentant sa figure ,
Pourra devenir Reche , ou si l'on veut Rocher
Continuez , et si par avanture ,
Ce chemin raboteux vous rebute à chercher ,
Je vous présente une douce voiture ,
C'est un Coche avec le Cocher ,
Je puis vous faire voir encor d'autres merveilles,
Fournir de Cruche un Porteur d'eau ;
Assortir un Prélat de son petit Manteau,
Donner la retraite aux Abeilles ;
Ce n'est pas être Ture que d'en agir ainsi ;
Je suis pourtant encor un Turc en racourci .
A ÚTRE.
Mon nom est tout Arithmétique ,
Facile à deviner pour tous gens de Pratique ,
On le construit en accouplant deux fois ,
Et comptant à chaque fois trois ;
Deux de ces premiers trois en valent cent cin
quante ;
La troisiéme est un vain zero
Qui ne sert que de numero ,
E iij Quoi298
MERCURE DE FRANCE
Quoique ce soit par lui que tout nombre s'augmente,
Si vous n'êtes encor au fait ,
Examinez les trois lettres dernieres ,
Qui commencent par cent comme les trois premieres
;
Reste deux à chercher , parcourez l'alphabeth
Tirez - en huit et cinq , voilà mon nom complet.
J
AUTR E.
'Ai sous un même nom deux differens emplois,
Tantôt en exerçant les doigts ,
Je sers ou nuis à bien du monde ;
Tantôt, ô force sans seconde ;
Lecteur , tu le peux croire , et souvent tu le vois ,
Je porte sur mon dos le Ciel , la Terre et l'Onde.
Voila ce que je fais , voici ce que je suis.
En pcu de mots je le déduis ,
Tant de longueur est superfluë :
Ma tête est un adverbe , et par inversion
Je forme de ma queue une conjonction,
Si vous ne devinez , vous avez la berluë ;
A votre gré , si j'en ai dit trop peu ;
Voici de quoi finir mon jeu ,
Lecteur , foüille-moi jusqu'au centre,
a trouveras un rat enfermé dans mon ventre .
NOUFEVRIER.
1734. 299
tetttut: bbfbfbfbfbit
NOUVELLES LITTERAIRES
O
DES BEAUX ARTS , &c.
BSERVATIONS sur les Arrêts remarquables
du Parlement de Toulouse
, recueillis par M. Jean de Catellan ,
Conseiller au même Parlement, enrichies
des Artêts nouveaux , rendus sur les mê
mes matieres Par Gabriel de Vedel, Ecuyer,
Docteur et Avocat au Parlement de Toulouse
. A Toulouse , de l'Imprimerie de N.
Caranove , à la Bible d'or , et se vendent
chez Etienne Manavit et Jean - François
Foret, à la Couronne d'or. 1733. in 4.2 vol .
Tom. 1. de 372 pages ; et le second de
292.
SANCTI Aurelii Augustini Hipponensis
Episcopi, Epistolæ dur , recens in Germania
repertæ , Notis criticis , historicis ,
chronologicisque illustratæ , ac juxta novissimam
Editionem omnium ejusdemi
S. Doctoris Operum , à Benedictinis , è
Congregatione S. Mauri concinnatam
tersæ atque adornate opera et studio
D ... ejusdem Congregationis Presbyteri.
Fol. Parisiis apud viduam Raymun-
E iiij di
300 MERCURE DE FRANCE
di Mazieres , et J. Baptistam Garnier.
1734.
TRAITE' DES ALIMENS DE CARESME , OÙ
l'on explique les différentes qualitez des
Légumes , des Herbages , des Racines, des
Fruits , des Poissons , des Amphibies, des
Assaisonnemens , des Boissons même les
plus en usage , comme de l'Eau , du Vin,
de la Bierre , du Cidre , du Thé, du Caffé
, du Chocolat , et où l'on éclaircit plusieurs
questions importantes sur l'abstinence
et sur le jeûne, tant par rapport au
Carême, que par rapport à la santé.Par M.
Andry, Docteur , Regent de la Faculté
de Médecine à Paris , Lecteur et Professeur
Royal. 2 vol . in 12. 4 liv.ruë S.Jac
ques , chez le Mercier.
REGIME DU CARESME , consideré par
rapport à la nature du corps et des alimens,
en trois parties , où l'on examine
le sentiment de ceux qui prétendent que
les alimens maigres sont plus convenables
à l'Homme que la viande , où l'on
traite à ce sujet de la qualité et de l'usage
des Légumes , des Herbages , des Racines
, du Fruit, du Poisson , &c . et où l'on
éclaircit plusieurs questions touchant
l'abstinence et le jeûne , suivant les principes
FEVRIER . 1734. 3ст
cipes de la Physique et de la Médecine ;
entr'autres,si l'on doit défendre en Carême
l'usage de la Macreuse et du Tabac.
Par le même , chez le même Libraire , in
12 , 2 liv.
INSTRUCTIONS Chrétiennes et Morales
sur les Sacremens ; avec quelques Ins-
Tructions sur les Indulgences et Jubilez ;
et les bons usages des Maladies . A Paris ,
rue S. Jacques , chez J. B. Delespine fils ,
1734. in 12.
LETTRE de M. l'Abbé de ... au sujet
de la nouvelle Histoire de Languedoc.
V
Ous me demandez , Monsieur , fort
à propos des nouvelles de la suite
de l'Histoire de la Province de Languedoc
, dont les R. P. D. Claude de Vic ,
et D. Joseph Vaissette , Benedictins de
S. Maur , qui travaillent à cet Ouvrage
depuis l'année 1715. viennent de publier
le second volume. Le premier Tome parût,
comme vous sçavez , sur la fin de
l'année 1730. et vous me parûtes bien satisfait
de sa lecture ; ainsi je ne puisque
louer votre empressement pour con
noître la disposition de ce second volu
mes ce que votre éloignement de Paris
EV ห รื
302 MERCURE DE FRANCE
me vous permet pas de faire par vousmême.
C'est toujours le même titre : HISTOI
RE GENERALE de Languedoc, avec des Noses
et les Pieces justificatives , composée sur
les Auteurs et les Titres originaux , et enrichie
de divers Monumens.Tome second ,
in fol. de 648 pag. sans les Preuves , et la
Table generale des noms et des matieres,
qui en contiennent 700. A Paris , chez
Jacques Vincent , ruë S. Severin, à l'Ange.
1733.
Un court Avertissement précede ce
Volume , et dispose à le lire utilement.
Il comprend l'Histoire de près de trois
siécles , commençant au Regne de Loüis
le Begue , Epoque principale de l'hérédité
des Fiefs de Dignité dans les Maisons
des Grands Vassaux , qui usurperent
bien- tôt les Droits Régaliens . Il finit au
commencement des Troubles , que l'hé
résie des Albigeois causa dans la Province
, où à la condamnation de ces Hérétiques
dans le Concile , tenu en 1165 ,
à
Lombez , dans le Diocèse d'Albi .
Je n'entrerai point icy , Monsieur, dans
le détail des faits qui font la matiere des
huit Livres dont ce second volume est
composé ; un Sommaire même de ces
Livres excederoit les bornes d'une LettreFEVRIER.
1734. 393
tre. Je me contenterai de vous dire en
general , avec nos Sçavans Auteurs , que
dans un temps aussi obscur pour l'Histoire
de cette Province et pour celle de
France , que les X. XI et XIIe siècles , ils
ont cru ne devoir rien négliger. C'est ce
qui les a portez à employer certains faits
qui seront peut être regardez comme peu
Importans , et qui auroient été omis dans
d'autres circonstances.
Ils se sont attachez principalement ,
soit dans l'Histoire , soit dans les Notes,à
faire connoître autant qu'il leur a été
possible , l'origine , la succession , la genealogie
et les actions des Comtes , des
Vicomtes et des autres Grands Vassaux
de la Province ; sur tout de ceux qui ont
joui des Droits Régaliens' ; matiere dont
la plus grande partie étoit enveloppée
d'épaisses ténébres , qui sont icy dissipéesles
Monumens du temps.
par
La Méthode qui a été suivie dans cette
recherche , où l'on n'a admis que ce
qui s'est trouvé appuyé sur les Titres et
sur les anciens Ecrivains , a engagé nos
Historiens à rapporter la plupart des Piéces
justificatives , sur lesquelles ils se sont
fondez . Ils donnent aussi plusieurs actes .
qu'ils ont jugez interessans ; en particulier
, ceux qui peuvent servir à découvrir
E vj l'ori
304 MERCURE DE FRANCE
l'origine et la généalogie de l'ancienne
Noblesse du Païs, Les Gens de Lettres estiment
ces sortes de Recueils , qui ont .
plusieurs utilitez.
Dans ce volume , comme dans le précedent
, on s'est attaché à éclaircir les
faits douteux ou obscurs , soit dans le
corps de l'ouvrage , soit dans les Notes.
Nos Auteurs se sont fort étendus sur la
premiere Croisade , ce qui étoit indispensable
; parce que Raymond de S. Gilles,
Comte de Toulouse , fut un des principaux
Chefs de cette celebre expédition ,
et que la principale Noblesse. de la Province
y prit beaucoup de part. Il étoit
donc nécessaire de ne rien passer de ce
qui regarde leurs Personnes et leurs Exploits
, nos Historiens modernes en ayant
d'ailleurs parlé fort succinctement.
Les ornemens qui enrichissent le premier
volume continuent dans celui cy
et dans le même ordre.C'est- à-dire qu'on
voit à la tête de chaque Livre er au
commencement des Notes et des Preuves
qui font un corps d'Ouvrage separé, une
fort belle Estampe en Vignette , qui en
représente le principal' sujer. Elles sont
du dessein de M. de Cazes Peintre de
Académie Royale de Peinture , et gravées
par une habile main.
La
FEVRIER. 1734. 305
La premiere au Frontispice du Livre
XI. porte en bas cette Inscription , Louis
Le Begue dispose du Marquisa: de Gothie
en faveur de Bernard III.
Dans celle du XII . L. Les Hongrois
mis en fuite par Raymond Comte de Tou-
Lause..
Liv. XII. Victoire de Roger I. Comie
de Carcassone sur Oliba Cabretta.
Liv. XIV. Paix entre l'Archevêque et le
Vicomte de Narbonne.
Liv. XV. Départ de Raymond de S. Gil
les , Comte de Toulouse pour la Croisade.
Liv. XVI . Arrivée de Bertrand , Comte
de Toulouse , au Port d'Antioche.
Liv. XVII. Alfonse Comte de Toulouse
prend la Croix des mains de S. Bernard.
Liv. XVIII . Levée du Siége de Tou
louse par Henri II. Roy d'Angleterre.
Au commencement des Notes sur
l'Histoire , est representé par une Estam
pe particuliere , le partage de la Provence
entre le Comte de Toulouse et le Comte de
Barcelone. Et à la tête des Preuves une
derniere Estampe represente l'Invention
des Reliques de S. Bausile , Martyr à
Nîmes.
J'ai prévenu, Monsieur , vôtre demande
au sujet de ces belles Estampes que
vous souhaiterez sans doute de joindre à
celles306
MERCURE DE FRANCE .
celles du premier volume que je vous ai
envoyées dans le tems et qui méritent
assurément une place dans vos Recueils.
Elles m'ont été accordées avec la même
politesse et la même bonté que les précedentes.
Par surcroît d'agrément pour vous et
d'ornement pour ma Lettre , je vous envoye
un Dessein exact de la Médaille
que les Etats de la Province de Languedoc
viennent de faire frapper au sujet de
l'Histoire dont il s'agit ici . C'est un Monument
destiné à éterniser un autre Monument
digne par lui même de l'immortalité
, et qui célébrera aussi l'Amour de
la Patrie et la magnificence de Messieurs
des Etats dans la Composition de cette
Histoire.
On voit d'un côté sur cette Médaille
le Portrait du Roy avec la Legende ordinaire
et sur le revers la Muse de ,
POST
FATA
SU
ERIT
COM- OCCIT.
1734.
l'HisFEVRIER
. 1734 307
P'Histoire , assise , et dans une attitude
noble , tenant d'une main la Plume , et
de l'autre un Livre ouvert , un Volume
fermé est couché à ses pieds ; avec cette
Inscription . ERIT POST FATA SUPERSTES :
et dans l'Exergue COM. OCCIT . MDCCXXXIV.
Je suis Monsieur , & c.
A Paris le to Janvier 1734.
On vend depuis peu chez Osmon , rue
S. Jacques , proche la Fontaine S. Severin
, et chez Clousier , dans la même rue,
aux Armes de France , un Livre intitulé
Pensées Critiques sur les Mathematiques , où
l'on propose plusieurs Préjugez contre ces
Sciences, à dessein d'en ébranler la certitude,
et de prouver qu'elles ont peu contribué à la
perfection des Beaux Arts . Par M. Cartand.
Volume in 12.
L'Auteur a mis à la tête de cet Ouvrage
un long Discours , dans lequel
on trouve des Réfléxions neuves sur
le culte des Payens , sur
sur l'Astrologie
et sur la Magie . Après ce discours préliminaire
l'on propose sept Préjugez contre
les Mathématiques.
M. Cartaud fait voir dans le premier
que les Mathématiciens ne peuvent arriver
à la haute certitude sans avoir auparavant
308 MERCURE DE FRANCE
ravant établi des principes certains dans
la Métaphysique , puisque la seule hypothese
d'un Dieu trompeurferoit de cette
Geométrie un Pays de soupçons et d'incertitude
; il faut , dit- il , entrer aussi
dans l'examen de la nature de l'ame , et
des idées , pour nous assurer que nous
n'avons aucune erreur à craindre de ce
côté- là. Car enfin , ajoute t-il , il est important
pour les Géometres de démontrer
la spiritualité de l'ame , puisque
bien qu'elle fût une matiere très subtile;
elle ne le seroit jamais assez pour atteindre
aux objets insensibles de la haute Géométrie.
Le second Prejugé est une Compila
tion des autoritez de ceux qui ont mis
en problême la verité des Mathématiques ,
tels que sont Mrs Bayle , Huet , Gassendi
, la Mothe le Vayer , la Placette
Agrippa , Joseph Scaliger , le Chevalier
Meré , les deux Pics de la Mirandole ,
Pascal , Descartes , Couti , le Clerc , & c.
L'Auteur prouve ensuite par plusieurs
raisonnemens que les doutes de tous ces
Grands hommes, devroient rendre les
Geométres moins décisifs.
L'Auteur raporte dans le troisiéme
Préjugé le témoignage de plusieursGrands
Geométres , qui avoient que les Mathé
matiFEVRIER.
1734. 309
matiques sont remplies de profondeurs ,
et d'obscuritez qu'on ne peut percer. Il
fait voir à la fin de ce même préjugé
que la Geométrie la plus élementaire
demande qu'on entre dans l'Analyse des
infiniment petits , ce qui fait naître indispensablement
les discussions sur l'Infini
, qui est , selon nôtre Auteur , une
source inépuisable de ténébres et d'incer
titudes.
On fait voir dans le quatriéme préju
gé que les Mathématiciens ne sont pas
plus unanimes que les autres Scavans , et
pour le prouver, on raporte les disputes
qui s'éleverent dans l'Académie des Sciences
au sujet des nouvelles méthodes de
l'Infini. L'Auteur fait aussi mention de
quelques. légeres diversitez de sentiment ,
qui diviserent il y a quelque tems M. de
Fontenelle et le P. Castel. On n'a pas
oublié Hobbes , le Jesuite Mancanus , ni
Vossius , qui se sont un peu écarté de la
route que tiennent les Geométres ; on
s'est également prévalu des incertitudes
de M. Leibnitz , qui sembloit s'être relâché
jusqu'au point de réduire les Infinis
de différens ordres à n'être que des
incommensurables au Globe de la Terre,
ou ce Globe à un Globe dont le rayon
seroit la distance du Soleil à Sirius ; ce
qui
310 MERCURE DE FRANCE
qui ruineroit l'exactitude Geométrique
des calculs . L'on a ajouté à toutes ces
contrarietez le peu d'unanimité qui se
trouve entre ceux qui déterminent la
distance des Globes celestes , et qui prétendent
trouver au juste la grandeur de
leur rayon . Enfin l'on fait voir que les
Mathématiciens sont le plus souvent aux
prises , et qu'ils ne partent pas toujours
des mêmes principes.
L'Auteur des Pensées critiques se propose
de prouver dans le cinquième préjugé
que l'objet des Mathématiques est
obscur. Voici ce qu'il dit sur ce sujet .
Les Mathématiques ont pour objet où
la grandeur en general , ou l'étendue ,
ou les nombres , ou le mouvement , ou
le tems.
Nous ignorons quelle est la nature de
la grandeur en general . Premierement
il est certain qu'elle n'est pas un être : en
second lieu , si elle étoit un néant , comment
pourroit- elle être l'objet des Mathématiques
?Troisiémement on auroit tore
de dire que les Algebristes prennent pour
objet deleur science la grandeur en general
en ce sens , que toutes leurs opérations
peuvent également avoir lieu en
Geometrie et en Aritmetique , puisqu'il
est très-certain que les nombres et l'étenduë
A
FEVRIER. 1734. 311
due ont des proprietez tout- à - fait differentes
. 2° . Les notions que nous avons
de l'étenduë sont très- incertaines , puisque
nous ignorons si elle est divisible à
l'infini , ou si elle est composée d'indivisibles
, si ces indivisibles sont étendus
ou inétendus . Cependant , ajoute notre
Auteur ; on ne peut s'assurer d'aucunes
conséquences Geométriques , jusqu'à - ce
que les Physiciens ayent vuidé leurs différends
sur ce sujet , puisque les conclusions
que l'on tire de ces divers systêmes
sont aussi opposées entr'elles , que la supposition
des indivisibles l'est de celle de
la divisibilité inépuisable. Ainsi , puisque
les principes sont arbitraires , les conséquences
doivent l'être aussi . 3 °. Notre
Auteur après avoir dit qu'il est souvent
inutile et même dangereux de trop rafiner
sur les premiers principes , ajoute ,
pour faire voir que les premieres notions
même ne sont pas exemptes d'obscurité,
lorsqu'on donne un plein essor à son
esprit ; l'idée qu'on a de l'unité n'est pas
fixée sur la perception d'un être simple ,
parce qu'on ne sçait qu'un objet est simple
qu'autant qu'on le confronte avec
l'idée qu'on a de l'unité . Ainsi l'idée
qu'on a de l'unité précede la perception
de l'être qui est simple. Mais si la per-
сер-
312 MERCURE DE FRANCE .
ception de l'être qui est simple est postérieure
à l'idée qu'on a de l'unité , il faut
donc que l'unité soit quelque chose de
réel , et qu'elle subsiste indépendament
de tout sujet. Voilà donc le triomphe des
Pitagoriciens quelle sera la nature de
l'unité?L'on fait voir ensuite que les fractions
seules suffisent pour rendre la notion
de l'unité douteuse et équivoque.
L'on parcourt ainsi toutes les autres
grandeurs , er on prouve que
les notions
que nous en avons doivent nous paroître
incertaines .
L'Auteur fait voir dans le sixième préjugé
qu'en supposant une fois le principe
des indivisibles , qu'il n'est pas bien
aisé de combattre , il faut jetter les fondemens
d'une nouvelle Geométrie . Pour
cet effet il choisit plusieurs propositions
qui concernent lesLignes , les Plans et les
Solides , et démontre qu'elles sont des
Paralogismes hors la divisibilité inépuisable
, qui ne paroît pas à notre Auteur
être établie sur des principes assez certains
pour servir de fondement à des
conséquences infaillibles.
On propose un septiéme préjugé , où
l'on prétend prouver que les Mathématiques
ont peu contribué à la perfection
des Beaux Arts , toutes les réfléxions que
notre
FEVRIER, 1734. 313
ture ,
>
notre Auteur emploie dans ce préjugé ,
peuvent se réduire à celle- ci ,
L'Architecture civile et militaire , la
Marine,l'Astronomie , les Méchaniques
la Cosmographie , la Peinture , la Sculpet
tous les Beaux Arts ont atteint
à un très-haut degré de perfection dans
des tems auxquels on n'avoit point les
méthodes de résoudre les problêmes , et
où les connoisseurs Geométriques se bornoient
à quelques propositions élementaires
d'un usage très- peu fécond. En second
lieu les Sciences qui ont emprunté
le secours des Mathématiques ne sont
jamais arrivées à une parfaite précision :
l'on pourroit même dire que l'Astronomie
est incertaine en ce qu'elle a de
commun avec les Mathématiques , puisque
malgré toutes les regles de la Trigonometrie
on n'a pû réussir à assigner la
vraie distance des Astres , ni déterminer
la grandeur de leur diamétre , et que
malgré toutes les observations des Geométres
de notre siècle et du siécie dernier
, on n'en connoît pas mieux la figure
du Globe de la terre.
EX314
MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de M. D. D.
dans laquelle il est parlé d'un Ouvrage
Historique , nouveau.
V
Ous n'êtes pas bien informé au sujet
de l'Ouvrage dont vous me parlez ;
vous en jugerez par ma Réponse. Voici
d'abord le titre de quatre des premiers
volumes qui viennent de paroître.
HISTOIRE des Empires et des Republiques
, depuis le Déluge jusqu'à J. C. où
l'on voit dans celle d'Egypte et d'Asie , la
liaison de l'Histoire Sainte avec la , Profane
; et dans celle de la Grece , le rapport
de la Fable avec l'Histoire . A Paris, chez
Simart , au Dauphin , ruë S. Jacques ; et
surle Quai des Augustins, chez Jean Roüan,
à la Colonne d'Hercule.
L'Auteur déclare dans son Discours
Préliminaire que c'est l'Histoire ancienne
de M. Rollin, qui lui a fait naître la pensée
de l'Ouvrage qu'il donne au public ;
et il a cru que ce même empressement
avec lequel on a lû ce que ce judicieux
Ecrivain en a donné , feroit recevoir avec
plaisir ce sujet traité dans son entier ;
d'autant plus que c'est icy un Plan nouveau
; et voici les differences de l'une à
l'autre.
1° . L'Histoire ancienne ne commence à
E3-
FEVRIER 1731- 315
entrer dans quelque détail que vers le
cinq ou sixième siècle avant J. C. et celle
des Empires remonte jusqu'aux temps
voisins du Déluge , dans l'origine des
premieres peuplades.
2º. Celle - là mêle toutes les Histoires
ensemble ; traitant alternativement de
l'Egypte , de l'Asie , de la Grece , ou de
la Thrace ; et celle- cy prend chaque Histoire
en particulier , dont elle fait voir
par la suite d'un même discours , l'origine
, les progrès et la décadence.
3. On ne s'est point attaché à donner
dans la premiere une succession suivie
des Rois qui ont occupé les Thrônes de
l'Egypte et de la Grece . Dans la seconde
on trouve une suite des uns et des autres,
jusqu'au temps d'Abraham , avec l'Histoire
de leurs Regnes.
4. M. Rollin n'a point voulu donner
de Chronologie , sur l'antiquité. L'Auteur
de l'Histoire des Empires l'a recueillie
de Jules Affricain , d'Eusebe et de
Syncelle ; et il donne tant pour l'Egypte
que pour la Grece et l'Asie , les preuves
de son systême .
5. La liaison de l'Histoire Sainte avec
la Profane , lui fait encore un objet particulier.
L'Historique du Pentateuque
des Livres des Rois et des Prophetes ne
souf
316 MERCURE DE FRANCE
souffre de si grandes difficultez que
parce qu'on ne sçait pas les Histoires
Etrangeres , qui y ont rapport. Icy l'on
s'est appliqué à joindre l'un avec l'autre ;
et le second volume est tout entier pour
lever ces obscuritez .
6. Dans l'Histoire ancienne on a passé
tout ce qui regarde la Fable; et cette matiere
a paru importante et curieuse à l'Auteur
de l'Histoire des Empires. Il donne la
Fable pour ce qu'elle est ; c'est - à -dire ,
qu'il la laisse quelquefois Fable, quoique
le plus souvent et presque par tout il la
ramené à la verité de l'Histoire , faisant
voir que ce que les Poëtes en ont dit , se
trouve conforme aux plus anciens Monumens
de l'Antiquité ; et en particulier ,
aux Apologistes de la Religion chrétienne.
Il remonte jusqu'à l'origine de la Mytologie
; Acmon , Urane , Saturne , Jupiter
, dont il fixe les siècles , avant la vocation
d'Abraham , et montre qu'on ne
peut , sans une singularité téméraire , accuser
leurs Histoires de faits controuvez.
On peut dire que cet Ouvrage sert de
Préliminaire à la lecture de nos Livres
Saints , à celle des Apologistes , des Poëtes
, des anciens Historiens , et de l'Histoire
Ecclésiastique , où il finira , après
avoir
FEVRIER. 1734 317
avoir éclairci tous les siècles qui l'ont
précédée. On vend aussi avec le Livre ,
ou séparément , deux grandes Cartes
Chronologiques , qui montrent la concurrence
de toutes les Histoires , siécle
par siecle , depuis la création jusqu'à J.C.
Il paroît une Brochure de 60 pag . qui
peut avoir son utilité , sous le Titre de
TARIF des Marchands Frippiers , Tailleurs
, Couturiers , &c . dans laquelle on
trouve plusieurs Tarifs , propres à sçavoir
combien il faut d'une telle Etoffe ,de telle
largeur qu'elle soit , pour faire tel vétement
, ou tel autre ouvrage qu'on voudra
. On y trouve aussi la différence des
Aûnes de chaque Pays, exprimée en pouces
, d'une nouvelle maniere , pour trouver
commodément de combien une Etoffe
est plus large que l'autre , ainsi que la
longueur des Aûnes. On y trouve enfin
les noms des différentes Manufactures , et
la largeur en Pouces des Eroffes qu'on y
fabrique , avec un petit Abrégé des quatre
principales Opérations de l'Arithmé-.
tique . Par M. Roslin , Expert Ecrivain
Juré,&c. A Paris , chez Antoine de Heuqueville,
pere , Libraire , Quai des Augustins
, à la Paix.
F PRO318
MERCURE DE FRANCE
PROJET d'un Supplément à la Collection
des Conciles du PERE LABBE , qui doit
s'imprimer incessamment , à Paris , chez Briasson
, Libraire , rue S, Jacques , à la Science ; et
à Geneve , chez Fabri et Barrillot.
Plusieurs Sçavans se sont appliquez à donner
des Collections de Conciles ; mais malgré leurs
soins , ils n'ont pû tout découvrir. C'est en profitant
du travail de chaque Compilateur , que le
dernier a donné la plus ample Collection . Merlin
se chargea le premier d'une entreprise si impor
-tante ; Crabbe vint après et augmenta le Recueil
de son Prédecesseur , et Crabbe fut suivi par Surius
, qui fit de nouvelles découvertes. Celui- cy
fut ensuite surpassé par Binius ; mais le P. Labbe
effaça tous ces Compilateurs , en donnant en
1671. la plus ample de toutes les collections.
Outre ses recherches particulieres , il se servit
utilement de quelques Ecrivains , tels qu’Uchelli ,
Marca , &c. qui avoient inseré des Conciles dans
leurs Ouvrages.
Depuis 1671. quelques Auteurs , comme Cotelier
, Bollandus , &c . ont publié des Monumens
Ecclesiastiques , et parmi ceux- là , les Actes de
divers Conciles. D'autres ont mis au jour des
collections de Conciles ; Baluze , outre le recueil
des Conciles de la Gaule Narbonnoise , publié
en 1668. a imprimé en 1683. un premier Tome
d'une nouvelle Collection des Conciles avec des
notes , et en a inseré quelques - uns dans ses Miscellanées.
Le Cardinal d'Aguirre a publié la Collection
la plus ample et la plus curieuse des Conciles
d'Espagne. Le P. Bessin a recueilli ceux de
la Province de Normandie. Avec tant de secours
il a été facile au P. Hardoüin de donner une plus
ample Edition des Conciles ; il l'auroit renduë
plus
FEVRIER 1734. 319
plus parfaite, si , aux Conciles qui lui ont été envoyez
de differents endroits de l'Europe , et à
ceux qu'il a extraits de ces sçavans Compilateurs,
il avoit pris la peine de joindre les Conciles inserez
dans divers Auteurs Ecclesiastiques ; en
quoi il eût imité le docte P. Labbe.
Enfin , M. Coleti vient de publier à Venise la
plus ample de toutes les Collections de Conciles.
Il a adopté avec raison celle du P. Labbe ,
ajoûté les Conciles publiez par le P. Hardouin
et profité des recherches particulieres de ce fameux
Ecrivain. Il a aussi recueilli les Conciles
et les Statuts Synodaux que le P. Martene et
quelques autres Sçavans ont insérez dans leurs
vastes Collections de Pieces.
Malgré toutes ces recherches , je puis assurer
qu'on peut faire de nouvelles Additions. J'ai ramassé
un nombre considerable de Conciles et
de Synodes , ou inconnus jusqu'à présent , ou
non encore imprimez , ou qui jusqu'ici n'ont
point été inserez dans les Collections de Conciles
. A l'égard des Synodes , je ne donnerai aucun
de ceux qui ont paru depuis l'an 130. conformément
au Projet du P. Labbe.
Ces Additions considerables m'ont déterminé
à publier un Supplement ; et comme l'Edition
des Conciles du P. Labbe est la plus répanduë ,
je me suis proposé de recueillir tous les Conciles
publiez par le P. Hardouin et par M. Coleti , et
de les joindre à ceux que j'ai moi- même décou
verts. Tous ces Actes seront accompagnez de
Notes pour l'intelligence du Texte , et même de
Variantes, tirées des Manuscrits et des Imprimez.
Ces divers morceaux composeront la premiere
Partie de ce Supplément. Il y aura une Table
exacte des Matieres qui y seront contenuës.
Fij Mais
320 MERCURE DE FRANCE
Mais j'aurois crû ne donner qu'un Supplement
impartait à la Collection des Conciles du P.Labbe
, si je m'étois borné à ce Recueil. J'ai done
cherché à le rendre plus utile , en rectifiant et en
réformant la Collection entiere. Pour cela , sans
prétendre m'ériger en Censcur de tous les Compilateurs
de Conciles , je me suis attaché à épurer
le Texte , à revoir et corriger plusieurs endroits
des Versions , à suppléer à ceux qui étoient
omis et qui se trouvent dans les Manuscrits ou
dans les premieres Editions ; enfin à rétablir cer-,
tains termes ausquels on en a substitué d'étran
gers. J'ai collationné à ce sujet les Imprimez avec
ce que j'ai pu voir de Manuscrits. J'ai même
étendu mes soins jusqu'à corriger les fautes d'impression
, qui , comme on sçait , rendent souvent
le sens inintelligible. C'est par ces seuls moyens.
qu'on peut trouver la véritable leçon des Textes
et rendre utiles les Pieces qu'on donne au Public.
Outre ce pénible travail , j'ai composé des Notes
sur les endroits difficiles. La plupart des Col
lecteurs en ont promis ; celles du P. Labbe n'ont
point vu le jour , quoiqu'il y renvoye le Lecteur.
Le P. Sirmond , qui étoit plus en état que
personne de faire des Notes , en a mis d'excelÎentes
dans son Recueil des Conciles de France.
Le P. Labbe et le P. Hardouin les ont transportées
dans leurs Collections.On trouve très- peu de
Notes dans les autres Compilateurs de Conciles
et de Synodes. Le P. Hardouin , convaincu de la
nécessité de faire des remarques , a crú y pouvoir
suppléer par une Table fort ample et fort détaillée
des Matieres contenuës dans sa Collection ; mais
cette Table n'a servi qu'à faire regretter les Notes ..
Ce que je me propose principalement d'éclaircir.
regarde le temps et le Lieu où les Conciles ont
été
FEVRIER . 1734. 321
été assemblez ; ce qui y a donné occasion et les
difficu tez qu'on rencontre dans les Canons et
qui ont exercé la critique des gens habiles . J'ai
profité de leur travail , et j'y ai joint mes remarques
pariculieres.
Pour applanir, autant qu'il est possible , toutes
sortes de difficultez , j'ai fait une Liste alphabe
tique de certains mots inconnus , barbares ét
obscurs , qui sont dans les Actes et dans les Pieces
originales des Conciles , j'indique les pages
des differentes Collections où ils se trouvent ; etje
fixe le sens de la plupart dans l'explication que
je donne ou que je tire des Dissertations des Sçavans.
Les premiers Editeurs ont eu soin de marquer
dans des Préfaces ou à la marge , les Archives et
les Bibliotheques d'où ils avoient tiré les Actes
qu'ils donnoient au Public . Ils en assuroient parlà
l'autenticité , et mettoient le Lecteur en état
de consulter les sources où ils avoient puisé ,
mais cette attention si nécessaire a été négligée
par leurs Successeurs ; ainsi pour réparer cette
omission , j'ai composé une Liste de tous les
Conciles inserez dans les diverses Collections , à
laquelle j'ai joint le nom des Bibliotheques d'ou
ils ont été tirez.
Cet amas de Corrections , de Variantes , de
Notes et de Catalogues , formera la seconde Partie
de ce Supplément . Quoiqu'en la composant
j'aye eu principalement en vue la collection.du
P. Labbe , et que pour cela j'aye rangé toutes
ces differentes Remarques suivant l'ordre des
Tomes et des pages de la Collection de ce sçavant
Jesuite ; cependant pour rendre mon Supplément
atile à ceux qui ont toute autre Collection , comme
celle de Crabbe , de Surius , de Nicolini , de
Fiij Binhos
322 MERCURE DE FRANCE
Binius , du P. Hardouin , &c . j'ai également eu
soin d'indiquer les pages de ces divers Recueils ,
où se trouve chaque Concile , auquel par conséquent
doivent se rapporter les Notes , corrections
et les Variantes. Je me ferai un plaisir de
profiter des lumieres que les Sçavans voudront
bien me communiquer , et qu'ils auront la bonté
d'envoyer aux Libraires qui se chargent d'imprimer
ce Supplement.
Je dois avertir que pour ne pas faire acheter
de nouveau les Collections particulieres imprimées
en France , les Libraires s'abtiendront d'idserer
dans ce Supplément le Volume publié par
M. Baluze , sous le titre de : Nova Collectio Coneiliorum.
Si cependant les Sçavans sont d'un autre
avis , ces Libraires s'y conformeront.
On imprimera ce Supplément de même forme ,
grandeur et caractere que les Conciles du F. Labbe,
et on n'en tirera qu'un petit nombre d'Exemplaires,
sur le prix desquels on accordera un benefice à ceux
qui en retiendront par avance.
On n'en imprimera aucun en grand Papier , qua
pour ceux qui les demanderont.
LES DONS DES ENFANS DE LATONE ,
la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes
dédiez au Roy. A Paris , Quay de Gêvres
, ruë S. Jean de Beauvais , et Quay
des Augustins , chez Prault , Desaint , et
Guerin , 1734. in 8. de 330. pages , sans
l'Epitre et la Préface , et sans les Tons
de Chasse et Fanfares , à une et deux
Trompes , dont la Lettre et la Musique
sont gravées en 32. pages.
Epitre
FEVRIER 1734- 323
L'Epître au Roy commence ainsi .
Digne présent des Dieux , doux fruit de leur
Largesse ,
Grand Roy , dont la bonté , la grace , la Sa
gesse ,
Enchantent des François les regards et le coeur,
Pendant que ton nom vole et seme la terreur ,
Avant d'entrer au Char que t'aprête Bellone ,
Reçoi les dons flatteurs des Enfans de Latone,
Mais que ne dois- tu pas au zele d'Apollon ?
Est-il quelque détour dans le sacré Vallon,
Où de ses feux féconds la lumineuse trace ,
N'ait ouvert à tes yeux les trésors du Parnasse ›
Un guide que ce Dieu lui même t'a donné , -
Dans le champ des Beaux Arts longtemps t'a
promené ;
Il porta devant toi ce flambeau qui t'éclaire ,
Ta sagesse est son bien, ta gloire est son salaire.
Sans doute dans le cours de ses doctes leçons
Il ne fit point entrer la science des sons.
Phoebus se reservoit le droit de t'en instruire :
Ecoute les accents que vient t'offrir sa Lyre ;
D'une Muse empressée il soutient les efforts ,
Pour t'annoncer les Loix de ses divins accords.
Le premier Poëme est celui d'Apollon
ou de l'origine des Spectacles en Musi-
Fiiij que,
324
MERCURE DE FRANCE
que rien n'est plus ingenieux et mieux
conduit que la Fable dont l'Auteur s'est
servi pour établir les principes de la
Musique , la création successive de divers
Instrumens , quelques regles de la
composition ; et pour parvenir enfin à
l'établissement des Opéras , il a sçu mettre
en action tous les Dieux , dont Apollon
est le Héros, et dans une matiere qui
sembloit ne devoir étre que Didactique
il y met un mouvement si interessant
avec tant de clarté et rempli de tant
d'images agréables , qu'on ne s'apperçoit
plus qu'on s'instruit d'un art difficile.
Dans le premier Chant après avoir établi
les trois dons ; de voir , de parler et
d'entendre , accordez à l'homme par la
nature, dont on fait une description aussi
noble que singuliere , l'Auteur suppose
qu'Apollon déguisé en Berger d'Admete
trouvant les Bergers de l'Amphrise attroupez
pour entendre le concert des
Oyseaux , et se plaignant des Dieux d'avoir
refusé à l'homme un talent si merveilleux
, leur reproche leur injustice ,
et leur apprend que le don de la voix a
été accordé aux hommes d'une maniere
infiniment supérieure aux chants des Oiseaux
, qu'il ne leur manque que la connoissance
d'un art inventé pour les Dieux
СЕ
FEVRIER. 1734- 3.25
et dont il offre de leur faire part .
On ne sera pas fâché de voir ici comment
s'exprime l'Auteur dans les premieres
pages de son premier Chant .
"
L'air dans un sein fecond est à peine reçû ,
Que le son aussitôt repoussé que conçû ,
D'un flexible gosier s'ouvrant la trace humide
Se fait entendre du gré ûu souffle qui le guide ;
Des muscles , des tendons au passage attachez
En bordent les contours plus ou moins relâchez ;
S'ils se serrent , le son avec éclat s'élance ;
S'ils s'ouvrent , il grossit : de cette différence ,
Du grave ou de l'aigu nait le genre opposé ;
Entr'eux se forme encore un ordre composé ,
Dont les accens suivis , s'élevent ou descendent ;
Se détachent par bonds , voltigent , ou s'étendent
.
Pour l'homme c'étoit peu de parler et de voir ,
Si de s'oüir soi - même il n'eût eu le pouvoir :
Trois osselets legers que cet étuy renferme, ( a )
L'un par l'autre frappez , trouvent un nerfpour
terme.
Si-tôt que pénétrant ces tortueux détours ,
La voix jusques au fond a prolongé son cours ,
Du même mouvement dont elle fût poussée
Elle heurte des os la suite compassée.
か
(( a ); Latête,.
F * Le
326 MERCURE DE FRANCE
"Le premier sous la forme et le nom d'un mar,
1
teau ,
N'est pas plutôt frappé d'un froissement ˝nouvcau
,
Qu'il le rend à l'instant dans le même volume ,
Au second qui le suit et qui lui sert d'enclume.
Cette enclume à son tour fait frémir son sou
tien :
Là le nerf attaché par un leger lien ,
De cette impulsion sentant la violence ,
Du son dans le cerveau porte la connoissance ;
Qui tel qu'en une voute ou d'yvoire ou d'airain
,
Retentit et des voix forme l'écho certain.
Dans quarante Vers l'Auteur fait ensuite
un précis des principaux Elemens
de la Musique ; il les borne cependant
à la seule connoissance des modes naturels
, leur cache les transpositions par les
diezes et par les B. mols , et toutes les
fausses dissonances dont la sensibilité luf
paroît dangereuse , et pourroit troo
amollir: il dit :
Les Dieux seuls à leur gré vertueux , invincibles ,
Se reservent pour eux ces délices sensibles, &c.
C'est cette réserve qui fait le noud
du Poëme ; après les avoir suffisamment
instruits Apollon se fait connoître et
paroît
FEVRIER. 1734 327.
paroît aux Bergers revêtu de son éclat.
Ce Chant a du coûter à l'Auteur pour
rendre avec netteté les Elemens de la
Musique aussi est-ce le seul où on
trouve plus de didactique ; les trois
autres Chants sont en action , et
ne représentent que des images amusantes.
>
SECOND CHANT.
Les Bergers reconnoissans des bienfaits
d'Apollon , ne s'occupent plus qu'à
mettre en pratique leurs nouvelles connoissances
; Minerve devient jalouse du
culte rendu à Apollon , et , pour attirer
au sien les Bergers , elle imagine de former
un instrument des rozeaux qui se
trouvent sous sa main ; elle donne les
commencemens de la Flute à bec ; mais
elle s'apperçoit bien - tôt que les traits
de son visage en sont alterez .
Elle en rougit de honte , et quittant le rivage ,
Abandonne aux mortels le fruit de son ouvrage.
Pan l'apperçoit, en étudie les positions,
les découvre , et en fait usage avec succès
; en voicy la description.
Le Canal qui le perce , également concave ,
Sous l'empire des mains , y tient le son'esclave ;
F vj Sc
328 MERCURE DE FRANCE
Sa tête s’extenuë , en courbe finissant ;
L'autre bout évasé , Louvre en s'arrondiss ant ;
· Ses trous , daps un long ordre, arrangez par me-
..sure ,
Divisent de ce corps l'harmonique figure ;
Le premier plus ouvert , des autres détaché ,
Rend tout l'air qu'il reçoit et n'est jamais bouché.
Cette description finit par l'effet qu'elle
produit dans les Campagnes .
Il module avec art une chanson nouvelle ;
Non content de l'apprendre aux Echos des For
rêts ,
Il en veut dans les Champs étaler les attraits ;
A l'éclat de ses sons , les timides Bergeres ,
Les Faunes , les Sylvains , et les Nimphes légeres
Volent autour de lui , le suivent en tous lieux
Et forment , en dansant , un cercle gracieux.
L'Email , de mille fleurs , sous leurs pas se déploye
,
Et la terre paroît en tressaillir de joye..
Apollon devient jaloux à son tour de
Minerve , et pour la surpasser il invente
la Lyre ou le Violon toutes les parties:
en sont exprimées avec bien de la netteté
et de la précision . Le Lecteur en va juger.
DonFEVRIER.
1734 329
Donnons la voix aux Nerfs , et que le Bois
resonne.
T Ildit : Et le Laurier qu'un nouvel art façonne
D'un Instrument nouveau , prend la forme soudain
,
Deux Tables de ce bois , qu'a refendu sa main .
Répondent l'une à l'autre , et leur mesure égale,
A la vue , offriroit l'image d'un ovale ,
Si le trait transversal de deux cintres rentrans ,
De son juste milieu , ne recourboit les flancs,
Quatre Nerfs que Latone elle-même a filez ;
Inégaux en grosseur , par dégré redoublez ,
se roulent sur leurs Clefs , dociles à s'étendre ,
Et prompts à se prêter aux sons qu'ils doivent :
rendre.
Un Archet manque encor qu'il naisse du Lau
rier ,
Die Phoebus ; que Pégaze accoure y déployer ,.
Be son col argenté , l'étincelante Soye.
Icy on voit une brillante image de tous
les Dieux descendus du Ciel, pour enten →
dre jouer Apollon ; l'Amour s'en approche
de plus près , et le
de lui appresse
prendre et la Musique et l'Art de jouer
du Violon . Cette peinture est trop charmante
pour n'en pas mettre icy quelques.
raits.
330 MERCURE DE FRANCE
Sous un nuage épais , le Tiran de Cithere ,
L'Amour dormoit panché sur le sein de sa înere,
A ce bruit il s'éveille , et dessillant ses yeux ,
Va porter de plus près ses regards curieux.
Phoebus impatient , souffre à regret sa vuë ,
Il connoît d'un enfant , la main peu retenuë ;'
Il le fuit , mais en vain ; l'Amour pose cent
fois ,
Sur les Nerfs résonnans , ses téméraires doigts ;
Il interrompt le cours des divines cadences ,
L'accable imprudemment d'importunes instances
.
&c.
Phébus lui refuse les secrets de son Art,
et lui parle en ces termes :
La Lyre , répond-t - il, n'est point faite à Pusage
,
D'un Dieu , qui des humains , amollit le courage
;.
Elle ne doit servir qu'à chanter les Héros ,
Vainqueurs de la mollesse , ennemis du repos ,
Dont les noms sont gravez au Temple de mémoire
,
Ou , qu'à chanter des Dieux , les bienfaits et la
gloire .
Comme Apollon joüant devant les
Dieux, n'avoit rien caché de tous les mys
teres de son Art, qu'il avoit jusques-là jugé
FEVRIER 1734. 331
gé à propos de celer aux Mortels , l'Amour
se taît , et s'applique à en décou
vrir toute la finesse ; il apprend toutes les
transpositions par les Dièses et par les B
mols , et toutes les Dissonnances. Apollon
ne s'en apperçoit point ; les Dieux se
séparent , et l'Amour chargé de son nou
veau larcin , se prépare à s'en servir pour
augmenter ses conquêtes.
TROISIEME CHANT.
L'Amour va trouver Pan dans l'Arcadie,
il l'instruit de tous ses secrets , lui
apprend le different usage qu'on doit faire
des Dièzes et des B mols , pour remuer
, étonner ou amollir les coeurs des
Mortels , selon les passions différentes
qu'on leur veut inspirer.Leur union produit
bien- tôt un effet surprenant; tout cede
,tout se rend auxChansons amoureuses.
Minerve reparoît et indignée de la corruption
générale que font dans la Grece
les Chants effeminez de Pan et de l'Amour
, elle va trouver Apollon , lui expose
l'abus qu'on fait de son Art ; ils concertent
les moyens d'y remédier. Apollon
invente la Trompette , et la fait emboucher
par Bellone.
Bellonne vient , l'embouche , et court de toutes
parts
Ras
332 MERCURE DE FRANCE
Rassembler sur ses pas tous les peuples épars.
Tout céde aux sentimens que la Déesse inspire
Il n'est plus de Mortel qui d'un fatal dêlire ,
Par de cuisans remords , reconnoissant l'erreur
Ne brûle de donner des marques de valeur.
:
Tout est changé , l'Amour ne reçoit plus de
Fêtes ,
Il voit évanouir ses nouvelles conquêtes ,
V
Ses Autels sont déserts , il part ; et furieux ,
Au deffaut des Mortels va corrompre les Dieux.
Les Syrenes , filles d'Achelaüs , sont les
seules qui s'obstinent à ne point renoncer
aux Chansons amoureuses.
QUATRIEME CHANT.
Minerve irritée de l'obstination des Syrenes,
résout de les corriger ou de les perdre
; elle prend le temps d'un jour qu'elles
se promenoient sur la Mer , dans un
Esquif, où se croyant seules , elles se livróient
au plaisir de chanter des Chansons
libres et prophanes. Sous ; la forme
d'une Matrône Minerve les aborde dans
un pareil Esquif, leur reproche leur indécence
; elle est bien- tôt l'objet de leur
mépris; elle soûrit ; et changeant de forme
, d'un coup de sa Lance elle renverse
- leux:
FEVRIER. 1734. 333
leur Esquif. Les Syrenes reparoissent encore
, mais c'est pour être des Monstres ,
avec la tête seule d'une femme ; elles se
précipitent de honte dans les Flots , où
après avoir parcouru l'immensité des
Mers pendant long temps , elles fixent.
leur course et s'arrêtent aux bords de l'orageux
Pélore ; depuis plusieurs siècles
elles y avoient perdu la voix , lorsqu'Appollon
prend pitié de leur malheur : leur
pardonne leurs impiétez , leur rend la voix ,
mais leur prescrit l'usage qu'il faut faire
des Chants et de la Musique .
Il pousse plus loin sa bienveillance , il
forme le dessein de se servir d'elles pour
l'établissement d'un Théatre Lyrique ,
soumis aux Loix de Melpomene ; il leur
ordonne d'apprendre l'art du Chant aux
Tritons et aux Naïades ; il charge Circé sa
fille , d'offrir sur les Eaux un Spectacle
magnifique , orné de machines et de décorations
, et mêlé de toutes sortes de
danses , de caracteres différents Circé
fait d'abord paroître pour le Prologue le
sacré Vallon ; ce Prologue est fait à l'honneur
d'Appollon ; il est suivi d'une nouvelle
décoration , qui représente le Palais
de Proserpine où l'on doit celebrer son
enlevement par Pluton .
On choisit ce sujet préférablement à un
antre
334 MERCURE DE FRANCE
tre pour flatter les peuples de Sicile , qui
d'abord en sont les spectateurs,parce que
les Poëtes ont feint que Proserpine avoit
été enlevée dans cette Isle. C'est là qu'on
voit un détail exact et ingénieux de toutes
les différentes parties qui composent
l'Opéra.
Les peuples de Sicile en paroissent peu
enchantés , ils prennent bien - tôt la résolution
d'imiter ce genre de Spectacles
et de le porter dans leurs Villes , c'est
en imitation de ce premier Opera , representé
sur les Eaux que les Italiens ont
inventé et établi ce Spectacle pompeux.
Dans la suite des temps Lully étant né
parmi eux en a apporté l'idée en France
et c'est par lui qu'on a vû triompher
ce nouveau Spectacle dont il est regardé
comme second inventeur.
L'Epître sur la Musique est la troisiéme
Edition d'un Ouvrage déja reçu du Public
avec un applaudissement general.
Le premier Chant contient l'Histoire
de la Musique en France depuis 80 ans
l'Eloge détaillé de tous les Operas de
Lully et de Quinaut , dont les descriptions
ont reçu de grands Eloges de tous
les connoisseurs et par les Journaux et
par les Mercures.
Le
FEVRIER 1734- 335
Le deuxième, après avoir donné quelques
préceptes sur la Poësie et la Musique
des Operas, entre dans le détail de
tous les Operas nouveaux qui ont été faits
depuis Lully et avec une grande impartialité
porte de justes decisions sur le mérite
de chaque ouvrage.
Le troisiéme Chant expose en quoi
consiste le mérite des Operas d'Italie ,
quelle est la nature de leur bonne Musique
, leurs beautez , leurs deffauts et le
nom des Maîtres qui y ont le plus
excellé.
Le quatrième Chant parle du nouveau
genre de Musique que nous avons goûté
et imité des Italiens depuis quelques
années ; sçavoir , les Sonnates , et les
Cantates , on nomme les Auteurs qui
ont le mieux réussi dans ce genre , et
l'Auteur finit en proposant de réunir les
deux gouts ensemble pour donner à l'Art
de la Musique toute la perfection qu'elle
peut trouver dans les graces Françoises
et dans la science Italienne.
On a imprimé à Leyde , chez C. Werherf,
une Dissertation curieuse et très- utile sur la
Friction. Par M. H. Loelhoessel , pour obtenir
le degré de Docteur en Medecine , &c 1732.
in 4. de 45. pages. On en peut voir un Extrait
dans le Journal des Sçavans de ce mois.
Jean
336 MERCURE DE FRANCE
Jean Alb. Tumermani , Libraire à Verone , débite
depuis peu aux Souscripteurs , le Traité du
Sublime de Longin , avec le Texte Grec et la
Traduction en Latin et en François , sur quatre
colomnes. 1733. in 4.
NOTA. L'Auteur de la Lettre inserée dans
le Mercure de Janvier , sur quelques particularitez
de la Vie de Topal - Osman , parle en passant
du Grand- Visit Aly Pacha , qui fit la conquête
de la Morée en 1715. Le Lecteur n'auroit
peut -être pas été fâché de sçavoir que ce Visir
étoit le celebre Ali Cumargi , Favori d'Achmet
II I. né fils d'un Charbonier , et qu'il parvint
à la dignité de G. Visir , dont il avoit disposé
plus d'une fois avant que d'oser s'en revê–
tir. Il en est parlé assez au long dans l'Histoire
de Charles XII par M. de Voltaire , et selon cet
Auteur , il fut tué à la Bataille de Petervaradin
1716 Son judicieux Critique , le Voyageur la
Motraye , témoin oculaire de la plupart des faits
qu'il rapporte , prétend que ce Visir périt nonseulement
en 1716 à Petervaradin , mais encore
en 1717. à Belgrade. Cette double Epoque est
echappée à M. de Voltaire . Voyez la Motraye ,
Tom . I. pages 340. ct 378.
RECEPTION de M M. de Moncrif
et Dupré de Saint Maur , à l'Académie
Françoise le 29. Décembre 1733 .
M
R de Moncrif commença son Discours
par exposer l'utilité et les avantages de
P'Académie Françoise , non - seulement pour la
perfection de la Langue, mais même pour le progrès
de l'esprit, » Fixer le sens veritable de cha
mqua
FEVRIER. 1734. 337
5 ) que mot ... faire connoître en quoi consistent
ces tours heureux d'où naissent et la force et
P'agrément du langage , n'est- ce pas , dit - il ,
guider l'esprit ? ... n'est - ce pas lui donner lieu
de s'étendre et de se perfectionner ? » L'Orateur
fit ensuite successivement l'Eloge de l'illustre
Fondateur de cette Académie le Cardinal de Richelieu
, celui de M. Seguier , de Louis XIV . de
M. de Caumartin , dont M. de Montcrif remplit
la place vacante, de M.le Cardinal de Fleury,
de M. le Maréchal de Villars , et M. le Comte
de Clermont. Qu'il nous soit permis de toucher
quelques traits de ces Eloges .
ກ
En parlant du Cardinal de Richelieu , » Ce
» Cardinal dont le génie également vaste et su-
» blime , fit sentir à toute l'Europe que pour por-
» ter la France au plus haut degré de splendeur ,
» il ne falloit que lui apprendre à se connoître; Armand
, dis - je , après avoir étendu les limites
» et multiplié les avantages interieurs de l'Etat ,
s'empressa d'y ajoûter ce Monument , qui de-
» voit en accroître la gloire ... Richelieu voulut
former un établissement , qui dès sa naissance
présentât toute son utilité , il fonda l'Académie
Françoise. L'effet répondit à son attente
; l'Ouvrage parut , il étoit perfectionné ...
» C'étoit le siecle des prodiges. Louis XIV . regnoit
... Tout devoit marquer l'ascendant de'
Louis XIV . devenu votre Protecteur , il sembla
» qu'il avoit applani les routes pénibles que les
59
3
so talents et la science avoient été forcez de suivre
>> jusqu'alors.
5
Après avoir fait l'éloge de M. de Caumartin ,
le nouvel Académicien ajoûta en parlant de PAcadémie
; il est des objets de notre admiration ,
qui bien loin de perdre à être examinez de près, ၁၁
>> neus
338 MERCURE DE FRANCE
1
nous frappent au contraire plus vivement et
s'embellissent à mesure qu'on peut les distinguer
et les connoître davantage. Le Prince *à qui
"J'ai l'honneur d'être attaché, me le fait éprou-
» ver tous les jours . Il semble par l'habitude de
l'approcher (et il est bien rare que de l'habitude
» naissent des sujets d'éloge ) il semble , dis je ,
soit que qu'en lui l'éclat du rang ne la récompense
des qualitez personnelles , & c,
20
Le Discours de M. Dupré de Saint Maur
eut aussi des traits d'une éloquence variée ,
vive et animée . Il exposa le progrès de la Langue
Françoise , par les soins et les travaux
des illustres Membres de cette Académie dès
le temps même de sa fondation , c'est-à- dire ,
sous l'illustre Cardinal de Richelieu. » Ce sublime
génie , dit- il , semblable à ces intelligences
qui président aux destins des Empires ,
et sous le Chancelier Seguier , qui acheva cer
établissement. L'Académicien fit ensuite l'Eloge
de son Prédecesseur M. l'Evêque de Langres.
Après avoir touché son illustre naissance et fait
appercevoir l'étendue de ses connoissances : » Des
talens si distinguez , ajouta - t'il , lui mériterent
» l'honneur de votre adoption , mais la douceur
» qu'il goûtoit dans vos Exercices , ne prévalut
point sur ses devoirs. L'Episcopat vous l'enleva
» et sa résidence dans son Diocèse , où il s'ense-
» velit jusqu'à la mort consomme son Eloge.
"
&
L'Orateur témoigna ensuite modestement qu'il
n'attribuoit point à sa Traduction du Poëme de
Milton , l'honneur qu'il avoit de remplacer l'il-
Justre Academicien dont il venoit de faire l'Eloge
mais plutôt au souvenir que l'Académie a cor❤
Son A. S. Monseigneur le Comte de Clermons.
servé
'
FEVRIER . 1734. 339
"
servé de feu M.de Valincourt, auquel il avoit été
uni par le sang. L'Eloge de Louis XIV . fut court
mais très- bien manié. » France , dit - il , ta splendeur
est l'ouvrage de cet auguste Monarque ;
»tu lui dois plus , tu lui dois un Prince dans le
quel tu vois revivre toutes ses vertus , son zele
pour la Religion , son amour pour la justice ,
» sa tendresse pour ses Peuples et cette prudence
consommée , qui dans l'âge des passions
» le rend aussi maître de lui-même , qu'impenetrable
dans ses secrets, Nous passons plusieurs
traits de cet Eloge , où l'Orateur , en parlant des
nouvelles conquêtes du Roy , invite l'Académie
à les publier. Continuez , Messieurs , dit- il en
finissant son Discours , de transmettre à la
posterité les louanges de ce grand Roy. Vous y
" joindrez celles d'un Ministre vertueux , modes.
» te , équitable , occupé du bien public , négli
"}
まる
gent sa propre grandeur , et qui dans le plus
» haut rang, n'a d'autres richesses en partage que
» la confiance de son Maître et la veneration des
hommes . Les sages principes par lesquels il
» se conduit , n'ont jamais varié , et les sentimens
qu'il a imprimez à notre jeune Monarque
" assurent notre felicité .
ן כ
M. de Boze, Directeur de l'Academie, répondit
aux deux nouveaux Académiciens par un Discours
où l'éloquence et la délicatesse se trouvent réunis.
Après avoir fait remarquer que quelque douleur
dont l'Académie soit penetrée en perdant
d'illustres Confreres , il y auroit de l'injustice à
ne cesser de s'y livrer , puisqu'après tout sans ces
révolutions l'Académie n'auroit pas eu l'avantage
de posseder depuis son établissement tout ce que
France a produit de plus distingué par l'éru
dition , le goût et la politesse , il fit l'éloge de
feu
340 MERCURE DE FRANCE
*
feu M. l'Evêque de Blois ; et en s'adressant ensuite-
à M. de Montcrif : » Achevez , dit - il , de le
remplacer par vos sentimens pour l'Académie...
et , si nous sommes en droit d'exiger quelque
chose de plus , par votre empressement à marquer
au Prince qui vous honore d'une protection
si distinguee , notre respect , notre reconnoissance
et notre admiration . Les Muses
seules sembloient le disputer aux Graces. Un
bruit de guerre se fait entendre et il vole à la
gloire. Objet d'étonnement pour le vulgaire ,
qui croit que la Gloire , les Graces et les Muses
sont autant de Rivales , jalouses de former
» séparément des Héros qui leur appartiennent
en propre , au lieu qu'elles y travaillent de
concert dans le sang de Condé , et que la Religion
même s'interesse au succès ...
»
20
Pour vous , M en s'adressant à M. de S.Maur,
digne heritier de l'esprit et de la tendresse d'un
Confrere dont le souvenir nous sera toujours
cher , ce n'est ni à ce titre - là que vous avez
sollicité nos suffrages , ni la premiere fois que
vous y avez cû part ; ce qui mena à l'Eloge de
feu M. P'Evêque de Langres. Il dit ensuite ;
Que ne devons- nous pas attendre de vous
après l'élégante Traduction que vous nous
avez donnée de ce Poëme ,
que l'Angleterre
met au- dessus d'Homere et de Virgile , et que
nous leur préfererions , comme elle, si nous ne
consultions que le choix , l'interêt et la grandeur
du Sujet.
*
Nous passons plusieurs autres Refléxions de ce
goût , resserrez par nos bornes , pour rapporter
* S. A. S. M. le Comte de Clermont.
Le Paradis per du de Milton .
un
FEVRIER. 1734. 341
Endroit qui termine le Discours. Après avoir
exposé le but de l'Académie Françoise dans ses
travaux et l'attentlon de la Posterité qu'elle se
propose de mériter , autant par la délicatesse du
Pinceau , que par l'importance et la majesté du
Sujet , l'illustre Académicien ajoûta : Nous
» avions à lui apprendre qu'il est des Peuples assez
heureux pour n'admettre aucune difference
entre le zele et le devoir ; entre l'amour de la
» Patrie et la gloire du Souverain , qu'il est des
Ministres sages et puissants , simples , affables
set tranquilles au milieu du mouvement qu'ils
" donnent à l'Univers entier , qu'il est des Rois
" magnanimes , qui sacrifient leurs plus grands
interêts au repos et à la tranquillité publique,
" et que rien n'arrête dès qu'il faut venger la
splendeur du Trône qu'on offense , ou se-
"courir des Alliez qu'on opprime , des Rois en-
" fin , qui ne veulent être couronnez par les
"mains de la Victoire , qu'après l'avoir été par
» celles de la Justice et de la Picté .
כ כ
PROGRAMME.
'Académie des Belles - Lettres de Marseille
Lavertit le Public que le 25. Août prochain
jour et Fête de S. Louis de cette année 1734.
elle adjugera le Prix fondé par M. le Maréchal
de Villars , son Protecteur , qui sera une Médaille
d'or de la valeur de 300. livres , portant
d'un côté le Buste , et de l'autre la devise de son
Protecteur , à un Discours en Prose d'un quart
d'heure , ou tout au plus d'une demie heure de
lecture , dont le Sujet sera : LES AVANTAGES
QUE LE MERITE PEUT TIRER DE L'ENVIE.
On adressera , comme de coûtume , les Ou-
Trages à M.de Chalamont de la Visclede, Secretai-
G
342 MERCURE DE FRANCE
re perpetuel de l'Académie des Belles - Lettres de
Marseille , rue de l'Evêché , à Marseille. On
affranchira les Paquets à la Poste , sans quoi ils
ne seront point retirez. Ils ne seront reçus que
jusqu'au premier May inclusivement. Les Auteurs
ne mettront point leur nom au bas de leurs
Ouvrages , mais une Sentence de l'Ecriture , des
Peres de l'Eglise , ou des Auteurs profanes.Onmarà
M. le Secretaire une adresse quera , à laquelle
il envoira son Récepissé .
On prie les Auteurs de prendre les mesures necessaires
pour n'être point connus jusqu'au jour
de la decision , et de ne point signer les Lettres
qu'ils pourront écrire à M.le Secretaire, ou à tout
autre Académicien ; et on les avertit que s'ils sont
connus par leur faute , ils seront exclus du
concours.
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra le
recevoir dans la Sale de PAcadémie , le jour de
Ja Séance publique , s'il est à Marseille , et s'il
est absent , il envoira à une personne domiciliée
dans cette Ville , le Récepissé de M. le Secretaire,
moyennant lequel on remettra le Prix à cette
Personne,
SUITE de la Lettre sur le Systême du
Bureau Typographique , et sur l'Education
des Enfans , inserée dans le Mercure
du mois de Janvier.
MONSIE ONSIEUR
C'est une chose assez digne de remarque que
dans un siecle et dans un Pays qui sont devenus
par succession , le centre et le temps des Sciences
er
FEVRIER. 1734. 343
,
et des Arts , toutes les fois qu'il s'agit de discuter
quelques points et de l'examiner sérieusement
, il faille commencer par se récrier sur les
maux que causent les préjugez et la force tirannique
de l'habitude. Si vous demandez â la plupart
des peres et des meres les mieux intentionnez
pour l'éducation de leurs enfans , par quelle
raison ils les laissent si long - temps dans leur bas
âge entre les mains des femmes et des Maîtres du
commun et pourquoi après avoir négligé leurs
premieres études , ils croyent devoir rechercher
ensuite avec le dernier empressement, et même à
grands frais , sous le titre de Gouverneurs , les
plus habiles gens , pour qu'ils donnent à ces mêmes
enfans ce que l'on appelle l'usage du Monde
, et le goût des bonnes choses, ils ne vous diront
pas d'abor que ce soit par oeconomie et
peut- être ensuite par vanité , mais qu'ils suivent
en cela ce qui s'est pratiqué et ce que tout le
monde a coûtume de faire . Voila donc en ceci ,
comme en tout le reste , une mode , un usage , un
préjugé. Si j'entreprends de les combattre, je leur
trouverai peut-être encore de plus zelez Partisans
dans ces mêmes hommes justement employez
à reparer , quoique souvent sans fruit,
les défauts de la premiere éducation. Mais je
prie les uns et les autres de jetter les yeux sur la
maniere dont s'y prennent ceux qui cultivent les
Plantes et qui dressent avec succès les animaux . La
comparaison n'a rien que de très - juste et de trèsmaturel
. Je prétends qu'ils nous indiquent en
quelque façon la méthode qu'il faudroit suivre
pour les Enfans . Cette méthode est connue de
tout le monde ; je n'ai garde de l'exposer inutilement
ici. Tout ce que j'en conclus , c'est que si
pour bien dresser des Chevaux , élever des Singes,
Gij des
244 MERCURE DE FRANCE
des Perroquets , &c. il faut étudier leur tempé
rament et leurs dispositions , à plus forte raison
le faut-il des inclinations des enfans pour leur
former le goût , s'assurer de leur volonté , et les
mener , pour ainsi-dire , avec des lisieres invisibles
et toujours agréables à la pratique constante
de leurs petits devoirs . Or il est évident
que dans
l'un ni dans l'autre cas cette sorte de talent n'est
pas celle des Maîtres vulgaires et des ignorans,
D'où vient, demanderois - je, encore la distinc-'
tion qui s'est établie entre ce qui s'appelle un
Précepteur et un Gouverneur ? Est - ce que leurs
qualitez et leurs fonctions ont quelque chose
d'incompatible ou de peu convenable ? Lequel
possede ou doit posseder exclusivement les parties
nécessaires à leur entreprise ? L'un ou l'autre
cesseroit - il d'être estimable , s'il avoit tout à la
fois ce que l'on croit ne pouvoir communément
trouver que dans l'un des deux séparement ? mais
dans le fond qu'est- ce que l'un sans l'autre ?
qu'esperera - t'on raisonnablement d'un simple
Gouverneur qui ne sera pas un bon Précepteur ,
ou de celui- ci , s'il n'a pas le caractere essentiel
de celui- la ? Ne seroit - il temps de donner un bon
Gouverneur à un Enfant , que lorsqu'il est prêt
à entrer dans le monde , ou à voyager , & c.comme
si tout ce qu'on lui a appris auparavant ne
devoit être alors d'aucun usage, ou si ce que l'on
va lui faire voir n'avoit eu besoin d'aucune préparation
! enfin l'un des deux doit - il jouir d'une
moindre autorité que l'autre sur son Eleve , er
les effets en doivent - ils être differents ?
Trois sortes de gens paroissent dans le Monde
avec l'un ou l'autre de ces caracteres . Les premiers
sont ou des Ecclesiastiques ou des gens
de College , ou des Latinistes du dehors , ausquels
FEVRIER. 1734 345
quels on confie la culture élementaire , ou même
tout le cours des études ordinaires . Les autres
sont des hommes de Lettre , ou même des Militaires
, qui à titre de Gouverneurs , se chargent
uniquement de la conduite des Enfans et de la
formation de leurs sentimens et de leurs manieres.
D'autres destinez seulement à les suivre et
devenus gens de confiance par leurs longs services
et leur sagesse , ne laissent pas de se rendre
utiles au point de remplir passablement la Charge
de ces seconds .
Mais pourquoi ces differences , encore un coup?
et qu'y a - t'il dans ces seconds et derniers , qui
ne suppose en tout ou en partie , la necessité des
qualitez recommandables des premiers ? On sçait
qu'il ne faut gueres plus compter sur la raison
des jeunes gens que sur celle des Enfans , soit
pour leurs démarches , soit pour leurs jugemens,
s'ils n'ont été ou s'ils ne sont actuellement guidez
par d'excellens Maîtres , qui ayent trouvé
l'art de leur rendre la science et la sagesse également
aimable et familiere . Cela signifie - t'il qu'il
est inutile d'employer dès le commencement des
hommes tels qu'on le vient de dire , ou qu'il
vaut mieux ne les leur donner qu'à 14. ou 15.
ans, et lorsqu'il n'est, pour ainsi dire , plus temps
Si cette conséquence est fausse , d'où vient
donc le peu d'estime que l'on accorde aux Précepteurs
en general , et la préference dont on
honore les autres comme s'ils étoient d'une espece
opposée ? Ne sent- on pas plutôt de quelle
ytilité seroit celui qui réuniroit en lui ces deux
personnages si mal à propos distinguez , et combien
il est difficile ou mêine dangereux de s'accommoder
de l'un sans l'autre ? Je laisse à décider
lequel seroit le plus aisé de trouver dans une
Giij pro346
MERCURE DE FRANCE
proportion réciproque ou l'excellent Precepteur
ou le bon Gouverneur , ou lequel des deux est
de plus grande importance dans le plan d'une
belle éducation. Je crois que cette question mérite
d'être examinée à fond , 1º . pour les jeunes
gens qui ont tout à la fois des Gouverneurs et
des Precepteurs. 2 ° . pour les Seigneurs et peres
et meres en general , qui ne donnent des Gouverneurs
à leurs Enfans qu'à la fin de leurs études
3 °. Pour les Bourgeois qui font quelquefois
voyager leurs Enfans dans les Pays Etrangers.
Jay l'honneur d'être , &c .
L'Académie Royale de Peinture , a fait une
perte très - considerable en la personne de Jean
Raoux , Peintre , natif de Montpellier , mort le
10. de ce mois , âgé d'environ 57. ans , il étoit
Eleve de feu M. de Boullogne l'Aîné ; et il avoit
fait un long séjour en Italie , sur tout à Venise,
od les Tableaux qu'il y a faits sont fort estimez.
C'est feu M. de Vendôme , Grand - Prieur de
France , qui aimoit les Arts et qui avoit connu
tout des premiers le mérite de M. Raoux , qui
l'avoit engagé à faire quelque séjour en Italie.
Sa maniere de peindre étoit tendre , délicate
agréable à la vue et extrémement finie.Il fut reçu
àl'Académie le 28. Août 1717. et on y conserve
de lui un très - beau Tableau , où il a peint la
Fable de Pigmalion.
On voit dans les meilleurs Cabinets de Paris
quantité de ses Tableaux , voici ceux qui sont
venus à notre connoissance.
Un Portrait en grand du feu Prince de Vendôme
, ouvrage d'une grande composition , historié
, avec un fond de Paysage , et d'un beau
fini ; il est dans le Cabinet du Prince de Conti.
M.
FEVRIER. 1734. 347
M. Porlier , Maître des Comptes , demeurant au
Temple , Ami particulier de cet habile Artiste ,
conserve précieusément l'esquisse de ce Tableau ,
fini par l'Auteur , d'après nature.
Quatre Tableaux de Chevalet , faits à Bologne
pendant son séjour en Italie , représentant les
quatre Ages , sont dans le Cabinet de M. le Chevalier
d'Orleans , Grand- Prieur de France.
Le Portrait en pied du même Chevalier d'Or
leans , représenté comme General des Galeres ,
montant la Galere Reale, au bas duquel est un Esclave
qui lui présente son Bouclier ; cet Ouvrage
qui est d'une très - belle execution , est dans la
grande Salle du Palais Prieural du Temple.
On voit dans une autre Salle du même Palais ,
plusieurs excellens Tableaux de Chevalet , repré
sentant differens Sujets des Arts , comme la Mu.
sique , la Peinture , l'Astronomie , l'Histoire ,
l'Architecture , & c.
Le même M. Porlier , possede du même Auteur
les Originaux d'une Liseuse , du Silence ,
d'une Fille qui cherche une puce à une autre
fille qui fait rôtir des Marons , et de deux Filles
qui concertent ensemble.
M. lePeletier des Forts a deux excellens Tableaux
représentans des Vestales , conservant le Feu sacré,
M. Prat , Receveur General des Finances ,
possede dans sa Maison de Valenton auprès de
Paris , un grand Tableau qui représente une Ves
tale , un autre de même grandeur , qui est un
Retour de Chasse , et un autre où l'on voit les
cinq Sens de Nature.
On voit plusieurs Tableaux gracieux , peints.
par le même Peintre , dans le Cabinet de M. de
Senosan .
Le sieur Dupré , Chirurgien du Temple , a
Giiij 10-
348 MERCURE DE FRANCE
POriginal d'une Vierge , dont les Connoisseurs
font grand cas.
Il a fait aussi quantité d'excellens Portraits ,
ceux des Diles Journet , en Prêtresse de Diane ,
Prevôt , en Bacchante ,Quinault , en Amphitrite,
Sylvia , en Thalie , et tout récemment celui de
Mad. B *** morte depuis peu.
Mais ce que nous pouvons dire de plus avantageux
à la memoire de M. Raoux , c'est la maniere
dont feu M. le Duc d'Orleans , Amateur
éclairé des Beaux Arts , reçut le Tableau peint
par lui et présenté par feu M. le Prince de Vendôme
; S. A. R. le fit placer dans son grand Appartement
après avoir rendu justice au mérite
de l'Ouvrage. Ce Tableau représente Telemaque
dans l'Ile de Calypso , après son nauffrage , racontant
, &c . On peut voir la Description de
cette riche et variée composition , dans le Mercure
de Juillet 1722. page 120.
On a aussi perdu dans M. Robert de Sery , un
'Artiste qui avoit beaucoup de talents naturels pour
la Peinture , sur tout au jugement des Connoisseurs
, pour la belle disposition des Figures et les
expressions. Lorsque M. le Cardinal de Rohan
le ramena de Rome , où il avoit travaillé 18 ans ,
il en a rapporté une Collection importante de
Calques et d'Esquisses à huile , faites de sa main ,
des Tableaux des meilleurs Maîtres. Ces riches
études doivent être vendues dans peu , avec plusieurs
Statues et des Modelles de terre cuite , au
profit de ses heritiers .
Il a été enterré dans l'Eglise des Capucins du
Marais on lit sur sa Tombe l'Inscription que
Joici.
:
Cy git Paul-Ponce- Antoine Robert , Peintre de
S.
FEVRIER. 1714. 349
S.A. E. M. le C. de Rohan , né à Sery en Portien
, le 11. Janvier 1686. Reims l'a élevé , Rome
a perfectionné ses talens . Paris possede un petit
nombre de ses Ouvrages . Son Pinceau est regretté
de tous les Connoisseurs . Ses lumieres et sa probité
ne le sont pas moins de tous ses Amis. Il mourut le
29. Décembre 1733.
L
Il paroît une onzième Estampe , gravée par
le sieur Moyreau , d'après le Tableau de Wauvremens
, du fameux Cabinet de la Comtesse de
Verrue ; c'est un Paysage en large , où l'on voit
des Passans qui boivent et font repaître leurs
Chevaux à la porte d'un Cabaret . C'est une des
plus heureuses et des plus picquantes compositions
de cet excellent Maître .
Cette Estampe se vend chez l'Auteur , ruë Galande
, vis- à- vis S. Blaise.
On avertit le Public qu'il y a actuellement vingt
volumes des Motets de M. de la Lande , imprimez
, ce qui fait quarante Motets , sans compter
les Leçons de Tenebres et le petit Miserere , qui
font un volume à part , en attendant qu'on en
donne davantage . Ces Ouvrages se vendent chez
la veuve Boivin , à la Regle d'or , rue S. Honoré,
et chez le Sr le Clerc , à la Croix d'or , ruë des
Prouveres.
Le dépôt de tous ces Ouvrages est chez Mlle
Hue , Marchande Lingere , au coin de la ruë
S. Cristophle, près le petit Pont. Chaque Volume
contient deux Motets , et se vend 6. livres.
Le Sieur de S. Marc , Mathématicien , avertit
le Public , qu'il continue d'enseigner la Géométrie
, l'Architecture , tant Civile que Militaire ,
G V
350 MERCURE DE FRANCE
et la Perspective par des Regles très - faciles et en
fort peu de temps. Il demeure ruë de Bussy ,
l'Hôtel d'Angleterre , Fauxbourg S. Germain.
Le Sieur Baradelle , Ingenieur du Roy pour les
Instrumens de Mathématique , avertit le Public
qu'il a fait une grande quantité de ces Encriers
qui conservent l'Encre plusieurs années sans se
secher ni s'épaissir , on n'y met point de coton
parce qu'ilest exactement fermé par le moyen
d'une Sou- pape à queue , avec une vis à oreille.
Ces Encriers sont fort propres pour les personnes
qui vont en Campagne , ce sont de vrais reservoirs
d'Encre.Il ne sont point sujets à se renverser
en telle situation puissent- ils être. On en construit
de differentes forines et l'on en trouvera toujours
à choisir , grand ou petit chez le sieur Baradelle .
Sa demeure est toujours Quay de l'Horloge du
Palais , à l'Enseigne de l'Observatoire , vis -à - vis
le grand Degré de la Riviere.
CHANSON A BOIRE.
CHer Lucas, c'en est fait , tu me vois expirer;
Je cede à mon sort déplorable ;
Des maux dont le Destin sçut toujours m'accabler
Le dernier coup est le plus effroyable.
Je n'avois pour appui
Que l'aimable Gregoire ;
De mes chagrins lui seul calmoit l'ennui ,
Pui
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ASTOR
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FEVRIER 351 1734.
Puisqu'à crédit il me donnoit à boire ;
Mais ô sort malheureux ! le funeste Cizeau
De la Parque cruelle ,
Vient de mettre au tombeau
Cet Ami si fidelle.
t
SPECTACLE S.
L
A saison de l'Hyver , si abondante
ordinairement en nouveautez Theatrales
, ne l'a point été cette année , et
l'article des Spectacles s'en est ressenti .
On sent que ce n'est nullement notre
faute , mais on pourroit nous accuser
de quelque négligence et manquer d'artention
pour une matiere qui fait plaisir
au Public , si nous ne cherchions pas des
secours plus loin , quand nous n'en avons
pas sous notre main . Voici une Piéce
qui dans ce genre nous paroît propre
à réparer cette disette et dont nous
esperons que le Lecteur nous sçaura bon
gré.
, LETTRE écrite de Brest contenant
l'Extrait d'une Tragédie Chinoise.
Un de mes amis revenu l'année passée
de la Chine m'a fait voir une singula-
G vj
rité
352 MERCURE DE FRANCE
rité Littéraire que je me fais un plaisir de
vous annoncer. C'est la Traduction d'une
Tragédie Chinoise. L'Ouvrage en doit être
envoyé à Paris ; si l'idée generale que
vous en prendrez dans l'Extrait que je
vous envoye pique votre curiosité , il
vous sera facile de voir l'Ouvrage entier,
qui doit être remis à M.....
Le Traducteur avertit dans une Préface
que les Tragédies Chinoises ne sont
assujetties à aucune des Regles de nôtre
Théatre moderne , celle des trois unitez
y est absolument inconnue et une Tragédie
Chinoise est proprement une Histoire
mise en Dialogue , dont les différentes
parties sont autant de Scenes détachées
, entre lesquelles il n'y a d'autre
liaison que celle qu'ont entr'elles les diverses
actions particulieres qui forment
la suite de cette Histoire.
Le Lieu change le plus souvent d'une
Scene à l'autre , mais de même que l'Acteur
en se montrant la premiere fois à
soin de dire , je suis un tel , et je viens
telle chose ; de même aussi en
pour
changeant de lieu il a soin d'avertir qu'il
est en un tel endroit, et que c'est là mêine
que va se passer l'action.
> Il en est de même du tems lorsque
l'intervalle d'une Scene à l'autre est un
peu
FEVRIER. 1734. 353
peu considérable,l'Acteur ne manque pas
de le dire et d'ajoûter que depuis un tel
Evenement il s'est écoulé tant de tems .
,
Vous voyez par-là , Monsieur , que
ces Tragédies ont du moins le mérite de
la clarté et que le violement de nos
regles ne cause aucun embarras à l'imagination
des Spectateurs. Les Piéces
Espagnoles , Italiennes , Angloises et
même les Piéces Françoises du commencement
du dernier siécle n'étoient pas
plus régulieres que celle des Chinois ;
mais le violement de la Regle des unitez
, y jettoit une obscurité bien plus
grande,parce que le Spectateur ne sçavoit
jamais dans quel tems et dans quel lieu
il s'étoit transporté, qu'après avoir entendu
une partie de la Scene ; l'embarras
étoit peut être encore plus grand dans
quelques unes de nos Piéces où l'on
cache l'inobservation de l'unité de tems
et de l'unité de lieu au dépens de la vraisemblance
et de la bienséance , comme
dans Cinna.
Il ne paroît pas beaucoup d'art dans
la maniere dont s'annoncent les Personnages
Chinois dans la Piéce que j'ai lûë
mais je ne doute pas que d'autres Piéces
n'en montrent davantage . Si quelqu'un
des Missionnaires Européens vouloit faire
sur
354 MERCURE DE FRANCE
sur le Théatre Chinois , ce que le R. P.
Brumoi a fait sur le Theatre des Grecs ,
nous en donner une Histoire ou une
Notice , je ne doute pas que son Ouvrage
ne fut bien reçu ; et à juger des
Tragédies Chinoises par le caractere general
de cette Nation , et par le ton de
celle-ci , je suis persuadé que l'on y verroit
bien d'autres exemples de vertu et de
courage, que dans les Tragédies Grecques
où la véritable vertu est presque inconnuë
; ou le courage est une passion et
une passion turbulente qui offusque la
raison et bannit la tranquillité de l'Ame ;
où l'orgueil et l'amour de la gloire bien
plus que l'attachement au devoir sont la
Source des grandes actions et où les
crimes ne se punissent presque jamais
que par d'autres crimes .
La Déclamation Chinoise , à ce que
nous apprend le Traducteur , est souvent
entremêlée de chant. Le même Personnage
interrompant sa Déclamation
par quelques paroles chantées, et plaçant
de même au milieu d'une suite de paroles
chantées , quelques paroles simplement
déclamées. Il faudroir avoir les
oreilles bien faites à l'harmonie de la
prononciation Chinoise pour juger de
l'effet que doit produire ce mélange. Il ,
n'est
FEVRIER 1734 359
n'est pas peut être plus ridicule que cette
Déclamation empoulée , ou ce Chant
Tragique , dont les grands Acteurs que
* nous avons perdu depuis peu , ont tenté
inutilement de délivrer nôtre Theatre.
A juger de la Déclamation Chinoise
par l'idée que les Relations nous donnent
de leur prononciation , elle doit être
pour le Chant , ce que le Récitatif de
nos Opéra est pour les grands Airs . La
comparaison est d'autant plus juste que
c'est principalement pour exprimer quetque
sentiment plus vifou quelque mouvement
plus animé que les Acteurs
Chinois ont recours au Chant.
Après ce Préambule je viens à la Tragédie
même qui y a donné occasion . Elle
est intitulée l'Orphelin de sa Maison
THEAO , et il s'agit des Avantures de
cet Enfant depuis sa naissance jusqu'à-ce
qu'il eût vangé ses Parens . Ainsi l'Action
de la Piéce dure environ 20 ans.
Sous le Regne de Cing Cong , Empe.
reur de la Dynastie des Tsine , Tou ngan
Con , Ministre de la Guerre et Theao
Tune , Ministre de la Justice et des Finances
partageoient entr'eux deux le
Gouvernement. Tou ngan Cou , jaloux
du crédit de son Rival , après avoir tenté
différentes voyes pour le faire périr, vint
enfin
356 MERCURE DE FRAN CE
enfin à bout de le rendre suspect à l'Empereur.
Ce Prince persuadé des crimes de
Tehao Tune qui avoit pris la fuite , signa
un ordre pour faire mourir la famille
et les Domestiques de ce Ministre au
nombre de trois cent personnes . Tehaoso ,
Fils du Ministre disgracié , er gendre de
l'Empereur , fut le seul épargné en considération
de son alliance avec la famille
Royale ; Tou ngan Cou , croyant sa vengeance
imparfaite tant qu'il resteroit
quelqu'un de cette Maison , supposa un
ordre de l'Empereur à Tehaoso de se
donner la mort, et le lui envoya porter
avec le fer , le poison et le cordeau , lui
laissant le choix de son supplice. Cette
espece d'Argument de la Pièce est dans
un long Monologue par lequel Ngan
Cou ouvre le Theatre.
Dans la Scene suivante Tehaoso paroît
avec son Epouse , et comme il est per--
suadé qu'on ne l'épargnera pas encore
longtems , il lui donne par avance ses
derniers ordres ; lui recommande le fruit
dont elle est enceinte et veut , qu'il soit
nommé l'Orphelin de Tehao, au cas que
cc soit un Garçon , et qu'il soit élevé
pour être le vengeur de sa famille . Dans
ce moment on apporte l'ordre de l'Empereur
; Tehaoso le reçoit à genoux ,
choiFEVRIER.
1734. 357
choisit le poignard et se frappe après
avoir renouvellé ses derniers ordres .
La Princesse est enfermée dans son Palais
pour être gardée exactement jusqu'à
ses couches . L'introduction au Prologue
nommé Sié tscè , finit - là . Il y a ensuite
cinq Sections ou divisions tchè , que l'on
peut nommer Actes à nôtre maniere.
On apprend dans la premiere partie à
Tougnen Cou , que la Princesse femme
de Tehaoso , est accouchée d'un fils et
qu'elle l'a nommé l'Orphelin de Tehao .
La haine de Ngan Cou , s'irrite à cette
nouvelle ; il jure la mort de cet Enfant ,
et donne des ordres pour redoubler la
garde du Palais de cette Princesse.
Dans la Scene suivante cette Princesse
paroît avec son fils dans ses bras ; elle
déplore ses propres malheurs , ceux de
toute sa Maison : la mort cruelle de son
Mari, le péril auquel son fils est exposé ,
dit qu'elle a envoyé chercher le Médecin
Tehing ing, le seul des 300 Domestiques
de la Maison de son Beau- pere , qui ait
échapé au carnage ; qu'elle connoît sa
vertu , son courage , son affection pour
la Maison Tehao et qu'il est le seul qui
puisse sauver les restes infortunez de
cette Maison.
Tehing ing , arrive dans l'équipage
d'un
358 MERCURE DE FRANCE :
d'un Médecin Chinois , portant avec lui
sa Cassette aux Remedes pendue à son
col . La Princesse lui propose d'emporter
le jeune Tehao , et de se charger du soin
de le cacher. Tehing ing représente à la
Princesse les difficultez et le péril d'une
telle entreprise elle se jette à ses pieds;
Tehing ing la releve , lui proteste qu'il
est prêt à tout entreprendre pour elle ;
mais continue- t-il , si je sauve mon
jeune Maître , comment poutrez - vous
cacher cette action au Tyran ? il vous
arrachera ce secret ; nous périrons moi
et ma famille , et nous périrons sans
sauver vôtre Fils. Tehing ing , dir la
Princesse , ne craignez rien de ma foiblesse
; partez avec mon fils ; son pere
est mort sous le Couteau , c'en est fait,
sa Mere va rejoindre son Epoux , elle va
mourir. En achevant ces mots ; la Prin
cesse qui a détaché sa ceinture , la passe
dans son col et s'étrangle .
Tehing-ing pénétré d'un Spectacle si
touchant prend l'Enfant et le cache
dans son coffre , le couvre de quelques
hardes et l'emporte. Il est arrêté par
Han Koné , Mandarin d'Armes qui garde
les portes du Palais par ordre de Toungan
Cou. Han Koué doit le commencement
de sa fortune à Tebao tune , et
comme
FEVRIER. 1734- 359
, comme il aime la vertu c'est à regret
qu'il obéït à Ngan Cou , dont il déteste
les crimes ; le Mandarin soupçonne bientôt
à l'air inquiet et embarassé du Médecin
, ce qu'il vient de faire , fait retirer
ses Soldats , ouvre le coffre , apperçoit
l'enfant , est attendri à sa vûë , promet
à Tehing de ne le point dénoncer
lui ordonne de l'emporter et de se retirer.
Le Médecin sort et revient se jetter
aux pieds de Han Koué comme s'il eût
craint que tout cela ne fut un piége qu'on
lui tendit ; cette manoeuvre se répete
plusieurs fois Han Koué , reproche à
Tehing ing cette méfiance , si tu n'as pas
le courage d'exposer ta vie , lui dit- il ,
pourquoi t'es- tu engagé dans cette entreprise
? rassures- toi , ajoute-t-il , tų
n'auras rien à craindre de ma part , en
disant ces mots , Han Koué se frappe de
son poignard et tombe mort. Tehing emporte
l'Enfant , et sort en nommant le
lieu qu'il a choisi pour sa retraite.
Vous serez sans doute un peu blessé
Monsieur , de la brusque résolution que
le pauvre Han Koué prend assez legerement
de sortir de la vie pour ôter toute
inquiétude au Médecin ; c'est même- là
une répetition de ce qu'a fait la Princesse.
Il est vrai que ces deux Personnages auroient
360 MERCURE DE FRANCE
roient embarassé dans la suite de la Piéce,
mais la façon de s'en défaire me semble
un peu singuliere apparemment que
. les Chinois, malgré le peu d'opinion que
nous avons de leur bravoure , ne regardent
pas la mort avec crainte et qu'ils
croyent au moins spéculativement qu'il
n'est pas nécessaire d'avoir des raisons
bien fortes pour se la donner. Leur
Histoire confirme cette opinion
crois d'ailleurs que l'on peut juger du
caractere et des opinions d'une Nation
du moins jusqu'à un certain point , par
ses Piéces de Theatre.
و etje
Dans la Division suivante , on apprend
à Tou- ngan Cou , ce qui vient d'arriver ;
il est saisi de fureur et il forme le dessein
de
supposer un nouvel Ordre du Roy
pour se faire apporter tous les Enfans
âgez de six mois , résolu de les poignar
der tous, pour envelopper dans le Massacre
general l'Orphelin de Tehao. Je passe
Monsieur le détail des Scenes difficiles
à abréger et qui ne servent à rien pour
arriver à la quatrième Scene de cette
Section .
Le Médecin Tehing qui a pris la résolution
d'aller chercher un azile pour le
jeune Tehao auprès de Kong Lun , ancien
Ministre, ennemi de Tou -ngan Kou
et
1
FEVRIER 1734. 361
et ami de Tehao - tune , retiré à la Campagne.
Il arrive chez ce vicillard , lui découvre
son secret , et lui remet entre les mains
l'Orphelin de Tehao , et lui apprend la
Loy portée contre tous les Enfans du
Royaume , après quoi il lui déclare qu'il
est résolu de reconnoître les obligations.
qu'il a à ceux de la maison de Theao
et de sauver les jours de tous ces infortunez
condamnez à la mort par l'Arrêt
de Ngan- Kou. J'ai un Fils du même âge
que le jeune Prince , ajoute- t- il , je vais
emporter chez moi ses vêtemens , j'en
couvrirai mon Fils , vous irez me dénoncer
au Tyran comme le dépositaire et
le gardien de l'Orphelin de Tehao ;
j'avouerai touts on prendra mon Fils
pour cet Orphelin , nous mourrons lui
et moi et vous éleverez ce cher Enfant
que je vous confie ; vous l'instruirez de
son sort , et vous l'aiderez à venger
mort de ses Parens .
la
Cong - Lun répond à cela en demandant
à ce Médecin quel âge il a , et il répond
qu'il a 45 ans . Vous avez 45 ans , dit
Cong- Lun ? Il faut attendre au moins
20 ans avant que cet Enfant puisse connoître
son sort et venger sa famille , vous
aurez alors 65 ans , moi j'en aurai alors"
3.
90,
352 MERCURE DE FRANCE
90 , et quand même je pourrois vivre
jusques- là , de quel secours lui serois - je ?
Croyez moi , portez chez vous ce jeune
Orphelin , mettez- le à la place de vôtre
fils ? et puisque vous voulez bien sacrifier
ce ls , apportez - le ici , et m'allez
accuser au Tyran ? il viendra me chercher
, nous périrons vôtre fils et moi
mais vous sauverez l'Orphelin ; allez ?
ce projet est plus sage que le vôtre.
Le Médecin ne se rend qu'après avoir
employé les discours les plus pressans
pour détourner Cong Lun de son dessein ,
et l'on voit que c'est à regret qu'il consent
à sauver ses jours aux dépens de
ceux de ce Vieillard . Une chose qui mérite
d'être remarquée dans cette Scene
c'est la tranquillité avec laquelle ces deux
Hommes déliberent sur le choix de celui
qui doit s'immoler ; l'utilité dont ils
peuvent être à l'Orphelin de Theao , est
la seule chose qu'ils ayent en vûë. Je ne
crois pas que l'imagination puisse aller
au delà, pour donner une idée de l'extrê
me fermeté et de l'extrême courage .
Dans la troisiéme Division le Médecin
va dénoncer Cong- Lun à Tou ngan Cou ;
celui - ci paroît douter de la verité de la
dénonciation , et lui demande les motifs
' qui l'ont porté à la faire. Le Méd.cin
réFEVRIER.
1734. 363
répond que c'est pour sauver les jours
de son propre Fils et ceux de tous les
Enfans condamnez à périr. Ngan Cou le
conduit avec lui chez Cong- Lun. On interroge
celui - ci , on lui confronte le Dénonciateur
, et je ne sçai sur quel fondement
Ngan Cou soupçonnant la bonne
foi du Médecin , et croyant qu'il y a
quelque intelligence entre lui et Cong-
Lun , oblige ce Médecin de lui donner
la Bastonnade ; cette Scene qui ne seroit
guere de notre gout , m'a paru au fond
assez mal imaginée. L'Auteur Chinois a
crû , sans doute , rendre la situation de
Cong Lun plus interessante ; mais il n'a
pas pensé qu'en voulant outrer le Grand,
on tombe dans le Gigantesque , lequel est
toujours voisin du Puerile .
CetteScene est interrompue par l'arrivée
d'un Soldat qui apporte le fils du Médecin
, qu'on prend pour l'Orphelin de
Tehao. Ngan Cou à cette vûë s'abandonne
à la joye et poignarde cette Enfant
aux yeux du Médecin et de Cong - Lun .
Celui- ci après lui avoir reproché tous ses
crimes et déploré la mort du prétendu
Orphelin se précipite du haut d'une Terrasse
et se tuë.
Ngan Cou prend chez lui le Médecin
avec le véritable Orphelin de Tehao,
qu'il
364 MERCURE DE FRANCE
qu'il croit son Fils , et déclare qu'il veut
le combler de biens , et même adopter
le Fils , parce qu'il n'a plus d'espérance
d'en avoir. C'est-là où finit la troisiéme
Section.
L'intervalle de la troisième à la quatriéme
Section , est supposé de 20 ans
entiers , comme ledit Ngan Cou , dans
la Scene qui commence cette Section .
Ce Ministre déclare que prêt à s'emparer
du Trône et à faire périr le Roy , il
va associer ce jeune Homme à son entreprise
.
Dans la Scene suivante le Médecin Tehing
, paroît un Rouleau à la main , sur
lequel il a fait dépeindre son Histoire
et celle de l'Orphelin . Il veut instruire
l'Orphelin de son sort ; mais pour s'assurer
de ses sentimens il est résolu d'essaïer
l'impression que fera sur lui la vuë de
ces Tableaux et le récit des Evénemens
qu'ils représentent. Cette idée m'a paru
ingenieuse , et malgré le défaut de la
repétition des choses déja connues , qui
se trouve dans la maniere dont cela est
exécuté , je vous avoie que cette Scene
m'a attaché à la Lecture , par la gradation
des sentimens qui s'excitent dans
l'ame du jeune homme , en écoutant une
Histoire à laquelle il croit n'avoir aucun
interêt. Cette
FEVRIER. 1734. 365
Cette Scene occupe toute la quatriéme
Section. La cinquième contient le dénoüement
ou la maniere dont l'Orphe-
"lin de Tebao se découvre au Roy , qui
donne des ordres pour arrêter et punir
Tou- Ngan Cou. L'Action du Médecin est
la même dans cette Tragédie que celle
de Leontine dans celle d'Heraclide . Les
Chinois ont mis en cette Action ce que
Corneille a mis en récit.
Voilà , M. la singularité que je vous
avois promise , mandez - moi ce que vous
et vos amis penseront de cette Tragédie
Chinoise , et si le plaisir qu'elle m'a fait
n'a pas sa source dans la disposition qui
nous porte presque toujours à admirer
les choses extrémement éloignées de nous,
soit par la distance des tems
soit par
celle des lieux. Je suis & c.
Le 4 Février , l'Académie Royale de
Musique donna la trente - deuxième et
derniere Représentation de l'Opéra d'Hypolite
et Aricie; et remit au Théatre le 9.
le Ballet des Fêtes Grecques et Romaines ;
avec une nouvelle Entrée , intitulée , La
Fête de Diane , pour être joué les Mardis
et les Jeudis ; et la Pastorale d'Issé , les
Vendredis et les Dimanches.
Ces deux Piéces sont toujours tres-
H gou'
366 MERCURE DE FRANCE
goutées du public . On prépare actuellement
l'Opéra de Pirithons , pour être remis
auThéatre le mois prochain , le Public
a été bien aise de revoir le Balet dont
on vient de parler , les paroles sont de M.
Fuzilier, et la Musique de M.de Blamont.
Q
·
PARODIE ,
Sur la Sarabande de l'Opéra d'Issé.
Ue tes Pavots ont d'invincibles charmes !
Par tes attraits puissans , triomphe de nos sens
Des malheureux tu séches les larmes ,
Heureux Mortels , il vous rend plus contens ;
De vos plaisirs il retrace l'image ,
De mille soins un songe dédommage ;
Venez , songes fateurs ,
Par d'aimables erreurs ,
Séduisez tous les coeurs,
Les Comédiens François représenterent
à la Cour , le 4 de ce mois , la Comédie
du Menteur , et celle du double Veuvage.
Le 9 , la Tragédie de Bajazet , et le
Retour imprévu . La Dlle Grandval joüa le
Rôle d'Atalide , dans la premiere Piéce ,
avec beaucoup de succès . Cette nouvelle
Actrice joua quelques jours après à Paris,
le Rôle de la Duchesse , dans la Tragédie
,
FEVRIER: 1734: 367
die du Comte d'Essex , et elle y fut fort
applaudie.
Les mêmes Comédiens ont remis au
Théatre le 27 de ce mois, la Fausse Antipatie
, Comédie en Vers , en trois Actes ,
avec un Prologue , de M. de la Chaussée.
C'est un Ouvrage generalement goûté
des connoisseurs , et aussi ingénieux et
bien écrit , que plein d'esprit , de délicatesse
et de moeurs . On avoit déja donné
quelques Représentations de cette Piece
PAutomne dernier , avant le Voyage de
Fontainebleau , et le Public lui avoit fait
un accueil tres - favorable et tel qu'elle le
merite. Nous en parlerons plus au long.
Le 6 de ce mois, les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour , la Comédie du
Faucon ou les Oyes de Bocace , et la Verité
Fabuliste.
Le 10 , les mêmes Comédiens donnerent
sur leur Théatre, la premiere Représentation
d'une Comédie en Vers et en
trois -Actes , avec un Divertissement de
chants et de danses , intitulée : La Surprise
de la Haine. Cette Piece a été reçuë
tres-favorablement du public . Elle attire
de nombreuses assemblées à l'Hôtel de
Bourgogne. On en parlera plus au long,
Hij
Le
368 MERCURE DE FRANCE .
Le 3 Février , l'ouverture de la Foire
S. Germain fut faite par le Lieutenant
Général de Police en la maniere accoutumée.
Le 27 , l'Opéra Comique fit l'ouverture
d'un nouveau Théatre , qu'on a construit
dans la rue de Bussy , et on y representa
le même jour deux Pieces nouvelles
, d'un Acte chacune , avec des Divertissements
, intitulés : le Palais enchanté
, et l'Heureux Déguisement. Ces deux
Comédies sont précédées d'un Prologue ,
qui a pour titre Le Retour de l'Opera
Comique au Fauxbourg S. Germain , dont
on parlera plus au long.
:
,
Le goût pour la Comédie , si en vogue
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
****************
NOUVELLES ETRANGERES,
POLOGNE.
Lextraordinairement le 27. du mois dernier
Es Magistrats de Dantzick , s'assemblerent
pour déliberer sur la proposition que le Roy leur a
faite de recevoir dans les Ouvrages exterieurs,une
Garnison composée de Troupes de la Couronne;
les Magistrats y ont consenti , à condition que
les
380 MERCURE DE FRANCE
les Officiers et les Soldats prêteront serment de
ne rien entreprendre contre la liberté et les Privileges
des habitans de Dantzick .
Les Lettres de Cracovie , confirment que les
menaces de l'Electeur de Saxe et les violences des
Moscovites , n'ont pû contraindre la Noblesse de
la plupart des Palatinats de s'assembler et d'élire
des Nonces pour assister à la prétenduë Diette
generale que ce Prince avoit convoquée , et que
cette Diette ne sera point assemblée .
On a reçû avis que le Comte Pocci avoit fait
une nouvelle course en Curlande , et qu'il en
avoit ravagé la plus grande partie.
Le Comte Potocki , Régimentaire de la Couronne
, ne s'est pas encore mis en marche pour
se rendre dans la Prusse Polonoise , il est toujours
campé sur les bords de la Riviere de Pilckza
, entre Warsovie et Cracovie , mais on con-
- tinuë d'assurer qu'il doit se rendre bientôt dans
cette Province avec l'Armée qu'il commande .
Plusieurs Régimens des Troupes du Roy de
Prusse se sont approchez de la Frontiere , et le
bruit court que Sa Majesté Prussienne a fait donner
aux Magistrats de Dantzik des assurances de
ses dispositions favorables sur ce qui regarde la
sureté de cette Ville.
TRADUCTION de la Lettre du
Nonce Apostolique , au Roy de Pologne.
Es troubles violents dont le Royaume est
Laffligé sont tels , qu'ils ne me permettent pas
à moins que de m'exposer à beaucoup de dangers ,
d'aller présenter mes respects à V. M. et lui
remettre en même - temps les Lettres de notre
Très -Saint Pere en J. C. Monseigneur Clémentissime
FEVRIER 1734- 381
tissime , par lesquelles il félicite V. M. sur son
heureuse Election au Trône de Pologne , et répond
à celles que V. M. lui avoit écrites au sujet
de cet Evenement tant desiré . N'ayant donc
pû aller en personne , comme je le souhaitois
avec ardeur , et les Commissions dont j'avois été
chargé de la part de S. S. ayant été executées par
le Ministere de M. le Marquis de Monti , Ambassadeur
Extraordinaire de S. M. T. C. ainsi
que son Excellence m'en a assuré par les Lettres
que j'en ai reçûes avant hier seulement . V. M,
me permettra de lui témoigner par la présente
et respectueuse Lettre , combien je desire de voir
cesser les obstacles et les périls du voyage , afin
d'aller auprès de V. M. exposer plus au long les
sentimens du Souverain Pontife pour Elle , et
y faire les fonctions de mon Ministere , ce que
je regarde comme infiniment honorable et heureux
pour moi. Je ne puis m'empêcher de me
servir de l'occasion que me fournit l'Emploi
Apostolique dont je suis chargé , pour témoigner
à V.M. la joye que je ressens en mon particulier,
et d'être bien persuadé que je demande avec instance
au Pere de Misericorde , qu'il daigne benir
le commencement de votre Regue pour l'aug
mentation de la Religion Orthodoxe , et pour
bonheur de la celebre Nation que vous gouvernez.
J'espere que le Ciel exaucera mes voeux , et
que V. M. voudra bien agréer le parfait dévouement
avec lequel je suis , & c . Fait à Warsovie
le 3. Décembre 1733. Signé Camille Palucci .
le
AL
382 MERCURE DE FRANCE
J
ALLEMAGNE.
Eugene General de l'Armée qu'elle doit
avoir cette année sur le Rhin , et que ce Prince fait
travailler avec diligence à ses Equipages. Le Duc
d'Aremberg , qui devoit servir sous les ordres du
Géneral Mercy , en qualité de Géneral d'Infanterie
, servira dans les Troupes commandées par
le Prince Eugene , et les Comtes Novati , de Bordas
, de Saint Pierre , et de Ciceri , feront les
fonctions d'Adjudans Generaux dans l'Arméc
d'Lalie.
Ο
ITALIE.
N apprend de Naples, que sur le rapport que
ie Géneral Traun et le Prince de Belmonte
Pignatelli , ont fait du mauvais état dans lequel
étoient les Fortifications de la Ville de Ca poue ,
le Viceroy a pris la résolution de la faire démanteler
, et on transporte à Gaëtte et les Munitions
et l'Artillerie qui étoient dans cette Place.
GRANDE BRETAGNE.
Er. de ce mois , les Seigneurs agiterent s'ils
prieroient le Roy de communiquer à la
Chambre , les intentions que Sa Majesté a données
à ses Ministres par rapport aux négociations
qui sont alleguées comme les causes et les
principaux motifs de la guerre que les Puissances
Unies de France , d'Espagne et de Sardaigne ,
ont déclaré à l'Empereur , et il fut décidé à la
pluralité de cinquante- sept voix contre trente
qu'on ne feroit point cette demande à S. M.
MORTS
FEVRIER 1734.
383
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
A nuit du 24. au 25. du mois dernier , le
LCardinal Falconieri , mourut àRome dans
la 67. année de son âge , étant né le 8. Février
1667. Il avoit été fait Cardinal le 12. Septembre
1724. par le Pape Benoît XIII . qui lui avoit
donné le Titre de Sainte Marie della Scala.
Marie-Marguerite, Princesse de Saxe , est morte
Dresde , les de ce mois , dans la septième année
de son âge, érant née le 12 Septembre 1727.
ARMEE D'ITALIE >
Es travaux commencez le 30 Janvier , devant
LE
le Château de Tortonne pour l'établissement
des Batteries , furent perfectionnés les jours suivans.
On en dressa deux de 6 Piéces de Canon ,
pour battre les faces des Bastions de Sainte Barbe
et de Saint Laurent ; deux autres de quatre ,
pour battre les Flancs de ce's Bastions , et une de
quinze , contre la branche de l'Ouvrage à Corne
, et ces cinq Batteries tirerent la nuit du 1 au
2 de ce mois , avec tant de succès , que le landemain
les faces des Bastions commencerent à s'écrouler
Les Batteries de Mortiers établies depuis,
et qui furent en état de tirer le 4 , firent tant
d'effet , que le s , à deux heures après midi le
Gouverneur du Château demanda à capituler.Le
même jour le Duc de la Trémoille partit du
Camp pour aller en France , porter au Roy la
nouvelle de la prise du Château de Tortonne ,
dont
384 MERCURE DE FRANCE
dont la Garnison , composée de 1200 hommes ,
doit sortir avec les honneurs de la Guerre , et se
retirer à Mantouë . Le sieur de la Garde , Capitaine
de Grenadiers , dans le Régiment de Médoc
, a été tué à ce Siége ; il y a eu quatre Officiers
de blessez , vingt Soldats de tuez , et environ
quarante de blessez .
Le 29 du mois dernier , le Prince de Wirtemberg
sortit de Mantoue avec un détachement
d'Infanterie , de Cavalerie et de Dragons de
4000 hommes , et il prit à Goïto du Canon , des
Pontons et 200 Travailleurs , qu'on croit qu'il
vouloit employer à rompre le Pont que les
Troupes du Roy de France ont fait sur l'Oglio
à Gazolo . Ce détachement se presenta la nuit au
Gué de S.Michel , et ensuite à celui de Marcaria.
Mais le Prince de Wirtemberg ayant trouvé ces
Postes bien gardez , il se retira à Capitello , d'où
il est entré dans Mantovë , sans avoir rien entrepris
. Le Maréchal de Villars qui étoit parti le
25 du mois dernier pour aller à Farme,, en est
revenu icy avanthier.
LETTRE d'un Officier de l'Armée
d'Italie écrite de Come le 27 Janvier.
Ous sommes ici M.entourez de Montagnes
N'fort hautes ,et sur le boru d'un Lac , où
nous ressentons un froid très - vif , mais nous
faisons grand feu : car nous ne manquons pas
de bois; nous mangeons des brochets monstru ux
de même que des Carpes et des Truites ; les
Agons qui sont des especes de Sardines valent
encore mieux , de même que les Bartavelles ,
autre espece de poisson très délicat. Nous ne
faisons pas grand cas des Faisans ; ils sentent
le
FEVRIER. 1734. 385
>
le sapin , toute sorte de viande de boucherie est
excellente ; il est seulement facheux que tous
ces vivres soient si chers , les Vins du Pays
sont très mauvais. Nous sommes au reste
très- bien logez, et nous avons une petite assemblée
composée de plusieurs Dames très raisonnables.
Pour des filles nous n'en voyons point ;
celles qui sont dans les Couvents ont eu ordre
de fermer leurs grilles. M. l'Evêque est impitoyable
et n'entend point raillerie sur ce
point. Les Italiennes , au reste , sont moins sauvages
et moins gardées qu'autrefois ,
voyons tous les jours qu'elles n'ont aucun
éloignement pour se familiariser avec les François
.
nous
•
J'ai vû à Milan des assemblées dont l'éclat
m'a frappé ; la beauté et la richesse des Appartemens
, très bien éclairez , leur grandeur
la quantité de Tableaux , et la profusion de
toute sorte de Liqueurs distribuées à toute sorte
de personnes , le rombre des Dames , des Cavaliers
, la magnificence de leurs parures , et de
leurs équipages aussi galants que les nôtres , fout
cela à dequoi plaire aux gens les plus difficiles .
On dit cependant que l'intérieur du ménage
ne répond pas à ce grand extérieur , on m'a
assuré pourtant qu'on donne parfaitement bien
à manger dans plusieurs bonnes Maisons de la
Ville. Milan est bien plus grand que le tiers de
Paris , mais moindre que sa moitié.
>
A l'égard de l'Opéra , il faut vous dire qu'on
y va le soir pour n'en revenir que le matin
c'est- à- dire , qu'il commence à sept heures et
qu'il ne finit qu'après minuit. Un Prologue
trois Actes , et trois Intermedes ou entr'Actes ,
remplissent tout ce tems , Caton d'Utique , est
>
la
386 MERCURE DE FRANCE
La Piéce qu'ou représentoit le jour que j'y fus ,
la Salle est à peu près de la grandeur de celles du
Château des Thuileries, il y a cinq rangs de Loges,
et29 Loges dans le pourtour , elles sont un peu
moins larges que les nôtres , mais si profondes
que leur enfoncement fait paroître une chambre
d'une grandeur raisonnable ; elles sont ornées de
Tapisseries , de sieges très propres et de girandoles.
Les Dames de distinction louent à l'année
deux Loges contigues qui forment un petit Appartement,
où elles reçoivent leur compagnie comme
chez elles ; pendant certain tems de la représentation
, l'on y joue ou on y fait la conversation
( c'est le terme du Pays ) on y sert toute sorte
de rafraichissemens.
Il n'y a point d'Amphiteatre , le Parquet est
le terrain renfermé dans le centre des Loges et
de l'Orchestre , on y est assis commodement
sur des Sieges , des Formes et des Banquetes.
Le Theatre est d'une grandeur proportionnée à
ce que je viens de dire. Un Corridor de 18 pieds
de large tegne derriere les Loges.
Il y a deux changemens de Décorations pour
un seul Acte et quelquefois plus suivant le sujet
de la Piéce. Il n'y a aucune sorte de Machine
, le coup de sifflet donné pour les changemens
de Theatre n'opere pas son effet si vivement
qu'à Paris les Décorations sont plus belles
pour le pictoresque, la perspective et par la richesse
des ornemens. C'est cette noblesse , cette grandeur
et ces belles formes dont notre Ami Servandoni
nous a donné la connoissance en France,
sur des Plans avantageux , singuliers et variez, le
pictoresque exclut une régularité trop affectée ,
car les deux côtez des Coulisses ne font point
ordinairement sur le fond deux Angles pareils.
FEVRIER. 1734. 387
L'Orchestre qui est une fois plus grand que
fe nôtre, et le nombre d'Instruments exquis m'a
ravi d'étonnement ; le seul Clavecin par un
accord appuyé de grande force , marque la mesure
, il y en a deux , deux Contrebasses , et
deux Theorbes ; je ne croyois pas possible que
tant d'Instruments à la fois fissent un ensemble
aussi parfait ; il semble qu'un seul esprit les anime
tous.
Tout se passe en récits et en ariettes ; Pun
succede régulierement à l'autre depuis le commencement
jusqu'à la fin . Par bonheur ces récits
s'expédient assez promptement , et les ariettes.
sont repetées si souvent qu'elles consomment au
moins les trois quarts du tems. Ces récits sont
accablans , ils sont nottez , ce n'est pourtant
point proprement un Chant ; ils ressemblent fort
à une pure Déclamation Latine telle qu'on entend
aux Tragédies des Colléges , à cela près ,
qu'à certaines chûtes ou infléxions de voix
POrchestre frappe un accord fort plein , et d'un
seul coup d'archet ; ils n'ont point de Flutes ,
parce , disent-ils , qu'elles sont toujours fausses,
ils reviendroient aisément de cette erreur s'ils
avoient entendu le fameux Blavet , ils ont deux
Hautbois seulement et autant de Bassons . Quant
aux Violons , ils sont excellens , et je n'en con
nois guere en France qui soient bien dignes d'entrer
dans cet Orchestre . Ils sont ici de deux tons
plus élevez qu'à Paris : il est sûr que l'Instrument
en est beaucoup plus brillant ; ils n'ont
point de Choeurs , et ils ont grand tort en cela ,
quatre ou cinq hommes dont un seul n'est
point eunuque, et quatre ou cinq femmes jouent
la Piéce travestis en Princes et Princesses.
Voilà tout ce qu'on voit sur le Theatre, joignez
>
›
388 MERCURE DE FRANCE
,
à cela plusieurs petits polissons vêtus en Pages
qui portent les queues des Actrices , et qui
pour se désennuyer cassent des Noisettes et font
tous les mouvemens qu'ils voyent faire à leurs
Princesses , et sont toujours exactement placez
derriere elles . Les Acteurs et Actrices des Ballets
en petit nombre sont habillez très simplement ;
ils sont la plupart François ; tout m'a paru
médiocre à cet égard . Cependant les habits qui
servent aux principaux Acteurs dans le Tragique
, sont assez beaux . Il y a un viel Eunuque
d'une grosseur extraordinaire dont le chant ,
quoiqu'usé , est beau et bon dans son genre ,
mais je ne sçaurois me prêter à cette sorte de
chant , toutes leurs finales sont des Arbitrii
comme sur les Instrumens ; et je haïs cela souverainement.
D'ailleurs ce vieil Eunuque est
un grand Acteur et Maître du Theatre.; je n'ai
vû de ma vie un maintien plus beau ni plus naturel.
Voilà ce que je me représente à moi même
de notre Opéra Milanois , je vous dis naturellement
ce qui m'est venu dans l'esprit et dans
la mémoire , j'espere d'y retourner au Carnaval ,
peut -être vous en parlerai - je avec plus d'ordre
et avec d'autres circonstances qui peuvent m'être
échapées . Je suis &c .
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris ,&c.
LE
E premier de ce mois ' , la Reine
entendit la Messe dans la Chapelle
du Château de Versailles , et S. M. y
comFEVRIER
1734. 389
communia
par les mains du Cardinal de
Fleury son Grand Aumonier.
Le même jour M. Gilbert , Recteur de
l'Université , accompagné des Doyens
des Facultez et des Promoteurs des Nations
, eut l'honneur , suivant l'ancien
usage , de présenter un Cierge au Roy ',
et un à la Reine .
Le même jour , le Pere Braban , Commandeur
du Couvent du Marais des
Religieux de la Mercy , accompagné de
trois Religieux de cette Maison eut
l'honneur de présenter un Cierge à la
Reine,pour satisfaire à une condition de
leur Etablissement fait à Paris en l'année
1615. par la Reine Marie de Medicis.
Le 2 Février >, Fête de la Purification
de la Ste Vierge , les Chevaliers , Commandeurs
, et Officiers de l'Ordre du
S. Esprit , s'étant assemblez dans le
Cabinet du Roy , S. M. se rendit à la
Chapelle,étant précédé du Duc d'Orleans
du Duc de Bourbon , du Prince de Conty ,,
du Duc du Maine , du Comte d'Eu , du
Comte de Toulouse , et des Chevaliers
Commandeurs et Officiers de l'Ordre..
Le Roy assista à la Bénédiction des
I Cier390
MERCURE DE FRANCE
Cierges , à la Procession et à la Grand'
Messe qui fut célébrée par l'Archevêque
de Vienne , Prélat Commandeur de
l'Ordre. Après la Messe , S. M. fut reconduite
à son Appartement avec les
cérémonies ordinaires. La Reine entendit
la même Messe dans sa Tribune.
L'après midy , L. M. entendirent le
Sermon du Pere Tainturier , de la Compagnie
de Jesus , et ensuite les Vêpres
qui furent chantées par la Musique.
›
Le 4 , le Roy partit du Château de
la Meute pour aller chasser à Ecoüen ,
Maison de M. le Duc qui s'y étoit rendu
le jour précédent pour y recevoir S. M.
Il y eut une batue considérable où l'on
prit toute sorte de Gibier ; le Roy dina
et soupa dans le Château avec quantité
de Seigneurs de sa Cour ; S. M. y dîna
encore le lendemain , et partit l'après midy
pour aller coucher au Château de
Versailles .
• Le II le Duc de la Tremoüille
Premier Gentilhomme
de la Chambre du
Roy , arriva de l'Armée d'Italie , et apporta
à S. M. la nouvelle de la Prise du
Château de Tortone,
HoFEVRIER
1734 391
Honoré Armand ' , Marquis de Villars ,
né le 4. Octobre 1702. Mestre de Camp
d'un Régiment de Cavalerie , et Gouverneur
de Provence , en survivance du
Maréchal Duc de Villars son Pere 2
été fait Brigadier des Armées du Roy.
C'est lui qui a apporté au Roy le 4.
Janvier dernier la nouvelle de la réduc
tion du Château de Milan.
>
Le 23 de ce mois ,l'ouverture solemnelle
de l'Assemblée generale du Clergé de
France se fit dans l'Eglise des GrandsAugustins,
par laMesse du S.Esprit, à laquelle
les Prélats et les autres Députez qui composent
l'Assemblée,communiérent ; l'Archevêque
de Paris y officia pontificalement
, et l'Evêque de Bazas y prêcha
avec beaucoup d'éloquence .
Le 2. Février , Fête de la Chandeleur , il
Yeut un Concert Spirituel au Château
des Thuilleries , M. Mouret y fit chanter le
Credidi propter ,, Motet de M. de la Lande , qui
fut suivi d'un autre de la composition de M. de
Monteclair, les Dlles Erremens et Petitpas chanterent
différents récits avec applaudissement, et
après plusieurs Concerto très - bien exécutez , le
Concert fut terminé par le Te Deum de M. de
la Lande.
Le 3
il y eut
un
Concert
à Versailles
. On
y
chanta
devant
la Reine
le
Prologue
, et le
pre-
I ij ,
392 MERCURE
DE FRANCE
·
mier Acte de l'Opéra d'Hipolite et Aricie , qui
fut continué le 8 et le to , dont l'exécution fut
très brillante. Les Dlles Pelissier et Petitpas
jouerent les principaux rolles , et le Sr Jeliot
chanta avec succès celui d'Hipolite ; la Dlle Rømeau
, épouse de l'Auteur de la Musique , doubla
le rolle d'Aricie ; la Reine loua beaucoup
sa voix et son gout pour le chant.
Le 13 la Cour étant à Marly , la Reine entendit
le Prologue et le premier Acte de l'Opéra
de Callirhoé , de la composition de M. Destouches,
Sur- Intendant de la Musique du Roy , qui
fut continué le 15 et le 17. La Dlle d'Aigremont
chanta le principal rolle d'une maniere
très touchante , et le Sr Chassé celui de Corésus
avec beaucoup de sentiment ; le St Jeliot rendit
le rolle d'Agenor avec tout le gout possible
; sa belle voix fait beaucoup de plaisir , de
même que les Choeurs et toutes les Simphonies.
Le 20 on chanta
l'Opéra
d'Issé
, du même
'Auteur
. Il fut continué
le 22 et le 27. La
Dlle
le Maure
fit le rolle
d'Issé
, et la Dile
Petitpas
celui
de Doris
. Les Srs Chassé
et Tribou
furent
très applaudis
dans
les rolles
d'Hylas
et de Philemon
, le reste
de l'Opéra
fut
zendu
avec
toute
la précision
et la vivacité
dont
il est susceptible
.
Nous avons appris un peu tard , par rapport
au Mercure de Janvier , qui étoit déja imprimé,
que le 1.0. du même mois le Te Deum en actions
de graces pour l'heureux succès des Armes dų
Roy , fut chanté solemnellement à Aix , dans
1'Eglise Métropolitaine S. Sauveur. Le Parlement
, la Cour des Comptes et des Aydes , les
Trésoriers
FEVRIER 1734. 393
Trésoriers de France , les Officiers de lá Sénechaussée
, et les Consuls et Officiers de Ville
assisterent à cette ceremonie. Après le Te Deum ,
les Consuls et leurs Officiers se rendirent à la
grande Place des Prescheurs , où ils allumerent
le Feu de joye qui y avoit été dressé .
M. le Bret , Premier Président du Parlement ,
Intendant et Commandant de la Province , donna
un magnifique soupé à la Compagnie respectable
, dont il est le digne Chef.
Le Dimanche suivant M. de la Vieuville , Brigadier
des Armées du Roy d'Espagne , Colonel
des Carabiniers , qui ont séjourné à Aix pendant
quelque temps , fit chanter par les Musiciens
qui marchent toujours à sa suite , un Te Deum
de la composition de M. l'Abbé Pellegrin , connu
par ses excellens Motets . On avoit choisi
cette Ceremonie l'Eglise des Dominicains , qui
est fort vaste. M. l'Archevêque y officia .
pour
M. le Bret , qui avoit été prié d'y assister , s'y
rendit , précedé de ses Gardes , accompagné des
Consuls et de toute la Noblesse ; toutes les Dames
y avoient été invitées , ainsi l'Assemblée
fut très -belle et très - nombreuse. Pendant le Te
Deum on fit une triple salve de Boëtes , et les Carabiniers
qui étoient en bataille sur la même
Place , firent trois décharges de Mousqueterie.
Après la Ceremonie les Dames se rendirent à
l'Hôtel de Ville où il y eut un Concert qui fut
très- bien executé par les mêmes Musiciens de
M. de la Vieuville . Au Concert succeda un fort
beau Soupé , et au Soupé le Bal , qui dura jusqu'au
jour. Toute cette Fête est dûë au même
M.de la Vieuville , dont on loue beaucoup la magnificence,
la politesse et le goût pour les Beaux-
Arts.Le même jour Mile Bret avoit donné à dîné
I iij -ma394
MERCURE DE
FRANCE
magnifiquement à tous les Officiers
Espagnols
qui se trouvoient dans cette Ville.
A
MME
D'ORMESSON ,
Au sujet du Pain . Beni qu'elle a rendus
le jour de Noël.
17
Dans ce Temple quelle
allegresse:
Quels appareils dignes des Cieux !
A son air grave et
gracieux ,
On juge que c'est la Sagesse
Qui vient se rendre en ces saints Lieux
Four
prodiguer avec
largesse ,
Au Très- Haut des dons
précieux ;
Que vois-je ? les Vertus dont elle est le modelle
Font un cercle aimable près d'elle
Mais , crainte
d'ébloüir nos yeux ,
Elle emprunte les traits d'une illustre Mortelle
Aux celestes Loix très-fidelle ,
Qui dévoue aux Autels et son coeur et ses voeux,
Et dont enfin l'ame est si belle ,
Que sous ce voile
merveilleux ,
On y reconnoît
l'Immortelle.
L'innocence et la chasteté
De ses moeurs furent le partage ,
gage,
Délices d'un Epoux dont la fidelité ,
Est d'un parfait amour l'inviolable
Opposée à la vanité ,
Sans dessein de
prendre
avantage
Du
FEVRIER. 1734 395
·
Du rang et de la dignité ,
Du luxe et de l'éclat elle ignore l'usage ,
Fervente à l'Oraison , prudente en son ménage,
La noblesse de coeur , jointe à la charité ,
Est un bien qu'elle a d'heritage ,
Qu'elle aspire à laisser à sa Posterité ;
Les vertus de son Sang en rendent témoignage,
Qù trouver un plus heureux choix ›
Une Ancelle plus agréable ;
Et d'une candeur plus affable ,
Et plus digne de plaire au grand Maître des Rois
Que le Ciel avec joye accueille son hommage ;
Il en connoît la pureté ,
Et que l'humble devoir où son zele l'engage ,
Part du sein de la Pieté ,
Mais de s'étendre davantage ,
C'est blesser son humilité .
*********************
MORTS , NAISSANCES
et Mariages.
LBA
Edix- neuf Janvier Dame Marie -Magdelene
Baudin , Epouse de Mathias Goudin , Conseilde
ler en la Cour des Aydes de Paris , et qui avoit
été mariée le 18 Fevrier 1732.mourut en couches
de son deuxième enfant , agée de 27. ans.
>
Le 24. Janvier M. Louis Milon , Evêque et
Seigneur de Condom Prieur des Prieurés de
S. Marcel , de Villiers S. Sepulchre , et des deux
Gemeaux , Docteur en Théologie de la Faculté
11
de
396 MERCURE DE FRANCE
de Paris du 4. Juillet 1685. mourut en son Château
à deux lieuës de Condom , agé d'environ
76. ans , et dans la 41. année de son Episcopat ,
ayant été nommé à l'Evêché de Condom , Suffra
(gant de Bourdeaux , le 1. Novembre 1693 et sacré
le 14. Fevrier 1694. Il avoit été auparavant
Chanoine de l'Eglise de Saint Martin de Tours,
et Aumônier du Roi . Ce Prêlat qui est fort regretté
dans son Diocèse , a fondé à Condom un Hôpital
, dans lequel les pauvres sont emploïés à
divers Arts et Métiers , et il a confié l'administration
de cette Maison aux Soeurs appellées de
la Foy. Il a établi les mêmes Soeurs à Nérac ,
pour instruire et cathechiser les jeunes Filles de
la Religion protestante , a retabli les Eglises de
Monchenit , et de Puge , que les Religionaires
avoient entierement detruites , et a achevé son Palais
Episcopal qui avoit été deja commencé à
grands frais . Il assista en 1705. à l'Assemblée
générale du Clergé , en qualité d'un des Députés
de la Province de Bourdeaux . Ce Prélat étoit
deuxième Fils d'Alexandre Milon , Seigneur de
la Borde , Mesne Amnon &c. Président , Trésorier
General de rance en Berri , mort le 10.
May 1687. et de Françoise Palla , morte le 26.
May 1703. Il avoit pour Frere aîné Aléxandre
Milon , Maîtte des Requêtes Honoraire de l'Hôtel
du Roi , qui vient d'entrer dans la 82. année
de son age , et qui est veuf depuis le 6. Janvier
1700. de Marie - Magdelene Thérese Coicault de
Chevigny , de laquelle il avoit eu Françoise- Elizabeth
Milon , Fille unique , mariée le 19. Fevrier
1700. avec Louis- Charles de Machault ,
Seigneur d'Arnouville , Conseiller d'Etat ordinaire
, et morte le 22. Janvier 1720. laissant un
Fils unique , qui est Maître des Requêtes depuis
1728
1
FEVRIER . 1734 397
1718. L'Eveque de Condom avoit pour frere
puîné Henry Milon , Seigneur de Mesne , Intendant
General des Turces et levées de France ,
et Grand-Maître des Eaux et forêts de France en
Touraine , puis en Poitou , Auni , Saintonge ,
Engoumois , Limosin , haute et basse Marche ,
Bourbonnois , et Nivernois , mort depuis plusieurs
années , ayant laissé de Jeanne - Françoise
Angelique Collin sa femme , trois Fils , dont l'un ,
après avoir été Capitaine dans le Regiment du
Roi , s'étoit retiré à Condom auprès de l'Evêque
son Oncle ; un autre connu sous le nom du sieur
de Mesne , resident à Tours , et un troisiéme qui
est Alexandre Milon , né à Paris le 13. Juin 1688 .
Docteur en Théologie de la Faculté de Paris du
18. Octobre 1714. ci-devant Aumônier du Roi ,
et à présent Evêque de Valence en Dauphiné qui
a été nommé à cet Evêché le 7. May 1725 .
et sacré le 31. Mars 1728. et qui a obtenu au
mois de May 1728. l'Abbaye de Leoncel,Ordre
de Citaux , Diocèse de Die.
Le 25. Janvier M. Pierre de Brilhat , Vicomte,
de Geneay en Poitou , Seigneur de Nouzières en
ngoumois , Premier President au Parlement de
Bretagne , mourut à Paris agé de 67. ans , étant
né le 26. Janvier 1667. Il étoit dans la 31. année
de l'éxercice de sa Charge de Premier Président,
en laquelle il avoit été reçu le 16. Juin 1703
étant auparavant Conseiller au Parlement de
Paris , depuis le 27. Fevrier 1688. Il étoit Fils
ainé de Nicolas de Brilhat , Seigneur de Nouzieres
, Vicomte de Geneay , Conseiller au Parlement
de Paris , et de Jeanne Auzanne , et avoit
épousé en premieres noces le 17. Septembre 1693 ,
Marie-Anne de Chouet, Fille de Pierre de Choüett
Seigneur de Gevreau , Conseiller au Parlement
I v de
398 MERCURE DE FRANCE
de Bretagne , et de Marie du Moley ; et en se
condes noces Pelagie- Constance de Lys , Fille
d'un Conseiller au même Parlement. Cette derniere
mourut de la petite verole à Paris le 11 .
Novembre 1731. agée d'environ 43. ans. Il a
laissé des Enfans de l'une et de l'autre.
:
Le même jour Emanuel Pierre-Claude Raymond
, Ecuyer , Sieur de Marcest , Lieuter ne
au Regiment de Rosnyvinen , Dragons , File
feu Pierre Raymond, Ecuyer , Seigneur de
cest , Lieutenant de Roy en la Province de Bo
bonnois , et auparavant Lieutenant au Régime :
des Gardes Françoises , mort le 8. Juillet 12
59. ans ; et de Dame Elizabeth River sa YouT
mourut d'une maladie de poitrine à Paris , gé
21. ans f . mois 24. jours. Il avoit fait sa pa
miere Campagne l'année derniere en Allem
à
"
Gabriel-Jean Nicolas, Seigneur de la Reyre , er
de Tralage , Fils de feu Gabriel Nicolas , Signeur
de-la Reynie de Tralage , et de Vic , Conseiller
d'Etat ordinaire , et Sous- Doyen du Conseil
, et auparavant Lieutenant General de Police
de la Ville de Paris , mort le 14. Juin 1709 .
l'age de 84. ans , et de Gabrielle de Garibal
mourut à Rome , le 26. Janvier , où il s'étoit
retiré depuis plusieurs années. Il n'avoit point
été marié.
Le 28 , Janvier Dame Marie- Therese Poyrel
de Grandval , veuve depuis le 24. Juin 1724. de
Jean du Puis , Ecuyer, Conseiller, Tresorier General
de la Maison du Roi , mourut à Paris ,
agé de 68. ans . mois , laissant un Fils qui est
Pierre du Puis , reçu Conseiller au Parlement de
Paris le 27. Janvier 1712.puis Président au Grand
Conseil le 9. Fevrier 1720. qui a épousé l'Ainée
des trois Filles de feu Charles Ruau du Tronchot,
Seigneur
FEVRIER 1734. 399
Seigneur de Ville - Dieu &c. Chevalier de l'Ordre
du Roi, Secretaire de S. M. Maison , Couronne
de France , et de ses Finances , Ancien Fermier
General , mort le 20. Juillet 1729. et de Marie-
Anne Lépinau , de laquelle il a des enfans.
Dame Anne-Magdelaine Adelaide de Maupeou,
Fille de René- Charles de Maupeou , Marquis de
Motangle , et de Montigny , President à Mortier
au Parlement de Paris , et d'Anne-Victoire de
Lamoignon de Courson , et Epouse de François-
Louis de Louvet de Murat , Comte de Nogaret ,
de Cauvisson , Capitaine de Cavalerie dans le
Regiment Dauphin ; mariée le 22. Novembre
1731. mourut le 28. Janvier en couches de son
premier enfant , mort incontinent après , agé de
19. ans 5. jours , fort regrettée . Elle fut inhumée
le lendemain aux Cordeliers.
La nuit du 30. au 31. Janvier , Charles - Her
cules d'Albert , Chevalier de Luynes , Chef d'Escadre
des Armées Navales du Roi depuis 1422,
et Capitaine des Gardes du Pavillon , Amiral
qui avoit servi en dernier lieu , en qualité de Chef
d'Escadre sur l'Escadre qui a été envoiée l'année
derniere dans la Mer Baltique , sous les ordres du
Marquis de la Luzerne , Lieutenant General ,
mourut à Paris , dans la 60. année de son age ,
étant né le 8. Mars 1674. Il étoit second Fils de
Louis - Charles d'Albert , Duc de Luynes , Paix
de France , mort le 20. Octobre 1690. et d'Anne
de Rhohan de Montbason ,sa deuxième femme ,
morte le 29. Octobre 1684. et grand oncle de
Charles- Philippe d'Albert , aujourd'huy Duc de
Luynes , Pair de France.
Le premier Fevrier , Louis le Gendre , Prêtre,
natif de Rouen , Chanoine du 15. Avril 1690 .
et Sous-Chantre de l'Eglise Métropolitaine de
I vi
Paris
400 MERCURE DE FRANCE
·
Paris du .Juillet 1723.et Abbé Commandataire
de l'Abbaïe Roiale deN.D. de Claire - Fontaine
O.S.A.Diocèse de Chartres du mois de Decembre
1724.mourut en sa MaisonCanoniale, agé de 78.
ans. Il étoit Auteur d'une Histoire de France , imprimée
d'abord en plusieurs volumes in 12. puis
en dernier lieu en 3. vol. in fol . à laquelle est
joint un ouvrage intitulé Mours des François ,
dont il y a aussi une Edition in 12. morceau estimé.
On a encore de lui une Histoire du Cardinal
d'Amboise , 3. vol . in 12. et 1. vol . in 4º. On a
de plus de lui , une Vie Latine de François de
Harlay , Archêveque de Paris , son Bienfaicteur ,
le tout écrit d'un bon Stile .
>
Jean Baptiste du Moustier , Clerc du Diocèse
de Bayeux, Abbé Commandataire de l'Abbaie de
la Victoire , O.S A Diocèse de Senlis , depuis
le 8. Janvier 172 1. et auparavant de celle de Saint
Sauveur de Blaye , O. S. B. Diocèse de Bourdeaux
depuis le 6 Novembre 1717. aussi Prieur
d'Huriel , Aumônier du Duc de Bourbon , et
Secretaire de ses commandemens ; et ci-devant
Instituteur de la jeunesse de ce Prince , mourut
à l'Hôtel de Condé , le 1, Fevrier , après une longue
maladie.
Le neuf Fevrier Dame Marguerite-Charlote de
la Roche de Fontenilles , Fille de feu François de
la Roche , Marquis de Fontenilles , mort en 1728.
et de Dame Marie- Therese de Mesme , et Epouse
depuis le 16. Avril 1733. de Simon -Joseph de
Raousset , Marquis de Seillon , Conseiller au
Parlement de Provence , mourut en couches ,
agée d'environ 33. ans.
D. marie Anne le Bault de Langy , Fille ainée
de Gilbert - François le Bault , Chevalier Seigneur
de Langy en Nivernois , et de D. Anne-Radegonde
FEVRIER. 1734. 401
gonde Charpentier de Crecy , mourut en la ville
de Saint Saulge en la même Province , le 10. Fevrier
, agée d'environ 30. ans. La famille de le
Bault de Langy , ancienne Noblesse de Nivernois,
porte de gueules au chevron d'or , accompagné
de trois Merlettes de sable.
M. Pierre-Maurice Boulard , Ecuyer , Chevalier
, Commandeur , Secretaire General , et Greffier
de l'Ordre Royale Militaire et Hospitalier
de Notre- Dame de Mont- Carmel et de Saint
Lazare de Jerusalem , et Intendant et Secretairedes
commandemens de S. A.S. Monseigneur le
Prince de Conty , mourut le 18. Janvier 1734.
agé d'environ 62. ans. Il étoit Fils de Pierre
Boulard , qui a été emploié pendant plus de 30.
années en qualité de premier Secretaire des Ambassades
du feu Comte d'Avaux , tant à Venize
au Traité de paix de Nimegue en Holande ,qu'en
Irlande à la suite de Jacques I I. Roi d'Angletaire.
N. Boulard son Fils , a commencé en l'année
1701. à servir le Roy en la même qualité ,
sous le même ministere en Holande , et à continué
à son retour en France , de travailler aux
mêmes affaires jusqu'à la mort du Comte d'Avaux
, arrivée en 1709. Il fut depuis choisi pour
Premier Secretaire de l'Ambassade du feu Marechal
d'Uxelles , Plenipotentiaire aux Conferences
de Gertrudemberg , et ensuite Premier Secretaire
de M. de Mesme , Premier Président du Parlement.
Il a été reçu Chevalier de l'Ordre Militaire
et Hospitalier de Saint Lazare , le 9. Octobre
1716. Commandeur et Secretaire General ,
et Greffier du mêine Ordre , le 15. Juillet 1728,
Le Roi pour recompenser les services du Sieur
Boulard , et de son Pere lui avoit accordé des Lertres
de Noblesse pour lui et sa posterité , par Lettres
402 MERCURE DE FRANCE
tres Patentes du mois de Fevrier 1719. et depuis
La mort de M. de Mesme , Premier President ,
feu S. A. S. Monseigneur le Prince de Conty ,
connoissant la probité , capacité , et le désinteressement
du Sieur Boulard , l'a choisi pour le
mettre à la tête des affaires de sa Maison en qualité
de son Intendant General , et Secretaire de
ses Commandemens , et il a toujours été honnoré
de la confiance de ce Prince , et de celle de
Madame la Princesse, et de Monseigneur le Prince
de Conty leur Fils , qui ont donné des preuves
éclatantes de leur satisfaction . Le merite d'un si
digne sujet , le fait regretter universellement.
René- Charles -Elizabeth de Coëtlogon, Comte
de Loyat , Châtelain de-la Gaudinaye , Sindic General
des Etats de- la Province de Bretagne , mourut
à Paris le 19. Fevrier agé de 60. ans , Il étoit
Neveu de feu Alain- Emanuel de Coëtlogon,Maréchal
et Vice- Amiral de France , Chevalier des
Ordres du Roi , Grand - Croix de l'Ordre Militaire
de Saint Louis &c. mort le 7. May 1730*
à l'age de 83. ans, et il avoit épousé Anne Auvril ,
Fille unique de René Auvril , Seigneur de la
Roche et de Genevieve Menardo, de laquelle il
a laissé Louis de Coëtlogon , Lieutenant dans le
Regiment du Roi , puis reçu Cornette dans la scconde
Compagnie des Mousquetaires le 30. May
1731. Emanuel- Louis de Coëtlogon , Capitaine
de Dragons dans le Regiment , Mestre de Camp
General ; Emanuel Marie , Chevalier de Coërlogon
, Lieutenant de Vaisseaux ; et René- Anne
Elizabeth de Coetlogon , Abbé Commandataire
de l'Abbaie de Saint Memin près de Châlons sur
Marne , depuis le mois d'Octobre 1729. La Genealogie
de la Maison de Coëtlogon , du Dio
cèse de Saint Brieuc , en basse Bretagne , est raportée
FEVRIER 1734. 403
portée dans la nouvelle Edition des Grands Offi
ciers de la Couronne , article des Maréchaux de
France tome 7. page 717. où elle est remontée
jusqu'à la fin du 12. Siecle. Ses Armes sont de
Gueules à trois Ecussons d'Hermines passées.
2. et I.
On mande de Bourgogne , que le nommé
Jean Coquelay , du village de Presle , Bailliage
d'Avallon , Intendance de Dijon , étoit mort depuis
peu , agé de 106 ans ; étant né le 15. Septembre
1627. Il avoit conservé son bon sens jusqu'à
sa mort ; il marchoit encore très - bien deux
jours auparavant , et il ne se souvenoit pas d'avoir
jamais été malade ; il a vû sa cinquième
Generation , dont il subsiste encore plusieurs
Enfans.
Il y a dans ce village , et aux environs , des
Habitans qui ont plus de 90. ans , qui travaillent
journellement . Ce n'est pas seulement parmi les
villagois , mais il y a aussi plusieurs Gentils- Hommes
dans ces Cantons , qui sont de même age
et qui vont tous les jours à la Chasse , soit
pied ou à cheval : l'Air y est extrémement pur ,
et il n'y a presque jamais de malades.
Le 25. Fevrier 1734. a été baptisée à S.Sulpice
Marie-Celse-Antoinette , née le jour précedent
fille de Jean - Baptiste - François de Cugnac , appellé
le Marquis de Dampierre , Baron d'Huisseau
, Mestre de Camp de Cavalerie , cy-devant
Cornette des Chevaux Legers de Berry , et de
D. Françoise- Charlotte de Langhac , qui ont
été mariez le 7 Juillet 1732. elle a été tenuë
sur les Fonts par Mrs Michel Celse Roger de
Rabutin , Comte de Bussy , Evêque de Luçon,
l'un des 40 de l'Académie Françoise son parent
paternel
404 MERCURE DE FRANCE
paternel et maternel , et par D. Marie-Magdelaine
-Henriette de Lagny son ayeule paternelle,
veuve depuis 1724. de François de Cugnac ,
Marquis de Dampierre , Baron d'Huisseau ,
d'Hautevenne , & c .
Le 13 Janvier a été célebré dans la Chapelle
de l'Hôtel de Pontchartrain le Mariage de
Louis -Charles de Gouffier , Marquis d'Heilly,
Ribemont &c. né du vingt - sept Septembre
1698. Mestre de Camp du Régiment de Condé
Cavalerie , par Commission du 24 Novembre
1719. Fils de feu Charles- Antoine de Gouffier
, Marquis d'Heilly , Enseigne des Gendarmes
de la Garde du Roy , Maréchal de Camp
de ses Armées , et Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , mort à l'âge de 33 ans , des
blessures qu'il avoit receues a la Bataille de Ramillies
, le 23 May 1706. et de Dame Catherine-
Angelique d'Albert de Luynes , sa veuve ,
avec Dile Marie- Catherine Phelypeaux , fille
mineure , et unique héritiere de feu François
Phelypeaux , Chevalier Seigneur d'Outreville
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du
Roy , mort le 19 Décembre 1715 , dans la ! 26
année de son âge , et de feue D. Marie - Catherine
Voisin sa femme , fille d'un Conseiller au
Parlement de Rouen , morte âgée de 39 ans
le 2 Février 1717. la Mariée est petite niéce de
feu Louis Phelypeaux de Pontchartrain , Chancelier
de France . La Généalogie de la Maison
de Gouffier , dont il subsiste encore plusieurs
branches est rapportée dans l'Histoire des
Grands Officiers de la Couronne , à l'Art . des
Duchez non Pairies Tom. f . pag. 605 .
+6
Le 26 Janvier , Angelique - François de Renoüard
,
FEVRIER. 1734 405
豎
nouard , Chevalier , Comte de Villayer et d'Auteuil
, Seigneur de Drouges , Couvrau , &c . Maftre
des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel du Roy ,
depuis 1719. et auparavant Conseiller au Parlement
de Paris, où il avoit été reçu en 1716. fils
unique , né posthume de feu Jean - Jacques de
Renouard , Comte de Villayer , Conseiller au
Parlement de Bretagne ; et de deffunte Dame
Michelle-Lucrece Chappel , morte le 22 Janvier
1717. et petit- fils de Jean - Jacques de Renouard
, Comte de Villayer , mort Doïen du
Conseil d'Etat du Roy , et l'un des quarante de
l'Académie Françoise , les Mars 1691. âgé de
86 ans , a été marié avec Dame Angelique- Clau
de de Marescot , Dame de Thoiry , àgée de 29
ans , du 7 du même mois de Janvier , et veuve
depuis le Novembre 1731. d'Adrien Claude de
Baussan , son cousin germain , Ecuyer du Roy ,
dont elle a un fils unique. Elle est fille et seule
heritiére de feu Gilles - Michel de Marescot , Seigneur
de Thoiry , de Morgue , &c. Mestre de
Camp de Cavalerie , Maréchal General des Logis
de la Cavalerie Legere de France , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S Louis , mort le 8
Mars 1714 et de feue Angelique Dappougny , sa
femme , morte le 9 Janvier 1705. Les Armes de
la famille de la Mariée sont de Gueules à trois
faces d'argent à un Lion Léopardé , brochant sur
Le tout , et un Chef de même , chargé d'un Aigle ,
Couronné de sable , et pour Cimier un Léopard ,
surmonté d'un Aigle couronné, qui sont les Armes
des Marescotti de Boulogne en Italie , qui ont
reconnu les Marescot de France pour leurs pa
>
rens. La famille de Renouard - Villayer est de
Bretagne , et porte pour armes , d'Argent à une
Quinte-feuille , percée de Gueules.
OR406
MERCURE DE FRANCE
XX*XXXXXXXX XXXXXXXX*XX
ARRESTS NOTABLES.
RDONNANCE DU ROY , du 15 Février
1734 portant reglement sur les Equipages ,
tant des Officiers generaux et particuliers , que
des Vivandiers qui serviront dans les Armées
de Sa Majesté
SA MAJESTE' étant informée des embarras
que le grand nombre de Chariots , Charrettes et
autres Voitures à rouës , cause dans les marches
d'armées ; et jugeant nécessaire d'y pourvoir , en
reglant les Equipages que pourront avoir les Officiers
generaux et particuliers qui y serviront :
Sa Majesté, en confirmant les Ordonnances rendues
par le feu Roy son bisayeul , les 1 Avril
1703. 25 Février et 1 Avril 1705 , et autres
rendues en conséquence , a ordonné et ordonne
ce qui suit :
ART. I. Il sera permis aux Generaux d'Armées
, d'avoir tel nombre de gros Equipages
qu'ils jugeront à propos . A l'égard des autres
Officiers desdites Armées , chaque Lieutenant
general ne pourra avoir que deux ou trois charettes
ou chariots ; chaque Maréchal de camp ,
une ou deux charettes ou un chariot ; et chaque
Brigadier , Colonel ou Mestre de camp, une
charette seulement.
>
II. Les Lieutenans - Colonels , Capitaines et autres
Officiers subalternes , ne pourront avoir aucun
gros Equipage , soit chariot , charrette
fourgon , surtout , ni aucune autre voiture
roues , telle qu'elle puisse être , à la réserve toutefois
de ceux qui , à cause de leurs infirmitez ,
ne
FEVRIER. 1734. 407
ne pourront supporter la fatigue du chevals
auquel cas S. M. trouve bon que le General leur
permette d'avoir une Chaise roulante. Laquelle
permission leur sera donnée par écrit .
III.Il pourra y avoir par chaque Bataillon une
charette ou un chariot pour un Vivandier , mais
sous condition expresse , que cette voiture sera
attelée de quatre bons chevaux.
IV. Un Régiment de Cavalerie ou de Dra
gons , soit de deux , ou trois Escadrons , pourra
aussi avoir à sa suite un Vivandier avec une
charette ou chariot , pour tout le Regiment ,
lequel Vivandier pourra camper avec lui ; et s'il
s'y trouve d'autres Vivandiers , ils ne pourront
point avoir de voitures à roues , mais seulement
des Chevaux de bast : A l'égard de tous les autres
Vivandiers qui auront des voitures à rouës,
ils seront obligez de camper au quartier du Roy
ou à celui des Officiers generaux de la droite ou
de la gauche , aux endroits qui leur seront marquez
par le Prevôt de l'armée , ou ses Officiers,
en tel nombre que lesdits Vivandiers puissent
être , pourvû que leurs voitures soient attelées
chacune de quatre bons cheaux. Il será en outre
permis à chaque Régiment de Cavalerie ou de
Dragons , et à chaque Regiment d'Infanterie ,
d'avoir un Boulanger avec une charette , attelée
pareillement de quatre bons chevaux.
V. Quand même les Régimens de Cavalerie,
Dragons ou Infanterie , n'auroient pas à leur
suite , de Vivandiers ou Boulangers avec des
charettes , il ne sera pas pour cela permis aux
Colonels , ou autres Officiers desdits Regimens,
d'avoir deux charettes à la place de celles desdits
Boulangers ou Vivandiers. Sa Majesté ne
permettant ces dernieres , que pour le besoin de
la subsistance de chaque Régiment.
VI.
48 MERCURE DE FRANCE
VI. Comme il pourra arriver que beaucoup
d'Officiers generaux auront des Marchands de
Vin à leur suite . Sa Majesté ordonne que lesdits
Marchands de Vin camperont avec les autres, ay
quartier où seront lesdits Officiers generaux,auxquels
Sa Majesté deffend de les faire loger avec
leurs Equipages.
VII. Deffend Sa Majesté très - expressément à
tous Officiers generaux , Colonels , et autres Officiers
de ses Arinées , de prendre et se servir
d'aucun chariot de Paysan , ni d'aucune charette
des vivres. Deffend pareillement aux Directeurs
des vivres, d'en donner aucune à qui que
ce puisse être.
VIII. Deffend pareillement Sa Majesté à qui
que ce soit , de donner une escorte armée à son
Equipage , ni d'y cavoyer aucun Soldat , à peine
d'interdiction contre le Commandant du Corps
dont sera ladite Escorte.
IX. Enjoint très expressément Sa Majesté à
ceux qui commanderont ses Armées en chef, de
tenir ponctuellement la main à l'exécution de ce
qui est cy - dessus explique de ses intentions , et
d'avoir soin de l'informer , sans aucun ménage◄
ment , de ceux qui y contreviendront ; déclarant,
Sa Majesté , qu'elle les fera rester dans une Place
voisine de la Frontiere pendant toute la Campagne
, sans leur permettre de servir à l'armée .
Mande et ordonne Sa Majesté aux Généraux
de sesdites Armées , à ses Lieutenans Generaux ,
Maréchaux de Camp , Intendans et autres Officiers
, soit Généraux ou Particuliers , employez
eu icelles , de s'employer et tenir la main, chacun
en ce qui les concernera, à l'exécution de la Presente.
Fait à Marly , &c.
ORDONFEVRIER
1734 409
ORDONNANCE DU ROY , du même jour,
qui surseoit pendant uois ans l'exécution des
Ordonnances , des 10 Mars 1729 et 25 Août
1733. concernant les Engagemens limitez .
SA MAJESTE' s'étant fait représenter ses
Ordonnances , des 10 Mars 1729 , et 25 Août
1733. par lesquelles Elle auroit , entre autres
choses , ordonné qu'il seroit délivré pendant
P'Hyver de chaque année , trois congez absolus
par Compagnie aux trois Soldats , Cavaliers ou
Dragons engagez pour un temps iimité , qui se
trouveroient par Pancienneté de leurs services ,
les premiers dans le cas de les obtenir. Et considérant
le préjudice que causeroit au bien de son
servide , dans une Guerre aussi vive que celle
qu'Elle se trouve obligée de soutenir , le grand
nombre de vieux Soldats , qu'on seroit tenu renvoyer
, en les remplaçant par des Soldats de recrue
, bien moins propres à soutenir les fatigues
et le service de campagne : Sa Majesté a sursis
et surseoit pendant trois ans , à compter du jour
de la Présente, l'exécution desdites Ordonnances,
des 10 Mars 1729. et 25 Août 1733. et en conséquence
a ordonné et ordonne qu'il ne sera
délivré aucun congé absolu , avant le 15 Février
1737 . à ceux dont les engagemens sont actuellement
expirez , ou qui expireront pendant
lesdites trois années ; l'intention de Sa Majesté
étant qu'à mesure que les temps ausquels ils auroient
été en droit d'obtenir lesdits congez , suivant
la disposition desdites Ordonnances , viendront
à échéoir pendant le cours de ladite surséance
, il leur soit payé à chacun par leur Capitaine
, la somme de 10 liv. pour raison de la prolongation
de leurs services ; et que lorsqu'après
l'expiration des trois ans de surséance , Sa Majesté
410 MERCURE DE FRANCE
jesté aura jugé à propos d'ordonner la délivrance
desdits congez , il ne puisse être rien repeté
du prix de l'enrollement à ceux qui auront outrepassé
de trois ans le temps auquel ils auroient
dû les obtenir.
Mande et ordonne Sa Majesté aux Gouverneurs
et ses Lieutenans Generaux en ses Provinces
et Armées , Intendans , Commissaires dépar
tis en icelles , Gouverneurs et Commandans de
ses Villes ee Places , Directeurs et Inspecteurs Generaux
sur ses Troupes , Colonels d'Infanterie
Mestres-de-Camp de Cavalerie et de Dragons ,
Commissaires ordinaires de ses Guerres,et à tous
autres ses Officiers , de tenir la main , chacun et
ainsi qu'il lui appartiendra , à l'exécution de la
Présente, et de la faire publier et afficher par tout
où besoin sera , à ce qu'aucun n'en ignore. Fait à
Marly, &c.
P
TABLE
Ieces Fugitives. Ode imitée d'Horace , 199
Eloge de Mad. de Bethune d'Orval , Abbesse
, &c .
L'heureux Astrologue , Conte ,
203
209
Lettre touchant l'origine du Proverbe , li Chanteor
, & c ,
Epitre à Mile de Malcrais ,
Lettre sur la circulation de la Séve ,
L'Hyver , Sonnet ,
Lettre sur l'Existence des Points inégaux,
Les . Saisons , Dialogue en Vers ,
Eloge de l'Abbé Le Grand ,
Sur la mort d'un Serin , à Milė , ...
210
219
222
233
234
239
244
250
Refléxions sur la Sagesse ; sçavoir si la Richesse
ou la Pauvreté , &c₂
254
70
Les Fourmis , Idylle ;
269
Médailles Komames , nouvellement découver–
tcs , 232
Le Chesne et l'Ormeau , Fable , 277
Eloge de l'Abbe de Longuerue , 279
Aux Plaiteurs , Rondeau , 284
285
293
Lettre sur ks Pendules à Cadran mobile ,
Enigmes , Logogryphes , & c.
NOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts , 299
Histoire de Languedoc ,
301
Pensées Critiques sur les Mathématiques , 307
Lettre sur un Ouvrage Historique et nouveau ,
Tarif des Marchands , & c.
314
317
Supplement à la Collation des Conciles du P.
Labbe , & c.
Les Dons des Enfans de Latone , & c.
318
322
Nouvelle reception faite à l'Academie Françoise
,
336
Prix de l'Academie de Marseille , Programme ,
348
Lettres sur le Bureu Typographique , et sur l'Education
des Enfans ,
Morts illustres ,
Estampes nouvelles ,
342
346
339
Chanson notée , 350
Spectacles , Tragedie Chinoise
351
Parodie sur la Sarabande d'Issé ,
1366
Comedie à l'Arcenal , Prologue &c. 368
Nouvelles Etrangeres , de Pologne & c. 379
Lettre du Nonce Apostolique au Roi de Pologne,
380
D'Allemagne , Italie et Angleterre , 382
Morts des Pays Etrangers ,
383
Armée d'Italie , Ibid.
Lettre écrite de Cosme , 384
France, Nouvelles de la Cour, de Paris &c. 388
Pain- Beni rendu , &c . Vers ,
Morts , Naissances , Mariages ,
394
359
Arrests Notables , Ordonnances Militaires , 404
Errata de Janvier.
Age 154. ligne 18. ils s'étoient , lisez il
s'étoit
P. 156. 1. 21. Trapana , l. Trapans.
P. 158. 1. 3. plus , ôtez ce mot.
P. 174. l. 17 Pomoncet , l . Pomone .
P. 185. 1. 14 plaisir , l . le plaisir,
P. 187. 1. 3. Piolene , l. Piolen.
P. 194. 1. 1o. laissa , l. laisse .
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge223. 3. ligne visieres , lisez visceres
P. 224. l. 5. être , l. entrer .
P. 225. I. 7. pidicale , l. pedicule .
ibid. 1. 11. deputation , I depuretion.
P. 226.1. 17. chracteriastique, l . caracteristique.
ibid. 1. 19. tacha , I. tache."
P. 227. 1. 24. letricules , l. utricules.
P. 229. l. 18. phytolaus , l. phytolacca.
P. 230. 1. 9. Titrimale ,1. Tithymale.
ibid. 1 16. cavité , l. carité.
P. 232. 1. 7. au , 1. un .
P. 287. 1. 25. Marian
, l . Mairan
.
P. 294. l. 6 . porc ,
P. 325. 1. 8. du ,
3
, l. porte.
1. au
ôtez ce mot. P. 234. l . 8.. peu
P. 363. 1. 23. cetie , l. cet .
P. 365.1.8 d'Heraclide , l, Heraclius.
Ibid. 1. 9. cette , ôtez ce mot.
P. 369. 1.8 présentez , l. présenté.
La Chanson notée doit regarder la page 350.
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
JANVIER. 1734.
RYCOLLIGIT
CIT
SPARGIT
Papillo
A PARIS
GUILLAUME CAVELIEK
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXIV.
Avec Approbation & Privilege du Roy
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARYVILEGE
335483
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUDATIONS
•
DU ROr.
Quis par lagrace de Dieu , Roi de France & de
LNavarre à nos Amez & Feaux Confeillers , les
Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des
Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel , Grand- Confeil
Baillifs , Senéchaux , leurs Lieutenans Civils , & au
tres nos Officiers & Jufticiers qu'il appartiendra. SALUT
: l'applaudiffement que reçoit le MERCURE DE
FRANCE , cy - devant appellé le Mercure Galant ,
Compoſé depuis l'année 1672 , par le fieur de Vifé , &
L
tres Auteurs , nous fait croire que le fieur Dufreni ,
Titulaire du dernier Brevet étant decedé , il ne con
vient pas que le Public foit à l'avenir privé d'un ou
vrage auffi utile qu'agréable , tant à nos fujets qu'aux
étrangers ; c'est dans cette vue que bien informé des
talens , & de la fazeffe du fieur ANTOINE DE LA ROQUE ,
Ecuyer , ancien Gendarme dans la Compagnie des
Gendarmes de nôtre Garde ordinaire , & Chevalier
de notre Ordre Militaire de Saint Louis ; nous l'avons
choifi pour compofer à l'avenir exclufivement à tout
autre ledit Ouvrage , fous le titre de MERCURE DE
FRANCE , & nous lui en avons à cet effet accordé nôtre
Brevet le 17. Octobre dernier , pour l'execution duquel
ledit fieur de la Roque nous a fait fupplier de
fui accorder nos Lettres de Privilege fur ce neceſſaires
:A CES CAUSES , conformément audit Brevet , Nous
lui avons permis & permettons par ces Prefentes de
compofer & donner au Public l'avenir tous les mois .
alui feul exclufivement , ledit Mercure de Fran . e , quàÎ
pourra faire imprimer en tel volume , forme , marge ,
Cara&tere , conjointement , cu feparement , & autant
de fois que bon lui femblera , chaque mois , & de le
faire vendre & débiter par tout nôtre Royaume , & ce
pendant le temps de douze années confecutives ,
compter du jour de la carte des Prefentes ; à condi .
tion neanmoins que haque volume portera fon Appro
bation expreſſe de l'Examinateur , qui aura été com
à
mis
•
9
,
,
mis à cet effet . Faifons défenfes à toutes fortes de
perfonnes , de quelques qualitez & conditions qu'elles
foient , d'en introduire d'impreffions étrangeres dans
aucun lieu de nôtre obéiffance , comme auffi à tous
Libraires , Imprimeurs , Graveurs , & autres , d'im
primer , faire imprimer , graver , vendre , faire vendre,
débiter ni contrefaire ledit Livre, ou planches , en tour
ou en partie , ni d'en faire aucun Extrait , fous quelque
prétexte que ce foit , d'augmentation correc
tions , changement de titre , ou autrement fans la
permiffion expreffe & par écrit de l'Expofant , ou de
ceux qui auront droit de luis le tout à peine de confifcation
des exemplaires contrefaits , de tcoo . livres
d'amende payables fans déport par chacun des contrevenans
, dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-
Dieu de Paris , l'autre tiers à l'Expofant , ou à ceux
qui auront droit de lui , & de tous dépens , dommages
& interefts ; à la charge que ces Prefentes feront
enregistrées tout au long fur le Begiftre de la Com.
munauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , & ce
dans trois mois de la datte d'icelles ; que l'impreflion
de ce Livre fera faite dans nôtre Royaume , & non
ailleurs , en fin papier , & en beau caractere , conformément
aux Reglemens de la Librairie ; & qu'avant
de l'expofer en vente , le manuferit ou imprimé qui
aura fervi de copie à l'impreflion dudit Livre fera
remis dans le même état où les Approbations y auront
été données , ès mains de nôtre très- cher &
Feal Chevalier , Garde des Sceaux de France , le
fieur FLEURIAU D'ARMENON VILLE, Commandeur de nos
ordres , & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplai
res de chacun dans nôtre Bibliotheque publique , un
dans celle de nôtre Château du Louvre , & un dans
celle de notredit très - cher & feal Chevalier ,. Garde
des Sceaux de France ; le tout à peine de nullité des
Prefentes , du contenu defquelles Vous . enjoignons de
faire jouir ledit Expofant , ou fes ayans caufe pleine
ment & paisiblement , fans fouffrir qu'il leur foit fait
aucuns troubles & empêchemens , & à cet effet nous
avons revoqué & revoquons tous autres Privileges
qui pourroient avoir été donneż cy- devant à d'autres
qu'audic Expofant ; Voulons que la copie des Prefentes
qui fera imprimée tout au long au commencement ou
la fin dudit Livre foit tenuë pour duëment fignifiée ,
& qu'aux copies collationnées par l'un de nos Amez
& Feaux Confeiliers . Secretaires , foy foit ajoutée , &c.
A ij
CACATALOGUE
des Mercures de France,
depuis l'année 1721. jusqu'à present.
JA
Uin et Juillet 1721.
Août , Septembre , Octobre , Novembre
2. vol.
et Decembre ,
Janvier et Fevrier 1722.
s . vol.
Mars 1722 •
2. vol.
Avril ,
2. vol.
I. vol.
May,
2. vol.
Juin , Juillet et Août ,
Septembre ,
3. vol.
Octobre ,
2. vol.
Novembre ,
I, vol.
Decembre ,
2. vol.
Année 1723
Année 1724 . les mois de Juin et de Dele
mois de Decembre double , 13 . vol.
I. vol.
cembre doubles ,
Année 1725. les mois de Juin , de Sep-
14. vol.
tembre et Decembre doubles ,
Année 1726. les mois de Juin et de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
Année 1727. les mois de Juin et de De-
14. vol.
cembre doubles ,
Année 1728. les mois de Juin et de De-
14. vol .
cembre doubles ,
Année 1729. les mois de Juin , de Sep-
14. vol.
tembre et Decembre doubles ,
Année 1730. les mois de Juin et de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
Année 173i . les mois d'Avril , de Juin
14. vol.
et de Decembre doubles ,
cembre doubles ,
Année 1732. les mois de Juin et de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
Année 1733. les mois de Juin et de De-
14. vol.
14.
vol. Janvier 1734. 1. vol.
180. vel.
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume , &c.
A Toulouse , chez Henaut et Forest.
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , et chez
Chapui , fils , au Palais , et à la Poste.
Nantes , chez Julien Maillard , et chez du Verger."
Rennes chez Joseph Vatar , Julien Vatar , Guil
laume Jouanet Vatar et la veuve Garnier.
Blois , chez Masson .
Tours , chez Gripon.
Rouen , chez Herault.
Châlons-sur- Marne , chez Seneuze.
Amiens , chez la veuve François et Godard.
Arras , chez C. Duchamp.
Orleans , chez Rouzeaux .
Angers , chez Fourreau et à la Poste.
Chartres , chez Fetil , et chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil , et à la Poste.
Versailles , chez Monnier .
Besançon , chez Briffaut , à la Poste.
Saint Germain , chez Doré .
Lyon , à la Poste.
Reims , chez Disain.
A Vitry - le - François , chez Vitalis .
Beauvais , chez De Saint.
Douay , chez Willerval .
Charleville , chez P. Thesin.
Moulins , chez Faure.
Mâcon , chez De Saint , fils ,
Mets , chez la Veuve Barbier.
Boulogne-sur-Mer , chez Parasol.
Nancy, chez Nicolas.
A iij
C
AVERTISSEMEN T.
Voici Oici le cent quatre - vingtième volume
du Mercure de France , que nous avons
Phonneur de présenter au Roy et d'offrir au
Public , depuis le mois de Juin 1721. que
nous travaillons à cet Ouvrage , sans qu'il
ait souffert aucune interruption. Nous rendons
de nouvelles et très -humbles graces à
nos Lecteurs au commencement de cette Année
, de l'accueil favorable qu'ils continuent
de faire au Mercure. De notre
redoublerons nos soins et notre application
pour que sa lecture soit encore plus utile e
plus agréable.
En remerciant nos Lecteurs du cas qu'ils
daignent faire de ce Livre , nous leur demandons
toujours quelqu'indulgence pour les
Endroits qui leur paroîtront négligez et dons .
la diction ne paroîtra pas assez châtiée. Le
Lecteur judicieux , fera , s'il lui plaît , reflexion
que dans un.Quvrage comme celuicy;
il est très-aisé de manquer , même dans
les choses les plus communes , dont chacune
en particulier est facile mais qui ramassées,
font ensemble une multiplicité si grande.
AVERTISSEMENT.
de , qu'il est mal aisé de donner à toutes
la même attention , quelque soin qu'on
apporte sur tout quand une telle collection
est faite en si peu de temps Auteur du
&
Mercure , chargé du pénible et laborieux
employ de donner chaque mois un volume
au Public , ne peut jamais avoir le temps
de faire sur chaque Article les refléxions
qu'y feroit une Personne qui n'a que cet
Article en tête , le seul auquel elle s'inte
resse , et peut-être le seul qu'elle lit: Une
chose qui paroît un peu injuste , c'est qu'on
nous reproche quelquefois des inattentions
et qu'on ne nous scache aucun gré des cor
rections sans nombre qu'on fait et des fautes
qu'on évite.
Nous faisons de la part du Public de
nouvelles instances aux Libraires qui envoyent
des Livres pour les annoncer dans
le Mercure , d'en marquer le prix au justes
cela sert beaucoup dans les Provinces aux
personnes qui se déterminent là-dessus à les
acheter , et qui ne sont pas sûres de l'exactitude
des Messagers et des autres personnes
qu'elles chargent de leurs commissions
qui souvent les font surpayer.
On invite les Marchands et les Ouvriers
qui ont quelques nouvelles Modes , soit par
des Etoffes nouvelles , Habits , Ajustemens ,
Perruques, Coeffures, Ornemens de tête et au-
A iiij tres
AVERTISSEMENT.
tres Parures , ainsi
que de Meubles , Carosses
, Chaises et autres choses ; soit pour
Futilité , soit pour l'agrément , d'en donner
quelques Memoires pour en avertir le Public
, ce qui pourra faire plaisir à divers
Particuliers et procurer un débit avantageux
aux Marchands et aux Ouvriers.
Plusieurs Pieces en Prose et en Vers
envoyées pour le Mercure , sont souvent si
mal écrites , qu'on ne peut les déchiffrer ,
et elles sont pour cela rejettées ; d'autres
sont bonnes à quelques égards et défectueuses
en d'autres. Lorsqu'elles peuvent en valoir
la peine , nous les retouchons avec soin s
mais comme nous ne prenons ce parti qu'avec
répugnance , nous prions les Auteurs
pas trouver mauvais , et de travailter
leurs Ouvrages avec le plus d'attention
qu'il leur sera possible ; si on sçavoit leur
adresse on leur indiqueroit les défectuositez
et les corrections à faire.
de ne le
Les Sçavans et les Curieux sont priez
de vouloir bien concourir pour rendre ce
Livre encore plus utile , en nous communiquant
les Memoires et les Pieces en Prose
et en Vers , qui peuvent instruire et amuser.
Aucun genre de Litterature n'est exclus
de ce Recueil , où l'on tâche de faire regner
une agréable varieté , Poësie , Eloquence
, nouvelles Découvertes dans les Arts
AVERTISSEMENT.
et dans les Sciences , Morale , Antiquitez ,
Histoire Sacrée et Profane, Voyages , Historiettes
, Mythologie , Physique et Métaphysi
que, Pieces de Theatre , Jurisprudence, Anatomie
et Medecine , Botanique , Critique, Mathématique
, Memoires, Projets, Traductions,
Grammaires , Pieces amusantes et récréatives
, &c. Quand les Morceaux d'une
certaine consideration seront trop longs , on
les placera dans un volume extraordinaire
et on fera ensorte qu'on puisse les en detacher
facilement , pour la satisfaction des
Auteurs et des personnes qui ne veulent avoir
que certaines Pieces.
A l'égard de la Jurisprudence , nous continuerons
, autant que nous le pourrons , de
faire part au Public desQuestions importantes,
nouvelles ou singulieres qui se presenteront,
qui seront discutées et jugées dans les differens
Parlemens et autres Cours Superieures du
Royaume , en observvnt l'ordre et la mé
thode que nous avons déja tenus en pareille
matiere , sur quoi nous prions Messieurs
les Avocats et les Parties interessées , de
vouloir bien nous fournir les Memoires nécessaires.
Il n'est peut-être point d' Article dans
ce Livre qui regarde plus directement le
bien public que celui-là , et qui soit plus recherché
de la plupart des Lecteurs.
Quelques Morceaux de Prose et de Vers
A v
rejettez
AVERTISSEMENT
.
ر
ont souvenz
des
perrejettez
par bonnes raisons
donné lieu à des plaintes de la part
sonnes interessées
; mais on les prie de considerer
que
c'est toujours malgré nous que certaines Pieces sont rebutées ; nous a nous
en rapportons
pas toujours à notre jugement
dans le choix que nous faisons de celles qui
méritent l'impression
.
Quoiqu'on ait toujours la précaution de
faire mettre un Avis à la tête de chaque
Mercure pour avertir qu'on ne recevra point
de Lettres ni de Paquets par la Poste dont
le port ne soit affranchi , il en vient cependant
quelquefois qu'on est obligé de rebuter,
Ceux qui n'auront pas pris cette précaution
ne doivent pas être surpris de ne pas voir
paroître les Pieces qu'ils ont envoyées , lesquelles
sont d'ailleurs pèrdues pour eux s'ils
n'en ont point gardé de copie.
Les Personnes qui desireront avoir le Mercure
des premiers , soit dans les Provinces
on dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à
Commis au
sadresser à M. Moreau >
Mercure , vis-à- vis la Comédie Françoise
, à Paris , qui le leur envoyera par
la voye la plus convenable et avant qu'il
soit en vente icis les Amis à qui on s'adresse
pour cela , ne sont pas ordinairement
fort
exacts ; ils n'envoyent gueres acheter ce Livre
précisément dans le temps qu'il paroît.
IL
AVERTISSEMEN T.
•
Ils ne manquent pas de le lire , souvent ils
Le prêtent et ne l'envoyent enfin que fort
tard , sous le prétexte spécieux que le Mer
sure n'a pas paru plutôt.
Nous renouvellons la priere que nous
avons déja faite , quand on envoye des Pieces
, soit en Vers , soit en Prose , de les faire.
transcrire bien lisiblement chaque morceau.
sur des papiers séparez et d'une grandeur
raisonnable , avec des marges , pour y pla
cer las additions on corrections convenables
et
que les noms propres sur tout soient exactement
écrits.
>
Nous aurons toujours les mêmes égards ·
pour les Auteurs qui ne veulent pas se faire
connoître , mais il seroit bon qu'ils donnassent
une adresse , sur tout quand il s'agit de
quelque Ouvrage qui peut demander des
éclaircissemens car souvent , faute d'un
tel secours des Pieces nous restent entre
,
le: mains sans pouvoir les employer.
Nous prions ceux qui par le moyen de
leurs correspondances reçoivent des nouvelles
d'Asie , d'Afrique , du Levant , de
Perse , de Tartarie , du Japon , de la Chine,
des Indes Orientales et Occidentales et d'antres
Pais et Contrées éloignées ; les Capitaines
, Pilotes et Officiers des Navires et
Les Voyageurs , de vouloir nous faire part
de ces Nouvelles , à l'Adresse generale du
A vj Mercure
AVERTISSEMENT.
Mercure. Ces Matieres peuvent rouler sur
les Guerres présentes de ces Etats et de leurs
Voisins ; les Révolutions , les Traitez de Paix
on de Tréve ; les occupations des Souverains
, la Religion des Peuples , leurs Cerémonies
, Coûtumes et Usages , les Phénomenes
et les productions de la Nature et de
l'Art , & c. comme Pierres précieuses , Pierres
figurées , Marcasites rares , Pétrifications
et Crystallisations extraordinaires , Coquillages
, Edifices anciens et modernes , Ruines ,
Statues , Bas-Reliefs , Inscriptions , Pierres
gravées , Médailles , Tableaux , &c.
Nous serons plus attentifs que jamais à
apprendre au Public la mort des Sçavans
et de tous ceux qui se sont distinguez dans
les Arts et dans les Mécaniques ; on y joindra
le récit de leurs principales occupations ,
de leurs Ouvrages et des plus considerables
actions de leur vie. L'Histoire des Lettres
et des Arts , doit cette marque de reconnoissance
à la memoire de ceux qui s'y sont
rendus celebres , ou qui les ont cultivez avec
soin. Nous esperons que les Parens et les
Amis de ces illustres Morts , aideront volontiers
à leur rendre ce devoir , par les
instruction qu'ils voudront bien nous fournir.
Ce que nous venons de dire regarde
non-seulement Paris , mais encore toutes les
Provinces du Royaume et les Pays Etrangers.
qui
AVERTISSEMENT.
qui peuvent fournir des Evenemens conside
rables, Morts , Mariages , Actes solemnels
Fêtes et autres faits dignes d'être transmis
à la Posterité , en observant d'écrire éxactement
et lisiblement les noms propres .
On a fait au Mercure et même plus d'une
fois l'honneur de le critiquer s c'est une gloire
qui manquoit à ce Livre. On a beau dire
nous ne changerons rien à notre méthode ,
puisque nos Lecteurs la trouvent passablement
bonne. Un Ouvrage de la nature de
celui-cy , ne sçauroit plaire également à tout
le monde , à cause de la multiplicité et de
la varieté des matieres , dont quelques- unes
sont lues par certains Lecteurs avec plaisir
et avidité , et par d'autres avec des dispositions
contraires. M. du Fresni avoit bien
raison de dire que pour que le Mercure fut
generalement approuvé , il faudroit que comme
un autre Prothée , il pût prendre entre
les mains de chaque Lecteur , une forme convenable
à l'idée qu'il s'en est faite:
C'est assez pour ce Livre de contribuer
tous les mois en quelque chose à l'instruction
et à l'amusement des Citoïens , qui vivent
ensemble paisiblement et agréablement. Le
Mercure ne doitrienprétendre au - delà.Nous
sçavons, il est vrai , que la critique outrée ,
ou la médisance plus ou moins malignement
épicée , fut toujours un mets délicieux pour
beaucoup
AVERTISSEMENT.
beaucoup de Lecteurs ; mais outre que nous
n'y avons pas le moindre penchant , nous
renonçons et de très-bon coeur , à la dangereuse
gloire d'être lûs et applaudis aux
dépens de personne.
de la
Nous serons encore plus retenus sur les
Louanges que quelques Lecteurs n'ont pas
généralement approuvées , et en effet nous
nous sommes apperçus que nous y trouvions
peu d'avantage ; au contraire on s'est vù
exposé à des especes de reproches , au lieu
des témoignages de reconnoissance , sur tout
part des gens à Talens ; car souvent
tel qu'on lou: ne doute nullement que ce ne
soit une chose qui lui est absolument dûë ,
plus souvent même il trouve qu'on ne le
lone pas assez , et ceux qu'on ne louë point
ou qu'on loue moins , sont très-indisposez ,
et prétendant qu'on loue les autres à leurs
dépens , ils sont doublement fâchez .
Nous donnons ordinairement des Extraits
des Pieces nouvelles qui paroissent sur les
Théatres de Paris , et nous faisons quelques
Observations d'après le jugement du Public
sur les beautez. et sur les deffauts qu'on y
trouve la crainte de blesser la délicatesse
des Auteurs , nous retient quelquefois et nous
empêche d'aller plus loin ; et la crainte aussi
que voulant être plus sinceres , on ne nous
accuse de partialité. Si les Auteurs euxmêmes
AVERTISSEMENT.
mêmes vouloient bien prendre sur eux de
faire un Extrait ou Memoire de leurs On .
vrages , sans dissimuler les deffauts qu'ony
trouve , cela nous donneroit la hardiesse d'étre
un peu plus. séveres et le Lecteur leur
en sçauroit gré ; ils n'y perdroient rien par
Les remarques , à charge et à décharge , que
nous ne manquerions pas d'ajouter , sans oublier
de faire observer l'extrême difficulté
qu'il y a de plaire aujourd'hui au Public
et le péril que courent tous les Ouvrages
d'esprit , qu'on lui présente. Nous faisons
avec d'autant plus de confiance cette priere
aux Auteurs Dramatiques et à tous autres ,
que certainement Corneille , Quinault , Moliere
, Racine , &c. n'auroient pas rougi d'a
vouer des deffauts dans leurs Pieces.
Nous tâcherons de soutenir le caractere
de modération , de sincerité et d'impartialité,
qu'on nous a déja fait la justice de nous attribuer.
Les Pieces seront toujours placées .
sans préference de rang et sans distinction
pour le mérite et la primauté. Les premieres
reçuës seront toujours les premieres employées,
bors le cas qu'un Ouvrage soit tellement du
temps , qu'il mérite pour cela seulement la
préference.
Les honnêtes gens nous sçavent gré d'avoir
garanti ce Livre depuis près de 13 .
ans que nous y travaillons non-seulement
de
AVERTISSEMENT
.
de toute satyre , mais même de portraits trop
ironiques , trop ressemblans et trop susceptibles
d'applications . On aura toujours la
même délicatesse pour tout ce qui pourra
blesser ou désobliger , mais nous admettrons
très-volontiers les Ouvrages dans lesquels
une plume légere s'égaiera même vivement
contre divers caracteres bien incommodes et
souvent très-dangereux dans la Societé, tels ,
par exemple , que les Nouvellistes outrez
et trop crédules , les ennuyeux , les indifférens
, les grands parleurs , tyrans des Conversations
, les Fanfarons , les Opiniâtres
Disputeurs et Clabandeurs éternels , les Indolens
, les Glorieux , qui vous disent d'un
air important les plus petites choses , les
faux Connoisseurs et ceux qui ne croyent
se connoître à rien , pas même au temps
qu'il fait , les Complaisans et fades Louangeurs
, les Envieux , &c. encore y faut- il
mettre cette clause que le Lecteur n'y puisse
reconnoître une telle personne en particulier,
mais que chacun se puisse reconnoître en
quelque chose dans la peinture generale des
vices et des ridicules de son siecle.
Il nous reste à remercier au nom du Public
, plusieurs Sçavans du premier ordre ,
d'aimables Muses et quantité d'autres personnes
d'un grand mérite , dont les productions
enrichissent le Mercure et le font rechercher.
MERCURE
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
JANVIER . 1734 .
*************************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE.
Pour le commencement de PAnnée.
C
Omme la fleche empennée
Traverse les vastes Cieux ,
Ainsi la derniere année
S'est éclipsée à nos yeux.
Le flambeau qui nous éclaire ,
De retour sur l'Hemisphere
Nous retrace un nouveau cours ;
Et
2 MERCURE DE FRANCE
Et des Parques respectables ,
Les mains encor favorables ,
Nous fileront d'autres jours.
巍Tout change , tout se succede ,
L'Automne chasse l'Eté ,
Et la Balance précede
Le Sagittaire irrité.
Tout se passe , nos seuls vices ,
Nos détours , nos artifices ,
Ignorent le changement.
Dans sa route criminelle ,
L'homme à la vertu rebelle
Marche , helas ! torp constamment.
Quoi donc aveugle , insensible ,
Veut-il toujours prophaner
Les jours que le Ciel paisible ,
Daigne encore lui donner ?
Quel désordre plus funeste
De la clémence Celeste
Ne ressent-il les bienfaits ,.
Que pour mettre avec usure
La detestable mesure ,
A ses indignes fortfaits.
Celui
JANVIER. 1734.
པ
>
Celui chez qui la richesse
Tient lieu du solide honneur
Et qui dans sa donce yvresse ,
Fait consister son bonheur ,
De son seul repos prodigue ,
Sans relâche se fatigue
Dans d'inutiles travaux ,
Cherchant par mille cabales ,
Par cent ruses infernales
A supplanter ses Rivaux .
En vain le sort les moissonne ,
Au sein de la vanité ;
Ces coups n'ont rien dont s'étonne
Sa fausse sécurité ;-
De ces grandeurs passageres ,
Vers les flateuses chimeres ,
On le voit encor courir.
Où l'engage donc son faste ?
Dans ses desseins toujours vaste
Croit-il ne jamais mourir ?
VE
Pense-t'il que ce grand nombre
D'infames adulateurs ,
Que l'attrait d'une vaine ombre
Rendoit ses Adorateurs ;
Que cette splendeur , ce faîte ,
Pourront
MERCURE DE FRANCE
Pourront soustraire sa tête ,
Au ciel qui nous juge tous ?
Non , son séjour sur la Terre ,
Du formidable Tonnerre ,
Ne fait que hâter les coups .
M
L'Air siffle ; le Foudre horrible
Frappe ces ambitieux.
Moment funeste , terrible ,
Qui leur désille les yeux .
Je vois ces sombres tenebres ,
Des Grands , compagnes funebres ,
Fuir devant la Verité ,
Qui montre , non plus ses charmes ,
Mais les redoutables Armes ,
Du Ciel contre eux irrité.
Où sont de leurs coeurs perfides
Les tumultueux projets ?
Consternez , pâles , timides ,
Ils condamnent leurs forfaits.
L'éclat pompeux de leur vie
Leur paroît une folie ;
Mais , ô regrets superflus !
Semblable à l'eau fugitive .
Qui s'éloigne de la Rive ,
Le passé ne revient plus.
Ils
JANVIER 1734
3
Ils vécurent ces grands hommes.
Puissions- nous en profiter :
Ce qu'ils furent , nous le sommes
Et n'allons point nous flatter,
Frappez de leurs destinées ,
Ne comptons de nos années ,
Les jours que par nos bienfaits ,
Et que l'Astre de lumiere ,
Recommençant sa carriere ,
Nous retrouve plus parfaits,
De Genouilly en Berry.
***************
MEDAILLES de l'Empereur Gratien
surlesquelles il estnommé AVGG AVG.
Out le monde sçait les differentes
Texplications que les Antiquaires
ont données aux Médailles de Gratien
qui ont pour Legende du côté de la tête
D. N GRATIANVS AVGG AVG. aussi sans
vouloir les repeter ici , je me contenterai
de dire que ceux qui ont expliqué les
Lettres AVGG AVG. qui su vent le nom du
Prince , par AVGVSTORVM AVGVSTVS.
me paroissent avoir donné dans la verible
leçon .
En effet cette explication se presente
d'elle- même la premiere à l'esprit , par
la
MERCURE DE FRANCE
la conformité qu'elle a avec l'usage constant
des Antiquaires , qui ont toujours
rendu l'AVGG des monumens anciens par
le plurier du mot AVGVSTVS . quand les
deux GG sont suivis , ainsi qu'ils le sont
dans les Médailles de Gratien ; car ceux
qui les ont crû separez se sont trompeż,
et ont pris pour des points certaines petites
queües , ou cedilles attachées à ces G
en cette maniere Ç . c'est ainsi du moins
qu'ils sont formez sur la Médaille de
Gratien que j'ai parmi les miennes .
1
Ces & à queue, pour le dire en passant,
ne sont pas rares sur les Monumens anciens
, on les y rencontre dans tous les
temps. J'ai une Médaille d'argent d'Auguste
, avec le Capricorne au revers où
le & du mot AVGVSTVS qui en fait la Légende
est de cette façon ; et l'on en voit
un pareil sur un poids du temps d'Honorius
qui étoit à M. Foucault , * enfin
ils sont ordinaires sur les Monnoyes Gottiques
, si l'on s'en rapporte à l'Alphabet
que Bouteroüe nous a donné dans ses
Recherches curieuses des Monnoyes de France.
Mais en approuvant qu'on lise sur la
Médaille de Gratien , Augustorum Augustus
, je ne sçaurois être du sentiment de
L'Antiquité du P. Montfaucon. Planche XIV.
du Tome III.
ceux
JANVIER 1734. 7
ceux qui expliquent ces termes par Augus
te qui domine sur d'autres Augustes , cela par
rapport à Valentinien le jeune et à
Théodose , dont Gratien avoit genereusement
consenti à recevoir le premier
pour Collegue et s'étoit associé le second.
Ce n'est pas qu'on ne rencontre assez
souvent des dénominations semblables.
prises dans le sens qu'on donne à celle
que j'examine ici ; et sans en chercher des
preuves ailleurs que dans les Médailles ,
quelques Rois des Parthes , d'Armenie
et du Bosphore sont appellez sur leurs
Médailles , Rois des Rois . BAZIA ENE
و
ΒΑΣΙΛΕΩΝ . ΑΡΣΑΚΟΥ . ΤΙΓΡΑΝΟΥΣ ,
APNAKOY . Mais ces titres fastueux , en
longtems avant eux et qui subsistent enusage
core aujourd'hui parmi les Rois de
l'Orient, ne conviennent gueres à un Prince
sage et modeste , tel
l'Histoire
que
nous represente Gratien ; aussi de toutes
les Explications de la Médaille de ce
Prince , celle - ci a été la moins suivie.
Je ne sçai si je me trompe , mais il
me semble que pour donner un sens convenable
à Augustorum Augustus , il ne
faut que sous-entendre le mot de Filius
ce qui voudra dire alors que Gratien Auguste
lui-même est fils de Peres Augustes.Les
noms de Parenté et d'alliance , comme
chacun
MERCURE DE FRANCE
chacun çait , sont assez souvent negli
gez sur les Médailles . Témoins ces exemples
ΚΑΙΣΑΡ . ΣΕΒΑΣΤΟΣ ΣΕΒΑΣΤΟΥ.
·
DOMITIA . AVGVSTA . IMP. DOMIT. CLEOPATRAE,
REGINAE REGVM FILIORVM REGVM.
où les noms de Fils, de Femme et de Mere
sont sous -entendus.
Ceci posé , il s'agit d'examiner ce qui
peut avoir engagé Gratien à prendre un
titre pareil. Ce Prince étoit fils d'un
Empereur , mais d'une famille nouvelle.
Son Grand- pere étoit un Soldat de fortune
qui s'étoit élevé par son mérite jusqu'à
commander les Armées d'Angleterre
, et avoit par ses emplois applani
à Valentinien son fils le chemin de l'Empire
, où il parvint après la mort de
Jovien. Quelque brillante que soit la
pourpre,Gratien en épousant Constantia ,
fille posthume de l'Empereur Constantius,
et la derniere de la maison de Constantin
sembloit encore en rehausser
l'éclat. La famille des Flaves étoit alors
ce qu'avoient été autrefois celles des Cesars
et des Antonins ; aimée , respectée ,
adorée même , le nom en étoit précieux,
aussi le premier soin de Jovien après
avoir été revêtu de la pourpre , fut de se
donner le nom de Flavius , pour persuader
en quelque maniere qu'il étoit de
?
cette
JANVIER 1734.
cette famille , à laquelle cependant il étoit
étranger ; son exemple fut suivi par Valentinien
son successeur ; et Gratien , રે
leur exemple , se trouve avec le même
nom dans quelques Inscriptions qu'on
peut voir dans les Mélanges de Spon . Les
Empereurs suivans encherirent encore
sur cet usage , en ajoutant à leur nom
celui de Constantin . D. N. HERACLIO.
CONST.
Gratien par son mariage justifioit le
nom de Flavius qu'il avoit pris ; il lui
devenoit propre ; et son alliance l'attachant
à tout ce que Rome reconnoissoit
alors de plus grand , il étoit naturel de
publier ces avantages. Pouvoit- il donc le
faire d'une maniere plus noble, plus juste,
er en même temps plus convenable au
Monument que nous examinons , qu'en
s'appellant par une espece d'antonomase
Fils des Augustes. Cette façon indeterminée
de s'exprimer avoit encore cela de
propre , qu'elle sembloit égaler la famille
de Gratien à celle de Constantin , et en
confondre , pour ainsi dire , la Noblesse
AVGG. AVG .
C'est donc à ce Mariage de Gratien
avec Constantia qu'il faut fixer l'époque
de la Médaille , l'an 375. de J. C. immédiatement
après la mort de Valentinien
B avant
MERCURE DE FRANCE.
avant que Gratien eut consenti à parta
ger l'Empire avec son Frere , et long
temps avant qu'il songeât à Théodose .
Dans cette Hypothese , il est aisé de
donner l'explication des revers qu'on
trouve aux Medailles de Gratien où il est
appellé AVGG. AVG. Ce Prince , quoique
déja Auguste , commence un nouveau
Regne à la mort de son Pere ; ce nouveau
Kegne reçoit un éclat considerable par
l'alliance que l'Empereur vient de contracter
, GLORIA. NOVI . SAECVLI . la gloire
en rejaillit sur les peuples , charmez de
voir , pour ainsi dire , renaître la famille
de Constantin, et les commander GLORIA
ROMANORVM. Rien n'assure davantage la
tranquillité des Etats , que les Enfans qui
naissent à ceux qui les gouvernent ; on
en espere de la nouvelle Imperatrice
SECVRITAS REIPVBLICAE. Enfin la Ville
de Rome comme la Capitale de l'Empire,
congratule son Empereur sur cet évenement
, VRBS ROMA.
On me demandera peut -être pourquoi
Gratien ne s'appella pas toujours Augustorum
Augustus , je réponds que ce titre
une fois connu devenoit inutile dans la
suite. Outre que Gratien ayant peu de
temps après consenti à recevoir pour
Collégué son jeune Frere , il ne devoit
plus
JANVIER . 1734. 17
plus y avoir de différence dans les titres
de ces deux Augustes , qui devant être
égaux , ne pouvoient en prendre aucun
de distingué, quelque légitime qu'il fut,
qui ne devint en quelque façon injurieux
à l'autre.
A Orleans , ce 30.
Avril 1733 .
D. P.
D
ARMIDE ,
CANTATE.
Ans les Jardins fleuris des Isles enchantées ,
Armide et son Amant couloient des jours heureux
,
De nul espoir cruel leurs ames tourmentées
Se livroient tendrement aux plaisirs amoureux
.
Dans les bras du repos , au sein de la molesse
Ils goutoient les douceurs de cette aimable
yvresse ;
Que ressentent des coeurs par l'amour animez ;
Leurs yeux étoient baignez de ces heureuses
larmes ,
Que toujours font couler les désirs enflammez ;
L'un de l'autre charmez , ils vivoient sans allarmes,
Bij Er
12 MERCURE DE FRANCE
Et sentoient ces transports, ces doux saisissemens,
Qui font tous les plaisirs des plus tendres
Amans .
L'Amour ne va point sans les charmes
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Que sert contre ce Dieu terrible
D'armer une vaine rigueur ?
Par tout le titre d'invincible ,
Suit ce redoutable vainqueur,
;
L'Amour ne va point sans les charmes ,
Quand il unit deux jeunes coeurs ;
Lorsque nous lui rendons les armes ,
Il nous prodigue ses faveurs.
Dans cet agréable séjour ,
Des plus vives couleurs la terre est émaillée s
La Reine du Printemps , décemment habillée ,
Y tient sa florissante Cour.
Les Zéphirs réunis sur ce charmant rivage ,
D'un fouffle bienfaisant agitent le feuillage ;
Des Ruisseaux argentez arrosent ces beaux
lieux ;
Instruits par la seule nature
Mille
JANVIER. 1734 13
Mille Oyseaux de leur chants font retentir les
Cieux ;
Des Nymphes de riche Parure ,
Foulent d'un pied léger les verdoyans gazons ;
Et les Ris , et les Jeux, les Plaisirs , et les Graces,
Du Prince de Cythere accompagnant les traces ;
Récitent ces douces Chansons.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ;
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convie ;
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Comme un Zéphir la jeunesse s'envole ,
Nos plus beaux jours passent rapidement ;
Les ris fayans comme une ombre frivole
Se font , hélas ! regretter vainement.
Heureux Amans , profitez de la vie ,
Goutez en paix sa tranquile douceur ,
Chérissez-vous ; l'Amour vous y convic ,
Rien ne sçauroit troubler votre bonheur.
Si-tôt que le Soleil eut dissipé les ombres ,
Armide descendit dans les Royaumes sombres ;
Pour exercer ses noirs enchantemens ;
Aux regards du Héros plongé dans la molesse ,
La gloire fait briller ses nobles agrémens ,
Il la voit , et cedant à ses puissans appas ,
B
Π
14 MERCURE DE FRANCE
Il s'éloigne soudain de cette Isle fatale ,
Et rapellant sa valeur sans égale ,
Pour signaler ses coups , il cherche les combats.
Déja la victoire
Vole sur ses pas ;
Guidé par la Gloire ,
Tout cede à son Bras.
L'horreur , le Carnage ,
Suivent ce vainqueur ;
Et par tout sa rage,
Répand la terreur .
Parmi les allarmes ,
Pallas le conduit ;
Jettant bas les armes
L'Ennemi s'enfuit.
Armide cependant revient dans son Boccage ;
Mais bien-tôt la pâleur couvre son beau visage,
Quand elle n'y voit plus son perfide Héros ,
Pleurant sa funeste disgrace ,
Elle gémit , elle menace ,
Et croit le rappeller par ses tristes sanglots,
Inutiles fureurs ! Amante inalheureuse !
Tes plaintes , tes soupirs ne pourront ramener
Celui qui , dédaignant ta beauté généreuse ,
Après tant de bienfaits a pu t'abandonner.
Um
JANVIER. 1734.
Un coeur épris de la gloire ,
D'amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire ,
Ont pour lui bien plus d'attraits.
Venus offre en vain ses charmes
Aux magnanimes Guerriers ,
Quand le puissant Dieu des Armes ,
Les couronne de Lauriers .
Un coeur épris de la gloire ,
D'Amour méprise les traits ;
Les Combats et la Victoire
Ont pour lui bien plus d'attraits.
AUBRY DE TRUNGY.
DEFFENSE de la Géométrie de l'Infini ,
contre les Objections de M. le Gendre de
Saint Aubin.
C
E n'est pas d'aujourd'hui qu'on attaque
la Géométrie ; et l'on ne doit
pas croire que ce soit l'Infini qu'elle a
tout-à-fait embrassé dans ces derniers
siécles , qui l'ait rendue l'objet de ces attaques.
Les définitions mêmes d'Euclide
ont trouvé des contradictions dans les
siécles les plus reculez. Les Sceptiques ,
B iiij pour
16 MERCURE DE FRANCE
pour le moins , se sont joüez de l'évidence
, comme ils se jouoient de la clarté
même du jour.
On peut dire cependant que le gros du
public , sçavant , et même ignorant , a
toujours regardé la Géométrie comme
une science respectable sur la certitude ,
et sur la verités et loin qu'en dernier lieu
ce Public se soit défié de l'Infini qu'on
introduisoit dans cette science ; l'admiration
s'est jointe au respect , malgré la prorestation
des Geometres mêmes , peu
que
instruits , ont cru devoir faire contre
cette prétendue innovation.
Il faut l'avouer aussi : La Géométrie de
l'Infini , par là même qu'elle manie l'Infini
, est pleine , comme ledit fort bien
M. le Gendre , de conclusions vastes , de
veritez hardies , et paradoxes , de points
de vûë extrémement difficiles et escarpez
, qui paroissent même sortir du Géométrique
, et embrasser les sciences les
plus éloignées ; mais ce sçavant Auteur
a tort de vouloir retrouver icy les contradictions
qu'il a fort bien relevées dans
la plupart des Opinions Philosophiques
dont il a fait la matiere de l'Ouvrage
, qui porte ce titre De l'Opinion. Et
quand même il trouveroit quelques conclusions
hazardées , et plus Philosophiques
JANVIER : 1734. 17
ques que Mathématiques dans les Ouvrages
des Géometres modernes , comme
on en a trouvé , sans doute , dans les anciens
, il ne seroit jamais assez autorisé
par là à proscrire toute la Géometrie , ni
même toute la Géométrie moderne , comme
il le fait trop universellement dans
sa réponse du Mercure de Novembre.
Je dis toute la Géometrie en général s
car il est vrai que M.le Gendre sappe tout
en sappant cette premiere notion d'Euclide
, que le point est ce qui n'a point de
parties ; la ligne , ce qui n'a point de largeur
, &c. Notion qui ne semble rien ,
mais qui est pourtant
le fondement
unique
sur lequel toute la précision
, nonseulement
de la Géométrie
transcendante
,
mais de toute sorte de Géométrie
, est absolument
établie.
-
Car rien n'est plus lié , plus systématique
que la Géométrie , et la Transcendante
s'enchaine tres immédiatement
avec la plus simple, et en particulier avec
ces premieres Notions ; ce qui est si vrai
qu'on a remarqué que les plus hautes
spéculations de la nouvelle Géométrie
étoient communément établies sur les
propositions les plus simples des Elemens
d'Euclide ; témoin , par exemple , cette
admirable méthode de la transformation
Bv des
18 MERCURE DE FRANCE
des courbes qui dérive immédiatement
de l'égalité des Rectangles , qui ont leurs
côtez réciproquement proportionnels , et
bien d'autres pareilles dont on voit les
exemples chez les Géometres Anglois , et
en particulier , chez le célébre Neuton.
Une preuve encore de ce que je dis,
c'est qu'il est tres- singulier que tous ceux
qui , de même que M. le Gendre , ont attaqué
la Géométrie de l'Infini , ont tous
attaqué les Notions d'Euclide , sur le
point, la ligne, la surface ; comme si l'on
ne pouvoit secoüer le Faîte de l'Edifice
sans en ébranler les fondemens ; telle est
la correspondance et la liaison systématique
de cette admirable science.
Deux sortes de Sçavans parlent de Surfaces
, de Lignes , de Points ; les Philosophes
et les Géométres. Les Premiers
disputent s'il y a des Points et des Lignes.
proprement dites dans la nature ; et leur
dispute ayant mille et mille fois recommencé
, n'a pas encore fini une fois ;
les Géometres n'en disent qu'un mot , en
commençant ; et ce mot est celui d'Euclide
; le Point n'a aucune partie ; la Ligne
n'a point de largeur; la Surface,point
de profondeur ; cela une fois dit, ils vont
en avant , parce qu'ils sont tous d'accord
.
Et
JANVIER. 1734. 19
Et où vont - ils ? A un systême de véritez
merveilleuses qui se réalisent dans
la pratique de tous les Arts ; à mesurer la
Terre et les Cieux ; à prédire , à point
nommé , les Eclipses , à débrouiller, la
Chronologie et l'Histoire, à regler le Calandrier
, à naviger aux extrémitez des
Mers , à arpenter , à toiser , à fortifier
des Villes , à faire des Horloges , des Lunettes
, des Microscopes , des Machines
de toutes les sortes.
Et ce n'est pas là encore llee plus haut
point où ils arrivent : La Géométrie de
Î'Infini , au jugement de l'esprit , est encore
plus sublime et plus merveilleuse
que tout cela; mais pendant que les Géometres
s'élevent ainsi , les Philosophes
sont encore à disputer s'il y a des Points,
des Lignes et des Surfaces , et à chicaner
Euclide , la Géométrie et les Géomêtres.
Je demande de quel côté on oroit que se
trouve la verité , la réalité , ou la simple
abstraction de l'entendement , pour ne pas
dire l'illusion de l'esprit et la pure chimere.
Et voilà tout ce que j'avois à répondre
au Sçavant Aggresseur de la Géométrie
et des Géometres , auquel on peut
assurer que la Géométrie transcendante
seule offre autant de véritez incontestables
à recueillir pour l'honneur du genre humain
B vj
20 MERCURE DE FRANCE
main qu'il a pû recueillir d'opinions erronées
, pour constater les égaremens de
la Philosophie : ce seroit un second Ouvrage
digne de M. Saint-Aubin.
LE MANTEAU BLEU
De M. Ferré de Fougères , Brigadier dans
les Fermes Générales , au Croisic.
ETRENNES.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne , aux
Auteurs qui l'ont célébrée dans
leurs Ouvrages.
A
EP ITR E.
Utturs , dont le témoignage
Qui vole en cent lieux divers
Honore mes foibles Vers
De plus d'un brillant suffrage ,
Parlâtes vous franchement 3
Où fut-ce la politesse ,
Qui déduisit seulement
La fleurette enchanteresse' ,
Sur le ton du compliment e
Je ne suis point assez dupe ,
Pour tout croire bonnement ;
C'estde tout temps qu'à la jupe¿
Le
JANVIER . 1734. 23
Le Chapeau souple et matois ,
A fait un accueil courtois.
Un homme fut- il plus sage ,
Que Socrate , docte Grec ,
Que cet autre personnage , ( « )
Qui préferoit au potage ,
1
D'un Roy , dont au seul aspect , ( b )
L'Univers fut sans langage , ( c )
De l'eau claire et du pain sec .
Que David , son fils avec ,
Au beau sexe il est d'usage ,
Qu'il fasse Salamalec ,
Fut-il plus fort de corsage ,
Que Samson qui par respect ,
Pour un aimable visage
Laissa couper son plumage ,
Dont il reçut rudè échec ,
Puis son robuste courage , ( d )
Croissant sous son caudebec ,
Fit s'écrouler dans la cave ,
Sur gens assemblés illec ,
Le Lambris et l'Architrave ,
Tandis que dans leur Conclave ,
( a ) Diogéne.
(b ) Alexandre.
(c)Siluit terra in conspectu ejus . Machab.1.3 .
(d ) Jamque capilli ejus renasci caperent Judic.
eap. 16.
Bil
22 MERCURE DE FRANCE
Buvant au Fils de Lamech , ( » )
Ces gros nez de Béterave
Faisoient couler par leur bec ,
Vin meilleur que vin de Grave.
Oui , fut- il encor plus grave ,
Que deffunt Melchisedech ,
Plus orgueilleux et plus brave ,
Que n'étoit Abimelech ,
Dont en l'Antique Légende
Vous avez lû le Méchef;
Autrement qu'il appréhende ,
Que tout ainsi qu'à ce chef,
L'éclat d'une Meule grande , (b )
Ne lui tombe sur le chef.
Quant à moi , bien -fort je doute
De votre sincérité ,
Vos Vers sont comme un pâté
Que dore une belle Croute.
N'importe, je vous sçais gré
D'un badinage madré..
J'en rends graces à vos veines,
Et
vous donne pour Etrennes ,
Le Manteau bleu de Ferré ,
Que ma Muse folichonne
( a ) Noé fils de Lamech.
·
( b ) Et ecce una mulier fragmen mola desuper
jaciens illisit capiti Abimelech et confregit cerebrum
jus. Judic. ch. 9. V. Sza
Qui
JANVIER 1734. 23
Qui sur plus d'un ton fredonne ,
.
A plaisamment célébré .
Recevez- vous avec joïe ,
Le don que je vous envoïc ?
Nous voilà , me direz- vous ,
Payez en belle monnoye ;
J'en conviens , mais entre- nous
Vous sçavez que vos loüanges ,
Leurs sons fussent -ils plus doux ,
Que les doux concerts des Anges ,
Ne sont point argent comptant ;
Tant en ce siécle pesant ,
Les sentimens sont étranges.
Au surplus , de ce Manteau ,
Dont la forme est singuliere
Le fameux propriétaire ,
Le trouve cent fois plus beau ,
Que s'il étoit d'écarlate ;
D'or et d'argent tout chargé ;
Et croit qu'en Astre changé ,
Un jour , sans citer la date ,
Il reluira dans les Cieux ;
"
>
Non loin du moins il s'en flate );
(
Du Bavolet gracieux ,
De la Servante à Pilate ;
Astre un beau soir apperçu ,
Par un Sçavant d'Angleterre , *
*Voyez les Dissertations sur ce sujet , avec la
Don
24 MERCURE DE FRANCE:
Dont les
yeux ,
aidez du verre >
Ont tout le ciel parcouru ;
Mais que de l'Observatoire
,
Qui rend hommage à sa gloire ,
Aucun des Argus n'a vû.
EPITRE .
A M. Ferré , Brigadier , sur son Mantean
; par Mile de Malcrais de la Vigne.
B Rigadier non d'armée , ains d'un corps
Maitote ,
Malheureux Commandant , fragile Brigadier ,
Qu'un Directeur qu'il faut à genoux supplier
Et qui sur un bibus chipote ,
Eléve , abaisse , remet ,
ôte ,
Change et fait voler à son gré ,
Comme une légére balote ,
Que j'en veux au Destin , contre toi conjuré ,
Qui t'a par malice acoutré ,
D'une maniere si falote !
Tu méritois au moins d'être Auditeur de Rote.
de
Mais qu'y faire il faut vivre , et l'ame est bien
capote ,
Quand le corps n'est point restauré,
Traduction Françoise , qui a été imprimée à Ox
fort , 1733 chez Vvanecipsen , Libraire de l'Uni
versité , et la Planche gravée , fol. 132.
EI
JANVIER .
25 1734.
Et qu'il ne trouve à la Gargote ,
Ni pain, ni boeuf , ni gélinote ,
Ni Vin , ni Cidre , ni Poiré ,
Ni Choux , ni Rave , ni Carotte ,
Ni même la moindre Echalotte ;
C'est alors qu'un teint empourpre ,
Devient sec , pâle , ou sulphuré ,
Qu'en hyver sans cesse on grélote ,
Quand un habit tout délabré ,
Vaguement sur l'échine flote.
Loyal Garçon , pauvre Ferré ,
Si de la probité qui par tout t'accompagne ,
Les humains respectoient les droits ,
Tu choisirois sur les emplois ,
Dont nos riches Traitans disposent en Bretagne,
Certes , s'il dépendoit de moi ,
Je t'en donnerois un au païs de Cocagne.
Je considére et prise en toi ;
Cet esprit qui ne doit qu'à la seule nature
Les graces dont il est doté ,
Sans que l'étude ait ajoûté
Le moindre fard à sa parure.
Ton discours n'est point affecté ,
Il coule avec facilité ,
Amusant , badin , pathétique ,
Le véritable sel attique
S'y mêle avec aménité.
Tu sçais faire un conte à merveille ,
Ов
26 MERCURE DE FRANCE .
On croit voir tout ce que tu dis.
Il faut assurément que les jeux et les ris ,
Te parlent sans cesse à l'oreille ,
Aussi pour ton gentil esprit ,
Et non pour ton emploi petit ,
Tu vois la bonne compagnie ,
D'où par tes mots joyeux,la tristesse est bannie.
Que tu badines finement !
Que tu peins agréablement !
Mais voyons si ma Poësie
Sçaura peindre à son tour cet antique Manteau ,
Dont tu t'es par un tour nouveau ,
Attiré la galanterie ,
Un Railleur , s'il a bon cerveau
Doit entendre la raillerie ,
›
Approche , tire le Rideau ,
Regarde , voici le Tableau.
Ton Manteau jadis bleu , ne craint plus la vergette
.
Ses vieux ans qui l'ont annobli ,
Comme une Glace l'on poli.
Les subtils vermisseaux y trouvant leur cachette,
Broderent à points de chainette
Le drap et d'une et d'autre part.
L'adroite mitte encore y dessine avec art
Mainte délicate vignette.
FloJANVIER
. 1734. 、27
Flottant , garni de fleurs , sombrement azuré ,
L'ail s'y trompe , et le prend pour un satin
gaufré.
Ce Manteau dont ici tout le monde caquette
Suivant ce qu'un grand Clerc de ces cantons en
dit ,
Docteur mur et profond , Antiquaire en crédit ,
Fut le Manteau Royal de la Reine Gillette .
D'autres prétendent qu'il couvrit
Saint Antoine l'Anachotette ;
D'autres qu'il servit au Prophete
Qui sur un Char brulant fut en corps, en esprit ,
Porté du séjour de la Terre
Jusqu'aux lieux d'où part le Tonnerre.
De ce Manteau dont gens de poids
Ont à l'envi cherché l'origine secrette ,
Chacun jase , raisonne à sa guise . Or je crois ,
Que cette houpelande est faite .
De la grande moitié du Manteau qu'autrefois ,
Doué de charité parfaite ,
Monseigneur Saint Martin jetta sur le Sournois,
Le Truant déguisé qu'il trouva sans jacquette ,
Grelotant , soufflant dans ses doigts ,
Et qui cachoit un fin matois
Sous la mine la plus doucette .
Mais ce qui rend encore à tes yeux ce Manteau
Incomparablement plus beau ,
C'est que sans débourser , tu sçus en faire em-
· plette :
Enfin
28 MERCURE DE FRANCE
Enfin c'est un présent d'ami ,
Qui n'est point , comme on voit , libéral à demi.
Ce Manteau te sert de lorgnette ,
Par les trous dont il est rempli
De couverture à la couchette
A la Fenêtre de chassis ,
Housse sur ton Cheval , sur la table tapis ,
A la Cuisine il fait l'office
De passe purée ou coulis ,
Au plus fort de l'Eté le Zéphir qui s'y glisse
Folâtre en tapinois , et souleve ses plis ,
Dont quelques uns sont désunis.
On en fait , quand on veut , un Epervier pous
prendre
Les Poissons dans le sein des Eaux ,
Quelquefois au besoin, un Filet pour surprendre
La folle troupe des Oiseaux ;
Crible pour la récolte,il sert pendant l'Automner
A couvrir le panier , où coule du Pressoir
L'onde vineuse qui bouillonne ,
Ou bien le fond de l'Antonnoir ,
Pour empêcher les grains de passer dans la
tonne.
Manteau dont la posterité
Portera jusqu'aux Cieux le souvenir durable ,
O Manteau des Manteaux ! vêtement admirable
!
Qui , Ferré, ton Manteau , ce Manteau si vanté ,
Get Etendart de friperie ,
Dont
JANVIER 29 1734
Dont la possession a flatté ton envie ,
Peut-être , si tu veux , bon à tout , excepté
Pour garantir du froid , du vent et de la pluye,
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure , suivie d'un Memoire
qui répond à la question proposée dans
celui du mois de Juin dernier , au sujet
du Plainchant & c.
E vous prie d'agréer le Memoire que
je vous addresse vous , fidelement transcrit
sur l'original , qui me fut communiqué
l'année passée à Auxerre , où Mrs du
Clergé de Langres m'avoient envoyé
pour y déposer les Préjugez de la Musique
, et mettre en leur place le gout du
Plainchant , et la belle varieté qui doit
regner là - dessus dans une Eglise Cathedrale.
Il m'a parû que ce Memoire répond
décisivement au fond de la question
qui a été proposée , laquelle tend à prescrire
de justes limites aux Musiciens , et
à détromper le Public de la
trop bonne
opinion qu'il a d'eux. Je ne vous cellerai
point qu'avant mon voyage à Auxerre
, ( quoique Musicien et élevé dans
une célébre Maîtrise pendant plus de 12
ans , ) j'étois dans le Préjugé commun ,
mais
ཐབ MERCURE DE FRANCE
mais j'en suis entierement revenu , et je
reconnois aujourd'hui que le gout de la
Musique , et le gout du Plainchant sont
deux gouts bien differens ; que pour être
habile dans la composition de l'une on ne
l'est pas pour cela dans la composition
de l'autre , qu'il y a certains enchaînemens,
certaines manieres de traitter, certaine
tournure , en un mot une Mechanique
particuliere dans l'Art du Plainchant
, qui n'est reconnoissable que par
ceux qui ont étudié les Ecrits des anciens
Compilateurs comme de Guy
Aretin , ou par ceux qui ont conversé
quelque temps avec ceux qui les ont bien
lus ; laquelle mécanique n'est pas même
fort aisée à attraper après qu'on a reconnu
qu'elle existe.
Il est vrai que le Memoire cy joint ne
répond pas à tous les membres de la
question proposée dans le second volume
du Mercure de Juin 1733. parce qu'il y
a déja quatre ans qu'il est composé; mais
je ne doute pas que l'Auteur à qui on
renvoye l'affaire ne donne bientôt un
supplement , et ne rende aussi à chacun
ce qui lui appartient. Je suis &c.
ME.
JANVIER 1734 3x
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
JANVIER . 1734. 47
IMITATION de l'Ode d'Horace ,
qui commence par ces mots : Thyrrhena
Regum , &c.
R Ejetton de Roy qu'on honore ,
Chez moi je vous réserve un muid tout plein
encore
D'un vin dont la douceur peut répondre à vos
voeux ,
Et je me suis pourvû , Mécêne , entre autre chose,
De Parfums exquis et de Roses
Que je destine à vos cheveux.
Hâtez-vous d'être mon Convive .
Que votre coeur au moins pour quelque temps
se prive
Des transports ravissans dont il se sent pressé ,
A l'aspect de Tibur , des Campagnes d'Esule ,
Et du Mont où fonda Tuscule ,
Le fils d'Ulisse et de Circé .
Quittez , pour remplir mon attente ,
Des repas superflus la pompe dégoutante ;
Quittez ce haut Palais superbement construit ,
Er de l'heureuse Rome , objet de vos tendresses
Cessez d'admirer les richesses ,
L'éclat, la fumée et le bruit
Le
48 MERCURE DE FRANCE
Le changement d'air et de table ,
A l'homme le plus riche est souvent agreable ;
Souvent le toît du pauvre a des charmes pour
Souvent la propreté d'une humble nourriture
Sans pourpre , tapis , ni doruré ,
De son front a chassé l'ennui.
luia
Déja le temps , à qui tout cede ,
Fait sur notre horison du Père d'Andromede
Reparoître les feux depuis long- temps cachez
Déja de Procyon on ressent l'inclémence ,
Et l'âpre Lion recominence.
A brûler nos Champs dessechez .
Les Bergers , les Troupeaux débiles ,
Contre l'ardeur du jour vont chercher pour azile
Les buissons de Sylvain , l'Ombrage et les Ruisseaux.
Tout languit accablé d'une chaleur extrême ,
Le vent ne rafraichit pas même
Les lieux les plus voisins des Eaux.
Cependant votre ame inquiete
S'abandonne aux soucis , dans l'embarras so
jette ,
Toujours craignant pour Rome et veillant à son
bien ;
Vous redoutez toujours , guidé par votre zele ,
Ce
JANVIER. 49 1734
Ce que pourroient tramer contre elle ,
Bactres , * le Scythe et l'Indien .
Le prudent Arbitre du Monde
Nous cache l'avenir dans une nuit profonde ,
Et rit de nos frayeurs qui vont jusqu'à l'excès:
Il suffit de regler les affaires présentes ;
Grace à vos démarches prudentes ,
Tout leur assure un bon succès.
Tout le reste a la ressemblance ,
D'un Fleuve , qui tantôt s'écoule avec silence ,
Et tantôt furieux dans son débordement ,
Entraîne Arbres , Maisons , Rochers, Troupeaux,
Racines ;
Des Monts et des Forêts voisines
Excite le mugissement .
L'inquiétude et les allarmes.
De la vie aux Mortels -enlevent tous les charmes;
Heureux cent fois celui qu'elles n'ont point
vaincu ! .
Et qui toujours exempt d'une crainte effrenée ,
A la fin de chaque journée ,
Peut dire aujourd'hui j'ai vécu. :
Que du nuage le plus sombre ,
* Ville Capitale d'un Pays voisin de la Scyshie,
autrefois subjuguée par Cyrus .
Demain
so MERCURE DE FRANCE
Demain le Roi des Dieux sur nous répande
l'ombre ,
Qu'il fasse du Soleil triompher la clarté ;
Des accidens passez Jupiter n'est plus Maître ,
Et ce qu'une fois il fit être ,
Ne peut plus n'avoir pas été.
La Fortune aveugle et cruelle
Prend un plaisir malin à nous être infidelle ,
Aime à faire passer ses dons de main en main ;
Et tantôt ennemie et tantôt bienfaictrice ,
Selon les loix de son caprice ,
Change du soir au lendemain.
Tant qu'elle est ferme , je la loue ;
Mais dès qu'en s'envolant la perfide me joüe ,
Je lui rends volontiers ce qu'elle m'a prêté.
Des traits du désespoir ma vertu me délivre ,
Et je me tiens content de vivre
Dans une honnête pauvreté.
Sur le sein de l'Onde en colere ,
On ne me verra point , Suppliant , Mercenaire
Traiter avec le Ciel par mille voeux formez ,
Pour empêcher que l'or dont ma Barque ese
chargée ,
N'aille de l'inconstante Egée
Enrichir les Flots affamez.
Libre
JANVIER. 1734. st
Libre d'une telle manie ,
A l'aide d'un Esquif j'aurai soin de ma vie ;
Ma plus grande richesse et mon plus cher trésor
Et bornant tous mes voeux gagner le rivage ,
J'obtienderai ce doux avantage
Et de Pollux et de Castor.
F. M. F.
REPO NS E aux démonstrations du plus
qu'infini , et de ce principe : Que toute
grandeur qui peut être augmentée à l'infini,
peut être supposée augmentée à l'infini,
R de S. Aubin avoue que s'il y avoit
M différens ordres d'infinis , le plus
qu'infini exifteroit , mais il a prouvé que
les différens ordres d'infinis ne sont pas
moins contradictoires que le plus qu'infini
A l'égard de la seconde démonstration ,
voilà comment le Géométre anonyme
tourne l'objection de M. de S. Aubin :
C'est comme si l'on disoit qu'une grandeur qui
peut être augmentée à l'infini , ne peut être
augmentée à l'infini , par cette raison même
qu'elle peut être augmentée à l'infini . Mais il
ne s'agit que d'expliquer les termes , pour
rendre à l'objection toute sa force.
Une grandeur supposée toujours augmentable
ou divisible de plus en plus , ne
peut être supposée augmentés ou divisée
à l'infini , en sorte qu'elle ne soit plus
augmentable ou divisible.
* On
52
MERCURE
DE FRANCE
On ne peut pas supposer une grandeur
dans ces deux états différens , puisqu'on
suppose qu'il est impossible , qu'elle sorte
de son premier état , en la supposant toujours
divisible de plus en plus : ainsi il est
contradictoire de regarder l'espace asymprotique
, comme extensible à l'infini et terminé
, ou une progression géométrique
comme inépuisable et épuisée.
Le Géometre anonyme donne pour une
démonstration directe du principe , ce
raisonnement : qu'une grandeur qui peut
augmenter d'un pié d'étendue ne le peut , que
purce qu'il y a dans la nature des choses ,
un pie d'étenduë qui éxiste , que si elle
peut augmenter de deux piés , il y a donc
dans la nature une étendue de deux piés ;
&c. et qu'ainsi une grandeur pouvant
augmenter à l'infini , suppose nécessairement
unegrandeur à l'infini , c'est- à - dire , infinie,
actuellement subsistante.
M. de S. Aubin répond que rien ne fait
mieux sentir la contradiction du pricipe ,
qui régne dans la Géométrie transcendante
, que cette prétendüe démonstration .
Il est vrai qu'une grandeur n'est susceptible
de l'augmentation d'un pié , que parce
que l'étendue d'un pié subsiste dans la
natures mais prétendre que parce qu'une
grandeur est toujours augmentable ou divisible
de plus en plus , cette grandeur
est susceptible d'une augmentation actuellement
JANVIER 1734. 53
lement infinie , même de différens ordres
d'infinis , ou du plus qu'infini , et d'en
inférer que tout cela est nécessairement
subsistant dans la nature , d'une maniere
réelle et actuelle , comme l'étendue d'un
pié , de deux piés & c. c'est donner pour
démonstrations des suppositions contradictoires;
la contradiction la plus formelle
résultant de ce qu'une chose soit augmen
table ou divisible, et ne soit pas augmentable
ou divisible.
D'ailleurs on conçoit aisément , com
ment une grandeur augmentable d'un
pié ,, passe de cet état à celui d'être augmentée
d'un pié , mais le passage du fini à
l'infini , et le retour sont inconcevables ;
et une grandeur ne peut jamais être augmentée
d'un pié , si l'on y met la condition
d'un progression géométrique , suivant
laquelle l'augmentation soit de la
moitié d'un pié , d'un quart , d'un huitiéme
, & c. Les deux démonstrations du plus.
qu'infini et du principe , ne servent done
qu'à faire connoître que ces propositions
sont insoutenables.
Dans la seconde partie de la réponse au
Problême sur l'Essence de la Matiere
Mercur. de Décembr . dernier 2. vol . pag.
2850. lign . 4. Au lieu de ces mots , nombres
entiers & fractions du dessus et au dessous
de l'unité , lisez , nombres positifs et
négatifs au dessus et au dessous de zéro .
III.
$4 MERCURE DE FRANCE
III. Partie de la Réponse au Problême.
Lplus
A Réponse aux Démonstrations du
plus qu'infini , et du principe , s'est
présentée ici fort à propos , pour rappeller
les idées , dont l'évidence a été développée
dans les deux premieres Parties
de cette Dissertation .
Celle cy est la plus importante , non
que le Calcul puisse commander au raisonnement
: tous deux marchent de pair,
et doivent toujours concourir dans une
parfaite intelligence ; mais le Calcul est
plus d'usage que le raisonnement , dans
les trois especes de Géométrie , simple ,
composée et transcendante.
Les Observations suivantes , qui rou
lent sur le Calcul , ne sont proprement
convenables qu'à ceux qui sont versez
dans l'Algebre ; car je ne puis suppléer
ici aux principes du Calcul Algébrique
qui demandent des explications étenduës
et même quelque usage,pour être entendu .
Cependant ceux qui n'ont aucune teinture
d'Algebre , pourront entendre , sinon
le Calcul même , au moins les raisons sur
lesquelles je me fonde , et quel est l'usage
et l'esprit en géneral de la Géometrie de
l'infini, y
Soit le mouvement désigné par m ,
et le repos désigné par r . L'Auteur du
Problême prétend démontrer par le Cal-.
cul
JANVIER. 1734 55
eul suivant , qu'un mouvement infini est
égal à un parfait repos.
m plus t diminüe , plus m augmente
, sans que e varie ; de sorte que t
étant , alors moet em 。=r
- Ce Calcul se détruit premierement par
les conséquences qui en résultent,ainsi que
je l'ai démontré . Or la verité est une, et ce
qui est faux par le raisonnement , ne peut
être vrai le Calcul. Mais il y a plus 3
par
ce Calcul ne se détruit pas moins par
les principes du Calcul même.
Ce qui a causé l'erreur qui s'y trouve,
c'est que l'Auteur du Problême n'a pas
remonté aux principes , suivant l'exemple
de la plupart des Géométres plus attentifs
à calculer qu'à chercher les raisons
pour lesquelles il faut calculer ainsi , plus
occupez des regles du calcul que de la
source de ces regles . C'est neanmoins la
principale utilité de la Géometrie, de considerer
autant pourquoi chaque opération
se fait , que de quelle maniere elle doit sa
faire. C'est encore plus dans les causes des
préceptes , que dans les préceptes mêmes
de la Géométrie et de l'Algébre , que l'èsprit
peut trouver le plus grand avantage
qui en résulte, et acquerir cette précision
et cette étendue , qui sont les fruits les
plus précieux de ces deux Sciences . Je
passe à l'examen du Calcul en question .
Il est clair que par e l'Auteur entend
se
uno
56 MERCURE DE FRANCE
une quantité de mouvement constante et
finie ; par tune grandeur numérique variable
et décroissante à l'infini , et par r
le repos ou le mouvement nul : d'où il
suit que mest une quantité de
mouvement , finie lorsque t est un nombre
fini , et infinie , lorsque to , et
alors on a mte , ou moe , mettant
au lieu de t sa valeur o . Mais on n'a
pas mor , puisque r est le repos.ou
le mouvement nul , et que moe
quantité de mouvement constante et finie.
Il est vrai que c'est un principe reçû en
Géométrie , que toute grandeur multipliée
par o , donne un produit nul , et
qu'ainsi on doit avoir mxoo, ou
; mais cela prouve simplement que si
l'on a moe quantité constante , la
supposition est absurde et par conséquent
mabsurde, et parce que , suivant les prin-,
cipes des Géometres Infinitaires , m infinie
( , t étant o ) est une grandeur
qui multipliée par to , donne e grandeur
constante , il s'ensuit que m
est une grandeur absurde ; mais il ne s'ensuit
pas que mor mouvement nul; en
effet il seroit facile de démontrer géometriquement
que par la loi même qui donne
m , c'est- à- dire , une quantité finie
e , divisée par une grandeur t décroissante
à l'infini , il est absurde que t soit
L'infini
JANVIER 1734. 57
L'infini en grandeur est absurde , mais
par la raison qu'on peut concevoir qu'u
ne chose est absurde , on peut aussi l'exprimer
, et c'est ce qui faitou ∞ . De
plus on peut aussi se servir de l'expression
de l'absurdité dans la recherche du vrai ;
suivant la méthode des plus grands géometres
. Mais il y faut apporter beaucoup de
précaution, et il y a souvent lieu de craindre
que l'absurdité supposée dans le Calcul
ne passe dans le raisonnement, et ne
fasse prendre de fausses idées , ce qui peut
arriver sur tout , quand on donne trop
l'essort à son imagination .
C'estune magnifique invention d'avoir
par leCalcul differentiel les cxpressionsdes
grandeurs nulles, telles que, quoique nulles
, elles conservent leurs rapports primitifs,
en sorte que par là les Géometres Infinitaires
ont assujetti ces nullitez aux Calculs
, et qu'il operent aussi aisément sur les
grandeurs nulles , que sur les grandeurs
finies ; ce qui leur donne des voies beaucoup
plus abregées , et sert à découvrir
tous les Problêmes , où deux ou plusieurs
points se réunissent ; à trouver les tangentes,
les grandeurs négatives, les points d'in
flexion et de rebroussement, les caustiques
tant réflexion
par que par réfraction , et les
autres proprietez des courbes et de toutes
sortes de figures. Mais tous ceux qui ont la
véritable clef de la Géométrie , ne pren.
D nent
58 MERCURE DE FRANCE
nent ces nullitez que pour ce qu'elles sont ,
et il s'en faut bien qu'ils ne les regardent
comme réelles.
Il étoit important de justifier la Géométrie
des désordres dans le raisonnement
,
qui lui étoient Imputés.
De tout cecy il résulte qu'un corps ne
peut être à la fois à Paris et à Constantinople
, et que cette conséquence ne répugne
pas moins à la Géométrie qu'au raisonnement
. Je finirai par cette observation
, que le calcul , au lieu d'être l'instrument
, est quelquefois rendu le voile des
Sciences .
S
SONNE T.
I l'homme sur la terre avoit été sans femme
Qu'eut- il fait icy bas , privé de ce secours
Que les Graces , les Ris accompagnent toujours
Si doux , si nécessaire , et que pourtant il blâme
Une triste indolence eut régné dans son ame
Et l'ennui d'être seul troublant ses plus beaux,
jours ,
D'une vie immortelle , il eut haï le cours ;
Contre un sexe charmant , d'où vient donc qu'il
déclame !
Trop crédule , ébloui par un fuit deffendu ,
Il a dicté l'Arrêt contre l'homme rendu ;
Et par lui le Démon a fait mainte conquête.
Mais
JANVIER. 1734.
59
Mais du Serpent antique à la fin triomphant ,
N'a-t-il pas écrasé son orgueilleuse tête ,
Et séparé le mal dont nous nous plaignons tante
************** *
LETTRE à M *** au sujet d'un Livre
qui a pour titre : Réfléxions sur la Poësie
en général , sur l'Eglogue , sur la Fa
ble, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode,
et sur les autres petits Poëmes.
Vous
'Ous me demandés , Monsieur , ce
que c'est qu'un Livre nouveau , intitulé
: Réfléxions , &c ?C'est un Ouvrage
singulier, qui ne ressemble à rien de tout
ce que vous connoissez . L'Auteur tresdésinteressé
sur sa propre réputation
n'évite peut-être point assez le stile qu'il
condamne , il se tenoit en garde , mais
imperceptiblement et à son insçû, la contagion
l'aura gagné.
Le dessein de l'Auteur est de traitter
de la Poësie en général et des différens
genres de Poësie ; vous vous imaginez
peut- être qu'il se borne à en donner les
préceptes et les régles ; il va plus loin , il
remontejusqu'aux sources de notre plaisir. Se
flatte-t- il de les avoir découvertes ? Il s'égaye
en présentant toujours force images
Dij
et
to MERCURE DE FRANCE
et de temps à autre quelques idées qui lui
sont particulieres,
Le seul mot de Poësie le met d'abord .
en enthousiasme. Au nom de la Poësie
ne voyez vous pas s'animer tout ce qui
existe dans la nature ? L'Auteur qui croit
en devoir parler poëtiquement envoye
audevant de son Lecteur les Faunes et les
Dryades. Le murmure des Ruisseaux
vient se joindre à une autre sorte de concert
formé par les habitans des Airs . D'un
autre côté par respect et pour ne pas déplaire
, se retirent les Bêtes meurtrieres ,
qui ne veulent pas troubler nos plaisirs.
Tels sont les Privileges de la Poësie .
Ce n'étoit pas - là notre premier langage
; nous prîmes d'abord la forme de
nous exprimer la plus simple , mais il
nous falloit un langage de fête. La Poësie
nous en a servi . Elle devient pour nous
un plaisir de convention , que l'on ne goute
qu'à mesure que l'on se fait à la lecture
des Vers. Naissent en foule les images,
toujours agréables par deux endroits.
Elles servent à fixer nos idées , elles réveillent
nos passions ; la premiere de ces
raisons de notre plaisir , nous la sçavions;
la seconde , qui n'est pas connue de tout
le monde,est peut- être un peu trop aprofondie
par comparaison , avec le reste de
J'OuJANVIER.
1734
Zi
Ouvrage. Ne vous en étonnez pas ;
1'Auteur qui raporte tout au sentiment,
n'a voulu que sentir , et s'est moins sou
cié de raisonner.
Mais à l'égard de cet avantage de réveiller
les passions que l'on attribuë à la
Poësie et à ses images ; l'éloquence le partage
avec elle ; elle a ses peintures et ses
mouvemens. Quel est donc le grand plaisir
que produit la Poësie ? Celui de voir
la difficulté vaincuë. Un Poëte se gêne et
se contraint pour rendre ses idées , et malgré
la contrainte il parvient à les rendre ;
nous partageons avec lui cette petite victoire.
Que dis - je ? Petite victoire , c'est
une conquête importante , et c'étoit sagesse
de la part du Poëte de risquer à ce
prix le sacrifice de tout ce que l'imagi
nation et le génie pouvoient lui fournir.
Les Grands Poëtes ne perdront rien à la
gêne , l'Auteur s'en rend la caution. Mal
propos M. de la Motte se plaint- il de
ce que pour lui donner des Vers , on lui
enlève le plus souvent la justesse , la précision
, l'agrément , les convenances. L'Auteur
des Réfléxions veut des Vers à quelque
prix que ce soit , et sur sa parole vous
pouvez croire que c'est le propre du
grand Poëte de ne se ressentir en rien de
la gêne des Vers.
Diij Mais
62 MERCURE DE FRANCE!
Mais il y a Vers et Vers ; sa folie c'ese
l'Eglogue, et son malheur, c'est de n'en paint
trouver d'assez bonnes ; il aime les Prez ,
les Bois , les Fontaines ; il confesse sa foiblesse
, si vous en aviez envie , vous le séduiriez
avec le murmure d'une Fontaine.
Accourez Bergers et Bergeres , mais pre
nez bien garde au ton que vous allez
donner à vos Chalumeaux ; on ne veut
point de vos Airs rustiques, encore moins
de ces Airs rafinez que l'on chante dans
les Villes. Eloignez - vous également de
l'un et de l'autre ton , et vous aurez trouvé
le véritable . Rien que du sentiment ,
voilà tout ce qu'il nous faut. Si vous pouviez
ne faire que respirer , ce seroit encore
mieux; le fond de vos conversations ',
il est aisé de le regler . M. de Fontenelle
vous a fait parler de vos amours et de
votre tranquillité : ce ne sont point les
détails de la vie champêtre que nous aimons
; entretenez nous de votre bonheur
et de la paix profonde où vous vivez .
Quoique l'Auteur copie M. de Fontenelle
, ne croyez pas qu'il en soit trop épris,
il a fait l'anatomie de ses Eglogues ; ellos
lui avoient d'abord paru tendres , mais
il s'étoit trompé , ce n'est que le ton qui en
est tendre. Tout le monde en est la dupe,
l'Auteur en convient ; mais il nous avertit
JANVIER. 1734. 3
tit que nous nous méprenons, que nous
ne sentons point , que nous croyons sentir.
M. de Fontenelle va changer de
nom , ce n'est plus un grand Poëte , ce
n'est plus un esprit facile , tendre , naïf ,
délicat , sublime ; c'est un grand sorcier ,
qui a pris tous ces différens tons - là; l'Auteur
lui accorde seulement d'avoir dit des
choses fines et lui reproche de les avoir
dites trop fines pour l'Eglogue. Une chose
m'embarasse , c'est que la plupart des
femmes apprennent par coeur ces Eglogues
; elles qui se connoissent en sentiment
, pour le moins aussi bien que
nous, y sont trompées toutes les premiéres
; et loin de vouloir être désabusées ,
elles prient Messieurs les Auteurs de les
tromper toujours de la même façon.
De l'Eglogue , l'Auteur passe à la Fable,
c'est un genre de Poëme, où doit sur-tout
regner le naïf. Il faut choisir une verité
agréable, qui fasse un fond gay; que le récit
ne soit ni trop court, ni trop long. Semez-
le , si vous voulez , de réfléxions , mais
de réfléxions vives , et qui naissent du fond
du sujet.Sur tout, ayezgrand soin du choix
de vos personnages, car l'Auteur ne pardonne
point à M. de la Motte d'avoir fait parler
Dom Jugement , Dame Mémoire et
Demoiselle Imagination ; on ne sçait de
Diiij quelle
64 MERCURE DE FRANCE
quelle couleur les habiller. M. de la Motre
a eu grand tort de ne pas habiller Demoiselle
Imagination en couleur de Rose,
il auroit un procès de moins à essuyer
aussi l'Auteur aime t'il la Lime pour personnage
dans une Fable , parce qu'il connoît
la couleur d'une Lime . Pour ce qui est
de placer la Moralité , l'Auteur vous en
laisse le maître ; le commencement , la
fin de la Fable , toute place lui est également
bonne ; si vous placez la moralité
à la fin , chaque circonstance du fait sert
à l'annoncer ; si vous la placez au commencement
, au lieu de la deviner , on en
fait l'application à mesure que l'on avance
dans le fait , ce qui est une autre sorte
de plaisir . Par occasion , l'Auteur parle
des Contes , où il voudroit de la finesse,
mais ils en auroient plus de poison . A titre
de Philosophe , il nous conseille de
nous en passer.
C'est bien à regret que l'Auteur nous
parle de ces vilains petits Poëmes que l'on
appelle Elegies ; une bonne raison pour
laquelle il ne les goute point , c'est qu'il
veut vivre et qu'il ne veut point que les autres
meurent. La belle chanson que celle d'un
homme qui dit continuellement en vers qu'il
va mourir. Encore l'Elegie est- elle si courte
que l'on n'a pas le tems de faire connoisJANVIER
1734 65
noissance avec lui , et de devenir sensible
à ses maux ; du moins dans une Tragédie
où s'interresse davantage au sort de celui
qui gémit, parce qu'on le connoît et que
l'on a tout le cours de la piéce pour s'attendrir.
L'Auteur trouve un grand défaut
dans les Elegies , même les plus estimées
, c'est que l'on y répand des images
trop fortes et trop énergiques , il voudroit
plus de molesse dans le stile parce
qu'il présume que la douleur affoiblit le
plaignant.
,
L'Auteur glisse sur la Satyre , il y veut
du feu , du sel même des agrémens
étrangers,car peut s'en faut , dit l'Auteur,
qu'à l'égard de ce genre d'ouvrage , notre
inconstance ne l'emporte sur notre malignité
et que nous ne demandions des Satyres qui
ne soient plus satyres.
› Chemin faisant , il faut s'arrêter au sublime
avec l'Auteur , il en parle à propos
de l'Ode, et il n'en connoît que de deux
sortes , celui des Images et celui des Tours.
Ici il copie Boileau pendant plus de trois
pages pour le dédommager de ce qu'il
avoit dit de lui sur la Satyre , qu'il manquoit
de délicatesse. Le sublime des Images
c'est les differentes peintures qu'elles
présentent ; celui - ci ne lui paroît rien
par comparaison avec le sublime des Tours,
Dy 1212
66 MERCURE DE FRANCE
un qu'il mourût de Corneille lui paroît
un tour sublime,voyez ,je vous prie, comme
nous nous trompions . Vous croyez que'
lorsque l'on rapporte à Horace le pere la
fuite de son fils , que vous le voyez dans
l'indignation et qu'interrogé sur le parti'
qu'eut dû prendre le fils , le pere répond
qu'il mourut , vous croyez que c'est le
sentiment que vous admirez , point du
tout : c'est le tour. Que reste - t- il à dire
de l'Ode à présent , le sublime en fait
partie , on ne fait plus qu'attaquer les
Odes méthodiques , on y veut des écarts,
et ces écarts, au gré de l'Auteur, valent bien
tout ce que la raison peut produire avec tout
son orgueil ; à vous dire mon avis , j'avois
toujours crû l'imagination aussi orgüeilleuse
que la raison, mais que voulez vous ?
l'Auteur feint de se brouiller avec la raison.
Des écarts surtout, des écarts , voilà ce
qu'il demande à un Poëte lyrique. L'ordre
de l'Ode c'est le désordre, si M. de la Motte
revenoit , il auroit beau s'écrier , je voudrois
dans une Ode de la raison et du
feu. L'Auteur répondroit , je préfere mon
feu à toute votre raison. L'Auteur admet
par complaisance des Odes anacréontiques
, mais il y veut encore du désordre ,
il n'y a , selon lui , qu'une façon d'écrire
lans chaque genre , point d'Eglogue , si
elle
JANVIER 1734. 67
>
elle n'est simple , point de fable si elle
n'est naïve point d'Ode si vous n'y
mettez des écarts et si la foule des di
gressions n'y surpasse le fond de la chose .
D'un vol leger l'Auteur a couru sur
tous les genres ; voyez le se rabattre sur
les petits Poëmes , à commencer par le
Sonnet, et celui - ci c'est son favori , il a ,
si vous l'en croyez ,un raport parfait avec
Mlle Camargo ; comme elle , il est asservi
à la contrainte,et son mérite est d'être
libre comme elle. Vous craignez pour
l'Auteur et pour la Danseuse et l'un et
l'autre vous surprennent par les graces ;
par la même raison le Rondeau , la Ballade
et les Triolets lui plaisent infiniment , les
Stances ont le même avantage . Il est dif
ficile de réussir dans ces sortes d'ouvrages,
mais l'Auteur aimeroit mieux avoir fait
Pun des moindres d'entre ces petits Poëmes
que deux Ouvrages entiers de raisonnement ,
que quatre Tragédies. Il n'oublie le
Madrigal et l'Epigramme , et dans ces nouveaux
Poëmes- ci , l'Auteur veut encore
du naïf ; il nous surprend ce naïf , et il
n'est jamais l'effet de la colere ; par là il
porte des coups plus certains les Cantates
ne sont point du gout de l'Auteur
il passeroit les piéces marotiques , si elles
n'étoient pas en stile marotique.
D vj . Vous
pas
>
6.8 MERCURE DE FRANCE
६
Vous ne vous plaindrez pas , Monsieur,
d'être accablé par le grand nombre de
principes ; l'Auteur nous a instruit , le
voilà en droit de nous dire son avis sur
les causes de la corruption du gout.
Il en parle historiquement dans une
premiere lettre.Chez les Romains , comme
parmi nous la Paix a été l'époque de la
naissance et des progrez du gout ; et parmi
nous , comme chez les Romains , la
guerre a été le tombeau du gout . Mais
comme dit l'Auteur , après la décadence
du gout , l'ignorance est le grand remede
apparemment elle emporte les mauvaises
impressions de l'esprit , comme le grand
remede emporte le mauvais sang. Ne nous
chicannez pas, je vous prie , sur la comparaison
, car c'est ce que j'ai vû de plus
énergique dans l'ouvrage.
Dans une seconde lettre l'Auteur se
propose de parler philosophiquement ,
écoutez le Philosophe. Un homme a gâté
le gout chez les Romains , c'est Seneque,
et c'est parce qu'il avoit beaucoup d'esprit
qu'il a gâté le gout en fait d'éloquence ,
comme Ovide l'avoit gâté avant lui en
fait de Poësie ; les Seneques et les Ovides
de nôtre tems, c'est, dit- on , M. de Fontenelle
et M. de la Motte . M. de Fontenelle,
à ce que dit l'Auteur, a beaucoup de
délicatesse
JANVIER 17345 69
délicatesse dans l'imagination ; il ne dit pas
dans l'esprit. Vous me dites quelquefois
que M. de Fontenelle est sans contredit
un des plus grands Génies et un des plus
beaux Esprits que les siècles ayent produit
; l'Auteur ne lui en accorde pas tant,
il dit seulement que M. de Fontenelle est
capable de s'élever aux premiers principes ,
de mener à la verité par le chemin le plus
court et de semer ce chemin de fleurs . M. de
Fontenelle a de l'imagination et s'en rend le
maître , ce qui est un défaut selon l'Auteur
, car ce qui constitue le grand Génie ,
c'est de se laisser emporter par son imagination,
dès- là, point de chaleur chez M. de
Fontenelle et en supposant avec l'Auteur
que le sentiment dans un ouvrage doive
passer avant les vûës , on pourroit conclure
que tout ouvrage qui ne s'étayera
pas du sentiment, petilla t '-il de lumieres
philosophiques , ne doit pas tenir un
grand rang parmi les Ouvrages d'esprit.
Mais ce qui manque à M. de Fontenelle
du côté du désordre des idées , il le gagne du
côté de la précision , il surprend continuellement
et par ses idées et par le tour heureux
qu'il donne à ses idées : il en a de neuves et
de communes qu'il fait passer pour neuves ,
qu'il habille en paradoxes . L'Auteur a
jugé des paradoxes de M. de Fontenelle.
par
70
MERCURE
DE FRANCE
par comparaison
avec les siens . Ceux
qu'il a donnez au Public ont été trouvez
plus ingenieux que solides , et en lisant
ceux de M. de Fontenelle , on croit ne
faire qu'ouvrir les yeux sur un pays connu
; et vous entendez quel défaut c'est en
fait d'ouvrage d'esprit , de s'accorder avec
le Lecteur. Ce n'est pas là tout le merite
de M. de Fontenelle ; chez lui l'Art est
si caché, que quand vous attendez de lui
des ornemens , il vous donne des choses
simples qui vous surprennent
plus que
les ornemens n'eussent fait , et qu'en revanche
vous retrouvez avec la parure des
matieres qui sembloient ne la pas comporter.
En effet, quelle est l'idée de M. de
Fontenelle de badiner avec la Mort ? de
montrer de l'imagination
et même de la
plus enjouée dans une Oraison funebre ?
il a beau produire par son enjoument
l'effet qu'il lui demande , on seroit bien
plus content de voir M. de Fontenelle
gémir sur le sort d'un ami , cela feroit
preuve du bon coeur. Encore en matiere
de Géometrie les fleurs révoltent : M. de
Fontenelle réduit les Scavans au niveau
des autres hommes , qui, attirez par les
idées sensibles , se trouvent avoir recueilli
les principes comme les Géometres mêmes.
Tout le corps des Géometres devroit
s'élever
JANVIER 1734 71
s'élever contre un pareil attentat . M. de
Fontenelle a encore grand tort de tailler
une idée comme on taille un diamant ; on
l'aimeroit mieux brutte et moins brillante,
on le quitte de ses agrémens , c'est un
plaisir qu'il procure , à la verité , mais
c'est une illusion qu'il cause .
L'Auteur n'est pas plus favorable à M.
de la Motte , il ne manque pas d'esprit ,
mais l'Auteur trouve qu'il manque de
gout. Et il est à propos de faire une bonne
fois le procès à ce Public , qui a mis les
Odes de M. de la Motte à côté de celles
de Rousseau , qui a comparé ses Fables
à celles de la Fontaine , ses Tragédies à
celles des Corneilles et des Racines, et ses
Operas à ceux de Quinault , et qui a encore
assigné à ses discours l'éloquence et
à toute sa Frose une classe à part pour ne
le comparer en ce point qu'à lui - même .
Ce Public a le gout gâté, corrompu. Prenez
vous en à M. de Fontenelle que l'Auteur
compare à un Cuisinier. Et surquoi
fondée la comparaison? sur ce que M. de
Fontenelle a introduit dans le pays des
Lettres le gout de la précision , sur ce
qu'il a semé les Analises en tout genre.
d'ouvrages, et sur ce qu'il a réduit l'imagination
à n'aller jamais que de pair avec
la raison. M. de la Motte a aussi tourné
du
72
MERCURE DE FRANCE
›
du côté de cette Logique incommode , il
a été habile à tirer les conséquences , et c'étoit
sur le choix des principes qu'il falloit
l'être : éclairé par l'Auteur , il eut mieux
fait et n'eut cependant pas si bien réussi,
parce que le Public avoit le gout gâtẻ.
La conclusion de cet Ouvrage c'est
que nous devons consulter le sentiment ,
et ne pas nous en raporter à notre raison,
qui n'est par elle - même que sécheresse .
C'est dans notre coeur qu'est la source du
gout , et mal- à - propos à- t'on regardé
jusqu'ici le discernement comme une
qualité de l'esprit.
L'Auteur dans une troisiéme et derniere
Lettre observe heureusement qu'une des
causes de la corruption du gout , c'est
l'esprit de manege aujourd'hui , trop à la
mode parmi les gens de Lettres . Ce malheureux
talent énerve les qualitez de
Fame. Cette souplesse qui fait de bons
courtisans ne nous éleve point assez l'imagination
et nous rend au contraire incapables
de ces grandes et sublimes idées
qui n'appartiennent qu'à une imagination
indépendante. Je suis & c.
Je me propose de vous entretenir par
une seconde Lettre , des détails de l'Ouvrage
, et de rendre justice aux beautez
qui y sont répanduës, sans en dissimuler les
défauts
EPIJANVIER
1734. 7 手
Stabat
EPIGRAM ME imitée du Latin
de Muret.
Contre les Poëtes lascifs .
SE peut-il , obscénes Rimeurs ,
Que vous soyez au fond doüez de bonnes moeurs,
Tandis que vous chantez le vice sans scrupule ?
Si vous êtes des Saints , par où le connoît- on
Quiconque écrit comme Catulle ,
Vit rarement comme Caton.
LETTRE de M. D.L.C. à M. D.L.R.
sur quelques particularitez de la vie de
Topal Osman Pacha , cy-devant Grand
Visir de l'Empire Ottoman , et aujour
d'hui Séraskier de l'Armée Turque en
Perse . A Paris , ce 18 Janvier 1734.
V
Ous avez jugé , Monsieur , que
dans les circonstances présentes où
les affaires d'Asie ont plus de liaison que
jamais avec celles d'Europe , ce seroit
un objet interessant pour le Public , que
la
74 MERCURE DE FRANCE
la vie et les avantures de Topal Osman
qui jouë aujourd'hui un si grand rôle .
Je crois que l'Auteur de la Rela .
tion de la Révolution arrivée en 1730. à
Constantinople n'a pas abandonné le
dessein où je l'ai vu, d'écrire cette vie, véritablement
digne de la curiosité du Public
. Personne n'est plus capable que lui
de bien exécuter ce projet; et s'il est aussi
bien servi par ceux qui sont à portée de
lui procurer des Mémoires , que je le
connois exact et ami de la verité ; nous
verrons dans un même Ouvrage la singularité
du Roman , unie à la plus scru
puleuse fidelité dans les faits historiques.
En attendant , je me fais un vrai plaisir
, Monsieur , de vous faire part de
quelques traits de la vie du Général
Turc dont je suis exactement informé . Le
Sr Arniaud , celui-la même qui racheta
Topal Osman d'esclavage à Malte , il y
a environ trente- cinq ans , vint en 1732 .
à Constantinople avec son fils ,saluer son
ancien Esclave , devenu Grand Visir.J'ai
entendu plus d'une fois raconter au pete
et au Fils ce qu'ils sçavoient de son histoire.
Le Fils a même bien voulu , à ma
priere , mettre par écrit ce qu'il a pû s'en
rappeller, et m'en laisser le Mémoire que
je
JANVIER. 1734. 75
je conserve , écrit de sa main. Ce qui suit
est tiré de ce Mémoire. J'y ai joint
quelques circonstances que je lui ai entendu
conter , ou à son Pere, et j'ai ajouté
les faits dont j'ai eu connoissance
pendant mon séjour à Constantinople ,
concernant l'arrivée du Sr Arniaud , son
Audiance du Visir , la déposition de ce
Ministre , &c. tous faits qui se sont passez
presque sous mes yeux ; mais dont
je ne garantis cependant pas la verité
quelque attention que j'aye eu à consulter
les témoins oculaires autant que je
l'ai pû , et à ne rapporter icy que ce que
je trouve sur un Journal , écrit dans le
temps.
Osman avoit reçu dans le Sérail du
Grand Seigneur l'éducation qui n'étoit
autrefois destinée qu'aux Enfans de Tribut
, ( a ) Chrétiens de naissance . Les
Turcs ont depuis brigué ces Places pour
leurs propres Enfans , ensorte qu'aujour
d'hui presque tous les Eleves du Sérail
sont de race Turque .
En 1698 ou 99. à l'âge de 25 ans ou
environ, Osman Aga sortit du Sérail, où il
exerçoit l'emploi de (b) Martolos Bachi.
( a ) Voyez Ricaut, Etat présent de l'Empire Ot
toman.
(b ) Intendant des Voitures.
7
N
6 MERCURE DE FRANCE
Il étoit porteur d'un Ordre du Grand Sergneur
, et chargé d'une commission pour
aller remettre quelques Beys du Čaire
dans la possession de leurs biens , dont
ils avoient été destituez pendant ces troubles
qui sont si fréquents en Egypte. I
prit sa route par terre jusqu'à Seyde , où
pour éviter la rencontre des Arabes qui
infestoient le Païs , il fut obligé de s'embarquer
sur une ( a ) Saïque , qui passoit
à Damiette . Dans ce, court trajet la Saïque
fut malheureusement rencontrée par
une Barque Espagnole , armée en course
à Maïorque. Quoique la partie ne fut pas
égale , le désir de conserver leurs biens
et leur liberté , fit faire les derniers ef
fort aux Passagers et à l'équipage ; ils se
deffendirent en désesperez ; l'abordage
fut sanglant. Osman s'y signala par cette
intrépidité dont il a depuis donné des
preuves en tant de rencontres ; si la valeur
de tous eut été égale à la sienne
peut-être eussent ils évité l'esclavage . Enfin
il fallut céder au nombre . Osman
Aga , percé de coups , blessé dangereusement
au bras et à la cuisse , fut pris les
armes à la main . Le Corsaire , dont le Bâtiment
avoit souffert dans le combat
( a ) Sorte de Bâtiment de Levant , propre an
ransport des Marchandises,
soit
JANVIER . 1734.
77
soit qu'il eut besoin de se raccommoder ,
ou pour quelque autre raison , relâcha à
Malte .
-
Les marques de valeur qu'Osman avoit
données dans l'action, ou plutôt la déposition
que firent sans doute les autres Passagers
,qu'il étoit chargé d'une commission
secrete du Grand Seigneur , et l'espérance
d'en tirer une grosse rançon , le firent distinguer
parmi ses compagnons d'infortune;
cependant il n'étoit pas hors de danger
de ses blessures quand il arriva à Malte ;
celle de la Cuisse étoit la plus considérable
; il en est resté estropié ; et c'est delà
que lui est demeuré le nom ou le Sobriquet
de ( a ) Topal , suivant l'usage commun
des Turcs .
*
>
Aussi- tôt que le Corsaire fut entré dans
le Port , le Sr Vincent Arniaud dit
' Hardy , natif de Marseille , qui étoit
alors Capitaine de Port à Malte , se transporta
à bord du Bâtiment , suivant le devoir
de sa Charge. Il y vit le malheureux
Aga enchaîné , qui lui fit une proposision
bien singuliere,
Fais une belle action , lui dit Topal ,
rachette - moi , tu n'y perdras rien. Arniaud
surpris de la proposition , deman .
da au Capitaine Corsaire ce qu'il pré-
( a ) Boiteux,
ten8
MERCURE DE FRANCE
tendoit pour la rançon de cet Esclave. Il:
me faut mille Sequins ( a ) , répondit le
Corsaire . Arniaud se retournant vers
Osman , lui dit : Je te vois pour la premiere
fois de ma vie , je ne te connois
point , et tu me proposes de donner sur ,
ta parole mille Sequins pour ta rançon .
Nous faisons l'un et l'autre ce qu'il nous
convient de faire, reprit Osman . Quant à
moi je suis dans les fers , il est naturel
que je mette tout en usage pour obtenir
ma liberté ; pour toi , tu es en droit de te
défier de ma bonne foy ; je n'ai aucune
sureté à te donner que ma parole , et tu.
n'as aucune raison d'y conter ; cependant
si tu veux en courir les risques , je te le
répete encore , tu ne t'en repentiras pas.
Soit que l'air d'assurance , ou que la
Phisionomie du jeune Turc prévint Arniaud
en sa faveur, soit que la singularité
de l'avanture éloignât les soupçons qu'il.
auroit pû concevoir , le Capitaine de
Port sortit avec des dispositions favora
bles pour Topal Osman , et , ce qui est
peut être encore plus extraordinaire , la
réfléxion ne les détruisit pas.
Arniaud alla rendre compte au grand
( a ) Ily a plusieurs sortes de Sequins en Levant,
qui valent depuis six jusqu'à onze francs de notre
Monnoye.
MaîJANVIER.
1734. 79
Maître Perellos de ce qui concernoit son
ministere , revint à bord et convint de
600(a )Sequins Vénitiens avec le Corsaire,
pour le prix de la rançon de son Esclave ;
son nouveau Maître le fit aussi - tôt transporter
sur une Barque Françoise, à lui ар-
partenante,où il lui envoya un Médecin ,
un Chirurgien et tous les secours neces
saires.Osman se vit bien tôt hors de danger.
Il proposa alors à son bienfaicteur
d'écrire en Levant pour se faire rembourser
de ce qu'il lui devoit. Mais comblé
des bienfaits de son nouveau Patron , il
ne crut pas abuser de sa générosité en lui
demandant une nouvelle grace . C'étoit de
le renvoyer sur sa parole et de s'en remettre
pour le tout entierement à sa
bonne foy.
Arniaud ne fut pas genereux à demi
et rencherit encore sur la demande de son
Esclave ; après lui avoir fait toutes sortes
de bons traitemens , il lui donna cette
même Barque , sur laquelle il l'avoit fait
transporter, pour en disposer à sa volonté,
et se faire conduire où bon lui sembleroit.
Osman arrivé à Malte Esclave , et racheté
le jour même , en partit huit jours
après sur un Bâtiment à ses ordres . Le
(a ) Le Sequin Vénitien vaut aujourd'hui environ
11 liv. quelques sols, Monnoye de France.
Pa80
MERCURE DE FRANCE
Pavillon François le mettoit à l'abri
des Corsaires . Il arriva heureusement
à Damiette d'où il remonta le Nil jusqu'au
Caire . Le lendemain de son arrivée
il fit compter mille Sequins au Capitaine
au
de la Barque pour être remis à son libérateur,
il y joignit deux Pelisses ( a) dè la valeur
de soo piastres , ( b ) dont il fit présent
au Capitaine . Il exécuta la commission
du Grand Seigneur , repartit pour
en aller rendre compte, arriva à Constantinople
et fut lui - même le porteur de la
nouvelle de son Esclavage.
pas
à
La reconnoissance d'Osman ne se borna
ses premiers mouvements : pendant
plusieurs années de séjour qu'il fit du
côré de Larta en Albanie où ses emplois
l'appellerent, il continua d'en donner des
preuves à son bienfaicteur , et entretint
avec lui un commerce non interrompu
de lettres et de présents.
On peut même dire que sa reconnoissance
s'étendit sur toute la Nation Françoise
; puisque depuis son avanture il n'a
laissé échaper aucune rencontre où il n'ait
donné à tous les François , qui ont eu affaire
à lui, des marques d'une bienveillance
particuliere .
( a ) Robes Fourrées .
( b ) La Piastre courante du Levant , vaut aujourd'hui
3 livres quelques sols Monnoye de France.
Les
JANVIER 1734 81
Les occasions avoient manqué jusqu'a
lors à Osman de se faire connoître et de
pousser sa fortune . La Guerre s'étant depuis
declarée entre les Venitiens et les
Turcs , le Grand Visir Aly Pacha , qui
méditoit l'invasion de la Morée , assembla
son Armée dans le voisinage de
l'Isthme de Corinthe , qui joint la Morée
au continent et le seul passage qui
puisse donner entrée par terre dans cette
presqu'Isle.
>
Tous les differents corps de Troupes
qui devoient composer l'Armée Ottomane
, se rendirent de toutes les Provinces
de l'Empire au lieu et au jour marqués
le seul Cara Mustapha Pacha ,. qui commandoit
un Corps de trois mille hommes
, arriva trois jours trop tard au rendez-
vous de l'Armée : il lui en couta la
vie , le Visir lui ayant fait trancher la
tête.
Sur ces entrefaites , Topal-Osman brulant
du désir de se signaler , vint se présenter
au Visir à la tête de mille hommes
qu'il avoit levez et pris à sa solde sans
avoir reçu aucun ordre; et le jour destiné
à l'attaque du défilé du Pas de Corinthe ,
il s'offrit de marcher le premier, et se
chargea de forcer le passage avec sa troupe
; son offre fut acceptée. Peut être la
E terreur
82 MERCURE DE FRANCE
terreur et la consternation generale qui
s'étoient répandues à l'approche d'une
Armée formidable , ne laisserent- t'elle pas à
Topal-Osman tout le merite d'une victoi
re achetée cherement ; quoiqu'il en soit,il
força le défilé , et emporta d'emblée la
Ville de Corinthe. Il reçut du Grand
Visir pour récompense les deux queues
de Pacha , et tous les Equipages de l'infortuné
Cara Mustapha.
Osman ne resta pas en si beau chemin,
et les occasions ne manquant plus à son
courage , il se distingua par
de nouveaux
exploits dont le détail nous meneroit
trop loin. L'année suivante , au Siége de
Corfou il servit en second, et fit les fonctions
de Licutenant General.
Ce fut alors qu'il fit voir que sa prudence
égaloit sa valeur ; le Siége ayant
été abandonné , Osman demeura trois
jours devant la Place depuis le départ du
General , pour favoriser la retraite des
Troupes Ottomanes ; il donna les ordres
necessaires avec toute la présence d'esprit
possible , et ne se retira qu'après avoir mis
l'Armée en sûreté.
Il étoit tems qu'un homme de cette
trempe commandât à son tour ; adoré
des troupes , la voix publique l'appelloit
au Generalat ; mais plus il se distinguoit
entre
JANVIER 89 173 4.
entre ses pareils , plus il faisoit de jaloux ,
qui bientôt étoient autant d'ennemis.
Tel est , à la honte de l'humanité et en
tout Pays , l'effet ordinaire d'un merite
superieur , mais dont les conséquences ne
sont nulle part si dangereuses qu'en Turquic.
C'est à ce tems vrai-semblablement que
doit se raporter un évenement de la vie
d'Osman qui pensa le perdre , et dont
je ne retrouve qu'une note ; je l'ai entendu
raconter au Sr Arniaud fils , avec plusieurs
circonstances qui me sont échapées
; mais il est obmis dans le Mémoire
qu'il m'a laissé qui fut fait avec précipitation
et presque au moment de son départ.
,
se
Topal - Osman par des raisons qui ne
pouvoient que lui faire honneur
broüilla avec un Pacha plus puissant que
lui , peut-être avec ce même General
qu'il avoit si utilement remplacé au Siége
de Corfou . Sa tête fut proscrite et ses
biens confisquez : il fallut céder à l'orage,
il se déroba par la fuite à la fureur de son
ennemi ; déguisé et inconnu , abandonné
des siens , il se rendit à Salonique , où il
demeura caché quelque tems . Delà sous
l'habit et l'apparence d'un simple ( a ).
( a ) Soldat de Marine Turc.
E ij
Léventi
84 MERCURE DE FRANCE
Léventi , Il s'embarqua sur une Galere et
passa à Constantinople. Pendant qu'il
agissoit sous main , sans oser paroître , es
qu'il employoit ses amis pour obtenir sa
grace , son ennemi fut déposé. C'étoit le
plus grand obstacle à la justification
d'Osman : elle fut éclatante et solemnelle.
Il fut renvoyé dans la possession de tous
ses biens , et ce fut à peu près dans ce
tems qu'il fut nommé Seraskier ου
Generalissime en Morée.
›
Tous les Consuls étant venus le saluer
en cette qualité , il donna à la Nation
Françoise les témoignages les plus marquez
de bienvaillance et de protection .
chargea les Consuls François d'écrire à
Malte au Capitaine Arniaud , pour lui
faire part de sa nouvelle dignité , et le
prier de lui envoyer un de ses fils , dont
il se voyoit en état de faire la fortune.
Un des fils d'Arniaud , celui - la même
qui a fourni ces Mémoires , se rendit
effectivement en Morée ; et pendant deux
ou trois ans qu'il demeura auprès du
Seraskier, celui - ci, tant par les dons qu'il
lui fit , que par les facilitez et les avanta
ges qu'il lui procura pour son commerce,
le mit effectivement à portée de faire des
gains considérables dont les occasions furent
négligées par le jeune homme , alors
plus
JANVIER.
1734 83
plus occupé de ses plaisirs que du soin de
sa fortune.
Topal-Osman croissant en dignitez à
mesure que son mérite devenoit plus
connu , fut fait Pacha à trois queües , et
nommé Beglier-Bey de Romelie , un des
deux plus grands Gouvernements de
l'Empire , lequel par sa proximité de la
Frontiere de Hongrie est un poste encore
plus important.
་
En 1727. le Capitaine Arniaud , âgé
de soixante et sept ans , passa avec son
fils à Salonique , et alla voir le Beglier
Bey à Nysse où il faisoit sa résidence . Ils
en reçurent l'accueil le plus favorable et
le plus tendre ; il déposa en leur présen ,
ce le faste de sa dignité , les embrassa
leur fit servir le Sorbet et le Parfum , et
les fit asseoir sur le Sopha , faveur singuliere
de la part d'un Pacha du premier
ordre , sur tout quand elle est accordée à
un Chrétien. Il les combla d'honneurs et
de présents , et leur voyage leur valut
plus de 15000 livres. En prenant congé
du Pacha , son ancien Patron lui dit qu'il
esperoit bien avant que de mourir l'aller
saluer à Constantinople en qualité de
Grand Visir ; c'étoit plutôt alors un
souhait qu'une espérance , l'évenement
en a fait une prédiction.
E iij
Le
36 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Visir Ibrahim Pacha après
avoir joüi douze ou treize ans tranquillement
d'une dignité jusques - là si orageuse,
périt cruellement comme tout le monde
sçait dans la Révolution de 1730. ( a )
En moins d'un an il eut trois successeurs.
Au mois de Septembre 1731 , Topal-
Osman fut appellé pour remplir à son
tour un poste dangereux par lui- même ,
et devenu plus délicat dans les circonstances
présentes . Il ignoroit encore quelle
place lui étoit destinée ; lorsqu'étant
en chemin pour se rendre à Constantinople
, il fit écrire à Malte par le Consul
Francois de Salonique et mander au Capitaine
Arniaud qu'il pouvoit lui et ses
enfans venir trouver Topal-Osman en
quelque lieu du monde que la fortune
l'appellât. Après son arrivée à Constantinople
il fit prier l'Ambassadeur de
France d'écrire de nouveau et d'inviter
son ancien Patron à le venir voir ; lui
recommandant de ne point perdre de
tems, parce qu'un Grand Visir pour l'ordinaire
ne demeuroit pas long- tems en
place.
Arniaud profita de l'avis ; il vint à
Constantinople avec son fils au mois de
( a ) Voyez le Supplement du Mercure d'Avri
1731
JanJANVIER.
1734 87
Janvier 1732. Aussi - tôt que le Visir fut
informé de leur arrivée , il leur envoya
un Officier de confiance , leur dire qu'il
leur donneroit Audiance le lendemain.
après midi. On pensoit qu'il les recevroit
en particulier , pour ne point commettre
sa dignité en faisant à des Chrétiens
un accueil qui pourroit indisposer les
Grands de la Porte , sur tout dans un
tems où la fermentation des esprits se
ressentoit encore des troubles de la derniere
Révolution. Les deux François se
rendirent le lendemain au Palais du Grand
Visir, à l'heure marquée, avec les présents
qu'ils lui avoient aportés de Malte, consistant
en plusieurs Caisses d'Oranges ,
Citrons , Bergamotes , &c. diverses sor
tes de Confitures , des Orangers chargez
de feuilles et de fleurs , des Serins dé
Canarie dont les Turcs sont fort curieux ,
et ce qui l'emportoit sur tout le reste ,
en douze Turcs rachetez de l'esclavage à
Malte.
Tous ces présents , par ordre du Visir ,
furent rangez et exposez à la vûë. Le
vieux Arniaud âgé de soixante et douze
ans , accompagné de son fils , fut introduit
devant le Grand Visir. Il les reçût
en présence des plus grands Officiers de
l'Empire , avec les témoignages de la plus
E iiij
tendre
38 MERCURE DE FRANCE
tendre affection . Vous voyez , dit - il , en
adressant la parole aux Turcs qui l'environnoient
, et leur montrant les Esclaves
rachetez, vous voyez vos freres qui jouissent
de la liberté après avoir langui dans
l'esclavage : ce François est leur libérareur
. J'ai été esclave comme eux
ajouta-t'il , j'étois chargé de chaînes
percé de coups , couvert de blessures ,
voilà celui qui m'a racheté , qui m'a sauvé
; voilà mon Patron : liberté , vie
fortune , je lui dois tout. Il a payé sans
e connoître mille Sequins pour ma rançon.
Il m'a renvoyé sur ma parole ; il m'a
donné un Vaisseau pour me conduire ou
je voudrois :où est,même le Musulman ,capable
d'une pareille action de génerosité?
Tous les assistants avoient les yeux tournez
sur le vieillard qui tenoit les mains
du Grand Visir embrassées .Tous les Officiers
de ce Ministre , tous les gens de sa
maison se disoient les uns aux autres
voilà l'Aga ( a ) le Patron du Visir; voilà
celui qui a racheté notre Maître.
Cinq ans auparavant Osman étant Pacha
de Nysse , n'avoit pas voulu permettre
que son ancien Patron lui baisât
la main. Devenu Grand- Visir , il souf-
( a ) Les Esclavos Tures appellens leur Maître
tum Aga.
frit
JANVIER 1734 89
frit cette marque de respect et de soumission
, et crut devoir en agir ainsi
sur tout en présence des Grands de l'Empire
, pour qui c'eût été une faveur ,
eux qui se trouvent honorez de baiser
le bas de la veste d'un Grand Visir , et
dont plusieurs même murmuroient en
secret de l'honneur que celui- cy faisoit
à de vils Ghiaours . (a)
,
Le Visir fit ensuite au Pere et au Fils
diverses questions sur l'état présent de leur
fortune et sur les pertes qu'ils avoien
essuyées dans leur commerce. Après avoir
écouté leurs réponses avec bonté , il répliqua
par une Sentence Arabe Allah-
Kerim , qui signifie à la lettre , Dleu est
liberal , et dans un sens plus étendu , la
Providence de Dieu est grande ; elle m'a
mis en état , ajoûta - t'il , d'adoucir votre
situation. Il fit ensuite devant eux la
destination de leurs présents , dont il
envoya sur le champ la plus grande partie
au Grand- Seigneur , à la Validé ¯ ( b)
et au Kislar- Agă, ( c)
Les deux François , comblez des cares-
(a) Ghiaours est un terme de mépris dont les
Tures se servent pour désigner ceux qui ne sont pas
Musulmans.
(b) Sultane Mere.
(c) Chef des Eunuques noirs.
E v se
90 MERCURE DE FRANCE
•
ses du Grand-Visir , prirent congé de lui.
Il avoit donné ordre de leur préparer
un Appartement dans son Palais ; il leur
fit quelques reproches en apprenant qu'ils
retournoient au Palais de France ; il chargea
l'Interprete de les recommander de
sa part à M. l'Ambassadeur , en le faisant
assurer qu'il lui auroit obligation
de tout ce qu'il feroit pour eux.
Il y a assurément de la grandeur d'ame
dans la peinture que Topal- Osman fit
de son Esclavage et dans l'aveu public
de son humiliation et des obligations
qu'il avoit à son Libérateur ; mais il faudroit
connoître le profond mépris et le
fond d'éloignement que les préjugez de
la Religion et de l'éducation inspirent
aux Turcs pour tout ce qui n'est point
Musulman , et en particulier pour les
Chrétiens , pour sentir toute la beauté
et la noblesse de cette action , qui se passa
aux yeux de toute sa Cour.
Le Fils du Visir reçut ensuite le Pere et le
Fils en particulier dans son Appartement,
où il ne garda aucunes mesures. Il les
embrassa l'un et l'autre, les traita avec la
même familiarité qu'avoit fait son Pere
étant Pacha de Nysse , et leur fit promettre
de le venir voir souvent.
Ils eurent peu de temps avant leur départ
JANVIER. 1734- 91
part une autre Audiance particuliere du
Visir , où ce Ministre n'ayant plus de
bienséance à observer , oublia son rang
pour ne plus se souvenir que de ce qu'il
devoit à son Bienfaicteur. Il lui avoit
déja fait rembourser liberalement la rançon
des douze Esclaves , et procuré le
payement d'une ancienne dette regardée
comme perdue. Il y ajoûta de nouveaux
présents en argent , et un Commandement
ou permission expresse pour faire
gratis à Salonique , un chargement de
bled , sur lequel il y avoit un profit à
faire d'autant plus considerable que ce
commerce étoit interdit aux Etrangers
depuis plusieurs années. Cette gratifica
tion montoit à plus de dix mille écus .
Le Visir , qui eût voulu mesurer sa libé
ralité sur sa reconnoissance , qui étoit'sans
bornes, leur fit entendre qu'il ne pouvoit
pas faire tout ce qu'il vouloit, et peut - être
n'en faisoit- il déja que trop aux yeux de
ceux qui ne jugent des actions d'un Ministre
que par leur interêt particulier.
Il fit ressouvenir Arniaud le fils de son
voyage en Morée , et du temps où il n'avoit
tenu qu'à lui de faire une grande
fortune par les occasions qu'il lui avoit
procurées. Il finit par leur dire qu'un
Pacha étoit le Maître dans son Gouverne
E vi
ment
92 MERCURE DE FRANCE
ment , mais qu'un Visir à Constantinople
avoit un plus grand Maître que lui .
Topal- Osman , par sa vigilance et sæ
fermeté, avoit remis l'abondance , le bon
ordre et la Police dans Constantinople ,
où depuis la Révolution jusqu'à son Ministere
, la licence et le desordre n'avoient
pû être réprimez , et où la disette
et la cherté des vivres étoient excessives.
Quoiqu'on lui ait reproché une trop
grande séverité, il est de fait qu'il n'a condamné
à mort même les plus vils et les plus
séditieux des mutins , que sur le Fetfa (a)
du Mufti. Peut-être dans les conjonctures
présentes un homme de ce caractére étoitil
nécessaire pour prévenir une nouvelle
révolte et rétablir la tranquillité publique;
ce qu'il y a de certain , et qui est bien à
son honneur , c'est qu'il fut regretté de
tous les gens de bien et des bons Citoyens,
lorsqu'il fut ôté de place au mois de
Mars 1732.
On ne sçut pas bien , du moins alors ,
les véritables motifs de sa déposition .
Un mois auparavant les bruits publics
l'avoient annoncée pour le temps précis
où elle arriva : elle avoit été précedée de
quelques jours par celle du Mufti , qui
(a) Sorte de consultation du Mufti , qui décide
suivant la Loy , de la peine duë au coupable.
avoit
JANVIER. 1734. 93
avoit opiné pour la Paix , ainsi que le
Visir dans le Conseil extraordinaire, tenu
depuis peu au sujet des affaires de Perse ;
l'un et l'autre avoient insisté fortement sur
la nécessité de ratifier le Traité conclu par
Achmet-Pacha , Gouverneur de Bagdad,
en vertu de son plein pouvoir. La déposition
de ces deux Ministres fut regardée
, avec raison , comme un mistere de
politique ; car il faut avouer que tout
ce qu'on en dit dans le temps ne passoit
pas la conjecture.
Topal - Osman , qui avoit dès longtemps
prévû ce revers , le soutint avec
la plus parfaite tranquillité. En sortant
du Serrail , après avoir remis le Sceau de
l'Empire , il trouva toutes ses Créatures
et tous les Gens de sa Maison abatus et
consternez : de quoi vous affligez - vous ,
leur dit - il , ne vous ai-je pas dit qu'un
Visir ne restoit pas long- temps en place ?
Toute mon inquiétude étoit de sçavoir
comment j'en sortirois ; grace à Dieu on
n'a rien à me reprocher ; le Sultan est satisfait
de mes services ; je pars tranquille.
et content.
Il donna ensuite ses ordres pour un
Sacrifice (a) d'actions de graces , distri-
(a) Cette coûtume est pratiquée parmi les Turcs
en certaines occasions , comme pour obtenir un heureux
succès , &c.
94 MERCURE DE FRANCE
bua de l'argent à ses Domestiques et leur
ordonna de se réjouir . Il se ressouvint
aussi dans ce moment de son Bienfaicteur
, en prévoyant le chagrin que cet
évenement lui causeroit. Qu'on lui dise
qu'il se console , ajoûta- t'il , je ne désespere
pas de le revoir encore , dites lui
qu'il me retrouvera toujours; qu'on écrive
à Salonique, que l'on soit exact à lui donner
la quantité de bled que j'ai ordonné ;
si j'apprends qu'il en manque une mesure
, je ferai voir que je ne suis pas mort. Il
donna quelques autres ordres concernant
ses affaires domestiques et partit pour Trébisonde
, dont il avoit été nommé Pacha.
Si la reconnoissance , toute naturelle
qu'elle est aux coeurs genereux, passe pour
une vertu rare sur tout chez les Grands , il
faut convenir qu'elle reçoit ici un nouvel
éclat par la circonstance et le moment
où Topal - Osman rappella le souvenir de
son Bienfaicteur.
Jamais déposition de Visir n'eut moins
Fair d'une disgrace ; il n'y a point d'exemple
qu'un Ministre disgracié ait été
traité avec autant d'égards et de distinction.
Le Grand- Seigneur lui fit dire de
laisser son fils à Constantinople et qu'il
en prendroit soin ; et quatre jours après
ce même fils eut l'honneur de présenter
JANVIER 1734 99
à Sa Hautesse le présent qui lui avoit été
destiné par son Pere , pour le jour de Bayram.
(a) Il consistoit en un Harnois de
Cheval, enrichi de Pierreries , estimé 50000
Piastres ; c'est ce que Topal Osman avoit
en partant expressément recommandé à
son fils ; quoique , n'étant plus en place ,
il eût pû se dispenser de faire le présent
qu'il avoit fait préparer en qualité
de Grand- Visir.
•
Peu de jours après il reçut sur sa route
de nouveaux ordres pour aller commander
en Perse , à la Place d'Ali Pacha´, qui
venoit d'être nommé Grand- Visir à la
sienne. Osman alla tranquillement relever
son Successeur au Visiriat , dans
le poste de Séraskier , où il a rendu depuis
deux ans à sa Patrie des services
peut- être plus importants qu'il n'auroit
pû faire , s'il fût demeuré Grand - Visir ,
puisque non-seulement il a trouvé le secret
de soutenir une guerre difficile dans
un Pays désert et ruiné , à quatre cent
lieues de la Capitale , le plus souvent dénué
des secours d'argent , d'hommes , de
vivres et de munitions ; mais encore qu'il
a remporté une victoire complette (b)
(a ) Fête solemnelle des Turcs , pendant laquelle
ils se font des présens .
(b) Le 19. Juillet 1733 •
en
96 MERCURE DE FRANCE
en bataille rangée sur un Ennemi ( a) digne
de lui , battu les Persans en trois rencontres
, (b) et humilié l'orgueil de leur
fier General .
ENTRETIEN
DE DEUX PROCUREURS.
EPIGRAMM E.
AccCocommmmoodder les Plaideurs n'est mon vice ,
Disoit Pillard ; quand les gens ont du bien
Confrere , il faut laisser faire Justice :
C'est mon avis , mais chacun a le sien,
Maître Pillard , ce peut être le mien ,
Sans que pour ce je change de Méthode ,
Répond Griffon ; quand les gens n'ont plus rien,
La Charité veut qu'on les raccommode.
(a) Kouli-Kan , né Prince de Géorgie , Auteur
des derniers troubles de Perse , depuis le Traité de
Schaf-Thamas.
(b) En Octobre 1733.
LETJANVIER.
1734. 97
LETTRE de M. Du Breuil , à M. le
Marquis D *** contenant * l'Analyse
de la Dissertation sur la circulation de
la Séve dans les Plantes , qui a remporté
en 1733. le Prix , au jugement
de
Académie Royale des Belles Lettres ,
Sciences et Arts de Bordeaux . Par M. de
la Baisse.
E vous envoye , Monsieur , une Analyse
précise et exacte de la Dissertation
sur la circulation de la Séve , qui a
remporté cette année le Prix proposé
par l'Académie de Bordeaux. Je ne suis
entré dans aucun détail sur le mérite et
la bonté de l'Ouvrage ; l'Extrait même
suffita pour l'aprétier à sa juste valeurs
si cependant dans le cours de ma Lettre il
m'échappe quelques Refléxions ( ce que
j'éviterai autant qu'il me sera possible )
ce sera uniquement pour vous mettre en
état de juger si (a) les Physiciens trouveront,
ainsi que l'Académie de Bordeaux, que dans
* Je me servirai le plus souvent que je pourrai
des paroles de l'Auteur , pour ne point alterer la
• force de ses expressions.
(a) Tout ce qui est sousligné se trouve mot powr
mot dans l'Avertitsement de l'Académie de Bordeaux
, qui est à la tête de la Dissertation.
ľ hypon
98 MERCURE DE FRANCE
l'hypothese de la circulation de la Séve , qui
est , suivant ces Académiciens , une des
grandes entreprises de la nouvelle Philosophie
; M. de la Baisse paroît avoir pénetré
plus avant que ceux qui l'ont précedé,
et s'ils conviendront que ses Recherches laborieuses
, qu'il appelle par modestie des
tentatives et des conjectures , sont expliquées
avec netteté et solidité ; et qu'enfin cei Auteur
a mis dans un grand jour le Systême qui admet
dans les Plantes une méchanique approchante
de celle des Animaux.
ART. 1. pag. 3. M. d: 1 Baïsse commence
sa Dissertation par examiner quelles
sont les voyes par lesquelles s'insinue
le suc nourricier dans les Plant s. Il lui
paroît vrai en general que c'est par les racines
que les herbes , comme les arbres,
tirent leur nourriture , mais cette connoissance
étoit trop vague , il falloit quelque
chose de plus philosophique ; la racine
est composée de trois principales substances
, de la moëlle , du bois et de l'écorce
; l'écorce , comme tout le monde
sçait , recouvre les deux autres substances
et la moëlle est environnée du bois
et parconséquent de l'écorce ; il s'agissoit
de déterminer par laquelle de ces
trois substances entre le suc nourricier ;
le bois et la moëlle occupent la partic
interieure
JANVIER 1734. 99
interieure , c'est pourquoi elles ne paroissent
pas au premier coup d'oeil trop
à l'introduction de la séve , il ne
propres
reste plus que l'écorce à qui on puisse
naturellement accorder cet usage , son
tissu spongieux paroissoit à notre Auteur
propre à sucer les humiditez terrestres
ainsi voila bien des raisons qui peuvent
déterminer en faveur de l'écorce.
Mais M. de la Baïsse , en bon Physicien
, voulut s'en assurer et examiner par
quels endroits de l'écorce se fait particu
lierement cette suction ; il fit plusieurs
Experiences qui consistent à faire tremper
dans de l'eau ou dans quelque liqueur
colorée , differentes Plantes , tantôt il les
dépoüilla de l'éco , tantôt il leur laissa
leur écorce. Ces Experiences lui ont
paru prouver que l'écorce contribuoit
beaucoup à l'introduction du suc nourricier
, que la partie ligneuse pouvoit
elle seule recevoir la séve , mais en pe
tite quantité ; enfin , que les menües écor
ces du chevelu de la racine , tirent beaucoup
de nourriture , quoique les plus
épaisses ne laissent pas d'en recevoir.
Les Plantes ausquelles il avoit coupé
tous les menus filamens des racines , et
celles aux racines desquelles il avoit fait
des incisions , profiterent dans l'eau à
mer-
386187
100 MERCURE DE FRANCE
merveille . M. de la Baïsse compare ces
coupures à des bouches artificielles
par lesquelles la nourriture s'insinuë plus
aisément dans la substance de l'écorce ,
et il se sert de cette Experience pour
montrer l'utilité qu'on retire en coupant
tous les menus filamens des racines quand
on transplante. Toutes ces preuves rassemblées
font conclure à notre Auteur
que l'écorce est la voïe principale et naturelle
par laquelle les racines tirent les
sucs extérieurs dont les Plantes se nourrissent.
ART. 2. Il passe ensuite à l'examen des
routes que tient le suc nourricier , lorsqu'il
est introduit dans la Plante , parce
que le suc terrestre a dû , selon lui , recevoir
dans l'écorce une préparation qui
le dispose à s'élever jusqu'aux dernieres
extrémitez des feuilles et des branches.
C'est encore par la voïe sûre des expériences
que M. de la Baïsse cherche à reconnoître
le chemin de la séve ; il a mis
pour cela tremper
à différens
temps
, dans l'eau
teinte
par le suc de Phytolacca
, un
nombre
considérable
de Plantes
différen- tes , les unes avec leurs
racines
, les au- tres coupées
vers le pied
de la tige ; ses
observations
l'ont
porté
à croire
que le
suc nourricier
avant
que d'avoir
reçu les
derJANVIER.
1734. Iot .
dernieres préparations , s'éleve en partie
jusqu'au plus haut sommet des Plantes , et
qu'une autre partie de ce suc non encore
digéré , monte pour se répandre ensuite .
dans les branches et les feuilles .
Notre Auteur flaté de cette découverte
, voulut voir si les tuyaux des Plantes
par où monte le suc , ont quelque disposition
particuliere propre à en faciliter
l'afcension , ou s'ils sont indifférens à le
laisser monter ou descendre ; il observa
des Plantes qui trempoient dans une situation
renversée ; et il examina en même-
temps d'autres Plantes qui trempoient
dans leur situation naturelle; de ces
observations il conclut que les vaisseauz
pouvoient rirer de la nourriture par
leurs parties supérieures , quoique cependant
ces canaux soient plus disposez à
Jaisser monter le suc du pied vers le sommet
; on pourroit tres-aisément trouver
dans la Physique des Plantes , bien
des faits et des expériences , sans doute
, inconnuës à M. de la Baïsse , qui renverseroient
la seconde Partie de sa conclusion
et détruiroient les Observations
qui la soutiennent ; il suppose ensuite
qu'il se fait dans ces premières voies ' , lors
même que le suc y entre à contre- sens,
une digestion par laquelle la nourriture
102 MERCURE DE FRANCE.
ture se façonne en passant de ces canaux
dans d'autres , qui la distribuent
dans toute la substance de la Plante ;
cependant cette digestion qui se fait dans
la situation renversée n'a pas paru à notre
Auteur , ni aussi abondante, ni aussi parfaite
que celle qui se fait dans un état naturel;
c'est pourquoi il remarque que la maniere
dont les Plantes se nourrissent lorsqu'on
les fait tremper la tête en bas , paroît très
analogue à celle dont on prétend que des
hommes ont été nourris durant quelque tems
sans prendre que des clysteres delait ou de
liqueur succulente ; pour rendre l'analogic
complette M. de la Baïsse fait observer
que les orifices superieurs des canaux par
lesquels il a découvert que les Plantes
pouvoient tirer quelque nourriture , ne
seroient pour lors dans leur état naturel
que des ouvertures destinées aux ejections
excrementelles , il n'oublie point non plus
que ces canaux auront dèslors beaucoup
de ressemblance aux boyaux des animaux,
il semble que tout favorise les vuës de
notre Physicien , car sur des feuilles de
Tubereuse arrachées de la tige et plongées
par la pointe dans la teinture de Phytolacca
, il a observé des veines branchuës
et ondoyantes , et il a jugé que ces veines
pourroient bien avoir quelque rapport
aux
JANVIER . 1724. 103
aux veines lactées des animaux et être
des vaisseaux où se filtre la liqueur dont
les tuyaux sont remplis.
ART. 3. pag. 16. Après avoir décou
vert que le suc nourricier monte du pied
de la Plante vers le sommet , il falloit
rechercher par quelle partie de la tige se
fait plus particulierement cette ascension ;
parmi les Physiciens les uns ont crû que
la séve monte par l'écorce , d'autres ont
soutenu qu'elle s'éleve entre le bois et
l'écorce , quelques autres enfin ont voulu
que ce fût par la moëlle . Les expériences
rapportées par ces Auteurs pour deffendre
deux sentimens , n'ont nullement paru
décisives à M. de la Baïsse , c'est ce
qui l'a engagé à examiner par lui même
et à faire plusieurs expériences pour tâcher
de découvrir la verité. Il a mis tremper
dans la teinture dePhytolacca différen
tes tiges ou branches d'arbres et de plantes
. Au bout de quelque tems il a examiné
l'écorce et la portion ligneuse , plusieurs
amas de filets dans la substance du bois
lui ont paru rouges sans qu'il trouvât
rien de remarquable dans l'écorce , et sans
que
la moëlle en ait tiré aucune teinture
dans l'antirrhinum , l'écorce étoit devenuë
d'un verd foncé , le calice des fleurs,
lequel bien examiné , n'est , suivant la remar104
MERCURE DE FRANCE
marque de notre Auteur , qu'une production
de l'écorce avoit considérablement
rougi d'un rouge plus foncé vers
les bords. De toutes ces observations , il
conclut que les canaux destinez à porter
la séve dans le corps de la Plante, ne sont
ni dans la moëlle, ni dans l'écorce, ni entré
l'écorce et le bois ; mais dansla substance
ligneuse c.à.d. que ces canaux sont de vé
ritables fibres ligneuses renfermées entre
la moëlle et l'écorce M. de la Baïsse
s'appercevant sans doute de la foiblesse
de ces preuves et de la contradiction manifeste
de ses expériences, a voulu renforcir
sa conclusion par les observations
suivantes.
>
Il dit 1. qu'il est de notorieté publi
que que des arbres cariez dont le tronc
est entierement dépourvû de moëlle
ne laissent pas de vegeter on pourroit
ajouter, le Public n'est pas moins exactement
informé que les mêmes arbres vegetent
très bien sans portion ligneuse avec
la seule écorce , il avance . 2 ° . Que ce ne
peut pas être non plus par l'écorce que
la nourriture monte des racines aux branches
, puisqu'on a vû des arbres croître
et vegeter, quoique le tronc en fut entierement
dépouillé , témoin l'Ormeau des
Thuilleries et ceux du Luxembourg dont
•
il
JAN VIER. 734. 105
il est parlé dans l'Histoire de l'Académic
Royale des Sciences 1709. en 1711. témoins
les Oliviers de Languedoc dont il
a fait mention au même endroit ausquels
on cerne l'écorce , ( a ) au - dessus de l'endroit
où on vient de les enter, ce qui fait
porter plus de fruit aux vieilles branches
qu'on doit couper après la récolte.Je suis,
en verité, surpris que M. de la Baïsse qui
paroît instruit des preuves queM . Parent
proposa à l'Académie Royale des Sciences
, pour soutenir le sistême que notre
Auteur annonce aujourd'hui comme une
grande découverte etune découverte assurée
, ait ignoré combien les faits exposez
par M.Parent péchoient contre la verité,
et de quelle maniere ils furent relevez
par M. Reneaume qui se transporta au
Luxembourg et aux Thuilleries pour
examiner les arbres en question ; il auroit
dû sçavoir aussi ce que l'on répondit à
l'observation des Oliviers de Languedoc ,
communiquée à l'Académie des Sciences
par M. Magnol.
Mais notre Auteur,sans vouloir entrer
dans tout ce détail , soutient que ce qui
a été dit pour expliquer tous ces faits,en
supposant que c'est par l'écorce que mon-
( a ) L'Auteur auroit dû mestre deux doigts
d'écorce pour ne point faire prendre le change.
F te
16 MERCURE DE FRANCE
te la nourriture , est plus subtil que solides
et regardant son sentiment comme victotieux,
il se contente pour refuter l'opinion
des partisants de l'écorce , d'ajouter deux
nouveaux faits assez remarquables , selon
lui , mais qui ne paroîtront peut-être pas
plus frappans que les précedens , et qui
sont sujets aux - mêmes inconveniens . En
finissant cet article M. de la Baisse voyant
sa découverte hors de toute atteinte, veut
bien , en galant homme, avoir la complai
sance de relâcher de ses droits en faveur
de l'écorce ; il accorde que dans les arbres
faits dont le bois est fort compact , comme
chênes et ormeaux , la séve monte par
PAubier ou par la partie du bois la plus
voisine de l'écorce , il dit même qu'il s'est
assuré de cette observation par plusieurs
expériences qu'il passe sous silence.
La suite dans un autre Mercure.
l'Enigme et les Logogryphes du premier
Volume de Décembre, doivent s'expliquer
par le Tems , Crainte , Murmure
Lapin, dans lequel on trouve, Pain , Pin ,
La , Lin , Nil, Lia, et Gloire. On trouve
dans celui- ci , Loire , Orge , Eloi , Lire ,
Ogre, Loir, Gril, Loi , Roi , Ire , Oie , Or
On a dû expliquer les mots de l'Enigme
et des Logogryphes du deuxième Volu
me
JANVIER. 1734. 107
me du mois de Décembre , par la Bougie,
Vertu , Abeille . On trouve dans ce dernier
Bal , Ail , Lia , Lie , Bail , Elie ,
Bile , Abel , Albi ,
22222
ENIGM E.
N'Avez -vous jamais vû deux petites Armées ,
Qui l'une contre l'autre avec ordre animées
Se livrent de rudes combats
Rien n'y manque pour battre ou pour se bien
défendre.
Cavaliers , Généraux , Mousquetaires , Soldats
Enfin , ce qui va vous surprendre ,
La Reine suit son Roy ; sans craindre le danger,
Elle court à grands pas sur le Prince Etranger ;
Tous jusqu'aux Piétons, signalent leur courage;
Bientôt maint et maint personnage
Se livre à l'ennemi pour deffendre son Roy.
Tout se trouble , la Reine tombe
Le Roy fuit , mais envain , sous les coups il suc
combe ;;
Adieu , Lecteur , devinez- moi.
•
A. Th. . . J. J. J. J.
Fij LO108
MERCURE DE FRANCE
***************
LOGOGRYPHE
C Ing Lettres composent mon nomi
D'usage par toute la terre
J'attache , je retiens , je serre
Et fais souffrir quelquefois un Larron,
Ce n'est pas tout , prenez ma tête
Lecteur , sans être homme ni bête
Dans les vastes réduits d'un Bois ,
Je fais entendre une terrible voix ;
›
Otez mon coeur , pour sauver l'innocence,
Des Filets que lui tend , l'injuste violence
Dans un infolio , je renferme les loix ,
A ThJJ
AUTRE.
Six Lettres font mon nom , devinez , je vou pric ,
A ma couleur , en quel canton ,
Je nais , et d'où je suis sortie ,
Pour paroître en bonne maison ,
Combinez -moi de toute sorte ,
Par haut , ou par bas , il n'importe ,
Voici ce que je fournirai.
D'abord je vous rappellerai ,
JANVIER. 1734 109
Un Prince fameux dans l'Histoire ,
Qui de plus d'un François a fait l'heur et l
gloire ,
Et battu dans divers combats ,
Sçut conquerir de grands Etats.
Un grand esprit rempli de gloire ,'
L'art d'un mortel , lequel sans boire ;
Traverse un Fleuve sans Batteau ,
Un Métail , sans lequel ni le bon , ni le beau ,
Ne se voit nulle part, pas même chez un Prince?
Un timide animal , lequel en sa Province ,
Engendre un animal guerrier ;
Un grain qui plaît à cette bête ;
Un bruit qui fait mal à la tête
Et tres-capable d'effrayer ,
Soit dans la paix , soit dans la guerre ,
Fâcheux sur Mer , plus que sur terre ;
Le mal d'un Chien , qu'on nomme fou ,
Et qu'on craint plus qu'un Loup garou ;
Le nom d'une Ville d'Affrique :
Morceau d'instrument de Musique ;
Un cours parfait du blond Phoebus ,
Qui courant du Verseau jusques au Capricor
ne ,
Consomme un certain temps , pour atteindre à
la borne
Cherchez , comme on cherche un Rebus.
En moi l'on trouve un mot , en tout Pays conforme
>
Fiij Qui
110 MERCURE DE FRANCE
Qui conclud en latin un argument en forme.
P. M. L. M. D. S. Y.
AUTRE.
A Mon aspect , plus d'un mortel
De ses malheurs croit voir le terme ;
Il rend graces aux Dieux , leur dresse maintAutel
Mon nom est assez court , cependant il renferme
>
Un Mets exquis , un Fleave , un Métal adoré
Et ce qui fait plaisir au Buveur altéré .
NOUVELLES LITTERAIRES
H
DES BEAUX ARTS , &c.
ISTOIRE de l'Empire des Chérifs
en Afrique, sa Description Géogra-..
phique et Historique ; la Relation de la
prise d'Oran , par Philippe V. Roy d'Es
pagne , avec l'abrégé de la Vie de M. de
Sancta Cruz , & c . ornée d'un Plan tresexact
de la Ville d'Oran , et d'une Carte
de l'Empire des Chérifs . Par M. . . chez
Prault , Quai de Gévres , 1733. 2 vol. in
12.
HISTOIRE des Découvertes et Conquêtes
des Portugais dans le nouveau
mons
JANVIER 1734:
Monde , avec des figures en taille - douces
Par le R. P. Joseph- François l' Affitau , de
la Compagnie de Jesus . A Paris , chez
Saugrain pere, Quay des Augustins , et Jean-
Baptiste Coignard fils , rue S. Jacques , 20
vol. in 4.
HISTOIRE D'OSMAN , premier du nom ,
Empereur des Turcs , et de l'Impératri
ce Aphendina - Astuda. Par Madame de
Games ; chez le même, 2. vol.in 12. 1734.
HISTOIRE D'ESTEVANILLE GONZALES
surnommé le Garçon de bonne humeur,
tirée de l'Espagnol . Par M. le Sage. Chez
le même. 1734. in 12.
LES PETITS SOUPERS DE L'ETE',ou Avantures
Galantes , avec l'origine des Fées.
Par Madame Durand. 1733. chez le mê
me. in 12.
: DE LA CONNOISSANCE et de l'amour de
N. S. Jesus Christ. Par le R. P. J. B. de
Bélingan , de la Compagnie de Jesus . A
Paris , quay des Augustins , chez Roslin
fils. 1734. in 12.
TRAITE' du vrai mérite de l'Homme
considéré dans tous les âges , et dans toutès
les conditions; avec des Principes d'é-
F iiij ca
112 MERCURE DE FRANCE
ducation , propres à former les jeunes gens
à la vertu. Chez Saugrain , au Palais.
1734. in 12.
RE'FLEXIONS instructives et morales
sur l'Apocalypse. Par M.l'Abbé Genreau,
Curé de N. D. de Dijon . A Paris , ruë
S. Severin , chez d'Houri. in 12. de 636
pages.
PENSE'ES MORALES ET CHRE'TIENNES
sur le Texte de la Genéze , dédiées à M.
le Duc d'Orleans . Par M.l'Abbé le Mere.
A Rouen , chez Charles Frrrand , ruë et
vis- à- vis S.Lo. 1733. 2 vol.in 12. de plus
de 1000 pages.
ESSAY sur les erreurs populaires . Sulte
de l'Extrait de ce Livre , imprimé
dans le Mercure de Novembre.
Au Chapitre 8 , du 3 ° Livre , l'Auteur
refute la Fable qu'on débite par rapport
au Loup , comme il a fait celle du Basilic
: Si le Loup , dit - on , apperçoit un
homme avant qu'il en soit apperçu , incontinent
cet homme devient enroué ou
perd la voix ; d'où est venu le Proverbe,
Lupus in fabula. Cette opinion est née
de l'étonnement et du silence que cause
d'ordinaire aux Voyageurs la vûë inopinée
JANVIER : 1734." 113
née des Loups ; non qu'il sorte de ces
animaux avec une vapeur nuisible , comme
on le suppose ; mais c'est qu'alors on
est saisi de frayeur; et que la frayeur produit
ordinairement le silence.
Chapitre 16. C'est encore une tradition
fort ancienne , que la Vipere dans
l'accouplement , coupe , avec ses dents.
la tête du mâle , et que les Petits , à leur
tour , pour le vanger , déchirent le sein
de leur mere , et se font ainsi passage
avec leurs dents...... Et quoique cette
Tradition fut établie chez les Grecs , les
Latins ont voulu la fortifier , en donnant
à cet animal le nom de Vipere. Quasi vi
pariat. Et ce texte des Livres Saints : O
générations de Viperes , a trouvé des Interpretes
favorables à cette même tradition.
Cependant malgré ces autoritez ,
ces narrations , ces conjectures , nous pou
vons affirmer après un examen sérieux
que cela n'est conforme ni à la vérité , ni
à la raison .
Il n'y a peut- être point d'animal dont
on ait débité tant de Fables , que de la:
Vipere comme on l'a déja remarqué, et
ainsi que François Rédi l'a fait voir dans
ses Observations. Ce Sçavant Naturaliste
a prouvé par le raisonnement et par
l'expérience que la Vipere ne contient
F v au114
MERCURE DE FRANCE
aucune humeur pernicieuse ou mortelle;
que l'un et l'autre sexe n'ont que deux
dents canines ; que ces dents sont creuses
, que leur morsure n'empoisonne
point , et qu'elle ne fait autre chose
qu'une playe par où le venin peut s'insinuer
, et que ce poison n'est mortel
qu'autant qu'il entre dans quelque vaisseau
sanguin. Il prouve encore que la
Vipere ne contient d'autre poison que
cette liqueur presqu'insipide , qui ressemble
à de l'huile d'amandes , et qui s'arrête
dans ces especes de guaines , dont
ses dents sont couvertes ; que cette li
queur ne sort pas de la vésicule du fiel
mais qu'elle se produit plus vrai- sembla
blement dans la téte où les conduits sa
livaires ont leur origine.
Dans le chap. 25. du même liv. 3. du
choix des Viandes , & c. l'Auteur dit qu'il
paroît qu'Aristote et Albert , recommandoient
la chair des jeunes Faucons. Galien
, dit il , qui vante celle des Renards.
en Automne, quand ils mangent des Raisins,
condanne les Cailles et met les Öyes
au même rang que les Autruches ; cependant
aujourd'hui on sert des Cailles
sur les meilleurs Tables.
Ce n'est que dans les plus grandes extrémitez
que l'on mange aujourd'hui
des
JANVIER . 1734. IIS
-
des Chiens. Cependant Galien nous apprend
que plusieurs Nations s'en nourrissoient
; et Hippocrate en fait autant
de cas que des Öyseaux ; il en ordonne
même la chair comme un reméde excellent
contre les maladies de Ratte , et
pour faire concevoir les femmes. Du tems
de Pline et de Galien , continue l'Auteur,
on condamnoit l'usage de la chair de
Cheval, et l'on croyoit que le sarg de cet
animal étoit très nuisible , au lieu
qu'aujourd'hui c'est la nourriture des
Tartares, et que ces Peuples en boivent le
sang. On pourroit se persuader que c'est
une fantaisie des Peuples Septentrionaux ,
si Hérodote ne nous apprenoit que
Perses en servoient dans leurs Festins , et
qu'aux jours de leur naissance , ils apprê
toient des Chevaux , des Chameaux et des
Anes tous entiers ; blâmant en cela les
Grecs , qui , selon eux , n'en chargeoient
point assez leurs Tables.
les.
Il n'y a presque rien dont les hommes
en general ne se nourrissent. Ce qui est
inconnu dans une Région , est d'usage
dans une autre , et l'on prouveroit sang
peine , que des Peuples entiers mangent
des Tygres , des Elephans , des Rats , des
Chauves - Souris , & c. Lérins et d'autres.
assurent qu'il y a des Amériquains qui
F vj
man
116 MERCURE DE FRANCE
mangent de tout , sans excepter les Cra
paux et les Serpens. Il y a même des Nations,
qui au mépris de toutes les Loix ,
ont mangé et mangent encore de la chair
humaine .
Les anciens étoient dans une grande ,
superstition au sujet de l'éternûment.On
lit icy , aù ch.9. du 4 liv. qu'ils croyoient
qu'il annonçoit quelque chose de sinistre;
et cela paroît bien par ce trait de
l'Athénien,qui , parce qu'un des Bateliers
avoit éternué , voulut abandonner sonentreprise
; et par le témoignage de S. Augustin
, qui dit que les anciens se remettoient
au lit quand il leur arrivoit d'é
ternuer en se chaussant.
Aristote demande encore pourquoi if
est d'un bon augure d'éternuer depuis
midi jusqu'à minuit , et d'un mauvais
augure d'éternuer depuis minuit jusqu'à
midi.
Eustathe , dans ses Commentaires sur
Homere , a remarqué qu'éternuer à sa
gauche , c'étoit un signe malheureux ; et
qu'éternuer à sa droite , c'étoit un signe
favorable. Aussi Plutarque nous apprend
qu'avant la Bataille contre Xerxes , Thémistocle
sacrifiant sur son Vaisseau
et un des assistans ayant éternué à sa
droite , l'Augure Euphrantides prédig
à
JANVIER 1734 117
`
à l'instant la Victoire des Grecs et la Dé
faite des Perses.
L'usage de saluer quand on éternuë ,
est donc beaucoup plus ancien qu'on ne
le croit ordinairement , et il ne tire point
son origine de quelque maladie particuliere
; mais bien qu'il soit né de l'idée
qu'on s'étoit faite sur cette violente agitation
, qui surprenoit les assistans ; d'autres
ayant remarqué quelques événemens
qui n'y étoient liez que par hazard , on
est enfin parvenu à faire ces formules ,
par lesquelles on souhaitoit que le mal
fut détourné , et que le bien arrivât.
HISTOIRES DES EMPIRES , et des Républiques
, depuis le Déluge jusqu'à
JESUS - CHRIST , où l'on voit dans celle
d'Egypte et d'Asie , la liaison de l'Histoi
re Sainte avec la Prophane , &c. Chez
Simart , Rouan , Bullot et Nully. 1733. 4
vol. in 12.
Le Volume de l'Histoire et des Mémoires de
PAcadémie Royale des Sciences,pour l'année 173r.
in 4. et le Traité Physique et Historique de l'Auvore
Boreale , par M. de Mairan , et une suite des
Mémoires de cette Academie , pour la même année
1731. se débitent à l'Imprimerie Royale .
Les Libraires associez pour l'impression des
Memoires de la même Academie des Sciences
avant
18 MERCURE DE FRANCE
#vant 1699. viennent de proposer une nou
velle Souscription , pour neuf nouveaux volumes
in 4. qu'ils promettent de donner au Public
dans le courant de la présente année 1734. Le
prix de la Souscription en entier est de 90 liv..
dont on payera 30 liv. en souscrivant, 30 liv.en
recevant les trois Volumes des Mémoires , et 30
liv. en recevant les six volumes des Machines.
Les Souscriptions seront receuës jusqu'au premier
jour du mois prochain , chez Martin ,
Coignard fils , et Guérin , ruë S. Jacques.
Le Livre intitulé : La Bibliotheque des Enfans ,
c. se vend chez Pierre Simon , Imprimeur du
Parlement , ruë de la Harpe , à Hercule, et chez
Pierre Witte , rue S. Jacques , à l'Ange Gardien
. Cet Ouvrage in 4. comprend 4 parties ; la
premiere , de 28 feuilles , contient le Systême du
Bureau Typographique. La seconde , en 15 feüilles
, contient les leçons du nouvel A b , c , la
tin , pour les Maîtres et pour les Enfans . La troisiéme
, en 31 feuilles , contient les 106 leçons.
du nouvel A, b , c ,françois , et du supplément
sur l'Arithmétique , sur le Calendrier et sur l'Ecriture.
Ces trois volumes se vendront ensemble,
comme faisant un seul Ouvrage de Litterature.
On vendra séparément le 4 volume , qui est
zo feuillets , feuilles in 4. contient le Rudiment
pratique de la Langue Latine , pour les Garçons,
et une Introduction à la Langue Françoise , pour
les Filles . On vendra aussi séparément et en pe
tit , pour l'exemplaire de chaque Enfant , le
nouvel A , b , c , Latin , le nouvel A, b , c , François
, et le Rudiment pratique de la Langue La
tine..
On
JANVIER. 1734 119
On vend chez De Saint , Libraire, rue S.Jean
de Beauvais : LES DONS DES ENFANS DE LA
TONE ; la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes.
dédiez au Roy. C'est un Ouvrage qui contient
plus de 4000 Vers , vol . in 8. ( nrichi de Tailles.
douces , dessinées par M. Oudry , er gravées par
le Sr Lebas , avec plusieurs autres gravures de
Musique .
L'Ouvrage est divisé en deux parties , la pre
miere regarde la Musique , et contient deux Poëmes
de 4 Chants chacun. Le premier a pour ti
tre: Apollon ou l'Origine des Spectacles , en Mu
sique ; et le second est une Epître qui parut avec
succès en 1714.contenant aussi 4 chants , revuë,
corrigée et augmentée. Ces deux Poëmes sont
suivis d'une Table Cronologique de tous les .
Opéra qui ont paru en France depuis l'année
1645. jusqu'à present, avec le nom des Auteurs ,
des Paroles et de la Musique..
La seconde Partie de l'Ouvrage est intimulée :
Diane ou les Loix de la Chasse du Cerf; Traduction
tirée d'un Poëme Latin, de Jacques Savary,
imprimé à Caen l'année 1659. accommodé à la
maniere de chasser le Cerf aujourd'hui .
Le Poëme est divisé en 6 chants, et peut contenir
1700 Vers,sans la Préface ; il est suivi d'un Dictionnaire
de tous les termes usitez à la Chasse du
Cerf , tirez de tous les Auteurs qui en ont écrit ,
et de l'usage present.
Pour reünir plus parfaitement les Dons , dés
Enfans de Latone , l'Auteur a jugé à propos d'y
joindre les Paroles d'une nouvelle Chasse du
Cerf , mise en Musique , qu'il compte apparem
ment donner au public, entierement Parodiées , à
ce qu'il dit,sur des Airs choisis des Opéra d'An◄
gleterre , de la composition du Sr Hendel , fameux
120 MERCURE DE FRANCE
meux compositeur , avec des Simphonies étran
geres des meilleurs Auteurs Italiens .
L'Ouvrage enfin est terminé par un Recueil
gravé de toutes les Fanfares connues à la Cour ,
sous différens noms , et composez par M. de
Dampierre , Gentilhomme des plaisirs du Roy ,
imaginés par lui pour servir de signaux à la
Chasse , et faire entendre aux Veneurs la nature
du Cerf que l'on court , ses mouvemens , et toutes
les differentes opérations de la Chasse , avec
tous les tons qu'il y a affectez; ces Fanfares sont
suivies de plusieurs autres nouvelles Fanfares ,
avec les Parodies qui en ont été faites par différentes
personnes; et le tout est réuni sous le titre
commun des Dons des Enfans de Latone.
Nous rendrons compte au public du détail de
chacun de ces Poëmes , dont la lecture fait un
extréme plaisir .
LIVRES NOUVEAUX qui se trouvent
à Paris chez André Cailleau , Libraire,
Quay des Augustins , au coin de la rue
Gist- le- Coeur, à S. André.
Histoire du Peuple de Dieu depuis son orí
gine jusqu'à la Naissance du Messie & c . Nouvelle
Edition , revûë , corrigée et augmentée de
l'Histoire de Job , avec des Cartes , Vignettes ,
Tables Geographiques , et des Matieres. Par le
R. P. Berruyer D. L. C. de Jesus. 8. Vol. 4.
grand et petit papier. On donnera le huitiéme
Volume des augmentations pour ceux qui ont
la premiere Edition , in 4. grand et petit papier.
La même Histoire in 12, et en dix Volumes,
est sous la presse.
Histoire naturelle de Pnivers , dans laquelle
en rapporte des raisons Physiques sur les effets
ks
JANVIER. 1734. 227
les plus curieux et les plus extraordinaires de la
nature,par M. Colonne, Gentilhomme Romain .
2. Vol. 12. avec Figures. On donnera la suite
incessamment.
La Bibliotheque des Philosophes et des Sçavans,
tant Anciens que Modernes , avec les merveilles
de la Nature &c. Par M. Gantier , Architecte et
Ingenieur , in 8. Tome 3. Les deux premiers-
Volumes 8. se trouvent chez le même Libraire.
L'Esprit de l'Eglise dans la Récitation de cette
Partie de l'Office , qu'on appelle Complies , en
forme de Dialogue entre le Maître et le Disciple,
Vol. in 12. Ce Livre sous un titre simple , renferme
les plus beaux traits et les points les plus
essentiels de la Morale Chrétienne , tirez pour la
plupart de l'Ecriture Sainte. Le Disciple est instruit
et édifié par l'éloquence solide de Saing
Chrysostome , par les lumieres profondes de S
Augustin , et par la Dévotion éclairée de S. Bernard
, qu'on a choisis pour les interpretes des
quatre Pseaumes qui composent l'Office de Complies.
Penséss sur divers sujets de Religion et de Morals,
avec un Essai de Sermons par le R. P. Bourda
loue , de L. C. de Jesus, 2 Vol . 8. et 3. Vol. 12.
Le Zodiaque de la vie humaine & c. divisé en
12. Livres , sous les 12. Signes. Traduit du
Poëme Latin de Marcel Palingene, célébre Poëte.
Nouvelle Edit. revûë corrigée et augmentée, avec
des Notes Historiques et Critiques , Politiques
et Morales , par M. de la Moinerie.
Vol. 12. 2 .
Histoire des Rois de Pologne , et du Gouvernement
de ce Royaume , &c. 3. Vol. 8. Amster¬
dam ,
Nouvelles découvertes en Médecine &c. par le
Sr de Marconnay, Docteur en Médecine. 1. Vo-
Jume 12, L'Ar
22 MERCURE DE FRANCE
L'Argenis de Barclay , Traduction nouvelle
par M. l'Abbé Josse , Chanoine de Chartres
3. Vol. 12.
Supplement du Dictionnaire de Bayle 1. Volu
me. fol ,
Il paroît depuis peu un nouveau Calendrier
perpetuel qui ne déplaira peut- être pas aux con
noisseurs, et dont on espere que le Public retirera
des grands avantages , il n'est point d'années
passées ou à venir ,qa'on ne place tout d'un coup
sur ce Calendrier et de la façon la moins composée.
Tout son artifice ne consiste qu'à raporter
les jours et les Fêtes mobiles , aux jours et Fêtes
fixes de l'année , ce qu'on fait en plaçant la Pâque
vis- à- vis le jour du mois qui lui convient
et par cette simple opération on trouve facilement
pour tous les jours , celui du mois , de la
semaine , la Fête du même jour avec les Vigiles ,
les Quatre-Tems, de même que l'beure du lever
et du coucher du Soleil , calculée pour la latitu
de des 43 dégrez 31 minutes .
Ce Calendrier est disposé en rond et composé
de plusieurs circonférences concentriques , done
les extérieures présentent l'année commune ; les
intérieures sont chargées des Lettres Dominicales
, des Epactes , du Nombre d'or , servans
connoître la Pâque pour quelque année que ce
soit avant comme après la réformation.
* Il renferme encore l'Indiction Romaine , et n'a
qu'un pied de hauteur. On le place fort commodément
sur un Bureau , et il ne peut manquer
d'être d'un grand secours, tant dans la Chronologie
que dans les affaires Civiles ; les Gens de
Palais et autres qui seront bien - aises de vérifier
dans certains cas , les titres anciens et les dates
les
JANVIER. 1734 123
les plus reculées , le pourront faire par le secours
de ce Calendrier avec une facilité surprenante.
On a eu soin d'en donner une explication fort
étendue , qui contient la description de toutes
les circonférences qui le composent , avec leur
usage ; et pour une plus grande intelligence on
à raporté plusieurs exemples qui conduiront
comme par la main ceux qui à la premiere lecture
n'entendront point cette explication qui est
jointe au Calendrier même.
On le trouve à Aix , chez Antoine Choquel ,
Libraire, à la place des Precheurs.
Simart , Libraire , donnera dans le mois de
Mars prochain un Recueil des Lettres de Madame
la Marquire de Sevigné , en quatre Volumes in
12. Il y a à la tête un beau Portrait de cette
Illustre Auteur. On n'a rien oublié pour rendre
cette Edition parfaite , soit par rapport aux
Caracteres et au papier , soit par le soin qu'on a
pris de collationner exactement chaque Lettre
sur l'original.
Il a paru au commencement de l'Année deraiere
un nouveau Recueil des Piéces de Poësie et
d'Eloquence , présentées à l'Académie des Jeux
Floraux les Prix des Années 1729. et 1730. pour
imprimé à Toulouze , chez le Camus . On trouve
à la page 231. une Imitation en vers François
de la premiere Elégie des Tristes d'Ovide , commençant
par ce vers : Ouvrage infortuné , fruis
amer de mes larmes , &c . Mais ce qui a surpris le
plus , c'est qu'on lit dans l'Avertissement qui est
au-devant , que M. F.... Conseiller du Roy
Commissaire de la Marine au Département de
Toulon, s'est déclaré l'Auteur de cette Piéce. Il y
>
lic
224 MERCURE DE FRANCE
lieu de croire que cet Article y a été inseré sang
sa participation . Car on sçait que la même imisation
avoit déja paru dès 1727. au Tome III.
Pag. 363. de la continuation des Mémoires de
Littérature , qui s'imprime à Paris chez Simart
laquelle y avoit été donnée sous le nom de M.
Le P. B. L'Auteur de ces Mémoires l'appelle un
des plus grands et des plus sçavans Magistrats du
Royaume; et l'on a appris qu'en effet c'étoit M.
le Président Bouhier qui fut reçu la même année
à l'Académie Françoise. Dans cette nouvelle
Edition il y a quelques changemens , mais de peu
d'importance , qui n'empêchent pas qu'on ne
reconnoisse aisément que c'est la même Piéce
qu'on auroit mieux fait de laisser dans l'état où
l'Auteur l'avoit mise.
Le Pere Regnault J. qui a donné ici une nou
velle Edition de ses Entretiens Physiques , ou de
la Physique nouvelle en Dialogues , réimprimée à
Amsterdam , et traduite en Anglois à Londres ,
va donner l'origine ancienne de la Physique nouvelle.
L'Ouvrage est fait en forme d'entretiens par
Lettres ; et il s'imprime chez Jacques Clousier.
C'est un parallele de l'ancienne Physique et de la
Physique nouvelle , où l'on se propose de montrer
, sur tout , trois choses.
1. Ce que la Physique nouvelle a de la Physique
ancienne.
2. Le dégré de perfection de la Physique nouvelle
sur la Physique ancienne .
3. Comment la Physique est parvenue à ce
dégré de perfection .
Il a paru au commencement de cet année un
Rouvel Ouvrage de M. Claude-Joseph De Ferriere,
Doyca
JANVIER 1734. 125
,
Doyen des Docteurs Régens de la Faculté de
Droits de Paris . Ce Livre à pour titre : Nouvelle
Introduction à la Pratique ou Dictionnaire des
termes de Pratique , de Droit , d'Ordonnances et do
Coutumes , avec les Jurisdictions de France. Il est
en deux Volumes in quarto , et se vend à Paris ;
ehez Michel Brunet , et Claude Prudhomme , en la
grande Salle du Palais . Cet Ouvrage avoit déja
paru sous le titre d'Introduction à la Pratique ,
en deux Volumes in douze. Les réimpressions
qui en ont été faites , dans les tems qu'il n'étoit
qu'un simple projet , font assez connoître de
quelle utilité doit être celui qui paroît aujourd'hui
avec des augmentations si considérables ,
que l'Auteur a crû devoir faire ajouter à son titre
celui de Dictionnaire ; ensorte que c'est plutôt
un nouvel Ouvrage qu'une réimpression de celui
qui avoit paru jusqu'à présent.
On a réimprimé depuis peu à Londres , avec
un Apendix d'Edouard Baynard , Membre du
College des Médecins , l'Histoire des Bains froids.
tant anciens que modernes ; par le Chevalieg
Jean Floyer, 2 Vol . in 8.
Ambroise Haude , Libraire du Roy de Prusse
et de l'Académie des Sciences à Berlin, avertit les
Gens de Lettres qu'il imprime par souscription
un Ouvrage important , qui a pour titre La
Chronologie de l'Histoire Sainte et des Historiens
Profanes , qui la concernent , depuis la sortie d'Eypte
jusqu'à la Captivité de Babylone. Par Alphonse
de Vignoles , 2. Vol. 4. On distribue le
Programme dans plusieurs grandes Villes de
l'Europe, chez les principaux Libraires, et à Paris
chez Briasson , lesquels recevront les Souscrip
cione
126 MERCURE DE FRANCE
tions jusqu'à la fin d'Avril 1734. On promet que
l'Ouvrage sera achevé d'imprimer au commencement
d'Octobre de cette même année 1734. Le
prix pour le papier ordinaire sera de huit florins
de Hollande , et pour le grand papier de
onze florins.
&
Le 31. de Décembre dernier M. Pellegrini .
Peintre Venitien, fut reçu de l'Académie Royale
de Peinture et de Sculpture , sur un Tableau
qu'il lui a envoyé. Le Sujet est allégorique: c'est
la Modestie qui présente l'Ouvrage de ce Peintre
à l'Académie , sous la figure de la Peinture , avee
le Génie de la France qui écrit le jugemeut
qu'elle en fait. M.Pellegrini avoit été agréé dès le
tems qu'il vint à Paris , où il peignit la Galerie de
la Banque.
Le même jour M. Cars de Paris , un de nos
meilleurs Graveurs , Graveur en Taille - douce
ayant presenté les Portraits de Mrs Sebastien
Bourdon Peintre , et Michel Anguier , Sculpteur,
tous deux de l'Académie, qu'il a gravez d'après
Mrs Rigaud et Revel, fut aussi reçu Académicien,
Le 30 Janvier M. Boucher , Peintre , digne
Eleve de M. le Moine , déja connu par quantité
d'Ouvrages qui font honneur à la feinture et à
ses heureux talens , fut reçu à l'Académie d'une
voix unanime sur un Tableau en large , représentant
Renaud et Armide dans les plaisirs , avec
un fond de Paysage , orné d'Architecture , les
figures sont demi nature.
Un autre excellent Sujet fut reçu le même
jour , sur les Portraits en hauteur jusqu'aux genoux
, de Mrs Galoche Peintre , et le Moine pere,
Sculpteur , c'est M. Tocquet qui a de grands talens
pour le Portrait.
JANVIER.
127 1724.
Eleve de feu M. Boul- M. Verdot , Peintre
longne Paîné , étant mort depuis peu Professeur
ałe l'Académie , M. Noël Coypel a été nommé
par l'Academie pour remplir cette place , er
M. du Mont le Romain , a été nommé Adjoin
Professeur .
La perte que cette Académie à faite depuis
peu de M. de Boullongne son Directeur , et premier
Peintre du Roy , n'a apporté aucun changement
; il n'a pas plû à S. M. de nommer de
Premier Peintre , et l'Académie n'a point éû dẹ
Directeur. Sur l'avis de M. Rigault , un des plus
dignes de remplir cette place , l'Académie a délibéré
que les quatre Recteurs feroient chacun
pendant trois mois les fonctions de Directeur.
Ce que cette Illustre Académie vient de faire
et qui a encore été generalement approuvé , c'est
l'Election d'Academicien Honoraire et Amateur,
de M. de Boullogne , Conseiller au Parlement
de Metz , Premier Commis des Finances , et fils
de feu M. de Boullongne , Premier Peintre du
Roy , dont nous avons parlé dans le premier
Volume du Mercure de Décembre dernier
page 2663.
•
JETTONS FRAPPEZ pour
le premier jour de Janvier 1734. avec
Explication des Types , &c.
I. TRESOR ROY AL.
Jason , tenant la Toison d'or . Legende : Ne
desunt nec Amer.
*11.
#18 MERCURE DE FRANCE
II. PARTIES CASUELLES .
Un Cocq qui chante et bat des aîles à l'aspecs
de l'Etoile du matin. Legende : Sopitos suscitat.
II . CHAMBRE AUX DENIERS.
La Déesse de la Terre. Légende : Sua dona
rependit.
IV. ORDINAIRE DES GUERRES.
Des Aigles qui s'élevent vers le Soleil. Légen
de: Animis et viribus aquis.
V. EXTRAORDINAIRE DES GUERRES.
Des Foudres en l'air. Légende , Jussa volant,
V I. BATIMENS DU ROY.
Pallas debout tenant d'une main un Javelot, et
de l'autre une Equierre. Legende : Ad utrumqua
parata.
VII. ARTILLERIE .
Une Pallas , la main appuyée sur un Bouclier ,
dans un Parc d'Artilleric. Légende : Si vis pacem,
para bellum.
VIII. MARINE.
Des Oyseaux de Proye , revenant du Nord an
Midy. Légende : Non terruit Auster euntes.
IX.
GALERES,
Des Tritons qui embouchent la Trompette .
comme pour sortir du Port . Légende : Non jan
Littora tardant.
X. MAISON DE LA REINE.
Un Oranger chargé de fleurs et de fruits . Lo
gende : Non sterilis commendat honos.
LET
JETTONS DE 1 LANNEE 1734
11
SUSCITAT
REX
PES
DE
TRES OR ROYAL
1734 .
CHRIS
S UNT
NEC
AMOR
SUA
DON
III
REPENDIE
PARTIES CASUELLIS
IV
1734 .
ARIBUS
ANIMIS
QUIS
VII
PA
ORDINAIRE
DIS GUERRES
1734
CEN
PARA
STA15
αν
BELLUN
ARTILLERIE
VIII
I 734 .
TERRUTT
AUS
NON
MQUE VI
CHAMBRE
AUX DENIEKS
1734
JUSSA
OLANT
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
1734 .
PARATA
BATIMENS DUROY
1734.
ON
JAM
TER
EUNTE
MARINE
173 4.
LITTORA
TARDANT
GALERES
1734.
IX
ERILIS
ET NAVKEVINA
COMNENDA
MAT SON DE
LA REINI
1734
CONOR
JANVIER 1734. 129
LETTRE écrite de Bonaventure, Ile de
Amerique à sept lienes au Sud de l'Embouchure
du Fleuve de S. Laurens , le
25. Fuillet 1733 sur une Eclipse.
E Mardi 26. de May , sur les 7. heures du
Lmatin, leSoleil se fit voir de couleur de feu ,
et couvert de petites taches et barres ; le temps
s'obscurcit peu à peu , je crus que c'étoit l'effer
de quelque brouillard à venir , ce qui ne manqua
pas d'arriver , mais qui ne dura pas long- temps ,
car à dix heures on voyoit des Etoiles , et il
faisoit si nuit que nous ne nous reconnoissions
pas sur le Gaillard .
J'étois alors à 3. lieues dans le Sud d'ici , je
demeurai bien surpris , parce que la Lune étoit
sous notre horison.
Vers les onze heures le jour recommença , et
je croyois le tout passé ; il faisoit beau jour à
midi , quand je fus derechef étonné de voir la
nuit revenir aussi obscure qu'auparavant ; cela
me fit prendre le parti de faire route pour la
Baye de Penouille , à 6. lieues au Nord de Bo-
Maventure.
Cependant sur les deux à trois heures , le temps
commença à s'éclaircir , et à sept heures , étant à
l'ouvert de la Baye , je vis le Soleil . Je fis apporter
un miroir où j'apperçûs cet Astre et deux
petits Globes à ses côtez ; et sans miroir je vis un
troisiéme Globe qui n'étoit pas fort lumineux ,
environ de la grandeur du Soleil , et qui sembloit
s'y joindre droit au - dessus ; mais nous ne pûmes
pas voir long- temps ce Parelie , parce que
nuages en empêcherent , et que le Soleil se couchoir.
les
G Je
130
MERCURE DE FRANCE
au
Je laisse aux Astronomes à deviner la cause de
cette sorte d'Eclipse surprenante qui a duré
moins dix heures , pendant trois desquelles
nous fumes obligez d'avoir de la chandelle
allumée dans l'Habitacle * Je crois que
cette Eclipse est causée par quelque corps inconnu
jusqu'à présent,
PRIX proposé par l'Académie de
Chirurgie pour l'année 1734.
L
'Académie de Chirurgie , établie à Paris sous
la protection du Roy , desirant contribuer
au progrès de cet Art et à l'utilité publique, proprose
pour le Prix de l'année 1734. le sujet
suivant.
Déterminer dans chaque genre de maladies Chirurgicales
, les cas dans lesquels il convient de panser
fréquemment , et ceux dans lesquels il convient
de panser rarement.
On demande à ceux qui travailleront pour le
Prix , des raisonnemens fondez sur la pratique ;
on les prie d'écrire en François ou en Latin ,
autant qu'il se pourra , et d'avoir attention que
leurs écrits soient fort lisibles.
Ils mettront à leur Memoire une marque distinctive
, comme Sentence , Devise , Paraphe ou
Signature ; et cette marque sera couverte d'un
papier blanc collé ou cacheté , qui ne sera levé
qu'en cas que la Piece ait remporté le Prix .
Ils adresseront leurs Ouvrages francs de port
à M. Morand , Secretaire de l'Académie de
Chirurgie à Paris , où on les lui fera remettre
entre les mains .
* Lieu où sont les Boussoles.
Les
JANVIER. 1734. 231
Les Chiurgiens de tous pays seront admis à
concourir le Prix ; on n'en excepte que les
Membres de l'Académie .
pour
Le Prix est une Médaille d'or de la valeur de
deux cens livres, qui sera donnée à celui qui , au
jugement de l'Académie , aura fait le meilleur
Memoire sur le sujet proposé.
La Médaille sera délivrée à l'Auteur même qui
se fera connoître , ou au Porteur d'une Procuration
de sa part ; l'un ou l'autre réprésenteront
la marque distinctive , avec une copie nette du
Memoire.
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au dernier
jour de l'année 1734. inclusivement .
L'Académie , à son Assemblée publique de
1735. qui se tiendra le Mardi d'après la Trinité,
proclamera la Piece qui aura remporté le Prix.
REPONSE à M. le Gendre de Saint
Aubin , par l'Auteur du Problême proposé
aux Métaphysiciens Géometres.
Mqu'indirectement en attaquant M. de Fonvous
n'attaquez mon Problême
tenelle , M. Wallis , le P. Castel , tous les Géométres
, et toute la Géométrie , principalement
la moderne , et que vous dites même en propres
termes que cette Géometrie n'est pas plus solide
que le Problême en question , je crois que sans
perdre le temps en longues discussions , il me
convient , après vous avoir remercié de l'honneur
que vous faites à ce Problême , de prendre
acte de sa solidité constatée par un Adversaire
de votre réputation et de votre mérite . Je suis
avec respect , & c.
Cij I
•
132 MERCURE DE FRANCE
LETTRE de Clermont en Auvergne
sur le Systême du Bureau Typographique.
'Ay vá , Monsieur , avec plaisir par les derniers
Mercures, que l'Auteur de Bureau Typographique
n'étoit pas encore mort , puisqu'on
lui faisoit des objections contre cette nouvelle
invention ; et comme vous avez bien voulu les
faire paroître , souffrez aussi , Monsieur , que
j'expose en peu de mots les refléxions que j'ai
faites sur le même sujet .
Il m'a paru par tout ce que j'ai vû et entendu
de cette nouvelle façon d'instruire la premiere
enfance , que le but essentiel de l'Auteur étoit
de rendre sensible et de mettre à la portée des
enfans de deux à trois ans les premiers exercices
de la Litterature ; et même , comme il le dit en
quelque endroit , les premiers elémens des Arts
et des Sciences ; en un mot , de faire ensorte
qu'un enfant prêt de lui-même un certain goût
pour les Livres , et qu'il sçût presque à six et à
sept ans ce qu'il ne peut sçavoir d'ordinaire qu'à
neuf et dix ans.
Je ne m'amuserai point à disputer à l'Auteur
la possibilité du fait ; je ne trouve point cela impossible
dans son Sistême , d'autant plus que j'ai
vû quelques experiences qui lui sont très -favorables
, mais voici ma difficulté. A quoi bon
commencer de bonne heure l'institution des enfans
? A quoi bon tant de sollicitudes et de peines
pour les endoctriner presque en naissant , si
toute leur éducation se réduit ensuite à faire le
cours ordinaire des Classes et à sçavoir un peu
'e Latin ? Est-il nécessaire pour en venir là de
te tant de préparatifs et de dépenses ? Non , sans
douJANVIER.
1734. 133
doute,et peut-être que l'Auteur lui-même ne voudroit
pas contester cette verité. J'avoue que si l'on
faisoit entrer dans le cours des éducations publiques
des notions exactes et détaillées des Arts ou
des Sciences utiles et -pratiquées , on ne pourroit
commencer trop tôt , ni trop faciliter les premiers
élemens de la Litterature et de toutes les
Sciences ; mais puisque l'on ne vise proprement
qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le reste
dans les meilleurs Colleges , il me paroît qu'il
est inutile de s'empresser si fort pour aboutir
à la simple connoissance d'une Langue morte ;
les enfans y sont bien venus jusqu'ici et ils y
viendront toujours d'une maniere ou d'autre
sans tant d'exercices prématurez et sans tout
l'attirail du Bureau Typographique. Mon raisonnement
semble être appuié par la pratique même
des Princes et des grands Seigneurs , qui ne donnent
ordinairement des Précepteurs à leurs enfans
qu'à sept ans , et qui se contentent de leur
faire un peu apprendre à lire tant qu'ils sont entre
les mains des femmes.
Quoiqu'il en soit voilà ce que j'avois à représenter
touchant la nouvelle maniere d'instruire
les enfans , maniere que je ne trouve pas mauvaise
en elle- même , mais qui paroit inutile dans
le Sistême vulgaire. Je suis , Monsieur , &c.
REPONSE à la Lettre de Clermont
en Auvergne , sur le Systême du Burens
Typographique.
Q
Uand il seroit vrai , M. que l'éducation
des Enfans se réduiroit à faire le cours ordinaire
des Classes et à sçavoir un peu le Latin
et de Grec , il ne s'ensuivroit pas qu'il fût inutile
G iij
de
134 MERCURE DE FRANCE
commencer de bonne heure l'institution de la
premiere enfance . Je vous prie de lire dans le
premier volume de la Bibliotheque des Enfans ,
Particle premier et l'article second ; qui traitent
cette question . Les préparatifs et les dépenses
que l'on fait de bons Sujets aux Régens des basses
Classes , influent , n'en doutez pas , dans les
plus hautes , dans tous les exercices et dans toute
la vie . Ne contez - vous pour rien , M. de pouvoir
briller parmi ses Camarades , de pouvoir
remporter les premiers Prix , d'obtenir les premieres
places , et d'avoir ensuite du goût pour
tout ce que l'on fait ? Or un enfant qui aura
appris de bonne heure les élemens des Lettres par
le Systême du Bureau Typographique , cet enfant
sera plutôt en état d'acquerir ce goût , il sera
moins exposé à l'ennui et au dégoût de la plupart
des autres Ecoliers enseignez d'abord par la
Méthode ordinaire , cet enfant instruit de bonne
heure et jeune , sera en état , si les parens les
souhaitent , de doubler quelques Classes pour se
rendre encore plus fort dans tous ses exercices.
On pourra pour lors s'appliquer à bien d'autres
choses qu'à son Latin , et il n'y a point de parens
qui n'en soient bien aises.
Un Ecolier fort et diligent , trouve dans les
basses Classes le temps d'apprendre à écrire et
P'Arithmetique ; dans d'autres Classes le Dessein
le Blason et la Géographie viennent à propos
pour perfectionner l'étude de l'Histoire et de la
Chronologie , qu'on fera dans toutes les Classes ;
les Méchaniques et la Physique experimentale ,
pourront instruire et amuser les enfans, il ne s'agit
que de choisir à propos le temps et les matieres.
Dans le cours de Philosophie le moral conduic
au Droit des Gens et au Droit Public ; l'on trou-
C
20
V
E
ye
JANVIER.
135
1734.
Semaine
ve sur ces matieres et sur les interêts des Princes, >
des Textes Latins et François , propres à occuper,
à instruire et à former un jeune homme pendant
dix ans de College . Vous verrez , M. dans
le premier volume , article XIV . pag. 119.
qu'une Gazette de France , préparée par
est le meilleur Texte François que l'on puisse
donner à un jeune Seigneur. Ce Texte vivant est
le plus instructif , le plus varié et le plus agrable
que l'on puisse trouver pour la réunion et la
complication des idées philosophiques . On passe
peu à peu à la Gazette d'Hollande , au Mercure
Historique , au Mercure de France , au Journal de
Verdun , au Journal des Sçavans , et à tous les
Ouvrages périodiques , que l'on apprendra à par
courir chaque mois , afin que le jeune homme, se
fortifiant peu à peu sur cet exercice , se mette on
état d'en tirer avantage pour toute sa vie . Il est
vrai que puur lors en élevant les enfans on leur
donneroit les premieres notions des Arts et des
Sciences et vous convenez , M. en ce cas là de
toute la bonté du Systême Typographique. Vous
pourrez voir plus au long dans l'article XI. du
premier vol . p . 91. le détail des avantages du
Systême Typographique , vous y trouverez N°.
38. que l'enfant du Bureau Typographique est
mis en état d'aller plutôt et plus sçavant au College
, et parconsequent d'entrer plutôt à l'Académie
pour y faire tous ses exercices ; avantage
considerable pour la jeunesse destinée et appellée
au noble et glorieux métier des Armes. Ce seul
motifpourra déterminer les gens de guerre en fa
veur du nouveau Systême. J'ajoûterai que si les
Ecoles , comme vous le dites , ne visent proprement
.qu'au Latin , et qu'on néglige quasi tout le
reste dans les meilleurs Colleges , on ne doit pas
G iiij être
136 MERCURE DE FRANCE
être surpris de trouver si peu de science et de sçavoir
dans le grand nombre des Etudians , mais à
qui en est la faute ? N'est - ce pas le préjugé de la
Méthode vulgaire qui cause ce malheur ? Il seroit
donc mieux de faire étudier un peu plus les,
choses en faisant étudier les mois , et nous sommes
encore d'accord là - dessus .
A l'égard des Princes et des grands Seigneurs ,
on peut dire qu'ils sentent aujourd'hui plus que
jamais , l'importance de la premieré éducation .
L'esprit méthodique et philosophique a ses Partisans
à la Cour et à la Ville , l'on n'attend plus
l'âge de sept ans pour apprendre aux jeunes Princes
les premiers élemens des Lettres et de l'Histoire
. Il reste au surplus une question importante
à examiner , sçavoir si le choix d'un Précep
teur pour la premiere enfance jusqu'à l'âge de
à 14. 15. ans, est de plus grande importance que
le choix d'un Gouverneur pour unjeune homme
de Is. à 20. ans ; je vous prie d'agréer que ce
soit pour une autre fois, et de me croire avec, & c.
Suites
M. de B✶✶ vient de donner un premier Livre
de Pieces la Viole , contenant pour quatre
avec la Basse chifrée en partition . L'Epitre Dédicatoire
fait connoître qu'il a eu pour Maître
M.de Caix d'Hervelois , celebre aujourd'hui,tant
pour la composition , que pour l'execution. Ce
Livre qui est en grand papier , pour éviter l'interruption
des Pieces , se vend à Paris , chez la
veuve Boivin , r■ ë S. Honoré , et le Clerc , ruë
du koule .
On apprend de Vienne en Autriche , que la
nuit du 6. au 7. Janvier , il s'éleva un vent trèsviolent
, qui a causé beaucoup de dommages ;
plusieurs
JANVIER. 1734 .. 137
plusieurs maisons ont été renversées dans la
campagne , et quelques personnes ont été écra
sées par leur chute. On a senti la même nuit
une secousse de tremblement de terre à Gumpol
dokirchen et dans les environs.
On mande de Lisbonne , que l'Académic Royale,
de l'Histoire , y tint le 19. Decembre la derniere
Assemblée publique de 1733. qui est la treiziéme
depuis son établissement , et le Roy y assista
aussi- bien que le Prince du Brésil . Le Pere Don
Manuel Gaëtan de Souza , Directeur , prononça ,
un Discours fort éloquent , après lequel on proceda
à l'Election des Officiers de cette Compa-,,
gnie. On continua dans l'Employ de Directeur le
même Pere Don Manuel Gaëtan , et les Marquis
de Valenca et d'Allegrette , le Comte d'Ericeira,
et le Comte d'Assumar , furent élus Censeurs.
Le Roy , accompagné des Académiciens , se
rendit ensuite dans la Chapelle de l'Académic ;
après la Messe qui fut celebrée par D. Nuno de
Silva Telles , Conseiller au Conseil General du
S. Office , et un Panegirique de la sainte Vierge ,
que prononça lePere Don Manuel de Rocha General
de la Congrégation des Benedictins , établie
en Portugal ; D. François de Tlles da Silva ,
Secretaire de l'Académie , lût la formule du Serment
par lequel cette Compagnie s'engage à reconnoître
et à soutenir le Mistere de la Conc ption
immaculée , et que S. M. prêta à genoux ,
ainsi que tous les Académiciens.
Le sieur Briart , demeurant Cour Abbatiale de
S. Germain des Prez , ruë Cardinale , vis - à- vis
le Baillage à Paris , fait depuis peu une Essence
d'Ogni Fieri , ou de tontes Fleurs , d'une odeur
V agréables
T
128 MERCURE DE FRANCE.
agréable ; on en met quelques goutes dans l'eau
dont on se lave après avoir été rasé , elle
blanchit l'eau . Les Dames s'en servent pour se
décrasser , elle rend la peau douce et unie , et ne
nuit point au teint , elle se conserve long-temps.
Les plus petites bouteilles sont d'environ cinq
onces , on la vend 15. sols l'once .
Il continue à faire la veritable Essence de Savon
dont à la Bergamotte , et autres odeurs douces ,
on se sert pour la barbe , au heu de Savonnette; les
Dames s'en servent aussi pour se laver le visage
et les mains . Il en a de deux prix , à s . et à 8 .
sols l'once. Il avertit que ses Bouteilles on toujours
été cachetées , et qu'autour du cachet on y
lit son nom et sa demeure , dans le milieu il y a
une Bouteille avec le nom de la Liqueur.
Il fait aussi de bons Cuirs à repasser les Ra-'
soirs , avec lesquels il ne faut point de Pierre à
égniser. Il les vend depuis 40. sols jusqu'à . liyres
; il donne la maniere de s'en servir.
Qu
DUO.
おおぬるぬ
U'une même ardeur nous enflamme,
Qu'elle fasse notre bonheur !
ruisse le tendre Amour qui regne dans mon ame,
Regner toujours dans votre coeur.
SPEC
"}
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
YORK
LIC LIBRARY
ABTOR, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
JANVIER. 1734. 139
のののお
SPECTACLE S.
L
›
>
E 14 de ce mois les Comédiens
François remirent au Theatre la
Tragédie de Bajazet , dans laquelle la
Dlle Grandval, épouse du Sr Grandval
Comédien du Roy , joia pour la
premiere
fois le rôle d'Atalide et le joua
fort naturellement et avec intelligence .
Elle fut fort applaudie ; ce n'est cependant
que son coup d'essai. Les rôles Comiques
qu'elle a joués depuis, ont encore,
confirmé la bonne opinion qu'on a de ses,
talens , sur tout dans le rôle d'Hortense
dans la petite Comédie du Florentin.
. Le Lundi 18 , on donna sur le Theatre
François la premiere représentation d'Adelaide
Tragédie de M. de Voltaire :
elle fut aussi extraordinairement applaudie
و
que sevérement critiquée par une très
nombreuse assemblée , et peut- être à
l'excès ; car le Public, ne se contient
gueres dans de justes bornes sur les premieres
impressions qu'il reçoit d'un Ouvrage
d'esprit. Celui - ci fut beaucoup
mieux entendu , plus goûté et plus applaudi
à la seconde représentation qu'on
en donna le Mercredy 27. après quelques
Gvj chan
140 MERCURE DE FRANCE
changemens
faits par l'Auteur sur les
observations
du Public. Nous parlerons.
plus au long de cette Tragédie , dont
tous les Personnages
portent des noms
illustres
connus dans l'Histoire de
France .
>
On doit donner sur le même Theatre
au commencement de Février, une petite
Comédie nouvelle en un Acte , en Prose
de M. Fagan , sous le titre de la Grondense.
Le 14. les Comédiens Italiens donnerent
la premiere représentation d'une Comédie
nouvelle en Prose , en trois Actes , ornée
de trois Divertissements de Chant et de
Danses , ayant pour titre , Arlequin
Grand Mogo'. Elle est de la composition
de M. Delisle , Auteur de Timon le Misantrope,
et d'autres Piéces qu'il a données
au Theatre Italien .
Le 5. de ce mois les Comédiens François
représenterent à Versailles la Comédie
du Misantrope et la petite Piéce du
Tuteur. Le Sr Fiet ville joua avec applaudissement
le principal rôle dans la premiere
, et celui de Lucas dans l'autre.
Le 28. Andronic , et l'Impromptu de
Campagne.
Le 30. Janvier les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour la Comédie
JANVIER . 1734. 141
Arlequin Sauvage , et celle d'Arlequin
Poli par l'Amour.
On continue sur le Theatre de l'Opera
les représentations d'Issé , et de Hypolite
et Aricie. On remettra au commencement
du mois prochain, le Ballet des Fêtes Grecques
etRomaines , avec une nouvelleEntrée,
Les paroles sont de M. Fuzelier , et la
Musique de M. de Blamont.
le 9
L'Opera de Fabrice en Italien,a été représenté
depuis peu à Londres , en présence
du Roy , de la Reine et de la Famille
Royale , avec beaucoup de succès.
On a appris de la même Ville que
de ce mois , on représenta en présence
du Roy et de la Reine sur le Theatre de
Lincols Innfiglds , le nouvel Opera
d'Ariadne. C'est le premier qu'on ait representé
sur ce Theâtre.
-
Le 16. on représenta à Londres , sur le
Theatre du Marché au Foin l'Opera
d'Arbaces. Et le même jour on joüa sur
le Theatre de Lincolns Innfields , celui
d'Ariadne.
On représenta le même jour pour l'ouverturedu
Carnaval à Rome , on donna sur le Theatre
de Florence , la premiere représentation d'une
Piéce intitulée Neron , ou le Mariage par interests:
42 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT de l'Impromptu de Campagne,
ou l'Amant déguisé . Petite Comédie
nouvelle de M. Poisson l'aîné.
Loh
A Scene de cette Piece est dans le
Château d'un Comte ; Lucas , Jardinier
de cette Terre , et Lisette , Suivante
d'Isabelle , fille unique du Seigneur , ouvrent
la Scene ; Lisette veut sçavoir de
lui , s'il n'a point découvert quel peut
être un jeune Cavalier , qu'on a vû roder
autour du Château ; Lucas lui apprend
que le Valet de ce Cavalier lui a paru
apartenir à bonMaître , parce qu'il l'a bien
fait boire sans exiger de retour. Lisette
l'a traité d'animal. Ils se retirent tous
deux , parce qu'ils entendent du bruit.
Eraste qui est le Cavalier , dont le Jardinier
vient de parler à Lisette , et Frontin
, son valet , commencent la seconde
Scene ; c'est par leur entretien qu'on apprend
qu'Eraste est un fils de famille, lequel
n'ayant pas voulu consentir à un
mariage que son pere avoit conclu sans
lui , s'est enfui de la maison paternelle ,
après avoir volé trois cent Louis à ce même
Pere , qui vouloit l'engager dans le
mariage. Son valet lui fait entendre sagement
qu'avant que ses finances fussent
tout- à - fait épuisées , il feroit bien de retour
JANVIER. 1734. 143
tourner à Paris , où son pere voudroit
bien encore le recevoir , malgré le vol
qu'il lui fit en partant. Eraste rejette ce
conseil, et lui dit qu'il est trop amoureux
d'une aimable personne qu'il croit habiter
ce Château ; il lui demande s'il n'a
point appris du Jardinier de ce Château
quel en est le Maître ; Frontin lui répond
que c'est un Comte d'une humeur assez
particuliere, qui passe sa vie avec sa femme
et sa fille , à faire des Concerts et à
jouer des Comédies ; Eraste est charmé
de ce que son valet lui apprend et se flate
de s'introduire dans ce Château , sous
le nom de Comédien de Campagne ;
Frontin ne se prête pas d'abord à un
stratagéme ? qui lui paroît un peu dangereux;
mais il consent enfin à jouer à son
tour lé Rôle de Comédien ; il ne laisse
pas de faire entendre à son Maître , qu'il
ne convient pas trop à un homme de condition
comme lui , de jouer la Comédie;
ce qui donne lieu à l'Auteur qui l'a joüée
autrefois, de faire l'apologie de cette profession
par ccs Vers :
La Comédie est belle ,
Et je ne trouve rien de condamnable en elle ;.
Elle est du ridicule , un si parfait miroir ,
Qu'on peut devenir sage , à force de s'y voir ;
Elle
144 MERCURE DE FRANCE
Elle forme les moeurs et donne à la jeunesse ,
L'ornement de l'esprit , le goût , la politesse ;
Tel même qui la fait avec habileté ,
Peut , quoiqu'on puisse dire , en tirer vanité ;
La Comédie enfin , par d'heureux artifices ,
Fait aimer les vertus , et détester les vices ,
Dans les ames excite un noble sentiment ,
Corrige les défauts , instruit en amusant ,
En morale agréable , en mille endroits abonde ;
Et pour dire le vrai , c'est l'éxile du monde.
Ils se retirent tous deux pour aller concerter
une Scene, dont ils veulent regaler
à leur tour le Comte.
Isabelle er Lisette font une Scene qui a
paru tres- fine ; la Suivante se doute que
sa Maîtresse ne hait pas le Cavalier qu'on
a vû roder autour du Château , elle sonde
Isabelle ; mais voyant qu'elle dissimu
le , elle prend le parti de feindre à son
tour , et c'est en blâmant le Cavalier en
faveur duquel il la croit secretement prévenue
; cette maniere d'arracher un secret
n'est pas nouvelle au Théatre ; mais
le tour que l'Auteur a mis dans sa Scène
ne laisse pas d'avoir quelque chose de
neuf, sur tout dans les Vers par où elle
fini. Les voici ;
LiJANVIER.
1734- 145
Lisette.
Mais il a l'air commun ; l'air d'un homme ordinaire
.
Isabelle.
Tu t'es trompée , il a l'air tres- noble au contraire.
Lisette.
J'ai cependant bien vâ , sa figure au grand jour ;
A est vouté , je croi ,
Isabelle.
Que dis- tu Fait au tour.
Lisette.
Fort- bien , je ne suis pas contre lui prévenuë ,
Mais je le vis sur vous , tenir long- tems la vue ;
Ses yeux ne disent rien du tout.
Isabelle,
·
Ah ! quelle erreur !
Il les a vifs , perçans , ils vont jusques au coeur.
Lisette.
Ah ! vous l'avoüez donc , &c.
Lisette ayant tiré le secret d'Isabelle ,
l'afflige en lui apprenant qu'elle croit
qu'on veut la marier. Elles se retirent
toutes deux à l'approche du Comte et
de la Comtesse. La
146 MERCURE DE FRANCE
La Scene entre ce vieux Seigneur , et sa
femme , n'a n'a pas paru la plus amusante ;
elle est interrompue par l'arrivée d'Isabelle
et de Lisette ; et bien- tôt après par
celle des prétendus Comédiens de Campagne.
La Scene qu'ils jouent devant le
Comte et toute sa fimille , convient à la
situation présente de nos Amants ; la Pićce
est intitulée : l'Amant déguisé.
r
Le Comte est tres satisfait de cette
Scene , et prie Eraste et Frontin de rester
quelques jours dans son Château pour
le divertir.
Eraste qui ne demande pas mieux,trouve
le secret d'avoir un entretien avec Isabelle
; il lui déclare son amour , et cette
déclaration est reçue au gré de ses souhaits
, sur tout lorsqu'il a fait connoître .
à Isabelle qu'il est d'une condition à pouvoir
aspirer à son Hymen ; mais le Jar
dinier vient troubler leur joïe , il leur
apprend qu'il vient d'arriver un M² qui
a parlé de mariage à M. le Comte ; Isabelle
tremble d'être arrachée à sonAmant ;
Eraste la rassures et se jettant à ses pieds ,
il est surpris dans cette situation , par le
Comte qui ne sçait ce que cela veut dire .
Frontin lui fait entendre que c'est une
Scene d'Amphitrion , qu'Erate montre à
Isabelle.
Enfin
JANVIER. 7134 147
Enfin le Monsieur dont le Jardinier a
parlé , vient faire le dénouement ; c'est le
Pere d'Eraste ; le Pere et le Fils sont également
surpris; le Comte ni la Comtesse
n'y comprennent rien ; Frontin dit en
plaisantant ; que c'est une Scene de reconnoissance
entre un Pere et son Fils ; le
Pere fait connoître que c'est une réalité
et consent au mariage d'Eraste et d'Isabelle
, que ces deux vieux amis avoient
résolu depuis long - temps pour se lier
d'un noeud plus fort.
Dans l'article des Spectacles , les Vers
qu'on va lire sur les Dlles d'Angeville et
Gaussin , deux Actrices chéries du Théatre
François , peuvent trouver heureusement
leur place . Ce qui y a donné licu
est une contestation entre Madame ***
et M. de Royaucourt , de Soissons , Auteur
des Vers .
PARALLELE.
LE croiriez- vous ? votre suffrage ,
Charmante Iris , n'entraîne pas le mien ;
Votre choix dédommage bien ,
D'un si foible désavantage ;
Approuvez ina témérité ,
aime mieux , au péril d'une légere offense ,
J'aime
Vous prouver ma sincerité ,
Que
148 MERCURE DE FRANCE
Que vous marquer ma complaisance .
Entre deux illustres vainqueurs ,
Souffrez que d'une main fidelle ,
En Plutarque nouveau je trace un Parallele ,
Et que j'ose peser tous leurs droits sur nos
coeurs.
L'heureux (a) objet de votre complaisance
'Arme un air noble et doux contre notre raison ;
Celle ( b ) pour qui je panche la balance i
A l'oeil mutin , l'air Papillon ,
L'une est belle , l'autre est jolie ;
C'est une Rose épanouïe ,
Comparée avec son bouton;
Celle-ci de Paphos paroît avoir l'Empire ,
L'autre paroît Hébé dans ses riants attraits,
1
Je t'admire , belle Zaïre ,
Folatre amour , que tu me plais !
L'une nous presente les Graces ,
L'autre les Ris et l'enjoument ;
Libérale nature , ainsi tu te surpasses ,
Ou dans un tout parfait , ou dans un rien charmant
>
Aux trésors éclatans que Gossain nous étale ,
Enfin si la raison doit adjuger le prix ,"
Ha ! je ne sçai quoi , belle Iris ,
Parle chez nous pour sa rivale.
( a ) Mlle Gossain.
(b ) Mlle d'Angeville,
NOVJANVIER
. 1734. 149
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE .
Na publié à Dantzik un Mandement du
Roy , adressé aux Palatinats et Territoires
du Royaume , pour les exhorter de ne point assister
aux Diettes convoquées par M. Poninski ,
Instigateur du Royaume , dont voici l'Extrait.
Après avoir représenté aux Palatinats et Territoires
respectifs , les calamitez ausquelles la
République se trouve exposée par la malice de
eux qui, mettant leur confiance dans les forces
des Puissances Etrangeres , ne cherchent qu'à
renverser entierement la liberté des Polonois . Le
Roy y fait une récapitulation de tout ce qui s'est
passé pendant et après son Election , et S. M dit
à ce sujet , que quelque droit qu'elle eût à la
Couronne , incontestablement mieux fondé que
celui de ceux qui la disputent à présent par la
force des Armes , elle ne s'est point renduë dans
le Royaume pour disputer ce droit , mais uniquement
pour maintenir la liberté de la Nation ,
en se soumettant aux Loix et Constitutions du
Royaume :J'ai abandonné le Sceptre , ajoûte le
Roy dans son Mandement, je me suis dépouillé de
La dignité Royale, et je me suis mis entre vos mains
comme unsimple Particulier , afin que vous puissiez
proceder avec une entiere liberté à l'Election d'un
Roy : Vous m'avez élû , et Dieu a visiblement prategé
cette Election , en inspirant dans le coeur de
tant de milliers de personnes une unanimité si génerale.
Je ne suis pas venu à main arméo dans le
Royaume
150 MERCURE DE FRANCE
Royaume pour attaquer la République , détruire
ses droits et regner malgré vous et quoiqu'au
moyen de l'amitié étroite qui m'unit avec le très-“.
illustre Roy de France , j'eusse pú me servir d'une
partie de ses Troupes pour me frayer le chemin au
Trône , je n'ai jamais eu la moindre pensée d'acquérir
avec violence la Couronne , comma font actuellement
les Partisans des Factions Etrangeres ;
conduite si contraire aux Constitutions du Royaume,
et qui tend si ouvertement à la ruine totale de la
liberté de la Nation , acheptée par nos Ancêtres au
prix de tant de sang.
Le Roy passe ensuite à l'Election qui s'est faite
à Praage , d'un Prince Etranger , sous la protection
d'une Armée ennemie , et après avoir fait
voir l'irrégularité et l'invalidité de cette Election ,
il insinue que les Cours de Vienne et de Russie
étoient convenues depuis long- temps que ce
Prince ni nul autre , ne seroit élevé au Trône de
Pologne ; il y insinue encore que la Cour de
Vienne , jalouse de la liberté dont jouit la Nation
Polonoise , n'a jamais perdu de vûë le dessein de
la détruire et de lui imposer le même joug sous
lequel gémissent les Bohémiens et les Hongrois;
il ajoûte que cette Cour se couvrant du Manteau
des Moscovites , avec lesquels elle est d'accord ,
fait semblant de n'avoir aucune part aux maux
de la République , commis par d'autres , pendant
qu'en effet elle fait jouer tous les ressorts
imaginables pour renverser la liberté de la Nation
, et emporter la Couronne par la force des
Armes : Sijamais elle parvient à son but , poursuit
le Roy , c'en est fait de notre chere Patrie,
c'en est fait de notre liberté et nous ne serons jamais
affranchis du joug de la Nation Allemande.
Après avoir exhorté les Palatinats et Distries
respectifs
JANVIER . 1734.
ISI
respectifs du Royaume , à n'avoir aucun
égard aux Universaux publiez par le Parti contraire
, se confiant à la genereuse émulation de la
Noblesse Po onoise, qui ne permettra jamais que
qui que ce soit empiete sur ses droits , il finit en
disant : Quelque grande que soit la puissance de nos
Ennemis , elle ne doit en aucune maniere nous intimider
, nos forces augmentent tous les jours et
nous recevrons sans doute , un puissant secours
d'ailleurs ; diverses Puissances s'interposent en notre
faveur ; elles combattent pour notre konneur et
pour la liberté de la République ; nous en voyons
des preuves dans les opérations qui se font sur le
Rhin et en Italie , par les Armes des François ,
Espagne et de Sardaigne ; quoique nous ne soyons
pas alliez avec ces deux dernieres Puissances , elles
ne peuvent neantmoins souffrir qu'on employe
la force pour mettre sur le Trône de Pologne un
Prince que toute la Nation a abjuré ; ces Rois s'allieront
avec d'autres Puissances pour la conservation
de l'honneur de notre Royaume ; nous ne manquerons
pas d'autres moyens favorables . Une puissante
diversion se manifestera en notrefaveur plutôt
qu'on ne pense ; elle nous mettra à l'abri des
machinations de nos Ennemis, et ceux qui nous ont
dressé des embuches y seront pris eux mêmes , &c,
LETTRE du Roy de France , écrite
au Magistrat de Dantzick
TRES -C RES- CHERS ET BONS AMIS ,
Nous voyons avec plaisir par votre Lettre du 18
du mois dernier , aussi - bien que par les Relations
de notre Ambassadeur le Marquis de Monti ,
toutes les marques que vous donnez de votre fidelité
152 MERCURE DE FRANCE
delité et de votre zele pour le Roy de Pologne,
Les menaces que vous font ses Ennemis et les
nôtres , n'ont pas été capables de diminuer les
sentimens qui feront passer votre gloire jusques
dans les siecles à venir , et qui vous endent si
chers à nos yeux. Plusieurs Puissances donnent
déja des marques de l'interêt qu'elles prennent à
votre conservation , mais aucune ne pourra porter
les témoignages si loin que nous desirons de le
faire , puisque nous regardons vos interêts comme
les nôtres propres , et que nous nous proposons
de ne rien négliger de ce qul peut dépendre
de notre Puissance et de notre Bienveillance ;
sur ce , nous prions Dieu qu'il vous tienne, Trèschers
et bons Amis , en sa sainte garde . A Versailles
, le 15. Décembre 1733. Signê LOUIS.
Le Catelan de Czersk , qui commande un
Corps de Troupes aux environs de Thorn , a
écrit au Roy , pour apprendre à S. M. qu'il avoit
attaqué près de cette Ville , un Détachement de
l'Armée Moscovite , que plusieurs des Ennemis
avoient été faits prisonniers et que le reste avoir
été tué ou mis en fuite.
Le Roy a fait distribuer des Armes aux Régimens
que le Comte Poniatowski , le Prince Czartorinski
, les Palatins de Livonie et de Cujavie et
M. Ozarowski , on fait lever depuis peu , et on
doit incessamment leur donner des habits uniformes.
Plusieurs Officiers étrangers sont venus
à Dantzick pour demander d'entrer au service
de S M.
Le Comte Pocci a écrit au Roy , qu'une partie
de la Noblesse de Lithuanie étoit entrée dans la
confédération faite par les Palatinats de laGrande
Pologne et de la Prusse Polonoise , et que le
Corps des Troupes qu'il commande étoit augmenté
JANVIER. 1734. 153
オー
menté considerablement par l'arrivée d'un grand
nombre de Gentilshommes Lithuaniens qui s'étoient
rendus dans son Camp avec la plupart de
curs Vassaux ,
S. M. a reçû avis que le Comte Potocki , Régimentaire
de la Couronne , qui s'étoit avancé
depuis peu avec son Armée sur les bords de la
Riviere de Pilckza , s'étoit mis en marche pour
s'approcher des Frontieres de Mariembourg.
Le bruit court que le General Lesci , ne pouvant
plus faire subsister son Armée dans les en
virons de Lowitz , malgré les violences avec lesquelles
il a exigé des contributions des habitans
de tous les Lieux voisins , en est décampé , et
qu'il a divisé ses Troupes en deux corps , dont
Pun marche sous ses ordres du côté de Thorn ,
et l'autre est allé se poster entre Warsovie.et
Cracovie , pour être à portée de se joindre aux
Troupes Saxones , si cela est nécessaire.
La Ville de Thorn n'étant pas en état de soutenir
un siege , la Garnison qui y étoit a reçû
ordre du Roy d'abandonner cette Place . Elle en
sortit le 15. de ce mois pour se retirer à Grandentz.
On assure que le Comte Potocki , qui s'étoit
avancé depuis peu sur les bords de la Riviere de
Pilckza,dans le dessein de marcher avec l'Armée
de la Couronne du côté de Mariembourg , étoit
allé joindre le Palatin de Lublin , qui est campé
à Opatow.
Le Roy a reçu avis que ce dernier faisoit des
Courses jusqu'aux portes de Cracovie , qu'il en
avoit rainé presque tous les environs , qu'il avoit
enlevé tous les chevaux et les fourages des Terres
de l'Evêque de cette Ville et de celles du
Comte de Braniki; qu'il fatiguoit par des com-
H bats
154 MERCURE DE FRANCE
bats continuels les Troupes Saxones , et qu'un
Détachement de ses Troupes avoit enlevé M. Poppelman
, Lieutenant- Colonel au Service de l'Electeur
de Saxe , et quelques autres personnes de
distinction, attachées au parti de ce Prince .
La Noblesse du Palatinat de Siradie a envoyé
un Gentilhomme au Roy, pour l'informer qu'elle
étoit entrée dans la conféderation faite par les
Palatinats de la Grande -Pologne , de la Prusse
Polonoise et de la Lithuanie , et que cette conféderation
avoit été signée par tous les Seigneurs
et les Gentilshommes de la Province , à l'exception
du Palatin qui ayant été surpris dans son
Château par 300. Cosaques des Ennemis , avoit
été conduit de force à Cracovie .
Les Lettres de cette Ville marquent que L'Electeur
et l'Electrice de Saxe , y étoient arrivez
le 12. Janvier ; que le 17. ils s'étoient fait couronner
; qu'il ne s'étoit trouvé à cette ceremonie
que les Evêques de Cracovie et de Cujavie. Le
Prince Wienovieski , les Palatins de Foldachie ,
de Culm et de Czernichow , le Comte de Cerner
et un très - petit nombre de Gentilshommes , et
qu'on croyoit que l'Electeur , pour ne pas découvrir
la foiblesse de son parti , avoit abandonné
le dessein de convoquer une Assemblée de la Now
blesse qui s'est déclarée en sa faveur.
L
ALLEMAGNE.
Es Lettres de Vienne du 14. de ce mois ,
portent que le Conseil de guerre prend les
mesures nécessaires pour faire transporter en Italie
une grande quantité de grains et beaucoup de
munitions de guerre ; cependant malgré la résolution
qui paroît avoir été prise , d'y avoir cette anaée
une Armée considerable,il n'y a jusqu'à present
JANVIER 1734. ISS
sent que sept Régimens de Cavalerie , dix d'Infanterie
et un de Hussarts , qui ayent reçû ordre
de se rendre dans ce Pays.
L'Empereur a nommé pour servir dans
Armé d'Italie , le Prince Louis de Wirtemberg,
General d'Infanterie , le Prince Frederic de Wir
temberg , General de Cavalerie , le Prince de
Culmbach , le Comte de Lewestein , Mrs de
Valparaso , de Diesbach et Darnaw , Lieutenang
Generaux d'Infanterie , le Comte Philippi , et les
Barons de Kevenhaller et de Ckurganik , Lieutenans-
Generaux de Cavalerie ; les Princes de
Lichtenstein et de Saxe Gotha , le Comte Palfi ;
le Baron de Wachtendonch , le Comte de Welseck
, Mrs de la Tour , de Furstenbusch , de
Neilan , de Fin et de Ligneville , Majors Génet
raux . i
Les Officiers Generaux qui doivent servir dans
P'Armée du Rhin , sont le Duc d'Aremberg et
le Comte de Wallis , Generaux d'Infanterie , le
Comte de Huttois , General de la Cavalerie , le
Prince Ferdinand de Baviere , le Prince de Hesse,
le Prince Hohenzollern , le Baron de Schmetaw ,
Mrs de Mussing , Vasquez et de Scho , Lieute
nans-Generaux ; Mrs Haslinger , Bolla , Mutzeldiosch
, Wallis et Orelli , Majors- Generaux
d'Infanterie , le Comte de Soissons , Mrs Choviretz
, Wurmbrand , Miglio , Petrasch et Badian
, Majors Generaux de Cavalerie.
ITALIE.
E 16. de ce mois , les Expeditionnaires Apos
toliques présenterent au Pape , suivant l'usage
, cent écus d'or dans un Calicé , étant conduits
à l'Audiance par le Cardinal Gentille , Prodataire,
et ils complimenterent S. S. par un Dis-
Hij cours
156 MERCURE DE FRANCE
cours Latin , que M. Pierre Bernardini prononça,
Le Pape , à la sollicitation de M Akovrandi
a ordonné que les rues de Rome fussent éclairées
pendant la nuit , et l'on prétend que la Chambre
Apostolique est chargée de fournir les fonds
nécessaires pour cette dépense.
Le Chevalier de S. Georges a donné à l'Eglise.
des douze Apôtres et à celle de S. Georges , les
Actions que la Duchesse de Modêne , son Ayeu
le , lui avoit laissées sur le Mont dé Pieté ,
condition que l'on dira tous les ans douze Mes
ses dans la premiere de ces deux .. Eglises le 31 .
Décembre , jour de la Naissance du Prince son
Fils Aîné, et un pareil nombre dans la seconde, le
23. Avril , jour de la Fête du Saint , à laquelle elle
a été dédiée , pour attirer sur les Princes ses en
fans , les benedictions du Ciel .
On écrit de Sicile , que le Comte de Sastago
Vice. Roy de cette Ifle , doit prendre les mesures
nécesaires pour mettre en état de deffense les
Villes de Messine.de Siracuse et de Trapana ,
et qu'il étoit dans la résolution d'abandonner le
reste de l'fle en cas que les Troupes des Puissancs
Alliées y fassent une descente.
Les Lettres de Livourne du 19. Janvier , por
tent que le Comte de Charni devoit marcher le
lendemain avec un corps considerable de Trou
pes Espagnoles , pour mettre des Garnisons dans
quelques Places de la Principauté de Piambino ,et
pour s'assurer d'Orbitello et du Fort de S Philippe
, dans le Sienois. Ces Lettres ajoûtent que
le Comte de Montemar se disposoit à le suivrs
avec le reste de l'Armée pour entrer dans le
Royaume de Naples.
GRANT
JANVIER 1734 157
i
GRANDE BRETAGNE.
7
N append de Londres , que le 28. de ce
mois , vers les deux heures après midi , lė
Roi s'étoit rendu à la Chambre des Pairs avec les
ceremonies accoûtumées , et S. M. après avoir
mandé la Chambre des Communes , à fait le
Discours suivant.
MYLORDS ET MISSIEURS.
La guerre commencée depuis peu, et qui est poussée
avec tant de vigueur contre l'Empereur par les
Puissances réunies de France , d'Espagne et de Sardaigne
, est devenue l'objet de l'attenion de l'Europ
.Quoique je ne m'y sois engagé en aucune maniere,
et que je n'y aye de part que par mes bons officesdans
les négociations qu'on a citées comme les principales
causes et les motifs de cette guerre , je ne peus
me dispenser sur cet évenement , ni être indifferent
sur les conséquences d'une guerre entreprise es
soutenuepar des Alliez si puissants . Si jamais une
occasion a demandé quelque chose de plus qu'une
prudence et une circonspection ordinaire , c'est celle
qui se présente , et nous force d'user de la derniere
précaution , pour ne nous pas déterminer trop précipitamment
dans une conjoncture si critique et si
importante : elle demande que nous examinions à
fond ce que l'honneur et la dignité de ma Couronne
et de mes Royaumes , le veritable interét de
mon Peuple , et les engagemens que nous avons pris
avec diverses puissances dont nous sommes alliez .
peuvent exiger de nous avec justice . C'est par cette
raison que j'ai crû qu'il convenoit de prendre du
temps pour examiner les faits alleguez de part et
d'autre , et d'attendre le résultat des Conseils des
Puissances qui sont le plus interessées à cette guerre,
Hij
158 MERCURE DE FRANCE
et de concert avec celles qui ont des engagemens
avec moi, et qui n'ont point pris part à la guerre ,
plus ( particulierement avec les Etats generaux des
Provinces- Unies ) les mesures qui paroîtront les plus
convenables à notre sûreté commune et les plus propres
à rétablir la paix daus l'Europe. Les résolutions
du Parlement de la Grande-Bretagne sont
d'une trop grande importance dans une conjoncture
si délicate, pour ne pas exciter l'attention et l'impatience
de ceux qui esperent tirer avantage de nos
résolutions , et de s'en servir au préjudice de ce
Royaume ; ainsi nous devons déliberer avec une
grande précaution, et examiner avec toute la prudence
imaginable toutes les circonstances , avant que
de nous déterminer à prendre un parti . Comme dans
toutes mes reflexions sur cette importante affaire ,
J'aurai principalement égard à l'honneur de ma
Couronne et à l'interêt de mon Peuple , et que je ne
me gouvernerai que par ces vûës , je ne doute pas
que je ne puisse compter entierement sur l'appui et
assistance de mon Parlement , sans m'exposer par
gtune Déclaration précipuée à des inconveniens
op'on deix éviter autant qu'il est possible . En attendivot
je suis persuadé que vous prendrez les précautions
nécessaires pour mettre mes Royaumes , mes
droits et mes possessions à couvert de tous dangers et
de toute insulte , et pour conserver à la Nation Bri
tannique les égards qui lui sont dûs.Quel que soit le
parti auquel nous nous déterminerons , il est très-raisonnable
de nous mettre en état de deffense, sur tout
dans le temps que toute l'Europe est armée . Par la
nous conserverons mieux la paix dans ce Royaume ,
et nous donnerons plus de poids aux mesures qu'il
conviendra de prendre avec nos Alliez ; sans cette
précaution nous nous ferioms mépriser au- dehors ,
et nousferions naître la tentation et l'encouragement
AUX
JANVIER 1734 159
Bux ves dangereuses de ceux qui se flatttent toujours
de tirer quelque avantage des troubles et des
désordres publics.
MESSIEURS de la Chambre des Communes.
Je ferai remettre devant vous l'état des dépenses
qui exigent de vous une attention actuelle et immé
diate ; l'augmentation qu'on vous proposera pour te
service de Mer , sera tres - considerable , mais je suis
assuré qu'elle vous paroîtra raisonnable et necessaire.
Je dois particulierement recommander à vos
soins les Dettes de la Marine , qui vous ont été présentées
tous les ans . La circonstance présente me
fait croire que vous penserez qu'il est nécessaire d'y
pourvoir , et que le service public souffriroit d'un plus
long retardement à prendre une résolution sur cette
affaire. Comme ces Charges et dépenses sont inévi
tables , je ne fais aucun doute que vous ne leviez les
secours d'argent qui sont nécessaires, avec beaucoup
de diligence et avec le zéle que ce Parlement a
marqué dans toutes les occasions pour les véritables
interêts de mon penple.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Si on a toujours souhaité que les affaires du Parlementy
fussent traitées sans chaleur et sans animosité
, mais avec la modération qui fait connoître
la justice de la sagesse de la Nation ; c'est à present
qu'on doit le desirer plus particulierement, afin
que cette session ne soit point prolongée par des dér
fais inutiles , lorsque tout le Royaume paroît préparé
par l'élection d'un nouveau Parlement , évenement
quifait l'attention de toute l'Europe. Je suis tressatisfait
que le choix des nouveaux Deputez soit
une occasion pour moi de connoître les veritables
sentimens de mon Peuple, et de faire voir qu'ils ont
Hiiij été
1 MERCURE DE FRANCE
été mal rendus et déguisez. On peut aisement en
imposer à ceux qui ne voient et n'entendent les choses
que de loin , et les exposer à concevoir defausses
esperances ou à se livrer à des craintes peu fondées ;
mais j'espere qu'un peu de temps détruira ces opiniens
et qu'on reconnoîtra que la Grande Bretagne
est toujours disposée à faire ce que l'honneur et l'in
terêt de la Nation exigent d'elle.
Le Roy s'étant retiré de la Chambre des Pairs,
après que le Grand Chancelier eut prononcé au
nom de S. M. la Harangue aux deux Chambres;
les Seigneurs résolurent de présenter une adresse
au Roy pour le remercier , ils s'assemblerent le
lendemain , et après s'être ajournez au 30 , ils se
rendirent au Palais de Saint James , où ils présenterent
leur adresse , par laquelle ils assurerent
le Roy qu'ils entreroient avec autant de zéle que
de confiance dans toutes les vûës que S. M. leur
avoit expliquées dans sa Harangue . Le Roy leas
répondit :
MYLORDS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele
adresse ; la satisfaction que vous me témoignez de
mon attention et de mes efforts continuels à conserver
la paix et la tranquillité publique , m'est_extrémement
agreable, et comme je n'ai autre chose en vuë
que l'honneur et la dignité de ma Couronne et lø
bien de mes Royaumes , vous pouvez être assurez
de la continuation de mes soins et de ma vigilance
pour parvenir à ces fins desirables , et de la ferme
resolution où je suis , quelques evenemens qui_arrivent
de prendre les mesures les plus capables de repondre
à la confiance que vous avez en moi , et de
procurer la sureté et le bonheur de la Nation.
La
JANVIER . 1734. 161
La Chambre des Communes a aussi présenté
son adresse au Roy , qui y a fait la réponse suivante.
MESSIEURS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele adres
se et de la confiance que vous avez en moi , vous
pouvez être assurez que je ne m'en servirai quepour
Phonneur de la Couronne et le veritable interét de
mon peuple.
Li
AR ME'E D'ITALIE
Prise de Novarre , & c.
A Garnison du Château de Milan en sortit
le 2. de ce mois avec les honneurs de la
Guerre. Le Maréchal Visconti qui étoit à la
tête , l'a conduite à Mantouë , au nombre d'environ
800 hommes.
•
Les Troupes qui avoient été commandées
après cette expedition pour aller sous les ordres
du Marquis de Coigny , Lieutenant General
' faire le Siége de Novarre , étant arrivées devant
cette Place , la Tranchée fut ouverte la nuit du
sau 6 de ce mois : on y employa deux mille
Travailleurs , soutenus par les deux Bataillons
du Regiment Dauphin , et par six Compagnies
de Grenadiers et les Troupes furent commandées
par M. d'Affry Maréchal de Camp. On
forma pendant cette nuit une parallele d'environ
300 toises , sans perdre un seul homme , quoique
les assiégez se fussent apperçus des travaux,
parce qu'un brouillard très épais joint à l'obscu
rité de la nuit , avoir obligé d'allumer des méches
de distance en distance pour être en état de traouvrages.
ser les
>
H▾
2
Le
162 MERCURE DE FRANCE
1
Le 6 le Marquis de Fervaques Maréchal de
Camp , releva la Tranchée avec deux Bataillons
des Troupes du Roy de Sardaigne , et quatre
Compagnies de Grenadiers de celles du Roy ;
on perfectionna les travaux commencez la
veille , et on établit deux Batteries de quatre
Mortiers chacune , lesquelles commencerent à
tirer le lendemain : pendant la nuit on fit une
seconde parallele et plusieurs communications
avec la premiere.
On travailloit le à placer les Batteries de
Canon lorsque les assiégez demanderent à capituler.
Il leur fut accordé de sortir avec les
honneurs de la Guerre et deux pièces de Canon ,
et le Gouverneur s'obligea par la capitulation
de faire sortir sans Canon ni Artillerie le Détachement
de la Garnison qui etoit dans le Fort
d'Arrona.
Le Maréchal de Villars ayant appris à Milan
le 8 de ce mois par un Courier que lui dépêcha
le Marquis de Coigny, la Prise de Novarre et du
Fort d'Arrona il fit partir sur le champ le
Marquis de Firmacon , pour en aller porter la
nouvelle au Roy .
,
La Garnison de Novarre qui étoit de 1300
hommes , en est sortie le 10 pour se retirer à
Mantouë.
Le Marquis de Maillebois, Lieutenant General ,
arriva le s devant le Château de Sarravale , et le
même jour le Commandant qui avoit été sommé
de se rendre , demanda à capituler vers les
huit heures du soir.
Le Marquis de la Chatre qui commandoit la
Tranchée , entra à la tête des Troupes dans le
Château , où il fit exécuter ce qui avoit été convenu
avec le Commandant la Garnison : été
faite Prisonniere de Guerre , les Officiers ont été
envoyez à Alexandrie , et les Soldats à Asti .
JANVIER 1734 163
*
LETTRE du Camp devant Novarre ,
écrite le 14 Janvier , contenant quelque
détail du Siége de la Citadelle de Milan
, & c. et de Novarre.
A Tranchée fut ouverte devant la Citadelle
Lde Milan la nuit du 15 au 16 de Decembre
deux mille travailleurs , et l'on fit cette
pár
même nuit une Parallele à 120 toises de la Pla
ce , et de 580 toises de longueur , et deux communications
pour arriver à cette Parallele de
630 toises les deux , ce qui fut perfectionné durant
la journée du 16. La nuit du 16 au 17 on
fit trois Zigzags vis - à - vis les Angles Saillans des
deux Bastions ou de la Demi - Lune de l'attaque .
La nuit du 17 au 18 l'on fit une Parallele au
pied du Glacis de 316 toises de longueur.
La nuit du 18 au 19 on prolongea la premiere
Parallele , et l'on travailla aux Batteries de
30 pieces de Canon qui ont ruiné les deffenses ,
et aux communications pour arriver aux Batteries.
La nuit du 19 au 20, on travailla à la Sape volante
, pour continuer les débouchez des Zigzags
, sur les Capitales.
La nuit du 20 au 21 , on prolongea , encore à
la Sappe , les débouchez des Zigzags .
La nuit du 21 au 22 , on fit la troisiéme Parallele
à moitié du Glacis .
La nuit du 22 au 23 , on continua cette Parallele
et l'on prolongea la premiere Parallele jusqu'à
la Porte Verccilline , pour la commodité
des Troupes.
La même nuit du 22 au 23 , les Mineurs com-
H vj
men164
MERCURE DE FRANCE.
mencerent neuf Puits ou descentes pour chercher
les Mines des Ennemis , et l'on commença en
même-temps trois Zigzags à la Sappe, pour s'approcher
des Angles saillans,
La nuit du 23 au 24 , on fit le logement du
Chemin couvert , sur les Angles saillans , avec
des communications pour y arriver .
La nuit du 24 au 25, on continua le logement
du Chemin couvert.
La nuit du 25 au 26, on perfectionna le logegement
du Chemin couvert , de mêine que les
communications; et la même nuit on commença
les Batteries sur le Chemin couvert; sçavoir,deux
de 4 Pieces chacune , pour battre les faces de la
Demi - Lune , deux autres Batteries , de 6 Pieces
chacune , pour battre les deux faces des Bastions
du front de l'attaque.
Pendant le jour du 26 , on commença.
bouchez des descentes du Fossé.
six. dé-
La nuit du 26 au 27 , on fit les logemens dans
les deux Places d'armes rentrantes , et cette
même nuit on commença deux Batteries de qua,
tre Pieces chacune , pour ruiner les Flancs des
deux Bastions de l'attaque.
La nuit du 27 au 28 , on perfectionna les lodes
Places d'armes rentrantes , et l'on con- gemens
tinua les Batteries , et prolongea les descentes dy
Fossé , près de la Contrescarpe.
La nuit du 28 au 29 , on fit un Epaulement
sur le Chemin couvert de l'attaque de la droite ,
pour couvrir les Batteries qui étoient de ce côtélà.
Les & Pieces de Canon pour battre les faces
de la Demi- Lune , commencerent à tirer le 27 ,
et le 29 la Bréche à la face gauche étoit praticable
. Les 12 Piéces destinées pour faire Bréche
aux faces des Bastions , commencerent à tixer ,
parJANVIER
1734- IGS
partie le 27 , et l'autre partie tira le 28, et tou
tes ces Pieces faisoient beaucoup d'effet . Les &
Pieces destinées pour ruiner les Flancs , commencerent
à tirer le 29 au matin , et ce même
jour à deux heures après midi , les Ennemis demanderent
à capituler , et arborerent le Drapeau
blanc , la Garnison étoit composée de
1500 hommes d'Infanterie , on leur a accordé
les honneurs de la Guerre , et sont sortis le a
Janvier , , pour être conduits à Mantouë.
M. le Maréchal de Visconti commandoit en
Chef dans cette Citadelle ; la Garnison s'est assez
bien deffendue ; elle pouvoit néanmoins encore
tenir 3 à 4 jours , mais on l'auroit fait Prisonniere
de Guerre. Nous avons perdu dans le courant
de ce Siége 60 hommes de tuez , et 116
blessez. Les Troupes y ont servi avec beaucoup
de valeur et de distinction .
La Tranchée fut ouverte devant Novarre la nuit
du s at 6 Janvier , par 2000 travailleurs , sourenus
en avant par cinq Compagnies de Grena
diers , et sur le derriere , par 2 Bataillons. L'on
fit une Parallele à 130 toises de la Place , et de
540 toises de longueur , et deux communications
pour arriver à cette Parallele , le tout s'est perfectionné
durant la journée du 6 , par les deux
Bataillons de la tranchée , 1000 Soldats travailn
leurs et 500 Paysans.
La nuit du 6 au 7 on fit une seconde Parallele
â la Sappe volante , avec trois communications
en zigzags ; cette Parallele étoit à 60 toises
de la premiere , et à 70 toises du Chemin
Couvert. L'on travailla dès le 6 , à deux Batteries
de 8 Mortiers , quatre dans chaque Batteries ,
qui jetterent des Bombes le 7 au matin , et l'on
commença la nuit du 6 au 7 , six Batterics de
Садом
166 MERCURE DE FRANCE
Canon ; sçavoir , deux de chacune 8 Pieces ,
pour battre les deux faces des Bastions de l'attaque
; deux de chacune trois Pieces , pour ruiner
les deux Flancs et les deffenses de la Demi-
Lune , et deux Batteries sur la gauche , et la
droite entre les deux Paralleles , pour tirer à
Ricochets et enfiler les deux faces des Bastions
du côté de l'attaque ; ces 30 Pieces de Canon
devoient tirer le 9 au matin ; mais les Bombes
ayant , dis-je, fait beaucoup de frayeur aux habitans
de la Ville ; ils allerent trouver M. Paul
Durand, Gouverneur , pour le prier de capituler,
ce qu'il accepta ; et le 7 , à 4 heures après midi
il fit rappeller et arborer le Drapeau blanc.
La Capitulation fut signé le même jour , et le
lendemain 8. on nous ceda une des Portes de la
Ville. La Garnison en sortit le onze au matin
au nombre de 1300 hommes d'Infanterie , et 40
Chevaux, deux Pieces de Canon , et 90 Chariots,
pour porter leurs Equipages , et on les escorta
jusqu'à Mantouë.
M. de la Blottiere a commandé en chef à ces
deux Siéges , de même qu'à celui de Pizighitone,
à cause que M.de Salmon son ancien, a toujours
été inalade.
Il y a eu à tous ces Siéges quatre Brigades
d'Ingénieurs,faisant en tout 32.et 16 Ingénieurs
Piémontois qui monterent avec nos Brigades.
Dans moins de deux mois de temps l'armée
bien fait des Conquêtes. Les voici : Pizzighitone
, la Citadelle de Milan , Novarre , le Château
de Crémone, et le Fort de Lecs , Tresso, Fuentes,
Arona , et Saravats. Il y avoit dans toutes ces
Places du Canon, des Garnisons , et beaucoup de
Munitions de Guerre et de Bouche .
Il y a dans Novarre 44 Piéces de Canons , &
Mor-
X
JANVIER. 1734 167
$4
Mortiers , le tout de Bronze ; 4300 Barils de
Poudre,chaque Baril de cent liv. pesant , et beaud'autres
munitions. coup
que
,
Il y a dans Pizzighitone et dans la Citadelle de
Milan beaucoup plus d'Artillerie et de Poudre
dans Novarre si le temps nous permet de
faire le Siége de Tortonne toute la Lombardie
, depuis l'Oglio jusqu'à la Sesia , près de
Verceille , sera libre ; c'est -à-dire que toutes les
Places seront soumises . On s'est même emparé
de Gouestella et de Borgoforte , cette derniere
Place qui ne vaut rien , n'est qu'à deux lieuës de
Mantoue. Je suis , &c.
Quelques avis reçus de plusieurs endroits
portent , que la Ville de Mantouë étoit menacée
de manquer de vivres, parce qu'on avoit été obligé
de jetter une grande quantité de Provisions
qui avoient été gâtées.
Le 1s de ce mois le Roy de Sardaigne fit publier
à Milan un Edit,par lequel il est ordonné à
tous ceux qui possedent des Terres dans le Milanès
, et qui sont dans les Pays de la nomination
de l'Empereur , de revenir dans deux mois
dans ce Duché , sous peine de la confiscation de
leurs biens
rez
On a appris que les Espagnols se sont empa
des Forts d'Ulla et de Brunetto , et que les
Garnisons de ces deux Places avoient été faites
Prisonnieres de Guerre
On apprend aussi de l'Armée d'Italie , que
le Marquis de Maillebois , Lieutenant General
des Armées de S. M. avoit été choisi pour faire
le Siége de Tortone , avec douze Bataillons des
Troupes du Roy , et cinq de celles du Roy de
Sardaigne.
Le
168 MERCURE DE FRANCE
Le Marquis de Maillebois ayant fait ouvrir
la Tranchée devant cette Place le 26 de ce mois,
le Gouverneur se retira dans le Château avec ses
Troupes le 28 , et le même jour les Habitants
après avoir essuyé dix coups de Canon , apporterent
les Clefs de la Ville , où ils reçurent le
détachement des Troupes qui avoient monté la
Tranchée , et qui étoit composée de trois Compagnies
de Grenadiers , de 200 hommes d'Infanterie
, et de 60 Dragons.
La nuit du 29 au 30 , on ouvrit la Tranchée
devant le Château sur la droite de la Ville , et
on forma une parallele d'environ 2 fo toises
devant la Courtine qui fait face au Couvent des
Bernardins , situé hors de la Ville.
Le 30 , on perfectionna cet Ouvrage , et on
commença l'établissement d'une Batrerie de
20 piéces de Canon , avec laquelle on compte
battre en bréche le Poligone qui fait face à la
Ville on travailla le même jour à construire
deux autres Batteries de Canon et de Mortiers
pour battre la Courtine.
Les Maréchaux de Camp des Troupes da
Roy qui servent au Siége , sont M. d'Afry , le
Comte de Chatillon et le Marquis de l'Isle .
LA COCARDE ,
Remerciment de M * * * à Mlle * * * qui
lui avoit envoyé une Cocarde à l'Armée.
J Ai fait briller au champ de Mars
L'Ornement galant et terrible ,
Par qui désormais invincible
Je puis affronter les hazards :
JANVIER. 1734.
169
Préferable aux Lauriers que donne la victoire ,
Ce panache éclatant va sous nos Etendarts
Accroître ma valeur comme il accroît ma gloire;
Formez pour des Guerriers , ces militaires dons ,
Jusqu'à ce que la Paix repeuplant nos retraites ,
Vous puissiez couronner nos fronts ,
Du mirthe qui croît où vous êtes.
Ainsi la Mere des Amours ,
Paroit le fils d'Anchise et lui prétoit des
armes ;
En couragé par elle au milieu des allarmes.
Les regards de Venus l'accompagnoient
toujours :
J'aurai la même destinée ,
Armé par d'aussi belles mains ,
Et si du Héros des Troyens
La valeur ne m'est pas donnée ,
Pour suppléer au moins à ses exploite
vantez ,
J'imite le pieux Enée
Dans le respect qu'il eut pour les Divinite
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.;
L
E premier Janvier les Princes et
Princesses du Sang et les Seigneurs
et Dames de la Cour , curent l'honneur
de complimenter le Roy et la Reine sur
la nouvelle année.
170 MERCURE DE FRANCE
,
Le même jour le Roy accompagné du
Duc d'Orleans , du Duc de Bourbon
du Comte de Charolois , du Comte de
Clermont , du Prince de Conty du
Duc du Maine , du Prince de Dombes
du Comte d'Eu , du Comte de Toulouse,
et des Chevaliers Commandeurs et Officiers
des ordres qui s'étoient assemblez
dans le Cabinet de S. M. se rendit à la
Chapelle du Château de Versailles . Le
Roy devant lequel les deux Huissiers de
la Chambre portoient leurs Masses , étoit
en Manteau , le Collier de l'Ordre par
dessus , ainsi que les Chevaliers. Le Roy
entendit la Gran P'Messe chantée par la
Musique à laquelle l'Archevêque de
Vienne , Prélat Commandeur de l'Ordre
officia pontificalement. Après la Messe
$. M. fut reconduite dans son Appartement
avec les Cérémonies accoutumées.
,
Le 2 le Roy accompagné comme le
jour précédent , se rendit à la Chipelle
vers les onze heures : S. M. étoit en
Habit violet er en Manteau court ,
la
Collier de l'Ordre par - dessus, et les Chevaliers
en Habits noirs et Manteau court,
le Roy assista à la Grand'Messe qui fut
célébrée par le même Prélat , pour le repos
des Ames des Chevaliers et Commandeurs
de l'Ordre, morts depuis le Service
solemJANVIER
1734 171
solemnel fait pour le même sujet le 5 Juin
1724, Ce Service ordonné par les Statuts
de l'Ordre , et qui depuis quelque tems
n'avoit été célébré , le sera dans la
pas
suite tous les ans le 2 Janvier où le lendemain
de la Fête de la Purification .
Le 3 la Reine communia par les mains
du Cardinal de Fleury son Grand Aumonier.
Le 3 de ce mois les Députez des Etats
de Bretagne curent audiance publique du
Roy , étant présentez par le Comte de
Toulouze , Gouverneur de la Province ,
et par le Comte de S. Florentin , Sécretaire
d'Etat , et conduits par le Grand
Maître et par le Maître des Cérémonies.
Ils eurent le même jour audiance de la
Reine , de Monseigneur le Dauphin er
de Mesdames de France. La Députation
étoit composée pour le Clergé de l'Evêque
de Tréguier qui porta la parole , du
Sr Baillon Sénéchal de la Ville de Rennes
pour le Tiers - Etar et du Comte de
Coëtlogon , Syndic de la Province. Le
Député pour la Noblesse étoit le Marquis
de Lannion , Maréchal de Camp , qui ne
s'eft point trouvé à l'audiance de S. M.
parce qu'il est actuellement employê à
l'Armée d'Italie.
172 MERCURE DE FRANCE
Le Roy a accordé au Comte de Tous
louze , Amiral de France , la Survivance
de cette Charge pour le Duc de Penthiévre
son fils , qui prêta serment le 4. entre
les mains de S. M.
Le Marquis de Villars qui étoit parti
e Milan le 30. Décembre après midi,
arriva àVersailles le 4. de ce mois au soir,
et apporta au Roy la nouvelle de la prise
du Château de Milan .
Le 14 après midi , le Roy reçut par le
Marquis de Firmarcon que le Maréchal
de Villars a dépêché à S. M. la nouvelle
de la prise de Novarre et du Fort
d'Arrona.
La Duchesse d'Alincourt ayant demandé
à S. M. la permission de remettre sa
place de Dame du Palais de la Réine
le Roy a nommé pour la remplacer la
Duchesse de Bouflers.
François de Franquetot , Marquis de
Coigny , Chevalier des Ordres du Roy ,
Lieutenant General de ses Armées , servant
actuellement en son Armée d'Italie,
et Gouverneur de la Ville , Château et
Principauté de Sédan , a obtenu l'agrément
du Roy de se démettre de la Charge
JANVIER. 1734 175
ge
de Colonel Generai des Dragons , en
faveur de Jean Antoine-François de Franqu
tot , Comte de Coigry , son fils , né
le 27 Septembre 1702. Grand Bailli et
Gouverneur de la Ville et Château de
Caën Le Marquis de Coigny avoit été
pourvû de cette Charge de Colonel General
le 7 Décembre 1704 .
Le Régiment de Cavalerie vacant par
la mort du Marquis d'Urfé , a été donné
à François Bernardin du Chastelet, Marquis
d'Aubigny , Comte de Clémont ,
connu sous le nom de Marquis du Chastelet
, Brigadier des Armées du Roy , du
premier Février 1719 , et Gouverneur du
Château de Vincennes.
Le premier jour de l'An le Roy entendit
à son lever les Hautbois de sa Chambre,
et pendant son diner les vingt- quatre
exécuterent une suite d'Airs de la composition
de M. Destouches , Sur- Inten
dant de la Musique du Roy , en semestre,
Le 4 , la Reine entendit dans son Salon
de Versailles , le Prologue et le premier
Acte de l'Opéra d'Omphale , du
même M. Destouches. Il fut continué
à Marly le 9 par le second et le troisiéme,
les deux derniers furent chantez le Lundi
suivant.Les Dlles Courvasieret Duhamel,
de
174 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy ,firent les rolles des
deux Graces dans le Prologue ; la Dlle
Antier et le Sr Chassé ceux d'Argine et
d'Alcide avec beaucoup de succès , de
méme que la Dlle Lenner et le Sr Petillot,
dans les rolles d'Omphale et d'Iphis . Les
Choeurs de la Simphonie furent rendus
dans tout le gout et la précision qu'on
pouvoit désirer.
Le 13 , la Reine ordonna pour Concert
le Prologue et le premier Acte du Ballet
des Elemens , dont le second et le troisiéme
furent continuez le 16 , et le 18 on chanta
le dernier Acte , précédé du Prologue
de Marthesie . La Dlle Antier fit le rolle
d'Emilie , le Sr d'Angerville , celui de
Valere et d'Ixion , et ceux de Pomoncet ,
de Vertumne , furent chantez par la Dlle
Lenner et par le Sr Petillot , lequel remplit
aussi le rolle d'Arion. La Dlle Courvafier
exécuta les rôlles de Junon et de
Leucosie. La Dlle Lenner et le Sr d'Angerville
remplirent dans le Prologue ceux
de Venus et du Destin qui furent très
bien rendus. On applaudit beaucoup le
Prologue de Marthesie , dont les rolles ,
la Simphonie et les Choeurs parurent
très brillans. Les Auteurs de cet Opéra
sont , feu M. de la Mothe , et M. Destouches
; le Public auroit souhaité que
le
JANVIER
+
1734. 175
le Poëte eut bien voulu retoucher ce
Poëme , l'Auteur de la Musique avoüe
qu'il auroit de son cô é réparé beaucoup
de négligences qu'il convient qui lui sont
échapées , si des paroles plus interressantesl'avoient
excité à ce travail .
,
Le 20 , on chanta devant la Reine , le
Prologue et le premier Acte d'Amadis
de Grece , lequel fut continué le 23 , et
le 25 la Dile Antier fit le rolle de
Zirphée dans le Prologue , et celui
d'Argine dans la Piéce ; ce dernier rolle
a aussi été rempli avec succès par la Dile
Courvasier. La Dlie Lenner , chanta celui
de Niquée , et ceux d'Amadis et idu
Prince de Thrace, par les Srs d'Angerville
et le Prince. On louia infiniment l'exécution
de cet Opéra , et sur tout la vivacité
des Airs et des Choeurs de la Magie dans
le troisiéme Acte.
›
On a appris de Metz que le 3 de ce
-mois on avoit licentié par ordre du Roy,
la Compagnie des 600 Cadets que S. M.
entretenoit, le Roy donne au Lieutenant
decette Compagnie 800 livres de pension ,
400 livres au Sous Lieutenant et 200
livres à chaque Sergent à qui S. M. permet
d'entrer dans la Milice en qualité de
Capitaines. Les Cadets qui seront pro-
,
pres
17% MERCURE DE FRANCE
pres à remplir les po tes de Lieutenant et
de Sous - Lieutenant dans les Régiments
de M.fce , y seront admis.
REPONSE à la Lettre d'un Evêque sur
la nomination de l'Abbé de la Motte à
l'Evêché d'Amiens,
MONSEIGNEUR ,
que
Jamais empressement ne fut ni plus
juste , ni plus loü ble
celui
> que
vous avez , de connoître le sujet que la
Providence vient de vous associer à l'Episcopat.
Messire Louis - François Gabriel d'Or
leans la Motte nâquit à Carpentras le 13 .
Janvier de l'an 1683. de Joseph d'Orleans ,
Chevalier , Seigneur de la Motte , et de
Dame Marthe- Ursule de Blégiers - d'Antelon.
( a) La nature et la grace s'unirent
en lui pour en faire un modéle dans l'Etat
qu'il embrassa. Né de parents également
distinguez par leur noblesse et par leur
vertu, il en fit d'abord les délices. L'Education
qu'on lui donna fut digne de lui
(a) La Maison d'Orleans la Mothe originaire de
Vicence eft transplantée depuis plus de 300. ans dans
le Comté Venaissin , où elle a toujours tenu rang
parmi la principale Noblesse.
et
JANVIER: 1734: 177
et toûjours soutenue par des progrès préle
maturez en science et en vertu . Parvenu
de bonne heure au dégré de Docteur en
Theologie , Clement XI. ce grand Pape ,
nomma pour être Chanoine Theologal
de l'Eglise Cathedrale de Carpentras.'
(a ) M. l'Abbé de la Motte en voye d'instruire
et d'édifier , s'y porta dès- lors avec
cette application et ce zele qui lui acquirent
l'estime et la veneration publique .
Les Conferences en forme d'instructions
qu'il fit dans son Eglise , lui attirerent des
auditeurs en foule de tous les Ordres de
la Ville : à ces Conferences familieres , il
en fit succeder sur la Theologie qu'il donna
chez lui aux Ecclefiastiques du Diocese.
Dans les intervalles que la Chaire et
le Choeur lui laissoient , M. l'Abbé de la
Motte ouvroit sa maison à tout le monde.
L'orphelin et la veuve y trouvoient un
pere et un protecteur , les affligez un consolateur
, les riches de sages conseils , les
pauvres des charitez en abondance et sans
reserve ; on le vit souvent s'épuiser et se
dépouiller lui- même pour revêtir J. C.
dans la personne de ses Pauvres.
il a ra
Eloquent jusques à convaincre ,
mené au sein de l'Eglise des personnes in-
( a ) Cefut en 1708. qu'ilfucceda à Louis Anif
Son
I fectées
MERCURE DE FRANCE
1
fectées du Calvinisme, ( a ) Des personnes
du monde et du cloître , des Communautez
entieres lui doivent leur établissement
et leur perfection ( b )
Par cette confiance que des jours fi
remplis lui mériterent , M. l'Abbé de la
Motte devint le reconciliateur des familles
divisées , et l'arbitre de leurs differends ;
il fut député par son Chapitre en qualité
de Theologien au Concile Provincial d'Avignon
tenu en 1725. il fut cheri , il fue
respecté des siens , de ses confreres ; deses
compatriotes et si l'occasion d'operer
un plus grand bien hors de sa parrie , l'en
fit éloigner ; que de larmes , que de regrets
ont suivi cette absence ! M. l'Archevêque
d'Arles , ce Prélat fi recommandable
par sa pieté voulu partager avec lui
les soins de l'Episcopat , il le fit son Grand
Vicaire et Official Métropolitain , il le
nomma pour assister en qualité de son
Theologien au Concile d'Ambrun , où
M. l'Abbé de la Motte donna des preu.
ves de son sçavoir et de son zele . Le Roi
ayant nommé M. de Salcon à l'Evêché
d'Agen , M. de la Motte fur choisi pour
lui succeder en l'administration du Diocese
de Senez . Ses travaux , ses heureux
( a )Des Dames de condition du Diocèse d'Apt.
(b ) A Carpentras , à l'Isle , ¿c,
succès
JANVIER. 1734- 179
> succès sont connus de vous Monseigneur
, et le sont de toute l'Eglise de
France. Jusqu'ici , Monseigneur , vous
reconnoissés une conduite sur laquelle
Dieu a versé ses benedictions , une conduite
digne de l't piscopat , il ne manquoit
à Monsieur l'Abbé de la Motte que d'en
être revetu. Digne du Diocèse auquel Sa
Majefté , ( par le juste discernement qui
l'a guidé par tout , ) vient de le donner ;
il ne nous reste qu'à souhaitter , qu'il vive
long tems pour la consolation d'un Eglise
illustre par sa foi et par sa régularité ,
et pour l'édification du Clergé de Franc .
J'ai l'honneur d'être avec respect , etc.
P. C.
De Paris 25. Octobre 1733 .
LETTRE DU ROY , dattée de
Marly le 10. Janvier 1734. écrite à
M. l'Archevêque de Paris , pour faire
chanter le Te Deum , en actions de
graces de la Prise du Château de Milan.
Mc
ON COUSIN, la conquête du Châ→
teau de Milan , augmente encore la gloire
de mes Armes en Italie , cette Place connue dans
toute l'Europe pour une des mieux fortifiées ,
s'est rendue le 30. du mois dernier , après 13 .
jours de tranchée ouverte , en six semaines de
temps tout le Pays qui est entre des Rivieres du
Tesin et de l'Oglio a été soumis par mes Trou
I ij pes
180 MERCURE DE FRANCE
pes unies à celles de mon Frere et Oncle le Roy
de Sardaigne . C'est à Dieu que je dois rapporter
des succès si rapides ; c'est lui qui a donné à
mes Soldats la force de surmonter les obstacles
des chemins et de la saison , et qui les soutient
encore dans une nouvelle entreprise qui est commencée.
Tant de faveurs exigent que je continue
à lui rendre des actions de graces des marques
de la Protection qu'il ne cesse de m'accorder. Je
yous écris donc cette Lettre pour vous dire que
mon intention est que vous fassiez chanter le
Te Deum dans votre Eglise Métropolitaine et
autres de votre Diocèse , avec les solemnitez requises,
et que vous y invitiez tous ceux à qui il
Conviendra d'y assister . Sur ce je prie Dieu qu'il
yous ait , mon Cousin , en sa sainte et digne
garde , &c.
Le 12. M. l'Archevêque destina sur ce sujet
un Mandement , dont yoici la teneur.
Harles-Gaspard - Guillaume de Vintimille
séricorde Divine , et par la grace du S. Siége
Apostolique , Archevêque de Paris , Duc de Saint
Cloud , Fair de France , Commandeur de l'Ordre
du S. Esprit, &c. Aux Archiprêtres de Sainte
Marie Magdelaine et de Saint Severin , et aux
Doyens Ruraux de notre Diocèse : Salut et Benedition
. Dieų , mes très- chers Freres , par la
prise du Château de Milan , vient encore de se
déclarer en faveur du Roy et de ses Alliez.
-
Quelques louanges qui soient dûes à la valeur
des Troupes , à la capacité des Generaux de Sa
Majesté , au courage et à l'activité de ses Alliez ;
ce n'est point aux moiens humains , mais à la
Providence de celui qui regle à son gré le sort
des
JANVIER 1734. 181
des Armes et des Empires , qui éleve et qui abbaisse
les Thrones , comme il lui plaît , que le
Roy attribue tant de succès inesperez ; et quelques
glorieux que soient ces évenemens, ils n'affoiblissent
point son amour pour la paix.
Entrez donc dans les sentimens de Religion et
dans les vues pacifiques d'un Roy , selon le coeur
de Dieu , qui rend hommage à la Majesté Divine
, de tout ce qui lui arrive d'heureux , et qui
tout occupé du bonheur de ses Peuples, sera toujours
prêt à préferer leur repos à sa propre gloire.
Venez , à son exemple , reconnoître au pied
des Autels , les graces et les bienfaits du Dieu qui
protege la France : * Demandez - lui ardemment
que les succès d'une Guerre juste et necessaire
nous conduisent à une prompte paix , plus dési
rable que les victoires , et pour laquelle Dieu
nous ordonne de recourir à lui , parce que c'est
de la paix de l'Etat que dépendent notre paix et
notre tranquillité.
A ces causes , après en avoir conféré avec nos
venrables Freres les Doyen , Chanoines et Cha
pitre de notre Eglise Metropolitaine : Nous or
donnons qu'après demain Jeudi , 14 du present
mois , le Te Deum sera chanté dans notredite
Eglise Métropolitaine , en actions de graces de la
prise du Château de Milan : Dimanche 17 da
courant dans toutes les Abbayes , Chapitres, Pa
roisses et Couvens , exempts et non exempts , de
la Ville et Fauxbourgs ; et dans toutes les autres
Eglises de notre Diocèse , le Dimanche après la reception
du present Mandement . Si mandons aux
* Quarite pacem civitatis ad quam transmigrare
vos feci , et orate pro ea ad Dominum, quia in pace
illius erit pax vobis. Jerem. 29.7·
I iij
Ar❤
182 MERCURE DE FRANCE
Archiprêtres de sainte Marie- Magdelaine et S.Severin
de notifier notre present Mandement à tous
Abbez Prieurs , Curez , Superieurs et Superieures
de la Ville et desdirs Fauxbourgs ; et aux Doyens
Ruraux de l'envoyer aux Curez de la Campagne ,
Superieurs et Superieures des Communautez ,
exemptes et et non exemptes , à ce qu'ils n'en
ignorent , et qu'ils l'observent et fassent observer
par les personnes qui leur sont soumises.
Donné à Paris , en notre Palais Archiepiscopal
le 12 Janvier 1734. Signé, CHARLES , Archevêque
de Paris , c.
Le 14 , après midi , on chanta dans
l'Eglise Métropolitaine , le Te Deum , en
actions de graces de la prise du Château
de Milan, et l'Archevêque de Paris y of
ficia pontificalement. Le Chancelier de
France et le Garde des Sceaux , accompa
gnez de plusieurs Conseillers d'Etat et
Maîtres des Requêtes , y assisterent , ainsi
que le Parlement , la Chambre des
Comptes , la Cour des Aydes, et le Corps
de Ville , qui y avoient été invitez en la
maniere accoutumée .
Le soir il y eur des Feux de joïe et d'autres
marques de réjouissances dans toutes
les rues de la Ville.
Le 15.on chanta pareillement le Te Deum ,
avec beaucoup de solemnité , dans l'Eglise
de l'Abbaye Royale de S. Germain , en
con
JANVIER. 1734
183
conséquence d'un Mandement du Cardinal
de Bissy , dont voici la teneur :
Henry de Thiard de Bissy , par le grace de
Dieu , et du S. Siege Apostolique, Cardinal de la
farnte Eglise Romaine , du Titre de S. Bernard,
Evêque de Meaux , Commandeur de l'Orûre du
S. Esprit , Abbé Commandataire de l'Abbaye
Royale de S. Germain des Prez : A tous ceux qui
sont soumis à notre Jurisdiction : Salut e Benediction
. Le Seigneur , Dieu des Armées , a répandu
ses nouvelles Benedictions sur les Armes
du Roy , et sur celles de ses Augustes Alliez.
Milan , une des principales Villes d'Italie ,
ouvert ses Portes aux approches de l'Armée
Royale Son Château , après 13 -jours de tranchées
, a été forcé de se rendre, Tout le Païs
renfermé entre les Rivieres du Tessin et de l'Oglio
est à present soumis à la Puissance de Sa
Majesté. Un cours si heureux et si rapide de tant
de succès , exige de nous la plus vive reconnoissance
envers le Souverain Arbitre des Etats qui
fait pancher la Victoire où il lui plaît , et qui
dispose de tout l'Univers avec poids , sagesse et
mesure. Continuons à faire des voeux les plus ardens
pnur la prosperité de notre auguste Monarque
, qui n'attaque ses ennimis que pour procurer
à l'Europe une Paix solide , et pour maintenir
les différens Princes qui y regnent dans leurs
juftes et légitimes droits. A ces causes : Nous
ordonnons que Vendredy , 15 du présent mois ,
à l'issue des Vêpres , le Te Deum sera chanté
dans notre Eglise Abbatiale , en actions de graces
des Benedictions que Dieu a répandues sur les
Armes du Roy. Donné à Paris , dans notre Pa-
Tais Abbatial , ce 13 Janvier 1734.
Signê, HENRY , Cardinal de Bissy.
184 MERCURE DE FRANCE
LES DAMES de la Ville du Sains
Esprit à Madame la Contesse du R.....
IL paroît , aimable Comtesse ,
Aux Vers qui de ta part nous ont été rendus
Que les pas que tu fais sur les bords du Permesse
Ne furent jamais pas perdus.
On y reconnoît le génie ,
Qui préside au sacré vallon ;
Le Tour , la Raison , l'Harmonie ;
Tout semble partir d'Apollon.
C'est lui qui te prête sa Lire
Pour former des Accords si remplis de douceurs
' est de lui que vient le délire
D'où naissent ces Enfans avoüez de neuf Soeurs
Si comme toi nous avions l'avantage
De parler dignement le langage des Dieux ,
Cent fois en ta faveur nous aurions fait usage
D'un talent aussi précieux .
Cent fois sur pegaze montées ,
Nous aurions trouvé aux yeux
grace
du Dic
des Vers ;
Tes Louanges par nous auroient été chantées ,
Et sur l'aîle des Vents portées,
Auroient parcouru l'Univers
C'est
JANVIER . 1734. 185
>
C'est ainsi , Madame , que tâchant
d'imiter votre stile , car nous ne sçaurions
nous proposer un plus parfait modele
, et nous appropriant même quel
ques-uns de vos Vers , nous prônerions
par tout votre Beauté , votre Esprit et
la nature a si ces graces sans nombre que
libéralement répandues sur votre personne
; nous joindrions à votre Eloge
célui de M. le Comte votre illustre
Epoux moins recommandable par sa
naissance et par son rang que par
les rares
qualitez que le Ciel lui a départies.
Nous aurions sur tout plaisir , Madame ,
à nous étendre sur la bonté de vos coeurs,
qui se sont attirez tous les nôtres : mais
comme les routes du Parnasse nous sont
peu connuës , nous laisserons aux nonrrissons
des Muses à traiter cette nobit
matiere ; nous contentant de vous témoi
gner en Langue vulgaire que nous sommes
fort sensibles à l'honneur de vetre
souvenir , que nous supportons impatiemment
votre absence , et qu'il nous
tarde extrémement de vous revoir en ce
Pays , pour vous faire notre cour ; c'est
avec ses sentimens accompagnés de beaucoup
de respect et de zele , que nous
sommes & c.
I v RES
186 MERCURE DE FRANC'E
REMERCIMENTde Madame la
Comtesse du R..... Gouvernante de la
Ville du S. Esprit.
S Ensible à votre politesse ,
Que ne puis-je grimpant au séjour de Phebus ;
Emprunter son secours ; mais aux bords de
Permesse
Les pas que nous faisons sont souvent pas
perdus.
Ah ! si ce Dieu daignoit me confier sa Lyre :
Pour célébrer vos rares qualitez ,
Mes Vers enfans heureux du plus noble délire
Sur les aîles des vents nous seroient apportez ,
Castellane d'abord se présente à ma vûë ,
Et cette Mere aux charmes les plus doux
Ne peut être mieux reconnuë 群
Qu'au digne fruit des feux de son Epour ,
Cazeneuve avec Prat partageront ensemble
Ces Eloges qui leur sont dûs ;
Le Ciel en toutes deux avec éclat rassemble
Ce qu'il a de plus rare , esprit , attraits , vertus ¿
Parmi la troupe respectable
Par le mérite et par le sang ,
La Perdris peut ainsi qu'à table
Occuper noblement son rang.
• Madame de Villeperdrix ,fille de M. le Mar.
quis de Lachaux de Montauban .
Je
JANVIER. 1734. 187
Je chanterois sur même note ,
Mille objets enchanteurs , sources de l'agrément,
Cavaillon et Piolene , Vanel , Bernard , Lamotte ,
Lirac et Lysleroy , Pourcet également ;
Mais Ciel ! je vois Phebus sur un Trône de nues
Les doctes Soeurs parfument sts Autels;
Autour de lui les jeux , les graces ingenuës
Forment des Concerts immortels ;
J'approuve, me dit - il,le zele qui t'inspire ,
Mais donne le Bouquet au galant Bonnefons
Ii est connu dans mon Empire ;
Il te servira ; j'en répons.
C'est ainsi qu'a parlé le Maître du Parnasse :
Bonnefons voudroit-il faire mentir ce Dieu ?
Non , sans doute , il sçait trop que de pareille
audace
On se souvient en temps et lieu ;
Déja sa veine est animée ,
Il nous chante , j'entens les sons harmonieux
De cette Lyre accoutumée
A célébrer les Belles et les Dieux ;
Quoiqu'il fasse pour vous , oui, j'ose ici le dire ,
Ce que vous méritez est encore au- dessus :
Et pour le bien d'écrire
Ce ne seroit pas trop que d'implorer Phébus.
I vj
MORTS
188 MERCURE DE FRANCE
MORTS NAISSANCES
311
et Mariages.
E nommé Nicolas - François Petit
Gagne deniers ,mourut à Paris , rue
Cadet , le 2. Novembre 1733. dans la
centiéme année de son âge , et fit inhumé
dans le cimetiere de S. Joseph , annexe
de la Paroisse S. Eustache,
M. Thomas Honoré de Francini , Prê
tre- Docteur en Theologie de la Faculté de
Paris , de la Maison Royale de Navarre
et Doyen de la même Faculté , mourut le
5. Janvier 1734 au College de Boncours ,
dans la 78. année de son âge. Son corps
fût transporté à S. Germain en Laye pour
être inhumé dans l'Eglise des Recollets Y
lieu de la sépulture de sa famille , qui est
originaire de la Ville de Florence , et com
prise au nombre de celles qui étoient admises
aux dignitez de la République dès
l'an 1318. Elle vint s'établir en France
sous le regne de Henry IV. et fut naturalisée
en 1500. Jean Nicolas de Francini,
ancien Maître d'Hôtel du Roy qui
avoit épousé en 1684. Magdelaine Catherine
de Lully , morte en 1703. fille du
celebre Jean- Baptiste Lulli , est de cette
>
famille.
JANVIER. 1734. 189
famille. Francini porte d'Azur à une main
gantelée d'argent mouvante du flanc seneftre
de l'Ecu , tenant une pomme de pin d'or surmontée
d'une étoile de même , & accompagnée
de trois fleurs de Lys d'or, deux en chef
une en pointe.
Louis- Christophe de la Rochefoucaud
de Lascaris , Marquis d'Urfé , Grand Bailly
du Pays et Comté de Forez , Mestre de
Camp de Cavalerie , mourut le 7. Janvier
près de Tortonne dans le Milanez , dans
la trentiéme année de son âge . Il étoit fils
aîné de Jean Antoine de la Rochefou
caud , Marquis de Langheac , & c. et
de Dame Marie-Therese de Guerin de Lugeac.
Il avoit succedé aux biens de la Maison
d'Urfé en vertu d'anciennes substitutions
, par la mort de Joseph Marie de
Lascaris , Marquis d'Urfé , le dernier de
cette illustre Maison , arrivé le 13. Octobre
1724. celui qui vient de mourir avoit
été marié le 11. Septembre 1724. avec.
Dame Jeanne Camus de Pontcarré , fille
de Nicolas- Pierre Camus , Seigneur de
Pontcarré Premier Président du Parlement
de Normandie , et de feuë Dame
Marie -Michelle de Bragelongne sa scconde
femme . Il en a laissé des enfans.
Bernard du Mas de la Vergne , Maréchal
190 MERCURE DE FRANCE
chal des Logis de la premiere Compagnie
des Mousquetaires de la Garde du Roy ,
Mestre de Camp de Cavalerie , et Chevalier
de S. Louis , mourut le 16. Janvier
âgé d'environ 76. ans Il avoit été marié
le 30. Avril 1697. avec Anne Geneviève
Portier , fille de François Portier , Ecuyer
sieur de Compiegne et de Maillezais , Secretaire
des Commandemens , et Intendant
des Maisons et affaires du Duc de
Longueville , et de Catherine Cantot.
Armand François de Bretagne , premier
Baron de Bretagne , Baron d'Avangour ,
Comte de Vertus et de Goello , &c. Maréchal
des Camps et Armées du Roy ,
Chevalier de S. Louis , mourut à Paris le
12. Janvier , âgé de 52. ans . Il avoit été
successivement Guidon et Enseigne de la
Compagnie des Gendarmes de la Garde dur
Roy . Il n'a point été marié , laissant seulement
un frere et une soeur , qui sont
Henry François de Bretagne , Colonel
d'Infanterie , qu'il a institué son légataire
universel , et Dame Marie-Claire - Geneviéve
de Bretagne , veuve de Charles Roger
, Prince de Courtenay , mort en
1730.
Dame Louise de Montguillon , veuve
en premieres nôces d'Alexandre leMazier,
Auditeur en la Chambre des Comtes ; et
en
JANVIER 1734 191
en secondes de Claude- Auguste Vitart de
Passy , Ecuyer , Seigneur de Barzy , Capitaine
de Dragons , mourut le 14. Janvier
dans un âge avancé , laissant des enfans
de ses deux mariages.
M. Pierre Renard , Prêtre Superieur de
la Maison et Hôpital Royal de la Trinité
à Paris , mourut le même jour 14. âgé de
85. ans.
Dame Marie Angelique Cadeau , veuve
de Guillaume Fremin , Comte de Moras,
et Président à Mortier au Parlement de
Metz , mourut le 16. âgée de 87. ans . Elle
a laissé pour fille unique Marie Angelique
Fremin de Moras , qui a été mariée
le 17. Décembre 1709. avec Louis Antoine
de Brancas , Duc de Villars , Pair de
France , Chevalier des Ordres du Roy' ,
& c.
Guillaume Stafford Howard , Comte
de Stafford , Pair de la Grande Bretagne ,
mourut le 18. Janvier en la Maison des
Religieuses Chanoinesses Angloises , ruë
des Fossez S. Victor , d'une apoplexie
dont il fût attaqué étant à la grille . Il
étoit âgé d'environ 49. ans. Ses obseques
ont été celebrées le 20. dans l'Eglise Paroissiale
de S. Nicolas du Chardonnet ,
et il a été inhumé dans l'Eglise des mêmes
Chanoinesses Angloises, La Maison Howard
192 MERCURE DE FRANCE
ward est une des plus anciennes et des
plus illustres d'Angleterre. Guillaume
Howard , ayeul de celui qui vient de
mourir , étoit cadet des Ducs de Norfolck
, Aînez de toute la Maison Howard,
qui est fort nombreuse. Il prit le nom de
Stafford ; dont il avoit épousé l'heritiere.
Ce Seigneur , qui avoit embrassé la Religion
Catholique , ayant été accusé faussement
par deux scelerats de tremper dans
une prétendue conspiration des Catholiques
contre le Roy Charles II. eût la tête
tranchée à Londres le 8. Janvier 1681 .
à l'âge de 70. ans . Son fils , pere de celui
qui donne lieu à cet article , avoit suivi la
fortune du Roy Jacques II . en France , et
faisoit aussi profession de la Religion Catholique.
>
Charles de Creil , ancien Capitaine de
Cavalerie , ci devant Gentilhomme ordinaire
de la Maison du Roy , mourut le
24. Janvier âgé de 68. ans . Il étoit Fils de
feu Pierre de Creil , Seigneur de Grand-
Mesnil , Maître ordinaire en la Chambre
des Comtes , et de Jeanne Crié sa seconde
femme .
On apprend de Bretagne que Messirǝ
Jofeph- Hyacinte de Kersulguen , Chevalier
Seigneur , Marquis de Klorec , mourut le
19. de ce mois , en son Chasteau de Chefdu-
Bois
JANVIER 1734 193
du- Bois , où il avoit fixé depuis long- tems
sa demeure , mais où il ne s'est pas moins
rendu utile aux interêts du Roy , qu'à ceux
de sa Province ; tous les Officiers Generaux
qu'il recevoit chez lui avec une magnificence
et une noblesse qui l'auroient
distingué à la Cour , l'honoroient de leur
confiance et de leur amitié , et abandon
noient entierement à sa prudence ce qu'ils
ne pouvoient ou connoître ou executer
par eux mêmes , et l'associoient toûjours
à leur conseil . Il fut sur tout l'ami intime
du feu Maréchal de Vauban .
Egalement estimé de la Noblesse de
Bretagne , et connu par son zele pour les
interêts de la Province. Il fût élu deux
fois d'une voix unanime Président de
l'Assemblée des Etats de 1731. en l'absen
ce du Duc de la Tremouille .
Outre un esprit élevé , pénétrant , vif
plein d'un enjoüement noble et délicat ; il
possedoit à un si haut dégré le don de la
parole , qu'on le regardoit comme l'oracle
de la Province. Le caractere de son
coeur honoroit encore les qualitez supé
rieures de son esprit. Il alloit au- levant de
tous lei démêlez . Il calmoit toutes les querelles
, et la décision de tous les interêts
lui étoit confiée , sans que qui que ce soit.
ait jamais été tenté d'en appeller à un autie
Tribunal. Sa
194 MERCURE DE FRANCE.
ne
Sa tendresse pour les
pauvres , et sur
tout , pour les pauvres de ses terres ,
peut être mieux publiée que par les larmes
qu'ils ont répandues à sa mort ; moment
qu'il a rendu précieux aux hommes
et aux yeux de Dieu , par les sentimens
de religion , de paix , et de tranquillité ,
que le témoignage seul de la bonne conscience
peut donner.
,
Il laissa deux fils , l'aisné aujourd'hui
Marquis de Klorec , que la longue interruption
de la guerre où il s'étoit distingué
dans le service de la Marine , a fixé à la
tête de sa famille , et le Chevalier de
Klorec , Lieutenant de Vais eaux , fort
connu par ses services et son mérit . personnel
, l'un et l'autre Chevaliers de Saint
Louis .
Cet illustre Mort étoit de la Maison
de Kersulguen , l'une des plus anciennes
Maisons de Bretagne , et alliée de tout
tems à ce qu'il y a de plus considerable.
Jamais homme ne fut plus aimé
pendant sa vie , ni plus regretté après sa
mort.
Dame Marie-Helene Moreau de Se
chelles , épouse de M. René Herault
Chevalier , Seigneur de Fontaine- Labbé,
et de Vaucresson , Conseiller d'Etat , et
Lieutenant
JANVIER 1734. 195
> Lieutenant General de Police de la Ville
Prévôté et Vicomté de Paris , mariez le
30. Décembre 1732., accoucha le 23. Janvier
d'un fils , son premier enfant ,
quifut
nommé Jean René , ayant été tenu șur
les Fonts par M. Jean Moreau , Cheva
lier , Seigneur de Sechelles , Maistre des
Requestes , et Intendant du Haynault ,
son ayeul maternel , et par Dame Jeanne-
Charlotte Guillard , veuve de Louis Herault
, Seigneur d'Epone , et Mazieres , da
grande belle-mere paternelle.
Guy de Chartraire , Seigneur de Rugny
, de Montreal , & c. fils d'Emilien de
Chartraire de Romilly , Conseiller honofaire
au Parlement de Metz , et de Dame
Jeanne- Marie Girard , épousa le 20. Janvier
Dame Marie- Reine Chauvelin , fille
de M. Chauvelin , Seigneur de Beausejour
, &c. Conseiller d'Etat , et de Dame
Catherine Martin .
A
ARRESTS NOTABLES.
RREST du 8. Décembre , par lequel
S. M. proroge jusqu'au dernier Décembre
1734. le prix des anciennes Especes et matieres
d'or et d'argent.
OR196
MERCURE DE FRANCE
ORDONNANCE DU ROY , du 14. Décem
bre , portant augmentation de quinze hommes
dans chacune des quinze Compagnies franches
des Galeres , par laquelle S. M. ordonne qu'à
commencer du premier Janvier prochain , lesdites
Compagnies soient augmentées de quinze
hommes chacune , et composées de soixante- cinq
hommes ; sçavoir , un Capitaine d'armes , deux
Sergens , deux Caporaux , deux Anspessades , un
Tambour , un Fifre , dix Grenadiers et quarantesix
Soldats. Et pour faciliter aux Capitaines la
levée de ces quinze Soldats , avant le mois de
Mars de l'année prochaine . S. M. veut qu'il leur
soit payé vingt livres pour chacun de ceux qu'ils
présenteront , et qui seront reçûs .
DECLARATION du Roy , du 20. Décembre
, en interprétation de l'Edit du mois de No
vembre dernier , qui rétablit les Offices Municipaux.
Registrée en Parlement le 22. dudit mois.
ARREST du 22. Décembre , qui ordonne
que la perception de la levée du Dixiéme des
biens , ne commencera qu'au premier Janvier
1734. au lieu du premier Octobre 1733 .
AUTRE du 29. Décembre , qui ordonne
que toutes les déclarations que les Proprietaires
des biens-fonds voudront passer devant Notaires
seront faites sur du papier non timbré, et sans aucun
contrôle, et qui permet ausdits Notaires d'énoncer
dans lesdites déclarations , les Baux et
autres Actes sous seing privé , qui serviront à les
constater sans pouvoir encourir l'amende prononcée
par les Reglemens.
AU
JANVIER. 1734
197
'AUTRE du 2. Janvier , qui ordonne que le
recouvrement du Dixiéme des gages , appointe
mens des Commis , tant generaux que particuliers
, ou autres Employez à la régie des Fermes
et Sous- Fermes , soit en titre ou par commission,
cera fait à la requête du sieur de Ternantes.
*
AUTRE du même jour , qui ordonne que toutes
les déclarations , rôles qui seront arrêtez en
conséquence , les Extraits desdits rôles , les quit .
tances , exploits , assignations et autres expeditions
et procedures qui se feront pour la levée
du Dixième , pourront être faites sur papier
non timbré , et décharge du contrôle des exploits
toutes les significations qui seront faites en conséquence,
AUTRE du 5. Janvier, qui accorde un délai
jusqu'au premier Juillet prochain , pour le contrôle
des Actes de foi et hommage , déclarations
et reconnoissances aux Papiers terriers et autres ,
le-
ARREST DU CONSEIL D'ETAT , du 26
Janvier , qui ordonne l'exécution des Arrêts du
Conseil , du 10 Mars, et du 5 Septembre 1731 .
et la suppression de plusieurs Ouvrages , par
quel S.M.ordonne que lesdits Arrêts du 10 Mars
et dus Septembre 1731 , soient exécutez selon
leur forme et teneur , et en conséquence , ordonne
que les Ecrits intitulez ; Instruction Pastorale
de M. l'Illustrissime et Reverendissime Evêque de
Marseille , sur les libertez de l'Eglise Gallicane.
A Marseille, de l'Imprimerie de Jean - Pierre Brebion
, &c. Le droit des Souverains , dans l'administration
de l'Eglise , & c . A Paris , 1734. ou ,
suivant une autre Edition du même Ouvrage :
Traité des bornes de la puissance ecclesiastique , et
de la puissance civile , avec un sommai Chronologia
198 MERCURE DE FRANCE
logique des entreprises des Papes , pour étendre la
puissance spirituelle , et du succès que ses entreprises
ont eu , surtout en France , comme aussi des faits :
concernant les disputes du temps . A Amsterdam .
chez François Changuion . 1734.Anecdotes ou Mémoires
secrets sur la Constitution Unigenitus ,
I partie, 1730. 2partie . A Utrech, 1732. Tom. 3.
A Trevoux, 1733. Réfutation des Anecdotes, adressée
à leur Auteur , par M. Pierre - François Lafi
tau , Eveque de Sisteron , cy devant chargé des af
faires du Roy auprès du S. Siége. A Aix , chez
Joseph David, Imprimeur du Roy , 1734. Disser–
tation , dans laquelle on explique en quel sens on
peut dire qu'un ugement de l'Eglise Catholique ,
qui condamne plusieurs Propositions de quelque écrit
dogmatique , sous une multitude de qualifications.
respectives , est une regle de foy , et en quel sens ce
n'est pas une regle de foy ; par M. Charles, Evéque
de Tulle , pour l'instruction du Clergé et des Fidelles
de son Diocèse . A Tulle , chez Jean - Léonard
Dalvy , &c. 1733. seront et demeureront suppri
mez , comme contraires à la disposition des Arrêts
, des 10 Mars et 5 Septembre 1731. Enjoint
S.M à tous ceux qui en ont des Exemplaires
, de les remettre incessamment au Greffe du
Conseil , pour y être supprimez . Fait deffenses à
tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs , et
autres , de quelque état , qualité et condition
qu'ils soient , d'en imprimer , vendre , débiter ,
ou autrement distribuer , à peine de punition
exemplaire , &c.
TABLE
Rivilege du Roy ,
Paralogue des Mercures depuis 1721 , jusqu'à
present ,
Liste des Libraires qui debitent le Mercure dana
les Villes de Province ,
Avertissement de 11 pages.
PIECES FUGITIVES Ode , pour le commencement
de l'année ,
Médales de l'Empereur Gratien ,
Armide , Cantate ,
Deffense de la Géométrie de l'Infini ,
Le Manteau bleu , Epître , Etrennes , & c.
Lettre au sujet du Plainchant ,
Imitation d'une Ode d'Horace ,
I
S
II
IS
20
29
47- Troisiéme partic de la Réponse sur l'essence de
la matiere
Sonnet ,
".. Sx
18
Lettre au sujet des Réfléxions sur la Poësie , 19
Epigramme , 73
Lettre sur la vie de Topal - Osman , & c. ibid.
Epigramme sur deux Procureurs > 96
Lettre sur la circulation de la Séve dans les
Plantes , & c.
Enigme , Logogryphes , &c.
97
107
NOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts , 110
Essay sur les erreurs populaires , &c.
112
Histoires et Memoires de l'Académie Royale des
Sciences ,
La Bibliotheque des Enfans ,
Les Dons des Enfans de Latone ,
Livres nouveaux 9
Nouveau Calenarier ,
117
118
119
120
122
Jettons nouvellement frappez, gravez au burin ,
127
Lettre écrite de l'Amérique, sur une Eclipse , 129
Prix proposé par l'Académie de Chirurgie, 130
Réponse à M. de S. Aubin , par l'Auteur au Problême
, &c. 131
Lettre sur le systême du Bureau Typographis
que,
132
1
Réponse à cette Lettre ,
Duo , noté ,
Spectacles ,
L'Impromptu de Campagne , Comédie ,
133
138
139
142
149
ISI
154
Parallele des Diles d'Angeville et Gaussin, 147
Nouvelles Etrangeres , de Pologne ,
Lettre du Roy au Magistrat de Dantzik ,
D'Allemagne , d'Italie , de Londres , &c .
Harangue du Roy d'Angleterre , &c,
Armée d'Italie . Prise de Novarre , &c.
Lettre crite de l'Armée d'Italie ,
La Cocarde , Poëme ,
157
161
163
168
France , Nouvelles de la Cour, de Paris, &c. 169
Lettre sur l'Evêque d'Amiens , 176
Lettre du Roy a l'Archevêque de Paris , sur la
Prise du Château de Milan ,
Mandement sur ce sujet ,
179
180
Mandement du Cardinal de Bissi , et Te Deum
sur le même sujet ,
183
Remerciment en Vers , &c,
184
186
Réponse ,
Morts , Naissances et Mariages , &c .
189
Arrêts Notables. 195
Errata du 2. volume de Décembre.
Page 2924. ligne 4. du bas , le Maréchal , lisez la
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 9. ligne 16. de l'Avertissement , plus ,
lisez le plus. P. 118 , 1. 27. feuillets , ôtez ce
mot. P. 126. l . 18. Graveur , ôtez ce mot. P. 141
1. 3. du bas , on donna , ôtez ces mots . P. 142. l .
15. l'a traité , l. le traite. P. 143. 1. 7. de ce Châreau
, ôtezces mots . P. 144. 1. 3. fait , l. suit . Ibid.
1. 10. P'exile , l . l'azile .
Les Jettons gravez doivent regarder la page 127
La Chanson notée doit regarder la page
138
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
FEVRIER. 1734.
COLLIGIT
SPARGIT
A PARISIR
GUILLAUME CAVELIER.
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais
M. DCC. XXXIV.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , ou aux . Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS..
,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY.
FEVRIER. 1734.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
IMITATION
De l'Ode d'Horace , qui commence
T
Qualem ministrum , &c .
El que le noble Oyseau , Ministre
du Tonnere ,
Que pour avoir ravi Ganimede
à la terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des habitans de l'air;
Quitte son nid , jaloux des forces paternelles ,
A ij
Et
200 MERCURE DE FRANCE
Et surpasse déja par l'effort de ses aîles,
Les paisiblés Zéphirs , successeurs de l'Hyver .
Bien-tôt l'expérience, augment ant son audace
Il va , fier ennemi d'une timide race ,
Jusqu'en leur Bergerie , attaquer les Agneaux ;
it bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim , et transporté de haine
Leur livrer constamment les plus rudes assauts.
> Tel encor, que , sur soi , dans un Vallon
champêtre ,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vû fondre un Lion , nouvellement sevré ,
Tel , au combat , donné près des Alpes altieres ,
Drusus , qu'accompagnoient mille vertus guer
rieres ,
Aux Vindéliciens , aux Rhetes s'est montré.
Leurs cruels Escadrons , jaloux de notre gloire,
Ayant long-temps volé de victoire en victoire
Vaincus par un jeune homme ont senti le pouvoir
3
D'un instinct vertueux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la nature ,
Le soin que des Nerons , Auguste daigne avoir
Des forts naissent les forts ; la vigueur , le
Courage ,
Aux
FEVRIER. 1734. 201
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage,
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais un heureux exemple est ce qui vivifie ;
Toujours un coeur bien né par lui se fortifie ,
par lui la vertu conserve son éclat. Et
Rome, grace aux Nérons, tu subsistes encore;
Au vainqueur d'Asdrubal , défait près du Métaure
;
Tu dûs le premier jour de tes félicitez ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel qu'un vent orageux , ou tel qu'un incendie
Le superbe Affricain ravagent nos Citez .
Après ce jour heureux que nous fit luire Claude
,
La jeunesse Romaine , à la force , à la fraude ;
Sçut opposer des bras toujours victorieux ;
Et ceuillant de Lauriers les moissons les plus
amples ,
Sa vertu rétablit et le culte et les Temples ,
Que la rage Punique avoit ravis aux Dieux.
Le perfide Annibal , à cet aspect s'écrie ,
» C'est trop d'avides Loups ' provoquer la furie ,
Foibles Cerfs tant de fois vaincus et dispersez ;
» C'en est trop , c'en est trop , par une fuite
prompte ,
» D'une défaite entiere épargnons- nous la honte,
A iij Les ""
102 MERCURE DE FRANCE
» Les tromper en fuyant , c'est triompher assez-
Le Peuple , qui porta dans les Champs Italiques
Ses Enfans , ses Vieillards et ses Dieux domestiques
,
Sauvez des feux de Troye, et des flots de la Mer,
( Semblable au Chêne altier , qui , sur l'Algide
sombre ,
Jadis tondu , pullule en rejettons sans nombre )
Doit son accroissement aux outrages du fer.
L'Hydre fort de sa playe , étoit moins redoutable
:
Jamais Thebe ou Colchos n'eut un Monstre semblable
.
Qu'on le plonge dans l'Onde, il n'en sort que plus
beau ,
Proposer-lui la Lutte , il vous jette par terre ,
Et les femmes de ceux qui lui livrent la guerre ,
Chaque jour de pleurer ont un sujet nouveau.
C'est fait de notre honneur : Qu'esperer davans .
tage ?
Puisque Asdrubal est mort , que desormais Carthage
N'attende plus de moi de superbes Courriers ,
Aux forces des Nérons,tous succès sont possibles ,
Et Jupiter a mis , pour les rendre invincibles ,
Leur prudence au dessus de tout l'art des Gues
aiers.
F. M. F.
ELO.
FEVRIER 1734. 201
ELOGE de Madame de Bethune d'Or
val , Abbesse de l'Abbaye Royale de N.
D. du Val de Giff , Diocèse de Paris.
D nous
Epuis que nous avons publié la
mort de cette illustre Dame dans
le premier volume du Mercure de Décembre
dernier , nous avons eu communication
d'une Lettre , qui a été écrite
sur ce sujet par la Dame Prieure et Communauté
de la même Abbaye . Cette
Lettre nous a paru si édifiante et si digne
de considération en toute maniere ,
que nous avons crû devoir en raporter
du moins les traits les plus marquez , pour
rendre à la mémoire d'une Personne si
respectable une partie des devoirs que le
Public est en droit d'exiger de nous en
certaines occasions.
D. Anne Eleonor - Marie de Bethune
d'Orval, étoit fille de François de Bethu-
* Duc d'Orval , Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy , Lieutenant
General de ses Armées , et du Pays Charne
,
"
* Le Duc d'Orval êtoit fils de Maximilien de
Bethune , Duc du Sully Pair et Maréchal de
France &c. Ministre d'Etat &c. et de Rachel de
Cachefilet , sa seconde femme.
A iiij train ,
204 MERCURE DE FRANCE
train , Premier Ecuyer de la Reine Anne
d'Autriche , et de Dame Anne de Harville
de Palaiseau .
Ce fut une de ces Ames privilegiées
sur lesquelles une Providence attentive
veille dès le berceau , et dont elle dirige
tous les pas vers le terme heureux qu'elle
leur a destiné dès l'Eternité . Elle fut
dérobée au monde avant qu'elle pût en
éprouver la corruption : dès l'âge de trois
ans,le Seigneur prit soin de la cacher dans
l'Abbaye de Royal- Lieu , comme dans
un azile assuré pour son innocence. Elle
y fut élevée sous les yeux de Madame
deVaucelas sa Tante qui en étoit Abbesse ;
et la premiere attention qu'on cut sur
cette jeune Plante , fût de lui interdire
avec une severité qui pouvoit paroître
excessive , toute délicatesse , toute marque
extérieure de distinction , tout ce
qui peut flater ce fond d'orgueil et d'amour
de nous-mêmes avec lequel nous
naissons tous et que nous portons jusqu'au
tombeau. Mais on ne négligea pas
de cultiver les heureuses dispositions
qu'on trouva dans son esprit , et on eût
soin de l'orner de toutes les connoissances
qui convenoient à son sexe , en même
tems qu'on s'appliquoit à répandre dans
son coeur les semences d'une pieté d'autant
FEVRIER 1734. 205
cant plus solide qu'elle seroit plus éclairée.
Elle n'hésita point sur le parti qu'elle
devoit prendre dès qu'elle en fût
en fût capable.
Tout ce que l'éclat de sa naissance
et plus encore ses qualitez personnelles ,
pouvoient lui promettre dans le monde ,
devint pour elle la matiere d'un sacrifice
très volontaire , et coûta peu à son coeur
déja détaché de tout.
Dès l'âge de quatorze ans elle entra au
Noviciat , et elle prit l'habit de Novice,
à quinze. Son année d'épreuve n'étoit pas
achevée lorsque Madame de Vaucelas fût
transferée à une autre Abbaye. Elle se
sépara de sa chere Tante sans s'ébranler,
et pouvant la suivre par toute sorte de
raisons , elle se fixa à Royal - Lieu , Maison
où Dieu l'avoit prévenuë de ses Bénédictions
, par la Profession Religieuse qu'elle
fit à seize ans entre les mains de la nouvelle
Abbesse.
Elle ne pensoit qu'à se sanctifier dans
l'état de simple Religieuse , ne prévoyant
rien qui peut l'obliger d'en sortir, Mais
Dieu avoit d'autres desseins sur elle . Son
mérite lui fit tort , quelque soin qu'elle
prit de le cacher: elle fut mise à de grandes
épreuves ; il fallut l'arracher enfin
d'une Maison qu'elle avoit choisie par
préférence à tout et de laquelle elle étoit
tendrement aimée. AT
1
206 MERCURE DE FRANCE
Elle se retira dans l'Abbaye de S. Pierre
de Reims auprès de Madame sa Soeur
qui en étoit Abbesse . Elle Y porta l'édiy
fication et l'exemple de toutes les vertus
Chrétiennes et Religieuses. Sa retraite
dans cette Abbaye fût de cinq années.
Cependant Madame de Clermont
Monglat , Abbesse de * Giff , voulant se
décharger d'un fardeau sous lequel ses
infirmitez et encore plus son humilité
la faisoient gémir , chercha avec soin un
sujet propre à la remplacer , et à affermir
l'ouvrage de l'étroite Observance de la
Regle de S. Bencft ,'elle le trouva dans
Madame de Bethune d'Orval ,
Teile fut la vocation de cette digne
Religieuse , âgée alors de vingt- neuf ans .
Nulle considération humaine n'y eût part;
et il parut bien - tôt que Dieu avoit béni
des veues aussi pures que celles de Madame
de Monglat , et que la nouvelle
Abbesse étoit pour le Monastere de Giff
un don de sa Miséricorde .
La mort de Madame de Monglat , qui
survecût près de quinze ans à sa demis-
Cette Abaye est nommée dans les anciens
Titres. Beata Maria Valis de Giffo . Maurice de
Sully Evêque de Paris , la fonda vers l'an 1140 .
sur la petite Riviere d'Yvette , à cinq lieues de
Paris. sion ,
FEVRIER 1734. 207
sion , ne fit que mettre dans un plus
grand jour le merite deMadame d'Orval,
er justifier de plus en plus le choix qu'elle
en avoit fait pour la remplacer. Il faudroit
entreprendre d'écrire un volume
entier pour donner l'Histoire de sa vie
et de son gouvernement avec le détail
qu'elle merite ce gouvernement a été
de quarante sept ans , pendant lesquels
la résidence de la pieuse Abbesse dans
son Monastere , n'a été interrompuë
qu'une seule fois pour peu de tems , et par
ordre exprès de M. l'Archevêque de
Paris.
4
Qu'il nous soit permis du moins pour
ne point excéder nos bornes , de tracer
ici en deux mots son caractere . Une pieté
tendre , mais éclairée et sans petitesse ;
une humilité profonde mais sans pussillanimité
, un amour universel de la penitence,
mais sans ostentation ; une charité
inépuisable , mais sins acception de
personnes ; un amour de l'Ordre et de
la Regle ferme , mais sans dureté une
regularité toujours égale et toujours
sourenue , un don d'exhorter et d'instruire
peu communj appuyé d'un exemple
encore plus éloquent er plus efficace :
ajoûtons qu'une politesse simple et
noble accompagnoit toutes ces grandes
vertus.
,
A vj
Arri
208 MERCURE DE FRANCE
Arrive à la fin de sa carriere , et étant
au lit de la mort , elle dit à ses filles
qu'elle pouvoit s'appliquer ce que S. Jean
dit de J. C. que les ayant aimées pendant
sa vie , elle les aimoit jusqu'à la fin , surquoi
elle leur fit un Discours digne de sa
grande pieté et de sa parfaite charité.
Elle a conservé jusqu'au dernier soupir
tout son jugement et sa présence d'esprit,
et elle en a fait un excellent usage, pour
mettre à profit ces momens d'autant plus
précieux qu'ils touchent à l'Eternité . Son
extréme patience dans une oppression longue
et très penible, la pieté avec laquelle
elle reçut encore une fois le S. Viatique ,
quelques heures avant sa mort, et un dernier
effort qu'elle fit après cette action
ne pouvant presque plus parler , pour
demander que la Communauté récitât
Hymne d'Actions de graces , pour celle
qu'elle venoit de recevor ,
terminerent
enfin une vie sainte et riche en vertus et
enbonnes oeuvres. Elle expira doucement
au milieu de ses Filles le soir du 28 de
Novembre dernier dans la soixanteseizième
année de son âge, la soixantiéme
de sa Profession Religieuse , et la qua
rante-septiéme de son gouvernement.
L'HEU
FEVRIER. 1733. 200
•
L'HEUREUX ASTROLOGUE.
JA
CONT E.
Adis en France un certain Aftrologue
Si bien se mit en réputation ,
Que jamais onc plus ne furent en vogue
Fausse croyance et superstition ;
Mais à la Cour plus que dans les Province
Fallaciant Comtes , Marquis et Princes
Sçût par son art le Negromancien
En imposer à plusieurs gens de bien:
Quoique ne dit que pares rêveries ,
Les faisoit croire ainsi que propheties ;
Vint même à bout de répandre l'éffroy.:
Comme vais dire , en l'ame de son Roy.
A Dame jeune et de haut étalage
Qu'aimoit le Roy pour son joly corsage
Avoit prédit ce méchant que dix jours
De ses beaux ans termineroient le cours
De quoi si fort fut la Dame frappée ,
Qu'one du depuis ne songea qu'à la mort
De deuil amer nuit et jour occupée
Au temps prescrit elle accomplit son sort.
Le Roy chagrin de si triste avanture
A son Palais fait le Mage venir >
Et
210 MERCURE DE FRANCE
J
Et contant bien dévoiler l'imposture
Jà se prépare à le faire punir :
Toi , lui dit- il d'une voix formidable ,
Mage fameux , dont le regard certain
Dans l'avenir le plus impenetrable
Sçait d'un chacun débrouiller le destin ,
Du tien toi même annonce moi l'histoire ,
Quand mourras- tu ? ... point ne dirai , grand
Roy ,
...
Répondit- il , quand verrai l'onde noire ;
Mais la verrez quatre jours après inoy
Epouvanté, plus n'eut le Prince envie
De le livrer à mort ; mais au rebours
Bien ordonna qu'on veillât sur sa vie
Et comme siens , qu'on respectât ses jours.
>
****************
LETTRE de M. L. B.Ch. & Souchantre
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
A
FEVRIER. 1734. 219
**
A MLLE DE MALCRAIS.
EPITRE.
Une plume plus délicate
Que n'est celle qui vous écrit ,
Et dont l'encens chatouille et flate
Le coeur , et satisfait l'esprit .
Cette plume à jamais celebre
Depuis la Seine jusqu'à l'Ebre ,
Depuis l'Ebre jusques aux bords
Qu'arrose la Tamise altiere ;
Enfin dont les nobles essors ,
Jusqu'aux lieux où naît la lumiere
Bientôt se feront admirer ;
Cette plume ajoute à sa gloire
La gloire de vous célébrer ;
Par-là croyant mieux s'assurer
Un nom d'éternelle mémoire
Voltaire en tous lieux si vanté
Unit son nom avec le vôtre ,
Et vous charmerez l'un et l'autre
La derniere posterité,
Touché de cet exemple illustre ,
Malcrais , que ne puis -je à mon nom
Assurer un aussi beau lustre
En
220 MERCURE DE FRANCE
C
En celebrant votre renom ?
Jusques-ici dans le silence ,
Content d'admirer vos Ecrits ,
Et charmé que toute la France
Vous en donnât le juste prix ,
J'ai sçû résister à l'envie ,
A l'ardeur de vous exalter ,
Mais enfin mon ame ravie
Ne sçauroit plus y résister.
Je veux d'une Muze nouvelle
Chanter les admirables traits ;
Et la Déesse la plus belle
Pour mon coeur auroit moins d'attrain ,
Que n'en à l'illustre Immortelle
Qui porte le nom de Malcrais.
Son esprit me la represente
Vive , gracieuse , amusante ;
De ses beaux yeux le feu charmant
Fenetre jusqu'au fond de l'ame s
Qui la voit , l'entend un moment ,
Ressent la plus ardente flame ,
Et fait en soi-même serment
De l'aimer éternellement.
Il fait ce serment en soi- même,
Non à l'objet de son ardeur ;
C'est en secret qu'il faut qu'on l'aime ,
Renonçant au bonheur extrême
De
FEVRIER 1734 . 228
De triompher de sa rigueur ;
Sa raison est saloy suprême ,
Et son esprit défend son coeur.
Oui , telle est l'adorable idée
Que je me fais de vous, Malcrais ,
Et ma plume s'est hazardée
A vous en tracer tous les traits.
Je jurerois qu'ils vous ressemblent ;
Vos charmants Ecrits les rassemblent,
Par-là , justement admirez ;
C'est d'eux que je les ai tirez.
Un Auteur a beau se contraindre :
Digne d'estime ou de mépris ,
La nature dans ses Ecrits
Le force toûjours à se peindre.
Quelque sujet que vous traitiez ,
Par tout on vous trouve admirable ,
Et quelque ton que vous preniez ,
Vous paroissez toûjours aimable.
Que l'on celebre vos talens
Du Couchant jusques à l'Aurore ;
Qu'on vous admire , j'y consens ;
Moi , je faisplus , je vous adore.
De mon coeur acceptez le don.
Pour que votre gloire y consente ,
De celui qui vous le présente ,
Je prétends vous cacher le nom .
L'ignorant , vous croirez peut-être
2
B Que
ނ
222 MERCURE DE FRANCE
Que ce don pourroit vous flater ,
Au lieu que me faisant connoître ,
Il pourroit bien vous irriter.
Ne pressez donc point ma disgrace ,
Et contentez-vous de sçavoir
Que se prêtant à mon audace ,
Vos neuf Soeurs sur le Mont Parnassé
Daignent par fois me recevoir.
Calliope ni Melpomene
N'ont jamais élevé mes sons ,
Quoique parmi ses nourriçons
Phoebus m'ait placé sur la Scene.
Voltaire plein d'un feu divin
Chausse le Cothurne tragique :
Ma Muse naïve et comique ,
Ne chausse que le Brodequin.
N. D.
*
SUITE de la Lettre de M. D. B. ***
contenant l'Analyse de la Dissertation
sur la Circulation de la Séve dans les
Plantes , &c.
ART. 4.
pag. 24
R de la Baïsse avoit résolu
Mde suivre, s'il étoit
possible,
dans les Plantes le cours de la Séve d'une
maniere
FEVRIER 1734. 223
>
maniere aussi précise qu'on fait le cours
du Chyle dans les animaux , il vouloit en
déterminer les visieres , les veines , les ar--
teres , les glandes , et les vaisseaux , parce
qu'il avoit cru les voir distinctement
dans quelques Plantes ; il entreprit pour
executer ce projet plusieurs dissections ;
mais comme il ne retiroit de ce travail
aucun fruit , il jugea l'entreprise impossible
, du moins de la maniere dont il avoit
arrangé son plan , c'est pourquoi il l'abandonna
entierement , et il se contenta
d'examiner en general comment et ent
quelles parties de la Plante se dégorgent
les premiers tuyaux par lesquels monte
d'abord le suc nourricier ; notre Auteur
a toûjours mis tremper dans une liqueur.
colorée les parties des Plantes qu'il a voulu
examiner , et cette voye lui a paru suffisante
pour découvrir la route de la
séve.
La premiere partie de la Plante dans laquelle
il a observé le cours de la liqueur, a
été les fleurs ; il a jugé par ses observations
que le suc monte fort vîte et fort aisément
jusqu'au sommet des tiges , mais qu'il se
trouve ensuite arrêté aux plis et extrê
mitez des fleurs ; il pense que c'est peutêtre
en ces Endroits que le suc dépose ce
qu'il a de plus grossier ; il a aussi remar-
Bij qué
224 MERCURE DE FRANCE.
qué que le suc passe de ces premiers canaux
dans les parties charnues de la fleur
comme au travers d'un filtre , ce qui fait
qu'il n'y a que la portion du suc la plus
subtile qui y puisse être ; il prétend que les
sacs , ( il entend par sacs les utricules de
Malpighi ) tirent le suc immédiatement
de ces vaisseaux le long desquels ils sont
apparemment attachez ; peut- être bien ,
ajoûte-t'il , le suc nourricier se filtre par
côté , et passe dans de petits canaux collateraux
qui servent de communication
pour le porter dans les Kistes charnus , les
mêmes que ce qui vient d'être appellez
sacs. M. de la Baïsse seroit fort embarrassé
de trouver ces vaisseaux de communication
, même avec le secours du microscope.
.ART. 5. p. 30. Art . 6. ibid. Notre Auteur
n'ayant pû observer la route du suc
dans les fruits , passa la distribution de la
liqueur dans les feuilles , il a découvert
que les canaux destinez à porter la premiere
nourriture dans les feuilles sont situez
dans les nervures , que ces canaux ne
sont qu'une continuation des fibres de la
portion Higneuse , que le suc passe de
ces tuyaux dans les parties charnuës des
feuilles de la même maniere que dans celles
des fleurs , enfin qu'à mesure que le
Suc
FEVRIER. 1734. 225
suc monte dans les nervures , il s'y débarasse
de sa portion la plus grossiere. Pour
ne rien avancer gratis , voici la preuve de
cette derniere proposition , mettant une
feuille tremper par le pidicale dans une liqueur
colorée , la teinture devenoit moins
chargée à proportion qu'elle montoit plus
haut dans les tuyaux de la feiiille ; il falloit
donc qu'elle se dépoüillât de ses parties
heterogenes , par consequent la même
députation doit arriver à la seve qui
se meut dans ces canaux . Il faut avouer
qu'il est impossible de se refuser à de telles
preuves
.
ART. 7. p. 34. M. de la Baïsse mit pendant
deux ou trois jours en experience
dans la liqueur colorée l'écorce de quelques
Plantes , il observa que dans la partie
superieure et inferieure de l'écorce , la
teinture s'étoit répandue , et que la couleur
étoit très- visible vers le bas environ
jusqu'à la hauteur où s'élevoient en dedans
de la Plante des veines sensiblement rouges
, et vers le haut dans l'endroit où le suc
continuellement poussé avoit eu le loisir
de se ramasser jusqu'à répandre une couleur
rougeâtre dans presque tout l'interieur
de la plante ; il n'apperçût aucune
alteration de couleur au milieu de la tige,
et il conclut que ce n'est que quand la
B iij partie
226 MERCURE DE FRANCE
partie ligneuse de la plante a été imbuë de
la couleur du suc dont elle s'est nourrie ,
que l'écorce s'en est aussi trouvée colorée
quelque temps après , et par consequent
que c'est immédiatement du bois que l'écorce
tire sa premiere nourriture ; enfin
comme notre Auteur n'a pû distinguer
de rameaux rouges dans la substance de
l'écorce comme dans celle du bois , quoique
la teinture se répandit dans l'écorce toujours
assez uniformement , il lui a paru démontré
que la seve qui nourrit l'écorce passe immédiatement
des fibres de la portion ligneuse
dans les utricules de l'écorce.
Ordinairement le signe caracteriastique
d'un systême vrai est la facilité qu'il donne
pour expliquer tous les faits qui se présentent
, c'est pourquoi M. de la Baïsse
tâchá de rendre raison selon ses principes
de plusieurs phénomenes qui appartiennent
à la Physique des Plantes. Comme
je crois , Monsieur , que vous ne serez pas
fâché de voir un essai des applications de
son systême à differens cas particuliers , je
vais vous en rendre compte en peu de
mots.
P. 35. M. de la Baïsse se propose d'abord
d'examiner d'où vient cette abondance
de suc qu'on trouve au Printems
entre l'écorce et le bois des Arbres , et
l'explication
FEVRIER 1734 227
l'explication de ce fait lui paroît plutôt
une consequence qu'une nouvelle preuve
de son sentiment , tant elle est ( selon
lui ) naturelle ; au renouvellement de la saison
les premiers canaux situez dans la portion
ligneuse de l'arbre abondent en sucs,
dont ils se déchargent par tous leurs dégorgemens
; bientôt les vessicules de l'écorce
en sont remplies ; et ne pouvant plus
contenir celui qui survient , il faut de necessité
qu'il sorte hors de ses vaisseaux , et
qu'il se jette entre l'écorce et le bois dans
les endroits où l'écorce est trop adhérente
au bois , les fibres ligneuses se replient sur
elles -mêmes, et poussées au dehors par l'effort
continuel des sucs nouveaux , elles
fendent l'écorce et forment de nouveaux
jes. Notre auteur ajoûte que s'il est permis
de se livrer aux conjectures , il dira
encore que cet excès de séve venant à
rompre , les petites attaches qui lioient
les utricules de l'écorce aux fibres les plus
voisines de l'écorce , presse par dehors
ces letricules et les force à s'étendre suivant
la direction la plus facile , c'est- à dire
, selon la longueur de l'Arbre , bientôt
ces utricules ainsi pressez et étendus
en longueur s'ouvrent les uns dans les autres
et deviennent par - là des canaux
longs et contigus ; en un mot , de vrayes
و
B iiij
fibres
228 MERCURE DE FRANCE
fibres ligneuses , c'est aux approches de
l'hyver que le froid doit le presser ,
assez pour les faire coller au corps de
l'Arbre.
et
M. de la Baïsse après cette explication
qui est certainement toute neuve , employe
encore une preuve de fait qui lui
paroît décisive pour démontrer que le
nouveau bois se forme de l'écorce , et il
termine cet article par une question qu'il
se propose , et qu'il résout ensuite ; on lui
demandera peut être , dit-il , comment
l'écorce répare la perte qu'elle fait chaque
année de la portion de substance qui devient
partie ligneuse , il répond qu'il se
travaille dans l'interieur même de l'écorce
une substance propre à reparer ses pertes
et il appuye cette réponse par une obser
vation à peu près aussi juste et aussi concluante
que la réponse elle -même est instructive.
ART. 8. p. 41. La moëlle , selon notre
Auteur , tire sa nourriture de la partie
superieure de la portion ligneuse , et un
de ses usages lui paroît être de filtrer et de
préparer les sucs qui doivent nourrir l'embryon
, parce que dans la dissection des
fruits de plusieurs Arbres on voit une
communication sensible du coeur du jeune
fruit avec la moëlle du nouveau jet.
ART.
FEVRIER. 1734. 229
ART. 9. p. 43. ART. 10. p. 44. Il ne
suffit pas de connoître que la séve monte
jusqu'aux extrêmitez des Plantes , il faut
sçavoir encore si cette séve redescend , les
Plantes poussent des racines de la même
maniere qu'elles poussent des feuilles et
des branches ; ainsi comme il y a un suc
•qui en montant fait rejetter les plantes par
le haut , il doit y en avoir un autre qui en
descendant les fasse croître par le bas . M.
de la Baïsse n'a regardé ce Phénomene que
.comme une simple indication , et afin de
découvrir la verité il s'est engagé dans
plusieurs experiences que je vais rappor
ter dans le même ordre qu'il les a exposées.
1 °. Dans les fleurs et branches opposées
qui ont trempé dans la liqueur de
Phytolaus par une de leurs extrêmitez superieures
et dans une situation renversée
le premier suc ne s'est élevé que très- peu ,
quoique les parties inferieures , les bran
ches et les fleurs collaterales se soient bien
conservées , ce qui fait penser à M. de la
Baisse( et qui peut le penser que lui ? )qu'il
faut qu'il se fasse dans les feuilles et
sommitez où s'arrête ce premier suc une
digestion qui donne naissance à un suc - secondaire
, propre à porter en descendant
la fraîcheur dans les parties inferieures et
collaterales de la fleur ou de la branche
By
230 MERCURE DE FRANCE
-2 ° . Il monte du suc des racines des jeunes
Plantes aux feuilles seminales , et il en
descend des feuilles seminales aux racines,
comme il est facile de le prouver par les
experiences de Malpighi qui démontrent
la nécessité de ses feuilles seminales pour
la vegetation de la tige et des racines naissantes.
3 ° . Si on fait une ligature à une
tige de titrimale , il se forme un bourelet
au dessus de la ligature. Preuve sensible .
d'un suc descendant , et de la verité de
cette experience faite par M. Perrault. 4° .
Dans un gros tronc de noyer vers le couronnement
, sous une des plus considerables
branches , M. de la Baïsse a vû une
grande carité du milieu de laquelle sortoit
une racine de quatre lignes de diametre
à sa naissance , et longue de huit
ces , cette racine n'a pû être formée que
par un suc descendant . 5 ° . Dans les Greffes
la direction des fibres ligneuses est irréguliere
, du moins suivant notre Auteur ,
et à la pluspart il se forme des bourelets ,
les fibres du sujet au contraire ne sont
que peu ou point dérangées , ce qui lut
paroît prouver qu'il descend de la greffe
au sujet un suc qui ne pouvant passer alsement
dans le sujet est repoussé dans la
greffe , où il se replie sur lui même . M. Du
amel a avancé dans les Memoires de l'A
poucadémi
FEVRIER. 1734. 231
cadémie Royale des Sciences 1728. que la
qualité des fruits se perfectionne par la
greffe , parce que le suc se travaille dans
les plis et replis qui se forment au-dessus
de la jonction , M. de la Baïsse pensant
que les observations de cet Academicien
pourroient faire contre son sentiment une
obection assez forte , du moins en apparence
, a jugé à propos pour y répondre
de faire observer que le premier suc montant
se façonne très peu dans les tuyaux
par lesquels il passe et qu'il faut de necessité
que ce suc ait fait plusieurs circulations
dans la Plante , ce qui est alors supposer
un suc descendant. M. de la Bisse
pour prouver que ce n'est pas sans fondement
qu'il prétend qu'il y a des fibres voisines
, dont les unes portent le suc montant
, et les autres le descendant , se sert
de l'experience suivante qu'il croit bien
écisive dans le cas present ; il mit au
Printemps dans la teinture de Phytolacca
une branche de Tilleul longue d'environ
trois pieds la cinture s' leva jusqu'au
haut de la branche , il coupa cette bran
che obliquement en differens endroits , il
en regard less ctions avec une loupe , et
il distingua dans toutes des cercles concentriques
alternativement rouges et
blancs. 6. Si on coupe l'éclaire,le suc jau-
B vj
ne
232 MERCURE DE FRANCE
ne , suivant notre Auteur , sort en plus
grande abondance de la partie superieure
que
de l'inferieure , souvent même il n'en
découle pas une seule goutte de la section
inferieure , ce qui lui semble prouver que
ce suc vient des parties superieures de la
Plante , et par consequent que c'est au suc
descendant . M. de la Baïsse avoue que cette
experience ne lui a pas toujours également
réussi. 7. Enfin notre Auteur a fait
les mêmes observations sur le suc des tithimales
que sur celui de l'éclaire .
ART. II . p. 55. Il s'agit présentement
de déterminer d'où vient ce suc descendant
, et de découvrir si c'est la séve de
la Plante , ou un suc fourni par l'air , M.
de la Baïsse adopte le premier sentiment
et dit que le dernier ne mérite pas qu'on
s'arrête à le refuter par de longs raisonnemens
, et en consequence il conclut qu'il
ya dans les Plantes une vraye circulatio
de la séve ; au reste , s'il entre à rebours
par les extrêmitez des fibres ligneuses des
feuilles ou des tiges , quelques sucs étrangers
, notre Auteur pense qu'ils y reçoivent
bientôt une digestion, qui en les faisant
passer dans d'autres canaux , les réduit
au cours naturel des liquides ordinaires.
L'HYVER.
FEVRIER. 1734- 233
L
L'HY VER.
SONNET.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne
Es champs étoient glacez : le jour n'osoit
encore
Sortir d'entre les bras du tranquille sommeil.
Le matin n'avoit plus cet éclat sans pareil ,
Qui redonne la vie aux Eleves de Flore.
Les Ruisseaux enchaînez faisoient frémir
l'Aurore ,
L'air negeux s'opposoit au retour du Soleil .
Malgré ce temps affreux , Tircis leste et vermeil
Près d'un Mirthe attendoit Aminte qu'il adore .
Elle arrive ; et Vénus la menant par la main ,
L'Amour avec un Trait lui montre le chemin.
Quel abord pour l'Amant ! que de feux l'embraserent
!
Aux Rayons de ses yeux l'Orient s'alluma ;
La glace se fondit ; les eaux se ranimerent ;
Et la nege en tombanr aussi- tôt s'enflamma.
· LET
234 MERCURE
DE FRANCE
LETTRE du P. Castel , en Réponse
à M. le Gendre de S. Aubin , sur l'Existence
des Points inégaux .
J'Ay lit ,M. ce que vous m'avez faitl'honneur d'écrire pour et contre quelques- unes de mes
Pensées. Là - dessus et sur vos autres Ouvrages
j'ai conçu une grande idée de votre Erudition
philosophique et de la maniere nette et débarassée
dont vous maniez la plupart des questions
que votre sujet vous présente. Mais , avec la même
candeur , je vous avoue que je voudrois que
yous n'eussiez point touché , au moins si fortement
, à la Géométrie moderne , qui est tout aussi
certaine que la Géométrie ancienne , lorsqu'elle
est en bonne main .
Pour ce qui me regarde , je ne me formalise
point que vous soyez un peu révolté contre mes
Points inégaux, et même, si vous voulez . incommensurables
. Il est bon d'éclaircir les nouveautéz.
Et croyez vous que la premiere fois que ces
Points se présenterent à moi , je fus fort docile
à m'y ren ire , et que je m'y fusse jamais rendu,
si la suite invariable des conclusions géométriques
qui m'y avoient conduit , ne m'avoient
enfin entraîné malgré moi ?
Car vous insinuez dans votre Réponse qu'on
aime la nouveauté et qu'on court après , comme
s'il n'y avoit qu'à courir . Croyez - moy , M. ceux
qui y donnent , le font tout bonnement sans y
penser , sans le sçavoir , et parce qu'apparamment
ils sont faits pour y donner ; au lieu que
je.
FEVRIER. 7134. 235
je meferois bien fort de montrer que ce sont ceux
qui n'y donnent pas , qui souvent y courent le
plus . Peu importe , chacun fait comme il veut,
Comme il sçait et comme il peut.
Pour mes Points ils sont démontrez , puisqu'ils
le sont géométriquement et par la Géometrie
même d'Euclide, sans aucun excès de raisonnement
ou de discours , dont on puisse se défier.
Car c'est Euclide même qui dit qu'un cercle ne
touche une ligne qu'en un point , et que l'intersection
de deux lignes droites n'est jamais qu'un
point. Or le contact d'un plus grand cercle est
un plus grand point , aussi bien que l'intersection
plus oblique de deux lignes ; cela se voit
dans le Physique, et se conçoit très-bien dans le
Géometrique ; et voilà tout.
La chose est si vraye au reste , qu'après avoir
rapporté une de mes Démonstrations , vous n'avez
pas jugé à propos de l'entamer . Vous avez
pris un autre tour , selon l'ancienne maniere philosophique
, dont vous deviez pourtant vous défier
, après avoir si bien montré dans votre Traité
qu'elle n'est bonne qu'à former des opinions
frivoles.
Vous concevez une partie de matiere et vous
la concevez , dites - vous , aussi petite qu'elle peut
être. C'est beaucoup ,je n'en veux pas davantage.
Mais c'est en Géométre qu'il faut prendre desormais
cette supposition avec précision , avec
force , sans la rétracter par aucune contre supposition
secrette.
Une partie de matiere aussi petite qu'elle peut
être , n'est ni d'un pied de diametre , ni d'un demi
pied , ni d'un pouce , ni d'une ligne , ni a'une
demi ligne , ni d'un centiéme , ni d'un miliémo ,
&c. de ligne , ni d'une mesure, en un mot, qu'on
puisse
236 MERCURE DE FRANCE
puisse partager ni en deux , ni en trois , ni en
aucun nombre imaginable. Cette partie ainsi di
minuée est une partie en effet et non un tout.
Elle est une , elle est indivisible c . q. f. d. même
par votre supposition.
Comment donc, M. y distinguez - vous tout de
suite deux parties , dont l'une touche à un plan ,
l'autre ne le touche pas , l'une étant en dessus et
l'autre en dessous ? C'est que vous n'avez pas
suivi le fil géometrique de votre propre hypothese.
Mais ce que vous n'avez pas fait , c'est
à moi de le faire pour éluder votre objection . Je
le ferai donc , ma coûtume , lorque j'ai un principe
, étant de le laisser aller tout droit , me réservant
à juger de sa valeur par le but où il va
aboutir.
Comme celui- cy n'aboutit qu'à dire avec Euclide
, que le Point est ce qui n'a point de parties
, punctum est cujus pars nulla mais je ne
sçaurois m'en défier.
›
Les Points que j'admets sont de vrais Points
physiques autant que géométriques . Leur donnez-
vous un dessous ? Je leur ôte donc le dessus.
J'étois jeune lorsqu'un Maître m'amusoit de ce
raisonnement. S'il y avoit un Point quelque part
au milieu de l'air , il regarderoit l'Orient et l'Occident
, le Septentrion et le Midi , le Zénith et le
Nadir. Je trouvois cela évident ; je ne connoissois
encore que des corps , et le Point que je concevois
étoit un corps.
Mais un Point , ai - je dit enfin , est un Point
et n'a par conséquent qu'un aspect. Six Points
cardinaux qui ont six aspects , sont six points.
Celui de l'Orient n'est pas celui de l'Occident.
Est -ce qu'un angle qui tourne la pointe au Midy,
la tourne aussi au Nord Est-ce que dans une
Place
FEVRIER . 1734. 237
Place de guerre , le même angle est saillant et
rentrant Est- ce qu'une pointe pique en dedans
comme en dehors.
Le Point , dites- vous , est une abstraction de
l'entendement. J'avois prévenu cette objection
dans l'endroit de ma Mathématique que vous at
taquez . Le Point , la ligne , la surface . appartiennent
à l'étendue , sont dans l'étenduë , indépendamment
de notre entendement ; et s'ils sont
dans notre entendement , ils sont donc aussi dans
l'étenduë qui en est l'objet . Il seroit ridicule que
la Géomerie , tant pratique que speculative , ne
fut fondée que sur une abstraction de l'entendement.
Ce seroit une Géometrie toute fantastique
à laquelle il n'y a nul doute que l'etenduë ne se
refusât ; au lieu que dans la pratique , l'étenduë
se prête à la Géométrie avec un concert qu'on
ne peut trop admirer .
Il est réel et très- réel que les corps sont terminez
par
des surfaces , par des lignes , par des
points. Y a- t'il rien de plus réel que les bornes
qui terminent toutes choses ? Or ces bornes sont
indivisibles et n'ont chacune qu'un côté . La surface
n'est surface que du côté qu'elle présente ,
en dehors et non en dedans . On voit ce côté ,
mais on ne voit que ce côté ; on fait plus , on le
touche et on ne touche que lui . Bien surement
ce qu'on voit et ce qu'on touche est réel hors
de notre entendement.
Quoi ! je puis par une operation aussi grossiere
que l'est le toucher , faire le discernement
de la surface et du corps ; toucher la surface ,
longueur et largeur , sans toucher la profondeur?
Et vous me direz que ces choses là ne sont pas
réellement distinctes , et qu'elles ne le sont que
par une operation de l'esprit , tandis qu'elles le
sont
228 MERCURE DE FRANCE
sont par une operation de l'oeil , et même de la
main.
Car absolument ce que je vois , ce que je tou
che, n'a point de profondeur. Au - dessous , je sçai
bien qu'il y a une profondeur ; mais elle appartient
au corps et non à la surface.
Je vois ce qui vous embarasse et ce qui a de
tout temps embarassé ceux qui ont agité cette
question pour et contre. Si le Point n'est pas la
ligne , si la longueur n'est pas la largeur ou la
profondeur , vous voudriez qu'on séparât tout
cela et qu'on laissât - là la matiere sans largeur ,
sans longueur , &c .
Quand je dirois que cela est impossible , je ne
dirois autre chose , si ce n'est que les modification
ne se séparent pas des choses modifiées , ni
les accidens des substances . Mais qui suis - je pour
dire que cela est impossible ? Il est impossible
aux hommes de faire des Points indivisibles.
Mais je n'oserois dire que cela fût impossible à
Dieu , et c'est , j'ose le dire , la Géometrie même
qui de concert avec la Religion , m'inspire ce respect
, depuis sur tout qu'elle m'a fourni cette expression
simple d'une chose bien sublime 1 :
I dont j'ai donné ailleurs l'explication.
LES
FEVRIER. 1734. 239
LES QUATRE SAISONS.
LE PRINTEMPS.
Tircis. Iris.
Tircis.
Tout s'anime dans la Nature.
Iris , allons revoir nos champs ;
Allons voir naître la verdure ,
Que nous redonne le Printemps.
Ensemble.
Que le Printemps est agréable !
Qu'il a pour nous de douceurs !
Plus l'Hyver a de rigueurs ,
Plus le Printemps paroît aimable.
Iris.
L'Aquilon avec ses frimats
Ne désole plus nos Montagnes.
Zéphir , vole dans nos campagnes ,
Et Flore marche sur ses pas.
Tircis.
Nos Genisses impatientes ,
Brulent de retourner aux champs:
Bien-tôt dans les Prez renaissants ,
Nous les allons voir bondissantes,
3
Iris.
240 MERCURE DE FRANCE
Iris.
Du Ruisseau que je chéris ,
La glace arrêtoit l'Onde pure.
Déja sur un gason de ses charmes épris ,
Elle coule , elle murmure.
Tircis.
Le Rossignol et la Fauvette
Reprennent leurs tendres Concerts,
Du Dieu qui chasse les hyvers ,
Ils chantent la gloire parfaite.
Tous deux.
Pour reconnoître ses faveurs ,
Offrons lui le tribut de nos premieres fleurs ,
Des dons des Immortels peut- on mieux faire
usage ,
Qu'en leur en présentant l'hommage ?
L'ETE.
Licidas. Aglé.
Hâtons- nous , recueillons les présens de Cerés
Chantons , celebrons ses bienfaits.
Ægié.
Jamais moissons plus abondantes
N'ont comblé nos ardens desirs ,
Des Epis les têtes flottantes
Cedent aux amoureux Zéphirs .
Lycidas.
De l'Art, qui rend un champ fertile ,
Тц
FEVRIER. 247 1734.
Tu nous a donné des leçons ,
Cerès ; à tes soins la Sicile
A dû ses premieres moissons.
La Terre pour toi soupire ,
Tu soutiens tout l'Univers.
On t'adore au sombre Empire ,
Ta fille regne aux Enfers.
Æglé.
Que Phébus perde sa vitesse ,
Quand Proserpine est avec toi ;
Mais que ce Dieu vole et s'empresse ,
Quand Pluton la tient sous sa Loy.
Lycidas.
Nous avons appris de nos Peres
Ces illustres évenemens ;
A notre tour à nos enfans
Nous raconterons ces Mysteres.
Ensemble,
Accourez jeunes Moissonneurs ,
C'est peu de profiter d'une utile abondance.
Il faut marquer par la reconnoissance
A qui vous devez ces faveurs.
L'AUTOMNE.
Philis. Coridon.
Sujvons
Fuyons
Bacchus et sa Liqueur ;
Aimons
242 MERCURE DE FRANCE
S Aimons
Craignons
les présens qu'il nous donne.
C'est dans le doux jus de l'Automne
Ce n'est point le jus de l'Automne ,
Que l'on trouve un parfait bonheur ,
Qui peut faire notre bonheur,
Coridon,
Est-il une Fête agréable ,
Si Bacchus n'en fait l'ornement ?
La gayeté , l'enjoüment aimable ,
Coulent de son Nectar charmant.
Philis.
Trop souvent la raison s'égare ;
En voulant suivre ses pas ,
Souvent la discorde barbare
Trouble ses plus doux appas.
Coridon.
Toujours la fortune inconstante
Nous fait sentir quelque malheur,
Bacchus par sa Liqueur puissante
Sçait endormir notre douleur.
Philis.
Pour calmer une peine extrême ,
Bacchus offre un trompeur secours.
Fuyons ce Dieu ; son secours même ,
Empoisonne et finit nos jours.
Coridon.
FEVRIER.
1734. 243
Coridon.
Mais, aimable Philis , de son charmant breuvage
Ne peut- on faire un juste usage ?
C'est l'excès qui rend dangereux ,
Les doux présens des Dieux.
A
2'
Tous deux.
Buvons sans boire à tasse pleine ;
N'écoutons qu'un sage desir ,
Buvons assez pour le plaisir ,
Buvons sobrement pour la peine.
L'HY V E R.
Ismene. Corylas.
Corylas.
Ismene , quel temps rigoureux
Consterne toute la Nature !
Quels frimats ! quelle froidure ,
Trouble la paix de ces Lieux !
Tous deux.
O toi dont les soins secourables ,
Veillent sur le sort des Bergers ,
Pan , jette sur nous tes regards favorables ;
Deffends-nous , deffends tes Vergers.
Corylas.
Déja le tendre Sylvanire
A suspendu ses Chalumeaux ;
Déja
244 MERCURE DE FRANCE
Déja la charmante Thémire ,
Prend moins de soin de ses Troupeaux.
Ismene.
Mille Oiseaux chaque jour chantoient dans ces
Boccages ; .
J'y venois écouter le murmure des eaux ;
Oiseaux , vous avez donc oublié vos ramages ,
Vous ne murmurez plus , agréables Ruisseaux,
Corylas.
Mais , Ciel ! quel bonheur extrême !
L'Hyver croit en vain nous troubler.
Auprès de nos foyers je vois Bacchus lui-même
Les jeux et les plaisirs viennent s'y rassembler.
Tous deux.
Triompheż, triomphez , Divinitez charmantes
Regnez toujours avec nous.
Rendez nos Fêtes brillantes ;
Rendez de notre sort les Rois mêmes jaloux.
L. D.
ELOGE Historique de M. l'Abbé le
Grand ; par le R. Per: Bougerel , Prêtre
de l'Oratoire. Abregé de cet Eloge .
Ji
Oachim le Grand, nâquit à Saint Lo ,
Diocèse de Coutances , en Basse Normandie
, le 6 Février 1653. Il étudia la
Philo- [
FEVRIER. 1734. 245
Philosophie à Caen , sous le celebre Pierre
Cailly, et eut pour condisciple Pierre-
François de la Tour , mort depuis peu
General de l'Oratoire ; leur union a duré
autant que leur vie.
Il entra dans cette Congrégation en
1671. Il y étudia les Belles-Lettres et la
Théologie. Il en sortit en 1676. et s'attacha
à l'étude de l'Histoire par le conseil
du Pere le Cointe , et par la facilité
qu'il eut de consulter les Manuscrits
de la Bibliotheque du Roy, dont M.Thevenot
avoit alors la garde .
Le P. le Cointe étant décédé en 1681 .
il fit son Eloge , et ensuite celui de l'Abbé
de Maroles. Ces Eloges parurent dans
le Journal des Sçavans , Février et Avril
de la même année. L'Abbé le Grand fut
ensuite chargé successivement de l'éducation
du Marquis de Vins , et de celle
du Duc d'Etrées , sans aucun dérangement
dans le Plan de ses études d'Histoire
et de Critique.
Il eut en 1685. une conférence avec le
Docteur Burnet , depuis Evêque de Salisburi
, qui étoit venu à Paris , au sujet
de son Histoire de la Reformation d'Angletere
; dans laquelle l'Abbé le Grand
fit paroître beaucoup de capacité et beaucoup
d'amour pour la verité . Cette ma-
C tie246
MERCURE DE FRANCE
tiere l'engagea depuis à composer un
Ouvrage considérable sous ce titre : Histoire
du Divorce d'Henry VIII. Roy d'Angleterre
, et de Catherine d'Aragon ; la Def
fense de Sanderus , et la Réfutation des deux
premiers Livres de l'Histoire de la Réforma
tion de M. Burnet , et les Preuves. 3. vol
in 12.Paris , chez Martin et Boudot, 1688 .
Le Docteur Burnet ayant fait une courte
Critique en forme de Lettre de cette
Histoire, mais peu mesurée , par rapport
à son Auteur , l'Abbé le Grand se contenta
de publier de nouveau cette Lettre
avec un Avertissement à la tête , et quelques
Remarques au bas des pages .
L'année suivante 1689. le même Docteur
B... publia une Critique de l'Histoire
des Variations,ce qui donna lieu à l'Abbé
le Grand de lui adresser trois Lettres ,
sur les Variations , sur la Réformation et sur
l'Histoire du Divorce , lesquelles furent
imprimées à Paris en 1691. précédées
d'une Préface remplie d'Observations.
sur l'Histoire des Eglises Réformées , de
M. Basnage .
L'année suivante l'Abbé d'Estrées ayant
été nommé Ambassadeur en Portugal , il
choisit l'Abbé le Grand pour Secretairede
l'Ambassade . Celui- cy profita de l'occasion
pour acquerir de grandes connoissanFEVRIER.
1734. 247
sances sur les vastes Païs que les Portugais
appellent leurs Conquêtes.
De retour en France en 1697. il fit un
voyage en Bourgogne et en Dauphiné ,
pour recueillir les Memoires necessaires à
la composition de l'Histoire de ces Provinces.
Il fit imprimer en 1701. sa Traduction
de l'Histoire de l'Isle de Ceylan , du Capitaine
Jean de Ribeyro , à laquelle il ajouta
beaucoup de choses de son propre fonds:
Ouvrage qu'il dédia à la Comtesse d'Ericeyra.
En 1702 , 1703 et 1794 , notre Sçavant
fut encore employé en qualité de Secre
taire d'Ambassade , sous celles du Cardinal
et de l'Abbé d'Estrées en Espagne.Sur
la fin de la même année 1704. il fut choisi
pour être Secretaire general des Ducs et
Pairs de France , Emploi qui n'avoit point
été rempli depuis la mort de M. le Laboureur
, arrivée en 1675.
Sa profonde capacité dans l'Histoire et
dans le Droit Public , la justesse et la solidité
de ses vûës , dont il avoit donné .
des preuves en différentes occasions , déterminerent
M. le Marquis de Torcy , Ministre
d'Etat , de l'attacher au travail des
Affaires Etrangeres , dès l'année 1705. en
quoi il réussit si - bien que pendant les 10
Cij ang
248 MERCURE DE FRANCE .
années qui s'écoulerent jusqu'à la mort
du feu Roy , il n'y eut point d'Affaires
de conséquence , ausquelles l'Abbé le
Grand n'ait eu part , et sur lesquelles il
n'ait écrit. Voici les titres de quelquesuns
de ces Ecrits qui ont paru dans le
public.
Memoire , touchant la succession à la
Couronne d'Espagne . 1711. Reflexions sur
la Lettre à un Milord , sur la necessité et la
justice de l'entiere restitution de la Monarchie
d'Espagne , &c. 1711. Discours sur ce
qui s'est passé dans l'Empire , au sujet de
la succession d'Espagne . L'Allemagne menacée
d'être bientôt réduite en Monarchie
absoluë. Lettre de M. D. à M. le Docteur
M. touchant le Royaume de Bohéme.
Les autres Ouvrages sur ces matieres ;
qui n'ont pas été imprimez , concernent
Les Assemblées des Etats Generaux. Les
Régences. L'habileté à succeder à la Couronne;
et toutes les grandes Questions que
les Evenemens du dedans et du dehors du
Royaume lui ont donné lieu d'examiner
pendant plus de trente ans.
Il fut choisi en 172c . pour travailler à
l'Inventaire du Trésor des Chartres , travail
lié naturellement avec ses Etudes , et
auquel il se livra avec tout le zele possible
, ce qui ne l'empêcha pas de mettre
la
FEVRIER. 1734. 249
la derniere main à l'Histoire de Louis
XI. son Ouvrage favori ; il est intitulé :
Histoire et Vie de Louis XI.Roy de France,
avec les Preuves , et est resté Manuscrit
tout approuvé.
Il publia en 1728. la Relation Historique
d' Abissinie , du R. P. Jérôme Lobo , de
la Compagnie de Jesus , traduite du Portugais
en François , &c. 1. vol . 4. Paris ,chez
la veuve Coutelier . Il y en a un fort bel
Extrait dans le Journal des Sçavans , des
mois de Septembre et d'Octobre de la
même année 1728. ce qui dispense d'entrer
là - dessus dans aucun détail .
Il publia presque en même temps un
autre Ouvrage , qui a pour titre : De la
Succession à la Couronne de France , pour
les Agnats , ( c'est- à dire , pour la succession
Masculine directe. ) vol . 12. Paris ,
chez Martin et Guérin.
Le Marquis de Vins étant mort au mois
de Février 1732. l'Abbé le Grand , qui
lui étoit particulierement attaché , et qui
connoissoit son mérite , fit imprimer son
éloge dans le Mercure du mois de Mars
suivant.Il ne lui survécut pas long- tems ;
une seconde attaque d'Apoplexie l'enleva
le 1 de May 1733. chez Mrs Clairambault
, Généalogistes des Ordres du
Roy , ses anciens Amis et ses Exécuteurs
C iij tes250
MERCURE DE FRANCE
testamentaires. Il étoit âgé de 80 ans et 3
mois. Il fut inhumé simplement et sans
cérémonie , dans le Cimetiere de S. Joseph
, Paroisse de S. Eustache , ainsi qu'il
l'avoit ordonné .
Tous ceux qui l'ont particulierement
connu , conviennent que c'étoit un Homme
plein d'honneur , de probité , et de
religion , et des plus habiles du Royaume
sur le Droit Public, d'une vaste érudition
et d'une sagacité admirable.
›
****************
A MADEMOISELLE D ***
I
Sur la mort d'un Serin de Canarie.
L n'est plus ce Serin , si joli , si charmant ,
Ce Serin , dont le sort étoit digne d'envie .
Il fut l'objet des soins de l'aimable Silvie ,
Il en fut aimé tendrement .
Il étoit jeune encor , mais un Enfant perfide
A suscité contre ses jours ,
Un Chat cruel , un Chat avide ,
Qui vient d'en terminer le cours.
Quel est donc,direz- vous, cet Enfant téméraires
Connoissez-le , Silvie , et craignez sa colere ;
Il peut vous porter d'autres coups ,
C'est un Dieu terrible et jaloux ,
On
1
FEVRIER 1734 251
On l'adore à Paphos , et Venus est sa mere ;
A ces traits , le connoissez - vous ?
Quoi , l'Amour ? ..... Oüi , l'Amour luimême
.
Calmez cette surprise extrême ,
Silvie , écoutez -moi , vous ne douterëz pas ,
Que lui seul , du Serin , n'ait causé le trépas ,
Je vais en peu de mots ,
éclairer ce mistère ;
Ce Serin étoit né dans les Bois de Cithere ,
Dans son nid l'Amour l'avoit pris ,
Il le destinoit à Cipris ;
Il vous vit par hazard , et touché de vos charmes,
Il change d'abord de dessein ,
Il veut vous offrir le Serin.
Sa présence auroit pû vous causer des allarmes ,
Peut-être auriez - vous craint ses traits .
Il se présente à vous , sans aîles , et sans armes ;
Dépouillé de tous ses attraits ,
D'une Prude il emprunte et la taille et les traits ›
Le Serin est offert , on l'accepte , une cage
Le retient près de vous dans la captivité.
On dit qu'il témoigna d'abord par son rámage,
Que son premier état n'étoit pas regretté ,
Il préferoit cet esclavage ,
A la plus grande liberté .
Que son sort étoit doux ! de la belle Silvie
Le voilà devenu l'unique amusement ;
Ses soins le rendirent charmant .
C iiij
Hélas !
252 MERCURE DE FRANCE
Hélas ! il méritoit une plus longue vie.
Par mille tours vifs , gracieux ,
Par son ramage harmonieux ,
Il invitoit souvent son aimable Maîtresse ,
A le reposer sur sa main ;
Mais il s'en échappoit bien-tôt avec adresse
Et d'une aîle légere , il voloit sur son sein.
L'Amour voyoit ce badinage ,
Il en devint bien- tôt jaloux ,
?
Voilà donc , dit- il , mon ouvrage ;
Si ce Serin jouit des plaisirs les plus doux ,
C'est à moi seul qu'il doit un si rare avantage ;
Mais cependant Silvie , au Printems de son âge ,
Perd avec lui trop de momens
Il est temps qu'elle fasse usage ,
De ces traits , de ces agrémens
Qu'elle reçut
de la nature ;
>
Soumettons- lui les coeurs d'une foule d'Amans.
Il dit , il tente l'avanture ,
Autant de traits qu'il lance , autant de coeurs
blessez ,
Parmi ces triomphes passez ,
Il n'en voyoit aucun qui fut si mémorable ;
Il conduit à vos pieds cette foule innombrable
Et croit que docile à ses loix ,
Vous allez faire enfin un choix.
Cupidon se trompa : Quelle fut sa colere ,
Quand il vit ces mortels de vos charmes
épris ,
S'etFEVRIER.
1734. 253
S'efforcer envain de vous plaire ;
L'indifférence , ou le mépris ,
De leur vive tendresse étoit l'indigne prix ,
Ainsi donc, dit l'Amour, le plaisir d'être aimée ,
Ne fatte point son jeune coeur !
Elle est de son Serin uniquement charmée !
Eh bien ! sur ce Serin exerçons ma fureur .
Pour l'amour outragé, la vangeance a des charmes
Que sa mort va couter de larmès !
Qu'il périsse... Il alloit le percer de ses Dards,
Quand un Chat frappe ses regards ;
Sois le Ministre de ma rage ;
Viens , dit-il , il le guide à l'instant vers la cage,
Il en ouvre l'entrée , et le Chat furieux ,
Şaisit le beau Serin , le devore à ses yeux.
Tel fut de ce Serin aimable ,
Le sort tragique et déplorable.
C'est un Char qui commit ce forfait odieux ,
Mais Cupidon fut son complice ;
Vous voyez de ce Dieu , jusqu'où va la malice ,
Quand il veut se vanger d'un coeur audacieux ,
Qui brave de ses traits les terribles atteintes.
Pardonnez-lui , Silvie , et retenez vos plaintes ,
Elles aigriroient son couroux ;
Qu'à ses loix votre coeur daigne enfin se soumettre
;
De sa part j'ose vous promettre ,
Le sort le plus heureux , les plaisirs les plus doux.
Par M. de la T... d'Aix.
RE254
MERCURE DE FRANCE
REFLEXIONS de M. Simonnet
Prieur d'Heurgeville , sur la Question
proposée dans le Mercure d'Août 1733 .
Quel est l'état le plus propre à acquerir la
Sagesse , de la Richesse ou de la Pauvreté.
I
و
L est une vraye et une fausse Sagesse ,
et les hommes sont si aveugles ou si
pervers , qu'il est très - rare qu'ils ne recherchent
et n'estiment plutôt ce vain
fantôme de Sagesse que la Sagesse
même , qu'ils traitent de foiblesse et de
simplicité ; tant le déreglement du coeur
a répandu de profondes ténébres dans
l'esprit. Ce seroit donc " bâtir en l'air et
établir des principes sans fondement, que
de vouloir assigner l'état le plus favora
ble à la Sagesse , sans avoir auparavant
défini ce que l'on entend ordinairement,
et ce que l'on doit entendre par ce terme
si commun , mais dont on a des idées și
peu justes et si confuses.
En quoi le monde fait-il consister la
Sagesse ? Dans un extérieur de probité
que le coeur dément ; dans l'art de dissimuler
ses sentimens ; à parler d'une
façon et penser d'une autre ; à donner à
la fausseté, des couleurs de la verité; et à
couvrir
FEVRIER. 1734. 255
couvrir celle - ci des apparences odieuses
du mensonge ; à faire jouer mille ressorts
et mille machines pour venir à ses fins ;
et à engager les hommes droits dans les
piéges qu'on leur tend : c'est ce qu'on
nomme fine politique , Sagesse consommée.
Paroître avec un visage riant et un
visage ouvert , lorsque l'on est rongé intérieurement
d'envie , de jalousie , d'animosité
faire obligeamment mille offres
de services à ceux même que l'on verroit
avec joye perir et abîmer, parce que l'interêt
et l'ambition le demandent; sçavoir
prendre des souterrains qui cachent le
crime et l'injustice , pour se pousser et
faire son chemin à quelque prix que ce
soit ; se deffendre des vices grossiers ,
énormes et infamans , sans se mettre en
peine de toutes les horreurs qui se cachent
sous le voile des ténébres et du silence
; c'est ce qui s'appelle être Sage :
en un mot, certe Sagesse du monde n'est
que le déguisement des passions criminelles
dont on est l'esclave ; au lieu que
la vraie Sagesse en est la victoire et le
triomphe, ou du moins elle apprend à les
regler , à les moderer , à les maîtriser.
Il y en a qui mettent la Sagesse dans
une humeur sombre, mélancolique , austere
; dans un air triste et morne ; dans
C vj
une
256 MERCURE DE FRANCE
une certaine pesanteur ennuyeuse et à
charge à tout le monde ; mais ils se
trompent: la vraye sagesse n'a rien de farouche
ni de rebutant , c'est une vertu
de societé qui lie les hommes par la bonté
, la douceur , l'amitié sincere , qui les
instruit et les corrige , sans les choquer
ni les aigrir , elle s'insinue dans les coeurs
par des charmes dont ils ne peuvent se
deffendre. Quoiqu'elle soit ennemie du
déguisement et de la duplicité , elle
sçait dissimuler à propos, et semble ne pas
appereevoit ce qu'elle ne peut rectifier.
Elle fait valoir agréablement les interêts
de la justice et de la verité , et elle a le
secret de les rendre aimables ; si elle est
obligée de combattre vigoureusement
ou de souffrir pour les deffendre , elle le
fait avec joye , sans fiel , sans animosité.
Sa constance la soutient dans tous les
maux et dans les disgraces : quoiqu'elle
n'y soit pas insensible , elle aime mieux en
étre la victime que de les susciter, quand
elle le pourroit , à ceux qui se déclarent
ses ennemis .
Les Stoïciens se sont rendus ridicules,
par l'idée extravagante qu'ils donnoient
de leur Sage. A les entendre il étoit aussi
insensible qu'un rocher contte lequel
viennent se briser les flots de la Mer. Les
inforFEVRIER
. 1734. 257
infortunes , les pertes , les afflictions les
plus accablantes ne lui causoient pas la
moindre émotion. Il étoit à l'épreuve des
douleurs les plus cuisantes , des playes les
plus profondes , des plus terribles coups,
dont un homme puisse être frappé . Il n'y
avoit ni peines ni tourmens si affreux qui
pussent troubler la severité de son ame,
et l'empêcher d'être heureux. Voilà à
quelle outrance le feu de l'imagination
a porté des hommes , d'ailleurs éclairez
, qui faisoient l'admiration de leur
tems , et qui s'appliquoient uniquement
à la recherche de la Sagesse ; telle étoit
l'idée fausse et chimerique qu'ils en
avoient conçue , et qu'ils vouloient en faire
concevoir aux autres . Il falloit qu'ils connussent
bien peu l'Homme naturellement
si sensible et si délicat , pour le croire
capable d'une telle insensibilité , d'une
telle dureté , qui seroit contre sa nature
et qui dégenereroit en vice. Ils ne sçavoient
gueres ce que c'étoit que la vertu
pour en forger une de cette trempe. La
vertu ne consiste pas à être insensible
mais à vaincre la sensibilité par une fermeté
et une constance inébranlable qui
tienne inviolablement attaché au devoir.
C'est ainsi que de tout tems chacun
s'est figuré une Sagesse à son gré , et selon
258 MERCURE DE FRANCE;
,
lon son caprice; on est tombé tantôt dans
un excès, tantôt dans un autre . On a consulté
ses vûës , ses desseins , ses intérêts
pour paroître Sage sans l'être effectivement
, les passions se sont travesties et
ont voulu se montrer sous l'habillement
de la Sagesse ; mais si elles ont trompé
quelque tems les yeux des hommes peu
éclairez , on les a enfin reconnues pour
ce qu'elles étoient , et elles ont été honteu
sement dépouillées de ce vain ornement
dont elles avoient eu l'audace de se parer.
La parole du sage : rien de trop , est
peut-être la notion la plus juste , la plus
précise , la plus exacte que l'on puisse
donner de la vraie Sagesse. La difficulté
est de trouver et de garder ce juste milieu
en quoi elle consiste. Le sentier est extrémement
étroit et glissant ; il n'est pas
aisé de l'appercevoir , et il est presque
impossible de n'y pas broncher : delà
vient qu'il y a si peu de personnes qui
y entrent et qui s'y soutiennent. Les uns
sont trop promps , trop vifs , trop ardens ;
les autres trop flegmatiques , trop indolens
: vous en verrez qui affectent un
sérieux et une gravité qui glace : its
veulent paroître Sages et ce sont de vrais
Pedants; d'autres, pour éviter ce travers,
sont sottement folâtres et badins sans
>
rien
FEVRIER. 1734. 259
›
rien rabattre de la bonne opinion qu'ils
ont d'eux - mêmes ; beaucoup ont des manieres
trop libres et peu décentes , d'autres
sont trop resserrez , trop pointilleux .
Franchement à regarder les hommes tels
qu'ils sont , il n'y en a point dont on
puisse prononcer absolument qu'ils sont
Sages. Ils ont tous leurs défauts
et la
vraye Sagesse n'en souffre point , parce
que les défauts sont autant de dérangemens
de la raison , d'accès de folie , moins
durables , à la verité , et moins sensibles
mais aussi réels qu'une folie déclarée et
perseverante. La parfaite Sagesse est plutôt
dans le Ciel que sur la terre ; notre
partage est d'y tendre et d'en approcher
autant que la foiblesse humaine le permet
, en réprimant et retranchant lesdéfauts
que nous remarquons en nous : ( et
heureux qui les connoît ! c'est un commencement
de Sagesse , ) mais il ne faut
pas être assez vain pour s'imaginer jamais
de l'avoir acquise dans toute sa perfection.
·
Cette sublime vertu consiste donc dans
une certaine force , une certaine vigueur,
qui tient l'ame comme sur un point fixe
dans un exact équilibre entre l'excès.de
joye et de tristesse , de fermeté et de sensibilité,
d'amour et d'indifférence, de lentear
260 MERCURE DE FRANCE
>
teur et de vivacité , de bravoure et de
retenuë , de crainte et d'intrépidité ; qui
la rend maîtresse de tous ses mouvemens ,
qu'elle regle et qu'elle modere selon les
loix d'une raison éclairée qui la met audessus
de toute révolte des sens , de tout
déreglement des passions qu'elle gouverne
et qu'elle réduit avec un empire absolu.
Telle est la vraye Sagesse , qui convient
à l'homme,à laquelle il peut et doit
aspirer , mais dont, foible comme il est ,
il s'écartera toujours de quelque degré
à proportion de sa foiblesse ; s'il ne lus
est pas donné de parvenir au comble de
la perfection , où réside la Sagesse dans
son plein , il n'est pas moins obligé de
travailler à en approcher et à mesure qu'il
fera du progrès , on pourra dire qu'il
augmente en Sagesse .
у
Or en ce sens y a- t- il un état plus
propre que l'autre à l'acquerir ? la fausse
Sagesse est fort asservie à la situation des
personnes, et dépendante des circonstances
, des erreurs , des passions qui la favorisent
et qui la soutiennent. Il n'en est
pas ainsi de la vraie Sagesse ; elle est libre
et indépendante ; comme une puissante
Reine elle domine souverainement sur
tous les Etats , sur toutes les conditions;
Elle brille dans la prosperité , elle triomphe
FEVRIER 1734. 261
phe dans l'adversité les Richesses ne
peuvent la corrompre ; les miseres de la
Pauvreté ne peuvent l'avilir ; Elle habite
noblement dans la chaumière et s'assie
modestement sur le trône ; son éclat et
sa force se font sentir sous de vils haillons
, comme sous la pourpre
des Rois.
Elle appelle , elle invite tous les peuples ,
toutes les nations , tous les hommes jeunes
et vieux , grands et petits , riches et
pauvres ; mais qu'il y en a peu qui l'écoutent
! presque tous aiment mieux se laisser
entraîner par la passion , que conduire
par la Sagesse. C'est une lumiere bienfaisante
et universelle qui luit dans les ténébres
, mais les ténébres ne la com
prennent pas ; l'erreur , les préjugez ,
les passions dominantes du coeur humain
forment dans l'ame des nuages épais qui
empêchent ordinairement ses rayons d'y
pénétrer. Ainsi, quoique la Sagesse d'ellemême
soit indépendante , et que par sa
force elle puisse absolument surmonter
tous les obstacles et triompher de tous ses
ennemis ; il faut cependant avouer que
comme elle n'agit point avec violence ,
les oppositions qu'elle rencontre dans
certains états l'en éloignent ; il est
vrai que celui là est plus propre à l'acquerir
où elle trouve moins de résistance
et
262 MERCURE DE FRANCE
et où elle s'insinue avec plus de facilité.
Il s'agit donc ici d'exantiner lequel des
deux Etats de Richesse ou de Pauvreté
présente à la Sagesse plus ou moins de
difficultés et d'obstacles à surmonter: Ces
obstacles se réduisent , comme je l'ai déja
insinué, aux erreurs, aux préjugez , aux
passions .
Il est constant que dans l'état de Pauvreté
les erreurs et les préjugez sont en
plus petit nombre et moins difficiles à
vaincre. La verité s'y fait jour beaucoup
plus aisément chez les grands et les riches
dont elle ne peut presque aborder. Une
troupe de flatteurs les assiegent : on a
interêt de les menager ; on n'ose choquer
leurs préjugez et leur parler avec franchise
dans la crainte de s'attirer quelque
facheuse affaire . Si on leur annonce la verité
, ce n'est qu'avec des ménagemens
et des adoucissemens qui l'énervent et la
défigurent : rarement ils la reconnoissent
sous les déguisemens dont on la couvre
et encore plus rarement ils se l'appliquent.
Un homme qui se mêle d'instruire
ou de reprendre, quelque précaution qu'il
prenne pour le faire honnêtement , devient
importun et passe pour incivil
chez les personnes d'un certain rang : on
craint de le voir et il est trop heureux si
on
FEVRIER. 1734 263
on ne le chasse pas honteusement , si
même on ne lance pas contre lui quelques
traits d'indignation et de vengeance .
Les Petits et les pauvres sont plus dociles
et moins délicats , on en approche sans
peine ; on leur fait voir la verité dans
tout son jour ; on ne craint point de les
fatiguer de remontrances ; si quelquefois
ils ne les reçoivent pas bien , on en est
quitte pour avoir perdu sa peine ; du
moins ils ne sont pas redoutables. On
voit par expérience qu'ils ne tiennent pas
beaucoup aux erreurs et aux préjugez ,
quand on veut se donner le soin de les
instruire. D'ailleurs ils en ont moins que
les riches les faux principes du monde
ne leur ont pas si fort gâté l'esprit et cor.
rompu le jugement .
:
Il y a parmi les personnes du commun
plus de droiture , de simplicité , de candeur
; excellentes dispositions pour donner
entrée à la Sagesse . Ils n'ont pas de
si grands interêts qui les dominent et qui
les aveuglent ; ils ne sont pas étourdis
par tout ce tumulte , ces intrigues , ces
grands mouvemens qui agitent les riches
et qui étouffent la voix de la Sagesse . Les
passions les plus vives, les plus flatteuses,
ou les plus turbulentes qui dévorent
coux-ci , et qui ferment toutes les ave-
: nues
264 MERCURE DE FRANCE
و
nuës à la Sagesse , sont bien amorties
dans la Pauvreté , parce qu'elles n'y trouvent
presque point d'amorce . Ces dangereuses
maîtresses du coeur humain ne
font que languis dans un état où elles
manquent d'aliment , où rien ne les favorise
, où tout semble conjuré pour
leur perte. L'amour propre , ce tyran des
grandes fortunes est presque anéanti
dans les humiliations de la Pauvreté ;
l'ambition toujours inquiéte inquiéte et jamais
contente, n'y voit point de jour à se produire
et demeure sans action , sans mouvement
, dans une espece de l'éthargie,
l'attachement aux Richesses qui suit la
possession , cette honteuse ct insatiable
avarice n'a gueres lieu où elle ne sent rien
qui l'attire et qui puisse la contenter.
S'il y a quelques exemples du contraire,
ce sont des prodiges qui ne tirent pas
conséquence. Pour peu qu'on connoisse
de Pauvre , on le voit plus satisfait dans
les bornes étroites de sa condition , et
moins avide des biens périssables , que la
plupart des riches du siécle ; la volupté ,
des délices qui corrompent le coeur , qui
empoisonnent l'ame , et qui étouffent la
Sagesse , ces funestes syrenes qui attirent,
qui chatment, qui enchantent, pour donner
la mort , trouvent peu d'ouverture
dans
FEVRIER 1734. 265
dans un état dont la peine et le travail
sont inséparables , où l'on gagne difficilement
son pain à la sueur de son front,
où le corps est masté par de rudes et de
continuelles fatigues , où l'on ne voit aucune
des douceurs et des commoditez
qui engendrent et qui fomentent la mollesse.
La vie dure et laborieuse n'est pas
compatible avec les délicatesses de la sensualité
, dont les Richesses et l'abondance
sont le pernicieux aliment. Le Pauvre est
donc plus libre , plus dégagé , moins
esclave des passions.
Il faut avouer que ces veritez sont désolantes
pour les Riches , qui n'ont pas
perdu tout sentiment d'honneur et de
probité, et qui conservent encore du gout
pour la vertu. Tel est le danger de leur
état , qu'à moins qu'ils ne soient continuellement
en garde , et qu'ils n'ayent
le courage de rompre toutes ces barrieres,
de dissiper tous ces nuages , d'écarter
tous ces obstacles , la vraie Sagesse ne
peut avoir accès auprès d'eux . Rien n'est
plus propre à rabattre la présomption
trop ordinaire aux personnes distinguées
dans le monde par les faveurs de la fortune
, et à leur faire sentir combien est
injuste le mépris qu'ils font de la Pauvreté
, qui , à ne consulter même que les
lumieres
266 MERCURE DE FRANCE
lumieres naturelles , est préferable à l'affluence
des richesses , parce qu'elle est
plus favorable à la sagesse et à la vertu .
Les hommes les plus éclairez du Paganisme
, ces anciens Philosophes si cebres
dans l'Antiquité , s'accordent en
ce point avec les Chrétiens. Ils regardent
la pauvreté jointe à la frugalité et
à la vie dure , qui en sont les suites naturelles
, comme l'Ecole de la vertu . Au
contraire tout le soin , l'attirail , les agitations
qui accompagnent les richesses ,
leur paroissent un veritable esclavage, qui
entraîne celui de toutes les passions qu'elles
font naître et qu'elles nourrissent . Lycurgue
, ce fameux Législateur de Sparte ,
netrouva pas de moïen plus sûr et plus
puissant pour former les Laccdémoniensà
la sagesse et à la vertu , que de leur deffendre
l'usage de l'or et de l'argent.Jamais les
anciens Romains ne parurent si sages et si:
vertueux que lorsqu'ils témoignerent un
souverain mépris pour les richesses , et.
dès que l'abondance et le luxe s'y furent
introduits , ils tomberent dans les folies,
er les extravagances des passions les plus
effienées. Socrate , déclaré par l'Oracle ,,
l'homme le plus sage de la Grece , n'étoit
que le fils d'un simple Artisan , et
quoique l'éclat de son mérite eût pû le
mettre
FEVRIER 1734. 267
mettre au large et lui procurer les graces
de la fortune , il méprisa constammant
les richesses , et témoigna en toute
Occasion l'estime qu'il faisoit de la Pauvreté.
A la vûë de tout ce que la pompe
et le luxe pouvoient étaler de plus brillant
, il se félicitoit lui- même de pouvoir
s'en passer ; que de choses , disoit- il,
dont je n'ai pas besoin .
Que les Riches ne fassent donc point
si fort les hommes importans ; qu'ils ne
se flattent point tant des avantages d'une
florissante prosperité ; qu'ils ne regar
dent pas d'un air si méprisant ; qu'ils
ne traitent pas avec tant de hauteur et
de dureté le Pauvre qui les fait vivre de
son travail , de son industrie et qui les
aide de ses services , plus necessaires.
que ceux qu'ils peuvent eux mêmes lui
rendre . En vain possederoient- ils tous les
trésors du monde , sans le Laboureur ,
le Vigneron , le Jardinier qui cultivens
la terre ; avec tout leur or et leur
argent
ils n'auroient pas de quoi fournir aux
besoins les plus pressants de la vie ; sans
P'Artisan qui travaille utilement pour
cux , sans les Serviteurs qui sont à leurs .
gages ; malgré l'abondance de leurs richesses
, ils manqueroient d'habits pour
se couvrir , et seroient privez de toutes
les
268 MERCURE DE FRANCE
1
les commoditez et les délices qu'ils recherchent
avec tant d'empressement.
Quoique les Riches disent et pensent ,
ils ne peuvent se passer du Pauvre , et
le Pauvre pourroit absolument se passer
d'eux. Accoutumé à se contenter de peu
et à vivre frugalement du travail de ses
mais , il subsisteroit sans l'usage de l'or
et de l'argent ; il tireroit toujours de la
fécondité de la terre , les vrayes richesses
qu'elle renferme dans son sein et qu'elle
reproduit chaque année ; il vivroit tranquille,
sans les injustes vexations des Riches
qui s'engraissent de sa substance
qui lui ravissent trop souvent , par fraude
ou à force ouverte , le juste fruit de
ses travaux et le modique heritage de
ses peres . La sagesse et la vertu , quand
il a le bonheur de les posseder , sont les
seuls biens solides qu'on ne peut lui ôter;
ils lui appartiennent préferablement au
Riche,qui s'en rend indigne par le choix
qu'il fait des biens périssables ; les heureuses
dispositions qu'il y apporte par
son état même le dédommagent bien de
ce qui lui manque du côté de la fortune.
Nonobstant les préjugez contraires, on
ne peut disconvenir que naturellement
la prosperité n'aveugle et l'adversité ne
donne d'excellentes leçons de sagesse . Il
est
FEVRIER 1734. 269
est donc prouvé que la Richesse qui est
un état de prosperité , est moins propre
à l'acquerir que la Pauvreté , dont l'Adversité
est la fidelle Compagne .
La suite pour le Mercure prochain.
***************
.F
LES FOUR MIS.
IDYLLE ,
Ourmis , que j'aime en vous cette rare prus
dence ,
Qui vous fait en tout tems jouir de l'abondance,
Et qui servant de guide au moindre de vos pas ,
Fait regner la Concorde au sein de vos Etats !
A peine le néant pour vous se change en Etre ,
Que vous songez d'abord à joüir, à connoître,
Votre instinct n'attend pas la fougueuse saison
Où vient s'offrir à nous l'inutile raison .
Hélas ! vos premiers jours sont des jours de sagesse
,.
Exemts des passions de l'humaine foiblesse.
Vous ne connoissez pas ce gouffre de malheurs,
Que nos yeux en s'ouvrant inondent de leurs
pleurs.
Contentes du bonheur de vivre sans contrainte ,
Vous n'aimez point par art , vous haïssez sans
feinte .
Et quoique dans vos coeurs l'amour soit encensé,
D 1
270 MERCURE DE FRANCE
Il n'y reçoit jamais un culte interessé .
Vous ne consacrez point le feu de la jeunesse
A de fréles plaisirs enfans de la molesse ;
Et l'on ne vous voit pas après le tems des fleurs
Regreter dans l'Hyver vos coupables erreurs .
Tous les âges pour vous sont prudents , sont
semblables.
Toujours dans vos travaux sages, infatigables,
Vous montrez que l'on peut , sans prévoir l'ave
nir ,
Par un heureux instinct du moins le prévenir
Vous n'immolez jamais à l'espérance vaine ,
Pour un bien qui vous fuit , l'abondance certaine
.
Et le Dieu de la Mer ne voit point sur son sein
Floter vos Pavillons déployez par le gain.
Tous ces divers détours , où la raison s'égare ,
Ces Sciences , ces Arts , dont notre orgueil se
pare ,
•
Et veut sonder envain l'obscure immensité ,
N'ont point encor troublé votre tranquillité.
La fiére ambition qu'anime la Fortune ,
Que plus nous encensons, plus elle est inportune,
A votre sage instinct ne donne point de loix ,
Et lui seul dans vos coeurs fait entendre sa voix,
Aimables Animaux , que votre destinée
Me paroît à la fois et douce et fortunée !
Vous coulez d'heureux jours que rien ne peuz
troubler.
FEVRIER.. 1734. 271
Et nous n'en passons point sans craind re , sans
trembler :
Mais ce que plus en vous je contemple et j'ad
mire ,
C'est votre petit corps qui se meat, qui respire
Entasse , marche , creuse et traîne sans effort ,
De quoi se préserver des dures loix du sort ;
Qui toujours ennemi de la molle paresse
Dans un travail constant trouve-son allegresse ;
Et ne perd pas le jour qui se passe et qui luit ,
Pour donner des regrets à celui qui le suit.
Lorsque Flore en nos champs étale ses parures,
Pour embellir l'éclat de leurs tendres verdures
Vous quittez à pas lents vos paisibles Maisons
Pour nous venir montrer l'Art divin des moist
sons ,
Que ne faites-vous pas dans cette conjoncture
Que d'efforts ! de travaux ! dont la raison murmure
!
Que de sages projets , que de faits merveilleux
Surprennent tour à tour , et ravissent nos yeux !
Envain l'affreux Hyver vient couronné de Glace
A l'Univers entier faire changer de face ;
Il n'a jamais pour vous ni rigueurs, ni frimats.
Vos Antres sont plus chauds , quand tout tremble
ici bas
Et méprisant les Tours qu'habitent les Monarques
Tristes jouets du Tems , et des cruelles Parques,
Loin d'une Pompe vaïne , et du Luxe odieux ,
Dij Vous
272 MERCURE DE FRANCE
the
・
Vous y vivez en paix sans offenser les Dieux ;
C'est là qu'ayant prévû cette saison sévere ,
Votre instinct a conduit un heureux nécessaire ,
Vous jouissez ainsi par vos travaux divers ,
Du fruit de nos Printems au milieu des Hyvers,
Que nous imitons mal votre sage conduite !
Dès nos plus tendres jours notre raison nous
quitte ,
Et quand elle revient pour joüir de ses droits ,
Nous sommes hors d'état d'obéïr à sa voix .
De ce présent des Dieux n'ayez jamais d'envie ,
C'est l'esclave des maux , tyrans de notre vie ,
Et, quoiqu'on nous la peigne un Sceptre dans la
main ,
Son pouvoir sur nos coeurs n'est jamais souverain.
En tout tems nous n'avons pour guide , et pour
Pilote ,
Qu'un torrent de desirs qui dans notre ame flote;
Et qui sans prévenir l'Orage ni l'Ecueil
Conduit ainsi nos jours dans l'horreur du cercueil.
Je ne crois pas,Fourmis, que ce sort déplorable
A vorre sage intinct paroisse désirable :
Allez ; contentez vous de montrer aux humains
L'Art de passer des jours tranquilles et sereins .
Ne nous enviez pas une raison funeste ,
Que l'on aime trop tard , que trop- tôt l'on déteste.
Adies
FEVRIER. 273
1734.
Adieu , jusqu'au Printems trop prudentes Fourmis
,
Vous reviendrez alors augmenter mes soucis.
Par M. de S. R.
ののののののの雨ののののののみお
3
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Orleans ,
le 14 Novembre 1733. Par M. Beauvais
l'Ainé ; contenant quelques Réfléxions sur
des Médailles Romaines , nouvellement
découvertes.
V
Ers le commencement du mois
-d'Octobre dernier , des Massons
travaillant dans une Maison de Campagne
, auprès du Bourg de Paté , en Beauce
, à cinq lieues d'Orleans , trouverent
dans la démolition d'un Mur , un Pot de
terre qu'ils briserent , et qui se trouva
rempli de Médailles Impériales de Grand
Bronze , lequel y avoit été mis vers l'an-
244. de Jesus- Christ , suivant les conjectures
que j'exposerai plus bas.
Le Maître de la Maison s'en étant emparé
les apporta
à Orleans
, et les vendit au poids à un Artisan
, qui les auroit
fon- duës , comme
il est arrivé
à tant d'autres
pareilles
découvertes
; mais en ayant
été
averti
, j'ai sauvé
tout ce qui pouvoit
y avoir
de bon , pour le faire entrer
en par-
D iij tie
174 MERCURE DE FRANCE
tie dans une suite de Médailles de Grand
Bronze.
Il y avoit dans cette quantité de Médailles
, des Têtes , depuis Galba jusqu'à
Philippe inclusivement , ce qui fait à peu
près le milieu du haut Empire. Le nombre
en étoit de vingt- cinq ; sçavoir : Galba
, Vespasien, Titus , Domitien , Nerva,
Trajan , Adrien , Sabine, Elius , Antonin
, M. Aurele, les deux Faustines Verus,
Lucille , Commode , Crispine , Albin , Sept.
Severe, Julie , Alexandre , Mammée , Max.
Casar , Gordien le jeune et Philippe le pere.
Je remarquai que ces Médailles du
haut Empire jusqu'à Severe , étoient bien
plus usées que les dernieres , non par le
verni , ou les autres altérations que la rerre
peut causer ; mais par l'usage qu'on en
avoit,sans doute , fait dans le commerce
ce qui pourroit prouver , ce me semble,
assez bien que sous un Empereur toutes
les monnoyes de ses Prédecesseurs avoient
également cours , comme celles qui étoient
frappées à son coin , et fabriquées sous son
Regne ; en effet, quels interêts les Peuples
auroient ils eus dans des temps de Guerre
ou d'autres calamite z publiques , de
cacher dans la terre ou ailleurs , de, Pićces
qui ne leur auroient été d'aucun usage
, et dont la perte qu'ils craignoient
sans
FEV VIER 1734 275
sans doute ) leur devoit être indifférente ?
On pourra m'objecter que si dans tous
les temps du Haut Empire , les Piéces fabriquées
sous le Regne d'Auguste , ont
eu le même cours ; ( cela s'entend , avec
les augmentations et les diminutions que
les contre marques nous font sentir )
pourquoi trouve -t on aujourd'hui dans
les Cabinets tant de Médailles d'une
beauté et d'un relief si parfait, qu'il semble
qu'elles ne viennent que d'être frapples
? C'est donc une preuve , du moins
un fort indice qu'elles n'ont pas toujours
été dans le commerce , sur tout pendant
plusieurs siecles.
Cette objection ne peut , à mon avis ,
rien faire contre le sentiment que la nouvelle
découverte favorise ; on peut fortbien
y répondre , en disant que chez les
Romains et chez les autres Peuples de
leur Domination , il s'est trouvé dans
tous les temps des Curieux , qui ont pris
soin de conserver les Piéces,quoique souvent
fabriquées de leurs temps , qui étoient
d'un travail parfait ; ainsi que bien des
Gens conservent aujourd'hui des Monnoyes
parfaites de Varin et d'autres habiles
Maîtres . En effet , ce n'étoit pas seulement
à Rome où se fabriquoient des Médailles
achevées ; il y avoit dans les Gau-
D iiij
lcs
276 MERCURE DE FRANCE
les , sous Gallien , les plus grands Maitres
qui ayent jamais été , et on peut voir dans
la belle suite d'or de M. du Vau , à Paris ,
des Postumes , des Victorius et des Tetricus
d'un travail si exquis , que les plus belles
Médailles du Haut Empire n'en approchent
pas. C'est , je crois , cette perfection
de l'Art , qui a engagé les Curieux
de tous les temps à nous transmettre ce
qu'ils ont jugé de plus beau , et à nous le
faire passer, pour ainsi dire , de main en
main.
Je reviens à notre découverte , sur laquelle
j'ai déja remarqué que plus les Médailles
approchent du Regne de Philippe
et plus elles ont de conservation. Les
Sept. Severe , les Alexandre , et les Têtes
suivantes sont d'une grande beauté ; et
comme il ne s'est trouvé qu'une Médaille
de Philippe le Pere , qui a encore co
que nous appellons le Rude du Coin , on
peut conjecturer que ce petit trésor avoit
été caché au commencement de son Empire
; et cela avec d'autant plus de vraisemblance
, que le revers , qui est ANNONA
AUG. est une des premieres Médailles
que le Sénat lui ait fait frapper , après
qu'il eût reconnu ce Ménotrier du jeune
Gordien pour Empereur.
LE
FEVRIER. 1734. 277
LE CHESNE ET L'ORMEAU .
C
FABL E.
Ertain Chêne orgueilleux , qui se disoit
cousin
Des nobles Chênes de Dodône ,
Prit le ton imposant d'un Sultan sur son Trône,
Pour tancer en ces mots un Ormeau son voisin
Misérable avorton , Arbre ignoble et débile ,
Voi combien je te suis utile ;
Je te mets à couvert des vents et des frimats ,
De l'orage et de la tempête ;
Tu fais pourtant si peu de cas ,
De mon attention à conserver ta tête ,
Qu'à regret tu me rends l'hommage qui m'est
dû ;
Toi , qui par ton exemple et ton zélê assidu ,
Devrois me procurer Phommage
م
De tous les Arbres du Village ;
Mais parle , vil Ormean ; sans moi , que seroistu
?
Quelque chose moins qu'un fêtu.
L'Ormeau reprit en son langage ;
Votre protection me fait beaucoup d'honneur
Mais il est pourtant vrai , Seigneur ,
Que j'aurois loin de vous profité davantaged
Dv Vous
278 MERCURE DE FRANCE
Vous m'offusquez par votre ombrage ;
Presque de tous côtez j'en suis envelopé ,
Vos rameaux quelquefois jusqu'au vif m'ong
frappé ,
Et m'ont causé plus de dommage ,
Que n'auroient fait les vents , la tempête et l'e
rage ;
Mais que veut dire ce courroux ,
Contre mon peu de complaisance ? "
Vous voulez des honneurs ? Quoi ! vous les avez
tous ;
Le Soleil ne luit que pour vous ;
Ay-je jamais frondé votre prééminence ?
Je vous entends , Seigneur. Un Esclave , entre
nous ,
Conviendroit à votre Excellence ,
Mais moi , j'aime ma liberté.
S'il plaisoit à la Providence ,
.
Bien- tôt quelque autre part je serais transplanté
Et je vous le dis net , tandis qu'aucun n'écoute
Cet Entretien ,
Votre voisinage , sans doute,
M'a fait plus de mal que de bien.
Je sçais, hélas ! ce qu'il m'en coute !
Ainsi par-là l'Ormeau . S'il eut été flateur
Il eut beni sa servitude ,
Vous devinez , ami Lecteur ,
Qu'il fut taxé d'ingratitude ;
>
L'orL'orgueil
n'est pas content d'un pareil Orateur.
Quiconque se parant du nom de Protecteur ;
N'est en effet qu'un fâcheux Maître ,
Sera facile à reconnoître
Aux traits du Chêne altier marquez dans ce
tableau ;
Quiconque est un ingrat , n'auroit jamais da
naître ;
Mais être ingrat comme l'Ormeau ,
Lecteur , tout de bon , est - ce l'être ?
F. M. F.
***************
ELOGE de M. l'Abbé de Longuernë.
Ouis du Four de Longueruë nâquit
La Charleville en 1692. de Pierre du
n'a-
Four , Se gneur de Longuerue et de Goisel
, Gentilhomme de Normandie , Lieutenant
pour le Roy au Gouvernement de
Charleville et de Montolimpe , et de Dame
Barbe le Blanc de Clois. Son
pere
voit rien épargné pour son éducation , il
lui donna Richelet pour Précepteur ; et
Perrot d'Ablancourt , si connu dans le
monde litteraire , lequel étoit son parent ;
voulut aussi contribuer à l'instruction
d'un Enfant qui étoit un prodige à l'âge de
quatre ans. La réputation de cet Enfant
Dvj étoit
204
étoit si grande , que le feu Roy passant à
Charleville demanda à le voir , et le jeune
Longuerue présenté à S. M. augmenta
encore par ses réponses aux diverses questions
qui lui furent faites , la grande idée
qu'on avoit déja de lui.
Son ardeur pour l'étude dès l'âge de
quinze ans , étoit si grande qu'à peine se
donnoit- il le temps de manger et de dormir.
Il ne connois oit d'autre recréation
que le changement de travail ; aussi fit - il
des progrès si surprenans , qu'il se trouva
bien- tôt en état d'être consulté par
tous les Sçavans , et en tout genre de Littérature
.
•
Il étudia à fond les Langues , tant
les mortes que les vivantes , et il n'y
en a eu aucune qu'il n'ait sçu parfaitement.
Avec ce secours il avoit penetré
dans l'Histoire de tous les Peuples , et de
tous les siecles . Il étoit si heureusement
servi par sa Memoire , que rarement il se
méprenoit d'une date , il ne confondoit
presque jamais un fait avec un autre.
L'Histoire étoit la partie de la Litterature
à laquelle il s'étoit le plus particulierement
appliqué , mais il n'avoit pas négligé
pour cela la Theologie , la Philosophie
ancienne et moderne , la Geographie,
la Chronologie , les Antiquitez et les Bel-
Lettres. Cette
FEVRIER. 1734. 281
Cette vaste étenduë de connoissance ne
l'énorgueillissoit point. Il étoit extrêmement
communicatif , et son sçavoir étoit
sans ostentation . Il est vrai qu'il n'aimoit
point à être contredit , et que son amour
pour la verité ne le rendoit pas toûjours
maître de ses expressions dans la chaleur
de la dispute ; mais quand on étoit accoutumé
à lui , sa franchise n'avoit plus rien
de rebutant , et on ne lui sçavoit aucun
mauvais gré de ses vivacitez.
Il a composé une infinité d'ouvrages qui
n'ont point été imprimez . Il avoit extrêmement
aidé le R. P. Pagi dans sa Critique
des Annales de Baronius Il a com-
Folé un grand nombre de Dissertations
tant sur l'Histoire Ecclesiastique que suz
celles de France , d'Espagne , des Arabes
& c.
Le seul Ouvrage qu'il a donné sous son
nom est la Description Historique et
Geographique de la France ancienne et
moderne , en deux Parties , imprimée à
Paris chez Jacques- Henry Praflard en
1719. Ce Livre , qui dans sa premiere
destination n'avoit été fait que pour l'instruction
d'un de ses amis , n'avoit pas acquis,
quand il fut rendu public , le dégré
de perfection que la réputation de son
Auteur sembloit exiger, L'Abbé de Longuerue
282 MERCURE DE FRANCE
gueruë n'avoit pû résister aux pressantes
sollicitations de gens plus occupez de leur
propre interêt , que de ce qui pouvoit
contribuer ou nuire à la réputation de ce
sçavant Homme. La complaisance qu'il
cût de livrer trop tôt son Ouvrage , lui a
causé des chagrins qu'il a ressentis jusqu'à
la fin de sa vie .
Le Journal des Sçavans du mois de Jan-
» vier 1733 m'apprend page 61. » Que M.
» Schoepflin a publié à Strasbourg chez
» Doulssecker , pere ; une édition in - 4°..
» ds Annales des Arsacides dont M.
» l'Abbé de Longueruë est , ( dit le Jour-
» nal ) l'Auteur , Annales Arsacidarum
» Auctore Ludovico du Four de Longueruë ,
"
Abbate S. Joann . de Jardo , & c. 1732 .
» On ajoute que cette Edition est préfera-
» ble à celle du même Ouvrage qui a été
imprimé à Paris il y a long -temps , en
» ce que M. Schoepflin l'a donné sur
» un Exemplaire corrigé et augmenté par
l'Illustre Aureur , qui a bien voulu le
» lui communiquer et en permettre l'im-
» pression. C'est tout ce que je puis dire
ici de cet Ouvrage , que je ne connoîs
point d'ailleurs.
>
Mais l'amour de la verité , et la reconnoissance
m'engagent à profiter de cette
occasion , pour déclarer qu'un autre Ou.
vrage
FEVREK 1734. 203
vrage rempli de Recherches historiques , et
d'une solide érudition , dont j'ai enrichi
ma dixiéme et onzième Lettre du Voyage
de Normandie , inserées dans le Mercure
de France des mois d'Avril et May
derniers , que cet Ouvrage , dis je , est
tout entier du sçavant Abbé de Longueruë.
Il joüissoit pour tout bien de deux Abbayes
, sçavoir Sept Fontaines , Diocèse
de Kheims depuis 1674. et le Jard ,-Diocèse
de Sens , depuis 1684. cependant
avec un revenu mediocre , il avoit sçû
former une Bibliotheque très - bien choisie,
qui seroit fâcheux de voir disperser,
L'Abbé de Longuerue mourut à Paris
le 22. Novembre 1733. laissant un Frere
qui est Mestre de Camp de Cavalerie , et
Chevalier de Saint Louis . Il avoit eu un
autre Frere qui fut tué à la Bataille de
Ramilliez le 23. May 1796. et qui étoit
Lieutenant des Gardes du Corps , Maréchal
de Camp , et Chevalier de Saint
Loüis.
RONDEAU
284 MERCURE DE FRANCE
ON
RONDE AU
Aux Plaideurs.
N n'a pas tort de repousser les coups ,
D'un ennemi cauteleux et jaloux ,
Qui dans le champ d'autrui met sa faucille ,
Mais de plaider pour la moindre vetille ,
C'est un abus : Il vaut mieux filer doux.
Nos Bas- Normands n'en conviendront pas tous.
Pour de vrais riens on chicane chez nous ;
Et toutefois de l'air qu'on en babille ,
On n'a pas toit.
Hé! pauvres gens ! vous êtes de grands fous ,
De vous livrer à la gueule des Loups !
Le Juge prend , le Procureur étrille ,
L'Avocat piace , et le petit Clerc pille :
Au bout du compte , on se mocque de vous.
On n'a pas tort,
F. M. F.
LETTRE
FEVRIER. 1734 . 285
LETTRE écrite à M. D. L. R. sur les
Pendules à quadran mobile , par le sieur
Julien le Roy , A. D. de la Societé des
Arts.
J'ai remarqué , Monsieur , deux choses
J'ai remarqué , la 2 deue deM.
Thiou , inserée dans le Mercure de Décembre
1733. pag. 2668. l'une qu'il donne
des idées désavantageuses des Pendules
à cercle d'Equation , et l'autre , qu'il y
avance que c'est M. Dufay qui les a perfectionnées.
Comme j'ai vendu plusieurs de ces
Pendules , dont j'ai loué la justesse et l'utilité
; et que je me suis déclaré le seul
Auteur de la disposition avantageuse de
leurs Cadrans , pour marquer le tems vrai ,
et le tems moyen : ces deux motifs m'obligent
, Monsieur , à vous adresser cette
Lettre , pour me justifier dans le Public
du reproche qu'il auroit droit de me faire ,
si M. Th . accusoit juste dans toute la critique
qu'il fait de la Pendule de M. Pierre
le Roy , mon frere : c'est ce que je vais
faire le plus succinctement qu'il me sera
possible.
Dans i
186 MERCURE DE FRANCE
Dans le même Mercure pag. 2669. M.
Th . dit : « Cette me hode , quoique très
bonne , a des difficultez qui empêchent
» que le public n'en tire tout l'avantage
» qu'il désireroit , parce qu'il est difficile
d'en faire prendre connoissance aux
» personnes même intelligentes , et en ce
» qu'il faut s'approcher du Cadran toutes
>> les fois qu'on veut voir l'heure , et avoir
» toûjours égard aux nouvelles positions
»du Cercle après l'avoir misau quantiéme,
» ce qui nest guerre utile pourun usage ordinaire
, mais très - bon pour un sçavant ,
» comme étoit l'Inventeur , feu M. Dela-
» hire ,, et comme est M. Dufay , qui l'a
» si bien perfectionné.
29
Qui ne croiroit après avoir lû cet article
, que M. Th. n'a jamais voulu faire
de ces Pendules à cercle , parce qu'il les
a trouvées défectueuses ? Cependant il n'y
a peut -être pas d'Horlogeur à Paris qui en
ait fait un aussi grand nombre que lui ;
j'en appelle à témoins tous ceux qui en
ont de sa façon ; auroit- t'il vendu des ouvrages
qu'il n'estimoit pas?Ou voudroit- il
inspirer du mépris pour ceux qu'il n'a
point fait ? On en jugera par ce qui suit .
Lui- même a répandu dans le public en
1735. un Ecrit , imprimé chez la veuve
Knapen , qui a pour titre Instruction sur
l'usage
FEVRIER. 1734 287
Pusage du cercle d'Equation , que le sieur
Th. ajoûte à ses Pendules. Cet imprimé de
trois
pages commence par ces termes.
»Ce Cercle , nouvellement inventé , est
placé à la circonference du Cadran de la
» Pendule , où il est mobile , et divisé
» suivant la table du tems moyen au midy
» vrai , &c. & plus bas , par le cercle
dit il , on a non seulement l'heure du
» Soleil pour tous les jours de l'année
>> mais aussi la facilité d'y vérifier sa Pen-
> dule , &c. -
Comment M. Th. accordera- t'il ses
propres contradictions ? en 1730. il fait
imprimer , et donne au public un usage
pour regler les Pendules qu'il fait à Cercle
d'équation , et en 1733. il avance dans le
Mercu e qu'elles ne sontgueres utiles pour un
usage ordinaire.
En 1730. ce même Cercle lui a paru
nouvellement inventé. Si une invention
qu'il dattoit de huit années et plus , pou
voit alors passer pour nouvelle , il a eu
raison ; car c'est en 1722. que je fis pour
M. de Marian , de l'Académie des Sciences
, la premiere de ces Pendules à Cercle
d'Equation , et peu après une autre , que
M. Dufay me demanda pour M. Landais.
M. Th. veut faire entendre au public
que
288 MERCURE DE FRANCE
que ces Pendules ne sont gueres utiles pour un
usage ordinaire , mais très - bonnes pour un
Sçavant.
.
En effet ne faut -il pas l'être beaucoup
pour sçavoir le quantiéme du mois ? Et
pour tourner avec la main unCadran où il
est gravé , et le mettre vis-à-vis un Index
qui est fixe ? Cela est à peu près aussi difficile
d'ouvrir une montre pour
que
mettre à l'heure .
la
Pour montrer que M. Th. se trompe
totalement , quand il avance que M. Dufay
a perfectionné les Pendules .en questión
, je vais rapporter mot à mot l'Extrait
du Memoire de cet Académicien
qui est inseré dans ceux de l'Académie
Royale des Sciences , année 1725. page 72 .
«Nous avons vû les changemens qu'y
a fait le sieurJulien le Roy : il ne s'en est
» pas tenu - là ; il a imaginé de couper en
»deux la Courbe de M. Delahyre, qui re-
»venoit quatre fois sur elle- même en ser
»pentant, et par ce moyen il l'a tracée sur
» un cercle de laiton mobile , qui entoure
» le Cadran de la Pendule ; ayant placé ex-
» terieurement sur la fausse plaque deux
alidades fixes, l'une à l'heure de midy , et
l'autre à six heures , il ne reste plus qu'à
» tourner avec la main ce Cercle qui porte
» aussi un Cadran de minutes , et placer le
» jour
FEVRIER. 1734 . 289
» jour dont on veut sçavoir l'équation
»sous celle des alidades à laquelle le mois
répond par ce moyer l'aiguille des
» minutes qui marque sur le Cadran fixe
» de la Pendule l'heure moyenne et regu-
» liere , marquera sur le Cadran mobile
>> l'heure du Soleil ; je crois qu'il est difficile
de rien imaginer de plus simple , de
» plus exact , de plus commode , &c.
Peut- on rien dire de plus précis , de
plus clair , et de plus juste que ce que dit
M. Dufay dans cet article ? Il y rend avec
la derniere équité ce qui est dû à M. Delahire
, Inventeur de cette Courbe , et à
moi qui ai imaginé les changemens avantageux
qui l'ont rendue utile ; cette façon
dont je l'ai appliquée aux Pendules, a même
fourni à M. Dufay l'idée d'une machine
de carton , qui est analogue au Cadran
mobile , et qu'il a imaginé pour l'utilité
de ceux qui n'ont point de Cercle d'équation
à leur Pendule .
Si M. Th. avoit lû le Memoire de
M. du Fay , on doit penser qu'il auroit
équitablement suivi son exemple , et ne se
seroit nullement exposé à laisser entrevoir
qu'il ne lui a attribué le mérite de cette
production , qu'à dessein d'en dépoüiller
celui qui en est le veritable Auteur.
Voilà , M. ce que j'avois à vous écrire
sur
"
20 MERCURE DE FRANCE
sur un article de la Lettre de M. Th.
à l'égard de ce qu'elle contient d'ailleurs,
mon frere est très - capable d'y répondre.
Mais pendant que j'ai la plume à la main,
je suis bien aise , M. d'avoir l'honneur
de vous dire un mot sur un autre petit
démêlé d'Horlogerie que j'ai à finir avec
M. Th. au sujet d'un Echappement de
Montre qu'il a voulu mettre en usage
à Paris , deux ans après que ce même
Echappement avoit été abandonné et reconnu
pour mauvais à Londres. Voici
de quoi il s'agit.
Dans le Mercure d'Avril 1729. page
746. j'écrivis à M. Th . une Lettre dont
voici le premier article .
>> Lorsque vous vous êtes déterminé ;
» M. à donner au Public , par la voye du
» Mercure du mois dernier , page 544.
» une idée avantageuse de l'Echappement
de M. de Flamanville , vous ignoriez
» apparemment que la pluspart des Hor-
» logers de Londres l'ont mis en usage
» dès le commencement de l'année 17.7 .
» et l'ont totalement abandonné vers la
» fin de la même année .
Le Mercure de May suivant contient
une Réponse de M. Th. je n'en donnerai
point ici l'Extrait , parce qu'elle mérite
d'être lûë en entier , afin d'y voir
avec
FEVRIER. 1734 291
avec quelle confiance il y annonce le
succès du nouvel Echappement qu'il appliquoit
pour lors à ses Montres. Comme
cette Lettre fit impression sur l'esprit
de quelques personnes , et que je
fis refléxion alors combien il est difficile
au Public de juger sainement de la bonté
des Montres par leur construction ; je me
déterminai à differer ma réplique , prévoyant
que l'usage du nouvel Echappement
seroit aussi défectueux à Paris qu'il
avoit été trouvé deux ans auparavant à
Londres . A présent que mes conjectures
sont confirmées , je vous fais part , M. de
de ce que j'ay appris sur ce sujet.
Les Ouvriers de M. Th. ont publié il
y a environ deux ans , que j'avois prévû
dans ma Lettre tout ce qui lui étoit
arrivé , et qu'il avoit été obligé de remettre
à l'ordinaire toutes les Montres où
il avoit appliqué le nouvel Echappement
qu'il avoit adopté ; mais si on suppose
que ces discours ont été tenus sans fondement
, je demanderai pourquoi il n'a
pas appliqué ce merveilleux Echappement
à la Montre d'or à quantiéme
à secondes et à répetition , qu'il a eu
l'honneur de faire depuis environ un
an pour M. le Comte de Clermont ?
et pourquoi il n'en a pas fait usage en
travail-
1
292 MERCURE DE FRANCE
travaillant pour un Prince aussi respectable
par ses lumieres , que par la protection
éclatante qu'il accorde aux Arts,
et à ceux qui les professent ?
qui
En attendant que M. Th. nous rende
raison de ses variations , concluons , M.
qu'il seroit avantageux aux Horlogers
nous succederont , et aux progrès
de l'Horlogerie , qu'il nous instruisit- des
raisons qui l'ont déterminé , tant à ne
plus faire de ces Montres- là , qu'à ne
plus dorer les roues de rencontres , comme
il le marque dans sa Lettre du même
Mercure , page 980. Se seroit - il enfin
apperçu que le feu , le Mercure ,
l'eau forte , et les gratteboises , sont des
agents qui détruisent la dureté , la forme
et l'égalité que doivent avoir les dents
d'une roue de rencontre ? Faites- moi la
grace , M. d'être persuadé que je n'ai ici
principalement en vûe que de soutenir
l'usage d'une sorte de Pendule qui est
géneralement approuvée des Sçavans et
des Horlogers , parce que sa construction
est aussi simple qu'elle est commode
et utile au Public. Je suis , &c.
Le Memoire de M. de la Hire , dont
il est question dans ma Lettre , est inseré
dans ceux de l'Académie Royale des
Sciences , année 1717. page 242 .
La
FEVRIER 1734- 293
Le mot de l'Enigme du mois de Janvier
est l'Echiquier. Ceux des Logogryghes
, sont Corde , Orange , Port. On trouve
dans celui- cy , Rot , Po , Or , Pot ,
et dans le précedent , Guillaume de Nassau
, Ange , Nage , Or , Ane , Oran ,
Organe d'une Flute , &c. Ergo.
J
ENIGM E.
E suis une Androgine , aimant peu le grand
jour ;
D'un Monstre ancienne fille ,
Plus mes traits sont obscurs , plus je plaîs , plus
je brille ,
N'inspirant jamais plus d'Amour ,
Que lorsque je suis moins commune.
J'enchante tellement et l'esprit et les yeux
De mes Amants curieux ,
Que lorsque je suis même exposée à leur vûë ,
Ils me cherchent à qui mieux mieux.
Je leur parle avec fard et grande retenuë ;
D'agir ainsi , jugez si j'ai raison ?
Sur un lit blanc à l'écart étenduë ,
Si j'allois à leurs yeux me montrer toute nuë ,
lis perdroient leur amour et je perdrois mon
mom.
E LO294
MERCURE DE FRANCE
*************** ! *******
L'on a
LOGOGRYPHE.
vû s'écouler deux fois mille ans et plus,
Depuis qu'à Rome on m'a vû naître ,
Et cependant en moi l'on voit encor paroître ,
Malgré vingt siecles révolus ,
Cet air , qui du nouveau pore le caractere .
Pour quelques gens si je suis plein d'appas ,
D'autres en moi ne trouvent. pas
Le même attrait , et beaucoup au contraire ,
Pensent qu'à mon usage on devroit se soustraire.
•
Huit Lettres composent mon nom ;
Voisi comment on les combine.
1. 2. et 4. offrent une saison ,
Joignez 5. 3. autre combinaison ,
Vous donne le produit que promet la Tontine
6. 7. telle est la rigueur de mon sort ,
Que je ne puis échapper à la mort.
3. 1. 2. 8. je suis ce que mit en usage
Jadis un Dieu ( pour son honneur peu sage )
Mais peu sage à faire pitié ,
Qui de sa galante moitié ,
Revelant l'amoureux mystere ,
Auroit bien mieux fait de se taire .
De tout mon corps , deux Membres abbatez ;
Ville de l'Armorique aussi- tôt se présente;
En
FEVRIER
1734. 295
Ec
En cet état , si vous m'ôtez
que l'on trouve au milieu d'une Tente ,
Je dompre un fougueux animal ;
Alors , ma tête à bas , prenez-moi par la queue ,
L'on me dit fort utile à l'Art médecinal ;
Mais sans moi l'on ne peut achever une lieuë ,
Si l'on m'arrache encor le nez;
Tant pis pour vous si vous l'entreprenez.
Je puis, par un autre assemblage ,
A qui veut calculer offrir plus d'un objet .
6.7. et 2. me voilà net.
x. 5. 2. 4. ct 3. terme de jardinage ;
Au travail des Vergers je borne mon usage.
Tournez- moi d'une autre façon ,
D'un coup de dez je vous donne le nom .
4. 5. 7. et 1. si j'eusse eu moins de charmes ,
Pour la malheureuse Didon ,
Elle n'eut pas pour moi répandu tant de larmes.
3. 4. par la Mer , borné de tous côtez ,
L'on n'aborde chez moi qu'à l'aide du Pilote.
Pris dans un autre sens , je ne suis qu'une note ,
Joignez 5. 7. un Saint en moi vous réverez ,
Que le Calendrier vous indique en Novembre.
Posez avant mon deux mon quatriéme membre,
En deux lettres je suis une conjonction ,
Renversez- moi , je suis pronom.
1. 2. 3. 4. à l'esprit je présente
Nombre infini d'objets d'espece differente ,
E ij
Rica
256 MERCURE DE FRANCE
Rien n'existe ici bas ni même dans les Cieux ,
Soit qu'il respire ou non , que je ne signifie .
Retranchez 2. mon nom dans la Chronologic ,
Indique quelque trait fameux .
2. 4.3.1.7. fils d'un Dieu , Roy de Thrace ,
En malheureux oiseau , dans la Fable j'ai place ;
Le 5. au lieu du 2. Divinité des Eaux ,
Aux Nymphes de la Mer j'ai donné la naissance.
7.8. et 2. je suis un des Vents Cardinaux.
En voilà bien assez , je pense ,
Devine , si tu peux , mais tu n'es pas bien sûr
De m'avoir cette année , à moins d'heureuse
chance ;
Le temps est devenu bien dur
Par Mile Oladele du Londel.
AUTRE.
Quoique de basse extraction ,
De nul métier , et de nom méprisable ,
Mercure par compassion ,
Me va rendre recommandable ;
On verra là maint Curieux ,
Exercer à l'envi son esprit et ses yeux ,
M'examinant des pieds jusqu'à la tête
Pour deviner si je suis homme ou bête ,
Chacun y fera de son mieux.
Je donne avis entre autres choses ,
De ne mettre d'abord la patience au free ,
Je
FEVRIER. 1734 297
Parmi bien des métamorphoses ,
Que renferme mon nom , vous trouverez un Ros,
Cherchez autour et prenez garde au choc,
Un instrument que l'on porte en écharpe ,
Qui n'est ni Luth , ni Tambourin ni Harpe ,
Viendra se présenter , n'en doutez , c'est un hoc,
Ce hoc diminutif augmentant sa figure ,
Pourra devenir Reche , ou si l'on veut Rocher
Continuez , et si par avanture ,
Ce chemin raboteux vous rebute à chercher ,
Je vous présente une douce voiture ,
C'est un Coche avec le Cocher ,
Je puis vous faire voir encor d'autres merveilles,
Fournir de Cruche un Porteur d'eau ;
Assortir un Prélat de son petit Manteau,
Donner la retraite aux Abeilles ;
Ce n'est pas être Ture que d'en agir ainsi ;
Je suis pourtant encor un Turc en racourci .
A ÚTRE.
Mon nom est tout Arithmétique ,
Facile à deviner pour tous gens de Pratique ,
On le construit en accouplant deux fois ,
Et comptant à chaque fois trois ;
Deux de ces premiers trois en valent cent cin
quante ;
La troisiéme est un vain zero
Qui ne sert que de numero ,
E iij Quoi298
MERCURE DE FRANCE
Quoique ce soit par lui que tout nombre s'augmente,
Si vous n'êtes encor au fait ,
Examinez les trois lettres dernieres ,
Qui commencent par cent comme les trois premieres
;
Reste deux à chercher , parcourez l'alphabeth
Tirez - en huit et cinq , voilà mon nom complet.
J
AUTR E.
'Ai sous un même nom deux differens emplois,
Tantôt en exerçant les doigts ,
Je sers ou nuis à bien du monde ;
Tantôt, ô force sans seconde ;
Lecteur , tu le peux croire , et souvent tu le vois ,
Je porte sur mon dos le Ciel , la Terre et l'Onde.
Voila ce que je fais , voici ce que je suis.
En pcu de mots je le déduis ,
Tant de longueur est superfluë :
Ma tête est un adverbe , et par inversion
Je forme de ma queue une conjonction,
Si vous ne devinez , vous avez la berluë ;
A votre gré , si j'en ai dit trop peu ;
Voici de quoi finir mon jeu ,
Lecteur , foüille-moi jusqu'au centre,
a trouveras un rat enfermé dans mon ventre .
NOUFEVRIER.
1734. 299
tetttut: bbfbfbfbfbit
NOUVELLES LITTERAIRES
O
DES BEAUX ARTS , &c.
BSERVATIONS sur les Arrêts remarquables
du Parlement de Toulouse
, recueillis par M. Jean de Catellan ,
Conseiller au même Parlement, enrichies
des Artêts nouveaux , rendus sur les mê
mes matieres Par Gabriel de Vedel, Ecuyer,
Docteur et Avocat au Parlement de Toulouse
. A Toulouse , de l'Imprimerie de N.
Caranove , à la Bible d'or , et se vendent
chez Etienne Manavit et Jean - François
Foret, à la Couronne d'or. 1733. in 4.2 vol .
Tom. 1. de 372 pages ; et le second de
292.
SANCTI Aurelii Augustini Hipponensis
Episcopi, Epistolæ dur , recens in Germania
repertæ , Notis criticis , historicis ,
chronologicisque illustratæ , ac juxta novissimam
Editionem omnium ejusdemi
S. Doctoris Operum , à Benedictinis , è
Congregatione S. Mauri concinnatam
tersæ atque adornate opera et studio
D ... ejusdem Congregationis Presbyteri.
Fol. Parisiis apud viduam Raymun-
E iiij di
300 MERCURE DE FRANCE
di Mazieres , et J. Baptistam Garnier.
1734.
TRAITE' DES ALIMENS DE CARESME , OÙ
l'on explique les différentes qualitez des
Légumes , des Herbages , des Racines, des
Fruits , des Poissons , des Amphibies, des
Assaisonnemens , des Boissons même les
plus en usage , comme de l'Eau , du Vin,
de la Bierre , du Cidre , du Thé, du Caffé
, du Chocolat , et où l'on éclaircit plusieurs
questions importantes sur l'abstinence
et sur le jeûne, tant par rapport au
Carême, que par rapport à la santé.Par M.
Andry, Docteur , Regent de la Faculté
de Médecine à Paris , Lecteur et Professeur
Royal. 2 vol . in 12. 4 liv.ruë S.Jac
ques , chez le Mercier.
REGIME DU CARESME , consideré par
rapport à la nature du corps et des alimens,
en trois parties , où l'on examine
le sentiment de ceux qui prétendent que
les alimens maigres sont plus convenables
à l'Homme que la viande , où l'on
traite à ce sujet de la qualité et de l'usage
des Légumes , des Herbages , des Racines
, du Fruit, du Poisson , &c . et où l'on
éclaircit plusieurs questions touchant
l'abstinence et le jeûne , suivant les principes
FEVRIER . 1734. 3ст
cipes de la Physique et de la Médecine ;
entr'autres,si l'on doit défendre en Carême
l'usage de la Macreuse et du Tabac.
Par le même , chez le même Libraire , in
12 , 2 liv.
INSTRUCTIONS Chrétiennes et Morales
sur les Sacremens ; avec quelques Ins-
Tructions sur les Indulgences et Jubilez ;
et les bons usages des Maladies . A Paris ,
rue S. Jacques , chez J. B. Delespine fils ,
1734. in 12.
LETTRE de M. l'Abbé de ... au sujet
de la nouvelle Histoire de Languedoc.
V
Ous me demandez , Monsieur , fort
à propos des nouvelles de la suite
de l'Histoire de la Province de Languedoc
, dont les R. P. D. Claude de Vic ,
et D. Joseph Vaissette , Benedictins de
S. Maur , qui travaillent à cet Ouvrage
depuis l'année 1715. viennent de publier
le second volume. Le premier Tome parût,
comme vous sçavez , sur la fin de
l'année 1730. et vous me parûtes bien satisfait
de sa lecture ; ainsi je ne puisque
louer votre empressement pour con
noître la disposition de ce second volu
mes ce que votre éloignement de Paris
EV ห รื
302 MERCURE DE FRANCE
me vous permet pas de faire par vousmême.
C'est toujours le même titre : HISTOI
RE GENERALE de Languedoc, avec des Noses
et les Pieces justificatives , composée sur
les Auteurs et les Titres originaux , et enrichie
de divers Monumens.Tome second ,
in fol. de 648 pag. sans les Preuves , et la
Table generale des noms et des matieres,
qui en contiennent 700. A Paris , chez
Jacques Vincent , ruë S. Severin, à l'Ange.
1733.
Un court Avertissement précede ce
Volume , et dispose à le lire utilement.
Il comprend l'Histoire de près de trois
siécles , commençant au Regne de Loüis
le Begue , Epoque principale de l'hérédité
des Fiefs de Dignité dans les Maisons
des Grands Vassaux , qui usurperent
bien- tôt les Droits Régaliens . Il finit au
commencement des Troubles , que l'hé
résie des Albigeois causa dans la Province
, où à la condamnation de ces Hérétiques
dans le Concile , tenu en 1165 ,
à
Lombez , dans le Diocèse d'Albi .
Je n'entrerai point icy , Monsieur, dans
le détail des faits qui font la matiere des
huit Livres dont ce second volume est
composé ; un Sommaire même de ces
Livres excederoit les bornes d'une LettreFEVRIER.
1734. 393
tre. Je me contenterai de vous dire en
general , avec nos Sçavans Auteurs , que
dans un temps aussi obscur pour l'Histoire
de cette Province et pour celle de
France , que les X. XI et XIIe siècles , ils
ont cru ne devoir rien négliger. C'est ce
qui les a portez à employer certains faits
qui seront peut être regardez comme peu
Importans , et qui auroient été omis dans
d'autres circonstances.
Ils se sont attachez principalement ,
soit dans l'Histoire , soit dans les Notes,à
faire connoître autant qu'il leur a été
possible , l'origine , la succession , la genealogie
et les actions des Comtes , des
Vicomtes et des autres Grands Vassaux
de la Province ; sur tout de ceux qui ont
joui des Droits Régaliens' ; matiere dont
la plus grande partie étoit enveloppée
d'épaisses ténébres , qui sont icy dissipéesles
Monumens du temps.
par
La Méthode qui a été suivie dans cette
recherche , où l'on n'a admis que ce
qui s'est trouvé appuyé sur les Titres et
sur les anciens Ecrivains , a engagé nos
Historiens à rapporter la plupart des Piéces
justificatives , sur lesquelles ils se sont
fondez . Ils donnent aussi plusieurs actes .
qu'ils ont jugez interessans ; en particulier
, ceux qui peuvent servir à découvrir
E vj l'ori
304 MERCURE DE FRANCE
l'origine et la généalogie de l'ancienne
Noblesse du Païs, Les Gens de Lettres estiment
ces sortes de Recueils , qui ont .
plusieurs utilitez.
Dans ce volume , comme dans le précedent
, on s'est attaché à éclaircir les
faits douteux ou obscurs , soit dans le
corps de l'ouvrage , soit dans les Notes.
Nos Auteurs se sont fort étendus sur la
premiere Croisade , ce qui étoit indispensable
; parce que Raymond de S. Gilles,
Comte de Toulouse , fut un des principaux
Chefs de cette celebre expédition ,
et que la principale Noblesse. de la Province
y prit beaucoup de part. Il étoit
donc nécessaire de ne rien passer de ce
qui regarde leurs Personnes et leurs Exploits
, nos Historiens modernes en ayant
d'ailleurs parlé fort succinctement.
Les ornemens qui enrichissent le premier
volume continuent dans celui cy
et dans le même ordre.C'est- à-dire qu'on
voit à la tête de chaque Livre er au
commencement des Notes et des Preuves
qui font un corps d'Ouvrage separé, une
fort belle Estampe en Vignette , qui en
représente le principal' sujer. Elles sont
du dessein de M. de Cazes Peintre de
Académie Royale de Peinture , et gravées
par une habile main.
La
FEVRIER. 1734. 305
La premiere au Frontispice du Livre
XI. porte en bas cette Inscription , Louis
Le Begue dispose du Marquisa: de Gothie
en faveur de Bernard III.
Dans celle du XII . L. Les Hongrois
mis en fuite par Raymond Comte de Tou-
Lause..
Liv. XII. Victoire de Roger I. Comie
de Carcassone sur Oliba Cabretta.
Liv. XIV. Paix entre l'Archevêque et le
Vicomte de Narbonne.
Liv. XV. Départ de Raymond de S. Gil
les , Comte de Toulouse pour la Croisade.
Liv. XVI . Arrivée de Bertrand , Comte
de Toulouse , au Port d'Antioche.
Liv. XVII. Alfonse Comte de Toulouse
prend la Croix des mains de S. Bernard.
Liv. XVIII . Levée du Siége de Tou
louse par Henri II. Roy d'Angleterre.
Au commencement des Notes sur
l'Histoire , est representé par une Estam
pe particuliere , le partage de la Provence
entre le Comte de Toulouse et le Comte de
Barcelone. Et à la tête des Preuves une
derniere Estampe represente l'Invention
des Reliques de S. Bausile , Martyr à
Nîmes.
J'ai prévenu, Monsieur , vôtre demande
au sujet de ces belles Estampes que
vous souhaiterez sans doute de joindre à
celles306
MERCURE DE FRANCE .
celles du premier volume que je vous ai
envoyées dans le tems et qui méritent
assurément une place dans vos Recueils.
Elles m'ont été accordées avec la même
politesse et la même bonté que les précedentes.
Par surcroît d'agrément pour vous et
d'ornement pour ma Lettre , je vous envoye
un Dessein exact de la Médaille
que les Etats de la Province de Languedoc
viennent de faire frapper au sujet de
l'Histoire dont il s'agit ici . C'est un Monument
destiné à éterniser un autre Monument
digne par lui même de l'immortalité
, et qui célébrera aussi l'Amour de
la Patrie et la magnificence de Messieurs
des Etats dans la Composition de cette
Histoire.
On voit d'un côté sur cette Médaille
le Portrait du Roy avec la Legende ordinaire
et sur le revers la Muse de ,
POST
FATA
SU
ERIT
COM- OCCIT.
1734.
l'HisFEVRIER
. 1734 307
P'Histoire , assise , et dans une attitude
noble , tenant d'une main la Plume , et
de l'autre un Livre ouvert , un Volume
fermé est couché à ses pieds ; avec cette
Inscription . ERIT POST FATA SUPERSTES :
et dans l'Exergue COM. OCCIT . MDCCXXXIV.
Je suis Monsieur , & c.
A Paris le to Janvier 1734.
On vend depuis peu chez Osmon , rue
S. Jacques , proche la Fontaine S. Severin
, et chez Clousier , dans la même rue,
aux Armes de France , un Livre intitulé
Pensées Critiques sur les Mathematiques , où
l'on propose plusieurs Préjugez contre ces
Sciences, à dessein d'en ébranler la certitude,
et de prouver qu'elles ont peu contribué à la
perfection des Beaux Arts . Par M. Cartand.
Volume in 12.
L'Auteur a mis à la tête de cet Ouvrage
un long Discours , dans lequel
on trouve des Réfléxions neuves sur
le culte des Payens , sur
sur l'Astrologie
et sur la Magie . Après ce discours préliminaire
l'on propose sept Préjugez contre
les Mathématiques.
M. Cartaud fait voir dans le premier
que les Mathématiciens ne peuvent arriver
à la haute certitude sans avoir auparavant
308 MERCURE DE FRANCE
ravant établi des principes certains dans
la Métaphysique , puisque la seule hypothese
d'un Dieu trompeurferoit de cette
Geométrie un Pays de soupçons et d'incertitude
; il faut , dit- il , entrer aussi
dans l'examen de la nature de l'ame , et
des idées , pour nous assurer que nous
n'avons aucune erreur à craindre de ce
côté- là. Car enfin , ajoute t-il , il est important
pour les Géometres de démontrer
la spiritualité de l'ame , puisque
bien qu'elle fût une matiere très subtile;
elle ne le seroit jamais assez pour atteindre
aux objets insensibles de la haute Géométrie.
Le second Prejugé est une Compila
tion des autoritez de ceux qui ont mis
en problême la verité des Mathématiques ,
tels que sont Mrs Bayle , Huet , Gassendi
, la Mothe le Vayer , la Placette
Agrippa , Joseph Scaliger , le Chevalier
Meré , les deux Pics de la Mirandole ,
Pascal , Descartes , Couti , le Clerc , & c.
L'Auteur prouve ensuite par plusieurs
raisonnemens que les doutes de tous ces
Grands hommes, devroient rendre les
Geométres moins décisifs.
L'Auteur raporte dans le troisiéme
Préjugé le témoignage de plusieursGrands
Geométres , qui avoient que les Mathé
matiFEVRIER.
1734. 309
matiques sont remplies de profondeurs ,
et d'obscuritez qu'on ne peut percer. Il
fait voir à la fin de ce même préjugé
que la Geométrie la plus élementaire
demande qu'on entre dans l'Analyse des
infiniment petits , ce qui fait naître indispensablement
les discussions sur l'Infini
, qui est , selon nôtre Auteur , une
source inépuisable de ténébres et d'incer
titudes.
On fait voir dans le quatriéme préju
gé que les Mathématiciens ne sont pas
plus unanimes que les autres Scavans , et
pour le prouver, on raporte les disputes
qui s'éleverent dans l'Académie des Sciences
au sujet des nouvelles méthodes de
l'Infini. L'Auteur fait aussi mention de
quelques. légeres diversitez de sentiment ,
qui diviserent il y a quelque tems M. de
Fontenelle et le P. Castel. On n'a pas
oublié Hobbes , le Jesuite Mancanus , ni
Vossius , qui se sont un peu écarté de la
route que tiennent les Geométres ; on
s'est également prévalu des incertitudes
de M. Leibnitz , qui sembloit s'être relâché
jusqu'au point de réduire les Infinis
de différens ordres à n'être que des
incommensurables au Globe de la Terre,
ou ce Globe à un Globe dont le rayon
seroit la distance du Soleil à Sirius ; ce
qui
310 MERCURE DE FRANCE
qui ruineroit l'exactitude Geométrique
des calculs . L'on a ajouté à toutes ces
contrarietez le peu d'unanimité qui se
trouve entre ceux qui déterminent la
distance des Globes celestes , et qui prétendent
trouver au juste la grandeur de
leur rayon . Enfin l'on fait voir que les
Mathématiciens sont le plus souvent aux
prises , et qu'ils ne partent pas toujours
des mêmes principes.
L'Auteur des Pensées critiques se propose
de prouver dans le cinquième préjugé
que l'objet des Mathématiques est
obscur. Voici ce qu'il dit sur ce sujet .
Les Mathématiques ont pour objet où
la grandeur en general , ou l'étendue ,
ou les nombres , ou le mouvement , ou
le tems.
Nous ignorons quelle est la nature de
la grandeur en general . Premierement
il est certain qu'elle n'est pas un être : en
second lieu , si elle étoit un néant , comment
pourroit- elle être l'objet des Mathématiques
?Troisiémement on auroit tore
de dire que les Algebristes prennent pour
objet deleur science la grandeur en general
en ce sens , que toutes leurs opérations
peuvent également avoir lieu en
Geometrie et en Aritmetique , puisqu'il
est très-certain que les nombres et l'étenduë
A
FEVRIER. 1734. 311
due ont des proprietez tout- à - fait differentes
. 2° . Les notions que nous avons
de l'étenduë sont très- incertaines , puisque
nous ignorons si elle est divisible à
l'infini , ou si elle est composée d'indivisibles
, si ces indivisibles sont étendus
ou inétendus . Cependant , ajoute notre
Auteur ; on ne peut s'assurer d'aucunes
conséquences Geométriques , jusqu'à - ce
que les Physiciens ayent vuidé leurs différends
sur ce sujet , puisque les conclusions
que l'on tire de ces divers systêmes
sont aussi opposées entr'elles , que la supposition
des indivisibles l'est de celle de
la divisibilité inépuisable. Ainsi , puisque
les principes sont arbitraires , les conséquences
doivent l'être aussi . 3 °. Notre
Auteur après avoir dit qu'il est souvent
inutile et même dangereux de trop rafiner
sur les premiers principes , ajoute ,
pour faire voir que les premieres notions
même ne sont pas exemptes d'obscurité,
lorsqu'on donne un plein essor à son
esprit ; l'idée qu'on a de l'unité n'est pas
fixée sur la perception d'un être simple ,
parce qu'on ne sçait qu'un objet est simple
qu'autant qu'on le confronte avec
l'idée qu'on a de l'unité . Ainsi l'idée
qu'on a de l'unité précede la perception
de l'être qui est simple. Mais si la per-
сер-
312 MERCURE DE FRANCE .
ception de l'être qui est simple est postérieure
à l'idée qu'on a de l'unité , il faut
donc que l'unité soit quelque chose de
réel , et qu'elle subsiste indépendament
de tout sujet. Voilà donc le triomphe des
Pitagoriciens quelle sera la nature de
l'unité?L'on fait voir ensuite que les fractions
seules suffisent pour rendre la notion
de l'unité douteuse et équivoque.
L'on parcourt ainsi toutes les autres
grandeurs , er on prouve que
les notions
que nous en avons doivent nous paroître
incertaines .
L'Auteur fait voir dans le sixième préjugé
qu'en supposant une fois le principe
des indivisibles , qu'il n'est pas bien
aisé de combattre , il faut jetter les fondemens
d'une nouvelle Geométrie . Pour
cet effet il choisit plusieurs propositions
qui concernent lesLignes , les Plans et les
Solides , et démontre qu'elles sont des
Paralogismes hors la divisibilité inépuisable
, qui ne paroît pas à notre Auteur
être établie sur des principes assez certains
pour servir de fondement à des
conséquences infaillibles.
On propose un septiéme préjugé , où
l'on prétend prouver que les Mathématiques
ont peu contribué à la perfection
des Beaux Arts , toutes les réfléxions que
notre
FEVRIER, 1734. 313
ture ,
>
notre Auteur emploie dans ce préjugé ,
peuvent se réduire à celle- ci ,
L'Architecture civile et militaire , la
Marine,l'Astronomie , les Méchaniques
la Cosmographie , la Peinture , la Sculpet
tous les Beaux Arts ont atteint
à un très-haut degré de perfection dans
des tems auxquels on n'avoit point les
méthodes de résoudre les problêmes , et
où les connoisseurs Geométriques se bornoient
à quelques propositions élementaires
d'un usage très- peu fécond. En second
lieu les Sciences qui ont emprunté
le secours des Mathématiques ne sont
jamais arrivées à une parfaite précision :
l'on pourroit même dire que l'Astronomie
est incertaine en ce qu'elle a de
commun avec les Mathématiques , puisque
malgré toutes les regles de la Trigonometrie
on n'a pû réussir à assigner la
vraie distance des Astres , ni déterminer
la grandeur de leur diamétre , et que
malgré toutes les observations des Geométres
de notre siècle et du siécie dernier
, on n'en connoît pas mieux la figure
du Globe de la terre.
EX314
MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de M. D. D.
dans laquelle il est parlé d'un Ouvrage
Historique , nouveau.
V
Ous n'êtes pas bien informé au sujet
de l'Ouvrage dont vous me parlez ;
vous en jugerez par ma Réponse. Voici
d'abord le titre de quatre des premiers
volumes qui viennent de paroître.
HISTOIRE des Empires et des Republiques
, depuis le Déluge jusqu'à J. C. où
l'on voit dans celle d'Egypte et d'Asie , la
liaison de l'Histoire Sainte avec la , Profane
; et dans celle de la Grece , le rapport
de la Fable avec l'Histoire . A Paris, chez
Simart , au Dauphin , ruë S. Jacques ; et
surle Quai des Augustins, chez Jean Roüan,
à la Colonne d'Hercule.
L'Auteur déclare dans son Discours
Préliminaire que c'est l'Histoire ancienne
de M. Rollin, qui lui a fait naître la pensée
de l'Ouvrage qu'il donne au public ;
et il a cru que ce même empressement
avec lequel on a lû ce que ce judicieux
Ecrivain en a donné , feroit recevoir avec
plaisir ce sujet traité dans son entier ;
d'autant plus que c'est icy un Plan nouveau
; et voici les differences de l'une à
l'autre.
1° . L'Histoire ancienne ne commence à
E3-
FEVRIER 1731- 315
entrer dans quelque détail que vers le
cinq ou sixième siècle avant J. C. et celle
des Empires remonte jusqu'aux temps
voisins du Déluge , dans l'origine des
premieres peuplades.
2º. Celle - là mêle toutes les Histoires
ensemble ; traitant alternativement de
l'Egypte , de l'Asie , de la Grece , ou de
la Thrace ; et celle- cy prend chaque Histoire
en particulier , dont elle fait voir
par la suite d'un même discours , l'origine
, les progrès et la décadence.
3. On ne s'est point attaché à donner
dans la premiere une succession suivie
des Rois qui ont occupé les Thrônes de
l'Egypte et de la Grece . Dans la seconde
on trouve une suite des uns et des autres,
jusqu'au temps d'Abraham , avec l'Histoire
de leurs Regnes.
4. M. Rollin n'a point voulu donner
de Chronologie , sur l'antiquité. L'Auteur
de l'Histoire des Empires l'a recueillie
de Jules Affricain , d'Eusebe et de
Syncelle ; et il donne tant pour l'Egypte
que pour la Grece et l'Asie , les preuves
de son systême .
5. La liaison de l'Histoire Sainte avec
la Profane , lui fait encore un objet particulier.
L'Historique du Pentateuque
des Livres des Rois et des Prophetes ne
souf
316 MERCURE DE FRANCE
souffre de si grandes difficultez que
parce qu'on ne sçait pas les Histoires
Etrangeres , qui y ont rapport. Icy l'on
s'est appliqué à joindre l'un avec l'autre ;
et le second volume est tout entier pour
lever ces obscuritez .
6. Dans l'Histoire ancienne on a passé
tout ce qui regarde la Fable; et cette matiere
a paru importante et curieuse à l'Auteur
de l'Histoire des Empires. Il donne la
Fable pour ce qu'elle est ; c'est - à -dire ,
qu'il la laisse quelquefois Fable, quoique
le plus souvent et presque par tout il la
ramené à la verité de l'Histoire , faisant
voir que ce que les Poëtes en ont dit , se
trouve conforme aux plus anciens Monumens
de l'Antiquité ; et en particulier ,
aux Apologistes de la Religion chrétienne.
Il remonte jusqu'à l'origine de la Mytologie
; Acmon , Urane , Saturne , Jupiter
, dont il fixe les siècles , avant la vocation
d'Abraham , et montre qu'on ne
peut , sans une singularité téméraire , accuser
leurs Histoires de faits controuvez.
On peut dire que cet Ouvrage sert de
Préliminaire à la lecture de nos Livres
Saints , à celle des Apologistes , des Poëtes
, des anciens Historiens , et de l'Histoire
Ecclésiastique , où il finira , après
avoir
FEVRIER. 1734 317
avoir éclairci tous les siècles qui l'ont
précédée. On vend aussi avec le Livre ,
ou séparément , deux grandes Cartes
Chronologiques , qui montrent la concurrence
de toutes les Histoires , siécle
par siecle , depuis la création jusqu'à J.C.
Il paroît une Brochure de 60 pag . qui
peut avoir son utilité , sous le Titre de
TARIF des Marchands Frippiers , Tailleurs
, Couturiers , &c . dans laquelle on
trouve plusieurs Tarifs , propres à sçavoir
combien il faut d'une telle Etoffe ,de telle
largeur qu'elle soit , pour faire tel vétement
, ou tel autre ouvrage qu'on voudra
. On y trouve aussi la différence des
Aûnes de chaque Pays, exprimée en pouces
, d'une nouvelle maniere , pour trouver
commodément de combien une Etoffe
est plus large que l'autre , ainsi que la
longueur des Aûnes. On y trouve enfin
les noms des différentes Manufactures , et
la largeur en Pouces des Eroffes qu'on y
fabrique , avec un petit Abrégé des quatre
principales Opérations de l'Arithmé-.
tique . Par M. Roslin , Expert Ecrivain
Juré,&c. A Paris , chez Antoine de Heuqueville,
pere , Libraire , Quai des Augustins
, à la Paix.
F PRO318
MERCURE DE FRANCE
PROJET d'un Supplément à la Collection
des Conciles du PERE LABBE , qui doit
s'imprimer incessamment , à Paris , chez Briasson
, Libraire , rue S, Jacques , à la Science ; et
à Geneve , chez Fabri et Barrillot.
Plusieurs Sçavans se sont appliquez à donner
des Collections de Conciles ; mais malgré leurs
soins , ils n'ont pû tout découvrir. C'est en profitant
du travail de chaque Compilateur , que le
dernier a donné la plus ample Collection . Merlin
se chargea le premier d'une entreprise si impor
-tante ; Crabbe vint après et augmenta le Recueil
de son Prédecesseur , et Crabbe fut suivi par Surius
, qui fit de nouvelles découvertes. Celui- cy
fut ensuite surpassé par Binius ; mais le P. Labbe
effaça tous ces Compilateurs , en donnant en
1671. la plus ample de toutes les collections.
Outre ses recherches particulieres , il se servit
utilement de quelques Ecrivains , tels qu’Uchelli ,
Marca , &c. qui avoient inseré des Conciles dans
leurs Ouvrages.
Depuis 1671. quelques Auteurs , comme Cotelier
, Bollandus , &c . ont publié des Monumens
Ecclesiastiques , et parmi ceux- là , les Actes de
divers Conciles. D'autres ont mis au jour des
collections de Conciles ; Baluze , outre le recueil
des Conciles de la Gaule Narbonnoise , publié
en 1668. a imprimé en 1683. un premier Tome
d'une nouvelle Collection des Conciles avec des
notes , et en a inseré quelques - uns dans ses Miscellanées.
Le Cardinal d'Aguirre a publié la Collection
la plus ample et la plus curieuse des Conciles
d'Espagne. Le P. Bessin a recueilli ceux de
la Province de Normandie. Avec tant de secours
il a été facile au P. Hardoüin de donner une plus
ample Edition des Conciles ; il l'auroit renduë
plus
FEVRIER 1734. 319
plus parfaite, si , aux Conciles qui lui ont été envoyez
de differents endroits de l'Europe , et à
ceux qu'il a extraits de ces sçavans Compilateurs,
il avoit pris la peine de joindre les Conciles inserez
dans divers Auteurs Ecclesiastiques ; en
quoi il eût imité le docte P. Labbe.
Enfin , M. Coleti vient de publier à Venise la
plus ample de toutes les Collections de Conciles.
Il a adopté avec raison celle du P. Labbe ,
ajoûté les Conciles publiez par le P. Hardouin
et profité des recherches particulieres de ce fameux
Ecrivain. Il a aussi recueilli les Conciles
et les Statuts Synodaux que le P. Martene et
quelques autres Sçavans ont insérez dans leurs
vastes Collections de Pieces.
Malgré toutes ces recherches , je puis assurer
qu'on peut faire de nouvelles Additions. J'ai ramassé
un nombre considerable de Conciles et
de Synodes , ou inconnus jusqu'à présent , ou
non encore imprimez , ou qui jusqu'ici n'ont
point été inserez dans les Collections de Conciles
. A l'égard des Synodes , je ne donnerai aucun
de ceux qui ont paru depuis l'an 130. conformément
au Projet du P. Labbe.
Ces Additions considerables m'ont déterminé
à publier un Supplement ; et comme l'Edition
des Conciles du P. Labbe est la plus répanduë ,
je me suis proposé de recueillir tous les Conciles
publiez par le P. Hardouin et par M. Coleti , et
de les joindre à ceux que j'ai moi- même décou
verts. Tous ces Actes seront accompagnez de
Notes pour l'intelligence du Texte , et même de
Variantes, tirées des Manuscrits et des Imprimez.
Ces divers morceaux composeront la premiere
Partie de ce Supplément. Il y aura une Table
exacte des Matieres qui y seront contenuës.
Fij Mais
320 MERCURE DE FRANCE
Mais j'aurois crû ne donner qu'un Supplement
impartait à la Collection des Conciles du P.Labbe
, si je m'étois borné à ce Recueil. J'ai done
cherché à le rendre plus utile , en rectifiant et en
réformant la Collection entiere. Pour cela , sans
prétendre m'ériger en Censcur de tous les Compilateurs
de Conciles , je me suis attaché à épurer
le Texte , à revoir et corriger plusieurs endroits
des Versions , à suppléer à ceux qui étoient
omis et qui se trouvent dans les Manuscrits ou
dans les premieres Editions ; enfin à rétablir cer-,
tains termes ausquels on en a substitué d'étran
gers. J'ai collationné à ce sujet les Imprimez avec
ce que j'ai pu voir de Manuscrits. J'ai même
étendu mes soins jusqu'à corriger les fautes d'impression
, qui , comme on sçait , rendent souvent
le sens inintelligible. C'est par ces seuls moyens.
qu'on peut trouver la véritable leçon des Textes
et rendre utiles les Pieces qu'on donne au Public.
Outre ce pénible travail , j'ai composé des Notes
sur les endroits difficiles. La plupart des Col
lecteurs en ont promis ; celles du P. Labbe n'ont
point vu le jour , quoiqu'il y renvoye le Lecteur.
Le P. Sirmond , qui étoit plus en état que
personne de faire des Notes , en a mis d'excelÎentes
dans son Recueil des Conciles de France.
Le P. Labbe et le P. Hardouin les ont transportées
dans leurs Collections.On trouve très- peu de
Notes dans les autres Compilateurs de Conciles
et de Synodes. Le P. Hardouin , convaincu de la
nécessité de faire des remarques , a crú y pouvoir
suppléer par une Table fort ample et fort détaillée
des Matieres contenuës dans sa Collection ; mais
cette Table n'a servi qu'à faire regretter les Notes ..
Ce que je me propose principalement d'éclaircir.
regarde le temps et le Lieu où les Conciles ont
été
FEVRIER . 1734. 321
été assemblez ; ce qui y a donné occasion et les
difficu tez qu'on rencontre dans les Canons et
qui ont exercé la critique des gens habiles . J'ai
profité de leur travail , et j'y ai joint mes remarques
pariculieres.
Pour applanir, autant qu'il est possible , toutes
sortes de difficultez , j'ai fait une Liste alphabe
tique de certains mots inconnus , barbares ét
obscurs , qui sont dans les Actes et dans les Pieces
originales des Conciles , j'indique les pages
des differentes Collections où ils se trouvent ; etje
fixe le sens de la plupart dans l'explication que
je donne ou que je tire des Dissertations des Sçavans.
Les premiers Editeurs ont eu soin de marquer
dans des Préfaces ou à la marge , les Archives et
les Bibliotheques d'où ils avoient tiré les Actes
qu'ils donnoient au Public . Ils en assuroient parlà
l'autenticité , et mettoient le Lecteur en état
de consulter les sources où ils avoient puisé ,
mais cette attention si nécessaire a été négligée
par leurs Successeurs ; ainsi pour réparer cette
omission , j'ai composé une Liste de tous les
Conciles inserez dans les diverses Collections , à
laquelle j'ai joint le nom des Bibliotheques d'ou
ils ont été tirez.
Cet amas de Corrections , de Variantes , de
Notes et de Catalogues , formera la seconde Partie
de ce Supplément . Quoiqu'en la composant
j'aye eu principalement en vue la collection.du
P. Labbe , et que pour cela j'aye rangé toutes
ces differentes Remarques suivant l'ordre des
Tomes et des pages de la Collection de ce sçavant
Jesuite ; cependant pour rendre mon Supplément
atile à ceux qui ont toute autre Collection , comme
celle de Crabbe , de Surius , de Nicolini , de
Fiij Binhos
322 MERCURE DE FRANCE
Binius , du P. Hardouin , &c . j'ai également eu
soin d'indiquer les pages de ces divers Recueils ,
où se trouve chaque Concile , auquel par conséquent
doivent se rapporter les Notes , corrections
et les Variantes. Je me ferai un plaisir de
profiter des lumieres que les Sçavans voudront
bien me communiquer , et qu'ils auront la bonté
d'envoyer aux Libraires qui se chargent d'imprimer
ce Supplement.
Je dois avertir que pour ne pas faire acheter
de nouveau les Collections particulieres imprimées
en France , les Libraires s'abtiendront d'idserer
dans ce Supplément le Volume publié par
M. Baluze , sous le titre de : Nova Collectio Coneiliorum.
Si cependant les Sçavans sont d'un autre
avis , ces Libraires s'y conformeront.
On imprimera ce Supplément de même forme ,
grandeur et caractere que les Conciles du F. Labbe,
et on n'en tirera qu'un petit nombre d'Exemplaires,
sur le prix desquels on accordera un benefice à ceux
qui en retiendront par avance.
On n'en imprimera aucun en grand Papier , qua
pour ceux qui les demanderont.
LES DONS DES ENFANS DE LATONE ,
la Musique et la Chasse du Cerf, Poëmes
dédiez au Roy. A Paris , Quay de Gêvres
, ruë S. Jean de Beauvais , et Quay
des Augustins , chez Prault , Desaint , et
Guerin , 1734. in 8. de 330. pages , sans
l'Epitre et la Préface , et sans les Tons
de Chasse et Fanfares , à une et deux
Trompes , dont la Lettre et la Musique
sont gravées en 32. pages.
Epitre
FEVRIER 1734- 323
L'Epître au Roy commence ainsi .
Digne présent des Dieux , doux fruit de leur
Largesse ,
Grand Roy , dont la bonté , la grace , la Sa
gesse ,
Enchantent des François les regards et le coeur,
Pendant que ton nom vole et seme la terreur ,
Avant d'entrer au Char que t'aprête Bellone ,
Reçoi les dons flatteurs des Enfans de Latone,
Mais que ne dois- tu pas au zele d'Apollon ?
Est-il quelque détour dans le sacré Vallon,
Où de ses feux féconds la lumineuse trace ,
N'ait ouvert à tes yeux les trésors du Parnasse ›
Un guide que ce Dieu lui même t'a donné , -
Dans le champ des Beaux Arts longtemps t'a
promené ;
Il porta devant toi ce flambeau qui t'éclaire ,
Ta sagesse est son bien, ta gloire est son salaire.
Sans doute dans le cours de ses doctes leçons
Il ne fit point entrer la science des sons.
Phoebus se reservoit le droit de t'en instruire :
Ecoute les accents que vient t'offrir sa Lyre ;
D'une Muse empressée il soutient les efforts ,
Pour t'annoncer les Loix de ses divins accords.
Le premier Poëme est celui d'Apollon
ou de l'origine des Spectacles en Musi-
Fiiij que,
324
MERCURE DE FRANCE
que rien n'est plus ingenieux et mieux
conduit que la Fable dont l'Auteur s'est
servi pour établir les principes de la
Musique , la création successive de divers
Instrumens , quelques regles de la
composition ; et pour parvenir enfin à
l'établissement des Opéras , il a sçu mettre
en action tous les Dieux , dont Apollon
est le Héros, et dans une matiere qui
sembloit ne devoir étre que Didactique
il y met un mouvement si interessant
avec tant de clarté et rempli de tant
d'images agréables , qu'on ne s'apperçoit
plus qu'on s'instruit d'un art difficile.
Dans le premier Chant après avoir établi
les trois dons ; de voir , de parler et
d'entendre , accordez à l'homme par la
nature, dont on fait une description aussi
noble que singuliere , l'Auteur suppose
qu'Apollon déguisé en Berger d'Admete
trouvant les Bergers de l'Amphrise attroupez
pour entendre le concert des
Oyseaux , et se plaignant des Dieux d'avoir
refusé à l'homme un talent si merveilleux
, leur reproche leur injustice ,
et leur apprend que le don de la voix a
été accordé aux hommes d'une maniere
infiniment supérieure aux chants des Oiseaux
, qu'il ne leur manque que la connoissance
d'un art inventé pour les Dieux
СЕ
FEVRIER. 1734- 3.25
et dont il offre de leur faire part .
On ne sera pas fâché de voir ici comment
s'exprime l'Auteur dans les premieres
pages de son premier Chant .
"
L'air dans un sein fecond est à peine reçû ,
Que le son aussitôt repoussé que conçû ,
D'un flexible gosier s'ouvrant la trace humide
Se fait entendre du gré ûu souffle qui le guide ;
Des muscles , des tendons au passage attachez
En bordent les contours plus ou moins relâchez ;
S'ils se serrent , le son avec éclat s'élance ;
S'ils s'ouvrent , il grossit : de cette différence ,
Du grave ou de l'aigu nait le genre opposé ;
Entr'eux se forme encore un ordre composé ,
Dont les accens suivis , s'élevent ou descendent ;
Se détachent par bonds , voltigent , ou s'étendent
.
Pour l'homme c'étoit peu de parler et de voir ,
Si de s'oüir soi - même il n'eût eu le pouvoir :
Trois osselets legers que cet étuy renferme, ( a )
L'un par l'autre frappez , trouvent un nerfpour
terme.
Si-tôt que pénétrant ces tortueux détours ,
La voix jusques au fond a prolongé son cours ,
Du même mouvement dont elle fût poussée
Elle heurte des os la suite compassée.
か
(( a ); Latête,.
F * Le
326 MERCURE DE FRANCE
"Le premier sous la forme et le nom d'un mar,
1
teau ,
N'est pas plutôt frappé d'un froissement ˝nouvcau
,
Qu'il le rend à l'instant dans le même volume ,
Au second qui le suit et qui lui sert d'enclume.
Cette enclume à son tour fait frémir son sou
tien :
Là le nerf attaché par un leger lien ,
De cette impulsion sentant la violence ,
Du son dans le cerveau porte la connoissance ;
Qui tel qu'en une voute ou d'yvoire ou d'airain
,
Retentit et des voix forme l'écho certain.
Dans quarante Vers l'Auteur fait ensuite
un précis des principaux Elemens
de la Musique ; il les borne cependant
à la seule connoissance des modes naturels
, leur cache les transpositions par les
diezes et par les B. mols , et toutes les
fausses dissonances dont la sensibilité luf
paroît dangereuse , et pourroit troo
amollir: il dit :
Les Dieux seuls à leur gré vertueux , invincibles ,
Se reservent pour eux ces délices sensibles, &c.
C'est cette réserve qui fait le noud
du Poëme ; après les avoir suffisamment
instruits Apollon se fait connoître et
paroît
FEVRIER. 1734 327.
paroît aux Bergers revêtu de son éclat.
Ce Chant a du coûter à l'Auteur pour
rendre avec netteté les Elemens de la
Musique aussi est-ce le seul où on
trouve plus de didactique ; les trois
autres Chants sont en action , et
ne représentent que des images amusantes.
>
SECOND CHANT.
Les Bergers reconnoissans des bienfaits
d'Apollon , ne s'occupent plus qu'à
mettre en pratique leurs nouvelles connoissances
; Minerve devient jalouse du
culte rendu à Apollon , et , pour attirer
au sien les Bergers , elle imagine de former
un instrument des rozeaux qui se
trouvent sous sa main ; elle donne les
commencemens de la Flute à bec ; mais
elle s'apperçoit bien - tôt que les traits
de son visage en sont alterez .
Elle en rougit de honte , et quittant le rivage ,
Abandonne aux mortels le fruit de son ouvrage.
Pan l'apperçoit, en étudie les positions,
les découvre , et en fait usage avec succès
; en voicy la description.
Le Canal qui le perce , également concave ,
Sous l'empire des mains , y tient le son'esclave ;
F vj Sc
328 MERCURE DE FRANCE
Sa tête s’extenuë , en courbe finissant ;
L'autre bout évasé , Louvre en s'arrondiss ant ;
· Ses trous , daps un long ordre, arrangez par me-
..sure ,
Divisent de ce corps l'harmonique figure ;
Le premier plus ouvert , des autres détaché ,
Rend tout l'air qu'il reçoit et n'est jamais bouché.
Cette description finit par l'effet qu'elle
produit dans les Campagnes .
Il module avec art une chanson nouvelle ;
Non content de l'apprendre aux Echos des For
rêts ,
Il en veut dans les Champs étaler les attraits ;
A l'éclat de ses sons , les timides Bergeres ,
Les Faunes , les Sylvains , et les Nimphes légeres
Volent autour de lui , le suivent en tous lieux
Et forment , en dansant , un cercle gracieux.
L'Email , de mille fleurs , sous leurs pas se déploye
,
Et la terre paroît en tressaillir de joye..
Apollon devient jaloux à son tour de
Minerve , et pour la surpasser il invente
la Lyre ou le Violon toutes les parties:
en sont exprimées avec bien de la netteté
et de la précision . Le Lecteur en va juger.
DonFEVRIER.
1734 329
Donnons la voix aux Nerfs , et que le Bois
resonne.
T Ildit : Et le Laurier qu'un nouvel art façonne
D'un Instrument nouveau , prend la forme soudain
,
Deux Tables de ce bois , qu'a refendu sa main .
Répondent l'une à l'autre , et leur mesure égale,
A la vue , offriroit l'image d'un ovale ,
Si le trait transversal de deux cintres rentrans ,
De son juste milieu , ne recourboit les flancs,
Quatre Nerfs que Latone elle-même a filez ;
Inégaux en grosseur , par dégré redoublez ,
se roulent sur leurs Clefs , dociles à s'étendre ,
Et prompts à se prêter aux sons qu'ils doivent :
rendre.
Un Archet manque encor qu'il naisse du Lau
rier ,
Die Phoebus ; que Pégaze accoure y déployer ,.
Be son col argenté , l'étincelante Soye.
Icy on voit une brillante image de tous
les Dieux descendus du Ciel, pour enten →
dre jouer Apollon ; l'Amour s'en approche
de plus près , et le
de lui appresse
prendre et la Musique et l'Art de jouer
du Violon . Cette peinture est trop charmante
pour n'en pas mettre icy quelques.
raits.
330 MERCURE DE FRANCE
Sous un nuage épais , le Tiran de Cithere ,
L'Amour dormoit panché sur le sein de sa înere,
A ce bruit il s'éveille , et dessillant ses yeux ,
Va porter de plus près ses regards curieux.
Phoebus impatient , souffre à regret sa vuë ,
Il connoît d'un enfant , la main peu retenuë ;'
Il le fuit , mais en vain ; l'Amour pose cent
fois ,
Sur les Nerfs résonnans , ses téméraires doigts ;
Il interrompt le cours des divines cadences ,
L'accable imprudemment d'importunes instances
.
&c.
Phébus lui refuse les secrets de son Art,
et lui parle en ces termes :
La Lyre , répond-t - il, n'est point faite à Pusage
,
D'un Dieu , qui des humains , amollit le courage
;.
Elle ne doit servir qu'à chanter les Héros ,
Vainqueurs de la mollesse , ennemis du repos ,
Dont les noms sont gravez au Temple de mémoire
,
Ou , qu'à chanter des Dieux , les bienfaits et la
gloire .
Comme Apollon joüant devant les
Dieux, n'avoit rien caché de tous les mys
teres de son Art, qu'il avoit jusques-là jugé
FEVRIER 1734. 331
gé à propos de celer aux Mortels , l'Amour
se taît , et s'applique à en décou
vrir toute la finesse ; il apprend toutes les
transpositions par les Dièses et par les B
mols , et toutes les Dissonnances. Apollon
ne s'en apperçoit point ; les Dieux se
séparent , et l'Amour chargé de son nou
veau larcin , se prépare à s'en servir pour
augmenter ses conquêtes.
TROISIEME CHANT.
L'Amour va trouver Pan dans l'Arcadie,
il l'instruit de tous ses secrets , lui
apprend le different usage qu'on doit faire
des Dièzes et des B mols , pour remuer
, étonner ou amollir les coeurs des
Mortels , selon les passions différentes
qu'on leur veut inspirer.Leur union produit
bien- tôt un effet surprenant; tout cede
,tout se rend auxChansons amoureuses.
Minerve reparoît et indignée de la corruption
générale que font dans la Grece
les Chants effeminez de Pan et de l'Amour
, elle va trouver Apollon , lui expose
l'abus qu'on fait de son Art ; ils concertent
les moyens d'y remédier. Apollon
invente la Trompette , et la fait emboucher
par Bellone.
Bellonne vient , l'embouche , et court de toutes
parts
Ras
332 MERCURE DE FRANCE
Rassembler sur ses pas tous les peuples épars.
Tout céde aux sentimens que la Déesse inspire
Il n'est plus de Mortel qui d'un fatal dêlire ,
Par de cuisans remords , reconnoissant l'erreur
Ne brûle de donner des marques de valeur.
:
Tout est changé , l'Amour ne reçoit plus de
Fêtes ,
Il voit évanouir ses nouvelles conquêtes ,
V
Ses Autels sont déserts , il part ; et furieux ,
Au deffaut des Mortels va corrompre les Dieux.
Les Syrenes , filles d'Achelaüs , sont les
seules qui s'obstinent à ne point renoncer
aux Chansons amoureuses.
QUATRIEME CHANT.
Minerve irritée de l'obstination des Syrenes,
résout de les corriger ou de les perdre
; elle prend le temps d'un jour qu'elles
se promenoient sur la Mer , dans un
Esquif, où se croyant seules , elles se livróient
au plaisir de chanter des Chansons
libres et prophanes. Sous ; la forme
d'une Matrône Minerve les aborde dans
un pareil Esquif, leur reproche leur indécence
; elle est bien- tôt l'objet de leur
mépris; elle soûrit ; et changeant de forme
, d'un coup de sa Lance elle renverse
- leux:
FEVRIER. 1734. 333
leur Esquif. Les Syrenes reparoissent encore
, mais c'est pour être des Monstres ,
avec la tête seule d'une femme ; elles se
précipitent de honte dans les Flots , où
après avoir parcouru l'immensité des
Mers pendant long temps , elles fixent.
leur course et s'arrêtent aux bords de l'orageux
Pélore ; depuis plusieurs siècles
elles y avoient perdu la voix , lorsqu'Appollon
prend pitié de leur malheur : leur
pardonne leurs impiétez , leur rend la voix ,
mais leur prescrit l'usage qu'il faut faire
des Chants et de la Musique .
Il pousse plus loin sa bienveillance , il
forme le dessein de se servir d'elles pour
l'établissement d'un Théatre Lyrique ,
soumis aux Loix de Melpomene ; il leur
ordonne d'apprendre l'art du Chant aux
Tritons et aux Naïades ; il charge Circé sa
fille , d'offrir sur les Eaux un Spectacle
magnifique , orné de machines et de décorations
, et mêlé de toutes sortes de
danses , de caracteres différents Circé
fait d'abord paroître pour le Prologue le
sacré Vallon ; ce Prologue est fait à l'honneur
d'Appollon ; il est suivi d'une nouvelle
décoration , qui représente le Palais
de Proserpine où l'on doit celebrer son
enlevement par Pluton .
On choisit ce sujet préférablement à un
antre
334 MERCURE DE FRANCE
tre pour flatter les peuples de Sicile , qui
d'abord en sont les spectateurs,parce que
les Poëtes ont feint que Proserpine avoit
été enlevée dans cette Isle. C'est là qu'on
voit un détail exact et ingénieux de toutes
les différentes parties qui composent
l'Opéra.
Les peuples de Sicile en paroissent peu
enchantés , ils prennent bien - tôt la résolution
d'imiter ce genre de Spectacles
et de le porter dans leurs Villes , c'est
en imitation de ce premier Opera , representé
sur les Eaux que les Italiens ont
inventé et établi ce Spectacle pompeux.
Dans la suite des temps Lully étant né
parmi eux en a apporté l'idée en France
et c'est par lui qu'on a vû triompher
ce nouveau Spectacle dont il est regardé
comme second inventeur.
L'Epître sur la Musique est la troisiéme
Edition d'un Ouvrage déja reçu du Public
avec un applaudissement general.
Le premier Chant contient l'Histoire
de la Musique en France depuis 80 ans
l'Eloge détaillé de tous les Operas de
Lully et de Quinaut , dont les descriptions
ont reçu de grands Eloges de tous
les connoisseurs et par les Journaux et
par les Mercures.
Le
FEVRIER 1734- 335
Le deuxième, après avoir donné quelques
préceptes sur la Poësie et la Musique
des Operas, entre dans le détail de
tous les Operas nouveaux qui ont été faits
depuis Lully et avec une grande impartialité
porte de justes decisions sur le mérite
de chaque ouvrage.
Le troisiéme Chant expose en quoi
consiste le mérite des Operas d'Italie ,
quelle est la nature de leur bonne Musique
, leurs beautez , leurs deffauts et le
nom des Maîtres qui y ont le plus
excellé.
Le quatrième Chant parle du nouveau
genre de Musique que nous avons goûté
et imité des Italiens depuis quelques
années ; sçavoir , les Sonnates , et les
Cantates , on nomme les Auteurs qui
ont le mieux réussi dans ce genre , et
l'Auteur finit en proposant de réunir les
deux gouts ensemble pour donner à l'Art
de la Musique toute la perfection qu'elle
peut trouver dans les graces Françoises
et dans la science Italienne.
On a imprimé à Leyde , chez C. Werherf,
une Dissertation curieuse et très- utile sur la
Friction. Par M. H. Loelhoessel , pour obtenir
le degré de Docteur en Medecine , &c 1732.
in 4. de 45. pages. On en peut voir un Extrait
dans le Journal des Sçavans de ce mois.
Jean
336 MERCURE DE FRANCE
Jean Alb. Tumermani , Libraire à Verone , débite
depuis peu aux Souscripteurs , le Traité du
Sublime de Longin , avec le Texte Grec et la
Traduction en Latin et en François , sur quatre
colomnes. 1733. in 4.
NOTA. L'Auteur de la Lettre inserée dans
le Mercure de Janvier , sur quelques particularitez
de la Vie de Topal - Osman , parle en passant
du Grand- Visit Aly Pacha , qui fit la conquête
de la Morée en 1715. Le Lecteur n'auroit
peut -être pas été fâché de sçavoir que ce Visir
étoit le celebre Ali Cumargi , Favori d'Achmet
II I. né fils d'un Charbonier , et qu'il parvint
à la dignité de G. Visir , dont il avoit disposé
plus d'une fois avant que d'oser s'en revê–
tir. Il en est parlé assez au long dans l'Histoire
de Charles XII par M. de Voltaire , et selon cet
Auteur , il fut tué à la Bataille de Petervaradin
1716 Son judicieux Critique , le Voyageur la
Motraye , témoin oculaire de la plupart des faits
qu'il rapporte , prétend que ce Visir périt nonseulement
en 1716 à Petervaradin , mais encore
en 1717. à Belgrade. Cette double Epoque est
echappée à M. de Voltaire . Voyez la Motraye ,
Tom . I. pages 340. ct 378.
RECEPTION de M M. de Moncrif
et Dupré de Saint Maur , à l'Académie
Françoise le 29. Décembre 1733 .
M
R de Moncrif commença son Discours
par exposer l'utilité et les avantages de
P'Académie Françoise , non - seulement pour la
perfection de la Langue, mais même pour le progrès
de l'esprit, » Fixer le sens veritable de cha
mqua
FEVRIER. 1734. 337
5 ) que mot ... faire connoître en quoi consistent
ces tours heureux d'où naissent et la force et
P'agrément du langage , n'est- ce pas , dit - il ,
guider l'esprit ? ... n'est - ce pas lui donner lieu
de s'étendre et de se perfectionner ? » L'Orateur
fit ensuite successivement l'Eloge de l'illustre
Fondateur de cette Académie le Cardinal de Richelieu
, celui de M. Seguier , de Louis XIV . de
M. de Caumartin , dont M. de Montcrif remplit
la place vacante, de M.le Cardinal de Fleury,
de M. le Maréchal de Villars , et M. le Comte
de Clermont. Qu'il nous soit permis de toucher
quelques traits de ces Eloges .
ກ
En parlant du Cardinal de Richelieu , » Ce
» Cardinal dont le génie également vaste et su-
» blime , fit sentir à toute l'Europe que pour por-
» ter la France au plus haut degré de splendeur ,
» il ne falloit que lui apprendre à se connoître; Armand
, dis - je , après avoir étendu les limites
» et multiplié les avantages interieurs de l'Etat ,
s'empressa d'y ajoûter ce Monument , qui de-
» voit en accroître la gloire ... Richelieu voulut
former un établissement , qui dès sa naissance
présentât toute son utilité , il fonda l'Académie
Françoise. L'effet répondit à son attente
; l'Ouvrage parut , il étoit perfectionné ...
» C'étoit le siecle des prodiges. Louis XIV . regnoit
... Tout devoit marquer l'ascendant de'
Louis XIV . devenu votre Protecteur , il sembla
» qu'il avoit applani les routes pénibles que les
59
3
so talents et la science avoient été forcez de suivre
>> jusqu'alors.
5
Après avoir fait l'éloge de M. de Caumartin ,
le nouvel Académicien ajoûta en parlant de PAcadémie
; il est des objets de notre admiration ,
qui bien loin de perdre à être examinez de près, ၁၁
>> neus
338 MERCURE DE FRANCE
1
nous frappent au contraire plus vivement et
s'embellissent à mesure qu'on peut les distinguer
et les connoître davantage. Le Prince *à qui
"J'ai l'honneur d'être attaché, me le fait éprou-
» ver tous les jours . Il semble par l'habitude de
l'approcher (et il est bien rare que de l'habitude
» naissent des sujets d'éloge ) il semble , dis je ,
soit que qu'en lui l'éclat du rang ne la récompense
des qualitez personnelles , & c,
20
Le Discours de M. Dupré de Saint Maur
eut aussi des traits d'une éloquence variée ,
vive et animée . Il exposa le progrès de la Langue
Françoise , par les soins et les travaux
des illustres Membres de cette Académie dès
le temps même de sa fondation , c'est-à- dire ,
sous l'illustre Cardinal de Richelieu. » Ce sublime
génie , dit- il , semblable à ces intelligences
qui président aux destins des Empires ,
et sous le Chancelier Seguier , qui acheva cer
établissement. L'Académicien fit ensuite l'Eloge
de son Prédecesseur M. l'Evêque de Langres.
Après avoir touché son illustre naissance et fait
appercevoir l'étendue de ses connoissances : » Des
talens si distinguez , ajouta - t'il , lui mériterent
» l'honneur de votre adoption , mais la douceur
» qu'il goûtoit dans vos Exercices , ne prévalut
point sur ses devoirs. L'Episcopat vous l'enleva
» et sa résidence dans son Diocèse , où il s'ense-
» velit jusqu'à la mort consomme son Eloge.
"
&
L'Orateur témoigna ensuite modestement qu'il
n'attribuoit point à sa Traduction du Poëme de
Milton , l'honneur qu'il avoit de remplacer l'il-
Justre Academicien dont il venoit de faire l'Eloge
mais plutôt au souvenir que l'Académie a cor❤
Son A. S. Monseigneur le Comte de Clermons.
servé
'
FEVRIER . 1734. 339
"
servé de feu M.de Valincourt, auquel il avoit été
uni par le sang. L'Eloge de Louis XIV . fut court
mais très- bien manié. » France , dit - il , ta splendeur
est l'ouvrage de cet auguste Monarque ;
»tu lui dois plus , tu lui dois un Prince dans le
quel tu vois revivre toutes ses vertus , son zele
pour la Religion , son amour pour la justice ,
» sa tendresse pour ses Peuples et cette prudence
consommée , qui dans l'âge des passions
» le rend aussi maître de lui-même , qu'impenetrable
dans ses secrets, Nous passons plusieurs
traits de cet Eloge , où l'Orateur , en parlant des
nouvelles conquêtes du Roy , invite l'Académie
à les publier. Continuez , Messieurs , dit- il en
finissant son Discours , de transmettre à la
posterité les louanges de ce grand Roy. Vous y
" joindrez celles d'un Ministre vertueux , modes.
» te , équitable , occupé du bien public , négli
"}
まる
gent sa propre grandeur , et qui dans le plus
» haut rang, n'a d'autres richesses en partage que
» la confiance de son Maître et la veneration des
hommes . Les sages principes par lesquels il
» se conduit , n'ont jamais varié , et les sentimens
qu'il a imprimez à notre jeune Monarque
" assurent notre felicité .
ן כ
M. de Boze, Directeur de l'Academie, répondit
aux deux nouveaux Académiciens par un Discours
où l'éloquence et la délicatesse se trouvent réunis.
Après avoir fait remarquer que quelque douleur
dont l'Académie soit penetrée en perdant
d'illustres Confreres , il y auroit de l'injustice à
ne cesser de s'y livrer , puisqu'après tout sans ces
révolutions l'Académie n'auroit pas eu l'avantage
de posseder depuis son établissement tout ce que
France a produit de plus distingué par l'éru
dition , le goût et la politesse , il fit l'éloge de
feu
340 MERCURE DE FRANCE
*
feu M. l'Evêque de Blois ; et en s'adressant ensuite-
à M. de Montcrif : » Achevez , dit - il , de le
remplacer par vos sentimens pour l'Académie...
et , si nous sommes en droit d'exiger quelque
chose de plus , par votre empressement à marquer
au Prince qui vous honore d'une protection
si distinguee , notre respect , notre reconnoissance
et notre admiration . Les Muses
seules sembloient le disputer aux Graces. Un
bruit de guerre se fait entendre et il vole à la
gloire. Objet d'étonnement pour le vulgaire ,
qui croit que la Gloire , les Graces et les Muses
sont autant de Rivales , jalouses de former
» séparément des Héros qui leur appartiennent
en propre , au lieu qu'elles y travaillent de
concert dans le sang de Condé , et que la Religion
même s'interesse au succès ...
»
20
Pour vous , M en s'adressant à M. de S.Maur,
digne heritier de l'esprit et de la tendresse d'un
Confrere dont le souvenir nous sera toujours
cher , ce n'est ni à ce titre - là que vous avez
sollicité nos suffrages , ni la premiere fois que
vous y avez cû part ; ce qui mena à l'Eloge de
feu M. P'Evêque de Langres. Il dit ensuite ;
Que ne devons- nous pas attendre de vous
après l'élégante Traduction que vous nous
avez donnée de ce Poëme ,
que l'Angleterre
met au- dessus d'Homere et de Virgile , et que
nous leur préfererions , comme elle, si nous ne
consultions que le choix , l'interêt et la grandeur
du Sujet.
*
Nous passons plusieurs autres Refléxions de ce
goût , resserrez par nos bornes , pour rapporter
* S. A. S. M. le Comte de Clermont.
Le Paradis per du de Milton .
un
FEVRIER. 1734. 341
Endroit qui termine le Discours. Après avoir
exposé le but de l'Académie Françoise dans ses
travaux et l'attentlon de la Posterité qu'elle se
propose de mériter , autant par la délicatesse du
Pinceau , que par l'importance et la majesté du
Sujet , l'illustre Académicien ajoûta : Nous
» avions à lui apprendre qu'il est des Peuples assez
heureux pour n'admettre aucune difference
entre le zele et le devoir ; entre l'amour de la
» Patrie et la gloire du Souverain , qu'il est des
Ministres sages et puissants , simples , affables
set tranquilles au milieu du mouvement qu'ils
" donnent à l'Univers entier , qu'il est des Rois
" magnanimes , qui sacrifient leurs plus grands
interêts au repos et à la tranquillité publique,
" et que rien n'arrête dès qu'il faut venger la
splendeur du Trône qu'on offense , ou se-
"courir des Alliez qu'on opprime , des Rois en-
" fin , qui ne veulent être couronnez par les
"mains de la Victoire , qu'après l'avoir été par
» celles de la Justice et de la Picté .
כ כ
PROGRAMME.
'Académie des Belles - Lettres de Marseille
Lavertit le Public que le 25. Août prochain
jour et Fête de S. Louis de cette année 1734.
elle adjugera le Prix fondé par M. le Maréchal
de Villars , son Protecteur , qui sera une Médaille
d'or de la valeur de 300. livres , portant
d'un côté le Buste , et de l'autre la devise de son
Protecteur , à un Discours en Prose d'un quart
d'heure , ou tout au plus d'une demie heure de
lecture , dont le Sujet sera : LES AVANTAGES
QUE LE MERITE PEUT TIRER DE L'ENVIE.
On adressera , comme de coûtume , les Ou-
Trages à M.de Chalamont de la Visclede, Secretai-
G
342 MERCURE DE FRANCE
re perpetuel de l'Académie des Belles - Lettres de
Marseille , rue de l'Evêché , à Marseille. On
affranchira les Paquets à la Poste , sans quoi ils
ne seront point retirez. Ils ne seront reçus que
jusqu'au premier May inclusivement. Les Auteurs
ne mettront point leur nom au bas de leurs
Ouvrages , mais une Sentence de l'Ecriture , des
Peres de l'Eglise , ou des Auteurs profanes.Onmarà
M. le Secretaire une adresse quera , à laquelle
il envoira son Récepissé .
On prie les Auteurs de prendre les mesures necessaires
pour n'être point connus jusqu'au jour
de la decision , et de ne point signer les Lettres
qu'ils pourront écrire à M.le Secretaire, ou à tout
autre Académicien ; et on les avertit que s'ils sont
connus par leur faute , ils seront exclus du
concours.
L'Auteur qui aura remporté le Prix , viendra le
recevoir dans la Sale de PAcadémie , le jour de
Ja Séance publique , s'il est à Marseille , et s'il
est absent , il envoira à une personne domiciliée
dans cette Ville , le Récepissé de M. le Secretaire,
moyennant lequel on remettra le Prix à cette
Personne,
SUITE de la Lettre sur le Systême du
Bureau Typographique , et sur l'Education
des Enfans , inserée dans le Mercure
du mois de Janvier.
MONSIE ONSIEUR
C'est une chose assez digne de remarque que
dans un siecle et dans un Pays qui sont devenus
par succession , le centre et le temps des Sciences
er
FEVRIER. 1734. 343
,
et des Arts , toutes les fois qu'il s'agit de discuter
quelques points et de l'examiner sérieusement
, il faille commencer par se récrier sur les
maux que causent les préjugez et la force tirannique
de l'habitude. Si vous demandez â la plupart
des peres et des meres les mieux intentionnez
pour l'éducation de leurs enfans , par quelle
raison ils les laissent si long - temps dans leur bas
âge entre les mains des femmes et des Maîtres du
commun et pourquoi après avoir négligé leurs
premieres études , ils croyent devoir rechercher
ensuite avec le dernier empressement, et même à
grands frais , sous le titre de Gouverneurs , les
plus habiles gens , pour qu'ils donnent à ces mêmes
enfans ce que l'on appelle l'usage du Monde
, et le goût des bonnes choses, ils ne vous diront
pas d'abor que ce soit par oeconomie et
peut- être ensuite par vanité , mais qu'ils suivent
en cela ce qui s'est pratiqué et ce que tout le
monde a coûtume de faire . Voila donc en ceci ,
comme en tout le reste , une mode , un usage , un
préjugé. Si j'entreprends de les combattre, je leur
trouverai peut-être encore de plus zelez Partisans
dans ces mêmes hommes justement employez
à reparer , quoique souvent sans fruit,
les défauts de la premiere éducation. Mais je
prie les uns et les autres de jetter les yeux sur la
maniere dont s'y prennent ceux qui cultivent les
Plantes et qui dressent avec succès les animaux . La
comparaison n'a rien que de très - juste et de trèsmaturel
. Je prétends qu'ils nous indiquent en
quelque façon la méthode qu'il faudroit suivre
pour les Enfans . Cette méthode est connue de
tout le monde ; je n'ai garde de l'exposer inutilement
ici. Tout ce que j'en conclus , c'est que si
pour bien dresser des Chevaux , élever des Singes,
Gij des
244 MERCURE DE FRANCE
des Perroquets , &c. il faut étudier leur tempé
rament et leurs dispositions , à plus forte raison
le faut-il des inclinations des enfans pour leur
former le goût , s'assurer de leur volonté , et les
mener , pour ainsi-dire , avec des lisieres invisibles
et toujours agréables à la pratique constante
de leurs petits devoirs . Or il est évident
que dans
l'un ni dans l'autre cas cette sorte de talent n'est
pas celle des Maîtres vulgaires et des ignorans,
D'où vient, demanderois - je, encore la distinc-'
tion qui s'est établie entre ce qui s'appelle un
Précepteur et un Gouverneur ? Est - ce que leurs
qualitez et leurs fonctions ont quelque chose
d'incompatible ou de peu convenable ? Lequel
possede ou doit posseder exclusivement les parties
nécessaires à leur entreprise ? L'un ou l'autre
cesseroit - il d'être estimable , s'il avoit tout à la
fois ce que l'on croit ne pouvoir communément
trouver que dans l'un des deux séparement ? mais
dans le fond qu'est- ce que l'un sans l'autre ?
qu'esperera - t'on raisonnablement d'un simple
Gouverneur qui ne sera pas un bon Précepteur ,
ou de celui- ci , s'il n'a pas le caractere essentiel
de celui- la ? Ne seroit - il temps de donner un bon
Gouverneur à un Enfant , que lorsqu'il est prêt
à entrer dans le monde , ou à voyager , & c.comme
si tout ce qu'on lui a appris auparavant ne
devoit être alors d'aucun usage, ou si ce que l'on
va lui faire voir n'avoit eu besoin d'aucune préparation
! enfin l'un des deux doit - il jouir d'une
moindre autorité que l'autre sur son Eleve , er
les effets en doivent - ils être differents ?
Trois sortes de gens paroissent dans le Monde
avec l'un ou l'autre de ces caracteres . Les premiers
sont ou des Ecclesiastiques ou des gens
de College , ou des Latinistes du dehors , ausquels
FEVRIER. 1734 345
quels on confie la culture élementaire , ou même
tout le cours des études ordinaires . Les autres
sont des hommes de Lettre , ou même des Militaires
, qui à titre de Gouverneurs , se chargent
uniquement de la conduite des Enfans et de la
formation de leurs sentimens et de leurs manieres.
D'autres destinez seulement à les suivre et
devenus gens de confiance par leurs longs services
et leur sagesse , ne laissent pas de se rendre
utiles au point de remplir passablement la Charge
de ces seconds .
Mais pourquoi ces differences , encore un coup?
et qu'y a - t'il dans ces seconds et derniers , qui
ne suppose en tout ou en partie , la necessité des
qualitez recommandables des premiers ? On sçait
qu'il ne faut gueres plus compter sur la raison
des jeunes gens que sur celle des Enfans , soit
pour leurs démarches , soit pour leurs jugemens,
s'ils n'ont été ou s'ils ne sont actuellement guidez
par d'excellens Maîtres , qui ayent trouvé
l'art de leur rendre la science et la sagesse également
aimable et familiere . Cela signifie - t'il qu'il
est inutile d'employer dès le commencement des
hommes tels qu'on le vient de dire , ou qu'il
vaut mieux ne les leur donner qu'à 14. ou 15.
ans, et lorsqu'il n'est, pour ainsi dire , plus temps
Si cette conséquence est fausse , d'où vient
donc le peu d'estime que l'on accorde aux Précepteurs
en general , et la préference dont on
honore les autres comme s'ils étoient d'une espece
opposée ? Ne sent- on pas plutôt de quelle
ytilité seroit celui qui réuniroit en lui ces deux
personnages si mal à propos distinguez , et combien
il est difficile ou mêine dangereux de s'accommoder
de l'un sans l'autre ? Je laisse à décider
lequel seroit le plus aisé de trouver dans une
Giij pro346
MERCURE DE FRANCE
proportion réciproque ou l'excellent Precepteur
ou le bon Gouverneur , ou lequel des deux est
de plus grande importance dans le plan d'une
belle éducation. Je crois que cette question mérite
d'être examinée à fond , 1º . pour les jeunes
gens qui ont tout à la fois des Gouverneurs et
des Precepteurs. 2 ° . pour les Seigneurs et peres
et meres en general , qui ne donnent des Gouverneurs
à leurs Enfans qu'à la fin de leurs études
3 °. Pour les Bourgeois qui font quelquefois
voyager leurs Enfans dans les Pays Etrangers.
Jay l'honneur d'être , &c .
L'Académie Royale de Peinture , a fait une
perte très - considerable en la personne de Jean
Raoux , Peintre , natif de Montpellier , mort le
10. de ce mois , âgé d'environ 57. ans , il étoit
Eleve de feu M. de Boullogne l'Aîné ; et il avoit
fait un long séjour en Italie , sur tout à Venise,
od les Tableaux qu'il y a faits sont fort estimez.
C'est feu M. de Vendôme , Grand - Prieur de
France , qui aimoit les Arts et qui avoit connu
tout des premiers le mérite de M. Raoux , qui
l'avoit engagé à faire quelque séjour en Italie.
Sa maniere de peindre étoit tendre , délicate
agréable à la vue et extrémement finie.Il fut reçu
àl'Académie le 28. Août 1717. et on y conserve
de lui un très - beau Tableau , où il a peint la
Fable de Pigmalion.
On voit dans les meilleurs Cabinets de Paris
quantité de ses Tableaux , voici ceux qui sont
venus à notre connoissance.
Un Portrait en grand du feu Prince de Vendôme
, ouvrage d'une grande composition , historié
, avec un fond de Paysage , et d'un beau
fini ; il est dans le Cabinet du Prince de Conti.
M.
FEVRIER. 1734. 347
M. Porlier , Maître des Comptes , demeurant au
Temple , Ami particulier de cet habile Artiste ,
conserve précieusément l'esquisse de ce Tableau ,
fini par l'Auteur , d'après nature.
Quatre Tableaux de Chevalet , faits à Bologne
pendant son séjour en Italie , représentant les
quatre Ages , sont dans le Cabinet de M. le Chevalier
d'Orleans , Grand- Prieur de France.
Le Portrait en pied du même Chevalier d'Or
leans , représenté comme General des Galeres ,
montant la Galere Reale, au bas duquel est un Esclave
qui lui présente son Bouclier ; cet Ouvrage
qui est d'une très - belle execution , est dans la
grande Salle du Palais Prieural du Temple.
On voit dans une autre Salle du même Palais ,
plusieurs excellens Tableaux de Chevalet , repré
sentant differens Sujets des Arts , comme la Mu.
sique , la Peinture , l'Astronomie , l'Histoire ,
l'Architecture , & c.
Le même M. Porlier , possede du même Auteur
les Originaux d'une Liseuse , du Silence ,
d'une Fille qui cherche une puce à une autre
fille qui fait rôtir des Marons , et de deux Filles
qui concertent ensemble.
M. lePeletier des Forts a deux excellens Tableaux
représentans des Vestales , conservant le Feu sacré,
M. Prat , Receveur General des Finances ,
possede dans sa Maison de Valenton auprès de
Paris , un grand Tableau qui représente une Ves
tale , un autre de même grandeur , qui est un
Retour de Chasse , et un autre où l'on voit les
cinq Sens de Nature.
On voit plusieurs Tableaux gracieux , peints.
par le même Peintre , dans le Cabinet de M. de
Senosan .
Le sieur Dupré , Chirurgien du Temple , a
Giiij 10-
348 MERCURE DE FRANCE
POriginal d'une Vierge , dont les Connoisseurs
font grand cas.
Il a fait aussi quantité d'excellens Portraits ,
ceux des Diles Journet , en Prêtresse de Diane ,
Prevôt , en Bacchante ,Quinault , en Amphitrite,
Sylvia , en Thalie , et tout récemment celui de
Mad. B *** morte depuis peu.
Mais ce que nous pouvons dire de plus avantageux
à la memoire de M. Raoux , c'est la maniere
dont feu M. le Duc d'Orleans , Amateur
éclairé des Beaux Arts , reçut le Tableau peint
par lui et présenté par feu M. le Prince de Vendôme
; S. A. R. le fit placer dans son grand Appartement
après avoir rendu justice au mérite
de l'Ouvrage. Ce Tableau représente Telemaque
dans l'Ile de Calypso , après son nauffrage , racontant
, &c . On peut voir la Description de
cette riche et variée composition , dans le Mercure
de Juillet 1722. page 120.
On a aussi perdu dans M. Robert de Sery , un
'Artiste qui avoit beaucoup de talents naturels pour
la Peinture , sur tout au jugement des Connoisseurs
, pour la belle disposition des Figures et les
expressions. Lorsque M. le Cardinal de Rohan
le ramena de Rome , où il avoit travaillé 18 ans ,
il en a rapporté une Collection importante de
Calques et d'Esquisses à huile , faites de sa main ,
des Tableaux des meilleurs Maîtres. Ces riches
études doivent être vendues dans peu , avec plusieurs
Statues et des Modelles de terre cuite , au
profit de ses heritiers .
Il a été enterré dans l'Eglise des Capucins du
Marais on lit sur sa Tombe l'Inscription que
Joici.
:
Cy git Paul-Ponce- Antoine Robert , Peintre de
S.
FEVRIER. 1714. 349
S.A. E. M. le C. de Rohan , né à Sery en Portien
, le 11. Janvier 1686. Reims l'a élevé , Rome
a perfectionné ses talens . Paris possede un petit
nombre de ses Ouvrages . Son Pinceau est regretté
de tous les Connoisseurs . Ses lumieres et sa probité
ne le sont pas moins de tous ses Amis. Il mourut le
29. Décembre 1733.
L
Il paroît une onzième Estampe , gravée par
le sieur Moyreau , d'après le Tableau de Wauvremens
, du fameux Cabinet de la Comtesse de
Verrue ; c'est un Paysage en large , où l'on voit
des Passans qui boivent et font repaître leurs
Chevaux à la porte d'un Cabaret . C'est une des
plus heureuses et des plus picquantes compositions
de cet excellent Maître .
Cette Estampe se vend chez l'Auteur , ruë Galande
, vis- à- vis S. Blaise.
On avertit le Public qu'il y a actuellement vingt
volumes des Motets de M. de la Lande , imprimez
, ce qui fait quarante Motets , sans compter
les Leçons de Tenebres et le petit Miserere , qui
font un volume à part , en attendant qu'on en
donne davantage . Ces Ouvrages se vendent chez
la veuve Boivin , à la Regle d'or , rue S. Honoré,
et chez le Sr le Clerc , à la Croix d'or , ruë des
Prouveres.
Le dépôt de tous ces Ouvrages est chez Mlle
Hue , Marchande Lingere , au coin de la ruë
S. Cristophle, près le petit Pont. Chaque Volume
contient deux Motets , et se vend 6. livres.
Le Sieur de S. Marc , Mathématicien , avertit
le Public , qu'il continue d'enseigner la Géométrie
, l'Architecture , tant Civile que Militaire ,
G V
350 MERCURE DE FRANCE
et la Perspective par des Regles très - faciles et en
fort peu de temps. Il demeure ruë de Bussy ,
l'Hôtel d'Angleterre , Fauxbourg S. Germain.
Le Sieur Baradelle , Ingenieur du Roy pour les
Instrumens de Mathématique , avertit le Public
qu'il a fait une grande quantité de ces Encriers
qui conservent l'Encre plusieurs années sans se
secher ni s'épaissir , on n'y met point de coton
parce qu'ilest exactement fermé par le moyen
d'une Sou- pape à queue , avec une vis à oreille.
Ces Encriers sont fort propres pour les personnes
qui vont en Campagne , ce sont de vrais reservoirs
d'Encre.Il ne sont point sujets à se renverser
en telle situation puissent- ils être. On en construit
de differentes forines et l'on en trouvera toujours
à choisir , grand ou petit chez le sieur Baradelle .
Sa demeure est toujours Quay de l'Horloge du
Palais , à l'Enseigne de l'Observatoire , vis -à - vis
le grand Degré de la Riviere.
CHANSON A BOIRE.
CHer Lucas, c'en est fait , tu me vois expirer;
Je cede à mon sort déplorable ;
Des maux dont le Destin sçut toujours m'accabler
Le dernier coup est le plus effroyable.
Je n'avois pour appui
Que l'aimable Gregoire ;
De mes chagrins lui seul calmoit l'ennui ,
Pui
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FEVRIER 351 1734.
Puisqu'à crédit il me donnoit à boire ;
Mais ô sort malheureux ! le funeste Cizeau
De la Parque cruelle ,
Vient de mettre au tombeau
Cet Ami si fidelle.
t
SPECTACLE S.
L
A saison de l'Hyver , si abondante
ordinairement en nouveautez Theatrales
, ne l'a point été cette année , et
l'article des Spectacles s'en est ressenti .
On sent que ce n'est nullement notre
faute , mais on pourroit nous accuser
de quelque négligence et manquer d'artention
pour une matiere qui fait plaisir
au Public , si nous ne cherchions pas des
secours plus loin , quand nous n'en avons
pas sous notre main . Voici une Piéce
qui dans ce genre nous paroît propre
à réparer cette disette et dont nous
esperons que le Lecteur nous sçaura bon
gré.
, LETTRE écrite de Brest contenant
l'Extrait d'une Tragédie Chinoise.
Un de mes amis revenu l'année passée
de la Chine m'a fait voir une singula-
G vj
rité
352 MERCURE DE FRANCE
rité Littéraire que je me fais un plaisir de
vous annoncer. C'est la Traduction d'une
Tragédie Chinoise. L'Ouvrage en doit être
envoyé à Paris ; si l'idée generale que
vous en prendrez dans l'Extrait que je
vous envoye pique votre curiosité , il
vous sera facile de voir l'Ouvrage entier,
qui doit être remis à M.....
Le Traducteur avertit dans une Préface
que les Tragédies Chinoises ne sont
assujetties à aucune des Regles de nôtre
Théatre moderne , celle des trois unitez
y est absolument inconnue et une Tragédie
Chinoise est proprement une Histoire
mise en Dialogue , dont les différentes
parties sont autant de Scenes détachées
, entre lesquelles il n'y a d'autre
liaison que celle qu'ont entr'elles les diverses
actions particulieres qui forment
la suite de cette Histoire.
Le Lieu change le plus souvent d'une
Scene à l'autre , mais de même que l'Acteur
en se montrant la premiere fois à
soin de dire , je suis un tel , et je viens
telle chose ; de même aussi en
pour
changeant de lieu il a soin d'avertir qu'il
est en un tel endroit, et que c'est là mêine
que va se passer l'action.
> Il en est de même du tems lorsque
l'intervalle d'une Scene à l'autre est un
peu
FEVRIER. 1734. 353
peu considérable,l'Acteur ne manque pas
de le dire et d'ajoûter que depuis un tel
Evenement il s'est écoulé tant de tems .
,
Vous voyez par-là , Monsieur , que
ces Tragédies ont du moins le mérite de
la clarté et que le violement de nos
regles ne cause aucun embarras à l'imagination
des Spectateurs. Les Piéces
Espagnoles , Italiennes , Angloises et
même les Piéces Françoises du commencement
du dernier siécle n'étoient pas
plus régulieres que celle des Chinois ;
mais le violement de la Regle des unitez
, y jettoit une obscurité bien plus
grande,parce que le Spectateur ne sçavoit
jamais dans quel tems et dans quel lieu
il s'étoit transporté, qu'après avoir entendu
une partie de la Scene ; l'embarras
étoit peut être encore plus grand dans
quelques unes de nos Piéces où l'on
cache l'inobservation de l'unité de tems
et de l'unité de lieu au dépens de la vraisemblance
et de la bienséance , comme
dans Cinna.
Il ne paroît pas beaucoup d'art dans
la maniere dont s'annoncent les Personnages
Chinois dans la Piéce que j'ai lûë
mais je ne doute pas que d'autres Piéces
n'en montrent davantage . Si quelqu'un
des Missionnaires Européens vouloit faire
sur
354 MERCURE DE FRANCE
sur le Théatre Chinois , ce que le R. P.
Brumoi a fait sur le Theatre des Grecs ,
nous en donner une Histoire ou une
Notice , je ne doute pas que son Ouvrage
ne fut bien reçu ; et à juger des
Tragédies Chinoises par le caractere general
de cette Nation , et par le ton de
celle-ci , je suis persuadé que l'on y verroit
bien d'autres exemples de vertu et de
courage, que dans les Tragédies Grecques
où la véritable vertu est presque inconnuë
; ou le courage est une passion et
une passion turbulente qui offusque la
raison et bannit la tranquillité de l'Ame ;
où l'orgueil et l'amour de la gloire bien
plus que l'attachement au devoir sont la
Source des grandes actions et où les
crimes ne se punissent presque jamais
que par d'autres crimes .
La Déclamation Chinoise , à ce que
nous apprend le Traducteur , est souvent
entremêlée de chant. Le même Personnage
interrompant sa Déclamation
par quelques paroles chantées, et plaçant
de même au milieu d'une suite de paroles
chantées , quelques paroles simplement
déclamées. Il faudroir avoir les
oreilles bien faites à l'harmonie de la
prononciation Chinoise pour juger de
l'effet que doit produire ce mélange. Il ,
n'est
FEVRIER 1734 359
n'est pas peut être plus ridicule que cette
Déclamation empoulée , ou ce Chant
Tragique , dont les grands Acteurs que
* nous avons perdu depuis peu , ont tenté
inutilement de délivrer nôtre Theatre.
A juger de la Déclamation Chinoise
par l'idée que les Relations nous donnent
de leur prononciation , elle doit être
pour le Chant , ce que le Récitatif de
nos Opéra est pour les grands Airs . La
comparaison est d'autant plus juste que
c'est principalement pour exprimer quetque
sentiment plus vifou quelque mouvement
plus animé que les Acteurs
Chinois ont recours au Chant.
Après ce Préambule je viens à la Tragédie
même qui y a donné occasion . Elle
est intitulée l'Orphelin de sa Maison
THEAO , et il s'agit des Avantures de
cet Enfant depuis sa naissance jusqu'à-ce
qu'il eût vangé ses Parens . Ainsi l'Action
de la Piéce dure environ 20 ans.
Sous le Regne de Cing Cong , Empe.
reur de la Dynastie des Tsine , Tou ngan
Con , Ministre de la Guerre et Theao
Tune , Ministre de la Justice et des Finances
partageoient entr'eux deux le
Gouvernement. Tou ngan Cou , jaloux
du crédit de son Rival , après avoir tenté
différentes voyes pour le faire périr, vint
enfin
356 MERCURE DE FRAN CE
enfin à bout de le rendre suspect à l'Empereur.
Ce Prince persuadé des crimes de
Tehao Tune qui avoit pris la fuite , signa
un ordre pour faire mourir la famille
et les Domestiques de ce Ministre au
nombre de trois cent personnes . Tehaoso ,
Fils du Ministre disgracié , er gendre de
l'Empereur , fut le seul épargné en considération
de son alliance avec la famille
Royale ; Tou ngan Cou , croyant sa vengeance
imparfaite tant qu'il resteroit
quelqu'un de cette Maison , supposa un
ordre de l'Empereur à Tehaoso de se
donner la mort, et le lui envoya porter
avec le fer , le poison et le cordeau , lui
laissant le choix de son supplice. Cette
espece d'Argument de la Pièce est dans
un long Monologue par lequel Ngan
Cou ouvre le Theatre.
Dans la Scene suivante Tehaoso paroît
avec son Epouse , et comme il est per--
suadé qu'on ne l'épargnera pas encore
longtems , il lui donne par avance ses
derniers ordres ; lui recommande le fruit
dont elle est enceinte et veut , qu'il soit
nommé l'Orphelin de Tehao, au cas que
cc soit un Garçon , et qu'il soit élevé
pour être le vengeur de sa famille . Dans
ce moment on apporte l'ordre de l'Empereur
; Tehaoso le reçoit à genoux ,
choiFEVRIER.
1734. 357
choisit le poignard et se frappe après
avoir renouvellé ses derniers ordres .
La Princesse est enfermée dans son Palais
pour être gardée exactement jusqu'à
ses couches . L'introduction au Prologue
nommé Sié tscè , finit - là . Il y a ensuite
cinq Sections ou divisions tchè , que l'on
peut nommer Actes à nôtre maniere.
On apprend dans la premiere partie à
Tougnen Cou , que la Princesse femme
de Tehaoso , est accouchée d'un fils et
qu'elle l'a nommé l'Orphelin de Tehao .
La haine de Ngan Cou , s'irrite à cette
nouvelle ; il jure la mort de cet Enfant ,
et donne des ordres pour redoubler la
garde du Palais de cette Princesse.
Dans la Scene suivante cette Princesse
paroît avec son fils dans ses bras ; elle
déplore ses propres malheurs , ceux de
toute sa Maison : la mort cruelle de son
Mari, le péril auquel son fils est exposé ,
dit qu'elle a envoyé chercher le Médecin
Tehing ing, le seul des 300 Domestiques
de la Maison de son Beau- pere , qui ait
échapé au carnage ; qu'elle connoît sa
vertu , son courage , son affection pour
la Maison Tehao et qu'il est le seul qui
puisse sauver les restes infortunez de
cette Maison.
Tehing ing , arrive dans l'équipage
d'un
358 MERCURE DE FRANCE :
d'un Médecin Chinois , portant avec lui
sa Cassette aux Remedes pendue à son
col . La Princesse lui propose d'emporter
le jeune Tehao , et de se charger du soin
de le cacher. Tehing ing représente à la
Princesse les difficultez et le péril d'une
telle entreprise elle se jette à ses pieds;
Tehing ing la releve , lui proteste qu'il
est prêt à tout entreprendre pour elle ;
mais continue- t-il , si je sauve mon
jeune Maître , comment poutrez - vous
cacher cette action au Tyran ? il vous
arrachera ce secret ; nous périrons moi
et ma famille , et nous périrons sans
sauver vôtre Fils. Tehing ing , dir la
Princesse , ne craignez rien de ma foiblesse
; partez avec mon fils ; son pere
est mort sous le Couteau , c'en est fait,
sa Mere va rejoindre son Epoux , elle va
mourir. En achevant ces mots ; la Prin
cesse qui a détaché sa ceinture , la passe
dans son col et s'étrangle .
Tehing-ing pénétré d'un Spectacle si
touchant prend l'Enfant et le cache
dans son coffre , le couvre de quelques
hardes et l'emporte. Il est arrêté par
Han Koné , Mandarin d'Armes qui garde
les portes du Palais par ordre de Toungan
Cou. Han Koué doit le commencement
de sa fortune à Tebao tune , et
comme
FEVRIER. 1734- 359
, comme il aime la vertu c'est à regret
qu'il obéït à Ngan Cou , dont il déteste
les crimes ; le Mandarin soupçonne bientôt
à l'air inquiet et embarassé du Médecin
, ce qu'il vient de faire , fait retirer
ses Soldats , ouvre le coffre , apperçoit
l'enfant , est attendri à sa vûë , promet
à Tehing de ne le point dénoncer
lui ordonne de l'emporter et de se retirer.
Le Médecin sort et revient se jetter
aux pieds de Han Koué comme s'il eût
craint que tout cela ne fut un piége qu'on
lui tendit ; cette manoeuvre se répete
plusieurs fois Han Koué , reproche à
Tehing ing cette méfiance , si tu n'as pas
le courage d'exposer ta vie , lui dit- il ,
pourquoi t'es- tu engagé dans cette entreprise
? rassures- toi , ajoute-t-il , tų
n'auras rien à craindre de ma part , en
disant ces mots , Han Koué se frappe de
son poignard et tombe mort. Tehing emporte
l'Enfant , et sort en nommant le
lieu qu'il a choisi pour sa retraite.
Vous serez sans doute un peu blessé
Monsieur , de la brusque résolution que
le pauvre Han Koué prend assez legerement
de sortir de la vie pour ôter toute
inquiétude au Médecin ; c'est même- là
une répetition de ce qu'a fait la Princesse.
Il est vrai que ces deux Personnages auroient
360 MERCURE DE FRANCE
roient embarassé dans la suite de la Piéce,
mais la façon de s'en défaire me semble
un peu singuliere apparemment que
. les Chinois, malgré le peu d'opinion que
nous avons de leur bravoure , ne regardent
pas la mort avec crainte et qu'ils
croyent au moins spéculativement qu'il
n'est pas nécessaire d'avoir des raisons
bien fortes pour se la donner. Leur
Histoire confirme cette opinion
crois d'ailleurs que l'on peut juger du
caractere et des opinions d'une Nation
du moins jusqu'à un certain point , par
ses Piéces de Theatre.
و etje
Dans la Division suivante , on apprend
à Tou- ngan Cou , ce qui vient d'arriver ;
il est saisi de fureur et il forme le dessein
de
supposer un nouvel Ordre du Roy
pour se faire apporter tous les Enfans
âgez de six mois , résolu de les poignar
der tous, pour envelopper dans le Massacre
general l'Orphelin de Tehao. Je passe
Monsieur le détail des Scenes difficiles
à abréger et qui ne servent à rien pour
arriver à la quatrième Scene de cette
Section .
Le Médecin Tehing qui a pris la résolution
d'aller chercher un azile pour le
jeune Tehao auprès de Kong Lun , ancien
Ministre, ennemi de Tou -ngan Kou
et
1
FEVRIER 1734. 361
et ami de Tehao - tune , retiré à la Campagne.
Il arrive chez ce vicillard , lui découvre
son secret , et lui remet entre les mains
l'Orphelin de Tehao , et lui apprend la
Loy portée contre tous les Enfans du
Royaume , après quoi il lui déclare qu'il
est résolu de reconnoître les obligations.
qu'il a à ceux de la maison de Theao
et de sauver les jours de tous ces infortunez
condamnez à la mort par l'Arrêt
de Ngan- Kou. J'ai un Fils du même âge
que le jeune Prince , ajoute- t- il , je vais
emporter chez moi ses vêtemens , j'en
couvrirai mon Fils , vous irez me dénoncer
au Tyran comme le dépositaire et
le gardien de l'Orphelin de Tehao ;
j'avouerai touts on prendra mon Fils
pour cet Orphelin , nous mourrons lui
et moi et vous éleverez ce cher Enfant
que je vous confie ; vous l'instruirez de
son sort , et vous l'aiderez à venger
mort de ses Parens .
la
Cong - Lun répond à cela en demandant
à ce Médecin quel âge il a , et il répond
qu'il a 45 ans . Vous avez 45 ans , dit
Cong- Lun ? Il faut attendre au moins
20 ans avant que cet Enfant puisse connoître
son sort et venger sa famille , vous
aurez alors 65 ans , moi j'en aurai alors"
3.
90,
352 MERCURE DE FRANCE
90 , et quand même je pourrois vivre
jusques- là , de quel secours lui serois - je ?
Croyez moi , portez chez vous ce jeune
Orphelin , mettez- le à la place de vôtre
fils ? et puisque vous voulez bien sacrifier
ce ls , apportez - le ici , et m'allez
accuser au Tyran ? il viendra me chercher
, nous périrons vôtre fils et moi
mais vous sauverez l'Orphelin ; allez ?
ce projet est plus sage que le vôtre.
Le Médecin ne se rend qu'après avoir
employé les discours les plus pressans
pour détourner Cong Lun de son dessein ,
et l'on voit que c'est à regret qu'il consent
à sauver ses jours aux dépens de
ceux de ce Vieillard . Une chose qui mérite
d'être remarquée dans cette Scene
c'est la tranquillité avec laquelle ces deux
Hommes déliberent sur le choix de celui
qui doit s'immoler ; l'utilité dont ils
peuvent être à l'Orphelin de Theao , est
la seule chose qu'ils ayent en vûë. Je ne
crois pas que l'imagination puisse aller
au delà, pour donner une idée de l'extrê
me fermeté et de l'extrême courage .
Dans la troisiéme Division le Médecin
va dénoncer Cong- Lun à Tou ngan Cou ;
celui - ci paroît douter de la verité de la
dénonciation , et lui demande les motifs
' qui l'ont porté à la faire. Le Méd.cin
réFEVRIER.
1734. 363
répond que c'est pour sauver les jours
de son propre Fils et ceux de tous les
Enfans condamnez à périr. Ngan Cou le
conduit avec lui chez Cong- Lun. On interroge
celui - ci , on lui confronte le Dénonciateur
, et je ne sçai sur quel fondement
Ngan Cou soupçonnant la bonne
foi du Médecin , et croyant qu'il y a
quelque intelligence entre lui et Cong-
Lun , oblige ce Médecin de lui donner
la Bastonnade ; cette Scene qui ne seroit
guere de notre gout , m'a paru au fond
assez mal imaginée. L'Auteur Chinois a
crû , sans doute , rendre la situation de
Cong Lun plus interessante ; mais il n'a
pas pensé qu'en voulant outrer le Grand,
on tombe dans le Gigantesque , lequel est
toujours voisin du Puerile .
CetteScene est interrompue par l'arrivée
d'un Soldat qui apporte le fils du Médecin
, qu'on prend pour l'Orphelin de
Tehao. Ngan Cou à cette vûë s'abandonne
à la joye et poignarde cette Enfant
aux yeux du Médecin et de Cong - Lun .
Celui- ci après lui avoir reproché tous ses
crimes et déploré la mort du prétendu
Orphelin se précipite du haut d'une Terrasse
et se tuë.
Ngan Cou prend chez lui le Médecin
avec le véritable Orphelin de Tehao,
qu'il
364 MERCURE DE FRANCE
qu'il croit son Fils , et déclare qu'il veut
le combler de biens , et même adopter
le Fils , parce qu'il n'a plus d'espérance
d'en avoir. C'est-là où finit la troisiéme
Section.
L'intervalle de la troisième à la quatriéme
Section , est supposé de 20 ans
entiers , comme ledit Ngan Cou , dans
la Scene qui commence cette Section .
Ce Ministre déclare que prêt à s'emparer
du Trône et à faire périr le Roy , il
va associer ce jeune Homme à son entreprise
.
Dans la Scene suivante le Médecin Tehing
, paroît un Rouleau à la main , sur
lequel il a fait dépeindre son Histoire
et celle de l'Orphelin . Il veut instruire
l'Orphelin de son sort ; mais pour s'assurer
de ses sentimens il est résolu d'essaïer
l'impression que fera sur lui la vuë de
ces Tableaux et le récit des Evénemens
qu'ils représentent. Cette idée m'a paru
ingenieuse , et malgré le défaut de la
repétition des choses déja connues , qui
se trouve dans la maniere dont cela est
exécuté , je vous avoie que cette Scene
m'a attaché à la Lecture , par la gradation
des sentimens qui s'excitent dans
l'ame du jeune homme , en écoutant une
Histoire à laquelle il croit n'avoir aucun
interêt. Cette
FEVRIER. 1734. 365
Cette Scene occupe toute la quatriéme
Section. La cinquième contient le dénoüement
ou la maniere dont l'Orphe-
"lin de Tebao se découvre au Roy , qui
donne des ordres pour arrêter et punir
Tou- Ngan Cou. L'Action du Médecin est
la même dans cette Tragédie que celle
de Leontine dans celle d'Heraclide . Les
Chinois ont mis en cette Action ce que
Corneille a mis en récit.
Voilà , M. la singularité que je vous
avois promise , mandez - moi ce que vous
et vos amis penseront de cette Tragédie
Chinoise , et si le plaisir qu'elle m'a fait
n'a pas sa source dans la disposition qui
nous porte presque toujours à admirer
les choses extrémement éloignées de nous,
soit par la distance des tems
soit par
celle des lieux. Je suis & c.
Le 4 Février , l'Académie Royale de
Musique donna la trente - deuxième et
derniere Représentation de l'Opéra d'Hypolite
et Aricie; et remit au Théatre le 9.
le Ballet des Fêtes Grecques et Romaines ;
avec une nouvelle Entrée , intitulée , La
Fête de Diane , pour être joué les Mardis
et les Jeudis ; et la Pastorale d'Issé , les
Vendredis et les Dimanches.
Ces deux Piéces sont toujours tres-
H gou'
366 MERCURE DE FRANCE
goutées du public . On prépare actuellement
l'Opéra de Pirithons , pour être remis
auThéatre le mois prochain , le Public
a été bien aise de revoir le Balet dont
on vient de parler , les paroles sont de M.
Fuzilier, et la Musique de M.de Blamont.
Q
·
PARODIE ,
Sur la Sarabande de l'Opéra d'Issé.
Ue tes Pavots ont d'invincibles charmes !
Par tes attraits puissans , triomphe de nos sens
Des malheureux tu séches les larmes ,
Heureux Mortels , il vous rend plus contens ;
De vos plaisirs il retrace l'image ,
De mille soins un songe dédommage ;
Venez , songes fateurs ,
Par d'aimables erreurs ,
Séduisez tous les coeurs,
Les Comédiens François représenterent
à la Cour , le 4 de ce mois , la Comédie
du Menteur , et celle du double Veuvage.
Le 9 , la Tragédie de Bajazet , et le
Retour imprévu . La Dlle Grandval joüa le
Rôle d'Atalide , dans la premiere Piéce ,
avec beaucoup de succès . Cette nouvelle
Actrice joua quelques jours après à Paris,
le Rôle de la Duchesse , dans la Tragédie
,
FEVRIER: 1734: 367
die du Comte d'Essex , et elle y fut fort
applaudie.
Les mêmes Comédiens ont remis au
Théatre le 27 de ce mois, la Fausse Antipatie
, Comédie en Vers , en trois Actes ,
avec un Prologue , de M. de la Chaussée.
C'est un Ouvrage generalement goûté
des connoisseurs , et aussi ingénieux et
bien écrit , que plein d'esprit , de délicatesse
et de moeurs . On avoit déja donné
quelques Représentations de cette Piece
PAutomne dernier , avant le Voyage de
Fontainebleau , et le Public lui avoit fait
un accueil tres - favorable et tel qu'elle le
merite. Nous en parlerons plus au long.
Le 6 de ce mois, les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour , la Comédie du
Faucon ou les Oyes de Bocace , et la Verité
Fabuliste.
Le 10 , les mêmes Comédiens donnerent
sur leur Théatre, la premiere Représentation
d'une Comédie en Vers et en
trois -Actes , avec un Divertissement de
chants et de danses , intitulée : La Surprise
de la Haine. Cette Piece a été reçuë
tres-favorablement du public . Elle attire
de nombreuses assemblées à l'Hôtel de
Bourgogne. On en parlera plus au long,
Hij
Le
368 MERCURE DE FRANCE .
Le 3 Février , l'ouverture de la Foire
S. Germain fut faite par le Lieutenant
Général de Police en la maniere accoutumée.
Le 27 , l'Opéra Comique fit l'ouverture
d'un nouveau Théatre , qu'on a construit
dans la rue de Bussy , et on y representa
le même jour deux Pieces nouvelles
, d'un Acte chacune , avec des Divertissements
, intitulés : le Palais enchanté
, et l'Heureux Déguisement. Ces deux
Comédies sont précédées d'un Prologue ,
qui a pour titre Le Retour de l'Opera
Comique au Fauxbourg S. Germain , dont
on parlera plus au long.
:
,
Le goût pour la Comédie , si en vogue
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
****************
NOUVELLES ETRANGERES,
POLOGNE.
Lextraordinairement le 27. du mois dernier
Es Magistrats de Dantzick , s'assemblerent
pour déliberer sur la proposition que le Roy leur a
faite de recevoir dans les Ouvrages exterieurs,une
Garnison composée de Troupes de la Couronne;
les Magistrats y ont consenti , à condition que
les
380 MERCURE DE FRANCE
les Officiers et les Soldats prêteront serment de
ne rien entreprendre contre la liberté et les Privileges
des habitans de Dantzick .
Les Lettres de Cracovie , confirment que les
menaces de l'Electeur de Saxe et les violences des
Moscovites , n'ont pû contraindre la Noblesse de
la plupart des Palatinats de s'assembler et d'élire
des Nonces pour assister à la prétenduë Diette
generale que ce Prince avoit convoquée , et que
cette Diette ne sera point assemblée .
On a reçû avis que le Comte Pocci avoit fait
une nouvelle course en Curlande , et qu'il en
avoit ravagé la plus grande partie.
Le Comte Potocki , Régimentaire de la Couronne
, ne s'est pas encore mis en marche pour
se rendre dans la Prusse Polonoise , il est toujours
campé sur les bords de la Riviere de Pilckza
, entre Warsovie et Cracovie , mais on con-
- tinuë d'assurer qu'il doit se rendre bientôt dans
cette Province avec l'Armée qu'il commande .
Plusieurs Régimens des Troupes du Roy de
Prusse se sont approchez de la Frontiere , et le
bruit court que Sa Majesté Prussienne a fait donner
aux Magistrats de Dantzik des assurances de
ses dispositions favorables sur ce qui regarde la
sureté de cette Ville.
TRADUCTION de la Lettre du
Nonce Apostolique , au Roy de Pologne.
Es troubles violents dont le Royaume est
Laffligé sont tels , qu'ils ne me permettent pas
à moins que de m'exposer à beaucoup de dangers ,
d'aller présenter mes respects à V. M. et lui
remettre en même - temps les Lettres de notre
Très -Saint Pere en J. C. Monseigneur Clémentissime
FEVRIER 1734- 381
tissime , par lesquelles il félicite V. M. sur son
heureuse Election au Trône de Pologne , et répond
à celles que V. M. lui avoit écrites au sujet
de cet Evenement tant desiré . N'ayant donc
pû aller en personne , comme je le souhaitois
avec ardeur , et les Commissions dont j'avois été
chargé de la part de S. S. ayant été executées par
le Ministere de M. le Marquis de Monti , Ambassadeur
Extraordinaire de S. M. T. C. ainsi
que son Excellence m'en a assuré par les Lettres
que j'en ai reçûes avant hier seulement . V. M,
me permettra de lui témoigner par la présente
et respectueuse Lettre , combien je desire de voir
cesser les obstacles et les périls du voyage , afin
d'aller auprès de V. M. exposer plus au long les
sentimens du Souverain Pontife pour Elle , et
y faire les fonctions de mon Ministere , ce que
je regarde comme infiniment honorable et heureux
pour moi. Je ne puis m'empêcher de me
servir de l'occasion que me fournit l'Emploi
Apostolique dont je suis chargé , pour témoigner
à V.M. la joye que je ressens en mon particulier,
et d'être bien persuadé que je demande avec instance
au Pere de Misericorde , qu'il daigne benir
le commencement de votre Regue pour l'aug
mentation de la Religion Orthodoxe , et pour
bonheur de la celebre Nation que vous gouvernez.
J'espere que le Ciel exaucera mes voeux , et
que V. M. voudra bien agréer le parfait dévouement
avec lequel je suis , & c . Fait à Warsovie
le 3. Décembre 1733. Signé Camille Palucci .
le
AL
382 MERCURE DE FRANCE
J
ALLEMAGNE.
Eugene General de l'Armée qu'elle doit
avoir cette année sur le Rhin , et que ce Prince fait
travailler avec diligence à ses Equipages. Le Duc
d'Aremberg , qui devoit servir sous les ordres du
Géneral Mercy , en qualité de Géneral d'Infanterie
, servira dans les Troupes commandées par
le Prince Eugene , et les Comtes Novati , de Bordas
, de Saint Pierre , et de Ciceri , feront les
fonctions d'Adjudans Generaux dans l'Arméc
d'Lalie.
Ο
ITALIE.
N apprend de Naples, que sur le rapport que
ie Géneral Traun et le Prince de Belmonte
Pignatelli , ont fait du mauvais état dans lequel
étoient les Fortifications de la Ville de Ca poue ,
le Viceroy a pris la résolution de la faire démanteler
, et on transporte à Gaëtte et les Munitions
et l'Artillerie qui étoient dans cette Place.
GRANDE BRETAGNE.
Er. de ce mois , les Seigneurs agiterent s'ils
prieroient le Roy de communiquer à la
Chambre , les intentions que Sa Majesté a données
à ses Ministres par rapport aux négociations
qui sont alleguées comme les causes et les
principaux motifs de la guerre que les Puissances
Unies de France , d'Espagne et de Sardaigne ,
ont déclaré à l'Empereur , et il fut décidé à la
pluralité de cinquante- sept voix contre trente
qu'on ne feroit point cette demande à S. M.
MORTS
FEVRIER 1734.
383
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
A nuit du 24. au 25. du mois dernier , le
LCardinal Falconieri , mourut àRome dans
la 67. année de son âge , étant né le 8. Février
1667. Il avoit été fait Cardinal le 12. Septembre
1724. par le Pape Benoît XIII . qui lui avoit
donné le Titre de Sainte Marie della Scala.
Marie-Marguerite, Princesse de Saxe , est morte
Dresde , les de ce mois , dans la septième année
de son âge, érant née le 12 Septembre 1727.
ARMEE D'ITALIE >
Es travaux commencez le 30 Janvier , devant
LE
le Château de Tortonne pour l'établissement
des Batteries , furent perfectionnés les jours suivans.
On en dressa deux de 6 Piéces de Canon ,
pour battre les faces des Bastions de Sainte Barbe
et de Saint Laurent ; deux autres de quatre ,
pour battre les Flancs de ce's Bastions , et une de
quinze , contre la branche de l'Ouvrage à Corne
, et ces cinq Batteries tirerent la nuit du 1 au
2 de ce mois , avec tant de succès , que le landemain
les faces des Bastions commencerent à s'écrouler
Les Batteries de Mortiers établies depuis,
et qui furent en état de tirer le 4 , firent tant
d'effet , que le s , à deux heures après midi le
Gouverneur du Château demanda à capituler.Le
même jour le Duc de la Trémoille partit du
Camp pour aller en France , porter au Roy la
nouvelle de la prise du Château de Tortonne ,
dont
384 MERCURE DE FRANCE
dont la Garnison , composée de 1200 hommes ,
doit sortir avec les honneurs de la Guerre , et se
retirer à Mantouë . Le sieur de la Garde , Capitaine
de Grenadiers , dans le Régiment de Médoc
, a été tué à ce Siége ; il y a eu quatre Officiers
de blessez , vingt Soldats de tuez , et environ
quarante de blessez .
Le 29 du mois dernier , le Prince de Wirtemberg
sortit de Mantoue avec un détachement
d'Infanterie , de Cavalerie et de Dragons de
4000 hommes , et il prit à Goïto du Canon , des
Pontons et 200 Travailleurs , qu'on croit qu'il
vouloit employer à rompre le Pont que les
Troupes du Roy de France ont fait sur l'Oglio
à Gazolo . Ce détachement se presenta la nuit au
Gué de S.Michel , et ensuite à celui de Marcaria.
Mais le Prince de Wirtemberg ayant trouvé ces
Postes bien gardez , il se retira à Capitello , d'où
il est entré dans Mantovë , sans avoir rien entrepris
. Le Maréchal de Villars qui étoit parti le
25 du mois dernier pour aller à Farme,, en est
revenu icy avanthier.
LETTRE d'un Officier de l'Armée
d'Italie écrite de Come le 27 Janvier.
Ous sommes ici M.entourez de Montagnes
N'fort hautes ,et sur le boru d'un Lac , où
nous ressentons un froid très - vif , mais nous
faisons grand feu : car nous ne manquons pas
de bois; nous mangeons des brochets monstru ux
de même que des Carpes et des Truites ; les
Agons qui sont des especes de Sardines valent
encore mieux , de même que les Bartavelles ,
autre espece de poisson très délicat. Nous ne
faisons pas grand cas des Faisans ; ils sentent
le
FEVRIER. 1734. 385
>
le sapin , toute sorte de viande de boucherie est
excellente ; il est seulement facheux que tous
ces vivres soient si chers , les Vins du Pays
sont très mauvais. Nous sommes au reste
très- bien logez, et nous avons une petite assemblée
composée de plusieurs Dames très raisonnables.
Pour des filles nous n'en voyons point ;
celles qui sont dans les Couvents ont eu ordre
de fermer leurs grilles. M. l'Evêque est impitoyable
et n'entend point raillerie sur ce
point. Les Italiennes , au reste , sont moins sauvages
et moins gardées qu'autrefois ,
voyons tous les jours qu'elles n'ont aucun
éloignement pour se familiariser avec les François
.
nous
•
J'ai vû à Milan des assemblées dont l'éclat
m'a frappé ; la beauté et la richesse des Appartemens
, très bien éclairez , leur grandeur
la quantité de Tableaux , et la profusion de
toute sorte de Liqueurs distribuées à toute sorte
de personnes , le rombre des Dames , des Cavaliers
, la magnificence de leurs parures , et de
leurs équipages aussi galants que les nôtres , fout
cela à dequoi plaire aux gens les plus difficiles .
On dit cependant que l'intérieur du ménage
ne répond pas à ce grand extérieur , on m'a
assuré pourtant qu'on donne parfaitement bien
à manger dans plusieurs bonnes Maisons de la
Ville. Milan est bien plus grand que le tiers de
Paris , mais moindre que sa moitié.
>
A l'égard de l'Opéra , il faut vous dire qu'on
y va le soir pour n'en revenir que le matin
c'est- à- dire , qu'il commence à sept heures et
qu'il ne finit qu'après minuit. Un Prologue
trois Actes , et trois Intermedes ou entr'Actes ,
remplissent tout ce tems , Caton d'Utique , est
>
la
386 MERCURE DE FRANCE
La Piéce qu'ou représentoit le jour que j'y fus ,
la Salle est à peu près de la grandeur de celles du
Château des Thuileries, il y a cinq rangs de Loges,
et29 Loges dans le pourtour , elles sont un peu
moins larges que les nôtres , mais si profondes
que leur enfoncement fait paroître une chambre
d'une grandeur raisonnable ; elles sont ornées de
Tapisseries , de sieges très propres et de girandoles.
Les Dames de distinction louent à l'année
deux Loges contigues qui forment un petit Appartement,
où elles reçoivent leur compagnie comme
chez elles ; pendant certain tems de la représentation
, l'on y joue ou on y fait la conversation
( c'est le terme du Pays ) on y sert toute sorte
de rafraichissemens.
Il n'y a point d'Amphiteatre , le Parquet est
le terrain renfermé dans le centre des Loges et
de l'Orchestre , on y est assis commodement
sur des Sieges , des Formes et des Banquetes.
Le Theatre est d'une grandeur proportionnée à
ce que je viens de dire. Un Corridor de 18 pieds
de large tegne derriere les Loges.
Il y a deux changemens de Décorations pour
un seul Acte et quelquefois plus suivant le sujet
de la Piéce. Il n'y a aucune sorte de Machine
, le coup de sifflet donné pour les changemens
de Theatre n'opere pas son effet si vivement
qu'à Paris les Décorations sont plus belles
pour le pictoresque, la perspective et par la richesse
des ornemens. C'est cette noblesse , cette grandeur
et ces belles formes dont notre Ami Servandoni
nous a donné la connoissance en France,
sur des Plans avantageux , singuliers et variez, le
pictoresque exclut une régularité trop affectée ,
car les deux côtez des Coulisses ne font point
ordinairement sur le fond deux Angles pareils.
FEVRIER. 1734. 387
L'Orchestre qui est une fois plus grand que
fe nôtre, et le nombre d'Instruments exquis m'a
ravi d'étonnement ; le seul Clavecin par un
accord appuyé de grande force , marque la mesure
, il y en a deux , deux Contrebasses , et
deux Theorbes ; je ne croyois pas possible que
tant d'Instruments à la fois fissent un ensemble
aussi parfait ; il semble qu'un seul esprit les anime
tous.
Tout se passe en récits et en ariettes ; Pun
succede régulierement à l'autre depuis le commencement
jusqu'à la fin . Par bonheur ces récits
s'expédient assez promptement , et les ariettes.
sont repetées si souvent qu'elles consomment au
moins les trois quarts du tems. Ces récits sont
accablans , ils sont nottez , ce n'est pourtant
point proprement un Chant ; ils ressemblent fort
à une pure Déclamation Latine telle qu'on entend
aux Tragédies des Colléges , à cela près ,
qu'à certaines chûtes ou infléxions de voix
POrchestre frappe un accord fort plein , et d'un
seul coup d'archet ; ils n'ont point de Flutes ,
parce , disent-ils , qu'elles sont toujours fausses,
ils reviendroient aisément de cette erreur s'ils
avoient entendu le fameux Blavet , ils ont deux
Hautbois seulement et autant de Bassons . Quant
aux Violons , ils sont excellens , et je n'en con
nois guere en France qui soient bien dignes d'entrer
dans cet Orchestre . Ils sont ici de deux tons
plus élevez qu'à Paris : il est sûr que l'Instrument
en est beaucoup plus brillant ; ils n'ont
point de Choeurs , et ils ont grand tort en cela ,
quatre ou cinq hommes dont un seul n'est
point eunuque, et quatre ou cinq femmes jouent
la Piéce travestis en Princes et Princesses.
Voilà tout ce qu'on voit sur le Theatre, joignez
>
›
388 MERCURE DE FRANCE
,
à cela plusieurs petits polissons vêtus en Pages
qui portent les queues des Actrices , et qui
pour se désennuyer cassent des Noisettes et font
tous les mouvemens qu'ils voyent faire à leurs
Princesses , et sont toujours exactement placez
derriere elles . Les Acteurs et Actrices des Ballets
en petit nombre sont habillez très simplement ;
ils sont la plupart François ; tout m'a paru
médiocre à cet égard . Cependant les habits qui
servent aux principaux Acteurs dans le Tragique
, sont assez beaux . Il y a un viel Eunuque
d'une grosseur extraordinaire dont le chant ,
quoiqu'usé , est beau et bon dans son genre ,
mais je ne sçaurois me prêter à cette sorte de
chant , toutes leurs finales sont des Arbitrii
comme sur les Instrumens ; et je haïs cela souverainement.
D'ailleurs ce vieil Eunuque est
un grand Acteur et Maître du Theatre.; je n'ai
vû de ma vie un maintien plus beau ni plus naturel.
Voilà ce que je me représente à moi même
de notre Opéra Milanois , je vous dis naturellement
ce qui m'est venu dans l'esprit et dans
la mémoire , j'espere d'y retourner au Carnaval ,
peut -être vous en parlerai - je avec plus d'ordre
et avec d'autres circonstances qui peuvent m'être
échapées . Je suis &c .
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris ,&c.
LE
E premier de ce mois ' , la Reine
entendit la Messe dans la Chapelle
du Château de Versailles , et S. M. y
comFEVRIER
1734. 389
communia
par les mains du Cardinal de
Fleury son Grand Aumonier.
Le même jour M. Gilbert , Recteur de
l'Université , accompagné des Doyens
des Facultez et des Promoteurs des Nations
, eut l'honneur , suivant l'ancien
usage , de présenter un Cierge au Roy ',
et un à la Reine .
Le même jour , le Pere Braban , Commandeur
du Couvent du Marais des
Religieux de la Mercy , accompagné de
trois Religieux de cette Maison eut
l'honneur de présenter un Cierge à la
Reine,pour satisfaire à une condition de
leur Etablissement fait à Paris en l'année
1615. par la Reine Marie de Medicis.
Le 2 Février >, Fête de la Purification
de la Ste Vierge , les Chevaliers , Commandeurs
, et Officiers de l'Ordre du
S. Esprit , s'étant assemblez dans le
Cabinet du Roy , S. M. se rendit à la
Chapelle,étant précédé du Duc d'Orleans
du Duc de Bourbon , du Prince de Conty ,,
du Duc du Maine , du Comte d'Eu , du
Comte de Toulouse , et des Chevaliers
Commandeurs et Officiers de l'Ordre..
Le Roy assista à la Bénédiction des
I Cier390
MERCURE DE FRANCE
Cierges , à la Procession et à la Grand'
Messe qui fut célébrée par l'Archevêque
de Vienne , Prélat Commandeur de
l'Ordre. Après la Messe , S. M. fut reconduite
à son Appartement avec les
cérémonies ordinaires. La Reine entendit
la même Messe dans sa Tribune.
L'après midy , L. M. entendirent le
Sermon du Pere Tainturier , de la Compagnie
de Jesus , et ensuite les Vêpres
qui furent chantées par la Musique.
›
Le 4 , le Roy partit du Château de
la Meute pour aller chasser à Ecoüen ,
Maison de M. le Duc qui s'y étoit rendu
le jour précédent pour y recevoir S. M.
Il y eut une batue considérable où l'on
prit toute sorte de Gibier ; le Roy dina
et soupa dans le Château avec quantité
de Seigneurs de sa Cour ; S. M. y dîna
encore le lendemain , et partit l'après midy
pour aller coucher au Château de
Versailles .
• Le II le Duc de la Tremoüille
Premier Gentilhomme
de la Chambre du
Roy , arriva de l'Armée d'Italie , et apporta
à S. M. la nouvelle de la Prise du
Château de Tortone,
HoFEVRIER
1734 391
Honoré Armand ' , Marquis de Villars ,
né le 4. Octobre 1702. Mestre de Camp
d'un Régiment de Cavalerie , et Gouverneur
de Provence , en survivance du
Maréchal Duc de Villars son Pere 2
été fait Brigadier des Armées du Roy.
C'est lui qui a apporté au Roy le 4.
Janvier dernier la nouvelle de la réduc
tion du Château de Milan.
>
Le 23 de ce mois ,l'ouverture solemnelle
de l'Assemblée generale du Clergé de
France se fit dans l'Eglise des GrandsAugustins,
par laMesse du S.Esprit, à laquelle
les Prélats et les autres Députez qui composent
l'Assemblée,communiérent ; l'Archevêque
de Paris y officia pontificalement
, et l'Evêque de Bazas y prêcha
avec beaucoup d'éloquence .
Le 2. Février , Fête de la Chandeleur , il
Yeut un Concert Spirituel au Château
des Thuilleries , M. Mouret y fit chanter le
Credidi propter ,, Motet de M. de la Lande , qui
fut suivi d'un autre de la composition de M. de
Monteclair, les Dlles Erremens et Petitpas chanterent
différents récits avec applaudissement, et
après plusieurs Concerto très - bien exécutez , le
Concert fut terminé par le Te Deum de M. de
la Lande.
Le 3
il y eut
un
Concert
à Versailles
. On
y
chanta
devant
la Reine
le
Prologue
, et le
pre-
I ij ,
392 MERCURE
DE FRANCE
·
mier Acte de l'Opéra d'Hipolite et Aricie , qui
fut continué le 8 et le to , dont l'exécution fut
très brillante. Les Dlles Pelissier et Petitpas
jouerent les principaux rolles , et le Sr Jeliot
chanta avec succès celui d'Hipolite ; la Dlle Rømeau
, épouse de l'Auteur de la Musique , doubla
le rolle d'Aricie ; la Reine loua beaucoup
sa voix et son gout pour le chant.
Le 13 la Cour étant à Marly , la Reine entendit
le Prologue et le premier Acte de l'Opéra
de Callirhoé , de la composition de M. Destouches,
Sur- Intendant de la Musique du Roy , qui
fut continué le 15 et le 17. La Dlle d'Aigremont
chanta le principal rolle d'une maniere
très touchante , et le Sr Chassé celui de Corésus
avec beaucoup de sentiment ; le St Jeliot rendit
le rolle d'Agenor avec tout le gout possible
; sa belle voix fait beaucoup de plaisir , de
même que les Choeurs et toutes les Simphonies.
Le 20 on chanta
l'Opéra
d'Issé
, du même
'Auteur
. Il fut continué
le 22 et le 27. La
Dlle
le Maure
fit le rolle
d'Issé
, et la Dile
Petitpas
celui
de Doris
. Les Srs Chassé
et Tribou
furent
très applaudis
dans
les rolles
d'Hylas
et de Philemon
, le reste
de l'Opéra
fut
zendu
avec
toute
la précision
et la vivacité
dont
il est susceptible
.
Nous avons appris un peu tard , par rapport
au Mercure de Janvier , qui étoit déja imprimé,
que le 1.0. du même mois le Te Deum en actions
de graces pour l'heureux succès des Armes dų
Roy , fut chanté solemnellement à Aix , dans
1'Eglise Métropolitaine S. Sauveur. Le Parlement
, la Cour des Comptes et des Aydes , les
Trésoriers
FEVRIER 1734. 393
Trésoriers de France , les Officiers de lá Sénechaussée
, et les Consuls et Officiers de Ville
assisterent à cette ceremonie. Après le Te Deum ,
les Consuls et leurs Officiers se rendirent à la
grande Place des Prescheurs , où ils allumerent
le Feu de joye qui y avoit été dressé .
M. le Bret , Premier Président du Parlement ,
Intendant et Commandant de la Province , donna
un magnifique soupé à la Compagnie respectable
, dont il est le digne Chef.
Le Dimanche suivant M. de la Vieuville , Brigadier
des Armées du Roy d'Espagne , Colonel
des Carabiniers , qui ont séjourné à Aix pendant
quelque temps , fit chanter par les Musiciens
qui marchent toujours à sa suite , un Te Deum
de la composition de M. l'Abbé Pellegrin , connu
par ses excellens Motets . On avoit choisi
cette Ceremonie l'Eglise des Dominicains , qui
est fort vaste. M. l'Archevêque y officia .
pour
M. le Bret , qui avoit été prié d'y assister , s'y
rendit , précedé de ses Gardes , accompagné des
Consuls et de toute la Noblesse ; toutes les Dames
y avoient été invitées , ainsi l'Assemblée
fut très -belle et très - nombreuse. Pendant le Te
Deum on fit une triple salve de Boëtes , et les Carabiniers
qui étoient en bataille sur la même
Place , firent trois décharges de Mousqueterie.
Après la Ceremonie les Dames se rendirent à
l'Hôtel de Ville où il y eut un Concert qui fut
très- bien executé par les mêmes Musiciens de
M. de la Vieuville . Au Concert succeda un fort
beau Soupé , et au Soupé le Bal , qui dura jusqu'au
jour. Toute cette Fête est dûë au même
M.de la Vieuville , dont on loue beaucoup la magnificence,
la politesse et le goût pour les Beaux-
Arts.Le même jour Mile Bret avoit donné à dîné
I iij -ma394
MERCURE DE
FRANCE
magnifiquement à tous les Officiers
Espagnols
qui se trouvoient dans cette Ville.
A
MME
D'ORMESSON ,
Au sujet du Pain . Beni qu'elle a rendus
le jour de Noël.
17
Dans ce Temple quelle
allegresse:
Quels appareils dignes des Cieux !
A son air grave et
gracieux ,
On juge que c'est la Sagesse
Qui vient se rendre en ces saints Lieux
Four
prodiguer avec
largesse ,
Au Très- Haut des dons
précieux ;
Que vois-je ? les Vertus dont elle est le modelle
Font un cercle aimable près d'elle
Mais , crainte
d'ébloüir nos yeux ,
Elle emprunte les traits d'une illustre Mortelle
Aux celestes Loix très-fidelle ,
Qui dévoue aux Autels et son coeur et ses voeux,
Et dont enfin l'ame est si belle ,
Que sous ce voile
merveilleux ,
On y reconnoît
l'Immortelle.
L'innocence et la chasteté
De ses moeurs furent le partage ,
gage,
Délices d'un Epoux dont la fidelité ,
Est d'un parfait amour l'inviolable
Opposée à la vanité ,
Sans dessein de
prendre
avantage
Du
FEVRIER. 1734 395
·
Du rang et de la dignité ,
Du luxe et de l'éclat elle ignore l'usage ,
Fervente à l'Oraison , prudente en son ménage,
La noblesse de coeur , jointe à la charité ,
Est un bien qu'elle a d'heritage ,
Qu'elle aspire à laisser à sa Posterité ;
Les vertus de son Sang en rendent témoignage,
Qù trouver un plus heureux choix ›
Une Ancelle plus agréable ;
Et d'une candeur plus affable ,
Et plus digne de plaire au grand Maître des Rois
Que le Ciel avec joye accueille son hommage ;
Il en connoît la pureté ,
Et que l'humble devoir où son zele l'engage ,
Part du sein de la Pieté ,
Mais de s'étendre davantage ,
C'est blesser son humilité .
*********************
MORTS , NAISSANCES
et Mariages.
LBA
Edix- neuf Janvier Dame Marie -Magdelene
Baudin , Epouse de Mathias Goudin , Conseilde
ler en la Cour des Aydes de Paris , et qui avoit
été mariée le 18 Fevrier 1732.mourut en couches
de son deuxième enfant , agée de 27. ans.
>
Le 24. Janvier M. Louis Milon , Evêque et
Seigneur de Condom Prieur des Prieurés de
S. Marcel , de Villiers S. Sepulchre , et des deux
Gemeaux , Docteur en Théologie de la Faculté
11
de
396 MERCURE DE FRANCE
de Paris du 4. Juillet 1685. mourut en son Château
à deux lieuës de Condom , agé d'environ
76. ans , et dans la 41. année de son Episcopat ,
ayant été nommé à l'Evêché de Condom , Suffra
(gant de Bourdeaux , le 1. Novembre 1693 et sacré
le 14. Fevrier 1694. Il avoit été auparavant
Chanoine de l'Eglise de Saint Martin de Tours,
et Aumônier du Roi . Ce Prêlat qui est fort regretté
dans son Diocèse , a fondé à Condom un Hôpital
, dans lequel les pauvres sont emploïés à
divers Arts et Métiers , et il a confié l'administration
de cette Maison aux Soeurs appellées de
la Foy. Il a établi les mêmes Soeurs à Nérac ,
pour instruire et cathechiser les jeunes Filles de
la Religion protestante , a retabli les Eglises de
Monchenit , et de Puge , que les Religionaires
avoient entierement detruites , et a achevé son Palais
Episcopal qui avoit été deja commencé à
grands frais . Il assista en 1705. à l'Assemblée
générale du Clergé , en qualité d'un des Députés
de la Province de Bourdeaux . Ce Prélat étoit
deuxième Fils d'Alexandre Milon , Seigneur de
la Borde , Mesne Amnon &c. Président , Trésorier
General de rance en Berri , mort le 10.
May 1687. et de Françoise Palla , morte le 26.
May 1703. Il avoit pour Frere aîné Aléxandre
Milon , Maîtte des Requêtes Honoraire de l'Hôtel
du Roi , qui vient d'entrer dans la 82. année
de son age , et qui est veuf depuis le 6. Janvier
1700. de Marie - Magdelene Thérese Coicault de
Chevigny , de laquelle il avoit eu Françoise- Elizabeth
Milon , Fille unique , mariée le 19. Fevrier
1700. avec Louis- Charles de Machault ,
Seigneur d'Arnouville , Conseiller d'Etat ordinaire
, et morte le 22. Janvier 1720. laissant un
Fils unique , qui est Maître des Requêtes depuis
1728
1
FEVRIER . 1734 397
1718. L'Eveque de Condom avoit pour frere
puîné Henry Milon , Seigneur de Mesne , Intendant
General des Turces et levées de France ,
et Grand-Maître des Eaux et forêts de France en
Touraine , puis en Poitou , Auni , Saintonge ,
Engoumois , Limosin , haute et basse Marche ,
Bourbonnois , et Nivernois , mort depuis plusieurs
années , ayant laissé de Jeanne - Françoise
Angelique Collin sa femme , trois Fils , dont l'un ,
après avoir été Capitaine dans le Regiment du
Roi , s'étoit retiré à Condom auprès de l'Evêque
son Oncle ; un autre connu sous le nom du sieur
de Mesne , resident à Tours , et un troisiéme qui
est Alexandre Milon , né à Paris le 13. Juin 1688 .
Docteur en Théologie de la Faculté de Paris du
18. Octobre 1714. ci-devant Aumônier du Roi ,
et à présent Evêque de Valence en Dauphiné qui
a été nommé à cet Evêché le 7. May 1725 .
et sacré le 31. Mars 1728. et qui a obtenu au
mois de May 1728. l'Abbaye de Leoncel,Ordre
de Citaux , Diocèse de Die.
Le 25. Janvier M. Pierre de Brilhat , Vicomte,
de Geneay en Poitou , Seigneur de Nouzières en
ngoumois , Premier President au Parlement de
Bretagne , mourut à Paris agé de 67. ans , étant
né le 26. Janvier 1667. Il étoit dans la 31. année
de l'éxercice de sa Charge de Premier Président,
en laquelle il avoit été reçu le 16. Juin 1703
étant auparavant Conseiller au Parlement de
Paris , depuis le 27. Fevrier 1688. Il étoit Fils
ainé de Nicolas de Brilhat , Seigneur de Nouzieres
, Vicomte de Geneay , Conseiller au Parlement
de Paris , et de Jeanne Auzanne , et avoit
épousé en premieres noces le 17. Septembre 1693 ,
Marie-Anne de Chouet, Fille de Pierre de Choüett
Seigneur de Gevreau , Conseiller au Parlement
I v de
398 MERCURE DE FRANCE
de Bretagne , et de Marie du Moley ; et en se
condes noces Pelagie- Constance de Lys , Fille
d'un Conseiller au même Parlement. Cette derniere
mourut de la petite verole à Paris le 11 .
Novembre 1731. agée d'environ 43. ans. Il a
laissé des Enfans de l'une et de l'autre.
:
Le même jour Emanuel Pierre-Claude Raymond
, Ecuyer , Sieur de Marcest , Lieuter ne
au Regiment de Rosnyvinen , Dragons , File
feu Pierre Raymond, Ecuyer , Seigneur de
cest , Lieutenant de Roy en la Province de Bo
bonnois , et auparavant Lieutenant au Régime :
des Gardes Françoises , mort le 8. Juillet 12
59. ans ; et de Dame Elizabeth River sa YouT
mourut d'une maladie de poitrine à Paris , gé
21. ans f . mois 24. jours. Il avoit fait sa pa
miere Campagne l'année derniere en Allem
à
"
Gabriel-Jean Nicolas, Seigneur de la Reyre , er
de Tralage , Fils de feu Gabriel Nicolas , Signeur
de-la Reynie de Tralage , et de Vic , Conseiller
d'Etat ordinaire , et Sous- Doyen du Conseil
, et auparavant Lieutenant General de Police
de la Ville de Paris , mort le 14. Juin 1709 .
l'age de 84. ans , et de Gabrielle de Garibal
mourut à Rome , le 26. Janvier , où il s'étoit
retiré depuis plusieurs années. Il n'avoit point
été marié.
Le 28 , Janvier Dame Marie- Therese Poyrel
de Grandval , veuve depuis le 24. Juin 1724. de
Jean du Puis , Ecuyer, Conseiller, Tresorier General
de la Maison du Roi , mourut à Paris ,
agé de 68. ans . mois , laissant un Fils qui est
Pierre du Puis , reçu Conseiller au Parlement de
Paris le 27. Janvier 1712.puis Président au Grand
Conseil le 9. Fevrier 1720. qui a épousé l'Ainée
des trois Filles de feu Charles Ruau du Tronchot,
Seigneur
FEVRIER 1734. 399
Seigneur de Ville - Dieu &c. Chevalier de l'Ordre
du Roi, Secretaire de S. M. Maison , Couronne
de France , et de ses Finances , Ancien Fermier
General , mort le 20. Juillet 1729. et de Marie-
Anne Lépinau , de laquelle il a des enfans.
Dame Anne-Magdelaine Adelaide de Maupeou,
Fille de René- Charles de Maupeou , Marquis de
Motangle , et de Montigny , President à Mortier
au Parlement de Paris , et d'Anne-Victoire de
Lamoignon de Courson , et Epouse de François-
Louis de Louvet de Murat , Comte de Nogaret ,
de Cauvisson , Capitaine de Cavalerie dans le
Regiment Dauphin ; mariée le 22. Novembre
1731. mourut le 28. Janvier en couches de son
premier enfant , mort incontinent après , agé de
19. ans 5. jours , fort regrettée . Elle fut inhumée
le lendemain aux Cordeliers.
La nuit du 30. au 31. Janvier , Charles - Her
cules d'Albert , Chevalier de Luynes , Chef d'Escadre
des Armées Navales du Roi depuis 1422,
et Capitaine des Gardes du Pavillon , Amiral
qui avoit servi en dernier lieu , en qualité de Chef
d'Escadre sur l'Escadre qui a été envoiée l'année
derniere dans la Mer Baltique , sous les ordres du
Marquis de la Luzerne , Lieutenant General ,
mourut à Paris , dans la 60. année de son age ,
étant né le 8. Mars 1674. Il étoit second Fils de
Louis - Charles d'Albert , Duc de Luynes , Paix
de France , mort le 20. Octobre 1690. et d'Anne
de Rhohan de Montbason ,sa deuxième femme ,
morte le 29. Octobre 1684. et grand oncle de
Charles- Philippe d'Albert , aujourd'huy Duc de
Luynes , Pair de France.
Le premier Fevrier , Louis le Gendre , Prêtre,
natif de Rouen , Chanoine du 15. Avril 1690 .
et Sous-Chantre de l'Eglise Métropolitaine de
I vi
Paris
400 MERCURE DE FRANCE
·
Paris du .Juillet 1723.et Abbé Commandataire
de l'Abbaïe Roiale deN.D. de Claire - Fontaine
O.S.A.Diocèse de Chartres du mois de Decembre
1724.mourut en sa MaisonCanoniale, agé de 78.
ans. Il étoit Auteur d'une Histoire de France , imprimée
d'abord en plusieurs volumes in 12. puis
en dernier lieu en 3. vol. in fol . à laquelle est
joint un ouvrage intitulé Mours des François ,
dont il y a aussi une Edition in 12. morceau estimé.
On a encore de lui une Histoire du Cardinal
d'Amboise , 3. vol . in 12. et 1. vol . in 4º. On a
de plus de lui , une Vie Latine de François de
Harlay , Archêveque de Paris , son Bienfaicteur ,
le tout écrit d'un bon Stile .
>
Jean Baptiste du Moustier , Clerc du Diocèse
de Bayeux, Abbé Commandataire de l'Abbaie de
la Victoire , O.S A Diocèse de Senlis , depuis
le 8. Janvier 172 1. et auparavant de celle de Saint
Sauveur de Blaye , O. S. B. Diocèse de Bourdeaux
depuis le 6 Novembre 1717. aussi Prieur
d'Huriel , Aumônier du Duc de Bourbon , et
Secretaire de ses commandemens ; et ci-devant
Instituteur de la jeunesse de ce Prince , mourut
à l'Hôtel de Condé , le 1, Fevrier , après une longue
maladie.
Le neuf Fevrier Dame Marguerite-Charlote de
la Roche de Fontenilles , Fille de feu François de
la Roche , Marquis de Fontenilles , mort en 1728.
et de Dame Marie- Therese de Mesme , et Epouse
depuis le 16. Avril 1733. de Simon -Joseph de
Raousset , Marquis de Seillon , Conseiller au
Parlement de Provence , mourut en couches ,
agée d'environ 33. ans.
D. marie Anne le Bault de Langy , Fille ainée
de Gilbert - François le Bault , Chevalier Seigneur
de Langy en Nivernois , et de D. Anne-Radegonde
FEVRIER. 1734. 401
gonde Charpentier de Crecy , mourut en la ville
de Saint Saulge en la même Province , le 10. Fevrier
, agée d'environ 30. ans. La famille de le
Bault de Langy , ancienne Noblesse de Nivernois,
porte de gueules au chevron d'or , accompagné
de trois Merlettes de sable.
M. Pierre-Maurice Boulard , Ecuyer , Chevalier
, Commandeur , Secretaire General , et Greffier
de l'Ordre Royale Militaire et Hospitalier
de Notre- Dame de Mont- Carmel et de Saint
Lazare de Jerusalem , et Intendant et Secretairedes
commandemens de S. A.S. Monseigneur le
Prince de Conty , mourut le 18. Janvier 1734.
agé d'environ 62. ans. Il étoit Fils de Pierre
Boulard , qui a été emploié pendant plus de 30.
années en qualité de premier Secretaire des Ambassades
du feu Comte d'Avaux , tant à Venize
au Traité de paix de Nimegue en Holande ,qu'en
Irlande à la suite de Jacques I I. Roi d'Angletaire.
N. Boulard son Fils , a commencé en l'année
1701. à servir le Roy en la même qualité ,
sous le même ministere en Holande , et à continué
à son retour en France , de travailler aux
mêmes affaires jusqu'à la mort du Comte d'Avaux
, arrivée en 1709. Il fut depuis choisi pour
Premier Secretaire de l'Ambassade du feu Marechal
d'Uxelles , Plenipotentiaire aux Conferences
de Gertrudemberg , et ensuite Premier Secretaire
de M. de Mesme , Premier Président du Parlement.
Il a été reçu Chevalier de l'Ordre Militaire
et Hospitalier de Saint Lazare , le 9. Octobre
1716. Commandeur et Secretaire General ,
et Greffier du mêine Ordre , le 15. Juillet 1728,
Le Roi pour recompenser les services du Sieur
Boulard , et de son Pere lui avoit accordé des Lertres
de Noblesse pour lui et sa posterité , par Lettres
402 MERCURE DE FRANCE
tres Patentes du mois de Fevrier 1719. et depuis
La mort de M. de Mesme , Premier President ,
feu S. A. S. Monseigneur le Prince de Conty ,
connoissant la probité , capacité , et le désinteressement
du Sieur Boulard , l'a choisi pour le
mettre à la tête des affaires de sa Maison en qualité
de son Intendant General , et Secretaire de
ses Commandemens , et il a toujours été honnoré
de la confiance de ce Prince , et de celle de
Madame la Princesse, et de Monseigneur le Prince
de Conty leur Fils , qui ont donné des preuves
éclatantes de leur satisfaction . Le merite d'un si
digne sujet , le fait regretter universellement.
René- Charles -Elizabeth de Coëtlogon, Comte
de Loyat , Châtelain de-la Gaudinaye , Sindic General
des Etats de- la Province de Bretagne , mourut
à Paris le 19. Fevrier agé de 60. ans , Il étoit
Neveu de feu Alain- Emanuel de Coëtlogon,Maréchal
et Vice- Amiral de France , Chevalier des
Ordres du Roi , Grand - Croix de l'Ordre Militaire
de Saint Louis &c. mort le 7. May 1730*
à l'age de 83. ans, et il avoit épousé Anne Auvril ,
Fille unique de René Auvril , Seigneur de la
Roche et de Genevieve Menardo, de laquelle il
a laissé Louis de Coëtlogon , Lieutenant dans le
Regiment du Roi , puis reçu Cornette dans la scconde
Compagnie des Mousquetaires le 30. May
1731. Emanuel- Louis de Coëtlogon , Capitaine
de Dragons dans le Regiment , Mestre de Camp
General ; Emanuel Marie , Chevalier de Coërlogon
, Lieutenant de Vaisseaux ; et René- Anne
Elizabeth de Coetlogon , Abbé Commandataire
de l'Abbaie de Saint Memin près de Châlons sur
Marne , depuis le mois d'Octobre 1729. La Genealogie
de la Maison de Coëtlogon , du Dio
cèse de Saint Brieuc , en basse Bretagne , est raportée
FEVRIER 1734. 403
portée dans la nouvelle Edition des Grands Offi
ciers de la Couronne , article des Maréchaux de
France tome 7. page 717. où elle est remontée
jusqu'à la fin du 12. Siecle. Ses Armes sont de
Gueules à trois Ecussons d'Hermines passées.
2. et I.
On mande de Bourgogne , que le nommé
Jean Coquelay , du village de Presle , Bailliage
d'Avallon , Intendance de Dijon , étoit mort depuis
peu , agé de 106 ans ; étant né le 15. Septembre
1627. Il avoit conservé son bon sens jusqu'à
sa mort ; il marchoit encore très - bien deux
jours auparavant , et il ne se souvenoit pas d'avoir
jamais été malade ; il a vû sa cinquième
Generation , dont il subsiste encore plusieurs
Enfans.
Il y a dans ce village , et aux environs , des
Habitans qui ont plus de 90. ans , qui travaillent
journellement . Ce n'est pas seulement parmi les
villagois , mais il y a aussi plusieurs Gentils- Hommes
dans ces Cantons , qui sont de même age
et qui vont tous les jours à la Chasse , soit
pied ou à cheval : l'Air y est extrémement pur ,
et il n'y a presque jamais de malades.
Le 25. Fevrier 1734. a été baptisée à S.Sulpice
Marie-Celse-Antoinette , née le jour précedent
fille de Jean - Baptiste - François de Cugnac , appellé
le Marquis de Dampierre , Baron d'Huisseau
, Mestre de Camp de Cavalerie , cy-devant
Cornette des Chevaux Legers de Berry , et de
D. Françoise- Charlotte de Langhac , qui ont
été mariez le 7 Juillet 1732. elle a été tenuë
sur les Fonts par Mrs Michel Celse Roger de
Rabutin , Comte de Bussy , Evêque de Luçon,
l'un des 40 de l'Académie Françoise son parent
paternel
404 MERCURE DE FRANCE
paternel et maternel , et par D. Marie-Magdelaine
-Henriette de Lagny son ayeule paternelle,
veuve depuis 1724. de François de Cugnac ,
Marquis de Dampierre , Baron d'Huisseau ,
d'Hautevenne , & c .
Le 13 Janvier a été célebré dans la Chapelle
de l'Hôtel de Pontchartrain le Mariage de
Louis -Charles de Gouffier , Marquis d'Heilly,
Ribemont &c. né du vingt - sept Septembre
1698. Mestre de Camp du Régiment de Condé
Cavalerie , par Commission du 24 Novembre
1719. Fils de feu Charles- Antoine de Gouffier
, Marquis d'Heilly , Enseigne des Gendarmes
de la Garde du Roy , Maréchal de Camp
de ses Armées , et Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , mort à l'âge de 33 ans , des
blessures qu'il avoit receues a la Bataille de Ramillies
, le 23 May 1706. et de Dame Catherine-
Angelique d'Albert de Luynes , sa veuve ,
avec Dile Marie- Catherine Phelypeaux , fille
mineure , et unique héritiere de feu François
Phelypeaux , Chevalier Seigneur d'Outreville
Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du
Roy , mort le 19 Décembre 1715 , dans la ! 26
année de son âge , et de feue D. Marie - Catherine
Voisin sa femme , fille d'un Conseiller au
Parlement de Rouen , morte âgée de 39 ans
le 2 Février 1717. la Mariée est petite niéce de
feu Louis Phelypeaux de Pontchartrain , Chancelier
de France . La Généalogie de la Maison
de Gouffier , dont il subsiste encore plusieurs
branches est rapportée dans l'Histoire des
Grands Officiers de la Couronne , à l'Art . des
Duchez non Pairies Tom. f . pag. 605 .
+6
Le 26 Janvier , Angelique - François de Renoüard
,
FEVRIER. 1734 405
豎
nouard , Chevalier , Comte de Villayer et d'Auteuil
, Seigneur de Drouges , Couvrau , &c . Maftre
des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel du Roy ,
depuis 1719. et auparavant Conseiller au Parlement
de Paris, où il avoit été reçu en 1716. fils
unique , né posthume de feu Jean - Jacques de
Renouard , Comte de Villayer , Conseiller au
Parlement de Bretagne ; et de deffunte Dame
Michelle-Lucrece Chappel , morte le 22 Janvier
1717. et petit- fils de Jean - Jacques de Renouard
, Comte de Villayer , mort Doïen du
Conseil d'Etat du Roy , et l'un des quarante de
l'Académie Françoise , les Mars 1691. âgé de
86 ans , a été marié avec Dame Angelique- Clau
de de Marescot , Dame de Thoiry , àgée de 29
ans , du 7 du même mois de Janvier , et veuve
depuis le Novembre 1731. d'Adrien Claude de
Baussan , son cousin germain , Ecuyer du Roy ,
dont elle a un fils unique. Elle est fille et seule
heritiére de feu Gilles - Michel de Marescot , Seigneur
de Thoiry , de Morgue , &c. Mestre de
Camp de Cavalerie , Maréchal General des Logis
de la Cavalerie Legere de France , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S Louis , mort le 8
Mars 1714 et de feue Angelique Dappougny , sa
femme , morte le 9 Janvier 1705. Les Armes de
la famille de la Mariée sont de Gueules à trois
faces d'argent à un Lion Léopardé , brochant sur
Le tout , et un Chef de même , chargé d'un Aigle ,
Couronné de sable , et pour Cimier un Léopard ,
surmonté d'un Aigle couronné, qui sont les Armes
des Marescotti de Boulogne en Italie , qui ont
reconnu les Marescot de France pour leurs pa
>
rens. La famille de Renouard - Villayer est de
Bretagne , et porte pour armes , d'Argent à une
Quinte-feuille , percée de Gueules.
OR406
MERCURE DE FRANCE
XX*XXXXXXXX XXXXXXXX*XX
ARRESTS NOTABLES.
RDONNANCE DU ROY , du 15 Février
1734 portant reglement sur les Equipages ,
tant des Officiers generaux et particuliers , que
des Vivandiers qui serviront dans les Armées
de Sa Majesté
SA MAJESTE' étant informée des embarras
que le grand nombre de Chariots , Charrettes et
autres Voitures à rouës , cause dans les marches
d'armées ; et jugeant nécessaire d'y pourvoir , en
reglant les Equipages que pourront avoir les Officiers
generaux et particuliers qui y serviront :
Sa Majesté, en confirmant les Ordonnances rendues
par le feu Roy son bisayeul , les 1 Avril
1703. 25 Février et 1 Avril 1705 , et autres
rendues en conséquence , a ordonné et ordonne
ce qui suit :
ART. I. Il sera permis aux Generaux d'Armées
, d'avoir tel nombre de gros Equipages
qu'ils jugeront à propos . A l'égard des autres
Officiers desdites Armées , chaque Lieutenant
general ne pourra avoir que deux ou trois charettes
ou chariots ; chaque Maréchal de camp ,
une ou deux charettes ou un chariot ; et chaque
Brigadier , Colonel ou Mestre de camp, une
charette seulement.
>
II. Les Lieutenans - Colonels , Capitaines et autres
Officiers subalternes , ne pourront avoir aucun
gros Equipage , soit chariot , charrette
fourgon , surtout , ni aucune autre voiture
roues , telle qu'elle puisse être , à la réserve toutefois
de ceux qui , à cause de leurs infirmitez ,
ne
FEVRIER. 1734. 407
ne pourront supporter la fatigue du chevals
auquel cas S. M. trouve bon que le General leur
permette d'avoir une Chaise roulante. Laquelle
permission leur sera donnée par écrit .
III.Il pourra y avoir par chaque Bataillon une
charette ou un chariot pour un Vivandier , mais
sous condition expresse , que cette voiture sera
attelée de quatre bons chevaux.
IV. Un Régiment de Cavalerie ou de Dra
gons , soit de deux , ou trois Escadrons , pourra
aussi avoir à sa suite un Vivandier avec une
charette ou chariot , pour tout le Regiment ,
lequel Vivandier pourra camper avec lui ; et s'il
s'y trouve d'autres Vivandiers , ils ne pourront
point avoir de voitures à roues , mais seulement
des Chevaux de bast : A l'égard de tous les autres
Vivandiers qui auront des voitures à rouës,
ils seront obligez de camper au quartier du Roy
ou à celui des Officiers generaux de la droite ou
de la gauche , aux endroits qui leur seront marquez
par le Prevôt de l'armée , ou ses Officiers,
en tel nombre que lesdits Vivandiers puissent
être , pourvû que leurs voitures soient attelées
chacune de quatre bons cheaux. Il será en outre
permis à chaque Régiment de Cavalerie ou de
Dragons , et à chaque Regiment d'Infanterie ,
d'avoir un Boulanger avec une charette , attelée
pareillement de quatre bons chevaux.
V. Quand même les Régimens de Cavalerie,
Dragons ou Infanterie , n'auroient pas à leur
suite , de Vivandiers ou Boulangers avec des
charettes , il ne sera pas pour cela permis aux
Colonels , ou autres Officiers desdits Regimens,
d'avoir deux charettes à la place de celles desdits
Boulangers ou Vivandiers. Sa Majesté ne
permettant ces dernieres , que pour le besoin de
la subsistance de chaque Régiment.
VI.
48 MERCURE DE FRANCE
VI. Comme il pourra arriver que beaucoup
d'Officiers generaux auront des Marchands de
Vin à leur suite . Sa Majesté ordonne que lesdits
Marchands de Vin camperont avec les autres, ay
quartier où seront lesdits Officiers generaux,auxquels
Sa Majesté deffend de les faire loger avec
leurs Equipages.
VII. Deffend Sa Majesté très - expressément à
tous Officiers generaux , Colonels , et autres Officiers
de ses Arinées , de prendre et se servir
d'aucun chariot de Paysan , ni d'aucune charette
des vivres. Deffend pareillement aux Directeurs
des vivres, d'en donner aucune à qui que
ce puisse être.
VIII. Deffend pareillement Sa Majesté à qui
que ce soit , de donner une escorte armée à son
Equipage , ni d'y cavoyer aucun Soldat , à peine
d'interdiction contre le Commandant du Corps
dont sera ladite Escorte.
IX. Enjoint très expressément Sa Majesté à
ceux qui commanderont ses Armées en chef, de
tenir ponctuellement la main à l'exécution de ce
qui est cy - dessus explique de ses intentions , et
d'avoir soin de l'informer , sans aucun ménage◄
ment , de ceux qui y contreviendront ; déclarant,
Sa Majesté , qu'elle les fera rester dans une Place
voisine de la Frontiere pendant toute la Campagne
, sans leur permettre de servir à l'armée .
Mande et ordonne Sa Majesté aux Généraux
de sesdites Armées , à ses Lieutenans Generaux ,
Maréchaux de Camp , Intendans et autres Officiers
, soit Généraux ou Particuliers , employez
eu icelles , de s'employer et tenir la main, chacun
en ce qui les concernera, à l'exécution de la Presente.
Fait à Marly , &c.
ORDONFEVRIER
1734 409
ORDONNANCE DU ROY , du même jour,
qui surseoit pendant uois ans l'exécution des
Ordonnances , des 10 Mars 1729 et 25 Août
1733. concernant les Engagemens limitez .
SA MAJESTE' s'étant fait représenter ses
Ordonnances , des 10 Mars 1729 , et 25 Août
1733. par lesquelles Elle auroit , entre autres
choses , ordonné qu'il seroit délivré pendant
P'Hyver de chaque année , trois congez absolus
par Compagnie aux trois Soldats , Cavaliers ou
Dragons engagez pour un temps iimité , qui se
trouveroient par Pancienneté de leurs services ,
les premiers dans le cas de les obtenir. Et considérant
le préjudice que causeroit au bien de son
servide , dans une Guerre aussi vive que celle
qu'Elle se trouve obligée de soutenir , le grand
nombre de vieux Soldats , qu'on seroit tenu renvoyer
, en les remplaçant par des Soldats de recrue
, bien moins propres à soutenir les fatigues
et le service de campagne : Sa Majesté a sursis
et surseoit pendant trois ans , à compter du jour
de la Présente, l'exécution desdites Ordonnances,
des 10 Mars 1729. et 25 Août 1733. et en conséquence
a ordonné et ordonne qu'il ne sera
délivré aucun congé absolu , avant le 15 Février
1737 . à ceux dont les engagemens sont actuellement
expirez , ou qui expireront pendant
lesdites trois années ; l'intention de Sa Majesté
étant qu'à mesure que les temps ausquels ils auroient
été en droit d'obtenir lesdits congez , suivant
la disposition desdites Ordonnances , viendront
à échéoir pendant le cours de ladite surséance
, il leur soit payé à chacun par leur Capitaine
, la somme de 10 liv. pour raison de la prolongation
de leurs services ; et que lorsqu'après
l'expiration des trois ans de surséance , Sa Majesté
410 MERCURE DE FRANCE
jesté aura jugé à propos d'ordonner la délivrance
desdits congez , il ne puisse être rien repeté
du prix de l'enrollement à ceux qui auront outrepassé
de trois ans le temps auquel ils auroient
dû les obtenir.
Mande et ordonne Sa Majesté aux Gouverneurs
et ses Lieutenans Generaux en ses Provinces
et Armées , Intendans , Commissaires dépar
tis en icelles , Gouverneurs et Commandans de
ses Villes ee Places , Directeurs et Inspecteurs Generaux
sur ses Troupes , Colonels d'Infanterie
Mestres-de-Camp de Cavalerie et de Dragons ,
Commissaires ordinaires de ses Guerres,et à tous
autres ses Officiers , de tenir la main , chacun et
ainsi qu'il lui appartiendra , à l'exécution de la
Présente, et de la faire publier et afficher par tout
où besoin sera , à ce qu'aucun n'en ignore. Fait à
Marly, &c.
P
TABLE
Ieces Fugitives. Ode imitée d'Horace , 199
Eloge de Mad. de Bethune d'Orval , Abbesse
, &c .
L'heureux Astrologue , Conte ,
203
209
Lettre touchant l'origine du Proverbe , li Chanteor
, & c ,
Epitre à Mile de Malcrais ,
Lettre sur la circulation de la Séve ,
L'Hyver , Sonnet ,
Lettre sur l'Existence des Points inégaux,
Les . Saisons , Dialogue en Vers ,
Eloge de l'Abbé Le Grand ,
Sur la mort d'un Serin , à Milė , ...
210
219
222
233
234
239
244
250
Refléxions sur la Sagesse ; sçavoir si la Richesse
ou la Pauvreté , &c₂
254
70
Les Fourmis , Idylle ;
269
Médailles Komames , nouvellement découver–
tcs , 232
Le Chesne et l'Ormeau , Fable , 277
Eloge de l'Abbe de Longuerue , 279
Aux Plaiteurs , Rondeau , 284
285
293
Lettre sur ks Pendules à Cadran mobile ,
Enigmes , Logogryphes , & c.
NOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts , 299
Histoire de Languedoc ,
301
Pensées Critiques sur les Mathématiques , 307
Lettre sur un Ouvrage Historique et nouveau ,
Tarif des Marchands , & c.
314
317
Supplement à la Collation des Conciles du P.
Labbe , & c.
Les Dons des Enfans de Latone , & c.
318
322
Nouvelle reception faite à l'Academie Françoise
,
336
Prix de l'Academie de Marseille , Programme ,
348
Lettres sur le Bureu Typographique , et sur l'Education
des Enfans ,
Morts illustres ,
Estampes nouvelles ,
342
346
339
Chanson notée , 350
Spectacles , Tragedie Chinoise
351
Parodie sur la Sarabande d'Issé ,
1366
Comedie à l'Arcenal , Prologue &c. 368
Nouvelles Etrangeres , de Pologne & c. 379
Lettre du Nonce Apostolique au Roi de Pologne,
380
D'Allemagne , Italie et Angleterre , 382
Morts des Pays Etrangers ,
383
Armée d'Italie , Ibid.
Lettre écrite de Cosme , 384
France, Nouvelles de la Cour, de Paris &c. 388
Pain- Beni rendu , &c . Vers ,
Morts , Naissances , Mariages ,
394
359
Arrests Notables , Ordonnances Militaires , 404
Errata de Janvier.
Age 154. ligne 18. ils s'étoient , lisez il
s'étoit
P. 156. 1. 21. Trapana , l. Trapans.
P. 158. 1. 3. plus , ôtez ce mot.
P. 174. l. 17 Pomoncet , l . Pomone .
P. 185. 1. 14 plaisir , l . le plaisir,
P. 187. 1. 3. Piolene , l. Piolen.
P. 194. 1. 1o. laissa , l. laisse .
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge223. 3. ligne visieres , lisez visceres
P. 224. l. 5. être , l. entrer .
P. 225. I. 7. pidicale , l. pedicule .
ibid. 1. 11. deputation , I depuretion.
P. 226.1. 17. chracteriastique, l . caracteristique.
ibid. 1. 19. tacha , I. tache."
P. 227. 1. 24. letricules , l. utricules.
P. 229. l. 18. phytolaus , l. phytolacca.
P. 230. 1. 9. Titrimale ,1. Tithymale.
ibid. 1 16. cavité , l. carité.
P. 232. 1. 7. au , 1. un .
P. 287. 1. 25. Marian
, l . Mairan
.
P. 294. l. 6 . porc ,
P. 325. 1. 8. du ,
3
, l. porte.
1. au
ôtez ce mot. P. 234. l . 8.. peu
P. 363. 1. 23. cetie , l. cet .
P. 365.1.8 d'Heraclide , l, Heraclius.
Ibid. 1. 9. cette , ôtez ce mot.
P. 369. 1.8 présentez , l. présenté.
La Chanson notée doit regarder la page 350.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères